Météorologie de l'Afrique de l'Ouest tropicale: Le manuel du prévisionniste 9782759821808

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale : Le manuel du prévisionniste présente les bases scientifiques et la prév

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Météorologie de l'Afrique de l'Ouest tropicale: Le manuel du prévisionniste
 9782759821808

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Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale Le manuel du prévisionniste

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale Le manuel du prévisionniste

Édité par

Douglas J. Parker Mariane Diop-Kane Jean-Philippe Lafore

Illustrations de couverture : photographies de Françoise Guichard.

Imprimé en France

ISBN (papier) : 978-2-7598-2108-2 - ISBN (ebook) : 978-2-7598-2180-8 Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal. © EDP Sciences, 2018

Table des matières

Les contributeurs 17 Avant-propos 19 Préface 21 Remerciements 25  Chapitre 1   • Climat moyen et cycle annuel 27 1.1 Introduction 28 1.2 Pluviométrie et évaporation moyennes 33 1.3 Vapeur d’eau et couverture nageuse 42 1.4 Rayonnement, poussières, durée d’ensoleillement, végétation et eau du sol 46 1.5 Pression, température, humidité et vent en surface 53 1.6 Champs de vents, de masse et d’humidité en altitude 59 1.6.1 Une vision eulérienne de la circulation du vent et de la dynamique 59 1.6.2 Une vision lagrangienne de la circulation 69 1.7 Schémas résumant le système WAM entre janvier et juillet 71 Remerciements 75 Annexe : Acronymes 76 Références 77

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 Chapitre 2  • Systèmes synoptiques 83 2.1 Bases scientifiques 84 2.1.1 Introduction 84 2.1.2 Aspects synoptiques à l’échelle continentale 86 2.1.2.1 La dépression thermique saharienne 86 2.1.2.2 Le front inter-tropical (FIT) ou discontinuité inter-tropicale 89 2.1.2.3 Le jet d’est africain (JEA) 91 2.1.3 Les ondes d’est africaines 93 2.1.3.1 Contexte 93 2.1.3.2 Structure synoptique des AEW : observations, analyses et composites statistiques 93 2.1.3.3 Structure des ondes d’est africaines 102 2.1.3.4 La genèse des AEW 107 2.1.3.5 Dynamique et évolution des AEW 108 2.1.3.6 Relation avec la convection profonde 113 2.1.3.7 Transformations dans le sillage de l’écoulement 118 2.1.4 Les dépressions des moyennes latitudes et de la haute troposphère 119 2.1.5 Intrusions d’air sec extra-tropical 124 2.1.6 Les systèmes de la côte de Guinée 126 2.1.6.1 Les nuages et les pluies de la côte de Guinée 126 2.1.6.2 La petite saison sèche 129 2.1.7 Rétroactions des surfaces continentales à l’échelle synoptique 130 2.2 Méthodes opérationnelles et structures synoptiques canoniques 135 2.2.1 Champs synoptiques et principales implications 135 2.2.2 Cas d’étude d’ondes d’est et structure canonique 137 2.2.2.1 Un archétype d’onde d’est : le cas d’étude CS02 des 12-16 août 2012 137 2.2.2.2 Cas d’étude de déferlement d’une onde d’est 140 2.2.2.3 Transformations des ondes d’est au passage de la côte 143 2.2.2.4 Orages durant la saison sèche sur l’Afrique de l’Ouest 146 Remerciements 148 Annexe : Acronymes 148 Références 149  Chapitre 3  • Convection profonde 161 3.1 Bases scientifiques 162 3.1.1 Introduction 162 3.1.1.1 La convection est-elle différente sur l’Afrique ? 163

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Table des matières

3.1.1.2 Interactions entre la convection et l’écoulement de grande échelle 166 3.1.1.3 Objectifs de ce chapitre 168 3.1.2 Processus et facteurs qui gouvernent la convection 169 3.1.2.1 Ascendances convectives 169 3.1.2.2 Subsidences, DCAPE et courants de densité 172 3.1.2.3 Cisaillement de vent 177 3.1.2.4 Discussion 179 3.1.3 Organisation de la convection profonde 181 3.1.3.1 Différents types d’organisation 181 3.1.3.2 Le schéma conceptuel de ligne de grains 184 3.1.3.3 Climatologie et classification des MCS 187 3.1.4 Cycle de vie et cycle diurne 190 3.1.4.1 Déclenchement 190 3.1.4.2 Le cycle diurne 200 3.1.4.3 Dissipation 201 3.2 Méthodes opérationnelles 202 3.2.1 Cycle de vie de la convection du 12 au 16 août 2012 (CS02) 203 3.2.1.1 MCS1 203 3.2.1.2 MCS2 205 3.2.1.3 MCS3 206 3.2.1.4 CS1 206 3.2.1.5 CS2 208 3.2.1.6 Suppression de la convection 208 3.2.2 Courant de densité du 27 septembre 2014 (CS14) 208 3.2.3 Prévision des zones d’initiation et de suppression des orages 211 3.2.3.1 Conditions synoptiques et stabilité 211 3.2.3.2 Historique de l’activité orageuse 216 3.2.3.3 Utilisation des modèles numériques de prévision pour prévoir le déclenchement de la convection 216 3.2.4 Prévision du type d’orage 217 3.2.4.1 Organisation, longévité, vitesse et direction de propagation 217 3.2.4.2 Phénomènes météorologiques associés 217 3.2.5 Prévision de la suppression de la convection 218 Remerciements 219 Annexe : Acronymes 220 Références 220

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 Chapitre 4  • Météorologie locale 225 4.1 Bases scientifiques 226 4.1.1 Introduction 226 4.1.2 Bilan d’énergie de la surface et couche limite de surface atmosphérique 228 4.1.2.1 Principes de base du bilan d’énergie de la surface 228 4.1.2.2 Le vent dans la couche de surface 234 4.1.2.3 Le bilan énergétique de la surface des zones climatiques ouest-africaines 235 4.1.2.4 Variations du bilan d’énergie de la surface et de la température à la surface en réponse aux processus physiques 236 4.1.3 Le cycle diurne de la couche limite en Afrique de l’Ouest 242 4.1.3.1 La couche limite convective diurne 242 4.1.3.2 La couche limite nocturne 248 4.1.3.3 Formation du brouillard 254 4.1.3.4 La couche limite planétaire océanique 258 4.1.4 Vents locaux : variabilité méso-échelle et circulations 259 4.1.4.1 Structures cohérentes des vents : lignes de convergence et courants de densité 259 4.1.4.2 La brise de mer et la brise de terre 262 4.1.4.3 Vents induits par le relief 268 4.1.4.4 Vents locaux et convergences associées aux gradients d’humidité du sol et de végétation 270 4.1.4.5 Ondes piégées, mascarets et solitons 272 4.1.5 Distribution de la pluie convective à l’échelle locale 274 4.1.5.1 Cumulus congestus 275 4.1.5.2 Contrôles de la surface continentale sur la pluie : humidité du sol et végétation 275 4.1.6 Météorologie marine 278 4.2 Méthodes opérationnelles 279 4.2.1 Prévision des températures maximales et minimales (Tx, Tn) 279 4.2.1.1 Prévisions utilisant une approche statistique 281 4.2.1.2 Méthodes physiques s’appuyant sur l’utilisation des sondages 283 4.2.1.3 Utilisation des résultats des modèles de prévision 285 4.2.1.4 Processus physiques influençant les températures journalières 286 4.2.2 Visibilité 288

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4.2.2.1 Principes de base de la prévision de la visibilité 288 4.2.2.2 Prévision du brouillard 290 4.2.3 Prévision du cisaillement de vent et de la turbulence 293 4.2.4 Prévision des brises de mer, de terre et de lac 295 4.2.5 Prévision marine 296 4.2.5.1 Les vents sur mer 296 4.2.5.2 Vagues océaniques 298 4.2.5.3 Visibilité en mer 299 4.2.6 Les services maritimes 300 4.2.6.1 Prévision et alertes 300 4.2.6.2 Routage des navires 300 Remerciements 301 Annexe : Acronymes 302 Références 303  Chapitre 5  • Aérosols désertiques 309 5.1 Bases scientifiques 310 5.1.1 Le cycle des aérosols désertiques 310 5.1.1.1 Émission 310 5.1.1.2 Transport 313 5.1.1.3 Dépôts sec et humide 314 5.1.2 Systèmes météorologiques 315 5.1.3 Climatologie 323 5.1.4 Interactions avec la météorologie et le climat 326 5.1.4.1 Effet radiatif direct 326 5.1.4.2 Impact sur la stabilité atmosphérique 327 5.1.4.3 Impact sur la microphysique nuageuse 329 5.1.4.4 Fertilisation des écosystèmes par les aérosols désertiques 330 5.2 Méthodes opérationnelles 330 5.2.1 Introduction et structure 330 5.2.2 Données 331 5.2.2.1 Données des stations de surface 331 5.2.2.2 Cartes de surface et en niveau de pression 332 5.2.2.3 Observations satellitaires 332 5.2.2.4 Prévisions de poussières par les modèles numériques 337 5.2.3 Conseils pratiques pour les prévisionnistes 341 5.2.3.1 Introduction 341

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5.2.3.2 La prévision de la brume sèche d’harmattan HDH 341 5.2.3.3 Prévoir les tempêtes de poussières convectives 348 5.2.4 Exemples de cas d’étude en ligne 351 Annexe : Acronymes 351 Références 352  Chapitre 6  • Prévision immédiate 361 6.1 Bases scientifiques 362 6.1.1 Introduction 362 6.1.2 Le processus de prévision immédiate 364 6.1.2.1 Prévision de la convection 365 6.1.2.2 Les modèles conceptuels et la climatologie 366 6.1.2.3 Analyses de stabilité 370 6.1.2.4 Type d’orage 378 6.1.2.5 Extrapolation des orages existants 379 6.1.2.6 Prévision immédiate de la naissance et de l’évolution d’un orage 383 6.2 Méthodes opérationnelles de prévision immédiate de temps dangereux 391 6.2.1 Orages, grêle et crues éclair 392 6.2.2 Procédure pour la prévision immédiate des orages, de la grêle et des crues éclair 393 6.2.3 Cisaillement de vent 404 6.2.4 Procédure pour la prévision immédiate du cisaillement 408 6.2.5 Foudre 418 6.2.6 Procédure pour la prévision de foudre 420 Annexe A : Acronymes 420 Annexe B : Checklist pour améliorer la prévision immédiate opérationnelle 421 Annexe C 423 Annexe D : Sites internet contenant des supports de formation en lien avec la météorologie 424 Références 424  Chapitre 7   • Prévision à l’échelle intra-saisonnière 431 7.1 Bases scientifiques 432 7.1.1 Introduction 432 7.1.2 Les données 433 7.1.2.1 Les précipitations 433 7.1.2.2 Les températures de surface de mer (SST) 435

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7.1.2.3 Le rayonnement sortant de grande longueur d’onde 436 7.1.2.4 La température de brillance 437 7.1.2.5 Les réanalyses 437 7.1.3 Détection des modes principaux de variabilité sub-saisonnière de la convection 438 7.1.4 Ondes équatoriales couplées à la convection 440 7.1.4.1 Les ondes de Kelvin 442 7.1.4.2 Les ondes de Rossby équatoriales (ER) 447 7.1.4.3 Les ondes mixtes de Rossby-Gravité (MRG) 447 7.1.5 Autres signaux couplés à la convection et leurs liens avec les ondes équatoriales 450 7.1.5.1 Les signaux entre 10 et 25 jours 450 7.1.5.2 Les périodicités entre 25 et 90 jours et l’Oscillation Madden-Julian 454 7.1.6 Mécanismes pour les fréquences d’occurrence des séquences sèches et humides 460 7.1.7 La mise en place de la mousson 462 7.1.7.1 Détection 462 7.1.7.2 Mécanismes 463 7.1.7.3 Applications 465 7.1.7.4 Résumé et perspectives 467 7.2 Méthodes opérationnelles 468 7.2.1 Outils de prévisionniste 468 7.2.1.1 Prédiction de la MJO 468 7.2.1.2 Prévision des anomalies régionales 470 7.2.2 Recommandations pour une prévision opérationnelle 470 7.2.2.1 État de la MJO 470 7.2.2.2 Les produits de synthèse 475 7.2.2.3 Vérifications des prévisions 476 Remerciements 478 Annexe : Acronymes 478 Références 479  Chapitre 8  • Prévision saisonnière 487 8.1 Bases scientifiques 488 8.1.1 Introduction 488 8.1.2 Téléconnexions avec la SST 491 8.1.3 Prévisions statistiques 495 8.1.3.1 Méthodes 495

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8.1.3.2 Représentation des prédicteurs ; prédicteurs en composantes principales orthogonales de la température de surface de la mer 503 8.1.3.3 Représentation des prédictands 505 8.1.3.4 Évaluation des méthodes statistiques 509 8.1.3.5 Performance sur la période 1996-2009 511 8.1.4 Prévisions des modèles dynamiques 512 8.1.4.1 Performance sur la période 1996-2009 513 8.1.4.2 Correction d’erreurs systématiques des modèles 514 8.1.4.3 Modèles futurs : potentiel pour améliorer les prévisions saisonnières 518 8.1.4.4 Prévisibilité à longue échéance 520 8.1.5 Prévisions combinées 521 8.1.5.1 Performance sur la période 1996-2009 523 8.1.6 Autres variables et autres saisons 524 8.1.6.1 Prévision du débit sortant du lac Volta 524 8.1.6.2 Prévision de la méningite à méningocoque pendant la saison sèche ouest-africaine 526 8.1.6.3 Mise en œuvre de la prévision saisonnière au Sénégal pour l’aide à l’agriculture 527 8.2 Méthodes opérationnelles 528 8.2.1 Sites web de prévision saisonnière internationaux : sources d’information 529 8.2.1.1 Site web de l’ensemble multi-modèles des centres pilotes de l’OMM 529 8.2.1.2 Vérification des prévisions à long terme 530 8.2.1.3 Site web du UK Met Office 530 8.2.1.4 Site web CEPMMT/EUROSIP 530 8.2.1.5 Site web de la NOAA/NCEP 530 8.2.1.6 Site web de prévision saisonnière de l’International Research Institute for Climate and Society (IRI) 531 8.2.1.7 Site web de l’African Center of Meteorological Application for Development (ACMAD) 531 8.2.2 Prévisions consensuelles 531 8.2.2.1 La démarche PRESAO 531 8.2.2.2 Évaluation des prévisions de la PRESAO sur 1998-2007 534 8.2.3 Logiciels et outils 534 8.2.3.1 Le Climate Predictability Tool (CPT) 534 8.2.3.2 La librairie de données de l’IRI 535

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8.2.3.3 Le Climate Explorer du KNMI 535 8.2.3.4 Site web interactif de NOAA Earth System Research Laboratory 535 8.2.4 Autres sites web proposant des applications de prévisions 535 8.2.4.1 FEWS NET 535 8.2.4.2 AGRHYMET, Niger 535 8.2.5 Suggestions et recommandations 536 Annexe A : Acronymes 536 Annexe B : Analyse en composantes principales orthogonales (EOF) 537 Références 537  Chapitre 9   • Télédétection 543 9.1 Bases scientifiques 544 9.1.1 Le système d’observation satellitaire global 544 9.1.1.1 Géométrie orbitale 545 9.1.1.2 Avantages et limitations des satellites GEO et LEO 546 9.1.1.3 Géométrie de balayage et de visée 546 9.1.2 Bases scientifiques en télédétection 547 9.1.2.1 Spectre électromagnétique 547 9.1.2.2 Luminance et rayonnement d’un corps noir 548 9.1.2.3 Transfert radiatif 552 9.1.2.4 La réflectance 555 9.1.2.5 Télédétection passive et active 555 9.1.3 Les bandes spectrales ou canaux 557 9.1.3.1 Canaux visibles et IR 557 9.1.3.2 Les canaux micro-onde 560 9.1.4 Analyse multispectrale : produits de visualisation 560 9.1.4.1 Visualisation de canaux individuels 561 9.1.4.2 Différence ou rapport entre deux canaux 561 9.1.4.3 Extraction quantitative d’un paramètre 562 9.1.4.4 Les produits RGB 563 9.1.4.5 Produits combinés dits « sandwich » 574 9.1.5 Restitution de paramètres météorologiques à partir des mesures satellitaires 574 9.1.5.1 Vapeur d’eau 575 9.1.5.2 Structure verticale en température, humidité et vents 577 9.1.5.3 Les nuages 584 9.1.5.4 Les précipitations 587 9.1.5.5 Les poussières 590

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9.1.5.6 Feux, fumée et brume 591 9.1.5.7 Les cendres volcaniques 594 9.1.5.8 Éclairs 595 9.1.5.9 Humidité de surface et végétation 596 9.1.5.10 Vents au-dessus des surfaces océaniques 597 9.1.6 Radars météorologiques 597 9.1.6.1 Principes de base du radar météorologique 597 9.1.6.2 Les produits sol et satellitaires des radars météorologiques 600 9.1.6.3 Profileurs de vent 603 9.2 Méthodes opérationnelles 603 9.2.1 Les plates-formes et les capteurs 604 9.2.1.1 Les satellites géostationnaires et les capteurs 604 9.2.1.2 Les satellites à orbite basse 606 9.2.1.3 Outils et produits d’analyse satellitaire opérationnelle 608 9.2.1.4 Outils d’analyse de radar opérationnel 608 9.2.2 Identification des éléments de grande échelle 608 9.2.2.1 FIT et ZCIT 608 9.2.2.2 Circulations intra-saisonnières : MJO, ondes équatoriales 609 9.2.2.3 Systèmes synoptiques 609 9.2.3 Analyse à méso-échelle et à l’échelle locale 611 9.2.3.1 Les circulations de méso-échelle 611 9.2.3.2 Systèmes convectifs de méso-échelle (MCS) 611 9.2.3.3 Les tempêtes de poussière et de sable 612 9.2.3.4 Cellules convectives, fronts de rafales, lignes de grains 613 9.2.4 Brouillard et stratus bas 613 9.2.5 Sondages satellitaires 613 9.2.6 Les vents 615 9.2.7 Les dangers pour l’aviation 615 9.2.8 Analyse marine 616 9.2.9 Sources de produits satellitaires 616 9.3 Cas d’étude, présentations et autres ressources 618 9.3.1 Analyse radar et satellitaire 618 9.3.1.1 Systèmes convectifs de méso-échelle et ondes d’est africaines 618 9.3.1.2 Cyclone tropical, mascaret et autres systèmes nuageux 621 9.3.2 Présentations 624 9.3.3 Éducation et formation 625

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Annexe : Acronymes 626 Références 627  Chapitre 10   • Prévision numérique du temps en Afrique 629 10.1 Bases scientifiques 630 10.1.1 Introduction 630 10.1.2 Systèmes de PNT déterministes 633 10.1.2.1 Observations 634 10.1.2.2 Assimilation des données 640 10.1.2.3 Les modèles globaux et régionaux de PNT 644 10.1.2.4 Les modèles d’échelle convective 653 10.1.2.5 Les adaptations statistiques des sorties de modèles 654 10.1.3 La prévision d’ensemble et la prévisibilité de l’atmosphère 655 10.1.4 Résumé et capacités d’avenir 657 10.2 La PNT opérationnelle en Afrique 659 10.2.1 Capacité actuelle des prévisions déterministes de PNT 660 10.2.1.1 Précipitation et bilan d’humidité dans les modèles de PNT et les analyses 660 10.2.1.2 Température et humidité près de la surface 673 10.2.1.3 Flux de mousson de basse couche et dépression thermique saharienne 676 10.2.1.4 Le jet d’est africain 676 10.2.1.5 Ondes d’est africaines 680 10.2.2 Prévoir les intempéries violentes et l’incertitude des modèles 682 10.2.2.1 Prévisions d’ensemble à partir des prévisions déterministes 682 10.2.2.2 WMO Severe Weather Forecast Demonstration Project (SWFDP) 684 10.2.2.3 Modélisation à échelle convective (kilométrique) 687 Remerciements 690 Annexe : Acronymes 690 Références 691  Chapitre 11   • Cartes synthétiques d’analyse et prévision sur l’Afrique de l’Ouest : WASA/F 699 11.1 Introduction 700 11.2 Front inter-tropical, Intertropical Discontinuity, ou Intertropical Boundary au Ghana 704 11.2.1 Principales caractéristiques 704

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11.2.2 Règles de tracé 704 11.2.3 Cas spécifiques 707 11.3 Dépression thermique saharienne ou Heat Low (HL) 707 11.3.1 Principales caractéristiques 707 11.3.2 Règles de tracé 708 11.4 Jet subtropical 711 11.5 Structures associées aux moyennes latitudes 713 11.6 Air sec en moyenne troposphère 714 11.6.1 Principales caractéristiques 714 11.6.2 Règles de tracé 714 11.7 Jet d’est tropical (Tropical Easterly Jet, TEJ) 716 11.7.1 Principales caractéristiques 716 11.7.2 Règles de tracé 716 11.8 Jet d’est africain (JEA) 717 11.8.1 Principales caractéristiques 717 11.8.2 Règles de tracé 718 11.9 Ondes d’est africaines (African Easterly Waves, AEW) et tourbillons cycloniques 720 11.9.1 Principales caractéristiques 720 11.9.2 Règles de tracé 720 11.10 La couche de mousson et le thalweg de mousson (Monsoon Trough, MT) 726 11.10.1 Principales caractéristiques 726 11.10.2 Règles de tracé 727 11.11 Poussières et sable 732 11.12 Convection 732 11.12.1 Analyse de l’activité convective 732 11.12.2 Règles de prévision et diagnostics requis pour la convection 734 Annexe : Acronymes 741 Références 742 Index 743

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Les contributeurs Nicolas Chapelon CISMF, Météo-France Toulouse France Andrew Colman Met Office Hadley Centre Exeter UK Rosalind Cornforth University of Reading Reading UK Andreas H. Fink Karlsruhe Institute of Technology Karlsruhe Germany Peter Knippertz Karlsruhe Institute of Technology Karlsruhe Germany Jean-Philippe Lafore CNRM, Météo-France et CNRS Toulouse France

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Arlene Laing Cooperative Institute for Research in the Atmosphere (CIRA) Colorado State University Fort Collins, Colorado USA Sean Milton Met Office Exeter UK Zilore Mumba University of Zambia Lusaka Zambia Douglas J. Parker University of Leeds Leeds UK Rita D. Roberts National Center for Atmospheric Research Boulder, CO USA Wassila M. Thiaw Climate Prediction Center, NCEP, NOAA College Park, MD USA James W. Wilson National Center for Atmospheric Research Boulder, CO USA

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Avant-propos

Cet ouvrage représente la première tentative pour documenter la science moderne de la prévision de temps pour une région spécifique du monde. En tant que Secrétaire général de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), je suis particulièrement heureux d’avoir vu ce livre se construire sous la forme d’une collaboration entre les prévisionnistes opérationnels, les agences de modélisation numérique et la communauté universitaire. Ce partenariat a pris racine dans le programme international d’analyse multidisciplinaire de la mousson africaine (AMMA), et a abouti à une synthèse de connaissances, de pratiques et d’idées présentée dans ce livre, alliant ainsi théorie et pratique. L’ouvrage documente les connaissances scientifiques des systèmes météorologiques ouest-africains et résume les principes et les règles pratiques de la prévision opérationnelle. La présentation a été organisée de manière à permettre au lecteur de se familiariser avec le climat régional à travers l’étude des systèmes météorologiques d’échelles synoptique et méso-échelle, et avec la pratique des méthodes de prévisions aux échelles de l’heure, du jour, de la semaine, jusqu’à la saison entière. Les météorologistes modernes doivent tenir compte de toutes ces échelles de temps lorsqu’ils fournissent leurs services de prévision. De nouveaux outils, y compris des prévisions numériques à l’échelle kilométrique et les produits des nouveaux satellites, peuvent aider les prévisionnistes à fournir des prévisions répondant aux besoins des utilisateurs. L’OMM a été l’un des partenaires de la préparation de ce livre, par l’intermédiaire du Bureau de l’éducation et de la formation, du Département des systèmes de prévision et de prévision des risques de catastrophes et du Programme de recherche sur la météorologie mondiale au sein de la Direction de la recherche atmosphérique et de l’environnement. En répondant aux besoins de la communauté météorologique

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Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

d’Afrique de l’Ouest, ce livre apporte une contribution importante au Programme de renforcement des capacités de l’OMM. De plus, les catastrophes naturelles ayant été bien documentées en Afrique de l’Ouest, on s’attend à ce que cet ouvrage améliore la capacité des Services météorologiques et hydrologiques nationaux (SMHN) à fournir des informations précises sur les risques, la prévention, l’intervention et le retour à la normal. La publication de ce livre est également opportune, car en 2017, l’OMM a lancé la mise en œuvre du projet bien connu de démonstration de prévision des phénomènes météorologiques violents (SWFDP) dans la région de l’Afrique de l’Ouest. Je m’attends à ce que ce livre soit la principale référence scientifique pour la formation en prévision météorologique d’événements violents, associée à ce projet et une source clé pour la formation académique des étudiants et des professionnels en météorologie en Afrique de l’Ouest, une région critique pour la prévision météorologique. C’est une région pour laquelle la population est particulièrement vulnérable aux phénomènes météorologiques et climatiques, où la science de la météorologie a de solides antécédents, y compris l’expérience tropicale atlantique (GATE) des années 1970 du Programme global de recherche atmosphérique (GARP), effort de recherche récemment renouvelé grâce à l’impulsion du programme AMMA. Je m’attends à ce que ce livre contribue significativement à améliorer la qualité des prévisions et des alertes météorologiques en Afrique de l’Ouest dans les années à venir. J’espère également qu’il stimulera de nouvelles activités de recherche et opérationnelles, en particulier dans l’utilisation des systèmes de prévision numérique du temps (PNT), et augmentera en retour, grâce aux rétroactions, la qualité des activités d’évaluation de la prévision numérique du temps. En outre, l’accent mis sur l’utilisation des mesures in situ et télédétectées dans les prévisions devrait fournir une motivation supplémentaire pour la mise en œuvre et l’exploitation des systèmes de mesure dans les pays d’Afrique de l’Ouest. Petteri Taalas Secrétaire général, Organisation météorologique mondiale

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Préface

Ce livre vise à synthétiser les dernières connaissances de la météorologie ouest-africaine, ainsi que les méthodes et outils les plus récents adaptés à la prévision météorologique opérationnelle dans cette région. Nous espérons qu’il sera utile pour la formation des météorologistes en Afrique de l’Ouest, mais également de ceux du monde entier qui s’intéressent aux prévisions tropicales et pour les étudiants en météorologie. Le contenu de cet ouvrage s’adresse aux étudiants du premier et troisième cycle s’intéressant aussi bien à la dynamique tropicale qu’à la prévision opérationnelle. Une connaissance de base de la météorologie est prérequise. Cet ouvrage répond à une forte demande des services météorologiques nationaux, dont les services généraux de prévision sont encore à leurs débuts. Pendant de nombreuses années, l’accent a été mis sur les prévisions pour l’aéronautique, mais avec le changement climatique et ses risques et impacts associés, il existe une demande croissante pour des prévisions météorologiques spécifiques à plus grande échelle de temps et d’espace. Les principaux utilisateurs ont besoin de prévisions pour l’agriculture, la sécurité alimentaire, les ressources en eau, la protection civile, la réduction des risques de catastrophe et la santé. Bien que le livre n’aborde pas directement ces questions, les phénomènes concernés par la production de ces prévisions dans les délais requis ont été couverts tout au long du livre, dans le but d’apporter au prévisionniste assez de matériaux pour extrapoler et fournir de tels services météorologiques et climatologiques. Le livre donne également un aperçu de nouvelles recherches qu’il serait nécessaire de mener. L’idée de ce livre est né en 2000 lors des discussions entre les deux premiers éditeurs et Chris Thorncroft sur les prévisions en Afrique de l’Ouest pour l’expérience JET2000. Pour cette campagne, la planification des vols de recherche britanniques utilisait les produits des prévisions numériques du temps (PNT) modernes, ainsi que les modèles conceptuels connus des prévisionnistes opérationnels de la région. Il est

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Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

ainsi clairement apparu un manque de documentation sur la météorologie de base en Afrique de l’Ouest, sur les méthodes de prévision (un problème plus répandu pour les tropiques) et un déficit de communication entre les communautés de recherche et de prévision (là encore un problème non spécifique à l’Afrique de l’Ouest). Le programme d’analyse multidisciplinaire de la mousson africaine (AMMA, 2002 et suivantes) a permis de résoudre certains de ces problèmes et de développer un programme de prévision intégré aux campagnes de terrain intensives AMMA de 2006. Le centre opérationnel d’AMMA (AOC) comprenait une équipe de prévisionnistes choisis parmi différents services météorologiques nationaux d’Afrique de l’Ouest et hébergés au Centre africain pour les applications de la météorologie au développement (ACMAD) à Niamey. Cette équipe a travaillé à la production de prévisions et d’analyses quotidiennes systématiques et standardisées, présentées lors des briefings quotidiens de l’AOC. Ce programme de prévision de l’AOC, dirigé par Jean-Philippe Lafore et Zilore Mumba, a connu des succès significatifs : la création d’un réseau de prévisionnistes et de chercheurs, l’initiation d’un important dialogue entre ces communautés, la standardisation de diagnostics et la mise en place d’une analyse et prévision synthétique ouest-africaine (WASA/F pour West African Synthetic Analysis and Forecast). Cependant, les prévisions de l’AOC ont également mis en évidence (du moins pour les universitaires impliqués) l’immense défi de développer des prévisions quotidiennes fiables dans la région, en particulier pour les systèmes convectifs. Suite aux prévisions de l’AOC, l’ACMAD et le Centre national de recherches météorologiques (CNRM) de Météo-France et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ont poursuivi le développement de la WASA/F au cours des années suivantes. Nous considérons ce cadre permettant une représentation cohérente des caractéristiques météorologiques, comme un élément essentiel du développement scientifique des prévisions dans cette région. Il existe un certain nombre de modèles conceptuels importants des systèmes météorologiques en Afrique de l’Ouest (ondes d’est africaines (AEW) par exemple), qu’il est nécessaire d’analyser, traquer, surveiller et de prévoir leur comportement. En identifiant des structures relativement simples, comme le thalweg d’une AEW, d’autres caractéristiques du même phénomène peuvent être inférées, si l’utilisateur connaît la configuration typique de ce phénomène. Ainsi dans le cas d’une AEW, l’utilisateur peut déduire les zones probables de précipitations, et le type de pluie, par rapport à l’emplacement du thalweg. Pour que ce cadre conceptuel soit utile, il est nécessaire qu’il soit élaboré selon un processus scientifique rigoureux, et une grande partie des efforts mis en œuvre lors de l’élaboration de ce livre a été la prise en compte dans ce principe. Les caractéristiques à tracer sur les WASA/F devraient correspondre aux mesures et aux seuils convenus pour les données d’observation ou de modèle, de sorte qu’en principe ces mesures pourraient être déduites dans les limites quantitatives des schémas conceptuels. Les tracés doivent également être « reproductibles », au sens qu’un autre prévisionniste traçant la même WASA/F aboutirait au même résultat. Des efforts considérables ont été déployés pour atteindre ces objectifs ; un résumé des règles de tracé des caractéristiques météorologiques sur les cartes WASA/F est fourni au chapitre 11. La préparation et la rédaction du livre ont débuté officiellement en octobre 2009 lors d’un atelier organisé par le Centre international de physique théorique (ICTP) et

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Préface

cofinancé par le Programme de recherche sur la météorologie mondiale (WWRP) de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) en association avec THORPEXAfrique. Un atelier d’une journée a été utilisé pour explorer certains processus d’interaction entre les chercheurs et les prévisionnistes, aboutissant à un plan structuré des chapitres et à la définition de leur contenu (y compris, surtout, la liste des auteurs principaux). Cet atelier a également permis de formaliser la composition du Comité de rédaction du projet, et de s’accorder sur le mode opératoire de l’élaboration du livre. Étant donné que les résultats importants à documenter sont universels et ne dépendent pas fortement du pays, il a été convenu que nous pourrions travailler avec un petit groupe restreint de prévisionnistes aux côtés des différents universitaires impliqués. À ce stade du projet, quelques autres principes ont été adoptés : • Le manuel décrira systématiquement l’état de l’art, en supposant la disponibilité d’un ensemble complet d’outils adaptés. Cela donnera aux prévisionnistes des principaux centres les meilleures informations sur l’état actuel des connaissances et servira à stimuler la demande de tels outils. • Le manuel décrira également des approches pragmatiques de la prévision, y compris par exemple le tracé de cartes synoptiques à partir d’observations régionales et le calcul d’indices de stabilité à partir de données aérologiques. • Des méthodes non encore testées pourront être incluses dans le manuel, s’il y a de bonnes raisons de le faire, comme le succès démontré de la méthode pour une autre partie du monde. Cette approche permettra aux prévisionnistes d’effectuer les tests nécessaires pour leur région. • La plupart des chapitres seront séparés en deux parties : les connaissances scientifiques de base et les méthodes opérationnelles. Une série de cas d’étude a été analysée en détail par les prévisionnistes africains et de Météo-France en collaboration avec les universitaires pour illustrer les théories, les modèles conceptuels, les diagnostics et les méthodes de prévision proposés dans le livre. Cette masse considérable d’informations ne pouvant pas prendre place en totalité dans l’ouvrage, un site web interactif et bilingue (anglais et français) a été développé par Florence Favot du CNRM, pour mettre à disposition une sélection de six cas d’étude d’événements typiques et servir de support pédagogique pour la formation des prévisionnistes et des étudiants. Chaque chapitre a un ou deux auteurs principaux, plus un groupe d’auteurs contributeurs. Tous les chapitres ont été évalués par une ou plusieurs personnes. Dans un ou deux cas, l’examinateur a apporté des contributions substantielles et spécifiques au matériel et a été invité à se joindre à la liste des auteurs contributeurs. Un atelier prolongé s’est tenu à Leeds entre octobre et décembre 2012. Un groupe restreint de prévisionnistes a travaillé pendant huit semaines avec divers universitaires européens et africains et des prévisionnistes en visite sur des périodes plus courtes. Cette activité a fourni l’occasion de progresser sur des points scientifiques spécifiques, grâce à d’intenses collaborations. Un dernier atelier cofinancé par l’OMM, le Met Office et l’ACMAD a été organisé par Mariane Diop-Kane à l’Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie

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Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

du Sénégal (ANACIM) à Dakar en mars 2013, dans le but de permettre à la communauté de prévision d’Afrique de l’Ouest (avec des représentants de huit agences nationales de prévision, Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA) et les universités de l’Afrique de l’Ouest) d’examiner et de critiquer le contenu du manuel, afin de permettre sa finalisation dans un laps de temps le plus court possible. En réalité, l’achèvement du livre a pris deux autres années, en raison des itérations nécessaires pour résoudre certaines des idées soulevées lors de cet atelier. La météorologie ouest-africaine impliquant de nombreux processus interactifs sur une large gamme d’échelles spatio-temporelles, alors que les connaissances ont été jusqu’ici dispersées entre de nombreuses sources, l’organisation du matériel a été assez compliquée et nous avons dû faire quelques choix. En particulier, nous avons pris des décisions délibérées concernant la terminologie de certaines des principales caractéristiques climatologiques. Nous avons ainsi décidé de ne pas utiliser le terme ZCIT (zone de convergence intertropicale) sur terre, car la structure de convergence varie significativement sur la verticale, ce qui est source de confusion dans la littérature. Alors que nous conservons « ZCIT » au-dessus de l’océan, sur le continent, nous nous référons, au besoin, à des caractéristiques observables spécifiques telles que la zone de précipitations maximales. Dans le même temps, nous avons choisi de retenir à la fois les termes ITD et FIT (discontinuité intertropicale et front intertropical). Ces termes sont interchangeables et sont utilisés très largement dans la littérature et dans les centres opérationnels. De même, nous utilisons à la fois les diagrammes téphigramme et émagramme dans la présentation des profils thermodynamiques, étant donné que les deux sont d’usage courant et que l’étudiant devrait s’y préparer. Les principaux défis dans la préparation de ce manuel ont été le peu de temps disponible pour les contributeurs, le besoin d’une discussion scientifique pour convenir et approuver le matériel à présenter, et l’effort nécessaire pour assurer la cohérence croisée entre les chapitres. Nous sommes très reconnaissants envers les agences de financement qui nous ont soutenus, et le temps consacré par de nombreux scientifiques. Le chapitre 1 présente un aperçu du climat de l’Afrique de l’Ouest, sans tenir compte des méthodes de prévision. Les chapitres suivants 2 à 6 sont dédiés à la météorologie synoptique, aux différents phénomènes météorologiques de méso-échelle et locaux, et à la prévision immédiate. Les chapitres 7 et 8 considèrent des échelles de temps plus longues et saisonnières. Le livre traite ensuite des méthodes de télédétection, de la prévision numérique du temps et enfin du tracé des cartes synthétiques d’analyse et de prévision au chapitre 11. Douglas J. Parker Mariane Diop-Kane Jean-Philippe Lafore Décembre 2017

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Remerciements

Ce livre est le fruit d’un programme de travail coopératif entre l’ACMAD, le programme AMMA et le WWRP de l’OMM, qui ont généreusement fourni un soutien financier et une contribution de leur personnel. Basé sur une initiative française, AMMA a été construit par un groupe scientifique international et financé par un grand nombre d’agences, notamment d’Afrique, de France, du Royaume-Uni et des États-Unis. Il a bénéficié d’une contribution financière majeure du sixième programme-cadre de recherche de la Communauté européenne. Nous sommes reconnaissants pour le soutien financier et autres contributions que ce livre a reçu de l’ANACIM, l’ITCP, Météo-France/CNRM, du Met Office, du NERC (NE/G018499/1), l’université de Leeds, RIPIECSA, THORPEX, du Walker Institute, de la Division des activités de formation de l’OMM et du Département du développement et des activités régionales de l’OMM, et des Bureaux pour l’Afrique et les pays les moins avancés. Doug Parker a reçu le soutien de la Royal Society Wolfson Research Merit Award. Paul Hardaker, en tant que directeur exécutif de la Royal Meteorological Society (RMetS), a soutenu la publication de cet ouvrage en tant que livre complet par leurs éditeurs, Wiley-Blackwell. La RMetS et l’American Meteorological Society nous ont aimablement permis de reproduire de nombreuses figures de leurs revues académiques. Le comité de pilotage du projet représente les principales parties prenantes du livre et de ses impacts, et comprend Aida Diongue-Niang, Mariane Diop-Kane, Ibrahima Hamza, Abdoulaye Harou, Jean-Philippe Lafore, Benjamin Lamptey, Ifeanyi Nnodu, Douglas Parker, Patrick Parrish et Leon Guy Razafindrakoto. Le comité de rédaction a eu la responsabilité de la sélection des auteurs de chapitres et a fourni des conseils stratégiques tout au long du projet. Ses membres ont été Douglas Parker, Ernest Afiesimama, Jim Caughey, Rosalind Cornforth, Mariane Diop-Kane,

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Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Aida Diongue-Niang, Andreas Fink, Ibrahima Hamza, Jean-Philippe Lafore, Arlene Laing, Peter Lamb, Benjamin Lamptey, Zilore Mumba, Ifeanyi Nnodu, Jerome Omotosho, Steve Palmer, Wassila Thiaw, Chris Thorncroft et Adrian Tompkins. En plus de ceux déjà nommés, et des auteurs principaux des chapitres, nous sommes particulièrement reconnaissants pour les contributions apportées par un très large groupe de prévisionnistes opérationnels, et d’autres spécialistes de la prévision en Afrique de l’Ouest, à savoir Abdou Kassimou, Abébé Abdoulaziz, Garba Adamou, Raphael Agbabu, Leonard Amekudzi, Aboubacar Angoua, Nicole Asencio, Alpha Boubacar Barry, Florent Beucher, Cathryn Birch, Nicolas Chapelon, Fleur Couvreux, Okoloye Cyprian, Diakaria Kone, Abdou Aziz Diop, Marie-Christine Dufresne, Florence Favot, Jim Galvin, Adamou Garba, Amadou Tidiane Gaye, Françoise Guichard, Hama Hamidou, Alioune Kamara, André Kamga, Cheikh Kane, Yassin Khan, Diakaria Kone, Touré Koure, Gnatoulouma Kpabeba, Laurent Labbe, Yerima Ladan, Sidi Ould Mohamed Lemine, Serge Lepape, Ousmane Ndiaye, Justin Noukpozounkou, Mathieu Nuret, Bernard Orji, Deve Orkuma, David Perry Osika, Dazangwendé Emmanuel Poan, Felix Randrianavalona, Romain Roehrig, Diori Saley, Maré Dominique Sangare, Abdoulaye Sarr, Massamba Seck, Tinni Seydou, Muller Tsatsu Siameh, George Emmanuel Stafford, Abdoulaye Taye, Augustin Tchouanwo, Moussa Yoro Thiam, Madiagne Thiaw, Mamadou Bassando Traore, Henk Verschuur, Patrick Vidal, Jean-Christoph Vincendon, Charles Yorke et Jingmei Yu. Nous sommes particulièrement reconnaissants à Abdou Malam Kassimou pour ses efforts de coordination des contributions des prévisionnistes aux chapitres, et à Rosaleen McDonnell qui a agi en tant que directrice éditoriale du projet dans ses dernières étapes, et a contribué à mener l’ensemble du travail à son terme. La publication de la version française de ce livre était essentielle pour la communauté ouest-africaine dont la grande majorité des pays sont francophones. Elle a été possible grâce à la mobilisation de la communauté française d’AMMA et de MétéoFrance qui a effectué la traduction et sa relecture de la version anglaise publiée en avril 2017, puis son édition assurée par Jean-Philippe Lafore. Nous sommes ainsi particulièrement reconnaissants pour ce travail à Lauriane Batté, Florent Beucher, Christel Bouet, Philippe Bougeault, Dominique Bouniol, Christophe Callas, Pierre Camberlin, Jean-Pierre Ceron, Jean-Pierre Chaboureau, Nicolas Chapelon, Fleur Couvreux, Juan Cuesta, Paola Formenti, Jean-François Gueremy, Françoise Guichard, Serge Janicot, Fatima Karbou, Yann Largeron, Benoit Laurent, Thierry Lebel, Thierry Lefort, Sylvain Le Moal, Fabienne Lohou, Marie Lothon, Isabelle Mallet, Béatrice Marticorena, Benjamin Pohl, Pascal Roucou, Frank Roux, JeanLouis Rajot, Hervé Roquet, Jean-Louis Roujean, Frédérique Saïd, Mireille Tomasini et François Vinit.

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1 Climat moyen et cycle annuel

Auteur principal : A. H. Finka Auteurs : T. Engelb, V. Ermertb, R. van der Lindenb, M. Schneidewindb, R. Redlb, E. Afiesimamac, W. Thiawd, C. Yorkee et Mathew Evansf Reviewer : Serge Janicot (Institut Pierre-Simon Laplace, Paris, France) Traduction française : B. Pohlg, P. Camberling, P. Roucoug

a

Institute of Meteorology and Climate Research – Troposphere – Karlsruhe Institute of Technology, Karlsruhe, Germany b Institute of Geophysics and Meteorology, University of Cologne, Cologne, Germany c Nigerian Meteorological Agency, Abuja, Nigeria d NOAA/National Centers for Environmental Prediction/Climate Prediction Center, Camp Springs, Maryland, USA e Ghana Meteorological Agency, Accra, Ghana f Department of Chemistry, University of York, York, UK g Centre de Recherches de Climatologie/Biogéosciences – CNRS/Université Bourgogne Franche-Comté, Dijon, France

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Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

1.1 Introduction L’Afrique de l’Ouest compte parmi les régions les plus peuplées d’Afrique, et son climat joue un rôle crucial sur le bien-être de ses populations. Les conditions météorologiques et climatiques en Afrique de l’Ouest peuvent avoir des impacts majeurs sur les potentialités agricoles, la ressource en eau et la santé humaine, et affecter d’autres secteurs de l’économie tels que la production d’énergie, les transports et la pêche. La mousson d’Afrique de l’Ouest (West African Monsoon – WAM par la suite), l’un des trois grands systèmes de mousson présents dans les tropiques, est l’élément climatique le plus caractéristique de la région. La WAM est associée, sur la plus grande partie de l’Afrique de l’Ouest, à une inversion saisonnière des vents dominants en basses couches, les vents d’harmattan de nord-est qui prévalent en hiver étant remplacés en été par un flux de mousson de secteur sud-ouest. Ce flux de mousson advecte de l’humidité sur le continent depuis l’Atlantique, alimentant ainsi les pluies d’été, si importantes pour les populations. La variabilité de la WAM d’une année sur l’autre est à l’origine des différences entre les bonnes et les mauvaises saisons des pluies, ou à l’échelle régionale, entre les années avec des pluies abondantes et celles de sécheresse avec un fort déficit de précipitations. Il a déjà été fait mention d’impressionnants phénomènes orageux ou tempêtes de sable dans les récits de voyages d’explorateurs célèbres ayant parcouru l’Afrique du Nord au xixe siècle, tels que René Caillié, premier Européen à avoir atteint Tombouctou, ou encore Heinrich Barth, qui a traversé le Sahara et a voyagé à travers le Sahel pendant des années. Ce n’est toutefois que dans les années 1920 à 1940 que ces phénomènes, bien connus aujourd’hui comme étant typiques de la région, ont été décrits dans des revues spécialisées de météorologie (cf. Sutton, 1925). Les météorologues allemands Regula et Piersig sont probablement les premiers à avoir publié, simultanément, des résultats concernant ce qu’on appelle aujourd’hui les « ondes d’est africaines » (en anglais African Easterly Waves – AEW par la suite : Fink 2012, section 2.1.3). Hubert (1939) a établi un lien entre une onde d’est africaine et l’ouragan qui a détruit en 1938 une partie de Long Island sur la côte Est des États-Unis, une relation maintenant bien connue en météorologie. Farquharson (1939) a attribué l’occurrence du maximum matinal des vents de surface, typique des régions semi-arides de l’Afrique tropicale, à la destruction de l’inversion thermique nocturne par le mélange turbulent s’enclenchant au matin (section 4.1.3.2). Hamilton et al. (1945) ont publié un rapport fondateur sur la structure synoptique de la mousson et les régimes de temps au Nigeria, et furent parmi les premiers à introduire le concept des « quatre zones météorologiques » de la mousson ouestafricaine migrant dans le sens méridien au cours du cycle annuel. Alors que notre compréhension de ces phénomènes s’est continuellement améliorée depuis lors, tout particulièrement depuis l’avènement des satellites météorologiques à la fin des années 1970, ce concept des « quatre zones » est toujours utilisé aujourd’hui, avec quelques modifications et précisions, comme une approche conceptuelle simple du système de mousson africaine. Il semble donc assez naturel de commencer cet ouvrage par une présentation détaillée de ce concept. La Figure 1.1 localise les quatre zones météorologiques sur une représentation schématique en

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1. Climat moyen et cycle annuel

coupe verticale de la mousson africaine en juillet, se fondant sur des données tridimensionnelles d’analyses atmosphériques récentes et des données satellitales de nuages et de précipitations. Zone D

100

Zone C

Zone B

Zone A 16

TEJ 150 12

200

300 8 400 500

z [km]

p [hPa]

250

AEJ 4

700

RR [mm mo–1]

T [°C]

1000

1023 1020 1017 1014 1011 1008 1005

ITD

40 30 20 10 0 250 200 150 100 50 0 0°

10°N

p [hPa]

850

20°N

Tx

Td

0°C

T

p

ML

Tn

θ

 Figure 1.1  Coupe schématique de l’atmosphère entre 10°W et 10°E en juillet, illustrant la localisation typique des « zones météorologiques » (notées A à D) de la mousson ouest-africaine. Sont représentés : la position du front intertropical (FIT, ici ITD), les jets de haute couche (Jet d’Est Africain (JEA, ici AEJ), Jet d’Est Tropical (TEJ)), la couche de mousson (ML, définie par des vents d’ouest, i.e. des vents zonaux de signe positif), les lignes de courant, les nuages, l’isotherme 0 °C, les isentropes (θ), les températures minimale (Tn ), maximale (Tx ), moyenne (T) et la température du point de rosée (Td ), la pression MSLP (p) et les cumuls pluviométriques mensuels moyens (RR).

29

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

La zone A, la plus septentrionale des quatre, se situe au nord du front intertropical (FIT, également appelé discontinuité intertropicale, ITD (Intertropical Discontinuity, par les auteurs anglo-saxons) qui marque la séparation, à environ 20°N, entre les flux de nord de basses couches chauds et secs au nord du FIT, et les flux de sudouest de mousson humides et plus frais au sud du FIT. Les précipitations sont peu fréquentes en cette zone (Figure 1.1, cadre du bas), et la température diurne maximale dépasse fréquemment 40 °C (Figure 1.1, cadre du milieu). Les températures de point de rosée assez basses ( 100 mm



10°E

STJ

20°E AEJ

30°E ITD

40°E

50°E

Monsoon 850 hPa P

AEWs > 25 mm RRmax

SSTanom

 Figure 1.33  Schéma des caractéristiques atmosphériques et océaniques des facteurs météorologiques et climatiques en Afrique de l’Ouest en (a) janvier et (b) juillet. Sont représentés les positions du FIT/ITD, du thalweg de mousson, des jets d’altitude (JEA, TEJ/EJ et STJ), les lignes de flux en surface colorées en fonction de la température de l’air à 2 m (voir barre de couleur), la ceinture des pluies avec le maximum des précipitations (RRmax ), les rails nord et sud de propagation des AEW (respectivement AEWn et AEWs ), les zones froides de températures de surface de la mer (SSTanom), et les isobares indiquant la position des anticyclones des Açores (« H »), libyen (« h ») et de Sainte Hélène (« H ») ainsi que la dépression thermique (« L »).

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1. Climat moyen et cycle annuel

(a)

(b) 70

70

EJ

100

16

150

p [hPa]

200

250 300 8

400

STJ

STJ

12 z [km]

12

STJ

200

z [km]

250 300 8

400 500

500 4

1023 1020 1017 1014 1011 1008 1005

ITD

20°S

10°S



10°N

20°N

30°N Tx T Tn

T [°C]

850 1000 30 20 10 0 –10 200 150 100 50 0

4

AEJ 700 850 1000

RR [mm mo–1]

700

p [hPa]

AEJ

40°N Td p θ

40 30 20 10 0 250 200 150 100 50 0 20°S

1023 1020 1017 1014 1011 1008 1005

ITD

10°S



10°N

20°N

30°N

p [hPa]

p [hPa]

150

RR [mm mo–1] T [°C]

TEJ

100

16

40°N

0°C ML

 Figure 1.34  Coupe schématique de l’atmosphère entre 10°W et 10°E en (a) janvier et (b) juillet. Sont représentés les positions du FIT/ITD, des jets d’altitude (JEA/AEJ, TEJ/EJ et STJ), la couche de mousson (ML) (identifiée par la composante du vent zonal d’ouest, par convention notée positivement), les lignes de courant, les nuages, le niveau de congélation (isotherme 0 °C), les isentropes, la température minimum (Tn), maximum (Tx) et moyenne (T), la température du point de rosée (Td), la pression atmosphérique (p) et le total des précipitations mensuelles moyennes (RR).

La carte et la coupe méridienne illustrant la situation de juillet sont montrées respectivement sur les Figures 1.33b et 1.34b. Les points suivants en mentionnent les principales caractéristiques : 1) La dépression thermique d’Afrique de l’Ouest (WAHL) est située sur le nord du Mali (Figure 1.33b). 2) De même, le FIT se situe au sud de celle-ci, près du 20e parallèle (Figure 1.33b). 3) La couche de mousson, caractérisée par un flux humide de sud-ouest, forme une sorte de coin pénétrant profondément à l’intérieur du continent aux environs de 20°N et montrant une épaisseur importante jusqu’à environ 700 hPa le long de la côte de Guinée (Figure de 1.34b). Nicholson et Grist (2003) ont montré que la plus forte épaisseur se situait entre les latitudes du JEA et du TEJ dans la zone de maximum de précipitations. Mis à part les problèmes de données, ce désaccord peut se rapporter à différentes définitions de la couche de mousson basées sur d’autres critères que le vent. Dans et au nord de la région du WAHL, le flux d’harmattan a maintenant une composante d’est plus marquée (Figure 1.33b). On note qu’à l’échelle quotidienne les définitions de la couche

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Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

de mousson basées sur le vent ont une forte variabilité. Pour cette raison, une définition de l’épaisseur de la couche de mousson fondée sur PW est présentée dans la section 11.10. 4) Les points 1 à 3 sont à nouveau clairement identifiés dans les profils méridiens de pression, température et température du point de rosée au milieu de la Figure 1.34b. Les températures maximales diurnes dans la région du WAHL dépassent 40 °C. 5) La fraîcheur de la côte de Guinée est renforcée lorsque se produit l’upwelling côtier dans le Golfe ivoirien et le long de la côte du Ghana. C’est à cette époque de l’année que la langue d’eau froide équatoriale est la plus développée (Figure 1.33b). 6) L’axe du STJ se situe juste au nord de la côte méditerranéenne alors que le JEA s’aligne le long de 15 °N. Comme indiqué par ailleurs, le STJ se différencie du TEJ situé à une altitude supérieure (100 hPa) au-dessus de l’Afrique de l’Est, d’un TEJ situé plus bas (200 hPa) aux alentours de 8°N au-dessus de la région de la WAM (Figure 1.33b). Sur la coupe méridienne, les TEJ se rencontrent pour former une zone en pente de circulation d’est renforcée (Figure 1.34b). Nicholson et Webster (2007) ont montré l’existence d’un jet d’ouest de basses couches dans la couche de mousson, notamment pendant l’année humide de 1950. Ils associent l’instabilité inertielle de ce jet d’ouest à une forte pénétration vers le nord d’air humide produisant des pluies abondantes sur le Sahel. Dans les climatologies multidécennales des réanalyses, ce type de jet n’est pas visible. Par conséquent, il a été décidé de ne pas schématiser de jet d’ouest de basses couches, bien qu’il puisse être présent lors d’années particulièrement arrosées. 7) L’activité des AEW est divisée entre un rail nord à faible altitude (850 hPa) juste au sud de la région du WAHL et un rail sud à une altitude plus élevée (600 hPa) se prolongeant en amont jusqu’aux Hauts Plateaux éthiopiens. Les deux rails fusionnent apparemment sur l’océan Atlantique oriental mais cela ne signifie pas une fusion des tourbillons des AEW (Figure 1.33b). On notera que les zones d’activité des AEW ont été délimitées par des contours arbitraires de la densité d’AEW et peuvent donc s’étendre plus loin vers le nord et le sud. 8) Les précipitations maximales se situent entre 10 et 12°N, soit au sud du JEA et au sein du rail sud de la trajectoire des AEW (voir l’encart au bas de la Figure 1.34b). La zone du maximum de précipitations est intercalée entre le TEJ à 200 hPa et le JEA (Nicholson, 2008). De la côte guinéenne à la région du maximum de précipitations, on observe une faible amplitude thermique diurne avec des températures relativement fraîches le long de la côte (Figure 1.34b). 9) Les cumulonimbus les plus profonds se rencontrent dans la région du JEA, alors que ceux au sud de la zone pluvieuse sud sont moins développés (Figure 1.34b). 10) La convergence de basses couches entre la mousson et le flux d’harmattan, ainsi que les mouvements verticaux, se produisent dans la région sèche du FIT/ITD. Un flux de retour provenant de l’équateur aux environs de 700 hPa alimente les puissantes ascendances au sein de la zone pluvieuse (Figure 1.34b). Les situations de juillet et de janvier ne reflètent ni un alizé maritime ni la ZCIT de mousson. Le terme ZCIT sur l’Afrique de l’Ouest est erroné et doit être évité (voir Ramage, 1995 ; Fink et al., 2010).

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1. Climat moyen et cycle annuel

Si la notion de migration saisonnière selon les « quatre zones météorologiques » est encore un concept très utile (voir Introduction et Figure 1.1), certaines précisions peuvent être apportées. Par exemple, le thalweg de mousson de la Figure 8.9 chez Buckle (1996) s’élève en altitude au nord du JEA alors que seul le sommet de la couche de mousson s’élève aussi haut. Si on définit la mousson en fonction de la direction sud-ouest du vent, elle s’élève à des altitudes à peine supérieures à 700 hPa comme indiqué sur plusieurs représentations schématiques dont celle de Buckle. De plus, le renversement de la composante nord du vent reste sous le JEA. Les observations satellitaires de nuages suggèrent également que la zone D sur le continent est d’abord caractérisée par des nuages stratiformes de basse couche plutôt que par des nuages de moyenne troposphère. Même s’il est vrai qu’en janvier, on observe des conditions météorologiques de type zone B sur la côte de Guinée, la circulation de brise de mer (section 4.1.4.2) est une composante majeure de cette zone en hiver sur la côte. Ce chapitre a présenté une description climatologique de la WAM fondée sur de nombreuses observations. Les réanalyses et les mesures des plates-formes d’observations les plus récentes ont été employées pour présenter les principales caractéristiques du climat régional, et pour expliquer les relations physiques entre les différents facteurs. Ce chapitre servira de référence aux chapitres suivants et nous espérons qu’il le sera aussi pour les prévisionnistes de la région. Cependant, il convient de souligner que le manque de données et les difficultés à observer certaines variables, comme l’humidité du sol ou l’évapotranspiration, empêchent d’avoir une compréhension plus complète de la WAM. Ce problème ne pourra pas s’être complètement résolu à l’aide de nouvelles observations satellitaires. Il est absolument nécessaire d’augmenter le nombre de mesures en surface et en altitude si nous voulons mieux comprendre le système de la WAM, puisque les conditions d’existence d’une population de plus en plus nombreuse en dépendent.

Remerciements Les auteurs tiennent à remercier de leur aide plusieurs collègues sans lesquels ce chapitre n’aurait pu être écrit. Rémi Meynadier (LATMOS, Université Pierre et Marie Curie, CNRS, Paris, France) a fourni les données pour tracer la Figure 1.9. Alexander Löw (Max-Planck Institute for Meteorology (MPIfMet) Hambourg, Allemagne) a aimablement fourni les données pour tracer la carte de l’albédo de la Figure 1.14b et les données NDVI de la Figure 1.18. Il a également fourni la Figure 1.17. Martina Klose (USDA-ARS Jornada Experimental Range, Las Cruces, USA) a gracieusement fourni la Figure 1.16. Thorwald Stein et Kevin Hodges (tous deux de l’Université de Reading, Reading, Royaume-Uni) ont aimablement fourni, respectivement les Figures 1.13 et 1.27. Nous sommes redevables à de nombreux collègues qui ont fourni des données de précipitations supplémentaires : Issa Lélé, Pete Lamb (tous deux de l’Université de l’Oklahoma, Norman, Oklahoma, USA), Mariane Diop Kane (Agence Nationale de l’Aviation Civile et de la Météorologie

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du Sénégal (ANACIM), Dakar, Sénégal), Abdou Kassimou (African Centre of Meteorological Applications for Development (ACMAD), Niamey, Niger), Guillaume Quantin (IRD, France), Bayo Omotosho (Federal University of Technology - Akure (FUTA), Akure, Nigeria), Ben Orji (Nigerian Meteorological Agency (NIMET), Lagos, Nigeria), Sidi Mohammed (Bureau National de la Météorologie, Nouakchott, Mauritanie), Francis Didé (Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA) Bénin, Cotonou, Bénin), et Gregor Leckebusch et Auwal Abdussallam (tous deux à l’Université de Birmingham, Birmingham, Royaume-Uni).

