Monnaie, change et inflation en Guinée 2296128289, 9782296128286

Au cours du dernier quart de siècle, la Guinée, pays producteur et exportateur de produits primaires agricoles et minier

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French Pages 318 [304] Year 2010

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Monnaie, change et inflation en Guinée
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Monnaie, change et inflation en Guinée

Manga Fodé Touré

Monnaie, change et inflation en Guinée

Préface de Ousmane Kaba

GUINEE

© L’Harmattan, 2010 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com [email protected] [email protected] ISBN : 978-2-296-12828-6 EAN : 9782296128286

Remerciements

Je commencerai par adresser mes sincères remerciements à la BICIGUI qui a bien voulu sponsoriser cet ouvrage et dont le service marketing m’a apporté une aide précieuse dans la collecte et l’analyse des données économiques. Merci aussi l’AFD Guinée l’autre sponsor. Ce remerciement s’adresse également à : Dr Ahmed Tidiane Diallo, directeur du crédit et de la politique monétaire de la Banque Centrale, Dr Ousmane Kaba, recteur de l’université Koffi Anan de Conakry, ancien ministre de l’économie et des finances, Dr Kerfalla Yansané de la Banque Mondiale, ancien Gouverneur de la BCRG, Mr Dramou Dan Appolinaire, trésorier de la BICIGUI, et Mr Guillaume Cantier directeur des risques et Mme Mariame Diallo du même établissement pour leur réelle contribution à la publication de ce livre, chacun en ce qui le concerne. Un ouvrage est un puzzle qui comporte plusieurs pièces apportées par de nombreux auteurs qui ont travaillé sur le même sujet ou des thèmes comparables sur la Guinée ou d’autres pays et qui ont été souvent cités tout au long de cette publication ; qu’ils en soient tous bien cordialement remerciés à leur tour. Enfin toute ma gratitude à Mr Ibrahima Soumah, Amadou Kane et Jean-Paul Picot de la direction Afrique de BNP PARIBAS, sans omettre Mr Georges Prat, Michel Aglietta de l’université de Paris X–Nanterre et surtout Philippe Michaud directeur de l’AFD Conakry. À tous encore une fois merci.

Préface

Hier comme aujourd’hui l’inflation est une préoccupation majeure aussi bien des décideurs de politique économique que des organisations sociales dans le monde entier. La Guinée ne fait pas exception à cette règle. Pour preuve, la grande crise politique et sociale de janvier-février 2007 en Guinée était d’abord une crise inflationniste et monétaire aiguë traduisant les déséquilibres à la fois structurels et macroéconomiques de notre pays. Ce remarquable essai de Manga Fodé TOURE sur l’inflation en Guinée présente un double intérêt lié à la pertinence du sujet et à la qualité de son auteur. En effet, l’auteur est à la fois banquier central au début de sa carrière, banquier commercial et professeur d’Economie dans les universités. Les différentes fonctions assumées par l’auteur se reflètent dans cet essai qui est à la fois une œuvre de recherche avec le souci constant de valider les différentes approches théoriques de l’universitaire par les tests économiques et une œuvre d’observation quotidienne du banquier proche de ses clients, acteurs économiques de tous les jours. L’inflation est la baisse de la valeur de la monnaie ou la baisse du pouvoir d’achat de l’unité monétaire. L’on comprend ainsi que pour cerner l’ensemble des déterminants de l’inflation en Guinée, l’auteur ait abordé dans les trois parties qui constituent le corps de l’ouvrage 1) les aspects réels notamment la répartition des revenus, la formation des prix et la distinction traditionnelle entre l’inflation par les coûts et l’inflation par la demande ; 2) le système bancaire et la théorie monétaire de l’inflation ; 3) et le régime des changes et l’évolution de taux de change.

Ce travail confirme que les salaires ne constituent pas une cause majeure de l’inflation en Guinée. Les impôts non plus, dans un pays où la pression fiscale est faible et la fiscalité directe peu significative. Dans cet ouvrage, des dizaines de régressions économiques peuvent rendre la lecture ardue pour un novice, ils feront sans doute beaucoup d’inspirations pour les

mémoires et autres papiers de recherche. Toutefois, en dépit de cette complexité pour le lecteur non spécialisé, l’auteur n’a pas oublié que l’économie guinéenne est une petite économie extravertie qui consomme la majorité des biens qu’elle ne produit pas et produit ce qu’elle ne consomme pas. Cette création monétaire abusive de l’État en face d’une Banque Centrale permissive et dominée est également la cause immédiate de l’épuisement des réserves de change donc de la hausse du taux de change. La spirale inflationniste s’installe puisque la faiblesse du franc guinéen, à son tour se répercute mécaniquement et sans délais sur le niveau des prix des biens importés. C’est là que l’anticipation inflationniste joue un rôle important comme le montre ce remarquable travail de recherche. L’expérience de l’auteur dans le système bancaire lui permet de nous présenter un travail fouillé sur le système bancaire guinéen, son évolution, les défis auxquels il reste confronté et ses performances. Cependant, il n’a pas suffisamment pointé du doigt, par pudeur sans doute, les incohérences de la gestion budgétaire et des changes. L’inflation est un défi perpétuel même pour un pays comme la Guinée qui n’a jamais connu une période de forte croissance depuis l’indépendance. Cet ouvrage constitue un apport exceptionnel à la connaissance des déterminants de l’inflation en Guinée depuis le début des grandes réformes libérales des années 80.

Dr Ousmane KABA, Fondateur de l’Université Kofi Annan

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Sigles et Abréviations

ADF : Dickey Fuller Augmenté. AFD : Agence Française de Développement. APB : Association Professionnelle des Banques. AREDOR : Association pour la Recherche et l’Exploitation des Diamants et OR. BARAF : Bureau d’Aide à la Reconversion des Agents Fonctionnaires. BCEAC : Banque Centrale des États de l’Afrique Centrale. BCEAO : Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest. BCRG : Banque Centrale de la République de Guinée. BDT : Bon Du Trésor. BEI : Banque Européenne d’Investissement. BICIGUI : Banque Internationale pour le Commerce et l’Industrie de la Guinée. BIP : Budget d’Investissements Publics. BND : Budget National de Développement. CBG : Compagnie des Bauxites de Guinée. CBK : Compagnie des Bauxites de Kindia. CEDEAO : Communauté Economique des États de l’Afrique de l’Ouest. CT : Court Terme. DEG : Deutsche Investitions-und Entwickiungsgesellschaft. DNS : Direction Nationale des Statistiques. DW : Durbin Watson. EPS : Engagements Par Signature. FINEX : Financement Extérieur. FMI : Fonds Monétaire International. FRIGUIA-RUSAL : usine d’alumine située dans la ville de Fria, exploitée par Rusal.

GNF : Franc guinéen. IHPC : Indice Harmonisé des Prix à la Consommation. IPC : Indice des Prix à la Consommation. LT : Long Terme. MT : Moyen Terme MVCE : Modèle Vectoriel à Correction d’Erreurs. OCD : Ouverture de Crédit Documentaire. OPEP : Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole. PE : Pays Émergents. PIB : Produit Intérieur Brut. PMA : Pays Moins Avancé. PNB : Produit Net Bancaire. PNT : Position Nette du Trésor. PPTE : Pays Pauvre et Très Endetté. RCI : République de Côte d’Ivoire. PRPC : Programme pour la Réduction de la Pauvreté et la Croissance. SAG : Société Ashanti Gold. SEMAFO : Société d’Exploitation Minière de l’Afrique de l’Ouest. SGBG : Société Générale des Banques en Guinée. SMD : Société Minière de Dinguiraye. SY : syli ; Monnaie Nationale ayant cours légal entre 1972 et 1985. TBT : Taux des Bons du Trésor. TQM : Théorie Quantitative de la Monnaie. UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest Africaine. UGAR : Union Guinéenne d’Assurance et de Réassurance. USD : Dollar américain.

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Sommaire

Remerciements................................................................................................5 Préface ............................................................................................................7 Sigles et Abréviations .....................................................................................9 Introduction...................................................................................................13 Titre 1 LES ASPECTS REELS DE L’INFLATION EN GUINEE ....................23 Chapitre 1 REPARTITION DES REVENUS, FORMATION DES SALAIRES ET DES PRIX EN GUINEE.........................................................................25 Chapitre 2 IMPACT DES COÛTS ET DE LA PRESSION DE LA DEMANDE SUR L’INFLATION EN GUINEE ..............................................................59 Titre 2 MONNAIE ET INFLATION EN GUINEE ...........................................111 Chapitre 3 FONCTIONNEMENT DU SYSTEME BANCAIRE ET FINANCIER EN GUINEE ...............................................................................................113 Chapitre 4 THEORIE MONETAIRE ET INFLATION GUINEENNE.......................153 Titre 3 LE REGIME DES CHANGES EN GUINEE.........................................205 Chapitre 5 LA REGLEMENTATION DES CHANGES .............................................207 Chapitre 6 L’ENVIRONNEMENT ECONOMIQUE DU CHANGE..........................219 Conclusions générales.................................................................................263

ANNEXES..................................................................................................267 Références bibliographiques.......................................................................307 Liste des graphiques....................................................................................311 Liste des tableaux........................................................................................313 Table des matières ......................................................................................315

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Introduction

L’inflation et le chômage de nos jours des problèmes majeurs, demeurent au centre des préoccupations des économistes contemporains et surtout des hommes d’action tant dans les pays industriels que dans les pays émergents. Selon Gilbert Abraham-Frois, « l’inflation est un processus d’accroissement différencié et auto-entretenu du niveau général des prix ». C’est aussi une hausse permanente et accélérée du niveau général des prix. L’inflation est une hausse accélérée : car de rampante qu’elle était naguère, elle s’est accrue depuis 1968 et même davantage en 1973 pour atteindre et dépasser 10% dans certaines régions du globe d’où le concept d’inflation à deux chiffres. L’inflation est une hausse du niveau général des prix : car si seuls certains prix augmentent, tandis que d’autres baissent d’une importance comparable, dans les mêmes proportions, le niveau moyen des prix resterait stable, il n’y aurait pas d’inflation, mais plutôt variation des prix relatifs. Si cette définition s’avère générale et convient à toutes les explications de l’inflation, les causes du phénomène considéré comme pathologique restent fort différentes d’une école à l’autre, d’un pays à un autre. Historiquement, l’inflation a été définie comme un phénomène monétaire : c’est semble-t-il l’excès de la quantité de monnaie en circulation qui créerait un déséquilibre et déformerait les prix relatifs. Cette version s’est raffinée dans le temps et propose des explications beaucoup plus plausibles de nos jours, eu égard à la dématérialisation progressive de la monnaie : c’est le néo-quantitativisme ou le monétarisme. Pour d’autres, l’inflation est le résultat d’une distorsion entre le niveau de l’offre et celui de la demande ; toutefois elle peut aussi provenir de la hausse autonome des coûts de production, de l’intervention publique dans la vie économique, du niveau des prix chez les différents partenaires commerciaux. Une telle analyse a bien sa place lorsqu’on considère l’inflation comme un phénomène conjoncturel ou de court terme. Pour J. Denizet, la cause de l’inflation, c’est l’inflation elle-même. Sans doute l’auteur fait-il allusion aux anticipations des agents économiques qui,

en cherchant à se prémunir contre la hausse des prix, engendrent une inflation plus forte. La théorie structurelle de l’inflation conduit à l’universalité pour l’expliquer, c'est-à-dire aux structures oligopodiques des économies contemporaines. Elle dépasse les comportements individuels des agents pour s’attaquer à l’environnement qui les engendre et les favorise. La théorie sociologique quant à elle met en cause les relations conflictuelles entre les groupes sociaux : l’inflation nait du refus de certains groupes sociaux de s’adapter à la structure et à la répartition des revenus. En tout état de cause, la hausse du niveau général des prix se manifeste par plusieurs retombées néfastes pour la plupart des agents économiques, entre autres la baisse du pouvoir d’achat des salariés dès lors que le taux d’inflation excède le taux d’accroissement des salaires. L’inflation réduit en un mot le pouvoir d’achat de la monnaie. Par ailleurs, au plan international, un niveau intérieur des prix supérieur au niveau extérieur se traduit par un fléchissement des exportations et une recrudescence des importations. Il s’ensuit alors une baisse de l’activité économique, un ralentissement de l’investissement et une augmentation du volume du chômage. Tous ces effets néfastes et subtils ne prouvent-ils pas que l’inflation mérite d’être cernée ? C’est pourquoi justement elle a toujours préoccupé les économistes et les grands penseurs de tous les temps. Ainsi, de l’Antiquité à nos jours, le problème de hausse des prix s’est toujours posé, mais de manière différente. En effet de la Grèce antique à la fin du 19è siècle, sans exclure l’empire Romain et les sociétés médiévales, les périodes de hausse et de baisse des prix ont alterné en fonction de la découverte et de l’exploitation de mines d’or, d’argent ou de leur épuisement. Naturellement la variation de l’offre d’autres marchandises monnaies, a joué le même rôle : c’est le cas pour le sel, les cauris ou le cola dans les anciennes sociétés Africaines. Avec la révolution industrielle, certains pays tels que l’Angleterre, la France, l’Allemagne… et plus tard l’Amérique du Nord ont obtenu un avantage technologique. Ces pays vont économiquement conquérir le reste du monde, en tout cas confiner de nombreux pays dans un rôle de producteur de matières premières du reste cédées à des prix souvent dérisoires. Face à un Nord riche, monétarisé, articulé se dresse un sud pauvre, dualiste, désarticulé et surtout producteur de matières premières agricoles et minérales. Pourtant le rapport Nord-Sud est bien un lien de dépendance 14

mutuelle ; autant le tiers-monde a besoin de céréales, de produits manufacturés de consommation ou d’équipement des pays développés, autant ces pays riches ont besoin de fer, de bauxite, d’uranium, de pétrole… des PVD. On comprend dès lors que de l’inflation ait changé de forme dans les pays industriels : de rampante qu’elle était pendant longtemps, elle devient forte sous l’effet conjugué des coûts de produits primaires et de l’intervention des pouvoirs publics par le canal fiscal en vue de maintenir le chômage à un niveau souhaitable. Plusieurs explications ont été avancées à ce propos ; maintes théories, comme nous le savons, ont été bâties à partir des pays développés. Peut-on les appliquer en dépit de la différence de structure à des pays émergents dont certains connaissent des taux d’inflation alarmants ? Il se pose de toute évidence un problème de fiabilité. Aussi ces pays développés admettent-ils un taux de chômage naturel, parfois de 5% de la population active, comme nécessaire pour maintenir la productivité du travail à un niveau souhaitable. Les estimations de SOLOW et de Dr SAMUELSON effectuées sur l’économie des USA confirment bien cette situation : « pour avoir des prix stables, les salaires doivent croître au rythme de la productivité, soit de 2 ,5% et le taux de chômage entre 5 et 6% de la population active ». Pour certains théoriciens, les politiques de développement ne sauraient valablement s’écarter dans les pays émergents, des modèles utilisés dans les pays avancés. Il faudrait intégrer ces schémas et les adapter à des structures dualistes des PVD. Il y a des zones rurales et des agglomérations urbaines dont les structures, l’organisation et l’encadrement sont distincts et entravent l’épanouissement d’articulations techniques, économiques et financières solides. Les critères habituels d’investissement qui favorisent le secteur moderne évolué, viennent s’y ajouter aménités et divertissements, d’où le pouvoir d’attraction qui s’exerce sur le secteur traditionnel. Il en résulte une tendance durable à une disparité entre la demande et l’offre d’emploi qui est largement fonction de l’exode rural. L’inflation n’est-elle pas dans les PE une méthode de développement ? Ce déséquilibre permanent trouve des adeptes dans les pays riches et on tente de le légitimer dans les PVD : l’inflation de développement y serait une inflation productive. Le bilan des expériences inflationnistes du tiers-monde n’est pourtant guère concluant ; ce serait plutôt une inflation de sous-

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développement, en fait un phénomène singulièrement improductif et destructif. Fatale, voire nécessaire en pays développés, l’inflation serait-elle de nature différente en PVD ? Nombreux sont à cet égard des économistes, à penser que le réglage le plus efficace du mécanisme économique, consiste à découvrir un chemin de croissance comportant certains compromis entre la hausse des prix, le niveau de chômage et le volume de la production. Mais dans le tiers-monde, l’hétérogénéité des structures influence les mécanismes économiques et la dualité structurelle y modifie les courroies de transmission et les rouages de l’économie. Pour le siècle dernier, on décèle une concordance entre l’accélération de l’industrialisation et le retour à la hausse des prix. ROSTOW, pour sa part pense que l’inflation s’est alors révélée comme un facteur favorable à plusieurs décollages. Par exemple en Angleterre, aux USA, au Japon… la hausse des prix y aurait favorisé l’accroissement des investissements et stimulé les profits et l’autofinancement. Cet argument a reçu l’appui de nombreux économistes anglo-saxons au cours des années cinquante. Certains tels que N. KALDOR, A. HANSEN et même D. H. ROBERTSON invoquent l’idée qu’une hausse permanente et progressive du niveau général des prix, stimule les transferts des facteurs et le progrès économique. D’autres songent aux perspectives des PVD et estiment à cet égard les précédents historiques. Ils existent cependant peu de recherches empiriques sur les relations entre l’inflation, le chômage et la croissance économique en PE. Rares sont encore les études qui semblent montrer une liaison entre le taux de croissance, l’augmentation des investissements et la hausse des prix dans le cas d’une inflation modérée en PVD comme dans nombre de pays d’Asie, d’Afrique et même d’Amérique Latine. Par contre le taux annuel d’inflation a dépassé dans maints PMA 30% et même davantage surtout à partir du premier choc pétrolier en 1973. À propos des pays Africains D. C. LAMBERT constate que les risques inflationnistes apparaissent dans les pays qui accèdent à l’autonomie monétaire, des crises liées au commerce extérieur y seraient une source d’instabilité considérable. Ainsi le Ghana, la Guinée, le Nigéria… auraient subi des hausses de prix considérables au cours des années 70 et 80. D’une manière générale, ajoute-t-il on peut signaler les coûts très élevés de la vie urbaine en Afrique de l’Ouest d’abord dans les villes côtières comme Lagos, Conakry, Accra et surtout dans les cités enclavées où les frais de transport et de commercialisation introduisent une charge nouvelle. Par ailleurs, les

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habitudes et styles de consommation de l’occident ne viennent-ils pas y concurrencer les genres de vie traditionnels ? Les prix élevés de produits importés voire de produits industriels locaux de substitution y accélèrent l’érosion du pouvoir d’achat ; et la dualité du mode de vie est alors renforcée par le mouvement des prix. Néanmoins, le phénomène inflationniste n’est sans doute aussi prononcé, ni aussi durable en Afrique de l’Ouest que dans certains pays d’Amérique Latine. Car jusqu’au seuil de la crise mondiale de 1973, les taux d’inflation étaient relativement faibles : 3,5% en RCI, 3,7% au Togo, et 7,7% au Nigéria contre respectivement 17,6%, 23%, 13,8% l’an entre 1974/75. La République de Guinée n’y a pas fait exception. Bien sûr l’inflation guinéenne n’est pas la plus alarmante du continent, dont le Zimbabwe avec un taux de plus de 1500% et même davantage demeure et de loin la vedette ; mais la hausse des prix y a pris une allure tout de même inquiétante. Les raisons peuvent être nombreuses et méritent d’être analysées ; mais auparavant est-il besoin de présenter cette économie à travers sa population, son agriculture et son secteur secondaire… La population guinéenne reste caractérisée par sa jeunesse et un taux de natalité élevé ; selon les estimations de la Banque Mondiale. Par contre avec l’amélioration sans cesse des moyens sanitaires, le taux de mortalité y a sensiblement baissé : 30‰ en 1985 à 20‰ en 2005. L’espérance de vie de la population Guinéenne s’est améliorée dans le même intervalle passant de 42 ans à 47 ans. La densité moyenne de la population reste inférieure à 40 habitants/km2 mais sa répartition est inégale selon qu’il s’agisse de la savane de la haute Guinée ou de la Montagne du Fouta Djallon d’une part, et, d’autre part selon la ville et la campagne. Conakry reste de loin la plus importante ville de Guinée car il concentre en son sein près de 20% de la population nationale. En dépit d’un climat très favorable à une agriculture intensive, l’économie guinéenne présente une structure peu différente des autres économies de la sous-région. En effet la contribution moyenne des secteurs d’activité au Produit Intérieur Brut se présente de la façon suivante entre 2000 et 2007 : Secteur primaire : 20,2%, Secteur secondaire : 33,9%, Secteur tertiaire: 45,9%.

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De toute évidence, le développement de l’économie guinéenne repose sur les services, qui apportent plus de 45% de contribution au PIB, c’est dire l’importance du commerce et des autres activités connexes dans cette économie, qui compte tenu de la faible densité du tissu industriel, révèle une forte dépendance de l’extérieur et du secteur informel essentiellement tourné vers les services marchands. Il convient de préciser que le commerce à lui seul pèse pour 55,3% du secteur tertiaire loin devant les branches du transport : 12,6% et des administrations publique et privée : 10% environ. Ce secteur semble être le moteur de l’économie guinéenne et sa contribution au PIB devient de plus en plus importante (36,7% en 1990). Le secteur secondaire est sans doute la base de notre économie, sa contribution au PIB à hauteur de 35,1% en 2000 est révélateur en dépit d’une participation faible à nulle autre pareille de la branche énergétique qui n’apporte que 2% à la valeur ajoutée du secteur, alors que le sous-secteur de l’extraction minière y assure plus de 54%. L’économie guinéenne repose, grâce à une forte dotation en facteurs, sur la production et l’exportation de l’or et du diamant ainsi que la bauxite et l’alumine, nonobstant le manque cruel de source énergétique nécessaire à une transformation intensive des minerais abondants dans toutes les régions naturelles du pays. Aussi les perspectives de développement et de croissance demeurent-elles bonnes avec les mégaprojets de Rio Tinto et de BHP-Billiton aussi bien sur la Côte qu’en zone forestière. Le secteur primaire à savoir l’agriculture, l’élevage, la pêche et la sylviculture, ne semble pas faire l’objet d’une priorité factuelle dans l’élaboration des politiques économiques nationales. Malgré la forte dotation naturelle en facteurs, il contribue seulement pour près du 1/5 du PIB. Et la branche agricole y apporte en son sein près de 62,5%. Ce faible apport du secteur primaire au produit brut est la résultante des méthodes culturales dépassées et des rendements dérisoires qui « in fine » si on n’y prête l’attention nécessaire, eu égard au taux de croissance démographique élevé, pourrait compromettre les équilibres de LT, face aux réalités actuelles du marché mondial des produits primaires. Il est indispensable que ce pays soit autosuffisant voire exportateur de céréales aux côtés de la bauxite de l’or et du diamant. L’analyse de la situation agricole en Guinée depuis 1958 permet de constater que l’agriculture d’exportation notamment celle de la banane, de l’ananas, du café et du cacao a été progressivement délaissée et ses structures détruites en faveur d’une agriculture collectiviste orientée vers les cultures vivrières sans pour autant parvenir à l’autosuffisance alimentaire. À partir de 1985, on assiste à une relance des cultures d’exportation au travers les projets de Relance Café-Cacao (RC2), SOGUIPAH, le projet Coton avec la CFDT… Ces actions se sont traduites par des succès évidents par endroits et 18

ont permis à la Guinée d’être aujourd’hui un pays exportateur de caoutchouc, de café et de cacao et pour un laps de temps de fibres et de graines de coton. La croissance du secteur primaire en Guinée se situe sur la dernière décennie autour de 3,5%, tout au moins depuis l’an 2000, et celle de l’agriculture accuse une moyenne de près de 5% sur la même période, après la correction des années sombres où les frontières sud ont fait l’objet d’attaques en provenance de la Sierra Leone et du Libéria, qui se sont soldées par une baisse de la production agricole jusqu’à -6,1%. Pourtant ces taux de croissance ramenés à celui de la population suscitent des inquiétudes et confirment que pendant longtemps la Guinée restera tributaire de l’extérieur en ce qui concerne les céréales, car bien souvent le taux de croissance de l’agriculture vivrière est demeuré proche de celui de la croissance démographique d’où une dépendance à LT des importations de riz particulièrement. On comprend dès lors aisément que l’économie de la Guinée est menacée d’inflation à double titre au moins : pour une raison interne lorsque la croissance démographique rapide, l’exode rural et l’immigration massive, multiplient les consommateurs, exacerbent la demande, alors que la production croît moins vite ; mais aussi lorsque le coût élevé des installations, imprime aux prix des produits localement fabriqués une allure que le guinéen moyen ne peut supporter faute de revenu élevé. La raison externe ne tient-elle pas à ce que la mise en contact avec les économies techniquement plus avancées, détruit les équilibres anciens entre style de production et rythme de consommation, transforme et exacerbe la demande de biens finis désormais largement d’origine étrangère, sans fournir en même temps des moyens stables et indépendants d’acquisition tout au moins acceptables pour l’étranger. La troisième raison tient à l’importante mutation que l’économie guinéenne a subie : de subsistance qu’elle était naguère, elle s’intègre de plus en plus dans le marché, ou du moins la monnaie y facilite progressivement les échanges et le troc disparaît peu à peu. Dès lors, l’accroissement des disponibilités monétaires, des moyens de paiements, le développement excessif des crédits bancaires ne sont-ils pas de nature à créer et entretenir les tensions inflationnistes ? Cet aspect du problème peut avoir une face interne dont les vecteurs sont l’État et le développement des crédits intérieurs et une face externe engendrée par le solde de la balance des paiements, le volume de la dette extérieure et celui du service de la dette, les conditions de prêt du marché des capitaux, les dévaluations et les dépréciations du GNF par rapport aux monnaies américaines et européennes. 19

Il apparaît donc clair que l’analyse des facteurs et des effets de l’inflation en Guinée, pays ouvert et producteur primaire, peut avoir deux aspects : Une approche « réelle » dominée par la formation des prix, la structure des revenus, mais aussi par celle de la demande interne : la consommation et les investissements, celle de l’extérieur conditionnée par les exportations : cet aspect du problème peut s’analyser à travers la croissance économique ainsi que les coûts de production tels les prix des inputs importés, les salaires et la fiscalité. L’aspect monétaire restera centré sur le fonctionnement du système bancaire et la création de monnaie qui en découle, le rôle de la BCRG et sa politique des taux d’intérêt, celui de l’Etat guinéen et sa politique de développement et enfin celui des flux et reflux de capitaux. Il n’en demeure pas moins que dans un environnement à autonomie financière comme la Guinée, le taux de change demeure un instrument incontournable de la politique économique et sa gestion de rigueur est un moyen de stabilisation macroéconomique. C’est pourquoi il nous apparaît judicieux d’associer l’analyse sommaire du régime des changes en Guinée, à celle de la monnaie et de l’inflation. Il est donc important de savoir dans quel cadre légal évolue le change en Guinée, quels sont les modes de cotation utilisés depuis plus de deux décennies et quels sont les déterminants à court et long termes du taux de change au cours de cette période ? Les relations entre les marchés parallèle et officiel sont également dignes d’intérêt tout comme il est judicieux de savoir si le niveau des cours de change est en harmonie avec la parité du pouvoir d’achat. Si la réponse à toutes ces interrogations apparaît nécessaire, elle est loin d’être évidente à tous égards. Par ailleurs, souvent et longtemps considérée comme un phénomène purement monétaire, l’inflation en Guinée ne demeure-t-elle pas moins un fait indépendant de l’accroissement des moyens de paiements ? En d’autres termes, dans la courte période, le niveau général des prix ne peut-il pas augmenter par la suite d’une inégalité prononcée de la répartition du revenu national entre salaires, profits, intérêts et impôts ? Une hausse autonome des coûts de production, plus précisément des inputs importés, des salaires ou des anticipations de prix des salariés, n’est-il pas de nature à aggraver, entretenir tout au moins les tensions inflationnistes ?

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Enfin, une pression constante de la demande intérieure, conditionnée par les niveaux de la consommation et des investissements publics ou privés et celle de la demande extérieure n’agissent-ils pas sur le niveau des prix intérieurs au même titre que la croissance économique accélérée d’un pays ? La réponse à ces questions ne peut être valable en tout lieu et en tout temps, car elle dépend des structures économiques et du niveau de développement. Pour cerner le cas guinéen, nous serons amenés à poser le problème dans un premier chapitre, constater la structure des prix et leurs évolutions, tandis que dans une seconde partie nous nous pencherons sur l’examen des causes non monétaires de cette inflation. Naturellement, les coûts, la structure de la demande et la nature de la croissance économique vont devoir nous intéresser au premier chef. Aussi, est-il nécessaire d’analyser l’organisation du système bancaire guinéen et son rôle prépondérant dans la création monétaire, comme dans l’entretien des tensions inflationnistes, aux côtés de la politique monétaire de la BCRG et ses rapports financiers particuliers avec le Trésor Public ; en somme, la gestion des agrégats monétaires a-t-elle durablement affecté l’évolution du niveau général des prix en Guinée ? Enfin, comme il a été précisé plus haut, une analyse du cadre légal et économique du taux de change fera l’objet de réflexions sommaires dans une troisième partie.

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Titre 1 LES ASPECTS RÉÉLS DE L’INFLATION EN GUINÉE

Chapitre 1 RÉPARTITION DES REVENUS, FORMATION DES SALAIRES ET DES PRIX EN GUINÉE

Une analyse pertinente de l’inflation demeure en liaison avec certaines notions économiques dont la répartition des revenus au sein des grands secteurs d’activité comme le primaire, le secondaire et le tertiaire, mais aussi avec le secteur privé ou public d’une nation donnée. De tous les revenus d’un pays comme la Guinée où un vaste secteur de subsistance avoisine un secteur moderne, à côté des revenus monétaires ou non monétaires des paysans, les salaires sont de nature à beaucoup plus influer, semble-t-il, sur le coût de la vie à travers une monétarisation accélérée de l’économie. Par ailleurs, la formation des prix tant de produits vivriers que de produits d’exportation au producteur, ainsi que les cours mondiaux de ces mêmes produits primaires, sont sans aucun doute en liaison directe avec le pouvoir d’achat des paysans ou 80% de la population guinéenne ; tandis que les indices des prix domestiques ou importés permettent, de toute évidence, de mesurer l’ampleur de l’inflation en Guinée. Dès lors, il apparaît indispensable de tenter de passer en revue et la répartition des revenus sous ses différents aspects et la formation des salaires et des prix ainsi que les indices des prix disponibles en Guinée, afin de mieux saisir les facteurs directeurs d’une inflation récemment déclarée sous sa forme galopante : bien sûr les différents aspects de l’inflation guinéenne constatés dans cette partie seront repris, expliqués et approfondis dans les chapitres suivants.

1.1 LA REPARTITION DES REVENUS EN GUINEE Les pays moins avancés demeurent caractérisés par la faiblesse des revenus, la Guinée n’en fait pas exception. Mais partout ailleurs dans le monde développé ou en développement, les hauts revenus cohabitent avec les rémunérations faibles, à peine suffisantes pour couvrir les besoins primaires des titulaires.

En Guinée, les études sur la répartition personnelle des revenus sont rares voire inexistantes, néanmoins, il paraît nécessaire d’analyser cette répartition des revenus en milieu rural comme en zone urbaine, dans les différents secteurs de l’économie ; tout comme il est intéressant de savoir la part des salaires dans le revenu national ainsi que son évolution, afin de pouvoir ressortir plus tard le lien causal entre la hausse salariale et celle de l’indice des prix à la consommation.

