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French Pages 166 [164] Year 2011
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Collection « Une Introduction à » dirigée par Michèle Leduc et Michel Le Bellac
Naissance, évolution et mort des étoiles James Lequeux Astronome à l’Observatoire de Paris
17, avenue du Hoggar Parc d’activités de Courtabœuf, BP 112 91944 Les Ulis Cedex A, France
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Imprimé en France.
© 2011, EDP Sciences, 17, avenue du Hoggar, BP 112, Parc d’activités de Courtabœuf, 91944 Les Ulis Cedex A Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés réservés pour tous pays. Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l’autorisation de l’éditeur est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une part, les reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, et d’autre part, les courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d’information de l’œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle). Des photocopies payantes peuvent être réalisées avec l’accord de l’éditeur. S’adresser au : Centre français d’exploitation du droit de copie, 3, rue Hautefeuille, 75006 Paris. Tél. : 01 43 26 95 35. ISBN 978-2-7598-0638-6
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James Lequeux, né en 1934, est astronome émérite à l’Observatoire de Paris. Après une thèse en radioastronomie, il s’est intéressé à de nombreux sujets en astrophysique, en particulier le milieu interstellaire, l’évolution stellaire et l’évolution des galaxies. Il a été impliqué dans différents projets spatiaux, notamment le satellite européen d’observation dans l’infrarouge ISO. Il a dirigé la station de radioastronomie de Nançay et l’Observatoire de Marseille, et a été pendant quinze ans Rédacteur en chef de la revue européenne Astronomy & Astrophysics. Ces dernières années, il a écrit un ouvrage de référence, « Le milieu interstellaire », qui a été traduit en anglais, de nombreux articles et plusieurs livres consacrés à l’histoire de l’astronomie, dont des biographies scientifiques d’Arago et de Le Verrier dont la traduction est en cours.
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Remerciements Jean-Paul Zahn a bien voulu relire entièrement le manuscrit. Je lui en suis très reconnaissant. Je voudrais également exprimer ma gratitude à André Maeder, à Klaas de Boer et à Wilhelm Seggewiss pour m’avoir permis d’utiliser des figures de leurs ouvrages. Je remercie enfin Nolan Walborn et Sylvaine Türck-Chièze pour m’avoir fourni des figures.
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Table des matières
Remerciements
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Introduction
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1 La naissance des étoiles 1.1 La matière interstellaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.2 La formation des étoiles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3 L’évolution des étoiles avant la séquence principale . . . . . . . . . . . .
11 11 17 33
2 La physique des étoiles 2.1 Les paramètres fondamentaux : masse, rayon, luminosité ; le diagramme de Hertzprung-Russell . . . . . . . . . . . . . . 2.2 L’atmosphère des étoiles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3 Les équations de base de la structure des étoiles . . . . . . . 2.4 Les réactions nucléaires, sources d’énergie des étoiles . . . . 2.5 La modélisation de l’intérieur des étoiles . . . . . . . . . . . . 2.6 Matière normale et matière dégénérée . . . . . . . . . . . . . 2.7 Les oscillations stellaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
37 . . . . . . .
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37 44 48 51 54 58 60
3 L’évolution des étoiles isolées 3.1 L’évolution du Soleil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.2 L’évolution des étoiles de masse faible et moyenne . . . . . . . . 3.3 L’évolution des étoiles de grande masse . . . . . . . . . . . . . . 3.4 Complications : la rotation et le champ magnétique des étoiles
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67 67 72 74 80
4 La mort des étoiles 83 4.1 La mort des petites étoiles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83 4.2 La mort des grosses étoiles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
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5 Le zoo des étoiles doubles 5.1 Étoiles doubles et masse des étoiles . . . . . . . . . . . . . 5.2 Le transfert de masse dans les étoiles doubles . . . . . . . 5.3 Binaires cataclysmiques, novae et supernovae de type Ia 5.4 Étoiles binaires gamma et microquasars . . . . . . . . . . 5.5 Les pulsars milliseconde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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109 109 114 122 126 128
6 Étoiles et évolution des galaxies 6.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.2 La production des éléments par les étoiles . . . . . . 6.3 Des étoiles au milieu interstellaire . . . . . . . . . . . 6.4 L’évolution de la composition chimique des galaxies 6.5 L’évolution de la couleur et du spectre des galaxies
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131 131 133 137 138 149
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Bibliographie
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Index
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6
Table des matières
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Introduction
L’astrophysique est une science récente. François Arago est le premier à avoir montré, en 1811, que la surface du Soleil est un gaz incandescent, et non un solide ou un liquide ; plus tard, il montrera que c’est aussi le cas pour les autres étoiles. En 1860, Robert Bunsen et Gustav Kirchhoff découvrent dans le spectre du Soleil les raies de plusieurs éléments terrestres, ce qui est souvent considéré comme le début de l’astrophysique. Puis on voit cette science naissante suivre les progrès de la physique, jusqu’à ce que soit définitivement établie par Hans Bethe et Carl Friedrich von Weiszäcker l’origine de l’énergie des étoiles, juste avant la dernière guerre mondiale. Quant à l’évolution des étoiles, elle n’a commencé à être comprise qu’après 1950 ; la naissance et la mort des étoiles conservent encore pour nous bien des aspects mystérieux. Le présent ouvrage fait le point, d’une manière que nous espérons aisément accessible à un lecteur ayant des connaissances en physique, sur les différents aspects de la formation, de la nature, de l’évolution et de la mort des étoiles. Bien que ce livre ne soit nullement destiné aux spécialistes, nous n’avons pas hésité à y insérer des formules et des démonstrations simples, quand elles nous ont paru plus parlantes qu’un exposé vulgarisé fait « avec les mains ». Une bonne compréhension de la physique stellaire passe par là. Le premier chapitre décrit succinctement le milieu interstellaire à partir duquel se forment les étoiles et les différentes étapes de cette formation, jusqu’à ce que se stabilisent les réactions nucléaires qui fournissent leur énergie. Ce sont des sujets où l’on ignorait tout avant l’avènement des radiotélescopes, puis des satellites artificiels qui permettent l’observation dans l’infrarouge ; bien des observations nouvelles nous apportent encore leur lot de surprises. On aborde ensuite les principes de la physique des étoiles. Il y a ici moins de mystères que dans le chapitre précédent : on parvient en effet à rendre compte très convenablement des propriétés observées des étoiles par des modèles numériques,
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mais au prix de l’introduction de paramètres plus ou moins arbitraires qui décrivent de façon empirique des phénomènes physiques mal connus, comme la turbulence et la convection. Il est donc nécessaire de confronter continuellement le résultat des modèles aux observations, ce que nous ne manquerons pas de faire. Le troisième chapitre décrit l’évolution temporelle des étoiles, en commençant par celle du Soleil. Elle dépend beaucoup de leur masse : on constatera que les étoiles de grande masse consomment leur combustible de façon effrénée, et ne vivent que quelques millions d’années, tandis que celles de petite masse, plus économes, ont une durée de vie qui peut atteindre plusieurs milliards d’années. Cependant toutes les étoiles finissent par mourir, par épuisement de leur combustible nucléaire. Cette mort, qui fait l’objet du chapitre 4, est relativement douce pour les étoiles de faible masse, mais se traduit pour les grandes masses par une explosion spectaculaire, dont on est loin de comprendre encore toute la physique. Les étoiles ne sont pas toujours isolées : près de la moitié font partie d’un système double ou plus complexe, et nous verrons ce qui leur arrive dans le chapitre 5. Ce n’est que depuis l’avènement de l’astronomie spatiale en lumière ultraviolette, puis en rayons X et gamma, que l’on a vraiment observé les phénomènes étranges et spectaculaires que provoque le transfert de matière entre les composantes de ces systèmes. Tout n’est pas encore compris dans ce domaine, où les découvertes se succèdent à un rythme soutenu. Comme les étoiles, les galaxies évoluent, et cette évolution est déterminée par leur contenu stellaire. En effet, les étoiles consomment continuellement du gaz interstellaire, qu’elles restituent partiellement à la fin de leur vie, enrichi en éléments lourds par la nucléosynthèse qui se produit dans leurs profondeurs ou lors de leur explosion finale. Puis d’autres étoiles naissent à partir de ce gaz, qu’elles enrichiront encore, tandis que la matière qu’elles n’ont pas réussi à éjecter subsistera éternellement sous la forme de restes inertes. C’est cette évolution qui est décrite dans le dernier chapitre, où nous montrons comment on peut l’observer. Nous espérons que le lecteur aura autant de plaisir à découvrir le monde passionnant des étoiles que nous en avons eu en écrivant ce livre.
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Introduction
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Encadré. La nomenclature des étoiles.
De l’Antiquité au XVIIe siècle, les étoiles étaient seulement désignées par un nom. On a conservé cette habitude pour les étoiles les plus brillantes, en utilisant des noms qui sont généralement d’origine arabe, tels Sirius, Aldébaran, Bételgeuse, etc. Quelques noms plus récents sont également utilisés, par exemple Mira Ceti qui désigne une étoile variable particulièrement remarquable de la constellation de la Baleine (Cetus). Cependant, cette nomenclature a assez vite paru insuffisante et peu pratique. En 1601, l’allemand Johann Bayer, dans son atlas céleste l’Uranometria, a désigné les étoiles par une lettre grecque suivie du génitif de la constellation auxquelles elles appartiennent. En principe, α est la plus brillante de la constellation (par exemple α Cygni = Deneb), suivie de β , γ, etc. Mais il y a bien souvent plus d’étoiles visibles à l’œil nu dans une constellation que de lettres dans l’alphabet grec, si bien qu’au XVIIIe siècle l’anglais John Flamsteed a introduit un nouveau système, où les étoiles de chaque constellation sont désignées par un nombre entier croissant avec l’ascension droite. Ce système est encore utilisé : par exemple, l’étoile 51 Pegasi est la première autour de laquelle a été découverte une planète extrasolaire. Mais les astronomes qui ont construit de grands catalogues d’étoiles à partir du début du XIXe siècle, par exemple Lalande qui en a catalogué 50 000 en 1801, ont trouvé cette nomenclature encore insuffisante et peu commode. Ils ont le plus souvent classé les étoiles par ordre d’ascension droite sans tenir compte des constellations. C’est le cas pour le célèbre catalogue d’Henry Draper (HD). Le catalogue Bonner Durchmusterung (BD), qui contient énormément d’étoiles, est divisé en zones de 1° en déclinaison, dans chacune desquelles les étoiles sont classées par ascension droite. Pour compliquer encore la situation, les étoiles variables sont souvent désignées par une ou deux lettres romaines majuscules précédant le nom de la constellation. De surcroît, le nombre et les limites des constellations ont changé au cours du temps : ce n’est qu’en 1930 que l’Union astronomique internationale a fixé définitivement les limites des constellations, ce qui a amené quelques changements. À l’heure actuelle, on tend plutôt à désigner les étoiles, comme d’ailleurs les autres objets célestes, par leur position (ascension droite et déclinaison) ; encore faut-il préciser à quelle date se rapporte cette position, car les coordonnées d’un astre varient au cours du temps en raison de la précession des équinoxes : la lettre B qui précède ces coordonnées, ou l’absence de lettre, précise qu’il s’agit de 1950, tandis que la lettre J indique qu’il s’agit de 2000. De la coexistence entre tous ces systèmes résulte une grande confusion. Une même étoile peut posséder un très grand nombre de noms différents : par exemple, Bételgeuse est désignée par une bonne quarantaine de noms, dont voici quelques exemples : α Orioni, 58 Orioni, HD 39801, BD+07 1055, IRAS 05524+0723, 2MASS J055108+0724255, etc. Pour s’y retrouver dans cet imbroglio, il faut consulter la base de données d’accès gratuit SIMBAD du Centre de données de Strasbourg (http://simbad.u-strasbg.fr/) où l’on peut retrouver à partir d’une désignation quelconque tous ces différents noms et les catalogues auxquels ils se rapportent, avec en prime énormément de données sur l’étoile recherchée.
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1 La naissance des étoiles
1 1.1
La matière interstellaire Les différentes phases de la matière interstellaire
Les étoiles naissent à partir de la matière interstellaire. Celle-ci est composée de gaz et de poussières. Ces poussières, qui sont des silicates ou de la matière carbonée, et peuvent être couvertes de glace d’eau, de monoxyde de carbone ou d’autres produits gelés, renferment 1 à 2 pour cent de la masse de la matière interstellaire. Elles sont constituées essentiellement d’éléments plus lourds que l’hydrogène et l’hélium : le gaz interstellaire est donc en partie déficient en éléments lourds par rapport à la composition chimique de la Galaxie au voisinage du Soleil, qui est donnée dans le tableau 1.1. Cette déficience du gaz a une grande importance pour la physique du milieu interstellaire, mais importe peu pour la composition chimique des étoiles : en effet, lorsque celles-ci se forment à partir du milieu interstellaire, elles en englobent aussi bien les poussières que le gaz. Il existe plusieurs phases dans le milieu interstellaire, qui sont déterminées par la densité, ainsi que par la nature et l’intensité du rayonnement ambiant. Sauf dans ses régions les plus denses, le milieu interstellaire est soumis au rayonnement des étoiles. Ceux des photons ultraviolets stellaires dont la longueur d’onde est plus petite que 91,2 nm ionisent l’hydrogène, qui est le constituant de loin le plus abondant du gaz interstellaire. Comme la section efficace d’ionisation de l’hydrogène est très grande, cette ionisation est en pratique un phénomène de tout ou rien. L’hydrogène est donc presque complètement ionisé dans un certain volume autour des étoiles chaudes ; au-delà de cette zone, le rayonnement qui provient de ces étoiles est
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Élément (X)
12 + log(nX /nH )
Élément (X)
12 + log(nX /nH )
H
12,00
Si
7,27
He
10,99
P
5,57
Li
3,31
S
7,09
C
8,56
Ar
6,56
N
7,97
K
5,13
O
8,77
Ca
6,34
Ne
8,03
Ti
4,93
Na
6,31
Fe
7,50
Mg
7,40
Ni
6,25
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Tableau 1.1. Composition chimique de la galaxie au voisinage du Soleil ; seuls les éléments les plus intéressants sont listés. nX et nH désignent respectivement le nombre d’atomes de l’élément X et le nombre d’atomes d’hydrogène, qui sert de référence. Conventionnellement, on donne les abondances par rapport à l’hydrogène dans une échelle logarithmique augmentée de 12. Les proportions en masse sont approximativement : hydrogène : X = 0,70 ; hélium : Y = 0,28 ; éléments lourds : Z = 0,02.
privé par cette ionisation des photons de longueur d’onde inférieure à 91,2 nm : l’hydrogène est alors presque entièrement neutre. Il y a donc dans le milieu interstellaire des régions où l’hydrogène est pratiquement ionisé à 100 % : ce sont les nébuleuses gazeuses, aussi nommées régions HII 1 . En se dilatant, ces nébuleuses remplissent l’espace environnant d’un gaz ténu, où les ions et les électrons mettent longtemps à se recombiner ; c’est le milieu ionisé diffus. Les régions où l’hydrogène est essentiellement neutre et à l’état atomique sont les régions HI, qui peuvent avoir des densités et des températures très variées, depuis des nuages relativement denses et froids à un milieu diffus ténu et tiède. Si la densité du milieu neutre est grande, disons plus de 1 000 atomes par cm3 , l’hydrogène s’y trouve à l’état de molécules : on parle alors de nuages moléculaires (figure 1.1). Enfin, il existe des régions qui sont remplies de gaz ionisé très chaud (de l’ordre de 106 K) et très dilué (quelques 10−3 ion par cm3 ) éjecté par des étoiles en fin de vie : ces régions très chaudes occupent plus de volume que toutes les autres phases réunies, mais ne contiennent que peu de masse.
1
Les astronomes ont l’habitude de désigner comme suit les degrés d’ionisation d’un élément X. Neutre : XI, ionisé une fois : XII, deux fois : XIII, etc. L’hydrogène neutre H0 est donc HI, et l’hydrogène ionisé H+ , HII.
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Figure 1.1. Le nuage moléculaire B68. À gauche, image en lumière visible, prise avec un des télescopes de 8 m de diamètre du Very Large Telescope (VLT) de l’Observatoire européen austral (ESO). La lumière visible des étoiles d’arrière-plan est totalement obscurcie par les poussières que contient ce nuage. À droite, image composite en fausses couleurs obtenue dans l’infrarouge aux longueurs d’onde de 1,25 μm (bleu), 1,65 μm (vert) et 2,17 μm (rouge). L’extinction étant plus faible dans l’infrarouge que dans le visible, on voit apparaître les étoiles situées dans ou derrière le nuage, surtout à 2,17 μm. © ESO Education and Public Relations Department.
Les différentes phases de la matière interstellaire neutre sont approximativement en équilibre de pression les unes avec les autres et avec les régions très chaudes : cette pression est proportionnelle au produit de la densité n par la température absolue T , avec nT de l’ordre de 3 000 atomes cm−3 K au voisinage du Soleil. En revanche, la pression est plus grande dans les régions HII, car leur température est de l’ordre de 10 000 K, si bien qu’elles sont en expansion, et sont entourées d’un front d’ionisation et éventuellement d’un choc. Le tableau 1.2 résume les propriétés de la matière interstellaire dans notre Galaxie. Dans les régions neutres, circulent des photons ultraviolets de longueur d’onde plus grande que 91,2 nm, qui sont susceptibles d’arracher des électrons aux grains de poussière qu’ils rencontrent et à ceux des atomes dont l’énergie d’ionisation est inférieure à celle de l’hydrogène (13,6 électron-volts, eV) : le carbone, le soufre et les métaux, mais pas l’hélium, l’azote et l’oxygène. Cela a une grande importance pour la physique du milieu. Le chauffage des régions HI est produit par l’ionisation des poussières : les électrons arrachés, qui ont une énergie d’une dizaine d’eV, se mettent en équilibre thermique avec les électrons déjà présents, qu’ils chauffent, puis l’équilibre thermique s’établit plus lentement entre les électrons et les autres particules. Dans les régions particulièrement peu denses du milieu neutre, une source de chauffage
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Milieu
Densité
Température
Masse totale
(K)
(Masses solaires)
≈25
≈100
1,5 109
≈0,25
≈8 000
1,5 109
1 000
5–100
2 109 ?
Régions HII
1–104
≈10 000
5 107
Diffus
≈0,03
≈8 000
109
Chaud
≈6 10−3
≈5 105
108 ?
(atome
Atomique (HI) Froid Tiède Moléculaire Ionisé
cm−3 )
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Tableau 1.2. La matière interstellaire dans la Galaxie.
supplémentaire provient des rayons X émis par les restes de supernovae et par certaines étoiles doubles. Le refroidissement est essentiellement produit par l’émission d’une raie du carbone ionisé CII à 158 μm de longueur d’onde. Le milieu interstellaire est dans un état d’agitation permanente, par l’effet mécanique des explosions des étoiles les plus massives à la fin de leur vie (supernovae) et des vents violents émis par les étoiles de grande masse, dont le vent solaire n’est qu’un pâle reflet. La turbulence ainsi engendrée lui donne une structure fractale, bien visible en radio dans les cartes du milieu HI obtenues par l’observation de la raie de l’hydrogène atomique à 21 cm de longueur d’onde, ou dans les cartes du milieu moléculaire observées dans les raies de CO (figure 1.2), ou enfin dans celles de l’émission thermique des poussières dans l’infrarouge lointain. Le champ magnétique galactique affecte aussi le milieu, qui est toujours plus ou moins conducteur de l’électricité et est donc sensible à ce champ : il en résulte des structures en nappes ou en filaments, lesquels suivent les lignes de force du champ. La gravité joue également un rôle, en produisant des condensations plus au moins importantes de matière interstellaire : c’est ainsi qu’apparaissent les nuages moléculaires au sein desquels se forment les étoiles par effondrement gravitationnel. Nous allons donc examiner de plus près la physique de ces régions denses, car ce sont celles où se forment les étoiles. 1.2
Les nuages moléculaires
Les processus de chauffage et de refroidissement dans les régions moléculaires denses diffèrent profondément de ceux dans le milieu HI. En effet, les photons ultraviolets ne peuvent plus y pénétrer car ils sont absorbés par les poussières des
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Figure 1.2. En haut, carte d’un complexe de nuages moléculaires obtenu dans la raie de la molécule CO à 115 GHz (longueur d’onde : 2,6 mm). En bas, simulation d’un nuage fractal de dimension fractale D à 3 dimensions2 . Il y a une bonne ressemblance globale entre l’aspect observé et l’aspect du nuage avec D = 2 à 2,5. On pourrait faire des constatations semblables quelle que soit l’échelle considérée, ce qui est typique d’une structure fractale. D’après Ungerecht, H. et al. (2000) Astrophysical Journal 537, 221, avec l’autorisation de l’American Astronomical Society (AAS), et Pfenniger, D. & Combes, F. (1994) Astronomy & Astrophysics 285, 94, avec l’autorisation de l’ESO.
2
La dimension fractale D est telle que le nombre N (> L) de structures de taille supérieure à L est donné par l’expression N (> L) ∝ L −D .
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régions périphériques, et la composition chimique est différente. Il n’y a plus d’atomes isolés, sauf ceux des gaz rares, car ils se sont combinés en molécules qui sont présentes soit sous forme de glaces à la surface des grains de poussières, soit à l’état gazeux : on en a observé plus de 130 grâce à leurs raies de rotation millimétriques et submillimétriques, sans compter les molécules symétriques qui sont inobservables de cette façon car leurs transitions de rotation sont interdites par les règles de sélection. Le chauffage est maintenant assuré par les rayons cosmiques, qui sont des particules chargées de haute énergie et peuvent se propager dans ces nuages denses. Les plus efficaces ont des énergies de quelques millions d’électron-volts (MeV). Leurs collisions avec les molécules arrachent des électrons qui se mettent en équilibre thermique, comme pour le milieu HI, avec les électrons déjà présents et chauffent ainsi le gaz. Dans les régions les plus profondes des nuages moléculaires, où même les rayons cosmiques ont du mal à pénétrer, la seule source de chauffage du gaz est la collision des molécules avec les grains de poussière, qui sont eux-mêmes bien difficiles à chauffer : la température est alors extrêmement basse, de quelques degrés K seulement. Le refroidissement provient principalement de l’émission de raies de rotation des molécules du milieu, surtout le monoxyde de carbone CO qui est particulièrement abondant. Les transitions dipolaires de rotation de l’hydrogène moléculaire sont interdites puisque cette molécule est symétrique : les raies de rotation sont seulement quadrupolaires et extrêmement faibles, et ne participent que très peu au refroidissement bien que cette molécule domine la composition chimique. Il y a bien entendu des zones de transition entre le milieu extérieur et les nuages moléculaires. En particulier, les étoiles chaudes émettrices d’ultraviolet se trouvent souvent au voisinage de tels nuages. Leur rayonnement pénètre plus ou moins dans le nuage moléculaire selon son énergie, et il en résulte une structure en couches de composition différente les unes des autres, représentée figure 1.3. Ces régions de photodissociation reçoivent beaucoup d’énergie de l’étoile, énergie dont une grande partie est re-rayonnée dans différentes raies spectrales, en particulier dans l’infrarouge lointain la raie de CII à 158 μm, celle de l’oxygène neutre OI à 63 μm et celle du carbone neutre CI à 370 μm. On y observe également des raies de rotationvibration et même de rotation de l’hydrogène moléculaire dans l’infrarouge proche et moyen, et de nombreuses raies moléculaires en ondes millimétriques et submillimétriques, dont les plus fortes sont celles de la molécule CO. Enfin, les poussières, fortement chauffées par le rayonnement ultraviolet, produisent une émission intense dans l’infrarouge. Les régions de photodissociation jouent un rôle important dans le bilan énergétique de la Galaxie. Elles sont aussi le siège d’une chimie très active, qui diffère de celle qui se produit dans les nuages moléculaires, car la température peut y atteindre des valeurs plus élevées, de l’ordre de 1 000 K.
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Figure 1.3. La région de photodissociation M 17. Cette image composite en fausses couleurs a été obtenue dans l’infrarouge aux longueurs d’onde de 1,25 μm (bleu), 1,65 μm (vert) et 2,17 μm (rouge), avec le télescope NTT de l’ESO. À droite se trouve un nuage moléculaire totalement opaque (les quelques étoiles visibles sont à l’avant). À gauche, les étoiles les plus brillantes sont des étoiles chaudes qui ionisent le gaz de cette région. Entre les deux, la région de photodissociation très brillante, dont l’émission est dominée par le continuum du gaz ionisé. Elle a une structure très fragmentée. © ESO Education and Public Relations Department.
Le schéma précédent est en réalité simpliste en raison de l’extrême complexité et de la fragmentation du milieu interstellaire. Le principal effet de cette fragmentation en ce qui nous concerne est de permettre au rayonnement ultraviolet de pénétrer plus profondément dans les nuages moléculaires, augmentant d’autant l’épaisseur de la région de photodissociation qui les entoure. Mais elle ne modifie pas profondément ce qui se passe à l’intérieur.
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La formation des étoiles
Les étoiles se forment dans les nuages moléculaires par effondrement gravitationnel de leurs parties les plus denses. L’observation indique que les nuages les plus froids sont le siège de la formation d’étoiles de faible masse que l’on observe d’abord en infrarouge à l’intérieur de ces nuages, puis qui apparaissent à leur surface au fur et à mesure qu’ils se dissipent (figure 1.4). Les nuages moléculaires géants, plus chauds, sont le siège de la formation d’étoiles de toutes masses : on peut observer les plus massives en infrarouge avant même qu’elles aient dissipé le nuage qui leur a donné naissance, et aussi par des phénomènes secondaires dont les plus remarquables sont les émissions maser naturelles observées dans certaines molécules (OH à 18 cm de
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Figure 1.4. La Nébuleuse d’Orion et son amas d’étoiles jeunes, vus dans l’infrarouge. Cette image composite en fausses couleurs a été obtenue aux longueurs d’onde de 1,24 μm (bleu), 1,65 μm (vert) et 2,16 μm (rouge), avec un des télescopes de 8 m du VLT de l’ESO. Elle révèle un riche amas comprenant environ 1 000 étoiles jeunes, dont l’âge est d’environ 1 million d’années. Elles sont situées sous la surface d’un nuage moléculaire invisible optiquement, qui est situé à l’arrière de la région HII. C’est cette région HII qui produit le rayonnement diffus bien visible. Le rayonnement ultraviolet des quatre étoiles brillantes au centre, qui forment le Trapèze d’Orion, ionise la région HII et dissipe progressivement le nuage moléculaire. © ESO Education and Public Relations Department.
longueur d’onde, et H2 O à 1,35 cm). La formation des étoiles massives paraît être un phénomène contagieux (figure 1.5) : la pression et les ondes de choc engendrées par les vents stellaires et par l’explosion finale des étoiles des générations précédentes facilitent visiblement la formation d’autres étoiles dans ce qui reste du nuage ou dans les nuages voisins. La formation des étoiles s’accompagne invariablement, semble-til, de jets de matière souvent spectaculaires. Enfin, les observations très récentes avec le satellite HERSCHEL montrent que les étoiles ont tendance à se former dans des filaments (figure 1.6), un effet probablement lié au champ magnétique. Voilà pour l’observation. Mais la théorie de la formation des étoiles est un domaine très difficile, en raison de la complexité des nuages moléculaires, et aussi parce que les phénomènes physiques qui interviennent sont multiples et souvent encore mal compris, en particulier la turbulence qui existe très probablement dans ces nuages. Le rôle du champ magnétique, bien que certainement important, est peu clair et controversé. L’observation des nuages moléculaires est de peu de secours
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Figure 1.5. Formation contagieuse d’étoiles dans la Nébuleuse de la Rosette (NGC 2244), observée par le satellite HERSCHEL. À gauche, image dans l’infrarouge lointain de l’émission des poussières interstellaires superposée à une photographie de la nébuleuse. Les fausses couleurs correspondent à : bleu, 70 μm ; vert, 160 μm ; rouge, 500 μm. Les poussières étant mélangées au gaz, ce que l’on voit est aussi la distribution du gaz. À droite, image à 250 μm, à la même échelle. Les symboles en forme d’étoile indiquent la position des 7 étoiles qui ionisent la nébuleuse. Les rectangles entourent les zones de formation stellaire, où des protoétoiles sont bien visibles comme des points brillants. Cette formation est engendrée par la compression de la matière d’un nuage moléculaire par la région HII. D’après Schneider, N. et al. (2010) Astronomy & Astrophysics 518, L83, avec l’autorisation de l’ESO.
pour la théorie, au moins pour l’instant : tout au plus voit-on dans certaines raies moléculaires radio l’effet Doppler-Fizeau produit par les mouvements d’effondrement, au demeurant assez lents, dans les régions centrales de ces nuages. De surcroît, il se pourrait que les étoiles en formation dans un emplacement qui favorise l’accrétion de matière croissent en gagnant de la masse au détriment des protoétoiles environnantes. À mesure qu’une étoile ainsi favorisée grossit, son avantage s’accentue puisque son champ de gravitation croît, et elle peut capturer de plus en plus de matière, absorbant même des protoétoiles voisines. Ce mécanisme pourrait expliquer pourquoi les nuages moléculaires géants forment à la fois un petit nombre d’étoiles massives, qui sont les privilégiées, et beaucoup d’étoiles de faible masse qui sont laissées pour compte, comme ceci se produit dans la région de la Nébuleuse d’Orion (voir la figure 1.4). Un autre scénario, qui peut coexister avec le précédent, suppose que des étoiles massives se forment au sein de groupes compacts par collision et agglomération d’étoiles moins massives. La compréhension de ces scénarios est encore embryonnaire et la difficulté d’observer la formation des étoiles
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Figure 1.6. Formation d’étoiles dans la constellation du Serpent, observée par le satellite HERSCHEL. Les dimensions de l’image correspondent à 1,3 × 1,8 pc à la distance de la région. Le fond gris et les contours représentent la distribution de l’émission des poussières interstellaires à 350 μm. Le gaz moléculaire doit avoir une distribution identique. Les cercles bleus sont des candidats protoétoiles (régions plus chaudes du nuage), les cercles verts des protoétoiles de classe 0 (encore plus chaudes), et les croix rouges des protoétoiles plus évoluées, de classe I (ces dernières ont été observées dans l’infrarouge moyen par le satellite SPITZER). On constate que la formation d’étoiles a lieu dans des filaments, dont la structure est probablement déterminée par le champ magnétique. D’après Bontemps, S. et al. (2010) Astronomy & Astrophysics 518, L85, avec l’autorisation de l’ESO.
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massives est très grande, si bien que nous n’en parlerons pas davantage. On peut espérer que les observations à très haute résolution angulaire que permettent aujourd’hui l’optique adaptative et l’interférométrie optique et radio pourront fournir aux théoriciens le matériau observationnel qui leur manque pour vérifier leurs idées. En particulier, il faudra expliquer pourquoi la distribution des masses des étoiles à leur formation (ce qu’on appelle la fonction de masse initiale, en abrégé IMF pour l’anglais Initial Mass Function) paraît être toujours la même si l’on considère globalement une région étendue de notre Galaxie ou d’une galaxie extérieure. 2.1
L’effondrement gravitationnel des nuages moléculaires
Avant d’aborder ce sujet, disons quelques mots de l’équilibre et de la structure des nuages moléculaires, en les supposant pour l’instant non fragmentés. La condition d’équilibre a été établie par Clausius en 1870 et reprise par Poincaré en 1911 : c’est l’équation du viriel, qui s’écrit en l’absence de champ magnétique : 2Ekin + Epot = 0,
(1.1)
où Ekin est l’énergie cinétique du système et Epot son énergie potentielle. Par exemple, pour un nuage sphérique de gaz parfait, de température homogène et sans mouvements macroscopiques, on a : Ekin = Etherm = 3/2 M kT /μmH ,
(1.2)
où M est la masse du nuage, k la constante de Boltzmann, T la température, μ la masse moléculaire moyenne (de l’ordre de 2,4 pour le milieu moléculaire, compte tenu des éléments lourds) et mH la masse de l’atome d’hydrogène. S’il y a des mouvements macroscopiques, on peut en première approximation les ajouter quadratiquement aux mouvements thermiques pour obtenir une température équivalente ; mais c’est dangereux si ces mouvements macroscopiques sont dûs à la turbulence, surtout si elle est supersonique ce qui est souvent le cas. Le champ magnétique ajoute des termes de volume et de surface, mais nous ignorerons ici cette complication. Pour un nuage de densité uniforme, l’énergie potentielle s’écrit : Epot = −3/5 GM 2 /R,
(1.3)
où G est la constante de la gravitation et R le rayon du nuage. Le facteur numérique est différent si la densité n’est pas uniforme. L’instabilité gravitationnelle a été étudiée pour la première fois par Jeans en 1902. Voici une démonstration due à de Boer et Seggewiss (2008), meilleure que la démonstration originale. On écrit qu’un élément de volume est soumis d’une part à la force d’attraction gravitationnelle des régions intérieures, soit Fg = GρM /R2
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où ρ est la masse spécifique volumique, et d’autre part à la force opposée due au gradient de la pression P, FP = d P/d r. Pour un gaz parfait on a P = ρT ℜ/μ, ℜ étant la constante des gaz parfaits, donc FP = ℜT /μ dρ/d r. Écrivons l’équation du mouvement : (1.4) d 2 r/d t 2 = −GM /R2 − ℜT /μρ dρ/d r, où le signe − signifie un mouvement vers le centre. L’instabilité se produira si l’accélération est négative, donc si GM /R2 > ℜT /μρ |dρ/d r|. Faisons l’approximation dρ/d r ≈ ρ/r, et R = (3M /4π ρ)1/3 . Le nuage sera instable si la masse est supérieure à : (1.5) MJeans ≈ (3/4π)1/2 (ℜT /μG)3/2 ρ −1/2 . Une analyse plus rigoureuse donne les expressions numériques suivantes : MJeans = 100 T 3/2 n−1/2 M pour le milieu HI, et MJeans = 25 T
3/2 −1/2
n
M pour le milieu moléculaire,
(1.6) (1.7)
où T est en K et n est le nombre d’atomes (ou de molécules pour la seconde expression) par cm3 ; 1 M (masse solaire) = 2 1033 g 3 . Cependant les nuages moléculaires sont généralement soumis à une pression extérieure Pext . Pour étudier cette stabilité, il faut comparer Pext à la pression sous la surface du nuage P0 . Celle-ci s’écrit, toujours pour un nuage sphérique uniforme : P0 = 3M kT /4πR3 μmH − 3/5 GM 2 /4πR4.
(1.8)
En différentiant cette expression par rapport à R, on constate que P0 passe par un maximum pour une valeur Rm du rayon égale à : Rm = 4/15 GM μ mH /kT.
(1.9)
Supposons que P0 et la pression extérieure Pext sont égaux, donc qu’il y ait équilibre. Si R > Rm , une petite compression augmente P0 et le rayon se réajuste jusqu’à ce que les pressions se rééquilibrent : l’équilibre est stable. Si à l’inverse le rayon est inférieur à Rm , une petite compression diminue P0 , si bien que le nuage se contracte encore plus sous l’effet de la pression extérieure : l’équilibre est instable et le nuage s’effondre. L’équilibre d’un nuage de rayon R < Rm est donc instable vis-à-vis d’une augmentation de pression, ce qui explique que les étoiles puissent se former de façon contagieuse : les nuages situés près d’une étoile chaude peuvent être affectés par l’augmentation de la pression au passage du front d’ionisation de la région HII qui 3
Conformément aux habitudes des astrophysiciens, nous utilisons ici le système d’unités cgs ; nous prions le lecteur habitué au Système International de nous en excuser.