Annexe : Acronymes AEW AI ALMIP AMMA CALIPSO

African Easterly Wave (Onde d’Est africaine) Aerosol absorption Index (Indice d’absorption des aérosols) AMMA Land Surface Model Intercomparison Project Analyses Multidisciplinaires de la Mousson Africaine Cloud-Aerosol Lidar and Infrared Pathfinder Satellite Observations EJ Easterly Jet (Jet d’Est) ERA-Interim European Centre for Medium-Range Weather Forecasts ReAnalysis Interim ET Évapotranspiration réelle FIT Front InterTropical GATE Global Atmospheric Research Program (GARP) Atlantic Tropical Experiment GARP Global Atmospheric Research Program GEWEX Global Energy and Water Exchanges Project GIMMS Global Inventory Modeling and Mapping Studies GTS Global Telecommunication System HOAPS Hamburg Ocean Atmosphere Parameters and Fluxes from Satellite Data IGRA Integrated Global Radiosonde Archive IRD Institut de Recherche pour le Développement, France ISD Integrated Surface Daily data set ITD InterTropical Discontinuity (Front Inter-Tropical) JEA Jet d’Est Africain (AEJ – African Esaterly Jet) LAI Leaf Area Index (Indice foliaire) MCS Mesoscale Convective System (système convectif de méso-échelle) MIDAS Met Office Integrated Data Archive System

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1. Climat moyen et cycle annuel

MSLP Mean Sea Level Pressure (pression réduite au niveau de la mer) MVIRI Meteosat Visible and Infra-Red Imager radiometer NCEP National Centers of Environmental Prediction NDVI Normalized Differential Vegetation Index NLLJ Night-time Low-Level Jet (jet nocturne de basse troposphère) NOAA National Oceanographic and Atmospheric Agency OLR Outgoing Longwave Radiation OMM Organisation Météorologique Mondiale P Précipitation PW Precipitable Water SAL Saharan Air Layer SST Sea Surface Temperature STJ Subtropical Jet TEJ Tropical Easterly Jet TOA Top Of Atmosphere TOMS/OMI Total Ozone Mapping Spectrometer/Ozone Monitoring Instrument TRMM Tropical Rainfall Measuring Mission UTC Universal Time Coordinated WAHL West African Heat Low WAM West African Monsoon WASA/F West African Synthetic Analyses and Forecasting ZCIT Zone de Convergence InterTropicale

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1. Climat moyen et cycle annuel

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Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

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1. Climat moyen et cycle annuel

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2 Systèmes synoptiques

Auteurs principaux : Rosalind Cornfortha, Zilore Mumbab et Douglas J. Parkerc Auteurs : Gareth Berryd, Nicolas Chapelone, Kone Diakariaf, Mariane Diop-Kaneg, Volker Ermerth, Andreas H. Finki, Peter Knippertzi, Jean-Philippe Laforej, Arlene Laingk, Serge Lepapee, Ross Maidmentm, John Methvenn, Ben Orjio, David Osikap, Emmanuel Poanj, Rémy Rocar, Simon Rowelln, Roger Smitht, Thomas Spengleru, Christopher M. Taylorv, Chris Thorncroftw, Jean-Christoph Vincendone et Charles Yorkep Reviewer : Chris Thorncroft (University at Albany, State University of New York, USA) Traduction française : Philippe Bougeault j, Jean-Philippe Lafore j, Frank Roux l

a b c d e

Walker Institute, University of Reading, Reading, UK Department of Mathematics and Statistics, University of Zambia, Lusaka, Zambia School of Earth and Environment, University of Leeds, Leeds, UK School of Mathematical Sciences, Monash University, Clayton, VIC, Australia DF/CISMF, Toulouse, France

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Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

f

Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA), Abidjan, Côte d’Ivoire g Agence Nationale de l’Aviation Civile et de la Météorologie du Sénégal (ANACIM), Dakar, Sénégal h Institute of Geophysics and Meteorology, University of Cologne, Cologne, Germany i Institute of Meteorology and Climate Research, Karlsruhe Institute for Technology, Karlsruhe, Germany j Centre National de Recherches Météorologiques (CNRM-UMR3589), Météo-France et CNRS, Toulouse, France k Cooperative Institute for Research in the Atmosphere (CIRA), Colorado State University, Fort Collins, Colorado, USA l OMP-LA, Toulouse, France m TAMSAT, Department of Meteorology, University of Reading, Reading, UK n Department of Meteorology, University of Reading, Reading, UK o Regional Training Centre, Nigerian Meteorological Agency, Oshodi-Lagos, Nigeria p Ghana Meteorological Agency, Accra, Ghana r OMP-LEGOS, Toulouse, France t Meteorological Institute, University of Munich, Munich, Germany u Geophysical Institute, University of Bergen and Bjerknes Centre for Climate Research, Bergen, Norway v Centre for Ecology and Hydrology, Wallingford, UK w Atmospheric and Environmental Sciences, University at Albany, SUNY, Albany, NY, USA

2.1 Bases scientifiques 2.1.1

Introduction

La météorologie synoptique de l’Afrique de l’Ouest est un objet d’étude depuis plusieurs décennies. Depuis les années 1930 au moins, on connaît l’existence dans cette région de systèmes météorologiques cohérents d’échelle synoptique, les « ondes d’est africaines » (AEW par la suite ; e.g. Piersig, 1936 ; traduit en 1944). Plus récemment ont été élaborés des modèles synoptiques pour la dépression thermique saharienne (e.g. Parker et al., 2005b ; Rácz et Smith, 1999 ; Lavaysse et al., 2009, 2010 ; Smith et Spengler, 2011), le front intertropical ou discontinuité intertropicale (FIT ou ITD en anglais ; Flamant et al., 2007), et les divers types d’ondes (e.g. Thorncroft et Hoskins 1994a ; Mounier et al., 2007 ; Mekonnen et al., 2011 ; Ventrice et Thorncroft, 2013 ; Wu et al., 2013) et de tourbillons dans cette région (e.g. Tyner et Aiyyer, 2012). Comprendre de tels systèmes météorologiques cohérents et se familiariser avec leur évolution sur une période de quelques jours aide à analyser et prévoir le temps (Davis et al., 2012). Cependant, contrairement aux moyennes

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2. Systèmes synoptiques

latitudes, en Afrique de l’Ouest les précipitations sont dominées par les violentes averses produites par les cumulonimbus, et tendent à échapper au contrôle par les conditions synoptiques dominantes, en raison de l’influence du cycle diurne de la stabilité (e.g. Laing et al., 2008 ; Bouniol et al., 2012), et du forçage par les conditions de surface. En raison de ce contrôle des précipitations par une combinaison de l’état synoptique, de l’heure du jour et du forçage de surface, il peut être difficile de mettre en évidence le lien entre l’état synoptique et les précipitations (e.g. Hsieh et Cook, 2005 ; Cornforth et al., 2009 ; Poan et al., 2014). C’est probablement la raison pour laquelle la description de certains aspects de la météorologie synoptique reste incomplète, aussi bien dans la littérature scientifique que dans les manuels d’enseignement. Des progrès substantiels ont toutefois été accomplis ces dernières années, notamment grâce au renforcement des observations et aux efforts de modélisation et de prévision réalisés pendant les campagnes de mesure du programme d’Analyse multidisciplinaire de la mousson africaine (AMMA – e.g. Janicot et al., 2008 ; Lebel et al., 2010 ; Lafore et al., 2011). Nous présentons ci-dessous une synthèse des idées actuelles sur les systèmes de temps synoptiques de l’Afrique de l’Ouest. La météorologie synoptique est un sujet important pour la prévision du temps en Afrique de l’Ouest, où le rôle du prévisionniste humain reste crucial relativement aux prévisions numériques (Fink et al., 2011). Grâce aux observations renforcées de la période AMMA, nous savons que les modèles de prévision numérique ont acquis un niveau de qualité suffisant pour représenter les systèmes synoptiques d’Afrique de l’Ouest, mais nous savons aussi qu’ils commettent encore des erreurs grossières, en particulier pour les précipitations (e.g. Diallo et al., 2014). Grâce à sa connaissance de la dynamique synoptique et de certains modèles conceptuels, le prévisionniste peut donc utiliser conjointement les produits de prévision numérique et les observations pour émettre des prévisions à courte échéance de la meilleure qualité possible dans sa région. Pour une journée donnée, les conditions synoptiques sont déterminées par une combinaison d’éléments incluant la dynamique atmosphérique sur des régions parfois éloignées, des aspects sous-saisonniers comme les ondes de Kelvin, des circulations régionales et des réponses locales du temps à la situation synoptique (e.g. Mekonnen et al., 2011). Dans ce chapitre, nous discutons plus particulièrement les circulations synoptiques intervenant en Afrique de l’Ouest, qui mettent en jeu des échelles spatiales de quelques milliers de kilomètres et temporelles de 1 à 10 jours. Les circulations d’échelle encore plus grande qui contrôlent l’environnement synoptique, ainsi que leurs variations saisonnières, ont été introduites au chapitre 1. Les ondes de Kelvin couplées à la convection correspondent aussi à des échelles temporelles de 1-10 jours, mais sont discutées à la section 7.1.4. Les phénomènes météorologiques spécifiques qui se développent au sein d’un environnement synoptique donné sont discutés aux chapitres 3, 4 et 5, qui traitent respectivement des précipitations convectives, de la prévision à l’échelle locale et des poussières atmosphériques. Dans le présent chapitre 2, nous présentons d’abord les aspects synoptiques à l’échelle continentale, qui gouvernent la variabilité. Nous introduisons en particulier les éléments qu’un prévisionniste doit analyser au jour le jour. Des règles pour représenter

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Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

ces éléments sur une carte synoptique seront données au chapitre 11. La dépression thermique saharienne est l’un de ces éléments, dont la variabilité influence la dynamique synoptique en Afrique de l’Ouest, de même que l’occurrence de poussières soulevées par le vent. Nous discutons aussi la structure du jet d’est africain (JEA) et de la couche de mousson. La section 2.1.3 traite ensuite des phénomènes synoptiques les plus importants de la région – les ondes d’est africaines (en anglais African Easterly Waves – AEW par la suite), les intrusions d’ondes extra-tropicales, et les systèmes de temps de la côte de Guinée.

2.1.2

Aspects synoptiques à l’échelle continentale

Les éléments d’échelle spatiale continentale qui ont été introduits au chapitre 1 présentent une variabilité synoptique notable. Comme expliqué au chapitre 11, il est très important de tracer ces éléments sur une carte synoptique. Les prévisionnistes doivent savoir comment ces éléments varient aux échelles temporelles intra-saisonnières et diurnes. Leur variabilité intra-saisonnière est importante, car les changements associés de l’environnement interagissent avec les perturbations synoptiques. Leur variabilité diurne est importante, car elle détermine la manière dont les perturbations synoptiques se traduisent en conditions météorologiques locales.

2.1.2.1 La dépression thermique saharienne Les zones de basses pressions ouvertes ou fermées dues à la chaleur sont des caractéristiques climatologiques majeures pour de nombreuses zones continentales arides de la planète durant la saison chaude, surtout aux basses latitudes où l’insolation atteint son maximum. On peut citer la péninsule d’Arabie saoudite, le Nord-Ouest et le Nord-Est de l’Australie, l’Ouest du Pakistan, le Nord de l’Inde, le plateau de Qinghai-Xizang en Chine, le Sud-Ouest de l’Amérique du Nord et la péninsule Ibérique. On nomme souvent ces systèmes des minima ou des dépressions thermiques. Un des exemples les plus connus est la dépression thermique d’été sur le désert du Sahara. Bien que cette dépression se situe en été à l’extrémité nord de l’Afrique de l’Ouest, sa dynamique et sa variabilité intra-saisonnière ont une grande influence sur les circulations diurnes et synoptiques dans cette région. Les dépressions thermiques sont des systèmes de basse pression présents à la surface des continents, caractérisés par un cœur chaud. Elles sont généralement limitées à la basse troposphère, au-dessous de 600 hPa. L’étude théorique de Rácz et Smith (1999) a utilisé un modèle idéalisé pour comprendre les aspects dynamiques essentiels d’une dépression thermique qui se forme sur une zone continentale idéalisée, lorsque cette région est soumise à un cycle diurne de chauffage et de refroidissement. Elle montre que plusieurs caractéristiques de base des circulations observées dans les dépressions thermiques, comme les effets associés aux brises de mer côtières et au jet de basse couche nocturne, peuvent s’expliquer par le cycle diurne de la stabilité dans la couche limite atmosphérique (section 4.1.3). Ces concepts ont été utilisés ensuite pour expliquer des aspects importants de la mousson d’Afrique de l’Ouest et de la

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2. Systèmes synoptiques

dépression thermique saharienne (Parker et al., 2005b ; Lothon et al., 2008 ; Grams et al., 2010 ; Schuster et al., 2013). La Figure 2.1 montre quelques caractéristiques clés de la dépression thermique saharienne (voir aussi Figure 1.33), comme les champs moyens de quelques variables pour la saison d’été (JJA) de 1989 à 2009. La dépression thermique est la zone de basse pression au niveau de la mer évidente sur la Figure 2.1a, centrée par 22°N, 3°W. La dépression est également visible sur les champs de température à 850 hPa et à 2 m (respectivement Figures 2.1b et 2.1c), avec des maxima coïncidant approximativement avec le minimum de pression. Elle est limitée au nord par la chaîne de montagnes de l’Atlas, à l’est par celle de l’Ahaggar, et à l’ouest par l’océan Atlantique (Figure 2.1d). Il est raisonnable de supposer que la présence de la dépression thermique dans cette zone est due à l’interaction entre l’orographie, la température de surface de la mer et l’écoulement de grande échelle. (a)

(b) JJA mean msl

JJA mean t

× 10

304 1.02

30°N

302

30°N

300 1.015 1.01

15°N

298 296

15°N

294 292

1.005 1



15°W

0° 1989–2009 15°E

290 288



30°E

286

15°W

(c)



1989–2009 15°E

30°E

284

(d) JJA mean 12 m

Orography

2200

310

2000

305

30°N

30°N

295

15°N

290

1800

Atl

300

1600 1400

Ahag

15°N

1200 1000

285

800

280



15°W



1989–2009

15°E

30°E

275

600



400

15°W



15°E

30°E

 Figure 2.1  Les caractéristiques de la dépression thermique saharienne, d’après la réanalyse ERA Interim du CEPMMT. Sont présentées les moyennes temporelles des mois de juin, juillet et août pour les années 1989-2009, pour (a) la pression au niveau de la mer ; (b) la température à 850 hPa ; (c) la température à 2 m du sol ; (d) l’altitude du relief.

Aux échelles temporelles sous-saisonnières et synoptiques, la dépression thermique saharienne se déplace autour de la zone moyenne indiquée sur la Figure 2.1 (Lavaysse et al., 2009), et connaît des pulsations d’intensité (Lavaysse et al., 2010),

87

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

en interagissant avec des systèmes de temps des moyennes latitudes (Thorncroft et Flocas, 1997 ; Chauvin et al., 2010 ; Roehrig et al., 2011 ; voir la section 7.1.5.1). Une caractéristique remarquable des modèles idéalisés de dépression thermique est la forte variation diurne de la circulation cyclonique de basse couche, mise en évidence par Rácz et Smith (1999) et Spengler et al. (2005). Les vents moyens sont relativement faibles pendant toute la journée, alors qu’un jet de basse couche se développe en début de nuit, entraînant une forte convergence et la formation d’une circulation super-géostrophique de basse couche pendant la nuit. En fonction des caractéristiques de l’écoulement de grande échelle, la convergence nocturne peut aussi conduire à une frontogenèse marquée (Spengler et al., 2005) et en conséquence contribuer à l’intensification nocturne du front inter-tropical (FIT). La formation de la circulation cyclonique peut être expliquée par la rotation inertielle de l’écoulement de basse couche vers le centre de basse pression, suite à la rupture de l’équilibre géostrophique en début de nuit (voir e.g. Blackadar, 1957 ; section 4.1.3.2). En conséquence, alors que la pression de surface minimale est atteinte vers 1700 h dans le modèle idéalisé, le vent tangentiel dans les basses couches atteint son maximum vers 0530 h et son minimum à 1600 h. Bien que la dépression thermique soit à son maximum d’intensité en fin d’après-midi, les vents cycloniques faiblissent pendant la journée et se renforcent pendant la nuit. Ce comportement caractéristique des basses couches est très différent de celui observé en altitude, où il n’y a pratiquement pas de variation diurne de l’anticyclone (moins de 2 m s–1). Le jet de basse couche nocturne conduit à des valeurs élevées du cisaillement vertical de vent dans les basses couches, qui peuvent représenter un danger pour le trafic aérien (voir les sections 4.1.3.2 et 6.2.3). Sur l’Afrique du Nord, l’effet de l’augmentation nocturne de la convergence de basses couches est aussi important pour l’apport d’humidité dans la région du Sahel (Parker et al., 2005b ; Lothon et al., 2008), surtout pendant la période de mise en place de la mousson en juin. La variabilité diurne des basses couches contraste avec le comportement quasi stationnaire de l’écoulement dans la moyenne et la haute troposphère (Spengler et Smith, 2008). La dépression de basse couche est surmontée par un anticyclone dans la partie supérieure de la couche limite saharienne, présent dès les niveaux 700 à 500 hPa. Cet anticyclone est associé à la branche divergente de la circulation engendrée par la couche limite chaude sur le Sahara, qui permet aussi de conserver approximativement le moment cinétique absolu des masses d’air. Il s’étend sur la plus grande partie de la troposphère, mais son intensité maximale est atteinte relativement bas, au sommet de la couche limite saharienne. Les vents d’est associés à cette circulation anticyclonique au sud de la dépression thermique saharienne (SHL pour Saharian Heat Low) forment le jet d’est africain (JEA). Thorncroft et Blackburn (1999) ont souligné ce lien entre l’état moyen de la SHL et le JEA. Les prévisionnistes du Sahel et de la côte de Guinée considèrent souvent que les températures observées aux stations synoptiques de Mauritanie, du Mali et du Niger sont de bons indicateurs d’un renforcement probable de la circulation de mousson dans les jours à venir, causé par le gradient sud-nord de température et de pression. Cette pratique est confirmée par la théorie – Parker et al. (2005b) ont confirmé que

88

2. Systèmes synoptiques

l’intensité de l’anomalie thermique dans la région de la dépression thermique est corrélée avec le renforcement des vents de mousson nocturnes plus au sud. D’autres conséquences de la variabilité de la SHL ont été analysées par Chauvin et al. (2010) et Roehrig et al. (2011). Sur des échelles temporelles de 10 à 25 jours, les variations d’intensité de la SHL (dues à des influences extra-tropicales) peuvent être reliées de manière nette aux anomalies de précipitations au Sahel environ 5 jours plus tard. Ainsi la « ventilation » de la SHL par de l’air frais en provenance de la Méditerranée peut affaiblir le gradient de pression sur le Sahel et réduire les précipitations subséquentes sur cette région. La ventilation de la SHL peut provenir de chacun de ses bords (Chou et al., 2001) en lien avec différents systèmes météorologiques. Par exemple, Grams et al. (2010) ont montré comment une entrée d’air en provenance de l’Atlantique, associée à des variations synoptiques sur la Mauritanie et le Sénégal, peut interagir avec la SHL dans sa partie ouest, alors que des poches d’air froid engendrées par des phénomènes convectifs sur les montagnes de l’Atlas marocain apportent souvent de l’air froid par le nord-ouest. L’interaction entre la SHL et une ventilation fraîche venant du sud, dans le flux de mousson et dans les poches d’air froid convectifs au sein de la mousson, présente un intérêt particulier, qui sera discuté à la section 2.1.2.2. Les observations, les résultats d’assimilation de données (Garcia-Carreras et al., 2013) et les études de sensibilité avec des modèles (Marsham et al., 2013) montrent de manière convergente que des poches d’air froid incluses dans le flux de mousson peuvent influencer de manière substantielle les bilans thermodynamiques de la SHL. Ceci soulève la question importante d’une possible rétroaction entre la SHL et le flux de mousson. Une SHL très intense pourrait, par exemple, engendrer une circulation de mousson plus forte et une augmentation de la convection au Sahel dans les jours suivants. Cette convection produirait des poches d’air froid plus importantes qui contribueraient à ventiler la couche limite saharienne. Ce lien entre ces deux processus mal représentés dans les modèles de circulation générale reste un sujet de recherche intéressant. Certains de ces mécanismes seront discutés plus en détail à la section 7.1.6.

2.1.2.2 Le front inter-tropical (FIT) ou discontinuité inter-tropicale Le front inter-tropical (FIT), également appelé la discontinuité inter-tropicale (IDT pour Intertropical Discontinuity), est une zone de confluence de vent et une limite de masses d’air qui sépare l’air saharien chaud et sec du flux de mousson plus frais et humide, pendant les mois du printemps et de l’été. En dépit de son nom, il ne s’agit pas d’une véritable discontinuité, ni d’un simple front, en raison de sa structure très mobile et dynamique liée à la variabilité diurne de la « zone B » dans la coupe climatique (voir la section 1.1 et la Figure 1.1). C’est l’une des structures essentielles utilisées par les prévisionnistes pour analyser la situation de la mousson sur une carte synoptique, puisqu’il permet de circonscrire l’extension du flux humide de mousson vers le nord (voir la Figure 1.1, et les directives à la section 11.1 pour tracer cet élément).

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Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Aux échelles de temps de la journée, le FIT est gouverné par les mêmes processus physiques que la SHL. Pendant la nuit, alors que le mélange dans la couche limite est très faible, l’air frais de la mousson situé au sud du FIT peut accélérer vers le nord, vers les basses pressions de la SHL. Ceci explique que le FIT peut se déplacer vers le nord de plusieurs centaines de kilomètres en une seule nuit. Les stations du Nord-Sahel/Sud-Sahara qui ont connu une après-midi brûlante et sèche avec des vents très faibles peuvent voir arriver pendant la nuit des vents de sud plus frais et humides. Ce déplacement nocturne du FIT peut aussi conduire à un renforcement du gradient et ressemble alors à un courant de gravité (voir la section 4.1.4), qui peut être assez fort pour soulever de la poussière et réduire la visibilité (Bou Karam et al., 2008). L’arrivée nocturne du FIT est suivie par une couche de mousson assez mince, peut-être 1 000 m d’épaisseur, analogue à un courant de gravité. Durant la journée suivante, l’air de la mince couche de mousson est mélangé verticalement par la convection sèche dans la couche limite, pour finalement se confondre avec la couche limite saharienne (SAL par la suite pour Saharan Air Layer) résiduelle pendant la matinée ou l’après-midi. Ce cycle amène de l’humidité sur les marges sud du Sahara. Aux stations du Sud-Sahara, on observe que la température augmente et que l’humidité diminue quand ce mélange de l’air frais de mousson et de l’air saharien chaud et sec se produit. Inversement, la SAL est humidifiée par ce processus, ce qui explique la formation fréquente d’altocumulus à son sommet, vers 550 hPa (Parker et al., 2005a ; Stein et al., 2011). Le mélange convectif diurne affaiblit le vent, qui tombe et peut même acquérir au sol une composante de nordest par son mélange avec le vent de la SAL. Au fur et à mesure de la journée, le FIT analysé aux stations synoptiques se retire vers le sud, car l’air frais et humide est mélangé avec l’air saharien des niveaux supérieurs. La zone de confluence se déplace aussi vers le sud, car les vents au nord du FIT s’orientent au nord. Il faut bien comprendre que ce déplacement vers le sud du FIT au cours de la journée n’est pas un processus dû à un déplacement global des masses d’air – l’air lui-même ne se déplace pas vers le sud –, mais un processus de transformation thermodynamique lié au mélange vertical, qui transforme la masse d’air d’un état « de mousson » vers un état « saharien ». Ceci contraste avec l’évolution nocturne, qui est bien, pour sa part, un mouvement matériel de l’air des basses couches vers le nord. La nature dynamique du FIT est encore compliquée par le rôle des poches d’air froid convectives créées par les orages qui se développent dans le flux de mousson au sud du FIT. Ces poches d’air froid sont engendrées par le refroidissement dû à l’évaporation de la pluie au sein des systèmes convectifs (section 3.1.2.2) et se propagent comme des courants de gravité. Ces poches d’air froid convectives se déplacent généralement vers le nord pendant la fin de l’après-midi et la nuit suivante, et peuvent parcourir des centaines de kilomètres. Quand elles pénètrent dans la région du FIT, elles peuvent se confondre avec le FIT lui-même, qui ressemble souvent à une poche d’air froid, et ne peuvent plus en être distinguées dans les observations (Flamant et al., 2007, 2009 ; Marsham et al., 2008). On constate

90

2. Systèmes synoptiques

donc que lorsque des systèmes convectifs sont actifs juste au sud du FIT, on peut s’attendre à un déplacement vers le nord de cette dernière dans les heures suivantes, lié à l’arrivée de poches d’air froid.

2.1.2.3 Le jet d’est africain (JEA) Le jet d’est africain (JEA) est un élément distinctif et robuste du climat de la région, qui influence la variabilité synoptique, en particulier les ondes d’est africaines. Il est caractérisé par un maximum de vent d’est qui atteint environ 15 m s–1 vers 600-700 hPa, en équilibre (règle du vent thermique) avec le gradient prononcé de température du sud vers le nord (situation barocline, voir Cook, 1999 ; et la Figure 2.2). En accord avec la règle du vent thermique, la baroclinie (gradient de température sud-nord) diminue avec l’altitude depuis le sol où elle est maximale jusqu’au niveau du JEA où elle est nulle. Thorncroft et Blackburn (1999) ont montré que cette diminution de la baroclinie avec l’altitude est cohérente avec les variations nord-sud de la convection : la convection humide est prédominante au sud du JEA, et la convection sèche au nord. Parker et al. (2005a) ont analysé des observations de la campagne de mesure JET2000 (Thorncroft et al., 2003) et mis en lumière en détail les variations méridionales de la convection ainsi que les profils thermodynamiques dans la région du JEA. Le schéma du JEA présenté à la Figure 2.2 est basé sur cette étude. La convection humide la plus profonde a lieu juste au sud du pic du JEA, et la convection sèche dans la couche d’air saharien a lieu au nord du JEA. Elles sont séparées par une importante zone de transition, dans laquelle le flux de mousson se glisse sous l’air saharien (voir la Figure 2.2). L’air saharien relativement chaud qui surplombe le flux de mousson crée une inhibition convective significative (Convective Inhibition – CIN), et conduit à l’augmentation de l’énergie potentielle convective disponible (Convective Available Potential Energy – CAPE) dans la couche limite. À ceci s’ajoutent le fort cisaillement de vent du JEA et le fait que la couche d’air saharien est très sèche, éléments qui favorisent la formation de subsidences convectives intenses (voir la section 3.1.2.2). La région située juste au nord du JEA est donc très favorable au développement de lignes de grains tropicales. Ces systèmes ont été représentés sur la Figure 2.2, toutefois la convection est plus rare au nord du JEA que sur son flanc sud, où l’inhibition convective est moins forte. En cohérence avec le contraste méridional de convection humide et sèche décrit cidessus, le JEA est caractérisé par deux anomalies distinctives de tourbillon potentiel (PV par la suite pour Potential Vorticity). Une anomalie négative de PV est présente dans le voisinage de la SAL, juste au nord du JEA (favorisée par la faible stabilité de la SAL), et une anomalie positive de PV est présente au sud du JEA (associée à la convection humide, voir Thorncroft et Blackburn, 1999). L’anomalie positive de PV se situe essentiellement au niveau du JEA, ce qui est cohérent avec la contribution dominante des pluies stratiformes et la présence fréquente de tourbillons convectifs de méso-échelle (MCV par la suite pour Mesoscale Convective Vorticies). On trouve souvent un minimum relatif de géopotentiel à 850 hPa dans cette zone

91

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

(voir les sections 1.1 et 2.1.3.3), qui peut être interprété comme une conséquence du maximum de PV présent un peu plus haut et du tourbillon associé. Cette zone est nommée « dépression de mousson », et peut concentrer les MCV.

200 mb

600 mb

EQ

10N

90°C θe 60°C

θe

20N

θ

1000 mb

50°C θ 20°C

 Figure 2.2  Cette coupe verticale schématique le long du méridien de Greenwich montre la dépression thermique saharienne, le JEA et la ZCIT, ainsi que la SAL (en jaune). Les variations méridionales de la température potentielle sont données par la courbe θ sur la figure du bas, et par les contours continus sur la figure du haut. Celles de la température potentielle équivalente par la courbe θe. La dépression de mousson est située juste au sud du JEA. Source : Figure adaptée de la Figure 10 de Parker et al. (2005a) pour le Plan scientifique international du programme AMMA (http://amma-international.org/ library/docs/AMMA_ISP_May2005.pdf), à comparer aux Figures 1.1 et 1.34. Reproduit avec autorisation.

Les anomalies de PV ainsi liées au JEA peuvent être associées à des gradients méridionaux de PV de signes opposés. Si l’on prend aussi en compte le gradient méridional de température de surface, on constate que le JEA satisfait à la fois le critère d’instabilité barotrope et le critère d’instabilité barocline (e.g. Pytharoulis et Thorncroft, 1999). Bien que des études récentes aient remis en question l’idée que les ondes d’est africaines doivent leur existence à un mécanisme d’instabilité linéaire (Hall et al., 2006, Thorncroft et al., 2008), la présence de ces gradients de PV reste un élément essentiel pour le développement des ondes et doit faire l’objet d’un suivi régulier.

92

2. Systèmes synoptiques

2.1.3

Les ondes d’est africaines

2.1.3.1 Contexte Les ondes d’est africaines (African Easterly Waves – AEW) se développent et se propagent sur l’Afrique de l’Ouest en relation avec le JEA au cours de l’été boréal. Elles ont été identifiées au cours de la première moitié du xxe siècle par la mise en évidence d’une périodicité de 3 jours dans les observations de pluviomètres (Piersig, 1936 ; 1944 pour la traduction en anglais). Plus tard (e.g. Simpson et al., 1968), des prévisionnistes ont remarqué que les perturbations associées à ces précipitations périodiques se déplaçant vers l’ouest et l’océan Atlantique donnaient parfois naissance à des cyclones tropicaux. Des études ultérieures ont montré que les AEW sont les phénomènes météorologiques dominants à l’échelle synoptique au sein de la mousson de l’Afrique de l’Ouest (West African Monsoon – WAM) et sur l’Atlantique tropical au cours de l’été boréal. On peut les observer de mai à octobre, avec un pic d’intensité en août et septembre (e.g. Carlson, 1969a,b ; Burpee, 1974 ; Karyampudi et Carlson, 1988 ; Ross, 1991). Les AEW comptent parmi les phénomènes synoptiques les plus cohérents de l’atmosphère tropicale. Mais, dans la littérature scientifique, il y a quelques divergences dans la façon dont est décrite la structure des AEW, et les modèles théoriques ne sont pas forcément en accord avec l’expérience des prévisionnistes de terrain. De fait, les AEW ne sont pas toutes semblables d’un cas d’étude à un autre, selon la localisation géographique, ou au cours de leur cycle de vie. Aussi, nous décrivons ci-dessous (section 2.1.3.2) les points-clés des observations et des analyses des AEW, avant de présenter (section 2.1.3.3) une description consensuelle des éléments constitutifs qui permettent de définir objectivement leur structure.

2.1.3.2 Structure synoptique des AEW : observations, analyses et composites statistiques En Afrique de l’Ouest, les AEW sont le plus marquées en basse troposphère avec un maximum au niveau de l’AEJ vers 650 hPa (à une altitude d’environ 3,5 km). Elles se caractérisent par des périodes de 2 à 6 jours et des longueurs d’ondes de 2 000 à 5 000 km (Reed et al., 1977). Carlson (1969a, b) a étudié la structure synoptique de plusieurs AEW observées au cours de l’été 1967, et il a remarqué la présence de perturbations ondulatoires du champ de vent vers 3 km d’altitude (ou 700 hPa), et de tourbillons cycloniques vers 750 m d’altitude (ou 925 hPa) de chaque côté de l’AEJ. La plupart des AEW naissent entre les longitudes 15 et 35°E sur l’Afrique centrale ou de l’Est. Elles se propagent ensuite vers l’ouest à travers la WAM, puis sur l’Atlantique tropical où il n’est pas rare qu’elles contribuent au développement de cyclones tropicaux (e.g. Carlson, 1969a ; Avila et Pasch, 1992 ; Mekonnen et al., 2006). Des AEW se propagent parfois de façon cohérente plus à l’ouest encore, jusqu’au Pacifique Est (e.g. Avila et Pasch, 1992). La structure des AEW évolue au cours de leur déplacement vers l’ouest. Avant d’atteindre la côte atlantique de l’Afrique de l’Ouest, les AEW qui donnent plus tard naissance à des

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Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

cyclones tropicaux présentent une structure distincte à cœur froid entre la surface et l’AEJ, en accord avec un tourbillon maximum au niveau de l’AEJ (e.g. Reed et al., 1977 ; Kwon et Mak,1990 ; Hopsch et al., 2007). L’évolution vers une structure à cœur chaud se produit souvent lors de leur propagation au-dessus du massif du Fouta-Djalon en Guinée (Guinea Highlands – GH, 5-13°N, 8-15°W), avec un confinement des régions de convection profonde dans le thalweg des ondes (Hopsch et al., 2010). Sous le niveau de l’AEJ, ce thalweg présente fréquemment une inclinaison vers l’est avec l’altitude (Reed et al., 1977), en accord avec une croissance barocline d’un jet d’est. À partir d’une régression statistique, Kiladis et al. (2006) ont mis en évidence les structures synoptiques typiques des AEW en phase de croissance, se propageant sur l’Afrique de l’Ouest et l’Atlantique Est tropical. Cette étude repose sur un filtrage spatio-temporel adapté (fenêtre « dépressions tropicales » définie par des périodes inférieures à 6 jours et des longueurs d’onde zonales inférieures à 7 000 km) du rayonnement thermique infrarouge mesuré par satellite (Outgoing Long-wave Radiation – OLR) à 10°N, 10°W. La Figure 2.3 révèle la structure très cohérente des anomalies d’ORL et du vent à 850 hPa. Le thalweg et la dorsale de l’AEW sont inclinés dans la direction opposée au cisaillement horizontal du vent au nord et au sud de l’AEJ, en accord avec une croissance barotrope des AEW (section 2.1.3.5). On voit également que l’influence dynamique des AEW s’étend vers le sud au-delà de l’équateur et au nord jusqu’aux latitudes 25-30°. En raison de cette extension méridienne, il est vraisemblable que les AEW interagissent au sud avec les ondes équatoriales couplées à la convection (section 7.1.4), et au nord avec les systèmes perturbés des latitudes moyennes (section 2.1.4). Au jour 0, la convection la plus intense, caractérisée par un minimum de l’OLR, se situe dans le thalweg de l’AEW. La Figure 2.3 montre l’évolution des AEW en considérant des décalages temporels positifs et négatifs. La première signature d’une AEW atteignant 10°N, 10°W au jour 0 est la présence d’une anomalie de convection dans la région du Darfour au jour – 4. Ceci est en accord avec l’hypothèse selon laquelle les AEW sont initiées par des perturbations de petite amplitude telles que la convection profonde (e.g. Hall et al., 2006 ; Thorncroft et al., 2008). Au cours du développement des AEW pendant les jours suivants, le pic de convection se situe à l’avant du thalweg. Alors que les AEW se déplacent vers l’ouest, le pic de convection se décale vers le thalweg. Il se positionne dans la région de vents de sud à l’est du thalweg lorsque les AEW atteignent l’océan Atlantique.

94

2. Systèmes synoptiques

(a)

850 hPa Day–4

(d)

40°N

40°N

20°N

20°N





20°S 60°W

20°W

(b)

20°E

60°E

850 hPa Day–2

20°S 60°W

40°N

20°N

20°N





20°W

(c)

20°W

(e)

40°N

20°S 60°W

850 hPa Day+2

20°E

60°E

20°E

60°E

20°S 60°W

20°E

60°E

20°E

60°E

850 hPa Day+4

20°W

850 hPa Day 0

40°N

20°N



20°S 60°W

20°W

 Figure 2.3  Structure composite des AEW avec la fonction de courant à 850 hPa et l’anomalie de convection. Ces schémas sont déduits d’une régression basée sur le filtrage spatio-temporel pour des périodes inférieures à 6 jours et des longueurs d’ondes zonales inférieures à 7 000 km (fenêtre « dépressions tropicales ») du rayonnement en infrarouge thermique (Outgoing Longwave Radiation – OLR) à 10°N, 10°W. Les zones sombres indiquent des anomalies d’OLR inférieures à –10 W m–2 (convection active), les zones claires des anomalies d’OLR supérieures à +10 W m–2 (convection inhibée). Source : Figure 3 de Kiladis et al. (2006). © American Meteorological Society, figure reproduite avec autorisation.

La Figure 2.4 montre la structure verticale du vent méridien et de l’OLR associées au passage d’une AEW au-dessus de Bamako (Mali, au centre de l’Afrique de l’Ouest) et de Dakar (Sénégal, sur la côte atlantique). Les deux diagrammes révèlent une inclinaison vers l’est entre la surface et le niveau de l’AEJ vers 700 hPa, mais au-dessus les structures s’inclinent vers l’ouest à Dakar alors qu’elles restent inclinées vers l’est à Bamako. Les données de radiosondage indiquent qu’à Bamako (12,5ºN, 8,0ºW) la plupart des AEW ont une amplitude maximum au niveau de l’AEJ alors qu’à Dakar (14,7ºN, 17,5ºW) ce maximum se situe plutôt entre 950 et

95

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

850 hPa (Pytharoulis et Thorncroft, 1999). Bien que les AEW aient une amplitude maximum près du niveau de l’AEJ au sud de ce courant-jet et à plus bas niveau au nord, il s’agit d’un seul mode dynamique qui se propage de la même façon à travers l’Afrique de l’Ouest (Cornforth et al., 2009 ; Pytharoulis et Thorncroft, 1999).

OLR

(a)

Bamako meridional wind and OLR 60 40 20

0 –20 –40 –60

–5

0

5

100 150 200 Pressure (hPa)

250 300 400 500 700 850 –6

–4

–2

0

2

4

6

1000

LAG (days)

OLR

(b)

Dakar meridional wind and OLR 60 40 20

0

–20 –40 –60

–5

0

5

100 150 200 Pressure (hPa)

250 300 400 500 700 850 –6

–4

–2

0

2

4

6

1000

LAG (days)

 Figure 2.4  Coupes verticales en niveau de pression-temps de l’anomalie de vent méridien à Bamako (a) et Dakar (b), relatives à des perturbations de l’OLR filtrées (dans la fenêtre « dépressions tropicales ») de – 40 W m–2 au point le plus proche de chaque station. L’intervalle des contours est de 0,5 m s–1. Les zones sombres (claires) représentent des anomalies de vent plus grandes (plus petites) que 0,5 m s–1. L’anomalie associée de l’OLR est représentée en W m–2 en haut des figures. Source : D’après la Figure 10 de Kiladis et al. (2006). © American Meteorological Society, figure reproduite avec autorisation.

96

2. Systèmes synoptiques

La Figure 2.5 montre pour plusieurs niveaux de pression des composites du vent horizontal et du tourbillon relatif associés à des AEW, déduits de la réanalyse ERAInterim du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (CEPMMT). On y retrouve les principales caractéristiques identifiées à partir des données d’observation. Sous le niveau de l’AEJ (à 1 000 et 850 hPa), on observe des tourbillons de chaque côté de l’axe de l’AEJ vers 15°N (caractérisé par le maximum du vent zonal à 700 hPa). Le tourbillon situé au nord est co-localisé avec le maximum du gradient de température en surface (i.e. le long du FIT), alors que le tourbillon situé au sud se trouve près du maximum de précipitations. Les plus fortes valeurs du tourbillon se trouvent au niveau 700 hPa avec un maximum unique, localisé un peu au sud de l’axe de l’AEJ. À 200 hPa, où se situe le jet d’est tropical (Tropical Easterly Jet – TEJ), la signature des AEW est quasiment inexistante, ce qui confirme leur statut de perturbations se développant essentiellement en basse troposphère. 1000 hPa

850 hPa

30N

30N

20N

20N ITD

ITD

10N

10N

0

0 10W

0

10E

10W

700 hPa

0

10E

200 hPa

30N

30N

20N

20N 20 kt AEJ

10N

30 kt

10N

TEJ

0

0 10W

0

10E

10W

0

10E

 Figure 2.5  Structure horizontale composite du tourbillon et du vent horizontal, déduite de 803 AEW observées entre 1989 et 2008 au moment où l’axe de leur thalweg à 700 hPa se situait à la longitude de Niamey (2,5ºE), identifiées par la méthode objective de Berry et al. (2007). Les vents (représentés en barbules, avec une échelle d’intensité en couleurs) et le tourbillon relatif d’axe vertical (valeurs positives supérieures à 5 × 10–6 s–1, avec des contours tous les 5 × 10–6 s–1), déduits de la réanalyse ERA-Interim, sont représentés aux niveaux de pression 1 000, 850, 700 et 200 hPa. Les positions de l’ITD, de l’AEJ et du TEJ, définis conformément au chapitre 11, sont également indiquées.

97

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Alors que la plupart des études climatologiques consacrées aux AEW ont insisté sur leur structure dynamique, notamment sur le thalweg au niveau de l’AEJ, Poan et al. (2013) ont examiné les AEW dans une perspective de thermodynamique humide, en basant leur analyse statistique sur l’anomalie d’eau précipitable (Precipitable Water Anomaly – PW*). Bien que les deux approches se réfèrent aux mêmes phénomènes atmosphériques, le choix de la variable étudiée pour l’analyse composite offre des perspectives différentes. Les structures mises en évidence grâce à PW* au nord de l’AEJ, sur le nord Sahel où le gradient climatologique de PW est particulièrement marqué, sont en accord avec des études passées (Reed et al., 1977 ; Kiladis et al., 2006). Du point de vue de PW*, la période moyenne des AEW est de 5 à 6 jours et leur longueur d’onde moyenne est d’environ 3 800 km, valeurs sensiblement supérieures à celle déduites à partir de critères dynamiques. L’approche PW* permet de mieux identifier certaines relations entre les caractéristiques thermodynamiques et les structures de vent. Grâce à la meilleure signature spatiale et temporelle de PW*, il est possible de détecter les AEW plus tôt et plus à l’est. Des études complémentaires sont néanmoins nécessaires, notamment en ce qui concerne l’influence du gradient de PW* sur le développement des AEW. (a)

(b)

PW anomalies 12–20N

Tourbillon rel anom 12–20N

2011 JUN–

JUL–

AUG–

10

10

20

20

30

30

10

10

20

20

30

30

10

10

20

20

30

30

10

10

20

20

SEP–

40W mm

20W 0E –9 –3 3

20E 9

30 40E 40W /s

20W 0E 20E –1.5 –0.5 0.5 1.5

30 40E

 Figure 2.6   Diagramme temps-longitude de juin à septembre 2011 des anomalies moyennées dans la zone 12-20°N pour (a) l’eau précipitable PW (en mm), et (b) le tourbillon relatif à 850 hPa (en 10–5 s–1). Les lignes noires inclinées représentent une vitesse zonale de –9 m s–1. Source : D’après Poan (2013).

98

2. Systèmes synoptiques

Les AEW s’analysent efficacement à l’aide de diagrammes d’Hovmöller « longitude - temps » de quantités comme le vent méridien, le tourbillon, OLR ou PW*. Ces diagrammes peuvent également apporter une aide pour la prévision en temps réel. La Figure 2.6 montre ainsi des diagrammes d’Hovmöller de PW* et du tourbillon relatif pour la mousson ouest-africaine de 2011. Sur les deux champs présentés, on identifie nettement des AEW se propageant vers l’ouest, à une vitesse qui peut être déduite de la pente des structures caractéristiques. Typiquement, l’anomalie PW* positive se situe à l’est du thalweg de l’onde, au même endroit et à l’est des vents de sud de basses couches. Ceux-ci renforcent progressivement l’anomalie positive de PW* au cours du temps sur son flanc ouest, alors que les vents de nord relativement secs sur son flanc est dissipent l’anomalie humide. La Figure 2.14 est un autre exemple d’utilisation de diagrammes d’Hovmöller pour analyser les AEW. La Figure 2.7 montre la structure horizontale d’une AEW composite (Poan et al. 2013). Le maximum de PW* est situé à l’est du thalweg de l’onde, alors que le maximum de vent de sud dans les basses couches se trouve plutôt au niveau du thalweg. Cette combinaison du vent et de PW* conduit à l’intensification et à la propagation vers l’ouest de l’AEW (avec l’advection d’air humide provenant du sud renforcée au niveau et à l’ouest de l’anomalie de PW*). Comme sur la Figure 2.3, le thalweg de la Figure 2.7 est incliné dans le sens contraire du cisaillement horizontal du vent, en accord avec une croissance barotrope des AEW (au détriment de l’énergie cinétique de l’AEJ). L’orientation des thalwegs des AEW est cependant très variable d’un cas à l’autre. GPCP*, OLR* (Wm–2)

PW*, V925 30N

30N

25N

25N

20N

20N

15N

15N

10N

10N

5N

5N

0 40W

30W –7 –9

20W –3 –5

10W –0.5 –1

0

10E 1

0.5

20E 6

3

7

30E 40E 9 kg/m2 1

0 40W

30W –14

20W –10

10W

0

10E 6

–2 –6

2

20E

30E

40E

14 10

 Figure 2.7   À gauche : anomalies d’eau précipitable PW* en couleurs et du vent à 925 hPa en flèches, et à droite : anomalies de précipitations (d’après Global Precipitation Climatology Project - GPCP, NASA) en lignes noires et d’OLR en couleurs, pour un composite d’AEW (Poan et al., 2013). La localisation des thalwegs (lignes rouges continues) et des dorsales (lignes rouges tiretées-pointillées) est déduite du vent horizontal à 600 hPa. La relation entre l’OLR et la structure dynamique de l’AEW doit être interprétée avec précaution en raison de la présence fréquente de systèmes convectifs intenses qui se propagent vers l’ouest depuis le thalweg de l’onde vers les régions de plus faible PW*. Source : © American Meteorological Society, reproduit avec autorisation.

99

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Les structures d’OLR de la Figure 2.7 indiquent que le pic de convection se trouve au niveau et juste à l’ouest de l’anomalie positive de PW*, avec un maximum de précipitations au niveau et un peu à l’est du thalweg. Il faut néanmoins considérer cette structure composite d’OLR avec précaution, car elle ne rend pas compte des systèmes convectifs qui se développent et se propagent dans la région de faible PW* à l’ouest du thalweg des AEW. La Figure 2.3 est un autre exemple de relation entre l’OLR et le thalweg. La Figure 2.8 confirme que le thalweg de l’onde est incliné verticalement dans une direction opposée à celle du cisaillement de vent (i.e. la ligne de valeurs nulles de l’anomalie  v* du vent méridien s’incline vers l’est avec l’altitude dans les basses couches) ; des résultats comparables ont été obtenus par d’autres études composites. En revanche, les structures d’humidité et de température sont plus verticales, ce qui révèle une relation différente entre le thalweg et la thermodynamique (température et humidité) selon l’altitude. Près de la surface, l’air frais et humide se situe principalement au niveau de la dorsale (avec une circulation anticyclonique) et à l’ouest dans le flux de sud 1. L’inclinaison vers l’est est en accord avec une croissance de l’onde composite par l’instabilité barocline (voir la section 2.1.3.5 ci-dessous). (a)

(b)

q* (coulour) & V*

100

100

200

200

300

300

400

400

500

500

600

600

700

700

800

800

900 –5 –4 –3 g/kg –1.6 –2

Theta* (couleur) & W*

900 –2 –1 –0.4

–0.8

–0.2

0 0

1 0.2

2 0.4

3

1.6

0.8

4

5

–5 °K

2

–4 –3 –1.6

–2

–0.8

–2 –1 –0.4 –0.2

0 0

1 0.2

0.4

2 0.8

3 1.6

4

5

2

 Figure 2.8  Coupes verticales pression-temps pour les anomalies (a) de l’humidité spécifique (en g kg–1, couleurs) et du vent méridien (en m s–1, contours noirs avec valeurs négatives en pointillé), (b) de température potentielle (en K, couleurs) et de la vitesse verticale (en mm s–1, contours noirs avec valeurs négatives en pointillé), à partir d’une analyse composite d’AEW. La ligne verticale noire correspond à la localisation du thalweg au temps t0, les lignes verticales rouges et bleues correspondent respectivement au passage des secteurs plus chaud et sec, et plus froid et humide (aux temps t0 – 1,25 et t0 + 1,25). Source : D’après Poan (2013).

1.  La Figure 2.8 est un composite temporel. Comme l’AEW se propage vers l’ouest, les périodes précédant le passage du thalweg correspondent à des positions situées à l’ouest de ce thalweg.

100

2. Systèmes synoptiques

Bien que les AEW se produisent aux latitudes tropicales où l’accélération de Coriolis est faible, un certain niveau d’équilibre du vent thermique apparaît dans ces images composites. Ainsi, à la longitude 0 de la Figure 2.8a, le cisaillement vertical du vent provenant du nord est associé à un gradient thermique orienté vers l’ouest. Les cartes composites des lignes de courant aux niveaux 925, 850 et 600 hPa et de PW* (Figure 2.9) confirment ces relations. Le vent moyen à 850 hPa étant proche de la vitesse de propagation des ondes d’est, ce niveau permet de visualiser des circulations tourbillonnaires fortes et fermées. Les vents dans les basses couches ont un double rôle : celui de renforcer les anomalies de PW* par l’advection d’air relativement frais et humide, et de fournir un environnement propice à leur propagation vers l’ouest. PW and 600 hPa Streamlines, TOTAL-> T0

PW* and 600 hPa Streamlines, ANOM-> T0

30N

30N

20N

20N

10N

10N

0

0 30W

30N

0

30E

PW and 850 hPa Streamlines, TOTAL-> T0

30W 30N

20N

20N

10N

10N

0

30E

0 30W

30N

0

PW* and 850 hPa Streamlines, ANOM-> T0

0

30E

PW and 925 hPa Streamlines, TOTAL-> T0

30W 30N

0

30E

PW* and 925 hPa Streamlines, ANOM-> T0

20N

20N

10N

10N

0

0 30W

0

30E

30W

0

30E

 Figure 2.9  Composites des champs de lignes de flux et de PW (mm, couleurs) à 925, 850 et 600 hPa au passage (t0) des AEW à 0°E. Les colonnes de gauche et de droite correspondent respectivement aux champs complets et à leurs anomalies. Source : D’après Poan (2013).

Ces résultats statistiques et climatologiques des AEW masquent néanmoins la grande variabilité des structures observées lors des différentes études. De plus, le cycle diurne très marqué en Afrique de l’Ouest pour la couche limite et pour la convection profonde a une influence sur la structure des AEW, sans que cela ait

101

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

été précisément étudié. Bain et al. (2011) ont montré, pour le cas d’une AEW observée le 27 juillet 2006, que le renforcement nocturne des vents de basses couches conduit à un accroissement de l’humidité dans la partie nord du thalweg, alors que le mélange convectif diurne produit une décélération de l’AEJ au nord de l’AEW.

2.1.3.3 Structure des ondes d’est africaines Dans la section précédente 2.1.3.2, nous avons présenté la structure moyenne des AEW, à partir des nombreuses études qui leur ont été consacrées. Il est cependant difficile de dégager un consensus en raison des variations importantes liées au cycle diurne, à la localisation géographique, et à l’évolution des AEW au cours de leur existence. De plus, les résultats diffusés par les publications scientifiques ne s’accordent pas toujours avec l’expérience quotidienne des prévisionnistes et leurs analyses synoptiques. Les travaux scientifiques concernent surtout des analyses composites alors que les études de situations synoptiques particulières sont nettement plus rares. Ainsi, les analyses synoptiques révèlent souvent une inclinaison du thalweg dans le sens du cisaillement de vent (par exemple Figure 2.16) alors que les composites statistiques évoquent plutôt une inclinaison dans le sens contraire 2. Pour ces raisons, il serait probablement trompeur de présenter une structure unique des AEW qui ne refléterait pas la gamme très large des observations. Nous souhaitons dans cette partie insister sur la diversité naturelle des AEW. Après de longues discussions entre chercheurs et prévisionnistes, une approche modulaire a été choisie, proche de celle suivie par les prévisionnistes et mettant en avant les éléments clés de la structure des AEW. 1) Structure en surface et dans les basses couches. Les toutes premières analyses d’AEW dans les années 1930 reposaient sur l’étude des tendances de la pression de surface. Les prévisionnistes utilisent toujours ces données pour en déduire des informations sur le passage d’une AEW et son influence sur les conditions météorologiques. En raison de l’importance du cycle diurne sur la pression de surface, son évolution doit être calculée sur une base de 24 heures après avoir soustrait le cycle diurne climatologique. Les AEW ont une influence considérable sur la couche limite et sur les nuages associés. Dans le flux de sud, la couche limite est typiquement plus fraîche, plus humide et moins épaisse que dans le flux de nord. Dans cette couche limite de mousson, les cumulus peu développés occupent une surface relativement plus importante. 2) Déplacement du FIT. On observe fréquemment un déplacement du FIT vers le nord en relation avec le passage d’une AEW, généralement au niveau et à l’est du thalweg. Le FIT a un cycle diurne très marqué, tendant à masquer l’évolution synoptique au cours de la journée, lorsque l’air de la zone B se mélange avec l’air 2.  En fait, une analyse théorique a montré qu’aussi bien les inclinaisons en aval qu’en amont du cisaillement peuvent être associées à un mode de croissance barocline : en amont – quand le JEA est étroit par rapport à l’échelle de l’AEW ; en aval – quand le JEA est large par rapport à l’échelle de l’AEW (Methven et al., 2005).

102

2. Systèmes synoptiques

saharien situé au-dessus. Pendant la nuit, le FIT se régénère entraînant vers le nord la dorsale d’air froid dans les basses couches (Bain et al., 2011). 3) Le thalweg des AEW au niveau du JEA (i.e. entre 700 et 600 hPa). Le thalweg des AEW est généralement bien marqué au niveau du JEA, ce qui se traduit par une rotation cyclonique des vents. Dans les analyses composites, l’axe du thalweg est incliné dans la direction opposée à celle du cisaillement horizontal de vent, i.e. vers l’ouest au sud et au nord de l’axe du JEA (voir les Figures 2.3 et 2.7). Néanmoins, certains cas d’étude montrent une inclinaison inverse avec un thalweg s’étirant vers l’est au sud et au nord du JEA (e.g. Figure 2.16b). 4) Ondes et tourbillons dans le thalweg de mousson (au niveau 850 hPa). Les AEW se propagent moins vite que le vent dans le JEA (environ 7 m s–1 par rapport à 12-15 m s–1), si bien que le niveau de contrôle de l’onde se situe sous le jet, généralement vers le niveau 850 hPa. Le tourbillon associé au thalweg de l’onde s’étend verticalement sous le niveau du JEA et il est fréquent d’observer des circulations fermées (vortex) sur des cartes de vent ou de lignes de courant à 850 hPa. Ces tourbillons peuvent être renforcés par les systèmes convectifs, et ils jouent un rôle important pour la régénération diurne de ces systèmes convectifs après la phase nocturne moins active. Leur extension verticale est variable, selon l’intensité et le développement des systèmes convectifs. 5) Eau précipitable. PW est une mesure intégrée de la progression du flux de mousson vers le nord, et elle présente une forte variabilité en relation avec la structure des AEW. La trace des ondes apparaît nettement sur les champs d’anomalie de PW (PW*, Poan et al., 2013). Dans certains cas 3, il est plus aisé d’identifier les AEW et leurs structures précipitantes grâce à PW* plutôt qu’avec le vent, car cette quantité prend en compte la variabilité associée aux vents et à l’advection. Dans les analyses composites, le maximum de PW* se situe à l’est du thalweg de l’onde, là où se trouvent des vents de sud au niveau du JEA. Les champs liés à la convection (CAPE et CIN) sont plus complexes. Dans les basses couches, le maximum de température potentielle équivalente, θe, qui contrôle CAPE se trouve juste au sud du JEA (e.g. Figure 2.2 de Thorncroft et al., 2003), alors que CIN dépend des températures au-dessus de la couche limite. Cela conduit à une inclinaison sud-ouest – nord-est des zones de fortes valeurs de CAPE associées à une AEW car, dans les basses couches, θe est élevée dans le flux de sud d’air humide qui s’étend du sud-ouest au nord-est du thalweg (Figure 2.7 et Figure 11.17b). 6) Épaisseur du flux de mousson. Différentes mesures de l’épaisseur du flux de mousson ont été proposées, reposant sur le changement de direction du vent ou sur ses caractéristiques thermodynamiques (voir la section 11.10). Lorsque la mousson est particulièrement développée, elle se caractérise par la présence d’air frais et humide avec une advection de sud. Cette intrusion d’air frais est le plus souvent associée à une forte anomalie positive d’eau précipitable. Par l’équilibre du vent thermique, 3.  Notons que la structure des AEW est définie classiquement en termes de vents, et que dans certains cas les AEW peuvent être sèches.

103

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

cette présence d’air frais s’accompagne d’une circulation anticylonique (ou d’un affaiblissement de la circulation cyclonique) dans les basses couches. Ainsi, dans les structures composites des AEW de Reed et al. (1977), les AEW présentent un cœur froid avec un épais flux de mousson relativement frais près de l’axe de leurs thalwegs, et une diminution de l’intensité du tourbillon avec l’altitude sous le thalweg. Une analyse récapitulative et des conventions graphiques associées se trouvent dans le chapitre 11. On peut analyser la structure typique des AEW à la lumière de ces critères (e.g. les changements de structure verticale lors de la propagation vers l’ouest). La Figure 2.10 propose une représentation graphique de la structure d’une AEW composite selon ces critères. Cette figure résulte de réunions et de discussions entre prévisionnistes, modélisateurs et expérimentateurs, et représente un consensus nouveau sur la structure des AEW. Les champs présentés et leurs relations mettent en évidence plusieurs aspects importants. 1) Les panneaux 1 et 2 correspondent au niveau 600 ou 700 hPa, le plus communément utilisé pour diagnostiquer la présence des AEW. Ce niveau est proche de celui de l’AEJ, avec des dorsales et des thalwegs, associés aux courbures des lignes de courant et définies ici par v = 0. La longueur d’onde typique est de 3 000 km ou 30° de longitude entre deux thalwegs successifs. À ce niveau, de telles structures ondulées sont plus représentatives que des circulations fermées. Celles-ci sont néanmoins possibles, notamment au sud (voir le panneau 1). L’inclinaison horizontale des thalwegs, telle que déduite des analyses de modèles, est représentée sur le panneau 1 dans le sens opposé au cisaillement méridien du vent zonal (i.e. elle s’étend vers l’ouest au sud et au nord de l’axe du JEA). Néanmoins, cette inclinaison est variable selon les cas individuels, et au cours de la propagation d’une onde vers l’ouest. Une inclinaison du thalweg vers l’ouest renforce les vents dans le JEA à l’est du thalweg (car les lignes de courant sont plus resserrées à cet endroit), comme le montre le panneau 2. Une inclinaison vers l’est est également possible, comme l’illustre la Figure 2.16. Des ruptures sont communément observées au cœur du courant-jet en relation avec des AEW particulièrement intenses (cf. documentation en ligne du cas d’étude CS01 4 des 1-10 août 2012, ou le cas CS04 de l’inondation de Ouagadougou le 1er septembre 2009). 2) L’initiation de la convection peut se produire en de multiples endroits, mais il existe un consensus quant à sa distribution statistique. Les systèmes convectifs de mésoéchelle (Mesoscale Convective Systems – MCS) rapides se produisent typiquement le long de l’axe du JEA à l’avant du thalweg avec des conditions favorables de fort cisaillement vertical du vent et de sécheresse prononcée en moyenne troposphère (voir les sections 3.1.2.2 et 3.2.2.3). Les systèmes convectifs plus lents s’observent plus au sud, où le cisaillement vertical du vent est plus faible et où la couche de mousson est plus épaisse. 4. http://www.cnrm.meteo.fr/waf_handbook_casestudies/

104

2. Systèmes synoptiques

3) Les panneaux 3 et 4 représentent les anomalies de vent, de tourbillon et de PW à 850 hPa, proche du niveau typique de contrôle des AEW. La signature thermodynamique des AEW est généralement la plus forte à ces niveaux sous le JEA. Les anomalies de PW et de températures sont généralement co-localisées, avec de l’air frais et humide progressant vers le nord à l’est du thalweg alors qu’à l’ouest de l’air chaud et sec se dirige vers le sud. 4) Des circulations fermées sont souvent observées au niveau 850 hPa, généralement mais pas toujours à l’ouest du thalweg au niveau de l’AEJ. C’est la signature typique de l’inclinaison d’une onde barocline. Ces circulations fermées à 850 hPa sont reliées à la ligne du maximum de tourbillon à 850 hPa, au sud de l’AEJ, déterminant ainsi un « thalweg de mousson » (voir la section 11.10). 1

2 600– 700 hPa

3

4

850 hPa

Day

5

6

Night

ITD

Legend streamlines 600 hPa

Monsoon trough at 850 hPa

streamlines 850 hPa

precipitable water anomalies (negative and positive)

rel. vorticity max. heat low 925–600 hPa mean winds: warm (red) and cool (blue) advection

trough axis in 600 hPa

C

cyclonic circulation in 850 hPa

ridge axis in 600 hPa AEJ streak AEJ max. max. zone of MCS initiation preferred area of MCS initiation

monsoon depth deeper monsoon depth

 Figure 2.10  Représentation schématique des différents éléments d’une AEW, et de leurs relations mutuelles. Les panneaux de gauche montrent une situation « normale » – pour autant que cela existe – et ceux de droite se rapportent à des variations communes. Par exemple, les structures représentées sur le panneau 2 sont celles attendues dans un environnement avec un cisaillement barotrope renforcé par des vents d’est plus soutenus au nord (i.e. ∂u/∂y  0

 Figure 2.12  Représentation schématique des déplacements méridiens de l’air et des circulations associées au sein d’une onde d’est africaine, qui sont prévus pour une configuration de croissance barocline. La « composante supérieure de l’onde de Rossby » se propage le long du JEA et interagit avec une « onde inférieure » se propageant vers l’ouest. L’onde supérieure est localisée dans le cœur du jet, là où le gradient méridien de PV (Py ) est négatif. À ce niveau, un déplacement vers le sud-ouest de l’air provenant du Sahara (en jaune) génère une anomalie négative de PV et une circulation anticyclonique, permettant une propagation vers le sud-ouest relative à l’écoulement vers l’ouest. L’onde inférieure se produit le long du gradient méridien de température potentielle qui est positif, de telle sorte qu’un déplacement vers le nord apporte de l’air plus froid et humide (en bleu) du sud, associé à une circulation anticyclonique, permettant une propagation vers l’ouest relative au flux de surface. Lorsque les circulations induites par l’onde supérieure se positionnent à l’est de celles induites par l’onde inférieure (le vent méridien se décale vers l’est avec l’altitude, comme indiqué par les lignes pointillées), leur interaction via l’advection méridienne devient optimale pour la croissance du système.

110

2. Systèmes synoptiques

Les relations entre le thalweg, les vents et les structures de tourbillon à différents niveaux sont illustrées pour un cas d’AEW d’août 2000. À grande échelle (Figure 2.13a) et au sud de l’axe du JEA à 700 hPa (indiqué par la ligne épaisse rouge), on note une bande de tourbillon relatif positif orientée zonalement. De même, à 925 hPa, le champ de température montre une structure zonale bien définie, reflétant le fort caractère zonal du JEA et de la mousson. La structure de l’AEW pour ce cas apparaît comme une perturbation du type ondulatoire à l’état de base zonal ; le centre de la perturbation en tourbillon relatif correspond à l’axe du thalweg (ligne noire épaisse), et la perturbation de température est située légèrement devant (à l’ouest) du thalweg. La croissance barocline s’enclenchera si les écoulements associés aux champs de tourbillon (et de PV), interagissent entre les différents niveaux, soit pour une configuration optimale leur permettant de s’amplifier mutuellement. Il est également attendu que la croissance barocline résulterait de l’écoulement autour du maximum de tourbillon à 700 hPa, déformant la bande de tourbillon de l’état de base de grande échelle. Ces concepts dynamiques de croissance des ondes d’est sont identiques à ceux appliqués aux systèmes des moyennes latitudes, et sont cohérents avec les structures observées. Bien que les structures observées des AEW aient une configuration cohérente avec une croissance via des processus de dynamique sèche, des calculs effectués à partir de simulations idéalisées d’AEW ont montré que la dynamique sèche agit trop lentement pour reproduire les taux de croissances rapides observés. À partir du cas d’étude de la Figure 2.13, Berry et Thorncroft (2005) ont suggéré que l’occurrence de systèmes convectifs organisés au sein d’une AEW, augmentait le taux de croissance de l’onde synoptique (Cornforth et al., 2009). L’hypothèse était faite que les intenses vortex de méso-échelle générés par la convection au sein de l’AEW constituaient un catalyseur clé de l’amplification de l’onde. Ces auteurs suggérèrent que comme la convection se produit préférentiellement à proximité ou devant l’axe du thalweg, la combinaison de l’écoulement synoptique et des vortex de petites échelles génère une cascade des petites échelles vers les grandes, renforçant l’écoulement synoptique à mi-niveau, permettant l’augmentation de l’amplitude de l’AEW et son taux de croissance via la dynamique sèche. Dans une étude numérique, Berry et Thorncroft (2012) mirent à jour qu’une AEW s’affaiblit avec une constante de temps de quelques jours, si les systèmes convectifs sont supprimés, montrant ainsi l’importance de la convection et de son couplage avec les AEW.

111

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

(a) 25°N

20°N

15°N

10°N

5°N

0° 10°W

5°W

125



140

5°E

155

170

10°E

185

15°E

200

215

20°E

230

25°E

245

(b) 25°N

25

20°N

15°N

10°N

5°N

0° 10°W

5°W

1



2

5°E

3

4

10°E

5

6

15°E

7

8

20°E

9

25°E

10

 Figure 2.13  Cartes synoptiques de la réanalyse ERA-Interim du CEPMMT le 1er août 2000, à 1200 UTC : (a) tourbillon relatif à 700 hPa (lignes en couleur), température à 925 hPa (fines lignes noires), analyse objective (décrite par Berry et al., 2007) des axes de thalweg à 700 hPa (ligne épaisse noire) et de l’axe du JEA (ligne rouge épaisse). (b) Taux de précipitation (mm hr–1, en couleur) de l’estimation satellite TRMM 3B42, lignes de courant à 925 hPa (en bleu) et vecteur vent à 700 hPa. Les axes des thalwegs et du JEA sont superposés comme pour (a).