1.1.1 Les différents aspects de la répartition des revenus en Guinée a. Évolution du revenu par habitant Le revenu national, que nous saisissons ici à travers le PIB a incontestablement augmenté en Guinée, sa valeur en GNF constant de 1986 a été multiplié par 11,2 environ en 22 ans, maintenant ainsi un taux de croissance annuel moyen de 7,84% ; malgré l’accroissement rapide de la population, la part de chaque Guinéen au sein du PIB comme l’atteste le graphique suivant, s’est sensiblement accrue pendant les deux décennies écoulées. Cette hausse régulière a permis à chaque citoyen de quadrupler son revenu nominal en GNF. Graphique 1

Comme on peut le constater sur le graphique 1 ci-dessus, le PIB courant par habitant a fortement augmenté en terme de franc guinéen au cours des 22 dernières années jusqu’en décembre 2007, sa valeur nominale de 1986 a été multipliée par 4,57. Cette progression rapide s’inscrit dans une tendance exponentielle qui se formalise de la façon suivante : PIB/h GNF = 296,6 e 0,061t

26

R2= 0,824

Par contre ce même revenu exprimé en USD ne cesse de reculer car en 1986, chaque Guinéen percevait en moyenne 973,40 $, mais eu égard à la forte dépréciation de notre monnaie au regard du taux de croissance, cet avoir moyen par habitant ne représente plus que 427,78 $ en décembre 2007, soit une baisse annuelle moyenne de 2,74%. Ainsi le revenu par habitant en dollar courant accuse une tendance baissière linéaire qui se précise de la façon suivante. PIB/h USD= 784,1-25,87t

R2=0,789

En conséquence, le revenu par habitant exprimé en USD s’en trouve plutôt divisé par 2,28 entre 1986 et 2007. Cette perte de pouvoir d’achat face à une forte augmentation du revenu par tête en GNF met en évidence une véritable illusion monétaire des agents économiques sur cette période. b. Les revenus agricoles et industriels Nombre d’études ont mis en évidence l’importance du secteur primaire et surtout l’agriculture dans l’économie guinéenne, elle occupe en amont en aval près de 80% de la population active alors qu’elle ne contribue qu’à près de 20,2% du PIB. En somme ce secteur est particulièrement défavorisé, même en intégrant l’agriculture d’exportation, le niveau des salaires y est bas, alors qu’elle augmente moins vite que celui des autres secteurs. Tableau 1 Revenu du secteur privé en 2002 (En milliers de GNF) Secteur agricole

Secteur industriel

Cadre supérieur

Cadre moyen

Cadre supérieur

Cadre moyen

Maximum

578

446,1

1275

475

Médian

381,5

295,6

762,5

305

Minimum 165 145 250 Source : Banque Mondiale, rapport N° 27347 GUI

135

Les chiffres ci-dessus confirment une inégalité entre les revenus des secteurs industriel et agricole surtout au niveau des revenus des cadres supérieurs, où on affiche un rapport de 2,2 entre les deux secteurs, ce coefficient se réduit relativement pour les salaires médians (1,99) pour atteindre 1,51 au niveau des rémunérations minima des cadres supérieurs. Ainsi on peut constater que plus le revenu est faible moins les inégalités sont prononcées.

27

En ce qui concerne les cadres moyens, les revenus sont comparables avec un léger avantage au secteur industriel pour un rapport de 1,06 dans le tiers supérieur et de 1,03 au milieu de la pyramide sociale. Par contre à la base de celle-ci, le salaire minimum est plus important dans le secteur primaire au regard du revenu industriel de la même classe. Les salaires auxiliaires des deux branches présentent les mêmes disparités. Selon une étude de la Banque Mondiale, « les salaires pratiqués en Afrique sont plus élevés au regard de ceux de l’Asie bien que très modestes par rapport aux rémunérations dans les pays industriels. Une étude effectuée par le BIT dans dix pays africains, révèle que le salaire médian des ouvriers du textile était 50% plus élevé qu’au Pakistan et plus du double du salaire pratiqué au Bengladesh…Ces salaires reflètent non seulement la politique de l’État qui, dans maints pays, fixe les salaires de l’industrie plus haut qu’il ne devrait l’être, mais également meilleure possibilité d’emploi dans l’agriculture… En Afrique l’industrie est beaucoup plus tributaire des gestionnaires et techniciens expatriés que dans d’autres régions du tiers monde. »

1.1.2 Les revenus des services public et privé a. Le secteur public L’administration publique en Guinée comme partout ailleurs en Afrique est le plus grand employeur du pays, loin devant le secteur industriel, ses effectifs sont d’une manière générale pléthoriques, caractérisés par une faible productivité, tandis qu’elle comporte en son sein plusieurs emplois fictifs dont la plupart des absentéistes émargent dans les fichiers du secteur privé local ou étranger… Les rémunérations de ce secteur sont plus faibles que celles du secteur industriel voire des services privés. En effet en 2002 par exemple, le revenu médian mensuel des cadres supérieurs de l’administration centrale se situe à KGNF 202,2 contre 148,0 pour les cadres moyens et 105,6 pour le personnel auxiliaire. La rémunération des agents de l’Etat a évolué de la façon suivante entre 1986 et 2007 :

28

Graphique 2

Le salaire moyen des fonctionnaires a fortement évolué en terme de GNF courant et confirme l’évolution du PIB par habitant sur la même période : en effet très faible en 1986 avec près de KGNF 15, alors que les effectifs civils et militaires se chiffraient à 102 000, la structure de l’emploi public a changé de forme au travers d’une réduction drastique des salariés par le biais de la fermeture des entreprises publiques dont les agents étaient considérés comme des fonctionnaires à part entière. En 2000 les effectifs n’étaient plus que de moitié et le salaire moyen de GNF 212 000 soit 14,33 fois plus élevé que celui de 1986 ; mais cet accroissement substanciel nominal cache une forte perte de pouvoir d’achat engendrée par une inflation galopante qui a accompagné le changement de signes monétaires et l’ajustement du taux de change en 1985. Par ailleurs, à la suite du choc social de janvier/février 2007, on assiste non seulement à une forte augmentation des traitements et salaires publics de l’odre de 76,34% par rapport à leur niveau de 2005, car en 2007 le salaire moyen s’inscrit autour de KGNF 500 au lieu de 283,5 en 2005, mais on constate une recrudescense des effectifs qui s’accroissent de plus de 10 000 agents. Le salaire moyen des agents et cadres de l’État a evolué comme suit sur cette période récente.

29

Graphique 3

Comme on peut le remarquer sur le graphique ci-dessus, le salaire moyen mensuel de la fonction publique passe de KGNF 266,53 en mars 2005 pour en atteindre 506,88 en décembre 2007 et sa tendance accuse une pente de 28,7%. Son évolution comporte un biais cyclique caractérisé par forte augmentation du salaire moyen en juillet du fait du cumul de deux mois de paye des enseignants pour raisons de vacances scolaires, suivi d’une baisse tout autant drastique en août car aucun agent du secteur de l’éducation n’est payé. En tout état de cause, on est en droit de s’interroger si les ajustements salariaux opérés sur la période et à la suite d’une explosion sociale, correspondent à un maintien voire une augmentation du pouvoir d’achat eu égard à la forte inflation enregistrée sur la période. b. Le service privé S’il est relativement aisé d’appréhender le salaire de la fonction publique, du secteur industriel, de l’agriculture… la détermination du revenu des services tels le commerce, les professions libérales, le transport… est un peu plus complexe d’autant que peu d’études ou d’enquêtes récentes existent sur la question. Cependant, secteur socialement organisé, il n’y a aucun doute qu’il s’agit au plan local de revenu plus élevé a en juger sur sa contribution au PIB. Pour avoir une idée de ce revenu, nous avons retenu le secteur bancaire qui constitue un exemple éloquent d’organisation patronale et syndicale qui 30

négocie sur une période annuelle la valeur du point indiciaire et les autres avantages ayant trait directement à la rémunération et à l’amélioration des conditions de vie des travailleurs. La valeur du point a évolué de la façon suivante : Graphique 4

Ce graphique met en évidence une forte augmentation du revenu du secteur bancaire qui a triplé sur la période en revue, la valeur du point étant passée de 1071 en janvier 1994 à la suite d’une longue négociation de branche, pour atteindre 3258 en janvier 2007. Par ailleurs, sa courbe de tendance linéaire affiche une pente de 35,9% et atteste alors d’une forte augmentation des traitements et salaires des cadres et agents des banques et établissements financiers de Guinée. Sur les trois dernières années, le point a crû en moyenne de 26,6% pour préserver le salaire réel du secteur d’une forte érosion du pouvoir d’achat consécutive à une inflation devenue forte entre 2004 et 2007. L’analyse des structures des revenus mises en évidence par une étude de la Banque Mondiale, infère qu’en Guinée, les ménages pauvres gagnent la majorité de leurs revenus à travers les profits et rentes domestiques (91% de leurs revenus), alors que les ménages riches comptent à la fois des profits domestiques (54%) et des salaires (42%). La plupart des ménages sont engagés dans de petits commerces et des activités agricoles. C’est dire que le secteur informel est partie intégrante de cette économie et comporte en son sein des hauts et des bas revenus tirés de rentes mais aussi de profits, il est vrai, difficiles à cerner à ce stade de l’étude. 31

En définitive, il ressort de cette analyse rapide, une inégalité dans la répartition des revenus en Guinée. Cette disparité a un caractère intersectoriel et intra-sectoriel, car les salaires payés aux employés sous le contrôle direct de l’Etat diffèrent selon que l’individu travaille dans le primaire, l’industrie ou le commerce, selon qu’il appartienne au secteur moderne et traditionnel. Il convient de préciser que hormis la formation de l’individu, son secteur d’activité, sa branche d’exercice, son origine, la politique des revenus des pouvoirs publics… sont là tant d’autres facteurs qui rentrent dans la formation des salaires en Guinée. Il ressort également que les bas salaires augmentent beaucoup plus vite que les hauts revenus, grâce à la politique du gouvernement et aux accords passés avec les partenaires sociaux, ils augmentent davantage dans le commerce et l’industrie que dans l’agriculture ou le secteur public. En conséquence, le salaire moyen de la fonction publique voire la valeur du point du secteur bancaire apparaissent comme des variables les mieux indiquées pour mesurer l’impact des salaires sur l’inflation en Guinée. Ce qui signifie que le salaire est l’un des éléments les plus importants qui rentrent dans la formation des prix aux côtés des profits et des autres charges.

1.2 POLITIQUE ET FORMATION DES PRIX EN GUINEE Le problème de la formation des prix est l’un des plus délicats des PVD. Car naturellement, le prix d’un bien joue à la fois un rôle d’exclusion de certains consommateurs et un rôle d’incitation pour le producteur. Il s’agit donc pour les autorités publiques de fixer les prix à un niveau optimum de façon à obtenir un taux d’inflation relativement faible sans pour autant décourager le producteur ; le libre jeu du marché ne pouvant parvenir à ce résultat. À ce propos, écrit J.-D. de la ROCHERE « Dans les économies modernes même les plus libérales, la réglementation des prix est considérée comme un instrument d’action indispensable permettant d’intervenir brusquement ou en souplesse, d’inciter ou de contraindre, selon les besoins de la conjoncture et très souvent de l’ordre public économique dans l’hypothèse hélas fréquente d’inflation menaçante ou de chômage. »1

1

L’État et le développement économique et social de la Cote d’Ivoire.

32

Il apparaît clairement que la formation des prix échappe en partie au libre jeu du marché. En Guinée le rôle prédominant de l’État dans la formation des prix est incontestable. Pour mieux saisir cet aspect du problème, nous jugeons nécessaire une analyse du régime des prix en Guinée, avant d’examiner successivement la formation des prix des produits agricoles, le contenu et l’évolution de l’indice des prix depuis une vingtaine d’année.

1.2.1 Le régime des prix en Guinée Les prix résultent sur un marché donné de la confrontation entre l’offre des vendeurs et la demande des acheteurs. Toutefois, ce résultat doit être nuancé car les marchés peuvent avoir plusieurs aspects – concurrence, monopole oligopole… –, tandis que le facteur temps intervient dans la formation des prix, pour un niveau de l’offre et de la demande donné : en période infracourte, seule la variation des stocks sera confrontée au revenu disponible des demandeurs alors qu’en période ultra-longue, les variations de techniques, les structures politiques et l’organisation sociale peuvent agir sur le niveau des prix ; en somme plusieurs facteurs agissent et rentrent dans la formation des prix. Les professeurs G. A.-Frois et E. Berrebi retiennent, dans un cadre purement théorique dans un modèle inspiré du système de Sraffa, que le prix affecté à la valeur peut dépendre des salaires et des profits2. Par ailleurs, Garcia, en étudiant l’inflation dans les pays en développement, inspiré de l’exemple chilien, élabore un modèle dans lequel le niveau général des prix dépend des prix agricoles, des prix industriels et de ceux des produits importés. Pt = a Pat + b PIt + c Pmt 3

2

Ils estiment que le revenu national est affecté aux salaires et aux profits, les taux pouvant prendre les valeurs entre 0 et 1… « lorsque les salaires diminuent les prix d’une branche à forte proportion (dite « excédentaire ») d’après la terminologie de Sraffa peut diminuer ou augmenter, il peut même alternativement augmenter ou diminuer, de même le prix du produit à faible proportion (ou « déficitaire ») peut augmenter ou diminuer ou même alterner dans ses variations ». Cf : Théorie de la valeur, des prix et de l’accumulation, les effets des variations du salaire sur le taux de profit et sur les prix. 3 Les prix agricoles : Pat = Pt + At : At étant les taux de variation des prix agricoles, en d’autres termes, restent influencés par le niveau général des prix. Les taux de variation des prix industriels PIt = Pt + a’Wt-1 + b’Pmt-1 + c’ sont marqués par les anticipations salariales et celles des prix extérieurs.

33

Avec (a + b + c = 1) Cette équation n’est pas exempte de critique : car la formation des prix d’un produit reste influencée par plusieurs facteurs dont les plus importants sont : •

Les coûts des matières premières,



Les coûts salariaux,



Les marges bénéficiaires,



Les impôts et taxes,



Les charges et frais financiers, les amortissements,



Les frais généraux.

En d’autres termes, si les prix sont déterminés de manière à assurer une marge normale, alors il est possible d’appliquer cette marge soit aux inputs variables à CT : CV, soit à l’ensemble des coûts de production C pour déterminer le prix selon Levy Garboua et Weymuller B4. P = (1+m). CV ou

P = (1 + m). C

où m désigne le taux de marge

Mais il est également possible d’appliquer la marge à chaque stade de la production, dans ce cas, plus longue est la chaîne de production, plus élevés seront les prix qui du reste sont influencés par le coût salarial unitaire, celui des autres inputs unitaires et les consommations intermédiaires (CI) : P = (1+m ) (Wn/y + C’ ) + CI W : salaire nominal n : emploi y : valeur ajoutée C’ : autres coûts unitaires, CI : consommations intermédiaires

Wt= K+jpt-1 : les salaires sont indexés sur le taux d’inflation, tandis que le taux de variation des prix des importations en devises qt, influence significativement le prix des inputs importés : pmt = qt +ft Or ft= pt+ Ft où Ft est le taux de variation des échanges réels en rapport avec les termes de l’échange, la croissance extérieure et le revenu intérieur. Cf : Inflation in developing countries. 4 Cf Macroéconomie contemporaine.

34

Même si la plupart des travaux empiriques insistent sur le rôle du coût salarial comme déterminant fondamental du niveau des prix, il n’est pas moins évident que la fixation des prix ne se ramène pas pour l’entreprise à l’évaluation de ses coûts de production et de sa marge bénéficiaire, car l’Etat y joue un rôle très important. En Guinée pendant près d’un quart de siècle, la réglementation des prix était du ressort du gouvernement. C’est ainsi que dans la première République, l’Etat par son régime autoritaire des prix a endigué les tensions inflationnistes à travers une structure de distribution entièrement en sa main. En effet au lendemain de l’indépendance, il a été créé dans toutes les régions administratives (préfectures) les « Comptoirs » qui avaient pour mission non seulement de collecter les produits issus du secteur primaire pour fins d’exportation, mais aussi de distribuer les denrées importées à toute la population et les prix étaient fixés d’autorité par le ministère du commerce. Comme le champ d’action de cette structure ne couvrait pas tout le territoire national, et qu’elle ne distribuait pas tous les produits pour satisfaire les besoins des consommateurs, elle a coexisté au cours des années 1960, avec une structure privée de distribution, informelle, de petite taille, entreprenante et rentable. Pendant les années 1970, les Entreprises Régionales du Commerce (ERC) ont été instaurées et ont fonctionné dans un schéma identique à celui des Comptoirs, mais dans un environnement différent car le commerce privé était désormais interdit et l’Etat s’adjugeait le monopole de la distribution et donc de la détermination des prix des produits agricoles et industriels. Toutefois, la stabilité des prix était plus ou moins assurée à travers la pratique d’une subvention des prix des biens importés qui tire son origine d’une surévaluation du syli qui avait un impact de frein sur l’inflation importée et entretenait dès lors un marché parallèle profond et non officiel. En conséquence la Guinée a pu échapper aux tensions inflationnistes dévastatrices des premier et second chocs pétroliers de 1973 et 1979. Pendant longtemps le Gouvernement a joué et continue de jouer un rôle prépondérant dans la fixation des prix de certaines denrées considérées comme essentielles pour les populations de Conakry comme de province, il s’agit notamment du riz, du carburant, de la farine, du ciment… Par ailleurs, eu égard à l’interdépendance entre les économies des différents partenaires, les taux d’inflation s’ajoutent au lieu de s’annuler, car toute hausse de prix qui prend naissance en France ou en Asie du sud-est, s’amplifie à coup sûr en Guinée et déjoue les structures anti-inflationnistes en place. En somme, les mesures autoritaires se sont avérées illusoires pour juguler l’inflation en Guinée, elles freinent certes la hausse des prix ou du moins

35

l’orientent sur certains produits moins essentiels, mais elles n’épongent pas les tensions inflationnistes en tout lieu et en tout temps.

1.2.2 Les prix des produits agricoles L’analyse de la formation des prix des produits agricoles dans l’économie guinéenne a un double intérêt ; eu égard à l’importance de l’agriculture, elle occupe en somme plus de 80% de la population active - un niveau de prix agricole élevé peut, d’une part se répercuter directement sur le niveau général des prix par le canal des produits alimentaires et d’autre part augmenter le pouvoir d’achat des paysans, ce qui est de nature à exacerber la demande face à une offre inélastique et créer aussi des tensions inflationnistes. Il est possible de distinguer deux aspects de la formation des prix agricoles : un aspect interne (ou endogène) dépendant plus ou moins de l’État, c’est la fixation des prix au producteur et un aspect externe (ou exogène) qui échappe au contrôle des autorités publiques : c’est le cours des produits primaires sur les marchés mondiaux. L’agriculture guinéenne comprend un secteur moderne d’exportation et un secteur traditionnel vivrier qui, de toute évidence, ne semblent pas partager la même politique des prix de la part des autorités politiques et administratives de la Guinée. a. Le prix des produits vivriers : le riz La politique des prix des produits vivriers en Afrique comme dans nombre de pays émergents est d’une extrême délicatesse pour les pouvoirs publics. Car un niveau faible des prix est de nature certes à favoriser le consommateur en comprimant l’impact inflationniste du produit vivrier, mais elle a aussi pour retombée certaine la dépendance céréalière du pays de l’extérieur, comme c’est le cas de la Guinée pour le riz et la farine. Par ailleurs, la valeur élevée de l’élasticité-prix de la production rend le problème plus délicat : dQ/dP X P/Q

1

Ou une augmentation du prix impliquerait une hausse plus que proportionnelle de Q. Une étude de la Banque Mondiale sous la conduite du Pr S. Berg, atteste que ces prix sont fixés à un niveau trop bas pour inciter les paysans à produire davantage : « presque partout en Afrique, les prix à la production et à la consommation des denrées alimentaires de base sont réglementés… Par la 36

réglementation, les autorités poursuivent un double objectif de politique générale : encourager l’accroissement de la production vivrière et protéger l’intérêt du consommateur ». 5 En Guinée le prix du riz paddy comme du riz importé est fixé par le gouvernement, base de la nourriture des populations. L’influence de l’État est beaucoup plus marquée sur le riz importé : les ministères en charge du commerce et de l’économie et des finances exercent un effet négatif sur le prix de revient à travers une négociation menée avec les importateurs, de nature à réduire la marge bénéficiaire voire à appliquer un tarif réduit de droit de douane et autres impôts et taxes pour protéger les consommateurs. En 2005, face à une forte dépréciation du GNF, l’action du gouvernement, par le biais du ministère en charge du secrétariat général de la présidence de la République a consisté à accorder une stabilité du taux de change, grâce à des négociations menées avec la Banque Centrale et les Banques Primaires qui étaient invitées à livrer aux importateurs de riz une quantité de devises suffisantes à un taux de change stabilisé sans marge, l’importateur à son tour était contraint d’appliquer un prix administré pour contenir une hausse du prix relatif de cette denrée de base à un niveau souhaité par l’Etat ; or ce prix est fortement corrélé avec celui du riz paddy de meilleure qualité et localement produit sur les plaines fertiles de la Côte et de la Forêt essentiellement. Ainsi, d’une manière générale le prix du riz local est 50% plus élevé que celui du riz importé sur le marché de Conakry. Par ailleurs, l’action du gouvernement est encore plus marquée sur le prix du riz à l’adresse des forces armées qui reçoivent une forte subvention de la part des autorités publiques ; comme les quantités distribuées ne sont pas optimales, elles donnent naissance à une redistribution parallèle par endroits à Conakry plus précisément à proximité des camps militaires. En 2007 par exemple, alors que le sac de 50kg de riz importé avec 35% de brisures, était négocié au détail à GNF 126 700, il était livré à l’armée à GNF 25 000 pour la même quantité soit un taux de subvention de plus de 80%. Le prix du riz sur le marché du détail a évolué de manière suivante à Conakry :

5

Banque Mondiale, Développement accéléré en Afrique au sud du Sahara.

37

Tableau 2 Évolution des prix de 50kg des riz importé et local (En milliers de GNF)

Riz importé

1985

1990

1995

2000

2005

2007

6,4

16,6

25,5

31,3

88,9

126,7

Riz paddy 8 24,4 35 40 123,6 161,5 Sources : Bulletins de l’indice des prix et tableaux de bord de l’économie Ce tableau met en évidence une forte augmentation du prix du riz depuis la mise en place des structures libérales avec la seconde République et surtout met en exergue que le contrôle des prix assuré par l’État n’a pu endiguer une forte croissance des prix émanant d’un choc externe comme c’est le cas entre 2005 et 2007. En somme une augmentation des cours du riz sur les marchés mondiaux, à la faveur d’une forte demande des pays de l’Asie du sud-est ou du fait de catastrophes naturelles hélas très fréquentes dans cette zone, entretient la spéculation et imprime au prix du riz une hausse dont les pouvoirs publics ne peuvent contenir localement même au travers des subventions en faveur des consommateurs civils et militaires. Toutefois cette progression du prix relatif du riz se traduit comme nous l’avons précisé plus haut, par une augmentation du pouvoir d’achat en milieu rural et engendre une augmentation de la production qui, face à une demande peu élastique, aura pour conséquence une réduction des importations et une stabilité relative du taux de change, toute chose dont l’impact inflationniste est loin d’être négligeable. Notons par ailleurs que la production locale de riz se chiffrait à 815 520 tonnes en 1999, mais suite aux attaques rebelles aux frontières sud, cette production a fléchi de façon importante pour atteindre seulement 760 000 tonnes en 2004, cette baisse s’explique par un déplacement durable des populations laborieuses. En tout état de cause, le potentiel agricole de la Guinée est loin être exploité eu égard à l’étendue des surfaces cultivables et au niveau élevé de la pluviométrie. Le prix du kilogramme de riz importé d’Asie et celui du riz étuvé localement cultivé ont évolué de la façon suivante :

38

Graphique 5

Ces courbes mettent en évidence une forte corrélation entre les deux variables, mais le prix du riz paddy est beaucoup plus sensible aux variations saisonnières ; en effet de façon cyclique, en période de soudure (aoûtseptembre) en raison de la faiblesse des stocks régulateurs en zone rurale, le prix augmente et il a tendance à se réduire au quatrième trimestre à la faveur de la moisson et donc de l’abondance qui marque le début de la commercialisation après prélèvement de l’autoconsommation agricole. Toutefois, à coté du riz, sont cultivés d’autres produits comme le fonio, l’igname ou le manioc qui sont consommés au même titre que les céréales partout en Guinée. b. Le prix des autres produits vivriers Le fonio, le maïs ainsi que l’igname et le manioc… constituent également des produits essentiels qui rentrent dans la base de l’alimentation des populations guinéennes du Fouta comme de la savane sans omettre le littoral et la zone forestière. Selon le tableau de bord de l’économie, la production de fonio a atteint 128,05 mille tonnes en 2001 pour retomber à 114 000 en 2004 ; Celle du maïs s’est réduite de 4% par rapport à 2003 pour arriver à 86,45 mille tonnes sur la même période. Selon la même source, cette baisse s’expliquerait en partie par une insuffisance de l’offre de céréales importées, mais aussi par les conséquences des incursions rebelles qui se sont traduites par une délocalisation des paysans entre 2001 et 2004. Le manioc est le bien vivrier le plus produit en Guinée, et qui n’aura pas été affecté par les 39

perturbations aux frontières sud. Ainsi en 2004 sa production a atteint 107 852 tonnes voire 1100 en 2005. Ces denrées, aussi essentielles pour les guinéens n’ont pas échappé à l’inflation. En effet le prix du fonio a augmenté en moyenne de 5% entre 1993 et 2003.

1.2.3 Les prix des produits d’exportation Le prix des produits vivriers demeure peu rémunérateur encore moins incitatif, rendant la Guinée tributaire de l’extérieur quant à sa consommation de céréales. Les prix des produits d’exportation comme le café, le cacao, le coton… semblent relativement élevés et paraissent évoluer à la hausse lors de la décennie écoulée. Contrairement à la Côte d’Ivoire qui a créé la Caisse de Stabilisation et de Compensation des Prix des Produits Agricoles qui intervient directement dans la fixation des prix au producteur, en Guinée, aucune politique claire ne semble mise en œuvre pour garantir un prix au producteur après la relance de la production du café et du cacao dans le cadre du projet RC2, la fixation des prix au producteur résulte d’une confrontation entre les négociants, exportateurs et la fédération guinéenne des planteurs de café et cacao de la Guinée forestière. Les cours de ces mêmes produits sur les marchés mondiaux échappent totalement au contrôle de l’État Guinéen et semblent obéir à une loi économique dominée par l’influence de la spéculation, le niveau des stocks… a. Le prix au producteur L’importance des produits d’exportation dans l’économie guinéenne n’est plus à démontrer. Par contre peu nombreuses sont les études entreprises sur les prix au producteur de café, de cacao, de coton… Celles qui existent révèlent que durant la première République au cours des années 80, les reformes qui visaient à privatiser les activités de commercialisation agricole ont été insuffisantes pour lever les goulots d’étranglement dans ce secteur et les prix au producteur sont demeurés règlementés par le gouvernement dans un environnement monétaire caractérisé par une monnaie nationale, le syli, fortement surévalué. « Plus l’écart entre le prix du marché parallèle et officiel se creusait, plus les

40

canaux de commercialisation officiels étaient contournés…»6. Mais la faiblesse des prix au producteur, les achats auprès des exploitants agricoles par des organismes d’Etat, ont fortement diminué et l’inflation intérieure a engendré une forte demande d’importations de denrées alimentaires au taux de change officiel, il était donc devenu très rentable de détourner par le système des bons d’enlèvement des produits destinés à l’exportation tout comme des biens importés vers le marché parallèle qui contrôlait à la fin de cette première République plus de 80% des échanges à Conakry et même davantage en province. Les reformes entreprises à partir de 1984 avec la seconde République ont visé à libéraliser les prix au producteur, dévaluer le GNF après le change de signes monétaires et à abolir le contrôle des prix, toute chose qui a entretenu de 1985 à 1988 de vives tensions inflationnistes. Mais au cours de la décennie suivante, aucune stratégie claire n’a été élaborée pour booster les exportations agricoles notamment de café et de cacao et surtout de coton que la Guinée a cessé d’exporter en 2006. Par conséquent la part des exportations agricoles n’a cessé de se réduire dans les exportations globales du pays comme le confirme les chiffres de la Banque Mondiale. Tableau 3 Part des exportations agricoles par rapport au total des Exportations de Biens et services Pays

1997

1998

1999

2000

2001

Cote d'Ivoire

49,97

52,3

48,12

45,33

42,26

Guinée

6,49

7,44

_

2,44

1,36

Mali

41,83

43,56

35,93

40,83

17,84

Sénégal

6,27

6,73

7,67

12,76

9,7

Source: World Bank LDB and FAOSTAT Selon la même source, les exportations de produits agricoles ont constitué en moyenne 4,4% du total des exportations sur la période 1997-2001 et ont contribué seulement pour 1% du PIB, contre une moyenne de 23% pour l’ensemble de la sous-région constitué de la Côte d’Ivoire, du Sénégal et du Mali. Il est très curieux de constater qu’en dépit des potentialités et des 6

République de Rapport N° 8774-GUI

Guinée :

Mémorandum

41

Economique,

Banque

Mondiale,

dotations en facteurs naturels que cette part ne représente plus que 1,36% en 2001. En tout état de cause, cette situation se traduit par un manque à gagner important pour l’État en termes de recettes fiscales et parafiscales, mais aussi au plan des devises, eu égard au besoin indéniable de reconstitution des réserves de change de la nation. b. Formation et évolution des cours mondiaux des produits primaires Les exportations des produits primaires constituent l’essentiel du commerce extérieur de la Guinée, car le café, le cacao, les bois tropicaux, mais aussi la bauxite, l’alumine ainsi que l’or et le diamant représentent plus de 90% des transactions internationales du pays. Dès lors le niveau des cours de ces produits est de nature à influencer les leviers et courroies de transmission de l’économie de la Guinée : les prix intérieurs, la masse monétaire, le revenu national… En conséquence, une étude de leur évolution et une analyse de leur formation sont intéressantes à plus d’un titre. Evolution des cours Les cours mondiaux du café, du cacao ou de la bauxite, de l’alumine ou de l’or que la Guinée exporte avec un avantage comparatif, évoluent ensemble en liaison directe avec les cours mondiaux des autres produits primaires. Depuis décembre 2000, le marché de ces produits de base a été particulièrement favorable à l’accroissement des recettes d’exportation. Comme on peut le constater sur le graphique 6, le cours de l’aluminium fortement influencé par ceux de la bauxite et de l’alumine, a été multiplié par 1,74, entre décembre 2000 et mars 2008, toute chose qui confirme une forte tendance à la hausse qui peut se formaliser de la façon suivante : T/alu (2000-08) = 0,000t² – 20,40t + 38007

R2 = 0,882

Une analyse en termes de sous-période met en évidence une phase de relative stabilité caractérisée certes par un trend haussier, mais plus modérée avec seulement un accroissement annuel moyen de 4,56% entre décembre 2000 et 2004. Toutefois cette hausse devient plus intense et non moins fluctuante entre la fin de l’an 2004 et mars 2008 avec une progression moyenne du cours mondial du métal blanc de 19,76% ; le troisième choc pétrolier n’est pas étranger à cette situation avec son effet d'entraînement sur les autres produits de base.

42

Graphique 6

Sur la période de référence, le cours de l’or exporté par les grands groupes industriels comme la SEMAFO, la SMD ou la SAG toutes basées en haute Guinée, mais aussi exploité par des milliers d’orpailleurs, a suivi un trend haussier régulier et linéaire. Il a cependant été multiplié par 3,5 entre 2000 et 2008. T/or (2000-08) = 0,205t – 7572

R2 = 0,871

Il est à craindre, eu égard à l’organisation actuelle de l’appareil fiscal en place, que ce moment favorable du cours du métal jaune sur les marchés mondiaux, ait apporté une réelle contribution aux budgets d’investissement et d’équipement de la nation, en raison des fuites fiscales qui caractérisent les branches formelle et informelle de l’or ; il en est de même d’ailleurs pour le diamant. Le cours mondial du café semble obéir à la même loi que celle de l’aluminium du moins sur notre échantillon : en effet le prix du café a été multiplié par 4,88 entre décembre 2000 et mars 2008 et ses fluctuations ont été plus explosives à partir de la fin de l’exercice budgétaire 2004 pour atteindre un cours de $ 3201,68 pour une tonne métrique en mars 2008 au lieu de $ 655,8 en décembre 2000, son équation de tendance polynomiale prend la forme suivante : T/café (2000-08) = 0,000t² – 41,97t + 78464 43

R2 = 0,964

En dépit de ce cours élevé sur le marché, l’économie guinéenne est tributaire d’un double handicap lié d’une part à la modicité des volumes produits exportés et d’autre part à la fuite d’une bonne partie de cette production au travers les frontières terrestres, il est vrai dans un sens comme dans l’autre selon le niveau du prix au producteur. En somme, c’est dire que le marché des produits primaires exportés par la Guinée a été particulièrement favorable, par contre il n’est pas certain que ni le gouvernement, ni les producteurs, notamment pour le café, aient tiré un profit substantiel pour favoriser l’accroissement des recettes publiques voire du revenu du producteur, car comme nous l’avons déjà signalé, il n’existe plus d’organisme régulateur qui doit protéger et garantir un prix minimum au producteur de café, de cacao, de coton… et surtout assurer la parafiscalité pour accroitre les ressources du Trésor à l’instar de certains pays voisins comme la Côte d’Ivoire par exemple. Par ailleurs, l’observation des taux d’inflation à cette époque, celle du niveau de la masse monétaire, des investissements semblent directement lier le niveau des cours mondiaux des grands produits au niveau général des prix, mais cela fera l’objet de nos analyses ultérieures. Il ressort de cette brève description que l’évolution des cours de produits primaires dont la Guinée est exportatrice connaît des périodes de stabilité et de fluctuations conjoncturelles dont il faut déterminer la nature et la cause. En somme, il s’agit maintenant de déterminer les facteurs influençant les cours de la bauxite, de l’or du café, du cacao et du coton…sur les marchés de Londres, New York, Paris et Tokyo. Formation des cours Sur un marché donné, le prix résulte d’une confrontation du niveau de l’offre à celui de la demande, tout au moins à CT. Les marchés de produits primaires agricoles ou miniers ne semblent pas obéir à cette loi classique ; il en est ainsi par ce qu’il s’agit des marchés à terme, où il n’y a aucune confrontation possible entre l’offre et la demande, mais les prix à titre indicatif, pratiqués par les négociants sont quotidiennement publiés. Par ailleurs l’arbitrage éponge les différentiels de cotation sur les différentes places et fait que les cours évoluent parallèlement de Paris à New York et de Londres à Tokyo. A coté de la rigidité de l’offre de produits agricoles, existe un niveau de stocks régulateurs qui influence le cours du produit au même titre que la spéculation des négociants et leurs anticipations du niveau de la production, sans omettre bien sûr l’organisation du marché lorsqu’elle existe.