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l’entoure, ou, si l’étoile a explosé comme supernova, par l’augmentation de pression dans l’onde de choc qu’elle a provoquée. On peut considérer l’équation (1.8) d’une autre façon : si T et P0 sont fixés, on obtient une relation entre la masse et le rayon, d’où l’on déduit que pour un rayon donné la masse d’un nuage stable ne peut pas être plus grande qu’une masse Mmax qui a pour valeur numérique, dans le cas d’un nuage isotherme réaliste (qui n’est donc pas uniforme comme on le verra plus loin) : Mmax = 13 (Pext /k)/3 000 K cm−3 (R/1 pc)2 M , (1.10) où 1 pc (parsec) = 3,08 1018 cm. Si la masse est supérieure à cette valeur, le nuage ne peut que se fragmenter. Il semble que les nuages interstellaires soient généralement proches de la condition (1.10). Par exemple, il existe dans la Galaxie des nuages (fragmentés) dont la masse est de l’ordre de 106 M et les dimensions de l’ordre de 300 pc. Ces nuages s’effondrent lorsque la pression extérieure augmente au passage d’une onde de densité. Par ailleurs, il existe des nuages de quelques parsecs de rayon et de quelques centaines de M qui pourront former directement un petit nombre d’étoiles. Les nuages interstellaires ne sont pas uniformes : un nuage isotherme autogravitant à l’équilibre ne peut avoir une densité uniforme puisque la force de gravité est fonction du rayon r à l’intérieur du nuage. Il en est de même en général des nuages non isothermes. Des profils de densité de nuages réalistes à l’équilibre soumis au champ de rayonnement interstellaire standard et à une pression extérieure telle que nT = 3 000 K cm−3 sont représentés figure 1.7. La densité varie sensiblement comme r −1,3 , sauf dans les régions centrales où elle est uniforme. Le coefficient numérique de l’équation (1.3), qui a été obtenue pour un nuage uniforme, est donc incorrect, mais cette équation donne des ordres de grandeur suffisants pour une discussion. Cependant, malgré sa sophistication, ce modèle ne tient pas compte du champ magnétique et de la turbulence, qui peuvent modifier les résultats : en particulier, la turbulence peut engendrer des condensations protostellaires dans un nuage en apparence globalement stable, une propriété qui n’est pas fondamentalement modifiée par un champ magnétique. Nous ne pouvons ici nous étendre sur ces complications. Une fois l’instabilité déclanchée, par exemple par une augmentation de la pression extérieure, le nuage s’effondre sur lui-même. On peut montrer que le temps caractéristique t chute de cet effondrement est d’environ : t chute = (3Gρ)−1/2 ,
(1.11)
où ρ est la densité, pourvu que toute l’énergie gravitationnelle puisse être évacuée par rayonnement. C’est un phénomène rapide à l’échelle astronomique : pour un
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Figure 1.7. Profils de densité pour des nuages moléculaires à l’équilibre soumis à une pression extérieure telle que nT = 3 000 K cm−3 et à un champ ultraviolet interstellaire standard. D’après Chièze, J.-P. & Pineau des Forêts, G. (1987) Astronomy & Astrophysics 183, 98, avec l’autorisation de l’ESO.
nuage ayant une densité de 5 000 molécules H2 par cm3 , le temps d’effondrement est de l’ordre de 4 105 ans. Dans le cas irréaliste d’un nuage de densité initiale uniforme, les différentes couches arriveraient toutes au centre dans ce temps. La figure 1.8 montre un exemple de calcul de l’effondrement dans un cas plus réaliste : il se forme une sorte de noyau de densité sensiblement uniforme sur lequel tombe la matière des couches moins profondes, produisant un choc à la surface de ce noyau. Dans ces études, on a négligé la possibilité de fragmentation dont nous avons parlé plus haut. Elle peut se produire au cours de l’effondrement, par exemple à cause de la turbulence, mais on ne sait pas vraiment quelles sont les conditions requises. Pourtant, il est certain que cette fragmentation existe et est efficace, puisque les étoiles tendent à se former en groupe. Au début de l’effondrement, la chaleur qui résulte de la contraction du gaz est évacuée par l’émission de raies moléculaires, particulièrement celles de la molécule CO et de ses substitutions isotopiques 13 CO, C18 O et C17 O, et aussi par l’émission des poussières en infrarouge lointain. Mais il arrive un moment où l’épaisseur de la matière est telle qu’elle devient opaque même dans l’infrarouge lointain et en
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Figure 1.8. Exemple de solution analytique de l’effondrement d’un nuage sphérique sans champ magnétique. La masse spécifique est portée en fonction du rayon, en échelle logarithmique, pour différentes valeurs du temps. D’après Blottiau, P., Bouquet, S. & Chièze, J.-P. (1988) Astronomy & Astrophysics 207, 24, avec l’autorisation de l’ESO.
ondes radio millimétriques, si bien que la chaleur ne peut plus être évacuée : le milieu s’échauffe alors continuellement tandis que sa densité devient très grande, et la contraction devient adiabatique dans les régions centrales. Pendant ce temps, le noyau dense du nuage continue à croître grâce à la chute de la matière qui l’entoure. Si la masse est suffisante, plus de 0,08 fois celle du Soleil, les réactions nucléaires peuvent s’amorcer et l’étoile naît. Si elle est inférieure, on a affaire à une étoile avortée, une naine brune. Il apparaît cependant que les fragments opaques qui peuvent aboutir à une étoile doivent avoir une masse minimale. En effet, il faut que l’énergie gravitationnelle produite par l’effondrement d’un nuage puisse être rayonnée pour que ce nuage puisse se fragmenter, ou en d’autres termes que la contraction ne soit pas adiabatique. Écrivons cette condition pour un nuage homogène. Le taux de perte d’énergie gravitationnelle du nuage en train de s’effondrer est de l’ordre de GM 2 /Rt chute , tandis que l’énergie rayonnée par sa surface est à peu près celle d’un corps noir de rayon R et de température T , soit 4π R2 σT 4 , où σ est la constante de Stefan-Boltzmann. Le nuage ne se fragmentera pas si GM 2 /Rtchute > 4π R2 σ T 4 .
(1.12)
En utilisant l’équation (1.11) qui donne t chute et l’équation (1.4) sans pression extérieure pour obtenir une relation entre M , R et T , ce qui est évidemment très simpliste puisque le nuage est en train de s’effondrer, on obtient le résultat qu’il existe une masse minimale du nuage numériquement égale à 0,07 M . Bien que ce calcul NAISSANCE, ÉVOLUTION ET MORT DES ÉTOILES
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soit très grossier, il semble que la masse des fragments ne puisse être inférieure à 0,007 M , ce qui est la masse caractéristique d’une très grosse planète. Ainsi, les naines brunes peuvent être formées, comme les étoiles ordinaires, à partir de fragments de nuages moléculaires, mais certainement pas les planètes qui sont nécessairement produites d’une autre façon, par rassemblement de petits fragments solides et accrétion de gaz. 2.2
Le problème du moment angulaire : disques circumstellaires et jets
Le scénario qui vient d’être décrit n’a de sens que si le nuage initial n’est pas en rotation. S’il tourne, même lentement, son moment angulaire se conserve, si bien que la rotation des parties internes est de plus en plus rapide au fur et à mesure qu’elles se contractent, ce qui tend à s’opposer à l’effondrement ; du moins, celui-ci ne peut se faire que le long de l’axe de rotation, si bien que l’objet se transforme en un disque en rotation rapide. On pourrait voir là l’origine des systèmes planétaires, où l’étoile centrale est entourée d’un disque en rotation où se forment les planètes. Mais cette image est elle-même trop simpliste : si l’on considère le Système solaire, on constate que l’essentiel du moment angulaire ne se trouve pas dans le Soleil, qui tourne assez lentement sur lui-même, mais dans les planètes qui l’entourent. Il en est de même dans les nombreux systèmes planétaires que nous observons autour d’étoiles voisines. Il y a donc eu transport du moment angulaire de l’intérieur vers l’extérieur, ce qui a été probablement l’effet de la viscosité du gaz due soit à la turbulence, soit au champ magnétique, ou aux deux à la fois. Mais les détails sont controversés. Supposons néanmoins, pour un calcul d’ordre de grandeur, que la viscosité est si grande que le nuage tourne comme un corps solide avec la vitesse angulaire ω. Dans le plan équatorial, la force centrifuge qui s’exerce sur la masse m au rayon R est Fc = mω2 R, et la force de gravitation FG = GmM /R2 , M étant la masse intérieure à R. Il existe un rayon critique Rcrit pour lequel Fc = FG : Rcrit = (GM /ω2 )1/3 .
(1.13)
L’effondrement des régions intérieures à ce rayon ne peut donc être empêché par la rotation. En revanche, les régions extérieures ne peuvent se contracter qu’en un disque. Les modèles numériques confirment et précisent ce scénario. Ils montrent que la région intérieure au rayon critique accrète de la matière après sa formation. Par exemple, une de ces simulations qui concerne l’effondrement de 1 M en rotation prévoit que 45 000 ans après le début, la masse de l’étoile formée au centre est de 0,3 M , le disque qui l’entoure ayant un rayon d’environ 100 u.a. (unité astronomique, soit le demi grand-axe de l’orbite terrestre, égal à 150 106 km). Lorsque l’étoile commence sa vie adulte, au bout de 190 000 années, elle a une masse de
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0,6 M , le disque protoplanétaire de 0,4 M ayant atteint un rayon de 1 000 u.a : en effet, l’objet central a réussi à capturer une partie de la matière du disque. Ces valeurs sont en gros en accord avec l’observation. Cependant ce modèle souffre de l’hypothèse d’une symétrie axiale : si l’on abandonnait cette hypothèse, qui est encore nécessaire pour ne pas faire de calculs gigantesques, on verrait sans doute se développer dans le disque des structures spirales, et il se pourrait même qu’on voie se former un système stellaire multiple. En effet, une autre manière de résoudre le problème du moment angulaire consiste à former une étoile double ou multiple. Le moment angulaire se retrouve alors dans la révolution des étoiles les unes autour des autres. C’est un résultat que prédisent certaines simulations numériques moins sophistiquées que celle que nous venons de mentionner, mais qui abandonnent l’hypothèse de la symétrie axiale. Elles indiquent que le disque tournant qui résulte de l’effondrement peut se fragmenter en deux morceaux à faible rotation qui formeront chacun une étoile, voire en plusieurs morceaux ce qui aboutit à un système multiple (figure 1.9). De fait, une très grande proportion des étoiles se trouve dans des systèmes doubles ou multiples. Mais ici encore les détails ne sont pas bien compris. Cependant tous ces modèles produisent des étoiles dont la rotation est généralement trop élevée par rapport aux observations. Ce problème irritant a reçu depuis peu une solution inattendue. En effet, les observations de ces dernières années ont montré à la surprise générale la présence de jets symétriques autour des étoiles en formation, y compris autour d’étoiles multiples (figure 1.10). Cette éjection de matière, qui se fait perpendiculairement au disque protostellaire, paraît être une constante de la formation stellaire, quelle que soit la masse de l’étoile. Les jets, qui ont une vitesse de plusieurs centaines de km/s, sont formés de gaz ionisé à une température d’environ 10 000 K. Ils s’étendent à plusieurs parsecs de l’étoile en formation et entraînent avec eux le gaz froid environnant : ils sont donc entourés d’une enveloppe de gaz moléculaire dont la vitesse est plus faible, quelques dizaines de km/s. Ces jets ont donc un effet destructeur sur ce qui reste du nuage moléculaire autour de l’étoile en formation, mais de la matière échappe à l’entraînement et peut continuer à tomber sur le disque et l’étoile en formation. On commence à comprendre comment se forment ces jets. La perte de moment cinétique de rotation intervient par un mécanisme subtil qui utilise le champ magnétique du disque circumstellaire pour pomper son énergie de rotation et propulser un jet bipolaire le long de l’axe de rotation. Mais la complexité de ce mécanisme est telle qu’il est encore pratiquement impossible de faire une modélisation numérique globale de la formation d’une étoile.
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Figure 1.9. Fragmentation d’un nuage en rotation rapide. Les figures a, b et c montrent le résultat de simulations numériques de l’effondrement de nuages en rotation plus ou moins rapide, après environ 10 fois le temps de chute libre. Les contours représentent la densité dans le plan équatorial et progressent par un facteur 2 d’un contour au suivant. Le champ magnétique a été pris en compte. Le nuage (a) a un rapport de l’énergie de rotation à l’énergie gravitationnelle égal à 0,012 et se fragmente en une protoétoile binaire. Pour le nuage (b) où ce rapport est de 0,008, il se forme seulement une barre, et le nuage (c) (rapport 0,00012) reste presque axisymétrique. La figure (d) représente la température du gaz pour le nuage (c) : elle est de 25 K, alors que la température initiale était de 10 K. L’effondrement devient adiabatique. D’après Boss, A.P. (1999) Astrophysical Journal 520, 744, avec l’autorisation de l’American Astronomical Society (AAS).
2.3
Les étapes de la formation des étoiles
La figure 1.11 résume les différentes étapes de la formation des étoiles, où l’on peut distinguer quatre phases successives. 28
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Figure 1.10. L’étoile en formation HH211 et son jet bipolaire, observés avec l’interféromètre de l’Institut de radioastronomie millimétrique franco-allemand-espagnol (IRAM). Les contours rouges représentent l’émission à 1,3 mm de longueur d’onde de la poussière de la concentration centrale opaque, non résolue par l’instrument. À l’intérieur se trouve la proto-étoile elle-même. Les contours blancs représentent l’émission de la molécule CO à 2,6 mm de longueur d’onde, qui fait partie du jet bipolaire rapide issu de la protoétoile. L’interaction de ce jet avec ce qui reste du nuage primitif excite la molécule H2 , ce qui produit son émission infrarouge représentée en bleu-vert. D’après Gueth, F. & Guilloteau, S. (1999) Astronomy & Astrophysics 343, 571, & IRAM.
Le nuage parental est figuré en haut à droite de cette figure, avec son cœur dense et son enveloppe dont la densité décroît vers l’extérieur. À gauche est représenté schématiquement le spectre des photons que nous en recevons : il s’agit essentiellement du rayonnement thermique des poussières qui sont à une très basse température, de l’ordre de 10 K. Il se trouve donc dans l’infrarouge lointain et les ondes radio, avec un maximum vers 300 μm. Ce n’est que récemment que l’on a réussi à observer le faible rayonnement de ces poussières à partir de l’espace, d’abord en ballon puis avec le satellite HERSCHEL. S’y superposent des raies moléculaires (non représentées sur la figure), qui ont également été observées en ondes millimétriques et submillimétriques. Les objets de classe 0, en dessous, sont des protoétoiles en cours d’effondrement. Tandis que se constitue le noyau entouré d’un disque, un jet bipolaire apparaît. L’objet est encore entouré d’un cocon très froid et nous observons principalement le rayonnement de ce cocon dans l’infrarouge lointain, qui ne diffère pas de ce que l’on voyait précédemment. Il se pourrait cependant que les interféromètres millimétriques atteignent dans un futur proche un pouvoir de séparation angulaire suffisant
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Figure 1.11. Les étapes de la formation des étoiles. Explications dans le texte. D’après Philippe André et collaborateurs.
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pour résoudre dans certains cas ce qui se passe à l’intérieur. Les jets symétriques sont bien observables en radio et en infrarouge, mais nous ne voyons en lumière visible que l’interaction de la partie de ces jets éloignée de l’objet central avec le milieu environnant : ceci donne les objets de Herbig-Haro, du nom de ceux qui les ont décrits les premiers. L’étape suivante correspond aux objets de classe I. Maintenant le jet bipolaire a suffisamment dispersé le nuage moléculaire qui entoure la protoétoile pour qu’on commence à voir celle-ci dans l’infrarouge proche (spectre en grisé), ainsi que le disque qui l’entoure qui rayonne dans l’infrarouge moyen. Les parties proches non encore dispersées du nuage moléculaire sont chauffées et leur rayonnement se fait à des longueurs d’onde plus courtes que précédemment, avec un maximum à 50–100 μm. Pour la classe II, le nuage moléculaire est entièrement dispersé et l’étoile centrale et son disque circumstellaire apparaissent en pleine lumière. Le télescope spatial Hubble a permis de voir de nombreux objets dans cette phase, qui montrent encore souvent un jet bipolaire, dont l’intensité a bien diminué (figure 1.12). Le rayonnement de l’étoile et des poussières de son disque n’est plus affecté par l’absorption dans le nuage moléculaire et apparaît maintenant tel qu’il est émis. Les observations montrent que le disque a un diamètre de l’ordre de 500 unités astronomiques, et est
Figure 1.12. Deux disques protostellaires vus avec le télescope spatial Hubble. À droite, on voit presque de face la protoétoile entourée de son disque de gaz et de poussières, lesquelles obscurcissent le fond lumineux. À gauche, la protoétoile centrale est cachée par les poussières du disque, qui paraissent couper l’image de celui-ci en deux ; mais elle en illumine les parties visibles. On voit également les jets symétriques issus de la protoétoile. © Hubble Space Telescope Gallery.
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donc considérablement plus étendu que le Système solaire. Peut-on dans ces conditions parler de disque protoplanétaire ? C’est douteux. Les étoiles dans cette phase sont appelées étoiles T Tauri, du nom de leur prototype. Ces étapes sont très difficiles à voir pour les étoiles massives, car elles sont longtemps enfouies dans un cocon totalement opaque en lumière visible et même dans l’infrarouge proche. Néanmoins on a réussi depuis peu de temps à voir le disque protostellaire dans l’infrarouge moyen. Un exemple est présenté figure 1.13.
Figure 1.13. Un disque protostellaire massif observé à la longueur d’onde de 10 μm avec un des télescopes de 8 m du VLT de l’ESO. L’intensité est représentée en fausses couleurs. L’étoile centrale, invisible sur cette image, est probablement de type O9, avec une masse d’environ 20 masses solaires. © ESO Education and Public Relations Department.
Lorsque le disque d’accrétion s’est presque entièrement vidé sur l’étoile, son moment angulaire s’étant dissipé par viscosité et grâce aux jets, ceux-ci disparaissent et il n’y a plus beaucoup de matière autour de l’étoile. Ceci correspond aux objets de classe III. Ils restent entourés d’un disque froid contenant des fragments solides résultant de l’agglomération des poussières : ce sont les rochers à partir desquels vont se former les planètes, lesquelles pourront capturer une partie du gaz résiduel : c’est le cas des grosses planètes du Système solaire. Les agglomérations de poussières peuvent aussi se recouvrir de glace, formant les comètes qui représentent donc la matière du Système solaire primitif.
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Chapitre 1. La naissance des étoiles
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3 3.1
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L’évolution des étoiles avant la séquence principale La formation de l’étoile proprement dite
Revenons maintenant à la condensation centrale du nuage en effondrement, qui va former une étoile. Devenue opaque au rayonnement, elle se contracte lentement, et l’énergie gravitationnelle se transforme progressivement en chaleur et aussi en rayonnement. Comme on est dans une situation proche de l’équilibre, l’équation du viriel (1.1) s’applique : le rôle de la pression extérieure est devenu négligeable, ainsi que celui du champ magnétique, donc il n’y a pas lieu de considérer l’équation (1.4). La rotation a été freinée, si bien que l’énergie cinétique de rotation est faible par rapport à l’énergie cinétique thermique Eth . L’énergie cinétique Ekin est donc réduite à Eth . On peut donc écrire : 2Eth = −Epot = 3/5 GM 2 /R,
(1.14)
en supposant pour simplifier que la densité est uniforme, ce qui est assez correct au début de la contraction du noyau central. Pendant la contraction, il faut tenir compte de ce que, pour une particule en mouvement, Ekin + Epot = 0. Donc la moitié de l’énergie potentielle doit être rayonnée au cours de la contraction, l’autre moitié étant transformée en énergie thermique. On peut évaluer le temps t KH nécessaire à la contraction jusqu’à un certain rayon Rfinal , en supposant constante la luminosité L de l’étoile : t KH = 1/2L[Epot (Rinitial ) − Epot (Rfinal )] ≈ −1/2LEpot (Rfinal ) = 3/10 GM 2/LRfinal . (1.15) t KH est le temps de Kelvin-Helmholtz, du nom des deux physiciens qui ont fait ce calcul. Pour M = 1 M , ce temps est de l’ordre de 107 ans seulement, ce qui montre que l’énergie gravitationnelle ne peut pas être la seule source de la luminosité du Soleil, comme on le pensait encore à la fin du XIXe siècle. Lorsque la contraction devient adiabatique, l’énergie thermique ne pouvant plus être rayonnée efficacement, la relation entre la température T et la masse spécifique ρ est T ∝ ρ γ−1 , avec γ = CP /CV , le rapport des chaleurs spécifiques à pression et à volume constant. Pour la masse de Jeans MJeans ∝ T 3/2 ρ −1/2 (équation (1.5)), T ∝ ρ 1/3 pour MJeans = const., ce qui signifie qu’une masse de Jeans ne se contracte lentement que si, pendant cette contraction, γ − 1 devient plus grand que 1/3 ; sinon la masse est instable et il ne peut y avoir quasi-équilibre 4 . C’est ce qui se passe tant que l’hydrogène n’est pas ionisé et que l’opacité n’est pas très grande, donc la masse s’effondre comme nous l’avons vu plus haut. Mais γ croît quand la température est 4
Cette propriété reste valable s’il y a pression extérieure, équation (1.10).
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suffisante pour que l’ionisation survienne, et dépasse 4/3 : pour un milieu totalement ionisé, γ = 5/3. Alors la température s’élève encore et on atteint un rayon d’équilibre. D’ailleurs, le milieu devient très opaque quand l’ionisation survient, en raison de la diffusion Thomson des photons sur les électrons libres 5 . Dans cette phase, l’étoile est purement convective sauf dans sa région centrale, la chaleur ne pouvant être transportée vers l’extérieur que par convection. Sa température de surface reste sensiblement constante et de l’ordre de 4 000 K, température d’ionisation de l’hydrogène, et comme l’étoile rayonne elle continue à se contracter, mais bien plus lentement qu’auparavant : donc sa luminosité décroît à température à peu près constante. Les tracés correspondants sont appelés tracés d’Hayashi, du nom de l’astronome qui a réalisé le premier travail important sur cette évolution (figure 1.14). Si l’étoile continue à accréter de la matière extérieure, l’évolution est assez différente. Si la masse est suffisante, la densité et la température centrale atteignent des valeurs telles que la fusion de l’hydrogène devient possible. Alors l’étoile subit des réajustements internes jusqu’à se stabiliser sur la séquence principale.
Figure 1.14. L’évolution des étoiles avant la séquence principale. Les tracés en trait continu montrent le chemin évolutif des jeunes étoiles de différentes masses jusqu’à la séquence principale d’âge zéro (ZAMS). Les courbes en trait interrompu sont les isochrones correspondant aux dates indiquées en bas à droite. La courbe en pointillés correspond au début de la fusion de l’hydrogène en hélium. Si les étoiles accrètent la matière environnante, ce qui est probable, l’évolution suit des tracés assez différents. D’après de Boer et Seggewiss (2008).
5
C’est pour la même raison que l’Univers est opaque aux décalages spectraux supérieurs à 1 000, où la température est supérieure à 3 000 K ce qui suffit pour que l’hydrogène soit partiellement ionisé.
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Les étoiles dans cette phase pré-séquence principale sont appelées étoiles T Tauri, du nom de leur prototype. Celles de grande masse sont dénommées Ae et Be. Le suffixe « e » signifie que leur spectre, comme d’ailleurs celui des T Tauri, présente des raies d’émission, qui proviennent du disque circumstellaire et non de l’étoile elle-même. Ces étoiles présentent une activité considérable : elles sont variables, et émettent des rayons X, très probablement en raison de l’activité magnétique sur leur surface. 3.2
Les naines brunes, étoiles avortées
La figure 1.15 montre comment évolue au cours du temps la température centrale de proto-étoiles de différentes masses. Une proto-étoile doit avoir une masse supérieure à environ 0,08 M pour que la fusion de l’hydrogène ait lieu et qu’elle devienne une étoile normale. Mais le lithium, qui est présent en petite quantité dans le milieu interstellaire (voir le tableau 1.1), peut brûler à une température plus basse, donc une masse un peu inférieure, si bien qu’il est complètement détruit dans les étoiles normales. Il en est de même du deutérium qui est encore brûlé dans les protoétoiles de plus de 0,015 M . Ces objets possèdent donc temporairement une source d’énergie nucléaire qui s’oppose pendant quelques millions d’années à leur lent, mais inéluctable refroidissement. Leur température de surface est inférieure à 2 500 K, si bien que leur rayonnement se fait surtout dans le rouge et l’infrarouge, d’où leur nom de naines brunes. Leur spectre est caractérisé par des bandes de différentes molécules comme H2 , CO, CH4 , NH3 , H2 O, etc.
Figure 1.15. Évolution temporelle de la température centrale de protoétoiles de différentes masses. Les températures auxquelles commence la fusion du deutérium (TD ), du lithium (TLi ) et de l’hydrogène (TH ) sont indiquées. On voit que seules les protoétoiles de plus de 0,07 M atteignent la température de fusion de l’hydrogène. D’après Chabrier, G. & Baraffe, I. (2000) Annual Review of Astronomy & Astrophysics 38, 337.
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Figure 1.16. La naine brune Gliese 229B à côté de l’étoile naine Gliese 229. Elle est très faible et n’a pu être bien étudiée qu’avec le télescope spatial Hubble. La ligne rectiligne émanant de l’étoile principale dans la figure de droite est due à la diffraction par le support du miroir secondaire du télescope. © Hubble Space Telescope Gallery.
La figure 1.16 montre la première naine brune découverte, en 1994, à côté d’une étoile naine avec laquelle elle forme un système binaire lié gravitationnellement. On connaît aujourd’hui un assez grand nombre de naines brunes, notamment dans les Pléiades. À partir de leur dénombrement et de l’étude théorique de leur refroidissement, on peut en déduire la fonction initiale de masse, et calculer que leur masse totale est de l’ordre de 10 % de la masse totale des étoiles de la Galaxie.
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2 La physique des étoiles Les paramètres fondamentaux : masse, rayon, luminosité ; le diagramme de Hertzprung-Russell 1
La distribution spectrale du rayonnement des étoiles n’est pas très différente de celle d’un corps noir. On a donc pris l’habitude d’exprimer la luminosité L de l’étoile, c’està-dire l’énergie totale qu’elle émet par rayonnement, sous la forme d’une température effective Teff , qui est la température qu’aurait un corps noir fictif de mêmes dimensions que l’étoile émettant cette luminosité. On a donc la relation suivante entre L, Teff et le rayon R de l’étoile : 4 , (2.1) L = 4π R2σ Teff où σ est la constante de Stefan-Boltzmann. Il est cependant difficile d’obtenir directement ces différentes quantités. Une détermination précise de la température effective requiert la mesure quantitative de la distribution spectrale du rayonnement de l’étoile de l’ultraviolet lointain à l’infrarouge moyen, ce qui nécessite des observations au sol bien corrigées de l’absorption atmosphérique et des observations à partir de véhicules spatiaux. On mesure du même coup la luminosité apparente de l’étoile, c’est-à-dire la puissance que l’on en reçoit par unité de surface au-dessus de l’atmosphère terrestre ; mais il faut connaître la distance pour en déduire la luminosité absolue L. Il est également possible de mesurer le rayon angulaire de l’étoile, soit en étudiant les éclipses des composantes d’étoiles doubles l’une par l’autre, soit directement par interférométrie : les premières mesures interférométriques systématiques ont été faites par Hanbury Brown et Twiss à partir de 1956. Actuellement, ces mesures deviennent courantes et on parvient même à obtenir de véritables images des étoiles géantes proches comme Bételgeuse. On peut alors, sans connaître la distance,
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estimer la température effective à partir du rayon angulaire et de la luminosité apparente en utilisant une équation semblable à (2.1). Les observations d’étoiles de différents types ont permis d’obtenir une relation entre leur couleur dans le domaine visible et leur température effective, si bien qu’il est suffisant de mesurer la couleur d’une étoile pour en déduire une valeur approximative de Teff . Cette couleur est définie à partir de mesures de flux à travers des filtres colorés. Il existe plusieurs systèmes photométriques, mais nous ne parlerons ici que du système de Johnson. Les flux sont généralement exprimés dans une échelle logarithmique de magnitudes, qui est la version quantitative du vieux système de « grandeurs » des étoiles. Si e(λ) est l’éclairement monochromatique dû à l’étoile en dehors de l’atmosphère terrestre, la magnitude correspondante à la longueur d’onde λ est : m(λ) = −2,5 log e(λ)/e0 (λ),
(2.2)
où la constante e0 (λ) définit la magnitude zéro. Dans la pratique, la mesure se fait dans une bande spectrale plus ou moins large définie par un filtre, et il faut intégrer l’équation ci-dessus sur cette bande. Le tableau 2.1 donne les paramètres des trois filtres U, B et V de Johnson. Filtre
U
λ moyen (nm)
Largeur Δλ (nm)
e0 (erg s−1 cm−2 nm−1 )
360
68
4,35 10−8 −8
B
440
98
7,20 10
V
550
89
3,92 10−8
ultraviolet bleu visible
Tableau 2.1. Paramètres des filtres UBV de Johnson.
Le tableau 2.2 donne pour les étoiles de différents types spectraux la couleur B−V (B et V désignant cette fois les magnitudes dans les filtres correspondants), la température effective et la magnitude absolue MV dans le filtre V. Par définition, la magnitude absolue est égale à la magnitude apparente qu’aurait en dehors de l’atmosphère l’étoile à une distance de 10 parsecs. On a donc entre magnitude apparente m et magnitude absolue M la relation : M = m + 5 + 5 log D,
(2.3)
D étant la distance en parsecs. En particulier, cette relation s’applique entre les magnitudes MV et V .
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Chapitre 2. La physique des étoiles
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i Naines (Type V) B−V
T eff (K)
Géantes (Type III)
MV
L (L )
B−V
T eff (K)
Supergéantes (Type I)
MV
L (L )
B−V
T eff (K)
MV
L (L )
WN
−
≈40 000
−8,0
≈105
WC
−
≈50 000
−8,5
≈2 105
O5
–0,33
44 500
–5,7
4,2 105
–0,30
40 300
–6,6
1,1 106
B0
–0,30
30 000
–4,0
5,2 104
–0,25
26 000
–6,4
2,6 105
B5
–0,17
15 200
–1,2
8,3 102
–0,10
13 600
–6,2
5,2 104
A0
–0,02
9 520
0,6
54
–0,03
10 100
0,0
106
–0,01
9 730
–6,3
3,5 104
A5
0,15
8 200
1,9
14
0,15
8 100
0,7
43
0,09
8 510
–6,6
3,5 104
F0
0,30
7 200
2,7
6,5
0,30
7 150
1,5
20
0,17
7 700
–6,6
3,2 104
F5
0,44
6 440
3,5
3,2
0,43
6 470
1,6
17
0,32
6 900
–6,6
3,2 104
G0
0,58
6 030
4,4
1,5
0,65
5 850
1,0
34
0,76
5 550
–6,4
3,0 104
G5
0,68
5 770
5,1
0,79
0,86
5 150
0,9
43
1,02
4 850
–6,2
2,9 104
K0
0,81
5 250
5,9
0,42
1,00
4 750
0,7
60
1,25
4 420
–6,0
2,9 104
K5
1,15
4 350
7,4
0,15
1,50
3 950
–0,2
170
1,60
3 850
–5,8
3,8 104
M0
1,40
3 850
8,8
7,7 10−2
1,56
3 800
–0,4
330
1,67
3 650
–5,6
4,1 104
M5
1,64
3 240
12,3
1,1 10−2
1,63
3 330
–0,3
930
1,80
2 800
–5,6
3,0 105
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NAISSANCE, ÉVOLUTION ET MORT DES ÉTOILES
Type
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Tableau 2.2. Paramètres d’étoiles de différents types.
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Pour obtenir le rayon de l’étoile et sa luminosité absolue, il faut connaître sa distance. Celle-ci peut être déterminée de trois façons différentes : – par mesure de la parallaxe géométrique. Une étoile paraît décrire au cours de l’année une ellipse par rapport à des objets très lointains comme les galaxies ou les quasars, en raison de l’effet de parallaxe dû au mouvement orbital de la Terre. Le demi-grand axe de cette ellipse, qui est la parallaxe π, est égal à 1 seconde de degré pour une étoile située à une distance de 1 parsec. Le satellite européen HIPPARCOS a pu mesurer les parallaxes géométriques d’un très grand nombre d’étoiles avec une précision de l’ordre de 0,001 : la distance de ces étoiles est ainsi connue avec une précision meilleure que 10 % jusqu’à une distance de 100 pc ; – par mesure de la moyenne du mouvement propre sur le ciel d’étoiles dont on pense qu’elles appartiennent à un groupe commun (parallaxe statistique). Ce mouvement propre μ, exprimé en seconde de degré par an, est alors dirigé en direction opposée au déplacement du Soleil par rapport à la moyenne des étoiles voisines, déplacement qui se fait avec une vitesse de 20 km s−1 en direction d’un apex situé dans la constellation du Cygne. Le mouvement propre est évidemment d’autant plus petit que la distance des étoiles observées est plus grande. Pour des étoiles situées à 42 pc dans une direction perpendiculaire à celle de l’apex, le mouvement propre est de 0,1 /an, ce qui est aisément mesurable. La méthode n’est pas applicable à des étoiles isolées, qui ont des mouvements aléatoires trop élevés ; – en comparant l’éclat de deux étoiles de caractéristiques observationnelles identiques, dont la distance de la plus proche est connue grâce à une des méthodes précédentes : on peut alors obtenir aisément celle de la plus lointaine, après correction des effets de l’extinction par le milieu interstellaire (parallaxe photométrique). C’est ainsi qu’Henrietta Lewitt a obtenu en 1912 la distance du Petit Nuage de Magellan, une galaxie satellite de la nôtre, en comparant l’éclat de certaines de ses étoiles variables, les céphéides, avec celui d’étoiles semblables de notre Galaxie. Si l’on porte en fonction de la couleur B−V la magnitude absolue MV de nombreuses étoiles de distance connue, on obtient le diagramme de Hertzprung-Russell (diagramme HR), du nom des astronomes qui ont popularisé les premiers diagrammes de ce genre. La figure 2.1 montre deux versions du diagramme HR des étoiles relativement proches dans la Galaxie. On constate que les points représentatifs des étoiles ne sont pas distribués au hasard sur ce diagramme, mais que la plupart se groupent sur une séquence dite séquence principale, où les étoiles séjournent pendant les neuf dixièmes environ de leur vie. Une autre branche se détache de cette séquence : la luminosité y croît avec B−V , donc à mesure que l’étoile est plus froide. Ce qui différencie ces étoiles de celles de la séquence principale de même couleur, c’est leur
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Figure 2.1. En haut, le diagramme de Hertzprung-Russell (diagramme HR) obtenu par le satellite HIPPARCOS pour les étoiles les plus brillantes du ciel. (© ESA.) Il porte sur 4 907 étoiles dont la distance est connue à mieux que 5 % près. Les couleurs indiquent les points représentatifs pour lesquels il y a plus d’une étoile. Pour identifier les différents types d’étoiles, voir la figure 2.2. En bas, le diagramme HR pour 1 090 étoiles d’un petit volume autour du Soleil. (D’après Jahreiss, H. & Gliese, W. (1993) IAU Symposium 156, 107.) Il donne une meilleure idée de la proportion des différents types d’étoiles : noter en particulier le petit nombre de géantes et la grande quantité de naines blanches.
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Figure 2.2. Diagramme de Hertzprung-Russell où sont portés de façon schématique les zones représentatives des différents types d’étoiles et leur tracé d’évolution.
luminosité donc leur rayon plus grand à couleur, donc température donnée : ce sont les géantes rouges, qui se trouvent dans une phase d’évolution plus rapide que sur la séquence principale. La figure 2.2 permet d’identifier les différents types d’étoiles dans le diagramme HR, et la figure 2.3 montre le diagramme HR d’un amas d’étoiles âgé de 4 milliards d’années, M 67. On peut transformer le diagramme B−V , MV en un diagramme où l’on porte L en fonction de Teff , obtenant ainsi le diagramme HR théorique, que l’on peut plus aisément comparer aux résultats des modèles d’évolution stellaire. La masse des étoiles ne peut être bien connue que par l’observation d’étoiles doubles à éclipses, dont l’une des composantes passe alternativement devant et
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Figure 2.3. Diagramme HR de l’amas stellaire M 67. Toutes les étoiles de cet amas ont le même âge, 4 milliards d’années, et leur abondance en éléments lourds est voisine de celle du Soleil. La ligne représente le lieu théorique où se trouvent les points représentatifs des étoiles de cet âge. Sur la branche des géantes rouges et la branche asymptotique, toutes les étoiles ont presque la même masse, un peu plus que la masse du Soleil, car leur évolution est plus rapide. Les étoiles qui sont nettement en dehors de la ligne sont très probablement des étoiles doubles. D’après Carraro, G. et al. (1996) Astronomy & Astrophysics 305, 849, avec l’autorisation de l’ESO.
dernière l’autre en produisant des variations d’éclat du système : nous sommes alors assurés que nous nous trouvons à peu près dans le plan de l’orbite de ces étoiles. Ayant mesuré la vitesse d’éloignement ou de rapprochement des composantes par effet Doppler-Fizeau appliqué à leurs raies spectrales, on peut appliquer les lois de Kepler pour obtenir la masse des deux étoiles individuelles 1 . La comparaison des masses ainsi obtenues avec les luminosités donne un résultat remarquable : pour les étoiles de la séquence principale, la masse est étroitement liée à la luminosité (figure 2.4). Plus l’étoile est massive, plus elle est lumineuse. On en déduit une propriété importante : la durée de vie sur la séquence principale est d’autant plus courte que la masse est plus grande. En effet, cette durée varie comme le rapport de la masse (la réserve d’énergie) avec la luminosité (le débit d’énergie). Ainsi la durée de vie du Soleil est de l’ordre de 13 milliards d’années, mais celle d’une étoile de 10 M , dont la luminosité est environ 10 000 fois plus élevée, n’est que de 10 millions d’années. 1
Nous reviendrons sur ce point en détail au chapitre 5.
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Figure 2.4. La relation masse-luminosité pour des binaires à éclipses dont les raies spectrales sont observables pour chacune des deux composantes. La luminosité et la masse sont en unités solaires. D’après Zahn, J.-P., in Lequeux et al. (2009).
