Philanthropisme, Libéralisme et Révolution: Le 'Braunschweigisches Journal' et le 'Schleswigsches Journal' (1788-1793) [Reprint 2012 ed.] 9783110932003, 3484810173, 9783484810174

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French Pages 487 [488] Year 2002

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Table of contents :
Préface
Table des matières
Introduction
I Pédagogie et religion: un projet de réforme
II Réaction et révolution: l’Edit de Wöllner et 1789
III L’interprétation des causes de la Révolution française
IV Les premières réalisations de la Révolution
V La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et la Constitution de 1791
VI Révolutionnaires français et souverains modèles
VII Polémiques et polémistes
VIII La sociabilité éclairée: règles et institutions
IX Le rejet de la Révolution: formes et étapes
X Doute et rédemption
XI Conclusion
XII Bibliographie
Appendice I
Appendice II: Répartition thématique des articles 1788–1793
XIII Remerciements
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Philanthropisme, Libéralisme et Révolution: Le 'Braunschweigisches Journal' et le 'Schleswigsches Journal' (1788-1793) [Reprint 2012 ed.]
 9783110932003, 3484810173, 9783484810174

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Hallesche Beiträge zur Europäischen Aufklärung Schriftenreihe des Interdisziplinären Zentrums für die Erforschung der Europäischen Aufklärung Martin-Luther-Universität Halle-Wittenberg

17

Christophe Losfeld

Phìlanthropisme, Libéralisme et Révolution Le >Braunschweigisches Journal· et le >Schleswigsches Journal· (1788-1793)

Max Niemeyer Verlag Tübingen

Wissenschaftlicher Beirat: Karol Bai, Manfred Beetz, Jörn Garber, Notker Hammerstein, Hans-Hermann Hartwich, Andreas Kleinen, Gabriela Lehmann-Carli, Klaus Luig, François Moureau, Monika Neugebauer-Wölk, Alberto Postigliola, Paul Raabe, Richard Saage, Gerhard Sauder, Jochen Schlobach, Heiner Schnelling, Jürgen Stolzenberg, Udo Sträter, Heinz Thoma, Sabine Volk-Birke Redaktion: Wilhelm Haefs Satz: Kornelia Grün

Bibliografische Information Der Deutschen Bibliothek Die Deutsche Bibliothek verzeichnet diese Publikation in der Deutschen Nationalbibliografie; detaillierte bibliografische Daten sind im Internet über http://dnb.ddb.de abrufbar. ISBN 3-484-81017-3

ISSN 0948-6070

© Max Niemeyer Verlag GmbH, Tübingen 2002 Das Werk einschließlich aller seiner Teile ist urheberrechtlich geschützt. Jede Verwertung außerhalb der engen Grenzen des Urheberrechtsgesetzes ist ohne Zustimmung des Verlages unzulässig und strafbar. Das gilt insbesondere für Vervielfältigungen, Übersetzungen, Mikroverfilmungen und die Einspeicherung und Verarbeitung in elektronischen Systemen. Gedruckt auf alterungsbeständigem Papier. Printed in Germany. Druck: AZ Druck und Datentechnik GmbH, Kempten Einband: Geiger, Ammerbuch

Préface

La question récurrente de la politisation des Lumières et plus précisément de la politisation de l'espace public dans le dernier tiers du XVIIIe siècle connaît pendant la période 1788-1793 un moment de haute intensité. Il n'est point besoin de longues investigations pour en cerner la cause. L'événement majeur de la Révolution française mise à feu - comme on le dirait d'une fusée - par les idées des Lumières oblige tous les esprits du temps à un aggiornamento radical et massif. La pensée politique des Lumières, constituée lentement pendant tout le siècle, mais qui a connu depuis l'affaire de la Corse et plus encore depuis la guerre d'indépendance des Etats-Unis une intensification sans précédent, va devoir affronter l'épreuve de vérité. Passé l'enthousiasme des débuts, (« Denn wer leugnet es wohl, daß hoch sich das Herz ihm erhoben [...] als man hörte vom Rechte der Menschen, das allen gemein sei, von der begeisternden Freiheit und von der löblichen Gleichheit! » [Hermann und Dorothea, VI, v. 6 et ss.]) dissipé l'ivresse des commencements absolus et retombé l'exaltation des certitudes inaugurales, il faudra dans l'urgence répondre à la question fondamentale : la Révolution française est-elle la continuation des Lumières ou en est-elle leur caricature, est-elle fidèle à l'esprit du siècle ou au contraire le trahit-elle. Très vite, le terminus a quo de l'élan initial et des espérances neuves se changera en terminus ad quem, téléologique, induisant l'interrogation sur le passé, sur les origines ou les causes de la Révolution et menant dans bien des cas à de douloureuses remises en question. Mais qu'il s'agisse de politisation croissante ou de juger l'événement révolutionnaire, ce sont les témoignages immédiatement contemporains fournis notamment par la presse, c'est-à-dire les journaux ou les revues de l'époque, qui offrent la meilleure source d'investigation. On le sait, le développement lent puis accéléré de la presse est un des phénomènes les plus importants du XVIIIe siècle. Celle-ci va peu à peu structurer le débat public et fonder, constituer cette opinion publique, découverte récente de la fin du siècle, qui ne cesse d'être convoquée, invoquée dans les débats politiques qui se développent. Elle devient le lieu et le signe de cette politisation évoquée plus haut. L'étude de Christophe Losfeld a comme support deux revues de grande qualité et de haute tenue le Journal du Brunswick (Braunschweigisches Journal) qui devient à partir de 1792 le Journal du Schleswig (Schleswigsches Journal) avant, dernier avatar, de s'intituler le Genius der Zeit. Il s'agit de deux revues (c'est l'acception allemande de journal) publiées en Allemagne du Nord, dans cette partie de l'Allemagne où s'est développée une pratique plutôt libérale de la cenV

sure. Les travaux du regretté Walter Grab l'ont bien démontré. Cela ne signifie pas cependant que tout contrôle avait disparu. L'attitude d'ouverture et de tolérance des autorités ne résista pas longtemps au choc idéologique et politique de la Révolution française. Cela d'autant moins que le duc de Brunswick fut placé à la tête des armées alliées, chargées de mettre un terme aux « troubles » révolutionnaires français, comme il l'avait fait en 1787 en Hollande. L'important dans l'étude menée par Christophe Losfeld est cependant d'avoir pu saisir ces deux revues dirigées par deux hommes reconnus pour leur engagement en faveur des Lumières, Joachim Heinrich Campe et August von Hennings, avant et pendant l'expérience révolutionnaire. En effet analyser le choc de l'événement révolutionnaire en Allemagne suppose une contextualisation précise et donc une représentation exacte des références et des attentes antérieures : c'est ce que permet la chronologie de ces revues, lancées avant 89 dans un espace politique bien fait pour réagir positivement à l'événement. Or, ce moment qui précède la Révolution se caractérise par une double déception : déception - et au-delà ! causée par la politique réactionnaire conduite par le successeur de Frédéric II, Frédéric-Guillaume II . On ne rappellera pas ici la politique de reprise en main idéologique menée par le ministre Wöllner et les réactions véhémentes qu'elles provoquèrent en Prusse et plus généralement en Allemagne. Déception causée aussi par la politique scolaire du duc de Brunswick qui n'a pas répondu aux attentes de ces hommes des Lumières dont on sait la place privilégiée que prenait dans leur conception générale des rapports de l'homme et de la société la politique d'éducation, la pédagogie. Ainsi, la rationalité de l'action gouvernementale, objectif et moyen d'une politique éclairée, n'était pas garantie par le pouvoir de type monarchique. Il leur fallait constater que ne s'était pas établi dans un cadre monarchique le lien dynastique et institutionnel attendu entre Lumières et pouvoir. Ce qu'un prince avait fait, le successeur pouvait le défaire, et Frédéric-Guillaume II se détourner sans remords ni scrupules de l'héritage frédéricien. C'est du reste ce qu'un certain nombre d'esprits éclairés avaient redouté avant la disparition de Frédéric II et ce qui les avait conduits à proposer la transformation de la monarchie prussienne en une république. La grande revue berlinoise {Berlinische Monatsschrift) n'avait pas censuré le réformisme ingénu de cette proposition, il est vrai, anonyme. Reste que l'illusion d'une monarchie éclairée et d'un pouvoir continûment en progrès s'était déchirée en 1788. Une décisive leçon de chose politique avait été dispensée à la veille de la Révolution. On comprend mieux l'enthousiasme contagieux qui s empara alors des témoins et des observateurs de l'événement, de l'avènement. Enthousiasme quasi sacré qui, pour Kant, manifesta définitivement, et quelles qu'en furent ensuite les conséquences, la moralité profonde de cet événement (Cf. le texte fameux dans Streit der Facultäteri). Mais la Révolution, on le sait, s'emballa, dérapa (F. Furet). Se posèrent alors les questions que nous évoquions pour commencer. La réaction de ces hommes des VI

Lumières fut délicate, voire compliquée. Exposés aux attaques des anciens ennemis des Lumières, renforcées désormais par les horreurs et les erreurs de la Révolution, soumis à la surveillance de plus en plus étroite des autorités, ils cherchèrent malgré tout à conserver le cap et à maintenir l'orientation générale de leurs idées. La voie était étroite entre une reddition accablée aux thèses conservatrices et réactionnaires triomphantes et le ralliement irréfléchi à un «jacobinisme » pur et dur, aveugle aux dérives parisiennes. Choix difficile entre l'approbation des ennemis de toujours et le soutien inconditionnel à une politique qui mettait de plus en contradiction avec les gouvernements nationaux et faisait donc rapidement peser le soupçon de déloyauté ou même de trahison. Ils tentèrent donc de sauver ce qui pouvait l'être, de préserver autant que faire se pouvait les acquis politiques des Lumières dans le domaine de la tolérance religieuse, de la liberté d'expression, de la protection des droits des individus etc., et de réfuter la thèse globalisante de la Révolution afin d'éviter en retour les condamnations en bloc. Tâche malaisée, source évidente de plus d'amertume que de satisfactions. Leur attitude atteste néanmoins que l'opinion publique allemande après l'enthousiasme de 89 n'a pas basculé dans une opposition systématique aux Lumières, ni non plus dans un indifférentisme définitivement apolitique. Il est intéressant au contraire de constater que des hommes comme August von Hennings et leurs collaborateurs assurent d'une certaine façon le lien entre les Lumières d'avant 89 et celles qui reprendront force et vigueur en Allemagne aussi après les excès de la « restauration ». Le prétendu apolitisme des Allemands ou leur soi-disant manque d'intérêt politique n'est donc pas une donnée structurelle de la culture allemande. Il suffit pour éviter ces jugements apodictiques - et erronés - de retourner précisément au contexte. C'est ce qu'a fait avec beaucoup de clairvoyance et de compétence Christophe Losfeld. Nous avons mentionné les collaborateurs de Hennings ou de Campe. Au titre des nombreux mérites de ce travail, il faut également citer l'étude attentive de la communication publique à cette époque, c'est-à-dire entre lettrés ou, comme on disait en France, entre gens de lettres et littérateurs. Christophe Losfeld a bien situé aussi les réseaux et les filières d'opinion dans le cadre complexe des nouvelles sociabilités qui se mettent en place au XVIIIe siècle en Allemagne, comme ailleurs. Tout cela éclaire d'une lumière plus juste et plus forte cette demi-décennie - ou faut-il dire ce lustre ? - qui va de 1788 à 1793 et permet sans aucun doute de la mieux comprendre.

ΥΠ

On a donc ici une étude qui marquera par son sérieux, son étendue, sa maîtrise du sujet et des méthodes, les recherche effectuées dans ces domaines. Sans doute l'histoire difficile, toujours controversée de ces années-là et de leur questionnement que nous rappelions en entrée, n'est pas encore achevée. Mais c'est par des études de ce genre que l'on a le plus de chance d'apporter des réponses justes et équilibrées qui échappent aux globalisations hâtives et aux généralisations hypothétiques. Jean Mondot Université Michel de Montaigne - Bordeaux 3 le 22 août 2001

ΥΠΙ

Table des matières

Introduction 1 De la fondation à l'interdiction : 1788-1793 2 Les problèmes posés par une étude de la réception de la Révolution en Allemagne 3 «L'horizon d'attente» des Aufklärer 4 L'état de la recherche sur le Braunschweigisches et le Schleswigsches Journal 5 Une entreprise économique moderne 6 Les auteurs des revues 7 Choix méthodiques I

Pédagogie et religion: un projet de réforme 1 La réforme de l'enseignement 1.1 La réforme des structures et des méthodes de l'enseignement . 1.2 Une réforme des méthodes et des contenus 1.2.1 La réforme de l'enseignement des langues 1.2.2 Une réforme des méthodes 1.3 Pédagogie et morale 2 La réforme de la religion 2.1 L'enseignement de la religion 2.2 Les positions religieuses des auteurs 2.2.1 Le problème du miracle 2.2.2 Le rapport à la Bible 3 Le sens initial des projets de réforme 3.1 Une réforme pour la société 3.2 Le rapport entre l'individu et la société dans les réformes pédagogiques 3.3 L'agent des réformes pédagogiques 3.4 Les présupposés des premiers projets

1 1 9 14 19 26 30 32 39 41 42 43 44 46 51 56 56 59 61 63 66 66 69 78 83

IX

Π

Réaction et révolution : l'Edit de Wöllner et 1789 1 Les réactions à la politique de l'Etat absolutiste 1.1 Das Edikt, die Religionsverfassung in den preußischen Staaten betreffend 1.2 La défense des libertés religieuses 1.3 Le refus des Livres Symboliques 1.4 L'affaire Schulz 2 L'émergence d'un protolibéralisme 2.1 L'exigence d'une neutralité de l'Etat en matière de religion . . . 2.2 Die Grundsätze der Gesetzgebung die öffentliche Religion und die Nationalerziehung betreffend 2.3 L'exigence d'une neutralité de l'Etat dans l'éducation 3 Causes du silence sur la politique religieuse et pédagogique de la Révolution

87 87 87 90 93 98 100 100 103 105 111

ΠΙ L'interprétation des causes de la Révolution française 1 L'interprétation économique 2 L'interprétation politique 2.1 De la Révolution comme enterrement du despotisme 2.2 Le despotisme comme figure du discours

115 115 121 121 123

IV Les premières réalisations de la Révolution 1 La fin de l'Ancien Régime dans les Lettres 1.1 Les Académies 1.2 La censure 2 L'image du renouveau religieux en France 3 La naissance d'une Nation 4 Le passage des patriotismes au patriotisme 5 La démocratisation de la noblesse et de l'honneur 6 La reconquête de la liberté 7 La Révolution : un événement sans précédent

141 141 141 144 146 151 157 161 165 167

V

X

La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen et la Constitution de 1791 1 Un accueil enthousiaste 2 Droits de l'homme ou droits du citoyen ?

177 177 178

3

4

Les principes de la Déclaration et de la Constitution 3.1 La liberté 3.2 La propriété 3.3 L'égalité 3.3.1 La critique de la noblesse comme principe 3.3.2 L'image de l'émigration dans les revues 3.3.3 Le refus de l'égalité sociale 3.4 Le droit à la résistance Le problème de l'organisation constitutionnelle

183 183 185 191 192 204 207 210 212

VI Révolutionnaires français et souverains modèles 1 Les révolutionnaires français dans les journaux 1.1 Problèmes méthodologiques 1.2 Les ténors des débuts de la Révolution 1.2.1 La Fayette 1.2.2 Necker 1.2.3 Mirabeau 2 Les souverains modèles 2.1 Henri IV 2.2 Joseph Π de Habsbourg 2.3 Frédéric de Prusse 2.4 Le Roi du Danemark 3 Absolutisme éclairé ou protolibéralisme

221 221 221 226 226 227 229 235 235 238 242 245 247

VII Polémiques et polémistes 1 Burke 2 Brandes 3 Möser 4 Wieland 5 Rehberg 6 Schlözer 7 Schirach 8 Girtanner 9 Zimmermann 10 Hoffmann

254 254 257 258 262 268 273 274 275 277 278

XI

VIII La sociabilité éclairée : règles et institutions 1 Les règles de la communication entre lettrés 2 La notion de « Gelehrtenrepublik » 2.1 La correspondance «philosophique» 2.2 Les Académies 2.3 Les sociétés secrètes 2.3.1 Le principe des sociétés secrètes 2.3.2 Les sociétés secrètes dans les revues 2.4 Les « cercles de lecture » 2.5 Les « sociétés patriotiques »

283 283 289 289 291 292 292 298 307 309

IX Le rejet de la Révolution : formes et étapes 1 Les métamorphoses « à rebours » 1.1 Le peuple de Paris 1.2 Le retournement des « prodiges » de la Révolution 2 Le jeu des métaphores et des références historiques 2.1 Le retournement des métaphores 2.2 Le retournement des références historiques 3 Les principales étapes de ce retournement 3.1 Les journées d'octobre 1789 3.2 Les massacres de septembre 1792 3.3 La mort de Louis XVI 3.4 La guerre

315 316 318 323 328 328 333 337 337 337 339 342

X

348 348 355 355 360 360 364

Doute et rédemption 1 Vers un doute radical 2 Eschatologie de l'Aufklärung 2.1 Les Briefe aus Paris : immanence de la Providence 2.2 La dimension eschatologique à l'œuvre dans les revues 2.2.1 La foi en un avenir radieux de la Révolution 2.3 L'Allemagne comme porteuse de l'avenir?

XI Conclusion

371

ΧΠ Bibliographie 1 Archives 2 Sources 3 Textes critiques

376 376 376 383

XII

Appendice I: 1.1 Mode de classement des articles 1.2 Index des articles 1.2.1 Braunschweigisches Journal 1.2.2 Schleswigsches Journal 1.3 Index des recensions 1.4 Index des annonces

433 433 434 434 448 456 464

Appendice Π : Répartition thématique des articles 1788-1793 II. 1 Répartition thématique globale des articles 1788-1793 II. 1.1 Classement 1 II. 1.2 Classement 2 II.2 Synthèse thématique détaillée Π.2.1 Année 1788 11.2.2 Année 1789 11.2.3 Année 1790 11.2.4 Année 1791 IL2.5 Année 1792 II.2.6 Année 1793

468 468 468 469 470 470 470 471 471 472 473

ΧΠΙ Remerciements

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XIII

Introduction

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De la fondation à l'interdiction : 1788-1793

Le Braunschweigisches Journal philosophischen, philologischen und pädagogischen Inhalts paraît pour la première fois en janvier 1788. Campe, Heusinger, Stuve et Trapp avaient décidé, dès 1787, de fonder une revue où les questions qui agitent la République des Lettres pourraient être une nouvelle fois débattues en toute impartialité. Comme Campe l'écrit à Lavater, le projet de la revue est alle die großen und kleinen Streitpunkte, worüber die verschiedenen Partheien und Secten in unserer Gelehrten-Republik sich bisher so herzlich angefeindet und nicht selten gemishandelt haben, noch einmal zur Sprache zu bringen. 1

Le premier article du Braunschweigisches Journal réaffirme ce programme puisque les «patriotischen Herrn Herausgeber»2 visent à une «Anregung und Beförderung unbefangener und freimüthiger Untersuchungen, über alles was eine nahe Beziehung auf die gesammte Ausbildung und die dadurch zu bewirkende Glückseligkeit der Menschen hat».3 Le choix du lieu de publication de la revue n'est pas arbitraire : ses éditeurs comptaient sur le développement des pratiques de la lecture à Brunswick, qui avait pris une dimension telle qu'en 1789, Johann Nicolaus Bischoff notait, non sans dépit : Alles will und muß jetzt lesen, und die unter mancherlei Hüllen versteckte Gewinnsucht der Zeitungsschreiber und Journalisten hat reichlich für die Befriedigung dieses Bedürfnisses gesorgt. Zahllose Tagblätter und Monatsschriften unter den einladensten Titeln, Verzierungen und Umschlägen, befrachten posttäglich die Felleisen, wandern schaarenweise in Lesege-

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Briefe von und an Joachim Heinrich Campe 1765-1788, [Wolfenbütteler Forschungen, 71.1], Schmitt, Hanno (éd.), Wiesbaden 1996, p. 500. Afin de ne pas surcharger davantage les notes de bas de page, il a été décidé de ne point traduire les citations qui, sauf indication contraire, seront reproduites dans l'orthographe originale. Braunschweigisches Journal (indiqué désormais Br. J ) 89.VI.3 p. 155. Afin que la chronologie des textes apparaisse mieux, nous préférons, à la notation traditionnelle (année 1789, tome Π, p. 156), celle indiquant l'année, le mois de publication et le numéro de l'article. Br.J. 88.1.1 pp. 1-2. Voir également p. 6: «wir wollen uns bemühen [...] den öffentlichen Untersuchungsgeist anzuregen und zu nähren, und ihn auf solche Gegenstände zu lenken, welche für die Menschheit vorzüglich wichtig sind, weil sie die fortschreitende Menschenbildung und Menschenbeglückung durch Erziehung und Aufklärung betreffen». (Souligné par les éditeurs. Sauf indication contraire, les mises en relief dans les citations de cette étude sont de la main même des auteurs des revues). Sur la même idée, voir aussi Br.J. 89.VIQ.1 p. 390; 91.X.3 p. 191.

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sellschaften umher, oder liegen auf Toiletten und Arbeitstischen, in Klubsälen, Gasthöfen und Dorfschenken verbreitet. 4 D e façon plus décisive, les éditeurs entendaient profiter de la situation avantageuse dont jouissait Campe à Brunswick, sous le règne de Charles-Guillaume-Ferdinand, 5 un souverain éclairé qui, à une époque o ù l'Empire était une «Landkarte der Zensur, die e b e n s o bunt war w i e das R e i c h s e l b s t » , 6 accordait à la presse une grande liberté. A Brunswick, e n effet, seuls les écrits relevant de la m é d e c i n e étaient contrôlés avant 1778, sans qu'il existât pourtant une censure proprement dite, qui ne fut instaurée qu'alors, s o u s l'impulsion du D u c Carl I, avant d'être libéralisée e n 1784. Globalement, la censure n e fut que p e u pratiquée dans le D u c h é de Brunswick-Wolfenbüttel, au dix-huitième siècle, 7 et les éditeurs peuvent en un premier temps aborder tous les sujets qu'ils désirent. Cependant, la situation empire dans les années 1 7 9 0 et Charles-Guillaume-Ferdinand doit se conformer à un décret impérial paru en 1 7 9 0 qui l'oblige à s'opposer à der Verbreitung aller zur Empörung und Aufruhr anfachender Schriften und Grundsätze, sonderheitlich solcher, wodurch der Umsturz der gegenwärtigen Verfassung oder die Störung der öffentlichen Ruhe befördert werde, durch wachsame Aufsicht auf die Urheber, Verfasser und Kritiker. 8 D e plus, les liens qui l'unissent à la Cour de Berlin le mettent dans l'impossibilité de faire fi des mesures prises par Frédéric-Guillaume pour brider la liberté de la 4

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«Über den Begriff und Nutzen der Geschichte des Tages; nebst dem Entwurf seiner Vorlesungen über die Weltbegebenheiten», in: Braunschweigisches Magazin 22, 1792, pp. 338339. Cité ici d'après Möllney, Ulrike, «Welthistorisches Ereignis und Alltag. Die Französische Revolution und ihr publizistisches Echo am Beispiel Braunschweiger Periodika», in: Aretin, Karl Otmar v. et Härter, Klaus (éd.), Revolution und konservatives Beharren. Das alte Reich und die französische Revolution, [Veröffentlichungen des Instituts fur Europäische Geschichte Mainz, Beiheft 32], 1990, pp. 61-62. Voir Biegel, Gerd, «Herzog Carl Wilhelm Ferdinand und Joachim Heinrich Campe: Begegnung zwischen Fürst und Unternehmer im Braunschweig der Aufklärung», in: Schmitt, Hanno (éd.), Visionäre Lebensklugheit : Joachim Heinrich Campe in seiner Zeit (1746-1818), Ausstellung des Braunschweigischen Landesmuseums und der Herzog-August-Bibliothek Wolfenbüttel vom 29. Juni bis 13. Oktober 1996, Wiesbaden 1996, pp. 98-105 ; Kientz, Louis, J. H. Campe et la Révolution française, Paris 1939, pp. 5-13. Sur le Duché de BrunswickWolfenbüttel au dix-huitième siècle, voir Schmitt, Hanno, Schulreform im aufgeklärten Absolutismus. Leistungen, Widersprüche und Grenzen philanthropischer Reformpraxis im Herzogtum Braunschweig-Wolfenbüttel 1785-1790, Phil. Diss., Marburg 1978, pp. 8-53. Schneider, Franz, Pressefreiheit und politische Öffentlichkeit. Studien zur politischen Geschichte Deutschlands bis 1848, [Politica, 24], Neuwied/Berlin 1966, cité in Klein, Angela, «Campe und die Zensur im Fürstentum Braunschweig-Wolfenbüttel», in: Schmitt, Hanno, Visionäre Lebensklugheit, op. cit., p. 114. Ibid., pp. 115-121. Voir également Graf, Martina, Buch und Lesekultur in der Residenzstadt Braunschweig zur Zeit der Spätaufklärung unter Herzog Karl Wilhelm Ferdinand (17701806), Frankfurt/M. 1994, pp. 20-23. Cité in Stern, Selma, «Ein Kampf um die Pressefreiheit in Braunschweig zur Zeit der französischen Revolution », in : Jahrbuch des Geschichtsvereins für das Herzogtum BraunschweigWolfenbüttel 14, 1915/1916, Wolfenbüttel 1916, p. 29.

presse.9 Le Duc tente donc de mettre un frein à l'activité des auteurs de la revue et fait une première remontrance à Campe en septembre 1791. Par la suite, les pressions exercées sur Campe se relâchent un peu mais, dès 1792, elles redeviennent plus fortes. Campe, tout en invitant Charles-Guillaume-Ferdinand à ne point cesser d'adopter une politique libérale, se soumet au vœu de son souverain et promet de céder à une librairie danoise le Braunschweigisches Journal, qui devient le Schleswigsches Journal, dont l'édition est assurée formellement par August von Hennings. Ici aussi, le choix du lieu d'édition n'a rien d'arbitraire, puisque du Duché de Holstein, dont dépendait Altona, W. Grab a pu écrire que c'était « [d]as einzige zensurfreie Gebiet im deutschen Sprachraum».10 Les contemporains avaient pleinement conscience de la tolérance qui régnait à Altona. Baggesen écrivait par exemple en 1792 : in Altona haben alle Religionen freie Ausübung. Lutheraner, Katholiken, Reformierte, Quäker und vor allem Juden leben hier zusammen und haben ihre eigenen Tempel. Diese Religionsfreiheit hat zweifellos nicht wenig zum Aufblühen der Stadt beigetragen. 1

Et le haut degré de liberté de la presse, dans le Nord de l'Allemagne, trouve son expression dans les pages mêmes des revues, où la ville de Hambourg est présentée comme un endroit « dessen Bürger bisher der vollkommensten Preßfreiheit genossen, und wo es bis auf diesen Tag nur für die politischen Artikel der Zeitungen, aber für keinen literarischen Gegenstand, eine Censur=Anstalt gab». 12 En fait, dans un premier temps, le transfert du lieu d'édition est fictif13 et si Trapp cesse d'en être l'éditeur,14 il semble que Campe continue, lui, d'en assumer en partie les

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Voir Kapp, Friedrich, «Aktenstücke zur Geschichte der preußischen Censur und Preßverhältnis», in: Archiv für Geschichte des deutschen Buchhandels IV, Leipzig 1879, pp. 138— 214. Grab, Walter, Ein Volk muß seine Freiheit selbst erobern. Zur Geschichte der deutschen Jakobiner, Wien 1984, p. 89. Sur la liberté de presse à Hambourg et Altona, voir Kopitzsch, Franklin, Grundzüge einer Sozialgeschichte der Aufklärung in Hamburg und Altona, 2 vol., [Beiträge zur Geschichte Hamburgs, 21], Hamburg 1990, pp. 635-642. Le Danemark, dont Altona dépend administrativement, est perçu, de même, comme un pays libéral. En 1791, un auteur affirme: «In Dännemark schreibt man frei über Staats= und Finanz=Einrichtung» (.Br.J 91.IV.5 p. 476). Baggesen, Jens, Das Labyrinth: oder Reise durch Deutschland in die Schweiz 1789, Perlet, Gisela (éd.), Leipzig/Weimar 1985, [édition originale 1792], p. 90. Br.J. 91.IV.5p. 462. H. Schmitt a découvert récemment, dans les Archives de la maison d'édition Vieweg (Wiesbaden), un index des ouvrages publiés par la Schulbuchhandlung, qui atteste que, jusqu'à la fin de 1792, le Schleswigsches Journal continue d'être publié à Braunschweig. II le réaffirme au printemps 1792 dans sa Ganz gehorsamste Erklärung auf die von der Hochfurstlichen Commission zu Wolfenbüttel, den 16. März a.c. an den Schulrath Campe und mich ergangene Eröffnung (voir Stern, Selma, op. cit., pp. 53-56) et dans les pages mêmes du Schleswigsches Journal : en juillet 1792, il assure « daß es mit jener Lossagung ganz ernstlich gemeint war, und daß wir daher sowol von dem Lobe als auch von dem Tadel, womit man dieses Journal seit einiger Zeit auszuzeichnen beliebt, uns nicht zueignen können» (Schl.J. 92.VÜ.9 p. 384).

3

fonctions. Le Schleswigsches

Journal

donne de nouveaux motifs d'insatisfaction 1 5

qui entraînent la convocation de Campe et de Trapp devant la Fürstliche

Kommis-

sion : Die Weisheit und Güte des H.[erzogs v. Br.] sind nun in großer Klemme. Er will nicht, und kann nicht wollen, vermöge seiner eigenen Grundsätze und seines Versprechens - daß die Preßfreiheit, die ich mir ausbedungen habe, wesentl. beeinträchtigt werde: aber er wünscht doch auch, seiner Verhältnisse wegen, daß irgend etwas geschehen könne, um die Preuß. Regierung zufrieden zu stellen. In dieser Absicht soll Trapp und ich mit einer Commission, bestehend aus dem Präsidenten Kunt, dem C.R. Petersen und einem Juristen zusammentreten, und Vorschläge verabreden wie man sich in dieser Lage der Dinge zu benehmen habe. Was hierbei herauskomen werde, sehe ich nicht ein : den ich kann und werde von meinem Menschen- und Schriftstellerrechten nicht um ein Haarbreit abtreten.[...] Indeß wünscht der H. und hat mich inständig gebeten, daß die Sache unter uns bleibe; du wirst sie also nur unsern nächsten Freunden unter dem Siegel der Verschwiegenheit mittheilen. Cette c o m m i s s i o n leur reproche n o n seulement de continuer à faire paraître la revue à Brunswick, mais de publier des articles touchant de trop près aux problèm e s politiques o u religieux 1 6 et également de s'adresser à un public trop large. 1 7 La C o m m i s s i o n engage, enfin, C a m p e et Trapp à s'abstenir de publier tout article concernant la religion ou la politique. En réponse à c e s accusations, Campe rédige sa Ehrfurchtsvolle

Erklärung

über den von Fürstl.

zung dem Prof Trapp und [ihm] gethanen

Antrag,

Kommission

in gestriger

Sit-

en date du 17 mars 1792, 1 8 dans

laquelle il affirme vouloir se plier aux e x i g e n c e s de la c o m m i s s i o n , quitte à subir par là de grands d o m m a g e s

financiers.19

D a n s le préambule de sa déclaration,

Campe assure qu'il n e traitera plus des « G e g e n s t ä n d e , s o theologisch-dogmatischen als politischen Inhalts » o u au m o i n s qu'il les traitera de sorte que nul n e

15

Voir la lettre à Dorothea Campe, en date du 02 mars 1792 (Herzog-August-Bibliothek, Wolfenbüttel, Sammlung Vieweg, n° 262, citée d'après le texte établi par Hanno Schmitt). Dans la même lettre, Campe, envisage de quitter Brunswick pour Altona «Du siehst nun, Liebe, daß aus unserer Verpflanzung nach Altona Emst werden kann» (Cité in Schmitt, Hanno, «Pressefreiheit, Zensur und Wohlverhalten. Die Braunschweigische Schulbuchhandlung zur Zeit der Französischen Revolution», in: Böning, Holger (éd.), Französische Revolution und deutsche Öffentlichkeit: Wandlungen in Presse und Alltagskultur am Ende des achtzehnten Jahrhunderts, [Deutsche Presseforschung, 28], München/ New York/ London/ Paris 1992, p. 367; voir également Klein, Angela, op. cit., p. 126). Trapp, dès janvier 1792, avait envisagé, lui aussi, de quitter Brunswick (voir lettre du 30 janvier 1792 citée in Stem, Selma, op. cit., p. 73). 16 Voir la lettre de Campe à Dorothea Campe en date du 17 mars 1792, dans laquelle il indique que la Commission reproche à Trapp l'article sur Schulz (cité in Kientz, Louis, op. cit., p. 105). 1 ' D'après Stem, Selma, op. cit., pp. 29-48. 18 Le texte de cette déclaration a été pour la première fois publié intégralement in Schmitt, Hanno, «Pressefreiheit, Zensur und Wohlverhalten. Die Braunschweigische Schulbuchhandlung zur Zeit der Französischen Revolution», pp. 352-360. 19 Sur les conséquences économiques de cette autocensure pour la Schulbuchhandlung, voir Schmitt, Hanno, ibid., pp. 349-450.

4

puisse en prendre ombrage (« daß daher kein Anstoß genommen werden könne ») 20 et qu'il a déjà cessé d'assumer l'édition et la publication de la revue : Es sey mir erlaubt, meiner Erklärung darüber [über den Antrag der Fürstlichen Kommission], die Bemerkung voranzuschicken, daß so wol der Prof. Trapp als auch ich, seit dem Monath Februar dieses Jahres, kein Journal mehr für das unsrige erkennen, indem wir aus Serenissimo bekannten Gründen, uns in dem Februarstück des ehemaligen Braunschweigischen Journals so wol von der Herausgabe, als auch dem Verlage desselben öffentlich los gesagt haben.21 Peut-être faut-il mettre en doute la dernière assertion de Campe qui, à cette date, continue d'avoir part aux décisions d'imprimer tel ou tel article. En mai 1792, il annonce à Hennings « Ihr Aufsatz : über die Verkleinerungssucht wird im nächsten St. des Journals erscheinen». 22 Au début de novembre 1792, il écrit encore à Hennings : Hier sende ich Ihnen, verehrter Herr und Freund, einige besondere Abdrücke Ihres Aufsatzes im Novemberstücke. Ich habe mich der Vollmacht, die Sie mir darüber zu geben beliebten, dahin bedient, daß ich die beiden, vor der letzten Zurücksendung, hinzugekommenen Noten, wegzulassen gewagt habe f...].23 C'est seulement à la fin de novembre 1792, après avoir lui-même conçu le contrat qui liera l'éditeur à l'imprimeur Hammerich, que Campe semble passer la main à Hennings, auquel il transmet, à la mi-décembre, le reste des manuscrits en sa possession. 24 Durant ces quelques mois, Campe ne cesse de subir des pressions. En mai 1792, il est convoqué une nouvelle fois avec Trapp devant la Fürstliche Kommission, et les articles de la Constitution du Reich concernant la «Beruhigung der christlichen Religion » leur sont rappelés. Conscients de la situation délicate dans laquelle se trouve le Duc de Brunswick qui s'apprête à l'époque à prendre la tête de l'armée prussienne, Trapp et Campe réitèrent leur promesse d'être plus prudents à l'avenir. Si Campe, en adoptant ime telle réserve, se montre convaincu d'être resté fidèle aux devoirs que l'écrivain a à l'encontre de l'humanité, 25 sa situation à

20 21 22 23 24

25

Ibid., p. 352. Ibid., pp. 352-353. Lettre du 11 mai, Staats- und Universitätsbibliothek (St. u. UB) Hamburg, vol., 11, p. 121. Lettre à Hennings, 13 novembre 1792, St. u. UB Hamburg, 11, p. 125. «Ich senden Ihnen hierbei [...] einige alte Beiträge fur das Journal, die sich beim Schluß des Überstücks noch in den Händen des Druckers gefunden haben» (lettre à Hennings, 18. décembre 1792. Cité d'après le manuscrit établi par H. Schmitt). Voir ce que Campe écrit en 1807 dans sa Kurze Geschichte meines Kampfes für Denk- und Preßfreiheit in den Jahren 1791-1792·. «Zwar blieb ich der Wahrheit und dem, was ich der Menschhheit schuldig zu sein glaubte, unerschütterlich getreu ; allein ich kleidete Alles, was Pflicht und Gewissen mir fernerhin zu schreiben geboten, in eine so ruhige und gemäßigte Sprache ein, daß meine mächtigen Widersacher keinen scheinbaren Anlaß zu neuen Beschwerden über mich daraus schöpfen konnten» (Cité in Schmitt, Hanno, «Pressefreiheit, Zensur und Wohlverhalten. Die Braunschweigische Schulbuchhandlung zur Zeit der Französischen Revolution », art. cit., p. 352). Sur ce point, voir aussi Klein, Angela, op. cit., p. 126 ; Stern, Selma, op. cit., p. 75. 5

Brunswick n'en reste pas moins très précaire. Après le départ du Duc de Brunswick pour la guerre, une violente campagne de diffamation est engagée contre Campe, qui, durant l'été 1792, culmine dans un pamphlet menaçant sa vie et celle de Mauvillon : Ihr infamen Kerls, ich meine die hiesigen Französisch-Gesinnten! Wo man euch von Obrigkeitswegen eure verdammte Zunge nicht bindet, und euer Schreiben und Druken nicht hindert, das Verkaufen derselben nicht abschaffen wird: so sollt ihr Schurken bei Abendzeit keinen sicheren Schritt mehr tun können. Ja, ihr seid in Gefahr! C(ampe) und M(auvillon) hüte dich! 26

La virulence des attaques dont il est l'objet durant les mois suivants l'incite, en mai 1793, à se justifier longuement dans une longue déclaration: «An meine Mitbürger». Il y invite ses compatriotes à ne pas le juger péremptoirement et à considérer que la Révolution ne suscita son enthousiasme qu'à ime époque où rien ne laissait présager un conflit armé avec la France.27 De plus, il affirme que bien qu'il ait longtemps espéré que la situation s'apaiserait en France, réalisant les espoirs que la Révolution avait fait naître, ses horreurs, ainsi que l'agitation qui s'emparait peu à peu de l'Allemagne, l'ont conduit cependant à une réserve toujours plus grande et, finalement, au silence.28 Il s'attarde, enfin, sur deux points particulièrement sensibles : ses liens au Schleswigsches Journal et le décret de la Convention qui, au printemps 1792, lui avait accordé la citoyenneté française.29 Pour ce qui est de celle-ci, il argue que ce décret a été pris avant le déclenchement des hostilités et qu'il n'a jamais cessé pour autant d'être un bon citoyen de Brunswick.30 Quant au Schleswigsches Journal, Campe se défend de pratiquer la « Winkelschriftstellerei».31 Le terme de « Winkelsschriftstellerei » qu'il emploie ici est probablement à mettre en rapport avec le décret publié par la Chancellerie allemande en janvier 1793 qui visait à la «Hemmung des schädlichen Einflusses der Winckelschreiber auf den gemeinen Mann, wodurch oft die Ruhe friedlicher Bürger gestört, gegen Beamte unbegründetes Mißtrauen erweckt, der Einfältige zu seinem eigenen Verderben zu unrichtigen Klagen [...] verleitet werde». 32 Et il jure une fois de plus n'avoir aucune part à ce journal «welches in einem völlig pressfreien Lande geschrieben, gedrückt und verlegt wird». 33

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30 31 32 33

6

Cité in Kientz, Louis, op. cit., p. 108. «An meine Mitbürger», ibid., p. 117. « An meine Mitbürger », ibid., pp. 118-119. Une traduction du décret accordant la citoyenneté française à Priestley, Payne, Campe, Pestalozzi, Washington, Klopstock, Schiller, etc. est publiée dans le Schleswigsches Journal (92.XI.6). «An meine Mitbürger», pp. 121-122. Ibid., p. 120. Cité in Grab, Walter, op. cit., p. 295. « An meine Mitbürger », p. 121.

Lorsqu'il écrit c e s mots, la situation du Schleswigsches

Journal

est déjà deve-

nue difficile. H e n n i n g s s'était, dès le printemps 1792, fait remarquer par la liche Deutsche

Kanzlei,

König-

en demandant l'autorisation de publier certains documents

administratifs dans une étude de droit qu'il projetait de publier, requête qui s'était heurtée à une fin de non-recevoir, le contraignant ainsi à renoncer à la publication de son texte 3 4 et ce, à une époque où L u d w i g v o n Steemann, le directeur de la police d'Altona s'efforçait de renforcer la censure sur la presse. 3 5 C'est pourtant seulement après l'exécution de Louis X V I que la situation devient critique pour le Schleswigsches

Journal.

A la suite des pressions exercées par les Cours de V i e n n e

et Berlin, le résident français Le H o c est chassé de Hambourg 3 6 et des mesures sont prises qui aboutissent, le 15 février, à l'interdiction du Neuer Proteus

- le journal

rédigé par Schütz, s o n secrétaire (cette revue constituait la suite du

Niedersächsi-

scher Merkur,

interdit en décembre 1792) 3 7 ainsi que de la Proserpina

le 2 6 du m ê m e mois. 3 8 Bientôt, de telles décisions touchent aussi le Journal

de Trenck, Schleswigsches

et, le 3 avril 1793, est publié le décret suivant :

Von Gottes Gnaden Friedrich Wilhelm König von Preußen, Markgraf zu Brandenburg Karl Wilhelm Ferdinand Herzog zu Braunschweig und Lüneburg Unsern gnädigen Gruß zuvor: Wohlgeborener Werth und und Hochgelehrte, Liebe Besondre. Es kann Eurer Aufmerksamkeit hoffentl. nicht entgangen seyn welcher frecher und zügelloser Schreibart sich das Schleswigsches Journal besonders in den ersten Monaten dieses Jahres bedient hat und darin bis jetzo fortgefahren ist - Wir sollen geglaubt, daß eine Zeitschrift, welche so sehr alle Gesetze der Anständigkeit überschreitet und alle Grundsätze einer wohlgeordneten bürgerlichen Einrichtung und Verfassung durch Angreifung einer übel verstandenen Freiheit untergräbt und über den Häufen wirft, Eure gerechte Ahndung nach sich ziehen und ein eben so schnelles als strenges Verbot derselben nun selbst zur Folge haben werden. Nichts desto weniger bewenden wir mit Befremden, daß dieses Journal welches das Wohl, die Ruhe und Sicherheit in Deutschland mit so sichtbaren Erfolgen untergräbt, auf immer fortdauern und dem Unwesen desselben auf keiner Weise gestheuert wird. Wir sahen uns daher als des Niedersächsischen Kreises ausschreibende Fürsthen und Direktors veranlaßt, so wie durch 34

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37 38

Pro memoria du 9 mars 1792. La réponse de la Chancellerie et le Pro memoria du 6 avril 1792. Landesarchiv Schleswig, A. X V m 681 Literaria Α. Π-4. En janvier 1792 déjà, Steemann, dans un Pro memoria annonçait avoir, de son propre chef, interdit la publication d'un article de Knigge, et il demandait à la Chancellerie allemande de prendre des mesures visant à empêcher les publicistes d'abuser de la liberté de la presse à Altona (ibid.). La note (en date du 10 février 1793) que Le Hoc adresse au Sénat de Hambourg, pour protester contre les mesures visant à l'exiler de Hambourg, est publiée in extenso dans le Schleswigsches Journal (93.V.2). Quoiqu'elle ne soit accompagnée d'aucun commentaire, cette note témoigne de l'intention de Hennings de dénoncer le climat passionnel, qui régit la vie politique à Hambourg, et les pressions croissantes auxquelles sont soumis ceux qui ne rejettent pas inconditionnellement la Révolution et s'efforcent, à l'instar de Sieveking, de porter sur elle un jugement faisant la part des choses (sur le bannissement de Le Hoc et les difficultés rencontrées alors par Sieveking, voir Sieveking, Heinrich, Georg Heinrich Sieveking. Lebensbild eines Hamburgischen Kaufmanns aus dem Zeitalter der französischen Revolution, Berlin 1913, pp. 158-164). Sur le Niedersächsischer Merkur, voir Grab, Walter, op. cit., pp. 283-290. Sur l'action de Trenck à Altona, ibid., pp. 89-98. 7

das bekannte Kaiserlich Ratifikationsdekret begünstigt, dieses Schleswigsches Journal welches so gefahrliche und aufrührerische Grundsätze zu verbreiten beflißen ist, hiemit zu verbieten und ermähnen Euch, die wunschwerten Maasregel zu ergreifen, dieses Verbot in allen Wegen mit Nachdruck zu handhaben und das ehesten zu vollstrecken. Wir bewenden bei dieser Gelegenheit auch ungern, daß Unser Verbot in Ansehnung der Trenckschen Monatsschrift und wegen des Niedersächsischen Merkurs noch nicht übergegangen ist und daß diese beiden Zeitschriften diesen ohngeachtet vielmehr noch immer in der Stadt Altona gedruckt und publiciert werden. Wir können daher nicht umhin, Euch nochmals ernstlich zu ermahnen, Unserem Verbote Eingang und gehörigen Nachdruck zu geben und erwarten nunmehr die gewiße Erfüllung und genaue Erfolgung derselben. Sind auch mit Huld und Gnaden wohlbeigethan. Datum, den 3. April 1793.39 D e même que l'interdiction formelle du Niedersächsischer Merkur et du Trencksches Journal n'avait empêché ni Trenck ni Schütz d'en continuer la publication, de même le Schleswigsches Journal survit-il d'abord aux mesures d'avril. A l'incitation de Carl Siegmund v. Goechhausen, Stremann constate ainsi, en mai 1793, que la revue continue d'être imprimée à Altona. 40 A la suite de la publication, dans la livraison de juin 1793, de documents concernant le Landtag de la Saxe Electorale, 41 les pressions se font plus fortes encore, et la Chancellerie allemande publie, le 6 juillet 1793, le décret suivant : Da nach der Anzeige des gedachten Oberpräsidenten das sogenannte Schleswigsche Journal in dem Verlage des Altonaischen Buchftihrers Hammerich herauskommt und auch daselbst gedruckt wird, vowon man jedoch hieselbst bisher nicht unterrichtet gewesen, so ist mit heutiger Post dem Altonaischen Oberpräsidenten der Auftrag ertheilt worden, gedachten Buchführer den Druck und Verlag des bemeldeten Schleswigschen Journals, bey Strafe der Konfiscation aller Exemplaren und einer bestimmten Geldbuße zu untersagen.42 Tandis que Hammerich cède ses droits sur le Schleswigsches Journal à l'imprimeur Kordes de Flensburg, Hennings décide, en dépit des probables répercussions financières qu'entraîneront les mesures de censure, 43 de poursuivre la publication de la revue et met tout en œuvre pour faire lever l'interdiction qui pèse sur elle. 44 Conscient de son isolement, Hennings songe pourtant, dès septembre

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42 43

44

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Schleswig, Landesarchiv A. XVm 681 Fol. 42^13. Voir Pro memoria de Stremann en date du 21 mai 1793. Le lien entre les événements de Saxe et l'interdiction du Schleswigsches Journal est suggéré par Rebmann, Andreas Georg Friedrich, Vollständige Geschichte meiner Verfolgungen und meiner Leiden, Garber, Jörn (éd.), Meisenheim/Glan, s.d., [reprint de l'édition de 1796], pp. 30-31. 6 juillet 1793. Schleswig, Landesarchiv A. XVE1681, Fol. 48. Voir la lettre de E. Reimarus à Knigge datée du 11 juin 1793: «In Berlin und Wien ist es verboten, ich furchte, das wird den Absatz sehr schwächen» - cité in Halem, Gerhard Anton v., Selbstbiographie nebst einer Sammlung von Briefen an ihn, Strackeijan, C. F. (éd.), Oldenburg 1840, p. 106. Voir la lettre de Hennings à Halem, citée in ibid., p. 146.

1793, à publier une nouvelle revue, le Genius der Zeil45 - dont l'annonce suscite déjà de vives réactions de la part du Emkendorfer Kreis46 et les premiers numéros parus, celles de Goethe47 - et à interrompre la publication du Schleswigsches Journal qui, effectivement, cesse de paraître en décembre 1793. Hennings abandonne ruhig die Bühne, mit der Ueberzeugung wissentlich niemals eine Pflicht beleidigt zu haben, die [er] der Menschheit schuldig [ist]. Das Schleswigsche Journal hat das Unglück gehabt, Misdeutungen ausgesetzt zu seyn 4

Cette brève évocation de l'histoire des deux revues suffit à montrer l'intérêt que leur analyse peut présenter dans le cadre d'une étude des réactions allemandes face à la Révolution française. Publiées entre 1788 et 1793, touchées directement par le durcissement politique qu'entraîne en Allemagne le bouleversement politique en France et interdites, finalement, à cause de ce qu'Hennings appelle des « malentendus », elles paraissent, en effet, permettre de déterminer précisément les présupposés de la réception de la Révolution en Allemagne et, peut-être, ses limites, à condition, pourtant, de choisir une méthode d'analyse différente de celles adoptées traditionnellement.

2.

Les problèmes posés par une étude de la réception de la Révolution en Allemagne

Les principales monographies consacrées, en France, à la réception de la Révolution française par l'Allemagne peuvent être considérées comme représentatives de la manière dont a, jusqu'ici, été abordée cette problématique. Jacques Droz, dans l'Allemagne et la Révolution française, a entrepris de montrer comment «la Révolution française a suscité les grands courants d'idées qui ont dominé au XIXème siècle».49 Il part du principe que la Révolution française a été jugée par l'Allemagne cultivée «d'un point de vue intellectuel» car les intellectuels ont pris 45

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Sur le Genius der Zeit, voir Schempershofe, Rolf, «August Hennings und sein Journal „Der Genius der Zeit". Frühliberale Publizistik zur Zeit der Französischen Revolution», in: Jahrbuch des Instituts fiir Deutsche Geschichte, 10, 1981. Voir Hild, Joachim, August Hennings. Ein schleswig-holsteinischer Publizist um die Wende des 18. Jahrhunderts, [Erlanger Abhandlungen zur mittleren und neueren Geschichte, 11], Erlangen 1932, pp. 124—126. Sur la polémique entre Hennings et Claudius, voir aussi Ritsehl, Hans Wilhelm, August Adolph Friedrich von Hennings 1746-1826. Ein Lebensbild aus Holstein, Kopenhagen und Hamburg in bewegten Zeiten, Hamburg 1978, pp. 84—94 et Claudius, Matthias, Botengänge. Briefe an Freunde, Jessen, Hans (éd.), Berlin 1967, pp. 389-394. Sur la controverse avec Goethe, ibid., pp. 73-76. Voir Süllwold, Erika, „Der Genius der Zeit". Konstitution und Scheitern eines Modells von Aufklärungsöffentlichkeit, [Pahl-Rugenstein-Hochschulschriften Gesellschafts- und Naturwissenschaften, 203], Köln 1985. Schl.J. 93.ΧΠ.14 p. 519. Droz, Jacques, l'Allemagne et la Révolution française, Paris 1949, p. v.

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le parti d'être «apolitique», en réaction à plusieurs traits qui, depuis la Réforme luthérienne, sont devenus caractéristiques de l'Allemagne: «la persistance du particularisme, le respect pour le despotisme princier, l'absence d'une bourgeoisie consciente de ses intérêts de classe ».50 Et il affirme qu'en Allemagne, les écrivains sont « formés dès leur enfance à raisonner d'une façon abstraite sur les problèmes philosophiques et théologiques» et qu'ils «abordent les questions politiques dans le même esprit, sans aucune préparation pratique», 51 ce qui les rend incapables de percevoir les enjeux de la Révolution. Significatif est à ce titre le constat qu'il fait que «la pensée allemande, à de très rares exceptions près, n'a pas compris le sens et la portée véritable de la Révolution française». 52 Pour Droz, cette révolution incomprise n'en exerce pas moins une grande influence sur l'Allemagne puisque, conformément aux travaux antérieurs de G. P. Gooch53 et A. Stern,54 la Révolution permet la formation des différents courants politiques de l'Allemagne. Et Droz distingue l'émergence d'un courant libéral, des réactions de type moraliste, humaniste et empiriste et la fondation de ce qui deviendra le romantisme politique.55 Plus récemment, Marita Gilli, dans sa très riche étude intitulée Pensée et pratique révolutionnaire,56 s'est opposée à l'idée que les Allemands n'étant «pas un peuple révolutionnaire», il était «normal qu'[...] après un enthousiasme passager, [ils] se détournent d'une voie historique aussi violente qu'une révolution», 57 et elle a voulu montrer que «l'esprit révolutionnaire» dont elle constate l'essor n'a été possible que parce que l'Allemagne était déjà politisée : «les Lumières fournissent déjà la base du développement de l'esprit révolutionnaire»58 et, comme elle l'a écrit plus explicitement ailleurs, «les idées brassées à l'époque des Lumières expliquent l'écho favorable à la Révolution française »,59 Ainsi, elle peut faire décou50

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Ibid., pp. 26-27. On trouve la même idée chez Lefebvre, Georges, La Révolution française, [Peuples et civilisations], Paris 1963, pp. 185 [première édition, 1930], Droz, Jacques, op. cit., p. 23. Ibid., p. 48. Gooch, George Peabody, Germany and the French Revolution, London 1920. Stern, Alfred, Der Einfluß der französischen Revolution auf das deutsche Geistesleben, Stuttgart/Berlin 1927. Le caractère problématique d'une telle approche a été mis en lumière dès 1951 par F. Valjavec, qui en jetant les bases d'une «ideologische Topologie Deutschlands» (Garber, Jörn, «Nachwort» à Valjavec, Fritz, Die Entstehung der politischen Strömungen in Deutschland 1770-1815, Garber, Jörn (éd.), Kronberg/Ts., 1975, [première édition 1951], p. 543), a montré que le processus de différenciation des différents courants politiques débute vers 1770 et qu'il existe, avant même le déclenchement de la Révolution, un courant conservateur, un courant libéral et un courant radical. Selon lui les événements révolutionnaires accentuent cette polarisation en contraignant à une prise de parti pour ou contre la Révolution. Gilli, Marita, Pensée et pratique révolutionnaire à la fin du XVIIIe siècle en Allemagne, Besançon 1983. Ibid., p. 9. Ibid., p. 10. Ibid., p. 122. De même, A. Ruiz affirme par exemple que « la remise en question de la place de l'individu par rapport aux forces établies était à l'ordre du jour et, même si elle demeurait abstraite, elle ne pouvait manquer de préparer les esprits aux messages de 1789 [...]» (Ruiz,

1er l'adhésion à la Révolution, ou son refus, de l'adéquation ou de l'inadéquation de ce qu'elle représente aux idées politiques défendues avant 1789. M. Gilli, plus que J. Droz, inscrit donc la réception de la Révolution dans le cadre des débats politiques menés en Allemagne avant 1789, mais, en dépit d'à priori idéologiques très différents, elle considère, comme lui, le problème de la réception de la Révolution française Outre-Rhin sous l'angle de la politique seulement: à Droz, qui voit dans le manque de politisation une des caractéristiques de l'Allemagne à la fin du dix-huitième siècle, elle rétorque que ce n'est nullement le cas, même si, selon elle, la bourgeoisie allemande «n'a pas encore d'aspiration de classe» et qu'en Allemagne, « il manque une bourgeoisie politiquement mûre qui se serait alliée au peuple pour accomplir sa tâche historique ».60 Or, on peut se demander dans quelle mesure une étude des réactions à la Révolution qui s'en tient ainsi à un simple débat d'idées est susceptible de rendre compte réellement de la réception de la Révolution en Allemagne. Il est, certes, indispensable d'étudier le discours politique tenu sur elle, mais erroné de recourir à un modèle interprétatif général pour, ensuite, en constater l'incertitude.61 Lucien Calvié l'avait senti dès la fin des années 70 lorsque, dans son analyse des réactions des intellectuels allemands entre 1789 et 1845, il mettait en garde contre la propension des historiens des idées à « faire passer l'analyse des textes et des idées, considérés comme ayant une existence autonome, avant la connaissance [...] des faits historiques eux-mêmes» 62 et qu'il se proposait, en revanche, de conjuguer, dans son étude, «l'étude des mouvements idéologiques et celle des faits historiques». 63 Si les passages de la thèse qu'il a consacrée à Hegel, à la Jeune Allemagne et à la gauche hégélienne se révèlent très convaincants, tout un pan de la première partie, axé sur la période 1789-1799, laisse, lui, l'impression que l'auteur n'a pas exploité pleinement les possibilités offertes par la méthode qu'il avait choisie. En concentrant son analyse sur quelques représentants de

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Alain, «Agents de la propagande révolutionnaire en Allemagne, de 1789 à 1792», in: Voss, Jürgen, (éd.), Deutschland und die französische Revolution, [17. Deutsch-französisches Historikerkolloquium des Deutschen Historischen Instituts Paris (Bad Homburg 29. September 2. Oktober 1981)], München/Zürich 1983, pp. 82-97, p. 166). Gilli, Marita, op. cit., pp. 26 et 13. Cela vaut en particulier pour la notion de «jacobin». Après s'être référée aux travaux de W. Grab, H. Scheel, A. Kuhn, I. Stephan etc. et avoir noté «la difficulté, voire l'impossibilité de donner une définition satisfaisante» du mot «jacobinisme», M. Gilli en propose la définition suivante : « celui qui accepte la Révolution française dans toutes ses phases jusqu'au Directoire», définition à laquelle elle substitue, aussitôt, celui de «mouvement révolutionnaire» (Gilli, Marita, op. cit., pp. 10-13). Sur le caractère problématique de la notion de jacobinisme dans le discours historiographique, voir Kuhn, Axel, Freiheit - Gleichheit - Brüderlichkeit. Debatten um die Französische Revolution in Deutschland, Hannover 1989, pp. 56-64. Calvié, Lucien, Les Intellectuels allemands, les réalités politiques allemandes et l'idée de révolution (1789-1844). De la révolution française aux débuts du marxisme, Thèse de doctorat d'Etat soutenue à la Sorbonne en 1979, p. 15. Ibid., p. 14.

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l'Aufklärung qu'il semble considérer comme des archétypes (Kant, Knigge [...]), il parvient à propos de ces derniers à des résultats fort concluants, mais qui ne rendent guère compte de la complexité des premières réactions allemandes face à la Révolution. Cela est vrai surtout pour ceux qu'il appelle les «rationalistes réformistes». Selon Calvié, en effet, l'idéologie de Γ Aufklärung se divise durant la Révolution en deux courants principaux : un courant «jacobin» et un courant rationaliste et réformateur, dans le cadre préexistant du despotisme éclairé.64 Or, il ne perçoit pas, par exemple, au sein de ce dernier, la mutation qui s'opère dans les années 1788-1793. C'est l'étendue du champ de recherches qu'il avait délimité qui a probablement contraint Calvié à éluder, ainsi, une part non négligeable des intellectuels allemands et peut-être a-t-il lui même senti le caractère hâtif de quelques-unes de ses analyses sur les rationalistes réformateurs.65 On est en droit de regretter, surtout, que son projet d'allier «l'étude des réactions intellectuelles allemandes face à la Révolution et celle de l'histoire politique de la France et de l'Allemagne de 1789 à 1799 >>66 se réduise, en définitive, à un récit de l'histoire de l'Allemagne des années 178067 ou de la Révolution, récit trop général pour qu'il permette de comprendre, d'une part, comment l'expérience du règne de FrédéricGuillaume II structure l'horizon d'attente des intellectuels allemands et, d'autre part, quels aspects précis de la Révolution recueillent leurs suffrages. En ce sens, l'appel lancé, il y a quelques années, par Rolf Reichardt demeure légitime, qui espère parvenir à renouveler « die scheinbar erschöpfte Problematik .Deutschland und die Französische Revolution' durch einen doppelten Perspektivwechsel» consistant d'abord à prendre pour point de départ les événements de France68 et, en second lieu, à procéder de manière comparatiste en s'intéressant davantage au « soziokulturellen Transfer besonders in den Bereichen der politischsozialen Symbolik und Sprache, der Informationsvermittlung und -rezeption». 69 64 65

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Ibid., p. 71. Cela expliquerait, au moins partiellement, que, dans un texte plus récent, Le Renard et les raisins. La Révolution française et les intellectuels allemands 1789-1845, Paris 1989, où Calvié reprend maintes des analyses de sa Thèse de doctorat d'Etat, ne figurent plus certaines des remarques sur le rationalisme réformateur. Les Intellectuels allemands, les réalités politiques allemandes et l'idée de révolution (17891844). De la révolution française aux débuts du marxisme, p. 27. Ibid., pp. 30-46. Ailleurs, il a déploré que les recherches sur la Révolution française «in einseitiger Fixierung auf Deutschland die Revolution in Frankreich selbst nur vage und global als Hintergrund voraussetzen» (Reichardt, Rolf, «.freymüthigkeit, doch kein Sans-Cülotismus [...]" Transfer und Transformation der Französischen Revolution in Verdeutschungen französischer Revolutionsschriften 1789-1799», in: Espagne, Michel et Werner, Michael [éd.], Transferts. Les relations interculturelles dans l'espace franco-allemand [XVIIIe et XIXe siècle], Paris 1988, p. 274). Reichardt, Rolf, «Bastillen in Deutschland? Gesellschaftliche Außenwirkungen der Französischen Revolution am Beispiel des Pariser Bastillensturms», in: Melville, Ralph, Scharf, Claus, Vogt, Martin et Wengenroth, Ulrich (éd.), Deutschland und Europa in der Neuzeit. Festschrift fur Karl Otmar Freiherr von Aretin zum 65. Geburtstag, (Veröffentlichungen des

D e fait, les suggestions d'études comparatistes s'avèrent fort prometteuses, 7 0 et très probants les travaux entrepris dans cette perspective sur l'image de la Bastille, 7 1 qui l'amènent à conclure que si « d i e Nachrichten v o m Bastillesturm [...] keine vollständige N a c h a h m u n g in Deutschland auslösten», 7 2 l ' é c h o de la prise de la Bastille en A l l e m a g n e est incompréhensible pour qui o m e t d'étudier les v o i e s par lesquelles l'information est propagée : Im einzelnen erweisen sich die Reportagen zum Bastillesturm weniger als sachliche Tatsachenberichte denn als engagierte Darstellungen, die im wesentlichen dem Selbstverständnis der französischen Revolutionäre folgen.™ Sur un point, cependant, la démarche proposée par Reichardt peut paraître insuffisante. En effet, elle aboutit à fonder l'étude de la réception de la Révolution surtout sur la reproduction, en A l l e m a g n e , du discours tenu e n France. Par là, elle risque de négliger le non-dit, le silence des A l l e m a n d s sur tel o u tel aspect de la France révolutionnaire, silence m o t i v é par des schémas de p e n s é e propres aux Allemands. Symptomatique est, à c e titre, le constat qu'il fait du nombre restreint de traductions de textes français concernant les débats sur la religion. S e l o n lui, en effet, le conflit entre la Révolution et la religion « [ l a g ] d e m

konfessionell

gemischten deutschen Kulturraum also offenbar vergleichsweise f r e m d » . 7 4 N e peut-on pas, en revanche, poser c o m m e hypothèse que ce silence serait le signe, m o i n s d'un désintérêt, que d'une désapprobation? Si, par conséquent, toute étude de la réception de la Révolution française en A l l e m a g n e doit minutieusement prendre en compte les réalités françaises, il n ' e n faut pas m o i n s

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considérer

Instituts für Europäische Geschichte Mainz. Abt. Universalgeschichte, 34.1), Stuttgart 1988, pp. 421e422. Voir l'exemple des émeutes d'artisans à Mayence durant l'été 1790 dans «Die Französische Revolution als Maßstab des deutschen „Sonderweges"?», in: Voss, Jürgen (éd.), Deutschland und die französische Revolution, op. cit., pp. 325-326. Si l'étude des conditions de transferts culturels revêt moins d'importance pour le sujet qui nous intéresse ici, elle n'en a pas moins abouti à des résultats très intéressants : voir, par exemple, les travaux de François, Etienne, «Les échanges culturels entre la France et les pays germaniques au XVHIe siècle», in: Espagne, Michel et Werner, Michael (éd.), Transferts. Les relations interculturelles dans l'espace franco-allemand (XVIIIe et XIXe siècle), Paris 1988, pp. 35-47, ou encore de Schlobach, Jochen, «Frankreich als Modell. Zur absolutistischen Repräsentationskultur im Deutschland des 18. Jahrhunderts», in: Schlobach, Jochen (dir.), Médiations. Aspects des relations franco-allemandes du XVlIe siècle à nos jours, [Contacts, Série 2, Gallo-Germanica, 7], Bern/Frankfurt a. M./New York/Paris 1994, pp. 81-95. Voir aussi Lüsebrink, Hans-Jürgen et Reichardt, Rolf, Die «Bastille». Zur Symbolgeschichte von Herrschaft und Freiheit, Frankfurt/M. 1990 ou «La Bastille dans l'imaginaire social de la France du XVIIIe siècle (1774-1799)», in : R.H.M.C., 30, 1983, pp. 196-234. Reichardt, Rolf, «Bastillen in Deutschland? Gesellschaftliche Außenwirkungen der Französischen Revolution am Beispiel des Pariser Bastillensturms », p. 467. Ibid., pp. 451-452 (c'est nous qui soulignons). Reichardt, Rolf, «.preymüthigkeit, doch kein Sans-Cülotismus [...]" Transfer und Transformation der Französischen Revolution in Verdeutschungen französischer Revolutionsschriften 1789-1799», pp. 297-298. 13

attentivement l'interaction

entre l'expérience

que font les A l l e m a n d s

de

la

Révolution, que cette expérience soit immédiate ou non, le discours politique qui en découle, les présupposés idéologiques qu'elle détermine, la position o c c u p é e dans la société par c e u x qui le tiennent, et donc mettre en rapport la Révolution française

et le jeu, chez les Allemands, entre «Erfahrungsraum» et «Erwartungs-

horizont».

3

« L'horizon d'attente » des Aufklärer

Ce couple de concepts est emprunté à R. K o s e l l e c k qui donne cette définition : Erfahrung ist gegenwärtige Vergangenheit, deren Ereignisse einverleibt worden sind und erinnert werden können. Sowohl rationale Verarbeitung wie unbewußte Verhaltensweisen, die nicht oder nicht mehr im Wissen präsent sein müssen, schließen sich in der Erfahrung zusammen [...]. [Erwartung] ist personengebunden und interpersonal zugleich, [... sie] ist vergegenwärtigte Zukunft, sie zielt auf das Noch-Nicht, auf das nicht Erfahrene, auf das nur Erschließbare. 75 Or, plusieurs lignes structurent l'horizon d'attente des Aufklärer, c o m m e en témoignent les historiens contemporains qui mettent respectivement en lumière plusieurs aspects - plus contigue, il est vrai, qu'exclusifs - de l'Aufklärung. Pour U . Im H o f , le dix-huitième siècle est ainsi « d a s g e s e l l i g e Jahrhundert», titre qu'il donne à s o n étude des différentes sociétés 7 6 où, pour reprendre les formulations de Hanna Arendt, s ' é p l o i e cette « ö f f e n t l i c h relevant g e w o r d e n e Privatsphäre der G e s e l l s c h a f t » 7 7 qui s'empare aussi des instruments de Γ « Öffentlichk e i t » , mis initialement en place par les dirigeants, et les transforme en instruments d'une critique 78 d'autant plus nette que l'écrit, et en particulier la presse, connais-

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Koselleck, Reinhart, « „Erfahrungsraum" und „Erwartungshorizont" - zwei historische Kategorien», in: Engelhart, Ulrich, Sellin, V. et Stuke, H. (éd.), Soziale Bewegung und politische Verfassung. Beiträge zur Geschichte der modernen Welt, Stuttgart 1976, p. 17. Koselleck légitime ensuite les formulations « Erfahnmgsraum » et «ErwartungsAonzonf», sur lesquelles il est inutile de revenir ici, pas plus que sur l'hypothèse «daß sich in der Neuzeit die Differenz zwischen Erfahrung und Erwartung zunehmend vergrößert, genauer, daß sich die Neuzeit erst als eine neue Zeit begreifen läßt, seitdem sich die Erwartungen immer mehr von allen bis dahin gemachten Erfahrungen entfernt haben» (p. 21 repris p. 29). Im Hof, Ulrich, Das gesellige Jahrhundert: Gesellschaft und Gesellschaften im Zeitalter der Aufklärung, München 1982. Im Hof choisit ce titre «weil sich damals, wie kaum je in andern Zeitaltem - eine intensive und kultivierte Geselligkeit entwickelte und verbreitete, die sich vornehmlich in neuen gesellschaftlichen Formen, in „Sozietäten" ausdrückte » (p. 13). Cité in Habermas, Jürgen, Strukturwandel der Öffentlichkeit. Untersuchungen zu einer Kategorie der bürgerlichen Gesellschaft, Neuwied 1983, [première édition 1962], p. 33. Habermas, Jürgen, op. cit., pp. 35-42.

sent un essor remarquable durant l'Aufklärung. 7 9 Conjointement, l'Aufklärung voit naître le journaliste 8 0 et apparaître un n o u v e a u type d'écrivain qui, libéré des liens qui unissaient traditionnellement les écrivains au pouvoir en place, aspire maintenant à être le porte-parole de sa nation, et m ê m e de l'humanité. 8 1 Assurément, c e s traits n e sont pas caractéristiques de la seule Aufklärung : dans la France des Lumières, on constate, également, un accroissement du nombre des écrivains 8 2 et, parallèlement, une mutation de la notion d' »opinion publique » qui, de catégorie sociale, devient peu à p e u une catégorie politique. 8 3 A la veille de la Révolution, « l ' o p i n i o n p u b l i q u e » , à l'écart des pouvoirs institutionnalisés, est un tribunal qui prétend les juger e n tirant sa légitimité de ce caractère universel et objectif que lui confère la raison. Cette évolution permet précisément aux journalistes et, plus généralement aux écrivains, 8 4 de devenir « les véritables législateurs des peuples. A force de donner des leçons aux h o m m e s en particulier, ils se sont emparés de l'opinion publique, et en ont fait un instrument universel[...] », 8 5 Le lien de

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Voir Goldfriedrich, Johann, Geschichte des deutschen Buchhandels vom Beginn der klassischen Litteraturperiode bis zum Beginn der Fremdherrschaft (1740-1804), Leipzig 1909, pp. 247-283. Voir Martens, Wolfgang, « Die Geburt des Journalisten in der Aufklärung », in : Schulz, Günter (éd.) : Wolfenbütteler Studien zur Aufklärung, 1, Wolfenbüttel 1974, pp. 84-98. Voir Haferkorn, Hans-Jürgen, «Zur Entstehung der bürgerlich-literarischen Intelligenz und des Schriftstellers in Deutschland zwischen 1750 und 1800», in: Ludz, Peter (éd.), Deutsches Bürgertum und literarische Intelligenz 1750-1800, Stuttgart 1974, pp. 113-275. Robert Damton, (Gens de Lettres, gens du livre, Paris 1990, p. 107) estime qu'entre 1750 et 1789, le nombre d'écrivains double en France pour atteindre environ le chiffre de 3000. S'appuyant sur le Gelehrtes Deutschland de Hamberger et Meusel - une source plus riche que toutes celles dont on dispose pour la France - H. Kiesel et P. Münch constatent qu'en Allemagne, le nombre des auteurs passe de 2000 ou 3000 à environ 7000 entre 1766 et 1790 (Kiesel, Helmuth et Münch, Paul, Gesellschaft und Literatur im 18. Jahrhundert. Voraussetzungen und Entstehung des literarischen Markts in Deutschland, München 1977, p. 90). Sur cette évolution, voir Baker, Keith Michael, «Naissance de l'opinion publique. Politique et opinion publique sous l'Ancien Régime», in : Annales ESC, janvier-février 1987, n° 1, pp. 4 1 71. Sur l'essor de la presse en France au dix-huitième siècle, voir Bellanger, Claude, Godechot, Jacques, Guiral, Pierre et Terrou, Fernand (dir.), Histoire générale de la Presse française, T. 1, Des Origines à 1814, Paris 1968, pp. 159-188. En renvoyant au caractère européen de l'essor de la presse, nous n'affirmons pas, bien sûr, que ce phénomène n'ait pris, selon les Etats, des aspects spécifiques et, très récemment, Hans Erich Bödeker, dans «Zeitschriften und politische Öffentlichkeit. Zur Politisierung der deutschen Aufklärung in der zweiten Hälfte des 18. Jahrhunderts», in: Bödeker, Hans Erich et François, Etienne (éd.), Aufklärung/Lumières und Politik. Zur politischen Kultur der deutschen und französischen Aufklärung, [DeutschFranzösische Kulturbibliothek, 5], Leipzig 1996, pp. 209-231, a, ainsi, montré, une fois encore, la forme particulière que ce phénomène a eue en Allemagne. J. Peuchet, Discours préliminaire de l'Encyclopédie méthodique. Jurisprudence, [1789], cité in Baker, Keith Michael, «Naissance de l'opinion publique. Politique et opinion publique sous l'Ancien Régime», pp. 62-63. Dans une étude ultérieure, Baker a montré, plus précisément encore, comment l'éploiement de l'opinion publique entraîne la désagrégation des attributs rassemblés traditionnellement sous la notion d'autorité monarchique, en s'appropriant les trois types de discours sur lesquels s'appuyait celle-ci (Au tribunal de l'opinion. Essais sur l'imaginaire politique au XVIIIe siècle, Paris 1993, [édition originale 1990], pp. 33-44). 15

l'opinion publique, «fiuit d'une communication incessante entre les hommes»86 et la formation, en France, d'une sociabilité éclairée est évident. De fait, des académies aux loges maçonniques, on trouve représentés en France la plupart des types de sociétés éclairées,87 dont le développement participe, il est vrai, d'un mouvement européen. Comme l'a relevé W. Dotzauer à propos de l'Allemagne : la FrancMaçonnerie « [d]ie älteste, typischste und wesentlichste sozietäre Erscheinung dieser Zeit, [...] ist, wie die Lesegesellschaft, die patriotische Gesellschaft und der Klub eine genuin westeuropäische Erscheinung».88 Mais il n'en faut pas moins rester attentif aux formes spécifiques que ces phénomènes communs au dixhuitième siècle européen prennent dans les différents pays. En France, les salons,89 en permettant une certaine fusion des élites sociales et intellectuelles - favorisée par l'existence d'un idéal de culture qui subsume les frontières sociales - jouent ainsi un rôle non négligeable dans la diffusion des Lumières ;90 il faut, en revanche, attendre le tournant du siècle pour que se développe une «literarische Salonkultur» en Allemagne. De même, l'importance des Académies est bien plus notable dans une France déjà fort centralisée que dans une Allemagne politiquement encore morcelée. Pour la même raison sans doute, il s'avère relativement plus facile d'établir assez clairement la classification sociologique générale

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Baker, Keith Michael, «Naissance de l'opinion publique. Politique et opinion publique sous l'Ancien Régime», p. 61. Voir Roche, Daniel, «Literarische und geheime Gesellschaften im vorrevolutionären Frankreich: Akademien und Logen», in: Dann, Otto, (éd.), Lesegesellschaften und bürgerliche Emanzipation. Ein europäischer Vergleich, München 1979, pp. 181-196. Dotzauer, Winfried, «Aufklärung und Sozietäten im 18. Jahrhundert», in: Geschichtliche Landeskunde 21, 1980, p. 267. C'est au même constat du caractère européen de la sociabilité éclairée que parvient Richard van Dülmen, («Die Aufklärungsgesellschaften in Deutschland als Forschungsproblem », in : Herrmann, Ulrich (éd.), Die Bildung des Bürgers. Die Formierung der bürgerlichen Gesellschaft und die Gebildeten im 18. Jahrhundert, Weinheim/Basel 1982, pp. 81-99). Et la typisation des sociétés éclairées opérée par Daniel Roche («Die „Sociétés de pensée" und die aufgeklärten Eliten des 18. Jahrhunderts in Frankreich», in: Gumbrecht, Hans Ulrich, Reichardt, Rolf et Schleich, Thomas (éd.), Sozialgeschichte der Aufklärung in Frankreich, [Ancien Régime, Aufklärung und Revolution, 4], vol. 1, München 1981, p. 78), pour la France, et par Winfried Dotzauer (op. cit., p. 270) ou Ulrich Im Hof (op. cit., p. 185), pour l'Allemagne, reflète également les analogies existant entre elles. II s'agit ici des salons que Seibert appelle les «genuin literarisch-philosophische» (Seibert, Peter, Der literarische Salon. Literatur und Geselligkeit zwischen Aufklärung und Vormärz, Stuttgart/Weimar 1993, p. 59). Dans le même temps, il continue d'exister des salons plus exclusivement aristocratiques, sans prétentions littéraires, et participant d'une «Schwächung des höfischen Machtzentrums» mais qui, eux mêmes, introduisent ponctuellement les «fuhrende[n] Vertreter der « gens de lettres » ihrer sozialer Herkunft ungeachtet in den Kommunikationsraum des Adels» (ibid., pp. 57-58). Nous ne revenons pas ici sur l'histoire de ces salons bien documentée par les travaux de Glotz, Marguerite et Maire, Madeleine, Salons du XVIIIe siècle, Paris 1949 et ceux de Picart, Roger, Les salons littéraires et la société française 1610-1780, New York 1943. Les salons dont les membres conquièrent cette bastille littéraire qu'est l'Académie française (voir Brunei, Lucien, Les Philosophes et l'Académie française au XVIIIe siècle, Paris 1884), prennent, entre 1760 et 1770, une importance sociale capitale.

de la franc-maçonnerie française, et ce en dépit de certaines fluctuations géographiques,91 alors qu'en Allemagne, la composition sociologique des loges maçonniques dépend généralement de la couche sociale la plus représentée dans la ville considérée.92 Une étude détaillée des formes de la sociabilité éclairée fait apparaître, enfin, que certains mouvements à l'impact décisif, comme celui des Illuminés, se développent principalement dans une Allemagne93 dont ils s'efforcent de surmonter l'éclatement politique.94 C'est un même rapport entre l'appartenance à une évolution dépassant la seule Allemagne et la manière spécifique dont elle s'y manifeste qu'on peut mettre en lumière à propos des problèmes pédagogiques. En effet, que l'Aufklärung soit, comme le disait Campe, «das pädagogische Jahrhundert» ne signifie pas que l'intérêt porté aux problèmes de l'éducation soit particulier à l'Allemagne. Vers 1760, on peut ainsi constater en France une prolifération de textes consacrés à la pédagogie,95 dont les plus importants sont ceux que présentent les Parlements soucieux de promouvoir une éducation «nationale». 96 Cependant, si les Parlementaires, comme plus tard les Aufklärer, prétendent incarner la nation, les premiers, pour la plupart des nobles, cherchent à exercer un contrôle permanent sur la forme et le contenu de l'enseignement et ainsi à asseoir leur position de contrepoids du pouvoir monarchique, tandis que les seconds, issus en général du Tiers état, jugent que l'accès aux organes de décision ne sera possible qu'une fois réalisé un vaste programme de réforme de l'enseignement. Ce programme vise, en effet, à soumettre tous les états de la société aux mêmes critères culturels et éthiques afin d'assouplir les frontières rigides existant entre eux. Comme l'a justement écrit B. Nieser :

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Voir Roche, Daniel, «Literarische und geheime Gesellschaften im vorrevolutionären Frankreich : Akademien und Logen», art. cit., p. 189. Voir Im Hof, Ulrich, op. cit., p. 218. Fondamentalement, les Loges s'avèrent, en France, comme en Allemagne, être, le plus souvent, le reflet de la hiérarchie sociale. Voir Gayot, Gérard, «War die französische Freimaurerei des 18. Jahrhunderts eine Schule der Gleichheit», in : Bödeker, Hans Erich et François, Etienne (éd.), Aufklärung!Lumières und Politik. Zur politischen Kultur der deutschen und französischen Aufklärung, [Deutsch-Französische Kulturbibliothek, 5], Leipzig 1996, pp. 235-248. Voir Dotzauer, Winfried, op. cit., p. 267. Cela est net pour ce qui concerne l'Ordre des Illuminés, dont l'organisation géographique ignore les frontières politiques du Reich, mais vaut tout autant pour d'autres formes de la sociabilité éclairée, comme en témoigne, entres autre projets, le Vorschlag einer Verbindung der Gelehrten-Ökonomischen und Industrie-Gesellschaften deutscher Nation zur gemeinschaftlicher Wirksamkeit, publié en 1786 par Campe. Ferdinand Buisson a dénombré 51 livres portant sur l'éducation pour la période 1715-1760 et 161 pour la période 1760-1789 que marquent, en outre, deux temps forts: les années 17621765 et 1788-1789 (cité in Chartier, Roger, Compère, Marie-Madeleine et Julia, Dominique, L'Education en France du XVIe au XVIIIe siècle, Paris 1976, p. 208). Ibid., pp. 207-214.

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Das Fehlen einer ständeübergreifenden deutschsprachigen Kultur soll [...] durch pädagogische Anstrengung kompensiert und der kulturelle und gesellschaftliche Zusammenhang durch die Bildung vernünftiger und moralischer Subjekte erst herbeigeführt werden. 97 Alors que le vide laissé dans ses structures par l'expulsion des Jésuites ( 1 7 6 1 ) peut faire espérer aux Parlementaires français qu'ils parviendront sans peine à séculariser l'enseignement, les p é d a g o g u e s réformateurs allemands sont, eux, confrontés d ' e m b l é e aux fortes réticences des consistoires, inquiets de leurs velléités réformatrices en matière de religion. D e plus, si, en France, les critiques contre la religion traditionnelle sont longtemps le fait surtout des laïcs, 9 8 l'appel à un renouveau de la théologie naît, en A l l e m a g n e , parmi les pasteurs au sein de l'Eglise protestante et l'Aufklärung est indissociable de leur effort pour l'imposer, c e qui explique que, selon les termes de H. E. Bödeker, l'Aufklärung soit « e i n innertheologisches und innerkirchliches G e s c h e h e n g e w e s e n » . 9 9 Le p o i d s des questions religieuses, dans le combat des Aufklärer, est d'autant plus grand qu'après la mort de Frédéric II, son successeur amorce une politique religieuse de plus en plus intransigeante vis-à-vis de toute opinion j u g é e hétérodoxe, alors que le R o i de France, depuis les années 50, pratique, fut-ce à son corps défendant, une politique de conciliation. 1 0 0 Sans aspirer à l'exhaustivité,

cette énumération des lignes directrices

de

l'Aufklärung suffit à laisser deviner quelques-uns des points de vue à partir des97

Nieser, Bruno, Aufklärung und Bildung. Studien zur Entstehung und gesellschaftlichen Bedeutung von Bildungskonzeptionen in Frankreich und Deutschland im Jahrhundert der Aufklärung, [Studien zur Philosophie und Theorie der Bildung, 20], Weinheim 1992, p. 327. 98 La diffusion de telles critiques est, pourtant, probablement favorisée par «l'incrédulité, presque affichée dans une partie du haut clergé, [qui] commence à s'infiltrer dans une partie du moyen ou bas clergé, notamment chez les abbés» dans les années 50 (Mornet, Daniel, Les Origines intellectuelles de la Révolution française ¡715-1787, Paris 1938, p. 139). 99 Bödeker, Hans Erich, «Die Religiosität der Gebildeten», in: Gründer, Karlfried et Rengstorf, Karl Heinrich (éd.), Religionskritik und Religiosität in der deutschen Aufklärung, [Wolfenbütteler Studien zur Aufklärung, 11], Heidelberg 1989, p. 148. Le rôle des pasteurs dans la popularisation et la diffusion de l'Aufklärung a été mis doublement en lumière par Werner Schütz («Die Kanzel als Katheder der Aufklärung», in: Wolfenbiitteler Studien zur Aufklärung, 1, 1974, pp. 137-171), qui relève dans leurs prêches un certain nombre de leitmotive et par Andrea Schulte («Urtheilet selbst ob die Vernunft eine Feindin der Religion heißen könnte» - Überlegungen zum Selbstverständnis des Predigers in der Aufklärungszeit», in: Müller, Wolfgang Erich et Schulz, Hartmut H. (éd.), Theologie und Aufklärung. Festschrift fur Gottfried Hornig zum 65. Geburtstag, Würzburg 1992, pp. 205-225) qui y analyse les actes de parole en s'appuyant sur les travaux des linguistes Austin et Searle. 100 L'attitude du pouvoir royal à l'égard des Protestants témoigne du fléchissement de la politique royale en matière de religion. Si la législation ne change explicitement qu'en 1788, son application est, à quelques exceptions près, de moins en moins rigoureuse après 1756 (voir Joutard, Philippe, «Pour les protestants, gérer la longue durée de la clandestinité», in: Le Goff, Jacques et Rémond, René (éd.), Histoire de la France religieuse, T.3, Paris 1991, pp. 50-62), quand bien même cet assouplissement n'est pas, fondamentalement, le signe d'une tolérance religieuse plus grande (voir Pappas, John, «la Répression contre les protestants dans la seconde moitié du siècle, d'après les registres de l'Ancien Régime», in: Dix-Huitième siècle, 17, 1985, pp. 122-123). 18

quels il faudrait tracer l'horizon d'attente des «Spätaufklärer», afin de pouvoir déterminer dans quelle mesure les conceptions pédagogiques et religieuses,101 la compréhension du rôle de publiciste, etc. ont pu respectivement influencer la réception de la Révolution française. Pour des raisons évidentes, une telle démarche ne saurait s'appliquer qu'à un corpus restreint. A ce titre, deux revues telles que le Braunschweigisches Journal (1788-1791) et le Schleswigsches Journal (1792-1793) qui en est la suite, constituent un objet d'étude précieux et trop négligé jusqu'à présent.

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L'état de la recherche sur le Braunschweigisches Schleswigsches Journal

et le

Personne n'a tenté, jusqu'ici, de montrer comment s'articulent ces deux revues. Dans une étude perspicace, Jörn Garber a bien mis en rapport Campe et Hennings, mais c'est, d'une part, sans dresser une comparaison entre le Braunschweigisches et le Schleswigsches Journal dont ils sont les éditeurs respectifs et, d'autre part, dans une perspective toute différente de celle qui nous intéresse ici. Seule lui importe, en effet, la notion de «Produktivität» comme catégorie interprétative de l'Aufklärung, dont il montre la portée grâce à deux modèles de théorie sociale : celui du philanthropisme allemand - et Garber constate que Campe, à l'occasion de son voyage à Paris, nuance les conceptions purement philanthropiques auxquelles il adhérait initialement, pour privilégier en l'homme non plus l'utilité sociale mais la perfection d'un individu qui aurait redécouvert sa perfection naturelle - et des débuts du libéralisme. Campe ne se contente plus, selon Garber, de vouloir rendre productives les couches les plus basses de la société mais propose un modèle l'engageant tout entière.102 Les deux revues, néanmoins, ont fait déjà l'objet d'études ponctuelles. C'est vrai surtout pour le Braunschweigisches Journal·, si M. Lindemann, dans son histoire de la presse allemande jusqu'en 1815, ne mentionne pas le Braunschwei101

102

L'étude de Edward Dixon Junkin, Religion versus revolution. The interpretation of the french revolution by German Protestant Churchmen, 1789-1799,2 vol., Austin 1974, aurait pu, dans ces conditions, poser les jalons d'une telle recherche, car elle se concentre sur l'interprétation de la Révolution française par les pasteurs allemands. Mais Junkin ne s'interroge pas sur les liens entre les conceptions religieuses qui sous-tendaient leur enseignement quotidien; il se contente de mesurer la réaction des pasteurs vis-à-vis de la Révolution en fonction de «four leadings norms, viewpoints or ideas: humanity, law, religious obedience and humility» (p. 331) et, par là, il ne met pas assez en rapport la pratique et les représentations idéales. Garber, Jörn, «Von der nützlichen zur harmonischen Gesellschaft: Norddeutscher Philanthropismus (J. H. Campe) und frühliberaler Ökonomismus (A. Hennings) im Vor- und Einflußfeld der Französischen Revolution», in: Herzig, Arno, Stephan, Inge et Winter, Hans G. (éd.), Sie, und nicht wir. Die Französische Revolution und ihre Wirkung auf Norddeutschland, vol. 1, Hamburg 1989, pp. 245-287).

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gisches Journal,103 P. Hocks et P. Schmidt en fournissent une bonne idée générale mais forcément succinte, voire imprécise.104 Dans la liste des auteurs du journal qu'ils proposent au lecteur figure, par exemple, le nom de Michael Neander, un pédagogue, il est vrai, mais mort en 1595 (l'éditeur de la revue, dans une note, précise que Neander «lebte im 16ten Jahrhundert, und stand als Rector zu Nordhausen und nachher zu Ilfeld»).105 Dans les autres textes qui ne sont pas consacrés exclusivement à la revue,106 c'est essentiellement sa radicalisation politique et les mesures répressives qu'elle entraîne qui sont évoquées, (même si aucun des rédacteurs n'est aussi excessif que Wenck qui, à la fin du siècle dernier, le classait à l'extrême gauche).107 Ainsi, M. Graf évoquant brièvement le Braunschweigisches Journal, met en évidence le grand écho qu'il a rencontré à Brunswick108 et montre que, de forum ouvert à toutes les questions intéressant l'humanité, il se politise considérablement à l'occasion de l'Edit de Wöllner puis de la Révolution française, ce qui finit par entraîner la censure du Braunschweigisches Journal d'abord, du Schleswigsches Journal ensuite. C'est ce dernier aspect qui intéresse également U. Möllney109 ou encore A. Klein dans son étude sur la censure dans le Duché de Brunswick Wolfenbüttel."0 Généralement, les références au Braunschweigisches Journal dans des textes consacrés à Campe mettent, elles aussi, surtout en valeur 103

Lindemann, Margot, Deutsche Presse bis 1815. Geschichte der deutschen Presse, Teil 1, [Abhandlung und Materialien zur Publizistik, 5], Berlin 1969. La revue n'est pas davantage citée par Koszyk qui - dans une page entachée d'inexactitudes - insiste pourtant sur le rôle de Campe dans la formation d'un type nouveau d'éditeurs (Koszyk, Kurt, Vorläufer der Massenpresse. Ökonomie und Publizistik zwischen Reformation und Französischer Revolution. Öffentliche Kommunikation im Zeitalter des Feudalismus, München 1972, p. 138). 104 Hocks, Paul et Schmidt, Peter, Literarische und politische Zeitschriften 1789-1805; von der politischen Revolution zur Literaturrevolution, Stuttgart 1975, pp. 58-60. Dans l'intervalle est paru également un article de C. Losfeld: «Das Braunschweigische Journal (1788-1791). Eine pädagogische Zeitschrift im Spannungsfeld von Reform und Revolution». In: Jahrbuch fur pädagogische Bildungsforschung. Bad Heilbrunn/Obb., vol. 5, pp. 55-82. 105 Br. J. 89.IV.7 p. 476. 106 Nous ne citons pas ici les textes où la mention du Braunschweigisches Journal n'est qu'allusive - comme, par exemple, dans Jäger, Hans-Wolf, Politische Metaphorik im Jakobinismus und im Vormärz, Stuttgart 1971, p. 25; Seifert, Hans-Ulrich, «Die Französische Revolution im Spiegel der deutschen periodischen Zeitschriften (1789-1815)», in: Dabézies, André (éd.), La Révolution française vue des deux côtés du Rhin, Aix en Provence, 1990, pp. 170 et 174; Schemperhofe, Rolf, op. cit., p. 141 ; Wahl, Hans, Geschichte des Teutschen Merkur. Ein Beitrag zur Geschichte des Journalismus im achtzehnten Jahrhundert, [Palaestra, 127], Berlin 1914, p. 180. 107 Wenck, Woldemar, Deutschland vor 100 Jahren, Leipzig 1890, vol. 2, p. 181. 108 Graf, Martina, op. cit., pp. 39-41. La recension par Eschenburg du contenu de chaque numéro en 1788 dans le Braunschweigisches Magazin en témoigne. L'importance de cet écho est d'autant plus remarquable que la revue n'avait qu'un tirage moyen (750 exemplaires - chiffre déjà indiqué en 1992 par Hanno Schmitt dans «Pressefreiheit, Zensur und Wohlverhalten. Die Braunschweigische Schulbuchhandlung zur Zeit der Französischen Revolution», p. 345 - à partir d'autres sources) par rapport aux autres organes littéraires et politiques qui, en moyenne, avaient un tirage de 1000 à 3000 exemplaires. 109 Möllney, Ulrike, op. cit., p. 61. 110 Klein, Angela, op. cit., pp. 122-126.

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les luttes politiques dont il est le champ : si B. Sengfelder ne cite pas le Braunschweigisches Journal,111 Leyser, par exemple considère essentiellement les controverses et les pressions politiques qu'il entraîne et qui mènent à son interdiction;" 2 quant à L. Kientz, il s'intéresse exclusivement à Campe, aux jugements portés sur la Révolution dans le Braunschweigisches Journal ainsi qu'aux principaux débats politiques qu'ils suscitent et aux pressions qui mènent à l'interdiction du Schleswigsches Journal.1,3 Aucun des textes que nous venons de citer ne prend donc vraiment en compte deux des traits spécifiques de l'Aufklärung : la religion et la pédagogie.114 Et il en va de même dans l'article de S. Stern publié en 1916 dans lequel, il est vrai, elle se proposait essentiellement, en se fondant sur des documents d'archives inédits, de montrer les mesures de censure ayant frappé le Braunschweigisches Journal.115 En 1929, H. Marx a, le premier, tenté une analyse quantitative des différents sujets traités dans le Braunschweigisches (et le Schleswigsches) Journal,116 et montré que le Philanthropisme se trouve sur la défensive à la fin des années 1780 et qu'à la suite de l'Edit de Wöllner, la pédagogie cesse de perdre son rôle prédominant, permettant au discours sur la religion d'accéder dans la revue à une certaine autonomie.117 Pour ce qui est de la Révolution, Marx se contente de remarquer que « [d]ie Französische Revolution den Philanthropismus ins breite Brett des Konstitutionalismus [lenkt]».118 Alors que Marx néglige le rôle de la Révolution française, H. König, dans un article intitulé « Das Braunschweigische Journal » et 111

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Sengfelder, Bernhard, Joachim Heinrich Campe als Politiker und seine Beziehungen zur Französischen Revolution, Phil. Diss., Jena 1909 (Sengfelder axe son étude sur l'édition de 1790 des Briefe aus Paris, parues initialement dans le Braunschweigisches Journal, mais ne mentionne pas une fois ce dernier). Leyser, Jacob, Joachim Heinrich Campe. Ein Lebensbild aus dem Zeitalter der Aufklärung, 2 vol., Braunschweig 1877, vol. 1, pp. 365^*18. Kientz, Louis, op. cit., pp. 28-44. Ludwig, Fertig, Campes politische Erziehung: eine Einfuhrung in die Pädagogik der Aufklärung, [Impulse der Forschung, 27], Darmstadt 1977, pp. 28-33 a, pour sa part, adopté une perspective intéressante en cherchant les motifs qui ont incité Campe à fonder un journal. Selon lui, Campe voyait, en effet, dans un périodique, la possibilité d'exercer une influence immédiate sur un public dont il connaissait la propension à lire de façon extensive et, partant, à préférer les formes courtes. Enfin, l'œuvre commune que représente la rédaction d'un journal permet aux auteurs de s'exprimer plus librement car les responsabilités sont partagées et donc moindres pour chacun. Nous reviendrons ultérieurement sur l'étude de Volker Mehnert, Protestantismus und radikale Spätaufklärung. Die Beurteilung Luthers und der Reformation durch aufgeklärte deutsche Schriftsteller zur Zeit der Französischen Revolution, München 1982, qui renvoie, certes, à cette dimension mais n'aborde, en vertu du sujet qu'il traite, que l'utilisation faite par les Aufklärer de l'image de Luther après 1788. Stem, Selma, op. cit., pp. 18-76. Marx, Heinrich, Die Entstehung und die Anfänge der pädagogischen Presse im deutschen Sprachgebiet, Frankfurt/M. 1929, p. 101. Ibid., p. 105. Ibid. Le reste du chapitre consacré au Braunschweigisches Journal est une esquisse biographique de ses principaux rédacteurs qui ne présente plus guère d'intérêt.

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paru dans Pädagogik,119 l'accentue outrageusement, en mettant excessivement en valeur la prise de parti en faveur de la Révolution sans mentionner - ou sans vouloir mentionner - les réserves des auteurs des deux revues vis-à-vis de son emballement.120 Le Staatsexamensarbeit rédigé par W. Herwig en 1971 et conservé aux archives de Brunswick paraît plus rigoureux, qui projette de rendre raison de la diversité thématique du Braunschweigisches Journal et opère pour la première fois un classement systématique des articles. Cependant, le projet de Herwig n'est pas de rapporter à la problématique de la réception de la Révolution les différents domaines thématiques. De plus, force est de constater que les considérations générales sur le dix-huitième siècle européen, l'Aufklärung, la fonction de la presse, l'histoire de Brunswick et la biographie des principaux auteurs ne laissent guère de place, dans son travail, à un examen méticuleux des articles que, d'ailleurs, il renonce d'emblée à analyser tous.121 Enfin, Herwig ne disposait pas encore des documents d'archives découverts depuis par Hanno Schmitt.122 Dans sa thèse de doctorat, déjà, Schmitt avait consacré quelques pages au Braunschweigisches Journal qu'il perçoit comme la tentative de continuer à propager l'Aufklärung après l'échec de la réforme de l'enseignement à Brunswick.123 Mais c'est surtout par la suite, en s'appuyant sur des sources inédites, qu'il a pu apporter quelques précisions sur les mesures de censure prises à rencontre du Braunschweigisches Journal124 et surtout de précieuses indications sur les conditions de sa création et sur sa dimension d'entreprise commerciale.125 Schmitt a 119 120

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Vol. 7, 1952, pp. 650-674. Le souci de König d'intégrer le discours du Braunschweigisches Journal à son interprétation rigoureusement marxiste de l'histoire l'empêche, souvent, de présenter une image exacte de la revue. Ce qu'il dit, par exemple, de la noblesse (pp. 658-659) ne rend guère compte de l'évolution à l'œuvre dans les revues. Pas davantage, il ne montre la bipolarité des jugements politiques qui, tout en dénonçant le despotisme des rois, attaquent férocement la tyrannie du peuple (voir pp. 660-661). Il omet aussi d'évoquer les problèmes religieux, ce qu'on ne peut, cependant, lui reprocher absolument, dans le cadre d'une revue pédagogique comme Pädagogik. König a aussi consacré quelques pages au Braunschweigisches Journal dans son édition des Briefe aus Paris während der Französischen Revolution geschrieben, Berlin 1961 [extraits de l'édition de 1790]. Herwig, Wolfgang, Das Braunschweigische Journal. Analyse einer Zeitschrift aus der Zeit der französischen Revolution (Stadtarchiv Braunschweig Η ΠΙ 9, nr. 69) 1971. Le premier tome des lettres découvertes dans les archives de Wolfenbüttel a paru sous le titre Briefe von und an Joachim Heinrich Campe 1765-1788. Schmitt, Hanno, Schulreform im aufgeklärten Absolutismus. Leistungen, Widersprüche und Grenzen philanthropischer Reformpraxis im Herzogtum Braunschweig-Wolfenbiittel 17851790, op. cit., pp. 229 et surtout 254-256. Schmitt, Hanno, «Philanthropismus und Volksaufklärung im Herzogtum Braunschweig/ Wolfenbüttel in der zweiten Hälfte des 18. Jahrhunderts», in: Vierhaus, Rudolf (éd.), Das Volk als Objekt obrigkeitlichen Handelns, [Wolfenbütteler Studien zur Aufklärung, 13], Tübingen 1992, pp. 193-195. L'article de Rolf Hagen, «Die Gründung von Campes Schulbuchhandlung und die Übersiedlung des Vieweg-Verlages nach Braunschweig», i n : Möller, Hans-Herbert (éd.): Das Vieweg-Haus in Braunschweig, [Arbeitshefte zur Denkmalpflege in Niedersachen, 5], Hannover 1985, pp. 7-20, ne mentionne que très brièvement la revue (p. 10).

également bien perçu l'interaction entre les problèmes religieux et politiques sans s'interroger cependant sur l'influence exercée par les conceptions qu'ont ses rédacteurs en matière de religion - comme, en outre, de pédagogie - sur leur réception de la Révolution française.126 Il appert donc clairement qu'il manque encore, à ce jour, une étude centrée sur l'écho rencontré par la Révolution dans ce «führende[s] Diskussionsforum für die Anhänger radikaler Aufklärung in Deutschland» 127 qu'est le Braunschweigisches Journal. Ce constat vaut plus encore pour le Schleswigsches Journal. Très récemment, H. Böning et E. Moepps, dans les quelques pages de leur répertoire des journaux et périodiques parus à Altona consacrées à ce qu'ils appellent un des «bedeutendsten aufklärerischen Journalen», 128 ont mis en lumière les caractéristiques suivantes : la diminution des articles centrés sur la pédagogie, le refus des auteurs d'être considérés comme les partisans d'une Révolution sur laquelle ils jettent un regard critique, un souci plus grand sur la liberté de la presse ;129 ils ont également fait de son histoire un bref récit qui, à cause de la concision consubstantielle à une entreprise telle que ce répertoire, s'avère parfois imprécis.130 De même la simple énumération des titres d'articles «caractéristiques» ne saurait remplacer leur analyse et pallier l'absence, jusqu'à ce jour, d'une étude du Schleswigsches Journal. Comme il était imprimé à Altona, les monographies consacrées à la presse de Hambourg ne le mentionnent pas,131 pas plus que R. Bülck qui n'envisage pas la presse du Schleswig-Holstein après 1789.132 Et dans son mémoire de fin d'études Das Echo auf die Französische Revolution in Hamburger und Altonaer Zeitschriften und Zeitungen 1789-1800, Annedore Lütje ne lui accorde qu'un court paragraphe.133 Si on fait abstraction des textes sur le Braunschweigisches Journal 126

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Schmitt, Hanno, «Pressefreiheit, Zensur und Wohlverhalten. Die Braunschweigische Schulbuchhandlung zur Zeit der Französischen Revolution », art. cit. Schmitt, Hanno, Schulreform im aufgeklärten Absolutismus. Leistungen, Widersprüche und Grenzen philanthropischer Reformpraxis im Herzogtum Braunschweig-Wolfenbüttel 17851790, op. cit., pp. 253-254. Böning, Holger et Moepps, Emmy, Deutsche Presse. Biobibliographische Handbücher zur Geschichte der deutschsprachigen periodischen Presse von den Anfängen bis 1815. Kommentierte Bibliographie der Zeitungen, Zeitschriften, Intelligenzblätter, Kalender und Almanache sowie biographischen Hinweise zu Herausgebern, Verlegern und Druckern periodischer Schriften, vol. 2 : Altona. Bergedorf-Harburg-Schiffbek-Wandsbek. Stuttgart/Bad Cannstatt 1997, p. 268. Ibid., pp. 267-277. Ibid., pp. 278-279. Cela vaut surtout pour le jugement porté sur le rôle de Campe dans la première année du Schleswigsches Journal. Ont été consultés: Baasch, Ernst, Geschichte des hamburgischen Zeitungswesens von den Anfängen bis 1914, Hamburg 1930; Rudolf, Philipp, Frankreich im Urteil der Hamburger Zeitschriften in den Jahren 1789-1810, [Hamburger Studien zu Volkstum und Kultur der Romanen, 14], Hamburg 1933. Bülck, Rudolf, Das Schleswig-holsteinische Zeitungswesen von den Anfängen bis zum Jahre 1789, [Quellen und Forschungen zur Geschichte Schleswig-Holsteins, 16], Kiel 1928. Zulassungsarbeit zur wissenschaftlichen Prüfung für das Lehramt an Gymnasien, Hamburg 1968 (non publié). Dans la suite de son étude qui, après une présentation lapidaire des diffé-

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qui tiennent compte aussi du Schleswigsches renvois à ce dernier.

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Journal,134

on trouve donc très peu de

M ê m e les monographies sur Hennings s'attardent éton-

namment p e u à cette revue : J. Hild, tout en dressant le portrait d'un H e n n i n g s libéral et e n relatant s o n combat pour la liberté de la presse n e consacre que quelques lignes au Schleswigsches

Journal,136

que H. Ritschl néglige tout autant. 137

D a n s un article consacré à V o ß , Grab l ' é v o q u e certes, mais en s'intéressant principalement aux textes que celui-là y a publiés, c e qui tend à fausser sa lecture. 138 Seules s ' y arrêtent, semble-t-il, H e l g a Boulay 1 3 9 et, avant elle, R. Erhard-Lucht qui, dans sa riche étude sur la Révolution dans le Schleswig-Holstein, donne des indications, n o n seulement sur la biographie de quelques-uns des collaborateurs du Schleswigsches c e dernier.

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mais aussi sur les mesures d'interdiction qui ont frappé

Il manque cependant aux remarques de R. Erhard-Lucht une certaine

rigueur dans la détermination des positions politiques réelles de la revue. Affirmer

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rentes revues publiées à Hambourg et Altona, s'organise de façon chronologique, A. Lütje fait encore quelques renvois au Schleswigsches Journal. Son projet n'étant pas de décrire les réactions à la Révolution dans cette seule revue, elle n'en retient que quelques aspects qui, néanmoins, ne font véritablement sens, selon nous, qu'une fois intégrés à la totalité du discours qui y est tenu. Voir, par exemple, Hocks, Peter et Schmidt, Peter, op. cit., pp. 59-60; Kientz, Louis, op. cit., pp. 28-44, qui l'évoque comme la suite du Braunschweigisches Journal dans une perspective uniquement politique et en ne s'intéressant pratiquement qu'à Campe. Schempershofe, Rolf, op. cit., p. 141, ne cite, lui, le Schleswigsches Journal que dans une brève introduction à sa perspicace analyse du Genius der Zeit. Voir, par exemple, Gilli, Marita, op. cit., pp. 177-178 qui classe Hennings parmi les «libéraux hambourgeois » ; Saine, Thomas P., Black Bread-White Bread. German Intellectuels and the French Revolution, [Studies in German Literature, Linguistics and Culture, 36], New York 1988 qui y renvoie à quinze reprises, sans jamais en entreprendre pourtant l'étude spécifique. Hild, Joachim, op. cit., pp. 121-122. Ritschl, Hans Wilhelm, op. cit. Tout le chapitre portant sur la Révolution française (pp. 66-73) est, en outre, fort superficiel. Grab, Walter, «Johann Heinrich Voß in der französischen Revolution», in: Beutin, Wolfgang et Lüders, Klaus (éd.), Freiheit durch Aufklärung: Johann Heinrich Voß (1751-1826), Materialien einer Tagung der Stiftung Mecklenburg (Ratzenburg) und des Verbandes Deutscher Schriftsteller (Landbezirk Nord) in Lauenburg/ Elbe am 23.-25. April 1993, [Bremer Beiträge zur Literatur- und Ideengeschichte, 12], Frankfurt a. M./ Berlin /Bern /New York/Paris/Wien 1995, pp. 23-26. Envisageant la Marseillaise de Voss et un poème de Heiberg sans prendre en compte la ligne générale de la revue, il en dresse un portrait inexact. Sur le poème de Helberg, dont il ne cite qu'une strophe, il paraît même, on le verra, commettre un contre-sens. Boulay, Helga, «La Presse à Hambourg et à Altona et la Révolution française», in: Les Genres et l'Histoire, Annales littéraires de l'Université de Besançon, Paris 1981, pp. 46—48. Nous ne revenons pas sur cette étude qui, dans la partie consacrée au Schleswigsches Journal, s'inspire largement des résultats de Renate Erhard-Lucht. Erhard-Lucht, Renate, Die Ideen der Französischen Revolution in Schleswig-Holstein, [Quellen und Forschungen zur Geschichte Schleswig-Holsteins, 56], Neumünster 1969. Elle y traite Hegewisch, Hennings, Schmettow et Voss. Ibid., pp. 166-167. Les références aux archives du Landesarchiv Schleswig qu'elle donne ici ont été reprises par Hermann, Ulrich, «Hennings», in: Klose, Olaf et Rudolf, Eva (éd.), Schleswig-Holsteinisches Biographisches Lexikon, Neumünster 1970-1979, vol. 4, pp. 88-93.

à propos de Hennings que « sein Eintreten fur die konstitutionelle Monarchie, seine Bewunderung fur die durch das Studium der Schriften Rosseaus [sie] gewonnenen Ideale der Gleichheit und Freiheit den politischen Charakter des Journals [bestimmen] » I42 peut, en effet, prêter à confusion car, au regard des interprétations divergentes dont Rousseau fait l'objet à la fin du dix-huitième siècle,143 on pourrait être tenté de faire de Hennings un démocrate allemand. C'est là, par exemple, la position de H. Voegt pour qui les «norddeutsche Demokraten» se trouvaient «unter der publizistischen Führung von August Hennings». 144 Lorsque, dans la suite de son étude, Voegt se voit contraint d'atténuer cette affirmation, et de reconnaître que les revues de Hennings frappent par leur confiance dans des réformes issues d'en haut et dans une monarchie constitutionnelle,145 il s'empresse de nuancer ces réserves en expliquant la profession de foi monarchique en particulier par la liberté de presse régnant au Danemark. Comment concilier, cependant, le jugement de Voegt et la remarque récente d'un historien américain, pour qui le Schleswigsches Journal est « next to the Niedersächsischer Merkur probably the most liberal North German journal » publié pendant la Révolution »?146 Le caractère imprécis de certaines des études existantes et l'absence, en tout cas, de travaux de synthèse sur ces deux revues est d'autant plus regrettable qu'elles semblent être des représentants typiques de l'Aufklärung, comme le laissent apparaître, en deçà-même de toute analyse textuelle, leur statut d'entreprise commerciale et l'origine sociale de leurs auteurs.

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Erhard-Lucht, Renate, op. cit., p. 165 (voir aussi p. 60 où il est question des idéaux démocratiques de Hennings forgés par la lecture de Rousseau). Et plus loin, elle insiste sur «Hennings' nichtrevolutionäre Haltung »(p. 166). En France, les révolutionnaires comme certains contre-révolutionnaires le revendiquent pour eux (voir Bamy, Roger, L'Eclatement révolutionnaire du rousseauisme, Paris 1988); quant à l'Allemagne, on a pu montrer «den Einfluß der politischen Ideen Rousseaus auf die Herausbildung eines demokratischen Flügels der Aufklärung» (Weissei, Bernhard, Von wem die Gewalt in den Staaten herrührt. Beiträge zu den Auswirkungen der Staats- und Gesellschaftsaujfassung Rousseaus auf Deutschland im letzten Viertel des 18. Jahrhunderts, [Schriftenreihe des Instituts für allgemeine Geschichte an der Humboldt-Universität Berlin, 7], Berlin 1963, p. 7). Voegt, Hedwig, Die deutsche jakobinische Literatur und Publizistik 1789-1800, Berlin 1955, p. 86. Certes, Voegt s'intéresse ici particulièrement au Genius der Zeit, mais dans la mesure où Hennings en forme le projet durant l'été 1793 déjà - voir ses lettres dans Halem, Gerhard Anton v., op. cit., pp. 160-162 - la remarque de Voegt, si elle est vraie, vaudrait aussi pour le Schleswigsches Journal. Voegt, Hedwig, op. cit., p. 137. Saine, Thomas P., op. cit., p. 257.

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Une entreprise économique moderne

Le lancement d'une revue comme le Braunschweigisches Journal est indissociable de visées économiques147 comme le montre bien Campe, qui semble-t-il, gère en grande partie l'affaire et à qui revient un rôle considérable, surtout après que Trapp a cessé en 1791 d'assumer les fonctions d'éditeur. Durant toute la période de sa gestion, Campe s'efforce de faire du Braunschweigisches Journal une entreprise rentable. Il contacte donc personnellement quelques-unes des célébrités du monde des Lettres, comme Kant, Lavater, Schlosser, Zollikofer, Garve148 qui, espère-t-il, favoriseront la vente de la revue et c'est également en prenant en compte le marché littéraire naissant qu'il détermine en partie les honoraires des auteurs.149 Quand un auteur demande à être rémunéré, Campe paie en moyenne 4 Thaler par «Bogen». Comme il l'écrit à Hennings en 1792 : « Bei den bisherigen 4 Jahrgängen [...] ist dem Einen der Bogen mit 3 rth, dem Andern mit 4 rth. einigen wenigen mit 5. rth also im Durchschnitt jeder Bogen mit 4 rth honoriert worden»,150 somme qu'il se propose de payer à Hennings pour ses Historisch-moralische Schilderungen des Einflusses der Hofhaltung auf das Verderben der Sitten.1 sl Lorsque, en revanche, l'auteur est très célèbre, Campe est prêt à verser une somme plus importante : si Kant, par exemple, acceptait d'envoyer un article, il ne lui paierait pas moins de 3 Ducats152 (c'est-à-dire 8 !4 Thaler).153 Réciproquement, si l'auteur est peu connu 147

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II n'a été possible de trouver des indications d'ordre économique que dans le cas du Braunschweigisches Journal. La seule dont nous disposions pour le Schleswigsches Journal est son prix de 4 thaler pour l'abonnement annuel (prix indiqué par Böning, Holger et Moepps, Emmy, op. cit., p. 268). Voir Briefe von und an Joachim Heinrich Campe 1765-1788, lettres à Kant pp. 498-499, à Lavater pp. 499-500, de Schlosser pp. 502-503, de Garve pp. 504-506 et de Zollikofer, p. 507. Les deux derniers déclinent l'invitation que leur a faite Campe de participer à la revue. Le Schleswigsches Journal fonctionne, comme le Braunschweigisches Journal, sur la base d'articles envoyés à l'éditeur (voir, à titre d'exemple, ce qu'écrit Reimarus à Knigge en novembre 1792, in: Knigge, Adolph, Aus einer alten Kiste. Originalbriefe, Handschriften und Dokumente aus dem Nachlasse eines bekannten Mannes, Garber, Jörn (éd.), Meisenheim / Glan 1979 [première édition 1853], pp. 99-101). Il ne semble toutefois pas que Hennings ait personnellement engagé des auteurs à contribuer au Schleswigsches Journal, comme l'avait fait Campe. Lettre du 15 octobre 1792, (St. u. UB Hamburg. Nachlaß Hennings, vol. 11, fol. 123 sqq.). Les lois du marché cèdent pourtant aux lois de l'amitié : A Trapp et Mauvillon, il payait 5 Thaler par «Bogen» (lettre à Hennings du 26 novembre 1792). Lettre à E. Reimarus du 27 janvier 1792, (St. u. UB. Hamburg, Nachlaß Hennings, vol. 57, fol. 209 sqq.). Lettre du 17 septembre 1787, in: Briefe von und an Joachim Heinrich Campe 1765-1788, p. 499. L'offre, d'autant plus avantageuse qu'elle concerne le «Bogen in klein Format», dépasse l'honoraire moyen versé pour des textes originaux, mais elle est loin de ce que touchaient, par exemple, Wieland ou Klopstock (voir Kiesel, Helmuth et Münch, Paul, op. cit., pp. 147-148). L'équivalence 1 Dukat/2 Thaler 20 Groschen est indiquée par les éditeurs dans Br.J. 88.Π.6 p. 256. Le Thaler utilisé ici est le «Konventionsthaler » dont le titre avait été décidé par Franz Joseph en 1748 (voir Friedensburg, Ferdinand, Münzkunde und Geldgeschichte der

o u que le papier, plus rare, est devenu plus coûteux, les honoraires seront moindres. 154 Par là, C a m p e participe pleinement du développement du marché littéraire caractéristique de la fin de l'Aufklärung 1 5 5 et du refus des canaux traditionnels d ' é c o u l e m e n t de la production livresque, ce dont témoignent également les recensions faites dans le Braunschweigisches

Journal

- 12,3 %, de celles q u ' o n y trouve

concernent des ouvrages publiés par la Braunschweigische

Schulbuchhandlung

-

ainsi que les conditions avantageuses d'achat proposées dans quelques livraisons. 1 5 6 Les unes c o m m e les autres manifestent le désir de promouvoir un marché du livre qui mette en contact direct l'éditeur et le lecteur et reste donc indépendant des grandes foires. 1 5 7 A i n s i conçue, la publication d'un journal est une entreprise moderne orientée vers le profit. D e fait, les premières années de publication s'avèrent rentables : chacun des 7 5 0 exemplaires est vendu au prix de huit Groschen, 1 5 8 ce qui signifie que le revenu brut de la revue est de 2 5 0 Reichsthaler par numéro, soit 3 0 0 0 Thaler par an. A f i n de déterminer les coûts de production et, par conséquent, le revenu net de la revue, on ne peut, e n l'absence de livres de comptes, dépasser ici une simple estimation: lorsque Campe, en 1792, prépare la cessation de la revue à Hennings, il lui présente c o m m e très avantageux le contrat n é g o c i é a v e c Hammerich.

Einzelstaaten des Mittelalters und der Neueren Zeit, [Handbuch der mittelalterlichen und neueren Geschichte, IV], München / Berlin 1926, p. 117. 154 A Cunze, par exemple, il ne propose en janvier qu'un ducat seulement par «Bogen» (lettre du 17 janvier 1789. Cité d'après le manuscrit établi par Hanno Schmitt). 155 Voir Bürger, Christa, «Literarischer Markt und Öffentlichkeit am Ausgang des 18. Jahrhunderts in Deutschland», in: Bürger, Christa, Bürger, Peter et Schulte-Sasse, Jochen (éd.), Aufklärung und literarische Öffentlichkeit, [Hefte fur kritische Literaturwissenschaft, 2], Frankfurt/M. 1980, pp. 162-212. Nous ne revenons pas ici sur les conflits qui, désormais, peuvent jaillir des intérêts divergents des éditeurs et des auteurs, conflits qui apparaissent à travers la polémique entre Campe et Moritz (Br. J. 90.V.4 p. 52. Sur cette polémique, voir Marx, Rainer et Sauder, Gerhard (éd.), Moritz contra Campe. Ein Streit zwischen Autor und Verleger im Jahre 1789, [Kleines Archiv des achtzehnten Jahrhunderts, 18], St.-Ingbert 1993). 156 Un exemplaire est offert, par exemple, pour l'achat de n e u f - Br.J. 88.IX.7 p. 128 - ou de dix autres - Br. J. 91.VU5 p. 384. 157 Sur la réforme du système des foires qui s'opère à la même époque, voir Goldfriedrich, Johann, op. cit., pp. 199-204. 158 Ce prix est indiqué sur la quatrième de couverture de l'édition de juin 1790 : «Dieses Journal wird mit dem Anfang jedes Monats nach allen Hauptorten Deutschlands versandt, wo es in den ansehnlichsten Buchhandlungen und auf allen Postämtern, durch Besorgung des hiesigen Hochf. Hofspostamts und des hiesigen kais. Reichspostamts für 8 ggr. zu haben ist. Vier Hefte machen einen Band aus» (cité in Herwig, Wolfgang, op. cit., p. 72). Le Braunschweigisches Journal qui comporte 7,5 «Bogen» coûte, par exemple, le même prix que le Politisches Journal de Schirach - que H. Böning qualifie de «konkurrenzfähig» - qui n'en comprend que six en moyenne. Voir Böning, Holger, «,Ein wahrer Philosophischer Royalist'. Gottlieb Benedikt von Schirach und seine publizistische Tätigkeit», in: Weiss, Christoph et Albrecht, Wolfgang (éd.), Von « Obscuranten » und « Eudämonisten ». Gegenaufklärerische, konservative und antirevolutionäre Publizisten im späten 18. Jahrhundert, [Literatur im Kontext. Studien und Quellen zur deutschen Literatur- und Kulturgeschichte vom 18. Jahrhundert bis zur Gegenwart, 1], St. Ingbert 1997, p. 409. 27

Wenn also auch dieser Maßstab [le coût de production de la revue] für die Zukunft angenommen wird : so würden wir Sie unter der Voraussetzung, daß Sie selbst keine Zeile dazu lieferten, für die Bemühung des Herausgebers (nach den von mir entworfenen Bedingungen), jährlich 320 rth empfangen. 159

Si on décompte du revenu annuel du Braunschweigisches Journal (3000 Thaler) ces 320 thaler, on peut estimer les coûts de production à 2680 Thaler, soit 89,3 % du revenu brut. Ce rapport est sensiblement le même que celui qu'on peut établir pour d'autres journaux de l'époque. Goldfriedrich, par exemple, a publié les comptes de la Frankfurter Postamtszeitung de 1799 : le revenu brut en était environ de 4674 Thaler et les coûts de production s'élevaient à 3919 Thaler160 soit près de 84 % du revenu brut. Si on soustrait du revenu brut les rentrées d'argent que représentent les avertissements - source d'argent qui n'existe pas dans le Braunschweigisches Journal - , le revenu brut s'élève à 4341 Thaler dont 90 % couvrent les frais de production. Si, en dépit de certaines différences,161 on poursuit la comparaison entre ces deux revues,162 on peut constater que les sommes payées aux rédacteurs de la Frankfurter Postamtszeitung s'élèvent à près de 11 % de son revenu brut, rapport sensiblement analogue à celui du Braunschweigisches Journal. En effet, ses auteurs touchent 4 Thaler par feuille (« Bogen »), soit environ 6 Groschen par colonne, 163 et coûtent aux éditeurs 30 Thaler par numéro publié (soit 12 % du revenu brut),164 même si, pratiquement, les auteurs d'un tiers des articles au moins ne demandent pas d'honoraires, ce qui réduit d'un tiers les sommes allouées aux auteurs.165 La publication du Braunschweigisches Journal rapporte donc à ses éditeurs 14,2 % du revenu brut, ce qui suffit à leur assurer, dans la mesure où l'édition de la revue ne constitue pas leur source principale de revenus,

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Lettre à Hennings, 15 octobre 1792 (St. u. UB Hamburg. Nachlaß Hennings, vol. 11, fol. 123 sqq.). Goldfriedrich, Johann, op. cit., p. 315. Parmi les coûts à déduire, Goldfriedrich cite le prix de l'expédition, 2098 Reichsthaler 18 gr., le salaire des auteurs, 468 Rthlr. 5 gr., le salaire du copiste, 88 Rthlr. 8 gr., l'impression, 640 Rthlr. et le papier, 624 Rthlr. qui, exprimés respectivement sous la forme de pourcentage, donnent 44 %, 10 %, 1,8 %, 13,6 % et 13,5 %. La Frankfurter Postamtszeitung coûte ainsi un peu moins cher que le Braunschweigisches Journal, ce que peut expliquer un nombre d'abonnés plus grand. Pareillement, la comparaison établie ici, qui ne vise qu'à donner un ordre de grandeur, ne prend pas en compte, par exemple, une éventuelle fluctuation des cours du prix du papier. Nous faisons ici aussi abstraction des revenus dus aux avertissements. Voir la lettre du 14 février 1792 envoyée par Trapp à Campe (à paraître dans le second tome des Briefe von und an Joachim Heinrich Campe) : Campe, durant le premier trimestre a publié «223 Col. d. i. 14 Bogen weniger 1 Columne. [...] Das Honorar hiefiir à 4 th. pr. Bogen ist mir im Namen v. P. Trapp von der Schulbuchhandlung mit 55 Th. 18 ggr entrichtet worden» (souligné par nous). Une colonne correspond ici à une page de la revue. Chaque livraison comporte en moyenne 120 pages. Voir la lettre du 15 octobre 1792 à Hennings: «Bei den bisherigen 4 Jahrgängen ist wenigstens 1/3 der Handschrift. Materialien dem Herausgeber gratis zugeschickt worden». (St. u. UB Hamburg. Nachlaß Hennings, vol. 11, fol. 123 sqq.). Les sommes payées aux auteurs ne s'élèvent, dans ces conditions, qu'à 8 % du revenu brut de la revue.

un salaire d'appoint n o n négligeable 1 6 6 puisqu'à la m ê m e époque, un professeur d'université touche annuellement de 2 0 0 à 3 8 0 Thaler. 1 6 7 N é g l i g e r le caractère commercial des revues peut aboutir à la formulation de certains contre-sens. Ainsi, L. Kientz, citant une lettre ampoulée de Mercier datée du 3 décembre 1791, affirme qu'elle «arrive à point pour ranimer l'ardeur de Campe et pour confirmer sa m i s s i o n », 1 6 8 Or, il est p e u probable que Mercier ait pu encore à cette époque exercer quelque influence sur un Campe qu'il avait déçu. Dans une lettre inédite de Campe à Meister, celui-ci se plaint en e f f e t que Mercier, oublieux de ses engagements, ait o m i s de lui faire parvenir un paquet de livres. C a m p e qui les avait apparemment promis à quelque client de Brunswick, craint de voir c o m p r o m i s e sa réputation de libraire et demande à Meister de le tirer de cet affreux embarras - car c'en est un pour celui qui jouissoit jusqu'ici de la renommée d'un homme sûr, de se voir exposé par la négligence de ce qu'il vouloit servir en ami, aux reproches de manque de parole et de tromperie. [...] Si je ne me suis pas trompé grossièrement dans le caractère moral de Möns. Mercier, je ne serai pas le seul qui vous aura les plus grandes obligations; il vous en aura aussi, de l'avoir mis au fait d'une injustice, à la réparation de laquelle son propre honneur est intéressé. 169 C'est aussi parce qu'une entreprise c o m m e l'édition d ' u n e revue doit être rentable que C a m p e adopte parfois des positions quelque peu surprenantes de la part d'un Aufklärer: dans la lettre qu'il envoie à H e n n i n g s pour lui présenter les termes du contrat qu'il a n é g o c i é avec Hammerich, il semble voir dans la réduction de la liberté de la presse, qui frappe de plus e n plus l ' A l l e m a g n e , une occasion de faire de meilleures affaires : Da der freimüthigen Zeitschriften immer weniger werden und schon deswegen der Beifall für dieses Journal mit jedem Monat zunimmt, so daß in den letztverflossenenen 7 Monaten über 150 Exemplare mehr abgegangen sind, als vorher: so halte ich es für sehr wahrscheinlich, daß der Debit im künftigen Jahre wenigstens um 100 Ex. zunehmen wird. 170

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Voir Saalfeld, Dietrich, «Lebensstandard in Deutschland 1750-1860. Einkommensverhältnisse und Lebenshaltungskosten städtischer Produzenten in der Übergangsperiode zum Industriezeitalter», in: Bog, Ingomar, Franz, Günther, Kaufhold, Karl Heinrich, Kellenbenz, Hermann et Zorn, Wolfgang (éd.), Wirtschaftliche und soziale Strukturen im säkularen Wandel, [Schriftenreihe für ländliche Sozialfragen, 70], Hannover 1974, pp. 419-422. D'après les statistiques qu'il propose à partir des travaux de Schmoller, il apparaît que les éditeurs des deux revues touchent annuellement pour cette tâche près de trois fois et demie le salaire annuel d'un artisan menuisier et quatre fois et demie celui d'un ouvrier urbain. Si même ils vivaient de l'édition seulement de la revue, ils se rangeraient dans la catégorie de ceux qui ont un salaire «auskömmlich». Voir Haferkorn, Hans Jürgen, «Lebenshaltungskosten und Einkünfte», in: Ide, Heinz et Lecke, Bodo (éd.), Ökonomie und Literatur. Lesebuch zur Sozialgeschichte und Literatursoziologie der Außdärung und Klassik, Frankfurt a. M./Berlin/München, 1978, pp. 134—137. Kientz, Louis, op. cit., p. 32. Archives Reinhart, Winterthur, n°151 /3. Lettre du 15 octobre 1792 (St. u. UB Hamburg. Nachlaß Hennings, vol. 11, fol. 123 sqq.). 29

F. Sommer, dans sa thèse sur la Wiener Zeitschrift de Hoffmann, offre un autre exemple des tensions qui existent, chez Campe, entre le libraire et l'Aufklärer: alors qu'Hoffmann, à la lecture des revues, peut être perçu comme leur pire ennemi,171 la Schulbuchhandlung commande la Wiener Zeitschrift et ses responsables se plaignent lorsque la livraison prend du retard.172 En dépit du souci de Campe que le Braunschweigisches Journal soit rentable, on ne saurait, cependant, réduire ce dernier à une simple entreprise capitaliste. Campe, en effet, est disposé à diminuer son profit - ce qu'illustre aussi le prix modique de la revue - afin de propager l'Aufklärung. 173 Et il n'est d'ailleurs pas le seul à accepter un tel sacrifice, puisque, on l'a vu, au moins un tiers des articles envoyés entre 1788 et 1791 l'est à titre bénévole par des auteurs désireux de participer à la constitution de cette «Öffentlichkeit» à laquelle invitent les éditeurs, convaincus que «jedes einzelne Mitglied [ihrer] Gesellschaft nur ein einzelner Bürger in der Gelehrtenrepublik, mithin weder das ganze Publicum, noch ein Stellvertreter desselben sey». 174 En janvier 1793, quand Hennings prend effectivement en charge l'édition du Schleswigsches Journal, il invite à son tour le public à participer au débat. De même, il manifeste le même souci de contribuer à la «Verbreitung nützlicher Wahrheiten» et de favoriser la discussion.175

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Les auteurs des revues

Faute de pouvoir estimer la nature du public176 auquel s'adressent les revues (dont l'écho est supérieur à ce que laisseraient supposer les 750 exemplaires tirés), on 171 172

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Voir infra, chapitre VU 10. Sommer, Friedrich, Die Wiener Zeitschrift (1792-1793). Die Geschichte eines antirevolutionären Journals, Zeulenroda/Leipzig 1932, p. 103. Quand il cède la revue à Hennings, Campe lui transmet gratuitement les articles dont il dispose encore (lettre du 18 décembre 1792). Br.J. 88.1.1 p. 11. Voir aussi p. 14: l'un des devoirs des éditeurs consiste en ceci «daß die Herausgeber sich der größten Unparteilichkeit befleißigen; keine Parthei oder Sekte begünstigen, und Jedweden, wer er auch seyn mag, seine Meinung mit ihren Gründen ungehindert sagen lassen [...] ». Schl.J. 93.1.1 p. 1. On retrouve aussi la même volonté de ne point laisser les débats entre lettrés dégénérer en polémique ou en attaques personnelles : «Persönlichkeiten fallen ganz weg. Auch im schlechten Schriftsteller muß der Mensch geehrt [...] werden. [...] Was auch debattirt und bestritten wird, so ist Urbanität, Achtung gegen jedermann, Vermeidung aller unverdienten Herabwürdigung und Anzüglichkeit ein Hauptgesetz von dem der Herausgeber nie im geringsten sich entfernen wird, selbst wenn Mißthaten in der gelehrten Republik, dergleichen, leider, zu unseren Zeiten begangen werden, zu rügen ist» (pp. 2-3). On peut supposer que le public auquel s'adresse le Braunschweigisches Journal recoupe sociologiquement celui des souscripteurs de ΓAllgemeine Revision qu'a, en outre, bien étudiée Christa Kersting (Die Genese der Pädagogik im 18. Jahrhundert. Campes „Allgemeine Revision" im Kontext der neuzeitlichen Wissenschaft, Weinheim 1993). Il est impossible, en revanche, de déterminer précisément à qui s'adressait le Schleswigsches Journal.

peut dresser un portrait sociologique de ceux qui y participent. Au nombre de 81,177 ils sont en moyenne proches de la quarantaine au moment où éclate la Révolution. Parmi eux figurent 53 pédagogues - dont 18 sont également théologiens - 5 théologiens non pédagogues, 10 juristes, 4 médecins et un commerçant.178 Pour ce qui est des pédagogues, ceux qui écrivent dans le Braunschweigisches Journal représentent tous les types d'enseignement, des instituts privés aux universités, en passant par le préceptorat. Tous les grades universitaires - du «Hofmeister» au professeur d'université - sont également représentés. A cette diversité des fonctions occupées par les rédacteurs correspond celle des lieux où ils enseignent. Si le Braunschweigisches permet à une bonne partie de « l'Allemagne pédagogique » de s'exprimer, plusieurs régions sont particulièrement représentées : Dessau (ou ont exercé Campe, Trapp, Salzmann ou C. W. Lorenz) et Schnepfenthal (où ont enseigné cinq des auteurs des journaux : Salzmann, le fondateur, Trapp et Lenz, de nouveau, et enfin J. C. F. Gutsmuths), deux hauts-lieux de la réforme philanthropique ainsi que Brunswick. D'un point de vue sociologique, les auteurs des revues couvrent donc l'ensemble des catégories professionnelles qui, en Allemagne, ont porté Γ Aufklärung. Dans son effort pour cerner les contours sociologiques du public régissant la «bürgerliche Öffentlichkeit» durant le dix-huitième siècle, Habermas, écrit ainsi : Ihr Kern sind die Beamten der landesherlichen Verwaltung, vornehmlich Juristen. Hinzu kommen Ärzte, Pfarrer, Offiziere und Professoren, die Gelehrten, deren Stufenleiter sich über Schulmeister und Schreiber zum Volk hin verlängert. 179

Cette définition recoupe celle que R. Vierhaus, un an avant lui, donnait des « clercs » (« Gebildete ») : die Schicht derer, die entweder Universitäten und andere höhere Schulen (gymnasii illustri) besucht hatten oder auf anderen Wegen an der wissenschaftlich-philologisch bestimmten Bildung der Zeit partizipierten, die wissenschaftliche und schöngeistige Literatur verfolgten oder auch selber schrieben und einen Beruf ausübten, der .gelehrte Bildung' voraussetzte.1

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Ce comptage fait abstraction des auteurs dont les textes sont cités, mais qui n'ont pas envoyé eux-mêmes leur contribution aux revues - comme Mirabeau ou Romilly. Etant donné le peu d'informations dont nous disposons sur un grand nombre des auteurs, les chiffres indiqués ici et plus bas ne représentent que des valeurs minimales. Habermas, Jürgen, op. cit., p. 33. Vierhaus, Rolf, Deutschland vor der Französischen Revolution. Untersuchungen zur deutschen Sozialgeschichte im Zeitalter der Aufklärung, Habil. Sehr., Münster 1961, p. 244. La définition donnée par les historiens contemporains s'accorde avec celle des Aufklärer qui, à l'instar de Friedrich Cari Trant, définissaient «die Gelehrten von Profession» comme les «Lehrer an Universitäten und lateinischen Schulen, Aerzte, Juriskonsuiten und praktische Juristen, Prediger, zumal Hof= und Stadtprediger» (cité in Br.J. 91.Π.3 p. 212). On peut constater aussi que les auteurs des revues sont issus des mêmes milieux que les promoteurs de la «Volksaufklärung» - voir Böning, Holger, «Gemeinnützig-ökonomische Aufklärung und

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Même si, pour des raisons sur lesquelles il faudra revenir, la proportion de pédagogues est sensiblement inférieure dans le Schleswigsches Journal où, sociologiquement, dominent les juristes,181 c'est globalement le même groupe qui constitue donc, entre 1788 et 1793, les auteurs des deux revues. De surcroît, on trouve représentées dans ces revues toutes les formes de la sociabilité éclairée : des membres de l'Académie de Berlin, des sociétés patriotiques, des sociétés de lecture et, pour ce qui concerne les sociétés secrètes, de la franc-maçonnerie, des Illuminés ou de la « Deutsche Union » de Bahrdt. Néanmoins, fonder l'étude des deux revues sur des considérations sociologiques paraît insuffisant au regard du peu d'indications dont nous disposons sur la plupart des auteurs. Il eût été possible de choisir parmi eux les cinq auteurs qui ont publié au moins dix articles - Campe, Hennings, Stuve, Trapp et Winterfeld182 mais un tel choix méthodique interdirait a priori de rendre compte de la richesse des revues, en réduisant l'étude du Braunschweigisches et du Schleswigsches Journal à l'analyse de cinq réactions face à la Révolution française et ce, d'autant plus, que le nombre d'articles anonymes augmente au fil des années.183

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Choix méthodiques

La place croissante occupée par les textes anonymes est une des raisons qui feront renoncer, ici, à une analyse ne prenant en compte qu'un certain nombre de textes. Une telle démarche serait, certes, légitime pour des revues184 ou une seule, dont la

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Volksaufklärung. Bemerkungen zum Selbstverständnis und zur Wirkung der praktisch-populären Aufklärung im deutschsprachigen Raum», in: Jüttner, Siegfried et Schlobach, Jochen (éd.), Europäische Aufldärung(en). Einheit und nationale Vielfalt, [Studien zum Achtzehnten Jahrhundert, 14], Hamburg 1992, pp. 227-230. La majorité du personnel rédactionnel change entre les deux revues : parmi les 81 auteurs des deux revues, 46 participent au seul Braunschweigisches Journal, 20 seulement au Schleswigsches Journal et 15 - soit près de 19 % - aux deux. On doit respectivement à Campe 55 textes, 22 à Stuve, 16 à Hennings, 15 à Winterfeld et 10 à Trapp. Il ne s'agit, ici, que de textes dont la paternité est établie avec certitude. La proportion de textes anonymes dans les deux revues est la suivante: 1788: 11,7 %; 1789: 18,4 % ; 1790: 43 %; 1791:49 % ; 1792: 53,6 %; 1793: 80 % (Il s'agit ici d'articles publiés sans nom d'auteur - qu'ils aient ou non pu être attribués, depuis, à l'un ou à l'autre et ni les annonces ni les recensions ne sont ici prises en compte). Voir, par exemple, Moes, Jean, «Les revues publiées par Justus Moser dans sa jeunesse», in: Grappin, Pierre (dir.), L'Allemagne des Lumières. Périodiques, Correspondances, Témoignages, Paris 1982, pp. 103-162. Jean Mondot, dans Wilhelm Ludwig Wekhrlin. Un publiciste des Lumières, [Thèse d'Etat], Bordeaux 1986, a pu, pour sa part, présenter un tableau des différentes revues publiées par Wekhrlin, en un travail qui constitue tout à la fois une biographie de cet auteur et une analyse des sources et des composantes de son idéologie. Dans la perspective qui nous intéresse ici, c'est-à-dire la réception, en Allemagne, de la Révolution, Jean Mondot n'a pas besoin de mettre explicitement en rapport les réactions de Wekhrlin face aux événements de France et son jugement sur les réalités allemandes, dans la mesure où les autres

rédaction est assumée prioritairement par un auteur unique - ou, au moins, la ligne idéologique clairement déterminée par un seul - et dont le champ thématique est assez restreint - comme la Wiener Zeitschrift185 ou le Genius der Zeitm par exemple - ou encore pour une recherche se concentrant sur un aspect particulier : H. Halm a ainsi choisi de montrer que dans Die Zeitung fiir die elegante Welt s'expriment successivement les principaux courants littéraires de l'Allemagne entre 1801 et 1844.187 Il serait en revanche réducteur d'appliquer cette méthode à des revues rédigées par un grand nombre d'auteurs et dont le contenu est très varié comme le Braunschweigiscb.es et le Schleswigsches Journal, si l'on veut en percevoir vraiment la complexité thématique. Plus irrecevable encore est le principe adopté par G. Schulz qui organise la majeure partie de son étude des Horen de Schiller en prenant successivement les articles selon l'ordre alphabétique de leurs auteurs.188 Un tel choix est peut-être envisageable à propos d'une revue comme les Horen, mais procéder ainsi pour analyser le Braunschweigisches et le Schleswigsches Journal interdirait d'emblée de parvenir à une image tout à la fois diachronique et synchronique des revues, et constituerait un appauvrissement, en ce qu'il serait exclu de retenir les articles demeurés anonymes. En dépit de son intérêt, le travail de classification opéré par U. Schulz des articles de la Berlinische Monatsschrift ne saurait davantage servir de modèle pour l'étude du Braunschweigisches et du Schleswigsches Journal.1*9 Plus intéressante est la tentative, déjà ancienne, de H. Wahl190 qui tente de conjuguer une analyse du rôle des principaux

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pans de son étude les font clairement apparaître. Une telle démarche, pour fructueuse qu'elle soit dans le cas du publiciste Wekhrlin, ne saurait, cependant, être appliquée ici. Voir Sommer, Friedrich, op. cit. Voir Süllwold, Erika, op. cit. Récemment, Matthias Beermann a publié une excellente étude, Zeitung zwischen Profit und Politik. Der «Courier du Bas-Rhin» (1767-1810), [DeutschFranzösische Kulturbibliothek, 4], Leipzig 1996, dans laquelle il conjugue un examen minutieux des conditions économiques de la naissance et de l'expansion d'une revue, ainsi que de sa signification dans la propagation de l'information. Dans la partie consacrée aux événements politiques dont le Courier se fait l'écho, Beermann peut se contenter de faire la synthèse des positions adoptées par la revue, dans la mesure où sa ligne directrice est déterminée largement par Manzon, son fondateur. Recourir à cette méthode, pour analyser le Braunschweigisches et le Schleswigsches Journal, serait, cependant, insuffisant, car cela négligerait qu'ils constituent, fondamentalement, des forums où peuvent s'exprimer des opinions très différentes, voire contradictoires. Halm, Hans, Die Zeitung für die elegante Welt (1801-1844). Ihre Geschichte, ihre Stellung zu den Zeitereignissen und zur zeitgenössischen Literatur, München, Phil. Diss., Sulzbach 1924. Schulz, Günter, Schillers Horen. Politik und Erziehung. Analyse einer deutschen Zeitschrift, [Deutsche Presse Forschung, 2], Heidelberg 1960. Schulz, Ursula, Die Berlinische Monatsschrift (1783-1796). Eine Bibliographie, [Bremer Beiträge zur freien Volksbildung, 11], Bremen 1969. Il s'agit ici d'un simple répertoire des articles de la Berlinische Monatsschrift accompagné d'une courte introduction. Paul Hocks et Peter Schmitt ont entrepris un tel classement des principaux organes de la «Berliner Spätaufklärung» qu'ils ont doublé d'un précieux index thématique (Index zu deutschen Zeitschriften der Jahre 1773-1830. Abteilung I. Zeitschriften der Berliner Spätaufklärung, Nendeln 1979). Wahl, Hans, op. cit.

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rédacteurs du Teutscher Merkur et une perspective chronologique, quoiqu'elle manque d'une certaine précision palliée, en partie, depuis, par les index établis par T.C. Starnes.191 Si l'on désire montrer le plus précisément possible la réception de la Révolution française dans le Braunschweigisches et le Schleswigsches Journal, une autre méthode s'impose, comme le prouve une première comparaison entre les deux revues. Formellement, elles se ressemblent. Leur format est in octavo et la police de caractères ne change qu'en 1793.192 En moyenne, les livraisons du Braunschweigisches Journal et du Schleswigsches Journal comportent respectivement 127,8 et 128,7 pages.193 On peut dénombrer dans le premier 288 articles auxquels viennent s'ajouter 34 recensions et 35 annonces («Nachrichten» ou «Anzeige»), 194 dans le second 177 articles, 2 recensions et 5 annonces, soit une moyenne de 7,4 articles par livraison du Braunschweigisches Journal et de 7,6 articles pour le Schleswigsches Journal}95 En dépit de ces ressemblances formelles, on peut d'emblée mettre en lumière deux différences frappantes: le champ thématique évolue au fil des années196 et la proportion d'auteurs anonymes augmente, on l'a vu, sans cesse, passant de 11,8 % à 80 %. Négliger ces textes anonymes, toujours plus nombreux, en ne retenant que les articles signés ou dont l'auteur aurait été identifié avec certitude, fausserait inévitablement l'analyse. Pour que cette dernière aboutisse à des résultats fiables, il faut d'abord que, dans une perspective tout à la fois diachronique et synthétique axée sur les principaux thèmes traités, elle porte sur la totalité des articles des deux revues, perçues, par conséquent, comme un «diskursiver Gesamtzusammenhang». En second lieu, afin de rendre compte de l'évolution thématique dans les revues et de pouvoir, par là, subsumer la diversité des sujets traités,197 il était indispensable d'opérer un classement des thèmes. Plusieurs critères étaient envisageables : dans l'article liminaire du Braunschweigisches Journal, les éditeurs, en se proposant de 191 192

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Stames, Thomas C., Der Teutsche Merkur. Ein Repertorium, Sigmaringen 1994. Durant la dernière année, les caractères d'imprimerie changent et les chiffres indiqués en entête sont romains, et non plus arabes. Globalement, le Braunschweigisches Journal comporte 6134 et le Schleswigsches Journal 3089 pages. Voir le programme de la revue (Br.J. 88.1.1 p. 12) où les éditeurs annonçaient leur désir de publier des «Nachrichten von solchen Schul= und Erziehungsbegebenheiten, welche der öffentlichen Aufmerksamkeit würdig scheinen ». Si l'on ne prend en compte ni les recensions ni les annonces, la moyenne est respectivement de 6 et de 6,3 articles. Voir Appendice Π, 1.1 etn.1.2. A titre d'exemple, on trouve des articles consacrés à la santé et la salubrité publiques - Br. J. 89.1.1 pp. 4 - 5 ; 89.1.2 pp. 15-19; 89.1.2 p. 23; 89.1.7 pp. 107-114; 89.Vm.8; 89.XI.2; 90.ΙΠ.2; 90.ΙΠ.5 pp. 326-327; 91.ΧΠ.6; Schl.J. 92.VH.5 pp. 335-345; 92.XI.3 p. 334; 93.ΙΠ.3 p. 284; 93.IV.2; 93.IV.3 pp. 4 5 3 ^ 5 6 ; aux comportements sociaux - 89.IX.6 pp. 114-116; 89.XI.3 pp. 348-350, 354; 90.IX.1 p. 17; Schl.J. 92.ΧΠ.3 pp. 431—433 ; 93.ΙΠ.3 ; 93.VH.10 p. 370 ; aux problèmes économiques - 88.VI.4 p. 254 ; 90.Vm.ll - ou aux progrès techniques Br. J. 89.X.4 ; 91 .X.3.

publier, dans la revue, tout ce qui touche au bonheur de l'humanité, ouvrent un large champ qu'ils circonscrivent pourtant aussitôt, en précisant quelles seront les matières traitées : la philologie, pourvu qu'on n'entende point par là une science vainement érudite mais un instrument éducatif, la pédagogie, la philosophie, pourvu que l'on comprenne par là non la philosophie pratique, mais une philosophie visant à l'éducation [Bildung] et au bonheur des peuples.198 Les thèmes abordés effectivement dans les revues dépassant ceux qui avaient été annoncés en janvier 1788, il s'est avéré impossible de choisir ces derniers comme principe de classement. La tentative d'ordonner les articles conformément à l'ordre établi par Ersch dans 1 'Allgemeines Repertoriumm a été abandonnée, car un tel classement se révélait, lui, trop précis pour permettre, en définitive, de tirer des conclusions probantes. Les textes des revues ont, par conséquent, été classés selon les rubriques suivantes : A Β C

Réflexions sur PAufklärung Pédagogie Philosophie

D E F

Religion Politique Problèmes de 1'Öffentlichkeit 100

Déterminant a été, dans ce classement, le nombre, non des articles, mais des pages. Il va de soi qu'un tel classement a toujours un certain caractère arbitraire car les limites entre les différents domaines sont ténues. Les réflexions sur l'Edit de Wöllner ou les réformes pédagogiques ont, par exemple, une évidente portée politique. Pour des raisons de clarté, nous avons renoncé, à de rares exceptions près, à classer les textes dans plusieurs rubriques à la fois, mais, prenant en considération la dimension politique de certaines réflexions sur la pédagogie et la religion, nous proposons également un second type de classement : alors que, dans le premier, on a rangé rigoureusement les articles dans les rubriques dont ils relèvent directement,201 dans le second, on a rangé aussi sous la rubrique «politique» les articles concernant les rapports de l'éducation et de la société, l'Edit de Wöllner et la censure, ce qui, selon les années, fait varier l'importance du champ politique de 1 à 6 % sans pour autant modifier l'évolution générale des différents thèmes dans les deux revues.202 Si l'on considère cette évolution,203 on peut constater, en 1788, la primauté des questions pédagogiques (64 %-59 % dans le second classement). La majorité des textes concerne les principes d'une réforme de la pédagogie et son application aux 198 199

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Voir Br.J. 88.1.1. p. 2. Ersch, Johann Samuel, Allgemeines Repertorium der Literatur für die Jahre 1785 bis 1790, Bern 1969 [reprint de l'édition de 1793]. Sous une dernière rubrique [G] ont été classés les textes ne correspondant à aucune des autres rubriques. Voir Appendice Π, 1.1. Voir Appendice Π, 1.2. La fréquence de textes portant sur Γ Aufklärung ou la philosophie ne signifiant rien en soi, on ne reviendra sur eux qu'au fil des analyses.

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langues anciennes, ce qui vaut aussi pour 1789, où la moitié environ des revues est encore consacrée à la pédagogie (53 ou 48 %). Par la suite, alors que l'importance de cette problématique décroît sensiblement pour n'occuper pas même 10 % des pages du Schleswigsches Journal, la plupart des articles pédagogiques continuent de constituer une défense des principes d'une réforme de l'enseignement, ce qui paraît indiquer que les thèses des «Neupädagogen» ne sont probablement toujours pas admises et explique sans doute, en partie, que certaines réflexions sur les réformes de la pédagogie, publiées en 1793, traduisent un certain scepticisme quant à leur validité réelle.204 Pour ce qui est des questions religieuses, l'évolution est plus fluctuante, et il faut relever, surtout, la part croissante prise jusqu'en 1790 dans le Braunschweigisches Journal, par la controverse sur Γ Edit de Wöllner - où elle concerne près d'un quart des questions religieuses traitées, et cette proportion est plus grande encore si l'on ajoute les textes dénonçant les menées de l'Orthodoxie, selon lesquels elle vise à une uniformisation des croyances et des pratiques religieuses. Cette proportion reste égale jusqu'à ce que la revue quitte Brunswick pour Altona où règne une plus grande liberté religieuse. Dans le Schleswigsches Journal, la lutte contre l'Orthodoxie et Γ Edit de Wöllner est néanmoins poursuivie, mais indirectement, par la publication de textes d'inspiration déiste. Le domaine que nous appelons «publicité» pour rendre le terme allemand de « Öffentlichkeit »,205 est caractérisé, au fil des années, par une défense plus grande de la liberté de presse206 - doublée d'une réflexion sur le bon usage de celle-ci - et l'insistance de plus en plus forte sur la nécessité, pour les lettrés, de respecter, lorsqu'ils débattent, un certain nombre de règles non écrites.207 La seconde caractéristique du champ de la publicité est l'importance, quasiment constante au fil des années, des débats sur les sociétés secrètes. La proportion de textes politiques croît régulièrement, passant de 1 % en 1788, à 56 % en 1793 (de 7 % à 56 % selon le second classement).208 Ces textes accordent une place considérable à la Révolution. Ceux qui portent directement sur les événements de France ou reflètent les débats qu'ils provoquent en Allemagne 204

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Cette évolution a incontestablement partie liée aussi au changement de personnel des deux revues. Si 45 pédagogues participent en effet au Braunschweigisches Journal, seuls 18 figurent au nombre des rédacteurs du Schleswigsches Journal. On montrera ultérieurement que les composantes de cette catégorie ne sont pas aussi disparates qu'on le pourrait supposer, au premier abord, en examinant les liens entre les différentes formes de la «sociabilité éclairée» qui sont représentées dans les revues, et la conception qu'ont leurs rédacteurs de la mission de l'écrivain. En 1788, le problème de la presse joue également un rôle important, mais il ne concerne que l'utilité des périodiques, non la question de la liberté de la presse. L'importance du respect des règles de la sociabilité dans les débats dépasse en outre largement les limites des articles classés sous [F-4], car un nombre croissant des textes concernant la Révolution française [E-5] sont axés sur cette problématique. On constate un recul de cette évolution seulement en 1791 où la proportion de textes politiques n'est que de 12 %.

constituent ainsi la majeure partie des textes politiques publiés entre en 1789 et 1790, l'année de la publication dans les revues des Briefe aus Paris de Campe. Si statistiquement en 1792, les textes politiques semblent d'abord axés davantage sur des problèmes généraux, cela tient beaucoup à la publication par Hennings de son texte Historisch=moralische Schilderung des Einflusses der Hofhaltungen auf das Verderben des Staates. Plus significative est la moindre proportion d'articles politiques durant le dernier trimestre 1792, après ces moments paroxystiques de la Révolution que sont les massacres de septembre. A la suite de l'exécution de Louis XVI qui fait scandale en Allemagne, on peut constater, au contraire, une multiplication d'articles sur la Révolution, dont il faudra ultérieurement montrer la signification. Ces éléments statistiques ne sauraient évidemment pallier une analyse des réactions face à la Révolution française dans les deux revues mais, d'ores et déjà, ils laissent supposer une interaction entre les différents champs thématiques évoqués et le jugement sur une révolution dont les auteurs ont une connaissance parfois immédiate, chez ces «pèlerins de la liberté» 209 que sont Campe ou Halem,210 mais le plus souvent indirecte, grâce aux journaux - allemands ou étrangers211 - aux ouvrages concernant la Révolution, 212 et aux correspondances privées, qui jouent un rôle non négligeable dans la transmission des informations dont disposent les auteurs des revues.213 C'est précisément la relation entre les positions soutenues majoritairement214 dans les deux revues et le regard porté sur les événements de France, et donc le jeu

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L'expression est d'Albert Mathiez, La Révolution et les étrangers. Cosmopolitisme et défense nationale, Paris 1918, p. 13. Le premier se rend à Paris en août 1789 et le second y séjourne de juillet à décembre 1790. Le discours prononcé le 17 mai 1790 par Péthion de Villeneuve et traduit en 1790 (Br.J. 90.VI.6) est, par exemple, incontestablement tiré du Moniteur Universel n°138, mardi 18 mai 1790, pp. 389-391. Outre le livre de J. H. Meister déjà mentionné et les textes d'opposants à la Révolution évoqués au chapitre IX, ces ouvrages sont principalement l'essai de Samuel Romilly Thoughts on the probable influence of the french revolution on Great-Britain, 1790 (paru in Br.J. 91.V.2 sous le titre «Gedanken über den wahrscheinlichen Einfluß der französischen Revolution auf Großbrittanien») et le pamphlet anonyme John Bull's political creed, 1793 {Schi. J. 93.Χ. 10 «John Bulls politisches Glaubensbekenntnis»). On trouve, en effet, dans celles-ci l'écho d'échanges épistolaires avec des Français - ou des personnes résidant en France depuis longtemps (Campe, par exemple, publie dans le Braunschweigisches Journal des pans entiers d'une lettre qu'il envoie à Meister le 6 décembre 1790) - ou d'Allemands en contact immédiat avec les révolutionnaires français (voir Schi. J. 93.VÜI.5). De telles correspondances reflètent un mode courant de la propagation de l'information au XVHIème siècle (voir, par exemple, l'article récent de François Moureau, «Les nouvelles à la main dans le système d'information de l'Ancien Régime», in: Moureau, François (éd.), De bonne main. La communication manuscrite au XVIIIe siècle, [Bibliographica, 1], Oxford 1993, pp. 117-134). Dans la mesure où notre objectif est ici de montrer la ligne générale des deux revues dans les divers domaines considérés, il n'est guère exclu de parvenir à des conclusions qui diffèrent des positions individuelles de tel ou tel auteur.

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entre la prise de parti pour une politique de réformes en Allemagne et le jugement porté sur la Révolution française, qu'il s'agira de montrer dans cette étude. Après avoir dressé un portrait des revues en s'efforçant de rendre compte de leur spécificité d'organes de l'Aufklärung et, par conséquent, de Γ «Erfahrungshorizont» de leurs auteurs, on expliquera dans quelle mesure les conflits qui mettent aux prises les Aufklärer avec Frédéric-Guillaume II amènent ceux-ci à élaborer de nouvelles positions conditionnant tout à la fois l'interprétation qu'ils proposent des causes de la Révolution française, leur jugement sur les bouleversements qu'elle entraîne et, enfin, le regard qu'ils portent sur la Constitution de 1791. Puis on montrera comment l'expérience de la Révolution incite, à son tour, les Aufklärer à adopter des positions plus modérées sur ce qui touche tant leur programme politique que les modes de propagation de l'Aufklärung, en particulier au sein d'une République des Lettres profondément divisée par la Révolution. Enfin, on montrera que le déni toujours plus radical que les auteurs opposent au cours pris par la Révolution, afin de préserver, autant que faire se peut, les acquis de l'Aufklärung en Allemagne, ne leur permet pas d'échapper à un isolement de plus en plus grand. Au mouvement d'expansion et d'ouverture à l'Autre succède donc un mouvement de repli sur soi qui n'est que le prélude au silence qui s'abat sur le Schleswigsches Journal en décembre 1793.

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I

Pédagogie et religion : un projet de réforme

Etant donné la position centrale occupée par les problèmes religieux durant l'Aufklärung, on serait en droit d'attendre que les auteurs des Braunschweigisches et Schleswigsches Journal fussent sensibles à la manière dont les révolutionnaires français les ont abordés. Or, il n'en est rien. Excepté dans la retranscription intégrale de «l'Adresse» publiée par Mirabeau le premier janvier 1791,1 il n'est jamais directement question de la Constitution civile du clergé et il faut attendre février 1793 pour que, sous la plume de Campe, la religion soit présentée comme l'objet possible d'une Constitution, par l'intermédiaire des «Grundsätze der Gesetzgebung die öffentliche Religion und die Nationalerziehung betreffend». 2 C'est également dans ce texte que, pour la première fois, il est question des problèmes pédagogiques soulevés par les révolutionnaires. Ce peu d'intérêt pour les questions, pourtant décisives, de la pédagogie durant la période révolutionnaire, ne saurait être imputé à un manque de contacts culturels, puisqu'on a pu montrer l'influence que La Chalotais, l'un des pères spirituels de la réforme de l'éducation en France, avait exercée sur Basedow,3 et que l'esprit des réformes entreprises dans les années 60 n'est pas sans ressembler à celui qui anime le mouvement philanthropiste dans les années 1770-1780. En effet, les réformes que Roland d'Erceville, Guyton de Morveau ou la Chalotais ont tenté de mettre en place visaient à perfectionner le niveau des enseignants (par exemple, l'on crée en 1766 le concours d'agrégation), 4 à refonder l'ensemble du système éducatif afin de le ren1

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Cette adresse est publiée dans Br. J. 91.IV.3 pp. 421-459. Il serait intéressant de savoir par quel canal le discours de Mirabeau est parvenu aux éditeurs du Braunschweigisches Journal. Le texte publié ici est, en effet, complet, alors que l'adresse n'avait pu être lue dans son intégralité à l'Assemblée et que le Moniteur ne transcrit que la partie du discours prononcée réellement (voir Moniteur, n°16, 16.1. 1791 pp. 130-132 et n°17, 17.1. 1791 pp. 134-136. Le nom de Camus, dont l'intervention obligea Mirabeau à s'interrompre n'y figure pas, alors qu'il est mentionné dans le Braunschweigisches Journal (91.IV.3 p. 457). La première édition des Discours de Mirabeau [édition Méjan] ne date, elle, que de 1792). Schi. J. 93.Π.1 pp. 129-201. Kiinoldt, Emil, dans Caradeux de la Chalotais und sein Verhältnis zu Basedow: ein Beitrag zur Geschichte der Pädagogik im 18. Jahrhundert, Oldenburg 1897, aimerait, certes, prouver que cette filiation établie par Pinloche (Pinloche, Auguste, Geschichte des Philanthropinismus, Leipzig 1896) n'existe guère, mais il reconnaît lui-même, au cours de son étude, qu'elle est probable. Voir Chassaing, Jean-François et Morange, Jean, Le Mouvement de réforme de l'enseignement en France 1760-1798, [Travaux et recherches de l'Université de Droit et d'Economie et de Sciences sociales de Paris. Série Sciences Historiques, 6], Paris 1974, pp. 64-69 et Grandière, Marcel, L'idéal pédagogique en France au XVIIIe siècle, [= Studies on Voltaire, 361], Oxford 1978, pp. 213-296.

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dre plus efficace, à limiter l'enseignement du latin,5 à développer l'enseignement des matières scientifiques et, enfin, à adopter des méthodes que les Philanthropistes appelleront «anschaulich». 6 Que les réformes pédagogiques ébauchées en France dans les années 60 ne soient guère mentionnées est dû sans doute à l'échec par lequel se soldèrent finalement ces dernières :7 le remplacement, au sein des structures scolaires, des religieux par les laïcs ne fut pas durable8 et les méthodes de l'enseignement restèrent identiques, en définitive, à ce qu'elles avaient été au cours du dix-huitième siècle.9 Le silence des auteurs sur les grands projets de refonte de l'enseignement entre les années 1790 et 1793 est plus surprenant encore, puisque les auteurs des revues ont alors nettement conscience de l'importance qui échoit à l'éducation dans un système ayant rompu avec le despotisme.10 De plus, tant les réalisations de la Révolution dans le domaine de la pédagogie que certains des grands projets de réforme établis d'abord par les Français semblent aller justement dans le sens de ceux proposés par les pédagogues réformateurs allemands: le projet proposé par Talleyrand en 1791 tente, par exemple, de créer un enseignement pyramidal qui, se fondant sur une école primaire, s'efforce de faire des enfants «des hommes plus heureux et des citoyens plus utiles».11 Le système conçu par Talleyrand culmine sous la forme d'un institut national rassemblant les plus dignes représentants des sciences, des lettres et des arts. Le parallélisme entre les projets de réformes philanthropistes et révolutionnaires vaut aussi pour les méthodes dont les révolutionnaires décident la mise en place et il est significatif que, dans l'étude soignée qu'il a consacrée à

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Voir Trénard, Louis, « l'Enseignement de la langue nationale : une réforme pédagogique 17501790», in: Baker, Donald N. et Harrigan, Patrick (éd.), The Making of Frenchmen: Current Directions of the History of Education in France, 1679-1979, Waterloo, Ontario 1980, pp. 95-114, pp. 102-112. Voir Chassaing, Jean François et Morange, Jean-François, op. cit., pp. 46-47. Ibid., pp. 87-90, Frijhoff, Willem et Julia, Dominique, Ecole et société dans la France d'Ancien Régime, Paris 1975, p. 93. Voir Julia, Dominique, «les Professeurs, l'église et l'état après l'expulsion des Jésuites 17621789», in: Baker, Donald N. et Harrigan, Patrick (éd.), The Making of Frenchmen: Current Directions of the History of Education in France, 1679-1979, Waterloo, Ontario 1980, pp. 459-481, pp. 479-480. Sur les méthodes de lecture, par exemple, voir Clayessen, Michel, «L'Enseignement de la lecture au 18e siècle», in : Baker, Donald et Harrigan, Patrick (éd.), op. cit., pp. 63-74. Selon Viguerie, Jean de, «Tableau de la théorie pédagogique pendant la première moitié du 18e siècle», in: Baker, Donald et Harrigan, Patrick (éd.), op. cit., pp. 57-58, l'enseignement de l'histoire constituerait ici une exception. Voir Br. J. 88.VHL7 p. 471 : l'auteur d'un texte sur les Cantons helvétiques affirme, sans que sa proposition soit remise en question par le rédacteur du Braunschweigisches Journal qui en fait la recension, «daß der gemeine Bürger in der Demokratie eine noch edlere und bessere Erziehung haben sollte, als in den übrigen Regierungsformen, weil er in derselben ein getheilter Monarch ist». Pour le projet de Talleyrand, voir Harten, Hans-Christian, «Pädagogische Eschatologie und Utopie in der Französichen Revolution», in: Herrmann, Ulrich et Oelkers, Jürgen (éd.), Französische Revolution und Pädagogik der Moderne, Weinheim/Basel 1990, pp. 25-29.

l'enseignement primaire en France durant la Révolution, Harten ait intitulé le chapitre portant sur ces questions : «Anschauungsunterricht und Spielpädagogik», une formulation littéralement philanthropiste.12 Par la suite, la discussion sur la législation de l'enseignement menée en France aboutit à l'élaboration d'un triple type de projets, projets clairement présentés par Wiltrud Ulrike Drechsel dans Erziehung und Schule in der französischen Revolution. Untersuchungen zum Verhältnis von Politik und Pädagogik in den Reformplänen der Jahre 17921794Ρ Le silence des auteurs sur les réalisations de la Révolution en matière d'éducation s'explique-t-il par la nature des projets finalement retenus? Signifie-t-il, avec l'absence de commentaires sur la Constitution civile du clergé, un déni motivé par des conceptions, en définitive, fondamentalement distinctes, ou la simple conséquence contingente du caractère tardif des réformes entreprises par les révolutionnaires, plus de quinze ans après les premiers projets philanthropistes?

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La réforme de l'enseignement

Quand le gouvernement français se lance, après 1789, dans une vaste entreprise de réforme du système éducatif, soutenant des projets qui, dans l'enseignement primaire, insistent sur la nécessité de respecter les facultés et l'état de développement du public auquel il s'adresse et s'efforcent de trouver de nouvelles méthodes afin de former de meilleurs citoyens, il aborde une problématique qui n'a rien de nouveau pour les auteurs du Braunschweigisches Journal. Dans cette perspective, ils avaient affirmé, depuis longtemps, que pour parvenir à instaurer un enseignement digne de ce nom, il faut renoncer à privilégier l'esprit 12

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Harten, Hans Christian, Elementarschule und Pädagogik in der Französischen Revolution, [Ancien Régime, Aufklärung und Revolution, 19], München 1990, pp. 104-120. Le poids accordé à la moralité semble également un point commun aux Philanthropistes et aux révolutionnaires français. [Frankfurter Beiträge zur Pädagogik, 7], Frankfurt/M. 1969. Le mérite de Wiltrud Ulrike Drechsel est d'ajouter aux deux conceptions étudiées généralement par les historiens (voir par exemple, Schepp, Heinz Hermann, «Grundzüge der politischen Theorie der Französischen Revolution in ihren Konsequenzen für die Pädagogik», in: Herrmann, Ulrich et Oelkers, Jürgen (éd.), Französische Revolution und Pädagogik der Moderne, Weinheim/Basel 1990, pp. 56-62), une troisième pour établir un modèle tripartite dont les composantes sont «der rationalistische und zugleich streng individualistische Typus», «der Typus einer patriotischmoralischen Gemeinschaftserziehung» et, enfin, «der nationalistisch-autoritäre Typus» (p. 9). Le premier, que représente essentiellement Condorcet, tend à permettre à l'individu de développer librement ses facultés en le mettant à l'abri des interventions de l'Etat; le second, émanant de la Plaine et d'inspiration physiocratique, est surtout soucieux de l'harmonie entre la société et les individus qui le composent, harmonie qui peut être atteinte tant grâce au développement des facultés de ces derniers en fonction de leur place dans la société que par leur moralisation. Le troisième type, lui, défendu par les Montagnards, fait de la société le but et l'agent de l'éducation.

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au détriment du corps et les «néo-pédagogues» 1 4 se montrent aussi soucieux de l'un que de l'autre. Cet intérêt porté au corps est, en outre, l'un des mérites que s'attribue la néo-pédagogie : es gehört unter die unleugbaren Verdienste der neuern Erziehungsphilosophen, [...] die Entwickelung und Ausbildung der körperlichen Kräfte zum Gegenstande der Erziehung erhoben, auf die große Wohlthat eines gesunden Körpers aufmerksam gemacht, und vor allen andern das graue Vorurtheil so glücklich vernichtet zu haben: daß Kultur des Verstandes, Verfeinerung der Empfindungen und, mit einem Worte, höhere Ausbildung der Seelenkräfte sich nicht mit Handarbeit vertrage [...].15 Si la culture physique, importante quelle que soit la place occupée dans l'Etat, peut s'adresser pareillement à tous, l'enseignement comme transmission des connaissances doit, lui, être structuré et propagé de manière plus différenciée. 1.1

La réforme des structures et des méthodes de l'enseignement

Le souci d'un enseignement plus efficace détermine toute l'organisation du système éducatif dont les auteurs souhaitent l'établissement : les besoins du futur clerc ne correspondant guère à ceux du futur artisan, les soumettre à un régime identique serait désastreux. Il faut donc veiller à répartir les enfants selon leur détermination future,16 ce qui implique une refonte des établissements, réflexion que semble appuyer le projet de réforme conçu par Zedlitz et publié par lui dans la Berlinische Monatsschrift. Son projet, qui vise à une distinction rigoureuse entre trois types d'établissements («die Bauer- die Bürger und Gelehrtenschulen»), recueille l'approbation des auteurs du Braunschweigisches Journal17 - même si Campe souhaiterait voir ajoutée une quatrième forme d'école, complémentaire aux trois autres, dans laquelle les élèves pourraient se perfectionner dans une matière de leur choix. 18 Les auteurs des deux revues plaident non seulement pour la réorganisation du système éducatif existant, mais également pour la création d'un enseignement 14

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Le Philanthropisme ne constitue qu'un des projets de réforme pédagogique au dix-huitième siècle. Dans la mesure, pourtant, où les promoteurs de ces réformes sont presque tous, dans le Braunschweigisches Journal, dans la mouvance du Philanthropisme, «néo-pédagogues» et «philanthropistes» seront ici généralement employés comme des termes équivalents. Br. J. 91.ΙΠ.5 p. 312. Sur la même problématique, voir Br. J. 88.ΠΙ.4 pp. 339-332; 91.VI.5 p. 231 ; 91.VÏÏ.2 p. 330. Br. J. 88.V.7 p. 73. Voir par exemple les remarques de Campe dans Br. J. 88.ΙΠ.5 surtout pp. 350-351 qui louent avec emphase le ministre prussien. Sur Zedlitz, voir également Br. J. 88.ΧΠ.5 p. 508 et 89.1.1 p. 13. Au regard des conceptions politiques de Zedlitz (voir Bosse, Heinrich, «Karl Abraham v. Zedlitz: „Über den Patriotismus als ein Gegenstand der Erziehimg in monarchischen Staaten" (Berlin 1777)», in: Hager, Fritz-Peter et Jedan, Dieter (éd.), Staat und Erziehung in Aufklärungsphilosophie und Aufklärungszeit, [Tagung der Arbeitsgruppe tur die Erforschung der Geschichte von Erziehung und Aufklärung, 4], Bochum 1993, pp. 19-24), on peut se demander si l'admiration dont il fait l'objet ici ne repose pas sur un malentendu. Br. J. 88.ΠΙ.5 p. 371 ; voir aussi 91.Π.3 p. 217 où le Danemark est présenté comme un modèle.

spécifique réservé aux basses classes de la société, confrontées souvent à la paupérisation et proies faciles de l'immoralité. En organisant un enseignement qui s'adresse aux pauvres, on les arrache à la misère19 - et on les préserve de l'immoralité qui les guette - de même qu'on les attache à leur souverain. Cette conception sous-tend la proposition qu'un auteur anonyme fait dans l'intention de tarir les sources de la pauvreté : en recueillant les miséreux, en leur prodiguant une éducation appropriée et en leur donnant, par la suite, les parcelles de terre accordées, sinon, à des colons qu'on fait venir de loin à grands frais, on lutterait contre leur propension à l'immoralité et ferait naître chez eux, bien au contraire, «Brauchbarkeit, Treue und Arbeitsamkeit».20 1.2

Une réforme des méthodes et des contenus

Les méthodes de l'enseignement doivent également se plier au public auquel elles s'adressent. Les auteurs des revues aspirent à un enseignement fondé sur une démarche méthodique et spécifique axée sur les besoins réels de l'enfant. Ils recourent, pour définir cet idéal, à la notion de systématicité («Zweckmäßigkeit») 21 autant qu'à celle d'utilité («nützlich» et ses composés),22 car seule la conjonction de ces deux qualités peut rendre l'enseignement bénéfique à tous («gemeinnützig»). 23 Reprochant justement à l'enseignement tel qu'il se pratiquait encore à la fin du dix-huitième siècle d'être «unzweckmäßig», 24 ils érigent l'utilité en critère principal: le souci d'être utile doit gouverner à chaque instant l'action du pédagogue, l'orienter dans le choix des textes qu'il fait lire,25 dans leur utilisation26 19 20

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VoirBr J. 91.IX.5 p. 57. Br. J. 90.IX.1 p. 32. Voir également 88.Vin.7 p. 480; 91.IX.5 p. 57. Sur le problème des orphelinats, des «Armenanstalten», et des «Industrieschulen», voir Br. J. 88.1.7; 88.ΙΠ.4; 88.ΧΠ.4; 88.ΧΠ.6; 89.V.8 p. 121 ; 90.V.7; 90.IX.1 ; 91.IX.5. Br. J. 88.VH.2 p. 289; 88.VDI.3 p. 404; Sehl. J. 92.ΧΠ.1 p. 394. Br. J. 89.VI.4 p. 223 ; 88.XI.9 p. 378 ; 88.ΧΠ.5 p. 504; 90.X.1 p. 340. Voir Br. J. 88.IV.6 p. 488; 88.VÜ.2 p. 274; 89.ΧΠ.4 p. 496; 90.VH.3 p. 348; 91.ΠΙ.1 p. 244. La «Gemeinnützigkeit» constitue un autre critère dans le jugement porté tant sur les personnes - voir Br. J. 88.V.8 p. 122 - que sur les institutions 88.IV.8 p. 517, les livres scolaires recensés 88.H.6 p. 254 ou ceux dont le projet est exposé dans les pages du Braunschweigisches Journal 88.ΠΙ.7 p. 391 ; 89.1.9 p. 125; 89.VÏÏI.5 pp. 441-442. Le Braunschweigisches Journal est qualifié lui-même par Wigand de «allgemeinnützig» (Br. J. 90.X.5 p. 409). Voir, par exemple, Br. J. 88.ΠΙ.2 p. 271; 88.V.7 p. 104; 89.Π.4 p. 215; 89.VI.3 p. 171; 91.IX.5 p. 59; Sehl. J. 92.VDI.5 p. 450; 92.ΧΠ.1 p. 385. Un bon enseignement tend, au contraire, à être «zweckmäßiger» voir Br. J. 88.1.4 p. 62; 88.VÜI.4 p. 454; 89.VII.2 p. 293 ; Sehl. J. 92.XI.3 p. 311. Dans les pages du Braunschweigisches Journal, la «Zweckmäßigkeit» est l'un des critères les plus fréquents pour juger de la qualité d'un livre recensé; voir par exemple Br. J. 88.Π.5 p. 247; 88.ΙΠ.7 p. 388; 88.IV.7 p. 510; 88.V.7 pp. 79, 91 ; 88.Vm.7 p. 466; 89.V.7 p. 111 ; 89.VI.5 p. 242; 90.ΠΙ.11 p. 370; 90.IV.6 p. 497; 90.IX.5 p. 107; 91.Π.4 p. 236; 91.ΙΠ.7 p. 361. De ce souci de systématicité découle, pour l'écrivain d'ouvrages scolaires, la nécessité de suivre toujours un plan clairement établi en fonction du but recherché : voir Br. J. 88.ΠΙ.7 p. 385; 89.IV.8 pp. 508 et 509; 89.V.7 p. 111 ; 89.Vm.9 p. 497. Un autre critère pour juger

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comme dans la rédaction des manuels27 et dans l'importance, enfin, qu'il accorde aux langues dans l'enseignement. 1.2.1 La réforme de l'enseignement des langues On touche ici à l'un des problèmes évoqués le plus fréquemment dans les revues. En effet, au regard de la profession future des élèves, l'enseignement des langues ne revêt pas toujours la même signification. C'est en particulier la prééminence des langues anciennes, et du latin essentiellement, qui est remise en cause. Les « néopédagogues» se défendent, certes, d'être des ennemis des Anciens.28 Ils invoquent même à plusieurs reprises, afin de se mettre à l'abri des critiques, la caution des Anciens, dans la tradition desquels ils se placeraient,29 allant jusqu'à nier avoir élaboré une science nouvelle et, par conséquent, à refuser le nom de «néo-pédagogues». 30 De surcroît, ils vantent le manuel de théologie de Heyne remarquable, selon eux, parce qu'il permet la lecture de textes originaux dégagés de toutes les scories de l'érudition.31 Mais ils ne reconnaissent la valeur pédagogique des langues anciennes que dans la mesure où elles ne sont pas érigées en principal contenu de l'enseignement. Ils refusent ainsi la vénération et l'admiration inconditionnelles dont font l'objet les Anciens: l'un compare les heures de cours que certains professeurs consacrent à l'étude des Anciens à des «Betstunden und Religionsübungen» 32 et un autre file la métaphore religieuse quand, dénonçant l'assimilation aux «Evangelien» des principes sur lesquels reposent les «Gelehrtenschulen», il s'exclame: «Es geht mit dem allein=klug=machenden Latein, wie mit der allein=selig=machenden Kirche ; auf falschen Prämissen errichtet man wohlzusammenhängende Lehrgebäude »,33

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les livres est celui de l'utilité voir Br. J. 88.1.9 p. 121 ; 88.IV.7 pp. 4 9 3 ^ 9 4 , 506, 510, 511 ; 88.VI.4 pp.239, 255; 88.VÜ.6 p. 372; 88.ΧΠ.5 p. 511 ; 89.IV.8 p. 505; 89.V.8 p. 114; 89.ΓΧ.6 p. 118 ; 90.IV.6 p. 487 ; 91.ΠΙ.7 pp. 361-362 ; Schi. J. 93.VI.7 p. 254. Br. J. 88.IV.6p. 480; 90.XI.5 p. 320; 91.Π.3 p. 233. Br. J. 88.1.9 p. 111 ; 88.VI.4 p. 253 ; 88.X.6 p. 225 ; 90.ΧΠ.1 p. 386 ; 91.Π.4 pp. 235-236. Une variante de ce motif est le souci, pour l'auteur de textes pédagogiques, d'être «lehrreich» (voir Br. J. 88.V.7 p. 110 ; 88.VI.4 p. 239 ; 88.VH.6 p. 380 ; 90.1.8 p. 124). Cet impératif concerne non seulement les sujets traités mais le style choisi, qui doit privilégier le naturel et la simplicité, sans tomber pour autant dans le babillage (Br. J. 88.Π.5 p. 249; 88.IV.7 pp. 506 et 511 ; 88.V.7pp. 92 et 107 ; 89.V.8 p. 115 ; 91 .Π.3 p. 233 ; 91 .m.8 p. 367). Br. J. 88.ΠΙ.1 p. 258; 88.Vm.7 pp. 476, 488; 88.XI.3 p. 290; 89.1.7 p. 103; 89.ΠΙ.4 p. 355; 89.VI.3 p. 182; 90.X. 1 p. 331. Br. J. 88.IX.5 ; 88.X.6. Br. J. 89.VH.3 p. 318; 90.X.1 p. 331. Br. J. 88.1.9 p. 110 Sur Heyne, voir également Br. J. ibid., pp. 110-117; 88.ΠΙ.1 p. 260; 88.IV.8 p. 316; 88.XI.3 p. 323; 89.1.7 p. 101; 89.VIII.6 pp. 470 et 475; 90.VÜ.4 p. 358; 90.XI.7 p. 357 ; 91.VÜI.3 p. 479 ; 91.VHI.6 p. 500 ; 91.ΧΠ.7 p. 485 ; Sehl. J. 92.XI.3 pp. 287 et 293. Br. J. 88.VHI.7 p. 490. Br. J. 90.1.8 pp. 122-123.

Les «néo-pédagogues» veulent qu'on reconsidère le poids accordé au latin et ils insistent sur la nécessité de réserver l'étude «grammaticale» du latin à ceux qui se destineront à devenir clercs; libérés de la contrainte d'apprendre le latin, les autres pourront se consacrer à des matières pour eux plus utiles.34 En outre, même pour les premiers, l'apprentissage du latin ne doit pas être trop précoce35 car la langue latine a perdu de son prestige. Sans être une fin en soi, elle demeure, certes, un bagage nécessaire car il demeure vrai «daß die Sprachkenntniß an sich nicht Gelehrsamkeit, sondern nur Werkzeug zur Erwerbung der Gelehrsamkeit sey » et que «noch lange Zeit die lat. Sprache die Thtire und der Vorhof der Gelehrsamkeit bleiben wird». 36 Mais comme langue véhiculaire et instrument de communication des élites, elle n'est plus justifiée historiquement et ne présente plus guère d'intérêt maintenant que les langues modernes sont assez développées pour être porteuses même d'un discours scientifique.37 On ne saurait pas davantage fonder la nécessité d'un enseignement voué principalement aux langues anciennes en faisant de l'étude des langues, à l'instar de Rehberg, la meilleure méthode de former l'esprit ou d'enseigner la moralité.38 Dans les livraisons de février et mars 1788 de la Berlinische Monatsschrift,39 Rehberg s'était, en effet, opposé aux recommandations des Philanthropistes, et de Trapp en particulier (dans le septième tome du Revisionswerk), qui préconisaient de limiter l'intérêt accordé aux langues anciennes dans l'enseignement. En effet, à ses yeux, outre qu'elles sont utiles à la formation d'une tête bien faite, elles sont indispensables à l'apprentissage des sciences comme à la formation de la moralité.40 Trapp, se fondant sur le fait que Rehberg dispense les soldats d'apprendre les langues anciennes, lui réplique que, comme eux, les autres états peuvent tout aussi bien apprendre à penser sans l'aide du latin : ceux qui ne maîtrisent pas les langues anciennes peuvent, par exemple, y accéder par l'intermédiaire des 34

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Br. J. 88.1.9 p. 112; 88.IV.6 pp. 488^t89; 88.VÜ.2 p. 271 ; 88.Vm.7 p. 477; 88.IX.5 p. 87; 88.X.6 pp. 201, 222 et 227; 88.XI.9 p. 378; 89.Π.3 p. 209; 89.ΠΙ.4 p. 352; 89.ΠΙ.5 p. 375; 89.V.6 pp. 95 et 105 ; 89.VI.5 p. 247; 90.V.7 p. 119; 90.XI.7 p. 341 ; 91.Π.3 p. 220; 91.VIÏÏ.6 pp. 503-506; 91.X.4 p. 205. Br. J. 88.XI.9 p. 377; 88.V.4 p. 36; 88.X.5 p. 191 ; 88.X.6 p. 201 ; 88.XI.3 p. 302; 88.ΧΠ.3 p. 457; 89.ΧΠ.6 p. 506; 91.V.1 p. 12; Schi. J. 93.IX.1 p. 11 (certains de ces textes s'élèvent moins contre l'introduction trop précoce du latin en soi que contre la méthode grammaticale utilisée pour l'enseigner). Br. J. 89.VI.3 p. 168 et Schi. J. 92.VÜI.6 p. 471. Voir aussi Br. J. 91.Vm.6 p. 501 : pour Trapp, l'enseignement du latin doit être conservé tant que la théologie et le droit continuent d'exister sous leur forme classique. Br. J. 89.VI.3 pp. 166-168; 89.XI.7 p. 377; 89.ΧΠ.4 p. 490 (au contraire, certains des chefsd'œuvre de la langue latine ne sont plus en mesure de transmettre des connaissances servant à P«Aufklärung ganzer Nationen und einzelner Menschen» 88.X.5 p. 194). Br. J. 88.X.7 pp. 243-244. Rehberg, August Wilhelm, «Sollten die alten Sprachen dem allgemeinen Unterricht der Jugend in den höhern Ständen zum Grunde gelegt, oder den eigentlichen Gelehrtem allein», in: Berlinische Monatsschrift, 1789, IV, pp. 105-131 et V, pp. 253-275. Rehberg, August Wilhelm, op. cit., respectivement pp. 116-120 et 110-114.