112

2. Systèmes synoptiques

2.1.3.6 Relation avec la convection profonde Pour la mousson ouest-africaine, les AEW modulent l’intensité des précipitations, avec des estimations suggérant que plus de 60 % des lignes de grains durant l’été boréal sont associées à des AEW (e.g. Fink et Reiner, 2003) 5. Les analyses composites (e.g. Reed et al., 1977) indiquent que les précipitations et la nébulosité atteignent leur maximum principalement devant (à l’ouest) l’axe du thalweg à mi-niveau et au sud du cœur du JEA. Quelques études ont aussi noté un pic secondaire de précipitations convectives derrière (à l’est) le thalweg à mi-niveau, au nord de l’axe du JEA (comme illustré par le composite de Poan de la Figure 2.7b). Des analyses plus détaillées de systèmes convectifs associés à des AEW (e.g. Payne et McGarry, 1977) ont montré que les MCS tendent à se propager deux fois plus vite que les AEW, ce qui est consistant avec une propagation pilotée par les courants subsidents issus des couches moyennes proches de l’AEJ (e.g. Rowell et Milford, 1993 ; Chong et Hauser, 1989 ; Lafore et Moncrieff, 1989). Cela suggère que les zones préférentielles de précipitations résultent de la superposition des systèmes convectifs traversant une phase particulière de l’onde, plutôt qu’une zone unique de précipitation persistant et se propageant à la même vitesse que l’AEW. En ce cas, les localisations de genèse, maturité et dissipation des MCS relativement à l’onde, peuvent différer. Le déplacement des systèmes convectifs au sein des AEW, la multiplicité des configurations possibles des AEW, et le cycle diurne distinct de la convection, tous contribuent à augmenter la complexité de la question de la localisation des précipitations par rapport à la structure moyenne des AEW. La relation observée entre les AEW et les précipitations est illustrée par la Figure 2.14, montrant un diagramme d’Hovmöller « longitude – temps » à 700 hPa du tourbillon de courbure de l’analyse opérationnelle GFS du NCEP (un diagnostic utilisé par Berry et al., (2007) pour localiser les thalwegs des AEW), superposé aux estimations des taux de pluie du produit CMORPH (Joyce et al., 2004) ; les deux champs sont moyennés dans la bande 5-15°N durant le mois d’août 2004. Cette figure permet d’identifier le passage des thalwegs des AEW par la propagation vers l’ouest du maximum de tourbillon, alors que les systèmes convectifs sont repérés par les bandes de pluie d’échelle plus fine se propageant également vers l’ouest. Notons que les pluies ne correspondent pas individuellement à chaque système convectif, suite à l’opération de moyenne méridienne ; mais au groupe ou « enveloppe » des systèmes convectifs.

5.  Par la même occasion, il faut reconnaître que probablement 40 % des lignes de grains ne sont pas associées à une AEW, et que l’occurrence d’une large zone de convection organisée ne signifie pas automatiquement la présence d’une AEW.

113

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

1 Aug 4 Aug 7 Aug 10 Aug 13 Aug 16 Aug 19 Aug 22 Aug 25 Aug 28 Aug 31 Aug –20

0.5 1.5

–10

0

10

20

2.5 3.5 4.5 5.5 6.5

30

7.5

40

8.5 9.5

 Figure 2.14  Diagrammes d’Hovmöller « longitude-temps » du tourbillon de courbure à 700 hPa (intervalle d’isolignes de 2 × 10–6 s–1 au-dessus 2 × 10–6 s–1) de l’analyse opérationnelle GFS et les estimations de précipitations CMORPH (couleur, en mm h–1), moyennés dans la bande 5-15°N pour le mois d’août 2004.

Pour analyser plus en détail un cas particulier, la Figure 2.15 montre les MCS associés au passage d’AEW en août 2006, comprenant des précurseurs du cyclone tropical Hélène. Sur cette figure, le thalweg de l’onde la plus à l’ouest et la structure nuageuse en « V » inversé, sont repérés par les lignes tiretées rouges le 6 septembre à 1800 UTC (panneau supérieur de gauche). À ce moment-là, les MCS sont de part et d’autre, mais les jours suivants, la convection s’intensifie devant le thalweg. Il y a eu beaucoup d’études d’observations pour expliquer la localisation et le type de nuages convectifs par rapport au thalweg. Plusieurs ont conclu que la convection profonde tend à se produire devant le thalweg de l’onde (Carlson 1969a,b ; Reed et al., 1977 ; Payne et McGarry, 1977 ; Diedhiou et al., 1999 ; Kiladis et al., 2006). Certaines de ces études concernent les ondes sur l’Atlantique et le long des côtes ouest-africaines en se focalisant sur l’organisation synoptique de la convection. D’autres études de la convection à méso-échelle sur l’Afrique de l’Ouest trouvèrent que les systèmes convectifs organisés sont également initiés à l’est du centre cyclonique des AEW, en particulier au nord du JEA (Fink et al., 2006 ; Laing et al., 2008 ; Cifelli et al., 2010). Ces études montrent que, parmi les MCS déclenchés derrière le thalweg, certains se propagent jusqu’à la région précédant le thalweg de l’onde (e.g. Figure 2.16).

114

2. Systèmes synoptiques

Pre-Helene Easterly Wave and MCSs

Trough

MCSs Easterly Wave

Large MCS

Evidence of Amplified Vortex

Evidence of Meso-Vortex One of several cycles of regenerating convection along outflow of decaying MCS

–65C

Tropical Depression

The COMET Program/ ©EUMETSAT 2007

 Figure 2.15  Séquence d’images infrarouges entre le 5 septembre 2006 à 1200 UTC et le 13 septembre 2006, montrant le passage d’AEW et MCS, précurseurs du cyclone tropical Hélène (2006). Source : d’après Laing et Evans (2011).

Les études précédentes de Burpee (1974), Duvel (1990), Mathon et al., (2002), et Fink et Reiner (2003), notèrent un renforcement des précipitations convectives à l’avant de la dorsale de l’AEW pour les systèmes au nord de 12,5ºN (e.g. Figure 2.17). Cette augmentation de la convection et des précipitations dans et derrière le thalweg, observée essentiellement au nord du Sahel, est principalement influencée par la disponibilité en humidité – le transport d’humidité vers le nord depuis l’océan et les forêts équatoriales – et coïncide donc avec la localisation des zones de forte anomalie d’eau précipitable PW* identifiées sur la Figure 2.7, par rapport au thalweg de l’onde. À noter également sur la Figure 2.17, la forte extension de la zone d’initiation par rapport au thalweg de l’onde. À l’opposé des systèmes des moyennes latitudes, l’initiation de la convection est faiblement reliée et pilotée par la structure de l’AEW, et d’autres facteurs comme les structures topographiques jouent un rôle important pour déterminer la localisation du déclenchement de la convection.

115

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

(a)

10W

5W

0

5E

10E

5E

20N

20N

18N

18N

16N

16N

14N

14N

12N

12N

10N

10N

8N

8N

6N

6N

4N

4N

2N

2N

0

(b)

0 10W

5W

0

5E

10E

15E

10W

5W

0

5E

10E

15E

20N

20N

18N

18N

16N

16N

14N

14N

12N

12N

10N

10N

8N

8N

6N

6N

4N

4N

2N

2N

0

(c)

0 10W

5W

0

5E

10E

15E

10W

5W

0

5E

10E

15E

20N

20N

18N

18N

16N

16N

14N

14N

12N

12N

10N

10N

8N

8N

6N

6N

4N

4N

2N

2N

0

0 10W

5W

0

5E

10E

15E

 Figure 2.16  Lignes de courant à 850 hPa : (a) le 3 septembre 2002 à 0600 UTC, (b) à 0000 UTC le 4 septembre et (c) à 1800 UTC le 4 septembre 2002. Ont été superposés la limite du bassin supérieur d’Ouémé, et les zones de températures de brillance infrarouge inférieures à 233 °K (gris clair) et 213 °K (gris sombre) utilisées pour détecter et suivre les systèmes convectifs. Les centres cycloniques des parties nord et sud de l’AEW sont respectivement labellés « N » et « S ». Les lignes épaisses correspondent au tracé subjectif du thalweg à partir du maximum de courbure cyclonique entre les centres cycloniques. Source : Figure 11 de Fink et al. (2006). © American Meteorological Society, reproduit avec autorisation.

116

2. Systèmes synoptiques

d (latitude)

14 12 10 8

14 12 10 8

N-AEW vortex

6 4 2 0 –2 –4

6 4 2 0 –2 –4

–6 –8

–6 –8

–10 –12

–10 –12

–14

–14

14 12 10 8

d (latitude)

(a)

(b)

14 12 10 8

6 4 2 0 –2 –4

6 4 2 0 –2 –4

–6 –8

–6 –8

S-AEW vortex

–10 –12

–10 –12 –14

–14 –16 –12

–8

–4

0

4

8

12

16

d (longitude)

 Figure 2.17  Diagramme de dispersion de la localisation initiale des lignes de grains, relative à la position au même moment des tourbillons (a) nord et (b) sud de l’AEW. Les abscisses (et coordonnées) correspondent aux distances zonales (et méridiennes), avec les valeurs négatives indiquant qu’à son origine, la ligne de grains se situe à l’ouest (et au sud) du tourbillon considéré. Les cercles vides représentent les lignes de grains qui se forment à l’ouest du thalweg de l’onde, alors que les étoiles correspondent aux lignes de grains situées dans un flux de sud, à l’est du thalweg et au nord de 12,5°N. La position moyenne de ces deux classes de lignes de grains est indiquée respectivement par un cercle plein et une étoile pleine en gras. Pour les deux diagrammes, d pour différence, et la période considérée est mai-octobre 1998 et 1999 (Figure 11 de Fink et Reiner, 2003). Source : © John Wiley and Sons. Reproduit avec autorisation.

Notons que l’inclinaison de l’axe du thalweg au nord et au sud du cœur du JEA, implique que la localisation de la convection devant ou derrière le thalweg peut prêter à confusion : ainsi la convection au sud du JEA, positionnée dans le thalweg à la latitude considérée, peut se trouver bien plus à l’ouest de la position du thalweg à la latitude du JEA, comme dans la Figure 2.7.

117

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

L’interaction entre les tourbillons associés aux AEW et les méso-vortex couplés aux MCS est un domaine d’actives recherches. Certains cyclones tropicaux, comme Alberto (2000), débutent comme des systèmes couplés AEW-MCS initiés à proximité des montagnes est-africaines (montagnes du Darfour et hauts plateaux éthiopiens) qui subissent plusieurs cycles de dissipation et régénération tout en se déplaçant vers l’ouest. La structure nuageuse tourbillonnante à 1200 UTC le 8 septembre et à 1800 UTC le 10 septembre (Figure 2.15) signale la présence d’un méso-vortex convectif, une structure qui se forme parfois dans la région stratiforme des MCS se dissipant. Ce tourbillon précurseur du cyclone tropical Hélène s’est amplifié sur le continent au sein d’une AEW, résultant en un fort vortex à sa sortie du continent, et aboutissant peu après à une cyclogenèse tropicale. Ces observations soutiennent l’idée que l’organisation à méso-échelle de la convection génère des anomalies positives de tourbillon potentiel nécessaires à la cyclogenèse tropicale.

2.1.3.7 Transformations dans le sillage de l’écoulement Les observations indiquent que fréquemment les AEW traversent l’océan Atlantique et atteignent les Caraïbes. Durant leur traversée de l’océan, elles conservent des zones de convection profonde (pouvant être suivies à l’aide de l’imagerie satellite), pouvant représenter un danger pour la navigation et l’aviation. Dans les Caraïbes, les AEW peuvent générer des perturbations du temps sur les îles et sont donc des phénomènes important à considérer pour les prévisionnistes. En plus des événements pluvieux associés à l’arrivée des AEW sur les Caraïbes, les dorsales de ces ondes peuvent transporter d’importantes quantités de poussières sahariennes audessus de l’Atlantique (e.g. Zipser et al., 2009 ; Dunion et Velden, 2004). Dans certains cas, les AEW interagissent avec les perturbations des moyennes latitudes et apparaissent comme des sources d’humidité pour les précipitations sur le nordouest de l’Afrique (Knippertz et al., 2003). Les AEW sont des précurseurs importants pour les cyclones tropicaux de l’Atlantique et du bassin Pacifique Est. Bien que les cyclones tropicaux se produisent en dehors du domaine de responsabilité des prévisionnistes ouest-africains, il reste important pour eux d’avoir une certaine compréhension des processus en jeu lors de la transformation d’une AEW en un cyclone tropical. Alors que la localisation à laquelle un cyclone se forme varie d’un cas à l’autre en fonction de l’environnement et de la nature de l’AEW, on dispose de cas bien documentés de cyclogenèse se produisant à proximité de la côte ouest-africaine – par exemple le cyclone tropical Alberto en 2000 (Lin et al., 2005) et la tempête tropicale Debby en 2006 (Jenkins et al., 2008 ; Ventrice et al., 2012 ; Lin et al., 2013). Dans de tels cas, l’intensification de la convection au sein de l’AEW précédent la cyclogenèse, peut commencer sur le continent, occasionnant un risque d’inondation (Jenkins et al., 2010). De plus, les cyclones tropicaux se formant à proximité du littoral peuvent avoir un impact négatif pour la navigation, la pêche, etc., des pays ouest-africains. Une large fraction des cyclones tropicaux du bassin nord-atlantique est déclenchée par des AEW. Par exemple, pour la saison cyclonique de 2005 qui a été très active, parmi les 31 tempêtes baptisées, 23 étaient issues d’une AEW. Pour comparaison,

118

2. Systèmes synoptiques

pour la saison 2006 de faible activité cyclonique, sur les seules 10 tempêtes baptisées, 7 provenaient d’une AEW (National Hurricane Center, 2015). Sur l’Afrique, les AEW sont souvent caractérisées par un vortex en basses couches au nord de l’AEJ, et par un vortex au niveau du JEA et au sud de celui-ci (voir la section 2.1.3.2). Cependant, lorsque les AEW se déplaçant vers l’ouest traversent la côte pour gagner l’océan, le vortex sud tend à s’étendre vers la surface en développant une circulation dans les basses couches de manière consistante avec le renforcement de la convection profonde dans la région côtière (Janiga et Thorncroft, 2013). Hopsch et al. (2007) firent une comparaison des structures moyennes des AEW associées ou pas à une cyclogenèse est-atlantique. Ils constatèrent que la structure moyenne des AEW se développant en cyclone, avait un tourbillon de basses couches plus intense, des ascendances plus fortes et de plus fortes humidités sur toute la troposphère dans le thalweg. Plusieurs études récentes ont poursuivi cette étude (e.g. Agudelo et al., 2011 ; Leppert et al., 2013a,b ; Cecelski et Zhang, 2013). Les AEW se développant en cyclone sont habituellement un JEA plus fort au nord du maximum de tourbillon relatif. De manière consistante avec l’intensité du JEA, les AEW se développant en cyclone ont en général un maximum de tourbillon relatif plus fort durant l’ensemble de leur cycle de vie et elles se développent d’autant plus vite que le JEA est fort, avec une augmentation de la significativité par rapport à celles qui ne se développent pas dans les premières 48 h et à l’ouest de 20°W. Les AEW se développant en cyclone ont une moyenne de SST supérieure à 27 °C, ceci est plus significatif durant les premières 48 heures, au cours desquelles la grande majorité de ces AEW ont une SST supérieure à 27 °C. De plus, leur environnement est plus humide, en particulier au niveau du JEA et au-dessus, par rapport aux AEW ne se développant pas en cyclone. Le consensus émergeant de ces études est que les AEW ayant une circulation dans les basses couches plus forte, une colonne plus humide et une activité convective profonde omniprésente, lors de leur pénétration sur le bassin atlantique-est, elles sont plus susceptibles de donner lieu à une cyclogenèse tropicale.

2.1.4

Les dépressions des moyennes latitudes et de la haute troposphère

Les dépressions de la haute troposphère qui proviennent des moyennes latitudes peuvent affecter de manière notable l’Afrique de l’Ouest tropicale pendant les six mois d’hiver boréal (Knippertz, 2007). Une méthode largement utilisée pour identifier ces systèmes consiste à repérer les anomalies notables de tourbillon potentiel (PV), soit sur une surface isentrope qui coupe la tropopause tropicale, soit moyenné sur une couche comprenant la haute troposphère et la basse stratosphère. Ces événements sont appelés « intrusions de PV » ou « goutte froide d’altitude », et leur climatologie montre un maximum de fréquence sur l’océan Atlantique, près du nord-ouest de l’Afrique (Figure 2.18). Pour des niveaux isentropes plus bas, le maximum de fréquence se déplace vers le nord-est, en Méditerranée (voir la Figure 4 de Wernli et Sprenger, 2007). La fréquence de ces intrusions de PV est beaucoup plus faible pendant les six mois d’été (Fröhlich et Knippertz, 2008).

119

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

October to March 40N 20N

0° 20S

40S 120E 1

2

4

180E/W 6

8

10 12

14

16

120W

60W



60E

%

 Figure 2.18  Les zones grisées montrent la fréquence des panaches tropicaux (en %) pour les mois d’octobre à mars de 1983/84 à 2005/06. Les contours fins montrent la fréquence des dépressions d’altitude établie par Fröhlich et Knippertz (2008) à partir des données ERA-40, de 1980 à 2001. Les contours épais montrent l’isoligne zéro du vent zonal à 200 hPa, ce qui met en évidence la zone de vent d’est qui s’étend de l’Atlantique est au Pacifique ouest, et sur l’Amérique du Sud. Source : Figure 4a de Fröhlich et al. (2013). © American Meteorological Society. Reproduit avec autorisation.

La théorie linéaire des ondes de Rossby permet d’expliquer au premier ordre la pénétration des dépressions de moyennes latitudes vers les basses latitudes, qui varie en fonction de la géographie, sur la verticale, de manière saisonnière et même interannuelle. Les vents zonaux moyens ont une forte composante d’ouest sur l’est du Pacifique tropical et sur l’océan Atlantique (voir Figure 2.18). Cela permet la propagation de l’énergie des ondes de Rossby dans ces régions, qui ont donc été surnommées « conduits d’ouest » (Webster et Holton, 1982 ; Hoskins et Ambrizzi, 1993 ; Kiladis et Weickmann, 1997). Les vents d’ouest sont plus faibles pendant la période estivale et plus près de la surface, en lien avec la diminution de la fréquence des dépressions (Tomas et Webster, 1994 ; Fröhlich et Knippertz, 2008). Le phénomène ENSO (El Niño/Southern Oscillation) engendre aussi une variabilité des vents équatoriaux selon des échelles de temps interannuelles, qui conduit à réduire les intrusions de PV sur l’océan Pacifique et à les augmenter sur l’Atlantique (Waugh et Polvani, 2000). Une indication claire de la pénétration d’une dépression d’altitude vers les basses latitudes est donnée par la présence d’un « panache tropical » sur son flanc sud dans l’imagerie satellite (Iskenderian, 1995 ; Knippertz, 2005). Ces panaches tropicaux sont des bandes nuageuses continues et allongées, présentes essentiellement aux niveaux élevés et moyens, qui s’étirent sur des milliers de kilomètres vers le nord et vers l’est, depuis la zone de convergence intertropicale (ZCIT) vers les zones subtropicales (Figure 2.19). Ils s’accompagnent habituellement d’un maximum du

120

2. Systèmes synoptiques

jet subtropical particulièrement prononcé sur leur limite nord, qui est très nette (Figure 2.19). Les études climatologiques révèlent que la fréquence de ces panaches tropicaux est maximale sur l’est de l’Atlantique et l’ouest de l’Afrique de l’Ouest, et bien corrélée à la fréquence maximale des intrusions de PV (Figure 2.18). La quantité de précipitations associée à ces panaches tropicaux est très variable d’un système à l’autre, et le long de l’axe du panache. Knippertz (2005) décrit par exemple un tel panache qui prend son origine dans la convection de la ZCIT sur l’Amérique de Sud, s’étend sur tout l’Atlantique sous la forme d’une bande nuageuse de haute troposphère, et donne de fortes précipitations sur le nord-ouest de l’Afrique.

 Figure 2.19  Image infrarouge du satellite Météosat à 0000 UTC le 10 janvier 2002, superposée aux isolignes de vitesse du vent (pointillés noirs en m s–1) et aux lignes de courant (en blanc), le tout au niveau de l’isentrope 345 K (il s’agit d’une version légèrement modifiée de la Figure 2c de Knippertz et Martin, 2005). Reproduite avec l’autorisation de la Royal Meteorological Society.

Les événements précipitants associés à ces dépressions d’altitude sur l’Afrique de l’Ouest tropicale pendant la saison sèche (novembre à mars) sont parfois appelés les pluies « Heug » ou des « Mangues ». Ils sont très irréguliers dans le temps, dans l’espace, et en intensité. Leur contribution à la climatologie des précipitations est estimée de l’ordre de quelques pour cent seulement, ce qui est à peine utile pour l’agriculture (Seck, 1962 ; Gaye et al., 1994). Il existe, cependant, des exemples d’événements précipitants en saison sèche beaucoup plus significatifs, associés à des dépressions d’altitude. De tels événements peuvent alors avoir des impacts substantiels sur l’hydrologie locale et les activités humaines, depuis le verdissement des pâtures jusqu’à des inondations et la perte de récoltes (Knippertz et Martin, 2005 ; Fall et al., 2007 ; Knippertz et Fink, 2008). La climatologie et les études de ces cas suggèrent qu’il faut distinguer entre deux types de situations et de mécanismes. Bien que, dans les deux cas, l’écoulement

121

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

aspire vers le nord le FIT et son importante réserve d’humidité, les positions de la dépression et du jet subtropical sont différentes. 1) Les pays du Sahel et du Sahara voisins de la côte ouest de l’Afrique de l’Ouest, comme le Sénégal, la Gambie, la Mauritanie et le Mali, peuvent être directement affectés par des dépressions d’altitude qui se déplacent vers le sud au-dessus de l’Atlantique est, comme le montrent les Figures 2.18 et 2.19. Des événements assez importants de ce type ont été décrits par nombre d’auteurs, comme Seck (1962), Borgne (1979), Gaye et al. (1994), et Knippertz et Martin (2005). Un cas intéressant à mentionner, associé à un record et à des impacts importants, est celui des 9-11 janvier 2002 (Figure 2.19). Les précipitations ont dépassé 50 mm sur une zone assez grande couvrant le Nord-Ouest du Sénégal et le Sud-Ouest de la Mauritanie. Le record de précipitation pour janvier a été battu pour plusieurs stations d’observation, et on a relevé 115,8 mm à Podor dans le Nord du Sénégal. Plusieurs personnes ont trouvé la mort dans des maisons qui se sont écroulées ou par hypothermie, des bâtiments ont été endommagés ou détruits par l’inondation et les pertes de récoltes et de bétail ont été importantes (Fall et al., 2007). Plusieurs ingrédients dynamiques sont nécessaires pour créer un tel événement extrême (Knippertz et Martin, 2005), comme le décrit la Figure 2.20 (gauche) : (a) une dépression d’altitude ayant circulé précédemment aux faibles latitudes a transporté de l’air humide de l’Atlantique vers l’ouest du Sahel sans provoquer de précipitations importantes ; (b) l’humidification des basses couches a déstabilisé l’atmosphère dans la région d’intérêt ; (c) une nouvelle dépression a libéré l’instabilité convective en provoquant une ascendance aux niveaux moyens de l’atmosphère ; (d) selon certaines analyses, l’instabilité inertielle dans la région d’entrée droite du maximum du jet subtropical aurait encore renforcé cette ascendance. Knippertz et Martin (2005) ont montré qu’une telle succession de deux dépressions n’est plus nécessaire pour déclencher de fortes précipitations vers la fin de la saison des pluies, quand la distance au principal réservoir d’humidité est plus faible, de telle sorte qu’un transport d’humidité suffisant peut être réalisé par un seul système bien actif. 2) L’ensemble de la zone Guinée-Soudan (~ 7-12°N) peut être affecté occasionnellement par des glissements vers le nord de la zone principale de pluie, qui ne s’étend pas habituellement très au nord de la côte de Guinée pendant la saison sèche. Knippertz et Fink (2008) ont établi que ces glissements peuvent être initiés par la pénétration d’une perturbation d’altitude en Afrique du Nord (Figure 2.20, à droite). Cela provient indirectement de la baisse des pressions sur le Sahara et le Sahel dans la région d’entrée droite du maximum du jet subtropical, au sud-est du thalweg incliné positivement, où une advection chaude se produit aux niveaux élevés (dans un écoulement orienté vers le haut et vers le nord à l’avant du thalweg). Le déplacement associé vers le nord et l’intensification de la dépression thermique continentale (qui est habituellement plus faible) permet aux vents de sud humides de pénétrer plus loin que d’habitude sur le continent. Le chauffage diurne de la surface du sol (assez sèche en cette saison) peut alors initier la convection profonde, ce qui donne des précipitations en saison sèche. De même que pour les cas cités sur l’ouest du Sahel, ces événements précipitants

122

2. Systèmes synoptiques

de saison sèche sont souvent précédés par le passage de dépressions persistantes ou multiples sur l’Afrique du Nord, ce qui permet à la circulation tropicale à réponse lente de s’ajuster au forçage (Knippertz et Fink, 2009). (a)

(b) Subtropical Cyclone

30N

Tropical Plume

40N

Localized Convection STJ

20N

20N

ITD

30W

20W

10W

SW monsoon

0

 Figure 2.20  Illustration schématique des circulations de grande échelle associées aux événements précipitants en saison sèche sur l’Afrique de l’Ouest. Panneau de gauche : situation avec influence directe d’une dépression d’altitude, affectant surtout l’Ouest du Sahel. Les lignes noires épaisses donnent la situation de la dépression, et la flèche en traits noirs gras donne la position du maximum du jet subtropical. Les flèches en traits gris fins indiquent l’apport d’humidité au niveau de la moyenne troposphère, en provenance des tropiques. Les régions tachetées indiquent la position des nuages élevés et les hachures délimitent les zones principales de précipitations. Les grisés clairs délimitent la zone d’instabilité convective sous l’air plus froid des niveaux élevés. Les grisés foncés indiquent l’existence d’un forçage quasi géostrophique pour une ascendance en moyenne troposphère. Les pointillés limitent la région d’instabilité inertielle dans les couches élevées, sur le côté anticyclonique du jet (Source : Figure 11 de Knippertz, 2007, reproduite avec autorisation). Panneau de droite : situation avec influence indirecte de la dépression d’altitude, affectant surtout la zone soudanosahélienne. Les lignes grises sont les hauteurs du géopotentiel des niveaux élevés. Les lignes vertes pointillées et continues montrent respectivement les positions climatologique et courante du FIT, qui sépare le flux sec continental de nord et le flux humide de sud. Les régions affectées par les précipitations sont ombrées de bleu (voir le texte pour plus de détail. Source : Version modifiée de la Figure 14 de Knippertz et Fink, 2008. © American Meteorological Society. Reproduit avec autorisation.

Un résultat scientifique important pour la prévision opérationnelle du temps sur l’Afrique de l’Ouest tropicale pendant la saison sèche est la prévisibilité des pluies associée directement ou indirectement aux dépressions extra-tropicales. L’étude de cas par modélisation détaillée de Meier et Knippertz (2009) montre des prévisions assez robustes du cas extraordinaire de janvier 2002 sur le Sénégal et la Mauritanie,

123

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

jusqu’à une échéance de 7 jours, en accord avec la bonne simulation de ce cas par les modèles régionaux de Knippertz et Martin (2005), et Fall et al. (2007). Une évaluation statistique des prévisions à cinq jours d’événements précipitants de saison sèche dans la région Guinéo-Soudanienne par le modèle du CEPMMT indique que les influences extra-tropicales augmentent sa capacité prédictive (Knippertz et Fink, 2009). Ces résultats devraient encourager les prévisionnistes à utiliser les prévisions de précipitation en saison sèche pour diffuser des alertes précoces.

2.1.5

Intrusions d’air sec extra-tropical

Des poches d’air très sec (RH  0

4

buoyancy 3

2

ZLfc CIN =

g Zinf

Lfc level free convertion

TV – TV0 TV0

1

CIN < 0

Lcl level of cloud base

40 °

30 °

20 °

10 °



–1 0°

0

 Figure 3.8  Illustration de la théorie de la parcelle, pour une masse d’air soulevée depuis la surface.

L’intégrale verticale de la flottabilité au-dessus de zlfc est appelée énergie potentielle convective disponible (CAPE pour Convective Available Potential Energy) qui permet une accélération vers le haut à la parcelle. Si complètement convertie en énergie cinétique, CAPE fournit le maximum de vitesse verticale que l’ascendance

170

3. Convection profonde

convective puisse atteindre, wmax = 1/2 CAPE . Ainsi pour des valeurs de CAPE typiquement de quelques milliers de J/kg, wmax atteint des intensités irréalistes (par exemple 50 ms–1 pour un CAPE modéré de 1 250 J/kg). En réalité, la force de pression non hydrostatique, le mélange turbulent de la parcelle ascendante avec l’environnement, et la charge des hydrométéores réduisent collectivement l’ascendance maximale à quelques dizaines de ms–1 pour les orages africains. Au-dessus du niveau ztop, la parcelle décélère puisque B devient négatif (Figure 3.8). À l’aide de sa forte quantité de mouvement ascendant, la parcelle peut pénétrer dans la basse stratosphère fortement stable, et y injecter de grandes quantités de vapeur d’eau et de cristaux de glace jouant un rôle important sur la chimie atmosphérique de cette couche et son équilibre radiatif. Cette pénétration est appelée « overshooting » et correspond aux températures les plus froides des nuages convectifs les plus profonds et puissants, détectées par imagerie IR. Par la suite et après leur pénétration, les parcelles retournent vers leur niveau d’équilibre ztop et alimentent les vastes enclumes qui entourent les zones de convection profonde. À l’inverse, l’intégrale de la flottabilité de la surface jusqu’au niveau de convection libre zlfc est négative. Celle-ci, dénommée énergie d’inhibition convective (CIN pour Convective Inhibition Energy), constitue une barrière d’énergie à franchir pour permettre à la parcelle d’atteindre le niveau de convection libre, et qui fait émerger le concept d’instabilité convective conditionnelle. Le défi de la prévision de la convection provient en grande partie de la difficulté à franchir cette barrière et donc à déclencher la convection puis à la maintenir. Durant la mousson ouest africaine, suffisamment de CAPE est en général disponible pour alimenter la convection, mais la localisation exacte des orages dépend du détail des conditions favorables au déclenchement. Les forçages externes nécessaires pour vaincre la CIN sont regroupés dans la catégorie (4) de la Figure 3.7, comprenant parmi beaucoup d’autres processus, la grande échelle, la surface, la couche limite, et les ondes de gravité. Sur l’Afrique de l’Ouest, due à la subsidence de grande échelle (voir le chapitre 1), la CIN augmente vers le nord et peut atteindre des valeurs de 200 J Kg–1 sur le Sahel, alors que CAPE est fort pratiquement partout. Ainsi, le déclenchement de la convection est une question plus cruciale sur l’Afrique que celle de l’instabilité convective, pour comprendre, simuler et prévoir l’activité convective. La vapeur d’eau est le carburant de la machine convection productrice de précipitations : la chaleur latente fournie par l’évaporation de la surface et stockée dans la couche limite atmosphérique et la couche sous-nuageuse, est libérée dans les ascendances convectives maintenues par de fortes valeurs de CAPE. La colonne totale de vapeur d’eau, dénommée eau précipitable (PW), est un paramètre simple à considérer. Comme illustrée par la Figure 3.5, les précipitations augmentent avec PW, et il n’est pas possible de produire de la pluie au-dessous d’un seuil minimum de PW. Ce seuil dépend de la région (36 et 55 mm respectivement pour le Sénégal et le Pacifique Est). Notons cependant, qu’il est possible d’avoir de la convection profonde sans pluie au sol, suite à une évaporation totale des précipitations au cours de leur chute, due à une couche sous-nuageuse très sèche et épaisse, comme détaillé dans la section suivante.

171

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

En résumé, pour analyser les facteurs pilotant les ascendances convectives, il est nécessaire de considérer trois paramètres : CAPE et PW sont favorables et nécessaires mais non suffisants, tandis que CIN tend à supprimer le développement de la convection. Notons que la barrière CIN retarde le déclenchement de la convection et permet par contre de stocker plus d’énergie dans la couche sous-nuageuse. Ceci est favorable à l’augmentation de CAPE et PW et au déclenchement d’orages plus intenses plus tard dans la journée, ou les jours suivants. Quoique ces trois paramètres soient indispensables pour comprendre l’occurrence et l’intensité des ascendances convectives, à eux seuls ils sont insuffisants pour prévoir l’activité convective : cela dépend également d’autres caractéristiques de l’environnement de l’orage développées dans la section suivante.

3.1.2.2 Subsidences, DCAPE et courants de densité Pour maintenir la conservation de la masse, le développement d’ascendances convectives impose la formation de subsidences de compensation quelque part dans l’environnement. Celles-ci peuvent se produire à différentes échelles. 1) À l’échelle du nuage convectif. Dans la zone convective, trois types de subsidences sont considérés : i. des subsidences intenses à micro-échelle peuvent se former (vitesse subsidente > 15 m s–1, à des échelles horizontales  8 et 14 m s–1 pour respectivement le Sahel Sud et Nord) sont principalement dus aux événements convectifs qui contribuent de manière significative au soulèvement des poussières. À plus fine échelle (courbe gris foncé) à Bamba, les maxima de vent (échantillonné à 3 s) sur 5 min peuvent atteindre 30 m s–1 et correspondent à des micro-rafales.

Td

T

θw = 20°C

700 LCL

800 mb, T=12.3°C

850 rk = 6g kg–1 1000

DCAPE

?

 Figure 3.10  Illustration du calcul de l’indice DCAPE sur l’émagramme, pour une parcelle subsidente issue du niveau 800 hPa. La flèche bleue correspond à la trajectoire d’une parcelle atteignant la surface complètement saturée, la rouge montre une descente adiabatique sèche, alors que la verte illustre la trajectoire la plus fréquente, se situant entre celles des configurations extrêmes des adiabatiques sèche et saturée. Il y a donc une incertitude importante dans la détermination des températures des subsidences.

En dépit de ces importantes incertitudes, quelques règles peuvent être énoncées pour guider le prévisionniste. Les subsidences sont favorisées par des couches de mi-niveau sèches (e.g. 700-500 hPa), correspondant aux valeurs q ′w les plus faibles, renforçant l’évaporation des pluies et augmentant ainsi DCAPE (Figure 3.10).

175

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

De telles conditions sèches à mi-niveau se produisent au Sahel, où le JEA se positionne au sud d’une couche épaisse et très sèche, d’air saharien de faible q ′w, connue sous le nom de SAL (voir la section 2.1.2). Les « Intrusions sèches » (section 2.1.5) à mi-niveau peuvent augmenter la probabilité de puissantes subsidences aux échelles synoptiques. Il y a une évidence que durant les périodes de démarrage et de prémousson, les premières pluies peuvent être accompagnées de puissantes subsidences dues à la présence d’air sec à mi-niveau avant que la mousson soit pleinement établie. Des bases de nuages élevées et une couche limite atmosphérique épaisse, augmentent également l’indice DCAPE, suite à une élévation du niveau d’origine de la subsidence pour le calcul de la surface DCAPE. Cet effet devient plus important sur l’Afrique de l’Ouest en se déplaçant vers le nord. Une couche limite épaisse et bien mélangée, soit proche de l’adiabatique sèche avec un profil uniforme de rapport de mélange en vapeur d’eau, favorise d’intenses subsidences, due à l’absence de stabilité de l’environnement pouvant s’opposer aux mouvements subsidents. C’est typiquement le cas dans l’après-midi, lorsque des micro-subsidences peuvent se former sous les cumulus à des échelles subkilométriques, même avec peu de précipitations, dues à la pénétration d’air sec profondément dans la couche limite sahélienne, avec l’aide de l’évaporation des précipitations. La percussion à la surface de ces micro-subsidences peut générer des micro-rafales présentant de forts risques pour l’aviation lors des phases de décollage et d’atterrissage (encadré 3.1). L’évaporation des précipitations au sein des subsidences génère des masses d’air froides appelées « poches froides » qui s’étalent à la surface comme des courants de densité. La Figure 3.11a donne une vue schématique d’un courant de densité. Sa tête est plus épaisse – typiquement 1-2 km au Sahel – et associée à un rotor pour sa circulation. Sa propagation soulève l’air ambiant plus chaud, formant ainsi un nuage en forme de rouleau pouvant déclencher de nouvelles cellules convectives. Cette discontinuité entre les deux masses d’air est étroite (~ 500 m), comme confirmé par l’observation au sol de la signature de son passage (Figure 3.11b). Elle est caractérisée par une chute brusque de la température et l’humidité spécifique (l’humidité relative pouvant augmenter ou diminuer, suivant les cas), une rotation du vent, d’intenses rafales, un saut de pression (~1 hPa) et l’arrivée de la pluie un peu plus tard. Derrière la tête, la queue du courant de densité est plus fine, les vents diminuent, et retournent en quelques heures vers ceux de l’environnement. La partie supérieure du courant de densité est turbulente associée à une zone de fort cisaillement, surtout dans la région de la tête. En Afrique, les courants de densité peuvent être intenses (chute de température à la surface supérieure à 10 °C) et épais (1-2 km), constituant ainsi une source importante de soulèvement des poussières au-dessus des sols nus et permettant également leur visualisation (Figure 3.11b). Les courants de densité sont un phénomène clé permettant le déclenchement de nouvelles cellules convectives en présence de forte inhibition convective, situation fréquente sur le Sahel. Comme montré dans la section 3.1.4.1(e), ce processus de déclenchement secondaire aide à organiser la convection, à la propager et à augmenter sa durée de vie.

176

3. Convection profonde

(a) Wind direction (deg)

360 Turbulent Wake

Head

Rotor

120

8 4

W_s

0

0

(b) Body

19 Temperature (C)

Gust Front

Cold Air Return Flow

240

32

18

T

17

Rv

28

16 24

15 14

20

Mixing Ratio (g/kg)

Warm Air Nose

12 W_d

Wind speed (m/s)

Arc Cloud

(c) 60 P

988

40

986 R

984

20

982

Rain (mm/h)

Pressure (hPa)

990

0 12

15

18

21

0

3

6

9

12

UTC

 Figure 3.11  Colonne de gauche : vue schématique d’un courant de densité, et photo de l’arrivée un courant de densité soulevant des poussières, phénomène dénommé haboob. Source : © CNRS Photothèque, F. Guichard et L. Kergoat, Mali, août 2004. Colonne de droite : exemple de signature de surface du passage d’un courant de densité pour une ligne de grains sahalienne pour (a) l’intensité et la direction du vent, (b) la température T et le rapport de mélange en vapeur d’eau Rv, et (c) la pression de surface P et l’intensité de pluie R. Source : Redelsperger et al. (2002) © Royal Meteorological Society, avec son autorisation.

3.1.2.3 Cisaillement de vent La variation du vent horizontal (i.e. cisaillement) sur la verticale, aussi bien en intensité et direction, est le troisième facteur à considérer pour comprendre et prévoir l’activité convective. Dès les années 1960, Ludlam identifia le cisaillement fort comme un facteur clé pour les orages sévères (Ludlam, 1980). L’inclinaison des ascendances convectives permet aux précipitations de tomber à l’extérieur de celles-ci – réduisant ainsi leur charge en eau – et de refroidir les subsidences par l’évaporation des pluies et ainsi de les renforcer. Le couple composé d’une ascendance inclinée et d’une forte subsidence peut collaborer pour générer un système convectif de longue durée de vie. Nous disposons de plusieurs théories pour expliquer le rôle du cisaillement, mais il est hors de propos dans ce chapitre de les présenter de manière exhaustive. Nous nous contenterons de présenter quelques explications physiques simples, pertinentes pour l’Afrique. La Figure 3.12a,b illustre l’impact du cisaillement sur un courant de densité. En l’absence de cisaillement (a), la circulation est symétrique 3 3.  Le terme de Coriolis est négligé aux échelles temporelles de la convection et spatiales plus petites que le rayon de Rossby λ.

177

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

(a)

(b) No-Shear case

(c)

Z

Easterly Shear case

(d) Z

(e) Z

(f) Z

 Figure 3.12  Vue schématique de l’impact du cisaillement sur l’organisation de la convection (à gauche) en l’absence de cisaillement et (à droite) en présence d’un cisaillement uni-directionnel. Les profils de vent de l’environnement sont relatifs à la propagation du courant de densité. En haut, (a) et (b), montre l’impact du cisaillement sur le courant de densité et son efficacité à déclencher de nouvelles cellules convectives. Les deux rangées du bas, illustrent l’argumentation s’appuyant sur le tourbillon horizontal, montrant comment une ascendance convective peut être influencée par le cisaillement et/ou par un courant de densité. (c) Sans cisaillement ni courant de densité, l’ascendance pilotée par la flottabilité, crée une distribution symétrique de tourbillon avec un axe vertical. (d) Avec uniquement du cisaillement, la distribution est biaisée vers des valeurs négatives, entraînant l’inclinaison de l’ascendance en aval du cisaillement. (e) Avec uniquement un courant de densité, la distribution est biaisée vers des valeurs positives, inclinant l’ascendance vers l’arrière du courant de densité. (f) Avec à la fois du cisaillement et un courant de densité, leurs effets antagonistes peuvent s’équilibrer et permettre l’érection d’une ascendance verticale plus intense. Source (c) à (f) : Rotunno et al. (1988). © American Meteorological Society, avec son autorisation.

178

3. Convection profonde

et le courant de densité généré par la convection s’étale dans toutes les directions, prenant une forme circulaire. Les ascendances forcées sont réparties tout le long du bord d’attaque du courant de densité, et sont donc faibles. Au contraire, avec un cisaillement linéaire (b) (ici cisaillement d’est, comme sur l’Afrique de l’Ouest), la couche d’air sec à mi-niveau alimentant le courant de densité transporte vers la surface une quantité de mouvement d’est, si bien que l’étalement du courant de densité ne sera plus symétrique. Il est plus rapide et épais sur son bord (ouest ici) en aval du cisaillement (d’est ici), où la convergence se concentre et devient plus forte. La règle générale est donc : en présence de cisaillement, le courant de densité tend à déclencher de nouvelles cellules convectives sur son bord en aval du cisaillement. Les arguments développés par Rotunno et al. (1988) en s’appuyant sur le tourbillon horizontal, aboutissent à la même conclusion. Des ascendances plus vigoureuses et verticales se développent à la tête du courant de densité lorsque le cisaillement (i.e. tourbillon horizontal) du flux de l’environnement percutant le courant de densité, s’oppose à la génération de tourbillon par celui-ci (Figure 3.12f ). Le bord du courant de densité en aval du cisaillement est donc plus efficace. Les mouvements verticaux dans un écoulement cisaillé induisent des variations de pression non hydrostatiques (~ 1 hPa). En termes simples, un courant convectif (ascendant ou subsident) se comporte comme un « obstacle mou ». Un bipôle horizontal de pression s’opposant à la variation de vent horizontal ambiant s’établit pour réduire la différence de mouvement entre le courant convectif et son environnement. De telles fluctuations de pression générées à différentes altitudes induisent des accélérations qui favorisent de nouvelles ascendances en aval du cisaillement. Sur l’Afrique de l’Ouest le cisaillement est modéré, comparé aux moyennes latitudes, mais plus fort qu’au-dessus des océans tropicaux, ce qui contribue aux différences d’organisation de la convection notées dans les tropiques. Pour être complet, le cisaillement par rotation du vent doit être pris en compte, pour comprendre des types d’organisation spécifiques comme les super-cellules, comme développé par Weisman and Klemp (1982-1984). Le cisaillement par rotation étant faible sur l’Afrique de l’Ouest, les orages super-cellulaires ne sont pas fréquents, ce qui explique pourquoi aucune tornade n’a été enregistrée en Afrique de l’Ouest. La section 3.1.3.1.3 fournit cependant une brève description de l’orage super-cellulaire.

3.1.2.4 Discussion Le type de convection et son intensité résultent de la combinaison des trois facteurs analysés précédemment : concernant les ascendances, les subsidences et le cisaillement (Figure 3.7). Cela nous permet de répondre partiellement à la question soulevée dans l’introduction, « Pourquoi la convection est-elle différente en Afrique ? ». Par exemple, Jorgensen et LeMone (1989) et Lucas et al. (1994) compilèrent et comparèrent l’intensité des courants verticaux observés lors de campagnes de terrain sur océan (GATE, TAMEX, EMEX) et continent (Thunderstorm Project) (Figure 3.13), et pour différents types de systèmes. La principale conclusion est que les courants verticaux sur océan sont, en moyenne, moins vigoureux que ceux sur les grandes plaines des États-Unis. Bien que les subsidences soient partout moins

179

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

fortes que les ascendances, la symétrie des profils entre les mouvements ascendants et subsidents est remarquable. Des observations similaires effectuées durant TOGACOARE au-dessus des eaux chaudes de l’océan Pacifique ouest, confirme cette différence entre les régions océaniques et continentales. Pour l’Afrique de l’Ouest, nous disposons seulement des champs de vent tri-dimensionnels reconstitués à partir des mesures des radars Doppler des campagnes COPT81 et AMMA qui ne peuvent pas être comparés directement avec les observations directes des avions. Cependant, les maxima de vitesses verticales sont fortes et proches des distributions observées sur les grandes plaines américaines (Lafore et al., 1988), ce qui est consistant avec les distributions les plus fortes de la Figure 3.13. Strongest 10% core average vertical velocity 10

Height (km)

8

Thunderstrom project

GATE

Thunderstrom project

GATE

6 4 2 0

–12

–9

–6

Downdraft

–3

0 (ms–1)

3

6

9

12

Updraft

 Figure 3.13  Profils verticaux des observations des vitesses verticales dans les ascendantes et subsidentes convectives les plus fortes (10 %), lors des expériences in situ GATE, TAMEX, cyclones tropicaux, EMEX et du Thunderstorm Project, correspondant respectivement aux triangles, étoiles, cercles, signes plus, et carrés. Adapté de Jorgensen et LeMone (1989) et Lucas et al. (1994) © American Meteorological Society, avec son autorisation.

Les facteurs favorables aux ascendances (CAPE et PW) ne peuvent pas à eux seuls expliquer la différence d’intensité entre les zones océaniques et continentales. PW est en effet beaucoup plus faible sur l’Afrique de l’Ouest que sur les océans tropicaux. CAPE peut atteindre de fortes valeurs dans l’après-midi, plus fortes que sur les océans et favorables à l’explosion de cumulonimbus si la CIN peut être franchie, mais ces orages restent localisés et de courte durée sans l’intervention d’autres processus. L’analyse des autres facteurs (2 et 3 de la Figure 3.7) apporte d’autres éléments d’explication. Comparée aux zones océaniques, l’Afrique de l’Ouest a une moyenne troposphère beaucoup plus sèche, des bases de nuages plus élevées, et une couche limite plus épaisse ; caractéristiques favorisant toutes la formation de subsidences et de puissants courants de densité. De plus, la présence de cisaillement associé au JEA joue un rôle important pour organiser la convection déclenchée dans l’après-midi, alors qu’au-dessus des océans le cisaillement est insuffisant, à l’exception de périodes spécifiques comme durant les coups de vents d’ouest au-dessus des eaux chaudes du Pacifique ouest.

180

3. Convection profonde

Pour résumer, l’occurrence de la convection ne peut pas être comprise (et prévue) en considérant uniquement le concept d’instabilité convective. Le prévisionniste devra prendre en compte les quatre types de facteurs résumés par la Figure 3.7. Mais l’occurrence n’est qu’une partie du problème de la prévision : il faut également déterminer le type de convection et son cycle de vie. C’est la question de l’organisation de la convection qui fait l’objet de la section suivante.

3.1.3

Organisation de la convection profonde

3.1.3.1 Différents types d’organisation Avant d’aborder la question de l’organisation, il est nécessaire de définir la structure convective élémentaire. Ce n’est pas simple à cause de la nature turbulente de la convection mettant en jeu une large gamme d’échelles jusqu’au mètre, si bien que la convection peut être vue comme un objet « fractal ». En pratique, la définition de la structure convective élémentaire dépend des moyens d’observations disponibles. Pour notre propos, nous utilisons le concept de « cellule convective », vue comme une région ascendante d’une taille de quelques kilomètres à une dizaine de kilomètres, s’étendant verticalement sur une partie significative de la troposphère. Chaque cellule ascendante est associée à une zone de précipitation identifiable par un radar. Les études antérieures des cellules convectives à l’aide d’observations radar, menées surtout sur les grandes plaines américaines, et complétées par des simulations idéalisées, ont proposé une classification des orages en trois types et des modèles conceptuels. Pour approfondir cette question d’organisation de la convection profonde traitée dans ce chapitre, nous conseillons la lecture du chapitre de Moncrieff (2013) d’un autre ouvrage dédié à la dynamique du climat.

3.1.3.1.1 L’orage isolé L’orage isolé est de faible durée (30-50 min) avec un cycle de vie comportant trois phases. La phase de formation avec une bulle chaude ascendante correspond au développement d’un cumulus (passant au stade de cumulus congestus). À la phase mature, la glaciation rentre en jeu, et l’orage devenu cumulonimbus s’étend sur toute la profondeur de la troposphère. Dès la glaciation, la production des précipitations s’accélère : au cours de leur chute vers la surface, elles initialisent des courants subsidents par les mécanismes de charge en eau et d’évaporation de la pluie. Pour finir, lors de la phase de dissipation, les subsidences dominent à bas et mi-niveaux, et le courant de densité résultant s’étale à la surface, tandis que les ascendances se dissipent dans les hautes couches en alimentant une enclume résiduelle. L’environnement typique d’un orage isolé est caractérisé par un profil de vent faiblement cisaillé, résultant en une ascendance verticale, de telle sorte que les précipitations restent dans l’ascendance et coupent ainsi l’alimentation de ce dernier. Ce type d’orage de courte durée de vie est commun sur l’Afrique de l’Ouest, en particulier au sud du JEA en été, où le cisaillement est faible, mais normalement il n’est pas accompagné par des phénomènes dangereux, à l’exception occasionnellement de 181

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

micro-rafales. L’orage isolé se propage environ à la vitesse moyenne de la couche convectée. L’hodographe du vent est un paramètre clé à examiner pour le prévisionniste, afin de visualiser le profil du vecteur cisaillement. Km 12 11 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1

Formation stage

10 à 15 km

DC

Mature stage

Dissipation stage

  Schéma d’un orage isolé

3.1.3.1.2 L’orage multicellulaire Un orage multicellulaire est un groupe de cellules orageuses de courte durée de vie à différents stades de leur cycle de vie, qui peut persister plusieurs heures à un jour, voire plus. L’ingrédient clé pour ce type d’orage est l’occurrence d’un cisaillement modéré à fort dans une direction (un hodographe linéaire). Le scénario schématique est le suivant. Partant d’une cellule en phase de croissance (cellule « bleue ») commençant à produire des précipitations chutant à l’extérieur de l’ascendance (suite au cisaillement) et initiant une subsidence, une nouvelle cellule « rouge » est déclenchée en aval du cisaillement (section 3.1.2.3 et section 6.2.3). Environ 20 minutes plus tard, la cellule « bleue » atteint sa phase mature avec une subsidence intense et un courant de densité s’étalant vers l’aval du cisaillement. Ce dernier renforce la cellule « rouge » et favorise le déclenchement d’une nouvelle cellule « verte » au bord d’attaque du courant de densité. La dissipation de la première cellule « bleue » se produit 20 minutes plus tard, contribuant ainsi à alimenter le courant de densité, avec maintenant la cellule « rouge » ayant atteint sa phase mature, et ainsi de suite. Les interactions entre les cellules permettent de construire un système convectif à longue durée de vie. La propagation de l’orage multicellulaire (équivalent d’une vitesse de groupe) résulte de la combinaison de la vitesse de chaque cellule (vent moyen dans la couche convectée) et de la vitesse discrète de déclenchement de nouvelles cellules. Ainsi la vitesse du système convectif dans son ensemble peut différer en vitesse et direction de celle du vent moyen. Les orages multicellulaires sont fréquents sur l’Afrique de l’Ouest, et leur structure et climatologie sont présentées dans les sections suivantes 3.1.3.2 et 3.1.3.3. Ils peuvent occasionner des phénomènes dangereux, en termes de fortes précipitations et rafales. 182

3. Convection profonde

km 12 11 10

Propagation

9 8 7 6 5 4 3 2 1 DC km 12 11 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1

Propagation

DC

30 à 50 km

180° 8

6

12 km

10

4 1

2 270°

10

20

30

40 m/s

Hodograph

  Schéma d’un orage multicellulaire

3.1.3.1.3 L’orage super-cellulaire L’orage super-cellulaire est le type de système orageux potentiellement le plus dangereux. Il peut être associé à de la grêle, des tornades et des vents violents : cependant ce type est rarement observé en Afrique de l’Ouest, si bien que nous n’en parlerons ici que brièvement. Le super-cellulaire est composé d’une puissante ascendance unique, quasi stationnaire et en rotation. Outre la forte instabilité (CAPE) requise, un ingrédient favorable clé pour ces orages multicellulaires est un cisaillement fort avec de plus une rotation dans les basses couches. Avec cette configuration, la 183

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

propagation du super-cellulaire diffère de celle du vent moyen, dans la direction de la courbure de l’hodographe dans les basses couches (côté concave). Cette configuration de rotation dans les basses couches étant peu fréquente sur l’Afrique de l’Ouest, les orages multicellulaires y sont rarement observés. Cependant, dans certaines régions comme dans le sillage de montagnes ou le flanc d’une ligne de grains, cette rotation du cisaillement peut se produire localement, si bien que ces orages ne sont pas à exclure, bien que beaucoup moins puissants que ceux des grandes plaines américaines. Il est donc recommandé aux prévisionnistes d’examiner avec attention les hodographes pour prévoir le type d’orage, sa propagation… et évaluer les risques.

3.1.3.2 Le schéma conceptuel de ligne de grains La ligne de grains à propagation rapide est le type dominant de système convectif de méso-échelle (MCS pour Mesoscale Convective System) sur l’Afrique de l’Ouest (section 3.1.3.3). C’est un système multicellulaire, auto-entretenu, possédant trois composantes principales (Figure 3.14). • Une ligne plus ou moins incurvée de puissants cumulonimbus formant la partie convective, de quelques dizaines de kilomètres de large, qui peut s’étendre sur plusieurs centaines à un millier de kilomètres en longueur. La partie convective est associée à de fortes ascendances sur toute la profondeur de la troposphère, pénétrant dans la basse stratosphère (phénomène d’overshooting en anglais), telle que détectée par des températures de brillance froides dans l’imagerie IR satellitaire. Suite au fort dégagement de chaleur latente dans les cumulonimbus, une dépression (~ 1 hPa) (L sur la Figure 3.14c) se développe à mi-niveau (~ 3 km), et d’intenses précipitations sont formées, alimentant d’intenses subsidences convectives. L’isotherme 0 °C étant très élevée sur l’Afrique de l’Ouest (~ 4,5 km), une grande part des précipitations sont liquides et chutent rapidement (~ 7 m s–1) sous la partie convective (cf. trajectoires des hydrométéores de la Figure 3.14a). • Une grande quantité d’hydrométéores solides (glacés) est également formée dans l’épaisse troposphère tropicale (~ 16 km). Chutant plus lentement (~ 1-2 m s–1) que les précipitations liquides, elles alimentent une enclume épaisse et étendue dénommée partie stratiforme caractérisée par de faibles ascendances et subsidences de méso-échelle (quelques dizaines de cms–1) respectivement dans l’enclume et sous la base inclinée de l’enclume. Cette inclinaison de la base de l’enclume combinée à la dépression à mi-niveau dans la partie convective, génère un gradient de pression horizontal vers l’extérieur de la ligne de grains. Celui-ci favorise la formation d’une circulation à mi-niveau sous l’enclume vers l’intérieur du système (rear inflow en anglais) correspondant au renforcement du JEA derrière les lignes de grains ouest-africaines, apportant de l’air sec sous l’enclume stratiforme (flèche bleue de la Figure 3.9b). Le renforcement du JEA peut atteindre 40 nœuds au niveau 700 hPa. • La subsidence de méso-échelle est forcée par le flux entrant à l’arrière du système, et est maintenue par l’évaporation des précipitations et la fonte des particules de glace, contribuant ainsi à alimenter le « courant de densité », constituant la 3e composante de la ligne de grains. La tête du courant de densité se propage en aval du cisaillement, en soulevant les basses couches de l’environnement au-dessus

184

3. Convection profonde

d’elle, permettant ainsi de franchir la barrière d’inhibition CIN et de déclencher de nouvelles cellules convectives dans la partie convective. (a)

h

Nort

(b)

West

B1 > B2 > B3 B3 B2 B1

Stratiform region

Convective region

cale

Mesos

P Rotor Rotor length

Inflow

P1

ΔP

P2

Downdraft outflow Stagnation point

(c) Convective part

Stratiform part

H

L DC

 Figure 3.14  (a) Vue tri-dimensionnelle schématique d’une ligne de grains à propagation rapide avec la circulation associée, la masse d’air froide formant le courant de densité (DC) coloré en bleue, et quelques trajectoires des hydrométéores. Source : Lafore (2004). © Météo-France, avec son autorisation. (b) Modèle conceptuel bi-dimensionnel de ligne de grains. Source : Lafore et Moncrieff (1989) © American Meteorological Society, avec son autorisation. (c) Représentation sous forme de boîtes.

185

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Grâce à cette organisation interne très efficace, la ligne de grains peut se maintenir, même durant la nuit, alors que la convection diurne (cumulus congestus, orages isolés) s’effondre en soirée. L’article de revue de Houze (2004) permet d’approfondir cette question d’organisation des MCS. Le Sahel est une région propice à l’occurrence de lignes de grains durant la mousson, suite à la coexistence de tous les facteurs favorables et nécessaires : i.e. forts CAPE, forte humidité de la couche de mousson résultant en PW élevé, un cisaillement d’est (~ 15 m s–1 sur ~ 4 km) entre le JEA et la surface, et de l’air sec dans le JEA permettant l’alimentation des courants subsidents et courants de densité. La Figure 3.15 illustre la structure du champ de réflectivité radar d’une ligne de grains à propagation rapide approchant Niamey le 11 août 2006. En accord avec la théorie, elle se déplace vers l’ouest dans la direction du cisaillement à une vitesse de 13 m s–1, correspondant à la vitesse du JEA (Figure 3.15e). La bande étroite d’intenses précipitations (plage rouge des Figures 3.15a, f ) marque la partie convective, suivie par la large zone (~ 200 km) de plus faibles réflectivités correspondant à la partie stratiforme. La coupe verticale (Figure 3.15c) met en évidence une enclume à l’avant de la ligne, de nouvelles cellules convectives déclenchées devant la partie convective et juste derrière des cellules matures et profondes pénétrant la basse stratosphère. À l’arrière du système, la bande brillante de plus fortes réflectivités, est une signature caractéristique de la partie stratiforme correspondant à la zone de fonte des hydrométéores solides (isotherme 0 °C), dont l’épaisseur décroît lentement vers l’arrière. L’image IR Météosat (Figure 3.15d) permet d’identifier la large extension de l’enclume chapeautant le système dans la haute troposphère. Les températures les plus froides (– 65 °C en rouge) indiquent l’étendue de la zone d’overshooting, mais la structure en ligne de la partie convective sous l’enclume ne peut pas être détectée sur l’image IR. La signature typique du passage de cette ligne de grains a déjà été montrée (Figure 3.11 côté droit). Au-delà de la chute brutale de température et d’humidité spécifique, de la rotation du vent, des intenses rafales, et du saut de pression (~ 1 hPa) correspondant à l’arrivée du courant de densité, la Figure 3.11c illustre les fortes précipitations (pouvant atteindre 150 mm/h) durant une courte période de 10-20 minutes lors du passage de la partie convective. Après une relative accalmie des précipitations, la partie stratiforme est associée à de plus faibles pluies durant quelques heures, alors que le vent faiblit. En surface, une hausse de pression à méso-échelle (~ 1 hPa) est souvent observée sous la partie stratiforme, associée à de la subsidence de méso-échelle et à une faible circulation anticyclonique divergente à la surface. Cependant, superposée aux forts cycles diurne et semi-diurne dans les tropiques, de telles fluctuations sont difficilement détectées sur les cartes de pression observées, à l’exception des tendances de pression sur 24 heures.

186

3. Convection profonde

(a) (c)

U (m/s)

(b)

(d)

(e)

ALTITUDE (km)

10

5

0

–20

–10

0

10

 Figure 3.15  Ligne de grains approchant Niamey (2,18°E, 13,48°N) le 11 août 2006 vue par le radar MIT pour le champ de réflectivité (dBZ) en coupe horizontale à (a) 0200 et (b) 0300 UTC ; et (c) en coupe verticale à 0200 UTC. La portée du radar (250 km) indiquée par le cercle noir est superposée à (d) l’image IR Météosat image à 0300 UTC. (e) Profil vertical du vent zonal observé quelques heures avant le passage de la ligne de grains. Source  : Chong (2010). © Royal Meteorological Society, avec son autorisation.