2
L’atmosphère des étoiles
Le spectre visible de la plupart des étoiles comporte un continuum avec des raies d’absorption atomiques, et aussi moléculaires pour les étoiles les plus froides. Les étoiles de Wolf-Rayet, dont les raies sont en émission, constituent une exception notable. On a cru longtemps que les raies d’absorption se formaient dans une couche renversante relativement froide surmontant la zone plus chaude où était émis le continuum, la photosphère. Il n’en est rien en fait : le rayonnement continu et les raies apparaissent comme le résultat du transfert du rayonnement dans une grande épaisseur de l’atmosphère, sans qu’on puisse assigner à la formation du continuum et des raies une profondeur bien définie. Cependant, comme l’opacité est plus grande dans une raie que dans le continuum adjacent, on voit dans la raie des zones moins profondes que dans le continuum. Dans chaque cas, l’émission correspond sensiblement au rayonnement qu’aurait un corps noir à la longueur d’onde considérée et à la profondeur moyenne de la zone émettrice. Si la température diminue vers l’extérieur, la raie est donc moins brillante que le continuum et apparaît en absorption. C’est l’inverse dans certaines régions des atmosphères stellaires où la température croît vers l’extérieur, ce qui fait que le centre de certaines raies d’absorption peut apparaître en émission.
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On appelle photosphère la zone d’où parvient le plus gros de la lumière visible de l’étoile, mais cette notion est mal définie puisque sa profondeur dépend de la longueur d’onde et aussi de l’angle sous lequel on observe la portion considérée de l’atmosphère de l’étoile. En effet, une conséquence de l’existence d’un gradient de température est un assombrissement du bord du disque des étoiles, le Soleil par exemple : comme l’atmosphère près du bord est vue sous une incidence oblique, l’opacité dans le continuum fait que ne nous parvient que le rayonnement des couches supérieures, qui sont plus froides et donc moins lumineuses que lorsqu’on observe le centre du disque. Par ailleurs, l’origine même du continuum a mis longtemps à être identifiée. Pour les étoiles de température effective inférieure à 6 000 K, donc en particulier pour le Soleil, le continuum provient de l’ion H− (un atome d’hydrogène ayant capturé un électron), comme il a été proposé par Rupert Wildt en 1939, puis établi définitivement en 1946 par Chandrasekhar et Breen, qui ont calculé l’absorption correspondant à l’ionisation de cet ion pour former un atome d’hydrogène : H− + hν ↔ H + e− . Pour les étoiles plus chaudes, le continuum est dominé par l’ionisation de l’hydrogène, comme l’a observé Jules Baillaud dès 1926 à l’Observatoire du Pic du Midi : H + hν ↔ H+ + e− . La diffusion Thomson de la lumière par les électrons domine à son tour l’opacité pour les étoiles encore plus chaudes, où l’hydrogène est presque entièrement ionisé. La photodissociation des molécules contribue au continuum pour les étoiles les plus froides, et l’ionisation de l’hélium pour les étoiles très chaudes. Le spectre des étoiles dépend énormément de leur température. La distribution spectrale du continuum n’est pas extrêmement différente de celle de l’émission d’un corps noir à la température Teff , si bien que les étoiles chaudes ont un maximum d’émission dans l’ultraviolet (dans l’ultraviolet lointain, observable seulement depuis les véhicules spatiaux, pour les étoiles O) et les étoiles froides dans le rouge ou l’infrarouge ; on sait que le maximum d’émission du Soleil est dans le jaune. Quant aux raies, celles qui dominent le spectre des étoiles chaudes sont les raies de l’hydrogène, voire de l’hélium pour les plus chaudes, tandis que pour les étoiles plus froides on voit apparaître des raies métalliques de plus en plus nombreuses, puis des bandes moléculaires (figure 2.5). C’est la base de la classification spectrale des étoiles, que l’on peut brièvement résumer comme suit : WR : raies d’émission larges ; O : présence de raies de l’hélium ionisé ; B : présence de raies de l’hélium neutre ; A : prédominance des raies de l’hydrogène ; F : présence de raies nombreuses de métaux ionisés ; G : présence simultanée de raies de métaux ionisés et neutres ;
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Figure 2.5. Spectres d’étoiles de la séquence principale. Le nom de chaque étoile, sa magnitude visuelle V et son type spectral sont indiqués dans chaque panneau, ainsi que sa température effective. Les spectres sont constitués du raccordement de trois parties, qui laissent de petits intervalles vides vers 5 750 et 8 600 Å. Ils sont lissés en longueur d’onde à une résolution de 1 Å. On remarque le changement progressif de la distribution d’énergie spectrale avec la température, et aussi que la richesse en raies d’absorption augmente lorsque la température diminue. La discontinuité de Balmer de l’hydrogène vers 3 840 Å est bien visible pour les étoiles B et A. Les bandes moléculaires de l’étoile M6 sont extrêmement fortes. Données du spectrographe UVES au Very Large Telescope de l’Observatoire Européen Austral, d’après de Boer & Seggewiss (2008).
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K : prédominance des raies de métaux neutres ; M : présence de bandes de molécules, certaines oxygénées comme TiO ; C : bandes de molécules carbonées ; S : présence de bandes de l’oxyde de zirconium ZO. Les étoiles WR (Wolf-Rayet, du nom de leurs découvreurs), C et S sont des étoiles évoluées rares, qui ne se trouvent pas sur la séquence principale. Pour certaines étoiles de la séquence principale, essentiellement des étoiles A et G, dont le Soleil qui est de type G5, la température de l’atmosphère, après être passée par un minimum d’environ 4 000 K, croît avec le rayon : cela produit des raies en émission, qui ne sont pas faciles à voir sauf dans l’ultraviolet lointain ou, dans le visible, par spectroscopie à haute résolution au centre de certaines raies en absorption produites plus bas dans l’atmosphère. Cette couche est appelée chromosphère, nom qui provient du fait que, lorsqu’on peut la voir autour du Soleil lors des éclipses totales, elle est colorée en rose en raison de la dominance de la raie Hα de l’hydrogène, qui apparaît en émission à la longueur d’onde de 656,3 nm. Au-dessus de la chromosphère, le gaz du Soleil est encore plus chaud tout en étant bien plus ténu, atteignant presque le million de K : c’est la couronne, qui est visible au cours des éclipses totales ou, en dehors des éclipses, avec des instruments spécialisés, les coronographes. Elle est le siège d’émission de raies et aussi d’un rayonnement X thermique. Chromosphère et couronne paraissent être chauffées par des phénomènes magnétiques. Beaucoup d’étoiles émettent des vents. Le Soleil en est un exemple, le vent étant alors dû à l’évaporation de la couronne et à des éjections plus ou moins localisées. Le phénomène est normal et très important pour les étoiles très chaudes, où il occasionne une perte de masse considérable au cours de la vie de l’étoile, laquelle affecte beaucoup son évolution comme nous le verrons plus loin. Ce vent provient de l’accélération des atomes de l’atmosphère via leurs raies de résonance. Dans ces raies, le photon absorbé communique à l’atome sa quantité de mouvement, puis l’atome réémet un photon de même longueur d’onde dans une direction aléatoire, si bien qu’en moyenne il n’y a pas de perte de quantité de mouvement dans cette réémission. La vitesse du vent peut atteindre plusieurs milliers de kilomètres par seconde. Pour les étoiles dont l’atmosphère est suffisamment froide ( d T /d r.
(E1.5)
On reconnaît à gauche le gradient adiabatique de température, tandis qu’à droite on a le gradient réel de la température du gaz environnant. En remarquant que dans les étoiles la température et la pression décroissent vers l’extérieur, et que d P/d r et d T /d r sont négatifs, la condition pour qu’il y ait convection est le critère de Schwarzschild de l’équation (E1.1). Pour écrire (E1.4), on a supposé implicitement que la masse moyenne par particule μ était constante. En réalité, la composition chimique peut changer avec r dans certaines zones et cela modifie le critère de convection : le nouveau critère est le critère de Ledoux. Si c’est celui-ci qui est applicable, on parle de convection thermohaline, par analogie avec ce qui peut se passer dans les océans. Si la situation est intermédiaire entre celle de Schwarzchild et celle de Ledoux, il n’y a en principe pas de convection, mais comme la convection n’est pas strictement adiabatique, elle peut cependant exister : on parle alors de semi-convection.
4
Les réactions nucléaires, sources d’énergie des étoiles
L’énergie des étoiles sur la séquence principale résulte de la fusion de l’hydrogène en hélium. Lors de phases ultérieures, l’hélium fournit de l’énergie en se transformant en carbone. Toutes ces réactions nécessitent des températures très élevées. Les voici, par ordre de température croissante. 4.1 Fusion de l’hydrogène en hélium par le processus p-p (proton-proton) ; le problème des neutrinos solaires
À une température supérieure à 3 millions de degrés, la fusion de l’hydrogène se fait principalement par une suite de réactions décrites pour la première fois par von Weizsäcker en 1938, sous une forme cependant moins élaborée que ce que nous
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présentons. 1 H désigne le noyau d’hydrogène (proton), e+ le positron, νe le neutrino d’espèce électronique et γ le photon : 1
H + 1 H → 2 H + e+ + νe ,
où 2 H désigne le deutérium. C’est la réaction la plus lente de la chaîne. Elle est suivie de 2 H + 1 H → 3 He + γ. L’hélium 3 3 He se transforme en hélium 4 (4 He) de deux façons principales : 3
et
3
He + 3 He → 4 He + 1 H + 1 H 4
(86 % des cas),
7
He + He → Be + γ (14 % des cas),
suivie de 7
Be + e− → 7 Li + νe ,
puis
7
Li + 1 H → 4 He + 4 He.
Be symbolise le noyau du béryllium et Li celui du lithium. Il existe aussi une très faible probabilité (0,015 % des cas) pour que 7 Be capture un proton, pour former 8 B qui se désintègre en 8 Be∗ , noyau excité qui se désintègre à son tour en deux 4 He : 7
Be + 1 H → 8 B + γ,
8
B → 8 Be∗ + e+ + νe ,
8
Be∗ → 4 He + 4 He.
On peut résumer tout ceci par la réaction symbolique : 41 H → 4 He + 2e+ + 2νe + 24,7 MeV. C’est ce qui se passe dans les régions centrales du Soleil. Le taux de production d’énergie par ces réactions est :
−2/3
1/3 6 2 6 6 p-p = 2,5 10 ρ X T /10 K erg cm−3 g−2 s−1 , exp −33,8/ T /10 K (2.17) où ρ est la masse spécifique et X la fraction de la masse sous forme d’hydrogène. Plusieurs des réactions ci-dessus produisent des neutrinos de type électronique, qui peuvent traverser presque sans interaction une grande quantité de matière, et donc sortir sans encombre du Soleil et traverser complètement la Terre. Dès 1967, l’américain Raymond Davis a cherché à les détecter. Le flux qu’il a observé était environ deux fois plus petit que celui qui était prédit par les modèles solaires. Ce déficit
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a été confirmé par d’autres expériences capables de détecter les neutrinos électroniques émis par le Soleil à différentes énergies. Les réactions nucléaires étant très bien connues, il n’y avait que deux possibilités pour expliquer ce déficit : ou bien les modèles du Soleil étaient faux, ou bien les neutrinos électroniques disparaissaient partiellement entre le Soleil et la Terre. Il a fallu 36 ans pour résoudre ce problème. Un énorme effort théorique a été fait sur les modèles solaires, qui n’a abouti qu’à les confirmer : c’était l’impasse, du moins en apparence. Cependant, en 2001, un nouveau détecteur de neutrinos était mis en service dans l’ancienne mine de Sudbury, au Canada. Il était sensible cette fois aux trois espèces existantes de neutrinos : les neutrinos électroniques νe , seuls émis par le Soleil, les neutrinos μ et les neutrinos τ. On observa alors que le nombre total des neutrinos des trois espèces ainsi détectés en provenance du Soleil était en accord avec le nombre de neutrinos électroniques prédit par les modèles solaires. On en a conclu que les différentes espèces de neutrinos pouvaient se transformer l’une dans l’autre, d’où la perte d’une partie des neutrinos électroniques solaires dans leur chemin vers la Terre. Ceci nécessitait une modification du modèle standard des particules élémentaires, et impliquait que les neutrinos aient une masse non nulle. Cette idée a été confirmée expérimentalement au Japon, par l’étude avec un nouveau détecteur au site de Kamioka de neutrinos provenant de divers réacteurs nucléaires dans un rayon d’une centaine de kilomètres. L’astrophysique a ainsi permis une importante découverte en physique des particules, ce qui a valu à Davis le prix Nobel de physique en 2006. 4.2
Fusion de l’hydrogène en hélium par les cycles CNO
Dans les étoiles massives, la température centrale est plus élevée que dans le Soleil. Si elle est supérieure à 10 millions de degrés, la fusion de l’hydrogène se fait préférentiellement par les réactions suivantes (Bethe, 1938), beaucoup plus rapides que les réactions p-p, où l’hydrogène se transforme en hélium 4 en utilisant le carbone C, l’azote N et l’oxygène O préexistants comme catalyseurs (le tri-cycle CNO). Un premier cycle est : C + 1 H → 13 N + γ, N → 13 C + e+ + ν 13 C + 1 H → 14 N + γ, 14 N + 1 H → 15 O + γ, 15 O → 15 N + e+ + ν, 15 N + 1 H → 12 C +4 He ; il s’y greffe un deuxième cycle : 15 N + 1 H → 16 O + γ, 16 O + 1 H → 17 F + γ, 17 F → 17 O + e+ + ν, 17 O + 1 H → 14 N +4 He ; et aussi un troisième cycle : 12 13
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O + 1 H → 18 F + γ, F → 18 O + e+ + ν, 18 O + 1 H → 15 N + 4 He. 17 18
Le bilan final – la fusion de 4 atomes d’hydrogène en un atome d’hélium – est le même que dans le cas du premier processus. Le taux de production d’énergie par ces réactions est :
−2/3 CNO = 9,5 1028 ρ X X CNO T /106 K
1/3 erg cm−3 g−2 s−1 , (2.18) × exp −152/ T /106 K où X CNO est la fraction totale de masse sous la forme de carbone, oxygène et azote. 4.3
La fusion de l’hélium en carbone (processus triple α)
Cette fusion se produit aux températures supérieures à environ 100 millions de degrés, dans des stades de l’évolution stellaire qui suivent le séjour sur la séquence principale. Deux noyaux d’hélium forment du béryllium 8 : 4
He + 4 He ↔ 8 Be, puis
8
Be + 4 He → 12 C.
Be est très instable et se décompose en 2 4 He en quelque 10−16 s (autrement dit, la première réaction est réversible). Il faut donc que le milieu soit suffisamment dense pour que le noyau de béryllium puisse rencontrer un noyau d’hélium pour réaliser la seconde réaction avant de se décomposer. Le taux de production d’énergie par cette réaction est :
−3
exp −4 670/ T /106 K erg cm−3 g−2 s−1 , 3α = 2 1017 ρ 2 Y 3 T /106 K (2.19) où Y est la fraction de masse sous forme d’hélium. 8
5
La modélisation de l’intérieur des étoiles
La résolution simultanée des quatre équations différentielles de base (2.4), (2.6), (2.7), (2.12) ou (2.16), l’utilisation des taux de production d’énergie (2.17), (2.18) et (2.19), une hypothèse sur la composition chimique initiale, et la considération du changement de composition résultant des réactions nucléaires, permettent en principe de déterminer complètement la structure en densité et en température et la composition chimique de l’étoile aux différentes profondeurs, ainsi que son évolution
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temporelle. Le problème est difficile et Eddington a essayé de le simplifier dès qu’il l’a posé, dans les années 1916-1918. Il est intéressant de reproduire son raisonnement car, en dehors de son intérêt historique, il met bien en évidence les principes du problème (encadré 2.2). Encadré 2.2. Le modèle stellaire simplifié d’Eddington.
Eddington suppose constant le rapport de la luminosité L(r) au rayon r à la masse Mr intérieure à r : (E2.1) L(r)/Mr = L/M , ce qui implique que le rapport de la pression de radiation à la pression totale est constant à l’intérieur de l’étoile : on le prend égal à 1 − β , β étant une constante à déterminer. La pression de radiation a pour expression : Prad = 4/3 c σ T 4 = 1/3 aT 4 ,
(E2.2)
si bien que la pression totale peut s’écrire, la matière étant supposée non dégénérée : P = 1/3 aT 4 /(1 − β ) = ℜρ T /μ mH β ,
(E2.3)
en utilisant la loi des gaz parfaits (2.17). Après quelques manipulations simples, on en déduit :
avec
P = kρ 4/3 ,
(E2.4)
4 1/3 k = 3ℜ4 1 − β /a μ mH β 4 .
(E2.5)
L’équation (E2.4) jointe à l’équation d’équilibre hydrostatique (2.6) détermine alors complètement la condition d’équilibre de l’étoile. En supposant le poids moléculaire moyen μ constant, on détermine β de manière à reproduire le rayon R et la masse M de l’étoile. Pour cela, on voit facilement à partir des équations précédentes que M 2 /R4 ∝ k(M /R3 )2/3 , ce qui implique que k ∝ M 2/3 , d’où l’équation donnant β : 1 − β = constante × M 2 μ2 β 4 .
(E2.6)
On remarque que le rayon a été éliminé dans cette équation. Si μ reste constant au cours de l’évolution, β l’est donc aussi. Examinons maintenant le transport du rayonnement (on suppose implicitement qu’il n’y a pas convection). Le flux f du rayonnement par unité de surface dans une couche quelconque de l’étoile est lié à la pression de radiation par la relation : f = −c/κ ρ d Prad /dr,
(E2.7)
où κ est le coefficient d’absorption, que l’on suppose constant à l’intérieur de l’étoile, et qui n’est autre que ce qu’on appellera plus tard le coefficient d’absorption de Rosseland, κR .
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La luminosité de l’étoile s’écrit donc en appliquant cette équation un peu en dessous de la surface : L = 4π R2 f (R). (E2.8) En écrivant que Prad = (1 − β )P et en utilisant l’équation d’équilibre hydrostatique (2.6), on obtient près de la surface de l’étoile : L = 4πcGM (1 − β )/κ,
(E2.9)
qui est une relation masse-luminosité. β est ajusté en comparant cette équation aux observations, avec le résultat qu’il dépend beaucoup de la masse, ce qu’on voit d’ailleurs sur l’équation (E2.6). En effet, on a plutôt L ∝ M 3 (voir la figure 2.4). Eddington a tenté d’améliorer son modèle en autorisant une variation de μ avec le rayon, mais il commence alors à perdre l’intérêt de la simplicité. Le modèle simplifié d’Eddington permet également d’obtenir un ordre de grandeur pour la température Tc et la pression Pc au centre de l’étoile, ce qui était totalement nouveau à l’époque où l’on ignorait tout de l’origine de l’énergie des étoiles :
Tc ≈ 20β μ M /M R /R 106 K,
(E2.10)
2
4 R /R dynes cm−2 . Pc ≈ 1,2 1017 M /M
(E2.11)
Remarquons d’ailleurs que la source d’énergie n’intervient pas explicitement dans le modèle d’Eddington. Il faut bien cependant qu’il y ait une source d’énergie interne pour assurer l’hypothèse de départ (équation (E2.1)), mais elle pourrait être une contraction gravitationnelle.
En réalité, les approximations du modèle simplifié d’Eddington ne sont pas valables : le coefficient d’absorption κR de Rosseland, qui est difficile à calculer, présente des variations énormes avec la température, la densité et l’abondance des éléments, variations qui n’obéissent pas à des lois simples. Par ailleurs, la convection pose de gros problèmes : il est difficile d’estimer le rayon qui est parcouru par les bulles convectives jusqu’à ce qu’elles soient mélangées avec le milieu qui les entoure : on introduit alors une longueur de mélange α, que l’on traite comme un paramètre plus ou moins libre. De plus, l’énergie cinétique des cellules convectives est telle qu’elles peuvent dépasser le rayon au-delà duquel le critère de convection de Schwarzchild ou de Ledoux prédit que le milieu est stable : c’est le dépassement convectif (en anglais convective overshooting), qu’il est également difficile d’estimer : il a été longtemps considéré comme une variable permettant de mieux ajuster les modèles aux observations, jusqu’à ce que des simulations numériques récentes aient permis d’y voir plus clair dans les phénomènes de convection. Enfin, la convection homogénéise la composition chimique tandis que la gravité entraîne un triage des éléments à l’intérieur de l’étoile. La rotation de l’étoile, qui ne se fait pas à la même vitesse angulaire aux différentes profondeurs, complique encore davantage le
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problème en provoquant de la turbulence et en affectant la convection. Il faut enfin s’assurer que la matière n’est pas dégénérée, c’est-à-dire qu’elle se comporte sensiblement comme un gaz parfait. Ces difficultés font qu’il est pratiquement impossible d’obtenir des solutions analytiques et que l’on doit recourir au calcul numérique pour résoudre le problème de la structure et de l’évolution des étoiles. Les premiers modèles stellaires réalistes, dus à Henyey, coïncident d’ailleurs avec l’apparition des ordinateurs vers 1960. Dans la modélisation habituelle, on se donne la composition chimique initiale, mais il surgit immédiatement une difficulté : l’abondance de l’hélium, qui joue un rôle crucial, n’est pas bien connue. On préfère donc la traiter comme une inconnue et la déterminer en se basant sur l’accord des modèles avec les observations. Voici comment on procède généralement pour modéliser l’évolution d’une étoile : on part d’une composition chimique homogène, où l’on spécifie l’abondance relative de l’hélium par rapport à l’hydrogène (rapport Y0 /X 0 en masse), et aussi l’abondance des éléments plus lourds que les astronomes groupent sous le nom de « métaux » (rapport Z0 /X 0 en masse). On se donne aussi la longueur de mélange α, et on laisse évoluer le modèle. Pour le Soleil, dont l’âge (4,57 milliards d’années) est connu grâce à l’analyse des météorites qui sont nées en même temps que lui, la comparaison des résultats du modèle aux observations est possible avec un grand luxe de détails. On compare donc le rayon, la luminosité et l’abondance des métaux prédits par le modèle avec les observations. S’ils ne concordent pas, on recommence le calcul en modifiant les valeurs de Y0 /X 0 , de Z0 /X 0 et de α jusqu’à obtenir un bon accord. Les valeurs les plus récentes adoptées pour la composition chimique superficielle du Soleil sont X = 0,7393, Y = 0,2485 et Z = 0,0122. Les abondances initiales du Soleil au début de son évolution résultent du calcul et sont : X 0 = 0,7133, Y0 = 0,2735 et Z0 = 0,0132 2 . Ces valeurs de Y0 et de Z0 sont inférieures aux valeurs observées pour le voisinage du Soleil dans notre Galaxie à l’époque actuelle : Y ≈ 0,28 et Z ≈ 0,02 ; c’est normal car la matière de la Galaxie s’enrichit continuellement en hélium et en éléments lourds grâce à la nucléosynthèse dans les étoiles, comme nous le verrons en détail au chapitre 6. Idéalement, la modélisation de l’évolution stellaire devrait partir de l’étoile très jeune, avant que ne s’amorcent les réactions nucléaires. Mais, pour simplifier, on suppose généralement que la fusion de l’hydrogène, qui commence au centre de l’étoile où la température et la densité sont les plus grandes, y a déjà atteint l’équilibre : l’étoile est alors sur la séquence principale d’âge zéro (ZAMS, pour l’anglais zero age main sequence). 2
On pourrait s’étonner que la surface du Soleil soit moins riche en hélium et en métaux que la composition initiale, alors que la composition globale est nécessairement plus riche en hélium, qui résulte de la fusion de l’hydrogène, et dans une moindre mesure en métaux : c’est surtout l’effet du triage gravitationnel des éléments, les plus lourds tombant vers le centre.
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Matière normale et matière dégénérée
Avant d’aborder le chapitre suivant, où nous décrirons l’évolution des étoiles de différentes masses, il nous paraît utile de dire quelques mots de la matière dégénérée. En effet, les conditions de pression et de température dans la région centrale de certaines étoiles, voire dans le cas des naines blanches et des étoiles à neutrons dans l’étoile tout entière, sont telles que la matière ne se trouve pas dans l’état normal de gaz sensiblement parfait. La figure 2.6 schématise les différentes phases dans lesquelles elle peut se trouver.
Figure 2.6. Les domaines d’état de la matière stellaire. Les lignes en trait gras limitent de gauche à droite les zones où la pression de radiation, puis la pression thermique du gaz parfait, puis la pression dégénérée non relativiste, puis la pression dégénérée relativiste domine. Explications dans le texte. D’après Maeder (2009).
La zone en grisé est celle où la matière est pratiquement un gaz parfait et où la pression thermique domine la pression de radiation. Les transitions entre l’état moléculaire, atomique et ionisé de l’hydrogène sont indiquées. On remarque que les points représentatifs des différentes profondeurs dans le Soleil actuel (trait interrompu gras) se trouvent entièrement dans cette région. Si l’on augmente la température de telle manière que le point représentatif se trouve au-dessus de la ligne oblique à gauche, le rayonnement devient si intense que la pression de radiation domine la pression thermique. Si la température est supérieure à 5,9 109 K, telle que kT > 0,51 MeV, l’énergie de masse de l’électron, il y a équilibre entre les photons gamma et les paires e− -e+ . Ceci réduit les chaleurs spécifiques et peut diminuer l’exposant adiabatique γ en dessous de 4/3, ce qui
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provoque une instabilité, par exemple dans certaines supernovae. À une température encore plus élevée (1,5 1010 K), telle que kT devienne plus grand que la différence d’énergie de masse entre le neutron et le proton, soit 1,29 MeV, il y a neutronisation des protons, progressive avec l’augmentation de la température. Si maintenant on quitte le domaine du gaz parfait en augmentant la densité, le gaz devient dégénéré. La mécanique quantique ne permet plus que deux électrons dans un volume élémentaire de l’espace des phases. Lorsqu’on augmente alors la densité, les électrons sont forcés dans des états d’énergie supérieurs, et leur pression ne dépend plus de la température. Lorsque le gaz est complètement dégénéré, la pression vaut :
5/3 dynes cm−2 , (2.20) PFermi = K1 ρ/μe où μe est le poids moléculaire par électron, et K1 = 1,00 1013 unités cgs. C’est le cas de la matière qui constitue les naines blanches. Si la densité est encore plus grande, la dégénérescence devient relativiste et on a :
4/3 PFermi = K2 ρ/μe dynes cm−2 ,
(2.21)
avec K2 = 1,24 1015 unités cgs. Lorsque les forces électrostatiques entre ions dominent l’énergie thermique, les ions ne sont plus sujets à des mouvements thermiques et il y a cristallisation. Les matériaux terrestres sont souvent dans cet état. L’augmentation de la densité dans un milieu dégénéré produit la neutronisation des protons lorsque l’énergie de Fermi des électrons devient supérieure à 1,29 MeV. Il y a de plus en plus de neutrons, et l’augmentation de leur nombre produit, par capture, des noyaux très riches en neutrons. Cela caractérise les étoiles à neutrons. Ce qui se passe à des densités encore plus élevées n’intéresse pas directement la physique stellaire. La dégénérescence de la matière a de profondes conséquences sur la physique et l’évolution des étoiles. Examinons par exemple la relation entre la masse et le rayon d’une naine blanche où la matière est entièrement dégénérée. La pression interne peut être simplement estimée à partir de l’équation d’équilibre hydrostatique (2.6) : d P(r)/d r = −GMr ρ(r)/r 2. Pour obtenir un ordre de grandeur, prenons |d P(r)/d r| ≈ Pc /R, Pc étant la pression dans les régions centrales, Mr ≈ M /2, r = R/2, ρ ≈ 3M /4πR3 , ce qui donne : Pc ≈ 3/2π GM 2 /R4 ,
(2.22)
expression semblable à l’équation (E2.11) de l’encadré 2.2, au facteur numérique près. En écrivant que Pc est égal à PFermi pour assurer l’équilibre, on trouve :
−5/3 R/R ≈ 0,012(M /M )−1/3 μe /2 . NAISSANCE, ÉVOLUTION ET MORT DES ÉTOILES
(2.23)
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Pour une naine blanche, μe ≈ 2 et on arrive au résultat apparemment paradoxal que le rayon est plus petit si la masse est plus grande : ceci montre à quel point les propriétés d’un gaz dégénéré sont différentes de celles d’un gaz parfait. Pour une naine blanche de 1 M , le rayon est d’environ 0,01 R , soit à peu près le rayon de la Terre. Il est évident que le rayon ne peut pas décroître indéfiniment, ou la masse croître indéfiniment. Si le rayon décroît, la densité augmente et la dégénérescence devient relativiste. On a alors, en égalant Pc à PFermi (équations (2.21) et (2.22)) : GM 2 /R4 ≈ K2 /μe M 4/3 /R4 .
(2.24)
R4 s’élimine, ce qui indique que la masse est une constante. Cette masse est une limite supérieure car, si elle croissait, la gravitation (terme de gauche) croîtrait plus vite que la pression de Fermi et l’étoile s’effondrerait. C’est la masse limite de Chandrasekhar. Des calculs plus sophistiqués montrent que cette masse est de l’ordre de 1,2 M , en bon accord avec la plus grande masse observée pour les naines blanches. Par un raisonnement analogue, on peut montrer qu’il existe une masse limite supérieure pour les étoiles à neutrons : c’est la masse limite d’Oppenheimer-Volkoff, qui est de l’ordre de 2 à 3 M : détermination assez incertaine en raison de notre connaissance imparfaite des propriétés de la matière neutronique. 7
Les oscillations stellaires
Il est évidemment impossible d’observer directement l’intérieur des étoiles. Comment alors vérifier la validité des modèles ? Nous avons vu dans la section 4.1 que les neutrinos sont susceptibles de fournir des renseignements sur les réactions nucléaires dans le cœur, à condition d’avoir tenu compte de la transformation des différentes espèces de neutrinos l’une dans l’autre. Mais ceci n’est dans la pratique applicable qu’au Soleil et, nous le verrons, à l’explosion des supernovae. Heureusement, l’observation des oscillations des étoiles nous apporte des renseignements précieux sur leur structure et même sur leur rotation interne. 7.1
Les pulsations radiales
Tout d’abord, certaines étoiles comme les céphéides, ainsi nommées d’après leur prototype β Cephei, présentent des oscillations radiales, généralement désignées par le terme de pulsations : leur rayon varie avec une période régulière de quelques jours à quelques dizaines de jours. Ces oscillations sont engendrées par des instabilités thermiques. Il existe d’autres catégories d’étoiles variables périodiques, notamment
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les géantes très évoluées nommées Miras (du nom de leur prototype o Ceti, dite Mira), dont les périodes se comptent en centaines de jours. Ces oscillations peuvent se faire dans un mode fondamental ou dans des modes harmoniques. Un ordre de grandeur de la période du mode fondamental est le temps que met une onde de pression à traverser l’étoile : (2.25) p0 ≈ 2R/cS , cS étant la vitesse du son : cS = (γP/ρ)1/2 , P étant la pression et γ = CP /CV l’exposant adiabatique. Pour obtenir la pression de façon approchée, on peut écrire qu’en chaque point la pression contrebalance le poids du matériel qui le surmonte. Par exemple, au centre, l’accélération de la pesanteur étant g et le signe 〈〉 indiquant les valeurs moyennes dans l’étoile :
P ≈ 〈ρ〉R〈g〉 ≈ 〈ρ〉R GM /R2 = 〈ρ〉GM /R,
(2.26)
ce qui donne pour la période :
1/2 1/2 = 2/ (4π/3) γG〈 ρ 〉 . p0 ≈ 2/ γGM /R3
(2.27)
Un calcul plus rigoureux donne : 1/2 , p0 = 3π/(3γ − 4)G〈ρ〉
(2.28)
où γ = CP /CV est l’exposant adiabatique pour la matière de l’étoile et 〈ρ〉 = M /(4π/3)R3 la masse spécifique moyenne de l’étoile. La formule n’est qu’approchée car en général γ n’est pas constant aux différentes profondeurs dans l’étoile. Les modes harmoniques sont tels que p1 /p0 ≈ 0,755, p2 /p0 ≈ 0,605 et p3 /p0 ≈ 0,506. Ces fractions ne sont pas 1/2, 1/3 et 1/4 car la vitesse du son entre la surface et le premier nœud de vibration n’est pas la même pour les différents harmoniques, puis qu’elle dépend de T . La période de pulsation, que ce soit celle du fondamental ou d’un harmonique, dépend de la masse et du rayon comme : p ∝ R3/2 /M 1/2 .
(2.29)
En utilisant la relation masse-luminosité M ∝ L 1/α (α ≈ 3,3 dans le domaine des 4 3/4 ) , céphéides) et la définition de la température effective telle que R3/2 ∝ (L/Teff on obtient : 3 p = Q L (3/4−1/2α) /Teff , (2.30) où Q est un facteur numérique qui varie un peu dans le diagramme de HertzprungRussell : c’est la relation période-luminosité des céphéides.
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7.2
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Les oscillations du Soleil
Une étoile est une sphère de gaz en équilibre hydrostatique entre la pression et la gravité. Cette sphère se comporte comme une gigantesque caisse de résonance, qui vibre de deux façons différentes. D’une part, on y trouve des ondes acoustiques (ou sonores), où la force de rappel est la pression (ondes p) ; les pulsations dont nous venons de parler en sont un exemple. Elles sont analogues aux ondes sismiques dans la Terre. D’autre part, il existe des ondes de gravité, pour lesquelles la force de rappel est la force d’Archimède due à des différences locales de densité (ondes g) ; elles ne peuvent pas se propager dans les régions convectives, donc dans le cas du Soleil elles n’intéressent que les régions radiatives profondes, sur lesquelles elles sont d’ailleurs les seules qui puissent nous donner des informations. Toutes ces ondes sont naturellement engendrées dans l’étoile soit par des instabilités thermiques, soit par les mouvements turbulents des zones convectives. Comme les ondes sismiques naturelles ou artificielles pour la Terre, les ondes acoustiques du Soleil nous livrent le profil de la vitesse du son avec la profondeur. Quant aux ondes de gravité, elles fournissent le profil de la force d’Archimède dans les zones radiatives. Les résonances de la sphère font que seules certaines fréquences peuvent se propager sans être rapidement atténuées (de même que seuls certains sons résonants sont produits efficacement par une corde ou une plaque vibrante). Par exemple, les ondes p se propagent à l’intérieur du Soleil comme le montre la figure 2.7, et des
Figure 2.7. Schéma de la propagation d’ondes p à l’intérieur du Soleil. Créées vers la surface, ces ondes pénètrent à l’intérieur, sont réfractées par le gradient d’indice de réfraction, remontent à la surface et s’y réfléchissent, ce qui les renvoie vers l’intérieur, etc. Seules les ondes résonantes, c’est-à-dire qui aboutissent à leur point de départ après plusieurs réflexions, sont intenses. Sur l’une de ces ondes, qui sont longitudinales, les fronts d’onde sont indiqués. Il faut réaliser qu’existent simultanément dans le Soleil des millions d’ondes de ce type, qui sont excitées dans les différents points de sa surface. D’après Sylvie Vauclair.
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Figure 2.8. Quelques modes propres de vibration du Soleil. Il s’agit de modes p, qui sont définis par deux nombres entiers l et m orthogonaux (analogues à des nombres quantiques). À un instant donné, les zones claires s’éloignent du centre du Soleil et les zones sombres s’en rapprochent ; ce sera l’inverse au bout d’une demi-période de l’onde. En haut à gauche, le Soleil passe d’une forme de poire allongée en haut à une forme semblable allongée vers le bas ; en haut au milieu, il passe d’une forme d’ellipsoïde allongé (ballon de rugby) à une forme d’ellipsoïde aplati, etc. La vibration réelle du Soleil est la superposition de toutes ces ondes, qui sont excitées partout dans la zone convective : elles sont donc orientées aléatoirement, et leur amplitude et leur phase sont également aléatoires. Seule leur fréquence, qui dépend de l et de m, a une signification. D’après Christensen-Dalsgaard, J. (2002) Reviews of Modern Physics, 74, 1083.
exemples de modes de vibration résonants correspondants à la surface sont présentés figure 2.8. Comme les sources d’excitation ont des positions aléatoires, les ondes sont aussi distribuées de façon aléatoire et seule leur fréquence a une signification. Elle va d’une vibration par 3 minutes à une vibration par heure pour les ondes p, avec une accumulation de périodes autour de 5 minutes ; elle est de l’ordre d’une vibration par heure pour les ondes g. La surface du Soleil oscille simultanément en des millions de modes p, dont l’amplitude individuelle peut atteindre quelques dizaines de centimètres/seconde. La fréquence des ondes représente la signature de la structure des couches traversées : comme on le voit figure 2.7, les ondes différentes se propagent plus ou moins profondément et donnent ainsi des informations sur l’indice de réfraction des différentes couches, donc sur certains de leurs paramètres physiques. La rotation du Soleil produit une démultiplication de la fréquence en plusieurs composantes, due à l’effet Doppler-Fizeau : les ondes provenant d’une moitié
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du Soleil sont décalées dans un sens, celles de l’autre moitié dans l’autre sens : on peut ainsi obtenir des informations sur la vitesse de rotation des différentes couches du Soleil. Jusqu’à présent, seules les ondes de pression ont été bien observées et étudiées en détail, soit par photométrie, soit par effet Doppler-Fizeau dans les raies spectrales. La variation de la vitesse du son avec la profondeur est portée figure 2.9 : on observe un changement de pente à un rayon de 500 000 km, qui correspond à la limite entre la zone convective extérieure et la zone radiative interne et en donne donc l’emplacement.