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traductions ; de même que la traduction de Luther rend superflue la connaissance des langues anciennes pour lire la Bible, de même il est possible de recourir à la traduction de Voss pour lire Homère.41 L'accès aux sciences n'implique pas obligatoirement les langues anciennes, pas plus que la formation morale,42 et il vaut mieux que ceux qui ne se destinent point à la «Gelehrsamkeit» consacrent leur temps d'étude à des matières plus utiles pour eux. La connaissance du latin n'est donc pas indispensable pour que les élèves accèdent à ce que l'Antiquité a d'utile et d'universel43 et l'on peut, sans scrupule, diminuer sa place dans l'enseignement.44 Le projet de réforme pédagogique ne se restreint, cependant, pas au contenu de l'enseignement : Es ist also bei einer Schulreform nicht genug, daß man das Materiale der Gelehrsamkeit, die alten Sprachen u.s.f. aus den allgemeinen Schulen ausschließt, es gehört auch nothwendig und noch dringender als jenes dazu, daß man die zweckmäßigsten Gegenstände des Unterrichts auch zweckmässig lehre.45

1.2.2 Une réforme des méthodes Les «néo-pédagogues » tirent ici les conséquences de la découverte de l'enfance au dix-huitième siècle. Comme l'a montré, par exemple, Ulrich Herrmann, on avait, certes, dès les siècles précédents, commencé à percevoir une certaine spécificité de l'enfance, mais la perspective religieuse continuait à primer: on voyait dans les enfants surtout des créatures divines. L'Aufklärung, elle, place au cœur de son interprétation de l'enfance la dimension affective des rapports entre les parents et les enfants,46 qui seule permet de comprendre les efforts déployés par les Aufklärer pour établir une Kleinkinderpädagogik 47 A l'encontre d'un système uniformisé, ils préconisent une démarche qui s'efforce de prendre toujours en compte la nature de l'enfant, son niveau et son stade de développement intellectuel. La nécessité d'une méthode souple adaptée au sujet auquel elle s'adresse est l'un des arguments qu'ils 41

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Br. J. 88.VU.2 pp. 272, 275 et 284 (on trouve vantés plusieurs traducteurs Br. J. 89.ΠΙ.4 p. 352 Ramler, Voß, Wieland (voir aussi Br. J. 91.VÜL6, p. 507). Sur ce point, voir Finsler, Georg, Homer in der Neuzeit von Dante bis Goethe, Leipzig/Berlin 1912. Sur Ramler, voir également Br. J. 88.ΙΠ.6 p. 382 ; 88.VI.4 p. 245 ; 88.VÜI.7 p. 464 ; 89.1.3 p. 40 ; 89.V.6 p. 106 ; 91 .Vffl.6 p. 500. Br. J. 88.VII.2 pp. 272-273. Sur ce point, voir Br. J. 88.VÜ.2 p. 284 ; 89.VI.3 p. 182. Br. J. 89.1.7 p. 105. Br. J. 91.Π.3 p. 218. Herrmann, Ulrich, «Von der „Kinderzucht" zur Pädagogik», in: Bamer, Wilfried (éd.), Tradition, Norm, Innovation. Soziales und literarisches Traditionsverhalten in der Frühzeit der deutschen Außclärung, [Schriften des Historischen Kollegs. Kolloquien, 15], München 1989, pp. 233-246. Voir Ulbricht, Günter, Kleinkinderpädagogik in Deutschland im Zeitalter der Aufklärung, Berlin 1955.

ne cessent d'avancer pour justifier leur désir de réforme. Au contraire de ce qui se pratiquait jusqu'alors, les «néo-pédagogues» se montrent infiniment soucieux de dispenser un enseignement que les élèves perçoivent clairement, qui leur permette de développer leur intelligence au lieu de ne cultiver que leur mémoire.48 Cette conception, caractéristique de l'Aufklärung, relève d'une tradition qui remonte au traité de John Locke Some Thoughts Concerning Education (1693), et à l'Emile de Rousseau,49 deux textes publiés en allemand sous le titre Handbuch der Erziehung dans la neuvième partie de YAllgemeine Revision des gesammten Schul- und Erziehungswesens (1787). Rousseau est mentionné à de nombreuses reprises dans les revues. Dans un premier temps, les auteurs renvoient presque exclusivement à ses conceptions pédagogiques. Quoique les pédagogues lui sachent gré d'avoir renouvelé l'éducation, les jugements qu'ils portent dans le détail sont, pourtant, loin d'être unanimes. Jacques Mounier a, par exemple, montré les critiques dont il fait l'objet de la part de certains commentateurs des traductions de ses œuvres dans le Revisionswerk. Le plus souvent, ce sont ses positions excessives qui y sont dénoncées : on lui reproche son pessimisme sur le caractère généralement funeste de l'action de l'homme, son jugement négatif sur les sciences et les arts etc. Dans le détail, bien des réflexions de Rousseau recueillent, pourtant, l'approbation des auteurs, comme la nécessité de la méthode naturelle, la liberté de mouvement qu'il faut laisser aux enfants, l'importance d'une éducation sexuelle digne de ce nom.50 Envisageant l'influence de l'écrivain français sur les conceptions pédagogiques du dix-huitième siècle, Ulrich Herrmann affirme : «Die Zeitgenossen [...] sprechen im Anschluß an Rousseau von der Erziehung zum Menschen und zum Bürger zugleich». Et selon lui, les Philanthropistes font découler leur programme de la nécessité proclamée par Rousseau de développer les dispositions naturelles de l'enfant avant de le faire entrer dans la société.51 Force est, cependant, de constater que le lien qu'il établit chez Rousseau entre une éducation pour l'homme et pour la société ne paraît pas correspondre inconditionnellement à la lecture que les Philanthropistes font du philosophe. Trapp, par exemple, affirme: «Bürger und

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Pour la critique, directe ou indirecte, de l'enseignement comme simple exercice de la mémoire, voir, par exemple, Br. J. 88.IV.7 pp. 4 9 3 ^ 9 4 ; 89.1.7 p. 101 ;90.m.8 p. 352. Br. J. 88.ΙΠ.7 p. 391 ; 88.VDI.3 p. 419 ; 88.IX.3 p. 34 ; 88.X.8 p. 256 ; 88.ΧΠ.3 p. 463 ; 89.IV.5 p. 458; 89.Vm.4 pp. 405, 416 et 438; 89.IX.6 p. 117; 89.XI.7 p. 384; 89.ΧΠ.2 p. 461 ; 89.ΧΠ.4 p. 493; 89.ΧΠ.6 p. 509; 90.Π.1 passim; 90.ΙΠ.5 pp. 322 et 328; 90.Vm.ll p. 503; 90.IX.1 p. 2; 90.X.1 p. 330; 90.X.5 p. 419; 91.IX.3 p. 30; Sehl. J. 92.XI.2 pp. 270 et 272; 92.XI.3 pp. 344-345 ; 92.XI.4 350; 93.IV.7 pp. 511-512; 93.IX.1 pp. 19 et 29. Mounier, Jacques, la Fortune des écrits de Jean-Jacques Rousseau dans les pays de langue allemande de 1782 à 1813, Lille 1979, pp. 465^186. Herrmann, Ulrich, «Pädagogische Anthropologie und die „Entdeckung" der Kindheit und des Jugendalters», in: Herrmann, Ulrich (éd.), „Die Bildung des Bürgers": die Formierung der bürgerlichen Gesellschaft und die Gebildeten im 18. Jahrhundert, Weinheim/Basel 1989, pp. 180 et 182-183.

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Mensch sind [...]einander nicht entgegengesetzt, wie Rousseau behauptet, aber nicht beweist». 52 De fait, ainsi que l'a noté aussi Christa Kersting,53 les Philanthropistes subsument l'aporie de la pensée pédagogique de Rousseau, en considérant les deux types d'éducation qui, chez lui, sont nettement distingués, comme deux phases successives d'un même processus, et en adaptant, de la sorte, la pensée de Rousseau aux conditions socio-historiques de l'Allemagne de la fin du dix-huitième siècle.54 Locke est pareillement cité plusieurs fois par les auteurs. Si, comme l'a démontré récemment Lutz Rössner dans Pädagogen der englischen Aujklärungsphilosophie des 18. Jahrhunderts,55 Locke n'est pas le seul partisan d'une réforme de l'éducation en Angleterre, il est cependant le seul que mentionnent les Philanthropistes; 56 ils reconnaissent en lui un de leurs précurseurs en ce qu'il refusait les pratiques pédagogiques traditionnelles, funestes, selon lui, pour le développement de la nature, et qu'il attendait, au contraire, de l'éducation, qu'elle forme des hommes sages, vertueux et utiles à la société. Et pour que l'éducation soit réellement utile, il faut, pense-t-il, qu'elle prenne en compte les futurs besoins de l'élève et le tempérament des enfants auxquels elle s'adresse. De plus, si Locke, dans son traité, affirme que l'élève est un futur adulte qu'il faut prendre au sérieux et traiter comme un être déjà raisonnable, il insiste aussi sur le fait que le destinataire de l'éducation est un enfant: au lieu de l'écœurer par des méthodes trop rigides, trop arides ou trop mécaniques, on doit, au contraire, l'intéresser à ce qu'il fait, lui inspirer le goût de l'étude et cultiver ses facultés, condition indispensable pour rendre l'apprentissage attrayant. Le conseil réitéré d'observer l'enfant et d'étudier son tempérament «est un premier pas fait vers la découverte du rôle de l'enfance 52 53

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Br. J. 88.VD.2 p. 280. «Rousseaus Einfluß auf die Philanthropen. Zum „Emile"-Kommentar in der „Allgemeinen Revision des gesammten Schul- und Erziehungswesens"», in: Hager, Fritz-Peter et Jedan, Dieter (éd.), Educational Thinker on the Enlightenment and Their Influences on Different Countries, Pecs 1987, pp. 132-154. Dans le Schleswigsches Journal, en revanche, les renvois seront essentiellement d'ordre politique, sans signifier, pour autant, une prise de parti en faveur de la Révolution ou sa condamnation explicite. Par là, les auteurs semblent faire de Rousseau un emploi différent de ceux qu'ont montrés tant Roger Barny pour la France (l'Eclatement révolutionnaire du rousseauisme, Paris 1988), où l'image de Rousseau se radicalise selon l'emploi qu'en font ou les révolutionnaires ou les contre-révolutionnaires, que Bernhard Weissei pour l'Allemagne ( Von wem die Gewalt in den Staaten herrührt. Beiträge zu den Auswirkungen der Staats- und Gesellschaftsauffassung Rousseaus auf Deutschland im letzten Viertel des 18. Jahrhunderts, [Schriftenreihe des Instituts für allgemeine Geschichte an der Humboldt-Universität Berlin, 7], Berlin 1963). Frankfurt a.M./Bern/NewYork/Paris 1988. Voir Br. J. 88.ΙΠ.7 pp. 390-391 l'éloge de la traduction des Thoughts par Rudolphi [sur cette traduction, voir également 88.X.6 p. 203]; 89.IX.6 p. 117: le texte de Locke et VEmile de Rousseau sont «die beiden Epoche=machenden Hauptbücher der neuern Erziehungslehre»; 90.Vin.ll p. 503 «Locke sagt in seinem Buche über die Erziehung sehr viel Gutes»; voir également 88.VI.2 p. 142 ; 88.VÜI.3 p. 419 ; 89.Vffl.6 p. 475 ; 89.XI.7 p. 384 ; 90.ΠΙ.5 p. 328 ; 90.X. 1 p. 330;90.X.2 p. 356.

dans le développement général de l'individu», pour reprendre une formulation de Nina Reicyn.57 C'est d'une réflexion analogue que découle la défense, récurrente dans les pages du Braunschweigisches Journal, de la «méthode naturelle», présentée comme l'antithèse de l'infructueuse méthode grammaticale.58 De fait, un tel choix est plus fructueux si l'enseignement doit moins marteler des connaissances que faire naître l'envie d'apprendre,59 si au lieu d'asséner aux enfants des vérités abstraites, il parcourt avec eux le chemin qui mène du concret à l'abstrait.60 L'importance de cette recommandation apparaît avec une force toute particulière lorsque, dans le Parlement pédagogique imaginé par Campe, l'un des représentants du Tiers résume les trois seules obligations qu'un «Lehrer» protestant ait à observer : -Lehre nichts wider das neue Testament; -Lehre nichts für das Papstthum ; -Richte dich nach der Fassungskraft deiner Lehrlinge.61

Le troisième précepte cité ici permet de comprendre pourquoi les «néo-pédagogues » n'ont cessé de se battre pour que les programmes, comme l'enseignement, prennent soigneusement en compte l'âge des enfants auxquels ils s'adressent, pourquoi, aussi, ils accordent un poids tout particulier à cet aspect quand ils font la critique des livres pour enfants qui viennent de paraître.62 Dans la mesure, cependant, où leurs préoccupations pédagogiques ne se limitent pas aux enfants mais qu'ils entendent éduquer aussi le peuple, la nécessité de songer, dans un livre, à un

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La Pédagogie de John Locke, Paris 1941, p. 73. Voir Br. J. 88.X.3 p. 177; 88.X.4 p. 179; 88.X.6 p. 202; 88.ΧΠ.3 p. 457; 89.Π.1 p. 134; 89.ΙΠ.4 pp. 348-349; 91.1.6 pp. 58-59; 91.Π.3 pp. 218-219; 91.IV.6 p. 485. Trapp dénonce ici la méthode grammaticale, en vertu de laquelle la grammaire est «ein symbolisches Buch, ein Katechismus». Désireux, ici aussi, de s'inscrire dans une tradition, ce qui, précisément, leur permet d'échapper au reproche de vouloir entamer une «révolution pédagogique», les auteurs renvoient parfois à A. H. Francke, qui déjà la pratiquait (voir Br J. 89.VI.5 p. 246). Voir Br. J. 89.1.7 p. 101 ; 89.Π.3 p. 209; 89.VI.3 pp. 178-180; 91.X.6 p. 234. Voir l'exemple fourni par Kästner in Br. J. 88.VII. 1 p. 261 ; voir également 89.V.7 p. 115; 91.ΙΠ.7 p. 360 qui dénonce un enseignement où prime le «todter Buchstabe». Sur les conditions concrètes d'un tel type d'enseignement, voir la description du «Philanthropinum» de Dessau par Schmitt, Hanno «Versuchsschule vor zwei Jahrhundert Jahren», in: Jahrbuch ßr Uhrer, 5, 1980, pp. 345-352. Br. J. 91 .V. 1 p. 3 ; voir la règle fondamentale énoncée dans Br J. 89.IV.8 p. 504 : «richtet eure Erziehung so natürlich als möglich ein, und folget dabei den Winken, die euch die Gottheit selbst durch die Einrichtung der Natur eurer Kinder ertheilt. Denn die Kunst des Erziehers besteht doch gewiß darin, daß er den natürlichen Trieben seiner Zöglinge die gehörige Richtung zu geben suche». Br. J. 88.1.9 p. 123 ; 88.Π.5 pp. 240-241 ; 88.V.7 p. 86, 102; 88.VI.4 p. 253 ; 88.νπ.6 p. 383 ; 88.ΧΙ.9 p. 377; 89.1.7 pp. 115-116; 89.V.7 p. I l l ; 89.V.8 pp. 113-114; 89.VII.6 p. 372; 89.VHI.9 pp. 497, 500-501 ; 90.IV.6 pp. 488, 496; 90.IX.5 pp. 105, 113 ; 91.ΠΙ.7 p. 362.

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public bien précis vaut généralement pour toute publication.63 La revue Braunschweigische Zeitung für Städte, Flecken und Dörfer, insonderheit für die lieben Landleute alt und jung peut, par exemple, être qualifiée de « nützliche[n] Volksschrift» parce que son auteur, connaissant parfaitement les conditions de vie, les mœurs, les mentalités et même les préjugés de la classe sociale à laquelle il destine son œuvre, se montre capable «sich [...] auf eine, dieser Classe von Menschen verständliche und [...] auch unterhaltende Weise auszudrücken».64 La conviction qu'un bon enseignement prend pour point de départ les facultés réelles du destinataire explique la démarche choisie par les «néo-pédagogues», qui passent toujours de l'élémentaire au complexe. Cette recommandation méthodologique, pour s'appliquer à toutes les matières,65 vaut prioritairement dans le cas de l'enseignement des langues. Les «néo-pédagogues» s'élèvent contre le psittacisme auquel se réduisait, selon eux, l'enseignement de leur époque - Resewitz, dans l'école de Klosberg partit ainsi en guerre contre les disputations publiques «welche von Knaben wie von Papageien in einem reichen Kleide hergebetet wurden» 66 - pour défendre avec acharnement, dans l'enseignement des langues, la méthode présentant le plus de «Zweckmäßigkeit», c'est-à-dire la «natürliche Methode», 67 et donc la «Sprechmethode». A contre-pied d'un enseignement qu'ils qualifient de « scolastique »,68 ils se prononcent donc pour un enseignement de type socratique,69 seul capable de moraliser le peuple, souci constant chez les

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Br. J. 88.ΙΠ.7 p. 390 ; 88.IV.7 p. 503 ; 91 .Π.3 p. 227. On retrouve bien sûr ici la problématique de la Zweckmäßigkeit déjà évoquée. Br.J. 88.IV.7p. 510. Pour la géographie, par exemple, voir Br. J. 89.XI.7 p. 375 ; pour les mathématiques Br. J. 88.Vm.l ; pour les langues anciennes 89.XH.4 p. 500. Br. J. 88.VHI.8 pp. 508-509. Sur le problème du psittacisme, voir également 88.IX.5 p. 108, où Campe, citant Gesner, proteste contre l'habitude propre à l'enseignement traditionnel de dispenser un savoir trop abstrait pour l'élève, ce qui finit par lui nuire car «so entstehet allmählig bei ihm das große Gebrechen der Studierenden, das sogennante Psittacismus»; 91.ΙΠ.4 p. 360: c'est seulement le «todter Buchstabe» qu'on retient en apprenant tout par cœur. Le danger d'un tel enseignement est qu'il ouvre la porte à la «Hierarchie» et au «Despotismus» (Br. J. 91.Π.5 p. 219). De telles pratiques n'avaient nullement disparu à la fin du siècle, comme en témoigne le programme - cité in extenso dans le Braunschweigisches Journal (88.X.8) - du «Hamburgisches Erziehungsinstitut» fondé par v. Lehrbach. Sur Resewitz, voir aussi Br. J. 88.ΙΠ.7 p. 385; 88.IX.7 pp. 111-125; 88.ΧΠ.1 p. 396; 89.1.4 p. 76 ; 89.Π.3 p. 197 ; 90.ΙΠ.2 p. 292 ; 91.Π.3 p. 221 ; Sehl. J. 92.XI.3 pp. 287,291 et 294. Br. J. 89.1.7 p. 106. Voir Br. J. 88.X.8 p. 253 ; on trouve une variante de cette notion dans l'opposition entre une méthode «sokratisch» et une «Katechismusmethode» (88.V.7 p. 108); plus tard, la méthode catéchétique - «Katechismusform und Methode» - est opposée aux «aechtsokratische Unterredungen» (Br. J. 88.VI.4 pp. 238-239; voir aussi Sehl. J. 92.VHI.5 p. 449; 93.IX.1 p. 11). La connotation dont est chargée la référence catéchétique explique la véhémence avec laquelle Gutsmuths rejette l'idée que la méthode des «néo-pédagogues» serait aussi rigide dans son application qu'un «Katechismus» (Br. J. 91.VI.5 p. 226). Voir Br.J. 88.IV.6 p. 487; 88.VÜ.2 p. 305; 90.V.7 p. 122; 91.VI.5 p. 236. C'est un tel enseignement que Stuve et Lieberkühn, durant leur séjour à Neuruppin, tentèrent d'instaurer (Sur l'activité de Stuve à Neuruppin, voir Schmitt, Hanno, « Johann Stuve (1752-1793): Ein

«néo-pédagogues» qui voient dans la transmission des connaissances et la moralisation deux facettes interdépendantes de leurs projets de réforme.70 1.3

Pédagogie et morale

Le lien entre l'éducation et la moralité est clairement perçu par Campe qui, dans un dialogue «philosophique», fait dire à un de ses personnages : Es ist unläugbar, daß wir im Durchschnitt heutiges Tages das homo sum, nihil humani a me alienum esse puto besser verstehn, als uns unsre Vorfahren ; aber alle meine Beobachtungen über einzelne Menschen überzeugen mich, daß der Grund davon [...] in der durch größere Aufklärung und eine bessere Erziehungsweise bewirkten größern Veredelung der Menschheit liege.71

Plusieurs raisons expliquent l'influence que peuvent exercer les pédagogues dans l'éducation morale : - le pédagogue se prête particulièrement bien à enseigner la morale. A l'encontre d'un enseignement moral fondé sur un discours théologique - qui, partant de l'idée d'une nature de l'Homme, s'avère incapable d'appréhender le réel dans sa diversité chatoyante,72 les «néo-pédagogues» défendent, en effet, l'idée d'une morale adaptée aux capacités réelles de l'enfant, car ce dernier assimile mieux les préceptes moraux qu'il comprend réellement que ceux qu'il est simplement contraint d'apprendre. Or, le pédagogue, par son enseignement des connaissances utiles, est habitué à prendre toujours en compte l'état particulier de développement du public auquel il s'adresse ; - de plus, les «néo-pédagogues» cherchent à développer l'entendement de l'enfant, à favoriser son «Selbstdenken». D'après Thieme, dont le texte Ueber die Hindernisse des Selbstdenkens in Deutschland (1788) fait l'objet d'un commentaire élogieux, la faculté de penser par soi-même préserve l'homme de maints

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philanthropischer Aufklärer auf dem Wege zur bürgerlichen Gesellschaft», in Stuve, Johann, Kleine Schriften gemeinnützigen Inhalts, Lichtenstein 1982 [Reprint de l'édition de 1794], p. xxxiii). C'est à ce motif de l'enseignement socratique que se rattache aussi la forme du dialogue prônée et mise en pratique tant dans dans l'enseignement que dans les écrits pédagogiques au sens large du terme (voir Br. J. 88.IV.7 p. 511). Voir Koller, Hans-Christoph, «Erziehung zur Arbeit als Disziplinierung der Phantasie: J. H. Campes Robinson der Jüngere im Kontext der philanthropischen Pädagogik; Dokumentation einer interdisziplinären Tagung in Hamburg vom 16. bis 18. März 1988», in: Segeberg, Hanno (éd.), Vom Wert der Arbeit: zur literarischen Konstitution des Wertkomplexes „Arbeit" in der deutschen Literatur (1770-1930), [Studien und Texte zur Sozialgeschichte der Literatur, 34], Tübingen 1991, pp. 40-76, qui, à l'horizon d'une analyse du Robinson de Campe, montre que l'éducation au travail et l'éducation morale sont les deux pendants d'une même volonté pédagogique. Br. J. 88.Π.2 p. 155. Voir Br. J. 88.IX.7 p. 118. Campe constate ici que, du temps de Steinmetz, «die eigentliche sittliche Erziehung, welche mehr die Menschen= und Seelenkenntniß voraussetzt als die Theologie » n'était pas encore un « Gegenstand des Nachdenkens ».

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maux, tels la superstition ou une sensibilité excessive («überwiegende Sinnlichkeit»), L'auteur de cette recension, explicitant l'énumération de Thieme, ajoute à ces maux l'immoralité croissante («verminderte Moralität») et la menace portant sur la félicité publique et privée («verminderte öffentliche und Privatglückseligkeit»). 73 Or l'un des objectifs principaux des «néo-pédagogues» est justement de lutter contre les excès de la sensibilité et l'immoralité effrénée qui, d'après eux, se propage en Allemagne. L'un deux s'exclame même, avec une emphase toute cicéronienne: « O Deutschland! O Zeiten! O Sitten!» 74 Si les auteurs des revues s'en prennent globalement à l'immoralité croissante,75 ils dénoncent tout particulièrement un de ses véhicules, qui, pourtant, devrait servir l'Aufklärung : l'écrit. 76 Il ne s'agit pas ici d'une plainte sans fondement. On a pu montrer, en effet, que l'accroissement du nombre de lecteurs se double d'une perte de qualité des livres lus. Le nombre de textes « classiques » vendus paraît de plus en plus dérisoire, comparé à la vente des romans ou de brochures superficielles.77 Le dépit des auteurs du Braunschweigisches Journal participe, en ce sens, d'une critique formulée par maints Aufklärer surpris par la « Eigendynamik des Markts »78 qui, dégradant le livre au rang de simple marchandise, le fait échapper au contrôle qu'ils avaient souhaité exercer sur lui. L'expansion du marché du livre qu'ils avaient appelée de leurs vœux, loin d'être un instrument de l'Aufklärung, s'avère bien davantage un obstacle à sa diffusion. Le Braunschweigisches Journal revient donc souvent sur la funeste boulimie de lecture (« Lesewuth »)79 et sur son corrolaire, une production littéraire démesurée, comparée à un déluge («Büchersündfluth»). 80 C'est Böttiger qui analyse le phénomène de la boulimie de lecture avec le plus d'acuité, en distinguant trois classes parmi les jeunes gens atteints de cette manie. Certains ne souffrent pas seulement de la manie de la lecture, mais aussi de celle de l'écriture («nicht bloß Lese= sondern auch schon Schriftstellersucht»); d'autres s'adonnent à des lectures scabreuses (« Eine andere Classe lesesüchtiger Jünglinge findet, bei

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Br. J. 88.XI.9 p. 379. Br. J. 88.VI.4p.241. Voir, par exemple, la problématique de la «Verfeinerung», Br. J. 88.Π.2; 88.VÜ.3 pp. 320323; de la «Üppigkeit», Br. J. 88.IX.3 p. 47; 89.DL2 p. 208; 89.X.2 p. 149; Sc«. J. 92.XI.4 p. 362; 93.XI.2 pp. 293-295. Br. J. 88.VI.3 pp. 229-231. Voir Goldfriedrich, Johann, Geschichte des deutschen Buchhandels vom Beginn der klassischen Literaturperiode bis zum Beginn der Fremdherrschaft (1740-1804), Leipzig 1909, pp. 268-279. Schulte-Sasse, Jochen, «Das Konzept bürgerlich-literarischer Öffentlichkeit», in: Bürger, Christa, Bürger, Peter et Schulte-Sasse, Jochen (éd.), Außlärung und literarische Öffentlichkeit, [Hefte für kritische Literaturwissenschaft, 2], Frankfurt/M. 1980, p. 100. Br. J. 88.ΧΠ.5 p. 504; 89.1.7 p. 102. Dans son étude, H. C. Koller, art. cit., pp. 52-54, a mis en lumière le lien qui, chez Campe, unit cette boulimie de lecture et la manustupration, deux phénomènes qu'il s'agit également de guérir par le travail. Br. J. 88.VI.3 p. 220; voir aussi 90.X.5 p. 398.

früh entwickelter Sinnlichkeit, einen vorzüglichen Geschmack an schlüpfrigen Modeschriften [...] ») ; la troisième classe, enfin, se compose des jeunes gens qui, sans choix ni discernement, lisent des romans et des contes de fées.81 Cette typologie n'a rien d'exceptionnel dans le Braunschweigisches Journal - ni dans la critique de la manie d'écrire qui ne cesse de se propager en Allemagne,82 ni dans la perspective des genres qu'elle dénonce, ni, enfin, dans la condamnation de l'immoralité inhérente à une lecture extensive et naïve.83 Elle résume, de fait, les critiques formulées par les auteurs des deux revues à rencontre de la diffusion croissante de l'écrit. En effet, pour eux, la lecture en soi n'est pas un mal - au contraire, pratiquée intelligemment et bien assimilée, elle peut être bénéfique à Γ Aufklärung;84 la lecture des revues, même, n'est dangereuse que lorsque s'y adonnent des personnes pour qui elle ne peut être fructueuse, les étudiants, les femmes etc.85 Les romans font, eux, l'objet d'ime condamnation presque toujours inconditionnelle :86 ils font oublier ce qui est utile, ils ne peuvent servir en rien au perfectionnement moral puisque, plus que toute autre lecture, ils n'occupent que l'imagination87 et, en dernier lieu, ils détournent les femmes - leur principal public - de leurs tâches réelles d'épouses et de mères.88 Ces critiques reflètent donc fidèlement une problématique discutée largement durant Γ Aufklärung tardive. Dès 1782, on peut lire par exemple dans le Hannoversches Magazin :

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Br. J. 88.1.9 p. 118. Ces citations sont extraites du livre de Böttiger, Ueber den Mißbrauch der deutschen Leetüre auf Schulen, und einige Mittel dagegen, 1787; pour la critique, dans le Braunschweigisches Journal, des «Modeschriften» et des contes de fées, voir respectivement Br. J. 88.VI.4 p. 239 et 88.IV.7 p. 502. Voir, par exemple, Br. J. 88.ΙΠ.5 p. 375. Campe évoque ici la fureur poétique qui s'est abattue sur l'Allemagne, la «poetische Influenza», image qu'il reprend plus tard (Br. J. 88.VI.3 p. 227) quand, faisant de la «Schriftstellersucht» une «modische Ausschweifung», il parle de «Autorseuche» et de «geistige Influenza». Voir également Br. J. 88.V1.4 p. 244, où est dénoncée la «schrecklich überhand nehmende pädagogische Schreiberei»; 91.VI.5 p. 221, où Gutsmuths déplore également l'expansion de la «unersättlichen Lese- und Schreibwuth»; Schi. J. 93.DU p. 1. Voir Br. J. 90.X.5 pp. 424 et 427. Une telle dénonciation va de pair avec la critique de l'habitude prise par certains, à la fin du siècle, de préférer à une lecture intensive et in extenso celle des recensions et des catalogues contenant les nouvelles parutions (ibid., p. 417). Br. J. 88.VI.3 pp. 217-218 ; Schi. J. 92.IV.2 p. 453 ; 93.VI.9 p. 254. Voir respectivement Br. J. 88.VL3 p. 208 ; 90.X.5 p. 400. Cette condamnation d'un genre littéraire qui suscite des «schwärmerische Lustreisen» (Br. J. 88.VI.3 p. 220) s'applique nommément, dans le journal, au Werther de Goethe - Br. J. 88VI.3 p. 225 ; 88.VH.2 p. 303 ; Sehl. J. 93.ΙΠ.3 p. 286 - , au Siegwart de J. M. Miller (1776) - Br. J. 88.VI.3 p. 225 ; Sehl. J. 93.ΙΠ.3 p. 286. Pour la condamnation générale des romans, voir Br. J. 88.VDI3 p. 422; 88.VÜI.7 p. 466; 88.IX.3 p. 62; 92.ΧΠ.3 p. 437; 93.ΠΙ.3 p. 311; 93.VI.2 p. 164. Une seule fois, un auteur montre la positivité du genre romanesque, qui peut rendre sensible à l'écart existant entre le monde littéraire et le monde réel et, partant, faire naître un regard critique sur ce dernier (Sehl. J. 93.IX.1 p. 18). Br.J. 91.m.5p. 314. Br. J. 88.VI.3 p. 223 ; 88.VDI.3 p. 422.

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Gelehrte und Ungelehrte, Handelsleute, Handwerker, Ökonomen, Militärpersonen, Alte und Junge, männliches und weibliches Geschlecht sucht einen Teil der Zeit mit Lesen auszufüllen [...] Alles will jetzt lesen, selbst Garderobenmädchen, Kutscher und Vorreuter nicht ausgenommen. 89

L'originalité du Braunschweigisches Journal est, néanmoins, de dépasser le simple constat éploré du danger que l'excès de lecture fait peser sur la moralité, car le pédagogue peut lutter contre l'immoralité qu'entraînent ces pratiques en montrant à la jeunesse les dangers de telles lectures.90 Son action est susceptible d'avoir une portée plus grande encore s'il se fait publiciste, écrivain ou éditeur de textes destinés à la jeunesse. Le publiciste mettra en garde contre la lecture de livres qui, en dépit de leurs prétentions pédagogiques, sinon moralisatrices, s'avèrent dangereuses pour la moralité.91 L'écrivain, en proposant aux enfants de saines lectures comme celles des textes de Campe92 ou du Kinderfreund de Rochow - dont les qualités sont vantées par les auteurs du Braunschweigisches Journal93 qui se félicitent de le voir introduit parmi les populations rurales94 - , luttera efficacement contre la mauvaise influence exercée par les romans. En tant qu'éditeur, enfin, le pédagogue veillera à ne mettre sous les yeux des enfants que des textes ne constituant point une menace pour leur moralité. C'est là, par exemple, l'un des soucis principaux des responsables de la Schulbuchhandlung dans leur Plan zu einer allgemeinen Schulencyclopedie von lateinischen Schriftstellern. L'une des règles fondamentales est celle-ci :

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Cité in Priisener, Marlies, «Lesegesellschaften im achtzehnten Jahrhundert. Ein Beitrag zur Lesergeschichte», in: Börsenblatt für den deutschen Buchhandel 28/10, Frankfurt/M. 1972, p. 194. Br.J. 88.1.9 pp. 118-119; 89.X.2 pp. 150-151. Cela vaut par exemple pour les textes de : Johann Timotheus Hermes, Für Töchter edler Herkunft. Eine Geschichte (paru sans nom d'auteur) (1787) - Br. J. 88.Π.5 pp. 242-244 ; Johann Christian Friedrich Bährens, Deutsche Chrestomathie zum Nutzen und Vergnügen und zum Behufe des Uebersetzens aus dem Deutschen ins Französische (1788) - Br. J. 88.V.7 pp. 9 1 92; Guillaume Grivel [et non «Griwel»], Die unbekannte Insel (Trad. Johann Friedrich Simon, 1788) - Br. J. 88.VÜI.7 pp. 4 6 5 ^ 6 6 ; Charakteristik des Frauenzimmers fiir Jünglinge und Mädchen, die das Glück ihres Lebens festbegründen wollen, (1789) - Br. J. 89.IV.8pp. 409-511. Br. J. 89.VUL1 p. 395 ; 89.XI.2 p. 330; 91.ΧΠ.7 pp. 489-490 ; Schi. J. 93.IX.1 p. 19. Br. J. 91.IX.5 p. 65. Br. J. 88.ΧΠ.6 p. 512 Le texte de Rochow ne connaîtra pourtant qu'après 1800 une grande diffusion : la plupart des 37 éditions autorisées et des 49 éditions pirates comptabilisées par Michael Freyer (Rochows „Kinderfreund". Wirkungsgeschichte und Bibliographie, Bad Heilbrunn 1989) paraîtra entre 1800 et 1816. Les récits de voyages de qualité permettent, eux aussi, de lutter efficacement contre la lecture des romans (voir Br. J. 88.VHI.7 p. 466 : «Zweckmäßig abgefaßte Reisebeschreibungen für die Jugend sind ein so gutes und richtig calculiertes Mittel, die höchstschädliche Romanleserei zu verdrängen [...] »).

Alle Stellen müssen weggelassen werden, die einer reinen Sittenlehre zuwider sind, das heißt solche, die das Laster begünstigen, und die Achtung der Jünglinge für Tugend und Moralität schwächen können. 95 B u h l e n e cite ici en e x e m p l e que le suicide, mais ce à quoi aspirent les éditeurs c'est essentiellement d'expurger les textes latins de tous leurs passages scabreux, 9 6 soupçonnés d'éveiller trop précocement l'instinct sexuel des enfants et de favoriser l'onanisme, ce cancer qui ronge l'humanité ( « K r e b s s c h a d e n der M e n s c h h e i t » ) . 9 7 C'est là une des préoccupations récurrentes des n é o - p é d a g o g u e s - dont on a pu dire qu'ils concevaient fondamentalement l'éducation c o m m e un « T r i e b a b w e h r » 9 8 - et l'importance de cette problématique, pour les contemporains des revues, apparaît, a contrario, dans l'appel lancé aux écrivains et publicistes, afin qu'ils cessent de contribuer indirectement, par leur multiples publications sur ce sujet, au développement de cette pratique sexuelle. 9 9 D a n s leur combat contre cette « déviance », les p é d a g o g u e s n e recourent pas seulement à l'écrit, mais ils réfléchissent, par exemple, tant au m o y e n de fonder une éducation sexuelle qui informe sans inviter au vice, 1 0 0 qu'au m o d e de v i e à imposer aux j e u n e s élèves, afin qu'ils n'aient pas l ' o c c a s i o n de succomber à la tentation, c e qui les incite à préconiser un contrôle incessant des enfants. 1 0 1 U n e autre v o i e pour moraliser le peuple est, enfin, l'action des pasteurs.

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Br. J. 88.IH.2 p. 294. Voir Br. J. 88.VÜI.4 pp. 4 4 1 ^ 4 2 ; 89.Π.2 pp. 174, 187 ; 89.X.2 p. 152 ; 90.X.1 p. 338 ; ce qui vaut pour les textes latins a une portée générale (voir, par exemple, Br. J. 88.Π.4 p. 215). Br. J. 88.VI.2 p. 182; sur l'éveil trop précoce de l'instinct sexuel, voir aussi Br. J. 88.V.7 p. 100; 88.IX.3 pp. 4 8 ^ 9 . Voir aussi les remarques de Stuve in Schmitt, Hanno, « Johann Stuve (1752-1793): Ein philanthropischer Aufklärer auf dem Wege zur bürgerlichen Gesellschaft», art. cit., p. xliii. L'autorité sur la question est le médecin suisse Tissot, qui est mentionné plusieurs fois dans le journal Br. J. 89.1.1 p. 7; 89.1.2 p. 16; 89.VUI.4 pp. 408, 415 et 422; 90.ΙΠ.5 p. 324; 91.VII.2 p. 329. (Sur Tissot et l'onanisme, voir Tarczylo, Theodore, «„Prêtons la main à la nature [...]". L'onanisme de Tissot», in: Représentations de la vie sexuelle, [Dix-Huitième Siècle, 12], 1980, pp. 79-96 et Boucé, Paul-Gabriel, «Les jeux interdits de l'imaginaire. Onanisme et culpabilisation sexuelle au XVmème siècle», in : Céard, Jean (dir.), La Folie et le corps, Paris 1995, pp. 234-238, qui relativise l'analyse de Tarczylo en montrant que ce problème avait, bien avant lui, préoccupé médecins et théologiens). Rutschky, Katharina, Schwarze Pädagogik. Quellen zur Naturgeschichte der bürgerlichen Erziehung, Frankfurt 1993, p. 299, [première édition 1977]. Br. J. 88.V.7 p. 100; Schi. J. 93.IX.1 p. 45. Voir la polémique entre Campe et Winterfeld sur l'utilité de recourir à l'examen des cadavres pour apprendre la différence entre les deux sexes in Br. J. 88.1.8. Campe reconnaît, ailleurs, avoir pratiqué cette méthode avec sa fille (88.IX.3 p. 49). Sur ce point, voir aussi Br. J. 89.ΧΠ.6 pp. 507-508. Br. J. 88.VI.2 pp. 182-186. Ce contrôle permanent a une fonction pourtant différente de celui que préconisait l'éducation traditionnelle. Jusque-là, la soumission de l'enfant à un contrôle sans relâche visait, tout comme son isolement dans l'enceinte des bâtiments scolaires, à le mettre à l'abri d'un monde et d'une nature corrompus (voir Snyders, Georges, Die große Wende der Pädagogik. Die Entdeckung des Kindes und die Revolution der Erziehung im 17. und 18. Jahrhundert in Frankreich, Paderborn 1971, pp. 42—48). L'enseignement prôné par 55

2

La réforme de la religion

2.1

L'enseignement de la religion

Les pasteurs, en effet, doivent privilégier la morale102 et leur enseignement se plier aux principes pédagogiques généraux évoqués plus haut : afin de rendre moral, la religion doit être clairement perçue103 et le pasteur rapporter son enseignement aux facultés intellectuelles du public auquel il s'adresse. Cela est évident dans la discussion que mènent un précepteur chargé d'enseigner la religion et le père de son élève, choqué de voir celui-ci emprunter des méthodes peu orthodoxes. Le précepteur, en se référant à la «méthode» utilisée par le Christ dans ses prêches,104 oppose au père la nécessité d'un enseignement adapté aux facultés intellectuelles de l'apprenant.105 Pareillement, que la recension de Geschichte der jüdischen und christlichen Religion ßr den ersten Unterricht (Leipzig 1788) soit si élogieuse est précisément dû au fait que son auteur, H. Ph. Henke, répond aux exigences qu'évoquait le précepteur, en ne proposant, en particulier, que des concepts simplifiés susceptibles d'être compris par de jeunes enfants.106 De même, Ueber die Bestimmung, Würde und Wirkung christlicher Lehrer (1789) de C.R.Christiani fait l'objet d'une critique très élogieuse parce que, en dressant la liste des qualités qu'un «Volkslehrer» enseignant la religion doit requérir, il insiste sur le respect des facultés intellectuelles de ses élèves.107

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les Philanthropistes instaure, en revanche, un tel contrôle afin d'éviter que les vices ne corrompent les dispositions naturelles fondamentalement bonnes. Le «Landprediger» le montre bien, qui, délaissant les Livres Symboliques et s'appuyant désormais uniquement sur la Bible et surtout sur sa raison, se met à concevoir son propre système interprétatif, tout orienté vers la pratique: «ich wollte nicht bloß verstanden werden, sondern auch bessern» (Br. J. 91.ΠΙ.7 p. 344 ; voir aussi Br. J. 89.VILI p. 278 ; 89.VÜ.6 p. 360). Cela explique que Schulz s'efforce de mettre les paysans à même de discuter de religion. L'un d'eux, par exemple, «betet nicht nach, sondern er sagt seine Meinung und unterstützt sie mit Gründen» (Sehl. J. 92.V.2 p. 56. Voir déjà Br. J. 88.ΧΠ.1 pp. 389-393). Donner aux paysans un enseignement religieux réellement efficace, implique de renoncer aux subtilités théologiques pour leur transmettre des concepts «gemeinverständlich» qu'ils puissent percevoir clairement. Pour cette raison, les tentatives d'empêcher l'éploiement d'un christianisme épuré est perçu comme un crime contre la «Veredlung und Glückseligkeit der Menschen» {Br. J. 90.V.4 p. 43). Br. J. 89.IV.6 pp. 469-474 ; voir également Br. J. 89.V.2 p. 25. Br. J. 88.IV.6 p. 466 (voir également 88.Vm.7 p. 471). Br. J. 89.IV.8 p. 497 ; voir également Br. J. 88.IV.9 p. 508 ; 91.ΧΠ.2 p. 436. Br. J. 89.VI.5 p. 235. Voir également 88.VI.4 p. 232; 89.XI.7 p. 373: l'utilisation de la musique durant les prières matutinales à Schnepfenthal permet de sensibiliser à la religion les esprits des enfants encore trop peu accessibles à la raison.

Cette prise en considération des facultés de son public, ce respect des qualités et du développement intellectuel de l'auditoire - Γ «Akkomodation» 108 - nourrit le rêve d'un enseignement religieux adapté à chaque groupe spécifique de la société, et un des auteurs de la Allgemeine Deutsche Bibliothek peut écrire : Vielleicht [...] nähert sich der Zeitpunkt, wo sich die Religionssysteme und deren Lehrer nach der Verschiedenheit der Stände und nach der Denkungsart einzelner Menschen=klassen richten.109

De fait, on trouve, dans les revues, des propositions visant à l'établissement d'un cours de religion spécifique, quant à sa forme, pour les femmes, pour les paysans.110 Les femmes trouvent dans la religion la consolation dont elles ont besoin quand leur situation est peu enviable, et celle-là lui permet donc de rester morales en dépit de l'adversité.111 Elles ne doivent, par conséquent, retenir de la religion que ce qui est «heilbringend», et donc ce qu'elles peuvent transformer en règles de conduite de leur existence puisqu'« [a]lles, was keinen begreiflichen practischen Nutzen hat, was weder zur Verbesserung und Veredelung, noch zur Beglückung der Menschen taugt, das gehört nicht zur Religion, als welche in allen ihren Theilen eine Lehre zur Glückseligkeit seyn soll».112 L'éducation du peuple suppose, elle, l'acquisition de connaissances dépassant les principes d'ime religion épurée, car elle implique aussi l'amélioration de ses conditions de vie. Les pasteurs se voient donc attribuer un rôle qui dépasse largement le simple enseignement religieux. C'est en ce sens aussi que la religion est un «wesentliches Erziehungsmittel»113 qui exige, de la part, des pasteurs, une certaine polyvalence.114 La religion, au-delà des formes spécifiques qu'elle doit adopter, a toujours la même finalité, une plus grande moralité. Comme l'a très justement écrit W. Sparn :

108

Voir Schmidt, Martin, «Aufklärung», in: Theologische Realencyclopädie, IV, Berlin/New York 1979, p. 604. 109 Br. J. 91.XI.3 p. 297. A. Raabe, opposé à l'Aufklärung, cite ce texte pour dénoncer la position, non seulement de son auteur, mais, plus généralement, celles affichées dans le Braunschweigisches Journal. 110 La fonction de la religion, pour les paysans, est d'être source de moralité, ce qui n'est possible que si on les fait bénéficier d'un enseignement adéquat (Br. J. 88.ΧΠ.1 pp. 389-393); voir également Br. J. 88.ΠΙ.5 pp. 352-353 ; 88.V.8 p. 125. 111 Br. J. 88.V.6 p. 67. n2 Br. J. 88.Vm.3 p. 414. 113 Br. J. 88.V.1 p. 5. 114 Sur cette fonction polyvalente des pasteurs voir Sr. J. 88.IV.8 pp. 516 et sqq. ; 88.V.8 pp. 124 et 128; 89.1.1 ; 89.1.2 pp. 18, 20 et 27; 89.IV.8 p. 503; 90.ΧΠ.1 p. 412; 91.Π.3 pp. 209-210 et 222; 91.ΠΙ.5 p. 321 ; 91.ΠΙ.8 p. 368; 91.ΧΠ.1 p. 407; Sehl. J. 92.IV.2 p. 451 ; 92.XI.3 p. 317. A cause du rôle pratique que doit principalement assumer un pasteur, un des éditeurs, prenant exemple sur le Danemark, suggère de ne plus classer les «Landprediger» parmi les «Gelehrten» (Br. J. 91.Π.3 pp. 212-213). Selon les auteurs, le caractère éminemment pratique de la religion doit, enfin, avoir des conséquences sur la formation des pasteurs, dont il est nécessaire de faire, non des philologues de premier ordre, mais de véritables soutiens de leur communauté: voir Br. J. 88.VHI.7 pp. 487^93 ; 90.ΠΙ.11 p. 376; 91.Π.3 pp. 209-210).

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das erste Kennzeichen der theologischen Aufklärung ist in der Tat ihr praktischer Charakter. Die theologische Aufklärung hat daher ein authentisches pädagogisches Motiv, und sie teilt von sich aus die erzieherischen und im besondern auch die Verbesserung der Erziehung gerichteten Absichten, welche die Aufklärung des 18. Jahrhunderts geradezu ausmachen. 115 Le souci d'un enseignement plus e f f i c a c e de la religion incite les auteurs à prendre part à la lutte déjà ancienne pour un renouvellement du catéchisme. 1 1 6 Ils critiquent vivement les catéchismes utilisés à leur époque, qui continuent d'enseigner le protestantisme c o m m e on le faisait au temps de Luther, 117 et s ' e n prennent en particulier à c e u x de Hanovre, qui privilégie la dogmatique au détriment de la morale, 1 1 8

de

Krakewiggi, 1 1 9

ou

encore

de

Cobourg. 1 2 0

Le

catéchisme

Schleswig-Holstein n'est pas davantage épargné, parce qu'il n'est pas

de

assez

pratique; en réaction, l'auteur de l'article appelle de ses v œ u x un catéchisme qui c o m b l e les «praktischen L ü c k e n » du catéchisme de Schleswig-Holstein, et qui «überall den praktischen Zusammenhang und Einfluß der einzelnen

Lehren

einleuchtend und eindringend darstellt - das Wort praktisch [...] in einer faßlichen Sprache beibringt». 1 2 1 115

Sparn, Walter, «Vernünftiges Christenthum. Über die geschichtliche Aufgabe der theologischen Aufklärung im 18. Jahrhundert in Deutschland», in: Vierhaus, Rudolf (éd.), Wissenschaften im Zeitalter der Aufklärung: aus Anlaß des 250. jährigen Bestehens des Verlages Vandenhoeck et Ruprecht, Göttingen 1985, pp. 39-40. Bianco, Cassirer et Bödeker insistent également sur le poids accordé à l'éthique par l'Aufklärung. Celui-ci l'explique par la subjectivisation des problèmes confessionnels inaugurée par Geliert et poursuivie par Spalding et Jerusalem (Bödeker, Hans Erich, «Die Religiosität der Gebildeten», in: Gründer, Karlfried et Rengstorf, Karl Heinrich (éd.), Religionskritik und Religiosität in der deutschen Aufklärung, [Wolfenbütteler Studien zur Aufklärung, 11], 1989, pp. 175-176). Cassirer, de son côté, insiste sur la dimension européenne d'un phénomène qu'il fait remonter à Bayle (Cassirer, Ernst, Die Philosophie der Aufklärung, Tübingen 1973, [réimpression de l'édition de 1932], pp. 223-226). Bianco, enfin, y voit une conséquence de ce que les Lumières allemandes sont fondamentalement un « mouvement bourgeois » (Bianco, Bruno : « „Vernünftiges Christentum". Aspects et problèmes d'interprétation de la néologie allemande du XVUIe siècle», in: Archives de Philosophie, 46, 1983, pp. 187-188).

116

Sur la critique des mauvais catéchismes et la nécessité d'en publier de meilleurs, voir aussi Br. J. 88.Π.1 p. 131 ; 88.IV.8 p. 518; 88.V.8 p. 124; 89.VII.4 pp. 319 et 340; Schi. J. 92.XI.4 p. 378; 93.IX.1 p. 26. Johann Schmitt a retracé les étapes de cette lutte en faveur d'un renouvellement des catéchismes dans Der Kampf um den Katechismus in der Aufklärungsperiode Deuschlands, München 1935. Dans un article féroce sur Memmingen, Bäßler relève, par exemple, que les enfants de cette ville apprennent encore les fondements de la religion à partir du catéchisme de Luther (Br. J. 90.VI.5 pp. 217-218) qui, ailleurs, est présenté comme historiquement daté et, par conséquent, inadéquat à la fin du dix-huitième siècle (Br. J. 88.ΧΠ.1 p. 390). Βλ J. 91.ΧΠ.2 pp. 436-447. De plus, l'enfant en respectant un tel catéchisme, finit par distinguer religion, vertu et pratique («Religion, Tugend und praktisches Leben sind dem so gestimmten Menschen getrennte Dinge», p. 447), puisqu'il pratique la religion seulement à l'église, et qu'en guise de vertu, il se contente d'un certificat de bonne conduite (sur ce catéchisme, voir également Sehl. J. 92.Vm.5 p. 465). Br.J. 89.ΧΠ.4ρ. 494. Sehl. J. 92.Vm.5 p. 451. Sehl. J. 92.Vn.9p. 388.

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u9 120 121

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Dans la mesure où ils répondent précisément à cette attente, certains catéchismes - ou autres ouvrages d'édification - font, au contraire, l'objet d'un jugement positif. Il en va ainsi du Leitfaden bei meinem Unterricht in der christlichen Religion. Die christliche Sittenlehre de D. C. A. Pick (Palm 1787) qui s'efforce de revenir à l'essence du christianisme,122 du Handbuch der gemeinnützigen Kenntnisse fiir Volksschulen (Halle 1787),123 du Biblischer Katechismus fiir Volksschulen, mit dazu gehörigen Erläuterungen und Beziehungen auf das Handbuch gemeinnütziger Kenntnisse (Halle 1787). Ce dernier texte, en effet, est adapté à l'intelligence des enfants et, renonçant à de complexes doctrines, il a pour ambition de ne transmettre que la « biblische Religion » et des principes « fruchtbar und anwendbar fürs Leben». 124 Pour les mêmes raisons, le recenseur vante le Christliches Lehrbuch fiir die Jugend de J. G. Rosenmüller (Leipzig 1787), qui a le mérite « daß er auch in die bloß speculativen Lehren des reinen und unverfälschten Lutherthums so viel Practisches hineinzulegen sich beflissen hat». 125 C'est, enfin, de semblables qualités que le recenseur d'un livre de R. Dapp, Predigtbuch fiir christliche Leute zur häuslichen Andacht und zum Vorlesen in der Kirche (Berlin und Stettin 1788)126 apprécie chez ce dernier, et de son livre il écrit: «Es soll uns zur gewissenhaften Erfüllung unserer Berufspflichten nach ihrem ganzen Umfang, zum weisen Gebrauch dieses Lebens [...] antreiben».127 2.2

Les positions religieuses des auteurs

Une telle conception de l'enseignement de la religion, qui ne vise à transmettre que «die allgemeinen, wesentlichen und practischen Religionswahrheiten»128 a d'immenses conséquences sur les conceptions théologiques traditionnelles. En effet, à la suite de la crise traversée durant l'Aufklärung par la théologie, le rôle de la religion est perçu différemment : elle ne consiste plus seulement en un psittacisme des formules figées et archaïques de l'orthodoxie protestante,129 mais ce qui

122 123 124 125 126

127 128 129

Br. J. 88.Π.5 pp. 226-228. Br. J. 88.IV.7 pp. 504-506. Br. J. 88.IV.7 p. 508. Br. J. 88.V.7 p. 88. Raimund Dapp, l'auteur de ce Predigtbuch fiir christliche Leute zur häuslichen Andacht und zum Vorlesen in der Kirche (Berlin und Stettin 1788) voit dans le respect du niveau de son auditoire l'une des quatre exigences imposables à tout ouvrage de prédication (Br. J. 89.IX.6 p. 111). Ibid., p. 110. Br. J. 89.IV.8 p. 500 ; voir aussi Sehl. J. 92.VÜI.4 p. 443. Campe déplore, par exemple, en ces mots, l'exercice de la religion à Memmingen: «Die religiösen Begriffe dieser armen Leute - wenn man anders die stupide und ganz mechanische Frömmelei derselben unter dieser Benennung mit begreifen darf - sind bis zum Erbarmen finster und abergläubisch » (Br. J. 91 .V.3 p. 63).

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compte avant tout, c'est «eine Orthodoxie des Lebens».'30 En ce sens, s'éloigner des dogmes tels qu'ils sont contenus en particulier dans les cinq Livres Symboliques ne signifie pas en soi sombrer dans la «Sittenlosigkeit». 131 Assurément, le primat de la pratique ne signifie nullement la négation de la métaphysique pour des auteurs qui voient dans le religieux l'expression d'un besoin fondamental de l'homme. Sur ce point, le plus explicite d'entre eux est Hegewisch : pour lui, la religion est un «moralisches Naturbedürfniß des Menschen», et il ajoute qu'elle est un « Bedürfiiiß des einzelnen Menschen, ein Bedürfniß, das von Jedem auch im rohesten Naturzustande empfunden wird». 132 De même, un autre texte affirme que la meilleure communauté religieuse se fonderait sur une religion qui serait «die freiheitliebende menschliche Natur selbst».133 Le lien établi, ici, entre une religion essentiellement morale et le droit naturel s'explique peut-être par les origines théologiques de l'auteur. En effet, comme l'a démontré de façon convaincante Marie-France Rénoux-Zagamé dans «Du droit de Dieu au droit de l'homme: sur les origines théologiques du concept moderne de propriété», 134 puis dans les Origines théologiques du concept de propriété,135 le droit de propriété, qui joue un rôle central dans la théorie moderne du droit naturel, tire ses fondements de la discussion sur le domaine divin (« dominium »). Le monde étant créé par Dieu, il lui appartient dans sa totalité. Dieu, cependant, autorise l'homme à l'utiliser à ses fins. Mais la hiérarchie ainsi instaurée s'efface au cours du dix-septième siècle, permettant aux théoriciens du droit naturel d'affirmer le droit absolu que l'homme possède sur ce qui l'entoure; ainsi, une nouvelle vision, mécaniste, du monde peut-elle s'imposer, au détriment de la traditionnelle perspective finaliste. Si, effectivement, la religion émane fondamentalement de la nature humaine, nature et religion peuvent s'accorder et, dès lors, il n'y a pas à s'étonner que l'une des obligations faites au pasteur soit « [d]aß er nichts lehre, was den Grundsätzen der Moral und des Naturrechts entgegen ist». 136 Ce dernier, par conséquent, doit toujours faire la distinction, dans une religion, entre son substrat essentiel et les formes contingentes qu'elle a prises au cours de l'Histoire, et mettre en valeur les vérités claires et évidentes de la «Vernunftsreligion». 137 Le seul critère qui importe est donc la vérité intrinsèque de la foi qui, loin de pouvoir être imposée par quelqu'un, ne peut jaillir que de l'évidence intérieure. L'auteur du «Schreiben eines jungen Selbstdenkers» est plus précis encore. S'interrogeant pour savoir ce 130

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Br. J. 91.ΙΠ.7 p. 358. Dans ces conditions, rien ne sert de pester contre le déisme qui, perçu dans sa vérité, n'a rien à voir avec «die französische Deisterei», mais qui suppose une grande probité et un respect de l'ordre établi (Br. J. 89.V.2 pp. 19 et 13-14). Sehl. J. 92.IV.4 p. 492. Br. J. 89.ΙΠ.1 pp. 273 et 279. Br. J. 88.X.2 p. 169. Voir également 90.ΧΠ.4 p. 500. In:Droits, 1, 1985, pp. 17-31. Genève/Paris 1987. Br. J. 89.ΙΠ.5 p. 360 ; voir également Sehl. J. 92.VII.2 p. 307.

Br. J. 89.vn.6p. 365.

qui peut emporter la conviction en matière de religion, il écrit : « Kein Mensch und kein Buch in der Welt kann mich mehr von Gott lehren, als meine Vernunft von ihm fassen kann». Puis il ajoute que l'évidence en religion peut être atteinte «nicht durch den Machtspruch eines Fürsten oder einer Kirche? Nein, durch Gründe, also abermal durch die Vernunft ». So bleibt denn auch ja die Vernunft Richterin über göttliche Aussprüche, die in Büchern stehen sollen, weil sie für den Leser nicht eher göttlich sind, als bis seine Vernunft sie dafür erkennt.138

A priori, tous les hommes sont donc égaux face aux vérités divines puisque tous ont été créés raisonnables.139 Le vieux «Landprediger» s'appuie également sur cette conviction lorsqu'il commence à élaborer son propre système de doctrine.140 Et puisque même les paysans les plus humbles sont accessibles à une «Religion der Vernunft», 141 les auteurs des revues peuvent prendre le parti d'une religion épurée142 propre, selon eux, à détruire la superstition et le fanatisme. 2.2.1 Le problème du miracle Le rôle accordé à la raison a, ainsi, une grande incidence sur la question du miracle, ce leitmotiv non seulement du discours religieux de l'Aufklärung en général, mais aussi des deux revues.143 Leurs auteurs refusent premièrement d'y voir une preuve de la véracité de la Bible144 car pour pouvoir conclure à l'existence du miracle, il faudrait qu'il fut possible de connaître toutes les forces de la nature, ce qui, bien sûr, n'est pas envisageable,145 ou alors qu'on pût croire à ce qui semble insensé ou contradictoire,146 en se fiant aveuglément à des témoins, hypothèse qui ne satisfait pas pleinement aux exigences de la raison.147 Le seul avantage qu'on leur reconnaisse est tout au plus d'attirer, sur les vérités inhérentes à la Bible, l'attention de ceux qui ne sont pas encore capables de percevoir par eux-mêmes ses vérités intrinsèques.148 Même lorsqu'on s'adresse à eux, il est cependant mieux de 138 139

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Br. J. 91.Π.1, respectivement pp. 127, 133 et 137. C'est cette position qui, dans le Braunschweigisches Journal, motive, par exemple, le refus des thèses de G. Leß qui croyait que les hommes, avant la venue du Christ, étaient nécessairement moins raisonnables que les chrétiens. (Br. J. 91.Π.1 p. 185). Br. J. 91.ΙΠ.7 pp. 343-345. Sehl. J. 92.V.2 p. 56. Cette importance de la raison dans le domaine religieux permet à un des auteurs de railler Zimmermann, dont les conceptions religieuses sont «erfunden der Vernunft zum Spott» (Br. J. 90.V.4 p. 36). Br. J. 88.Π.1 p. 135 ; 89.ΧΠ.4 p. 497 ; 90.ΓΧ.1 p. 29. La réfutation du miracle est au cœur de trois articles: Br. J. 91.ΧΠ.3; Schi. J. 93.ΙΠ.2 et 93.ΧΠ.8. Br. J. 91.Π.1 p. 149; 91 .ΧΠ.3 p. 462 ; Sehl. J. 92.V.2 p. 58 ; 92.VI.7 p. 232 ; 92.Vm.5 p. 454. Br. J. 91.IV.1 p. 392; 91.ΧΠ.3 pp. 459-460. Br. J. 91.Π.1 p. 121. Br. J. 91 .ΧΠ.3 p. 460 ; Sehl. J. 92.VI.4 pp. 203-204 ; 92.X. 1 p. 151 ; 93.ΠΙ.2 pp. 275-276. Br. J. 90.V.4 p. 43 ; 91.Π.1 p. 164; 91.ΧΠ.2 p. 455 ; Sehl. J. 92.VI.7 p. 237.

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renoncer à toute mention du miracle.149 Outre qu'il peut être le moyen de tromper les gens simples,150 rien ne permet, en effet, de le fonder incontestablement. Et vouloir extraire la vérité morale de la Bible de la prétendue vérité historique des miracles n'apporte rien, puisque seules des causes raisonnables sont susceptibles de faire admettre l'existence d'une doctrine. Or, une proposition historique ne parviendra jamais au degré d'irréfutabilité qu'atteint une proposition rationnelle.151 La critique du miracle est donc polyforme et réitérée - en 1793, encore, Κ. v. Knoblauch en reconsidérera la problématique, mais sans apporter d'éléments particulièrement nouveaux, si ce n'est une présentation plus méthodique de l'argumentation.152 Cette insistance à refuser le miracle peut étonner, dans la mesure où la critique dont il est l'objet n'était pas neuve : elle se nourrit, par exemple, de la pensée de Spinoza, pour qui Dieu, puisqu'il est «sive natura», ne saurait aller contre l'ordre qu'il a lui même créé, ou de celle de Hume qui le réfute pour manque de preuves.153 On peut supposer qu'elle doit ce renouveau de vigueur au constat que, d'une part, il est difficile d'éradiquer la foi dans le surnaturel et le miracle, et d'autre part, que les bouleversements qui secouent la fin du dixhuitième siècle sont propices à la résurgence de pratiques seulement refoulées. Sans envisager ici la renaissance de pratiques religieuses à la suite de la Révolution - Johanne Roche a, par exemple, étudié la « Création de cultes autour de nouveaux corps saints victimes de la révolution» 154 - on peut noter que Γ Aufklärung ne parvient pas, comme elle le souhaiterait, à éradiquer les superstitions populaires : dans un ouvrage récent, Rebekka Habermas a pu ainsi montrer les difficultés rencontrées par les souverains désireux de lutter contre les superstitions pour interdire certains pèlerinages.155 Certes, elle ne considère que l'Allemagne catholique et, plus exactement, la Bavière, mais on peut tout aussi bien constater la

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Cela vaut une mention élogieuse à YAuswahl biblischer Erzählungen für die erste Jugend de H. P. C. Henke, qui ajustement renoncé aux «wunderbare Begebenheiten» dans Br. J. 88.VI.4 p. 233. Schi. J. 92.VI.4 p. 205. L'exploitation que font certains religieux de la superstition du peuple, afin de le mieux dominer, est dénoncée à plusieurs reprises dans les revues : voir, par exemple, Br. J. 89.Vm.4 p. 420; 90.ΧΠ.1 p. 411; Schi. J. 92.VI.4 p. 206; 92.VÏÏ.4 p. 329; 92.XI.2 p. 270; 93.VH.1 p. 264. Br.J. 91.Π.1 pp. 153-155. Schi. J. 93.ΠΙ.2 pp. 272-278. Les conceptions religieuses de Knoblauch ont été bien étudiées par Mondot, Jean, « Carl von Knoblauch zu Hatzbach ou les audaces religieuses et politiques d'un esprit fort», in: Krebs, Roland (éd.), Recherches nouvelles sur /'Aufklärung, [Actes du 18e congrès de l'association des germanistes de l'enseignement supérieur, Reims 1985], Reims 1987, pp. 44-50. Voir Seeberg, Reinhold, «Wunder», in: Realienenzyklopädie fur protestantische Theologie und Kirche, 21, Leipzig 1908, pp. 558-567. In: Plongeron, Bernard (dir.), Pratiques religieuses, mentalités et spiritualités dans l'Europe révolutionnaire 1770-1820, [Actes du Colloque de Chantilly 27-29 novembre 1986], Turnhout 1986, pp. 618-624. Wallfahrt und Aufruhr. Zur Geschichte des Wunderglaubens in der frühen Neuzeit, [Historische Studien, 5], Frankfurt a.M./New York 1991.

persistance de telles superstitions dans les pays protestants. Etienne François, par exemple, a mis en évidence, pour les pays protestants, la très forte sacralisation de la Bible, glissée dans le lits des parturientes, des malades ou des mourants. 156 La critique du miracle est partie intégrante de la réforme théologique qu'entreprennent les «néologues», cette réforme ne signifiant nullement le rejet de la religion, mais celui des dogmes, sitôt qu'ils ne peuvent être vérifiés par la raison.157 2.2.2 Le rapport à la Bible L'importance décisive accordée à la raison, seule capable, en définitive, d'appréhender réellement les vérités divines 158 ne congédie pas d'emblée la Bible comme source de la croyance, mais elle en relativise considérablement l'importance. En un premier temps, elle est, certes, encore présentée comme un recueil de vérités raisonnables, et le Nouveau Testament joue pour les chrétiens le même rôle que l'Ancien pour les Juifs, qui, selon la recension d'un texte de Daniel Friedländer, contient «einen beträchtlichen Schatz der zur jüdischen Religion gehörigen ewigen Vernunftswahrheiten und Sittenlehren». 159 Et la Bible, d'abord, tombe si peu en discrédit que l'un des éditeurs se refuse à admettre d'autres vérités que celles auxquelles on parvient grâce aux deux auxiliaires suivants : « gesunde Vernunft und Gotteswort». 160 La Bible est donc perçue encore comme une des sources de la croyance, en ce qu'elle délivre un certain nombre de vérités. Celles-ci, pourtant, ne sont pas communiquées dans l'immédiateté du texte, et l'on refuse l'idée d'une littéralité de la Bible161 car les conditions historiques de sa rédaction et le développement encore médiocre des Lumières, au temps de Jésus, interdisaient que les vérités bibliques fussent exprimées dans toute leur clarté.162 On ne peut les comprendre qu'au terme d'un examen rigoureux mené par la raison,163 sous peine de tomber dans le fanatisme, 164 la superstition165 ou des élucu-

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«Les Protestants allemands et la Bible. Diffusion et pratique», in: Belaval, Yvon et Bourel, Dominique, Le Siècle des Lumières et la Bible, [Bible de tous les temps, 7], Paris 1986, pp. 47-58). L'une des autres «vérités» de la religion que rejettent les auteurs est, par exemple, la nécessité du baptême (Br. J. 88.Π.1 p. 135 ; 89.VH14 pp. 418-119 ; Sehl. J. 93.VH.10 p. 370). Voir Sr. J. 91.IV.1 p. 389. Br. J. 89.VH.6 p. 358. Br. J. 90.Vm.12 p. 514; voir 88.VÜI.7 p. 485. Voir Br. J. 89.Vm.4 p. 435 ; 89.ΧΠ.4 p. 493 ; 90.IX.5 p. 120 ; 90.X.2 p. 349 ; 90.ΧΠ.1 p. 411 ; 90.ΧΠ.2 p. 425 ; 91 .m.7 p. 356 ; Sehl. J. 92.V.2 p. 59 ; 92.VI.2 p. 159. Voir Br. J. 91.X.1 p. 145. Voir aussi 89.X.2 p. 151: on ne peut ainsi comprendre l'image de Dieu présentée dans l'Ancien Testament sans être familiarisé avec «l'esprit» de l'Antiquité. Cela légitime, chez Campe, «eine Pflicht des Nichtglaubens und eine Pflicht des Zweifels» (Br. J. 88.IV.2 p. 422) ; sur la nécessité d'un examen de la raison, voir également Br. J. 88.X.2 p. 165; 90.V.4 p. 43; 91.Vm.5 pp. 495^196; Sehl. J. 92.X.1 p. 147. Certains textes sur la religion, non rigoureusement orthodoxes, sont ainsi loués dans les recensions car ils exposent

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brations scientifiques comme celles auxquelles s'adonne J.A. Kritter, qui, aux prix de savants calculs, s'efforce de montrer la cohérence des dates données dans l'Ancien Testament.166 La méthode «éclectique» de Kritter, justifiable encore au début du siècle paraît désormais peu sérieuse aux yeux des éditeurs du Brautischweigisches Journal. Pareillement, pour ce qui est du Nouveau Testament, les Evangiles sont inscrits dans une histoire, qui n'a donc pas en soi de raison objective.167 Pour les auteurs des deux journaux, la Bible, alors, n'a de sens qu'abordée et critiquée par la raison,168 une raison érigée en «Urquelle» de la connaissance.169 Cette prépondérance consacre le passage, dans le domaine du religieux, de l'objectivité biblique à la subjectivité raisonnable: «Der Leser ist der Spiegel, in welchem das Buch erscheint».170 Cette manière d'appréhender la Bible relève d'une compréhension proprement néologique du religieux171 - et ce n'est guère un hasard si Jerusalem, pionnier justement de la critique biblique, y est évoqué avec admiration.172 En effet, il est un des pères de l'hypothèse des «Urkunden», hypothèse qui tout à la fois s'oppose à l'idée orthodoxe de l'inspiration divine et nie que le Pentateuque soit de la seule main de Moïse. Dès lors, une « bonne lecture » de la Bible implique de distinguer l'essence des vérités bibliques et les éléments contingents dus aux conditions de sa rédaction.173 Une telle compréhension de la Bible finit donc bien par relativiser son importance car elle n'a plus que la valeur d'un texte parmi d'autres. L'auteur d'un article sur la différence entre le protestantisme et le catholicisme, en s'efforçant de définir une religion durable

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des «gesunde Religionsbegriffe», c'est-à-dire épurés par la raison; voir, par exemple, Schi. J. 92.VH.4 p. 327. Sehl. J. 92.XI.2 pp. 271-272. Voir Br. J. 91.VH.4 p. 370. Π est évident «daß der größte Theil aller religiösen Irrthümer, Schwärmereien u.s.w. aus misverstandenen biblischen Stellen herrührt». Br. J. 91.VL1 pp. 129-147. Voir Br. J. 89.X.1 p. 138; 91.Π. 1 p. 180. Dans ces conditions, s'explique l'indignation qu'un article de Kant avait soulevée, dans lequel il affirmait: «Die Schriftsauslegung liegt ausserhalb den Grenzen der Befügniß der bloßen Vernunft» (Schi. J. 92.ΧΠ.2 p. 409). Br. J. 91.Π.1 p. 124. Br. J. 91.Π.1 p. 135. Sur cette dimension de la théologie éclairée, voir Spam, Walter, art. cit., pp. 33-40, pour qui une telle conception est à l'intersection entre la méthode éclectique, le système wolffïen et l'intériorité piétiste. Sur le travail biblique de ¡'Aufklärung, voir Aner, Karl, Die Theologie der Lessingzeit, Hailea. d. S. 1929, pp. 202-233 («die neologisches Waffenschmiede»), Dans la perspective d'une histoire critique de la théologie, les Néologues s'efforcent, grâce à des études philologiques, de transposer les textes bibliques dans leur contexte historique, ce qui aboutit à une humanisation du contenu des Ecritures. Les Nachgelassene Schriften sont ainsi très largement citées dans Sehl. J. 92.VII.2 pp. 295309 ; voir également Br. J. 88.VHI.3 p. 415 ; 89.Π.3 p. 196 ; 89.XI.5 pp. 363-364 - il s'agit ici d'un poème à la mémoire de Jerusalem - ; 91 .V. 1 p. 16. Voir Müller, Wolfgang Erich, «Legitimation historischer Kritik bei J. F. W. Jerusalem», in: Wolfenbütteler Forschungen, 41, 1988, pp. 209-211.

parce que fondée sur la nature humaine,174 affirme qu'il doit être possible d'appliquer aux différentes religions une méthode comparatiste, pour accéder à leur quintessence. D'une telle tentative participent, dans d'autres passages des journaux, la mise sur un même plan des prophètes hébreux, des philosophes, des martyrs de la chrétienté et des meneurs de la Réforme,175 et surtout l'ébauche, par Seidenstücker, d'une étude structuraliste des mythes antiques et de la religion judéo-chrétienne.176 Cette démarche qui est l'expression scientifique d'un des rêves fondamentaux de la théologie de l'Aufklärung - celui de réconcilier entre elles les religions177 - permet à la raison d'assurer son primat. Sous l'influence de positions théologiques plus progressistes, la Bible, finalement, cesse d'être un des piliers de la foi. La fin de l'Aufklärung marque, en effet, le passage à une conception déiste de la religion,178 qui peut, par conséquent, se passer de tout texte sacré. L'auteur de l'article «Haben die Christen Ursache, so sehr wider den Deismus zu eifern?» 179 écrit, par exemple, que le déisme est la religion «die bloß auf Erfahrung, gesunden Menschenverstand und gebildete Vernunft sich stützt». 180 Le vrai déisme n'est nullement iconoclaste, et dans la représentation qu'on en trouve dans le Schleswigsches Journal, il ne se distingue explicitement d'une religion positive que par le mode de connaissance des vérités essentielles.181 Les vérités de ce déisme peuvent être réduites à trois. Comme l'écrit Hennings : In der Religion sind die Hauptwahrheiten 1)Die Verehrung Gottes 2) Die Nothwendigkeit der Tugend 3) Die Hofnung einer richtenden Zukunft 182

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Br. J. 88.X.2 p. 169. Br. J. 89.Π.5 p. 246. Schi. J. 92.VI.2 pp. 156-172. 177 «Die Aufgeschlossenheit [...] für die Wiedervereinigung der Kirchen» est même, d'après Werner Schütz, une des caractéristiques de la théologie de l'Aufklärung («Die Kanzel als Katheder der Aufklärung», in: Wolfenbütteler Studien zur Aufklärung, 1, 1974, p. 149). 178 Le rôle joué par le déisme dans les revues tient, sans doute, moins à la collaboration du fils de Reimarus (Br. J. 90.1.4 pp. 71-83 ; Schi. J. 93.VÜI.2 pp. 4 3 1 ^ 3 7 ) qu'aux liens privilégiés de plusieurs des rédacteurs avec Hambourg, ville particulièrement soumise à l'influence de la pensée anglaise, et ce surtout grâce au cercle réuni autour de Johann Albert Fabricius, foyer du déisme en Allemagne ainsi que centre du mouvement physico-théologique, comme l'a démontré Wolfgang Philipp dans Das Werden der Aufklärung in theologiegeschichtlicher Sicht, [Forschungen zur systematischen Theologie und Religionsphilosophie, 3], Göttingen 1957, pp. 44-46. De ce mouvement, on trouve plusieurs traces dans les deux revues: Br J. 88.IV.1 pp. 402-403; 90.XI.2 p. 303; 91.X.3 pp. 179 et 189; Sc«. J. 92.X.1 pp. 130 et 134; 93.VI.7 p. 254; 93.VII.7 p. 328. 179 Br. J. 89.V.2 pp. 9-36. 180 Ibid., p. 12. 181 Voir ibid., pp. 22 et sqq. ; Br. J. 91.IV.1 pp. 375 et sqq. 182 Schi. J. 93.1.2 p. 11.

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ramenant ainsi à trois propositions les cinq principes du déisme édictés par Lord Cherbury : Dieu est réellement ; l'homme est obligé de le servir ; il le sert par sa vertu et sa piété, et non par la seule observance des rites ; il doit expier et réparer ses fautes; dans l'au-delà sera possible une complète Vergeltung,183 Un article intitulé «Reisen des Mandarinen Xangthu», et publié en octobre 1792, affirme déjà, sous une forme narrative, ce que Hennings formule si clairement en janvier 1793. Xangthu, déduisant l'existence de l'Etre suprême de l'ordre qu'il découvre dans la nature lorsqu'il la contemple,184 se livre à une critique des vérités révélées - à ses yeux, elles ne sauraient apprendre plus que la raison185 - ainsi que du miracle.186 Dénonçant l'hypocrisie et le fanatisme,187 il peint l'image d'une religion qui, loin de nourrir l'incrédulité, ouvre à un vrai amour pour Dieu,188 fonde une vie morale189 et promet que la vie vertueuse sera récompensée dans l'au-delà .190 II cristallise donc l'image que les auteurs ont d'une religion éclairée mais ces derniers expriment aussi, à travers lui, leur conflit avec l'Orthodoxie: Xangthu manque d'être lapidé par des fanatiques,191 son maître l'enjoint de quitter la ville192 et lui conseille la prudence ,193 Les jugements portés sur le prédicateur J. H. Schulz (« Zopf=Schulz ») sont également d'inspiration déiste. En dépit de son enseignement d'une indéniable hétérodoxie, il est présenté comme un partisan du «ächten Protestantismus»,194 soucieux de faire de ses ouailles de bons citoyens.

3

Le sens initial des projets de réforme

3.1

Une réforme pour la société

De fait, le renouvellement de la religion prônée par les auteurs tend à libérer le peuple de la léthargie dans laquelle le plongent ses formes traditionnelles qui lui enseignent la résignation et l'apathie,195 afin de redonner sa valeur à la vie 183 184 185 186 187 188 189 190 191 192 193 194

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Voir Schmidt, Martin, art. cit., pp. 597-598. Sehl. J. 92.X. 1 pp. 130 et 132. Ibid., p. 142. Ibid., pp. 152-153. Ibid., pp. 130, 132-133, 135-136. Ibid., pp. 130, 142. Ibid., pp. 143,158. Ibid., pp. 137, 166. Ibid., p. 131. Ibid., p. 154. Ibid., p. 169. Sehl. J. 92.IV.4 p. 476. Ce que dit l'auteur de Amelang, qui prend le parti de Schulz, vaut en effet, pour ce dernier également. Leschinski, Achim et Roeder, Peter Martin, Schule im historischen Prozeß. Zum Wechselverhältnis von institutioneller Erziehung und gesellschaftlicher Entwicklung, Stuttgart 1976,

terrestre, seule voie susceptible de rendre le peuple industrieux et donc d'augnienter l'efficience de la société ou de l'Etat (la distinction entre «Staat», comme institution, et «Gesellschaft», comme ensemble des sujets, ne deviendra sensible que dans les années 1790).196 Dans leur analyse des composantes de la « christliche Lethargie », Leschinski et Roeder ont bien décrit ce processus : pour être en mesure de valoriser les forces productives de l'Homme, il faut renoncer aux conceptions anciennes de l'augustinisme qui, ne considérant en l'Homme que la créature déchue, s'oppose à toute velléité de changement. C'est précisément le rapport des hommes à leur condition que les réformateurs du dix-huitième siècle entreprennent de bouleverser: le passage sur la terre n'est plus perçu comme une simple épreuve qu'il s'agit de subir dans la passivité et dans l'attente de l'au-delà. Au lieu de se replier dans la prière et de mépriser la vie ici-bas, il faut, au contraire la mettre à profit. Un tel point de vue aboutit nécessairement à invalider - ou au moins à relativiser fortement - l'image habituelle d'un Dieu de vengeance intervenant sans cesse dans les affaires terrestres pour montrer aux hommes leur néant. La renonciation à certains dogmes qu'implique un tel changement de fonction de la religion est parfois mise directement en rapport avec le désir d'accroître la force de travail des membres de la société ou simplement de les lui conserver. Lorsque Winterfeld, par exemple, sous l'influence probable de la pensée anglaise,197 se prononce pour une plus grande indulgence vis-à vis des suicidés,198 il recourt à une double argumentation : d'une part, il est plus juste de juger un homme en regardant les actions de sa vie tout entière, plutôt qu'en ne

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pp. 365-376. Leschinski et Roeder évoquent surtout Rochow, mais les conclusions qu'ils tirent valent bien plus largement. On retrouve la même idée dans le Braunschweigisches Journal : Br. J. 90.ΧΠ.1 p. 411 ou 91.ΧΠ.2 p. 446 qui qualifie une telle religion de «besänftigendes Opiat», et c'est parce que Necker attribue à la religion une fonction purement consolatrice, que son livre De l'importance des opinions religieuses (Londres 1788) est vertement critiqué dans le Schleswigsches Journal (Sehl. J. 92.XI.2 p. 270). Manfred Riedel a, certes, noté que depuis le milieu du dix-huitième siècle, un processus de différenciation de ces deux termes est à l'œuvre, mais c'est seulement dans les années 1790 que les contemporains en prennent clairement conscience («Gesellschaft, bürgerliche», in: Brunner, Otto, Conze, Werner et Koselleck, Reinhart (éd.), Geschichtliche Grundbegriffe. Historisches Lexikon zur politisch-sozialen Sprache in Deutschland, vol. 2, Stuttgart 1975, pp. 719-800). Voir Adler, Gabrielle, Die Darstellung des Suizids in der deutschen Literatur seit Goethe, Med. Diss., Halle 1992, p. 28. Hume, dont l'essai Of suicide devait exercer une grande influence sur la réflexion sur le suicide, estime ainsi qu'il est possible de quitter la vie comme on se retire des affaires. La façon d'envisager le suicide au dix-huitième siècle évolue plus généralement, en en faisant toujours plus un problème non moral, mais médical (voir Minois, Georges, Histoire du suicide. La société occidentale face à la mort volontaire, Paris 1995, pp. 246-287). Le suicide était jadis puni d'un traitement infamant infligé au cadavre.

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considérant que ses dispositions intérieures au moment suprême; 199 d'autre part, une libéralisation dans le traitement des dépouilles de ceux qui mettent fin à leurs jours réduirait, selon lui, le nombre des meurtres accomplis dans une intention suicidaire. Campe tient un raisonnement mutatis mutandis identique en recourant à un argument de type démographique lorsqu'il se prononce pour l'abolition d'un décret pris sous Frédéric-Guillaume I, destiné à lutter contre l'infanticide, mais qui s'était avéré inefficace, et pour un renforcement, au contraire, de l'enseignement moral permettant selon lui, de lutter contre la «Unkeuschheit». 200 D'un point de vue moral, les réformes pédagogiques ont la même portée que les réformes dans le domaine religieux, car si les citoyens agissaient moralement, « so würden das Wohl der Staaten und die bürgerliche Glückseligkeit ungemein gesichert seyn».201 Pareillement, la réforme des méthodes et des contenus est orientée vers le profit que pourra en tirer la société, car il s'agit, pour les réformateurs, de recourir aux meilleurs moyens de transmettre prioritairement à chacun de ses membres les connaissances dont il aura besoin pour fournir le travail le plus fructueux. Toute la réflexion pédagogique des Philanthropistes est articulée sur la conviction que «dem Umbau und Dynamisierungsprozeß von Wirtschaft und Gesellschaft nur eine prinzipielle Veränderung angemessen sein [kann] ; die „Umschaffung des Menschen"». 202 De fait, le souci de former des citoyens utiles à l'Etat paraît être un leitmotiv du discours pédagogique du Braunschweigisches Journal et on en trouve mainte illustration dans les revues: en 1788, l'un des

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Br. J. 91.VÜ.3 pp. 336-352. Dans un supplément à cet article, Winterfeld réaffirme que les seuls moyens de lutter contre l'irréligion sont des «gereinigte Religionsbegriffe» (Br. J. 91ΛΤΠ.4 p. 389). Br. J. 89.XI.3 p. 347. Nous ne nous attardons pas à cette problématique de l'infanticide bien mis en lumière dans un ouvrage récent: Ulbricht, Otto, Kindsmord und Aufklärung in Deutschland, [Ancien Régime, Aufklärung und Revolution, 18], München 1990. Br. J. 89.IV.8 p. 488 ; voir également 88.Π.2 p. 190. Herrmann, Ulrich, « Erziehung und Unterricht als Politikum. Kontroversen über erhoffte und befürchtete Wechselwirkungen von Politik und Pädagogik im ausgehenden 18. Jahrhundert in Deutschland», in: Bödeker, Hans Erich et Herrmann, Ulrich (éd.), Aufklärung als Politisierung - Politisierung der Aufklärung, [Studien zum 18. Jahrhundert, 8], Hamburg 1987, p. 56. Voir également Fertig, Ludwig, Campes politische Erziehung: eine Einßihrung in die Pädagogik der Aufklärung, [Impulse der Forschung, 27], Darmstadt 1977, p. 191 : «Man orientierte sich nicht mehr nur am Bedarfdeckungsprinzip der vorkapitalistischen statischen Gesellschaftsstruktur, sondern wollte durchaus eine Dynamisierung aller Kräfte um einer wenn auch eingeschränkten - Mobilisierung der Ökonomie willen». C'est autour de cette problématique que Hartmut Titze oriente, en outre, sa belle étude de l'évolution des conceptions pédagogiques depuis le Moyen-Age (Die Politisierung der Erziehung. Untersuchungen über die soziale und politische Funktion der Erziehung von der Aufklärung bis zum Hochkapitalismus, Frankfurt/M. 1973). Le discours théologique ne permettant pas de gérer une telle métamorphose de l'homme, les Philantropistes s'efforcent, par la «Pädagogik», d'établir systématiquement et scientifiquement les règles qui la rendront possible (sur le contexte scientifique de la réforme philanthropiste, voir Kersting, Christa, Die Genese der Pädagogik im 18. Jahrhundert. Campes « Allgemeine Revision » im Kontext der neuzeitlichen Wissenschaft, Weinheim 1993).

commandements établis par Rochow est le suivant: «Du sollst dein Leben nicht als einen Zweck, sondern als ein Mittel betrachten, und daher die Gefahr des Todes in deinem Berufe, und zum Besten der Gesellschaft, in der du lebst, nicht feigherzig scheuen»; 203 un maître d'école se réjouit d'avoir si bien formé ses élèves qu'ils continuent à «wetteifern [...], sich zu nützlichen und würdigen Bürgern emporzuarbeiten».204 Un autre juge indispensable la création de nouvelles écoles pour que les enfants puissent se préparer à devenir des «nützlichen und brauchbaren Bürger[n] »,205 En somme, la moralité plus grande des habitants d'un pays - de même qu'un enseignement préoccupé davantage de leur profession future - fait d'eux de meilleurs consommateurs et des citoyens plus utiles.206 3.2

Le rapport entre l'individu et la société dans les réformes pédagogiques

C'est justement la place occupée par la société dans les projets de réforme philanthropistes qui est au cœur des discussions qu'ils suscitent. Ainsi, Rehberg, dans ses articles de 1788, reproche aux Philantropistes de diminuer le poids du latin pour les «Bürger» parce qu'ils décident trop tôt des fonctions que chacun exercera plus tard et donc, qu'ils dépouillent l'homme d'une part de son humanité en le rabaissant au statut de rouage de la société.207 Tout en se réclamant de Rousseau, ils s'efforcent avant tout de « lehren, wie man Menschen für die Bedürfnisse der bürgerlichen Gesellschaft erziehen solle ».208 Pour sa part, Rehberg refuse de faire passer la « Brauchbarkeit des Bürgers » avant la « möglich größte und mannigfaltige Ausbildung des Menschen »,209 Par son texte, Rehberg renvoie à une des questions fondamentales que pose la réforme de l'enseignement en Allemagne à la fin du dix-huitième siècle, celle qu'aborde Trapp, dès 1779, dans son Versuch einer Pädagogik, et à laquelle

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Br. J. 88.Π.1 p. 145. Br. J. 89.ΧΠ.4 p. 488. Br. J. 91.IX.5 p. 57. La distinction entre «Staat» et «Gesellschaft» n'étant pas, on l'a vu, encore clairement établie, il ne faut pas comprendre, dans ces deux dernières citations, «Bürger» comme «Staatsbürger» - notion qui n'apparaîtra que par la suite - mais seulement comme membre de la société. Pour ce qui est de l'éducation comme formation à la «Brauchbarkeit», voir aussi Br. J. 88.IV.6 p. 477 l'école a pour tâche principale «auf die Geschäfte und Berufspflichten des bürgerlichen in allen Ständen gehörig vorzubereiten» (Campe); 88.VII.2 p. 277: dans l'éducation, il ne faut jamais perdre de vue « den in der Gesellschaft und fur die Gesellschaft lebenden Menschen» (Trapp); voir aussi 89.V.3 p. 57; 89.IX.1 p. 43; 89.ΧΠ.4 p. 496. Cet argument peut être également utilisé a contrario pour dénoncer les erreurs de la pédagogie ancienne : voir Br. J. 88.X.6 p. 227 ; 88.X.5 p. 194. Br. J. 89.Π.4 p. 228. Rehberg, August Wilhelm, op. cit., p. 121. Dans l'impossibilité de déterminer qui sera apte ou non à exercer des responsabilités, Rehberg estime, lui, indispensable que chacun dispose de solides connaissances en langues anciennes (p. 108). Sehl. J. 92.XI.3. p. 346. Cité in Br. J. 88.X.7 pp. 231 et 232.

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Campe, Villaume et Stuve, pour ne citer que les plus marquants, tentent de répondre dans les traités des premiers tomes de Y Allgemeine Revision des gesamten Schul- und Erziehungswesens (1785-1792). 210 La lecture de leurs textes oblige, semble-t-il, à nuancer le jugement radical porté par Rehberg. D'après Trapp, en effet, l'éducation ne tend pas seulement à former des citoyens, car « Erziehung ist Bildung des Menschen zur Glückseligkeit ». 2 " Elle a pour tâche, en réalité, de faire accéder l'Homme à «ein Zustand angenehmer Empfindung»,212 L'éducation, dans ces conditions, doit aider l'Homme à satisfaire les besoins qui naissent de sa nature, c'est-à-dire du rapport entre ses facultés cognitives et son désir d'action. Dans leur tentative de poser les fondements d'une science anthropologique, les Philanthropistes proposent néanmoins d'autres modèles. C'est ainsi que Campe, lui, opère une distinction entre les forces « originelles » (« ursprüngliche Kräfte ») et les forces «dérivées» («abgeleitete Kräfte»). Parlant des premières, il donne à l'éducateur le conseil suivant : sorge dafiir, daß die sämtlichen Kräfte deines Zöglings dergestalt verhältnißmäßig geübt werden, daß sie, jede in ihrer Art, gleich starker und anhaltender Anstrengungen fähig werden mögen, und besonders, daß die Seele des Zöglings eine große Leichtigkeit gewinne, von der einen Wirkungsart zur andern ohne Widerwillen und Ermattung überzugehn

et il reprend peu après cette recommandation en la précisant : Sorge dafiir, daß die sämmtlichen ursprünglichen Kräfte deines Zöglings in einer solchen Ordnung und in einem solchen Maaße gestärkt und ausgebildet werden, daß der erwachsene und zu seiner Reife gediehene Mensch diese Kräfte alle mit gleicher Leichtigkeit in gleich starke Thätigkeit setzen könne, und daß es ihm leicht sey, nach Erfordemiß der Umstände, von der einen Wirkungsart zu der andern ohne Widerwillen ohne Ermattung Übergehn.213

La règle qu'il vient d'énoncer comme condition nécessaire pour la félicité214 ne souffre, selon lui, aucune exception : elle vaut en principe pour les enfants issus de tous les états de la société. 210

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Sur 1 'Allgemeine Revision, voir Kersting, Christa, « J. H. Campes „ A l l g e m e i n e Revision" - das Standardwerk der Pädagogik der Aufklärung», in: Schmitt, Hanno (éd.), Visionäre Lebensklugheit: Joachim Heinrich Campe in seiner Zeit (1746-1818), Ausstellung des Braunschweigischen Landesmuseums und der Herzog-August-Bibliothek Wolfenbüttel vom 29. Juni bis 13. Oktober 1996, Wiesbaden 1996, pp. 179-184; Ulbricht, Günther «Die „Allgemeine Revision" - eine fortschrittlich bürgerliche pädagogische Zeitschrift am Ende des 18. Jahrhunderts», in: Beiträge zur Geschichte der Erziehung. Robert Alt zum 50. Geburtstag, Berlin 1955, pp. 33-70. Trapp, Ernst Christian, Versuch einer Pädagogik, Paderborn 1977 [reprint de l'édition de 1780, Herrmann, Ulrich (éd.)], p. 33. Voir aussi p. 42: «Die Erziehung soll jedem Menschen zu so viel Glückseligkeit verhelfen, als für ihn möglich und nöthig ist». Trapp, op. cit., p. 34. Campe, Joachim Heinrich, «Von der nöthigen Sorge für die Erhaltung des Gleichgewichts unter den menschlichen Kräften. Besondere Warnung vor dem Modefehler, die Empfindsamkeit zu überspannen», in : Allgemeine Revision, op. cit., vol. ΠΙ, 1785, pp. 306 et 317. Ibid., p. 324 : «je mehr diese Kräfte in einem Menschen verhältnißmäßig entwickelt und durch Uebungen gestärkt sind, desto grösser ist seine innere Fähigkeit zur Glückseligkeit».

Stuve érige également en fin ultime de l'Homme le bonheur, convaincu qu'il consiste dans le «Zustand einer verhältnißmäßigen Ausbildung und Vervollkommnung der Anlagen und Kräfte unserer Natur, und die übereinstimmende Befriedigung unserer natürlichen Triebe».215 La portée politique d'une telle conception est évidente. A l'instar des autres projets de réformes pédagogiques, l'insistance sur l'importance à accorder à «l'éducation pour l'Homme» constitue une réponse au traditionnel ordre féodal. Helmut König a analysé, dans cette perspective, les théories pédagogiques élaborées en Allemagne à la fin du dix-huitième siècle. Elles sont caractérisées, selon lui, par la tentative de promouvoir une éducation humaniste articulée sur plusieurs axes, «Erziehung zur Menschenliebe» et «Erziehung zum Frieden», d'une part, et «Erziehung zum Menschen» d'autre part. Celle-ci tend à instaurer un état de paix indispensable à l'établissement d'un marché national permettant à la bourgeoisie de s'implanter. L'éducation «zur Menschenliebe», en s'efforçant de faire naître le patriotisme, aspire, tout comme l'éducation «pour l'homme», qui repose sur la croyance en une égalité fondamentale, à miner les distinctions sociales traditionnelles.216 D'emblée, Villaume est plus nuancé, et si, en un premier temps, il considère la «perfection» en soi,217 il en donne aussitôt une définition plus précise : In dem Menschen besteht die Vollkommenheit 1) In alle dem, was in ihm den Beifall Andrer erregen kann ; was Andre mit Vergnügen, mit Bewunderung an ihm bemerken werden ; als Schönheit, Kraft, Geist, Tugend, Anlagen, je größer diese Eigenschaften sind, desto größer ist seine Vollkommenheit 2) Besteht die Vollkommenheit in allem, was in ihm den Andern nützlich seyn kann. 3) In Allem, wodurch sein eignes Wohlseyn, sein Vergnügen, seine Veredlung und Seligkeit befördert wird. Dazu sind alle Kräfte und Vorzüge tauglich. 218

La perfection est donc bipolaire, qui ou bien dépend de la relation de l'individu aux autres individus et, par conséquent, à la société, ou émane de lui seul. Il en découle deux formes de «perfection»: une «perfection» absolue «welche alle

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Stuve, Johann, «Allgemeinste Grundsätze der Erziehung, hergeleitet aus einer richtigen Kenntniß des Menschen in Rücksicht auf seine Bestimmung, seine körperliche und geistige Natur und deren innigste Verbindung, seine Fähigkeit zur Glükseligkeit und seine Bestimmung für die Gesellschaft», in -.Allgemeine Revision, op. cit., vol. 1,1785, p. 257. König, Helmut, «Ansätze zur nationalpädagogischen und neuhumanistischen Bildung und Erziehung im ausgehenden 18. Jahrhundert», in: Herrman, Ulrich (éd.), Die Bildung des Bürgers: die Formierung der bürgerlichen Gesellschaft und die Gebildeten im 18. Jahrhundert, Weinheim/Basel 1989, pp. 266-284. Villaume, Peter, «Ob und in wie fern bei der Erziehung die Vollkommenheit des einzelnen Menschen seiner Brauchbarkeit aufzuopfern ist», in: Allgemeine Revision, vol. ΙΠ, 1785, pp. 459-460 : «Die Vollkommenheit besteht in den Kräften, in ihrem vorzüglichem Maaße, in ihrem Verhältnisse zu einander, in dem Ebenmaaße der Theile, in alle dem, was dem Subjekten selbst Vergnügen machen kann [...]». Cette «Vollkommenheit» a deux aspects, l'un externe (la beauté physique) et l'autre interne, que Villaume subdivise en «thätigen und geniessenden Kräften», ibid., p. 461. Ibid., p. 460.

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Kräfte des Menschen so hoch erhebt, als es seine individuelle Natur zuläßt, ohne sich, durch die Pflichten in der Lage des Subjekts in der Gesellschaft, einschränken zu lassen» et une autre, relative, qui consiste en la plus haute perfection «die der Mensch, vermöge seiner Kräfte, und mit Rücksicht auf seinen Stand in der Gesellschaft erreichen kann». 219 Néanmoins, les deux types de perfection peuvent entrer en conflit,220 un conflit que Villaume entreprend de résoudre pour apporter une réponse au problème posé par la divergence éventuelle entre les droits de l'individu et ceux de la société, entre la liberté de l'Homme et ce que la société peut attendre de lui, autrement dit entre la « Vollkommenheit » et la «Brauchbarkeit». L'analyse de Villaume désamorce ainsi le potentiel conflictuel221 entre ces deux instances: d'une part, la majorité des hommes est médiocre, condamnée à agir mécaniquement,222 et, pour elle, la question de la perfection ne se pose pas.223 Les hommes plus doués, d'autre part, n'y sont pas davantage confrontés, car cette force qu'est la perfection n'a de toute façon de valeur que lorsqu'elle s'exprime, et c'est justement en s'extériorisant que la force accède à la conscience d'elle-même et qu'elle représente un gain pour la société.224 Le «penseur», enfin, qui perçoit la vérité des choses, est assez raisonnable pour agir comme une machine et ne pas faire prévaloir sa «perfection» au détriment de l'utilité : der Denker muß aus Gründen gehorsam seyn, und so handeln, als wenn er maschinenmäßig handelte - denn die Vernunft soll den Menschen zu seinem Stande tüchtig machen. 225

En somme, Villaume, après avoir résolu en théorie les tensions possibles entre les intérêts de la société et ceux de l'individu, auquel il reconnaît un droit à ce qu'il appelle la «perfection absolue», restreint bientôt ce dernier pour des raisons pratiques, ce qui aboutit à subordonner de facto l'éducation de l'homme à celle du futur citoyen. C'est en vertu d'une même dialectique entre l'homme et la société qu'en définitive, les autres auteurs analysent, eux aussi, l'éducation. Stuve, après avoir érigé explicitement la félicité de l'homme en but de l'éducation, tient un raisonnement semblable à celui de Villaume: ce dernier 219 220 221

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Ibid., p. 542. Voir le chapitre 5 de l'essai de Villaume, pp. 468-518. Hanno Schmitt évoque pareillement la «politische und soziale Sprengkraft» sous-jacente à ce couple de concepts («Politische Reaktionen auf die Französische Revolution in der philanthropischen Erziehungsbewegung in Deutschland», in: Herrmann , Ulrich et Oelkers, Jürgen, (éd.), Revolution und Pädagogik der Moderne, Weinheim /Basel 1990, p. 166). Villaume, Peter, art. cit., p. 513. Ibid., p. 481 : «Die mehresten Menschen sind in allen ihren Kräften mittelmäßig, und ihre Bedürfnisse gehn nur auf Mittelmäßigkeit. Also können sie höhere Vollkommenheiten nicht nutzen, ja sie können sie mehrentheils nicht vertragen ». Ibid., pp. 489-495. Ibid., p. 487.

voyait dans la société l'une des sources de la félicité - puisque c'est l'image de l'individu que lui renvoient les autres qui peut le rendre heureux - et Stuve considère que c'est principalement la société qui peut apporter le bonheur à l'homme: «Denn die wesentlichste Quelle der Glückseligkeit ist ja das Anschaun eigener Vollkommenheit, und diese ist, wie wir gesehen haben, nur in der Gesellschaft erreichbar». Il s'ensuit donc daß der Mensch für die Gesellschaft geschaffen ist, und außer ihr seine Bestimmung nicht erreichen kann. Ist dem aber also, so folgt auch daraus unleugbar, daß der Mensch für die Gesellschaft und ein gesellschaftliches Leben gebildet werden muß, daß er nicht blos für sich, sondern auch für andere daseyn, leben und wirken muß. 226

Si, pour l'homme, il n'est point de salut hors de la société, il doit être prêt à tout lui sacrifier car elle détient la clef de son bonheur.227 Et Stuve peut donner du but ultime de l'éducation la définition suivante : Der Endzweck der Erziehung ist, jeden Menschen, nach seiner eigenthümlichen Beschaffenheit, und nach seinem Standpunkt in der Gesellschaft fiir sich selbst so vollkommen und glüklich, und für andre so nützlich, als möglich zu machen228

Dans son analyse, un conflit entre les intérêts de l'homme et ceux de la société n'est guère évoqué, puisque l'homme peut accéder au bonheur uniquement s'il se conforme à sa détermination de citoyen. On est donc fondé à laisser l'individu développer à sa guise ses dispositions naturelles, en les dirigeant toutefois, afin qu'elles ne prennent pas ime direction nuisible soit à lui-même, soit à la société229 et l'éducateur est en droit de cultiver l'entendement de son élève, mais en le façonnant toujours en fonction de la sphère dans laquelle son pupille agira plus tard. Par là, le jugement de Stuve semble se rapprocher de celui de Campe. Campe, en effet, juge que le développement des forces originelles de l'individu ne peut qu'être un bien, tant qu'il respecte les limites imposées par sa situation particulière,230 c'est-à-dire l'état dans lequel il est né : Kein Stand und kein Beruf ist zu erdenken, dessen Geschäfte nicht in eben dem Maaße besser von Statten gingen, in welchem alle die ursprünglichen Kräfte desjenigen, der sie verrichtet, mehr entwickelt worden sind [...].231

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Stuve, Johann, art. cit., pp. 317-318. Ibid., p. 324 : «Er muß in der Gesellschaft und für die Gesellschaft leben, und daraus erwächst eben seine Vollkommenheit und sein Glück. [...] Es scheint, daß er oft nur um des Ganzes willen aufopfern muß, aber das scheint nur so ; in der Wirklichkeit zielet das alles zugleich auf sein eigenes Wohl ab ». Ibid., p. 325. Ibid., p. 325. Campe, Joachim Heinrich, art. cit., p. 323. Pour lui, on peut cultiver ces forces «bis zu dem unbestimmten höchsten Grade, dessen Erreichung die individuelle Lage eines Jeden möglich macht». Ibid., p. 324.

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Β. Nieser, dans son étude des conceptions pédagogiques de PAufklärung cite également ces lignes où il croit deviner une contradiction entre la position de Campe et celle de Villaume.232 La suite du passage, que ne mentionne pas Nieser, paraît indiquer, au contraire, que la différence entre la terminologie de Campe et celle de Villaume ne mène point à une opposition fondamentale de leurs raisonnements. En effet, Campe poursuit : Freilich gehört hierzu, daß die Kräfte eines jeden mit beständiger Rücksicht auf seinen Stand und nur an solchen Gegenständen geübt seyn müssen, welche innerhalb der Grenzen seines Wirkungskreises liegen.

L'affirmation qu'il est nécessaire pour l'éducateur de respecter l'état («Stand») de son élève est récurrente dans le texte de Campe234 et, pour des raisons évidentes, elle détermine le choix des connaissances pratiques à transmettre à l'élève et donc la formation des « forces dérivées ». Campe minimise, lui aussi, les possibilités de conflits susceptibles de jaillir entre l'homme et le citoyen. En effet, le fait de devoir respecter les limites qu'assigne la position dans la société ne revient pas, selon lui, à négliger la formation de l'homme. Celle-ci reste prioritaire, mais ce qui change en fonction des conditions sociales, c'est le domaine d'application des forces originelles. Et l'auteur conclut [d]aß die Uebungen eines jeden Individuums allgemein und doch ausschliessend seyn können ; jenes indem alle ursprünglichen Kräfte desselben geübt werden, dieses indem diese Uebungen nur auf gewisse Gegenstände eingeschränkt und nur zur Erwerbung gewisser Fertigkeiten angestellt werden. 235

Dans son texte, il prétend donc pouvoir éduquer l'individu en tant qu'homme et citoyen, sans que des conflits surgissent entre ces deux déterminations. Si les forces originelles ne doivent être développées qu'autant que la position sociale le tolère, le principe d'un développement harmonieux de toutes les forces ne peut être réalisé dans la pratique. L'éducateur doit se garder de faire naître des besoins que l'individu, par sa place dans la société, ne serait pas à même d'assouvir. On trouve la même idée dans le Versuch einer Pädagogik de Trapp. Lui aussi reconnaît la fonction déterminante de la félicité dans l'éducation, mais il précise : Die Erziehung soll jedem Menschen zu so viel Glückseligkeit verhelfen, als für ihn möglich und nöthig ist.

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Nieser, Bruno, Aufklärung und Bildung. Studien zur Entstehung und gesellschaftlichen Bedeutung von Bildungskonzeptionen in Frankreich und Deutschland im Jahrhundert der Aufklärung, [Studien zur Philosophie und Theorie der Bildung, 20], Weinheim 1992, pp. 178179. Campe, Joachim Heinrich, art. cit., p. 325. Ibid., par exemple, pp. 336, 341, 384, 390. Campe, Joachim Heinrich, art. cit., p. 343.

Es ist aber so viel fiir ihn möglich, als er Empfänglichkeit, und so viel nöthig, als er Bediirfniß hat. Die Bedürfnisse, oder welches einerlei ist, die Triebe zu bestimmten Arten der angenehmen Empfindungen, sind größtenteils ein Werk der Erziehung [...] Sie ihm zu geben, ist abermal das Geschäft der Erziehung. [...] Die Bildung des Menschen muß auf die Art und in dem Grade getrieben werden, als es die Bedürfiiisse der Gesellschaft, worin sie leben sollen, erfordert. 236 Ici n o n plus, la réalité d'un conflit entre l'individu et la société n'est pas perçue dans toute s o n acuité. Etant donné la médiocrité caractéristique de la plupart des individus qui agissent mécaniquement, un tel conflit ne peut guère se produire 2 3 7 et la minorité des g e n s plus éclairés est, elle, trop sage pour violer les lois de la société. 2 3 8 Certes, la différence de terminologie peut d'abord sembler déroutante : Campe, par exemple,

parle

de

«Stand»,

tandis

que

Stuve

et

Trapp

évoquent

la

« G e s e l l s c h a f t » . L ' i d é e sous-jacente reste pourtant la m ê m e , le « S t a n d » n'étant jamais qu'une des subdivisions de cette société ( « G e s e l l s c h a f t »), 2 3 9 à laquelle doivent être soumis les intérêts particuliers. Les auteurs du Braunschweigisches

Journal

continuent, semble-t-il, à articuler

de la m ê m e manière l'éducation de l ' h o m m e et celle du citoyen, 2 4 0 tout en privilé236 237 238

239

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Trapp, Ernst Christian, op. cit., pp. 42-45. Ibid., pp. 155-156. Ibid., p. 209 : «Das Gefühl und der ungehinderte Gebrauch der Freiheit macht den Menschen edler gesinnt, vermehrt seine Kräfte und seine Lust zum Arbeiten. Man thut seine Pflichten nie williger, als wenn man sich bewußt ist, daß man sie aus freier Wahl tue, und daß kein Zwang von aussen her uns dazu bewegen könnt, wenn wir nicht ohnehin schon wollten. Ein weiser Mann thut ohne Gesetz, was recht ist, sagt ein Alter. Die Weisheit besteht darin, daß man durch die empfundene Unabhängigkeit von den Gesetzen (die man aber nichts desto weniger erfüllt, und genauer erfüllt, als Manche, die davon abhängen) das Gefühl eigner Stärke und Würde genießt». En outre, Villaume, dans le passage cité ci-dessus évoque le « Stand [des Menschen] in der Gesellschaft». Récemment, W. Conze a bien montré l'ambiguïté du mot «Stand» au dixhuitième siècle: «Die wirkliche Geschichte des Begriffs „Stand" bewegte sich im 18. Jahrhundert zwischen den Tendenzen der Eliminierung oder Entwertung einerseits, der Bewahrung oder Anpassung andererseits» («Stand, Klasse VII», i n : Geschichtliche Grundbegriffe, op. cit., vol. 6, Stuttgart 1990, p. 213) et il constate justement, au sein du mouvement pédagogique, un renouvellement de son sens car la notion de «Stände» y renvoie moins à une conception tripartite de la société qu'elle ne participe de la constitution d'une élite éclairée subsumant les limites entre la bourgeoisie et la noblesse (voir, par exemple, le premier tome du Revisionswerk p. 1, dont le destinataire est explicitement le «junge[r] Mensch gesitteten Standes »). Dans une telle perspective, la notion de «Bestimmung» est fondamentale, qui assure le lien entre ces deux déterminations: «Der Mensch kann nur glücklich werden, wenn er seiner Bestimmung gemäß lebt. Der Beruf ist die bestimmtere Bestimmung des Menschen als Bürgers. Mensch kann man nicht recht seyn, wenn man nicht Bürger ist [...] ; Bürger nicht recht ohne einen besondern Beruf» écrit, par exemple Trapp (Br. J. 88.VH2 p. 294). Le métier («Beruf») non seulement garantit la survie, mais il fonde aussi la conscience intime que chacun a de sa valeur propre, de même que la reconnaissance par autrui, et donc la réputation. Celle-ci, comme celle-là, croît à la mesure de «l'habileté interne et externe» («innere Geschicklichkeit»/«äußere Geschicklichkeit»). Et il précise: «Die innere Geschicklichkeit 75

giant la s e c o n d e en cas de conflit. Trapp, se livrant à un e x a m e n critique du texte de Rehberg publié dans la Berlinische

Monatsschrift,

explique ainsi qu'il n e s'agit

pas de faire un c h o i x entre l ' h o m m e et le citoyen. 2 4 1 Il se prononce donc pour une éducation bipolaire m ê m e si la dimension sociale l'emporte en définitive: « D e r M e n s c h ist z u m Bürger bestimmt, ist nur als guter Bürger des größten menschlicherweise m ö g l i c h e n M a a ß e s v o n Glückseligkeit fähig und würdig». 2 4 2

C'est

d'une m ê m e critique que participe le compte rendu que fait D. H e n s e l de la polémique entre les « n é o - p é d a g o g u e s » et Rehberg. 2 4 3 Et lorsque Campe, dans la livrais o n de mars 1788, p o s e la question suivante : Soll man [...] auf den objectiven und bürgerlichen oder auch auf den subjectiven und persönlichen oder menschlichen Nutzen der Erkenntnisse und Fertigkeiten sehn? Mit andern Worten : sollen wir es bloß darauf anlegen, den Bauer und Bürger für seinen Beruf geschickter und thätiger zu machen, oder auch darauf, ihn persönlich zu veredeln, ihn auf der Stufenleiter

241 242

243

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hat man in dem Grade, als man aufgeklärter und veredelter Mensch und Bürger, die äußere in dem Grade, als man zu den Geschäften seines Berufs tauglich, also insofern man brauchbar ist» (p. 295). L'habileté interne qui conditionne l'habileté externe consiste en la maîtrise des règles nécessaires pour exercer convenablement son métier, mais elle est bien davantage, parce qu'indissociable d'un perfectionnement moral. C'est pour cette raison que les pédagogues devront orienter leur action autour de deux axes : celui de l'éducation morale et celui de la préparation au métier futur - perçue comme le meilleur moyen de former des citoyens utiles (« nützlich » /« brauchbar »). Br. J. 88.VÏÏ.2 p. 280 (cité supra). Ibid. La priorité accordée à une éducation pour l'Etat ne signifie pas le désir de faire des hommes des machines pour l'Etat: voir aussi p. 297: «Die Absicht dabei ist nicht, Staatsmaschinen zu machen, in sofern man sich darunter Menschen denkt, die zu bloßen Staatsabsichten gemodelt werden, und unter diesen Staatsabsichten solche, die mit dem Wohl der Menschheit oder eines Landes in keiner Verbindung stehn [...]»; voir également Gutsmuths qui nie que les «néo-pédagogues» aient jamais tenté de pratiquer la «Treibhäuslerei» politique (Br. J. 91.VH.2 p. 330) ou encore la critique adressée au système de récompense établi par Salzmann à Schnepfenthal car le système d'éducation morale qu'il y a mis en place, trop calqué sur le modèle social, empêche de faire le bien parce que c'est le bien, l'enfant en attendant une récompense extérieure (Br. J. 89.IV.8 pp. 485-488). Br. J. 88.Vm.7 pp. 475^199 et 88.X.7 pp. 231-246. A Rehberg, Hensel reproche de n'avoir pas compris les «néo-pédagogues» en les accusant de vouloir supprimer l'enseignement des langues anciennes, quand il ne s'agit que de le réserver à ceux qui en auront réellement besoin (pp. 477^178, 488). Comme Trapp, Hensel croit possible d'accéder à des connaissances scientifiques, à la moralité (pp. 243-244) à la réflexion sans connaître les langues anciennes (pp. 479 et 482^185) qu'il faut, pour ceux qui exerceront un métier pratique, réduire au profit d'un enseignement plus utile. De plus, Hensel reproche à Rehberg de se préoccuper trop peu de ceux dont il pense qu'ils ne se livreront qu'à des tâches mécaniques. Hensel insiste précisément sur l'importance de ces derniers au sein de l'Etat (pp. 478-479), tout en réfutant l'alternative entre «homme» et «citoyen», née, selon lui, d'un malentendu sur le traité de Villaume paru dans le troisième tome du Revisionswerk (pp. 496-497). Il opère une distinction entre le droit des hommes à chercher pour eux-mêmes la plus grande perfection et les devoirs de l'Etat consistant à former pour soi-même les meilleurs citoyens possibles, ce qui implique, toutefois, qu'en cas de heurt entre l'intérêt de l'Etat et celui de l'individu, ce soit le premier qui l'emporte (pp. 235-238).

der intellectuellen hinaufzuheben? 244

und

sittlichen

Ausbildung

um

eine

oder

einige

Stufen

höher

il y répond en affirmant que l'Aufklärung n'est pas encore assez répandue pour qu'on puisse faire connaître à chacun non seulement les droits, mais aussi les devoirs du souverain, et que la religion n'a pas encore été assez épurée245 pour qu'on puisse renoncer globalement à ses modes d'expression traditionnels. Villaume, de son côté, se demandant: «Wem erzieht man den Menschen?» propose cette réponse : Nicht fur ihn allein, denn er ist Bürger ; nicht für den Staat allein, denn er ist auch Mensch : sondern für ihn und fur den Staat, muß der Mensch gebildet werden. Beide, der Mensch und der Staat, haben ihre Rechte, welche einander nicht verdrängen, einander nicht widerprechen dürfen, sondern miteinander combinirt, durch einander modificirt, und, weil es nicht anders möglich ist, eingeschränkt werden müssen. 246

Comme dans son texte de 1785, il est sensible aux problèmes qui pourraient naître entre les deux droits qu'il distingue. Il indique dans quels cas un tel conflit est le plus fréquent, en considérant, dans une perspective sociologique, que les conditions d'homme et de citoyen « [hauptsächlich [...] in gewissen Ständen, nämlich bei den Soldaten, und bei denen, welche Staatsangelegeheiten besorgen, in starke Collision [gerathen] »,247 Or, le service de l'Etat est perçu par lui comme un choix, c'est-à-dire que l'individu accepte de plein gré de renoncer éventuellement à une partie de ses droits, ce qui ne constitue, par conséquent, aucune infraction aux droits dont il dispose en tant qu'homme. Il reprend donc, globalement, l'argumentation qu'il développait dès 1785. Par rapport aux conceptions plus anciennes, la nécessité théorique de protéger l'individu est peut-être plus marquée dans le Braunschweigisches Journal : pour un des auteurs, il est fort possible qu'une «Collision» se produise entre la «Brauchbarkeit» - la dimension de l'homme qui intéresse prioritairement la société - et la «Bildung zur Vollkommenheit». L'auteur de l'article parvient à résoudre ce problème délicat sans remettre en question le droit de l'homme. En effet, tout en déniant à l'Etat le droit, en cas de conflit entre la «Brauchbarkeit» et la «Vollkommenheit», de négliger la seconde quand bien même la situation l'exigerait, il lui reconnaît la possibilité de le faire, dans la mesure où l'individu, comprenant son intérêt réel, acceptera la réduction temporaire de ses droits : Wenn also die Bildung zur Vollkommenheit mit der Bildung zur Brauchbarkeit in Collision kommt - welches allerdings der Fall seyn kann - so darf der Staat freilich dem Menschen von 244

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Br. J. 88.ΙΠ.5 p. 352. En novembre de la même année, Campe indique, une fois de plus, que l'éducation doit ériger l'enfant en un «brauchbaren und würdigen Mitglied [...] der menschlichen Gesellschaft» (Br. J. 88.IX.3 p. 56). Br. J. 88.ΠΙ.5 pp. 352 et 358. Br. J. 88.Vm.2 p. 392. Ibid.

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Rechtswegen nicht vorschreiben seine Vollkommenheit der Brauchbarkeit aufzuopfern ; aber eigne Vernunft und eigner Wille werden es ihm vorschreiben, weil er um desto weniger von der Gesellschaft zu genießen hat, je weniger er beiträgt. 248

Si l'auteur reconnaît la primauté de l'intérêt général sur l'intérêt particulier, son argument est d'autant plus intéressant qu'il semble indiquer une distinction entre l'Etat et la société : celle-ci doit avoir priorité, ce qui ne signifie pas que celui-là n'ait pas le droit d'exiger des individus qu'ils sacrifient leur droit au perfectionnement. Quoique les frontières conceptuelles entre Etat et société ne soient pas encore clairement établies,249 la conscience se fait jour que leurs intérêts peuvent être divergents. Dans ce processus de distinction entre Etat et société, processus lent et difficile à fixer rigoureusement d'un point de vue chronologique, les débats sur les réformes pédagogiques constituent justement un des moments décisifs. 3.3

L'agent des réformes pédagogiques

Qui doit, en effet, être l'agent de ces réformes de l'enseignement? Sur ce point aussi, les opinions des auteurs cités précédemment divergent peu : c'est à l'Etat dont les intérêts ne sont pas dissociables de ceux de la société - de se charger, en grande partie, de ce processus de réforme. Stuve, en 1785, s'affirme ainsi soucieux de voir l'Etat se préoccuper de la réforme de l'enseignement. 250 Trapp partage la même conviction : Theils hat Niemand so viel Interesse dabei, als der Staat, daß die Schulen gut sind. Denn was dort verdorben ist, das wird dem Staat verdorben. [...] Ein Staat voll unwissender, fauler, niederträchtiger, ausschweifender und treulosen Menschen ist gewiß ein schlechter Staat [...]. Theils hat Niemand sonst den guten Willen dazu, Theils auch nicht die Einsichten und das Vermögen. 251

Villaume, pour sa part, écrit : Daher halte ich es flir ganz billig, daß der Staat Form und Gränzen des Volks= und Kinderunterrichts, insofern solches das Wohl des Staates angeht, aufs genauest bestimme, ja, ich halte es fur die Pflicht der Obrigkeit, den Lehrern des Volkes und der Jugend

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Br. J. 88.X.7 pp. 235-236. C'est nous qui soulignons. En 1789, en discutant les thèses de Villaume, un auteur donne, par exemple, quatre sens possibles au mot «Staat», qui indiquent que la rupture entre Etat et société n'est pas encore consommée (Br. J. 89.V.3 pp. 40-43). Par «Staat», on peut en effet comprendre selon l'auteur: - «Den Fürsten, den König, den Regenten» (p. 40); «DenMinister, dem das Ganze derselben [der Regierungsgeschäfte] in seinen Staaten anvertraut wird» (p. 42); «ein zur Aufsicht über Unterricht bestelltes Collegium » dont les membres sont issus surtout du premier « Stand » (p. 43) ; « die ganze Masse der vom Staate schon angestellten Lehrer » (ibid.). Stuve, Johann, art. cit., p. 380: une telle réforme devrait être, selon lui, «eine der angelegentlichsten Sorgen des Staats seyn». Trapp, Ernst Christian, art. cit., pp. 25-26.

vorszuchreiben, welche Kenntnisse, und in welcher Form sie jeder Klasse mittheilen, und was sie für Gesinnungen und Triebe erwecken sollen.252

Chez tous trois, l'Etat - c'est-à-dire le gouvernement, le souverain - a donc à prendre en charge l'enseignement, dont l'importance est capitale pour l'Etat comme société. Ce vœu se double du constat que l'Etat, au premier sens du terme, n'est pas, ou pas encore, susceptible de le faire : selon Trapp le souverain n'est pas en mesure de s'occuper lui-même directement des problèmes pédagogiques,253 c'est à un «eignes Kollegium» 254 que revient cette tâche; pareillement, Stuve constate que les conditions historiques ne se prêtent pas encore à une prise en charge de l'enseignement par l'Etat et que le problème de l'éducation n'intéresse encore que les parents et les éducateurs. Pour Villaume, enfin, ce n'est pas à l'Etat d'assumer seul l'éducation car il réduit l'utilité («Brauchbarkeit») de l'homme uniquement à sa force de travail, sans se soucier de ses autres déterminations (en tant que père, mari), qui, pourtant, peuvent également contribuer au bien de la société.255 Dans le Braunschweigisches Journal, certains auteurs se réclament encore de positions datant du début des années 80 lorsque, à la mort de FrédéricII, son successeur inaugure une politique qui remet l'enseignement sous la tutelle, non plus de l'Eglise, mais de l'Etat, 256 et ils continuent de louer l'intervention de l'Etat, dans la mesure où celui-ci est directement intéressé par une moralité plus grande de ses sujets. Villaume, par exemple, écrit sans ambages en 1788: «Ich glaube also behaupten zu dürfen: nicht, daß es dem Staate erlaubt sey, sich in die Erziehung zu mischen ; sondern, daß es seine erste, unverletztliche Pflicht ist».257 La tâche de l'Etat est donc de veiller à ce qu'un enseignement correct soit dispensé à ses membres et, par conséquent, de réformer le système éducatif. Un souverain qui comprend son réel intérêt n'a point le droit de négliger les problèmes de l'enseignement et doit mettre en place un vaste système de réforme du système éducatif, tant il est vrai, pour reprendre une expression de Rochow dans la livraison de janvier 1788, que «wenn eine Nation zur gesunden Vernunft zurückgeführt werden soll, daß alsdann die Schul= und Unterrichtssache der

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Villaume, Peter, op. cit., p. 535. A la fin de son traité, Trapp montre, cependant, que le jour n'est pas encore arrivé où l'Etat se chargera, directement ou indirectement, de cette mission (Trapp, Ernst Christian, op. cit., p. 400). Ibid., p. 29. Villaume, Peter, art. cit., pp. 569-570. Voir Hermann, Ulrich, «Aufklärung als Pädagogischer Prozeß», in: Aufklärung 2, 1988 (cité ici dans la réédition in : Herrmann, Ulrich, Außclärung und Erziehung, Weinheim 1993, p. 20) : «an die Stelle des kirchlichen Konfessionalismus trat die gegen-aufklärerische Staatsaufsicht nun über eine Staatsanstalt, die jetzt im obrigkeitlichen Sinne politische Gesinnungsbildung zu leisten hatte». Br. J. 88.VIII.2 p. 400. En septembre de la même année, il se prononce pour un droit de l'Etat à contrôler la qualité des enseignants et même à interdire toute forme d'enseignement qui constituerait une menace pour les enfants (Br. J. 88.IX.2 pp. 9 et 15).

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Jugend, die Liturgie der Kirchen, und die über die Erhaltung der Staatsglieder machende Medicinalpolizei, die wichtigste Staatsangelegenheit sey».258 En 1790 encore, on retrouve une telle prise de position en faveur de l'Etat, dans la recension d'un livre de Gotthilf Samuel Steinbart intitulé - de façon très significative Vorschläge zu einer allgemeinen Schulverbesserung, in so fern sie nicht Sache der Kirche, sondern des Staates ist (1789). Le critique du Braunschweigisches Journal relève, sans la commenter, une des propositions de Steinbart, qui désire que l'Etat fasse rédiger un manuel de morale: «Für die beiden ersten Klassen [i.e. les « Land » - et « Bürgerschulen »] der Schulen muß der Staat ein Lehrbuch der Moral ausfertigen lassen, worin zugleich die allgemeinsten Grundwahrheiten der Religion enthalten sind». 259 Steinbart affirme que «die Schulen ressortiren nicht von der Kirche, sondern vom Staate»,260 prenant par là parti pour un enseignement placé sous la tutelle de l'Etat, qui ne peut que se féliciter d'une éducation organisée d'une manière adéquate. C'est à lui que revient donc le soin de prendre en charge l'enseignement. La référence historique sous-jacente est ici Frédéric II qui, après la guerre de Sept ans, avait entrepris déjà de résoudre le problème de la qualité des enseignants. Selon l'un des auteurs, seules des raisons financières l'avaient empêché de réaliser l'un des projets qu'on lui avait soumis: la création de «zweckmäßige Seminarien», dans lesquels on puisse former de meilleurs enseignants.261 Trente-cinq ans après, cette problématique n'a rien perdu de son acuité, et les auteurs du Braunschweigisches Journal ne cessent de plaider pour que l'Etat crée, en s'inspirant des «séminaires» existant déjà à Berlin, Paderborn, Göttingen, Halle ou en Autriche,262 d'autres établissements formant des professeurs bien qua-

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Br. J. 88.1.4 p. 63. Br. J. 90.ΙΠ.11 p. 373. Dans tout son texte, Steinbart se prononce résolument pour un enseignement destiné à former des citoyens, tant il est vrai, à ses yeux, que les écoles tendent à la «Beförderung der bürgerlichen», «nicht aber der geistlichen Wohlfahrt» (id., p. 372). Un texte de Caspar Dornav est aussi cité, qui reproche aux souverains de s'occuper trop peu de l'enseignement, (Br. J. 88.Π.3 p. 193). C'est là, certes, l'opinion d'un auteur du seizième siècle, mais cette référence est une preuve supplémentaire que les projets de réformes, au dixhuitième siècle, s'inscrivent dans une longue tradition. Br. J. 90.ΙΠ.11 p. 372. Que le critique de l'ouvrage de Steinbart ne proteste pas contre sa proposition d'un «manuel de morale» ordonné par l'Etat pourrait, dans cette perspective découler aussi de ce que Steinbart en limite l'application aux écoles formant les paysans et les «bourgeois», et donc à ceux qui ne peuvent encore jouir que d'une Aufklärung limitée, sans l'étendre aux «Gelehrtenschulen», c'est-à-dire au groupe auquel appartiennent les auteurs du Braunschweigisches Journal. Br. J. 91.VÜ.4 p. 372 : Stuve montre que ce problème préoccupait les esprits depuis bien plus longtemps encore en citant un texte de Caspar Dornav, qui, dès 1620, déplorait le manque de formation des enseignants. (Br. J. 88.Π.3 pp. 198-199). Sur Berlin, voir Br. J. 88.1.10 p. 128 ; sur Paderborn, 91.V.4 p. 65 ; sur Göttingen, voir Br. J. 88.V.8 p. 126 (A Göttingen également, la collaboration entre la ville et les instances centrales a permis également l'amélioration du niveau du «Gymnasium » - Br. J. 89.VÜ.6 p. 370); sur Halle, voir Br. J. 88.1.10 p. 128, 88.V.8 p. 126, 88.Vffl.8 p. 502; sur l'Autriche, voir Br. J. 88.1.10 p. 127.

lifiés. 263 Les projets de réforme s'inscrivent donc ici dans line tradition riche, au dix-huitième siècle, qui déplore les conditions dans lesquelles l'enseignement était dispensé, le fait que les enseignants, mal payés264 étaient contraints d'accepter trop d'élèves pour être réellement efficaces, 265 voire d'exercer des métiers annexes,266 et surtout leur peu de qualification.267 La structure de ces séminaires que les Aufklärer appellent de leurs vœux dérive, comme toute leur pédagogie, de la notion de «Bestimmung». Quelqu'un qu'on destine à enseigner dans une «Bürgerschule» n'y sera évidemment pas formé de la même manière qu'un futur professeur de «Gelehrtenschule». 268 Afin d'optimiser la qualité de l'enseignement, il faudrait supprimer également les «Winkelschulen» 269 et doter les écoles publiques de bibliothèques270 et de tout un matériel pédagogique (« Instrumenten und Naturaliensammlung») permettant justement de rendre l'enseignement plus « sensible », autrement dit plus concret.271 Outre à la réorganisation du système scolaire, l'Etat doit veiller à ce que l'enseignement universitaire, lui aussi, puisse être dispensé dans de bonnes conditions. Cela explique le commentaire élogieux de l'ordonnance royale du 23 décembre 1788, citée in extenso dans la livraison de juillet 1789 - et publiée ainsi pour la première fois dans la presse allemande. Cette ordonnance, signée de Wöllner (!), qui instaurait, afin de mettre un terme à la fréquentation trop précoce de l'université, un contrôle des connaissances des futurs étudiants, est qualifiée de 263

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La nécessité de mieux former les professeurs est formulée, dans les journaux, à plusieurs reprises: Br. J. 88.Π.1 p. 132; 89.VÏÏ.3 p. 292; 90.ΠΙ.11 p. 373; 90.IV.6 p. 489; 90.VII.3 p. 347 ; Schi. J. 93.DU p. 26. Rudolph Zacharias Becker, dans son Noth- und Hülfsbüchlein für Bauersleute, Siegert, Reinhart (éd.), Dortmund 1980, [reprint de l'édition originale de 1788], écrit de façon significative que der Schulmeister «wie die meisten Herren Schulmeister, ein gar geringes Einkommen hatte» (p. 27). Br. J. 89.VÜ.3 pp. 304-306; 90.ΙΠ.11 pp. 370-371 ; Sehl J. 93.VII. 1 p. 267. Voir, par exemple, Br. J. 88.Π.3 pp. 202-203; 89.VÜ.3 p. 292; 90.ΠΙ.2 p. 282; 90.ffl.ll p. 374; Schi. J. 93.VII.1 p. 267. Même Salzmann, un des plus grands pédagogues de l'Aufklärung, n'avait pu survivre, au début de sa carrière, qu'en cumulant l'enseignement et l'agriculture (voir Mitzenheim, Paul, «Als Lehrer wird man nicht geboren. Zum 250. Geburtstag von Christian Gotthilf Salzmann», in: Sömmerdaer Heimatheft. Beiträge zur Heimatkunde des Landkreises Sömmerda und der Unstrut-Finne-Region, 6, 1994, pp. 5-6); sur l'augmentation des traitements accordés aux enseignants comme condition sine qua non de l'amélioration de la qualité de l'enseignement, voir Br. J. 88.V.8 p. 128 ; 90.VÜ.4 p. 364. Br. J. 88.Π.5 p. 236. Ces déficiences expliquent le peu de considération dont jouissent, en général, les enseignants dans l'Allemagne du dix-huitième siècle, (voir Br. J. 89.VÜ.3 p. 308 ; 90.ΠΙ.2 p. 282). Voir Br. J. 91.Π.3 p. 208. Br. J. 88.Π.1 p. 132; 88.IX.2 p. 8. Br. J. 88.Π.3 p. 201. Br. J. 88.Π.5 p. 234. Ce texte est de Rochow qui, précisément, avait fait don au Philanthropinum de Dessau d'une «Naturaliensammlung», comme l'a indiqué Pinloche (Pinloche, Auguste, op. cit., p. 111). Nous ne revenons pas ici sur la fonction plurielle de ces cabinets d'histoire naturelle, bien expliquée par Reinhard Stach dans Schulreform der Aufklärung. Zur Geschichte des Philanthropismus, Heinsberg 1984, pp. 29-48.

81

«weise Verordnung». 272 Cette restriction de facto de l'accession à l'université s'accorde d'autant mieux à la conception utilitariste des auteurs du Braunschweigisches Journal qu'à vouloir faire de tous des clercs, on finit par priver la société de citoyens utiles.273 Cette conscience du rôle de l'Etat motive aussi l'éloge que font les éditeurs du Braunschweigisches Journal d'un décret proclamé en octobre 1787 par le souverain de Dessau, Leopold-Frédéric-François, dans le cadre d'une réforme de l'enseignement qu'il juge nécessaire, car «von einer wohl eingerichteten Unterweisung der Jugend» dépend «ihre künftige Brauchbarkeit, Wohlstand und Zufriedenheit». 274 Cependant, ce dernier décret est loin de faire l'unanimité. Dans la livraison de mars 1788, un article anonyme (dû probablement à Trapp) le critique vertement, et son auteur, se demandant «welches Recht der Staat überhaupt hat, über Erziehungsangelegenheiten zu gebieten »,27S finit par lui en dénier tout droit.276 Et le nombre des auteurs partageant l'opinion de l'auteur anonyme du texte de mars 1788 croît au fil des mois. Dans le cadre de la polémique déclenchée par Rehberg dans la Berlinische Monatsschrift, un des auteurs précise de nouveau la position adoptée par Villaume dans le troisième tome du Revisionswerk. Villaume, s'interrogeant sur le droit de l'Etat à déterminer, après en avoir examiné les facultés, la fonction que devra assumer chacun de ses citoyens, reconnaissait que cela relevait sans doute de l'utopie («Projectenmacherei»). 277 Ce que Villaume considérait encore comme improbable, le critique le juge désormais impossible : Wenn nun ein Schriftsteller selbst seine Gedanken einstweilen unter die (nicht ausfuhrbaren) Projecte rechnet, wie kann man denn vermuthen, daß er auf einem solchen Luftgebäude ein wirklich ausführbares System gründen werde? 278

On peut, de fait, constater un scepticisme croissant des auteurs à rencontre de l'Etat qui trahit les espoirs que les Aufklärer avaient placés en lui.

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Br. J. 89.VII.7 p. 383. Pour le texte de l'ordonnance, voir ibid., pp. 372-382. La commission de contrôle ne peut cependant point empêcher quelqu'un d'étudier, même s'il est immature : «Es ist jedoch hiebei Unsere Absicht nicht, die bürgerliche Freiheit insofern zu beschränken, daß es nicht ferner jedem Vater und Vormund frei stehen sollte, auch einen unreifen und unwissenden Jüngling zur Universität zu schicken [...] » (p. 374). Voir Br. J. 91.ΠΙ.5 p. 310; 91. VI. 3 p. 197. Cité in Br. J. 88.1.10 p. 125. Br. J. 88.ΙΠ.3 p. 306. Si Campe, dans une note, réfute cette proposition, car, selon lui, «die Erziehung des Bürgers und die des Menschen [fällt] zusammen», ce n'est pas au nom d'une prise de parti inconditionnelle pour l'intervention de l'Etat. En effet, cela est valable seulement «in einem wohleingerichteten und mit Weisheit verwalteten Staate» {Br. J. 88.ΠΙ.3 p. 307). Villaume, Peter, art. cit., p. 599. Br. J. 88.VUI.7 p. 496. Böttiger, lui, refuse même l'idée d'un choix que l'Etat opérerait a negativo par l'instauration d'une espèce de numeras clausus, car une telle mesure tournerait au despotisme (Br. J. 89.XI.6 p. 369).

3.4

Les présupposés des premiers projets

E n effet, le souci que les Philanthropistes ont d'abord de la société n ' e s t pas désintéressé:

par

leurs

projets

de

réformes,

ils

ambitionnent

fondamentalement

d'étendre à la société tout entière les principes de rationalité et d ' e f f i c a c i t é caractéristiques

de la bourgeoisie, 2 7 9 aspiration qui explique tant leur lutte pour une sécu-

larisation de l'enseignement 2 8 0 que les efforts qu'ils déploient afin de poser les fondements d'un enseignement populaire. Si les Aufklärer, depuis la fin des années 1770, se tournent résolument vers le peuple, s'appliquant à promouvoir une « V o l k s a u f k l ä r u n g » , c'est qu'ils ont fait l'amer constat qu'imposer les améliorations « d ' e n haut », sans prendre la peine de les faire comprendre au peuple, leur destinataire, n ' a guère abouti. 281 Les Philanthropistes en s'adressant au peuple, espèrent ainsi pouvoir surmonter les limites séparant entre eux les états de la société, et ce d'autant plus sûrement que l'enseignement auquel ils aspirent doit permettre l'émergence d'une culture c o m m u n e aux élites. Ce dessein politique sous-jacent au projet de réformes philanthropistes en marque aussi les limites : si l'un de leurs p ô l e s est le peuple, celui-ci n e doit être éclairé qu'afin de devenir plus utile à une société qui, selon les Philanthropistes, doit s'ouvrir seulement vers le haut et il faut éviter, d'autre part, de prendre toute mesure qui le rendrait politiquement instable. 2 8 2 Ce parti-pris de modération se retrouve également dans le

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Voir Schmitt, Hanno, «Politische Reaktionen auf die Französische Revolution in der philanthropischen Erziehungsbewegung in Deutschland», art. cit., p. 165 : «Mit dieser pädagogischen Zielbestimmung [la propagation de l'Aufklärung] war die sozialpolitische Vorstellung verknüpft, individuelle Lebensformen und gesellschaftliche Verkehrsnormen im Sinne eines an Rationalität, Leistung und Effizienz orientierten bürgerlichen Mittelstandes zu prägen ». Ulrich Herrmann, dans son étude «Der Streit zwischen Schule und Kirche als Säkularisierungsprozeß » (in: Gladigow, Burkhard (éd.), Staat und Religion, Düsseldorf 1981, pp. 180-204), tout en expliquant de façon convaincante les étapes de la séparation progressive de l'Eglise et de l'Etat, n'a peut-être pas insisté assez sur la signification politique soustendant les projets formulés par les Aufklärer afin de substituer aux enseignants traditionnels «einen eigenen Berufsstand des „Volksschullehrers"». En effet, non seulement ces derniers deviennent le relais d'une Aufklärung du peuple, destinée à en accroître l'efficience économique, mais ils assurent également l'implantation sociologique des idéaux de la pensée bourgeoise. Voir Böning, Holger, «Die Entdeckung des niederen Schulwesens in der deutschen Aufklärung», in: Albrecht, Peter et Hinrichs, Ernst (éd.), Das Niedere Schulwesen im Übergang vom 18. zum 19. Jahrhundert, [Wolfenbütteler Studien zur Aufklärung, 20], Tübingen 1995, pp. 75-108. Hans Scherpner (Geschichte der Kinderfürsorge, Göttingen 1966) montre une pareille évolution à propos des réactions face à la pauvreté. A la suite de l'échec par lequel se sont soldées les tentatives de réformes d'inspiration mercantiliste, on comprend que le problème de la pauvreté et de la mendicité ne sera pas résolu par de simples mesures coercitives: «Nicht mehr die polizeiliche Unterdrückung des Bettels sollte im Vordegrund stehen, sondern die Erziehung der Armen» (p. 98). Voir Schmitt, Hanno, «Politische Reaktionen auf die Französische Revolution in der philanthropischen Erziehungsbewegung in Deutschland», art. cit., p. 165 : « Verbesserung der 83

domaine religieux. En effet, lorsque la clarté d'un concept pratique n'est pas encore absolument établie, il vaut mieux le faire accepter d'autorité,283 plutôt que de risquer de semer la confusion dans les esprits, ce qui ferait naître l'incrédulité. Et les auteurs des journaux refusent en bloc les réformateurs qui, au lieu de faire briller « die Fackel der Aufklärung »,284 sont plus portés à ceci : « mit der Fackel der Verwüstung aufklären». 285 Très précoce, cette modération est, dès le mois de mail788, considérée comme essentielle: «Wir wollen also die Religionsgesellschaften, so wie die politischen, immer lassen, wenn gleich beide zur Quelle unzähliger Uebel für die Menschen geworden sind». 286 C'est pourquoi il est préférable de conserver pour le grand public quelques éléments de cérémonial.287 De même, Hegewisch qui défend le droit des clercs à discuter des problèmes théologiques, en soi inoffensifs pour la société, interdit aux pasteurs de tels débats lorsqu'ils prêchent devant le peuple, parce que, si la thèse qu'ils défendent est fausse, elle est susceptible d'entraîner de néfastes conséquences pratiques en ce qu'elle «stöhrt offenbar die Ruhe der kirchlichen Gesellschaft». 288 Une telle prudence atteste, bien sûr, la conscience très grande que les théologiens et les pasteurs éclairés avaient de leur tâche et de leur responsabilité,289 mais elle témoigne aussi de leur désir de ne pas s'aliéner le pouvoir politique. De fait, pour que le programme de réformes puisse être réalisé, il faut que les gouvernants soutiennent les aspirations réformatrices des Aufklärer, en un mot qu'il existe un rapport dialectique entre les projets de réformes et le contexte politique dans lequel ils doivent être réalisés. Dès 1785, Stuve est explicite sur ce point : il veut bien éduquer l'homme pour en faire un citoyen obéissant aux lois et aux gouvernements, mais à la condition que ces derniers soient légitimes : « Man muß demnach das Kind zum Gehorsam gegen rechtmäßige Vorgesetze und verpflichtende Gesetze und Vorschriften gewöhnen». 290 Villaume, confronté au

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individuellen Lebensumstände, nicht aber Revolution war das Credo des die Sozialverfassung des Spätabsolutismus keineswegs in Frage stellenden Philanthropismus ». Br. J. 89.IV.1 pp. 401-403. Sur le motif de la torche au sens positif du terme, voir Br. J. 88.IX.3 p. 39; 88.X.1 p. 131 ; 89.VH.1 p. 273 ; 89.XI.5 p. 364. Schi. J. 92.Π.6 p. 168; Campe illustre aussi, en le dénonçant, le sens négatif de «torche» («Fackel») qui s'impose dans le discours réactionnaire : dans un texte incendiaire contre Hoffmann, il s'érige ironiquement en «Designirter Vicepräsident des deutschen Fackelwesens» (Schi. J. 92.ΙΠ.1 p. 292). Br. J. 88.V.1 p. 7 (voir également 91.Π.3 p. 206). Br. J. 89.V.2 p. 16 et 89.ΠΙ.1 p. 286. Br. J. 89.IV.1 p. 392. Voir aussi 90.X.5 p. 416 ; Sehl. J. 92.X.1 pp. 170-171. D'après Werner Schütz, art. cit., les pasteurs savent parfaitement qu'ils sont comme une courroie de transmission entre les écrivains progressistes et un peuple encore largement analphabète. Quoiqu'ils soient désireux d'améliorer les conditions d'existence de ce dernier, leurs prêches ne sont cependant pas subversifs : «Immer bleibt das Politische in der Predigt mit dem Religiösen und Moralischen verbunden» (p. 154). Stuve, Johann, art. cit., p. 377 (C'est nous qui soulignons). On retrouve la même conviction dans l'un des derniers textes du Schleswigsches Journal, dans lequel Stuve montre que

problème des conflits éventuels entre la perfection et l'utilité ne croyait pas que, dans un Etat raisonnable, il fut possible qu'on exigeât du citoyen de sacrifier à celle-ci celle-là: «In einem vernünftig eingerichteten Staat kann das niemals stattfinden; denn eine weise und gemäßigte Regierung muß auf die Natur des Menschen und auf die Billigkeit gegründet seyn». Et lorsqu'il affirme que l'éducation tend à renforcer l'obéissance aux lois, Ehlers indique en note: «Es versteht sich freilich dann, daß in den Gesetzen nichts anstößiges für den gesunden Menschenverstand enthalten seyn muß, und daß der Regent nicht ungerecht handeln wolle [...]».291 Si, enfin, l'Etat a le droit de définir la forme de l'enseignement, et - pour reprendre l'expression de Villaume - de proposer des «Livres Symboliques», il précise qu'il n'entend pas par là les Livres Symboliques de l'orthodoxie protestante qui lui paraissent, bien au contraire, devoir être réformés.292 On retrouve des positions identiques dans les deux revues : selon Rochow, pour assurer «die Besorgung der ganzen Policei des Volks (welche nicht bloß in Fleisch= Brodt, und Getränktaxen, oder Laternenwesen etc. sondern vornemlich in verständigmachender Lehre in Schulen und Kirchen, Fürsorge für Nahrung, Gesunderhaltung, und Vermehrung besteht) », à laquelle les souverains se sont trop peu consacrés jusque-là, une condition doit être réalisée : que « in den Gesetzen selbst und deren Handhabung nichts Willkiihrliches mehr ist».293 Campe, aussi, le dit explicitement, dès 1788, en rejetant la possibilité d'un enseignement uniformisé l'éducation peut contribuer à la stabilité de l'Etat si elle est bipolaire et qu'elle s'efforce donc de moraliser tant le souverain que le sujet. Dans ce cas, en effet, le premier ne se laisse pas tenter par le despotisme, ni le second par l'anarchie (Schi. J. 92.XI.3 p. 310). Cette position est la conséquence logique des convictions antérieures de Stuve qu'a bien résumées Wilhelm Meyer. L'apparente antinomie entre les deux formes de perfection établies par Stuve, se résoud, en effet, dans ses conceptions de la société et de l'Etat car, chez lui, «entstehen Staatsund Gesellschaftsleben aus der freien Initiative vernünftiger Individuen. [...] Die Persönlichkeit macht das Staats- und Gesellschaftsleben zum Feld ihrer freien Betätigung, und zwar einer natürlichen und utilitaristichen». Dès lors, un tel Etat ne peut être qu'«ein äußeres sittliches Gut» (Meyer,Wilhelm, J. Stuve als Pädagog, Phil. Diss., Braunschweig 1933, p. 40). Le conflit entre les deux perfections devient, en revanche, inexorable si l'Etat perd cette détermination, et il s'agit alors de protéger l'individu. Voir aussi Trapp, Ernst Christian, op. cit., p. 400, qui perçoit lucidement que la réforme de l'éducation ne sera possible que lorsque l'Etat s'y prêtera : « Dann muß erst ein Staat seyn, der einen solchen Plan will ». 291

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Villaume, Peter, art. cit., p. 530. Voir la remarque de Trapp qui, raisonnant comme Villaume, pense que le citoyen ne peut être un bon citoyen que s'il a conscience que l'Etat, fondamentalement, respecte tant les «unveräußerlichen Rechte der Menschheit» que les «unerläßlichen Pflichten der Menschheit» (Br. J. 88.VII.2 p. 298). Villaume, art. cit., pp. 535-536 : «Symbolische Bücher sind nöthig, müssen aber etwas anders, als die unsrigen, aussehen.*) Nicht was man in theoretischen Streitfragen glauben soll, das geht den Staat und die Kirche nichts an. Nein, nur die Lehre, insofern sie auf Sitten, Tugend Ausübung der bürgerlichen Pflichten, Einfluß hat». [Campe, dans la note (*), insiste sur le fait que ne doivent figurer dans «ces livres symboliques» que des principes, «welche nur dasjenige bestimmen, was in der Lehre das Thun und Lassen der Menschen, die Sitten, die bürgerliche Ruhe und Ordnung angeht. »]. Br. J. 88.1.4 pp. 55 et 56-57.

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tant que les lois ne seront pas parfaites. Un tel enseignement, en effet, serait possible wenn irgend ein Staat schon eine vollkommne Gesetzgebung hätte, und wenn zugleich in eben demselben Staate die Volkserziehung und der Volksunterricht sich dergestalt auf diese Gesetzgebung bezögen, daß beide nur ein einziges unzertrennliches Ganzes ausmachten.294

Cependant, la valeur de ces affirmations apparemment identiques a changé. En effet, la primauté du citoyen sur l'homme, avant 1785, était affirmée à l'horizon d'un Etat raisonnable, et Frédéric II s'était montré partisan des réformes. Que l'Etat ne respecte pas la raison ou le droit n'était donc, en 1785, qu'une hypothèse qui, sous le règne suivant, est, au contraire, devenue réalité. Ainsi, Villaume, lorsqu'il renouvelle les analyses qu'il avait déjà faites dans YAllgemeine Revision, les double, dans le Braunschweigisches Journal d'une violente attaque contre les privilèges,295 dénonçant implicitement la politique de Frédéric-Guillaume II dont les Aufklärer avaient attendu beaucoup et qui déçoit leurs espoirs, surtout par la proclamation, en 1788, de l'Edit de juillet sur la religion.

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Br. J. 88.ΙΠ.3 p. 322. Br. J. 88.Vm.2 pp. 394-395. Voir aussi Sehl. J. 93.IX.1 p. 66.

II

Réaction et révolution : l'Edit de Wöllner et 1789

1

Les réactions à la politique de l'Etat absolutiste

1.1 Das Edikt, die Religionsverfassung in den preußischen Staaten betreffend Les critiques formulées contre l'Edit de religion publié en juillet 1788' sont très acerbes dans les deux revues et les polémiques qui agitent l'intelligentsia allemande après sa promulgation y trouvent un large écho. Il faut noter d'emblée que VEmeutes Censur-Edikt de décembre 1788, sans laisser les auteurs indifférents on verra par la suite qu'il constitue une référence importante dans les Briefe aus Paris - ne fait pas l'objet d'attaques comparables à celles dont est la cible l'Edit sur la Religion. Est-ce dû au ton moins agressif du premier, rédigé par le grand juriste Svarez, comme le croyait Houben qui invitait à bien distinguer ces deux édits? C'est peu vraisemblable, d'autant que Houben lui-même reconnaît que l'Edit sur la censure, loin d'être un simple rappel de la législation frédéricienne, porte l'indéniable marque des positions réactionnaires de Wöllner. Le second Edit est donc probablement perçu comme la suite logique du premier par des auteurs convaincus (à tort) que l'abolition de celui-ci signifiera aussi la fin de la censure. C'est pourquoi les attaques se concentrent essentiellement sur l'Edit de juillet: en mai 1789 est publié un «Trauergedicht» déplorant la nuit dans laquelle il plonge la raison : Sie, die Bewahrerin der heil'gen Rechte, Die die Natur der Menschheit gab, Erwürgt von einem Schwarme heuchlerischer Knechte Der Finsterniß, sinkt sie dahin ins Grab!

Houben, Heinrich Hubert, Hier Zensur - wer dort? Der gefesselte Biedermeier, Leipzig 1990, [réimpression des éditions de 1918-1924], p. 54. De son côté, Valjavec a eu raison de mettre en valeur l'importance de l'Edit de juillet, témoignage selon lui longtemps négligé, qu'avant même le déclenchement de la Révolution, l'Aufklärung subit ses premiers revers. Si Valjavec relève également que les débats sur cet Edit s'enveniment après 1789, il évoque deux cas de figure: ou le conservatisme religieux va de pair avec le refus de la Révolution, ou l'opposition à Wöllner se double d'une prise de parti en faveur de la Révolution (Valjavec, Fritz, «Das Woellnersche Religionsedikt und seine geschichtliche Bedeutung», in : Historisches Jahrbuch 72, 1953 pp. 386-400). Reste à savoir, néanmoins, si une autre constellation n'est pas possible. 87

Erwürgt von Männern, die sich Eifrer nennen Für Gott, Religion und Staat, Weil sie voll Herrschbegier, uns die Vernunft nicht gönnen, Die uns der Herr gegeben hat.2

Les attaques portées contre l'Edit de juillet sont étayées par plusieurs types d'argumentation, empruntés parfois au droit spécifique de la Prusse, quand Karl Ludwig Amelang dénonce l'illégalité de l'Edit en se référant au Allgemeines Gesetzbuch fiir die Preußischen Staaten,3 parfois aux conceptions jusnaturalistes, lorsque le «vieux prédicateur», dans son « Sendschreiben» écrit : ich glaube, [...] daß der Staat mit meinen Gewissensangelegenheiten nichts zu schaffen habe. Ich besinne mich auf keines Kontrakts, worin ich ihn zum Vormünder meiner Seele ernannt hätte ; ich habe nie einen solchen stillschweigenden Kontrakt vorausgesetzt, noch mir voraussetzen lassen, und wenn ich mich in die Stelle des Laien setze, so erkenne ich keinen anderen Seelsorger und Gewissensrath, als denjenigen Lehrer, den ich voll dafür ansehe, und den ich mir selbst wähle.4

Les griefs peuvent se fonder aussi sur des éléments tirés de l'histoire de la Réforme. En effet, non seulement les Princes ne furent pas les principaux agents de la Réforme,5 mais ils ont, par la suite, laissé à chacun ses droits pour ce qui touche à la religion.6 L'Edit de Wöllner est donc rejeté à cause de son caractère illégitime au regard de la théologie, du droit et de l'histoire. A ces raisons vient s'ajouter la crainte qu'il ne suscite les pires déviances de la religion : l'ignorance et la superstition,7 la Schwärmerey8 ou, pire encore, l'hypocrisie.9 L'auteur de l'article «Sollte das preußische Religionsedict für die Verbreitung der wahren Aufklärung wirklich so gefahrlich sein als man glaubt? » présente ainsi les conséquences inévitables, selon lui, de l'Edit de Wöllner sur la religion : 1) Daß viele ungeschickte, schlechtdenkende Leute, bloß deswegen, weil sie orthodox sind, zu Lehrämtern befördert werden. 2) Daß Viele, um Brod zu bekommen, sich orthodox stellen, und so ein großer Theil der Lehrämter mit Heuchlern besetzt wird.

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Br. J. 89.V.8 p. 126. Dans ce poème, Zimmermann verra un cri de désespoir de la «Berlinische Aufklärung» (cité in Br. J. 90.V.4 pp. 49-50). Schi. J. 92.V.2 pp. 70-72. Br. J. 91.ΙΠ.7 p. 350. Br. J. 89.ΓΠ.5 p. 367 ; voir également Br J. 91.X.5 p. 217. Tout ce texte, dû à C. W. Koch, est consacré à la Confession d'Augsbourg. La présentation qu'il en fait va à rencontre de l'interprétation orthodoxe. Br. J. 89.1.4 p. 56. La référence obligée à Luther est, bien sûr, présente ici : Br. J. 89.ΠΙ.5 pp. 370-371 ; 90.IX.5 p. 117. Br.J. 88.XI. 9 p. 379. Br. J. 89.IV.8 p. 505. Br. J. 89.Π.5 p. 247; 90.ΧΠ.1 p. 407; Schi. J. 92.Π.2 p. 133; Sehl. J. 93.VI.3 p. 187; 93.νΉ.10 p. 371 ; 93.DÍ.1 p. 66.

3) Daß vielen aufgeklärten, rechtschaffenen und edeldenkenden Männern, die Gelegenheit abgeschnitten wird, ihre Talente für das Beste der Kirche anzuwenden, weil es ihnen unmöglich ist, das nach ihrer Überzeugung zu lehren, was nach diesem Edikte gelehrt werden soll.10

Quand, dans sa diatribe, l'auteur de ces mots redoute que l'Edit de Wöllner n'entraîne une baisse de qualité, il n'agite pas un épouvantail rhétorique : que l'on songe, par exemple aux réactions de W. A. Teller ou de A. F. W. Sack, demandant leur congé pour ne pas cautionner l'Edit et se distancer de l'hypocrisie qui, selon eux, en serait la conséquence." Car souvent, c'est précisément cette peur de l'hypocrisie qui est évoquée par ceux qui s'opposent à l'Edit de Wöllner. 12 Loin, par conséquent, de ressouder une unité des systèmes religieux, une intervention du politique dans le religieux ne peut qu'accentuer les désaccords. Comme l'écrit Andreas Riem, cité par Campe dans la livraison d'octobre 1788 : Nun aber haben wir sieben nahmhafte, einander widersprechende Wahrheiten, die Reformirte, die Luthersche, die Katholische, die Jüdische, die der Herrnhuter, die der Menonisten und die der Böhmischen Brüdergemeinde.13

De plus, un tel interventionnisme transfère les différences qui séparent ces systèmes religieux, de l'ordre du spéculatif - où elles sont sans conséquences, parce qu'elles y sont discutées uniquement par les clercs - à la sphère du quotidien, où leur portée est bien plus grande. Avant l'Edit, [w]ie wenig hörte man von Religionsstreitigkeiten! Schon schien sich die goldne Zeit zu nähern, in welcher die Kirche Jesu eine allgemeine Ruhe genießen soll. Dieses Edict aber hat mit einemmale die Ruhe gestört. Ganz Deutschland ist in Gährung und wird mit Streitschriften überschwemmt, in welchen von beiden Seiten nur allzuoft die christliche Gelindheit, der tolerante Geist Jesu, vermißt, und statt dessen die Sprache der Leidenschaft gehört wird.14

L'Edit a fait passer dans le public des questions qui étaient l'apanage d'un petit nombre, ce qui inquiète les auteurs des deux revues car ils sont trop conscients, d'une part, des conditions historiques réelles, pour prêcher sans réserve

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Br. J. 89.X. 1 p. 145. Cet épisode est retracé par Paul Schwartz, Der erste Kulturkampf in Preußen um Kirche und Schule (1788-1798), Berlin 1925, pp. 108-11. Dans le Braunschweigisches Journal déjà, leur réaction est évoquée Br. J. 91.Π.2 p. 194.

Br. J. 88.XI.1 pp.260 et 271; 89.X.1 p. 135; 90.Vm.8 p. 495; 91.ΒΠ.7 p. 352; Schi. J. 92.IV.5 p. 511;92.νΠ.2 p. 298. Br. J. 88.X. 1 p. 145. On retrouve la même énumération dans un article satirique publié le 1er août 1788 dans la Vaterlandschronik de Schubart, Christian Friedrich Daniel, Deutsche Chronik. Eine Auswahl aus den Jahren 1774-1777 und 1787-1791, Radczun, Evelyn (éd.), Leipzig 1988, pp. 286-287. Br. J. 89.x. 1 p. 143.

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PAufklärung dans le peuple15 et, d'autre part, des dangers inhérents à un tel transfert, dans le grand public, de discussions théologiques réservées théoriquement à une minorité. Il peut, en effet, susciter l'intolérance et favoriser l'expansion de l'irréligion,16 que les auteurs réfutent catégoriquement, comme en témoigne le jugement très mitigé porté sur Voltaire : les auteurs des journaux apprécient le combat qu'il a mené pour la tolérance, mais ils désavouent son irréligion,17 incompatible avec leur conviction que la foi est un besoin naturel de l'homme. 1.2

La défense des libertés religieuses

Cet enracinement de la religion dans la subjectivité rend légitime la défense des libertés individuelles dans le domaine religieux, et ce, d'autant plus, qu'au fil des années, les positions religieuses évoluent: peu à peu s'affirment des positions kantiennes plus marquées. Si, avant 1792, la philosophie kantienne ne rencontre que peu d'écho, dans les deux journaux, 18 elle y est omniprésente après 1792, tant à cause de la collaboration de K. v. Knoblauch qu'à travers la publication d'une série d'articles qui constituent une critique de la sixième édition des Wahrheiten der natürlichen Religion de Reimarus (1791).19 Ces textes, résumé des thèses religieuses de Kant, achèvent le processus de subjectivisation inauguré par «l'éclectisme» dans le domaine religieux. Si le sujet ne peut connaître que des phénomènes, toute connaissance de Dieu est impossible. Il est interdit au penseur de passer de la vérité logique et de la nécessité subjective de l'idée d'un être autonome, à sa vérité et à sa nécessité réelles. On ne peut déduire celles-ci ni de l'idée d'une création absolument impossible à penser, ni de la notion de perfection, éminemment subjective,20 pas plus, enfin, que de l'idée d'un ordre du monde, puisque la notion d'ordre n'est, ici, nullement objective.21 Dans ces conditions, la possibilité de contraindre ime conscience à croire quelque chose de déterminé, peut, après maints débats dans les journaux, être catégoriquement rejetée,22 au profit d'une défense vigoureuse de la liberté de conscience. 15

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Ils dénoncent bien au contraire les velléités de rebellion auxquelles les membres d'une religion minoritaire - fut-elle opprimée - pourraient être tentés de se livrer (Br. J. 89.ΙΠ.1 pp. 263264; ibid., p. 282). Br. J. 88.V.2 p. 16; 88.X.1 p. 140; 91.Π.1 p. 182; Sehl. J. 92.VH.2 p. 300. Sur la portée de Voltaire dais le domaine religieux, voir Br. J. 90.Π. 1 p. 180 ; 91 .ΙΠ.7 p. 345 ; Sehl. J. 92.ΠΙ.2 p. 313 ; 92.VI.1 p. 171 ; 92.XI.4 p. 350. On ne trouve qu'un texte kantien avant 1791 (Br. J. 91.IX.1 pp. 1-18). Voir Sehl. J. 92.V.3 pp. 86-110; 92.VII. 1 pp. 257-294; 92.VÜI.7 pp. 486-509; 92.IX.4 pp. 92-122; 92.X.2 pp. 181-217; 92.ΧΠ.5 pp. 4 7 2 ^ 8 6 ; 93.VDI.3 pp. 4 3 8 ^ 5 9 ; 93.IX.2 pp. 66-75 ; 93.X.2 pp. 161-208. Voir Sehl. J. 92. VII. 1 pp. 268-290 ; sur le problème particulier de la création du monde, voir également l'article de v. Knoblauch in Sehl. J. 93.ΧΠ.7 pp. 495-505. Voir Sehl. J. 92.IX.4 p. 114. Br. J. 88.IV.2 p. 419 : «Hat es Sinn, jemandem etwas zur Pflicht machen, was er seiner Natur nach entweder nicht unterlassen kann oder unterlassen muß [...]»; 88.IX.4 p. 67: s'affirmer d'une religion relève d'une «innere moralische Notwendigkeit»; 88.X.1 p. 136 dans une

H e g e w i s c h , dans son article intitulé « U e b e r die Toleranz», définit quatre types de tolérance: celle dont font preuve entre elles les religions, celle dont témoigne généralement l'Etat à l'égard de la religion, d'une part, et vis-à-vis des dissidents d'une religion précise d'autre part, et celle, en dernier lieu, des membres d'une religion déterminée à rencontre, justement, de ces dissidents. 2 3 Développant la troisième, H e g e w i s c h affirme que condamner une doctrine hétérodoxe sans l'avoir au préalable examinée soigneusement serait « e i n e Sünde wider der V o r s e h u n g » , car « j e d e Untersuchung der Wahrheit, die einmal ihren A n f a n g g e n o m m e n hat, es sey in w e l c h e m Fach es w o l l e , ist eine V e r f ü g u n g der Vorsehung, die Wahrheit näher ans Licht zu bringen». 2 4 Pour défendre cette liberté, les auteurs des revues recourent volontiers à Luther qui leur sert de caution idéologique, 2 5 en dépit du fait que l'individualisme de l'Aufklärung est infiniment plus radical, en s o n désir de tout examiner par lui-même. 2 6 Car se référer à Luther met les Aufklärer à l'abri d e s reproches d'athéisme et m ê m e d'irréligion. Cette sécularisation de l'image de Luther finit, cependant, par n ' e n faire plus qu'un simple prétexte. A u c u n article, dans le Schleswigsches

Journal,

n e le montre m i e u x que « D . Martin Luthers Ge-

sicht v o n der Zukunft. A u s einer Handschrift des Reformators z u m ersten Mahle

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recension du texte de Trapp déjà cité, on trouve cette phrase : «der Glaube [ist] keine Sache, die von dem Willen des Menschen abhängt »; 88.ΧΠ.2 p. 405 : Campe y critique Basedow, selon qui la volonté peut parfois déterminer la croyance ; 89.1.4 p. 51 : dans la recension d'un texte de Hufeland Gottlieb, Ueber das Recht protestantischer Fürsten unabänderliche Lehrvorschriften festzusetzen und über solche zu halten, veranlaßt durch das preussische Religionsedikt, Jena 1788, le recenseur souligne l'impossibilité juridique d'imposer à quelqu'un une croyance qu'il ne reconnaît pas d'emblée (voir également 88.XI.9 pp. 374-376 ; Schi. J. 92.VU.4 p. 325). Voir Br. J. 89.ΙΠ.1 pp. 258-259. Br.J. 89.IV.lpp. 389-390. Voir Br. J. 89.Π.5 p. 254: «Die heutigen Neuerer in der Theologie, die man Socinianer, Deisten, Naturalisten u.s.w. schilt, thun offenbar weniger, als Luther that, sowohl in Ansehung des Was und des Wie»; voir également 91.ΙΠ.7 p. 355 qui laisse entendre que le Christ et Luther, même, ne furent pas orthodoxes à l'égard de leur propre enseignement; 90.IX.5 p. 116; Sehl. J. 92.Π.5 p. 151 ; 93.V.6 p. 126: «du [Luther] hast sie zersprengt, die Schranken, so deinem rastlosen Geist im Wege standen». Volker Mehnert, dans sa perspicace étude sur Protestantismus und radikale Spätaufklärung. Die Beurteilung Luthers und der Reformation durch aufgeklärte deutsche Schriftsteller zur Zeit der Französischen Revolution, München 1982, cite précisément plusieurs passages du Braunschweigisches Journal, afin de montrer l'usage que les Aufklärer font de Luther dans leur lutte contre l'Edit de Wöllner et pour la liberté de pensée, (pp. 90-103). Parfois, c'est le Christ lui-même qui sert ainsi de caution : Br. J. 89.V.2 p. 28 : son enseignement relève de la physicothéologie ; p. 31 « Jesus also war ein Freund der Naturreligion ; er empfohl sie, und suchte Andere dahin zu bringen, Gott in allem zu sehen [...] ». L'importance déterminante de la subjectivité dans la religiosité de l'Aufklärung (sur laquelle insiste par exemple Bödeker «Die Religiosität der Gebildeten», in: Gründer, Karlfried et Rengstorf, Karl Heinrich (éd.) Religionskritik und Religiosität in der deutschen Aufklärung [Wolfenbütteler Studien zur Aufklärung 11], Heidelberg 1989, pp. 149-150) indique bien les limites de la continuité postulée entre l'Aufklärung et la Réforme, puisque l'individualisme de Luther, est, lui, «durchweg auf rein objektive, übernatürliche - bindenden Realitäten bezogen und an sie gebunden» (Cassirer, Emst, op. cit., p. 186). 91

zum Druck befördert und den Manen Ludwig Capets geheiligt».27 L'auteur prétend avoir déniché un texte inédit de Luther, qui est une vision prophétique de l'avenir. Guidé, en songe, par un ange, il assiste au déroulement allégorique de la Révolution. Le Luther qui apparaît dans ce texte est un Luther délibérément modernisé. Bien plus, il illustre parfaitement le traitement que l'Aufklärung a fait subir au Réformateur de Wittemberg. En effet, elle ne se contente pas de le moderniser, elle l'humanise aussi. Comme l'a écrit Leopold Zscharnack: «die humanisierte Reformation ist der Beginn der Aufklärung». 28 C'est en ce sens qu'il faut comprendre la mention d'Erasme, 29 parmi les maîtres dont le Luther du texte reconnaît avoir subi l'influence. Outre par le renvoi à Luther, c'est également au nom d'un argument historique - la conscience des progrès effectués au cours du dix-huitième siècle30 - que les auteurs estiment que rien ne doit borner l'ambition de l'individu, dans son examen des problèmes théologiques. De l'essentielle liberté de conscience découle également la nécessité d'un libre commerce des idées et, par conséquent, de la liberté de la presse. Si personne ne peut prétendre à l'infaillibilité en théologie, tout sujet mérite d'être abordé31 et la liberté d'expression, en favorisant les disputes théoriques, peut contribuer à l'éradication des erreurs. Ces deux libertés paraissent si fondamentales et si contiguës qu'un des auteurs va, par exemple, jusqu'à refuser de les distinguer: «Er [Semler] behauptet die Denkfreiheit und bestreitet die Lehrfreiheit der Protestanten ; als wenn jene ohne diese zu irgend etwas nütze wäre [...] »,32 Cette faculté et cette licence de propager ce qu'on croit juste est si capitale dans le protestantisme que certains des auteurs en font sa clef de voûte : « Entweder ist Protestantismus ein leerer Name, oder sein Wesen besteht in der Lehrfreiheit»; «Das Wesen des Protestantismus hört auf, wo eine Lehrform von der Obrigkeit mittelbar oder unmittelbar vorgeschrieben wird». 33 Dans ces conditions, lutter pour la liberté d'expression devient même un devoir quand la liberté religieuse est menacée.34

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Sehl. J. 93.V.6. «Reformation und Humanismus im Urteil der deutschen Aufklärung», in: Protestantische Monatsschrift, ΧΠ, Leipzig 1908, H. 4 p. 167. Schl.J. 93.V.6p. 98. Br.J. 89.ffl.lp.258;91.m.7p. 349. C'est pour cette raison que Hennings, en dépit de son désaccord, admet dans les colonnes du Schleswigsches Journal un article - demeuré inachevé - de F. H. Gebhard, intitulé «Einige Gedanken über die Liebe gegen Gott» (92.Vm.l, pp. 385-509). Br. J. 89.Π.5 p. 253 ; voir également 88.IV.2 p. 427. Respectivement Br. J. 89.Π.5 p. 251 ; 89.ΠΙ.5 p. 368. Voir également 9I.V. 1 p. 2. En 1792, on trouvera encore juxtaposés ces concepts dans une défense «der guten Sache des Protestantismus, der Gewissens= Lehr und Pressefreiheit», in Schi. J. 92.IV.2 pp. 510-511. Br. J. 89.1.4 p. 72.

Ces conceptions s'appuient sur l'idée d'un caractère «démocratique» 35 et «républicain» 36 du protestantisme: chacun a le droit de s'exprimer en tant que Chrétien libre,37 et le Prince lui-même n'est qu'un des membres de la communauté.38 Cet aspect démocratique de la communauté protestante se manifeste également dans le droit dont elle dispose de changer les doctrines de l'enseignement religieux. Trapp, dès 1788, affirme que nul n'a le droit de reprocher à un prédicateur un enseignement hétérodoxe, tant que la communauté dont il a la charge l'accepte, au moins tacitement. Ce problème gagne assurément en acuité avec l'affaire du prédicateur Schulz. Si, en effet, il n'appartient qu'à la communauté de trancher sur le caractère bon ou funeste de thèses hétérodoxes,39 la procédure engagée contre Schulz est nulle et non avenue. Une telle approche du protestantisme, c'est-à-dire d'une religion très libérale, honorant les libertés de conscience et d'expression, d'une religion, enfin, très décentralisée, s'accompagne nécessairement d'un refus du rôle directeur des consistoires, refus d'autant plus catégorique que, après l'accession au pouvoir de Frédéric-Guillaume, l'Orthodoxie tente, en s'appuyant sur eux, de mettre un terme au climat de tolérance qui caractérisait le règne de Frédéric Π. 1.3

Le refus des Livres Symboliques

Selon les auteurs du Braunschweigisches Journal, dès que les protestants orthodoxes se prétendent les seuls détenteurs de la vérité, ils renoncent à leur protestantisme, pour redevenir catholiques.40 Pour leur part, les rédacteurs des revues rejettent cette idée d'ime autorité religieuse dans le monde qu'incarne la hiérarchie perçue parfois sous sa forme juive,41 mais le plus souvent sous sa forme catholique (et plus précisément sous le masque du pape),42 et que le protestantisme, à l'origine, s'était efforcé de repousser.43 Accepter l'établissement d'une hiérarchie dans le protestantisme reviendrait, en effet, à ployer sous le joug du «geistlichen

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Br. J. 88.X.2 p. 159 : l'église protestante «da sie das Gegentheil von der römischen seyn sollte, die despotisch regiert wird, mußte ihrer Natur nach frei, also eine Demokratie seyn»; ibid., p. 168 la communauté religieuse idéale doit avoir une «demokratische^] Verfassung». Br. J. 89.1.4 p. 72 «Unsere protestantische Kirchengesellschaft ist ihrem Ursprung, ihrem Gegenstand und ihrem Zwecke nach eine freie Republik, die freieste, die es je gegeben hat, die es überall geben kann ». Br. J. 89.ΙΠ.5 p. 364. Br. J. 89.Π.5 p. 252. Schi. J. 92.V.2 p. 65, pp. 68-69 et p. 72 ; sur l'importance renouvelée de la «Gemeinde», voir aussi Br. J. 89.Π.5 p. 244. Br. J. 88.V.2 pp. 10-11 ; 88.VI.1 p. 132; 88.Vm.3 p. 411. Br. J. 89.V.2 p. 31 ; Sehl. J. 92.VÜ.2 p. 305. La critique d'un «pape protestant» est récurrente dans les journaux (voir Br. J. 88.IV.2 p. 423 ; 89.Π.5 p. 241 ; 89.ΠΙ.5 p. 365 ; 90.X.6 p. 436 ; 91.XI.2 ; Sehl. J. 93.VI.3 p. 194. Br. J. 88.XI.1 p. 258; 89.Π.5 p. 254; 89.ΙΠ.5 pp. 365-366; Sehl. J. 92.IV.4p. 511.

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Despotismus», 44 d'autant plus inadmissible que ce n'est pas le pluralisme des opinions religieuses mais le monolithisme qui est source d'instabilité.45 Ici non plus, les auteurs ne manquent pas de recourir à Luther pour étayer leurs vues.46 Dans le contexte de la Prusse de la fin du dix-huitième siècle, le problème de la soumission à une instance supérieure est étroitement lié aux problèmes des Livres Symboliques dont la théologie protestante orthodoxe souhaitait faire des textes canoniques. Les auteurs des revues, pour qui les Livres Symboliques ont, dans la pratique, perdu de leur importance,47 participent au débat portant sur leur utilité, débat déjà ancien, puisque cette question avait été longuement disputée dans les années 1770, mais qui rebondit après 178848 quand, sous l'impulsion de Wöllner, l'Orthodoxie réaffirme qu'ils sont essentiels, pour tenter de museler l'Aufklärung, décidant, par exemple, qu'un pasteur pourrait être cassé s'il ne les respectait pas.49 Sans Wöllner, la longue discussion sur les Livres Symboliques n'aurait probablement pas eu une telle violence et le débat qui les concerne n'est si vif et si véhément que parce que l'Edit de juillet leur assigne le statut d'un critère auquel recourt la puissance civile pour intervenir dans le domaine religieux. La critique des Livres Symboliques est ainsi au cœur de toute une série de textes suscités par l'Edit, et dont les auteurs respectifs sont Andreas Riem, Peter Villaume, Gottlieb Hufeland, Wilhelm Abraham Teller et Johann Salomo Semler. Ces textes, présentés au public par Campe, puis par Trapp, sont, pour la plupart, antérieurs au dé-

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Br. J. 88.XI.1 p. 264 ; 89.ΠΙ.1 p. 258 ; 90.X.6 p. 438 l'auteur de cet article s'exclame : «Erlöse uns von dem Übel heißt in meinem Munde so viel als : Erlöse uns von der Hierarchie! » ; Hegewisch, dans son texte sur la tolérance, parvient aussi à la conclusion que la hiérachie n'a point à intervenir dans les discussions théologiques (Br. J. 89.IV.1 p. 386). Br. J. 88.XI.1 p. 259; 90.Vm.8 p. 497; 90.ΧΠ.2 pp. 439 et 450; Schi. J. 92.VII.2 p. 298. La description de la Pennsylvanie par Melsheimer apporte, dans cette perspective, la preuve par l'exemple que des communautés religieuses différentes peuvent parfaitement cohabiter (Sehl. J. 92.ΧΠ.4 pp. 465-468). Br. J. 90.IX.5 p. 118. Cet article est la recension du livre Luthers Unterricht, eine Chrestomathie gesunder Glaubens= Sitten= und Lehrkenntnisse aus seiner Feder geflossen, und für unsere Zeiten neu zusammengetragen, den Geist des Protestantismus zu nähren und zu mehren (Züllichau 1789), une compilation de citations de Luther destinée à appuyer l'Aufklärung et à en faire l'apologie. Br. J. 89.1.4 p. 49 : Hufeland s'insurge contre les juristes réactionnaires qui s'opposent aux progrès en invoquant des arguments déjà invalidés par la pratique; voir aussi Sehl. J. 92.V.2 p. 78. La genèse du débat sur les Livres Symboliques qu'a retracée Karl Aner (Die Theologie der Lessingzeit, Halle 1929, pp. 254—269) fait apparaître, en effet, l'analogie entre le discours des deux revues sur ces Livres et les arguments développés vingt ans plus tôt par Liidke, Tollner, Teller, Büsching, etc. C'est dans le même cadre de la lutte contre la «Berlinische Aufklärung» que Zimmermann comprend le christianisme comme une «Lehre, die den Socinianismus und Deismus ausschließt ; die also auch innerhalb der Gränzen der symbolischen Bücher eingeschloßen seyn und bleiben muß» (Br. J. 90.V.4 pp. 37).

clenchement de la Révolution, a fortiori de son emballement.50 Tous n'ont cependant pas la même importance dans l'analyse des rapports entre Etat et religion. Le texte de Riem est secondaire, car il est loin d'atteindre la pureté stylistique et la puissance d'argumentation de celui de Villaume qui dénie à l'Etat le droit de prendre aucune disposition concernant les formes de la religion, dans la mesure où ce dernier n'est fondé à réglementer que ce qui a une influence «auf das öffentliche Wohl, auf die öffentliche Ruhe und Sicherheit».51 Un édit comme celui de Wöllner est donc intolérable et, de surcroît, inutile, parce qu'il veut sauver un système déjà vacillant et donc déjà perdu. Hufeland, en juriste, s'appuie, lui, sur la distinction fondamentale entre droit privé et droit public pour réfuter le droit de l'Etat à promulguer des édits religieux. La communauté religieuse est composée des « Glieder einer Privatgesellschaft » et l'Etat n'a pas le droit de la violer, tant qu'elle ne représente pas un danger pour lui.52 De plus, ni la jurisprudence ni les lois impériales ne permettent de légitimer un tel édit.53 Teller ne tolère pas davantage l'intervention de l'Etat dans les affaires religieuses. Il ne rejette pas absolument l'idée de limites à imposer à l'Aufklärung religieuse, mais celles qu'établit l'Etat durant le règne de Frédéric-Guillaume II sont, à ses yeux, tout à fait arbitraires.54 Le dernier texte recensé est celui de Semler qui, dans son appréciation de l'Edit de Wöllner, paraît avoir oublié qu'il avait été jadis à la pointe de l'Aufklärung. Trapp rejette l'argumentation élaborée par Semler pour justifier l'Edit, en faisant valoir que le Prince ne représente pas une autorité religieuse et qu'il est un simple protestant jouissant des mêmes droits et des mêmes devoirs que tout autre. De plus, il dénonce comme incompréhensible la fameuse distinction semlerienne

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Voir Sr. J. 88.X. 1 Riem: Über Aufklärung ; ob sie dem Staate, der Religion, oder überhaupt gefährlich sey und seyn könne? - Ein Wort zu Beherzigung für Regenten, Staatsmänner und Priester. [Fragments 1 et 2] (Berlin 1788); Villaume: Freimüthige Betrachtungen über das Edict vom 9ten Julius 1788, die Religionsverfassung in den preuß, Staaten betreffend (Frankfurt a. M./ Leipzig 1788); 89.1.4 Hufeland: Über das Recht protestantischer Fürsten unabänderliche Lehrvorschriften festzusetzen und über solchen zu halten (Jena 1788) ; 89.Π.5 Teller : Wohlgemeinte Erinnerungen an ausgemachte aber doch leicht zu vergessende Wahrheiten auf Veranlassung des kön. Edicts die Religionsverfassung in den preußischen Staaten betreffend, und bei Gelegenheit einer Introductionspredigt (Berlin 1788); Semler: Verteidigung des königlichen Edicts vom 9ten Juli wider die freymütigen Betrachtungen eines Unbekannten (Halle 1788); 89.ΠΙ.5 Semler [suite de 89.Π.5]; cette problématique est évoquée en avril 1792, encore, par la citation d'un ouvrage de Heinrich Würzer (Schi. J. 92.IV.4 p. 489). Sur ce texte de Würzer, voir Henke, Philipp Conrad Henke, Beurtheilung aller Schriften welche durch das Königliche Preußische Religions-Edikt und durch andre damit zusammenhängende Religionsverfugungen veranlaßt sind, Kiel 1793, pp. 87-95). Br. J. 88.X.1 p. 136. Br. J. 89.1.4 p. 53. Br. J. 89.1.4 pp. 57-60. Br. J. 89.Π.5 pp. 242 et 245.

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opérée entre «öffentliche» et «geheime Religion» 55 - distinction qui ne recouvre nullement celle, caractéristique de la néologie, entre religion et théologie que Semler, en outre, reprenait également à son compte.56 La polémique la plus vive menée contre les Livres symboliques, dans les deux revues, est suscitée par la publication, à Rostock en 1789, d'un livre de J. F. Rönnberg, intitulé Über symbolische Bücher in Bezug auf das Staatsrecht.51 Son auteur essayait d'y démontrer la nécessité des symboles, sans lesquels une menace pèse inévitablement sur l'ordre civil et religieux. Il accréditait, par conséquent, les mesures destinées à les protéger. S'il polarise les critiques soulevées plus généralement par les débats portant sur les Livres Symboliques, c'est qu'il bénéficiait du soutien de Frédéric-Guillaume II qui ordonna et finança la distribution du livre de Rönnberg. On trouve, en outre, reproduite dans les pages du Braunschweigisches Journal une note de mai 1790, rédigée par Th. Phil. ν. Hagen, président de l'Oberkonsistorialrat, note qui s'appuie sur la volonté expresse du roi pour ordonner la propagation du texte de Rönnberg, au grand dam des éditeurs du journal qui refusent de reconnaître autre chose que «die gesunde Vernunft und Gott». 58 En janvier 1791 est publiée la recension du Sendschreiben eines alten Landpredigers (Frankfurt und Leipzig, 1790). Dans cette adresse, le «vieux prédicateur» reproche à Rönnberg de sacrifier la conscience de l'homme au répréhensible souci d'une harmonie superficielle, au sein du protestantisme, et de renoncer, ainsi, à l'examen de la raison, démarche d'autant plus déplorable qu'elle choisit, pour critères, des textes rédigés par des hommes, et donc vraisemblablement imparfaits.59 La réponse la plus percutante au texte de Rönnberg est la Prüfung der Rönnbergischen Schrift über symbolische Bücher, publiée par Villaume60 en 1791, à l'issue de maintes péripéties juridiques, dont témoigne la publication, en juin 1791,61 d'une note rédigée en février 1791 par K. W. v. Finkenstein et E. F. v. Herzberg. Cette note contrecarre la manœuvre de Wöllner qui avait voulu défendre l'inviolabilité des Livres Symboliques en invoquant la Capitulation impériale de 1790; elle rétorque, d'une part, que les catholiques n'ont guère à se soucier de

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Br. J. 89.Π.5 pp. 252-253. Br.J. 89.m.5p. 361. Nous ne revenons pas dans le détail sur cet épisode, déjà rapporté avec précision par Paul Schwartz (op. cit., pp. 133-142). Avant même ce texte capital, le problème du serment de respecter les Livres Symboliques apparaît pourtant dans le Braunschweigisches Journal (voir Br. J. 88.XI.9 pp. 375-376). Br. J. 90.VÜI.12 p. 514. Sur le refus des dogmes non dérivés de la Bible, voir également Br. J. 88.Π.1 p. 136; 89.IV.7 p. 482; 91.V.4 p. 83; Schi. J. 93.VII.10 p. 369. Voir Sr. J. 91.ΙΠ.7 p. 352. Un poème publié dans le Schleswigsches Journal dit que Villaume a «den Heldenmuth/Des großen Luthers» (Schi. J. 92.1.3 p. 60). Br.J. 91.VI.6.

l'orthodoxie des protestants62 et, d'autre part, que les Livres Symboliques n'ont jamais eu pour ambition de fixer définitivement la doctrine, pas plus que de s'opposer à la recherche individuelle.63 Le texte de Villaume fait, également, l'objet d'une longue recension dans le Braunschweigisches Journal, recension au cours de laquelle Winterfeld refuse de voir dans les Livres Symboliques une forme de canon, ce qui irait à l'encontre des propos et des intentions de Luther : « Gottes Wort, spricht er Luther nach, soll Artikel des Glaubens stellen, sonst niemand auch kein Engel». Il est donc permis de s'écarter des Livres Symboliques dont les auteurs ne sont pas plus infaillibles que les autres hommes.64 Le caractère contraignant des Livres Symboliques est ainsi dénoncé pour des raisons essentiellement historiques : ils ont été rédigés par des hommes, et ne sauraient, par conséquent, prétendre à l'infaillibilité, d'autant que leurs auteurs n'avaient nullement l'intention d'établir, grâce à eux, un corps de doctrine achevé et parfait. Comment Luther l'aurait-il pu, puisque, comme le rappelle l'une des citations extraites de la Chrestomathie·. «Die christliche Freiheit ist, daß alles soll frei seyn, was Gott nicht mit klaren Worten gebeut im neuen Testament». 65 Et selon les auteurs des revues, les Livres Symboliques, loin de susciter l'unité parmi les protestants, et donc de servir à protéger la religion, peuvent engendrer la discorde entre les différentes confessions, favoriser l'hypocrisie66 et semer la tyrannie.67 Ces trois arguments, récurrents dans la critique des Livres Symboliques à laquelle se livrent les journaux, 68 légitiment donc le plaidoyer en faveur de la liberté de conscience et du droit de mener des discussions théologiques qui ne sauraient, en outre, représenter un danger pour l'Etat puisqu'elles ne concernent qu'une infime minorité. En effet, si la religion concerne chaque membre de la communauté protestante, la théologie, en tant que discours rationnel sur la religion, est, elle, l'affaire seulement d'une minorité composée d'érudits, de «Gebildete». 69 Cette distinction est capitale pour Γ Aufklärung : « ihr theologischer Diskurs war grundlegend geprägt

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Br.J. 91.VI.6p.250. Br. J. 91.VI.6 p. 248. C'est, là aussi, l'opinion des membres de la faculté de théologie de l'Université de Halle, qui, consultés sur la conformité d'un ouvrage aux Livres Symboliques, refusent de prendre ces derniers pour critère (Br. J. 90.IV.7 pp. 499-514). Br. J. 91.X.5 p. 252. Br. J. 90.IX.5 p. 120. Br. J. 91.Π.1 p. 118: «In einigen protestantischen Ländern ist den Lehrern der Religion der Mund geschlossen, wo von symbolischen Büchem die Rede ist»; voir aussi pp. 188-189. Br.J. 88.XI.1 p. 258. - Sur l'ancrage historique et le sens initial des Livres Symboliques, voir Br. J. 89.1.4 p. 58 ; 88.XI.1 pp. 263 et 272; 91.m.7 pp. 351 et 354. Sur la perfectibilité des Livres Symboliques Br. J. 89.X. 1 p. 139; Sehl. J. 92.Π.1 p. 47. Sur le problème de l'hypocrisie, voir encore Br. J. 88.XI.1 p. 272 ; 91.ΙΠ.7 p. 352. Karl Ludwig Amelang, dans sa défense du prédicateur Schulz, élabore, quant à lui, une critique plus proprement juridique des Livres Symboliques (Sehl. J. 92.V.2 pp. 78-79). Br. J. 88.X. 1 p. 142; 89.1.4 p. 53 ; 89.ΠΙ.5 p. 361.