3.1.3.3 Climatologie et classification des MCS La forte résolution spatio-temporelle des satellites stationnaires tels que Météosat (3 km et 15 min) permet la détection et le suivi des MCS pour la prévision immédiate (voir le Chapitre 6), ou pour des objectifs de climatologie et de recherche. De tels algorithmes détectent les zones convectives à partir de l’imagerie IR et recherchent la continuité temporelle pour définir les systèmes convectifs et pour lesquels les caractéristiques globales sont calculées, à savoir leur durée D, vitesse de propagation Vp et étendue spatiale, et la trajectoire de leur « centre de gravité ». Une climatologie des MCS ouest-africains sur une période de 25 ans (1986-2010) a ainsi été produite à partir de l’imagerie IR de Météosat à l’aide de l’algorithme de Fiolleau et Roca (2013). Les paramètres de vitesse Vp et durée D ont été utilisés pour décomposer les MCS en quatre classes, tel que proposé par Tomasini et al. (2006) : • La classe C1 [D  10 m s–1] correspond aux MCS à longue durée de vie se propageant rapidement. Ce sont en général des lignes de grains. Ils sont les moins nombreux mais les plus larges (typiquement 30 000 km²). La Figure 3.16 présente la distribution spatiale climatologique de la couverture nuageuse en JJAS de ces quatre classes de MCS. La couverture de ces nuages de la troposphère supérieure (exprimée en h/mois) est indicative des précipitations convectives. • Les systèmes C1 sont les plus nombreux mais, tout comme les systèmes C3, ont la plus faible contribution au total des précipitations. Ils sont localisés à proximité des zones de terrain élevé (Fouta Djalon, Plateau de Jos, montagnes du Cameroun et Afrique centrale). • À l’opposé, les systèmes C2 contribuent fortement aux précipitations totales, particulièrement dans la ZCIT sur l’Atlantique, dans la zone côtière avec des maxima à proximité de Conakry et du delta du Niger, et en Afrique centrale. • La contribution des systèmes C3 est également significative, particulièrement dans la bande sahélienne et sur l’Afrique centrale. • Les systèmes C3 à longue durée de vie et à propagation rapide sont concentrés dans la bande sahélienne et leur localisation coïncide avec celle du JEA, zone pour laquelle ils expliquent l’essentiel des précipitations. Ils correspondent aux lignes de grains à propagation rapide. Les facteurs favorables aux systèmes C4, tels qu’introduits précédemment (CAPE, PW, couches sèches à mi-niveau, cisaillement), se retrouvent dans la bande sahélienne en accord avec la climatologie des systèmes C4. Leur contribution prédominante aux précipitations coïncide avec la localisation moyenne du cœur du JEA. L’air sec favorise l’évaporation des précipitations et d’intenses courants de densité se propageant vers l’ouest à une vitesse proche de celle du JEA, et dans la direction du cisaillement. Dans une étude similaire, Mathon et al. (2002) définirent une classe de systèmes convectifs organisés (SCO) correspondant aux MCS avec des températures IR inférieures à – 60 °C, de surface supérieure à 30 000 km², durant au-delà de 6 heures et se propageant à une vitesse supérieure à 10 m s–1, ce qui est équivalent à l’ensemble des classes à propagation rapide C3 + C4. Ces systèmes SCO ont la plus forte contribution à la nébulosité de la haute troposphère pour les mois d’août et septembre 1993, en particulier dans la bande sahélienne, et sont les plus efficaces en termes de précipitation 4. À l’opposé, au Sud du Sahel, et sur l’océan, là où le cisaillement est plus faible et où des conditions plus humides dominent, les MCS se

4.  Étude à partir des données du réseau de pluviomètre EPSAT-Niger.

188

3. Convection profonde

propagent plus lentement et restent proches de leur localisation initiale, et d’autres mécanismes sont à l’œuvre (tel que le forçage par le contraste océan/continent, par l’orographie, etc.). 20°N

Latitude

16°N

18

C1

14

12°N 8°N

10

4°N

6



2

30°W

20°W

10°W



10°E

20°E

30°E

20°N

Latitude

16°N

50 C2

42

12°N

34

8°N

26

4°N

18 10

0° 30°W

20°W

10°W



10°E

20°E

30°E

20°N C3

16°N

8

Latitude

12°N

6

8°N 4

4°N 0°

2 30°W

20°W

10°W



10°E

20°E

30°E 50

20°N

Latitude

16°N

C4

42

12°N

34

8°N

25

4°N

18 10

0° 30°W

20°W

10°W



10°E

20°E

30°E

Longitude

 Figure 3.16  Distribution spatiale de la couverture nuageuse des MCS en JJAS. La climatologie a été obtenue à l’aide de l’algorithme de suivi de Fiolleau et Roca (2013) appliqué à 25 années des données IR de Météosat pour les quatre classes de MCS : C1, C2, C3 et C4 (voir texte). La résolution est de 1° et l’unité en heures par mois. Les isolignes épaisses correspondent aux altitudes 600 et 1 200 m du relief.

189

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Cycle de vie et cycle diurne

3.1.4

3.1.4.1 Déclenchement Due au caractère conditionnel de l’instabilité convective et à la forte inhibition convective (CIN) caractérisant l’Afrique de l’Ouest, tout particulièrement au Sahel, la mise en œuvre de forçages externes (facteur (4) de la Figure 3.7) est nécessaire pour déclencher la convection. La climatologie de la localisation du déclenchement des MCS (Figure 3.17) éclaire les mécanismes en jeu. Tout d’abord, les systèmes convectifs à courte durée de vie sont plus nombreux que ceux à longue durée de vie (et les mieux organisés) ; le nombre de déclenchements des systèmes des classes C1 et C3 est plus important (maximum de ~ 700) que celui des classes C2 et C4 (maximum ~ 300). 20°N

Latitude

670 570

C1

16°N

470

12°N

370

8°N

270

4°N

170 70

0° 30°W

20°W

10°W



10°E

20°E

30°E

20°N

Latitude

16°N

100 90 80 70 60 50 40 30 20 10

C2

12°N 8°N 4°N 0° 30°W

20°W

10°W



10°E

20°E

30°E 200 180 160 140 120 100 80 60 40 20

20°N

Latitude

16°N

C3

12°N 8°N 4°N 0° 30°W

20°W

10°W



10°E

20°E

30°E 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10

20°N

Latitude

16°N

C4

12°N 8°N 4°N 0° 30°W

20°W

10°W



10°E

20°E

30°E

Longitude

 Figure 3.17  Comme pour la Figure 3.16 pour la localisation du déclenchement des MCS. L’unité est le nombre total de déclenchements sur les 25 années de la climatologie.

190

3. Convection profonde

3.1.4.1.1 Forçage orographique Le déclenchement se produit plus fréquemment à proximité des terrains élevés (au-dessus de 600 m) pour toutes les classes : ce résultat important a été établi depuis de nombreuses années par l’expérience des prévisionnistes et confirmé par les recherches. Les régions du Sud du Plateau de Jos (autour de 9°N, 8°E), du SudOuest du Darfour (autour de 13°N, 23°E) et des montagnes du Cameroun sont très favorables au déclenchement pour toutes les classes de MCS. Bien qu’un peu plus faible, en particulier pour la classe C4, le Fouta Djalon (en Guinée Conakry) est également favorable. Le chauffage diurne sur les surfaces les plus élevées, est la cause principale de ces déclenchements. Par contre les effets dynamiques des reliefs, tels les ondes orographiques ou le blocage, sont faibles, les conditions étant défavorables. En effet, sur l’Afrique de l’Ouest, l’écoulement en basses couches est relativement faible, l’orographie est modérée et durant la journée la couche limite convective a une stratification quasi neutre sur une couche plus épaisse que la hauteur des collines (soit un nombre de Froude élevé). Cependant sur les flancs sud-ouest des reliefs majeurs sont plus favorables aux déclenchements, suite à la pénétration vers l’amont des pentes du flux humide de mousson en ces zones. Une analyse détaillée de la climatologie des zones de déclenchement apporte de précieuses informations pour les prévisionnistes de ces régions. Par exemple, les maxima sur les montagnes de l’Aïr (autour de 17°N, 8°E) ou du Nord Bénin correspondent à des zones favorables au déclenchement bien connues des prévisionnistes. 3.1.4.1.2 Circulations côtières Les déclenchements des MCS se produisent fréquemment dans les zones côtières, dus aux brises résultant du contraste de température entre l’océan et le continent (cf. Chapitre 4). Durant l’été boréal (JJAS), les côtes de la Guinée au Liberia et du Nigeria sont propices au déclenchement des MCS des classes C1, C2 et C3. La combinaison de ces deux zones de forçage côtier, avec le forçage orographique du Fouta Djalon et des montagnes du Cameroun (telle qu’analysée par Vondou et al., 2010) conduit au déclenchement de nombreux MCS de tous types (à l’exception de la classe C4 pour le sud du Nigeria et du Cameroun), expliquant les maxima de couverture nuageuse (Figure 3.16) et de précipitation dans ces deux régions. Les circulations côtières et le type de temps associé sont discutés plus en détail dans les sections 4.1.4.2 et 4.2.4. 3.1.4.1.3 Le couplage surface atmosphère Bien que moins fréquent, le déclenchement se produit également sur des surfaces plates d’élévation inférieure à 600 m sur le Sahel ouest, comme sur le Mali pour les MCS des classes C3 et C4 (Figure 3.17). À l’aide d’observations collectées durant la campagne AMMA, et des simulations numériques, des études récentes proposent le couplage surface-atmosphère comme un mécanisme permettant le déclenchement de la convection (ces processus sont discutés plus en détail, dans la section 4.1.5.2). Taylor et al. (2011) analysèrent l’initialisation de plus de 3 000 MCS à l’aide de données satellites et trouvèrent une claire préférence de l’initialisation des premières 191

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

cellules convectives profondes sur les zones de forts gradients d’humidité des sols résultant des pluies des jours précédents (cf. l’exemple de la Figure 3.18). La Figure 3.19 fournit un modèle conceptuel de ce mécanisme de couplage. Les événements de pluies précédents génèrent à la surface des plages de sols humides et plus froids, qui en retour modifient les flux de chaleur sensible et latente à la surface, et les propriétés de la couche limite par la suite. La Figure 3.19 esquisse deux plages humides (surfaces bleues) entourant une plage plus sèche (rouge) au-dessus de laquelle une couche limite plus chaude et épaisse se développe. Des circulations de brise, analogues à une brise de mer mais plus faible, forcent une ascendance au-dessus des bords de la plage sèche. Dans le cas d’un vent moyen, l’ascendance est plus forte sur le bord aval de la plage sèche, correspondant à la localisation préférentielle du déclenchement de la convective telle qu’observée statistiquement. L’effet est le plus marqué pour des tailles de 10-40 km des plages d’humidité des sols. Ce mécanisme semble expliquer le déclenchement de l’ordre d’un cas de MCS sur huit sur le Sahel ouest. Une conséquence de cette rétroaction de la surface sur l’atmosphère serait que les orages isolés et les MCS dans leur phase initiale se développeraient plus facilement sur des sols secs, mais à proximité d’une surface humide (section 4.1.5.2). Des résultats similaires pour les zones soudaniennes et côtières guinéennes, pour lesquelles la végétation est plus dense que sur le Sahel, ont montré que les motifs de végétation, tels que les contrastes entre les couverts forestiers et les terres agricoles, génèrent les circulations de brises pouvant déclencher la convection (GarciaCarreras et Parker, 2011). Une analyse globale de données satellitaires (Taylor et al., 2012) a confirmé ce mécanisme et identifié l’Afrique et plus spécifiquement le Sahel, comme une région où l’impact du couplage surface-atmosphère sur les précipitations est particulièrement fort. 17.5N

17.5N

17.5N

17N

17N

17N

16.5N

16.5N

16.5N

16N

16N

16N

15.5N

0

0.5E

1E

1.5E

2E

15.5N

0

0.5E

1E

1.5E

2E

15.5N

0

0.5E

1E

1.5E

2E

 Figure 3.18  Exemple de développement d’un MCS dans l’après-midi au Mali, vu dans le canal visible de Météosat. Les isolignes continues représentent les plages de sol humide générées par la pluie du jour précédent, et les températures des sommets des nuages entre −40 et −60 °C sont délimitées par les isolignes pointillées. Source  : Taylor et al. (2010). © Royal Meteorological Society, avec son autorisation.

192

3. Convection profonde

Light mean wind Shallow, strong current Deep, weak current

Cool, moist soil

~10 km Warm, dry soil Cool, moist soil

 Figure 3.19  Schéma représentant l’impact des hétérogénéités d’humidité de surface sur le déclenchement de la convective. La circulation induite (flèches bleues) pour des conditions de vent synoptique faible (flèche noire) génère une ascendance (large flèche rouge) là où le fort et mince courant de surface s’oppose au vent synoptique. La localisation préférentielle de l’initiation de la convection coïncide avec la zone d’ascendance induite par le gradient de chauffage sur le bord aval, due à la plage sèche (surface rouge). La convergence additionnelle au-dessus de la plage sèche est fournie par un courant faible mais épais sur son bord amont, et par le gradient d’humidité. Source : Taylor et al. (2011). © Nature Geoscience, avec son autorisation.

Des études de cas et des simulations numériques ont été menées pour mettre en évidence que la trajectoire des MCS en phase mature tend à suivre l’humidité disponible dans la couche limite. Ces résultats suggèrent que lorsqu’un MCS approche des régions caractérisées par des PW différents, le système se déplacera dans la direction du plus fort PW. Ces variations de PW peuvent résulter de différences de disponibilité en humidité à la surface (dues à des structures méso-échelles des motifs d’humidité des sols, ou de végétation) telles que simulées par Gantner et Kalthoff (2010) et Wolters et al. (2010). Alternativement, la distribution de PW peut être modifiée par la dynamique synoptique et par l’advection : l’observation montre que les MCS se propagent vers le flux nocturne humide de la mousson (comportement similaire à celui observé aux États-Unis). Dans la pratique, les prévisionnistes devraient disposer d’informations sur l’humidité des sols tels que fournies par Land SAF (http://landsaf.meteo.pt/), et les produits VITO et ASCAT (voir les sections 9.1.5.9 et 9.2.1.3) pour appliquer cette théorie. Comme de telles données ne sont pas disponibles en général en temps réel, les prévisionnistes peuvent utiliser l’anomalie de température de surface dérivée des produits Land SAF de Météosat, comme substitut de l’humidité des sols, les surfaces humides au Sahel étant plus froides que les surfaces sèches le jour. La température de surface est en effet négativement corrélée à l’humidité des sols. Les prévisionnistes peuvent également suivre les structures du cumul de précipitation

193

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

des jours précédents pour localiser les plages de sol humides et sèches : les régions initialement sèches ayant été arrosées peuvent être particulièrement propices au déclenchement de la convective dans les 2-3 jours suivants.

3.1.4.1.4 Forçage synoptique et lignes de convergence En l’absence de mécanisme associé à la surface, le déclenchement de nouvelles cellules convectives peut résulter aussi de structures dynamiques de l’atmosphère. Les structures synoptiques, particulièrement les ondes d’est africaines (AEW), sont connues pour organiser la distribution de la convection, et son déclenchement (voir le schéma conceptuel des AEW, Figure 2.10). Cependant, il reste difficile de prévoir la location exacte du déclenchement au sein de l’onde synoptique. Sachant qu’à l’échelle synoptique les vitesses verticales associées aux AEW sont de l’ordre de quelques cm s–1, cela reste insuffisant pour déclencher directement la convection. Il est plutôt admis que les AEW créent des conditions favorables permettant à des « structures cohérentes » de plus petites échelles de se développer à mésoéchelle. Celles-ci fournissent des vitesses verticales plus fortes, quelques dizaines de cm s–1 à plus, qui sont nécessaires au soulèvement de l’air jusqu’au niveau de convection libre en certaines localisations. Les campagnes récentes de mesures ont établi que les structures cohérentes étaient fréquemment observées dans la couche limite atmosphérique. Bien qu’elles ne soient généralement pas encore détectées par les observations conventionnelles, la connaissance de leurs caractéristiques peut aider le prévisionniste à anticiper la probabilité de la convection dans certaines circonstances. Une famille importante de phénomènes favorisant le déclenchement des cumulonimbus sont les « lignes de convergence ». Lors du projet international H2O (IHOP) aux États-Unis, presque tous les orages diurnes ont été initialisés par des lignes de convergence (Wilson et Roberts, 2006 ; voir aussi les sections 4.1.4.1 et 6.1.2.6). Les lignes de convergence prennent plusieurs formes. Assez communément, elles se développent en zone côtière sur la terre et pénètrent sur des centaines de kilomètres vers l’intérieur avec la brise de mer, ou le flux de mousson. De même, les lignes de convergence peuvent se former sous le vent d’une chaîne de collines. En l’absence de forçage orographique, elles peuvent se développer spontanément au sein d’une vaste zone de convergence d’échelle synoptique – par exemple Bain et al. (2011) mirent en évidence des lignes de convergence intégrées dans la structure d’une AEW. Dans ce cas, il apparaît que la circulation d’échelle synoptique a généré une convergence de petite échelle au niveau des gradients de température préexistants au sein de l’onde. Un autre mécanisme de formation de fortes convergences dans les AEW met en jeu la dynamique des tourbillons dans la moyenne troposphère. Dans quelques centres de prévision, ces tourbillons se produisant communément à 850 hPa, sont considérés comme correspondant à des localisations favorables au déclenchement. La nature exacte du déclenchement dynamique par ces tourbillons n’est pas bien comprise, cependant un mécanisme similaire a été observé aux États-Unis. La Figure 3.20 illustre celui-ci à l’aide de l’imagerie IR satellitaire. À 0900 UTC, on observe le résidu d’un système précédent MCS1 caractérisé par des débris de nuages

194

3. Convection profonde

élevés en rotation anticyclonique. Trois heures plus tard, un nouveau système MCS4 s’est déclenché dans la même région, bien en avant du thalweg d’AEW (à l’est de la ligne verte arquée). Un scénario similaire se reproduit pour la ligne de grains à propagation rapide MCS2, qui se dissipe à 0900 UTC et se régénère dans l’aprèsmidi. C’est également le cas pour le système CS2 situé derrière le thalweg de l’onde, juste au sud du front intertropical (FIT) dans la zone d’anomalie humide de l’onde. La composante e-learning de ce manuel 5 propose de nombreuses illustrations et une analyse détaillée de plusieurs cas d’étude à différentes échelles. À plus fines échelles, les courants de densité (ou poches froides) générés sous les systèmes convectifs possèdent un fort front de rafales à leur tête, qui peut être considéré comme une forme de ligne de convergence. En effet, lors du vieillissement de la poche froide, à une longue distance de l’orage d’origine, la poche est mélangée par la couche limite convective et perd sa structure de courant de densité. Dans ce cas elle apparaît plutôt comme une ligne de convergence, pouvant être détectée plus de 24 heures après sa formation (e.g. Flamant et al. 2009). Les lignes de convergence sont en général difficiles à détecter avec le réseau d’observations conventionnelles, à cause de leur étroitesse (quelques kilomètres seulement, bien que s’allongeant sur des centaines de kilomètres) avec un saut de vent à la surface relativement faible. Cependant, dans l’après-midi les lignes de convergence peuvent être visualisées par une ligne de cumulus peu profonds se développant au-dessus de la ligne de convergence, ce qui peut être détecté à l’aide de l’imagerie visible satellitaire plusieurs heures avant le développement de la convection profonde. Il est admis que la libération de chaleur latente de ces cumulus peu profonds peut intensifier la ligne de convergence, ce qui se produit par exemple lors de l’extension d’une ligne en aval d’une montagne. La Figure 3.20 fournit une illustration d’une ligne de convergence (CL) détectée par l’imagerie IR. L’effondrement du système MCS2 et l’étalement du courant de densité associé, bien en avant du système dans la direction du cisaillement de vent (vers le sud-ouest), génère une ligne de convergence visualisée par une ligne nuageuse sur le Ghana et la Côte d’Ivoire, durant un jour entier.

5. http://www.umr-cnrm.fr/waf_handbook_casestudies/

195

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

 Figure 3.20  Illustrations du déclenchement et dissipation de quelques systèmes convectifs le 14 août 2012, extraites du cas d’étude CS02 d’un « Archétype d’onde d’est » observé du 13 au 16 août (une analyse plus détaillée est proposée sur le site http://www.umr-cnrm.fr/waf_handbook_casestudies/). Les images IR Météosat sont montrées à 0900, 1200 et 1500 UTC avec les couleurs jaune et rouge pour les températures des sommets des nuages les plus froides (respectivement inférieures à − 40 °C et − 65 °C). Les isolignes vertes de Td à 2 m tous les 2 °C entre 10 et 16 °C de l’analyse opérationnelle ARPEGE, représentent le front intertropical (FIT). Le thalweg de l’onde d’est est repéré par la ligne verte arquée. Les différents systèmes (MCS) à différentes phases de leur cycle de vie : déclenchement, croissance, mature, dissipation, résidu et régénérescence, sont labellés avec indices respectifs issus de l’anglais TRIG, GROW, MAT, DISS, RES et REST.

196

3. Convection profonde

3.1.4.1.5 Ondes de gravité Une stratification stable de la troposphère permet l’occurrence d’ondes de gravité qui vont rayonner vers l’extérieur de toute perturbation les excitant (Figure 3.6). En Afrique de l’Ouest, les puissants et profonds cumulonimbus associés aux orages sont d’importantes sources d’ondes de gravité se propageant sur longues distances. Ces ondes de gravité ont été précédemment discutées dans la section 3.1.1.2, dans la mesure où elles permettent de transmettre l’effet local du chauffage convectif à l’environnement et de l’étaler sur une zone plus étendue. Les ondes de gravité jouent également un rôle dans le déclenchement de nouvelles cellules convectives : pouvant inhiber ou favoriser de nouveaux orages dans leur environnement. Une règle simple pour la propagation des ondes de gravité est fournie dans le cadre théorique d’une atmosphère hydrostatique de stabilité constante N et sans cisaillement de vent. Pour ce modèle, les ondes de gravité bi-dimensionnelles de nombre d’ondes horizontal et vertical (k, m) ont une vitesse de phase Cp = N/m. Comme Cp est indépendant de k, ces ondes sont non dispersives. Si une source d’ondes de gravité se déclenche rapidement ou impulsivement, comme dans le cas d’un cumulonimbus, des ondes de différents nombres d’onde sont excitées et se propagent comme un paquet d’ondes. La propagation de ce paquet d’ondes se fera de manière à maintenir la conservation de la masse de l’atmosphère : alors que le cumulonimbus générera une puissante ascendance, le paquet d’ondes induira une subsidence dans l’environnement de l’orage pour conserver la masse, et cette subsidence réchauffera l’environnement, comme décrit précédemment dans la section 3.1.2.2. Une source complexe de chauffage et de refroidissement comme un cumulonimbus excite des ondes de gravité de différents nombres d’onde verticaux, m. Ceux-ci sont attendus correspondre aux différents harmoniques de l’épaisseur de la troposphère. Ainsi pour une tropopause à 17 km, et une stabilité N = 10–2 s–1, l’onde la plus profonde aurait une longueur d’onde verticale de 34 km, et une vitesse de phase de ~ 60 ms–1, et le second harmonique une longueur d’onde verticale de 17 km et une vitesse de phase de ~ 30 ms–1. Cependant des structures de forçage peu profondes existent également au sein d’un cumulonimbus, comme celles forcées par l’évaporation des précipitations dans les subsidences (Figure 3.6b), et pour lesquelles la longueur d’onde verticale est de l’ordre de 6 km, et la vitesse de phase de ~ 10 m s–1. De tels paquets d’ondes forcées par le refroidissement dans les subsidences précipitantes, forcent une ascendance dans l’environnement, qui favorisent le déclenchement de nouvelles cellules convectives. Un bon exemple du rôle joué par les ondes de gravité pour le déclenchement de cellules orageuses secondaires est fourni par le cas du 31 juillet 2006, décrit par Taylor et al. (2010), et modélisé par Klüpfel et al. (2012) et Birch et al. (2012). Dans ce cas (Figure 3.21), un important orage secondaire fut déclenché dans une région à fort contraste de l’humidité des sols, avec des conditions synoptiques favorables, mais l’heure du déclenchement secondaire a coïncidé avec l’arrivée d’une onde de gravité émise par un orage précédent situé plus loin dans le secteur sud-est.

197

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

(a)

(b) 12:00

14:00

Mali 15N

15N

Burkina Faso 10N

0

5W

10N 5E 5W

(c)

0 –70

(d)

–60 –50 –40

17

16:00

5E –35

–30

–25 –20

Observed storm 16Z

16

Latitude (°)

15N

09Z

14

14Z

11Z

10 –4

0

07Z 06Z

12Z 11Z

14Z

10Z 13Z

11

10N 5W

08Z

13Z

12Z

13 15Z 12

11Z

Model storm

15

–3

12Z

–2

08Z 09Z

11Z

–1

0 1 2 Longitude (°)

3

4

5

6

5E

 Figure 3.21   Structures nuageuses révélées par la température de brillance (°C) à (a) 1200, (b) 1400 et (c) 1600 UTC, le 31 juillet 2006, montrant les nuages couplés à une onde de gravité et l’initiation secondaire. Source : Taylor et al. (2010). © Royal Meteorological Society, avec son autorisation. (d) Onde de gravité observée (lignes continues vertes) et courant de densité observé (lignes tiretées en gris clair). Les première et seconde ondes de gravité simulées correspondent respectivement aux lignes continues rouge et bleu, et les lignes tiretées en gris foncé montrent le courant de densité simulé. Source : Birch et al. (2013). © Royal Meteorological Society, avec son autorisation.

Pour cet exemple, rétrospectivement une analyse approfondie de l’imagerie satellitaire a permis l’identification de l’onde de gravité associée à une bande de nuages peu profonds (~ –10 °C) s’éloignant de l’orage primaire et se propageant devant un courant de densité identifié par son panache de poussières généré (Figure 3.21c). Dans certains cas, la propagation de l’onde de gravité n’est pas facilement détectable

198

3. Convection profonde

par une signature nuageuse, mais les prévisionnistes doivent toujours garder en mémoire la possibilité d’occurrence de paquets d’ondes de gravité s’éloignant d’un orage en cours, et pouvant initier un orage secondaire à de longues distances.

3.1.4.1.6 Régénération des orages Les orages multicellulaires tels que les lignes de grains peuvent atteindre un caractère persistant remarquable, pouvant être suivis dans certains cas plus de 24 heures. Plus communément, les lignes de grains tendent à se dissiper le matin. En ces cas, il est possible que la convection, et une ligne de grains éventuellement, puissent se régénérer au même endroit dans l’après-midi. Les causes exactes de la régénérescence d’un nouvel orage ne sont pas comprises, mais quelques mécanismes le sont. – Les MCS sont associés à une circulation méso-échelle avec une signature en tourbillon potentiel, correspondant à une rotation lui conférant une certaine inertie, lui permettant de persister quelques heures supplémentaires, même si sa partie convective a cessé d’être active. Lorsque l’instabilité convective croît à nouveau dans l’après-midi, cette circulation méso-échelle peut déclencher et organiser la convection, permettant la régénération de l’orage. La Figure 3.20 fournit une illustration de ce mécanisme, par lequel le système MCS2 redémarre à 1500 UTC après sa dissipation dans la matinée. Ce type de régénération d’un orage par la persistance d’un tourbillon de méso-échelle, a été observé aux États-Unis. – Les systèmes convectifs humidifient la surface, augmentant ainsi l’évaporation de surface et l’humidification de la couche limite. Par ailleurs, la forte variabilité spatiale des précipitations augmente l’hétérogénéité de l’humidité des sols, générant ainsi de forts contrastes du forçage par le couplage surface-atmosphère pouvant déclencher de nouveaux orages (voir la section 3.1.4.1.3). 3.1.4.1.7 Les autres forçages Le déclenchement de la convection en Afrique centrale est mal compris et nécessiterait des études spécifiques. Cette région humide, avec une forte densité de végétation et quelques structures orographiques, pourrait être en partie forcée par des ondes équatoriales (chapitre 7). Dans la ZCIT du bassin Atlantique est, le déclenchement est similaire pour toutes les classes de MCS, à l’exception de la classe C4 qui est quasi absente sur l’océan (Figure 3.17). Le déclenchement de la convection y est plus facile suite à une inhibition réduite (CIN) et une base des nuages plus basse. Il semble également que la convergence de grande échelle dans la ZCIT contribue à forcer la convection. Crook et Moncrieff (1988) montrèrent que l’effet de la convergence de grande échelle est important aussi bien pour le déclenchement que pour le maintien des lignes de grains et des MCS. C’est d’autant plus intéressant pour les prévisionnistes que la détection des convergences de grande échelle serait ainsi possible sans observation spécifique. De plus, ce processus de forçage par convergence peut se combiner avec ceux associés aux courants de densité et ondes de gravité précédemment analysés. Cependant, la convergence de grande échelle doit être analysée prudemment 199

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

pour prévoir l’initiation des orages. Ainsi Birch et al. (2014) ont montré la faible relation entre les convergences fournies par les analyses et la localisation effective de l’initiation des MCS sur l’Afrique de l’Ouest.

3.1.4.2 Le cycle diurne La distribution de l’heure locale d’occurrence du minimum de température infrarouge de brillance, correspondant au maximum de convection profonde (Figure 3.22a), révèle des comportements opposés sur les océans et continents dans les tropiques. La convection profonde sur les océans tend à atteindre son maximum dans la matinée (zones vertes), alors que la convection continentale atteint son maximum le soir (zones violettes). Une analyse détaillée du cycle diurne de la couverture (%) des nuages plus froids que 213 K sur l’Afrique de l’Ouest, montre des différences substantielles entre les quatre sous-régions (Figure 3.22b). Le minimum d’activité convective se produit vers midi sur l’Afrique, mais l’occurrence du maximum dépend de la sous-région : i.e. en fin d’après-midi (~ 1 700 LST, ou Local Solar Time) au sud de 9°N, et dans la soirée (~ 20 LST) sur le Sahel au nord de 9°N. Notons que la convection profonde nocturne est plus fréquente au centre du Sahel qu’au sud, ce qui est consistant avec une couverture nuageuse des systèmes convectifs du type C4 à longue durée de vie, plus forte sur le Sahel. (a)

20N 10N EQ 10S 20S

Local solar time (hour) 0

2

4

6

8

10

12

14

16

18

20

22

24

(b) 10

Central sahel Sénégal

8

Cameroon 6

Ivory coast

4 2

4

8

12

16

20

24

 Figure 3.22  (a) Distribution de l’heure locale du minimum de température de brillance infrarouge de CLAUS (adapté par J-M Piriou). Source : Yang and Slingo (2001). © American Meteorological Society, avec son autorisation. (b) Composite du cycle diurne de la fraction nuageuse (%) des nuages plus froids que 213 K pour quatre sous-régions de l’Afrique de l’Ouest. Source : Mathon (2001).

200

3. Convection profonde

3.1.4.3 Dissipation Pour les classes de MCS à courte durée de vie C1 et C3, la distribution de la localisation de leur dissipation (Figure 3.23) est similaire à celle de leur déclenchement (Figure 3.17), due à la courte distance parcourue durant leur cycle de vie. Cependant la structure de leur localisation de dissipation est plus lisse et légèrement décalée vers l’ouest par rapport à celle du déclenchement en accord avec leur propagation moyenne. 20°N

Latitude

16°N

670

C1

570 470

12°N

370

8°N

270

4°N

170



70

30°W

20°W

10°W



10°E

20°E

30°E 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10

20°N

Latitude

16°N

C2

12°N 8°N 4°N 0° 30°W 20°N

Latitude

16°N

20°W

10°W



10°E

20°E

30°E 200 180 160 140 120 100 80 60 40 20

C3

12°N 8°N 4°N 0° 30°W 20°N

Latitude

16°N

20°W

10°W



10°E

20°E

30°E 40 36 32 28 24 20 16 12 8 4

C4

12°N 8°N 4°N 0° 30°W

20°W

10°W



10°E

20°E

30°E

Longitude

 Figure 3.23  Comme pour la Figure 3.16 pour la localisation de la dissipation des MCS. L’unité est le nombre total de dissipations sur les 25 années de la climatologie.

201

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Les systèmes C2 à longue durée de vie et propagation lente, se dissipent plus à l’ouest de leur localisation d’origine, avec quelques maxima intéressants sur l’océan, au large du Nigeria au sud du delta du Niger, et également au large de la Guinée et de la Sierra Leone. Le déficit de dissipation et la faible occurrence des classes C1 et C2 systèmes dans la bande [8°W-0°] couvrant la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Burkina Faso et le Mali est remarquable. En effet cette région est trop éloignée à l’ouest des principales zones de déclenchement orographique. La dissipation des systèmes C4 à longue durée de vie et propagation rapide se produit sur une large bande zonale décalée au sud de la zone de déclenchement, et vers l’ouest si bien que les systèmes C4 se dissipent souvent sur l’Est de l’Atlantique, atteignant dans certains cas la longitude 30°W. Cela est cohérent avec leur propagation rapide vers l’ouest avec une faible composante vers le sud en direction de régions plus humides, et en accord avec la direction du cisaillement de vent. En revanche et particulièrement à l’ouest de 5°E, certains systèmes se déplacent vers le nord et peuvent se dissiper à des latitudes jusqu’à 20°N. Des maxima locaux de dissipation peuvent être identifiés et confirmés par les prévisionnistes de ces régions grâce à leur longue expérience du terrain. Ainsi on retrouve des zones de dissipation bien connues comme le centre du Nigeria, le Bénin, et au large de la Guinée Bissau. Dues au processus de régénération secondaire des MCS (voir la section 3.1.4.1.6), certaines localisations de déclenchement peuvent correspondre à celles de la dissipation de systèmes antérieurs comme l’Est du Benin.

3.2 Méthodes opérationnelles La prévision de la convection est une des tâches les plus importantes, et en même temps les plus difficiles auxquelles le prévisionniste doit faire face. Dans cette seconde partie, nous résumons les facteurs et les diagnostics à prendre en compte pour faire une prévision de l’activité de la convection profonde. Ces méthodes et outils sont détaillés dans le chapitre 11, avec la proposition de règles permettant de tracer les zones de convection prévues sur les cartes. Prévoir la convection est difficile à cause du caractère intrinsèquement aléatoire des orages. Le caractère explosif de la convection profonde signifie que de faibles modifications de l’état de l’atmosphère, ou de processus de déclenchement à fine échelle non détectable par les observations de routine, peuvent conduire à de violents orages ayant un fort impact sur l’évolution de l’atmosphère à plus grande échelle. Ainsi, une fois formé, chaque orage peut modifier la probabilité d’occurrence des orages ultérieurs. Ce comportement aléatoire ou « stochastique » implique que la prévision des orages devrait être abordée de manière probabiliste, et que son évaluation devrait être statistique. En outre, les prévisionnistes ne peuvent pas être formés sur la base de un ou deux cas d’étude d’événements convectifs typiques – en vérité, ils doivent construire leur expérience sur une multitude d’événements convectifs de différents types, de manière à acquérir une appréciation du caractère stochastique de la convection profonde. Les sections 3.2.1 et 3.2.2 montrent quelques exemples

202

3. Convection profonde

d’événements convectifs typiques ; de plus nombreuses illustrations sont mises à disposition sur un site bilingue dédié aux cas d’étude 6. Ces cas d’études sont numérotés CS01, CS02, ainsi de suite, pour un référencement constant. La prévision de la convection peut être décomposée en trois tâches : • Prévision de la localisation des déclenchements de la convection (généralement dans l’après-midi sur le continent), et des régions dépourvues de convection (section 3.2.3). • Prévision du type de convection, une fois déclenchée, par exemple si la convection attendue sera isolée et de courte durée, ou organisée, et en ce cas le déplacement probable de chaque système organisé (section 3.2.4). • Prévision de la phase de dissipation qui se produit le soir pour les systèmes les plus petits, ou pour les systèmes organisés en fin de nuit ou en matinée. Le matin est la période la moins favorable pour la convection profonde, mais une attention particulière doit être accordée aux débris des systèmes convectifs fournissant des conditions favorables au déclenchement de nouveaux systèmes dans l’après-midi (section 3.2.5). Une fois les orages déclenchés, le suivi de leur évolution concerne la « Prévision immédiate » faisant l’objet du chapitre 6.

3.2.1

Cycle de vie de la convection du 12 au 16 août 2012 (CS02)

Pour cette illustration, nous utilisons une séquence d’images satellites (Figure 3.24) et les cartes synthétiques West African Synthetic Analysis (WASA, Figure 3.25) du cas d’étude CS02 pour lequel l’environnement synoptique est décrit dans la section 2.2.2.1.

3.2.1.1 MCS1 Ce système apparaît le 13 août entre 0900 et 1200 UTC des débris d’un orage précédent, devant (à l’ouest) le thalweg d’une onde d’est localisée sur le Sud du Tchad. Il se situe au sud de l’axe du JEA, et semble être connecté à un tourbillon à bas et miniveau (WASA, Figure 3.25). Ce système reste à proximité du thalweg de l’onde, et garde une vitesse de propagation modérée. Il se développe jusqu’à 2100 UTC, puis décroît rapidement en première partie de nuit. Il se dissipe le 14 août entre 0600 et 1200 UTC, et génère un large tourbillon identifiable par la structure du résidu nuageux et du champ de vent (cf. centre du vortex C600 et C600_850 sur les cartes WASA respectivement à 0000 UTC et 1200 UTC le 14 août (Figure 3.25). Le système MCS4 sera déclenché des débris de ce système MCS1.

6. http://www.umr-cnrm.fr/waf_handbook_casestudies/

203

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

 Figure 3.24  Séquence d’images montrant l’évolution des MCS du cas d’étude CS02 à une fréquence de 6 heures, pour l’image IR Météosat avec en jaune et rouge les nuages les plus froids (respectivement moins de − 40 °C et − 65 °C), et pour les isolignes vertes le Td à 2 m avec un intervalle de 2 °C entre 10 et 16 °C, permettant de positionner le FIT. Le thalweg de l’onde d’est principale est indiqué par l’arc vert, et la ligne de convergence est montrée par le trait noir. L’analyse est effectuée du 13 août à 12 UTC au 15 août à 12 UTC. Les systèmes convectifs (CS) et MCS (MCS) sont numérotés dans leur ordre d’apparition, en partant de l’est, avec un suffixe correspondant à la phase de leur cycle de vie : TRIG pour la phase de déclenchement ; GROW pour la phase de croissance ; MA pour la phase mature ; DISS pour la phase de dissipation ; RES pour le résidu convectif ; REST pour une régénérescence à partir d’un résidu convectif.

204

3. Convection profonde

13 Aug. 12UTC

14 Aug. 12UTC

14 Aug. 00UTC

15 Aug. 00UTC

 Figure 3.25  Séquence de cartes WASA à 12 UTC correspondant à la Figure 3.24, mais à une fréquence journalière.

3.2.1.2 MCS2 Ce système apparaît, tout comme MCS1 à l’avant du thalweg de l’onde, mais un peu plus au nord (~ 13°N, à proximité du bord ouest du lac Tchad). Il se développe rapidement dans l’après-midi et en soirée, pour devenir un gros MCS durant la nuit (2100 à 0000 UTC). Il est positionné près de l’axe du JEA et se déplace vers l’ouest plus rapidement que le thalweg, devenant ainsi vite indépendant de l’onde. Se développant plus au nord, donc dans une zone plus sèche que pour MCS1, il atteint une plus grande taille et se déplace plus rapidement. Nous avons un exemple typique d’une ligne de grains à propagation rapide se développant dans un environnement favorable caractérisé par un cisaillement dans la basse troposphère, de l’humidité disponible (PW > 50 mm) et de l’air sec à mi-niveau. En deuxième partie de nuit, MCS2 commence à décroître, en se déplaçant vers le sud-ouest, et se dissipe entre 0900 et 1200 UTC le 14 août. Lors de son effondrement, l’étalement du courant de densité, ou éventuellement une onde de gravité (section 3.1.4.1.5 ; section 4.1.4.1), génère loin vers le sud-ouest, une ligne de convergence visualisée sur l’image IR par une ligne de nuages dans la moyenne troposphère, sur le Ghana et la Côte d’Ivoire. Cette ligne de convergente (CL) pourrait expliquer le déclenchement du système CS1 analysé par la suite. Dans l’après-midi du 14 août, MCS2 se régénère (non montré) sur le Burkina Faso (où une forte anomalie positive de PW est observée), puis se développe et se propage vers l’ouest, avant de se dissiper la nuit suivante. Son résidu peut être identifié sur

205

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

le Fouta Djalon le 15 août à 0900 UTC. Le système MCS2 a duré deux jours et parcouru environ 25° de longitude. Un modèle simple du cycle de vie d’un système convectif sur le Sahel peut être tiré de ce cas d’étude. Le même cycle a été observé pendant 24 heures pour les systèmes MCS2 et MCS4 (non montré) : • En début d’après-midi, des cellules convectives isolées apparaissent devant le thalweg de l’onde d’est. • Durant l’après-midi, ces cellules se développent et fusionnent sous la forme d’un MCS qui se propage en soirée et pendant la première partie de la nuit, plus vite que l’onde et en devient indépendant. • En deuxième partie de nuit et dans la matinée, le MCS décroît. • De nouvelles cellules convectives isolées apparaissent devant le thalweg de l’onde d’est en début d’après-midi si l’atmosphère est encore convectivement instable, ou si l’humidité des basses couches est suffisante.

3.2.1.3 MCS3 Ce système apparaît le 13 août à 1200 UTC, au sud de la frontière MauritanoMalienne, en une zone bien connue pour être favorable au déclenchement de la convection. L’initiation se produit à proximité d’un vortex à mi-niveau C600 sur le flanc sud du cœur du JEA de la première onde (cf. WASA correspondante, Figure 3.25). Ce système se développe dans l’après-midi et devient mature dans la soirée (2100 UTC). Il couvre tout le Sénégal et le Nord-Ouest de la Guinée. Il décroît durant la nuit sur le Sénégal. Les précipitations sur le Sénégal telles qu’estimées par le produit TRMM (Huffman et al. 2007) et observées par le réseau de pluviomètres entre le 13 août à 0600 UTC et le 14 août à 0600 UTC sont montrées par la Figure 3.26. Cet exemple illustre l’empreinte précipitante du MCS3, sa forte variabilité spatiale, et le défi permanent que représente la prévision de tels événements pour le prévisionniste.

3.2.1.4 CS1 Malgré sa petite taille et sa courte durée de vie, le système convectif CS1 est intéressant à analyser, car il est déclenché dans la soirée du 13 août à 2100 UTC dans une région de suppression de la convection à la frontière entre le Mali et le Burkina. Une analyse détaillée des conditions synoptiques telles que résumées par la carte WASA correspondante (Figure 3.25) révèle que CS1 est déclenché dans le thalweg de mousson (voir la section 11.10) en l’absence d’anomalie de PW. Une autre contribution possible au déclenchement de CS1 pourrait être une ascendance due au passage et à interférence des ondes de gravité émises par les systèmes MCS2 et MCS3, puisque CS1 apparaît entre ces deux systèmes actifs. Également, un forçage local comme celui dû à des hétérogénéités de surface ou une structure orographique n’est pas à exclure, comme suggéré par sa structure en « V » et à sa faible propagation durant la nuit.

206

3. Convection profonde

Au matin du 14 août, la ligne de convergence CL passe au-dessus de CS1. Leur croisement correspond au renforcement de CS1 à 09 UTC. Ensuite CS1 poursuit sa course à la même vitesse que la ligne CL, mais se dissipe avant midi. Accumulated rain 13 Aug 06UTC → 14 Aug 06UTC

TRMM 17.5N

17.5N

15N

15N

12.5N

12.5N 17.5W

15W

12.5W

15N

15N

12.5N

12.5N 17.5W

15W

12.5W

17.5N

17.5N

15N

15N

12.5N

12.5N 17.5W

12.5W

15W 0

0.5

1

5

10

15W

17.5W 17.5N

17.5N

15

20

25

Raingauges

12.5W

17.5W

15W

12.5W

17.5W

15W

12.5W

30

40

50

75 100 150

 Figure 3.26   Précipitation sur le Sénégal telles qu’estimées par le produit TRMM et observées par le réseau de pluviomètres entre le 13 août à 0600 UTC et le 14 août à 0600 UTC (disponible sur le site MISVA http://isv.sedoo.fr/ source/produit-sansup.php?current=20120814&nav=2012LS-Precip-Senegal_OBSvsTRMM), illustrant l’empreinte précipitante du système MCS3.

207

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

3.2.1.5 CS2 Ce petit système convectif CS2 apparaît derrière le thalweg de l’onde le 14 août à minuit sur le centre du Tchad, au sein de la zone nuageuse associée à la phase humide de l’onde d’est et correspondant à une anomalie humide de PW. CS2 se déplace ensuite vers le nord-ouest pendant la nuit, vers le FIT progressant vers le nord. Il se dissipe au matin, mais redémarre vers midi juste au sud du FIT sur le nord-est du Niger. Il reste actif durant l’après-midi à proximité du FIT et se dissipe en soirée. De même que la progression vers le nord du FIT, ces cellules convectives résultent du flux de sud derrière le thalweg, qui transporte de l’humidité sur le nord du Sahel ; et où une forte anomalie humide de PW est observée.

3.2.1.6 Suppression de la convection Durant cette période, nous observons une zone de suppression de la convection, du 13 août à 1200 UTC au 14 août à 0000 UTC, plus particulièrement sur le Mali et le Burkina où le ciel reste quasi clair, en association avec une dorsale à mi-niveau et à une anomalie sèche de PW. Dans cette zone, la convection profonde est absente mais quelques cellules convectives peuvent s’y développer localement, comme le système CS2. Nous observons une autre zone de suppression de la convection le 16 août à 1200 UTC (non montrée) associée à une autre dorsale sur le golfe de Guinée, entre les deux thalwegs ; l’un sur l’ouest du Mali et l’autre sur le Soudan.

3.2.2

Courant de densité du 27 septembre 2014 (CS14)

La Figure 3.27 illustre un cas de ligne de grains déclenchée par un courant de densité tel que vu sur l’imagerie IR le 27 septembre 2014. En matinée (colonne de gauche), un précédent MCS s’effondre dans une région située entre le Niger, le Bénin et le Togo. À partir de 1100 UTC, un arc de nuages très étroit est détecté sur le nord du Burkina Faso, correspondant au bord d’attaque d’un courant de densité généré par ce MCS et s’étalant et s’éloignant vers l’ouest de celui-ci. À 1300 UTC, la signature nuageuse est beaucoup plus claire et sa partie nord atteint la frontière du Mali et du Burkina Faso. Le canal visible permet une meilleure détection de la bande nuageuse forcée par la propagation du bord d’attaque du courant de densité, mais une animation de l’imagerie Météosat facilite aussi l’identification de cette ligne en forme d’arc et le suivi de sa propagation. Une heure plus tard à 1400 UTC, une ligne de cellules convectives profondes a été déclenchée correspondant à la partie convective d’une vaste ligne de grains se propageant rapidement vers l’ouest. Cette dernière se maintient dans la soirée avec deux parties distinctes au nord et au sud de 10°N. À minuit, seule la partie sud reste très active, atteint la Guinée puis fusionne avec une zone convective côtière.

208

3. Convection profonde

07 UTC

13 UTC

17 UTC

09 UTC

14 UTC

21 UTC

11 UTC

15 UTC

24 UTC

 Figure 3.27  Séquence d’images IR de Météosat illustrant le déclenchement d’un MCS par un courant de densité généré par un MCS précédant le 27 septembre 2014. Les flèches jaunes indiquent les limites du bord d’attaque du courant de densité en forme d’arc tel que visualisé par les nuages peu profonds.

La Figure 3.28 décrit la situation synoptique en ce jour de fin septembre. La mousson a commencé son retrait et la masse d’air humide est le long de la côte (Figure 3.28c et f ) due à un fort flux de nord (Figure 3.28d). De manière consistante l’axe du JEA est vers 10°N avec un cœur au-dessus de 30 kt à l’est du méridien de Greenwich. Un thalweg est détecté sur le Bénin et la dorsale sur le Sénégal et la Guinée. La situation correspond à un dipôle sec/humide centré respectivement sur le Nord du Mali et la Mauritanie (pôle sec), et sur la Côte d’Ivoire et le Bénin (pôle humide) (Figure 3.28e). Dans la matinée, le système s’effondre dans la région sèche à mi-niveau, caractérisée par un fort cisaillement d’est (supérieur à 20 m s–1) comme montré par la Figure 3.28c. Comme expliqué dans la section 3.1.2.3, toutes les conditions nécessaires pour générer d’intenses courants de densité, permettant le déclenchement de la convection, sont remplies, comme illustré par la Figure 3.27.

209

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Au nord du JEA suite à des conditions plus sèches, la ligne de grains est déclenchée plus tard et se dissipe plus tôt dans la nuit, par rapport à la partie sud de la ligne de grains bénéficiant de conditions plus humides. Il est à noter que la ligne de grains se propage à environ la vitesse du JEA (15 m s–1), plus rapidement que le thalweg, de sorte que la ligne de grains atteint la dorsale dans la nuit. Notons également le renforcement du JEA derrière la ligne de grains. (a)

(d) 35N 30N 25N 20N 15N 10N 5N 0

20W –5 –6

10W –3 –4

0 –1 –2

10E 2 1

20E 4 3

30E 6 5

5

(e)

(b)

35N 20

30N

15 10 7.5

20N

25N 20N

5

15N

–5

10N

–7.5 –10

10N

30N

–15

5N 0

–20

20W

CONTOUR FROM 12.5 TO 20 BY 2.5

0

–12

20W

10W

0

10E

20E

0 –1

10W –6 –9

–15

–3

10E 3 1

9

20E

15

30E 5

12

6

30E

(c)

(f) 35N 4200 4000 3800 3600 3400 3200 3000 2800 2600 2400 2200 2000 1800 1600 1400 1200

30N

20N

10N

20W

10W

0

10E

20E

30E

10 ⃪

0

30N 25N 20N 15N 10N 5N 0

20W

10W

10

0 35

20 30

10E 45

40

20E

50

30E 65

55 60

5

 Figure 3.28  (a) Carte WASA du 27 septembre 2014 à 0600 UTC. Les figures suivantes sont pour l’analyse à 0000 UTC, avec (b) les lignes de courant, intensité du vent (isolignes noires épaisses au-dessus de 15 m s−1) et tourbillon (couleur, ×10−5 s−1) à 600 hPa. (c) Épaisseur du flux de mousson (couleur, m) avec le vecteur cisaillement de vent (m s−1) dans la couche 950-600 hPa, les zones avec un cisaillement supérieur à 20 m s−1 sont entourées par une ligne épaisse noire. (d) Vent méridien moyen dans la couche 950-600 hPa (couleur, m s−1) et vecteur du vent moyen dans la couche 950-850 hPa. PW (couleur) et vecteur vent à 950 hPa (m s−1) pour respectivement (e) leur anomalie et (f) les champs bruts. Voir chapitre 11 pour plus d’explication pour ces diagnostics et les cartes WASA.

210

3. Convection profonde

3.2.3

Prévision des zones d’initiation et de suppression des orages

3.2.3.1 Conditions synoptiques et stabilité 3.2.3.1.1 Contrôle climatologique 1) Zones A à D du système de mousson Lors du déplacement méridien du FIT au cours de la saison, les zones de régime de temps A à D (cf. Figure 1.1) associées au système de mousson, suivent ce mouvement. • Zone A : Les précipitations sont rares au nord du FIT. Bien que les systèmes convectifs profonds puissent s’y produire, en particulier en cas de forts forçages par les latitudes tempérées ou l’orographie, la plupart des précipitations s’évaporeront avant d’atteindre le sol. Cette évaporation peut générer de puissantes rafales et augmenter la probabilité de soulèvements de poussières. • Zone B : De rares orages isolés et de courte durée de vie peuvent se produire sur cette zone jusqu’à 200 km au sud du FIT. C’est par exemple le cas du système CS2 du cas d’étude CS02. La plupart des cellules convectives meurent la nuit, mais quelques-unes peuvent persister, fusionner et se déplacer vers la zone C. Ces orages peuvent être particulièrement méchants à cause de la sécheresse de l’air alimentant les subsidences, ce qui peut provoquer de puissantes rafales et soulèvements de poussières, de plus il est difficile de prévoir les cellules qui se développeront le plus. En cas d’ondes d’est ou d’autres poussées de mousson, la situation n’est pas claire, et derrière le thalweg la poussée de mousson peut favoriser de forts orages à proximité du FIT. • Zone C : La majeure partie de la conviction profonde se produit dans la zone C qui correspond également au maximum de pluie de mousson. Dans la partie sud de la zone C, les systèmes convectifs se propagent lentement ; alors qu’au nord ils se propagent rapidement. Les précipitations sont plus fortes dans cette zone C que dans la B, mais les rafales y sont en général moins violentes. L’air à mi-niveau devenant plus sec vers le nord, les systèmes convectifs deviennent plus dynamiques, mais avec une réduction des précipitations. En outre, due à cette évaporation, la circulation vers l’intérieur du système générée derrière les lignes de grains peut accélérer localement le JEA comme pour les systèmes MCS2 et MCS3 (Figures 3.24 et 3.25). • Zone D : Le régime nuageux de cette zone est celui des stratocumulus, ce qui correspond à la petite saison sèche de la région soudanaise. 2) Cycle de vie de la convection et cycle diurne • L’initiation des orages se produit pour l’essentiel autour de 1500 LST, avec l’apparition des premières cellules convectives. Sur les reliefs (e.g. Plateau de Jos ou Aïr), l’initiation peut se produire quelques heures plus tôt.

211

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

• Malgré le maximum d’occurrences de l’après-midi, l’initiation peut se produire à tout moment du jour et de la nuit. • Les systèmes organisés atteignent leur intensité maximale durant la nuit, e.g. 13 août du cas d’étude CS02. • Les systèmes peuvent durer jusqu’à deux jours (e.g. MCS2 du cas d’étude CS02) mais, étant donné le fort cycle diurne de la convection, avec les orages s’effondrant le matin et laissant un système résiduel, ou parfois qu’un vortex à 850 hPa, il est souvent difficile de suivre un MCS donné de manière consistante sur une telle longue période. • Assez fréquemment, un MCS peut se dissiper complètement sur une période de 12 à 24 heures, mais se régénérer le jour suivant. Certaines caractéristiques de la structure dynamique et thermodynamique, difficilement détectables avec les observations de routine, sont préservées et continuent à se propager de manière cohérente, permettant ainsi au système de se régénérer ultérieurement. Un diagramme Hovmöller de l’imagerie IR, peut aider à suivre les systèmes (voir les Figures 2.14 et 2.15), et à extrapoler leur position dans le temps, en identifiant les zones où une régénération des orages est possible dans les prochaines heures. • En termes climatologiques, les systèmes se propagent vers l’ouest et le sud-ouest, mais ceux au nord du JEA peuvent aller vers le nord-ouest, particulièrement à proximité de la côte ouest du continent, où les systèmes se déplacent vers le Nord du Mali, et de la Mauritanie, et du Sénégal dans une moindre mesure. • Le vecteur cisaillement entre la surface et le JEA donne la direction de propagation des systèmes du type lignes de grains. Leur vitesse de déplacement est typiquement celle du JEA. Le 15 août, le système MCS4_MAT du cas d’étude CS02 illustre ces règles. • La dissipation des orages organisés se produit en général en matinée 0600-1200 LST (Figure 3.27). 3) Structures géographiques Un prévisionniste expert doit avoir une bonne connaissance de la climatologie en relation avec les particularités locales. Celle-ci est le fruit de son expérience et du partage avec ses collègues prévisionnistes. Nous recommandons que les services météorologiques rassemblent toute documentation et matériel pédagogique concernant les climatologies locales des précipitations convectives, en relation avec la saison et la situation synoptique. Les principaux facteurs locaux de contrôle sont : • Le littoral : les brises de mer peuvent initier des orages locaux, avec une forte variabilité d’un jour sur l’autre : parfois la convection est déclenchée le long de la côte, d’autres fois à l’intérieur des terres (voir la section 4.1.4.2 et la Figure 4.18). • Les collines : l’orographie est le premier facteur de contrôle de la surface sur l’initiation de la convection, qui peut être augmenté par la présence de collines. Les particularités locales du terrain, dont l’intensité de la pente relative à la direction des vents dominants, le type de surface, l’albédo et la végétation, peuvent tous

212

3. Convection profonde

contribuer à générer des « points chauds » locaux favorables au déclenchement de la convection. La climatologie du déclenchement fournie par la Figure 3.17 en donne une bonne illustration avec le « point chaud » du Plateau de Jos. • L’état de la surface : ces « points chauds » peuvent aussi se trouver sur un terrain plat, suite à l’existence d’hétérogénéités du type de sol (albédo, infiltration) ; de la végétation et de l’utilisation des sols ; et à des anomalies de l’humidité des sols dues aux orages précédents, et à leurs interactions (voir la section 4.1.5).

3.2.3.1.2 Échelles synoptiques : ondes d’est africaines, thalwegs des moyennes latitudes, lignes de convergence Bien que l’activité convective ait un caractère fortement stochastique, le contrôle de la convection par les échelles synoptiques apporte un peu de prédictibilité, permettant d’augmenter notre confiance pour une prévision donnée. On doit rappeler que même lorsque les structures synoptiques sont bien définies et analysées, la convection conserve sa forte variabilité intrinsèque (voir la section 2.1.3.6 et Figure 2.17), si bien que des exceptions aux règles générales sont toujours possibles. 1) Indices de convection Plusieurs indices peuvent être calculés à partir d’un profil de radiosondage ou des données d’une prévision numérique, pour caractériser l’instabilité à la convection profonde à une localisation donnée. Comme discuté en section 3.1.2.1, de fortes valeurs de CAPE et PW sont favorables et nécessaires, mais non suffisantes, à l’occurrence de convection profonde, et la CIN tend à inhiber le développement de la convection. L’indice de soulèvement de Galway (1956) est calculé en soustrayant la température d’une parcelle soulevée depuis la surface jusqu’à une hauteur à mi-niveau (définie à 500 mb), de la température de l’environnement à cette même hauteur. Si la température observée à 500 mb est plus froide que celle de la parcelle soulevée, alors l’indice de soulèvement est négatif et l’atmosphère est instable pour la convection profonde. Cet indice peut être vu comme une mesure grossière de CAPE pour une parcelle issue de la surface, puisque c’est une mesure de la flottabilité à mi-niveau (alors que CAPE est l’intégrale de cette mesure sur toute l’épaisseur de la couche convective). Comme l’indice de Galway est conceptuellement relié à CAPE, ses variations suivent celles de CAPE assez fidèlement. Cependant si un calcul numérique est possible, l’utilisation de CAPE est préférable. Le K-index (George, 1960) est utile pour déterminer la probabilité d’occurrence des orages. Cet indice est calculé à partir des différences entre la température et celle du point de rosée aux trois niveaux 850 mb, 700 mb et 500 mb : K-Index = (T850 – T500) + TD850 + (TD700 – T700) où T850, T700 et T500 sont les températures respectivement à 850 hPa, 700 hPa et 500 hPa, et TD850 et TD700 sont les températures du point de rosée à 850 hPa et 700 hPa. Toutes les températures sont en °C.

213

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Le premier terme du côté droit de l’équation (T850 – T500) est une mesure de la décroissance de la température dans la couche 850-500 hPa et indique l’augmentation de la probabilité de la convection avec une décroissance plus forte. Le second terme (TD850) représente la quantité d’humidité disponible dans les basses couches. Le dernier terme représente l’impact négatif de la sécheresse au niveau 700 hPa : i.e. une forte différence entre le point de rosée et la température à 700 hPa (ce qui réduit le K-index) signifie que l’air à ce niveau est sec et tend à inhiber le développement des cumulonimbus. C’est ce dernier terme qui fait la différence fondamentale avec CAPE, puisque ce dernier ne tient pas compte de l’air sec à miniveau qui retarde le développement des cumulonimbus. Cependant contrairement à CAPE, le K-index ne prenant pas en compte l’humidité des basses couches à l’exception du niveau 850 hPa, il n’est pas sensible aux variations de l’humidité (et donc de θe ) des parcelles d’air, dues par exemple à des hétérogénéités de l’humidité des sols. Notons que cet indice a été conçu pour des stations proches du niveau de la mer. Les prévisionnistes d’Afrique de l’Ouest sont formés pour utiliser le K-Index à 0600 UTC pour analyser et prévoir la convection pour l’après-midi avec les valeurs critiques suivantes : 0 – 15 : 15-25 : 25-40 : 40+

Stable Faible potentiel convectif Potentiel convectif modéré Fort potentiel convectif

Le total totals index (TTI ; Miller, 1972) est un simple dérivé du taux de décroissance de la température entre les niveaux 850 et 500 hPa et l’humidité à 850 hPa : TT = T850 + TD850 – 2T500 De faibles valeurs (~ 30) sont caractéristiques d’orages isolés et modérés, alors que des valeurs à partir de 50 sont associées à des orages plus nombreux et violents. 2) Ondes d’est et convection La section 3.2.1 illustre un cas typique d’événement convectif associé à une onde d’est (Figures 3.24 et 3.25). Quelques principes généraux peuvent en être tirés. • Les systèmes convectifs à longue durée de vie se forment souvent au niveau ou devant le thalweg à proximité de l’axe du JEA, et se déplacent vers le sud-ouest. • Des systèmes convectifs se propageant plus lentement, peuvent se former au sud du JEA, dans le thalweg de l’onde. • Derrière (à l’est) le thalweg, la convection moins organisée peut se développer dans une atmosphère plus humide (fort PW), comme le système MCS1 du cas d’étude CS02 le 14 août à 20°E. • La convection est supprimée typiquement dans et devant la dorsale, notamment là où un flux de nord surplombe la couche de mousson. Mais des exceptions peuvent se produire ; e.g. le 14 août à 1200 UTC, est un exemple de formation

214

3. Convection profonde

de MCS au niveau de la dorsale d’une onde. Souvent les lignes de grains intenses et à propagation rapide peuvent s’éloigner du thalweg et rattraper la dorsale. 3) Thalwegs des moyennes latitudes et convection La convection peut être initiée au niveau ou devant (à l’est) un thalweg d’altitude des moyennes latitudes, se propageant vers l’est, notamment en hiver et au printemps comme détaillé dans la section 2.1.4. En été, les thalwegs des moyennes latitudes sont plus faibles, mais peuvent renforcer le JEA et forcer ses oscillations (AEW). Par exemple, la pénétration d’un thalweg des moyennes latitudes sur l’Afrique de l’Ouest déplace la dépression thermique vers le sud, provoquant un renforcement de la mousson un à deux jours plus tard, favorable aux ondes d’est et à la convection. À des échelles plus grandes de deux semaines, les ondes de Rossby des moyennes latitudes modulent la position et l’intensité de la dépression thermique, résultant en des périodes de renforcement et d’affaiblissement de la convection se déplaçant vers l’ouest dans la bande sahélienne. 4) Facteurs de méso-échelle contrôlant la convection À méso-échelle, différents mécanismes pouvant dans certains cas être déduits de la situation synoptique, ou de l’imagerie satellite, peuvent initier et interagir avec la convection. • Les lignes de convergence, qui sont un mécanisme majeur permettant d’initier la convection (sections 3.1.4.1.4, 4.1.4.1 et 6.1.2.6), sont très communes mais en général difficiles à identifier sur le continent. Parfois une ligne de convergence peut être visualisée par une ligne de cumulus peu profonds (canal visible), ou de mi-niveau (canal IR ; voir la Figure 3.24). Souvent de telles lignes de convergences correspondent au bord d’attaque d’un courant de densité généré par un système convectif précédent comme illustré dans la section 3.2.2 (voir la Figure 3.27). Sur les régions plus au nord avec des sols nus et secs, les poussières soulevées par les courants de densité peuvent être détectées avec l’imagerie Météosat (voir la section 5.2.2.3) fournissant ainsi un moyen de détecter indirectement les convergences associées aux courants de densité. Une ligne de convergence peut être diagnostiquée plus facilement à l’aide du champ de convergence des flux d’humidité, plutôt qu’avec la convergence du vent. Les lignes de convergence sont souvent plus facilement détectées sur les océans. Il n’est pas rare que ces lignes, en dépit de leurs courtes échelles spatiales, soient décelées par les modèles numériques de prévision, notamment lorsque générées par des structures orographiques. • Les vortex à mi-niveau (850 à 600 hPa), comme indiqués sur les cartes synthétiques WASA/F, sont fréquemment associés à des déclenchements de la convection, et peuvent eux-mêmes être générés par un système orageux. Ces vortex peuvent être détectés dans les champs des modèles numériques de prévision. Cependant une grande prudence est recommandée au prévisionniste, puisqu’une prévision numérique erronée de l’activité convective, générera fort probablement un vortex incorrect associé à cette zone convective artificielle.