Figure 2.9. Variation de la vitesse du son dans le Soleil avec la profondeur, telle qu’elle est déduite de l’étude des ondes p. D’après de Boer & Seggewiss (2008).
Il est beaucoup plus difficile d’observer les ondes de gravité, dont l’amplitude à la surface du Soleil devrait atteindre au mieux quelques millimètres/seconde car elles sont fortement atténuées avant d’arriver à la surface. Elles ont peut-être été marginalement détectées, mais cela demande confirmation. Ce que l’on connaît de la rotation solaire est représenté figure 2.10. En surface, la période de rotation varie avec la latitude, de 25,5 jours à l’équateur à 30 jours à une latitude de 60◦ et 34 jours pour les régions polaires ; cette rotation différentielle se poursuit dans la zone convective, tandis que la zone radiative interne tourne presque comme un corps solide en 27 jours et que le noyau tourne plus rapidement. Ces faits ont une grande importance pour le mélange de matière à l’intérieur du Soleil et pour la génération du champ magnétique solaire : nous y reviendrons au chapitre suivant. Les oscillations du Soleil nous ont fourni des renseignements non seulement sur la structure et la rotation de l’astre, mais ont également permis de tester l’ensemble des paramètres nucléaires des réactions de fusion de l’hydrogène. Par exemple, la
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Figure 2.10. La rotation du Soleil. La fréquence de rotation, en nanohertz, est portée en ordonnées en fonction du rayon. 400 nHz correspond à une période de 28,94 jours. Dans la zone convective, elle dépend de la latitude, qui est indiquée sur chaque courbe. La rotation du cœur est inconnue, mais probablement plus rapide. D’après Turck-Chièze, S. (2009) in Stellar Magnetism, Neiner, C. & Zahn, J.-P., eds., EAS Publication Series 39, 69.
section efficace globale du cycle proton-proton a pu être déterminée avec une précision de 1 %, qui est tout à fait hors d’atteinte des mesures de laboratoire. 7.3
Les oscillations stellaires
Leur étude, l’astérosismologie, est évidemment beaucoup moins avancée que celle des oscillations solaires, l’héliosismologie. Depuis le sol, il n’est possible que de mesurer des variations de vitesse globales, qui sont très faibles : des modes p individuels ont été identifiés pour la première fois en 2002 pour α Centauri A, une étoile G2V un peu plus chaude que le Soleil, avec le résultat que leur fréquence est en très bon accord avec les prédictions de la théorie. La situation évolue rapidement grâce aux satellites CoRoT et KEPLER, qui mesurent les variations périodiques d’éclat de nombreuses étoiles, jusqu’à une amplitude aussi faible que 10−6 en valeur relative. Ces progrès sont si rapides qu’il nous paraît inutile d’en rendre compte, car ils seront rapidement dépassés.
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3 L’évolution des étoiles isolées 1
L’évolution du Soleil
L’évolution d’une étoile d’une masse solaire est intéressante car elle montre tous les stades que nous retrouverons pour des étoiles de masses différentes. Partant de la ZAMS où elle se stabilise après la phase pré-séquence principale, l’étoile entre dans la phase la plus longue de sa vie, pendant laquelle l’hydrogène est converti en hélium par le mécanisme proton-proton dans les parties centrales (le cœur). Pour le Soleil, cette phase durera 11 milliards d’années : avec un âge actuel de 4,57 milliards d’années, il en est donc à un peu moins de la moitié de sa vie sur la séquence principale. La structure actuelle du Soleil est montrée figure 3.2. Au cours de cette vie, la luminosité doublera et le rayon augmentera de près de 50 %, tandis que sa température effective aura assez peu varié (bien entendu, ceci n’est pas observable pour le Soleil, mais on connaît suffisamment d’étoiles de 1 M aux différents stades de leur évolution pour pouvoir vérifier les prédictions des modèles). Le point représentatif du Soleil ne se sera donc déplacé que très lentement dans le diagramme de Hertzprung-Russell (diagramme HR) (figure 3.1). Au cours de la fusion de l’hydrogène, le nombre de particules diminue : le milieu étant totalement ionisé, le résultat de la chaîne proton-proton peut s’écrire 4 H+ + 4 e− → 1 He++ + 2 e− + 4 γ + 2 νe + énergie. On passe donc de 8 particules à 3, si bien que le poids moléculaire moyen μ augmente, ce qui amène à une contraction et un échauffement graduels du cœur, donc à une accélération progressive de la fusion, qui reste cependant non explosive. Des zones de plus en plus extérieures s’échauffent : la masse de la zone de fusion augmente donc progressivement. C’est cela qui fait que la luminosité s’accroît pendant
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Figure 3.1. L’évolution du Soleil. La trajectoire évolutive d’une étoile de la masse du Soleil est portée dans le diagramme HR, de sa formation à sa mort sous forme d’une nébuleuse planétaire. Le temps est indiqué aux différentes étapes. Les deux étoiles à 4 branches correspondent au flash de l’hélium et au réarrangement très rapide de la structure de l’étoile. D’après Maeder (2009), données de C. Charbonnel.
Figure 3.2. La structure actuelle du Soleil. Les paramètres physiques sont indiqués. La température T6 est en millions de K. D’après Maeder (2009).
le séjour sur la séquence principale. Pendant tout ce séjour, le transport d’énergie se fait par rayonnement à l’intérieur du Soleil et par convection dans les régions superficielles (figure 3.3). C’est cette couche convective, avec son champ magnétique, qui est responsable de l’activité solaire.
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Figure 3.3. Évolution de la structure du Soleil sur la séquence principale et la branche des géantes. Les ordonnées représentent la fraction de la masse du centre (0) à la surface (1) (comparer avec la figure 3.2). Le temps est en abscisses (noter les échelles différentes). Les régions convectives sont indiquées par un aspect nuageux, sinon le transport d’énergie est radiatif. La zone de production d’énergie par fusion de l’hydrogène est hachurée, avec un maximum en rouge (plus de 10 erg g−1 s−1 ). D’après Maeder, A. & Meynet, G. (1989) Astronomy & Astrophysics 210, 155, avec l’autorisation de l’ESO.
Lorsque l’hydrogène est épuisé au centre, la combustion continue dans une couche entourant le noyau d’hélium devenu inerte. Par convention, on dit qu’à ce moment l’étoile quitte la séquence principale. Son évolution ne montre pas de discontinuité mais s’accélère. La couche de combustion se déplace vers l’extérieur, tandis que le noyau d’hélium se contracte et que sa matière devient dégénérée. La production d’énergie augmente progressivement, ce qui occasionne une expansion de l’enveloppe, et l’étoile devient une géante rouge : rouge, parce que l’augmentation de l’énergie rayonnée n’est pas suffisante, étant donné l’énorme augmentation du rayon, pour maintenir une température superficielle élevée. Dans le diagramme de Hertzprung-Russell, son point figuratif suit la branche des géantes rouges (RGB, pour l’anglais red giant branch). L’expansion de l’enveloppe conduit à un refroidissement de ses régions externes, d’autant plus que l’énergie produite en profondeur a du mal à y parvenir ; certains ions s’y recombinent alors avec les électrons libres, ce qui produit une forte augmentation de l’opacité, laquelle accélère l’expansion. Le gradient de température devient considérable au niveau de la zone de recombinaison, ce qui déclenche la convection. Celle-ci favorise le transport de l’énergie depuis l’intérieur, et l’expansion est encore accélérée. La convection amène à la surface par dragage (dredge up en anglais) de la matière interne dont la composition chimique a été modifiée par les réactions nucléaires.
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13,2 milliards d’années après la ZAMS, se produit le flash de l’hélium. La température au centre du cœur est maintenant de l’ordre de 108 K, si bien que l’hélium commence à se transformer en carbone par la réaction 3α. Cette réaction se produit de manière explosive, car la matière est fortement dégénérée, sa densité atteignant 106 g cm−3 : une augmentation de température ne produit pas d’augmentation de pression comme elle le ferait pour un gaz parfait, si bien que rien ne contrôle pour l’instant la vitesse de la réaction. Une énorme quantité d’énergie est libérée en quelques secondes au plus profond du cœur ; à l’extérieur, rien n’en est perceptible en raison du temps nécessaire pour que cette énergie y parvienne. De plus, une grande partie de l’énergie est libérée sous forme de neutrinos qui traversent sans encombre toutes les couches supérieures, car ils interagissent extrêmement peu avec la matière. Dans le cœur, la température augmente si brutalement que la dégénérescence de la matière est levée : la combustion de l’hélium se calme. La structure de l’étoile se réajuste, avec pour conséquence que la production interne d’énergie par fusion de l’hydrogène diminue, si bien que le processus inverse de celui de la phase géante rouge se produit : la luminosité et le rayon décroissent rapidement jusqu’à ce qu’une nouvelle configuration stable existe. L’étoile a alors une structure en couches : autour du cœur, maintenant inerte et formé essentiellement de carbone, se trouve une mince couche de combustion de l’hélium (figure 3.4). Elle est surmontée d’une épaisse couche d’hélium au-dessus de laquelle brûle l’hydrogène. Puis se trouve l’enveloppe, partiellement convective et partiellement radiative. L’énergie supplémentaire produite par la combustion de l’hélium fait que l’étoile suit dans le diagramme de Hertzprung-Russell une trajectoire proche de celle qu’elle avait précédemment suivie pendant la phase géante : on l’appelle branche asymptotique (AGB, pour l’anglais asymptotic giant branch). Le début de cette phase est désigné par EAGB (E pour l’anglais early). La combustion de l’hélium dans une couche très mince est instable, si bien qu’il se produit des impulsions thermiques à la fin de la phase AGB ; cette phase est appelée TP-AGB (TP pour l’anglais thermal pulses). Ces impulsions produisent une importante perte de masse, perte qui avait d’ailleurs déjà commencé pendant la première ascension de la branche des géantes. Dans l’enveloppe en expansion ainsi créée, la température devient assez basse pour que se forment des molécules, puis des particules solides. Les impulsions produisent aussi des dragages de la matière interne, dont la composition chimique est fortement modifiée par les réactions nucléaires. La figure 3.5 montre le résultat de simulations numériques pour une étoile de 2,5 M ; le résultat serait qualitativement semblable pour des masses différentes. On constate sur la figure 3.5 que le rayon et la luminosité de l’étoile augmentent énormément au cours de la phase TP-AGB, tandis que sa température effective diminue : elle devient une supergéante rouge. Elle effectue des pulsations radiales importantes, qui augmentent encore la perte de masse. L’enveloppe en expansion
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Figure 3.4. Structure d’une étoile de masse initiale 2,5 M au début de la branche asymptotique. Celle d’une étoile de 1 M serait qualitativement semblable. L’enveloppe est entièrement convective. D’après Maeder (2009).
Figure 3.5. Évolution d’une étoile de masse initiale 2,5 M pendant la phase TP-AGB où se produisent des impulsions thermiques. À gauche et de haut en bas : évolution du rapport d’abondances du carbone à l’oxygène en surface ; évolution de la température effective ; évolution de la température à la base de l’enveloppe convective. À droite, de haut en bas : évolution de la luminosité ; évolution du rayon ; évolution de la perte de masse. Le temps est compté à partir du début de la phase impulsive. D’après Decressin, T. (2007) reproduit dans Maeder (2009).
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finit par devenir opaque car sa température de plus en plus basse permet la formation de molécules et de grains de poussière, et il est donc difficile de voir ce qui se passe à l’intérieur. Nous y reviendrons au chapitre suivant. Finalement, ayant expulsé près de la moitié de sa matière, l’étoile se retrouve après le dernier épisode impulsif sous la forme de son cœur de carbone et d’oxygène, formé par la réaction 12 C+ 4 He → 16 O. Ce cœur à peu près nu et extrêmement chaud, dont la masse est de l’ordre de 0,55 M , reste entouré de l’enveloppe en expansion, dont la composition chimique est enrichie en carbone. La matière de l’intérieur de l’enveloppe est fortement ionisée par le rayonnement ultraviolet de l’étoile centrale et est donc bien visible : c’est une nébuleuse planétaire. Les parties extérieures restent constituées de gaz neutre partiellement moléculaire et de poussières condensées. Puis l’étoile centrale se refroidit rapidement pour devenir une naine blanche, tandis que l’enveloppe se disperse dans le milieu interstellaire.
2
L’évolution des étoiles de masse faible et moyenne
La figure 3.6 montre les chemins évolutifs des étoiles de différentes masses dans le diagramme HR « théorique ». Les étoiles de masse plus faible que celle du Soleil évoluent de la même manière que lui, mais plus lentement. La durée de vie sur la séquence principale atteint l’âge de la Galaxie, soit environ 14 milliards d’années, pour une étoile de 0,8 M , si bien que l’on ne peut pas observer de géante rouge de masse initiale inférieure à cette valeur. Lorsque la masse de l’étoile dépasse 1,15 M , la température centrale est suffisamment élevée pour que commence la fusion de l’hydrogène par le cycle CNO, tandis qu’elle se fait par le cycle proton-proton dans les régions externes du cœur. Le gradient de température dans le cœur est alors très raide, ce qui déclenche la convection. Celle-ci conduit à un mélange de la matière et apporte du matériau riche en hydrogène dans les parties centrales, tandis que les produits de la fusion sont amenés dans l’enveloppe. La fusion de l’hydrogène peut alors continuer bien plus longtemps que pour les masses plus petites. Mais il arrive cependant un moment où il n’y a plus assez d’hydrogène au centre pour assurer la fusion ; cela se produit lorsque la masse du cœur contient environ 0,5 M d’hélium. Alors la température centrale diminue, donc le cœur se contracte, produisant une nouvelle émission d’énergie d’origine gravitationnelle. Pendant cet épisode, la température effective de l’étoile augmente légèrement ainsi que sa luminosité, ce qui produit un crochet dans son tracé évolutif (voir la figure 3.6). L’énergie résultant de la contraction chauffe la périphérie du noyau, suffisamment pour que la fusion de l’hydrogène puisse se produire : l’étoile va devenir une géante rouge. La suite de l’évolution est semblable à celle d’une étoile
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Figure 3.6. Tracés évolutifs d’étoiles de différentes masses dans le diagramme HR « théorique ». D’après Schaller, G. et al. (1992) Astronomy & Astrophysics Supplement Series 96, 269, avec l’autorisation de l’ESO.
de 1 M . À titre d’exemple, la figure 3.7 montre l’évolution d’une étoile de 3 M avant la phase TP-AGB (pour celle-ci, voir la figure 3.5 qui correspond à une masse voisine). Pour des masses comprises entre 6 et 15 M environ, on voit apparaître un phénomène nouveau : le point représentatif de l’étoile exécute une boucle dans le diagramme HR lorsqu’elle brûle l’hélium en couche, après le flash de l’hélium. Pendant une partie du séjour sur cette boucle, où l’enveloppe redevient temporairement radiative, l’étoile présente des instabilités et exécute des pulsations radiales dont la période est liée à sa luminosité et à sa masse : voir plus haut la section 7.1, chapitre 2.
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Figure 3.7. Évolution d’une étoile de 3 M . Mêmes conventions que pour la Figure 3.3. Les zones de production d’énergie par fusion de l’hydrogène ou de l’hélium sont en rouge. Le début de l’évolution sur la branche asymptotique est indiqué (E-AGB). D’après Maeder, A. & Meynet, G. (1989) Astronomy & Astrophysics 210, 155, avec l’autorisation de l’ESO.
La composition chimique initiale de l’étoile affecte assez profondément tous ces phénomènes, en raison de l’influence considérable qu’elle a sur l’opacité de la matière stellaire. En particulier, l’évolution des étoiles de très faible « métallicité » (abondance des éléments lourds) est assez différente lorsqu’elles deviennent géantes : après le flash de l’hélium, alors qu’elles brûlent l’hélium dans une couche autour du noyau, elles occupent pendant quelque temps une partie du diagramme HR que l’on appelle la branche horizontale (figure 3.8). La physique de cette phase est encore assez mal comprise. 3
L’évolution des étoiles de grande masse
L’évolution des étoiles de masse supérieure à environ 15 M n’est pas dans son principe très différente de celle des étoiles de masse plus petite. Lorsque l’hydrogène a terminé sa combustion dans le cœur, l’étoile quitte la séquence principale et devient une géante rouge particulièrement grosse et lumineuse, une supergéante rouge. À ce stade, c’est l’hélium 4 He qui brûle dans le cœur en se transformant en 12 C par la réaction 3α, le carbone se transformant lui-même partiellement en 16 O, 20 Ne et 24 Mg par capture de 4 He. Puis, lorsque la température centrale dépasse 5 108 K, deux atomes de 12 C peuvent fusionner en produisant divers noyaux, dont 20 Ne. Par
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Figure 3.8. Le diagramme HR de l’amas globulaire M 3, où sont portées les différentes phases de l’évolution des étoiles. Toutes les étoiles de l’amas ont le même âge, environ 13 milliards d’années. Celles qui ont quitté la séquence principale ont des masses peu différentes les unes des autres, voisines de 0,9 M . On reconnaît la branche des géantes, la branche asymptotique, et la branche horizontale caractéristique des étoiles de faible métallicité. Comparer à la figure 2.3. Données de Buonanno, R. et al. (1987), in ESO workshop on stellar evolution and dynamics in the outer halo of the Galaxy, p. 331.
ailleurs, l’hydrogène brûle en couche au-dessus du noyau par le cycle CNO ; lequel produit beaucoup de 14 N parce que l’une des réactions de ce cycle, 14 N + 1 H → 15 O + γ, est très lente. Finalement, l’étoile explose comme supernova. La partie gauche de la figure 3.9 montre les tracés évolutifs d’étoiles de différentes masses en supposant qu’il n’y a pas de perte de masse au cours de cette évolution. Cependant l’évolution est profondément affectée par la perte de masse, qui se produit dès le séjour des étoiles sur la séquence principale (figure 3.9, à droite). Cette perte de masse est due à la pression de radiation qui s’exerce sur le gaz de leur atmosphère. Comment se produit le vent stellaire qui occasionne la perte de masse ? Un photon absorbé par un atome dans une raie de résonance lui communique une quantité de mouvement hν/c dans sa direction d’arrivée, où ν est la fréquence, h la constante de Planck et c la vitesse de la lumière. Il est ensuite réémis à la même fréquence, l’atome perdant alors la quantité de mouvement hν/c dans une direction aléatoire. Si le champ de rayonnement est anisotrope, ce qui se produit près de la surface, il y a accélération nette de l’atome vers l’extérieur de l’étoile. Pour les raies
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Figure 3.9. Tracés d’évolution d’étoiles de grande masse dans le diagramme HR. À gauche, sans perte de masse, et à droite avec forte perte de masse. Ces tracés se terminent par l’explosion de l’étoile comme supernova. Les régions où a lieu la fusion de l’hydrogène dans le cœur (séquence principale : S. P.) et celles où a lieu la combustion de l’hélium au cœur sont indiquées par des hachures. Le petit trait avec la mention « 12 C » correspond au moment où débute la combustion du carbone pur, 12 C + 12 C. D’après Maeder, A. (1981) Astronomy & Astrophysics 102, 401, avec l’autorisation de l’ESO.
qui ne sont pas de résonance, la physique est plus compliquée car il faut tenir compte de tous les niveaux vers lesquels se désexcite le niveau excité par le photon incident. De même, un continuum anisotrope produit une accélération nette des atomes et des électrons libres. Ceci peut se produire à l’occasion de l’ionisation d’un atome par un photon du continuum, et, pour les électrons, par simple diffusion Thomson ; on peut en effet considérer cette diffusion comme l’absorption temporaire d’un photon immédiatement réémis à la même fréquence dans une direction aléatoire. Les électrons ainsi accélérés entraînent les ions voisins au cours de leurs collisions, puis ces ions eux-mêmes entraînent par collision les atomes neutres. Ainsi, un électron libre entraîne une masse mf qui est de l’ordre de la masse du proton mp pour un milieu entièrement ionisé, mais est plutôt 2 à 2,5 fois plus grande pour une atmosphère chaude réelle, qui n’est que partiellement ionisée (elle peut être encore plus grande si l’atmosphère est pauvre en hydrogène). Donc la matière est soumise à une
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accélération : a = σe /mf F/c,
(3.1)
où σe = 6,65 10−25 cm2 est la section efficace de diffusion Thomson et F le flux (par unité de surface) du rayonnement sortant de la surface de l’étoile à toutes les fréquences. Ce flux est simplement : F = L/4π R2 .
(3.2)
Ce phénomène est très important dans les étoiles massives, dont l’atmosphère est partiellement ionisée en raison de leur fort flux dans l’ultraviolet lointain. Il est intéressant de comparer l’accélération a à l’accélération g = GM /R2 de la gravité à la surface de l’étoile : a/g = σe /4π cGmf L/M ≈ 2 10−5 L/M ,
(3.3)
en prenant mf = 2,5 mp ; L et M sont ici en unités solaires. L’atmosphère est instable si a > g, soit pour une luminosité L > LEddington = 5 104 M /M . Cette luminosité d’Eddington, LEddington , n’a de sens que si la diffusion Thomson est le seul mécanisme qui intervient. Cependant, les autres causes d’accélération de l’atmosphère sont également importantes. On a remarqué, en comparant les étoiles chaudes de la Galaxie avec celles des Nuages de Magellan, qui sont moins riches en éléments lourds, que la perte de masse des étoiles chaudes augmente considérablement avec leur métallicité, ce qui montre bien l’importance de l’accélération par les raies. Dans notre Galaxie, la perte de masse est déjà très grande pour les étoiles dont la masse initiale est de l’ordre d’une quinzaine de masses solaires. Les chemins évolutifs de la figure 3.6 en tiennent compte. Les modèles stellaires les plus récents englobent à la fois l’intérieur et l’atmosphère de l’étoile et sont capables de reproduire non seulement son évolution, mais aussi son spectre lors de ses différentes phases. Ce spectre est caractérisé par l’aspect particulier des raies dans l’ultraviolet, dont la figure 3.10 donne un exemple. Dans des cas rares, cet aspect se retrouve dans le visible, par exemple dans l’étoile P Cygni qui a donné son nom à ce type particulier de profil de raie. La partie droite de la figure 3.9 montre comment les tracés évolutifs sont modifiés par la perte de masse. Les étoiles peuvent manquer partiellement ou complètement la phase supergéante rouge pour retourner très vite vers la séquence principale. Nous allons voir ce qu’il en advient en considérant la figure 3.11, qui montre la structure d’une étoile de masse initiale 60 M au cours de son évolution. Le point essentiel de cette évolution avec perte de masse est que les zones de mélange par convection et même de combustion peuvent être très proches de la surface. Par exemple, on voit sur la figure 3.11 que l’azote produit par le cycle CNO enrichit la surface dès la fin du séjour sur la séquence principale, et encore plus au
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Figure 3.10. À gauche, portions de spectres ultraviolets d’étoiles très chaudes avec la raie du carbone 3 fois ionisé (CIV) à 155 nm. L’aspect particulier du profil de cette raie (profil P Cygni) est expliqué à droite. L’étoile est entourée d’une atmosphère en expansion. Devant l’étoile (A), cette atmosphère absorbe le rayonnement continu de l’étoile dans la raie, qui apparaît donc en absorption, centrée à la longueur d’onde λ1 , décalée vers les courtes longueurs d’onde puisque le gaz absorbant se rapproche de l’observateur. Sur les bords (B), on voit la raie en émission centrée en λ0 , non décalée en longueur d’onde. Le spectre global résulte de la superposition de ces deux spectres. La vitesse d’expansion est v ≈ c (λ0 − λ1 )/λ0 . Spectres obtenus avec le télescope spatial Hubble, aimablement communiqués par Nolan Walborn.
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Figure 3.11. Évolution d’une étoile de masse initiale 60 M avec forte perte de masse. L’étoile a perdu les 2/3 de sa masse à la fin de son évolution. Les zones de fusion sont indiquées en hachures obliques et en rouge, tandis que les zones à fines hachures verticales représentent des régions de mélange induit par la convection, qui sont progressivement enrichies en éléments synthétisés plus profondément. Après une courte phase supergéante rouge à l’âge de 3,7 millions d’années, l’étoile devient une étoile de Wolf-Rayet : d’abord une WN grâce à l’azote produit par le cycle CNO dans la zone de combustion de l’hydrogène en couche, puis une WC lorsque le carbone produit à l’intérieur arrive en abondance à la surface. L’étoile explose après une très courte phase (1 an) de combustion du carbone dans son cœur ; sa masse ne dépasse pas 20 M à ce moment. D’après Maeder, A. & Meynet, G. (1987) Astronomy & Astrophysics 182, 243, avec l’autorisation de l’ESO.
début de la phase de combustion centrale de l’hélium puisque la région où se produit le cycle CNO en couche affleure la surface. Par la suite, c’est le carbone et l’oxygène produit à l’intérieur qui arrive à la surface, son abondance dépassant largement celle de l’azote. Pendant toutes ces phases, il y a de moins en moins d’hydrogène en surface, qui est considérablement enrichie en hélium. Qu’advient-il de l’atmosphère en expansion qui résulte de la perte de masse ? Pendant le séjour de l’étoile sur la séquence principale, ce vent stellaire, où l’hydrogène est complètement ionisé par le rayonnement de l’étoile, remplit une vaste bulle en expansion dans le milieu interstellaire. Cependant, lorsque la zone de combustion de l’hydrogène atteint la surface, le vent stellaire ne contient plus d’hydrogène mais essentiellement de l’hélium et de l’azote, puis du carbone et éventuellement de l’oxygène pour les étoiles les plus massives. Ce vent très chaud (plusieurs dizaines de milliers de degrés) est dense et opaque, si bien que l’on ne peut plus voir la surface de l’étoile elle-même. On ne voit qu’un continuum et surtout des raies très larges en émission provenant du vent. Nous avons vu figure 3.10 que, pendant
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la phase séquence principale, l’atmosphère vue en dehors de l’étoile donnait des raies en émission, mais qu’on les voyait en absorption devant l’étoile à une longueur d’onde légèrement différente. Maintenant, l’atmosphère est opaque au rayonnement de la surface de l’étoile et les raies sont en émission pure, élargies fortement par l’effet Doppler-Fizeau dû à l’expansion, dont la vitesse est de l’ordre de 3 000 km/s : l’étoile est devenue une étoile Wolf-Rayet. D’abord, l’atmosphère contient surtout de l’hélium et de l’azote, et ce sont les raies de ces éléments dans différents degrés d’ionisation qui dominent : l’étoile est une WN. Puis, ce vent se dissipe et est remplacé progressivement par un vent où le carbone remplace l’azote, et l’étoile devient une WC. Pour les masses initiales les plus grandes, l’oxygène peut ensuite s’ajouter au carbone et l’étoile est désignée comme WO. Ainsi les phases de l’évolution de l’étoile de 60 M que nous avons prise en exemple se traduisent dans la séquence spectrale suivante : O → B → supergéante F-G → WN → WC → supernova. Les effets de la métallicité sur cette évolution sont très importants, comme nous l’avons déjà remarqué. Il en résulte que dans les galaxies à faible métallicité comme le Petit Nuage de Magellan, la perte de masse est faible si bien que le rapport du nombre de supergéantes rouges à celui des Wolf-Rayet est élevé. Ce rapport est petit pour une galaxie plus riche en métaux comme la nôtre, car la perte de masse empêche la plupart des étoiles massives d’accéder au stade de supergéante rouge. Signalons pour terminer que pratiquement toutes les étoiles massives sont variables, surtout lorsqu’elles sont à l’état de supergéantes plus chaudes que les supergéantes rouges : on a alors affaire à des variables à longue période.
Complications : la rotation et le champ magnétique des étoiles 4
Dans tout ce qui précède, nous avons négligé la rotation des étoiles. Cependant, toutes les étoiles tournent plus ou moins vite sur elles-mêmes, ayant conservé une partie du moment angulaire initial du nuage qui les ont formées. Nous avons vu section 2.7 que le Soleil tourne sur lui-même avec une période de 25,5 jours à l’équateur, qui croît jusqu’à 34 jours dans les régions polaires : il s’agit donc d’une rotation différentielle, laquelle intéresse également la zone convective, tandis que la zone radiative plus profonde tourne comme un corps solide avec une période de 27 jours et que le cœur paraît tourner plus vite. Les étoiles jeunes tournent beaucoup plus rapidement que les vieilles : pour les étoiles de type solaire, la vitesse de rotation varie avec l’âge t comme t −0,5 . D’autre part, les étoiles de masse inférieure à environ 1,4 M , qui ont une enveloppe convective, tournent beaucoup moins vite que celles 80
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de masse plus grande : il y a donc freinage de la rotation au cours de la vie de l’étoile : nous verrons plus loin que c’est l’effet du champ magnétique. La rotation a des conséquences considérables sur les propriétés et sur l’évolution des étoiles, au point qu’un ouvrage entier lui a été consacré (Maeder, 2009). Sur le plan de l’observation, l’effet Doppler-Fizeau élargit les raies spectrales puisqu’on observe la superposition de ce qui provient des régions qui se rapprochent et de celles qui s’éloignent. Par ailleurs, l’étoile en rotation prend la forme d’un ellipsoïde aplati, et la température apparente de l’étoile dépend de son orientation par rapport à la ligne de visée : les régions polaires sont plus chaudes et les régions équatoriales plus froides. Considérons en effet un certain angle solide pointant depuis le centre de l’étoile. Le flux de rayonnement F qui passe dans cet angle solide atteint le pôle à un rayon plus petit que l’équateur, et franchit donc dans une aire plus petite de la surface, qui est donc portée à une température plus élevée et a une couleur plus bleue que les régions équatoriales. En gros, F est proportionnel à la gravité g (théorème de von Zeipel, qui a le premier remarqué ce phénomène en 1924). La rotation affecte aussi la structure interne. Elle induit dans les zones radiatives une lente circulation de matière, qui transporte vers la surface les éléments chimiques fabriqués plus profond par les réactions nucléaires. À l’inverse, le cœur de l’étoile bénéficie ainsi d’un apport d’hydrogène : du combustible frais qui va allonger sa durée de vie sur la séquence principale. Le transport de moment angulaire est assuré par la circulation qui vient d’être mentionnée, mais aussi par les ondes de gravité émises au bord des zones convectives : on a de bonnes raisons de penser que ces ondes sont responsables de la rotation uniforme de l’intérieur radiatif du Soleil. Ce n’est que tout récemment que le mélange interne induit par la rotation a commencé à être pris en compte dans les modèles stellaires. Il modifie appréciablement le tracé évolutif dans le diagramme HR. Plus important, au cours des phases avancées de l’évolution il modifie le profil interne de la composition chimique, ce qui altère la composition de la matière éjectée. La rotation différentielle, dont le Soleil donne un exemple, induit de la turbulence « horizontale » dans les zones radiatives, laquelle modifie encore le mélange à l’intérieur de l’étoile, et produit diverses instabilités. Mais son effet le plus remarquable concerne le champ magnétique. En effet, les étoiles, dont la matière est bonne conductrice de l’électricité, possèdent en général un champ magnétique ; on le mesure par l’effet Zeeman qu’il produit sur les raies spectrales 1 . Au départ, le champ magnétique, qui est issu du champ magnétique interstellaire, est faible. La rotation différentielle tord les lignes de force de ce champ, ce qui a pour effet de l’amplifier, compensant ainsi les pertes ohmiques et augmentant le champ global : c’est l’effet 1
Récemment, on a construit des spectropolarimètres qui permettent de dresser la carte du champ magnétique à la surface des étoiles.
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dynamo. C’est cet effet qui est responsable du champ magnétique de la Terre, dont les parties fluides internes sont en rotation différentielle. L’effet dynamo permet de comprendre comment évolue le champ magnétique du Soleil pendant sa période d’activité de 11 ans. Au minimum d’activité, le champ magnétique est faible (environ 1 gauss = 10−4 tesla), dipolaire comme celui d’un aimant et aligné sur l’axe de rotation du Soleil (un tel champ est dit poloïdal). La rotation différentielle produit alors une torsion des lignes de force. Cette torsion engendre progressivement par effet dynamo, après quelques tours, un champ magnétique de plusieurs centaines de gauss dont les lignes de force sont parallèles à l’équateur, mais dont le sens est opposé dans les deux hémisphères (champ dit toroïdal). Ce champ produit des boucles magnétiques qui émergent à la surface en formant des taches groupées en régions actives bipolaires, où son intensité atteint plusieurs milliers de gauss. Puis ces boucles, qui sont initialement parallèles à l’équateur, se tordent partiellement dans la direction Nord-Sud en raison de l’accélération de Coriolis, créant une composante le long des méridiens, qui va fusionner en un champ poloïdal de polarité inverse à celle du champ initial. Dans certaines régions particulièrement actives, le champ se dissipe par reconnexion des lignes de force, produisant les éruptions. Au début du cycle, les boucles émergent à des latitudes assez élevées, puis elles apparaissent progressivement à des latitudes de plus en plus basses, par un mécanisme qui n’est pas encore parfaitement compris. Dû à la présence de la zone convective, le Soleil perd une très faible quantité de matière (de l’ordre de 10−14 M par an), principalement sous la forme d’un vent dont on avait soupçonné la présence en observant la queue des comètes. Ce vent emporte également du moment angulaire, mais cette perte serait négligeable sans le bras de levier exercé par le champ magnétique. C’est donc le champ magnétique créé par l’effet dynamo qui est la cause du ralentissement au cours du temps des étoiles de type solaire. Les étoiles massives ne possèdent pas de zone convective, ce qui explique pourquoi la plupart sont des rotateurs rapides. Pourtant, dans 5 % d’entre elles, on observe un champ magnétique d’origine fossile, qui peut atteindre plusieurs milliers de gauss. Le même effet de ralentissement opère alors dans ces étoiles magnétiques, mais le vent est dû au rayonnement intense qu’elles émettent. Dans les cas où la rotation est très rapide, la force centrifuge à l’équateur peut engendrer une forte perte de masse et former un disque en rotation autour de l’étoile, disque qui rappelle le disque protoplanétaire que nous avons rencontré au chapitre 1, mais qui a une origine complètement différente. Le gaz de ce disque produit des raies d’émission qui se superposent aux raies d’absorption habituelles de l’étoile.
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4 La mort des étoiles Si la tendance générale de l’évolution est la même pour les étoiles de toutes masses, des différences très importantes se produisent à la fin de leur vie. Au-dessous d’une masse critique d’environ 8 M , les étoiles qui ont terminé leur séjour sur la séquence principale deviennent des géantes rouges, puis redescendent très rapidement la branche des géantes dans le diagramme HR avant d’effectuer un trajet très voisin en remontant la branche asymptotique. À la fin de cette branche, où elles perdent beaucoup de masse, elles se retrouvent sous la forme d’un résidu compact entouré de ce qui reste de l’enveloppe. Ce résidu est relativement inerte et subsiste finalement sous la forme d’une naine blanche, après diverses péripéties que nous allons décrire. En revanche, les étoiles de masse supérieure à environ 8 M connaissent une fin spectaculaire : leur évolution s’accélère de manière dramatique en court-circuitant souvent les stades précédents, pour se terminer par un des événements les plus énergétiques de l’Univers : leur explosion sous forme de supernova. Il faut donc étudier séparément les étoiles dont la masse est inférieure ou supérieure à cette masse critique : nous les appellerons « petites » et « grosses » étoiles. 1 1.1
La mort des petites étoiles Après la branche asymptotique
Nous avons laissé au chapitre précédent ces étoiles à la fin de la série d’impulsions thermiques qui caractérise la phase TP-AGB. À ce moment, elles sont entourées d’une épaisse enveloppe en expansion. Elles sont affectées d’importantes pulsations qui augmentent encore la perte de masse, laquelle dépasse 10−5 M par an pendant environ un millier d’années. Une dernière impulsion thermique produit une combustion
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quasi explosive de l’hélium en carbone et en oxygène, qui expulse l’enveloppe, maintenant détachée du cœur. Seules quelques couches produisent encore de l’énergie nucléaire dans ce cœur, mais la gravitation domine si bien qu’il se contracte en se réchauffant rapidement : l’étoile passe donc en quelques centaines d’années du stade de supergéante rouge à celui de géante jaune puis de naine bleue, tandis que sa luminosité reste sensiblement constante. Cependant, cette évolution post-AGB ne peut être observée que dans l’infrarouge, car l’étoile est maintenant cachée par l’épaisse enveloppe qu’elle a expulsée, dont les parties extérieures sont devenues suffisamment froides pour que des molécules puis des poussières s’y forment, ce qui les rend opaques à la lumière visible. Pendant le stade AGB, une nucléosynthèse active s’est produite dans les différentes couches de combustion de l’étoile, et ses produits se retrouvent dans l’enveloppe éjectée. L’encadré 4.1 en donne quelques détails. L’apparition d’un produit ou d’un autre dans le spectre de l’étoile donne lieu à une classification : – la plupart des étoiles AGB sont des étoiles géantes M, caractérisées par un rapport 16 O/12 C > 1 et par un excès de 14 N, produit dans les zones de combustion de l’hydrogène ; – les étoiles S, plus rares, sont caractérisées par un excès de 14 N, de 12 C et de certains éléments produits par capture de neutrons (voir l’encadré 4.1) ; – les étoiles carbonées sont des étoiles S extrêmes où l’abondance du carbone dépasse celle de l’oxygène : 12 C/16 O > 1 ; – les étoiles J sont des étoiles carbonées où l’isotope 13 C est surabondant. Encadré 4.1. La nucléosynthèse dans les géantes de la branche asymptotique.