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von einer Trennung zwischen den gebildeten und den ungebildeten Christen». 70 Tandis que les premiers peuvent accéder à une connaissance épurée de la religion, il faut se garder de transmettre aux seconds des vérités qu'ils ne sont pas encore capables de percevoir. La nécessité d'opérer une distinction entre les clercs et les couches de la société encore trop ignorantes pour pouvoir supporter d'emblée la vérité nue, est aussi la conclusion à laquelle parvient « Xangthu », au terme de son voyage initiatique : éclairer le peuple sur la vérité de la religion, le détacher de ses préjugés n'est possible que lentement et « durch Herablassung zur Schwäche seiner Brüder». 71 Les auteurs mettent en garde contre la tentation d'éclairer trop rapidement les gens simples. En agissant ainsi, on les rend insensibles à tout enseignement, même à celui qui vise à une amélioration de leur moralité, ce qui est le but poursuivi par la religion des Lumières et qu'avait tenté de réaliser le fameux pasteur Schulz. 1.4

L'affaire Schulz

Ce pasteur, resté dans l'histoire sous le surnom de «Zopf-Schulz», avait été suspendu, pour sa doctrine progressiste, par le gouvernement de Frédéric-Guillaume II. Dans le Schleswigsches Journal, plusieurs textes prennent sa défense. Deux sont des commentaires accompagnés de larges citations d'ouvrages constituant une apologétique de Schulz. Il s'agit de Zur Verteidigung des Predigers Herrn Schulz zu Gielsdorf, Wilkendorf und Hirschfelde de K. L. Amelang (1792)72 et d'un texte - publié sans nom d'auteur - de Anton Görlitz Religionsprozeß des Prediger Schulz zu Gielsdorf nebst dessen eigenen, gerichtlich übergebenen Vertheidigungsschrift seiner Lehre (1792).73 Amelang, pour recourir parfois à un développement classique de Γ Aufklärung (il estime, par exemple, que n'avoir pas respecté les Livres Symboliques, n'est point répréhensible, car, à ses yeux, Luther n'a pas agi autrement),74 retient surtout l'attention par sa stratégie argumentative purement juridique. Outre que les malversations qu'il met en lumière suffiraient, à elles seules, à cause de multiples vices de formes, à rendre irrecevable le procès qu'on intente à Schulz,75 Amelang est outré qu'on ose inquiéter de la sorte un homme qui, en vingt-deux années de pastorat, n'a eu de cesse d'enseigner à ses administrés les préceptes suivants : « Gott über alles lieben, den König ehren, der

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Bödeker, Hans Erich, art. cit., p. 180.

Schi. J. 92.x. 1 p. 171. Schi. J. 92.IV.4 pp. 476-511 et 92.V.2 pp. 55-85.

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Sehl. J. 92.EX.3 pp. 71-91.

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Schi. J. 92.IV.4 p. 481 : «Er [Schulz] weicht von den symbolischen Büchern ab : soll das etwas Böses seyn, so haben ja Luther und die übrigen Reformatoren, die von den Symbolen ihrer Kirche abwichen, auch etwas Böses gethan». Schi. J. 92.V.4 pp. 492^199; 92.V.2 pp. 65-72; déjà, dans Schi. J. 92.ΠΙ.4 pp. 383-384 était dénoncée la façon dont H. D. Hermes, G. F. Hillmer et K. G. Hulbeck avaient interrogé Schulz.

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Obrigkeit gehorchen und seinen Nächsten unter allen Umständen sich gleich zu behandeln». 76 Depuis qu'il est en poste, on n'a relevé aucun cas de désobéissance « gegen die öffentlichen und gesetzlichen Landespolizeigesetze » 77 et, bien loin de saper l'autorité, en enseignant aux membres de la communauté dont il a la charge une connaissance de la religion épurée de toutes les impuretés de la théologie orthodoxe, il leur a transmis une connaissance purement morale. Par conséquent, il a réussi à faire de ses ouailles des citoyens «mit denen der Staat völlig zufrieden seyn kann» 78 ainsi qu'à les transformer en «brauchbaren Mitgliedern des Staates». 79 La communauté de Schulz, à propos de laquelle Amelang peut écrire «daß die Aufklärung des gemeinen Mannes in Hinsicht der Religion nichts weniger als gefahrlich fur den Staat ist» 80 illustre, ainsi, ce que prétendait le vieux «Landprediger» dès 1791 : Es entstand also unter uns eine Aufklärung, die wir freilich nicht den symbolischen Büchern zu danken hatten, die aber wohltätig für Kopf und Herz ward, und bei der sich der Staat gar nicht übel befand. 81

En effet, les membres de cette communauté s'acquittent honnêtement de leurs impôts, servent bravement dans les armées du Prince, et, en perfectionnant leurs méthodes agricoles, contribuent à l'enrichissement de l'Etat. De fait, éclairer le peuple en le délivrant de ses préjugés ne constitue pas pour l'Etat une menace et peut, bien au contraire, renforcer sa cohésion, grâce à l'essor et au développement des sciences die den Geist über Vorurtheile erheben, die ihn von leidenschaftlicher Anhänglichkeit an Meinungen befreien, und ihm eine Fertigkeit geben, jedes System mit Kälte und Unparteilichkeit von allen Seiten zu untersuchen. Ein Geist der Verträglichkeit wird dadurch bei den vornehmen Mitgliedern der verschiedenen Partheien erzeugt werden, und sich allmählich auch unter die übrigen Mitglieder verbreiten. 82

Là encore, la tolérance de l'Etat ne peut que lui être profitable. 83 Si l'affaire Schulz émeut tant les esprits des auteurs dans le Schleswigsches Journal, c'est donc parce qu'elle cristallise les critiques formulées déjà antérieurement à propos de l'Edit de Wöllner de juillet 1788. Par là, elle contribue au renforcement, dans la revue, des tendances protolibérales. 76 77

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81 82 83

Schi. J. 92.IV.4 p. 478. Ibid., p. 479 ; on trouve déjà cette idée chez A. Görlitz, qui cite A.Teller (Schi. J. 92.IX.3 pp. 75-76). Schi. J. 92.V.2 p. 72. Ibid., p. 76. Ibid., p. 61.

Br.J. 91.m.7p. 346. Br. J. 89.ΙΠ.1 pp. 267-268 et aussi p. 284. Même au plus fort de la tourmente révolutionnaire, et alors même que la guerre fait rage depuis plus d'un an, on trouvera encore cette conviction dans le Schleswigsches Journal (Sehl. J. 93.VI.3 p. 192).

99

2

L'émergence d'un protolibéralisme

2.1

L'exigence d'une neutralité de l'Etat en matière de religion

Le terme «protolibéral» paraît ici préférable à celui de «libéral» car si le mot «liberal» existait déjà en Allemagne à la fin du dix-huitième siècle, c'est au simple sens de « libre de préjugés ».84 C'est seulement au tournant du dix-neuvième siècle que «liberal» sera employé pour désigner un courant politique désireux d'instaurer un «repräsentativen Verfassungsstaat [...] mit klar umrissenen, in einem Grundrechtskatalog negativ fixierten Eingriffsrechten in die individuellen und interindividuellen Beziehungen seiner Mitglieder».85 Cependant, dès les années 1790, apparaissent des revendications similaires. Réagissant indéniablement à la politique toujours plus radicale du gouvernement prussien, les auteurs des deux revues plaident ainsi, avec une force croissante, pour la non-intervention de l'Etat dans les affaires religieuses.86 La religion, en tant que sentiment privé, constitue un domaine que l'Etat n'a, sous aucun prétexte, le droit de violer. Les formes extérieures, encore nécessaires pour le peuple, ne concernent pas davantage l'Etat tant qu'elles ne viennent pas troubler l'ordre public, et il n'est pas licite qu'il se mêle des problèmes dogmatiques d'une confession tant que son exercice ne s'oppose pas à la moralité. Bien au contraire, c'est en pénétrant dans une sphère qui n'est pas de son ressort que l'Etat, sans pouvoir façonner des consciences que, par définition, il ne peut contrôler, constitue line menace pour la moralité. Quant aux discussions érudites, elles ne constituent en rien une menace pour l'ordre et la paix publics,87 et «ein Streit über Meinungen, der in seinen Grenzen bleibt, kann nie den Staat verwirren», 88 d'autant que, selon l'aveu même de Trapp, la majorité des pasteurs est trop ignorante pour se hasarder dans l'inconnu des 84

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Voir Vierhaus, Rudolf, «Liberalismus», in: Brunner, Otto, Conze, Werner et Koselleck, Reinhart (éd.), Geschichtliche Grundbegriffe. Historisches Lexikon zur politisch-sozialen Sprache in Deutschland, vol. 3, Stuttgart 1982, pp. 744-748, où il donne des exemples justement empruntés au Braunschweigisches et au Schleswigsches Journal. Gall, Lothar, «Liberalismus und »bürgerliche Gesellschaft «. Zu Charakter und Entwicklung der liberalen Bewegung in Deutschland», in: Gall, Lothar (éd.), Liberalismus, [Neue wissenschaftliche Bibliothek 95], Königstein/Ts. 1980, p. 162. Un auteur se prononce, certes, dans deux textes (Br. J. 90.1.5 et 90.ΙΠ.1) pour l'intervention du souverain selon des critères dogmatiques, mais il est d'emblée présenté comme un adversaire de l'Aufklärung: à l'orée du premier de ces textes (p. 84), l'éditeur écrit qu'il publie ce texte «um seine Unparteilichkeit zu beweisen. Audiatur et altera pars! ». Br. J. 89.ΙΠ.1, respectivement pp. 272, 284 et 407. Br. J. 89.1.4 p. 53. L'un des reproches adressés à Zimmermann est, justement, de ne pas respecter les règles devant régir un sain débat sur les questions religieuses, et, par là, d'enflammer les passions (Br. J. 90.V.4 pp. 35-37).

100

nouveautés théologiques.89 L'Etat ne risque rien à être tolérant, pour autant qu'on n'entende pas, par « tolérance », cette supériorité condescendante dénoncée par ailleurs,90 mais plutôt la tolérance telle que l'a définie Ernst Cassirer, qui n'est pas purement négative, mais apparaît comme l'expression d'un refus de tout ce qui, par l'effet d'un empressement malheureux, met un terme à la recherche et à l'examen avant que la vérité soit pleinement établie, menant ainsi au despotisme.91 Loin qu'un souverain ait à déplorer les discussions théologiques chez les clercs, il peut donc gagner à les entretenir, comme le firent les Princes de la Réforme, eux qui, conscients du caractère inoffensif de tels échanges, ont abandonné les problèmes de doctrine aux érudits.92 Le Prince a le droit de se mêler des débats religieux auxquels ils se livrent seulement lorsque certaines thèses, impliquant des désordres et des bouleversements pratiques, aboutissent à des querelles dogmatiques au sein des communautés dont les pasteurs ont la charge,93 exerçant ainsi une influence néfaste « auf das öffentliche Wohl, auf die öffentliche Ruhe und Sicherheit», et nuisant à la «öffentlichen Ruhe [...], dem Privatwohlergehen einzelner Bürger». 94 Dans son article sur la tolérance, Hegewisch se fait donc le porte-parole des deux revues quand il affirme nécessaires une impartialité et une neutralité sans réserve à l'égard des différentes religions. Il va, dès lors, de soi que tout en étant tenu de lutter contre Γ irreligiosité,95 l'Etat doit strictement s'abstenir de favoriser l'accession d'une confession au statut de religion dominante, parce que, dès lors, elle se comportera vis-à-vis des autres « wie der Adel zu dem Bürger= und Bauerstande ». % Lorsque, néanmoins, les hasards de l'Histoire ont donné à une religion ime place dominante, l'Etat, sans la dépouiller de ses privilèges sans son accord, doit veiller à ce qu'elle ne nuise pas aux autres confessions.97 Hegewisch rejette donc l'idée d'une religion d'Etat. 98 La religion n'est point là pour l'Etat, ne fût-ce que parce qu'elle existait bien avant lui :

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97 98

Br. J. 89.Π.5 p. 243. Schl.J. 93.Π.1 p. 146. Cassirer, Ernst, Die Philosophie der Außdärung, Tübingen 1973, [1ère édition 1932], pp. 218 et sqq. Br. J. 89.1.4 p. 56: «Es was ja ganz der Meinung der damaligen vornehmster Häupter und Leiter der ganzen Reformation gemäß, daß ja die Fürsten nichts thun, sich nicht einmischen, sondern alles der Belehrung überlassen sollten ». Br.J. 88.XI.lp. 271. Respectivement Br. J. 88.X.1 p. 136 ; 88.ΧΠ.2 p. 427 ; voir également Schi. J. 92.V.2 p. 74 (ce texte est consacré à l'affaire Schulz); 92.VI.4 p. 216; 92.VÜ.2 p. 299. En effet, une secte qui propagerait l'incrédulité ne donnerait pas à l'Etat «gute pflichtliebende Bürger» (Sr. J. 89.ΠΙ.1 p. 272). Voir la possible légitimation par Luther Br. J. 90.IX.5 p. 121. Br. J. 89.ΙΠ.1 p. 261 ; sur la nécessaire neutralité, voir Br. J. 88.X.1 p. 139; Sehl. J. 93.ΠΙ.1 pp. 257-258. Sehl. J. 93.ΙΠ.1 pp. 265-271. Voir également Br. J. 88.X.2 pp. 167-168 ; 88.XI.1 p. 269.

101

Religion ist nicht um des Staates willen, Religion ist Bedürfniß des einzelnen Menschen, und es ist ein Bedürfniß, das er früher empfindet, als das Bedürfniß, Mitglied einer bürgerlichen Gesellschaft zu werden."

Cela signifie donc que la religion ne peut être rabaissée au rang de «Staatsmaschine».' 00 Il n'est pas davantage licite de faire d'elle un «Eigenthum der Nation». 101 Un autre auteur, resté anonyme, récuse la proposition suivante de H. Leß : « Es giebt folglich kein kräftigeres Mittel die Staaten zu sichern, in ihnen Ruhe und Ordnung zu erhalten, als die Religionen» en s'exclamant: «Kann man wol kräftiger die Intoleranz predigen, als in dem man den Regenten sagt, die Religion sey zur Erhaltung ihrer Gewalt nöthig». 102 A ses yeux, en effet, faire de la religion «ein nothwendiges Triebrad in der politischen Maschine», 103 c'est, en légitimant l'irruption de la force publique dans la sphère la plus privée qui soit, ouvrir la porte à un despotisme politico-religieux . La mention d'un tel despotisme constitue un leitmotiv dans la rhétorique des rédacteurs des deux journaux.104 On en trouve parfois comme des variantes, dans la mention de l'Inquisition105 par la référence à la chasse aux hérétiques106 - ou celle du fanatisme, qu'illustre l'histoire de Saint-Louis, coupable, en dépit de sa piété souvent sincère, d'avoir tué des foules de gens «aus fanatischem Eifer fur ein menschenfeindliches Phantom». 107 Un Prince qui agit de la sorte ne vaut guère mieux que Louis XIV, puisque, comme ce dernier, il se livre à des «Dragonaden». 108 Un texte de Hennings, publié en avril 1792, met même directement en parallèle les mesures prises à rencontre des minorités religieuses ou des hétérodoxes, par Louis XIV et Frédéric-Guillaume II : rejetant, cela va de soi, les responsabilités de Frédéric-Guillaume sur son entourage, il rappelle, au contraire, la tolérance du Grand Frédéric :

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Br J. 89.III. 1 p. 273. Br J. 89.Π.5 p. 245. Voir également Sehl. J. 93.IX.1 p. 64: «Ueberhaupt ist es das abscheuligste auf der Welt, daß man durchaus das heiligste was die Menschen haben ; ihren Umgang mit dem höchsten Wesen, zur politischen Maschine machen ; und dazu Mittelmänner setzen will. [...] jeder dahin einschlagende Satz ist der pure Papismus ». 101 Br. J. 90.ΙΠ.1 p. 270. l02 Br.J. 91.X.1 p. 150. 103 Ibid., p. 153. 104 Ce mot apparaît, par exemple, dans les passages suivants : Br J. 88.IX.4 pp. 68 et 69 ; 88.X.1 p. 137 ; 88.X.2 p. 159 ; 88.ΧΠ.2 p. 427. 105 Br. J. 88.IX.4 p. 76; 90.XH.2 p. 426; Sehl. J. 92.IV.4 pp. 477 et 497; 92.V.2 pp. 67 et 68; 92.VÜ.2 p. 301. Parfois, ce terme est plus politisé encore (voir Br. J. 89.V.3 p. 75 ; 91.ΙΠ.7 pp. 354 et 356 ; 91.XI.4 p. 310 ; Sehl. J. 92.ΠΙ.4 p. 378). 106 Voir,par exemple, Br. J. 88.XI.1 p. 272; Sehl. J. 92.IV.4 p. 489; 92.VI.2 p. 160; 92.VII.2 p. 303. Sur la notion de «Verfolgungsgeist», voir Br. J. 89.ΙΠ.1 p. 258. 107 Br. J. 90.ΧΠ.2 pp. 416-417; voir également, par exemple, Simon de Montfort, qualifié de fanatique (Br. J. 91.1.1 p. 13) ou la critique des croisades (Sehl. J. 92.VI.4 p. 206). 108 Br. J. 89.m. 1 p. 259 ; voir aussi 90.VÜI.8 p. 497. 100

102

[...] und so beweiset sein edelmüthiger Nachfolger, wie sehr die größte Güte des Herzens und die lautersten Absichten gemisbraucht werden, wenn Hofleute durch Religions= und Censur=edikte, so wie Priester ehemals unter Ludwig XIV. durch den Widerruf des Edikts von Nantes, ein dem Fortgang des allgemeinen Wohls unstreitig schädliches und nur ihrer Eingeschränktheit anpassendes Kompliment machen zu können glauben. 109

2.2

D i e Grundsätze

der Gesetzgebung

und die Nationalerziehung

die öffentliche

Religion

betreffend

D a n s ce long texte o n retrouve l'essentiel des positions des deux revues sur la religion : le législateur doit veiller à ce que l'Etat montre à l'égard de la religion une parfaite neutralité, 110 ce qui devrait se traduire par l'abolition du mot de «tolérance»: Der Begriff und das Wort Toleranz, wobey sklavische Völker sich eine Tugend, freye Menschen hingegen nur eine unmenschliche und strafbare Anmaaßung denken, werde aus der Ideen=masse und aus dem Wörterbuche der freien Franken für immer ausgemerzt! 111 L'Etat, selon Campe, doit ensuite laisser à chacun une entière liberté sur le plan religieux, à condition que l'exercice du culte n e nuise pas à autrui. 112 Il ne lui est donc pas permis de favoriser un seul culte · Indem nun der Staat jedermann die Freiheit läßt sich seine Religion und die Art sie im Stillen und öffentlich zu üben, nach eigenem Wohlgefallen zu wählen, erkläre er selbst sich für keinen Culti...]. 113 La « h i é r a r c h i e » qui prétend exercer un m o n o p o l e sur les affaires religieuses doit être également supprimée. 1 1 4 Assurément, l'esprit du texte n ' e s t pas étranger aux aspirations des Constituants français:

le désir d'effacer le mot « t o l é r a n c e » rappelle le v œ u exprimé quatre

années auparavant par Mirabeau, 1 1 5 et les membres de l ' A s s e m b l é e Nationale, eux

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113 114 115

Schi. J. 92.IV.1 p. 397. En octobre 1791, cela n'était encore perçu que comme un danger futur (voir Br. J. 91.X.1 p. 149). Schi. J. 93.Π.1 p. 154 : «Nun soll aber der Staat gegen alle Religionsparteien und Sekten vollkommen neutral bleiben ». Ibid., p. 146. II est significatif, à ce titre, que les «Grundsätze», préconisent la renonciation à tout signe confessionnel extérieur, afin que la croyance de chacun soit également respectée et que personne ne soit blessé par la religion d'autrui (ibid., p. 152). Ibid., p. 147. Ibid., p. 152. Voir Jungnitz, Ernst, Religion und Kirche in Frankreich bis zur Auflösung der constistuierenden Versammlung, Charlottenburg 1843, p. 44. La référence à Mirabeau est d'autant plus fondée que Campe, quelques pages plus loin, renvoie à son texte, Über die Erziehung (Schi. J. 93.Π.1 p. 156). Ce texte de Mirabeau a été traduit par Rochow en 1792. 103

aussi, avaient souhaité, d'abord, ne plus instaurer de religion d'Etat 116 et mettre un terme à l'«Hider des hierarchischen Priestergeistes».117 Un aspect, même, de la politique religieuse de l'Assemblée recueille explicitement les suffrages de Campe : la suppression du clergé régulier et des Congrégations.118 Son accord avec certains principes des Constituants français ne rend que plus frappants les écarts entre les résultats effectivement obtenus en France et les aspirations de Campe dans le domaine religieux. Tandis que l'Assemblée Nationale avait prévu que les prêtres seraient rémunérés par l'Etat, Campe affirme que ce n'est pas à l'Etat de prendre en charge leur salaire, puisque ce sont des fonctionnaires civils qui auront désormais à remplir les fonctions qu'assuraient jadis les prêtres. Si une communauté désire un prêtre, elle aura, elle-même, à subvenir à ses besoins.119 En fait, ce sont précisément les communautés qui sont les grandes bénéficaires des principes établis par Campe. Outre qu'il leur revient de désigner elle-mêmes leur pasteur, elles ont la faculté de disposer comme bon leur semble des sommes allouées chaque année par l'Etat aux différentes religions.120 Les «Grundsätze» reprennent, en les radicalisant, des principes déjà énoncés en 1789, mais qu'ils présentent comme un programme. Et Campe, par une note en bas de page, indique qu'il le destinerait uniquement aux Français : Daß dieser Aufsatz nicht für Deutschland, sondern für Frankreich seyn solle, erhellet aus der Ueberschrift ; daß er nur für Frankreich, nicht für Deutschland seyn könne, wird aus dem Inhalte jeder Seite nur zu sehr erhellen.121

On est en droit de supposer, pourtant, que Campe n'ajoute cette note qu'afin d'échapper à la censure puisque, par son argumentation, c'est dans la critique développée depuis 1788 contre la politique religieuse de Frédéric Guillaume II que s'insère, en réalité, son texte. Si tel n'était pas le cas, il ne se donnerait pas la peine de publier un texte pour une nation qui, il s'en affirme convaincu, sera insensible à ses propositions.122 On peut donc rapporter à l'Allemagne ce que Campe, ici, écrit non seulement de la religion, mais aussi de l'enseignement. 116

Cela avait été expressément affirmé lors du refus de la motion proposée par Dom Gerle, qui eût souhaité voir la religion catholique proclamée religion d'Etat comme le rappellent Jungnitz, Ernst op. cit., pp. 86 et sqq. ou de la Gorce, Pierre, Histoire religieuse de la Révolution française, T. I, Paris 1909, pp. 159 et sqq. 117 Schl.J. 93.Π.1 p. 152. 118 Ibid., p. 154. 119 Ibid., p. 151. 120 Ibid., p. 148. 121 Ibid., p. 129. 122 Selon lui, les Français de 1793 n'ont pas rompu et ne rompront pas, dans un avenir prochain, avec une tradition antireligieuse qui se manifestait avant même la Révolution: «Das Volk der Franken neigte sich schon vor der Revolution, mit starkem Schwünge zur Irréligion» (ibid., p. 157) et il n'attend d'amélioration que du jour où ils auront déchanté et seront revenus de leur ivresse de liberté (p. 161).

104

En effet, dans la deuxième section de son article ( « V o n dem, was der Staat fur die Erziehung thun muß »), l'auteur établit deux types de principes, en définissant d'abord ce que l'Etat n'a pas le droit de faire : -

-

Der Staat muß Niemanden hindern wollen, seinen eigenen Kindern diejenige Erziehung und denjenigen Unterricht zu geben, oder von Andern geben zu lassen, die er selbst für gut findet ; Es muß also vollkommene Lehrfreiheit gestatten werden ; Es dürfen also keine privilegirte und monopolisirte Schul= und Erziehungsanstalten seyn ; Der Staat muß auch überhaupt keine Lehrer, von welcher Art sie immer seyn mögen, besolden ; Der Staat kann also auch nicht die Aufsicht über die Schul= und Erziehungsanstalten fuhren oder führen lassen. Der Staat wird also eigentlich gar keine, ihm angehörige und von ihm unterhaltene Schul= und Erziehungsanstalten irgend einer Art [...] haben. 12 '

Même s'il tempère par la formulation de onze principes positifs le caractère radical des six principes négatifs que doit observer l'Etat dans le domaine de l'éducation, et qu'il tolère même son intervention ponctuelle, 124 Campe, en fait, synthétise ici les positions pédagogiques nouvelles qui se dessinent dans les années 90. 2.3

L'exigence d'une neutralité de l'Etat dans l'éducation

En effet, à partir du moment où l'Etat, au lieu d'adopter les vues de l'Aufklärung, commence à les combattre, l'identité d'une éducation pour l'homme et pour le citoyen risque d'aboutir à une contradiction. 125 D è s lors, les Aufklärer se mettent à plaider plus franchement pour une indépendance plus grande de l'enseignement face à l'Etat et aspirent à limiter son action dans le domaine de l'éducation. Les auteurs du Braunschweigisches Journal le font en remettant l'accent sur le rôle de la famille : Campe, en mars 1788, avoue déjà préférer que l'éducation revienne à la famille plutôt qu'à l'Etat, 126 et Stuve, en novembre 1792, le réaffirme avec force : Mein Haupt=wunsch geht also dahin, daß, so viel als möglich, die Eltem aller Stände und aller Klassen der Menschen die eigentliche Erziehung ihrer Kinder selbst besorgen. [...] Eigentliche Erziehung sey und bleibe demnach häuslich und familiarisch, und werde es immer mehr; der Unterricht hingegen sey und werde immer mehr gemeinsam und öffentlich. Mit diesem öffentlichen Unterricht trete aber die häusliche Erziehung in die genaueste Verbindung und Zusammenstimmung, und die ganze Art des gemeinsamen öffentlichen Unterrichts bewirke für die eigentliche Erziehung und gesamte zweckmäßige Ausbildung des jungen Menschen mittelbar und unmittelbar, so viel als nur irgend die Natur der Sache und die äussern Umstände erlauben. Es wäre im Ganzen, und bei übrigens gleichen Umständen, wol zu wünschen, daß auch die Sorge für den gemeinschaftlichen und öffentlichen Unterricht der Jugend eine Privat=sache

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Ibid., pp. 178-184. Ibid., pp. 185-201. Sur le contenu des principes positifs, voir infra. La méfiance vis-à-vis de l'Etat naît, en outre, du constat que, même quand il ne combat pas l'Aufklärung, l'Etat ne semble guère soucieux de favoriser le «Selbstdenken» {Br. J. 88.XI.9). Br. J. 88.ΠΙ.3 p. 309. 105

sey, und wenigstens den Gemeinheiten jedes Orts, oder den von ihnen dazu gewählten Vorstehern obliege. Allein der Staat hat sich nun einmal die Sache angemaaßt, und durch Erhöhung der Auflagen Einziehung und Verwaltung der Fonds der Gemeinheiten, frommer Stiftungen und Vermächtnisse sich zur Fürsorge für das öffentliche Schul= und Unterrichtswesen verbindlich gemacht. 127

C'est donc aux personnes privées qu'il revient de prendre en charge l'éducation, ce qui invalide toute velléité étatique d'imposer à l'enseignement des contenus ou des méthodes définis. Quelques mois après la recension du texte de Steinbart déjà évoquée, on trouve, dans le Braunschweigisches Journal, une critique de cinq manuels de Carl Ehrenfried Günther qui affirmait, entre autres : « Es müssen Lehrbücher von der Obrigkeit festgesetzt werden». L'auteur de la critique rejette l'idée de Günther en ces termes vigoureux : die Lehrbücher müssen nicht von der Obrigkeit festgesetzt werden. Nichts ist der fortschreitenden Aufklärung der Menschheit und dem Wachsthum in allen wahren und nützlichen Kenntnissen so nachtheilig, als eine solche Festsetzung. 128

L'Etat, désormais, n'a plus le droit d'intervenir dans le choix des manuels, et s'il peut les interdire, c'est seulement «wenn der größte Theil des Publikums, für dessen Jugend die Schule bestimmt ist, sich über diese Wahl als unzweckmässig beschwert».129 Et là encore, l'Etat n'échappe point au contrôle, car c'est une commission spéciale formée de spécialistes de l'enseignement qui doit se charger de l'examen des textes destinés aux pédagogues: «Alsdann kann die Regierung die Sache durch eine Kommission von Kennern untersuchen und entscheiden lassen».130 Laisser à l'Etat seul le soin de l'éducation reviendrait à ne former que des « Staatbürger», ce que refusent les auteurs, à l'instar de Reimarus, qui s'exclame : Die Anstalten zur Erziehung, oder die Vorbereitungen, welche auf die Bildung der Jugend einen Einfluß haben, sind so weit umfassend, so nach den verschiedenen Fähigkeiten, Gemüthseigenschaften und Bestimmungen der Kinder abzuändern, daß sich nicht einmal eine allgemeine Form vorschreiben läßt, wenn man nicht etwa ein Volk von rauhen Spartanern bilden wollte. 131

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Schi. J. 92.XI.3 pp. 315 et 318-319. Cette position de Stuve était déjà annoncée dans le Braunschweigisches Journal, où il se montrait convaincu que des institutions même «gemeinnützig» sont plus exposées à dégénérer que lorsqu'elles sont gérées par des personnes privées {Br. J. 91.ΧΠ.1 pp. 4 0 3 ^ 0 4 ) . Br. J. 90.IX.5pp. 110-111. Ibid., p. 112 (C'est nous qui soulignons). Ibid., p. 112. Br. J. 90.1.4 pp. 80-81. Le lien entre les domaines pédagogique et religieux est indiqué par un autre auteur qui affirme que prendre des décisions, valables à l'échelle du pays, signifierait se comporter comme un «concile» (ibid., p. 81); on trouve une même métaphore sous la plume de Campe lorsqu'il s'insurge contre les tentatives d'imposer aux professeurs le contenu de ce qu'ils ont à enseigner. Ce sont là des émanations du «Wesen des Papsthums» (Br. J. 91.V.1 p. 2).

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C'est pareillement pour que l'éducation soit libérée de l'emprise de l'Etat qu'ils rejettent le principe d'enseignants fonctionnaires : « ein besoldeter Lehrer [ist] ipso facto schlechter, als er wäre, wenn er keine Besoldung hätte, sondern sich alles durch Industrie erwerben müßte». 132 Un enseignant ne peut pas ne pas répondre au critère d'utilité, si décisif pour tout ce qui touche au pédagogique et, ainsi, devrait n'être rémunéré qu'à la mesure de ses mérites réels. En outre, l'Etat gagne à laisser régner une certaine concurrence entre les principes pédagogiques pour lesquels optent les professeurs. Reimarus n'accepte pas, de même, que l'Etat monopolise l'enseignement, d'autant que l'existence d'un enseignement privé ne peut qu'être profitable à la société : allgemeiner freier Wetteifer muß daneben bestehen, ohne welchen das Bestreben immer das Beste zu leisten, auf Erweiterungen und Verbesserungen zu achten, zuversichtlich einschlummert. 133

De fait, ce ne sont pas les professeurs payés par l'Etat mais des professeurs privés («freie Lehrer») qui, après les avoir mûrement considérées et éprouvées, se sont montrés partisans des méthodes nouvelles, et meilleures.134 Les enseignants dont la fonction assure véritablement l'existence montrent davantage d'ouverture d'esprit face à des méthodes plus modernes, susceptibles d'être plus efficaces, que les professeurs payés par l'Etat, qui s'abandonnent à la routine et refusent de quitter les sentiers battus. De plus, comme l'écrit encore Reimarus : Die guten oder bösen Folgen der bei Einzelnen hie und da eingeschlagenen Wege werden leicht bemerkt; jene locken zur willigen Nachfolge, diese werden frei getadelt und daher vermieden. Nicht so bei öffentlichen Einrichtungen. Man wird überall dazu gewöhnt und bemerkt daher nicht leicht die Fehler. Diese darf man auch fast nicht öffentlich tadeln [...]. 135

Cependant, il est trop lucide pour souhaiter que l'Etat cesse de rémunérer tous les enseignants. Sans le soutien de ce dernier, le personnel enseignant sombrerait souvent dans la misère.136 De plus, un professeur salarié est moins dépendant des parents d'élèves, 137 et il vaut mieux, de toute façon, qu'un souverain dépense son 132

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Br. J. 88.ΙΠ.3 p. 315. Un an plus tard, l'auteur de cet article reprend la même formule: «Ich sagte und ich behaupte nochmals, daß ein besoldeter Lehrer ipso facto schlechter ist, als derselbe Lehrer seyn würde, wenn er nicht besoldet wäre, und vom Beifall des Publikums in Ansehung seiner Einnahme abhinge» (Br. J. 89.V.3 p. 48). Br. J. 90.1.4 p. 82. Br. J. 89.V.3 p. 60. Br. J. 90.1.4 p. 79. Voir aussi Br. J. 88.ΙΠ.3 p. 314 ou, par la suite, l'un des principes positifs établis par Campe dans les «Grundsätze». Campe, tout en refusant le principe d'un salaire versé par l'Etat aux enseignants, souhaite, en effet, qu'il constitue, à leur profit, une sorte de caisse d'assurancemaladie et de retraite (Schi. J. 93.Π.1 p. 195). Br. J. 88.DÍ.2 p. 10. L'obligation, à laquelle le professeur est soumis d'impressionner les parents, le pousse à exhiber les élèves, au cours de disputes publiques qui ne peuvent que nuire: voir, pour une illustration de telles séances publiques Br. J. 88.VHI.8 pp. 508-509; 88.X.8 passim.

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argent pour ses professeurs que pour ses maîtresses et ses chevaux.138 De même, tout en formulant le vœu d'un enseignement fondamentalement privé, les auteurs sont contraints de reconnaître que les conditions socio-historiques ne se prêtent pas encore à son implantation : idéalement, l'enseignement et l'éducation doivent être assumés par la famille ; dans la mesure, néanmoins, où les parents ne témoignent pas, en général, d'un grand intérêt pour les questions pédagogiques - qu'il s'agisse des institutions139 ou de problèmes plus directement méthodiques140 - , ou qu'ils n'ont pas les moyens de financer l'éducation de leurs enfants,141 ils délèguent, de fait, leur droit de regard sur l'enseignement, et la différenciation ainsi établie semble être devenue la norme.142 Certes, les auteurs des revues considèrent aussi la possibilité, courante encore à la fin du dix-huitième siècle, de confier l'enseignement des enfants à des précepteurs,143 mais une telle organisation ne leur semble guère être une solution : l'efficacité de cette forme d'enseignement, réservée à une fraction de la société,144 est nécessairement limitée, tant par les rapports difficiles voire conflictuels qu'entretiennent les précepteurs et leurs employeurs,145 que par la qualité incertaine des premiers, en l'absence de tout contrôle de leurs qualifications réelles.146 De surcroît, le luxe, qui se répand de plus en plus dans les maisons où ces précepteurs sont employés, rend plus problématique encore leur travail et plus précaire leur action : Was die häusliche Erziehung und den Privatunterricht betrift, so kann man aus der Beschaffenheit unserer Schulen schon schließen, daß sie sehr mangelhaft ist. Seit dem letzten Kriege hat der Luxus und sein ganzes Gefolge Weichlichkeit, Schwäche, Unordnung, Mangel an Häuslichkeit und Familienglück, besonders in den Häusern der Großen außerordentlich zugenommen. Wer über die traurigen Würkungen desselben Beobachtungen angestellt und nachgedacht hat, wird die Folgen so wie ihren Einfluß auf die Erziehung sich leicht denken können.147

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Br.J. 88.ΠΙ.3 p.315. Stuve, déplore, par exemple, «Armuth und Dürftigkeit und zugleich Mangel an Gemeingeist und an Theilnehmung an öffentlichen und gemeinnützigen Einrichtungen und Anstalten» (Schi. J. 92.XI.3 p. 319). 140 Dès septembre 1788, Villaume écrivait: «worüber streiten wir? Ueber das Recht der Eltern, Methoden zum Unterricht und zur Erziehung zu bestimmen. Mich deucht, der Streit ist de lana caprina. Wo und wann haben je die Eltern [...] die Methoden gewählt und bestimmt, nach welchen ihre Kinder gebildet werden sollten» (Br. J. 88.DÍ.2 p. 18); Villaume abordait déjà cette problématique dans la livraison d'août (Br. J. 88.VHI.2 pp. 401-402). 141 Schl.J. 93.Π.1 pp. 186-189. 142 Voir Br. J. 89.V.3 pp. 59-60. 143 Sur ce phénomène, voir Fertig, Ludwig, Die Hofmeister. Ein Beitrag zur Geschichte des Lehrerstandes und der bürgerlichen Intelligenz, Stuttgart 1979. 144 Br.J. 88.IV.8p. 519. 145 Voir Br. J. 89.IV.4 pp. 433, 455 ; 89.IX.1 passim. 146 Br. J. 89.ΓΧ.1 p. 14. 147 Br. J. 88.V.8 p. 126. L'un des desseins que se fixent les «néo-pédagogues» est, par conséquent, de lutter contre le luxe (Br. J. 91.VL5 p. 220; 91.VII.2 p. 330). 139

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L'Etat a donc le droit de prendre en charge l'enseignement, dès que ceux qui en ont naturellement la responsabilité ne peuvent l'assumer; mais il ne peut prétendre décider unilatéralement pour tous, car ce serait passer de la légalité au despotisme. Enfin, même la prise en charge des nécessiteux ne lui donne pas carte blanche car il ne peut intervenir qu'en vertu d'un droit de type contractuel et, par conséquent, limité : « das Erziehungsrecht des Staats ist wirklich kein angemaßtes, sondern ein übertragnes, wie alle andre Rechte des Staates».148 Il est donc permis aux contractants de récuser l'action de l'Etat quand ce dernier devient tyrannique, et de lui dénier le droit de décider du contenu de l'enseignement. On trouve ainsi, dans les revues, deux des trois courants que suscite en Allemagne, selon Jeismann, l'échec de la «Bildungsreform des aufgeklärten Absolutismus»: l'Edit de Wöllner entraîne la formation d'un courant conservateur radicalement opposé à toute réforme pédagogique, d'un autre, composé des opposants à une « staatliche Bildungspolitik» et d'un troisième, partisan «einer benevolenten Staatspädagogik».149 Les «néo-pédagogues», qui avaient cherché l'alliance avec l'Etat, afin de dégager l'enseignement de l'emprise religieuse, sont revenus de leurs illusions et s'efforcent, après 1788, de mettre l'enseignement à l'abri des interventions du politique. Comme l'a écrit U. Herrmann : Staatliche Machtausübung als aktive Besorgung, allgemeine Wohlfahrt und Aufklärung wird angesichts der staatlichen Reaktion kritisiert, und das Staatsverständnis wird revidiert im Sinne der klassischen liberalen Auffassung : Der Staat darf sich also nicht als eine Gesellschaft zur Beförderung des gemeinschaftlichen Bestens seiner Glieder ansehen, wenn dadurch etwas mehr verstanden wird, als die Sicherheit des Eigenthums und der Freiheit von außen. 150

Seul Villaume, si l'on en croit le second essai de ses Vermischte Abhandlungen,151 semble encore attendre beaucoup d'une telle collaboration, en 1793. Comme l'a suggéré Rosemarie Wothge,152 cela semble tenir à la position qu'il occupait alors au Danemark, à Bernstorfsminde, position qui pouvait lui laisser entrevoir encore la possibilité de réformes, dans et grâce à l'éducation. En Prusse, en revanche, la dégradation de la situation politique remet radicalement en cause les premiers projets des «Philanthropistes», rendus amers aussi par l'échec des réformes ébauchées à Dessau153 et à Brunswick.154 Le constat d'une

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Br. J. 88.X.7 p. 238. Jeismann, Karl-Ernst, «Preußische Bildimgspolitik vom ausgehehenden 18. bis zur Mitte des 19. Jahrhunderts. Thesen und Probleme», in: Arnold, Udo (éd.), Zur Bildungs- und Schulgeschichte Preußens, [Beiträge zur Schulgeschichte 1], Lüneburg 1988, pp. 9-38. Herrmann, Ulrich, «Ernst Christian Trapp (1745-1818)», in: Ernst Christian Trapp, Versuch einer Pädagogik, Herrmann, Ulrich (éd.), [reprint de l'édition de 1770], p. 445. Garber, Jörn (éd.), Koenigstein/Ts 1981 [reprint, de l'édition de 1793], «Ein vergessener Pädagoge der Aufklärung: Peter Villaume», in: Wissenschaftliche Zeitschrift der Martin-Luther-Universität Halle-Wittenberge, 1956-1957, p. 445. Sur le déclin du Philanthropinum, voir Pinloche, Auguste, Geschichte des Philanthropinismus, Leipzig 1896, pp. 134 et sqq.

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trahison des clercs155 et les critiques dont font l'objet, toujours davantage, les pédagogues ne sont pas étrangers à ce repli. Certaines des objections qu'on leur oppose sont modérées, telles celles de Hüllmann, Winterfeld ou Wetzel : leurs remarques, en effet, concernent surtout l'âge auquel il faut recourir aux méthodes préconisées par les «néo-pédagogues», la manière dont on les applique [...]156 Si ces auteurs relativisent l'intérêt de la méthode naturelle plus qu'ils ne la rejettent, preuve en est le principe adopté par Wetzel pour faire apprendre l'hébreu157 - on trouve, dans les revues, des critiques bien plus radicales, comme celle de Kries ou celles de Rehberg.158 Cette remise en cause conduit, enfin, à une relativisation du rôle même que la pédagogie peut jouer dans un processus de réformes. Si l'un des rédacteurs du Schleswigsches Journal affiche un grand scepticisme quant à la portée réelle des objectifs les plus ambitieux des «néo-pédagogues»159 et celle d'une pédagogie réduite à une «divinatorische Kunst», à cause de l'insuffisance des connaissances anthropologiques,160 il ne s'avère, cependant, point aussi éloigné des «Philanthropistes» qu'il y paraît, car il exprime seulement avec plus de force leurs déceptions. De fait, il sent, comme eux, qu'un progrès de l'éducation n'est possible qu'au prix d'une amélioration des lois qui régissent un pays (il se

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Hanno Schmitt a retracé de façon détaillée l'histoire de cet échec dans Schulreform im aufgeklärten Absolutismus. Leistungen, Widersprüche und Grenzen philanthropischer Reformpraxis im Herzogtum Braunschweig-Wolfenbiittel 1785-1790, Phil. Diss., Marburg 1978. 155 On trouve exprimée - dès 1788, mais plus fréquemment encore à mesure que la répression se fait plus forte en Allemagne - la conviction que si les réformes n'ont guère été couronnées de succès, il faut l'imputer surtout aux «Schulleute», aux «Prediger» et, plus globalement, aux représentants de l'intelligentsia qui, par ignorance ou par mauvaise volonté, ont trahi leur vocation en ne luttant pas assez contre les préjugés (voir Br. J. 88.XI.9 p. 377 ; 91.V.3 pp. 5 2 55 ; 91.XH.1 p. 407 ; Schi. J. 92.VI.4 pp. 211-212 ; 93.VII.1). 156 Voir respectivement Br. J. 89.X.3 ; 88.XH.3 et 91.ΓΧ.3 ; 90.V.7 p. 107 et 90.VÜ.4. 157 Br. J. 90.V.7 158 Voir Kries in :Br. J. 90.XI.7; Rehberg in :Br. J. 88.VD.2; 88.X.7. A plusieurs reprises, les auteurs des revues entreprennent une défense vigoureuse des «néo-pédagogues», refusant l'assimilation de leurs thèses à des «pädagogische Ketzereien» (Br. J. 89.1.7 p. 376; sur la notion de «Ketzer» appliquée aux pédagogues, voir aussi 89.ΠΙ.4 p. 355 ; 89.XI.7 p. 384). Sur les critiques formulées contre les «néo-pédagogues», la réfutation de celles-là et la louange de ceux-ci dans les revues, voir également : Br. J. 88.V.5 ; 88.V.7 p. 106; 88.VÜ.2 pp. 299-301; 88.VHI.7 pp. 475^197; 88.IX.5; 88.X.8 p. 257; 88.ΧΠ.5 pp. 494-599; 89.1.4 pp. 75-77; 89.Π.3 pp. 105-212; 89.ΠΙ.4; 89.IV.8 p. 484; 89.V.3 pp. 55-57; 89.VÜ.4 p. 349; 89.ΧΠ.6 p. 506; 90.1.9 pp. 126-127; 90.V.6 p. 91 ; 90.X.2; 91.1.6 pp. 76-78; 91.V.1; 91.VI.5; 91.VH.2; 91.VHI.6 p. 510; Schi. J. 92.VIL5; 92.XL3; 93.ΠΙ.3 pp. 295-296; 93.IX.1 p. 12. Feder qui, après s'être opposé longtemps aux projets de réforme des «néo-pédagogues», finit par se ranger à leurs vues (Br. J. 89.ΧΠ.6 p. 506) constitue à ce titre une exception. 159 Sehl. J. 93.IX.1. Tout en reconnaissant les mérites des «néo-pédagogues» dans la réforme de l'enseignement (par le renouvellement de l'enseignement du latin, l'introduction de l'enseignement des «Sachkenntisse» dans les programmes scolaires et la publication de textes destinés à la jeunesse , p. 19), l'auteur anonyme de l'article rejette non seulement plusieurs propositions faites par les Philanthropistes - propositions qu'il qualifie de «Künsteleien» (pp. 42-52) - , mais, surtout, la prétention de la pédagogie à susciter tant de bons citoyens que des hommes heureux ou vertueux (pp. 27-28). 160 Sehl. J. 93.IX.1 p. 33.

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garde bien, cependant, de s'interroger pour savoir si les lois du pays où il vit sont bonnes ou mauvaises, tâche ingrate en 1793) ;161 comme eux, il subordonne la réforme pédagogique à la réforme politique.

3

Causes du silence sur la politique religieuse et pédagogique de la Révolution

On peut donc, désormais, comprendre le silence des auteurs des deux revues sur les débats religieux et pédagogiques menés dans la France révolutionnaire. Qu'ils ne s'intéressent pas, même après que les révolutionnaires confèrent un poids immense à l'éducation, aux problèmes de la pédagogie en France,162 découle sans doute de la conviction, forgée lors des revers subis sous le règne de FrédéricGuillaume Π et proclamée dès 1788, qu'une réforme du système pédagogique n'est réellement possible qu'après que le système politique a été lui-même réformé. Qu'ils ne s'y intéressent pas davantage, alors même que la révolution semble fournir une occasion propice à de telles réformes, s'explique par la nature des projets que retiennent finalement les Français. Des trois conceptions pédagogiques élaborées, d'après W. U. Drechsel, en France, durant la période 1792-1794, seule celle de Condorcet, qui insiste sur la nécessité de protéger l'individu des interventions de l'Etat, était susceptible d'être approuvée par les auteurs, après 1788 (auparavant, le second type, «der Typus einer patriotisch-moralischen Gemeinschaftserziehung», aurait sans doute recueilli encore davantage leurs suffrages). Or, la proposition de Condorcet s'avère largement minoritaire en France, au profit du troisième type de réformes pédagogiques qui, tirant de plus en plus sa légitimité d'un principe quasiment totalitariste d'éducation et s'efforçant d'éradiquer le passé pour instaurer un système éducatif destiné à former en premier lieu de bons citoyens, en arrive, durant la période 1792-1794, à confier à l'Etat le soin exclusif de son organisation.163 Le système éducatif qui se met alors en place se fonde sur une identification entre l'Etat et la société au moment même où, en Allemagne, on prend conscience - douloureusement - de leur différence et où va croissant la méfiance à l'encontre du premier. 161

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Schi. J. 93.IX.1 p. 63. Ici aussi, la méfiance à l'égard de l'Etat invite l'auteur à privilégier l'enseignement domestique, au détriment de l'enseignement public, pour autant que les parents puissent effectivement s'occuper de leurs enfants (pp. 30 et 58). De plus, même si quelques projets furent proposés entre 1789 et 1791 (par Mounier 1789 ; Talleyrand 1791 ; Mirabeau 1791), c'est seulement en décembre 1792 qu'eut lieu le premier débat véritablement décisif sur l'éducation. C'est ce qu'illustre, par exemple, le projet de loi de Lepelletier (sur la signification de ce projet, voir Julia, Dominique, «L'institution du citoyen - Die Erziehung des Staatsbürgers. Das öffentliche Unterrichtswesen und die Nationalerziehung in den Erziehungsprogrammen der Revolutionszeit », in : Herrmann, Ulrich et Oelkers, Jürgen (éd.), Französiche Revolution und Pädagogik der Moderne, Weinheim/Basel 1990, pp. 79-82. Ill

Pareillement, le silence des deux revues sur la Constitution civile du clergé s'explique par la politique religieuse de l'Assemblée nationale qui s'avère quasiment antithétique de celle que les auteurs des Braunschweigisches et Schleswigsches Journal appellent de leurs vœux. En effet, le plaidoyer, dans les deux revues, en faveur d'une indépendance du religieux vis-à-vis de l'Etat, est incompatible avec l'attitude des révolutionnaires français, dans la mesure où l'Assemblée Nationale tente de « fonder les institutions sur la base sacrée de la religion »,164 ce qui, en définitive, la conduit à projeter une religion dont les buts s'accordent à ceux de l'Etat. Loin d'accéder à cette indépendance si capitale pour les auteurs des revues, les ministres des autels ne sont plus, dans l'esprit des législateurs français, que des serviteurs de l'Etat. Dans ces conditions, celui-ci doit s'assurer de leur fidélité à son encontre, ce qui suppose la prestation d'un serment.165 La France qui, apparemment, avait reconquis sa liberté et ébauché une politique religieuse libérale exige donc un serment formellement semblable - surtout après le décret du 27 novembre 1790, qui stipule le renvoi des prêtres réfractaires - à celui que demandait le gouvernement de Frédéric-Guillaume II, mais qui en excède largement les effets, puisque, lorsqu'un religieux ne prête pas ce serment, il s'expose à la persécution, voire à la mort, ainsi que le rappelèrent les tragiques journées de septembre qui ont frappé la conscience allemande, en général, et les rédacteurs des journaux, en particulier.166 (Paradoxalement, dans la mesure où le décret «de tolérance» du 7 mai 1791 autorisait les prêtres réfractaires à exercer leur ministère - mais sans qu'ils pussent prétendre au salaire prévu pour les «jureurs » - ce sont eux qui, dans la France révolutionnaire, réalisent, pour un temps, l'idéal d'indépendance souhaitée explicitement dans le Braunschweigisches et le Schleswigsches Journal). A l'encontre des revendications d'une indépendance du religieux vis-à-vis de l'Etat dans les deux revues, l'Assemblée nationale entreprend, en effet, de modifier seule l'organisation de l'Eglise, alors que de tels changements ne pouvaient être théoriquement instaurés que par «la réunion des formes civiles et des formes canoniques, le concours du pouvoir temporel et spirituel».167 Dans les discussions sur la Constitution civile, cet argument revient souvent dans la bouche des défenseurs 164

Cité par André Latreille, L'Eglise catholique et la Révolution française, T. 1, 1775-1799, Poitiers 1970, p. 95. Sur les fondements idéologiques de cette position, voir Aulard, Alphonse, le Christianisme et la Révolution française, Paris 1925, pp. 29-32. 165 L'histoire du serment est suffisamment documentée pour que nous n'y revenions pas ici (voir par exemple de la Gorce, Pierre, Histoire religieuse de la Révolution française, T. 1, Paris 1909, pp. 351-372 et plus récemment - dans une perspective sociologique très éclairante Tackett, Timothy, La Révolution, l'Eglise, la France : le serment de 1791, Paris 1986). 166 Klothilde Kirschbaum, dans Deutsche Zeitgenossen zu den Gewalttaten der Französischen Revolution. Meinungsbildung, Erlebnisse, Urteilsbegründung in der Sicht der deutschen Gebildeten, Phil. Diss., Göttingen 1951, pp. 96-101 a amplement illustré les échos suscités en Allemagne par ces massacres. (Pour les réactions dans les revues, voir, infra, chap. IX) 167 Furet, François, «Constitution civile du clergé», in: Furet, François et Ozouf, Mona (dir.), Dictionnaire critique de la Révolution française, Tome Institutions et créations, Paris 1992, p. 213.

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du clergé traditionnel.168 Que la réforme du clergé aurait nécessité une collaboration du politique et du religieux est d'autant plus sûr que modifier, par exemple, le nombre et l'étendue des circonscriptions ecclésiastiques ne signifiait pas seulement le non-respect des prérogatives de l'Eglise dans le domaine temporel, mais également une atteinte à la juridiction spirituelle qui lui était attachée.De plus, le décret additionnel à l'article 36 du titre II signifie l'empiétement du pouvoir civil, et plus exactement judiciaire, sur le pouvoir religieux, dans la mesure où, lorsque l'évêque se refuse à investir un prêtre élu par les fidèles, c'est à un tribunal qu'il revient de trancher le dilemme, comme l'a relevé déjà Ludovic Sciout.169 On pourrait aussi évoquer la perte de pouvoir subie par le pape, qui n'était guère possible sans qu'on rognât sur son pouvoir juridictionnel réel et légitime. Ce dernier point, cependant, a été probablement perçu différemment par les contemporains, puisque le gallicanisme était encore très vigoureux, qui se nourrissait de la Pragmatique Sanction (mentionnée dans le Braunschweigisches Journal avec une connotation admirative)170 et de la rancune suscitée par le Concordat de Bologne (1516) - rancune dont témoigne Mirabeau dans son «Adresse». 171 Enfin, en dépit de son caractère prétendument évangélique, le mode d'élection des prêtres, tel que le conçoit l'Assemblée Nationale, autorise les tenants de toute confession à participer à l'élection du ministre du culte, alors que le choix du pasteur, selon les revues, ne doit revenir qu'à la communauté dont il a la charge. La Constitution civile du clergé blesse également l'une des plus profondes convictions des auteurs des deux revues en ce qu'elle efface la nécessaire distinction entre théologie et religion. En effet, elle étend à toute la population française ce qui ne vaut que pour un petit nombre de clercs. En imposant brutalement, et sans prendre en compte les différents niveaux de culture, une nouvelle organisation religieuse, elle provoque ou ressuscite aussi la guerre religieuse, que ce soit au sein même de la religion catholique, ou entre catholiques et protestants.172 De surcroît, la Constitution civile du clergé conduit à une diminution massive de la pratique religieuse. En effet, «en jetant en balance deux représentations de la foi à une chrétienté déjà chancelante»,173 les mesures prises par l'Assemblée Nationale affaiblissent encore plus la religion, réalisant dans la France révolutionnaire ce qu'avaient redouté les Aufklärer à l'occasion de l'Edit de Wöllner.

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Voir Jungnitz, Ernst, op. cit., pp. 97-98. Histoire de la Constitution civile du clergé 1790-1801, Paris 1872, pp. 200-211 et 244-247. Br. J. 91.1.2 pp. 25-26 et implicitement 90.ΧΠ.2 p. 424. Br. J. 91.IV.3 p. 442 : «ein lasterhafter Papst und ein heftiger Despot» furent à l'origine de ce Concordat. Dans ce dernier cas, l'animosité est nourrie par l'accession rapide de quelques protestants à des postes importants ou au recouvrement de propriétés perdues lors du départ en exil (Br. J. 91.JQ.2 p. 294). Son paroxysme est atteint à Nîmes, au printemps 1790. Bernard Plongeron, cité in Perrard, Pierre, L'Eglise et la Révolution 1789-1889, Paris 1988, p. 73.

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A ce dernier, l'un des auteurs reprochait de favoriser l'ignorance, l'hypocrisie, et l'incompétence.174 Ces prédictions d'octobre 1789, la Constitution civile les rend effectives, la troisième surtout, à cause de la cessation d'activité et de l'émigration de nombreux prêtres.175 Mais les historiens de la Constitution civile reconnaissent aussi que la nécessité de prêter le serment a, d'une part, conféré à des considérations pragmatiques un poids immérité, qu'elle entraîne même une certaine hypocrisie,176 et de l'autre, qu'elle a eu pour conséquence une péjoration du niveau des ecclésiastiques, puisque l'Assemblée, confrontée à la pénurie de prêtres, s'est vue contrainte de réduire la durée du stage précédant l'obtention d'une cure ou de faire appel à d'anciens moines qui ne sont souvent que de piètres curés.177 Bien plus, alors que les auteurs des deux revues mettaient en garde contre l'irréligion que, selon eux, risquait de susciter l'Edit de 1788, le gouvernement français révolutionnaire, à partir du second semestre de 1793, se lance volontairement, et directement, dans une politique de déchristianisation, décision qui, en un sens, était l'expression extrême d'une éventualité présente en creux depuis longtemps : A. G. Camus, au début des débats sur la Constitution civile, ne proclamaitil pas : «Nous sommes une Convention nationale ; nous avons assurément le pouvoir de changer la religion, mais nous ne le ferons pas ».178 Si le silence des auteurs sur la politique religieuse et pédagogique ainsi que leur condamnation de la politique de Frédéric-Guillaume II répondent aux mêmes motifs, on ne saurait, cependant, les placer d'emblée sur le même plan car celle-ci leur avait fait prendre conscience de la nécessité d'une réforme politique, dont l'occasion paraît justement livrée par les événements de juillet 1789. Leur désintérêt pour la Constitution civile du clergé et l'élaboration d'une législation sur la pédagogie émanent donc de la même source que leur intérêt passionné pour les débuts de la Révolution et l'étude de ses causes.

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Br. J. 89.X.lp. 145. D'après Jacques Godechot, La Contre-Révolution 1789-1804, Paris 1984, p. 159. Avec 24 000 émigrés, les membres du clergé représentent 25 % du nombre total des émigrés. Perrard, Pierre, op. cit., p. 88 propose un chiffre supérieur à 30000. Les historiens ont suffisamment montré qu'il ne s'agit pas là d'une fantasmagorie (voir par exemple, Latreille, André, op. cit., pp. 107-108; Pierrard, Pierre, op. cit., p. 68; Tackett, Timothy, op. cit., pp. 102, 109, 111-113). Voir, à titre d'exemple, Viguerie, Jean de, Christianisme et révolution. Cinq leçons d'histoire de la Révolution française, Paris 1986, p. 100. Cité par Pierre de la Gorce, op. cit., p. 225.

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III L'interprétation des causes de la Révolution française

Que le regard porté sur la France par les auteurs du Braunschweigisches et du Schleswigsches Journal soit structuré par leur compréhension des problèmes existant en Allemagne, à la fin du dix-huitième siècle, explique, en effet, également leur interprétation des causes de la Révolution française.

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L'interprétation économique

On peut être frappé par l'absence, dans les deux revues, d'une théorie économique des causes de la Révolution française et les passages qui renvoient à une telle interprétation, non seulement sont fragmentaires, mais, de plus, ils n'apparaissent que tardivement. Certes, dès le printemps 1790, les préoccupations économiques de leurs auteurs se révèlent à travers la citation d'un discours de Pétion de Villeneuve, prononcé le 17 mai 1790.1 Celui-ci s'exclame que le commerce ne fera que péricliter tant que le pouvoir -personnifié ici par la figure du ministre et de la courtisane- s'immiscera dans les relations économiques : Vergebens werden wir reich, vergebens wird unsere Volksmenge zahlreich, vergebens unser Handel blühend seyn, alles dies Glück wird verschwinden vor den Launen eines Ministers oder einer Buhlerin.2

Pétion, au nom de principes économiques, condamne ici la confusion du politique et de l'économique en invoquant l'alliance passée par Choiseul en 1756 avec l'Autriche - car cette alliance ruine le commerce français au Levant3 - et le traité franco-anglais de 1787: «Frankreich, das Gesetze geben sollte, ist so tief erniedrigt, daß England ihm den Eingang in französische Hafen verbietet». 4 II est con-

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Voir Pétion de Villeneuve, Jérôme, «Discours sur le droit de faire la paix, la guerre et les traités», in Œuvres, T. ΙΠ, Paris 1792, pp. 291-339. Si l'édition de 1792 s'appuie sur les notes prises par les copistes de l'Assemblée (et reproduites dans les Archives Parlementaires, l e r e série, Vol. 15, Paris 1883, pp. 536-544), le texte traduit par les éditeurs du Braunschweigisches Journal est, en revanche, celui, quelque peu modifié, qui parut dans le Moniteur n°138, mardi 18 mai 1790, pp. 389-391. Br. J. 90.VI.6 p. 228. Ibid., p. 230. Ibid., p. 229. Ce traité, la bourgeoisie française ne cessa de le vilipender, lui imputant la récession économique qui frappait la France. Il est d'autant plus légitime de supposer que Pétion attaque ce traité pour s'attirer la bienveillance de l'Assemblée, que la critique de l'accord de 1787 constitue l'un des leitmotive des Cahiers de doléance, comme l'a justement relevé

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vaincu que le commerce ne peut prospérer que lorsque les libertés sont assurées. On ne saurait, cependant, lire ces quelques lignes comme une indication des positions économiques des auteurs des revues. D'une part, les convictions de Pétion dans le domaine économique ne s'y manifestent pas clairement : aspire-t-il au libéralisme économique, ou adhère-il simplement à une politique économique encore mercantiliste, mais libérée de l'influence néfaste de personnes incompétentes?5 De plus, Pétion lui-même n'aborde les problèmes économiques qu'au détour d'un discours consacré à une tout autre question.6 On ne peut donc trouver une réelle ébauche d'interprétation économique de la Révolution dans le Braunschweigisches Journal. Et même dans le Schleswigsches Journal, une telle interprétation n'existe qu'à l'état de traces : en juillet 1793, on peut lire que la convocation des Etats généraux n'eût pas été nécessaire «wenn Frankreich unser mit Recht gerühmtes Handels und Manufaktur=System gehabt; [...] wenn das Finanzsistem [...] so richtig in der Berechnung administrirt worden wäre als das Unsrige [...] »,7 Quoique le texte soit anonyme, son style argumentatif permet de l'attribuer à Hennings, que la lecture des économistes anglais8 avait sensibilisé aux problèmes financiers et fiscaux. Présenter, comme il le fait, la répartition injuste des impôts comme l'une des causes de la Révolution française n'est pas plus original que les attaques lancées contre les fermiers généraux, chargés sous l'Ancien Régime, de collecter les impôts. Plus intéressante est l'importance accordée à un système de manufactures dignes de ce nom, comme à un système financier et commercial conséquent dont l'absence a justement provoqué les troubles révolutionnaires. Le pays qui joue le rôle de contre-exemple de la situation française est le Danemark. Ce n'est pas le lieu de revenir ici dans le détail sur l'histoire économique du Danemark, déjà bien connue,9 et il suffit, dans le cadre de cette étude, de renvoyer aux ministères de

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Léon Cahen (« Une nouvelle interprétation du traité franco-anglais de 1786-1787 », in : Revue Historique, 185, 1939, p. 271). L'idée, défendue ici par Pétion, que la richesse d'un Etat provient de l'importance de sa population et que le commerce ne peut fleurir que là où règne la liberté (comme l'a noté Elie F. Heckscher: «Die Freiheit als Lebensbedingung des Handels war [...] ein Satz, der zur internationalen Phraseologie des Merkantilismus gehörte» - Der Merkantilismus, Jena 1932, p. 251), tout comme l'attaque du traité franco-britannique de 1786 - que Vergennes avait préparé en collaboration avec Dupont de Nemours (voir Weulersse, Georges, La Physiocratie à l'aube de la Révolution 1781-1792, Beutler, Corinne (éd.)., Paris 1985, pp. 160 et 169) - revient, de fait, à une critique des principes physiocratiques. Le problème central de ce texte est le droit du souverain à déclarer la guerre sans consulter la nation rassemblée, problème qui occupait l'Assemblée nationale depuis la mi-mai. Schi. J. 93.Vn.ll p. 401. Hans Wilhelm Ritsehl, au cours d'une analyse qui résume bien les positions économiques de Hennings, a relevé, avec raison, qu'au contraire de Adam Smith et des représentants du libéralisme économique, celui-ci ne néglige pas «das unentbehrliche ethische Moment» (August Adolph Friedrich von Hennings 1746-1826. Ein Lebensbild aus Holstein, Kopenhagen und Hamburg in bewegten Zeiten, Hamburg 1978, pp. 57-62 et pour la citation p. 58). Voir Nielsen, Axel, Dänische Wirtschaftsgeschichte, Jena 1933.

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Struensee et de Bernstorff.10 En effet, Struensee (1771-1772), en supprimant les subventions dont bénéficiaient les manufactures et en luttant contre les mesures protectionnistes en usage avant lui, inaugure une politique libérale, dirigée contre le mercantilisme. Puis Bernstorff, durant son second ministère (1784—1797), renonce à ses convictions mercantilistes pour, lui aussi, appliquer une politique libérale dont les aspects les plus marquants sont le droit de circulation du blé et du bétail, accordé en 1786, et la «suppression de l'esclavage». 11 Il appert donc qu'il n'existe pas, dans les revues, un discours autonome sur l'économie. Toute référence faite à cette dernière n'a de sens qu'à l'horizon d'un jugement plus vaste porté sur le politique. Une telle interdépendance du politique et de l'économique, dans la conscience des auteurs, est attestée, aussi, par une assertion faite par Brackebusch, en mai 1793, dans laquelle il vante les Princes allemands qui ont permis aux droits de l'Homme et à la liberté de régner, ont garanti la propriété et fait fleurir les sciences en décidant « die Vernichtung der Leibeigenschaft, die Milderung des Lehnsistems, die Verringerung der Abgaben [...] die Freiheit des Handels [...] »,12 à une époque où la France ployait sous le joug de l'Etat et de ses représentants.13 Alors que la répression politique se fait sans cesse plus forte, la portée critique de cette affirmation est évidente : tant que le souverain ne s'immisce pas dans les affaires économiques (et qu'il respecte donc les droits de l'Homme), la stabilité de l'Etat est assurée et la prospérité de l'économie garantie. Des raisonnements semblables étaient tenus dès la fin des années 1770 par les Physiocrates.14 Mirabeau, dans la Monarchie Prussienne qu'il avait rédigée avec Mauvillon, notait ainsi que les manufactures prussiennes de Silésie et de Westpha10

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Nous nous fondons ici sur deux articles de Kersten Krüger, « Johann Friedrich Struensee und der Aufgeklärte Absolutismus », in : Lehmann, Hartmut et Lohmeier, Dieter (éd.), Aufklärung und Pietismus im dänischen Gesamtstaat: 1770-1820, [Wolfenbtitteler Studien zur Aufklärung 18], Neumünster 1983, pp. 11-36 et «Möglichkeiten, Grenzen und Instrumente von Reformen im Aufgeklärten Absolutismus : Johann Friedrich Struensee und Andreas Peter Bernstorff», in: Bohnen, Klaus et Jorgensen, Sven-Age (éd.), Der Dänische Gesamtstaat. Kopenhagen, Kiel, Altona, Tübingen 1992, pp. 2 3 ^ 7 . Otto Brandt parle de «Aufhebung der Leibeigenschaft» (Geistesleben und Politik in Schleswig-Holstein um die Wende des 18. Jahrhunderts, Berlin/Leipzig 1925, p. 35) alors que la mesure prise par Bernstorff visait seulement à la «Aufhebung der Schollenbande» (Krüger, Kersten, «Möglichkeiten, Grenzen und Instrumente von Reformen im Aufgeklärten Absolutismus : Johann Friedrich Struensee und Andreas Peter Bernstorff», p. 41). Schi. J. 93.V.3 p. 23. Ibid., p. 24. Ulrich Muhlack, dans sa comparaison des théories physiocratiques en France et en Allemagne («Physiokratie und Absolutismus in Frankreich und Deutschland», in: Zeitschrift fur Historische Forschung, 9, 1982, pp. 15-46), constate qu'en dépit d'inflexions dues aux différentes situations politiques, les physiocrates français et allemands formulent un certain nombre de thèses identiques. Se référant à Mauvillon et Schlettwein, Muhlack écrit à propos de la nécessité de limiter les pouvoirs de la monarchie absolue: «Beide verbinden schließlich, wiederum gleich den französischen Theoretikern, ihr Modell der absoluten Monarchie mit Vorstellungen der Limitierung und Kontrolle, die dasselbe faktisch zu relativieren geeignet sind» (p. 43).

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lie connaissaient une grande prospérité et que l'économie prussienne - p o u r présenter les aspects les plus contradictoires - tendait à un accroissement des revenus de l'Etat, accroissement décisif pour sa survie. Il relevait, cependant, que les manufactures les plus florissantes étaient celles dont le gouvernement ne se préoccupait point, celles où sa seule politique était celle du laisser-faire.15 Dans une telle interprétation, le secret de l'essor économique serait donc la non-intervention. Dans les remarques qui tiennent lieu d'introduction au Livre IV, il expliquait que les manufactures ne peuvent subsister et prospérer que sous le régime de la liberté, c'est-à-dire grâce à «la restitution illimitée de tous les droits» 16 (la liberté de religion, de circulation ou de commerce). Une telle politique libérale passait précisément par l'abolition des corvées et du servage, et par la fin de l'intervention de l'Etat dans les relations commerciales. Les travaux de Schlettwein et de Mauvillon,17 la polémique qui opposa ce dernier et Dohm, ainsi que la parution de la Monarchie Prussienne, avaient contribué à la propagation des thèses physiocratiques, mais, en dépit de la familiarité de certains des auteurs du Braunschweigisches Journal·* avec ces thèses, elles n'occupent guère de place dans les revues. Ce silence s'explique peut-être par les déceptions éprouvées durant les premières années du règne de Frédéric-Guillaume II. Ce dernier, en un premier temps, avait nourri l'espoir d'une profonde réforme économique en se montrant l'adversaire de la politique outrageusement mercantiliste de Frédéric II ; il avait entrepris de mettre fin au système de la Régie, des douanes, des accises et des monopoles mis en place par son prédécesseur, afin de rendre l'infrastructure économique plus efficace et de développer le commerce. Frédéric-Guillaume, cependant, s'avéra trop timoré pour imposer ces réformes fondamentales: l'accise fut pratiquement maintenue, les tarifs douaniers parfois augmentés, et l'abolition des monopoles ne fut pas toujours pratiquée avec conséquence. Quant aux mesures prises pour favoriser le développement du commerce en le libérant des entraves étatiques, après avoir été longuement débattues, elles furent progressivement remises en cause sous

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Sur les conceptions politiques défendues dans la Monarchie prussienne, voir les analyses de Reißner, Hanns, Mirabeau und seine "Monarchie prussienne ", [Sozialwissenschaftliche Forschungen. Abt. 2. Allg. Nationalökonomie 6], Berlin/Leipzig 1926, p. 67-70. Mirabeau, Gabriel Riquetti de et Mauvillon, Jakob, De la Monarchie Prussienne sous Frédéric le Grand, Londres 1788, T. m, 4 p. 2. Sur les conceptions économiques de Mauvillon, voir Braunreuther, Kurt, «Über die Bedeutung der physiocratischen Bewegung in Deutschland in der zweiten Hälfte des 18. Jahrhunderts. Ein geschichtlich-politisch-ökonomischer Beitrag zur „Sturm und Drang" Zeit», in: Wissenschafliche Zeischrift der Humboldt-Universität zu Berlin, Gesellschaft und sprachwissenschaftliche Reihe 5,1955-1956 n°l, pp. 41-47. Fertig, Ludwig, Campes politische Erziehung: eine Einführung in die Pädagogik der Aufklärung, [Impulse der Forschung 27], Darmstadt 1977, pp. 181-184, a montré, par exemple, l'infuence que Dohm a exercée sur Campe, au tournant des années 1790.

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l'influence, notamment de Struensee et de Woellner19 qui, jadis, s'étaient prononcés pour une grande liberté du commerce.20 L'absence d'une interprétation économique de la Révolution, dans les revues, paraît donc être moins le reflet du manque d'intérêt des auteurs pour des problèmes économiques que l'expression de la conviction très forte qu'une réforme de l'économie doit nécessairement être précédée d'une réforme des abus politiques.21 Le motif du luxe illustre aussi cette évolution. De composante d'un discours sur l'économie, il devient surtout un élément de la critique politique. En Allemagne, le luxe avait fait, dès les années 1770, l'objet d'une sévère critique. Mauvillon, par exemple, dans un essai de 1777,22 avait tenté d'en donner une définition à partir des quatre éléments qui structurent, selon lui, la vie économique : la somme des produits consommés par tous les habitants d'un Etat (A), l'ensemble de sa production (B), la part de cette production nécessaire pour assurer la reproduction de ces biens (C), et le revenu net -«reiner Ertrag»- (D). Rejetant les théories du luxe formulées jusque-là, il pouvait, désormais, le cerner clairement : « [s]o bald Anstalten getroffen werden, wodurch das (C) gemindert wird, es mögen nun Privatpersonen oder der Staat Schuld an dieser Verringerung seyn; so ist Ueppigkeit vorhanden», 23 tandis que le gaspillage de (D) ne peut être considéré comme condamnable dans la mesure où, opérant seulement un transfert de la richesse, il ne ruine pas plus l'Etat qu'il ne menace la «Nationalglückseligkeit». 24 La critique du luxe qui s'éploie dans les revues25 ne semble pas, cependant, découler inconditionnellement de l'adhésion aux thèses physiocratiques qui y sont,

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En ce sens, on peut comprendre également la comparaison que Hennings, dans le texte cité cidessus, établit entre la France et le Danemark, comme une critique du gouvernement de Frédéric-Guillaume Π. Nous nous appuyons ici sur l'étude de Rudolf Röseler, Handels- und Gewerbepolitik Preußens zur Zeit Friedrich Wilhelm II., Phil. Diss., Osnabrück 1935, qui reste, à ce jour, la plus complète sur cette question. D en va de même pour les révolutionnaires français; voir Aftalion, Florin, L'Economie de la Révolution française, Paris 1987, p. 73 : «pour les députés qui allaient se réunir à Versailles, la réforme fiscale ne constituait le problème ni le plus fondamental, ni le plus urgent. Leurs vues s'élevaient plus haut, car ils se considéraient avant tout comme chargés par leurs mandants de « régénérer la nation » et de donner une Constitution à la France». Mauvillon, Jakob, «Von der öffentlichen und privaten Ueppigkeit und den wahren Mitteln ihr zu steuern ; nach den Grundsätzen der neuern französischen Physiocraten », in : Sammlung von Aufsätzen aus der Staatskunst Staatswirthschaft und neuesten Staaten Geschichte, vol. Π, Leipzig 1777, pp. 1-128. Sur ce texte, voir Braunreuther, Kurt, op. cit., pp. 42-45 ; Hoffmann, Jochen, Jakob Mauvillon Ein Offizier und Schriftsteller im Zeitalter der bürgerlichen Emanzipationsbewegung, [Historische Forschungen 20], Berlin 1981, pp. 179-186. Cet appauvrissement est dû, par exemple, à l'obligation faite aux sujets de consommer des produits surtaxés. L'attitude consistant à regarder ces derniers comme des bêtes qui « doivent ne manger que de l'herbe» («die nichts [...] als Gras fressen sollen», Mauvillon, Jakob, op. cit., p. 38) n'est pas sans rappeler la position que l'on prêtait à Foullon. Ibid., pp. 43-45. Schulze est le seul à utiliser la notion de « luxe » en un sens positif. A ses yeux, en effet, le luxe est un trait de caractère de l'homme qu'il faut aborder sous deux aspects : le moraliste doit

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en outre, dépassées à plusieurs reprises. Les physiocrates, intégrant prioritairement à leur «nation idéale», 26 les propriétaires fonciers, accordaient la citoyenneté active en fonction de la propriété agricole. L'auteur d'un texte d'avril 1792 va, lui, plus loin. Tout en acceptant le changement de pouvoir politique en France, puisque le pouvoir n'appartenait plus de droit aux deux premiers états qui ne possédaient pas plus du quart du territoire,27 il n'en réserve pas l'exercice aux propriétaires fonciers. A ses yeux, en effet, la citoyenneté, loin de se fonder uniquement sur la simple possession de la terre, découle de toute activité qui augmente la richesse nationale,28 de l'usage d'une même langue, comme de l'obéissance à une même législation («einerlei Sprache und einerlei Gesetze») 29 et à un même souverain. De même, Afsprung, dans sa polémique contre Moser, dépasse les Physiocrates en affirmant que « [d]er Begriff von Eigenthum wird gewiß ungebührlich verenget, wenn man ihn bloß auf Grundstücke einschränkt ».30 Campe,31 lors de son voyage en France, laisse entendre que les désordres étaient inévitables dans ce pays où l'on pouvait constater un « empörenden Contrast zwischen dem Reichthum, der Pracht, der ausgelassenen Ueppigkeit mancher Gutsbesitzer dieses Landes und der großen Armuth und dem ganz jämmerlichen, tief unter die Menschheit herabgewürdigten Zustande ihrer unterdrückten Vassalen ».32 Pour illustrer les conséquences fatales du luxe, il prend ici pour exemple le Châtelain de Quincey33 qui, après avoir pris à ses sujets tout ce qui leur appartenait, les massacre dès qu'il remarque «daß sie anfingen, zum Gefühl ihrer Menschenrechte zurückzukehren». 34 La critique du luxe semble donc reposer davantage sur des conceptions rousseauistes. La tyrannie économique que révèle le luxe annonçant toujours la tyrannie politique, elle aboutit systématiquement à des désordres civils. Brackebusch - d a n s un texte utopique, d'inspiration évidemment rousseauiste, qui

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veiller à ce que le luxe ne s'oppose pas à la plus haute détermination de l'homme, tandis que l'homme d'Etat doit considérer le luxe comme un moyen (Br. J. 90.V.6 pp. 67-71). Schulze adopte donc à l'égard du luxe, du moins sous le second de ses aspects, la même position que les mercantilistes (voir, également, pp. 101-106 la distinction qu'il opère entre le luxe sous sa forme antique, fondé sur le pillage des pays vaincus et le luxe moderne fondé sur le « Kunstfleiß » et le « Gewerbe »). Sur les caractéristiques de la «nation physiocratique», voir Weulersse, Georges, op. cit., pp. 212-219. Schi. J. 92.IV.2 p. 433 ; les estimations de l'auteur de cet article s'avèrent, en outre assez exactes au regard des chiffres donnés par Michel Vovelle dans La Chute de la Monarchie, 1789-1792, [Nouvelle Histoire de la France contemporaine 1], Paris 1972, pp. 14-15. Schi. J. 92.IV.2 p. 434. Ibid., p. 433. Br. J. 91 .V.6 pp. 110-113. Pour la citation, voir p. 112. Sur la lutte des «néo-pédagogues» contre le luxe, voir Br. J. 91.VI.5 pp. 219-220. Br.J. 89.ΧΠ.1ρ.409. En l'occurrence, M. de Mesmay, dont le rôle a été capital dans la naissance de la Grande peur de l'été 1789 - voir Lefebvre, Georges, La Grande peur de 1789, Paris 1970, [première édition 1932], pp. 116 et 128. Br. J. 89.ΧΠ.1 p. 409.

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retrace métaphoriquement l'histoire de la Révolution française- exprime la même idée, lorsqu'il juge inévitables le désir du riche de s'enrichir davantage ainsi que la constante ambition du pauvre de le détrôner : Die Ungleichheit der Güter wurde mit jedem Tag größer. Schon gab es sehr Reiche und sehr Arme, und Beide waren nicht zufrieden mit ihrem Zustande. Jene wollten immer noch reicher werden und nach Maaßgabe ihres Reichthums auch mehr Einfluß auf die Regierung der Insel haben. Diese dachten ebenfalls darauf, sich aus ihrer Dürftigkeit zu heben, weil grade ihre Dürftigkeit sie in einer gewissen Abhängigkeit von den Reichen hielt [...].35

Dès lors, le sens des attaques lancées contre le luxe est clair: elles visent la noblesse, où le luxe s'était implanté plus qu'ailleurs 36 et qui, de surcroît, a contaminé les autres états de la société.37 Il est, certes, difficile de déterminer, dans les premières critiques d'une noblesse corrompue par le luxe,38 quel est le référent historique exact; en revanche, de telles attaques dans les années 1792-1793, 39 à une époque où la noblesse française n'existe plus comme état en France, constituent, à moins d'être explicitement et exclusivement rapportées à la France, une critique de la noblesse allemande. Dans l'interprétation des origines de la Révolution française, le recours à l'économie est toujours subordonné à un discours politique visant à dénoncer, à travers le «despotisme» d'Ancien Régime, celui des gouvernements allemands, celui de Frédéric-Guillaume II tout particulièrement ; et c'est précisément ce discours politique qui, de fait, prédomine dans l'interprétation faite de la Révolution, au fil des pages du Braunschweigisches et du Schleswigsches Journal.

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L'interprétation politique

2.1

De la Révolution comme enterrement du despotisme

Jusqu'à la dernière livraison du Schleswigsches Journal, la Révolution est perçue à la fois comme la conséquence et la destruction du despotisme : Sobald sie [die Regierung] Zügel fallen ließ und sich dem Volke in die Hände lieferte, war die Revolution da. Als nun gar die alte Regierung der Revolution mit Gewalt widerstehen wollte, war ihr gänzlicher Ruin unvermeidlich.

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Schi. J. 92.IX.2 p. 28. Henri Baudrillart, dans son Histoire du luxe privé et public depuis l'Antiquité jusqu 'à nos jours (vol. IV, Paris 1880, pp. 243-313) a, dès le siècle dernier, montré la révolution qui se produit, après 1715, dans le rapport de la noblesse à l'argent, la recherche effrénée du luxe qui en découle, et les conséquences qu'elle entraîne sur les mœurs publiques. Voir Br. J. 89.XI.3 p. 357 ; Sehl. J. 93.ΙΠ.3 p. 285 ; 93.VI.2. VoirBr.J. 88.IV.8 p. 518; 88.V.8 p. 126; 88.VI.2 p. 181. Voir Sehl. J. 92.IV.2 p. 438 ; 93.VI.2 pp. 178-179. Schi. J. 93.ΧΠ.5 p. 486.

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L'auteur de l'article reconnaît au déclenchement de la Révolution une double légitimité: d'une part le pouvoir était devenu vacant; d'autre part, un gouvernement qui, pour avoir déserté, était devenu illégitime, justifiait, par sa tentative de reprendre les rênes du pouvoir, l'insurrection contre le «despotisme», un despotisme auquel les événements de 1789 mettent justement fin. C'est à une même interprétation que se range Campe. Pour lui aussi, c'est le désir de gouverner despotiquement - désir exprimé le plus explicitement durant le lit de justice du 19 novembre 173741 _ q U j a entraîné la Révolution. Il est logique, dès lors, que dans sa première lettre de Paris, il écrive : «ich hoñe [...] dem Leichenbegängniß des französischen Despotismus beizuwohnen »,42 utilisant une expression qu'il emploie de nouveau dans la cinquième lettre, quand il évoque la visite que rendit Louis XVI à l'Assemblée nationale, au cours de laquelle il fut proclamé «restaurateur de la liberté française ».43 Le despotisme n'a pas ici le sens que lui prêtait, par exemple, Montesquieu dans une définition devenue pourtant classique au dix-huitième siècle.44 A ses yeux, en effet, le despotisme est une forme dégénérée de la monarchie, dont le principe est l'honneur. Campe, en ce qui le concerne, refuse implicitement la théorie de Montesquieu en niant que l'honneur ait pu être jamais au coeur de la monarchie française, puisqu'il faut reconnaître «daß dieser Trieb oder dieses Vorurtheil [l'honneur], nie in einem durchaus despotischen Staate Statt gefunden habe, nie darin Statt finden könnte »,45 Chez Campe, la notion de « despotisme » est donc insérée dans un discours contractuel sur le pouvoir :46 le souverain devient despote

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Br J. 89.ΧΠ.2 p. 442. Campe situe, sans doute à cause d'une erreur typographique, cette séance en novembre 1781. Il est intéressant de relever que la rhétorique du texte, par l'utilisation, à propos des intentions du Garde des Sceaux, du verbe «tondre» (ibid., p. 443: le peuple est un troupeau patient «geduldige Heerde» que l'on peut «tondre» - à deux lignes d'intervalle, on trouve «scheeren»/«geschoren»), abaisse Lamoignon au rang d'un fermier général. Cela tisse entre les différents représentants du despotisme une cohérence métaphorique. Br.J. 89.X.7 pp. 230-231. Br. J. 90.1.1 p. 1. Sur l'idée d'enterrement, voir également pp. 23 et 29. Cela a été montré, par exemple, par Robert Derathé, «Les Philosophes et le despotisme», in : Francastel, Pierre (éd.), Utopie et institutions au XVIIIème siècle, Paris 1963, pp. 57-75. Sur une autre catégorie empruntée à Montesquieu, voir Br. J. 88.1.4 p. 53, où Rochow considère que le despotisme naît de la confusion du législatif et de l'exécutif. Br. J. 90.ΥΠ.1 p. 289. Le despotisme, pour être une des notions-clefs du dix-huitième siècle n'est pas monolithique, et l'interprétation de Montesquieu se heurte à maintes objections, dont celle de Voltaire qui, par certains aspects, préfigure la critique de Campe. Ainsi, Sakmann, dans une analyse - plus exacte dans le détail que dans les conclusions auxquelles elle aboutit de la polémique qui opposa Montesquieu et Voltaire, a montré que ce dernier récuse, outre les exemples de systèmes despotiques cités par Montesquieu, sa théorie tripartite et, en particulier, la thèse des trois principes (Sakmann, Peter, «Voltaire als Kritiker Montesquieus», in : Archiv für das Studium der neueren Sprachen und Literaturen 113, 1904, pp. 375-391). Le sens de la réfutation du principe de l'honneur, comme constitutif de la monarchie, a évidemment une portée politique toute différente chez Campe et Voltaire. Cette compréhension du politique invalide aussi toute légitimation du pouvoir temporel fondée sur le droit divin (voir Sehl. J. 93.VÜ.7 p. 328).

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sitôt qu'il bafoue le contrat qui le lie à ses sujets pour gouverner de façon autocratique,47 au mépris des droits de l'Homme. 48 Les auteurs, tant du Braunschweigisches que du Schleswigsches Journal, paraissent s'accorder sur cette définition du despotisme, qui rabaisse le mauvais monarque au rang d'une figure machiavélique49 et, fondamentalement, les uns comme les autres font du despotisme l'antithèse de l'Aufklärung. Dans les Briefe aus Paris, Campe juge que la tentative de s'opposer aux Lumières fut l'une des causes de la Révolution50 et, dans un texte de juillet 1793, Knigge attribue l'explosion révolutionnaire au despotisme qui au lieu de favoriser l'éploiement d'une saine Aufklärung s'est, par son intransigeance, exposé à l'explosion «der zu lange in Fesseln gehaltnen und unter diesem Drucke ueberreif gewordnen Geistes= und Thatkraft»." Le despotisme est donc l'une des principales figures du discours tenu dans les deux revues, mais il est ime notion polymorphe car les auteurs lui agrègent un certain nombre d'éléments. 2.2

Le despotisme comme figure du discours

Le despotisme est tout d'abord essentiellement «oriental». 52 Cette épithète n'a, certes, rien de très original depuis le dix-septième siècle, mais il semble bien que le sens n'en soit pas toujours identique, selon qu'on l'utilise en Allemagne ou en France. Ici, en effet, le renvoi au « despotisme oriental » ne signifie plus forcément une critique : Stelling-Michaud a mis en lumière le changement radical qui se fait jour, à la fin du dix-huitième siècle, dans l'appréciation de cette notion de despotisme oriental : sous la pression de débats concernant la place du roi dans la société française, se dessine une rupture avec une tradition inaugurée par Aristote et l'on cesse de démoniser le «despotisme oriental», pour en faire le modèle de ce «despotisme éclairé» que les Physiocrates appellent de leurs vœux.53 Si ce changement va de pair avec une revalorisation de l'image de la Perse, il n'implique pas, cependant, l'entière disparition des connotations négatives : au moment même où

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Voir aussi Sehl. J. 92.1.8 p. 116. L'auteur de cet article met typographiquement en rapport la rupture du contrat et la prise de la Bastille. Il découle de ce contrat que le souverain ne saurait considérer le pays qu'il gouverne comme sa propriété (voir Schi. J. 92.X.3 p. 221 ; 93.EX.3 p. 131). Voir Schi. J. 92.IV.2 p. 442. Sur l'image de Machiavel, voir Br. J. 88.1.4 p. 54; 91.IV.5 p. 476; Schi. J. 93.ΧΠ.3 p. 466. Dans ce dernier renvoi, Machiavel apparaît, a negativo, par la référence à l'An ti Machiavel de Frédéric Π. Voir Br. J. 89.ΧΠ.2 p. 434. Sehl. J. 93.VU.3 p. 277 (C'est nous qui soulignons). Br. J. 89.ΧΠ.2 p. 451 : Campe rapporte que Broglie a proposé à Louis XVI de cesser de se comporter en quémandeur, pour gouverner, enfin comme un «wirklicher König (Sultan)». «Le Mythe du despotisme oriental», in: Schweizer Beiträge zur Allgemeinen Geschichte 18/ 19, 1960-1961, pp. 328-346. Franco Venturi a constaté la même évolution dans «Oriental Despotism», in: Journal of the History of ideas, XXIV, 1963,pp. 132-142.

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certains s'efforcent de corriger les préjugés en vigueur jusque-là sur la Perse, une série de troubles politiques l'ébranlent de nouveau, confortant l'image d'une «Perse terrifiante».54 Or c'est justement cette dernière qui domine dans le Braunschweigisches5S comme dans le Schleswigsches Journal,56 Et, de même que le motif du luxe, celui du « despotisme oriental » jette un pont entre le politique et l'économique, lorsqu'il est rapporté à «splendeur».57 Ce despotisme a des attributs spécifiques à la France. Ce sont des éléments aux contours bien définis qui se détachent sur le fond obscur et ténébreux du despotisme. L'arbitraire sans bornes du souverain peut frapper ses sujets avec la même facilité que le shah de Perse - à la grande stupéfaction des contemporains58- supprimait ses courtisans: «durch geheime Siegelbriefe {Lettre de cachet), diese furchtbaren Blitzstralen, welche von dem schimmernden Throne des Despotismus, wie aus einer von der Sonne bestralten Glanzwolke am blauen Himmel, oft ganz unerwartet herabschössen » :59 comme lui, le souverain peut emprisonner quiconque sans autre forme de procès. Ici aussi, Campe -comme, par la suite, les autres auteurs des revues 60 - ne fait que reproduire une opinion partagée par la quasitotalité des contemporains.61 Et l'expression qu'emploie Campe, en évoquant ces «furchtbaren Blitzstralen» que sont les lettres de cachet, est probablement un emprunt à Linguet, pour qui «les lettres de cachet ressemblent à la foudre qui brûle >>.62 54

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Tel est le titre du chapitre où Olivier H. Bonnerot évoque l'impact de ces troubles sur la conscience des Européens, dans La Perse dans la littérature et la pensée françaises au XVIIIe siècle. De l'image au mythe (Paris 1988), une étude très érudite de l'image fluctuante et profondément ambiguë de la Perse, comme de sa signification pour la création littéraire et les débats politiques, dans la France des Lumières. Voir.Br. J. 91.V.2 p. 21. Sehl. J. 92.XI.4 p. 354. Voir Sehl. J. 92.1.8 p. 125 ; 93.VD.3 p. 281. Voir Bonnerot, Olivier, op. cit., pp. 53-63 et Danechvar, Negouine, «Cosmogonie politique de la Perse », in : Dix-Huitième Siècle 22, pp. 53-56. Br. J. 89.XI.1 p. 292. Notons que grâce à l'épithète, nous retrouvons ici, à propos des lettres de cachet, la connexion entre le luxe et le despotisme. Voir, par exemple, Schi. J. 93.V.3 p. 23 ; 93.X.5 p. 249. Les travaux de Arlette Farge et Michel Foucault, Le Désordre des familles. Les lettres de cachet des archives de la Bastille au XVIIIe siècle, Paris 1982, ont montré que ce rejet massif de la pratique des lettres de cachet est, cependant, assez tardif. Pendant longtemps, en effet, elles ont autant servi au pouvoir royal - pour exercer un contrôle que les autres instances judiciaires et policières ne parvenaient pas à assurer - qu'aux personnes privées, qui y voyaient le moyen de régler des différends qui, en théorie, n'étaient point du ressort de l'Etat. L'usage des lettres de cachet s'opérait en fonction d'un mécanisme complexe, les personnes privées recourant à un des instruments de maintien de l'ordre public à des fins privées, ce que l'Etat naissant tolérait, dans la mesure où il étendait ainsi son pouvoir à une sphère à laquelle, jusque-là, il n'avait pas accès. Cité in Cottret, Monique, La Bastille à prendre: histoire et mythe de la forteresse royale, Paris 1986, p. 100. Linguet est une figure connue en Allemagne à l'époque - comme l'ont rappelé, récemment encore, Hans-Jürgen Lüsebrink et Rolf Reichardt dans leur belle étude de ce mythe que constitue la Bastille {Die »Bastille«. Zur Symbolgeschichte von Herrschaft und

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Le second des attributs du despotisme est adjacent au premier, parce que ce sont précisément les lettres de cachet qui, en permettant l'incarcération arbitraire,63 ont rendu la Bastille insupportable. Plus encore que ces dernières, la Bastille paraît cristalliser l'imaginaire des contemporains64 et être l'une des clefs permettant de comprendre leur appréhension et leur compréhension du despotisme. La Bastille, en effet, est présentée comme « ein Bollwerk des Despotismus »65 qui effraie autant par ce qu'il montre - s e s imposantes murailles sombres 66 - que par ce qu'il cache, car c'est le lieu du secret d'où ne s'échappent que plaintes et gémissements. Campe exploite le potentiel symbolique que porte la Bastille, et l'exagère même. Dans sa description, il mentionne ainsi des noms dont on ne retrouve point trace dans les archives de la Bastille (à moins que «Dübarry»67 ne soit Bourcier de Barry de Saint-Aunez), il cite comme motifs de l'emprisonnement des chefs d'accusation bien fantaisistes : ainsi Romagne - e n réalité Romagnac- dont on ne sait pourquoi il a été incarcéré, serait coupable, selon Campe, de quelque épigramme sur Madame de Pompadour. C'est le même «crime» qui, d'après lui, a valu au Comte de Lorge son emprisonnement, alors que les archives de la Bastille l'accusent de meurtre, de rébellion à la justice, d'enlèvement [...]68 Plus frappante

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Freiheit, Frankfurt/M. 1990, pp. 28-32) - et le nom de Linguet figure tant dans le Br. J. 89.XI.1 p. 291 - en rapport direct avec la Bastille - que dans le Sehl J. 93.1.7 p. 125. Voir Sehl. J. 93.V.3 p. 23. Le lien entre les lettres de cachet et le despotisme oriental est explicite dans le renvoi à un «billet de S[artine] » au Marquis de Launay, cité dans les Briefe aus Paris comme preuve de ce procédé digne d'un despote asiatique («orientalisch-despotisch») dans Br. J. 89.XI.1 p. 293. Hans-Jürgen Lüsebrink et Rolf Reichardt, en s'appuyant sur un large éventail de documents, (le premier utilise des textes littéraires, des gravures etc., le second se livre à une analyse minutieuse et représentative de la presse) ont illustré amplement ce phénomène et montré combien, à partir de l'été 1789, la Bastille s'inscrit dans la conscience collective des Allemands (voir Lüsebrink, Hans-Jürgen, «Die zweifach enthüllte Bastille. Zur sozialen Funktion der Medien Text und Bild in der deutschen und französischen ,Bastille-Literatur' des 18. Jahrhunderts», in: Francia 13, 1987, pp. 311-331 ; «Bastillen in Deutschland? Gesellschaftliche Außenwirkungen der Französischen Revolution am Beispiel des Pariser Bastillensturms», in: Melville, Ralph, Scharf, Claus, Vogt, Martin et Wengenroth, Ulrich (éd.), Deutschland und Europa in der Neuzeit. Festschrift für Karl Otmar Freiherr von Aretin zum 65. Geburtstag, Stuttgart 1988, pp. 419^467). Br. J. 89.ΧΠ.1 p. 394. On trouve déjà l'expression «das ehemalige Bollwerk des französischen Despotismus» à propos de la Bastille dans la seconde des Briefe (Br. J. 89.XI.2 p. 288). S'il est légitime d'attribuer le ton de la description que Campe fait de la Bastille à la nouvelle sensibilité qui naît dans la seconde moitié du dix-huitième siècle, il est peut-être audacieux de suggérer un lien à r«„ecriture" des zeitgenössischen Roman noir» (Lüsebrink, Hans-Jürgen, «Die zweifach enthüllte Bastille. Zur sozialen Funktion der Medien Text und Bild in der deutschen und französischen ,Pastille"-Literatur des 18. Jahrhunderts», p. 314). Br.J. 89.XI.lp. 290. Br. J. 89.XI.1 pp. 290-291. Les indications sur les prisonniers sont empruntées à la liste établie par Franz Funck-Brentano, Les Lettres de cachet à Paris. Etude suivie d'une longue liste des prisonniers de la Bastille (1659-1789), Paris 1903, (Romagnac n°26, Comte de Lorge n°299). L'existence réelle de ces personnages, l'écart entre le motif officiel de leur incarcération et l'interprétation qu'en donne Campe mettent mieux encore en valeur leur carac-

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est encore l'interprétation qu'il fait d'une des notes tombées entre ses mains. Son auteur écrit: «la tête du Sieur de la Rivière est toujours fort échauffée, et je commence à désespérer que sa pauvre tête puisse guérir sans qu'on lui fasse un remède ». En lisant ce billet, Campe le comprend au second degré et imagine aussitôt qu'on a voulu assassiner «la Rivière»; en réalité, la personne mentionnée dans le billet se nommait Pierre Denis de Larivoire, souffrait réellement de folie et dut être transférée à Charenton en septembre 1771.69 La réception de l'image de la Bastille et la façon dont elle est retravaillée font d'elle l'illustration privilégiée du despotisme oriental, tant il est vrai que la Bastille, symbole par excellence de la réclusion, est «ce lieu clos dans lequel l'individu est broyé et disparaît à jamais [et qui] renvoie à l'horizon exotique du sérail ».70 Etant donnée la portée symbolique de la Bastille, sa chute est perçue comme un des grands moments de la Révolution : la Révolution était une force « die Bastillen einwarf, das Feudal Wesen zertrümmerte, Priesterthum aufhob». 71 Que «Bastille» soit au pluriel peut s'expliquer au moins de trois façons. La Bastille de Paris ne fut pas la seule place-forte à être prise d'assaut dans ces journées.72 De plus, la Révolution vit s'écrouler des monuments - a u x deux sens du terme- de ce despotisme que symbolise la Bastille. Enfin ce pluriel peut être, d'un point rhétorique, un simple pluriel emphatique. Le despotisme, ce Moloch rhétorique, se nourrit également d'autres symboles qui cristallisent la haine du despotisme. Ce sont d'abord les fermiers généraux que le portrait tracé dans les deux revues - fidèle à l'image que se faisaient d'eux les contemporains de la Révolution plus qu'à la réalité 73 - présente sous les traits d'oppresseurs cupides et de véritables tyrans.74 Les deux revues, cependant, s'intéressent moins à eux qu'aux ministres.

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tère de «Wunschbilder», correspondant à l'horizon d'attente du public (Liisebrink, Hans-Jiirgen, op. cit., p. 314), que s'ils étaient des «fiktiven Bastille-Gefangener» (ibid.). La date donnée par Campe (Br. J. 89.XI.1 p. 293) est le «13 sept.1772». Π s'agit là d'une erreur, puisque, à cette date, Larivoire (n° 4877 de la liste de Funck Brentano) était déjà à Charenton et les deux autres personnes que mentionne le billet transférées ou libérées: «Nérot» [Moïse-Augustin N. de Glaisses (n°4890)] était sorti le 3décembre 1771 et «Billart» [Pierre-François (n°4840)] avait été transféré le 18 janvier 1772. Cottret, Martine, op. cit., p. 162. Schi. J. 93.ΙΠ.5 p. 332. Voir par exemple, Reichardt, Rolf, «Prise et démolition des « bastilles marseillaises » - événement symbole révolutionnaire», in: Badet, Claude (éd.), Marseille en Révolution, Marseille 1989, pp. 53-67. Marcel Marion, dans son Histoire financière de la France depuis 1715, Paris 1927, a tenté de réhabiliter l'image des fermiers généraux, en vantant leurs qualités d'administrateurs et en insistant sur la différence entre eux et le personnel placé sous leurs ordres, dont la compétence était, elle, bien relative. Voir Sehl. J. 92.1.8 p. 116. Le fermier général y apparaît responsable de la crise économique, au même titre que les guerres déclenchées arbitrairement ou le commerce des actions - cette dernière cause renvoie sans nul doute à la banqueroute de Law. Dans cet article, le fermier général est mis sur le même plan que les dragonades (p. 113). Quelques mois plus tard, on lit que l'ère du despotisme était celle des «räuberischen Erpreßungen der Finanzpächter» et des

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Dans les critiques formulées à Γ encontre de ces derniers,75 les auteurs des deux revues ne font pas davantage preuve d'originalité, car condamner les ministres, afin d'éviter de s'en prendre au Roi, était un procédé courant sous l'Ancien Régime.76 Les personnages incriminés relèvent des trois derniers règnes de la monarchie française d'Ancien Régime. Luynes est vilipendé,77 tout comme Louvois78 qui, dans la conscience allemande, occupe une place bien spéciale, parce que c'est à lui qu'on attribue la mise à feu du Palatinat.79 Quant au règne de Louis XVI, il se voit relativement épargné, puisque Campe reconnaît que «[e]s gab Zeiten, in welchen diese Nation den Druck einer despotischen und tirannischen Regierung viel stärker empfand, als unter Ludewig XVI», et que l'oppression était bien plus lourde du temps d'un Luynes, d'un Richelieu ou d'un Mazarin.80 Si Maurepas apparaît, c'est moins en tant que ministre que comme courtisan accompli.81 Cependant, lorsqu'ils critiquent la figure du mauvais ministre, les auteurs des journaux ne se contentent pas d'évoquer des spécificités françaises et la critique de la cour à laquelle ils se livrent vise également les cours allemandes. Les allusions à l'entourage du souverain français n'ont bien souvent, dans ces conditions, qu'une simple valeur exemplaire. Les nombreuses attaques82 dont la cour est la cible, dans les deux revues, s'appuient, en effet, sur une double tradition : une tradition française d'abord, que connaît Hennings, l'auteur des deux articles consacrés exclusivement à la moralité des cours.83 Il renvoie, par exemple, à Condé ou à Grammont,84 auxquels on peut

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lettres de cachet (Schi. J. 93.V.3 p. 23). Sur le fermier général, voir aussi Schi. J. 93.IV.3 pp. 442; 93.DÍ.3 p. 102. Voir Br. J. 90.VI.6 p. 229 ; Sehl. J. 92.XI.4 p. 366. En prenant en compte les conditions d'écriture particulières à nos auteurs, il faut peut-être invoquer, ici, une autre raison, et renvoyer au phénomène qui se produisait, dans l'Allemagne du dix-huitième siècle, où l'on assistait à une distinction entre la dynastie du Prince et l'Etat, ce qu'a noté Karl Möckl dans «Der deutsche Adel und die fürstlich monarchischen Höfe», in : Wehler, Hans-Ulrich (éd.), Europäischer Adel 1750-1950, [Geschichte und Gesellschaft, Sonderheft 13], Göttingen 1990, p. 101. Voir Br. J. 89.ΧΠ 1 p. 430; Sehl. J. 92.V.1 p. 31. Voir par exemple Sehl. J. 92.IV. 1 p. 394 ; 92.V. 1 p. 30. Br. J. 91.V.2 pp. 27-28. Sur les traces laissées par l'invasion du Palatinat dans la conscience allemande, voir Oncken, Hermann, „Brûlez le Palatinat" - „Brennt die Pfalz nieder". Louvois im Jahr 1689. Eine Rede zum Pfalztage, Stuttgart 1924. Br. J. 89.ΧΠ.2 p. 430. Schl.J. 92.IV.lp. 404. Br. J. 89.IV.4 p. 451; 90.1.4 p. 73; 90.XI. 10 p. 381; 90.XI.1 p. 283 ; 91.IX.6 p. 105; 91.IX.8 p. 101 Schi. J. 92.1.1p. 13 ; 92.IV.2 p. 450; 92.IV.4; 92.V.1 ; 92.X.3 p. 220; 92.XI.4 pp. 365 et 366; 93.IV.3 p.438; 93.IV.9 pp. 439, 446 et 451; 93.VD.7 p. 332; 93.Vn.10 p.406; 93.IX.3 passim; 93.X.9; 93.ΧΠ.2 p. 282. Schl.J. 92.IV.1 et 92. V.l. Schl.J. IV. 1 p.387;92.rv.l.

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ajouter les noms de Saint-Simon ou d'Argenson. 85 Mais elles s'inscrivent aussi dans une longue tradition allemande.86 Le premier reproche qu'on adresse à la cour est son luxe. Campe fait grief à la cour de France d'avoir dépensé sans compter, de sorte que ses folles dépenses ont finalement entraîné la convocation des Etats généraux,87 critique que reprend Hennings : il dénonce également le luxe des courtisans français qui a ruiné le royaume par le jeu des pensions, mais il élargit sa réflexion en faisant référence à la cour de Saxe, percluse de dettes.88 Pareillement, lorsque Schmettow réitère ces attaques et qu'il se réfère au « fameux petit livre rouge », il ne voit pas dans le luxe une réalité spécifique à la France, mais la caractéristique de tout système entretenant un «Hofgesinde». 89 Si ce dernier terme peut d'abord paraître neutre, comme il l'était au dix-septième siècle encore - à une époque où cette remarque de Schmettow: «Die Hofbedienten sind [...] das eigentliche Hausgesinde des Landesherrn» n'aurait choqué personne, puisque « Gesinde » désignait alors la suite d'un personnage important 90 -, il est, au moment où l'emploie Schmettow, devenu éminemment péjoratif, conformément à l'évolution du sens de ces termes collectifs qui embrassent plusieurs catégories sociales et qui, peu à peu, tendent à ne s'appliquer qu'aux plus basses d'entre elles.91 L'utilisation de « Gesinde » pour les courtisans traduit donc, de la part de Schmettow, un évident mépris. On constate, chez Hennings, la même argumentation, dans un passage où, après avoir énuméré les différentes fonctions des serviteurs d'une maison sans omettre ni le «laquais», ni le «chasseur», il affirme que les courtisans accomplissent des fonctions semblables, même sous un nom plus noble.92 Cela explique la virulence avec laquelle il dénonce les dépenses occasionnées par les courtisans, d'autant qu'elles n'ont plus aucune légitimité et ne tendent qu'à une vaine représentation. Quand le courtisan agit, désormais, « so hält er dies mehr für Repräsentation, als Dienst ».93 Les cours ont perdu leur rôle initial pour n'être plus qu'un simple jeu de masques, un terme qu'on trouve sous la plume de Hennings explicitement («Larve») ou sous la forme

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Schi. J. 92.V.1 p. 3 et Br. J. 91.V.2 p. 28. Cette tradition se nourrit aussi du genre de la «Chronique scandaleuse» mentionné dans la livraison de mars 1793 (Schi. J. 93.ΙΠ.7 p. 345). Voir Kiesel, Helmuth, Bei Hof bei Holl. Untersuchungen zur literarischen Hofkritik von Sebastian Brant bis Friedrich Schiller, [Studien zur deutschen Literatur 60], Tübingen 1979. Br. J. 89.ΧΠ.2 pp. 444-^45. Schi. J. 92.V.1 p. 22; voir également Br. J. 88.ΠΙ.3 p. 315; Schi. J. 92.1.8 p. 125 et 93.IX.3 p. 103. Sehl. J. 93.IX.3 pp. 114-115. Ibid., p. 102. D'après Ricken, Ulrich, «Das Gesinde in der Sprache des 18. Jahrhunderts», in: Frühsorge, Gotthardt, Gruenter, Rainer et Wolff Metternich, Beatrix (éd.), Gesinde im 18. Jahrhundert, [Jahrestagung Deutsche Gesellschaft für die Erforschung des 18. Jahrhunderts 10], Hamburg 1995, pp. 215-224. Schi. J. 92.rV.lp. 389. Ibid., p. 391.

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d'un participe passé («verlarvt»).94 Recourant à une métaphore, en soi peu originale,95 Hennings présente la cour comme un théâtre96 dont les acteurs, grimés - e t Hennings raille l'usage qui y est fait des fards 97 - ont besoin d'un art aussi consommé que celui du fameux Le Kain (1729-1778). Le langage des courtisans est bien révélateur. Afsprung, pour rendre compte de ce langage, utilise la notion de «traduction»: l'homme de cour, en effet, ne rapporte point au souverain ce qu'il voit hors de la cour, mais il traduit.98 Si cette critique vise sans doute indirectement la francophilie des cours allemandes99 - u n des lieux communs des écrivains allemands à la fin du dix-huitième siècle- et le langage généralement affecté des courtisans que réprouvait, par exemple, Lessing,100 elle prend avant tout pour cible la flatterie («Schmeicheley») en usage dans les cours.101 Dans la première partie de l'article de Hennings sur la moralité des cours, la « flatterie » est récurrente, et figure en bonne place dans la litanie des vices que l'on rencontre chez les courtisans, et parmi lesquels apparaissent un certain nombre de motifs liés sémantiquement à la flatterie, comme «trahison», «inconstance», «tromperie» («Täuschimg»),102 et qui déterminent l'action sur ce théâtre qu'est la cour. Dans la livraison de mai, Hennings substitue à la métaphore théâtrale celle du jeu de marionnettes, plus dévalorisante encore.103 En effet, la cour n'est pas seule-

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Ibid., p. 388 et 92.V.1 p. 4. Sur le masque, dans les couches les plus hautes de la société, voir aussi Br. J. 90.ΧΠ. 1 p. 401. 95 Voir ce qu'écrivait, déjà sous Louis XV, le grand-maître de la garde-robe: «Versailles est le pays du déguisement, et, si le déguisement est permis dans un cas, c'est bien dans celui où on veut faire paraître [ce qu'on pense] sans courir le risque à peu près sûr d'une «Bastille éternelle » (cité par Nolhac, Pierre de, Marie-Antoinette Dauphine, Paris 1898, p. 312). 96 Voir aussi Br. J. 89.IV.4 p. 451 ; 90.XI.10 pp. 382-383 ; 91.IX.8 p. 121. 97 Voir Sehl. J. 92.IV.1 p. 406. Sur le maquillage à la cour, voir Funck-Brentano, Franz, L'Ancien Régime, Paris 1942, pp. 270-271. 98 Voir Br. J. 90.XI.10 p. 381 : pour le souverain chaque réalité est traduite «in die mildernde, verfeinernde und verfälschte Hoffsprache übersetzt». Dans deux passages de la p. 382, Afsprung parle de «Dollmetschung». 99 Schmettow insère ainsi à l'un de ses textes de septembre 1793 la protestation d'un aristocrate qu'il rédige en un jargon mi-allemand, mi-français (Sehl. J. 93.ΓΧ.3 pp. 119-120). Cette critique ne fait sens qu'à l'horizon des attaques portées, au cours du XVin e m e siècle, contre la suprématie de la langue française en Allemagne (voir, pour cette problématique, Sauder, Gerhard, «Die französische Sprache in Deutschland in der zweiten Hälfte des 18. Jahrhunderts», in: Schlobach, Jürgen (éd.), Médiations. Aspects des relations franco-allemandes du XVIIe siècle à nos jours, [Contacts, Série Π, Gallo-Germanica 7], Bern/Frankfurt a.M./New York/Paris 1994, T.l, pp. 118-121). 100 Voir Kiesel, Helmuth, op. cit., p. 228. 101 Voir par exemple Br. J. 91.V.2 p. 27; Sehl. J. 92.1.1 p. 20; 92.IV.1 pp. 388 et 403 (2fois). 92.X.3 p. 220; 93.ΠΙ.8 p. 438; 93.IV.3 p. 438; Zedier, Johann Heinrich, Grosses vollständiges Universallexikon Aller Wissenschaften und Künste, Vol. XXXV, 1743, p. 300, faisait déjà de la cour le lieu de prédilection de la flatterie : «Und wo sie das größte Unheil anrichtet, da gibt sie auch am meisten, nehmlich am Hofe und bey den Grossen dieser Welt». 102 Sur ce motif, voir, par exemple, Br. J. 90.XI.10 p. 381 ; Sehl. J. 92.IV.1 p. 388. 103 Sehl. J. 92.V.1 p. 27.

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ment le lieu de la représentation, elle est aussi le lieu de l'enfermement. Les gens de cour sont devenus prisonniers du système établi par Louis XIV et, plus généralement, par les despotes. Initialement serviteurs personnels du Roi, ils deviennent les rouages104 d'un mécanisme dont les moteurs sont la faveur royale105 et son corollaire, l'influence. 106 De serviteurs du roi, les courtisans deviennent les esclaves de plusieurs maîtres : de leur ambition,107 de la cabale qui exerce à la cour une véritable tyrannie108 et, enfin, de l'étiquette. «Der Charakter der Etikette-Akte als Prestigefetische trat nackt und unverhüllt hervor» à la fin de l'Ancien Régime,109 comme l'a noté N. Elias, et les contemporains de la Révolution française interprètent l'étiquette comme un carcan cruel qu'on ne quitte pas plus qu'un sérail : «Die Etikette ist fur den europäischen Regenten, was das Serail fur den Despoten Asiens ist», 110 phrase révélatrice de la cohérence sous-jacente au motif du despotisme dans les deux revues. En outre, dénoncer l'esclavage auquel est soumis le courtisan n'a rien d'original dans la tradition tant française -ainsi la Duchesse d'Osnabriick écrivait-elle déjà que « [l]a vie que les courtisans mènent ne serait pas mon fait. La nécessité les rend esclaves»111 - qu'allemande. 112 Dès lors, même les ministres qui maintiennent le peuple dans les chaînes en sont couverts.113 Le roi, pour sa part, n'échappe pas davantage aux fers, car si le courtisan est dans la main du roi, le monarque, en retour, est soumis à la tyrannie de la cour.114 Comme le sort de l'homme de cour dépend de l'influence et l'issue de la politique royale de l'influence de la cour, il est pratiquement impossible au roi d'appliquer une politique cohérente, comme le montre l'exemple de l'économie.115 Le Roi est prisonnier d'une cour dont les chaînes, que la puissance royale avait elle-même forgées,116 lui pèsent. Hennings, qui a parfaitement saisi l'interaction existant entre les différents 104 105

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Voir Schi. J. 92.IV.lp. 389. Voir Sehl. J. 92.IV.1 p. 391. La «Neigung» du Prince, inconstante et arbitraire, fait du jeu de la cour un jeu de dés. L'auteur dit élégamment «Hofwürfspiel». Sur l'arbitraire qu'implique la faveur du souverain, voir également Br. J. 92.1.4 p. 74. Voir Sehl. J. 92.1.1 p. 13 ; 92.V.1 p. 17 ; 93.IX.3 p. 104. Les serviteurs de l'absolutisme sont les «Sklaven des Ehrgeizes» (Br. J. 90.XI.10 p. 382). Voir Sehl. J. 92.V.1 p. 15. Dans cette belle page, consacrée aux intrigues de cour, on ne trouve pas moins de quatre occurences de «Kabale» ou «kabalisieren»; 93.IV.3 p. 439. Elias, Norbert, Die Höfische Gesellschaft. Untersuchungen zur Soziologie des Königtums und der höfischen Aristokratie; mit einer Einleitung: Soziologie und Geschichtswissenschaft, Frankfurt/M. 1992, [première édition 1969], p. 131. Sch. J. 92.IV.1 pp. 421-422. Voir aussi Br. J. 90.XI.1 p. 283 ; Sehl. J. 92.XI.4 p. 365. Cité par Funck-Brentano, Franz, L'Ancien Régime, p. 272. Voir ce que dit Moser de la cour in: Kiesel, Helmuth, op. cit. p. 215. Voir Br. J. 90.VI.6 p. 229. Sehl. J. 92.IV.1 p. 413 : «Man weiß, wie Ludwig ΧΙΠ. unter Richelieus Sklaverei seufzte». Voir le passage in: Schi. J. 92.V.1 p. 14, qui illustre en quelques lignes l'apogée et la chute du système physiocratique. II y a un jeu d'écho, dans les textes de Hennings, qui apparaît le mieux si l'on confronte la «königl. Kette des Hofes» - plus loin, il est question de la «eiserne Fessel der Etikette» à laquelle sont soumis les souverains (p. 421) - et les «Fesseln des Hofes» - (Sehl J. 92.IV.1 p. 414et92.V.l p. 4).

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éléments de la cour, ne se contente pas de montrer la nécessité d'une telle transitivité, il déplace le débat pour le situer dans le monde moral. En effet, la constante promiscuité de la cour et du Roi, l'obligation où se trouve ce dernier d'y séjourner en font un « sérail ». Cette comparaison est symbolique, pourtant, de la décadence morale propre à la cour: confrontés à elle, les jeunes Princes deviennent à leur tour des esclaves117 et la dénaturation qui caractérisait les courtisans118 frappe le souverain, car un séjour trop précoce à la cour détruit chez lui les sentiments naturels et la conscience du bien; 119 ce qui est plus grave encore, c'est que, dans un tel milieu, cette dégradation semble souhaitable, car plus le prince est vertueux, plus il est susceptible d'être trompé.120 En un mot, la cour est l'antithèse de l'Humanité: «Nie ist an Höfen ein Wort gehört, das auf Wohl der Menschheit Beziehung hätte »,121 Durant l'ère absolutiste, la cour avait été le centre de toutes les affaires. Désormais, elle doit renoncer à toute prétention car ce qui fait la vérité de la société et fonde la légitimité du Prince, c'est maintenant ce «peuple» dont les publicistes font entendre la voix. Le texte de Hennings est éclairant à ce propos. Il y dénonce, en effet, la cour comme un «Nebel [...], der sich zwischen ihn [le Prince] und die Wahrheit, zwischen ihn und sein Volk [...] wälzet». 122 Dans la matière même du texte, le peuple devient la vérité.123 Le déplacement de la souveraineté justifie d'autant plus la Révolution, comme lutte contre le despotisme de la cour, que celle-ci contamine le peuple. On en trouve, dans les deux revues, plusieurs illustrations. Dès les Briefe aus Paris, Campe attribue à la proximité du monde de la cour la dépravation et le peu de moralité du peuple de Versailles.124 Et dans son article de mail792, Hennings généralise cette constatation, en dénonçant la propagation des « valeurs » de la cour aux autres classes de la société. De telles valeurs sont, à l'image du monde qui les exalte, une véritable «peste». 125 Si la Révolution peut être interprétée comme la chute de la cour, c'est donc que celle-ci représente une forme extrême de la cor-

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Schi. J. 92.IV.1 p. 422. Sur les lacunes de l'éducation princière, voir également Br. J. 88.IV.1. Voir r«acrimonia aulica», maladie qui frappe, selon Schmettow, tous les courtisans sans exception (Sehl. J. 93.IV.3 p. 447). Schi. J. 92.IV.l.p. 416. Sehl. J. 92.IV.1 p. 393 : «Ist der Regent wirklich tugenhaft, so ist er am meisten in Gefahr, betrogen zu werden ». Schi. J. 92.IV.1 p. 407. Voir aussi p. 400; Sehl. J. 93.VII.7 p. 332. Sehl. J. 92.V.1 p. 18 ; voir aussi 93.VD.7 p. 332. Dans le texte de Afsprung, déjà cité, apparaît la même idée de la cour comme écran: «Die Schauspieler und Figuranten die [den Prinz] umgeben, muß man nicht für das Volk halten » (Br.J. 90.XI.10 p. 382). Sr. J. 90.1.1 p. 16: la corruption des Versaillais est due à «die um sich greifenden Ansteckungen eines höchstverderbten Hofes ». Schi. J. 92.IV.1 pp. 387-388 «Höfe [...] sind wahrlich die Pest der menschlichen Gesellschaften» (Il s'agit ici d'une citation tirée des Staatsanzeigen de Schlözer).

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ruption,126 une corruption qui n'épargne rien, une corruption multiforme. «La Révolution donnait l'occasion d'arracher le masque d'hypocrisie qui couvrait le visage de la société française, de dénoncer la pourriture de cette dernière, et finalement d'abattre la façade de corruption et de mettre au jour ce qu'il y avait derrière : le visage honnête, intègre, du peuple». 127 C'est de ce processus que participent également les attaques contre les maîtresses, l'un des principaux agents de la vie de cour. La maîtresse («Buhlerin», «Favoritin», «Hetäre») 128 est un motif décisif dans la mythologie politique à la fin de l'Ancien régime, comme en témoigne, par exemple, le texte déjà cité du discours de Pétion, publié dans le Moniteur - qui sert de fondement à la traduction qui en est donnée en juin 1790 dans le Braunschweigisches Journal. La version du Moniteur, généralement plus agressive que celle du discours du 17 mai 1790 ajoute, en effet, à la critique des ministres inconstants, une attaque contre les maîtresses du roi : tous les efforts pour améliorer la situation économique du pays seront vains tant que celles-ci, comme ceux-là, auront le pouvoir d'influencer la politique.129 Si, pour des raisons de convenance, Pétion ne pouvait attaquer - fut-ce indirectement- la personne du Roi à l'Assemblée, il peut en revanche, dans le Moniteur, lancer ses diatribes contre les favorites des rois, sûr, par là, de flatter les sentiments du public. Les lignes consacrées par Campe à la Comtesse du Barry, dans ses Briefe aus Paris, sont, il est vrai, étonnamment hétérogènes, car l'auteur semble partagé entre une admiration sincère pour le Château de Saint-Germain où elle habitait, et un véritable dégoût, reflet de la haine que vouait le peuple français à la favorite disgraciée.130 C'est pourtant le discours politique qui prédomine et la Comtesse est présentée comme la « ehemaligefr] Lustdirne Sr. allerchristlichen Majestät, Ludewigs XV. »,131 un terme très fort chez Campe132 et qu'il emploie aussi au sujet de Madame de Pompadour,133 en dépit de toutes les différences qu'on peut mettre en lumière entre les deux femmes.134

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Voir «Verderben» Schi. J. 92.IV.1 p. 387, p. 400; «Verderbnis» Br. J. 90.1.1 p. 36; «verderblich» 90.XI.10 p. 382; «höchstverderblich»90.1.6p. 16. Arendt, Hannah, Essai sur la révolution, Paris 1985, [édition originale, 1963], p. 152. Voir, par exemple, Br. J. 90.V1.6 p. 228 ; 93.ΠΙ.7 p. 345. Moniteur Universel, 1790, p. 389 ; Br. J. 90.VI.6 p. 228. Br. J. 90.1.1 pp. 34-35. Br. J. 90.1.1 p. 35. Selon Campe, «Lustdirne» est l'équivalent de la «fille de joye», alors que «maîtresse» correspond à «uneheliche»/ «Buhldime», et même, dans une première acception du mot, à «Gebieterin»/«Frau» (Campe, Joachim Heinrich, Wörterbuch zur Erklärung und zur Verdeutschung der unserer Sprache aufgedrungenen fremden Ausdrücke. Ein Ergänzungsband zu Adelungs Wörterbuch, 2 vol., Braunschweig 1801). Voir Br.J. 89.ΧΠρ. 291. Voir, pour cette comparaison, Nolhac, Pierre, Louis XV et Madame de Pompadour, Paris 1928, pp. 179 et sqq; Madame de Pompadour et la politique, Paris 1930, pp. 56 et sqq.

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Hennings, une fois de plus, semble reprendre les arguments formulés par ses contemporains contre les maîtresses des rois de France, pour les intégrer à un discours plus général, en ce qu'il voit en elles l'ime des sources de l'esprit de cour.135 De fait, la maîtresse est le personnage qui rend le mieux compte des principes de la vie de cour : par sa fonction, en effet, elle joue là un rôle de tout premier ordre, et apparaît comme un des moteurs les plus importants, sinon le plus important de l'influence. 136 Le motif de la maîtresse illustre également les autres vices imputés aux cours : ainsi, Mesdames de Montespan et Maintenon sont condamnées, dans un article anonyme de juillet 1793, parce qu'elles sont deux figures exemplaires de l'immoralité, et le jugement porté par l'auteur sur la seconde est plus radical encore, probablement à cause des liens qui l'attachent au Père la Chaise.137 La manière dont sont traitées les courtisanes peut faire trouver étonnante la réserve avec laquelle est évoquée Marie-Antoinette, une des cibles privilégiées du discours des révolutionnaires français,138 mais qui n'est, de fait, mentionnée qu'une fois, à propos du Te Deum du 14juillet.139 Alors que les députés de l'Assemblée ont acclamé le Roi, ils se taisent quand passe la Reine. Si rien n'interdisait à Campe de rapporter cette anecdote qui, en vérité, n'était pas sans précédent,140 il est, en revanche, facile de comprendre sa discrétion lorsqu'il évoque la thèse du «complot». Mettre directement en cause une princesse de la maison d'Autriche eût été imprudent, et de toute façon inutile, car le «—» qu'il substitue au nom de la Reine, ou encore l'allusion à un «gewissen Gesandten von einem gewissen Hofe», 141 sont suffisamment clairs pour le lecteur. Le complot, à la tête duquel la Reine figure dans son absence, est l'un des motsclefs de la rhétorique révolutionnaire française,142 et la croyance au complot aristocratique un «trait fondamental de la mentalité collective révolutionnaire»143 qui

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Voir Schi. J. 92.IV.1 p. 401. De fait, le renvoi aux maîtresses des rois de France sert à dénoncer leur pouvoir en Allemagne, un pouvoir critiqué avant même le déclenchement de la Révolution (Br. J. 88.ΙΠ.3 p. 315). Voir aussi Br. J. 91.ΧΠ.1 p. 398. D'autre part, elle est soumise à l'influence plus que tout autre personnage de la cour, puisque le Roi peut la congédier à son gré ; de fait, il existe toujours un hiatus entre le rang et la position effective de la maîtresse (voir Elias, Norbert, op. cit. p. 138). Voir Sehl. J. 92.IV.1 p. 394. Voir Thomas, Chantai, «l'Héroïne du crime: Marie-Antoinette dans les pamphlets», in: Bonnet, Jean-Claude (dir.), La Carmagnole des Muses. L'homme de lettres et l'artiste dans la Révolution, Paris 1988, pp. 245-260. Br. J. 90.1.1 pp. 27-28. La même scène s'était déroulée, déjà, à l'ouverture des Etats-Généraux, et même dès le 12 décembre 1778. Br. J. 89.ΧΠ.2 p. 446. Outre par ce souci diplomatique d'un Campe soucieux de ne point s'attirer l'ire des souverains allemands, on peut expliquer peut-être que la Reine soit assez épargnée, dans le discours sur la Révolution, pai le fait qu'en Allemagne, les reines étaient, en général, des figures assez effacées sur l'échiquier politique. Voir Elyada, Ouzi, «les Récits de complot dans la presse populaire parisienne 1790-1791 », in: Voltaire Studies, 287, 1991, pp. 281-292. Soboul, Albert, La Civilisation et la Révolution Française, Paris 1988, p. 181.

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trouve son écho dans les Briefe aus Paris. Il faut d'emblée relever qu'en France, la thèse du complot est d'abord essentiellement le fait des partisans de la Révolution, avant d'être bientôt utilisée aussi par ceux qui s'y opposent.144 En revanche, invoquer une conspiration ourdie par les forces conservatrices est, pour un Allemand, assez nouveau car, dans la tradition politique de l'Allemagne de la fin du dixhuitième siècle, où «die Verschwörungsthese auf einem antiaufklärerisch-antirevolutionären, integral-christlichen Weltbild [beruht] », elle est principalement un argument destiné à dénoncer les menées libérales des francs-maçons, des Illuminés145 [...] Son emploi par Campe semble bien le fait d'un de ces transferts, à l'étude desquels se consacre Rolf Reichardt. Reprenant ainsi le discours des révolutionnaires français, Campe, afin de prouver que la thèse « des sogennanten Complots» 146 a un fondement bien réel, donne, en dix points, la liste des mesures contre-révolutionnaires prises depuis le début du mois de juillet. La concentration des troupes autour de Paris, leur mise en alerte, en somme l'organisation d'une opération militaire,147 le renvoi de Necker, la préparation d'une famine destinée à réduire Paris, un attentat contre le port de Brest afin de détourner l'attention des révolutionnaires etc.148 Aux yeux de Campe, ces faits sont la preuve d'un plan de grande envergure destiné à arrêter la Révolution, et ce plan est si évident qu'il voit dans un billet énigmatique l'indice d'une «geheimnißvolle Verschwörung» 149 et accrédite certaines rumeurs parvenues à ses oreilles : 5) Man will an verschiedenen Orten der Stadt eine große Menge Schwefelzunder und andere Zündmaterien gefunden haben. [...] 8) Man will sichere Beweise in Händen haben, daß das Complot das Getraide aufgekauft [...] habe, um in Paris eine Hungersnoth zu erregen. 150

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Bien vite, la thèse du complot devient, en effet, une pièce maîtresse de l'interprétation conservatrice ou réactionnaire de la Révolution (voir les textes du Comte Ferrand et de l'Abbé Barruel évoqués par Jacques Godechot dans La Contre-Révolution 1789-1804, Paris 1984, pp. 39-53). Rogalla v. Bieberstein, Johannes, «Die These von der freimaurerischen Verschwörung», in: Reinalter, Helmut (éd.), Freimaurer und Geheimbünde im 18. Jahrhundert in Mitteleuropa, Frankfurt/M. 19932, pp. 85-114 et, pour la citation, p. 88. Dès l'édition de novembre 1789 (Br. J. 89.XI.1 p. 306), Campe annonce qu'il dévoilera, dans la prochaine lettre, les plans et les desseins «des sogenannten Complots». Ces mesures correspondent aux points (1), (3), (4), (5) et (6) du classement établi par Campe {Br. J. 89.ΧΠ.2 pp. 452-454). Ils s'agit ici respectivement des points (2), (8) et (9). Br. J. 89.ΧΠ.2 p. 453. Br. J. 89.ΧΠ.2 pp. 452-452. Il est impossible, cependant, d'affirmer que Campe présente délibérément comme réels de simples bruits. Si, en effet, le «man will» qu'il emploie à deux reprises est l'équivalent de «on dit», la bonne foi de Campe ne saurait être mise en doute, étant donné le changement de signification du «on dit», au cours du dix-huitième siècle, changement qu'a constaté Jean Sgard, («On dit», in: Chisick, Harvey [éd.],77ie Press in the French Revolution, [Studies on Voltaire and the Eighteenth Century 287], Oxford 1991, pp. 25-32).

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Les cinq objectifs principaux de ce projet étaient de déclarer la banqueroute de l'Etat, de miner l'Assemblée nationale et d'éliminer les députés favorables à la Révolution, d'affamer Paris, puis de l'occuper, en faisant appel à des troupes étrangères et, finalement, de renvoyer Necker.151 Campe, enfin, cite la liste des membres présumés du complot aristocratique.152 Tous, au nombre de vingt-six, sont issus de la cour, et en reproduisent le fonctionnement : ils fomentent le complot comme ils ourdissaient les cabales. Ils illustrent aussi les différentes formes du despotisme: parmi les personnes impliquées, certaines relèvent du despotisme économique : les Polignac - symboles par excellence du luxe de la cour et du scandale des dépenses-, Lambert [Charles-Guillaume] -prétendument responsable de la politique économique désastreuse du gouvernement-, les «affameurs du peuple», Berthier, Foullon153 ou Flesselles. Ce dernier peut être considéré également comme l'un des représentants du despotisme politique qu'il s'est efforcé de défendre, le 14 juillet. C'est à ce second type de despotisme qu'appartiennent aussi Breteuil - chargé après 1783 des lettres de cachet - le Marquis de Launay, gouverneur de la Bastille depuis 1776, etc. Les raisons qui permettent de légitimer la mention des autres sont diverses, quoiqu'elles renvoient toujours au despotisme politique : d'Esprémenil y figure certainement pour s'être opposé à la fusion entre les trois ordres, Artois et Berry pour leur opposition fondamentale à toute velléité de réforme ; Besenval, Broglio et Lámbese incarnent la menace militaire que fait peser le despotisme. Plusieurs renvoient encore à l'émigration,154 bien que celle-ci ne soit pas encore porteuse de toutes ses déterminations ultérieures. La notion de complot, dans sa complexité, reflète donc le polymorphisme du despotisme. Dans la mesure où le motif du complot subit indéniablement, dans les Briefe aus Paris, l'influence du discours des révolutionnaires français, il peut être analysé conformément à la fonction qu'il revêtait à leurs yeux. F. Furet a montré, par exemple, que l'idée de complot aristocratique est un principe d'action, en ce que l'énergie révolutionnaire «passe par un relais, directement couplé avec elle, puisqu'il en est le principe contraire, qui fait naître le conflit et justifie la vio-

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Br.J. 89.ΧΠ.2ρρ. 45(M51. Br. J. 89.ΧΠ.2 p. 446. Chaque nom y est précédé d'un numéro qui indique sa place dans le complot. Notons que, même si la thèse du complot peut être une arme révolutionnaire, elle n'est cependant pas pure élucubration, puisqu'on retrouve la plupart des personnes citées par Campe, dans l'étude de P. Caron sur les menées de la noblesse contre-révolutionnaire durant l'été 1789 (Caron, Pierre, «la Tentative de contre-révolution de juin -juillet 1789», in: R.H.M.C., VÏÏI, 1906-1907, pp. 5-34 et 649-678), et pas moins de six d'entre elles dans la liste du Club de Valois - l'un des plus fameux clubs contre-révolutionnaires - , établie par Augustin Challamel (Les Clubs contre-révolutionnaires. Cercles, comités, sociétés, salons, réunions, cafés, restaurants et librairies, Paris 1895). Br. J. 89.ΧΠ.2 p. 451 : «Man weiß, daß Foulon sich dabei die Neronischen Worte erlaubte: Sire, man muß Paris abmähen, wie man eine Wiese mäht». Voir aussi Broglio [Victor-François de Broglie] qui selon Georges Lefebvre, op. cit., p. 82) voulait « faucher Paris ». Artois, Condé, Conti, Polignac, Vermond[i].

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lence».155 C'est là un aspect du complot que reprend justement Campe: à Tirlemont, il voit « [e]in Dutzend Häuser solcher Einwohner, denen man unpatriotische Gesinnungen zutraute », qui ont été détruites.156 Plus tard, il émet cette prophétie : Unterdeß werden die geheimen Bemühungen der Aristokraten, die neue Freiheit, wo möglich, in ihren Keimen zu zerknicken, fortdauern ; unterdeß werden der Adel und die Geistlichkeit, sowol in der Nationalversammlung als auch im Lande, ihre letzten Kräfte aufbieten, um der Vollendung [der Konstitution] tausend Hindernisse und Schwierigkeiten in den Weg zu legen; unterdeß wird das Volk immer argwöhnlicher, immer eifersüchtiger auf seine neue Freiheit.157

Par cette généralisation, Campe participe de la polarisation propre aux théories du complot grâce à laquelle il s'avère une arme de la rhétorique révolutionnaire,158 arme d'autant plus efficace qu'elle joue sur les angoisses traditionnelles de la population française à la fin du dix-huitième siècle.159 La thèse de la conspiration, en dernier lieu, peut constituer un principe de légitimation des actions antérieures. Faire apparaître, par exemple, dans la même liste les noms de Berthier, Flesselles, Foullon et Launay, permet, a posteriori, de justifier leur assassinat.160 En mars 1791, dans sa réponse à la lettre de J. H. Meister, Campe reprend, une fois encore, la thèse du complot car, d'après lui, l'Assemblée nationale, dans la nuit du 4 Août, a été trompée par ceux de ses membres qui appartenaient à l'aristocratie, à qui il reproche, non sans raison,161 d'avoir affecté la générosité, pour ressouder la noblesse en susciter son indignation, et entraîner, finalement, une réaction funeste au mouvement révolutionnaire.162 Ici aussi, Campe reste, semble-til, prisonnier de la rhétorique des révolutionnaires français. Néanmoins, ce qu'il rapporte du complot ourdi par la noblesse et le despotisme en général peut signifier également une attaque contre la réaction à l'œuvre sous Frédéric-Guillaume Π. Même si les libéraux allemands n'ont pas formulé du complot des théories aussi précises que leurs adversaires, ce motif n'en constitue pas moins un des éléments de leur imaginaire politique. Ainsi Hennings, lorsqu'il proteste contre la restriction de la liberté de la presse, attaque « die Richelieux, die Alberoni, die Pombale » qui prétendent que la liberté de presse est funeste, et ce « um gute und edle Väter des 155

Furet, François, Penser la Révolution Française, Paris 1978, p. 78. Br. J. 89.X.7 p. 234. 157 Br. J. 90.1.1 p. 39 (Souligné par nous). 158 Voir Elyada, Ouzi, op. cit., p. 286 : «le monde révolutionnaire est conçu [...] comme un lieu polarisé où s'affrontent la force du bien, qui protège le nouvel ordre, et la force du mal, contrerévolutionnaire, qui veut le détruire». 159 Le pacte de famine, par exemple, que représentent Berthier, Foullon et Flesselles, joue ainsi sur une des peurs récurrentes au dix-huitième siècle. 160 Dans sa foi en la réalité du complot aristocratique, Campe ne perçoit pas le danger inhérent à l'emploi d'une notion par définition extensive : la mésaventure vécue par l'abbé Cordier, qui avait manqué d'être pendu à un réverbère à cause de sa ressemblance physique avec l'abbé Roy, ne relève, pour Campe, que de l'anecdotique (Br. J. 89.ΧΠ.393-394). 161 Voir Hirsch, Jean-Pierre, La Nuit du 4 août, Paris 1978, pp. 165-180 où il montre combien la générosité affichée durant cette nuit cache de rivalités. 162 Voir Br. J. 91.ΠΙ.4 pp. 293-294. 156

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Volks in ihr Complot gegen die Menschheit zu ziehen». 163 La problématique du complot, qui se fonde originairement sur une référence à la France révolutionnaire, a donc une fonction propre au sein du débat politique mené en Allemagne. Cela vaut, enfin, pour le despotisme religieux que représentent, dans la liste des comploteurs donnée par Campe, l'abbé Roy, un des proches du Comte d'Artois, et Vermondi.164 A une époque où l'Orthodoxie, sous la houlette de Wöllner, prétendait freiner la propagation de l'Aufklärung, il était possible de mettre en lumière des analogies entre les situations allemande et française. L'image du clergé français est, dans le Braunschweigisches Journal, éminemment ambivalente. Les prêtres qui ont adhéré au changement y sont loués par Campe, tandis que « [d]er strafbare Widerstand einer Menge Priester wider die Gesetze ihres Landes, die Hartnäckigkeit ihrer Bemühungen um den doppelten Despotismus des Priesterthums und des Throns wieder herzustellen» y sont fustigés par l'intermédiaire d'un discours de Mirabeau publié dans la livraison d'avril 1791.165 Quoique le bas clergé, au début massivement favorable à la Révolution,166 se soit peu à peu divisé, et que les discussions engagées sur la question de la Constitution civile - que seule une petite majorité accepte de reconnaître- entérinant la rupture, aient inauguré une phase d'opposition radicale des «réfractaires », c'est le haut clergé - lié à la cour, à l'aristocratie et collaborant donc avec le pouvoir en place - qui reste seul visé dans les deux revues. Les liens des prêtres, tant aux princes qu'aux maîtresses royales167 sont, par là, révélés, le clergé se voit mis en rapport avec les symboles du despotisme, si l'on en croit un poème satirico-prophétique, dans lequel la «cousine» présente, en une même phrase, la Bastille reconstruite et la France replongée dans la « sainte obscurité».168 Enfin, le haut-clergé est placé aux côtés de la noblesse, avec laquelle il tente de restaurer l'ordre ancien: le clergé -c'est-à-dire le «clergé aristocratique » - approuve ainsi la Constitution civile qui lui paraît le moyen de ruiner l'Etat et la liberté, en même temps que la religion.169 Le clergé, en définitive, participe de la même tentation despotique que la noblesse : «Der Fanatismus und die Intoleranz des erstem [du seizième siècle] und die Raserei des Despotismus im letztern [du dix-huitième siècle] waren einander vollkommen gleich». 170 La collusion entre

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Schi. J. 93ΛΤΠ.1 p. 423 ; voir aussi Schi. J. 92.1.1 p. 11 et 93.X.4 p. 238. Ce nom est justement corrigé par «Vermond» dans l'édition des Briefe de 1790. Br. J. 91.IV.3 p. 448. Voir, par exemple, La Gorce, Pierre de, Histoire religieuse de la Révolution française, T. I, Paris 1909, pp. 104-118. Voir Sehl. J. 92.1.8 p. 126 ; Sehl. J. 93.ΠΙ.7 p. 345. Br. J. 91.X.6 p. 232 «Da steht die Bastille wieder/[...] Und sieht wieder heilige Dunkelheit». Que ce soit la «cousine» qui tienne ces propos s'explique sans doute par le lien phonétique entre le mot «Base» et le verbe «basen», un vieux verbe allemand signifiant «délirer, divaguer». Br. J. 91.IV.3 p. 453. Sehl. J. 92.VI.3 p. 184.

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l'aristocratie et le clergé aboutit même à la confusion verbale entre eux ; c'est ainsi qu'on recourt à la métaphore religieuse pour rendre compte du comportement des «aristocrates»: «l'aristocrate établit des inquisitions», la cour et tout le monde hybride qui l'entoure forment comme «une église invisible».171 Si les textes des deux revues attaquent le clergé catholique, c'est donc parce qu'il participe du despotisme politique. Cette primauté du politique, bien qu'elle relève d'une évolution culturelle opérée en France depuis le seizième siècle,172 est surtout critiquée au regard de la situation dans l'Allemagne de FrédéricGuillaume II. Ici encore, la référence aux causes de la Révolution française ne peut être perçue, dans toute sa dimension, que si on l'appréhende à l'horizon des réalités allemandes. Dans tous les motifs étudiés jusqu'ici, on peut, par conséquent, retrouver la même rhétorique. Les éléments d'une interprétation politique des causes de la Révolution française n'ont de valeur qu'exemplaire, en s'inscrivant dans une critique plus large du despotisme perçu sous toutes ses formes, et qui vise, peu à peu, les réalités allemandes plus qu'une monarchie française réformée, puis abolie. La dénonciation des différents visages du despotisme qui accable la France doit être comprise comme la critique indirecte de la politique menée en Allemagne, à la fin du dix-huitième siècle, et comme un exemple destiné à mettre en garde les souverains allemands. C'est pour cela que la Révolution revêt la fonction d'un avertissement, d'un «warnendes Beispiel», 173 et les analyses sur la France révolutionnaire, dans les deux revues, celui d'un miroir présenté aux « despotes » allemands, pour les inciter à ime politique de réforme des abus.174 L'interprétation, par les Aufklärer, de la Révolution comme un «prodigieux spectacle» va dans le même sens.175 En soi, une telle métaphore n'a rien d'exceptionnel car «la Révolution française, c'est d'abord un grand spectacle qui frappe les contemporains de stupeur», 176 mais elle 171

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Schi. J. 92.V.7 p. 124 et 92.1.1 p. 11 ; voir également Schi. J. 92.VI.4 p. 215 où «Despotismus, Aristokratengewalt und Klerikal » sont cités en un seul souffle. Roger Chartier, dans le chapitre «Déchristianisation et laïcisation» des Origines culturelles de la Révolution française, Paris 1991, pp. 116-137, a mis en lumière le rôle qu'ont eu, dans ce processus, les luttes doctrinaires au sein de l'Eglise - et la mobilisation des pouvoirs laïques qu'elles entraînent. Sur la notion de «warnendes Beispiel» voir, par exemple Br. J. 89.X.7 p. 234; 90.1.3 p. 70. Jusqu'en 1793, la Révolution servira ainsi à mettre en garde les souverains allemands, en montrant l'incapacité d'un régime despotique à lutter contre les forces de la nation (voir Schi. J. 92.XI.4 p. 352 et 359). Br. J. 89.ΧΠ.2 p. 432 «Der große Spiegel hängt», phrase reprise littéralement in Br. J. 90.1.1 p. 19. Campe l'affirme explicitement lorsqu'il remarque l'impossibilité: «ich fühle die Unmöglichkeit, dies, seit dem Untergange der ursprünglichen deutschen Freiheit nie gesehene Schauspiel, mit deutschen Wörtern darzustellen, und thue Verzicht auf den Versuch» (Br. J. 89.X.7 p. 242). Ozouf, Mona, «Révolution», in: Furet, François et Ozouf, Mona (éd.), Dictionnaire critique de la Révolution française, Vol. Idées, Paris 1992, p. 419. On trouvera d'autres exemples de

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est récurrente dans les Briefe aus Paris, ce qui a une dimension politique très nette, puisque le théâtre, au dix-huitième siècle est «der Hauptort einer sich bildenden Öffentlichkeit».177 Dans les lettres de Campe, Paris est présenté comme la scène178 où se déroule un spectacle, et dès la première page, l'auteur évoque «die großen, wunderbaren Schauspiele» qui se sont produits depuis juillet.179 Campe, d'autre part, ne cesse d'insister sur sa simple qualité de spectateur,180 mais de spectateur engagé et enthousiaste.181 En appréhendant la Révolution comme un spectacle, il reproduit l'attitude des révolutionnaires français eux-mêmes, qui percevaient les événements révolutionnaires à travers une espèce de grille symbolique, forgée à partir d'un certain nombre d'images ou de notions : Das enthusiastisch „zuschauende Publikum" sah das revolutionäre „Drama" ganz offensichtlich in entscheidendem Maße durch das „Perspektiv" der Revolutionssymbolik. 182

Si certains de ces symboles collectifs sont empruntés au discours des révolutionnaires français - la Bastille, par exemple-, c'est l'expérience des réalités allemandes qui structure essentiellement la vision de Campe et, par conséquent, son image spectaculaire de la Révolution. Les principaux acquis de la Révolution sont ainsi mis en relation précisément avec le spectacle: l'éploiement du patriotisme et l'ennoblissement -c'est-à-dire le développement d'une noblesse de cœur et de

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l'utilisation de la référence théâtrale dans Kurz, Gerhard, l'Allemagne et la Révolution française, le grand spectacle, Bonn 1989. Jäger, Hans Wolf, in: Campe, Joachim Heinrich, Briefe aus Paris zur Zeit der Revolution geschrieben. Mit Erläuterungen, Dokumenten und einem Nachwort von Hans Wolf Jäger. [Texte zum literarischen Leben um 1800, 3], Hildesheim 1977, [reprint de l'édition de 1790], p. 86. En effet, le théâtre pennet à la bourgeoisie de thématiser son opposition aux structures féodales. Voir aussi Porrmann, Maria, «Die Französische Revolution als Schauspiel», in: Kopp, Detlev et Vogt, Michael (éd.), Grabbe und die Dramatiker seiner Zeit, [Internationales Grabbe-Symposium 2], Tübingen 1990, pp. 149-168, qui constate, elle, que l'emploi de la métaphore théâtrale rapportée à la Révolution, tout en répondant à sa fonction traditionnelle («Die Schauspielmetapher strukturiert das Fremde, um es zu veranschaulichen», p. 149), a une force inouïe; en effet, ce théâtre qu'est la Révolution n'est plus seulement simulation de l'Histoire mais elle est réalité. Campe utilise le terme de «Bühne» (Br. J. 89.X.7 p. 229; 89.XI.1 p. 306), de «Schaubühne» (89.X.7 p. 237) ou encore le nom d'origine latine «Scene» (89.XI.1 p. 312). Br. J. 89.X.7 p. 227; pour «Schauspiel», voir également 89.X.7 p. 242, 89.XI.1 pp. 262, 274, 275 sous la forme «Volksschauspiel», puis repris sous sa forme simple, pp. 279, 301, 313, 314 [...]. Il faudrait citer enfin, dans le cadre de cette isotopie, la double mention de «Auftritt» (90.X.7 p. 440). Sur cette notion de «Zuschauer», voir, par exemple Br. J. 90.1.3 p. 68 (repris deux fois); 90.X.7 p. 442. Voir Br. J. 89.XI.1 p. 314: «Welch ein Schauspiel fur den theilnehmenden Menschenfreund ! ». Link, Jürgen, «Die Revolution im System der Kollektivsymbolik. Elemente einer Grammatik interdiskursiver Ereignisse», in: Eibl, Karl (éd.), Französische Revolution und deutsche Literatur [Aufklärung 1.2], Hamburg 1986, p. 18.

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comportement-, la naissance de la Nation, la redécouverte de la liberté.183 La Révolution est «das Bild einer frei=gewordenen Nation», 184 «das große Schaupiel eines ganzen, der Sklaverei entronnenen Volks, in den Momenten seiner politischen und moralischen Wiedergeburt». 185

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Pour le patriotisme, voir Br. J. 89.XI.2 p. 275 et 89.XI.3 p. 312; pour l'ennoblissement, 89.XI.2 p. 279. Br. J. 89.X.7 p. 242. Br. J.s 89.XI.1 p. 274.

140

IV Les premières réalisations de la Révolution

L'explication des causes de la Révolution française fournit aux auteurs du Braunschweigisches et du Schleswigsches Journal l'occasion de dénoncer les abus politiques, dans l'Allemagne du dix-huitième siècle, et d'engager les souverains à une politique de réformes, afin d'éviter que ne se produise, comme en France, une révolution venue d'en bas. Cependant, aux yeux des auteurs, les événements de Paris ne servent point seulement d'avertissement mais indiquent, également, la direction des réformes à entreprendre, car les premières conséquences de l'été 1789, telles qu'elles apparaissent dans les deux revues, s'avèrent éminemment positives.

1

La fin de l'Ancien Régime dans les Lettres

1.1

Les Académies

Un des changements qui frappent le plus Campe, lors de son séjour à Paris, est l'accession du peuple à une autre culture. Alors que les Aufklärer - en stigmatisant la propension du peuple à s'adonner à des lectures faciles et dangereuses pour la moralité - déploraient qu'il fut si nettement attiré par une culture triviale et destinée à la pure distraction, Campe découvre, dans la capitale française, des gens qui, non seulement ne s'adonnent plus à de telles lectures, mais rejettent même les belles-lettres comme un héritage du despotisme, pour se consacrer à l'éloquence politique : die Thätigkeit des Geistes in diesem Lande [...] hatte sich von der Poesie zur politischen Beredsamkeit, von der Bearbeitung der schönen Wissenschaften überhaupt zum Nachdenken über die Rechte der Könige und ihrer Unterthanen, von den theatralischen Belustigungen zur Erörterung wichtiger Fragen aus den Staatswissenschaften gewandt.1

Cette caractéristique nouvelle de l'esprit français implique une refonte des structures de la culture ainsi que la réforme des Académies, dont la prétention exclusive à établir des normes est, dans une époque de renouveau culturel, assimilable à un despotisme.2

1 2

Br. J. 89.ΧΠ.2 pp. 428^29. Voir Br. J. 90.1.2 p. 50 où Campe attaque vivement le « gelehrten Despotismus der Vierziger ».

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Pendant longtemps, les Académiciens, «maîtres de la langue française [avaient] jou[é] un rôle crucial dans la création de cet Etat-théâtre»3 qu'était l'univers du Roi-soleil, et Campe critique vertement la flagornerie de l'Académie des Inscriptions à l'encontre de Richelieu, de Louis XV ou de Louis XIV,4 pour l'éloge duquel elle avait même proposé un prix : Unter Ludewig XIV. setzte die französische Akademie zur Preisfrage aus : welche unter allen Tugenden dieses Königs die größte und bewundernswürdige wäre? - dieses Königs, der das Edict von Nantes umgestoßen hatte!5

Se réappropriant le discours des révolutionnaires français, l'auteur condamne les Académies, trop longtemps symboles de despotisme : « [s]chon zu lange sind die Akademien die Blendlaternen der Tirannen gewesen ».6 Certes, l'Académie semble se rallier à la Révolution, lors du séjour de Campe dans la capitale, en proposant un prix pour le plus bel éloge de Jean-Jacques Rousseau,7 et en récompensant Louis de Fontanes pour des vers sur l'édit de 1787 qui accordait aux protestants un état-civil.8 Cet élan réformateur reste cependant très limité, comme en témoigne la séance décrite par Campe, durant laquelle les Académiciens félicitent une vieille servante pour son attitude courageuse dans la mise à sac de la maison de Réveillon.9 Par cet hommage, les Académiciens révèlent bien leur conservatisme latent10 3

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9 10

Darnton, Robert, Gens de Lettres, gens du livre, Paris 1990, p. 136. Jürgen von Stackelberg voit même une des deux caractéristiques de l'Académie dans « ihre enge Verflechtung mit den Spitzen des Staates oder richtiger: ihre Indienstnahme durch absolutistische Herrscher», la seconde étant «ihre einseitig sprachlich-literarische Ausrichtung» («Die Académie française», in: Hartmann, Fritz et Vierhaus, Rudolf (éd.), Der Akademiegedanke im 17. und 18. Jahrhundert, [Wolfenbütteler Forschungen 3], Bremen/Wolfenbüttel 1977, pp. 35-36). Br. J. 90.1.2 pp. 51-54. Br. J. 90.Π.1 p. 143. Br. J. 90.1.2 p. 55. Br. J. 90.Π.1 pp. 143-144. Ibid., pp. 141-142. Au contraire de ce que croit Campe, ce changement ne découle pas d'une explosion soudaine de patriotisme, et encore moins d'une attitude pragmatique. D avait, bien au contraire, débuté dès le milieu du siècle, et s'était accéléré dans les années 1780, comme l'a montré Daniel Roche qui reconnaît, cependant, que cet esprit de réforme reste un «souffle modeste» (les Républicains des Lettres. Gens de culture et Lumières au XVJIJe siècle, Paris 1988, pp. 170-171). On est donc loin d'une Académie qui, «en harmonie avec le public», aurait «pleinement exprimé l'esprit du 'XVDT siècle» (Bainville, Jacques, «l'Académie pendant la Révolution», in: Trois siècles de l'Académie française, Paris 1935, p. 45). Br.J. 90.Π.1 p. 142. Le conservatisme de l'Académie Française est dû, entre autres causes, à sa composition sociale, puisque les nobles représentent près de 36 % des membres, le clergé - principalement le haut clergé, très lié au second état - , plus de 41 % (voir Roche, Daniel, «literarische und geheime Gesellschaften im vorrevolutionären Frankreich: Akademien und Logen», in: Dann, Otto (éd.) Lesegesellschaften und bürgerliche Emanzipation. Ein europäischer Vergleich, München 1979, p. 194). La critique adressée aux Académiciens recourt à des arguments non seulement politiques, mais aussi moraux, car Campe, par exemple, leur reproche d'organiser des fêtes en l'honneur de la vertu, ce qui lui semble surtout propice à la propagation de l'hypocrisie (voir Br. J. 89.XI.3 p. 359: «Die französischen Rosenfeste und die Ausposaunungen der Tugend en pleine academie gefallen mir nicht»).

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et l'Académie, en dépit de quelques démonstrations de patriotisme, conserve la même image, celle d'une «bastille académique», 11 incapable de reconnaître, a fortiori de produire, des œuvres littéraires de qualité : « Wäre es nach dem Sinn der Akademien gegangen, so wären Cid und das befreite Jerusalem ein paar erbärmliche Werke», 12 ou encore de former de grands scientifiques : Man behauptet, daß die Akademien nie einen großen Mann in irgend einer Wissenschaft oder Kunst gebildet, wol aber manches große Talent, sobald sie es sich aufgenommen, verdorben, wenigstens unfruchtbar gemacht hätten. 13

Campe, dans le jugement qu'il porte sur le phénomène des Académies, subit, outre l'influence de l'auteur anonyme de la motion demandant la « Suppression de toutes les Académies du Royaume, comme onéreuses à l'Etat et nuisibles aux sciences, à la littérature et aux arts», 14 celle du Marquis de Villette15 et celle de Mercier, qu'il fréquenta beaucoup en juillet et août 178916 (la hargne de ces derniers s'expliquant sans doute par la frustration due à leurs échecs répétés pour obtenir les prix décernés par l'Académie ou pour y entrer).17 Plus généralement, il reproduit le discours des révolutionnaires français dans la critique qu'il formule à rencontre de l'Académie, considérée comme le représentant d'une langue figée et trop conservatrice. Face à cette instance, soucieuse de préserver le statu quo politique et jalouse de toute innovation dans la langue, la Révolution apparaît justement créatrice d'un vocabulaire nouveau, comme en témoignent les discours de Mirabeau dont Campe, dans une note, recommande la lecture au public allemand.18 En déniant à l'Académie le droit de régir la langue française, les révolutionnaires la privent d'un des trois éléments qui la légitimaient; d'autre part ils 11

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Cette expression est empruntée à Waquet, Françoise, «la Bastille académique», in: Bonnet, Jean-Claude (dir.), La Carmagnole des Muses. L'homme de lettres et l'artiste dans la Révolution, Paris 1988, pp. 19-36. Br. J. 90.1.2 p. 55 Cette expression figure dans la motion «Suppression de toutes les Académies du Royaume [...] », p. 63. Ibid., pp. 50-51 Cette citation est traduite de la même motion sur la «Suppression de toutes les Académies du Royaume [...] ». Ibid., pp. 60-64. Campe ne le citera nommément que dans l'édition de 1790 (Campe, Joachim Heinrich, Briefe aus Paris zur Zeit der Revolution geschrieben. Aus dem Braunschweigischen Journal abgedruckt, Braunschweig 1790, p. 231). Campe qui, dans le Braunschweigisches Journal, cite les titres des deux principaux textes de Mercier: le Tableau de Paris et l'An 2440 (Br. J. 89.ΧΠ.2 p. 429), s'inspire directement du premier de ces textes dans sa description de l'Académie française (Mercier, Louis Sébastien, Tableau de Paris. Nouvelle édition corrigée et augmentée, vol. 3, Genève 1979, [reprint de l'édition de 1783], pp. 186-192. Nous ne revenons pas ici sur les analyses, désormais classiques, de Robert Darnton qui a expliqué la radicalisation politique des écrivains exclus des circuits officiels de la production littéraire (voir Bohème littéraire et révolution. Le Monde des livres au XVIIIe siècle, Paris 1983). Br. J. 90.1.2 p. 50. Dans l'édition de 1790, Campe précise cette note, en donnant des exemples de ce vocabulaire nouveau: «motion», «adresse», «mandement» etc.

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s'insurgent contre sa prétention à être un interlocuteur privilégié du roi, puisque la seule autorité que reconnaissent les révolutionnaires, en plus du roi, est le peuple. L'Académie ne tire donc plus sa validité que de son «modèle statutaire»,19 c'est-àdire du règlement complexe qui gère les séances, les admissions, etc., un ordre implicitement remis en cause par la manière dont se passaient les élections, dans la seconde moitié du siècle.20 Dès lors, la légitimité de l'Académie pouvait paraître fragile et son existence bien précaire. De fait, dans la livraison de décembre 1789, Campe en prévoit l'abolition: «Der französischen Akademie selbst, wie allen ihren Schwestern in Frankreich, steht ein naher Tod bevor». 21 Et dans la lettre parue en février de l'année suivante, alors qu'il évoque la fête de la Saint-Louis, jour traditionnel des hommages rendus au Roi par les Académies, il écrit : «Heute stehen nämlich alle Akademien -vielleicht zum letztenmal offen», 22 anticipant ainsi une disparition qui, de fait, ne surviendra qu'en 1793.23 Si l'auteur reproduit certains pans du discours des révolutionnaires français, c'est aussi que les arguments développés par ces derniers recoupent la critique formulée par les Aufklärer à l'encontre des Académies.24 Le problème des académies reste, cependant, plus secondaire en Allemagne qu'il ne l'était en France, sans doute parce que la centralisation n'y était pas encore aussi forte et que la fonction même des académies y était différente : « Die Akademien waren gelehrte Institutionen, in denen sich die kritische Vernunft anschickte, empirisch-praktische Forschungen zu fordern und damit praktische Probleme der Gesellschaft anzugehen». 25 1.2

La censure

Il n'en va pas de même du problème de la censure. Tout comme celle des Académies, l'existence de la censure était perçue comme une survivance de l'Ancien Régime. En France, l'été 1789 est marqué, en revanche, par un développement tellement effréné de la presse26 que la municipalité de Paris, en attendant que 19

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Roche, Daniel, Les Républicains des Lettres. Gens de culture et Lumières au XVIIIe siècle, op. cit. p. 160. Chartier, Roger, Les Origines culturelles de la Révolution française, Paris 1991 p. 191. Br. J. 90.1.2 p. 50. Br.J. 90.Π.1 p. 130. Sur la disparition des Académies en 1793, voir, par exemple, Masson, Frédéric, L'Académie française 1629-1793, Paris 1912, pp. 261-277. Br. J. 90.VH.5 p. 380. Van Dülmen, Richard, Die Gesellschaft der Aufklärer. Zur bürgerlichen Emanzipation und aufklärerischen Kultur in Deutschland, Frankfurt/M. 1986, p. 36. D'après Bellanger et Godechot, alors qu'entre janvier 1787 et juillet 1788, 650 pamphlets avaient été publiés, après cette date il en paraît environ 100 par mois (Bellanger, Claude, Godechot, Jacques, Guiral, Pierre et Terrou, Fernand (dir.), Histoire générale de la Presse française, vol. 1, Des Origines à 1814, Paris 1968, pp. 408-410). Pour ce qui est des périodiques, ils constatent que leur nombre, qui atteignait la soixantaine, est presque décuplé entre le 14 juillet 1789 et le 10 août 1792. On trouvera une description des plus importants d'entre eux

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l'Assemblée nationale ne se prononce sur la liberté de la presse, décide que les colporteurs d'articles calomnieux seront arrêtés et conduits en prison, tandis que les imprimeurs de tels ouvrages seront cités en justice. Evoquant cet arrêté, Campe écrit : « [d]er vor einigen Tagen fur die Polizei niedergesetzte engere Ausschuß von Bürgern fing seine Operationen, nicht sehr weislich, mit einer Art von Censuredikt an, welches ganz Paris empörte», 27 et avoue son admiration à l'égard du peuple de Paris qui, assez généreux pour ne pas châtier Maissemy, l'instigateur de l'arrêté,28 se montre très mécontent d'une mesure qui, selon lui, ferait, pourtant, le bonheur de bien des peuples : Wie manches Volk in Europa würde nach einem solchen Censuredikt, als nach dem höchsten Ziel seiner Wünsche, mit beiden Händen greifen! Nicht so die Pariser. Diese glaubten noch nicht gänzlich frei zu seyn, so lange ihr Verstand und ihre Feder es noch nicht ganz wären.29

L'emploi du terme «Censuredikt» et la mise en relief de «solchen» prouvent suffisamment que Campe, en faisant référence à la France, se livre à une critique de l'Edit de censure du 19 décembre 1788, censé compléter l'Edit de juillet sur la religion. Or, on a vu que la politique de Wöllner déclenche, dans les pages du Braunschweigisches Journal, une intense polémique et, entre janvier 1788 et le départ de Campe pour Paris, on ne trouve pas moins de quinze textes consacrés exclusivement au problème du droit de censurer toutes les opinions hétérodoxes.30 Au moment même où cette discussion bat son plein et que la censure, même, se fait plus répressive,31 la France connaît une extraordinaire explosion de la presse. Evoquer la liberté de la presse reconquise par les Français signifie donc, pour les auteurs des revues, dénoncer l'Edit de Wöllner et, plus largement, les tentatives de l'Orthodoxie pour imposer, au détriment de la subjectivité inhérente au religieux, des dogmes arrêtés par une hiérarchie rigide.

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dans Gallois, Léonard, Histoire des journaux et des journalistes de la Révolution française 1789-1796, vol. 1, Paris 1845, pp. 153-175. Br. J. 89.ΧΠ.1 p. 403. Ibid., pp. 403-404. Paradoxalement, Maissemy, directeur général de la Librairie, est surtout connu pour la lettre qu'il fit publier dans deux journaux de Paris, le 19 mai 1789, dans laquelle il permettait aux journalistes, à contre-cœur, il est vrai, de rendre compte, sans censure préalable, des séances des Etats-Généraux (voir Avenel, Henri, Histoire de la presse française depuis 1789jusqu 'à nos jours, Paris 1900, p. 48). Br. J. 89.ΧΠ.1 p. 404. Br. J. 88.1.5; 88.ΙΠ.1 ; 88.IV.3; 88.IV.5; 88.V.2; 88.VL1 ; 88.IX.4; 88.X.1 ; 88.X.2; 88.XI.1 ; 88.XI.5; 89.1.4; 89.IV.4; 89.VI.2. Dans la mesure où les édits ne font que concrétiser des craintes ressenties dès l'accession de Frédéric-Guillaume Π au pouvoir, certains textes traitant ces questions paraissent avant même le mois de juillet. Voir par exemple, Br. J. 91.IV.5; 91.VHI.2; Sehl. J. 93.Vn.ll p. 391; 93.X.3 pp. 213 et 216. Ne sont cités que des passages mettant directement en cause la censure.

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2

L'image du renouveau religieux en France

C'est justement le contraire de cette religion formaliste et emprisonnée dans le dogme que découvre Campe lors de son séjour à Paris, et il se montre très impressionné par trois religieux français dont il peut admirer, ou les œuvres, ou les discours. Le premier est Esnault, un moine des Petits-Augustins qui se montre charitable envers des militaires invalides;32 les deux autres, destinés à connaître une fatale célébrité, sont l'abbé Charles-Nicolas Osselin (1752-1794), qui prononce le discours funèbre du service célébré pour les veuves et les orphelins des victimes du 14 juillet,33 ainsi que Claude Fauchet (1744—1793) qui prêche à Saint Roch, à l'occasion des funérailles des patriotes tombés lors de la prise de la Bastille.34 Campe relève, en effet, que la théologie, chez les Français, est devenue raisonnable. Les représentations religieuses sont désormais le fruit d'une critique des dogmes et le résultat d'un examen fondé sur la « ausschließende Anerkennung der Vernunft und der Schrift, als alleinige Quellen der Glaubenslehren >>.35 Fauchet, loin d'opposer la religion à la philosophie, peut voir l'origine de la Révolution dans leur heureux concours, puisque, à la religion, «institutrice de la véritable fraternité», répond la philosophie, «mère de la vraie liberté». 36 La religion, telle que la découvre Campe à Paris, ne s'égare donc nullement dans une vaine métaphysique, mais elle est orientée vers la pratique. Cette conception du religieux est partagée par Mirabeau, qui invite à renoncer à l'héritage théorique de la scolastique, pour se préoccuper essentiellement de la réalisation des vertus chrétiennes.37 La forme renouvelée du religieux rend indispensable une réforme structurelle du clergé, déjà nécessaire, en outre, depuis le début de l'action de l'Assemblée nationale, qui avait fait perdre au premier ordre son statut politique.38 Les auteurs du Braunschweigisches Journal refusent de le laisser subsister en tant que propriétaire : n'est propriétaire selon eux que celui qui s'approprie un bien par le travail, ce qui n'est pas le cas du clergé.39 C'est pourquoi les mesures prises par l'Assemblée nationale pour le dépouiller de ses biens ne les émeuvent pas. De plus, une telle politique n'était pas sans précédent : le dernier à avoir de la sorte

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Br.J. 89.ΧΠ.1 p. 417. Ibid., p. 424. Seul ce dernier a, par la suite, joué un rôle non négligeable dans la Révolution, et ce par sa participation au «Club Social» (voir Raubaum, Jörg, Für Gott und die Freiheit. Von Meslier bis Lamennais- Französische Christen zwischen Reform und Revolution, Berlin 1976, pp. 84-108). Br. J. 90.1.2 p. 49. Ibid., p. 44 (en français dans le texte). Br.J. 91.IV.3p.456. Le texte de Ernst Jungnitz, quoique assez ancien, explique bien les étapes de la destruction du premier ordre (Religion und Kirche in Frankreich bis zur Auflösung der constituierenden Versammlung, Charlottenburg 1843, pp. 35-67). Voir Br. J. 90.VH.1 p. 280; 91.IX.7 p. 94 ; Sehl. J. 92.IV.2 pp. 439-441.

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nationalisé les biens du clergé n'était autre que Joseph II, qui avait agi ainsi au nom du despotisme éclairé. Cependant, cette perte de pouvoir économique de l'Eglise de France est interprétée comme une chance, pour elle, de recouvrer sa pureté originelle «indem ja der Stifter der christlichen Religion selbst und seine Schüler sich ausdrücklich zur Armuth bekannten». 40 Pour permettre à l'Eglise de retrouver ses racines, les révolutionnaires se démarquent de la forme qu'elle avait prise sous l'Ancien Régime, et ils entreprennent de la détacher du politique. En effet, que la religion et la politique puissent subsumer l'aporie séculaire de leurs rapports41 ne signifie nullement que l'une soit asservie à l'autre. Au contraire, les révolutionnaires aspirent initialement à restaurer l'indépendance primitive de l'Eglise à l'égard de l'Etat, auquel ils n'accordent, en aucune façon, le droit de se préoccuper des problèmes d'une conscience qu'il doit reconnaître comme libre. C'est là le pivot de l'argumentation développée plus tard par Mirabeau, dans son «Adresse». A ses yeux, le Christ a été le premier à vouloir que l'Eglise fut indépendante du politique,42 et l'Evangile qu'il prêchait avait une valeur proprement spirituelle : das Evangelium wird dem Menschen als seine zweite Vernunft, als eine Vervollkommnung seines Gewissens vorgeschlagen : und nicht der bürgerlichen Gesellschaft als ein neuer Gegenstand gesetzgebender Maaßregeln. 43

L'Etat, en désirant formuler une constitution civile du clergé, ne prétendait d'abord nullement se mêler des problèmes dogmatiques ou proprement théologiques, et pas davantage régir les consciences, mais réglementer uniquement ce qui relève du temporel. A ce titre, il lui revient, en procédant à la réorganisation des structures du clergé catholique, de contribuer à la revitalisation des principes archaïques de l'Eglise. Contre la tradition ultramontaine, Mirabeau adopte ainsi une position quasiment richériste comme ce n'est plus l'organisation hiérarchique qui importe, mais la 40 41

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Br.J. 91.IX.7p.94. Voir Plongeron, Bernard, Théologie et politique au siècle des lumières (1770-1820), [Travaux d'histoire éthico-politique 25], Genève 1973, pp. 33-35. Plongeron part du constat que l'opposition entre la Théologie et ce qu'il appelle la Politique n'est pas essentielle, mais qu'elle est née des thèses de la Scolastique qui mettent l'accent sur la seule Loi au détriment du droit naturel, deux dimensions qui, chez Saint Thomas, ne s'excluaient pas encore. Au terme d'une évolution dont Plongeron retrace méticuleusement les étapes, la Révolution tente de combiner à nouveau ces deux courants. Br.J. 91. IV. 3 p. 428. Ibid., p. 429. Edmond Richer (1559-1631), représentant d'un gallicanisme radical, refusait d'accepter l'autorité du Pape dans l'Eglise, car selon lui, l'Eglise est une aristocratie. Dans le même temps, il se prononçait pour une revalorisation du poids du bas-clergé au sein de la hiérarchie catholique. Ses thèses, quoique interdites dès 1612, demeurèrent, jusqu'à la fin du dixhuitième siècle, l'un des fondements idéologiques du mouvement du bas-clergé. Voir Préclin, Edouard, «Edmond Richer (1559-1631). Sa vie. Son œuvre», in: Revue d'Histoire moderne 5, 1930, pp. 241-269 et 321-336. Préclin, dans son étude, qui reste un des meilleurs ouvrages

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«communion», c'est des fidèles que devra émaner le choix des dignitaires religieux. Mirabeau affirme que l'Eglise redécouvre, de la sorte, un mode d'élection semblable à celui qui existait dans l'Eglise primitive. Die von der Nationalversammlung angenommene Wählart ist also die vollkommenste, weil sie dem Verfahren der apostolischen Zeiten am angemessensten, und weil nichts religiöser und reiner ist, als was aus dem hohen geistlichen Alterthum herstammt. 45

Grâce aux décisions de l'Assemblée, la fonction épiscopale reprend donc sa dignité première.46 Ce nouveau mode de désignation des dignitaires religieux (qui, en 1791, trouvera son expression dans le titre II de l'article 36 de la Constitution Civile du clergé) recueille l'approbation des auteurs, qui dénonçaient comme infidèles à l'idéal chrétien les pratiques antérieures : comment, se demandaient-ils, les abbés et les évêques, nommés par le roi à l'issue de fielleuses cabales, pouvaientils se prétendre les héritiers du Christ?47 La Révolution française marque donc la fin de la domination hiérarchique au sein de l'Eglise catholique. Cette conséquence de la Révolution sur la vie de l'Eglise est ce qui impressionne le plus les rédacteurs des deux revues. Lors de son passage à Paris, Campe, après avoir entendu prêcher Claude Faucher, a le sentiment que « die Hierarchie in letzten Zügen [liegt] »,48 Quelques mois plus tard, dans la critique d'un texte de Schirach, on lit: «Jedem Protestant, und selbst jedem vernünftigen Katholiken ist die Schwächung der römischen Hierarchie wünschenswert». 49 En 1792, Mauvillon, ripostant aux attaques dont il est l'objet, justifie son admiration pour la Révolution par la destruction de la hiérarchie «papiste», responsable des persécutions religieuses dont fut victime sa famille.50 En 1793 encore, la Révolution est présentée comme l'événement qui a mis fin aux excès dont s'était rendu coupable « der misbrauchende Kirchliche Despotism ».51 Une telle lecture de la Révolution permet de la rapprocher de la Réforme car l'une et l'autre s'insèrent dans un mouvement de libération de l'esprit; 52 un article tout entier du Schleswigsches Journal s'attache ainsi à montrer «Einige Aehnlich-

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sur la question, les Jansénistes du XYIIIe siècle et la Constitution civile du clergé. Le développement du richérisme, Paris 1929, a aussi mis clairement en lumière l'importance de Richer durant les débats sur la Constitution civile du clergé. Br. J. 91.IV.3 p. 448. Ibid., pp. 439-440. Ibid., pp. 444—445. Br. J. 90.1.2 p. 47. Br. J. 91.ΧΠ.4 p. 466. Sehl. J. 92.ΙΠ.3 pp. 355-356. Sehl. J. 93.VI.8 p. 245. Une telle interprétation est d'ailleurs largement antérieure à la Révolution française (Voir Baeumer, Max, «Was Luther's Reformation a revolution?», in: Michigan Germanic Studies, 10.1-2, 1984, pp. 253-269, pp. 253-254).

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keit der Reformation und der Revolution». 53 La Réforme présente, en effet, un schéma identique à celui qui caractérise la Révolution : toutes deux relèvent d'une même nécessité et, surtout, elles combinent la même relation entre un développement dans la continuité -puisqu'elles furent l'œuvre des seuls et uniques écrivains 5 4 - et l'irruption soudaine, due respectivement au placardage des thèses de Luther, à Wittenberg, et à la proclamation des Etats-Généraux en Assemblée nationale.55 Si elles offrent à l'observateur une structure semblable, que renforce, dans cet article, l'emploi d'un seul substantif («Revolution»), elles laissent apparaître d'autres traits identiques. Deux des moteurs, de la Réforme comme de la Révolution, sont l'amour de la liberté et de la patrie.56 Leur sens général, enfin, appert également semblable, car elles participent de la diffusion de la lumière57 par leur lutte victorieuse contre l'obscurantisme, symbolisé seulement par la religion catholique au seizième siècle («Pfaffengewalt»), 58 mais sur laquelle vient se greffer, deux siècles plus tard, le démon de la féodalité. Le combat mené au nom de la Réforme et de la Révolution dépasse essentiellement le pur contexte des époques qui les ont vues naître. Leur lien à l'universalité est un point commun supplémentaire entre elles. Elles sont caractérisées «durch einen gleich großen Einfluß auf die gänzliche Umformung der Zeitgenossen und auf die Ausbildung der Menschheit zu den höhern Zwecken ihres Daseyns »,59 Leur importance décisive dans l'histoire de l'Humanité apparaît, enfin, dans la mise en parallèle entre la

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Schi. J. 92.VI.3. Cette analogie n'est guère exceptionnelle; on la trouve, par exemple, également chez Adolph v. Knigge, Josephs von Wurmbrand, Kaiserlich abyssinischert Ex-Ministers, jetzigen Notarii caesari publici in der Reichstadt Bopfingen, politisches Glaubensbekenntnis mit Hinsicht auf die französische Revolution und deren Folgen in: Ausgewählte Werke in 10 Bänden, Fenner, Wolfgang (éd.), vol. 8, Hannover 1994, p. 157, [première édition 1792]; Rebmann, Andreas Georg Friedrich, Kosmopolitische Wanderungen durch einen Teil Deutschlands in: Werke und Briefe, Ritschel, Wolfgang (éd.), Berlin 1990, pp. 84-90 [première édition 1793]. Schi. J. 92.VI.3. Sur le caractère nécessaire de ces deux mouvements, voir pp. 174-175 ; sur la continuité, voir p. 178 : «Daher waren die Revolutionen des löten und 18ten Jahrhunderts [...] einzig und allein das Werk von Schriftstellern, deren Untersuchungen unbemerkt aus ihrem niedrigen Wirkungskreis in eine höhere Sphäre, in die Praxis der Kirche und des Staats übergingen ». Ibid., p. 181. Voir Schi. J. 93.V.6 pp. 101-102. La Réforme peut, à ce titre, servir de tertium comparationis à une comparaison entre PAuklärung et le classicisme allemand. Voir les analyses de Erich Franz dans Deutsche Klassik und Reformation. Die Weiterbildung protestantischer Motive in der Philosophie und Weltanschauungsdichtung des deutschen Idealismus, Halle 1927. Voir Schi. J. 92.Π.3 p. 356. Cet élément n'a rien d'original, il faut le noter, dans la mesure où le combat de Luther contre la papauté était l'une des causes de la sympathie qu'il inspirait aux Aufklärer allemands. Voir les exemples donnés par Leopold Zscharnack, «Reformation und Humanismus im Urteil der deutschen Aufklärung», in: Protestantische Monatsschrift, ΧΠ, Leipzig 1908, H. 3 pp. 92-95. Schi. J. 92.VI.3 p. 173.

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Constitution de 1791 et la Confession d'Augsbourg. 60 Dans la livraison de mai 1793, le lien unissant ces deux événements se manifeste dans un texte intitulé «D. Martin Luthers Gesicht von der Zukunft», texte datant prétendument du seizième siècle, qui est une vision prophétique de l'avenir. Guidé en songe par un ange, Luther assiste au déroulement allégorique de la Révolution, et le tableau que dresse l'auteur correspond en tous points à l'interprétation qui est faite d'elle dans les revues. Non seulement les événements essentiels y trouvent leur écho,61 mais son sens profond s'y reflète : déclenchée par le peuple à la suite de la rupture par le Prince du Contrat,62 elle s'attaque à tous les agents du despotisme au nom de la patrie et de la liberté. Selon l'interprétation, donnée par les auteurs des revues, des premiers temps de la Révolution, celle-ci signifie donc fondamentalement l'abolition de la hiérarchie catholique et la tentative de propager une religion au caractère évangélique, une religion éminemment pratique, indépendante du pouvoir politique, et radicalement critique à l'égard de l'ultramontanisme.63 L'intérêt que présente la période révolutionnaire, dans le cadre des débats qui agitent l'Allemagne, est évident, et la France peut être érigée en exemple à suivre. De Fauchet, par exemple, qu'il vient d'entendre, Campe affirme qu'il parle «so freimiithig und so vernünftig, als wenn er Oberconsistorialrath zu Berlin, unter Friedrich dem Einzigen, gewesen wäre? » M Peu après, il déclare que la Révolution qui a bouleversé « die französische Theologie » représente une étape dans la réalisation des idéaux proclamés par Trapp avec le livre Über die Gewalt protestantischer Fürsten in Glaubensachen qu'il publie en 1788.65 Comme l'écrit encore Campe, quand cette révolution religieuse sera achevée,

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Ibid., p. 189. Cette comparaison entre la Constitution civile du clergé et la Confession d'Augsbourg ne peut être motivée que par leur commune volonté de conciliation (Sur la Confession d'Augsbourg, voir Brandi, Karl, «Passauer Vertrag und Augsburger Religionsfriede», in : Historische Zeitschrift 95, 1905, pp. 206-264). Schi. J. 93.V.6 pp. 108-114. On y trouve un résumé des Etats Généraux, de la chute de la Bastille, de la nuit du 4 Août, de la proclamation de la Constitution [...]. Schi. J. 93.V.6 pp. 91 et 107 ; le despotisme apparaît symbolisé par les collecteurs d'impôts, le clergé, la noblesse p. 106. Il est représenté également par le luxe pp. 93-94; sur la liberté et la patrie pp. 101-102. Les partisans de la patrie entonnent un hymne qui n'est autre que la traduction de la Marseillaise pp. 102-104. Voir les travaux déjà cités de Edouard Préclin qui ont montré l'influence des positions jansénistes sur la politique religieuse du clergé ou, plus récemment, ceux de Jean de Viguerie, Christianisme et révolution. Cinq leçons d'histoire de la Révolution française, Paris 1986, pp. 74-80. Br. J. 90.1.2 p. 46. D'après les indications données par Paul Schwartz, Der erste Kulturkampf in Preußen um Kirche und Schule (1788-1798), Berlin 1925, p. 21, le Oberkonsistorium était, à l'exception de J. E. Silberschlag, composé uniquement de partisans de l'Aufklârung. Br. J. 90.1.2 p. 49.