215

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

3.2.3.2 Historique de l’activité orageuse Les différents exemples de systèmes convectifs du cas d’étude CS02, montrés dans la section 3.2.1, indiquent que la dissipation et la régénération des orages sont fréquemment reliées à l’activité convective au cours des dernières 24 heures. Certains des processus en jeu sont bien documentés, comme résumés ci-dessous : • Un système convectif mature stabilise l’atmosphère dans son sillage, en réduisant CAPE et en augmentant CIN. Cela signifie qu’une suppression de l’initiation de la convection est normalement attendue dans les heures qui suivent le passage d’un orage important. Ainsi le temps de restauration de CAPE est de l’ordre de 12 heures, alors que CIN se rétablit plus rapidement. Cependant, sachant que la masse d’air se déplace, l’advection d’échelle synoptique peut également contribuer à restaurer l’instabilité de l’atmosphère à la convection profonde beaucoup plus rapidement, soit en quelques heures. • Comme vu pour le système MCS2 (section 3.2.1, cas d’étude CS02), un orage s’étant dissipé peut se régénérer le lendemain. Les mécanismes exacts de « mémoire » permettant cette régénération d’un orage antérieur ne sont pas bien compris, mais dans certains cas on l’attribue au vortex dans la couche 850-600 hPa perdurant après la dissipation du système orageux, qui force l’initiation de l’activité convective le jour suivant. • L’initiation d’orages se produit fréquemment en relation avec un orage « géniteur » via des mécanismes de déclenchement secondaire. Une séquence courante est celle d’un orage « géniteur » se déplaçant vers le sud-ouest, émettant des courants de densité et des ondes de gravité vers le nord, où de nouveaux orages seront déclenchés. Ces derniers peuvent eux-mêmes se déplacer vers le sud-ouest. De cette façon, un scénario en « dent de scie » est possible, avec des orages successifs se déplaçant vers le sud-ouest, et se déclenchant au nord. • L’hétérogénéité d’humidité des sols peut favoriser le déclenchement de la convection sur le Sahel, où la végétation est clairsemée, typiquement au nord de 12°N. Ces structures d’humidité des sols peuvent persister 2 voire 3 jours après les pluies. Les prévisionnistes doivent donc être attentifs au fait que les zones ayant reçu des pluies sur une surface sèche peuvent être propices au déclenchement de la convection dans les 2 à 3 jours suivants.

3.2.3.3 Utilisation des modèles numériques de prévision pour prévoir le déclenchement de la convection À l’heure actuelle, les modèles numériques de prévision (chapitre 10) ne sont pas fiables pour prévoir les événements convectifs sur l’Afrique de l’Ouest, si bien qu’une grande prudence est recommandée pour les utiliser à cette fin. Cependant ces prévisions numériques sont utiles pour décrire la situation synoptique pré-conditionnant le déclenchement de la convection. De plus certains éléments de la prévision de la convection sont pertinents, comme la limite nord de l’activité convective.

216

3. Convection profonde

Il y a des évidences que pour les situations comportant un fort forçage synoptique (e.g. occurrence d’intenses et robustes ondes d’est), la prévisibilité de la convection est augmentée et les performances des prévisions numériques sont améliorées. Dans de tels cas, le prévisionniste peut faire un peu plus confiance aux prévisions numériques pour le déclenchement de la convection et son inhibition. Cependant, sur la base de l’expérience quotidienne des prévisionnistes, cette augmentation de la prévisibilité n’est pas évidente, et la plus grande vigilance doit toujours être maintenue.

3.2.4

Prévision du type d’orage

3.2.4.1 Organisation, longévité, vitesse et direction de propagation • Les orages isolés sont attendus lorsque le cisaillement entre la surface et le niveau du JEA est faible ; c’est typiquement le cas au sud de la zone C du système de mousson. • Les systèmes organisés à propagation rapide se produisent lorsque ce cisaillement est fort 7 et la couche à mi-niveau sèche – soit au nord de la zone C et dans la zone B. • Les orages propagatifs se déplacent dans la direction du cisaillement entre la surface et le niveau du JEA, et leur vitesse est typiquement de celle du JEA.

3.2.4.2 Phénomènes météorologiques associés • La Figure 3.14 montre le modèle conceptuel de ligne de grains permettant de localiser les rafales, le cisaillement de vent, les zones de fortes précipitations convectives et de faibles pluies stratiformes, et les régions de faible visibilité, relativement au déplacement du système. • Les rafales dépendent du degré de sécheresse de l’environnement à mi-niveau (typiquement dans la couche 700-500 hPa), qui peut être évalué par exemple par la baisse du point de rosée dans cette couche. Lorsque celle-ci est très sèche, une forte évaporation des hydrométéores se produit dans les courants subsidents et de violentes rafales de vent sont observées à la surface. Cependant l’évaporation dépend également d’autres facteurs comme la microphysique, si bien que les bourrasques peuvent être moins fortes qu’attendues. • Derrière les systèmes convectifs propagatifs, on observe généralement une intensification du JEA, et un affaissement de son altitude. • Les précipitations les plus intenses se produisent dans la ligne de grains, et des pluies plus faibles succèdent à la ligne dans la partie stratiforme plus étendue. • Les inondations se produisent en général en relation avec la persistance d’une advection d’humidité dans les basses couches. Les lignes de grains se déplaçant rapidement, elles génèrent rarement des inondations. Ces événements 7.  Cependant, si le cisaillement est trop fort l’orage se dissipera.

217

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

sont plutôt associés à des systèmes précipitants couplés à une circulation fermée du type vortex, ou se déplaçant lentement (cf. le cas de pluie extrême de Ouagadougou le 1er septembre 2009 de la section 2.2.2.2 et Lafore et al., 2017). • L’occurrence de grêle est rare en Afrique de l’Ouest, bien que pas complètement inconnu, avec en moyenne un cas de grêle répertorié chaque année et une zone favorable sur le plateau de Jos. • Le soulèvement de poussières par les fronts de rafales est couramment observé, avec une augmentation de leur fréquence vers le nord où les sols nus prédominent. Pendant la saison humide (hivernage), la limite de la zone de poussières se déplace vers le nord suite au développement de la végétation. Ainsi pour la prévision des soulèvements de poussières, le prévisionniste doit prendre en compte l’évolution de la limite nord de la végétation.

3.2.5

Prévision de la suppression de la convection

Les modèles numériques ont des difficultés à prévoir les zones de suppression de la convection : problème partagé par toutes les paramétrisations dans les tropiques, avec des précipitations trop faibles et trop étendues. Cependant dans certains cas, le prévisionniste peut identifier des structures contribuant à inhiber la convection, ce qui lui permet de localiser des zones où la probabilité d’occurrence de la convection est faible. À cette fin, nous pouvons distinguer quatre types de facteurs à examiner. 1) Le cycle diurne Dû au fort cycle diurne de la convection sur l’Afrique de l’Ouest, la probabilité de dissipation est forte le soir pour la convection isolée ou faiblement organisée (classes C1 et C3), alors que les systèmes les plus organisés (C2 et C4) se dissipent durant la nuit ou en matinée. Mais attention ! Une dissipation temporaire en matinée peut être suivie d’une réactivation dans l’après-midi. 2) Les climatologies Des climatologies telles que celles fournies dans ce chapitre (Figures 3.22 et 3.23) procurent d’utiles directives pour prévoir la suppression de la convection en fonction de la région et du type de système convectif condidéré. 3) Facteurs convectifs L’examen des trois premiers types de facteurs environnementaux gouvernant l’activité convective (Figure 3.7) permet l’identification des régions favorables à la suppression de la convection : • faible CAPE et faible PW ;

218

3. Convection profonde

• fort CIN, souvent associé à de larges zones d’air sec advecté au-dessus de la couche de mousson ; • cisaillement trop faible pour maintenir des lignes de grains à propagation rapide. 4) Facteurs synoptiques Une circulation anticyclonique dans la basse atmosphère est le moyen le plus efficace pour supprimer la convection. Elle peut être identifiée de différentes façons : • Les lignes de courant à 925 et 850 hPa permettent de détecter la courbure anticyclonique associée à une divergence de l’écoulement. Il est à noter que la petite saison des pluies dans la région côtière est caractérisée par une telle circulation anticyclonique dans les basses couches. • Les diagnostics présentés dans le chapitre 11 (Figure 11.13b et c), tels que la circulation moyenne dans les couches 950-850 hPa ou 950-600 hPa, facilitent l’identification de l’axe des dorsales, comme illustré dans la section 2.2.2.3 (cf. cas d’étude du 1-10 septembre 2014), zones où la convection est supprimée. Quelques structures de grande échelle peuvent contribuer à inhiber la convection, telles que : • Une zone de subsidence typiquement dans la couche 500-200 hPa. • De vastes intrusions d’air sec au sud du FIT (à l’exception de la bordure de l’intrusion tracée sur les cartes WASA/F). • Une circulation cyclonique dans la haute troposphère (200 hPa). Cela peut correspondre à un thalweg à 200 hPa associé avec une position nord du jet d’est tropical (TEJ) qui peut supprimer la convection sur une grande partie de l’Afrique de l’Ouest, lors de son lent déplacement vers l’ouest. Des dissipations rapides de systèmes convectifs peuvent se produire. Il est alors souvent difficile d’en trouver l’explication, mais quelques causes possibles sont : • un fort cisaillement dû à un renforcement du TEJ ; • l’assèchement des basses couches, par exemple lorsqu’un système convectif traverse le FIT ; • l’assèchement des couches moyennes, comme lorsqu’un MCS se propage vers une région plus sèche à mi-niveau et avec une circulation anticyclonique divergente dans les basses couches ; • une circulation d’ouest à nord-ouest près de la côte atlantique semble dissiper les MCS.

Remerciements Les données GPCP ont été procurées par le NOAA/OAR/ESRL PSD, Boulder, Colorado, USA, à partir de leur site web http://www.esrl.noaa.gov/psd/

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Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Annexe : Acronymes AEW ARPEGE FIT GPCP JEA LST MCS PW TEJ TRMM WASA/F ZCIT

African Easterly Wave (Onde d’est africaine) Operational forecasting global model of Météo-France Front Inter-Tropical Global Prediction Climatology Project Jet d’Est Africain (AEJ pour African Easterly Jet en anglais) Local Solar Time Mesoscale Convective System Precipitable Water Tropical Easterly Jet Tropical Rainfall Measuring Mission West African Synthetic Analysis/ and Forecast Zone de Convergence Inter-Tropicale

Références Adler RF, Huffman GJ, Chang A, et al. 2003. The Version 2 Global Precipitation Climatology Project (GPCP) Monthly precipitation analysis (1979-Present). J. Hydrometeor. 4: 1147-1167. Bain CL, Parker DJ, Dixon N, et al. 2011. Anatomy of an observed African easterly wave in July 2006. Q. J. R. Meteorol. Soc. 137: 923-933. doi: 10.1002/qj.812. Birch CE, Parker DJ, O’Leary A, et al. 2012. Impact of soil moisture and convectively generated waves on the initiation of a West African mesoscale convective system, Q. J. R. Meteorol. Soc. doi :10.1002/qj.2062. Birch CE, Marsham JH, Parker DJ, Taylor CM. 2014. The scale dependence and structure of convergence fields preceding the initiation of deep convection. Geophys. Res. Lett. 41: 4769-4776. doi : 10.1002/2014GL060493. Chong M. 2010. The 11 August 2006 squall-line system as observed from MIT Doppler radar during the AMMA SOP. Q. J. R. Meteorol. Soc. 136: 209-226. doi : 10.1002/qj.466. Crook NA, Moncrieff MW. 1988. The effect of large-scale convergence on the initiation and maintenance of squall lines. J. Atmos. Sci. 45: 3606-3624. Emanuel KA 1994. Atmospheric Convection. Oxford University Press: New York. Fiolleau T, Roca R. 2013. Composite life cycle of tropical mesoscale convective systems from geostationary and low Earth orbit satellite observations : method and sampling considerations. Q. J. R. Meteorol. Soc. 139: 941-953. doi : 10.1002/qj.2174.

220

3. Convection profonde

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221

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

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3. Convection profonde

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223

4 Météorologie locale

Auteur principal : Douglas J. Parkera Auteurs : Abdou Kassimoub, Bernard N. Orjic, David Perry Osikad, Ibrahim Hamzae, Mariane Diop-Kanef, Andreas Finkg, Jim Galvinh, Françoise Guichardi, Benjamin L. Lampteyj, Hama Hamidoue, Roderick van der Lindenk, Robert Redlk et Thierry Lebell Reviewer : Chris Tubbs (UK Met Office/SWFDP) et Paul Hutcheon (UK Met Office) Traduction française : Françoise Guichardi, Mireille Tomasinii, Dominique Bounioli, Fleur Couvreuxi, Yann Largeroni, Fabienne Lohoum, Marie Lothonm, Thierry Lebell, Frédérique Saïdm

a

Institute for Climate and Atmospheric Science, School of Earth and Environment, University of Leeds, Leeds, UK b Agence Nationale de l’Aviation Civile du Niger (ASECNA-NIGER), Niamey, Niger c Regional Training Centre, Nigerian Meteorological Agency, Oshodi-Lagos, Nigeria d Ghana Meteorological Agency, Takoradi Airport, Takoradi, Ghana e École Africaine de la Météorologie et de l’Aviation Civile (EAMAC), Niamey, Niger

225

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

f

Agence Nationale de l’Aviation Civile et de la Météorologie du Sénégal (ANACIM), Dakar, Sénégal g Karlsruhe Institute of Technology (KIT), Karlsruhe, Germany h Met Office, Exeter, UK i CNRM-UMR3589, CNRS et Météo-France, Toulouse, France j African Centre of Meteorological Applications for Development (ACMAD), Niamey, Niger k University of Cologne, Cologne, Germany l LTHE–IRD, Grenoble, France m Laboratoire d’Aérologie, Université de Toulouse/CNRS 5560, Toulouse, France

4.1 Bases scientifiques 4.1.1

Introduction

Dans ce chapitre, nous considérons les défis que pose la prévision du temps à l’échelle locale, pour des lieux géographiques donnés, tels qu’un village, une ville ou un aéroport. Les phénomènes qui nous intéressent ici se caractérisent par des échelles de temps de l’ordre de quelques heures à quelques jours et nécessitent une prévision locale. D’un point de vue scientifique, ces phénomènes font tous intervenir la dynamique de la couche limite planétaire (CLP, en anglais PBL pour Planetary Boundary Layer) et sont influencés par la topographie locale, la présence de collines, la proximité de la côte et l’occupation des sols. Ils se développent à des échelles égales ou inférieures à quelques dizaines de kilomètres, à savoir à méso-échelle. Ce chapitre concerne ainsi la prévision de toute une famille de phénomènes qui s’intègrent dans le cadre plus général de la météorologie de méso-échelle et de couche limite. Nous ne traiterons que brièvement la question de la prévision des précipitations, puisque celle-ci est déjà présentée dans les chapitres 2, 3 et 6, mais nous aborderons la question du développement des orages locaux. Les plus basses couches de l’atmosphère, à savoir celles qui sont directement influencées par la surface terrestre à des échelles de temps de l’ordre de l’heure, correspondent à la couche limite planétaire. L’épaisseur de cette couche fluctue généralement entre quelques centaines de mètres et un ou deux kilomètres. Au Sahara, où l’on observe les couches limites les plus développées au monde, elles atteignent des altitudes de 5 à 6 km, soit environ 550 hPa en été. La principale source d’énergie thermique pilotant les circulations atmosphériques dans la CLP provient de la surface, elle-même chauffée par le rayonnement solaire. Les plus basses couches de la CLP correspondent ainsi au premier maillon d’échange de ce flux de chaleur depuis la surface vers l’atmosphère. La CLP est aussi la portion de l’atmosphère qui a le plus d’impacts sur l’homme : nous y vivons, y produisons notre nourriture et c’est aussi dans cette couche qu’est relâchée la majeure partie de la pollution d’origine anthropique.

226

4. Météorologie locale

La CLP se distingue sensiblement de l’atmosphère libre du fait de sa dynamique, qui est dominée par des mouvements de nature turbulente. La turbulence se caractérise par le développement de tourbillons aléatoires. Par exemple, les rafales de vent, qui peuvent endommager les arbres et les constructions, sont une des manifestations de la turbulence. Plus généralement, la turbulence est une source potentielle de danger, parfois fatal, pour l’aviation. La prévision de la turbulence est donc une priorité importante du prévisionniste. Les mouvements turbulents aléatoires s’accompagnent de fluctuations de température et d’humidité aux mêmes échelles temporelles. Deux mécanismes physiques principaux sont à l’origine du développement de turbulence : 1) Lorsque la surface est chauffée par le rayonnement solaire, elle réchauffe l’air au-dessus, ce qui conduit à une turbulence convective qui s’accompagne d’un brassage de l’air dans la CLP. À l’inverse, le refroidissement nocturne de la surface stabilise la CLP. 2) Le vent au-dessus de la surface devient turbulent lorsqu’il rencontre des obstacles et que le cisaillement devient instable. Une importance particulière de la turbulence se développant au sein des circulations atmosphériques est qu’elle génère une diffusion (ou un mélange) rapide de la chaleur, de la vapeur d’eau, des composants chimiques et des aérosols et de la quantité de mouvement. La turbulence brasse ainsi efficacement l’air près de la surface. Comme la turbulence mélange le vent, elle opère aussi un transport vertical de la quantité de mouvement de l’air juste au-dessus de la surface vers les couches supérieures. Ce processus est très important pour déterminer le cycle diurne du vent en Afrique de l’Ouest. Comme dans les autres régions tropicales, le bilan énergétique de la surface en Afrique de l’Ouest se caractérise par la grande amplitude de son cycle diurne, piloté par celui du rayonnement solaire. Une définition climatologique des « tropiques » correspond d’ailleurs aux régions au sein desquelles l’amplitude du cycle diurne est plus importante que celle du cycle annuel. Une amplitude forte du cycle diurne est souvent associée à des maxima élevés de la température de l’air à la surface pendant la journée, mais aussi parfois à une forte chute de la température pendant la nuit. En hiver, l’air froid en provenance du Sahara est source de problèmes de santé en Afrique de l’Ouest. Par exemple, dans la région de Magaria située dans le sud du Niger, en hiver, lors des épisodes du type de temps localement nommé « Jamra », les températures peuvent descendre en dessous de 0 °C, et conduire à des pertes de vie humaine, de bétail et de cultures. Le cycle diurne du chauffage conduit également à un cycle diurne important des vents de couche limite et de la couverture nuageuse. Comme dans d’autres régions continentales au climat chaud, par exemple l’Australie et certaines régions des États-Unis, le jet de basses couches nocturne est souvent présent. Il génère des cisaillements de vents forts qui sont parfois dangereux pour l’aviation. Les vents nocturnes advectent et mélangent également de la vapeur d’eau, ce qui favorise la formation de larges étendues de stratus et stratocumulus au niveau de la côte

227

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

guinéenne. La stabilisation de la partie basse de la couche limite par le refroidissement nocturne peut aussi conduire à la formation de brouillard, en particulier au-dessus des forêts.

4.1.2

Bilan d’énergie de la surface et couche limite de surface atmosphérique

Les conditions météorologiques locales en Afrique de l’Ouest sont largement pilotées par le cycle diurne du bilan d’énergie de la surface. Le bilan d’énergie de la surface correspond à la somme de tous les flux d’énergie affectant la couche supérieure de la surface terrestre (qu’elle soit continentale ou océanique) en contact avec la couche limite atmosphérique. Dans les tropiques, les vents de grande échelle sont souvent faibles. Dans ces conditions, le transfert radiatif à la surface terrestre contrôle la production ou l’inhibition de la turbulence. En effet, le chauffage des premiers mètres de l’atmosphère dépend du réchauffement de la surface terrestre et du transfert de cette chaleur de la surface vers l’atmosphère. Ces processus peuvent être quantifiés via le bilan d’énergie de la surface. La « couche de surface atmosphérique » est une zone de 30 à 50 m d’épaisseur dans laquelle les flux d’énergie sont approximativement constants avec l’altitude. Le fonctionnement de cette fine couche d’atmosphère et ses échanges d’énergie et de mouvement avec la surface sous-jacente contrôlent les processus d’interactions entre la surface continentale et l’atmosphère, ou entre l’océan et l’atmosphère.

4.1.2.1 Principes de base du bilan d’énergie de la surface Trois processus importants contrôlent les échanges d’énergie entre la surface terrestre et l’atmosphère. 1) Les flux radiatifs La surface terrestre absorbe et réfléchit le rayonnement électromagnétique solaire (de courtes longueurs d’onde), et émet et absorbe un rayonnement dans l’infrarouge (rayonnement terrestre). La majeure partie de l’énergie solaire se situe dans une gamme de longueurs d’onde comprise entre 0,3 et 2 μm, avec un maximum dans la bande visible entre 0,4 et 0,7 μm. L’irradiance solaire, soit la puissance radiative reçue par une surface perpendiculaire au faisceau de rayonnement, vaut à peu près 1 366 W m–2 au sommet de l’atmosphère (c’est la constante solaire). Pour une surface terrestre donnée, cette irradiance solaire diminue lorsque le soleil s’abaisse sur l’horizon, en fonction de l’angle zénithal solaire (Figure 4.1).

228

4. Météorologie locale

500 460

800

420

600

380

400

340

200 0

300 260 24

0

3

6

9

12

15

18

21

LWin (W.m–2)

SWin, total & diffuse (W.m–2)

20060625: RAD: SWin, LWin 1200 1000

Hour in day

20.00

35

13.33

30

10.00

16.67

25

6.67

20 15

3.33 0

3

6

9

12 Hour in day

15

18

21

q (g.kg–1)

(deg C)

T & q at 2 m 45 40

0.00 24

 Figure 4.1  Un exemple de cycle diurne typique des flux solaire (SWin) (total et diffus) et infrarouge (LWin) incidents (figure du haut), de la température (T) et de l’humidité spécifique (q) de l’air (figure du bas) mesurés à 2 m de hauteur à Niamey par la ARM Mobility Facility pendant la campagne AMMA le 25 juin 2006. SWin (trait violet) suit la course du soleil, avec un maximum à 12 h, mais il chute fortement lors des passages nuageux dans l’après-midi. Le rayonnement solaire diffus (trait vert) représente ce jour-là 50 % du rayonnement solaire incident lorsque le ciel est clair. La fraction du rayonnement solaire diffus sur le rayonnement solaire total dépend beaucoup des conditions nuageuses et du contenu en aérosols. Cette fraction peut être donc plus ou moins importante selon les jours. LWin (trait rose) est relativement constant durant la journée et son évolution suit celle de la température de la surface terrestre. Les pics nocturnes de LWin sont dus aux nuages. La température de l’air à 2 m (trait rouge) atteint son maximum dans l’après-midi, vers 15 h, alors que l’humidité spécifique (trait bleu) atteint son minimum. On remarque de faibles diminutions de la température de l’air, d’environ 1 °C, lors des passages nuageux de l’après-midi.

Une partie du rayonnement solaire direct est diffusée et réfléchie dans l’atmosphère par les molécules d’air, les aérosols et les nuages. Par conséquent, la surface terrestre reçoit une part réduite du rayonnement solaire direct, ainsi que du rayonnement solaire diffus associé à la diffusion dans l’atmosphère. Le rayonnement solaire net à la surface terrestre s’écrit : Sn = S↓ – S↑ (4.1)

229

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

où S↓ est le rayonnement solaire incident total (direct plus diffus, SWin in Figure 4.1), et S↑ est le rayonnement solaire réfléchi. L’émission de la surface terrestre se situant exclusivement dans les grandes longueurs d’onde, S↑ correspond à la réflexion du rayonnement solaire descendant par la surface terrestre. La fraction de S↓ réfléchie par la surface (notée α et appelée albédo) dépend du type de surface. On peut donc écrire : Sn = (1 – α) S↓ = (1 – α) (Sb + Sdiff ) (4.2) où Sb est le rayonnement solaire direct, et Sdiff est le rayonnement solaire diffus. Sb et Sdiff varient beaucoup suivant la couche nuageuse et le contenu en aérosols. L’albédo varie typiquement entre 0,45 pour un désert de sable clair et 0,05 pour un sol inondé, en passant par 0,3 pour de l’herbe rase et 0,2 pour de la forêt ou des sols foncés. Le rayonnement terrestre est le rayonnement électromagnétique émis par la surface terrestre et l’atmosphère. La surface terrestre émet comme un corps noir, et la majeure partie de l’énergie est émise dans les longueurs d’onde allant de 3 à 30 μm (communément appelées « grandes longueurs d’onde »). La loi de StéphanBoltzmann fournit une estimation précise de l’émission de la plupart des surfaces matérielles dans les grandes longueurs d’onde :

L = ε σ T 4 (4.3)

où σ est la constante de Boltzmann, ε est l’émissivité et T la température d’émission de la surface matérielle. D’après la loi de Kirchhoff, les surfaces matérielles absorbent une fraction ε des grandes longueurs d’onde incidentes. La plupart des surfaces terrestres ont une émissivité ε élevée, typiquement supérieure à 90 %. L’atmosphère ne se comporte pas comme un corps noir, car son émissivité varie fortement suivant les longueurs d’onde. Lorsque l’air est plutôt sec, l’atmosphère est presque transparente au rayonnement dans la « fenêtre atmosphérique » correspondant aux longueurs d’onde comprises entre 8 et 12 μm mais presque totalement opaque (ε proche de 1) pour des longueurs d’onde comprises entre 3 et 8 μm et supérieures à 12 μm. L’émissivité de l’atmosphère, et donc aussi son coefficient d’absorption, varient ainsi en fonction des concentrations de gaz à effet de serre, comme la vapeur d’eau et le dioxyde de carbone. Les nuages – même les nuages fins comme les cirrus – ont les caractéristiques d’un corps noir avec une émissivité effective proche de 1. La présence de nuages a donc un impact important sur le rayonnement infrarouge. En l’absence de nuages et lorsque l’atmosphère est peu humide, le flux radiatif dans les grandes longueurs d’onde entre 8 et 12 μm (i.e. dans la fenêtre atmosphérique) peut se propager vers l’espace ; en présence de nuages, le flux radiatif dans ces mêmes longueurs d’onde est absorbé par les nuages et partiellement réémis vers la surface. Lorsque l’air est relativement sec, l’apparition de nuages peut accroître le rayonnement infrarouge descendant à la surface de 30 W m–2. Les nuages amplifient ainsi substantiellement l’effet de serre local. Cet effet des nuages est particulièrement important la nuit.

230

4. Météorologie locale

Il induit un refroidissement de la surface terrestre beaucoup plus lent qu’en conditions de ciel clair 1. Le rayonnement net à la surface (Rn) est la somme des contributions des courtes et des grandes longueurs d’onde : Rn = R↓ – R↑ = ( S↓ + L↓) – (S↑ + L↑) = Sn + Ln (4.4) La section 9.1.2 explique plus en détail les processus radiatifs. 2) La conduction thermique de la chaleur dans le sol Il existe aussi des transferts de chaleur importants entre les couches de sol sous la surface, via le flux de conduction dans le sol noté G. Ce flux est régi par des principes physiques simples. G est dirigé de la surface chaude vers les couches de sol profond et relativement froid dans l’après-midi. La nuit, ce flux G s’inverse (des couches profondes vers la surface) lorsque la surface devient plus froide que les couches profondes. Le flux de chaleur dans le sol dépend de la conductivité thermique du sol, qui varie suivant le type de sol, et varie aussi en fonction d’autres facteurs tels que le contenu en eau du sol (aussi appelé « humidité du sol »). 3) Le transfert turbulent de l’énergie thermique dans l’atmosphère, depuis ou vers la surface Le transfert de chaleur depuis la surface vers l’atmosphère est composé de deux termes : Le flux de chaleur sensible (« sensible » par opposition à « latent »), noté H, est le flux de chaleur (en termes d’énergie interne) ascendant (i.e. compté positif lorsqu’il est dirigé de la surface vers l’atmosphère) qui s’opère par conduction et convection. Il dépend de la différence de température entre la surface terrestre et l’air ainsi que du module du vent et de l’intensité de la turbulence, une turbulence plus intense augmentant le transfert de chaleur. Lorsque de l’air chaud circule au-dessus d’une surface froide, H peut être négatif, le transfert de chaleur sensible s’opérant alors de l’atmosphère vers la surface. Le flux de chaleur sensible est parfois modélisé comme une fonction de la stabilité de l’air dans la couche de surface suivant l’équation :

H = – ρ cp KH dθ/dz (4.5)

où KH est le coefficient de diffusion turbulente (Stull, 2009) qui augmente avec l’intensité de la turbulence. Lorsque la surface est plus chaude que l’air, le gradient vertical de température dans la couche limite de surface est négatif. Le flux de chaleur sensible est alors positif (dirigé de la surface vers l’atmosphère) et augmente

1.  Il est important de noter que pour de plus fortes valeurs d’eau précipitable, supérieures à 20 kg m–2, le refroidissement radiatif est réduit quel que soit l’état de la couverture nuageuse (Stephens et al., 2012), et les températures de surface sont alors beaucoup moins sensibles à la nébulosité.

231

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

avec l’intensité de la turbulence. La nuit, lorsque la surface se refroidit par émission infrarouge, H devient négatif (dirigé vers le bas) car une couche stable (d’inversion) se développe, au sein de laquelle la température augmente avec l’altitude (et donc θ encore plus). Le flux de chaleur latente, noté LE, où E est le taux d’évaporation de l’eau liquide (ou de la glace) et L est la chaleur latente de condensation (L est de l’ordre de 2,5 × 106 J Kg–1 à 20 °C). Ce flux représente le transfert de chaleur associée à l’évaporation ou à la condensation de l’eau à la surface (on notera que l’évaporation refroidit la surface alors que la condensation la réchauffe). Le flux de chaleur latente est généralement élevé au-dessus d’une surface d’eau libre ou d’un sol très humide. Sur les surfaces continentales, le flux d’évapotranspiration est composé de l’évaporation du sol nu et de la transpiration de la végétation. Dans les zones fortement végétalisées, les plantes peuvent contribuer majoritairement au flux de chaleur latente. Les plantes à racines profondes ont accès à l’eau stockée dans des couches de sol plus profond. À l’inverse dans les zones où la végétation est éparse, comme au Sahel (par exemple aux alentours de Niamey), l’évaporation du sol nu contrôle le flux de chaleur latente, et elle est très sensible aux événements pluvieux récents. En Afrique, la météorologie est très contrainte par le bilan d’énergie de la surface, et en particulier, par les flux de chaleur sensible et latente. Pour exprimer la partition entre flux de chaleur sensible et flux de chaleur latente, il est utile de définir le rapport de Bowen



β = H / LE (4.6)

ou la « fraction évaporative » EF = LE / (LE + H) (4.7) Le rapport de Bowen et la fraction évaporative varient en fonction de l’état de la surface. Par exemple, si le sol est humide, l’évaporation est généralement importante et le flux de chaleur sensible modeste, alors que si le sol sec est couvert et par une végétation éparse, le flux de chaleur sensible est dominant. De telles différences de partition entre flux de chaleur sensible et latente ont une profonde influence sur la couche limite atmosphérique (CLA) et sur les conditions météorologiques locales. Par exemple, lorsque l’humidité du sol augmente, le rapport de Bowen diminue, et les flux turbulents sont dominés par flux de chaleur latente. Le réchauffement de l’atmosphère est alors moindre, et l’humidité plus élevée. En combinant tous les flux d’énergie, nous pouvons déterminer le bilan d’énergie d’une couche de sol superficiel d’épaisseur finie, qui s’écrit :

C dT/dt = Rn – G – H – LE (4.8)

où C désigne la capacité calorifique de la couche de sol considérée (Figure 4.2). Dans le cas particulier d’une couche de sol superficiel d’épaisseur infinitésimale, le terme de stockage de chaleur s’annule, et l’Équation 4.8 se réduit à une équation bilan de la forme : Rn – G0 – H – LE = 0 (4.9)

232

4. Météorologie locale

ou Rn – G0 = H + LE (4.10)

Atmosphere H

LE

L

L

S

S

Ground layer: heat capacity C Deeper ground layer G

 Figure 4.2  Représentation schématique des termes du bilan d’énergie de la surface utilisés dans l’Équation 4.8, et d’un profil vertical de vent typique dans la couche de surface représenté par des flèches bleues. Il est à noter que dans la couche de surface la direction du vent est à peu près constante avec l’altitude.

Cependant, pour de nombreuses applications, il est nécessaire de considérer la température de la surface, d’une part pour comprendre l’émission infrarouge et d’autre part parce que la température de la surface est elle-même importante pour certains usagers. Par conséquent, il est souvent souhaitable de travailler avec une couche d’épaisseur finie et donc avec l’Équation 4.8. Le bilan d’énergie de la surface offre un cadre qui permet de comprendre les liens entre le forçage de la surface sur la couche limite et les réponses de certains autres éléments du système, comme la température de la surface. À l’échelle diurne, le bilan d’énergie en surface étant principalement piloté par le rayonnement solaire, les variations du flux solaire net, Sn, ont des effets notables sur le climat local. En particulier, la couverture nuageuse induit des conditions plus froides près de la surface via une diminution du rayonnement solaire incident ; les poussières minérales de l’atmosphère produisent des effets similaires. Les autres termes du bilan d’énergie ont cependant des rôles importants. Lorsque la surface continentale est très sèche, elle a tendance à se réchauffer plus rapidement (capacité thermique C plus faible) et l’air situé juste au-dessus devient très chaud, car le rapport de Bowen est alors important relativement à celui d’une surface humide où la végétation est dense. Les relations qui déterminent le bilan d’énergie en surface sont simples, au moins conceptuellement. Cependant, leur utilisation à des fins de détermination précise de certaines quantités telles que la température de surface reste compliquée.

233

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Les difficultés découlent du fait que le bilan d’énergie est le résultat d’un équilibre entre des processus qui varient différemment dans le temps et que certains termes de ce bilan sont difficiles à contraindre. Le flux de chaleur dans le sol et la température de la surface dépendent tous les deux du type de sol, qui varie souvent sur des courtes distances, et de l’humidité du sol, qui varie aussi considérablement sur de courtes échelles de temps et d’espace. Ainsi, les incertitudes sur la détermination de la température de la surface se répercutent sur le rayonnement infrarouge émis par la surface. Les flux turbulents sont complexes et dépendent du module du vent, de la stabilité atmosphérique ainsi que de l’état de la surface. Bien que la température de l’air en surface (notamment la température à 2 mètres que les prévisionnistes doivent estimer) soit liée à la température de surface du sol, sa valeur peut fluctuer considérablement en fonction de la rugosité de la surface et du flux de chaleur sensible, et on peut observer des écarts de 10 °C entre les deux températures. La nuit, la surface est généralement plus froide que l’air, alors qu’inversement le jour, elle est plus chaude. La différence entre la température de l’air et la température d’émission de la surface, qui intervient dans le bilan d’énergie de la surface (e.g. Équation 4.3), peut donc être grande. Le gradient vertical de température entre la surface et une hauteur de 2 m est relié au flux de chaleur (via l’Équation 4.5 par exemple) et à l’intensité du vent et de la turbulence atmosphérique (qui contrôle la valeur de KH dans l’Équation 4.5). Dans la section 4.2.1, nous utiliserons des relations empiriques pour relier les variations de température à 2 m à des processus qui modifient le bilan d’énergie de la surface.

4.1.2.2 Le vent dans la couche de surface La génération de turbulence est pilotée par le chauffage de la surface, mais aussi par le cisaillement de vent. La surface terrestre est rugueuse à toutes les échelles, depuis celle du grain de sable jusqu’à celle des montagnes qui s’élèvent dans le ciel en passant par l’échelle des arbres et des bâtiments. Lorsque l’air circule au-dessus de ces obstacles, le cisaillement de vent est instable et génère des mouvements turbulents d’échelle horizontale similaire à celle de l’obstacle. Les vents forts génèrent de la turbulence qui homogénéise les basses couches de l’atmosphère et est capable de former une couche mélangée, même durant la nuit en conditions de ciel clair. Une relation importante en condition neutre (par exemple lorsque le flux de chaleur sensible est nul) est que le profil du vent moyen dans la couche limite de surface suit loi logarithmique :

u (z ) =

u*  z  (4.11) ln k  z 0 

Dans cette équation, u* est la vitesse de friction, elle quantifie les fluctuations turbulentes du module du vent, k est la constante de Von Kármán (k ~ 0,4) et z0 est la longueur de rugosité. z0 est considérée comme une constante pour une surface donnée, elle dépend de la taille, de la forme et de la distribution des obstacles de la surface au vent.

234

4. Météorologie locale

Lorsque la couche de surface n’est pas neutre, l’Équation 4.11 ne suffit plus à décrire le profil vertical de vent et la théorie de Monin-Obukhov propose des lois qui tiennent compte de la stabilité (e.g. Stull, 2009). Durant la journée, la température de la surface est élevée et la température potentielle décroît avec l’altitude, ce qui définit un profil instable. Dans ces conditions, les tourbillons turbulents sont plus profonds et le cisaillement de vent près de la surface est réduit. Pendant la journée, en conditions convectives, des tourbillons de poussières (ou dust devils en anglais) peuvent être très communément observés (Figure 5.9). Ce fut le cas lors de la campagne de mesure Fennec en 2011-2012 au cours de laquelle de nombreux dust devils furent observés depuis les avions de recherche au-dessus de la Mauritanie. Plus généralement, les prévisionnistes rapportent que ce phénomène est plus fréquent au-dessus de la latitude 10°N pendant la période de transition qui précède la saison des pluies. Durant cette période, le flux de chaleur sensible est fort, la couche limite est relativement haute et sèche (Gounou et al., 2012) et le cisaillement de vent est raisonnablement fort. La rotation des dust devils est observée aussi bien dans le sens cyclonique qu’anticyclonique. La force de Coriolis étant faible et la taille horizontale des dust devils petite, ils apparaissent pour de très fortes valeurs du nombre de Rossby, pour lesquels les effets de la rotation planétaire sont négligeables.

4.1.2.3 Le bilan énergétique de la surface des zones climatiques ouest-africaines

320

320

315

315

310

310 𝜃 (K)

𝜃 (K)

Le chapitre 1 décrit les structures de grande échelle de certains des termes du bilan d’énergie à la surface en Afrique de l’Ouest et leurs variations suivant la période de l’année. Ces structures saisonnières et géographiques conduisent à des types de météorologie locale bien distincts. La Figure 4.3 montre le cycle diurne moyen de la température à 2 m pour quatre sites ouest africains, durant la pré-mousson en juin, et pendant la mousson en août.

305

305

300

300

295

295

290 0000

1200

2400 Time (UTC)

1200

0000

290 0000

1200

2400

1200

0000

Time (UTC)

 Figure 4.3  Cycle diurne de la température potentielle à 2 m en juin (graphique de gauche) et en août (graphique de droite) aux stations d’Agadez (ligne noire, 17°N), Niamey (ligne rouge, 13,5°N), Parakou (ligne verte, 9,5°N) et Cotonou (ligne bleue, 6,5°N). Pour une meilleure visualisation, deux cycles diurnes sont juxtaposés. Les traits pleins correspondent aux données de l’année 2006 (en moyenne sur les périodes du 20 au 30 juin et du 1er au 15 août) et les pointillés aux cycles diurnes mensuels de juin et août moyennés sur la période 20052008. Source : Gounou et al. (2012). Reproduit avec l’autorisation de Springer.

235

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Pendant la période de pré-mousson, aux stations les plus au Nord d’Agadez et Niamey, l’air est relativement sec, et la couverture nuageuse assez faible. Il en résulte un chauffage diurne et un refroidissement radiatif infrarouge nocturne tous deux relativement forts, et donc une plus grande amplitude du cycle diurne de la température à 2 mètres 2. Inversement, aux stations situées plus au sud, la couverture nuageuse plus développée, l’atmosphère plus humide (avec des contenus en eau précipitable, PW (pour Precipitable Water en anglais), relativement élevés), ainsi que la fraction évaporative de la surface plus grande, du fait notamment d’un couvert végétal plus important, conduisent à une amplitude réduite du cycle diurne de la température. À Agadez et Niamey en juin, la température augmente rapidement pendant la matinée, puis plus lentement en début d’après-midi, lorsque le chauffage se répartit sur une couche limite qui est alors très épaisse. À Parakou et Cotonou, ainsi qu’à Niamey en août, la température augmente plus linéairement pendant la matinée et baisse plus lentement dans l’après-midi ; à Parakou, les températures sont même plus élevées à 1800 UTC qu’à 1500 UTC. À Cotonou, les effets de la brise de mer dominent pendant l’après-midi.

4.1.2.4 Variations du bilan d’énergie de la surface et de la température à la surface en réponse aux processus physiques 4.1.2.4.1 Couverture nuageuse Considérons tout d’abord une journée nuageuse suivie d’une nuit nuageuse. Le rayonnement solaire incident est atténué par la couverture nuageuse du fait de l’absorption et de la diffusion du rayonnement par les nuages, entraînant une diminution des températures maximales. La nuit, les nuages absorbent une partie du rayonnement infrarouge ascendant et en réémettent vers la surface terrestre, ce qui tend à réchauffer la surface et donc à augmenter les températures minimales. Un tel scénario conduit à une moindre amplitude du cycle diurne de la température et serait typiquement associé à une cellule de haute pression de la surface jusqu’à 850 hPa. Considérons maintenant une journée sans nuages, suivie d’une nuit sans nuages. Durant la journée, le rayonnement solaire atteignant la surface est maximum. La nuit, le rayonnement infrarouge se propage facilement vers l’atmosphère et les températures maximales seront donc plus fortes le jour et les températures minimales plus basses au petit matin, soit une grande amplitude du cycle diurne de la température. Il faut cependant tenir compte du fait que si l’air est très humide, les nuages ont moins d’influence sur le refroidissement nocturne puisque la vapeur d’eau atmosphérique limite également le refroidissement nocturne en conditions de ciel clair. La couverture nuageuse a donc un impact plus important sur la température nocturne quand l’eau précipitable est inférieure à 20 kg m–2 (Stephens et al., 2012).

2. Plus tôt dans l’année, lorsque l’atmosphère est encore plus sèche, l’amplitude diurne des fluctuations de température à ces stations est encore plus grande.

236

4. Météorologie locale

La Figure 1.10 illustre ce point. Elle montre le plus fort impact de la couverture nuageuse sur le refroidissement nocturne dans les zones A et B du système de mousson (Figure 1.1), au nord et juste au sud du front inter-tropical (FIT, en anglais ITD pour Inter-Tropical Discontinuity).

4.1.2.4.2 Types de temps Lorsque les orages précèdent l’heure du maximum de température, ils ont un impact important sur la température. Durant plusieurs heures après le passage d’une ligne de grains, l’air froid amené à la surface par les courants descendants de méso-échelle et la couverture nuageuse réduisent le rayonnement solaire arrivant à la surface. Ensuite, pendant plusieurs heures, la pluie qui vient de tomber a un impact direct sur la température : elle modifie le flux dans le sol et sa capacité calorifique (limitant le changement de température de surface pour un chauffage solaire donné), diminue le rapport de Bowen (ou de manière équivalente augmente la fraction évaporative), et réduit le flux de chaleur sensible. De ce fait, une augmentation de l’intensité d’un événement de pluies induit une réduction notable de la valeur du maximum de température ; on observe couramment des baisses de 2 à 4 °C après un événement précipitant. Lorsque les précipitations cessent en soirée, le refroidissement de la surface continue, conduisant à des températures minimales plus basses au petit matin. La nuit, les températures minimales sont très influencées par l’intensité du vent, surtout en région aride où les inversions de température nocturne en basses couches peuvent être importantes. Les vents forts génèrent de la turbulence qui tend à détruire l’inversion par mélange, en soulevant l’air froid en surface et en ramenant de l’air plus chaud près de la surface. Par exemple, l’analyse des données SYNOP de Bilma montre que lorsque le vent est pratiquement nul, des températures très basses, de l’ordre de 0 à 5 °C, sont observées, alors que des vents faibles de 2 à 10 nœuds peuvent augmenter les températures minimales nocturnes de 5 à 10 °C. 4.1.2.4.3 Poussières Le rayonnement solaire incident est atténué par les particules de poussières, via la diffusion. Deux facteurs importants sont à prendre en compte : la concentration et l’épaisseur de la couche de poussières. Pendant les épisodes de brume sèche d’Harmattan, les concentrations en poussières désertiques sont généralement fortes sur des épaisseurs de l’ordre de 1 000 à 3 000 m sur la verticale. Dans ces conditions, la température maximale de la journée peut être réduite de 2 à 5 °C par rapport à la température de la veille. Inversement, la température minimale peut augmenter de 1 à 2 °C, car les poussières désertiques absorbent également le rayonnement infrarouge, agissant de manière similaire à des nuages. Il faut noter que les événements de poussières s’accompagnent généralement de changements de la température synoptique ou de méso-échelle : les poussières sont souvent soulevées puis transportées par des événements météorologiques notables. Par exemple, les poussières peuvent être soulevées par le courant de densité (density courant ou cold-pool en anglais) d’un orage convectif, qui amène de l’air froid avec les poussières. Cet air peut aussi être humide, ce qui tend à augmenter les températures 237

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

minimales. Par contre, lorsque les poussières sont générées par des dépressions des moyennes latitudes (voir les sections 2.1.4 et 5.1.2), une advection d’air froid suit le passage du thalweg, même si les poussières sont en train de se disperser. Il n’est donc pas si simple d’utiliser des observations pour établir des règles claires concernant l’effet des poussières sur les températures de surface puisque les événements de poussières sont souvent accompagnés de changements synoptiques ou de méso-échelle qui masquent les effets radiatifs des poussières sur le bilan d’énergie à la surface. La génération actuelle des modèles de prévision numérique du temps (PNT, en anglais NWP pour Numerical Weather Prediction) considère les valeurs saisonnières de la concentration en poussières, mais ignore les interactions avec les poussières. Ces modèles de PNT ne représentent donc pas les effets radiatifs des événements très chargés en poussières sur les températures de surface. Cependant, des modèles de soulèvement de poussières commencent à être utilisés en mode recherche et vont probablement devenir opérationnels dans les prochaines années. Milton et al. (2008) ont évalué des simulations de modèles de prévision numérique du temps avec ou sans poussières interactives en les comparant aux mesures de surface de la station AMMA/RADAGAST 3 déployée au sein de la ARM 4 Mobile Facility en 2006 (Miller et Slingo, 2007) lors de l’événement de poussières très intense du 8 mars 2006 à Niamey. Ils montrent que cet événement a entraîné une réduction du flux solaire à la surface d’environ 200 W m–2, mais une bien plus faible augmentation du flux infrarouge net. Les températures de surface diurnes ont fortement baissé du fait de l’advection d’air froid associé à l’événement ; mais elles étaient aussi 3 °C plus basses dans les observations que dans les simulations n’utilisant pas un modèle de soulèvement de poussières. Ce résultat fournit un ordre de grandeur typique de l’impact radiatif attendu des poussières sur les températures de surface.

4.1.2.4.4 Type de surface et humidité du sol Typiquement, on observe au-dessus des surfaces rocheuses et sombres (i.e. qui ont un faible albédo) les plus fortes températures maximales diurnes, du fait de la forte absorption du rayonnement solaire par la surface. Dans les régions où la végétation est éparse, l’humidité du sol peut avoir une forte influence sur les températures de surface et en particulier sur les maxima. L’humidité du sol tend en effet à assombrir une surface de sol nu, réduisant son albédo et augmentant ainsi la quantité d’énergie solaire absorbée par la surface. Cependant, cet effet est souvent transitoire au Sahel (de un à deux jours environ) car la couche de sol superficielle s’assèche rapidement après un événement pluvieux et pour un sol humide, l’effet net sur le bilan d’énergie de la surface est une diminution de la température de surface principalement causée par une augmentation de la fraction évaporative. Le flux de chaleur turbulent vers l’atmosphère est en effet dominé par le flux de chaleur latente pour un sol humide ; le flux de chaleur sensible est plus 3.  African Monsoon Multidisciplinary Analysis / Radiative Atmospheric Divergence using ARM Mobile Facility, GERB data and AMMA Stations. 4.  Atmospheric Radiation Measurement.

238

4. Météorologie locale

faible et la température atmosphérique augmente donc plus lentement. La capacité calorifique d’un sol humide a aussi tendance à être plus élevée, ce qui conduit à une augmentation plus lente de la température pour une quantité donnée de chaleur reçue (Équation 4.8). Les effets de l’humidité du sol sont particulièrement marqués dans les zones semiarides du Sahel, typiquement au Nord de 12,5°N, où il n’y a que peu d’arbres aux racines profondes et beaucoup de sol nu. On pense que ces effets sont particulièrement importants au début de la saison des pluies, quand il y a encore peu d’humidité dans les couches profondes du sol. La Figure 4.4 présente les flux de surface mesurés à deux stations proches de Niamey (13,6°N, 2.2°E) pendant plusieurs jours début juillet 2006. On peut voir que durant le ou les deux jours suivant un événement pluvieux, les flux de chaleur latente atteignent des valeurs de 200 ou 300 W m–2 contre quelques dizaines de W m–2 avant la pluie, tandis que les flux de chaleur sensible sont réduits d’un facteur 3 ou 4 après la pluie. Les deux graphes du bas de la Figure 4.4 illustrent qu’à quelques dizaines de kilomètres de distance, des bilans d’énergie de la surface très différents peuvent être observés. 0 20

200

(mm)

(W.m–2)

300

100

40

0 1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

60

(W.m–2)

200

20

100

40

(mm)

0

300

0 1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

60 0

300

10 100

(mm)

(W.m–2)

5 200

15 0 1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

20

 Figure 4.4  Variabilité spatio-temporelle des flux de chaleur à la surface observés au voisinage de Niamey : l’axe horizontal indique les jours de juillet 2006. Les deux figures du haut présentent une série temporelle des flux chaleur latente (en bleu) et sensible (en rouge) à Wankama avec les événements précipitants indiqués par des barres bleues. La figure du bas présente les flux de chaleur sensible à Banizoumbou, à quelques dizaines de kilomètres de Wankama. Source : Guichard et al. (2012), reproduit avec l’autorisation de La Météorologie.

239

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Les observations aéroportées conduites durant les périodes spéciales d’observations d’AMMA en 2006 autour de Niamey ont fourni de nouvelles informations sur la réponse de la surface et de l’atmosphère à des variations d’humidité du sol. Les mesures de températures de surface, réalisées avec des caméras infrarouges, suggèrent des contrastes de températures de l’ordre de 8 °C entre deux surfaces proches, suivant qu’elle est humide ou sèche et des différences de températures dans la couche limite de l’ordre de 4 °C à 200 m d’altitude environ (Taylor et al., 2007). À partir de ces « survols synoptiques », on peut raisonnablement déduire que les températures maximales à 2 m peuvent être réduites de 4 à 8 °C sur une surface humide relativement à une surface sèche voisine. Ces effets sont importants sur des distances très courtes, la distance minimale étant d’environ 10 km. Des différences encore plus importantes sur la température à 2 m ont été documentées par Schwendike et al. (2010) pour des cas d’étude ; ils observent une baisse de 10 °C d’un jour à l’autre causée par une augmentation de l’humidité du sol faisant suite au passage d’un système convectif de méso-échelle (MCS pour Mesoscale Convective System en anglais) sur le site de Dano au Burkina Faso (11,2°N, 3,1°W). On observe généralement une réponse à la pluie de la température moyenne journalière à 2 m plus faible avec des données de stations de surface, probablement parce que les moyennes des données de stations intègrent également des changements synoptiques et de la couverture nuageuse d’un jour à l’autre (Figure 4.5).

(Deg C)

30 29 28 60 27

D–3

D–2

D–1

D Day

D+1

D+2

D+3

Rainfall per event (mm)

Agouf T2m

0

 Figure 4.5  Événements précipitants (> 5 mm) et composite de la température à 2 m sur la période 2002-2006 observée à Agoufou (15,3°N, 1,6°W) situé sur le site Hombori du réseau AMMA-CATCH.

Dans les régions densément peuplées d’arbres à racines profondes, on pense que les effets de l’humidité du sol sur les températures de surface ne sont pas aussi marqués, car les arbres permettent de maintenir des taux significatifs d’évaporation durant plusieurs jours après un événement pluvieux, lorsque la partie supérieure du sol s’est asséchée.

240

4. Météorologie locale

4.1.2.4.5 Végétation La végétation module également la température de l’environnement de manière significative. Elle augmente l’évapotranspiration, surtout lorsque des arbres permettent de puiser plus profondément de l’eau dans le sol (via leurs racines). L’augmentation de l’évapotranspiration dans les régions végétalisées augmente le flux de chaleur latente, ce qui induit une diminution du flux de chaleur sensible, via le bilan d’énergie de la surface, et conduit à une atmosphère plus fraîche. La végétation joue un rôle particulièrement important sur le bilan d’énergie de la surface et les températures de surface dans les régions qui connaissent des stress hydriques, telles le Sahel. Timouk et al. (2009) présentent des comparaisons du flux chaleur sensible H pour différents types de végétation sur le site méso-échelle du Gourma au Mali (15-17°N) faisant partie du réseau AMMA-CATCH. Pendant la saison des pluies, en moyenne journalière, la valeur maximale de H atteint seulement autour de 30 W m–2 au-dessus d’une forêt, contre environ 100 W m–2 pour de la savane, 200 W m–2 pour une zone semi-désertique et 300 W m–2 pour un sol nu. Ces différences ne sont pas liées au bilan radiatif, qui a un effet opposé (Rnet est plus fort sur la forêt que sur le sol nu du fait d’un albédo plus bas sur la forêt). Elles sont liées au fait que sur les zones végétalisées, le flux de chaleur sensible est considérablement réduit, via une augmentation de la fraction évaporative. Les arbres ayant des racines profondes ont accès à l’eau présente dans des couches de sol plus profondes, ils ont donc un impact plus important sur l’évapotranspiration que les herbacées. Des mesures aéroportées réalisées au Bénin au-dessus d’une zone où la végétation est hétérogène indiquent que dans cette zone climatique, les températures dans la couche limite chutent d’environ 1 °C au-dessus de forêts par rapport aux zones cultivées voisines (Garcia-Carreras et al., 2010), et des effets plus sensibles sur la température à 2 m sont attendus. Dans les zones sud de l’Afrique de l’Ouest, sur les surfaces végétalisées, le dépôt nocturne de rosée peut être appréciable et capable d’influencer le bilan d’énergie de la surface du jour suivant, via le surplus d’eau qu’il apporte pour l’évapotranspiration. De cette manière, une augmentation de l’humidité de l’air dans la zone B, juste au sud du FIT (Figure 1.1), peut renforcer l’évaporation et le flux de chaleur latente, quand le FIT avance vers le nord juste avant le saut de mousson. 4.1.2.4.6 Températures urbaines Dans la plupart des régions du monde, ce que l’on appelle l’îlot de chaleur urbain est causé au premier ordre par la relative sécheresse de la surface dans les villes, l’évapotranspiration est donc faible et la majeure partie de l’énergie disponible est transformée en flux de chaleur sensible et en chauffage des matériaux à la surface. La nuit, la plus grande rugosité de la surface urbaine (par rapport à des surfaces typiques des zones rurales) renforce la turbulence et conduit donc à des inversions nocturnes moins marquées au-dessus des villes que des zones rurales.

241

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

On ne dispose pas des preuves quantitatives de ces effets pour la plupart des villes d’Afrique de l’Ouest, mais on s’attend à ce qu’ils entraînent une augmentation de l’ordre de 2 à 3 °C de la température en ville par rapport aux zones rurales environnantes. Cependant, un « îlot de fraîcheur nocturne » peut aussi exister dans les secteurs végétalisés des villes sahéliennes. Lindén (2010) montre à partir d’observations réalisées à Ouagadougou pendant la saison sèche des différences de température nocturne entre les zones bâties et les zones très végétalisées atteignant 7 °C, les zones bâties étant plus chaudes de 2 °C que les zones rurales et les zones végétalisées plus froides de 5 °C. Ces résultats sont sans doute liés au fait que, pendant la saison sèche, dans les zones rurales du Sahel, le bilan d’énergie de la surface est dominé par le flux de chaleur sensible avec un rapport de Bowen proche de celui des zones bâties. Ainsi, les contrastes sont plus grands entre zones bâties et zones végétalisées qu’entre zones rurales et zones urbaines. Durant la saison des pluies ainsi que dans les pays du Sud où les zones rurales sont plus végétalisées même pendant la saison sèche, on s’attend à un effet d’îlot de chaleur urbain dominant, comme dans la plupart des régions du monde mais nous n’avons pas connaissance de preuves de ce phénomène.

4.1.3

Le cycle diurne de la couche limite en Afrique de l’Ouest

Le vent synoptique est plutôt modéré dans la plupart des régions tropicales. De ce fait, les sources et les puits de turbulence dans la couche limite sont très contraints par le cycle diurne qui génère un réchauffement de la surface le jour et un refroidissement la nuit. Cette alternance modifie de manière extrêmement différenciée les caractéristiques de la couche de surface et de la couche limite entre la nuit et le jour, en termes de vent, de température et d’humidité.

4.1.3.1 La couche limite convective diurne Pendant la journée, au-dessus des surfaces continentales, la CLP est caractérisée par des flux de chaleur turbulents positifs en surface (dirigés vers le haut), une couche de surface instable de 30 à 50 m d’épaisseur et une couche limite épaisse, bien mélangée par la turbulence thermique – on l’appelle la couche limite convective (CLC, en anglais CBL pour Convective Boundary Layer). Son épaisseur est typiquement de 1 à 2 km dans l’après-midi. Elle est parfois « coiffée » à son sommet par de petits cumulus ou des cumulus congestus plus épais. Au-dessus du Sahara, l’épaisseur de la CLC peut atteindre 5 km – probablement le record mondial en termes d’épaisseur de couche limite. La couche limite est surmontée d’une couche stable, dont elle peut être séparée par une couche d’inversion de température (où la température croît avec l’altitude). C’est dans cette couche d’inversion que se développent les petits cumulus et les cumulus congestus (Figure 4.6).

242

4. Météorologie locale

(a)

(c)

(b)

(c)

 Figure 4.6  Photos de nuages convectifs : (a) petits cumulus (cumulus humilis) observés à Niamey ; (b) cumulus congestus observés depuis l‘avion de recherche UK BAE146 pendant AMMA, avec des cumulonimbus plus profonds en arrièreplan ; (c) cumulus précipitant isolé observé dans des conditions troposphériques plus sèches près de Hombori. Photos de Douglas Parker (a) et (b), et de Françoise Guichard (c).

La température potentielle est quasiment constante dans la couche de mélange dont le sommet est marqué par une inversion de température qui agit un peu comme un « couvercle » en limitant les échanges avec la troposphère libre. La turbulence convective opère un mélange vertical dans la couche limite, y compris un mélange du vent. De ce fait, en dehors des situations de convection profonde, l’advection horizontale de chaleur est plutôt faible pendant la journée 5 (ce qui constitue une différence avec le régime nocturne décrit au paragraphe 4.1.3.2). Du fait de ces faibles valeurs de réchauffement ou de refroidissement par advection, on peut 5.  Des exceptions à ces conditions existent à proximité de régions de forts gradients horizontaux de température, par exemple à proximité du FIT ou au sein des zones affectées par les ondes d’est, comme éventuellement en début de matinée, lorsque le jet nocturne est mélangé jusqu’à la surface via la croissance de la couche limite convective – voir section 4.1.3.2.

243

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

utiliser un modèle unidimensionnel vertical pour calculer l’évolution de l’épaisseur de la couche limite pendant la journée. Ce modèle a été développé dans les articles de Betts (1973), Carson (1973) et Tennekes (1973). Il considère le bilan d’énergie de la surface et utilise une estimation simple de l’entraînement au niveau de la couche d’inversion. Ce modèle a fait ses preuves pour estimer la hauteur de la couche limite, sa température et son humidité, et permet d’apporter des informations sur la couverture nuageuse (Haiden, 1997). Le modèle part de l’hypothèse que le matin, la CLC se développe dans un environnement (la basse troposphère) stable où le gradient vertical de température γ est constant. On suppose que le profil de température de la CLC présente une forte inversion à son sommet (un saut de température potentielle), comme sur la Figure 4.7. La couche limite convective s’épaissit progressivement sous l’effet de la turbulence qui ramène de l’air depuis la troposphère libre jusque dans la CLC. Cet air troposphérique est plus chaud que celui de la CLC, ce qui génère un flux de chaleur dirigé vers le bas au sommet de couche limite. On suppose dans ce modèle que ce flux d’entraînement est proportionnel au flux de chaleur à la surface (avec un facteur de proportionnalité A). Pour calculer h, l’altitude du sommet de la CLC, et θ, sa température potentielle, à l’instant t, on ajoute ce flux d’entraînement à la quantité d’air troposphérique injectée via la croissance de la couche mélangée, au fur et à mesure de son développement. On obtient une expression quadratique dans laquelle h est proportionnel à la racine carrée du cumul (du matin jusqu’à l’instant t) du flux de chaleur sensible en surface :

h 2 = h02 +

2 (1 + 2 A) t H (t ′) dt ′ ρ c pγ ∫t0

(4.12)

On peut aussi en déduire l’expression de la température de la couche mélangée :

θ = θ 0 + γ (h − h0 )

1+ A 1+ 2A

(4.13)

où ho est la hauteur initiale de la couche de mélange à l’instant to. En pratique, on trouve que la valeur du coefficient d’entraînement A varie entre 0,2 et 0,4, les plus fortes valeurs étant probablement associées à des couches limites nuageuses. Les Équations 4.12 et 4.13 ne sont pas particulièrement sensibles aux variations de A dans cet intervalle 0,2-0,4. Ces Équations 4.12 et 4.13 constituent une bonne approximation du développement de la couche limite en Afrique de l’Ouest tout particulièrement dans le contexte de l’écoulement méridien de la mousson. En effet, la nuit, cet écoulement amène de l’air frais venant du sud dans les plus basses couches et s’accompagne d’un courant de retour plus chaud au-dessus ; ces circulations ont donc tendance à stabiliser la couche limite la nuit (Parker et al., 2005b). Par conséquent, chaque matin, la couche limite convective se développe dans un environnement plutôt stable. Le modèle de développement de couche limite décrit précédemment est donc bien adapté pour décrire la croissance typique de ce type de CLP. Étant donné que h augmente avec la racine carrée des termes de droite dans l’Équation 4.12, c’est en

244

4. Météorologie locale

fin de matinée que le développement (ou croissance) de la couche limite est plus rapide, quand la couche limite est encore peu épaisse et que le flux de chaleur sensible commence à être fort. Dans l’après-midi, lorsque la couche limite est plus épaisse, le développement se ralentit – le réchauffement de la couche limite est aussi moins important, car la chaleur se répartit sur une plus grande épaisseur. Au nord de la région, dans la « zone B » de la cellule de mousson, il est fréquent que la couche limite s’élève jusqu’à la couche d’air saharien (la SAL en anglais pour Saharan Air Layer), qui est sèche et proche de la neutralité (i.e. la stabilité γ est faible dans l’Équation 4.12). La couche limite peut alors continuer à se développer, très rapidement (car γ est faible). Gounou et al. (2012) présentent une synthèse utile du développement des couches limites dans des zones climatiques différentes de l’Afrique de l’Ouest, synthèse qui a été établie à partir des données des radiosondages de la campagne de mesures AMMA (Figure 4.3). Leurs résultats confortent ces conclusions générales. Height, z

Gradient, γ

z = h(t)

Δθ

θ(t)

Potential temperature, θ

 Figure 4.7  Schéma conceptuel du modèle « bulk » (terme anglais qui signifie ici que le modèle considère les variables de la couche mélangée en moyenne sur la verticale) aboutissant au système d’équations 4.12 et 4.13. La CLC mélangée a une température potentielle θ constante jusqu’à l’altitude z = h où se produit un saut de température. Au-dessus, la stratification γ = dθ/dz est constante et stable. h et θ augmentent au fur et à mesure que la CLC se réchauffe via le flux de chaleur sensible à la surface.