Cette nucléosynthèse se produit : – dans la mince couche de combustion de l’hydrogène, à la fin de la phase E-AGB (voir la figure 3.7). La température est alors plus élevée que dans les parties centrales des étoiles sur la séquence principale, si bien que la combustion se fait par les cycles CNO : mais comme la couche est mince, ces cycles n’ont pas le temps d’arriver à l’équilibre avant que certains produits ne quittent cette région. Il en résulte une production importante non seulement de 4 He, mais aussi de 14 N, de 13 C et de produits secondaires comme 20 Ne, 23 Na et 22 Ne ; – dans la couche à peine plus profonde où brûle l’hélium, particulièrement pendant les impulsions thermiques, il y a une importante production de 12 C. Lors de ces impulsions, les zones de combustion de l’hélium sont en contact avec des régions qui ont été enrichies en 14 N, en 13 C et en autres produits générés dans la couche de combustion de l’hydrogène, si bien que de nouveaux isotopes sont engendrés par capture de noyaux d’hélium, par exemple 18 O à partir de 14 N. Particulièrement importante est la réaction 13 C + 4 He → 16 O + n, car elle produit des neutrons qui sont à l’origine d’une nucléosynthèse très intéressante, résultant de capture de neutrons par les produits préexistants, suivie de désintégration β − si les isotopes synthétisés sont
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instables. Les conditions physiques sont telles que le flux de neutrons est suffisamment faible pour que les désintégrations β − puissent en général se produire avant la capture d’un nouveau neutron. Les éléments ainsi formés sont dits éléments s (s pour l’anglais slow), la capture de neutrons étant dite lente. Les réactions sont du type : (Z, A) + n → (Z, A + 1) → (Z + 1, A + 1) + e− , où Z et A sont respectivement le nombre de charge et la masse atomique du noyau. C’est ainsi que se forment Y, Sr, Ba, La, Nd, Tc, et ainsi de suite jusqu’à 208 Pb. Le technétium, dont les isotopes, tous radioactifs, ont des périodes égales ou plus courtes que 4,2 106 ans (la période de 98 Tc), a fourni la première preuve observationnelle directe de la nucléosynthèse dans les étoiles, par la détection de cet isotope dans plusieurs étoiles AGB ; – enfin, si la masse initiale de l’étoile est plus grande que 4 M , la température à la base de l’enveloppe convective est assez élevée pour que l’hydrogène y brûle, les produits de nucléosynthèse étant aussitôt transportés à la surface par convection : on y trouve en particulier 14 N, 26 Al et 7 Li, lequel résulte de la décomposition du 7 Be produit par une des chaînes proton-proton.
L’évolution post-AGB n’a pu être observée que depuis quelques dizaines d’années, grâce à la radioastronomie et à l’astronomie infrarouge au sol et dans l’espace. En radioastronomie, on détecte les molécules qui se sont formées dans l’enveloppe refroidie, en particulier CO dans tous les types d’étoiles et OH dans les étoiles riches en oxygène : on parle en particulier d’étoiles OH/IR pour celles qui sont observables en raies de OH et en infrarouge, mais qui ne produisent pas de lumière visible. Le profil caractéristique des raies de OH permet d’obtenir la vitesse d’expansion, soit quelques dizaines de kilomètres par seconde. En infrarouge, on observe l’émission thermique des poussières aux différents stades de l’évolution, comme le montre la figure 4.1. 1.2
Les nébuleuses planétaires
Lorsque l’étoile centrale est devenue suffisamment chaude pour que son rayonnement ultraviolet ionise l’enveloppe extérieure, on voit apparaître une nébuleuse planétaire brillante autour de cette étoile, dont le rayonnement est dû à la recombinaison de l’hydrogène et à diverses raies interdites d’ions comme OIII 1 . La désignation de « nébuleuse planétaire » est très impropre puisque ces objets n’ont rien à voir avec des planètes, mais elle a subsisté. En 1764, Messier catalogua une centaine de nébuleuses de nature inconnue, qui apparaissaient, dans de petites lunettes comme de 1
Toutefois, il se peut que la matière éjectée se soit dispersée avant que l’étoile centrale ne soit assez chaude pour pouvoir l’ioniser. Dans ce cas, il n’y a pas de nébuleuse planétaire. C’est souvent le cas aux petites masses.
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Figure 4.1. Évolution du spectre d’une étoile post-AGB de la fin du stade TP-AGB au stade de nébuleuse planétaire. Les différentes étapes et la température de l’objet central sont indiquées. La partie aux courtes longueurs d’onde correspond à l’objet central, qui est totalement invisible au début puis devient progressivement visible à mesure qu’il s’échauffe et que l’enveloppe se disperse. L’émission de l’enveloppe se fait dans l’infrarouge moyen et lointain. Cette enveloppe est de plus en plus froide au cours du temps, la nature des grains change et on voit apparaître les raies caractéristiques des grains polyaromatiques hydrogénés (PAH) si le rapport C/O est supérieur à 1, ce qui est le cas ici. Il s’agit d’une simulation numérique, avec laquelle les observations sont en très bon accord. D’après Acker, A. in Lequeux et al. (2009).
petits disques ressemblant vaguement à des planètes : leur nom leur fut donné par Darque en 1779. Comme ces objets sont très brillants, ils furent parmi les premiers à être l’objet d’observations spectroscopiques, notamment par William Huggins dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Certaines de ces nébuleuses planétaires ont un aspect sensiblement circulaire ou elliptique, donc sont probablement des ellipsoïdes, signe que le vent qui les a créées était sensiblement isotrope. Un exemple en est montré figure 4.2. Mais ce sont plutôt des exceptions. La forme des nébuleuses planétaires peut être extrêmement variée, et on peut quelquefois observer des jets de matière issus de l’étoile : donc le vent était souvent très anisotrope. Quelquefois, l’anisotropie peut provenir du
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Figure 4.2. La nébuleuse planétaire M 57, observée avec le télescope spatial Hubble. Cette nébuleuse, éjectée et ionisée par l’étoile visible au centre, a un diamètre d’environ 0,3 pc. L’étoile centrale a une température effective d’environ 120 000 K, et rayonne surtout en ultraviolet lointain, mais peu en lumière visible. Les couleurs sont dues à des raies d’émission dont l’intensité relative varie avec la distance à l’étoile. © Hubble Space Telescope Heritage.
fait que l’étoile centrale est une des composantes d’un système double. On voit fréquemment plusieurs enveloppes concentriques, signe que l’éjection de matière a eu lieu à plusieurs reprises. Il subsiste pendant un certain temps de la matière neutre autour du gaz ionisé, que l’on peut observer dans des raies moléculaires comme les raies de CO à 2,6 et 1,3 mm de longueur d’onde, ou les raies de vibration de H2 dans l’infrarouge proche, qui proviennent de l’interface comprimé qui entoure le gaz ionisé dont la pression est élevée. Deux exemples sont montrés figures 4.3, 4.4 et 4.5. La composition chimique de la nébuleuse planétaire reflète évidemment celle de l’enveloppe de l’étoile à la fin de la phase TP-AGB : en particulier, le rapport C/O peut être soit inférieur, soit supérieur à 1. Quant à l’étoile centrale, elle est de type
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Figure 4.3. La nébuleuse planétaire de l’Hélice. Les contours blancs représentent la distribution de la molécule CO, obtenue dans la raie à 1,3 mm de longueur d’onde. Ils sont superposés à une image obtenue avec le télescope spatial Hubble. Remarquer l’étoile centrale. D’après Young, K. et al., (1999) Astrophysical Journal 522, 387, avec l’autorisation de l’AAS.
Wolf-Rayet dans environ 10 % des cas : elle est alors entourée d’un reste d’enveloppe en expansion rapide dont on observe les raies d’émission très élargies.
1.3
Les naines blanches
La figure 4.6 montre l’évolution d’étoiles centrales de différentes masses. Après avoir atteint une température effective de 100 000 à 400 000 K selon sa masse, la luminosité de cette étoile diminue rapidement et elle devient une naine blanche, où la matière est complètement dégénérée. Il n’y a plus de source d’énergie nucléaire, donc
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Figure 4.4. La nébuleuse planétaire NGC 7027, vue par le télescope spatial Hubble. C’est une image composite résultant de la superposition d’une image dans le visible (en bleu) et d’un autre dans l’infrarouge proche (en jaune et rouge). Remarquer les coquilles extérieures qui résultent de plusieurs éjections consécutives. © Hubble Space Telescope Heritage.
cette naine blanche ne peut que se refroidir. Ce refroidissement est rapide au début, comme le montre la figure 4.6, et on atteint assez vite une température effective de l’ordre de 10 000 K, où l’étoile est de couleur blanche, d’où son nom. Le refroidisse4 et ment se ralentit beaucoup ensuite, car l’énergie émise est proportionnelle à Teff la surface rayonnante est très petite étant donné le faible diamètre de l’étoile, qui est de l’ordre de celui de la Terre. Il faut environ 1010 ans pour que la température effective atteigne 4 000 K, un peu plus pour les masses plus élevées, un peu moins pour les masses plus faibles. Donc la plupart des naines blanches qui ont été formées depuis le début de la Galaxie, il y a 1,4 1010 ans, sont encore observables, mais seulement très près du Soleil en raison de leur faiblesse : on en connaît plus de 3 000 au
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Figure 4.5. En haut, deux aspects de la nébuleuse planétaire NGC 7027, dans une raie de vibration de l’hydrogène moléculaire à 2,12 μm et dans le continuum radio à 6 cm de longueur d’onde, à la même échelle. Ce continuum donne la distribution de l’essentiel du gaz ionisé. En bas, l’image rouge avec les contours noirs montre la distribution de la molécule CO dans NGC 7027, observée dans la raie à 2,6 mm de longueur d’onde (échelle différente) ; les contours blancs indiquent l’extérieur de la distribution de la raie de l’hydrogène moléculaire. La raie de vibration de H2 apparaît dans une zone intermédiaire entre le gaz ionisé et l’enveloppe moléculaire. D’après Cox, P. et al. (1997) Astronomy & Astrophysics 321, 907, et (2002) Astronomy & Astrophysics 384, 603, avec l’autorisation de l’ESO.
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Figure 4.6. Tracés d’évolution dans le diagramme HR d’étoiles post-AGB. Les deux tracés du bas concernent des étoiles de masse initiale 3 M et de masse de cœur 0,605 et 0,625 M ; celui du haut est pour une étoile de masse initiale 5 M et de masse de cœur 0,836 M . Le temps est porté en milliers d’années le long de chaque tracé. D’après Blöcker, T. (1995) Astronomy & Astrophysics 299, 755, avec l’autorisation de l’ESO.
voisinage immédiat du Soleil. Elles forment donc une population très nombreuse qui nous donne des informations sur le taux passé de formation d’étoiles dans la Galaxie. La spectroscopie des naines blanches est intéressante pour le physicien : la très forte gravité sur leur surface occasionne un grand élargissement des raies spectrales, et on a pu quelquefois mesurer en dépit de cette grande largeur le décalage gravitationnel de ces raies.
2 2.1
La mort des grosses étoiles Les supernovae
Contrairement aux petites étoiles, les étoiles dont la masse est supérieure à 8 M environ connaissent une fin explosive et spectaculaire comme supernovae : spectaculaire, car la luminosité d’une supernova peut pendant quelques semaines atteindre
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Figure 4.7. La supernova SN 1998bw dans la galaxie spirale lointaine ESO 184-G82. À gauche, avant l’explosion (observation au télescope de Schmidt de 1 m de l’ESO) ; à droite, la supernova est indiquée par une flèche (observation au New Technology Telescope de 3,5 m de l’ESO, dont les images sont plus fines). Distante d’environ 45 millions de parsecs, elle est au moins aussi lumineuse que l’ensemble de la galaxie où elle survient (en fait, c’est une des supernovae les plus lumineuses jamais observées). Il s’agit de l’explosion d’une étoile très massive – une hypernova –, qui a donné lieu simultanément à un sursaut de rayons gamma. Le nom donné aux supernovae correspond à l’année de la découverte suivie de lettres indiquant l’ordre de sa découverte dans l’année : celle-ci est donc la 26 + 23 = 49e supernova découverte en 1998. © ESO Education and Public Relations Department.
celle d’une galaxie tout entière (figure 4.7). Une dizaine de supernovae ont été observées à l’œil nu dans la Galaxie au cours de l’histoire, en particulier en 1054 par les astronomes chinois, en 1572 par Tycho Brahe et en 1604 par Kepler. On a retrouvé les restes de ces supernovae, restes dont nous parlerons plus loin. La dernière supernova connue dans notre Galaxie a explosé il y a environ 300 ans dans la constellation de Cassiopée, dans une direction où l’extinction de la lumière par les poussières interstellaires est très grande. Elle n’est connue que par son reste, qui se trouve être la radiosource la plus intense du ciel ; Flamsteed a bien catalogué en 1680 une étoile disparue depuis, dont la position coïncide sensiblement avec celle de ce reste, mais il pourrait s’agir d’une erreur. On découvre aujourd’hui de très nombreuses supernovae dans les galaxies extérieures, grâce à des recherches systématiques qui sont menées dans des buts cosmologiques : on en connaît aujourd’hui près de 6 000. En moyenne, 2 à 3 supernovae explosent chaque siècle dans une galaxie de la taille de la nôtre.
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Il existe différents types de supernovae, qui reflètent les propriétés de l’étoile au moment de son explosion. Les supernovae sont essentiellement classées selon l’aspect de leur spectre. Les supernovae de type I (SN I) ne montrent pas les raies de l’hydrogène, tandis que ces raies sont présentes dans les supernovae de type II (SN II). Les SN Ia sont un sous-type des SN I caractérisé par la présence de raies du silicium. Leur luminosité maximale des SN Ia et l’aspect de leur courbe de lumière (la courbe qui donne la luminosité en fonction du temps) paraissent très peu variables d’un objet à l’autre, ce qui en fait des « chandelles standards » qui permettent de connaître la distance des galaxies où elles surviennent. Ces SN Ia ne résultent pas de l’explosion d’étoiles massives, mais proviennent de l’explosion thermonucléaire d’une naine blanche faisant partie d’un couple stellaire serré : nous en parlerons au chapitre suivant. Les autres supernovae (SN Ib, Ic, II, etc.), qui sont environ cinq fois plus nombreuses que les SN Ia dans une galaxie spirale comme la nôtre, correspondent toutes à l’explosion d’étoiles massives. Les différences considérables que l’on observe entre ces supernovae proviennent des détails de l’explosion, en particulier de la composition chimique de l’enveloppe de l’étoile à ce moment. 2.2
La course à l’abîme
Reprenons l’étoile massive telle que nous l’avons laissée section 3.3. Elle est constituée d’un cœur de carbone 12 et d’oxygène 16 résultant d’une combustion antérieure de l’hélium, entouré d’une couche concentrique où brûle l’hélium 4. Si la perte de masse n’a pas été trop grande, il y a une autre couche où brûle l’hydrogène puis une énorme enveloppe, qui définit une supergéante ; si la perte de masse a été importante, comme pour la figure 3.11, cette enveloppe et même la couche de combustion de l’hydrogène peuvent avoir disparu, l’étoile étant alors une Wolf-Rayet. Mais ceci importe peu pour l’instant : c’est ce qui se passe dans le cœur qui nous intéresse. Comme aucune réaction nucléaire ne se produit plus dans ce cœur quand tout l’hélium y a été brûlé, il se contracte et sa température s’élève jusqu’à ce que sa température atteigne 6 à 8 108 K. Alors commence la fusion du carbone. La température s’élève encore et vers 1,9 109 K, la fusion de l’oxygène débute après un épisode complexe où interviennent les produits de la fusion du carbone, en particulier 20 Ne. La fusion de 16 O synthétise, entre autres produits, plusieurs isotopes du silicium, en particulier 28 Si. À 3,3 109 K, des réactions de photodésintégration s’amorcent, qui produisent des noyaux d’hélium α, par exemple : 28
Si + γ → 24 Mg + α.
Les α ainsi libérés sont capturés par divers noyaux, produisant des éléments de plus en plus lourds, dont les plus stables survivent. On va ainsi jusqu’au 56 Fe, qui est le noyau le plus stable de tous. Au-delà de 56 Fe, d’autres éléments peuvent être créés,
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Figure 4.8. Schéma de la structure en couches d’une étoile massive juste avant son explosion. D’après Maeder (2009).
mais seulement par capture de neutrons. L’étoile a alors la structure en « pelure d’oignon » représentée schématiquement figure 4.8. La matière y est à la limite de la dégénérescence, et devient dégénérée dans les régions centrales à la fin de cette évolution, dans un rayon qui dépend de la masse et de la rotation. Pendant toutes ces phases, il y a une production de neutrinos de plus en plus importante à mesure que la température s’élève. Elle provient surtout de l’annihilation des paires électron-positron, elles-mêmes produites à partir de ceux des photons dont l’énergie est supérieure à 0,511 MeV : γ+γ ↔ e− +e+ . Ces photons existent en nombre croissant, comme queue de la distribution d’énergie, dès que la température s’élève au-delà de la température de fusion du carbone (l’énergie E = 0,511 MeV correspond à une température T = E/k = 5,93 109 K). L’annihilation d’une paire e− e+ peut produire soit une paire de photons, soit une paire neutrino-antineutrino électroniques, le rapport des probabilités correspondantes étant :
4 P(ν)/P(γ) = 3 10−18 Eν /me c2 , où Eν est l’énergie du neutrino produit : P(ν) croît donc considérablement avec la température. Les neutrinos s’échappent sans encombre de l’étoile, emportant avec eux de l’énergie. Pour compenser cette perte, l’étoile se contracte, s’échauffe et brûle son combustible de façon effrénée sans pour autant parvenir à une situation stable. Au contraire, plus la température et la densité s’élèvent, plus les réactions nucléaires sont rapides et plus la production de neutrinos est forte : on court à la catastrophe.
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De plus, lorsque la température atteint 1010 K et la densité 1010 g cm−3 dans le cœur, les photons ont suffisamment d’énergie pour photo-désintégrer le fer, par une réaction endothermique qui consomme une grande quantité d’énergie thermique, accélérant ainsi l’effondrement : 56
Fe + γ → 13α + 4 n − 124 MeV.
La structure en couches de l’étoile à ce moment est schématisée figure 4.8 ; la durée des différentes phases de la combustion et les conditions physiques correspondantes sont données dans le tableau 4.1. Enfin l’encadré 4.2 donne des détails sur les réactions nucléaires et la nucléosynthèse dans le cœur. Masse Phase
Durée
Température
Principaux
spécifique
produits de la
dans le cœur
combustion
Combustion de H
7 106 ans 6 107 K
5 g cm−3
4
Combustion de 4 He
5 105 ans 2 108 K
700 g cm−3
12
C, 16 O
Combustion de 12 C
600 ans
9 108 K
2 105 g cm−3
24
Mg, 20 Ne
Photodésintégration de 20 Ne 0,5 an
1,7 109 K
4 106 g cm−3
16
O, 24 Mg, 28 Si
Combustion de 16 O
2,3 109 K
107 g cm−3
Photodésintégration de
6 jours 28
Si
1 jour
9
7
4,0 10 K
−3
3 10 g cm
He, 14 N
Isotopes de Si et S 56
Fe, etc.
Tableau 4.1. Phases de la combustion dans le cœur d’une étoile de 25 M . Leurs caractéristiques sont données de façon approximative car elles dépendent quelque peu de la rotation de l’étoile.
Encadré 4.2. La nucléosynthèse dans les étoiles massives.
À la fin de la vie des étoiles massives, le cœur est d’abord constitué de 12 C et 16 O, qui résultent de la fusion de l’hélium. Puis, la température s’élevant en raison de la contraction gravitationnelle du cœur, survient la fusion du carbone qui produit un noyau de 24 Mg∗ (excité), lequel se désintègre de diverses façons dont les principales sont : 12
C + 12 C → 24 Mg∗ → 20 Ne + 4 He(α) → 23 Na + 1 H(p).
Puis diverses réactions convertissent l’essentiel du 24 Mg. Les principales sont : 23 20
23
Na en
20
Ne, et une partie du
20
Ne en
Na + p → 20 Ne + α
Ne + α → 24 Mg + γ.
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À la fin de la combustion du carbone, les produits principaux sont donc 20 Ne et 24 Mg, tandis qu’une grande quantité de 16 O subsiste. L’épisode suivant est la photodésintégration de 20 Ne, lorsque l’énergie des photons est devenue suffisante grâce à l’élévation de la température : 20
Ne + γ → 16 O + α,
tandis que les α capturent les 20 Ne restants : 20
Ne + α → 24 Mg + γ.
Une autre réaction importante est : 24
Mg + α → 28 Si + γ.
La fusion de l’oxygène commence à 1,9 109 K : elle produit 32 S∗ dont la désintégration donne principalement 28 Si et 32 S, tandis que d’autres réactions produisent divers isotopes de Si, P, S, Cl, Ar, K, Ca et Sc. Il n’y a pas ensuite de fusion de 28 Si, car elle nécessiterait une température très élevée avant laquelle se produit un ensemble de photodésintégrations : 28
Si + γ → 24 Mg + α,
et réactions semblables concernant 24 Mg, 20 Ne, etc. Des chaînes de réaction produisent des éléments de plus en plus lourds par capture des α ainsi libérés. Ces éléments subsistent d’autant mieux qu’ils sont plus stables, et ceci jusqu’au plus stable de tous, 56 Fe qui est produit en grande quantité. D’autres éléments, en particulier ceux qui sont plus lourds que le fer, sont synthétisés pendant l’explosion de la supernova : voir l’encadré 4.3.
2.3
L’explosion
À la fin de l’épisode précédent, le cœur de fer est dégénéré et, lorsqu’il dépasse la masse limite de Chandrasekhar (voir le chapitre 2, section 6), la pression de Fermi des électrons ne peut lutter contre la gravité et le cœur implose brusquement. L’énergie d’origine gravitationnelle libérée par cet effondrement est énorme, de l’ordre de plusieurs fois 1053 ergs, et ceci pendant un temps très court, de l’ordre d’un centième de seconde. La plus grande partie, environ 99 %, est évacuée sous forme de neutrinos, et le reste, environ 1 % soit 1051 ergs, sous forme d’énergie cinétique. De ces 1051 ergs, 1 % est converti en énergie lumineuse : donc, bien que l’apparition de la supernova soit extrêmement spectaculaire, elle ne représente qu’un dix-millième de l’énergie totale effectivement libérée.
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Le problème est que l’on ne comprend pas bien comment l’énergie de l’implosion se transfère aux couches extérieures au cœur. Celles-ci ne réalisent pas immédiatement que « le sol s’est effondré sous leurs pieds », si bien que l’évolution du cœur en est complètement découplée. Pendant l’implosion, la matière du cœur atteint des masses spécifiques telles que l’essentiel des électrons est capturé par les noyaux et les protons, les transformant en neutrons. Cette neutronisation de la matière est accompagnée d’une émission de neutrinos (un par neutron synthétisé), qui tentent de s’échapper. Mais la densité est devenue tellement grande que ces neutrinos ne parviennent pas à se frayer un chemin : la matière est devenue opaque aux neutrinos, comme elle l’était précédemment pour les photons. Lorsque la densité atteint 2 1013 g cm−3 , qui est la densité de la matière nucléaire, l’effondrement du centre du cœur s’arrête d’un seul coup. Ceci engendre des ondes de gravité : le cœur interne se met à vibrer. Ces vibrations transportent à la surface du cœur une partie de l’énergie gravitationnelle. Mais, alors qu’elles y arrivent, elles rencontrent les parties qui sont encore en train de s’effondrer. Un combat s’engage entre la « vague » qui vient de l’intérieur et l’« avalanche » qui tombe de l’extérieur. Combat dont on a longtemps espéré que la vague serait gagnante, mais en vain : les simulations numériques actuelles montrent qu’elle est insuffisante pour entraîner l’explosion des couches extérieures, l’étoile s’effondrant alors entièrement dans un trou noir. Certains pensent d’ailleurs que cette disparition totale pourrait effectivement avoir lieu pour les étoiles de très grande masse. On doit alors faire intervenir les neutrinos. Ceux-ci ne sont emprisonnés qu’un cours instant et finissent par arriver à la surface du cœur, sous forme d’une gigantesque bouffée de 1058 neutrinos dont chacun transporte une énergie de l’ordre de 15 MeV, qui correspond à la température énorme d’environ 1,5 1011 K qu’a atteint le cœur, la température la plus élevée connue dans l’Univers actuel. 1 % de ces neutrinos interagissent avec les protons et les neutrons de l’extérieur du cœur, leur communiquant leur énergie (au total un peu plus de 1051 ergs). Les simulations numériques montrent que ce chauffage retardé par les neutrinos pourrait engendrer une explosion, mais seulement pour les étoiles dont la masse initiale est inférieure à 11 M . Pour les masses supérieures, ce mécanisme est insuffisant ; mais on ne sait pas où est réellement la masse limite, si tant est qu’il y en ait une. Comme les astrophysiciens ne sont jamais à court d’imagination, ils ont envisagé l’action de diverses instabilités hydrodynamiques qui pourraient engendrer l’explosion par l’intermédiaire d’ondes acoustiques issues des ondes de gravité. Certaines simulations numériques de ces instabilités sont prometteuses, et prédisent une asymétrie de l’explosion, qui se ferait préférentiellement dans une certaine direction : ceci pourrait rendre compte du fait que les étoiles à neutrons, restes d’explosions de supernovae massives, sont souvent éjectées à grande vitesse. Néanmoins, on est
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obligé d’admettre que malgré les quelques pistes explorées ces dernières années, le mystère de l’explosion des supernovae n’est pas éclairci. L’explosion est le siège d’une nucléosynthèse très active, qui est dominée par la capture de neutrons sur divers noyaux. Elle est schématisée dans l’encadré 4.3. Encadré 4.3. La nucléosynthèse pendant l’explosion des supernovae.
Pendant l’effondrement du cœur d’une supernova, il semble que de très nombreux neutrons soient présents dans les zones extérieures. Ils peuvent être capturés par les noyaux avoisinants. La densité des neutrons est comprise entre 1019 et 1025 neutrons/cm3 si bien que l’intervalle entre deux captures successives de neutrons par un noyau est compris entre 10−6 et 1 seconde, étant donné l’ordre de grandeur des sections efficaces de capture. Un équilibre s’établit entre capture des neutrons et photodésintégration des noyaux ainsi formés : n + (Z, A) ↔ (Z, A + 1) + γ, où Z et A sont respectivement le nombre de charge et la masse atomique du noyau. C’est le processus r (r pour l’anglais rapid), qui contraste avec le processus s (encadré 4.1) où le noyau formé par capture de neutron a le temps de subir une photodésintégration ou une éventuelle désintégration radioactive avant de capturer un autre neutron. Le processus r forme ainsi des noyaux de plus en plus lourds, en passant par des noyaux instables si leur temps de décroissance par radioactivité β − est plus long que l’intervalle entre deux captures successives de neutrons. Pendant ce processus, les noyaux ont tendance à s’accumuler aux nombres magiques de protons ou de neutrons, pour lesquels la section efficace de capture de neutrons est particulièrement petite. Lorsque l’irradiation par les neutrons est terminée, les éléments instables se désintègrent jusqu’à formation d’un noyau stable. Pour les noyaux les plus lourds, il peut y avoir fission et c’est la fission qui détermine quels sont les noyaux les plus lourds formés par le processus r : on pense que ceci se produit pour les noyaux instables au-delà de l’uranium, si bien que celui-ci est le noyau le plus lourd synthétisé par le processus r. Les éléments r ont tendance à être plus riches en neutrons que les éléments s, et c’est ainsi qu’on les distingue. Par exemple, dans les conditions du processus s, l’isotope radioactif 115 du 48 Cd produit par capture de neutrons décroît par radioactivité β − (période 54 heures) pour former l’isotope stable 115 de 49 In, tandis qu’il capture un neutron pour devenir l’isotope 116 du 48 Cd dans les conditions du processus r. On arrive assez bien à reproduire les abondances observées des éléments r avec une température T ≥ 109 K et une densité de neutrons de l’ordre de 1020 cm−3 , mais ceci ne nous donne pas d’indication très contraignante sur l’endroit où se produit le processus r dans l’explosion de la supernova, endroit qui reste hypothétique. Les supernovae massives sont probablement aussi à l’origine de certains éléments peu abondants, pauvres en neutrons à l’inverse des éléments r : ce sont les éléments p. Ils pourraient être synthétisés pendant l’explosion à partir d’éléments s préexistants, par des réactions (γ, n) à des températures de l’ordre de 3 109 K dans des couches O/Ne.
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La supernova SN 1987A
Bien que nous ne connaissions pas bien le mécanisme de l’explosion des supernovae, une chose est certaine : elles explosent. Par ailleurs, les neutrinos produits pendant l’explosion ont été détectés, comme nous allons le voir sur l’exemple de SN 1987A. Cette supernova est apparue le 23 février 1987 dans le Grand Nuage de Magellan, une galaxie satellite de la nôtre, qui est située à une distance d’environ 50 000 pc (figure 4.9). Bien entendu, tous les télescopes de l’hémisphère Sud ont été braqués sur la supernova pour observer un événement aussi exceptionnel. Les résultats ont été à la hauteur des moyens mis en œuvre, mais si certaines observations ont confirmé les idées des théoriciens, d’autres leur ont posé de sérieux problèmes qui ne sont pas encore entièrement résolus.
Figure 4.9. La supernova SN1987A dans le Grand Nuage de Magellan. À droite, avant l’explosion ; l’étoile progénitrice Sk-69◦ 202 est indiquée par la flèche. À gauche, la supernova peu après sa découverte. La croix est due à la diffraction sur le support du miroir secondaire du télescope. © Anglo-Australian Observatory.
Pour la première fois, on a pu identifier le progéniteur de la supernova. Bien qu’elle n’ait pas été particulièrement observée avant son explosion, on en sait assez
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sur cette étoile, Sk−69◦ 202, pour pouvoir affirmer sa nature. C’était une étoile supergéante bleue de masse initiale 20 M environ. Or on pensait à l’époque que, pour des étoiles de cette masse, l’explosion se produisait au stade antérieur de supergéante rouge. Visiblement, la perte de masse a été telle que l’étoile avait déjà quitté ce stade pour se diriger dans le diagramme HR vers la zone des Wolf-Rayet. On a observé depuis, en étudiant leur composition chimique, que de nombreuses supernovae explosent effectivement comme étoiles de Wolf-Rayet : ce sont celles de type Ib et Ic. Le phénomène le plus intéressant concernant SN 1987A, résultat qui a ouvert une nouvelle ère de l’observation astronomique, est la découverte de l’arrivée d’une vingtaine de neutrinos deux heures et demie avant l’apparition de la supernova en lumière visible. Ce phénomène a été observé simultanément au Japon avec le détecteur Kamiokande et aux États-Unis avec IMB. Pour la première fois, on a obtenu des observations directes sur ce qui se passe dans l’intérieur d’une supernova. L’énergie des neutrinos détectés, comprise entre 10 et 30 MeV, implique que la température du cœur au moment de l’explosion dépassait 1011 K, en accord avec la théorie. Du nombre et de l’énergie de ces neutrinos, qui transportent, nous l’avons vu, la presque totalité de l’énergie produite par l’implosion du cœur, on déduit que cette énergie était de 3 1053 ergs. Pendant quelques secondes, la supernova a ainsi émis autant d’énergie que toutes les étoiles de l’Univers observable ! Cependant, le nombre de neutrinos détectés est insuffisant pour nous renseigner sur la nature de l’explosion. Quant au délai de deux heures et demie, il indique le temps mis par l’onde de choc produite au centre pour parvenir à la surface de l’étoile. Un autre résultat très important est la détection directe de noyaux radioactifs dans SN 1987A. Du 56 Ni, produit dans les couches internes de l’étoile comme nous le verrons plus loin, se désintègre rapidement en 56 Co, lequel se désintègre plus lentement en 56 Fe en émettant des photons gamma de 847 keV et 1 238 keV. Des photons ayant cette énergie précise ont été effectivement détectés par le satellite américain SMM six mois après l’explosion. On a pu ainsi confirmer l’idée que l’énergie dégagée lors de la chaîne de désintégration 56 Ni → 56 Co → 56 Fe alimente dans une phase tardive la luminosité des supernovae issues d’étoiles massives. On n’avait précédemment que des preuves indirectes de ce mécanisme, la décroissance de la luminosité suivant la décroissance de 56 Co. Enfin, on a pu suivre le sort de la matière éjectée par l’explosion et observer son interaction avec le milieu environnant. Au bout d’un an, l’augmentation de l’extinction en direction de la supernova a montré que de la poussière s’est formée dans la matière éjectée. La supernova a illuminé la matière interstellaire voisine, avec un retard qui dépend de la distance de cette matière à la supernova et aussi à la Terre, retard dû à la vitesse finie de la lumière (figure 4.10). On a pu également voir un anneau de matière, dont le rayon est d’environ une année-lumière, entourant
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Figure 4.10. Matière interstellaire illuminée par la supernova SN 1987A. Cliché pris un an après l’explosion avec le télescope de 3,60 m de l’ESO. L’image est traitée de façon à faire ressortir la faible lumière des zones éclairées autour de la supernova, qui est encore très brillante ; les fausses couleurs indiquent l’intensité. Les anneaux sont les lieux où la matière est illuminée par la supernova et nous en renvoie la lumière au moment de l’observation. Il y a visiblement deux couches de matière interstellaire, celle qui produit la lumière de l’anneau interne étant plus proche que l’autre de la supernova. Une étude de la distribution du milieu à trois dimensions est donc possible à partir de ces données. © ESO Education and Public Relations Department.
ce qui reste de la supernova et illuminé par l’explosion. Il s’agit certainement de gaz circumstellaire éjecté précédemment par le progéniteur : le fait que ce soit un anneau et non une coquille montre que cette étoile avait une rotation relativement rapide. Plus tard, on a vu deux autres anneaux parallèles au premier, résultant sans doute d’éjections précédentes. La matière éjectée par l’explosion a atteint le premier anneau au bout de 10 ans, puis a renforcé considérablement la luminosité de cet anneau, qui émet actuellement en rayons X et en radio en raison de l’onde de choc qui s’est formée dans la matière de l’anneau : ceci montre que la matière a été éjectée avec une vitesse d’environ 30 000 km s−1 . L’anneau ainsi excité par l’onde de choc a un aspect en collier de perles (figure 4.11). Plus tard, la matière éjectée par la supernova atteindra les deux autres anneaux. Reste à découvrir l’objet central, résidu de l’explosion, qui est soit une étoile à neutrons soit un trou noir.
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Figure 4.11. Les anneaux de la supernova SN 1987A, vus en 2010 avec le télescope spatial Hubble. L’anneau brillant entoure ce qui subsiste de la supernova, qui est très faible. Il est constitué de matière expulsée par l’étoile progénitrice bien avant l’explosion. Cette matière est excitée par l’onde de choc qui résulte de l’arrivée de la matière qui a été éjectée par la supernova lors de son explosion avec une vitesse d’environ 30 000 km/s. © Hubble Space Telescope Heritage.