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[d]ann werden wir andern lutherischen und reformirten Protestanten nach Frankreich gehen müssen, um von diesen katholischen Protestanten zu lernen, was wahrer Protestantismus sey. 66

La France semble donc, lorsque ce dernier se rend à Paris, durant l'été 1789, avoir accédé à cette religion rationnelle que les Aufklärer appellent de leurs vœux. Cependant, ce n'est là qu'un des deux aspects du religieux tel qu'il s'exprime au début de la Révolution. En effet, ce qui étonne aussi Campe, lorsqu'il assiste à quelque office, c'est l'émergence d'une forme nouvelle de sentiment religieux, caractérisé par une grande sentimentalité. La foule devant laquelle prêche Fauchet est, par exemple, saisie «von religiösem und politischem Enthusiasmus». 67 La religion, en France, ne se résoud donc pas en une froide rationalité, mais elle participe de l'enthousiasme né du bouleversement politique, autre signe de l'effacement des limites entre le politique et le théologique. Ainsi est réalisé le consortium thomiste, cette «société parfaite», c'est-à-dire douée de tous les pouvoirs et moyens pour se régir elle-même,68 et des termes appartenant au champ sémantique du politique peuvent alors être employés dans un contexte religieux : dans l'épisode qui met en scène Esnault, les habitants admirent «den Patriotismus des ehrlichen Mönchs», l'appellent «den patriotischen Vater» et vantent le «Patriotisme des petits Augustine»; 69 lorsqu'Osselin parie à la foule, il commence son prêche par le mot « Citoyens ».70 Un tel emploi du mot « patriotisme », dans un contexte religieux, n'est qu'un des signe de son enrichissement sémantique, au début de la Révolution, enrichissement rendu possible par l'émergence, en France, d'une idée nouvelle et sans équivalent en Allemagne, celle de Nation.

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La naissance d'une Nation

Dans le Braunschweigisches et le Schleswigsches Journal, le concept de « nation » est employé dans un double sens. L'un, qui, conformément à l'acceptation traditionnelle, insiste surtout sur la dimension culturelle, apparaît, par exemple chez Campe71 ou Wetzel.72 L'autre a une portée politique plus nette, que manifestent les

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Ibid., p. 49. Ibid., p. 41. Sur le patriotisme dans le discours des religieux révolutionnaires, voir Thielsen, Knut, Die Sprache der Französischen Revolution und die Katholische Kirche. Untersuchungen zum Verhältnis von staatlicher Sprachregelung und kirchlichem Sprachgebrauch am Ende des französischen 18. Jahrhunderts, Phil. Diss., Erlangen 1987, pp. 36-42. Plongeron, Bernard, op. cit., p. 65. Br. J. 89.ΧΠ.1 p. 417. Ibid., p. 424 (en français dans le texte). Cet «enthousiasme patriotique» n'a rien à voir avec la Schwärmerey piétiste, dénoncée ailleurs (Br. J. 90.IV.7 p. 509). Br. J. 88.ΙΠ.6 p. 378 ; 90.XI.1 pp. 259-260. Br. J. 91.VI.3 p. 196.

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polémiques portant sur les devoirs des citoyens vis-à-vis de leur patrie.73 Ainsi, Rochow, après avoir donné de la Nation la définition suivante:74 «Nation ist so viel als eine Anzahl Menschen, die einerlei Sprache reden, oder einerlei Gesetze haben, oder endlich einem gemeinschaftlichen Regenten gehorchen»,75 érige le patriotisme en devoir, car l'Etat, sous la coupe duquel vit le sujet, lui garantit la justice, la propriété et la sécurité, tant civile que sociale.76 Il faudrait, par conséquent, que le peuple apprît à devenir une Nation, en prenant conscience de ses particularismes, ce que rendrait possible l'organisation de fêtes nationales. Cette dernière proposition émane d'un auteur anonyme qui, dans un article où le mot «Nation» et ses dérivés sont scandés de façon incantatoire,77 demande la création de fêtes nationales «die das Volk begeistern würden zu edlen Thaten, die den Patriotismus und einen guten Nationalgeist anfachen und unterhalten würden»,78 en rappelant les hauts faits de la Nation et de son souverain.79 La «nation», ainsi comprise, n'est guère une notion subversive. Et l'auteur du dernier texte, tout comme Rochow, sans fermer les yeux sur les lacunes de la constitution allemande,80 prône l'obéissance au monarque en place. En rapportant de la sorte le patriotisme à un Etat donné, ni l'un ni l'autre ne résolvent, pourtant, le problème majeur que pose le concept de «Nation», tout au long du dix-huitième siècle : quelle est l'entité juridique sous laquelle doivent se ranger les citoyens? Les écrivains ne paraissent guère parvenir à donner une ré-

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R. Koselleck a ainsi pu montrer que, dans les dictionnaires de Zedier et d'Adelung, le terme «Volk» est employé pour désigner une population organisée politiquement, sur un territoire donné, tandis que «Nation» sert à qualifier une appartenance surtout culturelle. C'est Herder qui abolit les frontières entre ces deux notions, utilisées, désormais, indifféremment. Par là, il modifie, cependant, le sens de «Volk» en en détachant l'idée d'une communauté organisée en Etat: un Etat peut disparaître, mais le peuple, la nation, nullement (Koselleck, «Nation ΧΠXV», in: Brunner, Otto, Conze, Wemer et Koselleck, Reinhart (éd.), Geschichtliche Grundbegriffe. Historisches Lexikon zur politisch-sozialen Sprache in Deutschland, vol. 7, Stuttgart 1992, pp. 382-386). Br. J. 88.1.4 p. 50. Rochow assimile «Nation» et «Volk», bien qu'il constate que l'application du mot «Volk» aux basses classes de la société a fini par le connoter péjorativement. Br. J. 88.1.4 p. 50. Br.J. 88.Π.1 p. 140. Br. J. 89.VIII.6: «Nation» (7 fois), «Nationalgeste», «Nationalgesinnung», «Nationalstolz», «Nationalfreudetag» «Nationalfeiertag», respectivement une fois chacun, et surtout «Nationalfest» (33 fois). Ibid., p. 483. Voir également pp. 484 et 485. Br. J. 90.VI.8. Un correspondant anonyme, peut-être Elisa von der Recke, suggère, pour des raisons économiques, de se limiter à la publication de chants patriotiques, et elle en appelle aux poètes, afin qu'ils s'inspirent des héros de l'Allemagne, reformulant ainsi une revendication courante à la fin du dix-huitième siècle (voir Wiedemann, Conrad, «Zwischen Nationalgeist und Kosmopolitismus. Über die Schwierigkeiten der deutschen Klassiker, einen Nationalheld zu finden», in: Birtsch, Günter (éd.), Patriotismus, [Aufklärung 4.2], Hamburg 1991, pp. 75-101. Voir Br. J. 88.1.4 p. 56 ; 88.Π.1 pp. 148-149 ; 89.VÜI.6 pp. 4 9 2 ^ 9 3 .

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ponse unanime à cette question.81 Tantôt, comme c'est le cas chez Carl von Moser,82 ils entendent par «nation» les populations allemandes rassemblées dans l'Empire, tantôt, sous la plume de Thomas Abbt, par exemple,83 la «nation» est réduite à l'ensemble des citoyens formant un Etat bien précis. Le concept de «nation» est d'autant plus problématique qu'à la bipolarité entre l'Empire et les Etats qui le constituent vient s'ajouter le peu de cohésion des différents états de la société. Il est évident que les sentiments d'appartenance à un même corps ne peuvent être très puissants si l'on perçoit, dans la noblesse et le clergé, deux sources du despotisme, et ce constat d'un patriotisme impossible est, pour les auteurs du Braunschweigisches Journal, d'autant plus douloureux que servir la Nation semble bien être l'une des préoccupations des pédagogues.84 Or, c'est précisément le contraire de ce qu'il connaît que Campe découvre à Paris: quel que soit l'attroupement qu'il aperçoit, quelle que soit la foule qu'il traverse, l'un comme l'autre est toujours composé des personnes les plus diverses. Avant même d'arriver à Paris, il constate qu'il règne en France une profonde harmonie : « so friedlich, freundlich und heiter lief hier alles, ohne Unterschied der Stände, bunt durch einander». 85 Et il voit «ein unendlich buntes und vermischtes Publicum von Lastträgern und feinen Herren, von Fischweibern und artigen Damen, von Soldaten und Priestern, in dicken, aber immer friedlichen und fast vertraulichen Haufen versammelt»; 86 il embrasse d'un seul regard «Bürger und Bauern, Greise und Knaben, Priester und Bettler». 87 La Nation englobe aussi les paysans, qui retrouvent place en son sein : « Das Volk empfing diese patriotischen Landleute mit lauten Bewillkommnungen». 88 La cocarde est le symbole de cette unité retrouvée.89 Que Campe, enthousiasmé par une telle cohésion nationale, ne voie pas que la Révolution tente de réaliser les « Ideale der Groß-bourgeoisie - der

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Irmtraut Sahmland, dans la première partie de son étude du rôle joué par Wieland dans l'émergence du patriotisme en Allemagne, a déjà montré la diversité des patriotismes que déterminent ses conditions socio-politiques particulières (Christoph Martin Wieland und die deutsche Nation. Zwischen Patriotismus, Kosmopolitismus und Griechentum, [Studien zur deutschen Literatur 108], Tübingen 1990, pp. 76-123). Voir Sahmland, Irmtraud, op. cit., pp. 106-113 et Schönemann, Bernd, «Nation VI-ΧΠ», in: Geschichtliche Grundbegriffe. Historisches Lexikon zur politisch - sozialen Sprache in Deutschland, op. cit., vol. 7, Stuttgart 1992, pp. 300-301. Abbt, Thomas, Vom Tode für das Vaterland, in: Vermischte Werke, vol. 1, Hildesheim/New York 1978 [reprint de l'édition de 1780]. La théorie de Abbt se distingue, de plus, de celle de Moser, en ce qu'elle contient une déterminante volontariste: alors que, pour Moser, la nation existe déjà et qu'il faut s'efforcer de l'animer de sentiments patriotiques, l'appartenance à la nation relève, aux yeux de Abbt, de l'adhésion personnelle de l'individu. Br. J. 88.V.7 p. 69 ; 88.Vm.7 p. 473. Br. J. 89.X.7 p. 252 (souligné par nous). Br. J. 89.XI.1 pp. 276-277. Br. J. 89.X.7 p. 238. Br. J. 89.ΧΠ.1 pp. 415-416. Les gens que rencontrent Campe et ses compagnons sur la route de Paris portent la cocarde, «Symbol der glücklich errungenen Freiheit» (Br. J. 89.X.7 p. 238).

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wohlsituierten Beamten, Geschäftsleute und Advokaten - a peut-être partie liée avec son «mangelnden politischen Scharfsinn und seiner mangelnden politischen Erfahrung», 90 comme l'a suggéré H. W. Jäger, - mais il partagerait alors ces défauts avec la plupart des Français qui, à l'été 1789, croient réellement refonder la Nation. Cette «nation», pourtant, est animée d'un principe d'exclusion91 et, dans les descriptions faites par Campe, la noblesse n'apparaît plus (le haut-clergé, lié à la noblesse n'est pas davantage évoqué). L'étonnante absence de référence aux luttes des Parlementaires, dont le rôle dans l'enrichissement sémantique du terme de „nation" fut capital92 - peut s'expliquer par leur origine majoritairement noble, comme par leur revirement durant la tenue des Etats Généraux. Campe, parlant d'Epresmenil, un des parlementaires les plus populaires, avant la Révolution, écrit qu'il avait échangé «seine ehemaligen patriotischen Gesinnungen mit aristokratischen». 93 La «nation», désormais, c'est essentiellement le Tiers état, comme le montre bien Campe, encore, dans son évocation de la séance du 23 juin. Il y décrit la résistance du Tiers état, et son refus d'obtempérer à «l'invitation», puis à la «volonté» et enfin à «l'ordre» du Roi. Sitôt après avoir dépeint cet épisode, l'auteur ne parle plus des représentants «du Tiers état», mais «des représentants de la Nation »,94 La Révolution consacre donc la naissance d'une Nation renouvelée : « das Wort Nation, wobei man sich entweder gar nichts oder eine Heerde demüthiger Sklaven gedacht hatte, erhob sich allmählig zu der respectgebietenden Bedeutung eines Staatskörpers, der aus 24 Millionen Menschen besteht »,95 Cette transformation a été rendue possible parce que « [d]ie ehemaligen vernunftslosen Lastthiere Menschen geworden [waren]». 96 Et dans l'édition de 1790, Campe ajoute que ces hommes «hatten Rousseau's Contrat social gelesen». 97 La Nation n'est donc plus une entité fondée simplement sur un Etat déjà existant et qu'il faut s'efforcer de faire aimer par les citoyens. Bien que, en impliquant 90

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Jäger, Hans-Wolf, in : Campe, Joachim Heinrich, Briefe aus Paris zur Zeit der Revolution geschrieben. Mit Erläuterungen, Dokumenten und einem Nachwort von Hans Wolf Jäger. [Texte zum literarischen Leben um 1800, 3], Hildesheim 1977, [reprint de l'édition de 1790], p. 78. Voir Nora, Pierre, «Nation», in: Furet, François et Ozouf, Mona (éd.), Dictionnaire critique de la Révolution française, vol. Idées, Paris 1992, pp. 342-347. Ailleurs, Afsprung définit la «nation» comme «den Unadel des Landes» (Br. J. 91.VL2 p. 156). En 1792, un auteur conseille aux souverains de voyager dans leurs provinces - et donc implicitement de quitter la c o u r - p o u r aller à la «Schule der Nation und der Menschheit» (ScA/. J. 92.XI.4 p. 376). Voir Fehrenbach, Elisabeth, «Nation», in: Reichardt, Rolf et Schmitt, Eberhard (éd.), Handbuch politisch-sozialer Grundbegriffe in Frankreich 1680-1820, vol. 7, München 1986, pp. 82-96 et l'importante étude de René Bickart, les Parlements et la notion de souveraineté nationale, Paris 1932. Br.J. 89.ΧΠ.1 p.402. Br. J. 89.ΧΠ.2 pp. 448^149. Br. J. 89.ΧΠ.1 p. 444. Ibid., p. 431. Campe, Joachim Heinrich, Briefe aus Paris zur Zeit der Revolution geschrieben [...], p. 141.

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l'adhésion des citoyens, elle s'apparente un peu à cette nation à laquelle aspirait Abbt, elle s'en distingue radicalement en ce que l'adhésion n'est pas a posteriori. C'est, au contraire, de la volonté de tous qu'elle jaillit. Le recours à un tel concept de «nation», pourtant issu en France98 d'une autre évolution qu'en Allemagne, permet, par conséquent, non seulement de présenter à une nation encore dispersée l'image d'une Nation déjà formée, mais encore de dépasser les différents concepts de «nation» existant en Allemagne dans les années 1780. La renaissance de la Nation française consacre aussi la renaissance du modèle antique du «citoyen-soldat», celle du «citoyen en armes», 99 devant lequel le soldat traditionnel doit s'incliner. D'autre part, ce qui est plus décisif encore, si la Nation française tire sa légitimité du contrat, elle se met à incarner la seule souveraineté, et Campe semble bien percevoir que l'élévation de la Nation aboutit à l'abaissement du Roi. En 1789, l'adjectif «royal» demeure, certes, un mot magique; l'auteur en fait la remarque, lors d'une visite aux Tuileries, et note que cette simple épithète éveille chez les Français un respect sans limites : « So erweckte das Beiwort königlich bei dieser, ihrem Könige bis dahin so ganz ergebenen Nation, die alte Empfindung von grenzenloser Ehrfurcht». 100 D'un autre côté, il constate le processus de désacralisation qui ronge le principe monarchique depuis quelques années : « das Wort Roi, welches bis dahin beinahe ein Synonimon von Dieu gewesen war, sank nach und nach zu einer viel eingeschränktem Bedeutung herab». 101 Cette disparition du sens divin102 sur lequel l'absolutisme avait voulu s'appuyer, dépouille ce dernier de son pouvoir politique, au profit de la Nation qui assume, progressivement, toutes les prérogatives régaliennes. Les décisions signées jadis «de par le Roi» le sont maintenant «de par le peuple». 103 L'Assemblée nationale, essentiel bénéficiaire de ce transfert de souveraineté, prive l'ancien

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Godechot en a retracé l'évolution sémantique au dix-huitième siècle (Godechot, Jacques, «Nation, patrie, nationalisme et patriotisme en France au XVIIIe», in: A.H.R.F. 206, 1971, pp. 481-501) et Gusdorf a montré combien, par les événements de 1789, «une notion qui sommeillait depuis longtemps dans le vocabulaire d'usage courant s'est brusquement illuminée de phosphorescences neuves, passant ainsi au premier plan du discours politique et de l'expérience vécue» (Gusdorf, Georges, «Eléments pour une théorie de la Nation», in: Communications 45, 1987, p. 122). Br. J. 89.X.7 p. 239. Campe s'y montre très impressionné par le comportement d'un « bewafneter Bürger ». Br. J. 89.ΧΠ.2 p. 460. Ibid., p. 444. Cette désacralisation constitue l'aboutissement d'une lente évolution qui s'est effectuée tout au long du siècle (voir Merrick, Jeffrey W., The Desacralization of the French Monarchy in the Eighteenth Century, Louisiana 1990). Br. J. 90.1.1 pp. 18-19, en français dans le texte. Symbole du renversement des pouvoirs, l'image de la toute jeune Garde Nationale («Bürgermiliz», «Bewafneten in bürgerlicher Kleidung») assurant la protection du Roi, semble annoncer celle de Louis XVI prisonnier de Paris.

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souverain de ses pouvoirs de décision sur le plan international.104 La justice est désormais exercée aussi au nom du peuple: les émeutiers du 14 juillet crient «Place, Messieurs; laissez passer la justice du Peuple», 105 lorsqu'ils promènent dans Paris, plantées sur des piques, les têtes de Berthier et Foullon que Campe, dès la livraison de novembre, avait accusés implicitement du «Verbrechen der beleidigten Volksmajestät».m Le transfert de la souveraineté du Roi à la Nation entraîne donc également la mutation du crime de «lèse-majesté» en celui de «lèsenation». 107 La Révolution marque donc bien l'émergence de la Nation comme seule instance souveraine. Un dialogue fictif entre deux députés108 - en envisageant même la création d'un Comité représentatif de la Nation, auquel le roi aurait à rendre compte chaque année, qui statuerait de la politique tant économique qu'internationale et déciderait, enfin, quelles sommes seraient attribuées au roi pour ses dépenses personnelles- va même plus loin, en projetant d'institutionnaliser le changement politique. A une époque où, Outre-Rhin, la notion de «nation» est éminemment problématique, on conçoit l'étonnement des voyageurs allemands confrontés au phénomène révolutionnaire, d'autant que, de cette Nation, peut naître une foule de héros susceptibles d'enflammer le patriotisme, conformément à ce qui est dit des héros nationaux dans l'article sur les fêtes nationales. Cela appert clairement dans la façon dont Campe évoque l'action de Camille Desmoulins au Palais-Royal, le 12 juillet. On peut supposer qu'il connaissait son nom, devenu très populaire.109 Pourtant, il ne le prononce pas, et, pour lui, Desmoulins est « der unbekannte muthige Bürger». 110 L'anonymat dont il enveloppe le personnage participe sans doute du désir de prouver que, dans cette Nation ressuscitée, il n'est plus nécessaire d'évoquer nommément les héros, tant les exemples sont nombreux qui illustrent un patriotisme devenu phénomène courant.

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Voir Br J. 90.VI.6 p. 226. Ce texte de Petion donne la mesure du bouleversement qui a eu lieu. Alors que le débat consistait à se demander si c'est au Roi ou à la Nation qu'appartient le droit de déclarer la guerre, Petion s'interroge pour savoir si la Nation «peut déléguer le droit de faire la paix ou la guerre ». 105 Br. J. 89.ΧΠ.1 p. 396, en français dans le texte. 106 Br.J. 89.XI.1 p. 284. 107 Sur l'établissement de cette notion en catégorie juridique, voir Seligmann, Edmond, La Justice en France pendant la Révolution 1789-1792, vol. 1, Paris 1913, pp. 210-216. Le passage du crime de «lèse-majesté» à celui de «lèse-nation» a, d'après G. A. Kelly («From lèse-majesté to lèse-nation Treson in Eighteen-Century France », in : Journal of the History of Ideas, 1981, pp. 269-286), été favorisé par l'évolution sémantique de la notion. Dans les années 80, en effet, on se met à parler d'un tel crime, non seulement quand la personne du Roi a été attaquée physiquement ou verbalement, mais dans le cas d'une conspiration contre l'Etat. 108 Br. J. 90.VÏÏI.6 pp. 490-491. 109 Voir Chuquet, Α., «Camille Desmoulins en juillet 1789», in: Feuilles d'histoire du XVIIe au XXe siècle, vol. IV. 1918, pp. 17-35. 110 Br.J. 89.ΧΠ.2 p. 459.

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Un an après la prise de la Bastille, la Fête de la Fédération offre aux sympathisants allemands de la Révolution une nouvelle occasion de célébrer, de nouveau, la renaissance de la Nation française. Le même jour, en effet, G. H. Sieveking, un des proches de Hennings, organise ime fête à laquelle participent Knigge, Reimarus et Klopstock, qui y lit une de ses œuvres : le Despote et la Sultane,111 fête dont les éditeurs du Braunschweigisches Journal rendent compte, dans la livraison de janvier 1791, où est reproduit aussi le texte de Klopstock.112

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Le passage des patriotismes au patriotisme

C'est seulement à l'horizon de cette nation renouvelée qu'on peut comprendre la fascination exercée sur les Allemands par le patriotisme qui s'exprime en France : la renaissance de la nation, en effet, signifie aussi la découverte d'un patriotisme aux frontières claires, alors qu'en Allemagne, tant l'imprécision de la notion de « nation » -qui peut scinder le patriotisme en trois courants113- que les imperfections des différentes constitutions,114 rendaient improbable son existence. Les Aufklärer constataient le caractère déficitaire du patriotisme et l'absence d'intérêt pour les affaires communes en Allemagne,"5 avant même le déclenchement de la Révolution française, déficit que Stuve constate, lui aussi, lorsqu'il voit la cause du peu d'écho que la révolution de Liège a rencontré Outre-Rhin dans dem äußerst geringen Grade von Patriotismus, der in diesem unsern Vaterlande herrscht wenn man überhaupt von dem Deutschen als solchen sagen kann, daß er ein Vaterland hat und was Patriotismus ist, weiß. 116

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Voir Hansen, Joseph, Quellen zur Geschichte des Rheinlandes im Zeitalter der Französischen Revolution 1780-1801, [Publikationen der Gesellschaft für Rheinische Geschichtskunde, XLITj, Bonn 1931, vol. I, pp. 655-656; Sieveking, Heinrich, Georg Heinrich Sieveking. Lebensbild eines Hamburgischen Kaufmanns aus dem Zeitalter der französischen Revolution, Berlin 1913, pp. 47-53. Br. J. 91.1.8 pp. 110-112. Ces trois courants sont : un patriotisme axé autour d'un Etat particulier et de son souverain ; un patriotisme dont l'objet est le Reich, et un patriotisme d'ordre plus culturel. C'est de ce dernier que relève l'entreprise de purification de la langue allemande ébauchée par Campe, qui se considère implicitement comme un «patriotische^] deutsche[r] Schriftsteller, der seine Muttersprache ehrt [...] » (Br. J. 90.XI.1 p. 263). Br. J. 91.VL2 p. 164. Voir Vierhaus, Rudolf, «„Patriotismus" - Begriff und Realität einer moralisch-politischen Haltung », in : Herrmann, Ulrich (éd.), Die Bildung des Bürgers. Die Formierung der bürgerlichen Gesellschaft und die Gebildeten im 18. Jahrhundert, Weinheim/Basel 1982, pp. 119131. Br. J. 90.IX.4 p. 81. C'est seulement en juillet 1793 (Schi. J. 93.VU.8 p. 357) qu'un auteur peut constater la naissance d'un certain patriotisme en Allemagne : en effet, en Saxe, les représentants de la noblesse - à l'instigation de P. A. F. v. Münchhausen et de D. v. Miltitz auf Siebeneichen- s'étaient prononcés, lors du Landtag de 1793, pour une politique de réformes

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En 1793 encore, un auteur affirme que le patriotisme n ' e s t « g a r nicht da, als in gedruckten Büchern, oder, ie nachdem die N o t h es erfordert, allenfalls in Manifesten, und es hat seine sehr tief gegründeten und sehr schwer z u hebenden Ursachen, warum er sonst da nicht seyn kann».m

En France, au contraire, le patrio-

tisme est l'amour du tout constitué par la N a t i o n : le Palais-Royal, par exemple, un endroit o ù toute la Nation paraît rassemblée, 1 1 8 est le lieu du patriotisme, puisqu'on ne c e s s e de s ' y soucier du bien public. 1 1 9 Le patriotisme révolutionnaire est également l'antithèse de l ' é g o ï s m e caractéristique de la monarchie d ' A n c i e n R é g i m e , c o m m e l'illustre un auteur du wigsches

Schles-

Journal :

denn so wenig galt der Patriotismus in Frankreich, daß die höchste Ehre eines Franzosen, nächst dem Reichthum, darin bestand, dem Könige zu dienen. Ein Dienst, welcher gänzlich auf Kosten der Nation geleistet und bezahlt war. 120 Tandis que le service du Prince et le patriotisme s'excluaient s o u s l ' A n c i e n Régime, 1 2 1 le patriotisme - d é f i n i c o m m e amour de la N a t i o n - peut, dans la France régénérée, englober aussi le patriotisme perçu c o m m e attachement au Prince : cet attachement n ' e s t qu'une forme particulière de l'amour porté à la N a t i o n puisque c'est d'elle que le monarque tient son pouvoir. Sitôt é c l o s un tel sentiment d'appartenance à la totalité, l ' é g o ï s m e est condamné à disparaître, laissant la place au désintéressement, à cette « U n e i g e n n ü t z l i c h k e i t » dont le lien au patriotisme est explicite lors de la nuit du 4 Août. 1 2 2 Le patriotisme

afin d'y éviter la naissance d'une situation révolutionnaire (voir Behrendts, Wilhelm, Reformbestrebungen in Kursachsen im Zeitalter der Französischen Revolution, [Leipziger Historische Abhandlungen 38], Leipzig 1914, pp. 37-71). Voir aussi Schi. J. 93.VII.10 pp. 366-368. 117 Schi. J. 93.IV.4p. 478. 118 Br. J. 89.XI.1 pp. 300-301. Campe s'est, de son propre aveu, inspiré de Mercier pour sa description du Palais-Royal. Un paragraphe du Tableau de Paris est même traduit mot à mot p. 302 (voir Mercier, Louis Sébastien, op. cit., p. 103). 119 Br. J. 89.XI.3 p. 303: Au Palais-Royal, Campe voit aussi des gens «mit Augen, die nicht selten patriotische und republikanische Funken sprühen» (p. 304). 120 Schi. J. 92.1.1 p. 13. Dès 1688, la Bruyère, dans ses Caractères (chapitre X, «Du Souverain ou de la République », maxime 4), affirmait : « il n'y a point de patrie dans le despotique ; d'autres choses y suppléent: l'intérêt, le service du Prince» (cité in Godechot, Jacques, «Nation, patrie, nationalisme et patriotisme en France au XVDIe», p. 485). 121 Cette incompatibilité trouve sa première expression littéraire, et plus exactement théâtrale, ^vec le Siège de Calais (1765) de Dormont de Belloy, qui inaugure le genre de la «tragédie nationale», un texte connu des Allemands puisque Lessing s'y réfère dans sa Hamburgische Dramaturgie^. Stück (voir Lessing, Gotthold Ephraim, Hamburgische Dramaturgie in: Werke, Göpfert, Herbert G. et Eibl, Karl (éd.), vol. 4, Darmstadt 1996, pp. 314-316, [édition originale 1767-1768]). 122 Le patriotisme de cette nuit d'août 1789 est indiqué par l'intermédiaire d'une citation extraite du Courrier de Provence de Mirabeau, dans laquelle ce dernier explique par l'existence d'une mentalité patriotique («patriotische Denkungsart») le renoncement à l'intérêt personnel («persönliche Uneigennützigkeit») in : Br. J. 89.XI.1 pp. 315-316. 158

se révèle être un sentiment accessible tant au peuple, qui, soudain, a appris à agir avec générosité et désintéressement, qu'aux privilégiés qui, durant cette fameuse nuit, rivalisent de patriotisme.123 C'est même là un paradoxe, dans l'analyse de Campe, qui découvre les privilégiés capables de patriotisme alors qu'ils n'appartiennent pas à la Nation. L'amour porté à la Nation renouvelle, enfin, les liens intersubjectifs : où règne le patriotisme, s'exprime la fraternité.124 Campe se montre ému à la vue d'une «Volksmasse, welche von einerlei patriotischen Freude, wie von einerlei freundschaftlichen, brüderlichen und schwesterlichen Gesinnungen beseelt zu seyn scheint».125 Dans son emploi par les révolutionnaires, comme dans ses occurrences dans les deux revues, le mot « fraternité » est probablement porteur de connotations franc-maçonnes. Dans cette perspective, il faut noter que le Palais-Royal, tel que le présentent les Briefe aus Paris, occupait, avant 1789, une fonction structurellement identique à celles des loges maçonniques en Allemagne: c'était un lieu clos, à l'abri de l'intervention du despotisme, un domaine privé où chacun, renonçant aux conventions sociales, pouvait se comporter comme au sein d'une société égalitaire. Dans le mode de sociabilité en usage au Palais-Royal, on retrouve, en outre, maintes règles de fonctionnement des Loges : on refuse de s'appeler par les titres,126 on discute librement de sujets intéressant le bien général etc.127 En un mot, [d]er Panser hörte auf, sobald er diesen Ort betrat, ein Pariser und ein Franzose zu seyn ; er war für den Augenblick ein vollkommener Republikaner, ein Weltbürger, der keine bürgerlichen und keine conventionnellen Einschränkungen und Fesseln kannte.

Le patriotisme des Français a donc une composante cosmopolite, ce qui explique pourquoi un auteur du Schleswigsches Journal dénonce la confusion entre «Patriotismus» et «Nationalstolz». 129 En effet, le cosmopolitisme, ce maître-mot

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Br. J. 89.XI.1 p. 308: «Es war ein Wettstreit zwischen Großmuth und Großmuth, zwischen Patriotismus und Patriotismus ». II ne s'agit, bien entendu, ici, que du premier des trois types de « fraternité » qui, selon Marcel David (Fraternité et Révolution française, Paris 1987), se succèdent entre 1789 et 1799. Le propre de cette fraternité est d'être un «trait d'union entre les patriotes» (p. 12). A cette fraternité caractéristique des Fédérations sera substituée, après la chute de la monarchie, une fraternité «égalisatrice des conditions politiques et matérielles» (p. 48), à laquelle, après la Terreur, succéderont, enfin, une série de tentatives de «fraternisation», grâce auxquelles les différents partis de l'époque thermidorienne s'efforceront de s'attirer les sympathies de l'armée poux conquérir le pouvoir. Br. J. 89.XI.1 p. 258. Ibid., p. 302. Ibid., pp. 303-304. Ibid., p. 301. La liberté qui y régnait a étonné les contemporains, comme en témoigne aussi le récit de Halem, Gerhard Anton v., Blicke auf einen Teil Deutschlands, der Schweiz und Frankreichs bei einer Reise im Jahr 1790, in : Günther, Horst (éd.), Die Französische Revolution, vol. 1, Frankfurt/M. 1985, pp. 110-113 [première édition 1791]. Voir Sehl. J. 92.1.1 p. 21. Le concept de «National=eifersucht» est également dénoncé dans Br. J 91.V.2. p. 20.

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du discours des Lumières,130 ne s'oppose plus au patriotisme, mais il en devient une facette et la fraternité qui régit les rapports entre patriotes français s'étend aux étrangers. Les barrières des nationalités - comme les barrières douanières131 s'effacent et Campe ne sent plus de différence entre lui et les Français qu'il aperçoit à Quiévrain.132 Le seul sentiment qu'il éprouve encore est celui d'être un homme, ce qu'il illustre par la citation célèbre de Térence qu'appréciait tant le dixhuitième siècle133 : «Homo sum, [...] homo sum, nihil humani a me alienum puto».[U Le cosmopolitisme dont se réclame Campe gravite autour de la notion d'humanité, ce qu'atteste bien sa remarque lorsque, assistant à une séance de l'Assemblée nationale, il écrit: «ich war in diesem Augenblick stolz genug, meine Freunde und mich für die Deputirte der Menschheit zu halten». 135 Il ne paraît plus y avoir d'incompatibilité entre l'intérêt proprement national et l'intérêt des autres nations, comme on peut le lire, à rebours, dans la critique de ce que les Anglais entendent «miter dem falschen Namen Patriotismus».136 En effet, les Anglais ne comprennent pas que l'amour de la patrie est conciliable avec la joie de voir un peuple accéder à la liberté, pas plus qu'ils ne saisissent que « [d]er wahre Vortheil einer Nation doch niemals dem allgemeinen Vortheil des Menschengeschlechts entgegenstand], und es kann niemals geschehn, daß Menschen= und Vaterlandsliebe irgend jemanden widersprechende Pflichten auflegen». 137 Cette conjugaison du patriotisme et du cosmopolitisme est l'une des clefs de la fascination exercée sur les auteurs des revues par le patriotisme français. Alors que

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Hazard, Paul, «Cosmopolite», in: Mélanges d'histoire littéraire générale et comparée offerts à Ferdinand Baldensperger, vol. 1, Paris 1930, p. 359. Campe est surpris de l'allégement des contrôles douaniers (Br. J. 89.X.7 p. 239), bouleversement qui, en 1792 encore, frappera Reichardt lors de son voyage en France (Reichardt, Johann Friedrich, Vertraute Briefe aus Paris, Weber, Rolf (éd.), Berlin 1980 [1ère édition 1792-1793], pp. 47-48 où il est aussi explicitement fait mention de la première lettre de Campe. Br. J. 89.X.7 p. 238. Après avoir constaté que les gens qui l'entourent ne lui paraissaient plus être des Français, il écrit que ses compagnons de route avaient cessé d'être «Brandenburger und Braunschweiger» (voir aussi Schi. J. 93.IV.1 p. 425). Gonthier-Louis Fink («Le cosmopolitisme. Rêve et réalité au siècle des lumières dans l'optique du dialogue franco-allemand», in : Schneiders, Werner (éd.), Aufklärung als Mission. Akzeptanzprobleme und Kommunikationsdefizite, [Das achtzehnte Jahrhundert, Supplementa 1], Marburg 1993, pp. 22-65) a bien résumé les étapes de l'évolution de la notion de cosmopolitisme dans l'Allemagne de l'Aufklârung. Passant du cosmopolitisme gallophobe des lettrés, menacé ensuite par l'émergence d'un patriotisme d'empire rejetant toute influence étrangère, il se conjugue, finalement, avec un patriotisme critique, c'est-à-dire souhaitant une politique de réformes. Ce cosmopolitisme qui n'a, cependant, de réalité que dans les discours et les écrits des Aufklärer, ces derniers le découvrent mis en pratique dans la France de l'été 89. Voir Delon, Michel, «,¿tomo sum [...]". Un vers de Térence comme devise des Lumières», in: Dix-Huitième Siècle 16, 1984, pp. 279-296. Br. J. 89.X.7 p. 239. Br. J. 90.1.1 pp. 26-27. Br. J. 91.V.2 p. 23. Ibid., p. 24.

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le cosmopolitisme allemand est souvent lié à un manque d'enracinement et témoigne, la plupart du temps, d'une certaine passivité ainsi que d'un engagement politique insuffisant ou inexistant, le patriotisme français, au contraire, est un principe dynamique et extensif, qui parvient à unir en lui le particulier et l'universel. Jusqu'en 1793, cette cohérence reste sous-jacente à l'analyse faite par les auteurs des événements révolutionnaires : si les alliés doivent se méfier des Français, c'est que ces derniers combattent pour leur patrie, certes, mais aussi pour la liberté, ce qui est susceptible de leur attirer des sympathies parmi les peuples qu'ils ont entrepris de libérer;138 alors que la guerre bat son plein, la fraternité des Français à l'égard des étrangers - p l u s exactement à l'égard des plus humbles d'entre e u x demeure encore un moteur de l'action révolutionnaire.139

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La démocratisation de la noblesse et de l'honneur

La naissance de la Nation entraîne, enfin, une radicale révolution dans l'esprit des Français, qui se traduit par une généralisation de la noblesse dont rend bien compte, dans le texte des revues, la multiplication du mot « edel ». A la fin du dixhuitième siècle, ce mot peut déjà prendre un sens qui fasse abstraction des différences existant entre les états140 et, dans les occurrences des Briefe aus Paris, il a, de fait, incontestablement un sens moral. En 1801 encore, Campe affirmera : Wir andern Nicht=adeligen, wollen gern, was wir sind, unadelig seyn ; aber deswegen nicht auf Adel - der Gesinnungen und Sitten - Verzicht thun, also auch nicht adellos seyn. Ich trug sogar auf eine neue Adelung des Wortes Adel an, vermöge welcher es künftig nur von dem, was wirklich edel ist, es sei in welchem Stande er wolle, gesagt werden dürfte.

Un tel glissement de sens s'opère dès les Briefe aus Paris. De fait, ce sont les nonnobles qui s'avèrent « edel ». Les soldats patriotes, par exemple, sont qualifiés par Campe de «nobles»: le Grenadier qui défend son commandant est, ainsi, un

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Sehl. J. 93.1.7 p. 118: Les généraux alliés devraient songer que les armées françaises ont un double avantage, parce que, d'une part, «Frankreichs Heere ihr Vaterland im Rücken haben» et que, d'autre part, «der Geist, der die Franken beseelt [...], wenn auch nicht laut in ganzen Nationen, doch gewiß in unzählbaren individuellen Herzen sich verbreitet». Schi. J. 93.VHI.5 p. 506 : «Aber rührend ist das Geständniß der Armen, die Franzosen beherbergen, daß diese ihr Brod und ihren Reis mit ihnen theilen ». Grimm, Jacob et Wilhelm, Deutsches Wörterbuch, München 1984, [reprint de l'édition de 1854-1971], vol. ΙΠ, col. 26. Campe, Joachim Heinrich, Wörterbuch zur Erklärung und zur Verdeutschung der unserer Sprache aufgedrungenen fremden Ausdrücke. Ein Ergänzungsband zu Adelungs Wörterbuch 2 vol., Braunschweig 1801, p. 482. En 1811, Campe entérine ce glissement sémantique en indiquant que «edel» était «ehemals gleichbedeutend mit adelig» (Wörterbuch der Deutschen Sprache, Braunschweig 1811, vol. 1, p. 814).

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«edle[r] Grenadier», et la foule l'honore en s'écartant «ehrbietig»; 142 les conquérants de la Bastille sont des «edlen Krieger».143 Leurs sentiments sont nobles («edlen und großmüthigen)144 et leur noblesse communicative.145 Le peuple dont ces soldats sont issus est noble, lui aussi.146 Selon le principe incarné dans la Révolution, que tout pouvoir et toute distinction émanent du peuple, cette noblesse nouvelle paraît même rejaillir sur le plus grand des souverains français, Henri IV, puisque, après la prise de la Bastille, les révolutionnaires français lui remettent la «Freiheitskokarde» 147 et honorent, par là, la statue «des edelsten und besten unter ihren Königen». 148 L'humanité tout entière, enfin, se voit ennoblie, car les événements de France représentent 1'« Erwachen der Menschheit zu einem so schönen, neuen und edlen Leben ».149 Le processus permettant au peuple français de passer de son état pré-révolutionnaire à la noblesse porte un nom: «l'ennoblissement», traduction de «Veredelung» proposée par Campe lui-même. Quand il parvient à Paris, cette mutation a déjà eu lieu: la Révolution a entraîné une «Erhebung und Veredelung der menschlichen Gemüther und Sitten»; 150 tous les traits positifs du caractère national ont été «erhöht und veredelt»; 151 il faut voir dans le bon comportement du peuple «eine Folge der wunderähnlichen Veredelung»; 152 on rencontre aux Tuileries «noch Franzosen, aber veredelte». 153 Au regard de la prolifération de « edel » et de ses composés, on est, cependant, tenté d'assigner à ce terme, outre un sens moral,154 une signification politique155 et

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Br. J. 89.ΧΠ.1 p. 401. A la fin de son anecdote, Campe s'exclame encore «welcher Edelmuth in einem gemeinen Soldaten!». Sur «Edelmuth», voir également Br J. 89.ΧΠ.1 pp. 393, 401, 406,411. Br. J. 89.ΧΠ.1 p. 412. Ibid., p. 414; voir aussi 89.ΧΠ.1 p. 401. Ibid., p. 413. A ces soldats, le régiment de Grenoble témoigne son admiration «in den ausgesuchtesten und edelsten Ausdrücken» (C'est nous qui soulignons). Ce caractère communicatif de la noblesse d'âme apparaît aussi lors du passage de Campe à l'Assemblée : «Man fühlt sich hier, auch als bloßer Zuschauer schon [...], zugleich erhöht, zugleich mit veredelt» (Br. J. 89.XI.1 p. 258). Br. J. 89.X.7 p. 241. le peuple est comparé à un «edles Roß»; la société dans laquelle il vit, tout comme ses législateurs est «noble» («edle Gesellschaft» et «edle Gesetzgeber» [ibid., p. 245]). Br. J. 89.XI.1 p. 272. Ibid., p. 272. Ibid., p. 262. Ibid., p. 242. Ibid., p. 244. Br. J. 89.XI.1 p. 262. Ibid., p. 304. Cette portée morale est attestée plusieurs fois dans le Braunschweigisches Journal (Br. J. 88.Π.2 p. 155 ; 88.VII.2 p. 285 ; 88.Vm.3 p. 414 ; 90.ΧΠ.1 p. 407). II n'est pas non plus exclu que ce désir de s'approprier la noblesse soit très intimement ancré chez Campe, dont le père avait renoncé à la noblesse afin de pouvoir épouser une femme non noble.

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de l'insérer dans le cadre de l'antagonisme existant entre le noble et le bourgeois. La Révolution peut, dans ces conditions, être comprise comme la prise de possession, par le Tiers état, d'un domaine sémantique qui lui était, jusque-là, inaccessible. La conquête du pouvoir, en effet, s'exprimerait ainsi de façon symptomatique, par l'utilisation, pour qualifier ce qui n'est pas noble, d'un terme appliqué jusquelà principalement à la noblesse. C'est encore plus vrai pour ce qui concerne un autre mot, qui, dans les Briefe aus Paris, se voit également détourné de son domaine d'application originel: «l'honneur». Depuis Montesquieu, en effet, l'honneur était le trait caractéristique de la monarchie car, à ses yeux, ce sentiment cimentait l'unité de la noblesse. Dans l'Allemagne du dix-huitième siècle, la notion d'honneur fait l'objet de semblables analyses.156 Or l'honneur, dans les Briefe aus Paris déborde largement les limites du second état en s'étendant au Tiers état, et même aux plus humbles de ses représentants. Campe n'a pas sitôt franchi la frontière française qu'il s'étonne de voir les Français posséder un tel sens de l'honneur. Constatant la bonne tenue de la Garde Nationale de Valenciennes, il s'interroge sur les classes qui composent celle-ci et il constate : Aus Menschen aller Stände - also auch aus Schustern, Schneidern, Grobschmieden, Bürstenbindern u.s.w. ! Also auch bei diesen durfte man hier jetzt ein Ehrgefühl und Empfindungen voraussetzen, welche anderwärts nur dem feinsten und gebildetesten Theile der Nation zugetraut werden können ! 157

L'honneur consiste à servir, non plus le roi, mais la patrie. Les Gardes, qui avaient désobéi et s'étaient ralliés à la Nation, sont animés d'un profond sentiment de l'honneur. 158 C'est aux soldats de la patrie que sont, désormais, rendus les honneurs. Dans une scène poignante, le Prince de Montbarrey remet ce signe honorifique («Ehrenzeichen») qu'est le cordon de l'Ordre de Saint-Louis à l'un des assaillants de la Bastille.159 Et même le «Pariser Pöbel», «die allerunterste Volksklasse» n'a cessé de montrer, durant l'été 1789, un grand «Gefühl der Ehre». 160 Son honneur, que la populace a conquis durant la journée du 14 juillet,161 elle le défend par son comportement, en s'abstenant de voler ou de saccager les jardins publics et en faisant montre de générosité ou de patriotisme.162 Pour un pédagogue comme Campe, constater que les événements politiques ont « ennobli » les couches les plus humbles de la société à un point tel qu'elles s'avèrent capables de goûter 156

Voir Zunckel, Friedrich, «Ehre», in : Geschichtliche Grundbegriffe. Historisches Lexikon zur politisch-sozialen Sprache in Deutschland, op. cit., vol. 2, Stuttgart 1975, pp. 35-39. Br. J. 89.X.7 p. 245. 158 Br. y. 89.ΧΠ.1 p. 413. 159 Ibid., Le terme «Ehrenzeichen» est mentionné à deux reprises p. 400, et une fois encore, à propos de soldats patriotes p. 413. 160 Br. J. 89.XI.1 p. 264; sur les femmes, «neue [...] Spartanerinnen», voir 89.ΧΠ.1 p. 388. 161 Br. J. 89.ΧΠ.1 pp. 386-387. 162 Br. J. 89.ΧΠ.1 p. 391. Voir également 89.ΧΠ.2 pp. 426-427. 157

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l'art, 163 et en particulier le théâtre,164 prend la dimension d'ime révélation. Sans revenir sur l'importance de la pièce de Chénier, Charles IX, dont il est explicitement question ici,165 nous relèverons simplement que l'intervention du public durant les pièces, phénomène qui frappe Campe, est, de fait, ime des nouveautés dans les pratiques théâtrales de la Révolution.166 Dans ce processus de résurrection, même des figures du monde parisien aussi négatives que les poissardes paraissent revenues, à cause de leur patriotisme,167 à une certaine dignité et, dans ses descriptions de la «Nation», Campe n'oublie pas de les mentionner.168 L'ennoblissement de toute la Nation conduit à une révolution dans les pratiques politiques. Campe s'avoue, par exemple, surpris de voir le peuple le plus humble se mêler, à chaque coin de rue, de discussions et de débats concernant la politique et les affaires publiques : Auffallend und befremdend für den Ausländer ist hier der Anblick ganz gemeiner Menschen aus der allerniedrigsten Volksclasse, [...] auffallend, sage ich, ist es zu sehen, welchen wannen Antheil sogar Leute, die größtentheils weder lesen noch schreiben können, jetzt an den öffentlichen Angelegenheiten nehmen.169

Les questions ne sont plus débattues dans l'ombre et le secret des cabinets comme c'est fondamentalement le cas sous un régime despotique,170 mais au vu et au su de tous, en pleine transparence. L'administration se voit organisée différemment et cesse d'être régie par l'intrigue et la cabale pour être gouvernée par «la publicité».171 Sur le plan international, enfin, la politique des cabinets a vécu, et son cortège de mystères, de conjurations et de trames obscures. Jusqu'en 1793, cette métamorphose des pratiques diplomatiques continue à être considérée comme l'un des acquis de la Révolution en cours. L'auteur de l'article sur la Constitution française déclare que le peuple français a agi de telle sorte «daß [es] die Thiiren der 163

Sur le chant et la poésie révolutionnaires, voir Thoma, Heinz, «„Les vers sont enfants de la lyre, il faut les chanter, non les lire". Lied und Lyrik in der Französischen Revolution», in: Krauß, Henning (éd.), Literatur der Französischen Revolution. Eine Einführung, Stuttgart 1988, pp. 94—113. 164 Br. J. 89.ΧΠ.2 p. 428 ; 90.Π.1 p. 224. 165 On pourra se reporter aux travaux de Adolphe Lieby, Etudes sur le théâtre de Marie-Joseph Chemer, Pans 1901. 166 Voir, Hudde, Hinrich, «„Le vrai thermomètre de l'esprit public". Das Theater während der Französischen Revolution», in: Krauß, Henning (éd.), Literatur der Französischen Revolution. Eine Einführung, Stuttgart 1988, pp. 57-62). D'un point de vue littéraire, l'une des conséquences les plus intéressantes de ce changement est le renouvellement complet du genre de la Préface des pièces de théâtre (Voir Moussa, Sarga, «l'image du public dans les préfaces du théâtre révolutionnaire», in: Romanistische Zeitschrift fur Literaturgeschichte 11, 1987, p. 47-56. 167 Br. J. 89.XI.1 p. 280. 168 Ibid., p. 277. 169 Ibid., pp. 277-278. Campe parle de ces cercles comme de «Straßenclub». 170 Br. J. 91.IV.5 p. 470; Sehl· J. 92.XI.4p. 371. 171 Comme le dit Petion, dans le discours dont la traduction figure dans la livraison de juin 1790: «unsere innere Staatsverwaltung ist offen geworden» (Br. J. 90.VI.6 p. 234).

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Cabinette, in die wir nur durch's Schlüsselloch sahen, weit öffnet, und die veraltete Diplomatile, als eine Armseligkeit zeiget». 172 La Nation devient l'instance première pour tout ce qui regarde les problèmes internationaux. Les choix fondamentaux, en ce domaine, ne seront plus faits dans la pénombre des cabinets, mais dans la publicité de l'Assemblée nationale. Cette approche nouvelle de la diplomatie, qui fit scandale dans les chancelleries étrangères,173 représente un progrès puisque des décisions aussi graves que celle de déclarer la guerre n'appartiendront plus à un seul, mais aux représentants de la Nation,174 et que l'idée même de «déclaration de guerre » sera abolie, la Nation ne faisant plus la guerre que si on l'agresse. Cette nouvelle conception de la diplomatie explique que Romilly, dont on trouve un texte traduit dans le Braunschweigisches Journal, puisse demander à l'Angleterre de se montrer plus amicale à l'égard d'une France qui ne l'attaquera plus d'ellemême.175 Les remarques concernant cette nouvelle façon de diriger les affaires étrangères d'un pays ou la métamorphose de l'esprit français, ne constituent cependant pas l'essentiel du changement apporté par la Révolution. Ce sont là, bien davantage, des conséquences de ce bouleversement radical que signifient la naissance de la Nation et l'éploiement du patriotisme, qui en constitue le corollaire, deux phénomènes dont il faut voir la source dans la reconquête de la liberté, pendant les journées de juillet.

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La reconquête de la liberté

La liberté est l'un des maîtres mots de l'exégèse de la Révolution dans le Braunschweigisches et le Schleswigsches Journal, comme, d'ailleurs, dans la rhétorique des révolutionnaires français, et Campe, à peine arrivé sur le territoire français, remarque ceci : « Wohin wir kamen, sahen wir die Straßen und öffentlichen Plätze 172 173

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Schi. J. 93.1.5 p. 44. Voir Lemoine, Yves, La Diplomatie française pendant la Révolution, Paris 1989, p. 54. Sur cette période de la diplomatie française, voir aussi Godechot, Jacques, La Grande Nation: l'expansion révolutionnaire de la France dans le monde de 1789 à 1799, Paris 1983, pp. 133-134 et Tulard, Jean, «la Diplomatie française et l'Allemagne de 1789 à 1799», in: Voss, Jürgen (éd.), Deutschland und die Französische Révolution, [17. Deutsch-französisches Historikerkolloquium des Deutschen Historischen Instituts Paris (Bad Homburg 29. September - 2 . Oktober 1981)], München/Zürich 1983, pp. 43-53. Voir Br. J. 90.VI.6 pp. 236-237. Voir Br. J. 91.V.2 pp. 27-32. En 1793 encore, dans le projet de législation qu'il adresse à la France, Campe montrera qu'une réforme du droit s'appuyant sur des principes clairs permettrait de le simplifier considérablement, et rendrait, même, inutile l'étude de la jurisprudence (voir Schi. J. 93.Π.1 p. 200). La faculté de droit pourra être supprimée, «[...] da die Rechtskunde so vereinfacht werden wird, daß sie kein eigentliches Studium mehr bedarf»; pareillement, pour Schmettow, le droit de grâce ne sera plus nécessaire à l'avenir (93.IX.3 p. 135).

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der Flecken und Städte mit M e n s c h e n bedeckt, denen Freiheits=

und Glückselig-

keitgefuhle auf der Stirn geschrieben standen». 1 7 6 La Révolution lui apparaît donc, ainsi qu'aux autres auteurs des deux revues, c o m m e une libération. 1 7 7 Campe, s'inspirant d'un motif récurrent de la caricature révolutionnaire, 1 7 8 compare le peuple français à un cheval qui vient de désarçonner son cavalier : Haben Sie je ein edles Roß beobachtet, das seinen ungeschickten Reuter abgeworfen hatte? Und haben Sie bemerkt, wie es von dem Augenblicke an, das es den Rücken frei, die Zügel schlaff fühlte, noch eins so leicht, noch eins so kraftvoll und muthig über Feld und Anger, über Graben und Hügel muthwillig scherzend und vor Freude wiehernd dahin sprengte, und nun noch eins so wohl gebaut und nun noch eins so edel erschien als es vorher war. Dies ist das Bild einer freigewordenen Nation, die ihren Despoten, oder gar, wie es hier der Fall war, ihre zwanzig oder dreißig Despoten abgeschüttelt hat. 179 Cette image encadre presque les revues car on la retrouve en octobre 1793, dans une p o l é m i q u e avec Fritz v o n Walther und Cronegkt. 1 8 0 Si, en France, les luttes politiques ont été, j u s q u ' à la Révolution, m e n é e s au n o m des libertés, ce «prestigieux pluriel historique», 1 8 1 c'est la liberté qui prédom i n e après 1 7 8 9 - u n e liberté nourrie des courants les plus d i f f é r e n t s 1 8 2 - et en laquelle les Aufklärer retrouvent leurs propres convictions, c e qui t é m o i g n e de l'évolution du terme en A l l e m a g n e . Tandis qu'au début de l'Aufklärung, le concept de « liberté » frappait par sa « mangelnde Abwehrsubstanz g e g e n Eingriffe des Staats», 1 8 3 le développement d'une bourgeoisie plus forte entraîne une évolution sémantique de la notion de « liberté », à la fin du dix-huitième siècle. Cela se traduit par l'aspiration, exprimée peu à peu, d'une séparation des pouvoirs, par un p o i d s prépondérant accordé aux lois - d o n t l'élaboration n'appartient plus au seul

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Br. J. 89.X.7 p. 251 (C'est nous qui soulignons). En ce sens, leur discours est analogue à celui des révolutionnaires français, chez qui la rupture avec le despotisme est l'un des thèmes fondamentaux du concept de «liberté». Voir Van den Heuvel, Gerd, Der Freiheitsbegriff der Französischen Revolution, [Schriftenreihe der Historischen Kommission bei der Bayerischen Akademie der Wissenschaften 31], Göttingen 1988, p. 131. Voir, par exemple, les gravures reproduites dans Baecque, Antoine de, La Révolution à travers la caricature, Paris 1989, pp. 44—46. Br. J. 89.X.7 pp. 241-242. Schi. J. 93.X.7 p. 259. La critique de l'article de v. Walther (Walther und Cronegk, Fritz v., «Nachtrag zu dem Aufsatz : „La Fayette", im May der Minerva», in : Deutsche Monatsschrift, 1793, X.6, pp. 84—87) centrée sur la métaphore qu'il utilise du cheval plus heureux dressé que libre, néglige, finalement, le point crucial soulevé par v. Walther, pour qui une monarchie, bien réglée par des lois, vaut mieux qu'une république minée par l'anarchie. Ozouf, Mona, «Liberté», in: Furet, François et Ozouf, Mona (éd.), Dictionnaire critique de la Révolution française, vol. Idées, Paris 1992, p. 255. Erdmann, Karl-Dietrich, «Der Begriff der Freiheit in der Französischen Revolution. Von der „Déclaration des droits de l'homme" zum „Despotisme de la liberté"», in: Geschichte in Wissenschaft und Unterricht 8, 1981, pp. 455-459 ; van den Heuvel, Gerd, op. cit., pp. 42-99. Klippel, Diethelm, «Der politische Freiheitsbegriff im modernen Naturrecht (17./18. Jahrhundert) », in : Geschichtliche Grundbegriffe. Historisches Lexikon zur politisch-sozialen Sprache in Deutschland, op. cit., vol. 2, 1979, p. 477.

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monarque-, et par la reformulation des buts de la société : la réunion des individus au sein de la société doit assurer la liberté naturelle qui, de même que les droits naturels, acquiert un statut d'exigence absolue. «Die Forderung nach Fortbestand der Freiheit im Staat wird in den Naturrechtssystemen präzisiert und durch konkrete « Rechte der Menschheit », die dem Menschen angeboren und unveräußerlich, also durch Vertrag nicht aufhebbar sind». 184 Cette valeur absolue du concept trouve son expression, dans les deux revues, à l'occasion des réflexions éparses sur la liberté : dans le Braunschweigisches Journal, Campe indique que, par la Révolution, le peuple français a recouvré « die von Gott und Rechtswegen ihm zukommende Freiheit»185 et, en 1793 encore, la Révolution est présentée dans le Schleswigsches Journal comme l'événement par lequel «man der Menschheit wieder [gab], was ihr nie geraubt werden sollte; eigenen Gebrauch ihrer selbst, ihre Rechte, ihr Eigenthum». 186 En recouvrant sa liberté, la France a refondé la Nation, permis l'émergence d'un patriotisme teinté de cosmopolitisme et rejeté, par conséquent, le joug du despotisme et de la hiérarchie religieuse qui l'étayait. Par là, elle réalise ce que les Aufklärer appellent de leurs vœux tout en constatant toujours davantage combien les conditions politiques de l'Allemagne s'y prêtent peu, ce qui ne les rend que plus admiratifs face aux premiers résultats d'une Révolution qui, à leurs yeux, est sans exemple.

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La Révolution : un événement sans précédent

N'est-il pas, cependant, audacieux d'affirmer le caractère original de l'événement, compte tenu des références à l'Antiquité qui émaillent les textes consacrés directement ou indirectement à la Révolution,187 dans l'une et l'autre revue? A peine arrivé à Paris, Campe se demande, par exemple, si « die neuen Griechen und Römer, die ich hier um und neben mir sehe, wirklich vor einigen Wochen noch Franzosen waren?» 188 La cérémonie des funérailles faites aux héros de la Bastille est, dans son récit, organisée à l'antique 189 et Campe présente, enfin, des Français qui ont rejeté l'esclavage pour vivre dans une époque que ne renieraient point les Brutus ou les Caton.190 Et les renvois à l'Antiquité classique se multiplient dans le

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Ibid., p. 481. Br. J. 89.ΧΠ.1 p. 434. Sehl. J. 93.ΙΠ.5 p. 333. 187 II ne s'agit donc pas ici des multiples renvois aux auteurs grecs ou latins dans un contexte strictement pédagogique. 188 Br J. 89.X.7 p. 227. Le renvoi à César (p. 229) ne concerne pas la politique mais seulement le travail de l'écrivain. 189 Br. J. 89.ΧΠ.1 pp. 419^122. 190 Br. J. 89.XI.1 p. 257. 185 186

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Schleswigsches Journal,191 comme c'est en outre le cas dans la France de 1792— 1794. Mais les multiples références faites par les auteurs à l'Antiquité grecque ou romaine ne témoignent pas, pourtant, d'une conception cyclique de l'histoire, battue en brèche depuis le début du dix-huitième siècle.192 Elles semblent, bien davantage, jouer le même rôle que lorsqu'elles étaient employées durant les débats sur la Révolution américaine. En effet, comme l'a noté H. Dippel à propos des insurgés américains, «their examples from antiquity [...] did not serve as political justifications but rather as embellishments or ornaments».193 En effet, tandis que chez des révolutionnaires français nourris de culture antique,194 les références à l'Antiquité se chargent, de plus en plus souvent, d'une certaine idéologie et deviennent, ainsi, le moyen de traduire les conflits qui déchirent l'Assemblée,195 il est presque impossible d'attribuer une claire fonction politique à celles qu'utilisent les auteurs des revues : elles sont seulement l'expression d'un «bagage culturel» et le simple témoignage de la prééminence de l'Antiquité dans l'éducation qu'ont reçue les auteurs. Ainsi Denys l'Ancien (430-368 avant J. C.) est-il un exemple classique de tyran, et Phocion (402-317 avant J. C.) celui d'un homme d'Etat magnanime dans les pires adversités; d'autre part, Athènes passe généralement pour l'exemple d'un régime «démocratique», prêt à lutter contre un pouvoir tyranni-

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Pour l'Antiquité grecque, voir Br. J. 91.ΙΠ.4 p. 303; Sehl. J. 92.1.1 p. 25 Dyonisius [Denys l'Ancien], Philistus, Timokrates, Kleonisse; 92.1.5 p. 93 Phocion; 92.IV.1 p. 386 Solon; p. 393 Alexandre, Dionysius, p. 396 Isocrate; p. 398 Periclès; p. 410 Alphonsus, Hiero; p. 414 Homère, p. 420 Cameades; p. 421 Aeschine, Agesilas; 92.V.1 p. 45 Phidias, Praxitèle; p. 390 Epictète; 92.IX.2 p. 59 Leonidas; 93.1.2 p. 19; 93.1.5 p. 40; 93.IV.4 p. 474 Constantin; 93.VI.1 p. 130 Platon; p. 131 Aristón; 93.Vm.l p. 427 Demosthène. Pour l'Antiquité romaine, voir Sehl. J. 92.1.1 p. 108 Tarquín, Lucrèce, Brutus, 92.IV.1 p. 385 Caton; p. 390 Curius Dentatus, p. 392 Caligula, Titus, Marc-Aurèle; p. 396 Tacite; p. 401 Narcisse, Séjan; p. 411 Diocletien; 92.IX.2 p. 59 Mucius Scaevola; 93.ΙΠ.11 p. 383 Néron, Caligula; 93.IV.4 p. 474 Constantin, Nerón; 93.VI.1 ce texte, tout entier consacré à Brutus, fait, bien sûr, intervenir ses contemporains Cassius, Caton, Cicéron [...]; 93.VÜI.1 p. 427 Cicéron. 192 Jochen Schlobach l'a montré de façon convaincante à propos de la France, dans les chapitres 6 et 7 de Zyklentheorie und Epochenmetaphorik. Studien zur bildlichen Sprache der Geschichtsreflexion in Frankreich von der Renaissance bis zur Frühaufklärung, [Humanistische Bibliothek, Abhandlungen 7], München 1980. 193 Dippel, Horst, Germany and the american revolution 1770-1800. A sociolhistorical investigation of late eighteenth-century political thinking, [Neue Historische Bibliothek 263], Wiesbaden 1978, p. 183. 194 Voir la première partie de l'étude de Louis Hautecceur, Rome et la renaissance de l'Antiquité à la fin duXVIIIe, [Bibliothèque des écoles françaises d'Athènes et de Rome 105], Paris 1912, pp. 21-55. 195 Voir Parker, Harold T., The cult of Antiquity and the French Revolutionnairies. A Study of the development of a revolutionary spirit, Chicago 1937. Le culte croissant d'une Antiquité toujours plus politisée se double - Claude Mossé l'a mis en évidence dans L'Antiquité dans la Révolution Française, Paris 1989 - d'un processus d'identification de plus en plus radicale des ténors de la Révolution avec les grands hommes de l'Antiquité, que fonde, non la foi en un retour de l'Histoire, mais la conscience d'une analogie entre deux grandes périodes.

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que.196 La prolifération de renvois -essentiellement ornementaux- à l'Antiquité ne remet donc nullement en cause le caractère unique de la Révolution. Ce caractère inouï apparaît également dans la comparaison avec l'Angleterre, dont il faut remarquer, d'abord, qu'elle reste assez peu fréquente, ce qui peut surprendre chez des auteurs dont certains entretenaient des contacts privilégiés avec l'Angleterre, un pays gouverné, depuis 1714, par Georges I, Prince Electeur de Hanovre. Sans s'attarder sur le cas de Rehberg qui ne peut pas, à proprement parler, être considéré comme un auteur du Braunschweigisches ou du Schleswigsches Journal, il faut noter, par exemple, que Drechsler était pasteur à Barrien, que J. Mauvillon avait été, entre 1766 et 1771, professeur de langue au Pädagogicum de Illfeld, en terre hanovrienne. On pourrait citer aussi le nom de Johann Georg Ludwig Brackebusch qui, habitait Hildesheim, et qui donc, en voisin immédiat du royaume de Hanovre, ne pouvait en ignorer les réalités. Uriel Dann a montré, dans son étude des rapports entre Hanovre et l'Angleterre, que, si les valeurs culturelles de l'Allemagne ne réussirent à s'infiltrer Outre-Manche qu'en 1760, c'est-à-dire après la mort de Georges Π, la culture britannique a exercé de façon précoce une influence notable dans la principauté de Hanovre. La langue anglaise y était parlée davantage que partout ailleurs en Allemagne.197 Une part non négligeable de cette influence de l'Angleterre sur l'Allemagne doit être attribuée à l'Université de Göttingen198 où Abraham Gotthelf Kästner, en particulier, occupait une chaire depuis 1756. Si l'anglomanie avait pour épicentre Göttingen, l'influence anglaise s'exerce aussi par la fonction de la littérature qui a, par exemple, servi à contre balancer la « tyrannie » exercée par les Lettres françaises ; or deux des traducteurs de Shakespeare les plus réputés à l'époque, Heinrich Christophe Albrecht et Johann Joachim Eschenburg ont contribué au Braunschweigisches et au Schleswigsches Journal. Néanmoins, en dépit de ces contacts privilégiés avec l'Angleterre, on ne trouve qu'assez rarement une comparaison de la Révolution française avec la Révolution anglaise, et, de surcroît, même quand ils font référence à l'Angleterre, les auteurs des revues ne le font qu'avec prudence. Cela s'explique peut-être par le fait que le mot «révolution», appliqué à l'Angleterre, est frappé d'une certaine ambiguïté car, dans ce contexte, il désigne tout à la fois la «Grande Rébellion» qui, en 1649, conduisit à l'échafaud le Roi Charles Ier et la «Glorieuse Révolution» de 1688 qui, en permettant une alliance entre la noblesse et la bourgeoisie anglaises, ouvrit la

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A moins de sur-interpréter le texte, on ne peut pas, par exemple, lire dans le renvoi fugitif à Périclès (qui au début du sixième siècle, avait établi les classes censitaires) comme la prise de parti explicite en faveur d'un régime censitaire. Dann, Uriel, Hannover und England 1740-1760. Diplomatie und Selbsterhaltung, [Quellen und Darstellungen zur Geschichte Niedersachsens 99], Hildesheim 1986, pp. 149-150. Voir Wieacker, Franz, Die Georgia Augusta im Wandel. 250 Jahre Georgia Augusta, [Göttinger Universitätsreden 84], Göttingen 1988.

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v o i e à la monarchie constitutionnelle. 1 9 9 Et lorsque Campe é v o q u e la différence entre la Révolution française et la révolution anglaise, il ne précise pas à laquelle il songe. 2 0 0 En janvier 1792, l'auteur d'un texte critiquant Wieland mentionne probablement la « Glorieuse révolution » afin de prouver que « w e n n ein V o l k ihre Gewalt [celle des rois] einschränkte, w i e in England [...], s o z w a n g es immer die bittere N o t h dazu». 2 0 1 Conformément à une argumentation récurrente dans les deux revues, citer l ' e x e m p l e de l'Angleterre tend à prouver qu'une révolution n e se produit jamais, tant que la monarchie n e dégénère pas en despotisme. Les autres allusions à l'histoire anglaise renvoient pourtant explicitement à l'insurrection de 1649. En 1791, dans la traduction d'un texte de Samuel Romilly, la référence sert à prouver la modération de la Révolution française, qui fit couler m o i n s de sang que la « G r a n d e R é b e l l i o n » 2 0 2 et, par conséquent, à relativiser la gravité d e s v i o l e n c e s qu'elle a occasionnées. Romilly, après avoir établi une analogie entre les exécutions de l'Archevêque William Laud ( 1 5 7 5 - 1 6 4 5 ) et de Thomas

Wentworth,

C o m t e de Straford ( 1 5 9 3 - 1 6 4 1 ) condamnés légalement, et l'assassinat, par la plèbe parisienne, de Foullon et Berthier reconnaît à ce dernier la m ê m e légitimité : « D i e Hinrichtungen an d e m Laternen Pfahl z u Paris und die Hinrichtungen, kraft der Ueberweisungs=acten, entspringen gerade aus einen und denselben Grundsätzen ». 2 0 3

199

200 201 202

203

Cette période troublée de l'histoire anglaise a suscité de vives réactions, qu'ont attisées, en partie, la propagande organisée minutieusement par le Parlement et les républicains, ce qu'a montré l'analyse des brochures politiques publiées à l'époque (Voir Walther, Karl Klaus, «Cromwells deutsche Freunde», in: Zeitschrift fiir Anglistik und Amerikanistik, Berlin 1980 pp. 329-340). Br. J. 89.XI.1 p. 265 ; il n'est pas plus précis in : 90.1.1 p. 33. Sehl. J. 92.1.8 p. 113. Romilly compare le nombre de victimes de la Révolution avec celui des soldats tombés à Edgehill, dont le souvenir hante la conscience historique des Anglais (voir Cottret, Bernard, Cromwell, Paris 1992, p. 122). La référence à l'Angleterre jouera également, dans le Schleswigsches Journal, un certain rôle, plus traditionnel il est vrai, à l'occasion des discussions constitutionnelles : la séparation des pouvoirs y est présentée comme la garantie des libertés civiles (Schi. J. 92.IX.2 p. 58), mais sans que soit louée, pour autant, la constitution anglaise qui, loin d'orienter la politique vers le bien commun, l'abandonne aux lobbies dirigeant les parlements (Sehl. J. 92.1.1 pp. 30-32) et aux orateurs, fussent-ils plus habiles que patriotes (ibid., pp. 23-33). Les imperfections de cette constitution ont abouti à ce que, plus d'un siècle après qu'elle est entrée en vigueur, le peuple anglais n'a pas encore accédé à la liberté: «De Lolme und Montesquieu mögen sagen was sie wollen : so spricht es sehr gegen die englische Konstitution, daß das englische Volk seit mehr als einem Jahrhundert, da diese Konstitution fast ohne alle Abänderung dauert, noch nicht besser gelernt hat, frei zu seyn» (ibid., p. 32). L'un des autres défauts de cette constitution est de ne pas assurer l'égalité civile (Seh. J. 93.IV.1 p. 397; 93.ΠΙ.8 p. 361-363). La publication d'une traduction de John Bulls political creed (un texte anonyme paru en Angleterre en 1793) dans l'une des dernières livraisons du Schleswigsches Journal, réaffirme avec force le scepticisme vis-à-vis de la constitution britannique (Sehl. J. 93.X.10 p. 266). D faudra ultérieurement se demander si un tel scepticisme revient à approuver inconditionnellement les réalisations constitutionnelles des révolutionnaires français. Br. J. 91.V.2 p. 24.

170

Si la supériorité de la Révolution française apparaît dans cette comparaison avec la révolution anglaise, elle se révèle aussi, a contrario, dans le silence qui entoure certaines des révolutions du dix-huitième siècle. Alors, par exemple, que la Conspiration de Heinzi, la dernière des trois grandes crises204 qui ont secoué Berne à cette époque, avait connu un grand écho en Allemagne,205 on ne trouve, dans les revues, aucune allusion à cet événement. La Suisse, d'ailleurs, n'y est que rarement mentionnée,206 ce qui peut s'expliquer par plusieurs raisons : les particularismes des différentes composantes de la Confédération rendent difficile une comparaison entre elle et un pays plus cohérent, tant politiquement que culturellement. Et au sein même de chacune d'elles, il existe un tel foisonnement de traditions que, pour un Suisse, la notion de liberté s'avère nécessairement différente de ce qu'elle pouvait représenter pour un Français après 1789, et s'apparente bien plus aux libertés françaises d'Ancien Régime. Pour un Suisse, en effet, «la liberté, c'est le fait de participer aux privilèges dévolus à la communauté ».207 L'hétérogénéité des diverses provinces de la Hollande qui «avaient vécu [...] leur vie propre, sans lien et sans union, pendant de si longues années qu'il n'y avait aucune unité dans l'organisation intérieure»208 semble pareillement interdire une mise en relation avec la Révolution française.209 La différence entre les bouleversements politiques du dix-huitième siècle et la Révolution française apparaît

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Elles se produisent en 1710, 1744 et 1749. Voir Tillier, Anton v., Geschichte des eidgenössischen Freistaates Bern von seinem Ursprünge bis zu seinem Untergange, vol. 5, Bern 1839. Maria Krebs a, par exemple, montré combien Lessing avait sympathisé avec le chef de file des insurgés («Heinzi und Lessing», in: Neujahrsblatt der literarischen Gesellschaft Bern auf das Jahr 1904, Bern 1903). Br. J. 90.1.1 p. 33. Le renvoi à la Suisse témoigne de ce qu'une révolution ne peut s'accomplir en un jour; 90.VII. 1 p. 299-300 où Meister loue la ville de Bern; Schi. J. 92.1.7 p. 109; 93.IV.5 p. 504. Dans ces passages, la Suisse est citée de façon fugitive, afin de prouver qu'un pays gouverné par une constitution républicaine ne se rebelle pas et peut être heureux. Enfin, Stuve consacre un article entier (Br. J. 91.ΧΠ.1) à la défense du Canton d'Appenzell et de son système politique extrêmement démocratique dont Meiners -assez isolé dans sa critique avait peint un tableau critique (sur le jugement positif porté généralement sur ce canton au dixhuitième siècle, voir Schläpfer, Walther, Appenzeller Geschichte. Zur 450-Jahrfeier des Appenzellerbundes 1513-1963, vol. 2 : Appenzell-Ausserrhoden, Herisau 1972, pp. 2292 3 3 ) - avait donné une description très négative. Walter, François, cité par Czous-Tomare, Alain, et Marudan, Evelyne, «Une république aristodémocratique à la fin du dix-huitième siècle: Fribourg en Suisse», in: Républicanismes, [Chroniques allemandes, Revues du CERAAC 2], 1993, p. 52). Cela indique bien les limites de l'égalité juridique vantée par Meister dans le Braunschweigisches Journal. Peyster, Henri de, Les Troubles de Hollande à la veille de la Révolution française (17801795), Paris 1905, p. 34. Dans le Schleswigsches Journal, on trouve deux renvois à la Hollande : Sehl. J. 92.ΠΙ.3 p. 343, où Mauvillon évoque un ouvrage sur l'invasion des Provinces-Unies; 93.IV.5 p. 504 la référence à la Hollande sert, ici, à prouver qu'une bonne constitution est un rempart contre les révolutions.

171

encore davantage à propos de la révolution de Liège,210 évoquée plusieurs fois dans le Braunschweigisches Journal : dans la livraison de septembre 1790, par exemple, Stuve, s'inspirant largement d'un texte de Christian Wilhelm ν. Dohm,211 publie un article intitulé «Ueber die Lütticher Revolution». 212 Le tableau qu'il peint du déclenchement de la révolution de Liège rappelle, certes, l'interprétation des causes de la Révolution française. Toutes deux sont la conséquence du despotisme exercé par le Prince ; les révolutionnaires liégeois aspirent, comme les Français, à une restauration des anciens droits - q u i passe par la suppression des privilèges et par une généralisation de l'impôt-; les bons citoyens rêvent d'une réconciliation entre le Prince et ses sujets [...]213 Mais tandis que la Révolution française marque un incontestable progrès, la révolution de Liège échoue. En passant par là, durant l'été 89, Campe pressentait déjà la victoire du despotisme214 qui, effectivement, finit par l'emporter : en juin 1790 est publiée une lettre anonyme informant que les tentatives de conciliation ont échoué et que le Prince-Evêque de Liège, Constantin de Hoensbroeck, a choisi la voie de la répression 215 La Révolution américaine, la seule des révolutions du dix-huitième siècle qui aurait pu être comparée à la Révolution française, n'est pratiquement pas citée avant 1792,216 ce qui semble étonnant, si l'on songe à la sympathie que certains des auteurs avaient éprouvée pour elle : c'est le cas, par exemple, de Schmettau,217 de Mauvillon218 et, en général, de ceux qui habitaient Cassel au cours de la Guerre d'Indépendance, car «Kassel war vermutlich ein Mittelpunkt des Interesses am amerikanischen Krieg»,219 ou encore de Hennings qui écrivait en 1779 : «Wie oft habe ich nicht fragen hören, wo ist eine Bahn für edle Taten, wo ist in der Welt 210

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Sur le déroulement de cette révolution, voir Benedikt, Heinrich, Als Belgien österreichisch war, Wien/München 1965, pp. 243-254 et surtout Tassier, Suzanne, Les Démocrates belges de 1789. Etude sur le vonckisme et la révolution brabançonne, Bruxelles 1930. Stuve cite ainsi de larges passages de Die Lütticher Revolution im Jahr 1789 und das Benehmen Sr. Königl, Majestät von Preußen bey derselben (Berlin 1790). Les pages 89 et 90 du Braunschweigisches Journal, par exemple, ne contiennent pas un mot de Stuve. Br. J. 90.IX.4. Voir respectivement ibid., pp. 94, 91 et 87. Br. J. 89.X.7 pp. 235-236. Br. J. 90.VI.10 pp. 255-256. Dès lors, cette révolution n'intéresse plus, en soi, et dans l'article de Stuve, elle sert principalement à montrer les imperfections de la constitution du Reich, et, en particulier, celles du fonctionnement du «Reichskammergericht» de Wetzlar, qui bafoue les droits constitutionnels du peuple pour soutenir le despotisme (Br. J. 90.DÍ.4 p. 102). Sur la critique du «Reichskammergericht», voir également, ibid., pp. 93-99. Ce texte est aussi une attaque des pratiques, en Allemagne, d'une presse, peu soucieuse d'objectivité (p. 96). II semble qu'elle n'est citée que fugitivement dans Br. J. 90.1.1 p. 33, sans qu'il soit possible d'apprécier réellement le sens de la référence. Voir Dippel, Horst, op. cit., p. 93. Voir Mauvillon, F. (éd.), Mauvillon's Briefwechsel oder Briefe von verschiedenen Gelehrten an den in Herzogt. Braunschweigischen Diensten Obristleutnant Mauvillon, Deutschland [sie] 1801, pp. 8-9. Voir Gallinger, Herbert P., Die Haltung der deuschen Publizistik zu dem amerikanischen Unabhängigkeitskrieg, Phil. Diss., Leipzig 1900, p. 33.

172

etwas Großes z u machen? Dann nannte man [...] Amerika, lind wünschte sich hinüber». 2 2 0 U n tel silence est dû sans doute au souci des rédacteurs du schweigisches

Journal

Braun-

de ménager le D u c de B r u n s w i c k qui soutenait la politique

extérieure de son père et l'avait assisté dans les transactions visant à vendre à l'Angleterre des troupes allemandes. 2 2 1 Quand le Braunschweigisches Schleswigsches

Journal

est devenu

et qu'il n ' e s t plus nécessaire de ménager la suceptibilité

du D u c Charles-Guillaume-Ferdinand, les renvois à la révolution américaine et à ses héros sont plus fréquents et l'on trouve mentionnés Franklin, 222 Payne 2 2 3 o u encore Washington. 2 2 4 En un premier temps, la référence à la révolution américaine sert à mettre en valeur le caractère positif de la Révolution française. L'une c o m m e l'autre constituent pour ainsi dire le pendant de la R é f o r m e : elles ont, c o m m e elle, révolutionné les mentalités et permis à l'humanité d e progresser. Les deux principales é p o q u e s dans l'histoire de l'Europe fallen in das löte und in das 18te Jahrhundert, wovon das erste die Reformation, das zweite die amerikanische und französische Revolution - das erste den Umsturz der Hierarchie, das zweite den Umsturz des Despotismus - das erste die kirchliche, das zweite die bürgerliche Freiheit hervorbrachte; das erste die Fesseln des Geistes weiter machte, das letzte sie gänzlich auseinander riß, indem es den Geist der unbeschränkten Freiheit in die Untersuchung über alle Gegenstände des bürgerlichen und menschlichen Lebens, über alle Gegenstände der Philosophie und der Geschichte trug. 225 Ce texte tout entier, qui met en parallèle la R é f o r m e a v e c la révolution américaine et la Révolution française, place les deux dernières sur le m ê m e plan : toutes deux ont permis d'accéder à la liberté civile en provoquant la chute d'un despotisme qui,

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Cité par Dippel, Horst, op. cit., p. 110. Sur la vente de troupes par Brunswick, voir Kapp, Friedrich, Der Soldatenhandel deutscher Fürsten nach Amerika 1775 bis 1783, Berlin 1864, pp. 52 et 156; Droysen, Hans, «Die Braunschweigischen Truppen in Nordamerikanischen Unabhängigkeitskriegen aus den Briefen der Herzogin Philippine-Charlotte von Braunschweig», in: Jahrbuch des Geschichtsvereins für das Herzogtum Braunschweig 13, 1914, pp. 145-159; sur la responsabilité directe de Karl Wilhelm Ferdinand, voir Zimmermann, Paul, «Beiträge zum Verständnis des zwischen Braunschweig und England am 9. Januar 1776 geschlossenen Subsidienvertrages», in: Jahrbuch des Geschichtsvereins des Herzogtums Braunschweig-Wolfenbüttel 1914, pp. 160— 176. Après le transfert de la revue à Altona, on trouve une critique très acerbe de cette pratique (Schi. J. 93.IV.4 p. 465). Sehl. J. 93.IV.4 p. 469. L'auteur de cet article y cite une page de l'autobiographie de Franklin (Franklin, Benjamin, Benjamin Franklin 's Jugendjahre, von ihm selbst fur seinen Sohn beschrieben und übersetzt von G. A. Bürger, Berlin 1792, p. 15), qui a contibué grandement à la formation du mythe de la révolution américaine (voir Vossler, Otto, Die Amerikanische Revolutionsideale in ihrem Verhältnis zu den europäischen, [Historische Zeitschrift, Beiheft 17], München/Berlin 1929, p. 55); voir aussi 93.Vm.l p. 424-425. Schi. J. 92.1.1 p. 33 ; 92.VH.5 p. 334; 92.XI.4 p. 368 ; 92.XI.6 p. 84 (Ce texte est la traduction du décret de l'Assemblée nationale accordant la citoyenneté d'honneur à 12 étrangers, dont Campe, Washington); 93.X.4 p. 228 ; 93.X.10 p. 271. Schi. J. 92.XI.6 p. 84 ; 93.IV.7 p. 512. Schi. J. 92.VI.3 p. 173. 173

incapable de se réformer,226 était devenu, de plus en plus, la cible des critiques formulées par les écrivains.227 Pour que ce lent processus de maturation aboutît à une révolution, il fallait qu'un événement fit exploser les tensions grandissantes : pour la France, ce fut la tentative de contre-révolution de juillet 1789,228 pour l'Amérique, la Thea Party de Boston.229 Au moment où cette comparaison est dressée, l'Amérique dispose pourtant déjà d'une constitution stable, qui, à l'instar de la très progressiste constitution pennsylvanienne,230 fait l'objet de l'admiration des auteurs,231 ce qui indique clairement qu'à leurs yeux la liberté ne signifie pas simplement une libération. Campe exprime la même idée quand, en avril 1790, il précise que le 14 juillet ne marque point la fin de la Révolution.232 De fait, réduire la liberté à une simple libération serait faire bon compte de l'évolution sémantique de la notion de liberté dans l'Allemagne de la fin du dix-huitième siècle.233 Une fois la Nation libérée, il importe d'asseoir la révolution, et, partant, de consacrer le passage de la libération à la liberté, ce qui confère au motif de la loi, dans le Braunschweigisches et le Schleswigsches Journal, une importance primordiale, en ce qu'elle conditionne l'accession à la liberté. Ce motif intervient très précocement dans les journaux.234 Campe, dans la seconde Lettre de Paris apprécie, par exemple la création de ces « ateliers de charité » érigés à Montmartre et à Ménilmontant, afin que les héros de la Bastille ne demeurent pas désœuvrés.235 L'hommage qu'il rend au comité de la ville, qui avait organisé ces grands chantiers, reflète probablement les craintes de la bourgeoisie

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Ibid., p. 177. Ibid., p. 178. Ibid., p. 181. Ibid., p. 181. Sur la «Thea Party», voir Labaree, Benjamin Woods, The Boston Tea Party, New York 1964, pp. 256-264, et sur les réactions qu'elle suscita en Allemagne, voir Gallinger, Herbert P., op. cit., pp. 33 et 42. Voir l'analyse de Jacques Godechot dans Les Révolutions (1770-1799), Paris 1989, pp. 1819. Melsheimer, dans sa description de la Pennsylvanie, parle du «großen und mannigfachen Segen [...], den eine Konstitution, wie die der freien nord=amerikanischen Staaten, über die durch sie beglückten Völker verbreitet» (Schi. J. 92.ΧΠ.4 p. 443). Br. J. 90.IV.5 pp. 4 5 8 ^ 5 9 . A l'occasion d'une polémique qui le met aux prises avec Schlözer, il déclare «daß ich die Begebenheiten des 14. Jul. nicht fiir die //au/)(revolution, sondern nur für eine gewaltthätige Sanktion der bereits angefangenen und in vollem Laufe begriffenen Revolution». Voir Schlumbohm, Jürgen, Freiheit - die Anfänge der bürgerlichen Emanzipationsbewegung im Spiegel ihres Leitwortes, [Geschichte und Gesellschaft: Bochumer historische Studien 12], Düsseldorf 1975, pp. 106-111. La nécessité, non seulement de l'existence des lois, mais aussi de leur connaissance par le peuple, est un motif important du discours des pédagogues, indépendamment même de toute référence à la Révolution française, car ils y voient le meilleur moyen, tant de lutter contre les crimes et, ainsi, d'assurer l'ordre, le calme et la sécurité (voir, par exemple, Br. J. 91.Π.3 p. 224), que de susciter le patriotisme (Br. J. 88.Π.1 pp. 139-140). Br. J. 89.XI.1 pp. 266-267.

174

face aux désordres qui menacent, et traduit, en quelque sorte, la sourde conscience du péril que représentent «les classes dangereuses».236 C'est le même sentiment qui motive son admiration pour le peuple de Paris, si calme et si soucieux d'ordre, en dépit de l'absence de lois positives, qui ont disparu en même temps que le despotisme. Il est ébahi de compter si peu de victimes et d'observer que ce peuple a su montrer «so viel Ordnung und Mäßigung». 237 La crainte du désordre et de l'anarchie, cependant, n'apparaît pas uniquement a negativo. Campe la confie parfois explicitement au lecteur. Le 9 août déjà, il écrit : Man zittert, und ich glaube nicht ohne Grund, vor der ansteckenden Mittheilung jener Trunkenheit durch die Provinzen, und vor den schrecklichen Ausschweifungen jeder Art, welche die Folge davon seyn können.238

Six jours plus tard, il reprend la même idée, en exprimant ses doutes que «dieser unerhörte Zustand von Mäßigung und Ruhe, bei fortwährender Gesetzlosigkeit und Zerrütung aller bürgerlichen Verhältnisse, noch lange fortdauern werde». 239 Si Campe accepte la Révolution politique, à l'œuvre en France, c'est que, malgré l'absence de lois, l'ordre n'a pas cessé de régner. Mais il redoute, d'autre part, que cet ordre, qui se maintient comme par miracle, ne disparaisse si un ordre positif, seul garant de la liberté, ne se substitue à lui. Le lien entre la liberté et la loi s'avère donc un leitmotiv des deux revues. Meister l'affirme dans le texte traduit dans la livraison de juillet 1790 : «Der Mensch ist nur dann erst bürgerlich frei, wenn er der Herrschaft der Gesetze mehr, als irgend einem andern Willen, seinen eigenen nicht ausgeschlossen, unterworfen ist »240 et Campe partage incontestablement ses vues.241 En octobre 1793 encore, un auteur anonyme prétend «daß beyde [i.e. «wahre Freiheit und Naturrecht»] ohne eine sichere Regierungsverfassung und ohne gesetzliche Ordnung nicht bestehen können». 242 Brackebusch, enfin, dans une perspective contractuelle, met en relation, lui aussi, la loi et la liberté: «Freiheit ist also in einem Lande, in welchem die Bürger keine anderen Regeln ihres Verhaltens für verbindlich erkennen, als diejenigen, welche sie sich selbst vorgeschrieben haben». 243 Pour que la France, cependant, continue à faire figure d'exemple, il faut non seulement que la Nation légifère - ce qui ne signifie pas nécessairement une prise

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Vovelle, Michel, la Chute de la Monarchie, 1789-1792, [Nouvelle Histoire de la France contemporaine 1], Paris 1972, pp. 122-123. Br. J. 89.ΧΠ.1 p. 396. Br. J. 89.XI.lp. 317. Br. J. 90.1.1 p. 38. Br. J. 90.VII.1 p. 274. Voir Sehl. J. 92.1.4 p. 62. Reprochant à v. Schirach de confondre «anarchie» et «liberté», il affirme que cette dernière est « Gehorsam gegen die Gesetze bei gänzlicher Befreiung von willkürlicher Gewalt. Schi. J. 93.X.7 p. 259. Voir aussi 92.XI.3 p. 310 ; 92.XI.4 p. 352. Schi. J. 92.IX.2 p. 54.

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de parti pour un régime qui ne serait pas monarchique - mais aussi que les lois qu'elle vote soient véritablement capables de fonder la liberté. Il importe, par conséquent, d'étudier maintenant les réactions des auteurs du Braunschweigisches et du Schleswigsches Journal face à l'œuvre législative de la Révolution française, afin de déterminer si elle répond à leurs attentes.

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V

La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen et la Constitution de 1791

La Déclaration des Droits de l'Homme et la Constitution de 1791 sont présentes, dans le Braunschweigisches et Schleswigsches Journal, sous plusieurs formes: tantôt il s'agit de débats ou d'analyses qui les concernent directement,1 tantôt de concepts ou de citations qui leur sont empruntés. La profusion des références qui y sont faites suffirait à témoigner du caractère extraordinaire de l'une comme de l'autre, aux yeux des collaborateurs des deux revues, caractère qui suscite, chez nombre d'entre eux, des déclarations enthousiastes ou pathétiques.

1

Un accueil enthousiaste

Campe, dans le poème qu'il rédige sur la «vollendete Verfassung der West-Franken» s'exclame ainsi, s'abandonnant au lyrisme : Da steht er nun, der herrliche Koloß, „Das Haupt im Sonnenstrahl, den ehrnen Fuß In Ungewittern", die umsonst, umsonst Ihn zu erschüttern dröhn! Da steht er nun, Ein hohes Ehren=denkmal der Vernunft [...].2

Incontestablement, sa réaction est représentative des deux revues, dont les auteurs affichent une grande admiration pour la Constitution de 1791 car, grâce à elle, pour la première fois dans l'Histoire, la raison et le droit commandent à la force, tandis que la force se voit privée de tout caractère arbitraire.3 L'auteur des articles sur la Constitution de 1791 est plus emphatique encore et n'hésite pas à la comparer à la République de Platon ou à l'Atlantide de Bacon.4 C'est parce qu'elle est une œuvre de cette raison qui garantit « die ersten und unveräußerlichsten Rechte der Menschheit» 5 - les Constituants étant «Diener der Vernunft» 6 - qu'un autre 1 2

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Br. J. 90.VH.1 ; 90.Vm.7 ; Schi. J. 92.1.5 ; 92.V.9 ; 93.1.5 ; 93.Π. 1 ; 93.ΙΠ.8 ; 93.IV.1 et 93.X.5. Schi. J. 92.1.4 p. 64. Voir aussi 92.VH.5 p. 335 où Böttiger - dans un article sur la difficulté de faire admettre de meilleures institutions - met sur le même plan «die neue Konstitution der West-franken, oder die Vorschläge zur Abschaffung des Neger=sklavenhandels oder auch die Einführung des neuen preußischen Gesetzbuches». Voir Schi. J. 92.1.5 p. 71 : «Da gibt es nur Vernunft und Recht, denen die Gewalt zu Gebote steht, statt daß es vorher die Gewalt war, die Recht hätte».

Schi. J. 93.1.5 p. 37.

Schi J. 92.1.1p. 28.

Ibid., p. 20.

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auteur la préfère aussi à la Constitution anglaise qui comporte, elle, «ein schlimmes Principium [...], das dem Fortgange der Kultur, dem Gedeihen der Vernunft, und also dem Reisen eines Volks zur Freiheit hinderlich ist». 7 L'un des derniers textes de 1793, enfin, réaffirme l'impossibilité de gouverner, après la Révolution, selon les mêmes maximes qu'avant 1789, parce qu'une fois qu'a percé «der Wahrheit göttlicher Strahl», 8 on ne peut plus l'arrêter. La valeur des principes qu'elle a énoncés permet de juger les constitutions existantes. En effet, dans un régime sage dans lequel le souverain est soucieux de son peuple, les droits de l'homme sont partie intégrante de la constitution et la prospérité de l'Etat est assurée. En revanche, la connaissance de ces principes risque d'accélérer la chute des Etats qui, à l'instar de la France, ne sont pas assez libres. Campe, par exemple, en exposant les causes de la Révolution, insiste sur le fait que la France de Louis XVI était moins despotique que celle de Charles IX ou de Louis XIV. Cependant, sous Louis XVI, le peuple, éclairé sur ses droits d'homme et de citoyen,9 a perçu avec plus d'intensité les tentatives faites par le pouvoir pour l'en dépouiller.10 Si la manière dont les auteurs appréhendent les causes et les premières réalisations de la Révolution est déterminée fondamentalement par leur expérience des réalités allemandes, on est en droit de se demander s'il n'en va pas de même pour leur réception tant de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen que de la Constitution de 1791.

2

Droits de l'homme ou droits du citoyen?

La formulation de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen est souvent ambiguë. Une analyse rigoureuse du texte de la Déclaration met fréquemment en lumière un certain manque de cohésion, dû aux conditions de sa rédaction comme

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10

Ibid., p. 36. Schi. J. 93.X.5 p. 248. Br. J. 89.ΧΠ.2 p. 430: «das Volk wurde über seine menschlichen und bürgerlichen Rechte aufgeklärt». Faire connaître à un peuple les devoirs de son souverain constitue donc le moyen de parvenir à un meilleur gouvernement (Br. J. 91 .VII.4 p. 370), ce pourquoi les éditeurs approuvent, par exemple, le manuel rédigé par W. G. Wangorow et intitulé Ueber die Erlernung der Landesgesetze in den Volksschulen (Br. J. 91.Π.3 pp. 223-235). La sensibilité au despotisme augmente quasiment en proportion de son affaiblissement au dixhuitième siècle, comme l'a relevé Alphonse Aulard, dès le début du siècle, dans La Révolution française et le régime féodal, Paris 1919, pp. 5-75. Dans l'historiographie allemande, Göhring constate également un certain assouplissement du despotisme qu'incarnent les droits féodaux, et surtout les droits personnels, puisque des contributions financières tendent à se substituer à la corvée et au servage. Cependant, les droits réels - qu'ils soient fixes ou casuels - de même que les monopoles qui subsistent, sont encore perçus comme très contraignants (Göhring, Martin, Die Feudalität in Frankreich vor und in der großen Revolution, [Historische Studien, 247], Berlin 1934, pp. 9-136).

178

aux différents courants idéologiques qui s'y expriment.11 Cette imprécision n'a cessé de donner lieu à des interprétations contradictoires visant à déterminer si la Déclaration tendait à affirmer davantage les droits de l'Homme ou ceux du Citoyen.12 De fait, elle est partagée entre une double aspiration :13 elle désire proclamer le primat de droits naturels inaliénables destinés à préserver l'Homme de l'intervention abusive et despotique de l'Etat - telle est globalement la position de Sièyès, plusieurs fois mentionné dans les deux revues14 - et c'est précisément dans cette inscription du droit naturel dans le droit positif que réside le caractère révolutionnaire du texte.15 D'un autre côté, quoique le projet d'une déclaration explicite des devoirs ait été rejeté finalement par l'Assemblée nationale, la Déclaration paraît bien «placée sous le signe de la « civilisation » du droit naturel et, dans une large mesure, l'invocation des droits de l'Homme ne semble jouer que le rôle de détour fondateur». 16 De plus, l'adoption, comme base de travail, du projet élaboré par le Sixième bureau, contribue à accentuer le conservatisme de la Déclaration et à limiter les droits de l'Homme, ce qui crée parfois une tension entre l'universalité des principes et leur réalisation constitutionnelle, tension que ne thématisent point les auteurs des deux revues qui ne pouvaient ignorer, pourtant, les thèses jusnaturalistes, très répandues en Allemagne, à l'époque: «Die Materie vom Naturzustande ist schon oft aus verschiedenen Gesichtspuncten untersucht worden» 17 écrit, par exemple, Garve. Hufeland, renvoyant aux écrits de Feder, Hisman, Mendelssohn, Garve, Hamann, Höpfher, Schlettwein et Flatt, affirme que 11

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Voir Marguerat, Philippe, «Lecture de la Déclaration des Droits de l'homme», in: Revue d'Histoire Suisse 33, 1983, pp. 50-67 qui, en s'appuyant sur une analyse du discours de la Déclaration démontre son caractère hétérogène et relativise, par conséquent, les interprétations qu'on en propose généralement. Voir, par exemple, la polémique entre S. Goyard-Fabre et G. Gusdorf rapportée in Riais, Stéphane, dans La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, Paris 1988, pp. 350-354. Voir Godechot, Jacques, Les Institutions de la France sous la Révolution et sous l'Empire, 1968, [première édition 1951], p. 37. Br. J. 89.ΧΠ.1 p. 386\Schl. J. 93.1.5 pp. 53, 55, 65, 66, 74; 93.IV.1 p. 414; 93.X.1 p. 159. En fait, comme l'a indiqué Bastid, les positions de Sièyès sont un peu plus complexes car il formule une triple théorie des droits. Le premier niveau est celui des droits de l'état de nature, en nombre limité mais que restreint seulement la morale universelle. Après l'entrée dans la société, ces droits sont conservés, mais il s'y ajoute des droits nouveaux. Pris ensemble, ils constituent les droits du citoyen. Enfin, il existe dans la société des droits réservés à quelquesuns: les «droits politiques» (Bastid, Paul, Sièyès et sa pensée, Genève 1978, pp. 342-351 [reprint de l'édition de 1939]). Voir aussi, Gauchet, Marcel, La Révolution des droits de l'homme, Paris 1989, pp. 70-73, qui insère le projet de Sièyès dans les débats passionnés de l'été 89. Voir Sandweg, Jürgen, Rationales Naturrecht als revolutionäre Praxis. Untersuchungen zur « Erklärung der Menschen- und Bürgerrechte » von 1789, [Historische Forschungen, 6], Berlin 1972, pp. 268-301. Rials, Stéphane, op. cit, p. 353. Garve, Christian, M. Pay ley's Grundsätze der Moral und Politik. Aus dem Englischen übersetzt, mit einigen Bemerkungen u. Zusätzen begleitet, in : Wölfe, Kurt (éd.), Christian Garve, Gesammelte Werke, vol. XEŒ, Hildesheim/Zürich/New York 1985, [reprint de l'édition de 1785], p. 5.

179

« diese Wissenschaft [le droit naturel] zu unseren Zeiten ein vorzügliches Interesse gewonnen hat» 18 et Schlettwein, enfin, note que «die Anzahl der Systeme und Compendien und Streitschriften über das Recht der Natur fast unbestimmlich [ist] »,19 Peut-être les auteurs ne répercutent-ils pas les interprétations concurrentes auxquelles la Déclaration avait donné lieu en France parce que, pour eux, c'est la mention des droits de Y Homme qui prédomine, après 1788, comme cela a été mis en évidence, déjà, dans le cadre spécifique des problèmes pédagogiques. Parfois, on retrouve, certes, l'imprécision caractéristique de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen : quand Campe reproche à Schirach de comprendre unter Rechten, nicht die Rechte der Menschheit und eine auf den allgemeinen Willen einer Nation gegründete Verfassung, sondern die Anmaaßungen der Fischweiber und der Helden aus der Vorstadt St. Antoine,20

il ne précise point quels droits doivent primer, ceux de l'Homme ou ceux de l'Etat, fondé sur la Nation. Le plus souvent, pourtant, les auteurs des deux revues insistent explicitement sur le caractère primordial des droits de l'Homme. Ainsi, Campe, dans sa réponse à Meister qui faisait grief à la Constituante de l'abolition de la noblesse, précise-t-il que cette dernière est tout à fait inutile dans un pays régi par «eine auf Menschenrechte gegründete Verfassung». 21 Et Afsprung qui, de manière significative, appelle la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen «Déclaration „über die Rechte des Menschen in der Gesellschaft"», affirme qu'elle «bestimmt bloß, welche Rechte jeder Bürger schon als Mensch hat, die ihm durch den Eintritt in die Gesellschaft nicht entzogen werden können». 22 Au fur et à mesure que les gouvernements allemands tentent de s'opposer aux aspirations réformistes des Aufklärer, les auteurs des revues exigent, avec plus de fermeté, le respect des droits de l'Homme. Reimarus, dans le Braunschweigisches Journal, assigne comme fin du pacte social la sécurité («Sicherheit»), qu'aussitôt après, il rapporte explicitement à la liberté et à la propriété : « Freiheit und Eigenthum sind also die Rechte, welche sich jeder Staatsbürger, die Regierungsform mag übrigens seyn, welche sie wolle, für immer vorbehalten hat». 23 De la liberté naturelle que le citoyen conserve au sein de la société découle également la liberté de pensée et, par conséquent, le refus de voir l'Etat se mêler des problèmes de 18 19

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Hufeland, Gottlieb, Versuch über den Grundsatz des Naturrechts, Leipzig 1785, pp. 4-5. Schlettwein, Johann August, Die Rechte der Menschheit oder der einzige wahre Grund aller Gesetze, Ordnungen und Verfassungen, MeisenheimXjlan 1980 [reprint de l'édition de 1784], «Vorrede». Schi. J. 92.1.4 pp. 62-63. Br. J. 91.ΙΠ.4 p. 302. Br. J. 91.V.6 p. 114. Dès novembre 1790, Afsprung affirmait «daß Schutz und Schirm der einzige, wenigstens der erste Endzweck der Vereinigung der Menschen in eine bürgerliche Gesellschaft ist» (Br. J. 90.XI.10 p. 384). Br J. 90.1.4 pp. 76-77.

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l'enseignement. Pour l'auteur «cosmopolite» d'un article de juin 1792, enfin, les hommes, en souscrivant au contrat social se sont réservé deux droits inaliénables : 1. Das Recht, nach erfüllten Pflichten des Staatsbürgers und Unterthanen, unabhängig zu seyn. 2. Das Recht eines unumschränkten Glaubens,

dont il fait dériver la liberté religieuse et politique, qui garantit «den Genuß der Sicherheit fur unsere Person und Eigenthum» et qu'il considère comme le fondement du bonheur ici-bas.24 Halem, lui, dans ses «Beyträge zum Für und Wider der jetzt suspendirten französischen Revolution» consacre près de dix pages à ce problème, se demandant qui doit l'emporter, dans la législation, de l'Homme ou du Citoyen. Réfutant les théoriciens selon lesquels les droits de l'Homme n'ont pas à être pris en charge dans l'élaboration d'une constitution civile,25 il prend parti pour des positions soutenues déjà avant la Révolution par « ein deutscher Philosoph »26 convaincu daß Freyheit und ursprüngliche Rechte der Menschen, nur so viel eingeschränkt werden dürfen, als die Verbindung von Menschen erfordert, die alle gleiche Achtung ihrer Rechte verlangen,27

Si les droits naturels de l'individu peuvent être limités dans la société, c'est simplement pour garantir les droits naturels de ses autres membres. Halem se réfère également au juriste anglais Blackstone qui fonde la législation et le gouvernement sur les Droits de l'Homme.28 Sous ce dernier terme, il faut comprendre das Recht, welches jeder einzelne Mensch, sowohl vor, als nach dem Eintritt in die Gesellschaft, nicht nur gegen den ganzen Verein, sondern auch gegen jedes einzelne Mitglied desselben besitzet. [...] Wie kann man [...] zweifeln, daß bey jeder gesellschaftlichen Verbindung ein Naturrecht, ein Recht der Menschheit zum Grunde liege?29

La société a donc pour but premier de garantir à l'individu la jouissance de ses droits naturels. C'est ainsi que, dans les années 1790, la garantie des droits de l'individu se met à primer sur la dimension étatique, les Aufklärer voyant avant tout, dans la constitution, ime garantie contre le «despotisme» de l'Etat, à qui l'on dénie le droit de décider seul ce qui est bien ou mal pour ses sujets. Campe, par exemple, relève

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Schl.J. 92.VI.4p.215. Sehl. J. 93.1.5 p. 48. Ibid., p. 49. Le «philosophe allemand» évoqué est peut-être Garve qui, dans son traité de 1788 sur les liens de la morale et de la politique, utilise une terminologie identique et développe des idées semblables (voir Garve, Christian, op. cit.). Ibid., p. 48. Ibid. : «Der große Englische Rechtsgelehrte Blackstone geht daher, um das Gebäude der Gesetzgebung und der Regierung zu gründen, auf die Rechte des Menschen zurück». Ibid., p. 50. 181

daß der Zweck der bürgerlichen Gesellschaften nicht - wie man uns gern fur immer glauben gemacht hätte - darin bestehe, daß den Menschen eine vermeinte Glückseligkeit, die sie nicht haben wollen, aufgedrungen werden solle, sondern vielmehr darin, daß jedes Glied der Gesellschaft für seine natürlichen Rechte und für sein wohlerworbenes Eigenthum Schutz und Sicherheit finde, und daß niemand gehindert werde, sich selbst so glücklich zu machen, als er kann und mag.30

Comme les autres auteurs des revues, il se rattache à un courant d'idées antérieur à la Révolution. Garve, par exemple, paraît vouloir garantir, dans l'état social, ces caractéristiques de l'état de nature que sont la conservation de l'individu, la liberté de conscience et la propriété. Le passage de l'état de nature à l'état social a pour conséquence de garantir ces droits : dans l'état de nature « [wird] das Eigenthumsrecht nicht durch so deutliche und so unverletzliche Regeln bestimmt» 31 que dans la société, où la reconnaissance du droit de propriété rend celle-ci théoriquement inviolable. De son côté, Schlettwein estime que les droits et les devoirs de l'homme dans l'état de nature «absolu» sont de deux ordres. Pour ce qui regarde l'individu indépendamment des autres, Schlettwein érige en droits la conservation de son existence, la propriété, la recherche de la vérité, la pratique de la religion, considérées toutes comme nécessaires ;32 pour ce qui concerne l'individu dans son rapport avec les autres, la nécessité de dire la vérité.33 Le but de la société ne saurait être pour lui que le suivant : « die Rechte, welche der Mensch schon hat, mit grösserer Sicherheit und Gewissheit ihres Erfolges ausüben zu können». 34 En dépit, donc, de variantes dans l'organisation du discours, il semble bien que les thèses défendues par les auteurs s'articulent principalement autour de l'axe constitué par la propriété et la liberté. Par conséquent, la fascination qu'exerce sur eux la Déclaration des Droits de l'Homme et la Constitution de 1791 tient à ce qu'ils assistent à l'inscription des thèses jusnaturalistes dans les textes législatifs de la Révolution, précisément au moment où la liberté se voit remise en cause par la politique de Frédéric-Guillaume II.

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Schi. J. 93.Π.1 pp. 130-131. Le problème posé par la distinction qu'opère Campe entre les «droits naturels» et la «propriété bien acquise» n'est qu'apparent. En effet, il n'évoque pas la propriété en soi, mais la propriété «bien acquise». Dans un discours de type jusnaturaliste, la protection de la propriété ne concerne, stricto sensu, que les biens possédés de facto par les contractants avant la fondation de la société, qui les leur assure de jure. La remarque de Halem concerne, elle, uniquement les biens acquis après l'entrée en vigueur du contrat, et il demande que la protection, assurée généralement aux biens déjà possédés dans l'état de nature, soit simplement étendue à ces derniers. Sur ce point, voir aussi 93 .ΧΠ.3 pp. 130-131. Garve, Christian, op. cit., p. 7. Schlettwein, Johann August, op. cit., respectivement pp. 122-123; pp. 138-144; pp. 151152; pp. 155-156; pp. 161-162. Ibid., pp. 182-183. Ibid., p. 355.

182

3

Les principes de la Déclaration et de la Constitution

3.1

La liberté

Pour ce qui concerne la liberté, les conceptions affirmées par les auteurs des revues recoupent fondamentalement celles de la Déclaration des Droits de l'homme : elle est un droit naturel que toute association politique a pour but de conserver35 et la Constitution doit veiller à ce que tous les hommes en jouissent également.36 Le passage de l'état de nature à la société civile modifie, certes, la nature de cette liberté : d'une liberté négative et anarchique, elle devient une liberté positive, garantie par des lois qui, dans la droite ligne du discours jusnaturaliste, ne doivent retrancher de la liberté naturelle que ce qui est indispensable à l'existence du corps social.37 La liberté personnelle doit donc être aussi illimitée que possible. Comprendre de la sorte le concept de liberté implique un refus catégorique de l'esclavage, que l'intérêt général ne saurait aucunement légitimer. L'esclavage est ainsi dénoncé à plusieurs reprises, dans les revues, parce qu'il est incontestable «daß alle Menschen von Natur frei gebohren werden >>.38 De plus, l'esclavage est une réalité absolument injustifiable par l'idée de contrat, car aucun contractant ne serait prêt à accepter une telle clause.39 Dans la joute verbale, enfin, que se livrent deux prétendus députés, «An», le plus libéral, explique comment les habitants des pays conquis ont pu passer de leur statut d'esclave à celui de citoyen : quoique esclaves, ils disposaient encore du droit [« Menschen=Recht »] de se libérer, droit que les conquérants ont implicitement reconnu en leur accordant une constitution civile, jugée préférable à un état de rébellion constante.40 Si ce dernier texte peut être interprété dans un sens politique plus large, les deux premiers passages sont rigoureusement dans la ligne des critiques explicites du servage pratiqué en Allemagne,41 puisqu'en France, où le nombre de serfs atteignait, à la veille de la Révolution un million et demi,42 la mainmorte et la servitude personnelle avaient été abolies en principe, le 4 août 1789, et, de fait, par le décret 35 36

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Sehl. J. 93.1.5 p. 53. Campe se réfère ici explicitement à l'article 2 de la Déclaration. Br. J. 90.VILI p. 266. Voir la Déclaration, articles 4 et 5. C'est également l'article 5 qui soustend la remarque de Brackebusch in Schi. J. 92.ΓΧ.2 p. 66. Voir Sehl. J. 93.1.5 p. 48. Sehl. J. 93.XI.5 p. 402. Sehl. J. 92.IX.2 pp. 63-64. Br. J. 90.Vm.7 p. 487. Voir Epstein, Klaus, Die Ursprünge des Konservativismus in Deutschland: der Ausgangspunkt; die Herausforderung durch die Französische Revolution ¡770-1806, Frankfurt/M. 1973, pp. 235-238; Mittenzwei, Ingrid, «Die Vorbereitung der bürgerlichen Umwälzung», in : Zentralinstitut für Geschichte der Akademie der Wissenschaften der DDR (éd.), Deutsche Geschichte in zwölf Bänden, vol. 3, (Die Epoche des Übergangs vom Feudalismus des 15. Jahrhunderts bis 1789, Berlin 1989, pp. 494-^96. Voir Aulard, Alphonse, op. cit, pp. 5-36; Garaud, Marcel, La Révolution et l'égalité civile, Paris 1953, pp. 15-34 ; Godechot, Jacques, Les Institutions de la France sous la Révolution et sous l'Empire, pp. 56-58.

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du 15 mars 1790; cela signifie que les auteurs des revues, tout en partageant fondamentalement le même horizon conceptuel que les révolutionnaires français mettent, malgré tout, l'accent, sur les réalités qui leur sont familières. C'est vrai également pour ce qui regarde les libertés de communication et de pensée. Ici encore, on retrouve un accord de fond entre les aspirations des auteurs et les idéaux des membres de l'Assemblée nationale qui les avaient inscrites dans le dixième et le onzième articles de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (même si ces libertés furent limitées, dans la pratique, dès l'été 1789) : article 10 : Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public. article 11 : La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. Et les rédacteurs des revues devaient nécessairement vouer à ces articles une admiration inversement égale à la restriction de ces libertés dans l'Allemagne de la fin du dix-huitième siècle. 43 Dans la livraison d'août 1788, un des éditeurs loue le texte de Winterfeld qui s'insurge contre une thèse de J. Castillon établissant la nécessité de tromper le peuple. Et la recension s'achève sur ces mots : Ich wünsche, daß sie [les pensées de Winterfeld] von allen denen beherzigt werden mögen, die sich noch immer durch die Scheingründe der Gegner blenden lassen und mit Hrn. v. C[astillon] dafür halten, daß Denk und Preßfreiheit mehr schade als nutze [...].44 Que cet appel n'ait pas été entendu et que, bien au contraire, la censure se fasse toujours plus oppressante, 45 la multiplication des renvois, par la suite, à ces droits sacrés que sont la liberté de pensée et de presse 46 en témoigne. En avril 1791,

43

Les auteurs protestent contre une telle restriction de la liberté de communication de pensée sitôt qu'est promulgué l'Edit de juillet. La proclamation des édits de Wöllner, en matérialisant des craintes antérieures, ne fait, en un sens, qu'exacerber un débat déjà ancien, ce que confirme en outre J. Wilke pour qui le débat sur la liberté de pensée commence en 1774 (Wilke, Jürgen, «Die Entdeckung von Meinungs- und Pressefreiheit als Menschenrechte im Deutschland des späten 18. Jahrhunderts», in: Dann, Otto et Klippel, Diethelm (éd.), Naturrecht - Spätaufklärung - Revolution, [Studien zum achtzehnten Jahrhundert, 16], 1995,

44 Ρ' 1 2 3 ) · 44 Br. J. 88.Vm.7 p. 470. 45 Voir Goldfriedrich, Johann, Geschichte des deutschen Buchhandels vom Beginn der klassischen Literaturperiode bis zum Beginn der Fremdherrschaft (1740-1804), Leipzig 1909, pp. 410-418, selon qui la Prusse est le seul pays de l'Empire à vouloir imposer, après le déclenchement de la Révolution, une censure aussi rigide que celle existant en Autriche ou en Bavière. Plus récemment, le rôle de la censure, dans la vie littéraire du dix-huitième siècle, a été rappelé par Helmuth Kiesel et Paul Münch, dans Gesellschaft und Literatur im 18. Jahrhundert. Voraussetzungen und Entstehung des literarischen Markts in Deutschland, München 1977, pp. 104-122. 46 Br. J. 88.IX.4 p. 67; 88.X.1 p. 136; 88.ΧΠ.2 p. 405; 89.1.4 p. 51; 89.Π.5 p. 251; 89.ΠΙ.5 p. 364; 90.IX.5 p. 116; 91.IV.5 pp. 459, 461 ; Sehl. J. 92.XI.4 p. 370; 93.VÜ.12 p. 409. Le refus de la censure a également partie liée avec les préoccupations commerciales des éditeurs 184

l'auteur d'un article anonyme inaugure même une rubrique dans laquelle il se propose de vilipender tous les exemples de « Censur=unfiig ».47 Le recours à la liberté de pensée permet aux auteurs de dénoncer une autre atteinte à leurs droits : suite à l'interception de la correspondance qu'il entretenait avec Cuhn, Mauvillon, obligé de se justifier longuement dans les pages du Schleswigsches Journal,48 s'insurge contre la violation du secret postal, alors que ce dernier n'avait pas fait, finalement, l'objet d'un article spécial dans la Déclaration, en dépit de sa fréquence dans les projets.49 La défense du secret postal n'a pas, cependant, une fonction uniquement apologétique car, dès 1791, un auteur anonyme dénonce le détournement de plusieurs lettres et d'un paquet dans un bureau de poste entre Duderstadt et Francfort. Il invoque, cette fois, non plus la liberté de communication, mais le droit de propriété : Solche Eingriffe in die Eigenthumsrechte freier deutscher Bürger, solche Niederträchtigkeiten erdacht man sich im letzten Decennium des auf seine Aufklärung so stolzen 18ten Jahrhunderts. 50

3.2

La propriété

La question de la liberté de pensée, implicite dans le droit de communiquer librement, tout comme le refus de l'esclavage relèvent donc peut-être essentiellement de cet autre droit de l'Homme, dont la garantie est considérée dans le discours politique au dix-huitième siècle comme une nécessité absolue: le droit de propriété. Dès les Briefe aus Paris, Campe laisse percevoir l'importance que cette notion revêt à ses yeux, lorsqu'il s'étonne de pouvoir laisser ses bagages sans surveillance dans un relais puisque le peuple y respecte les biens,51 ou encore qu'il se montre stupéfait devant la populace qui «weder beim Anfange der Empörung, noch in dem Freudentaumel, welcher auf den glücklichen Ausgang folgte, zu rauben oder zu plündern sich erlaubte». 52 Fondamentalement, le droit de propriété apparaît comme l'un des piliers du discours éclairé.53

47 48 49

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qui voient en elle une menace pesant sur la bonne marche des affaires (Schi. J. 93.VI.7 pp. 202-204; 93.VI.8). Br. J. 91.IV.5. Cette rubrique n'aura qu'une suite (Br. J. 91.VIII.2). Schi. J. 92.ΙΠ.3. Voir Riais, Stéphane, op. cit., p. 248 ; Sandweg, Jürgen, op. cit., p. 252. Si, en dernière instance, des raisons de temps avaient empêché de l'inscrire dans la Déclaration, il est probable, cependant, que les députés le voyaient garanti, de toute façon, par l'article 11. Br. J. 91.ΧΠ.8 p. 491. Br. J. 89.X.7 pp. 245-246. Br. J. 89.XII. 1 p. 396. En effet, la protection de la propriété, acquérant durant l'Aufklärung une importance toute particulière, devient vite un des thèmes majeurs de la réflexion politique. Comme l'a écrit par exemple Ulrich Scheuner (Der Schutz des Eigentums. Untersuchungen zu Artikel 14 des

185

En effet, pour les auteurs des deux revues, le souci de protéger la propriété est l'un des fondements du pacte social,54 de même que pour les députés de l'Assemblée nationale qui l'évoquent dans le second article de la Déclaration. De fait, comme l'a écrit E. Botsch, «[d]as Eigentumsrecht wurde als Basis der Gesellschaftsordnung angesehen. [...] Neben dem Prinzip Freiheit nahm Eigentum den wichtigsten Platz bei der Gesellschaftsgründung ein». 55 En un sens, cette conception peut fonder une argumentation de type conservateur. Ainsi, Moser avait pu, dans la livraison de juin 1790 de la Berlinische Monatsschrift, s'élever contre les prétentions des révolutionnaires à changer la constitution française en accordant la citoyenneté à tous: «[d]ie Europäer, als Landbauer, legten eine Landwahre oder das Eigentum eines fur jeden Staat bestimmten Ackerhofes, mansus genannt, zum Grunde ihrer Verbindung »,56 et seuls les premiers propriétaires, détenteurs d'une «Landaktie», étaient et demeurent en droit de jouir du statut de citoyen. Afsprung, lui, refuse cette métaphore de la «société par actions». S'il part d'une réflexion analogue sur la société, destinée, initialement, à protéger la propriété, en faisant valoir daß Menschen sich in eine bürgerliche Gesellschaft vereinigten, um sich und ihr Eigenthum mit vereinigten Kräften zu schützen [...], daß einzelne Hausväter sich freiwillig mit einander verbunden haben, um sich und das Ihre gemeinschaftlich zu verbinden,57

il va jusqu'à récuser une simple conception foncière de la propriété.58 Ce qui fonde, en effet, la légitimité de la propriété, c'est non seulement la possession, mais aussi le travail, car ce dernier - qu'il relève du commerce ou de l'artisanat - , en contribuant à la richesse nationale tout autant que la simple possession foncière, accorde, à qui l'a effectué, le droit incontestable de jouir des fruits de son labeur et

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Grundgesetzes fur die Bundesrepublik Deutschland, [Schriftenreihe der Niedersächsischen Landeszentrale für Politische Bildung, Verfassungsrecht und Verfassungswirklichkeit, 3], Hannover 1966): «Im IB. Jahrhundert wird die Notwendigkeit eines Eigentumsschutzes Gemeingut der Lehre». Br. J. 90.1. p. 76 ; 90.1.4 pp. 76-77 ; Schi. J. 92.VI.4 p. 215 ; 93.1.5 p. 53 ; 93.V.3 p. 18. Une fois de plus, Rochow se montre un peu en-deçà de cette position. Selon lui, le respect de la propriété constitue l'une des règles que doit suivre un bon prince, mais il ne paraît pas insérer le droit de propriété dans un discours contractuel (Br. J. 88.IV.1 p. 397). Botsch, Elisabeth, Eigentum in der Französischen Revolution. Gesellschaftliche Konflikte und Wandel des sozialen Bewußtseins, [Ancien Régime, Aufklärung und Revolution, 22], München 1992, p. 192. Moser, Justus, «Über das Recht der Menschheit, als den Grund der neuen Französischen Konstitution», in: Weber, Peter (éd.), Die Berlinische Monatsschrift 1783-1796, Leipzig 1986, p. 210. Br. J. 91.V.6 pp. 108-109. Ibid., p. 112 : «Der Begriff von Eigenthum wird gewiß ungebührlich verenget, wenn man ihn bloß auf Grundstücke einschränkt».

186

donc d'en être propriétaire.59 Plus que la simple possession, c'est aussi la manière dont on l'a acquise qui semble déterminante aux yeux de Campe comme l'indique la fin qu'il assigne à la société civile, grâce à laquelle chacun «ftir seine natürlichen Rechte und für sein wohlerworbenes Eigenthum Schutz und Sicherheit finde».60 Dans l'étude qu'il a consacrée à la notion de propriété durant 1'Aufklärung, J. Garber distingue deux tendances: une aile libérale et une aile « solidarrechtlich ». Pour lui, en effet, si la tradition libérale conçoit une société bourgeoise fondée sur les droits de l'Homme, elle exclut le concept de travail de la notion de «propriété». Quant à la tradition «solidarrechtlich», elle subordonne le postulat de la liberté au besoin d'égalité des citoyens.61 La position défendue dans le Schleswigsches Journal paraît indiquer, par conséquent, l'existence d'un troisième courant - attesté par ailleurs62 - , pour qui le travail sanctifie la propriété et la légitime. Mais la notion de propriété que reflètent les deux revues s'enrichit, semble-t-il, d'une autre détermination, puisque la propriété trouve une légitimation supplémentaire dans le profit qu'autrui peut en tirer. Ce dernier point semble suffisamment important à Campe pour qu'il adjoigne une longue note à sa traduction du texte de J. H. Meister, note dans laquelle il exprime son parfait accord avec le raisonnement tenu par ce dernier : Wie kann man es [das Eigentum] nun erhalten und wie es vermehren, ohne daß es größer wird? Wie kann man ferner die Mittel seiner [sa propriété] zu genießen vervielfältigen, ohne die Früchte desselben mit Andern zu theilen, ohne dadurch den Ertrag und den Werth desselben zu erhöhen? 63

Même si la conception globale de la propriété demeure, chez Campe, fort différente de celle de Rousseau,64 rien n'interdit de penser qu'elle a subi son influence, car pour lui, la prima occupatio n'a de sens que si le propriétaire fait fructifier les propriétés lui appartenant. En second lieu, l'on ne saurait contester une certaine influence de la Physiocratie sur les conceptions de la propriété proposées dans les textes de la revue, puisque les réformes souhaitées par les auteurs visent à sup-

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Br. J. 91.V.6 pp. 110-111. Dans ces deux pages sont multipliées les occurrences de «Gewerbe», de «Handlung» ou de mots de la même famille. Même le travail de l'argent fait fructifier la propriété et, par conséquent, l'étend. Voir Sehl. J. 93.Π.1 p. 131. Garber, Jörn, Spätabsolutismus und bürgerliche Gesellschaft, Frankfurt/M. 1992, pp. 195197. Voir l'analyse de Dieter Schwab, «Eigentum», in : Brunner, Otto, Conze, Werner et Koselleck, Reinhart (éd.), Geschichtliche Grundbegriffe. Historisches Lexikon zur politisch-sozialen Sprache in Deutschland, vol. 2, Stuttgart 1975, p. 79. Br. J. 90. VILI pp. 280-281. Conformément à ce qu'a relevé R. Brandt, le travail ne constitue pas, chez Rousseau, la base juridique de la propriété qu'il ne sert, en définitive, qu'à limiter: n'est légitime en effet que la propriété acquise par un travail répondant strictement aux besoins des individus (Brandt, Reinhard, Eigentumstheorien von Grotius bis Kant, [Problemata, 31], Stuttgart/Bad Cannstatt 1974, pp. 154-156).

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primer les limitations de l'usufruit auxquelles sont soumis les producteurs afin d'augmenter les rendements et de faire mieux participer ceux-ci au produit de leur travail.65 Le rôle prépondérant de la propriété dans les deux revues l'érigé peut-être même en véritable «matrice des droits de l'Homme», 66 comme en témoigne, encore une fois, la traduction par Campe du texte de Meister: dans l'introduction, il affirme que la liberté doit être illimitée, pour tout ce qui touche à la liberté personnelle et à la liberté de propriété. Peu après, dans la section consacrée exclusivement à cette dernière, il précise que : die einzige [Freiheit], die in dem Stande der Gesellschaft wirklich Statt finden kann, ist, eigentlich zu reden, nicht anders, als jenes bestimmte Eigenthumsrecht auf uns selbst, worüber das Gesetz uns die Gewähr leistet. Diese, durch das gemeine Interesse der Gesellschaft mehr oder weniger modificirte Freiheit, ist das wahre Eigenthum derer, die kein anderes haben. 67

La liberté personnelle n'est, en ce sens, qu'une extension du droit de propriété, ce que confirme l'analyse de Schwab, dans l'article sur la notion de «propriété» qu'il a publié dans les Geschichtliche Grundbegriffe. Il y démontre, de façon convaincante, qu'à la fin de l'Aufklärung, l'objet de la propriété a subi, sous l'influence des thèses libérales, une double modification : d'une part, il a été limité, puisqu'on a considéré le servage comme juridiquement impossible; d'autre part, il a été étendu d'une façon inouïe au sujet personnel et à ses productions intellectuelles.68 Cette extension de la propriété aux ouvrages de l'esprit a une portée plus capitale pour les auteurs des revues que pour les constituants français. En février 1793, Campe écrit par exemple : Nichts in der Welt ist im strengern und eigentlichem Sinn unser Eigenthum, als das, was unsere Seele aus sich selbst hervorbringt, und in sich selbst besitzt - ihre Gedanken, und zwar alle ihre Gedanken, also auch die religiösen [...] ; so können wir mit dem, was unser ist, also auch mit allen unseren Gedanken, auch den religiösen, auf jede für Andere unschädliche Weise schalten und walten. 69

Le problème de la propriété intellectuelle, âprement discuté depuis les années 1770,70 est indissociable des préoccupations économiques des auteurs: Zerenner, 65

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Les conceptions des auteurs rejoignent, sur ce point, celles des révolutionnaires français partisans de la Physiocratie. Ceux-ci, en effet, étaient conscients de la nécessité, afin d'augmenter la productivité, de supprimer un système féodal qui couvrait de charges les paysans, les empêchant, partant, de jouir des fruits de leur travail, et s'opposait, ainsi, à l'optimisation de l'agriculture par la bourgeoisie (Voir sur ce point Kroll, Peter, Die Eigentumsordnung des französischen Feudalismus und ihre Zerschlagung durch die große Revolution, Phil. Diss., Bonn 1964, pp. 126-133). Rials, Stéphane, op. cit., 1988, p. 356. Br. J. 90. VILI pp. 278-279. Schwab, Dieter, op. cit., pp. 84-85. Schl.J. 93.Π.1 p. 132. Kiesel Helmuth et Münch, Paul, op. cit., pp. 141-144, où ils insistent sur le rôle du juriste J. S. Pütter - cité in Schi. J. 93.XI.3 pp. 329-330.

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par exemple, choisit de lancer une souscription afin qu'on ne puisse faire une édition sauvage de ses Christliche Volksreden71 et Campe, peu soucieux d'abandonner son Väterlicher Rath fir meine Tochter au «ehrlosen Nachdruckergesindel», annonce qu'il le vendra par souscription, s'il trouve suffisamment d'acheteurs potentiels.72 Pour ce dernier, la pratique de l'édition sauvage durant ce «Nachdruckzeitalter»73 qu'est l'Aufklärung, constitue même une double menace car il n'est pas seulement auteur mais aussi éditeur,74 et c'est en tant que tel qu'il dénonce aussi les éditions pirates. Attaquant une édition sauvage de son Robinson, Campe écrit ainsi : «Der gegenwärtige Nachdruck ist um so weniger zu verzeihn, da der Preis der ächten Edition von der Braunschweigischen Schulbuchhandlung, die das Verlagsrecht darüber gekauft hatte, beinahe um die Hälfte herabgesetzt worden ist».75 Si la critique des éditions non autorisées est, dans le Braunschweigisches Journal, un véritable leitmotiv,76 on ne peut l'aborder uniquement d'un point de vue économique, car le point de vue des auteurs, sur ce problème, évolue au fil des années, accentuant les positions libérales des revues. Alors qu'en 1788, Campe se refuse à publier un de ses textes jusqu'à ce que «Recht und Gerechtigkeit auch fur den Schriftsteller in Deutschland gelten werden»,77 dans son texte déjà cité, de 1793, il dénie à l'Etat le droit de se mêler de ces problèmes. Hennings, pareillement, s'oppose à ce que l'Etat intervienne dans les questions de propriété littéraire, de peur de le voir, par là, limiter la liberté de pensée. En 1793, il approuve ainsi la distinction opérée à propos du «Nachdruck» par Reimarus78 qui 71 72 73

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Br. J. 91.ΙΠ.8 p. 368. Br. J. 88.X.8 pp. 257-258. On trouve cette expression chez Walter Bappert, Wege des Urheberrechts. Die geschichtlichen Grundlagen des Urheberrechtsgedankens, Frankfurt/M. 1962, pp. 262-266 - qui éclaire le lien entre les éditions pirates et l'émergence de la notion de droits d'auteurs destinés moins, à l'origine, à protéger l'œuvre d'un auteur qu'à assurer à l'éditeur qui en a acheté les droits une réelle exclusivité. Goldfriedrich, Johann, op. cit., pp. 50-115, qui décrit amplement cette pratique dans les pays allemands, utilise également cette formule. A la suite de ce dernier (p. 100), Kiesel et Münch ont mis en évidence la signification économique du «Nachdruck», seul capable, à une époque où il n'existe pas encore de marché littéraire, de répondre à la demande d'un public en expansion (op. cit., p. 133). Campe, prenant le contre-pied de ces éditeurs qui méprisent la propriété littéraire, parle explicitement de «Eigenthum», lorsqu'il invite les auteurs de textes non publiés à venir récupérer leurs manuscrits, (Br. J. 89.V.6 p. 94). Sur les pratiques éditoriales de Campe, voir Göpfert, Herbert H., «Bemerkungen über Buchhändler und Buchhandel zur Zeit der Aufklärung in Deutschland», in: Wolfenbütteler Studien zur Aufklärung, 1, 1975, pp. 75-76. Br. J. 88.ΠΙ.7 p. 392. Br. J. 88.Π.5 p. 248; 88.ΠΙ.7 p. 386; 88.VÜ.6 p. 378; 88.IX.7 p. 128; 89.1.7 p. 119; 90.X.8 p. 455; 90.IX.5 p. 128; 91.ΠΙ.8. p. 368; 91.IX.2 «Ueber den Nachdruck der Bücher. Bruchstück eines Gespräches ». Br. J. 88.X.8 p. 257. Reimarus, Johann Albrecht, «Der Bücherverlag in Betrachtung der Schriftsteller, der Buchhändler und des Publikums abermals erwogen», in: Rietzschel, Evi (éd.), Gelehrsamkeit ein Handwerk. Bücherschreiben ein Gewerbe. Dokumente zum Verhältnis von Schriftsteller und Verleger im 18. Jahrhundert in Deutschland, Leipzig 1982, pp. 85-87 (Version écourtée de l'édition originale parue dans le Deutsches Magazin, 1791,1, pp. 383 et sqq.). La condam-

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l'envisage d'un point de vue moral et d'un point de vue juridique. 79 La pratique de l'édition pirate est, certes, condamnable mais on ne saurait en faire une question juridique, car ce serait ouvrir la porte aux abus de la part de l'Etat, dans la mesure où cela impliquerait que « alle Mittheilung der Gedanken, alle Aufklärung, neben der Krug= und Schenk=Gerechtigkeit neben den Geschäften auf der Fleischbank und im Beckerladen, in das allumfaßende Register der Policei=Sachen eingetragen werden». 80 Le passage lent à des thèses plus libérales à propos du problème de la propriété intellectuelle ne montre que mieux l'importance que revêt, pour les rédacteurs des revues, le respect de la propriété. Si les buts que Halem, en s'appuyant explicitement sur les termes du second article de la Déclaration des Droits de l'Homme, assignait à une constitution, sont, de façon représentative pour les deux revues, de préserver la liberté, la propriété et la sûreté,81 il s'avère que les trois termes de cette énumération n'ont pas le même poids : dans la perspective des auteurs, en effet, la garantie du droit de propriété prime sur la liberté. De plus, la «sûreté» semble subordonnée, elle aussi, à la propriété. Commentant la discussion fictive publiée en novembre 1790, qui porte sur le meilleur mode de gouvernement, le prétendu éditeur cherche à atténuer l'emphase avec laquelle les philosophes défendent l'idée que le but d'une constitution serait la félicité [«Glückseligkeit»]. D'après lui, en effet, «wenn sie darunter [«Glückseligkeit»] nichts als die versicherte Besitzung und Genießung des Eigenthumes verstehen, so wäre es besser, das Wort,Sicherheit' beizubehalten ».82 Perçu dans son essence, le deuxième article de la Déclaration des Droits de l'Homme se réduit donc peut-être à une puissante affirmation du caractère central de la propriété. On retrouve la même idée dans le texte consacré aux fondements de la législation sur l'éducation nationale. Campe considère que le but fondamental de l'Etat n'est pas «uns unsers Eigenthums zu berauben, sondern uns bey unserem Eigenthum und dessen unschädlichem Gebräuche zu schützen». 83 Brackebusch, enfin, dans sa «Pétition d'un patriote allemand aux représentants du peuple franc» ne dit pas autre chose, puisque «[alles], was der billige Mann nur immer von einer Verfassung erwarten kann [ist] vollkommene Sicherheit der Personen und des Eigenthums, Freiheit der Religion und der Preße »,84 Une étude attentive de la chronologie des textes semble montrer qu'au fil des années, ce droit naturel qu'est la propriété, est défendu avec une vigueur de plus en

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nation des éditions pirates est, en outre, encore moins virulente chez Reimarus que chez Hennings, car celui-ci constate que ces éditions, dont les acheteurs ne seraient pas en mesure de payer les éditions légales, ne représentent pas une perte financière pour les éditeurs. Schi. J. 93.XI.3 p. 323. Ibid., p. 333. Voir Sehl. J. 93.1.5 p. 53 : «diese Rechte, welche die Constitution garantiert, werden sofort im 2ten § bestimmt, Freyheit, Eigenthum, Sicherheit». Br. J. 90.XI.10 p. 380. Schl.J. 93.Π.1. pp. 132-133. Schi. J. 93.V.3 pp. 17-18. Il cite ici en exemple les villes de Hambourg, Brème, Francfort.

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plus grande. C'est là, d'une part, une conséquence problable de la réaction toujours plus violente que suscite, en Allemagne, la radicalisation des positions conservatrices : les Aufklärer tentent dès lors, en invoquant l'invulnérabilité du droit de propriété, de préserver les libertés de pensée et d'expression, conquises dans la seconde moitié du dix-huitième siècle. D'autre part, on peut y voir une dénonciation des thèses jacobines de la propriété qui tendent, en France, à devenir prédominantes. La réaffirmation de la propriété comme droit naturel serait peutêtre à mettre en parallèle avec les conceptions girondines qui, pour s'opposer aux tendances égalitaristes de la Montagne, et en dépit d'affirmations antérieures, espéraient pouvoir, par là, mettre à l'abri la propriété.85 L'affirmation de l'inviolabilité de la propriété comme droit naturel ne menace-telle pas, cependant, la cohérence du discours des auteurs, en rendant contradictoire leur jugement sur la Révolution française? Comment concilier, en effet, le droit de propriété et un bouleversement politique aboutissant à la suppression de droits et de privilèges ancrés dans une histoire qui, pour maints théoriciens de la noblesse, en asseoit la légitimité? La revendication du droit de propriété et de tout ce qu'il fonde est donc indissociable, dans les pages des deux revues, d'une autre argumentation de type jusnaturaliste, qui, affirmant la nécessaire égalité entre les hommes, tend à abolir la noblesse. 3.3

L'égalité

Campe, dans sa lettre à Meister, montre bien que, lorsqu'un peuple est gouverné par une constitution fondée sur les Droits de l'Homme, il n'est plus nécessaire d'entretenir les préjugés aristocratiques. Si chacun doit pouvoir également jouir de ces droits, il faut détruire le système féodal.86 L'utopie imaginée par Brackebusch présente ainsi des hommes vivant sous le régime de l'égalité, parce que le privilège de la naissance n'existe pas et que tous, par exemple, sont égaux devant l'impôt. 87 Peu après, il précise que unter Gleichheit weiter nichts als das Gegentheil jener willkührlicher kastenmäßigen Ungleichheit verstanden wird, die vorzüglich das Lehns=system in sehr vielen europäischen Ländern bewirkt hat. 88

Dans la perspective des Droits de l'Homme et des problèmes constitutionnels qu'ils structurent, la noblesse acquiert, par conséquent, une place bien particulière.

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Sur ce point, voir Botsch, Elisabeth, op. cit., pp. 207-210. Br. J. 90.VÜ.1 pp. 300-301. Sehl. J. 92.IX.2 p. 53. Ibid., p. 60.

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3.3.1 La critique de la noblesse comme principe L'analyse des causes de la Révolution française par les auteurs du Braunschweigisches et du Schleswigsches Journal avait, bien sûr, accordé sa place à la noblesse. Cette dernière était certes condamnée, mais seulement pour ses excès et pour des abus dont son rôle à la Cour constituait l'illustration la plus flagrante. Une semblable critique du second ordre se retrouve au fil des années,89 et la noblesse demeure la composante principale de cette «Klasse der eigennützigen Menschen »90 qui dominait la France, avant 1789. Mais le discours sur la noblesse passe d'analyses centrées sur les origines de la Révolution à une critique plurielle qui tend à nier radicalement l'aristocratie. Il ne semble pas qu'il faille ici donner trop de poids à un des arguments invoqués par «Samuel Theokrat» dans un article d'avril 1792, où il exprime sa conviction que Dieu a conféré le droit de dominer la nature à tous les hommes, non pas uniquement à l'aristocrate ou au prince.91 A la fin du dix-huitième siècle, en effet, la légitimation théologique de l'existence de la noblesse n'a plus guère d'importance. Il faut, par conséquent, considérer cette remarque de l'auteur comme secondaire. Plus grande est la portée critique des considérations de Brackebusch : dans son histoire de l'île utopique, il évoque ces aristocrates convaincus «daß sie aus einem ganz andern Stoffe gebildet wären, als das übrige Geschlecht, daß ein ganz anderes Blut in ihren Adern fliesse». 92 L'idée d'une réelle supériorité physiologique de la noblesse - qui trouverait sa forme extrême dans la foi en un sang «noble », et ferait de la noblesse, comme le dit Paul Valéry, «une propriété mystique de la liqueur séminale »93 - est, à la veille de la Révolution encore, une constante de la pensée aristocratique.94 Cela est net dans l'article «Über den Ausdruck adeliches Blut», qui confère une importance particulière à un développement rejetant la notion de «noblesse de race» au profit de celle de «noblesse morale», 95 seule est valable aux yeux de l'auteur. Outre les légitimations métaphysiques et physiologiques, les auteurs des revues récusent les métaphores qui servent à légitimer la noblesse : celle de la digue, par

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II n'existe, par exemple, pas de différence fondamentale entre le «Hofgeist» décrit par Hennings (Schi. J. 92.IV.1 ; 92.V.1) et le «Adelgeist» dénoncé dans Schi. J. 93.VIII.7 p. 524. Schl.J. 92.1.1p. 11. Sehl. J. 92.IV.2 p. 428 : «Nach unserem Codex setzte der liebe Gott den Menschen zum Herrn über die Vögel unter dem Himmel, die Fische im Wasser, die Landthiere, und alles, was auf Erden kreucht, und nicht die Fürsten und Aristokraten ». Sehl. J. 92.ΊΧ.2 p. 32. Cité in Meyer, Jean, Noblesses et pouvoirs dans l'Europe d'Ancien Régime, Paris 1973, p. 109. Voir Labatut, Jean-Pierre, Les Noblesses européennes de la fin du XVe à la fin du XVIlle, Paris 1978, pp. 71-73 ; Meyer, Jean, op. cit.,1973, pp. 109-110. Voir Sehl. J. 92.VHI.2 pp. 407^16.

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exemple, à laquelle recourait Schlosser dans le Deutsches Museum,96 se voit contestée, puisque, si on la prend au pied de la lettre, elle fait du souverain un fleuve emporté, alors qu'il faut bien plutôt l'envisager comme le premier serviteur de la Nation tout entière.97 C'est en utilisant le même procédé, la métaphore filée, mais afin d'en mettre en évidence l'inadéquation, que Halem, dans ses «Beyträge zum Für und Wider der jetzt suspendirten französischen Constitution », refuse les images qu'utilisent François-Louis Escherny (1733-1815), Moser et Burke. Le premier compare la société à ime gamme musicale dont il est impossible de retrancher quelques sons sans nuire à la gamme tout entière. Le second considère la diversité des états comme aussi essentielle que la variété des fleurs dans un jardin. Le troisième, enfin, voit dans la noblesse le «chapiteau corinthien des états». 98 L'auteur du Schleswigsches Journal, tout en filant ces trois métaphores, pour en retourner le sens, affirme ne voir en elles qu'un moyen utilisé par ces auteurs pour voiler leur faiblesse. Non sans malice, si l'on songe à la métaphore d'Escherny, il écrit : « den Schriftstellern, welche mit solchen Allegorien Schwäche zu täuschen suchen, kann die Mißbilligkeit nicht anders als in unisono entgegen tönen »." La critique de la noblesse à laquelle se livrent les auteurs du Braunschweigsches et du Schleswigsches Journal n'en reste pas, cependant, à un tel refus de l'esthétisation par la métaphore. C'est dans le domaine juridique que les attaques portées contre l'aristocratie sont les plus vives : ainsi, un auteur du Schleswigsches Journal dénonce le recours fait, afin de défendre l'ordre établi, aux thèses de Daniel Nettelblatt (1719-1791), le grand juriste allemand de Halle, aux analyses duquel il reproche de n'être, en définitive, que la légitimation théorique et la défense de ce droit romain100 que Knigge affirmait être un «ein wahres Alphabet des Despotismus». 101 Mais les auteurs des revues trouvent surtout matière à argumentation dans la critique des 96 97

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Deutsches Museum, octobre 1789, p. 375. Br. J. 91.VL2 p. 154: S'adressant à Schlosser, l'auteur écrit: «So vergleichen sie [...] den Adel einem Damme, welchen das Volk nicht selbst einreissen sollte, damit er die Gewalt des Monarchen in Schranken halten könne ; mithin stellen Sie die monarchische Gewalt als einen reissenden Strom, welcher alles zu überschwemmen und zu verwüsten drohet [...]. Warum denkt man sich nicht den Monarchen lieber der Natur und Wahrheit gemäß als ersten Beamten der ganzen Nation [...]?». Schi. J. 93.1.5 p. 69 : «der Adel ist [nach Burke] das Corinthische Capital der politischen Staaten». Schi. J. 93.1.5 p. 68. De même, la métaphore de l'arbre, dont la noblesse constituerait l'écorce, est rejetée par Afsprung (Sehl. J. 92.Π.5 p. 151). Sehl. J. 93.X.4 p. 230 : «Man lese z.B. das Nettelbladtische Naturrecht, das im Grunde weiter nichts ist, als ein Versuch, die Institute des römischen Rechtes aus der Billigkeit zu verteidigen». Knigge, Adolph von, Josephs von Wurmbrand, Kaiserlich abyssinischen Ex-Ministers, jetzigen Notarli caesari publici in der Reichstadt Bopfingen, politisches Glaubensbekenntnis mit Hinsicht auf die französische Revolution und deren Folgen in: Ausgewählte Werke in 10 Bänden, Fenner, Wolfgang (éd.), Hannover 1994, vol. 8, p. 146 [première édition 1792],

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thèses de Montesquieu. En effet, si, parfois, on constate une réception positive des théories de Montesquieu lorsqu'elles vont dans le sens d'une émancipation de la bourgeoisie,102 généralement, au contraire, elles sont dénoncées en ce qu'elles prennent parti en faveur du second état.103 Afsprung réfute ainsi l'idée d'une noblesse perçue comme «puissance intermédiaire». Ce concept, qu'il applique à l'ensemble du second ordre, et non simplement à la noblesse de robe,104 ne lui paraît nullement rendre compte de la place occupée par l'aristocratie au sein de la société. Il considère successivement trois significations du mot « intermédiaire » [« Mittelmacht »] : - le sens arithmétique et géométrique - le sens de médiateur [«vermittelnde Macht»] - le sens de contre-poids [«Gegengewicht»]105 Il démontre ensuite que la noblesse, prise dans le premier sens, n'apporte rien au peuple; que, prise au second sens, elle est inutile, et même qu'elle signifie une perversion du rapport entre le peuple et le souverain, puisqu'elle aborde cette relation uniquement sous l'aspect d'une confrontation;106 qu'historiquement, enfin, la noblesse n'a jamais ni nulle part défendu le peuple contre les abus du souverain.107 Une telle analyse atteste bien que cette notion de «pouvoir intermédiaire» a perdu tout son sens et n'est qu'une chimère de Montesquieu.108 Quand même la noblesse aurait pu, au cours de l'Histoire, être une «puissance intermédiaire », au moins dans l'une des trois acceptions du mot, l'évolution qu'a subie la France, depuis 1789, rend caduque cette interprétation, dans la mesure où

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Voir, par exemple, Schi. J. 93.IV.1 p. 386 : «Heut zu Tage sind alle Politiker darin einig, [...] daß zu Sicherung der bürgerlichen Freiheit, die Gesetzgebende und vollziehende Gewalt getrennt seyn müßen, und daß die Quelle der Gesetzgebung das Volk ist». La prépondérance de la puissance législative apparaît, dans la matière même du texte, par le choix de la majuscule de « Gesetzgebende ». Nous ne revenons pas ici sur la critique de l'admiration que Montesquieu vouait au système politique britannique (Sehl. J. 92.1.1 32), et qui découle du jugement porté sur ce dernier. Sur ce point, voir Carcassonne, Elie, Montesquieu et le problème de la constitution française au XVIIIe siècle, Paris 1927, pp. 75-81 ; Goyard-Fabre, Simone, La Philosophie du droit de Montesquieu, Paris 1979, pp. 149-156. Le lien étroit qui, dans les représentations mentales des contemporains, lie Montesquieu aux Parlements, n'est pas étranger à la dévalorisation de l'image de ce philosophe durant la Révolution, car leur perte de popularité entraîne la sienne (Voir Duranton, Henri, «Fallait-il brûler l'Esprit des lois?», in: Dix-Huitième Siècle, 21, 1989, pp. 59-72). Br. J. 91.V1.2 pp. 150-151. Ailleurs, Campe refuse à la noblesse ce rôle «médiateur», en voyant dans la bourgeoisie l'ordre, désormais, le mieux placé pour servir, avec le plus de profit, l'Etat et donc le bien commun (Br. J. 88.VH3 p. 325). Voir Schi. J. 93.VII.6 p. 332. L'auteur affirme que la noblesse, loin d'être un contre-poids de la puissance royale, s'est plutôt ingéniée à tromper les souverains, au détriment de la «einzige und erste wahre Macht», c'est-à-dire du peuple. Voir Br. J. 91.VI.2 pp. 149 et 153. En 1793, sous la plume de Hennings, c'est non plus la théorie de Montesquieu, mais bien la noblesse, en soi, qui sera ravalée au rang de chimère (Schi. J. 93 .VII. 9 p. 357 ; 93.Vffl.7 p. 520).

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«[j]e erleuchteter hingegen eine Nation, je gerechter und fähiger sein Gewaltsverwalter [...] ist, desto weniger bedarf es irgend eines imponirenden Gefolges» placé entre le peuple et le souverain.109 L'article cité ici est publié en mars 1791, alors que la Constitution n'a pas encore été proclamée, et donc que tous les espoirs qu'elle a fait naître restent permis. L'auteur semble supposer que la Constitution, telle qu'il l'évoque, fonctionnera réellement: la noblesse, par conséquent, n'a plus lieu d'être. La réfutation de cette analyse de Montesquieu n'est pas sans importance car c'est précisément celle qui avait servi, à la fin du dix-huitième siècle, à certains publicistes allemands, tel Philipp von Arnim, pour justifier l'existence de la noblesse. 110 Les thèses de Montesquieu sont critiquées également d'un second point de vue. Alors que, selon lui, le «gouvernement monarchique suppose [...] des prééminences, des rangs, et même une noblesse d'origine» et que l'honneur «est, par la chose même, placé dans ce gouvernement»," 1 cet exclusivisme de l'honneur se voit contesté dans les deux revues. D'après leurs auteurs, cette vertu n'est plus l'apanage d'un seul état, ni les belles actions qu'on lui doit, le privilège de la noblesse. 112 De fait, la Révolution, comme cela a déjà été noté, conduit à la découverte de l'honneur par des classes qui en semblait dénuées. Bien plus, alors que les théoriciens les plus rigides de la noblesse faisaient de l'ancienne noblesse d'épée le seul digne représentant de l'honneur, l'auteur d'un article de janvier 1793, en reprenant 109

Br. J. 91.ΙΠ.4 p. 302. Dans l'économie de l'article, le terme de «Gefolge» désigne la noblesse. Voir également pp. 302-303 : «und bei einem Volke, das eine auf Menschenrechte gegründete Verfassung hätte [...], würde es eines solchen Gefolges [...] ganz und gar nicht mehr bedürfen ». 110 Voir Schulze, Johanna, Die Auseinandersetzung von Adel und Bürgertum in den deutschen Zeitschriften der letzten vier Jahrzehnte des 18. Jahrhunderts, [Historische Studien, 163], Berlin 1925, p. 49. Pour l'auteur du dialogue fictif entre deux nobles français, c'est tout le modèle de l'équilibre des pouvoirs qui est caduc. La Révolution a détruit l'ancien système politique, et la moindre tentative pour rasseoir une «Konstitution, wo sich alle Pouvoirs die Waage halten, jeder Rang unterscheidet, wo sich alle Theile stützen werden [...] » (Sehl. J. 92.1.5 p. 80) est une absurdité. En France, le principe de la séparation des pouvoirs tombe dans l'oubli à la même époque (voir Plavinskaya, N., «la Pensée politique de Montesquieu dans la Révolution française», in : Studies on Voltaire and the Eighteenth Century, 263, 1989, p. 382). L'image de Montesquieu durant la Révolution n'est cependant pas monolithique, qui le réduirait à un simple aristocrate (Voir Rétat, Pierre, « Montesquieu aristocrate », in : Dix-Huitième Siècle, 21, 1989, pp. 73-82), mais elle se double de la représentation d'un Montesquieu patriote (Voir Bamy, Roger, «Montesquieu patriote», in: Dix-Huitième Siècle, 21, 1989, pp. 83-94), conception qui justement, tend à prévaloir en Allemagne durant la Révolution (Voir Vierhaus, Rudolf, «Montesquieu in Deutschland. Zur Geschichte seiner Wirkung als politischer Schriftsteller im 18. Jahrhundert», in: Deutschland im 18. Jahrhundert: politische Verfassung, soziales Gefiige, geistige Bewegung, [Veröffentlichungen des Max-Planck-Instituts für Geschichte, 85], Göttingen 1987, pp. 9-10 et 30-31). 111

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Voir Montesquieu, l'Esprit des lois [1750], livre ΠΙ, chapitre 7, in: Œuvres complètes, vol. 2, Caillois, Roger (éd.), Paris 1951, p. 257. Br.J. 90.VÜ.1 p. 289.

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les paroles des partisans de la Révolution, oppose le vrai patriotisme, pérenne et éternel, à l'éphémère esprit chevaleresque : Aechter Patriotismus [...] Vaterlandsliebe, Bürgertugend ist ewig, wie das Vaterland [...] ; dagegen die Ritterehre sich ändert mit den veränderten Sitten mit der veränderten Kriegskunst. 113

Le vrai honneur n'est donc point dans les valeurs défendues par le second état, ce qui invalide ses prétentions à conserver des prérogatives désormais sans fondement. A deux reprises au moins, les revues présentent donc ime critique des thèses politiques de Montesquieu. Peut-être faut-il comprendre ces attaques, dans les Braunschweigisches et Schleswigsches Journal, comme une tentative de captatio benevolentiae du public allemand. Réfuter un penseur très controversé, en Allemagne, ne permet-il pas, en effet, d'assurer une meilleure réception des mesures prises par la Constituante? Cette double critique, qui porte sur le principal ressort moral de la noblesse comme sur sa place au sein d'une société à jamais disparue, n'est pas isolée dans l'Allemagne du dix-huitième siècle. Si R. Vierhaus,114 dans l'étude où il signale la réticence des Allemands face aux thèses de Montesquieu, n'évoque pas leur rejet dans la perspective d'une négation de la noblesse; 115 F. Herdmann,116 au contraire, montre que les thèses de Montesquieu sur l'origine de la noblesse ont été vivement critiquées par Fichte dans son Beitrag zur Berichtigung der Urtheile des Publikums über die französische Revolution (1793),117 un texte publié d'abord sans nom d'auteur, qui fait précisément l'objet d'une courte, mais très élogieuse présentation dans le Schleswigsches Journal.™ Dans ce dernier, les auteurs ne reviennent pas sur la critique développée par Fichte à propos d'un thème cher à Montesquieu, l'ancienneté de la noblesse héréditaire, mais, comme lui, ils abordent la notion de noblesse dans une perspective habituelle au dix-huitième siècle : celle de l'origine. 113 114

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Sehl. J. 93.1.5 p. 70. Vierhaus, Rudolf, op. cit. Vierhaus démontre que si les Allemands rejettent la théorie des climats, ils reconnaissent, avec Montesquieu, la nécessité d'adapter les systèmes politiques aux conditions propres aux pays où elles s'appliquent. Plus décisif encore est le constat de Vierhaus que les Allemands, rendus particulièrement sensibles aux problèmes de la législation par les pratiques absolutistes, ont été frappés par les thèses développées par Montesquieu à ce propos, ce dont témoigne aussi, on l'a vu, le Schleswigsches Journal. Herdmann, Frank, Montesquieurezeption in Deutschland im 18. und beginnenden 19. Jahrhundert, [Philosophische Texte und Studien, 25] Hildesheim/Zürich 1990, p. 104; Vierhaus, Rudolf, op. cit., pp. 15-17. Frank Herdmann, ne relève, dans sa méticuleuse analyse des citations de Montesquieu, une interprétation libérale de la pensée de Montesquieu qu'au dix-neuvième siècle. Voir Fichte, Johann Gottlieb, Beitrag zur Berichtigung der Urteile des Publikums über die Französische Revolution. Erster Theil. Zur Beurtheilung ihrer Rechtmäßigkeit in : Schriften zur Französischen Revolution, Buhr, Manfred (éd.), Köln 1989, pp. 190-195 [édition originale 1793] et Montesquieu, op. cit., livre XXX, chapitre 25, pp. 928-929. Schi. J. 93.Vffl.6pp. 512-513.

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Un chant, publié dans la livraison de novembre 1793 du Schleswigsches Journal, s'oppose à la conception d'une noblesse que conférerait un simple diplôme. D'après son auteur, en effet, si la sagesse régnait : Auch prangte dann der Trägheit Sohn als Reichsgraf oder Reichsbaron, nicht mit ererbtem Glanz. Vom Adel war' der Edle nur ; ihm reichten Tugend und Natur, nicht ein Diplom den Kranz. 119

Cette critique est, cependant, secondaire, et bon nombre d'autres considérations sur l'origine historique de la noblesse apparaissent beaucoup plus percutantes, car dans leur tentative de légitimer la noblesse, ses théoriciens se sont efforcés, au dixhuitième siècle, de la faire découler de temps immémoriaux et d'une origine120 dont les auteurs des deux revues tentent, justement, de dissiper l'aura mythique.121 Qu'est-ce, pour eux en effet, que l'origine de la noblesse? Ni plus ni moins qu'une usurpation : les «hommes libres» dont descendent les nobles maßten sich allein das Recht an, friedliche Nachbaren mit Krieg zu überziehen, auszuplündern, freie Menschen zu Sklaven zu machen, und sich ganze Distrikte aus dem Grunde anzueignen, weil sie sie erobert, und ihre ersten Besitzer in die Knechtschaft geführt, oder zinsbar gemacht hatten [...]. 122

On retrouve quelques mois plus tard l'idée que la noblesse, loin d'être composée des hommes les plus valeureux, ne le fut, à l'origine, que des plus brutaux: «Die Unterdrückung der Armen und Friedsamen durch die Reichen und Gewaltthätigern haben in ältern Zeiten dem Adel seinen Ursprung gegeben». 123 Cela rend caduque la thèse de J. Moser d'un second contrat social. En plus de cet argument teinté de rousseauisme, il suffit, d'après l'article, d'un argument d'ordre historique pour invalider «die Mösersche Lieblings=Hypothese».124 En effet, pour qu'elle fût acceptable, il faudrait que les nobles actuels fussent les descendants directs des

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Schi. J. 93.XI. 1 p. 274. Voir Furet, François et Ozouf, Mona, «Deux définitions historiques de la société française au XVnie siècle - Mably et Boulainvilliers », in : L'Histoire au XVlIIe siècle, Aix-en-Provence 1980, pp. 233-249. Indirectement, à travers l'un des textes que suscite le houleux Landtag de Saxe-Electorale en 1793, on voit évoqué aussi le problème de l'origine de la noblesse comme l'un des éléments de l'organisation tripartite de la société médiévale. Or, aux yeux de l'auteur, anonyme, de cet article, la noblesse saxonne ne doit plus être exonérée d'impôts puisqu'elle a cessé d'avoir la fonction qu'elle assumait au Moyen-Age: celle de la défense du territoire (Sehl. J. 93.VI.8 p. 215). Sehl. J. 92.IV.2 p. 444. Sehl. J. 93.1.5 pp. 59-60. Knigge développe une argumentation semblable dans Josephs von Wurmbrand, op. cit., pp. 129-130. Ibid., p. 59.

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propriétaires de jadis, ce qui est pratiquement impossible à prouver.125 La noblesse actuelle se révèle donc être la bénéficiaire d'une double usurpation et, par conséquent, elle est doublement illégitime. Quiconque entreprendrait de démontrer que la noblesse existe de plein droit, n'échapperait à l'aporie qu'en affirmant que la possession fonde la légitimité, et que, pour le cas où cette possession, initialement, résulterait d'une usurpation,126 la continuité lui accorderait une validité juridique incontestable. Or, même cette conception se heurte, dans les pages des revues, à plusieurs objections. La première de ces objections relève simplement du bon sens : ainsi, « Samuel Theokrat» affirme que l'on ne peut pas plus tolérer l'idée d'un caractère héréditaire de l'honneur - et fonder ainsi la noblesse - que celle d'un caractère héréditaire du déshonneur-qui s'attacherait à la famille d'un condamné : Kindern solcher Eltern, die durch Henkers=hand auf dem Rabensteine starben, darf die Unehre ihrer Eltern nicht angerechnet werden, weil Unehre nicht fortgeerbt wird [...] - und doch machen wir immer die Ehre des Adels zu einer Erbschaft [...]. 127

De surcroît, estimer que la continuité de la possession d'un nom ou d'un titre en asseoit la légitimité signifierait mettre sur un même plan la noblesse et la propriété. Illustré non seulement dans la France de 1789, alors que le second état s'efforçait de préserver ce qu'il risquait de perdre, mais également au cœur des discussions menées, en Allemagne, sur la notion de noblesse,128 ce rapport est vivement dénoncé dans les revues. Dès mars 1791, Campe, dans sa réponse à Meister, le réfute, dans la mesure où l'héritage d'une propriété constitue le transfert d'un bien matériel dont l'exploitation profitera à tous, alors que la transmission de la noblesse implique que la société devienne l'obligée du noble, sans en profiter d'aucune manière.129 En avril 1792, un autre argument vient s'ajouter à celui-là. L'auteur de l'article met en valeur la contradiction inhérente à l'analogie établie entre la propriété et la noblesse. Si, comme on le prétend, la noblesse est liée à la possession d'une propriété, alors seul l'aîné - qui hérite des biens fonciers - devrait hériter de la noblesse.130 Il n'est pas impossible que l'auteur ait songé, dans ce texte, à ce qui se produisait en Angleterre, où les cadets ne retrouvaient titres et

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Au vu des annoblissements, depuis le règne de Louis XIV, l'affirmation de la légitimité de la noblesse française par le renvoi aux origines constitue même un non-sens. Schi. J. 93.VÜI.7 p. 520 : pour l'auteur du texte recensé, cette question n'a pas lieu d'être parce que «Tausend Jahr Unrecht [...] macht keine Stunde Recht». Schi. J. 92.IV.2 p. 445. Voir Birtsch, Günter, «Zur sozialen und politischen Rolle des deutschen, vornehmlich preußischen Adels am Ende des 18. Jahrhunderts», in: Vierhaus, Rudolf (éd.), Der Adel vor der Revolution : Zur sozialen und politischen Funktion des Adels im vorrevolutionären Europa, [Kleine Vandenhoeck Reihe, 340-342], Göttingen 1971, p. 82. Br. J. 91.ΙΠ.4 pp. 295-298. Voir Schi. J. 92JV.2 p. 446.

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noblesse qu'après avoir bâti leur propre fortune.131 De manière plus décisive, ce texte fait apparaître le point sur lequel se cristallisent toutes les critiques formulées à rencontre du second état. Admettre, en effet, que la noblesse et la propriété puissent être également transmises signifierait légitimer l'hérédité de la première. Or les auteurs de la revue déclinent la possibilité d'une telle conclusion, car le caractère héréditaire de la noblesse s'oppose, en dernière instance, à la vraie noblesse, celle du mérite personnel.132 Une telle mise en valeur de l'individu au détriment de la caste apparaît dans un dialogue publié en octobre 1793. La noblesse y est récusée parce que, privilégiant le lignage, elle n'hésite pas à sacrifier l'individu, alors que le bonheur de ce dernier importe plus que le renom de la race et son éclat. Dans son dialogue avec Madame de Wilmhausen, le «pasteur» demande, par exemple, l'abolition des droits de primogéniture mâle, qui aboutissent à ne laisser aucun bien aux femmes et à déshériter injustement les cadets de famille.133 Dans la seconde discussion, il refuse les préjugés d'une noblesse qui empêche ses enfants de se marier tant qu'ils n'auront pas acquis une aisance matérielle leur permettant de «paraître», ce qu'ils ne peuvent espérer que d'un héritage.134 Cette position centrale de l'individu sous-tend la problématique du mérite personnel, qui n'est pas plus récente que n'est propre à la France le problème de l'hérédité de la noblesse, supposée s'opposer au véritable mérite : dès le milieu du dix-huitième siècle, des voix se font entendre en Allemagne contre la noblesse « de naissance». 135 Les revues offrent des exemples de ce leitmotiv: ainsi, les vers ironiques de Voß dénoncent le scandale que représente la noblesse de ces couards qui n'ont plus aucune ressemblance avec les chevaliers, leurs aïeux, et n'en exercent pas moins une espèce de monopole sur les places importantes de l'administration et de l'armée : Nur des Berittnen weicher Enkel Ist von Geburt edel und klug! Ihm allein wird alle Verwaltung, Das Gebot über Frieden und Krieg! 136

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On peut supposer connus, de la part des rédacteurs des revues, les commentaires que donnait Voltaire sur ces différences dans les Lettres philosophiques (Henri Carré a bien montré les enjeux de ce débat, dont la question de la noblesse commerçante n'est qu'un des aspects, dans la Noblesse de France et l'opinion publique au XVIIIe siècle, Paris 1977, [reprint de l'édition de 1920], pp. 136-141). Voir Sehl. J. 93.Vin.7 p. 532. Voir Sehl. J. 93.XI.5 p. 406 :«Ich stehe hier als ein Bevollmächtigter 1) der ganzen weiblichen Hälfte des Adels 2) aller nachgebohrnen Söhne, welche bey den Lehngütern übergangen oder verkürzt werden». Sur le problème du mariage dans la noblesse, voir également Schi. J. 93.ΠΙ.3 pp. 280 et 290. Voir Sehl. J. 93.XI.5 pp. 416-417. Voir Birtsch, Günter, op. cit., pp. 79-82 ; Schulze, Johanna, op. cit., pp. 49, 100, 118. Sehl. J. 93.Π.5 p. 254.

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Ce désir de substituer à la noblesse classique l'idée d'une noblesse purement morale manifeste le caractère bourgeois du discours à l'œuvre dans les deux revues. Preuve en est aussi l'argument cité pour rejeter la thèse d'une noblesse du sang : So läge also wirklich in dem Blute einer gewissen Menschen=klasse, diesem irdenen, so ganz außer dem Kreise alles Moralischen liegenden Bestandteile des menschlichen Seyns, ein bemerkenswerther Vorzug eben dieser Menschen=klasse vor den andern? Nein! 137

Si le fils du noble mérite la noblesse, c'est uniquement par ses actes, et la Constitution de 1791 se voit louée parce qu'elle a aboli les obstacles opposés au vrai mérite de la vertu et libéré les fils de la noblesse des entraves du passé, leur laissant la liberté de gagner eux-mêmes la gloire, en rivalisant avec leurs pères : Die Revolution heiligt nur die Bedingung der Ehre, daß der Sohn des Edeln auch Erbe seiner Tugenden, daß er weniger der Sohn, als der Nebenbuhler seines Vaters sey. Und ist er das, so wird selbst der junge Vormahls=Adeliche die Revolution segnen, die auch ihn befreyet. 138

C'est d'une critique fondamentalement identique, mais exprimée avec plus de clarté encore, que participent les remarques du «pasteur», dans son dialogue fictif avec Madame de Wilmhausen. Un de ses vœux pour l'avenir est que soit abolie jene läppische Unterscheidung zwischen dem Herrn von [...] und dem Herrn ohne von [...], von denen der eine zur Tafel gezogen wird, ob er gleich nicht das geringste Verdienst hat, und der andere davon ausgeschlossen wird, wenn er auch das Vaterland gerettet hätte. 139

Parmi les trois exigences qu'il formule figure l'abolition de l'exclusivisme nobiliaire et l'accès, ipso facto, du Tiers état «zu den höchsten Staatsbedienungen im Civil und im Militair»,140 car c'est seulement ainsi que la simple naissance pourra l'emporter sur le mérite. La critique de la noblesse, dans les revues, est proprement idéologique, au sens défini par J. Freund,141 c'est-à-dire que, par elle, la bourgeoisie tente de faire prévaloir ses intérêts tout en prétendant parler au nom d'une instance qui la dépasse. Et même si les auteurs rejettent l'idée qu'ils défendraient ce qu'on pourrait appeler des droits de classe, en insistant sur le fait que leur désir d'éradiquer la noblesse n'émane pas de leur jalousie vis-à-vis d'elle, 142 le caractère „bourgeois" de la critique apparaît nettement, dans la volonté, par exemple, d'affermir les positions sociales acquises par le Tiers état. C'est d'elle qu'émane l'indignation du pasteur 137 138 139 140 141 142

Schi. J. 92.Vm.2 p. 413. Sehl. J. 93.1.5 pp. 64-65. Sehl. J. 93.XI.5 p. 396. Ibid., p. 394. Freund, Julien, L'Essence du politique, Paris 1988. Un des auteurs du Sehleswigsehes Journal réfute cette accusation en attirant l'attention sur le fait que la noblesse française a été la première instigatrice de cette abolition (voir Sehl. J. 93 .Vin. 7 pp. 514-518). Dans Josephs von Wurmbrand, p. 100, Knigge réfute, pareillement, cette accusation.

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dénonçant l'anoblissement des roturiers qui sont parvenus à de hauts grades dans la hiérarchie militaire,143 car cela empêche le Tiers état de s'y implanter. C'est d'elle, enfin, que procède le désir de préserver l'homogénéité du monde des clercs. En effet, malgré la proportion importante de nobles parmi eux,144 l'essor de cette nouvelle classe s'était produit à l'extérieur de la traditionnelle société d'ordres et, en partie, contre elle. Le poids déterminant conquis en son sein par les couches moyennes explique leur désir de ne point se laisser évincer de cette position d'influence. Symbolique est à ce titre le «commentaire» qu'apportent les éditeurs du Schleswigsches Journal à une phrase du «pasteur», quand ce dernier affirme que la noblesse est « der begütertste und gebildeteste (?) Theil der Nation ». Ils lui adjoignent, en effet, un discret et pourtant très significatif point d'interrogation.145 La volonté de sauvegarder ces acquis se double du désir de soumettre la société aux normes de la moralité bourgeoise, comme en témoigne le reproche adressé à l'aristocrate de pouvoir disposer à sa guise des filles de la bourgeoisie «die der hochadeliche Officier entehren könne, ohne daß die Gesetze ihn zur Erstattung anhalten dürfen», 146 reproche auquel toute une tradition littéraire n'est sans doute nullement étrangère.147 Peut-être pourrait-on trouver une preuve supplémentaire que la critique de la noblesse, dans les deux revues, concerne principalement la noblesse allemande, dans les travaux de G. Chaussinand-Nogaret qui a voulu démontrer que la noblesse française s'était approprié cette valeur bourgeoise qu'est le mérite. Et de s'exclamer : «l'hérédité, voilà l'ennemi pour la noblesse de 89! »148 Cependant, il serait probablement trop audacieux de retenir cette interprétation, d'autant que Chaussinand-Nogaret atténue presque aussitôt son affirmation en précisant qu'une 143

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Schi. J. 93.XI.5 p. 395 : «Fr.v.W. : Im Militair sind die Beispiele nicht selten, daß Bürgerliche zu wichtigen Stellen gekommen sind. - Pastor : Aber fand man alsdenn nicht nötig, ihnen den Adel zu geben? ». Voir Fehrenbach, Elisabeth, «la Noblesse en France et en Allemagne à l'époque révolutionnaire», in: Berding, Helmut, François, Etienne et Ullmann, Hans-Peter (dir.), La Révolution la France et l'Allemagne. Deux modèles opposés de changement social, Paris 1989, pp. 166— 167. Schi. J. 93.XI.5 p. 395. Schi. J. 92.IV.2 p. 447. Sur cet aspect de la critique de l'aristocratie dans le roman allemand, voir Fertig, Ludwig, Der Adel im deutschen Roman des 18. und 19. Jahrhunderts, Phil. Diss., Heidelberg 1965, p. 61 ; pour le drame, voir Golee, Izabella, Adelsgestalten im bürgerlichen Drama der zweiten Hälfte des 18. Jahrhunderts in Deutschland, Phil. Diss., Lublin 1986, p. 50 et «Das Herz und seine Rechte - Zur Darstellung der Ehegründung durch den Adel im deutschen bürgerlichen Drama der zweiten Hälfte des 18. Jahrhunderts», in: Lubelkie Materialy Neofilogiczne, 1987, p. 49. Un tel motif structure, en outre, le 26ème chapitre du Noth- und Hülfsbiichlein fiir Bauersleute de Rudolph Zacharias Becker (Siegert, Reinhart (éd.), Dortmund 1980, [reprint de l'édition originale de 1788], pp. 199-204). Aux yeux des auteurs des revues, cette désinvolture de la noblesse est d'autant plus impardonnable que les nobles, imbus de préjugés, refusent toute mésalliance, au risque de voir s'éteindre leur famille {Schi. J. 93.ΙΠ.3 p. 280). Chaussinand-Nogaret, Guy, la Noblesse au XVIIIe. De la féodalité aux Lumières, Paris 1990, pp. 54, 61-64.

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«partie considérable de la noblesse menait encore un combat d'arrière-garde». Et si, effectivement, la noblesse française était plus ouverte que son homologue allemand,149 ce qui importe ici n'est toutefois pas ce que fut réellement la noblesse mais l'image, parfois si différente de la réalité, que se faisaient d'elle les membres du Tiers état.150 Et l'éventuelle contamination de la mentalité nobiliaire par des éléments de la mentalité bourgeoise dans la seconde moitié du dix-huitième siècle ne suffit pas à abolir les frontières entre la noblesse et le Tiers état, qui, en affirmant ses propres valeurs, condamne celles de l'aristocratie. Au fil des pages des deux revues, on voit donc rejetés, sans concession, les trois types d'argumentation auxquels recouraient les défenseurs de la noblesse. Ni les théories de l'école à «tendance raciste», ni celles de l'école «relativiste» et pas davantage celles de «l'école sociale» ne sont épargnées.151 La noblesse n'est finalement tolérée que lorsqu'elle est propriétaire, pour autant qu'on entende par là une propriété légitime - par conséquent protégée par la loi - et délivrée de tous les droits féodaux.152 La propriété que l'auteur de l'article concède à la noblesse n'a, en définitive, plus rien de féodal ni d'exclusivement noble. Au contraire, on retrouve ici l'idéal de la propriété développé plus haut: elle doit participer de l'enrichissement national153 et ne point profiter à l'oisif auquel le texte, à l'encontre de la vérité historique,154 semble réduire le noble. Le refus de la noblesse héréditaire permet-il, néanmoins, l'existence d'une noblesse personnelle et attribuée au mérite? Il semble difficile de répondre par l'affirmative, étant donné les violentes attaques dont elle est elle-même l'objet, en raison de son aspect vénal. Campe, par exemple, se démarque des propos de Meister dans les Premiers principes du système social qui peint le tableau de l'état

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Qu'on compare Fehrenbach, Elisabeth, op. cit., p. 168 pour l'Allemagne, et ChaussinandNogaret, Guy, op. cit., pp. 48-51 pour la France. Cet écart a été mis clairement en lumière par les travaux de Henri Carré déjà cités (pp. 135— 293) ou ceux de André Decouflé, «l'Aristocratie française devant l'opinion française à la veille de la Révolution (1787-1789)», in : Etudes d'histoire économique et sociale du XVIIIe, [Travaux et recherches de la faculté de droit et des sciences économiques de Paris, Série «Sciences historiques», 9], Paris 1966, pp. 2-52. On peut supposer que l'établissement, au XVnF me siècle, d'une telle image monolithique, et partant déformée de la noblesse française d'Ancien Régime a été favorisée par la difficulté d'en présenter un tableau cohérent, difficulté à laquelle, d'ailleurs, se heurte aussi l'historographie contemporaine (voir, par exemple, le compte-rendu de recherches de Pimenova, Ljudmila Α., «Zur Diskussion um die Sozialgeschichte : der Adel », in : Middell, Katharina et Matthias (éd.), 200. Jahrestag der Französischen Revolution. Kritische Bilanz der Forschungen zum Bicentenaire, [Beiträge zur Universalgeschichte und vergleichenden Gesellschaftsforschung, 1], Leipzig 1992, pp. 210-221. Meyer, Jean, op. cit., pp. 109-111. La première est celle d'une croyance en la supériorité physiologique de la noblesse ; la seconde défend la noblesse pour des raisons historiques ; la troisième met en avant la thèse d'une position «intermédiaire» de la noblesse. Schi. J. 93.1.5 p. 62. Ibid., p. 61. Voir Fehrenbach, Elisabeth, op. cit., pp. 151-154; Chaussinand-Nogaret, Guy, op. cit., pp. 122-157.

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originel d'une société o ù l'on accorderait la n o b l e s s e en témoignage du mérite, e n rétorquant que cela est impossible dans les sociétés humaines, wo man unterscheidende Vorzüge, auch bei schlechten Gesinnungen und bei gänzlicher Verdienstlosigkeit, für geerbtes oder erfreveltes Geld kaufen kann, und wo so erworbene Vorzüge vom Staate anerkannt werden, zu bürgerlichen Vortheilen berechtigen, und von einem nichtswürdigen Stammvater auf eine oft noch schlechtere Nachkommenschaft übertragen werden können et qu'il n'existe pas de pays « w o armes Verdienst mehr als reiche Nichtswürdigkeit den W e g z u dergleichen V o r z ü g e n bahnt». 1 5 5 Et si les éditeurs d'un texte publié en mars 1791, par exemple, n e protestent pas contre l'argumentation qui reconnaît à l'existence d'une n o b l e s s e le mérite de favoriser les m o u v e m e n t s au sein de la société - pourvu qu'ils n e deviennent pas trop vifs, c e qui constituerait un risque pour sa stabilité 1 5 6 - le problème s o u l e v é quelques m o i s auparavant par Campe, dans une note ajoutée à sa traduction de Meister, reste entier : Wer soll untersuchen und wer entscheiden, ob der Eine verdiene, in eine höhere Classe hinaufzurücken, der Andere zu einer niedrigeren hinabeestoßen zu werden? Sittenrichter? Aber wer schafft uns die Cato's, die wir dazu brauchten? 15 ' C'est donc n o n seulement la n o b l e s s e existante qui est remise en cause dans les deux revues, mais bien le principe de toute noblesse. 1 5 8 Toutefois, la réfutation de la n o b l e s s e n e repose pas uniquement sur des considérations théoriques : l'arrivée en A l l e m a g n e des émigrés français la nourrit également.

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Br. J. 90.VH.1 p. 288. Voir également Schi. J. 93.VIII.7 pp. 524 et 528. Sur la ressemblance fondamentale entre le noble et le parvenu, voir Sehl. J. 93.1.6 pp. 101-103. Br. J. 91.ΠΙ.4 p. 291 : «Nie habe ich etwas anderes darin sehen können, als einen politischen Schlagbaum, den man respectiren müsse, weil er gleich fähig zu seyn scheint, die natürlichen Bewegungen jeder gesellschaftlichen Leidenschaft, zugleich aufzuregen und in den nöthigen Schranken zu halten ». Br. J. 90.VÜ.1 p. 270. Dans le Schleswigsehes Journal, c'est le commentaire par Reimarus d'une recension, dans Y Allgemeine Literatur Zeitung (1793, n°37) du livre de P. A. F. von Münchhausen, Ueber Lehnherrn und Dienstmann (1793), qui constitue l'attaque la plus systématique du principe de la noblesse. Reimarus, en effet, s'en prend à une noblesse indigne de ses ancêtres et qui ne saurait donc prétendre assumer les fonctions dirigeantes qu'ils occupaient (Sehl. J. 93.VÜI.7 p. 519); il remet en cause la légitimité même de ces derniers (p. 520) - et conséquemment le mythe de l'origine (p. 530) - et, plus nettement encore, celle de la noblesse plus récente (pp. 524-525, 528). Il conteste, par conséquent, la notion même d'hérédité qui, à ses yeux, ne vaut rien, comparée au mérite personnel (pp. 521-522 et 525-526), ne fût-ce que parce qu'elle n'est point fondée sur le travail («Fleiß und Arbeit»). 203

3 . 3 . 2 L ' i m a g e de l'émigration dans les revues 1 5 9 D a n s les revues, les émigrés sont perçus essentiellement c o m m e n o b l e s (alors q u ' e n réalité, la plupart n'appartenaient pas à cette classe sociale) 1 6 0 ou, plus exactement, c o m m e les derniers vestiges de la n o b l e s s e : Er [der Adel]/a//e! so riefen am 19ten Jun. 1790 Frankreichs Gesetzgeber; und er fiel, dieser unförmliche Coloß, an dessen grotesken Bilde nur noch Knaben sich freuten ; Seine Trümmer flogen über den Rhein. 161 Toute la n o b l e s s e est donc v i s é e par les critiques portées contre des émigrés présentés tantôt c o m m e les héritiers spirituels de ces « U r h e b e r und Vollzieher der Greuelscenen an den Ufern des Rheins zu Ende des vorigen Jahrhunderts», 1 6 2 tantôt, c o m m e c e s faquins et c e s petits maîtres 1 6 3 que Lessing - à travers le personnage de Riccaut de la Martinière - o u M a u v i l l o n - à travers ce «ruhmrednischer W i n d b e u t e l » 1 6 4 qu'est le chevalier de Fierenfat - s'étaient plu à railler. La diatribe contre l'émigration devient, toutefois, plus acerbe au cours de la Révolution, et atteint son paroxysme dans le Schleswigsches

Journal.

Le transfert officiel du lieu d'édition des revues, qui n e sont plus publiées à Brunswick m a i s à Altona, n ' e s t probablement pas étranger à cette radicalisation, tant il est vrai que le D u c h é de Brunswick se montrait plus hospitalier à l'égard des émigrés que la plupart des autres Etats allemands, 1 6 5 et qu'au contraire, c o m m e on

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Sur les émigrés, voir la très riche étude de Baldensperger, Ferdinand, Le Mouvement des idées dans l'émigration française, 2 vol., Paris 1923-1924. La noblesse n'a, selon Jacques Godechot, constitué que 17 % du nombre des émigrés (La Contre-Révolution 1789-1804, Paris 1984, pp. 159-160). Sehl. J. 93.1.5 p. 58. Schi. J. 93.VHI.5 p. 510. On trouve la même allusion aux événements de 1689 chez Reichardt, Johann Friedrich, Vertraute Briefe aus Paris, Weber, Rolf (éd.), Berlin 1980 [1ère édition 1792-1793], p. 40. Sur les événements de l'année 1689 évoqués ici, voir Oncken, Hermann, „Brûlez le Palatinat" - „Brennt die Pfalz nieder". Louvois im Jahr 1689. Eine Rede zum Pfalztage, Stuttgart 1924. Schi. J. 93.1.6 pp. 85-87. Stern, Alfred, «Jakob Mauvillon als Dichter und Publizist», in: Preußische Jahrbücher, X Xm, 1932, p. 241. Fierenfat est le personnage principal de la pièce intitulée Der Franzose. Sur l'image de l'émigré arrogant, voir par exemple Knigge, Adolf von, Briefe, auf einer Reise aus Lothringen nach Niedersachsen geschrieben in : Ausgewählte Werke in 10 Bänden, op. cit., vol. 4, Hannover 1992, pp. 7-131, [première édition 1792], pp. 30-31. Voir Forneron, Henri, Histoire générale des émigrés pendant la Révolution Française, vol. 2., Paris 1884, p. 419; Mack, Heinrich, «Französische Emigranten in Braunschweig», in : Braunschweigisches Magazin, 9, 1903 pp. 45-47, qui montre l'écart entre la politique officielle du Duché, parfois inhospitalière et sa réelle application. C'est, en outre, à Brunswick que résidait l'un des plus fameux émigrés, le Marquis de Castries (voir Beer, Rüdiger Robert, «Der Marquis de Castries. Gegner und Freund Karl Wilhelm Ferdinands, Herzog zu Braunschweig und Lüneburg», in: Braunschweigisches Jahrbuch, 1975, pp. 121-170).