Les Équations 4.12 et 4.13 permettent aussi d’estimer l’influence de certains facteurs météorologiques sur l’état de couche de mélange. Par exemple, si l’on suppose que ho est très petit, une diminution de 50 % du flux de chaleur sensible à la surface

245

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

(par exemple associée à une augmentation du flux d’évaporation) telle qu’on peut la voir sur la Figure 4.4, conduit à une diminution de 30 % de la hauteur de la couche limite et à une réduction de 30 % de la température potentielle de la couche de mélange. La modification du contenu en la vapeur d’eau de la couche limite en réponse au réchauffement à la surface est plus compliquée, car elle dépend de l’entraînement de l’air sec de la troposphère libre dans les couches supérieures de la couche de mélange (Betts et Ball, 1995). En Afrique de l’Ouest, l’air pénétrant dans la couche de mélange peut être extrêmement sec s’il provient du Sahara. Quand le rapport de Bowen est fort (flux de chaleur sensible élevé), les couches limites sont plus épaisses, plus chaudes et plus sèches. Quand il est faible (flux de chaleur latente élevé), les couches limites sont moins épaisses, plus fraîches et plus humides et le niveau de condensation par ascension, nommé LCL (pour Lifting Condensation Level en anglais) est plus bas. Pour un flux de chaleur total donné, le flux de température potentielle équivalente, θe, est indépendant de la valeur du rapport de Bowen. Il est d’ordinaire plus faible pour les surfaces chaudes et sèches que pour les surfaces humides (à cause de l’entraînement d’air sec des couches supérieures). Comme l’énergie potentielle convective disponible, traditionnellement appelée CAPE (pour Convective Available Potential Energy en anglais), dépend étroitement de la température θe de la couche de mélange (Williams et Renno, 1993 ; Parker, 2002), la probabilité d’occurrence des nuages convectifs n’est pas la même sur une surface chaude et sèche (CAPE faible) que sur une surface froide et humide (CAPE élevée). Cependant, comme on le verra dans la section 4.1.5.2, la convection profonde ne dépend pas seulement de la CAPE mais aussi de l’inhibition convective, autrement désignée par l’acronyme CIN (pour Convective Inhibition en anglais), du LCL et des circulations de mésoéchelle générées par les hétérogénéités de température dans les basses couches. En général, on trouve que les cumulus et les cumulonimbus se développent préférentiellement sur le côté chaud de la limite séparant une surface chaude et sèche d’une surface froide et humide (section 4.1.5.2). Le jet d’est africain (JEA, en anglais AEJ pour African Easterly Jet) peut être considéré comme une certaine mesure du gradient de température entre la côte du golfe de Guinée et le Sahara, suite à la relation du vent thermique (Holton, 1979 ; Cook, 1999 ; Parker et al., 2005a). Ce gradient de température sud-nord est à l’origine du cisaillement de vent vertical entre le flux de mousson de sud-ouest près de la surface et le JEA qui est maximum vers 600-700 hPa. La couche limite se développe dans cette zone de cisaillement. À Niamey, son sommet atteint typiquement 1 000 à 2 000 m (~ 850 hPa) dans l’après-midi pendant la mousson en été, et 2 000 à 3 000 m (~ 750 hPa) pendant la période de pré-mousson (Gounou et al., 2012). Par conséquent, dans l’après-midi, la turbulence de couche limite mélange les quantités de mouvement du flux de mousson et du JEA, en particulier dans la zone située au nord du cœur du JEA. Dans cette région plus au nord, qui correspond à la zone B de la Figure 1.1, ce mélange peut conduire à un vent de nord-est près de la surface dans l’après-midi (Hamilton et Archbold, 1945).

246

4. Météorologie locale

Les profils de vent dans la couche limite diurne sont traditionnellement décrits, au moins qualitativement, avec le modèle de la « couche d’Ekman », dans lequel la force de Coriolis équilibre le gradient de pression et la traînée turbulente, liée au frottement du vent à la surface. La solution d’Ekman classique est la suivante :

u = u g (1 − e − z /δ cos ( z / δ )) − v g e − z /δ sin ( z / δ ) v = v g (1 − e − z /δ cos ( z / δ )) − u g e − z /δ sin ( z / δ )



(4.14)



(u g , v g ) = ρ1f

 −∂p , ∂p  (4.15)  dy dx   

est le vent géostrophique et δ, l’échelle de longueur d’Ekman définie par

δ=

2K (4.16) f

où K est la diffusivité turbulente. On peut facilement adapter ce modèle à un profil linéaire de vent géostrophique,

,0 (u g , v g ) = (u g 0 + z du dz )

(4.17)

pour tenir compte du cisaillement de vent sous le JEA. Le vent géostrophique à la surface, Ug0, peut atteindre des valeurs étonnamment fortes à ces basses latitudes, soit 20 à 30 m s–1 à cause de la faible valeur du paramètre de Coriolis, f. La solution de ce modèle (Équations 4.14 et 4.17) est illustrée par la Figure 4.8 avec un exemple de profil observé (un sondage de la campagne AMMA à Niamey en 2006). Dans cet exemple, en surface, le vent géostrophique est de 15 m s–1 et d’ouest tandis qu’à une altitude de 3 km, le JEA est de 15 m s–1 et de sens opposé. Les courbes obtenues avec ce modèle présentent plusieurs caractéristiques qui ne sont pas représentées par le modèle d’Ekman classique (« spirale d’Ekman »). En particulier, alors que le vent dans la partie basse de la couche limite est à gauche du vent géostrophique à la surface, l’hodographe a tendance à changer de sens, jusqu’à un niveau où le vent géostrophique ug s’annule et où u et v reviennent à 0. De ce fait, le vent dans la partie basse de la couche limite présente un maximum entre 500 et 1 000 m avec une direction de sud-ouest. De plus, si l’épaisseur de la couche limite dépasse ce niveau où ug = 0, et que l’échelle de longueur d’Ekman δ est du même ordre de grandeur ou plus grande que ce niveau, on observe du vent de nord en haut de la couche d’Ekman, puisque ug est alors un vent d’est.

247

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

4

2

0 –10

–5

0

5

–2

–4

 Figure 4.8  Hodographe du vecteur vent (u,v) de la solution d’Ekman modifié suivant l’Équation 4.14, pour un vent géostrophique d’ouest de 15 m s–1, et un JEA de 15 m s–1 à une altitude de 3 km. Les deux courbes montrent les solutions obtenues pour une échelle d’altitude δ = 500 m (rouge) et 1 500 m (bleue). Par définition, (u,v) = 0 à la surface pour chacune de ces deux solutions. L’altitude est suivie par une croix tracée tous les 200 m en partant de la surface – notez la direction du vent, de sud-ouest et quasi constante sur les 200-300 premiers mètres, et le maximum de vent dans la partie basse de la couche limite situé vers 400-500 m d’altitude. La courbe noire en trait fin montre l’hodographe du sondage de Niamey à 1200 UTC le 21 juin 2006.

4.1.3.2 La couche limite nocturne En fin d’après-midi, généralement avant le coucher de soleil, lorsque le chauffage solaire décroît rapidement, le flux de chaleur sensible en surface H décroît pour s’annuler, suite au fort refroidissement radiatif infrarouge et au flux de chaleur dans le sol (Équations 4.3 et 4.9). Timouk et al. (2009) montrent par exemple que H peut décroître jusqu’à zéro dès 15 h 00 UTC au-dessus d’une forêt au Sahel. Par la suite, la couche limite de surface, initialement instable, se stabilise rapidement et la température diminue en surface. Au coucher du soleil, lorsque la couche de surface se stabilise, la turbulence de couche limite devient très vite beaucoup plus ténue. Par conséquent, les mouvements turbulents qui ont affaibli le vent pendant la journée diminuent rapidement. Lorsque l’équilibre entre la force liée au gradient de pression, la force de frottement et la force de Coriolis (assez faible) est rompu, les vents peuvent se renforcer suivant la direction du gradient de pression. Cette accélération génère souvent un jet nocturne dans la partie basse de la couche limite, à environ 300 m de hauteur par rapport au sol. Le jet nocturne est un phénomène qui est observé dans de nombreuses régions du monde, notamment celles où la couche limite convective en journée est épaisse et où un gradient de pression est présent à grande échelle.

248

4. Météorologie locale

Le jet nocturne est décrit mathématiquement par le modèle de Blackadar (1957), sous l’hypothèse d’homogénéité horizontale, pour un écoulement non visqueux, dans lequel les composantes du vent horizontal, u et v, varient uniquement avec l’altitude, et le gradient de pression horizontal à grande échelle est constant dans le temps. Les équations du mouvement horizontal peuvent alors s’écrire, à partir du vent géostrophique : du dv − fv = − fv g     + fu = fu g dt dt



(4.18)

Ces équations peuvent aussi s’écrire en termes de vent agéostrophique (ua,va) : dua dv − fv a = 0    a + fua = 0 dt dt



(4.19)

La solution de l’Équation 4.18 est une « oscillation inertielle » de période 2p/f des vents, autour du vecteur vent géostrophique (voir la Figure 4.9). 25

20

15

4

6

2 0

10 22 5

20 (ug,vg)

18 0 0

5

10

15

20

25

30

–5

 Figure 4.9  (a) Hodographe du vecteur vent (u,v) montrant un exemple de solution de l’Équation 4.19 pour une oscillation inertielle du vent nocturne, avec le vecteur vent en bleu toutes les 2 heures en heure locale, en partant de l’hypothèse d’un début d’oscillation à 1800 UTC. Le vent géostrophique est indiqué par la flèche rouge.

Le modèle idéalisé de Blackadar (1957) est compliqué par la présence d’un gradient nord-sud de température à grande échelle dans le système de mousson (comme discuté par Ràcz et Smith (1999) dans le contexte de la dépression thermique australienne), si bien qu’à l’échelle du continent, le jet nocturne fait aussi partie d’une circulation thermique directe composée (i) d’un courant de basses couches

249

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

qui advecte de l’air plus froid au nord, vers la dépression saharienne où l’air chaud désertique s’élève (par conservation de la masse) et (ii) d’un courant de retour en altitude qui transporte l’air chaud et sec vers le sud. Localement, le jet nocturne a aussi certaines des caractéristiques d’un courant de densité, et présente ainsi parfois un front sur son bord d’attaque, par exemple au niveau du FIT (Bou Karam et al., 2008 ; Burton et al., 2013). Les processus physiques intervenant dans la dynamique du jet nocturne sont subtils, et des observations détaillées manquent encore. Il semble que, parfois, la turbulence dans la couche limite nocturne (CLN, en anglais NBL pour Night-time Boundary Layer ou Nocturnal Boundary Layer) reste très faible pendant des heures, et le jet nocturne pourrait dans ce cas être « découplé » de la surface, et donc peu affecté par la friction de surface. Ce découplage se produit très communément la nuit, et les vents en surface sont alors très faibles : il peut ainsi n’y avoir aucune signature en surface de l’occurrence de vents assez forts dans le jet de la CLN, vers 300 ou 400 m d’altitude (Lothon et al., 2008). Cependant, il faut aussi considérer le fait que l’accélération du vent génère une augmentation du cisaillement de vent, qui tend alors à devenir instable. Ainsi, la CLN représente un équilibre entre le refroidissement de la surface, qui a tendance à stabiliser le profil de vent (et réduire la turbulence), et l’accélération du vent qui déstabilise le profil et génère de la turbulence d’origine dynamique. Dans cet environnement, la turbulence a tendance à être intermittente (avec des brefs épisodes de rafales turbulentes, entrecoupés de plus longues périodes de calme), et caractérisée par le passage de structures cohérentes (section 4.1.4), telles que des mascarets et des courants de gravité. Bien que la formation du jet nocturne et sa rotation avec le temps durant la nuit soient bien expliquées par la théorie de base de Blackadar (1957), l’évolution des vents sous le jet est moins bien comprise, et il peut y avoir de fortes variations locales dans les vents de basses couches d’une nuit à l’autre. En dessous du jet, le cisaillement peut générer de la turbulence, ce qui tend à réduire la vitesse du vent et peut freiner la rotation du vent pendant la nuit. Par exemple, Bain et al. (2010) ont montré des observations du jet nocturne dans la région d’Hombori au Mali, où au cours de plusieurs nuits, les directions du vent en dessous de 400 m ne tournaient pas dans le temps, et leur orientation était contrôlée par des gradients de pression d’échelles synoptique et locale, qui n’étaient pas bien représentés par les modèles de prévision. Certaines extensions de la théorie de Blackadar (1957) ont été suggérées, qui proposent même une rotation inverse du vecteur vent avec l’altitude (i.e. dans le sens inverse de celui des aiguilles d’une montre, van de Wiel et al., 2010). Ainsi, bien que des oscillations inertielles semblent être observées au-dessus de la couche limite de surface (voir par exemple les observations par ballon à 600 m de Mc Garry et Reed (1978) et Parker et al. (2005b)), il est possible qu’en dessous de 50 m, le vent ne présente pas un cycle de rotation aussi clair pendant la nuit. Le cycle diurne des vents dépend aussi beaucoup de la période de l’année et de la zone climatique considérées. Les analyses de Parker et al. (2005b), Lothon et al. (2008) et Gounou et al. (2012 – voir le Tableau 4.1) indiquent que l’amplitude du cycle diurne des vents de basses couches varie en fonction de la saison et a tendance à être plus élevée dans la « zone B » du système de mousson (Figure 1.1). La zone B est caractérisée

250

4. Météorologie locale

par (i) un fort gradient de température (et par conséquent de pression), d’où un vent géostrophique marqué en basses couches, ainsi que par (ii) un réchauffement élevé le jour qui freine sensiblement le vent en journée. Ces facteurs conduisent à l’initiation du jet nocturne au moment du coucher du soleil (voir la Figure 4.9 : des vents faibles au coucher du soleil entraînent une accélération plus marquée des vents nocturnes). Il a aussi été suggéré qu’au moment du démarrage de la mousson, les jets nocturnes puissants de la zone B jouent un rôle important dans le transport de la vapeur d’eau permettant l’initiation des premières pluies (voir la Figure 1.29).  Tableau 4.1   Fréquence d’occurrence, vitesse maximale et altitude moyennes du jet nocturne à différentes stations en moyenne suivant la saison – les valeurs minimales et maximales sont indiquées entre parenthèses. La SOP-1 a été réalisée en période de pré-mousson, du 20 au 30 juin 2006, et la SOP-2 en pleine période de mousson active du 1er au 15 août 2006. Source : Gounou et al. (2012), reproduit avec l’autorisation de Springer. SOP-1 Fréquence (%) Vitesse (m

SOP-2 s–1)

Altitude (m) Fréquence (%) Vitesse (m s–1) Altitude (m)

Agadez

35

9,9 (5,9 – 15,2)

230 (110 – 370)

80

9,4 (5,2 – 17,0)

260 (130 – 670)

Niamey

60

10,9 (5,1 – 19,0)

320 (90 – 670)

85

8,5 (5,2 – 15,6)

360 (170 – 730)

Parakou

55

8,6 (5,3 – 19,3)

300 (130 – 590)

50

8,1 (6,0 – 12,0)

255 (110 – 430)

À l’évolution saisonnière du jet nocturne s’ajoutent aussi semble-t-il des variations à l’échelle synoptique et à l’échelle intra-saisonnière. Les prévisionnistes des zones soudanaises et de la côte guinéenne tiennent compte des températures et des pressions dans les régions sahariennes et sahéliennes pour prévoir l’intensité des vents nocturnes les jours suivants. Cette relation a été confirmée par Parker et al. (2005b) à partir d’observations : des températures élevées dans ces régions septentrionales (plus au nord) sont associées à des vents nocturnes forts et à un cycle diurne marqué dans les régions méridionales. Le jet nocturne et l’advection de vapeur d’eau qui lui est associée pendant la saison de mousson sont aussi reliés à l’occurrence régulière de nappes de stratus et stratocumulus dans la zone de la côte guinéenne (Schuster et al., 2013 ; voir aussi section 2.1.6). Ces nappes de nuages interagissent avec la stratification de la troposphère, le bilan d’énergie de la surface et la turbulence. Schrage et Fink (2012) soutiennent l’hypothèse que le déclenchement du jet nocturne dans cette région génère de la turbulence sous le jet, turbulence qui mélange la vapeur d’eau sur la verticale, et conduit à la formation d’une couche nuageuse. Le stratocumulus peut avoir une base très basse la nuit, et peut même être associé à du brouillard en altitude. Généralement, il se dissipe entre le milieu de la matinée et le midi, via le mélange opéré par la couche limite convective.

251

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Le cycle diurne typique des vents de basses couches est illustré par la Figure 4.10 sur laquelle on observe de façon récurrente un maximum journalier de vitesse dans les heures précédant l’aube. Un détail à noter également sur cette figure est l’occurrence du maximum de vent en surface dans la matinée, par exemple les 14, 23 et 25 juillet 2006. May (1995) a été le premier à observer cet épisode de maximum de vent en surface en Australie. Il s’explique par le mélange turbulent de la quantité de mouvement dans le jet nocturne opérant un transport vers le bas lors de la croissance matinale de la couche limite convective. Ce phénomène conduit à un maximum de vent en surface en matinée sur de larges étendues. Il peut aussi être à l’origine d’un pic de soulèvement de poussières. 600

25

10 6.3

300

4.0

200

2.5

100

1.6 1 11/07/2006

12/07/2006

13/07/2006

14/07/2006

15/07/2006

16/07/2006

600

25

Height (m)

500

16

400

10

300

6.3 4.0

200

2.5 100 0 16/07/2006

1.6 1 17/07/2006

18/07/2006

19/07/2006

20/07/2006

21/07/2006

22/07/2006

Height (m)

600

25

500

16

400

10 6.3

300

4.0

200

2.5 100 0 22/07/2006

Wind speed (ms–1)

0 10/07/2006

Wind speed (ms–1)

16

400

Wind speed (ms–1)

Height (m)

500

1.6 1 23/07/2006

24/07/2006

25/07/2006

26/07/2006

27/07/2006

28/07/2006

Time (UTC)

 Figure 4.10  Coupe hauteur-temps de la vitesse du vent, en moyenne sur un ensemble de 4 SODAR déployés dans les environs de Niamey, sur la période du 10 au 27 juillet 2006. Source : Abdou et al. (2010), reproduit avec l’autorisation de la Royal Meteorological Society.

252

4. Météorologie locale

En termes de prévision de la météorologie locale, le jet nocturne cause un cisaillement de vent notable qui peut nécessiter une notification auprès des services aéronautiques. Abdou et al. (2010) ont fourni une brève synthèse des différents critères utilisés pour identifier les cisaillements forts associés aux jets nocturnes. À partir de sources aux États-Unis et de pratiques courantes à l’Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique et à Madagascar à Niamey, il semble que la valeur de du / dz = (3 à 5) m s–1 / 100 m = (3 à 5) × 10–2 s–1 (4.20)



soit un ordre de grandeur communément utilisé comme seuil de détection de cisaillement fort, correspondant à un jet nocturne d’environ 10 à 15 m s–1 à 300 m d’altitude (environ 20 à 30 nœuds à 1 000 ft). La Figure 4.11 montre les statistiques diurnes du cisaillement de basses couches (de 30 à 300 m de hauteur), obtenues à partir de SODAR déployés au voisinage de Niamey sur environ 40 jours de l’été 2006. On peut constater que les cisaillements de vent d’intensité modérée à forte sont plus fréquents pendant la nuit, et qu’entre 1800 et 0900 UTC des cisaillements de vent faibles sont fréquemment observés. 100% 8 – 10 m/s/ 100 m 6 – 8 m/s/ 100 m 4 – 6 m/s/ 100 m 2 – 4 m/s/ 100 m 0 – 2 m/s/ 100 m

90% 80%

Frequuency

70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% 00–03

03–06

06–09

09–12

12–15

15–18

18–21

21–24

Time of day/UTC

 Figure 4.11  Fréquence d’occurrence des cisaillements de vents les plus intenses, déduite d’un ensemble de SODAR déployés pour les SOP AMMA dans la région de Niamey de juillet à août 2006 (le pas de temps des données est de 15 min). La classe centrale (4-6 m s–1/100 m) est celle qui serait généralement associée à une notification de cisaillement de vent fort aux pilotes d’avion. À noter que ces observations ne représentent pas une climatologie de cisaillement de vents liés aux cellules convectives, car les SODAR ne fournissent pas de données quand il pleut. Source : Abdou et al. (2010). Reproduit avec l’autorisation de la Royal Meteorological Society.

253

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

On considère généralement que la couche limite nocturne est moins bien comprise que la couche limite convective de la journée, et qu’elle est assez mal représentée dans les modèles de prévision du temps et du climat. Pendant la journée, les caractéristiques de la couche limite convective sont bien décrites par les modèles simples de couche mélangée tels que celui décrit par les Équations 4.12 et 4.13 de la section 4.1.3.1 pour un chauffage par la surface donné. Ainsi la couche limite semble relativement peu sensible aux détails des schémas qui la décrivent dans les modèles. Par contre, pendant la nuit, la structure couche limite nocturne fait intervenir un équilibre délicat entre le refroidissement de la surface qui stabilise le profil vertical, et l’accélération des vents qui a tendance à le déstabiliser. La représentation de cet équilibre subtil requiert une résolution verticale très élevée dans les modèles, et elle semble être mal prise en compte dans les systèmes opérationnels de PNT (Bain et al., 2010 ; Sandu et al., 2013).

4.1.3.3 Formation du brouillard Quand la partie basse de la CLN se refroidit au cours de la nuit, via le rayonnement infrarouge de la surface, l’humidité relative de l’air augmente et la formation de brouillard est possible, avec des valeurs de visibilité horizontale inférieures à 1 000 m. Le brouillard est notoirement difficile à prévoir, car sa formation résulte d’un équilibre entre plusieurs processus physiques en compétition, incluant le mélange avec les couches au-dessus de la surface. Les noyaux de condensation sont également un facteur à prendre en compte dans la formation du brouillard : ce sont des particules hygroscopiques incluant les produits de combustion, les sels organiques et les particules de poussières. Quand une quantité importante de fumée contribue à des événements intenses de brouillard épais, on parle de « smog ». Plusieurs mécanismes peuvent expliquer la formation de brouillard comme récapitulé ci-après.

4.1.3.3.1 Le brouillard de rayonnement C’est de loin la forme la plus commune en Afrique de l’Ouest, et il est associé à un refroidissement prolongé de la surface du sol au cours de la nuit. Ce refroidissement est bien plus important lors des nuits claires, sans nuages que lors des nuits nuageuses. Le brouillard de rayonnement se forme près de la surface, dans l’air le plus froid qui est refroidi jusqu’à sa température du point de rosée. La formation d’une épaisseur substantielle de brouillard nécessite un mélange de l’air compris dans les premiers mètres de l’atmosphère avec celui des niveaux supérieurs. Ce mélange est inhibé par la stabilité de la CLN, mais renforcé par des vents faibles. Lorsqu’une couche de brouillard s’épaissit au cours de la nuit, un refroidissement radiatif se produit à son sommet, ce qui tend à déstabiliser la couche, et amène le mélange nécessaire à la persistance d’une couche épaisse de brouillard froid. Dans les situations calmes, sans vent, le refroidissement reste confiné dans une fine couche d’air immédiatement en contact avec la surface, et dans ce cas, il est fort probable d’avoir formation de rosée. Alors que des vents faibles sont considérés comme 254

4. Météorologie locale

nécessaires à la formation d’une couche de brouillard, le mélange ainsi induit tend également à assécher l’air, puisque l’air plus chaud au-dessus de la surface est aussi généralement moins humide. Par conséquent si le vent est trop fort, le brouillard ne se formera pas, ou sera dispersé, amenant éventuellement à la formation de nuages (e.g. stratus ou stratocumulus). Il est utile de noter que des anémomètres mal entretenus ou trop vieux peuvent s’avérer insensibles aux vents faibles et ainsi ne pas permettre de prévoir la formation de brouillards radiatifs aux stations synoptiques pourvues de ces capteurs.

4.1.3.3.2 Le brouillard d’advection Le brouillard d’advection est dû au refroidissement d’une masse d’air se déplaçant au-dessus d’une surface froide. Ce processus n’est pas attendu en Afrique de l’Ouest, car la surface est rarement significativement plus froide que l’air advecté. Cependant, l’advection d’humidité est généralement reconnue comme une contribution significative à la formation du brouillard de rayonnement (e.g. Galvin, 2004). Parfois, le brouillard se forme par refroidissement radiatif pour ensuite être transporté au sein d’une masse d’air en mouvement. En ce cas, le brouillard de rayonnement a été advecté. Cependant, le renforcement du vent génère de la turbulence qui va tendre à mélanger le brouillard avec de l’air d’au-dessus plus sec, et à le disperser. En certaines occasions, au cours des mois d’hiver et de printemps, les stations de la côte atlantique comme Dakar ou Saint-Louis peuvent connaître des épisodes de brouillard d’advection à cause de masses d’air chaud se déplaçant au-dessus de courants océaniques très froids ; l’advection de ce brouillard maritime sur le continent peut amener à une réduction de la visibilité allant jusqu’à quelques centaines de mètres. 4.1.3.3.3 Le brouillard de pente La formation du brouillard de pente résulte du soulèvement d’une masse d’air sur la pente d’une colline ou d’une montagne, soumise donc à un refroidissement adiabatique. Ce type de brouillard s’observe près du sommet d’une colline ou d’une montagne et peut expliquer l’augmentation de l’occurrence de brouillard aux stations situées aux altitudes les plus élevées. Au cours des mois d’été dans la partie sud de l’Afrique de l’Ouest, la nuit, lorsque les nappes de stratocumulus dominent, la base des stratocumulus peut se retrouver au niveau des sommets des collines, amenant à l’occurrence de brouillard aux stations ayant les altitudes les plus élevées. 4.1.3.3.4 Le brouillard d’évaporation Le brouillard d’évaporation peut être observé sur la mer. Il se forme lorsque de l’air froid se déplace au-dessus d’eaux chaudes. La vapeur d’eau qui s’échappe de la surface d’eau libre arrive à saturation en se mélangeant avec de l’air plus froid et la condensation se produit. Cependant, l’absence de masses d’air très froides en Afrique de l’Ouest rend impossible la formation de ce type de brouillard. Une fois le brouillard formé, il persiste aussi longtemps que la surface reste froide (i.e. à basse température). Lorsque le rayonnement solaire incident atteint la surface 255

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

du sol dans la matinée (au lever du soleil), le brouillard commence à s’élever ou à devenir moins dense, amenant à de meilleures conditions de visibilité à la surface. Quelquefois, la présence d’une inversion de basse couche permet au brouillard de persister plus longtemps, mais une fois cette inversion détruite par le chauffage solaire, le brouillard disparaît. Les épisodes de brouillard sont fréquents dans la zone du golfe de Guinée, ils s’étendent un peu à l’intérieur des terres, ainsi que dans les régions côtières occidentales (Figures 4.12a et 4.13). On notera que si l’on considère une bande de latitude donnée, sur la Figure 4.12a, on note des stations reportant fréquemment des enregistrements de brouillard, et d’autres aucun. Il semble donc que les conditions locales de surface et de topographie sont importantes. L’occurrence de brouillard tend notamment à être plus fréquente au-dessus et autour des collines, et dans les régions forestières. La période durant laquelle on peut observer du brouillard s’étend de la saison des pluies jusqu’aux premiers mois de la saison sèche, soit de juin à décembre, avec un minimum en février et mars (Figure 4.12b). Le pic d’occurrence de brouillard se situe en septembre à la fin de la saison des pluies, quand les températures de surface de la mer sont relativement basses (de telle sorte que l’air proche de la saturation sera transporté à l’intérieur des terres lorsque les vents ont une composante venant du sud). À cette période, les sols sont humides, suite à la mousson d’été, et l’amplitude du cycle diurne de la température augmente avec l’allongement des nuits. Le cycle saisonnier est aussi influencé par l’augmentation du refroidissement radiatif aux environs de la fin de la saison des pluies, alors que l’atmosphère s’assèche et que la couverture nuageuse diminue. L’advection d’humidité étant reconnue comme un important facteur favorable à la formation de brouillard de rayonnement, il est très improbable que ce dernier puisse se former dans le flux d’Harmattan sec venant du nord et il est rarement observé dans les données SYNOP entre janvier et mai, avant le saut de la mousson d’été. On notera que les stations telles que Dakar et Ziguinchor sur la côte Ouest du continent connaissent plus d’épisodes de brouillards au cours des premiers mois de l’année, de février à mai, suite à leur advection depuis la mer vers les régions côtières. En Afrique de l’Ouest, les prévisionnistes considèrent qu’il n’y pas de brouillard au-delà de 9°N. Cependant, on trouve occasionnellement des enregistrements de brouillard au nord de cette latitude. La Figure 4.12a montre également que, de façon assez remarquable, il y a eu quelques enregistrements de brouillards à plusieurs stations sahariennes éloignées, telles que Bordj Badji Mokhtar (21,33°N, 0,95°E). En fait, de tels événements ne correspondent pas à strictement parler à du brouillard au sens conventionnel du terme, bien qu’on puisse comprendre que les observateurs utilisent ce code de temps sensible. À ces stations désertiques éloignées, des événements très rares de forte humidité (proche de la saturation) et de faible visibilité peuvent se produire immédiatement après la pluie, événements qui sont exacerbés par de fortes quantités de poussières (Azzedine Saci, communication personnelle). Ces événements observés dans des conditions désertiques correspondent peut-être à un phénomène météorologique unique.

256

4. Météorologie locale

(a)

0

–10

–20 F 39 °C : Danger • HI > 51 °C : Danger extrême

7.  National Oceanographic and Atmospheric Administration Weather Prediction Center.

280

4. Météorologie locale

Les prévisionnistes disposent de plusieurs méthodes de prévision des températures maximales et minimales. Celles-ci comprennent des outils statistiques, des produits de modèles de prévision, des informations concernant la situation météorologique (telles que la couverture nuageuse, les poussières et les vents), et finalement, leur expérience personnelle du lieu pour lequel ils préparent la prévision. Les différentes combinaisons de tous ces outils peuvent être considérées comme des méthodes de prévision « heuristiques ». Aux États-Unis et en Europe, les grands centres de prévision utilisent la même combinaison d’informations, à savoir des modèles de prévision et des méthodes heuristiques, mais habituellement, ils donnent un poids plus grand aux sorties de modèles de prévision. Les prévisions fournies par les modèles sont améliorées par un post-traitement statistique automatique tenant compte des relations entre les sorties de modèles et les statistiques historiques. Ce post-traitement est appelé Model Ouput Statistics (MOS ; voir Met Office, 1996), ou « adaptation statistique » en français). Dans les plus grands centres de prévision, un prévisionniste commencera typiquement par l’analyse des prévisions des Tx et Tn fournies par le modèle ou par leur adaptation statistique, puis les corrigera en tenant compte du fait que le modèle ne reproduit pas bien certains processus, par exemple la couverture nuageuse, les aérosols et les conditions de surface locales. Aux sites ouest-africains, les modèles sont moins bien testés, et leurs prévisions sont considérées a priori avec une confiance parfois très limitée. Dans un tel cas, le prévisionniste peut commencer par un examen des observations récentes et courantes, et utiliser les tendances des prévisions du modèle pour guider la prévision, parmi d’autres sources d’information. La séquence typique des étapes suivies pour prévoir Tx/Tn est présentée dans les paragraphes suivants.

4.2.1.1 Prévisions utilisant une approche statistique Pour une station donnée, le cycle diurne moyen de la température est construit pour un mois donné (ou pour une plus courte période) par exemple sur la base d’une climatologie de 30 ans (Figure 4.24). Ce cycle diurne moyen correspond à une série climatologique moyenne d’écarts horaires de température. Lorsque les fluctuations synoptiques ne sont pas dominantes, ces variations horaires peuvent être utilisées pour prévoir la température de la journée sur la base des dernières observations. Par exemple, sur la Figure 4.24, la température maximale, à 1500 UTC, est 9,5 °C plus élevée que la température à 0900 UTC. Si à 0900 UTC la température est de 22 °C, alors, dans l’après-midi, un maximum de 31,5 °C est prévu par la climatologie. Suivant la même logique, un minimum de 15 °C peut être prévu pendant la nuit. On considère que ce type de méthode statistique donne de bons résultats lorsqu’aucune fluctuation synoptique ou méso-échelle importante n’affecte la région sur laquelle on réalise la prévision. L’expérience indique que pendant la saison sèche, il est plus facile de prévoir la température avec cette méthode climatologique. En revanche, pendant la saison des pluies, il est plus difficile de la prévoir à cause d’une variabilité plus grande de l’atmosphère et de la surface continentale. On notera

281

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

qu’en moyenne, ce type de prévision ne présente aucun biais par rapport aux observations, puisqu’elle est ajustée à la climatologie, par construction. TEMPERATURE AU DECOLLAGE: MOIS DU JANVIER HEURE

00

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20

21

22

23 TT 16°

TT en 16° degre 14°

14° 1 ère décade

12°

12°

10°

10°















2° 00

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21

22

23 14°

14° 12°

16

16°

16°

2 ème décade

12°

10°

10°

















 Figure 4.24  Exemple de variation journalière climatologique de la température de surface utilisée pour prévoir les températures minimale et maximale, respectivement Tn et Tx. Ici, il s’agit des première et seconde décades de janvier à Niamey. Ce type d’information est utilisé pour prévoir la température lors des décollages d’avions. Notez que ces valeurs sont relatives, pas absolues.

Dans d’autres régions du monde, on fait appel à des méthodes statistiques plus complexes. De telles méthodes utilisent typiquement une combinaison linéaire des mesures de la température et de celle du point de rosée acquises à une ou plusieurs dates pour prévoir les futures valeurs de Tx ou Tn : la méthode de prévision de Tn de MacKenzie est un exemple de ce type. Elle utilise l’équation

Tn = 0,5 ( Tx + Td ) – A

(4.23)

où Td est le point de rosée observé au moment du maximum de température et A est une constante dépendant du vent à la surface et de la couverture nuageuse prévue. A doit être calculée à partir de la climatologie et tabulée pour chaque endroit (Met Office, 1996). De telles méthodes ont été testées en mode recherche en Afrique de l’Ouest, mais elles ne semblent pas être utilisées pour la prévision opérationnelle. Les constantes telles que A dans l’Équation 4.23 doivent être calibrées en chaque lieu, et à notre connaissance, des versions fiables de ce type de formule ne sont pas disponibles en Afrique de l’Ouest.

282

4. Météorologie locale

4.2.1.2 Méthodes physiques s’appuyant sur l’utilisation des sondages Les processus physiques, qui déterminent la température de la surface via le bilan thermodynamique, impliquent les flux d’énergie montants et descendants (section 4.1.2.1), l’advection de chaleur par le vent et le profil de température. Par conséquent, certaines méthodes physiques, qui font intervenir ces termes de manière quantitative peuvent être utilisées. On notera que ces méthodes, qui considèrent l’évolution du profil vertical de la couche limite et éventuellement une advection de grande échelle, ne sont pas adaptées à des zones sous l’influence d’effets importants des circulations de méso-échelle, comme des brises de mer. L’épaisseur 8 de la partie basse de l’atmosphère, typiquement la couche située entre 1 000 et 850 hPa, peut servir de base pour la prévision de la température maximale journalière, puisqu’elle équivaut à une mesure de la température moyenne dans la couche limite au moment de l’observation (ou au pas de temps du modèle). Il est alors possible d’établir une climatologie de Tx en fonction de cette épaisseur, de la couverture nuageuse et de la période de l’année. Ces deux derniers paramètres dépendent en effet du rayonnement net à la surface (section 4.1.2.1) et donc de l’apport de chaleur de la surface dans la couche limite. Cette climatologie devrait être établie spécifiquement pour chaque lieu, et les résultats dépendront d’autres facteurs influençant le bilan d’énergie en surface comme l’humidité du sol (section 4.2.1.4). Une méthode apparentée, actuellement utilisée en Afrique de l’Ouest pour prédire Tx est de considérer l’inversion nocturne sur un profil de radiosondage (ou sur un profil issu d’un modèle). Une inversion épaisse et marquée implique que les basses couches seront plus longues à mélanger dans la matinée : cet effet équivaut à une température moyenne moins élevée, ce qui est donc physiquement cohérent avec l’utilisation de l’épaisseur des basses couches discutées précédemment. Une utilisation pratique et quantitative de la méthode repose sur le UK Met Office Forecasters’ Reference Book (Met Office, 1996) et est illustrée sur la Figure 4.25. La différence de pression, ∆p, est évaluée à partir d’un tableau donnant l’apport attendu d’énergie à la couche limite (via le flux de chaleur sensible en surface H) en fonction de la période de l’année considérée. Connaissant ∆p, le point I est ajusté de façon à équilibrer les zones (hachurées) de part et d’autre de l’isotherme représentée par la droite H-I (i.e. l’aire de chacune de ces deux zones doit être identique). La température de la surface peut être alors déterminée grâce au point F qui est issu du point I en suivant l’adiabatique jusqu’à l’isobare en surface.

8.  Définie comme étant la différence de hauteur entre deux surfaces isobares et exactement égale à température moyenne de la couche pour une atmosphère hydrostatique.

283

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Dry adiabat J

Environment curve

B

A p0

Isotherm I

E

p0 – Δp

G

H

D

F

 Figure 4.25  Utilisation d’une construction géométrique sur un téphigramme pour prévoir les températures dans la journée. L’épaisseur de la couche ∆p est déterminée par l’utilisation d’un tableau à consulter, qui tient compte du jour de l’année et de l’heure de la journée. Le point I est construit géométriquement de manière à égaliser l’aire des zones hachurées de part et d’autre de la droite H-I. Le point F donne la température de surface recherchée. Les émagrammes (utilisés en France) et téphigramme (utilisés au Royaume-Uni) correspondent tous les deux au tracé des mêmes variables thermodynamiques, mais sous une forme légèrement différente. Source : Met Office (1996), reproduit avec l’autorisation du Met Office.

Étant donné que la méthode thermodynamique illustrée sur la Figure 4.25 repose sur la détermination de ∆p, il est nécessaire d’établir la climatologie des valeurs de ∆p pour chaque lieu ou région climatique. Les valeurs de ∆p seront typiquement comparables aux hauteurs de couche limite convective et peuvent donc être estimées à partir de radiosondages. La Figure 4.26 présente les hauteurs de couche limite pour les périodes de pré-mousson et de mousson à des stations représentatives de l’Afrique de l’Ouest obtenues à partir des données de la campagne AMMA. Puisque ∆p dépend de l’apport de chaleur de la surface vers l’atmosphère, la méthode est sensible aux conditions de surface et à la couverture nuageuse. Comme expliqué dans la section 4.1.2.1, la valeur du flux de chaleur sensible H pour un jour donné peut dépendre fortement de l’humidité du sol, tout particulièrement dans les régions où la végétation est éparse, comme au Sahel. Des corrections devraient être appliquées pour adapter ∆p en fonction de ces facteurs. Par exemple, en appliquant cette méthode au Royaume-Uni, ∆p serait réduit de 10 % pour 8/8 de cirrus, ou de 50 % pour 8/8 de stratocumulus. Certains prévisionnistes utilisent la rotation du vecteur vent avec l’altitude déterminée à partir d’un radiosondage pour prévoir les changements de température associés aux advections thermiques géostrophiques (Holton, 1979). Par exemple à Dakar, les prévisionnistes utilisent la rotation du vent pour trouver un probable changement de température. La rotation du vent dans le sens cyclonique avec l’altitude indique une advection chaude alors qu’une rotation dans le sens anticyclonique indique une advection froide. La couche 850-700 hPa est utilisée pendant la saison des pluies et la couche 700-500 hPa pendant la saison sèche. Cette méthode permet alors de

284

4. Météorologie locale

déduire le signe de la tendance de température à grande échelle (réchauffement/ refroidissement) par rapport à une simple prévision climatologique. Par exemple, si un profil de radiosondage indique une advection chaude, alors le changement de température prévu peut être plus élevé que celui indiqué par la climatologie.

Height (m)

6000 4000 2000 0 20

21

22

23

24

25

26

27

28

29

30

June

Height (m)

3000 2000 1000 0 1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14

15

16

August

 Figure 4.26  Hauteur de couche limite (en m) sur 11 jours en période de pré-mousson (juin) et 16 jours en période de mousson (août). Ces hauteurs sont déterminées à partir de radiosondages de la campagne AMMA aux stations d’Agadez (trait noir, 17°N), de Niamey (trait rouge, 13,5°N), de Parakou (trait vert, 9,5°N) et de Cotonou (trait bleu, 6,5°N). Source : Gounou et al. (2012). Reproduit avec l’autorisation de la Royal Meteorological Society.

Ces méthodes s’appuyant sur l’utilisation de profils pour prévoir la température sont développées pour être appliquées à des données issues de radiosondages, mais elles peuvent aussi servir à l’analyse ou à la prévision d’un modèle. Cependant, l’application à des champs issus de modèles doit s’accompagner de précautions, car typiquement, ces méthodes sont sensibles aux fines structures thermodynamiques des sondages, et en particulier aux inversions nocturnes. Bien souvent, les champs de modèle fournis aux prévisionnistes n’ont pas une résolution verticale suffisante dans la couche limite pour appliquer ces méthodes avec précision.

4.2.1.3 Utilisation des résultats des modèles de prévision Les sorties des modèles opérationnels de prévision numérique du temps (PNT) peuvent être utilisées directement pour fournir des prévisions de la température à 2 m à un endroit donné. Cependant, ces prévisions sont entachées d’incertitudes. Elles ne peuvent pas représenter les variations locales des conditions à la surface qui

285

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

se développent à des échelles de la centaine de mètres du fait de leur résolution trop lâche. Bien que l’augmentation de la résolution des modèles opérationnels dans les années à venir puisse améliorer la représentation de l’état de la surface à l’échelle locale, il restera encore des incertitudes du fait de l’importante variabilité spatiale de la surface à petite échelle et de la sensibilité du bilan énergétique de la surface à des phénomènes difficilement prévisibles tels que des averses éparses. Il est possible d’utiliser des produits opérationnels conjointement avec des observations locales et des types de temps pour générer une prévision combinée, de nature heuristique. Par exemple, on peut utiliser la tendance horaire de la température à 2 m fournie par le modèle opérationnel plutôt que la climatologie locale dans les méthodes statistiques de la section 4.2.1.1. Dans ce cas, la tendance climatologique de la Figure 4.24 est remplacée par la tendance fournie par le modèle de prévision. L’utilisation du modèle dans ce cas permet de tenir compte des changements synoptiques de grande échelle, dont nous attendons qu’ils soient raisonnablement bien prévus par les systèmes de prévision opérationnels. Cependant, les biais des modèles opérationnels ne sont généralement pas constants dans le temps. Ils peuvent être différents le jour et la nuit par exemple, ce qui n’est pas le cas de la climatologie observée. Ces modèles doivent donc être évalués soigneusement avec les observations locales avant toute utilisation de ce type. Les sorties des modèles opérationnels peuvent aussi être utilisées conjointement avec les observations locales pour estimer des températures de surface : par exemple le modèle peut être utilisé pour fournir une information sur les changements du profil vertical de température qui va influencer la croissance de la couche limite et donc sa température. Finalement, il semble de plus en plus probable que les prévisions d’ensemble puissent proposer des informations statistiques sur la température de surface. Elles peuvent fournir un indice de confiance de la prévision, surtout si on peut le relier à des conditions météorologiques particulières (comme la présence d’un événement convectif, qui diminuera la température diurne s’il a lieu et qui peut exister seulement dans certains membres de l’ensemble).

4.2.1.4 Processus physiques influençant les températures journalières Les outils statistiques présentés dans la section 4.2.1.1 fournissent une première estimation des températures journalières, mais pour un jour donné, on peut améliorer la prévision si l’on considère les conditions synoptiques et de temps présent qui prévalent. L’altitude est cruciale pour la prévision des températures minimales et maximales à courte échéance. En des lieux tels que Jos (Nigeria) et Amedzofe (Ghana), la température est plus basse que dans d’autres villes à cause de leur haute altitude. Cet effet se reflète dans la climatologie et le cycle diurne de chaque station. En plus des fluctuations de grande échelle synoptique de la température, de nombreux autres facteurs doivent être pris en compte pour la prévision des températures minimales et maximales. Ils comprennent la couverture nuageuse, les poussières, le

286

4. Météorologie locale

temps présent, les pluies récentes, la végétation et la topographie. Chacun de ces facteurs influence le bilan énergétique à la surface, et donc aussi la manière dont les premiers mètres de l’atmosphère répondent aux conditions de grande échelle. Le Tableau 4.2 récapitule notre connaissance de l’impact typique de divers phénomènes sur la température.  Tableau 4.2  Tableau récapitulatif des effets de divers phénomènes météorologiques sur les températures minimales Tn et maximales Tx (exprimés en anomalies). Phénomène (voir section 4.1.2.4)

Effet sur la température minimale, Tn

Arrivée d’air de mousson humide au Sahel

+ 5 à 10 °C

Nuage cumuliforme et stratiforme : 1-5 octa

+1 à +2 °C

Effet sur la température maximale, Tx

Commentaires Une nuit humide est plus chaude qu’une nuit sèche

–1 à –2 °C

Nuage stratifome : 6-8 octa

+1 à +2 °C

–1 à –6 °C

Influence moindre si l’air est humide/zone de la côte guinéenne. Effet plus fort si l’air est sec/zone désertique ou semi-désertique

Épisode de poussières

+1 à +2 °C

jusqu’à –3 °C

Milton et al. (2008). Une advection d’air froid est aussi probable.

Après le passage d’un MCS –1 à –2 °C

–2 à –4 °C

Vents forts en basses couches

+1 à +5 °C

–1 à –3 °C

Effet nocturne plus marqué en conditions de ciel clair

Humidité du sol

inconnu

–4 à –8 °C

En zone semi-aride

Végétation dense/arbres à racines profondes

+1 à +2 °C

–1 à –2 °C

Nuits plus chaudes en fin d’hiver et au printemps

Topographie

–10 °C dans les vallées si des poches d’air froid se forment lorsque le vent est faible

–1 °C par 100 m d’altitude

Zone urbaine

–5 °C à +2 °C

–2 °C à +2 °C

Dépend beaucoup de la couverture végétale de la zone urbaine et des zones rurales adjacentes

287

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

4.2.2

Visibilité

4.2.2.1 Principes de base de la prévision de la visibilité En météorologie, la visibilité renvoie à la notion de transparence de l’air telle qu’appréhendée par la vision humaine. Les observateurs météorologistes ont pour mission d’évaluer la visibilité horizontale, exprimée en mètres ou kilomètres. Celle-ci peut varier selon la direction, auquel cas c’est la valeur la plus basse qui est retenue. On notera que la visibilité depuis un avion peut être très différente de la visibilité horizontale mesurée par les observateurs au sol. De jour, la visibilité météorologique se définit comme la plus grande distance à laquelle on peut identifier sur le fond de l’horizon un objet noir de taille appropriée. Comme cette définition ne peut s’appliquer de nuit, elle a été adaptée comme étant la plus grande distance à laquelle on pourrait identifier sur le fond de l’horizon un objet noir de taille appropriée si la luminosité était équivalente à celle de la journée. En pratique, des sources de lumière diffuse d’intensité modérée placées à une distance connue constituent les objets les plus appropriés pour mesurer la visibilité nocturne. On peut aussi avoir recours à la silhouette de reliefs (collines ou montagnes) se détachant sur le ciel. Pour ce qui touche à la navigation aérienne, on cherche à approcher au mieux les conditions dans lesquelles se retrouve un pilote à l’atterrissage ou au décollage, et en particulier à déterminer la portée visuelle de piste (runway visual range en anglais). Pour cela on détermine la distance de visibilité d’objets ou de sources de lumières utilisés pour guider les pilotes. La portée visuelle de piste est définie comme la « distance maximale à laquelle peut être vue la piste ou les lumières ou marqueurs qui la délimitent, dans la direction du décollage et de l’atterrissage, depuis un point situé à une hauteur spécifiée au-dessus du centre de la piste, celle du niveau moyen des yeux du pilote au touché des roues, soit environ cinq mètres » (Retallack, 1970 : 397). Ces observations ne sont réalisées que lorsque la visibilité est inférieure à un kilomètre. De jour, elles sont réalisées à l’aide de marqueurs placés le long de la piste, et de nuit à l’aide de lumières. Les principales causes de visibilité réduite sont détaillées dans les sections qui suivent.

4.2.2.1.1 Précipitation La perte de visibilité associée aux précipitations peut être due soit aux gouttes de pluie, soit aux particules solides (neige, glace), ou à un mélange des deux. La visibilité à travers la pluie dépend de la taille et du nombre de gouttes par unité de volume. Les pluies fines n’ont qu’un effet limité – avec une visibilité dans la bruine qui dépend de son intensité, et peut varier de 500 mètres à 3 kilomètres, mais les pluies fortes la réduisent à moins de 500 mètres, voire 50 mètres. 4.2.2.1.2 Brouillard et brume Le brouillard (fog en anglais) est une suspension de gouttelettes microscopiques, formant un nuage stratiforme qui peut descendre jusqu’au sol et réduire la visibilité 288

4. Météorologie locale

horizontale à moins de 1 000 mètres, voire beaucoup moins. Il peut être considéré comme un stratus dont la base touche la surface. La brume (mist en anglais) correspond presque au même phénomène, mais elle n’est reportée que lorsque la visibilité est comprise entre à 1 et 5 km.

4.2.2.1.3 Fumées et pollution Les fumées associées aux activités domestiques (feux de cuisine et chauffage), agricoles (feux de brousse notamment), industrielles et de transport, produisent parfois une brume épaisse. La plupart des matériaux produisent de minuscules particules de carbone. Ces particules de carbone sont responsables de la coloration foncée des brumes dans les grandes agglomérations industrielles. Si une inversion de température est présente, elle bloque la ventilation atmosphérique et piège les particules dans les basses couches. Cependant, même en l’absence d’inversion, une forte humidité de l’air peut se combiner aux fumées pour former le smog, nommé ainsi en anglais par référence à l’addition des mots SMoke et fOG (section 4.1.3.3). Dans certaines villes, la visibilité peut être sensiblement réduite par la présence de particules issues de l’échappement des fumées d’huile de moteur des véhicules et des industries. Elles polluent l’air et causent une réduction drastique de la visibilité, qui descend parfois jusqu’à 1 000 m. 4.2.2.1.4 Poussières et sable Les poussières et le sable peuvent être arrachés au sol par le vent et transportés en altitude. Lorsque la visibilité est inférieure au kilomètre, on parle de tempête de poussières ou de tempête de sable. En réalité, le sable est constitué de particules relativement grosses (millimétriques) qui sont rarement soulevées à plus que 20 ou 30 mètres de haut. En revanche, les fines particules de poussières, dont certaines sont microscopiques, peuvent être soulevées jusqu’à plusieurs kilomètres de haut. En saison sèche, l’harmattan qui souffle du nord-est transporte d’importantes quantités de particules de poussières à travers l’Afrique de l’Ouest. Ces particules peuvent réduire considérablement la visibilité jusqu’à moins de 100 m. Ces événements météorologiques sont appelés « brumes sèches d’Harmattan ». Une présentation plus détaillée des aérosols terrigènes est fournie au chapitre 5. 4.2.2.1.5 Aérosols marins Lorsque la vitesse du vent augmente sur la mer, les crêtes des vagues s’élèvent, et des embruns se forment éventuellement à partir des vagues qui déferlent, réduisant la visibilité. Lorsque le vent est très fort (à partir de 25 nœuds soit force 6 sur l’échelle de Beaufort), des filets d’écume s’envolent. Les embruns marins s’évaporent souvent après avoir été projetés dans l’atmosphère. Chaque goutte évaporée laisse derrière elle une particule de sel, qui pourra devenir ultérieurement un noyau de condensation. La brume produite par ces particules de sel a une apparence blanchâtre. 289

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Les aérosols marins peuvent réduire la visibilité dans une fourchette de 2 000 à 5 000 mètres, voire 1 000 mètres le long d’une bande côtière qui peut s’étendre sur 100 mètres à l’intérieur des terres.

4.2.2.2 Prévision du brouillard 4.2.2.2.1 Considérations synoptiques La prévision du brouillard débute par la prévision synoptique : le brouillard de rayonnement résulte du refroidissement radiatif prolongé de la surface terrestre au cours de la nuit, et nécessite des conditions de ciel dégagé et de vent faible. Une forte humidité relative est nécessaire, car elle conditionne la saturation. Cependant, en situation de brouillard, l’humidité relative (RH pour Relative Humidity en anglais) n’est pas toujours de 100 %. Dans la plupart des cas, la valeur est supérieure à 95 %, mais parfois le brouillard peut se former à partir de 90 % d’humidité relative. Les facteurs impliqués dans la formation du brouillard sont les suivants : 1) Tendance de pression positive, associée à du beau temps et un ciel dégagé durant la nuit, amenant à des pertes radiatives. 2) Forte RH > 80 % et écart à la température du thermomètre mouillé ≤ 2 °C. 3) Température du thermomètre sec à la surface ≤ 23 °C. 4) Vent faible ou calme durant la nuit. 5) En région côtière, vent du large faible. 6) Profil stable dans la couche limite planétaire ; présence de cellules de haute pression à la surface et au niveau de 850 hPa. 7) Les conditions locales de surface (comme la topographie ou le couvert forestier qui modifient la probabilité de brouillard). En forêt, l’environnement relativement humide est favorable à l’occurrence de brouillard. Le brouillard est également plus probable au-dessus des collines (brouillard de pente) et dans les vallées, à cause de l’écoulement catabatique d’air humide et froid descendant la pente. 8) L’humidité du sol peut aussi favoriser la formation de brouillard en augmentant l’humidité de l’air près de la surface. Par exemple, au Nigeria on observe que le brouillard peut se développer après la pluie si une dorsale se forme durant la nuit et que le ciel se dégage. Des conditions nuageuses (par exemple lorsque des nuages de mi-niveau sont présents) sont contre-productives pour la formation de brouillard, car les couches nuageuses réémettent vers la surface le rayonnement infrarouge terrestre absorbé, empêchant ainsi la surface de se refroidir jusqu’à la température seuil de formation du brouillard (fog-point temperature en anglais). L’heure la plus probable d’occurrence de brouillard se situe entre 0330 et 0530 UTC en hiver. Cependant, le brouillard a quelquefois été observé en été après des précipitations fortes et prolongées survenues au cours de la journée.

290

4. Météorologie locale

Wind intensity T, Td

30 25 20 15 10 0

18:00 19:00 20:00 21:00 22:00 23:00 0:00 1:00 2:00 3:00 4:00 5:00 6:00 7:00 8:00 9:00 10:00 11:00

5

340 320 300 280 260 240 220 200

Wind direction

(a)

Time (from 27th April 2014) WFF

T

Td

WD

1012

9000 8000 7000 6000 5000 4000 3000 2000 1000 0

1010 1009

QNH (hPa)

1011

1008 1007 18:00 19:00 20:00 21:00 22:00 23:00 0:00 1:00 2:00 3:00 4:00 5:00 6:00 7:00 8:00 9:00 10:00 11:00

Visibilty (m)

(b)

Time (from 27th April 2014) Visibilty

QNH

(c)

 Figure 4.27  Exemple de brouillard côtier sur la côte du Sénégal au cours de la nuit du 27 au 28 avril 2014, montrant (a, b) les mesures synoptiques de Dakar et (c) la composition colorée RGB satellite documentant la microphysique durant la nuit le 28 avril 2014 à 0600 UTC. La section 9.1.4.4.6 donne des détails sur le contenu de cette composition colorée RGB. Source : Figure aimablement fournie par Jochen Karl Kerkmann. Reproduite avec l’autorisation d’EUMETSAT.

291

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Sur la côte Ouest, le brouillard peut se développer en condition de ciel clair et de vent faible (2-3 nœuds), avec de l’air proche de la saturation. Ces conditions se rencontrent typiquement de février à avril, quand les températures de surface de la mer (ou SST pour sea surface temperature en anglais) sont basses. Par exemple, à Dakar, occasionnellement (moins d’une fois par an ; Figure 4.12a), une brise de mer peut engendrer une visibilité inférieure à 2 000 m dans la matinée. Le premier indicateur pour le prévisionniste de l’après-midi est un changement de direction du vent, de faible du nord-est à faible d’ouest. Il va alors prévoir du brouillard en cas de saturation probable. Cette situation est illustrée Figure 4.27a et b montrant les séries temporelles des paramètres synoptiques au cours d’un épisode de brouillard épais à Dakar : des vents très faibles provenant de l’Atlantique sont associés à une chute de la dépression du point de rosée 9 jusqu’à l’arrivée soudaine du brouillard à 0200 UTC. Des poches de brouillard peuvent être observées sur la composition colorée RGB satellite de la Figure 4.27c documentant la microphysique durant la nuit, ici à 0600 UTC. La visibilité s’améliore ensuite régulièrement après le lever du soleil.

4.2.2.2.2 Outils de prévision du brouillard 1) L’humidité dans les basses couches de la troposphère est un facteur important pour déterminer la probabilité d’avoir du brouillard. Spécifiquement, si on considère la dépression D de la température de l’air à la surface T0 sous la température potentielle du thermomètre mouillé à 850 hPa,

D =θw850 – T0 (4.24) la probabilité de brouillard croît avec D.

2) La « méthode de Saunders » est une approche empirique, élaborée pour prévoir le brouillard de rayonnement. Elle s’appuie sur l’analyse des profils de température et d’humidité dans la couche limite tracés sur un émagramme (Saunders, 1950). La méthode s’applique selon la procédure suivante : • À partir du sondage, on détermine le LCL de l’air ayant la température maximum en utilisant l’ascension d’une particule standard (construction de Normand). S’il existe une couche sur-adiabatique près de la surface, on construit l’ascension de la parcelle avec une adiabatique représentative de la température de la couche limite bien mélangée, au lieu de la température de l’air à la surface. (Voir Met Office, 1996, pour plus de détails et pour les exceptions.) • Le rapport de mélange en vapeur d’eau au LCL est ensuite ramené à l’isobare de la surface, et le point d’intersection correspond à la température attendue pour l’apparition du brouillard. Une évaluation des performances de la méthode de Saunders a été menée pour 16 événements de brouillard à Parakou (Bénin), entre septembre 2006 et

9. La dépression du point de rosée est définie à un niveau de pression donné comme la différence entre la température T et le point de rosée Td (i.e. T – Td).

292

4. Météorologie locale

décembre 2008, en utilisant le radiosondage d’Abidjan à 1200 UTC la veille de l’événement. Pour ces événements, on trouve un très bon accord entre les prévisions de température d’apparition du brouillard par la méthode de Saunders, avec une température minimale nocturne atteignant, ou chutant sous, la température d’apparition du brouillard prévue pour 14 des 16 événements (et à 1 °C degré près pour les deux événements restants). Parakou est un site à l’intérieur des terres au centre du pays avec un terrain en pente s’élevant vers le nord et l’ouest et une vallée entaillant le plateau à l’ouest. Cette configuration amène un certain nombre de facteurs susceptibles d’augmenter la probabilité de formation de brouillard de rayonnement : (i) une amplitude diurne de la température relativement élevée, favorisée par la distance à la mer ; (ii) le potentiel de condensation des flux d’air humides des basses couches ; (iii) la possibilité de développement d’écoulements catabatiques depuis les terrains plus élevés qui peuvent accroître le refroidissement nocturne. Le rôle de l’advection d’air humide dans la formation de brouillard apparaît important pour une grande partie de l’Afrique de l’Ouest, et les profils de radiosondages d’Abidjan suggèrent une température d’apparition du brouillard Tf plus élevée à 0000 UTC qu’à 1200 UTC. À Parakou, les vents ayant une composante venant du sud favorisent la formation de brouillard. Pour au moins trois des événements considérés, le brouillard s’est formé dans des conditions de vents d’ouest, de nord-ouest ou de nord-est, ce qui pourrait indiquer que l’advection a participé à la formation de ces événements de brouillard. Pour six des événements considérés, les vents étaient faibles à 0600 UTC et il n’est pas possible de confirmer l’advection d’humidité, si ce n’est qu’on observe une augmentation de Tf au cours de la nuit à partir des données de radiosondage d’Abidjan le 17 septembre 2008. D’autres méthodes statistiques sont envisageables à partir de l’analyse des observations de conditions de vent, d’humidité et de température précédant les événements de brouillard.

4.2.2.2.3 Dissipation du brouillard Prévoir l’heure de dissipation du brouillard est très important. La dissipation du brouillard se produit rapidement après le lever du soleil, presque toujours vers 0900 UTC. Cependant, aux stations situées sur des collines ou dans des régions forestières, le brouillard peut persister au-delà de 0900 UTC.

4.2.3

Prévision du cisaillement de vent et de la turbulence

Le cisaillement de vent est défini dans le Glossary of the American Meteorological Society (Glossaire de la Société américaine de météorologie) comme « la variation locale du vecteur vent ou d’une de ces composantes dans une direction donnée ».