44

L’organisation du marché Les marchés de produits primaires, notamment du café ou de l’aluminium sont organisés, pour une période donnée, les producteurs et consommateurs passent des accords qu’ils s’engagent à respecter : niveau de la production, stocks régulateurs et une fourchette dans laquelle varie le cours du produit. C’est ainsi que le marché du café fonctionne sur la base des accords qui imposent aux pays producteurs des quotas à respecter sur une campagne donnée. Les pays producteurs de bauxite sont organisés au sein de l’IBA pour mieux défendre leurs intérêts et éviter une variation trop brutale du cours au préjudice des acteurs. Toutefois, certains accords de marché peuvent se négocier en l’absence du plus grand consommateur et du plus grand producteur car le prix qui en émane n’est pas de nature à satisfaire les parties dans l’espace et dans le temps. Cependant, force est d’admettre que le niveau de l’offre y compris les stocks régulateurs, influe sur les cours du café de l’or ou de la bauxite, car il les comprime et les maintient à un niveau bas. Le niveau des stocks On sait désormais que tout écart entre l’offre et la demande à CT – grâce aux travaux de l’économiste américain MELTZER – se traduit non pas par une variation des prix, mais par celle des stocks. Sur les marchés à terme des produits primaires, la confrontation entre l’offre et la demande n’étant possible, la variation des stocks ne peut qu’influencer les cours. Il est un autre facteur non moins important : la spéculation. La spéculation « Opération qui consiste à profiter des fluctuations naturelles de l’offre et de la demande et à prévoir ces mêmes fluctuations de manière à réaliser un bénéfice. » Les marchés des produits primaires agricoles et miniers caractérisés par les fluctuations de production, sont donc sujets à spéculation. En fonction de leur élasticité d’anticipation, les spéculateurs achètent ces produits quand les cours sont bas, créent une distorsion sur le marché, les prix montent, puis les revendent lorsque les cours atteignent le plafond. Dès lors, il semble que la spéculation soit le facteur le plus dominant de la fluctuation des cours ; les producteurs estiment que son absence infère une longue stabilité des cours. Pourtant la notion de spéculation sur les marchés à terme reste étroitement liée aux anticipations.

45

Les anticipations Sur les marchés mondiaux des produits primaires, le niveau de la production envisagée ne correspond pas toujours au niveau effectif à terme. D’ailleurs il est beaucoup plus fréquent qu’ils ne coïncident pas du tout. Dès lors, des prévisions deviennent aléatoires et influencent en conséquence les cours du produit sur les différents marchés. Les anticipations des cours dépendent bien sûr des différents renseignements collectés chez les grands producteurs : conditions climatiques, prix au producteur, technique de production et de commercialisation, en somme toute information de nature à agir sur le niveau des stocks ou de la production elle-même. Il ressort de cette brève analyse que les cours des produits de base exportés par la Guinée, connaissent de nombreuses fluctuations dont l’organisation du marché (Ω), la variation des stocks (∆S), la spéculation (Sp) et les anticipations (A) sont les mobiles essentiels. Si Pm désigne ces cours, on peut résumer en écrivant que : Pm = f(Ω, ∆S, Sp, A, u ) u désigne toute autre variable pouvant agir sur les prix.

1.3 LES INDICES DES PRIX Les indices des prix élaborés en Guinée sont fortement inspirés de ceux de la France. Ils servent à la mesure du coût de la vie des ménages de revenu modeste dans l’agglomération de Conakry. Selon les objectifs recherchés, les indices bâtis sont nombreux : indices des produits alimentaires, indices des secteurs primaire, secondaire et tertiaire, indices des produits importés et locaux… Ils sont établis à partir du prix de certains biens affectés d’un coefficient de pondération selon la méthode de LASPEYRES appliquée à un ensemble de transactions : L = ∑ⁿ₁ Pt/P₁ X P₁Q₁ / ∑ⁿ₁ P₁Q₁

ou L = ∑ⁿ₁ Pt/P₁ αi₁

En fait, la quantité de bien indexée n’a pas varié Q₀ ; P₀ désigne le prix de cette quantité à la période de référence, alors que Pt représente le prix de la même quantité à l’instant t. Sous cette forme, cet indice permet certes d’avoir une idée précise de l’évolution du coût de la vie, mais les inconvénients sont nombreux, selon MOUCHEZ7 :

7

MOUCHEZ P : Les indices des prix ; page 146

46

« Toute modification dans la répartition des divers articles entrant dans les groupes peut provoquer une variation du prix moyen sans relation avec les mouvements en hausse ou en baisse du prix de chacune des marchandises… » A cet effet, avec un système de pondération différent, deux indices peuvent amener deux chiffres différents d’une même réalité. Toutefois, les indices des prix ci-haut évoqués permettent de savoir et de prévoir le niveau moyen des prix. En Guinée, beaucoup d’indices font défaut, les services de statistiques ne publient pas l’indice des prix de gros ou de demi-gros, les indices de prix qui sont disponibles sont focalisés sur la ville de Conakry et donc ne reflètent pas la réalité du coût de la vie sur l’ensemble du territoire national. Ainsi depuis 1986, il a été élaboré aux côtés des indices secondaires, l’indice des prix à la consommation (IPC) et à partir de 2002 l’indice harmonisé des prix à la consommation (IHPC).

1.3.1 L’Indice des Prix à la consommation (IPC) Il convient de préciser que pendant longtemps, la Guinée a manqué d’indice de prix sous quelle que forme que ce soit pour mesurer le coût de la vie ; c’est justement le cas durant toute la première République et donc lors des premier et second chocs pétroliers. Il a fallu attendre 1985 pour voir le pays se doter d’un indice des prix à la consommation (IPC) pour l’agglomération de Conakry. Cet indice sert à montrer les effets des variations de prix sur le pouvoir d’achat des ménages à l’égard d’un certains nombre de denrées alimentaires, d’articles de premières nécessités, de services… En Guinée – comme nous l’avons déjà montré – les hauts revenus coexistent avec les bas salaires. Dès lors, il est certain que ces deux classes ne ressentent pas le coût de la vie de la même manière, tant et si bien qu’une bonne partie de leur consommation porte sur les biens et services différents. Néanmoins, la Direction nationale de la statistique a opté de publier un seul indice sans distinction aucune entre les deux types de consommateurs, cependant un examen minutieux de la structure de l’IPC semble mettre en exergue qu’il s’agit bien d’un indice focalisé sur les ménages à bas revenu de type africain. Ainsi en 1999, cet indice apparaissait encore satisfaisant car n’ayant fait l’objet d’aucune révision fondamentale et portait sur 167 biens et services de consommation disponibles dans la capitale, tandis que son évolution met en 47

évidence sur la période 1986- 2002 des phases de forte inflation comme celles de hausse modérée de l’indice des prix subdivisé en 7 postes : •

Indice alimentaire : 81 articles (céréales, condiments, huiles, tubercules, fruits, légumes…)



Equipement-logement : 25 biens et services (loyers, matériaux de construction, appareils électroménagers…)



Energie : 9 articles (eau, électricité, pétrole lampant…)



Habillement : 10 articles (cretonne, popeline, pagne indigo, chemise…)



Transport : 10 services (taxi urbain, bus urbain, transport interurbain, billet d’avion…)



Santé et hygiène : 18 biens et services (consultation médicale, examens médicaux, produits pharmaceutiques, savon, soins dentaires, coiffure…)



Loisirs-culture : 14 articles (cigarette, cinéma, enseignement, outils scolaires, téléphone…)

Le tableau 4 ci-dessous donne une idée des coefficients de pondérations pour chacun des postes retenus par le ministère du plan pour mesurer le coût de la vie. Cet indice aussi fiable soit-il a été remplacé en 2002 par l’indice harmonisé des prix à la consommation.

1.3.2 Indice harmonisé des prix à la consommation : IHPC Comme l’IPC, l’IHPC selon le bulletin mensuel publié par le Département en charge de la mesure du coût de la vie, « a pour population de référence l’ensemble des ménages africains de l’agglomération de Conakry. Le panier de la ménagère comprend 312 variétés suivies dans 364 points d’observations. En somme, 3207 relevés de prix sont effectués chaque mois par les enquêteurs de la direction de la statistique ».8 Selon la même source, la période de base de l’IHPC est l’année 2002 et ses pondérations proviennent de l’enquête intégrée de base pour l’évaluation de la pauvreté réalisée en 2002/2003 auprès de 7612 ménages.

8

Cf IHPC bulletin du mois de mai 2008

48

A cet égard M Keita dans « l’incidence de l’inflation sur la pauvreté en Guinée“ dans son modèle 1 cherche à expliquer les différences de dépenses par tête observées au sein des ménages guinéens, par les différences des coûts des biens alimentaires et non alimentaires auxquels les ménages font face conséquemment à l’endroit où ils vivent. » Il ressort : Lnyi = β0 + β1Ln(Prialiment)i +β2Ln(Prinonalim)i +εi. De manière générale l’estimation de ce modèle pour les années 2002 et 1994 permet d’établir les résultats ci-après : En 1994 comme en 2002 les variables Prialiment et Prinonalim ont un effet contraire sur les dépenses par tête des ménages. En somme, sur la période, le différentiel de prix des produits alimentaires affecte négativement le niveau de vie des guinéens : plus les prix des produits alimentaires sont élevés, plus la dépense par tête des ménages est faible ; de même en 1994 comme en 2002, le différentiel de prix des produits non alimentaires affecte positivement le niveau de vie des guinéens : plus les prix des produits non alimentaires sont élevés, plus la dépense par tête des ménages est élevée. D’où les résultats de la régression : Lny* = 13,23*** -2,80***prialiment+1,70***prinonalim ; R²=0,106 et N=7095 (pour1994). Lny* = 13,46*** -5,11***prialiment+3,99***prinonalim ; R²=0,274 et N=4416 (pour2002). Aussi l’indice est-il publié au plus tard le 15 de chaque pour le mois précèdent. L’Indice Harmonisé des Prix à la Consommation présente la structure et les pondérations suivantes en 2008 :

49

Tableau 4 Indice des prix et pondérations (Base 100 : décembre 2002) Nb d’arti cles

Pondérations

Déc.2003

Déc.2005

Déc.2007

Jun2008

Produits alimentaires, boissons et tabac

161

37,56

125,4

232,4

401,0

453,5

Articles d’habillement et chaussants

45

7,32

111,2

132,9

201,1

214,0

Logement, eau électricité, gaz

27

10,38

105,0

152,6

243,1

269,8

Ameublement, équipement ménager

42

8,30

111,8

150,0

230,2

255,9

Santé

32

11,20

108,4

166,0

242,4

260,8

Transports

29

11,21

116,6

238,5

312,1

419,3

Loisirs, spectacles et cultures

29

3,64

104,9

139,6

193,6

194,9

Enseignement

11

0,90

104,2

134,5

174,0

186,4

Hôtels, cafés, restaurants

10

2,20

103,2

179,8

283,7

311,4

Autres biens et services

30

6,79

112,3

147,6

191,2

192,8

Postes

Indice global 416 100 115,8 191,7 300,9 341,5 Sources : Bulletins mensuels de l’indice harmonisé des prix à la consommation (DNS)-2003/2008Il est aisé de constater une évolution rapide de l’indice global entre décembre 2003 et juin 2008, ayant pratiquement triplé (multiplié par 2,95), entre les deux dates sous la forte influence des produits alimentaires, des boissons et tabacs, de l’indice des transports et de celui des hôtels, cafés et restaurants.

50

Par ailleurs, il convient de rappeler que cet Indice harmonisé des prix à la consommation est élaboré à partir de 416 produits et services de base indispensables aux ménages guinéens, dont certains peuvent intervenir plusieurs fois dans un poste en fonction de leur nature voire de leur localisation géographique. Pour compléter, le panel la Direction nationale de la statistique adopte des nomenclatures secondaires de manière à saisir avec pertinence la contribution des articles localement produits ou importés ainsi que celle des secteurs d’activité à l’évolution du coût de la vie en Guinée. Elle se présente de la façon suivante : Tableau 5 IHPC : Nomenclatures secondaires Nomenclatures

Pondérations

Jun-07

Jun-08

Indice global

100

274,0

341,5

Indice des produits locaux

59,45

273,4

338,6

Indice des produits importés

40,55

260,0

313,5

Indice global

100

274,0

341,5

Indice du secteur primaire

15,05

362,9

442,3

Indice du secteur secondaire

61,58

364,6

461,2

Indice du secteur tertiaire 23,37 343,5 427,7 Sources : Bulletins mensuels de l’indice harmonisé des prix à la consommation (DNS) - 2007/2008 Le tableau ci-dessus met en exergue une forte pondération des produits locaux d’une part et des produits issus du secteur secondaire d’autre part, qui dans chaque catégorie de second ordre pèse environ pour près de 3/5 des pondérations. Par ailleurs, les 2/5 du poids relèvent de l’inflation importée et des pondérations cumulées des secteurs primaire et tertiaire. Il convient par ailleurs de s’interroger sur le faible poids attribué au secteur agricole dans cette nomenclature : l’inflation guinéenne émane-t-elle essentiellement des branches industrielles ou des services ? En tout état de cause, l’intérêt de cette présentation n’est plus à démontrer dans le sens de l’affinement de l’analyse de l’inflation en République de

51

Guinée ; il convient tout simplement de préciser par la suite que d’autres indices non moins intéressants sont également publiés à savoir : •

l’indice des produits frais,



l’indice de l’énergie,



l’indice hors produits frais, hors énergie,



l’indice des biens durables,



l’indice des biens semi-durables,



et l’indice des biens non durables.

Depuis 1985, l’indice des prix a subi deux transformations fondamentales et a fait l’objet de deux normalisations : •

base 1991 = 100



et base 2002 =100 à la faveur de l’introduction de l’indice harmonisé en lieu et place de l’IPC.

Les deux indices ont évolué de façon suivante entre décembre 1985 et juin 2008 : Graphique 7

Ce graphique semble mettre en exergue deux phases d’évolution de l’indice des prix à la consommation en Guinée :

52

Une première phase qui démarre en décembre 1985 pour s’estomper en novembre 2002, marquée certes par une hausse élevée de l’indice des prix qui paraît suivre une tendance linéaire à la hausse et au cours de laquelle, sous toute réserve des changements de pondérations et de bases intervenus L’indice de départ de 1985 a été multiplié par 6,57 ; il s’agit de toute évidence d’une période de forte inflation dont il faut cerner les causes et les conséquences pour les populations guinéennes. La seconde phase est plus courte car elle commence en décembre 2002 avec l’introduction de l’IHPC pour s’arrêter de nos jours en juin 2008. Au cours de cette dernière période, l’indice harmonisé a été multiplié par 3,42 seulement en 5,5 ans, toute chose qui confirme une autre phase d’inflation galopante. Toutefois, ces évolutions doivent être interprétées avec beaucoup de précautions. Comme nous l’avons signalé plus haut, des changements de base ont été opérés sur le parcours, si bien que l’IPC a été normalisé en base 100 en 1991, tandis que l’IHPC enregistre la même base en décembre 2002, ce qui biaise l’analyse économique de l’inflation en Guinée et nous contraint à mieux étudier ce phénomène pathologique au travers l’évolution du taux d’inflation tant en glissement qu’en moyenne annuelle. Graphique 8

L’analyse du graphique ci-dessus nous amène à distinguer trois phases de l’inflation en Guinée entre 1985 et 2008 : 53



Une première phase (1985-1992) caractérisée par une inflation galopante avec un taux moyen annuel de près de 30,5%, émanant probablement d’un choc exogène ou endogène qui tire son origine des ajustements conjoncturels mis en œuvre en 1985 : changement de signes monétaires, dévaluation du GNF, libéralisation des prix, mise en place des structures de l’économie de marché… Il convient également de préciser que les politiques de stabilisation élaborées et appliquées par les autorités monétaires et financières semblent amortir le choc sur le niveau général des prix, sans pour autant endiguer les tensions inflationnistes, car l’inflation est restée forte même en fin de période. Nos analyses ultérieures nous permettront de cerner avec pertinence les mobiles, mais aussi les effets de ce niveau d’inflation : la Guinée aurait-elle réagi en ce moment seulement au second choc pétrolier à l’image de l’inflation mondiale de la fin des années 70 ?

À cet égard, « CHANDRAKANT et SAUNDERS ont montré que l’inflation mondiale des années 50 était modérée : 3,5%, rampante lors des années 60 : 5%, tandis que les années 70 marquent une intensification de la hausse du niveau général des prix : 9,6% et 15% en 1973-1974. Ils estiment que les prix mondiaux ont augmenté de 15,1% en 1980 pour retomber à 9,8% en avril 1981. Cependant, ajoutent-ils, dans les PVD non producteurs de pétrole, le taux d’accroissement des prix à la consommation n’a cessé de progresser depuis 1978 : 31,7% en 1980 contre 24,7% en 1979 et même 36,5% en août 1981. Ce chiffre représente le quadruple de la moyenne à plus LT des hausses des prix correspondantes survenues avant l’accélération mondiale de l’inflation au cours des années 70. Cette flambée de l’inflation est liée à la fois à la forte hausse du coût des produits importés et à l’adaptation de politiques financières expansionnistes… »9 •

Une seconde phase (1992-2002) caractérisée par une décennie de stabilité des prix avec un taux moyen de 4,5%. Cette faible inflation serait-elle le résultat d’une bonne politique de stabilisation menée par le gouvernement, d’une politique monétaire peu inflationniste de la Banque centrale et/ou d’un environnement international ou national favorable ?

Une analyse des données au cours de cette période nous permet d’affirmer que l’inflation guinéenne aura été rampante ou modérée. Il convient donc 9

CHANDRAKANT et SAUNDERS : problèmes économiques.

54

d’en cerner les causes et les impacts positifs pour notre économie en tant que résultante d’une bonne politique macroéconomique de lutte contre l’inflation. •

La troisième phase (2002-2008) marque un regain de l’inflation en République de Guinée avec un taux moyen annuel de 22,8%. Cette forte inflation intervient dans un environnement international peu favorable avec le troisième choc pétrolier et dans un climat local perturbé par une crise sociale et son incidence sur la hausse des salaires, éléments essentiels des coûts de production des entreprises guinéennes.

Au terme de cette analyse sommaire sur la structure et l’évolution de l’indice des prix, et en dépit du handicap lié aux nombreux changements de pondérations et de bases, il est utile de cerner avec précision les équations de tendance de l’IPC et de l’IHPC entre 1985 et 2008. À cet égard, nous avons été amené à normaliser l’indice des prix – base 1992 = 100 – afin d’éviter les biais liés aux changements de la base. Régression 1 Tendance multiforme de l’indice des prix (1985-2008) Formes

Équations de tendance



Schwarz

linéaire

IPC*= -43,471 + 16,235t

0,737

11,514

parabolique

IPC*= 85,650 – 13,562t + 1,192t²

0,889

10,786

cubique

IPC*= -47,952+ 44,705t – 4,578t² +0,152t³

0,979

9,252

La tendance à LT de l’indice des prix est cubique, il croît à la puissance trois avec la variable temps, mais sa semi-élasticité est faible : +0,152, tandis que celle de la variable (t²) est négative (-4,578) et atténue à suffisance avec la constante négative (-47,952), la vitesse de propagation de l’inflation, d’autant que la pente de la variable t (+44,705) demeure très élevée. Cette régression paraît meilleure aux deux autres en raison de sa meilleure performance à travers son coefficient de détermination élevé et son niveau bas du critère d’information de Schwarz.

55

SYNTHESE ET CONCLUSIONS En somme, le revenu national croît rapidement en Guinée ainsi que la richesse par habitant : en deux décennies, le Guinéen moyen a plus que quintuplé son revenu nominal en termes de franc guinéen courant, mais à regarder de plus près, exprimé en dollar, ce revenu par habitant s’est réduit de plus de la moitié, imposant ainsi aux Guinéens une réelle perte de pouvoir d’achat entre 1985 et 2007. Par ailleurs, l’inégalité dans la répartition de ce revenu est incontestable, elle s’observe au niveau des grands secteurs d’activité et au sein de chaque branche, il en est de même pour le salaire, la rémunération pour l’employé ou la charge pour l’entreprise. À mesure que la formation des prix au producteur semble manifester un avantage évident aux produits d’exportation au détriment du secteur vivrier, même s’il faut déplorer l’état de l’organisation actuelle des filières du café, cacao, coton… avec ses conséquences négatives sur le revenu du producteur, les recettes fiscales et les réserves de change de la nation, il convient de noter que les cours des produits primaires agricoles ou miniers semblent obéir à une loi à laquelle le niveau de l’offre, la spéculation, les anticipations ainsi que l’organisation éventuelle du marché ne sont pas étrangers. En fait, lorsque les cours montent, les recettes d’exportation augmentent et leur contribution aux budgets de l’État s’améliore et la croissance de l’économie guinéenne tend à s’accélérer ; mais leur baisse infère à cette économie une récession peu commune : les investissements publics et privés se réduisent et l’inflation s’amenuise. Les indices des prix à la consommation, à savoir IPC ou IHPC mettent en exergue deux phases d’inflation galopante inter-coupées d’une période d’inflation modérée : l’inflation guinéenne a enregistré une pointe de 72% comme un plancher de 1,13%, c’est dire que cette inflation est tantôt forte, galopante, tantôt faible, modérée ou rampante. Il est donc tout à fait normal de s’interroger sur la nature et la cause de cette hausse du niveau général des prix sur plus de deux décennies, soit entre 1985 et 2008. Elles peuvent être nombreuses selon que l’analyse est conjoncturelle ou structurelle, réelle ou monétaire. Au demeurant, alors que l’environnement international est perturbé par un troisième choc pétrolier avec ses impacts négatifs sur les prix des biens d’équipement ou de consommation importés, et un cadre social interne tendu marqué par une forte augmentation des salaires du secteur public, comme des entreprises privées, l’inflation s’est accélérée, elle est devenue forte,

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voire galopante ces trois dernières années, il est donc utile de s’intéresser aux causes comme aux conséquences de ce phénomène pathologique, dans lequel à coup sûr les coûts de production et la pression de la demande face à une offre peu élastique ne sont pas en reste.

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Chapitre 2 IMPACT DES COÛTS ET DE LA PRESSION DE LA DEMANDE SUR L’INFLATION EN GUINEE

Les pays émergents ne sont pas épargnés par le processus inflationniste contemporain. Les formes d’inflation y sont relativement variées. En certains cas – et s’en trouve en Amérique Latine – depuis un certain temps, s’est développée une inflation qui tend à déformer les rapports relatifs d’échange de biens et services selon les modes particuliers, en fonction des causes dont la nature et l’intensité peuvent éclairer l’analyse. Les explications avancées sont aussi multiples sans être nécessairement exclusives. Certains pays ont connu des inflations intenses à la suite de guerres ; mais ces inflations restent quant à leurs causes externes, voisines de celles enregistrées par les pays avancés ; elles ne favorisent guère le développement dans la plupart des PVD, elles risquent beaucoup plus de freiner l’essor amorcé. Si maintes économies du Sud sont désarticulées, frappées par les inflations, la cause et l’intensité de ce déséquilibre macroéconomique diffèrent d’un pays à l’autre. Terre de la bauxite, de l’or et du diamant, mais aussi du caféier, du cacaotier et du cotonnier, la Guinée est avant tout un pays agricole, car le secteur rural y occupe plus de 80% de la population active, mais ne contribue que pour 20,2% du PIB comme nous l’avons signalé plus haut. La hausse sensible des cours des produits primaires miniers sur les marchés mondiaux notamment ceux de la bauxite en 1988 et 1989, a permis à la Guinée d’accroître ses recettes d’exportation d’autant plus que les expéditions de minerais ont représenté en cette période 95% du total des exportations du pays. Le secteur industriel contribue pour près de 34% au PIB dont seulement 4% pour l’industrie manufacturière pour la dernière décennie donc une taille suffisamment faible pour influencer les variables macroéconomiques dans un sens comme dans l’autre. Les services à leur tour demeurent le secteur le plus important de l’économie, Ce secteur accuse 3,2% de croissance au cours de la dernière décennie et sa part dans le PIB selon une étude de la Banque Mondiale, est tombée de 50% du PIB en 1991 à 46% environ en 2001.

La Guinée est devenue un pays ouvert en 1984 et son taux de croissance économique annuel, en dépit d’un fort potentiel agricole et minier, n’a pu atteindre que 4% sur la période 1986-2002, face à un taux de croissance démographique de 3% soit guère plus que 1% de croissance réelle par habitant. Aussi, les prix y montent assez vite, tout au moins par moments. C’est pourquoi l’on est en droit de s’interroger sur la nature de l’inflation guinéenne. À cet égard, nous avons opté pour l’instant pour une approche en termes de coût et de demande. Le modèle keynésien permet de mettre en évidence certains facteurs déséquilibrants. Une augmentation de la masse monétaire provoque une hausse de la demande effective qui, à son tour, influence le niveau de l’emploi. Or, en situation de plein emploi, un écart entre le niveau de la demande effective et celui de la production se traduit par une hausse des prix. Les entreprises cherchent à produire davantage à des prix plus élevés, ce qui nécessite une augmentation des salaires, laquelle créera des revenus nouveaux qui engendre une demande supplémentaire, provoquant ainsi un nouvel écart entre le niveau de la demande effective et celui de la production. De nouveau, les prix montent et la spirale inflationniste s’installe. On constate alors une accélération de la demande de monnaie due à l’action conjuguée des facteurs réels – augmentation de la production – et des anticipations extrapolatives des agents. Le crédit à CT et, à travers lui, la masse monétaire se développent excédant les besoins de l’économie. Cette tendance est accentuée par les dépenses budgétaires de l’État : l’inflation infirme les allocations budgétaires, obligeant ainsi les administrations à des dépassements de crédit. En même temps, le taux d’intérêt s’élève, certaines dépenses privées sont même mitigées par l’expansion des dépenses publiques : c’est l’effet d’éviction ou encore le crowding out. En définitive, ce modèle keynésien présente deux types d’inflation : celle engendrée par la demande et l’inflation poussée ou induite par les coûts de production. Cette approche convient-elle à la hausse des prix à la consommation en Guinée ?

2.1 NATURE GUINEE

INFLATIONNISTE DES COUTS DE PRODUCTION EN

S’appuyant sur les concepts dégagés par J. M. Keynes et se livrant à une analyse plutôt conjoncturelle, nombreux sont des économistes contempo60

rains ou néokeynésiens, en expliquant les inflations d’aujourd’hui, à accorder beaucoup d’importance aux coûts, sans toutefois négliger la pression de la demande. « … la cause essentielle en a été non pas l’excès de la demande, mais la hausse des coûts, ce qui est tout à fait différent… »10 En d’autres termes, une inadéquation entre l’offre et la demande est tout aussi facteur d’inflation qu’une hausse autonome des coûts de production, de la marge bénéficiaire… La hausse des prix qui en résulte peut donc provenir du renchérissement des inputs importés, de l’accroissement des salaires nominaux et même de l’augmentation des prélèvements fiscaux.

2.1.1 Salaires et inflation en Guinée La rémunération des travailleurs est considérée dans les pays avancés, par nombre d’économistes, comme le plus grand facteur d’inflation. Les salaires expliquent par moments près de la moitié de la hausse des prix en France, par exemple. Ces analyses seraient-elles valables dans un pays comme la Guinée où les salaires sont plutôt modestes et la productivité du travail faible ? Est-ce à dire qu’une hausse salariale n’a pas une influence significative sur les prix en Guinée ? a. La productivité du travail en Guinée Une hausse des salaires ne débouche pas inéluctablement sur la hausse des prix, car si le salaire augmente dans la même proportion que la production, l’accroissement additionnel de la demande est donc épongé par l’offre des biens et services, le risque d’inflation par ce canal n’est point évident. Tandis que si l’entreprise produit davantage avec la même quantité de travail, l’augmentation de la productivité du travail aidant, la hausse du salaire se traduit par une augmentation du pouvoir d’achat du salarié, sans représenter une charge supplémentaire pour l’entreprise. En d’autres termes, l’amélioration de la productivité peut écarter une inflation salariale.11 En Guinée, le lien entre la productivité du travail, les salaires et la valeur ajoutée se traduit de la façon suivante : 10

Affirme M. STEWART en expliquant l’inflation contemporaine, dans Après Keynes, page 40. 11 À cet effet CHARPY (j) note (politique des prix pages 208 et suites) : « Pour que le comportement des salaires ne soit pas inflationniste, il faut s’inspirer du principe général que la hausse du taux de salaire doit dans chaque branche être égale au taux d’accroissement tendanciel de la productivité nationale. » Nous admettons que 50% de la population est active ; SAL est le salaire moyen de la fonction publique et PIB le produit intérieur brut.

61

Régression 2 Test de l’incidence du salaire et de valeur ajoutée sur la productivité du travail Log PTEW* =- 0,636 - 0,078 LogSAL(-1) + 0,970 LogPIB(-1) (t)

(-2,463) = 0,985

S= 0,053

(-3,305) F = 671,137 N= 21

(23,637) DW = 1,209 =7,107

Précisions que PTEW représente la productivité du travail, ici le ratio PIB par actif : La valeur ajoutée influence significativement le niveau de la productivité du travail. Son élasticité relativement élevée par rapport à la productivité du travail (0,970) révèle que l’impact de la production est de loin plus important que celui du salaire (-0,078), qui certes influence significativement la productivité en sens inverse eu égard à son coefficient négatif. À s’en tenir à cette équation, l’augmentation du taux de salaire, lorsque la valeur ajoutée est constante, ne peut inférer un accroissement de la productivité du travail que si le volume de l’emploi baisse. Toutefois, ce résultat mérite d’être nuancé, compte tenu de la disparité du salaire en Guinée et du fait que seul le salaire de la fonction publique a été intégré dans le modèle. b. Incidence des salaires sur l’inflation en Guinée Les périodes d’inflation sont aussi celles de hausse des salaires nominaux, c’est pourquoi maints économistes établissent que la hausse des prix émane de celle du pouvoir d’achat des salariés ce qui constitue pour l’entreprise une charge additionnelle. La hausse de salaire se traduit – à productivité constante- par une hausse de la demande globale et un maintien de la tension sur le marché des biens et services. Toutefois, lorsque cette hausse de salaire s’accompagne par une baisse des profits et/ou des prélèvements fiscaux, dans les mêmes proportions, la hausse des prix n’est plus inéluctable. Une augmentation des salaires qui dépasse l’augmentation de la productivité crée un pouvoir d’achat additionnel sans contrepartie du côté des biens produits par le pays. Ce pouvoir d’achat s’ajoute au revenu disponible des ménages qui augmentent en conséquence leurs achats de biens de 62

consommation. Cette augmentation de la demande permet aux entreprises d’élever leur prix de vente et de répercuter ainsi une partie de l’augmentation du coût salarial. Le pouvoir d’achat précédemment engendré par la hausse des salaires… En Guinée, la masse salariale (St) représente en toute vraisemblance 2,55% du PIB en 1987, 12% en 1997 et 6,27% en 2007 (nous avons admis que l’État distribue le 1/3 des salaires et le secteur privé en distribue les 2/3), sa part a nettement progressé dans le PIB, avant de plonger en fin de période, il est vrai, souvent au prix d’intenses mouvements sociaux, notamment en 1991 où on a assisté au doublement du salaire nominal des cadres et agents de la fonction publique, toute chose qui a eu une incidence non négligeable sur la rémunération du secteur privé, plus élevée, qui s’est accrue en moyenne de 20%. Par ailleurs, la masse salariale du secteur étatique a représenté 44,8% des dépenses publiques en 1997 contre 30,5% en 2002 Selon la Banque mondiale, à travail équivalent, le salaire offert dans le secteur privé peut être de 1,5 à 6 fois plus élevé que celui de l’administration publique, les banques et les assurances étant les sociétés où les salaires sont les plus élevés pour les catégories équivalentes. Cependant, la masse salariale du secteur public a été multipliée par 20,42 en 21 ans, passant ainsi de GNF 18,2 Mds en 1986 pour atteindre GNF 371 Mds en 2007. Par contre, les effectifs ont évolué en sens inverse avec 102 000 agents de l’État en 1986, après un dégraissement des effectifs de l’administration centrale à travers les opérations de départs volontaires comme le BARAF. Ces volumes ont été réduits de moitié pour arriver à 49 700 en 1995 avant de remonter à 64 354 en décembre 2007. Naturellement, la fermeture des entreprises publiques peu rentables et insolvables et dont les employés avaient le statut de fonctionnaire y a apporté une forte contribution. En s’intéressant particulièrement à la période de décembre 2004 à juin 2008, on peut constater que le salaire nominal a pratiquement triplé en accusant un coefficient multiplicateur de 2,87, tandis que sur la même période l’indice des prix a été multiplié par 2,31, s’inscrivant à 341,5 en juin 2008 au lieu de 147,8 en décembre 2004. En fait, la rémunération des agents de l’État s’est accrue en moyenne de 30,79% par an alors que le taux d’inflation marque une hausse moyenne annuelle de 23,78%. En somme, les salariés de la fonction publique n’ont pas été lésés, loin s’en faut, leur salaire a progressé plus vite que l’indice des prix à la consommation, c’est dire que leur pouvoir d’achat ou le salaire réel des fonctionnaires (St/pt) a été multiplié par 1,24 en 3,5 ans, soit une hausse moyenne annuelle réelle de 6,86%.