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a pu le montrer, les habitants de Hambourg, quant à eux, faisaient preuve de beaucoup plus d'agressivité à l'encontre des émigrés.166 Une autre cause de la violence qui s'exprime à leur égard est le déroulement de la guerre dont ils sont rendus responsables : [d]ie Franken haben keinen deutschen Reichstand angegriffen, sie haben ihre Feinde da aufsuchen müssen, wo sie gehegt, gepflegt und wo die elendesten aller Menschen, das sind bekanntlich die Emigrirten, zu einer drohenden Macht erhoben worden sind. 167

La noblesse, confondue désormais avec les émigrés, est présentée comme l'un des deux protagonistes de la guerre qui met l'Europe à feu et à sang, d'une guerre dressant face à face, telles deux instances tout à fait incompatibles, la noblesse et le peuple.168 Ce couple fonde une conception manichéenne de la guerre: le peuple représentant le vrai mérite, la possibilité d'un droit universel est opposé rigoureusement à une noblesse devenue synonyme de privilèges arbitraires et d'exclusivisme aristocratique.169 Les attaques se font particulièrement violentes après les événements du dix août. L'auteur du texte sur la Constitution de 1791 dénonce par exemple «[d]ie beyden Bourbonniden und ihre Anhänger», accusés d'avoir abusé les souverains allemands. Empruntant quelques exemples à Machiavel, l'auteur démontre qu'on ne saurait se fier à des émigrés et qu'il faut se garder de suivre les avis belliqueux qu'ils aiment à donner.170 Il est probable que dans la première partie de l'affirmation, le rédacteur fasse allusion aux conseils prodigués au Duc de Brunswick par le Marquis de Bouillé ou par le Maréchal de Castries,171 et indubitable qu'il s'agisse, dans la seconde, d'un renvoi au fameux «manifeste de Brunswick», notoirement rédigé par «un émigré obscur et taré, le marquis de Limon». 172 Cette critique du mauvais conseiller, classique somme toute, est reprise en juillet, dans un texte consacré tout entier aux émigrés, qui rejette sur eux la responsabilité de la mort de Louis XVI. Son auteur, un «philanthrope», les abomine : vom Grunde der Seelen trift sein Fluch diejenigen, deren Intrigenspiel Ludwig zum Blutgerüste führte, Frankreich der größten Convulsion übergab, den herrlichen frohen Gang der iugendlichen Revolution [...] in ein tyrannisches Wüten ausarten ließ, die Deutschlands un-

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Forneron, Henri, op. cit., p. 396; Rudolf, Philipp, Frankreich im Urteil der Hamburger Zeitschriften in den Jahren 1789-1810, [Hamburger Studien zu Volkstum und Kultur der Romanen, 14], Hamburg 1933, pp. 12-15. Schi. J. 93.1.7 p. 115. Schi. J. 93.IX.4 p. 142 : «Die ganze Empörung, die Europa in Feuer und Flammen setzt, ist ein Streit des Adelstandes und des Volkstandes ». Schi. J. 93.IV.4 p. 142. Schi. J. 93.1.5 pp. 75-78. Voir Castries, René de la Croix de, Les Hommes de l'émigration: 1789-1814, Paris 1979, p. 79. Schi. J. 93.1.5 p. 85.

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schuldiges Blut, deutscher Staaten heiliges Eigenthum auf den Altar einer fremden Zwietracht opferten [...]. 173

Ce texte, très incisif, ramasse en quelques lignes l'essentiel des reproches adressés aux émigrés : - ils ont sapé la bonne marche de la Révolution ; - ils ont fait assassiner le roi ; - ils sont à l'origine des hostilités extérieures.174 Le ton adopté par son auteur ne le cède en rien à celui d'autres rédacteurs, si l'on songe aux autres vocables dont se voient affublés les émigrés. Ils sont une «engeance» («Emigranten Brut»), 175 on leur accole le qualificatif «d'exaltés» («Schwärmer»). 176 Il se voient même dénommés tantôt «lie du monde» («der Erde Abschaum»), 177 tantôt «excrément de la France» («Auswurf Frankreichs»).178 Le ton, cependant, n'est pas uniformément agressif. Si les auteurs du Schleswigsches et du Braunschweigisches Journal demeurent intransigeants quant aux principes, si leurs idées sur la noblesse, l'émigration comme force politique et les émigrés comme brandons d'une guerre dévastatrice restent inchangées, ils font montre cependant d'humanité à l'égard des émigrés en tant qu'individus frappés par le malheur. Brackebusch dénonce, par exemple, le peu d'hospitalité des Etats allemands à l'égard des émigrés,179 arguant que la présence, parmi eux, d'un certain nombre de gens arrogants, cruels, sans foi et méprisables n'autorise pas à les rejeter tous en bloc, ni à les chasser aux quatre coins du monde.En vertu de la forme particulière de son article, une espèce de syllabus errorum, Brackebusch peut écrire :

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Schi. J. 93.Vn.ll pp. 388-389. Ici non plus, le jugement porté sur les émigrés n'est guère original: on le retrouve, par exemple, aussi dans le texte de Rebmann, Andreas Georg Friedrich, Vollständige Geschichte meiner Verfolgungen und meiner Leiden, Garber, Jörn (éd.), MeisenheimXjlan, s.d., [reprint de l'édition de 1796], pp. 33, 66 et 70. 115 Schi. J. 93.ΧΠ.13ρ. 518. 176 Schi. J. 93.VI.1 p. 154. Les émigrés sont présentés ici comme des exaltés dans la mesure où ils sont placés sur le même plan que Junius Marcus Brutus qui s'avère être une figure négative: «Das war der Krieg, den Brutus begann. Wer erkennt hier nicht das Bild der heutigen Emigranten Frankreichs? Einerlei Betriebsamkeit und Mittel. [...] Nur war Brutus Phantom Freiheit, der Franken Aristocratism ». 177 Sehl. J. 93.V.5 p. 81. Cette expression est récurrente sous la plume des écrivains progressistes : voir Reichardt, Johann Friedrich, op. cit., p. 39. 178 Sehl. J. 93.VI.7 p. 218. Ce terme est rapporté tout à la fois aux émigrants et aux prêtres qui refusent la Constitution civile du clergé. 179 Hempelmann, Franz, dans sa thèse - en outre assez médiocre - Die Emigranten und die französische Revolution in den Jahren 1789-1792, Phil. Diss., Hamburg 1935, a illustré cette dégradation du climat politique et le manque d'hospitalité croissant dans l'accueil fait à Hambourg aux émigrés français après 1791 (pp. 45-47), sans montrer que le Schleswigsches Journal - la suite du Braunschweigisches Journal qu'il affirme être «[d]er radikalste Gegner der Emigranten» (p. 44) - adopte une position moins catégorique que la plupart des organes de presse à cette époque. 174

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Weil es unter den ausgewanderten Franzosen eine große Anzahl hochmüthiger, grausamer, treuloser verächtlicher Menschen giebt ; so ist nichts natürlicher, als daß man die Emigrirten nirgends dulden sondern sie wo möglich zur Welt hinausjagen muß. 180

Deux mois plus tard, en juillet, un article est publié en réaction à une publication de YAllgemeine Literatur Zeitung (n°86, 1793) critiquant les préjugés presque systématiquement défavorables aux émigrés. Le texte ne constitue en rien un plaidoyer en faveur de l'émigration, mais il opère une distinction entre les conséquences désastreuses entraînées par le phénomène, dans son ensemble, et l'indulgence dont il faut faire preuve à l'égard des destins individuels. L'auteur de l'article préconise de se montrer généreux à l'égard de ceux qui ne comprennent pas l'esprit du temps,181 et déplore le destin d'un Louis-Alexandre La Rochefoucauld d'Enville (1743-1792), assassiné à Gisors, ou celui d'un Condé, contraint de quitter sa retraite et de fuir à l'étranger.182 L'humanité dont témoignent les rédacteurs de ces articles183 ne saurait être assimilée à une rétractation, puisque la noblesse et l'émigration - son corollaire - continuent d'être globalement condamnées dès le moment où elles représentent le «monopolisches Vorrecht einzelner» contre Γ«allgemeines Recht aller Menschen» 184 et plus exactement contre cette égalité juridique dont les auteurs des revues s'affirment partisans. 3.3.3 Le refus de l'égalité sociale L'égalité que prônent les auteurs de la revue est, de fait, exclusivement juridique, ce en quoi l'emploi qu'ils font de cette notion reflète son sens usuel en Allemagne à la fin du dix-huitième siècle.185 La conception même qu'ils ont de l'égalité juridique n'est pas illimitée. Si tout le peuple, véritable corps de l'Etat, est érigé en puissance législatrice conformément aux thèses rousseauistes,186 la pratique effective de la législation s'avère réservée à quelques-uns, ce qui est peut-être à mettre en rapport avec les témoignages de certains voyageurs qui constatent le désintérêt

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Schi. J. 93.V.1 p. 7. Schi. J. 93.Vn.l p. 388. 182 Ibid., p. 386. Condé occupe une place de premier ordre parmi les émigrés, et il a laissé des Mémoires qui, comme ceux qu'ont écrits les autres émigrés, ouvrent une perspective nouvelle dans la recherche sur l'émigration, J. Voss l'a bien montré («Oberrheinische Impressionen aus Memoiren und Tagebüchern französischer Emigranten der Revolutionszeit», in : Voss, Jürgen, Deutsch-französische Beziehungen im Spannungsfeld von Absolutismus, Aufklärung und Revolution, [Pariser Historische Studien, 36], Bonn/Berlin 1992, pp. 330-345). 183 Dans une recension d'août 1793, on peut même lire une défense des émigrés contre l'image qu'en avait donnée P. A. F. v. Münchhausen (Sehl. J. 93.VHI.7 p. 539). 184 Sehl. J. 93.IX.4p. 143. 185 Voir Dann, Otto, «Gleichheit», in: Geschichtliche Grundbegriffe. Historisches Lexikon zur politisch-sozialen Sprache in Deutschland, op. cit., vol. 2, Stuttgart 1975, p. 1014. 186 Schi. J. 93JV.1 p. 386. 181

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croissant de la majorité du peuple pour les affaires politiques.187 Dans l'impossibilité d'exercer directement son pouvoir législatif, le peuple, en effet, le délègue à l'Assemblée dont la charge est d'établir une constitution qui soit l'émanation de la volonté générale.188 Brackebusch, dans son île imaginaire, juge une telle représentation inévitable au regard de l'importante population qui l'habite.189 La forme de représentation qu'il vante ici est plus progressiste que celle que défendent les autres auteurs des revues, car, nulle part, il n'évoque la nécessité d'un cens pour accéder au statut d'élu, a fortiori d'électeur. Mais on ne saurait prêter trop d'importance à ce texte qui se présente résolument comme une utopie. De plus, même s'il reflétait une profonde conviction politique, ce passage resterait marginal puisque les autres auteurs du Braunschweigisches et du Schleswigsches Journal, à l'instar des Constituants français, tolèrent le cens, limitant donc aux possédants les droits de la citoyenneté active.190 Afsprung, par exemple, quand il s'exprime sur la question du cens, s'en montre, même, un ferme partisan et réfute, par là, les accusations proférées par Moser à l'encontre de la Déclaration des Droits de l'Homme. La Déclaration, en effet, loin d'affirmer l'égalité sociale comme le prétend Moser, met en place un système dans lequel «nur diejenigen wahres Bürgerrecht, das heißt, Antheil an der Gesetzgebung und Verwaltung haben, die ein bestimmtes Vermögen haben». 191 Le texte de 1793 consacré à la Constitution paraît d'abord ambigu, qui confronte l'opinion du partisan d'un cens plus restrictif encore et celui d'un révolutionnaire rendant grâce au Dix-août d'avoir abattu la frontière entre citoyens actifs et citoyens passifs, sans prendre d'emblée parti.192 Halem, à la fin de l'article, dévoile pourtant son opinion réelle : comme il ne se fait guère d'illusion quant à la possibilité de réintroduire le

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Voir, par exemple, Archenholtz, Johann Wilhelm v., op. cit., p. 239 ; Reichardt, Johann Friedrich, op. cit., pp. 56-57 et 62. Sehl. J. 92.1.4 p. 62. La Constitution votée par la Constituante est «eine auf den allgemeinen Willen einer Nation gegründete Verfassung»; Schi. J. 93.IV.1 p. 386 la Constitution répond à cette question cruciale pour les Modernes: «wie bey der Gesetzgebung der Gesamtwille des Volkes am sichersten ausfündig zu machen [sei]?». La Révolution française marque, en ce sens, l'avènement d'une forme nouvelle de la loi, antithèse des lois de l'Ancien régime, symboles d'inefficacité et de la recherche d'un intérêt égoïste (voir Schi. J. 92.V.1 p. 33) et dénuées d'un véritable fondement juridique (voir Sehl. J. 92.1.5 p. 71); dorénavant, au contraire, la loi est l'incarnation de la volonté nationale. Voir Sehl. J. 92.IX.2p. 54. Ce problème est peu clair chez Rousseau lui-même. Si, dans le Contrat social, il fait du peuple tout entier la puissance législative, il semblerait que dans le Projet d'une constitution pour la Corse, par exemple, il mette en place une hiérarchie tripartite, qui, en définitive, n'accorde la citoyenneté qu'aux personnes mariées ou veuves ayant deux enfants vivants, une habitation propre et suffisamment de terre pour nourrir leur famille (Rousseau, Jean-Jacques, Projet de constitution pour la Corse, in Œuvres complètes, Gagnebin, Bernard et Raymond, Marcel (dir.), vol. 3, Paris 1964, p. 919). Voir Br. J. 91.V.6 p. 115. Afsprung ajoute, dans la perspective des physiocrates, que seuls les propriétaires fonciers devraient supporter l'imposition. Sehl. J. 93.IV. 1 pp. 387-392 § 7 : «Ueber Beschränkung des politischen Körpers ».

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cens, il est contraint de retenir le nouveau critère de citoyenneté, stipulant que, pour pouvoir être électeur dans les assemblées primaires, il faudra avoir 21 ans, résider depuis un an au même endroit et avoir travaillé un an,193 et restreignant l'éligibilité à ceux qui ont déjà exercé des fonctions dirigeantes ou qui disposent d'une formation de juriste. Cela interdit clairement l'exercice du pouvoir aux classes les plus basses de la société.194 Ces conditions tendent donc à protéger la propriété et sont foncièrement distinctes de l'égalitarisme social que dénonçaient tant le Braunschweigisches que le Schleswigsches Journal. Dans le premier, Meister s'écriait: « O der traurigen Gleichheit, die keinen andern Vortheil bringt, als den, daß Alle auf gleiche Weise elend sind». 195 Dans le second, un article entier est même consacré à la notion française d'égalité. Son auteur s'élève contre les simplifications outrageantes qui en ont été faites, et s'appuyant sur la Déclaration d'aoûtl789, réaffirme que cette égalité est seulement une égalité de droits, qui assure à chacun l'égale jouissance de ces droits naturels que sont «la liberté, la propriété, la sûreté & la résistance à l'oppression».196 Et la crainte que la quête de la simple égalité civile puisse déboucher sur la formulation de revendications sociales incite même les auteurs des revues à relativiser certaines de leurs positions sur la noblesse.197 Si, en mars 1791, Campe pouvait défendre l'abolition de la noblesse, au nom de la distinction entre la conservation d'un Etat et sa recréation - rien ne justifiant, à ses yeux, l'introduction d'une nouvelle aristocratie,198 - le ton, au fil des mois, s'avère de plus en plus nuancé. En 1792, un auteur affirme que l'abolition était dénuée de sens, après qu'on eut dépouillé le second ordre de ses privilèges et de son rôle politique.199 Hennings va même plus loin encore, pour qui l'abolition des titres de noblesse était superflue puisque, «nothwendiges Uebel», 200 ils servent à satisfaire l'ambition des particuliers. Cela ne signifie nullement qu'on retombe dans une stratégie de légitimation 193 194

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Ibid., pp. 427-428. Ibid., p. 428. Cela est d'autant plus vrai que la période révolutionnaire se traduit, dans l'ensemble, par ime paupérisation de la population. La nécessité de limiter aux possédants la participation active à la politique n'est, en outre, pas indiquée uniquement par le renvoi à la France puisque la reproduction de lettres écrites par des Polonais qui commentent la précaire situation politique de leur pays l'illustre également (Sehl J. 92.X.3 p. 238). Br. J. 90. VILI p. 285. Voir Sehl. J. 93.X.5 p. 247. A la même époque, mettant en lumière un des mécanismes de la rhétorique révolutionnaire, Reichardt prend conscience du caractère ambigu du mot « aristocrate » : « Was hier Aristokrat genannt wird, ist eigentlich nur die gemäßigte Partei und Leute, die keinen rechten Anteil an der Konstitution haben, sondern nur Ruhe und Ordnung haben wollen» (Reichardt, Johann Friedrich, op. cit., p. 84). Br. J. 91.ΠΙ.4 p. 304: «wir [verhandeln] jetzt nicht die Frage: ob es gut sey, den schon langen daseyenden Adel in einem schon alten Staate auf einmal durch gewaltsame Mittel abzuschaffen? sondern vielmehr die Frage: ob es gut sey, den Adel in einem sich eben erst bildenden Staate einzuführen». Schi. J. 92.1.5 p. 74. Sehl. J. 92.V.1 p. 6.

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du système féodal, car l'auteur de cet article évoque seulement la noblesse morale, mais revient simplement à tolérer la noblesse personnelle. Celle-ci, en effet, ne doit être qu'honorifique, sans conséquence sur l'égalité civile de tous, et reste, en tous cas, un privilège dont il convient d'atténuer l'importance, en l'étendant. Le refus d'une abolition brutale se nourrit également de la conviction que la simple égalité devant la loi et l'attribution, au mérite,201 des différentes fonctions de l'Etat auraient suffi à affaiblir peu à peu la noblesse, et à lui ôter définitivement la suprématie qu'elle semble avoir encore. Les membres de l'Assemblée, en la supprimant radicalement lui ont, bien au contraire, permis de recouvrer une aura imméritée.202 Même un rédacteur comme Brackebusch, dans son « syllabus » des erreurs caractéristiques de la fin du siècle, reproche aux Français d'être partis de prémisses exactes - le rejet de privilèges qui niaient l'égalité civile - pour aboutir à de désastreuses conclusions consistant à retirer à la noblesse des distinctions qui, cependant, ne nuisent à personne : Weil es recht und billig, daß der Adel keine Vorrechte besitze, die für die übrigen Staats=Bürger niederdrückend sind; so muß man dem Adel auch alle die Auszeichnungen nehmen die keinen Menschen schaden, und muß das, was man der Vernunft und Philosophie überlassen sollte, mit Piquen und Baionetten bewirken. 203

Et c'est le même souci d'éviter une radicalisation démocratique qui conditionne le jugement porté sur le quatrième droit naturel garanti par le second article de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. 3.4

Le droit à la résistance

Revendiqué avant la Révolution,204 le droit des citoyens à la résistance accède, désormais, à une dimension nouvelle car la Déclaration l'inscrit positivement, lorsque les trois premiers droits naturels ne sont pas garantis ou reconnus. Dès les Briefe aus Paris, Campe interprète les événements de juillet à la lumière de ce droit : selon lui, le peuple de Paris a pris les armes afin de recouvrer les « Droits de l'homme», dont il avait été spolié.205 Mais la prise de la Bastille n'est pas le seul exemple ; ainsi, le droit à la résistance est-il invoqué, également, quand il est question de la révolution de Liège, dont la population avait, elle aussi, été dépouillée de ses droits : «Ein freies Volk war [...] seiner wesentlichsten Rechte durch die alleroffenbarste Tirannei beraubt». 206 Dans l'impossibilité de faire valoir ses griefs par 201

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Sur la place du mérite dans l'attribution de fonctions, voir Br. J. 88.Π.3 p. 194; 88.IV.1 p. 398; 89.V.3 p. 46; 89.VHI.2 pp. 393.394; 91.X.4 pp. 208-209; 91.ΧΠ.1 p. 408; Schi. J. 93 .VII. 7 p. 526; 93.Vn.9pp. 356-357; 93.VÜI.7 pp. 520-521. Sehl. J. 93.1.5 p. 73. Sehl. J. 93.V.1 p. 7. Voir Br.J. 88.1.4 p. 58. Br. J. 89.XI.1 p. 263. Br. J. 90.DÍ.4 p. 94.

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des voies légales car celles-ci avaient été supprimées par l'autorité en place, ceux que le Prince-évêque qualifie de «rebelles» étaient en droit de se soulever. Aux yeux de l'auteur de l'article, ce droit était d'autant plus légitime que les insurgés laissaient sauve la propriété. Brackebusch, dans le conte utopique qu'il propose au lecteur en 1793, associe, il est vrai, le droit à la résistance à une situation déterminée, mais il l'élève à l'universalité en ajoutant aussitôt que nul n'a le droit de considérer comme illégitime et illicite la tentative de reconquérir les droits les plus sacrés de l'humanité : Wir können uns nicht vorstellen, daß irgend ein Mensch, der einige Begriffe vom gesellschaftlichen Vertrage, von Recht und Unrecht hat, auf den Einfall kommen könnte, eine Revolution wie diese, vor unrecht und unerlaubt zu erklären.207

Pareillement, le « citoyen du monde », dans un article publié dans la dernière livraison du Schleswigsches Journal, s'efforce de répondre aux critiques touchant les fondements théoriques de la Révolution. Les adversaires de la Révolution affirment que le silence du peuple, pendant des siècles, revient à une acceptation tacite de la situation politique et invalide, par là, le recours au droit à la résistance. Lui, au contraire, réfute ce développement en refusant de considérer un silence contraint et imposé comme la preuve d'un acquiescement.208 Plus encore qu'à propos de l'égalité civile, on retrouve, ici, la tension entre la volonté de se libérer du despotisme et la crainte de voir la révolution dégénérer en anarchie, ce qu'explique peut-être, chez les auteurs, la fusion entre deux courants de pensée différents : la pensée de Luther qui, tout en dénonçant le despotisme, refuse la révolte, et la tradition des Lumières françaises qui, redonnant à la notion de despotisme une portée politique, peut aboutir à l'insurrection. Et c'est cette tension qui fait ressentir avec une grande acuité le péril inhérent au droit de résistance.209 L'auteur des «Beyträge zum Für und Wider der jetzt suspendirten französischen Constitution » peut ainsi constater : Wenn ferner im 2ten Artickel der Widerstand gegen Unterdrückung unter die unverlierbare Rechte des Menschen aufgeführet wird, so ist das eine gar gefahrliche Behauptung, da die äußerste Gränze, wo Gehorsam gegen gesetzliche Auctorität aufhört, und Widerstand beginnt, schwer zu finden ist, und jeder Empörer sich für unterdrückt und zum Widerstand berechtigt halten wird.210

La seule manière de surmonter ce caractère ambigu du droit de résistance est de légitimer, grâce à lui, la Révolution qui s'est opérée en France, tout en fondant, par la Constitution, un système qui rendrait inutile tout nouveau soulèvement.

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Sehl. J. 92.DÍ.2 p. 26. Sur le droit à la résistance, voir également 92.XI.2 p. 270. Voir Schi. J. 93.ΧΠ.2 pp. 456-457. D'après Mandt, Hella, Tyrannislehre und Widerstandsrecht: Studien zur politischen Theorie des 19. Jahrhunderts, [Politica, 36], Darmstadt 1974, pp. 66-101. Schi. J. 93.1.5 p. 52.

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Or, le problème rencontré par les auteurs des deux revues est que leur accord profond avec les droits naturels proclamés par la Déclaration n'entraîne pas nécessairement une adhésion inconditionnelle à la Constitution de 1791.

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Le problème de l'organisation constitutionnelle

Les conditions de travail de l'Assemblée Constituante alimentent déjà une certaine forme de doute. Campe, lors de son séjour d'août 1789, en livre une description qui n'a, il est vrai, rien d'exceptionnel. Frappé par le désordre et la confusion qui y régnent, assourdi par le tumulte et par les cris qui jaillissent de la foule des 1200 députés, il se demande comment les représentants de la Nation parviennent à travailler dans de telles conditions.211 De plus, il relève que les débats sont rendus moins constructifs, non seulement à cause de la foncière indiscipline des députés, mais aussi parce que des adresses, des suppliques, des lettres de vœux ou de gratitude provenant de toute la France ne cessent de les interrompre.212 La grande nouveauté du règlement213 de l'Assemblée et la difficulté évidente qu'éprouvent les députés à s'y conformer ne sont, d'ailleurs, pas les seules raisons qui menacent le travail de l'Assemblée. Halem, l'auteur du texte le plus systématique sur la Constitution est conscient des circonstances défavorables qui en ont entouré la rédaction. Ainsi La Fayette a-t-il présenté le 11 juillet un projet de Déclaration rédigé à la hâte, afin que la postérité conserve quelques traces de ses principes, pour le cas où la réaction royale l'emporterait.214 Quelques mois plus tard, le même auteur consacre un paragraphe entier à la perfectibilité de la Constitution en se référant à Rousseau, pour la théorie, et au député modéré Desmeuniers, pour la pratique.215 C'est justement dans cet écart entre les principes du droit naturel et leur fixation positive dans la Constitution de 1791 que peuvent s'éployer les discussions qui émaillent les revues et portent sur des problèmes techniques. Sans s'attarder ici sur 211

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Br. J. 90.1.1 pp. 2-13. Un texte anonyme publié en janvier 1792 attribuera à la passion de l'Assemblée pour la rhétorique les retards qu'elle prend dans ses travaux (Sehl. J. 92.1.1 pp. 21-22). Sehl. J. 92.1.1 pp. 21-24; voir aussi Archenholtz, Johann Wilhelm von, «Bemerkungen über den Zustand Frankreichs am Ende des Jahres 1791 », in: Günther, Horst (éd.), Die Französische Revolution, vol. 1, Frankfurt/M. 1985, pp. 237-238 [première édition in: Minerva, vol. 1, 1792]; Halem, Gerhard Anton v., Blicke auf einen Teil Deutschlands, der Schweiz und Frankreichs bei einer Reise im Jahr 1790 in : Günther, Horst (éd.), Die Französische Revolution, vol. 1, Frankfurt/M. 1985, pp. 110-113 [première édition 1791], pp. 114-115; Reichardt, Johann Friedrich, op. cit., pp. 125-128. Voir d'autres exemples in Castaldo, André, Les Méthodes de travail de la Constituante. Les techniques délibératives de l'Assemblée nationale 1789-1791, Paris 1989, pp. 8-12. Castaldo, André, op. cit., pp. 101-134. Sehl. J. 93.1.5 pp. 55-56. Schi. J. 93.X.1 p. 151. Les textes cités sont respectivement un extrait du Contrat social, chap. 7, et le Discours de Desmenniers [Jean-Nicolas, 1751-1814] du 27mai 1791.

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chacun des vingt-et-un paragraphes des «Beiträge des Für und Wider der suspendirten Französischen Constitution», on peut noter que les trois points qui, dans cette constitution, retiennent le plus l'attention des auteurs des revues - ce qui montre bien qu'on se tromperait en déniant aux publicistes une connaissance réelle des problèmes juridiques216 - sont la place revenant au Roi dans le nouveau système politique français, la forme que doit prendre le législatif et le problème de la loi.217 Le problème posé par les prérogatives royales est introduit, dans l'économie des revues, par la question du droit de déclarer la guerre. La traduction du discours prononcé par Pétion, le 17 mai 1790, et dont Campe avait pu prendre connaissance grâce au Moniteur,218 est le premier texte à en faire état. Il refuse au Roi un pouvoir qui doit être dans les seules mains de la Nation assemblée. Cette idée est reprise, de façon plus concise, dans un texte de 1792 qui, reconnaissant le bien-fondé de ce transfert de la souveraineté, affirme qu'il ne peut être que profitable à la Nation, car il empêche, dorénavant, les misères qui sont inévitables, «wenn das Schicksal einer Nation, wenn Krieg und Frieden, Glück und Unglück eines ganzen Volks [...] »219 n'appartiennent qu'à un seul ou, plus exactement, à ceux qui, à l'image des courtisans, des favoris et des maîtresses, se jouent du roi comme d'une marionnette. Priver le monarque de ce domaine de décision n'est, certes, pas secondaire, car cela permet de faire de la Constitution le garant de la paix.220 Mais ce point n'est qu'un des aspects du problème plus capital de la place du Roi dans la nouvelle Constitution, un problème qui est la conséquence logique du changement de souveraineté du 17 juin 1789. Une fois que les états généraux se sont proclamés Assemblée nationale, le pouvoir royal doit rétrograder. On trouve, dans les revues, des preuves de cette «révolution constitutionnelle».221 Le souverain cesse d'être au-dessus de la Nation pour devenir un de ses membres. Il est «le premier citoyen». Cette phrase apparaît dans un dialogue fictif mettant aux prises deux députés : « An » et « Quomodo ». «Quomodo», pour être plus conservateur, ne s'en rend pas moins aux arguments 216

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C'est précisément ce jugement erroné que l'on peut reprocher au travail de Harry Siegmund, Der französische Einfluß auf die deutsche Verfassungsentwicklung 1789-1815, Jur. Diss., Freiburg i. Br. 1987, p. 66. Voir Guchet, Yves, Histoire constitutionnelle française (1789-1958), Nanterre 1990, pp. 5 8 61. Br. J. 90.VI.6. Schi. J. 92.1.1 p. 27. Br. J. 91.V.2 p. 27. Halévi, Ran, «Die politische Doppelgesichtigkeit der ,Verfassungsrevolution' des Jahres 1789», in: Reichardt, Rolf et Koselleck, Reinhart (éd.), Die Französische Revolution als Bruch des gesellschaftlichen Bewußtseins, [Ancien Régime, Aufklärung und Revolution, 15], München 1988, pp. 75-95. Halévi montre clairement ici que cette substitution d'une liberté abstraite et encore mal définie à cette liberté plurielle - «sorte de liberté déréglée et malsaine» (p. 78), qui régissait tant bien que mal la vie politique de l'Ancien Régime-, fait peser sur la Révolution une formidable hypothèque.

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de «An» et finit par admettre que le service que doit accomplir le roi ne le met aucunement dans la dépendance du législatif. En effet, le régent est le premier citoyen et son pouvoir illimité,222 pourvu qu'il respecte les lois, conformément à la conception frédéricienne du pouvoir.223 Cependant, l'affirmation est trompeuse et, sous elle, se dissimulent des tendances plus radicales, dans la mesure où «Quomodo», convaincu précédemment par l'argumentation de An, a reconnu la nécessité d'un droit de regard sur le souverain, c'est-à-dire sur l'exécutif. De fait, il propose, peu après, de soumettre le souverain au contrôle annuel des comités législatifs. Et dans cette perspective, on peut renvoyer à plusieurs textes semblant étroitement en accord avec la Constitution de 1791. Dans un article de janvier 1792 qui constitue une réponse à un texte de Wieland reprochant à la Nation française de ne pas encore avoir appris à respecter la constitution, la fonction royale est présentée comme «die wichtigste Dienerschaft der Nation, [die ...] der unmittelbaren und mächtigen Oberaufsicht der so zahlreichen Nationalversammlung unterworfen ward». 224 Brackebusch semble, lui, concilier ces positions en instaurant dans son île utopique un pouvoir à mi-chemin entre un régime absolutiste et un régime d'assemblée : Die Macht der Gesetz=ausfuhrung wurde in die Hand des Regenten und einer von ihm gewählten Rath=versammlung, die aber der Generalversammlung verantwortlich war, niedergelegt, und ihr wurde uneingeschränkte Vollmacht ertheilt, von allen Mitteln Gebrauch zu machen, um den Gesetzen Ehrfurcht und Gehorsam zu verschaffen.225

La Nation en tant qu'organe de la législation est dépositaire du pouvoir qu'elle confie au Roi, qui, toutefois, est irresponsable, car seuls les ministres, conformément aux principes de la Constitution de 1791,226 sont tenus de rendre des comptes à l'Assemblée. Par conséquent, la fonction royale, telle que la détermine la Constitution de 1791 qui confère au Roi un grand pouvoir, pour autant qu'il se soumette à la volonté de la Nation et donc aux lois, répond aux aspirations des auteurs. Dès janvier 222 223

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Br. J. 90.VID.7 p. 490 : «Der Regent sey der erste Bürger. Seine Macht ist unumschränkt». On trouve, dans les analyses de Hennings, aussi, une nette prise de parti en faveur d'une fonction royale rappelant celle de FrédéricII, qu'il admirait profondément (Voir Ritschl, Hans Wilhelm, August Adolph Friedrich von Hennings 1746-1826. Ein Lebensbild aus Holstein, Kopenhagen und Hamburg in bewegten Zeiten, Hamburg 1978, pp. 25-26). Le Roi, en effet, gouverne selon des lois auxquelles, certes, il se soumet, mais qu'il a lui-même édictées, conformément à son statut d'administrateur de la volonté générale (voir Sehl. J. 92.V.1 pp. 10 et p. 43). Sur cette conception, voir Grawert, Rolf, «Gesetz», in: Geschichtliche Grundbegriffe. Historisches Lexikon zur politisch-sozialen Sprache in Deutschland, op. cit., vol. 2, Stuttgart 1975, pp. 891-892. Schi. J. 92.1.1 pp. 27-28. Schi. J. 92.DÍ.2 p. 49. Godechot, Jacques, Les Institutions de la France sous la Révolution et sous I 'Empire, pp. 4445. Sur le rôle des ministres, voir Constitution, respectivement titre ΠΙ, chapitre Π, section IV art. 2, 5, 7 ; pour les ministres et pour les pouvoirs de l'Assemblée, voir titre m, chapitre ΙΠ, section I, art. 1.10°, titre IV art. 1, 10.

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1790, Campe avoue préférer un régime monarchique ordonné, à ime république secouée par les troubles et les désordres, car il croit daß man in einem wohleingerichteten monarchischen Staate, und unter einem gerechten und weisen Regenten, der nicht willkührlich sondern gesetzmäßig herrscht, viel ruhiger und glücklicher, als in einem stürmischen Freistaate, leben könne. 227

Lorsque Campe, par exemple, arrive à Louvain, il se montre surpris par la confrontation entre les «zurückgeschreckten Bürger» et les «bewafneten Dienern der Gewalt», phénomène bien propre à étonner le citoyen «aus einem Lande [...], wo Fürst und Unterthanen, als Vater und Kinder, eine einzige und große und liebevolle Familie [bilden] »,228 Le voyageur, par cette compréhension paternaliste du pouvoir, se montre encore partisan du «despotisme éclairé». Et lorsque Meister prétend que «daß es unter dem Scepter eines aufgeklärten Despoten in der That mehr Freiheit geben kann, als in einem schlechtgeordneten Freistaate, auch wenn derselbe völlig demokratisch wäre», Campe commente avec cette restriction: « wenn der Despot, nicht wie er könnte, seine Willkühr, sondern die Gesetze walten läßt».229 Même s'il semble reprendre les termes de Rochow qui expliquait, dans un texte publié en 1788, que le monarque est à la source de la loi, qu'il lui incombe de la faire appliquer230 et qu'il faut donc nécessairement que les souverains soient les «Vormünder des Volks»,231 il semble que les positions aient évolué, en ce que les auteurs sont de plus en plus soucieux d'une objectivation de la loi qui fasse dépendre le gouvernement de l'Etat moins de la bonne volonté du souverain que du respect de lois que ce dernier n'est pas libre de promulguer à sa guise. Hennings, par exemple, est persuadé que la loi est l'émanation du

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Br. J. , 90.1.3 p. 70. Br. J. 89.X.7 pp. 235-236. Voir la définition donnée par Voltaire du monarque absolu: «Un roi absolu, quand il n'est pas un monstre, ne peut vouloir que la grandeur et la prospérité de son Etat parce qu'elle est la sienne propre, parce que tout père de famille veut le bien de sa maison» (c'est nous qui soulignons). Cité in Stelling Michaud, Sven, «Le Mythe du despotisme oriental», in: Schweizer Beiträge zur Allgemeinen Geschichte, 18/19, 1960/1961, p. 341. Cependant, le «despotisme éclairé», en dépit de sa ressemblance avec la «monarchie absolue», s'en distingue parce que le despote éclairé respecte les droits de l'Homme et ne s'oppose en rien à l'Aufklärung. Br. J. 90. VILI pp. 275-276. Une telle conception est, chez Campe, largement antérieure à 1789 (voir Fertig, Ludwig, Campes politische Erziehung: Eine Einfiihrung in die Pädagogik der Aufklärung, [Impulse der Forschung, 27], Darmstadt 1977, p. 22). Br. J. 88.Π.1 p. 139 : «Wer in der Gesellschaft das Recht hat, allen Gesetze zu geben und über deren Befolgung zu halten, der heißt Landesherr, Beherrscher, Regent, Oberhaupt, Obrigkeit, Gesetzgeber». Br. J. 88.1.4 p. 56. Cette position est contestée explicitement, une fois, lorsque, en avril 1790 «J. Freimuth» dénonce l'Etat - dans le contexte, il faut dans le souverain - « [den] allgemeinen Vormund seiner Bürger», car cela offense la «Volksmajestät» (Br. J. 90.IV.4 p. 450), mais cette position reste, toutefois, minoritaire dans les deux revues.

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«Volksgeist». 232 Cela n'implique point un refus de la monarchie qui reste possible tant que le monarque respecte la loi aussi rigoureusement que ses sujets : In einem monarchischen Staate, wo der Regent nach Gesetzen regiert, und keiner den Gesetzen entgegen handeln darf, ist die Despoten=politik Asiens der Regierungs=verfassung ganz entgegen. 2 "

Dans la livraison précédente, Hennings affirmait déjà cette même conviction : «Als Volksleiter muß der Fürst Gesetze und Ordnung aufrecht halten». 234 S'il entreprend de légiférer de manière autocratique et sans respecter les lois, le Prince devient, au contraire, un despote «und die Macht des Königs ist dann dasjenige namenlose Ding, das man am schicklichsten das Böse (το πονερόν) nennt, das die Gesetze zu verderben trachtet».235 Si la monarchie dégénère en tyrannie sitôt que le souverain se libère de la puissance des lois (« Was ist Tirannie anders, als die Herrschaft des Eigendünkels, die an die Stelle der Gesetze tritt? Tirannen lassen die Zügel der Gesetze fahren [...] »), en revanche, la « [wjahre Monarchie ist demokratisch »,236 Par la suite, l'auteur réaffirme aussi son adhésion à la monarchie, en renvoyant à Knigge comme à d'Argenson : Der Freiherr Knigge hat sich für die Monarchie, als die glücklichste Staatsverfaßung und d'Argenson für einen König erklärt, der nach Republicanischen Grundsätzen regiert.237

Et Brackebusch se range également à ces vues.238 Certes, la définition qu'il donne de la loi insiste sur son côté démocratique, de même, que peu après, lorsqu'il évoque les héros de la liberté mus par le sentiment « ihrem Vaterlande die Macht zu erhalten, keinen andern Gesetzen zu gehorchen, als denen, die es sich selbst zu geben für gut fand »,239 Et quand il recommande l'obéissance aux lois votées par l'Assemblée nationale, il recourt à la thèse du nécessaire primat de la volonté générale sur les volontés individuelles : 232 233 234 235 236 237

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Schi. J. 92.V.1 p. 44. Ibid., p. 43. Schi. J. 92.IV.1 p. 396. Schi. J. 92.1.1 p. 4. Sehl. J. respectivement 92.V.1 pp. 2 et 3 ; voir également 92.1.1 pp. 3-4. Sehl. J. 93.ΙΠ.8 p. 366. L'affirmation de Hennings, au regard de ce qu'écrit Knigge dans Josephs von Wurmbrand, pp. 135-139, pounait être relativisée. Dans ces pages, en effet, Knigge refuse d'ériger absolument en modèle le système monarchique: un système politique ne vaut qu'en fonction de données historiques bien précises et tout système est bon, dans lequel les libertés individuelles sont assurées et où la législation émane de l'ensemble des citoyens. On peut donc déduire de tels principes aussi bien un système purement démocratique qu'un système monarchique. Or, dans les conditions propres à l'Allemagne de la fin du dixhuitième siècle, seul le premier est viable. Dans ces conditions, lorsque Afsprung, réfutant une des thèses du Contrat Social de Rousseau, affirme ceci: «wenn so gebrechliche Wesen, wie die Menschen, nur durch Menschen regiert werden sollen: so sollte es billig nur demokratisch geschehen» (Br. J. 90.XI.10 p. 384), il ne prend pas forcément parti pour un régime républicain. Br. J. 92.IX.2 p. 59.

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Diese Unterwerfung des Privat=willens unter den allgemeinen Willen ist aber durchaus nötig, wenn die Gesellschaft bestehen soll. Sie ist der große nothwendige, aber auch der einzige Schritt aus dem Natur=zustande in die Gesellschaft; und so wie nun, nachdem dieser Schritt gethan ist, an die Stelle der natürlichen Freiheit die bürgerliche tritt, so tritt nun an die Stelle der aufgegebenen natürlichen, die bürgerliche Gleichheit.240

Cependant, même en prétendant quelques pages plus haut que le peuple peut, et même doit déléguer sa souveraineté à l'Assemblée nationale241 et en faisant, de la sorte, du peuple la source de la loi, Brackebusch ne se prononce pas absolument pour un régime républicain : si le souverain respecte la volonté du peuple, il lui est permis de légiférer, et un pays peut, de facto, être régi par un monarque, pourvu que la Constitution rende ce dernier responsable devant la Nation.242 Une monarchie dite «démocratique», une monarchie «légale» signifie, pour les auteurs des deux revues, un régime qui respecte le droit naturel - dont elle reconnaît le caractère impératif - et garantit les principales libertés. Dans un tel régime, le souverain et les citoyens sont conscients de leurs droits et de leurs devoirs communs. Le premier est un serviteur des lois et, soucieux du bien public,243 il est aimé de ce peuple dont il est le bienfaiteur.244 Même en 1793, Brackebusch, tout en dénonçant la tyrannie, peut donc affirmer son légalisme et sa foi dans la monarchie telle qu'elle existe en Allemagne, repoussant ainsi l'accusation de vouloir la révolution.245 On est en droit de se demander si les auteurs désapprouvent foncièrement le système politique qui s'installe lentement en France, accordant une place toujours plus grande à une Assemblée nationale246 dont ils avaient mis en lumière les imperfections. Il semble d'abord que non. Halem, dans un texte consacré au problème du monocamérisme ou du bicamérisme, ne juge pas nécessaire une bipartition du pouvoir - car il n'en reconnaît qu'un, le pouvoir législatif: «Diese [die gesetzgebende Macht] schlägt vor, ordnet an, übt aus. Sie will, Sie befiehlts und thuts» 247 - ni, a fortiori, une tripartition des pouvoirs, c'est-à-dire un législatif qui se contente de proclamer les lois, un exécutif fort chargé de modérer l'action de la

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Ibid., p. 65. Ibid., p. 54. 242 Ibid., p. 66 : La Nation ne doit déléguer son pouvoir qu'à quelqu'un «der von der Anwendung derselben Rechenschaft zu geben verspricht». 243 Br. J. 88.IV.1 pp. 393-394 ; 89.Π.4 p. 225 ; 90.1.4 p. 76. 244 Voir déjà Br. J. 88.VIII.2 p. 396 ; 89.1.2 p. 18. 245 Schi. J. 93.V.1 p. 2. 246 Voir les analyses de Lange v. Stocmeier, Karlfriedrich, Volk, Gesetz und Regierung in der französischen Revolution. Eine vergleichende Darstellung nach Verfassungen und Verfassungsentwürfen von 1789 bis 1795, Rechts- und Staatswiss. Diss., Bonn 1968, pp. 200-203. 247 Schi. J. 93.ΠΙ.8 p. 360. Notons que le problème du rôle à assigner à l'Assemblée nationale a alimenté, en Allemagne, une importante polémique, à la fin du dix-huitième siècle puisqu'on trouve dans le Schleswigsches Journal quelques références à des articles parus dans le Deutsches Magazin, 92.XI ou le Deutsches Merkur, 92.VIII, 92.IX. 241

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première chambre et un judiciaire vérifiant la validité juridique des lois, car l'Assemblée nationale constitue tout à la fois : - une chambre basse, dans la mesure où les projets de lois reflètent la libre voix du peuple ; - une seconde instance, puisque les lois y donnent lieu à des débats au cours desquels l'effet modérateur de la sagesse peut pallier les excès de l'enthousiasme ; - une troisième instance, puisque l'on y peut discuter de l'efficacité des lois déjà proclamées.248 Mais il ne traite de ce problème que dans le cadre d'un régime politique qui, fondamentalement, blesse ses convictions car il a aboli la monarchie.249 Le caractère pragmatique de la réflexion de Halem et le constat qu'il tire d'une situation politique ne saurait être confondu avec une approbation, et ce d'autant moins que, dans la livraison suivante, dans le dixième paragraphe de ses « Beyträge zum Für und Wider der suspendirten Französischen Constitution», il propose de limiter les prérogatives de l'Assemblée nationale, et suggère un certain nombre de mesures destinées à écarter le danger d'une dictature de l'Assemblée: il devrait lui être interdit, selon Halem, de prendre des décisions trop hâtives,250 il serait nécessaire de la soustraire à l'influence des tribunes du public251 et de faire participer l'exécutif à la législation, grâce au veto.252 Quoiqu'il reconnaisse aussitôt le peu d'efficacité de la seconde mesure, la troisième, qui sera développée ultérieurement,253 lui paraît plus à même de parer à une importance démesurée du législatif. A ses yeux, en effet, le veto de l'exécutif permet de protéger l'Assemblée des dan-

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Schi. J. 93.ΠΙ.7 pp. 365-366. Son idéal politique est, en effet, «das Modell des konstitutionellen Absolutismus» (Ritterhoff, Claus, «„[...] Den Aristoteles und Montesquieu in der Hand". Zum Leben Gerhard Anton von Haiems (1752-1819)», in : Müller, Klaus-Peter (éd.), Im Westen geht die Sonne auf. Justizrath Gerhard Anton von Halem auf Reisen nach Paris 1790 und 1811, [Schriften der Landesbibliothek Oldenburg, 21], Oldenburg 1990, p. 14). Pour W. Griep aussi, un tel régime constitue l'idéal politique de Halem. Ce dernier souhaite ardemment l'instauration d'une «endgültigen bürgerlichen Ordnung», dans laquelle les monarques ont leur place «wenn sie nur im Einklang mit der Gesamtheit der vernünftigen Bürger handeln» (Griep, Wolfgang, «Mit dem Reisepfennig „Wahrheitsliebe" - Gerhard Anton von Halem und seine Reise im Jahre 1790», in: ibid., p. 42). Schi. J. 93.IV.1 p. 399 Cette proposition est inspirée de la Constitution de 1791 (titre m, chapitre ΠΙ, section Π, article 4). Ibid., p. 399. Voir titre m, chapitre m, section Π, article 2. Ibid., p. 399. Halem rejoint, par là, les positions des membres modérés de l'Assemblée constituante (voir Keith, Michael Baker, «Constitution», in: Furet, François et Ozouf, Mona (dir.), Dictionnaire critique de la Révolution française, vol. Institutions et Créations, Paris 1992, pp. 191-192; Godechot, Jacques, Les Institutions de la France sous la Révolution et sous l'Empire, pp. 85-86). Sehl. J. 93.IV.1 pp. 405^109 § 12 : «Ueber das Veto der vollziehenden Gewalt» p. 406.

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gers de l'irréflexion car l'exécutif peut refuser les décisions et leur dénier, de la sorte, «den heiligen Character des Gesetzes ».254 C'est le même souci pragmatique qui gouverne la réflexion de Halem sur la fonction royale. La discussion sur la révolution constitutionnelle culmine, en effet, dans la question de savoir si, en France, le roi est encore nécessaire. C'est là l'objet du dix-septième paragraphe du texte sur la Constitution de 1791. Si la fonction royale est seulement d'empêcher que l'Assemblée ne cesse d'être la représentante de toute la Nation pour devenir l'instrument des factions ou qu'elle dépasse le cadre de ses prérogatives, le roi est-il réellement indispensable? En effet, l'existence de départements et d'une presse libre écartent le premier danger, la présence de fonctionnaires entre le citoyen et les législateurs parent au second.255 Le Roi avait déjà perdu la légitimité qu'il tenait de droit divin ou de son hérédité. Si la Constitution ne lui accorde plus une place privilégiée, le Roi n'est pas absolument indispensable, et Halem, maintenant que la monarchie a été abolie en France peut s'exclamer : « Der zeitige Präsident des vollziehenden Senats trete in die Stelle des Königs, sey dem Staate was Washington dem Amerikanischen Freistaate ist». 256 Pour cela, reconnaît l'auteur, il faudrait qu'il existât, en France, un Sénat. Mais une telle instance est-elle envisageable dans un pays où, d'une part, règne l'égalité, et où, d'autre part, les différents départements ne sauraient jouir d'une autonomie semblable à celle des Etats de l'Amérique du Nord? Et Halem de reprocher à la Convention son intolérance, qui rend impossible un système fédéraliste, alors que, d'après lui, il serait garant de la liberté.257 Tout en admirant les principes de la Déclaration des Droits de l'Homme, l'auteur rejette, par conséquent, leur concrétisation dans la Constitution de 1791 qui s'est montrée incapable de les asseoir fermement. Son scepticisme vis-à-vis de la future constitution française - c'est-à-dire celle de 1793 - n'est pas moins grand, car non seulement il est persuadé que l'instauration d'un régime fédéraliste sera impossible, et que, de plus, il se prononce fondamentalement pour un régime monarchique.258 Alors que les auteurs du Braunschweigisches et du Schleswigsches Journal semblaient partager une opinion globalement identique sur la positivité des principes de la Déclaration, l'organisation constitutionnelle, en consacrant le passage de la norme au fait laisse apparaître, elle, des différences plus nettes. Caractéristique de leur attitude est la réaction du «pasteur», dans la discussion fictive qu'il mène avec Madame de Wilmhausen. Invité à se prononcer sur la Constitution française,

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Ibid., p. 407. Ibid., pp. 420-423. Ibid., p. 424. Ibid., p. 425. Cet idéal est partagé également par Hennings (voir Hild, Joachim, August Hennings. Ein schleswig-holsteinischer Publizist um die Wende des 18. Jahrhunderts, [Erlanger Abhandlungen zur mittleren und neueren Geschichte, 11], Erlangen 1932, p. 108). Schi. J. 93.IV.1 p. 424: «Und nirgends wird die Herrschaft der Vernunft und des Rechts gleicher geführt werden, als unter einem Könige der sein Intereße kennt».

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il prétend que beaucoup de choses auraient dû en être écartées mais que les principes énoncés dans la Déclaration des droits de l'Homme ne cessent de retenir son admiration : So viel ich von Staatsverfassungen verstehe, war freilich an der neuen Verfassung manches auszusetzen. Aber die Grundsätze, das heißt die Erklärung der Rechte, haben meine ganze Bewunderung. Durch sie ist eine Anzahl nothwendiger und ewiger Wahrheiten in die Welt gekommen, die bisher nur das Eigenthum weniger denkenden Köpfe waren.259

Au fil des années, l'écart entre le jugement porté sur les principes de la Déclaration des Droits de l'homme et leur réalisation constitutionnelle est perçu avec une acuité toujours plus grande. Les auteurs des deux revues, adoptant une position libérale de plus en plus marquée, continuent à approuver les premiers, mais ils laissent percevoir un scepticisme croissant à l'égard de l'organisation constitutionnelle de la France et, par conséquent, du cours pris par une Révolution qui s'achemine vers un système démocratique.

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Ibid., p. 380.

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VI Révolutionnaires français et souverains modèles

Au regard des réserves formulées par les auteurs des revues à l'égard des réalisations constitutionnelles d'une révolution dont ils approuvent, pourtant, les principes fondateurs, il importe de préciser maintenant leurs conceptions politiques, ce que rendent possible tant les références faites, dans les deux revues, aux révolutionnaires français que les jugements portés sur les souverains présentés en modèle.

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Les révolutionnaires français dans les journaux

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Problèmes méthodologiques

Dans les deux journaux sont mentionnés près de cinquante noms de révolutionnaires français. Sans prétendre à l'exhaustivité et en écartant d'emblée, d'une part, les noms des membres du complot, des courtisans et des terroristes, d'autre part, La Fayette, Mirabeau et Necker - trois personnages sur lesquels nous reviendrons tout particulièrement - on peut citer: Bailly, Barnave, Bergasse, Brissot, Camus, Champion de Cicé, Clermont-Tonnerre, Condorcet, Crillon, Dandré, Desilles, Desmeuniers, Dumouriez, Favras, Garat, Gérard, Gorsas, Lally-Tollandal, Lameth, La Rochefoucauld d'Enville, La Rochefoucauld-Liancourt, Le Chapelier, Linguet, Malouet, Montesquiou-Fezensac, Mounier, Pastouret, Pétion de Villeneuve, Prudhomme, Rabaud Saint-Etienne, Roederer, Roland, Saint-Priest, Sieyès, Talleyrand, Thouret, Vaublanc, Virieu.1 1

Voir J. S. Bailly (1736-1794) Br. J. 89.ΧΠ.1 p. 386; A. P. Bamave (1761-1793) Schi. J. 92.V.5 p. 115; 92.VI.8 p. 251; 93.IV.1 p. 393; N. Bergasse (1750-1832) Br. J. 90.Vffl.6 p. 480; J. P. Brissot (1754-1793) Sehl. J. 93.X.1 pp. 155 et 156; A. G. Camus (1740-1804) Sehl. J. 89.ΧΠ.1 p. 386; J. M. Champion de Cicé (1735-1810) Br. J. 89.X.7 p. 237; S. de Clermont-Tonnerre (1757-1792), Br. J. 89.ΧΠ.1 p. 386 ; Sehl. J. 93.IV.1 pp. 401 et 413 ; J. A. N. de Condorcet (1743-1794) Sehl. J. 92.Π.5 p. 163 [Son nom est ici écrit «Kondorcet»] ; 92.X.4 p. 243; F. F. D. de Crillon (1748-1820) Sehl. J. 93.IV.1 p. 415; A. B. J. Dandré (1759-1825) Sehl. J. 92.X.6 p. 253 ; A. J. M. Desilles (1769-1790) Sehl. J. 93.1.5 p. 64; J. N. Desmeuniers (1751-1814) Sehl. J. 93.X.1 p. 151; C. F. Dumouriez (1739-1823) Sehl. J. 93.1.5 p. 64; 93.1.7 p. 125 ; 93.VI.8 p. 243 ; 93.VII.11 p. 388 ; T. de Favras (1744-1790) Sehl. J. 92.Π.5 p. 158 ; D. J. Garat (1749-1833) Br. J. 90.IV.5 p. 460 ; Michel Gérard (1737-1815) [«le Père Gérard»] Sehl. J. 93.1.5 p. 64; A. J. Gorsas (1752-1793) [orthographié «Gorzas»] Br. J. 90.IV.5 p. 460;T. G. de Lally-Tollandal (1751-1830) Br. J. 89.ΧΠ.1 p. 386; 90.Π.2. pp. 132-133 ; A. T. V. de Lameth (1760-1829) Sehl. J. 92.VI.8 p. 251 ; L. A. de La Rochefoucauld d'Enville (1743-1792) Sehl. J. 93.VII. 11 p. 386; F. A. F.de La Rochefoucauld

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Il est, cependant, indispensable d'opérer, dès à présent, un certain nombre de restrictions. Beaucoup d'entre eux, en effet, sont mentionnés uniquement au détour d'une phrase, sans que le contexte permette de déterminer, ne serait-ce qu'approximativement, la valeur du jugement porté sur leur action politique ou sur leur personnalité. D'autres sont cités seulement dans les Briefe aus Paris2 et il est difficile d'en tirer véritablement parti, puisqu'on ne peut présager des positions à l'égard de la marche de la Révolution à la seule lumière d'une phrase emphatique sur les députés «patriotes». 3 Il semble qu'il en aille de même pour ceux dont le nom n'apparaît qu'indirectement, dans la critique ou la recension d'ouvrages écrits par d'autres publicistes allemands puisque, parfois, ils ne sont nommés qu'au cours d'un extrait cité à des fins polémiques.4 Par conséquent, de la mention ponctuelle de tel ou tel acteur de la Révolution, on ne saurait toujours déduire, de façon probante, les positions politiques des auteurs, d'autant qu'il ne faut pas oublier que ceux-ci ont pu être amenés à mentionner plus particulièrement des personnages qui, à la même époque, avaient été portés, directement ou non, à la connaissance du public pour d'autres raisons. Ainsi, par exemple, l'allusion à un des acteurs des premiers jours de la Révolution est en relation avec une expérience d'ordre esthétique : lorsque Campe évoque Lally-Tollandal, « einen der vorzüglichsten und talentvollsten Volksvertreter in der Nationalversammlung», 5 le jugement politique qu'il porte sur lui a sa source explicite dans le fait qu'il vient de voir, à l'Académie, un portrait peint par J. Ph. Robin et qui représente le père de LallyTollendal, le malheureux gouverneur des Indes françaises. Dans certains cas, il est plus facile de se prononcer sur le sens de la référence à tel ou tel personnage de la Révolution. Quand il aborde les problèmes de l'hérédité

Liancourt (1747-1827) Schi. J. 92.Π.5 [même s'il semble dans ce passage confondu avec son cousin]; I. R. G. Le Chapelier (1754-1794) Br. J. 89.ΧΠ.1 p. 386; S. N. H.Linguet (17361794) Br. J. 89.XI.1 p. 291 ; Seh. J. 93.1.7 p. 125 ; Sehl. J. 93.1.7 p. 291 ; P.V. Malouet (17401814) Sehl. J. 93.IV.1 p. 415; A.-P. de Montesquiou-Fezensac (1739-1798) Sehl. J. 92.X.6 p. 253; J. J. Mounier (1758-1806) Br. J. 89.ΧΠ.1 p. 386; C. E. J. de Pastoret (1756-1840); Sehl. J. 92.XI.4 p. 352; J. Pétion de Villeneuve (1756-1794), Sehl. J. 92.X.6 p. 253; L. M. Prudhomme (1752-1830) 90.IV.5 p. 460; J. P. Rabaud Saint-Etienne (1743-1793) Br. J. 89.ΧΠ.1 p. 386; 90.Π.2 p. 239 [Dans ce texte est citée in extenso sa longue intervention du 23 août 1789. Sur cette intervention, voir S. Riais 1988, pp. 244-246] ; Sehl. J. 93.1.5 p. 64; P. L. Roederer (1754-1835) Sehl. J. 93.IV.1 p. 392; J.-M. Roland (1734-1793) Sehl. J. 93.VI.1 p. 146; F. E. de Saint-Priest (1735-1821) Sehl. J. 92.X.4 p. 247;E. J. Sieyès (1748-1836) Br. J. 89.ΧΠ.2 p. 386; Sehl. J. 92.VI.8 p. 251 ; 93.1.5 pp. 53, 55, 65-66 et 74; 93.IV.1 p. 414; 93.X.1 p. 159; C. M. de Talleyrand (1754-1838) Schi. J. 93.X.1 p. 156; J. Thouret (17461794) Sehl. J. 92.X.6 p. 253 ; V. M. de Vaublanc (1756-1845) Sehl. J. 92.XI.4 p. 352; F. H. de Virieu (1754-1793) Br. J. 89.XI.1 p. 311. 2

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Π s'agit des personnages cités dans Br. J. 89.X.7 (Champion de Cicé), 89.XI.1 (Linguet et Virieu), 89.ΧΠ.1 (Bailly, Camus, Clermont-Tonnerre, Lally-Tollandal, Le Chapelier, Mounier, Rabaud Saint Etienne, Sieyès) et 90.Π.2 (Lally-Tollandal et Rabaud Saint-Etienne). Br.J. 89.ΧΠ.1ρ. 386. C'est le cas de Bergasse, Favras, Gorsas, Garat, Liancourt et Prudhomme. Sehl. J. 90.Π.1 p. 132.

222

de la noblesse, Halem cite ainsi le nom de Desilles, qu'il élève au rang d'un héros. Desilles, tombé sous les coups des Suisses mutinés qu'il voulait empêcher d'ouvrir le feu sur les troupes régulières, était, après 1792, aussi honni par les révolutionnaires qu'il avait été porté aux nues à l'été 1790.6 En faire un héros signifie affirmer que l'obéissance à la loi et la fidélité au roi valent mieux que l'émeute et la rébellion.7 De même, les allusions aux membres de la Constituante, dont les noms, voire les interventions - lors des débats de 1789 - sont cités dans les textes publiés en 1793 et consacrés aux problèmes constitutionnels, nous renseignent sur les convictions partagées par les auteurs : d'une part, ces noms renvoient à une période qui devait établir une monarchie fondée sur une constitution réalisant le droit naturel; d'autre part, les personnages mentionnés sont, lorsque Halem rédige ses «Beyträge zum Für und Wider der jetzt suspendirten französischen Constitution», quasiment tous des représentants du modérantisme voire, aux yeux des Montagnards, des contre-révolutionnaires. En effet, les «Beyträge» qui paraissent en janvier, avril et octobre 1793,8 évoquent respectivement Dumouriez, Gérard, Desilles, Mirabeau, Rabaud, Saint-Etienne, Sieyès; Barnave, Clermont-Tonnerre, Crillon, Malouet, Roederer et Sieyès; Brissot, Desmeuniers, Sieyès, Talleyrand. Or, - Barnave, qui depuis Varennes, s'était détaché de la Révolution, était en prison depuis le 15 août 1792 ; - Brissot, qui après s'être battu avec énergie pour sauver le roi, avait voté sa mort mais en exigeant qu'un référendum national ratifiât le jugement, était emprisonné (il sera exécuté avec les Girondins en octobre 1793) ; - Clermont-Tonnerre, qui avait été partisan d'une monarchie constitutionnelle, avait été assassiné en septembre 1792 ;

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H y eut même, au printemps 1792, de grandes fêtes à la gloire des mutins de jadis, tant à Paris, (voir Ozouf, Mona, la Fête révolutionnaire 1789-1799, Paris 1988, pp. 110-128, où elle met en opposition les deux fêtes - célébrées à quelques semaines d'intervalle - en l'honneur des Suisses de Chateauvieux d'une part, et de Simmoneau, le maire d'Etampes massacré lors d'une émeute populaire) qu'à Lyon, par exemple (voir Reichardt, Johann Friedrich, Vertraute Briefe aus Paris, Weber, Rolf (éd.), Berlin 1980 [1ère édition 1792-1793], p. 74). Sur Desilles, voir également : 1° Halem, Gerhard Anton v., Blicke auf einen Teil Deutschlands, der Schweiz und Frankreichs bei einer Reise im Jahr 1790 in : Günther, Horst (éd.), Die Französische Revolution, vol. 1, Frankfurt/M. 1985, [première édition 1791], p. 160 «Eine solche Ehre erweiset Frankreich jetzt seinem edlen Desilles. Das ganze Land nennt ihn den neuen Assas [...]». Aussitôt après, il décrit une pièce jouée à Paris à cette époque: «le nouveau d'Assas» (la comparaison entre Desilles et d'Assas est faite aussi in Sehl. J. 93.1.5 p. 64); 2° Forster, Georg, Erinnerungen aus dem Jahr 1790, in: Akademie der Wissenschaften in Berlin (éd.), Georg Forster, Werke, vol. VIII, Scheibe, Siegfried (éd.), Berlin 1991, [première édition 1792], p. 291, qui vante son patriotisme: «Diese Weihung zum Tode, die aus einem so sanften, reinen, unvermischten Gefühl der Brüder- und Vaterlandsliebe hervorgeht, diese Bürgertugend, die den Frieden der Brüder so theuer erkauft, ist eine seltnere und wenn gleich minder glänzende, dennoch der Bewunderung und des Theilnehmens würdige Erscheinung. » ; 3° Revolutionsalmanach auf das Jahr 1793. Schi. J. 93.1.5 ; 93.IV.1 ; 93.X.1.

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- Crillon avait émigré en 1792 ; - Desmeuniers, partisan d'une monarchie limitée, s'était opposé, au printemps 1792, aux tentatives du parti républicain, avant de quitter la scène politique, pendant l'été, et d'émigrer aux Etats-Unis ; - Gérard s'était retiré de la vie politique, - Malouet, défenseur acharné d'une monarchie de type constitutionnel avait émigré en septembre 1792 ; - Rabaut Saint-Etienne s'était distingué lors du procès de Louis XVI, en prenant sa défense ;9 - Roederer, objet, après le 20 juin, d'attaques toujours plus vives de la part des Jacobins, engagea Louis XVI, le 10 août, à se rendre à l'Assemblée qui le protégerait, et en janvier 1793, il contesta le droit de l'Assemblée de juger le souverain. Après la chute des Girondins, il s'effaça de la scène politique ; - et Talleyrand, vivement critiqué par les radicaux, puis décrété d'arrestation en décembre 1792, fut porté, le 12 du même mois, sur la liste des émigrés. De ces révolutionnaires, seuls Dumouriez et Sieyès, tous deux régicides, sont donc encore des partisans de la Révolution quand leurs noms sont cités. Dans la même livraison du Schleswigsches Journal, le premier est évoqué au détour d'une lettre au Roi de Prusse qui présente des Français, généreux pour leurs amis, et impitoyables pour les ennemis de la République.10 L'allusion à Dumouriez, dans un texte destiné principalement à mettre en garde l'Empire contre une guerre avec la France, n'est donc pas, en soi, une prise de parti pour la République française. En outre, elle tient peut-être au simple fait que Dumouriez est l'auteur le plus traduit en allemand durant la période révolutionnaire.11 Quant à la mention du nom de Sieyès, pour refléter incontestablement la popularité dont, avant même la Révolution, celui-ci jouissait en Allemagne,12 elle ne semble pas, au regard des autres passages où elle apparaît, signifier davantage, de la part des auteurs, une caution de la politique de la Convention. Après les Briefe aus Paris, qui le rangeaient parmi les esprits les plus éclairés que compte la France,13 Sieyès est encore présent par l'intermédiaire de citations empruntées à son Essai sur les privilèges14 ainsi que 9

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Le jugement positif porté sur lui tient sans doute aussi à son engagement en faveur du protestantisme (voir Br. J. 89.ΧΠ.1 p. 386, 90.Π.2). Sehl. J. 93.1.7 p. 125 - sur la même lettre, voir 93.VII.11 p. 388. C'est à la même prudence qu'invite une autre mention de Dumouriez (Sehl. J. 93.VI.8 p. 243). D'après Reichardt, Rolf, «„Freymiithigkeit, doch kein Sans-Ciilotismus [...]" Transfer und Transformation der Französischen Revolution in Verdeutschungen französischer Revolutionsschriften 1789-1799», in: Espagne, Michel et Werner, Michael (éd.), Transferts. Les relations interculturelles dans l'espace franco-allemand (XVIIIe et XIXe siècle), Paris 1988, p. 290. Voir Adler-Bresse, Marcelle, Sieyès et le monde allemand, [Thèse d'Etat, Paris 1976], Lille 1977, pp. xlviii-lix. Br. J. 89.ΧΠ.1 p. 386. Sehl. J. 93.1.5 pp. 65-66: «La mendicité privilégiée consiste comme toute autre mendicité, à tendre la main en s'efforçant d'exciter la compassion, et à recevoir gratuitement. Seulement la

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d'une autre, dans laquelle il affirme que les débuts d'une Révolution ne peuvent être placés sous le signe de la modération.15 Ces différentes occurrences renvoient donc à l'action de Sieyès lors des balbutiements de la Révolution.16 Après 1790, il apparaît essentiellement dans le cadre de problèmes juridiques : Halem pose ainsi la question de la qualité des différents régimes politiques en des termes qu'il avoue lui emprunter.17 Ailleurs, il affirme que le mode de présentation des articles de la Déclaration des Droits de l'Homme proposé par Sieyès était préférable: « Vielleicht hätte die Ν. V. besser gethan, Sieyes Entwurf der Menschenrechte der angenommenen Darlegung vorzuziehen», 18 ne fût-ce que parce que le seizième article du projet de Sieyès, reproduit intégralement par Halem, est plus clair quant à la différence entre égalité juridique et égalité sociale.19 L'auteur rappelle, enfin, en traduisant une page du Moniteur de 1791, que Sieyès déplorait les mesures prises par l'Assemblée, en ce qui concerne les circonscriptions municipales, responsables à ses yeux, d'un chaos politique «worauf eine wahre Monarchie unmöglich mit Festigkeit gegründet werden kann ».20 Le personnage de Sieyès, évoqué par des paroles et des réflexions déjà un peu anciennes, est, par conséquent, le reflet des convictions d'un Halem partisan d'une monarchie constitutionnelle et non d'une révolution démocratique. L'impression de modération que suscite ce jeu de renvois peut être confirmée grâce à une étude de la réception, dans le Braunschweigisches et le Schleswigsches Journal, de Sieyès, LaFayette, Necker et Mirabeau, figures largement dominantes de la Révolution dans les deux revues.

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posture est moins humiliante. Elle semble, quand il le faut, dicter un devoir, plutôt qu'implorer un secours (voir Sieyès, Emmanuel, Essai sur les Privilèges, Paris 1989, [première édition 1788], p. 20); p. 74 «La gradation entre les gouvememens et l'obéissance des gouvernés entre les différents pouvoirs légaux forment la véritable hiérarchie nécessaire dans toutes les sociétés. Celle des gouvernés entre eux n'est qu'une faussse hiérarchie, inutile, odieuse, reste informe de coutumes féodales» (voir Sieyès, Emmanuel, op. cit., p. 17 note 1). Sehl. J. 93.X. 1 p. 159. Voir également Halem, Gerhard Anton v., op. cit., p. 180: «da erschien des Abbé Sieyes Buch: qu'est-ce que le tiers-etat? welches, verbunden mit seinem Versuche über die Privilégiés, das für die Revolution ward, was Melanchtons loci communes einst für die Reformation waren»; voir aussi Oelsner, Konrad Engelbert, Bruchstücke aus den Papieren eines Augenzeugen, in : Günther, Horst (éd.), Die Französische Revolution, 1985, vol. 1, p. 250 [première édition 1794], «Kurz, seit dem Werk, welches Sieyes über die Privilegien geschrieben hat, ist der Adel abgethan, und jede weitere Unternehmung überflüssig geworden». Schl.J. 93.IV.lp. 387. Schi. J. 93.1.5 p. 55. Sur ce problème, voir Bredin, Jean-Denis, Sieyès, la clef de la Révolution française, Paris 1988, pp. 176-177. Ibid., p. 53. De la formulation de cet article 16 par Sieyès, Halem écrit: «Und so gestellt, wie läßt sich etwas gegen diese ewige Wahrheit einwenden?» Schl.J. 93.IV.lp. 414.

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1.2

Les ténors des débuts de la Révolution

1.2.1 La Fayette Quand La Fayette - qui s'était rendu à Brunswick durant l'hiver 178621 et qui, d'après Campe, compte au nombre des personnes les plus progressistes de France22 - apparaît dans les Briefe aus Paris, c'est à travers l'enthousiasme du peuple de Paris qui se rend en procession chez lui : Bald ist es eine besondere Commüne oder Gesellschaft [...], welche mit Musik und unter einer Bedeckung von Garde und bewafheten Bürgern, entweder nach dem Hause des Herrn de la Fayette oder nach dem Hotel de ville ziehn.

Par la suite, le nom de La Fayette, en dépit - ou peut-être précisément à cause - de son rôle dans la Révolution, n'est plus cité. Il faut attendre août 1793,24 pour qu'il soit à nouveau mentionné, et surtout octobre, où un article entier lui est consacré, suscité par « eine sehr traurige Schilderung von der Lage des guten La Fayette »,25 un texte d'Archenholz, 26 qui n'hésitait pas à le comparer au fameux Baron v. Trenck. Le commentaire du Schleswigs ches Journal est assez habile qui, tout en prenant garde de n'attaquer nommément ni le Roi de Prusse ni l'Empereur d'Autriche, supposés ignorer le sort de La Fayette, déplore les conditions de sa captivité dans la forteresse de Wesel, puis dans celle de Magdebourg. Mais la compassion du rédacteur ne va pas seulement au captif, mais aussi au partisan passionné de la liberté et au combattant du droit naturel («Freiheit», «Naturrecht»), 27 ce qui suppose, en même temps, un rejet de l'anarchie régnant dans la France de 1793, car «alle sehen ein, daß beyde [«wahre Freiheit und Naturrecht»] ohne eine

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Voir Bernier, Olivier, La Fayette, Paris 1988, p. 195. VoirBr. J. 89.ΧΠ.1 p. 386. Br. J. 89.XI.1 p. 280. Schi. J. 93.VIII.7 p. 518. La Fayette est pris ici en exemple, pour prouver que l'envie et la jalousie des roturiers ne sont pas à l'origine des revendications de ceux qui demandent l'abolition de la noblesse. Sehl. J. 93.X.7 p. 255. Archenholz, Johann Wilhelm, Minerva, mai 1793 ; Dans un autre texte, le même Archenholz louait en La Fayette, «diesen wahrhaft und großen und edlen Mann, der fast sein ganzes Vermögen so wie seine Gesundheit und Geisteskräfte dem Staat aufgeopfert hatte» (Archenholtz, Johann Wilhelm von, Bemerkungen über den Zustand Frankreichs am Ende des Jahres 1791, in: Günther, Horst (éd.), Die Französische Revolution, 1985, vol. 1, p. 239 [première édition 1792]). A la même époque, Wieland le range résolument parmi les modérés (voir Wieland, Christoph Martin, Betrachtungen über die gegenwärtige Lage des Vaterlandes, in : Günther, Horst (éd.), Die Französische Revolution, 1985, vol. 2, p. 553 [première édition 1793]), tandis que les Allemands plus progressistes le condamnent: voir Forster, Georg, lettre à C. G. Heyne du 01.09.1792 in: Forster, Georg, Briefe, in: Werke: Sämtliche Schriften, Tagebücher, Briefe. Steiner, Gerhard im Auftrag der Berliner Akademie der Wissenschaften (éd.), vol. 17, p. 168; Rebmann, Andreas Georg Friedrich, Vollständige Geschichte meiner Verfolgungen und meiner Leiden, Meisenheim/Glan, [reprint de l'édition de 1796], p. 805. Schi. J. 93.X.7 p. 258.

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sichere Regierungsverfassung und ohne gesetzliche Ordnung nicht bestehen können». 28 La Fayette est donc, aux yeux du rédacteur de cet article de 1793, l'homme de la Déclaration des Droits de l'Homme (ou peut-être des combats de l'indépendance américaine), mais pour recouvrer explicitement ce statut, il lui a fallu se couper irréversiblement de la phase radicale de la Révolution. Eriger La Fayette en modèle, au moment où il est haï en France,29 est donc le témoignage d'une adhésion des rédacteurs à la période initiale de la Révolution, c'est-à-dire à celle où elle constituait uniquement une lutte contre le despotisme. 1.2.2 Necker La seconde figure de la France révolutionnaire récurrente dans les revues est Necker. Les premiers textes où il est nommé reflètent l'adoration sans bornes qu'il suscitait encore en 1789. On trouve ainsi, dans les Briefe aus Paris, une allusion à une scène de « discipline patriotique » (relevant d'un genre apprécié par les caricaturistes)30 qui montre une femme de qualité fessée par le peuple : « [sie] hatte auf dem Palais royal die Büste des Herrn Neckers im Vorbeigehn verächtlich angespuckt». 31 Et l'on découvre, dans la description de la Fête de la Saint-Louis, un autre témoignage de la vénération qui entourait Necker dans les premiers temps de la Révolution. Campe commente ainsi la lecture que Louis de Fontanes (17511821) fait à l'Académie d'un poème qui lui a valu un prix de l'Académie : Bei einer Stelle, worin er von Neckern sagt : „Ce ministre" „Que les complots des cours ont trois fois exilé" „Et que le vœu public a trois fois rappelé" ist des Freundengeschreies und des Beifallgebens kein Ende gewesen. 32

Dans deux autres passages des Briefe aus Paris, c'est également à travers la problématique du complot qu'apparaît Necker, où il est présenté comme la victime d'intrigues visant à l'exiler.33 Mais le portrait de Necker, dans les revues, ne reflète pas toujours la même perception du personnage par les auteurs. S'il semble reproduire, d'abord,

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Ibid., p. 259. En vertu d'une argumentation sur laquelle nous reviendrons ultérieurement, l'auteur met, ici aussi, en garde contre une guerre qui peut tout sauf susciter l'ordre nécessaire au maintien de la liberté. Voir les jugements rapportés par Oelsner, Konrad Engelbert, Luzifer oder gereinigte Beiträge zur Geschichte der Französischen Revolution, Greiling, Werner (éd.), Leipzig 1987, pp. 1 Π Ι 19 [édition originale 1796] ; Reichardt, Johann Friedrich, op. cit., pp. 155-159. Voir Baecque, Antoine de, La Révolution à travers la caricature, Paris 1989, pp. 95-97. Br. J. 89.ΧΠ.2 p. 405. Br. J. 90.1.2 p. 142. Br. J. 89.ΧΠ.2 pp. 449 et 451. Son nom est, certes, mentionné une fois encore dans une note de Br. J. 90.Π.2 p. 207, mais ce n'est plus du ministre mais du père de Madame de Staël dont il est alors question.

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l'engouement des Parisiens, il se dégrade, par la suite, comme en France, d'ailleurs. 34 En 1790, l'image de Necker dans le Braunschweigisches Journal est ainsi nettement moins positive, comme l'atteste la recension d'un texte de Friedrich Schulz. Le tableau que Schulz peint de Necker est extrêmement critique quant aux réelles compétences de Necker dans la gestion de l'Etat. Necker, imbu de sa personne, amoureux de ses œuvres et épris de sa gloire, n'avait pas l'étoffe d'un grand politique.35 Si, dans ce texte, la critique de l'homme public n'empêche pas ime louange de l'homme privé, puisque Necker, « ein Freund des Volks, als geborner Bürgerlicher; ein Menschenfreund aus den Grundsätzen der Moral; ein wohlthätiger Mann, der eben so viel Gefühl als Mittel dazu hätte »,36 semble, en tant que personne privée, l'incarnation de la vertu domestique et de la moralité, un autre texte de la même année, tout en attaquant aussi son incompétence,37 ne vante même plus ses qualités d'homme privé. Necker était «der eitelste und herrschsüchtigste Mensch» et, finalement, l'auteur affirme: «Es sollte doch einmal der Vorhang hinter welchen das Publikum diesen Mann zumal in Deutschland sieht, von ihm abgezogen werden »,38 Après 1792, toutefois, à une époque où, en France, Necker est soit oublié, soit méprisé, son image est redorée dans le Schleswigsches Journal. Hennings, le prenant en exemple, dans son article sur les cours, paraît le disculper quelque peu du reproche d'incapacité, en laissant entendre que l'échec des réformes qu'il avait entreprises est dû surtout aux cabales des cours.39 Plus explicite encore, dans la suite du texte, l'auteur prétend que le gouvernement ne peut plus être qu'une chimère quand le pouvoir réel est entre les mains des courtisans et des maîtresses.40 Ce retournement était déjà perceptible dans un article de janvier, dans lequel Necker apparaissait comme l'homme qui avait proposé le doublement du Tiers état

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Voir Diesbach, Ghislain de, Necker ou la faillite de la vertu, Paris 1987, pp. 359-361 ; Egret, Jean, Necker, ministre de Louis XVI, Paris 1975, pp. 396—401. Br. J. 90.X.7 pp.447-450. Comme Schulz est vanté comme «ein Lieblingsschriftsteller der Nation im erzählenden Fache» et que son travail est caractérisé, selon l'auteur de la recension «durch unpartheiische, lichtvolle, interessante und zweckmäßig vollständige Darstellung der Personen und Begebenheiten » (p. 446), on peut considérer que ce dernier admet ce que Schulz écrit de Necker. Br. J. 90.X.7 p. 448. Br. J. 90.VIH. 11 p. 513 : « Er stürzte durch Ränke den unsterblichen Turgot », sans être capable de mettre en pratique une politique efficace. Même les projets qu'il avait repris de son prédécesseur, il ne parvint pas à les réaliser, « [w]eil er aber doch kurzsichtig dabei und weiter nichts als ein geschickter Geldmakler ist». La divulgation du «petit livre rouge» (qui, en 1793, est perçu encore comme le symbole de la mauvaise gestion d'un pays - Sehl. J. 93.IX.3 p. 115) a joué un grand rôle dans la perte de popularité de Necker (voir Diesbach, Ghislain de, op. cit., pp. 364-366; Egret, Jean, op. cit., pp. 415-418). Br. J. 90.VHI.11 p. 513. Sch. J. 92.V.1 p. 13. Hennings, dans les Vorurtheilsfreie Gedanken über Adelsgeist und Despotismus, Garber, Jörn (éd.), Kronberg/Ts., 1977 [reprint de l'édition de 1792], pp. 133139 peint d'ailleurs un tableau assez objectif des qualités et des défauts de Necker. Sch. J. 92.V.1 p. 30.

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aux états généraux et invité, de la sorte, Louis XVI à pratiquer une politique de réformes réaliste, une politique qui, à l'origine, attendait donc, de la part des ordres privilégiés, un sacrifice permettant de sauver l'Etat.41 Finalement, Necker, dont les qualités personnelles sont de nouveau mises en valeur,42 doit son échec, si l'on en croit l'auteur, au fait que Louis XVI a multiplié les maladresses,allant jusqu'à exiler celui que l'auteur appelle, et l'expression prend toute sa force si l'on songe à la symbolique de la fonction royale, le «Vater des Vaterlandes». 43 Necker, cette fois, devient l'incarnation de l'idéal politique d'une bourgeoisie éclairée, désireuse d'exercer un rôle de guide auprès du souverain. Après la mort du roi, c'est encore cet aspect qui l'emporte et un auteur, dans la livraison de juillet, évoque «den herrlichen frohen Gang der iugendlichen Revolution, die bekanntlich Ludwig und Necker selbst wollten und anfingen »,44 Cette adéquation de la figure de Necker et de l'idéal rêvé par les auteurs des journaux est d'autant plus réelle que le bourgeois qu'il symbolise ne se contente pas d'agir en tant que conseiller, mais qu'il découvre, dans l'écriture, un moyen de favoriser ime politique éclairée. De fait, dans les revues, le personnage est également présent en tant qu'écrivain. Si l'analyse qu'il fait de la religion n'est pas jugée acceptable par leurs auteurs,45 une citation empruntée à l'écrivain politique sert d'exergue à l'un des textes sur la Constitution de 1791.46 Citer Necker de la sorte c'est, en 1793, affirmer de manière incontestable une position monarchiste et modérée et, par conséquent, dénoncer la tournure démocratique prise par la Révolution. Dans ces conditions, Necker peut figurer parmi les modèles politiques des journaux auprès de Mirabeau, malgré les irréductibles divergences qui les avaient séparés.47 1.2.3 Mirabeau Mirabeau est l'homme politique français qui se trouve mentionné le plus souvent dans les revues.48 Pour une part, sa présence récurrente est, sans doute, l'écho de la

41 42 43 44 45 46 47

48

Sch. J. 92.1.8 pp. 118-119. Ibid., p. 118. L'auteur parle des «Grundsätze und Absichten dieses ehrwürdigen Mannes». Ibid., p. 123. Schi. J. 93 .VU. 11 p. 389. Schi. J. 92.XI.2 pp. 268-274. Sur ce texte, voir Diesbach, Ghislain de, op. cit., pp. 276-283. Schi. J. 93.IV.lp.385. Voir par exemple, Oppenheimer, Wolfgang, Necker: Finanzminister am Vorabend der Französischen Revolution, Stuttgart 1988, pp. 228-231 ; Wittkop, Justus Franz, Graf Mirabeau: Biographie, Frankfurt a.M./Berlin 1989, pp. 231-240. Br. J. 89.XI.1 p. 315; 89.ΧΠ.2 pp.447 et 454-^55; 90.1.1 pp. 11-12; 90.V.4 pp.35 et 59; 90.X.7 p. 451; 91.IV.3 pp. 4 2 1 ^ 5 9 ; 91.X.6 p. 243; 91.IX.7 p. 100; Sehl. J. 92.1.4 p. 65; 92.Π.5 pp. 147-148; 92.ΠΙ.3 pp.342, 353 et 367; 92.IV.2 p. 453; 92.V.5 p. 115; 92.VI.8 pp. 247-253; 92.X.4 p. 248; 92.X.6 pp. 247-248; 92.XI.4 p. 351 ; 93.1.5 pp. 64 et 73-74; 93.ffl.6p. 338; 93.IV.1 p. 392; 93.VII.1 p. 382; 93.X.1 p. 152.

229

fréquence de ses interventions à l'Assemblée nationale49 - dont on pouvait lire le compte rendu dans le Moniteur tant à Brunswick qu'à Hambourg. Mais, de façon plus déterminante, cette prépondérance s'explique par l'admiration généralement vouée à Mirabeau en Allemagne, et que Rehberg lui-même est contraint de reconnaître lorsqu'il affirme: «Es ist in Deutschland unter einer großen Menge von Menschen einmal ausgemacht : er soll ein großer Mann gewesen seyn ».50 Il est incontestable que la place capitale occupée par Mirabeau tient aussi aux liens personnels qui l'unissent aux auteurs des journaux. En 1786, et surtout en 1787, il avait passé plus de trois mois à Brunswick.51 Ce séjour lui avait permis de rencontrer l'élite intellectuelle du Duché et surtout d'achever, avec Mauvillon, les travaux de rédaction de La Monarchie prussienne.52 A la fin de son voyage de Brunswick, il se rendit à Hambourg où il fit la connaissance de Reimarus, l'un des futurs auteurs du Schleswigsches Journal.53 Enfin, lorsque Campe se rend à Paris durant l'été 1789, il reçoit de Mirabeau une lettre qui l'invite à suivre les débats de l'Assemblée nationale.54 L'image donnée de Mirabeau dans les Briefe aus Paris est avant tout celle d'un grand rhéteur; ainsi, évoquant le discours tenu par Mirabeau à l'Assemblée le huit juillet et 1'«Adresse au Roi» qui en avait découlé, Campe affirme: «Beide, besonders die letztern, sind Meisterstücke der Beredsamkeit». 55 Il commente cette dernière en disant qu'il en admire la «bewundernswürdige[n] Feinheit des Ausdrucks und der Wendungen »,56 Le revers de cette image est celle du démagogue, que dépeint F. Schulz dans sa Fortgesetzte Geschichte der französischen Staatsumwälzung. Dans ce texte, il axe son analyse des événements de la Révolution sur la rivalité entre Necker et Mirabeau, à propos duquel il écrit :

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Comme l'a relevé Ursula Disch {Der Redner Mirabeau. Eine publizistische Studie, Phil. Diss., Hamburg 1965, pp. 84-85), Mirabeau a, entre les séances des états de Provence et sa mort, prononcé 338 discours, dont 23 sont particulièrement longs. Schi. J. 92.X.4 p. 246 ; voir aussi les quelques pages consacrées à l'image de Mirabeau en Allemagne par Horst Günther, in : Günther, Horst (éd.), Die Französische Revolution, vol. 4, Frankfurt/M. 1985, pp. 1348-1353. Sur ce séjour, voir Castries, René de la Croix de, Mirabeau, Paris 1986, pp. 237 et 254 ; Stern, Alfred, Das Leben Mirabeaus, vol. 1., Berlin 1889, pp. 204 et 231-247. Voir Reissner, Hanns, Mirabeau und seine „ Monarchie prussienne ", [Sozialwissenschaftliche Forschungen. Abt. 1. Allg. Nationalökonomie, 6], Berlin/ Leipzig 1926. Dans la longue justification parue en mars 1792, Mauvillon rappelle la vieille amitié qui le liait à Mirabeau (Sehl. J. 93.ΠΙ.3 pp. 367-368). Après la mort de Mirabeau, Mauvillon fera paraître les lettres qu'il avait reçues de lui et auxquelles, plusieurs fois, il est fait référence dans le journal (voir par exemple Sehl. J. 93.1.5 pp. 63 et 73-74 ). D'après Stern, Alfred, op. cit., vol. 1, p. 247. Br. J. 90.1.1 p. 2. Cette lettre a été reproduite par Leyser, Jacob, Joachim Heinrich Campe. Ein Lebensbild aus dem Zeitalter der Aufklärung, Braunschweig 1877, vol. 2, p. 78. Br. J. 89.ΧΠ.2 p. 454. Ibid., p. 455. En 1790, Campe montre un Mirabeau capable de captiver un auditoire et de le ranger à ses vues (90.1.1 pp. 11-12).

230

Gewiß ist es, daß Paris, hauptsächlich aber der Pöbel dieser Stadt, von nun an [après le retour de Necker en juillet 1789] Mirabeau's Marionette war, mit welcher er, entfernter als Demagog überhaupt und näher durch die patriotischen Zirkel im Palais-Royal, zusammenhing. Diese Zirkel waren feurige Demagogen und mußten es aus sehr natürlichen Gründen geworden seyn. 57 Quoique les éditeurs n e se démarquent pas explicitement du j u g e m e n t porté par Schulz sur Mirabeau, il y a, cependant, peu d'apparence qu'ils le partagent véritablement, pas plus qu'ils n'approuvent les autres portraits critiques du tribun qui émanent, en général, d'écrivains contre lesquels ils polémiquent: Zimmermann, 5 8 Girtanner, 59 H o f f m a n n 6 0 o u Rehberg. Et lorsque ce dernier, évoquant en octobre 1792 les talents oratoires de Mirabeau, écrit: « G e r a d e die Talente, w e l c h e Mirabeau besaß, gerade diese sind es, w e l c h e das Urtheil und das Gefühl des großen Haufens irre fuhren », 61 il réfute justement, par là, un j u g e m e n t é m i s quelques m o i s plus tôt dans le Schleswigsches

Journal

qui vantait l ' é l o q u e n c e proverbiale du

député, en rappelant la riposte légendaire lancée au Marquis de Dreux-Brezé, le 23 j u i n 1789, et qui niait qu'il fût un démagogue. 6 2 Si Mirabeau, par ses talents d'orateur, suscite parmi les auteurs du schweigisches

c o m m e du Schleswigsches

Journal,

Braun-

une incontestable admiration, il

doit s o n aura surtout à deux autres de ses qualités. Il est tout d'abord perçu c o m m e l'ennemi, voire le fossoyeur du despotisme. Décrivant la célèbre journée du 2 3 j u i n 1789, Campe écrit : Allein die eiserne Stirn dieses Kopfes [Mirabeau] bot allen jenen blitzenden Blicken Trotz, und er war, nach geendigter Sitzung der Erste, der den Muth hatte, darauf anzutragen, daß man den königlichen Befehl, den Saal zu verlassen, nicht respectiren müsse. „Man kann mich, sagte er, mit Bajonnetten an die Wand spießen, aber man kann mich nicht zwingen, einen Ort

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Br. J. 90.-X.7p. 451. Br. J. 90.V.4 p. 59. L'auteur du texte cite un des rares passages élogieux que Zimmermann avait consacrés à Mirabeau (in : Zimmermann, Johann Georg v., Fragmente ueber Friedrich den Grossen zur Geschichte seines Lebens, seiner Regierung und seines Charakters, Leipzig 1790, vol. 2, p. 243) pour retourner en éloge les critiques que Zimmermann, sinon, adresse généralement au tribun. Br. J. 91.IX.7 p. 100. L'auteur de l'article réfute ici une analyse de Girtanner (in: Girtanner, Christoph, Historische Nachrichten und politische Betrachtungen über die französische Revolution, vol. 2, Berlin 1790, p. 247) qui, répercutant les accusations portées en France contre Mirabeau (voir Castries, René de la Croix de, op. cit., pp. 466-471), avait affirmé que Mirabeau et d'Orléans avaient ourdi une conjuration pour déclencher la Révolution. Lorsque Girtanner, un an plus tard, réitère cette accusation (Girtanner, Christoph, op. cit. vol. 3, Berlin 1791 p. 7), il se heurte à une critique tout aussi virulente (Schi. J. 92.Π.5 pp. 147-148). Schi. J. 92.ΠΙ.3 p. 367. Mauvillon réfute ici les conclusions de Hoffmann qui voit en lui un partisan de la révolution en Allemagne, dans la mesure où il a été lié à Mirabeau. De même, Halem refusera d'être considéré comme un démocrate sous le prétexte qu'il avait, dans sa chambre d'hôtel, un portrait de Mirabeau (92.V.5 p. 115). Sehl. J. 92.X.4 p. 248. Rehberg, de plus, reproche à Mirabeau son immoralité, et se montre convaincu «daß der Graf von Mirabeau die sittliche Erhabenheit nicht besessen, die das erste Erfordernis zu einem großen Manne ist» (p. 247). Schi. J. 92.VI.8 p. 249. Voir aussi p. 251.

231

zu verlassen, wohin meine Absender mich beordert haben. Will man meinen Kopf, so muß er hier, meine Herrn, zu Ihren Füßen rollen!" Dieses Wort und diese That haben ihn unsterblich gemacht. 63

En 1792, c'est aussi au héros de la lutte contre le despotisme que songe un des auteurs lorsqu'il affirme Mirabeau capable d'écarter le danger représenté par l'armée.64 L'auteur fait certainement allusion à l'action de Mirabeau à la veille de la prise de la Bastille. Cette scène avait été décrite déjà dans les Briefe aus Paris ; après avoir cité un long pan de « l'Adresse de Mirabeau », Campe ajoutait le commentaire suivant: «Diese Rede und diese Adresse gaben nicht nur der noch unschlüßigen Nation, sondern auch dem schon schwankenden Militär den letzten kräftigen Anstoß. [...] Volk und Soldaten fingen diese Winke auf und beide thaten nunmehr wirklich, was man hier dem König vorausgesagt hatte».65 En 1793, encore, alors que la «trahison»66 du personnage est connue et qu'il est haï en France, l'image de l'adversaire du despotisme domine toujours dans le Schleswigsches Journal. En mars 1793, par exemple, un auteur traduit une lettre de Mirabeau dans laquelle ce dernier écrivait: «der König [...] wirft sich in die Arme des Adels und das ist ein Glück für uns, würde er sich in die Arme des Volks werfen, es würde, wenn ich es recht kenne, ihn souverain machen, wie ehemals das Volk in Dännemark ihren König».67 Et si, dans un article de novembre 1792, Hennings se montre, lui, plus réservé dans son jugement, il ne remet pourtant pas en question l'image d'un Mirabeau défenseur de la liberté: tout en dénonçant les «Mirabeausche Mummereien»,68 il reconnaît que son action fut décisive, même

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Br. J. 89.ΧΠ.2 p. 447. Sur la même scène, voir Sehl. J. 92.VI.8 p. 248. Sehl. J. 92.IV.2 p. 453. Br. J. 89.ΧΠ.2 pp. 455 et 457. Sur cet épisode, voir Castries, René de la Croix de, op. cit., pp. 338-340. Mirabeau conscient des dangers que le tour pris par la Révolution fait peser sur la monarchie propose ses services à Louis XVI qui l'emploie comme conseiller, sans pourtant écouter ses avis. Si, en soi, il ne s'agit pas d'un double jeu puisque la plupart des révolutionnaires, jusqu'en 1792, n'envisagent pas d'abolir la royauté en France, sa collaboration avec le pouvoir en place finit pourtant par ébranler la popularité de Mirabeau : à sa mort, on avait porté ses cendres au Panthéon, mais on les en retire après la découverte, aux Tuileries, de « l'armoire de fer», un coffre-fort recélant quelques lettres du tribun qu'on présente désormais comme un traître (voir Chaussinand-Nogaret, Guy, «Le Cas Mirabeau: la corruption en politique», in: L'Histoire 42, février 1982, pp. 19-25 et Mirabeau entre le roi et la Révolution, Paris 1986, pp. 11-26). Sehl. J. 93.ΙΠ.6 p. 338. Le sens de cette référence à Mirabeau est pourtant ambigu ici: alors que dans l'esprit de Mirabeau (voir Castries, René de la Croix de Castries, op. cit., p. 315), il fallait à tout prix éviter d'imiter les Danois qui, après la réforme constitutionnelle de 1660, avaient inauguré «das früheste Beispiel eines gesetzlich fixierten Absolutismus» (Klaus Zernack, 1968, p. 535), l'auteur approuve, lui, les événements de 1660 qui avaient montré «daß König und Volks Intereße eins ist» (Sehl J. 93.ΠΙ.6 p. 338). Schi. J. 92.XI.4 p. 351. Même si Hennings, quand il rédigeait cet article, ne pouvait connaître l'existence de la fameuse «armoire de fer», qui ne sera découverte que le 20 novembre 1792 (voir Lever, Evelyne, Louis XVI, Paris 1985, p. 647) - et ce d'autant moins que Campe affirme

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s'il souhaite, finalement, que des hommes plus posés prennent possession de la scène politique «um eine gemachte Konstitution im Gange zu erhalten», et donc que se calme la tempête qui secoue la France.69 Par un tel jugement, cependant, Hennings diffère quelque peu des autres auteurs des deux revues, qui voient en Mirabeau non seulement le brillant orateur ou l'adversaire acharné du despotisme, mais aussi le constituant modéré. Ainsi, l'importance de son rôle dans l'élaboration de la Constitution est mis en valeur par Campe qui, dans son emphatique poème à la gloire de la Constitution, ne mentionne qu'un seul nom, celui de Mirabeau : [...] Da steht er nun, Ein zweiter Sinai' für Gottes Volk Von Pol zu Pol, von Sonnen=aufgang bis Zum Niedergang, wo Moses=Mirabeau Im ew'gen Stein die ew'gen Rechte grub, Die jedes Land zum Lande Kanaan, Und jedes Volk, das sie erkennt und ehrt, Zum auserwählten Volk des Herrn erhöhn. 70

La référence à Moïse n'est, en outre, pas très originale puisque Mirabeau lui-même comparait la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen aux Tables de la Loi édictées par ce prophète: parlant de la pénible rédaction du texte de la Déclaration, l'orateur disait ainsi que «malgré un travail dont aucune histoire depuis les lois de Moïse jusqu'au Code russe n'offre d'exemple, l'Assemblée se trouve aujourd'hui fort peu avancée».71 Plusieurs fois, sa modération est mise en lumière. C'était un homme der nie aufbrausend, zufahrend, nie wankelmüthig, nachgebend, der immer ruhig, stark, unerschüttert fest, unbeweglich kalt, eben so Ideenvoll, als Ideen=reif, eben so gemäßigt als warm, dachte, redete, handelte. 72

Cette modération qu'on lui prête se manifeste dans le jugement qu'il porte sur la nuit du 4 Août,73 dans son attitude sur le problème du veto74 et dans sa lucidité lorsqu'il considère la marche de la Révolution.75

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dans une note: «Dieser Aufsatz wurde schon vor einigen Monaten eingesandt» (ibid., p. 351), on avait, à Paris, soupçonné le double jeu de Mirabeau dès juin 1790. Ibid., p. 351. Hennings prend ici explicitement parti contre Archenholtz qui avait déploré l'absence de grandes personnalités dans la seconde Assemblée nationale (voir Archenholtz, Johann Wilhelm von, Bemerkungen über den Zustand Frankreichs am Ende des Jahres 1791, op. cit., pp. 232-235) car, à ses yeux, «Genien wollen immer nur zerstören um zu schaffen». Schi. J. 92.1.4 pp. 64-65 Cité par Gauchet, Marcel, La Révolution des droits de l'homme, Paris 1989, p. 102. Schi. J. 92.VI.8 p. 252. Cette image de la modération est illustrée aussi par une citation de Mirabeau (en exergue de Schi. J. 93.VII.11 p. 382): «On doit écrire noblement, mais sans emportement. La modération prouve un parti pris, et la fougue n'est ordinairement que passagère».

233

Que les auteurs peignent de lui une image parfois déformée est indéniable: ainsi, en revenant sur le décret du 19 juin 1790,76 Halem, pour défendre l'abolition de la noblesse en France, cite un extrait d'une lettre de Mirabeau à Mauvillon Ce qu'il est les plus impossible d'airacher du cœur des hommes, c'est la puissance des souvenirs. La vraie noblesse est en ce sens une propriété aussi indescriptible que sacrée. 77

Mais son interprétation ne correspond guère à la réalité historique, dans la mesure où Mirabeau ressentait une hostilité profonde à l'égard de toute atteinte aux fondements d'une noblesse dont il était fier, sinon imbu.78 L'écart entre les convictions de Mirabeau et leur représentation est plus flagrant encore à propos de son « Adresse » du 14 janvier 1791.79 Ce texte n'a, bien sûr, en soi, rien de modéré, qui, conformément au Plan établi par Mirabeau pour la Cour, visait à discréditer l'Assemblée et à semer la confusion, afin de permettre au Roi de reprendre en main la situation.80 Toutefois, le tableau que présente Mirabeau, des rapports renouvelés entre la religion et un Etat - qui, tout en s'opposant au pouvoir temporel de l'Eglise, ne s'occupe point de son contenu dogmatique et qui, en laissant à chacun la liberté de conscience donne, par conséquent, aux prêtres la possiblité de retrouver la dimension évangélique de la religion - correspond à l'idéal des auteurs du Braunschweigisches Journal, en matière de religion. La religion prônée ici par Mirabeau peut être comprise comme modérée, en ce qu'elle représente une garantie contre l'irréligion.81 En somme, la peinture de Mirabeau que proposent les revues, reflète globalement les idéaux de leurs auteurs : c'est un combattant résolu - mais non exalté - de la liberté, un homme qui la juge possible seulement si elle s'appuie sur une constitution qui garantisse la liberté et interdise, dans le même temps, la moindre dérive démagogique en réservant l'exercice du pouvoir à des gens expérimentés - appar73

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Br. J. 89.XI.1 pp. 315-316. L'extrait du Courrier de Provence que cite ici Campe ne rend cependant pas toute la mesure du scepticisme de Mirabeau dans son article (voir l'analyse qu'en fait René de Castries, op. cit., p. 349). Schl.J. 92.VI.8 p. 248. Halem cite ainsi une lettre de Mirabeau à Mauvillon, pour illustrer l'idée que les préjugés seront définitivement déracinés, uniquement, grâce à un bon système d'éducation qu'il reste encore à mettre en place (Sehl. J. 93.1.5 pp. 73-74). Ibid.,p. 62. Halem, de façon erronée, écrit 1791. Ibid., p. 64. La riche biographie de Mirabeau par René de Castries l'illustre à plusieurs reprises, op. cit., pp. 223-224 et 452. En outre, dans une note à la Cour, en date du 20 juin 1790, Mirabeau écrivait: «Vient ensuite la scène qu'ouvre la démence d'hier au soir [...], démence q u e j e regarde comme le brandon de la guerre civile, par les excès et les violences de tout genre dont un décret, plus insensé encore par la manière dont il a été rendu que par ses dispositions, et qui crée évidemment plusieurs armées, deviendra la cause inévitable» (cité in ChaussinandNogaret, Guy, Mirabeau entre le roi et la Révolution, p. 44). Br.J. 91.IV.3 pp. 421-459. Castries, René de la Croix de, op. cit., pp. 511-512. Br. J. 91.IV.3 pp. 433, 434-437 et 452.

234

tenant, bien entendu, au groupe des citoyens éligibles, ce qui exclut les moins fortunés.82 A l'instar des autres ténors de la Révolution mentionnés dans les journaux, il est donc invoqué comme un représentant du modérantisme. Et une telle position n'est apparemment nullement incompatible avec le système monarchique en faveur duquel plaident les auteurs du Braunschweigisches et du Schleswigsches Journal, si l'on en croit le portrait qu'ils dressent, au fil des pages, des souverains « modèles ».

2

Les souverains modèles

2.1

Henri IV

Sous l'influence directe des événements qui secouent la France durant l'été 1789, Henri IV est présenté comme un souverain exemplaire. Campe, se faisant l'écho du culte qu'on lui vouait au dix-huitième siècle, « le grand siècle de la la légende de Henri IV», 83 décrit la statue de Henri IV dressée sur le Pont-Neuf et qui est l'objet de la vénération du peuple : le lendemain de la prise de la Bastille, le peuple l'avait ornée d'une cocarde en l'honneur «des edelsten und besten ihrer [des Français] Könige», 84 et - selon une comparaison fréquente depuis l'avènement de Louis XVI et que l'auteur reprend ici - il célébrait sa «résurrection». 85 Dans les Briefe aus Paris Henri IV n'est mentionné sinon qu'en rapport avec la prise de la Bastille,86 même si, pour l'imaginaire collectif des Français de 1789, il est infiniment plus riche de connotations. Dans l'économie des deux journaux, il faut ensuite attendre 1792 pour que soient mis en lumière certains traits de son règne: il a gouverné de manière exemplaire et infiniment novatrice pour son époque ;87 grâce à sa sagesse, «Ackerbau, Handlung, Industrie und Finanzen unter den Franzosen

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Ibid., p. 392. Traitant les limites de l'éligibilité, Halem renvoie, en l'approuvant, au discours prononcé en décembre 1789 par Mirabeau, dans lequel il demandait que l'on ne pût devenir député qu'après avoir rempli des tâches au niveau municipal, puis départemental. Reinhard, Marcel, La Légende de Henri IV, Paris 1936, p. 63. Parallèlement, il semble que, au cours de ce siècle, Henri IV devienne toujours davantage une figure de référence pour la bourgeoisie (voir Desplat, Christian, «le Mythe d'Henri IV: nouvelles approches», in: Bulletin des Amis du Château de Pau, Nouvelle Série, 72, 1977, pp. 86-87). Br. J. 89.XI.1 p. 272. Ibid., p. 271 : «er ist von den Todten erstanden! Er lebt wieder unter uns!» (Sur le mythe de Henri IV à l'orée du règne de Louis XVI, voir Lever, Evelyne, op. cit., 1985, pp. 140 et 441). Voir Br. J. 89.ΧΠ.1 p. 394: le peuple de Paris a pris en quelques heures une forteresse qu'Henri IV avait dû assiéger trois ans. Sehl. J. 92.IV.1 p. 393. Hennings rapporte la phrase fameuse d'Henri IV prétendant que «die Franzosen werden mich erst kennen, wenn sie mich verlohren haben! » (voir Babelon, JeanPierre, Henri IV, Paris 1982, p. 1006).

235

bliiheten », 8 8 D a n s un des derniers articles du Schleswigsches

Journal,

enfin, il se

voit conféré le titre de dernier roi de France. 8 9 Henri IV est cependant loin d'être un personnage clé dans l'univers référentiel des auteurs des revues. Les m o d è l e s de gouvernement qu'ils choisissent principalement sont plutôt empruntés à leur environnement culturel immédiat. Le Roi Frédéric-Guillaume Π fait ainsi l'objet d'ime mention élogieuse dans le texte de C.W. v. D o h m , consacré à l'affaire de Liège. L'auteur, en effet, loue le comportement du souverain, der in seinem eigenen Lande nicht Despot seyn, und keinen Despotismus leiden will - in dessen Staate die Gesetze heilig, und gegen jeden Eingriff, selbst den seiner eigenen Willkühr gesichert sind, und in dem der ganze Gang und Mechanismus der öffentlichen Geschäfte die bürgerliche Freiheit und die Gesetzmäßigkeit erhält und befördert. 90 Et d'ajouter Vielleicht hat nie ein Monarch, in einer solchen Sache, menschlicher, edler, uneigennütziger und weiser gehandelt, als der König von Preußen in der Lütticher Sache. 91 En dépit de ces commentaires favorables, peu surprenants de la part d'un représentant officiel de la Prusse, Frédéric-Guillaume II n'est pas un souverain que les auteurs des deux revues érigent en modèle. Sans pouvoir l'attaquer directement s o u s peine de se rendre coupables de crime de lèse-majesté, ils ne cessent, on l'a vu, de désavouer sa politique, surtout en matière de religion. 9 2 Etonnante est, en revanche, l'absence presque totale de références au D u c Charles-Guillaume-Ferdinand de Brunswick. 9 3 Il n'est cité directement que dans deux textes. D a n s la Préface des Briefe aus Paris,

Campe écrit :

Nur unter einem Trajan darf man, wie Plinius, auf die Greuel und Frevelthaten der Nerone und Domitiane schelten. Der Schriftsteller, der dies unter den Augen seines angebeteten Fürsten thut, beweist dadurch mehr, als durch die schmeichelhafteste Lobrede, daß er den erhabenen

88

89

90 91 92

93

Ibid., p. 398. A cette sagesse politique, il convient d'ajouter son sens de l'épargne, pour tout ce qui touchait à ses dépenses privées (ibid., p. 389). Les vertus d'Henri IV ont été forgées par une jeunesse difficile, mise en rapport direct avec celle de Frédéric Π (ibid., p. 417). Schi. J. 93.ΧΠ.2 p. 458: «Könige hat Frankreich seit Heinrich IV. nur dem Namen nach gehabt». Br. J. 90.IX.4 p. 84. Ibid., p. 100. Les auteurs des revues ne se reconnaissent pas plus dans la figure de Frédéric Ier (1757-1713) - Sehl. J. 92.VH.5 p. 349, où il est présenté comme un superstitieux - (sur cette image négative de Frédéric 1er dans la conscience historique allemande, voir Frey, Linda et Marsha, Friedrich I: Preußens erster König, Graz 1984, pp. 11-17) que dans celle de FrédéricGuillaume I er (1688-1740) - Br. J. 89.VII. 1 p. 259 : son premier impératif était «soll nicht raisonniren»; 89.XI.3 p. 343: Heinel dénonce la façon dont étaient traitées les filles-mères sous son règne. Sur Charles-Guillaume-Ferdinand, voir Stern, Selma, Karl Wilhelm Ferdinand, Herzog zu Braunschweig und Lüneburg, [Veröffentlichungen der Historischen Kommission fur Hannover, Oldenburg, Braunschweig, Schaumburg-Lippe, 6], Hildesheim/Lüneburg 1921.

236

Charakter und die großen Regententugenden desselben kennt und ihnen Gerechtigkeit wiederfahren läßt ; und der edle Fürst, der das nicht ungnädig bemerkt, legt dadurch vor aller Welt Augen einen herrlichen und überzeugenden Beweis ab, wie sehr er dieses seiner würdige - nicht in Worten, sondern in Handlungen bestehende - Lob verdiene. Diesen Beweis gab uns ehemals Friedrich der einzige ; jetzt giebt ihn sein erhabener Neffe, Carl Wilhelm Ferdinand [••·]· Er [l'auteur des Briefe aus Paris] glaubt, so sehr er auch die moralische und bürgerliche Freiheit liebt, daß man in einem wohleingerichteten monarchischen Staate, und unter einem gerechten und weisen Regenten, der nicht willkührlich, sondern gesetzmäßig herrscht, viel ruhiger und glücklicher, als in einem stürmischen Freistaate, leben könne. 94 Et en 1791, un auteur note ceci : Durch Gottes Vorsehung und durch die Weisheit ihres edlen Fürsten genießen sie [les éditeurs et rédacteurs du Braunschweigisches Journal], wie jedes andern unveräusserlichen Menschenrechts, so auch besonders einer schriftstellerischen Freiheit, deren nur wenige ihrer am meisten begünstigten Mitbürger in der deutschen Gelehrtenrepublik sich rühmen dürften. 95 Les louanges de C a m p e traduisent, assurément, le désir de se mettre à l'abri des attaques auxquelles l'expose, il en est conscient, la publication des Briefe.% D u c n ' e s t guère mentionné davantage dans le Braunschweigisches

Journal,

Et si le c'est

sans doute que la situation politique, en un premier temps, n'exigeait pas des A u f klärer une c o n f e s s i o n de leur fidélité au système monarchique. D e plus, la f a ç o n dont le D u c gouvernait n e demandait probablement pas qu'on lui présentât un m o d è l e à suivre : la préface de Campe reflète ainsi l'image d'un souverain libéral, 97 tolérant et avisé, s o u c i e u x de ses sujets et du respect des lois, - autant de qualités que lui reconnaissait son siècle - , 9 8 l'image, donc, d'un monarque puissant, mais éclairé.

94

95 96

97

98

Br. J. 90.1.3 pp. 65-66 et 70. Dès 1785, Campe notait, dans son Reise des Herausgebers von Hamburg bis in die Schweiz, «daß dieses Land, unter der weisen, thätigen und zugleich sanften Regierung seines jetzigen Beherrschers, nicht nur nach und nach schuldenfrei, sondern auch zuverlässig eins der glücklichesten in Deutschland sein wird» (Cité in Biegel, Gerd, «Herzog Carl Wilhelm Ferdinand und Joachim Heinrich Campe: Begegnung zwischen Fürst und Unternehmer im Braunschweig der Aufklärung», in: Schmitt, Hanno (éd.), Visionäre Lebensklugheit: Joachim Heinrich Campe in seiner Zeit (¡746-1818), Ausstellung des Braunschweigischen Landesmuseums und der Herzog-August-Bibliothek Wolfenbüttel vom 29. Juni bis 13. Oktober 1996, Wiesbaden 1996, p. 98). Br. J. 91.IV.5 p. 461. Voir lettre à Elise Reimarus datée du 31 août 1790: «Sie werden finden, daß ich mich in mancher Stelle [der Briefe aus Paris] wiederum gar nicht sanft gebettet habe. Bin ich nicht ein Narr, daß ich mir immer wieder neue Handle auf den Hals ziehe, da ich, wenn ich wollte, mehr als irgend Einer meiner gelehrten Mitbrüder, der Ruhe pflegen könnte? Aber, wie gesagt, mich gelüstet des Scheiterhaufens, um der Auszehrung zu entgehen ; und so ist meine scheinbare Keckheit am Ende doch wol nur bare Poltronnerie» (citée in Leyser, Jacob, op. cit., vol. I, pp. 142-144). Un auteur anonyme vante le Duché de Brunswick comme l'un des pays, «welche niemandem durch Edikte zwingen werden, in gewissen Fällen Heuchler und Selbstverleugner zu seyn» {Schi. J. 92.VI.4 p. 214). Biegel, Gerd, op. cit., pp. 104-105. 237

2.2

Joseph II de Habsbourg

A u regard de la politique de réformes extrêmement volontariste 9 9 m i s e en œuvre par Joseph II et des é c h o s qu'elle a provoqués en l'Allemagne, 1 0 0 o n peut être surpris, d'abord, que les mentions qui sont faites de lui soient si souvent connotées négativement. Quant à s o n frère et successeur, Léopold, grand D u c de Toscane, son n o m n'apparaît, semble-t-il, qu'une seule fois dans les revues. 1 0 1 En fait, la brièveté du règne de Léopold, d'une part, les difficultés des dernières années de celui de Joseph II, d'autre part, ne permettent pas à ces souverains de servir de m o d è l e s politiques. A la fin de s o n règne, en effet, les mesures prises par Joseph II se heurtent à des résistances de plus en plus âpres, le contraignant à revenir sur la plupart des décisions - qui, initialement, lui avaient valu l'admiration des A u f klärer 102 - voire à pratiquer une politique contraire aux aspirations des Lumières. 1 0 3 L ' é c h e c des réformes qu'il a entreprises est attribué, par les auteurs des revues, à son refus de s ' e n tenir aux lois. Ainsi, Afsprung d é n o n c e la façon de gouverner de Joseph II qui était persuadé qu'un souverain « d e r sich durch Gesetze -

diese

Staats=Rezepte hindern ließe, sein V o l k s o glücklich w i e m ö g l i c h zu machen als m ö g l i c h » n e serait pas un b o n monarque. «Es ist daher ständiger seine

99

Herrscher

Unterthanen

thut, wenn er nur die Regeln beschützt

und glücklich

alles recht,

was ein

der Regierungskunst

zu machen

sucht».104

ver-

befolget,

S ' e n remettre,

Sans revenir ici sur les différentes réformes entreprises par Joseph Π dont on trouvera une synthèse claire dans Padover, Saul Κ , Joseph II, Revolutionär auf dem Kaiserthron, Düsseldorf/Köln 1969 [édition originale en anglais 1967], on peut noter que Joseph Π, conscient du caractère révolutionnaire de ses réformes, les met explicitement en parallèle avec les premières réalisations de la Révolution dans une brochure publiée en septembre 1789, brochure évoquée par Ernst Walder dans «Aufgeklärter Absolutismus und Revolution», in: Aretin, Karl Otmar v. (éd.) Der Aufgeklärte Absolutismus, [Neue Wissenschaftliche Bibliothek, 67], Köln 1974, pp. 103-104. 100 Klueting, Harm, «Deutschland und der Josephinismus. Wirkungen und Ausstrahlungen der theresianisch-josephinischen Reformen auf die außerösterreichischen deutschen Territorien», in: Reinalter, Helmut (éd.), Der Josephinismus: Bedeutung, Einflüsse und Wirkungen, [Schriftenreihe der Internationale Forschungsstelle «Demokratische Bewegungen in Mitteleuropa 1750-1850», 9], Frankfurt a.M./Berlin/Bern/New York/Paris /Wien 1993, pp. 63-102. 101 Schi. J. 92.IV.2 p. 453 «Besser, man regiere menschenfreundlich, wie Leopold, und gewinne das Zutrauen der Nationen durch eine liebreiche Standhaftigkeit, und Gerechtigkeit». 102 On trouve, en 1793 encore, des traces de cette admiration première, lorsqu'un des auteurs du Schleswigsches Journal lui rend grâce d'avoir propagé l'Aufklärung (Schi. J. 93.V.3 pp. 2 4 25) ou qu'un autre paraît voir en lui un exemple de souverain dévoué à son pays (Schi. J. 93.IX.3 p. 100). 103 Voir, sur cette période du règne de Joseph Π, Fink, Humbert, Joseph II. Kaiser, König und Reformer, Düsseldorf/Wien/New York 1990, pp. 265-280 ; Reinalter, Helmut, Aufgeklärter Absolutismus und Revolution. Zur Geschichte des Jakobinertums und der frühdemokratischen Bestrebungen in der Habsburgermonarchie, [Veröffentlichungen der Kommission für neuere Geschichte Österreichs, 68], Wien/Köln/Graz 1980, pp. 63-77. 104 Br. J. 90.XI.8 pp. 374-375.

238

c o m m e il le fit, à la discrétion de s o n pouvoir de décision n e pouvait aboutir qu'à un désastre. 1 0 5 C o m m e le remarque Stuve : Wo ist denn das Land, in welchem die Obrigkeit hinlängliche Macht zu dem allen [die verderblichsten Mißbräuche abzuschaffen und die nützlichsten Anordnungen zur Erfüllung zu bringen.] hat? Ist die Regierung Josephs Π. nicht ein auffallender Beweis, daß auch der größte Monarch, ohne von den Einsichten und dem guten Willen seiner Unterthanen unterstützt zu seyn, eine solche Macht nicht besitzt. 106 D e plus, après sa mort et le règne éphémère du Grand-Duc de Toscane, François II, le n o u v e a u souverain, que la Révolution Française terrorise, 107 entame une politique réactionnaire et intransigeante qui témoigne du peu de pérennité du j o s é phisme. C'est donc essentiellement a contrario que le règne Joseph II permet d'exprimer un idéal politique: par la publication d'extraits tirés du politique

de l'Empereur

Joseph

I, Roi des romains,

Testament

un ouvrage apocryphe paru à

V i e n n e en 1791 et dû probablement à Ignaz Joseph v. Martinovics. 1 0 8 Ce testament, dont Γ inauthenticité est finalement reconnue par l'éditeur du Journal,109

Schleswigsches

est intéressant dans la mesure où il atteste les liens culturels existant

entre les Etats allemands et l'empire des Habsbourg, et en particulier la Hongrie 1 1 0 mais surtout parce qu'il peut être considéré c o m m e une profession de foi politique : l'éditeur, dans une brève introduction, montre l'intérêt d'un tel texte dans un combat dont l'issue sera décisive pour l'avenir de la liberté de presse et de c o m munication, qui est « d a s allein sichere Palladium unserer heiligsten M e n s c h e n -

105 106 107

108

109 110

Ibid., p. 375. Br. J. 91.ΧΠ.1 p. 402. Voir Kann, Robert Α., «Franz I. (Π.)», in: Pollack, Walter (éd.), Tausend Jahre Österreich. Eine biographische Chronik, vol. 1, Wien/München 1973, pp. 387-392. Ce textament est publié in Schi. J. 92.IV.3 pp. 455^t75 et 92.VI.1 pp. 129-156. Dans son recours en grâce, en 1795, Martinovics en réclame la paternité comme l'indique Helmut Reinalter (Aufgeklärter Absolutismus und Revolution. Zur Geschichte des Jakobinertums und der frühdemokratischen Bestrebungen in der Habsburgermonarchie, p. 55). Schi. J. 92.VI.10 pp. 255-256. Voir Reinalter, Helmut, Österreich und die Französische Revolution, Wien 1988, p. 68, qui indique que certains documents, dans les archives de Vienne, font de Campe un comploteur et un informateur des Jacobins hongrois. De même, Stem compte au nombre des «Geistesträger» de ces derniers, Knigge, Campe et Bahrdt (Stern, Leo, «Zum Prozeß gegen die österreichische „Jakobiner-Verschwörung" in: Markov, Walter (éd.), Maximilien Robespierre. 1758-1794, Berlin 1961, [première édition 1958], p. 445) Si l'on en croit Martinovics (cité par Fodor, Heinrich, «Der Jakobinismus in Ungarn», in: Archiv für Kulturgeschichte, 37, 1955, pp. 236-238) c'est par la Suisse que transitaient les textes sur lesquels s'appuyaient les Jacobins hongrois, pour rédiger leurs pamphlets. La participation active de Campe à un tel commerce d'idées serait à établir, de même que son rôle réel en Hongrie, qui semble dépasser de beaucoup la simple influence littéraire qu'a étudiée Ferenc Kolbach, («J. H. Campe und Ungarn», in: Fehlig, Bodo (éd.), Vermittlung und Rezeption: Beiträge zu den geistesgeschichtlichen Berührungen der Aufklärungszeit, [Opuscula fenno-ungarica gottingensia, 11], Frankfurt/M. 1987, pp. 65-79. 239

rechte».111 Joseph II, dans cet ouvrage apocryphe, est présenté semblable à Frédéric II de Prusse ou Christian de Danemark : lui, dont le pouvoir pourrait ne connaître aucune limitation, s'abstient d'en abuser. Parlant du souverain, «Joseph II» écrit: die Gesetze vermögen Alles über ihn. Er hat uneingeschränkte Gewalt, Guthes zu thun ; aber die Hände sind ihn gebunden, sobald es darauf ankommt Böses zu wirken.112

Le souverain idéal, donc, refuse absolument une politique faite d'intrigues et de cabales, pour pratiquer une politique raisonnable orientée vers le long terme.113 L'art de gouverner doit reposer, non sur l'inane vanité de la gloire militaire, mais sur un souci constant de n'accomplir que ce qui est utile à l'Etat,114 conception qui implique une réforme de la notion d'honneur. 115 Il en découle logiquement la nécessité de garantir les libertés de pensée et de presse. Assurer ces deux dernières permet, en effet, l'éploiement d'une vraie culture, à mille lieux de la culture commanditée par le despote.116 Plus essentiellement encore, le respect de ces libertés est la condition sine qua non pour amener un peuple à la moralité.117 Avec un optimisme qui a frappé les historiens contemporains,118 l'auteur du Testament croit en une irrésistible dynamique de l'Aufklärung politique : le souverain, en se montrant libéral, fait accéder son peuple à un degré plus élevé de moralité. Le peuple, devenu plus moral, se montre plus sensible à toute velléité tyrannique du Prince, obligeant, de facto, ce dernier à remplir scrupuleusement ses devoirs. Un tel souverain mérite l'amour de ses sujets, ce qui renforce la stabilité de l'Etat : «Nur die Aufklärung kann die Völker von ihren Verirrungen, die das Glück des einzelnen Bürgers, der Nation und des Regenten zerstören, zurückbringen »119 parce que les Lumières apprennent au Prince à légiférer plus justement et aux sujets à respecter des lois plus justes. Le rôle capital de la loi est évident ici : dans une monarchie fondée sur ime bonne législation, les sujets s'identifient aux lois, y obéissent plus scrupuleusement et le souverain se trouve dans l'impossibilité

111

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119

Schi. J. 92.IV.3 p. 456; sur l'expression «Palladium der Menschheit», voir également Schi. J. 93.VI.7 p. 252. Sehl. J. 92.IV.3 p. 461. Voir Sehl. J. 92.VI.1 p. 131 : «In einem despotischen Staat ist jede Veränderung des Ministeriums eine gänzliche Umkehrung der Regierungsform. Das wesentliche Kennzeichen einer willkührlichen Gewalt ist, gar keinen Plan zu befolgen». Sehl J. 92.IV.3 pp. 4 7 2 ^ 7 4 . Une telle réforme est nécessaire dans la mesure où l'honneur est le fruit, désormais, des mérites obtenus en servant l'Etat, non plus sur les champs de bataille, mais en temps de paix (voir, par exemple, Sehl. J. 92.IV.3 p. 467 ; 92.VI. 1 p. 135). Sehl. J. 92.VI.1 pp. 137-140. Ibid., pp. 148-150. Voir Ring, Eva, « Ignác Martinovics, homme du siècle des Lumières », in : Kovács, Ilona (éd.), Les Lumières en Hongrie, en Europe centrale et en Europe orientale, [Actes du cinquième colloque de Mátrafiired, 24.-28. octobre 1981], Budapest/Paris 1984, p. 167. Schi. J. 92.VI.lp. 155.

240

d'accomplir le mal, que ce soit intentionnellement ou par excès de zèle. Le Testament n'est pas réductible à l'exposition de desseins de la politique idéale, mais appliquant au domaine politique les principes de cette « accommodation » qui régit aussi le domaine théologique - il met en garde également contre la précipitation dans la réalisation d'une politique de réformes. C'est à ce titre que les dernières années de la vie de Joseph II « mußten ein schrecklicher Spiegel für alle Könige seyn» 120 parce que, peu soucieux des particularismes culturels121 et ethniques,122 ce monarque n'a pas réussi à maintenir l'harmonie entre les différentes composantes de ses peuples, ni à mesurer le rapport entre les buts à atteindre et les moyens à employer.123 En dépit de ces critiques acerbes, les auteurs semblent reconnaître à Joseph II le mérite d'avoir eu conscience de ses devoirs124 et d'avoir montré la voie de réformes, même s'il n'est pas lui-même parvenu à les réaliser. Brackebusch écrit ainsi : Wo herschten in den beiden letzten Jahrzehndten mehr Freiheit und Achtung vor Menschenrecht? Wo war das Eigenthum sicherer? Wo blüheten Wissenschaften, Kitaste und Handlung am meisten? Wo gab es die meisten weisen Gesetze? Wo ward Recht und Gerechtigkeit strenger geübt? War es nicht gerade in diesen Ländern, deren Beherrscher am wenigsten von ihren Völkern abhängig waren? Es war in Berlin, Wien und Copenhagen, wo man die Vernichtung der Leibeigenschaft, die Milderung des Lehnsistems, die Verringerung der Abgaben, die Verbeßerung der Gesetze, die Veredlung der Nationalerziehung, die Freiheit der Presse, die Freiheit der Religion, die Freiheit des Handels anfing und planmäßig fortsetzte. 125

Cette phrase, véritable résumé des revendications formulées par les Aufklärer, peut, cependant, surprendre un peu, car elle met implicitement sur un même plan Joseph II, d'une part, Christian VII de Danemark et Frédéric II de Prusse, de l'autre, dont l'image, dans les deux revues, est infiniment plus positive.

120

Sehl. J. 92.IV.3 p. 460. Voir Schi. J. 93.IV.3 pp. 455-456. Schmettau évoque ici les mesures prises par Joseph Π afin d'éviter les risques d'épidémies dues aux conditions peu hygiéniques d'inhumation, et il rappelle le tollé qu'elles suscitèrent alors. 122 On a ainsi écrire que «Nationality was one thing the Emperor did not try to embrace in his statistical investigations. He recognized only the demands of creating a modern, centralized society[...]» (Evans, R. J. W., Joseph Π and Nationality in the Habsburg Land in: Scott, Hamish M. (éd.), Enlightened Absolutism : Reform and Reformers in Later Eigeenth-Century Europe, London 1990, p. 209. 123 Schi. J. 92.IV.3 p. 460. (La valeur d'une de ses réformes au moins reste incontestée : l'abolition de la torture - Br J. 91.IV.5 p. 476 - qui, il est vrai, tend à disparaître des pratiques juridiques dans toute l'Allemagne - Br. J. 91.ΧΠ.1 p. 418). Les louanges récoltées par le Roi du Danemark tiennent précisément à ce qu'il est, lui, parvenu, tout en accomplissant de vastes réformes, à préserver l'unité de son peuple et à éviter l'anarchie (voir Sehl. J. 93.VI.7 p. 251). 124 Voir, par exemple Schi. J. 93.IX.3 p. 100. 125 Sehl. J. 93.V.3 p. 23 (C'est nous qui soulignons). 121

241

2.3

Frédéric de Prusse

C'est à ce dernier que les auteurs renvoient le plus fréquemment126 dans le Braunschweigisches Journal. On pourrait être tenté, d'abord, de voir dans les références répétées à ce souverain une stratégie de défense destinée, par exemple, à susciter la bienveillance du Duc de Brunswick, étant donné l'immense estime qu'il vouait à son auguste oncle,127 mais on ne saurait les réduire à cela car Frédéric est aussi le souverain mentionné le plus souvent dans le Schleswigsches Journal, à une époque, par conséquent, où les éditeurs ne sont plus sous la tutelle de Charles-Guillaume-Ferdinand. Au fil des années, les auteurs des deux revues invoquent l'image de Frédéric Π pour défendre les positions les plus diverses : Hensel, dans le cadre du débat sur l'utilité de la langue latine, cite Frédéric Π, qui ne lisait les Anciens qu'en traduction, afin de démontrer qu'on peut apprécier leurs écrits sans avoir étudié le latin : «Friedrich der Große las die Schriften der Alten nur in Uebersetzungen; aber verstand er sie nicht? Interessirten sie ihn nicht? Bildeten sie nicht seinen Geist?»; 128 J. B. Ewald approuve les tentatives de réformes pédagogiques ébauchées par Frédéric II après la guerre de Sept ans ;129 quant à Heinel, recherchant les moyens de limiter l'infanticide, il évoque l'indulgence dont faisait preuve ce roi à l'égard des filles-mères,130 tandis qu'un auteur anonyme souligne ses efforts pour tarir la misère urbaine.131 Dans l'ensemble, néanmoins, la plupart des allusions faites à Frédéric II sont résolument d'ordre politique. Elles le présentent comme un souverain éclairé132 laissant tous ses sujets penser et écrire à leur guise, même sur des sujets religieux :

126

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132

Br. J. 89.V.6 p. 106; 89.XI.3 p. 343; 90.1.3 p. 66; 90.Π.1 p. 165; 90.V.4 pp. 35-66; 90.V.7 p. 112; 90.IX.1 p. 12; 91.ΙΠ.4 p. 303 ; 91.1.4 p. 53 ; 91.VII.4 p. 372; 91.ΧΠ.1 p. 401 ; Schi. J. 92.ΠΙ.1 p. 280; 92.IV.1 p. 397; 92.IV.2 p. 452; 92.X.5 pp. 251-252; 92.XI.2 p. 268; 92.XI.4 pp. 355-357; 93.1.2 p. 12; 93.1.7 p. 105; 93.ΠΙ.7 p. 354; 93.V.3 pp. 23-25 ; 93.Vffl.l p. 424; 93.IX.3 p. 100; 93.X.3 pp. 209-210; 93.X.9 pp. 262-265. Voir in Volz, Gustav Berthold, Friedrich der Große im Spiegel der Zeit, vol. 3, Berlin 1927 p. 265, les lettres de Charles-Guillaume-Ferdinand, dans lesquelles il vante les mérites de Frédéric Π. Br. J. 89.V.6 pp. 106-107. Sur les rapports de Frédéric Π à la philosophie antique, voir Engfer, Hans-Jürgen, «Die Philosophie der Aufklärung», in: Ziechmann, Jürgen (éd.), Panorama der Fridericianischen Zeit. Friedrich der Große und seine Epoche - Ein Handbuch, [Forschungen und Studien zur Fridericianischen Zeit, 1], Bremen 1985, p. 26. Br. J. 91.ΥΠ.4 p. 372. Voir aussi Schi. J. 93.V.3 p. 23. Br. J. 89.XI.13 pp. 343-344. Br. J. 90.IX.1 pp. 12-13 : «Zwar hat Friedrich Π, dieser große Staatswirth, durch das Bauwesen, Manufacturen und Fabriken von der einen Seite, und durch Ansetzung fremder Kolonisten von der andern, das Gleichgewicht wieder herzustellen gesucht : allein jene Vortheile konnten doch nicht allen Städten zu Theil werden [...] ». Schi. J. 93.1.2 p. 12 : Voltaire et Frédéric sont «die beiden größten Denker, die je der Erdboden getragen hat.»; 92.XI.2 p. 268: le Roi est désigné ici, indirectement, par les mots «der Verfasser der Eloge de Voltaire» (Sur leurs liens, voir Mervaud, Christiane, «Der Brief-

242

Unter Friedrichs [...] Schutze ging das Licht der Vernunft aus den Studierzimmern der Philosophen in die Hütten des Volcks über. Damahls herschte auf unseren Universitäten besonders im protestantischen Deutschland die uneingeschränkteste Denk= und Lehrfreyheit. Alle Gegenstände der Religion, der Philosophie, der Rechtsgelehrsamkeit, der Politick wurden mit einer Offenheit, mit einer Freimüthigkeit, mit einem so feurigen Bestreben nach Wahrheit behandelt, das nichts zu wünschen übrig lies 133

Et, au contraire de ce qui se produit sous son successeur, la tolérance de Frédéric II permettait d'éviter, dans ses Etats, des troubles dus à des querelles religieuses : Es war ia wohl erst hauptsächlich die Regierung Friedrichs des Einzigen, welche uns auffallend durch die Erfahrung zeigte, daß Lutheraner, Catholiken, Reformirte, Herrnhute und Gichtelianer innerhalb den nemlichen Mauern, ja in einem Hause wohnen, und friedlich zu einer Bürgerpflicht vereinigt, mit gemeinschaftlichen Kräften das Glück des Staats befordern könnten. 134

Cependant, au fur et à mesure que la répression devient plus forte dans les Etats prussiens, les auteurs insistent sur une autre facette de la personnalité de Frédéric II: il est l'organisateur d'un système politique135 dont il se considère simplement comme l'un des rouages. Brackebusch, renvoyant à l'un des passages les plus célèbres de l'Anti-Machiavell, écrit en mai 1793 : Friederich lehrte und gab zuerst das öffentliche Beispiel, daß Fürsten nichts anders sind und nichts anders seyn dürfen, als die ersten Magistratspersonen eines freien Volcks. 136

Schmettau, de son côté, reconnaît la vérité de la proposition selon laquelle die nothwendige und erste Bedienung im Staate sey die des Landesherm selbst. Des höchstseligen Kaisers Joseph und des höchseligen Königs von Preußen allerhöchste, selbst eigene Aeußerungen berechtigen [...] zu dieser Behauptung. 137

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Wechsel mit Voltaire », in : Panorama der Fridericianischen Zeit. Friedrich der Große und seine Epoche. - Ein Handbuch, op. cit., pp. 259-265). Schi. J. 93.V.3 pp. 24-25. Voir aussi ibid., p. 23 ; Br. J. 90.1.3 p. 66 ; 91.ΧΠ.1 p. 401 ; Sehl J. 92.IV.2 p. 452. En revanche, les sujets concernant la politique extérieure, les décisions de politique intérieure ou l'armée restaient, assurément, tabous, comme l'a justement noté Ingrid Mittenzwei, «Theorie und Praxis des aufgeklärten Absolutismus in Brandenburg-Preußen», in -.Jahrbuch für Geschichte, 6, 1972, pp. 74-75. Schi. J. 93.X.3 pp. 209-210. Voir aussi 93.ΠΙ.7 p. 354 où l'auteur met sur le même plan la Réforme et le règne de Frédéric Π, en ce qui concerne la lutte contre le dogmatisme. Dès 1790, Campe réfutait les Fragmente über Friedrich den Großen dans lequels Zimmermann, approuvant la réaction inaugurée par Frédéric-Guillaume Π, reprochait à son prédécesseur d'avoir, par son ouverture d'esprit, favorisé l'athéisme et l'irréligion (Br. J. 90.V.4 p. 45 - voir Zimmermann, Johann Georg v., Fragmente ueber Friedrich den Grossen zur Geschichte seines Lebens, seiner Regierung und seines Charakters, vol. 3, Leipzig 1790, pp. 237-238); inversement, Campe s'élèvera en 1792 contre Hoffmann qui, dans la Wiener Zeitschrift (1792.1, p. 29) avait prétendu que Frédéric Π se réjouissait «wenn man in seinen Ländern nicht aufklärte, sondern vielmehr rohe und Köhlerreligion so viel wie möglich verbreitete» (Sehl J. 92.ffl.lp. 280). On trouve aussi évoqué le travail de réorganisation de l'armée dû à Frédéric Π (Schi. J. 92.IV.1 p. 397). Sehl J. 93.V.3 p. 24.

243

A rencontre de ce que les auteurs des revues considèrent comme l'arbitraire du règne de Frédéric-Guillaume Π, Frédéric II ne perçoit pas son action politique comme découlant de l'affirmation d'un pouvoir sans limites, mais il désire l'inscrire dans une légalité et un système codifiés sur la base théorique du droit naturel.138 Cela fonde, aux yeux des auteurs du Schleswigsches Journal, la supériorité de Frédéric II en tant que modèle politique et l'assure de leur admiration, car ils voient, dans son respect du droit naturel, la source la plus sûre de l'amour des sujets pour lui.139 Frédéric est le prototype du souverain qui s'efforce de promouvoir et de respecter la légalité.140 C'est ainsi que dans une de ses lettres, citée en octobre 1792, il refuse de prendre parti dans un procès et laisse la justice suivre son cours.141 Même à propos d'une affaire comme celle du meunier Arnold, durant laquelle Frédéric II, faisant fi de l'indépendance de la justice, n'avait pas voulu reconnaître les arrêts des différentes cours de justice, et avait imposé ses vues, 142 l'un des auteurs ne partage pas l'indignation qui secoua Berlin, car il ne retient de ce scandale que la tâche confiée à Carmer (le successeur du Grand Chancelier v. Fürst) ainsi qu'à Svarez, de rédiger une nouvelle juridiction qui aurait dû entrer en vigueur en juin 1792 sous le nom de Allgemeines Gesetzbuch für die Preußischen Staat en.

137

Schi. J. 93.IX.3 p. 100. Cette affirmation que le roi est le premier serviteur de la Nation va de pair avec le refus de Frédéric Π de confondre les finances de l'Etat et celle du souverain (ibid., p. 103). 138 Voir Conrad, Hermann, «Rechtsstaatliche Bestrebungen im Absolutismus Preußens und Österreichs am Ende des 18. Jahrhunderts», in: Arbeitsgemeinschaft für Forschung des Landes Nordrhein-Westfalen, [Geisteswissenschaften, 16], Köln/Obladen 1961, pp. 11-50. Un des auteurs recensés dans le Braunschweigisches Journal montre bien l'écart entre le règne de Frédéric Π et celui de son successeur, pendant lequel «man vielmehr der fortschreitenden Aufklärung durch Machtsprüche entgegen arbeiten will» (Br. J. 91.Π.3 p. 201). 139 Schi. J. 92.IV. p. 452. En favorisant et protégeant la «Publicität», Frédéric Π a, non seulement, nourri sa propre popularité, mais il a évité bien des désordres; 93.Vin. 1 p. 424: Hennings parle ici d'un «Enthusiasm für seinen Regenten und seine Minister, wie Preußens Staaten für ihren Friederich». 140 Voir Schi. J. 92.IV.2 p. 452, l'allusion à la réglementation sur la chasse et aux réformes judiciaires. 141 Sehl. J. 92.X.5 pp. 251-252 «Ich gebe Euch auf euer Gesuch [...] die Antwort, daß ich in eurem [...] Prozesse mit der verlangten Ordre an das Kammer gericht nicht zu statten kommen kann, indem Ich die Justiz den Lauf lasse». Cette lettre, datée du 3 décembre 1754, est dans la droite ligne du Testament politique de 1752 ainsi que l'a noté Ingrid Mittenzwei, op. cit., pp. 81-85. 142 Sur le déroulement de cette affaire, voir Gaxotte, Pierre, Frédéric II, Paris 1972, pp. 326-327 ; Venohr, Wolfgang, Fridericus Rex. Friedrich der Große - Porträt einer Doppelnatur, Bergisch- Gladbach 1990, pp. 4 8 8 ^ 9 6 . 143 Schi. J. 93.X.9 pp. 262-266. Ce texte se présente sous la forme d'une allégorie qu'il n'est, cependant, guère difficile de déchiffrer.

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S'il est vrai, comme Mirabeau en avait l'impression,144 que les sujets de Frédéric n'avaient pas été affligés par sa mort, il paraît audacieux, au regard de l'image donnée de lui par les revues, de prétendre que, dès 1790, Frédéric devient une «historische Unperson»: 145 si certains textes critiques sont, assurément, publiés à l'époque, 146 Frédéric apparaît, néanmoins, comme une figure emblématique pour tous ceux que déçoivent les mesures prises par son successeur, et un personnage tutélaire pour ceux qui cherchent en lui la caution de leurs convictions. 2.4

Le Roi du Danemark

Il en va de même du Roi du Danemark. Certes, on ne trouve, dans le Braunschweigisches Journal, que peu de références élogieuses au Danemark, mais elles annoncent et résument celles, plus nombreuses, qui figureront dans le Schleswigsches Journal. Ainsi, lorsqu'un auteur écrit: «In Dännemark schreibt man frei über Staats= und Finanz=Einrichtung»,147 il indique bien que ce pays est digne d'admiration car les droits naturels y sont respectés, comme le montre la liberté de presse dont jouissent les Danois, depuis la suppression de la censure en septembre 1770. De fait, quand Hammerich annonce au public qu'il prend désormais en charge l'impression du Schleswigsches Journal, il vante «das köstliche Gut der Preß=freiheit, das Dännemarks glückliche Bürger genießen». 148 Pareillement, Hennings, pour prouver que la seule façon de stabiliser les Etats est de garantir la liberté de pensée, cite le cas du Danemark, comme l'un des Etats d'Europe dont le souci est « der Schätze und des Bluts ihrer Unterthanen zu schonen und ihr Wohl auch in einem freien Gedankenbeytrag zu ermuntern». 149 Cette dernière citation montre que Christian VII, le roi du Danemark, respecte également la propriété de 144

«Tout est morne, rien n'est triste; tout est occupé, rien n'est affligé. Pas un visage qui n'annonce le délassement et l'espoir, pas un regret, pas un soupir, pas un éloge. C'est donc à cela qu'aboutissent tant de batailles gagnées, tant de gloire, un règne de près d'un demi-siècle, rempli de tant de hauts faits? Tout le monde en désirait la fin. Tout le monde s'en félicite» (Cité in Gaxotte, Pierre, op. cit., p. 434). 145 Venohr, Wolfgang, op. cit., p. 8. Avec plus de justesse, C. v. Krockow date des défaites prussiennes de 1806 le discrédit jeté sur Frédéric, (Krockow, Christian v., Friedrich II. König von Preußen. Die Wandlungen eines Geschichtsbildes, Hannover 1986, pp. 41-44), mais il ne s'intéresse guère à l'image de Frédéric sous le règne de son successeur. 146 Voir Dollinger, Hans, Friedrich II. von Preußen. Sein Bild im Wandel von zwei Jahrhunderten, München 1986, pp. 106-107. 147 Br J. 91.IV.5 p. 476. 148 Schi. J. 92.X.6 p. 254. 149 Schi. J. 93.VII. 11 p. 396. Il place sur le même plan la Suède. Après l'assassinat de Gustave ΙΠ - comparé ailleurs, dans la revue, à Louis XVI (Schi. J. 93.VII.6 p. 319) et dont les mesures initiales en faveur d'une libéralisation de la censure en 1772 sont approuvées autant que les restrictions apportées à partir de 1778 sont condamnées (ibid., p. 321) - son fils monta sur le trône sous le nom de Gustave-Adolphe IV, et l'une de ses premières décisions fut d'abroger les lois promulguées sous son prédécesseur, lois qui bâillonnaient la presse. Dans le Schleswigsches Journal, on trouve, en mai 1793, déjà, un éloge du souverain suédois, véritable «Wahrheitsfreund» {Sehl J. 93.V.5 p. 82).

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ses sujets, ainsi que leur liberté personnelle. D e fait, les réformes agraires entreprises par Bernstorff avaient abouti en 1789 à l'abolition du servage, 150 ce à quoi fait allusion un p o è m e publié en mai 1793 : Edel denkt der Dänen König Hört die Stimme der Vernunft, Negern, Bauern und Gedanken Nahm sein Muth die Fesseln ab. 151 A u Danemark règne donc un souverain raisonnable, 152 un ami de la vérité, qui s'efforce de propager l'Aufklärung 1 5 3 et qui, méprisant cette nébuleuse que forment les courtisans, écoute la v o i x du peuple et donc celle des publicistes : «unter seinem Schutze können Wahrheitsfreunde frei auftreten». 1 5 4 Pas plus que Frédéric, il ne se juge un souverain libre de faire ce qu'il veut, mais parle lui-même des « h e i l i g e n Pflichten» qu'il a à remplir vis-à-vis de ses sujets. 155 Une telle conception de son rôle de monarque lui vaut l'amour de son peuple. 1 5 6 Si, dans une référence d'août 1793, on perçoit une sourde inquiétude que la liberté, et en particulier la liberté de presse, soit menacée, 1 5 7 les allusions au Danemark sont donc généralement connotées positivement, ce qui incite à penser que les auteurs du wigsches

Journal

Schles-

sont partisans d'un système absolutiste.

Néanmoins, ce constat p o s e problème. Comment concilier, en effet, la sympathie pour un régime de type absolutiste - fût-il éclairé 158 - et la défense de posi-

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Voir Krüger, Kersten, «Möglichkeiten, Grenzen und Instrumente von Reformen im Aufgeklärten Absolutismus: Johann Friedrich Struensee und Andreas Peter Bernstorff», in: Bohnen, Klaus et J0rgensen, Sven-Aage (éd.), Der Dänische Gesamtstaat : Kopenhagen, Kiel, Altona, [Wolfenbütteler Studien zur Aufklärung, 18], Tübingen 1992, pp. 45-46. 151 Schi. J. 93.V.5 p. 82. 152 Schi. J. 92.VI.3 pp. 197-198. 153 Br. J. 91.Π. 3 pp. 200-223. Il s'agit ici d'une recension de l'ouvrage de F. K. Trant, Ueber Schulen und Schulanstalten in Dänemark, 1789, dans lequel sont loués les efforts de Christian VU pour mettre en place un enseignement moderne, efforts favorisés il est vrai, par le caractère national danois: «Die Nazion ist von einer ruhigen Gemüthsart, nicht so enthusiastisch, als ihre Nachbaren rechts und links» (p. 206). 154 Sehl. J. 93.1.2 p. 9. Voir aussi Br. J. 91.Π.3 p. 207. 155 Schi. J. 93.IX.3 p. 130. 156 Sehl. J. 93.VI.8 p. 252; 93.Vm.l, p. 425. 157 Sehl. J. 93.Vm.l p. 425 : «Kann man denn in Dännemark etwas Unpolitischeres, etwas Nachtheiligeres anrathen, als die Einschränkung der Preßfreiheit [...] und wollten wir durch Unterdrückung der Preßfreiheit diesen Glanz verlöschen, so wird bald das Glück wegfallen, das ihn erzeugt». 158 Leur prise de parti pour la monarchie vaut pour les grands Etats. Conformément à une longue tradition de la réflexion politique, ils semblent, en revanche, accepter l'idée d'une république démocratique, dans le cas où les Etats sont assez petits pour que toute la population puisse prendre part aux affaires. Ainsi Stuve critique-t-il les lettres publiées par Meiners sur le Canton d'Appenzell. Alors que ce dernier avait récusé la composante démocratique du gouvernement d'Appenzell au nom d'arguments théoriques (Br. J. 91.ΧΠ.1 pp. 395-397), Stuve prend, comme critère, le bonheur des populations, ce qui lui permet de conclure qu'un système démocratique est possible dans un Etat de petite taille - où donc chacun peut participer aux

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tions protolibérales qui se manifeste, chez les auteurs des revues, tant par la référence aux ténors des débuts de la Révolution, que par l'approbation des principes de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen?

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Absolutisme éclairé ou protolibéralisme

La conjugaison de ces deux lignes politiques est, en effet, paradoxale puisque les conditions historiques dans lesquelles vivent les auteurs sont tout à fait différentes de celles de la «Frühaufklärung» durant laquelle l'élite intellectuelle et le souverain avide de centralisme trouvaient maint avantage à collaborer. Comme l'a écrit Rudolf Vierhaus : Aufgeklärte Regierung sollte Herrschaft fur das Volk, aber nicht auf die Zustimmung des Volkes bzw. seiner Mehrheit angewiesen sein, weil die Voraussetzung dafür, die Aufklärung, erst bewerkstelligt werden müsse. Der Zustimmung der wenigen schon Aufgeklärten allerdings, so wurde angenommen, dürfe eine solche Regierung versichert sein. Und diejenigen, die sich zu den Aufgeklärten zählten, erwarteten im System des aufgeklärten Absolutismus, daß ihnen die Rolle der Vermittler von aufgeklärten Ideen, der Erzieher und Kritiker zufalle. 159

Au début du siècle, les Aufklärer croyaient en une communauté des buts poursuivis, et ils pouvaient mettre en parallèle les aspirations d'une bourgeoisie balbutiante et les intérêts de l'absolutisme naissant. Or, par la suite, certains doutes apparaissent sur la viabilité d'un tel système. On a vu, pour ce qui est des problèmes pédagogiques, quelles conséquences tirent les auteurs des revues, une fois qu'ils sont confrontés aux prétentions hégémoniques de l'Etat : ils voudraient le voir restreindre son emprise et rejettent l'idée d'une éducation destinée à former, en première instance, de bons citoyens. Or, on peut montrer un semblable appel au désengagement de l'Etat, à propos des questions sociales. Les rédacteurs du Braunschweigisches Journal souhaitent que l'Etat prenne un certain nombre de mesures sociales destinées à éradiquer la pauvreté en Allemagne et, ainsi, à rendre productives, pour la société, des forces qui sapent son dynamisme économique. Développant un «Vorschlag zur Verstopfung der Quellen der Städtischen Armuth », un auteur concentre sa réflexion sur le problème que constitue « die in den

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décisions politiques qui, touchant des problèmes assez simples, ne requièrent pas des facultés exceptionnelles (pp. 397 et 406), dont les mœurs sont frugales et l'économie encore peu développée (p. 394). Vierhaus, Rudolf, Deutschland im Zeitalter des Absolutismus, Göttingen 1984, p. 148; voir également, Valjavec, Fritz, Die Entstehung der politischen Strömungen in Deutschland 17701815, Garber, Jörn (éd.), Kronberg/Ts., 1975 [première édition 1951], p. 22: «Die Bestrebungen der Aufklärer [...] sind zunächst den Obrigkeiten willkommen gewesen [...]. Umgekehrt haben die Vertreter der Aufklärung durch die enge Zusammenarbeit mit der Staatsführung einen Einfluß gewonnen, der ihnen die Verwirklichung ihrer Anschauungen zu sichern schien».

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cultivirtesten Staaten immer mehr überhandnehmende Bettelarmuth».160 La classe des mendiants est, selon lui, «die ärgste, zügelloseste und unglücklichste in der bürgerlichen Gesellschaft»161 et il dénonce les moyens utilisés, jusque-là, pour combattre la pauvreté : Man hat Findel= und Waisenhäuser gestiftet, Almosenkassen und Armeninstitute errichtet [...]; man hat endlich Arbeitshäuser, ja sogar Industrieschulen projectirt [...]. Alles dies, ihr Menschenfreunde und Politiker, sind, wie die Erfahrung lehrt, bloße Palliative.162

Tout en rejetant les principaux projets des Philanthropistes,163 l'auteur de l'article reste, pourtant, dans leur ligne de pensée car ce qui compte à ses yeux, c'est moins le bonheur des individus que leur utilité au sein de la société. Les institutions créées pour lutter contre la pauvreté, non seulement, coûtent des sommes considérables à cette dernière,164 mais, de plus, elles ne contribuent en rien à moraliser les pauvres, ni à leur apprendre à travailler de façon utile pour elle. Pareillement, si les souverains se souciaient davantage des paysans, ils augmenteraient encore leur utilité, même si, en soi, l'agriculteur est déjà «zur Arbeit, und zu Ertragung des Mangels fähiger und abgehärteter als der Arbeiter von der zweiten Hand in den Städten».165 En 1793, dans le Schleswigsches Journal, la nécessité de mesures sociales est encore affirmée : Schmettau, par exemple, déclare : «Im Elende umkommen, sollte kein Mensch in einem gut regierten Staate»,166 Cependant, ce qui importe, désormais, c'est moins le bien de l'Etat que celui de ses membres, (quoique, en un second temps, le bien-être de la population puisse contribuer à asseoir la stabilité du pays).167 Ce motif revient par deux fois, dans des documents sur les

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Br. J. 90.IX.1 p. 2. Voir également 88.IV.1 p. 399. Ibid., p. 4. Ibid., p. 8. 163 Pour une description de ces mesures, voir Blankertz, Herwig, Die Geschichte der Pädagogik. Von der Aujklärung bis zur Gegenwart, Wetzlar 1982, pp. 56-57; Scherpner, Hans, Geschichte der Jugendfürsorge, Göttingen 1966, pp. 97-116. En 1788, encore, Campe défend le principe des «Arbeitshäuser» dans lesquelles «der Arbeitsscheue zur Arbeit gezwungen, der Arbeitslose mit ernährender Arbeit versehen, der ganz Unfähige hingegen ohne große Belästigung der Gesellschaft unterhalten [...] werden könnte» (Br. J. 88.Π.2 p. 167; c'est nous qui soulignons). Un an plus tard, dans sa recension du Vorschlag zur Verbesserung der sittlichen Ausbildung, Industrie und Glückseligkeit unserer Künstler und Handwerker de J. C. Bundschuh (1788), il reconnaît pourtant les limites de ces «Arbeitshäuser», qui servent davantage de maisons d'arrêt que d'institutions pédagogiques (Br. J. 89.Π.4 p. 239). Pour le refus de la mendicité, voir aussi Br. J. 91 .X.4 pp. 209-210. 164 Br. J. 90.IX.1 p. 10. 165 Ibid., p. 5. Sur le portrait de la paysannerie, voir aussi la recension de Die Freiheit des Getraidehandels nach der Natur und Geschichte erwogen [1790], de Johann Heinrich Reimarus (in: Br. J. 90.VID. 11, pp. 504-508). 166 Schi. J. 93.IX.3 p. 114. 167 Schi. J. 93.VII.10 p. 367. Certes, dans un article du Braunschweigisches Journal consacré au luxe, F. K. Schulze avait bien montré qu'un écart croissant entre les riches et les pauvres était funeste à un Etat, le mécontentement toujours plus grand de ces derniers finissant, inexorablement, par provoquer des révolutions, mais l'exemple qu'il prenait était Rome, ce qui con161

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révoltes paysannes en Saxe-Electorale,168 et les auteurs renvoient même à la France pour donner poids à leur assertion.169 La question de la compatibilité entre de telles positions protolibérales et les prises de parti en faveur de l'absolutisme éclairé est d'autant plus complexe que, loin de se raréfier, les références (connotées positivement) à des souverains absolus se multiplient dans le Schleswigsches Journal. Cependant, l'un de ses auteurs apporte, peut-être, la réponse à ce problème lorsqu'il écrit: «wenn ein Volk Könige absetzte, wie in Rom, in den Niederlanden, in Amerika, oder ihre Gewalt [...] erweiterte und grenzenlos machte, wie in Dänemark: so zwang es immer die bittere Not dazu». 170 Il fait, ici, allusion aux crises qui marquèrent, au Danemark, les années 1660-1665. Face aux résistances que la noblesse opposait à l'idée d'une égalité fiscale des états, le clergé et le Tiers état s'étaient alors alliés pour fonder une monarchie héréditaire, au sein de laquelle le roi se vit conférer des pouvoirs de plus en plus grands qu'entérina, finalement, la Lex Regia de 1665, établissant, de la sorte, un système absolutiste au détriment de la noblesse.171 De même qu'au dixseptième siècle, les efforts du Tiers état pour imposer une monarchie absolue reviennent, en définitive, à assouplir les frontières entre les états,172 de même les auteurs des deux revues, gagnés toujours plus à des conceptions protolibérales, se prononcent-ils, peut-être, pour le despotisme éclairé parce qu'ils y voient, en dépit des échecs subis depuis la fin des années 1780, la possibilité d'établir, à l'avenir, un système de type libéral. De fait, s'ils approuvent la décision de Frédéric II de fonder une nouvelle juridiction, n'est-ce pas parce qu'ils espèrent, comme Svarez173 de 1 'Allgemeines Gesetzbuch fiir die Preußischen Staaten, voir ce projet jouer le rôle d'une constitution fondamentale, dans un pays qui n'en aurait jamais

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fère, évidemment, une acuité et une actualité politiques moins grandes à son discours (Br. J. 90.V.6 pp. 104-105). Schi. J. 93.VI.8 p. 217; 93.νΠ.10 pp. 367-368. Sur cette question, la position défendue dans les journaux est cependant moins radicale que dans le domaine pédagogique. Alors que là, les auteurs se prononçaient pour une privatisation de l'enseignement, considérant sa prise en charge par l'Etat comme un pis-aller, dans le cas des questions sociales, ils ne rejettent pas aussi nettement l'intervention de ce dernier (la prospérité des sujets est présentée par exemple, comme l'un des devoirs du Prince - Sehl. J. 93.VH9 p. 364). Leur libéralisme apparaît surtout en ce qu'ils érigent en destinataire de la prospérité non plus la société, mais l'individu. Sehl. J. 92.1.8 p. 113. C'est nous qui soulignons. D'après Krüger, Kersten, «Absolutismus in Danemark - Ein Modell für Begriffsbildung und Typologie», in: Hinrichs, Ernst (éd.), Absolutismus, Frankfurt/M. 1986, pp. 65-95, pp. 73-76. L'égalité des états face à l'impôt, acquise dès 1661, abolit l'un des piliers de la Dreiständelehre. La sympathie qu'éprouvait Svarez, dont les liens à la Mittwochsgesellschaft sont connus (Kleinheyer, Gerd, Staat und Bürger im Recht. Die Vorträge des Carl Gottlieb Suarez vor dem preußischen Kronprinzen 1791-1792, [Bonner rechtswissenschaftliche Abhandlungen, 47], Bonn 1959, p. 24) à l'égard de l'Aufklärung est, d'ailleurs, évidente.

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eu?174 L'admiration dont fait l'objet ce projet de législation, élaboré entre 1780 et 1792, qui prenait en compte la liberté naturelle, ainsi que les droits des citoyens, et interdisait tout « Machtspruch », est donc le pendant de celle que les auteurs des revues vouaient à la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. De plus, si cette dernière, à l'instar de Y Allgemeines Gesetzbuch, remet en cause «das freie Herrschertum», en faisant du monarque le membre - fût-il le plus important d'une société qui repose sur la volonté de tous,175 l'un et l'autre tendent, en définitive, à établir une monarchie constitutionnelle. En effet, la conception frédéricienne du pouvoir vise à instaurer, finalement, un système autorégulateur susceptible de fonctionner sans le souverain. Les principes qui sous-tendent cette codification en arrivent, donc, à nier l'absolutisme : l'un des buts du politique, dans l'idéal politique que traduisent les Braunschweigisches et Schleswigsches Journal, est la garantie de la liberté personnelle. En prenant pour base une telle conception de la liberté, un régime absolutiste ne peut subsister, puisque la seule liberté qui lui convienne est une liberté de type corporatiste. Par conséquent, « die persönliche Freiheit ist die Sprengkraft, die wie keine zweite zur Überwindung des Absolutismus in der Revolution beigetragen hat». 176 On pourrait pareillement montrer que les libertés fondamentales proclamées par la Constitution de 1791 - auxquelles adhèrent les auteurs des journaux - signifient la négation des fondements de l'absolutisme. La revendication, dans les deux revues, d'un marché littéraire libre implique, pour reprendre une thèse de Z. Batscha et J. Garber, le passage de l'absolutisme au «Rechtsstaat» 177 et la défense du droit de propriété, perçu comme un droit naturel, constitue une limitation considérable du pouvoir du souverain, etc. Enfin, si l'absolutisme éclairé se définissait à l'horizon de la notion de contrat, il est susceptible d'être remis en cause dès l'instant où le contrat n'est plus un élément d'une rhétorique «propagandistischer Selbstrechtfertigung»,178 mais que la rupture du contrat par le 174

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II est significatif, à ce titre, que Böttiger cite au détour d'une même phrase «die neue Konstitution der West=franken» et «die Einfuhrung des neuen preußischen Gesetzbuchs» (Sehl. J. 92.VÜ.5 p. 335). D'après Klassen, Peter, Die Grundlagen des Aufgeklärten Absolutismus, [List=Studien. Untersuchungen zur Geschichte der Staatswissenschaften, 4], Jena 1929, pp. 107-108. Raumer, Kurt v., «Absoluter Staat, korporative Libertät, persönliche Freiheit», in -.Historische Zeitschrift, 183, 1957, p. 60. S'appuyant sur les travaux de Raumer, Karl Otmar v. Aretin a analysé clairement les conséquences de cette conception, dans le domaine de la législation, ainsi que la contradiction qu'elle implique, en définitive, car l'absolutisme éclairé, en prétendant instaurer un système rationnel, abolit les libertés corporatives sans poser, cependant, les fondements de la liberté personnelle («Der Aufgeklärte Absolutismus als europäisches Problem», in: Aretin, Karl Otmar v. (éd.), Der Aufgeklärte Absolutismus, [Neue Wissenschaftliche Bibliothek, 67], Köln 1974, pp. 17-22). Batscha, Zwi/Garber, Jörn, Von der ständischen zur bürgerlichen Gesellschaft. Politischsoziale Theorien im Deutschland der zweiten Hälfte des 18. Jahrhunderts, Frankfurt/M. 1981, p. 16. Weis, Eberhard, «Absolute Monarchie und Reform im Deutschland des späten 18. und frühen 19. Jahrhundert», in: Prinz, Friedrich, Schmale, Franz Joseph et Seibt, Ferdinand (éd.), Ge-

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peuple est jugée possible, du moins en théorie, lorsque le Prince, agissant en despote, s'est dépouillé lui-même de sa légitimité.179 Dans un tel système régi par le droit naturel, on ne peut qualifier « d'absolutiste » un prince qui, en définitive, n'est même plus souverain. Que lui reste-t-il, en effet, de la souveraineté telle que l'avait définie Bodin? Pour ce dernier, la première caractéristique en était « la puissance de donner loy à tous en général & à chaqun en particulier».180 Or, dans la conception des auteurs des deux journaux, cette puissance appartient au roi, à condition qu'il respecte la volonté de la Nation et elle ne prouve donc plus la souveraineté du seul monarque. De cette puissance, Bodin déduisait huit autres droits caractéristiques de la souveraineté. Ces droits sont : - déclarer la guerre, - signer la paix, -rendre la justice, -nommer et congédier les serviteurs de l'Etat, - lever les impôts, - accorder la grâce, - frapper la monnaie, - exiger un serment de fidélité.181 Il suffit de comparer ces droits théorisés par Bodin et les réflexions des auteurs des Braunschweigisches et Schleswigsches Journal sur les questions juridiques et plus proprement constitutionnelles pour constater ce que signifie réellement leur profession de foi politique en faveur d'un absolutisme éclairé : en effet, en dépit de leur fidélité avouée et proclamée au monarque absolu, mais éclairé, leurs conceptions pourraient mener à un régime non monarchique. Ce que l'on percevait, initialement, comme un paradoxe est donc le résultat d'un calcul politique. Les auteurs des revues paraissent avoir pris conscience de l'incompatibilité entre l'Aufklärung et l'absolutisme. Comme l'écrivait Aretin, «Aufklärung und Absolutismus schließen sich in letzter Konsequenz aus. Das Bündnis zwischen beiden war ein Bündnis auf Zeit [...] »,182 Les auteurs des deux revues choisissent, par conséquent, de se proclamer fidèles à un régime monarchique pour être mieux à même d'en saper les fondements, et l'on peut, désormais, comprendre le sens réel de la profession de foi des auteurs en faveur d'un système

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schichte in der Gesellschaft. Festschrift fur Karl Bosl zum 65. Geburtstag, Stuttgart 1974, p. 438. Cette possibilité avait été écartée rigoureusement par les deux principaux théoriciens de l'absolutisme, Svarez et Martini (voir Conrad, Hermann «Staatsgedanke und Staatspraxis des aufgeklärten Absolutismus», in: Rheinisch-Westfälische Akademie der Wissenschaften, Vorträge, G 173, 1971, pp. 26, 28 et 34). Bodin, Les six Livres de la République, 1583, cité in Krüger, Kersten, «Absolutismus in Danemark - Ein Modell fur Begriffsbildung und Typologie», pp. 67-68. Ibid., p. 68. Aretin, Karl Otmar v., op. cit., p. 43.

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politique où le souverain, absolu et éclairé, doit prendre la tête du mouvement réformateur183 et poser les jalons susceptibles de mener à la réalisation d'un système constitutionnel conforme à leurs aspirations. C'est à ce souverain absolu qu'il appartient d'inaugurer une politique libérale et d'écouter la voix de son peuple. Cependant, il ne perçoit jamais cette voix immédiatement, mais toujours par l'intermédiaire des lettrés, qu'il appelle à lui - conformément à l'une des principales revendications du troisième état - en fonction uniquement de leur mérite personnel, et qui jouent le rôle de porte-parole de l'humanité.184 A un moment où les souverains n'écoutent plus l'avis des Aufklärer mais suivent les conseils des plus conservateurs de leurs ministres, l'établissement en modèle du despotisme éclairé permet, enfin, de nourrir l'espoir que les partisans des Lumières puissent encore participer à l'exercice du pouvoir. L'affirmation du caractère positif du despotisme éclairé ne relève toutefois pas uniquement d'une stratégie offensive des auteurs. Elle émane aussi de la conviction qu'au regard de la situation des Etats allemands à la fin du dix-huitième siècle, la propagation imprudente et hâtive des thèses libérales ruinerait toute chance d'en voir la réalisation. Nonobstant les appels à une politique de réformes, maintes fois répétés, depuis la publication des Briefe aus Paris185 jusqu'en 1793, les auteurs s'opposent, d'emblée, à une politique de changement trop brutal. Campe, dès sa Préface aux Briefe est très explicite, car il est persuadé : daß es vernünftiger sey, in einem alten, auch etwas baufälligen und unbequemen Hause, wohnen zu bleiben, als aus unweiser Veränderungssucht die Grundlage desselben auf einmal wegzureissen, und es sich und den Seinigen auf den Kopf stürzen zu lassen. 186

Et Brackebusch, se démarquant clairement du cours suivi par la Révolution, affirme dans sa «Petition eines deutschen Patrioten an die Repräsentanten des fränkischen Volkes » : das deutsche Volck ist nicht so unglücklich, daß ihm nicht anders, als durch eine gewaltsame Zertrümmerung seiner bisherigen Verfassung und durch eine plötzliche Zerreißung aller der Bande, die es bisher zusammen hielten, geholfen werden könnte. 187

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En novembre 1792, Hennings écrit: «So zeigt uns die Uebersicht aller heutigen Staaten, daß nur die Regenten groß, gesichert und geehrt waren, die sich an die Spitze des Geistes ihres Jahrhunderts stellten» (Schi. J. 92.XI.4 pp. 359-360). Schi. J. 92.VI.1 p. 154: les écrivains sont qualifiés de «Sprecher der Menschheit». Sur cette aspiration des Aufklärer à jouer le rôle de conseillers des souverains, voir Schi. J. 92.XI.4 p. 371 ; 93.VI.7 p. 259. Cette intervention directe auprès du souverain semble d'autant plus importante qu'on ressent un certain scepticisme quant à l'efficacité du livre et de l'écrit (Br. J. 90.XI.8 p. 371 ; Sehl. J. 93.IX.1 p. 16). Sur la notion de «warnendes Beispiel» voir infra chapitre X,2,l. Br. J. 90.1.3 p. 69. Sehl. J. 93.V.3 p. 35.

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Il reprend même l'image déjà utilisée par Campe pour dire que, si la nation allemande peut être amenée à désirer quelque amélioration, il ne veut point aller la chercher « in den Ruinen ihres umgestürzten Staatsgebäudes ». Et de conclure que le modèle français ne convient point aux réalités allemandes. En outre, la validité de sa remarque excède largement le rapport entre le Saint-Empire et la France révolutionnaire puisqu'il écrit : daß jede Staatsverfassung gut ist, bey welcher das Volk sich glücklich fühlt. Nehmt ihm diese, und gebt ihm eine andere, welche von allen Philosophen in der ganzen Welt für ein Meisterwerk erkläret wird, paßt sie nicht für sein Clima, seine Erziehung, seine Lebensweise, seine Religion und vor allem nicht für das Maaß und die Form seiner Begriffe, so taugt sie nichts [,..].188

Si l'Aufklärung doit être pratiquée, c'est donc avec prudence et discernement189 et, pour les auteurs des revues, il vaut beaucoup mieux ériger en exemple un système politique qui constitue une étape dans l'éploiement d'un libéralisme auquel les conditions historiques de l'Allemagne ne se prêtent pas encore. Car revendiquer explicitement ce libéralisme serait pour les auteurs d'autant plus dangereux qu'ils ont à se défendre du soupçon d'être révolutionnaires, soupçon que font peser sur eux, toujours davantage, les publicistes avec lesquels ils polémiquent au fil des années.

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Ibid., p. 19. Br. J. 91.Π.3 pp. 205-206 : «Uebrigens kann es nicht genug wiederholt werden, [...] daß die Wahrheit, bei allem ihr eigenen Muthe, doch behutsam gehen muß»; 91.VÜ.4 p. 371 «Man muß selbst mit Freimüthigkeit, verbunden mit bescheidener und vorsichtiger Klugheit, die Mängel und Gebrechen des Staats, in welchem man lebt, seinen Mitbürger bemerkbar zu machen suchen». Voir aussi Br J. 90.m.8pp. 361-362; 90.X.1 p. 337 ; Sehl. J. 92.VI.4 p. 199. 253

VII Polémiques et polémistes

Conformément au projet énoncé dès janvier 1788,1 le Braunschweigisches et le Schleswigsches Journal aspirent à être un forum où sont débattus les problèmes intéressant Γ Aufklärung. Si, en un premier temps, les sujets traités concernent principalement la pédagogie, le spectre thématique s'étend, en réaction à la politique religieuse de Frédéric-Guillaume Π, puis à l'occasion de la Révolution française et de la répression croissante qu'elle entraîne dans les Etats allemands. Au fil des années, ces événements font surgir dans toute l'Europe, et en Allemagne en particulier, où ils précisent les contours des différentes forces politiques qui y sont aux prises, un certain nombre d'opposants à l'Aufklärung et/ou à la Révolution, opposants que les rédacteurs des deux revues s'efforcent de contrer.

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Burke

Burke, dont les Reflections on the Revolution in France (1790) furent déterminantes dans le rejet de la Révolution, apparaît relativement peu dans les pages des deux revues et ce, en dépit des contacts privilégiés de maints de leurs auteurs avec la culture anglaise, de la connaissance que Garve, au moins, avait des écrits esthétiques de Burke2 ou de l'existence, dès 1791, d'une traduction des Reflections (parue à Vienne). Il faut attendre janvier 1792 pour assister, dans le Schlewigsches Journal, à la première réfutation de Burke dont un article avait été publié, par Wieland, dans le Neuer Deutscher Merkur, sous le titre «Das Recht der Völker, ihre Staatsverfassung willkürlich abzuändern, geprüft von Burke ».3 Cet article, très

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Br. J. 88.1.1 pp. 7-8. Garve publie ainsi, en 1772, Burke's philosophische Untersuchung über den Ursprung unserer Begriffe vom Erhabenen und Schönen. Neuer Teutscher Merkur, 1791, XI, 1 pp. 225-258. Dans la même livraison du Schleswigsches Journal {Schi. J. 92.1.1 pp. 32-33), on trouve aussi une brève allusion à la polémique entre Burke et Paine que ce dernier avait déclenchée en publiant The Rights of Man, dans lesquels il accusait Burke d'avoir vendu sa plume (voir Paine, Thomas, Die Rechte des Menschen, Mönke, Wolfgang (éd.), Berlin 1983, p. 123 [première édition en anglais, 1791]). En juillet 1792 (Schi. J. 92.VÜ.5 p. 334), une nouvelle allusion est faite au traité de Paine, dans un contexte trop peu politique, cependant, pour qu'il vaille la peine de s'y attarder ici. En octobre 1793, enfin, son nom apparaît une dernière fois dans la traduction d'un pamphlet ironique publié à Londres en 1793, dont l'auteur affirme : «I believe that Tom. Payne et Dr. Priestly are emissaries employed by the devil & the national Convention for the destruction of our Country» (Sehl. J. 93.X.10 pp. 271-272).

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représentatif de la p e n s é e de Burke, est articulé sur une double argumentation. D ' u n e part, en effet, l'auteur y d é n o n c e les fondements m ê m e s de la Révolution, en niant qu'il existerait un droit de la majorité à changer une Constitution car ce droit dont, à ses yeux, l ' A s s e m b l é e nationale s'est prévalue pour détruire l ' A n c i e n R é g i m e est arbitraire, e n ce qu'il déclare nuls et n o n avenus des droits qui, pour n e pas être absolument légitimes à l'origine, avaient été légitimés par l'Histoire. 4 En soi, Burke n ' e s t pas o p p o s é à une révolution quand elle rétablit un état antérieur, ce dont témoigne son j u g e m e n t sur la Glorious R e v o l u t i o n : 5 c o m m e l'a écrit G . W a t s o n : « T h e error e x p o s e d b y Burke ist not that [the Frenchmen] made a revolution, but that their revolution abandonned all sense o f national p a s t » . 6 Burke privilégie donc le poids de l'Histoire au détriment d'un droit naturel éternel qui lui semble un leurre. 7 Le s e c o n d problème que la Révolution française p o s e , selon lui, c'est, qu'après avoir détruit la Constitution antique de la France et, par conséquent, le premier contrat social, l ' A s s e m b l é e nationale a entrepris d'en établir un autre, sans pourtant requérir l'accord de tous, mais seulement d'une majorité dont est exclue, e n particulier, la noblesse, « d e r angesehenste und vormahls mächtigste Theil der N a t i o n » . 8 Procéder de la sorte revient à mettre le pouvoir dans les mains du peuple, ou, plus exactement, des d é m a g o g u e s susceptibles de le mener, ce qui

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Les phases et les enjeux de la polémique entre Burke et Paine ont été clairement exposées par Gregory Claeys, «Republicanism versus commercial society: Paine, Burke and the french revolution debate », in : History of the European ideas : official journal of the International Society for the Study of European Ideas, 11, 1980, pp. 313-324. Depuis quelques années, la critique s'intéresse tout particulièrement à l'opposition profonde dans l'emploi du langage que font Burke et Paine, et qui s'explique par le conservatisme organiciste du premier et le rationalisme du second (voir l'article récent de John C. Whale, «Literal and symbolic representation: Burke, Paine and the French revolution», in: History of the European ideas: official journal of the International Society for the Study of European Ideas, 16, 1993, n°l, pp. 343-349). .Burke, Edmund, «Das Recht der Völker, ihre Staatsverfassung willkürlich abzuändern, geprüft von Burke », in : Neuer Teutscher Merkur, 1791, n° 11, p. 231. Voir Iversen, Andreas, «Burke and the Debate on the Revolution», in: Dolphin, 19, 1990, pp. 14-15. Watson, George, «Burke's conservative revolution», in: Critical Quarterly, 26 (1-2), 1984, p. 97. Burke, Edmund, «Das Recht der Völker, ihre Staatsverfassung willkürlich abzuändern, geprüft von Burke», pp. 238-239. «L'Homme n'a pas de droits, parce qu'il (l'Homme) n'existe pas» a pu écrire J. Y. Thériault selon lequel Burke serait l'un des moments de la «première crise de la raison» qui s'éploie en Europe à la fin du Siècle des Lumières (Thériault, J. Yvon, «La première crise de la raison», m: Revue de l'Université de Ottawa, 57, 1987, n°4, p. 56). En dépit de l'analogie que peuvent présenter les convictions politiques des auteurs des revues et celles de Burke «who believed in a political order based on a limited constitutional monarchy, primogeniture and restrictive class suffrage», les divergences s'avèrent donc insurmontables (Blakemore, Steven, «Burke and the revolution: bicentennial reflections», in: Blakemore, Steven (éd.), Burke and the French revolution : bicentiennal essays, Athens 1992, p. 145. Burke, Edmund, «Das Recht der Völker, ihre Staatsverfassung willkürlich abzuändern, geprüft von Burke», pp. 238 et 253. 255

ne peut que ruiner l'ordre et la moralité,9 réflexion qui incite Burke à condamner en bloc l'action de l'Assemblée nationale depuis 1789. Dans sa réponse, l'auteur du Schleswigsches Journal, mettant en cause le point de départ de l'argumentation de Burke, soutient que la Révolution, loin d'être arbitraire, était légitime puisque l'ancien contrat avait été, de facto, rompu par le pouvoir en place qui n'avait cessé, depuis Louis XIV,10 de bafouer les droits des citoyens." Et pour ce qui regarde les mesures qu'elle a prises, l'auteur absout l'Assemblée nationale de l'accusation de despotisme, d'une part, arguant que la Constitution a mis l'exécutif dans les mains du roi12 et, d'autre part, d'incompétence en matière de finances, insistant sur le fait que les désordres, en ce domaine, sont l'entier héritage de l'Ancien Régime et que l'Assemblée, bien au contraire, s'efforce de remettre en ordre la situation économique.13 A l'exception de ce texte, en outre inachevé,14 on ne trouve plus dans les pages des journaux de discussion systématique sur les théories de Burke, mais seulement de courtes remarques, dans lesquelles s'exprime le désaccord avec les analyses qu'il avait faites sur les conséquences de la division administrative de la France15 ou sur celle de la réorganisation de la hiérarchie catholique dans ce pays.16 Que Burke ne joue directement qu'un rôle relatif dans les deux revues tient peut-être à ce que ce n'est qu'avec la traduction de Gentz de 1793 que les Re-

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Burke, Edmund, «Das Recht der Völker, ihre Staatsverfassung willkürlich abzuändern, geprüft von Burke», pp. 229-230, 240-241 et 250. Au lieu de présupposer un état de nature qui précéderait l'état social fondé sur un contrat, Burke, «recognizing social life as a „natural" „phenomenon", estime que «the conventions and lawas of civil society were the primary characteristics of humanity» (Alavuotunki, Jouni, «The Meaning of nature in Edmund Burke's critique of the french revolution», in: Manninen, Juha (éd.), Aufklärung und Französische Revolution I. Ein Symposium zur Ideen- und Wissenschaftsgeschichte in Oulu 29.11.1985, [Oulun yliopiston historian laitoksen julkaisuja, 3], Oulu 1986, p. 23). Schi. J. 92.1.8 p. 113. Le nom de Louis XIV n'est pas explicitement mentionné, mais, dans l'imaginaire des auteurs, c'est lui que stigmatise la référence aux dragonnades. Ibid., pp. 112-117. Ibid., p. 122. Ibid., pp. 123-126. L'article de janvier, en effet, se termine par la formule traditionnelle «die Fortsetzung folgt» (ibid., p. 128). On ne peut que conjecturer la non-publication de la suite en supposant que c'est, ou bien la perte de pouvoir des Feuillants qui modifie le jugement porté par l'auteur de l'article sur la Révolution, ou bien la menace, toujours plus présente, d'une guerre contre la France qui déplace ses centres d'intérêt. Schi. J. 93.IV.1 p. 415 : «Wie indeß Burke und andre glauben konnten, daß aus dieser Menge von Municipalitäten ein System verbündeter Republiken hervorwachsen würde, verstehe ich nicht». De fait, Burke s'était livré dans ses Reflections à une violente critique de la nouvelle répartition territoriale de la France (Burke, Edmund, Réflexions sur la révolution de France, traduit par Andler, Pierre et édité par Raynaud, Philippe, Paris 1989, pp. 221-235 [édition originale de 1791). Schi. J. 93.VI.8 p. 249 «selbst Protestanten, wie Burke, schreien über den Umsturz der Religion Frankreichs. Was wollen sie damit gewinnen? Wollen sie würklich das traurige päbstlich Kirchensistem wieder herstellen?» (voir Burke, Edmund, Réflexions sur la révolution de France, pp. 112-157).

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flections furent érigées en un «bleibenden Besitz der deutschen Literatur»,17 même s'il faut reconnaître, d'un autre côté, que les principales revues allemandes avaient publié des recensions des Reflections peu après leur parution. Rehberg avait ainsi commenté le texte de Burke dans la Jenaer Allgemeine Literaturzeitung, ' 8 de même que Brandes dans les Göttingische Gelehrte Anzeigen19 ou encore Schirach dans son Politisches Journal?" Si les auteurs des Braunschweigisches et Schleswigsches Journal ne se livrent pas à de longues discussions sur les théories de Burke, ils polémiquent, au contraire, longuement avec ces publicistes allemands qui, sans subir toujours l'influence directe de Burke, mènent néanmoins une lutte aussi acharnée que la sienne contre la Révolution française.

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Brandes

Assurément, les sujets sur lesquels les auteurs des revues engagent avec eux des controverses ne sont pas toujours d'ordre politique. C'est, par exemple, le cas pour la réfutation par Gutsmuths d'un article de Brandes paru, en juin 1790, dans la Berlinische Monatsschrift. Dans ce texte, au ton très courtois,21 l'intention de Gutsmuths est de rendre caduque l'affirmation selon laquelle les réformes pédagogiques seraient une des causes de l'abêtissement des populations22 et non d'attaquer l'auteur des Politische Betrachtungen über die französische Revolution (Jena, 1790) car ce texte de Brandes paraît, idéologiquement, assez proche de la pensée des auteurs du Braunschweigisches Journal. L'auteur, en effet, au contraire de son ami Burke, pense que la Révolution française était nécessaire pour changer une constitution que l'Ancien Régime n'avait pu réformer de lui-même. Comme les auteurs des revues, il impute donc une part de responsabilité à la monarchie et

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Braune, Frieda, Edmund Burke in Deutschland, [Heidelberger Abhandlungen zur Mittleren und Neueren Geschichte, 50], Heidelberg 1917, p. 22. Sur Gentz et Burke, voir ibid., pp. 139181 et, récemment, Whiton, John («Friedrich Gentz and the reception of Edmund Burke in post-revolutionnary Germany», in: German life et letters, 46, 4, 1993, pp. 311-318) qui a montré quelle réponse Gentz apporte au «crypto-relativism» (p. 316) de Burke. Sur Rehberg et Burke, voir Braune, Frieda, op. cit., pp. 45-49 et 114-138. Outre la recension élogieuse faite par Rehberg des Reflections, l'influence de Burke sur Rehberg se manifeste dans les Untersuchungen über die Französische Revolution publiées, en 1793, par ce dernier. Sur Brandes et Burke, voir ibid., pp. 50-52 et 74—113 Si la recension des Reflections par Brandes est également élogieuse, ses propres œuvres se distinguent de façon sensible des théories burkiennes. Ibid., pp. 56-57. Gutsmuths, plusieurs fois, interpelle Brandes en l'appelant «Hochzuehrender Herr» (Br. J. 91.VL5 p. 227; Br. J. 91.VII.2 p. 324), «hochzuverehrender Herr» {Br. J. 91.VI.5 p. 229; 91.VH.2 pp.324, 329), «werthester Herr» {Br. J. 91.VI.5 pp.232, 234, 235-236, 91.VII.2 p. 326). Br. J. 91.VI.5 et 91.VÜ.2. Cela constitue une des convictions fondamentales de Brandes (voir Eigen, Paula, Ernst Brandes (1758-1810) im Kampf mit der Revolution in der Erziehung, [Göttinger Studien zur Pädagogik, 35], Weinheim /Berlin 1954, pp. 34-41).

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plus encore à la noblesse, trop arrogante et trop imbue de ses privilèges ; et comme eux, il estime que dans un Etat où peut s'exprimer l'opinion publique, les charges publiques ne sauraient être l'apanage d'une classe privilégiée. Quant à la Constitution en cours d'élaboration, Brandes reconnaît qu'elle représente, en dépit de ses nombreuses lacunes, un incontestable progrès sur celle de l'Ancien Régime et il en admet, lui aussi, le caractère globalement positif. Il subsiste, certes, une nette distinction, entre ce jugement et celui que l'on trouve dans les pages des deux revues : là où Brandes embrasse la Révolution de son regard pragmatique d'historien, mettant en garde contre une interprétation idéalisée des événements révolutionnaires, les auteurs des deux revues considèrent, dans un premier temps du moins, la Révolution comme l'incarnation historique du droit naturel. En dépit de cet a priori différent, les appréciations portées par Brandes s'accordent donc, jusqu'en 1792, avec celles des auteurs des revues.23 C'est probablement la raison pour laquelle ils ne critiquent pas Brandes. Pareillement, les réserves plus marquées de ce dernier, dans Ueber einige bisherige Folgen der französischen Revolution in Rücksicht auf Teutschland (Hannover, 1792), sont contemporaines d'une condamnation plus radicale de la Révolution dans les revues, ce qui expliquerait qu'il n'y soit guère fait référence.24 Comme le sujet de la discussion engagée avec Brandes présente un caractère relativement apolitique, les articles qu'elle suscite peuvent garder cette politesse qu'on retrouve aussi dans le débat mené avec Moser.