2.5
Hypernovae et sursauts gamma
À la fin des années 1990, les astronomes ont réalisé que certaines supernovae SN Ic, dont le progéniteur avait perdu l’essentiel de son enveloppe avant l’explosion pour devenir une Wolf-Rayet WC extrême ou WO, ont des caractéristiques inhabituelles : leur luminosité et la vitesse d’éjection sont bien supérieures à celles des supernovae ordinaires, et on y observe par spectroscopie une grande quantité de 56 Ni. La supernova SN 1998bw (figure 4.7) en est un exemple. Compte tenu des difficultés que l’on a déjà à rendre compte de l’explosion des supernovae habituelles, comment expliquer ces monstres ? En faisant intervenir la rotation. Sans rotation, les étoiles de masse initiale supérieure à 25 M s’effondrent probablement en laissant un trou noir et ne produisent que peu de 56 Ni. Si le cœur tourne rapidement, il se forme bien un trou noir au centre, mais la matière des parties externes du cœur et des couches extérieures ne peut s’y effondrer directement, et se rassemble en un disque en rotation entourant le trou noir. Le frottement entre les zones de différents rayons de ce disque, qui ne tourne pas comme un corps solide mais est en rotation différentielle,
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occasionne une perte rapide d’énergie et la chute progressive (en quelques secondes !) de la matière dans le trou noir. L’énergie ainsi libérée est énorme. Comme dans les protoétoiles, une fraction importante de cette énergie produit deux jets symétriques, alignés sur l’axe de rotation du disque. À leur base, la température est de plusieurs milliards de degrés et une grande quantité de 56 Ni est produite par capture de neutrons à partir de 56 Fe. Les jets projettent une partie de la matière dans l’espace avec une vitesse de l’ordre de 30 000 km/s, tandis que le reste de la matière est englouti dans le trou noir, d’où le nom de collapsar (de l’anglais collapse, signifiant effondrement) que l’on donne quelquefois à ces hypernovae. Ce mécanisme semble ne pouvoir fonctionner que si la métallicité est très faible, si bien que l’on n’observe ces objets que dans des galaxies lointaines qui sont bien moins évoluées, donc moins riches en éléments lourds, que la nôtre ou celles de notre voisinage. Les hypernovae sont très probablement à l’origine d’une partie des sursauts gamma. Ceux-ci ont été découverts par certains satellites militaires américains dans les années 1960, satellites dont l’objectif était de voir si le traité de 1964 interdisant les essais nucléaires dans l’atmosphère et dans l’espace était bien respecté : ces essais auraient produit des quantités de rayons gamma aisément repérables. Mais au lieu de cela, les satellites ont capté des bouffées de rayons gamma qui ne pouvaient avoir une telle origine. Cette découverte n’a été rendue publique qu’en 1973 ; après cette date, de nombreuses observations ont été faites par satellites ou sondes spatiales, sans que le mystère soit percé. La situation a commencé à changer lorsque le satellite de la NASA Gamma Ray Observatory (GRO) a montré à partir de 1991 que les sursauts gamma étaient répartis également sur tout le ciel. Ils étaient donc ou très proches, ce qui était peu probable, ou très lointains. Le satellite italo-néerlandais Beppo-SAX, lancé en 1996, a résolu définitivement le problème en localisant pour la première fois avec précision un sursaut gamma, qui était accompagné d’un sursaut de rayons X dont la direction était repérable bien plus facilement que celle du sursaut gamma. La découverte ayant été transmise immédiatement à différents observatoires, une contrepartie optique a pu être identifiée : le sursaut était hébergé par une galaxie très lointaine, dont le décalage spectral montrait qu’elle était située à 9 milliards d’années-lumière. Depuis cette date, on a pu identifier les galaxies hôtes de nombreux sursauts gamma, qui sont toutes situées à de très grandes distances. Compte tenu de ces distances, les sursauts gamma sont nécessairement très lumineux. Si l’émission était isotrope, elle correspondrait rien qu’en rayons gamma à une énergie de plus de 1053 ergs, ce qui est sensiblement l’énergie totale libérée par une supernova habituelle. Or il semble impossible de convertir cette énergie en photons gamma, et nous avons d’ailleurs vu que 99 % en sont dissipés sous forme de neutrinos. Donc l’émission est probablement anisotrope, et nous ne la voyons que quand elle est dirigée vers nous. Même dans ce cas, l’énergie émise
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Figure 4.12. Schéma de la génération d’un sursaut gamma par une hypernova. Les gammas sont engendrés par des collisions de particules chargées dans des chocs internes, tandis que les longueurs d’onde plus grandes (X, visible, radio) proviennent d’un choc externe. D’après Prantzos, N., in Lequeux et al. (2009).
sous forme de gammas reste très élevée, de l’ordre de 1051 ergs, à comparer avec les 1049 ergs de l’émission électromagnétique des supernovae habituelles. On pense que les jets symétriques émis par les hypernovae contiennent des protons et des électrons relativistes, lancés dans le jet avec des vitesses différentes : leurs collisions produisent des gammas, essentiellement dans la direction des jets (figure 4.12). On peut aussi imaginer, et nous en reparlerons, que les sursauts gamma proviennent de la fusion de deux étoiles à neutrons dans des systèmes binaires. À l’heure actuelle, on estime que les hypernovae rendent compte des sursauts gamma longs (quelques minutes) tandis que le second processus expliquerait les sursauts courts, dont la durée est de l’ordre de la seconde. 2.6
Les supernovae par instabilité de paires e+ - e−
Nous avons vu que lorsque la température centrale du cœur dépasse notablement 109 K, les photons commencent à se transformer en paires électron-positron. La
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disparition des photons, dont la pression de radiation était très importante, diminue l’exposant adiabatique γ qui devient inférieur à 4/3, ce qui favorise l’instabilité du cœur. Si plus de 30 % de la masse du cœur est affectée, ce qui se produit pour des masses initiales supérieures à une centaine de masses solaires, il y a effondrement au moment de la désintégration du 20 Ne. Alors deux cas peuvent se présenter : – soit l’augmentation de pression due à l’effondrement ré-allume la fusion de l’oxygène, et l’énergie ainsi libérée arrête la contraction, tout en expulsant une partie de l’enveloppe ; le cycle peut se répéter jusqu’à ce que l’étoile ait perdu assez de masse pour exploser comme une supernova ordinaire ; – soit l’étoile a une masse initiale vraiment très grande, plus de 130 M , et l’effondrement du cœur, dont la masse est de l’ordre de 50 M , est si rapide que même la fusion de l’oxygène ne peut l’arrêter : l’énergie dégagée alors est tellement grande que l’étoile explose entièrement, sans laisser de reste compact. On parle alors de supernova par instabilité de paires. Ces conclusions sont quelque peu spéculatives, mais il semble qu’une SN Ic extrêmement lumineuse, SN 2007bi, appartienne à cette catégorie. 2.7
Les restes de supernovae
Que reste-t-il d’une supernova après l’explosion ? En général, un objet central très condensé, qui peut être une étoile à neutrons ou un trou noir, et de la matière éjectée de façon plus ou moins anisotrope. La masse limite de Chandrasekhar détermine la nature de l’objet compact : si la masse du cœur de fer est supérieure à environ 2 M , elle est trop grande pour former une étoile à neutrons, et le résidu est un trou noir. Sans perte de masse, ceci correspond à une masse initiale de l’étoile d’environ 25 M . La perte de masse et le mélange rotationnel augmentent cette masse initiale critique jusqu’à 40 à 80 M . Jusqu’à une masse initiale d’environ 130 M , l’objet central est un trou noir et, au-delà, il n’y a pas de reste compact comme nous venons de le voir. Dans beaucoup de cas, on a pu détecter l’étoile à neutrons centrale en tant que pulsar. En effet, les étoiles à neutrons tournent en général très rapidement sur ellesmêmes, et le champ magnétique énorme qui résulte de la compression de la matière conductrice, qui est souvent de l’ordre de 1012 gauss (108 tesla), accélère la matière jusqu’à des énergies relativistes dans deux jets opposés, où un mécanisme complexe et pas entièrement élucidé produit un rayonnement radio dans la direction du jet. Si l’on se trouve dans cette direction, on reçoit ce rayonnement par impulsions. Quant à l’éventuel trou noir qui subsiste après l’explosion des étoiles les plus massives, il est évidemment presque impossible à détecter : mais nous verrons au chapitre suivant qu’une des composantes de certaines étoiles binaires massives est un trou noir, lequel résulte probablement de l’explosion du progéniteur de cette composante en tant que supernova.
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Figure 4.13. Le reste de supernova Cassiopeia A. En haut à gauche, image visible obtenue avec le télescope spatial Hubble, couvrant 5 × 5 parsecs. L’émission est due à la matière éjectée par l’explosion et à la matière interstellaire comprimée par l’onde de choc. En haut à droite, image radio obtenue avec le Very Large Array ; l’émission est due au rayonnement synchrotron des électrons accélérés dans cette onde de choc, dans le champ magnétique de la matière comprimée. En bas à gauche, image en rayons X obtenue avec le satellite CHANDRA ; il s’agit ici du rayonnement thermique de ce gaz comprimé, dont la température est très élevée. L’objet ponctuel visible au centre pourrait être une étoile à neutrons, résidu de l’explosion. En bas à droite, image dans l’infrarouge moyen (10,7 à 12 μm) obtenue avec le satellite ISO : on y voit l’émission thermique de la poussière qui s’est condensée dans le gaz éjecté par l’explosion. Toutes les images sont à la même échelle. © NASA, National Radio Astronomy Observatory et Agence spatiale européenne.
La matière éjectée forme un reste de supernova, quelquefois désigné par l’affreux et inutile néologisme de rémanent. Ce reste peut être identifié pendant quelques dizaines de milliers d’années, avant qu’il ne se disperse dans le milieu interstellaire. On en connaît environ 250, dans la Galaxie, ce qui est en accord avec le taux d’explosions de supernovae et la durée de vie de ces restes. L’aspect du reste diffère selon qu’un pulsar subsiste ou non à l’intérieur. Lorsqu’il n’y a pas de pulsar, le reste n’est plus alimenté en énergie et a l’aspect d’une coquille apparemment vide, plus ou moins grande selon son âge (figure 4.13). Lorsqu’il y a un pulsar, celui-ci alimente le reste en particules de haute énergie accélérées dans ses jets : celui-ci est rempli de ces
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Figure 4.14. La nébuleuse du Crabe. C’est un exemple typique de plérion, alimenté continuellement en particules de haute énergie par un pulsar central. À gauche, image visible qui couvre 4 × 4 parsecs, obtenue avec un des télescopes de 8 m du Very Large Telescope de l’Observatoire européen austral. Les filaments sont les restes de la matière éjectée et forment une coquille en expansion rapide. La lumière bleue diffuse est l’émission synchrotron d’électrons relativistes accélérés par le pulsar, qui interagissent avec le champ magnétique de l’objet. En haut à droite, l’émission radio de ces électrons, obtenue avec le Very Large Array. On y remarque le pulsar central. En bas à droite, l’émission synchrotron en rayons X des électrons les plus énergétiques, dont la morphologie diffère des précédentes (satellite CHANDRA). Remarquer les jets émis à peu près symétriquement par le pulsar. Les trois images sont à la même échelle. ©ESO Education and Public Relations Department, National Radio Astronomy Observatory et NASA/Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics.
particules relativistes, et notamment d’électrons qui rayonnent par effet synchrotron en interagissant avec le champ magnétique de l’objet (figure 4.14) : on parle alors d’un plérion (du grec ancien pleres, plein), ou d’un PWN, de l’anglais pulsar wind nebula. Cependant la matière éjectée peut former aussi dans ce cas une coquille dans une étape ultérieure de l’évolution, si bien qu’il y a des intermédiaires entre les deux formes de base. 2.8
Les étoiles en cavale
Il se peut que, dans une étoile double formée de deux composantes massives, l’une d’elles explose comme supernova. Juste après l’explosion, une grande partie de
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sa masse est éjectée et il ne reste plus à la place qu’un objet compact de masse relativement faible. L’autre composante n’est en général plus liée gravitationnellement à cet objet et le système binaire se disperse. L’étoile massive part avec une vitesse peu inférieure à sa vitesse orbitale initiale, qui est le plus souvent de l’ordre de plusieurs dizaines de km/s. Il en est de même de l’objet compact, étoile à neutrons ou trou noir. On observe qu’une proportion importante d’étoiles O et B sont animées de telles vitesses : on les désigne par le terme anglais de runaway stars, qui peut se traduire par étoiles en cavale. On connaît aussi des pulsars animés de grande vitesse, qui sont des étoiles à neutrons, résidus de l’explosion.
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5 Le zoo des étoiles doubles Beaucoup d’étoiles ne semblent pas se conformer au schéma évolutif que nous avons décrit dans les chapitres précédents : c’est le cas de certaines supernovae, des novae, qui sont des étoiles qui présentent des explosions moins importantes que celles des supernovae, d’étoiles qui émettent de grandes quantités de rayons X, etc. Tous ces objets sont en fait des étoiles binaires serrées dont l’évolution a été considérablement modifiée par l’interaction des composantes. À côté de ces binaires serrées, il existe beaucoup d’objets formés de deux étoiles, de trois étoiles ou davantage liées gravitationnellement, dont les composantes sont suffisamment éloignées l’une de l’autre pour évoluer de manière indépendante, comme des étoiles isolées. Plus de la moitié des étoiles font partie d’un système double ou multiple, serré ou non. Les recherches sur les étoiles doubles en interaction ont commencé au cours des années 1960. Elles ont pris depuis une importance sans cesse croissante et nous ont réservé de nombreuses surprises, souvent spectaculaires. Il n’est nullement superflu de leur réserver un chapitre entier. Mais avant d’aborder les différents aspects de ce qui est un véritable zoo, rappelons comment les étoiles doubles permettent de déterminer directement les principaux paramètres physiques des étoiles.
1
Étoiles doubles et masse des étoiles
Comme nous l’avons vu au chapitre 1, l’observation des étoiles doubles offre le seul moyen d’obtenir directement la masse des étoiles. Dans certains cas, elle permet même de déterminer leur rayon et des paramètres de leur atmosphère. C’est pour ces raisons que, depuis le début du XIXe siècle, l’observation des étoiles doubles visuelles, c’est-à-dire celles dont les composantes sont vues séparément dans les lunettes ou les
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télescopes, a été un chapitre majeur de l’astronomie observationnelle. Le temps de l’astronome professionnel ou amateur mesurant à l’œil la séparation et l’orientation de ces étoiles binaires est désormais révolu, car on peut aujourd’hui obtenir le même résultat de façon plus précise et sur des couples beaucoup plus serrés avec des méthodes plus raffinées : l’interférométrie des tavelures ou l’optique adaptative, des techniques qui permettent de bénéficier pleinement du pouvoir de résolution d’un grand télescope en dépit de la turbulence atmosphérique, ou l’interférométrie entre plusieurs télescopes. Par ailleurs, la spectroscopie peut donner les variations au cours du temps de la vitesse d’éloignement ou de rapprochement (vitesse radiale) d’une des composantes, ou même des deux : on parle alors de binaires spectroscopiques. Enfin, si nous avons la chance d’observer des éclipses d’une des composantes par l’autre, nous savons que nous nous trouvons sensiblement dans le plan de l’orbite du système. C’est dans le cas de ces binaires à éclipses que l’on peut obtenir le rayon et des paramètres de l’atmosphère des deux composantes en étudiant en détail la courbe de lumière, c’est-à-dire la variation avec le temps de l’éclat total du système. Il faut souvent faire preuve de beaucoup de patience en étudiant les étoiles doubles, car la période de révolution du système peut être très longue. Voyons maintenant les différents cas.
1.1
Les étoiles doubles visuelles
Si l’on peut voir séparément les deux composantes d’une étoile double et suivre leur mouvement relatif au cours du temps, on peut déterminer l’orbite d’une de ces composantes autour de l’autre (il n’est pas possible en général de savoir où se trouve le centre de gravité, donc de déterminer le mouvement de chacune des composantes autour de ce centre). Seulement, il ne s’agit que de l’orbite apparente, qui est la projection sur le ciel de l’orbite réelle. La figure 5.1 montre la géométrie du système. La figure 5.2 montre comment obtenir les éléments de l’orbite vraie une fois que l’orbite apparente a été déterminée. On peut trouver les relations suivantes entre les paramètres de l’orbite elliptique vraie (a = demi-grand axe ; e = excentricité ; i = inclinaison de l’orbite sur le plan du ciel) et la longueur de différents segments représentés sur la figure, en passant par l’intermédiaire de quantités ρ1 , ρ2 , τ1 et τ2 qui sont définies comme suit : ρ1 = AB1 × AB3 /B1 B3 , ρ2 = AB2 × AB4 /B2 B4 , τ1 = (AB3 − AB1 )/B1 B3 , τ2 = (AB4 − AB2 )/B4 B2 . On obtient alors : e = CA/CP, cos i = ρ2 /ρ1 , a = (1 − e2 )/2ρ2.
(5.1)
Bien entendu, il faut connaître la distance du système pour en déduire les valeurs linéaires de ces paramètres.
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Figure 5.1. Orbite vraie et orbite projetée de la composante B de l’étoile double autour de l’étoile A. Les nœuds B1 et B3 sont sur l’intersection entre le plan de l’orbite vraie et le plan du ciel, perpendiculaire à la ligne de visée, sur lequel l’orbite est vue en projection. i est l’inclinaison de l’orbite.
Figure 5.2. Orbite apparente du compagnon de l’étoile α Ursae Majoris. Cette étoile est en A ; C est le centre de l’orbite apparente, F1 et F2 ses deux foyers. B1 B3 , parallèle à F1 F2 , est la ligne des nœuds (intersection du plan de l’orbite vraie et du plan du ciel, qui contient l’orbite apparente). B2 B4 est perpendiculaire à B1 B3 . La position du compagnon à différentes époques est indiquée, ainsi que le périastre P. D’après Couteau, P., (1962) in Astronomie, Encyclopédie de la Pléiade, dir. Schatzman, E., Gallimard, Paris.
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On peut maintenant déduire les masses du demi-grand axe a de l’orbite et de la période P de révolution en utilisant la troisième loi de Kepler. Celle-ci s’écrit :
(5.2) a3 /P 2 = G M1 + M2 /4π2 . Il n’est donc possible d’obtenir dans ce cas que la somme des masses M1 et M2 des composantes. Néanmoins, si l’on dispose de beaucoup de déterminations d’orbites d’étoiles doubles de distance et d’éclat connus, et en admettant une relation masse/luminosité, on peut vérifier l’existence d’une telle relation et préciser sa forme. Les observations astrométriques très précises dont on dispose actuellement permettent de faire mieux : on peut en effet dans certains cas observer séparément le mouvement de chaque composante et obtenir ainsi la position du centre de gravité, ce qui permet de déterminer la masse de chacune. On peut alors parler de binaires astrométriques. 1.2
Les binaires spectroscopiques
Beaucoup d’étoiles doubles sont trop serrées pour qu’on puisse les séparer dans une lunette ou un télescope. Un spectrographe fournit alors la superposition des spectres des deux composantes, où l’on peut souvent reconnaître les raies de l’une et de l’autre. Au cours du temps, la longueur d’onde de ces raies varie périodiquement en raison de l’effet Doppler-Fizeau dû à leur mouvement orbital, qui fait que l’une des composantes s’éloigne alors que l’autre se rapproche (nous ignorons ici le décalage spectral constant dû à la vitesse radiale éventuelle du centre de gravité du système). La variation périodique de la vitesse radiale de la composante la plus massive est plus petite que celle de la composante la moins massive, et le rapport des amplitudes de ces variations est l’inverse du rapport des masses, que l’on peut ainsi déterminer. La forme de ces variations permet d’obtenir l’excentricité des orbites. Cependant, il est impossible en général de connaître l’inclinaison i de ces orbites sur le plan du ciel, si bien que l’on ne peut déterminer que les projections des demi-grands axes a1 sin i et a2 sin i ; de ceux-ci on peut déduire les quantités M1 sin3 i et M2 sin3 i, appelées fonction de masse, en utilisant la troisième loi de Kepler (équation (5.2)). On obtient ainsi :
2 (5.3) M2 sin3 i = (a1 sin i)3 1 + M1 /M2 /P 2 , et une expression analogue pour M1 sin3 i,où nous avons exprimé la masse en masse solaire, le demi-grand axe en unités astronomiques (la distance moyenne SoleilTerre) et la période P en années. Ces fonctions de masse fournissent donc des limites inférieures des masses du système. Une variante de cette méthode existe dans le cas des pulsars binaires, ou faisant partie d’un système binaire. Les impulsions qu’ils émettent sont si régulières que
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l’on peut aisément mesurer leur retard ou leur avance qui résultent du mouvement orbital, donc les variations de leur vitesse radiale. Mais quelquefois on ne peut mesurer la vitesse radiale que de l’une des composantes, parce que l’autre est trop faible ou même invisible s’il s’agit d’un trou noir. Si des considérations astrophysiques permettent de déterminer M1 , par exemple la relation masse-luminosité si l’étoile visible est sur la séquence principale, on déduit de l’équation (5.3) une limite inférieure de la masse M2 de la composante invisible : limite inférieure à cause du facteur de projection sin i. C’est ainsi que l’on a pu montrer que la composante invisible de certains systèmes binaires a une masse significativement supérieure à la masse maximum que peut avoir une étoile à neutrons, soit 2 à 3 M (voir la section 2.6, chapitre 4), et qu’elle est donc un trou noir. Remarquons que la méthode ci-dessus est utilisée pour détecter les exoplanètes qui gravitent autour de nombreuses étoiles proches et obtenir une limite supérieure de leur masse (on connaît près de 500 de ces planètes à l’heure où nous écrivons).
1.3
Les binaires à éclipses
Quelquefois, on peut observer l’une des composantes d’une étoile binaire passer devant l’autre, produisant une éclipse. Un cas connu depuis très longtemps est Algol (β Persei). La figure 5.3 montre la courbe de lumière de cette binaire et son interprétation. Dans le cas d’Algol comme dans le cas des autres binaires à éclipses, on est assuré que la ligne de visée est proche du plan de l’orbite, c’est-à-dire que i ≈ 90◦ et sin i ≈ 1. Si l’on peut observer les variations de la vitesse radiale des composantes, donc si la binaire est spectroscopique, la masse de ces composantes peut être déterminée avec une bonne précision. La dimension linéaire et l’excentricité des orbites sont connues à partir des variations de la vitesse radiale et de la période, si bien qu’il est inutile de mesurer par ailleurs la distance de la binaire. Pour Algol, par exemple, les déterminations récentes donnent pour la composante la plus lumineuse M = 3,8 M et, pour la moins lumineuse, M = 0,82 M . Toutes les masses utilisées pour la construction de la relation masse-luminosité de la figure 2.4 ont été obtenues pour des binaires à éclipses. Le transit devant l’étoile centrale d’une exoplanète qui gravite autour a été observé dans un nombre rapidement croissant de cas, soit depuis le sol soit depuis les satellites CoRoT (France et Agence spatiale européenne) et KEPLER (NASA). Alors on sait que i ≈ 90◦ et on peut déterminer la masse de la planète.
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Figure 5.3. La courbe de lumière (variations périodiques d’intensité) d’Algol (β Persei) et son interprétation par Stebbins1 . Le minimum principal se produit lorsque la composante un peu plus grosse (rayon R = 3,54 R ) et beaucoup moins lumineuse que l’autre passe à l’avant (cercle en traits interrompus de l’image de droite). Le rayon de la composante lumineuse est 2,88 R . Le minimum secondaire se produit lorsqu’elle passe à l’arrière. Le flux entre les deux minima varie lentement parce que la composante moins lumineuse est plus brillante du côté exposé à la composante lumineuse, comme représenté schématiquement à droite. D’après Stebbins, J. (1910) Astrophysical Journal 32, 185, avec l’autorisation de l’AAS.
2
Le transfert de masse dans les étoiles doubles
Certaines étoiles doubles sont si serrées que leur interaction devient très importante et donne lieu à toutes sortes de phénomènes intéressants. Nous allons maintenant aborder ces cas. 2.1
Les surfaces équipotentielles autour d’une étoile double
Considérons deux étoiles A et B, de masse M1 et M2 , que pour l’instant nous assimilerons à deux points matériels (ceci reste possible tant que leur forme est sphérique). Elles tournent autour de leur centre de gravité S, dont la position entre les étoiles est définie par la relation : (5.4) a1 M1 = a2 M2 , avec a = a1 + a2 , la distance entre les deux étoiles (figure 5.4). Soit un point C de coordonnées x, y, z dans un système d’axes centré sur l’étoile A et tournant avec le système, tel que les deux étoiles soient sur l’axe Ox. 1
Cette interprétation est aujourd’hui quelque peu dépassée : Algol est un système en interaction, et les composantes sont en fait déformées par cette interaction.
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Figure 5.4. Schéma relatif à la démonstration de l’équation (5.7).
Ses distances aux deux étoiles sont r1 et r2 , telles que r12 = x 2 + y 2 + z 2 et r22 = (a − x)2 + y 2 + z 2 , et sa distance s à l’axe de rotation (dirigé selon z et passant par le centre de gravité S) est telle que s2 = (a1 − x)2 + y 2 . Le potentiel effectif Ω(x, y, z) au point C est : Ω(x, y, z) = −GM1 /r1 − GM2 /r2 − Ωs ,
(5.5)
où Ωs est le potentiel de la force centrifuge, Ωs = 1/2 ω2 s2 . La fréquence orbitale ω est donnée par la troisième loi de Kepler (équation (5.2)) : ω2 = G(M1 + M2 )/a3 . On déduit de ces relations l’expression du potentiel : Ω/G = M1 /r1 + M2 /r2 + (M1 + M2 )s2 /2a3 .
(5.6)
Les courbes équipotentielles correspondantes sont représentées figure 5.5, en coupe dans le plan perpendiculaire à l’axe de rotation et contenant les étoiles. Une des équipotentielles, en forme de 8, entoure les lobes de Roche, du nom d’un astronome français du XIXe siècle. Le point de croisement de ces équipotentielles est le point L1 de Lagrange. La figure 5.6 montre différents cas possibles selon le remplissage des lobes de Roche par l’une ou l’autre composante. Lorsqu’une des composantes, qui est toujours la plus massive au début de l’évolution, grossit en devenant une géante rouge de façon à remplir son lobe de Roche, elle commence à déverser sa matière sur l’autre composante. Le volume du lobe de Roche autour de la masse M1 est sensiblement équivalent à celui d’une sphère de rayon RL tel que : (5.7) RL /a ≈ 0,38 + 0,2 log(M1 /M2 ),
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Figure 5.5. Coupe des surfaces équipotentielles d’une étoile double. Les deux composantes sont M1 et M2 , M1 étant la plus massive. S est le centre de gravité. Les lobes de Roche sont indiqués en grisé, et le point L1 de Lagrange est marqué. D’après de Boer & Seggewiss (2008).
Figure 5.6. Les différents cas d’étoiles binaires en interaction.
et une expression identique pour le lobe autour de M2 , en intervertissant M1 et M2 . Cette équation permet de calculer à quel stade de l’évolution se produit le phénomène. La figure 5.7 illustre à titre d’exemple l’évolution d’une étoile double serrée dont les composantes ont respectivement pour masse 2 et 1 M . L’évolution peut prendre des aspects très différents selon les masses initiales des composantes. Si celles-ci sont massives, l’évolution peut être également très affectée par la perte de masse. Il ne nous est pas possible de discuter ici tous les cas qui se présentent, et nous nous contenterons d’examiner les principaux effets de la chute de matière sur une des composantes.
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Figure 5.7. Évolution d’une étoile double serrée. À chaque stade schématisé à gauche, on donne la masse des deux composantes, le temps t , en millions d’années, et la période de révolution en jours. Les lobes de Roche sont dessinés. De haut en bas : 1. État initial : les deux composantes, formées en même temps, sont sur la séquence principale d’âge zéro. 2. La composante primaire, initialement la plus massive, est passée au stade de géante rouge, avec un noyau d’hélium, et son enveloppe remplit son lobe de Roche : le transfert de masse vers l’autre composante commence. 3. La composante initialement la moins massive a gagné beaucoup de masse au détriment de l’autre. Les deux sont devenues des sous-géantes, c’est-à-dire des géantes rouges peu lumineuses puisque leur volume est limité au lobe de Roche. Le transfert de masse diminue, et la période commence à s’allonger. 4. La composante primaire est réduite à un noyau d’hélium de 0,26 M , partiellement dégénéré, entouré d’une enveloppe d’hydrogène très grande et ténue qui remplit le lobe de Roche. Le transfert de masse a cessé et la période s’est considérablement allongée. 5. Cette enveloppe tombe sur la surface du noyau d’hélium, qui se contracte pour former une naine blanche. La composante secondaire, qui est maintenant la plus massive, devient à son tour une géante rouge dont l’enveloppe finira par occuper, après 130 millions d’années, l’énorme volume de son lobe de Roche. Un transfert de masse aura lieu vers la naine blanche (stade non représenté) : il en résultera une nova ou une source brillante de rayons X mous. Finalement, le système se composera de deux naines blanches, le reste de la matière étant évacué. D’après de Boer & Seggewiss (2008).
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2.2
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L’accrétion de matière sur la composante compacte d’une étoile double
Lorsque la matière qui s’échappe de la composante qui remplit son lobe de Roche tombe sur l’autre composante, qui est plus compacte, elle est animée d’un moment cinétique de rotation dû à la révolution du couple autour de son centre de gravité. Ce moment l’empêche de tomber directement sur la composante compacte, mais la force à former un anneau en rotation autour de cette composante. La viscosité du gaz occasionne un élargissement de l’anneau qui finit par former un disque. Ces étapes sont illustrées par la figure 5.8.
Figure 5.8. Les différentes étapes de la formation d’un disque d’accrétion dans une étoile double serrée. D’après Verbunt, F. (1982) Space Science Reviews, 32, 379.
Le transfert vers l’extérieur du moment angulaire de rotation du disque permet à la matière de ses parties centrales de tomber finalement sur la composante compacte. Au cours de tous ces processus, de l’énergie gravitationnelle a nécessairement été libérée et transformée en chaleur, et éventuellement en énergie magnétique qui elle-même se transforme en d’autres formes d’énergie. On définit le rendement du processus comme le rapport de l’énergie gravitationnelle libérée à l’énergie de masse de la matière qui tombe sur l’étoile. L’énergie gravitationnelle libérée par la matière, laquelle au départ a une énergie cinétique négligeable, est égale à l’énergie qu’il
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faudrait fournir à cette matière pour l’extraire de la surface de l’étoile et la placer à l’infini (énergie de liaison). Ce n’est autre que : E = GM m/R,
(5.8)
où M et R sont respectivement la masse et le rayon de la composante compacte, et m la masse qui tombe à sa surface. Pour une naine blanche, cette énergie est de l’ordre de 10−4 de l’énergie de masse mc2 , donc le rendement est de l’ordre de 10−4 . Pour comparaison, le rendement de la réaction thermonucléaire qui transforme l’hydrogène en hélium est de 7 10−3 : donc l’accrétion de matière sur une naine blanche est beaucoup moins efficace que la combustion nucléaire à sa surface. Nous verrons cependant que les deux mécanismes sont le plus souvent complémentaires, la matière accrétée subissant de temps en temps une violente explosion thermonucléaire. Pour une étoile à neutrons, beaucoup plus compacte qu’une naine blanche, le rendement de la chute de matière est beaucoup plus grand, de l’ordre de 20 %, et dans ce cas les réactions thermonucléaires, si elles existent, ne jouent qu’un rôle négligeable : lorsque la matière accumulée explose, elle ne fournit qu’un petit surcroît temporaire d’énergie qui se traduit par un sursaut d’émission de rayons X. Lors de la chute de matière sur un trou noir, le rendement est en principe de 100 % puisque toute la matière disparaît. En principe seulement, car il faut que l’énergie puisse sortir. Toute l’énergie « récupérable » est celle qui est dissipée dans le disque car, dès que la matière tombe de l’intérieur du disque dans le trou noir, l’énergie gravitationnelle est perdue avec elle. Ce qui compte donc, c’est le rayon intérieur du disque. La relativité générale prévoit l’existence d’une dernière orbite stable, en deçà de laquelle la matière est forcée de plonger dans le trou noir. Le rayon de cette orbite limite est fonction de la rotation du trou noir : plus cette rotation est rapide, plus ce rayon est petit, jusqu’à ce qu’il devienne égal au rayon de Schwarzchild (horizon) 2GM /c2 lorsqu’il y a co-rotation de la matière à ce rayon avec le trou noir. Le rendement est alors de 42 %. C’est un maximum, le rendement n’étant que de 6 % pour un trou noir sans rotation. Si la matière tombe avec un flux dm/dt, et si l’on suppose que l’énergie gravitationnelle est entièrement transformée en énergie thermique puis en rayonnement, l’objet a une luminosité : L = GM /R dm/dt. (5.9) On peut imaginer que cette matière est plus ou moins distribuée uniformément sur la surface de l’objet, ce qui peut être le cas si c’est une naine blanche ou une étoile à neutrons. Le rayonnement est alors voisin de celui d’un corps noir à une température T , température qui est telle que : L = 4πR2 σT 4 ,
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(5.10)
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où σ est la constante de Stefan-Boltzmann. Pour des taux de transfert de masse typiques de 10−8 à 10−10 M par an, l’équation (5.9) prédit des luminosités de 1033 à 1035 erg/s pour une naine blanche et de 1036 à 1038 erg/s pour une étoile à neutrons, et sensiblement autant pour un trou noir. Les températures correspondantes données par l’équation (5.10) sont de l’ordre de 7 104 K pour une naine blanche (correspondant à une énergie de photons de 6 eV), et de 107 K (photons de 1 keV) pour une étoile à neutrons. Les naines blanches en état d’accrétion émettent donc de grandes quantités de rayonnement visible et ultraviolet, tandis que les étoiles à neutrons et aussi les trous noirs émettent surtout dans le domaine X. Cependant, on observe dans certains cas une émission de rayons gamma, d’énergie plus élevée. Ceci peut provenir soit d’une canalisation de matière par de forts champs magnétiques sur des zones réduites de la surface de l’étoile, où cette matière acquiert des températures beaucoup plus élevées, soit de processus non thermiques dans le cas des étoiles à neutrons, comme nous le verrons plus loin. Notons enfin que la chute de matière sur l’étoile se fait souvent de manière très irrégulière, ce qui entraîne de fortes fluctuations de luminosité.
2.3
Étoiles doubles serrées et ondes gravitationnelles
Comme nous l’avons vu, le transfert de matière d’une composante à l’autre affecte les paramètres du système puisque la masse des composantes est modifiée. Prenons par exemple le cas d’une binaire serrée dans lequel l’étoile donneuse est la moins massive (c’est le cas dans certains stades de la figure 5.7). Dans un tel système, le centre de gravité est près de l’objet récepteur compact. Comme la masse de l’étoile donneuse diminue, elle s’éloigne progressivement du centre de gravité et son lobe de Roche grossit en conséquence. Ceci devrait arrêter le transfert de masse, d’autant plus que le rayon de l’étoile donneuse diminue en raison de sa perte de masse. Or l’observation montre que dans les binaires de ce type le rayonnement X qui caractérise le transfert de masse persiste même lorsque la théorie prévoit que ce transfert devrait cesser. Que se passe-t-il donc ? La réponse, trouvée en 1967 par Bohdan Paczynski, est que dans de tels systèmes le moment angulaire global n’est pas conservé : comme le prédit la relativité générale, tout système binaire doit émettre des ondes gravitationnelles qui emportent de l’énergie de rotation, donc du moment angulaire. Ceci fait que les deux composantes tournent de plus en plus vite l’une autour de l’autre et que leur distance diminue. Donc le lobe de Roche de la composante donneuse ne grossit pas, ce qui permet à cette composante de continuer à déverser de la matière sur l’autre.
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Figure 5.9. Décroissance de la période orbitale du pulsar binaire PSR B1913+16 observée pendant plus de trois décennies. Les points sont les données d’observation, dont la barre d’erreur est inférieure à la dimension du symbole, et la parabole est la prédiction de la relativité générale. Les ordonnées donnent l’accumulation des différences entre le temps de passage au périastre observé et celui auquel on se serait attendu s’il n’y avait pas de perte de moment angulaire. D’après Weisberg, J.M., et al. (2010), Astrophysical Journal 722, 1030, avec l’autorisation de l’AAS.
Ce phénomène a reçu une confirmation spectaculaire avec la découverte de la décroissance de la période de révolution du pulsar binaire 2 PSR B1913+16, qui a valu aux Américains Joseph Taylor et Russel Hulse le prix Nobel de physique en 1993. Les pulsars étant des horloges extrêmement stables, l’observation de ce pulsar binaire pendant plus de 30 ans a permis de constater que la période orbitale obéit parfaitement à la prédiction de la relativité générale (figure 5.9). Autre résultat de cette étude, la masse des deux composantes, deux étoiles à neutrons, est extrêmement bien déterminée : 1,4398±0,0002 et 1,3886±0,0002 M . De nombreux autres pulsars binaires sont maintenant connus, et plusieurs ont permis de confirmer les 2
Un pulsar binaire est une étoile double serrée dont une des composantes au moins est un pulsar. Ces objets sont généralement des paires d’étoiles à neutrons.