63

Ce salaire réel a évolué de la façon suivante : Graphique 9

Le graphique 9 ci-dessus infère que, sur une bonne partie de cette trajectoire du pouvoir d’achat, les salariés n’ont toujours pas été les vrais bénéficiaires de l’inflation. Elle risque beaucoup plus sûrement de les pénaliser, car entre juin 2005 et décembre 2007, par exemple, le salaire réel est resté inférieur à sa valeur de décembre 2004, d’où une véritable érosion du pouvoir d’achat qui n’a été en fait rattrapé qu’avec l’application des accords passés entre le gouvernement et les partenaires sociaux lors de la révolution sociale du premier trimestre 2007. Dès lors, il serait difficile de rendre les salaires, fussent-ils les plus élevés, qui du reste augmentent moins vite – responsables de l’inflation en Guinée, sous toute réserve des résultats des tests économétriques. Il en est ainsi, car les syndicats de salariés ont pendant longtemps laissé décider les autorités financières du niveau de leur rémunération de façon unilatérale, sauf en 2007. Faut-il alors penser que la hausse des salaires joue un rôle d’ajustement a posteriori du pouvoir d’achat des économiquement faibles ? L’on ne saurait pour autant écarter totalement un lien causal entre cette variation et celle des prix. Une analyse des données statistiques en dira plus long à ce propos, nous y reviendrons.

64

En somme, il est d’autres sources possibles de tensions inflationnistes qui impactent les charges de production des entreprises : les importations.

2.1.2 La contribution des importations à l’inflation guinéenne Aucune économie moderne ne peut vivre sans entretenir des relations avec l’extérieur, car elle ne peut produire tous les biens qui lui sont indispensables. Il peut s’avérer utile pour un pays d’acheter des biens qu’il ne produit pas de manière compétitive et d’en vendre d’autres où il bénéficie d’avantages comparatifs. La Guinée n’en fait pas exception : elle vend généralement des produits agricoles et miniers, mais aussi certains produits transformés à l’extérieur. En revanche, la Guinée a besoin non seulement d’importer des biens de consommation, mais aussi de l’équipement et des produits énergétiques. Le but de notre étude est de tenter de montrer uniquement le rôle inflationniste des importations. a. Évolution et structure des importations guinéennes Les impératifs de développement économique et social impriment aux valeurs des importations une hausse soutenue, régulière et accélérée par moments, alors que d’une manière générale, eu égard à la détérioration des termes de l’échange, celle des exportations s’accroît moins vite voire régresse dans le pire des cas. Exportations et importations guinéennes ont évolué de la manière suivante : Avec 23,8% du PIB en 1995, 20,1% en 2000, la part des importations n’a cessé d’augmenter pour atteindre près de 32,53% du PIB en moyenne annuelle entre décembre 2004 et décembre 2007. En fait, la valeur de ces exportations a accusé un taux de croissance annuel moyen de 41,80% sur la période, tant l’inflation mondiale est boostée par le troisième choc pétrolier et ses incidences sur les cours des produits primaires et industriels comme le riz, le sucre, les huiles alimentaires, voire les produits d’équipement importés indispensables pour la croissance et le développement du pays.

65

Graphique 10

Ainsi, la structure des importations reste dominée par les biens d’équipements intermédiaires comme les produits pétroliers qui, en cette période, ont enregistré une forte hausse des volumes due aux phénomènes de réexportation liés à la modicité des prix pratiqués à la pompe au regard des pays de la zone d’émission de la BCEAO comme le Sénégal, le Mali, la Côte d’Ivoire ou la Guinée Bissau, voisins directs de notre pays, et qui favorisent la réexportation du carburant. La Guinée a également subi la forte croissance des cours mondiaux qui a imprimé à nos exportations une valeur de plus en plus importante. Par ailleurs, eu égard à la non appartenance à une zone monétaire, les partenaires commerciaux sont divers et variés, mais on peut sans risque de se tromper y associer l’Europe occidentale, l’Asie du Sud-Est et même l’Afrique de l’Ouest. Les principaux partenaires commerciaux de la Guinée à l’importation sont : •

la France : 13,10%,



la Belgique : 11,89%,



la Côte d’Ivoire: 11,04%,



la Chine : 10,35%,



les Pays-Bas : 6% 66

Ces échanges d’origines diverses font l’objet systématique de demande de devises et donc d’une forte pression sur le marché des changes tant officiel que parallèle et, comme l’offre est limitée, l’équilibre est rétabli par une variation du taux de change dans le sens de la dépréciation, ce qui est souvent le cas. b. L’inflation importée en Guinée Les coûts de production peuvent aussi s’élever, sous la pression des prix à l’importation ; le phénomène peut affecter soit les matières premières, soit les produits semi-finis et même des produits destinés à la consommation. En tenant compte des impôts prélevés sur les produits, les prix intérieurs auront pour équation : Pd = ts + Pm (1 + ta) où : Pd : prix domestique Pm : prix extérieur ta : taux d’imposition ts : taxe spécifique Toutefois, la taxe spécifique peut être voisine de zéro (ts ≈ 0) pour les matières premières industrielles ou les biens d’équipement, en vue de stimuler la différentiation économique par l’industrialisation, ce qui tend à modifier les prix relatifs en capital. En d’autres cas, ts est très élevé et même prohibitif : monopole fiscal, protection tarifaire etc. Par ailleurs, la hausse des coûts des importations peut se produire à la suite de la modification du taux de change ; mais cette question sera examinée plus loin. Eu égard à l’interpénétration des économies, une récession chez les principaux partenaires commerciaux de la Guinée affecte fortement l’emploi local. Inversement, une hausse rapide des prix à l’étranger risque fort de se répercuter sur les prix nationaux ; l’inflation se propage par contagion. Les exportateurs guinéens ont tendance à se référer aux prix étrangers, tandis que les importateurs, pour maintenir leur taux de marge, vont répercuter la hausse importée sur les prix intérieurs dont l’impact dépendrait de la part des importations dans le PIB.

67

L’indice des produits importés permet de mesurer l’impact de la hausse des prix à l’étranger sur le niveau général des prix en Guinée. Cet indice a évolué comme suit : Tableau 6 Indice général et indice des prix à l’importation Décembre 2002

Décembre 2004

Décembre 2006

Jun 2008

Indice général des prix

100

147,8

266,6

341,5

Indice des produits importés

100

157,1

273,2

313,5

2.1.3 Chocs pétroliers et inflation en Guinée Les chocs pétroliers qui se sont manifestés lors des années 70 ont imprimé aux prix à la consommation des pays non producteurs d’or noir une vive allure. Depuis nous avons enregistré trois chocs qui ont impacté les prix en Guinée de façon différente. a. Les premier et second chocs pétroliers Le quadruplement du baril de pétrole le dernier trimestre 1973, est considéré par maints économistes comme le facteur essentiel des inflations galopantes du milieu des années 70. En fait, c’est à partir de ces évènements que nombre de pays de l’Afrique de l’ouest ont connu des inflations à deux chiffres. La question qui se pose est de savoir si le pétrole est le seul responsable de ces fortes inflations ? Et comment la Guinée a réagi à ces chocs ? Le constat qui s’impose est à mesure que le prix du pétrole a augmenté, les prix du café, du cacao, de la bauxite que la Guinée exporte, éclatent sur les marchés mondiaux ; mais l’effet du premier choc a été pour les PVD non producteurs de matières énergétiques un accroissement des prix à l’importation tandis que leurs prix à l’exportation fléchissaient ou stagnaient dans le meilleur des cas. En conséquence les termes de l’échange se sont sérieusement dégradés. Selon les rapports du Pr S Berg dans Développement accéléré en Afrique au sud du Sahara : « en prix, le café et le cacao ont fait des progrès substantiels au cours des vingt années considérées, puisqu’ils ont augmenté de quelque

68

5% par an par rapport aux importations, tandis que les prix relatifs (les termes de l’échange nets) des autres cultures d’exportations tombaient. » Aussi, la part du café et du cacao dans la valeur totale des exportations agricoles a augmenté même si en définitive cette proportion est restée marginale par rapport à la bauxite et qui fait que la Guinée, n’ayant pu profiter du boum de ces produits, a dû voir ses termes de l’échange se dégrader avec le premier choc pétrolier. Mais les autorités guinéennes n’ayant pas répercuté la hausse du cours du baril à la pompe, le litre d’essence se vendait toujours à 10 sylis. Même en l’absence d’indice des prix permettant de mesurer l’inflation, on est en droit de penser que la Guinée est l’un des rares pays à être épargné par les inflations galopantes des années 70. La raison tient, d’une part, à la forte subvention du prix des produits pétroliers importés et, d’autre part, à la faible demande de ces produits. Le choc pétrolier de 1979-1980 a été marqué par la hausse de l’inflation mondiale, engendrée par l’augmentation du prix du brut et de ses dérivés, suite à une forte demande sur les marchés mondiaux, face à une offre désormais réduite du fait de la révolution iranienne et ses effets sur l’exportation de pétrole de ce pays. En somme, la demande mondiale s’est avérée alors supérieure à l’offre des pays producteurs ; il s’ensuit un renchérissement du pétrole sur les marchés mondiaux, moins brutal, certes, car il s’est étalé dans le temps12, mais non moins important. En fait, de 1979 à 1980, à mesure que les cours du pétrole se renchérissent, ceux du café, du cacao, de la bauxite ou de l’or que la Guinée exporte s’effritent, imprimant ainsi aux termes de l’échange une baisse intense : conséquence d’une hausse des prix relatifs pétrole/bauxite ou pétrole/café. La demande de produits pétroliers à la fin du second choc pétrolier s’établit à hauteur de 2/3 pour le secteur minier (Compagnie des bauxites de Guinée, FRIGUIA, Société aurifère de Guinée, AREDOR, Société des bauxites de Kindia…) et de 1/3 pour la consommation domestique. Cette consommation, en toute vraisemblance, se situait autour de 425 000 tonnes métriques en 1980, au lieu de 438 266 en 1984 pour en atteindre 554 700 en 1987. La 12

À cet effet, R. VOUETTE note dans Revue économique, janvier-février 1982. « Dès 1979, les prodromes du deuxième choc pétrolier étaient visibles. Une nouvelle accélération du prix était inéluctable. Se déclenchant sans butoir réglementaire… le rythme de nos prix intérieurs passe de 9,5% à 13,5%... en 1974-1975 on était passé de 8,5% à 15%. L’accélération avait été plus forte, la hausse pétrolière et des matières premières étant plus brutale, moins étalée dans le temps qu’en 1979-1980… » Il s’agit naturellement du cas français, toutefois, cet effet s’est ressenti partout de la même manière y compris dans la plupart des pays africains partenaires commerciaux de la France. Qu’en est le cas de la Guinée ?

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mauvaise qualité du réseau de distribution n’a pas permis de satisfaire toute la demande intérieure de produits pétroliers et donne lieu à une dualité du prix du carburant sur l’ensemble du territoire : un tarif officiel bas et subventionné et un prix parallèle plutôt élevé qui reflète la réalité du marché, toute chose qui a conditionné à la faveur du changement de régime la liquidation de la société d’État, l’Office national des hydrocarbures (ONAH) et la privatisation du secteur pétrolier avec l’installation des compagnies multinationales comme TOTAL, SHELL et MOBIL, qui désormais se chargent de l’importation et de la distribution de l’essence, du kérosène, du gasoil… Le poids de la subvention se réduisant dans le secteur, tout choc externe sur le prix du brut devra se répercuter inéluctablement en tout ou partie sur le prix domestique, c’est pourquoi on est droit de noter, eu égard à la mauvaise ténue des cours de la bauxite et du café en cette période, alors que ceux du carburant éclatent, que la Guinée a réagi au second choc pétrolier avec un grand retard de l’ordre de quatre à cinq ans grâce à la libéralisation du marché et à la privatisation du secteur pétrolier. Mais en 1979-80, comme en 1973, le prix à la pompe n’a pas varié du fait d’un ajustement à la hausse de la subvention d’État et donc d’un accroissement additionnel des dépenses publiques, alors qu’en toute vraisemblance, compte tenu de la détérioration des termes de l’échange, la dégradation de la balance des paiements, l’économie guinéenne s’est plongée dans une récession. La hausse des prix qui en résulté sur le marché parallèle ressemble plus à une stagflation dont la part de l’extérieur et celle du pétrole restent les causes essentielles. b. Le troisième choc pétrolier Durant le deuxième trimestre 2004, le prix du pétrole ne dépassait pas 35 $ le baril, puis 40,29 $ en décembre 2004, et même 28,07 $ deux ans plus tôt, soit en décembre 2002 ; le prix du baril accuse sur cette période une hausse annuelle moyenne de 21,77%. Mais à la faveur de plusieurs facteurs conjugués parmi lesquels la guerre en Irak et ses conséquences immédiates sur l’approvisionnement des marchés, les instabilités politiques au MoyenOrient, ainsi que la multiplication des attentats et actes terroristes, sans oublier les sabotages répétés du système d’exploitation des gisements et raffineries dans le delta du Niger au Nigeria et ses effets négatifs sur la production mondiale de pétrole, les cours mondiaux montent de façon soutenue à partir de décembre 2004 pour atteindre 62,92 $ en décembre 2006 et même 143 $ le baril en juin 2008.

70

Il est tout à fait clair que la politique de quotas de production pratiquée par l’OPEP, associée avec la capacité limitée des pays exportateurs de pétrole face à l’ampleur de la demande, ne sont pas non plus étrangères à cette situation, il en est de même pour la spéculation entretenue par les arbitragistes et les autres acteurs des marchés de Londres, Chicago, New York ou d’ailleurs. En somme, le niveau du prix du baril de pétrole a bouleversé l’équilibre économique mondial à travers un ralentissement de la croissance dans les pays industriels, un regain de l’inflation mondiale, voire un déséquilibre macro-économique sur le marché du travail et celui des titres. La crise économique qui en résulte affecte particulièrement les pays émergents non producteurs de pétrole, en raison de la dégradation des termes de l’échange nets saisis à travers les prix relatifs ; la situation de la Guinée est-elle différente ? Tableau 7 PRIX RELATIFS DU PÉTROLE ET TERMES DE L’ÉCHANGE (en pourcentage) prix pétrole/ prix alu

prix pétrole /prix or

prix pétrole /prix café

taux inflation

variation termes échange

décembre 2,04 2002

8,43

3,64

6,12

-5,60

décembre 2,20 2004

9,10

5,47

27,63

4,10

décembre 3,41 2006

10,54

3,20

39,07

1,50

juin 2008 4,16 13,41 4,14 24,6 nd Source : tableau de bord de l’économie guinéenne et Banque mondiale : mémorandum de l’économie Le tableau ci-dessus met en exergue, avant le choc externe lié au cours du pétrole, une dégradation des termes de l’échange et clarifie en dépit de l’effet d’entraînement à la hausse sur les prix des autres produits primaires par le pétrole, que les prix relatifs de la tonne d’aluminium, de l’once d’or ou de la livre de café se sont dégradés par rapport au prix du baril d’or noir, respectivement de 2,12 points pour le métal blanc, 4,98 pour le métal jaune et de 0,50 point seulement pour le café entre 2002 et juin 2008. 71

Le prix relatif du baril de pétrole et de la tonne d’aluminium ou de café a certes augmenté, par contre, les termes de l’échange se sont plutôt améliorés pour la Guinée entre 2002 et 2006, respectivement de -5,6% et de 1,5%, face à une accélération de l’inflation sur la même période ; c’est dire que l’effet total est plutôt favorable a l’économie guinéenne. En conséquence, la hausse du coût de la vie qui en découle se ramène à la fois aux inputs importés, mais aussi sans aucun doute à la pression de la demande extérieure des produits primaires. D’ailleurs, la hausse vertigineuse des prix entre 1985 et 1988 confirme que la demande extérieure, l’ajustement du taux de change et d’autres facteurs non liés au pétrole ne sont pas en reste dans l’inflation guinéenne. Cependant, une comparaison de l’IHPC et l’indicateur du cours du baril de pétrole normalisés base 100 en décembre 2002 met en évidence sur le graphique 11 ci-dessous que ces variables évoluent de la même manière : l’indice des prix a été multiplié par 3,42, celui du baril de pétrole aura quant à lui accusé un coefficient multiplicateur de 4,84 sur la même période. Seule une analyse économétrique permettra de mieux nous éclairer sur le rôle du pétrole et des autres facteurs de coûts dans la hausse du niveau général des prix en Guinée, tout au moins entre 1986 et 2008. Graphique 11

Nous avons essayé de tester l’impact du prix du carburant à la pompe sur le taux d’inflation entre 1984 et 2005 en données corrigées des variations 72

saisonnières par la méthode des moyennes mobiles d’amplitude trois, par le biais d’une autorégression vectorielle retardée d’une observation, nous aboutissons aux résultats suivants : Régression 3 Test de l’impact du prix du carburant sur l’inflation : DPt* = 1,677 + 0,672DP(-1) + 0,036DCARB (t) (0,336) (1,352) (3,505) R² = 0,722 = 0,688 DW =2,594

F = 20,834

S = 11,764

SCH= 8,061

N = 19 (1987-2005)

=15,78

Il ressort de cette équation une forte influence des anticipations des agents économiques sur l’inflation en Guinée au seuil critique de 5%. Le prix du carburant à la pompe souvent subventionné par le gouvernement, de son côté, y apporte une réelle contribution significative au seuil critique de 1% également, mais faible, eu égard à la modicité du coefficient de régression. En somme, une hausse de 10% des prix de l’essence à la pompe en Guinée, ne s’explique que par un apport de 0,3% des prix à la consommation. Il en est ainsi, car le litre d’essence, qui ne coûtait que 10 SY en 1985, était encore facturé à GNF 550 en 1990 pour atteindre GNF 1200 en 2001. Il a évolué de la manière suivante : Graphique 12

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Cette évolution du prix du pétrole confirme que si la Guinée est l’un des rares pays à ne pas réagir sur les premier et second chocs pétroliers, elle a connu un effet de rattrapage au troisième choc, nonobstant les subventions importantes dont bénéficie le secteur. Sa courbe de tendance entre 1985 et 2007 qui se formalise de la façon suivante met en évidence une croissance exponentielle de ce tarif : Pcarb désigne le prix du carburant à la pompe. Pcarb = 74,29

R² = 0,794

Notons par ailleurs que si la liaison économétrique entre le carburant et l’inflation est globalement performante au seuil de 1‰, compte tenu des valeurs élevées du F de Snédecor et du coefficient de détermination corrigé, il n’en demeure pas moins que le niveau peu élevé du coefficient de corrélation ne nous permet pas d’affirmer que le prix du carburant ait joué un rôle prépondérant dans le processus inflationniste en Guinée. •

Par ailleurs, une innovation de près de 6,72% sur le taux d’inflation des suites des prévisions pessimistes des acteurs économiques se traduit dès la première année par une hausse de 4 points d’inflation, avant de tomber régulièrement pour atteindre son équilibre de LT au bout de 2,3 ans, puis agit négativement mais faiblement sur l’inflation jusqu’à l’horizon temporel fixé à 8 ans.



Un choc d’amplitude de GNF 180 environ sur le prix du carburant, soit son écart-type résiduel sur la période d’étude, partant de l’équilibre à la première année, influe de façon linéaire sur le taux d’inflation. Cette influence arrive à 5 points d’inflation à la deuxième année, puis 10 à la cinquième année, avant d’atteindre 15 points à notre horizon temporel ; ce choc, comme on peut le constater n’est pas transitoire en longue période.

En tout état de cause, le prix du carburant à la pompe cause le taux d’inflation de façon unidimensionnelle à 99% d’intervalle de confiance, au sens de Granger. Aussi, comme le montre le graphique ci-dessus, les hausses successives du prix du carburant intervenues dans les différentes essenceries de Conakry comme de province, ont été intenses voire explosives avec le troisième choc pétrolier, c’est pourquoi on est en droit de s’interroger sur les liens causaux entre cette variable et l’indice des prix sur la période comprise entre janvier

74

2004 et décembre 2007, cette fois-ci en données mensuelles corrigées des variations saisonnières par les moyennes mobiles d’amplitude 3. Régression 4 : Impact du prix du carburant sur l’inflation (VAR) Variables exogènes

Nombre de retard = 2

Nombre de retard = 1

Log Ipc(-1)

1,646***

0,926***

(t)

(13,215)

(27,986)

Log IPc(-2)

-0,640

(t)

(-5,509)

Log Pcarb (-1)

0,043*

0,041**

(t)

(1,431)

(2,005)

Log Pcarb (-2)

-0,050*

(t)

(-1,769)

c

0,038*

0,071**

(t)

(1,453)

(1,925)



0,999

0,998

²

0,998

0,997

s

0,009

0,014

SCH

-6,150

-5,591

5,305

5,293

N 45 *** : sc=1% ; ** : sc= 5% ; * : sc= 10%

46

Dans le modèle d’autorégression vectorielle retardée de deux mois, on constate que le prix du carburant n’est pas élastique par rapport à l’inflation, son influence sur le prix est faible mais positive pendant le premier mois avant de l’affecter négativement au cours du second mois à 95% d’intervalle de confiance. La constante est pertinente à 90% d’intervalle de confiance ; par contre, en variable décalée d’un mois, le niveau des prix est élastique par rapport à l’inflation courante, toute chose qui confirme une fois de plus le rôle important des anticipations dans l’inflation guinéenne. Le modèle retardé d’un mois va dans le même sens à des degrés divers, mais le critère d’information de Schwarz nous oriente vers le choix de la régression vectorielle à deux décalages qui infère une meilleure corrélation

75

entre prix du carburant et indice des prix à la consommation en valeurs logarithmiques. Un choc d’une valeur équivalente de 0,9% du logarithme népérien de l’indice des prix, soit l’écart-type du résidu, se traduit instantanément par une hausse de 0,9 point de pourcentage du Log de l’indice des prix, avant de s’amplifier progressivement jusqu’à 2,8 % et s’y tenir jusqu’à l’horizon temporel fixé à 12 mois. Une impulsion égale à l’écart-type résiduel du log du prix du carburant, soit 0,33 point, est neutre au départ, avant d’affecter rapidement les prix sur les trois premiers mois jusqu’à une valeur modale de 2,5%, avant de se décélérer dans le temps pour atteindre l’équilibre de LT au bout d’un semestre, puis son incidence négative sur l’inflation jusqu’à l’horizon temporel ; ce choc peut être qualifié de transitoire. En somme, au sens de Granger, il existe une faible causalité entre le prix du carburant et l’indice des prix à la consommation, le lien causal se situe autour de 10% du seuil critique, ce qui signifie que même durant le troisième choc pétrolier, le prix du carburant n’explique pas à lui seul correctement l’inflation guinéenne, la raison tient à l’importance des subventions publiques, mais aussi à d’autres facteurs d’inflation par les coûts ou par la demande.

2.1.4 Test empirique des coûts de production sur l’inflation guinéenne Ainsi, au plan empirique et sur l’ensemble de la période de référence, nous allons essayer de tester l’effet des coûts de production sur les prix, nous en tenant uniquement aux salaires (le salaire moyen de la fonction publique), et aux prix des inputs importés : l’indice des prix à l’importation qui englobe cependant les produits à la consommation et ceux destinés à l’équipement : on intègre aussi l’influence des anticipations des agents économiques guinéens supposées extrapolatives. On obtient les résultats suivants :

76

Régression 5 Test de l’inflation par les coûts Pt* = -5,859 + 0,781Pt-1 + 0,036St + 0,201PMt (t)

(-3,116)

(17,722)

(3,229)

= 0,999

(5,196) F = 12060,120

s = 2,486

SCH = 4,886

DW= 1,434

N = 51

Précisons que Pt désigne l’indice des prix, St le salaire moyen de la fonction publique et PMt l’indice des prix à l’importation. La régression ci-dessus qui ressort une grande significativité même au seuil de 1‰, à travers le niveau très élevé du F de Fisher-Snédecor, atteste que les prix à l’importation, les salaires et les anticipations des agents économiques ont eu une influence certaine sur l’indice des prix, donc sur l’inflation entre décembre 2004 et juin 2008. L’analyse des semi-élasticités met en évidence une importance de premier ordre des anticipations extrapolatives des acteurs de la vie économique, car un accroissement de 10% des prévisions pessimistes des agents économiques s’explique à hauteur de 7,81 points d’accroissement du coût de la vie, contre 0,36 point pour les salaires et 2,01 points par les prix des biens importés. Il convient de préciser que tous ces coefficients sont significativement différents de zéro au regard des niveaux élevés de la statistique de Student au seuil critique de 1%. Toutefois, il existe des paramètres non spécifiés dans l’équation de régression qui ont eu un effet de freins sur l’inflation, mais leurs incidences demeurent modiques compte tenu de la valeur absolue faible de la constante. Le coefficient de détermination corrigé ressort un niveau très proche de l’unité, alors que l’écart-type de la régression est faible, toute chose qui confirme la performance de notre modèle. La valeur du critère d’information de Schwarz est satisfaisante quant au décalage introduit, et le modèle ne présente pas de problèmes d’autocorrélation sérielle des résidus. Le test de Granger appliqué sur l’ensemble de ces variables met en exergue que les hausses de salaires n’ont pas causé l’inflation, mais en sens inverse le lien causal entre l’accroissement des prix et la rémunération des cadres et agents de l’État est demeuré très fort au seuil critique 1%, [F (2,48) = 15,893]. De même, ne rejetons l’hypothèse nulle selon laquelle l’indice des prix à l’importation ne cause pas l’indice général des prix à 99% d’intervalle de confiance, car la valeur calculée du Fisher, dans le cadre de ce test, se

77

chiffre à 6,631 voire à 8,989 dans le sens de la causalité entre les prix à l’importation et les salaires locaux de l’administration publique. Il est tout à fait clair que, dans une approche statique, le rôle des salaires a été limité voire insignifiant dans l’inflation guinéenne, en tout cas au cours du second choc inflationniste. C’est pourquoi il apparaît indispensable d’observer le comportement de chaque variable explicative sur l’indice des prix par la méthode d’autorégression vectorielle. Les équations dynamiques prennent la forme suivante : Régression 6 : Test de l’inflation par les coûts (VAR) Variables exogènes

Nombre de retard= 2

Nombre de retard=1

DLogPt (-1)

0,386**

O,295*

(t)

(2,326)

(1,843)

DLogPt(-2)

-0,136

(t) DLogSt(-1) (t) DLogSt(-2) (t) DLogPMt(-1)

(-0,847) 0,021

0,011

(1,024)

(0,615)

0,024 (1,181) 0,606***

0,368**

(t)

(3,657)

(2,554)

DLogPMt(-2)

-0,292*

(t)

(-1,683)

DLogPTROL t(-1) (t) DLogPTROL t(-2)

-0,029

0,015

(-0,634)

(0,382)

0,039

(t)

(0,812)

C

0,009***

0,007**

(t)

(2,958)

(2,624) 78

0,468

0,421

s

0,11

0,11

F

6,276

9,909

AIC

-6,068

-6,039

0,021

0,021

49

50

N

*** : sc=1% ; ** : sc=5% ; * : sc=10% Pt signifie indice des prix à la consommation ; St le salaire moyen de la fonction publique ; PMt l’indice des prix à l’importation et PTROLt le prix du carburant à la pompe.

Le modèle dynamique ci-dessus a également une significativité supérieure à 5% eu égard au niveau élevé du Fisher ; il confirme le rôle important des anticipations des acteurs économiques au seuil critique de 5%, mais révèle que ces prévisions sont douées d’une mémoire courte : mensuelle, car au bout de deux mois leur influence n’est plus pertinente sur le niveau général des prix. En revanche, la rémunération des agents et cadres de l’État n’impacte plus les prix en termes mensuel ou bimestriel ; en effet, les coefficients relatifs aux salaires ne sont pas significativement différents de zéro même à 10% du seuil critique, quel que soit le délai de retard retenu dans ces modèles. Cette spécification à retards échelonnés met en exergue un rôle plus important des prix à l’importation, donc du pétrole comme des autres produits de consommation et d’équipements dans l’inflation guinéenne ; cette incidence est d’abord instantanée puis se propage dans le temps et demeure forte pendant deux mois. En somme, le rôle de l’inflation importée est une réalité en Guinée comme dans nombre de pays de la sous-région non producteurs de pétrole. Notons par ailleurs que si la constante est pertinente, son effet est limité sur les prix en cette période, tandis que la variable pétrole que nous avons introduite dans le modèle n’y apporte pas de contribution marginale significative. Aussi, les coefficients de corrélation partiels présentent les valeurs suivantes : •

r (Pt, PMt) Ptrol = 0,72 ;



r (Pt, Ptrol) PMt = -0,18

79

Ces chiffres confirment les résultats de la MCO et du VAR et attestent une fois de plus du rôle important de l’inflation importée indépendamment du prix du carburant. Tous les tests économétriques ordinaires sont concluants, toute chose qui nous autorise désormais à écrire que les coûts de production agissent sur les prix en Guinée à travers l’inflation importée et les anticipations des agents économiques guinéens, elles peuvent se répercuter immédiatement et leurs effets perdurent sur le coût de la vie. En conséquence, une analyse des chocs impulsionnels de chaque variable sur l’indice des prix nous assurera d’une meilleure maîtrise de leurs délais de propagation sur le niveau général des prix. Comme on peut le constater sur les graphiques en annexe, un choc impulsionnel sur une variable explicative, équivalent à l’écart-type résiduel de celle-ci, se traduit par une réponse de l’inflation ; pour mieux cerner ce phénomène, la modélisation VAR adoptée nous permettra de connaître l’ampleur et les délais de persistances du choc, à cet égard nous fixons néanmoins l’horizon temporel à une année (12 mois), et on obtient les résultats ci-après : •

un choc sur les résidus du salaire de la fonction publique se traduit par un équilibre avant d’engendrer une hausse du niveau général des prix durant un trimestre dont l’ampleur atteint 0,1% (en variable log différentiel) puis s’amortit par paliers pour atteindre l’équilibre à LT au bout de huit mois sans s’en écarter significativement jusqu’à l’horizon temporel. En conséquence, ce choc peut être qualifié de transitoire.



Les chocs sur les résidus des prix à l’importation se traduit d’abord par un équilibre avant d’impacter rapidement et fortement l’inflation (0,5%) dès le deuxième mois, puis retombe rapidement pour atteindre l’équilibre à LT après 5,5 mois du choc transitoire initial et son effet devient négatif sur les prix locaux et remonte lentement pour retrouver l’équilibre de LT à l’horizon temporel retenu.

Une fois de plus, nous avons la confirmation du rôle limité des salaires sur l’évolution de l’indice des prix en Guinée, alors que l’inflation importée y a joué un rôle déterminant, tout au moins lors du second choc inflationniste. Il existe d’autres éléments de charges pour les entreprises industrielles et commerciales, à savoir la fiscalité de l’État qui peut avoir un impact non négligeable sur leur prix de revient et à cet effet sur le niveau d’inflation.

80

On est donc en droit de s’interroger sur le rôle des prélèvements fiscaux dans la hausse du niveau général des prix en Guinée.