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Moser

Moser - qui, en dépit de positions politiques divergentes, paraît jouir de l'estime des rédacteurs du Braunschweigisches Journal25 - s'interroge, dans la livraison de juin 1790 de la Berlinische Monatsschrift, sur la légitimité de l'Assemblée nationale à fonder une constitution qui prenne pour base les Droits de l'Homme. 26 Il recourt ici à une analyse qu'il avait développée dans ses textes fondateurs sur

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Même si J. Godechot le classe d'abord parmi les doctrinaires de la contre-révolution en Allemagne, il le considère, en définitive, comme «une sorte d'observateur assez impartial» (Godechot, Jacques, La Contre-Révolution 1789-1804, Paris 1984, p. 123). Ici aussi, l'absence de polémique avec Rehberg peut tenir au fait que ce dernier faisait preuve d'un souci d'impartialité dans sa recherche de la vérité, ce qui lui vaut, par exemple, les éloges de Fichte (Fichte, Johann Gottlieb, Beitrag zur Berichtigung der Urtheile des Publikums über die Französische Revolution. Erster Theil. Zur Beurtheilung ihrer Rechtmäßigkeit in: Schriften zur Französischen Revolution, Buhr, Manfred (éd.), Köln 1989, p. 54 [édition originale 1793], En 1788, Campe lance un appel au public afin qu'«ein deutscher Diderot - oder warum nicht gradezu - ein Moser » prenne la peine de traiter du problème des « Collisionen zwischen Herz und Vernunft, zwischen Gefühl und Pflicht» (Br. J. 88.Π.2 p. 180). Moser, Justus, «Ueber das Recht der Menschheit als den Grund der neuen Französischen Konstitution», in: Berlinische Monatsschrift, 90.VI.2, pp. 499-506.

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l'histoire de l'Allemagne et, en particulier, dOsnabrück 27 et qui lui permet de proposer une théorie archétypale de la formation de toutes les sociétés. Moser, considérant la propriété comme le fondement de toute collectivité humaine et comme l'unique critère de citoyenneté et de liberté, compare les premières communautés à des sociétés d'actionnaires disposant chacun d'une égale parcelle de territoire.28 Cette organisation n'est, cependant, représentative que de la première époque, le «güldenes Zeitalter» des premiers colons saxons qui s'étaient unis afin de se défendre. Moser en montre ensuite la dégradation : l'ancienne forme de l'Etat le cède peu à peu à l'expansion de l'idée impériale, dépouillant, par là, les libres propriétaires de la première époque, et de leur liberté et de ce que Moser appelle «l'honneur». La seconde époque, celle du «Reich als Dienststaat» 29 est elle-même seulement transitoire puisque l'Empire, incapable de réaliser une unité stable, se dissout en une myriade d'Etats. Sous le coup de l'évolution historique, les «Landaktien» se doublent d'«actions monétaires» («Geldaktien») qui permettent aux détenteurs de jouir également des droits civiques. Ce modèle politique, Moser le reprend dans son article de 1790 pour réfuter les prétentions constitutionnelles des Français et prouver la vanité d'une constitution s'appuyant sur les Droits de l'Homme et donc sur une égalité qui n'est guère possible sans que soient lésés les premiers actionnaires. De surcroît, selon lui, affirmer l'égalité juridique, alors que les biens sont, pour des raisons historiques, inégalement répartis est fallacieux : les citoyens français ne sauraient faire montre de la même ardeur à défendre leur association, dès l'instant où les « actions » dont ils disposent n'ont pas la même valeur : Zum Scherz, oder auch zur Parade, kann in Frankreich der Herzog wohl mit seinem Schneider unter der unbesoldeten Nationalgarde aufziehen, und das Recht der Menschheit in einem komischen Aufzuge zeigen ; aber wenn beide sich unbesoldet gleich rüsten und gegen den Feind fechten sollen : so würde es wahrlich dem Schneider nicht wohl zugemuthet werden können, so viel Blut tur seine Werkstätte zu vergießen, als der Herzog für sein Herzogthum aufopfert. 30

Par son insistance sur l'évolution historique, Moser veut opposer une fin de nonrecevoir aux thèses jusnaturalistes en vogue à la fin du dix-huitième siècle, aux-

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Sur le rôle de Moser dans l'évolution de l'historiographie, voir Stauf, Renate, Justus Mosers Konzept einer deutschen Nationalidentität: Mit einem Ausblick auf Goethe, [Studien zur deutschen Literatur, 114], Tübingen 1991, pp. 127-141. Pour Afsprung, c'est dans son article « Der Bauernhof als eine Aktie betrachtet » (paru dans les Westphälische Beyträge zum Nutzen und Vergnügen, en février et mars 1774) que Moser s'est le plus attardé sur l'analogie entre société par actions et société politique (Br. J. 91.V.6 p. 107). D'après Klassen, Peter, Justus Moser, [Studien zur Geschichte des Staats- und Nationalgedankens, 2], Frankfurt/M. 1936, p. 362, qui résume clairement les quatre étapes de l'histoire allemande selon Moser (pp. 216-398). Moser, Justus, op. cit. p. 503.

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quelles il préfère une analyse pragmatique des conditions socio-historiques propres à chaque Etat,31 et destinée à préserver le statu quo politique. Afsprung, dans sa critique de Moser, se méprend sur le sens de son texte. Il semble même faire un contresens sur la notion de «société par actions» utilisée par ce dernier: d'après lui, Moser admet comme présupposé que «der Besitzer einer solchen Land=actie sie von der Compagnie, das ist, vom Staate zu treuer Hand halte etc., nach welcher Voraussetzung [...] der Staat schon vor den Bürgern da gewesen seyn muß». 32 De plus, il lui fait grief de considérer comme seules constitutives de l'Etat les « Land=actien », alors que la richesse d'une nation moderne ne se fonde plus sur la seule agriculture. Et d'affirmer que « [d]er Begriff von Eigenthum wird gewiß ungebührlich verenget, wenn man ihn bloß auf Grundstücke einschränkt».33 Dans son histoire d'Osnabrück, au contraire, Moser avait montré que c'est le souci de garantir, de jure, les propriétés acquises de facto qui avait provoqué les premières associations. Dans ces conditions, l'idée d'une compagnie préexistante à ces associations, qui aurait concédé à chacun des premiers propriétaires l'usufruit d'une part de la propriété initialement commune et serait en droit, par conséquent, de redistribuer ces différentes parts est une lecture qui fausse le sens du texte de Moser, en prenant au pied de la lettre la métaphore de la « société par actions ». De plus, Moser, loin de réduire la propriété à la propriété foncière, avait bien évoqué la naissance de « Geldaktien » rendues nécessaires par l'expansion urbaine. Si Afsprung fait ces contresens, c'est parce qu'il adopte une perspective radicalement différente de celle de Moser, pour qui l'égalité juridique des citoyens est une étape historique dans une évolution qui, par la suite, aboutit à la naissance de couches sociales fondamentalement distinctes, ce qui rend inacceptable et dangereux de vouloir revenir en arrière. Tansférant le modèle historique de Moser dans l'a-historique de la pensée jusnaturaliste, Afsprung déduit que, dans le contexte d'une société organisée sur le modèle d'une société par actions, tout nouveau membre devrait recevoir une parcelle de l'Etat érigé, par conséquent, en instance première, ce que refuse précisément Moser. Que l'égalité originelle ait dégénéré en inégalité sociale ne légitime en rien, pour ce dernier, la restructuration d'une société qu'il perçoit comme un tout organique. Au contraire de ce qu'affirme Afsprung, Moser ne refuse donc pas de croire en la véracité de cette proposition : «einzeln zerstreute Hausväter haben sich zu gemeinschaftlichem Schutz und Schirm vereiniget»,34 mais il l'intègre à l'évolution historique, alors que ni Afsprung ni les constituants français ne se préoccupent de la réalité historique du 31

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Cela est d'autant plus manifeste, dans son article de 1790, qu'il y reprend une attaque qu'il avait proférée, déjà, contre la propension de son siècle à établir une juridiction qui fasse abstraction des particularismes (voir Stauf, Renate, op. cit., pp. 185-186). Br. J. 91.V.6 pp. 108-109. Ibid., p. 112. Ibid., p. 113.

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contrat social, qui leur sert seulement à déterminer «welche Rechte jeder Bürger schon als Mensch hat, die ihm durch den Eintritt in die Gesellschaft nicht entzogen werden können »,35 II en découle une différence fondamentale entre ces deux approches : Moser peut, de son analyse historique, faire dériver une légitimation des rapports de force existants,36 tandis qu'Afsprung et les révolutionnaires français sont contraints, sinon de doubler leur Déclaration des Droits du Citoyen d'une déclaration de ses devoirs, du moins de dresser quelques restrictions à l'exercice de la souveraineté nationale.37 La seconde réponse à la théorie de Moser, publiée anonymement dans la livraison d'avril 1792 du Schleswigsches Journal, tout en opposant aux thèses de Moser une interprétation plus historique que celle d'Afsprung, demeure dans la ligne théorique du droit naturel. L'auteur ne conteste pas que le partage initial des terres soit légitime et il reconnaît la validité du modèle d'une société par actions, tout en la subordonnant à une double condition : il faut, à ses yeux, que le propriétaire ne dispose que des terres dont il a réellement besoin et qu'il est en mesure de travailler lui-même.38 En revanche, dès que ses possessions sont trop grandes pour qu'il puisse les cultiver seul, les personnes dont il reçoit de l'aide, de même que celles qui ont la charge de les défendre, en deviennent également les possesseurs.39 De surcroît, le cours de l'Histoire consacre, aux yeux de l'auteur, le passage d'une économie fondée sur la propriété foncière à une économie dont le moteur est l'argent. Le Tiers état étant la première source des revenus financiers de l'Etat, vouloir l'empêcher d'exercer une part de souveraineté au nom de droits antiques que l'Histoire a invalidés ou du moins qu'il est impossible d'attester 40 est un scandale que l'auteur dénonce en ces mots : «Der dritte Stand muß die Mittel aufbringen, wodurch der Staat Staat bleibt - und sollte doch nicht Nation seyn; ja nicht einmal als Theil dazu gehören?» 41 Tout aussi critique, donc, qu'Afsprung à l'encontre des thèses de Moser, l'auteur adopte pourtant, comme lui, le ton courtois de 35 36

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Ibid., p. 114. Epstein, par exemple, pense que la théorie de Moser peut être considérée comme «eine ausgezeichnete Rationalisierung der unegalitären Struktur der Osnabrücker Gesellschaft » (Epstein, Klaus, Die Ursprünge des Konservativismus in Deutschland: der Ausgangspunkt; die Herausforderung durch die Französische Revolution 1770-1806, Frankfurt/M. 1973, p. 371). A la fin du texte de Afsprung, la stratégie argumentative change : ripostant à la remarque de Moser sur le tailleur et le Duc, Afsprung ne recourt plus à une argumentation purement théorique mais à des exemples empruntés à l'Histoire, sans que l'écart fondamental entre son raisonnement et celui de Moser se réduise pourtant (Br. J. 91.V.6 p. 116). Schi. J. 92.IV.2 p. 430. Ibid., pp. 431-432 Dans les thèses de Moser sur la première époque, les propriétaires étaient en même temps les cultivateurs et les défenseurs de leurs propriétés. Par la suite, il acceptait que les propriétaires utilisent des esclaves pour mettre en valeur ces terres, ce que l'auteur refiise ici car, selon lui, la liberté personnelle est «ein unveräußerliches Eigenthum» (p. 432). En 1793, Halem critiquera également la défense de la noblesse héréditaire par Möser, lui reprochant de partir du principe que la noblesse descend des premiers propriétaires, ce qui n'est guère prouvé (Sehl. J. 93.1.5 p. 59). Sehl J. 92.IV.2 p. 438.

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la discussion entre lettrés, celui que l'on retrouve chaque fois que les débats ne portent pas sur l'actualité brûlante ou que les participants sont capables d'élever la discussion à un certain degré d'abstraction.

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Wieland

La controverse avec Wieland illustre, cependant, les limites de la discussion entre clercs. Avant la fin de l'année 1791, les références à Wieland ne concernent guère la Révolution et mettent seulement en valeur son importance comme auteur littéraire,42 comme publiciste,43 et surtout comme traducteur.44 Deux raisons, adjacentes, expliquent vraisemblablement que les articles qu'il a consacrés à la Révolution française dans Der Teutsche Merkur ne soient guère mentionnés dans les revues. D'une part, le climat politique en Allemagne n'était pas encore tel qu'il obligeât les Aufklärer à rechercher la caution de personnalités aussi estimées que Wieland. D'autre part, parmi les intellectuels, prédominait encore une nette sympathie vis-àvis de l'œuvre révolutionnaire. Si, de son côté, Wieland, en dépit d'un grand enthousiasme initial,45 fait, dès l'automne 1789, quelques réserves sur la légitimité de la Révolution, il cherche pourtant, jusqu'en 1792, à porter sur cet événement un regard «objectif» qui l'amène tant à relativiser certaines décisions de l'Assemblée nationale qu'à réfuter les jugements réactionnaires exprimés, par exemple, par Schlözer sur la période. Un combat intérieur se déroule chez Wieland entre « VAufklärer che non si lascia influenzare da una « singula scena » del « dramma » parigino, e giudica il tutto con il metro unitario della ragione illuministica» et «il cortigiano che non sa comprendere come mai la rivoluzione vada oltre il limite che il suo buon senso le ha asse-

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Wetzel le cite comme l'auteur deXenophon (Br. J. 90.XI.5 p. 317). En 1792 encore, alors que les positions politiques qu'il adopte, en tant que publiciste, font l'objet de grandes controverses, l'écrivain Wieland continue d'être admiré (Schi. J. 92.ΙΠ.3 p. 379 ; 92.V.4 p. 112). Wigand le cite, pour sa part, comme l'un des premiers à avoir compris l'intérêt que présentent les journaux pour répandre l'Aufklärung (Br. J. 90.X.5 pp. 399 et 413). Wieland est d'abord cité dans le cadre de problèmes de traduction : Trapp le mentionne ainsi aux côtés de Ramier, comme l'un des experts d'Horace (Br. J. 89.1.3 p. 40). Ce sont ces mêmes qualités de traducteur que vantent un auteur anonyme (Br. J. 91.VHI.3 p. 479), Eschenburg (91.IX.8) et un autre auteur anonyme (91.IX.8, pp. 118-127); Campe, de même, renvoie à Wieland, Ramler et Voss dont les traductions peuvent, selon lui, dispenser tous ceux qui ne sont pas clercs d'un contact immédiat avec les Anciens (Br. J. 89.ΠΙ.4 p. 352). Les traductions de Wieland sont, également d'après Campe, un des moyens d'enrichir la langue allemande (Br. J. 90.XI.1 p. 265). On trouve des traces de cet enthousiasme jusqu'en 1790 (voir la lettre à Halem citée in Martini, Fritz, «Nachwort», in: Wieland, Christoph Martin, Meine Antworten. Aufsätze über die Französische Revolution 1789-1793, [Marbacher Schriften, 22], Martini, Fritz (éd.), Marbach 1983, p. 135.

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gnato». 46 Mais le second de ces deux pôles l'emporte peu à peu et bien qu'il s'efforce, dans «Über die Rechtmäßigkeit des Gebrauchs welchen die Französische Nation dermalen von ihrer Aufklärung und Stärke macht. Eine Unterredung zwischen Walther und Adelstan », de prouver la légitimité de l'Assemblée nationale,47 l'action de cette dernière lui paraît de plus en plus problématique. Dans l'édition de juin 1791 du Teutscher Merkur, il fait ainsi paraître la traduction d'une lettre rédigée, le 16 avril 1791, par Benjamin Cooper au nom de la Revolution Society de Londres et adressée à la Société des Amis de la Constitution de Strasbourg. Alors que, dans cette lettre, la Revolution Society se félicitait des progrès de l'œuvre constitutionnelle en France,48 une note de Wieland réfute le sens de la lettre de Cooper en affirmant que la mort de Mirabeau, survenue le 18 avril, a achevé de rendre impossible l'établissement d'une constitution raisonnable en France, et il ajoute ces mots : Ein Volk, das frey seyn will und in zwey vollen Jahren noch nicht gelernt hat, daß Freyheit, ohne unbedingten und unbegränzten Gehorsam gegen die Gesetze, in der Theorie ein Unding, und in Praxi ein unendlichmahl schändlicherer und verderblicherer Zustand ist als asiatische Sclaverey ; [...] ein solches Volk ist, aufs gelindeste zu reden, zur Freyheit noch nicht reif.49

Face aux protestations des Aufklärer, Wieland commente cette note dans la livraison d'octobre. Tout en niant avoir renoncé aux idéaux « der wahren Freyheit und der wahren Menschenrechte »,50 il explique pourquoi il ne croit plus guère en une issue heureuse de la Révolution. Et s'il reconnaît avoir admiré, au début, la Révolution,51 à ses yeux nécessaire,52 et dont il estime inévitables les excès initiaux,53 il ne trouve plus de raison de les justifier après que la Nation libérée a eu la chance de se donner une constitution.54 Son scepticisme se nourrit moins des journées d'octobre 1789 que des discussions concernant la Constitution - qui rejettent fina46

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Rambaldi, Enrico, «La Crisi dell'illuminismo moderato die C. M. Wieland di Fronte alla Rivoluzione francese », in : Annali della Facoltà di Lettere et Filosofia dell 'Università degli Studi di Milano, Volume XIX, Fascicolo Ι-Π, Gennaio-Agusto 1966, 18/19, (1965-1966), p. 301. Wieland, Christoph Martin, «Über die Rechtmässigkeit des Gebrauchs welchen die Französische Nation dermalen von ihrer Aufklärung und Stärke macht», in: Wieland, Christoph Martin, Politische Schriften insbesondere zur Französischen Revolution, Reemtsma, Jan Philipp, Radspieler Hans et Johanna (éd.), Nördlingen 1988, vol. Π, pp. 1-25 [édition originale in: Teutscher Merkur, 1789, vol. ΙΠ, pp. 225-262]. Wieland, Christoph Martin, «Schreiben der Revoluzions-Gesellschaft in London an die Gesellschaft der Constituzions-Freunde in Straßburg (Aus dem Englischen übersetzt)», in: Wieland, Christoph Martin, Politische Schriften insbesondere zur Französischen Revolution, vol. Π., pp. 311-338, [édition originale Neuer Teuscher Merkur, Π, Juin 1791, pp. 219-224 et ΠΙ, octobre, pp. 115-149], Ibid., p. 314. Ibid., p. 330. Ibid., p. 314. Ibid., pp. 317-319. Ibid., p. 322. Ibid., p. 323.

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lement un modèle constitutionnel à l'anglaise 55 - et surtout de la débâcle qu'occasionnent les débats sur la Constitution civile du clergé. Lui, qui approuvait les projets de réforme du catholicisme,56 en perçoit les limites quand il constate les violences qui accompagnent l'élaboration et la mise en oeuvre de la Constitution civile du clergé.57 Ces événements lui apportent la preuve que la nation française n'était pas encore mûre pour la liberté, et cette immaturité foncière rend d'emblée caduque la solution qu'il propose pour préserver la France de maux plus grands encore, et qui consisterait à laisser le roi recouvrer toutes ses prérogatives.58 Dans la réponse qu'il adresse à Wieland, l'auteur du Schleswigs ches Journal se montre persuadé, comme lui, que la Révolution était indispensable pour mettre fin aux abus qui caractérisaient l'Ancien Régime.59 Mais il réfute les réflexions de Wieland sur l'échec de la Révolution. Si, comme ce dernier, il met en lumière la part excessive accordée aux querelles oratoires, il ne pense pas qu'elles constituent un obstacle susceptible d'entraver l'action de l'Assemblée. 60 Et là où Wieland reprochait aux Constituants français de ne s'être pas inspirés de la constitution britannique, ce qui, à ses yeux, aurait rendu meilleure et plus viable la Constitution de 1791, l'auteur de la revue recourt à un argument généralement utilisé par les contre-révolutionnaires - selon lesquels seules l'expérience et l'Histoire font apparaître la valeur d'une constitution - argument qu'il retourne contre la constitution anglaise. Pour lui, en effet, celle-ci ne saurait être digne des louanges dont elle fait l'objet, puisque cent cinquante ans après la proclamation du «Bill of rights», le peuple anglais n'est pas encore libre et que l'esprit qui anime sa constitution est encore «der böse Geist des Feudalsystems».61 En retour, il peut défendre l'œuvre constitutionnelle des Français. De fait, il est erroné de prétendre que la Constitution de 1791 n'est pas viable parce que deux ans après sa proclamation, elle n'est pas encore respectée. Au contraire de ce qu'écrivait Wieland, il ne faut pas attendre qu'il soit moral, et donc «mûr pour la liberté», pour donner à un peuple une nouvelle constitution, mais c'est à celle-ci qu'il revient de le moraliser. Pour l'auteur de l'article, il est indéniable que ce processus de moralisation durera en

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Ibid., pp. 320 et 333. Ibid., p. 319. Wieland déclare explicitement ne pas avoir été au nombre de ceux qui croyaient que l'Assemblée nationale voulait détruire la religion (p. 318). Ibid., p. 323. Ibid., p. 336. Wieland qui, ici, interprète l'Histoire essentiellement de façon morale, ne perçoit pas que l'existence de la monarchie, après Varennes, ne tient plus qu'à un fil. Sehl. J. 92.1.1 pp. 10-13 Selon lui, en effet, rien n'obéissait en France, avant la Révolution, à l'intérêt général, auquel s'étaient substitués essentiellement les intérêts égoïstes des privilégiés. Ibid., p. 22. Cette similitude de l'analyse cache, néanmoins, une différence capitale puisque Wieland soupçonne, dans les discours des principaux orateurs de la Révolution, une volonté expresse de tromper le peuple en le flattant, alors que l'auteur du Schleswigsches Journal y voit la preuve de leur génie. Ibid., pp. 30-39. Pour les citations, voir pp. 31 et 36. Parmi les écrivains que cite l'auteur pour étayer sa démontration, T. Paine, qui avait provoqué Burke, en publiant ses Rights of Men, figure en bonne place (p. 33).

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France plus longtemps qu'ailleurs, car la Nation y a été profondément corrompue par l'Ancien Régime62 et que, tout en percevant le Bien, elle ne parvient pas encore à le mettre en pratique.63 Sans approuver inconditionnellement la Révolution, l'interlocuteur de Wieland refuse donc encore de la condamner car, selon lui, il faut laisser à la constitution le temps de faire ses preuves. Dans le Schleswigsches Journal, il dénonce surtout les généralisations auxquelles se livre parfois Wieland. Tout en comprenant la véhémence qu'il manifeste,64 il désapprouve, de la part d'un écrivain si remarquable, de telles généralisations propres à exacerber la passion des débats suscités en Allemagne par la Révolution.65 Lorsqu'en revanche, Wieland, en faisant la part des choses, s'efforce d'apaiser les passions et de mettre l'Aufklärung à l'abri des attaques, il semble rencontrer dans le Schleswigsches Journal un écho plus favorable. C'est le cas, par exemple d'une lettre de Brackebusch à Wieland, publiée en octobre 1793, et qui répond à un article de ce dernier, paru dans la livraison d'août du Neuer Teutscher Merkur:66 Wieland y mettait en garde contre les excès de la polémique et invitait à faire une distinction entre les débordements auxquels se livrent les Français et les vérités propagées par l'Aufklärung qui, selon lui, n'ont point de portée subversive, mais tendent seulement à améliorer les imperfections d'un sytème.67 Ce jugement se fonde sur la conviction qu'après l'échec par lequel s'est soldée l'intervention des coalisés en France, il faut s'efforcer de stabiliser l'Allemagne, en en perfectionnant les structures politiques, dans le cadre de la Reichsverfassung de 1648. Refusant avec la même force une politique réactionnaire et toute velléité de subversion, Wieland appelle au calme sans, toutefois, remettre en cause les principes de l'Aufklärung. Cependant, on ne saurait en conclure absolument que les auteurs du Journal approuvent l'écrivain. En effet, ce que Brackebusch met surtout en avant

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Ibid., pp. 18-20. En un sens, pour l'auteur, le peuple français est, en 1792 encore, confronté à la même dichotomie qu'avant la Révolution: «die sämmtlichen Glieder und Genossen des französischen Reichs befanden sich in einem so gänzlichen Widerspruch zwischen ihrer Einsicht und ihrer Erfahrung [...] daß - selbst den Besten unter ihnen nur der Wunsch des Bessern übrig blieb» (ibid., p. 17). Selon l'auteur du Schleswigsches Journal, si Wieland a écrit «nicht ohne einen etwas lebhaften Unwillen», c'est qu'il s'exprimait «über wiederholte häßliche Ausschweifungen, der Ungebundenheit eines von heftigen Leidenschaften hingerissenen Volks, die in der That jedes empfindsames Herz beleidigen mußten» (ibid., p. 1). Ibid., p. 24. Sehl. J. 93.X. 8. Wieland, Christoph Martin, «Fragmente aus Briefen vermischten Inhalts», in: Wieland, Christoph Martin, Politische Schriften insbesondere zur Französischen Revolution, vol. ΙΠ, pp. 159-143 [édition originale Neuer Teuscher Merkur, 1793, Π, août, pp. 360-378 et ΠΙ, septembre, pp. 44-68]. Si, selon Wieland, l'article «D. Martin Luthers Gesicht von der Zukunft aus einer Handschrift des Reformators zum ersten Mahle zum Druck befördert und den Manen Ludwig Capets geheiligt» (Schi. J. 93.V.6) ne représente pas davantage une menace pour l'ordre public, ce texte lui déplaît cependant à cause de son ton trop agressif (Wieland, Christoph Martin, «Fragmente aus Briefen vermischten Inhalts », pp. 147-148).

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dans sa lettre, c'est le commentaire élogieux qu'y avait fait Wieland68 d'un de ses articles paru dans le Schleswigsches Journal, en mai 1793 (et intitulé « Recapitulation einiger neugemachten Entdeckungen im Reiche der Wahrheit am Ende des achtzehnten Jahrhunderts»). 69 Ce dernier remarquait, dans le texte de Brackebusch, la «heilsame Bitterkeit», mêlée de «Swiftische Ironie», apte à ramener les lecteurs à la « verlohrnen Gesundheit ihres Urtheils über die wichtigsten Gegenstände». 70 Dans son texte, rédigé sous la forme d'un «syllabus errorum », Brackebusch regrettait, en effet, les conclusions outrancières que les conservateurs tiraient des événements de la fin du siècle, souhaitant, par exemple, interdire Γ Aufklärung sous prétexte que certains en abusaient ou jugeant que tous ceux que réjouissait la fin de la tyrannie en France désiraient en même temps susciter la Révolution en Allemagne.71 D'autre part, même si certains des jugements formulés par Wieland paraissent correspondre à ceux des auteurs,72 il est difficile d'établir s'ils l'approuvent réellement, d'autant que la forme dialoguée qu'il affectionne particulièrement ne permet pas de déterminer s'il se propose de propager une opinion claire, ou, simplement, de favoriser la réflexion de ses lecteurs. Comme l'a écrit J. Ph. Reemtsma, «[n]icht Gedachtes zu vermitteln, sondern denken zu lernen ist Wielands Programm als politischer Schriftsteller». Et de conclure: «Wielands Interesse sei eines an der Form gewesen »,73 Une étude de la réception de Wieland par les publicistes allemands de son époque ne serait assurément pas inutile, qui chercherait

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Wieland, Christoph Martin, «Fragmente aus Briefen vermischten Inhalts », p. 139. Représentative de la «réponse» de Brackebusch est la phrase qui ouvre son texte: «Herr Hofrath Wieland erwähnt im achten Stück des deutschen Merkurs auf eine sehr ehrenvolle Weise den kleinen Aufsatz des diesjährigen Schleswigschen Journals [...]» (Schi. J. 93.X.8 p. 261). Schi. J. 93.V.1. Ibid., pp. 1-2. Wieland, par exemple, tout en se prononçant pour des réformes, laisse entendre que, parfois, il vaut mieux y renoncer si elles constituent un facteur d'instabilité, puisque « Frankreich belehrt uns [...], daß es unendlichemahl besser ist, lieber alle unsern gegenwärtigen Zustande anklebende Gebrechen zu dulden und mit einer erträglichen Existenz zufrieden zu seyn, als über dem Schnappen nach dem Schatten einer Glückseligkeit, die wir wahrscheinlich nie erreichen werden, auch das Gute, so wir wirklich besitzen, verlieren» (Wieland, Christoph Martin, «Fragmente aus Briefen vermischten Inhalts », p. 141). Reemtsma, Jan Philipp, in : Wieland, Christoph Martin, Politische Schriften insbesondere zur Französischen Revolution, vol. I, pp. xxii-xxiii. La difficulté que pose toute interprétation de Wieland apparaît, par exemple, dans les jugements divergents portés par les critiques sur l'attitude de Wieland face à l'intervention des coalisés en France (voir Rambaldi, Enrico, op. cit. p. 322 et Fink, Gonthier-Louis, «Wieland und die Französische Revolution», in: Brinkmann, Richard (éd.), Deutsche Literatur und Französische Revolution, Göttingen 1974, pp. 31-33).

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à établir clairement si, comme les historiens contemporains, ils ont été sensibles à ce problème.74 Quoi qu'il en soit, le modèle interprétatif proposé par Reemtsma n'est valable que tant que Wieland continue de chercher à formuler une position objective, ce qui, en octobre 1793, n'est plus le cas, lorsqu'il publie un article anonyme dénonçant les menées d'un ordre secret qui tenterait de rassembler les personnes victimes de la tyrannie, dans une «Befreundungsgesellschaft» 75 dont l'intention expresse serait de renverser les gouvernements monarchiques en Allemagne.76 L'auteur du récit, qui refuse de participer à un tel complot, peut être considéré comme le porteparole de Wieland. En effet, il reproduit le dilemme que l'on trouve, chez ce dernier, entre la raison et une conscience historique qui interdit de tirer les conclusions auxquelles aboutiraient, justement, les impératifs de la première : « ich hasse nur die Ungerechtigkeit, nicht die Ungerechtigen »,77 De plus, tout comme Wieland, le narrateur place ses espoirs dans la constitution existante de l'Allemagne, «die sich von selbst, nach und nach, bey zunehmender wahrer Aufklärung und nach den Zeitbedürfiiissen, zu feinern, bessern Gestalt abschleifen werden», 78 et il se montre convaincu que, de toute manière, tout changement politique que n'anticipe pas un perfectionnement moral est trop précoce.79 La publication de ce texte entraîne une réponse virulente dans le dernier numéro du Schleswigsches Journal. Le principal grief que le rédacteur de la revue adresse à Wieland est de trahir 1'Aufklärung,80 en privilégiant la contingence historique au détriment des réformes que l'Aufklärung, par sa dimension normative, invite à réaliser. Wieland, jadis l'un des premiers représentants de l'Aufklärung, puisqu'il prend résolument parti pour le statu quo d'une constitution allemande dont il attend qu'elle s'améliore d'elle-même et n'élève plus la voix contre la réaction, participe de la trahison des intellectuels : par leur silence ou le soutien qu'ils apportent aux menées bellicistes des gouvernements, ils rendent impossibles des

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Pour Mauvillon, par exemple, Wieland souhaite bien, par ses textes, transmettre une opinion, et la forme dialoguée qu'il choisit relève simplement d'une ruse destinée à tromper la censure (Schi. J. 92.ΙΠ.3 p. 379). La personne qui prend contact avec le narrateur cache son identité sous le nom de «Menschenlieb», ce qui évoque la figure du cosmopolite oublieux des réalités dont se défiait tant Wieland (Voir Weyergraf, Bernd, Der skeptische Bürger. Wielands Schriften zur Französischen Revolution, Stuttgart 1972, pp. 26-28). Wieland, Christoph Martin, «Neuer merkwürdiger Beweis des Daseyns und der gefahrlichen Thätigkeit einer französisch-teutschen Aufrührer-Propaganda», in: Politische Schriften insbesondere zur Französischen Revolution, vol. ΙΠ, pp. 196-197 [édition originale in : Neuer Teutscher Merkur, 1793, m , octobre, pp. 113-151]. Ibid., p. 198. Ibid., p. 203. Ibid., p. 203. On retrouve ici l'argument développé dans le texte de 1791 déjà cité. Wieland écrit «wider seine sonstigen Grundsätze» et le récit qu'il publie est «unwerth, in einer Zeitschrift aufgenommen zu werden, durch die ehedem, so trefliche Ideen durch ganz Deutschland verbreitet wurden »(Schi. J. 93.ΧΠ.5 pp. 479 et 485).

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réformes qui, selon le rédacteur de la revue, sont le seul moyen efficace pour empêcher l'embrasement révolutionnaire de l'Allemagne.81 L'article du Schleswigsches Journal attaque non seulement les positions politiques adoptées désormais par Wieland, mais il critique aussi ses principes d'écriture. Au lieu de rechercher la vérité, Wieland, selon lui, propage de simples rumeurs auxquelles mêmes des opposants avérés à la Révolution - en l'occurence Gentz - ne croient guère,82 et il flatte, par là, le goût du peuple pour le sensationnel. Puis le rédacteur de la revue réfute l'interprétation faite par le narrateur anonyme des causes de la Révolution : pour ce dernier, en effet, cet événement est le fruit du plan machiavélique d'une poignée de comploteurs, alors qu'aux yeux du rédacteur du Schleswigsches Journal, elle est bien davantage issue de l'incapacité de l'Ancien Régime à maîtriser les problèmes.83 La controverse menée avec Wieland consacre donc bien le passage d'une discussion entre lettrés où priment les arguments de fond à un débat au ton plus acerbe où, dans la perspective des participants, il ne s'agit plus de défendre le caractère positif d'une Révolution qu'ils rejettent de plus en plus, mais de laisser la porte ouverte à l'Aufklärung (en refusant une assimilation, à leurs yeux injuste, entre Lumières et révolution), à une époque où la condamnation de la première entraîne de plus en plus la mise en accusation de la seconde, ne serait-ce que parce qu'elle donne un poids plus grand à une critique de l'Aufklärung ébauchée avant même 1789.

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Rehberg

Rehberg illustre tout particulièrement cette évolution. Parmi leurs différents adversaires politiques, il est non seulement celui que les rédacteurs mentionnent le plus souvent, mais aussi le seul dont le nom figure dans les deux revues durant toute la période de leur publication. Ce sont d'abord des questions pédagogiques qui sont au cœur des discussions menées avec lui, et l'on a vu quelles positions Rehberg défendait en 1788. Quatre ans plus tard, dans sa Prüfung einer Erziehungskunst, il 81

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Sehl. J. 93.ΧΠ.3 pp. 4 8 8 ^ 8 9 . L'auteur du Schleswigsches Journal reprend donc ici une critique que M. Ehlers avait déjà adressée à Wieland et à laquelle ce dernier s'était efforcé de répondre en 1792 (voir Wieland, Christoph Martin, «Sendschreiben des Herausgebers des T. M. an Herrn P.** zu * * * », in: Politische Schriften insbesondere zur französischen Revolution, vol. Π, p. 380 [première édition janvier 1792]). Ibid., p. 480. Comme Wieland avait ajouté une note à l'entrée du texte du Neuer Teutscher Merkur, afin de préciser qu'il n'était pas sûr de l'existence d'une telle société secrète (Wieland, Christoph Martin, «Neuer merkwürdiger Beweis des Daseyns und der gefahrlichen Thätigkeit einer französisch-teutschen Aufrührerpropaganda», pp. 187-188), il semble que l'auteur de l'article du Schleswigsches Journal reproche précisément à Wieland de publier un récit dont il reconnaît lui-même le caractère potentiellement mensonger. Ibid., p. 486. En 1789, Wieland partageait, lui aussi, cette conviction (voir Rambaldi, Enrico, op. cit. p. 289 ; Reemtsma, Jan Philipp, op. cit., p. xxxvi).

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récidive, en accentuant ses attaques, et reproche aux Philanthropistes l'idée même qu'il serait possible d'ériger la pédagogie en une science «nach deren Grundsätzen man die Menschen zu deijenigen Vollkommenheit des Geistes und des Charakters ausbilden könne »,84 car il lui semble irréalisable de fixer a priori un certain nombre de règles qu'il suffirait ensuite d'appliquer. 85 De plus, vouloir inculquer à l'enfant des connaissances utiles supposerait que l'on sût très tôt quelle place il occupera dans la société, ce qui, on l'a noté déjà, paraît à Rehberg utopique.86 Enfin, si l'éducateur s'efforce d'appliquer un plan d'éducation, forcément artificiel, puisqu'on ne peut déceler d'emblée les dispositions naturelles de l'enfant, il finit par devenir comédien tout en suscitant, chez son élève, une inévitable hypocrisie.87 Outre la prétention de la pédagogie à devenir une science, Rehberg réfute longuement le principe de base des «néo-pédagogues» qui consiste, selon lui, à laisser l'enfant se développer conformément à la nature.88 Or, après une longue analyse de la notion de génie et de l'éducation «naturelle», telle qu'elle est vantée par Rousseau, il parvient à la conclusion qu'une telle éducation, dans la société, n'est pas plus possible que souhaitable.89 Ces considérations suscitent une longue réplique de la part de Stuve dans un texte dont l'argumentation,90 mais davantage encore le ton, a beaucoup changé, car d'une discussion sans compromis mais très courtoise91 à propos d'un certain nombre de réformes précises à apporter à l'éducation, on passe à un débat portant d'une part sur le principe même de réformes et, d'une part, sur l'action des réformateurs. En effet, Stuve constate daß unter verschiedenen Anonymis, Recensenten u.s.w. seit mehrern Jahren eine Geistes=epidemie herrscht, vermöge welcher sie jede Gelegenheit ergreifen, auf die sogenannten neuen Pädagogen zu schelten und denselben viel Böses nachzusagen. 92

Il refuse de telles attaques, arguant, à plusieurs reprises, qu'on ne saurait considérer que les «néo-pédagogues» constituent une école, tant les réformes qu'ils proposent diffèrent entre elles ; il ajoute qu'il est odieux d'attaquer ainsi une profes-

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Rehberg, August Wilhelm, Prüfung der Erziehungskunst, Meisenheim / Glan, Garber, Jörn (éd.), [reprint de l'édition originale de 1792], p. 17. Ibid., p. 21. Ibid., p. 16. Ibid., pp. 39-40. Ibid., p. 58. Ibid., p. 77. Rehberg procède toujours de la même manière dans sa critique de Rousseau. Tout en vantant l'auteur d'ouvrages qui, en général, favorisent considérablement la réflexion, il refuse catégoriquement de le considérer comme un modèle à suivre : voir pour l'Emile, pp. 84— 85 ; pour les Confessions, pp. 151-156; pour la Nouvelle Héloïse, pp. 201-203. Suite à la répression, le refus de laisser à l'Etat le droit de s'immiscer dans les problèmes d'éducation est, dans la mesure où la situation matérielle des familles le permet, de plus en plus marqué (Schi. J. 92.XI.3 pp. 318-319). Br. J. 88.VÜ.2 p. 269 ; 88.Vffl.7 pp. 475, 478. Sehl. J. 92.XI.3 p. 292.

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sion qui compte tant d'hommes justement réputés.93 Et tandis que, en plaçant sur un même plan les pédagogues soucieux d'obéir à la nature et les partisans du droit naturel,94 et en mettant en garde contre une dangereuse tendance à l'abstraction qui menace nécessairement l'ordre établi et, selon lui, légitime, Rehberg court-circuite le système de la discussion entre lettrés, Stuve, lui, défend moins, désormais, le contenu des réformes proposées par les «néo-pédagogues» que la simple possibilité de discuter en public de problèmes qui intéressent toute la société. Le premier insiste sur la menace que font porter, sur le politique, de telles discussions; le second s'efforce de la désamorcer en demandant si ceux qui font valoir la nature mettent en péril la société, et sont véritablement en mesure «in unserm Zeitalter das Publikum dermaßen zu verwirren, zu täuschen und zu betrügen, daß man Ursache hätte, öffentlich vor ihnen zu warnen? »9S Là où Rehberg se prononce pour un renforcement du contrôle étatique, Stuve tente donc de préserver l'espace d'une libre discussion. On peut mettre en lumière, à propos des sujets qui touchent à la religion, la même évolution, d'un débat courtois à une lutte en faveur de la possibilité même de discuter. Dans la Berlinische Monatsschrift, Rehberg avait publié, en avril 1789, un article intitulé «Fernere Untersuchungen über allgemeine Toleranz und Freiheit in Glaubenssachen». Stuve, le commentant dans les pages du Braunschweigisches Journal, accorde à Rehberg de l'avoir rédigé «mit eben so viel Scharfsinn als edler freier Denkart», 96 tout en dénonçant une de ses thèses qui reconnaissait le droit, pour une communauté religieuse, à excommunier ceux qui ne reconnaîtraient pas les dogmes auxquels elle se réfère.97 Reprenant une argumentation récurrente dans les deux revues, Stuve montre le caractère inquisitorial d'une Eglise qui prétendrait gouverner les opinions des hommes, il revient sur les problèmes du caractère historique des dogmes et de leur concordance avec la vérité de la religion et il admet, enfin, la possibilité qu'un corréligionnaire, tout en réfutant tel ou tel dogme, continue à agir moralement.98 Or, en vertu de la prédominance de la pratique sur la rigueur dogmatique, Stuve rejette le droit à l'excommunication, n'en acceptant la validité que lorsqu'un individu se laisse aller à des actes «die den Zweck der religiösen Gemeinschaft, der öffentlichen Belehrung und der gemeinschaftlichen Erbauung zuwider sind». 99 C'est justement la réduction dogmatique entreprise par les Aufklärer que leur reproche Rehberg, par exemple lorsqu'un des auteurs du Schleswigsches Journal, en décembre 1792, souhaiterait qu'un prix fût proposé pour déterminer les critères permettant de

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Ibid., pp. 279, 287, 289, 295, 303-304, 313. Rehberg, August Wilhelm, Prüfung der Erziehungskunst, Schi. J. 92.XI.3 p. 347. Br.J. 89.VI.2p. 139. Berlinische Monatsschrift, 1788, IV, p. 326. Br. J. 89.VI.2 pp. 145-151. Ibid., p. 153.

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pp. 147-150.

rédiger un catéchisme moderne,100 c'est-à-dire libéré, au profit de la morale, de toutes les scories dogmatiques des religions particulières.101 Rehberg, au contraire, refuse tout changement des catéchismes existants car, d'après lui, le peuple est attaché à la religion non par des maximes générales, mais plutôt par une série de détails qu'il serait, par conséquent, dangereux de supprimer.102 La réponse de Rehberg en entraîne deux dans le Schleswigs ches Journal. Il s'agit d'abord de celle que lui adresse, scandalisé, l'auteur d'un article publié en juillet 1792, qui juge que Rehberg veut le réfuter pour le simple plaisir de la réfutation, sans avoir pris la peine de le comprendre. De plus, l'auteur ne s'explique pas pourquoi Rehberg présente, de son argumentation, une image faussée, n'hésitant pas, afin de jouer sur les phobies suscitées par la Révolution, à qualifier les réformes souhaitées par les progressistes de «ungeheure Revolution». 103 Force est de noter, cependant, que Rehberg n'est pas le seul à «trahir» les règles de la discussion civile. En effet, l'auteur du Schleswigsches Journal, afin de montrer l'incohérence de son adversaire, se demande pour quelles raisons celui-ci, tout en se livrant à une critique féroce de son article, a bien pu en dire, pourtant, qu'il était «gut gedacht und schön geschrieben».104 Or, c'est là un argument malhonnête, dans la mesure où la citation exacte du texte de Rehberg étant : « [d]er Aufsatz ist gut gedacht, schön geschrieben, und figuriert vortreflich in dem Kapitel von der Religion - in einer neuen Atlantis oder Utopia», 105 son texte n'est nullement contradictoire en soi. En novembre 1792 enfin, les «Vorläufige Betrachtungen» de Rehberg inspirent à Hennings de longues considérations. Les attaques lancées par Rehberg servent simplement de prétexte à une longue défense de la liberté de pensée, et ce glissement illustre, une fois encore, le changement de ton dans les débats auxquels se livrent les publicistes, entre 1788 et 1793. Il est significatif, à ce titre, que les auteurs du Schleswigsches Journal n'évoquent pas les Untersuchungen über die

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Br. J. 91.ΧΠ.2 pp. 445M50. L'auteur de l'article reproche précisément au catéchisme de Hanovre de privilégier les questions dogmatiques (Br. J. 91.ΧΠ.2 p. 436). Rehberg, August Wilhelm, «Vorläufige Bemerkung über eine Preisfrage», in : Deutscher Merkur, 1792, IV, pp. 385-387. La fermeté des positions de Rehberg sur la réforme des catéchismes va de pair avec son évolution politique puisque, de son propre aveu, la Révolution française le fit passer du réformisme au conservatisme : «In meinen ersten Versuchen herrschte durchaus der Gedanke: bessert, damit nicht eingerissen werde». Puis, sous le coup de la Révolution «trat jener Gedanke in den Hintergrund und es war dagegen dieser hervorstehend : reißet nicht ein, was fehlerhaft ist, wenn ihr nicht sicher seid, Besseres zu machen» (Cité in Braune, Frieda, op. cit., p. 121). Ce n'est qu'à la fin de sa vie que Rehberg reviendra au réformisme. Schi. J. 92.VÜ.4 respectivement pp. 323, 330 et 324. Ibid., p. 332. Rehberg, August Wilhelm, «Vorläufige Bemerkung über eine Preisfrage», p. 382.

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französische Revolution (1793) de Rehberg,106 si ce n'est indirectement, à travers la courte et élogieuse mention du Beitrag zur Berichtigung der Urtheile des Publikums über die französische Revolution de Fichte.107 En effet, rechercher en commun ce que la Révolution française a pu apporter de positif ou déterminer les dommages qu'elle a entraînés s'avère nécessairement secondaire, dès lors qu'il s'agit de préserver la possibilité même d'une libre discussion. La dernière polémique menée avec Rehberg dans les deux revues ne concerne donc plus un sujet précis mais uniquement les modalités des débats entre publicistes. S'insurgeant contre les propos tenus par Rehberg sur les Encyclopédistes dans Y Allgemeine Literaturzeitung,108 l'auteur du Schleswigsches Journal insiste sur la nécessité de respecter un certain nombre de règles quand on use de ce bien précieux qu'est la liberté de pensée : «Und eines der ersten Gesetze ist dies : sie [die « Publicität »] nur zur Selbstverteidigung, nur zum gemeinen Besten, nie zur Schaden=freude, nie zur Kränkung Anderer zu gebrauchen». 109 Lorsque, dans sa réponse à cet article, Rebherg reproche à l'auteur d'avoir manqué lui-même aux règles qu'il énonce, en mettant en doute «nicht allein [sjeinen literarischen, sondern auch [s]einen sittlichen Charakter»,110 ce dernier rétorque qu'il n'avait nulle intention de le blesser et que son vœu le plus cher est que les écrivains cessent de se déchirer, pour unir leurs forces dans la recherche de la vérité et la quête de ce qui concerne l'Humanité tout entière.111 Les débats entre les auteurs des revues et Rehberg, durant la période 1788— 1793, laissent donc apparaître trois phases : d'abord menés courtoisement sur des thèmes précis, ils concernent bientôt le droit à la discussion et s'enveniment jusqu'à ce que, en 1793, l'appel à la modération ne l'emporte finalement dans le 106

Les critiques formulées par Rehberg à l'encontre de la Révolution et des «néo-pédagogues» présentent incontestablement une analogie structurale, car, dans un cas comme dans l'autre, Rehberg regrette que l'on ait voulu faire passer dans la pratique des systèmes purement théoriques. C'est en ce sens qu'il faut comprendre sa remarque: «Die Metaphysik hat die französische Monarchie zertrümmert und eine Revolution zustande gebracht, von deren gleichen nie gehört worden» (Cité in Lessing, Kurt, Rehberg und die Französische Revolution. Ein Beitrag zur Geschichte des literarischen Kampfes gegen die revolutionären Ideen in Deutschland, Freiburg i. Br., 1910, p. 37). Sur les positions de Rehberg durant la Révolution, voir la récente synthèse de Dongowski, Gerhard, «„Bessert, damit nicht eingerissen werde". Reformkonservativismus in der Zeit der französischen Revolution : August Wilhelm Rehberg», in: Weiss, Christoph et Albrecht, Wolfgang (éd.), Von „Obscuranten" und „Eudämonisten". Gegenaußclärerische, konservative und antirevolutionäre Publizisten im späten 18. Jahrhundert, [Literatur im Kontext. Studien und Quellen zur deutschen Literaturund Kulturgeschichte vom 18. Jahrhundert bis zur Gegenwart, 1], St. Ingbert 1997, pp. 521— 547.

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Schi. J. 93ΛΤΠ.6 pp. 512-513. Sehl. J. 92.VI.8 pp. 238-239. L'auteur ne cite pas encore nommément Rehberg, qui ne reconnaîtra la paternité de l'article de YAllgemeine Literatur Zeitung qu'ultérieurement (in Schi. J. 92.X.4). Sehl. J. 92.VI.8 p. 247. Sehl. J. 92.X.4 p. 242. Schi. J. 93.IV.6pp. 509-510.

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Schleswigsches Journal, trahissant, de la part des auteurs, une position toujours plus difficile. Quoique les débats menés avec Rehberg, Wieland, Moser et Brandes finissent parfois par se dégrader pour, finalement, porter sur la possibilité et les modalités mêmes de la discussion, ils constituent tous, initialement, des débats de fond au cours desquels chacun tente de développer l'argumentation la plus convaincante. Or, les controverses engagées dans les journaux ne revêtent pas toutes cet aspect de débats d'idées, menés, au moins au début, avec courtoisie. Au contraire, certaines prennent, d'emblée, le caractère de polémiques qui conduisent les auteurs des revues à adopter, plus où moins ouvertement, le ton agressif de leurs contradicteurs, même s'ils le blâment en un premier temps.

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Schlözer

Dès 1790, c'est moins le sujet lui-même que la manière de discuter qui est ainsi au cœur de la controverse avec Schlözer, controverse assez courte, ce qui s'explique probablement par la proximité des positions politiques défendues par Schlözer l'un des pères du libéralisme112 - et par les auteurs, qui rendait superflu un débat de fond, mais qui dut justement rendre plus amère encore la critique que Schlözer, dans le numéro 53 de ses Staatsanzeigen, avait faite de 1 'Almanack publié par Campe, lui reprochant de propager des contre-vérités et de manquer, par là, aux règles que doit impérativement respecter l'historien. L'argumentation développée par Campe dans sa réponse est double. D'une part, il entreprend de montrer que c'est bien plutôt Schlözer qui se montre incohérent dans ses récits sur la Révolution française.113 D'autre part, il nie avoir consciemment raconté quelque chose qui ne correspondrait pas à la réalité dans l'intention de tromper le public ou s'être appuyé sur des renseignements auxquels il aurait inconsidérément prêté foi,114 tout en défendant le droit de l'écrivain à l'erreur, tant qu'elle ne porte pas à conséquence sur l'interprétation globale.115 Avec de telles attaques, Schlözer a donc failli aux lois de la République des Lettres, mettant en cause, dans sa critique de l'auteur de Y Historischer Almanack non l'écrivain, mais l'homme et Campe le

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Voir la synthèse des convictions politiques de Schlözer in Warlich, Bernd, August Ludwig von Schlözer 1735-1809 zwischen Reform und Revolution. Ein Beitrag zur Pathogenese frühliberalen Staatsdenkens im späten 18. Jahrhundert, Phil. Diss., Erlangen/ Nürnberg 1972, pp. 4 2 1 ^ 4 6 . Br. J. 90.IV.5 pp. 455-462. Un article anonyme, publié en août de la même année, critique encore plus vertement les principes méthodiques mis en œuvre par Schlözer (Br. J. 90.VÜI.6). Ibid., p. 454 «Habe ich mich je einer Partei verkauft? Habe ich je die Gegenpartei nicht wollen zu Worte kommen lassen? Sind mir je die Mittel zu Nachrichten zu gelangen gleichgültig gewesen? Habe ich je ein Vertrauen gemisbraucht [...]?» Ibid., p. 471 ; pp. 463-467. Campe relève les «erreurs» qualifiées par Schlözer de dirimantes et qui s'avèrent n'être que de détail.

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convoque devant ce tribunal que constitue le public.116 Tout en condamnant Schlözer, l'auteur du Braunschweigisches Journal se laisse pourtant aller, lui aussi, à enfreindre les règles qui doivent régir la République des Lettres, car il cherche la cause du jugement porté par Schlözer, sur la Révolution, dans la haine pour la liberté qu'il avait déjà témoignée durant la Guerre d'indépendance américaine.117

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Schirach

La polémique engagée en 1791 avec Schirach est mutatis mutandis analogue. Par deux fois, en effet, Schirach fait l'objet de critiques violentes dans les deux revues. Non sans raison, si l'on songe que Schirach oublie les règles qu'il s'était imposées dans les années 1780,118 l'auteur - probablement Mauvillon - d'une lettre sur le Politisches Journal de Schirach laisse, par exemple, éclater sa colère face à la « unbegrenzte Parteisucht gegen die französische Revolution und Constitution » de ce dernier.119 Selon lui, la partialité de Schirach s'exprime dans ses analyses erronées sur la Révolution - où il voit, par exemple, le résultat d'un complot que ses instigateurs s'efforcent de propager en Allemagne120 - de même que dans les témoignages auxquels il recourt lorsqu'il cite comme une de ses sources le Vicomte de Mirabeau, en la personne duquel Mauvillon voit «ein Hauptwerkzeug der Contre=revolution».121 A la fin de son article, l'auteur met en garde son adversaire, l'engageant à ne point se hasarder à des prédictions122 sur le cours de l'Histoire mais à respecter les règles du travail d'historien.123 On trouve chez Campe une critique semblable de Schirach auquel il reproche la publication d'une parodie du poème qu'il avait rédigé sur la Constitution française de 1791 - sans le destiner au public - mais surtout d'une version tronquée de l'original. Par là, il a commis «eine aristokratische=literarische Gewaltthätig116 117 118

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Ibid., pp. 471-472. Ibid., p. 455. Holger Böning a bien mis en lumière le caractère d'organe de PAufklärung que revêt le Politisches Journal durant la première décennie de son existence («„Ein wahrer Philosophischer Royalist". Gottlieb Benedikt von Schirach und seine publizistische Tätigkeit», in: Weiss, Christoph et Albrecht, Wolfgang (éd.), Von „Obscuranten" und „Eudämonisten". Gegenaußdärerische, konservative und antirevolutionäre Publizisten im späten 18. Jahrhundert, op. cit., pp. 403-444). Br. J. 91.ΧΠ.4 p. 464. A la fin de son article adressé à Schirach, Mauvillon qualifiera ses textes de «ekelhaften Ausbrüchen [seiner] ausgetretenen Kontre=revolutionsgalle» (p. 471). Ibid., pp. 464-465 et 46SM70. Ibid., p. 468. On retrouve ce motif dans la défense de Mauvillon (Sehl. J. 92.ΕΠ.3 p. 366) et chez Knigge, dans Des seligen Herrn Etatsraths Samuel Conrad von Schaafskopf hinterlassene Papiere von seinen Erben herausgegeben in: Ausgewählte Werke in 10 Bänden, Fenner, Wolfgang (éd.), Hannover 1994, vol. 8, p. 76, [première édition 1792], Br. J 91.ΧΠ.4 p. 471.

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keit». 124 Outré de ce «crime», Campe délaisse à son tour le ton courtois de la conversation entre lettrés pour adopter un ton plus agressif.125

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Girtanner

Le premier tome des Historische Nachrichten und politische Betrachtungen über die französische Revolution (1791) suscite également des attaques sévères, portées, cette fois, par Afsprung,126 et qui vont dans le même sens que les critiques adressées à Schirach et Schlözer: l'auteur accuse Girtanner de propager des contre -vérités, tant sur la situation économique de la France que sur l'absence de liberté d'expression et sur les intentions de l'Assemblée nationale. De plus, il réprouve le portrait que donne Girtanner de la personnalité de Louis XVI, ainsi que son interprétation des causes des événements de 1789 et, en particulier, des rôles de Mirabeau et du Duc d'Orléans dans le déclenchement de la Révolution.127 Il lui reproche, enfin, de faire de la Révolution le résultat d'un complot organisé par « 1) die Wechseljuden oder Papierhändler; 2) die sogenannten Philosophen, und die 3) Physiokraten oder Oekonomisten »12S et de nier qu'elle soit une œuvre de régénération nationale, en réaction au despotisme de l'Ancien Régime.129 Plus que cet amas de contre-vérités, inévitables au regard de la méthode de Girtanner,130 c'est le ton qu'il adopte que rejette Afsprung, en dénonçant la partialité de l'auteur des Historische Nachrichten. Selon Afsprung, en effet, Girtanner « sucht überhaupt das, was das Volk [...] thut, zu verkleinern und anzuschwärzen, das hingegen, was die Ge-

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Schi. J. 92.1.4 p. 63. Dès la première page de son texte, Campe écrivait «Der Hr. ν. Schirach [...] hat sich im Novemberstück seines sehr politischen Journals einer literarischen Unbilde gegen mich schuldig gemacht» (p. 61). 125 La constance de Schirach dans les jugements haineux qu'il porte sur la Révolution sera encore raillée en 1793 (Sehl. J. 93.1.5 p. 43). 126 En 1792, l'auteur d'une critique des théories de Moser citera, sans néanmoins porter de jugement de valeur, le second tome des Historische Nachrichten und politische Betrachtungen, afin de dénoncer d'une part la «Kannibalenwuth des Pariser Pöbels» et d'autre part, les origines de la noblesse, présentées comme très différentes du modèle proposé par Moser {Schi. J. 92.IV.2 pp. 443^145). 127 Br. J. 91.IX.7 respectivement pp. 90, 91, 93-95, 96, 98-100 et Schi. J. 92.Π.2 p. 147. 128 Br. J. 91.Di.7pp. 98-99. 129 Girtanner refuse, par conséquent, de voir dans la nuit du 4 Août une renaissance du patriotisme, pour n'y voir qu'un événement ayant permis de spolier «den angesehendsten und wegen der dem Vaterlande geleisteten Dienste vorzüglichsten Theil der Nation» (Sehl. J. 92.Π.5 p. 150). 130 Selon Christof Wingertszahn, en effet, Girtanner procède dans ses écrits politiques comme dans ses textes „scientifiques": en pillant et compilant l'œuvre d'autres auteurs («Der irritable Geschichtsschreiber. Christoph Girtanners publizistische Auseinandersetzung mit der französischen Revolution», in: Weiss, Christoph et Albrecht, Wolfgang (éd.), Von „Obscuranten" und „Eudämonisten". Gegenaufklärerische, konservative und antirevolutionäre Publizisten im späten 18. Jahrhundert, op. cit., pp. 481-519).

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waltigen thun, zu vertheidigen und anzupreisen»131 et, de toutes ses forces, il tente « die Revolution zu verkleinern, und die Patrioten anzuschwärzen, so wie die Vertheidiger und Werkzeuge des Despotismus zu entschuldigen und zu loben.» 132 Outre que, par ce parti-pris, Girtanner offense les règles que devrait respecter tout écrivain soucieux d'objectivité, 133 il se montre, de surcroît, incapable de tenir un discours cohérent.134 Et Afsprung prend un malin plaisir à relever les contradictions qui parsèment le texte de son adversaire, ajoutant qu'il se rend coupable de malhonnêteté intellectuelle dans les attaques injustes qu'il lance contre les Briefe aus Paris de Campe. Quand, par exemple, Girtanner fait grief à Campe de décrire les Parisiens, alors qu'il est impossible que son court séjour de trois semaines ait suffi à les lui faire connaître, il se voit opposer la description des Créoles qu'il avait faite alors sans les avoir jamais vus.135 L'ironie récurrente d'Afsprung contre Girtanner pose cependant problème. En effet, alors qu'il en vilipende le ton partial et agressif, et appelle implicitement à ime discussion objective et courtoise, il s'abandonne lui-même aux excès de la polémique, feignant de ne point comprendre la distinction opérée par l'historien entre le gouvernement - qui, selon lui, était soucieux du bien du peuple - et la cour - qui, ayant adopté les principes du despotisme, s'opposait aux efforts du gouvernement.136 Pareillement, il affirme ne pas comprendre comment Louis XVI, conformément au portrait qu'en peint Girtanner, pouvait tout à la fois se montrer «schwach und furchtsam, aber gerecht und gut»,137 Sa critique des Historische Nachrichten, est moins honnête encore quand il prétend que son auteur, pour avoir comparé la noblesse à « einem alten ehrwürdigen Eichbaum », ignore le sens véritable des mots en vertu de cet argument: «wie könnte er sonst einen Eichbaum sey er nun jung oder alt - ehrwürdig nennen?», 138 mais elle sombre dans la bassesse quand, faisant allusion à un texte de Girtanner publié en 1788-1789, il lui reproche de ne pouvoir écrire aussi bien «über die Frankreicher als über die Franzosen». 139

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Br.J. 91.IX.7p. 88. Schi. J. 92.Π.5 p. 146. Et Girtanner lui-même fait régulièrement profession d'être «unpartheiisch» (Br. J. 91.IX.7 p. 88). En 1793 encore, l'incohérence de Girtanner sera soulignée par Halem (Sehl J. 93.1.5 p. 43). Br.J. 91.IX.7 p. 90. Ibid., pp. 90-91. Ibid., p. 96. Schi. J. 92.Π.5 p. 151. Voir aussi Br. J. 91.IX.7 pp. 92-93 où l'auteur se moque d'une expression de Girtanner qui avait affirmé: «die Grundsätze der wahren Freiheit nicht mit der Muttermilch eingesogen habe». Or, selon le rédacteur, «wie in aller Welt kann man Grundsätze mit der Muttermilch einsäugen?». Br J. 91.IX.7 pp. 88-89. Cette citation fait allusion à la spécialité médicale de Girtanner. Sur le texte de Girtanner, Abhandlung über venerische Krankheiten, voir Tränkle, Hans-Peter, „Der rühmlich bekannte philosophische Arzt und politische Schriftsteller Hofrath Christoph

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9

Zimmermann

La recension des Fragmente über Friedrich den Großen (1790) ouvre, dans les revues, une violente polémique avec Zimmermann. Ce dernier avait, en 1788, publié Ueber Friedrich den Grossen und meine Unterredungen mit ihm kurz vor seinem Tode, un texte dont le ton, au regard des nombreux détails que donne son auteur sur l'état de santé de Frédéric II, peut sembler parfois déplacé,140 mais qui trahit, surtout, les positions conservatrices, voire réactionnaires de Zimmermann. Celui-ci, en effet, présente une image délétère de Berlin et de Potsdam, durant le règne de Frédéric Π, déplorant l'irréligion et l'immoralité qui, encouragées par l'Aufklärung, y avaient libre cours,141 pour se féliciter, finalement, des décisions prises par Frédéric-Guillaume II - nouvel empereur Julien - qui tente de mettre un terme à ces débordements.142 Les Fragmente ueber Friedrich II, publiés deux ans plus tard, constituent, pour ime part, la simple reprise du texte de 1788 dont ils exacerbent, cependant, la dimension politique. Cela explique que l'auteur de la recension reproche à Zimmermann de s'en prendre, sans la connaître, à l'Aufklärung. En ce sens, la recension revient à une apologie de l'Aufklärung qui n'est nullement irréligieuse - pour autant qu'on ne comprenne pas, par religion, la stricte orthodoxie luthérienne, fondée sur les Livres symboliques143 - mais un enseignement destiné à rendre les hommes moraux. Le second pan de la défense entreprise par l'auteur de la revue concerne les moyens que Γ Aufklärung met en œuvre. Il dénonce tant les affirmations de Zimmermann, pour qui les Aufklärer appartiennent à une sorte de conjuration,144 que ses attaques contre les «néo-pédagogues» et les éditeurs du Braunschweigisches Journal. En plus de ce qu'il considère comme des mensonges, l'auteur de la recension critique vertement le ton

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Girtanner". Untersuchungen zu seinem Leben und Werk, Diss. Med., Tübingen 1986, pp. 2 2 25 ; Wegelin, Carl, «Girtanner», in: Gesnerus 14,1957, pp. 158-161. Br. J. 90.V.4 p. 32. De fait, à plusieurs reprises, Zimmermann évoque les pudenda de Frédéric, son impuissance (Zimmermann, Johann Georg v., Ueber Friedrich den Grossen und meine Unterredungen mit Ihm kurz vor seinem Tode, Leipzig 1788, pp. 114, 122, 127, 129 [...]) sans parler des anecdotes de mauvais goût dont il émaille son récit (p. 114, par exemple). Ibid., pp. 260-266. Ibid., pp.268: «Aber König Friedrich Wilhelm der Zweite mußte kommen, um den Aufklärern Berlins zu sagen: bis hieher und nicht weiter. [...] Auch ich hasse allen Gewissenszwang, und lasse einen jeden bey seiner Uberzeugung. Das aber werde ich nicht leiden, daß man in meinem Lande die Religion Jesu untergrabe, dem Volk die Bibel verächtlich machte, und das Panier des Unglaubens, des Deismus und Naturalismus öffentlich aufpflanze ». Br. J. 90.V.4 pp. 36-44. C'est en ce sens qu'il emploie, par exemple, l'expression de «Berliner Synagogue», «Aufklärungssynagogue» (Ibid., pp. 47,48, 49) - qui joue sur les liens postulés entre la francmaçonnerie et le judaïsme - ou celle de «geheimen Obern» (p. 49), qui est une allusion évidente à l'Ordre des Illuminés.

277

emprunté par Zimmermann145 dont les propos rappellent les élucubrations d'un ivrogne. La dernière partie de l'article, enfin, est une mise en garde donnée aux jeunes auteurs afin qu'ils évitent d'adopter un tel style et d'attaquer bassement leurs contradicteurs.146 Le ton de la polémique s'envenime encore davantage après que Zimmermann, acceptant de collaborer à la Wiener Zeitschrift de Hoffmann, y publie, contre les éditeurs du Braunschweigisches Journal, des articles enflammés,147 si violents que Campe annonce publiquement, dans le Schleswigsches Journal, qu'il renoncera désormais à porter une telle discussion «vor dem Richterstuhl des Publikums». 148 Dans le même temps, il déclare que les infamies prononcées contre Trapp et luimême ne les troublent ni l'un ni l'autre, parce que, pendant vingt années, ils ont appris à exprimer leurs pensées publiquement, sans jamais s'attirer l'ire des gouvernants et que « der ungestörte Genuß einer durch nichts verwirkten vernünftigen Preßfreiheit, uns gegen den Verdacht verkappter Schreibereien und geheimer Verbindungen hinlänglich schützen». 149 Cependant, ce texte de Campe est ambigu, qui affirme, tout à la fois, qu'il peut encore discuter librement mais en refusant, de facto, de débattre plus longuement avec un adversaire qu'il sait protégé par la Cour de Vienne. En dépit, donc, de la liberté de pensée et d'expression qu'il continue de revendiquer, l'article de Campe trahit les pressions politiques auxquelles il est soumis et la précarité du libre espace de discussion dont les Aufklärer avaient joui jusqu'en 1788.

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Hoffmann

C'est L. A. Hoffmann, l'éditeur et le principal rédacteur de la Wiener Zeitschrift, qui entraîne les rédacteurs des deux revues dans les polémiques les plus acerbes. Jadis partisan de Γ Aufklärung,150 celui-ci s'est peu à peu retourné contre elle pour devenir un des pères du courant réactionnaire en Autriche.151 Après 1786, il lance 145

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Ibid., p. 30 L'idée principale du texte de Zimmermann est, selon l'auteur de la recension: «Platz für den großen Ritter von Zimmermann, der die Sache Gottes und des Königs von Preußen verficht! Fort mit dir, du Aufklärungsgesindel!». Br. J. 90.V.4 pp. 65-66. Voir Sommer, Friedrich, Die Wiener Zeitschrift (1792-1793). Die Geschichte eines antirevolutionären Journals, Zeulenroda/Leipzig 1932, pp. 77-79; Ischer, Rudolf, J. G. Zimmermanns Leben und Werke, Bern 1893, p. 194. Br. J. 92.Vm.8 p. 510. Ibid., pp. 510-511. Voir la note biographique sur Hoffmann par Lunzer-Linhausen, Marianne, «Leopold Alois Hoffmann - Wiener Publizist im Schatten der Reaktion», in: Wiener Geschichtsblätter, 15, 1960, pp. 104—109. Voir Reinalter, Helmut, «Gegen die ,Tollwuth der Aufklärungsbarbarei'. Leopold Alois Hoffmann und der frühe Konservatismus in Österreich», in: Weiss, Christoph et Albrecht, Wolfgang (éd.), Von .Obscuranten' und ,Eudämonisten'. Gegenaufklärerische, konservative und antirevolutionäre Publizisten im späten 18. Jahrhundert, op. cit., pp. 221-244. L'influ-

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des attaques toujours plus farouches contre les

francs-maçons,

les Illuminés et les

Aufklärer. A la mort de Joseph II, L e o p o l d II, son frère, conscient que la presse peut constituer un excellent m o y e n de la lutte contre-révolutionnaire, charge H o f f mann d'esquisser le plan d'un journal politique. Les premiers projets proposés par H o f f m a n n sont accueillis avec réserve par l'Empereur, et c'est seulement en mai 1791 qu'il donne définitivement son accord. En décembre de la m ê m e année, H o f f m a n n lui remet le premier exemplaire 1 5 2 et publie, à la fin de 1791, un placard dans le Hamburgischer

Unpartheyischer

parution de la Wiener Zeitschrift. et fort de la « literarischen

Correspondent

( n ° 2 0 4 ) pour annoncer la

Le rédacteur de cette annonce se réjouissait haut

Contre = revolution » qui commençait à Vienne, avec la

bénédiction des souverains. En effet, es ist der Wunsch der größten Souverains von Deutschland, daß doch endllich von allen Seiten dem Wahnwitz des Zeitalters entgegengearbeitet werde, der „heimlich und auf Schleichwegen, oder offenbar und ohne Heel alle Völker so aufklären will, damit sie die Fesseln der Religion abwerfen, ihre Könige, ihre Fürsten und ihre Regierungen absetzen, und keine andere Herrschaft anerkennen, als die Herrschaft der Volks=schulmeister und der Volkskraft". 153 En dépit des pressions politiques déjà exercées sur les Aufklärer en A l l e m a g n e , Campe dans sa réponse, 1 5 4 réfute, certes, une critique fondamentale en rappelant qu'aucun p é d a g o g u e digne de c e n o m n ' a jamais souhaité établir l'irréligion, 1 5 5 mais il choisit un ton ironique qui semble au lecteur parfois pesant : 156 il j o u e sur les mots 1 5 7 et prétend, surtout, voir dans le soutien princier dont bénéficie H o f f mann la preuve que les souverains allemands ont compris que leur pouvoir est

enee de Hoffmann sur la vie politique autrichienne avait été montrée, déjà, par Valjavec, Fritz, «Die Anfange des österreichischen Konservatismus. Leopold Alois Hoffmann», in: NezlerAndelberg, Helmut J. (éd.), Festschrift Karl Eder zum 70. Geburtstag, Innsbruck 1959, p. 173. 152 Voir Fuchs, Ingrid, Leopold Alois Hoffmann 1760-1806. Seine Ideen und seine Bedeutung als Konfident Leopold II., Phil. Diss., Wien 1963, pp. 176-180. 153 Hamburgischer Unpartheyischer Correspondent, cité in Sehl J. 92.1.7 p. 97. L'expression «Wahnwitz des Zeitalters» est empruntée au texte de Zimmermann, rédigé également à la fin de 1791 : Memoire an Seine Majestät Leopold den Zweiten über den Wahnwitz des Zeitalters und die Mordbrenner, welche Deutschland und Europa aufklären wollen. 154 Nous n'évoquerons ici que les réponses faites à Hoffmann dans les pages du Schleswigsches Journal, mais les polémiques sont menées aussi ailleurs: voir, par exemple, la critique de Hoffinann par Knigge dans Josephs von Wurmbrand, Kaiserlich abyssinischen Ex-Ministers, jetzigen Notarti caesari publici in der Reichstadt Bopfingen, politisches Glaubensbekenntnis mit Hinsicht auf die französische Revolution und deren Folgen in : Ausgewählte Werke in 10 Bänden, Fenner, Wolfgang (éd.), Hannover 1994, vol. 8, pp. 95 et 123 [première édition 1792]. Voir aussi Rebmann, Andreas Georg Friedrich, Kosmopolitische Wanderungen durch einen Teil Deutschlands in: Werke und Briefe, Ritschel, Wolfgang (éd.), Berlin 1990, pp. 131, 134 et 140 [première édition 1793], 155 Schi. J. 92.1.7 p. 98. 156 Trapp ajoute à l'article de Campe (Ibid., pp. 106-109) un complément, au ton plus sérieux, dans lequel il exprime son désarroi de voir les princes soutenir la réaction au lieu de lutter, «mit dem milden Lichte der Aufklärung» (p. 108), contre la folie du siècle. 157 A Hoffinann qui menaçait de faire tomber sur les Aufklärer des «Feuerkugel», il répond, par exemple, que ses projectiles ne seront que des «Leuchtekugel» (Ibid., p. 99). 279

purement politique et qu'ils n'ont pas, en conséquence, le droit de s'ingérer dans la République des Lettres. S'ils y interviennent, c'est en tant que simples citoyens « und ihr Wort, ihre Meinung, ihr Glaube und ihre Ueberzeugungen sollen von nun an hier nicht mehr, als das Wort, die Meinung, der Glaube und die Ueberzeugung des geringsten Schulmeisters gelten».158 Toute l'ironie de Campe ne peut cacher, cependant, son désarroi face au contrôle toujours plus étroit que les gouvernements allemands exercent sur la presse. La seconde critique de Hoffmann par Campe reprend, à peu près, la même stratégie argumentative. S'appuyant sur un autre article du Hamburgischer unpartheyischer Correspondent, dans lequel ce dernier s'était félicité du succès remporté par la Wiener Zeitschrift auprès du public159 et de la collaboration de Leopold II et de Frédéric-Guillaume II - auquel Hoffmann avait également remis un exemplaire du premier numéro, qui lui avait valu, en réponse, une lettre élogieuse160 - , Campe, de nouveau, joue sur les mots, menant même à l'absurde les réflexions de l'auteur sur les notions d'aristocrate et de démocrate,161 pratiquant, par là, une dérision que l'on retrouve tout au long de l'article. Comme dans l'article précédent, Trapp ajoute, à la fin, une note sérieuse, dans laquelle, ici, il se contente de dénoncer les gasconnades et la charlatanerie de Hoffmann. 162 En affirmant que Leopold II collaborait à la Wiener Zeitschrift, Hoffmann avait, cependant, livré une arme de choix à ceux qui, à Vienne, travaillaient à sa perte. Sonnenfels, Huber et Alxinger mirent tout en œuvre pour dessiller les yeux de Leopold II.163 La position désormais délicate de Hoffmann - que les auteurs du Schlewigsches Journal n'ignorent pas164 - et les provocations lancées à Campe dans les pages de la Wiener Zeitschrift165 expliquent certainement l'agressivité du troisième article que ce dernier rédige contre son adversaire, bien que, déjà, il ait

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Ibid., p. 101. C'est de cette même argumentation que jaillit la joie feinte de Campe lorsqu'il se réjouit à l'idée que les souverains ne recourront plus à la censure (p. 98) et que des attaques calomnieuses ne seront plus guère possibles, dans un tel Etat (p. 105). Cité in Schi. J. 92.Π.7 p. 243. Ibid., p. 243-244. La réponse de Frédéric-Guillaume sera publiée dans la Wiener Zeitschrift en mars 1792 (pp. 273-274). Ibid., pp. 249-253. Ibid., p. 256. Sur la polémique entre Campe et Hoffmann, voir Sommer, Friedrich, op. cit., pp. 64-71. Sur ces luttes d'influence à la cour de Vienne, voir Fuchs, Ingrid, op. cit., pp. 183-188. Hoffmann avait eu beaucoup de mal à trouver des collaborateurs pour son journal. Et l'un des plus éminents auteurs qu'il avait fini par recruter, J. B. v. Alxinger, entama, après une courte collaboration à la Wiener Zeitschrift, une croisade contre Hoffmann qu'a bien résumée E. Probst («Johann Baptist von Alxinger», in: Jahrbuch der Grillparzer Gesellschaft, 1, 1897, pp. 195-196), croisade dont le point culminant sera la publication, en 1792 puis, en 1793, de XAnti-Hoffmann. Que les critiques de Alxinger envers Hoffmann étaient connues bien avant la parution de ce texte est attestée par une remarque de Mauvillon en mars 1792 (Sehl. J. 92.ΙΠ.3 p. 380). Wiener Journal, 1792, vol. 1, pp. 39, 54-84, 232.

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été mis en demeure, par son souverain, le Duc de Brunswick, de montrer davantage de modération dans ses écrits. Ce qui importe dans ce texte est moins la réutilisation par Campe de procédés ironiques employés déjà dans les deux articles précédents166 que sa tentative d'invalider certaines des critiques ou des attaques formulées par Hoffmann. Ainsi réitère-t-il son refus des révolutions,167 sans pour autant revenir sur un certain nombre de ses principes, concernant le rôle qui revient aux intellectuels dans les processus de réforme168 ou la nécessaire liberté de communication de la pensée et, conséquemment du secret postal.169 Que les Aufklärer se montrent, à la fin du dix-huitième siècle, très sensibles à la défense du secret postal170 a précisément partie liée avec les attaques de Hoffmann qui, dans un article publié dans la première livraison de la Wiener Zeitschrift, avait légitimé l'interception du courrier par le pouvoir en place, défendant ainsi une pratique que Knoblauch, entre autres publicistes, remettait fortement en question à cette époque.171 En 1791 déjà, Knoblauch s'oppose dans le Neuer Teutscher Merkur à de telles méthodes, affirmant qu'une lettre est propriété privée et que l'Etat doit donc en garantir l'inviolabilité. Il ne tolère qu'une seule restriction à cette règle et admet l'interception des lettres, lorsque leurs auteurs sont soupçonnés d'attenter à la sécurité de l'Etat.172 Dans le Schleswigsches Journal, le droit au secret postal nié par Hoffmann est au centre encore d'un texte de Mauvillon173 et d'un autre de Knoblauch.174 Ce dernier

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Pour la troisième fois, Campe brode en effet sur le motif des «Feuerkugeln» pour montrer, au terme d'une longue démonstration qui prétend être comique, que les boulets de Hoffinann ne sont que des boules puantes lancées par un jésuite (Sehl. J. 92.ΠΙ.1 pp. 259-277 ; sur ce motif, voir déjà Sehl. J. 92.1.7 p. 99 ; 92.Π.7 p. 246). Schi. J. 92.ΙΠ.1 pp. 282-283. Ce qui vaut personnellement pour Campe vaut également pour les autres pédagogues réformateurs et en particulier les Philanthropistes, accusés par Hoffinann de fomenter des révolutions (pp. 286-287). Ibid., p. 283. Ibid., pp. 284—286. Voir supra chapitre V, § 3. 1. Wiener Zeitschrift, 1792, vol. Π, pp. 97.100. Knoblauch, Karl v., «Etwas über das Recht eines Staats, Briefe, die an ihn nicht geschrieben sind, zu erbrechen und zu unterschlagen», in: Teutscher Merkur, 1791.IX.4, pp. 139-142. La défense du secret postal entreprise par Knoblauch n'est point purement spéculative, puisqu'une lettre que lui avait écrite Mauvillon avait été saisie par les services du Landgrave v. Hesse (Knoblauch y fait directement allusion dans l'article déjà mentionné du Neuer Teutscher Merkur). Schi. J. 93.ΠΙ.3. Hoffinann, en effet, avait attaqué publiquement Mauvillon, dans un texte de la Wiener Zeitschrift intitulé «Über das Recht und Nicht=recht Briefe zu erbrechen und zu unterschlagen » (92.1.7) où il renvoyait à la correspondance entretenue par ce dernier avec Ernst W. Cuhn et Knoblauch. Même s'il dénonce vertement l'impudence de Hoffinann (p. 342), le contenu des lettres interceptées et la gravité des accusations portées par celui-ci contraignent Mauvillon à une longue justification dans laquelle il tente de conjuguer sa sympathie pour la Révolution - qu'il comprend essentiellement comme la fin de la suprématie du catholicisme et dont il ne souhaite l'extension en Allemagne que pour autant qu'elle aboutira à la conversion au protestantisme des princes catholiques (pp. 353-358) - et son profond loyalisme envers son souverain (pp. 350, 376).

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adopte, toutefois, un ton moins agressif que celui qu'on relève chez Campe, et il ne se donne pas plus la peine de réfuter les arguments de Hoffmann que Halem ne le fait dans l'article qu'il publie dans le même numéro.175 Ni l'un ni l'autre ne semblent prendre Hoffmann plus au sérieux, après la mort de Leopold II. De fait, Hoffmann, qui n'avait cessé de perdre en influence dans les premiers mois de 1792 se retrouve complètement isolé après l'avènement de Franz II et ses brûlots ne représentent plus guère un danger pour les deux revues. Le dernier renvoi qui le concerne, en novembre 1793, indique bien qu'il n'est plus le rival redoutable qu'il était encore quelques mois plus tôt. Schmettow, en effet, se permet d'attaquer vigoureusement l'Ordre des Eclectiques dans lequel il voit une association de fanatiques, ennemis des Lumières. D'après lui, le chef de cet ordre était l'Empereur Leopold, qui se servait des ennemis déclarés de l'Aufklärung pour lutter contre elle : «Ein Theil [des membres] diente ihm zu Spionen, z.B. unter den deutschen Prof. Hofmann, D. Kob, Jacob Königsberger etc., welche sich in Wien aufhielten. Andre sollten gegen Aufklärung und Philosophie zu Felde ziehen. In dieser Rücksicht war er mit Ritter Zimmermann, Markardt und Kotzebue in Connexion gekommen». 176 Sans représenter, donc, à ce moment-là, un danger réel pour les auteurs, Hoffmann, cependant, reste, pour eux, le prototype de l'adversaire acharné de l'Aufklärung, et son journal l'exemple parfait de la violence qui s'exprime dans les revues conservatrices, à la fin du dix-huitième siècle.177 Les controverses menées dans le Braunschweigisches et le Schleswigsches Journal font donc apparaître un certain nombre de constantes : les adversaires des deux revues les focalisent de plus en plus sur la Révolution et les attaques qu'ils portent contre cette dernière reviennent à une dénonciation, toujours plus radicale, de l'Aufklärung contre laquelle certains d'entre eux mettaient en garde avant même 1789. Quant aux auteurs des revues, de plus en plus sur la défensive, ils mettent davantage l'accent sur le droit, d'une part, à mener des débats, même sur de brûlants sujets d'actualité,178 et sur la nécessité, d'autre part, de respecter, durant ces échanges, les règles de cette sorte de civilité qui doit, selon eux, régir la République des Lettres.

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Schi. J. 92.V.4. Schi. J. 92.V.5. Schi. J. 93.XI.4 p. 363. Il faut noter que l'image tracée, ici, de l'Ordre des Eclectiques, ne correspond nullement à la vérité (voir Paul, Karl, Abriß der Geschichte des Eklektischen Freimaurer-Bundes, vol. 1, 1766-1823, Frankfurt/M. 1874). Le parti qui souhaite «unsem Rückschritt in die alte Barbarei und Finsterniß auf alle mögliche Art zu bewirken sucht» utilise, selon un des rédacteurs du Schleswigsches Journal, «die Wiener Zeitschrift, dieses abscheuliche Magazin der Dummheit, Bosheit und Niederträchtigkeit» (Sehl J. 93.X.4 pp. 236-237). L'influence croissante des polémistes contre-révolutionnaires entraîne une relativisation de l'image donnée de l'imprimerie, dans les revues. Initialement montrée comme l'instrument de propagation des Lumières (voir Br. J. 88.1.4 pp. 48-49 ; 91.IV.5 p. 473), l'imprimerie est, par la suite, perçue aussi comme un moyen de lutte contre elles (Schi. J. 92.VI.6 p. 200).

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Vili La sociabilité éclairée : règles et institutions

Les auteurs du Braunschweigisches et du Schleswigsches Journal, confrontés au «Verfall der literarischen Öffentlichkeit» 1 que laissent apparaître les différents débats, entre 1788 et 1793, s'efforcent de sauvegarder l'espace de libre discussion que devaient constituer les deux revues. Les débats qui y sont menés sont donc indissociables d'une réflexion sur la fonction sociale de l'écrivain.

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Les règles de la communication entre lettrés

La conception de la fonction de l'écrivain telle qu'elle se dégage au fil des pages, le fait apparaître comme l'éducateur du public, comme celui qui, dans sa quête intransigeante de la vérité,2 doit «belehren». 3 Tout à la fois porte-parole et phare de l'Humanité, 4 il a comme mission de projeter une lumière nouvelle 5 sur des sujets intéressant la collectivité (« gemeinnützig ») 6 et susceptibles, par conséquent, de lui être utiles. L'utilité est même une notion si capitale, aux yeux des rédacteurs, qu'ils en font un des principaux critères d'appréciation d'un livre.7 L'écrivain, cependant, ne doit pas essayer d'imposer son opinion au public. 8 C'est ainsi que l'un des auteurs du Braunschweigisches Journal peut réfuter Zim-

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Bürger, Christa, «Literarischer Markt und Öffentlichkeit am Ausgang des 18. Jahrhunderts in Deutschland», in: Bürger Christa, Bürger, Peter et Schulte-Sasse, Jochen (éd.), Außclärung und literarische Öffentlichkeit, [Hefte für kritische Literaturwissenschaft, 2], Frankfurt/M. 1980, p. 168. Sur le motif de la «Freimütigkeit» de l'écrivain, voir Br. J. 88.Π.5 p. 239; 88.XI.9 p. 376; 89.IV.8 p. 495 ; 90.Vm. 11 p. 510 ; 91 .VD.4 p. 371. Br. J. 88.ΙΠ.3 p. 304; 88.VI.4 p. 239; 88.VII.6 p. 380; 88.VUI.3 p. 425; 89.V.8 p. 113; 89.X.7 p. 231 ; Sehl. J. 92.ΠΙ.1 p. 284; 93.1.3 p. 25. Sur ces motifs, voir Br. J. 90.X.2 p. 353; 90.ΧΠ.4 p. 502; 91.IV.5 p. 460; 91.V.3 pp. 49 et 53 ; Schi. J. 92.X.1 pp. 172 et 177 ; 93.ΠΙ.3 p. 279. Br. J. 88.ΙΠ.7 p. 386 ; 88.IV.7 p. 502 ; 88.V.7 pp. 76 et 90 ; 88.VÜ.6 p. 375. Br. J. 88.IV.7 p. 512; 88.VÜ.6 pp.374 et 380; 88.Vm.5. p. 458; 90.IX.1 p. 2; 91.VU.5 pp. 374 et 376 ; Sehl J. 93.VII.12 p. 405. En retour, un livre dont le sujet est trop personnel ou intéresse un public trop restreint ne vaut pas la peine d'être imprimé : Br J. 88.V.7 p. 107. Voir Br. J. 88.IV.7 p. 499 ; 88.V.7 p. 115 ; 88.VI.4 p. 239 ; 89.XI.3 p. 347 ; 90.IV.6 p. 487 ; 90.IX.5 p. 104; 91.ΙΠ.5 pp. 324-325; 91.V.3 p. 57; 91.VII.5 p. 376; Sehl. J. 93.VI.7 p. 254. La conscience d'avoir été utile et, de ce fait, patriote est souvent la seule récompense qu'ambitionnent les auteurs (voir Br. J. 88.V.7 p. 107; 89.IV.8 p. 487; 91.IX.5 p. 56; 91.ΧΠ.1 p. 403). Br. J. 90.V.4 p. 57. Sur l'avantage de la controverse dans la recherche de la vérité voir Br. J. 91.VÜI.6 p. 497.

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mermann, en affirmant qu'il ne suffit pas de proclamer une «vérité» pour qu'elle soit véritablement vraie.9 L'écrivain est tenu de se préoccuper, bien davantage, de chercher à susciter des échos 10 et d'amener à la rectification d'erreurs qu'il aurait éventuellement commises," afin que jaillisse une discussion qui permettra, finalement, au public, de choisir la meilleure proposition.12 Et il faut que les écrivains et publicistes qui participent à de tels débats s'efforcent de respecter, toujours, un certain nombre de règles. L'exigence principale qu'ils s'imposent dans leur recherche collégiale est de conserver un ton et une rigueur dignes du « Wahrheitsforscher ».' 3 Un texte de Fr. Schulz, d'après la recension qui en est faite, en octobre 1790, illustre les qualités d'un texte rédigé dans un tel esprit : son travail, en effet, «zeichnet sich durch unpartheiische, lichtvolle, interessante und zwecksmäßig vollständige Darstellung der Personen und Begebenheiten aus». 14 Parmi les recommandations méthodiques que livre implicitement cet éloge, et auxquelles doit se soumettre quiconque participe à la discussion, la plus impérative est donc l'impartialité, qui constitue un véritable leitmotiv.15 Lorsqu'il arrive à Paris, Campe s'empresse d'exposer à Trapp la façon dont il procédera en rédigeant ses Briefe. Il est conscient de ne pouvoir être tout à fait rigoureux : Bei dem kreisenden Wirbel meiner Vorstellungen und Empfindungen, den ich für jetzt noch nicht aufzuhalten vermag, muß ich entweder gar nicht oder so schreiben, wie die Dinge sich mir darstellen und wie ich sie empfinde, 16

mais il lui indique, toutefois, qu'il a l'intention de tracer un tableau vivant de la situation à Paris et d'expliquer les tenants et les aboutissants de la Révolution qui 9 10

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Br. J. 91.VIII.6 p. 497. Br. J. 88.1.1, p. 7; 88.1.7 p. 102; 88.Π.5 p. 225; 88.ΠΙ.1 p. 269; 88.IV.6 p. 476; 88.VI.4 p. 251; 88.XI.8 p. 370; 89.1.4 p. 74; 89.V.8 p. 118; 90.V.8 p. 128; 90.X.7 p. 441 ; 91.Π.4 p. 238 ; 91.DL2 p. 271 ; 91.IV.5 p. 470; 91.IV.6 p. 485 ; 91.IX.5 p. 56; Schi. J. 92.XI.3 p. 298 ; 93.1.1 pp. 1-4. Certains auteurs, en retour, n'affirment avoir écrit leur article que parce que le public avait été invité à participer au débat (Br. J. 88.XI.3 p. 289; 89.Π.2 p. 155; 90.V.7 p. 107). Même lorsque les thèmes traités sont d'une actualité moins brûlante et d'une portée moins décisive, comme dans le cas d'un problème de traduction ou d'une question sur l'histoire antique, c'est le même modèle qui est à l'œuvre (voir Br. J. 89.IV.2 p. 409; 89.XI.4 p. 363 ; 90.1.6 p. 105). L'un des moyens fréquemment utilisés pour susciter de tels échos est la création de prix décernés à la meilleure contribution sur un sujet donné : voir Br. J. 88.ΙΠ.5 p. 339 ; 88.VI.5 ; 89.Π.4 pp. 233-236. Br. J. 88.VÜ.5 p. 362; 89.IV.2 p. 411; 89.V1.3 p. 215 ; 90.1.7 pp. 116-118; 90.K.1 p. 43; 90.X.5 p. 432 ; Sehl. J. 93.VII.2 p. 269. Br. J. 89.XI.3 p. 347. Br. J. 89.1.7 p. 120 ; 90.1.7 p. 118 ; 90.VÜ.1 p. 258 ; 90.VID.il p. 258. Br.J. 90.X.7 p. 446 ; pour la même problématique, voir Br. J. 91.ΧΠ.4 p. 471. Br. J. 88.ΠΙ.1 p. 269; 88.ΠΙ.3 p. 304; 88.Vm.7 pp. 475 et 478; 88.VHI.8 p. 501 ; 88.X.7 p. 245 ; 89.ΙΠ.4 p. 358 ; 89.ΠΙ.5 p. 374 ; 89.V.6 p. 97 ; 89.VII.2 p. 288 ; 90.1.7 p. 119 ; 90.VÜ.1 p. 259; 90.Vm.ll p. 503; 90.XI.7 p. 363; 91.ΙΠ.1 p. 257; 91.IV.5 p. 477; Sehl. J. 92.VH.6; 93.vm.7 p. 519. Br. J. 89.X.7 p. 230.

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s'opère en France, à l'été 1789.17 Au moment précis où il se sait la proie de la subjectivité, il affirme donc son intention de conserver un peu de cette lucidité sans laquelle il ne saurait s'opposer aux rumeurs qui circulent sur la Révolution,18 exprimant ainsi toute la tension inhérente à la forme épistolaire, partagée entre la subjectivité et un sentiment d'objectivité que facilite l'identification entre l'auteur et le lecteur.19 On retrouve, en outre, la même tension dans la Préface des Briefe aus Paris. Campe y écrit que son ouvrage est tout à la fois « der erste Erguß eines irisch gerührten und für die überschwengliche Menge neuer Empfindungen und Ideen [...] zu enge gewordenen Herzens» et «die Geschichte der Empfindungen eines einzelnen menschlichen Zuschauers», mais, d'un autre côté, il prétend que les écrivains, par leur fonction de conseillers de l'humanité, sont quasiment les interprètes d'une Providence que, pour sa part, il déchiffrera dans son texte.20 De ce souci d'objectivité découlent un certain nombre de principes méthodologiques qu'illustrent le mieux les Briefe aus Paris : se rendre en personne sur place peut contribuer à une meilleure compréhension des choses. Dans cette perspective, on peut interpréter de manière quasi métaphorique ce qu'écrit Campe lorsque, assistant à une séance de l'Assemblée nationale, il ne comprend d'abord rien, puis perçoit de mieux en mieux ce qui se déroule autour de lui : «bis dahin aber war ich so gut als taub ».21 II est indispensable de recourir à des sources22 ainsi que de les vérifier et d'adopter une attitude critique à leur égard. Et l'auteur, lorsqu'on lui reproche son peu d'objectivité, proteste, on l'a vu, de sa bonne foi: «Sind mir je die Mittel zu Nachrichten zu kommen gleichgültig gewesen? » Plus loin, il écrit encore : « Ich habe vielmehr Seiten, Blätter und ganze Bogen durchgestrichen, so oft ich von der Wahrheit oder Gemeinnützigkeit, wenigstens Unschädlichkeit dessen, was ich aufgezeichnet hatte, nicht bis zur völligsten Überzeugung gewiß war». 23 L'examen méticuleux des sources doit, enfin, être conjugué avec une grande cohérence du discours.24 C'est justement parce qu'il a le sentiment de respecter ces impératifs de l'écrivain en général, et de l'historien en particulier que

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Ibid., pp. 228-229. De fait, il veut montrer que les réalités qu'il découvre sont bien différentes de ce qu'on peut en lire «in öffentlichen Blättern» (ibid., p. 230). Voir les analyses sur le sens de la forme épistolaire dans Jäger, Hans-Wolf, in : Campe, Joachim Heinrich, Briefe aus Paris zur Zeit der Revolution geschrieben. Mit Erläuterungen, Dokumenten und einem Nachwort von Hans-Wolf Jäger. [Texte zum literarischen Leben um 1800, 3], Hildesheim 1977, [reprint de l'édition de 1790], pp. 82-86. Br. J. 90.1.3, respectivement pp. 67, 68 et 70. Br. J. 90.1.1 p. 6. On a noté déjà que la source la plus décisive de Campe, durant son séjour à Paris est, de façon avouée, le Tableau de Paris (voir Br. J. 89.XI.1 pp. 266-267 et 302). Parfois aussi, l'emprunt reste tacite : voir la description dans 89.XI. 1 pp. 272-273. Br. J. 90.IV.5 p. 454 et 90.X.7 p. 442. Voir aussi Br. J. 89.ΧΠ.2 pp. 4 5 2 ^ 5 4 . Plus généralement, il faut se méfier de toute généralisation hâtive qui ne s'appuierait que sur un petit nombre de faits (Br. J. 91.ΧΠ.1 pp. 387-388). Voir Br. J. 91.ΧΠ.1 p. 388 ; Sehl. J. 93.VIII.7 p. 534.

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Campe s'insurge contre les accusations formulées par Schlözer à s o n encontre. 2 5 S e s protestations sont d'autant plus virulentes que, selon lui, son détracteur a adopté un ton acerbe et donc tout à fait déplacé dans une querelle entre lettrés, 26 et qu'il a attaqué n o n l'auteur, mais l ' h o m m e , conduite impardonnable qui rabaisse sa critique au rang d'une calomnie. 2 7 Dans le sillage de c e refus des attaques personnelles, lors des discussions entre clercs, s'inscrit la critique des recensions

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surtout de celles qui sont publiées sans n o m d'auteur 2 8 - et plus généralement la désapprobation de l'anonymat. 2 9 Les auteurs des deux revues n e cessent de rejeter des textes qui manquent aux règles de la discussion, textes qu'ils appellent alors des « Pasquille » 3 0 o u des « Schmähschriften ». 31 Après que les publicistes, en suivant c e s différentes règles, ont e x p o s é leurs arguments, ils doivent s ' e n remettre au public, dernier j u g e en la matière, écouter la « n i c h t trügende [...] Stimme des P u b l i k u m s » , respecter « d e n Richterstuhl des unparteiischen Publikums » et soumettre les injustices « d e m höchsten Richter der Schriftstellerwelt, d e m Publiko », 3 2

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Br. J. 90.IV.5 passim. Voir aussi la dénonciation du ton de «Marktschreier» adopté par certains: Br. J. 88.X.8 p. 248 ; 89.VDI.4 p. 420 ; 90.V.4 p. 54 - ici, c'est Zimmermann qui utilise le terme pour dénigrer les «néo-pédagogues» - ; Schi. J. 92.XI.3 p. 343. Maints articles, dans les deux revues, illustrent en revanche cet idéal d'une discussion courtoise; voir, par exemple, Br. J. 88.VD.4 pp. 319, 340 et 342 ; 89.1.4 pp. 73-75 ; 89.IV.2 p. 425 ; 89.IV.3 p. 426 ; 90.1.6 p. 104 ; 90.XI.5 p. 316; 91.IX.8 pp. 125-126; Schi. J. 92.XI.2 pp. 277, 281,284. Sur le refus des attaques personnelles, voir également Br. J. 89.1.7 p. 104; 89.X.8 p. 255; 90.V.4 p. 52; 91.IV.5 p. 475; 91.V.4 p. 75; Sehl. J. 92.1.7 p. 107; 92.VÜ.4 p. 322; 92.XI.3 pp. 276, 292-293 et 338; 93.1.1 p. 2.; 93.VI.9 p. 260; 93.Vn.13 p. 412; 93.VID.1 p. 429. VoirBr.J. 91.ΠΙ.1 pp. 253-256; 91.VHL6 p. 510: Sehl. J. 92.XI.3 pp. 292-293; 93.1.3 p. 32; 93.X.4 p. 235. Voir Br.J. 90.VI.5 p. 211 ; 91.ΙΠ.1 pp. 254-255 ; 91.Vffl.2 p. 465. D'un autre côté, les auteurs approuvent l'anonymat quand ils s'agit de se mettre à l'abri des cabales ourdies par des clercs irrespectueux des règles de la communication entre lettrés (voir Br. J. 91.VD.5 p. 382). Schl.J. 91 .IV.5 p. 470 ; 93.VI.7 p. 257 ; 93.X.4 p. 238. Voir Br. J. 91.VÜI.2 qui constitue la tentative de définir une «Schmähschrift». Dans le même champ sémantique de la dénonciation de comportements indignes d'un écrivain, on peut citer «verleumden» (Br. J. 90.VI.5 p. 205), «verkleinem» (Br. J. 90.VI.5 p. 210), «schmähen» (Br. J. 91.IV.5 p. 472; 91.XI.4 p. 302), «verachten» (Schi. J. 92.XI.4 p. 379; 93.VÜI.7 p. 522) et leurs composés, «calumniös» (Schi. J. 93.VI.7 p. 258). La dénonciation des publications calomnieuses n'est pas, cependant, l'apanage des auteurs des deux revues qui, à plusieurs reprises, doivent eux-mêmes se défendre d'avoir écrit des «Pasquillanten» (Br. J. 90.VI.5 p. 223). Sans doute ces critiques se rattachent-elles, comme en France, à toute une tradition dénonçant les écrits injurieux (voir Kapp, Volker, «Satire et injure au XVIIIe siècle. Le conflit entre la morale et la politique dans le débat sur les libelles», in: Cahiers de l'Association internationale des Etudes françaises, 36, mai 1984, pp. 155-165). Br. J. respectivement 89.V.3 p. 70; 91.ΠΙ.1 p. 242; 91.IV.5 pp. 461^162 [p. 461, on trouve déjà l'expression «das hohe Oberappellationsgericht des Publikums»]; sur ce motif, voir également 88.ΙΠ.7 pp. 387 et 391; 88.Vm.5 p. 459; 88.X.7 p. 234; 89.IV.8 p. 495; 90.V.4 p. 52; 90.V.7 p. 120; 90.XI.7 pp. 340 et 364; 91.IV.5 p. 478; 91.V.4 p. 78; Sehl. J. 92.VÜI.5 p. 466; 92.XI.3 p. 277; 93.VE13 p. 412; 93.Vm.l p. 413.

286

Les rédacteurs des deux revues adhèrent tous à cette conception de la tâche du publiciste et de l'écrivain qui, à leurs yeux n'est pas isolé, mais dont l'effort ne peut être compris qu'à la lumière des rapports qu'il entretient avec les autres, au sein d'une «République des Lettres» («Gelehrtenrepublik») 33 appelée, dans sa totalité, à œuvrer dans une perspective réformatrice.34 Les nuances qu'on peut faire apparaître, entre le Braunschweigisches et le Schleswigsches Journal, sont, d'une part, de pure contingence : que l'on compte, par exemple, plus d'indications sur les critères de qualité d'un livre, dans le premier, s'explique par l'existence de la rubrique qui y est consacrée aux recensions, et que l'on ne trouve pas systématiquement dans le second. Et si, dans ce dernier, les appels au public afin qu'il participe aux débats de la revue deviennent si rares, cela est dû, semble-t-il à l'isolement croissant de ses rédacteurs,35 comme aux pressions politiques, toujours plus fortes, au fil des années. Peu à peu, en effet, ce qui importe n'est plus de confronter des opinions divergentes, mais, plus essentiellement, de défendre le droit à la libre discussion. Les fins apologétiques du renvoi à la notion de République des Lettres deviennent, dès lors, manifestes. Ainsi Mauvillon, accusé de prêcher la révolution dans sa correspondance, se réfère-t-il implicitement à ce modèle, lorsqu'il affirme entretenir une correspondance purement philosophique.36 De même, lorsque Campe est acculé à la défensive, par la publication d'un poème de sa main qui vante la Constitution, il accuse, on l'a noté, Schirach d'avoir, en le publiant, violé les lois de la République des Lettres et commis eine aristokratisch=literarische Gewalttätigkeit, die in der Gelehrten=republik, welche [...] keine aristokratische, sondern eine rein demokratische Verfassimg hat, nicht geduldet werden kann. Ich klage ihn deshalb bei dem hohen Tribunal dieser Republik, dem Publiko, an, und begehre, daß fo[r]thaner Unfug öffentlich geahndet werde. 37

Et, confiant dans la puissance de la publicité, il attend d'elle qu'elle le protège des attaques d'un critique qu'il ne peut, dans ces conditions, mieux dégrader qu'en le taxant d'aristocrate. Etant donné, par conséquent, l'emploi qu'implicitement ou explicitement, les auteurs des deux revues font de la notion de «Gelehrtenrepublik», 38 force est de s'interroger sur les modèles qui la structurent. On pourrait, ainsi, être tenté d'y voir 33 34 35

36 37 38

Sur l'importance de la « Geselligkeit », voir aussi Br.J. 91 .ΙΠ.5 p. 313. Br. J. 88.1.4 p. 52 ; 89.Π.4 p. 225 ; 89.Vffl.4 p. 420. Knigge, dans Des seligen Herrn Etatsraths Samuel Conrad von Schaafskopf hinterlassene Papiere von seinen Erben herausgegeben in: Ausgewählte Werke in 10 Bänden, Fenner, Wolfgang (éd.), Hannover 1994, vol. 8, p. 50 [première édition 1792], se fait l'écho de cet isolement lorsqu'il montre la joie de Schaafskopf songeant «daß gewiß von zwölf Bogen, die jemals sind gedruckt worden, elf mit unseren Grundsätzen angefüllt sind». Schi. J. 92.ΠΙ.3 p. 346. Sehl. J. 92.1.4 pp. 63-64. Si la notion de « Gelehrtenrepublik » reste à préciser, le terme de « Gelehrter » semble, lui, faire l'unanimité (voir à titre d'exemple, la définition donnée par Friedrich Cari Trant citée in Br. J. 91.Π.3 p. 212).

287

une réminiscence littéraire et plus exactement une allusion à Klopstock. Son livre, Die Deutsche Gelehrtenrepublik. Ihre Einrichtung. Ihre Gesetze. Geschichte des letzten Landtags. Auf Befehl der Aldermänner durch Salogast und Wlemar, (Hamburg, 1774), avait, il est vrai, suscité à sa parution des réactions contradictoires et déplu même à certains Aufklärer par sa «Verachtung gegen alles Ausländische» et son «übel verstandner Patriotismus». 39 Cette critique avait, pourtant, perdu de sa force en 1789, et la correspondance privée de Campe, par exemple, laisse transparaître l'estime dans laquelle il tenait Klopstock.40 De plus, à l'instar de ce dernier, les auteurs des revues semblent reconnaître une dignité toute particulière à la fonction d'historien et ils partagent avec lui un intérêt profond pour la culture et la langue allemandes. Que Campe, en 1778, ait publié le texte de Klopstock Ueber die deutsche Rechtschreibung, en annexe à la seconde partie de sa Sammlung einiger Erziehungsschriften, paraît aussi, en un premier temps, appuyer l'hypothèse d'une influence directe de cet auteur, de même que l'expression «gelehrte Zünfte» qui figure dans le Braunschweigisches Journal.41 Néanmoins, l'utilisation ironique de ce terme - ailleurs, dans le texte, on trouve une dénonciation de la « Zunftsprache »42 - interdit de voir, en dernière analyse, en Klopstock le référent de la «Gelehrtenrepublik» pour les rédacteurs des revues. De surcroît, celui-ci n'était pas le seul homme de lettres à entreprendre une vigoureuse défense de la langue allemande. On pourrait ainsi renvoyer au programme que Herder exposait dans son « Idee zum ersten patriotischen Institut für den Allgemeingeist Deutschlands», dont le triple objectif était de défendre la langue allemande, d'élaborer une histoire de l'Allemagne et, enfin, de contribuer à la naissance et à la prospérité de la Nation allemande.43 Enfin, la Gelehrtenrepublik de Klopstock était une sorte de réponse, sur le plan littéraire, à son projet - finalement avorté - de 1768 de créer ime réelle République des Lettres44 et le caractère éminemment

39

40

41 42 43

44

Christian Garve, cité in Kozielek, Gerhard, «Klopstocks „Gelehrtenrepublik" in der zeitgenössischen Kritik», in: Werner, Hans-Georg (éd.), Friedrich Gottlieb Klopstock. Werk und Wirkung, [Wissenschaftliche Konferenz der Martin-Luther-Universität Halle-Wittenberg im Juli 1974], Berlin 1974, p. 57. Voir les lettres de Campe à Klopstock publiées in Leyser, Jacob, Joachim Heinrich Campe. Ein Lebensbild aus dem Zeitalter der Aufklärung, Braunschweig 1877, vol. 2, pp. 114-117. Br. J. 90.VÜ.5 p. 380. Br. J. 91.HI.5 p. 324. D'après Dülmen, Richard van, Die Gesellschaft der Aufklärer. Zur bürgerlichen Emanzipation und aufklärerischen Kultur in Deutschland, Frankfurt/M. 1986, pp. 77-78. Sur le «Wiener Plan», c'est-à-dire la proposition, faite par Klopstock à Joseph d'Autriche, de créer une Académie des Sciences destinée à encourager la culture allemande, voir Kirschstein, Max, Klopstocks Deutsche Gelehrtenrepublik, [Germanisch und Deutsch, 3], Berlin 1928, pp. 81-91. De manière plus générale, Ulrich Dzonek, Claus Ritterhoffet Harro Zimmermann considèrent que le projet de Klopstock est ce que la bourgeoisie allemande, isolée et hétérogène comme elle l'était alors, pouvait produire de plus progressiste («Bürgerliche Oppositionsliteratur zwischen Revolution und Reformismus » - F. G. Klopstocks „Deutsche Gelehrtenrepublik" und Bardendichtung als Dokumente der bürgerlichen

288

théorique de l'ouvrage s'accorde mal avec l'ouverture à la pratique qui est la marque de tant d'auteurs des deux revues, d'autant que la «Gelehrtenrepublik» de Klopstock, de type aristocratique, est une hiérarchie au fonctionnement très rigide, alors que l'idéal proposé, dans les revues, privilégie un type de relation égalitaire.45 Par conséquent, la République des Lettres est une réminiscence peut-être moins littéraire qu'historique. Certes, le référent n'en serait pas cette République des Lettres née durant le Rinascimento, où, simple dérivation de la Respublica Christiana, elle est la conséquence de l'éploiement d'un mode nouveau du dialogue savant.46 Il suffit de se souvenir qu'à cette époque, elle «n'est encore qu'une métaphore cristallisant la conscience qu'a de lui même, à l'intérieur de l'Eglise romaine, [...] un groupe de grands lettrés italiens»,47 pour bien sentir la différence entre cette forme première et celle dans laquelle se reconnaissent les auteurs des deux revues. La forme spécifique que la République des Lettres prend, dans l'Allemagne des débuts du dix-huitième siècle où, prônant l'égalité entre ses membres, elle revêt «eine strikt antifeudale Physiognomie», 48 rend davantage compte de la signification qu'elle a sous la plume des auteurs du Braunschweigisches et du Schleswigsches Journal. Il serait pourtant hâtif d'en rester là, car cette notion semble, surtout, être la projection idéale des modes de communication existant entre les lettrés, durant l'Aufklärung.

2

La notion de « Gelehrtenrepublik »

2.1

La correspondance « philosophique »

La notion de «Gelehrtenrepublik» peut, à ce titre, refléter les rapports purement personnels qu'entretiennent, entre eux, les représentants de l'Aufklärung. Eschenburg, par exemple, était en relation avec les principaux hommes de lettres de son temps.49 Que ce mode traditionnel de transmission du savoir n'ait nullement dis-

45

46

47 48

49

Emanzipationsdichtung in der zweiten Hälfte des 18. Jahrhunderts», in: Lutz, Bernd (éd.), Deutsches Bürgertum und literarische Intelligenz 1750-1800, Stuttgart 1974, pp. 286-328). Sur Klopstock, voir aussi Br. J. 88.X.7 p. 245; 91.Π.3 p. 211 ; 91.V.1 pp. 15-17; 91.Vm.6 p. 500. Dans ces pages, Klopstock est présenté essentiellement comme l'auteur du Messias, ce qui interdit, d'autant plus, de voir en lui un modèle pour la notion de «Gelehrtenrepublik». D'après Fumaroli, Marc, «La République des Lettres», in: Diogène, 143, juillet-septembre 1988, pp. 131-150. Ibid., p. 139. Gestrich, Andreas, Absolutismus und Öffentlichkeit. Politische Kommunikation in Deutschland zu Beginn des 18. Jahrhunderts, [Kritische Studien zur Geschichtswissenschaft, 103], Göttingen 1994, p. 103. Voir Paulin, Roger, «Johann Joachim Eschenburg und die europäische Gelehrtenrepublik am Übergang vom 18. zum 19. Jahrhundert», in : Internationales Archiv für Sozialgeschichte der deutschen Literatur, 1986, v . l l , pp. 51-72. Sur la représentation d'une République des Lettres fondée sur l'échange épistolaire, voir aussi Br. J. 91.XL4 pp. 307-309.

289

paru à la fin du dix-huitième siècle, on en trouve l'illustration dans la correspondance - «purement philosophique» - entre Mauvillon et Knoblauch,50 comme dans l'évocation des lettres que Leuchsenring expédiait en France, et qui, selon l'un des auteurs du Schleswigsches Journal, ne prouvent en rien qu'il soit favorable aux idées révolutionnaires mais ont une destination purement scientifique : Kan diese Coirespondenz nicht eine wissenschafliche gewesen seyn? Trennt etwa dieser Krieg auch das Band, das Gelehrte in entfernten Ländern zu gemeinsamen Forschen nach Wahrheit, zu Mittheilungen der Resultate ihres Nachdenkens und ihrer Erfahrung verbindet?, 51

ou encore dans l'étonnement de v.Schmettow qui se demande pourquoi, au lieu de créer une société secrète, nul n'a songé à en créer une ganz öffentliche, ohne irgend ein Geheimniß zu stiften, die ihren Mitgliedern Schutz, Beystand, Belehrung, Unterhaltung in allen policirten Staaten verliehe, und keinen andern Zwek hätte, [...] durch freiwillige Beyträge und durch ausgebreitete Correspondenζ für die Aufnahme der Wißenschaften ohne die mindeste politische Absicht, zu würken. 52

Cette citation semble indiquer que le type de communication éclairée dont elle fait l'éloge ici, n'est pas seulement la simple reprise d'un modèle déjà ancien, mais doit être probablement interprétée à la lumière des tentatives esquissées par Knigge de susciter une société nouvelle. De fait, on peut souligner quelque analogie entre l'introduction de Schmettow au texte de Erdmann et le Manifeste de Knigge (paru seulement en 1795, mais qui est le fruit d'une réflexion largement antérieure). Le Manifeste, en effet, invite à une recherche en commun de la vérité à laquelle toute personne honnête puisse participer, et il promet «die Vertheidigung jedes, seiner Meinung wegen, verfolgten und verleumdeten Mannes». 53 A cause du renforcement de la censure dans les Etats allemands, le modèle d'une pure correspondance entre clercs paraît donc évoluer. La remarque de Schmettow oblige à s'interroger sur les liens qui existent entre les auteurs des Braunschweigisches et Schleswigsches Journal et les formes plus institutionnelles de ce qu'Ulrich Im Hof a appelé la « sociabilité éclairée», en une définition qui a le mérite de rassembler les principaux types d'associations existant au dix-huitième siècle,54 et entre lesquelles il relève plusieurs caractéristiques communes : 50

51 52 53

54

Voir Schi. J. 92.ΙΠ.3 p. 346 : «Mit dem Hm. von Knoblauch habe ich blos eine philosophische Korrespondenz [...] ». Schi. J. 93.X.3 p. 212. Schi. J. 93.XI.4 pp. 352-353 (C'est nous qui soulignons). Cité in Fehn, Emst-Otto, «Knigges „Manifest". Geheimbundpläne im Zeichen der Französischen Revolution», in: Ludz, Peter Christian (éd.), Geheime Gesellschaften, [Wolfenbütteler Studien zur Aufklärung, V.l], Heidelberg 1979, p. 380. On pourrait aussi renvoyer aux travaux de Richard van Dülmen (voir surtout «Die Aufklärungsgesellschaften in Deutschland als Forschungsproblem», in: Francia. Forschungen zur westeuropäischen Geschichte, 5, 1978, pp. 251-275, et Die Gesellschaft der Aufklärer. Zur bürgerlichen Emanzipation und aufklärerischen Kultur in Deutschland, op. cit.) où apparaît une définition moins concise, mais analogue, des caractéristiques propres aux formes

290

1. Die Aktivitäten, Ziele und Gegenstände der Sozietäten stehen im Zusammenhang mit der Reform, der .Verbesserung' eines bisherigen, als unbefriedigend empfundenen Zustandes. Die Sozietäten treten in eine Lücke des bisherigen Systems. 2. Die Organisation der Sozietät beruht auf Freiwilligkeit, Mitsprache und Mitverantwortung der Mitglieder. 3. Die Sozietät entwickelt durch ihre Spielregeln ein neues gesellschaftliches Bewußtsein. 55 L ' e x a m e n de l'image présentée de ces différentes associations dans les deux rev u e s est donc indispensable, si l'on veut déterminer à partir de laquelle ou desquelles les auteurs c o n ç o i v e n t et développent leur idéal de la «Gelehrtenrepublik». 2.2

Les A c a d é m i e s

En dépit de l'appartenance à l'univers académique de plusieurs des auteurs des revues, 5 6 la réalité sous-jacente à la notion de République des Lettres n'est point celle des A c a d é m i e s : en effet, si d'un point de v u e sociologique, tout d'abord, les groupes porteurs de l'Aufklärung à la fin du dix-huitième siècle et c e u x qui c o m posent les A c a d é m i e s n e se recoupent pas, les premiers, d'un autre côté, ne s e montrent guère favorables au système académique, c o m m e en t é m o i g n e la remarque d'un des auteurs du Braunschweigisches

Journal

senschaften bildeten, w i e bekannt, keinen Newton,

: « D i e A k a d e m i e n der Wis-

Leibniz,

Kant,

sondern wurden

v o n ihnen gebildet und geziert». 5 7 La dénonciation des A c a d é m i e s dans ce court passage s'explique par le refus, caractéristique de tout un pan de l'Aufklärung, de se laisser enfermer dans le cadre d'institutions f o n d é e s par un Etat qui s'avère de m o i n s en m o i n s enclin à favoriser une libre circulation du savoir. Ainsi que l ' a j u s t e m e n t formulé A. Gestrich, das Bild von der Gelehrtenrepublik als einer sowohl in sich, als auch in ihrer Stellung innerhalb der Gesellschaft herrschaftsfreien Kommunikationsgemeinschaft, war eine utopische Forderung und keine konkrete Beschreibung des Wissenschaftssystems des ausgehenden 17. oder beginnenden 18. Jahrhunderts. Denn die ständische Gesellschaft reichte mit ihren Spiel-

55

56

57

d'associations qui se constituent au dix-huitième siècle. La principale différence méthodologique entre Im Hof et van Dülmen est que ce dernier, pour qui importent surtout « Struktur und Funktion der Aufklärungsgesellschaften innerhalb des gesellschaftlichen Prozesses des 18. Jahrhunderts» («Die Aufklärungsgesellschaften in Deutschland als Forschungsproblem», art. cit., p. 253) et le «Wandel in der aufklärerischen Gesellschaft» (Die Gesellschaft der Aufklärer, op. cit., p. 125) à l'oeuvre au cours de l'Aufklärung, adopte une perspective moins typologique que chronologique. Im Hof, Ulrich, Das gesellige Jahrhundert : Gesellschaft und Gesellschaften im Zeitalter der Aufklärung, München 1982, p. 185. La typologie proposée par Dotzauer, Winfried, «Aufklärung und Sozietäten im 18. Jahrhundert», in: Geschichtliche Landeskunde, 21, 1980, pp. 260-274, ne complète cette définition qu'en explicitant le danger potentiel représenté par cet espace «libre» du discours. D'après les listes données dans Hartkopf, Werner, Die Berliner Akademie der Wissenschaften. Ihre Mitglieder und Preisträger 1700-1990, Berlin 1992: Böttiger, Karl August; Fischer, Christian ; Kästner Abraham Gotthelf ; Voss, Johann Heinrich. Br. J. 90.VÜ.5 p. 380. 291

regeln weit in den Bereich der Universitäten und Akademien hinein, und die frühneuzeitlichen Gelehrten standen in vielerlei Abhängigkeit von Landesherren und Mäzenen. 58

Ce refus conduit aussi, tout au long du dix-huitième siècle, à la fondation effrénée de sociétés secrètes, dont l'organisation et le fonctionnement structurent, peut-être, implicitement le modèle de la «Gelehrtenrepublik». 2.3

Les sociétés secrètes

Dans les pages des deux revues, on peut trouver des textes tantôt consacrés aux sociétés secrètes en général, tantôt se référant à une société particulière, qu'elle soit nommée ou non.59 2.3.1 Le principe des sociétés secrètes Les positions affichées à l'encontre du principe des sociétés secrètes sont apparemment assez divergentes. En effet, leur existence et leur légitimité sont parfois défendues par quelques auteurs au nom d'arguments qui traduisent un certain réalisme. Leur conviction commune est que l'on ne saurait considérer en bloc le genre humain. La dimension secrète de la société est ainsi une réponse aux différents degrés auxquels sont parvenus les hommes, dans leur développement moral. Cela explique que, si une frontière est, d'emblée, tracée entre les membres de la société secrète et ceux qui n'en font pas partie, un certain nombre de délimitations, déterminées par les différents stades atteints par chacun des membres, apparaisse également en son sein.60 Ainsi, au novice, on ne révélera que des vérités très imagées61 dont le contenu rationnel se décantera seulement au cours de recherches ultérieures. En outre, «l'enseignement» qui est dispensé dans les sociétés secrètes n'est pas seulement d'ordre théorique, puisqu'elles sont, en principe, une 58

59

60 61

Voir Gestrich, Andreas, op. cit., p. 102. Le jugement porté sur les «Académies» au sens d'institutions pédagogiques à caractère privé est, lui, nettement plus positif (voir, par exemple, Br.J. 88.IV.8p.516). Pour le premier type de textes, voir «Einige Gedanken über den Einfluß geheimer Gesellschaften auf das Wohl der Menschheit, von einem Ungeweihten», Br. J. 88.IV.3 (ce texte déclenche une polémique dont les moments sont 89.ΠΙ.2 ; 89.ΠΙ.3 ; 89.X.5 ; 90.IV.1 ; 90.IX.3) ; «Ueber öffentliche Gesellschaften zu gemeinnützigen Zwecken errichtet», 90.VII.5 et 90.VÏÏI.2. Pour le second, voir «Ueber die Zwecke einer gewissen geheimen Gesellschaft, von einem gutmeinenden Mitgliede derselben», Br. J. 88.1.6; «Geheime Geschichte eines gewesenen Rosenkreuzers aus seinen eigenen Papieren» Br. J. 91.VII 1, 91.VDL1, 91.IX.4, 91.XI.1, «Bemerkungen über Cagliostro's Freimaurerei, nach den Nachrichten, welche davon in T. M. d. J. mitgetheilt sind» Br. J. 91.XL5; «Beitrag zu Lessings Denkmal von einer Freimaurerloge besonderer Art» Schi. J. 92.V.6; «Eine Rede vorgelesen in der Freymaurer=loge Einigkeit und Toleranz in Hamburg» Sehl. J. 93.Π.3; «Über die Veredlung der jüdischen Nation» Schi. J. 93.Π.4; «Etwas von geheimen Verbindungen und hauptsächlich von dem Orden der Ecclectiker» Schi. J. 93.XI.4. VoirBr. J. 89.ΙΠ.2ρρ. 290-291. Sur la nécessité des images, voir Br. J. 89.X.5 pp. 207-208 ; 90.IX.3 pp. 60-61.

292

«practische S c h u l e » 6 2 qui permet de découvrir et d'assimiler, en les appliquant dans la retraite de l'espace privé, des principes différents, voire

s'opposant,

parfois, totalement à c e u x que propagent les canaux traditionnels. Christian Karl Andre, l'auteur de cette remarque, -

et, dans les deux revues, le plus ardent

défenseur des sociétés secrètes - p e n s e qu'elles offrent également la possibilité de mettre en pratique la m a x i m e «jeden

Menschen

wie seinen

Bruder

zu lieben », et

de vivre sur un pied d'égalité a v e c les Juifs, 6 3 ce qui était, néanmoins, encore c h o s e inimaginable, à la fin du siècle, dans les sociétés secrètes établies. 6 4 Pour Andre, la nécessité du secret n e découle pas uniquement du constat d'un développement insuffisant de la raison parmi les h o m m e s , mais également du souci d'échapper à l'emprise d'un Etat qui, avant m ê m e que n'éclate la Révolution française, a montré les limites de sa tolérance, et qui, par conséquent, n e saurait satisfaire les aspirations des « A u f k l ä r e r » telles qu'il les formule dans une page capitale. S e l o n lui, le passage du secret à la publicité n e sera possible, en effet, que lorsque seront remplies c e s conditions : wenn Jeder laut sagen darf wie er über die wichtigsten Angelegenheiten denkt : wenn Jeder dieser Denkart gemäß handeln kann, ohne Unterdrückung, Spott, Tadel, Kränkungen, Verfolgung, kurz ohne irgend eine Stöhrung seiner äußern Ruhe oder innern Zufriedenheit zu fürchten ; wenn kein Glauben mehr vorgeschrieben, keine religiöse Schranken mehr dem Gewissen und der Ueberzeugung gesetzt werden ; wenn Gleichheit der Stände vorhanden, kein Fürst mehr an seiner Armee eine Rücklehne der Gewaltthätigkeit hat ; wenn keine Obrigkeiten mehr starke Versehn gegen die Menschheit sich zu Schulden kommen lassen, und den mit Kerker und Landsverweisung züchtigen, der eine Unthat eine Unthat nennt ; wenn Gerechtigkeit durchaus heilig gehalten und Jeder in der Verfassung des Ganzen, außer seinen eigenen Bemühungen noch eine hinlängliche Bürgschaft für Sicherheit und Schutz findet; wenn Staatsverfassung und Erziehung mit der Ausbildung in einem solchen Verhältniß stehen, daß Jeder ungescheut laut denken und handeln darf und kann, wie er denkt [...].65 Le secret participe, par conséquent, d'une stratégie de défense 6 6 fondée sur la conviction que ces vérités doivent rester dans l'ombre, tant qu'elles n e peuvent s'exprimer dans un Etat que l'on s'engage, cependant, à n e pas troubler. 67

62 63 64

65 66

Br. J. 89.ΙΠ.2 p. 298. Ibid. Une coexistence des Juifs et des non-Juifs au sein d'une même association n'existe, au dixhuitième siècle, qu'en Angleterre ou en Hollande. A de rares exceptions près, il faudra attendre 1848 pour que les Loges maçonniques allemandes s'ouvrent aux Juifs (voir Katz, Jacob, «Echte und imaginäre Beziehungen zwischen Freimaurerei und Judentum», in: Ludz, Peter Christian (éd.), Geheime Gesellschaften, [Wolfenbütteler Studien zur Aufklärung, V.l], Heidelberg 1979, pp. 51-62). Cela a partie liée avec la situation des Juifs en Allemagne qui reste précaire, en dépit d'un courant de l'Aufklârung favorable à leur émancipation (voir Brunschwig, Henri, Société et romantisme en Prusse au XVIIIe siècle, Paris 1973, pp. 116129). Br. J. 89.ΠΙ.2 pp. 293-294. Voir également Br. J. 89.ΙΠ.2 p. 295 où est évoquée l'Inquisition et 90.VÜI.2 p. 422. Sur la fonction protectrice du secret, voir Koselleck, Reinhart, Kritik und Krise. Ein Beitrag zur Pathogenese der bürgerlichen Welt, Frankfurt/M. 1992, pp. 58-68 [première édition 1959]. 293

La position défendue par Andre s'avère, toutefois, minoritaire dans les pages des journaux. En général, l'existence de sociétés secrètes est dénoncée au nom du droit, pour chacun, d'accéder à la vérité, à la mesure de ses facultés. Or, ce type d'organisation ne reconnaît pas l'égalité de tous devant la vérité, puisque, par exemple, l'appartenance à la religion chrétienne sert de critère de sélection lors du choix des membres,68 et qu'à l'intérieur même de la société, certains s'arrogent le droit de décider qui aura accès aux vérités supérieures,69 et n'abandonnent aux autres que des « Schalen [der] Geheimnisse ».70 Le principe du secret est également incompatible avec la croyance des auteurs des deux revues dans le caractère perfectible de l'humanité, de même qu'elle offusque leur conscience historique. En effet, cette pratique leur paraît fort inadéquate à une époque où ils croient voir régner la raison ainsi que la liberté de pensée et de publicité.71 Conscients - ou plutôt convaincus de l'évolution historique - , ils pensent que le secret n'est plus nécessaire, comme il l'était encore chez les Anciens.72 En cette fin du dix-huitième siècle, il suffit, à leurs yeux, d'aborder un problème ou de poser publiquement une question pour qu'aussitôt le premier trouve sa solution et la seconde sa réponse.73 La publicité seule est capable d'émonder les erreurs puisque la vérité, une fois proclamée, emporte tous les suffrages. 74 Les sociétés secrètes ne sauraient donc prétendre atteindre la vérité, puisqu'elles rejettent a priori la seule voie qui permette d'y accéder :

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Voir, par exemple, le serment que «Cedrinus» doit prêter, lors de son initiation. Le §3 qui s'intitule «Von der den Obrigkeiten schuldigen Unterwürfigkeit» (Br. J. 91.VÜI.1 p. 437) rappelle, par son contenu, la constitution de James Mason, pour qui le Maçon doit être «ein friedlicher Untertan der bürgerlicher Gesetze», «sich nie bei Anschlägen oder Verschwörungen gegen den Frieden und die Wohlfahrt des Volkes», in : Alten Pflichten, 1723, cité par Agethen, Manfred, Geheimbund und Utopie. Illuminaten, Freimaurer und deutsche Spätaufklärung, München 1987, p. 59. Voir Br. J. 88.1.6 p. 83. Voir Br. J. 89.ΠΙ.3 p. 308; 90.IV.1 pp. 391-392; 91. XI. 5 p. 342. Br. J. 91.IX.4 p. 38. On trouve cette image déjà in Br. J. 88.IV.3 p. 433. Br. J. 88.1.6 p. 80; 90.VÜI.2 p. 420; 91.XI.5 pp. 370-371. On peut noter, à la fin du siècle, une simultanéité dans le refus, croissant, des sociétés secrètes et la propagation de la notion de publicité (terme que les Allemands, depuis le milieu des années 1780, rendent par «Öffentlichkeit», comme l'a rappelé Lucían Hölscher, «Öffentlichkeit», in: Brunner, Otto, Conze, Werner et Koselleck, Reinhart (éd.), Geschichtliche Grundbegriffe. Historisches Lexikon zur politisch-sozialen Sprache in Deutschland, vol. 4, Stuttgart 1978, pp. 446-448). Br.J. 91.Vm.lp. 389. Br. J. 88.IV.3 p. 449. Br. J. 89.ΙΠ.3 p. 323 : «Wer kann an der allgemeinen Herrschaft der Wahrheit über die menschliche Vernunft und das menschliche Herz zweifeln ». La différence est frappante entre cette affirmation et les positions de Andre, par exemple, qui, en insistant sur la nécessité de pratiquer le secret, témoigne, semble-t-il, d'une réserve plus grande, caratéristique de ceux qui, parmi les «Spätaufklärer» ne croient plus que proclamer la vérité suffise à l'enraciner dans le coeur des hommes.

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Oeffentlichkeit ist der ganz unfehlbare Weg, der uns endlich in allen Dingen zur Wahrheit, und zu dem, was Recht und gut ist führet - Verheimlichung und Geheimnißkrämerei ist der ganz unfehlbare Weg zum Gegentheil und stürzet uns sicher am Ende ins Verderben. 75

De fait, cultiver le secret peut devenir une des sources de la «Schwärmerey», 76 ce que pressentent les auteurs des journaux, même s'ils ne théorisent pas les mécanismes qui jouent entre l'attirance pour le secret et la «Mystification und übersteigerte Erwartungshaltung».77 Et le secret n'est pas seulement funeste en ce qu'il s'oppose à la bienfaisante publicité, mais parce que, de pur moyen, il devient la fin de la société secrète, et son seul moteur: le secret nourrit l'imagination, exacerbe la curiosité et finit par devenir l'un des principaux motifs qui poussent à entrer dans une société secrète.78 L'auteur de ce jugement, en évoquant la fascination des hommes du dix-huitième siècle pour les créations de leur imagination ainsi que leur goût du mystère, effleure ime problématique décisive 79 mais il ne la développe guère,80 ce qui est dommage, car cela fournirait peut-être une clef intéressante pour l'analyse de la «Schwärmerey». En fait, à l'instar des autres auteurs des deux journaux, il se contente de dénoncer un secret devenu fin en soi et une solennité devenue son propre but.81 Attachée à préserver son secret tant du monde extérieur que de toute personne qui, en son sein, n'a pas encore acquis les grades exigés, soucieuse de l'entretenir par des promesses qui alimentent la «Schwärmerey» et s'en nourrissent tout à la fois, une société de ce type s'abîme en soi-même et il est vrai, alors, comme l'écrivait Ernst Manheim dès 1933, que dans une semblable organisation, «Sinn und Zweck der Vergesellschaftung sich in ihrer Existenz selbst verkörpert».82 Loin d'être l'antithèse d'une société d'ordres, la société secrète - en dépit de ses préten75 76

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Br. J. 90.IV.1 p. 415. Sur ce problème, voir également 88.IV.3 p. 442. Le couple «société secrète» / «Schwärmer» (ou ses composés) est récuiTent dans tout le Braunschweigisches Journal·. Br. J. 88.1.6 pp. 85 et 89; 88.IV.3 p. 433; 89.ΙΠ.3 p. 336; 90.IV.1 p. 416; 90.VD.5 p. 377 - où la «Schwärmerey» est qualifiée de «Schnupfen des Verstandes»; 91. VILI p. 306; 91.IX.4 p. 36; 93.XI.5 pp. 356, 363 et 367. Agethen, Manfred, op. cit., p. 133. BrJ. 91 .VII. 1 pp. 260-262. En effet, l'expansion rapide des sociétés secrètes au dix-huitième siècle est peut-être à interpréter comme une sorte de fuite en avant face au désir, formulé par l'Aufklärung, de parvenir à une publicité totale. Sur ce point, voir Agethen, Manfred, op. cit., pp. 129-131 et, dans une perspective plus proprement littéraire, Schulte-Sasse, Jochen, «Das Konzept bürgerlich-literarischer Öffentlichkeit», in: Bürger, Christa, Bürger, Peter et Schulte-Sasse, Jochen (éd.), Aufklärung und literarische Öffentlichkeit, op. cit., p. 108. On trouve une remarque semblable, mais tout aussi allusive dans Br. J. 91.XL5 p. 371. Voir Br. J. 88.1.6 p. 78 : l'auteur de l'article appelle à rejeter «den Tand der Hieroglyphen und das Puppenspiel des Ceremoniels » ; H. C. Albrecht, dans Br. J. 91.VILI, dénonce, quant à lui, le travail en loge, conçu comme un simple spectacle dont les acteurs sont aussi les spectateurs pp. 278-280, la langue aussi mystérieuse qu'inane qu'on y pratique, pp. 297-301(voir du même auteur la critique sur la langue compliquée et creuse de certains livres qu'on lui recommande in Br. J. 91.IX.3 p. 36) et la manie de tout ériger en secret, p. 316. Manheim, Ernst, Die Träger der öffentlichen Meinung. Studien zur Soziologie der Öffentlichkeit, Brünn/Prag/Leipzig/Wien 1933, p. 27.

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tions et de ses intentions - en reproduit le fonctionnement, et perpétue, voire exacerbe, dans le domaine de l'apolitique, les divisions caractéristiques des réalités politiques : Einen sehr wichtigen Schaden für die menschliche Gesellschaft stiften ferner diese geheimen Verbindungen durch die Trennungen, Absonderungen und Feindseligkeiten, welche sie unter den Menschen theils unmittelbar verursachen, theils veranlassen [...].83

Les membres d'une telle société sont incapables d'agir en fonction d'un intérêt général qu'ils nient par principe, négligeant tout à fait «die Glückseligkeit und das gesellschaftliche Wohl der Menschen» et refusant de se consacrer à des «reelle und gemeinnützige Kenntnisse und Beschäftigungen». 84 A cause de leur pratique acharnée du secret, ces sociétés ne parviennent pas davantage à susciter, chez les individus qui n'en sont pas membres, le moindre souci pour la société.85 Elles sont, en réalité, coupées de toute préoccupation pratique, ce qui leur vaut, dans les deux journaux, ime critique réitérée : le membre d'ime société secrète attendra en vain qu'elle lui enseigne «wie er in seinem Verhältnisse am gemeinnützigsten handeln kann», ou qu'elle le fasse réfléchir à des problèmes «plus utiles au bien commun» («wohltäthigere und gemeinnützigere»)86 que ne le sont des spéculations quasiment scolastiques. Ces sociétés pensaient, en s'abritant derrière le secret, pouvoir cultiver une moralité encore impossible à vivre dans l'Etat, et participer, de la sorte, à la «Veredlung und Beseligung» du genre humain.87 En fait, dans le meilleur des cas, il n'est pas nécessaire d'en faire partie pour atteindre le but recherché88 et, dans le pire des cas, elles en éloignent.89 La sociabilité maçonnique telle que les auteurs des deux journaux la perçoivent, ne témoigne plus en rien d'une quelconque fraternité. Les loges maçonniques ont cessé d'être la marque d'un siècle plus cultivé, plus policé et elles représentent comme une rechute dans l'état de nature : au sein de la franc-maçonnerie « entsteht ein Krieg aller gegen alle ».90 83

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Br. J. 88.IV.3 p. 435. C'est là le contraire strict de l'intérêt que représentaient les sociétés secrètes aux yeux de Falk, l'un des protagonistes des Gespräche über die Freimaurerei de Lessing (voir Henn, Marianne, «Lessings „Ernst und Falk. Gespräche für Freimaurer": Gesellschaftsutopie und Verantwortung», in: Wittkowsi, Wolfgang (éd.), Verantwortung und Utopie: Zur Literatur der Goethezeit. Ein Symposium, Tübingen 1988, pp. 134—145). Br. J. 88.IV.3, respectivement pp. 435 et 434. Br. J. 90.IV.1 pp. 414-415. Respectivement Br. J. 88.1.6 p. 84; 90.IV.1 p. 406. Cette dernière idée est exprimée implicitement dans Br. J. 90.VH.5 p. 383 et 91.VÜ.1 p. 287. Br. J. 88.IV.3 p. 430. Br. J. 89.ΠΙ.3 p. 334. Br. J. 90.IV.lp. 411. Br. J. 88.IV.3 p. 437. Si les rédacteurs des deux journaux ne conçoivent leur action que dans le cadre d'une sociabilité éclairée, cette dernière ne trouve plus sa forme adéquate dans la francmaçonnerie - et ce, bien que leur rhétorique, en novembre 1793, encore, soit parfois empreinte d'un symbolisme maçonnique (voir, par exemple le poème intitulé «Ein Lied - aus der Wüste» Schi. J. 93.XI.1).

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Par l'hiatus entre les buts qu'elles affichent et leurs activités réelles, les sociétés secrètes jettent, enfin, le soupçon sur la «vraie» Aufklärung, plus exactement, elles donnent poids à des accusations formulées dès les années 50, rendant suspectes même les entreprises les plus honorables : [E]s entsteht ein allgemeines Mistrauen unter den Menschen [...] Die redlichsten Männer, die gemeinnützigsten und würdigsten Unternehmungen werden in den Verdacht heimlicher böser Absichten und Intrigen gebracht. 91

Cette dernière remarque n'est certes pas une considération purement théorique, et on est en droit d'y supposer une allusion à la répression qui sévit en Bavière, après que les plans des Illuminés ont été percés à jour, puisque Karl Theodor, avant de prononcer une interdiction directe de l'ordre des Illuminés, s'oppose à la formation, sans autorisation préalable, de tous les types de « Communitäten, Gesellschaften und Verbindungen».92 En second lieu, la découverte de l'Ordre des Illuminés dans les années 80, discrédite d'autres formes de la sociabilité éclairée, comme les «sociétés de lecture». Hoffmann, l'un des plus acharnés opposants aux Braunschweigisches et Schleswigsches Journal, en témoigne, lorsqu'il écrit : Die Illuminaten haben nicht nur allenthalben öffentliche Lesegesellschaften [...] errichtet, sondern auch den meisten deutschen Freimaurerlogen solche Bibliotheken aufgedrungen ; und da muß alles, was von ihrer Clique ausgeht, unterweilt angeschafft und alles, was nicht non ihnen kommt, allgemein verschrieben, verlästert, aus den Buchläden vertilgt [...] werden. 93

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Br. J. 88.IV.3 p. 438. Voir également Br. J. 89.ΠΙ.3 p. 305. D'après Dülmen, Richard van, Der Geheimbund der Illuminaten, Stuttgart/ Bad Cannstatt 1975, pp. 86-92. Sur ce point, voir également Mondot, Jean, «les Illuminés de Bavière», in: Interférences franco-allemandes et Révolution française, [actes du colloque de Bordeaux, 1516 mars 1990], Mondot, Jean (éd.), Bordeaux 1994. Cité par Mühlpfordt, Günther, «Radikale Aufklärung und nationale Leseorganisation. Die Deutsche Union von Karl Friedrich Bahrdt», in: Dann, Otto (éd.), Lesegesellschaften und bürgerliche Emanzipation. Ein europäischer Vergleich, München 1979, p. 118. Dans sa minutieuse étude sur les sociétés de lecture, Marlies Priisener a bien montré les liens qui existent entre elles et l'ordre des Illuminés («Lesegesellschaften im achtzehnten Jahrhundert. Ein Beitrag zur Lesergeschichte», in: Börsenblatt für den deutschen Buchhandel, 28/10, Frankfurt/M. 1972, pp. 201-206). Même Andre est conscient qu'une prise de parti pour les sociétés secrètes doit être relativisée et il l'accompagne d'une condamnation des Dluminés. Qu'il s'en démarque ainsi n'est certainement pas une simple concession à l'autorité. Son jugement est sincère, qui s'appuie sur «die über das Illuminatenorden bekanntgewordenen Schriften» (Br. J. 90.IX.3 p. 54), c'est-à-dire, probablement, sur Einige Originalschriften des Illuminatenorden, welche bey den gewesenen Regierungsrath Zwack durch vorgenommene Hausvisitation zu Landshut den 11. und 12. Oct. 1786 vorgefunden worden. Auf höchsten Befehl seiner Churfürstlichen Durchlaucht zum Druck befördert (voir Agethen, Manfred, op. cit., pp. 59 et sqq.). Au prix de la distinction établie, ainsi, entre les différentes sociétés secrètes, Andre parvient donc à préserver le caractère apparemment apolitique de la société secrète de type maçonnique.

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Les positions exprimées sur le principe même des sociétés de ce type, dans les deux revues, sont donc indissociables du jugement porté, par les auteurs, sur les différentes sociétés secrètes existant à la fin du siècle.

2.3.2

Les sociétés secrètes dans les revues

Si la «Deutsche Union» de Bahrdt n'est pas nommée - ce qui peut surprendre, dans la mesure où plusieurs auteurs y avaient appartenu94 et que son fondateur est, lui, cité à plusieurs reprises, parfois même en termes très élogieux95 - les autres sociétés secrètes le sont, en revanche, que les auteurs des deux revues regroupent, presque toutes, sous le nom de franc-maçonnerie, sans faire, par conséquent, de différences fondamentales entre elles. Cependant, les critiques qu'ils adressent à la «franc-maçonnerie» se laissent mieux résumer, si l'on reprend les distinctions typologiques et génériques établies par les historiens contemporains. Dans les deux revues, la franc-maçonnerie fait l'objet d'une double condamnation qui se cristallise, tout d'abord, autour de la problématique des Hauts-grades. Les auteurs voient, en eux, moins la conséquence inéluctable d'un système fondé sur le secret, que le scandale d'une hiérarchie ressuscitée96 au cœur d'une sociabilité à l'origine fondamentalement égalitaire. Par là, ils dénoncent surtout la Stricte Observance Templière, ce « hermetisch-alchymistisch orientiertes maurerisches Tempelritter-Hochgradystem »97 du Baron v. Hund.98 Cette critique se fonde sur

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D'après les renseignements aimablement fournis par M. Günther Mühlpfordt, Kästner, Abraham Gotthelf ; Knigge, Adolf ν. ; Knoblauch, Karl ν. et Tieftrunck, Johann Heinrich en étaient membres et Campe, Joachim Heinrich, Salzmann, Christian Gotthilf correspondants. Voir Br. J. 88.ΙΠ.5 p. 361 - sans qu'il soit cité explicitement, c'est pourtant à lui que semble se référer Campe ici - ; 88.IX.7 pp. 126-128; 91.Vm.6 p. 500; 91.X.2 p. 175; Schi. J. 92.VI.6 p. 220; 92.Vn.6 p. 354; 93.VI.7 pp. 243 et 257. Voirfir. J. 88.IV.3 p. 439; 89.ΠΙ.3 p. 325; 90.IV.1 p. 395; 91.VII.1 p. 288; 91.VHI.1 p. 437. Comme l'a justement relevé Helmut Reinalter, l'introduction des Hauts-grades a, en outre, permis aux rose-croix - qui, on le verra, sont condamnés par les auteurs des revues - de s'implanter dans la franc-maçonnerie allemande («Geheimgesellschaften und Freimaurerei im 18. Jahrhundert», in: Aufklärung - Vormärz - Revolution, [Mitteilungen der internationalen Forschungsstelle «Demokratische Bewegungen in Mitteleuropa 1770-1850» an der Universität Innsbruck, 2], Innsbruck 1982, pp. 28-29). Hammermayer, Ludwig, «Zur Geschichte der europäischen Freimaurerei und Geheimgesellschaften im Achtzehnten Jahrhundert. Genese, Historiographie, Forschungsprobleme», in: Balázs, Eva, Hammermayer, Ludwig, Wagner, Hans, Wojtowicz, Jerzy et Hobbing, Reimar (éd.), Beförderer der Aufklärung in Mittel- und Osteuropa. Freimaurer, Gesellschaften, Clubs, [Studien zur Geschichte der Kulturbeziehungen in Mittel- und Osteuropa, 5], Essen 1987, p. 11. Br. J. 91.Vn.l pp. 285-292 ; Schi. J. 93.XI.4 pp. 356-357. D'autres systèmes sont, cependant, rejetés, dans cette condamnation de la hiérarchie : H. C. Albrecht éclaire ainsi les liens privilégiés existant entre la Stricte Observance et le Système des Clercs du Temple, élaboré par le Baron Johann August v. Starck (Br. J. 91.VÜ.1 p. 305), de même qu'il montre le passage, à Hambourg, de la Stricte Observance au système des rose-

298

une connaissance personnelle de l'évolution de la Maçonnerie à la

fin

de

l'Aufklärung, puisque l'appartenance de certains auteurs à des l o g e s maçonniques est attestée, tant par les historiens, que dans le corps m ê m e des deux j o u r n a u x . " Les l o g e s de Hambourg et de Brunswick, 1 0 0 à cette époque, connaissent une é v o lution semblable, m ê m e si l'implantation d'un système de Hauts-grades fut plus lente dans la seconde. En effet, alors que les deux l o g e s principales de Brunswick - « Alt=schottische L o g e zu den N e u n Sternen» et « Z u r gekrönten S ä u l e » - , sous l'impulsion du D u c Ferdinand de Brunswick, avaient opté sans difficulté pour un système de Hauts-grades 1 0 1 reproduisant, en quelque sorte, la traditionnelle société d'ordres, la sociabilité maçonnique s'éployant à Hambourg demeura plus longtemps égalitaire, 1 0 2 c e qui n ' e s t sans doute pas secondaire si l ' o n veut comprendre la nature des relations tissées, à la fin du dix-huitième siècle encore, entre les « G e b i l d e t e n » de cette ville. C o m m e l'écrira, e n 1824, un des proches de H e n nings : In Hamburg fand ich es gerade so, wie es, was Gleichheit der Stände betrifft, in allen Logen seyn sollte, Senatoren, Gelehrte, Kaufleute, Seeleute und Professionisten, alle bunt durcheinander, und auf äußern Rang und Titel wird hier, so wie überhaupt, am wenigsten aber in der Loge gesehen. 103 Dans les l o g e s de Hambourg, la Stricte Observance Templière ne s'implante donc pas aussi aisément qu'ailleurs, dans la mesure o ù s o n organisation war zu sehr nach den Grundsätzen derjenigen Staaten gemacht, in welchen ein altes schon seit undenklichen Zeiten verjährtes Vorurtheil die Menschen, welche Adliche heißen, von denen, welche sich nur Bürger nennen können, als gewissermaßen fremdartige Wesen trennt und unterscheidet. [...] In Hamburg hingegen, wo beinahe das entgegengesetzte Vorurtheil herrscht, wo das Vermögen Ansehen gibt, und Vermögen durch Betriebsamkeit im Handel erworben wird, und wo man den Adlichen, als einen Menschen, dessen Erwerbsamkeit so eingeschränkt ist, der aber anderswo fur einen vornehmen Mann gilt, nicht ohne ein gewisses Bedauern seiner zwangvollen Lage ansieht, mußte ein Orden nur desto fremder und sonderbarer scheinen, der von seinen Rittern den Vorzug einer adlichen Geburt foderte, ohne adliche

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croix, passage rendu possible par la seconde des caractéristiques de l'Ordre fondé par v. Hund : la tendance à la «Schwärmerey » (ibid., p. 308). Parmi les auteurs des revues, étaient ou avaient été affiliés à la franc-maçonnerie: Albrecht, Heinrich Christoph; Andre, Christian Karl; Campe, Joachim Heinrich; Knigge, Adolf v.; Mauvillon. Ici non plus, la liste ne prétend nullement à l'exhaustivité. Nous limitons notre évocation à ces deux villes, bien qu'il soit probable que les auteurs aient pu appartenir aux Loges d'autres villes: Mauvillon, par exemple, était membre de la L* * Frédéric de l'Amitié à Cassel, comme en témoigne le texte n°1046 de la bibliographie établie par Kloss, Georg, Bibliographie der Freimaurerei, Graz 1970, [reprint de l'édition de 1844], p. 74. D'après Steinacker, Karl, Abklang der Aufklärung und Widerhall der Romantik in Braunschweig,, [Werkstücke aus Museum, Archiv und Bibliothek der Stadt Braunschweig, 10], Braunschweig 1939, p. 11. Sur le phénomène maçonnique à Hambourg, voir Freudenthal, Herbert, Vereine in Hamburg. Ein Beitrag zur Geschichte und Volkskunde der Geselligkeit, Hamburg 1968, pp. 57-58. Friedrich Wilhelm Schütz in : Freie Bekenntnisse eines Veteranen der Maurerei und anderer geheimen Gesellschaften, Leipzig 1824, p. 16, cité par Manfred Agethen, op. cit., pp. 56-57. 299

Güter zu besitzen, oder diejenigen Geschäfte zu treiben, wozu in den meisten Staaten Adliche gebraucht werden. 104

L'emprise croissante d'une franc-maçonnerie fondée sur les Hauts-grades réintroduit une forme d'autorité tyrannique dans un mode d'organisation qui se voulait égalitaire et, dans les dernières années du siècle, les sociétés secrètes - caractérisées désormais par un « ausgesprochene[n] Eliteanspruch der Logen im Verhältnis zur bürgerlichen Gesellschaft»105 - sombrent elles-mêmes dans le despotisme,106 puisqu'elles s'arrogent le droit de décider ce qu'un individu a le droit de savoir et ce qu'il doit croire, et qu'elles bafouent, en conséquence, les droits les plus sacrés de l'Homme.107 Il est possible de mettre en évidence des éléments structurellement analogues dans les discours tenus par les auteurs des deux revues sur le despotisme et la franc-maçonnerie : celle-ci invoque les mêmes arguments que celui-là pour mettre les hommes en esclavage,108 tous deux se fondent sur le préjugé,109 le mérite personnel s'y voit supplanté par les relations d'influence,110 l'une et l'autre sont agitées par les cabales111 et excitent les passions;112 leurs représentants sont des acteurs consommés : l'auteur d'une lettre critique à C. K. Andre va jusqu'à dresser une analogie entre le «Bruderkuß» des francs-maçons et l'affabilité qu'on rencontre dans les cours.113 L'un des rédacteurs du Schleswigsches Journal ne manque pas, en outre, de rappeler les liens privilégiés tissés entre les sociétés secrètes

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Br. J. 91.VH.1 pp. 294-295. Hardtwig, Wolfgang, «Eliteanspruch und Geheimnis in den Geheimgesellschaften des 18. Jahrhunderts», in: Reinalter, Helmut (éd.), Auflclärung und Geheimgesellschaften: Zur politischen Funktion und Sozialstruktur der Freimaurerlogen im 18. Jahrhundert, [Ancien régime, Aufklärung und Revolution, 16], München 1989, p. 67. 106 Voir Schi. J. 93.XI.4 p. 367: « M a n will, wie sich solche Gesellschaften rühmen, gegen Despotismus arbeiten, und übet selber den heslichsten Despotismus aus ». 107 Br. J. 89.ΠΙ.3 p. 319: «Alle Einschränkung der individuellen Vernunft und Gewissensfreiheit ist Hochverrath an der Menschheit [...] ». 108 Br. J. 90.IV.1 p. 408. 109 Sur l'importance du «Vorurteil» dans les motifs poussant à entrer dans la franc-maçonnerie, voir Br. J. 91.VU.1 p. 258. 110 Aux yeux d'un des auteurs, le rôle de l'influence dans les loges maçonniques rappelle les «Vetter= Basen= Maitressen= Collegen= und Kammerdiener=Liaisons » (Br. J. 88.IV.3 p. 444). 111 Voir respectivement chapitre m, 2 , 2 et par exemple Br. J. 88.IV.3 p. 437 ; 89.ΠΙ.3 p. 334. 112 Voir Br. J. 88.IV.3 p. 437et 89.ΙΠ.3 p. 334 où il est question de «Partheigeist» à propos de la franc-maçonnerie. 113 Sr. J. 89.ΙΠ.3 pp. 328-329. Ce parallèle illustre bien la dégradation de la franc-maçonnerie, puisque c'est la ressemblance entre les relations au sein des loges et les rapports entretenus par la noblesse, non dans le cérémonial de cour, mais dans des relations privées, qui fut l'une des causes de l'adhésion massive du second ordre à la franc-maçonnerie (d'après Schindler, Norbert, «Freimaurerkultur im 18. Jahrhundert. Zur sozialen Funktion des Geheimwissens in der entstehenden bürgerlichen Gesellschaft», in: Berdahl, Robert M. (éd.), Klassen und Kultur - sozialanthropologische Perspektiven in der Geschichtsschreibung, Frankfurt/M. 1982, pp. 209-211). 105

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et le pouvoir établi.114 Par leur pratique du secret servant une hiérarchie implacable, les sociétés secrètes ne s'apparentent pas seulement au despotisme politique: le « despotisme » des ordres religieux - principalement des Jésuites - est un modèle auquel les auteurs des journaux recourent volontiers pour dénoncer les sociétés secrètes.115 Il est significatif que la seule loge qui, dans les revues, fasse l'objet de louanges, soit « Einigkeit und Toleranz » : implantée à Hambourg, elle continue à présenter un caractère particulièrement ouvert et à pratiquer, dans l'espace qu'elle se ménage en-deçà de l'Etat, des vertus et une tolérance encore incompatibles avec la structure de ce dernier. Cette loge a pour maître de chaire, en 1793, Friedrich Wilhelm ν. Schütz - l'un des amis de Hennings - et son originalité réside non seulement dans sa constitution démocratique, selon laquelle toute personne vertueuse peut prétendre y adhérer, mais dans le fait qu'au contraire de la plupart des loges maçonniques de l'époque, elle admet les Juifs en son sein, réalisant ainsi ce qui, sous la plume de C. C. Andre, ne relevait encore que d'un simple souhait. Une telle ouverture n'est possible qu'en adoptant le statut de «Winkelloge», c'est-àdire de loge non affiliée. Le rédacteur de la note expédiée à Campe - afin d'exposer les desseins de «Einigkeit und Toleranz» - écrit, en effet: «[d]ie Loge ist von keiner andern konstituirt, und wird nie Koncession oder Konstitution zu erhalten suchen [...] ».' 16 Le but que poursuit cette loge d'un genre particulier est le suivant: «die ächte Freimaurerei in ihrer ganzen Reinheit wiederherzustellen [...] und von allen Auswüchsen der Schwärmerei zu reinigen», 117 ainsi que le précise un écrit programmatique publié en mai 1792 dans le Schleswigsches Journal. Loin de s'égarer dans de vaines spéculations, elle se caractérise par son souci de la pratique, comme le montre l'établissement d'une bibliothèque conçue pour favoriser l'extension des connaissances ou la création d'un certain nombre d'institutions destinées à améliorer le sort de la population juive de Hambourg.118 Le jugement 114

Voir Schi. J. 93.XI.4 p. 375. Il est, entre autres, question ici d'un «Herzog von **» qui s'est fortement engagé pour les Illuminés «ohne Illuminât zu sein». 115 Voir, par exemple, Schi. J. 93.XI.4 p. 358. 116 Schi. J. 92.V.6 p. 119. Une autre définition de «Winkelloge» illustre bien l'isolement auquel se condamnait une loge qui refusait d'être affiliée: elle la présente comme «eine nicht constituirte, die gar nicht für ächt gehalten und deren Mitglieder in ächten Logen nicht zugelaßen wurden» {Sehl. J. 93.XI.4 pp. 350-351). 117 Sehl. J. 92.V.6 p. 118. 118 Voir l'étude de ce club par Grab, Walter, «Clubs démocrates en Allemagne du Nord 17921793», in : A HR.F., 1966, pp. 527-531, même s'il faut probablement relativiser les propos de Grab sur Heinrich Christoph Albrecht et Johann Christoph Unzer, deux des membres de cette loge et collaborateurs au Schleswigsches Journal. Les définir, en effet, comme des démocrates, c'est-à-dire, selon la classification de Grab, comme des partisans d'un «engagement actif et [de] l'alliance avec les masses populaires, afin de renverser l'ordre des privilèges et instaurer un Etat constitutionnel de droit fondé sur l'idée de citoyenneté» (Grab, Walter, «Idéaux politiques et illusions des intellectuels allemands à l'époque de la Révolution française», in: Martin, Uwe (dir.), L'Allemagne et la Révolution française. Une exposition du Goethe-Institut pour le bicentenaire d'un événement de portée universelle, Stuttgart 1989, pp. 10) ne corres-

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positif porté sur la loge «Einigkeit und Toleranz» tient surtout à la nature des rapports que ses membres entretiennent les uns avec les autres. Aux relations verticales qu'implique une société d'ordres est substituée une relation de type horizontal, traduisant l'idéal bourgeois de la fusion des élites, ce en quoi «Einigkeit und Toleranz» se distingue de l'évolution générale des loges maçonniques à l'aube de la Révolution française. Si le recours à la notion de «Gelehrtenrepublik» est soustendu par une forme de la sociabilité éclairée familière aux auteurs, il ne saurait donc s'agir ici de la franc-maçonnerie. Il n'est pas davantage permis de supposer qu'une forme d'organisation semblable à celle qui rassemble les magnétiseurs, les rose-croix ou à l'Ordre des Eclectiques soit sous-jacente au modèle de la République des Lettres. Ici non plus, les auteurs des deux revues ne songent point, lorsqu'ils les évoquent, aux distinctions qu'opère la critique moderne, et citent parfois en un souffle « die Schwedenborge, Gaßnere, Schröpfer, Cagliostris, Mesmers».U9 Ailleurs, l'énumération diffère quelque peu, quand il est question de « Schröpferianer, Cagliosterianer oder Kleriker und Rosenkreuzer» 120 ou de «Mesmerianer, Martinisten, Rosenkräntzer, Geisterseher».121 Plusieurs fois, dans les revues, ces groupes se voient reprocher leur goût pour l'irrationnel mais aussi leur cupidité. Cagliostro, par exemple, est accusé d'avoir voulu abuser les gens pour leur estorquer de l'argent.122 Dans des pages largement redevables à un texte de Wilhelm Josephi, Ueber den thierischen Magnetismus, als ein Beytrag zur Geschichte der menschlichen Verirrungen, nebst einer Beleuchtung des Hrn. Comte de Sattilien, eines französischen Offiziers, paru à Brunswick en 1788, cette double critique est formulée également à l'encontre de du Faur [orthographié faussement «du Four» dans le texte] de Saint-Sylvestre, Comte de Satillien. Pas plus que Cagliostro, il n'est un vrai scientifique, et où l'un est un «geradezu Geld suchender Abentheurer», l'autre «magnetisirt für Gold». 123 On trouve, dans le Braunschweigisches Journal, une autre illustration du scepticisme développé contre le magnétisme, dans la remarque clôturant les «Aphorismen de Ms. le Marquis de Puyseguer».124 A Chastenet de Puységur

pond guère - quant aux moyens préconisés pour instaurer un régime politique constitutionnel - à ce qu'on peut lire dans le Schleswigsches Journal. Br. J. 89.ΧΠ.1 p. 393. Voir 90.X.5 p. 411, la critique de Cagliostro, Mesmer et Lavater. Dans ce même article (p. 409), le magnétisme est présenté comme une «Mode=Thorheiten» du dixhuitième siècle ; voir aussi, in : 90.ΧΠ.4 p. 499, celle de Mesmer et Puységur. 120 Br. J. 91.XI.5 p. 376. C'est surtout Johann Georg Schröpfer [ou Schrepfer] (1739-1774) qui introduisit les pratiques de la magie dans la franc-maçonnerie et, de la sorte, contribua largement à la discréditer. 121 Sehl. J. 93.XI.4 p. 360. n2 Br.J. 91.XL5 p. 342. 123 Br. J. 91 .XI.5 p. 344 et 89.VI.6 p. 252. 124 Br. J. 90.VI.7 et 90.VD.2. 119

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(1751-1825) qui termine son texte par «Croyez et voulez», l'éditeur réplique «Ja wer nur könnte ».125 Comme dans le cas de la Stricte Observance, les attaques contre les magnétiseurs, et en particulier Cagliostro, sont motivées par la problématique du secret puisque Cagliostro a tenté, par ce moyen, d'aveugler les hommes et de les priver de leur droit de penser par eux-mêmes. 126 La critique des rosicruciens, non seulement est la plus âpre, mais elle fait l'objet, également, des développements les plus longs: plusieurs chapitres de la Geheime Geschichte eines gewesenen Rosenkreuzers aus seinen eigenen Papieren (parue intégralement à Hambourg en 1792)127 sont, en effet, publiés dans les deux revues. Les rosicruciens constituent une cible privilégiée pour les rédacteurs, moins par suite de leur propension marquée à la « Schwärmerey », de leur quête de l'or,128 ou de leur tentative pour étendre leur emprise sur la franc-maçonnerie tout entière,129 qu'en raison des liens étroits qu'ils entretenaient avec les agents de la politique conservatrice de la Prusse. Cela apparaît nettement lorsqu'un des auteurs relève la propension des sociétés secrètes - incapables de se maintenir par leur propre programme - à rechercher le soutien des puissants. Prenant explicitement en exemple les rose-croix, il note ceci : Nun ist freilich kein Kunstgriff gemeiner, alltäglicher, leichter und gegenwärtiger bei Jedem, dem eigene Kraft fehlt, als sich an Leute zu hängen, die Macht haben, und deren Gewalt seiner Ohnmacht zum Schirm dienen kann. 130

Quant aux attaques dont sont l'objet les Eclectiques, elles se fondent sur des griefs analogues, qui dénoncent la lutte de ce mouvement contre l'Aufklärung, lutte que 125 126

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Br. J. 90.VH.2 p. 345. Br. J. 91.XI.5 p. 344. La critique formulée à rencontre de Mesmer est d'autant plus vive que sa foi dans l'irrationnel est mise en rapport avec une volonté coupable de domination (Voir Schi. J. 92.VI.4 p. 211 ; 92.VII.4 p. 332). Voir Möller, Horst, «Die Bruderschaft der Gold- und Rosenkreuzer. Struktur, Zielsetzung und Wirkung einer antiaufklärerischen Geheimgesellschaft», in: Reinalter, Helmut (éd.), Freimaurer und Geheimbünde im 18. Jahrhundert in Mitteleuropa, Frankfurt/M. 1993, p. 204. Schi. J. 93.XI.4 p. 352. Erdmann raille ici la «Goldkocherei» des rosicruciens. Le non-respect des règles scientifiques et le mépris pour les découvertes de la science est un leitmotiv dans les critiques formulées à rencontre des rose-croix, (voir, par exemple Br. J. 91 .XI. 1 pp. 282-283). Le Convent de Wilhelmsbad (1782) (mentionné à plusieurs reprises dans les journaux : Br. J. 91.VH.1 pp. 291-293 et p. 306 ; Sehl. J. 93.XI.4 p. 358), en supprimant le système des HautsGrades, avait rendu caducs les efforts des rose-croix. Knigge, pour sa part, participa très activement à ce Convent (voir Dülmen, Richard van, Der Geheimbund der Illuminaten, op. cit., pp. 58-62). Br. J. 91.XI.5 p. 380. Dans un autre texte, Albrecht reprend cette critique, en affirmant que l'Aufklärung ne sera achevée que lorsque la politique des Etats sera dirigée par la raison, et non plus «durch Verhandlungen in den Schlafzimmern der Maitressen oder den Cirkeln der Rosenkreuzer» (Sehl. J. 93.Π.4 p. 249). Sur la dénonciation des collusions entre les rose-croix - ou les sociétés secrètes qui leur sont affiliées - et le pouvoir politique, voir aussi Sehl. J. 92.X.3 pp. 239-240; 93.VH.10 p. 371.

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soutiennent les puissants, ainsi que leur tendance à la « Schwärmerey » : « Kaiser Leopold war Chef des Ordens der Ecklectiker geworden. Die Mitglieder, welche meistens um ihn waren, bestanden größten Theils aus Schwärmern».131 Le type de sociabilité éclairée représenté par ces sociétés secrètes, qui s'avèrent finalement opposées à l'Aufklärung, est considéré comme un facteur de despotisme et de «Schwärmerey». On ne saurait donc y voir la réalité qui sous-tendrait l'idéal de «République des Lettres» dont se réclament les auteurs des deux revues.132 Le type de sociabilité éclairée qui sert de modèle à la «République des Lettres », tel qu'elle apparaît dans les revues, ne paraît pas plus être l'Ordre des Illuminés. On peut, une fois encore, être surpris du peu de références à cette société secrète dans la mesure où plusieurs auteurs en avaient été membres,133 et qu'il existe une concordance idéologique entre l'Ordre des Illuminés et les deux revues - en ce qui concerne la philosophie de l'Histoire, c'est-à-dire l'Histoire d'une humanité tendant à la moralité, l'importance capitale du droit naturel destiné à fonder quelque jour un régime constitutionnel, ainsi que leurs positions religieuses respectives, foncièrement déistes, voire rationalistes.134 Les auteurs des revues prennent, certes, la défense de ceux qui avaient adhéré à l'Ordre de bonne foi, et affirment que les buts qu'ils poursuivaient étaient tout à fait louables. Comme l'exprime un ancien Illuminé dans le journal: «Der Orden, zu dem wir uns ohne Erröthung bekennen dürfen, bestand nicht lange. Wir waren irre Geführte, Betrogene».135 Mais la défense des motivations individuelles qui explique que, même après la liquidation de l'Ordre des Illuminés, une certaine sympathie continue à exister entre ses anciens membres,136 se double d'une con131

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Schi. J. 93.XI.4 pp. 362-363. Dénoncer les Eclectiques, c'est également attaquer A. L. Hoffmann et le Chevalier v. Zimmermann qui en sont membres (voir ibid., pp. 365-366). Cela est d'autant plus vrai que la notion de «République des Lettres», dans la représentation qu'en ont les auteurs des deux revues, est porteuse, intrinsèquement, de l'idée d'harmonie, quand les sociétés secrètes, à la fin du dix-huitième siècle, ne cessent de se déchirer et de se lacérer, selon qu'elles prennent parti pour ou contre l'Aufklärung. Les liens entre l'Ordre des Illuminés et le mouvement philanthropiste sont avérés (voir Agethen, Manfred, op. cit., pp. 167-175). Panni les auteurs du Braunschweigisches ou du Schleswigsches Journal qui, à l'instar d'une grande partie des représentants de l'Aufklärung ont appartenu à l'Ordre des Illuminés ou au moins sympathisé avec ses buts, on peut citer, d'après le répertoire édité par Hermann Schüttler, (Die Mitglieder des Illuminatenordens 1776-1787/93, [Deutsche Hochschuledition, 18], München 1991): Eschenburg, Johann Joachim; Garve, Christian; Hennings, August Adolf Friedrich; Kästner Johann Friedrich; Knigge, Adolf Franz Friedrich Ludwig; Mauvillon, Jacob; Salzmann, Christian Gotthelf; Schütz, Friedrich Wilhelm v. ; Schwarz, Johann Friedrich v. ; Trapp, Ernst Christian - et la liste n'est certainement pas exhaustive. Voir Agethen, Manfred, op. cit., pp. 112-115, pp. 121-124 et pp. 259-263. Br. J. 88.1.6 p. 84. Les Illuminés ne sont, certes, pas mentionnés directement dans ce texte intitulé «Ueber die Zwecke einer gewissen geheimen Gesellschaft, von einem gutmeinenden Mitgliede derselben», mais une lecture attentive révèle que c'est bien d'eux qu'il s'agit. Cela rend compte, au moins en partie, de la courageuse prise de position en faveur de Franz M. Leuchsenring (Schi. J. 93.X.3 pp. 211-212).

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damnation réitérée de la pratique du secret - essentielle dans l'Ordre des Illuminés137 - et qui sépare les non-initiés des initiés, opérant, parmi ces derniers, un certain nombre de distinctions en fonction du degré différent qu'ils ont atteint. En effet, il est possible, ainsi, d'abuser tout membre n'ayant pas ime connaissance complète ou précise des buts réels poursuivis par l'Ordre, comme de le soumettre à une tyrannie intellectuelle et Erdmann ne trouve l'équivalent de la société secrète dirigée par Weishaupt138 que dans les ordres religieux catholiques139 et, en particulier, dans la hiérarchie de la Société de Jésus.140 La critique de l'Ordre des Illuminés recoupe donc celles qui touchent, dans les revues, d'autres formes de la sociabilité éclairée auxquelles, en outre, il fut parfois lié. D'une part, l'Ordre des Illuminés recrute souvent ses membres au sein des loges, comme en témoigne une lettre de Rnigge : «Nun habe ich in Cassel den besten Mann gefunden, zu dem ich uns nicht genug Glück wünschen kann : es ist Mauvillon, Meister vom Stuhl einer von Royal York aus constituierten Loge. Also haben wir mit ihm auch gewiß die ganze Loge in unsern Händen». 141 D'autre part, les frontières qui existent entre les Illuminés et les représentants de systèmes teintés plus fortement de «Schwärmerey» ne sont pas hermétiques. Ainsi, Mauvillon, dans une lettre publiée dans Eudämonia, rapporte-t-il qu'une loge de rose-croix vient de se former, qui est composée d'anciens Illuminés.142 Knigge de son côté, sitôt qu'il a quitté l'Ordre, reprend contact avec les rosicruciens, qu'il avait, pourtant, littéralement fustigés dans un texte de 1781.143 Le silence des auteurs sur les Illuminés est probablement dû au souci de ne point s'exposer à la répression qui frappe l'Ordre (il est notamment question des mesures prises contre eux dans la livraison de novembre 1793 du Schleswigsches Journal)144 et d'échapper, par conséquent, au soupçon de jacobi-

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N. Schindler ajustement mis en lumière cet aspect: «[d]as Geheimnis war fur Organisation und Zielsetzung des Ordens von strukturtragender Bedeutung» (Schindler, Norbert, «Aufklärung und Geheimnis im Illuminatenorden», in: Ludz, Peter Christian, Geheime Gesellschaften, [Wolfenbütteler Studien zur Aufklärung, V.l], p. 211). II est surprenant ici que la dénonciation de l'Ordre des Illuminés n'aboutisse pas à une critique sans réserve de Weishaupt qui reste un auteur que l'on cite (Br. J. 90.IX.3 p. 78) et au jugement duquel on fait appel (Br. J. 88.XI.9 p. 379), d'autant que ce sont, par exemple, les tendances tyranniques de Weishaupt qui avaient incité Knigge à quitter l'Ordre, dès 1783 (voir Schindler, Norbert, «Aufklärung und Geheimnis im Illuminatenorden» p. 218). Erdmann parle ainsi d'un «mönchischen druck» {Schi. J. 93.XI.4 p. 362). Evoquant le projet de Weishaupt de fonder un ordre, Erdmann écrit: «Dieser Plan glich vollkommen einem Jesuiten Institute [...] » et il juge probable l'hypothèse que les Jésuites se soient réfugiés dans l'Ordre des Eclectiques (Schi. J. 93.XI.4, pp. 358 et 351). Lettre publiée dans Einige Originalschriften des Illuminatenorden, welche bey Zwack durch vorgenommene Hausvisitation zu Landshut den 11. und 12. Oct. 1786 vorgefunden worden. Auf höchsten Befehl seiner Churjurstlichen Durchlaucht zum Druck befördert, München 1787 et citée par Dülmen, Richard van, Der Geheimbund der Illuminaten, op. cit., p. 63. Lettre parue dans Eudämonia, vol. 2, 1796, pp. 295-297 et citée par Agethen, Manfred, op. cit., p. 277. Ibid., p. 276. Schi. J. 93.XI.4 p. 359.

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nisme, puisque les écrivains conservateurs et réactionnaires croient en une collaboration entre les révolutionnaires français et les Illuminés.145 En critiquant l'écart - rendu manifeste lors de la publication d'écrits réservés aux chefs de l'Ordre - entre les desseins affichés, les moyens mis en œuvre et le «despotisme» qu'ils engendrent, les auteurs tentent de repousser les reproches qu'on leur fait d'être des révolutionnaires visant, sous le sceau du secret, à renverser le pouvoir en place. Cette attitude défensive permet de rendre compte, pareillement, de l'étonnant silence qui pèse, dans les revues, sur les activités de la Teutsche Union. Il semble qu'ici aussi, la prudence l'emporte, et la volonté de ne pas prêter le flanc aux attaques des publicistes réactionnaires, déjà trop enclins à dénoncer les collusions entre les pédagogues et les menées subversives du mouvement. Zimmermann, par exemple, s'en prend dans ses Fragmente über Friedrich den Großen146 à une «Legion» dont les «geheimen Oberen» recrutent des pédagogues et des pasteurs afin d'étendre ses pouvoirs. Or, l'analogie entre le fonctionnement de cette légion qu'il décrit et l'organisation de la Teutsche Union est évidente. Mais par ce refus proclamé de toute société secrète, les auteurs des revues expriment également leur aspiration à une forme de sociabilité dont tous les membres jouiraient des mêmes droits comme c'est le cas dans la République des Lettres : Campe ainsi, réagit, en ces termes, à la gasconnade de Hoffmann annonçant que l'Empereur d'Autriche collaborera à la publication de la Wiener Zeitschrift : Sie wollen in der Gelehrten=republik - wie Friedrich der Einzige - nicht mehr Kaiser und Könige, sondern nur Mitbürger der freien Bürger derselben seyn ; und ihr Wort, ihre Meinung, ihr Glauben und ihre Ueberzeugungen sollen von nun an hier nicht mehr, als das Wort, die Meinung, der Glaube und die Ueberzeugungen des geringsten Schulmeisters gelten. 147

Si le ton de cette remarque est bien évidemment ironique, elle met aussi l'accent sur le rôle particulier dévolu aux maîtres d'écoles au sein de la République des Lettres dans l'Allemagne de la fin du dix-huitième siècle. Ils constituent, en effet, un public particulièrement réceptif aux idées de Γ Aufklärung. Comme l'écrit le « sacristain de Westphalie » :

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L. A. Hoffmann, par exemple, est persuadé qu'un jacobin «ist nichts mehr und nichts weniger als ein praktizierender Illuminât» (cité par Dülmen, Richard van, Der Geheimbund der Illuminaten, op. cit., p. 94). De plus, le parallèle établi par Hoffmann entre «illuminés» et «jacobins» n'est point sans fondement historique (voir Grassi, «Tragende Ideen der illuminatischjakobinischen Propaganda und ihre Nachwirkungen in der deutschen Literatur», in: Ludz, Peter Christian (éd.), Geheime Gesellschaften, [Wolfenbütteler Studien zur Aufklärung, V.l], Heidelberg 1979, pp. 335-366, même si l'on peut émettre, sur certains des exemples qu'il choisit - en particulier sur H. C. Albrecht - , les mêmes réserves qu'à propos de Grab sur lequel il s'appuie). 146 i79o ; yol 3 ; pp 310-311. Cette description de Zimmermann fait, en outre, l'objet d'une critique dans le Braunschweigisches Journal (Br. J. 90.V.4 p. 49). 147 Sehl. J. 92.1.7 p. 101.

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seitdem der würdigste Domherr v. Rochow anfieng, uns zu reformiren; seitdem Schulmeister=seminarien entstanden, die Publicität Feld gewann, und die Schulmeister lasen, dachten, etwas selbständiger wurden, und Lesegesellschaften entstanden, wo wir, für unser Geld, eben so mitlesen konnten, als die Hm. Räthe, Prediger und Beamten, seitdem entstand in unsern Köpfen eine Revolution nach der andern, und viele unter uns fanden, ohne Ruhm zu melden, den rechten Gesichtspunkt am ersten, aus welchem man Staats= und Menschenrechte ansehen muß. 148

Cette citation, en renvoyant explicitement aux sociétés de lecture («Lesegesellschaften») indique peut-être le référent historique de l'expression «Gelehrtenrepublik». 2.4

Les « cercles de lecture »

Les cercles de lecture destinés au personnel enseignant qu'évoque le « sacristain de Westphalie » ont proliféré à la fin du siècle, surtout dans le Nord de l'Allemagne dans le cadre de l'établissement des «Lehrerseminarien».149 Leur fonction, dans la mise en place d'une sociabilité éclairée, apparaît nettement lorsque Zerrener souhaite, dans les pages du Braunschweigisches Journal, que s'intensifient les liens entre les différents organes de formation des enseignants.150 Ces cercles ne constituent, toutefois, qu'une forme particulière des sociétés de lecture qui ont joué un rôle déterminant dans la propagation de l'Auklärung.151 L'intérêt des auteurs des revues pour les «cercles de lecture» se manifeste d'abord dans leur engagement personnel en leur sein - Mauvillon fut, jusqu'à sa mort, trésorier du « Großer Club » de Brunswick, et Halem, de retour d'un voyage à Hambourg, fonda un cercle de lecture à Oldenbourg.152 Quant à la «Hamburgische Lesegesellschaft», créée en 1792 à l'instigation de l'envoyé

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Schi. J. 92.IV.2 p. 426. Sur les «Schulmeister» et les «Schulmänner» comme agents de Γ Aufklärung, voir aussi Br. J. 89.1.2 p. 18; 89.Π.4 p. 227; 90.X.1 p. 340; 91.IX.5 p. 73; 91 .X.4 p. 205 ; Schi. J. 92.XI.4 p. 380 ; 93.VÜ.1 p. 263. Voir Berg, Christa, «Entwicklung und Funktionen von Lehrerkonferenzen - die Geschichte eines .politischen Wechselbades'», in: Blaß, Joseph Leonhardt, Herkenrath, Liesel-Lotte, Reimers, Edgar et Stratmann, Karlwilhelm (éd.), Bildungstradition und moderne Gesellschaft. Zur Neuorientierung erziehungwissenschaftlichen Denkens. Hans-Hermann Groothoff zum 60. Geburtstag, Hannover / Berlin / Darmstadt / Dortmund 1975, p. 286. Sur les cercles de lecture dans le milieu scolaire, voir également Br. J. 88.1.9 pp. 119-120; 88.V.8 p. 127; 88.ΧΠ.5 p. 504. Br. J. 91.Π.4 p. 239. Sur le développement des «Lesegesellschaften», voir Prüsener, Marlies, op. cit., pp. 194-213. Le Nord de l'Allemagne fut un terrain particulièrement fertile à leur développement (Voir Kopitzsch, Franklin, «Lesegesellschaften und Aufklärung in Schleswig-Holstein», in: Zeitschrift der Gesellschaft fur Schleswig-Holsteinische Geschichte, 108, 1983, pp. 141-170). D'après Steinacker, Karl, op. cit., p. 10 et Ritterhoff, Claus, «,{...] den Aristoteles und Montesquieu in der Hand". Zum Leben Gerhard Anton von Haiems (1752-1819) », in : Müller, KlausPeter (éd.), Im Westen geht die Sonne auf. Justizrath Gerhard Anton von Halem auf Reisen nach Paris 1790 und 1811, [Schriften der Landesbibliothek Oldenburg, 21], Oldenburg 1990, pp. 12.

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français L e h o c qui en assume aussi la charge de vice-président, elle a pour président Sieveking. 1 5 3 M a i s cet intérêt s'exprime aussi dans les pages m ê m e s du Braunschweigisches

Journal,154

En vertu de leurs statuts, c e s sociétés de

lecture,

dans la mesure o ù elles instauraient une certaine égalité entre leurs membres, tendaient à susciter un espace de discussion et de libre-échange des idées, favorisé par la m i s e à disposition d'un corpus de journaux et de revues, tant allemands qu'étrangers. 1 5 5 En un sens, le Braunschweigisches

et le Schleswigsches

Journal,

en rendant compte de journaux

et de revues que les particuliers n'étaient pas en mesure de se procurer, assument une des fonctions des « sociétés de lecture ». Plus exactement, les revues semblent être c o m m e le relais de c e s sociétés de lecture puisque la plupart des journaux o u périodiques qui y sont mentionnés 1 5 6 pouvaient être consultés, par exemple, dans la société de lecture « H a r m o n i e » de Hambourg. 1 5 7 L'établissement de cet espace de libre communication représenté par les sociétés de lecture n'était réalisable qu'à l'écart et indépendamment d'un Etat 158 dont, à l'origine, elles ne remettaient pas explicitement en question la légitimité. Ici encore, l'aspiration à une libre circulation de la p e n s é e n e signifie pas un plaidoyer en faveur d ' u n e démocratisation

153

Voir Stephan, Inge, «Aufklärer als Radikale? Literarische und politische Opposition in Hamburg und Altona am Ende des 18. Jahrhunderts», in: Stephan, Inge et Winter, Hans Gerd (éd.), Hamburg im Zeitalter der Aufklärung, Hamburg 1989, pp. 423-427. 154 Voir Br. J. 88.IV.8 p. 516; 91.ΧΠ.1 p. 404. Le seul jugement plus réservé est celui de Wigand qui, sans refuser le principe des cercles de lecture, met en garde contre le danger qu'ils représentent pour les étudiants, en les habituant à la superficiale (Br. J. 90.X.5 p. 410). 155 D'après Priisener, Marlies, op. cit., p. 207. 156 On y trouve, par exemple, des références aux organes suivants : Allgemeine Literatur Zeitung {Schi. J. 93. VHI. 7 p. 514; 93.IX.4 p. 138); Archiv für Erziehungskunde in Deutschland {Br. J. 91.Π.4 p. 236); Berliner Bibliothek {Br. J. 91.ΙΠ.1 p. 242); Berlinische Monatsschrift (Br. J. 89.V.1 p. 1 ; 89.V.6 p. 96; 90.V.4 p. 47; 90.VI.5 p. 214; 91.VL5 p. 219; Schi. J. 92.VÜI.3 p. 433 ; 93.XI.3 p. 316); Deutsche Monatsschrift Schi. J. 93.X.4 p. 241 ; Deutsches Magazin Schi. J. 93.XI.3 p. 319; European Magazine (Br. J. 89.Π.1 p. 140; Schi. J. 93.ΙΠ.4 p. 316); Göttingisches Historisches Magazin (Br. J. 89.XI.7 p. 376); Göttingisches Magazin Schi. J. 93.XI.3 p. 322 ; Jenaische Intelligenzblatt (Br. J. 91 .V.4) ; Journal des Luxus und der Moden (Schi. J. 93.VI.2 pp. 162-164); Landschulbibliothek (Br. J. 91.Π.4 p. 236); Magazin für öffentliche Schulen und Schullehrer (Br. J. 91.Π.4 p. 236); Minerva (Schi. J. 93.ΠΙ.3 p. 316); Mode Journal (Schi. J. 92.Vm.3 p. 422); Moniteur (Br. J. 90.VI.6, le texte est traduit sans indication de ses sources, mais il ne peut provenir que du Moniteur ; 93.1.7 p. 111) ; Monthly Review (Br. J. 88.VI.4 p. 255); Neue Hamburger Zeitung (Schi. J. 93.VH.13 p. 411). Pour les renvois à la Wiener Zeitschrift de Hoffmann, au Politisches Journal de Schirach, aux Staatsanzeigen de Schlözer et au Neuer Teutscher Merkur de Wieland, voir supra chapitre VIL 157

158

Nous nous référons ici aux listes établies par Irene Jentsch dans Zur Geschichte des Zeitungslesens am Ende des 18. Jahrhunderts, Phil. Diss., Leipzig 1937, pp. 52-53). Dans la citation du «sacristain de Westphalie» évoquée ci-dessus (Schi. J. 92.IV.2 p. 426), l'Etat est représenté par les «Räthe», les «Prediger» - si l'on entend par là les pasteurs orthodoxes - et les «Beamten».