293

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Dans le contexte d’une prévision locale, le cisaillement de vent est un phénomène important, car il est généralement associé à des niveaux de turbulence élevés. Il représente ainsi un danger potentiel pour les avions, et peut aussi endommager des infrastructures telles que des bâtiments ou des plates-formes pétrolières au large. S’il est possible de prévoir les événements météorologiques et les conditions qui sont les plus susceptibles de générer du cisaillement de vent, il est en revanche impossible de prévoir le cisaillement de vent lui-même avec certitude. Par exemple, il devrait être possible d’estimer la probabilité d’occurrence de cisaillement de vent en s’appuyant sur la prévision de la convection profonde. Des alertes plus précises sur l’occurrence de cisaillement de vent fort sont fournies via un système de prévision immédiate, qui est présenté dans les sections 6.2.3 et 6.2.4. Les conditions favorables aux cisaillements de vent sont généralement associées à des phénomènes météorologiques particuliers, tels que ceux présentés ci-dessous : 1) Les nuages d’orages (cumulonimbus) sont bien connus pour leur capacité à générer des cisaillements de vent forts, en raison de la production rapide d’énergie cinétique en leur sein et des courants violents qui peuvent s’y produire. Dans les basses couches, les dangers associés au cisaillement de vent sont principalement dus aux courants convectifs descendants, lorsqu’ils percutent la surface et s’étalent horizontalement. • Les rafales (squall en anglais) ou encore bourrasques, se forment typiquement au niveau du bord d’attaque d’un système convectif organisé comme une ligne de grains. En Afrique de l’Ouest, la plupart des systèmes convectifs du type propagatif présentent un front de rafales sur leur bord d’attaque. • Les micro-rafales et rafales descendantes (respectivement microbursts et downbursts en anglais) sont des événements de plus courte durée de vie, se produisant lorsque le courant descendant du système convectif percute la surface. À ce moment, les vents et le cisaillement de vent associés à l’étalement de cette masse d’air peuvent être particulièrement intenses. De façon surprenante, des micro-rafales intenses peuvent être générées par des cumulonimbus de taille modeste. La prévision des orages est abordée en détail dans la section 3.2. 2) Le jet nocturne est une source de cisaillement de vent qui peut parfois s’avérer dangereux. Comme décrit en section 4.1.3.2, le jet nocturne se forme quand la couche limite devient stable la nuit et que les vents sont découplés de la surface. Par conséquent, ce jet situé à environ 400 m d’altitude au-dessus du sol peut ne pas être détecté en surface (Lothon et al., 2008). Les prévisionnistes rapportent que les journées les plus chaudes sont souvent suivies par les jets nocturnes de basses couches les plus puissants. Bien qu’il n’y ait pas de preuve claire de ce lien, plusieurs mécanismes pourraient l’expliquer. Les conditions synoptiques associées à un ciel clair et à une atmosphère sèche favoriseraient à la fois des aprèsmidi chauds et des couches limites bien stables la nuit. De plus, des températures plus élevées le jour mènent généralement à plus de turbulence et moins de vent en journée. On peut alors s’attendre à une oscillation inertielle plus marquée et à un jet nocturne plus fort pendant les nuits suivant ce type de journée.

294

4. Météorologie locale

3) La topographie locale peut être à l’origine du développement de différents écoulements, comme mentionné en sections 4.1.4.2 et 4.1.4.3, qui dans certains cas peuvent générer un cisaillement de vent fort. Ceci constitue un autre volet de la prévision locale du temps pour lequel l’expérience du prévisionniste à appréhender l’effet de la topographie et la climatologie à l’échelle locale est cruciale. • Les fronts de brise de mer correspondent typiquement à des gradients de vent forts. Ils peuvent pénétrer jusqu’à 100 km à l’intérieur des terres pendant l’après-midi (section 4.1.4.2 ; Figure 4.18). Un front est en général plus marqué lorsque le vent synoptique est de faible intensité et de sens opposé. • Les perturbations de l’écoulement liées au relief peuvent être à l’origine de jets de basses couches intenses et de zones de cisaillement de vent fort. Les ondes de relief peuvent se développer sous le vent des zones montagneuses, lorsque le profil de l’atmosphère est propice. Dans certains cas extrêmes, les ondes de relief peuvent générer en aval du relief des tourbillons appelés « rotors » dans les basses couches. Par ailleurs, les vents de basses couches peuvent être canalisés autour des collines et à travers les cols, en particulier lorsque l’atmosphère est stable la nuit, avec une augmentation du cisaillement de vent à ces endroits. Les prévisionnistes de l’aviation civile doivent considérer la possibilité d’occurrence de turbulence en air clair (TAC, en anglais CAT pour Clear Air Turbulence). Ce phénomène est réputé pour être très difficile à prévoir, quel que soit l’endroit sur le globe, et les conditions requises pour son occurrence ne sont pas spécifiques à l’Afrique de l’Ouest. La TAC est relativement plus rare dans les tropiques que dans les moyennes latitudes (Galvin, 2007), mais elle peut apparaître dans la région du jet d’ouest subtropical (STJ) ou du jet d’est tropical (TEJ). Les indicateurs synoptiques de la TAC incluent : 1) un cisaillement de vent notable, sur la verticale ou l’horizontale, qui peut agir comme une source d’instabilité et mener à la production de turbulence ; 2) les bords des jets, qui sont des lieux de cisaillement horizontal, mais aussi potentiellement d’anomalies thermodynamiques ; 3) une forte courbure des lignes de courant dans l’écoulement.

4.2.4

Prévision des brises de mer, de terre et de lac

Quelques caractéristiques typiques de la brise de mer sont : 1) des vents modérés et frais, typiquement de l’ordre de 10 nœuds à Cotonou, avec un démarrage entre 1100 et 1400 heure locale, un maximum du vent atteint en début d’après-midi, et une fin aux environs de 2000 heure locale (Bajamgnigni Gbambie et Steyn, 2013) ; 2) une circulation qui s’étend jusqu’à environ 1 km ; 3) une pénétration à l’intérieur des terres allant jusqu’à 100 km environ ; 4) un meilleur développement en saison sèche ;

295

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

5) de faibles gradients de température et de pression en l’absence de forçage synoptique ; 6) la présence d’un vent de terre faible. Quelques caractéristiques typiques de la brise de terre sont : 1) des vents faibles, en général ≤ 5 nœuds ; 2) une épaisseur de quelques centaines de mètres seulement ; 3) un développement maximal à l’aube quand la température de surface de la mer est relativement élevée. Les brises de lac peuvent elles aussi être importantes, par exemple à proximité du lac Volta. Des brises liées à des discontinuités de la couverture végétale ont aussi été observées (par exemple à l’interface forêt/cultures), mais elles sont relativement faibles (quelques nœuds) et intermittentes.

4.2.5

Prévision marine

La prévision marine est un sujet en soi qui ne peut être traité en détail ici. Néanmoins, on trouvera ci-après un récapitulatif des grands objectifs et principes de cette prévision. La prévision marine est une composante essentielle de la sécurité en mer et elle est intégrée dans le Système mondial de détresse et de sécurité en mer (SMDSM). Des prévisions météorologiques spécifiques peuvent aussi être requises pour les grandes étendues d’eau intérieures, telles que le lac Tchad. Les paramètres clefs de ces prévisions sont les vents, les grains orageux, l’état de la mer (vagues et déferlantes) et la visibilité.

4.2.5.1 Les vents sur mer Les vents sont communément décrits à l’aide de l’échelle de Beaufort (Tableau 4.3). De même que pour la circulation aérienne (pour laquelle on fait des alertes au cisaillement de vent), des alertes aux vents forts sont nécessaires pour le trafic maritime. En Afrique de l’Ouest, des alertes sont habituellement diffusées à partir de vents de force 6 (22-27 nœuds, incluant les rafales) ou en cas de vent moyen plus faible (15 nœuds) mais avec des pointes atteignant ou dépassant 25 nœuds. En haute mer, à grande distance de la terre, les agences marines se focalisent surtout sur la prévision des tempêtes de force 10 ou plus. La connaissance de la climatologie du domaine de prévision est impérative pour arriver à des prévisions de bonne qualité. À l’échelle synoptique, on prête une attention particulière aux fluctuations des anticyclones de Sainte-Hélène et des Açores. De même, on sait que des circulations cycloniques (qui peuvent être bloquées ou à déplacement lent) sont souvent associées à des événements météorologiques extrêmes juste au large des côtes du Sénégal. Le suivi des vents au large devrait aussi être fait via l’utilisation de produits satellitaires telle que décrite dans la section 9.1.5.10.

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0

2

5

9

13

19

24

30

37

44

52

60



0

1

2

3

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nd



31

27

23

19

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10

7

5

3

1

0

ms–1

Échelle de vent Vitesse moyenne Beaufort du vent

> 64

56-63

48-55

41-47

34-40

28-33

22-27

17-21

11-16

7-10

4-6

1-3

33

29-32

25-28

21-24

17-21

14-17

11-14

9-11

6-8

4-5

2-3

1-2

14

Violente tempête 11.5

9

7

Fort coup de vent Tempête

5,5

4

3

2

1

0,6

0,2

0,1

-

Hauteur probable des vagues (m)

Coup de vent

Grand frais

Vent frais

Bonne brise

Jolie brise

Petite brise

Légère brise

Très légère brise

Calme

Termes Gamme de vitesse descriptifs du vent du vent



16

12.5

10

7,5

5,5

4

2,5

1,5

1

0,3

0,1

-

Hauteur maximum probable des vagues (m)

9

8

8

7

6-7

5-6

5

4

3-4

3

2

1

0

État de la mer

Exceptionnel

Lames énormes

Très grosses lames

Grosses lames

Tourbillons d’écume à la crête des lames

Lames déferlantes

Lames & écume

Vagues modérées

Petites vagues

Apparition de moutons

Vaguelettes ne déferlant pas

Quelques rides

Miroir

Termes descriptifs de l’état de la mer

 Tableau 4.3  Échelle de Beaufort caractérisant les vents en mer et conditions de mer associées se référant aux vagues bien formées en mer libre. Il faut garder en tête le décalage entre le moment où le vent se lève et celui où la mer se forme : la hauteur des vagues sera plus faible pour des vents côtiers que pour des vents au large ou lorsqu’ils sont associés à une perturbation en mouvement qui ne reste pas suffisamment longtemps pour laisser le temps à la mer de se former – « nd » est l’abréviation de nœud (« kt » pour knot en anglais). Source : http://www.metoffice.gov.uk/guide/weather/marine/beaufort-scale.

4. Météorologie locale

297

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Les produits de la prévision numérique du temps constituent le principal outil pour prévoir les vents sur l’océan (sans ces produits, une prévision précise sur l’océan est extrêmement difficile). L’expérience a montré que les modèles sont généralement très bons pour représenter les vitesses de vent en environnement marin et qu’ils sont raisonnablement capables d’appréhender les circulations locales telles que les brises marines. Le défi essentiel dans ce domaine est la prévision de la convection profonde et des grains associés ; ces structures sont en effet mal représentées dans les modèles à faible résolution et peuvent être surestimées dans les modèles où la convection est explicitement résolue (voir les sections 10.1.2.4 et 10.2.2.3). Du fait des risques associés aux grains convectifs, les développements orageux sont à surveiller de près avec l’imagerie satellitaire (voir les sections 3.2, 6.2, 9.2.3.2 et 9.2.3.4). Des outils additionnels pour les variables thermodynamiques peuvent être intégrés dans le cas d’orages. Ainsi, en étudiant les orages formés au large des côtes ouest de l’Afrique équatoriale à une échelle journalière, Berkes et al. (2012) ont identifié : • une probabilité croissante d’orages avec la CAPE, la Downdraught CAPE (DCAPE), et le cisaillement de vent entre 925 et 700 hPa, la CAPE ayant l’influence la plus forte ; • une probabilité décroissante d’orages pour des valeurs élevées de la CIN ; les profils étant pris sur le point de grille océanique le plus proche dans les jeux de réanalyses météorologiques.

4.2.5.2 Vagues océaniques Les vagues sont générées par le vent, et l’on distingue la « mer du vent » (wind waves ou sea waves en anglais) qui résulte des vents locaux, de la houle engendrée à distance par des vents sur une zone éloignée. L’état de mer résulte de la combinaison de la mer du vent et de la houle, et chacun d’eux peut être important. Les sorties des modèles de prévision sont utilisées dans la plupart des cas pour prévoir la hauteur et la vitesse des vagues. Ils servent de guide pour la réalisation de la prévision à courte et moyenne échéance. En Afrique de l’Ouest, pour estimer la probabilité d’avoir une mer du vent ou une houle importante, le prévisionniste doit surveiller : 1) les variations de l’intensité de l’anticyclone de Sainte-Hélène et des Acores, en utilisant des prévisions numériques et des observations de pression au niveau de la mer et des cartes graphiques de vent ; 2) les dépressions fortes de l’Atlantique sud qui provoquent de la houle atteignant le golfe de Guinée. La période et la hauteur des vagues sont généralement déduites de la moyenne des vagues les mieux formées. À l’opposé de la cohérence et de l’uniformité des vagues générées par la houle, les vagues associées à la mer du vent sont de tailles irrégulières. Il faut faire attention à ne pas considérer que les plus petites et plus grosses vagues d’un état de mer donné ont forcément une origine différente. Les plus grosses vagues peuvent ressembler à la houle de par leurs plus grandes longueurs d’onde et période.

298

4. Météorologie locale

Parfois, la mer du vent et la houle viennent de la même direction. Dans ce cas, la période de la houle sera de quelques secondes supérieure à celle de la mer du vent. On utilise certaines mesures de l’état des vagues dont : 1) la hauteur de vague, qui est la distance suivant la verticale entre la crête de la vague et le creux suivant ; 2) la hauteur significative de vague Hsig, qui est la moyenne du tiers supérieur des vagues, considérées sur une période de 10 à 20 minutes ; 3) la hauteur maximale de vague Hmax qui est la vague la plus haute attendue sur un ensemble de 100 vagues qui se suivent. Pour les vagues, on trouve (Met Office, 1996) H max = 1,67 H sig (4.25) La hauteur maximale de vague lorsque les vagues et la houle sont simultanément présentes est donnée par

H max = ( H max de la mer du vent)2 + (Houle)2

(4.26)

4) Des vagues extrêmes, à fort impact, peuvent se développer quand le fetch 10 est long et que des vents forts persistent pendant de nombreuses heures. La hauteur des vagues extrêmes peut être supérieure de 50 % à celle de la hauteur maximale de vague Hmax.

4.2.5.3 Visibilité en mer Les gammes de visibilité sont : < 1 000 m ............................................................................ très faible (brouillard) 1 000 m à 3 900 m .........................................................................................faible 4 km à 9 km ..............................................................................................modérée 10 km ou plus .............................................................................................. bonne Ces catégories sont traduites dans les codes SHIP de visibilité. Au-dessus de la mer, la visibilité ne peut pas être observée aussi précisément qu’aux stations situées sur le continent du fait de l’absence de marqueurs. Sur les grands navires, on peut utiliser des objets de bord pour l’estimer quand la visibilité est faible. Cependant, cette estimation peut être entachée d’erreur, car l’air est perturbé par la présence du bateau. Pour des gammes de meilleure visibilité, l’apparence de la terre lorsqu’on s’approche de la côte est un indicateur utile. De plus, si des points fixes peuvent être observés, la distance à ces points, ou simplement leur apparition ou disparition, donne une information sur la visibilité qui peut être quantifiée graphiquement.

10.  Le fetch est à la distance sur laquelle le vent souffle sur la mer sans rencontrer d’obstacle.

299

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

De façon similaire, en pleine mer, une estimation de la visibilité peut être déduite de la distance à d’autres bateaux lorsqu’on la connaît. Quelquefois les distances peuvent être obtenues par radar. En l’absence d’autres objets, l’apparence de l’horizon observée à différents niveaux peut être utilisée comme une base d’estimation. Des précautions sont cependant nécessaires, car des réfractions anormales peuvent introduire des erreurs. Durant la nuit, l’apparition des feux de navigation peut constituer un indicateur utile de visibilité. Quelquefois la visibilité change suivant la direction. Elle doit alors être estimée ou mesurée dans la direction de visibilité la plus basse en excluant les régions où la visibilité est réduite à cause de la fumée des bateaux. Une indication appropriée doit être notée dans le carnet de bord.

4.2.6

Les services maritimes

4.2.6.1 Prévision et alertes Les prévisions marines ont des cibles différentes selon qu’elles concernent les eaux intérieures (avis de coups de vents lancés à partir de force 6, ciblant les petits navires), les eaux libres (force 8 et au-dessus, ciblant les navires de pêche et la navigation commerciale) ou la haute mer (force 10 et au-dessus pour la navigation commerciale). Quatre types de prévisions et d’alertes peuvent être lancés : 1) Prévisions marines par zone/Avis de coup de vent : la prévision contient des détails sur la force des coups de vent, un synopsis général et des prévisions par zone de la force et de la direction du vent, des précipitations et de la visibilité. Ces prévisions sont actualisées quatre fois par jour et couvrent les prochaines vingt-quatre heures. 2) Alertes à vent fort en zones côtières : elles concernent les vents forts à la côte, avec une prévision et un bulletin. La prévision est faite pour une zone s’étendant jusqu’à 12 miles de la côte et est actualisée quatre fois par jour. 3) Avis de tempêtes et prévision pour la haute mer : les alertes de tempête sont graduées en fonction de leur force et détaillées pour les zones côtières avec les tendances pour les prochains jours. Elles sont actualisées deux fois par jour. Les prévisions pour la haute mer comprennent un bulletin couvrant une échéance de 24 à 48 heures. 4) Prévisions à plus long terme : elles sont produites par zone maritime au-delà de 48 heures et sont actualisées une fois par jour.

4.2.6.2 Routage des navires La Convention internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS 74 : Safety of Life at Sea), signée en 1974, entrée en vigueur en 1980 et amendée en 2000, inclut des prescriptions concernant le routage des navires (Chapitre 5, régulation 10). Le routage maritime vise à garantir une navigation sûre

300

4. Météorologie locale

en intégrant toutes les informations disponibles sur les conditions météorologiques et l’état de la mer. Il s’agit de minimiser les dommages liés à une navigation par mauvais temps, de réduire l’occurrence des mouvements de cargaison, d’assurer un plus grand confort aux passagers et un transit plus rapide, le tout résultant en économies de temps et de carburant. Les facteurs à prendre en compte pour un routage optimal, sont la distance, les courants océaniques, les vents et les vagues, la glace de mer, le brouillard et les très basses températures. 1) Routage climatologique : ce routage, encore dominant il y a peu, repose uniquement sur l’utilisation de « Pilot books » et de cartes de vents et de courants mensuels ou saisonniers. En zone tropicale, ce type de routage est efficace, car les variations saisonnières y sont assez régulières et systématiques. 2) Routage météorologique : Le routage météorologique est réalisé dans les régions géographiques où les changements de temps sont suffisamment importants et brusques pour rendre inadéquat le routage s’appuyant sur les seules moyennes climatiques saisonnières ; ils imposent de prendre en compte le type de temps du moment. Le routage météorologique des navires est plus difficile que celui des avions, car il requiert des prévisions à longue échéance (plusieurs jours). Dans le domaine aérien, où les prévisions à courte échéance sont établies à partir des observations très récentes, le succès repose sur un système de transmission moderne et rapide, qui a vu le jour grâce à la coopération internationale orchestrée par l’Organisation météorologique mondiale. C’est une démarche semblable qui a rendu possible le routage météorologique des navires. 3) Abaques de performance des navires : mis à part les courants marins, les vagues sont le principal facteur de réduction de la vitesse pour un navire. Les effets des vagues diffèrent selon qu’on a affaire à de la houle ou à des vagues générées localement et selon qu’elles déferlent ou non. C’est pourquoi, pour guider un navire donné, il est capital de connaître ses performances suivant le type de vagues rencontrées. Les équipages doivent donc utiliser les prévisions du temps et de l’état de la mer en intégrant la connaissance qu’ils ont de leur bateau. Des abaques de performance peuvent être construits à cette fin en analysant les comptes rendus des navigations précédentes. Si ces abaques ne sont pas encore disponibles, ceux établis pour un navire semblable peuvent être utilisés en attendant. Des abaques distincts peuvent être construits pour un chargement lourd et un chargement léger du navire.

Remerciements Nous sommes reconnaissants au Département de l’Énergie des États-Unis pour la fourniture des données de la station mobile ARM (Atmospheric Radiation Measurement), acquises à Niamey durant les SOP de AMMA en 2006, et au

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Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

BADC (British Atmospheric Data Centre) pour celle des données de surface récupérées au MIDAS (Met Office Integrated Data Archive System). Nous avons également bénéficié des commentaires utiles et d’idées de nombreux collègues.

Annexe : Acronymes AMMA ARM CAPE CATCH CIN CLC CLN CLP FIT HI JEA LCL MCS MOS MSLP PNT PW RADAGAST SAL SST STJ SOP1, SOP2 TAC TEJ UTC

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Analyse Multidisciplinaire de la Mousson Africaine Atmospheric Radiation Measurement (mesure du rayonnement atmosphérique) Convective Available Potential Energy (énergie potentielle convective disponible) Couplage de l’Atmosphère Tropicale et du Cycle Hydrologique Convective Inhibition (inhibition convective) Couche Limite Convective (CBL – Convective Boundary Layer) Couche Limite Nocturne (NBL – Night-time Boundary Layer) Couche Limite Planétaire (PBL – Planetary Boundary Layer) Front Intertropical (ITD – Intertropical Discontinuity) Heat Index Jet d’Est Africain (AEJ – African Esaterly Jet) Lifting Condensation Level (niveau de condensation par ascension) Mesoscale Convective System (système convectif de méso-échelle) Model Output Statistics (adaptation statistique des sorties de modèles) Mean Sea-Level Pressure (pression réduite au niveau de la mer) Prévision Numérique du Temps (NWP – Numerical Weather Prediction) Precipitable Water (eau précipitable) Radiative Atmospheric Divergence using ARM Mobile Facility, GERB data and AMMA Stations Saharan Air Layer (couche d’air saharien) Sea Surface Temperature (température de surface de la mer) Subtropical Jet (JOST – jet d’ouest subtropical) Special Observing Periods of AMMA (périodes d’observations spéciales d’AMMA) Turbulence en Air Clair (CAT – Clear Air Turbulence) Tropical Easterly Jet (jet d’est tropical) Universal Time Coordinated (temps universel)

4. Météorologie locale

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303

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

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307

5 Aérosols désertiques Auteur principal : Peter Knippertza Auteurs : Ibrahim Hamzab, Abdou Kassimouc, Benoit Laurentd, Bernard N. Orjie, David Perry Osikaf, Kerstin Schepanskig et Ina Tegeng Reviewer : Andreas Fink (Institute of Meteorology and Climate Research, Karlsruhe Institute of Technology, Karlsruhe, Germany) Traduction française : Béatrice Marticorenad, Juan Cuestad, Paola Formentid, Benoit Laurentd, Jean-Louis Rajotd,h, Christel Bouetd,h

a

b c d e f g h

Institute of Meteorology and Climate Research, Karlsruhe Institute of Technology, Karlsruhe, Germany L’École Africaine de la Météorologie et de l’Aviation Civile (EAMAC), Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA), Niamey, Niger Agence Nationale de l’Aviation Civile du Niger (ANAC-NIGER), Niamey, Niger Laboratoire Interuniversitaire des Systèmes Atmosphériques, UMR7583 CNRS, Université Paris Diderot, Université Paris-Est Créteil, Paris, France Regional Meteorological Training Centre, Nigerian Meteorological Agency, Lagos, Nigeria Ghana Meteorological Agency, Takoradi, Ghana Leibniz Institute for Tropospheric Research, Leipzig, Germany Institut d’Écologie et des Sciences de l’Environnement de Paris (iIEES Paris), UMR IRD 242, Université Pierre et Marie Curie - CNRS - INRA - Université Paris Est Créteil Université Paris Diderot, Paris, France

309

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

5.1 Bases scientifiques 5.1.1

Le cycle des aérosols désertiques

Les aérosols désertiques, plus communément appelés poussières, sont principalement produits par érosion éolienne des sols en régions arides et semi-arides. Le nord de l’Afrique est la zone source de poussières la plus importante au monde. Les aérosols désertiques émis aux échelles locale et régionale induisent des nuisances et des risques pour les populations vivant à proximité des zones sources. Les tempêtes de poussières réduisent la visibilité horizontale perturbant le trafic routier et aérien dans les pays où ces tempêtes sont fréquentes (Pauley et al., 1996). L’exposition prolongée à de fortes concentrations en aérosols telles que provoquées par les tempêtes de poussières a un impact sur la santé pouvant aller jusqu’au développement de silicoses. Les aérosols désertiques semblent également jouer un rôle dans le déclenchement et la dynamique des épidémies de méningites en saison sèche au Sahel (Morman et Plumlee, 2014). Au cours de leur transport dans l’atmosphère, les aérosols désertiques ont un impact sur le bilan radiatif terrestre par absorption et diffusion du rayonnement solaire incident et du rayonnement réémis par la Terre. Ces aérosols peuvent être impliqués dans des réactions de chimie atmosphérique hétérogène et multiphasique et, par ce biais, affecter la concentration des composés photo-oxydants et la composition des précipitations. Le dépôt de ces aérosols contribue également au cycle biogéochimique de certains nutriments clés, tels que le fer (Fe) ou le phosphore (P). Une description correcte de la variabilité spatiale et temporelle des émissions, du transport et du dépôt de ces aérosols est donc un pré-requis pour estimer et prévoir leurs concentrations et leurs impacts.

5.1.1.1 Émission Les émissions d’aérosols désertiques impliquent des processus non linéaires pilotés par les conditions météorologiques et les propriétés des surfaces (voir l’article de synthèse de Marticorena, 2014). La quantité de particules fines disponibles à l’état libre dans les sols est généralement très faible. Ces particules sont le plus souvent présentes sous la forme d’agrégats plus grossiers ou en plaquage sur des grains de sable. La force de cisaillement τ exercée par le vent sur un grain de sol peut s’exprimer comme τ = ρa u* 2, ρa étant la densité de l’air et u* la vitesse de friction du vent. En conditions neutres, u* est définie par : u(z) = u*/k ln z/z0,

(5.1)

où k est la constante de von Karman, u(z) la vitesse du vent à la hauteur z et z0 la longueur de rugosité aérodynamique (voir également section 4.1.2.2, Équation 4.11). La mise en mouvement des grains du sol est provoquée par la force de cisaillement du vent. Il s’agit d’un processus à seuil : une certaine vitesse de friction, u*t , doit être atteinte pour que la force de cisaillement compense les forces qui maintiennent les grains au sol : la gravité, les forces de cohésion inter-particulaires et les forces

310

5. Aérosols désertiques

capillaires liées à l’humidité du sol. Ce seuil, u*t , qui dépend de la taille des grains du sol (Bagnold, 1941), contrôle l’occurrence des émissions et module leur intensité. Pour les grains grossiers, u*t augmente avec la taille des grains, car la force de gravité domine le bilan des forces. Pour les grains les plus fins, u*t augmente quand la taille des grains diminue en raison de la dominance des forces de cohésion inter-particulaires qui augmentent comme l’inverse de la taille des grains. Ces deux effets antagonistes conduisent à l’existence d’une taille de grain optimale, de l’ordre de 80 µm de diamètre, pour laquelle u*t est minimale (~ 20 cm s–1). Ces particules sont trop lourdes pour entrer en suspension dans l’air. Elles sont animées d’une trajectoire balistique, dite de saltation et, pour les plus grosses, d’un mouvement de reptation à la surface produisant un flux horizontal à la surface du sol (G ; Figure 5.1). Les éléments à forte rugosité présents à la surface du sol (pierres, cailloux, graviers, végétation) dissipent une partie de la quantité de mouvement apportée par le vent, diminuant la fraction disponible pour initier le mouvement des grains du sol. Cela se traduit par une augmentation apparente de la vitesse de friction seuil u*t. L’humidité du sol, qui conduit au développement de forces capillaires entre les grains du sol, augmente leur cohésion et donc la vitesse seuil u*t (Fécan et al., 1999). La formation de croûtes physiques (Gomes et al., 2003) ou biologiques (Belnap et al., 2004) à la surface du sol renforce également sa cohésion et sa résistance à l’érosion éolienne.

Wind U* > U*t

Vertical flux (F)

Saltation

Sandblasting

Horizontal flux (G)

 Figure 5.1   Représentation schématique des processus d’émission d’aérosols désertiques. Le flux vertical F est produit par sand-blasting, quand les grains du sol en saltation (flux horizontal) entrent en collision ou heurtent la surface et libèrent les particules fines constituant l’aérosol désertique. Figure adaptée de Laurent (2005).

Des travaux expérimentaux et théoriques (Bagnold, 1941 ; Gillette, 1979) ont montré que, une fois le seuil d’érosion dépassé, le flux horizontal, G, était proportionnel à la puissance 3 de la vitesse de friction u*. L’émission de particules fines, constituant l’aérosol désertique, se produit lorsque les grains en saltation frappent la surface : une partie de leur énergie cinétique permet de libérer les particules fines et de les éjecter dans l’atmosphère (processus de sand-blasting, Figure 5.1). Des émissions significatives d’aérosols désertiques ne sont généralement mesurées qu’en présence de saltation (Gillette, 1977 ; Sow et al., 2009). Warren et al. (2007) rapportent

311

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

que dans la dépression de Bodélé (Tchad), l’éclatement d’agrégats de diatomées en saltation retombant à la surface ou entrant en collision entre eux est le mécanisme de production d’aérosols le plus efficace. Le flux vertical d’aérosols désertiques (F) est constitué de la fraction fine des particules mises en suspension depuis la couche de saltation. Ces particules peuvent être transportées sur de très grandes distances. Des efforts ont été menés pour développer des schémas d’émissions fondés sur une description des processus physiques d’interaction entre la surface et l’atmosphère. Par exemple, Marticorena et Bergametti (1995) ont développé un schéma de répartition (feff ) de la force de cisaillement du vent entre les éléments de rugosité (caractérisés par la longueur aérodynamique de rugosité, z0) et la surface érodable (caractérisée par la longueur de rugosité aérodynamique de la surface « lisse », z0s). u*t est alors paramétrée en fonction de la rugosité des surfaces rencontrées en zones arides et semi-arides. Le flux horizontal, G, simulé par Marticorena et al. (1997), reproduit de façon satisfaisante le flux en masse et sa distribution en taille, mesurés en soufflerie pour différents substrats et différentes vitesses de vent (Williams, 1964). Seuls les modèles décrivant le processus de sand-blasting sont à même de simuler explicitement le flux vertical, F, en masse et la distribution en taille des particules émises. Alfaro et Gomes (2001) ont proposé un modèle fondé sur trois populations granulométriques typiques. Chacune des populations n’est émise que si l’énergie cinétique apportée excède son énergie de cohésion. La distribution en taille des aérosols émis dépend donc de la taille des grains du sol en saltation et de leur vitesse. Une autre approche consiste à estimer la quantité de particules fines présentes dans le volume de sol qu’un grain en saltation peut éjecter par impact à la surface. Un modèle très complet, qui intègre également l’entraînement direct des particules fines et la désagrégation des agrégats de sol, a été développé par Shao (2004). Des bases de données spécifiques de rugosité de surface, de distribution en taille et de texture de sols ont été développées à l’échelle régionale ou globale pour répondre aux besoins des modèles d’émission (Marticorena et al., 1997 ; Tegen et al., 2002 ; Prigent et al., 2005 ; Laurent et al., 2008a). Cependant, l’application à grande échelle des paramétrisations de sand-blasting reste limitée par la détermination à ces échelles des données d’entrée nécessaires. L’impact sur les émissions des variations des propriétés de surface liées à la présence de végétation saisonnière, à la dynamique de formation et disparition de croûtes, à la limitation en matériel érodable ou à des types de sols très particuliers (tels que les amas de diatomées dans la dépression de Bodélé) restent des questions à résoudre. Kardous et al. (2005) notent également la nécessité de tenir compte de l’impact des pratiques agricoles en zones semi-arides. Mais des progrès notables restent également à accomplir dans l’amélioration de la simulation des vitesses de vent de surface par les modèles météorologiques et les modèles de climat (Laurent et al., 2008b). Il n’existe pas d’observations directes permettant de quantifier les émissions d’aérosols désertiques à l’échelle du Sahara et du Sahel. Pour autant, les récentes campagnes de mesures réalisées sur le nord de l’Afrique (incluant : Bodélé Dust Experiment (BoDEx), Analyse multidisciplinaire de la mousson africaine (AMMA), Saharan Mineral Dust Experiment (SAMUM) et Fennec) et les observations indirectes sur les émissions et le transport des aérosols désertiques donnent des informations

312

5. Aérosols désertiques

précieuses pour évaluer les simulations des modèles d’aérosols désertiques, au moins en termes de variations spatiale et temporelle. En combinant les différentes approches, il est désormais possible de localiser les sources les plus importantes d’aérosols désertiques sur le Nord de l’Afrique et d’étudier leur cycle saisonnier. Les estimations des émissions d’aérosols sahariens dérivées d’observations satellites sont de l’ordre de 240 Tg an–1 (Kaufman et al., 2005) et de 760 Tg an–1 par modélisation régionale (Laurent et al., 2008a).

5.1.1.2 Transport Les processus atmosphériques depuis les échelles synoptique, régionale et locale jusqu’à l’échelle de la turbulence peuvent générer des émissions d’aérosols désertiques et forcer leur mélange atmosphérique. Le transport de ces aérosols depuis et au-dessus de la surface ainsi que dans l’atmosphère est contrôlé par les caractéristiques de la couche limite planétaire (CLP, en anglais PBL pour Planetary Boundary Layer ; voir chapitre 4). 40°N

30°

DJF Dust plume

Dry winter monsoon

20° 10°

ITCZ TCZ

0° 10°S 40°W

I

30°

20°

10°



10°

20°

30°

40°N

30°

40°E JJA

Dust plume

20°

ITCZ Z ITC

10°

Wet summer monsoon

0° 10°S 40°W

30°

20°

10°



10°

20°

30°

40°E

 Figure 5.2  Variation saisonnière de la position zonale de la ZCIT et de ses conséquences sur les conditions atmosphériques sur l’Afrique de l’Ouest. Les flèches indiquent la direction des vents dominants. L’extension de la zone d’harmattan sèche et souvent poussiéreuse est indiquée en gris clair sur terre et en gris foncé sur l’océan. Le panache de poussières est délimité par la ligne noire sur l’océan. En hiver (décembre-janvier-février) en haut ; et en été (juinjuillet-août) en bas. Source : Stuut et al. (2005). Reproduit avec l’autorisation de John Wiley and Sons.

313

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Les directions de transport dominantes des aérosols sahariens sont : vers l’ouest sur l’Atlantique nord jusqu’en Amérique du Sud ou du Nord, vers le nord à travers la Méditerranée jusqu’au sud de l’Europe, et vers l’est sur la Méditerranée orientale jusqu’au Moyen-Orient (Middleton et Goudie, 2001, et références citées). Stuut et al. (2005) notent l’effet du balancement saisonnier de la zone de convergence intertropicale (ZCIT, en anglais ITCZ pour Intertropical Convergence Zone), de 19°N au cours de l’été boréal à 5°S en hiver, sur l’origine et les directions du transport des aérosols désertiques (Figure 5.2). En été, les couches d’aérosols désertiques subissent un fort mélange vertical sur le Sahel et le sud du Sahara. Sur l’océan, les couches d’aérosols sahariens sont transportées en été au-dessus de la couche d’inversion des alizés (jusqu’à 5-7 km au-dessus du niveau de la mer) (Kalu, 1979 ; Figure 5.3). En hiver, le mélange vertical est plus faible et se produit plus au sud, aussi l’essentiel des aérosols désertiques est transporté dans la couche des alizés en dessous de 1,5-3 km (Figure 5.3). (a)

(c)

Winter

Winter

Dust

Africa

(d)

(b) Summer

Summer

Dust

Africa

 Figure 5.3  Schéma représentant le transport vertical et horizontal d’aérosols désertiques depuis le continent nord-africain vers l’Atlantique nord tropical pour l’hiver (a, c) et l’été (b, d) de l’hémisphère nord. Source : Schepanski et al. (2009). Reproduit avec l’autorisation de John Wiley and Sons.

5.1.1.3 Dépôts sec et humide Le cycle des aérosols désertiques est contraint par le taux d’élimination des particules depuis l’atmosphère vers la surface par les processus de dépôts sec et humide (voir l’article de synthèse de Bergametti et Forêt, 2014). Le dépôt sec correspond au flux de particules depuis l’atmosphère vers la surface par diffusion moléculaire et

314

5. Aérosols désertiques

turbulente et par sédimentation, alors que le dépôt humide désigne le transport par les précipitations (« lessivage »). La vitesse de dépôt sec dépend de la taille des particules (les particules grossières tombent plus vite) et des caractéristiques de l’écoulement et de la surface (processus de sédimentation, transfert turbulent, diffusion brownienne, interception, impact et rebond à la surface ; Zhang et al., 2001). Le dépôt humide inclut le lessivage dans et sous le nuage. Les données expérimentales de valeurs de dépôt présentent une large gamme de variabilité selon le type de mesure (dépôt total, sec ou humide, dépôt soluble ou insoluble). Mahowald et al. (1999) ont proposé une compilation d’indicateurs et de mesures de dépôt de poussières issue d’une base de données sur les paléo-environnements terrestres et océaniques. Les valeurs annuelles de dépôt d’aérosols désertiques couvrent plusieurs ordres de grandeur : de 0,2 à 141,6 g m–2 an–1 dans les sédiments marins, et de 0,8 à 27,4 g m–2 an–1 pour les flux dérivés de pièges à sédiments. Middleton et Goudie (2001) ont rassemblé des estimations de taux de dépôt de poussières à différentes distances du Sahara. Les dépôts annuels varient de moins de 1 g m–2 an–1 en Europe de l’Ouest à 100-200 g m–2 an–1 à proximité des sources sahariennes. Le dépôt reste une source d’incertitude majeure dans les modèles du cycle des aérosols désertiques et son évaluation reste limitée par la localisation et les périodes de temps pour lesquelles des observations in situ sont disponibles. La distribution globale des aérosols désertiques est fortement contrôlée par le dépôt humide. L’efficacité du lessivage dépend du type et de l’intensité des précipitations et de la distribution en taille des gouttes de pluie. Elle dépend également de la distribution en taille des aérosols lessivés et de leur composition chimique. Les flux de dépôt annuels simulés peuvent varier de quelques dizaines à plusieurs centaines de g m–2 an–1 sur le Sahara, de 5 à quelques dizaines de g m–2 an–1 sur l’Atlantique, au large des sources nord-africaines (Mahowald, 2007 ; Figure 5.4a). La Figure 5.4b met en évidence les principales régions de dépôt d’aérosols émis depuis le Nord de l’Afrique (le continent nord-africain lui-même, l’océan Atlantique nord, le bassin Méditerranéen et l’Europe, principalement).

5.1.2

Systèmes météorologiques

Les systèmes météorologiques capables de générer des vents en surface suffisamment forts pour mobiliser et transporter des poussières agissent à des échelles spatiales allant de quelques mètres jusqu’à couvrir toute l’Afrique du Nord (voir les revues de Knippertz et Todd, 2012 ; Knippertz, 2014). L’échelle synoptique (centaines à milliers de kilomètres) est dominée par les systèmes météorologiques extra-tropicaux, avec des différences régionales et saisonnières marquées. Au Nord et au Centre du Sahara, des dépressions de surface se forment régulièrement en lien avec les thalwegs de haute troposphère issus des latitudes tempérées et les « cut-offs » originaires d’Europe ou de l’océan Atlantique adjacent, en particulier durant le printemps et l’hiver (Thorncroft et Flocas, 1997). Des exemples typiques sont les dépressions

315

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

désertiques de Khamsin et de Sharav qui se forment sur le versant sous le vent des montagnes de l’Atlas, qui se dirigent ensuite vers l’est et le nord-est provoquant des tempêtes de poussières le long des côtes Méditerranéennes (El Fandy, 1940 ; Pedgley, 1972 ; Alpert et Ziv, 1989 ; Figure 5.5). Les poussières mobilisées et entraînées par les fronts froids de ces systèmes peuvent occasionnellement être transportées vers le sud jusqu’au Sahel. (a)

Dust deposition (g/m2/year)

0.0 0.00050.01 0.02 0.05 0.1

(b)

0.2

0.5

1.

2.

5.

10.

20.

50. 100. 200.

Dominant source

Asia

N. Af

N. Am.

S. Am.

Aus.

C .As+S. Af.

 Figure 5.4  (a) Dépôt annuel estimé par un modèle global du cycle des aérosols désertiques. (b) Zones affectées par le dépôt d’aérosols désertiques suivant leur région source (couleur bleue pour l’Afrique du Nord). Source : Mahowald (2007). Reproduit avec l’autorisation de John Wiley and Sons.

316

5. Aérosols désertiques

50°N

40°N

30°N

20°N

10°E

20°E

30°E

40°E

 Figure 5.5   Exemple du cyclone intense Khamsin sur la Méditerranée orientale à 1200 UTC, le 22 janvier 2004. L’image satellitaire superposée est un composite de trois canaux infrarouge (IR de l’instrument Spinning Enhanced Visible and InfraRed Imager (SEVIRI) du satellite Meteosat Second Generation (MSG). Les nuages hauts optiquement denses apparaissent en rouge sur cette image et les poussières en magenta. Les mesures des stations synoptiques montrées sur la figure indiquent une intense tempête de poussières avec des vitesses de vent jusqu’à 35 kt et une visibilité réduite à 100 m derrière le front froid sur l’Égypte et la Libye. Source : Knippertz et Todd (2012), reproduit avec l’autorisation de John Wiley and Sons.

Au Sahel et au Sud du Sahara, des tempêtes de poussières intenses se produisent fréquemment pendant la saison sèche d’Afrique de l’Ouest (décembre à avril) dues aux augmentations de pression en basses couches associées à l’intensification des conditions anticycloniques sur l’Afrique du Nord (Kalu, 1979 ; Klose et al., 2010). Ces conditions sont liées aux intrusions d’air froid originaire des latitudes moyennes et elles sont parfois intensifiées par le refroidissement associé à l’évaporation (Knippertz et Fink, 2006). L’augmentation du gradient de pression nord-sud à travers l’Afrique du Nord associée à un anticyclone subtropical renforcé amène à une intensification des vents harmattan. Dans les cas de faible gradient, cela peut induire des émissions localisées dans des régions sources préférentielles (Knippertz et al., 2011) comme la dépression de Bodélé au Tchad, où le vent de nord-est en

317

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

basses couches est accéléré entre deux zones de relief (Washington et Todd, 2005). Dans les cas de fort gradient, des fronts de poussières, pouvant atteindre l’échelle continentale, se forment et se déplacent rapidement (Knippertz et Fink, 2006 ; Shao et al., 2010 ; Figure 5.6).

 Figure 5.6  Exemple d’une intense tempête de poussières de grande échelle provoquée par une anticyclogenèse rapide au nord-ouest de l’Afrique à 1800 UTC le 3 mars 2004. La figure satellitaire superposée et les mesures des stations synoptiques sont comme celles de la Figure 5.5. Durant les jours suivants, le front de poussières s’est étalé jusqu’à former un arc entre le golfe de Guinée et les îles Canaries. Source : Knippertz et Fink (2006). Reproduit avec l’autorisation de John Wiley and Sons.

En été, au cours de la saison de mousson, la distribution de la pression à grande échelle diffère nettement et se caractérise par une dépression thermique prononcée centrée au nord du Mali et par des gradients de pression assez marqués vers l’Atlantique à l’ouest, le golfe de Guinée au sud et la mer Méditerranée au nord-est (voir la section 1.5). Pendant la journée, la CLP est généralement très développée et bien mélangée sur de grandes parties de la région, ce qui limite la réponse des vents de basses couches aux gradients de pression de grande échelle. Pendant la nuit, lorsque les basses couches se stabilisent, une circulation plus cohérente en direction de la dépression thermique peut être observée (Parker et al., 2005). Le flux de mousson vers le nord peut présenter un bord d’attaque proche d’un courant de gravité qui conduit à des émissions de poussières (Bou Karam et al., 2008). Des tempêtes de poussières ont également été observées dans les intrusions d’air froid depuis la Méditerranée vers la dépression thermique (Knippertz et al., 2009).

318

5. Aérosols désertiques

2000

10

1500

8

Wind speed (m/s)

Height above surface (m)

La formation de jets nocturnes de basses couches (NLLJ – pour Night-time LowLevel Jet en anglais ; Stensrud, 1996 ; Fiedler et al., 2013 ; voir la section 4.1.3.2) est un phénomène important qui se produit en ciel clair, dans les régions sèches avec de forts gradients de pression à grande échelle et en toutes saisons. Ces jets sont liés dynamiquement au découplage de la couche au-dessus de l’inversion associée au rayonnement par rapport à la friction en surface pendant la nuit. Au cours de la stabilisation de la CLP après le coucher du soleil, le vent dans cette couche effectue une oscillation inertielle autour du vent géostrophique (ou un autre vent d’équilibre) avec une période de 2p divisée par le paramètre de Coriolis f. Cela correspond à environ 28 heures à 25°N et peut donc conduire à un écoulement fortement super-géostrophique (plus rapide que le vent géostrophique), autour du lever du soleil. Le mélange vers la surface de la quantité de mouvement du NLLJ au cours du développement matinal de la CLP conduit à un pic de rafales de vent près de la surface et l’émission de poussières pendant cette période (Washington et al., 2006 ; Schepanski et al., 2009). Cet effet a été mis en évidence dans la dépression de Bodélé pendant BoDEx (Figure 5.7). Knippertz (2008) a constaté que la paramétrisation de rafales utilisée par le Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (CEPMMT) est capable de représenter ce mécanisme dans la région de forts gradients de pression au nord de la dépression thermique d’été. En utilisant des données CEPMMT, Engelstaedter et Washington (2007) ont constaté une forte corrélation entre le cycle annuel de rafales de vent et le contenu en poussières dans la région de la dépression thermique au Sahara.

1000 500 0

28/02 1/03 2/03 3/03 4/03 5/03 6/03 7/03 8/03 9/03 10/0311/03 2

4

6

8

10 12 14 16 Wind speed (m/s)

18

20

22

24
 55 dBZ), avec de la foudre et potentiellement de la grêle (voir Figures 6.32d et 6.33a). L’examen de l’imagerie satellite en Figure 6.34 montre les sommets très froids associés à cet orage. Sans observateur, on ne peut pas certifier qu’il y a eu de la grêle uniquement au vu des valeurs élevées de réflectivité observée en Figure 6.33. Statistiquement, la grêle est relativement peu fréquente en Afrique de l’Ouest, au vu du nombre de jours de grêle observés sur les aéroports africains (voir tableau C.1, Annexe C). Cependant, le tableau C.1 montre que le potentiel existe. Le Tableau 6.3 liste quelques-unes des signatures qu’un prévisionniste doit rechercher, indicatives de la présence de grêle dans les orages violents. De plus, il est très utile d’avoir un radar à double polarisation qui est capable de distinguer les types d’hydrométéores et la présence de grêle à l’intérieur des orages (Vivekanandan et al., 1999), comme illustré en Figure 6.35.

(a) 17:12

(b) 17:34

(c) 18:01

(d) 18:44

 Figure 6.33  Comme la Figure 6.32, mais à des heures plus tardives, entre 1712 et 1844 UTC.

Avec ce nouvel orage intense à moins de 30 km de l’aéroport (Figure 6.33a), le prévisionniste devra décider s’il va toucher l’aéroport. Puisque le flux directeur des orages a déplacé la cellule vers l’ouest, le prévisionniste doit surveiller de près les observations pour confirmer s’il en est toujours ainsi et s’assurer que l’orage ne se régénère pas de façon rétrograde en direction de l’aéroport. Si l’animation du radar

399

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

indique que l’orage se déplace vers l’ouest, alors le prévisionniste ne devrait pas émettre d’amendement du TAF. Il est intéressant de noter que parce que l’orage se déplace vers l’ouest approximativement dans la même direction qu’une portion de l’arc du front de rafales, non seulement il continue de vivre (Tableau 6.1, règles pour une limite en mouvement), mais il s’intensifie en une ligne de grains bien organisée (Figure 6.34b) se propageant vers le sud-ouest en s’éloignant de Bamako. Cela est aussi évident au vu de la croissance de l’enclume associée au développement de la ligne de grains à 1730 UTC (Figure 6.34b) et l’expansion de l’enclume vers le sudouest (Figures 6.34c, d).  Tableau 6.3  Signatures de la grêle dans les cellules convectives. Signatures des radars à polarisation simple La réflectivité radar (Z) dépend de la taille des particules, c’est-à-dire Z ≈ D6, où D est le diamètre de l’hydrométéore. Ainsi, des valeurs de réflectivités ≥ 60 dBZ indiquent généralement la présence de grêle au sein de la cellule. Des réflectivités de 70 dBZ indiquent la présence de grosse grêle. Des réflectivités > 45 dBZ au-dessus de l’isotherme 0 °C est un indicateur utile de la présence de grêle (Waldvogel et al., 1979). Les probabilités que la grêle atteigne le sol et qu’elle soit grosse est d’autant plus grande que la zone de réflectivité 45 dBZ au-dessus de l’isotherme 0 °C est grande (Joe et al., 2004). De plus, la probabilité que la grêle ne fonde pas avant d’atteindre le sol est d’autant plus grande que l’isotherme 0 °C est bas (dans le radiosondage). Les échos de réflectivité en « V » indiquent une région où les gros hydrométéores sont répartis en forme de « V » autour d’une forte ascendance qui fait obstacle au flux de l’environnement. Ces fortes ascendances qui bloquent le flux peuvent produire de la grêle. Les valeurs de réflectivité dans le « V » sont généralement ≥ 55 dBZ. La bande brillante (Wilson et Reum, 1988), signature de grêle, observable sur les radars bande-S ou bande-C. La taille des grêlons associée à ces signatures est ≥ 1 cm. Signatures des radars à double polarisation Réflectivités différentielles (ZDR) avec valeurs entre 0,0-1,0 dB pour des réflectivités > 50 dBZ (Bringi et al., 1986). Classification automatique de la grêle utilisant une combinaison de champs à double polarisation (Vivekanandan et al., 1999) et d’information de sondage atmosphérique. Signatures satellitaires Sommets pénétrants (overshooting), les fortes ascendances qui peuvent être associées à de la grêle sont évidentes en imagerie visible et IR, et dans les produits de différence de température de brillance IR. Les températures de brillance de sommets les plus froides sont trouvées au sein d’un sommet pénétrant. U/V froid et signatures en forme d’arc froid sont des éléments du sommet de la couche, relatifs à la sévérité de l’orage, localisés sur l’image température de brillance, représentant les parties froides d’une enclume, entourée de zones plus chaudes plus durables et plus grandes (selon M. Setvák, Institut météorologique tchèque, 2010). Conditions environnementales favorables Forte CAPE de l’environnement pour former de fortes ascendances. Fortes valeurs d’eau précipitable totale. Cisaillement vertical de vent fort et/ou tournant.

400

6. Prévision immédiate

(a) 17:15

(b) 17:30

(c) 18:00

(d) 18:45

 Figure 6.34  Comme la Figure 6.31, mais à des heures plus tardives, entre 1515 et 1845 UTC.

SLW

Irregular ice crystals

Ice crystals

Wet snow

Dry snow

Graupel/rain

Graupel/small hail

Rain/hail

Hail

Heavy rain

Moderate rain

Liht rain

Drizzle

Cloud drops

 Figure 6.35  Affichage de hauteur et de distance (RHI, Range-Height Indicator, figure du haut), réflectivité différentielle (Differential Reflectivity, ZDR, figure du milieu) et classification des particules correspondantes (PID, Particle Identification algorithm, figure du bas). Les mesures sont issues du radar de recherche NCAR S-Pol en 1997. Source : Vivekanandan et al. (1999). © American Meteorological Society, reproduit avec permission.

401

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

(a) 19:11

(b) 19:15

(c) 19:29

(d) 19:38

 Figure 6.36  Comme la Figure 6.33, mais à des heures plus tardives, entre 1911 et 1938 UTC. Les petites flèches blanches montrent le bord d’attaque des fronts de rafale. Source : R. Roberts, 2014.

À 1801 UTC, le prévisionniste note une croissance graduelle de convection inorganisée à l’est de l’aéroport (Figure 6.33c). À 1844 UTC, les fronts de rafales qui se rejoignent semblent organiser les cellules (Figure 6.33d). Il est très probable que ce type de convection ne soit pas d’origine locale, mais associé à un épisode d’échelle plus grande, peut-être une onde d’est. La Figure 6.36 illustre comment cet amas orageux (MCS) s’organise en une ligne orageuse multi-cellulaire à partir de la fusion de plusieurs fronts de rafales individuels en un seul plus grand. Ce front de rafales déclenche ensuite de nouvelles cellules le long du bord d’attaque du MCS. Il est particulièrement important que le prévisionniste détermine : (1) si l’orage et les éclairs associés vont atteindre l’aéroport et à quelle heure, (2) si d’autres phénomènes dangereux associés à ce MCS vont impacter les opérations de l’aéroport et à quelle heure. Les données satellites débutant à 1900 UTC sont montrées en Figure 6.37, et les données foudre si disponibles devraient être superposées à l’imagerie satellite. S’il existe des données de stations de surface, il sera important que le prévisionniste documente le refroidissement qui a eu lieu au passage du front de rafales précédent, puisque la stabilité de l’atmosphère aura probablement été affectée dans la région (c’est-à-dire que l’atmosphère soit plus stable et conduira moins facilement à de la convection intense alimentée par la surface). Si le prévisionniste a accès à toute cette information, cela devrait affecter le contenu du TAF, en insistant moins sur la pluie forte et plus sur la foudre et les vents forts. À 1911 UTC, en se basant sur l’examen de toutes les observations et des paramètres clés, le prévisionniste devrait considérer un amendement de son TAF pour ce nouveau type de temps. Une alerte pour l’heure suivante pourrait être comme suit : GABS AD WRNG 2 valid 091900/2030 CB/TS OBS 25KM ENE, MOV W 22KT INTSF=

402

6. Prévision immédiate

Ce TAF peut aussi être amendé comme suit : TAF AMD GABS 091911Z 0920/1024 22010KT 7000 TS BKN030 FEW040 CB TEMP 0919/0921 10030G40KT 1000 TSRA BECMG 0921/0923 9999 SCT040 =

(a) 19:00

(b) 19:45

(c) 21:00

(d) 21:30

 Figure 6.37  Comme la Figure 6.34, mais à des heures plus tardives, entre 1900 et 2130 UTC.

Comme on peut le voir dans les Figures 6.36 et 6.38a et b, les orages et la foudre associée passent bien au-dessus de l’aéroport dans l’heure, mais l’intensité a significativement baissé durant la période et les sommets ne sont plus si froids (Figure 6.37). Il est probable que le MCS a perdu de son intensité en arrivant dans une zone qui a déjà été refroidie et stabilisée par les différentes poches froides des nombreux orages de l’après-midi. Il commence à être tard et selon la climatologie de cette région, on doit s’attendre à la dissipation. En fait, c’est exactement ce qu’on observe dans les heures qui suivent avec la convection active du MCS évoluant en pluies stratiformes généralisées (Figures 6.37d et 6.38d). À part la foudre associée au MCS quand il est passé directement au-dessus de l’aéroport, l’autre impact significatif pour l’aéroport est le front de rafales à ~ 1938 UTC (Figure 6.36d) qui cause de possibles vents de travers pour l’avion (comme confirmé par les vitesses radiales du radar Doppler, non montrées ici). Un examen attentif des données radar des Figures 6.36 et 6.38 montre le mouvement du front de rafales (la ligne étroite en réflectivités) se déplaçant vers l’ouest au-dessus de l’aéroport.

403

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

(a) 19:46

(b) 20:22

(c) 20:44

(d) 21:24

 Figure 6.38  Comme la Figure 6.36, mais à des heures plus tardives, entre 1946 et 2124 UTC.

Cet exemple démontre qu’en ayant accès à des observations à haute résolution d’un radar sensible, il est possible pour le prévisionniste de mieux comprendre les mécanismes physiques influençant l’évolution de la convection, et de fournir une prévision immédiate plus précise.

6.2.3

Cisaillement de vent

Le cisaillement de vent constitue l’un des plus grands dangers pour l’aviation. Dans les années 1970, le cisaillement de vent associé aux courants de densité des orages (fronts de rafales) était bien documenté dans la littérature scientifique, comme l’était le danger qu’il peut représenter pour le décollage et l’atterrissage, sous la forme de turbulence ou de vent latéral. En 1975, alors qu’ils enquêtaient sur un accident d’avion, Fujita (1976) et Fujita et Byers (1977) définirent le terme « rafale descendante » comme une forte subsidence qui induit des vents violents sur ou près du sol, comme sur le schéma de la Figure 6.39. Ils trouvèrent que ces subsidences très intenses produisaient des vitesses comparables ou supérieures à celles d’un avion en approche finale ou au décollage, à 91 m (300 ft) au-dessus de la surface (voir la Figure 6.40). Les vents associés à ces rafales descendantes ont une extension horizontale > 4 km et peuvent persister 5 à 30 min. Durant le projet Joint Airport Weather Studies (JAWS) (McCarthy et al., 1982), l’examen d’observations radar Doppler de nombreuses subsidences et courants de densité indiqua que le cisaillement particulièrement dangereux pour les avions se produisait à des échelles spatiales et temporelles beaucoup plus petites. Fujita classifia ces subsidences, plus petites mais plus dangereuses, comme « micro-rafales » (Figure 6.41). Les vents destructeurs associés

404

6. Prévision immédiate

à ces micro-rafales ont une extension horizontale ≤ 4 km et peuvent persister 2 à 10 min (Wilson et al., 1984). Micro-rafales et rafales descendantes ont été citées comme étant la cause de nombreux accidents d’avion. Les micro-rafales sont difficiles à détecter par des anémomètres au sol, sauf si les instruments sont proches les uns des autres, comme c’est le cas avec le Low-Level Wind-Shear Alert System (LLWAS ; cf. le lien internet en Annexe D). Les radars Doppler sont très précis pour la détection des vents divergents associés aux micro-rafales et aux rafales descendantes grâce à leur couverture spatiale à haute résolution et à leur forte fréquence de rafraîchissement. Les Terminal Doppler Weather Radars (TDWR), spécialement conçus pour détecter les micro-rafales, balayent au-dessus des aéroports toutes les minutes et ont une résolution spatiale horizontale de 150 m.

Downdraft Feet 500 400 300 200 100

Glide slop

e

0

 Figure 6.39  Représentation schématique de l’impact d’un courant de densité sur un avion en phase d’approche Source : McCarthy et al. (1982). © American Meteorological Society, reproduit avec permission. ft 400

16 135 kts

300 200

12 fps

Headwi nd

8 4

100

No Tailw minal ind

0 Divergence 0.04 sec–1 = 144 hr–1

0

50

Path 3°

400

16

300

12 fps = 3 .6 m/s at 300 ft nal Nomi 8 Tai lwi nd 4 Path 0

Headwi nd

200

wind Head

100 0

Runway 0 0

m 100

12 fps = 3.6 m/s at 300 ft

0.5

RWY 0

PATH

m 100

50

0 2 km

1.0 mile

 Figure 6.40  Représentation schématique de trajectoires de vol soumises à l’influence d’un courant de densité descendant. Les flèches vers le bas représentent des subsidences avec des vitesses de 3,6 m s–1 à une altitude  1 est recommandée lorsque les données sont fortement auto-corrélées (ce qui signifie qu’il y a une « mémoire » inter-annuelle dans les données), ou lorsque les performances du modèle sont limitées et le retrait d’années « pic » peut vraisemblablement avoir une influence excessive sur l’équation de prévision. Des évaluations en validation croisée de prévisions de précipitations utilisant (a) l’EOF3 et (b) les EOF2, EOF3 et l’EOF2 d’une analyse en « rotation varimax » des SST sont présentées respectivement dans les Figures 8.11a et b. Les corrélations calculées sur la période 1901-2011 sont comparables à celles calculées sur la période de 1901 jusqu’à environ 1990 dans Ward et al. (1993) et Folland et al. (1991), même si nous avons maintenant 20 années de données supplémentaires depuis la publication de ces travaux. La corrélation entre les prévisions en validation croisée des précipitations en JAS sur le Sahel utilisant l’EOF3 de mars-avril et les observations vaut r = 0,52. Cette corrélation atteint r = 0,61 si on utilise les SST simultanées (JAS) pour prévoir les précipitations. Les prévisions utilisant les trois prédicteurs (Figure 8.11b) sont légèrement meilleures que celles utilisant seulement

509

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

l’EOF3 si les SST simultanées de JAS sont employées (r = 0,70), mais la performance des trois prédicteurs en utilisant les SST de mars-avril (r = 0,53) est similaire à l’utilisation de l’EOF3 seule (r = 0,52). (a)

Observed sahel rainfall (blue) v forecast from march–april (red) SST r = 0.52 forecast from JAS (purple) r= 0.61

JAS sahel rainfall in standardised units

3

2

1

0

–1

–2 1900

(b)

1920

1940

1960

1980

2000

2020

Observed sahel rainfall (blue) v forecast from march–april (red) SST r = 0.53 forecast from JAS (purple) r = 0.70

JAS sahel rainfall in standardised units

3

2

1

0

–1

–2 1900

1920

1940

1960

1980

2000

2020

 Figure 8.11  Prévisions en validation croisée des précipitations au Sahel représentées au regard des observations. Source : Met Office. © Crown Copyright.

510

8. Prévision saisonnière

8.1.3.5 Performance sur la période 1996-2009 Alors que les prédicteurs basés sur les EOFs montrent des performances prédictives sur une période de 111 ans (Figure 8.11), c’est malheureusement une tout autre histoire lorsque les prévisions sont évaluées sur la période de 14 ans de 1996-2009 (Figure 8.12). Les évaluations sont faites à l’aune d’observations provenant de 5 jeux de données distincts afin de prendre en compte l’incertitude des observations discutée dans la section 8.1.3.3. Les scores en utilisant mars-avril sont réduits à des valeurs nulles ou faiblement négatives, et celui en utilisant JAS pour les trois prédicteurs est de 0,25 ou moins, bien en deçà du niveau de significativité à 5 %. En particulier, les prévisions à partir de mars-avril échouent complètement à prévoir les années extrêmement sèches et humides par rapport à la référence entre 1996 et 1999, mais une faible tendance positive entre 2000 et 2009 est correctement prévue par ces prévisions. Toutefois, cette tendance n’est pas prévue par les prévisions JAS, ce qui suggère que la prévision de la tendance depuis mars-avril est probablement le fait du hasard.

Observed sahel rainfall (JAS blue, MJJASO green) v forecast from march–april (red) SST r = –0.44 to 0.11 forecost from JAS (purple) r = –0.16 to 0.25

JAS sahel rainfall in standardardised units

3

2

NCEP–PREC/L

FEWS ARC2

TRMM

CAMS–OPI

GPCP

1

0

–1

–2 1995

2000

2005

2010

 Figure 8.12  Prévisions sur le Sahel pour JAS 1996-2009 évaluées en utilisant cinq jeux de données différents. Source : Met Office. © Crown Copyright.