2.1.5 Impôts et inflation en Guinée Les dépenses publiques sont financées en bonne partie par les impôts directs et indirects. Or les impôts indirects demeurent intimement liés à la formation des prix et, à cet effet, ils sont supportés par le consommateur. En Guinée comme ailleurs dans les pays en développement, la fiscalité indirecte représente souvent près de 60% des recettes fiscales courantes : il s’agit de droits de douane, de la taxe sur la valeur ajoutée, de la taxe spécifique sur les produits pétroliers, ainsi que divers prélèvements qui, selon les pays, prennent une proportion plus ou moins importante en fonction de la souplesse du code des investissements. a. Le code des investissements en Guinée Le code des investissements guinéens prévoit maintes mesures d’exonérations en matière fiscale. Il touche toutes les activités des secteurs primaire, secondaire ou tertiaire, comme le tourisme, l’agriculture, les mines… Les avantages fiscaux susceptibles d’être accordés sont du ressort du chef de l’État, sur proposition d’une commission interministérielle et sous l’égide du ministre en charge du plan. Ainsi, le décret présidentiel fixe avec précision l’importance et la durée de l’exonération fiscale : elle peut aller jusqu’à 8 ans au maximum pour l’impôt sur les sociétés voire davantage pour les droits de douanes. Ces avantages fiscaux concernent les entreprises qui effectuent des investissements particulièrement importants dans la première et la seconde zones économiques, en vue d’assurer la croissance économique et sociale de la Guinée pendant au plus 25 ans, les entreprises dites prioritaires échappent totalement ou partiellement aux charges fiscales. b. Fiscalité et inflation en Guinée Une augmentation des impôts, qui n’affecte pas le profit des entrepreneurs nationaux et étrangers installés en Guinée, se répercute inéluctablement et immédiatement sur les prix des biens et services vendus sur le marché local. Le gonflement des dépenses publiques qui en résulte serait alors inflationniste. Par contre, les impôts directs sont de nature à abaisser le revenu disponible des ménages, diminuent leur consommation, épongent ainsi la tension sur le marché des biens et services ; le risque d’inflation par ce canal n’est pas évident.

81

En Guinée, la pression fiscale a peu varié sur la période étudiée : 12,26% en 1986, contre 13,82% en 2007. Elle a subi des majorations successives dans le secteur de l’importation et/ou dans le secteur pétrolier. Les recettes fiscales de GNF 82,3 Mds en 1986 atteignent GNF 2400 Mds en 2007. Cette croissance rapide des ressources du gouvernement peut nous amener à douter de l’effet de la fiscalité sur l’inflation en Guinée et le tableau 8 vient renforcer cet argument : Tableau 8 Recettes fiscales et inflation en Guinée (en milliards de GNF) 1986

1990

1995

2000

2005

2007

Recettes fiscales

82,3

251,1

398,8

718,6

1503,9

2399,5

PIB

671,3

2200

3696,8

5447,3

10703,7

17354,2

Recettes fiscales/ PIB en %

12,26

11,41

10,79

13,19

14,05

13,82

33

12,21

5,20

7,21

29,70

12,87

Taux d’inflation en % Sources : • • •

Tableaux de bord de l’économie guinéenne, Cadrages macro-économiques, Banque mondiale : mémorandum

Alors que la pression fiscale reste particulièrement faible avec seulement en moyenne 12,59%, le taux d’inflation de son côté fait de fortes fluctuations comme en 1986 et 2005 (soit 33% et 29,70% respectivement) sans commune mesure avec les prélèvements fiscaux, qui marquent à leur tour 12,26% et 14,05% sur la même période. En conséquence, les impôts directs et indirects ne semblent pas avoir un effet significatif sur l’inflation guinéenne. Cependant, la manière de dépenser ces ressources fiscales par l’État guinéen peut être inflationniste, il s’agit de l’accroissement de la dépense globale par le gouvernement en vue d’une relance de l’activité économique. En somme, le lien causal entre le taux d’inflation et l’accroissement des salaires nominaux n’est pas établi tant les salariés n’ont pu améliorer

82

significativement leur pouvoir d’achat d’antan. Tandis que la souplesse du régime fiscal guinéen – le code des investissements de Guinée étant l’un des plus attractifs d’Afrique – n’autorise pas de responsabiliser les prélèvements fiscaux dans l’inflation, d’ailleurs, le niveau faible de la pression fiscale en dit long à cet égard. Par contre, l’apport de l’extérieur à travers les prix à l’importation, dont le pétrole, les produits manufacturés ou les céréales, est plutôt déterminant sur le niveau général des prix ; il en est de même pour les anticipations des agents économiques lors du second choc inflationniste comme il a été précisé plus haut. Il apparaît tout aussi intéressant d’analyser l’impact de la demande sur le coût de la vie en Guinée.

2.2 L’IMPACT DE LA DEMANDE SUR L’INFLATION GUINEENNE Les analyses précédentes ne nous ont pas permis d’établir la cause prédominante de tous les éléments de coûts sur l’inflation guinéenne. Qu’en est l’incidence de la pression de la demande sur les prix ? Que beaucoup d’économistes considèrent comme source unique des inflations dans les pays émergents. À cet égard, M. FLAMANT écrit : « on pourrait caractériser l’inflation des PVD plutôt comme une inflation de demande que comme une inflation de coût. Encore que, dit-il, les entreprises se disputent une rare main d’œuvre spécialisée ce qui tend par contagion à faire monter les salaires des autres travailleurs dont la productivité est médiocre ».13 En vue de mesurer l’impact de la pression de la demande sur les prix, l’analyse de la consommation, des investissements et même de la croissance économique, tous basés sur le concept d’écart inflationniste, s’impose.

2.2.1 Écart inflationniste Nombreux sont les économistes contemporains à définir l’inflation comme une tendance à la hausse généralisée et accélérée des prix lorsque la demande excède l’offre globale ; le gap ou l’écart inflationniste ainsi créé n’est comblé que lorsque les prix montent, tout au moins en situation de plein emploi – comme le montre clairement le schéma suivant, la spirale inflationniste s’installe – : Excès de demande hausse des salaires 13

hausse des prix

hausse de la production

hausse du pouvoir d’achat

M. Flamant in Inflation PUF, 1981, page 40.

83

excès de la demande



Le déséquilibre créé dans l’ensemble de l’économie par la pression de la demande peut être aussi sectoriel ou même microéconomique, comme le note J. P. FITOUSSI.14 En vue de mesurer l’écart inflationniste global en Guinée qui se trouve être une économie de marché tout au moins durant la période qui couvre notre étude, il convient de poser que la quantité dépensée en l’année t est inéluctablement équivalente à celle destinée aux ventes exprimées par la même unité. Or, dans une économie, les ventes (ou les achats) équivalent aux ressources totales ou la somme du PIB et des importations Rt, exprimées en valeur non affectée par l’appréciation ou la dépréciation du GNF intervenue au cours de l’année t. Donc l’écart inflationniste exprime la différence algébrique entre Rt et Rt-1 ou entre les ressources en valeur et en volume. Rt = PIBt + Mt = QtPt Rt-1 = PIBt-1 + Mt-1 = QtPt-1 Rt X

= Rt X

= Rt-1 où :

Mt : importations, Qt : ressources réelles, dP : taux d’inflation, Et = Rt – Rt-1 : c’est l’écart inflationniste global. Cette méthode permet alors de déterminer le gap global dont l’évolution annuelle est condensée dans le graphique 13. Cette figure infère que l’écart inflationniste connaît des hauts et des bas en Guinée :

14

La variation des prix peut avoir pour cause la variation de la demande, celle de l’offre ou une combinaison des deux causes ; une augmentation de la rigidité des prix, une modification de la structure de la demande induites par un changement des habitudes de consommation ou par des anticipations de hausse dans un secteur. L’inflation peut avoir pour cause un simple déplacement de la demande d’un secteur à l’autre. = F(

) où F(0)

P : niveau général des prix,

0 et F’ , Xd : demande globale, Xo : offre globale.

84

Graphique 13

Le graphique ci-dessus infère que, lors du premier choc inflationniste, la pression de la demande établie à travers l’écart inflationniste a demeuré faible entre 1987 et 1992, marquant une intensité moyenne de 7% seulement, alors que le taux d’inflation enregistre sur la même période une hausse de 21,59% ; de toute évidence, la demande globale n’a pas engendré une influence significative sur le niveau général des prix. Par contre, au cours de l’entrechoc inflationniste caractérisé par une inflation plutôt faible avec une moyenne décennale de 4,52%, l’écart inflationniste marque un taux moyen de 9,43% entre 1993 et 2003. En somme, bien que modérée, la pression de la demande aura été plus élevée que le niveau des prix. Enfin, durant le second choc inflationniste, soit entre 2003 et 2007, en toute vraisemblance, la pression de la demande n’aura pas été neutre dans le processus inflationniste que le pays a connu, car les deux moyennes sont restées élevées et comparables, soit 25% pour le coût de la vie et 23,35% pour la pression de la demande. Par ailleurs, une analyse à plus long terme qui intègre l’ensemble de la période en considération, soit entre 1987 et 2007, ressort un coefficient de corrélation de 0,45 dont le niveau ne nous permet pas d’affirmer un lien étroit entre la demande globale et le taux d’inflation en Guinée. Le rôle de la pression de la demande semble plutôt mitigé, un examen minutieux des différents éléments de cette demande sera d’une utilité incontestable.

2.2.2 Demande interne et inflation guinéenne Il convient de constater que, de 2002 à juin 2008, l’indice harmonisé des prix à la consommation a plus que triplé marquant 341,5 points au lieu de la base 100 en 2002. Dans une optique néo-classique, la distorsion entre l’offre et la

85

demande globales en est la cause. Eu égard à la rigidité de l’offre dans le CT, l’analyse des éléments de la demande, comme la consommation, l’investissement ou l’extérieur, va sans doute nous permettre d’élucider cette hausse galopante des prix en Guinée. a. La consommation globale est-elle inflationniste en Guinée ? Pour maints économistes, la mise en cause de la consommation dans le processus inflationniste reste peu acceptée, sinon avec beaucoup de réticence, tout au moins dans les pays avancés. Or, le niveau de la consommation est incontestablement influencé par ceux de la masse monétaire, des taux d’intérêt et même des prix des biens et services. En effet, de nombreuses études montrent qu’une augmentation des prix a un impact négatif sur la consommation à LT. Cependant, dans le court terme, en cas d’inflation rapide, la propension à consommer tend à devenir plus forte qu’en période de relative stabilité des prix. Notre propos dans le cadre de la Guinée est de montrer dans quelle mesure la consommation globale ou celle des ménages affecte le niveau général des prix. Le niveau de la consommation reste énormément influencé par celui de la consommation privée, donc lié à cet égard au niveau des salaires, intérêts et profits. Il est également influencé par celui de la pression fiscale. Caractérisés par la faiblesse du revenu par tête, les pays africains au sud du Sahara, comme la Guinée, ne demeurent pas moins consommateurs. Là, la consommation prend une allure ostentatoire, assortie d’effets de démonstration. Dès lors, la satisfaction des classes sociales, déterminées par le niveau des revenus fait que les agents économiques des classes supérieures se distinguent par leur consommation de biens et services chers, auxquels ne peuvent accéder les individus des classes inférieures – le prix jouant un rôle d’exclusion –. Ce comportement s’avère doublement inflationniste, car, d’une part, la lutte pour l’augmentation des salaires des ménages guinéens permet aux entreprises de justifier la hausse des prix, d’autre part, la demande est renforcée sous l’effet du niveau élevé de la consommation, face à une épargne réduite au détriment de l’investissement : les prix montent. En Guinée, la consommation globale demeure particulièrement élevée sous l’impulsion de la consommation privée et de celle de l’État. Sur la période d’analyse, elle représente en moyenne 78,87% du PIB ; elle va de 92,30% en 2002, alors que le taux d’inflation marque 6,12%, à 58,19 en 1988 pour une inflation de 26,02%. Le niveau de la consommation globale reste fortement influencé par celui de la consommation privée qui représente souvent près de 91% de l’ensemble ; 86

sa part est en nette baisse dans le PIB lors des périodes d’inflation forte soit 71,9% entre 2003 et 2007, tandis qu’elle reste élevée en période de faible inflation : 90,6% en 2001 par exemple. En conséquence, il semble que les prix à la consommation et le niveau de la consommation évoluent en sens inverse en Guinée, en tout cas à court et moyen termes. Si ce résultat ne permet pas de douter de la nature inflationniste de la consommation, on peut tout de même affirmer que l’inflation guinéenne tend à réduire la consommation privée y comprise celle des ménages. Toutefois, eu égard au manque cruel de statistiques sur le revenu disponible des ménages et leur consommation, il est difficile d’approfondir cette analyse. Mais on peut également affirmer sans risque de se tromper que la propension moyenne à consommer des ménages guinéens est proche de 95% à l’instar des pays de la sous-région ayant les mêmes structures et des revenus comparables. Cette situation confirme la faiblesse des revenus dont l’essentiel est consacré aux dépenses courantes et a pour corollaire la limitation de l’épargne en moyenne modeste, et dès lors les ménages guinéens sont de ce fait peu sensibles aux fluctuations des taux d’intérêt dont la structure et la base – le taux directeur de la BCRG – longtemps des moins réalistes restent encore peu en harmonie avec les conditions d’un marché mondial pourtant dominant. Nonobstant la faiblesse des revenus, il est permis d’étudier l’influence de la consommation sur l’indice des prix à la consommation, car sous toute réserve des résultats économétriques, il serait difficile d’écarter le lien causal entre le taux de variation de la consommation par habitant et celui des prix à la consommation en Guinée. Il en est de même pour le taux d’investissement voire pour la demande extérieure. b. Nature inflationniste des investissements en Guinée Tout investissement consiste à créer un capital, un bien de production qui procure des satisfactions différées. Or, la création d’un bien (ou service) nécessite souvent l’injection de liquidité monétaire dans les circuits de l’économie. Cette monnaie injectée dans les secteurs agricole, industriel ou de prestation de services, n’ayant pas de contrepartie immédiate, peut s’avérer inflationniste. Au niveau microéconomique, l’entreprise peut financer son investissement en capital avec ses fonds propres : c’est l’autofinancement et le risque d’inflation qu’il comporte, mais il n’en demeure pas moins fréquent que cette entreprise s’adresse au système bancaire, favorisant ainsi une création monétaire : les crédits à l’économie gonflent, dépassent un seuil tolérable, par ce canal les prix montent d’abord dans le secteur où l’investissement a 87

été effectué puis, eu égard à la structure de marché de l’économie guinéenne, la contagion se fait de secteur à secteur. En Guinée comme ailleurs dans la CEDEAO, à un degré moindre toutefois, la croissance économique rapide des années 90 a conditionné un taux d’investissement dont on peut distinguer les effets inflationnistes directs et indirects. Structure et évolution des investissements en Guinée Nos analyses précédentes ont mis en exergue le niveau bas du revenu des ménages qui consomment la quasi-totalité de leurs ressources. Il va s’en dire que l’épargne qui en résulte est faible voire insignifiante, si surtout une bonne partie de celle-ci demeure thésaurisée, comme c’est souvent le cas en Afrique au sud du Sahara. Dès lors, dans un tel environnement, l’identité keynésienne I , au niveau des ménages tout au moins, conduit à un multiplicateur des investissements alors très élevé et n’a guère de sens dans le contexte guinéen15. Pourtant, cette épargne modeste coexiste avec un taux d’investissement relativement élevé : c’est ainsi que le coefficient marginal de capital prend la valeur moyenne de 0,27 de 1986 à 2007, en d’autres termes la variation de la formation brute du capital fixe explique 27% de celle du PIB. Cependant, cette proportion moyenne de l’efficacité marginale du capital a subi des écarts à la hausse et à la baisse : par exemple, sous toute réserve de la fiabilité des statistiques, elle prend une valeur particulièrement élevée de 2,95 en 1991, avant de retomber à -0,43 en 1994 à la suite d’une baisse de valeur des investissements par rapport à 1993, alors que celle du PIB accuse une hausse de 4,7% en termes réels. Par ailleurs, un examen minutieux de l’investissement guinéen atteste que la part de l’État a fléchi dans la formation brute du capital fixe : elle représentait par exemple 44,59% des investissements en 1991 au lieu de 13,85% en 2006, d’où le rôle important joué par le secteur privé dans l’accumulation du capital en Guinée. Ces investissements ont évolué de la manière suivante :

15

Le multiplicateur keynésien de l’investissement K =

prend la valeur

=

=

16,67 ; cette valeur élevée met en évidence le manque de fiabilité du modèle keynésien en pays émergents. Toutefois, c désigne ici la propension moyenne à consommer.

88

Graphique 14

Ce graphique illustre une forte croissance des investissements, surtout à partir de 2002 et ce durant toute la sous-période du second choc inflationniste ; son équation de tendance prend la forme suivante : I = 131,8

R² = 0,904

Par ailleurs, il convient de préciser que la croissance de la FBCF en Guinée se fait essentiellement par les investissements privés, car la part des investissements publics est demeurée faible : 9,15% seulement en 2007 par exemple ; toutefois ces investissements du secteur public pèsent en moyenne près de 25,41% de la FBCF, nonobstant, un apport extérieur non négligeable par moments, le taux d’investissements publics prend en moyenne sur la même période une valeur de 4,43% seulement du PIB courant, ce qui peut en dire long sur son rôle dans l’inflation guinéenne. Les effets inflationnistes de l’investissement Tout investissement se traduit d’abord par une distribution de salaires et par des achats de biens de production qui entraînent à leur tour une distribution de revenus. La demande augmente, crée ainsi une tension inflationniste qui se propage rapidement en période de forte accumulation de capital et par ce canal se transmet à l’ensemble de l’économie. En Guinée, la participation importante de l’État à travers son Budget d’Investissement Public (BIP) au développement économique et social 89

pourrait être fortement inflationniste, en effet qu’il s’agisse du Budget national de développement (BND) ou du volet Financement extérieur (FINEX), l’État finance de vastes programmes d’infrastructures tels que le Barrage de GARAFIRI, les routes et les ouvrages de franchissement, les pistes rurales, les infrastructures scolaires et universitaires, ainsi que les programmes de lutte contre les grandes endémies… Or, les investissements d’infrastructures, d’éducation ou de santé sont improductifs à CT, car ils n’augmentent pas la capacité de production de l’économie guinéenne, en conséquence, l’injection dans l’économie d’une quantité additionnelle de monnaie grâce au BIP – sans contrepartie réelle à CT – exacerbe la demande et augmente la tension sur le marché des biens et services, car de toute évidence, le choix des investissements publics se fait sur une base purement économique et non financière. Il s’agit aussi d’investissements à forte consommation de capital qui se caractérisent par une incidence inflationniste forte. Particulièrement élevée en 1986, l’intensité capitalistique en Guinée accuse une baisse régulière jusqu’en 2007 : 28,1 et 3,4 respectivement. Cette compression s’observe clairement par les moyennes quinquennales : 15,3, 6,3, et 5,6 pour les quinze premières années, elle prend la valeur de 5,3 pour le dernier septennat soit de 2001 à 2007, l’équation de tendance ci-après confirme cette baisse de Y/K. Log (

)

R² = 0,635

Cette situation a pour corollaire une augmentation régulière du taux d’investissement depuis 1986. L’augmentation du taux de formation de capital dans le PIB contribue ex-post à la création d’un écart inflationniste important. Toutefois, la mesure de l’écart inflationniste global permet rarement d’apprécier les répercussions inflationnistes de l’augmentation du taux d’investissement, qui en Guinée est resté ferme en temps d’inflation, tout comme les cours des produits primaires exportés comme la bauxite, l’or, le café ou le coton. En d’autres termes, comme l’atteste le Professeur MARCZEWSKI en étudiant l’inflation en France : « la formation du capital productif est indispensable à la croissance économique et au maintien d’un niveau d’emploi satisfaisant ; elle n’est pas inflationniste tant que sa proportion dans le produit n’augmente pas. » Or, en Guinée comme ailleurs dans la CEDEAO, le niveau de l’investissement est lié à celui des cours des produits d’exportation : le renchérissement des cours des trois produits que la Guinée exporte avec un 90

avantage comparatif a été concomitant avec une accélération de l’inflation entre 2002 et 2008, comme il a été précisé plus haut. En vue de mesurer de façon empirique l’effet de la demande intérieure sur les prix à la consommation – on s’en trouve alors dans le modèle keynésien fermé – , deux variables indispensables ont retenu notre attention : la consommation et l’investissement. À cet égard, tandis que le taux d’investissement désigne la part de la FBCF dans le PIB (Log(I/Y) est stationnaire en niveau), le taux de variation de la consommation par habitant semble la variable mieux indiquée pour mesurer l’impact de la consommation sur l’indice des prix à la consommation harmonisé ou non. Notons qu’en données logarithmiques népériennes, la consommation par habitant comme l’indice des prix à la consommation contiennent une racine unitaire en données courantes, mais sont stationnaires en niveau avec un retard annuel. Les résultats suivants ont été obtenus. Une régression économétrique par la méthode vectorielle de correction d’erreurs donne des résultats globalement satisfaisants au seuil de 5%, en somme les relations de LT mettent en évidence que ni la consommation par habitant ni le taux d’investissement n’expliquent l’inflation guinéenne entre 1987 et 2008, ils ont même contribué à stopper les tensions inflationnistes existantes. Dans la dynamique de CT, la vitesse d’ajustement ou force de rappel vers l’équilibre de LT matérialisée par le coefficient λ est significativement négative, toute chose qui justifie l’utilisation du MVCE, mais demeure suffisamment faible pour que le système puisse juguler l’inflation de façon endogène. On peut constater que les anticipations inflationnistes ne sont pas pertinentes à CT, ni même la consommation par tête en décalage annuel. Par contre, au bout de deux ans, cette variable ressort un impact de freins sur l’accroissement du niveau général des prix. En revanche, le taux d’investissement agit positivement sur l’inflation dès la première année et la cause effectivement au sens de Granger. Au total, cette représentation atteste d’une bonne performance à travers la valeur élevée du coefficient de détermination corrigé et le niveau modique de l’écart-type de régression, le F de Fisher est significatif à 5% du seuil critique. La vitesse d’ajustement significativement négative atteste d’une relation de cointégration entre les différentes variables du modèle.

91

Régression 7 Test de l’incidence de la demande sur l’inflation Variable dépendante: DLog IPC Relations de long terme Dlog(IPC)

1,000

DLog(Conshab)

-2,101

(t)

(-3,704)

Log(Txinvest)

-0,549

(t)

(-2,637)

c

1,657 Relations de court terme

λ

-0,293*

(t)

(-1,857)

D(DLog(IPC)(-1)

-0,003

D(DLog(IPC)(-2)

-0,333

D(DLog(Conshab)(-1)

0,344

D(DLog(Conshab)(-2)

-1,192***

DLog(Txinvest)(-1)

0,476**

DLog(Txinvest)(-2)

-0,076



0,774

²

0,576

s

0,059

F

3,918**

SCH

-2,112 0,004

***Signifie 1% du seuil critique, ** seuil critique 5%.

92

Il ressort, en définitive, que la hausse régulière de la consommation par habitant même en temps de forte inflation ne signifie guère qu’elle entretient des tensions inflationnistes en Guinée, car, contrairement à l’investissement, elle n’exacerbe pas la demande face à une offre rigide à CT, mais le taux d’investissement agit modérément sur l’inflation à très CT, les prix montent et la spirale inflationniste s’installe. Par ailleurs, le test de causalité de Granger appliqué sur l’incidence de la consommation par habitant, et du taux d’investissement sur l’indice des prix sous leur forme logarithmique, confirme en substance les résultats du MVCE et révèle que le taux d’investissement cause le taux d’inflation au seuil critique de 10% [valeur du F (2, 20) = 2,804]. Par contre, la consommation par habitant n’a aucun lien causal avec le niveau général des prix, tout comme ce dernier ne cause à juste raison le taux d’investissement. Il s’agit dès lors d’une causalité unidimensionnelle. Aussi n’est-il pas vain d’analyser le comportement sur le taux de variation de l’indice des prix, des chocs impulsionnels des anticipations des agents économiques, de la variation de la consommation par tête et de celle du taux d’investissement sous un angle logarithmique : •

dans un horizon temporel fixé à cinq ans, une innovation impulsionnelle de l’ordre de 4,35%, qui équivaut à l’écart-type résiduel du taux de variation des prix à la consommation à la suite des anticipations pessimistes des opérateurs privés et publics, se traduit dès la première année par un impact positif de l’ordre de 4% sur les prix, mais cet effet nocif s’amplifie dans la durée pour atteindre 7,5% au bout de 3 ans, avant de fléchir à la quatrième année autour de 4,5% pour remonter à 6% à l’horizon temporel de 5 ans retenu. Ce choc n’est donc pas transitoire.



Un choc sur la variable taux d’investissement, dont l’ampleur ne dépasse pas l’écart-type de son résidu soit 7,35%, se traduit tout d’abord par un équilibre à la première année, avant d’impacter positivement le taux d’inflation les années suivantes jusqu’à un plafond de 3% à l’an 3 de l’impulsion, avant de retomber à près de 1% sans pour autant retrouver son équilibre à LT à notre horizon temporel. Il s’agit d’un autre choc non transitoire.



Enfin, une innovation de 2,47%, soit l’écart-type résiduel de la variation de la consommation par habitant, est également neutre à la première année, puis se traduit par un impact de freins sur l’inflation de l’ordre de -1% à la deuxième année jusqu’à -5,5% 93

les deux années suivantes, avant de fléchir à -4% à l’horizon temporel. Toutefois, il est un autre élément de la demande sans doute non moins inflationniste, eu égard à l’extraversion de l’économie guinéenne : la demande extérieure.

2.2.3 Demande externe et inflation guinéenne L’impact des transactions internationales, plus précisément des exportations sur les prix intérieurs, peut s’analyser de deux manières différentes : soit par l’apport de devises qu’elles procurent à l’économie nationale ainsi que son incidence sur la création monétaire, soit à travers un effet de prix et c’est cet aspect du rapport prix à l’exportation et inflation intérieure qui retiendra pour l’instant notre attention. De ce fait, une analyse de la structure et de l’évolution des exportations guinéennes s’impose. a. Structure et évolution des exportations en Guinée La valeur des exportations guinéennes est passée de GNF 226,1 Mds en 1986 pour en arriver à 4788,5 en 2007, soit un taux de croissance moyen annuel de 18,72%. Cette évolution a connu de fortes variations à la hausse et à la baisse, des fois sans commune mesure avec les volumes exportés, car comme chacun le sait, en Guinée ou ailleurs, la valeur des exportations demeure fortement influencée par les cours mondiaux des produits primaires, mais aussi par le taux de change. C’est ainsi qu’en 2006, à la faveur d’une forte dépréciation du GNF, les exportations s’accroissent pour atteindre une valeur modale de GNF 5629,7 Mds. Lors du second choc inflationniste entre 2003 et 2007, elles accusent un taux de croissance moyen de 29,77% tandis que sur l’ensemble de la période couvrant notre étude, les exportations ont adopté une tendance exponentielle qui se formalise de la façon suivante : X = 217,9

R² = 0,920

Cette équation met en lumière la forte progression en valeur monétaire nationale des exportations (X), t est la variable temps exprimée en année. Est-il besoin de rappeler que ces exportations sont des produits primaires qui d’une manière générale sont expédiés à l’étranger sans aucune valeur ajoutée, hormis toutefois l’alumine de FRIGUIA-RUSAL, il s’agit en fait de la bauxite de la CBG, de la CBK, de l’or de la SEMAFO, de la SAG, ou de la SMD, des pierres précieuses d’AREDOR…

94

En somme, exportations et importations ont évolué de la manière suivante entre 1986 et 2007 : Graphique 15

Ces deux paramètres du commerce international évoluent avec des tendances comparables et mettent en exergue une balance commerciale contenue, mais globalement déficitaire, les exportations ont des destinations variées : USA, Russie, Chine, France… ce graphique met en exergue un degré d’ouverture de plus en plus élevé de l’économie nationale. b. Exportations et inflation Guinéenne La pression de la demande extérieure peut s’observer à travers les prix à l’exportation d’un pays ; car ils varient toujours dans le même sens. Or, les prix à l’exportation peuvent influencer directement les prix intérieurs. Cet aspect du problème n’a pas échappé aux experts de l’OCDE : « Même lorsqu’il est possible d’opérer des discriminations de prix, la recherche de profit maximal peut imposer un parallélisme entre le mouvement des prix à l’exportation et ceux des prix intérieurs ; car le changement de possibilités d’exportation qu’implique un changement de prix mondiaux à l’exportation entraîne une redistribution de la production entre le marché intérieur et les marchés extérieurs et cet effet est

95

particulièrement net lorsque la part de la production qui est exportée est importante…16 » Cette étude exprime entre autres que les prix à l’exportation peuvent s’écrire :

= où Px est exprimé en monnaie locale, e* : élasticité de la demande par rapport à la demande extérieure, E : élasticité des exportations par rapport à la demande extérieure. Les ventes de produits primaires guinéens à l’étranger engendrent une distribution de revenus qui, partant des exportations, aboutissent aux différents facteurs qui ont contribué à la production du bien exporté : il s’agit de toute évidence des salaires, des profits et dans un moindre degré des intérêts. Or, du fait même des exportations, les revenus distribués n’ont pas de contreparties réelles en Guinée, tandis que les importations agissent en sens inverse. Par conséquent, pour mesurer l’effet inflationniste global de l’extérieur, un raisonnement en termes de solde est inéluctable. Ainsi, comme on peut le constater sur le graphique 14 ci-dessus, sur la période étudiée, le solde commercial est globalement déficitaire, le taux de couverture des importations par les exportations se situe en moyenne à 92%, toutefois prend la valeur de 121,71% en 1991 avant de retomber à 70,74% en 1994. Dès lors, le rôle de l’extérieur devient prépondérant dans cette inflation guinéenne, les prix à l’exportation en sont le vecteur. Or, dans les PVD producteurs primaires, les prix à l’exportation sont de toute évidence influencés par les cours de ces produits sur les marchés mondiaux, compte tenu de leur nombre réduit, les exemples du cuivre zambien, de l’arachide du Sénégal en disent long. En Guinée, les statistiques des prix à l’exportation faisant défaut, nous allons tenter de mesurer l’incidence directe des cours mondiaux des trois principaux produits exportés à savoir : l’aluminium pour la bauxite et l’alumine, l’or et le café, sur le coût de la vie. Nous obtenons les résultats ci-après.

16

Cf. les aspects internationaux de l’inflation… OCDE juin 1982.