308

prononcée du savoir, car c e s cercles de lectures n'étaient ouverts ni aux analphabètes 1 5 9 ni aux personnes n e disposant pas d'un revenu suffisant. 1 6 0 Que les auteurs ne renvoient que rarement à cette forme de la sociabilité éclairée peut s'expliquer par le discrédit qu'indirectement o u directement les accusations portées sur les sociétés secrètes jettent sur elle. Si c'est seulement a v e c la Deutsche

Union

de Bahrdt qu'apparaît explicitement l'idée de faire des « L e s e -

g e s e l l s c h a f t e n » la vitrine, apparemment innocente, d ' u n e société secrète aux buts radicaux, 161

les

liens

entre

l'Ordre

des

Illuminés

et

le

phénomène

des

« L e s e g e s e l l s c h a f t e n » 1 6 2 font déjà peser sur celles-ci, dès le milieu des années 1780, le s o u p ç o n de se livrer à des activités subversives, 1 6 3 qui entraîne, à partir de 1785, les premières interdictions 1 6 4 auxquelles la forte aspiration égalitaire des sociétés de lecture n'est certainement pas étrangère. C o m m e le note R. van D ü l men : Sicherlich hatte bereits die patriotisch-gemeinnützige Gesellschaft demokratische Prinzipien praktiziert, aber so deutlich wie in den Lesegesellschaften wurde nirgendwo auf dem Prinzip der Gleichheit aller Mitglieder bestanden. 165

2.5

Les « sociétés patriotiques »

Il est, dans c e s conditions, plus vraisemblable que le référent à la notion de « R é p u b l i q u e des Lettres» ne soit pas à chercher dans les sociétés de lecture, m a i s

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Or, d'après les travaux de Schenda, vers 1800, seuls 15 % de la population allemande savent lire (Schenda, Rudolf, Volk ohne Buch. Studien zur Sozialgeschichte der populären Lesestoffe ¡770-1910, [Studien zur Philosophie und Literatur des neunzehnten Jahrhunderts, 5], Frankfurt/M. 1988 [première édition 1970]). Voir Dann, Otto, «Die Lesegesellschaften des 18. Jahrhunderts und der gesellschaftliche Aufbruch des deutschen Bürgertums », in : Herrmann, Ulrich (éd.), die Bildung des Bürgers. Die Formierung der bürgerlichen Gesellschaft und die Gebildeten im 18. Jahrhunderts, Weinheim/Basel 1982, p. 105 ; Stützel-Prüsener, Marlies, «Die deutschen Lesegesellschaften im Zeitalter der Aufklärung», in: Dann, Otto (éd.), Lesegesellschaften und bürgerliche Emanzipation. Ein europäischer Vergleich, op. cit., pp. 77-78. Voir Mühlpfordt, Günther, «Radikale Aufklärung und nationale Leseorganisation. Die Deutsche Union von Karl Friedrich Bahrdt», pp. 105-106. Voir Prüsener, Marlies, op. cit., p. 104 : «Durch die Bildungsbestrebungen sind die Lesegesellschaften geistig mit den Illuminaten verbunden ». Symbolique est, à ce titre, la remarque de Blankenburg qui, dans Versuch über den Roman, [1784], note que la fonction des sociétés de lecture consiste en un «Streben nach einer inneren Disposition für die Zukunftsaufgaben in der Öffentlichkeit» (cité par Prüsener, Marlies, op. cit., p. 229). Voir les exemples de telles interdictions in Prüsener, Marlies et Göpfert, Herbert G., « Lesegesellschaften », in : Hauswedell, Ernst L. (éd.), Buchkunst und Literatur in Deutschland 1750-1850, [Jahresgabe der Maximilian-Gesellschaft, 2], Hamburg 1977, pp. 298-300. Dülmen, Richard van, Die Gesellschaft der Aufklärer. Zur bürgerlichen Emanzipation und aufklärerischen Kultur in Deutschland, op. cit, p. 86. 309

dans les sociétés patriotiques,166 qui connaissent un grand essor dès les années soixante,167 et constituent, pour les auteurs des Braunschweigisches et Schleswigsches Journal, une réalité concrète et familière : ainsi, le fondateur de la plus célèbre d'entre elles - la « Société patriotique de Hambourg» - était Hermann Samuel Reimarus168 dont le fils, un des collaborateurs de Hennings au Schleswigsches Journal, reprit, après 1768, les fonctions assumées jusque-là par son père. De son côté, Campe demande, en 1786, la création d'une société de ce type couvrant toute l'Allemagne.169 En 1793 encore, en affirmant, dans ses «Grundsätze der Gesetzgebung die öffentliche Religion und die National=erziehung betreffend », la nécessité d'un organisme centralisé qui coordonnerait l'activité des scientifiques et des savants et assurerait, par là, une meilleure propagation des fruits de leurs travaux, il insiste sur le rôle déterminant des « sociétés patriotiques ». Il souhaite la création, dans chacune d'elles, d'un « Comité des lumières » - traduction qu'il propose luimême de «Aufklärungs=ausschuß» - chargé, avec le soutien des penseurs les plus compétents, de déterminer les moyens de faire bénéficier le peuple des progrès accomplis en religion, en morale, en pédagogie et dans le domaine de l'hygiène publique. Ces comités doivent, de surcroît, collaborer entre eux et mettre en commun leurs résultats, grâce à des Comités centraux (« Central=ausschüsse ») érigés dans les chefs-lieux des départements et subordonnés eux-mêmes à un Comité central (« Haupt= central= ausschuß»).170 Que ce modèle de la sociabilité éclairée reste valide, même dans les années quatre-vingt-dix, s'explique par plusieurs raisons : ces sociétés qui s'efforcent de

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La distinction, cependant, n'est pas toujours rigoureuse. C'est ainsi que la société patriotique de Hambourg abrite, en ses murs, la plus importante société de lecture de cette ville. Cette confusion générique est attestée, également, dans le corps des journaux, lorsqu'un auteur se prononce en un même souffle pour l'instauration d'une «Bürgerbibliothek» et la création «einer patriotischen Gesellschaft» (Br. J. 88.VIII.7 p. 473). Une fois de plus, le Nord de l'Allemagne s'avère un terrain particulièrement propice. Voir Sievers, Kai Detlev, «Patriotische Gesellschaften in Schleswig-Holstein zwischen 1786 und 1829», in: Vierhaus, Rudolf (éd.), Deutsche patriotische und gemeinnützige Gesellschaften, [Wolfenbütteler Forschungen, 8], München 1980, pp. 119-142. Sur cette société, voir Hubrig, Hans, Die Patriotischen Gesellschaften des 18. Jahrhunderts, [Göttinger Studien zur Pädagogik, 36], Weinheim 1957, pp. 47-54 et, plus récemment, Kopitzsch, Franklin, «Die Hamburgische Gesellschaft zur Beförderung der Künste und nützlichen Gewerbe (Patriotische Gesellschaft von 1765) im Zeitalter der Aufklärung. Ein Überblick», in: Vierhaus, Rudolf (éd.), Deutsche patriotische und gemeinnützige Gesellschaften, [Wolfenbütteler Forschungen, 8], 1980, pp. 71-118. La société patriotique de Hambourg, de 1724, avait compté, elle, parmi ses membres fondateurs Fabricius, le beau-père de H. S. Reimarus (voir Rathje, Jürgen, «Geschichte, Wesen und Öffentlichkeitswirkung der Patriotischen Gesellschaft von 1724 in Hamburg», in : ibid., pp. 51-70). Voir Über einige verkannte, wenigstens ungenützte Mittel zur Beförderung der Industrie, der Bevölkerung und des öffentlichen Wohlstandes: in zwei Fragmenten, Koneffke, Gemot (éd.), Frankfurt/M. 1969 [reprint de l'édition de 1786]. Et non seulement Campe, mais aussi les plus importants pédagogues de l'Aufklärung voient dans les sociétés patriotiques l'instrument des réformes qu'ils appellent de leurs vœux (voir Hubrig, Hans, op. cit., pp. 93-107). Schi. J. 93.Π.1 pp. 172-173.

310

promouvoir, en leur sein, une libre circulation de la pensée171 sont explicitement présentées comme l'antithèse des sociétés secrètes. Un des auteurs du Braunschweigisches Journal, après avoir constaté la décadence de ces dernières, formule le vœu qu'elles se transforment en une association plus nettement orientée vers la pratique172 et dont les réunions seraient caractérisées par ces sentiments: «weise Freude, herzliche Geselligkeit, Zutrauen, Offenherzigkeit, Gleichheit, Freundschaft».173 De façon plus explicite encore, un texte critiquant les sociétés secrètes s'achève par cet appel : Vereinigt euch in kosmopolitischen und patriotischen Gesellschaften zur Beförderung des Flors der Wissenschaften, der Künste und Gewerke, zur Beförderung der Aufklärung, Veredlung und Beseligung der Menschheit, zur Erhöhung ihres physischen, politischen und moralischen Wohls

car, d'après l'auteur de cette exhortation, seule une telle association peut, par son orientation éminemment pratique, agir dans l'intérêt général («gemeinützig»).174 Les auteurs des revues perçoivent donc clairement la triple fonction des sociétés patriotiques que l'historiographie contemporaine, à l'instar de R. van Dülmen, a pu résumer ainsi : Einmal bemühten sie sich als erste Institution, theoretisches Wissen umzusetzen in praktische Anwendung. Zum anderen aktivierten sie in einem stärkeren Maße als andere alte Institutionen die bürgerlichen Tugenden, den Einsatz der Bürger [...] für die Öffentlichkeit. Schließlich unterstützten sie das Empfinden und das Bewußtsein fur die Reformbedürftigkeit der Gesellschaft, ihre Verbesserungsfähigkeit. 175

Et R. van Dülmen de préciser qu'elles s'appliquaient également à rendre possible une collaboration entre les différents états, sans pour autant aspirer à la destruction des barrières sociales.176

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174 175

En outre, l'importance de la communication ne vaut pas seulement à l'intérieur d'une même société patriotique. Entre les sociétés patriotiques, on s'efforce de tisser un réseau de relations. Voir, pour la société patriotique de Hambourg, Kopitzsch, Franklin, «Die Hamburgische Gesellschaft zur Beförderung der Künste und nützlichen Gewerbe (Patriotische Gesellschaft von 1765) im Zeitalter der Aufklärung, Ein Überblick», p. 86. Br. J. 88.1.6 p. 90. Sont mentionnés ici les termes de «gemeinnützig» (répété deux fois) et de «nützlich». Tout le programme de cette société est, de surcroît, exprimé dans la phrase: «Wohltätigkeit ist ja der Geist unsers Bundes». Cette ouverture à l'action pratique passe, par exemple, par le soutien à la ville de Ruppin, ravagée par un incendie (voir Br. J. 88.XL 10). Br. J. 88.1.6 p. 87. L'auteur insiste tout à la fois sur le caractère égalitaire des sociétés patriotiques et sur leur portée plus grande que celle des cercles de lecture :«Last uns so Verschiedenheit der Stände [...] auf einige Stunden vergessen [...] uns unsre Kenntnisse, Bemerkungen und Erfahrungen im belehrenden Gespräch mitteilen, das oft [...] mehr aufklärt, mehr bildet, als der beste Büchersaal». Br. J. 88.IV.3 pp. 4 4 8 ^ 4 9 . Dülmen, Richard van, Die Gesellschaft der Aufklärer. Zur bürgerlichen Emanzipation und aufklärerischen Kultur in Deutschland, op. cit., p. 69.

311

Le lien entre le fonctionnement des sociétés patriotiques et celui, fut-il plus souhaité que réel, des deux revues est évident. Comme elles, le Braunschweigisches et le Schleswigsches Journal s'efforcent d'indiquer la voie des réformes sans remettre en question le système politique en vigueur. Bien au contraire, une discussion libre sur les améliorations à apporter peut assurer la pérennité de ce dernier. Ainsi que l'écrit Hennings, chacun a ein Recht in Religionssachen keinen Richter als seine Uebeizeugung anzunehmen, in Staatssachen das Beßere vorzuschlagen, wenn er das Schlechtere herrschen sieht, und über Lasten zu klagen, die in der Länge unerträglich werden und den Umsturz des Staates nach sich ziehen.177

Les revues, sorte de vaste « société patriotique », ont donc pour mission d'ouvrir les yeux du public - y compris ceux du souverain - sur les faiblesses et les lacunes de l'Etat et de proposer les améliorations qui s'imposent, en faisant entendre cette voix de l'opinion que tout responsable politique se doit d'écouter et de respecter, s'il veut être apprécié. La comparaison entre les sujets traités par les journaux et les réalisations dues à la société patriotique de Hambourg laisse également apparaître un certain nombre de ressemblances.178 L'une des questions qui préoccupent le plus les éditeurs du Braunschweigisches Journal, le problème de la mortalité dans les orphelinats179 avait fait, par exemple, l'objet d'un prix proposé par la Société Patriotique de Hambourg (comme le rappelle l'un des auteurs de la revue).180 Que les sociétés patriotiques constituent le modèle qui sous-tend la façon dont les auteurs comprennent le fonctionnement des revues, n'autorise pas à en déduire qu'ils affirment, par là, des positions démocratiques, puisque tant celles-là181 que les rédacteurs des deux journaux ne réservent l'accès à cet espace de libre discussion qu'à une relative minorité. La notion de République des Lettres, indissociable du rôle de l'écrivain et plus exactement de celui du publiciste, selon la représentation qu'en ont les rédacteurs du Braunschweigisches et du Schleswigsches Journal, est donc structurée, de façon sous-jacente, par les modes de communication pratiqués par les clercs, au 176

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Dülmen, Richard van, «die Aufklärungsgesellschaften in Deutschland als Forschungsproblem», art. cit., p. 86. Sehl. J. 93.VII.11 p. 395. L'idée qu'un régime n'est stable que lorsqu'on peut discuter sur ses imperfections afin de les pallier est récurrente dans le texte : voir, par exemple, Schi. J. 93.ΙΠ.7 p. 353 ; 93.VHI.1 p. 423. Voir Hubrig, Hans, op. cit., pp. 48-50 et Kopitzsch, Franklin, «Die Hamburgische Gesellschaft zur Beförderung der Künste und nützlichen Gewerbe (Patriotische Gesellschaft von 1765) im Zeitalter der Aufklärung. Ein Überblick», pp. 86-90. Voir, par exemple, Br. J. 88.1.7 ; 88.ΙΠ.4 ; 90.IX.1 p. 7. Br. J. 88.1.7 p. 92. En 1789, les membres de la Société Patriotique de Hambourg décident, certes, d'en réviser les statuts, afin d'en ouvrir plus largement l'accès - la même année, elle accueille 154 nouveaux membres - , mais pratiquement, elle reste fermée aux couches les plus humbles de la population, préservant ainsi l'homogénéité sociale de ceux qui la composent.

312

sein des sociétés de lecture, et surtout des sociétés patriotiques. Par le choix d'un tel modèle, les auteurs refusent donc la pratique des sociétés secrètes auxquelles ils avaient pourtant largement participé - et auxquelles certains d'entre eux appartiennent encore, au moment où éclate la Révolution française. Renoncer, en effet, à vouloir propager l'Aufklärung par l'intermédiaire des sociétés secrètes signifie, pour eux, échapper aux soupçons qu'elles font naître. Par là, les auteurs pensent pouvoir sauvegarder la possibilité de réformes. Or, on est en droit de se demander si cela ne mène pas, fondamentalement, à une aporie. En effet, le passage d'un type de communication privée, s'effectuant dans un système relativement clos, à une vaste publicité des échanges est dangereux en ce que le transfert du code qui réglemente une société dont les membres partagent, globalement, les mêmes convictions, à une tribune accessible à tous, même aux critiques les plus partiaux, ne se fait pas sans heurts : les opposants au Braunschweigisches et au Schleswigsches Journal se montrent toujours plus agressifs et les appels réitérés lancés par les éditeurs, pour demander l'apaisement des passions et le respect des lois de la discussion semblent bien dérisoires. En juin 1792, le Schleswigsches Journal rappelle que si «Publicität, uneingeschränkte Publicität, eine höchst=achtungswerthe Sache [ist ] », on ne saurait y recourir de façon inconditionnelle. La première condition de la publicité est : « sie nur zur Selbstverteidigung, nur zum gemeinen Besten, nie zur Schaden=freude, nie zur Kränkung Anderer zu gebrauchen». 182 Ce rejet récurrent des attaques personnelles trouve son expression programmatique dans «l'Invitation» publiée en janvier 1793: l'éditeur accepte de faire paraître des textes critiques mais «Persönlichkeiten fallen ganz weg. Auch im schlechten Schriftsteller muß der Mensch geehrt [...] werden ».183 De plus, les débats d'idées, en devenant publics, sont infiniment plus exposés à la censure que ne le sont des lettres échangées entre érudits ou des discussions menées dans un espace encore privé. Ce danger est d'autant plus réel que les auteurs sont frappés par le développement incontrôlé des pratiques de la lecture parmi le menu peuple et qu'habitués à ne fréquenter, dans les «Aufklärungsgesellschaften », que leurs égaux sur le plan de la culture ou celui de la richesse, ils ne sont pas prêts à soutenir le peuple, trop facile à manipuler pour qu'il soit réellement sage de l'éclairer. La conscience aiguë du danger que représentent les livres conduit ainsi un auteur à s'insurger, en 1793, contre la distribution de brochures par les troupes françaises du Rhin.184 Elle explique pareillement que Hennings se prononce pour une réduction de la liberté de la presse quand un auteur propage des contre-vérités, profère des calomnies ou se répand en propos immoraux.185

182 183 184 185

Schi. Sehl. Sehl. Sehl.

J. J. J. J.

92.VI.8 p. 247. 93.1.1 p. 2. 93.VDI.5 p. 503. 93.1.2 p. 7.

313

La modération que les auteurs affichent et qui les incite, même, à taire certaines de leurs convictions fondamentales va dans le même sens que leur prise de parti pour un système d'absolutisme éclairé au moment où, en réalité, ils évoluent vers un protolibéralisme. Elle traduit la même conscience, sinon d'un échec, du moins du recul d'une Aufklärung battue en brèche par des gouvernements qui la refusent toujours plus violemment, par crainte qu'elle ne fasse germer des troubles politiques. Peut-être est-ce cela qui rend tragique la position des auteurs : alors qu'ils se montrent prêts à transiger avec le pouvoir en place, pour sauver quelques-uns des acquis de l'Aufklärung, celui-ci les marginalise, à cause d'une révolution qu'euxmêmes dénoncent de plus en plus vivement.

314

IX Le rejet de la Révolution : formes et étapes

Dans le Braunschweigisches et le Schleswigsches Journal, l'échec de la Révolution se traduit par le constat de l'incapacité des révolutionnaires français à inscrire, dans un système constitutionnel positif, les principes dont ils se réclament. Mais bien avant que la Constitution de 1791 ne soit proclamée, on trouve, dans le Braunschweigisches Journal, l'affirmation d'un certain doute. Parfois, on sent ainsi, chez Campe, une propension à ne retenir que la positivité de ce qu'il voit à Paris, et à relativiser les «horreurs» qui s'y produisent durant son séjour. Il en atténue, par exemple, les excès en leur accordant une place dans le cours de l'Histoire, tant il est vrai, selon lui, que « Große Revolutionen erwecken [...] überall große Tugenden, allein sie veranlassen auch überall große Abscheulichkeiten ».' Le balancement rhétorique à l'œuvre ici marque, d'emblée, une relativisation de l'horreur. De plus, élever celle-ci au rang de nécessité historique invite à la considérer avec plus de modération. Ailleurs, la même idée est exprimée grâce à une métaphore empruntée à Schlözer : « wo läßt sich eine Revolution ohne Excesse denken! Krebsschäden heilt man nicht mit Rosenwasser». 2 L'utilisation du terme «horreur», en une autre occurrence, en diminue encore plus la portée. La scène est connue dans laquelle Campe et Humboldt, son pupille, pénétrent dans une maison de prostitution qu'on leur avait présentée comme un café. Alors que Humboldt, dans son journal, note froidement « Bordell »,3 Campe évite de nommer la réalité par son nom, et se contente d'insinuations et d'allusions pour imprimer dans l'esprit de son lecteur cet «Ort des Greuels ».4 Faire intervenir ici un terme aussi fort désamorce, pour ainsi dire, tous les emplois qu'il en fera ultérieurement, et l'on peut lire là, peut-être, la volonté de l'auteur de mettre à distance tout ce qui risquerait de contredire l'image présentée initialement de la Révolution. Cette tendance est plus explicite encore lorsque, après avoir exprimé ses craintes de voir la situation empirer en France et les excès ne se multiplier, il s'écrie: «der Menschenfreund wendet mitleidig seine Augen von den Greueln weg» dont est lourd l'avenir. 5

1 2 3

4 5

Br. J. 89.ΧΠ.1 p. 407. Br. J. 90.IV.5 pp. 456-457. Voir les Staatsanzeigen, vol. ΧΙΠ, p. 467. Humboldt, Wilhelm v., Tagebuch der Reise nach Paris und der Schweiz, in: Königliche Preussische Akademie der Wissenschaften (éd.), Gesammelte Schriften, vol. 14, Berlin 1916, p. 103. Br.J. 89.XI.1 p.269. Br. J. 90.1.1 p. 39.

315

Dans d'autres passages, on peut relever une semblable disposition à taire ce qui pourrait mener au doute : le motif de la cocarde est, ainsi, plus ambigu qu'on ne le croirait d'abord. Elle apparaît, dans un premier temps, comme le signe de la fierté retrouvée de la nation française.6 La remarque spirituelle d'un palefrenier à propos d'une cocarde froissée est, en outre, l'occasion, pour Campe, d'admirer l'étonnante «Cultur der niedrigsten Stände dieses Volks». Puis il montre l'exploitation, par l'industrie, de la vogue des cocardes qui, selon ses calculs, a rapporté aux fabricants au moins quatre millions de Thalers et il déplore qu'elle soit, de la sorte, devenue un accessoire à la mode : « In der Folge übte die Mode, wie über alles, so auch über dieses Freiheitszeichen ihre despotische Herrschaft aus» 7 sans s'interroger sur la signification possible, sur le plan symbolique, d'une telle dégradation. C'est dans les jardins du Palais-Royal que le jeune Camille Desmoulins arbora pour la première fois ladite cocarde, précisément en un endroit reconnu comme celui où l'on trouve «alle die neuen Producte [...] der wandelbaren und fantastischen Mode, welche von hier aus das ganze übrige Europa beherrscht». Bien plus, les fluctuations de la mode, et partant toute la vie du Palais-Royal sont littéralement gouvernées par les femmes de petite vertu, les « Lustdirnen », ces figures si négatives dans le Braunschweigisches Journal.8 Dans ces jardins, enfin, peut s'éployer ce luxe si cher au despotisme.9 Il est à tout le moins surprenant que Campe ne s'étonne point que le phénomène de moralisation de la France, qui le frappe à ce point, ait pu se développer à partir de ce lieu du luxe et de l'immoralité. Si le doute, dans ces passages des Briefe aus Paris est écarté d'emblée, il est parfois plus manifeste, et la réticence croissante des auteurs des deux revues face à la Révolution les amène ou à retourner l'image positive que donnait d'abord Campe, ou à en accentuer davantage l'aspect négatif quand il dresse un tableau contrasté des événements.

1

Les métamorphoses « à rebours »

En effet, la réalité telle qu'elle est représentée dans les Briefe aus Paris n'est pas monolithique et le texte de Campe, parfois, laisse malgré tout transparaître une certaine réserve. Ainsi en va-t-il, par exemple, de la fameuse nuit du 4 Août 1789 qui voit l'abolition de la féodalité. L'auteur, en dépit de ses préjugés anti-aristo-

6 7 8 9

Br. J. 89.X.7 p. 238. Ibid., pp. 248-249. Voir également p. 250. Br.J. 89.XI.1 p.299. Ibid., p. 298. On trouvera toujours au Palais-Royal tout ce qui sert à la satisfaction «eines jeglichen Bedürfnisses der Ueppigkeit»; p. 299 on y découvre aussi tout ce qui peut plaire « den Sinnen und der Einbildungskraft verfeinerter und üppiger Menschen » et les flatter.

316

cratiques, ne paraît guère enthousiasmé par ce que, dans sa seconde Lettre, il nomme un «vertige patriotique» 10 qui se propage de l'Assemblée nationale à toute la capitale. Peu après, Campe recourt à la métaphore - non inédite, il est vrai" - de «l'ivresse», 12 afin de qualifier l'état d'esprit des députés. Assurément, qualifier l'ambiance de cette nuit mémorable de «vertige» ou d'«ivresse» ne signifie pas, forcément, une condamnation,13 mais cela laisse percevoir quelque doute quant au caractère positif de l'événement, un doute que Campe s'efforce d'écarter aussitôt en se référant à cet «oracle» qu'est Mirabeau. Dans son Courrier de Provence, ce dernier insistait, en effet, sur l'esprit de sacrifice et sur l'honneur qui furent le moteur de cette nuit et proposait l'expression de «edle [...] Trunkenheit». 14 On peut, cependant, supposer qu'un tel recours au tribun n'a guère permis à Campe d'éradiquer ses incertitudes: en effet, il précise que «Graf Mirabeau hat diese Vorwürfe in seinem Courier de Provence zu beantworten gesucht»,15 ce qui n'implique pas qu'il y soit parvenu. Que Campe ait été peu convaincu par l'argumentation de Mirabeau expliquerait aussi que le texte du Courrier de Provence soit relégué en note de fin de page, à l'écart, par conséquent, d'un passage dont le ton reste généralement inquiet. De plus, la tentative de Mirabeau d'interpréter cette nuit comme la manifestation d'une «edler Trunkenheit» est en contradiction avec une autre de ses citations, mentionnée un peu plus loin, dans laquelle il s'exclame que «le corps législatif ne peut jamais être ni ivre ni enivré». 16 Si la nuit du 4 Août est d'abord frappée du sceau de l'ambiguïté, Campe, par la suite, retient, de l'image bipolaire qu'il en dépeint d'abord, la seule facette négative: dans sa réponse à une lettre de J. H. Meister, parue en mars 1791, il témoigne d'une certaine perspicacité,17 en se montrant porté à croire

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Br. J. 89.XI.1 p. 313: «Als die Nachricht von diesem merkwürdigen Auftritt [...] sich den folgenden Tag in Paris verbreitete, schien der nämliche patriotische Taumel, der die Nacht über in der Nationalversammlung geherrscht hatte, sich der ganzen Stadt mitzutheilen ». Voir Hirsch, Jean-Pierre, La Nuit du 4 août, Paris 1978, pp. 180 et 186. Dans cette dernière page, le député Duquesnoy parle, par exemple, de «l'ivresse du cœur» qui l'a étreint durant ces quelques heures. Br. J. 89.XI.1 p. 317. Et Campe redoute que cette «Trunkenheit» ne gagne les provinces. En 1793, l'ivresse sera, en revanche, connotée incontestablement de façon négative: voir Sehl. J. 93.V.6 pp. 122-123 «Diese sind es, [les dirigeants - montagnards - de la France de 1793] die der verkauften Freiheit eine Furie unterschieben und das bethörte Volk berauschen durch den Becher des Wahnsinns ». Br.J. 89.XI.lp. 316. Ibid., p. 315. C'est nous qui soulignons. Br. J. 90.1.1 p. 12, en français dans le texte. Etant donné les conditions dans lesquelles le Duc du Chatelet proposa le rachat de la dîme, il est manifeste que les décisions de cette nuit ne sont plus le fait du seul enthousiasme patriotique, et qu'elles furent prises, pour une part, à l'horizon de rivalités politiques bien déterminées (Hirsch, Jean-Pierre, op. cit., p. 165). Quelques pages plus loin, J. P. Hirsch ajoute que durant cette nuit furent échangés «coups bas et feux croisés» (p. 180); voir également Furet, François, «la Nuit du Quatre août», in: Furet, François et Ozouf, Mona (dir.), Dictionnaire critique de la Révolution française, vol. Evénements, Paris 1992, pp. 227-238.

317

daß der Vorschlag zu dieser Aufhebung ein von den aristokratischen Mitgliedern der Versammlung den demokratischen schlau gelegter Fallstrick war, weil man voraussehen konnte, daß diese verhaßte Maaßregel den neuen Gesetzgebern die unsterbliche Feindschaft des ganzen Adels zuziehen und dem Fortgange der Revolution dadurch die größten Hindernisse in den Weg legen würde. 18

1.1

Le peuple de Paris

De même, parmi les représentants du peuple parisien ennoblis par la Révolution, Campe avait accordé une place toute particulière aux femmes qui, durant les journées de juillet, s'étaient élevées au rang de «neuen Spartanerinnen».19 Même des figures aussi décriées que les poissardes avaient, selon lui, retrouvé une certaine dignité. Dans les descriptions des foules qu'il rencontre, Campe n'oublie pas de les mentionner20 et il les montre animées d'un profond patriotisme : elles accompagnent en procession les soldats de la Patrie à Sainte-Geneviève afin de les remercier.21 Dans la cinquième lettre, cependant, l'évocation de ces personnages est plus mitigée : Was nämlich zu Paris in den ersten stürmischen Tagen der Revolution von gesetzwidrigen Unordnungen und von Barbarei vorfiel, das rührte, wie Augenzeugen mich versichert haben, größtentheils nicht von Männern, sondern von Weibern der Vorstadt St. Antoine und von den sogenannten Damen der Hallen, den Trödelweibern her. 22

Et il ajoute, en note : So waren es ζ. Β. mehr diese Weiber, als ihre Männer, welche an den Leichnamen der hingerichteten Volksverbrecher, ihre Rachlust sättigten, indem sie dieselben zerstückten, und mit einzelnen Theilen noch eine Zeitlang ihren pöbelhaften und barbarischen Spaß trieben. 23

Par là, Campe rejette l'image de la poissarde héroïque au profit de celle d'une femme effrénée, cannibale,24 une image qu'il reprend en 1790 en lui conférant une connotation mythologique lorsqu'il décrit comment, Orphée moderne, il a failli être mis en pièces par des poissardes simplement désireuses de l'embrasser.25 Si, en cette dernière occurrence, la référence mythologique et la distance ironique qu'elle suscite atténuent la puissance évocatrice de la peinture, c'est l'image de la femme déchaînée qui finit, pourtant, par prédominer : lorsqu'il fait la recension du 18 19 20 21 22 23 24

25

Br. J. 91.in.4p. 294. Br.J. 89.ΧΠ.1ρ. 388. Br.J. 89.XI.1 p. 277. Ibid., p. 280. Br. J. 90.1.1 p. 14. Ibid. Sur le cannibalisme des femmes révolutionnaires, voir Petersen, Susanne, «Frauen in der Revolution», in: Brandes, Helga (éd.), „Der Menschheit Häfte blieb doch ohne Recht". Frauen und die Französische Revolution, Wiesbaden 1991, pp. 10-11. Br. J. 90.X.7 p. 444.

318

texte de Fr. Schulz Historisch=genealogischer Freiheit, umwälzung

enthaltend

die

fortgesetzte

(Braunschweig,

Almanach

Geschichte

der

fiirs

zweite

französischen

Jahr

der

Staats-

1791), Campe cite un long passage consacré aux

poissardes et qui é v o q u e davantage une m i s e en scène de B u c h o w e t z k i ou du Lu de Madame

du Barry,

qu'une toile de M a d a m e Vigée-Lebrun :

Die Weiber selbst gaben einen in gleichem Grade lächerlichen, ekelhaften und fürchterlichen Anblick. Breite Gesichter, deren grobe Züge von der Wuth verzerrt waren; hervortretende funkelnde Augen ; eine breite Kehle, aus welcher die Worte, mehr geröchelt als artikulirt, wie herausgedrückt und herausgerissen wurde ; ein Gebärdespiel, das zwei gewaltige, rothe und in großen breiten Tatzen auslaufende Arme, ein viereckiger Körper und baumstarke Beine, die unter den kurzen Röcken, überall gleich dick heraustraten und in eben so plumpe Holzschuhe ausliefen, konvulsivisch exekutirten; ein Anzug, dessen grober Stoff und gothischer Schnitt von dem starken Winde erschüttert und segelfertig ausgespannt wurde ; und endlich Nuditäten, welche Wuth, Wahnsinn und Sturm mit gleicher Schaamlosigkeit aufgedeckt hatten, und deren lederfarbene bald in tiefe Falten zusammenfallende, bald schlauchartig schweppemde, scheußliche Kontoure dem Auge wie dem Gefühle die Tortur gaben : alle diese Dinge an vielen hunderten auf einmal gesehen, bildeten ein Ganzes, dessen abentheurliche Abscheulichkeit die fruchtbarste Künstlerphantasie, wenn man sie über Verzerrung und Karrikatur brütet, sich vorzumalen zu arm seyn würde. Nimmt man nun noch dazu, daß einige dieser weiblichen Kalibane 26 Gewehre auf den Schultern, große Raufdegen an den Hüften, und in den Händen Hellebarden, wie Schäferstäbe trugen ; daß andere an den Armen halb nackter, ausgehungerter, barfüßiger Bettler zärtlich hingen ; daß andere in einer Art von wüthiger Freude, sich bärenhaft herumwirbelten; und endlich, daß noch andere, zu dreißigen an Kanonen gespannt, fluchend und schnarchend daher keuchten : so ist das Gemälde dieses Heerzuges vollendet, der in den Jahrbüchern der Welt und der Menschheit eine ausgezeichnete Stelle finden und behalten wird. 27 D'après cette description, qui se nourrit probablement de l'image des poissardes transmise par toute une tradition littéraire, et plus exactement théâtrale 28 ainsi que de leur représentation dans la caricature, 29 elles apparaissent c o m m e la parfaite antithèse de la f e m m e idéale telle qu'elle ressort d'un autre texte publié dans le Braunschweigisches

Journal?"

En effet, dans «Väterlicher Rath für m e i n e Toch-

ter; ein Gegenstück z u m Theophron; der erwachsneren weiblichen Jugend gew i d m e t » , Campe montre que la f e m m e , pour correspondre aux traits qui la carac26

27

28

29

30

Le lecteur ne peut s'empêcher de lire ici une contrepèterie entre Caliban, personnage de la Tempête de Shakespeare et «Kannibale». Br. J. 90.X.7 pp. 453^454. Voir Schulz, Friedrich, Geschichte der großen Revolution in Frankreich, Berlin 1790, pp. 181-182. Ce cannibalisme des poissardes a marqué les contemporains : voir, par exemple, Oelsner, Konrad Engelbert, Luzifer oder gereinigte Beiträge zur Geschichte der Französischen Revolution, Greiling, Werner (éd.), Leipzig 1987, p. 156 [édition originale 1796]. Moore, Alexandre Parker, The Genre poissard and the french stage of the eighteenth century, New York 1935. Jouve, Michel, «L'image du sans-culotte dans la caricature politique anglaise», in : La Gazette des beaux-arts, Nov. 1978. D'après Geitner, Ursula, « , p i e eigentlichen Enragées ihres Geschlechts"», in: Grubitzsch, Helga, Cyrus, Hannelore et Haarbusch, Elke (éd.), Grenzgängerinnen : revolutionäre Frauen im 18. u. 19. Jahrhundert. Weibliche Wirklichkeit und männliche Phantasien, [Geschichtsdidaktische Studien, Materialien, 33], Düsseldorf 1985, pp. 191-194. 319

térisent, doit faire preuve de « Geduld, Sanftmuth, Biegsamkeit und Selbstverleugnung », ainsi que de « Frömmigkeit, Gewissenhaftigkeit und Rechtschaffenheit », et prêter, dans chacune de ses actions, une attention extrême « nicht bloß auf ihre innere Sittlichkeit, sondern auch auf das conventionsmäßige Gepräge derselben ».31 Elle doit veiller toujours à sa « Keuschheit und Schamhaftigkeit einer der ersten und wesentlichsten Haupttheile der weiblichen Tugend», en particulier en ne dévoilant pas « diejenigen Theile ihres eigenen Körpers, welche Wohlanständigkeit und Schamhaftigkeit bedeckt zu halten gebieten».32 La poissarde est donc une femme dénaturée, ce qui est la conséquence logique de l'anthropologie des Lumières - que la Révolution ne parviendra pas à détruire33 qui assigne à la femme le milieu domestique comme milieu naturel. Dès qu'elle quitte la sphère familiale, pour avancer sur le théâtre de la vie publique,34 elle est dépouillée de sa tendresse et de sa douceur naturelles, peut devenir la proie des passions les plus furieuses et s'abandonner à des actes d'une rare violence. Le renversement du motif des poissardes prélude à celui de Paris. L'image de Paris, qui dans les Briefe, avait été présentée comme le lieu de l'humanité et d'un patriotisme cosmopolite, se dégrade, au fil des mois, pour devenir celui de la «Partheysucht», du «Partheigeist» et du «Fraktions Geist», 35 trois phénomènes interprétés tout à la fois comme la cause de l'échec des tentatives constitutionnelles, du déclenchement de la guerre en 1792 et de la naissance d'un abominable despotisme.36 Et la capitale française, initialement le théâtre de maintes nobles actions, finit, en 1793, par n'être que la scène d'une redoutable idolâtrie.37 Les acteurs qui s'y meuvent - ce bas-peuple de Paris un instant élevé au rang de la noblesse - redeviennent la masse. Paris, jadis exemple pour la France tout entière, n'en est presque plus que le contre-exemple, dans un texte de Knigge qui refuse de confondre

31 32 33

34

35 36 37

Br. J. 88.V.6 pp. 54, 61 et 62-63. Br. J. 88.IX.3 pp. 40, 53. Voir Opitz, Claudia, «Die vergessenen Töchter der Revolution. Frauen und Frauenrechte im revolutionären Frankreich von 1789-1795», in: Grubitsch, Helga, Cyrus, Hannelore et Haarbusch, Elke (éd.), op. cit., pp. 296-298. L. Devance a cependant montré le caractère ambigu de la violence révolutionnaire dont se rendent coupables les femmes qui, sans la mettre elles-mêmes en scène, sont plutôt «tournées vers des spectacles sadiques conçus et mis en œuvre par des hommes», (Devance, Louis, «Le Féminisme pendant la Révolution Française», in : A.H.R.F., 49, 1977, p. 347). Respectivement Sehl. J. 93.1.5 p. 46 ; 93.ΠΙ.10 p. 380 ; 93.IV.5 p. 483. Voir Sc«. J. 93.IV.1 p. 427. Ibid., p. 420.

320

den, durch eine Rotte von Bösewichten, durch untreue Behandlung und durch fremde Einmischungen aufgereizten Pöbel einer von allen Lastern angesteckten großen Stadt mit dem edlern und größern Theile der Nation. 38

La distinction est fondamentale, qui exclut la populace parisienne de cette nation qui l'avait accueillie en son sein,39 marquant la différence entre une capitale corrompue et le reste de la France - ce qu'on peut lire également comme l'opposition entre la ville et la campagne. Récurrente dans le Schleswigsches Journal, elle apparaît aussi dans la façon dont l'auteur des «Bruchstücke aus Briefen eines Reisenden am Rhein » évoque la légende noire colportée sur les troupes françaises, auxquelles on reproche de voler, de tromper les populations locales ou d'obliger ces dernières à prêter le serment civique. 40 Si l'auteur confirme la véracité de la dernière mesure, la dénonçant avec véhémence,41 il nie, en revanche, que les soldats français se montrent pillards ou cupides. Bien au contraire, ils partagent leur pain avec les misérables. Par là, l'auteur, lui aussi, distingue la politique de Paris et le comportement de la population française en général.42 Et l'on trouve, implicitement, cette même différenciation, dès mai 1793, dans ce syllabus errorum qu'est la «Recapitulation einiger Entdeckungen [...] » de Brackebusch, où il affirme : «Weil es unter 25 Millionen Menschen Heuchler, Rasende, Bösewichter, Narren und Cannibalen gibt ; so versteht es sich von selbst, daß alle 25 Millionen nichts anders als Heuchler, Rasende, Bösewichter, Narren und Cannibalen seyn können »,43 Le retournement de ce motif du «Pöbel» étend le champ d'application de la notion de «despotisme». Celle-ci n'est plus réservée au pouvoir d'un monarque

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43

Schi. J. 93.VII.3 p. 278. Dans la même page, Knigge refuse aussi de «glauben, der große Haufen könne einen gewissen Grad von Freiheit und Wohlstand nicht vertragen, weil wir den Misbrauch wahrnehmen, den ein unvorbereiteter Sklaven=Haufen davon macht». En outre, la populace de Paris n'est pas la seule à se voir rejetée puisque, ailleurs, un auteur dénonce les «Ausschweifung oder Grausamkeit des Pariser oder Marseiller Pöbels» (Sehl. J. 93.IV.4 p. 464 ; la même analogie entre les Parisiens et les Marseillais est dressée aussi p. 465). Sur le rôle des Marseillais durant l'été, voir Lourde, C., Histoire de la Révolution à Marseille et en province depuis 1789 jusqu'au Consulat, Marseille 1974, vol. 3, pp. 93-97 [reprint de l'édition de 1839-1840]. Si Lourde dresse un portrait emphatique des Marseillais, enflammant le peuple par leur patriotisme, W. Scott, lui, évoque leur image bipolaire en indiquant que «[t]o some, the Marseillais were equated with bloodthirsty cannibals» (Scott, William, Terror and repression in revolutionary Marseilles, London 1973, p. 32). Voir Sehl. J. 93.VÜI.5 [...] p. 501 «Sie stehlen, wo sie können, und bezahlen wo sie müssen; und ihre Münze ist Papierl ». Ibid., pp. 502-503. Ibid., p. 502. L'auteur, pour montrer que les intentions de la République française restent humaines, renvoie explicitement au décret du 15 décembre 1792, qui affirmait que la France ne fait pas la guerre aux peuples, mais à leurs oppresseurs. Ce décret est la suite de celui du 19 novembre, dans lequel la Convention promet qu'elle accordera «fraternité et secours á tous les peuples qui voudront recouvrer leur liberté» (Cité in Calvié, Lucien, Les Intellectuels allemands, les réalités politiques allemandes et l'idée de révolution (1789-1844). De la révolution française aux débuts du marxisme, Thèse de Doctorat d'Etat, Paris 1979, p. 33). Sehl. J. 93.V.1 p. 2.

321

tyrannique mais peut être employée, analogiquement, à propos du bas-peuple.44 Alors que le peuple parisien, par son calme et sa modération, avait suscité d'abord l'admiration, il apparaît, désormais, comme la proie de la folie, de l'hystérie. Loin de conquérir la liberté et de gagner en moralité, il devient une menace pour la liberté. Le merveilleux spectacle de la Révolution s'effondre, et un des auteurs du Schleswigsches Journal peut s'exclamer, en mars 1793 : Bisher war es wahr, daß die Französische Revolution der Welt sehr großen Vortheil brachte. [...] Aber nun wie verwandelt ist diese herrliche Szene! Diejenigen welche die Bande brachen, stürzen den Altar der Freiheit um und errichten der Volkswut einen höllischen Thron. 45

La métamorphose du motif du « club révolutionnaire » est une illustration supplémentaire de la dégradation de la Révolution. Le club, sous l'aspect informel d'un «Straßenclub», avait d'abord impressionné Campe, qui y voyait le signe d'une victoire de la publicité et le symptôme de l'ennoblissement du peuple.46 En 1793, encore, l'auteur juge valable le principe des clubs qui, selon lui, devraient être un lieu d'éducation civique,47 mais il constate que, depuis 1791, l'esprit patriotique qui y soufflait a cédé la place à l'esprit partisan.48 Brakebusch relève pareillement que le club, destiné, en théorie, à être le « Schild der Freiheit, des Patriotismus, der Bürgertugend», a dégénéré en un lieu du despotisme où le citoyen n'est plus qu'une marionnette : Der ehrliche Bürger glaubt frei zu seyn, und ist doch weiter nichts als die Dratpuppe, welche die Männer hinter dem Vorhange - ein oder ein paar intriguante Clubs=Beherscher - nach Belieben hin und her drehen. Ich glaube übrigens nicht nöthig zu haben, hier zu beweisen, daß kein ander Despotismus so drückend, so schimpflich, so entehrend sey als der Despotismus der Clubs. 49

Et les critiques adressées aux clubs atteignent leur paroxysme à propos des clubs de Mayence, de Spire et de Worms qualifiés d'« Abschaum des Menschengeschlechts ».50 Le renversement tant de l'image du peuple de Paris que de celle des clubs participe d'un mouvement plus général de distanciation vis-à-vis des «prodiges» de la Révolution.

44 45 46 47

48 49 50

Sehl. J. 93.1.5 p. 46. Schi. J. 93.ΙΠ.5 pp. 333-334. Br.J. 89.XI.1 p. 279. Sehl. J. 93.IV.1 p. 401 : «Hier sollte die Schule seyn fur junge Bürger, die sich dem öffentlichen Dienste widmen ; [...] Hier für alle der Brennpunkt des ächten Patriotismus». Ibid., pp. 402-403. Sehl. J. 93.V.3 pp. 48-49. Schi. J. 93.VDI5, p. 501. On trouve le même constat de la dégradation des clubs révolutionnaires chez d'autres écrivains progressistes (voir, par exemple, Lauckhard, Friedrich Christian, Leben und Schicksale von ihm selbst geschrieben, Becker, Karl Wolfgang (éd.), Leipzig 1989, pp. 300-307 [édition originale 1796-1797],

322

1.2

Le retournement des « prodiges » de la Révolution

D e fait, la révolution qui s'était opérée dans les esprits, durant l'été 1789, s'avère bien éphémère et les Français sujets à des renversements d'humeur contraires à la modération de personnes « e n n o b l i e s » , 5 1 c e qui permet aux v i c e s anciens de resurgir. La f a m e u s e légèreté des Français réapparaît qui, bientôt las des heureuses métamorphoses de leur caractère, se montrent avides de changement, 5 2 quelles qu'en soient les conséquences. La « V e r e d l u n g » de l'été 1 7 8 9 se révèle être une chimère 5 3 et, de m ê m e que la constance d'un caractère ennobli s ' e f f a c e de nouveau, d e m ê m e le patriotisme c o s m o p o l i t e s'évanouit-il, lui a u s s i : les actions généreuses d'un peuple conscient de son humanité laissent place au cannibalisme. Le m o t i f récurrent du cannibalisme est, chez les auteurs, probablement m o i n s nourri par des références au seizième siècle 5 4 qu'alimenté par les récits de v o y a g e , durant une Aufklärung avide de comportements exotiques - on a pu constater que C o o k et les navigateurs partis explorer le Pacifique s'enquéraient auprès de tous les sauvages qu'ils rencontraient d'éventuelles pratiques cannibales 5 5 - , ou encore par les œuvres littéraires exploitant c e goût du p u b l i c : ainsi Daniel D e f o e fait intervenir le motif du sauvage cannibale dans Robinson

Crusoe,

roman dans lequel

« t h e pervasive theme o f cannibalism [...] is related to the myth o f C r o n u s » . 5 6 Peut-

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53

54

55

56

Br. J. 89.ΧΠ. pp. 4 0 2 ^ 0 4 . Br J. 90.1.1 p. 39 : « Was mich fur die gute Sache der Nation am meisten besorgt macht, ist die allen lebhaften Leuten überhaupt, den Franzosen aber ganz besonders eigene Veränderlichkeit der Empfindungen und Unstätigkeit des Charakters, vermöge welcher sie auch der angenehmsten Gefühle und des Guten überhaupt, aus Begierde nach Veränderung, leicht überdrüssig werden können ». Pareillement, Reichardt constate, non sans ironie, durant son séjour à Paris: «Mit der Veredlung des Volkes durch die neue Konstitution, die der große deutsche Weise von Profession gleich in den ersten Monaten nach der Revolution auf allen Wegen und Stegen fand, hat es [...] freilich nicht auf sich. Die Wirtsleute, Schmiede und Postillons haben uns betrogen, die letzteren auch gebettelt und das Vieh gemißhandelt, wie gewöhnlich» (Reichardt, Johann Friedrich, Vertraute Briefe aus Paris, Weber, Rolf (éd.), Berlin 1980 [1ère édition 17921793], p. 105). II existe en une effet une «„passion" pour le fait cannibale [...] chez les protagonistes des guerres de religion» (Lestringant, Frank, «Catholiques et cannibales: le thème du cannibalisme dans le discours protestant au temps des guerres de religion», in : Margolin, Jean Claude (éd.), Pratiques et discours alimentaires à la Renaissance, Paris 1982, pp. 233-245; pour la citation, p. 234). On trouve, chez Montaigne, une autre preuve de la sensibilité des hommes du seizième siècle au motif du cannibalisme (Oeuvres complètes. Thibaudet, Albert et Rat, Maurice (éd.), Paris 1967, livre I, chapitre XXX, pp. 200-213). Voir Obeyesekere, Gananath, « „British Cannibals" ; Contemplation of an Event in the Deat and Ressurection of James Cook, Explorer», in: Critical inquiry, 1992, summer vol. 18, pp. 630-654. Voir Armstrong, Dianne, «The myth of Cronus : Cannibal and Sign in Robinson Crusoe», in : Eighteenth Century Fiction, 1992, 4, p. 208. Pour D. Armstrong, le motif du cannibalisme dans Robinson Crusoe dépasse largement la simple figure de Vendredi. Tout le roman est structuré par le mythe de Cronos qu'elle rattache, conformément aux thèses freudiennes, au complexe œdipien. 323

être la figure mythologique de Cronos - ou de Saturne, son avatar latin - sous-tend elle aussi, dans les revues, l'image du cannibale. Il manque encore une étude consacrée à la figure de Saturne comme métaphore de la Révolution, en dépit de l'importance qu'elle semble avoir eue pour les contemporains de la Révolution.57 Hans-Wolf Jäger, dans son travail sur la métaphorique révolutionnaire, ne fait allusion à cette divinité que dans la perspective d'un retour de l'âge d'or. 58 A. Demandt, dans l'ouvrage qu'il a consacré aux métaphores dans l'Histoire, classe la référence à Saturne parmi les «métaphores organiques», 59 mais sans s'y attarder davantage ; quant à M. Gilli, elle se contente de renvoyer à une citation de K. Clauer.60 Il semble, cependant, qu'il faille, à cette image, accorder une place plus grande dans l'univers mental des contemporains de la Révolution, car on la retrouve plusieurs fois dans le Schleswigsches Journal. Confronté aux excès de la Révolution Française, le philanthrope, sans aller, toutefois, jusqu'à souhaiter le retour à l'Ancien Régime, se montre désemparé : « [f]rei, denkt er, sind die Menschen Cannibalen: Sclaven, sind sie Thiermenschen».61 Le «patriote allemand», dans sa pétition de 1793, adresse le même reproche aux conventionnels qui ne comprennent point que «Raserei, Blutgier und Cannibalenwuth [ihre] Revolution befleckt haben». 62 L'emploi, dans ce contexte, de la métaphore «saturnienne» est absolument péjoratif et s'il est vrai que dans l'Antiquité, elle permettait de mettre en valeur la double dimension du temps, tout à la fois destructif et fondateur,63 seule la première fait encore sens dans les mois qui suivent la mort de Louis XVI. La liberté à laquelle la France avait accédé en juillet 1789, se dégrade à son tour. Campe, dès son séjour à Paris, avait perçu le danger inhérent à la situation qu'il y découvrait : Ob indeß dieser unerhörte Zustand von Mäßigung und Ruhe, bei fortwährender Gesetzlosigkeit und Zerrüttung aller bürgerlichen Verhältnisse, noch lange fortdauern werde? 64

La sauvegarde de la liberté s'avère bientôt incompatible avec la «Gesetzlosigkeit», et la France sombre dans l'anarchie, un terme que Campe évitait d'employer en

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Voir dans le domaine pictural le Saturne de Goya ou les gravures de Gillray. Jäger, Hans-Wolf, Politische Metaphorik im Jakobinismus und im Vormärz, Stuttgart 1971 pp. 56-62. Demandt, Alexander, Metaphern für Geschichte. Sprachbilder und Gleichnisse im historischpolitischen Denken, München 1978, p. 59. Gilli, Marita, «Images, métaphores et comparaisons dans les discours des jacobins de Mayence», in A.H.R.F., 267, 1987, p. 301. Voir aussi Vergniaud dénonçant «la Révolution qui dévore ses propres enfants» (cité par Arendt, Hannah, Essai sur la révolution, Paris 1985, [édition originale, 1963], p. 67). Schi. J. 93.ΙΠ.5 p. 334. Sehl. J. 93.V.3 p. 31 ; voir aussi 93.IV.1 p. 425. Demandt, Alexander, op. cit., p. 19. Br. J. 90.1.1 p. 38.

324

1789.65 Plus la Révolution s'emballe, plus la liberté s'estompe. Elle dégénère en ivresse66 et se résoud en exaltation, en «Schwärmerey». Parfois, la portée de ce dernier terme est extrêmement relativisée. Dans un article d'août 1793, un auteur montre, en évoquant les Rhénans favorables à la Révolution, que seul le succès ou l'échec d'une entreprise décide de son caractère raisonnable ou exalté : si les Français sont vaincus, ceux qui avaient pris leur parti «werden [...] unkluge Schwärmer auch von guten Menschen genannt, da sie sonst bei der Nachwelt vielleicht hochverdiente Menschen heissen würden, die ihrer Ueberzeugung jedes Opfer zu bringen stark genug gewesen wären ». Peu avant, on peut lire, à propos des Français « Ja wohl, dachte ich, können sie Unrecht kriegen, und Recht haben, und umgekehrt aber auch!»67 Cependant, le terme „Schwärmer" est loin d'être toujours relatif et, d'abord, il est même connoté positivement. Campe, par exemple, ne se défend nullement de « schwärmen » en voyant se dérouler le spectacle de la Révolution : « Sie sagen : ich schwärme? Gut, mein Lieber, ich freue mich, daß ich bei einer solchen Veranlassung noch erwärmt werden kann».68 La «Schwärmerey» de Campe est ici connotée positivement parce qu'elle a partie liée avec la liberté.69 Les Aufklärer la condamnent, cependant, dès qu'elle cesse de représenter un moment de la liberté, pour devenir exclusivement l'adversaire de la raison. Comme l'a écrit H. J. Schings : Behauptet das Schwärmertum in den Zeiten der Finsternis die „Rechte des freien und eigenen Denkens", vertritt es in der Opposition gegen den Zwang der Orthodoxie ein Moment der Freiheit und Wahrheit, so verliert es freilich alle diese provisorischen Rechte und degeneriert zur Betrügerei oder Reaktion, wenn es seine oppositionelle Rolle auch noch gegen die zur Herrschaft gelangte Vernunft festhalten will. 70

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On trouve une mention de l'anarchie, dans une citation seulement - donnée en note et tirée des «öffentlichen französischen Blätter» (Br. J. 89.XI.1 p. 319). Hennings parle d'un «Freiheitsschwindel» d'autant plus dangereux qu'il possède une grande force de séduction. (Schi. J. 93.VIH. 1 p. 426). Ce «Schwindel» est, bien sûr, à rapporter au «Taumel» évoqué plus haut (Br. J. 89.XI.1 p. 313). Sehl. J. 93.VHI.5 pp. 511-512. Br.J. 89.XI.1 p. 265. La dualité de la figure du «Schwärmer» est, en outre, perçue très clairement par Campe (Br. J. 90.ΧΠ.1 pp. 406-407) qui, tout en considérant «unmöglich, daß deijenige, der ein Feind und Verächter der aufgeklärten Vernunft, nicht auch Fantast und Schwärmer seyn sollte», reconnaît qu'il existe également des «moralischen Schwärmer», «die den Ruf eines hohen Grades von Menschenfreundlichkeit und Wohltätigkeit haben». L'exalté qu'il est lui-même, à Paris, est justement un de ces «moralische Schwärmer» (Campe met en garde, dans le même temps, contre les hypocrites qu'on peut trouver parmi ces derniers). Voir aussi Br. J. 90.IV.6 p. 494 où il est question de «gutmüthige Schwärmerey». Cité par Thorand, Brigitte, Schwärmer oder Enthusiast - Glaubenswahrheiten im Epochenumbruch. Untersuchungen zu Christoph Martin Wielands Roman „Die geheime Geschichte des Philosophen Peregrinus Proteus", Phil. Diss., Halle 1990, p. 57. La bipolarité de la figure du «Schwärmer» est un motif récurrent de la littérature (voir Lange, Victor, «Zur Gestalt des Schwärmers im deutschen Roman des 18. Jahrhunderts», in: Singer, Herbert et Wiese, Benno von (éd.), Festschrift fiir Richard Alewyn, Köln/Graz 1967, pp. 151-164). Sur la seule con-

325

C'est

ainsi

que

la

«Schwärmerey»

n'est

mentionnée

positivement

qu'immédiatement après la victoire apparente de la liberté et de la raison. D è s que l'exaltation m e n a c e le primat de la raison, elle est rejetée sans appel, et l ' e m p l o i du mot « S c h w ä r m e r » ne traduit plus que le désarroi : bei einem Kriege, wo Meinungen gegen Meinungen, Schwärmer gegen Schwärmer kämpfen, wo Federn so viel entscheiden als Schwerdter ; in einem Zeitalter, dessen Begebenheiten von den Begebenheiten aller andern ganz und gar verschieden sind ; wo Worte, deren Schall vorher eine unbeschreibliche Kraft hatte, alle ihre Bedeutung verlohren haben; wo Maximen untersucht und von ganzen Völkern umgestossen werden, an denen vorher hie und da kaum ein einzelner Mensch zu zweifeln wagte ; wo entweder eine unbegreifliche Verblendung oder eine tiefe Politik dem Geist der Zeit in die Hände zu arbeiten scheint ; - da kann nur ein Thor, oder ein Schwärmer sich einbilden, gewiß bestimmen zu können, was in der Zukunft Hintergrund verborgen liegen möchte ; da scheitert alles menschliche Wissen, ist jede Vergleichung unmöglich, weil keine Epoche da ist, die sich gegen die gegenwärtige stellen liesse.71 Plusieurs autres indices, dans la matière du texte, témoignent également

de

l'évolution du j u g e m e n t porté sur la Révolution, et m ê m e le terme choisi, pour désigner un p h é n o m è n e dont le caractère unique et inédit est bien perçu par les auteurs, n ' e s t pas insignifiant. 7 2 En un premier temps, la Révolution est qualifiée surtout de « S t a a t s u m w ä l zung », mot forgé par Campe, 7 3 ce qui explique que ses occurrences puissent être relevées, surtout, dans les Briefe

aus Paris,

ou encore dans des articles s ' y réfé-

rant. 74 L'analyse des différentes mentions de ce m o t en montre le caractère extrêm e m e n t positif. La « Staatsumwälzung » présente certaines caractéristiques propres au miracle. 7 5 D e plus, elle est le fruit de l'Aufklärung. 7 6 Enfin, elle met e n valeur la

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73

74

75 76

damnation de la «Schwärmerey» par les Aufklärer, voir aussi Hinske, Norbert, «Die Aufklärung und die Schwärmer - Sinn und Funktionen einer Kampfidee», in: Hinske, Norbert (éd.), Die Aufklärung und die Schwärmer, [Aufklärung, 3.1], Hamburg 1988, pp. 4-5. Schi. J. 93.X.4 pp. 222-223 (C'est nous qui soulignons). La quête d'un nom, pour désigner ce qui est perçu comme inédit ne concerne pas seulement la Révolution dans son ensemble, mais aussi quelques phénomènes particuliers. Découvrant la fraternité qui soude la nation française, Campe ne peut l'exprimer que par l'emploi du néologisme «Brüderlichkeit» (Br. J. 89.XI.1 p. 258; p. 314); voir aussi Campe, Joachim Heinrich, Wörterbuch zur Erklärung und Verdeutschung der unserer Sprache aufgedrungenen fremden Ausdrücke, Braunschweig 1801, entrée «Fraternité»: «pch machte] mit Bedauern die Bemerkung [...], daß in unserer, sonst so herzlichen Sprache, kein Wort vorhanden sei, welches jenem antwortete; und [ich wagte] es damals [...], um diesen Mangel abzuhelfen, Brüderlichkeit dafür zu bilden». De même, pour désigner les placards politiques qui couvrent les murs de Paris, il recourt à « Affische» (Br. J. 89.XI.1 p. 276). Campe, Joachim Heinrich, Wörterbuch zur Erklärung und Verdeutschung der unserer Sprache aufgedrungenen fremden Ausdrücke, p. 590. Voir, pour «Staatsumwälzung» ou simplement «Umwälzung»: Br. J. 89.X.7 p. 243 ; 89.XI.1 pp.263, 303, 306; 89.ΧΠ.1 pp.386, 424; 89.ΧΠ.2 p. 430, p. 442; 90.1.2 p. 47; 90.IV.5 p. 468 ; 90.X.7 p. 440. Br. J. 89.XI.1 p. 306. Voir Br. J. 89.ΧΠ.2 p. 430: «Daß die größere philosophische und politische Aufklärung [...] als die vorzüglichste vorbereitende Ursache der nun erfolgten Staatsumwälzung angesehen zu werden verdiene, ist keinem Zweifel unterworfen».

326

dimension astrale de la Révolution, qui est attestée dans les dictionnaires de Campe et d'Adelung. 7 7 Le rapport au m o u v e m e n t des astres permet de comprendre que souvent, lorsque reparaît la notion de « U m w ä l z u n g » , elle implique l'idée que la Révolution est terminée. La métamorphose de la nation française s'est déjà produite lors de l'arrivée de Campe à Paris ; la Révolution est accomplie. 7 8 Le m o t « U m w ä l z u n g » disparaît par la suite. N ' e s t - c e pas parce que la portée astrale et le sentiment de la perfection, c e s deux traits essentiels de la« Staatsumwälzung », sont entrés en contradiction a v e c la réalité? 79 Lorsque le terme est mentionné de nouveau, il a pris un autre sens, beaucoup plus négatif, 8 0 qu'entérinera Campe dans son dictionnaire de 1 8 0 7 - 1 8 1 1 . 8 1 Le mot « S t a a t s u m w ä l z u n g » , connoté d'abord positivement, est donc délaissé au profit de celui de « R e v o l u t i o n » . 8 2 Ce terme, utilisé, lui aussi, dès les Briefe

aus Paris,83

devait paraître plus adé-

quat, en ce qu'il allait au-delà de l'idée de révolution astrale qu'il avait longtemps

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Campe, Joachim Heinrich, Wörterbuch zur Erklärung und Verdeutschung der unserer Sprache aufgedrungenen fremden Ausdrücke, pp. 590-591 ; Adelung, Johann Christoph, Versuch eines vollständigen grammatisch-kritischen Wörtebuchs der Hochdeutschen Mundart, Leipzig 1774-1786, vol. IV, col. 823. Br. J. 89.X.7 p. 243 ; 89.ΧΠ.2 p. 430. Cela expliquerait que Campe, en 1790, puisse affirmer que les vérités historiques évoluent, et que l'on ne doit pas s'arrêter aux détails, en rédigeant l'histoire d'une «Staatsumwälzung» (Br. J. 90.IV.5 p. 468). Schi. J. 93.IV.5 p. 495 : à propos de la République de Mayence qu'il désapprouve, l'auteur parle de « ihrer innern Umwälzung ». Campe, Joachim Heinrich, Wörterbuch der Deutschen Sprache, Braunschweig 1807-1813, vol. IV, p. 459. Si une «Staatsumwälzung» se produit pacifiquement, elle est, dès lors, une «Staatsumänderung», une « Staatsumschañung ». C'est la même connotation péjorative qui accompagne l'emploi des mots «Aufruhr» (Br. J. 91.1.1 p. 2) ou «Rebellion» pour désigner la Révolution (Schi. J. 93.VQ.3 p. 282). L'auteur de ce texte se demande, si dans un des Etats d'Allemagne, il existe un peuple si opprimé qu'il songe à se rebeller, comme les Français l'analogie est implicite - l'avaient fait, en 1789. Citant aussi le cas des Mayençais, il critique leur volonté d'une «Umkehrung der Dinge» (Sur ce terme, voir Adelung, Johann Christoph, op. cit., vol. m c °l· 1035, qu'il définit ainsi: «die gewaltige Widersetzung mehrerer wider die rechtmäßige obrigkeitliche Gewalt; der Aufruhr»; Campe, Joachim Heinrich, Wörterbuch zur Erklärung und Verdeutschung der unserer Sprache aufgedrungenen fremden Ausdrücke, p. 570).

82

La Révolution est qualifiée, une fois, du terme, assez neutre, de «Veränderung» (voir Adelung, Johann Christoph, op. cit., vol. IV, col. 1371-1372 qui définit la «Veränderung» comme «die Handlung des Veränderns, der Erteilung einer andern Bestimmung»), On peut supposer que c'est la neutralité du mot qui en légitime, précisément, la mention, car Mauvillon (Schi. J. 92.ΠΙ.3 p. 361), dont la correspondance a été interceptée, essaie de se laver du soupçon d'être trop favorable à la France, en employant, pour désigner les événements de France, ce mot assez lénifiant. (Campe dans son Wörterbuch zur Erklärung und Verdeutschung der unserer Sprache aufgedrungenen fremden Ausdrücke, p. 591 dénoncera un tel usage de «Veränderung»: «Staatsveränderung, welches andere dafür gebraucht haben, kann wohl von geringen Veränderungen, welche nur einzelne Theile des Staats betreffen, aber nicht von einer gänzlichen Umkehrung der ganzen Verfassung gebraucht werden», p. 591).

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L'adoption, par ce défenseur de la langue allemande qu'est Campe, d'un mot d'origine étrangère est, pour ainsi dire, matérialisée dans les pages du Braunschweigisches Journal : c'est par 327

recouverte, pour souligner plutôt celle de progression.84 Par là, il permet de mieux rendre compte de l'inachèvement d'une révolution que les auteurs des revues ont cru trop tôt terminée. Mais il ouvre aussi à un jugement négatif sur elle, car ce mot, «par ses pouvoirs ambigus, [...] se déforme, s'adapte, se renverse, et comme un protiste, enferme un noyau vivant, perméable, mais difficile à détruire ».85 La substitution, à un terme initialement positif comme «Umwälzung», de celui, éminemment plus ambigu de «Revolution», est donc bien un signe de l'évolution du jugement porté sur les événements de France, d'autant plus frappante qu'elle s'accompagne, au fil des années, d'un retournement du sens des références historiques et des métaphores.

2

Le jeu des métaphores et des références historiques

2.1

Le retournement des métaphores

L'utilisation de la métaphore, durant l'Aufklärung comme pendant la Révolution a fait l'objet, déjà, de quelques études. Pour J. Nieraad, la métaphore de l'Aufklärung, réaction contre les excès de l'écriture baroque, est en quête d'une plus grande clarté, sans négliger, cependant, le désir de plaire au lecteur.86 Marita Gilli, dans son étude sur les images, les comparaisons et les métaphores chez les Jacobins de Mayence, leur attribue une fonction « agitatoire ».87 Selon J. Nieraad et M. Gilli, l'emploi, parfaitement conscient, de cette figure de style sert à illustrer ime idée claire : ce n'est alors qu'un simple médiateur. Si cette interprétation présente l'inconvénient de ne pas rendre compte de la «symbolique collective» étudiée par Jürgen Link88 et capable, selon lui, d'expliquer l'emploi de métaphores identiques dans une perspective politique radicalement opposée, elle semble surtout ne pas avoir de prise sur le jeu métaphorique à l'œuvre dans le Braunschweigisches et le Schleswigsches Journal. Ici, en effet, la métaphore paraît servir moins à exprimer, de façon plus élégante, une idée claire qu'à tenter, dans un premier temps, de désamorcer la négativité d'une réalité qui échappe à un discours pure-

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la bouche d'un citoyen de Valenciennes que les voyageurs apprennent ce qui s'est passé, depuis juillet, et découvrent, pour ainsi dire, le mot «Révolution» (Br. J. 89.X.7 p. 239). Br. J. 90.1.3 p. 67. Rey, Alain, «Révolution». Histoire d'un mot, Paris 1985, p. 134. Nieraad, Jürgen, «bildgesegnet und bildverflucht ». Forschungen zur sprachlichen Metaphorik, [Erträge der Forschung, 63], Darmstadt 1977, p. 19. Gilli, Marita, op. cit., p. 293. Voir aussi Jäger, Hans-Wolf, op. cit., et Stephan, Inge, Literarischer Jakobinismus in Deutschland (1789-1806), Stuttgart 1976, p. 182, qui décèle, en elles, une «kämpferische Qualität» particulière. Link, Jürgen, «Die Revolution im System der Kollektivsymbolik. Elemente einer Grammatik interdiskursiver Ereignisse», in: Eibl, Karl (éd.), Französische Revolution und deutsche Literatur, [Aufklärung, 1.2], Hamburg 1986, pp. 6-18.

328

ment rationnel. Par la suite, cependant, elle apparaît comme un indice supplémentaire du rejet de la Révolution dans les deux revues. Ainsi s'explique l'emploi récurrent de la métaphore de l'effervescence («Brausen»/«Aufbrausen»). Avant même la Révolution, ce terme peut être employé métaphoriquement pour désigner un état d'intense agitation intérieure.89 C'est le sens que lui donne Campe lorsqu'il évoque le Palais-Royal comme un lieu où, le soir du 4 août, règne une atmosphère effervescente,90 ou qu'il note que l'abolition des droits féodaux a mis en lumière l'un des traits caractéristiques des Français : «die aufbrausende Lebhaftigkeit». Die aufbrausende Lebhaftigkeit (l'effervescence) 9 1 und das dieser Nation nur allein eigene, höchstsonderbare Gemisch von Vollkraft (Energie) und Leichtsinn, von Erhabenheit und Flachheit, von Ernst und Scherz, von Würde und Spaßhaftigkeit - diese Hauptzüge in dem ehemaligen französischen Nationalcharakter - zeigten sich wol nie auffallender und in einem stärkern Lichte, als bei dem Kerzenscheine dieser merkwürdigen nächtlichen Sitzung. 92

Si cette métaphore de l'effervescence trahit le malaise face à la nuit du 4 Août, elle permet, par ses connotations, de l'atténuer, conformément à une tendance de Campe déjà relevée plus haut. En effet, le «Brausen», lié à l'idée de la fermentation des alcools,93 peut faire de l'ébullition de Paris un phénomène nécessaire, mais passager, qui ne remet pas en cause la marche de la Révolution: de fait, Campe constate que, bien que tous les esprits soient « in aufbrausender Gährung » et que les lois positives aient cessé d'être en vigueur, il règne dans la capitale un ordre étonnant.94 La métaphore de l'effervescence confère donc une certaine positivité à ce qui, sinon, pourrait remettre en question l'image donnée de Paris dans les Briefe. Elle change de sens, cependant, au fil des mois, pour finir par être connotée tout à fait négativement: en 1792, l'un des auteurs dénonce la confusion entre «Aufbrausen» et «festen Muth» 95 et, en mai 1793, les partisans du rattachement de Mayence à la France sont qualifiés de «Brauseköpfe». 96 Une telle dégradation de sa signification montre bien qu'elle traduit, en définitive, un rejet

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Adelung, Johann Christoph, op. cit., vol. I, col.1052-1053. Br. J. 89.XI.1 p. 313 : «Das Palais royal war gegen Abend mit unzählichen Menschen angefüllt, welche Kopf an Kopf in übersehbaren, dicht in einander geschobenen Haufen standen, und die Luft mit brausendem Geräusch erfüllten». Campe, dans son Wörterbuch zur Erklärung und Verdeutschung der unserer Sprache aufgedrungenen fremden Ausdrücke, p. 320, met également en rapport «Aufbrausen» et «effervescence». Br. J. 89.XI.1 pp. 310-311. Dans le même passage, Campe parle également d'un «aufbrausenden Enthusiasmus » (p. 311). Adelung, Johann Christoph, op. cit., vol. I, col. 430. Le lien sémantique de l'effervescence à la fermentation est d'autant plus net que Campe écrit, dans la seconde lettre, que les esprits sont «in aufbrausender Gährung» {Br. J. 89.XI.1 p. 260). Br. J. 89.XI. 1 p. 260. Schi. J. 92.1.1 p. 21. Schi. J. 93.V.3 p. 38. Pour un emploi péjoratif de ce terme, voir également 93.ΧΠ.5 p. 487.

329

de la Révolution. Et il en va de même des autres métaphores tissées dans les deux revues. Si le motif de la refonte du métal, auquel un passage du Schleswigsches Journal compare la Révolution,97 est difficile à interpréter, puisque la fusion peut signifier une destruction perçue comme châtiment ou la promesse d'un renouveau,98 l'image de la fermentation («Gärung»), qui est utilisée plusieurs fois, est plus parlante. Tout d'abord, ce phénomène est connoté positivement, dans la mesure où il est considéré comme à l'origine de la Révolution : Campe suggère ainsi que les maladresses de la Royauté, quelques années avant 1789, ont constitué le ferment de la Révolution.99 Puis il évoque «die neue Ideengährung» que suscitent les événements de France.100 Dans l'histoire de son île utopique - en fait une allégorie de la Révolution - Brackebusch présente la fermentation comme le prélude à une réforme, c'est-à-dire à la cessation des abus.101 La métaphore, dans ces conditions, revêt une signification positive et permet d'évoquer les désordres, tout en les relativisant car, en définitive, ils ne sont qu'une étape vers la naissance d'une stabilité nouvelle.102 Elle est pourtant ambivalente et, dans sa première lettre de Paris, déjà, Campe indique qu'à cause de la «Gährung», lors d'un incident à Möns, les voyageurs se sont vus contraints d'agir contre leur volonté.103 C'est précisément sur le caractère péjoratif du mot qu'est mis l'accent, au fil des années, comme en témoigne l'apparition d'une variante: «Volksgährung». Ce terme signifie explicitement une révolution marquée par la violence, une révolution destructrice, une révolution

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Schi. J. 93.ΧΠ.5 p. 486 : «Das Uebel war zu weit eingewurzelt, als daß nicht eine totale Umschmelzung notwendig gewesen wäre». Voir les références bibliques de cette métaphore : 1R, 8,51 \ Es 1,25-, 48,10', Jr 6,29-, 11,4 ; £z 22,17-22 ; Ps 66.10 ; Za 13,9 ; Ml 3,2 ; 1P. 1,7 (les références en italique sont dues à Demandt, Alexander, op. cit., p. 320). Br. J. 89.ΧΠ.1 p. 444 : «So wurden die Gemüther allmählich vorbereitet; und es kam nunmehr bloß auf nähere Veranlassungen an, um die unbestimmte Gährung derselben zu bestimmten Absichten und Entschließungen zu fördern ». Br. J. 90.VÜ.1 p. 258. Cet usage est attesté déjà par Adelung, Johann Christoph, op. cit., vol. Π, col. 384. Sehl. J. 92.IX.2 p. 35 : «Das ganze Land war in Gährung [...]. Es mußte erst noch was geschehen, was die Unterdrückten zur Reform brachte». Voir aussi Schi. J. 92.1.8 p. 125. La France n'a pas encore recouvré la stabilité parce que «bei der bisherigen Gährung die Auflagen nicht ordentlich bezahlt werden». Dès que l'Assemblée aura trouvé les moyens d'asseoir la stabilité économique, «dann wird die jene Gährung nicht ewig währen; es ist vielmehr zu erwarten, daß sie bald aufhört». (Sur un autre emploi positif de «Gährung», voir 92.VI.3 p. 182). Voir Br. J. 89.X.7 p. 237: «Allein weil auch hier jetzt alles in Gärung war, so sollten die Thore zur Nachtzeit nicht geöfnet werden [...], wir sahen uns zum erstenmal gezwungen, wider unsern Willen und bloß deswegen auszuruhen, weil es an dem Orte, wo wir waren, an Ruhe fehlte.» Cette situation ne fait qu'annoncer celle de Paris, que frappe aussi la fermentation: voir aussi Br. J. 89.XI.1 p. 260.

330

pervertie par le peuple, et donc inacceptable.104 Si la fonction de la métaphore politique est d'assurer la cohésion du discours en rendant compte de ce qui échappe au discours rationnel, la notion de « fermentation » trahit, dans son évolution, la difficulté de rendre compte des excès de la Révolution. Et s'il est une logique du discours métaphorique, ce dernier aboutit à un renversement du tableau prodigieux donné, d'abord, de cet événement. La Révolution ne s'apaise plus, mais plonge toute l'Europe dans une «fermentation» 105 dont il n'y a plus rien à espérer. La seule chose à faire est d'attendre qu'elle retombe d'elle-même, en prenant garde de ne plus l'alimenter. Les métaphores fondées sur le thème de l'eau sont, elles, courantes et précoces et l'on a pu parler d'une véritable « Strommetaphorik» dans les Briefe aus Paris}06 Campe, dans sa description du Pont-Neuf, évoque le flot des passants qui coule jusqu'à la Place de Grève où fut pendu Foullon,107 en une image qui exprime clairement la force inhérente au peuple. Le Pont-Neuf, symbole du bon roi, car construit par Henri IV, canalise la puissance de cette masse au bord de l'explosion. Quand, en revanche, le peuple se rebelle, il a l'impétuosité d'un torrent auquel rien ne résiste,108 et devient même une sorte d'océan. 109 Comparer le peuple à un fleuve qui déborde souligne bien son caractère incontrôlable,110 conformément au sens habituel, au dix-huitième siècle, d'une métaphore dont on se servait pour exprimer les forces destructrices à l'œuvre dans l'Histoire. 1 " Si l'inondation, par sa fonction

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Schi. J. 92.ΙΠ.1 pp. 282-283 «mein politisches Glaubensbekenntnis über die dermaligen Volksgährungen [ist], daß ich die gewaltsamen Revolution [nicht] für etwas Wiinschenswürdiges halte». Ce sens est attesté déjà par Adelung, Johann Christoph, op. cit., vol. Π. 105 Voir Sehl. J. 93.Vn.ll p. 385. Sur l'emploi péjoratif de «Gärung» voir également Schi. J. 93.VÜ.3 p. 274; 93.XI.2 p. 280. 106 Jäger, Hans-Wolf, in Campe, Joachim Heinrich, Briefe aus Paris zur Zeit der Revolution geschrieben. Mit Erläuterungen, Dokumenten und einem Nachwort von Hans-Wolf Jäger. [Texte zum literarischen Leben um 1800, 3], Hildesheim 1977, [reprint de l'édition de 1790], p. 87. 107 Voir Br. J. 89.XI.1 pp. 282-283 : «Hier gleicht der Zufluß und Abfluß der aus den beiden Hälften der Stadt sich über diese Brücke ergießende Menschenmenge dem zwischen Felsenwände zusammengepreßten Rheinstrome bei Laufenburg». 108 Br. J. 89.ΧΠ.1 p. 388. Les troupes demeurées fidèles au roi n'osent pas attaquer «einen noch unbewafheten stiiimenden Pöbel». 109 Ibid., p. 386. Durant les heures héroïques qui précèdent la prise de la Bastille, les hommes du peuple forment une véritable marée, et lorsque quelqu'un « sich unter die stürmende Menge des Pöbels mischte, so verlor er sich doch darin, wie ein Tropfen im Ocean». 110 Voir Br. J. 89.XI.1 pp. 318-319. Comme il ne sert à rien de dire au fleuve qui a quitté son lit: «zwischen diesen zerrissenen Dämmen sollst du bleiben, bis wir Zeit gewinnen werden, dich durch neue einzuschränken», on peut seulement se consoler à l'idée que «der ausgetretene Strom wird sich von selbst verlaufen». 111 Demandi, Alexander, op. cit., pp. 173-174. Parallèlement, depuis Perrault, l'image du fleuve pouvait, cependant, traduire, de façon métaphorique, l'idée de progrès (voir Schlobach, Jürgen, Zyklentheorie und Epochenmetaphorik. Studien zur bildlichen Sprache der Geschichtsreflexion in Frankreich von der Renaissance bis zur Frühaufklärung, [Humanistische Bibliothek, Abhandlungen, 7], München 1980, p. 327).

331

cathartique, 112 peut réintégrer, dans l'interprétation de la Révolution, les excès auxquels elle donne lieu," 3 en revanche, la réapparition de ce motif, après l'exécution de Louis XVI, est connotée de façon absolument négative. Elle traduit, en effet, le refus de justifier les événements par le biais d'une métaphore qui trompe, aux yeux de l'auteur, parce que l'image de l'inondation, qui feint de la présenter comme passagère, fait oublier, en définitive, que cette crise peut être mortelle : Vergleiche man nun Frankreichs Crisis [...] mit einer Ueberschwemmung, mit einer Feuersbrunst, mit einem Erdbeben, sage man immer der Augenblick ist nicht eine entschiedene Lage, er ist vorübergehend, aber der Despotism des Serails und der Hermandad ist während [...]. Mag also Frankreichs Zustand eine Ueberschwemmung oder eine Erderschütterung seyn, ich kenne keinen stärckern Despotism, als den der Wasserfluth der bebenden und verschlingenden Erde.114 Ce texte, de surcroît, renvoie à un autre champ métaphorique : celui des phénomènes telluriques, impliquant un sens négatif qui caractérise aussi un autre emploi de ce type de métaphores, lorsque Campe affirme, en mars 1792 daß [er] die gewaltsamen Revolutionen eben so wenig, als die zerstörenden Orkane und Erd=erschütterungen für etwas Wünschenswürdiges halte.115 Une autre métaphore tellurique, celle du volcan, tout en se rattachant à la thématique de la fusion, montre que l'Histoire de la Révolution n'est plus un grandiose et majestueux déploiement, ce n'est même pas la lave qui s'écoule lentement, inexorablement, pour reprendre une expression chère à Georg Forster; 116 c'est une succession d'explosions volcaniques qui sèment la destruction sur la terre, témoignant d'un emploi de la métaphore du volcan qui paraît assez neuf au dix-huitième siècle. 117 112

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Hans-Wolf Jäger, op. cit., p. 25, cite précisément ce passage du Braunschweigisches Journal afin d'illustrer cet aspect de l'inondation. Voir également Schi. J. 92.DÍ.2 p. 27 : «Es wäre freilich gut, wenn eine so große Begebenheit durchaus ohne Ausschweifung und Ungerechtigkeit geschehen könnte, so wie es gut wäre, wenn alle Erdbeben und alle Gewitter und alle Überschwemmungen ohne den mindesten Nachtheil für das Leben eines Menschen abliefen». Schi. J. 93.ΠΙ.5 pp. 331-332. Schi. J. 92.ΠΙ.1 pp. 282-283. Sur la conjonction de métaphores renvoyant aux secousses telluriques et aux inondations, voir également Sehl. J. 92.IX.2 p. 27 ; 93.ΙΠ.8 pp. 364-365. Voir lettre du 2.ΧΠ.92 in Briefe in : Die Französische Revolution, Günther, Horst (éd.), 1985, vol. 3, p. 760. Sur ce motif, voir également le commentaire de la septième gravure, dans Forster, Georg, Erinnerungen aus dem Jahr 1790, [1793], in: Georg Forster, Werke, Akademie der Wissenschaften in Berlin (éd.), vol. VHI, Scheibe, Georg (éd.), Berlin 1991. Les exemples de métaphores telluriques que fournissent Demandt ou J. et W. Grimm (pour le volcan, voir Grimm, Jacob et Wilhelm, Deutsches Wörterbuch, München 1984, vol. 26 col. 2023 [reprint de l'édition de 1854-1971]; pour le tremblement de terre, voir Demandt, Alexander, op. cit., p. 137) sont tous empruntés à des œuvres ultérieures à la Révolution, et on ne relève une acception métaphorique de «Erdeben» ou de «Vulkan», ni dans les dictionnaires de Campe, ni dans ceux d'Adelung.

332

L'utilisation des métaphores politiques dans les deux revues est donc fondamentalement bipolaire. En un premier temps, elles servent à cimenter l'interprétation positive que leurs auteurs donnent de la Révolution. Par la suite, elles évoluent pour étayer, au contraire, le jugement plus réservé qu'ils portent sur la Révolution, avant de participer de la dénonciation des événements de France qui domine peu à peu dans le Schleswigsches Journal. Et il faut noter, enfin, que la péj oration du sens des métaphores va de pair avec un certain scepticisme quant à leur emploi dans un contexte politique radicalisé, ce qu'un des auteurs du Schleswigsches Journal exprime clairement : Ich will in der Bildersprache antworten, so wenig ich auch Allegorien liebe, weil die Einbildungskraft sehr leicht die Vernunft irre fuhrt. 118

2.2

Le retournement des références historiques

Que l'image tracée de la Révolution dans les revues se détériore, peu à peu, cela apparaît, enfin, dans le traitement des références historiques. Alors qu'initialement, elles avaient servi à exprimer la positivité de la Révolution, elles en montrent désormais la corruption. Par là, même les renvois à l'Antiquité qui, d'abord, semblaient surtout de pure forme, se chargent de sens : ainsi, lorsque Campe affirmait, en 1789, que renaissait à Paris la Rome de Junius Brutus, le meurtrier de Tarquín, et celle de Caton l'Ancien, 119 sa remarque ne reflétait probablement que la profondeur de sa culture latine ; mais cette référence prend un sens nettement politique par la suite. En effet, une autre image, image antithétique de celle d'une Rome libre et morale, se dessine au fil des années. A la représentation d'une nation vertueuse se substitue, au prix d'un renversement, le tableau d'un peuple sans âme. A l'unité née de la liberté succède le tumulte des factions.120 L'image de la pourriture qui mine le peuple de Rome est utilisée pour traduire la réalité de la France révolutionnaire121 et, à Caton l'Ancien, se voit maintenant préféré un Caton d'Utique qui, par la voix de Favonius,122 redoute plus que tout la guerre civile.Cet éloge de Caton d'Utique peut être interprété comme une attaque lancée contre Robespierre (qui s'en revendiquait l'héritier tout en appelant à la guerre), une attaque que redouble l'auteur du Schleswigsches Journal en affirmant que Caton et César parta-

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Schi J. 93.ΠΙ.5 p. 332. Br. J. 89.XI.1 p. 257. H. C. Albrecht avait publié en 1783 une traduction de Tarquín et Lucrèce de Shakespeare. Campe, en réfutant un argument de Meister montre pourtant bien les limites de la référence à l'histoire romaine (Br. J. 91.ΠΙ.4 p. 304). Sehl. J. 93.VI.1 p. 142. Ibid., p. 137. Ibid., p. 139. Cicéron, Favonius et Statilius «urtheilten nicht nach abstrakten Ideen, auch nicht nach schwärmerischen Phantasien». Voir également p. 138, où Caton déplore «in der Agonie der Republik, die Wuth der Römer seiner Parthei, befehlen zu wollen».

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gent également le même esprit héroïque.123 Or, César est, pour les révolutionnaires français, l'ambitieux sans scrupule qu'ils citent pour disqualifier, par exemple, Lafayette.124 A l'opposé de tels jugements, le César que le lecteur découvre, dans un article de 1793, est un grand homme, et en l'assassinant, Brutus tue «einen edlen und großen Mann». 125 L'auteur de la revue ne va point jusqu'à tracer un parallèle explicite entre César et Louis XVI126 mais, en retournant l'image historique qu'employaient volontiers les révolutionnaires français, il subvertit également celle de son meurtrier: comme le passage de Caton l'Ancien à Caton d'Utique, celui de Junius Brutus à Junius Marcus Brutus rend sensibles la dégénérescence et la disparition, sous les coups des luttes intestines, des idéaux de Rome. Brutus, celui que Camille Desmoulins vénérait comme le «dernier des Romains» 127 est rabaissé à n'être qu'un vulgaire «Schwärmer» 128 et un piètre meurtrier. L'ultime phrase du texte (« [Brutus] beschloß so seine Mörder=Rolle »)129 sonne comme une condamnation sans appel qui fait écho aux mots «Königs- und Bürger Mörder» 130 par lesquels l'auteur de l'article qualifie les Montagnards. La référence à Rome étaie donc un désaveu du gouvernement montagnard, comme le montre, enfin, l'analogie établie, en juin 1793, entre Caton et le Girondin Roland de la Plâtière, que traque la Montagne.131 La dégradation de l'image de la Révolution est plus manifeste encore, à propos des révolutions américaines et anglaise. Après la mort de Louis XVI, en effet, les auteurs n'invoquent plus l'Angleterre pour légitimer la Révolution, mais pour la condamner, et ce retournement est d'autant plus aisé que la «Grande Rébellion» culmine, comme la Révolution française, avec la mort d'un roi juridiquement irres123 124

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Ibid., p. 138. Voir Parker, Harold T., The Cult of Antiquity and the French Revolutionnaries. A study of the development of the revolutionary spirit, Chicago 1937, p. 118. On trouve, ici aussi, la même comparaison chez les écrivains allemands plus radicaux : voir, par exemple, Rebmann, Georg Friedrich, Papiere eines Terroristen qui dénonce «[a]lle Dumouriez, Lafayetten etc., welche die Rolle eines Washingtons und Casars spielen wollten» (Cité in Träger, Claus (éd.), Die Französische Revolution im Spiegel der deutschen Literatur, Leipzig 1976, p. 805), même si Lafayette revêt, chez lui, une fonction paradigmatique. Schi. J. 93.VI.1 p. 139; voir aussi p. 142 «So fiel der letzte edle Römer». Oelsner, Konrad Engelbert, Bruchstücke aus den Papieren eines Augenzeugen, [1794] in: Günther, Horst (éd.), Die Französische Revolution, Frankfurt/M. 1985, vol. 1, p. 367 [1ère édition 1794], en citant Robespierre, met, lui, en rapport direct César et Louis XVI. Après avoir rapporté la condamnation du roi, il écrit «Eben weil er unverletzlich war, wurde Cäsar umgebracht». Parker, Harold T., op. cit. p. 176. Schi. J. 93.VI.1 pp. 129-131, où ce terme n'apparaît pas moins de cinq fois, dans le premier portrait fait de Brutus. Voir aussi pp. 132, 135 et 140. Dans cette dernière occurrence, l'auteur dit de Porcia, la femme de Brutus, qu'elle «war eine eben so große Schwärmerin, als ihr Mann». Ibid., p. 160. Ibid., p. 129 «Den heutigen Parisern ist er ein Abgott; seine Büste stehet unter den Penaten ihrer Königs= und Bürger-Mürder». Ibid., p. 146.

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ponsable. A partir de mars 1793, Charles Ier n'est plus présenté comme le tyran qu'il était implicitement auparavant. Il devient une figure emblématique et prophétique de Louis XVI. 132 Le lien évident entre l'exécution du roi Charles Ier et Oliver Cromwell - le grand bénéficiaire de la «Grande Rébellion» - explique que ce dernier, dont le nom est passé sous silence, tant que la référence à l'Angleterre est positive,133 puisse être mentionné, désormais, et ce comme une figure éminemment négative.134 Le renvoi à la révolution américaine était d'emblée plus ambigu, qui concédait aux Etats-Unis une certaine supériorité en raison de la constitution dont ils disposaient déjà. L'évolution de la situation en France achève de rendre impossible une mise sur le même plan des deux révolutions. On le perçoit déjà en janvier 1793, dans l'article consacré à la Constitution de 1791, qui se réfère à la révolution américaine pour montrer que l'abolition de la noblesse était la condition nécessaire de l'accession à une méritocratie.135 Cela signifie, en effet, que les révolutions de France et d'Amérique ne sont plus envisagées comme égales: seule la seconde devient le point de référence, un exemple à suivre. En effet, la révolution américaine n'a pas sombré dans les excès de la Révolution française, et si les révolutionnaires français et américains prétendent également agir au nom du droit naturel,136 ceux-ci se sont avérés capables de fonder une constitution viable, non sous l'impulsion d'un moment d'euphorie mais «durch langsame Ueberlegung und reife Beobachtung». 137 Loin de se lancer dans des expériences irrationnelles, la

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Schi. J. 93.ΙΠ.5 p. 335. On sait l'impression qu'avait laissée déjà, sur l'esprit du futur Louis XVI le destin de Charles Ier, destin qui «le poursuivra jusqu'à sa mort» (Lever, Evelyne, Louis XVI, Paris 1985, p. 46). Ce lien était d'autant plus clair, pour les contemporains, qu'on vit apparaître dans la France de 1793, des écrits sur le tyrannicide, datant de 1640-1660 (Voir Lutaud, Olivier, Des révolutions d'Angleterre à la Révolution de France - le tyrannicide, [Archives Internationales d'Histoire des Idées, 56], La Haye 1973, pp. 225-235). Quand est cité son secrétaire, J. M. Milton, c'est moins en tant qu'homme politique qu'en tant qu'auteur du Paradis perdu (Br. J. 89.V.1 p. 5 ; 90.ΧΠ.4 p. 496; 91.VIII.6 p. 500; 92.IV.1 p. 385). Seul Romilly évoque directement son action politique (Br. J. 91.V.2 p. 42). Sur cet aspect de la vie de Milton, voir Klenner, Hermann et Szudra, Klaus Udo, «John Milton, das gute Gewissen der Revolution», in : Milton, John, Zur Verteidigung der Freiheit. Sozialphilosophische Traktate, Leipzig 1987, pp. 211-235. Schi. J. 93.IV.1 p. 420 ; 93.IV.4 p. 474. Schi. J. 93.1.5 pp. 70-71. Dans la suite de l'article, publiée en avril, l'auteur souhaite, pour la France, qu'elle parvienne à établir un contrôle du pouvoir, analogue à celui exercé par le «Censor=Rathe» de Pennsylvanie (Sehl. J. 93.IV.1 p. 401), et qu'elle se donne un président disposant des mêmes pouvoirs que ceux de Washington (ibid., p. 424). Sur le passage, durant la guerre d'Indépendance, d'une lutte pour les droits garantis par la constitution britannique, à un combat mené au nom du droit naturel, voir Raynaud, Philippe, « Révolution française et révolution américaine », in : Furet, François, (dir.), L'Héritage de la Révolution française, Paris 1989, pp. 41-43. Sehl. J. 93.ΙΠ.5 p. 332. En décembre 1792, déjà, Melsheimer, dans sa description de la Pennsylvanie, parlait du «großen und mannigfachen Segen [...], den eine Konstitution, wie die der freien nord=amerikanischen Staaten, über die durch sie beglückten Völker verbreitet» (Sehl. J. 92.ΧΠ.4 p. 443).

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révolution américaine se fonde sur une séparation des pouvoirs qui, au cours de l'Histoire, a fait ses preuves,138 ainsi que sur une série de lois positives validées par l'expérience.139 Dans son étude sur l'Allemagne et la Révolution américaine, H. Dippel distingue plusieurs attitudes. D'abord celle des opposants à la révolution américaine qui rejetaient aussi la Révolution - même si, vers 1790-1791, la condamnation de l'Amérique s'atténue à la mesure que la France est critiquée davantage : Looking first at the antirevolutionaries, we are not surprised to find that those who had rejected the events in Amerika in 1776 took the same position toward France in 1789 [...]. Yet the French Revolution did influence their attitudes toward the American somewhat; a change in their opinions can be seen in 1791-1792, at the same time that their condamnation of the French Revolution was finding more and more adherents among the bourgeoisie. 140

Le second courant défini par Dippel est celui des radicaux allemands, des jacobins, qui thought of both America and France as experiments in implementing bourgeois rules. America's revolution, in their opinion, had allowed that nation to put its ideal into practice, whereas France was still striving for success. 141

L'évolution des références historiques suffit à montrer combien le Schleswigsches Journal se démarque des positions jacobines, puisque, ici, l'érection en modèle de la révolution américaine va de pair avec une condamnation de plus en plus radicale du cours pris par la Révolution. Et pour ce qui est des sympathisants non jacobins de la Révolution française, Dippel estime que Klopstock, un de leurs représentants caractéristiques, presented America and the American Revolution as a paradigm and prototype for France [and] was most unhappy about the bloody course of the French Revolution, but unlike many of his fellow citizens, he never let these développements lead him to break with it entirely. 142

C'est la position adoptée également par les auteurs du Schleswigsches Journal qui élèvent, eux aussi, la révolution américaine au rang de paradigme et approuvent les principes initiaux de la Révolution française, tout en se détachant lentement, mais profondément de la direction dans laquelle elle s'engage. 138

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C'est, d'après Brackebusch, la distinction entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif qui assura à l'Angleterre la liberté civile {Schi. J. 92.IX.2 p. 58) Dans la même page, il envie le bonheur des Américains, trop loin de l'Europe pour que leur liberté soit menacée par la folie qui a déferlé sur le continent. Assurément, les fondements mêmes de la démocratie de l'Amérique (voir Gusdorf, Georges, Les Révolutions de France et d'Amérique. La violence et la sagesse, Paris 1988, pp. 63-103) ont contribué à sa stabilité politique. Voir la remarque de Dickinson: «L'expérience doit être notre seul guide, la raison pourrait nous égarer. » (cité par Arendt, Hannah, op. cit., p. 248). Dippel, Horst, op. cit., p. 302. Ibid., p. 305. Ibid., pp. 304—305.

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Les principales étapes de ce retournement

3.1

Les journées d'octobre 1789

Le doute, latent ou repoussé dès les Briefe aus Paris, se manifeste, en effet, avec une irréductible force dès les événements des 5 et 6 octobre 1789, lorsque les Parisiens se rendent à Versailles d'où ils ramènent le Roi et sa famille qui, désormais, ne quitteront plus jamais Paris. Dans le Braunschweigisches Journal, il est fait doublement référence à ces deux journées : d'une part, dans la critique, parue quelques mois auparavant d'un texte de Schlözer (Staatsanzeigen, n°53, Tome XIV)143 et, d'autre part, dans une recension du texte de Friedrich Schulz Historisch=genealogischer Almanack furs zweite Jahr der Freiheit, enhaltend die fortgesetzte Geschichte der französischen Staatsumwälzung (1790).144 Dans le premier de ces passages, Campe, tout en réfutant les critiques formulées par Schlözer contre lui, se range parfois à ses vues : dans l'interprétation que Schlözer faisait initialement de la Révolution par exemple, celle-ci s'arrêtait le 14 juillet : Die nachherigen Tumulte über wirkliche oder vermeintliche Hungersnoth haben so wenig Zusammenhang mit dem Wesentlichen der Revolution, als die Possen der Poissardes. [...] Auch die Gewalttätigkeiten gegen den König im Oktober gehören nicht zur Revolution : wahrscheinlich - die Zukunft wird es aufdecken - lag dabei eine Rebellion zum Grunde. 145

En un premier temps, Campe, comme Schlözer, considère donc la marche sur Versailles comme un accident. Six mois plus tard, dans la livraison d'octobre 1790, il la présente, en revanche, comme la suite, fût-elle malheureuse, de la Révolution: décrivant l'organisation du Historisch=genealogischer Almanack de Schulz, Campe dit qu'il s'achève «mit der fiirchterlichen und gräslichen zweiten Revolution, wie Herr S. die Auftritte vom 5. und 6.Oktober treffend nennt». 146 Ce nouveau jugement dénote une distanciation plus grande vis-à-vis de l'évolution de la Révolution, mais sans remettre explicitement en cause les principes au nom desquels elle commença.

3.2

Les massacres de septembre 1792

Il en va de même du jugement porté sur les massacres de septembre147 plusieurs fois évoqués dans les revues alors que, paradoxalement, la chute de la monarchie, 143 144 145 146 147

Br. J. 90.IV.5 pp. 453^173. Br. J. 90.X.7 pp. 446-454. Br. J. 90.IV.5 p. 457. Br. J. 90.X.7 p. 453. A la suite des défaites subies par les armées révolutionnaires durant l'été 1792, des rumeurs naissent à Paris que les détenus des grandes prisons parisiennes préparent une tentative de contre-révolution. Ameutées par la presse révolutionnaire, des bandes se rendent à l'Abbaye, à

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après le 10 août, ne retient que peu l'attention des auteurs, en dépit de son importance dans la conscience allemande.148 La condamnation de ces massacres - qui nourrissent probablement la représentation des révolutionnaires assimilés à des cannibales149 - est sans appel dans le Schleswigsches Journal.150 Ainsi l'un des auteurs - tout en refusant l'idée de la seule responsabilité des Jacobins151 - voit-il dans quiconque a participé à ces exactions ou les a approuvées un «Unmensch des zweiten Septembers», 152 tandis que l'article suivant de la même livraison insiste sur la nécessité d'en châtier les auteurs. En effet, si c'est un «Verbrechen gegen die Menschheit» de lutter contre la liberté, il est devenu difficile, depuis le 2 septembre, de décider wo das Verbrechen gegen die Menschheit ist, in der unternommenen Sache der Freiheit, oder im Widerstreben der Gegenparthei gegen dieselbe? Bleibt der zweite September, bleibt Ludwigs Tod ungestraft, gehet der Weg der Anarchie durch solche Greuel zur Usurpation über, so ist das Problem gegen die angeblichen Freunde der Freiheit entschieden. 153

Pour sauvegarder la valeur des idéaux de la Révolution française et, partant, ceux de l'Aufklärung, il importe donc de condamner la pratique révolutionnaire. Une semblable bipolarité structure chacun des jugements portés, dans le Schleswigsches Journal, sur les événements de septembre. Brackebusch, par exemple, écrit en mai 1793: Scenen wie die in Avignon, in Versailles und in Paris am zweiten September, wer wagt es sie zu entschuldigen? Die Stimme aller Partheien in Deutschland ist darüber nur eins, sie ist Abscheu, tiefer unüberwindlicher Abscheu. 154

En dépit du caractère « unanime » de la condamnation des massacres de septembre 1792, 155 Brackebusch opère néanmoins, quelques pages plus tard, une distinction sociologique parmi ceux qui jugent le 2 septembre : les lettrés, selon lui, ne peu-

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Saint-Lazare et, après un simulacre de procès, exécutent près de 1400 prisonniers (voir Bluche, Frédéric, Septembre 1792. Logiques d'un massacre, Paris 1986). Voir Kirschbaum, Klothilde, Deutsche Zeitgenossen zu den Gewalttaten der Französischen Revolution. Meinungsbildung, Erlebnisse, Urteilsbegründung in der Sicht der deutschen Gebildeten, Phil. Diss., Göttingen 1951, pp. 77-82. Sur le 10 août dans le Schleswigsches Journal, voir Schi. J. 93.ΠΙ.3 pp. 330-331. Voir les exemples donnés dans Caron, Pierre, Les Massacres de septembre, Paris 1935, pp. 57-64 et Herissay, Jacques, Les Journées de septembre 1792, Paris 1945, pp. 270-357. Schi. J. 93.Vn.ll p. 386. La mort du Duc de la Rochefoucault, victime des massacres de septembre, contribue elle aussi probablement au jugement négatif porté sur cet événement. Sehl. J. 93.ΙΠ.5 p. 335. Aux yeux de l'auteur, les émigrés partagent la responsabilité de ces massacres, car ce sont «die fürchterlichen Manifeste [...], die in der Androhung einen zweiten September theoretisch anstellten». Ibid., p. 328. Sehl. J. 93.ΠΙ.6 p. 341. Schi. J. 93.V.3 p. 31. Même les Allemands établis à Paris après le début de la Révolution condamnent généralement les massacres de septembre (voir Kirschbaum, Klothilde, op. cit., pp. 96-102).

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vent, en effet, jeter sur cet événement le même regard que le peuple qui, ne lisant guère la presse et ignorant, par conséquent, le changement subi par le caractère national des Français, ne sera point à même d'en apprécier la portée réelle : Der große Haufe ließt keine Zeitungen oder nur solche, welche ihm die ehrwürdige Seite der Revolution verbergen und ihn mit Scenen vom 20. Junius, vom 10. August und vom 2. September unterhalten. Es wird also lange nicht erfahren, welche große Veränderungen mit dem Frankischen National=Charakter vorgegangen ist. 156

Grâce à une lecture idéologique de la Révolution, Brackebusch s'efforce donc de conserver la positivité des principes de l'Aufklärung. Cependant, la conviction qu'il faut distinguer entre le sens réel de la Révolution et les horreurs auxquelles elle donne lieu se double du sentiment que seule une poignée d'hommes est capable d'une telle distinction. L'auteur d'un autre article du Schleswigsches Journal recourt à la même argumentation lorsqu'il note : Ganz Europa ist über die Schandthaten welche die S a n s c u l o t t e s in Paris an zweyten September, oder an irgend einem andern Tage, begangen haben, wenigstens ietzt, so durchaus einer Meynung, daß die Philosophen, (die keine Nachteulen nach Athen tragen wollen und keine Adler nach Paris tragen können) um so fuglicher schweigen mögen, da ihr Reden doch zu nichts helfen würde. 157

Mais il va plus loin que Brackebusch, encore, et laisse entendre que, non seulement il est réservé à une minorité de personnes de percevoir la positivité de la Révolution française, mais encore que celles-ci sont bien avisées de ne point divulguer publiquement le résultat de leurs réflexions. 3.3

La mort de Louis XVI

Enfin, c'est la même stratégie argumentative que l'on voit à l'œuvre dans les articles qui concernent l'exécution de Louis XVI. Ici aussi, les auteurs du Schleswigsches Journal se refusent à faire des Jacobins les seuls responsables de sa mort, renouant avec la problématique de la critique de la noblesse qui, en 1793, se cristallise essentiellement, on l'a vu, dans les attaques contre les émigrés, à qui l'on reproche d'avoir provoqué, non seulement la guerre avec la France et l'invasion de l'Allemagne, mais aussi la mort du roi. En effet, « [d]ie beyden Bourbonniden und ihre Anhänger» sont implicitement accusés d'être à l'origine du manifeste de Brunswick.158 Dans la même livraison, l'auteur d'un autre article affirme :

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Schi. J. 93.V.3 p. 42. Schi. J. 93.IV.4 p. 470. L'auteur atténue, lui aussi, la dimension des crimes commis par les sans-culottes, en les mettant en parallèle avec ceux qu'avaient ordonnés les Princes allemands :au fil du discours, il compare de la sorte les massacres du 2 septembre aux exactions commises par les troupes de Hesse sous la direction de W. v. Knyphausen, durant la guerre d'Indépendance américaine (Schi. J. 93.IV.4 pp. 466-468). Sehl. J. 93.1.5 pp. 75-78.

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Die Franken haben keinen deutschen Reichstand angegriffen, sie haben ihre Feinde da aufsuchen müssen, wo sie gehegt, gepflegt und wo die elendesten aller Menschen, das sind bekanntlich die Emigrirten, zu einer drohenden Macht erhoben worden sind.159 Le poète Heiberg, dans un poème dédié à Louis XVI, s'en prend, quant à lui, aux conseillers spirituels et temporels du Roi, à ses faux amis et plus généralement à la noblesse. Et il écrit : Ludwig liegt gestürzt vom Throne Er, des Wink allmächtig war. Misgebrauchte Macht zu sühnen Löscht man ihn vom Erdkreis aus Ach! sein Weib, Geschwister, Tanten, Adel, Priester, Sycophanten, Falsche Fremde mordeten ihn.160 Considérer sans réserve la publication, dans la livraison de mai 1793, d'un poème de Peter Andreas Heiberg comme le témoignage d'un inconditionnel soutien aux révolutionnaires français,161 relève d'une lecture partiale du Schleswigsches Journal. En effet, le texte s'achève par une strophe dithyrambique à la gloire du roi du Danemark 162 et, d'autre part, Helberg pas plus que les autres auteurs, tout en soulignant, durant l'année 1793, la responsabilité des émigrés, 163 ne remet en question

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Sehl. J. 93.1.7 p. 115. Schi. J. 93.V.5 p. 81. Dans la logique du texte, on peut compter au nombre de ces faux amis les émigrés «Der Erde Abschaum/Emigranten, legen Schlingen/Jedem Tritt, wohin ihr seht». On retrouve cette idée dans un des trois «Historische Volkslieder» consacrés à l'exécution de Louis XVI, chants que cite Ditfiirth dans son florilège (Ditfurth, Franz Wilhelm v., Historische Volkslieder der Zeit von 1756 bis 1871, Berlin 1871, vol. 1, p. 91). 161 C'est, par exemple, la position de Walter Grab dans «Johann Heinrich Voß in der französischen Revolution», in: Beutin, Wolfgang et Lüders, Klaus (éd.), Freiheit durch Aufklärung: Johann Heinrich Voß (1751 -1826): Materialien einer Tagung der Stiftung Mecklenburg (Ratzeburg) und des Verbandes Deutscher Schriftsteller (Landbezirk Nord) in Lauenburg/ Elbe am 23-25 April 1993, [Bremer Beiträge zur Literatur- und Ideengeschichte, 12], Frankfurt a.M./Berlin/Bern/New York/Paris/Wien 1995, pp. 25-26. 162 Schi. J. 93.V.5 p. 82 «Edel denkt der Dänen König,/Hört die Stimme der Vernunft,/Negern, Bauern und Gedanken/Nahm sein Muth die Fesseln ab./Seines Zwillingsreiches Söhne/ Fühlen dankbar seine Grösse. /Lang lebe Christian ! /Friedrich! ». 163 Voir Sehl. J. 93.ΙΠ.5 pp. 330-331. Après avoir constaté ce que signifie la mort de Louis XVI, l'auteur de ce texte se montre convaincu que c'eût été un bonheur pour la France «wenn man Ludwig auf dem Thron gelassen hätte; wenn der 10. August nicht unvermeidlich und nothwendig geworden wäre, wie es, meines Ermessens mit vollem Rechte in der Minerva heißt, so sehr auch Herr Girtanner dagegen sich auflehnt». L'article de la Minerva, auquel il est fait référence ici, est de la main de Κ. E. Oelsner qui imputait au Manifeste de Brunswick la chute de la Monarchie (Oelsner, Konrad Engelbert in: Minerva, 1792, vol. 3 pp. 533-546). La réponse de Girtanner est, elle, parue dans les Politische Amalen, 1793, vol. 3 p. 110. Voir Kirschbaum, Klothilde, op. cit., p. 79). Cet argument est récurrent sous la plume des écrivains progressistes (voir, par exemple, Rebmann, Andreas Georg Friedrich, Vollständige Geschichte meiner Verfolgungen und meiner Leiden, Garber, Jörn (éd.), Meisenheim/ Glan, s.d., [reprint de l'édition de 1796], p. 70). 160

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le caractère monstrueux de la terreur jacobine.164 Ainsi, un article intitulé «Ludwigs Anklage und Vertheidigung» dénie catégoriquement toute validité au procès intenté à Louis XVI. Outre le non-respect des formes juridiques, c'est le principe même d'un procès fait à un monarque, parce qu'il a agi en monarque, qui est remis en cause. Et Louis XVI eût-il même été coupable de s'opposer à la marche de la Révolution vers la liberté, on n'aurait pas eu davantage le droit de le mettre au banc des accusés.165 La bipolarité des critiques acerbes formulées dans la revue trouve son expression la plus nette dans une courte épitaphe publiée au Danemark par Pierre-Frédéric de Suhm (1728-1798) - qui voit en Louis XVI, tout à la fois, la victime des factions populaires et de celle du Duc d'Orléans166 - ainsi que dans un article publié en mars 1793. L'auteur de ce texte écrit en un premier temps : In ganz Europa hat sich wohl nie ein Gedanke mit schnellerer Erschütterung verbreitet, als die Empfindung über Ludwigs Ermordung. Ich will zur Ehre der Menschheit hoffen, daß die erste Betäubung überall gleich war, und daß, wer nicht ein Unmensch des zweiten Dezembers war, oder seyn konnte, ausrief, Pfui, über die Barbaren ! Wehe dem Philosophen, dem kaltblütigen Zeiten=Beobachter, der hier nicht im ersten Augenblicke Mensch war.

Sitôt que l'Homme a payé de ses larmes son tribut à l'humanité, le Philosophe peut prendre la parole et demander : warum macht denn der Tod eines einzelnen Menschen so allgemeinen Eindruck, da tausendmahl tausend größere Greueltathen in der Menschheit vorgehen, die wie achtungslos erzählen hören? 168

Selon lui, si les hommes sont bouleversés par la mort de Louis XVI, c'est parce qu'elle marque une rupture dans le cours de l'Histoire, qu'elle prélude à un bain de sang, qu'elle offense et abolit la raison, l'humanité et le droit. De plus, l'exécution du roi signifie la fin de politique traditionnelle et de la pratique, si usitée jusque-là, des intrigues :

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Schi. J. 93.ΠΙ.6 pp. 337-341. L'auteur va même plus loin en affirmant que résister à la Révolution tant que la France était encore une monarchie ne peut, d'un point de vue juridique, être reproché à Louis XVI (p. 339). Sehl. J. 93.Vn.ll pp. 388-389: «Aber vom Grunde der Seelen trifft sein Fluch diejenigen, deren Intrigantenspiel Ludwig zum Blutgerüst führte, Frankreich der größten Convulsion übergab, den fröhlichen Gang der jugendlichen Revolution [...] in ein tyrannisches Wüsten ausarten ließ, die Deutschlands unschuldiges Blut [...] opferten [...] ». Dans l'un des demiers articles du Schleswigsches Journal, on trouve, en outre, l'expression de «Ungeheuer», pour désigner les jacobins français (Sehl. J. 93.XI.5 p. 387). Sehl. J. 93.ΙΠ.6 pp. 337-341. Sehl. J. 93.ΙΠ.12 p. 384: «Ermordet durch Partheigeist der Landesverräther am 21. Jenner 1793. Unschuldiges Opfer der Wuth des Herzogs von Orleans [...] ». Sehl. J. 93.ΙΠ.5 p. 328. Sur la mise en rapport des assassins de Louis XVI et des hommes du 2 septembre, voir aussi 93.IV.5 p. 483. Ibid., pp. 328-329.

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die Gründe sind erleuchtend, 1 ) die Ermordung Ludwigs hebt die ganze itzige Epoke aus den Angeln [...] 2) Die Ermordung Ludwigs ist das Signal eines Blutbades [...] 3) Die Ermordung Ludwigs ist mit Beseytigung und Beleidigung a) des gemeinen Menschenverstandes, b) der Menschheit, c) der rechtlichen Form, d) der rechtlichen Grundsätze, e) der großen Politik, f) der gemeinen Intrigue geschehen.169

Cette double réponse renvoie, évidemment, à la dénonciation bipolaire des jacobins et des aristocrates. L'analogie structurale entre les différents jugements portés sur les étapes les plus marquantes de la terreur jacobine apparaît, enfin, dans l'attitude du philosophe qui, tout en invitant à un double rejet - celui de l'aristocratie et celui des jacobins français - se montre conscient de la vanité de ses appels à la modération. Face aux violences de son siècle, il n'aperçoit qu'une solution possible pour le « Menschenfreund » : « Er kehrt in sich zurück, schlägt sich aufs Herz und sagt, Nur hier bin Ich frei! », sans renoncer pour autant à ses idéaux qu'il réaffirme avant de se détourner d'une réalité qui les bafoue: «Heil der Freiheit, Heil den Menschenrechten, Heil dem Volksgeist, Heil der Publicität! »170 D'une lecture de la Révolution comme inscription dans le réel des idéaux de l'Aufklärung, les auteurs des revues passent donc à un refus de celle-ci, en fonction des mêmes idéaux. A ce repli sur soi des auteurs s'ajoute un changement de perspective : si, en 1789, la situation précaire des Aufklärer en Allemagne les avait incités à tourner les yeux vers la France, la catastrophe qui s'y déroule les invite, au contraire, à porter à nouveau leurs regards vers l'Allemagne. Ce revirement est très net dans les réflexions notées, çà et là, à propos de la guerre avec la France, qui occupe les esprits bien avant qu'elle ne soit déclarée au printemps 1792. 3.4

La guerre

Dès janvier 1792, on trouve dans le Schleswigsches Journal l'expression du refus d'une intervention alliée en France, dans un dialogue qui met aux prises deux nobles français dont l'un est un partisan raisonnable de la Révolution - raisonnable en ce qu'il l'approuve, tout en reconnaissant la négativité des excès auxquels elle donne lieu - et l'autre, son farouche adversaire. Ce dernier envisage, comme seule solution aux débordements révolutionnaires, une intervention d'armées étrangères

169 170

Ibid., pp. 329-330. Ibid., p. 336.

342

que précéderait la publication d'un manifeste.171 L'ardeur belliqueuse qu'il déploie est tempérée, cependant, par l'argumentation de type juridique de son interlocuteur, qui lui rétorque qu'une intervention étrangère représenterait une atteinte à la souveraineté française,172 et surtout par la description des horreurs de la guerre.173 Pareillement, dans les articles consacrés, ensuite, au conflit entre la France et les puissances alliées, les considérations juridiques, pour être récurrentes,174 demeurent toutefois moins importantes que la peinture des maux entraînés par la guerre, à laquelle sont imputés, par exemple, les malheurs subis par Louis XVI. 175 Mais une différence notable se fait lentement jour. En effet, alors que ce tableau ne concernait, initialement, que les conséquences funestes d'une intervention pour la France, ce sont aussi les suites catastrophiques d'un conflit pour l'Allemagne, puis pour l'Europe tout entière qui sont, ultérieurement, mises en avant:176 une ingérence dans les affaires internes de la France, loin de faire cesser les horreurs qui s'y déroulent et le pouvoir des Jacobins, exaspère les unes en asseyant l'autre, ce qui augmente les risques d'une contagion révolutionnaire.177 Dans ces conditions, les auteurs plaident, d'abord, pour une neutralité de l'Empire : Läßt man sie [les Français] frey handeln, so kehren sie vielleicht mit einigen Modificationen zu ihrer alten Verfassung zurück. Ist dieses zu hoffen, so ist es wenigstens einzig und allein auf diesem Wege. Will man eine Gährung ausbrausen lassen, so muß man nicht mehr von dem Stoff hineinthun, der die Gährung verursachte. Das thaten die Deutschen in Frankreich, und machten die Dosis so stark, daß das ganze Gefäß in die Luft sprang, die Monarchie aufflog, und der König, nicht mehr König, von den Thuillerien in den Tempel, vom Thron in ein Gefangniß versetzt wurde, und statt der Erste der Nation zu seyn - doch wer mag dem traurigen Bilde nachhängen. Wie viel Elend wäre gespart worden, wenn man in Frankreich gesagt

171

172 173

174 175 176 177

Schi. J. 92.1.5 p. 78 : «Zuerst wird ein stolzes Manifest erscheinen, worin auseinander gesetzt seyn werden, einerseits die Aufführung Frankreichs und andererseits die Willensmeinung von ganz Europa». Voir aussi p. 80 : «Nächstens erscheint ein Manifest und dem folgt eine tüchtige Armee auf dem Fuße nach ». Ibid., p. 79. Dans Josephs von Wurmbrand, Kaiserlich abyssinischen Ex-Ministers, jetzigen Notarii caesari publici in der Reichstadt Bopfingen, politisches Glaubensbekenntnis mit Hinsicht auf die französische Revolution und deren Folgen in : Ausgewählte Werke in 10 Bänden, Fenner, Wolfgang (éd.), Hannover 1994, vol. 8, pp. 133-134 [première édition 1792], Knigge présente une argumentation semblable. Schi. J. 93.VHL1 p. 418 ; 93.XI.5 p. 385. Sehl. J. 93.1.7 p. 110; 93.Vn.ll p. 399; 93.ΧΠ.2 p. 489. Sehl. J. 93.1.7 p. 110; 93.IV.5 p. 491 ; 93.VILI 1 p. 419; 93.X.3 p. 214. Schi. J. 92.XI.4 pp. 355 et 359; 93.IV.5 p. 484. Dans une seule occurrence, antérieure, il est vrai, au déclenchement des hostilités, la cohésion qu'elles entraîneront inévitablement est perçue positivement car, selon le rédacteur du Schleswigsches Journal, elles mettront un terme aux dissensions entre les Français qui, ainsi, reconnaîtront unanimement la Constitution (Sehl. J. 92.1.8 p. 126).

343

hätte, was ich jetzt vorschlage, in Deutschland zu sagen. Wie viel Elend wird man sparen, wenn man jetzt in Deutschland, Savoyen und Belgien sagt, was ich vorschlage. 178 Ensuite, dans le Schleswigsches

Journal,

l'idée d'une guerre contre la France

semble acceptée, m a i s qui n ' a pas le sens que les émigrés voulaient imprimer à l'intervention car, c o m m e l'indique le « K r i e g s l i e d der D e u t s c h e n » - c o m p o s é sur l'air de la Marseillaise

- il ne s'agit pas là d'une tentative réactionnaire de rétablir

le système politique de l ' A n c i e n R é g i m e , mais uniquement de s'opposer au «Freiheitstaumel» 1 7 9 des Français sans remettre en cause la valeur intrinsèque de la liberté. 1 8 0 L'auteur de cet h y m n e clame aux A l l e m a n d s : Doch schmähet nicht die edle Wahrheit, Sie stammt vom Himmel herab. Zu dem Licht gebildtete Völker Schätzen hoch den innern Wert. [...] Auf, Deutsche rüstet euch! Zur Heerschaar eilet hin! Seyd brav, seyd brav! Treibt bald zurück der Franken keckes Heer. 181 Quoique les A l l e m a n d s prennent les armes, ils doivent donc continuer à se montrer humains : « Drum, Deutsche, seyd als Krieger menschlich, / Euch schände nicht Greuel und Wuth ». 1 8 2 Cet appel n ' a rien de rhétorique, mais traduit bien davantage l'effroi de l'auteur, à la v u e de la barbarie à laquelle donne naissance la guerre 183 et face aux défaites subies par Γ Aufklärung. K n i g g e écrit : Wir waren in Teutschland auf so gutem Wege [...] Auf einmal jagt das unglückliche Beyspiel eines durch den schändlichsten Despotismus zur Verzweiflung gebrachten und zugleich gänzlich corrumpirten Volks Schrecken unter uns. [...] Und wenn man nicht bald der Stimme derer Gehör giebt, die den Ungrund solcher ängstlichen Grillen darthun; so laufen wir Gefahr, 178

179

180

181 182 183

Schi. J. 93.1.7 pp. 108-109. L'auteur d'un article publié en avril 1793 se prononce pareillement pour une non-intervention des Allemands tant en France que dans les affaires du Brabant qui ne menacent pas la cohésion de l'Empire (Schi. J. 93.IV.5 pp. 492-493), ou dans celles de Mayence et de la Savoie (ibid., pp. 493^196). Ce texte diffère du précédent par son argumentation essentiellement juridique. On retrouve cette argumentation dans Josephs von Wurmbrand, op. cit., p. 133. Schi. J. 93.ΙΠ. 10 p. 379: «Seht, die kecken Francken am Rheine/Treibt der Freiheitstaumel zu weit». Ibid., pp. 380-381. Le passage d'une guerre de libération à une guerre de conquête à laquelle il s'agit ici de mettre un terme, est perçu d'autant plus négativement que le décret du 20 mai 1790 interdisant précisément ce genre de guerre, avait été accueilli avec beaucoup de sympathie en Allemagne. De fait, l'occupation française achève en général d'y retourner les opinions contre la France (voir Kirschbaum, Klothilde, op. cit., pp. 137-140). Sur l'image que les Allemands avaient des Français pendant les guerres révolutionnaires, voir aussi Fink, Gonthier-Louis, «Das Frankreichbild in der deutschen Literatur und Publizistik zwischen der Französischen Revolution und den Befreiungskriegen», in: Jahrbuch der Wiener Goethe-Vereins, 81-83, 1977-1979, pp. 67-69. Schi. J. 9 3 . m . l 0 p . 380. Ibid., p. 381. En octobre, un article dénonce, de la même manière, les journaux qui vantent la brutalité impitoyable qui caractérise le conflit, car leurs auteurs semblent vouloir, de toutes leurs forces, détruire «alle Empfindungen der Menschlichkeit» (Schi. J. 93.X.3 p. 214).

344

alle Anstalten zur Beförderung wahrer geselliger Glückseligkeit scheitern zu sehn und wieder in stumpfe Barbarey zurückzusinken.18

Quelques mois plus tôt, Brackebusch exprimait la même idée : Dies war der Zustand von Deutschland. Alles ging seinen großen Gang zum Ziele der Vollkommenheit, still und geräuschloß fort. [...] aber - die Revolution in Frankreich riß unsere Aufmerksamkeit dorthin und setzte vor der Hand unsern Fortschritten Gränzen.185

Comme l'écrit encore Hennings, en Allemagne, le «innere[r] Gang ruhiger Aufklärung [ist] gewaltsam erschüttert und irre geleitet worden». 186 A cause de la guerre, les dirigeants allemands prêtent, en effet, une oreille plus attentive aux adversaires de l'Aufklärung et se mettent à lutter contre les libertés de pensée et de parole.187 Non seulement, les obstacles à une poursuite de l'Aufklärung se multiplient au cours du conflit, mais la stabilité politique que celle-ci se promettait de renforcer est menacée à son tour car, en détruisant le tissu économique de l'Allemagne, la guerre sème les germes du désordre social.188 Le souhait d'une neutralité de l'Allemagne, ou d'une guerre seulement défensive, ne relève donc pas d'une stratégie subtile de défense de la Révolution, mais il émane bien plutôt du profond désir de sauvegarder de la réaction les acquis de l'Aufklärung. Cela est d'autant plus vrai que l'appel à la modération ne s'adresse pas uniquement aux souverains allemands, mais également aux dirigeants français. Les auteurs rejettent, de façon réitérée, les buts affichés par les révolutionnaires français qui prétendent vouloir, par les armes, «libérer» 189 les Allemands de l'oppression. Contre ce moyen radical de destruction du despotisme, les auteurs du Schleswigsches Journal prônent une marche spécifiquement allemande du progrès vers la liberté, c'est-à-dire un cheminement lent, et conforme à la mentalité et aux réalités allemandes. Deux articles sont axés sur cette problématique capitale. Dans sa «Petition eines deutschen Patrioten an die Repräsentanten des fränkischen Volkes », Brackebusch met en garde les Français contre la prétention de libérer le peuple allemand qui ne souhaite pas suivre la même voie qu'eux, car, non seulement, celui-ci ne les aime guère et se montre méfiant vis-à-vis de tout ce qui vient de France, mais, de plus, il refusera de renoncer à des progrès lents mais constants, au profit d'une

184 185

m

Schi. J. 93.Vn.3 pp. 277-278. Sehl. J. 93.V.3 pp. 27-28. Il ne sert à rien, à ses yeux, de vouloir accélérer, de l'extérieur, une évolution qui, tel un phénomène naturel, doit s'accomplir d'elle-même (ibid., p. 53).

Schl.J.

187

93.νΉ.11 p. 389.

Ibid., p. 391.

188

Sehl. J. 93.Vm.l p. 419.

189

Voir Sehl. J. 92.XI.4 p. 355. L'auteur de l'article impute cependant la responsabilité de l'invasion de l'Allemagne par les Français aux gouvernements allemands qui se sont ingérés dans les affaires intérieures de la France.

345

liberté venue de l'étranger et qu'il n'est pas encore prêt à assumer.190 Knigge, dans «Ueber die Ursachen, warum wir vorerst in Teutschland wohl keine gefahrliche politische Haupt=Revolution zu erwarten haben», montre, de la même manière, que l'Allemagne n'a pas à suivre l'exemple français d'un changement radical : les souverains, ont, en effet, depuis longtemps renoncé au despotisme, s'assurant par là l'amour de leurs sujets, ils ont favorisé les libertés fondamentales et engagé, également, un processus de réformes de longue haleine. De surcroît, les partisans de Γ Aufklärung y sont plus modérés. Les autres causes qu'ajoute Knigge, et qui, selon lui, rendent impossible l'explosion d'une révolution en Allemagne sont moins positives : l'absence d'unité nationale, les liens plus étroits existant entre les cours et le peuple qui gagne souvent son pain en satisfaisant aux besoins de celleslà, ce qui contribue à une extension sociale plus grande du luxe et de l'immoralité.191 Dès lors, en faisant de la Révolution française, non plus un exemple à suivre, mais un événement qui ne correspond qu'à des conditions historiques bien déterminées,192 les auteurs du Schleswigs ches Journal achèvent de s'en démarquer : elle était, assurément, inévitable dans un pays où l'oppression était aussi forte qu'en France, mais il faut, sans revenir sur les réalisations que Γ Aufklärung avait permises, tenter par tous les moyens d'éviter qu'elle se produise en Allemagne. Cette insistance à distinguer la radicalité de la Révolution et la modération de l'Aufklärung 193 est d'autant plus nécessaire qu'elles puisent, toutes deux, aux mêmes sources idéologiques et que chaque excès de la première est, pour cette raison, un coup porté à la seconde. Nul ne l'exprime plus clairement que Brackebusch lorsqu'il écrit aux conventionnels : «Es ist keinem Zweifel unterworfen, daß Eure Eroberung der Freiheit uns einigen Schaden verursacht hat». 194 Et bien qu'il ajoute aussitôt: «aber wir sind nicht so egoistisch, daß wir euch demohngeachtet nicht herzlich dazu Glück wünschen sollten», 195 il les invite expressément à revenir à la raison : der Kern des Volcks hat sich entscheidend genug für die Rechtmäßigkeit der Revolution, für die Anerkennung der Menschenrechte und für die großen erhabenen Grundsätze erklärt, die Ihr zuerst aus den Büchern in die Welt eingeführt habt. O! mögtet Ihr Euch doch nie von ihnen enfernen! [...] Mögte doch ieder Francke bedencken, daß er vor dem Auge von ganz Europa

190 191 192

193

194 195

Schi. J. 93.V.3, respectivement pp. 13, 46 et 53-54. Schi. J. 93.VH3, respectivement pp. 276-278, 281-282, 288, 282,283 et 286. C'est pareillement pour montrer le caractère non contagieux de la Révolution française que les délégués de la ville de Prettin, dans la pétition qu'ils adressent au Landtag de Saxe pour l'appeler à faire des réformes, insistent sur le caractère spécifiquement régional de leur revendication (Sehl. J. 93.VH.10 p. 377). Voir aussi Sehl. J. 92.XI.4 pp. 349-350 et 360 ; 93.XI.2 p. 281.

Sehl. J. 93.V.3 p. 28. Ibid., p. 28.

346

handelt, daß ieder seiner Schritte scharf beurtheilt wird, daß iede Untreue, iede Schwäche, iede Inconsequenz ein Hochverrath an der Menschheit ist. 196

Si, en 1793, la Révolution constitue un progrès aux yeux d'un partisan de l'Aufldärung, c'est pour avoir rendu possible la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, et son admiration ne vaut que pour des principes auxquels il adhère et qu'il voit remis en question, tout à la fois, par la radicalisation de la Révolution, la réaction en Allemagne, et la guerre qui alimente l'une comme l'autre. Il n'est qu'un seul moyen de sauver l'Aufklärung et de permettre à la Révolution de retrouver sa positivité première : faire taire ceux qui ne cessent de ranimer le feu révolutionnaire par leurs écrits incendiaires contre la France197 et rechercher la paix avec ce pays.198 Les auteurs refusent, par là, que de leur condamnation de la Révolution ne découle celle des principes de l'Aufklärung. Comme le reste de l'opinion publique allemande, ils réagissent avec une horreur croissante - qui s'exprime dans le style même des articles des deux revues - aux événements d'octobre 1789, de septembre 1792 et à la mort du roi, peignant, peu à peu, de la Révolution une image tout à fait opposée à celle qu'ils en présentaient d'abord. Dès lors, la Révolution qui servait autant à mettre en garde les souverains allemands qu'à leur indiquer la voie à suivre, a uniquement la valeur d'un avertissement. Ne point poursuivre ou ébaucher des réformes - voire revenir sur celles qui ont accomplies avant 1789 - c'est risquer de plonger l'Allemagne dans le chaos qui secoue la France, et de ruiner à jamais l'Aufklärung. 199 Les efforts des auteurs du Schleswigsches Journal pour préserver coûte que coûte l'Aufklärung des conséquences d'une Révolution qu'ils avaient d'abord interprétée comme son apothéose, semblent indiquer le caractère presque religieux de leur foi dans le progrès, qui seule leur permet d'écarter ou du moins de relativiser le doute radical qui pèse toujours davantage sur le combat qu'ils avaient mené en faveur des Lumières.

196 197 198

199

Ibid., p. 32. Sehl. J. 93.1.7 p. 106 ; 93.Vin. 1 p. 428 ; 93.ΧΠ.5 p. 489. Sehl. J. 93.1.7 p. 108; 93.V.3 pp. 56-57. Selon plusieurs auteurs, un traité de paix avec la France n'aurait rien de déshonorant pour l'Allemagne, dans la mesure où moins que ce pays lui-même, ce sont les émigrés qui s'y sont réfugiés que combat la Révolution (Sehl. J. 93.1.7 p. 11 ; 93.Vn.ll p. 386). Schi. J. 93.IV.7 pp. 511-512. 347

X

Doute et rédemption

1

Vers un doute radical

Le processus d'emballement de la Révolution, le déchaînement de forces incontrôlables semblent susciter, chez les rédacteurs des deux revues, un certain doute sur la valeur de leur action, d'autant que la violence croissante des controverses qu'ils mènent avec les publicistes hostiles à la Révolution, et qui se dégradent parfois en pures polémiques, rend caducs leurs efforts réitérés pour parvenir à une clarté et une validité ontologique plus grandes du langage. Leur souci d'une précision rigoureuse de la langue émane de la conviction qu'il existe un lien essentiel entre la clarté de la langue d'une nation et son degré de culture. Comme l'écrit Wetzel, Sprache und Ausdruck stehen mit Empfindung, Denkart und Geschmack in einem richtigen Verhältnisse: Kultur der Nation und Ausbildung ihrer Sprache haben mithin gegenseitige Einflüsse auf einander: beide steigen und fallen in gleichem Grade}

Les auteurs des revues tentent donc de contribuer à ce que «richtige Begriffe von allen Dingen, die den nächsten Bezug auf Menschenwohlfahrt haben, immer allgemeiner werden »2 et, par conséquent, de clarifier la langue en refusant les mots au sens trop général,3 ceux qui ne rendent pas compte de la réalité qu'ils désignent4 ou ceux dont l'emploi est abusif.5 Pareillement, avant de débattre sur une question, ils s'efforcent de rendre plus clairs les termes de la discussion.6 Le critère principal

1

2 3 4 5

6

Br. J. 91.VI.3 p. 196; voir également 88.1.4 p. 49; 90.XI.1 pp. 259-260; 91.Vm.6 pp. 505506. Br. J. 90.V.4 pp. 55-56. Br. J. 88.ΙΠ.5 pp. 343-344. Br. J. 88.XI.3 p. 357. Br. J. 90.VI.5 pp. 211 et 222 ; 91.XL4 p. 306 ; Sehl. J. 92.XI.4 p. 336. Leur critique de l'abus des mots n'a rien d'original, à laquelle se livrent traditionnellement les écrivains progressistes du dix-huitième siècle (Voir Ricken, Ulrich, «Réflexions du XVHIe siècle sur „l'abus des mots"», in: Mots 4, 1982, pp. 29-42 et Sprache, Anthropologie, Philosophie in der französischen Aufklärung, Berlin 1984, pp. 194-210). Avant de répondre à la question «welches ist die beste Art, sowohl rohe, als schon cultivierte Nationen, die sich in mancherlei Irrthümern und Aberglauben befinden, zur gesunden Vernunft zurück zu fuhren» qui avait fait l'objet d'un prix à l'Académie de Berlin, en 1783, Rochow précise ainsi les concepts de «rohe Nationen», «cultivierte Nationen» «Irrthümer und Aberglauben» (Br. J. 88.1.4): de même, Villaume et Reimarus tentent de cerner la signification du mot «Staat», avant d'examiner le rôle qui doit lui incomber dans l'éducation (Br. J. 89.V.3 pp. 39-45 ; 90.1.4 pp. 72-76). Ce souci de la rigueur de la langue explique que le

348

auquel ils recourent pour donner aux m o t s le sens le plus satisfaisant est l'usage, 7 pour autant qu'il n e soit pas érigé en d o g m e 8 : tout en contrôlant la signification des termes qui existent, il faut être prêt à enrichir la langue pour l'adapter aux réalités nouvelles c o m m e pour la rendre plus accessible. C'est à Campe que revient ici le rôle essentiel : tirant la légitimité de son entreprise de tentatives antérieures, tant individuelles que collectives, 9 il propose quatre-vingt-treize « V e r s u c h e v o n deutscher Sprachbereicherung». 1 0 Jürgen S c h i e w e , dans son analyse du programme de réforme de la langue élaboré et m i s en pratique par Campe, y voit cinq c o m p o s a n t e s : -

die pädagogische Komponente die sprachkritische Komponente die nationale Komponente die biirgerlich-emanzipatorische Komponente die realpolitische Komponente. 11

Campe essaierait, par là, de favoriser l'implantation des idées révolutionnaires en Allemagne,

selon

deux

grandes

lignes

que

J.

Schiewe

résume

ainsi :

« G l e i c h f ö r m i g k e i t als innersprachliches Prinzip bewirkt die Allgemeinverständlichkeit der revolutionären Ideen. Gleichförmigkeit als intersprachliches Prinzip der diversen deutschen regional- und schichtenspezifischen Sprachen bewirkt die Verbreitung

7 8 9

10

11

12

der revolutionären

Ideen».12

J. S c h i e w e

a certainement

raison

manque de clarté, dans l'emploi des termes, soit souvent blâmé (voir, par exemple, Br. J. 88.X.7 p. 233 ; Sehl. J. 92.XI.3 p. 336). Br. J. 89.VÜ.1 pp. 272-273 ; 91.Π.3 p. 235 ; Sehl. J. 92.XI.3 p. 336. Br. J. 90.Vin. 1 p. 388 ; 90.XI.7 p. 257. Campe, dans un article publié en novembre 1790 (Br. J. 90.XI.1), renvoie à des travaux individuels, par exemple, de linguistes comme Adelung (pp.264, 271), de traducteurs, comme Wieland, (p. 265), ainsi qu'aux essais, demeurés finalement sans succès, «der ehemaligen fruchtbringenden Gesellschaft» (p. 270); sur celle-ci, voir Petersen, Christian, «Die teutschiibende Gesellschaft in Hamburg», in: Zeitschrift des Vereins fiir Hamburgische Geschichte, 2, 1847, pp. 533-564). Br. J. 90.XI.1 p. 257. Son Wörterbuch zur Erklärung und Verdeutschung der unserer Sprache aufgedrungenen fremden Ausdrücke de 1811 comptera, quant à lui, environ 11 000 entrées. Dans les pages du Braunschweigisches Journal, le projet de réforme linguistique de Campe ne se limite pas à une tentative de germanisation des termes étrangers, mais il se traduit aussi par la proposition de réforme de la consonne « c » en allemand (Br. J. 90.VÜI.1). De son côté, Horstig propose une réforme des caractères typographiques (Sehl J. 92.VDI.3) qui fera date (voir Graewe, Richard, Carl Gottlieb Horstig ¡763-1835 ; das Lebensbild eines vielseitigen Genies aus Goethes Freundeskreis. Ein Beitrag zur Goetheforschung, Hildesheim 1974). Toute introduction, dans la langue allemande, d'un mot nouveau devant être dûment légitimée, Campe peut railler Hoffmann et ses «niedlichsten Sprachberichtigungen und Sprachbereicherungen, womit der große Mann unsern Sprachschatz zu vergrößern die Güte hat » (Schi. J. 92.ΙΠ.1 p. 278). Schiewe, Jürgen, «Joachim Heinrich Campes Verdeutschungsprogramm und die Sprachpolitik der Französischen Revolution», in: Schlieben-Lange, Brigitte (éd.), Europäische Sprachwissenschaft um 1800. Methodologische und historiographische Berichte zum Umkreis der „idéologie", Münster 1989, vol. 1, pp. 233-234. Ibid., p. 238. 349

d'insérer ce projet de réforme linguistique dans un projet politique plus vaste, mais on est en droit de s'interroger sur la place qu'il assigne aux idées révolutionnaires qui, dans les deux revues, recueillent l'approbation des auteurs uniquement lorsqu'elles s'accordent avec les thèses de l'Aufklärung. 13 En somme, une réforme de la langue allemande vise à préparer la réalisation moins des idées de la Révolution que de celles d'une Aufklärung que la Révolution menace justement, et l'insistance sur la nécessité d'une langue claire paraît tendre, moins à permettre l'implantation des idées révolutionnaires, qu'à garantir la marche de l'Aufklärung, en luttant contre une assimilation syntaxique entre «Revolution» et «Aufklärung». Aucun mot, dans ces conditions, ne nécessite plus la recherche d'une définition très stricte que «Aufklärung», ce à quoi les auteurs du Braunschweigisches et du Schleswigsches Journal s'essaient à plusieurs reprises. En 1788, alors que les Edits de Wöllner n'ont pas encore été proclamés et que les résistances à l'Aufklärung ne sont pas encore trop fortes, Campe la définit comme un simple «Zuwachs an nützlicher Erkenntniß ».14 A la même époque, pourtant, on trouve déjà l'écho des critiques proférées contre l'Aufklärung dans la distinction qu'opère un des auteurs de la revue, entre une « wahre und zweckmäßige Aufklärung des Volks » et l'image faussée qu'en donnent les adversaires des Lumières.15 Et c'est le même souci de mettre l'Aufklärung à l'abri de la réaction conservatrice, et auquel s'ajoute le désir de laver l'Aufklärung de la représentation négative qu'ont pu susciter les entreprises de sociétés secrètes trop radicales, qui conduit les éditeurs à publier l'annonce d'un texte de Bahrdt - p a r u sans nom d'auteur - : Ueber die Aujklärung und ihre Beförderungsmittel. Ce texte, en effet, a pour desseins : 1) den so schwankenden Begriff fes Worts Aufklärung endlich einmal zu befestigen, und das Publicum über einen bestirnten und genauen Begriff zu vereinigen, dabei 2) das Wesen der Aufklärung so zu charakterisieren, daß sich klar und deutlich ergebe ob, wann und wie weit Aufklärung der Menschheit zuträglich sey [...].16

Deux ans plus tard, Afsprung, partant, comme Bahrdt, du constat de la polysémie du terme d'«Aufklärung» ainsi que de l'abus que font de ce mot de prétendus Aufklärer,17 s'efforce, à son tour, d'en formuler une définition claire et précise, qui

13

14 15 16

17

Cela est d'autant plus vrai que Schiewe, en parlant d'une «realpolitische Komponente», insiste sur le fait que Campe, soucieux d'éviter les troubles révolutionnaires, n'envisage un changement politique que sous le mode de la réforme (p. 234). Br. J. 88.ΙΠ.5 p. 356. Br. J. 88.Vm.7 p. 469. Br. J. 88.IX.7 p. 127. Les autres objectifs de Bahrdt, dans ce texte, sont de: -déterminer quels sont les adversaires de l'Aufklärung et les moyens de se protéger contre eux; -d'énumérer les moyens mis en œuvre jusque-là pour propager l'Aufklärung ; -d'examiner toutes les critiques dont ces moyens ont fait l'objet. Br. J. 90.XI.8 pp. 367 et 370. Sur la dénonciation des faux Aufklärer, voir également Br. J. 90.X.5 p. 416; 90.XI.8 p. 370.

350

peut sembler, toutefois, quelque peu lénifiante, en ce qu'elle réduit PAufklärer à un homme passionné de vérité,18 et l'Aufklärung à une simple quête de la vérité,19 sans intégrer la dimension politique inhérente à ce mouvement, dimension qui, justement, le rend problématique. Il évince, de la sorte, de sa définition tout ce qui pourrait prêter le flanc à une critique de l'Aufklärung, au moment, précisément, où les attaques contre elle se font plus fortes.20 Ewald, dans lieber Volks=Aufldärung; ihre Grenzen und ihre Vortheile (Berlin, 1790) tente, de même, de dédouaner l'Aufklärung, et son texte est d'autant plus louable, aux yeux de l'éditeur du Braunschweigisches Journal, que les gouvernements qui l'avaient soutenue ont pris maintenant le parti de la «Hierarchie». 21 Sur le fond, l'éditeur semble, assurément, reprocher à l'auteur d'être un peu timoré et d'avoir tendance, dans la recherche de la vérité, à garder une certaine réserve, afin d'éviter que celleci ne dégénère en «Grübelei und Zweifelsucht». 22 L'éditeur, pour sa part, refuse de laisser la porte ouverte aux compromissions et fait de la «Freimüthigkeit» l'ime des deux principales qualités de l'écrivain éclairé. Dans la mesure, cependant, où la seconde est une «vorsichtige Klugheit» 23 - ce qui, implicitement, signifie que l'Aufklärer doit être circonspect dans la divulgation de vérités audacieuses-, la différence, sur ce point, entre sa position et celle de Ewald doit être, en définitive, considérée comme minime : si ce dernier insiste sur la prudence avec laquelle le peuple - son texte concerne spécifiquement la «Volksaufklärung» - doit être éclairé, c'est justement parce qu'il ne lui prête pas cette sagesse qui est l'apanage du lettré, et se méfie des excès dont il est capable.24 Dans le Braunschweigisches Journal, on ne trouve plus, par la suite, de telles tentatives de préciser ce qu'est l'Aufklärung, ce qui paraît indiquer, non que les rédacteurs auraient réussi à établir une définition qui résolve l'ambiguïté intrinsèque du mot, mais qu'ils ne parviennent guère à surmonter celle-ci. Il est, à ce titre, significatif que les analyses du terme « Aufklärung » dans le Schleswigsches Journal ne dépassent guère le cadre argumentatif mis en place dès 1790 : en 1792 et en 1793, encore, les Aufklärer doivent se défendre de l'accusation de vouloir fomen18

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Br. J. 90.XI.8 p. 368 : «Wer also die Aufklärung liebet und zu befördern suchet, wird weder ein Verehrer alter, noch ein Bewunderer neuer Meinungen seyn, sondern Wahrheit allein wird das Ziel seyn, womach er unermüdet strebet ». Ibid., p. 367: «Heißt aufklären, eigentlich genommen, nicht klar machen, erhellen, beleuchten, machen, daß man ein Ding von allen Seiten nach Gestalt und Farbe, nach seinen Theilen und derselben Zusammensetzung, mit einem Worte ganz und deutlich sehen könne?». Sur l'intensification des critiques formulées contre l'Aufklärung, après 1789, voir Voss, Jürgen, «Zur deutschen Aufklärungsdiskussion im späten 18. Jahrhundert», in: Deutschfranzösische Beziehungen im Spannungsfeld von Absolutismus, Aufklärung und Revolution, [Pariser Historische Studien, 36], Bonn/Berlin 1992, pp. 220-222. Br. J. 91.VH.4 p. 366. Ibid., p. 367. Ibid., p. 371. Ce qui, sous la plume de Campe, était encore une simple question -Br. J. 88.ΙΠ.5 p. 3 5 2 trouve donc désormais sa réponse.

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ter l'insurrection,25 d'être de purs «Neuerungsmacher» 26 et constater que «das Wort: Aufklärung, jetzt so häufig gebraucht, und oft gemißbraucht wird», 27 ce pour quoi il ne faut prendre parti que pour la « wahre Aufklärung »,28 Au fil des années, il demeure donc impossible, pour les auteurs, de donner de l'Aufklärung une définition qui la mettrait à l'abri d'attaques de plus en plus virulentes aboutissant, en définitive, à la construction d'une image fausse et éminemment négative de l'Aufklärung. L'incapacité d'affirmer la «vraie Aufklärung» suscite même, chez les auteurs des deux revues, un soupçon implicite sur sa vertu. Bien plus, le doute sur la valeur du langage paraît entraîner chez eux le doute sur la valeur des idéaux qu'ils défendent. Ainsi, l'implantation des concepts jusnaturalistes dans le discours politique de la fin du dix-huitième siècle n'est plus perçue comme un gain. Comme le note un des auteurs, dans la dernière livraison du Schleswigsches Journal : Freilich regieren jezt alle unsre Herrscher allen Grundsätzen der Vernunft und des Naturrechts gemäß [...] Nur Schade daß noch nicht zwei große Männer auch nur über die ersten Prinzipien des Naturrechts einverstanden sind. 29

Dans ce texte, peut-être le plus pessimiste des deux journaux, l'auteur met pareillement en doute la validité de la raison qui ne sert plus à réformer les abus mais à asseoir le statu quo. Ceux qui, jadis, s'étaient prononcés pour une politique de réformes, «versuchen es jezt die europäische Welt, über die großen Fortschritte ihrer Aufklärung, die Entwickelung ihrer Geisteskräfte, und die Herrschaft der hochgepriesenen Vernunft, gar sanft und seelig in Schlummer einzuwiegen [...] ».30 Comme le droit naturel, ou comme la notion d'Aufklärung, la raison est invoquée désormais par tous les partis, ce qui la rend incertaine, et fait, par là, apparaître son caractère pluriel.31 Le rôle de la Révolution française est capital dans ce processus

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Schi. J. 92.XI.4 pp. 368-375. Schi. J. 93.IV.3 p. 455. Schi. J. 93. VILI p. 262. Les exigences que doit respecter impérativement l'Aufklärer rappellent, en outre, les principes de Ueber die Aufklärung und ihre Beförderungsmittel de Bahrdt, puisque l'homme raisonnable doit connaître ses droits et ses devoirs, savoir quels moyens il lui faut employer et quels obstacles il doit éviter pour vivre en homme éclairé (p. 262). Seul Flemming tente de placer le débat sur le mot «Aufklärung» à un autre niveau, en l'intégrant à une réflexion plus large sur la notion de valeur de l'Homme, car une telle approche lui semble à même de mettre au jour la positivité de l'Aufklärung, en cessant de faire d'elle «ein süßes Wort für den stürmenden Enthusiasten und ein unnützes Spielzeug in den Händen der Unmündigen» (Schi. J. 93.ΙΠ.9 p. 370). Ibid., p. 262. Schi. J. 93.ΧΠ.3 p. 463. Ibid., 93.ΧΠ.3 p. 460. Sur ce motif de la «raison disqualifiée» au dix-huitième siècle, voir Mauzi, Robert, L'Idée de bonheur dans la littérature et la pensée française au XVIIIe siècle, Paris 1965, [première édition 1960], pp. 537-544. Voir également les analyses de Panajotis Kondylis, qui peuvent résoudre l'apparente aporie d'un rationalisme décevant ceux qui s'en réclament, car elles partent du constat que «der Rationalismus an sich keine gemeinsame Verständigungsbasis anbieten

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de relativisation: l'auteur de l'article sur les «analogies de la Révolution et de la Réforme » se prend ainsi à douter que l'amour de la vérité et de la liberté ait réellement été à l'origine de la Révolution. Le vrai motif, dissimulé sous ces idéaux, était, selon lui, essentiellement l'intérêt, c'est-à-dire l'abolition d'un système fiscal très contraignant : « Beide [les despotismes politiques et religieux] überwand, bei Vielen, mehr die Hofnung der Befreiung von einem unnatürlichen Druck, die Hofnung zufälliger (damit verbundener) Vortheilen [...], als die Liebe zur Wahrheit und Freiheit».32 Un article publié un an plus tard va plus loin encore, qui ne se contente pas de dénier à ces grands mots un rôle véritable dans le déroulement de la Révolution : il les exclut de l'Histoire. Les beaux noms de « liberté, humanité, Aufklärung » ne constituent pas les ressorts des mouvements historiques : Die großen Namen, Freiheit, Menschheit, Aufklärung [...] mögen ihre Würklichkeit in den Abhandlungen der Philosophen und in Manifesten behaupten ; wer die Welt und die Triebfedern kennt, wodurch die wichtigsten Vorfalle in Bewegung gesetzt werden, der weiß, wie wenig jene vorgeschützten Zwecke die Quellen der Zeitläufte sind.33

Les grands principes de l'Aufklârung, sans effets dans l'Histoire, sont ainsi rejetés dans le monde de l'utopie, ce qu'exprimait déjà cette remarque d'un des auteurs en 1792: «Heilig sind die Namen Vaterland, Freiheit, Wahrheit, Religion, aber wer darf sich rühmen diese Güter zu besitzen »,34 Et face à un tel désenchantement, un auteur en vient à se demander si l'Aufklârung qui, tel un flambeau, devait chasser l'obscurité, ne serait pas, plutôt, seulement un feu follet qui éclaire, un instant, le marais où patauge l'Humanité : So aber scheint das Licht, daß alle Täuschung aus unsrer Welt verscheuchen soll, einem Irrwische zu gleichen, der uns nur aus einem Sumphe herauszieht um uns wieder in einen andern hinein zuführen,35

Quant à la foi dans l'homme qui sous-tendait l'Aufklârung, elle se retourne en misanthropie.36 Même si un désarroi si radical constitue plutôt une exception dans les revues, il n'en reste pas moins qu'un certain doute s'empare de leurs auteurs, au point de

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kann, und zwar eben wegen seiner [...] Verwurzelung in einer Grundhaltung», ce qui permet de montrer que «der jeweilige Rationalismus infolge seiner Verwurzelung in einer Grundhaltung bzw. - Entscheidung eo ipso an einen bestimmten Inhalt gebunden ist» (Die Auflclärung im Rahmen des neuzeitlichen Rationalismus, München 1986, p. 43 [première édition 1981]). Schi. J. 92.VI.3 p. 188. Par suite d'une erreur typographique, «Bereifung» figure dans le texte à la place de « Befreiung ». Schl.J. 93.Vm.l p.420. Schl.J. 92.IV.lp.386. Schi. J. 93.ΧΠ.3 p. 472. Ibid., p. 471. En effet, même si on les met à portée de la vérité, les hommes ne peuvent faire autre chose que «ausschweifen, weil sie Menschen sind, und nicht anders handeln können als Menschen ».

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modifier, semble-t-il, la compréhension qu'ils ont de leur rôle d'écrivain. En effet, ils constatent, et ce dès 1788, le peu de solidarité des membres de la République des Lettres dans l'entreprise de propagation des Lumières, alors que l'action de tous serait indispensable. 37 Conscient de sa dignité de porte-parole et de phare de l'Humanité, l'écrivain devrait s'engager sans crainte, voire être prêt à sacrifier à la vérité même sa sécurité personnelle. 38 La République des Lettres devient, en revanche, une église souffrante qui, dans le calme, attend le jour du triomphe. Comme l'écrit Mauvillon, - dans un texte publié au printemps 1792, à une époque où, dans le Schleswigsches Journal, la rupture entre Aufklärung et Révolution n'est pas encore consommée - ceux qui partagent les mêmes convictions que les révolutionnaires machen gleichsam die Gläubigen einer unsichtbaren Kirche aus. [...] Allein sie halten sich, eben so wie die wahren Gläubigen im Christenthum, so lange ruhig, bis einmal ohne ihr weiteres Zuthun, als sanfte und weise Lehren nebst ihrem rechtsschaffenen Exempel, die streitende und gedrückte Kirche zur triumphierenden erhoben wird [...].39

Et il met en garde tous ceux qui voudraient opprimer les partisans de la vérité : Die Sache hat erstaunlich viel ähnliches mit der Ausbreitung des Christenthums. Das Blut der Märtirer machte da immer neue Prosoliten, und so mögte es hier auch gehen. 40

Ainsi, en dépit donc du constat que la Révolution ne remplit pas les espoirs qu'elle avait fait naître et que, bien au contraire, elle constitue une menace directe ou indirecte, pesant de plus en plus fortement sur l'Aufklärung, la plupart des auteurs laissent percevoir une foi inébranlable et quasi eschatologique en la victoire future de l'Aufklärung.

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Br. J. 88.Vm.7 p. 469; 88.XI.9 p. 377; 91.Π.3 pp. 200 et 205 ; 91.V.3 pp. 51-52; 91.ΧΠ.1 p. 407; Schi. J. 93.VÜ.1 ; 93.ΧΠ 11 p. 513. Ce constat s'exprime, aussi, dans la distinction, opérée de manière récurrente, entre «Gelehrt seyn» et «aufgeklärt seyn» (voir Br. J. 91.Π.3 p. 218;91.Vm.6 p. 509). Br. J. 91.IV.5 p. 460 ; Sehl. J. 93.ΠΙ.3 p. 279 ; 93.X.3 p. 212 ; 93.XI. 1 pp. 275-276. Le passage de la conception de l'écrivain comme membre de la République des Lettres, à celui de martyr de la vérité, est facilité, sémantiquement, par la forte connotation religieuse dont les auteurs indexent la tâche de l'écrivain: faire profiter le public des enseignements d'une expérience malheureuse relève, par exemple, pour l'un deux, d'une «heilige Pflicht» (Br. J. 89.1.2 p. 19; 90:1.3 p. 65 ; 91.ΙΠ.7 p. 361), d'un «Beruf» au sens de vocation (Br. J. 90.X.2 pp. 346-347). Sehl. J. 92.ΙΠ.3 p. 376. Ibid., pp. 377-378. La référence au Christ, qui jouait déjà, pour les «néo-pédagogues », le rôle de figure tutélaire s'enrichit donc, implicitement, d'un sens nouveau (sur l'image de Jésus dans les revues, voir Br. J. 88.VII.2 p. 305; 89.IV.6 pp. 4 6 9 ^ 7 4 ; 89.V.2 pp. 25, 28,31; 91.ΙΠ.7 p. 355).

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2

Eschatologie de l'Aufklärung

La d i m e n s i o n quasi religieuse de la confiance que les auteurs placent

dans

l'Aufklärung, et l'utilisation d'un vocabulaire théologique dans un cadre profane sont indissociables de la lente et progressive sécularisation des t h è m e s théologiques qui s'opère depuis la Réforme. 4 1 Ce processus, e n permettant le passage d'un théocentrisme à un anthropocentrisme, fait de l ' H o m m e le principal bénéficiaire de l'Histoire du monde, c o m m e de la Providence ( « V o r s e h u n g » ) qui la régit. 42 Le recours à la Providence, pourtant, n ' e s t pas monolithique dans les revues : si, au fil des années, elle apparaît de plus en plus c o m m e la garante d'un avenir radieux, elle est, tout d'abord, perçue c o m m e immanente. 4 3 2.1

Les Briefe aus Paris : immanence de la Providence

Le mot « Vorsehung » figure au m o i n s douze fois dans les Briefe aus Parish

Dès

la préface, Campe paraît accorder, dans l'Histoire, une importance décisive à la Providence : Er [l'auteur] glaubt indeß, daß die alleslenkende Vorsehung, Begebenheiten dieser Art, von Zeit zu Zeit in der weisen und wohlthätigen Absicht herbei führe, um diejenigen Regenten, welche sich eine gesetzwidrige Gewalt anmaßen [...] an die Zerbrechlichkeit ihres despotischen Regierungssystem zu erinnern [...].45 On pourrait croire, en un premier temps, qu'il s'agit ici d'un souvenir de la formation théologique de l'auteur, 4 6 o u bien encore d'un simple procédé emphatique,

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Nous ne revenons pas sur le rôle du piétisme dans cette évolution. Voir Laag, Heinz, «Der Pietismus, ein Bahnbrecher der deutschen Aufklärung», in: Theologische Blätter, 12, 1924, col. 269-277, où il montre l'importance du moralisme et du subjectivisme piétistes qui, en sapant l'autorité de l'Orthodoxie, ouvrent la voie à l'Aufklärung. Ce passage a été clairement expliqué par Peter Comehl, Die Zukunft der Versöhnung. Eschatologie und Emanzipation in der Aufklärung, bei Hegel und in der Hegeischen Schule, Göttingen 1971, pp. 8-92. Même si Cornehl ne le relève pas, il est probable que le piétisme a exercé, ici aussi, une certaine influence. On a pu, par exemple, affirmer: «Die pietistische Eschatologie mit ihrer Hoffnung auf eine durch menschliche Aktivität zu gestaltende bessere Zukunft ist ein wichtiges Zwischenglied auf dem Weg zu späteren Formen säkularisierter Reichserwartung» (Kunz, Erhard, Protestantische Eschatologie. Von der Reformation bis zur Aufklärung, [Handbuch der Dogmengeschichte, 4], Freiburg/Basel/Wien 1980, p. 112). On trouve dans les revues un autre emploi de la Providence, lorsqu'un auteur par exemple, l'invoque pour qu'elle accorde longue vie au souverain (voir Br. J. 90.XI.2 pp. 304-305). Le recours à la Providence relevant ici de la convention, nous ne nous y attarderons pas. Voir Br. J. 89.XI.1 p. 258, 89.ΧΠ.1 p. 395, 89.ΧΠ.2 p. 426, p. 444; 89.ΧΠ.5 pp. 503 et 504; 90.1.1 p. 37; 90.1.2 p. 41, 90.1.3 pp. 69 et 70, mentions auxquelles il faut ajouter la triple occurrence du mot «Providence», dans la citation d'un discours de l'Abbé Faucher. Voir Br. J. 90.1.3 p. 69. Dans une lettre qu'il adresse à Cramer, le traducteur de Rousseau dans le Revisionswerk, Campe, par exemple, le prie d'excuser l'emploi qu'il fait de nombreux termes empruntés à la théologie. Et d'ajouter:«Wir waren einst beyde vom Metier; und der alte Fuhrmann hat das 355

comme lorsqu'il remercie la Providence de lui avoir accordé la grâce de se trouver à Paris, durant l'été 1789.47 Un renvoi à la signification de ce mot chez Lessing48 permet toutefois, d'apprécier la portée réelle des allusions à la Providence. Chez Lessing, les tentatives pour appréhender le plan qui sous-tend l'éducation du genre humain échouent car la dialectique qui unit l'Histoire et la raison montre l'insuffisance de l'une comme de l'autre et leur impossible autonomie. La raison, en effet, ne peut servir de principe constitutif à l'Histoire, puisqu'elle n'atteindra sa perfection qu'à la fin de l'Histoire. Et l'Histoire, qui, tant qu'elle n'est pas éclairée par la raison, ne peut rendre compte d'un cheminement rationnel, ne saurait constituer davantage un principe constitutif de la raison. La fin de l'Histoire et les desseins de la Providence relèvent, donc, de la foi, et si l'on peut les supposer, il est exclu de les démontrer rationnellement.49 Or c'est précisément cette aporie que résout Campe dans les Briefe aus Paris. En effet, il y décrypte explicitement la marche de l'Histoire. C'est même en cela que paraît consister la plus grande dignité de la fonction d'écrivain, au sein de la communauté humaine. L'auteur, persuadé que : das, was wir, unserer Kurzsichtigkeit wegen, Zufall nennen, sey es auch noch so klein und unbedeutend, in dem allumfassenden Plan der Vorsehung geschrieben stand, 50

indique, dans la préface, qu'il relève du devoir de l'écrivain de propager les desseins de la Providence et d'aider à leur réalisation.51 Sous sa plume, la Providence qui, conformément à un des sens attestés par Campe dans son Wörterbuch der deutschen Sprache, est l'être qui assure la marche du monde selon un plan déter-

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Schnalzen noch gern » (Cité in Fertig, Ludwig, Campes politische Erziehung : eine Einführung in die Pädagogik der Aufklärung, [Impulse der Forschung, 27], Darmstadt 1977). Voir Br. J. 89.XI.1 p. 258 : «dieses Glück rechne ich dankbar und gerührt zu den vielfaltigen unverdienten Begünstigungen, wodurch die Vorsehung mein unbedeutendes Leben [...] auszuzeichnen für gut gefunden hat». Ce dernier motif est récurrent dans les pages du Braunschweigisches Journal. Tantôt, les auteurs rendent grâce à la Providence, la remerciant de la place qu'elle a bien voulu leur accorder dans le monde, tantôt, ils invitent chacun à agir de même et à se contenter de celle qu'elle leur a assignée (voir Br. J. 88.IV.6 p. 491 ; 88.V.6 p. 47 ; 88.VI.3 p. 198 ; 88.VII.3 p. 323 ; 88.Vm.3 p. 405 ; 88.IX.3 pp. 31-32 ; 89.IV.7 p. 480 ; 89.VI.4 p. 218; 89.vm.l p. 393; 90.IV.3 p. 436; 90.ΧΠ.1 p. 405). Un tel renvoi paraît légitime, quand on sait les liens qui unissaient Campe et Lessing et l'influence que le second a exercée sur le premier. Comme l'a écrit L. Kientz, «Campe avait pour Lessing une véritable vénération. C'est de Lessing que procède toute son idéologie» (Kientz, Louis, J. H. Campe et la Révolution française, Paris 1939, p. 15 ; voir aussi Kopitzsch, Franklin, « Joachim Heinrich Campe und Gotthold Ephraim Lessing : zur Geschichte einer Freundschaft», in: Schulz, Günter (éd.), Lessing und der Kreis seiner Freunde, [Wolfenbütteler Studien zur Aufklärung, 8], Heidelberg 1985, pp. 193-234 ). Et Campe, dans les années 1790, tente de lui faire élever un mémorial (voir Br. J. 90.ΠΙ.9, 91.VL9 et 91.IX.9). D'après Schilson, Arno, Geschichte im Horizont der Vorsehung. G. E. Lessings Beitrag zu einer Theologie der Geschichte, [Tübinger Theologische Studien, 3], Mainz 1974, pp. 83-84. Br. J. 89.ΧΠ.5 p. 503. Br. J. 90.1.3 p. 70: Aux écrivains incombe «die heilige Pflicht [...], jene wohlthätigen Absichten der Vorsehung bei Vorfällen dieser Art nach Vermögen zu befördern».

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miné,52 devient la cause la plus fondamentale de la Révolution. Si le peuple, comme par miracle, a compris soudain son intérêt, c'est parce que [d]ie Eingebung war vorhergegangen ; die Vorsehung hatte sie, trotz den menschenfeindlichen Despoten, die sie zu verhindern versuchten, zu bewirken gewußt; sie heißt - Cultur und Vorsehung.53

Dans la lettre suivante, Campe attribue le calme dont fait preuve le peuple de Paris à l'intervention de la Providence qui, en jetant des «semences de raison», a permis au Tiers-Etat d'accéder à une «culture» et, par conséquent, à une «Aufklärung» inouïes.54 L'Aufklärung est donc le moyen par lequel la Providence réalise ses desseins.55 Un passage du discours de Fauchet, prononcé à Saint-Roch et que cite Campe, en l'approuvant sans réserve, insiste également sur le rôle instrumental de la philosophie ; Fauchet y affirme, en effet : \d\aß die Vorsehung diese große und wundervolle Begebenheit lediglich durch das wohlthätige Licht der Philosophie vorbereitet und bewirkt habe.56

Comme chez Lessing, la raison et la Révélation, issues l'une et l'autre de Dieu, tendent, au cours de l'éducation du genre humain, à une congruence toujours plus grande57 mais, chez Campe, la parenté entre ce qui relève de la Révélation et les lumières naturelles de la raison est explicite. Evoquant les causes lointaines de la Révolution, il fait ainsi état des tentatives despotiques pour réprimer le développement intellectuel, tentatives vouées à l'échec. En effet, l'esprit des Hommes «ist [...] auf nichts so eifersüchtig, als auf die von Gott und Rechtswegen ihm zukom-

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Vol. V, (1811), col. 503. Sa définition reprend celle de 1780, donnée par Adelung (Versuch einer vollständigen Grammatik, vol. IV, 1780, col. 1684-1685), «[...] Daher denn auch wohl Gott selbst, in Rücksicht auf diese seine Vorsehung, in der hohen Schreibart die Vorsehung genannt wird» qu'il complète par «oder vielmehr, es wird unter der Vorsehung verstanden, wenn man von ihr als einem besonderen Wesen spricht». Br.J. 89.ΧΠ.1ρ. 395. Br. J. 89.ΧΠ.2 p. 426. L'Aufklärung et la culture sont, au dix-huitième siècle, considérées encore comme largement synonymes. Ainsi Mendelssohn, évoquant, dans Was heißt Aufklärung?, les notions d'éducation, de culture et de Lumières [«Bildung, Cultur und Aufklärung»], peut-il écrire: «Indessen hat der Sprachgebrauch, der zwischen diesen gleichbedeutenden Wörtern einen Unterschied angeben zu wollen scheint, noch nicht Zeit gehabt, die Grenzen derselben festzusetzen» (Voir Mendelssohn, Moses, «Über die Frage: Was heißt aufklären?», [première édition 1784], in, Mendelssohn, Moses, Schriften über Religion und Aufklärung, Thom, Martina (éd.), Berlin 1989, pp. 461. La portée politique du mot «Bildung» pour la bourgeoisie allemande a, récemment, été clairement mise en lumière in Bollenbeck, Georg, Bildung und Kultur. Glanz und Elend eines deutschen Deutungsmusters, Frankfurt a.M./Leipzig 1996, [première édition 1994], pp. 31-34. L'histoire du mot «Bildung», et l'influence du piétisme dans son enracinement, au dixhuitième siècle, permettent également d'apprécier son horizon métaphysique (voir Sperber, Hans, «Der Einfluß des Pietismus auf die Sprache des 18. Jahrhunderts», in: Deutsche Vierteljahresschrift für Literaturwissenschaft und Geistesgeschichte, 3, 1930, pp. 497-515). Br. J. 90.1.2 p. 41. Voir Schilson, Arno, op. cit., pp. 116-124.

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mende Freiheit zu denken und seine Gedanken mitzuteilen». 58 Campe, en invoquant la Providence à propos des événements de France, leur accorde une importance capitale dans l'inscription finale de la raison dans le réel. Il ne lui suffit pas de trouver en la Providence la cause première de la Révolution et, par là, de suggérer le sens final de celle-ci. Les Briefe aus Paris fournissent, de plus, au lecteur, quelques noms de philosophes que la Providence a choisis pour accomplir ses plans : Voltaire, Diderot, Mably, Raynal, Rousseau [...]59 Ailleurs, Campe les juge si bien connus de tous qu'après avoir remercié la Providence d'avoir propagé «das wohlthätige Licht der Auklärung», il écrit à son correspondant : « Sie kennen die ehrenvollen Nahmen derer, welche Gott als Werkzeug dazu brauchte ».60 Le rôle de la Providence est si clair, aux yeux de Campe, et son plan si évident qu'il est à même, dans la troisième lettre,61 de se livrer à l'explication des différents prodiges - le mot «Wunder» y apparaît à plusieurs reprises62 - qui jalonnent l'histoire de la Révolution. Si, au contraire de Lessing, l'auteur peut ainsi mettre en lumière le rôle de la Providence dans l'Histoire, c'est parce qu'il est persuadé, durant son séjour à Paris, que le bouleversement a d'ores et déjà eu lieu et que la Révolution est accomplie, comme l'indiquait aussi l'emploi du néologisme «Staatsumwälzung». Certes, la Révolution ne signifie nullement la fin de l'Histoire, mais c'est un progrès si décisif qu'il est possible de se retourner sur le passé et d'en lire le sens. L'Histoire, à l'horizon de la Providence, apparaît comme la réalisation, dans la pratique, de la liberté. La signification donnée, par les auteurs, à la pensée de Luther ainsi que la place qu'occupe, pour eux, la Réforme, en sont un indice supplémentaire. Si la Révolution française, en effet, est susceptible d'être envisagée comme l'héritière de la Réforme, c'est que toutes deux participent d'un même mouvement téléologique de libération de l'esprit, ce en quoi l'analyse de Campe recoupe, une fois encore, celle de Lessing.63 Campe approfondit ultérieurement l'analogie lorsque, dans la huitième lettre, il met en relation la «jeune liberté française » et la Réforme, car elles sont les seules révolutions qu'ait opérées un esprit mûr, selon les principes de la raison et du droit.64 58 59

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Br. J. 89.ΧΠ.2 p. 434. Sur Voltaire, voir Br. J. 89.ΧΠ.1 pp. 425, 437 etc.; Diderot, ibid., p. 441, sur Raynal et Mably, voir édition de 1790, quatrième lettre; sur Rousseau, voir par exemple, Br. J. 89.ΧΠ.1 p. 461, et surtout la très emphatique septième lettre, tout entière consacrée à Rousseau. Br. J. 89.ΧΠ.1 p. 426. Br. J. 89.ΧΠ.1. Ibid., pp. 385 (2fois), 389 et 390 ainsi que, dans la livraison de novembre, p. 306. Bluhm a montré combien Lessing, loin d'appréhender Luther dans toute sa portée, ne l'a perçu que comme combattant de la liberté (Bluhm, H. S., «Lessings Stellung m Luther», in: The Germanie Review, 1944, pp. 16-35); Walther v. Loewenich, i n : Luther und Lessing, [Sammlung gemeinverständlicher Vorträge und Schriften aus dem Gebiet der Theologie und Religionsgeschichte, 232], Tübingen 1960 - confirme cette analyse tout en la présentant, néanmoins, avec plus de nuance. Voir 5;·. J. 90.Π.2 pp. 211-212.

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L'interprétation de la Révolution comme partie intégrante des desseins de la Providence permet de déterminer davantage la dimension spectaculaire de la Révolution française évoquée plus haut, car l'intérêt du théâtre, d'après Lessing, est de permettre la mise en perspective de la nécessité et de l'universalité qui sont à l'œuvre dans l'Histoire et que l'œil, sinon, ne pourrait percevoir. Ainsi, grâce au drame, le plan de la Providence se manifeste dans le monde, révélant par-là même sa sagesse et sa profondeur. Comme l'écrit Lessing dans la Hamburgische Dramaturgie : « das Ganze dieses sterblichen Schöpfers sollte ein Schattenriß von dem Ganzen des ewigen Schöpfers sein». 65 Dans la mesure où les événements que découvre Campe pendant l'été 1789 sont, selon lui, l'expression des desseins divins, c'est au tour de l'Histoire d'être élevée au rang de théâtre et l'Histoire n'a plus besoin d'être commentée ou expliquée par la scène. Paris est un théâtre où est représentée la Providence, une scène, voire une pièce, où se joue l'Histoire. L'allusion au théâtre, dont la fonction éducatrice est indubitable, tant pour Lessing que pour Campe, permet aussi d'étayer son interprétation de la Révolution perçue comme un exemple. La valeur exemplaire de cette pièce qui se joue à Paris est explicite, et la première lettre l'atteste déjà, puisque Campe proclame que [d]ieser Tag des Leichenbegängnisses fur die großen und kleinen Menschendrücker, Menschenquäler und Menschenaussauger an allen Orten und Enden der Welt einer der lehrreichsten seyn wird, welche die Geschichte zu ihrer Warnung jemals aufgestellt hat66

ou qu'à la suite de la Révolution, les Protestants allemands devront se rendent en France pour ressourcer leur protestantisme.67 La Révolution peut jouer le rôle d'un exemple car elle suscite l'émotion, tant il est vrai que le spectacle de ce qui se produit en France serait susceptible d'attendrir le cœur insensible d'un despote : Wahrlich, der ärgste Despot [...], und wäre sein von selbstsüchtigen und ehrgeizigen Begierden zusammengeschrumpftes und ausgedörrtes Herz noch der geringsten menschlichen und edelmüthigen Aufwallung fähig - er würde, glaube ich, von einer unwiderstehlichen sympathetischen Gewalt ergriffen, sich geneigt fühlen, auf seine unrechtmäßige willkürliche Herrschaft [...] freiwillig Verzicht thun.68

Mais ce spectacle suscite aussi la crainte. On retrouve donc ici les deux sentiments qui permettent au théâtre d'assumer une fonction éducatrice, tant traditionnellement que, plus spécifiquement, dans la conception dramatique de Lessing. L'intelligibilité du plan de la Providence permet aussi de rendre compte de ce qui, dans l'Histoire, pourrait passer pour incohérent et opposé au lumineux dé-

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Lessing, Gotthold Ephraim, Hamburgische Dramaturgie, in : Göpfert, Herbert G. (éd.), Werke, vol. IV, Eibl, Karl (éd.), Darmstadt 1996, pp. 229-720. Br. J. 89.X.7 p. 231. Br. J. 90.1.2 p. 49. Br. J. 89.XI.1 pp. 263-265.

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ploiement des Lumières, et elle rend possible, par conséquent, une véritable théodicée de l'Histoire : la Providence peut tolérer un mal quand, finalement, il pourra donner naissance au bien. Cela explique que Campe puisse considérer comme une quatrième cause de la Révolution le gaspillage effréné de la cour : « so wollte es die Vorsehung, welche Böses geschehen läßt, um Gutes daraus herzuleiten». 69 Ainsi, la négativité trouve, finalement, sa place dans la marche du monde. Que la négativité de l'Histoire puisse être abolie de la sorte est d'une importance capitale pour le jugement porté sur la Révolution. En effet, admettre la possibilité du mal, au sein même d'un mouvement décidé par la Providence et qui tend vers un état de perfection plus grande, peut justifier les égarements passés et relativiser a priori un certain nombre d'excès futurs. Et si l'Histoire, grâce à la Révolution a fait, d'après Campe, un immense pas en avant, elle n'a pourtant pas encore atteint sa perfection, et ce qu'il voit n'est encore qu'une aurore: «Dank sey der Morgenröthe, welche für die Geisterwelt aufgegangen ist». 70 Sous la plume de Campe, le motif de la Providence la révèle donc à la fois comme immanence et comme garante de l'avenir. 2.2

La dimension eschatologique à l'œuvre dans les revues

C'est précisément cette dernière dimension de la Providence qui s'impose, peu à peu, dans les revues, au fur et à mesure que la positivité initiale de la Révolution s'estompe, que la victoire des idéaux qu'elle incarnait est repoussée dans un futur toujours plus improbable et que le constat de l'immanence de la Providence le cède à une simple profession de foi. 2.2.1 La foi en un avenir radieux de la Révolution Cette foi s'exprime dans des textes qui formulent des vœux quant à l'avenir de la Révolution, ou même prennent la forme de véritables prophéties. Un tel style quasiment prophétique caractérise, par exemple, le discours de Mirabeau - traduit dans la livraison d'avril 1791 - qui offre au lecteur une page pleine d'emphase sur

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Br. J. 89.ΧΠ.2 p. 444. Pareillement, Schulze insère ce mal qu'est le luxe dans le plan de la Providence (Br. J. 90.V.6 pp. 75-79). Br. J. 89.X.7 p. 234. Dans la notion de «Geisterweit», on peut supposer une réminiscence de ce «royaume des esprits» [»Welt der Geister»], cher à Leibniz. Sans faire de Campe un tenant de l'optimisme leibnizien, il est possible de mettre en lumière quelques points communs entre ces deux notions. Toutes deux assurent à l'homme la faculté d'appréhender le projet divin. Le mode de cette appréhension est également commun aux deux écrivains : ce n'est plus la foi confiante qui caractérisait un Luther, par exemple, mais l'intelligence et l'examen [jeinsicht»] (sur le «Reich der Geister» de Leibniz, voir Walther, Christian, Eschatologie als Theorie der Freiheit: Einführung in neuzeitliche Gestalten eschatologischen Denkens, [Theologische Bibliothek Töpelmann, 48], Berlin/New York 1991, pp. 54-60). Pour la notion d'aurore de Γ Aufklärung, voir également Br. J. 88.ΠΙ.6 p. 378 ; 88 :Vn.3 p. 336; 89.XI.5 p. 364; 90.ΧΠ.1 p. 405.

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l'avenir du clergé, après qu'aura été adoptée la Constitution civile du clergé, et à un moment, donc, où les problèmes religieux déchirent déjà l'Assemblée nationale et la France. Mirabeau, en abordant la question des relations de l'Eglise et de l'Etat, fait allusion aux problèmes de l'époque, avant d'évoquer l'avenir, en une véritable envolée lyrique. Il fait surgir l'image d'un temps où les ministres de la religion enseigneront l'amour des lois et de la liberté, où les prêtres seront chéris par le peuple : «Zutrauen, Erfurcht und Liebe der Armen, werden den Priestern als den ehrwürdigsten Erhaltern des Volksgeistes und des unbestechlichen Patriotismus, die Thüren jener Versammlungen öffnen». 71 La dimension incantatoire du texte apparaît dans la profusion des formes du futur. 72 La traduction d'un essai publié anonymement à Londres, en 1790, chez J. Debrett, paraît dans le Braunschweigisches Journal, un mois après celle de Mirabeau. Ecrit par Samuel Romilly, un juriste anglais lié à Mirabeau, il porte le titre Thoughts on the probable influence of the French Revolution on Great-Britain. Alors que le texte de Mirabeau frappait par la multiplication de la forme «werden», c'est ici, dans une page consacrée à la Constitution civile du clergé, la forme «man kann hoffen, daß [...] » qui domine.73 A l'affirmation de la prophétie, dans le discours de Mirabeau, se substitue donc l'énoncé d'un simple vœu, comme ce sera le cas, en 1793 encore, dans un texte anglais de J. Barlow traduit dans le Schleswigsches Journal™ Dans ces trois derniers textes, la Providence ne ressemble plus à ce qu'elle était dans les Briefe aus Paris. Elle n'est plus même mentionnée directement, parce qu'il est devenu impossible de déchiffrer sa présence dans l'Histoire. Elle est plutôt associée, implicitement, à l'avènement d'un avenir radieux caractérisé par le dépassement et l'apaisement des conflits qui déchirent le présent. Il n'est pas question, en effet, de vouloir prédire la façon dont ces représentations prophétiques s'accompliront. Même chez Mirabeau qui, parmi les auteurs de ces trois articles, est assurément le plus concret et le plus pragmatique, l'adoption de la Constitution civile du clergé ne constitue pas le moyen d'accéder sûrement à l'avenir qu'il fait entrevoir. Afin d'y parvenir, il est à ses yeux préférable que les Français se laissent

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Br. J. 91.IV.3, p. 449. Les assemblées évoquées ici sont celles durant lesquelles le peuple décide lui-même de son avenir. Le verbe «werden » - conjugué au singulier ou au pluriel - n'apparaît, ainsi, pas moins de sept fois dans la page 449. On peut supposer que les auteurs se rangent aux vues de Mirabeau car ils s'abstiennent d'annoter le texte, ce qu'ils ont coutume de faire lorsqu'ils ne partagent pas l'opinion de son auteur. Br. J. 91.V.2 p. 32. Sehl. J. 93.VI.7. Ce texte, intitulé Advice to the privileged Orders in the several states of Europe resulting from the necessity and propriety of a general revolution in the principle of Government, est centré, comme celui de Romilly, sur les questions religieuses. Pour exhorter à un retour à la normale, Barlow utilise, cependant, un style plus vigoureux que celui de Romilly, en multipliant les phrases courtes, très rythmées et presque incantatoires, les formes impératives (voir par exemple, p. 251 ).