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conclusions de l’étude de PSR B1913+16. Il ne peut donc y avoir de doute sur le fait que les étoiles doubles émettent des ondes gravitationnelles. Mais on aimerait les détecter directement et c’est pour cela, entre autres, que le projet de détecteur dans l’espace LISA est conçu. Le sort ultime des étoiles doubles serrées est leur fusion, qui est inéluctable puisque leur distance ne peut que diminuer en raison de la perte d’énergie par émission d’ondes gravitationnelles. Ce phénomène catastrophique doit se traduire dans sa phase ultime par une émission rapidement croissante d’ondes gravitationnelles périodiques accélérées, que l’on peut espérer détecter avec les détecteurs actuels au sol comme VIRGO ou LIGO. 3
Binaires cataclysmiques, novae et supernovae de type Ia
Nous sommes maintenant armés pour comprendre comment fonctionnent les étoiles binaires serrées de différents types. La variété des phénomènes est telle que nous ne pouvons les décrire tous. Commençons par le cas où une naine blanche, une étoile à neutrons ou un trou noir reçoit de la matière provenant de l’autre composante, qui est une étoile de faible masse, et où la période de révolution est plus courte qu’une dizaine d’heures : ce sont donc des systèmes semi-détachés (voir la figure 5.6). On désigne souvent ces étoiles doubles par le terme général de binaires cataclysmiques, car leur émission est généralement sporadique, et en tout cas très variable au cours du temps. 3.1
Novae naines et sources X transitoires
Dans certaines de ces binaires, les variations proviennent d’instabilités thermiques dans le disque d’accrétion qui entoure la composante compacte, instabilités qui augmentent temporairement le taux d’accrétion. Le disque d’accrétion est en équilibre thermique lorsque le chauffage dû à la viscosité est compensé par les pertes par rayonnement. C’est le cas lorsque la température est supérieure à environ 10 000 K, car le refroidissement est alors efficace et augmente avec la température, ce qui stabilise celle-ci. C’est aussi le cas lorsque la température est inférieure à environ 5 000 K. Aux températures intermédiaires, qui correspondent à une ionisation partielle de l’hydrogène, on montre que le disque devient thermiquement instable : toute augmentation ou diminution de la température s’emballe et se propage dans le disque, qui effectue des oscillations de relaxation entre des configurations chaudes et froides, du moins tant que le taux de transfert de la matière depuis l’autre composante maintient la température dans ce régime critique. Ceci donne lieu à des éruptions modérées plus ou moins régulières. C’est le cas des novae naines, dont la composante compacte est une naine blanche. Leur éclat peut augmenter par un facteur de 10
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à 1 000 pendant quelques mois, pour atteindre une luminosité de 1 à 10 fois celle du Soleil. Si l’objet compact est une étoile à neutrons ou un trou noir, l’objet émet temporairement des rayons X, lors de périodes d’activité de quelques mois séparées par des périodes de quiescence qui s’étendent sur des dizaines d’années : ce sont les sources X transitoires. La sensibilité des télescopes spatiaux X actuels permet cependant de détecter l’émission X de ces binaires pendant les périodes calmes, où il y a quand même chute de matière sur l’objet compact. Alors, la luminosité dans le domaine visible est dominée par l’étoile donneuse, dont on peut mesurer la vitesse radiale et ses variations sans être gêné par l’autre composante. On peut alors déterminer, comme pour toutes les étoiles doubles spectroscopiques, une limite inférieure de la masse totale et aussi de la composante compacte. On trouve que la masse de cette dernière est le plus souvent supérieure à 3 M , ce qui implique qu’il s’agit d’un trou noir plutôt que d’une étoile à neutrons. Dans ces cas, la luminosité X en période de quiescence est particulièrement faible, comme on peut s’y attendre puisque l’essentiel de l’énergie gravitationnelle de la matière qui tombe dans le trou noir est perdue. 3.2
Les novae
Les novae classiques sont beaucoup plus spectaculaires que les novae naines dont nous venons de parler. En quelques jours, une étoile généralement moins lumineuse que le Soleil, et que l’on n’avait généralement pas remarquée auparavant, atteint près de 100 000 luminosités solaires, puis décroît ensuite régulièrement pendant quelques mois. La spectroscopie montre que de la matière a été éjectée avec une vitesse de quelques centaines à quelques milliers de km/s. Les novae sont des systèmes binaires serrés dont la composante compacte est une naine blanche. La matière riche en hydrogène qui provient de l’autre étoile s’accumule à sa surface et sa densité est telle qu’elle devient dégénérée. Quand sa densité et sa température sont suffisantes, la fusion thermonucléaire de l’hydrogène s’établit. Comme le taux des réactions croît considérablement avec la température, laquelle augmente avec l’énergie libérée, ces réactions divergent : la fusion a lieu d’abord par le processus proton-proton, puis par les cycles CNO. Lorsque la température dépasse la température de Fermi pour laquelle la dégénérescence est levée, l’expansion commence mais le refroidissement qui en résulte ne peut compenser l’apport d’énergie par les réactions thermonucléaires, si bien que cette expansion devient véritablement explosive. La masse de la couche éjectée dépend de la masse de la naine blanche et varie entre 10−4 et 10−5 M . Elle est d’autant plus faible que la masse de cette étoile est plus grande et donc son diamètre plus petit (ce paradoxe apparent est discuté dans la section 2.6, chapitre 4). Comme le taux d’accrétion est de 10−9 à 10−10 M par an, tous les systèmes binaires serrés comportant une naine blanche doivent donc
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exploser comme novae tous les dix mille ou cent mille ans. Il existe cependant des novae récurrentes dont la masse est grande, proche de la limite de Chandrasekhar (donc la masse éjectée est particulièrement faible), et pour lesquelles le taux d’accrétion est élevé : elles peuvent réapparaître après quelques dizaines d’années. La nucléosynthèse qui accompagne les cycles CNO dans les novae est probablement à l’origine de la production dans la Galaxie de certains isotopes peu abondants : 13 C (en partie seulement), 15 N et 17 O. Il y a mélange partiel de la matière accrétée sur la naine blanche avec la matière qui constitue celle-ci, ce qui produit des éléments plus lourds que l’oxygène, par exemple le 20 Ne ; mais la nucléosynthèse doit s’arrêter à la région du soufre, faute de températures suffisantes. 3.3
Les sursauts de rayons X
La moitié des binaires X de faible masse sont sujettes à des sursauts de rayons X de courte durée – de l’ordre d’une dizaine de secondes, qui se reproduisent à des intervalles de moins d’une heure. L’explication est semblable à celle des explosions de novae, mais l’étoile réceptrice est dans ce cas une étoile à neutrons au lieu d’une naine blanche. Comme la pression de la matière accrétée est beaucoup plus élevée que si elle tombait sur une naine blanche, tout se passe beaucoup plus vite que pour une nova : en quelques jours la pression et la température atteignent les seuils où la fusion de l’hydrogène se produit, puis l’hélium s’embrase à son tour. La température s’élève encore, et les réactions s’emballent, conduisant à une explosion. Celle-ci est récurrente car toute la matière n’a pas été éjectée. L’émission se produit dans le domaine des rayons X (voir la section 2.2), et la luminosité au maximum est très proche de la luminosité d’Eddington (section 3 du chaptire 3) d’une matière pauvre en hydrogène. Certains sursauts sont beaucoup plus longs et se produisent à quelques années d’intervalle. Ces super-sursauts sont peut-être dus à des explosions de carbone dans des régions profondes sous la couche accrétée. 3.4
Les supernovae de type Ia
Les SN Ia sont en quelque sorte des novae qui ont mal tourné : au lieu d’intéresser seulement la couche de faible masse de matière accrétée, l’explosion concerne toute la naine blanche. Il est certain qu’il s’agit d’une explosion thermonucléaire – et cela a été proposé il y a déjà plus de 40 ans ; mais les détails ne sont pas encore bien compris. Le scénario standard considère l’accrétion de matière sur une naine blanche composée essentiellement de 12 C et de 16 O. La masse de la matière accrétée comprime la naine blanche dont le rayon passe de 10 000 km à 3 000 km tandis que sa température augmente. Lorsque la masse totale de la naine blanche atteint la masse limite de
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Chandrasekhar, soit environ 1,2 M , elle ne peut plus être supportée par la pression des électrons de sa matière dégénérée et s’effondre, ce qui provoque une brutale augmentation de la température centrale. Quand celle-ci atteint 4 108 K, la fusion du 12 C se produit, dégageant beaucoup d’énergie. Cependant, comme la matière est dégénérée, la pression n’augmente pas et la matière ne se dilate pas, donc ne peut se refroidir. La réaction nucléaire s’emballe et devient explosive : en moins d’une seconde, les combustibles successifs disponibles (12 C, 16 O, jusqu’à 28 Si) brûlent pour former des noyaux plus lourds, notamment 56 Ni. Le phénomène est si rapide que les neutrinos formés n’ont pas le temps de s’échapper et de refroidir ainsi l’étoile. Ensuite, la flamme de cette combustion se déplace vers l’extérieur ; mais malgré des décennies de recherche, on n’est toujours pas arrivé à savoir si ce déplacement est supersonique (détonation) ou non (déflagration). Dans le premier cas, les couches externes de la naine blanche ne sont pas « prévenues » de l’arrivée de la combustion et la totalité de la matière brûle pour se transformer en 56 Ni et autres noyaux du groupe du fer (54 Fe, 58 Ni, etc.). Dans le second cas, les couches externes ont le temps d’être poussées vers l’extérieur, leur densité diminue et la combustion ne va pas jusqu’au 56 Ni, mais produit des noyaux moins lourds de Ca, S ou Si. Finalement, les couches externes ne subissent pas de combustion et sont simplement éjectées. L’analyse spectrale des SN Ia montre effectivement la présence de ces éléments intermédiaires, mais aussi du 56 Ni, si bien que la vérité doit se trouver entre les deux cas : on pense que le phénomène commence par une déflagration au centre qui se transforme en détonation plus près de la surface. Mais aucun modèle satisfaisant de ce phénomène n’a encore été construit. Un scénario différent fait intervenir la collision et la fusion de deux naines blanches, dans un système binaire où l’énergie cinétique est perdue par émission d’ondes gravitationnelles. Il a l’avantage de rendre compte de l’absence d’hydrogène dans les éjecta des SN Ia. Cependant, cette perte d’énergie par ondes gravitationnelles est très lente, et ce scénario ne peut pas rendre compte de la présence de SN Ia dans des galaxies très lointaines, donc forcément très jeunes ; de plus, les modèles ne parviennent pas à faire exploser les étoiles ainsi fusionnées ! Quoi qu’il en soit, la totalité de la matière est dispersée dans l’espace avec une énergie cinétique de l’ordre de 1051 ergs, qui est pratiquement égale à l’énergie thermonucléaire libérée dans l’explosion. Curieusement, cette énergie est semblable à celle des autres supernovae bien que les mécanismes soient totalement différents. Nous ne comprenons bien aucun type de supernovae, mais notre ignorance n’est pas de même nature dans les différents cas. Pour les supernovae thermonucléaires que sont les SN Ia, on comprend à peu près comment l’étoile en arrive au stade de supernovae, mais le mécanisme de l’explosion est très mal compris. Pour les autres supernovae, c’est l’inverse.
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On peut se demander pourquoi certaines naines blanches rejettent sporadiquement la matière accrétée, tandis que d’autres l’accumulent jusqu’à leur explosion finale (il se peut cependant que des novae récurrentes, dont la masse est proche de la limite de Chandrasekhar, finissent par exploser comme supernovae). Peut-être cela est-il lié au taux d’accrétion, qui serait plus élevé pour les progéniteurs des SN Ia que pour les binaires cataclysmiques et les novae. Il semble que la rotation de la naine blanche joue aussi un rôle important. Ces problèmes font actuellement l’objet de recherches intenses. Il serait évidemment très intéressant d’observer le précurseur d’une SN Ia, comme cela a pu être fait pour la supernova massive SN 1987A du Grand Nuage de Magellan (voir la section 2.4, chapitre 4). Le taux d’accrétion étant très grand, ce précurseur devrait être une source très puissante de rayons X : des rayons X très mous, puisque l’accrétion se fait sur une naine blanche. Nous connaissons de telles sources, dites sources X super-molles, et il nous reste à espérer que l’une d’elles explose. Malgré toutes ces incertitudes, les SN Ia sont utilisées comme « chandelles standards » par les cosmologistes. Ceux-ci recherchent en effet des astres très lumineux dont la luminosité soit toujours la même, afin d’établir la relation luminosité/décalage spectral qui est un des éléments permettant de choisir entre les différents modèles d’Univers. Les SN Ia sont de bons candidats pour cela, contrairement aux autres types de supernovae dont les propriétés sont trop variables. Il est malgré tout inquiétant de voir utiliser des astres dont les propriétés sont si mal comprises. Ce sont les observations elles-mêmes qui autorisent un certain optimisme : bien que différentes d’une supernova à l’autre, les courbes de lumière prennent une forme universelle après qu’on les ait corrigées en utilisant une relation empirique entre l’éclat maximum et le temps caractéristique de décroissance (figure 5.10).
4
Étoiles binaires gamma et microquasars
Les binaires dont nous avons parlé dans la section précédente sont constituées d’une étoile de faible masse déversant sa matière sur un objet compact. Mais il existe aussi des binaires serrées dont l’étoile donneuse est massive. Nous avons vu que les étoiles massives émettent des vents importants, dont une partie est capturée par l’objet compact. Ces binaires émettent des rayons X. Pour la plupart d’entre elles, l’objet compact est soit une étoile à neutrons, qui peut être un pulsar X, soit un trou noir comme dans le célèbre objet Cygnus X-1. Des observations récentes ont montré que certains de ces systèmes émettent des rayons gamma d’énergie très élevée : trois cas sont connus, pour lesquels l’essentiel de la luminosité est émis par des photons d’énergie supérieure à plusieurs MeV. Dans ces trois objets, l’objet compact est un pulsar ; l’émission gamma se produit dans la région où la matière éjectée
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Figure 5.10. Courbes de lumière de supernovae de type Ia. En haut, courbes de lumière de supernovae relativement proches rapportées à la même distance : la magnitude absolue V est portée en fonction du temps. En bas, les mêmes après application d’une correction empirique. D’après Lasota, J.-P., in Lequeux et al. (2009).
par le pulsar avec des vitesses relativistes interagit avec le vent de la composante massive. Les microquasars sont différents de ces binaires. Ce sont des étoiles doubles serrées où le disque d’accrétion qui entoure la composante compacte se débarrasse d’une grande partie de son moment angulaire en émettant deux jets symétriques le long de son axe de rotation, par un processus complexe qui fait intervenir le
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Figure 5.11. Schéma d’un microquasar. La composante à gauche déverse de la matière sur la composante compacte. Cette matière forme un disque d’accrétion dont le moment angulaire est évacué par deux jets symétriques.
champ magnétique, analogue à celui que nous avons rencontré dans les protoétoiles (figure 5.11). C’est la version très réduite des quasars : dans ceux-ci, le disque d’accrétion entoure non pas une étoile compacte, mais le trou noir central des galaxies, un trou noir dont la masse est très grande – plusieurs millions à plusieurs milliards de masses solaires. 5
Les pulsars milliseconde
Certains pulsars émettent des impulsions radio à un rythme extraordinairement rapide, qui reflète leur période de rotation puisque l’émission, très directive, se produit dans deux jets tournant à la manière d’un phare. Le plus rapide de ces pulsars fait 716 tours par seconde, mais la plupart font environ 300 rotations par seconde. On les appelle les pulsars milliseconde. On pense qu’ils font partie d’un système binaire serré. Ce sont des pulsars dont la rotation a été accélérée : la matière qui tombe sur le pulsar n’a pas perdu tout son moment angulaire dans le disque d’accrétion qui l’entoure, si bien que ce moment angulaire accélère sa rotation. Une telle accélération est effectivement observée dans nombre de binaires X. Il faut, semble-t-il, 10 à 100 millions d’années pour que le pulsar atteigne les périodes de rotation les plus rapides. Pendant ce temps, il émet des rayons X, et s’il émet des ondes radio, celles-ci sont arrêtées par la matière en train d’être accrétée, qui est un plasma. Lorsque l’accrétion s’arrête, soit parce que le pulsar tourne trop vite
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Chapitre 5. Le zoo des étoiles doubles
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Figure 5.12. L’amas globulaire 47 Tucanae, dans l’hémisphère austral, observé avec un des télescopes de 8 m du VLT de l’ESO. Plus de 60 pulsars millisecondes ont été découverts dans cet amas. © ESO Education and Public Relations Department.
soit parce que le compagnon cesse de l’alimenter, le plasma disparaît, les ondes radio peuvent sortir et l’objet devient un pulsar radio. Si la fréquence de rotation atteignait environ 3 000 tours par seconde, la force centrifuge ferait exploser le pulsar. Cependant on n’observe pas de fréquences aussi élevées : si les objets ne sont pas parfaitement symétriques, il est possible que la rotation soit limitée par la perte d’énergie due à l’émission d’ondes gravitationnelles, ondes que l’on espère pouvoir détecter un jour. On connaît plusieurs centaines de pulsars milliseconde. Ils sont très fréquents dans les amas globulaires comme 47 Tucanae (figure 5.12), où la densité d’étoiles est si grande qu’il se forme fréquemment des binaires serrées par capture gravitationnelle. Mises à part les variations périodiques de fréquence dues à leur binarité, les pulsars milliseconde sont des horloges particulièrement stables. Plusieurs observatoires, dont la station de Nançay de l’Observatoire de Paris, suivent systématiquement leur fréquence, ce qui présente un grand intérêt pour la métrologie et a diverses applications astrophysiques. On a même l’espoir de pouvoir ainsi détecter de petites variations de fréquence de ces pulsars qui seraient produites par le passage d’ondes gravitationnelles.
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6 Étoiles et évolution des galaxies 1
Introduction
Une galaxie comme la nôtre contient des dizaines, voire des centaines de milliards d’étoiles, qui se sont formées à partir de la matière interstellaire depuis près de 13 milliards d’années. Les seules étoiles des premières générations qui subsistent sont celles qui ont une masse inférieure à 0,8 M . Les étoiles plus massives ont disparu, ayant restitué une partie de leur matière au milieu interstellaire tandis que le reste forme un astre compact : naine blanche, étoile à neutrons ou trou noir, dont la durée de vie est infinie ou extrêmement longue, sauf cas particuliers. Parmi les étoiles formées ultérieurement, celles qui parviennent jusqu’à nous ont une masse maximum de plus en plus grande à mesure qu’elles sont nées plus récemment. De toute façon, une partie croissante de la masse d’une galaxie est bloquée au cours du temps dans des étoiles de faible masse et des objets compacts. Donc la fraction de masse contenue dans le milieu interstellaire ne peut que diminuer au cours du temps. Il se peut toutefois que du milieu interstellaire frais provenant de l’extérieur soit accrété par la galaxie. Inversement, la galaxie peut perdre du milieu interstellaire en émettant un vent. Tout ceci peut se résumer par le schéma de la figure 6.1. Considérons maintenant l’évolution de la composition chimique de la galaxie. Au début, il n’y avait que de l’hydrogène avec son isotope le deutérium, de l’hélium 4 et 3 et du lithium, qui sont les éléments produits juste après le Big Bang. Les étoiles synthétisent des éléments lourds à partir de ces éléments primordiaux, puis les rejettent dans leurs vents et à leur mort : on assiste donc à un enrichissement du milieu interstellaire en éléments lourds, qui concerne aussi les étoiles des générations ultérieures formées à partir de lui. Il subsiste cependant la possibilité que la galaxie accrète du gaz frais, éventuellement primordial, ce qui ralentit son enrichissement
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Figure 6.1. Schéma de l’évolution d’une galaxie.
en éléments lourds, et peut même aller jusqu’à diminuer leur abondance dans le milieu interstellaire si l’accrétion est réellement très importante. La modélisation de cette évolution chimique est complexe, car il faut considérer les facteurs suivants : – la durée de vie des étoiles des différentes masses ; – la distribution des masses des étoiles au moment de leur formation, qui est la fonction de masse initiale (IMF, de l’anglais initial mass function) ; – le taux de formation d’étoiles (SFR, de l’anglais star formation rate) ; – la production des différents éléments par les étoiles (yield, en anglais) ; – les mécanismes d’éjection de ces éléments (vents stellaires, novae, supernovae) ; – le mélange avec le gaz interstellaire ; – enfin l’interaction avec l’environnement (accrétion ou éjection de milieu interstellaire). Presque tous ces facteurs sont susceptibles de varier au cours du temps, ce qui rend le problème compliqué. Dans la pratique, on est obligé de le simplifier en supposant constants certains paramètres (c’est ce que l’on fait généralement pour la fonction de masse initiale en l’absence de preuves de ses variations éventuelles), ou en imposant leur variation de façon plus ou moins arbitraire. Nous allons maintenant aborder les différents aspects de ce problème, en commençant par la production des différents éléments.
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La production des éléments par les étoiles
Les bases de la nucléosynthèse stellaire ont été posées en 1957 par Margaret et Geoffrey Burbidge, William Fowler et Fred Hoyle (article dit B2 FH, voir la bibliographie), un travail qui a valu au seul Fowler le prix Nobel de physique. Ils ont reconnu les modes principaux (fusion de l’hydrogène, de l’hélium, processus α, processus r, s et p, etc.) et identifié les éléments formés par ces différents processus, sans toutefois spécifier tous les lieux où ils peuvent se produire, qui n’étaient guère connus à l’époque. Nous les avons indiqués dans les chapitres précédents. La figure 6.2 montre une courbe schématique des abondances dans l’Univers, avec une indication des processus qui produisent les éléments. La figure 6.3 est un tableau périodique où sont indiqués ces processus. Notons que B2 FH n’avaient pas reconnu qu’une grande partie de l’hélium, le deutérium et une partie du lithium 7 ont été synthétisés dans le Big Bang, et ignoraient l’origine du lithium 6, d’une autre partie du lithium 7, du béryllium et du bore que nous savons aujourd’hui provenir de la rupture des noyaux de la matière interstellaire par les rayons cosmiques (réactions de spallation). Ils avaient cependant noté que le deutérium, le lithium, le béryllium et le bore sont très fragiles et doivent être souvent détruits dans les étoiles. Rappelons quels sont les principaux sites de nucléosynthèse : – fusion de l’hydrogène : Big Bang, étoiles sur la séquence principale ; – spallation : milieu interstellaire ; – combustion de l’hélium : géantes rouges, étoiles AGB ; – combustion explosive : novae, sursauts X, supernovae ; – nucléosynthèse au-delà du fer, processus s : étoiles AGB ; – nucléosynthèse au-delà du fer, processus r : supernovae Ia ; – nucléosynthèse au-delà du fer, processus p : ? Nous sommes maintenant presque armés pour aborder l’enrichissement du milieu interstellaire par les étoiles. Presque, car nous n’avons pas encore considéré que la nucléosynthèse stellaire dépend de la composition chimique initiale des étoiles. Par exemple, les étoiles de la première génération (que les astronomes appellent étoiles de Population III) ne contenaient que de l’hydrogène et de l’hélium, à l’exclusion d’éléments plus lourds. Aucune de ces étoiles n’a jamais été observée, car elles étaient probablement très massives et leur durée de vie était donc très courte. Mais la Galaxie contient des étoiles très vieilles déficientes en éléments lourds (Population II, par opposition à la Population I formée des étoiles jeunes) : leur composition chimique nous informe sur la nucléosynthèse et l’enrichissement du milieu interstellaire dans les premières phases de l’évolution des galaxies. Les premières étoiles, étant toutes massives, ont dû évoluer très vite, formant d’abord 4 He par le processus p-p, puis 12 C par le processus 3α, ce qui a alors permis au cycle CNO de fonctionner pour former davantage d’hélium. L’évolution a été
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Figure 6.2. Courbe schématique des abondances dans l’Univers et des processus de nucléosynthèse, d’après l’article B2 FH. Bien que datant de 1957, ce schéma est toujours valable. La masse atomique A est en ordonnées. N est le nombre de neutrons dans le noyau. Les processus de formation sont indiqués par les lettres α, e, r, s et p. Remarquer le pic d’abondance du groupe du fer, dû à la grande stabilité des noyaux de ce groupe, et les pics d’abondance pour les éléments α avec A = 16, 20, 24 ... 40. Remarquer aussi les pics pour A = 80 et 90, 130 et 138, et 194 et 208. Ils correspondent à des noyaux contenant un nombre magique de neutrons N = 50, 82 et 126, les noyaux s étant moins riches en neutrons par rapport aux protons que les noyaux r.
si rapide que la capture lente des neutrons était négligeable, donc il n’y a pas eu formation d’éléments s. Seuls les éléments α ont été synthétisés, et ces étoiles n’ont donc contenu, à la fin de leur évolution, que 4 He, 12 C, 16 O, 20 Ne, 24 Mg et 28 Si. On a dû y trouver aussi de petites quantités de 56 Ni résultant de la fusion du 28 Si. Ces étoiles ont alors explosé comme supernovae, synthétisant des éléments r et les rejetant dans le milieu interstellaire. De fait, les étoiles de Population II les plus déficientes en éléments lourds contiennent des éléments r ainsi formés, pas d’éléments s, et aussi du lithium fabriqué dans le Big Bang qu’elles n’ont pas détruit en raison de leur faible masse.
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Figure 6.3. Tableau périodique montrant l’origine des différents éléments. Les éléments s et r formés par capture de neutrons ne sont pas séparés ici. Les éléments artificiels, tous instables, ne sont pas portés sur ce tableau.
En ce qui concerne les étoiles des générations suivantes, il est impossible de connaître leur fonction initiale de masse (IMF) puisque les plus massives ont disparu. On est obligé de supposer qu’elle est la même que pour les étoiles qui se forment actuellement, pour lesquelles heureusement elle paraît assez universelle. Cette hypothèse étant faite, on peut calculer ce que ces étoiles rejettent dans le milieu interstellaire, en tenant compte du fait que leur perte de masse est d’autant plus grande qu’elles sont plus riches en éléments lourds. La figure 6.4 montre la contribution des étoiles de différentes masses à l’enrichissement du milieu interstellaire pour deux métallicités initiales différentes. La contribution des novae et des SN Ia a été négligée, car elle est probablement assez faible vis-à-vis de celle des étoiles ordinaires. En intégrant sur l’IMF, on peut obtenir l’enrichissement global par une génération stellaire. Outre l’incertitude sur l’IMF, il subsiste une autre inconnue dans cet enrichissement, même en admettant que les modèles qui ont abouti à la construction de la figure 6.4 sont entièrement corrects : on ne sait pas si, et à partir de quelle masse, la matière des étoiles les plus massives n’est pas totalement engloutie dans le trou
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Figure 6.4. Production d’éléments lourds dans le milieu interstellaire par des étoiles de différentes masses et de métallicité initiale Z = 0,001 (en haut) et Z = 0,02 (sensiblement la métallicité présente du milieu interstellaire, en bas). La fraction de la masse initiale bloquée dans les astres compacts après la mort de l’étoile est donnée par la courbe inférieure. La fraction éjectée de la masse initiale de l’étoile se trouve au-dessus de cette courbe, et la partie qui enrichit le milieu interstellaire en hélium et éléments lourds est comprise entre cette courbe et la courbe supérieure. Au-dessus de la courbe supérieure, la masse éjectée a la composition initiale et n’intervient donc pas dans l’enrichissement. On remarque que les étoiles massives contribuent surtout par leur vent pour les métallicités importantes, mais que ce n’est pas le cas aux faibles métallicités. Pour les très grandes masses, les étoiles pourraient disparaître entièrement dans un trou noir lorsqu’elles explosent comme supernovae (SN Ib ?), auquel cas la production d’éléments lourds serait nulle à ce stade. Comme on le voit sur la figure, l’effet serait surtout important aux faibles métallicités. D’après Maeder, A. (1992) Astronomy & Astrophysics 264, 105, avec l’autorisation de l’ESO.
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noir au moment de son explosion comme supernova. Elle serait alors perdue pour l’enrichissement du milieu interstellaire, et cela peut affecter considérablement la production d’éléments lourds, surtout aux faibles métallicités.
3
Des étoiles au milieu interstellaire
La matière éjectée dans le milieu interstellaire par les étoiles peut se trouver sous divers états physiques. La matière expulsée à la fin de l’évolution des étoiles relativement peu massives, au stade géante rouge ou AGB, est sous la forme d’un vent relativement froid, où se sont condensés certains éléments en formant d’abord des molécules, puis des poussières : ces poussières sont des silicates ou des produits carbonés selon la composition chimique de l’enveloppe expulsée. Plus tard, elles se couvriront éventuellement de glace dans les nuages moléculaires. Mais les poussières peuvent également avoir été détruites par le rayonnement ultra-violet des étoiles chaudes, et d’autres poussières peuvent se condenser dans le milieu interstellaire. Ce qui survient à ces poussières importe peu pour notre problème, car elles seront englobées avec le gaz lors de la formation de nouvelles étoiles. Il est clair que la matière expulsée par ces étoiles peu massives n’a pas une énergie cinétique suffisante pour pouvoir échapper à l’attraction gravitationnelle de la Galaxie. Il n’en est pas forcément de même pour les éjecta des étoiles massives. Les vents stellaires sont chauds et sont émis avec une vitesse considérable, atteignant plusieurs milliers de km/s. La matière éjectée par les explosions de supernovae est extrêmement chaude, avec une température de 105 à 107 K : on peut d’ailleurs l’observer en rayons X, avec des raies d’émission d’éléments très ionisés qui renseignent sur sa température et sa composition. Elle interagit avec le milieu interstellaire ambiant pour former des restes de supernovae, mais une partie subsiste dans le milieu interstellaire, dont elle remplit une fraction considérable. Assez fréquemment, de nombreuses étoiles massives naissent presque simultanément dans une même région (figure 6.5), et les plus massives explosent comme supernovae au bout de quelques millions d’années ; l’effet collectif des vents stellaires et des explosions forme une énorme bulle remplie de gaz très chaud (figure 6.6). Cette bulle « crève » en traversant le gaz plus froid du disque galactique, formant une cheminée, et son contenu se répand dans le halo de la Galaxie. Le gaz très chaud se refroidit lentement et se condense en nuages neutres qui retombent vers le plan de la Galaxie, éventuellement assez loin de leur lieu d’origine (c’est ce que les astronomes appellent la fontaine galactique). C’est ainsi que les éléments lourds synthétisés dans les supernovae ou contenus dans les vents stellaires se retrouvent après plusieurs millions d’années dans un milieu interstellaire susceptible de former de nouvelles étoiles.
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Figure 6.5. L’amas d’étoiles jeunes et massives NGC 3603. Image en fausses couleurs obtenue dans le visible et le proche infrarouge avec un des télescopes de 8 m du VLT de l’ESO. À la distance de l’amas (7 kpc) les dimensions de l’image sont 11 × 11 parsec. © ESO Education and Public Relations Department.
Si la bulle est vraiment très importante, une partie du gaz qu’elle contient peut vaincre le potentiel gravitationnel de la galaxie et s’échapper, emportant avec elle des éléments nouvellement synthétisés par les étoiles massives, et aussi par des étoiles de masse plus faible car du gaz qui en provient peut s’être mélangé au gaz chaud. Des exemples spectaculaires de ces vents galactiques sont présentés figures 6.7 et 6.8. Les galaxies peuvent aussi accréter du gaz provenant de l’extérieur, mais les seules indications que nous avons de ce phénomène concernent des galaxies à grand décalage spectral, donc très jeunes et peu évoluées.
4 4.1
L’évolution de la composition chimique des galaxies Les équations de base
Écrivons d’abord les équations de conservation de la masse dans une galaxie, ou dans une région d’une galaxie, en posant M = masse totale (excluant la matière noire
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Figure 6.6. La bulle N 70 dans le grand Nuage de Magellan, image obtenue avec un des télescopes de 8 m du VLT de l’ESO. D’un diamètre de 95 parsec, elle résulte de l’explosion de nombreuses étoiles massives appartenant à un amas comme celui de la figure 6.5. Quelques étoiles non encore explosées sont visibles au centre. © ESO Education and Public Relations Department.
éventuelle), Mg = masse du gaz interstellaire (incluant les poussières, supposées bien mélangées au gaz), M = masse des étoiles, f le taux de gaz (+ poussières) éventuellement accrété et e le taux de gaz éventuellement éjecté. Soit aussi ψ le taux de formation d’étoiles, et E le taux d’éjection du gaz par les étoiles. Toutes ces quantités sont en général fonction du temps. On peut écrire : M = Mg + M ,
(6.1)
d M /d t = f − e,
(6.2)
dM /dt = ψ − E,
(6.3)
d Mg /d t = −ψ + E + f − e.
(6.4)
Au temps t, meurent les étoiles de masse m formées au temps t − τ m , τ m étant leur durée de vie 1 . Le taux de mort des étoiles au temps t donc est égal au taux 1
Contrairement à la notation dans les chapitres précédents, nous désignons ici la masse d’une étoile par m au lieu de M, M étant réservé aux masses totales d’un ensemble d’étoiles ou de gaz.
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Figure 6.7. La galaxie M 82, vue par la tranche avec le télescope spatial Hubble. Elle est le siège d’une très intense formation d’étoiles dans ses régions centrales. Les vents et les explosions des étoiles massives provoquent l’expulsion d’une grande quantité de gaz, visible ici en rouge car il émet la raie Hα de l’hydrogène. © Hubble Space Telescope Heritage.
Figure 6.8. Profil de la raie Lyman α de l’hydrogène de la galaxie bleue compacte Haro 2. Cette galaxie est, comme M 82, le siège d’une énorme flambée de formation d’étoiles. Les abscisses donnent la longueur d’onde sous forme de la vitesse radiale par rapport à la vitesse moyenne de la galaxie. La raie a un profil de type P Cygni (voir la figure 3.10), caractéristique d’une perte de masse : du gaz est expulsé de la galaxie avec une vitesse relative de –200 km/s (trait vertical), et absorbe le continuum et la raie émise plus profond dans la galaxie. Les –200 km/s correspondent au centre de l’absorption, corrigée du profil d’émission. D’après Lequeux J. et al. (1995) Astronomy & Astrophysics 301, 18, avec l’autorisation de l’ESO.
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de leur formation au temps t − τ m , soit ψ(t − τ m ) φ(m), en séparant cette fois la partie ψ (SFR) dépendant du temps et la fonction de masse initiale φ(m) (IMF), supposée indépendante du temps. Nous supposons la fonction de masse initiale φ(m) normalisée de telle façon que m φ(m) d m = 1 M , l’intégrale étant prise sur toutes les masses stellaires d’une génération. Quant au taux de formation d’étoiles ψ, on peut le prendre constant, ou fonction de la masse de gaz Mg ou d’un autre paramètre. On utilise souvent l’IMF de Salpeter, qui est assez bien décrite pour les masses supérieures à celle du Soleil par la forme : m φ(m) = md n(m)/d m = 0,17 m−1,35 ,
(6.5)
avec la normalisation ci-dessus, où n(m) est le nombre d’étoiles de masse comprise entre m et m + d m. On peut aussi utiliser l’IMF de Scalo, qui est peut-être plus réaliste : m φ(m) = 0,83
pour m 0,5 M , −1,7
= 0,26 m
pour m > 0,5 M .
(6.6)
Chaque étoile de masse m a éjecté à sa mort la masse m − w m , w m étant la masse du reste compact (la matière non enrichie est ici incluse dans la matière éjectée). Pour obtenir la quantité de matière totale éjectée E(t), il faut intégrer la masse éjectée sur toutes les étoiles de masse supérieure à une masse minimum mmin (t), qui est la masse la plus petite des étoiles qui ont disparu depuis la formation de la galaxie à t = 0 (ou, de façon équivalente, la masse la plus grande des étoiles qui subsistent depuis cette époque). Le taux d’éjection E au temps t est donc donné par l’équation :
E(t) = m − w m ψ t − τ m φ(m) dm, (6.7) l’intégrale étant prise de mmin (t) à l’infini. Une expression approchée de la masse du reste compact est : w m = 0,11 m + 0,45 M w m = 1,5 M
m 8 M
m > 8 M .
(6.8)
Intéressons-nous maintenant à l’évolution de l’abondance des éléments. On peut écrire l’équation, semblable à (6.4), qui régit l’évolution de la masse d’un élément d’abondance Z (rappelons que Z est exprimé en fraction de la masse totale du gaz) :
d Z Mg /d t = −Zψ + E Z + Z f f − Z e, (6.9)
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et son taux de production :
m − w m Z t − τ m + mpZ (m) ψ t − τ m φ(m) d m. EZ (t) =
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(6.10)
Le terme entre crochets inclut la fraction éjectée de l’élément Z qui se trouvait dans l’étoile au moment de sa formation, soit (m − w m ) Z(t − τ m ), et aussi la masse de cet élément ajoutée par l’étoile, masse que nous écrivons mpZ (m). Notons que certains éléments comme le deutérium, le lithium, le béryllium et le bore, sont détruits au moins partiellement dans les étoiles si bien que ce dernier terme est négatif pour ces éléments. Notons également que les équations (6.9) et (6.10) supposent que l’élément Z éjecté par l’étoile est rapidement mélangé avec le milieu interstellaire. La masse éjectée par unité de masse par les étoiles d’une certaine génération, c’est-à-dire toutes les étoiles nées ensemble à une certaine époque, est :
(6.11) R= m − w m φ(m) d m, Mais attention ! Les étoiles ne restituent pas immédiatement de la masse au milieu interstellaire : si l’on oublie que les vents stellaires peuvent emporter une faible fraction des éléments qu’elles ont synthétisés, cette restitution a lieu à la fin de leur vie, si bien qu’à un instant t donné l’intégrale doit être prise sur les masses supérieures à mmin (t − τ), τ étant l’instant où s’est formée la génération considérée. De même, on peut obtenir une quantité yZ que nous appellerons le rendement net (yield en anglais), qui est le rapport de la masse de l’élément (ou des éléments) Z nouvellement synthétisés à la masse qui subsiste dans les étoiles et les restes compacts (nous verrons plus loin l’intérêt de cette quantité) : yZ (t) = 1/(1 − R)
mpZ (m) φ(m) d m,
(6.12)
l’intégrale étant toujours prise sur les masses supérieures à mmin (t − τ). Le tableau 6.1 donne les valeurs de R et du rendement net en hélium, en oxygène, en carbone et pour tous les éléments plus lourds que l’hélium (respectivement yHe , yO , yC et yZ ), pour une IMF de Scalo, après que toutes les étoiles qui contribuent à l’enrichissement aient terminé leur évolution (mmin ≈ 1 M en pratique). 4.2
Éléments primaires et secondaires
La figure 6.4 et le tableau 6.1 ont été établis en supposant que la composition chimique du gaz dont sont formées les étoiles était soit semblable à celle du voisinage solaire (tableau 1.1), avec une abondance totale des éléments lourds Z = 0,020,
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Cas
R
y He
yZ
yO
yC
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Z = 0,001 A
0,45
0,052
0,030
0,019
0,0022
B
0,42
0,044
0,010
0,0035
0,0012
C
0,41
0,042
0,0079
0,0023
0,0010
D
0,40
0,040
0,0054
0,0012
0,00076
E
0,38
0,034
0,0018
0,00019
0,00028
Z = 0,020 A
0,47
0,055
0,024
0,0071
0,0094
B
0,47
0,055
0,024
0,0071
0,0094
C
0,46
0,054
0,021
0,0048
0,0091
D
0,46
0,052
0,017
0,0035
0,0087
E
0,44
0,047
0,012
0,0019
0,0077
Tableau 6.1. Fraction de masse éjectée dans le milieu interstellaire, et rendements nets en hélium, ensemble des éléments plus lourds, oxygène et carbone pour une fonction de masse initiale de Scalo. La métallicité initiale des étoiles est Z . Le cas A est celui où les étoiles massives ne sont pas entièrement avalées par un trou noir lors de leur explosion. Les cas B, C, D et E correspondent au cas où les étoiles sont entièrement avalées si leur masse initiale était respectivement 27,5, 22,5, 17,5 et 11,6 M . D’après Maeder, A. (1992 et 1993) Astronomy & Astrophysics 264, 105 et 268, 833.
soit 20 fois plus faible. Cependant, cette composition ne correspond pas forcément à la réalité. Si la production d’éléments comme He et O est pratiquement indépendante de la composition initiale, d’autres éléments sont formés principalement, sinon uniquement, à partir d’éléments lourds préexistants : les premiers sont les éléments primaires, et les seconds les éléments secondaires. 14 N est généralement considéré comme un élément secondaire : le cycle CNO et ses réactions secondaires synthétisent du 14 N, et aussi du 12 C, du 13 C, du 22 Ne, etc., à partir de 16 O (voir la section 4.2, chapitre 2 et l’encadré 4.1). 14 N est aussi produit à partir de 12 C. Le rendement net d’un élément secondaire produit par une étoile devrait donc être proportionnel à l’abondance initiale de l’élément primaire dont il est issu, si bien que cette proportionnalité devrait se retrouver dans l’évolution chimique d’une galaxie. C’est à peu près le cas pour l’azote vis-à-vis de l’oxygène, du moins lorsque le gaz interstellaire a une métallicité assez élevée (figure 6.9) ; mais, aux faibles
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métallicités, l’abondance de l’azote paraît indépendante de celle de l’oxygène, ce qui montre qu’il y aussi production d’azote primaire, probablement par des étoiles de masse grande et moyenne. Cette production domine aux faibles métallicités parce qu’il n’y a pas encore beaucoup d’oxygène, et est camouflée par la production secondaire lorsque l’abondance d’oxygène est suffisante. La dispersion observée (réelle) de N/O pour une valeur donnée de O/H est mal expliquée. Cet exemple nous montre qu’il est nécessaire de faire très attention en utilisant les rendements nets pour étudier l’évolution chimique des galaxies. Si l’oxygène paraît être un élément primaire à peu près pur, beaucoup d’éléments sont partiellement primaires et partiellement secondaires comme on peut le voir à partir de diagrammes semblables à celui de la figure 6.9. C’est le cas notamment du carbone (surtout secondaire !), tandis que le néon, le soufre et l’argon paraissent surtout primaires. Le fer lui-même ne se comporte pas comme l’oxygène, ce qui n’implique pas forcément qu’il soit secondaire car les sites de production de ces deux éléments sont assez différents. Tout cela indique que nous ne comprenons pas tout sur la nucléosynthèse stellaire.