96

Régression 8 Test de l’effet de cours mondiaux sur l’inflation Variables exogènes Log Pt(-1) (t) LogPt(-2) (t) Logcalu(-1) (t) Logcalu(-2) (t) Logcor(-1) (t) Logcor(-2) (t) Logccafé(-1) (t) Logccafé(-2) (t) C (t)

F S SCH

Nombre de retard = 2 1,460*** (7,919) -0,733*** (-3,703) 0,090 (0,807) 0,130 (0,771) 0,236* (1,228) -0,056 (-0,326) 0,096** (1,729) -0,098** (-1,982) -1,363** (-2,001)

Nombre de retard = 1 0.882*** (7,349)

0,998

0,996

2348,686 0,015 -4,751

2089.09 0,024 -4,189

5,065

5,046

0,103 (0,957)

0,153** (1,829)

-0,021 (-0,534)

-0,918* (-1,543)

N 27 28 ***Signifie 1% de seuil critique, ** seuil critique 2%, *seuil critique 5%. Il ressort que le niveau des prix intérieurs en Guinée est faiblement influencé par les cours mondiaux des trois produits de base qu’elle exporte en quantité plus ou moins importante, au seuil critique de 5%, au regard du niveau élevé du F de Snédecor et de celui du coefficient de détermination corrigé, sur un

97

échantillon allant du premier trimestre 2001 au premier trimestre 2008. Par ailleurs, les coefficients de corrélation très élevés, à savoir : •

0,946 entre le cours mondial de l’aluminium (calu) et celui de l’or (cor),



0,962 entre le cours mondial du café (ccafé) et celui de l’aluminium,



et enfin 0,968 pour l’or et le café,

montrent que sur les marchés mondiaux, les cours de ces trois produits montent et baissent en phase. Lorsqu’on s’intéresse au modèle d’autocorrélation vectoriel retardé jusqu’à deux trimestres, on constate qu’une hausse de 10% du cours de l’or, parfaitement corrélé avec le prix de la bauxite et celui de l’alumine exportées par la Guinée, n’affecte que légèrement les prix intérieurs : 2,36% au cours des trois premiers mois, cette incidence atteint 1% pour le café et n’est pas pertinente pour l’aluminium. Toutefois un impact déflationniste se manifeste dès le trimestre suivant pour le café. Selon I Soumah, « le prix de la bauxite de la CBG était fixé à 7$/T avec des escalassions annuelles basées sur le coût de la main d’œuvre guinéenne, le prix du fuel de production et l’indice des prix industriels aux USA ; le prix de base de 7$/T, a-t-il ajouté, a évolué pour se situer dans courant de 1987 à 26$ par application de la formule d’escalassions. Le prix de vente est déterminé par une formule qui s’écrit : PI= 25*[(0,5*f+25)/25 + 0,30*A/120+ 0,20*AL/1200] où f= somme des variations de la main d’œuvre guinéenne, des prix du fuel de production et de l’indice des prix industriel aux USA, A = prix à l’exportation de l’alumine produite en Australie, AL= prix de l’aluminium coté sur la bourse des valeurs de Londres. » Par contre, le cours de l’or n’est plus pertinent au-delà de cette période trimestrielle. Le cours du café n’apporte guère d’impact significatif sur les prix à la consommation en Guinée : ce résultat n’est pas fait pour nous surprendre, car l’État intervient peu à travers sa politique fiscale et parafiscale en ce domaine pour mieux répartir les revenus, dans un secteur totalement désorganisé, caractérisé par de nombreuses fuites de la production vers les pays voisins selon le niveau des prix au producteur, toute chose qui confine les exportations guinéennes de café à un niveau bas. La

98

constante administre un frein non négligeable au processus inflationniste provenant de la demande extérieure à travers l’incidence directe des cours de nos produits primaires. Par ailleurs, l’examen du critère d’information de Schwarz nous oriente vers le choix du modèle retardé de deux trimestres, même si le modèle décalé d’un trimestre, qui de son côté, outre la confirmation de l’effet des anticipations, atteste que toute hausse des cours mondiaux de l’aluminium n’affecte pas significativement l’indice harmonisé des prix à la consommation et confirme l’effet négatif des variables non explicitées dans le modèle par une constante négative. Les cours de l’or induisent significativement mais plus faiblement les prix, car une hausse de 10% du prix de l’once d’or sur les marchés mondiaux impacte l’indice des prix de 1,5% en valeur logarithmique népérienne ; ceux du café ne seraient pas pertinents sur l’inflation guinéenne au seuil critique de 5% dans le modèle décalé d’un trimestre. Enfin, l’analyse des chocs impulsionnels équivalents à l’écart-type résiduel de chaque variable exogène met en exergue des répercussions différentes sur l’indice des prix dans un horizon temporel fixé à huit trimestres : •

un choc impulsionnel sur l’indice des prix (en données logarithmiques) qui peut s’assimiler aux anticipations des opérateurs économiques, d’une ampleur de 4,73% (son écarttype résiduel) se traduit instantanément par une hausse de 1,3% dès le premier trimestre et son incidence s’accroît progressivement pour atteindre 3,5 au sixième trimestre avant de fléchir légèrement à 3% à l’horizon temporel.



une innovation sur le cours de l’aluminium d’une telle ampleur, soit 3,24% se traduit immédiatement par une stabilité des prix locaux et puis par une hausse modérée de l’indice des prix à la consommation pour atteindre un maximum de 0,5% aux termes de 4 trimestres, avant de fléchir légèrement pour retrouver l’équilibre de LT à 5,5 trimestres et l’impact devient négatif sur les prix intérieurs jusqu’à l’horizon temporel fixé.



un choc de 2% équivalent à l’écart-type résiduel sur le marché mondial de l’or est également neutre sur l’inflation guinéenne dans un premier temps, puis se traduit par une inflation modérée qui progresse pour arriver à 1,5% au bout de huit trimestres : ce choc n’est donc pas transitoire.



une impulsion de 8,21%, du niveau de son écart-type résiduel, sur le cours du café prend la même allure que celle de 99

l’aluminium à la différence que son incidence restera positive et tend de façon asymptotique à atteindre l’équilibre à LT à l’horizon temporel. Il s’agit également d’un choc transitoire. L’application du test de Granger sur l’ensemble des variables exogènes à deux décalages trimestriels nous permet de conclure que d’une manière générale, les cours mondiaux des produits primaires exportés par la Guinée, à savoir la bauxite (aluminium), l’or et le café, causent de manière unilatérale l’indice des prix au seuil critique de 5%, donc sont peu ou prou responsables de l’inflation en Guinée ; cependant, il convient de signaler une causalité bilatérale entre les cours de ces trois produits sur les marchés mondiaux à 95% d’intervalle de confiance et même à 99%, en ce qui concerne la causalité du cours du café sur celui de l’aluminium. Par ailleurs, même si ces trois produits ont une place de choix dans la demande extérieure de la Guinée, les exportations comportent d’autres produits qu’il convient d’intégrer dans l’analyse, afin de la rendre plus globale, il s’agit du coton, du cacao, des fruits frais comme l’ananas, les mangues et surtout les produits halieutiques. C’est pourquoi il convient de tester l’effet de la demande extérieure dans sa totalité saisie à travers la valeur des exportations sur l’indice des prix, force est de constater qu’au cours du second choc inflationniste les exportations sont restées fermes et les termes de l’échange se sont plutôt améliorés, nombre d’économistes estiment que les prix extérieurs ne se répercutent pas totalement sur les prix intérieurs, mais agissent en fonction de leur part dans le PIB. On pourrait tester sur l’économie guinéenne la spécification ci-après :

P(t) =

+ (X/Y)

Log

+ e(t).

où P(t) désigne l’indice des prix à la consommation, X/Y : la part des exportations dans le PIB, LogPx(t)/Px(t-1) : le taux de variation des prix à l’exportation, sont les paramètres de l’équation désignant la constante et l’élasticité de l’indice des prix par rapport au taux de variation des prix à l’exportation, e(t), désigne le terme d’erreur. Toutefois, dans le cadre de la Guinée, ne disposant pas de chiffres officiels sur les prix à l’exportation, et que leur taux de variation peut présenter à tout moment des chiffres négatifs, nous avons préféré tester directement l’incidence des exportations sur les prix intérieurs.

100

Une telle spécification conduit aux résultats suivants : mais le DW n’étant pas concluant, nous avons opté pour le modèle ci-après17 : Régression 9 Test de l’incidence de la demande extérieure sur les prix LogP(t)* = 0,961 (t)

+ 0,535 LogX(t)

(28,819)

R = 0,826

(6,362) F = 38,322

=1,159 DW= 1,404

N = 21

En somme, cette régression infère que la pression de la demande extérieure, vient s’ajouter aux éléments de la demande effective interne, pour créer l’écart entre l’offre et la demande en Guinée. Ce modèle des moindres carrées ordinaires performant à 2% de seuil critique, révèle que l’extérieur a une forte influence sur les prix intérieurs et les deux variables présentent une liaison forte, eu égard au niveau élevé du coefficient de corrélation ; la hausse des prix qui en résulte émane des investissements, de l’ampleur de la spéculation sur les marchés mondiaux de l’aluminium, des anticipations extrapolatives des agents économiques… Toutefois, si les cours mondiaux des produits primaires causent l’inflation intérieure, tel n’est pas le cas de la valeur des exportations au regard des statistiques du test de Granger. Il reste un élément dont il est nécessaire de tester l’influence sur le coût de la vie en Guinée : il s’agit de la croissance de l’économie guinéenne.

2.3 CROISSANCE ECONOMIQUE ET INFLATION EN GUINEE 2.3.1 considérations générales. L’inflation qui se manifeste dans les pays en développement est différente de celle qu’ont connue les pays industriels de par sa forme, son intensité et 17

LogP(t)* = 1,741 (t) = 0,640

+ 0,540 LogX(t) (26,801) (6,049) F = 36,587

DW = 0,993

Nous nous heurtons aux problèmes d’autocorrélation sérielle des résidus que nous corrigeons par la méthode de COCHRAN-ORCHUTT : f= 1- d/2 = 1-0,993/2 = 0,50 ce qui nous permet d’aboutir aux résultats ci-dessous.

101

parfois ses causes. Cette hausse galopante des prix dans les pays moins avancés demeure l’une des nombreuses occupations des pouvoirs en place. La complexité de ce problème n’a pas manqué de retenir l’attention de célèbres économistes contemporains. En effet, nombreuses sont les études à tenter d’établir un lien causal entre le niveau de développement et celui du taux d’inflation. M. Allais, en s’inspirant de l’exemple japonais, établit à juste raison que l’inflation n’est pas une condition du progrès. En somme les PVD qui progressent plus vite ne sont pas ceux où l’inflation est plus forte. En d’autres termes, elle n’est pas le prix qu’il faille payer en échange de la croissance. En Guinée, le taux de croissance des deux dernières décennies n’aura pas été excessif au regard des autres pays de la CEDEAO. Le produit réel s’est accru au rythme annuel moyen de 3,5% entre 1987 et 2007, cette moindre croissance a été particulièrement faible en 2002/2003 avec 1,2% seulement, en 2007 avec 1,8% ; en fait le taux de croissance a excédé une seule fois 5% sur la période de référence en atteignant 6,3% en 1988. Le taux d’inflation de son coté marque une moyenne de 14,3% sur les deux dernières décennies : Graphique 16

Au cours du premier choc inflationniste, soit entre 1987 et 1992, la croissance économique s’inscrit à 3,9% face à une inflation forte qui arrive à 21,6% dans la sous-période. On remarquera que les deux paramètres ont été supérieurs à leur moyenne durant cette première phase de hausse du niveau général des prix.

102

La décennie suivante qui caractérise l’entrechoc inflationniste, soit de 1993 à 2002 (une inflation plutôt faible : de 4,5% en moyenne), ne semble pas avoir d’influence positive sur le taux de croissance qui est resté dans sa moyenne décennale au même niveau que dans la sous-période précédente soit toujours 3,9%. Par contre, lors de ce second choc, l’accélération de l’inflation n’a pu guère favoriser une croissance élevée de l’économie guinéenne, car un taux d’accroissement quinquennal du produit réel de 2,1% cohabite avec une inflation galopante de 25% en moyenne annuelle. En somme la situation que traverse cette économie entre 2003 et 2007 ressemble beaucoup plus à une stagflation qui compromet tout élan de développement et qui, à coup sûr, réduit dangereusement le pouvoir d’achat des ménages guinéens : à cet égard Thirwall et Burton18 arrivent à l’ultime conclusion « qu’une croissance rapide nécessite une inflation rampante ; par contre l’inflation galopante compromet sérieusement la croissance amorcée : le cas de 51 pays le prouve. » Ainsi, on peut constater que la croissance guinéenne s’inscrit parmi les plus faibles de la sous-région alors que son taux d’inflation ressort au niveau des plus élevés, théoriquement, inflation et croissance s’influencent mutuellement selon le schéma : Inflation économique

croissance économique

Inflation

croissance



Dès lors, la croissance économique apparaît à la fois comme une cause et une conséquence de l’inflation, mais dans l’analyse des facteurs d’inflation en Guinée, seule la seconde maille de la chaine nous intéresse : à cet effet, nous avons tenté de mesurer l’impact de la croissance du produit réel sur les prix à la consommation, nous obtenons les résultats suivants :

18

Thirwall A P et Burton C A “inflation and growth : an international evidence” Il convient de remarquer que la plupart des études du lien inflation-croissance sont peu concluantes, en testant la relation dans l’autre sens, Thirwall et Burton l’ont estimé de la sorte : Y(PIB) = 2,793 + 0,612 X (inflation) ; R² = 0,48 pour 51 pays développés et en développement.

103

2.3.2 test du lien croissance et inflation en Guinée Régression 10 Croissance et inflation Log

* = 1,443 + 0,745Log

(t) R = - 0,336 = 0,867 S = 0,283

(3,450)

t-1 - 0,741 Log t-1

(7,742)

(-3,249)

F = 56,367

N=18 (1990-2007)

SCH= 0,613 AIC = 0,465

= 2,241

Cette équation de régression sous une forme logarithmique atteste que le taux de croissance économique ( ) influence significativement mais négativement le taux d’inflation ( t) dans un intervalle de confiance de 99% ; en somme une inflation de 7,4%, toutes choses égales d’ailleurs, se traduirait par une baisse de taux de croissance de 10%, ceci dans une spécification d’autorégression vectorielle douée d’un retard échelonné d’une année. Ce modèle confirme l’incidence marquée des anticipations des agents économiques sur l’inflation au seuil critique de 1‰, toutefois des variables non spécifiées dans l’équation de régression agissent plus que la croissance économique sur les prix mais en sens inverse. L’influence négative du taux de croissance économique sur les prix en Guinée est également mise en évidence par un coefficient de corrélation négatif mais relativement faible, tandis que la performance de l’équation de régression est concluante au seuil de 5% de valeur critique et le coefficient de détermination corrigé est satisfaisant, le niveau du critère d’information de Schwarz a favorisé le choix du modèle ci-dessus avec un décalage annuel à celui doté de deux ans de décalage19.

19

Il convient de préciser que le modèle avec deux décalages présente les résultats ci-après : Log t* = 1,252log t-1 – 0,501log t-2- 0,429log t-1 + 0,010log t-2 + 1,075 (t) (5,420) (-2,417) (-1,172) (0,028) (2,432) R=-0,336; = 0,894; s=0,252; F=36,932; SCH=0,562; AIC=0,314; = 2,241; N=18

104

L’écart-type de régression est très faible et permet de conclure que le niveau faible de la croissance économique durant les deux dernières décennies a certes bloqué le développement économique du pays, mais son rôle dans le processus inflationniste serait très limité voire négatif. Par ailleurs, une analyse économétrique montre que des chocs impulsionnels équivalents à l’écart-type résiduel se traduisent par des répercussions sur le taux d’inflation ; à cet égard, nous fixons l’horizon temporel à 5 ans : •

ainsi une innovation de 0,265 en données logarithmiques (soit écart-type du résidu) de la variation du niveau général des prix, se traduit instantanément, soit dès la première année, par une hausse de près de 0,26% de l’inflation, cet impact se réduit dans la durée sans pour autant atteindre l’équilibre, car au terme de l’horizon temporel retenu, cette incidence tombe à près de 0,16 point, c’est dire toute l’importance des anticipations dans l’inflation guinéenne.



un choc équivalent à 0,202 de taux de croissance économique a l’avantage d’avoir un effet neutre sur le taux d’inflation à la première année, avant de se traduire par un effet de freins sur l’inflation d’autant plus important qu’à la cinquième année son impact est négativement amplifié jusqu’à prés de -0,28% : ce qui confirme les résultats du VAR ci-dessus.

En somme, toutes ces analyses économétriques doivent être relativisées au profit du résultat obtenu sur le test de causalité de Granger : en effet lorsqu’on essaie de s’enquérir de l’influence du taux de croissance économique sur le taux d’inflation sous leur forme logarithmique, on découvre avec surprise que la faible croissance de l’économie guinéenne cause le taux d’inflation sur un décalage d’une année, au seuil critique de 1% ; le Fisher prend une valeur de 11,729, (le taux de croissance économique cause l’inflation à très CT) alors que dans l’autre sens, cette valeur tombe à 0,337, en d’autres termes, le taux d’inflation ne cause pas du tout le taux de croissance économique, il s’agit donc d’une relation de causalité unidimensionnelle entre les deux variables durant les deux dernières décennies. Cependant, à deux décalages, il n’y a plus de relation statistique perceptible entre l’inflation et le taux de croissance économique, ce qui confirme que le test de causalité de Granger est sensible au nombre de décalages inclus dans le modèle. Il est intéressant de noter des résultats contradictoires entre les deux critères d’information de Schwarz et d’AIKAKE dans le choix du modèle le plus performant entre un ou deux décalages.

105

2.3.3 stabilité et causalité : analyse temporelle Tableau 9 Test de stationnarité des variables Test de racine unitaire ADF

Variables

Nombre de retard

Valeur ADF

Nature de la relation

Degré d’intégration

Log indice des prix

1

-3,670***

Cte

I(1)

Log indice des prix importation

1

-4,430***

Cte & trend

Log taux d’investissement

1

-4,178**

Log taux de croissance éco.

1

-2,339**

DW

F

0,260

2,019

10,65 8

I(1)

0,304

2,146

7,994

Cte & trend

I(0)

0,639

1,796

10,46 9

Sans Cte ni trend

I(1)

0,399

1,991

---

*** SC = 1% ; ** SC = 5% Ce tableau met en exergue que les variables exogènes de l’inflation y comprises les anticipations inflationnistes, contiennent une racine unitaire sous leur forme logarithmique hormis le taux d’investissement qui présente une stationnarité au niveau du seuil critique de 5% du test de ADF. Ainsi les autres variables explicatives, à savoir, l’indice des prix décalés ou les anticipations extrapolatives des agents économiques, l’inflation importée et le taux de croissance économique sont intégrés en différence première à 99% de significativité pour les deux premières et à 5% du seuil critique du test de ADF pour le taux de croissance. Par ailleurs, les coefficients de détermination sont acceptables et même davantage pour le taux d’investissement, il en est de même pour la significativité globale des relations économétriques au travers le F de Fisher et les données ne présentent pas d’auto-corrélations sérielles des résidus à s’en tenir à la statistique du DW. En somme toute analyse faite, le taux d’investissement, intégré en niveau, à 5% de seuil critique et qui présente des tests de significativité des coefficients et de causalité au sens de Granger concluants à 99% d’intervalle de confiance, apparaît avec les anticipations des agents économiques comme les variables exogènes les plus pertinentes dans l’explication des causes

106

réelles de l’inflation en Guinée si toutefois ces relations s’avèrent stables dans le LT. Pour s’en assurer, nous avons tenté d’établir les relations de cointégration entre les différentes variables et le taux d’inflation versus l’indice des prix au travers la stationnarité des résidus, nous obtenons les résultats ci-après : Tableau 10 Test de relation de cointégration

Le tableau 10 ci-dessus met en lumière que, même si la plupart des séries des variables exogènes que nous avons utilisées pour expliquer les causes réelles de l’inflation guinéenne ne sont pas stationnaires, leurs combinaisons linéaires ne comportent pas de racine unitaire, par conséquent non seulement les régressions économétriques ne sont pas fallacieuses, mais il existe une relation d’équilibre de longue période entre chaque variable et le taux d’inflation en données logarithmiques. C’est ainsi qu’à 95% d’intervalle de confiance, les combinaisons linéaires entre les salaires et les prix des biens et services importés d’une part, et d’autre part la consommation globale par habitant et le taux d’investissement et même les exportations, dégagent des résidus qui sont stationnaires en niveau. Par ailleurs, à 1% de seuil critique, le taux de croissance économique et les anticipations inflationnistes assurent les mêmes résultats sur l’indice des prix à la consommation. Il n’y a guère de doute sur l’équilibre et la stabilité à long terme des relations économétriques élaborées. Il ressort de cette analyse sommaire que les causes de l’inflation guinéenne sont nombreuses sans être exclusives. Les études économétriques que nous 107

avons menées ont mis en évidence de façon pertinente l’inflation importée, y compris le prix du carburant à la pompe, même si l’effet du contrôle des prix vient atténuer le choc au travers un volume important de subventions non négligeables dans le secteur. Mais les salaires et cotisations sociales ainsi que la politique fiscale du gouvernement dans une moindre mesure, n’ont pas joué un rôle important dans le processus inflationniste au cours des deux dernières décennies. Par contre, sur la même période, la demande intérieure, plus précisément le taux d’investissement, n’est pas restée neutre dans l’inflation guinéenne. Contrairement à la consommation globale par habitant qui a eu plutôt un effet de freins sur l’indice des prix, la modicité du revenu disponible en est la cause. Par ailleurs, il est tout à fait clair que la demande extérieure a apporté une effective contribution dans le processus inflationniste de la Guinée, au travers les cours mondiaux des produits primaires que ce pays exporte avec un avantage comparatif à savoir la bauxite et l’or. Alors que le cours du café semble y avoir une influence plutôt limitée, la hausse vertigineuse des cours mondiaux a contribué à accroitre les revenus des Guinéens comme ceux de l’Etat et s’est traduite par un accroissement de pouvoir d’achat qui affecte positivement la demande des ménages, des entreprises et de l’administration, face à une offre rigide à court terme. Par contre, le volume des exportations n’est pas une variable pertinente sur le niveau général des prix, il en est de même pour la demande globale qui, de toute évidence, n’agit que négativement sur les prix à LT. Cette influence s’inverse à très CT dans un horizon temporel contenu en année et cause significativement le taux d’inflation. Enfin, la variable qui ressort la plus forte incidence sur les prix en Guinée demeure les anticipations inflationnistes, douées généralement d’une mémoire courte, les offreurs de biens et services augmentent leurs prix, car ils prévoient une hausse de l’inflation au moins identique à celle de la période écoulée (mois, trimestre ou année). Ce comportement prend une place de choix dans l’explication du processus inflationniste en Guinée au cours des deux dernières décennies. En somme, comme l’atteste le tableau de synthèse ci-après, au travers les tests ordinaires de significativité et de causalité, l’inflation importée, le taux d’investissement, la récession économique et les anticipations s’avèrent être les principales causes de l’inflation guinéenne, alors que le prix du carburant, les cours de l’aluminium, de l’or et du café en sont ses causes secondaires :

108

Tableau 11 Synthèse des tests de causalité et de significativité des variables

SYNTHESE ET CONCLUSIONS Cette première analyse met en exergue l’inégalité dans la répartition du revenu national en Guinée ; elle s’observe dans les grands secteurs économiques, dans la structure de la masse salariale… Tandis que les cours des produits primaires fluctuent, le coût de la vie se renchérit, en tout cas au regard de l’évolution de l’indice des prix à la consommation. Quant bien même ces indices revêtent un caractère subjectif, ils ont tout de même permis de constater que l’inflation guinéenne a changé de forme, pendant longtemps forte voire galopante, probablement à la faveur d’une forte dévaluation du GNF et des changements de structure de l’économie nationale entre 1985 et 1992. Grâce aux politiques de stabilisation mises en

109

œuvre par le gouvernement et le FMI, elle a changé de forme pour devenir rampante voire faible entre 1993 et 2003. Cependant depuis 2004, on assiste à un regain de l’inflation. Les raisons sont nombreuses, mais la hausse du coût des inputs importés, le troisième choc pétrolier, l’indice des cours mondiaux des produits primaires, la récession prolongée de l’économie guinéenne ainsi que le niveau des investissements sont les plus évidents. Toutefois, une telle analyse est-elle suffisante ? Les doutes naissent dès lors que l’on sait que l’activité économique est soumise à une interdépendance mutuelle entre le réel et le monétaire Par exemple le lien entre la croissance économique, la hausse des investissements et celle de la masse monétaire est incontestable. Indéniable est aussi l’effet de la hausse des cours mondiaux sur le revenu des planteurs de café, de coton, mais aussi des exploitants artisanaux d’or et de diamants sans omettre l’État. Ce qui est de nature à favoriser les dépôts qui à leur tour engendrent les crédits et les crédits libèrent les prix. Il est donc certain qu’une analyse en termes réels de la situation inflationniste de la Guinée ne cerne pas entièrement tout le problème, d’où la nécessité de la compléter par celle qui met l’accent sur l’organisation du système bancaire, sur l’impact des taux d’intérêt, des fluctuations du taux de change et qui s’interroge sur la validité de la théorie monétariste dans un environnement comme on le sait, dualiste, désarticulé en somme celui d’un PMA comme la Guinée.

110

Titre 2 MONNAIE ET INFLATION EN GUINEE

Dans l’explication du phénomène inflationniste en PVD, le fonctionnement du système bancaire est souvent mis en cause, en tout cas dans nombre de pays d’Amérique Latine ou d’Asie du sud-est qui ont été de véritables foyers inflationnistes du globe. Car, estime-t-on, le volume important de la dette extérieure y contraint une création monétaire excessive des banques centrales nationales, d’où l’inflation. Le cas de la Guinée est-il différent ? Seule une analyse approfondie du système bancaire d’un pays en véritable mutation financière peut éclairer la situation. Contrairement à ses nombreux voisins qui sont membres de l’UEMOA, comme nous le savons, la Guinée a opté pour l’indépendance financière depuis 1960 en créant la Banque Centrale de la République de Guinée et en émettant sa monnaie nationale : le franc guinéen. Naturellement, la structure et le fonctionnement de cette Banque Centrale et même son mécanisme d’offre de monnaie, ne sont pas sans lien étroit avec le processus inflationniste en Guinée. Par ailleurs, convient-il de s’interroger sur le rôle de l’État à travers les activités du Trésor public ainsi que celui des banques commerciales dans la distribution des crédits et par ce canal sur le coût de la vie ? Il convient enfin de s’interroger sur l’impact des taux d’intérêt courts et longs ou des taux bas et élevés sur l’inflation guinéenne. À cet égard, après une présentation sommaire du cadre réglementaire édicté par la supervision bancaire de la BCRG ainsi que le fonctionnement du système bancaire, on tentera de mettre en lumière le rôle des taux d’intérêt mais aussi celui des crédits bancaires dans le développement et l’entretien de la hausse du niveau général des prix en Guinée.

Chapitre 3 FONCTIONNEMENT DU SYSTEME BANCAIRE ET FINANCIER EN GUINEE

Les banques commerciales ainsi que des institutions de micro-finances, en somme le système bancaire guinéen reste coiffé par la BCRG, dotée d’une organisation et d’un pouvoir de création monétaire dont l’examen permettra de comprendre son rôle dans le processus inflationniste en Guinée.

3.1 LA SUPERVISION DU SYSTEME BANCAIRE Le système bancaire guinéen est régi par la loi bancaire et fonctionne comme partout ailleurs suivant les normes prudentielles et monétaires de la Banque Centrale :

3.1.1 La loi bancaire La loi L/2005/010/AN de juillet 2005 communément appelée loi bancaire, fixe les conditions d’exercice et de fonctionnement des établissements de crédit mais aussi le cadre réglementaire. On peut retenir en substance qu’elle définit les établissements de crédit comme des personnes morales qui effectuent à titre de profession habituelle les opérations de banques suivantes : •

réception des fonds du public et /ou



distribution de crédit,



mise à la disposition de la clientèle et de la gestion de tout moyen de paiement.

Les établissements de crédit peuvent effectuer pour leur compte ou pour le compte d’un tiers, les opérations connexes à leur activité telles que : •

les opérations de change,



le placement, la souscription, l’achat, la gestion, la garde, la vente de valeurs mobilières et tous les produits financiers conformément à la loi.



les opérations sur l’or et les métaux précieux.

a. Conditions d’exercice Pour exercer leur activité, les établissements de crédit doivent obtenir l’agrément délivré par le comité des agréments de la Banque Centrale dans un délai de trois mois. L’octroi d’agrément est consacré par l’inscription sur une liste des établissements de crédit. Par ailleurs, les établissements de crédit sont agréés en qualité de banque, d’établissement financier, d’institution financière spécialisée ou de système de financement spécialisé. Les banques sont des personnes morales habilitées à recevoir du public des fonds à vue ou d’un terme inférieur ou égal à deux ans et à effectuer des opérations ci-dessus énumérées. Les dirigeants des établissements de crédits doivent présenter l’honorabilité nécessaire et remplir les conditions ci-après : •

nul ne peut diriger, administrer ou gérer un établissement de crédit s’il n’a pas la nationalité guinéenne.



la direction générale de tout établissement de crédit doit être assurée par deux personnes au moins. Elles doivent être titulaires d’au moins d’une maîtrise de sciences économiques, bancaires, juridiques ou de gestion ou de tout autre diplôme reconnu équivalent et justifier de solides références et d’une expérience professionnelle de cinq ans au moins dans la fonction d’encadrement de haut niveau, voire de dix ans en l’absence de diplôme d’enseignement supérieur.



enfin, nul ne peut être membre d’un conseil d’administration d’un établissement de crédit, ou administrer, diriger ou gérer ces établissements, s’il a fait l’objet d’une condamnation définitive pour une ou plusieurs des infractions suivantes :

Crime, faux et usage de faux, vol, escroquerie et abus de confiance, banqueroute ou faillite frauduleuse, détournement de deniers publics, extorsion de fonds ou de valeurs, émission de chèques sans provision, recel… b. Fonctionnement des établissements de crédit Les banques doivent être constituées sous forme de société anonyme, de société coopérative ou mutualiste de droit guinéen. Le capital social

114

minimum des banques était fixé à GNF 5 Mds puis porté à GNF 10 Mds et une dernière disposition de la BCRG vient de le fixer à GNF 50 Mds qui doivent être intégralement libérés en décembre 2011. Les établissements de crédit sont tenus de respecter des normes de gestion destinées à garantir leur liquidité et leur solvabilité à l’égard des déposants et plus généralement des tiers ainsi que l’équilibre de leur structure financière. En conséquence, la Banque Centrale peut prendre toutes les dispositions appropriées pour notamment amener les banques à : •

respecter les ratios prudentiels,



constituer les réserves obligatoires,



respecter les règles concernant la position nette de change,



fixer les règles de déclaration des incidents de paiement en matière de crédit, d’effets de commerce et de chèques.

3.1.2 Les ratios prudentiels et les normes monétaires a. Le ratio de liquidité Ce ratio rapporte la liquidité immédiate aux engagements à CT pour une banque, il se présente de la façon suivante : Ratio de liquidité = En hors bilan, on y intègre les crédits à CT et les crédits à MT, 70% des billets négociables sur le marché hypothécaire, mobilisable à trois mois ou plus, les crédits clientèle en portefeuille (part mobilisée à trois mois ou plus), les crédits clientèle en comptes débiteurs. En Guinée, la norme réglementaire de ce ratio est fixée à 100%, en décembre 2004, cette norme a été respectée par l’ensemble du système bancaire avec des niveaux de 180% à 300%, soit une moyenne de 225,75%. Toutefois ce ratio a fait l’objet d’un amendement en septembre 2008 dans le sens d’un durcissement de la réglementation… b. Le ratio de solvabilité Le ratio de solvabilité établit une relation entre les fonds propres d’une banque et les risques encourus.

115

Ratio de solvabilité = *affecté d’un coefficient de pondération variable selon le risque de crédit : •

risque nul, pondération 0% comme les créances sur les États de l’OCDE,



créances sur les banques de premier rang et les collectivités locales OCDE : 20% de pondération,



créances hypothécaires et le crédit immobilier : 50% de pondération,



tous les éléments d’actif non retenus dans les catégories précédentes sont pondérés à 100%.

On peut distinguer également trois catégories de fonds propres : •

les fonds propres de base : capital + réserves,



les fonds propres pour risques bancaires généraux ou des provisions sans affectation déterminées,



et les fonds propres complémentaires qui sont les réserves de réévaluation, les subventions et les titres et emprunts subordonnés à durée indéterminée ou non.

Ce ratio ne doit pas être inférieur à la norme réglementaire de 10%. L’ensemble des banques ont affiché un coefficient de solvabilité de 14,22% en décembre 2004. c. Le ratio de division et concentration des risques •

La division des risques : pour chaque bénéficiaire, l’établissement de crédit doit respecter un rapport n’excédant pas 25% entre les risques encourus, utilisés ou non, les opérations de crédit bail, les titres émis par ces bénéficiaires et détenus par la banque, les engagements par signature, et les fonds propres.

Soit le ratio suivant : ratio de division des risques = Ces risques peuvent être réduits des contre-garanties bancaires reçues.

116



La concentration des risques : il s’agit des plus gros clients qui sont définis comme ceux dont les risques dépassent pour chacun d’entre eux 15% des fonds propres de la banque, dans ce cas le montant total des risques concernant ces gros clients, ne doit pas excéder 8 fois le montant des fonds propres de la banque.

d. Le coefficient de transformation à cinq ans Avec la suppression de l’encadrement du crédit, il s’agit de contrôler l’équilibre entre les remplois et les ressources à LT un rapport minimum de 60% doit être respecté entre : •

Les ressources en GNF d’une durée restant à courir au moins égale à cinq ans y compris les provisions dont celles se rapportant aux éléments du dénominateur (les fonds propres, les emprunts obligataires…)



Les emplois en monnaie nationale d’une même durée, c'est-àdire pour l’essentiel les immobilisations, les titres et les prêts participatifs et les créances à la clientèle ou les opérations de crédit bail de plus de cinq ans. Coefficient de transformation à cinq ans =

En Guinée, cette règle prudentielle élaborée en 2004, impose aux banques de couvrir à hauteur de 60% leurs éléments d’actifs à plus de cinq ans par leurs ressources permanentes à LT. En conséquence toutes les banques ont présenté des coefficients de transformation à plus de 100% en décembre 2004. e. Les réserves obligatoires Le principe des réserves obligatoires est d’imposer aux banques, la détention sous forme de dépôts non rémunérés à la Banque Centrale d’une fraction de leur exigibilité et/ou de leurs engagements hors bilan détenus sur les résidents. Le taux des réserves obligatoires varie en fonction des impératifs de la politique monétaire. En Guinée, la politique de réserves obligatoires est assujettie sur les dépôts : au cours des années 90, les banques devraient constituer auprès de la Banque

117

Centrale 11% de leurs ressources toutes catégories et toutes devises confondues, il a été ramené à 5,5% en 2002 puis remonter en 2005 à 9,5 % des dépôts bancaires, mais constitué exclusivement en monnaie nationale, même sur leurs composantes devises. Dès lors, cette politique vise à assécher la liquidité bancaire en monnaie nationale, en vue d’une meilleure maitrise de l’inflation.