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gagner par «l'esprit de la patience et de la raison». Il adresse donc à ses concitoyens une prière où l'on retrouve, de façon sous-jacente deux des trois vertus théologales de la théologie catholique, l'espérance et la charité: «Verbreitet um euch her den Geist der Geduld und der Vernunft; streuet den Trost der Bruderliebe ».75 Fonder la conviction que la Révolution française représente un perfectionnement sur la seule représentation d'un avenir meilleur condamne toute prise de parti en sa faveur à en rester au simple niveau de l'affirmation d'une certitude. Cela apparaît nettement dans la controverse avec Schirach qui, dans son Politisches Journal avait écrit: «Die Sachen können in Frankreich nicht bleiben, wie sie sind: sie werden sich ändern. Aber binnen welcher Zeit, das läßt sich nicht bestimmen». 76 Dans sa critique de Schirach, l'auteur du Braunschweigisches Journal dénie, certes, à Schirach le droit de prédire le cours de la Révolution, comme on pourrait le faire de celui des astres,77 mais il paraît contester moins la prédiction en soi que son contenu - en l'occurrence la catastrophe par laquelle, selon Schirach, la Révolution se soldera nécessairement78 - contenu radicalement différent de celui des prophéties qu'on lit dans le Braunschweigisches et le Schleswigsches Journal ; et il en appelle finalement au Temps, qui seul pourra révéler le caractère positif de la Révolution.79 L'idée qu'il faille accorder au Temps la possibilité de combler l'écart qui existait en France, à l'aube de la Révolution, entre la raison et l'expérience, est aussi présente, en creux, tout au long d'un autre texte du Schleswigsches Journal. Son auteur s'étonne qu'on reproche à la France d'avoir échoué dans sa tentative de régénération, alors que seulement deux années se sont écoulées depuis le début de la Révolution et que ces deux années ont mis à jour l'étendue de la corruption qui minait le peuple français : Und zur Erfüllung eines solchen Wunsches [abolir l'hiatus entre l'action et ce que préconise la raison] unter solchen Umständen nur eine Zeit von zwei Jahren! - Nicht mehr als zwei kurze Jahre [...]. Wahrlich, es ist viel zu wenig Zeit für die Besserung eines ganzen Volkes, eine Besserung, die entweder wenig mehr, als scheinbar seyn wird, oder auch fast eine gänzliche Metamorphose seyn muß. 80

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Br.J. 91.IV.3p. 458. Cité in. Br. J. 91 .ΧΠ.4 p. 465. On trouve dans l'article trois fois le mot «prédiction» («Weissagung», Br. J. 91.ΧΠ.4 pp. 465 et 470 - où le mot est cité deux fois) et une fois «weissagten», (p. 470) à propos du texte de Schirach. Pareillement, le renvoi à une prédiction faite au neuvième siècle et annonçant le chaos, par un auteur de l'A. L. Z. qui prétend l'appliquer à la France révolutionnaire, est récusé radicalement (Sehl. J. 93.EX.4). Br J. 91.ΧΠ.4 p. 471 : «überlassen Sie es der Zeit, das Gute und Böse in der französischen Revolution, und Konstitution zu entdecken». Schi. J. 92.1.1 pp. 17-18. Knigge, dans Josephs von Wurmbrand, Kaiserlich abyssinischen Ex-Ministers, jetzigen Notarii caesari publici in der Reichstadt Bopfingen, politisches

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Plus de deux ans après le déclenchement de la Révolution, la réalisation de ses promesses est donc renvoyée à l'avenir. Brackebusch, en 1793, ne considère pas davantage que l'espace de quatre années soit suffisant pour accomplir ce qu'elle avait laissé espérer. Dans ce texte qui est un « syllabus errorum », il écrit : Weil eine Nation [...] in einem Zeitraum von vier Jahren zu keiner festen Consistenz hat kommen können, so kann man sich darauf verlaßen, daß sie niemahls seyn, niemahls dazu kommen wird. 81

En 1792 déjà, un autre auteur rejetait, dans un avenir lointain, le moment où l'on pourrait comprendre ce qu'elle a apporté: «Von der französischen Revolution können erst unsre Nachkommen kompetent urtheilen, wenn das große Resultat vor ihnen stehen [wird] »,82 Dans l'une des dernières livraisons du Schleswigsches Journal, enfin, la foi tenace en une victoire future des principes dont était originairement porteuse la Révolution est, encore, nettement affirmée lorsqu'un auteur s'écrie : So wird dennoch endlich ächte Freyheit siegen. Die Vorsehung hat die Franken nicht vom Despotismus befreyt, um sie unter das Joch einiger Tribunen zu bringen. 83

Ce rejet progressif, dans l'Histoire future, de l'apothéose annoncée de la Révolution française conduit, finalement, les auteurs à se détacher du cours qu'elle a pris, et même à la condamner, sans remettre en cause, pour autant ses acquis et, par conséquent, leurs idéaux. Ils sont conscients, en effet, de l'interdépendance entre cet événement et l'Aufklärung qui, tous deux, se nourrissent des mêmes principes et tendent, du moins dans un premier temps, aux mêmes buts. Et si l'adhésion aux principes des Lumières suscitait, d'abord, une foi quasi eschatologique dans l'issue heureuse - fut-elle lointaine - de la Révolution, l'objet de ces espérances change peu à peu. Il est, à ce titre, significatif qu'en janvierl793, 84 un auteur affirme attendre de l'Aufklärung qu'elle résolve la grave crise traversée par l'Europe.

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Glaubensbekenntnis mit Hinsicht auf die französische Revolution und deren Folgen in : Ausgewählte Werke in 10 Bänden, Fenner, Wolfgang (éd.), Hannover 1994, vol. 8, pp. 128-129, [première édition 1792], montre de même que si les principes de la Constitution sont bons, on ne peut garantir encore que les Français soient assez mûrs pour pouvoir l'appliquer. Schl.J. 93.V.1 p. 2. Schi. J. 92.IV.2 p. 454. Sehl. J. 93.X. 1 p. 160. La lecture idéaliste - et donc indépendante de l'emballement de la Révolution française - que les auteurs font de l'Histoire apparaît, dès 1792, quand ils continuent de proclamer leur foi dans la «vraie liberté» et leur conviction «daß selbst das in einigen Ländern vermehrte Joch der Tirannei die Liebe zur Freiheit nicht unterdrücken sondern anfeuern, den Enthusiasmus der ächten Freiheit [c'est nous qui soulignons] nicht entseelen sondern beleben [...] werde» {Schi. J. 92.VI.3 p. 197). Schi. J. 93.1.7. Il est indiqué, à la fin du texte (p. 128), que l'article a été rédigé en novembrel792. L'anonymat, non encore éclairci, de «N.G.S. », ne permet pas d'apprécier la véracité ou la signification exacte de cet ajout.

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L'auteur dissocie donc clairement les événements de la France révolutionnaire et Γ Aufklärung: «Wollte Gott, die Aufklärung, führte die Menschen auf ein Rettungsmittel, welches das heilsamste und das ausgebreiteste fur ganz Europa seyn würde ! »85 Un tel mouvement de dissociation est perceptible à plusieurs reprises dans les revues. L'espoir qui anime leurs auteurs n'est plus centré sur la France. La Révolution française n'est plus envisagée que comme une étape dans la conquête de la liberté. Et cela signifie qu'il faut parvenir à la dépasser maintenant que les révolutionnaires français se sont égarés. C'est là ce qui, désormais, confère à l'Allemagne un rôle de premier plan. 2.3

L'Allemagne comme porteuse de l'avenir?

C'est en effet l'Allemagne qui réussira à réaliser pratiquement la liberté. Cela permet de saisir pourquoi elle est potentiellement le pays qui sera le mieux à même de juger la Révolution, et plus exactement sa constitution. Comme l'écrit Halem : Im Ganzen genommen ist doch die deutsche Nation wohl diejenige, welche künftig am unbefangensten über die neu hervorgehende Staatsverfassung der Franzosen urtheilen wird.86

Le vœu formulé ici ne concerne plus l'avenir de la France mais bien plutôt celui de l'Allemagne. Pareillement, Knigge espère que l'exemple des événements de France n'entraînera pas, en Allemagne, ime réaction trop vive qui ferait revenir sur les conquêtes de l'Aufklärung. 87 Il insiste donc sur les différences structurales qui existent entre la France et l'Allemagne, afin de montrer qu'une politique libérale des gouvernements ne saurait aboutir, Outre-Rhin, aux excès qu'on a constatés en France. Répondre à ce qui s'y produit en opprimant la liberté et l'Aufklärung est d'autant plus regrettable que les dirigeants allemands étaient, avant que n'éclate la Révolution française, davantage partisans d'une politique de réformes.88 Et Knigge, considérant que la guerre fait peser sur une telle politique de réformes une lourde menace, en appelle à la Providence, à la fin de son article, pour qu'elle fasse cesser les hostilités : « Mögte nur die gütige Vorsehung bald dem gräulichen Krieg ein Ende machen, in welchen wir so ganz unnützer Weise sind hineingezogen worden! »89 La signification de ce recours à la Providence n'est pas la même que dans les exemples précédents, car elle est perçue, ici, comme le garant de la positivité de l'état présent de l'Allemagne. Knigge n'est en rien le tenant d'un optimisme à la

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Ibid., p. 109. Schi. J. 93.1.5 pp. 43-44. Sehl. J. 93.VII.3 : «Über die Ursachen, warum wir vorerst in Teutschland wohl keine gefahrlich politische Haupt=Revolution zu befürchten haben » ; sur les différences entre la France et l'Allemagne, pp. 279-281 ; sur les réformes entreprises avant la révolution, voir pp. 281, 289. Voir également Br. J. 90.ΧΠ.1 p. 403. Sehl. J. 93.ΥΠ.3 p. 290.

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Leibniz, auquel plus personne ne croyait à la fin du dix-huitième siècle.90 L'Allemagne, à ses yeux, n'est pas le meilleur des mondes mais, comme elle est gouvernée par des hommes étrangers à cet irréalisme qui a, finalement, poussé les Français à gouverner d'après des lubies,91 elle est le lieu où, par la voie des réformes, les idéaux, un temps concrétisés par la Révolution française, sont le plus à même d'être durablement mis en pratique. Dans le cadre d'une typologie des caractères «nationaux», l'Allemand apparaît comme un être plus réfléchi - Knigge évoque « das Phlegma des teutschen Charakters »92 - qui, au contraire du Français, ne vibre pas d'enthousiasme pour des chimères. De plus, à ses yeux, la possibilité d'une révolution, avant 1789, était objectivement à écarter pour l'Allemagne, parce que les souverains y avaient aboli, ou au moins limité, le « asiatischen Aufwand », et que les Princes héritiers n'y étaient pas élevés dans «einem so asiatischen Glänze ». De surcroît, la plupart d'entre eux avaient commencé à favoriser « eine vernünftige Denk= und Preß=freiheit », tandis que, à la faveur des constitutions qui les régissaient, il était toujours possible que les états jouent le rôle d'un contrepoids face au souverain ou, en dernière instance, s'adressent au tribunal impérial de Wetzlar. Tout cela, selon lui, remplit le peuple d'un grand amour pour son prince.93 Et, alors que la cour, en France, paraissait aux gens du peuple un univers inaccessible, souvent, au contraire, dans cette myriade de petits Etats qu'est l'Allemagne, c'est elle qui les fait vivre, en stimulant l'artisanat et l'industrie, ce qui n'engendre pas ces tensions si caractéristiques de la France du dix-huitième siècle.94 Cette supériorité de l'Allemagne sur la France que Knigge souligne ici trouve son écho dans d'autres passages des revues. Ainsi, Brackebusch affirme que les Etats allemands sont caractérisés par une constitution souvent très satisfaisante.95 L'idée des Droits de l'Homme y est très familière à tous les clercs comme à ceux qui, après leur passage à l'université sont entrés au service de l'Etat :

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Sur la chute du modèle leibnizien, dans la seconde moitié du siècle, voir Viering, Karl August, «Grundformen des Vorsehungsglaubens auf dem Boden der Reformation bis zum Anfang der deutschen Erweckung», in: Zeitschrift für systematische Theologie, 1927, pp. 498-549 et 643-721. Schi. J. 93.VD.3 p. 279 : «Prophetischen Geist haben freylich wir Menschen nicht; aber es ist der Vernunft gemäß, unsre künftigen Maßregeln nicht nach Hirngespinsten, sondern nach den wahrscheinlich zu erwartenden Ereignissen einzurichten und nicht einem Plane gemäß zu handeln, zu welchem wir in der gegenwärtigen Lage der Dinge gar keine Veranlassung finden». D'après le contexte, il ne fait aucun doute que ce «wir Menschen» s'applique, non aux hommes en général, mais aux Allemands. Ibid., p. 279. Comme ce caractère pourrait se modifier, ce n'est pas en lui que Knigge recherche, toutefois, la raison de la stabilité politique de l'Allemagne. Ibid., respectivement pp. 289, 281, 277, 281 et 287. Ibid., p. 284. Schi. J. 93.V.3 p. 17.

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Die Erklärung der Menschenrechte auf welche das Fränkische Volck mit Recht so stolz ist, war für Niemand ein Geheimniß mehr, der das Naturrecht in Göttingen, Leipzig, Halle, Jena u.s.w. gehört hatte. 96

Quant à la nouvelle conception de l'Etat, qui fait de chacun le rouage d'une vaste machinerie qui ne fonctionne que pour le bien de la société sans souffrir d'exception, 97 elle montre que les régimes existant dans l'Allemagne de la Spätaufklärung l'emportent sur le système politique de la France de l'Ancien Régime. Le «sacristain de Westphalie» estimait aussi que l'Allemagne n'avait guère à redouter une révolution puisque la «heilsame Publicität»98 avait entraîné déjà maintes réformes. Si, en dépit de la catastrophe que constitue la Révolution, un auteur du Schleswigsches Journal, en 1793, lui reconnaît quelque positivité, c'est parce que - immédiatement ou non - elle est utile, ou le sera à l'avenir, à l'expansion de l'Aufklärung en Allemagne. En effet, la Révolution contribue : 1. à la formation d'un esprit commun [« Gemeingeist »] ; 2. à l'évolution des lectures : on a délaissé des ouvrages de mode, pour se consacrer aux lectures politiques ; 3. au renouvellement des notions de droit et à leur application dans la pratique ; 4. à fonder de la pensée politique et juridique sur des bases nouvelles ; 5. à propager l'amour de la vérité qui s'est étendu, même si l'on peut déplorer que cela ait conduit à des ruptures au sein de l'intelligence allemande ; 6. et, enfin, à l'implantation de l'Aufklärung, car les attaques portées contre elle ne font que la renforcer, ce qu'illustrent des hommes comme Knigge qui se dressent pour faire valoir la vérité.99

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Ibid. p. 25. Schi. J. 93.X.4 p. 232. Schi. J. 92.IV.1 p. 451. Il ajoute, néanmoins, qu'il est peu probable que les sujets se rebellent contre le régime en place, parce qu'ils y sont trop accoutumés pour appréhender ses défauts dans toute leur acuité (Schi. J. 92.IV.2 p. 451). A cette affirmation correspond une remarque de Knigge - à la portée critique plus grande, cependant - qui constate que le fréquent commerce du peuple avec la cour entretient «Luxus und Verderbnis der Sitten» (Sehl J. 93.VH.3 p. 285). Mais cela ne porte point aux mêmes excès qu'en France, car la différence entre pauvres et riches n'a pas empiré pour devenir un gouffre entre luxe éhonté et misère accablante, et que l'oisiveté n'y est pas aussi répandue qu'en France (Sehl. J. 93.VÜ.3 p. 286). Le caractère improbable d'une révolution en Allemagne n'émane donc pas seulement d'une situation satisfaisante. A la même époque, on trouve la même ambiguïté dans les textes de Johann Friedrich Reichardt qui considère l'inexistence d'un despotisme aussi implacable qu'en France et l'absence de culture en Allemagne comme des signes que la Révolution ne se produira pas en Allemagne (Vertraute Briefe aus Paris, Weber, Rolf [éd.], Berlin 1980 [1ère édition 1792-1793], p. 43). Sehl. J. 93.X.4: (1) pp. 224—227 [L'auteur songe ici certainement aux événements de Saxe évoqués ailleurs dans le Sehleswigsehes Journal, voir Schi J. 93.VII.9 ; 93.VU. 10]; (2) pp. 228-229 ; (3) pp. 229-232 ; (4) pp. 232-233 ; (5) pp. 233-236 ; (6) pp. 236-237.

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Même si l'auteur de cet article cherche à mettre en lumière les «Vortheile, welche die gesamte Menschheit durch die itztige politische Catastrophe schon erhalten hat, oder noch erhalten wird», quatre des progrès dus à la Révolution100 concernent donc directement l'Allemagne ; les deux autres s'y appliquent aussi, mais indirectement. L'Allemagne, dans ce passage, devient même le moteur des perfectionnements à venir. Pareillement, elle semble, aux yeux de l'auteur, avoir été à la source des autres progrès du dix-huitième siècle: en effet, un lien immédiat est établi, ici, entre les principes de Frédéric et le prologue de la constitution virginienne de 1786: Unser Zeitalter hat in [sic] den Triumph erlebt, [...] daß in Virginien durch ein öffentliches Decret schon im Jahre 1786 Friedrichs des Einzigen Grundsätze in noch weiterm Maaße gesetzlich authorisiret worden sind. 101

Le rédacteur en tire un certain optimisme, tout comme lorsqu'il constate que «erst gewordene Staaten in einem unglaublichen kurzen Zeitraum zu einem Glück emporblühen, das nur im wärmenden Sonnenstrahl der Freiheit und der Vernunft reisen kann». 102 Le ton général de l'article permet de conclure que l'auteur songe ici aux Etats-Unis d'Amérique et à la France. Cette dernière n'a pourtant pas réalisé les espérances qu'elles avait fait naître. Et c'est l'Allemagne qui pourra, elle, participer à la concrétisation des idéaux de l'Aufklärung, à condition qu'elle continue d'être baignée du soleil de la raison et de la liberté. Fondamentalement, les avantages que l'auteur croit pouvoir tirer de la situation politique, catastrophique à son époque, sont pourtant l'expression d'un simple souhait et l'affirmation d'une foi réelle en l'avenir. Si lui-même reconnaît explicitement que la conscience nationale commence à peine à se former, et cela seulement dans les régions d'Allemagne où règne encore la liberté de la presse,103 l'écart entre la représentation de l'avenir et les réalités présentes est particulièrement frappant: lorsque l'auteur évoque la lecture, par exemple, le contraste est saisissant avec ce qu'ont pu établir les historiens, en ce domaine; 104 la prétendue

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Dans la liste indiquée ci-dessus, il s'agit des points (1), (2), (5), (6). Schi. J. 93.X.4 p. 240. Ibid., pp. 240-241. Ibid., p. 224. L'auteur évoque «einige erst jezt bemerkte Spuren eines sich bildenden Gemeingeistes unter dem gemeinen Mann in Deutschland», tout en précisant, un peu plus loin, «zumal da, wo noch nicht etwa alle Zeitungen verboten sind» (pp. 226-227). Que le patriotisme n'aille pas de soi en 1793, Wieland en témoigne également dans «Über deutschen Patriotismus», in: Günther, Horst (éd.), Die Französische Revolution. Berichte und Deutungen deutscher Schriftsteller und Historiker, vol. 2, Frankfurt/M. 1985, pp. 570-582 [édition originale in: Neuer Teutscher Merkur 1793, Februar]. Voir Schenda, Rudolf, Volk ohne Buch. Studien zur Sozialgeschichte der populären Lesestoffe 1770-1910, [Studien zur Philosophie und Literatur des neunzehnten Jahrhunderts, 5], Frankfurt/M. 1988, [première édition 1970], pp. 441^146; Schön, Erich, Der Verlust der

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moralisation du politique ainsi que le renouvellement de la science juridique qui, d'après lui, a permis de démasquer l'imposture des despotes et de la religion semblent difficilement conciliables avec les principes de gouvernement de Frédéric-Guillaume II et ses pratiques politiques [...] L'auteur est, d'ailleurs, si conscient de ces différences qu'il note, en introduction à son article : Wir sehen in der Ferne der Zeit fruchtbare Aehren emporsproßen [...] und freuen uns einer einstigen schönen Erndte. [...] Denn wir selbst müssen ja auf diese kostbaren Früchte Verzicht thun, wir können nicht erwarten, sie reifen zu sehen, und das höchste, was wir uns versprechen können, ist, die ersten Stralen der Morgenröthe einer bessern Zukunft zu erblicken, ehe wir schlafen gehen [...]. 105

Lorsque Campe, dans les Briefe aus Paris recourait à cette métaphore de l'aurore, il voyait le soleil se lever sur une France renouvelée et ouvrant, par là, ime phase nouvelle dans l'Histoire de l'Humanité. 106 Dans l'article d'octobre 1793, cette aurore se lèvera sur l'Allemagne, mais seulement dans un futur encore lointain. En novembre, on retrouve la même métaphore de la lumière pour désigner la raison dans « Ein Lied - aus der Wüste ». Son auteur décrit ce que pourrait être le monde, sans l'esprit de parti qui le déchire. Puis il invite ses « frères » à ne point renoncer à leur quête de la vérité, en dépit des revers subis : Doch eines - eines, Brüder, schwört ! [...] Schwört : Wahrheit ewig treu zu seyn! Beim Sturmwind, wie beim Sonnenschein! Fluch j edem, welcher wankt ! 107

Là aussi le tableau de l'avenir que donne l'auteur de ce poème, véritable JeanBaptiste clamans in deserto, relève simplement de la foi dans la victoire future de la raison et s'inscrit dans la même perspective eschatologique que l'article d'octobre 1793, car elle seule est capable de conjuguer l'affirmation des idéaux de l'Aufklärung, dans un contexte politique réactionnaire, et le refus de la Révolution. Cette tension est au cœur de Γ avant-dernier article du Schleswigsches Journal : une traduction de la Marseillaise, texte si ambigu que l'on pourrait croire à la première lecture, qu'il constitue une prise de parti pour la Révolution. Et si l'éditeur en a décidé la publication,108 c'est apparemment qu'il n'avait plus rien à perdre,

105 106

107 108

Sinnlichkeit oder die Verwandlungen des Lesers. Mentalitätswandel um ¡800, [Sprache und Geschichte, 12], Stuttgart 1993, pp. 44-45. Schi. J. 93.X.4 pp. 218-219. Br J. 89.X.7 p. 234: «Dank sey der Morgenrothe, welche für die Geisterwelt aufgegangen ist». De même, quand un auteur reprend le motif du rayonnement de l'Aufklärung (voir, déjà, Br. J. 90.V.8 p. 127), c'est en priant pour qu'elle brille de nouveau. Sur le champ métaphorique de la lumière mis en relation avec la raison, voir également Schi. J. 93.VII.6 p. 323). Sehl. J. 93.XI.5 p. 275. Une telle démarche peut sembler d'autant plus audacieuse qu'une transposition de la Carmagnole, dans le Schleswigsches Journal, avait déjà fait l'objet de sévères critiques (voir, par exemple, le Revolutionsalmanach von 1794, p. 210).

368

ayant déjà scellé l'arrêt de la publication du Schleswigsches Journal. En effet, par sa rhétorique très subtile, ce passage renvoie dos à dos les émigrés et leurs alliés qui veulent rétablir le despotisme en France, et dénonce, dans le même temps, la guerre entreprise par la France.109 Seule échappe à l'ambiguïté profonde de l'ensemble la profession de foi pour la liberté.110 La Providence, dans le Braunschweigisches et dans le Schleswigsches Journal, est donc, initialement, le garant de la positivité de la Révolution française perçue comme la réalisation d'idéaux que partagent leurs auteurs. Ensuite, au fil des événements et des dérapages de la Révolution, la Providence immanente le cède à une confiance eschatologique dans le triomphe final de la Révolution, d'abord, de celui des idéaux de l'Aufklärung ensuite, victoire dont la réalisation est, néanmoins, sentie comme de plus en plus lointaine.111 Dans l'attente que l'Aufklärung puisse à nouveau se développer, et confronté à la propagande contre-révolutionnaire qui continue de se déchaîner, en Allemagne, Hennings semble proposer deux attitudes aux Aufklärer: dans le dernier article qu'il rédige avant de prendre congé de ses lecteurs, il attaque une dernière fois les écrivains de la réaction, et reconnaît la sagesse de ceux qui, bien qu'ils aiment la liberté et approuvent le cours suivi par la Révolution française jusqu'en 1791, ont pris maintenant le parti de se taire : O ihr Weisen! die ihr nun schweigt, wie seyd ihr gerechtfertigt! Als ihr laut redetet, ertönte eure Stimme im Jubel des Friedens über das Glück von Europa und das Wohl vieler Millionen Menschen. Und ihr, die ihr nun redet, Euer Ruf erschallt unter Mordbrand und endlosen Würgen. 112

juste avant ces lignes dans lesquelles il loue le silence des amants de la liberté, l'éditeur annonce, pourtant, qu'en ce qui le concerne, le combat n'est pas terminé, en publiant le « Timoleons Lied in Syracus » où figurent ces vers volontaristes : Drum wer Kraft zu Thaten fühlet Wer noch Freiheits=Sinn besitzt, Wem es stark im Innern wühlet, 109

110 111

112

Le fait de traduire un chant de guerre français en le destinant à un public allemand rendait un certain nombre d'éléments infiniment ambigus. Quel est, par exemple, cet ennemi qui s'approche «um selbst in eurem Arm,/den Sohn, die Gattin euch zu morden!» (Schi. J. 93.ΧΠ.13 p. 516). Est-ce encore l'armée des coalisés qui menaçait la France, ou n'est-ce pas bien plutôt les armées de la Révolution qui ont pénétré en Allemagne. La même analyse vaut pour ce «fremdes Heer» qui impose sa loi «in unserm eignen Lande», p. 517. Ibid., p. 518. On peut supposer que cette foi idéaliste en l'avenir puise ses sources les plus inconscientes dans les racines protestantes des auteurs, et plus exactement dans la «Weltanschauung» de Luther. S'il est, certes, difficile de dépasser, ici, le simple plan de la supposition, car nous touchons ici aux couches les plus profondes de la mentalité collective des Aufklärer, une telle hypothèse n'est pas inédite. Karl Holl n'écrivait-il pas, dans les années 30: «In Deutschland bleibt als Erbe Luthers erhalten die Überzeugung von einem sittlichen Ziel der Geschichte [...] daß die Geschichte in Wahrheit nicht das Werk des Menschen, sondern der ihn lenkenden Macht ist» (Cité in Waither, Christian, op. cit., p. 48).

Schi. J. 93.ΧΠ.12ρ. 515.

369

Daß man mit der Menschheit spielet Auf, das Schwerdt zur Freiheit blitzt!. 113

Considérer ces vers comme un appel à la révolte armée signifierait négliger les positions défendues dans les revues : il faut plutôt voir, dans ce chant, l'affirmation que les partisans de l'Aufklärung ne perdent pas confiance et ne renoncent pas à lutter pour elle dans leurs écrits, interprétation d'autant plus vraisemblable que Hennings n'abandonne l'édition du Schleswigsches Journal que pour prendre en charge celle du Genius der Zeit, jusqu'à la dernière livraison du Schleswigsches Journal, on retrouve donc la tension entre le constat des échecs subis par l'Aufklärung et une foi profonde en sa victoire finale.

113

Schi. J. 93.ΧΠ.11 p. 514.

370

XI Conclusion

Il y a presque quinze ans, Rolf Reichardt invitait à un changement de perspective dans l'étude de la réception de la Révolution française en Allemagne, et appelait à inaugurer une démarche dont le point de départ serait la connaissance approfondie des événements de France, des voies du transfert culturel et des modes de l'information. Avant lui, en France cette fois, Lucien Calvié se proposait de contribuer au renouveau de l'histoire des idées, en la fondant sur une connaissance précise de l'Histoire non seulement de la France, mais aussi de l'Allemagne. Si la méthode prônée par le premier risque de laisser inexpliqués les silences des Allemands sur un certain nombre d'aspects de la Révolution, il s'avère possible, en la combinant avec une démarche qui accorde aux réalités de l'Allemagne du dixhuitième siècle l'importance souhaitée par le second, de rendre compte précisément des modalités de la réception de la Révolution par les Allemands. En effet, il est possible, dès lors, de mettre en lumière, chez eux, le jeu complexe entre Γ «Erfahrungsraum» et Γ« Erwartungshorizont ». Cela est particulièrement vrai pour ce qui concerne le Braunschweigisches et le Schleswigsches Journal. Comme le premier commence à paraître dès 1788, on peut établir clairement quelles étaient la situation et les aspirations des Aufklärer avant le déclenchement de la Révolution: ils se révèlent déçus par la politique de FrédéricGuillaume II qui, pour être à l'instar de Frédéric II, son prédécesseur, un souverain absolu, refuse d'être, comme lui, un propagateur de l'Aufklärung. Au lieu de poursuivre la politique de réformes qu'il avait amorcées et que les écrivains progressistes avaient approuvées, les jugeant indispensables, Frédéric-Guillaume Π entame une politique réactionnaire dont les Edits de Wöllner restent le témoignage le plus marquant. Les auteurs du Braunschweigisches Journal, confrontés tant aux efforts du gouvernement prussien pour mettre un frein à la liberté religieuse qu'à l'échec des projets de réformes pédagogiques d'inspiration philanthropiste mis en œuvre à Brunswick, cessent lentement d'être partisans d'un régime d'absolutisme éclairé et évoluent peu à peu vers des positions plus libérales. Se référant aux théories jusnaturalistes qui, à l'époque, s'implantent de plus en plus en Allemagne, ils insistent, sans cesse davantage, sur la nécessité de garantir la liberté personnelle et ses corollaires, la liberté de pensée et de conscience. Dans ces conditions, on peut comprendre l'enthousiasme que les auteurs manifestent pour les débuts de la Révolution qui, non seulement, est placée sous le signe d'une liberté, en Allemagne menacée, mais qui incarne aussi quelques-uns de leurs rêves : à une époque où les différentes classes de la société allemande 371

constituent encore des unités hétérogènes, incapables d'éprouver le moindre sentiment patriotique, et où le pays tout entier n'est encore qu'un simple conglomérat d'Etats que l'Empire ne parvient plus à cimenter, les rédacteurs des revues découvrent, en France, une nation soudée et que rassemble un patriotisme dont, cependant, ils ne perçoivent pas les fractures. De plus, alors que pour les auteurs, patriotisme et cosmopolitisme s'excluent bien souvent, ils font, grâce à la Révolution, l'expérience d'un peuple où ces deux sentiments se nourrissent l'un de l'autre et se renforcent. Enfin, la supériorité qu'ils reconnaissent à la France, et qui lui confère la double dimension d'exemple et de monition, est due à ce que la Révolution, outre qu'elle réalise le droit naturel, durant l'été 1789, inscrit, en proclamant la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, l'égalité juridique, la liberté la propriété, dans le droit positif. Pour ce qui est du droit à la résistance, les auteurs adoptent une position ambivalente: tout en légitimant, grâce à lui, la Révolution, ils se méfient trop de l'inconstance des Français pour ne pas attendre, de la Constitution en cours d'élaboration, qu'elle l'invalide, en le rendant inutile et que, par conséquent, elle assoie rapidement la stabilité de la nouvelle situation politique née des premiers bouleversements. Les rédacteurs des revues n'en sont que plus sensibles à l'insuffisance de la Constitution de 1791. Les conditions de sa rédaction les inquiètent, et ils déplorent la suprématie qu'elle accorde à l'Assemblée nationale. Non moins problématiques sont à leurs yeux les pans de l'œuvre constitutionnelle qui sont consacrés à la pédagogie - car les révolutionnaires, en prétendant asservir le système éducatif à l'Etat, vont à l'encontre des conceptions que les rédacteurs des revues avaient, eux, forgées depuis 1785 environ - de même qu'aux questions religieuses, puisque les mesures décidées par les révolutionnaires prennent rigoureusement le contre-pied des convictions partagées par les auteurs, en matière de religion. Au mépris de la prudence que ces derniers - forts de leur expérience de pasteurs - ne cessent de recommander, de la distinction fondamentale qu'ils établissent entre «théologie» et «religion», et de la privatisation du religieux qu'ils appellent de leurs vœux, les Français, en dépit de leurs intentions avouées, s'efforcent de soumettre la religion à l'Etat et confrontent le public, tout entier, à des discussions qui, d'après les auteurs des deux revues, ne devraient toucher qu'un petit cercle de lettrés. De la sorte, les révolutionnaires extirpent la croyance, favorisent une irréligion que les Aufklärer se défendaient en général de vouloir propager et sèment, enfin, le germe de désordres civils que ceux-ci refusent, avec une énergie croissante, au fur et à mesure que la Révolution s'emballe. De fait, les auteurs du Braunschweigisches et du Schleswigsches Journal, comme la grande majorité du public allemand, dénoncent vigoureusement les horreurs de la Révolution, en particulier les massacres de septembre, ainsi que le procès et l'exécution de Louis XVI. A la différence, cependant, des conservateurs et des réactionnaires allemands, ils rejettent l'idée d'une guerre d'intervention 372

contre la France, non par sympathie pour elle, mais parce que cela impliquerait une radicalisation politique qui entraînerait l'impossibilité de réformes et une régression vis-à-vis des progrès accomplis en Allemagne jusqu'au début des années 1780. Le désir de préserver l'Aufklärung de la répression politique trouve son expression, avant même 1789, dans le refus, toujours plus grand, des sociétés secrètes, car elles sont susceptibles de jeter le discrédit sur elle. Et, à partir du moment où la Révolution provoque, en Allemagne, une suspicion plus grande à l'égard de toute velléité réformatrice, ce problème gagne en acuité ; les rédacteurs se heurtent, alors, sans cesse au même dilemme : refuser la forme prise par la Révolution, mais continuer à adhérer à des principes qu'elle partage avec l'Aufklärung. La déception qu'éprouvent les auteurs face à la Révolution est d'autant plus amère que la réaction, en Allemagne, s'intensifie : les gouvernements s'y montrent toujours plus inflexibles, soutenus en cela par des publicistes qui attaquent les deux revues, de façon de plus en plus agressive. De fait, on peut constater, au fil des années, ime nette radicalisation des débats menés au sein de la «République des Lettres». Alors que, dans les revues, conformément au modèle sous-jacent des sociétés de lecture ou des sociétés patriotiques, les discussions portent, initialement, sur des sujets bien déterminés et que ceux qui y prennent part adoptent un ton courtois, le champ des thèmes traités se restreint : peu à peu, on consacre les débats, moins à chercher des solutions à des questions précises qu'à se ménager la possibilité même de discuter de problèmes touchant, de près ou de loin, la politique. Parallèlement, le ton s'envenime et d'échanges posés entre clercs, on passe de plus en plus, malgré les appels des éditeurs pour que soient respectées les règles de la discussion, à de vives polémiques, où priment de plus en plus les attaques personnelles. Si le «Erfahrungsraum» des années 1785-1788 avait modifié 1'«Erwartungshorizont » des rédacteurs des deux revues, leur expérience de la Révolution française modifie, à son tour, le champ de leur attente : la France perd lentement son rôle d'exemple pour demeurer un simple avertissement et, peu à peu, l'intérêt des auteurs se concentre, de nouveau, sur l'Allemagne où ils espèrent sauver, autant que faire se peut, les conquêtes de l'Aufklärung. Ils réaffirment, alors, avec force, leur monarchisme et leur sympathie pour la forme politique de l'absolutisme éclairé. Un tel régime représente, certes, un pis-aller, au regard de l'évolution profonde qui les rend favorables à des positions proto-libérales; mais il leur permet d'étayer leur idéal d'un régime constitutionnel, ce qui, dans les conditions historiques de l'Allemagne, à la fin du dix-huitième siècle, relève d'une utopie, et, de la sorte, met, une nouvelle fois, en valeur la dimension eschatologique qui est au cœur de l'Aufklärung. La foi que les auteurs des deux revues placent en celle-ci les amène à une vision de plus en plus déformée de la réalité : outre qu'ils assignent dans un futur de plus en plus lointain la victoire de l'Aufklärung, ils refusent de voir l'échec qu'ils su373

bissent. Ainsi, Campe se montre convaincu d'avoir, à Brunswick, remporté une victoire sur la censure, alors que l'autocensure qu'il s'impose fait peser sur la Schulbuchhandlung une grave menace économique :' le recul des ventes remet, en effet, en cause la tentative d'établir un libre marché du livre, ce qui était une des aspirations fondamentales de 1'Aufklärung. Hennings, par le Genius der Zeit, entendait, lui, poursuivre le combat qu'il avait commencé avec le Schleswigsches Journal, mais il ne se rend pas compte que la lutte qu'il mène est désormais d'arrière-garde, ce que la polémique engagée avec les Xenien suffirait, pourtant, à prouver. De plus en plus isolés, les éditeurs et les auteurs des deux revues n'ont donc plus cette fonction de porte-parole de la bourgeoisie allemande qu'ils assumaient encore à la fin des années 1780. Dans son sur le Genius der Zeit, Schempershofe a bien montré que cette revue, tout en étant « ohne Zweifel ein Kind der deutschen Aufklärung», adopte des positions destinées à rester sans écho : Der Genius der Zeit identifiziert sich stets mit „Fayettismus", Gironde und Thermidorianem, obwohl es im deutschen Bürgertum keine politisch zugespitzten Widersprüche gibt, die die Grundlage eben für diese Parteinahme bilden könnten. 2

Cela n'est probablement pas étranger à la décision de Hennings d'en arrêter la publication, au tournant du dix-neuvième siècle. Campe, quant à lui, renonce presque complètement à ses activités de publiciste, pour se consacrer surtout à la rédaction de ses dictionnaires,3 dont on a vu déjà la portée politique puisqu'ils visaient à une « Beseitigung der bestehenden Sprachtrennung auf dem politischen und wissenschaftlichen Gebiet». Force est de constater, avec Jürgen Schiewe, que Campe, finalement, «wohl aber auch mit diesem Versuch gescheitert [ist], denn er hat weder die Sprache nachhaltig verändert noch waren seine Revolutionierungsbestrebungen erfolgreich». 4 Et la plupart des autres rédacteurs des revues, pour 1

2

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Voir Schmitt, Hanno, «Pressefreiheit, Zensur und Wohlverhalten. Die Braunschweigische Schulbuchhandlung zur Zeit der französischen Revolution», in: Böning, Holger (éd.), Französische Revolution und deutsche Öffentlichkeit: Wandlungen in Presse und Alltagskultur am Ende des 18. Jahrhunderts, [Deutsche Presseforschung 28], München / New York / London/ Paris 1992, pp. 349-352. Schempershofe, Rolf, «August Hennings und sein Journal „Der Genius der Zeit". Frühliberale Publizistik zur Zeit der französischen Revolution», in: Jahrbuch des Instituts für Deutsche Geschichte, 10, 1981, pp. 147 et 155. Ulrich Herrmann, de son côté, a parlé d'un «Verstummen» de Hennings vers 1800 («Hennings», in: Klose, Olaf et Rudolf, Eva (éd.), Schleswig-Holsteinisches Biographisches Lexikon, vol. 4, Herausgegeben im Auftrag der Gesellschaft für Schleswig-Holsteinische Geschichte, Neumünster 1970-1979, p. 89). Wörterbuch zur Erklärung und zur Verdeutschung der unserer Sprache aufgedrungenen fremden Ausdrucke. Ein Ergänzungsband zu Adelungs Wörterbuch, 2 Bde., Braunschweig 1801 et Wörterbuch der Deutschen Sprache, 5. Bde., Braunschweig 1807-1811. Schiewe, Jürgen, «Joachim Heinrich Campes Verdeutschungsprogramm und die Sprachpolitik der Französischen Revolution», in: Schlieben-Lange, Brigitte (éd.), Europäische Sprachwissenschaft um 1800. Methodologische und historiographische Berichte zum Umkreis der „idéologie", Münster 1989, vol. I, p. 232.

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autant qu'ils survivent à la Révolution,5 cessent de caresser le rêve d'une Aufklärung qui baignerait tous les pays de langue allemande, et n'oeuvrent plus que dans un cadre géographique limité,6 reflet de l'éclatement de l'Allemagne, éclatement que l'Aufklärung n'était pas parvenue à subsumer. Quelques-uns d'entre eux continuent d'enseigner, mais la grande époque du philanthropisme est passée.7 Durant la Révolution française, les Aufklärer qui s'expriment par le canal du Braunschweigisches et du Schleswigsches Journal délaissent, par conséquent, les thèses philanthropistes au profit d'un proto-libéralisme que les conditions historiques leur interdisent, pourtant, d'exposer autrement qu'avec prudence. Et ce n'est que durant la Restauration, après que la Révolution aura violemment renversé l'ordre politique que les Philanthropistes souhaitaient lentement réformer, que pourra s'éployer l'âge d'or du Libéralisme.

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La mort, en effet, frappe quelques-uns des principaux rédacteurs : Stuve meurt en 1793, Knoblauch, Mauvillon et Schmettow en 1794, Knigge en 1796. Afsprung assume en Suisse des fonctions politiques et admnistratives, Halem se concentre sur sa carrière de juriste à Oldenburg; Trapp continue à enseigner mais dans un certain anonymat; Villaume se retire au Danemark où il travaille à des œuvres sociales etc. Les débats qu'il avait provoqué perdureront, cependant, jusqu'au au dix-neuvième siècle (voir, par exemple Heinrich, Joachim, Widerstände gegen den Philanthropismus - Eine Untersuchung über die Kritik Chr. Palmers an J. B. Basedow, Phil. Diss., Dortmund 1978.

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XII Bibliographie

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Archives

Staatsbibliothek zu Berlin :

Nachlaß Nicolai : vol. 6.

Staats- und Universitätsbibliothek Hamburg :

Nachlaß Hennings : vol. 11.

Landesarchiv Schleswig :

Abt 22-235. Abt 62.2/288,671,681. Abt 399/1058, 1134.

Vieweg Briefarchiv Wiesbaden Winterthur :

2

Privatarchiv Reinhard Bl. 151-153.

Sources

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377

-

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432

Appendice I :

I.l

Mode de classement des articles

Aufklärung projets de réforme d'intérêt général projets concernant les différents états de la société problème de la Volksaufklärung

[A] [A-l ] [A-2] [A-3]

Pédagogie histoire de la pédagogie questions philologiques principes de la néo-pédagogie principes généraux concernant les méthodes langues anciennes autres domaines les manuels organisation de l'enseignement enseignement privé institutions pédagogiques rapport de l'éducation et de l'Etat

[B] [B-1 ] [B-2]

Philosophie philosophie et philosophie morale esthétique

[C] [C-1 ] [C-2]

Religion religion et pédagogie textes sur l'hétérodoxie question de l'Edit de Wöllner

[D] [D-l] [D-2] [D-3]

Politique principes généraux Aufklärung et politique problèmes politiques de l'Allemagne Révolution française Débats sur la Révolution française

[E] [E-1 ] [E-2] [E-3] [E-4] [E-5]

Publicité (Öffentlichkeit) problème de la presse fonction de la presse censure sociabilité éclairée règles de la sociabilité éclairée sociétés secrètes principe des sociétés secrètes sociétés secrètes spécifiques

[F] [F-l] [F-2] [F-3]

Divers

[G]

[B-3] [B-4] [B-5] [B-6] [B-7] [B-8] [B-9]

[F-4] [F-5] [F-6]

433

1.2 Index des articles' 1.2.1 Braunschweigisches Journal janvier 1788 [F-2], [1], I, pp. 1-15, Herausgeber, Von der Absicht und den Gegenständen dieser Zeitschrift. [F-2], [2], Π, pp. 16-19, Garve, Ein Einwurf wider die Nützlichkeit periodischer Schriften, von Herrn Prof. Garve; aus einem Brief desselben an den R. C. [F-2], [3], ΠΙ, pp. 19-44, Campe, Beantwortung dieses Einwurfs. [A], [4], IV, pp. 45-64, Rochow, Beantwortung der Frage, welche die Akademie der Wissenschaften zu Berlin fürs Jahr 1783 aufgegeben hat. [1] [D-2], [5], V, pp. 65-75, Schlosser, Ueber die Glaubenspflicht. [F-6], [6], VI, pp. 76-91, ?, Ueber die jetzigen Zwecke einer gewissen geheimen Gesellschaft, von einem gutmeinenden Mitgliede derselben. [B-8], [7], VII, pp. 91-103, Stuve, Ueber das große Waisenhaus in Braunschweig. [B-5], [8], v m , pp. 103-109, Winterfeld, Ueber die Art und Weise über den Unterschied der Geschlechter zu belehren. [R-l], IX, pp. 110-124, Recensionen. [N-l], X , pp. 124-128, Neuendorf, Nachrichten. 2 février 1788 [A], [9], I, pp. 129-149, Rochow, Fortsetzung und Beschluß der im ersten Stücke des Journals abgebrochenen Beantwortung der Preisfrage, welche die Akademie der Wissenschaften in Berlin fürs Jahr 1783 aufgegeben hat. [2] [B-3], [10], Π, pp. 150-190, Campe, Soll man die Kinder mitleidig zu machen suchen ? [B-l], [11], ΙΠ, pp. 191-205, Stuve, Auszug aus Caspar Dornavs Ulysses Scholasticus.[l] [B-3], [12], IV, pp. 206-219, Campe, Soll man Kinder Komödien spielen lassen ? [R-2], V, pp. 220-250, Recensionen. [N-2], VI, pp. 251-256, Nachrichten. mars 1788 [B-6], [13], I, pp. 257-269, Campe, Nachricht von dem Fortgange der Realisirung des Plans zu einer allgemeinen Schulencyclopädie. [B-4], [14], Π, pp. 270-303, Buhle, Beitrag zur Verbesserung der Methode des Unterrichts in der alten römischen Literatur, nebst einem Plane zu einer Sammlung von lateinischen Schriftstellern für den Gebrauch in Schulen. [B-9], [15], ΠΙ, pp. 304-325, Ζ., Brief an einen der Herausgeber dieses Journals, über die neue Dessauische Schulverordnung. [B-8], [16], IV, pp. 325-337, Stuve, Ueber das große Waisenhaus in Braunschweig.

1

2

Sont indiqués, ici, respectivement la rubrique thématique de l'article - voir appendice 1.1 - , son numéro dans le classement général, la numérotation de l'article dans les revues (lorsqu'une erreur typographique s'est glissée dans le texte des revues, on a indiqué, entre crochets, la numérotation exacte), la pagination, le nom du rédacteur (lorsqu'un texte anonyme a été identifié, le nom de son auteur figure, pareillement entre crochets; quand l'auteur n'a pu être identifié, figure un «?»), et le titre de l'article. Lorsqu'un article est publié en plusieurs fois, on a indiqué, enfin, entre crochets, de quelle partie il s'agit. Les signes [R- ] et [N- ] renvoient, eux, aux classements des recensions et des annonces (voir appendices 1.3 et 1.4). Voir Campe, lettre du 15.11.1787 in Briefe von und an Joachim Heinrich Campe 1765-1788, [Wolfenbütteler Forschungen, 71.1], Schmitt, Hanno (éd.), Wiesbaden, 1996, pp. 303 et sqq.

434

[A-2], [17], V, pp. 338-373, Campe, Beantwortung einiger Einwürfe, welche in den Schlesischen Provinzialblättern gegen eine von mir ausgestellte Preisfrage, über die einer besondern Menschenclasse zu wünschende Art der Ausbildung und der Aufklärung, gemacht worden sind. [B-3], [18], VI, pp. 373-384, Campe, Statistische Nachrichten von den Progressen der Deutschen im Versemachen; mit einer pädagogischen Anwendung. [R-3], VII, pp. 384-392, Recensionen. avril 1788 [E-l], [19], I, pp. 393-407, Rochow, Versuch über die Regierungskunst, von dem Herrn Domherrn von Rochow. [D-2], [20], Π, pp. 407-428, Campe, Gibt es eine Glaubenspflicht ? [F-5], [21], m PP· 428-449, Stuve, Einige Gedanken über den Einfluß geheimer Gesellschaften auf das Wohl der Menschheit, von einem Ungeweihten.3 [B-2], [22], IV, pp. 449-463, Heusinger, Ueber einige Stellen des Florus. [D-2], [23], V, pp. 463-474, Rhode, Ueber den Aufsatz des Hrn. Geh. Hofraths Schlosser : von der Glaubenspflicht. [B-6], [24], VI, pp. 475-492, Campe, Hauptideen und Grundsätze zur Verfertigung der wissenschaftlichen Theile der allgemeinen Schulencyclopädie. [R-4], Vn, pp. 493-515, Recensionen. [N-3], VIE, pp. 515-520, Nachrichten. mai 1788 [D-2], [25], I, pp. 1-8, ?, Ueber Religion und Religionsgesellschaft (Ein Gespräch).4 [D-2], [26], Π, pp. 8-18, ?, Ueber den wesentlichen Unterschied des Katholicismus und Protestantismus. [1] [F-2], [27], m, pp. 18-35, Semler, An H. R. Campe. [B-4], [28], IV, pp. 35-38, Winterfeld, Auszug aus einem Schreiben pädagogischen Inhalts. [B-5], [29], V, pp. 39-44, Kästner, Einige Anecdoten aus der Jugendgeschichte des Herrn Hofraths Kästner, ein Auszug aus einem Briefe desselben an den R. Campe. [B-3], [30], VI, pp. 44-68, Campe, Väterlicher Rath für meine Tochter; ein Gegenstück zum Theophron; der erwachsenen weiblichen Jugend gewidmet. [1] [R-5], VII, pp. 69-117, Recensionen. [N-4], VIH, pp. 118-128, Nachrichten. juin 1788 [D-2], [31], I, pp. 129-140, ?, Ueber den wesentlichen Unterschied des Protestantismus und Katholicismus. [2] [B-3], [32], Π, pp. 141-188, Campe, Einige Erfahrungen und Beobachtungen über den Schlaf, physiologisch erklärt von Hrn. D. Hildebrandt, Professor der Anatomie, und pädagogisch benutzt von J.H. Campe. [B-3], [33], ffl, pp. 188-231, Campe, Väterlicher Rath für meine Tochter. [2] [R-6], IV, pp. 232-255, Recensionen. [N-5], V, pp. 255-256, Nachricht. juillet 1788 [B-5], [34], I, pp. 257-268, Kästner, Ueber die Art Kindern Geometrie und Arithmetik beizubringen. Auf Veranlassung eines Schreibens des Heim v. Winterfeld im Braunschweigischen Journale 5. St. S. 35 u.f. von Abraham Gottfried Kästner. [1]

3

4

D'après Schmitt, Hanno, «Johann Stuve (1752-1793): Ein philanthropischer Aufklärer auf dem Wege zur bürgerlichen Gesellschaft», in : Stuve, Johann, Kleine Schriften gemeinnützigen Inhalts, Schmitt, Hanno (éd.), Lichtenstein, 1982, [reprint de l'édition de 1794], pp. XI-CIV. On doit au même auteur l'article suivant. 435

[B-4], [35], Π, pp. 269-310, Trapp, Ueber das allgemeine Studium der alten Sprachen, in Beziehung auf Herrn G. K. S. Rehbergs Untersuchung im Februar und März der Berlinischen Monatsschrift. [B-3], [36], m, pp. 310-337, Campe, Väterlicher Rath für meine Tochter. [3] [B-6], [37], IV, pp. 337-360, Ruhkopf, An den Rath Campe; einige Einwürfe, den Plan zur lateinischen Encyclopädie betreffend. [B-6], [38], V, pp. 360-372, Cunze, Ueber den Plan zu einer allgemeinen Schulencyclopädie von dem R. Campe, und den zu einer Sammlung von lateinischen Schriftstellern für den Gebrauch in Schulen vom Hrn. Prof. Buhle. [1] [R-7], VI, pp. 372-384, Recensionen. août 1788 [B-5], [39], I, pp. 385-390, Kästner, Fortsetzung des im vorigen Stücke abgebrochenen Aufsatzes : Ueber die Art Kindern Geometrie und Arithmetik beizubringen von Hrn. Hofrath Kästner. [2] [B-9], [40], Π, pp. 390-404, Villaume, Anmerkungen über die Frage: Ob der Staat sich in Erziehung mischen soll ? [1] [B-3], [41], m, pp. 404—435, Campe, Väterlicher Rath fur meine Tochter. [4] [B-6], [42], IV, pp. 436-455, Cunze, Beschluß des im 7ten Stücke abgebrochenen Aufsatzes : Ueber den Plan zu einer allgemeinen Schulencyclopädie von dem R. Campe, und den zu einer Sammlung von lateinischen Schriftstellern für den Gebrauch in Schulen vom Hrn. Prof. Buhle. [2] [B-6], [43], V, pp. 455-459, Campe, Eine unerwartete Collision. [B-7], [44], VI, pp. 460-462, Günther, Freimüthige Gedanken, über den in der Berliner Monatsschrift bekanntgemachten Entwurf für die Absonderung der Bürger= und Gelehrtenschule. [R-8], Vn, pp. 463-499, Recensionen. [N-6], Vm, pp. 500-512, Nachricht. septembre 1788 [B-5], [45], I, pp. 1-6, Kästner, Beschluß des im vorigen Stücke abgebrochenen Aufsatzes : Ueber die Art Kindern Geometrie und Arithmetik beizubringen, von Hrn. Hofrath Kästner. [3] [B-9], [46], Π, pp. 7-24, Villaume, Beschluß der im achten Stück abgebrochenen Anmerkungen über die Frage: Ob der Staat sich in Erziehung mischen soll ? [2] [B-3], [47], m, pp. 25-65, Campe, Väterlicher Rath für meine Tochter. [5] [D-2], [48], IV, pp. 65-81, Campe, Noch ein Wort über Glaubenspflicht, Freiheit und Notwendigkeit. [B-4], [49], V, pp. 82-110, Campe, Hauptsätze der sogenannten neuen Erziehungstheorie, das Sprachstudium überhaupt und die lateinische Sprache insonderheit betreffend, behauptet und vertheidiget von Leibniz, Locke, Tschirnausen, Facciolati, Zambaldio, Morhof, Montagne, Gentil, Clenard, Tanaq. Faber, Math. Gesner, Schatz, Reimarus, Mendelssohn, auch indirecte von Scioppius, Melanchton, Vives, Erasmus, Corderius, Joach. Lange und Andern. [1] [B-2], [50], VI, pp. 110-111,?, Anmerkung zu einer neulichen Entdeckung. [N-7], VII, pp. 111-128, Nachrichten. octobre 1788 [D-3], [51], I, pp. 129-152, Campe, Anzeige und Beurtheilung einiger durch das preuß. Religionsedikt vom 9ten Juli 1788 veranlaßten Schriften. [1] [D-2], [52], Π, pp. 152-172, ?, Ueber den wesentlichen Unterschied des Protestantismus und des Katholicismus. [3] [B-4], [53], ΙΠ, pp. 172-178, Ahegg, Eine merkwürdige Beobachtung in einem Schreiben an den R. C. [B-4], [54], IV, pp. 178-187, Campe, Einige Bemerkungen zu vorstehender Beobachtung. [B-l], [55], V, pp. 187-200, Stuve, Uebersetzung des 2ten Theils des Ulyßes Scholasticus, von Casper Dornav. [2]

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[B-4], [56], VI, pp. 201-230, Campe, Fortsetzung des im vorigen Stücke abgebrochenen Aufsatzes : Hauptsätze der sogenannten neuen Erziehungstheorie, das Sprachstudium betreffend u.s.w. [2] [R-9], Vn, pp. 231-247, Recensionen. [N-8], Vm, pp. 247-256, Nachrichten. novembre 1788 [D-2], [57], I, pp. 257-272, Schütz, Ueber Glaubenseinigkeit. [A-l], [58], Π, pp. 273-288, Stuve, Beschluß der Uebersetzung des 2ten Theils des Ulysses Scholasticus, von Casper Dornav. [3] [B-6], [59], ΠΙ, pp. 289-320, Schulze, An den R. Campe, denjenigen Theil der allgemeinen Schulencyclopädie betreffend, welcher die abgekürzten lateinischen Autoren enthalten soll; von Hrn. Rector Schulze in Osterode. [B-6], [60], pp. 321-323, Campe, Nachschrift zu vorstehendem Aufsatze. [B-5], [61], IV, pp. 323-332, Lorenz, Wie man die Zeitfolge der Begebenheiten durch die gesamte Geschichte mit leichter Mühe und ohne Jahreszahlen erlernen könne; ein Versuch und Vorschlag von Johann Friedrich Lorenz, Oberlehrer an der Schule zu Kloster Berge. [D-2], [62], V, pp. 333-362, Schlosser, Hrn. Geheimen Hofrath Schlossers Beantwortung der Einwendungen im 4ten Stück des Braunschweigischen Journals, gegen seinen Aufsatz von der Glaubenspflicht, im lten Stück eben dieses Journals. [1] [B-3], [63], VI, pp. 362-365, Winterfeld, Anmerkungen zu einer Stelle im Revisionswerke. [D-l], [64], VII, pp. 365-369, Rudolphi, Ueber Gegenwart und Allgegenwart. [B-6], [65], Vin, pp. 369-371, Günther, Erklärung in Ansehung der von Herrn Rath Campe bekannt gemachten Collision. [R-10], IX, pp. 371-382, Recensionen. [N-9], X, pp. 383-384, Nachrichten. décembre 1788 [A-2], [66], I, pp. 385-398, ?, Vorschlag die Ausbildung der confirmirten Jugend betreffend. [D-2], [67], Π, pp. 398-456, Schlosser, Hrn. Geheimen Hofrath Schlossers Beantwortung der Einwendungen im 4ten Stück des Braunschweigischen Journals, gegen seinen Aufsatz von der Glaubenspflicht, im lten Stück eben dieses Journals. [2] [B-4], [68], m PP· 456-473, Winterfeld, Eine Anmerkung zum siebenten Bande des Revisionswerkes. [B-8], [69], IV, pp. 473-494, Villaume, Von den Waisenhäusern. [R-ll], V, pp. 494-511, Recensionen. [N-10], VI, pp. 511-512, Nachricht. janvier 1789 [A-l], [70], I, pp. 1-13, ?, Auszug aus einem Schreiben an einen der Herausgeber. [A-3], [71], Π, pp. 14—30, Stuve, Einleitung in die Volksarzneikunde von dem seligen Oberbergrath Goldhagen in Halle. [B-2], [72], ΙΠ, pp. 31-46, Trapp, Ueber eine Stelle in Horazens Epistel an die Pisonen. [D-3], [73], IV, pp. 46-72, Campe, Fortgesetzte Anzeige und Beurtheilung einiger durch das preußische Religions=edict vom 9 Jul. 1788 veranlaßten Schriften.[2]5 [B-4], [74], V, pp. 73-87, Stuve, Schreiben an den Herrn Professor Trapp über die Mittel das Latein durch Sprechen zu lehren und über die Einführung dieser Methode in die öffentlichen Schulen, von J. Stuve. [1] [B-4], [75], VI, pp. 88-95, Stuve, An den R. C. noch etwas, die Abkürzung der lateinischen Autoren betreffend. [R-12], VA, pp. 95-121, Recensionen. [N-ll], pp. 122-128, Funke, Nachricht an das Publikum, die Herausgabe einer technologischen Naturgeschichte für die Bürgerschulen betreffend. La suite de cette série est publiée sous la rubrique «Recensions». 437

février 1789 [B-4], [76], I, pp. 129-154, S tuve, Fortsetzung des Schreibens an den Herrn Professor Trapp über die Mittel das Latein durch Sprechen zu lehren, und über die Einfuhrung dieser Methode in die öffentlichen Schulen, von J. Stuve. [2] [B-6], [77], Π, pp. 155-192, Schulze, An Herrn Professor Wiedeburg : zur Beantwortung seiner „Prüfung des Planes zum Abkürzung römischer Schriftsteller" im zweiten Stück des humanistischen Magazins vom J. 1788 S. 97-141. [B-3], [78], ΙΠ, pp. 193-213, Campe, Ueber die Hauptsünden der sogenannten neuen Pädagogik, nebst einer Anwendung auf den Aufsatz des Hrn. Kammerh., Freiherrn von Knigge in Hrn, Benekens Jahrbuch für die Menschheit (Π. B.3 St.) von J. H.Campe. [1] [A-2], [79], IV, pp. 214-236, Campe, Vorschlag zur Beförderung der sittlichen Ausbildung, Industrie und Glückseligkeit unserer Künstler und Handwerker; nebst einer sich darauf beziehenden Preisfrage. [R-13], V, pp. 236-255, Recension. [N-12], VI, pp. 255-256, Nachricht. mars 1789 [D], [80], I, pp. 257-288, Hegewisch, Ueber die Toleranz, von Hrn. Prof. Hegewisch. [1] [F-5], [81], Π, pp. 289-304, Andre, Bemerkungen über den im vierten Stück des Braunschweigischen Journals befindlichen Aufsatz betitelt: „Einige Gedanken über den Einfluß geheimer Gesellschaften auf das Wohl der Menschheit von einem Ungeweihten" in Briefen an den Verfasser desselben. [1] [F-5], [82], m, pp. 304-338, Stuve, Antwort auf vorstehendes Schreiben.6 [B-3], [83], IV, pp. 339-359, Campe, Beschluß über die Hauptsünden der sogenannten neuem Pädagogik, nebst einer Anwendung auf den Aufsatz des Hm. Kmrhrn. Freih. von Knigge, in Hm. Benekens Jahrbuch für die Menschheit. (Π B. 3 u.4s. St.). [2] [R-14], V, pp. 359-384, Recensionen. avril 1789 [D-l], [84], I, pp. 385-409, Hegewisch, Beschluß über die Toleranz von Hrn. Prof. Hegewisch. [2] [B-2], [85], Π, pp. 409—425, Eschenburg, An Prof. Trapp über seinen Aufsatz, eine Stelle in Horazens Epistel an die Pisonen betreffend (1 St. Br. Journ. Jenner 1789) von Herrn H. R. Eschenburg. [B-2], [86], DI, pp. 426-431, Cunze, Noch etwas über die Stelle in Horazens Epistel an die Pisonen, v.42=45. [B-7], [87], IV, pp. 432-457, ?, Einige Bemerkungen zu der Cromischen Abhandlung : über die Erziehung durch Hauslehrer, im lOten Theil des Revisionswerks, von einem Hauslehrer. [B-3], [88], V, pp. 457-459, Kästner, Wer übereilte sich mehr, der Vater ? oder Joh. Jac. Rousseau ? [D-l], [89], VI, pp. 461-476, ?, Ueber den ersten Religionsunterricht, nach dem Muster unsers Erlösers; ein Gespräch zwischen einem Lehrer und dem Hauslehrer seiner Kinder. [B-l], [90], VII, pp. 476-483, ?, Pädagogisches Gedicht des Michael Neander, im Auszug. [R-15], Vm, pp. 483-511, Recensionen. [N-13], IX, pp. 511-512, Nachricht. mai 1789 [A], [91], I, pp. 1-8, Rochow, Bemerkungen über die Abhandlung im März=Stück der Berliner Monatsschrift 1789 betitelt : V e r b a v a l e n t , s i c u t n u m m i , oder von der Wortmünze. [D-2], [92], Π, pp. 9-36, ?, Haben die Christen Ursache, so sehr wider den Deismus zu eifern ?

6

D'après Schmitt, Hanno, «Johann Stuve (1752-1793): Ein philanthropischer Aufklärer auf dem Wege zur bürgerlichen Gesellschaft».

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[B-9], [93], ΙΠ, pp. 37-76, ?, Ueber die Frage ob sich der Staat in Erziehung mischen soll ? Von dem Verf. des Briefs über die deßauische Schulverordnung im März 1788 dieses Journals, S. Braunschw. Journal März S. 304-324. August S. 390-404 Sept S. 7-24. [C-l], [94], V [4], pp. 77-91, Stove, Ueber Herrn Kants Grundlegung zur Metaphysik der Sitten. [1] [A-2], [95], VI [5], pp. 92-94, Campe, Nachricht von dem Erfolge der aufgeworfenen Preisfrage, die einer jeden besondern Menschenklasse zu wünschende Ausbildung betreffend. [B-4], [96], VI, pp. 94-109, Hensel, Verteidigung meiner Recension der Rehbergischen Abhandlung über die Allgemeinheit des Unterrichts in den alten Sprachen gegen eine Antwort des Verfassers. [R-16], VU, pp. 110-112, Recensionen. [Ν-14], Vm, pp. 112-128, Nachrichten. juin 1789 [C-l], [97], I, pp. 129-139, Stuve, Beschluß des im vorigen Stücke abgebrochenen Aufsatzes : über Herrn Kants Grundlegung der Metaphysik der Sitten. [2] [B-3], [98], Π, pp. 139-153, Stuve, Ueber eine Stelle in Herrn Geheimen Kanzelei Sekretair Rehbergs Aufsatze im Aprilstück der Berliner Monatsschrift 1789. [B-4], [99], ΙΠ, pp. 154-218, Thieme, Ueber die Mittel, bei der Jugend das lateinische Sprachstudium zu befördern, von Herrn Rector Thieme in Merseburg. [B-6], [100], IV, pp. 218-225, Campe, Vorrede eines noch nicht geschriebenen Buchs, wozu der Autor gesucht wird. [R-17], V, pp. 226-251, Recensionen. [N-15], VI, pp. 251-256, Nachrichten. juillet 1789 [A], [101], I, pp. 257-283, Rochow, Eine kleine Logik, oder Vernunft=Anwendungs=Lehre, nach dem Französischen des Herrn d'E... sehr frei übersetzt, in einem Brief an eine Dame. [B-3], [102], Π, pp. 284-291, Winterfeld, Wer übereilte sich mehr, der Vater oder J. J. Rousseau ? [B-8], [103], ΙΠ, pp. 291-318, Stuve, Ueber ein wesentliches Hinderniß der zweckmäßigen Einrichtung öffentlicher Stadtschulen, von J. Stuve. [B-3], [104], IV, pp. 319-349, Grosse, Kurze Geschichte meiner Schuljahre vom Jahr 1760 bis 1766, auf einem damals berühmten Gymnasium. [B-2], [105], V, pp. 349-356, Grosse, Ueber eine bisher noch nicht deutlich erklärte Stelle in Plinius Naturgeschichte, Buch 2. §5. von G. Große. [R-18], VI, pp. 356-372, Recensionen. [N-16], Vn, pp. 372-383, Nachrichten. août 1789 [B-3], [106], I, pp. 385-392, ?, Schreiben des Fräuleins von *.* an den R. C. [B-3], [107], Π, pp. 392-400, Campe, Antwort. [B-5], [108], III, pp. 400-404, Winterfeld, Vorschlag an alle Schulvorsteher in Deutschland, den Kindern das Schreibenlernen zu erleichtern. [A-l], [109], IV, pp. 404—441, Winterfeld, Tagebuch eines Vaters über sein neugebohmes Kind. [1] [B-4], [110], V, pp. 441-468, Funke, Proben einer zur allgemeinen Schulencyclopädie gehörigen gemeinnützigen Naturgeschichte und Technologie, für Lehrer in Bürgerschulen und für Liebhaber dieser Wissenschaften von Funke. [1] [B-6], [111], VI, pp. 469-480, Lenz, Aus einem Schreiben des Heim Lenz, Lehrers zu Schnepfenthal, an den Rath R. C. [E-2], [112], VI [7], pp. 481-493, ?, Etwas von Nationalfesten und Volksfreuden zur Beherzigung für die, welche über das Volk zu gebieten haben. [B-3], [113], VIE, pp. 494-495, ?, Aus einem Schreiben an den Herrn R. C. [R-19], IX, pp. 495-502, Recensionen. [N-17], X, pp. 502-514, Nachrichten.

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septembre 1789 [B-7], [114], I, pp. 1-47, Thieme, Ueber das Verhältniß zwischen Eltern und Privaterziehern, von Herrn Rector Thieme in Merseburg. [C-l], [115], Π, pp. 48-75, Snell, Erinnerungen gegen den im fünften und sechsten Stücke des Braunschweigischen Journals 1789 befindlichen Aufsatz mit dem Titel: Ueber Hm. Kants Grundlegung zur Metaphysik der Sitten. [D-l], [116], ΙΠ, pp. 75-94, ?, Ist es vernünftig, heilsam oder nothwendig, die kirchlichen Unterscheidungslehren überall, und besonders in liturgischen Formeln anzubringen ? 7 [B-2], [117], IV, pp. 95-99, Neide, Ein paar Worte über die Stelle aus Plinius Naturgeschichte B.2. §.5. in Beziehung auf Herrn P. Grosse Erklärung im Julius dieses Journals, S. 349. [B-2], [118], V, pp. 100-106, Ress, An den Herrn Professor Trapp, über den 42-45ten Vers in des Horaz Epistel an die Pisonen. [R-20], VI, pp. 107-119, Recensionen. [N-18], VI, pp. 119-128, Nachrichten. octobre 1789 [D-3], [119], I, pp. 129-147, DWR, Sollte das preußische Religionsedict für die Verbreitung der wahren Aufklärung wirklich so gefährlich seyn als man glaubt ? 8 [B-4], [120], Π, pp. 148-156, ?, Einige Bemerkungen über eine Stelle in Hrn. Prof. Trapps Abhandlung über das Studium der alten classischen Schriftsteller im Revisionswerk, Theil 7. S. 317-322. [B-4], [121], ΠΙ, pp. 156-174, Hüllmann, An Herrn Lenz, Lehrer in Schnepfenthal, über die Sprechmethode beim lateinischen Unterrichte. [B-6], [122], IV, pp. 174-202, Funke, HL Proben aus der Technologie. [2] [F-5], [123], V, pp. 203-215, Andre, Zweiter Brief über geheime Gesellschaften. [2] [B-9], [124], VI, pp. 215-227, Fischer, Auch etwas über die Einmischung des Staats in Erziehungssachen. [E-4], [125], VU, pp. 227-254, Campe, Briefe aus Paris, während der Revolution geschrieben. Erster Brief. [1] [N-19], Vffl, pp. 254-256, Nachrichten. novembre 1789 [E-4], [126], I, pp. 257-319, Campe, Zweiter Brief aus Paris, während der Revolution geschrieben. [2] [B-3], [127], Π, pp. 320-342, Dillenius, Fragmente eines Tagebuchs über die Entwicklung der körperlichen und geistigen Fähigkeiten und Anlagen eines Kindes, von Fried. Wilh. Jon. Dillenius, Oberpräceptor zu Urach. [1] [A-3], [128], ΙΠ, pp. 343-362, Heinel, Über die besten Mittel dem Kindermorde zu wehren und zugleich die Sittlichkeit unter den gemeinen Volksclassen zu vermehren. [B-2], [129], IV, pp. 362-363, Brincken, Meine Herren ! [G], [130], V, pp. 363-364, ?, Am 2ten September 1789. [R-21], VI, pp. 364-370, Recensionen. [N-20], Vü, pp. 370-384, Nachrichten. décembre 1789 [E-4], [131], I, pp. 385-425, Campe, Dritter Brief aus Paris zur Zeit der Revolution geschrieben. [3] [E-4], [132], Π, pp. 425-461, Campe, Vierter Brief aus Paris zur Zeit der Revolution geschrieben. [4] 7

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On doit au même auteur l'article Br. J. 89.V.2 (Voir la remarque de l'éditeur dans Br. J. 89.X.3, p. 94). En 1790, (Br. J. 90.V.5), l'auteur de cet article se manifeste de nouveau, et signe, cette fois, des initiales « DWR ».

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[C-l], [133], ΠΙ, pp. 462-487, Stuve, Antwort an den Herrn Professor Snell auf seine Erinnerungen gegen den Aufsatz : Ueber Kants Grundlegung zur Metaphysik der Sitten. [B-3], [134], IV, pp. 488-501, Kosegarten, Lud. Th. Kosegartens Schulrede; gehalten zu Wolgast den 25sten Mai 1789. [E-4], [135], V, pp. 502-504, Campe, Nachschrift zu obigen Briefen aus Paris. [5] [R-22], VI, pp. 504-509, Recensionen. janvier 1790 [E-4], [136], I, pp. 1-40, Campe, Fünfter Brief aus Paris zur Zeit der Revolution geschrieben. [6] [E-4], [137], Π, pp. 40-64, Campe, Sechster Brief. [7] [E-4], [138], ID, pp. 65-71, Campe, Vorrede zu den Briefen aus Paris, zur Zeit der Revolution geschrieben. [8] [B-9], [139], IV, pp. 71-83, Reimarus, Bedenken über die Frage - ob der Staat Gesetze für die Erziehung und den Unterricht der Kinder vorschreiben solle ? [D-3], [140], V, pp. 84-104, Raabe, Einige Bemerkungen über die im lOten Stücke v. J. des Braunschweigischen Journals aufgeworfene Frage : sollte das preußische Religionsedict fur die Verbreitung der wahren Aufklärung wirklich so gefahrlich seyn als man glaubt ? [1] [B-2], [141], VI, pp. 104-115, Tieftrunck, Noch etwas über den 42=46. V. in Horazens Epistel an die Pisonen. An den Herrn Professor Trapp von J. H. Tieftrunck. [F-l], [142], VU, pp. 115-120, Trapp, An Heim Lavater. [R-23], Vm, pp. 120-124, Recensionen. [N-21], IX, pp. 125-128, Nachrichten. février 1790 [E-4], [143], I, pp. 129-211, Campe, Siebenter Brief aus Paris zur Zeit der Revolution geschrieben. [9] [E-4], [144], Π, pp. 211-259, Campe, Achter Brief. [10]] [N-21], ΠΙ, pp. 260, Nachricht. mars 1790 [D-3], [145], I, pp. 261-279, Raabe, Beschluß der im Januar v. J. abgebrochenen Bemerkungen über die im lOten Stücke v. J. des Braunschweigisches Journals aufgeworfene Frage : Sollte das preußische Religionsedict für die Verbreitung der wahren Aufklärung wirklich so gefahrlich seyn, als man glaubt ? [2] [B-3], [146], Π, pp. 279-298, Dillemus, Fragmente eines Tagebuchs über die Entwickelung der körperlichen und geistigen Fähigkeiten und Anlagen eines Kindes, von Fried. Wilh. Jon. Dillenius. [2] [D-l], [147], m , pp. 298-319, Christiani, Bemerkungen, veranlaßt durch eine Recension meiner Abhandlung über die Bestimmung, Würde und Bildung christlicher Lehrer, 1789, im zweiten Stück des neun und achzigsten Bandes der allgemeinen deutschen Bibliothek. [A-l], [148], IV, pp. 319-321, Krebs, Beitrag zur Erklärung der Gespenster= oder Geistererscheinungen, von D. F. Ch. Krebs in Blankenburg. [A-l], [149], V, pp. 322-332, Winterfeld, Beantwortung einiger Einwürfe der Herausgeber des Tagebuchs eines Vaters im Auguststücke vorigen Jahrganges, von dem Verfasser dieses Tagebuchs. [B-2], [150], VI, pp. 332-336, Campe, Einige Bemerkungen über die Stelle des Plinius : Naturgeschichte Buch 2, §.5. [D], [151], VII, pp. 336-350, Campe, Wofür mögen die ersten palästinischen Christen wohl das Christenthum gehalten haben. 9 9

Voir la lettre du 14 février 1790 (citée d'après le manuscrit établi par Hanno Schmitt). 14 Febr. 1792 (Bl. 1590) Ich habe folgende Quittung von Ihnen, lieber Campe : Campens beitrage zum Journal 1790 von Januar bis April inclusive 1- Im Januar 70 Columnen dito 3 Columnen

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[B-6], [152], VIH, pp. 350-366, Trapp, Ueber die in der Schulbuchhandlung zu Braunschweig herauskommenden Auszüge aus den französischen Klassikern, von dem Herausgeber derselben. [G], [153], X [9], pp. 366-369, Schwarz, An die Frau Kammerherrin von der Recke zu Wörlitz. [R-24], XI [10], pp. 369-388, Recension. avril 1790 [F-5], [154], I, pp. 389-421, ?, Antwort auf Herrn Rath Andre zweites Schreiben über geheime Gesellschaften im zehnten Stück des vorigen Jahrgangs. [C-l], [155], Π, pp. 421-429, ?, Aspasiens Weisheit. [A-l], [156], ΙΠ, pp. 430-443, ?, Briefe aus Schottland. [B-9], [157], IV, pp. 443-452, Freimuth, Ein Schreiben vom Fuße des Odenwaldes.10 [E-5], [158], V, pp. 453-473, Schulz, Gegen Herrn Schlözer. [R-25], VI, pp. 473-498, Recensionen. [N-23], Vn, pp. 498-516, Nachrichten. mai 1790 [C-l], [159], I, pp. 1-21, Snell, An den Herrn Verfasser der Antwort auf meine Erinnerung gegen den Aufsatz : über Herrn Kants Grundlegung zur Metaphysik der Sitten (Man sehe den September und December dieses Journals von 1789). [1] [B-2], [160], Π, pp. 22-27, Grosse, Antwort auf Herrn Neidens Prüfung einer von mir gewagten Uebersetzung und Verbesserung einer Stelle aus Plinius Naturgeschichte, die sich im Septemberstück dieses Journals befindet. [B-2], [161], ΙΠ, pp. 27-29, Grosse, Noch eine kleine Anfrage an die Philologen, welche nur ein paar Worte aus dem Plinius betritt. [E-2], [162], IV, pp. 29-66, [Trapp]," Ueber des Ritter von Zimmermann Fragmente über Friedrich den Großen. [D-3], [163], V, pp. 66-67, DWR, Antwort auf den Aufsatz des Herrn Postsekretär Rabe. (S. Braunschw. J. Jenner und März dieses Jahrs). [A-l], [164], VI, pp. 67-107, Schulze, Bemerkungen über den Begriff, die Natur und die Schädlichkeit des Luxus, von F. K. Schulze in Hamburg.12 [B-4], [165], VII, pp. 107-126, Wetzel, Noch Etwas über das Lateinsprechen und Sprachkenntniß überhaupt. [1] [N-24], Vm, pp. 127-128, Nachricht. juin 1790 [E-3], [166], I, pp. 129-156, Stuve, Ueber des Herrn von Dohms Entwurf der Constitution der Stadt Aachen.'3 [C-l], [167], Π, pp. 156-178, Snell, Beschluß des im vorigen Stück abgebrochnen Aufsatzes: An den Herrn Verfasser der Antwort auf meine Erinnerungen gegen den Aufsatz: über Herrn Kants Grundlegung zur Metaphysik der Sitten. [2] [D-l], [168], ΠΙ, pp. 179-194, ?, Einige Erinnerungen über die Bemerkungen des Herrn C. J. R. Christiani im Br. Journ. März 1790, S. 298-319. [D], [169], IV, pp. 194-205, ?, Ist ein böses Urwesen anzunehmen? oder kann es unter den vernünftigen Geschöpfen Gottes ein oder mehrere absolut böse Wesen geben ?

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2 Im Februar 131 Columnen 3 Im März 19 Columenen. L'existence de l'auteur n'est pas attestée. Trapp écrit à E. von der Recke le 7 avril 1790 qu'il est en train de rédiger «eine kräftige Rezension des Zimmermanischen Aufklärungskapitel» (cité in Beste, Johannes, «Ein Beitrag zum Leben E. Chr. Trapps» in : Braunschweigisches Magazin, Bd. 24, VID, 1918, p. 119). L'auteur est probablement Ffranz] K[arl] Schultze. D'après Schmitt, Hanno, «Johann Stuve (1752-1793): Ein philanthropischer Aufklärer auf dem Wege zur bürgerlichen Gesellschaft ».

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[B-8], [170], V, pp. 205-225, Bässler, Auf Wahrheit gegründeter Widerspruch gegen die Nachrichten von den Schulen der freien Reichsstadt Memmingen, oder moralische Schilderungen von Memmingen, die in das dritte Stück des Braunschweigischen Journals im Monat März 1790 eingerückt worden sind. [E-4], [171], VI, pp. 225-237, Péthion, Auszug einer Rede des Herrn Pethion de Villeneuve, die den 17ten Mai dieses Jahrs in der Nationalversammlung gehalten worden ist. [F-6], [172], VII, pp. 238-247, Puisegur, Aphorismes de Mr. le Marquis de Puiseguer. [1] [E-2], [173], Vm, pp. 248-251, v. d. R., Ueber den Aufsatz von National=Festen und Volksfreuden im 8ten Stück des Br. Journals 1789.14 [B-4], [174], IX, pp. 252-255, Niehusen/Trapp, Anmerkung über eine Anmerkung des Hrn. v. Winterfeld, zum siebenten Bande des Revisionswerks, im zwölften Stücke dieses Journals 1788. [E-3], [175], X, pp. 255-256, ?, [Brief aus Aachen] juillet 1790 [E-4], [176], I, pp. 257-303, Meister, Ueber die ersten Gründe des Gesellschaftssystems, angewandt auf die gegenwärtige Staatsumwälzung. Zur Probe des Ganzen, aus dem Französischen übersetzt, und mit einigen Anmerkungen von J. H. Campe. [F-6], [177], Π, pp. 304—345, Puisegur, Aphorismes de Mr. le Marquis de Puiseguer. [2] [B-6], [178], m, pp. 346-355, Günther, Gegenbemerkungen des Verfassers der Aussichten zur Festsetzung u.s.w zu der Recension im Aprilstücke des Braunschweigischen Journals. [B-4], [179], IV, pp. 356-374, Wetzel, Fortsetzung des im fünften Stück abgebrochenen Aufsatzes : noch etwas über das Lateinsprechen und Sprachkenntniß überhaupt. [2] [F-5], [180], V, pp. 374—385, ?, Ueber öffentliche Gesellschaften zu gemeinnützigen Zwecken errichtet. [1] août 1790 [B-2], [181], I, pp. 387-421, ?, Also sollte man den fremden c lieber wieder verabschieden. [F-5], [182], Π, pp. 421-428, ?, Ueber öffentliche Gesellschaften zu gemeinnützigen Zwecken errichtet. [2] [B-l], [183], ΙΠ, pp. 4 2 8 ^ 3 3 , ?, Ein pädagogisches Aktenstück aus dem vorigen Jahrhundert. [B-2], [184], IV, pp. 434—441, ?, Bemerkungen über einige Stellen des Cicero. [C-l], [185], V, pp. 442-478, ?, Neue Briefe über die kantische Philosophie. [1] [E-5], [186], VI, 479-482, ?, Ein paar Worte über Nro. 7. 8. und 11. des 53ten Heftes der Schlözerschen Staatsanzeigen [E-4], [187], VII, pp. 483-492, v. R., Herr An und Herr Quomodo, zwei Deputirte zur Comitée und der Secretaire. [D-2], [188], Vm, pp. 492-499, Winterfeld, Ueber Religions= Meynungen. [1] [D-l], [189], IX, pp. 499-500, Christiani, Kurze Erklärung über die Erinnerung im Junius des Braunschw. Journals S. 179=194. [G], [190], X, pp. 501, Campe, An Basedow's Grabe. [R-26], XI, pp. 502-513, Recensionen. [N-25], ΧΠ, pp. 513-514, Nachricht. septembre 1790 [A-l], [191], I, pp. 1-44, ...r, Vorschlag zur Verstopfung der Quellen der Städtischen Armut. [D-3], [192], Π, pp. 45-46, Raabe, An den Herrn Verfasser der Frage : sollte das preußische Religionsedict für die Verbreitung der wahren Aufklärung wirklich so gefahrlich seyn, als man glaubt ? [F-5], [193], ID, pp. 47-80, Andre, Dritter Brief ueber geheime Gesellschaften (S. den Nov. dieses Journals). [3] [E-3], [194], IV, pp. 81-102, Stuve, Ueber die Lütticher Revolution.15 14

II s'agit peut-être ici de E. v[on] d[er] R[ecke], ce qui expliquerait la présence dans la même livraison, de l'article de Puységur.

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[R-27], V, pp. 103-128, Recensionen. octobre 1790 16 [B-6], [195], I, pp. 329-345, ?, Ueber die Encyclopädie der lateinischen Classiker, herausgegeben von Joh. Hein. Aug. Schulze. Braunschweig, in der Schulbuchhandlung 1790. [B-3], [196], Π, pp. 346-359, ?, Die allgemeine Erziehungsversammlung oder der pädagogische Reichstag. [C-l], [197], m, pp. 359-393, ?, Seneka von der Glückseligkeit. An seinen Bruder Gallio. [1] [F-4], [198], IV, pp. 394-397, ?, Ein hunde=freundlicher Vorschlag. [F-2], [199], V, pp. 398-432, Wigand, Ist angehenden Studirenden das Lesen der Zeitschriften zu empfehlen ? [D-2], [200], VI, pp. 433-438, ?, Ueber eine Stelle in der Schrift : Darstellung des Fürstenbundes. Leipzig bei Weidm. F. u. R. 1787. [R-28], VII, pp. 440-454, Recensionen. [N-26], Vffl, pp. 455-456, Nachricht. novembre 1790 [B-2], [201], I, pp. 257-296, Campe, Proben einiger Versuche von deutscher Sprachbereicherung. [B-3], [202], Π, pp. 297-305, Heusinger, Rede, gehalten bei meiner öffentlichen Anstellung zum ersten Lehrer an der Katharinenschule. [B-2], [203], m, pp. 305-313, Ress, Berichtigung einer Stelle des Columella de re rust l.ix. c.4 § 3. [E-2], [204], IV, pp. 313-316, Β., Anekdote zu dem 4ten Stücke dieses Journals von 1790. zur Rezension über die Anreden an die Richter des Dr. Bahrdt. 17 [B-2], [205], V, pp. 316-331, Wetzel, Ueber einige Stellen in Xenophons Denkwürdigkeiten des Sokrates, in einem Schreiben an den Herrn Prof. Schneider in Frankfurt an der Oder. [C-l], [206], VI, pp. 331-338, ?, Ueber die erste thierische Bildung nach Kantischen Grundsätzen. [B-4], [207], VE, pp. 338-366, K[ries], Ueber die Erlernung der lateinischen Sprache, an Hrn. M. Lenz in Zelle. [E-2], [208], Vm, pp. 367-370, [Afsprung], Aufklärung. [B-4], [209], IX, pp. 370-375, [Afsprung], Ueber die Erlernung der griechischen und lateinischen Sprache. [E-l], [210], X, pp. 376-384, [Afsprung], Ueber Regierungs-formen. 19

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D'après Schmitt, Hanno, «Johann Stove (1752-1793): Ein philanthropischer Aufklärer auf dem Wege zur bürgerlichen Gesellschaft». La pagination de toute la livraison d'octobre est décalée de 200 pages. Elle ne redeviendra régulière qu'en novembre. L'auteur est peut-êre B[ahrdt] lui-même. La lettre est signée «K...s» et rédigée à «G...a» (p. 362). Son auteur est donc, sans doute, Friedrich Kries, qui, comme Lenz, enseignait dans cette ville. Cela légitimerait le fait que l'auteur appelle le destinataire «mein theuerster Freund». Les textes [264], [265] et [266] sont signés «der Odenwälder». Or, la première édition du Gelehrtes Deutschland de Hamberger et Meusel (Hamberger, Georg Christoph et Meusel, Johann Georg, Das Gelehrte Deutschland oder Lexikon der jetzt lebenden teutschen Schriftsteller, 8 Bde, Hildesheim, 1965-1966, [reprint de l'édition de 1796-1800], Bd. Vü, p. 35) donne déjà Afsprung pour auteur des articles signés «der Odenwälder». L'historiographie contemporaine semble confirmer cette paternité : voir Höhle, Thomas, «Der .schwäbische Seume'. Über den radikaldemokratischen Publizisten Johann Michael Afsprung (1748-1808)», i n : Weimarer Beiträge. Zeitschrift für Literaturwissenschaft, Ästhetik und Kulturtheorie, 29, 1983, p. 2085.

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décembre 1790 [B-3], [211], I, pp. 385-413, ?, Ueber Herrn Schulrath Campens Theophron nach der neuesten Ausgabe. [D], [212], Π, pp. 414-470, ?, Ludwig der neunte, König von Frankreich, oder die Wirkungen des Glaubens an eine allein seligmachende Religion. [C-l], [213], m, pp. 470-494, ?, Seneka, von der Glückseligkeit. [2] [C-l], [214], IV, pp. 495-506, ...r, Meine Philosophie. [N-27], V, pp. 507-510, Böhme, Ankündigung. [N-28], pp. 511-512, Nachricht. janvier 1791 [E-2], [215], I, pp. 1-2, ?, Neujahrswunsch.20 [D], [216], Π, pp. 3-59, ?, Ludwig der neunte König von Frankreich, oder die Wirkungen des Glaubens an eine allein seligmachende Religion.21 [B-4], [217], ΠΙ, pp. 60-64, ...r., Kritische Zweifel, Anfragen, Versuche zur Rettung einiger streitigen Stellen in Classischen Auetoren.22 [E-2], [218], IV, pp. 49-54, ...r, Gedanken über verschiedene Gegenstände.23 [B-4], [219], V, pp. 56-57, Winterfeld, Anmerkung zu den Anmerkungen der Herren Niehusen und Trapp, im Juniusstücke des Journals. [B-4], [220], VI, pp. 57-109, [Trapp], Anmerkungen zu einem Aufsatze im elften Stücke des vorigen Jahrg, der die Überschrift fuhrt : Über die Erl. der lat. Spr. an Hrn. M.Lenz in Zelle.24 [N-29], VIH [7], pp. 110-112, Nachricht. février 1791 [D], [221], I, pp. 113-194, ?, Schreiben eines jungen Selbstdenkers an seinen ehemaligen Lehrer über Herrn D. Leß Entwurf eines philosophischen Kursus der christlichen Religion. [D], [222], Π, pp. 194-199, ?, Auszug eines Schreiben aus Berlin. [R-29], m, pp. 200-235, Recension. [N-30], IV, pp. 235-240, Nachricht. mars 1791 [B-6], [223], I, pp. 241-257, Funke, Ueber eine Recension des ersten Theils meiner Naturgeschichte und Technologie, im zweiten Stück des sieben und neunzigsten Bandes der allgemeinen deutschen Bibliothek. [B-8], [224], Π, pp. 258-271, Salzmann, Auf die im Aprilstücke des Braunschweigischen Journals 1788 befindliche Recension des 2ten Bandes meiner Nachrichten aus Schnepfenthal. [C-l], [225], m, pp. 272-290, ?, Seneka, von der Glückseligkeit. [3] [E-4], [226], IV, pp. 290-305, [Meister / Campe], Auszug aus einem Briefwechsel über die Abschaffung des Adels in Frankreich.25 [B-3], [227], V, pp. 306-337, B-sch, Wer soll studiren ?

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p. 1 «Aus dem Hamb, unparteiischen Correspondenten mit einer kleinen Veränderung gedrückt». p. 22 note «daß obiger Aufsatz vor jener unerwarteten Revolution abgefaßt worden» L'auteur en est donc probablement Johann Karl Hess. Ce texte a été rédigé à Einbeck, le 20 juin 1790 (p. 64). L'auteur est peut-être Friedrich August Crome (1757-1794), un des collaborateurs du Revisionswerk, pour lequel le «topographisches Register» in Hamberger, Georg Christoph et Meusel, Johann Georg,, op. cit., indique «Einbeck». Ce texte a été rédigé à Einbeck, le 20 juin 1790 (p. 54). L'auteur de ces pages affirme (p. 57) avoir ajouté une note à l'article auquel il renvoie. Or cette note est signée «T.» (Br. J. 90.XI.7 p. 367). Ce texte est un extrait d'une lettre de Campe à J.-J. Meister, (Privatarchiv Reinhard, Winterthur, 151). 445

[B-3] , [228], VI, 337-339, Trapp, Zusätze zu dem letzten Aufsatze im Jenner 1791 des Br. Journals. [R-30], Vn, pp. 340-365, Recension. [N-31], VID, pp. 366-367, Zerremer, Ankündigung christlicher Volksreden über die Episteln, Für Landleute zum Vorlesen beim öffentlichen Gottesdienste und bei der häuslichen Andacht eingerichtet. avril 1791 [D-2], [229], I, pp. 369^01, ?, Gedanken über Vernunftglauben und historischen Glauben, in Beziehung auf Herrn Schlossers Schrift : Ueber die Apologie des Predigtamts des Deismus in dem Br. Joum. V. Stück, 1789. [1] [E-l], [230], Π, pp. 402^21, Stuve, Ueber die Rechte der Menschheit. [E-4], [231], ΙΠ, pp. 421-459, Mirabeau, Anrede an die Franzosen, über die bürgerliche Einrichtung der Geistlichkeit; welche die geistliche Comitee gut geheißen, und der Nationalversammlung in der Sitzung des 14ten Januar 1791 vorgelegt hat. [F-3], [232], V [4], pp. 459-478, ?, Censur=Unfug. [B-4], [233], VI [5], pp. 478^86, Trapp, Ueber Herrn von Winterfeldt beide Aufsätze, das Latein betreffend - Br. J. December 1788. und Jenner 1791. [B-4], [234], Vn [6], pp. 486-493, Campe, Zu vorstehendem Aufsatz. [C-l], [235], Vffl [7], pp. 494-495, ?, Anmerkungen zu der im Br. J. October 1790 befindlichen Uebersetzung von Senekas Abhandlung von der Glückseligkeit. [R-31], IX [8], p. 496, Recension. mai 1791 [B-3], [236], I, pp. 1-19, Ρ, Die Erziehungsversammlung oder der pädagogische Reichstag. Zweite Sitzung. (S. den Oktober v. J.). [2] [E-4], [237], Π, pp. 19-44, [Romilly], Gedanken über den wahrscheinlichen Einfluß der französischen Revolution auf Großbrittanien, London, 1790, bei J. Debrett. Picadilly. Aus dem Englischen übersetzt. [A-l], [238], ΙΠ, pp. 44—57, ?, Vorläufige Ankündigung eines merkwürdigen neuen Buchs, dem man die Aufmerksamkeit und die Prüfung weiser Menschenfreunde wünscht. [F-4], [239], IV, pp. 58-85, Campe, Antwort auf das Schreiben eines Ungenannten aus Paderborn an den Schulrath Campe in Num 35 des Jenaischen Intelligenz=blatts. [B-2], [240], V, pp. 86-106, Grosse, Eine nähere und wahrscheinlich ganz genaue Bestimmung der Schwere des alten römischen Pfundes. [E-4], [241], VI, pp. 107-117, [Afsprung], Schreiben des Oden-wälders an seinen Freund G*.*. [B-8], [242], Vn, pp. 118-126, Drechsler, Kurzes Verzeichniß der diesjährigen Lektionen auf der Harburger Stadtschule. juin 1791 [D], [243], I, pp. 129-147, Kritter, Auflösung einiger Zweifel, die bei den uralten Nachrichten der Bibel hie und da vorgebracht werden. [E-5], [244], Π, pp. 147-167, [Afsprung], Schreiben des Odenwälders an Herrn Geheimen Rath Schlosser. [B-4], [245], ΙΠ, pp. 168-198, Wetzel, Ein practischer Beitrag zur Methodik des hebräischen Sprachunterrichts, in einem Schreiben an den Herrn Prorector Moritz zu Hirschberg. [C-l], [246], IV, pp. 199-218, ?, Neue Briefe über die Kantische Philosophie Fünfter Brief (S. Brschw. Journal 1790. Aug.). [2] [B-3], [247], V, pp. 219-245, Gutsmuths, An den Herrn geheimen Kanzley=Sekretär Brandes in Hannover. [1] [D-3], [248], VI, pp. 245-252, ν. Η., Merkwürdige Erklärung des Königlichen Preußischen Departements der auswärtigen Affaren. [G], [249], Vn, pp. 253, Gleim, An unsre Patrioten. [G], [250], Vm, pp. 254, Gleim, An den König von Pohlen. [N-32], IX, pp. 255-256, Campe, Anzeige das Lessingische Denkmal betreffen.

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juillet 1791 [F-6], [251], I, pp. 257-316, [Albrecht], Geheime Geschichte eines gewesenen Rosenkreuzers aus seinen eigenen Papieren. [B-3], [252], Π, pp. 317-331, Gutsmuths, An den Herrn geheimen Kanzley=Sekretär Brandes in Hannover. [2] [D-2], [253], ID, pp. 332-357, Winterfeld, Fortsetzung der im 8ten Stücke von 1790 abgebrochenen Aufsatzes, von Schädlichkeit der Religions=Irrthümer. [2] [R-32], IV, pp. 358-372, Recension. [N-33], V, pp. 373-384, Gebauer, Ankündigung eines allgemein Real=Hand=Wörterbuches. août 1791 [F-6], [254], I, pp. 385-460, Albrecht, Geheime Geschichte eines gewesenen Rosenkreuzers aus seinen eigenen Papieren. [2] [F-3], [255], Π, pp. 461-478, ?, Censur=unfug. Nachtrag zu der Hamburgischen Censui=geschichte (S. Br. Journal April 1791). [B-2], [256], m , pp. 479-488, ...r., Ueber eine dunkle Stelle in Horaz Satyren Lib. I, 3, V. 111=118. [C-l], [257], IV, pp. 489-490, Winterfeld, Nachtrag zu meinem Aufsatze über den Selbstmord; S. das vorige Stück S. 332. ff. [D], [258], V, pp. 490-496, ?, Aussage und Ausspruch. [R-33], VI, pp. 497-521, Recension. septembre 1791 [C-l], [259], I, pp. 1-18, ?, Neue Briefe über die Kantische Philosophie. [3] [F-l], [260], Π, pp. 19-24, ?, Ueber den Nachdruck der Bücher. Bruchstück eines Gespräches. [B-4], [261], ΙΠ, pp. 24-31, Winterfeld, Antwort an den Herrn Professor Trapp, die Schwierigkeiten der lateinischen Sprache betreffend. [F-6], [262], IV, pp. 32-54, Albrecht, Geheime Geschichte eines gewesenen Rosenkreuzers aus seinen eigenen Papieren. [3] [B-8], [263], V, pp. 54—80, Heinel, Nachricht von einer in Marienburg neu zu fundirenden Armen=Industrie=Schule. [B-2], [264], VI, pp. 80-87, Eschenburg, Ueber die Stelle beim Horaz; Sat.I. 3. v. 111-118. in Beziehung auf die im diesjährigen August des Braunschw. Journals, S. 479 ff. davon gegebene Erklärung. [E-5], [265], VU, pp. 87-101, J. H., Ueber des Herrn Doktor Girtanners historische Nachrichten und politische Betrachtungen etc. vom Odenwälder. [B-2], [266], VID, pp. 101-127, ?, Uebersetzung des 18ten Briefs im lten Buche der Horazischen Briefe mit Anmerkungen. [N-34], IX, pp. 127-128, Campe, Fernere Anzeige das Lessingsche Denkmal betreffend. octobre 1791 [D], [267], I, pp. 129-175, ?, Schreiben des jetzigen Thorschreibers zu G. vormahligen Kandidaten der Theologie, an den jungen Selbstdenker, über dessen Aufsatz, betreffend des Herrn Doctor Leß Entwurf eines philosophischen Kursus der christlichen Religion, im Braunschw. Journal Februar 1791. S. 113-193. [D], [268], Π, pp. 175-178, ?, Ein Paradoxon zur Prüfung unbefangener Wahrheits=forscher. [A-l], [269], ΠΙ, pp. 179-191, Campe, Bekanntmachung einer sehr gemeinnützigen Sache. [B-3], [270], IV, pp. 192-213, Drechsler, Einige Vorschläge zur Verbesserung des Schüler=chors in kleinen Städten. [D-3], [271], V, pp. 214-230, Koch, Précis historique de la Confession d'Augsbourg, de ses variations et de son affermissement par la paix de la Religion d'Augsbourg en 1555 et par celle de Westphalie en 1648. [E-4], [272], VI, pp. 230-233, ?, An die Frau Base. [B-3], [273], VI [7], pp. 233-242, Horstig, An *•**.

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[E-4], [274], VI [8], pp. 242-243, ?, Seel=messe für weiland S. T. Melchior Sachs. [D-3], [275], V [9], pp. 244-256, Winterfeld, Prüfung der Rönnbergischen Schrift über symbolische Bücher, in Bezug auf das Staatsrecht. Von Villaume. 1791. 8.252 und 3 B. Vorrede.26 novembre 1791 [F-6], [276], I, pp. 257-291, Albrecht, Fortsetzung der im IXten St. dieses Journals abgebrochenen geheimen Geschichte eines gewesenen Rosenkreuzers etc; 2tes Buch, ltes Kapitel. [4] [D-2], [277], Π, pp. 292-296, ?, Erfreuliche Nachricht für die Juden; von einem bald zu erwartenden Hohenpriester, oder Brief des Rabbiners zu Rappoltsweiler an den Rabbiner zu Mez. Aus dem jüdisch=deutschen Original treulich übersetzt, 1790. [D-3], [278], ΠΙ, pp. 296-300, Raabe, Der Postsecretair Raabe über eine Recension seines Aufsatzes für das Preußische Religions=edict. [F-3], [279], IV, pp. 300-340, ?, Ueber eine vernünftige Preßeinschränkung. [F-6], [280], V, pp. 340-384, ?, Bemerkungen über Cagliostro's Freimaurerei, nach den Nachrichten, welche davon in T. M. v. J. mitgetheilt sind. décembre 1791 [A-l], [281], I, pp. 385-423, Stuve, Einige Bemerkungen über Herrn Hofrath Meiners Schilderung von Appenzell Außer Rhodem, von J. Stuve. [D-2], [282], Π, pp. 423-453, C**l., Ueber den Hannoverschen Katechismus. [D], [283], Π [3], pp. 453-458, Weland, Parallele zwischen dem historischen Glauben und Vernunftglauben, besonders in Hinsicht auf Religion. [D], [284], m [4], pp. 458-464, ?, Beweis der Wahrheit und Göttlichkeit der Lehre aus den Wundem des Lehrers. [D-2], [285], IV [5], pp. 464-471, BNR, Aergerniß. [E-2], [286], V [6], pp. 472^75, ?, Actenmäßiger Beweis, daß die Beschuldigung, als hätte die Rotte der Berliner Aufklärer schon Alles um sich her erleuchtet, ungegründet sey. [A-l], [287], VI [7], pp. 476-484, Winterfeld, Fortsetzung des Tagebuchs eines Vaters. [2] [B-6], [288], VII [8], pp. 484-490, Campe, Ueber Köppens Tod, nebst einer Nachricht, die allgemeine Schul=encyclopädie betreffend. [N-35], v m [9], p. 490-491, ?, Anzeige. [R-.34], IX [10], pp. 492-496, Rezension.

1.2.2 Schleswigsches Journal janvier 1792 [E-5], [289], I, pp. 1-41, ?, Ueber die Reife eines Volkes zur Freiheit. [F-6], [290], Π, pp. 42-60, Albrecht, Geheime Geschichte eines gewesenen Rosenkreuzers. [5] [D-3], [291], ΙΠ, pp. 60-61, Aletophilos, An den Verfasser der freimüthigen Betrachtungen über die neuesten preußischen Anordnungen in geistl. Sachen. Germanien, 1791. [E-5], [292], IV, pp. 61-67, Campe, An den Herausgeber. [E-4], [293], V, pp. 68-93, ?, Gespräch zwischen zween weiland Edelleuten in Frankreich. [G], [294], VI, pp. 94-96, Heusinger, Rundgesang, auf St** Hochzeit gesungen. [E-5], [295], VU, pp. 97-109, Campe, Ueber eine erfreuliche literarische Nachricht in dem Hamburgischen unpartheiischen Korrespondenten, Num. 204, Jahrgang 1791. [E-5], [296], Vm, pp. 110-128, ?, Schreiben an Herrn Magister Superbus, über das Recht der Völker, ihre Staatsverfassungen willkührlich abzuändern, geprüft von Burke (S. Wielands N.T. Merkur, elftes Stück, 1791).27

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Le texte est signé seulement «ν. W.», mais des rapprochements thématiques, par exemple avec Br. J. 91.VH.3 permettent d'attribuer l'article à Winterfeld. L'auteur de ce texte a probablement rédigé aussi celui publié Sehl. J. 93.ΙΠ.5, comme semble l'indiquer une comparaison des pages 113 et 335.

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février 1792 [G], [297], I, pp. 129-132, ?, Gedicht : An meine Gattin. [G], [298], Π, pp. 132-134, ?, Gedicht : An Lotte auf der Asse, an ihrem Geburstage. [G], [299], ffl, pp. 134-135, ?, Gedicht : An die Frau Oberhofineisterin - bei ihrer Abreise. [D], [300], IV, pp. 135-145, Uflacker, Eigene Gedanken über das Schreiben eines jungen Selbstdenkers. [E-5], [301], V, pp. 146-164, [Afsprung], Schreiben des Oden-wälders über Hrn Girtannners fortgesetzte Revolutions=geschichte. [D], [302], VI, pp. 164-237, [Ibeken], Paradoxa des Predigers zu Bergefeld. [1] [E-5], [303], VII, pp. 238-256, Campe, Bestätigung der im vorigen Stücke des Journals mitgetheilten höchst=erfreulichen Nachricht, die Wiener Zeitung betreffend. mars 1792 [E-5], [304], I, pp. 256-292, Campe, Glückliche Ankuft der weltberühmten Wiener Zeitschrift in Braunschweig. Schreckliche Wirkung derselben. [D], [305], Π, pp. 293-335, [Ibeken], Paradoxa des Predigers zu Bergefeld. [2] [E-5], [306], DI, pp. 336-383, Mauvillon, Schreiben des Obristleutnants Mauvillons an Hrn. Professor Aloysius Hoffmann zu Wien, über dessen Aufsatz im 1 lten Stück der Wiener Zeitschrift S. 97 bis 100, betitelt: Ueber das Recht und Nicht=recht, Briefe zu erbrechen und zu unterschlagen. [D-3], [307], IV, pp. 383-384, ?, Anekdote vom Prediger Schulz zu Gielsdorf, avril 1792 [E-l], [308], I, pp. 385-425, Hennings, Historisch=Moralische Schilderung des Einflusses der Hofhaltungen auf das Verderben der Staaten. [1] [E-4], [309], Π, pp. 425—454, [Campe] ?, Wie ein Westphälischer Küster das Recht der Nationen, ihre Konstitution zu ändern, ansehe. 28 [E-3], [310], ΙΠ, pp. 455-475, [Martinovics], Merkwürdige Stellen aus dem politischen Testamente Josephs Π. [I] 2 9 [D-3], [311], IV, pp. 476-511, ?, Ueber des Herrn Kriminalraths Amelang Vertheidigung des Herrn Schulz, Predigers zu Gielsdorf, Wilkendorf und Hirschfelde. [1] [D-3], [312], V, pp. 511, ?, Mein Trost bei den neuen Religions=anordnungen in meinem Vaterlande. [F-4], [313], VI, pp. 512, ?, Die neueste und edelste Art zu kämpfen, mai 1792 [E-l], [314], I, pp. 1-55, Hennings, Historisch=moralische Schilderung des Einflusses der Hofhaltungen auf das Verderben der Staaten. [2] [D-3], [315], Π, pp. 55-85, ?, Ueber des Herrn Kriminalraths Amelang Vertheidigung des Herrn Schulz, Prediger zu Gielsdorf, Wilkendorf und Hirschfelde. [2] [C-l], [316], ΙΠ, pp. 86-110, ?, Ideen zur Bestimmung des Urtheils über den Einfluß der Kantischen Philosophie auf die Religion des Lebens. 28

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p. 454 l'auteur prétend s'appeler «Samuel Theokrat», ce qui est évidemment un pseudonyme. Une comparaison entre la page 453 et Br. J. 89.ΧΠ.2 p. 455 peut laisser penser que ce texte est de Campe. Le titre exact de l'œuvre dont il est donné des extraits est : Testament politique de l'Empereur Joseph Π, roi des Romains. Π Tomes. A Vienne et chez les principaux libraires de l'Europe. Le jacobin hongrois Martinovics, lors de son procès, a prétendu en être l'auteur (D'après Reinalter, Helmut, Aufgeklärter Absolutismus und Revolution. Zur Geschichte des Jakobinertums und der frühdemokratischen Bestrebungen in der Habsburgermonarchie, [Veröffentlichungen der Kommission für neuere Geschichte Österreichs, 68], Wien / Köln / Graz, 1980, p. 55).

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[E-5], [317], IV, pp. 110-114, Knoblauch, Erklärung des Justizraths von Knoblauch über den Aufsatz im ersten St. der Wiener Zeitschrift, betitelt: über das Recht und Nichtrecht, Briefe zu erbrechen und zu unterschlagen. [E-5], [318], V, pp. 115, Halem, Erklärung für Hrn. Professor Hoffmann. [G], [319], VI, pp. 116-121, Campe, Beitrag zu Lessings Denkmal von einer Freimaurerloge besonderer Art. [E-l], [320], VU, pp. 122-124, ?, Parallelzüge zwischen einem Aristokraten und Demokraten. [F-4], [321], VIH, pp. 124-127, Schwarz, Die Wahrheit, an die literarische Gesellschaft zu Halberstadt. [E-4], [322], IX, pp. 127-128, ?, Konstitutionslied. juin 1792 [E-3], [323], I, pp. 129-156, [Martinovics], Fortsetzung der Auszüge aus dem politischen Testament Joseph Π. [D], [324], Π, pp. 156-172, Seidenstiicker, Ueber die Mythen der Hebräer. [E-4], [325], ΙΠ, pp. 173-198, ?, Einige Aehnlichkeit der Reformation und der Revolution. [E-2], [326], IV, pp. 199-216, J.v.U, Ideen eines Weltbürgers. [C], [327], V, pp. 217-219, Schäffer, Anfrage. [D], [328], VI, pp. 220-237, [Knoblauch], Antwort auf das im lOten St. des Braunschweigischen Journals Oct. 1791 unbefangenen Wahrheitsforschern zur Prüfling vorgelegte Paradoxon. 30 [F-4], [329], V m [7], pp. 238-253, [Hennings], Etwas über die Verkleinerungssucht. 31 [B-2], [330], IX [8], pp. 253-254, Winterfeld, Woher kommt die Benennung König beider Sicilien, da doch nur ein Sicilien ist ? [F], [N-36], X [9], pp. 255-256, Hennings, Nachricht. juillet 1792 [D], [331], I, pp. 257-294, ?, Bemerkungen über Reimarus Wahrheiten der natürlichen Religion, nach den Grundsätzen der kritischen Philosophie. [1] [D-2], [332], Π, pp. 295-309, Jerusalem, Jerusalems letzte Gedanken über Denkfreiheit und Duldung. [C-2], [333], m , pp. 310-319, Flemming, Ueber das Schönheits= gefiihl. [D-l], [334], IV, pp. 320-334, **/., Schreiben an Herrn Professor Trapp, betreffend des Herrn Rehbergs vorläufige Betrachtungen über eine neue Preisfrage. [D-2], [335], V, pp. 334-349, Böttiger, Zwei theologische Gutachten über das Wieder=erwachen der Schein=todten. [F-4], [336], VI, pp. 350-361, Grosse, Ueber eine in der deutschen allgem. Bibliothek (Bd. 101, S. 536) befindliche Recension des zweiten Bandes meines deutsch=übersetzten Livius. [B-2], [337], VII, pp. 362-368, Ress, Was heisset meretricari ? [E-3], [338], VID, pp. 369-382, Hennings, Noch ein paar Worte über das angebliche politische Testament Josephs Π. [D-l], [339], IX, pp. 382-383, ?, Bitte und Anfrage. [F-4], [340], X, pp. 384, Trapp, Erklärung. août 1792 [D], [341], I, pp. 385-406, [Gebhard], Einige Gedanken über die Liebe gegen Gott. 32 [E-l], [342], Π, pp. 407-416, ?, Ueber den Ausdruck adeliches Blut. 30

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D'après Mondot, Jean, «Carl von Knoblauch zu Hatzbach ou les audaces religieuses et politiques d'un esprit fort», in : Krebs, Roland (éd.), Recherches nouvelles sur l 'Außlärung, [Actes du 18e congrès de l'association des germanistes de l'enseignement supérieur, Reims, 1985], Reims, 1987, pp. 43-59. Voir la lettre de Campe à Hennings 11.05.1792 «Ihr Aufsatz: über die Verkleinerungssucht wird im nächsten St. des Journals erscheinen» (Staats- und Universitätsbibliothek Hamburg, Nachlaß Hennings, Bd. 11, citée ici d'après le manuscrit établi par Hanno Schmitt). Voir Hamberger, Georg Christoph et Meusel, Johann Georg, op. cit., Bd. Π, p. 500.

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[B-3], [343], m, pp. 417-435, Horstig, Verbesserung der Schrift=zeichen. [D], [344], IV, pp. 436-447, Β-*, Beitrag zur Prüfung des im lOten Stück des Braunschweigischen Journals von Octob. 1791 befindlichen Paradoxon. [B-3], [345], V, pp. 447-470, Drechsler, Ist es wirklich wahr, daß die neuen Erzieher das Gedächtniß vernachlässigen ? [B-4], [346], VI, pp. 470-486, Wetzel, Einige Bemerkungen über einige Stelle im Braunschw. Journal. [D], [347], VU, pp. 486-509, ?, Bemerkungen über Reimarus Wahrheiten der natürlichen Religion, nach den Grundsätzen der kritischen Philosophie. [2] [E-5], [348], VIH, pp. 509-512, Campe, Mein erstes und letztes Wort über den Ritter von Zimmermann, eine seiner neuesten Verläumdungen betreffend. septembre 1792 [B-2], [349], I, pp. 1-10, Ress, Ein kleiner Beitrag zum Alter der Scharlachfarberei in Deutschland. [E-l], [350], Π, pp. 11-70, Brackebusch, Unvorgreifliche Gedanken über Freiheit und Gleichheit. [D-3], [351], ΙΠ, pp. 71-91, ?, Ausgang des Schulzischen Religionsprozesses. [D], [352], IV, pp. 92-122, ?, Bemerkungen über Reimarus Wahrheiten der natürlichen Religion, nach den Grundsätzen der kritischen Philosophie. [3] [D-l], [353], V, pp. 123-125, ?, Zu einer Abhandlung im Julius dieses Journals. S. 334. [B-2], [354], VI, pp. 126-128, Halbkart, Kritischer Versuch über eine Stelle des Livius im 19. Kapitel des 9. Buchs. octobre 1792 [D], [355], I, pp. 129-181, ?, Reisen des Mandarinen Xangthu. [D], [356], Π, pp. 181-217, ?, Bemerkungen über Reimarus Wahrheiten der natürlichen Religion, nach den Grundsätzen der kritischen Philosophie. [3] [E], [357], ΠΙ, pp. 218-241, ?, Einige merkwürdige Briefe aus Pohlen. [F-4], [358], IV, pp. 242-251, Rehberg, Beantwortung des Aufsatzes: Ueber die Verkleinerungssucht, im Junius v. J. des schleswigschen, ehemals braunschweigischen Journals. [E-l], [359], V, pp. 251-252, ?, Ein Brief von Friedrich dem Einzigen. [N-37], VI, pp. 252-256, Hammerich, Nachricht. novembre 1792 [A-l], [360], I, pp. 257-267, Horstig, Wie kann man das Andenken großer Männer verewigen. [D], [361], Π, pp. 268-274, ?, Merwiirdiges Bruchstück. [B-3], [362], HI, pp. 275-348, S tuve, Ueber die Schrift des Herrn Geheimen Kanzlei=sekretärs Rehberg: Prüfung der Erziehungskunst, von J. Stuve. [F-4], [363], IV, pp. 348-380, [Hennings], Bemerkungen bei Veranlassung der vorläufigen Betrachtungen über eine neue Preisfrage, von Hrn. Geheimen Kanzlei=sekretär Rehberg in Hannover. Im neuen deutschen Merkur 4 St. 1792, S. 379 ff. 33 [E-3], [364], V, pp. 381-383, Hinze, Noch etwas über Briefe=erbrechen. [E-4], [365], VI, pp. 383-384, ?, Dekret der National-versammlung, Paris, den 26. Aug. 1792. décembre 1792 [B-5], [366], I, pp. 3 8 5 ^ 0 7 , Gutsmuths, Ueber einen neuen Plan des geographischen Unterrichts. [D], [367], Π, pp. 4 0 8 ^ 2 9 , ?, Ueber Theodizee und Menschenglück; Ein Gespräch. [A-l], [368], Π, pp. 430-443, Horstig, Einige Ursachen über die Unzufriedenheit in der Ehe. [G], [369], IV, pp. 443^471, Melsheimer, Probe einer neuen Beschreibung von Pensylvanien. [D], [370], V, pp. 4 7 2 ^ 8 6 , ?, Bemerkungen über Reimarus Wahrheiten der natürlichen Religion, nach den Grundsätzen der kritischen Philosophie. [4] 33

Voir la lettre de Campe à Hennings 13.11.1793 «Hier sende ich Ihnen, verehrter Herr und Freund, einige besondere Abdrücke Ihres Aufsatzes im Novemberstücke [,..]»(St.- und UB Hamburg, Nachlaß Hennings, Bd. 11, citée ici d'après le manuscrit établi par Hanno Schmitt).

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janvier 1793 [F-4], [371], I, pp. 1-4, Hennings, Einladung. [F-l], [372], Π, pp. 4-19, Hennings, Denk= und Schreibfreiheit als eine Einleitung zum Schleswigschen Journal. [F-4], [373], m, pp. 19-33, [Schmettow], Unmasgeblicher Vorschlag veranlaßt durch Nr.261 der Jenaischen Allgemeinen Literatur=Zeitung.34 [B-2], [374], IV, pp. 34-36, [Halem], So ist der Mensch, So war er stets, so wird er immer seyn.35 [E-4], [375], V, pp. 37-78, [Halem], Beiträge zum Für und Wider der jetzt suspendirten französischen Constitution. [I] 3 6 [E-4], [376], VI, pp. 79-104, S[chmettow], Man denke ! der Schneider behielt den Hut auf dem Kopfe, und der Lohnlakai stieg in den Fiacre seines Herrn ! 37 [E-3], [377], VII, pp. 105-128, NGS, Ist ein Reichs=Krieg den Deutschen anzurathen ? février 1793 [E-4], [378], I, pp. 129-201, [Campe], Grundsätze der Gesetzgebung die öffentliche Religion und die National=erziehung betreffend, dem französischen Nationalconvent gewidmet.38 [B-2], [379], Π, pp. 202-220, Böttiger, Ueber eine Stelle des Livius (Buch 21. Kap. 37). [F-6], [380], ΙΠ, pp. 221-233, Albrecht, Eine Rede vorgelesen in der Freymaurer=Loge Einigkeit und Toleranz in Hamburg. [D], [381], IV, pp. 233-251, [Albrecht], Ueber die Veredlung der jüdischen Nation. 39 [E-l], [382], V, pp. 252-256, Voss, Hymnus der Freiheit. mars 1793 [B-l], [383], I, pp. 257-272, [StuveJ, Was hat der Staat in [D-3], Ansehung der Religion, der Sittlichkeit und der Erziehung zu thun. 40 [D], [384], Π, pp. 272-278, v[.] K[noblauch], Skizze meiner Wunder-theorie. [I] 41 [A-l], [385], m, pp. 279-313, S[chmettow], Nicht jeder unbeweihte verdient den Namen Hagestolz noch den Spott seiner Mitbürger. [B], [386], IV, pp. 314-327, [Horstig], Einige Briefe von Yorick. 42 34

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Voir Meusel, Johann Georg, Lexikon der vom Jahr 1750 bis ¡800 verstorbenen teutschen Schriftsteller, 15 Bde., Hildesheim, 1967-1968, Raabe, Paul, (éd.), reprint de l'édition de 1802-1816], Bd. ΧΠ, p. 238. Dans la livraison de juillet 1793 (Schi J. 93.Vn.13 p. 411, Schmettow reconnaît également la paternité de cet article. Voir Halem, Gerhard Anton v., Selbstbiographie nebst einer Sammlung von Briefen an ihn, Strackeijan, C. F. (éd.), Oldenburg, 1840, p. 157. Ibid., p. 157. Meusel, Johann Georg, op. cit., Bd. ΧΠ, p. 238. Voir la lettre de Campe à Hennings 13.11.1793 : «Von mir werden Sie zunächst vermutlich einen für den Nationalkonvent bestimmten Aufsatz erhalten, womit ich jetzt beschäftigt bin und von den Grundsätzen der Gesetzgebung in Beziehung auf die öffentl. Religion und Nationalerziehung handeln wird.» et 26.11.1792. Campe lui envoie «den Aufsatz, den ich dem Nat. Konvent zugeschickt hatte, mit der Bitte, ihn, wenn's immer möglich ist, in das Januarstück Ihres Journals und zwar wenn's immer seyn kann, ganz und auf einmal aufzunehme» (St.- und UB Hamburg, Nachlaß Hennings, Bd. 11, citée ici d'après le manuscrit établi par Hanno Schmitt). R. Schumann indiquait en 1905, déjà, que Campe, dans Reise durch England und Frankreich ( 2 5 e m e lettre, p. 174) se reconnaissait l'auteur de cet article (d'après König, Helmut, «Das Braunschweigische Journal», in : Pädagogik, 7, 1952, p. 656 η. 18). Meusel, Johann Georg, op. cit., Bd. ΧΠ, p. 233. L'auteur affirme avoir également écrit l'article précédent. D'après Schmitt, Hanno, (Johann Stuve (1752-1793): Ein philanthropischer Aufklärer auf dem Wege zur bürgerlichen Gesellschaft». D'après Mondot, Jean, op. cit.

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[E-4], [387], V, pp. 328-336, ?, Der tumultuarische Mord Ludwigs XVI. Königs in Frankreich. [E-4], [388], VI, pp. 336-342, [Hennings], Ludwigs Anklage und Verteidigung. 4 3 [E-3], [389], VE, pp. 343-354, ?, Moralische Taubheit. [E-4], [390], Vm, pp. 354-366, [Halem], Zwei Kammern in einem Staate ? oder Eine T44 [A], [391], IX, pp. 368-379, Flemming, Ueber Menschenwerth. [E-3], [392], X, pp. 379-382, ?, Kriegslied der Deutschen. [E-4], [393], XI, pp. 383, ?, Les extrêmes se touchent. [E-4], [394], ΧΠ, pp. 384, Suhm, [épitaphe pour Louis XVI]. avril 1793 [E-4], [395], I, pp. 385^130, [Halem], Fortsetzung des Für und Wider der suspendirten Französischen Constitution. [2] [A-l], [396], Π, pp. 430-432, P. , Beitrag zur Geschichte der Leichenhäuser zum September 1792. des Schlesw. Journals. [E-l], [397], HI, pp. 433-458, S[chmettow], Ist das Lebendigbegraben-werden würklich so schreklich als man es sich vorstellt ? Ist es so gemein ? Ist kein sicheres Mittel dagegen T45 [E-l], [398], IV, pp. 459^180, ?, Macht es einen Unterschied in der Moralität einer Handlung, ob sie von Hohen oder Niedern begangen wird ? [E-3], [399], V, pp. 480-508, [Hennings], Krieg oder Frieden T46 [F-4], [400], VI, pp. 509-510, [Hennings], An den Herrn Geheimen Secretair Rehberg in Hannover. 47 [G], [401], VE, pp. 511, ?, An den Selenographen Schröder. mai 1793 [E-l], [402], I, pp. 1-7, Br[ackebusch], Recapitulation einiger neugemachten Entdeckungen im Reiche der Wahrheit am Ende des achtzehnten Jahrhunderts. 48 [E-4], [403], Π, pp. 8-11, Le Hoc, Note welche der Französische Gesandte Le Hoc vor seiner Abreise aus Hamburg den dortigen Senat übergeben hat. [E-4], [404], ΙΠ, pp. 12-59, Br[ackebusch], Petition eines deutschen Patrioten an die Repräsentanten des fränkischen Volks. Abzulesen vor den Schranken des Nationalkonvents im Winter 1793. 49 [E-3], [405], IV, pp. 60-80, S[chmettow], Inquisition, Grimaldi und Aranda, ein Commentar zu dem Aufsatze les Extrêmes se touchent im März dieses Journals. S. 383. 50 [E-4], [406], V, pp. 80-82, Heiberg, Ein Lied in Anleitung des 29. Januar 1793, von P. A. Heiberg. Aus dem Dänischen in der Minerva, Jan. 1793, S. 94, reimfrei übersetzt. [E-l], [407], VI, pp. 83-128, ?, D. Martin Luthers Gesicht von der Zukunft. Aus einer Handschrift des Reformators zum ersten Mahle zum Druck befördert und den Manen Ludwig Capets geheiligt.

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D'après Graewe, Richard, Carl Gottlieb Horstig 1763-1835; das Lebensbild eines vielseitigen Genies aus Goethes Freundeskreis; ein Beitrag zur Goetheforschung, Hildesheim, 1974. La comparaison de la p. 341 et de Schi. J. 93.ΙΠ.6 p. 484 montre que ces deux articles sont dus au même auteur. Dans la page 365, l'auteur affirme avoir déjà développé dans le Deutscher Merkur de 1792 (8. St. S.399). Or, d'après les renseignements fournis par Starnes, Thomas C., Der Teutsche Merkur. Ein Repertorium, Sigmaringen, 1994., p. 249, cet article est de Halem. Meusel, Johann Georg, op. cit., Bd. ΧΠ, p. 238. Le ton général de l'article et le renvoi à Mendelssohn permettent de conclure que Hennings est l'auteur de cet article. L'auteur, p. 509, affirme avoir rédigé l'article sur la «Verkleinerungssucht». Hamberger, Georg Christoph et Meusel, Johann Georg, op. cit., Bd. I, p. 401. Ibid., p. 401. Meusel, Johann Georg, op. cit., Bd. ΧΠ, p. 238. 453

juin 1793 [G], [408], I, pp. 129-160, ?, Charakter des jungen Brutus. [A-2], [409], Π, pp. 161-185, S[chmettow], Putz und Reinlichkeit sind sehr wesentlich verschieden. 51 [D], [410], m , pp. 185-194, ?, Angebohrne Religion. [G], [411], IV, pp. 194-195, ?, Der Gartenknabe an eine Biene. [E-3], [412], V, pp. 195-198, Klausen, Te Deum ! - An die Eroberer. [E-3], [413], VI, pp. 199-200, Reibeid, Aktenstück. [E-3], [414], VU, pp. 200-204, ?, Schreiben eines Reisenden über die Einschränkung der Preßfreiheit in Chursachsen und die daraus entstehenden Nachtheile fur den Buchhandel. [E-3], [415], VID, pp. 204-217, ?, Vorstellung an die Herren Abgeordneten des Städtischen engern Ausschusses. [R-35], Vn [9], pp. 218-260, Rezensionen. juillet 1793 [A-3], [416], I, pp. 261-268, ?, Briefe über Volksaufklärung. [E-5], [417], Π, pp. 269-273, ?, Berichtigung einer von Morse erzählten und im Schleswigschen Journal angeführten Anekdote. [E-3], [418], ΙΠ, pp. 273-290, [Knigge], Ueber die Ursachen, warum wir vorerst in Teutschland wohl keine gefährliche politische Hauptrevolution zu erwarten haben. [C-l], [419], IV, pp. 290-314, S[eidenstiicker], Dankbarkeit. [G], [420], V, pp. 315-319, Unzer, Drei Gedichte. [E-l], [421], VI, pp. 319-325, ?, Torhield. [E-l], [422], VD, pp. 325-339, ?, Die Rechtschaffenheit, an den Herzog Regenten von Torhield. [E-3], [423], VID, pp. 340-342, ?, Chur=Sächsisches Décret an die gesammten Städte. [E-3], [424], IX, pp. 343-365, ?, Replick auf die Vorstellung der Städte, den Verfall ihrer Nahrung betr. [E-3], [425], X, pp. 366-381, ?, Beschwerden der Stadt Prettin, im Chur Kreise, übergeben am Landtage 1793. [E-4], [426], XI, pp. 382-403, [Hennings], Ueber die Verachtung der Emigrirten, in Anleitung der Allgemeinen Litteratur Zeitung. N°86 1793. [F-l], [427], ΧΠ, pp. 403-409, ?, Muß man einen Beruf haben, um über gewisse Gegenstände zu schreiben. [N-38], Xm, pp. 409-412, Schmettow, Anzeige. août 1793 [F-4], [428], I, pp. 413-431, Hennings, Apologie des Schleswigschen Journals. [E-l], [429], Π, pp. 431—437, Reimarus, Ueber die Verbindlichkeit von Traktaten. [D], [430], ΠΙ, pp. 438—484, ?, Anmerkungen über die fünfte Abhandlung von Reimarus Wahrheiten der natürlichen Religion. [6] [G], [431], IV, pp. 484—499, Halem, Die Kunde von König Grym. [E-4], [432], V, pp. 499-512, [Knigge] ?, Bruchstücke aus Briefen eines Reisenden am Rhein. 52 [N-39], VI, pp. 512-513, S., Anzeige. [R-36], v n , pp. 514-539, Rezensionen. septembre 1793 [Β], [433], I, pp. 1-66, [Knigge] ?, Ueber die Erziehung. [D], [434], Π, pp. 66-96, ?, Anmerkungen über Reimarus Wahrheiten der natürlichen Religion. Zur siebenten Abhandlung. [7] 51 52

Ibid., p. 238. Ce texte, dont le ton rappeile celui de Knigge évoqué par Kirschbaum, Klothilde, Deutsche Zeitgenossen zu den Gewalttaten der französischen Revolution. Meinungsbildung, Erlebnisse, Urteilsbegründung in der Sicht der deutschen Gebildeten, Phil. Diss., Göttingen, 1951, p. 139, est peut-être également de Knigge.

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[E-l], [435], ΠΙ, pp. 97-137, Schmettow, Was ist begnadigen ? [E-5], [436], IV, pp. 138-144, ?, Weißagung. octobre 1793 [E-4], [437], I, pp. 145-161, [Halem], Schluß des für und wider der ersten franz. Constitution. [3] [D], [438], Π, pp. 161-208, ?, Fortsetzung der Bemerkungen über Reimarus Wahrheiten der natürlichen Religion. [8] [F-l], [439], ID, pp. 208-218, ?, Ueber einen nachtheiligen Einfluß, den das Lesen der Zeitungen auf den moralischen Charakter des gemeinen Volks gegenwärtig äussern muß. [E-4], [440], IV, pp. 218-242, ?, Ueber einige der gewissen Vortheile, welche die gesammte Menschheit durch die itzige politische Catastrophe schon erhalten hat, oder noch erhalten möchte. [E-4], [441], V, pp. 243-250, ?, Ueber die französische Menschen=gleichheit. [B-2], [442], VI, pp. 251-255, Halbkart, Hatte man im homerischen Zeitalter einen Begrif von der Einbildungskraft ? [E-4], [443], Vn, pp. 255-261, ?, La Fayette. [E-5], [444], Vm, pp. 261-262, [Brackebusch], An den Herrn Hofrath Wieland. 53 [E-3], [445], IX, pp. 262-265, [Sieveking] ?, Wahre Geschichte des bekannten Müllers Arnold. 54 [E-4], [446], X, pp. 265-272, ?, John Bulls politisches Glaubensbekenntniß. novembre 1793 [E-4], [447], I, pp. 273-276, ?, Ein Lied - aus der Wüste ! [G], [448], Π, pp. 276-314, Hennings, Attila. Ein Versuch aus der ältern Geschichte. [F], [449], ΙΠ, pp. 314-348, Hennings, Ueber das Eigenthum der Gedanken. [F-6], [450], IV, pp. 348-375, Erdmann, Etwas von geheimen Verbindungen und hauptsächlich von dem Orden der Eclektiker. [E-l], [451], V, pp. 376-412, ?, Aussichten in die Zukunft. Erstes Gespräch. [1] décembre 1793 [E-l], [452], I, pp. 413-451, ?, Aussichten in die Zukunft. Zweites Gespräch. [2] [E-4], [453], Π, pp. 451-458, ?, Gedanken eines Weltbürgers bei Gelegenheit des jetzigen Frankenkriegs. [E-3], [454], m, pp. 459-475, ?, Die Mündigkeit Europa's. [E-3], [455], IV, pp. 475-479, ?, Fragment einer politischen Predigt. [E-5], [456], V , pp. 479-489, ?, Einige Bemerkungen und Fragen eines Mannes, der an keine Propaganda als die in Rom glaubt, über einen sogenannten neuen merkwürdigen Beweis des Daseyns und der gefährlichen Thätigkeit einer französisch deutschen Aufrührer Propaganda. (im lOten Stück des deutschen Merkurs von 1793. S. 113 u. f.). [D], [457], VI, pp. 489^194, [Knoblauch], Meditation eines Theisten.55 [D], [458], Vn, pp. 495-499, [Knoblauch], Ueber körperliche und unkörperliche Substanz.56 [D], [459], Vm, pp. 499-505, [Knoblauch], Fortsetzung der Skizze meiner Wundertheorie. [2] [E-l], [460], IX, pp. 506-508, ?, Gesang für einige Wenige. [E-l], [461], X, pp. 508-512, ?, Rundgesang. [E-l], [462], XI, pp. 512-514, ...y, Timoleons Lied in Syracus. [E-3], [463], ΧΠ, pp. 514-515, ?, Sieg der Wahrheit. [E-4], [464], Xm, pp. 516-518, ?, Marseiller Marsch. [F-l], [465], XIV, pp. 519-520, Hennings, Um Abschied zu nehmen. 53

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55 56

L'auteur de l'article reconnaît p. 262 avoir écrit aussi la «Recapitulation einiger neugemachten Entdeckungen [...]» (voir Sehl J. 93.V.1). Ce texte traitant une problématique qui avait préocuppé Sieveking, (voir Sieveking, Heinrich, Georg Heinrich Sieveking. Lebensbild eines hamburgischen Kaufmanns aus dem Zeitalter der französischen Revolution, Berlin, 1913, p. 137 D'après Mondot, Jean, op. cit. D'après Mondot, Jean, op. cit. 455

[N-40], [XV], [pp. 521-529] ?, Litterarische Anzeige.

1.3 Index des recensions janvier 1788,51 [R-l], Di, pp. 110-124 1) Handbuch der Mythologie aus Homer und Hesiod als Grundlage zu einer richtigen Fabellehre des Alterthums, mit erläuternden Anmerkungen begleitet von Martin Gottlieb Hermann Nebst einer Vorrede des Herrn Hofrath Heyne, Berlin, bey Nicolai 1787. gr.8. 1 Alphab. 6 Bog. nebst 1 Bogen Vorrede. 2) Über den Mißbrauch der deutschen Lektüre auf Schulen, und einige Mittel dagegen, von M. Carl August Böttiger, Rektor der Schule zu Guben in der Niederlausitz, Leipzig, bei Hilscher 1787. 38 S. in 8. 3) Reisen der Salzmannischen Zöglinge, Fünfter Band. Welcher den Beschluß nach Mainz und nach Schmalkaden enthält. Leipzig, 1787 bei Crusius 266 S. in 8. 4) Reise der Zöglinge des Lübeckischen Erziehungsinstitut nach Hamburg bei Gelegenheit der Blanchardschen Lustreise, von Ludwig Voigt, Lehrer an dieser Anstalt. Gotha 1788 bei Ettinger. 221 Seiten in 8. février 1788, [R-2], V, pp. 220-250 1) Erklärende Anmerkungen zum Homer, von Johann Heinrich Just Koppen, Direktor der Schule zu Hildesheim. Erster Band. Hannover in der Schmidtschen Buchhandlung. 1787. 8. 2) Leitfaden bei meinem Unterrichte in der christlichen Religion. Die christliche Sittenlehre. Von D.C.A. Pick, ersten Lehrer bei der Stadtschule in Vach. Erlangen, bei J. J. Palm, 1787. 51. Seit. 8. 3) Fragestücke für Erstlinge beim Tische des Herrn, von G. G. Lang. Erlangen bei J. J. Palm. 1787. 40 Seit.8. 4) Neues katechetisches Magazin von G. H. Lang. Hochfurstl. Oetting= Oettingischen und Oetting=Wallersteinischen Specialsuperintendent und Pfarrer zu Hohenaltheim. Zweiter Band. Zweite Abtheilung. Erlangen bei J. J. Palm. 1787. 192 S. 8. 5) Warnefried : oder über die Verbesserungen alter Schulanstalten. Ein Gutachten an die Schulpatronen zu ***, Leipzig 1787 bei Crusius 242 S. in 8. 6) Deutsche Zeitung fur die Jugend, von Becker, für das Jahr 1787. 7) Die Elternfreunde. Eine Wochenschrift fur gemeine Väter und Mütter in der Stadt und auf dem Lande. Prag bei Hlaky 1787. 8) Handbuch fur Kinder und Kinderlehrer über den Katechismus Lutheri, von Joh. Rud. Gotti. Beyer, Pfarrer zu Schwerber bei Erfurt. Erster Band., 2te Ausgabe. Leipzig bei Crusius 1787. 594 S. in 8. 9) Anhang zu dem Handbuche für die Kinder und Kinderlehrer über den Katechismus Lutheri, von Joh. Rud. Gotti. Beyer, Pfarrer zu Schwerber bei Erfurt. Siebentes Bändchen. Leipzig bei Crusius 1787. 232 S. in 8. 9) Für Töchter edler Herkunft, eine Geschichte. Leipzig bei Jacobäer. 1787. 3 Theile in 8. 10) Allgemeine Principien zur öffentlichen und besonders Militairerziehung. In einem Auszuge des Befehlsprotocolls der k.k. M. und H. W. Neustadt und Compag. 324 S. in gr 8. mars 1788,[RS], VII, pp. 384-392 1) Deutscher Kinderallmanach auf das Jahr 1788. Ein Weihnachtsgeschenk zur angenehmen und lehrreichen Unterhaltung für Kinder und die Jugend. Herausgegeben von J. H. Jacobi. Hamburg bei Bohn.

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Lorsque les œuvres recensées portent deux titres, seul le premier est indiqué ici. Dans le cas où la date de publication des œuvres recensées donnée dans les revues est inexacte, elle a été corrigée.

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2)

Sammlung interessanter und durchgängig zweckmäßig abgefaßter Reisebeschreibungen für die Jugend, von J. H. Campe. Dritter TTieil. Braunschweig in der Schulbuchhandlung 1787. Mit einer Charte von der Südsee. 3) Allgemeine Revision des gesammten Schul= und Erziehungswesens von einer Gesellschaft practischer Erzieher, herausgegeben von J. H. Campe. Wien und Braunschweig, bei Grässer und Compagn. und in der Schulbuchhandlung. Achter und neunter Theil, jener ohne Vorrede 493 Seit, dieser ohne Vorrede 612 Seit. 8. 4) Le nouveau Robinson pour servir à l'amusement et à l'instruction des Enfans, traduit de l'Allemand de M. Campe. A Berne chez Seltzer et Compagnie 1787. avril 1788, [R-4], VII, pp. 493-515 1) Practische Grammatik der lateinischen Sprache von Christian Gottlob Bröder, Pastor zu Beuchte und Weddingen im Hochstifte Hildesheim. Leipzig bei Crusius, 1787. 8°. (475 S. Vorrede XXII). 2) Lateinische Sprachlehre zum allgemeinen Gebrauche für Gymnasien und Schulen ; herausgegeben von J. H. Kistemaker, Professor der Philologie zu Münster. Frankfurt und Leipzig bei Perrenon, 1787. 8 (386 S. Vor. ΧΧΠ). 3) Fabeln und Geschichten zum Unterricht für Kinder in Absicht auf ihre Behandlung der Thiere, von Miß Sarah Trimmer. Aus dem Englischen übersetzt von H**. Zittau und Leipzig bei Schöps, 1788. 4) Versuch unsern jungen Landsleute, besonders Niedersachsen, die gemeinsten und beträchtlichsten Sprachfehler abzugewöhnen. Lübek bei Donatius 1788. 4 Bogen. 5) Handbuch der gemeinnützigsten Kenntnisse für Volksschulen; beim Unterrichte als Materialien , und bei Schreibeübungen als Vorschriften zu gebrauchen. Erster Theil. Halle in Verlag des Waisenhauses. 1787 467 S. gr.8. 6) Biblischer Catechismus für Volksschulen, mit dazu gehörigen Erläuterungen und Beziehungen auf das Handbuch gemeinnütziger Kenntnisse. 1787 Halle im Verlag der Waisenhausbuchhandlung 1787. 124 S. 8. 7) Braunschweigische Zeitung fur Städte, Flecken und Dörfer, insonderheit für die lieben Landleute alt und jung. Erstes Jahr 1787. 8) Der Bote aus Thüringen. 1788. 9) Fidel, zum Gebrauch beim ersten Unterricht der Kinder. Halle in Commißion des Waisenhauses. 1787. 55 Seit.8. 10) Anweisung fur Lehrer über den ersten Unterricht der Kinder. Halle in Commißion des Waisenhauses. 1787. 50 Seit.8. mai 1788, [R-5], VU, pp. 69-117 1) Versuch eines Plans zu Schullehrer= Seminarien für die protestantischen Länder von D. Georg Friedrich Seiler. Erlangen bei Palm 1787. 48 S. in 8. 2) Neue Bemerkungen über das Lesenlehren, die deutsche Rechtschreibung und den Gebrauch des Bilder Α Β Cees von Κ. Fr. Splittegarb. Berlin und Stralsund bei G. A. Lange 1787. 31 S. 8. 3) Unterhaltung für Kinder und Kinderfreunde. Siebentes Bändchen. Leipzig 1786 bei Crusius. 4) Neues geographisches Handbuch zum Unterricht der Jugend. Von Daniel Vogel, Lehrer beim Mar. Magdal. Realgymnasio zu Breslau. Dritte durchaus verbesserte und vermehrte Auflage. Breslau 1788. bei J. E. Meyer, 528 S. 8. 5) Nouvelle Geographie à l'usage des Instituts et des gouvernantes Françoises renfermant les productions, les usages, les coutumes de chaque pays et tous les changemens arrivés sur le Globe jusqu'en 1785, par Mme. Renelle. Tome I. à Berlin 1786 chez G. J. Decker, pages 946. 8. 6) Moralische Kinderklapper für Kinder und Nichtkinder. Nach dem Französischen des Herrn Monget, von J. C. Musäus. Gotha 1788, bei Ettinger. 7) Christliches Lehrbuch für die Jugend, von D. Joh. Georg Rosenmüller. Leipzig bei G. J. Göschen 1787.212 S.

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Kurze Anweisung für christliche Eltern und Schullehrer, wie sie ihre Kinder in der Religion überhaupt und in dem Catechismus insbesondere nützlich unterrichten können, von M. J. M. Schröder, Pfarrer in Dieterswind. Leipzig bei A. Fr. Böhme 1787. 86 Seiten 8. Spruchbuch für Landschulen auf alle Sonn= und Festtage im Jahr. Erstes Bändchen für drei volle Jahre. Leipzig bei Adam Fr. Böhme 1787. Historisches Lesebuch für Kinder, besonders für junge Frauenzimmer. Breslau bei Meyer 1787. Deutsche Chrestomathie zum Nutzen und Vergnügen und zum Behufe des Uebersetzens aus dem Deutschen ins Französische von M. Bährens, Direktor des Pädagogiums zu Meinertshagen. Frankfurt am Main bei Hermann 1788 164 S. in 8. Naturgeschichte für Kinder von M. George Christian Raff, ordentlicher Lehrer der Geschichte und Geographie auf dem Lyceum zu Göttingen. Fünfte verbesserte Auflage mit 14 Kupfertafeln. Göttingen 1786. 2 Alphabet in med. 8. Kurze und faßliche Anweisung zur hebräischen Sprache für Anfänger, von J. Gottfr. Haas, Conrector an der Stadtschule zu Schneeberg. Leipzig 1788. W. Fr. Hetzeis kürzere hebräische Sprachlehre für Anfanger. Detmold und Meyenberg 1787, 558 Seiten 8°. Ueber Kinderunzucht und Selbstbefleckung. Ein Buch bloß für Eltern, Erzieher und Jugendfreunde von einem Schulmanne. Herausgegeben und mit einer Vorrede und Anmerkungen begleitet von Schi. Züllichau und Freistadt bei Frommans Erben 1787 422 Seit, in gr.8. Deutliches Rechenbuch für Kinder, auch für diejenigen faßlich, welche für sich und ohne alle andere persönliche Unterweisung rechnen lernen wollen, besonders aber für die Jugend auf dem Lande. Lübeck bei Donatius 1787. Geschichte und Beschreibung des Churfürstl. Sächsischen Soldatenknaben=Instituts zu Annaburg evangelischer und katholischer Religion, entworfen von Johann Gottfried Rüger, évangelischen Prediger und Katecheten des Instituts. Leipzig bei Kummer, 1787. 208 S. in gr. 8 nebst 4 Tabellen. Entwurf eines neuen A B C= und Lesebuchs, nebst einigen kleinen Uebungen zur Bildung des Verstandes. Altdorf 1787, bei Hessel. 32 S. 8. Anhang zu den Salzmannischen Gottesverehrungen, in vier Vorträgen gehalten der Jugend zu Schnepfenthal. Leipzig bei S. L. Crusius 1787. 62 Seiten 8. Für Kinder auf dem Lande. Gesammelt und herausgegeben von Friederich Kraft, Pfarrer der Gemeinde zu Vonhausen, Lorbach und Diebach unter dem Haag, in der Graffschaft Isenburg= Büdingen. Frft. am Main, in der Keßlerischen Buchh. 1787. Briefwechsel des Kinderfreundes. Siebenter Theil. Leipzig bei Crusius, 1787. Opusculorum, quae in certaminibus civium gymnasii Turicensium Carolini annuis numi aurei praemium tulerunt. Volumen Primum. Typis Orellii, Gesneri cet. 1787. (176 S. 4rt.) nebst einer kurzen Vorrede vom Prof. Jo. Jac. Hottinger, und einem Entwürfe zu einer jährlichen Preisaustheilung für die Zuhörer des Gymn. Car. zu Zürich, 1785. (15 Seiten 4.). Il nuovo Robinson per servir di divertimento ed istruzione delle gioventù, tradotto in Italiano dall' originale tedesco del Sr. Campe. In Halle stampato a Spese di. Giov. Heller. 1787. Kleine Naturgeschichte für Kinder, aus Heinrich Sanders Güte und Weisheit Gottes gezogen, von Christian Carl Plato, Cantor zu Meseberg im Herzogthum Magdeburg. Wittenberg und Zerbst 1788. 7 und einen halben Bog. in 8. Tetralogia dramatum Graecorum. Aeschyli Agamemnon, Sophoclis Oedipus rex, Euripidis Phoenissae, Aristophanis Concionatrices. In usum lectionum. Halae Saxon, in orphanotropheo, 1787 (294 S. gr.8. Vor 4.S.)

juin 1788, [R-6], IV, pp. 232-255 1) Auswahl biblischer Erzählungen für die erste Jugend, von Heinrich Philipp Conrad Henke. Leipzig bei Siegfr. Lebr. Crusius, 1788, 119 S. 8. 2) Ueber das neue peinliche Gesetzbuch. Ein Buch für Kinder, und auch wohl für Erwachsene, zur Verhütung von Verbrechen. Wien bei Hörling, 1787. 228 Seiten in 8. 3) Bildungsjournal für Frauenzimmer, zur Beförderung des Guten für beide Geschlechter. Zittau und Leipzig, bei Schöps.

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4) Ein Beitrag zur Bildung der Schullehrer auf dem Lande von J. C. Bötticher. Königsberg 1788 bei G. L. Härtung. 134 S. 8. 5) Plutarchs Pädagogik aus dem Griechischen mit Anmerkungen. Von Joh. Christ. Fried. Bährens, der Weltw. D. u. Direktor des Pädagogiums zu Meinertshagen. Halle, im Verlag der Waisenhausbuchhandl. 1787. 8. (S. 146- Vorr. 8.). 6) Anweisung zum Briefschreiben. Ein Weihnachtsgeschenk für Kinder. Auch für Erwachsene brauchbar. Vom Verfasser der Briefe für Kinder. Leipzig in Commißion bei Albrecht und Comp. 1787. 7) Winke für gute Fürsten, Prinzenerzieher und Volksfreunde. Von Martin Ehlers, Professor der Philosophie zu Kiel, zweiter und letzter Theil. Kiel und Hamburg bei dem Verf. Und bei Bohn 1787. 8) Geschichte Sandfords und Mertons für Kinder erzählt. Aus dem Englischen. Herausgegeben von J. H. Campe. Braunschweig im Verlage der Schulbuchhandlung. 1788. Ohne Vorrede 204 Seit. In Sedez. juillet 1788, [R-7], VI, pp. 372-384 1) Französisch geographisches Lesebuch, ein zweckmäßiger Auszug aus den besten französischen Reisebeschreibungen und andern geographischen Werken, von J. M. F. Schulze. Berlin bei August Mylius, 1788. 288 Seiten in 8. 2) Die idealische Bürgerschule, nebst einem Beitrage zur Methodik für angehende Bürgeschullehrer und Schulmeister auf dem Lande, von Johann Gotthilf Lorenz, Rector und Prediger in Köpenick. Non scholae, sed vitae. Berlin 1788. Bei W. Vieweg. Die idealische Bürgerschule 80 Seiten, der Beitrag zur Methodik 380 Seiten stark in 8. 3) Allgemeine Revision des gesammten Schul= und Erziehungswesens, von einer Gesellschaft practischer Erzieher. Zehnter Theil. Herausgegeben von J. H. Campe. Braunschweig im Verlage der Schulbuchhandlung 1788. Ohne Vorbericht und Register 640 Seit. 8. 4) Sittenbüchlein für Kinder von Joachim Heinrich Campe. Vierte durchgängig verbesserte und vermehrte Auflage. Braunschw. 1788. Im Verlage der Schulbuchhandlung. 192. S. 8. 5) Über die Erziehung durch Hauslehrer von F. A. Crome. Aus dem Revisionswerk abgedruckt und besonders herausgegeben, von J. H. Campe. Braunschweig in der Schulbuchhandlung, 1788. 162. Seite. 8. 6) Erzählungsspiel, bestehend aus beinahe 400 Karten nebst Futteral. In Commißion zu Leipzig bei dem Buchhändler Herrn Sommer. Preis 1 Rthl. 7) Lesebuch für Bürgerschulen. Erster Theil. Berlin, bei August Mylius. 1788. 174 Seit. 8. août 1788, [R-8], VII, pp. 463-499 1) Beispielsammlung zur Theorie und Litteratur der schönen Wissenschaften von J. J. Eschenburg. Berlin, Nicolai 1788. Erster Band 460 S. Zweiter Band 448 Seit. 2) Die unbekannte Insel, eine (angeblich) wahre Geschichte, herausgegeben von Hrn. Griwel und ins Deutsche übersetzt von Joh. Friedr. Simon. Erster Band. Frankfurt bei Fr. Eslinger. 1788, 232 Seit. 8. 3) Bibliothèque à l'usage des jeunes gens qui veulent aprendre la langue Françoise en répétant leur cours de Géographie. Tom. I contenant un extrait du voyage de Möns. De Pages autour du monde; à Leipsic en commission chez S. L. Crusius 1788. 354 S.8. 4) Prüfung der Castillonschen Preisschrift über Irthum und Volkstäuschung von Μ. Α. von Winterfeld. Berlin Unger 1788 254 S. 5) Vaterländische Gedanken über die mögliche gute Auferziehung der Jugend in der Helvetischen Demokratie. Zürich, 1787. 133. S. in 8. 6) Sammlung interessanter und durchgängig zweckmäßig abgefaßter Reisebeschreibungen für die Jugend von J. H. Campe. Vierter Theil. Braunschweig in der Schulbuchhandlung. 1788. 7) Gegenstück zu des Hm. geheimen Canzleisecretairs Rehberg in Hannover Abhandlung (im Februar und März der Berliner Monatschrift 1788.) über die Frage : Sollen die alten Sprachen dem allgemeinen Unterricht der Jugend in den höhern Ständen zum Grunde gelegt oder den

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eigentlichen Gelehrten allein überlassen werden ? Von Joh. Daniel Hensel. Halle bei Hendel. 1788. 5 8 octobre 1788, [R-9], VII, pp. 231-247 1) Beschluß der Prüfung der Rehberg. Abhandlung im Febr. und März der Berlinischen Monatsschrift 88. 2) Recueil de Voyages intéressans, pour l'instruction et l'amusement de la Jeunesse, par Mr. Campe. Traduit de l'Allemand. Tome second. A Francfort sur le Main. Chez J. P. Streng 1787. 12me 21 Bog. novembre ¡788, [R-10], IX, pp. 371-382 1) Ueber die Hindernisse des Selbstdenkens in Deutschland; eine gekrönte Preisschrift von Carl Traugott Thieme, Rector der Stiftschule in Merseburg, Vita nostra fidei vita est, non contemplationis. Leipzig bei G. L. Crusius 1788,403. Seit. 8. 2) Repertorium für die Pädagogik in Gymnasien und Trivialschulen, Des ersten Bandes erster Theil. Frankfurt im Verlag der Hermannischen Buchhandlung 1788, 209 Seit 8. 3) Plutarchi Vitae parallelae Themistoclis et Camiii Alexandri et Caesaris ad óptimas editiones expressae selectisque variorum notis illustratae in usum juvenum graecae linguae studiosorum curavit Carol. Henric. Joerdens. Berolini sumtibus Vieweg 1788. décembre 1788, [R-ll], V, pp. 494-511 1) Neue Nachricht von der Einrichtung des Friedrichswerderschen Gymnasiums. Von Fried. Gedike, Königl. Preuß. Oberconsistorial= und Oberschulrath und Direktor des Gymnasiums, Berlin 1788. Bei J. Fr. Unger, 103. Seit. 8. 2) Ueber Homers Ilias. Eine von der Teglerschen Stiftung in Haarlem gekrönte Preisschrift des Herrn J. de Bosch, ersten geheimen Kanzellisten der Stadt Amsterdam, u. s. w. Aus dem Holländischen übersetzt von E. H. Mutzenbecher. Züllichau bei Frommans Erben, 1788. janvier 1789, [R-12], VU pp. 95-121 1) Freimüthige Gedanken über die Gottesverehrungen der Protestanten, von Karl Spazier, der Churmainzschen Akademie der Wissenschaften Mitglied. Gotha bei Ettinger 1788. 306 S. 2) Einige Gedanken über den itzigen Zustand der alten Litteratur in unsern gelehrten Schulen und dessen Ursachen von Ludwig Friedrich Gottlob Ernst Gedicke, Professor am Elisabethen Gymnasium zu Breslau. Breslau bei Läce. 3) Ueber die Schädlichkeit der Schnurbrüste, zwei Preißschriften, durch eine von der Erziehungsanstalt zu Schnepfenthal aufgegebene Preißfrage veranlaßt. Leipzig bei Crusius, 192 Seiten in 8. 4) Lesebuch für die Landschulen, auch zum Gebrauche der Landleute in ihren Häusern, von J. L. Ewald, Generalsuperintendent. Lemgo und Duisburg am Rhein, im Verlag der Meyerschen Buchhandlung, 1788. Erster und zweiter Band. 5) Anweisung zu einer unvernünftigen Erziehung der Kinder, von Chr. Gott. Salzmann, neue rechtmäßige, umgearbeitete und vermehrte Auflage. Erfurt, 1788. Bei Kaiser. février 1789, [R-13], V, pp. 236-255 1) Fortgesetzte Anzeige und Beurtheilung einiger Schriften, die das preußische Religionsedikt vom 9 Juli v. J. veranlaßt hat. [3] mars 1789, [R-14], V, pp. 359-384 1) Beschluß der Anzeige und Beurtheilung einiger Schriften, die das preußische Religionsedikt vom 9ten Juli v. J. veranlaßt hat. [4] 2) Allgemeine Revision des gesammten Schul= und Erziehungswesens von einer Gesellschaft practischer Erzieher, herausgegeben von J. H. Campe. Elfter Theil. Braunschweig in der Schulbuchhandlung 1788. 58

Recension non rédigée par l'un des éditeurs.

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3) Geschichte Sandford's und Merton's fur Kinder erzählt. Aus dem Englischen. Zweites Bändchen, Braunschweig im Verlag der Schulbuchhandlung 1788. 4) Sammlung interessanter und durchgängig zweckmäßig abgefaßter Reisebeschreibungen fur die Jugend, von J. H. Campe. Fünfter Theil. Braunschweig in der Schulbuchhandlung 1788. 5) Beantwortung der Frage, wer hat Beruf ein Gelehrter zu werden ? Von Johann Christian Krause, Professor und Rector der Provinzial=Schule zu Jever. Bremen 1788. Bei Meier. avril 1789, [R-15], Vm, pp. 483-511 1) Nachrichten aus Schnepfenthal für Eltern und Erzieher, 2ter Band. Leipzig bei Crusius. 2) Geschichte der jüdischen und christlichen Religion für den ersten Unterricht von H. Ph. Conr. Henke. Leipzig bei Crusius 1788. 150 Seite 8. 3) Beiträge zur Beförderung einer vernünftigen Kinderzucht und wahrer Menschenliebe, von G. J. Patschke, Pastor Substituten in Glösa, Hibbersdorf und Schloß Chemnitz. Leipzig und Chemnitz. In Commission bei Beer und Stößel, 1788. 4) Vermächtniß eines Vaters für seine Tochter; ein Neujahrsgeschenk, herausgegeben zur Unterstützung der Armen. Preiß sechs Groschen. Halberstadt 1789. 76. Seiten 8. 5) Der Kinderlehrer, ein Lesebuch zum Gebrauch für die Fürstl. Neuwiedischen Schulen, gesammelt von Fr. E. Melsbach. Erstes Bändchen. Neuwied bei Gehra, 1787. 255 Seite 8. 6) Characteristik des Frauenzimmers für Jünglinge und Mädchen, die das Glück ihres Lebens festgründen wollen. Gotha bei Ettinger 1789. 239 S. 8. mai 1789, [R-16], Vn, pp. 110-112 1) Für künftige Hauslehrer in Briefen an einen jungen Studierenden, von Joh. Aug, Brückner, Leipzig in der Weidmannischen Buchhandlung. 1788. 188. Seit.8. 2) Bibliothèque pour les Enfans, ouvrage propre à leur inspirer l'amour pour la vertu et l'horreur pour le vice, par J. A. Bruel, premier Maitre de Langue du CoTps des Cadets de Saxe. IV Tomes à Dresde, au Magazin de Hischer. 1788. juin 1789, [R-17], V, pp. 226-251 1) Ueber die Bestimmung, Würde und Bildung christlicher Lehrer, von Chr. Joh. Rüd. Christiani, Prediger zu Kahlebuy und Moldenit. In Commission bei Boje in Schleswig. 1789. 2) Geschichten und Gespräche für Kinder zur Beförderung der guten Sitten, nützlicher Erkenntniß und ächter Gesinnungen von Sam. Ludewig, Lehrer der Normalschule in Berlin. Berlin und Frankf. a. d. Oder bei Kunze 1788. Seite 104. 8. 3) Uebersicht von August Hermann Frankens Leben und Verdienste um Erziehung und Schulwesen. Nebst fortgesetzter Nachricht von den bisherigen Ereignissen und Veränderungen im königlichen Pädagogium. Von August Hermann Niemeyer, ordentlichem Prof. der Theologie u. s. w. Halle in der Buchhandlung des Waisenhauses 1788. 4) Ankündigung einer Vorbereitungsschule für Landwirthe, Forstmänner und Cameralisten, Grottkau im Verlag der Schulbuchhandlung. 5) Eugenie und ihre Schülerinnen, oder Briefe und Gespräche zum Gebrauch junger Leute von Madam de la Fite. Bern bei Hortin und Compag, 1789, 304 S. 8. juillet 1789, [R-18], VI, pp. 356-372 1) Der Prediger, aus dem Hebräischen von David Friedländer. Nebst einer vorangeschickten Abhandlung über den besten Gebrauch der heil. Schrift in pädagogischer Rücksicht (Hinsicht.) Berlin bei Maurer 1788. 131 Seit. 8. 2) J. N. Egrings pädagogisches Jahrbuch, darin einzelne Erziehungsanstalten beschrieben und über besondere Gegenstände der Erziehung Beobachtungen angestellet werden. Viertes, fünftes und sechstes Stück. Göttingen bei Vandenhoeck und Ruprecht, 1788 3) Schule des Vergnügens für kleine Kinder, von Johann Peter Voit, Archidiaconus und Professor zu Schweinfurt. Nürnberg bei Weigel und Schneider 1788.

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août 1789, [R-19], IX, pp. 495-502 1) Entwurf einer Theorie und Litteratur der schönen Wissenschaften. Zur Grundlage bei Vorlesungen. Von J. J. Eschenburg. Neue, umgearbeitete Ausgabe. Berlin bei Nicolai, 1789. 380 S. 2) Die Bürgerschule, ein Lesebuch für die Bürger= und Landjugend. Erster Band. Mit Kupfern; von Joh. Chr. Fröbing, Conrector an der Neustäder Schule. Hannover gedruckt bei Pockwitz, jun. 1788. 438 Seit. Gr.8. septembre 1789, [R-20], VI, pp. 107-119 1) Predigtbuch für christliche Landleute zur häuslichen Andacht und zum Vorlesen in der Kirche. Auf alle Sonn= und Festtage des ganzen Jahrs, nach den Evangelien, herausgegeben von Raimund Dapp, Prediger zu Kleinschönebeck, Schöneiche und Münchhofe, ohnweit Berlin. Berlin und Stettin bei Nicolai 1788. 792 S. in 4. ohne Zueignungsschrift, Ausrede... 2) Naturkalender zur Unterhaltung der heranwachsenden Jugend, von der Verfasserin von Julchen Grünthal. Berlin, bei Unger, 274 Seiten in 8. 3) Sammlung interessanter und durchgängig zweckmäßig abgefaßter Reisebeschreibungen für die Jugend, von J. H. Campe. Sechster Theil. Braunschweig in der Schulbuchhandlung 1789. 4) Allgemeine Revision des gesammten Schul= und Erziehunswesens, von einer Gesellschaft practischer Erzieher. Zwölfter Theil. Herausgegeben von J. H. Campe. Braunschweig in der Schulbuchhandlung 1789. novembre 1789, [R-21], VI, pp. 364-370 1) Bildung der Töchter in Schnepfenthal. Erstes Fragment. Göttingen bei Dietrich 1789. 2) Ueber die besten Mittel die Studiersucht derer, die zum Studieren keinen Beruf haben, zu hemmen. Eine Schulschrift von M. C. A. Böttiger, Rector der Schule zu Guben. Leipzig bei Hilscher 1789. 103 Seiten. décembre 1789, [R-22], VI, pp. 504-509 1) Emil, oder von der Erziehung nach bewährten Grundsätzen, von Joh. Georg Heinr. Feder. Göttingen und Münster bei Fr. Thr. Theising 1789. janvier 1790, [R-23], Vffl, pp. 120-124 1) Virgils Landbau, vier Gesänge. Uebersetzt und erklärt von J. H. Voß. Eutin bei dem Verfasser und Hamburg bei Bohn 1789. mars 1790, [R-24], XI [10], pp. 369-388 1) Doctor Gotthilf Samuel Steinbarts Vorschläge zu einer allgemeinen Schulverbesserung, in so fem sie nicht Sache der Kirche, sondern des Staats ist. Züllichau bei Frommann. 1789 182 S. in 8. avril 1789, [R-25], VI, pp. 473^198 1) Anreden an die Richter der D. Bahrdt, von einem deutschen Manne H. v. L. 1789. 60 Seiten. 2) Aussichten zur Festsetzung des Elementarunterrichtes in den Bürger= und Gelehrtenschulen, allen Schulmännern und Schulvorstehern gewidmet, mit einer Vorrede des Herrn Professor Trapp. Züllichau und Freistadt bei Frommann 1790. 3) Anfangsgründe zur Erkenntniß der Erde, des Menschen und der Natur. Von Villaume. Berlin undLiebau. 1789. août 1790, [R-26], XI, pp. 502-513 1) Die Freiheit des Getraidehandels nach der Natur und Geschichte erwogen von J. A. H. Reimarus. M. D. Hamburg bei C. E. Bohn 1790. 10 Bogen kl. 8. septembre 1790, [R-27], V, pp. 103-128 1) Deutsches A, B, C. oder dreißig Uebungen des allerersten Lesens, Denkens, Zählens, Schreibens für die unterste Klasse der Bürgerschulen, und den häuslichen Unterricht. Erster Theil (2 Ggr.).

462

Deutsches Α, Β, C, oder hundert und zwölf Uebungen des ersten Lesens, Denkens, Verstehens und Behaltens, zur Grundlage alles Gemeinnützigen, für die unterste Klasse der Bürgerschulen und den häuslichen Unterricht (3 Ggr). Anweisung zum Gebrauch des aus zwei Theilen bestehenden deutschen A, B, C, für Lehrer der untem Klasse in den Bürgerschulen. Die, cur hic / Oder lateinische Fibel zur allerersten Uebung des Lesens, Uebersetztens Sprechens und Schreibens der lateinischen Sprache für die unterste Klasse der Gelehrtenschulen und den häuslichen Unterricht (2 Ggr.). Anweisung wie das lateinische A, B, C, betitelt Die, cur hic ! zu gebrauchen sey, für Lehrer der untern Klassen in den Gelehrtenschulen. 2) Luthers Unterricht, eine Chrestomathie gesunder Glaubens=Sitten= und Lehrkenntnisse aus seiner Feder geflossen, und für unsere Zeiten neu zusammengetragen, den Geist des Protestantismus zu nähren und zu mehren. Züllichau und Freystadt bei Frommans Erben 1789. 3) Robinson der Jüngere, ein Lesebuch für Kinder, zur allgemeinen Schul=encyclopädie gehörig, von Joachim Heinrich Campe. Vierte rechtmäßige Auflage, Braunschweig 1789. In der Schulbuchhandlung. octobre 1790, [R-28], VII, pp. 440-454 1) Sammlung interessanter und durchgängig zweckmäßig abgefaßter Reisebeschreibungen für die Jugend, von J. H. Campe. Braunschweig in der Schulbuchhandlung 1790. 2) Historisch=genealogischer Almanach fürs zweite Jahr der Freiheit, enthaltend die fortgesetzte Geschichte der französischen Staatsumwälzung. Braunschweig in der Schulbuchhandlung 1790. février 1791, [R-29], m, pp. 200-235 1) Ueber Schulen und Schulanstalten in Dännemark. Kopenhagen 1789, bei F. W. Thiele, 142 S. 8. 2) Ueber die Erlernung der Landesgesetze in den Volksschulen. Leipzig 1789. mars 1791, [R-30J, VII, pp. 340-365 1) Sendschreiben eines alten Landpredigers, im Preußischen an den Herrn Hofrath Rönnberg in Rostock über symbolische Bücher in Bezug auf Menschen= und Staatsrecht. Zum Druck befordert von J. G. Schilling, Lehrer an der königl. Domschule in Bremen. Frankf. und Leipz. 1790. 2) Gemeinnützige Spaziergänge auf alle Tage im Jahr, für Eltern, Hofmeister, Jugendlehrer und Erzieher, Zur Beförderung der anschauenden Erkenntnisse, besonders aus dem Gebiete der Natur und Gewerbe, der Haus und Landwirthtschaft von Christian Karl Andre, und Johann Matthäus Bechstein. Erster und zweiter Theil. Braunschweig, im Verlag der Schulbuchhandlung 1790. avril 1791, [R-31], Κ [8], p. 496 1) Lessings Denkmal. Eine vaterländische Geschichte; dem deutschen Publikum zur Urkunde vorgelegt von Großmann. Hannover bei Pockwitz 1791. juillet 1791, [R-32], IV, pp. 358-372 1) Beobachtungen über den Geist des Menschen und dessen Verhältniß zur Welt. Ein philosophischer Versuch von Andrei Pere Dumin Kolimanow. 2) Ueber Volks=Aufklärung; ihre Grenzen und Vortheile. Eine Provinzial=Schrift von J. B. Ewald. Berlin 1790. Bei Unger. août 1791, [R-33], VI, pp. 497-521 1) Ist das Studium fremder, besonders der alten Sprachen, auf Schulen noch ferner beizubehalten ? Ein Schulprogram von J. A. Ritzhaub, Direktor des Idsteinischen Gymnasiums. 1791.

463

décembre 1791, [R-34], IX [10], pp. 492^96 1) Freimüthige Betrachtungen und ehrerbiethige Vorstellungen über die neuen preußischen Anordnungen in geistlichen Sachen. - Jedem Einwohner im Staate muß eine vollkommene Glaubens und Gewissens Freiheit gestattet werden. Allgem. Gesetz, fur die Preuß. Staaten. 2 Th. 9. Tit. 2 §. Germanien 1791. 108 S. juin 1793, [R-35], VH [9], pp. 218-260 1) De Luc in Winsor an Zimmermann in Hannover. Aus dem Französischen übersetzt. Leipzig, 1792. 48 Seiten 8. 2) Erläuterung über die Rechte des Menschen. Für Deutsche. Veranlaßt durch die Schrift: de Luc in Windsor an Zimmermann in Hannover. Hamburg bey Bachmann und Gundermann 1793. 88 Seiten 8. 3) Rettung der Ehre Adolphs Freiherrn Knigge, welchen der Herr Hofrath und Ritter von Zimmermann in Hannover als deutschen Revolutions Prediger und Demokraten darzustellen versucht hat - Hamburg bey Bachmann und Gundermann. 1792. 46. S. 8. 4) Briefe über die Manufacturer der Modebücher besonders der Aufruhr Prediger und SprachUmwälzer von J. C. Hermann, D.R.D. Nicht in Hannover, nicht in Göttigen, nicht in Berlin und doch wohl da. 40 S. 8. 5) Guter Rath an die Völker Europens bey der Nothwendigkeit die Regierungs Grundsätze überall zu verändern, London, 1792. Eine Uebersetzung der englischen Schrift : Advice to the privileged Orders in the several states at Europa resulting from the necessity and propriety of a general Prevolution in the principle of Government part. I. by Joel Barlow Esq. Author of the vision of Columbus and the conspiracy of Kings. 6) Der aufrichtige Calendermann. Ein ganz curioses und nützliches Buch für die Jugend und den gemeinen Bürger und Bauersmann, verfertiget von Christoph Gottlieb Steinbeck, zu haben bei dem Verfaßer in Langenberg ohnweit Hera, bei Fleischer in Leipzig, auf der Expedition der deutschen Zeitung. Gotha und in der Erziehungsanstalt in Schnepfenthal. Preiß 4 Gg. 203 S. in 8. 7) Gedanken eines norwegischen Officiers über die patriotischen Gedanken eines Dänen u.s.w. Kopenhagen bey Schulz, ohne Jahrszahl und Namen des Verfassers. août ¡793, [R-36], VII, pp. 514-539 1) Ueber Lehnherr und Dienstmann : von P. A. F. von Münchhausen auf Steinburg, gewesenen Chui=Hannoverischem Justizrath und Hofgerichts Assessor; Ständischem Direktor des Eckardsbergischen Bezirks in Thüringen. Leipzig bey Göschen 1793 126 S.

1.4 Index des annonces janvier 1788, [N-l], X, pp. 124-128 1) Neuendorf [svi le décret de Leopold Friedrich Franz de Dessau portant sur l'organisation de l'enseignement]. février1788, [N-2], VI, pp. 251-25 1) [proposition visant à abolir le jeu de l'orgue par les pasteurs hors des services religieux], 2) Nachricht und Grundriß einer Erziehungsanstalt für junge Leute, welche zur Handlung bestimmt sind. 3) Salzmann [Annonce de la publication du Bote aus Thürigen]. 4) [Collecte au profit de la ville de Ruppin]. avril 1788, [N-3], Vm, pp. 515-520 1) [la rumeur que des œuvres inconnues de Tacite auraient été découvertes est fausse]. 2) Nachricht von dem Zustande des Schul= und Erziehungswesen in Schwedisch Pommern und Rügen.

464

mai 1788, [N-4], Vffl, pp. 118-128 1) [éloge funèbre de Julius Philipp Lieberkühn]. 2) Fortsetzung der im vorigen Stück abgebrochenen Nachricht von dem Zustande des Schul= und Erziehungswesen in Schwedisch=Pommern und Rügen. juin 1788, [N-5], V, pp. 255-256 1) [Sömmering a remporté le prix proposé par Schnepfenthal et portant sur les dangers du port du corset]. 2) [Schnepfenthal propose un nouveau prix sur les dangers que représentent les périodiques]. août 1788, [N-6], Vffl, pp. 500-512 1) Kurze Vergleichung der vorigen Einrichtung der klosterbergischen Schule mit der jetzigen. septembre 1788, [N-7], VU pp. 111-128 1) Beschluß des im 8ten Stück abgebrochenen Aufsatzes: Kurze Vergleichung der vorigen Einrichtung der klosterbergischen Schule mit der jetzigen. 2) [Annonce de la publication du texte de K. F. Bahrdt Ueber die Aufklärung und ihre Beförderungsmittel (1788)]. octobre 1788, [N-8], Vffl, pp. 247-256 1) [Programme des examens publics dans l'institut de v. Lehrbach à Hambourg], 2) Nachricht, den väterlichen Rath für meine Tochter betreffend [non paginé]. novembre 1788, [N-9], X, pp. 383-384 1) Fortgesetztes Verzeichniß für die abgebrandte Stadt Ruppin bei den Unterschriebenen eingelaufenen milden Beiträge. décembre 1788, [N-10J, VI, pp. 511-512 1) [A Meinigen, les orphelinats ont été réformés et les enfants répartis dans la population], janvier 178, [N-ll], pp. 122-128 1) Funke Nachricht an das Publikum, die Herausgabe einer technologischen Naturgeschichte für die Bürgerschulen betreffend. février 1789, [Ν-12], VI, pp. 255-256 1) [Annonce de l'ajout à la Allgemeine Schulencyclopädie des encyclopädische Auszüge aus den französischen Classikern, zum Gebrauch für Schulen und Erziehungsanstalten]. avril 1788, [N-13], IX, pp. 511-512 1) [extraits de la thèse de Schnarr Naturalispsalmi vicesimi secundi explicatio], mai 1789, [N-14], Vffl, pp. 112-128 1) Andre & Bechstein Gemeinnützige Spaziergänge für Eltern, Hofmeister, Jugendlehrer und Erzieher. 2) Spazier Auszug eines Briefes aus Lübeck [note sur l'institution pédagogique de Lübeck], 3) [éloge du décret du 23 décembre réglementant l'accès à l'Université], 4) Mangelsdorflil a, dès 1780, réalisé par sa Chrestomathie l'un des projets des «néo-pédagogues»]. 5) Voss Ein Trauergedicht. juin 1789, [Ν-15], VI, pp. 251-256 1) [information sur le Comte de Satillien].

465

juillet 1789, [N-16], VU, pp. 372-383 1) [Décret de Wöllner en date du 23 décembre 1788 restreignant l'accès à l'Université aux seuls bacheliers]. août 1788, [N-17], X, pp. 502-514 1) Verordnung des Königl. Preuß. Oberschuldirektoriums für die Landesuniversitäten, die Verhütung des allzufrühen Hinlaufens der jungen Leute nach der Akademie betreffend. 2) Nachricht von Hrn. Prof. Salzmanns Erziehungsinstitute zu Schnepfenthal. octobre 1788 1) Aus einem Schreiben aus Schnepfenthal den 25 August 1789. 2) Campe [l'assertion de Ebert, qui prétend que Campe a écrit pour les femmes des poésies et des romans est fausse], septembre 1789, [N-18], VI, pp. 119-128 1) [information sur l'existence des Stille des Landes dans le Niederlausitz et réponse sceptique de l'éditeur]. octobre 1789, [N-19J, Vffl, pp. 254-256 1) Campe Aus einem Schreiben von Schnepfenthal den 25. August 1789. novembre 1789, [N-20], VII, pp. 370-384 1) P***R Beschluß der Nachrichten von der Salzmannischen Erziehungsanstalt. 2) T. [correction d'une annonce faite dans le Göttingisches historisches Magazin à propos des réformes pédagogiques à Neuchâtel]. janvier 1790, [N-21], IX, pp. 125-128 1) [défense des méthodes modernes dans l'apprentissage du latin]. 2) [réponse à Gedicke qui désapprouvait l'utilisation des jeux de cartes comme moyen d'apprentissage de la géographie]. 3) [le Robinson de Campe a été traduit en espagnol]. février 1790, [N-21], m, pp. 260 1 ) [le Erziehungsinstitut de Dessau publie un französische Zeitung fiir die Jugend]. avril 1790, [N-23], VII, pp. 498-516 1) [textes sur les réactions à l'Edit sur la religion], 2) Poésies imitées de La Fontaine. mai 1790, [N-24], Vm, pp. 127-128 1) Aus einem Schreiben aus der Niederlausitz an Herrn Schulrath Campe [Sur la présence des Stillen des Landes dans le Niederlausitz]. août 1790, [N-25], ΧΠ, pp. 513-514 1) [Achat et diffusion par le gouvernement prussien du livre de Rönnberg lieber symbolische Bücher in Bezug auf das Staatsrecht]. octobre 1790, [N-26], Vffl, pp. 455^156 1) [dénonciation d'une édition pirate de la traduction par Remer de la Lebensbeschreibung Kaisers Carls V. de Robertson], décembre 1790, [N-27], V, pp. 507-510 1) BÖHME [annonce de la publication des Teutoniciphilosophi [N-28J pp. 511-512 2) [projet de monument à la mémoire de Basedow],

466

de Jakob Böhme],

des

janvier 1791, [N-29], VIH [7], pp. 110-112 1) [reproduction d'un article du Journal de Paris (n°270) évoquant la célébration du 14 juillet, à Hambourg, le 14 juillet 1790], février 1791, [N-30], IV, pp. 235-240 1) Zerrenner Ankündigung einer Zeitschrift unter dem Titel : Der deutsche Schulfreund, nützliches Hand= und Lesebuch ftir Lehrer in Bürger= und Landschulen. 2) [Georg Adam Kaiser imprimera désormais le Braunschweigisches Journal].

ein

mars 1791, [N-31J, Vffl, pp. 366-367 1) Zerrenner Ankündigung christlicher Volksreden über die Episteln, Für Landleute zum Vorlesen beim öffentlichen Gottesdienste und bei der häuslichen Andacht eingerichtet. juin 1791, [N-32], DC, pp. 255-256 1) Campe Anzeige das Lessingsche Denkmal betreffend. juillet 1791, [N-33], V, pp. 373-384 1) Ankündigung eines allgemeinen Real=Hand=Wörterbuches. 2) Gebauer [Johann Jakob Gebauer en assurera l'impression]. septembre 1791, [N-34], DC, pp. 127-128 1) Campe Fernere Anzeige das Lessingsche Denkmal betreffend. décembre 1791, [N-35], VIH [9], p. 490-491 1) [dénonciation de la violation du secret postal dans certains bureaux de poste]. juin 1792, [N-36], X [9], pp. 255-256 1) Hennings [le «Testament» de Joseph Π est apocryphe]. octobre 1792, [N-37], VI, pp. 252-256 1) Hammerich [Il imprimera la suite de Die Geschichte der großen französischen Staats=umwälzung liefernden Almanach, il continuera en 1793 l'impression du Schleswigsches Journal et fera, enfin, paraître la traduction par Voß de 1 '¡Iliade], juillet 1793, [N-38], ΧΠΙ, pp. 4 0 9 ^ 1 2 1) Schmettow [reconnaît être l'auteur des Gedanken eines Norwegischen Officiers, über die Patriotischen Gedanken eines Dänen, über stehende Herre, politisches Gleichgewicht und Staatsrevolution]. août 1793, [N-39J, VI, pp. 512-513 1) [éloge du Beitrag zur Berichtigung der Urtheile des Publikums über die französische Revolution. Erster Theil. Zur Beurtheilung ihrer Rechtmäßigkeit (1793) de Fichte]. décembre 1793, [N-40], [XV], [non paginé] 1) Litterarische Anzeige [réponse aux critiques faites au texte de Voß Ueber des Landgedichts Ton und Auslegung],

Virgilischen

467

Appendice II : Répartition thématique des articles 1788-1793

Π. 1 : Répartition thématique globale des articles 1788-1793 1 Π.1.1 Classement 1

1788 A

8%

Β

64 %

C

0%

D

19 %

E

1 %

F

8%

1789 A Β C D E F

10 % 53 % 6% 11% 15% 5%

1791

1790 A

8%

A

5%

Β C D E F

25 % 12 % 13 % 29 % 13 %

Β C D E F

27 % 5% 26 % 12 % 25 %

1792

1793

A

2%

A

Β C D E

12 % 2% 37 % 38 %

Β

5% 8%

C D E

2% 12 % 56 %

Dans le premier classement, on a rangé rigoureusement les articles selon les rubriques suivantes A : Réflexions sur YAußclärung, Β : Pédagogie, C: Philosophie, D : Religion, E: Politique, F: Problèmes de {'Öffentlichkeit.Oasis le second, on a rangé aussi sous la rubrique «politique» les articles concernant les rapports de l'éducation et de la société, l'Edit de Wöllner et la censure. Sur ces modes de classement, voir Introduction, § 7: Choix méthodiques.

468

F G

6% 3%

F G

i

l

% 6%

Π.1.2 Classement 2

1788 A Β C D E F

8% 59 % 0% 18% 7% 8%

1789 A Β C D E F

10% 48 % 6% 9% 22 % 5%

1790 A Β C D E F G

8% 25 % 12% 6% 35 % 13 % 1 %

1791 A Β C D E F G

O

% 27 % 5% 24 % 23 % 21 % O %

1792 A Β C D E F G

2% 12% 2% 30% 46 % 6% 2%

1793 A Β C D E F G

i

5% 7% 2% 12% 57 % l % 6%

469

Π.2 : Synthèse thématique détaillée2 II.2.1 : A n n é e 1788 Β

D

B-l

4%

D

B-2

2%

D-l

0%

B-3

36 %

D-2

88 %

B-4

22%

D-3

10%

B-5 Β-6

6 % 18%

B-7

0 %

B-8 B-9

6 % 6 %

E

2%

F

E-l E-2

100% 0%

F-l F-2

0% 63 %

E-3 E-4

0%

F-3

0 %

0%

F-4

E-5

0 %

0%

F-5 F-6

22 % 15 %

Π.2.2: Année 1789 D

Β B-l B-2 B-3 B-4 B-5 B-6 B-7 B-8 B-9

2

1 10 24 27 1 15 11 3 8

% % % % % % % % %

D D-l D-2

44 % 19% 22 %

D-3

15%

N'ont été retenus, pour ce classement détaillés, que les rubriques Β : Pédagogie, D : Religion, E: Politique, F: Problèmes de Γ Öffentlichkeit, qui ont été subdivisées selon les critères indiqués au début de l'appendice I, p. 434.

470

E E-l E-2 E-3 E-4 E-5

O% 7% 0% 93 % 0%

F F-l F-2 F-3 F-4 F-5 F-6

0% 0% 0% 0% 100% 0%

D D D-l D-2 D-3

46 % 23 % 7% 24 %

F F-l F-2 F-3 F-4 F-5 F-6

3% 20 % 0% 2% 48 % 27 %

B-7 B-8 B-9

0% 13 % 0%

Π.2.3 : Année 1790 Β B-l B-2 B-3 B-4 B-5 B-6 B-7

0% 35 % 20 % 21 % 0% 12 % 0%

B-8

6%

B-9

6%

E E-l E-2 E-3 E-4 E-5

11% 2% 13% 68 % 6%

II.2.4 : Année 1791 Β B-l B-2 B-3 B-4 B-5

0% 17 % 33 % 31 % 0%

B-6

6% 471

D D D-l D-2 D-3

64 % 0% 22 % 14 %

E E-l E-2 E-3 E-4 E-5

11% 6% 0% 56 % 27 %

F F-l F-2 F-3 F-4 F-5 F-6

1% 0% 22 % 8% 0% 69 %

D D D-l D-2 D-3

73% 3% 5% 19%

F F-l F-2 F-3 F-4 F-5 F-6

0% 0% 0% 80% 0% 20 %

Π.2.5 : Année 1792 Β B-l B-2 B-3 B-4 B-5

0% 12% 66 % 9% 13 %

B-6

0 %

B-7

0%

B-8

0%

B-9

0%

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Π.2.6 : A n n é e 1793

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XIII Remerciements

Ce texte est la version légèrement modifiée d'une thèse de doctorat soutenue durant l'été 1998 à l'Université Martin-Luther de Halle, thèse que M. Ulrich Ricken accepta de diriger. Après son départ à la retraite, c'est M. Heinz Thoma, un maître exceptionnel à qui je dois tant, qui lui succéda. Qu'ils trouvent ici l'expression de ma plus profonde gratitude. Ce livre n'aurait pas vu le jour sans l'aide de M. Hanno Schmitt, qui n'hésita ni à m'ouvrir ses précieux fonds consacrés à J. H. Campe ni à me faire profiter de sa vaste connaissance du philanthropisme allemand, et de M. Jörn Garber, en qui je n'ai cessé de trouver un grand représentant la République des Lettres. Qu'ils me permettent de les remercier chaleureusement, tout comme j'aimerais remercier M. Thomas Bremer et surtout M. Jean Mondot, qui me fit l'immense honneur et le plaisir de rédiger la préface de cette thèse au jury de laquelle il avait participé. Merci aussi à la maison d'édition Niemeyer qui accepta d'éditer ce travail dans la série : Hallesche Beiträge zur Europäischen Aufklärung et à Mme Susanne Borgards qui en supervisa l'édition. Ma reconnaissance va, à ce titre, également à Mme Kornelia Grün, qui assuma avec un soin et une patience exemplaires l'ingrate tâche de mise en page, comme à M. Wilhelm Haefs qui en contrôla la perfection formelle. Qu'il me soit, enfin, permis de remercier de tout cœur Mme Kathrin Glosch sans laquelle les années à Halle n'auraient jamais été ce qu'elles furent. Lille, avril 2002

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