Figure 6.9. Relation entre le rapport d’abondance de l’azote à l’oxygène et l’abondance de l’oxygène, pour des régions HII dans des galaxies irrégulières (cercles) et spirales (croix). D’après Pilyugin, L.S. et al. (2003) Astronomy & Astrophysics 397, 487, avec l’autorisation de l’ESO.
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4.3
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L’approximation du recyclage instantané
On peut bien entendu résoudre les équations de l’évolution chimique données section 4.1 par des méthodes numériques. Mais les résultats ainsi obtenus ne sont pas toujours intuitifs. Pour obtenir des résultats plus parlants, on utilise très souvent l’approximation du recyclage instantané, qui suppose que les éléments synthétisés sont injectés sans délai dans le milieu interstellaire. Ceci revient à écrire ψ(t − τ m ) ≈ ψ(t). R et yZ sont cette fois des quantités indépendantes du temps, qui représentent respectivement la fraction de la masse totale éjectée par les étoiles de toutes masses après qu’elles aient évolué, et le rendement net de ces étoiles pour l’élément Z. L’approximation du recyclage instantané est effectivement valable pour les éléments créés dans les explosions de supernovae, ou plus généralement par les étoiles massives dont la durée de vie est courte, mais elle est de moins en moins exacte si l’on considère des étoiles de masse de plus en plus faible. Dans cette approximation, les équations (6.7) et (6.10) deviennent respectivement : E(t) = R ψ(t) et EZ (t) = RZ(t) ψ(t) + (1 − R) yZ (t) ψ(t). En insérant cette dernière équation dans (6.9), on obtient : d(Z Mg )/d t = (1 − R) −Z + yZ (t) ψ(t) + Zf f − Z e.
(6.13) (6.14)
(6.15)
En reprenant les équations (6.3) et (6.4), on a : d M /dt = (1 − R) ψ(t),
(6.16)
d M g /dt = −(1 − R) ψ(t) + f − e,
(6.17)
puis en combinant (6.15) et (6.17) : M g d Z/d t = (1 − R) yZ (t) ψ(t) + (Z f − Z) f − Ze.
(6.18)
Les équations (6.16), (6.17) et (6.18) sont les trois équations fondamentales dans l’approximation du recyclage instantané. Si l’on peut ignorer les échanges avec l’extérieur ( f = 0 et e = 0), ces équations se simplifient encore : c’est le modèle en boîte fermée. Dans ce cas, on peut diviser l’équation (6.17), simplifiée en supprimant les termes f et e, par l’équation (6.18) également simplifiée pour obtenir : (1/Mg )d M g /d Z = −1/ yZ ,
(6.19)
équation différentielle dont la solution est, en supposant yZ constant : ln(Mg /M ) = −Z/ yZ .
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(6.20)
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Nous avons donc obtenu dans ce modèle très simple une relation entre le contenu en gaz et l’abondance d’un élément lourd (ou de tous les éléments lourds si Z représente la fraction de masse de ces éléments dans le gaz) : plus la métallicité du gaz est faible, moins la galaxie est évoluée, donc plus elle contient de gaz, un résultat d’ailleurs intuitif. Bien entendu, les équations de l’évolution galactique permettent d’obtenir l’évolution temporelle des abondances dans le gaz ou dans les étoiles à leur formation, et de simuler par exemple la relation âge-métallicité ou la distribution des abondances dans les étoiles de différentes masses initiales à un instant donné. Dans le modèle du recyclage instantané en boîte fermée, il suffit de se donner une relation entre le taux de formation d’étoiles et la masse du gaz pour obtenir la relation âge-métallicité. En posant : (6.21) ψ(t) = ω(t)Mg , l’abondance croît avec le temps comme :
t
ω(t ) d t .
Z(t) ∝
(6.22)
0
En prenant par exemple ω constant (taux de formation proportionnel à la masse du gaz), Z croît linéairement avec le temps. Ceci semble être à peu près le cas pour les étoiles du voisinage solaire, mais on observe une grande dispersion dans les abondances des étoiles du même âge, qui doit correspondre à un mélange de populations stellaires. Dans l’approximation du recyclage instantané et de la boîte fermée, la distribution des abondances stellaires à un instant donné ne dépend pas de l’histoire de la formation stellaire. On peut l’obtenir en ré-écrivant l’équation (6.20) comme :
Mg /M = 1 − M /M = exp −Z/ yZ , soit M /M = 1 − exp −Z/ yZ ,
(6.23)
d’où, en différentiant et multipliant par Z, M étant fonction de Z :
d M (Z)/d(ln Z) = M Z/ yZ exp −Z/ yZ .
(6.24)
Pour des étoiles ayant toutes à peu près la même masse, par exemple les géantes rouges des régions centrales (bulbe) de la Galaxie, cette équation donne la distribution du nombre d’étoiles en fonction de la métallicité ; c’est une fonction qui a un maximum pour Z = yZ . Elle est en assez bon accord avec les observations pour yZ = 0,015 (figure 6.10). Compte tenu du fait que la métallicité a augmenté avec le temps, cette valeur du rendement est compatible avec les modèles de la figure 6.4 et du tableau 6.1, à condition que les étoiles de masse initiale supérieure à environ
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Figure 6.10. Distribution de la métallicité pour les géantes rouges du bulbe galactique. En haut, nombre N observé d’étoiles par intervalle logarithmique de métallicité. La courbe est la prédiction du modèle du recyclage instantané en boîte fermée (équation (6.24)). En bas, nombre observé d’étoiles par intervalle linéaire de métallicité, et prédiction du modèle (équation (6.23)). L’accord entre observations et modèle est assez bon. D’après Zoccali, M. et al. (2003) Astronomy & Astrophysics 399, 931, avec l’autorisation de l’ESO.
25 M aient disparu entièrement dans un trou noir après leur explosion comme supernova. Mais on peut aussi imaginer que le rendement est plus grand mais qu’il y a eu perte de matière interstellaire au cours de la vie de la Galaxie, une hypothèse plausible dans certains cas, comme nous allons le voir. 4.4
Quelques exemples d’application
Nous avons insisté sur les incertitudes de nos connaissances sur la nucléosynthèse stellaire, et en particulier sur le fait qu’il n’est pas facile de savoir si tel ou tel élément est primaire, secondaire ou mixte. Ceci est d’autant plus regrettable que l’on ne peut observer que l’abondance d’un petit nombre d’éléments : – dans les nébuleuses gazeuses, donc dans le milieu interstellaire à l’époque actuelle, on peut mesurer l’abondance de He, C, N, O, Ne, S, Ar. Quand on parle
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d’« abondance interstellaire », il s’agit le plus souvent de celle de l’oxygène, qui est heureusement considéré comme l’élément primaire par excellence ; – dans les étoiles, sauf pour le Soleil et des étoiles très brillantes, on peut mesurer essentiellement C, O (pas dans toutes), Mg, Fe. Quand on parle d’« abondance stellaire », il s’agit généralement de celle du fer, dont nous avons vu que le comportement n’est pas parallèle à celui de l’oxygène. Vu les incertitudes sur les abondances, on peut bien souvent se contenter du modèle d’évolution avec recyclage instantané. Bien que son application présente quelque danger, on peut l’utiliser pour avoir une idée de la métallicité que devrait avoir le gaz d’une galaxie dont on connaît le rapport de la masse de gaz à celle des étoiles, ou inversement. Si l’équation (6.20) est très mal vérifiée, comme c’est souvent le cas, il y a des chances pour que l’évolution ne soit pas en boîte fermée. Considérons d’abord la relation observée entre l’abondance de l’oxygène et le rapport Mg /M , pour de nombreuses galaxies. L’abondance de l’oxygène est mesurée avec une assez bonne précision dans les nébuleuses gazeuses de ces galaxies, mais la masse de gaz est moins bien connue en raison de l’incertitude sur la masse des nuages moléculaires, et la masse totale mesurée par la dynamique peut contenir une quantité mal déterminée de matière noire. La figure 6.11 montre le résultat. On constate que si un rendement net en oxygène yO ≈ 0,0027 rend assez bien compte de cette relation pour les galaxies spirales dans le modèle du recyclage
Figure 6.11. Abondance de l’oxygène O/H en fonction du rapport Mg /M pour des galaxies spirales (cercles noirs) et irrégulières (carrés). La courbe en trait plein représente la prédiction du modèle de recyclage instantané en boîte fermée, avec yO ≈ 0,0027 ; les courbes en traits interrompus qui l’encadrent correspondent à des valeurs 1,5 fois plus grandes ou plus petites de ce rendement net en oxygène. La courbe en pointillés est pour un rendement 4 fois plus petit. D’après Pilyugin, L.S. et al. (2004) Astronomy & Astrophysics 425, 849, avec l’autorisation de l’ESO.
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instantané, il semble trop grand pour les galaxies irrégulières, et ceci d’autant plus qu’elles sont moins évoluées et plus riches en gaz. Ceci peut s’expliquer soit par un effet systématique dans la production d’oxygène par les étoiles en fonction de leur métallicité, soit, plus aisément, par une perte de milieu interstellaire enrichi par les galaxies irrégulières peu évoluées : ces galaxies se trouvent avoir une masse, donc une gravité, particulièrement faible et peuvent donc perdre plus aisément leur gaz. De tels vents galactiques importants sont d’ailleurs observés pour certaines de ces galaxies (voir la figure 6.7). Mais même la valeur yO ≈ 0,0027 paraît faible quand on la compare aux données du tableau 6.1, ce qui suggère que les galaxies spirales peuvent, elles aussi, perdre du gaz. L’effet est visible pour les deux galaxies irrégulières satellites de la nôtre, les Nuages de Magellan. Pour le Grand Nuage, on observe ZO ≈ 0,0034 et Mg /M ≈ 0,13, ce qui demande yO ≈ 0,0017 s’il n’y a pas d’échange de matière avec l’extérieur. Pour le Petit Nuage, les valeurs observées sont ZO ≈ 0,00115 et Mg /M ≈ 0,43, et yZ ≈ 0,0014. Ces rendements sont significativement plus faibles que 0,0027, en accord avec ce qu’on voit sur la figure 6.11. Un problème semblable se pose à propos de la distribution de métallicité dans les étoiles naines de la Galaxie. Considérons d’abord les étoiles appartenant au halo, qui ont en moyenne une faible métallicité. La distribution de métallicité pour ces étoiles obéit assez bien aux équations (6.23) ou (6.24) s’il ne reste que peu de gaz, ce qui est effectivement le cas dans le halo galactique, mais à condition que le rendement net en oxygène soit extrêmement petit, environ 0,0004. Ceci pourrait s’expliquer, comme pour les galaxies, par une perte de gaz au cours de l’évolution. Mais on estime souvent que ces étoiles ont été capturées par notre Galaxie à partir de galaxies naines de faible métallicité, ce qui ne fait d’ailleurs que déplacer le problème. En ce qui concerne les étoiles naines du disque galactique, qui ont en moyenne une métallicité plus grande, la question qui se pose est celle de la grande rareté des étoiles de faible métallicité par rapport à ce que l’on attend à partir des équations (6.23) ou (6.24). Nous n’avons pas encore de réponse claire à cette question. Il y a donc encore beaucoup à comprendre sur l’évolution chimique des galaxies, bien qu’il y ait déjà eu bien du travail dans ce domaine.
5
L’évolution de la couleur et du spectre des galaxies
Un autre aspect de l’évolution des galaxies, que nous allons aborder pour terminer ce livre, est la variation temporelle de leur luminosité, de leur couleur et de leur spectre. On observe que les galaxies peu évoluées, qui contiennent encore beaucoup de gaz, sont plus bleues que les autres, et leur spectre montre les caractéristiques d’étoiles jeunes. Examinons d’abord l’évolution de la couleur des galaxies.
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La couleur des galaxies et son évolution
Depuis que l’on mesure le flux intégré des galaxies dans des filtres colorés, on a remarqué qu’elles se placent sur une séquence bien définie dans un diagramme couleur-couleur. La figure 6.12 montre cette séquence dans le diagramme U − B, B − V , mais on observerait des séquences du même genre avec des paires de couleurs différentes. Sur cette séquence, la couleur des galaxies est bleue en haut à gauche (B−V ≈ 0,3, U −B ≈ −0,4) et rouge en bas à droite (B−V ≈ 1,0, U −B ≈ 0,7). Nous allons voir que les galaxies bleues sont beaucoup moins évoluées que les rouges, ce qu’on peut d’ailleurs vérifier en examinant leur rapport Mg /M .
Figure 6.12. Points représentatifs de galaxies dans un diagramme couleur-couleur U − B , B − V . À gauche, galaxies « normales » cataloguées dans l’Atlas de Hubble ; à droite, galaxies de l’Atlas de Arp, qui montrent des particularités morphologiques importantes, dues à l’interaction avec d’autres galaxies ou à la fusion avec une autre galaxie. On remarque que les points représentatifs sont beaucoup plus dispersés pour la deuxième classe. D’après Larson, R.B. & Tinsley, B.M. (1978) Astrophysical Journal 219, 46, avec l’autorisation de l’AAS.
Pour étudier quantitativement cette évolution, Larson et Tinsley ont calculé les couleurs, et aussi la luminosité en bande V, d’une population stellaire formée avec la fonction de masse initiale de Salpeter. Dans un des cas étudiés, la formation d’étoiles se fait d’un seul coup (sursaut de formation d’étoiles) et on laisse les étoiles évoluer au cours du temps sans que de nouvelles étoiles soient formées. Dans un autre cas, on suppose que les étoiles sont formées à un taux constant au cours du temps. Le tableau 6.2 reproduit les résultats. Bien entendu, les couleurs rougissent plus vite
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Âge
Sursaut de formation d’étoiles
Formation d’étoiles constante
(109 ans)
B–V
B–V
U–B
LV /M
U–B
(LV /M )
LV /M (LV /M )
0,01
−0,20
−1,00
45
−0,20
−1,00
45
0,02
−0,08
−0,79
28
−0,15
−0,93
36
0,05
+0,19
−0,37
18
−0,03
−0,78
28
0,1
+0,26
−0,19
9,1
+0,04
−0,67
19
0,2
+0,37
−0,02
6,3
+0,11
−0,56
14
0,5
+0,51
+0,17
3,0
+0,21
−0,43
7,7
1,0
+0,62
+0,22
1,4
+0,27
−0,36
5,0
2,0
+0,73
+0,29
1,1
+0,34
−0,29
3,2
5,0
+0,86
+0,42
0,53
+0,44
−0,20
1,7
10
+0,94
+0,56
0,26
+0,50
−0,14
1,0
20
+1,02
+0,74
0,12
+0,56
−0,09
0,59
Tableau 6.2. Couleurs U − B , B − V et rapport (luminosité V)/masse pour un ensemble d’étoiles formées avec une fonction initiale de masse de Salpeter. On considère un sursaut de formation d’étoiles à l’âge 0, qui évoluent ensuite sans nouvelle formation stellaire, et une formation constante d’étoiles à partir de l’âge 0. D’après Larson, R.B., & Tinsley, B.M. (1978) Astrophysical Journal 219, 46.
et la luminosité décroît plus rapidement pour le sursaut, car il n’y a pas apport de nouvelles étoiles jeunes comme dans le cas de la formation constante. Il est remarquable que les couleurs des galaxies normales suivent bien la loi couleur-couleur du tableau 6.2 dans le cas d’une formation stellaire constante : c’est le tracé correspondant qui est porté sur la figure 6.12. On pourrait en conclure que les galaxies les plus bleues viennent seulement de commencer à former des étoiles, tandis que les plus rouges en forment depuis très longtemps. Cette conclusion est hâtive : en effet, des calculs faits en supposant que le taux de formation stellaire décroît régulièrement au cours du temps donnent des résultats presque identiques. La position du point représentatif de la galaxie sur la courbe de la figure 6.12 ne dépend pratiquement que du rapport du taux de formation d’étoiles pendant les dernières 108 années à la masse formée précédemment. Il est donc impossible, en ne considérant que les couleurs, de connaître l’histoire passée de la formation stellaire : on ne peut au mieux qu’en connaître l’intégrale sur le temps. Heureusement, pour les
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galaxies dont la distance est inférieure à environ 20 mégaparsecs, on peut étudier la population stellaire et en savoir plus. Le résultat est étonnant : même dans les galaxies très bleues dont on pourrait croire qu’elles se sont formées récemment, on trouve en général des étoiles vieilles en petite quantité. Comment interpréter la dispersion des points représentatifs des galaxies « anormales » dans la partie droite de la figure 6.12 ? On peut supposer que dans ces cas un sursaut de formation d’étoiles a lieu, ou a eu lieu récemment, apportant une contribution importante à la luminosité et aux couleurs. La figure 6.13 illustre cette hypothèse. La comparaison de cette figure avec la partie droite de la figure 6.12 montre que l’on peut effectivement expliquer la couleur de toutes ces galaxies par
Figure 6.13. Effet d’un sursaut de formation d’étoiles sur la couleur d’une galaxie. À gauche, l’émission de ce sursaut se superpose à la lumière d’une galaxie rouge pour laquelle B − V = 0,95 et U − B = 0,54. La courbe supérieure indique les couleurs résultantes pour un sursaut très jeune (ayant eu lieu il y a 2 107 ans) d’intensité plus ou moins grande : les nombres le long de cette courbe sont le rapport b de la masse d’étoiles formées dans ce sursaut à la masse d’étoiles formées précédemment dans la galaxie (pour une valeur infinie, les couleurs sont celles d’un sursaut pur, cf. le tableau 6.2). Les courbes en dessous représentent les couleurs obtenues pour des sursauts de différents intensités en fonction de l’âge t du sursaut, qui est indiqué pour chaque courbe. Les courbes en traits interrompus suivent l’évolution temporelle des couleurs pour des sursauts d’intensité b = 0,001, 0,01, 0,1 et ∞. La courbe en trait gras est le lieu des couleurs des galaxies normales (voir la figure 6.12). À droite, même chose pour un sursaut superposé à une galaxie bleue pour laquelle B − V = 0,50 et U − B = −0,14. On remarque que la couleur peut devenir plus rouge si un sursaut très intense s’est produit il y a longtemps. D’après Larson, R.B. & Tinsley, B.M. (1978) Astrophysical Journal 219, 46, avec l’autorisation de l’AAS.
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la superposition à une galaxie normale d’un sursaut de formation d’étoiles plus ou moins important et plus ou moins âgé. Cette explication date de 1978, mais les observations ultérieures l’ont entièrement confirmée. On sait maintenant que ce sont les interactions gravitationnelles entre les galaxies qui forment de gigantesques concentrations de matière interstellaire où se produisent des sursauts de formation stellaire. La figure 6.14 en montre un exemple spectaculaire. Toutes ces conclusions, établies pour les bandes U, B et V, restent valables pour toutes les couleurs, de l’ultraviolet à l’infrarouge proche.
Figure 6.14. Sursaut de formation stellaire dans les galaxies en interaction NGC 4038-4039. Les régions centrales sont les taches blanches diffuses. Le sursaut, qui a commencé il y a quelques millions d’années, a créé de très nombreuses étoiles jeunes de couleur bleue ; les régions roses sont des nébuleuses gazeuses ionisées par les étoiles jeunes et massives créées par le sursaut (leur couleur est due à l’émission de la raie Hα de l’hydrogène). Des filaments de poussière absorbent la lumière des régions situées à l’arrière. © Hubble Space Telescope Heritage.
5.2
L’évolution du spectre des galaxies
Depuis que l’on dispose d’ordinateurs assez puissants, il est possible de synthétiser le spectre d’une population d’étoiles et d’étudier comment il évolue au cours du temps. On peut également simuler l’évolution d’une galaxie et de son spectre intégré, que
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l’on peut comparer aux spectres observés. C’est, si l’on veut, un perfectionnement des études mentionnées au paragraphe précédent, qui portaient seulement sur les couleurs des populations d’étoiles. La figure 6.15 montre par exemple l’évolution temporelle du spectre d’un ensemble d’étoiles nées simultanément avec une fonction de masse initiale de Salpeter, puis l’évolution du spectre d’une galaxie où la formation d’étoiles a été constante depuis son origine. Cette figure est l’équivalent du tableau 6.2, qui concerne les couleurs et la luminosité totale.
Figure 6.15. Évolution temporelle du spectre d’un ensemble d’étoiles formées avec une fonction de masse initiale de Salpeter. À gauche, évolution du spectre d’étoiles nées simultanément, en fonction de leur âge en milliards d’années, indiqué auprès de chaque courbe. Au début, le spectre est dominé par les étoiles massives très chaudes, qui rayonnent principalement dans l’ultraviolet lointain. Puis ces étoiles disparaissent progressivement, et les étoiles de masse de plus en plus faible dominent, avec un rayonnement dans le proche ultraviolet, le visible et l’infrarouge. Il subsiste cependant un faible rayonnement dans l’ultraviolet très lointain, qui provient des noyaux de nébuleuses planétaires. À droite, évolution du spectre d’une galaxie où la formation constante d’étoiles commence à l’âge indiqué auprès de certaines courbes, en milliards d’années. Lorsque cet âge n’est pas indiqué, c’est le même que dans l’image de gauche. Le calcul est poussé jusqu’à un âge de 19 milliards d’années, bien que l’on sache que l’âge de l’Univers est d’environ 14 milliards d’années. D’après Bruzual, G.A., & Charlot, S. (1993) Astrophysical Journal 405, 538, avec l’autorisation de l’AAS.
Il est bien entendu possible de superposer un sursaut de formation d’étoiles à une formation continue ou décroissante dans le temps. Voici quelques résultats de la comparaison de modèles à des spectres réels de galaxies :
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– le spectre des galaxies elliptiques est le plus souvent bien représenté par un sursaut ancien, y compris son émission ultraviolette qui a été quelquefois considérée comme mystérieuse. Donc ces galaxies ont depuis longtemps cessé de former des étoiles, ce qui est en accord avec le fait qu’elles ne contiennent presque plus de gaz. Seules quelques galaxies elliptiques continuent à former des étoiles, quoiqu’à un faible taux ; – le spectre des galaxies irrégulières est bien représenté par un sursaut jeune. Mais ceci ne signifie pas nécessairement qu’il n’y ait pas eu précédemment une formation modeste d’étoiles. Il faut pour le vérifier faire de l’imagerie profonde permettant de détecter directement ces vieilles étoiles : chaque fois que cela a pu être fait, on en a trouvé, comme nous l’avons déjà remarqué. On n’a donc jamais découvert de galaxie proche vraiment jeune ; – le spectre des galaxies spirales peut toujours être représenté par une formation d’étoiles s’étendant au cours du temps. Mais l’échelle de temps de ses variations éventuelles n’est pas bien déterminée par l’ajustement de modèles au spectre observé. Finalement, on retrouve avec ces comparaisons les mêmes résultats, avec presque les mêmes incertitudes, qu’en comparant les couleurs intégrées des galaxies avec des modèles d’évolution. Rien ne vaut l’imagerie directe des populations stellaires, mais celle-ci est limitée pour l’instant aux galaxies relativement proches, disons à moins de 20 mégaparsecs de nous. Pour aller plus loin, il nous faudra attendre les télescopes géants qui sont actuellement en projet.
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Bibliographie Livres en français Audouze, J. & Vauclair, S. (2003) L’astrophysique nucléaire, 4e éd., Coll. Que sais-je ? Presses Universitaires de France, Paris. Forestini, M. (1999) Principes fondamentaux de structure stellaire, Gordon & Breach, New York & Paris. Lequeux, J., avec le concours de Falgarone, E. & Ryter, C. (2002) Le milieu interstellaire, Coll. Savoirs actuels, EDP Sciences/CNRS Éditions, les Ulis et Paris. Lequeux, J. (coord. et auteur), Acker, A., Bertout, C., Lasota, J.-P., Prantzos, N. & Zahn, J.-P. (2009) Étoiles et matière interstellaire, Ellipses, Paris : cité dans les légendes des figures comme Lequeux et al. (2009). Prantzos, N., & Montmerle, T. (1998) Naissance, vie et mort des étoiles, Coll. Que sais-je ? Presses Universitaires de France, Paris.
Livres en anglais De Boer, K.S., & Seggewiss, W. (2008) Stars and Stellar Evolution, EDP Sciences, les Ulis : cité dans les légendes des figures comme de Boer & Seggewiss (2008). Clayton, D.D. (1984) Principles of Stellar Evolution and Nucleosynthesis, McGraw Hill & University of Chicago Press. Kippenhahn, R. & Weigert, A. (1990) Stellar Structure and Evolution, Springer, Berlin & Heidelberg. Maeder, A. (2009) Physics, Formation and Evolution of Rotating Stars, Springer, Berlin & Heidelberg (ouvrage beaucoup plus général que ce que son titre laisse prévoir) : cité dans les légendes des figures comme Maeder (2009). Pagel, B.E.J. (2009) Nucleosynthesis and chemical evolution of galaxies, Cambridge University Press.
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Quelques textes ou ouvrages fondateurs qu’il est intéressant de consulter pour compléter les livres précédents Bruzual, G.A., & Charlot, S. (1993) Spectral evolution of stellar populations using isochrone synthesis, Astrophysical Journal, 405, 538-553 ; accessible gratuitement via http://cdsads.u-strasbg.fr/abstract_service.html Burbidge, E.M., Burbidge, G.R., Fowler, W.A. & Hoyle, F. (B2 FH, 1957) Synthesis of the Elements in Stars, Reviews of Modern Physics 29, 547-650 ; accessible gratuitement via http://rmp.aps.org/pdf/RMP/v29/i4/p547_1 Chandrasekhar, S. (1939, nouvelle ed. 1958) Introduction to the Study of Stellar Structure, Dover, New York. Larson, R.B., & Tinsley, B.M. (1978) Star formation rates in normal and peculiar galaxies, Astrophysical Journal, 219, p. 46-59 ; accessible gratuitement via http://cdsads.u-strasbg.fr/abstract_service.html Maeder, A. (1992) Stellar yields as a function of initial metallicity and mass limit for black hole formation, Astronomy & Astrophysics, 264, p. 105-120 ; erratum (1993) Astronomy & Astrophysics, 268, p. 833 ; accessibles gratuitement via http://cdsads.u-strasbg.fr/abstract_service.html Renzini, A., & Voli, M. (1981) Advanced evolutionary stages of intermediatemass stars. I – Evolution of surface compositions, Astronomy & Astrophysics, 94, p. 175-193 ; accessible gratuitement via http://cdsads.u-strasbg.fr/ abstract_service.html Tinsley, B.M. (1980) Evolution of stars and gas in galaxies, Fundamentals of Cosmic Physics, 5, p. 287-388 ; Noter une petite erreur relevée par Maeder (1992), p. 109.
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Bibliographie
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Index A Accrétion, 19, 34, 118, 122, 124 disque d’, 32, 118, 128 Ae, Be, étoile, 35 Amas globulaire 47 Tucanae, 129 M 3, 75 Amas ouvert M 67, 43 NGC 3603, 140 Pléiades, 36 Asymptotique, branche (AGB), voir Géante Atmosphère stellaire, 44-47 B Binaire, étoile, voir Double, étoile Branche horizontale, 74, 75 Bulle interstellaire, 139-141 C Carbonée, étoile, 47, 84 Catalogues d’étoiles, 9 Céphéide, 42, 73 relation période-luminosité, 61 Chandrasekhar, masse limite de, 60, 96, 126 Champ magnétique interstellaire, 14, 18 protostellaire, 27 stellaire, 81-82
Chromosphère, 47 Classification stellaire, 38-39, 45-49 Collapsar, voir hypernova Comète, 34 Composition chimique des étoiles, 133-137 de la Galaxie, 12, 57, 77, 146-147 des galaxies, 144, 146-149 des nébuleuses planétaires, 87 du Soleil, voir Soleil Convection, 49-51, 56 dépassement convectif, 56 longueur de mélange, 56 Couronne, 47 Cycle proton-proton, CNO, voir réactions nucléaires D Dégénérée, matière, 58-59 Disque protostellaire, 26-27 Double, étoile, 27-28 à éclipses, 42-43, 110, 113-114 astrométrique, 112 cataclysmique, 122-123 gamma, 126 spectroscopique, 112-113, 122 transfert de masse, 114-120 visuelle, 109-112 Dragage (dredge up), 69, 70 Dynamo, effet, 81-82
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E Eddington luminosité d’, 77 modèle d’, 55-56 Effondrement gravitationnel, 21-26, 94-97 Éléments chimiques p, 98, 133 primaires, 142-144 r, 98, 133-135 s, 85, 133-135 secondaires, 142-144 Étoile en cavale (runaway star), 107-108 Étoiles individuelles Algol (β Persei), 114 Bételgeuse (α Orionis), 9, 37 Cygnus X-1, 126 Gliese 229 et 229B, 38 HH 211, 29 α Centauri A, 65 α Ursae majoris, 111 β Cephei, 60 o Ceti (Mira), 61 Étoile à neutrons, 59-60, 97, 105, 120, 121 Évolution des galaxies chimique, 131-132, 138-149 photométrique, 149-153 spectrale, 153-155 Extinction interstellaire, 13
couleur, 150-153 Haro 2, 140 M 82, 140 NGC 4038-39, 153 Nuages de Magellan, 77, 80, 99, 149 spectre, 153-155 Géante, étoile, 42 branche asymptotique (AGB), 42, 68, 70, 83-84 branche des géantes, 42, 68, 69 H Hayashi, tracé d’, 34 Herbig-Haro, objet de, 31 Hertzprung-Russell, diagramme de, 42-44 Hypernova, 92 I Impulsion thermique (thermal pulse), 70-71, 83 J J, géante, 84 Jeans, masse de, 22, 33 Jet protostellaire, 27-31 des hypernovae, 103-104 des microquasars, 127-128 K
F
Kelvin-Helmholtz, temps de, 33
Flash de l’hélium, 70 Fonction initiale de masse (IMF), 21, 135, 141 Fontaine galactique, 137 Formation des étoiles, 17-32 Fragmentation, 27
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G Galaxies, voir aussi évolution des galaxies composition chimique, 12, 57, 77, 144, 146-149
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Lagrange, point de, 116 Ledoux, critère de convection de, 51, 56 M M, étoile géante, 84 Magnitude, définition, 38 Masse des étoiles, détermination, 43, 110-113, 121, 123 Masse-luminosité, relation, 44 Microquasar, 127-128
Index
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Milieu interstellaire ionisé, 12, 13 propriétés, 14 autour de SN 1987A, 100-101 Molécule interstellaire, 14, 17, 18, 24, 29 Mouvement propre, 40 N Naine blanche, 42, 59-60, 83, 88-91, 119-120, 122, 124-126 Naine brune, 25, 35-36, 42 Nébuleuse gazeuse, voir Région HII Nébuleuse planétaire, 42, 68, 72, 85-88 de l’Hélice, 88 M 57, 87 NGC 7027, 89-90 Neutrinos solaires, 52-53 des supernovae, 94, 96-97, 100 Nova, 123-124 naine, 122-123 Nuage moléculaire, 12, 13, 14-16, 17, 21-26 Nucléosynthèse, 133-137 sur la branche asymptotique, 84-85 dans les étoiles massives, 95-96 dans l’explosion des supernovae massives, 125 dans l’explosion des SN Ia, 98 dans les novae, 124 Nomenclature des étoiles, 9 O OH-IR, étoile géante, 85 Onde gravitationnelle, 120-122 Oscillation stellaire, 60-65 Oppenheimer-Volkoff, masse limite de, 60
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Planète, 26, 32, 113 Plérion, 107 Population stellaire, 133, 155 Poussières interstellaires, 14, 19, 29, 32, 137, 153 Pulsar (voir aussi étoile à neutrons), 105, 106, 121, 126-127 binaire, 121 milliseconde, 128-129 PSR B1913+16, 121 Pulsation, voir oscillation R Raie à 21 cm : voir région HI Raie de CO, voir molécule interstellaire et nuage moléculaire Réactions nucléaires cycle proton-proton, 51-52, 67, 72 cycles CNO, 53-54, 72, 124 réaction triple alpha, 54 Recyclage instantané, approximation du, 145 Région HI, 12, 13, 137 Région HII, 12 composition chimique, 147 M 17, 17 Nébuleuse d’Orion, 18, 19 Nébuleuse de la Rosette, 19 Région de photodissociation, 16, 17 de M 17, 17 Rendement net de la nucléosynthèse (yield), 142, 143,144 Reste de supernova, 107-109 Cassiopeia A, 106 Nébuleuse du Crabe, 107 Roche, lobe de, 115-117 Rosseland, moyenne de, 51, 56 Rotation des étoiles, 27, 56-57, 80-82 S
P P Cygni, profil de raie, 78 Parallaxe, 40 Photosphère, 45
NAISSANCE, ÉVOLUTION ET MORT DES ÉTOILES
S, étoile géante, 84 Schwarzchild, critère de convection de, 50-51, 56 Schwarzchild, rayon de, 119
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Séquence principale d’âge zéro (ZAMS), 34, 57 définition, 40 Soleil composition chimique, 57 évolution, 67-72 oscillations, 62-65 rotation, 64-65, 80-82 Source X super-molle, 126 transitoire, 122 Sous-géante, étoile, 117 Structure stellaire, équations de base, 48-50 Supergéante, étoile, 42, 70, 74, 80 Supernova, 42, 75, 80, 83, 91-93, 137 Cassiopeia A, 92 de 1054, 92 de Kepler, 92 de Tycho Brahe, 92 de type SN Ia, 93, 124-126 de type SN Ib, 93-98 de type SN Ic, 93, 102 de type SN II, 93-98 par instabilité de paires, 104-105 SN 1987A, 99-102, 126 SN 1998bw, 92, 102 SN 2007bi, 105
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Sursaut de formation stellaire, 150-153, 154-155 Sursaut gamma, 102-104 Sursaut X, 124 T T Tauri, étoile, 32, 35 Température effective, 37-38 Temps de chute, 23-24 Trou noir, 97, 102, 103, 105, 113, 119-120, 123 Turbulence interstellaire, 14, 18 dans les étoiles, 57, 81 V Variable à longue période, étoile, 80 Vent galactique, 138, 140 Vent stellaire, 47, 70, 75-78, 136, 137 Viriel, équation du, 21 Von Zeipel, théorème de, 81 W Wolf-Rayet, étoile de, 44, 45, 47, 79-80, 102
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