3.1.3 La règle de limitation du risque de change : instruction N°1/2006/01/DGI/BD. L’application de cette instruction pose d’énormes problèmes de fonctionnement pour chaque établissement financier en particulier et pour l’ensemble du système bancaire en général. Il compromet à suffisance le financement du commerce international. Ainsi à titre d’exemple aucune banque n’a pu échapper aux soustractions de fonds opérées par la BCRG en guise de sanction au manquement de la première instruction de 2006 en mars 2008. a. Evolution de l’instruction relative à la position de change •

L’instruction N°5 RCH/86 portant contrôle des changes en application de l’ordonnance n°237/PRG/85 du 28 septembre 1985 qui définissait l’essentiel des relations financières internationales des établissements financiers agréés, relatait en substance que « les intermédiaires agréés ne sont pas autorisés à détenir une position nette de change en devises, supérieure au montant de leur capital libéré diminué de leurs dépenses propres en devises ». Cette réglementation, quand bien même dépassée, qui constitue le fondement des relations financières de la Guinée avec l’étranger, n’est plus adaptée de nos jours, eu égard à son approche simpliste des problèmes de position de change devenus complexes. Toutefois elle a le mérite de focaliser l’épineuse question de la position de change aux avoirs et dépenses propres des banques.



L’instruction n°69/CH/94 – stipule en son article 2 que : « la position vendeur en devises des intermédiaires agréés ne peut excéder leur capital en devises effectivement libéré diminué de leurs dépenses en devises ». « Les intermédiaires agréés ne sont pas autorisés à détenir une position d’avoirs nets en devises étrangères, supérieure à 60% 118

du montant de leur capital libéré en toutes monnaies confondues ». Cette instruction était édictée dans un environnement bancaire hétérogène au niveau de la monnaie de libération du capital, d’autant que la BICI-GUI avait son capital libéré en USD, la SGBG en FRF (EURO) et les autres banques disposaient d’un capital libellé en GNF. Après l’harmonisation de la monnaie de libération du capital de toutes les banques en GNF (1998), cette instruction n’a pas souffert de problèmes d’application, alors qu’elle précise par ailleurs que : « tout manquement aux dispositions de la présente instruction expose la banque à l’application d’un intérêt au taux journalier de 2% sur le dépassement de la limite autorisée (article 5) ». La plupart des banques ont mis en œuvre une méthode qui leur permet d’extérioriser quotidiennement leur position de change intrinsèque et de mener en conséquence une surveillance au jour le jour de celle-ci. Ainsi, durant toute la période d’application de ladite instruction et même après la transformation du capital en GNF, aucun manquement n’a été enregistré sur la positon de change dont l’assiette est demeurée l’écart entre les avoirs et les dépenses propres de la banque – car les positions clientèle en devises, par caisse et signature n’y étaient pas intégrées. •

L’instruction n°020/DGI/99 Elle définit « la position de change ou situation nette en devises correspond à la différence entre les éléments d’actifs et de hors bilan (avoirs effectifs et potentiels) et les éléments de passif et de hors bilan (dettes effectives et potentielles) exprimés dans une même devise ». Ainsi, la position nette d’avoirs en devises étrangères que les établissements financiers assujettis sont autorisés à détenir, est fixée à 40% du montant des fonds propres nets. Pour une devise déterminée, la position nette autorisée est limitée à 20% du montant des fonds propres nets de l’établissement assujetti. Cette instruction précise par ailleurs que tout excédent par rapport aux limites autorisées doit être cédé à la BCRG… en d’autres termes l’assiette de la position de change demeure 119

la position intrinsèque de la banque et non la position globale qui intègre en plus de celle-ci, les positions courtes et longues que la banque prend pour le compte de sa clientèle. Enfin, les manquements sont pénalisés, ainsi que dans l’instruction N°69/CH/94, par un intérêt journalier de 2% sur le dépassement. Il convient de préciser que cette instruction n’a souffert d’aucune difficulté d’application par la BICI-GUI, comme par la majorité du système bancaire. b. Les dispositions de l’instruction N°I/2006/01/DGI/DB Cette instruction vise à limiter le risque de change pour les établissements de crédit et précise que « le risque de change est généré par les variations du cours du GNF des devises étrangères, dans lesquelles sont libellées les créances et les dettes. Il est mesuré à partir de la position de change ». Elle précise : « Les positions de change correspondent à la différence entre les éléments d’actif et de hors bilan (avoirs effectifs et montant à recevoir) et les éléments de passif et de hors bilan (dettes effectives et montant à payer) libellés en devises étrangères, y compris les intérêts courus et non échus ; sont exclues des calculs les opérations dont le risque de change est supporté par l’Etat ainsi que les actifs durables et structurels (titres de participations et de filiales, immobilisations corporelles et incorporelles… ». Par ailleurs, les positions de change sont établies dans chacune des devises et sur toutes les devises confondues et précise que « La positon nette globale est le montant le plus élevé du total des positions longues d’une part et des positions courtes d’autre part, en toutes devises ». Ainsi en son article 8, elle stipule que les établissements de crédits, à tout moment, ne peuvent détenir que : •

une position nette, longue ou courte dans chaque devise qui excède 10% de leur fonds propres nets,



une position nette globale, longue ou courte, qui excède 20% de leurs fonds propres nets.

Ces taux mettent en exergue un durcissement progressif de la réglementation des changes.

120

Tableau 12 Tableau synoptique – position et risque de change

FP = fonds propres Le tableau ci-dessus met en évidence depuis 1999 tout au moins : •

une réduction du simple au double de la capacité du système bancaire à détenir une position change globale comme par devises.



la dernière instruction administre également un changement de fond qui consiste à intégrer la position clientèle dans la position intrinsèque des banques, qui doivent désormais se soucier des positions clientèle longues ou courtes – par caisse et/ou par signature.



une sanction administrative allant jusqu’à la constitution de 200% du manquement avec des conséquences que cela pourrait comporter sur le solde net débiteur des banques soumis à un taux de 32,25% (taux directeur + 10), les confinant ainsi à une insuffisance de réserves obligatoires.



il convient de noter que cette réglementation s’applique au moment où le risque de change semble maîtrisé en Guinée, car de décembre 2006 à avril 2008, le GNF s’est apprécié de près de 25% par rapport à USD.



enfin, le capital minimum des banques – base des fonds propres – a évolué substantiellement de GNF 2 Mds à GNF 10 Mds – est-il suffisant pour couvrir ce risque de change – ne peut-on 121

donc pas envisager un retour vers la constitution du capital en devise ? c. Les difficultés relatives à l’application de la règle de limitation du risque de change Les règles de gestion des risques de contrepartie, de change ou des risques opérationnels devraient, de toute évidence, favoriser le financement de notre économie émergente par le système bancaire, à travers le financement du commerce international, mais aussi de l’équipement et de l’investissement des entreprises. Or, eu égard à l’extraversion de cette économie et sa forte dépendance de l’étranger pour l’approvisionnement en marchandises et pièces de rechange, mais aussi en biens de consommation comme le riz, la farine, le carburant… les banques sont donc amenées à s’engager en devises pour compte de leurs clients investisseurs ou importateurs. En conséquence à titre d’exemple comment peut-on financer l’importation d’un bateau de 25.000 T de riz ou l’extension d’une fabrique de boisson gazeuse pour 3 M USD ? •

le financement du riz : 5000 T 

coût unitaire

1 T = 200 USD



coût à l’importation

25000 T x 200 USD = 5 M USD

soit

22,5 Mds de GNF (1 USD = 4.500 GNF)



EPS/OCD = 5 M USD



PRG

GNF

22,5 Mds.

Cette opération étant libellée en devises (le dollar), nécessitera une consommation en fonds propres de 5x10 = 50 M USD soit : 225 Mds de GNF en dépit d’une constitution de PRG en monnaie nationale (22,5 fois le capital minimum des banques). Sauf mauvaise interprétation de la règle de limitation du risque de change de notre part, aucune banque guinéenne, dans ces conditions, ne peut financer par signature un bateau de 5000 T de riz sauf à condition de constituer un cash collatéral à due concurrence, ou faire un nantissement des dépôts voire une contre-garantie dans la même devise et ce, nonobstant une couverture à 100% en GNF et dans un environnement où le GNF s’apprécie par rapport à l’USD.

122

Cetéris-paribis l’extension d’une brasserie pour 3 M USD, exige une consommation en fonds propres de 30 M USD soit 135 Mds de GNF (13,5 fois le capital minimum des banques). En somme, il est quasiment impossible en l’absence de cash collatéral, dans la même devise, d’y faire face sauf à enfreindre la loi bancaire. Le paradoxe est que si la même opération était effectuée en GNF, avec une contre-garantie en devise de banque de 1er rang européenne ou américaine, comme c’est une pratique courante dans notre profession, la banque pourrait être en infraction avec la règle de limitation du risque de change, alors que son risque de contrepartie bien cadré place l’établissement de crédit dans une position très confortable. Peut-on réellement y renoncer ? En fait, la BCRG prend en compte les engagements donnés et reçus hors bilan alors que certaines de ses homologues se limitent à ne prendre en compte que les positions liées aux opérations de change à terme. Il est vrai que ces dispositions pouvaient trouver un début de justification dans un contexte de glissement continu et important du GNF susceptible de placer en position de risques les importateurs bénéficiaires des OCD. En outre, les banques auraient pu, eu égard aux déséquilibres « graves » de l’offre et de la demande de devises, se trouver en situation de pénurie. Elles auraient été alors en grandes difficultés pour faire face au débouclement de leurs crédits documentaires. Cette période est semble-t-il révolue et l’ensemble des dispositions prises depuis deux ans environ par la BCRG et le GNF s’est totalement stabilisé et l’offre de devises correspond pratiquement à la demande (écart insignifiant avec le marché parallèle), écartant de facto le risque d’illiquidité cité plus haut. En conséquence nous pensons qu’un assouplissement de la réglementation est à la fois nécessaire au bon fonctionnement du système bancaire et sans risque pour les grands fondamentaux garants de la bonne marche du système. Il est souhaitable de trouver une adéquation entre la limitation du risque de change et le capital minimum des banques, au risque que lorsque ce dernier est trop élevé, compte tenu du niveau du risque pays, il ne sera pas de nature à attirer les investisseurs étrangers ou nationaux dans le secteur. Un certain nombre de suggestions et de recommandations semblent émerger de cette analyse sommaire :

123



À notre avis, ces dispositions ne pourraient souffrir d’un manque d’application par le système bancaire, si elles ne concernaient que la position intrinsèque des banques. C’est d’ailleurs l’interprétation dont elles ont fait objet lorsque la BCRG a bien voulu soumettre le projet à son temps à l’APB.



Par ailleurs, il nous paraît judicieux, pour permettre aux banques de jouer pleinement leur rôle dans l’économie, que de faibles pondérations puissent être appliquées aux EPS en devises, car ce risque quand bien même, il existe, n’est pas de même teneur que les concours par caisse.



Enfin, une position longue en devises, ne nous paraît pas préjudiciable pour une banque, car elle permet de faciliter le financement des importations au travers la confirmation des OCD, des traites et avals… En conséquence, il convient de s’interroger sur le maintien de la position longue dans cette règle, pour un pays comme la Guinée qui manque cruellement de devises. Ainsi, la BCEAC et la Banque Centrale du Ghana se montrent plus souples sur les ratios à respecter par rapport aux fonds propres nets, à savoir : •

15 % par nature de devise et 45 % en position globale pour la BCEAC,



15 % par nature de devise et 35 % en position globale pour le GHANA.

En somme, nous recommandons, entre autres, la suppression de la prise en compte des engagements par signature donnés ou reçus. •

Si ces mesures ne sont pas revues et réadaptées à notre environnement économique, il est à craindre d’une part que nombre d’opérations fassent retour au secteur informel et d’autre part qu’elles soient traitées purement et simplement par les banques étrangères au détriment du système bancaire guinéen.

L’ensemble de ces réflexions visent à attirer de façon constructive la haute attention de l’autorité de tutelle des banques, afin qu’elle puisse revoir une situation qui contraint le système bancaire à abandonner des opérations d’importations de denrées essentielles et qui à la longue, pourrait accentuer 124

les tensions inflationnistes à la suite de crise due au manque d’approvisionnement du marché, en riz, farine, huiles alimentaires… Enfin, le système bancaire, ayant apprécié à sa juste valeur les dérogations accordées pour le financement du carburant, voire le retrait provisoire des EPS de cette réglementation, espère de l’autorité monétaire une réadaptation complète à notre environnement économique, gage certain d’un bon fonctionnement du système bancaire.

3.2 LE FONCTIONNEMENT DU SYSTEME BANCAIRE Le système bancaire guinéen est issu de la liquidation en décembre 1985 des banques d’État devenues insolvables et illiquides à savoir : le Crédit national, la Banque nationale de développement agricole, la Banque nationale des services extérieurs, la Banque guinéenne de commerce extérieur, la Banque guinéenne de commerce… Le système actuel caractérisé par sa jeunesse est composé à fin décembre 2008 de huit établissements d’origine étrangère avec la participation de capitaux nationaux : •

la Banque internationale pour le commerce et l’industrie de la Guinée : BICIGUI,



la Société Générale de banque en Guinée : SGBG,



l’Ecobank,



l’Union internationale de banque en Guinée : UIBG,



l’International commercial Bank : ICB,



la Banque populaire Marocco-Guinéenne : BPMG,



la Banque islamique de Guinée : BIG,



la First International Bank.

Cinq autres banques agréées vont ouvrir probablement leurs guichets au public au cours de l’exercice 2009, ce qui va fortement contribuer à la densification du réseau bancaire en Guinée, mais aussi au développement de la concurrence à Conakry comme en province. Pour mieux cerner le fonctionnement et la structure de ce système bancaire, nous allons présenter sommairement les trois plus grandes banques de la place à savoir : la BICIGUI, la SGBG et l’Ecobank, avant de nous intéresser au fonctionnement des banques dans sa globalité.

125

3.2.1 La Banque internationale pour le commerce et l’industrie de la Guinée : BICIGUI La BICIGUI est créée en 1986, suite à une convention d’établissement entre l’Etat guinéen et la BNP et ses partenaires, avec au départ un capital de 2,1 M$ qui fût transformé en 1998 à la suite d’une décision de la Banque centrale afin d’harmoniser la monnaie de libération du capital des banques sous l’inspiration du FMI. La BICIGUI dispose d’un capital de GNF 22.523 M réparti de la façon suivante : •

BNP Paribas :

30,81%,



Privés guinéens :

26,67%,



Etat :

15,05%,



AFD :

8,64%,



DEG :

8,64%,



BEI :

4,32%,



UGAR :

3,72%,



Personnel :

2,15%.

L’assistance technique de la banque est assurée par le groupe BNP Paribas qui en est le principal partenaire, avant la mise aux normes d’un capital minimum désormais fixé à GNF 50 Mds, il convient de préciser que cette banque dispose d’un fonds propre de GNF 51,2Mds du fait de la constitution de réserves spéciales et légales relativement importantes. Avec un effectif de 296 employés en 2008, le fonds de commerce repose sur près de 50 000 clients et 70 000 comptes répartis entre dix-neuf points de vente dont six à Conakry et treize en province. La BICIGUI dispose également d’un parc de 16 guichets automatiques de banques dont 8 à Conakry ; cet établissement est aussi émetteur et acquéreur de carte VISA international. Comme on peut le constater sur le graphique ci-dessous, les dépôts de la banque ont fortement évolué entre 1998 et 2008, accusant un coefficient multiplicateur de 7 à GNF 938 Mds au point de passage de décembre 2007. Cette croissance rapide s’est accompagnée d’une maîtrise des coûts des ressources, les dépôts rémunérés représentant moins 30% des avoirs globaux et une recrudescence des ressources en devises des clients dont la part arrive à près de 45% en 2008 contre 30,5% cinq ans plus tôt.

126

Graphique 17

Les remplois de leur côté ont progressé moins vite sur la dernière décennie car de 1998 à 2008, ils ont été multipliés par 5,2 sous la forte influence des EPS dont l’essentiel se ramène au financement des importations de carburant. Mais ces concours restent de qualité, eu égard à la bonne gestion des engagements et au niveau bas du coût du risque. Comme toutes les banques de la place, ces crédits sont destinés essentiellement au commerce et aux autres services. Par ailleurs, la rentabilité de la BICIGUI a évolué de la façon suivante entre les deux périodes : Tableau 13 Compte d’exploitation de la BICIGUI 1998

2007

PNB

21118

135477

FRAIS DE GESTION

-10074

-65002

RBE

11043

70475

COÛT DU RISQUE

-1784

288

RÉSULTAT NET

4764

45464

COEF 47,7% D’EXPLOITATION Source : rapports annuels de la BICIGUI 127

48%

Ce compte d’exploitation infère une forte rentabilité de la banque marquée par une progression rapide du produit net bancaire comme des frais de gestion qui ont été multipliés par 6,4 en dix ans. Il en est de même pour le résultat brut d’exploitation qui accuse le même coefficient multiplicateur sur cette période de référence. Par contre, le résultat net, en raison du coût du risque contenu, voire positif en 2007, les flux de réintégrations de provisions consécutives aux récupérations de créances douteuses et litigieuses, s’en trouve multiplié par 9,5, toute chose qui stabilise le coefficient d’exploitation autour de 48% entre 1998 et 2007. Ce produit net bancaire prend la structure suivante en 2007 : •

marge d’intermédiation : GNF 75,1 Mds soit 55,5% du PNB,



profit de change : GNF 37,2 Mds et 27,5% du PNB,



commissions : GNF 23,1 Mds et 17% du PNB.

Ce produit net bancaire, quand bien même important en substance, demeure fortement dépendant à la fois des placements en bons du Trésor auprès de la Banque centrale, mais aussi de ceux en devises chez les correspondants étrangers en dollar comme en euro. L’autre volet, non moins intéressant, reste le profit de change compte tenu d’une activité devises remarquable de la BICIGUI. Toutefois il est à craindre que la forte croissance des frais divers de gestion, comme des charges de personnel plonge la banque dans un effet de ciseaux prononcé eu égard à la moindre croissance de son produit. La BICIGUI reste un établissement incontournable du secteur bancaire guinéen compte tenu du rôle important qu’il continue de jouer grâce à son intégration poussée dans l’économie nationale au travers son réseau, ses concours, ses instruments financiers, ses équipements technologiques et la modernité de ses outils.

3.2.2 la Société Générale de banque en Guinée : SGBG La SGBG est créée en 1986 à la suite d’une convention d’établissement entre le groupe bancaire Société Générale et ses partenaires et deux opérateurs privés guinéens, son capital de GNF 10 Mds est structuré de la façon suivante : •

Société Générale :

53%,



Bayerische Und Vereinsbank :

5%,



privés guinéens :

42%.

128

L’exploitation de la banque repose sur un réseau peu densifié de huit agences dont quatre à Conakry et quatre en province installées essentiellement auprès des opérateurs miniers comme à Kamsar, Sangaredi pour la CBG, et à Siguiri pour la SAG. La SGBG est également installée à Labé. Elle dispose également d’un parc de huit distributeurs automatiques de billets dont le fonctionnement repose pour l’instant sur les cartes privatives uniquement. Caractérisée par un dynamisme commercial exemplaire, la SGBG a accusé une forte croissance de ses fondamentaux au cours des dix dernières années. Ainsi de 1998 à 2008, ses dépôts ont été multipliés par 9,7 pour atteindre GNF 924 Mds en décembre 2008 et qui comportent comme les autres établissements une proportion de devises qui avoisine les 45%, toute chose qui focalise l’activité de cette banque liquide dans les placements en monnaie nationale à la BCRG, et en devises auprès des correspondants étrangers. Graphique 18

Comme il est aisé de constater sur le graphique ci-dessus, les remplois ont connu sur la dernière décennie une forte augmentation, ayant été multipliés par 8,15. Comme la BICIGUI et L’Ecobank, la SGBG est très active dans le financement de l’importation du carburant, et la banque affiche un niveau très élevé d’engagements par signature à cet égard et ressort une rentabilité de plus en plus forte.

129

Tableau 14 Compte d’exploitation de la SGBG PNB

1998 12609

2007 124864

FRAIS DE GESTION

-4615

-52925

RBE 7994 81561 COÛT DU RISQUE -5807 -8687* RÉSULTAT NET 400 43636 COEF 36,6% 45,5% D’EXPLOITATION *Coût du risque et autres charges. Source : rapports annuels DGSIF Ce compte d’exploitation atteste d’une bonne performance de la banque grâce à un PNB en nette amélioration qui se chiffre à près de GNF 125 Mds, et des frais de gestion contenus bien qu’en forte progression avec près de GNF 53 Mds en 2007. Le coût du risque élevé qui n’altère en rien la qualité des engagements de la SGBG, est symptomatique d’un environnement économique et judiciaire difficile qui ne favorise pas de façon efficiente la récupération des créances douteuses et litigieuses. Il ressort un résultat brut d’exploitation élevé tout comme un résultat net qui dépasse GNF 43 Mds. Le coefficient d’exploitation reste encore à un bon niveau, les frais de gestion ne représentant que 45,5% du PNB en 2007, au lieu de 36,6% en 1998, cette dégradation propre à l’ensemble du système bancaire émane de fortes augmentations des salaires et des frais divers de gestion. Ce compte d’exploitation ressort la structure suivante au niveau des produits en 2007 : • • •

marge d’intermédiation : GNF 56,5 Mds soit 42% du PNB, commissions et résultat de change : GNF 71,3 Mds et 53% du PNB, autres : GNF 6,7 Mds et 5% du PNB.

En 2007, le produit net bancaire a été impacté fortement par les commissions et le résultat de change qui pèsent pour plus de la moitié des recettes de la banque. La marge d’intermédiation demeure élevée et représente 42% de la valeur ajoutée des capitaux qui demeure fortement influencée par les produits des remplois clientèle et par ceux des placements de trésorerie. La Société Générale de banque en Guinée, parfaitement intégrée à l’économie nationale est caractérisée par son dynamisme exemplaire, la 130

modernité de ses outils et une activité bancaire qui devient de plus en plus indispensable pour les opérateurs locaux dans le cadre du financement de leurs projets d’importation, de production et de distribution.

3.2.3 l’ECOBANK L’Ecobank-Guinée est créée en 1999 à la suite d’une association entre les intérêts locaux et le groupe Ecobank international. Son capital social est fixé à GNF 10 Mds réparti de la façon suivante : •

Ecobank Transnational incorporated (ETI) : 82,55%,



Privés guinéens et autres : 17,45%.

L’exploitation de cette banque caractérisée par une forte croissance des fondamentaux, repose en 2008 sur un réseau de onze agences dont sept à Conakry et un parc de six distributeurs automatiques de billets. « Sur le plan de la performance, nous dirons aussi que l’année 2007 a été une année difficile pour notre banque à cause des effets pervers de l’environnement…mais aussi les fraudes considérables découvertes dans la banque » cf. : rapport annuel 2007. Comme on peut le constater sur le graphique suivant, les dépôts de la banque se chiffrent à 345 Mds en 2007 en hausse de 5% sur l’exercice précédent. On peut également observer que ces avoirs de la banque ont été néanmoins multipliés par 3,4 entre 2003 et 2007, ce qui constitue une performance remarquable et confirme la forte croissance de l’activité de la banque. Graphique 19

131

Les concours de la banque arrivent en 2007 à GNF 202 Mds contre 50 Mds en 2003 il s’agit des engagements par caisse et par signature, ainsi dans un intervalle de 5 ans, les remplois d’Ecobank ont quadruplé augmentant ainsi plus vite que les ressources bancaires. La stratégie globale de la banque adoptée pour préserver sa position au sein du système bancaire cible les axes prioritaires tels que la formation interne et externe du personnel, un marketing soutenu et actif, l’innovation dans les produits à forte valeur ajoutée (GAB, TPE, SMS), l’extension du réseau à Conakry et en province, l’amélioration de la qualité des services et le renforcement du contrôle interne. La rentabilité de la banque se décline de la façon suivante entre 2003 et 2007 : Tableau 15 Compte d’exploitation d’Ecobank 2003

2007

PNB

20229

67814

FRAIS DE GESTION

-7737

-38834

RBE

7519

26077

COÛT DU RISQUE

-4973

-6690

RÉSULTAT NET

7519

16324

38,24%

57,25%

COEF D’EXPLOITATION

Ce compte d’exploitation met en exergue une forte croissance du produit net bancaire qui a plus que triplé sur la période de référence à près de GNF 68 Mds en 2007. Toutefois, les frais de gestion ont progressé beaucoup plus vite accusant un coefficient multiplicateur de 5 sous la forte impulsion des frais de personnel qui progressent de plus de 31% entre 2006/07 et des autres charges qui augmentent de près de 43%. Le coût du risque est resté élevé et en forte croissance en 2007 en raison des fraudes que la banque a subies et qui ont contribué au gonflement des créances douteuses et de fait les provisions liées. Cependant le résultat brut d’exploitation se hisse considérablement avec un coefficient multiplicateur de 3,5 sur les quatre dernières années et un résultat net qui a plus que doublé entre 2003 et 2007. Ainsi le coefficient d’exploitation eu égard à un 132

accroissement rapide des charges opératoires se dégrade légèrement pour atteindre 57,25% en fin de période au lieu de 38,24% en 2003. En somme, ce produit net bancaire se décompose de la manière suivante en 2007 : •

marge d’intermédiation : GNF 37,3 Mds soit 55% du PNB,



profit de change :



commissions :

GNF 12,5 Mds et 18,4% du PNB, GNF 18 Mds et 26,6% du PNB.

Il ressort une importance capitale des marges d’intermédiation dans ce PNB, avec une dépendance non négligeable des produits de placement en monnaie nationale comme en devises étrangères, les profits de change demeurent forts mais leur part reste contenue dans le PNB et les commissions affichent un niveau optimal car elles couvrent les charges de personnel à hauteur de 134,5%. Ecobank est également intégrée dans le tissu économique guinéen et se positionne comme la banque de l’avenir eu égard à la forte croissance de ses fondamentaux et de ses avancées technologiques.

3.2.4 caractéristiques du système bancaire guinéen Comme nous l’avons précisé plus haut, l’industrie bancaire guinéenne comporte actuellement huit banques qui disposent ensemble de cinquantecinq agences inégalement reparties entre Conakry et la province, contre quarante-trois guichets bancaires en 2007. Elle emploie 1087 cadres et agents. Ce système bancaire dispose également de trente-deux guichets automatiques de banque dont certains sont acquéreurs et émetteurs de cartes VISA international et de terminaux de paiements électroniques. Aussi faut-il préciser que cinq autres banques agréées récemment vont ouvrir leurs guichets prochainement pour compléter le dispositif à treize établissements, pour un marché quelque peu étroit pour autant de services bancaires. Mais toute chose pourrait se traduire par une augmentation du taux de bancarisation de l’économie qui se situe avec 5% parmi les plus bas en Afrique au sud du Sahara. Sur la dernière décennie, grâce à un réseau qui se densifie de plus en plus, la collecte opérée par le système a permis d’atteindre un niveau de dépôt de GNF 2748 Mds en 2007 contre seulement GNF 282 Mds en 1998 soit un coefficient multiplicateur de 9,7 ; en d’autres termes, les banques dans l’intervalle de dix ans ont décuplé leurs dépôts aussi bien du fait d’un développement intrinsèque rapide au sein de chaque établissement que par 133

l’extension du réseau au travers l’installation de nouvelles banques comme l’Ecobank, la First International Bank… Selon la Banque centrale, les dépôts sont constitués à hauteur de 54,4% en monnaie nationale et 44,6% en devises à savoir en substance en dollar américain et en Euro, seule une part marginale est constituée dans les autres monnaies tels que le yen, la livre sterling, le franc CFA… Par ailleurs ces ressources sont constituées essentiellement de dépôts en comptes courants d’entreprises ou de particuliers, en comptes d’épargne populaire dont le seuil de rémunération est fixé dans un plafond de GNF 20 M, de dépôts à terme pour seulement 10% des dépôts bancaires, sans omettre les avoirs des institutionnels et ceux du secteur public qui ont fléchi de 40% en 2007 en raison d’un retour de compte de l’administration centrale à la BCRG ; avec GNF 143 Mds qui ne représente plus que 5,2% des dépôts globaux. Les remplois du système bancaire ont progressé rapidement pour arriver à GNF 751 Mds en décembre 2007 contre GNF 185 Mds sur la même période en 1998. Ainsi sur la dernière décennie, les crédits du système bancaire ont été multipliés par 4. Ce stock de créances est constitué à hauteur de GNF 745 Mds sur le secteur privé soit 99% des concours bancaires, seule une part marginale est consentie au secteur public. Par ailleurs, il convient de préciser que ces remplois sont distribués essentiellement à CT par débit en comptes courants ou des crédits confirmés accordés aux particuliers dans le cadre des protocoles passés avec les entreprises et présentent la structure ci-après en 2007 : •

crédit CT : 74%,



crédit à MT : 25%,



crédit à LT : 1%.

Il convient de préciser que les crédits à MT ont fortement augmenté en 2007 pour atteindre GNF 184 Mds cette hausse s’explique d’une part par une augmentation des crédits d’investissement et d’équipement aux entreprises et d’autre part par un allongement de la durée des crédits à la consommation à l’adresse des agents de l’administration et du secteur privé. Aussi, par type de monnaie, les encours des créances bancaires en devises appelés communément “avances en devises“ n’excèdent pas 11% , c’est dire que les concours des établissements de crédit sont accordés à près de 89% en monnaie nationale, ce niveau élevé est de nature à préserver les clients contre le risque de change et permettre aux banques de respecter les règles de limitation de ce risque de change.

134

Par ailleurs, la répartition des crédits par secteur d’activité présente la structure suivante entre 2000 et 2007 : Tableau 16 Répartition des crédits par secteur d’activité 2000

2007

Commerce

60

71

Bâtiments et travaux publics

7,9

4,5

7

8

Services marchands

7,8

6,2

Autres industries manufacturières

5,7

3

Transports

2,8

2,1

8,8

5,2

Agro-industries et textiles

Autres Source : BCRG.

On assiste à une recrudescence du financement du commerce par les banques dont la part s’accroît de 11 points entre 2000 et 2007 au détriment des bâtiments et travaux publics, des services marchands, des industries manufacturières et des autres secteurs d’activité. La baisse du financement des BTP peut s’expliquer en partie par la concentration des marchés publics dans les mains des sociétés qui font peu appel aux services bancaires, mais plutôt utilisent l’autofinancement pour construire routes et bâtiments. Par ailleurs, la qualité du portefeuille des banques en 2007 infère un niveau net de créances saines élevé, car avec GNF 738 Mds, elles représentent 98,3% des encours globaux des banques, toutefois, en observant de plus près, le niveau des créances douteuses brutes se chiffrent à GNF 90,5 Mds soit 10,5% des créances brutes du système bancaire. Ces engagements douteux sont provisionnés à hauteur de GNF 78 Mds soit un taux de couverture de 86,2% des créances obérées par les provisions. Enfin, en dépit d’un environnement économique et judiciaire particulièrement difficile, le système bancaire guinéen affiche globalement une rentabilité satisfaisante, son compte d’exploitation consolidé met en exergue les réalités ci-après en 2003 et en 2007 :

135

Tableau 17 Compte d’exploitation consolidé des banques 2003

2007

PNB

108936

405475

FRAIS DE GESTION

-44290

-175204

RBE

64646

230270

COÛT DU RISQUE

-22200

-12083

RÉSULTAT NET

26596

115075

40,6%

43,2%

COEF D’EXPLOITATION Source : rapports DGSIF/BCRG.

Ce compte d’exploitation consolidé atteste que les huit banques de la place ont extériorisé un PNB de plus de 405 Mds en 2007 et il a été multiplié par 3,7 depuis 2003. Les frais de gestion ont dépassé les 175 Mds de GNF et ont accusé un coefficient multiplicateur de 4, par rapport à leur valeur de 2003, en somme ils augmentent plus vite que le PNB. Les banques ont aussi réalisé un excédent brut d’exploitation de plus de GNF 230 Mds. Les trois plus grandes banques de la place, à savoir la BICIGUI, la SGBG et l’Ecobank contrôlent 77,4% de ce RBE (GNF 178,1 Mds). Ces mêmes banques s’adjugent près de 92% des résultats nets d’un système bancaire qui semble maîtriser le coût du risque et dont le coefficient d’exploitation se détériore légèrement sur la période en revue. En fait, comme les chiffres ci-dessus l’attestent, l’industrie bancaire de Guinée comporte de grandes banques, toute proportion gardée et les banques de taille réduite, ainsi les parts de marché saisies ici, à travers le total bilan, ressortent les chiffres suivants : •

BICIGUI, SGBG et Ecobank : 76 %,



UIBG et ICB :



BPMG, BIG et FIB :

15%, 9%.

On peut constater une fois de plus une position dominante des trois premières banques qui contrôlent plus de ¾ des activités bancaires en Guinée, laissant ainsi aux cinq autres de taille différente près du ¼ du commerce de banque, notons par ailleurs que la BICIGUI et la SGBG

136

presque au coude à coude en 2007, pèsent ensemble environ les 2/3 du total bilan du système bancaire. Il demeure clair que ces mêmes banques assurent dans une proportion encore plus importante les engagements par caisse et par signature de l’industrie bancaire en Guinée. Les encours des concours au secteur privé et l’indice général des prix ont évolué de la façon suivante entre janvier 2004 et novembre 2008 : Graphique 20

Prix et crédits au secteur privé semblent avoir la même tendance à la hausse sur la période retenue, est-ce une relation de cause à effet, dans un environnement où le ratio des encours privés et la masse monétaire ne cessent de reculer soit :38,69% en janvier 2004, 36,45% en décembre 2005 et même 27, 78% en novembre 2008, en toute vraisemblance, il s’agit d’un effet d’éviction car sur la même période le financement monétaire du Trésor s’est substantiellement accru par rapport à celui des banques envers les agents économiques autres que l’Etat. Pour confirmer cette affirmation nous allons tenter de mener une analyse économétrique à partir des données mensuelles lissées par la méthode des moyennes mobiles d’amplitude 3 en vue de désaisonnaliser les variables indices des prix et crédit au secteur privé, qui comme chacun le sait, connaissent par moments des variations erratiques ; à cet égard nous adoptons la méthode d’autorégression vectorielle :

137

Nous obtenons le résultat ci-après : Régression 11 : Crédit et inflation Variables

Nombre de retard= 2

Nombre de retard=1

DPt-1

1,027***

0,745***

(t)

(8,081)

(7,382)

DPt-2

-0,458***

(t)

(3,411)

DCPt-1

0,000

-0,003

(t)

(0,026)

(-0,266)

DCPt-2

0,007

(t)

(0,417)

C

1,657***

0,987*

(t)

(3,234)

(1,931)

0,595

0,509

0,563

0,491

S

2,199

2,379

F

18,720

27,929

SCH

4,680

4,730

N

56

57

4,017

3,952

*** signifie 1%, ** : 5%, * : 10%.

138

Les résultats de ces deux régressions sont éloquents à plus d’un titre : ils confirment le rôle important des anticipations des agents économiques sur l’inflation en Guinée, tout au moins au cours du premier mois, mais sur le bimestre ce rôle semble s’inverser et administrer un effet de freins sur l’inflation. Par contre, elles mettent en évidence l’absence d’impact des concours au secteur privé du système bancaire sur l’inflation guinéenne, car non seulement les coefficients sont quasiment nuls, mais ils ne sont pas significatifs, la constante exerce un impact positif et significatif au seuil de 1% au moins, l’analyse statistique révèle que le modèle est performant à plus de 50%, au travers les valeurs du coefficient de détermination, voire le Fisher-Snédecor qui en garantit la teneur à 1% de seuil critique. Les moyennes élevées de la variable dépendante attestent d’une période de forte inflation dont les causes se situent en dehors des engagements bancaires, alors que le critère de Schwarz plus faible dans le modèle à deux décalages nous oriente plutôt sur ce dernier avec certitude au détriment de la régression à un seul décalage. Peut-on dire la même chose des crédits sur le secteur public ou des taux d’intérêt ?

3.3 L’ACTION DES TAUX D’INTERET DANS LE PROCESSUS INFLATIONNISTE EN GUINEE Dans une économie moderne, les taux d’intérêt jouent le rôle essentiel dans les variations de la masse monétaire, mais aussi par voie de conséquence, rationnels, les agents économiques comparent le niveau du taux d’intérêt à celui de la rentabilité des investissements pour épargner ou former le capital. A la suite d’une analyse théorique de l’influence des taux d’intérêt sur le niveau général des prix, on s’intéressera au cas particulier de la Guinée.

3.3.1 Approche théorique La contribution des taux d’intérêt au processus inflationniste contemporain est incontestable. Ils sont facteurs d’inflation lorsqu’ils augmentent la charge financière des entreprises, en somme lorsqu’ils sont élevés, ils le sont davantage lorsqu’ils sont bas. a. Taux d’intérêt faibles et inflation La baisse des taux d’intérêt a un double effet inflationniste : un effet générateur et un effet permissif. •

la baisse des taux d’intérêt provoque une hausse des prix – effet générateur – en exerçant une pression sur la demande 139

d’investissement en situation de plein emploi, l’équilibre se rétablit par la variation en hausse des prix et/ou par un déséquilibre de la balance de commerciale. •

l’effet permissif vient du fait que la baisse des taux facilite l’accès au crédit ; le gonflement du stock de monnaie consécutif à l’accroissement de l’endettement bancaire des entreprises dont les nouveaux investissements ne peuvent être financés par une épargne suffisante – la baisse des taux d’intérêt décourageant l’épargne –. En situation de plein emploi, Keynésien et monétariste s’accordent que la création monétaire provoque l’inflation.

En effet, traditionnellement, l’analyse monétaire privilégie la causalité suivante : Une augmentation des stocks de monnaie → une baisse des taux d’intérêt à CT, en d’autres termes, la politique d’open market qui consiste à faire varier les stocks monétaires par l’achat des titres, provoque une variation à la baisse des taux d’intérêt déterminé sur le marché de la monnaie. Inversement, une baisse des taux d’intérêt s’accompagne d’un gonflement de la masse monétaire, l’effet prix jouant sur l’effet quantité. Effet d’encaisse réelle : Il permet de saisir comment l’accroissement des encaisses a-t-il une répercussion à la hausse sur les prix. Cet effet a été décrit entre autres par A. C. Pigou et D. Patinkin. Il existerait un niveau désiré d’encaisse réelle et un rapport fixe entre les encaisses désirées et les dépenses des agents. En cas de variation de la masse monétaire, les agents ajustent leurs encaisses de manière à maintenir ce rapport. La baisse des taux d’intérêt réduit la demande de titres et accroît celle des biens et services ce qui induit une hausse des prix. Marchal J. et Poulon F.20 estiment que la variation des encaisses réelles dans l’analyse Keynésienne est semble-t-il dans l’économie telle qu’elle est aujourd’hui, sans influence sur la demande de biens de consommation.

20

Revue banque N° 365 sept 1977 ; effet d’encaisse réelle et inflation.

140

Effet de richesse : Pour A. C. Pigou et J. M. Keynes, une baisse du taux d’intérêt réduit les actifs financiers détenus par les agents, soit par un accroissement de la consommation - Pigou - soit par une augmentation des encaisses- Keynes -. Selon Pigou la valeur réelle du patrimoine, influe sur la demande globale ; ainsi quand la Banque centrale fait baisser les taux d’intérêt, il s’ensuit un accroissement de la richesse réelle, en conséquence une baisse de l’épargne réelle, car selon lui, l’épargne des ménages varie en sens inverse de leur richesse. Ce déséquilibre entre l’investissement qui est stimulé et l’épargne qui est réduite est bien sûr facteur d’inflation ; tandis que l’accroissement de la consommation concomitant vient renforcer la tension inflationniste déjà créée. Chez Keynes, la fonction de consommation est stable, la baisse du taux d’intérêt ne peut avoir d’effet que sur la formation de l’épargne : actifs financiers ou encaisses monétaires ; le cours d’un titre variant en sens inverse avec son rendement. Cette distorsion de la structure optimale du patrimoine accroît la demande d’encaisses, réduit la possibilité de financement des entreprises qui se tournent vers les banques, majorant leur prix de vente en vue de l’autofinancement de leurs investissements, d’où l’inflation. Le taux d’intérêt élevé n’est pas moins facteur d’inflation. b. L’effet des taux d’intérêt élevés dans le processus inflationniste. Dans le but d’assurer une rémunération à l’épargne et surtout pour la consolider, les autorités monétaires augmentent les taux d’intérêt. Mais il s’agit de trouver pour elles un niveau optimum de manière à ne pas pénaliser l’investissement, ni de peser sur les prix, souvent déterminés par le coût de production. Est-ce à affirmer que les prix dépendent de leurs coûts ? « Sur ce point, la théorie des prix néo-classiques est totalement opposée à celle des classiques. En effet pour les économistes néo-classiques, c’est la demande qui est le facteur déterminant des prix, alors que pour les classiques - A. Smith, D. Ricardo, T. R. Malthus, J. S. Mill…, les prix sont formés à partir des coûts de production. » En fait une distinction entre l’offre de CT et celle de LT s’impose : dans le CT le prix peut résulter de l’offre et de la demande et s’éloigner de la valeur d’échange, tout au moins pendant la période où l’offre est insuffisante. Alors que dans le LT le prix ne peut que coïncider avec la valeur d’échange car l’offre pourvoit à la demande.

141

Du point de vue néo-classique, il n’est possible d’expliquer une influence des taux d’intérêt sur les prix qu’à condition d’admettre que le cadre théorique est altéré par : •

L’administration de ces taux,



Une divergence entre le taux naturel d’intérêt et le taux sur le marché.

Une étude du « federal Reserve Bank of New York » analyse l’impact des taux d’intérêt sur l’évolution des prix de quelques secteurs industriels, elle conclut que l’impact inflationniste des taux courts apparaît généralement plus important que celui des taux longs, et surtout que la hausse des prix était plus forte dans les branches comme le transport, le tabac, la radiotélévision et les mines. En définitive, l’augmentation du coût du crédit devait inciter les entreprises à restreindre leur demande – la loi de l’offre et de la demande jouant –. Aujourd’hui faute de concurrence, les entreprises savent vendre à des prix élevés, si bien que l’augmentation des frais financiers se répercute inéluctablement sur les prix. Dans ces conditions, par le canal des taux d’intérêt élevés, l’endettement débouche irrémédiablement sur l’inflation.

3.3.2 la politique des taux d’intérêt en Guinée : a. Vue d’ensemble La politique des taux d’intérêt vise à la fois les taux et conditions appliqués par la Banque Centrale aux concours qu’elle consent au Trésor Public, aux banques primaires, les taux de refinancement normal ou préférentiel de la BCRG et les taux appliqués sur ses titres de régulation monétaire. La politique des taux d’intérêt concerne également les opérations de transfert exécutées sur le compte des banques et même les conditions pratiquées par celles-ci sur leur relation avec la clientèle. Théoriquement, la détermination d’un taux d’intérêt est fonction de l’offre et de la demande de capitaux. Cependant le taux d’intérêt n’est pas fixé en Guinée comme ailleurs par le libre jeu du marché, car les autorités monétaires y trouvent un moyen efficace d’exercer sur le marché monétaire, une action directrice qui consiste soit à ralentir la distribution du crédit soit à favoriser son développement. En Guinée, la réglementation des taux et conditions ne relève plus du gouvernement et ne fait plus l’objet d’un décret. Les décisions en la matière sont prises par le gouverneur de la Banque Centrale, dès lors une plus grande 142

souplesse dans la procédure devient possible. Et de fait la variation du loyer de l’argent doit non seulement tenir compte des réalités du marché local, mais des conditions et évolutions des taux extérieurs, comme ceux de la zone d’émission de la BCEAO, des zones Euro et Dollar. Toutefois, l’option d’indépendance financière de la Guinée, est de nature à atténuer les chocs externes par l’afflux ou la fuite des capitaux pour une rémunération plus élevée. Comme toutes les Banques centrales, la BCRG intervient sur le marché d’open market pour assécher la liquidité bancaire par ses ventes de titres de régulations monétaires (TRM) dont les taux influencent l’activité de crédit du système bancaire, il en est de même pour le Trésor Public qui vient vendre ses bons sur ce marché monétaire dans un environnement économique dominé par un secteur public important dont le comportement reste peu affecté par le changement des taux et un secteur privé plutôt sensible aux garanties et sécurité des capitaux, qu’au coût du crédit. C’est pourquoi la BCRG a estimé que l’efficacité des taux d’escompte était limitée en Guinée, elle les fixait donc ni trop élevé, de façon à ce que les coûts des financements bancaires ne freinent pas l’expansion de l’économie, ni trop bas pour éviter l’excès d’un recours aux facilités bancaires. Or le niveau bas des taux d’intérêt a pour conséquence la fuite des capitaux locaux vers les pays où ils sont plus rémunérés, tandis que les entreprises ne faisaient pas l’effort financier nécessaire qui s’imposait ; ainsi convient-il de substituer une politique dynamique des taux d’intérêt à la politique statique pratiquée, d’harmoniser les taux d’intérêt appliqués en Guinée avec ceux des marchés extérieurs. b. Les taux créditeurs En Guinée, la rémunération des ressources financières demeure par moment, un handicap majeur à la mobilisation de l’épargne nationale en raison d’une forte inflation provoquée par l’ajustement du taux de change en 1985 (choc externe) ; le taux d’intérêt nominal quoique relativement élevé n’a pu effectivement rémunérer les capitaux épargnés et endiguer tant soit peu le niveau de thésaurisation, car le taux d’intérêt réel est resté négatif jusqu’en 1990 avec un plancher de -61,6% en 1985 consécutif à une forte dévaluation du GNF comme cela va être décrit plus loin. Mais à la faveur d’une grande maîtrise de l’inflation grâce à la mise en œuvre de politiques économiques adaptées, le taux créditeur réel servi sur les comptes d’épargne était devenu positif de 1991 à 2002 avec une valeur modale de 11,5% en 1994. Cette période qui a également favorisé la libéralisation et l’autorisation des comptes en devises, a permis de drainer vers un système bancaire, du reste plus performant que les banques d’État liquidées, l’épargne nationale, même 143

s’il est nécessaire de repréciser à cet égard que le taux de bancarisation n’en demeure pas moins faible. Graphique 21

Ainsi, en d’autres termes, la politique menée par la Banque centrale après cette date visait à corriger rapidement cette situation de manière à drainer vers le système bancaire le maximum de capitaux, par l’application de taux nominal élevé sur les comptes d’épargne, avec une valeur modale de 21% en 1991. Avec la maîtrise de l’inflation, on assiste à un fléchissement tendanciel du loyer de l’argent jusqu’à un plancher de 5,5% en 1998. Aussi avec la reprise de l’inflation, le taux d’intérêt créditeur réel est-il redevenu négatif à partir de 2003 affichant une valeur de -15,7 en 2004 et de -21,6 en 2006. Cette phase qui a également coïncidé avec une forte appréciation du GNF en 2007, a enregistré une poussée des avoirs en devises des épargnants qui semblaient se couvrir contre une dépréciation de la monnaie locale en essayant de constituer le maximum de leur épargne en devises. La politique actuelle de la Banque centrale s’oriente vers une indexation du taux d’intérêt servi sur les comptes d’épargne au niveau d’inflation de l’année écoulée : TxC = TxP (t-1) + 1 Où TxC est le taux nominal d’intérêt des comptes d’épargne et TxP (t-1) est le taux d’inflation de l’année écoulée. 144

Il convient de noter que l’épargne est effectivement rémunérée tant que le niveau général des prix est stable voire en cas de déflation. Mais en période de choc inflationniste, le déséquilibre sur le marché des biens et services pourrait se traduire par un niveau de taux d’intérêt réel négatif et ses conséquences néfastes sur la mobilisation de l’épargne nationale. Aussi, à la faveur de l’introduction des comptes d’épargne populaires en 2004, on assiste de nouveau à la libéralisation du taux de rémunération de l’épargne, la Banque centrale se limitant juste à en fixer le plancher en la matière, tout en administrant un montant plafond (GNF 20 M) au-delà duquel aucun intérêt n’est servi sur les comptes d’épargne, cette situation a amené les épargnants d’une certaine taille à s’orienter vers la constitution de dépôts à terme, ce gonflement des DAT s’est traduit par un changement de structure de la masse monétaire au cours cette période. Toutefois, depuis 2007, à la suite d’une réduction des pressions inflationnistes, les taux créditeurs réels sur l’épargne populaire sont redevenus légèrement positifs avec 2,7% en 2007 et 1% en décembre 2008. c. Les taux débiteurs En Guinée, la politique monétaire menée par la BCRG vise à laisser au système bancaire la liberté de fixer ses taux, à condition de garantir une rémunération réelle à l’épargnant. Comme le niveau général des prix, le rendement du capital physique, le salaire nominal ou réel, la rente…, le taux d’intérêt constitue un facteur important de niveau de compétitivité d’une économie. Ainsi la BCRG recherche la fixation d’un taux minimum sur les comptes d’épargne, et surtout évite la pratique de taux usuraires sur le crédit. Elle administre en conséquence un plafonnement du taux prêteur de façon très stable entre 19,75% et 21,25% toutes commissions comprises depuis 1995. Cependant, la Banque Centrale a indirectement influé sur les taux pratiqués par les banques par le biais de la rémunération servie sur les adjudications des Bons du Trésor (TBT) ; il demeure la variable essentielle d’indexation de la marge d’intermédiation des banques. Il convient de préciser qu’auparavant, la Banque centrale a appliqué son taux de refinancement normal (TREN) aux opérations commerciales, comme au financement monétaire du Trésor à partir des accords de classement qui permettaient aux banques de s’approvisionner en liquidité. Le TREN est passé de 11% en 1985 pour atteindre 24% en 1990 voire 23% en 1993, aussi le système bancaire est-il devenu surliquide, non seulement le refinancement des banques ne s’imposait plus, mais la BCRG avait besoin de mettre au point un nouveau mécanisme de ponction des liquidités bancaires, qui ont été recyclées et réorientées vers le financement du déficit budgétaire par l’émission des bons du Trésor. En juillet 1993, le taux des bons du Trésor 145

dans la pratique a été le taux de référence de la Banque Centrale, et de nos jours, il demeure la variable la mieux indiquée pour cerner l’évolution des taux d’intérêt en Guinée, nous y reviendrons. Au demeurant, le TREN et le TBT à 91 jours ont évolué de façon suivante : Comme il est aisé de constater sur le graphique ci-dessou, les taux de référence de la Banque centrale, à savoir le TREN et le TBT ont adopté un trend haussier entre 1985 et 1992 avec un plancher de 12% en début de période et une valeur modale de 25% en fin de période, cette phase correspond au premier choc inflationniste ; l’orientation des taux d’intérêt visait incontestablement à décourager l’expansion du crédit et par ce canal contenir les tensions inflationnistes. En somme, la hausse des taux de refinancement de la Banque centrale a coïncidé avec le changement de la forme d’une inflation, naguère forte qui est devenue faible à partir de 1992. Ainsi pendant cette phase hyper-inflationniste, le taux de refinancement normal de la BCRG s’est établi autour d’une moyenne de 19%, sans pour autant rémunérer réellement le capital, car le taux d’inflation moyen se situe quant à lui à 30,5%. Graphique 22

146

Au cours de la période déflationniste, le niveau des taux d’intérêt a régressé pour marquer une moyenne de 13% face à un taux d’inflation moyen de 4.5% entre 1993 et 2002, cette période aura été de toute évidence favorable à la formation de l’épargne qui s’en trouve réellement rémunérée, et par voie de conséquence cette période n’est-elle pas favorable à l’investissement ? Ainsi, au cours des deux dernières années, les taux prêteurs ont-ils accusé une tendance à la hausse, après une relative stabilité sur les neuf premiers mois de l’exercice 1999 ; la hausse a été plus manifeste à la suite d’un ajustement des taux de base bancaires à la variation du TBT. Aussi, avec l’introduction d’un nouvel instrument monétaire, à savoir les Titres de Régulation Monétaire (TRM) à partir du mois décembre 2000 pour ponctionner la liquidité bancaire, assiste-t-on à une nouvelle baisse du loyer de l’argent dans le système bancaire. Concomitamment, le taux d’investissement a légèrement augmenté à 16,1% en 2000, au lieu de 16% en 1999. C’est le moment de préciser que l’incidence du crédit est nettement limitée sur le niveau d’investissement eu égard à sa structure actuelle (11% seulement des engagements bancaires financent l’investissement pour 1,2% du PIB). Il reste entendu que dans la perspective d’une plus grande bancarisation de l’économie, et donc l’accès d’un nombre plus important d’agents économiques au crédit, une relative baisse des taux serait de nature à améliorer la compétitivité de l’économie, car en tant qu’élément de coût pour les entreprises, elle devrait se traduire par une baisse de l’inflation, toutes choses égales par ailleurs. Mais, en préalable demeure l’amélioration de l’environnement juridique des affaires de façon à limiter la casse du système bancaire et de fait assurer sa pérennité, grâce aux économies d’échelle engendrées par la baisse du loyer de l’argent.

La phase suivante plutôt inflationniste s’accompagne d’un renchérissement des taux des bons du Trésor qui marquent une moyenne 19,6%, alors la hausse du niveau général des prix y avoisinait 22,8% entre décembre 2003 et 2008. En somme, au cours de cette période, la politique d’ajustement des taux n’a pu garantir une rémunération réelle de l’épargne, ni même des capitaux prêtés par le système bancaire. La Banque centrale a introduit en 1985 un autre instrument le taux de refinancement préférentiel, destiné aux secteurs dits prioritaires comme l’agriculture, en vue de minimiser les charges financières et y promouvoir la croissance et le développement. Le TREP est passé de 10% en 1986 à 19% en 1991 et en juin 1993, il est retombé à 17%.

147

Chemin faisant et eu égard à l’inefficacité de cette politique des taux d’intérêt différenciés, le TREN et le TREP ont été abandonnés et la Banque centrale a administré une nouvelle stratégie qui consistait à appliquer à ses interventions un taux directeur qui était fixé en avril 2001 à 16,25%. Par ailleurs, depuis avril 1998, dans le cadre de la libéralisation des taux d’intérêt, la Banque centrale a autorisé chaque établissement de crédit à appliquer son propre taux de base bancaire (TBB), cette politique visait à asseoir un climat de concurrence sur le marché du crédit. Ainsi à titre d’exemple, le TBB de la BICIGUI est passé de 10,85% en 1998, à 13% en 2004 et 18,5% en 2008 ; alors que celui de la SGBG marque 16% à la même date et celui de l’UIBG ressort à 19%. Dès lors, le taux effectif global (TEG), c'est-à-dire au taux calculé en tenant compte des modalités de l’amortissement de la créance, sont ajoutés aux intérêts, les frais de toute nature : •

commissions de compte,



commissions de découvert,



commissions d’engagement,



frais de tenue de compte,



frais d’assurance.

Il reste élevé en Guinée et contribue donc à augmenter les frais financiers des entreprises, selon la réglementation, ce taux effectif global ne doit pas excéder le taux directeur de la Banque centrale majoré de 5 points. En 2006 le TEG appliqué par les différentes banques de la place ne devrait pas excéder 29,25%. Il ressort évidemment un aspect inflationniste des taux d’intérêt débiteurs en Guinée, ils sont élevés, voire très élevés, ils renchérissent le coût du crédit qui, de toute évidence, devrait se répercuter sur les prix, participent ainsi activement à la création, à l’entretien et au maintien du processus inflationniste que connait la Guinée ; il convient de voir si cette affirmation est étayée par les résultats empiriques des tests économétriques.

3.3.3 taux d’intérêt et inflation en Guinée Dans le but de bien cerner l’influence que les taux d’intérêt jouent dans la hausse des prix à la consommation en Guinée, il convient de s’interroger s’ils ont un rôle positif ou négatif dans la distribution des crédits d’une part,

148

et d’autre part, il s’agit de mettre en exergue l’apport du coût de ce crédit dans cette inflation. Le rôle des taux d’intérêt dans la création monétaire semble très limité dans les pays de la CEDEAO en général et en Guinée en particulier, car le marché de la monnaie n’y est pas parfait ; en conséquence la manipulation des taux ne conduit pas toujours au résultat attendu. Comme nous l’avons signalé plus haut, un taux d’intérêt élevé incite les agents économiques au placement à terme en vue d’un intérêt futur plus important ; alors le volume des investissements fléchit et les tensions inflationnistes par ce canal disparaissent. Or en Guinée, comme ailleurs en Afrique de l’ouest, l’État joue le rôle essentiel dans le financement des investissements par le biais du programme d’investissements publics, dès lors la variation du taux d’intérêt a plutôt un effet limité sur la formation brute du capital fixe. Précisons que la BCRG ne rémunère pas les soldes créditeurs des banques sur ses livres, mais comme nous l’avons cité plus loin, elle assure la ponction du liquidé bancaire par la vente des titres de régulation monétaire sur le marché monétaire, les formules n’excédant pas GNF 5 Mds, les taux sont suffisamment distribués avec une légère décote sur les TBT ; toutefois ils varient très peu et à ce titre ne constituent pas le meilleur indicateur de taux pour mesurer l’impact du loyer de l’argent sur le processus inflationniste en Guinée. En somme, ces taux demeurent souvent faibles face à une inflation forte, ce qui est de nature à pénaliser la mobilisation de l’épargne en lui imprimant une rémunération négative, il en découle une forte dépendance de l’extérieur pour le financement des investissements. En Afrique de l’ouest en général, qu’il s’agisse de pays de la zone franc – UEMOA – de celle du dollar et même de pays à monnaie non rattachée, les taux d’intérêt ne se fixent pas par le jeu du marché monétaire ; là aussi, l’intervention de l’État est prépondérante. En Guinée pour mesurer l’incidence du taux d’intérêt sur l’inflation, nous avons retenu le taux des bons du Trésor à quatre-vingt-onze jours, car il varie suffisamment et est moins enclin à subir l’intervention des pouvoirs publics dans un sens comme dans l’autre. Ainsi en données mensuelles corrigées des variations saisonnières par la méthode des moyennes mobiles d’amplitude 3, une relation entre le logarithme de l’indice des prix à la consommation et celui des taux des bons du Trésor entre décembre 2002 et novembre 2008 donne les résultats ci-après :

149

Régression 12 LogPt* =

1,512

(t)

(3,500)

R²=0,562

F = 73,394

=0,555 s = 0,234

+

1,313 LogRt (8,567)

SCH= 0,040 N= 59

Cette régression est intéressante à plus d’un titre ; tout d’abord sa performance à travers les valeurs des coefficients de détermination est supérieure à 50% et le F de Fisher-Snédécor performe à plus de 99% d’intervalle de confiance, les coefficients sont significatifs à 1‰ de seuil critique et la faiblesse du critère de Schwarz augure d’un bon choix de modèle. Par ailleurs, cette régression révèle une forte élasticité entre prix à la consommation et taux d’intérêt, en effet une hausse de 10% du taux des bons du Trésor, toutes choses égales d’ailleurs, se traduirait par un accroissement de plus de 13% de l’indice harmonisé des prix, tout au moins lors du second choc inflationniste. Cela signifie que dans le LT sur la période de référence, les taux d’intérêt ont une forte influence sur le taux d’inflation, mais le niveau élevé de la constante traduit l’existence d’autres variables outre que les taux qui agissent effectivement sur les prix de leur côté. Aussi se heurtet-on aux problèmes de stationnarité et d’autocorrélation sérielle des résidus. C’est pourquoi nous avons tenté de tester cette relation non plus par la méthode des moindres carrées qui a ses mérites et ses limites, mais par la méthode de correction d’erreurs pour mieux cerner les comportements CT entre les deux variables, rechercher un vecteur de co-intégration en vue de s’assurer de la stabilité de ces relations et on aboutit aux résultats suivants : Régression 13 Relations de LT

Variable dépendante :DPt

DPt-1

1,000

DRt-1

3,469***

C

-4,581

Dynamique de CT λ

-0,395***

DPt-1

0,389*** 150

DRt-1

1,296***

C

-0,040



0,337

²

0,299

F

8,803

SCH

4,532

t

-0,062

N *** signifie sc= 1% ; ** sc= 5% ; * sc= 10%.

56

Dans une dynamique de LT, le taux d’intérêt affecte positivement le taux d’inflation, cette incidence est encore plus forte dans la relation de CT. Toutefois, la force de rappel vers l’équilibre est faible, mais demeure significativement négative (-0,395) et augure d’une relation de co-intégration entre taux d’inflation et taux d’intérêt en Guinée. Enfin, il convient de préciser que le taux d’intérêt, versus le TBT, cause l’inflation sur la période se ramenant au second choc au seuil critique de 5%, et dès lors ne saurait être écarté des variables clés dans l’explication du processus inflationniste en Guinée.

SYNTHESE ET CONCLUSIONS La Guinée s’est dotée depuis 1985 d’un système bancaire moderne dont la BICGUI, la SGBG et l’Ecobank assurent une position dominante ; si les volumes de crédits modiques n’ont aucune influence sur les prix, les taux d’intérêt souvent négatifs au sens réel jouent de leur côté un rôle non négligeable dans la création monétaire et de fait, dans le processus inflationniste en Guinée. C’est pourquoi il apparaît tout à fait utile d’approfondir l’analyse à travers les agrégats monétaires, le taux de change, la dette extérieure…

151

Chapitre 4 THEORIE MONETAIRE ET INFLATION GUINEENNE

L’inflation, au regard de certains économistes contemporains, est l’effet des coûts de production et/ou de la pression de la demande sur les prix. Il n’en demeure pas moins qu’une création monétaire excessive influence le niveau général des prix. En fait, prônent les monétaristes, la monnaie joue un rôle essentiel dans la production : elle agit sur la demande et entretient les coûts de production, elle se suffit à elle seule pour expliquer les inflations galopantes d’aujourd’hui comme de naguère. Une théorie célèbre s’évertue à expliquer le lien entre prix et monnaie : c’est la TQM qui après une influence classique et néo-classique s’est raffinée et semble aujourd’hui expliquer sous le dicton monétariste l’inflation par le biais de la monnaie et des anticipations des agents économiques. Mais cette théorie est-elle valable dans un environnement en développement comme la Guinée où dualité, goulots d’étranglement et troc concernent encore une bonne partie de l’économie, mais qui cependant, est en voie de monétarisation ? Pour mieux saisir le rôle que la monnaie joue dans le processus inflationniste de ce pays, après une analyse rapide de l’effet de l’offre de monnaie de la BCRG sur les prix à la consommation, il convient de s’interroger sur la validité et les limites du monétarisme, ainsi que le rôle de l’endettement intérieur et extérieur sur le coût de vie en Guinée.

4.1

L’OFFRE

INFLATIONNISTE

DE

MONNAIE

DE

LA

BCRG

EST-ELLE

?

Les causes de l’inflation sont nombreuses et variées : du point de vue de la monnaie, si la demande reste intimement liée au gonflement de la masse monétaire et des prix, la politique d’offre de la Banque centrale peut être aussi un facteur d’inflation. Il est incontestable que l’Institut d’émission contrôle au moins la base monétaire et qu’à ce titre il est difficile d’admettre que l’offre de monnaie est exogène. Mais là n’est pas notre but ; notre ambition est plus modeste et se

limite seulement à mettre éventuellement en évidence le rôle que joue l’offre de monnaie de la BCRG dans l’inflation en Guinée.

4.1.1 Les déterminants de l’offre de monnaie en Guinée Le mécanisme de création monétaire n’est pas le même dans tous les systèmes bancaires 21, celui de la Guinée est inspiré du système français, en raison du lien historique qui existe entre les deux pays. Par contre, en Guinée, le mécanisme d’offre de monnaie dépend de plusieurs facteurs, entre autres le comportement du public, des banques commerciales et de la politique des autorités monétaires. Là comme ailleurs, l’offre de monnaie dépend de la monnaie centrale ou base monétaire ainsi que du multiplicateur de celle-ci. Mt = Kt X Bat Où Mt = masse monétaire, Kt = coefficient multiplicateur de la base, Bat = base monétaire. a. La base monétaire Elle est composée de deux éléments essentiels : les billets et pièces de monnaie détenus par le public : Bp et réserves des banques : Rb D’où

Ba = BP + Rb

En Guinée, la base monétaire, comme tous les agrégats monétaires, évolue rapidement à la hausse, la croissance accélérée du secteur monétaire en étant la cause. Estimée à GNF 450 Mds, en décembre 2002, la monnaie de base guinéenne, avec un taux de variation moyen annuel de 32%, arrive à GNF 2190,9 en décembre 2008. Il convient de préciser qu’en 2006, la monnaie centrale accuse un taux de croissance de 81,3%, alors que le taux d’inflation atteint sa valeur modale de 39,1% ; les années suivantes, les liquidités

21

Dans le système américain – comme l’affirme SERRA Daniel dans Monnaie, croissance et inflation, page 145 – : « il est possible d’établir une relation linéaire entre les encaisses disponibles des banques commerciales et les crédits qu’elles octroient, de telle sorte qu’il est facile de connaître la création monétaire des banques à partir de leurs encaisses ». Il pose : M= MNF + D et ME = MNF + MB ou somme de la monnaie fiduciaire du secteur non financier et du secteur bancaire. RT = MB + R = RO + RE Sur la base des travaux de FRIEDMAN, SWARTZ et CAGAN, en longue période, MNF = βD où β représente un rapport de conversion des dépôts en billets, tandis que D = 0