511

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

8.1.4

Prévisions des modèles dynamiques

Les modèles dynamiques simulent l’évolution de l’atmosphère en reproduisant les phénomènes physiques qui la régissent (voir chapitre 10). Les modèles dynamiques ont été utilisés pour la prévision météorologique depuis plus d’un demi-siècle, tandis que des modèles dynamiques de prévision saisonnière n’ont été rendus disponibles que depuis 15 ans environ, depuis l’arrivée de calculateurs suffisamment puissants. La prévision saisonnière pour l’Afrique de l’Ouest a été une initiative relativement réussie au regard des prévisions saisonnières pour d’autres régions du globe. Folland et al. (1986, 1991) sont parvenus à simuler avec succès des sécheresses au Sahel en utilisant un modèle de climat disponible à l’époque. À cet égard, les modèles de climat tirent profit du fait que l’Afrique de l’Ouest est une région au relief relativement homogène et aux zones climatiques faciles à délimiter. Le contraste avec la région de l’Afrique de l’Est, où il existe plusieurs chaînes montagneuses et des grands lacs qui peuvent influer sur le climat à l’échelle locale, est sans appel. On fait généralement tourner les modèles dynamiques par groupes de plusieurs simulations appelés ensembles (voir section 10.1.3). Les ensembles permettent de prendre en compte l’incertitude sur l’état initial, et parfois sur la formulation du modèle. Ils peuvent également servir à produire des prévisions probabilistes. Ceci est réalisé en classant les prévisions d’une variable donnée (par exemple, les prévisions de précipitations moyennes saisonnières sur le Sahel) pour chacun des membres de l’ensemble dans des catégories (par exemple, des quintiles, qui sont cinq catégories équiprobables). Les probabilités sont calculées en dénombrant le ratio de membres de l’ensemble dans chacune des catégories. Ces probabilités sont appelées probabilités « brutes » afin de les distinguer de probabilités calibrées qu’on présentera plus en détail à la section 8.1.4.2, et pour lesquelles on introduit des corrections de l’erreur du modèle. La formulation des probabilités brutes de l’ensemble est illustrée Figure 8.13. Les signes (+) violets dans la figure du haut représentent 70 prévisions de précipitations sur le Sahel pour la saison JAS 2012. Les quatre lignes horizontales marquent les limites des quintiles qui divisent les données en cinq catégories. Les probabilités d’ensemble brutes sont basées sur le nombre de croix violettes comprises dans chacune des cinq catégories délimitées par ces lignes horizontales. Les cinq catégories (du bas vers le haut) contiennent 7, 39, 20, 4 et 0 croix violettes. Ainsi, les probabilités pour les cinq catégories sont respectivement 0.10, 0.56, 0.29, 0.06 et 0.00. Des cartes de probabilités d’ensemble brutes sont présentées sur les sites des prévisions saisonnières du Met Office et du Centre européen de prévisions météorologiques à moyen terme (CEPMMT).

512

8. Prévision saisonnière

GLOSEA4 predictons for 3 N African Areas for JAS

Precipitation in SU

6 4 2 0 –2 –4 1995 6 Precipitation in SU

SAHEL forecast from April r (ens mean) = 0.696

2000

2005

2010

2015

SOUDAN forecast from April r (ens mean) = 0.679

4 2 0 –2 –4 1995

Precipitation in SU

4

2000

2005

2010

2015

GUINEA COAST forecast from April r (ens mean) = 0.262

2 0 –2 –4 1995

2000

2005

GloSea4 ensemble Hindcasts

2010

2015

Observed

Solid grey lines are quint boundaries

 Figure 8.13   Prévisions dynamiques provenant du système GloSea4 du Met Office pour les trois régions illustrées Figure 8.2. Source : Met Office. © Crown Copyright.

8.1.4.1 Performance sur la période 1996-2009 La performance du modèle GloSea4 du Met Office en matière de prévision des précipitations en JAS sur les trois régions de la Figure 8.2 est également montrée Figure 8.13. Les prévisions rétrospectives pour les saisons 1996-2009 sont représentées par des croix rouges, et comparées aux observations correspondantes représentées par des X. Le score de corrélation indiqué dans le titre des figures donne

513

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

une mesure de la performance du modèle. Les corrélations de 0,696 pour les prévisions sur le Sahel et 0,679 sur la boîte Soudan sont bonnes pour des prévisions saisonnières. La corrélation sur la côte du golfe de Guinée est plus basse (0,282) et décevante. Une explication possible pour ce bas niveau de performance, liée aux faibles performances du modèle dans la prévision des SST de l’Atlantique tropical, est discutée dans la section 8.1.4.3.

8.1.4.2 Correction d’erreurs systématiques des modèles Si les GCM sont le meilleur moyen pour nous de représenter les processus de l’atmosphère, ils ont certaines limites. Ces limites proviennent de plusieurs sources : notre compréhension et modélisation de certains processus du système climatique, parmi lesquels : la prise en compte de processus de fine échelle (turbulence, convection) dans les modèles climatiques à résolution plus grossière ; une méconnaissance de l’état initial du système de prévision ; les erreurs de troncature ; et les limites du calcul intensif (stockage ou processeurs) (voir chapitre 10). Chacune de ces limites va avoir un impact sur les sorties et pourrait être une source d’erreurs qui croissent au cours de l’intégration du modèle. 1500 1300

Rainfall total

1100 900 700 500 300 100 1982

1986

1990

1994

1998

2002

2006

2010

Year Obs

GCM, 2003,

Rainfall in mm

GCM

1346.5 GCM, 1998, GCM, 2004, GCM, 2000, GCM, 1997, GCM, 1999, 1110.7 GCM, 2001, GCM, 2002,GCM, 2005, GCM, 1996, 993.2 1046.7 984.3 GCM, 2006, 953.5 846.2 834.7 820.5 788 771.2

Year

 Figure 8.14  Exemple d’une erreur de biais moyen systématique entre modèle et observation. Source : O Ndiaye (ANACIM).

514

8. Prévision saisonnière

Il existe différentes sortes d’erreurs de modèle. Les erreurs de prévision liées au caractère chaotique de l’atmosphère pourraient ne pas être corrigées, mais prises en compte par la formulation ensembliste et/ou les aspects probabilistes des prévisions. Toutefois, certains types d’erreur ne sont pas pris en compte par la prévision d’ensemble, tels que les erreurs provenant de représentations erronées de processus dynamiques et/ou physiques (ENSO, dynamique de mousson). Un modèle peut très bien reproduire des processus physiques existants mais avec des erreurs dues, par exemple, à une résolution trop lâche. Dans un tel cas de figure, le modèle peut parvenir à reproduire des structures de circulation de grande échelle de vents ou de SST, mais échouer à simuler les processus reliant la circulation atmosphérique aux précipitations et ainsi prévoir des précipitations erronées. Une telle erreur peut être quantifiable et, au final, corrigible par une approche de type correction de biais. De nombreuses études ont été menées afin de corriger les erreurs systématiques des GCM (Ward et Navarra, 1997 ; Feddersen et al., 1999 ; Goddard et Mason, 2002). La majorité de ces méthodes de correction de modèle se sont focalisées sur les précipitations en raison de leurs fortes implications sociétales dans de nombreuses régions du monde. Dans le cas de certains modèles, les erreurs systématiques sont flagrantes et faciles à corriger. Un exemple est l’erreur en moyenne ou en variance, tel qu’illustré par la Figure 8.14. Il est évident sur cette figure que le GCM est capable de bien reproduire la variabilité des précipitations mais exhibe un biais systématique positif en moyenne. Une comparaison rapide entre les statistiques du modèle et des observations sur un endroit précis nous permet d’identifier la différence systématique entre les deux, et ensuite d’appliquer une correction. Les corrections peuvent être appliquées soit à la moyenne ou la variance, ou les deux, suivant l’équation :

X corr =

X σ + ( X obs − X ) (8.4) σ X X obs

où X est la valeur brute, X la moyenne de la prévision du modèle, X obs est la moyenne des observations correspondantes, sXobs l’écart-type observé et sX l’écarttype des prévisions du modèle. D’autres biais peuvent ne pas être aussi évidents que la différence systématique, si le modèle et les observations ne sont pas situés au même point de grille lorsqu’il y a un décalage ou une mauvaise représentation spatiale. Dans ces cas, la décomposition ou le filtrage des sorties des GCM en modes de variabilité est nécessaire afin d’extraire la part de signal reproduite. Généralement, on utilise l’analyse en EOF. Tippet et Giannini (2006) ont utilisé une analyse en rapport signal-sur-bruit afin d’identifier les structures de précipitation estivale sur l’Afrique associées au forçage des SST les plus reproductibles dans les GCM. Ils ont utilisé une analyse en EOF plutôt que la moyenne d’ensemble pour identifier les composantes du GCM les plus prévisibles et sont ainsi parvenus à accroître les performances du GCM sur le Sahel. Ndiaye et al. (2009 et 2011) ont identifié le vent des basses couches sur le bassin Atlantique comme un bon prédicteur des précipitations sur le Sahel. Ils ont utilisé la première EOF (Figure 8.15a), qui explique 33 % de la variance totale du vent,

515

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

afin de corriger les faibles performances du modèle en prévision des précipitations. Ils ont montré que les GCMs en général parvenaient à mieux représenter le vent que les précipitations sur cette région. Ils sont parvenus à retrouver une grande part de la variabilité des précipitations (Figure 8.15b) à l’aide d’une approche en statistiques de sorties de modèles (Model Output Statistics, MOS ; voir section 10.1.2.5). (a) –0.3 –0.4

0.3

20N –0.4 –0.4

EQ

–0.3

0.4 0.5

–0

–0.3

10N

0.3

10S

–0.3

0 0.3

0.4

0

0

0.4

0.5 0.6

0.5

20S

30S

0.6 0.5 0.4 0.3

0.5 0.4 45W

30W

15W

0

(b) 0.6 2 0.5

4

5

Correlation

0.4

AGCM MOS

1

1

5 1

1

0.3

0.2

0.1

0

–0.1

CCM3(24) GFDL(10) ECPC(12) COLA(10)

NSIPP(9)

EC4.5(24) EC5T42(24) EC5T85(16)

AGCMs (ensemble size)

 Figure 8.15  (a) Structure spatiale de l’EOF1 du vent zonal à 925 hPa dans le GCM utilisée pour l’approche MOS et (b) performance de plusieurs AGCM forcés avec des SST observées, pour les précipitations (barres remplies) et après avoir appliqué un MOS (barres ouvertes) sur la période 1968-2001. Source : (b) Ndiaye et al. (2011). © American Meteorological Society. Reproduit avec autorisation.

516

8. Prévision saisonnière

Il peut également y avoir une déformation spatiale récurrente dans la représentation par un modèle d’un mode de variabilité donné. En d’autres termes, un GCM peut décaler spatialement les structures spatiales observées à un autre endroit, ou les déformer. Une comparaison entre les modes de décomposition provenant des observations et des GCMs, ou une combinaison linéaire de tels modes, est alors nécessaire afin d’identifier les modes qui se comportent de manière constante dans le temps, et ensuite corriger les modes des GCM afin de les rapporter aux structures et localisations appropriées. La CCA (présenté à la section 8.1.3.1) est généralement utilisée à cet effet. La CCA maximise la corrélation entre deux champs en utilisant les combinaisons pondérées des quelques premières EOFs de chacun des deux champs ; par exemple, la SST et les précipitations – voir Ward (1998) et Barnston et al. (1996). Nous devons reconnaître l’existence de limites à cette approche de correction des biais. La première est la qualité des données observées que nous considérons comme la vérité : toute erreur dans les données observées impactera la correction du biais. La correction de biais fait l’hypothèse que le facteur correctif ou la fonction de transfert est indépendant du temps et peut être utilisé dans le futur, ce qui pourrait être faux. Des fluctuations en raison de différents mécanismes physiques agissant à plusieurs échelles temporelles sont mélangées lorsqu’on applique une seule correction de biais. La plupart des corrections de biais sont pour des décalages spatiaux et non temporels. Par exemple, l’erreur liée à la temporalité exacte d’un phénomène majeur, tel que la date de déclenchement d’un système de mousson, ne peut être corrigée de cette manière. Afin de résoudre ce problème, Haerter et al. (2011) ont proposé une approche de « correction de biais en cascade » qui génère un enchaînement de fonctions de correction de biais, chacune opérant à une échelle temporelle distincte. Enfin, des erreurs peuvent survenir dans le facteur de correction, en particulier s’il y a trop peu de données pour fournir une estimation statistiquement robuste : ceci a tendance à induire une sur-correction, puisque du bruit aléatoire est inclus dans le facteur de correction, accroissant son amplitude. Un remède pour améliorer les corrections de biais est de réintroduire une partie du signal d’origine dans la prévision corrigée. Ceci est développé plus en détail dans la section 8.1.5. Ainsi, en raison d’une mauvaise représentation spatiale de certains aspects du système climatique (tels que la végétation, le relief, les lacs et rivières) ou de processus de fine échelle, les GCM peuvent avoir des erreurs systématiques pour certains paramètres sensibles à la résolution spatiale, comme les précipitations. Une comparaison sur une période longue des modes (décomposés ou non) entre les paramètres observés et prévus par les GCM peut permettre de corriger les erreurs indépendantes temporellement. La correction de biais est appropriée lorsque les sorties du GCM sont utilisées pour forcer un autre système (modèles de cultures, hydrologiques ou d’évaluation d’impacts, ou encore un modèle dynamique régional du climat). Une distribution erronée des sorties de GCM aura un fort impact sur les sorties du système en aval (événements secs ou extrêmes). Par exemple, une mauvaise représentation par le modèle de la probabilité d’occurrence d’un niveau donné de précipitations quotidiennes ou de température impactera la pertinence de la représentation du risque d’inondations ou de sécheresse dans un modèle de débits.

517

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

8.1.4.3 Modèles futurs : potentiel pour améliorer les prévisions saisonnières L’évaluation des performances des modèles détaillées plus haut suggère qu’il reste une marge importante de progrès. Dans ce qui suit, on montre un exemple d’amélioration possible des modèles. Exemple : Nécessité d’améliorer la simulation des SST sur l’Atlantique Sud Les performances des prévisions saisonnières de GlobSea4 sur la région côtière du Golfe de Guinée sont nettement moins bonnes que sur les régions du Sahel et du Soudan. Une raison pour cela est que les modèles ne représentent pas correctement les SST sur l’Océan Atlantique. Les côtes guinéennes ont un lien beaucoup plus marqué avec les SST de l’Atlantique Sud tropical que les régions du Soudan et du Sahel. L’un des pires échecs du modèle GloSea4 en matière de prévision des précipitations sur la côte guinéenne fut l’année 2004, pour laquelle tous les membres de la prévision étaient trop secs. Un indice quant aux raisons de cette prévision sèche peut être trouvé Figure 8.16. L’une des caractéristiques les plus évidentes de cette carte d’anomalies de SST est la SST plus fraîche que la normale sur l’Atlantique Sud tropical, en particulier sur le golfe de Guinée. De telles anomalies froides sont associées à des conditions plus sèches que la normale près de la côte guinéenne. Toutefois, une fois arrivé le pic de la saison humide au mois d’août, les anomalies sur l’Atlantique Sud sont très différentes ; les anomalies plus fraîches que la normale ont presque toutes disparu et la majeure partie du bassin tropical Atlantique sud est maintenant chaude. Ces anomalies sont en cohérence avec la saison proche de la moyenne observée sur les côtes guinéennes. À l’inverse, le modèle GloSea4 prévoyait la persistance des conditions de SST plus froides que la moyenne sur le golfe de Guinée (Figure 8.16c). (a)

Olv2 sea surface temperature anomaly (°C) april 2004

80N 60N 40N 20N E0 20S 40S 60S 80S 40E

80E

120E

160E

160W

120W

80W

40W

0

Anomaly relative to 1971–2000 adjusted OI climatology

GADS: OOLA/IGES

518

–5.5 –4.5 –3.5 –2.5 –1.5 –0.5 0.5

1.5

2.5

3.5

4.5

5.5

Climate modeling branch/EMC/NCEP

8. Prévision saisonnière

(b)

Olv2 sea surface temperature anomaly (°C) august 2004

80N 60N 40N 20N E0 20S 40S 60S 80S 40E

80E

120E

160E

160W

120W

80W

40W

0

Anomaly relative to 1971–2000 adjusted OI climatology –5.5 –4.5 –3.5 –2.5 –1.5 –0.5 0.5 GADS: OOLA/IGES

(c)

1.5

2.5

3.5

4.5

5.5

Climate modeling branch/EMC/NCEP

Glosea4 SST ensemble mean hindcast for JAS 2004 from april anomaly from 1996–2009 model climatology in deg C

40N 30N 20N 10N 0 10S 20S 30S 40S 90W

75W –2.0

60W –1.5

45W –1.0

–0.5

30W 0.0

15W 0.5

1.0

0 1.5

15E

30E

2.0

Figure 8.16  Anomalies de SST observées en (a) avril 2004 et (b) août 2004. Source : NCEP, http://www.emc.ncep.noaa.gov/research/cmb/sst_analysis/#_sstplots/ ; (c) Anomalies de SST prévues par le modèle GloSea4 pour août 2004. Source : Met Office. © Crown Copyright.

519

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Une cause sous-jacente à ce problème pourrait être trouvée dans le procédé utilisé pour le développement de modèles dynamiques de prévision saisonnière. Une métrique fondamentale utilisée lors du développement des modèles est leur capacité à simuler les événements ENSO sur le Pacifique. Par contre, on prête moins d’attention à l’Atlantique. Toutefois, de tels résultats montrent la nécessité de modéliser correctement l’Atlantique aussi : voilà un défi pour les développeurs des futurs modèles.

8.1.4.4 Prévisibilité à longue échéance La prévisibilité à de plus longues échéances est presque toujours plus faible qu’à plus courte échéance. Les anomalies de SST évoluent de manière assez lente pour faire des prévisions saisonnières à courte échéance viables, mais sur de plus longues durées, les SST peuvent changer radicalement et de fait rendre plus difficile de détecter un signal prévisible. SAHEL GLOSEA4 r=0.180 DEPRESYS r=0.227 8 Precipitation in SU

6 4 2 0 –2 –4 –6 1960

Precipitation in SU

8

1980

1990

2000

2010

SOUDAN GLOSEA4 r=0.180 DEPRESYS r=0.135

6 4 2 0 –2 –4 1960 6

Precipitation in SU

1970

1970

1980

1990

2000

2010

GUINEA COAST GLOSEA4 r=0.180 DEPRESYS r=0.231

4 2 0 –2 –4 –6 1960

1970

1980

1990

GLOSEA4 ensemble HIndcasts

2000

2010

Observed

DEPRESYS ensemble Hindcasts

 Figure 8.17  Prévisions à longue échéance des anomalies de précipitation sur les zones climatiques d’Afrique de l’Ouest pour JAS initialisées au mois de novembre précédent pour deux modèles. Source : Met Office. © Crown Copyright.

520

8. Prévision saisonnière

À titre d’exemple de prévisibilité à longue échéance, la Figure 8.17 montre des prévisions de précipitations sur trois zones d’Afrique (Sahel, Soudan et côte guinéenne) pour JAS à partir du modèle DEPRESYS du Met Office (http://www.meteoffice. gov.uk/research/modelling-systems/unified-model/climate-models/depresys) et du modèle GloSea4 du Met Office, initialisés au début du mois de novembre précédent. GloSea4 et DEPRESYS sont deux systèmes de prévision utilisant le modèle HadGEM3. La principale différence réside dans le système d’assimilation de données : DEPRESYS fonctionne en anomalies tandis que GloSea fonctionne à partir de valeurs réelles. Si les corrélations sont pour la plupart positives, les performances sont nettement moins bonnes par rapport aux prévisions dynamiques à plus courte échéance montrées Figure 8.13. En particulier, les modèles échouent à reproduire les saisons relativement humides des années 1960 sur le Sahel, tandis que sur les années plus récentes les prévisions sont généralement trop humides, ce qui met en évidence une tendance positive excessive sur la période. L’utilisation de la méthode de calibration CCA pour améliorer les performances a été envisagée, toutefois aucun signal additionnel ne put être trouvé en utilisant CCA ou des prévisions de proxy.

8.1.5

Prévisions combinées

Même si plusieurs techniques de prévision saisonnière ont été présentées précédemment, la plupart des utilisateurs désirent avant tout disposer d’une unique prévision leur indiquant à quoi s’attendre pour la saison à venir. Combiner des prévisions de nature différente présente l’avantage de réduire les erreurs. Hagedorn et al. (2005) et Weisheimer et al. (2009) ont étudié les avantages qu’apporte une combinaison de prévisions saisonnières issues de différents modèles. Cette approche multi-modèles est sous-tendue par le fait que chaque modèle ne représente qu’imparfaitement l’atmosphère et l’océan. En effet, un système de prévisions peut être représenté par l’équation suivante, à trois vecteurs : O = FA + EA

(8.5)

où O est le vecteur « observation », FA le vecteur « prévision » (F de « forecast ») du modèle « A » et EA le vecteur « erreur » de ce modèle. Si l’on considère maintenant deux autres modèles B et C, il faut également prendre en compte les vecteurs FB et FC pour leurs prévisions, et les vecteurs EB et EC pour leurs erreurs. Dans le cas de l’utilisation de ces N = 3 modèles A, B, et C, l’erreur EM sera : (EA + EB + EC)/N. Excepté dans le cas où EA, EB et EC sont parfaitement corrélés, le module de EM, |EM| est toujours inférieur au module moyen (|EA| + |EB| + |EC|)/N. Si les erreurs sont réparties de façon aléatoire, alors EM tend vers 0 quand N devient grand. Néanmoins, certaines erreurs sont communes à tous les modèles : erreurs dues à la résolution, ou encore au manque d’observations pour décrire l’état initial. Elles vont donc demeurer une fois que les modèles auront été combinés.

521

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Ainsi, il est intéressant d’utiliser un ensemble de modèles qui présentent des erreurs de différents types, qui vont pouvoir se neutraliser l’une l’autre. En revanche, il est crucial que chacun des modèles soit de bonne qualité et puisse appréhender la prévisibilité saisonnière. Des modèles de mauvaise qualité vont en effet seulement générer du bruit et les prévisions associées resteront toujours proches de la climatologie, ce qui ne présente que peu d’intérêt en pratique. Les prévisions dynamiques peuvent être séparées en trois composantes : Prévision = signal direct + signal indirect + bruit On parle de « signal direct » lorsque le modèle simule directement un événement. Par exemple, la moyenne des précipitations prévues indique une saison anormalement sèche ou anormalement humide. Un « signal indirect » signifie que le modèle ne prévoit pas directement l’événement mais prévoit des phénomènes climatiques en lien avec l’événement. Par exemple, le modèle peut ne pas réussir à prévoir la pluviométrie sur une zone donnée, mais peut réussir à prévoir les épisodes El Niño, lesquels sont reconnus directement en relation avec la pluviométrie. Le dernier terme représente le bruit, qui inclut la part de variabilité atmosphérique non prévisible en raison de sa nature chaotique et/ou des imperfections du modèle. Dans un système de prévisions, les probabilités brutes de l’ensemble représentent le signal direct, les prévisions calibrées via une CCA représentent le signal indirect, tandis que chacune de ces prévisions contient du bruit. Pour élaborer une prévision multi-modèle, il faut donc connaître le ratio signal direct sur signal indirect, pour déterminer le poids de chacune des prévisions. Ce n’est pas une question triviale et cette détermination ne peut être réalisée qu’en utilisant un nombre relativement restreint de prévisions rétrospectives. C’est ce que nous avons fait pour la prévision des précipitations sur l’Afrique de l’Ouest, en utilisant le score ROC (Relative Operating Characteristic, Stanski et al., 1989 ; Broecker, 2012). On pourra trouver plus d’informations sur le score ROC en suivant le lien : https://www.metoffice.gov.uk/research/climate/seasonal-to-decadal/ gpc-outlooks/user-guide/interpret-roc Exemple : Prévision du Met Office pour la PRESAO15 Pour produire une prévision saisonnière de précipitations sur l’Afrique de l’Ouest dans le cadre du PRESAO, nous disposions des sorties modèles de cinq GPC (Global Producing Centres, voir section 8.2.2.1). Pour chaque modèle, nous avions deux types de prévisions : d’une part des probabilités brutes issues des ensembles, et d’autre part une prévision calibrée évaluée via une CCA, soit 10 prévisions en tout. Étant donné que le rapport signal direct sur signal indirect n’est pas connu, le système a été testé en faisant varier les poids attribués aux prévisions calibrées via une CCA (qui représentent le signal indirect) et ceux attribués aux probabilités brutes. Des combinaisons utilisant des poids de 0, 50, 70, et 100 % pour les prévisions CCA ont été testées et les résultats sont visibles sur la Figure 8.18.

522

8. Prévision saisonnière

ROC skill of dry (left) and wet (right) tercile category predictions, overall 70% calibrated:uncalibrated has highest skill 5 Model hindcasts of JAS precipitation from may DRY TERCILE % ROC SKILL 1996–2009 20N 15N 10N 5N 0 20W 20N 15N 10N 5N 0 20W 20N 15N 10N 5N 0 20W 20N 15N 10N 5N 0 20W

5 Model hindcasts of JAS precipitation from may WET TERCILE % ROC SKILL 1996–2009

0% CCA calibrated average = 59.7%

10W

0

10E

20E

30E

40E

50E

60E

50% CCA calibrated average = 61.2%

10W

0

10E

20E

30E

40E

50E

60E

20N 15N 10N 5N 0 20W

60E

20N 15N 10N 5N 0 20W

60E

20N 15N 10N 5N 0 20W

70% CCA calibrated average = 60.2%

10W

0

10E

20E

30E

40E

50E

100% CCA calibrated average = 58.1%

10W

0

10E

20E

30E

40E

50E

20N 15N 10N 5N 0 20W

0% CCA calibrated average = 54.2%

10W

0

10E

20E

30E

40E

50E

60E

50E

60E

50E

60E

50% CCA calibrated average = 54.6%

10W

0

10E

20E

30E

40E

70% CCA calibrated average = 56.6%

10W

0

10E

20E

30E

40E

100% CCA calibrated average = 56.7%

10W

50% 55% 60% 65% 70% 75%

0

10E

20E

30E

40E

50E

60E

50% 55% 60% 65% 70% 75%

 Figure 8.18  Évaluation d’une combinaison de prévisions issues de cinq modèles GPC, en faisant varier les poids respectifs des composantes calibrées et non calibrées (voir texte). Source : Met Office. © Crown Copyright.

8.1.5.1 Performance sur la période 1996-2009 Une prévision au hasard correspondant à un score de 50 %, les zones en bleu sont donc des zones où le système n’apporte aucune information. Les meilleures performances correspondent aux couleurs orange et rouge. Pour les terciles sec et humide, les structures des scores associés aux différentes pondérations sont assez ressemblantes. Pour le tercile sec, le score est meilleur dans le centre-ouest, plus bruité dans l’est, et mauvais dans le centre-sud. Pour le tercile humide, les bons scores sont davantage cantonnés au centre et à l’ouest de la région. Les écarts de performances entre les différentes pondérations sont relativement faibles. La prévision calibrée CCA à 100 % obtient le meilleur score moyen (56,7 %) pour le tercile supérieur (humide), tandis que la pondération à 50 % obtient le meilleur score (61,2 %) pour le tercile inférieur (sec). Globalement, la pondération 70 % obtient le meilleur score en moyenne (60,2 + 56,6)/2 = 58,4 %).

523

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Exemple de prévision combinée (pour JAS 2012) La Figure 8.19 montre les prévisions issues de différentes combinaisons pour le trimestre JAS 2012. La pondération à 70 % est considérée comme la meilleure estimation, car elle produit globalement de meilleurs scores ROC. May multi model predictions of JAS–2012 precipitation 1961–1990 climatology 0% CCA calibrated 20N 15N 10N 5N 0N 20W

10W

0

10E

20E

30E

40E

50E

60E

40E

50E

60E

40E

50E

60E

40E

50E

60E

50% CCA calibrated 20N 15N 10N 5N 0N 20W

10W

0

10E

20E

30E

70% CCA calibrated 20N 15N 10N 5N 0N 20W

10W

0

10E

20E

30E

100% CCA calibrated

20N 15N 10N 5N 0N 20W

10W

0

10E

DRY TERCILE PROB > 0.60 > 0.40

20E

30E

WET TERCILE PROB > 0.40 > 0.60

 Figure 8.19  Prévisions utilisant une combinaison de cinq modèles GPC, en faisant varier les poids respectifs des composantes calibrées et non calibrées. Source : Met Office. © Crown Copyright.

8.1.6

Autres variables et autres saisons

8.1.6.1 Prévision du débit sortant du lac Volta Le bassin de la Volta recouvre le Ghana et s’étend au nord sur plus de la moitié du Burkina Faso, ainsi que sur une partie du Togo et de la Côte d’Ivoire (Figure 8.20a). Ce bassin se trouve donc à cheval sur les trois zones climatiques de l’Afrique de

524

8. Prévision saisonnière

l’Ouest (Figure 8.2) : la côte guinéenne, le Soudan et le Sahel. Le débit sortant du lac Volta est significatif principalement entre juin et novembre avec un maximum chaque année en septembre, après la saison humide de l’Afrique de l’Ouest (Figure 8.20b). (a) 20 N

15 N

10 N

5N

0 20 W

15 W

10 W

5W

0

5E

10 E

(b) Percent of annual total

50 40 30

Rainfall

20

Inflow

10 0 Jan Feb Mar Apr May Jun Jul Aug Sep Oct Nov Dec

(c) 80

April forecasts for Jun–Nov,r (96–09)= 0.653 0 and 6 obs outside 95% and 72% confidence ints resp.

Total flow in MAF

60

40

20

0 1995

2000

2005

2010

2015

 Figure 8.20  (a) Carte du bassin de la Volta (en bleu). (b) Cycle annuel de la pluviométrie et du débit entrant. (c) Prévisions rétrospectives pour 1996-2009 et prévision pour 2012. Source : Met Office. © Crown Copyright.

525

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Étant donné que la pluviométrie de la saison humide s’avère prévisible, on pourrait s’attendre à ce que le débit sortant du lac Volta le soit également, puisque fortement dépendant de la pluviométrie. Ainsi, un système destiné à prévoir le débit sortant a été développé. Au début, des méthodes statistiques prenant comme précurseurs des indices de structures de SST étaient utilisées pour produire les prévisions, mais lorsque l’on s’est rendu compte que ces prévisions statistiques n’avaient aucune valeur ajoutée, elles ont été arrêtées et remplacées par un modèle à régression linéaire, qui utilise trois prédicteurs : 1) Précipitations prévues issues du modèle GloSea pour la région du bassin de la Volta. 2) Pluviométrie observée sur le bassin de la Volta durant les 3 mois précédant la date de début de prévision. 3) Débits observés sur deux affluents du lac Volta (Volta Noire et Saboba) durant les 3 mois précédant la date de début de prévision. Six prévisions sont produites par an à la fin des mois d’avril à septembre, pour les deux mois suivants. La performance des prévisions démarrant au 1er mai est présentée sur la Figure 8.20c. Les scores sont comparables à ceux des prévisions de pluie sur les zones climatiques montrées à la Figure 8.12.

8.1.6.2 Prévision de la méningite à méningocoque pendant la saison sèche ouest-africaine Tous les problèmes de l’Afrique de l’Ouest ne sont pas liés à la saison humide. Les épidémies de méningites à méningocoque (MCM), qui se produisent durant la saison sèche et chaude, ont été associées à la composante méridienne du vent (Yaka et al., 2008). La MCM est une maladie infectieuse et contagieuse causée par la bactérie Neisseria meningitis. Les épidémies de MCM peuvent se produire partout dans le monde mais la fréquence la plus élevée est observée en Afrique sub-saharienne, depuis le Sénégal jusqu’à l’Éthiopie. Les épidémies se produisent plutôt en deuxième partie de saison sèche (février-avril) et cessent avec l’arrivée des pluies. La gravité des épidémies varie d’une année à l’autre avec un nombre de cas compris dans la région entre 25 000 et 250 000. Les enfants de moins de 15 ans sont particulièrement touchés. Les taux de mortalité sont voisins de 10 % en moyenne, avec 10 à 20 % des survivants touchés par de graves séquelles neurologiques. Les facteurs de ces épidémies ne sont pas complètement connus, mais on sait qu’ils impliquent des interactions complexes de plusieurs facteurs : interactions sociales, nouvelles souches de la maladie, vulnérabilité des populations, existence de porteurs sains, conditions environnementales. On pense que les conditions climatiques influencent elles aussi de manière importante la résurgence ou la dissipation de la maladie. La bonne correspondance entre l’aire de répartition de la maladie et la zone sahélienne, climatiquement homogène, et s’étendant du Sénégal à l’Éthiopie, est une preuve de ce lien climatique.

526

8. Prévision saisonnière

Les données des stations synoptiques ainsi que les réanalyses du NCEP ont été utilisées pour identifier les liens entre la gravité des épidémies de MCM et les conditions climatiques. Ont été recherchées en particulier les relations pour lesquelles il y a un décalage temporel entre l’anomalie climatique et l’épidémie subséquente, ce qui offre alors la possibilité de réaliser des prévisions de ces épidémies de MCM. Ces études ont montré que des vents de nord-est (harmattan) plus forts que la normale au début de la saison sèche (en particulier la composante méridienne du vent au mois d’octobre au Burkina-Faso, ou de novembre et décembre au Niger) sont associés à une recrudescence ou à des épidémies de MCM dans les mois qui suivent. Yaka et al. (2008) ont mené une analyse statistique des liens entre MCM et vents d’harmattan observés en hiver, et ont montré que le climat hivernal peut expliquer 25 % de la variance interannuelle de la MCM au Niger (valeur toutefois inférieure pour le Burkina Faso). D’une manière générale, les performances des modèles statistiques sont encourageantes et le développement de méthodes de prévision similaires pour d’autres zones sahéliennes est recommandé.

8.1.6.3 Mise en œuvre de la prévision saisonnière au Sénégal pour l’aide à l’agriculture Dans la région sahélienne, plus de 80 % de la population vit de l’agriculture et du pastoralisme, qui dépendent tous deux de la pluviométrie. Cette dépendance a un impact direct sur la sécurité alimentaire, surtout lorsque les ressources sont rares, et une anticipation est donc nécessaire. Il est ainsi très important que l’information climatique (de la prévision météorologique à courte échéance jusqu’aux prévisions saisonnières) soit communiquée de façon compréhensible et utile. Un projet pilote a été mis en place par l’Agence nationale sénégalaise de météorologie (ANACIM) dans ce but, pour communiquer l’information climatique aux fermiers de la région de Kaffrine au Sénégal. Un des enjeux était de créer un lien de confiance entre les scientifiques qui élaborent les prévisions et les fermiers qui les utilisent. Cela supposait de comprendre comment les fermiers utilisaient déjà les savoirs autochtones pour prévoir le climat et les événements météorologiques en lien avec leurs besoins, d’amener les fermiers à partager leurs besoins en informations climatiques, d’identifier quelles nouvelles informations leur seraient utiles et d’explorer différents moyens pour communiquer les informations de prévision aux fermiers. Au départ, 33 fermiers étaient impliqués dans le projet, mais le nombre a été récemment étendu à 1 000 d’entre eux. On s’est rendu compte que les fermiers utilisent le savoir autochtone tout comme les utilisateurs de prévisions multi-modèles. Ils tirent leurs informations de différentes sources et accordent des niveaux de confiance différents à chaque information. Lorsqu’ils débattent de leur prévision, il n’y a pas de consensus à 100 % entre les fermiers sur le signal observé : certains disent qu’ils l’ont clairement observé, tandis que pour d’autres le signal n’était pas très clair, ce qui introduit une sorte d’incertitude dans le système. De plus, leur utilisation de différents indicateurs (oiseaux, arbres, vent, étoiles, etc.) ressemble fortement à notre

527

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

approche multi-modèles. Plus intéressant encore, les fermiers disent parfois que « les signaux ne sont pas encore présents » (par exemple les baobabs n’ont pas encore fleuri) et donc ne peuvent encore rien annoncer de façon certaine, mais disent que dans un mois la confiance sera plus importante. Ceci est similaire à nos actualisations successives en prévision saisonnière, qui permettent une meilleure précision à mesure que la saison approche. Si les fermiers comprennent que l’approche des scientifiques est similaire à la leur, il est probable que cela renforce leur confiance. Les fermiers étaient répartis en groupes, dont certains réservés aux femmes, pour exprimer leurs besoins en informations climatiques et pour répondre à la question « Si vous connaissiez à l’avance les conditions climatiques à venir, que feriez-vous différemment que d’habitude ? ». La connaissance à l’avance du début de la saison des pluies a été considérée comme importante car c’est elle qui dicte la date et le type des plantations à effectuer. La durée de cette saison des pluies, ainsi que des données sur le début de la saison de l’année suivante ont également été jugées intéressantes. Les vecteurs de communication ont été une autre source de débats. L’utilisation des SMS et de la radio a été suggérée, mais le manque de fiabilité de l’alimentation électrique a été souligné. Le contact direct a été considéré comme plus favorable. Les femmes ont identifié les rassemblements sociaux (par exemple les baptêmes) comme de bons vecteurs, puisque les gens seraient présents pour d’autres raisons (culturelles ou sociales). À Kaffrine, il s’est avéré qu’une communication via une « personne ressource » sur place était sans doute le moyen le plus efficace. Les résultats de ce projet pilote et la façon de communiquer les prévisions ont également été discutés avec d’autres experts sénégalais en agriculture. Il a été suggéré que des exemples issus des données historiques soient utilisés pour bien véhiculer le message. Par exemple, si la prévision est « humide », les saisons de croissance d’années antérieures caractérisées « humides » devraient être utilisées comme exemples de ce qui est attendu. Au final, ce processus a été considéré comme pouvant être dynamique et pérenne. La communication entre les fermiers et les scientifiques du climat qui élaborent les prévisions devait donc être pérennisée en tant que processus à double sens. À cet effet, des pluviomètres ont été fournis à certains fermiers afin qu’ils puissent transmettre des observations et ainsi contribuer au processus de production des prévisions.

8.2 Méthodes opérationnelles Avant d’essayer de produire une prévision saisonnière, les lecteurs sont invités à effectuer une recherche parmi les nombreux produits de prévision saisonnière disponibles sur le web, dont la plupart sont gratuits. Une liste de sites internationaux, incluant une brève description de chaque site, est donnée dans la section 8.2.1. Ces sites montrent des produits de prévision pour l’ensemble de la région. Si l’on est intéressé par une prévision pour un pays donné, il est recommandé de consulter le site web du service météorologique national correspondant : ces sites sont énumérés

528

8. Prévision saisonnière

dans la section 8.2.2. Dans la section 8.2.3, la production de prévisions consensuelles est présentée, y compris le processus PRESAO. Enfin, dans la section 8.2.4 sont répertoriés quelques outils utiles pour produire votre propre prévision.

8.2.1

Sites web de prévision saisonnière internationaux : sources d’information

Les sites web suivants contiennent des prévisions saisonnières et des vérifications des prévisions saisonnières pour l’Afrique de l’Ouest et d’autres parties du monde.

8.2.1.1 Site web de l’ensemble multi-modèles des centres pilotes de l’OMM https://www.wmolc.org/ Ce site web a été mis en place comme un endroit unique où les prévisions saisonnières de toutes les sources fiables pourraient être consultées ensemble dans un format commun et ainsi comparées et combinées. Les prévisions saisonnières présentées ici sont toutes produites par les centres pilotes labellisés par l’Organisation météorologique mondiale (OMM). Il existe actuellement 12 centres pilotes, représentés sur la Figure 8.21. Ces centres pilotes sont également connus comme Centres de production globale (GPC par la suite, pour Global Production Center). On y présente des prévisions des moyennes de précipitations, de température de surface, de pression de surface et le géopotentiel à 500 hPa pour les trois prochains mois calendaires. Les prévisions sont mises à jour vers le 20 du mois. Un identifiant et un mot de passe sont nécessaires pour afficher les prévisions qui peuvent être obtenues en consultant le site et en cliquant sur « sign up » (s’inscrire).

 Figure 8.21  Les 12 centres pilotes GPC. Source : www.wmolc.org/

529

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

8.2.1.2 Vérification des prévisions à long terme http://www.bom.gov.au/wmo/lrfvs/ Ce site contient des évaluations de scores des modèles de centres pilotes présentés en section 8.2.1.1 en utilisant les scores ROC et RMS (Root Mean Square Error – Erreur Quadratique Moyenne). La vérification de score est recommandée avant d’utiliser les prévisions des modèles de www.wmolc.org. Cependant, comme pour l’interprétation des prévisions saisonnières, les cartes de scores doivent être interprétées avec prudence. Les évaluations sont faites sur un nombre relativement restreint d’années et peuvent fournir une évaluation insuffisante du modèle. Méfiez-vous des détails de fine échelle, susceptibles d’être dus au bruit de nature imprévisible, et peut-être aussi aux erreurs d’observation.

8.2.1.3 Site web du UK Met Office Le Met Office (service météorologique national britannique) utilise le système GloSea pour produire des prévisions de moyennes sur 3 mois de précipitations, de température de surface, de pression de surface et de hauteur de 500 hPa à échéance de 6 mois. Ces prévisions sont mises à disposition du public gratuitement. Elles comprennent des cartes mondiales et des cartes pour des régions spécifiques, y compris l’Afrique de l’Ouest. Il existe également des « panaches » ENSO, des prévisions de séries chronologiques de l’ENSO et des SST associées, y compris les régions Niño 3, Niño 3.4 et Niño 4.

8.2.1.4 Site web CEPMMT/EUROSIP http://www.ecmwf.int/en/forecasts/charts/seasonal/ Ce site contient des prévisions issues des modèles de EUROSIP (Met Office GloSea4, Météo-France ARPEGE, NCEP Climate Forecast System (CFS), Japan Meteorological Agency (JAM) ainsi que le CEPMMT). Seules les moyennes non pondérées des cinq modèles sont disponibles ; l’accès aux résultats de modèles individuels est limité à un petit nombre d’utilisateurs appartenant aux États membres du CEPMMT. Sont incluses les prévisions de température de surface, de précipitations, de géopotentiel à 500 hPa et de température à 850 hPa pour des périodes de trois mois jusqu’à 6 mois d’échéance. Les prévisions pour les tropiques (30°N-30°S, y compris l’Afrique de l’Ouest) sont accessibles au public. Sont également disponibles les « panaches ENSO » comme sur le site du UK Met Office, mais produits avec les cinq modèles d’EUROSIP.

8.2.1.5 Site web de la NOAA/NCEP http://www.cpc.ncep.noaa.gov/products/CFSv2/CFSv2seasonal.shtml Les prévisions sont réalisées avec le modèle CFS en moyenne sur un et trois mois pour la température de surface, les précipitations, le géopotentiel à 200 et 700 hPa, jusqu’à une échéance de 9 mois. Elles sont mises à disposition du public sous la

530

8. Prévision saisonnière

forme de cartes mondiales sur ce site. On y trouve aussi des panaches ENSO comme sur les sites du CEPMMT et du UK Met Office.

8.2.1.6 Site web de prévision saisonnière de l’International Research Institute for Climate and Society (IRI) http://iri.columbia.edu/climate/forecast/net_asmt/ Ce site fournit des prévisions de moyennes sur 3 mois de la température et des précipitations jusqu’à une échéance de 6 mois. Ces résultats sont présentés sous forme de cartes pour différentes régions, y compris l’Afrique, et pour le monde entier. Les produits de l’IRI sont basés sur une combinaison de modèles dynamiques et statistiques, différente de celles décrites dans les sections 8.2.1.1, 8.2.1.3, 8.2.1.4 et 8.2.1.5, en ce sens qu’un prévisionniste humain est impliqué dans la production des prévisions. Il y a aussi une section « discussion » qui donne des détails sur la façon dont les prévisions sont produites et indique quels modèles sont utilisés.

8.2.1.7 Site web de l’African Center of Meteorological Application for Development (ACMAD) http://www.acmad.net/ L’ACMAD est dans une phase de démonstration, se préparant à devenir un centre climatique régional désigné par l’OMM pour l’Afrique avec un mandat de prévision à long terme pour l’Afrique de l’Ouest. Des publications de récents événements PRESAO, y compris des prévisions consensuelles, sont disponibles sur le site aux côtés d’autres produits : prévisions à plus courte échéance (1-10 jours), annonces des prochains forums sur les prévisions climatiques, y compris les événements PRESAO et des ateliers de formation pertinents.

8.2.2

Prévisions consensuelles

La section 8.2.1 décrit plusieurs sources d’information sur les prévisions saisonnières pour l’Afrique de l’Ouest. Comment doit-on utiliser cette information ? Après tout, la plupart des utilisateurs n’ont besoin que d’une seule prévision. Le mécanisme des Forums régionaux de prévision du climat (RCOP par la suite, pour Regional Climate Outlook Forum) a été mis en place à la fin des années 1990 pour aider à résoudre ce problème. Les RCOF sont des ateliers où les prévisionnistes peuvent se réunir pour produire une prévision consensuelle et la diffuser aux utilisateurs.

8.2.2.1 La démarche PRESAO Accessible sur le site de l’ACMAD par les liens : http://acmad.net/rcc/ et http:// www.acmad.net/new/

531

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Afin d’organiser les RCOF, l’Afrique et d’autres parties du monde sont subdivisées en régions climatiquement homogènes. L’Afrique de l’Ouest est couverte par la PRESAO (PREvision Saisonnière des pluies en Afrique de l’Ouest). La PRESAO est l’un des cinq forums RCOF couvrant l’Afrique continentale. Les autres sont PRESAC (pour l’Afrique centrale), SARCOF (pour l’Afrique du Sud), GHACOF (pour l’Afrique de l’Est) et PRESANOR (pour l’Afrique du Nord, au nord du Sahara). La prévision consensuelle est produite par une conférence d’experts issus (1) des services météorologiques nationaux d’Afrique de l’Ouest, (2) de l’ACMAD, (3) d’instituts étrangers tels que le Met Office du Royaume-Uni et Météo-France. La Figure 8.22 est un exemple de prévision consensuelle produite par la PRESAO pour la saison 2012. SEASONAL PRECIPITATION FORECAST FOR JULY-AUGUST-SEMPTEMBER 2012 ISSUED ON 23rd MAY 2012 PREVISION SAISONNIERE CLIMATIQUE DES PRECIPITATIONS DE JUILLET-AOUT-SEPTEMBRE 2012, ELABOREE LE 23 MAI 2012

25 20

ZONE III

ZONE II

15 40 45

ZONE I

15

50 40 10

45 40 15

10

20 50 30

5 –15

–10

–5

0

LEGENDE S N I

SUPERIEUREA LA NORMALE NORMALE INFERIEUREA LA NORMALE

ZONE IV

5

10

15 20 LEGEND A N B

25

ABOVE NORMAL NORMAL BELOW NORMAL

ZONE DESERTIQUE

DESERT AREA

CLIMATOLOGIE

CLIMATOLOGY

 Figure 8.22  Prévision consensuelle pour la saison 2012 issue de la PRESAO15. Source : André Kamga, ACMAD (http://www.acmad.net/new/).

Pour produire les prévisions consensuelles, l’information suivante est utilisée : 1) Les prévisions dynamiques des modèles GPC calibrées (erreurs systématiques corrigées) et adaptées par descente d’échelle pour les régions climatiquement homogènes dans les différents pays (méthode décrite dans la section 8.1.4.2). 2) Pour ces mêmes zones, des prévisions basées sur des SST observées au début de la saison et produites par PCR et régression multiple linéaire simple (par la méthode décrite dans la section 8.1.3.1). 3) Les prévisions de SST et de précipitations issues des 12 modèles des GPC telles qu’affichées sur le site web du centre pilote (www.wmolc.org) et sur les sites des GPC (par exemple, www.ecmwf.int). 4) Les prévisions saisonnières de l’IRI accessibles sur http://iri.columbia.edu/climate/forecast/net_asmt/

532

8. Prévision saisonnière

5) Les produits consolidés de prévision à long terme pour l’Afrique de la phase de démonstration du centre de climat régional de l’ACMAD. Ces prévisions sont produites par une analyse subjective des températures observées de la mer et de leurs tendances. Les prévisions de précipitations sont déduites des températures de la mer en fonction de téléconnexions connues (comme celles décrites dans la section 8.1.2) et en recherchant des années « analogues » présentant des caractéristiques et des tendances similaires à l’année en cours pour les températures de la mer observées, en particulier dans les régions tropicales. Les prévisions sont vérifiées par rapport aux prévisions des GPC décrites à la section 8.2.1.2. 6) L’interprétation d’experts des récentes anomalies de SST et de températures de la mer en sub-surface et de leur relation avec les téléconnexions (y compris les valeurs récentes du Global EOF3, voir la section 8.1.3.2). Une carte de prévision comme celle de la Figure 8.22 est dessinée à la main sur la base des informations ci-dessus. La prévision est émise sous forme de probabilités de catégories de terciles. Les trois catégories de terciles sont « supérieur à la normale », qui représente les précipitations au-dessus du tercile supérieur, « inférieur à la normale », qui représente des précipitations inférieures au tercile inférieur, et « proche de la normale » qui représente les précipitations entre les terciles supérieur et inférieur. Les trois catégories sont climatologiquement équiprobables, avec une probabilité de 33 %. Un effort est fait pour générer des prévisions climatiques supplémentaires pour chaque pays participant en assurant la cohérence avec les pays voisins et les prévisions consensuelles régionales (Figure 8.23 pour le Burkina Faso). JAS 2012 10

15 14

N

30

40

13 Latitude

60

Zone nord

Zone centre

45 15

12 50

11

Zone sud

40 10

Déficitaire

Normale Exédentaire

10 Direction générale de la météorologie (Burkina Faso)

9 –6

–5

–4

–3

–2

–1

0

1

2

3

Longitude

 Figure 8.23  Prévision de JAS 2012 pour le Burkina Faso cohérente avec les pays voisins et le consensus régional de mai 2012. Source : André Kamga, ACMAD (http://www.acmad.net/new/).

533

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

L’Afrique de l’Ouest est divisée en régions où la prévision est similaire et les probabilités pour les trois catégories figurent sur la carte.

8.2.2.2 Évaluation des prévisions de la PRESAO sur 1998-2007 Une évaluation des dix premières prévisions de la PRESAO émises entre 1998 et 2007 est incluse dans Mason et Chidzambwa (2009), voir http://iri.columbia. edu/docs/publications/TechRpt09-02 %20-RCOF.pdf. Lorsqu’on les compare avec un mélange d’observations pluviométriques grillées de CAMS-OPI (Janowiak et Xie, 1996) et de CRU TS2.1 (Mitchell et Jones, 2005), les prévisions de la PRESAO pour les trois catégories de terciles présentent des scores modestes, avec des scores ROC autour de 55 à 60 %, un niveau similaire au score moyen des prévisions combinées illustrées par la Figure 8.18.

8.2.3

Logiciels et outils

Pour développer votre propre système de prévision, les outils suivants sont disponibles.

8.2.3.1 Le Climate Predictability Tool (CPT) Le Climate Predictability Tool (outil de prévisibilité du climat) ou CPT (http:// iri.columbia.edu/our-expertise/climate/tools/cpt/) est un outil puissant, spécifique et facile à utiliser pour le développement de modèles de prévisions saisonnières et de prévisions en général. Il est gratuit et facilement téléchargeable à partir du lien ci-dessus. Un ensemble de pages d’aide est inclus avec le produit et de l’aide supplémentaire peut être trouvée sur le site web, dont notamment un didacticiel CPT. Pour utiliser CPT, vous avez besoin de deux ensembles de données : 1) Variable X : un ensemble d’observations de précurseurs (par exemple des indices SST) ou de prévisions d’un modèle dynamique. Les données doivent couvrir un certain nombre d’années du passé et être stockées au format CPT. 2) Variable Y : un ensemble de données d’observations de prédictands, par exemple, les précipitations de stations ouest-africaines. Il doit y avoir des données pour au moins certaines des années pour lesquelles il existe des données pour la variable X. Le détail des formats pour CPT peut être trouvé dans le tutoriel CPT référencé sur le site web ci-dessus. Les données au format CPT peuvent être directement téléchargées à partir du site de l’IRI. Les modèles statistiques peuvent ensuite être créés en utilisant la régression linéaire multiple, la PCR ou la CCA (comme discuté dans la section 8.1.3). CPT produit automatiquement une variété de mesures de scores, incluant la corrélation de Pearson, ROC, LEPS (erreur linéaire dans l’espace des probabilités), GERRITY et d’autres. La production inclut également des cartes de scores et des graphiques temporels.

534

8. Prévision saisonnière

Enfin, on peut produire des prévisions en ajoutant une année supplémentaire ou un ensemble d’années à la variable X. CPT peut convertir les prévisions en probabilités en supposant que les prévisions par régression ont une distribution normale avec un écart type égal à l’erreur standard du système de prévision. CPT présente les séries temporelles des prévisions comparées aux observations, ainsi que des cartes de probabilité.

8.2.3.2 La librairie de données de l’IRI http://iridl.ldeo.columbia.edu/ Une large sélection de données est disponible ici, qui peut être utilisée directement dans CPT.

8.2.3.3 Le Climate Explorer du KNMI http://climexp.knmi.nl/start.cgi?id=someone@somewhere Le « Climate Explorer » du KNMI est une application web pour l’analyse statistique des données climatiques. Il a débuté fin 1999 par une simple page web pour analyser les téléconnexions de l’ENSO et s’est enrichi au cours des années pour atteindre plus de 1 To de données climatiques et des dizaines d’outils d’analyse. Il fait maintenant partie du Centre climatique régional de l’OMM piloté par le KNMI. Son principal objectif est de valider les simulations des modèles et d’étudier les téléconnexions. Il ne réalise pas les post-traitements statistiques proposés par CPT (régression, CCA, validation croisée), mais compare simplement des paires sélectionnées de jeux de données.

8.2.3.4 Site web interactif de NOAA Earth System Research Laboratory http://www.esrl.noaa.gov/psd/data/correlation/

8.2.4

Autres sites web proposant des applications de prévisions

8.2.4.1 FEWS NET www.fews.net FEWS NET produit des cartes à haute résolution montrant un risque de sécurité alimentaire en fonction des informations de prévision saisonnière et des conditions de précurseurs disponibles. Les cartes sont en général valables pour les trois prochains mois.

8.2.4.2 AGRHYMET, Niger www.agrhymet.ne

535

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

8.2.5

Suggestions et recommandations

Les prévisions statistiques deviennent obsolètes pour la plupart des applications de prévision saisonnière en Afrique de l’Ouest. Cela est dû à la faiblesse des méthodes statistiques, conséquence des observations de mauvaise qualité, du changement climatique et du changement d’utilisation des terres, et au succès relatif des méthodes dynamiques. Cependant, pour certaines applications localisées, les méthodes statistiques peuvent encore être utiles. Cela peut correspondre à des applications où la résolution des modèles dynamiques est trop grossière pour donner une prévision de qualité raisonnable. Par exemple, pour les années durant lesquelles les SST méditerranéennes et/ou les températures du sol proches de la surface en Afrique du Nord influent significativement sur les précipitations au Sahel (par exemple en 2012), les outils statistiques sont plus utiles car très peu de modèles dynamiques représentent correctement les mécanismes liant les précipitations du Sahel et les SST de Méditerranée.

Annexe A : Acronymes ACMAD

African Center of Meteorological Application for Development (Centre africain pour les applications de la météorologie au développement) CCA Canonical Correlation Analysis (analyse en corrélation canonique) ENSO El Niño Southern Oscillation (El Niño – Oscillation Australe) EOF Empirical Orthogonal Function (composante principale orthogonale) GCM General Circulation Model (modèle de circulation générale) IHC Interhemispheric Thermal Contrast (contraste thermique inter-hémisphérique) IRI International Research Institute for Climate and Society JAS Juillet-Août-Septembre MCA Maximum Covariance Analysis (analyse en maximum de covariance) MOS Model Output Statistics (statistiques de sorties des modèles) NCEP National Centers for Environmental Prediction PRESAO PREvision Saisonnière des pluies en Afrique de l’Ouest RCOF Regional Climate Outlook Forum (Forum régional de prévision du climat) ROC Relative Operating Characteristic S4CAST Sea Surface Temperature-based Statistical Seasonal Forecast Model SST Sea Surface Temperature (température de surface de la mer)

536

8. Prévision saisonnière

Annexe B : Analyse en composantes principales orthogonales (EOF) Les EOFs représentent des structures dans un jeu de données qui expliquent une part maximale de la variance, et sont orthogonales l’une à l’autre. Généralement, pour l’analyse de données climatiques, le jeu de données est constitué de données spatiales qui varient en fonction du temps. Les covariances des séries temporelles de données pour chaque paire de points (localisés dans l’espace), i et j, forment alors une matrice de covariance Cij. Les EOFs sont calculées en trouvant les vecteurs propres et valeurs propres de la matrice C. Ainsi, les EOF sont également appelées « vecteurs propres ». La première EOF ou vecteur propre est la structure spatiale qui explique la plus grande part de la variance (en d’autres termes, qui correspond à la valeur propre la plus élevée) des données étudiées. La deuxième EOF est la structure spatiale qui explique la plus grande part de la variance restante (deuxième plus grande valeur propre) et qui est orthogonale à la première EOF. La troisième EOF est la structure spatiale qui explique la plus grande part de la variance non expliquée par les première et deuxième EOF, et est orthogonale à celles-ci. Étant donné que la matrice de covariance est de dimension N × N (où N est le nombre de points dans l’espace des données), si M est la dimension temporelle, la méthode permet d’identifier un nombre d’EOF égal au minimum de M et N. Les première, deuxième, troisième EOF, et ainsi de suite, peuvent être notées EOF1, EOF2, EOF3… EOFN. L’utilisation d’EOF au-delà des premier et deuxième rangs doit être menée avec beaucoup de prudence, surtout lorsqu’elles n’expliquent qu’une petite fraction de la variance. Une fois que les EOF ont été calculées, le jeu de données d’origine peut être décomposé de manière unique en une combinaison linéaire de ces fonctions, chacune variant en fonction du temps. On appelle « composante principale » la série temporelle de l’amplitude d’une EOF dans le jeu de données d’origine. L’analyse EOF est parfois également appelée « analyse en composantes principales ». Plus d’informations sur les EOF peuvent être trouvées sur les sites suivants : https://en.wikipedia.org/wiki/Empirical_orthogonal_functions, https://en.wikipedia.org/wiki/Principal_components_analysis, https://en.wikipedia.org/wiki/Eigenvalues_and_eigenvectors.

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Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

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8. Prévision saisonnière

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Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

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540

8. Prévision saisonnière

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541

9 Télédétection

Auteur principal : Arlene Lainga Auteur : Hama Hamidoub Reviewer : Mariane Diop-Kane (Agence Nationale de l’Aviation Civile et de la Météorologie du Sénégal–ANACIM, Sénégal) et Tony Wardle (UK Met Office) Traduction française : Jean-Louis Roujeanc, Hervé Roquetd et Sylvain Le Moald

a



Cooperative Institute for Research in the Atmosphere (CIRA), Colorado State University, Fort Collins, CO, USA b L’École Africaine de la Météorolgie et de l’Aviation Civile (EAMAC), Niamey, Niger c CNRM-UMR3589, CNRS et Météo-France, Toulouse, France d Centre de Météorologie Spatiale, Météo-France, Lannion, France

543

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

9.1 Bases scientifiques La télédétection offre des possibilités extraordinaires pour analyser les divers types de temps en Afrique tropicale. Sur un continent où les réseaux d’observation sol présentent d’importantes déficiences, la couverture spatiale et temporelle offerte par les données satellitaires a multiplié, sur les décades récentes, la quantité d’informations mise à disposition du prévisionniste. Alors que dans d’autres parties du monde les réseaux radar sol sont devenus la pierre angulaire de l’analyse en temps réel des orages et des pluies, les efforts de mise en place des réseaux radar en Afrique de l’Ouest n’ont en général pas rencontré un franc succès. Cependant, étant donné le souhait de la communauté météorologique en Afrique de développer à l’avenir des réseaux de radar pour la pluie, et du fait de l’existence de données utiles de radars météorologiques satellitaires, il y a un besoin pour les prévisionnistes de comprendre les principes de base de l’observation radar météorologique. De nouveaux satellites et capteurs sont constamment en développement, et le volume de données disponibles peut être déconcertant. Ici nous synthétisons les jeux de données disponibles les plus importants, et réciproquement nous décrivons les données de télédétection qui sont les mieux adaptées à chacun des phénomènes météorologiques clés en Afrique de l’Ouest, à l’aide d’exemples de leur application sur des cas d’étude réels. En se formant grâce au matériel référencé dans ce chapitre, les prévisionnistes devraient être capables : • d’expliquer les principes de base de la télédétection par satellite d’observation de la Terre et par radar ; • de décrire les différentes plates-formes, capteurs et techniques utilisés pour restituer l’information sur les paramètres météorologiques utiles pour la prévision du temps en Afrique de l’Ouest ; • de décrire comment les produits mono- et multi-spectraux sont utilisés pour analyser et prévoir les phénomènes météorologiques clés en Afrique de l’Ouest.

9.1.1

Le système d’observation satellitaire global

Le système d’observation satellitaire global (Figure 9.1) est vital pour la prévision du temps en Afrique, en particulier à cause de la rareté des observations du réseau de stations de surface et d’altitude. Ce réseau a été très précieux pour la prévision numérique du temps. Les mesures satellitaires sont communément utilisées en météorologie opérationnelle pour suivre et analyser l’atmosphère et la surface, en particulier : • • • • •

544

la température et la réflectance de surface ; la vapeur d’eau ; les nuages et les précipitations ; les profils verticaux de température et d’humidité ; la vitesse du vent (atmosphère et surface océanique) ;

9. Télédétection

• les poussières, fumées et autres aérosols ; • la foudre. The global operational satellite system

FY-1/3 (China) Aqua TRMM Megha-Tropiques

GOES (USA) 135W

METEOR-M (Russian Federation)

GOES (USA) 75W

Terra Jason-1/2/3 Okean series

Himawari (Japan) 140E

Geostationary orbit ALOS

35,800 km

COMS–1 (Rep. of Korea) 120E

Polar orbit ENVISAT METEOR-M SPOT-5/6/7

MSG (EUMETSAT) 0 Longitude

FY-2/4 (China) INSATs 105E (India) 83E

Meteosat (EUMETSAT) 63E NOAA (USA)

JPSS Suomi NPP (USA)

Metop (EUMETSAT)

GPM GCOM

Electro-L/M (Russian Federation) 76E

The COMET Program / EUMETSAT / NASA / NOAA / WMO

 Figure 9.1  Le système d’observation satellitaire global. Source : Reproduit avec l’autorisation du programme COMET.

9.1.1.1 Géométrie orbitale Les satellites météorologiques sont classés selon leur orbite (Figure 9.2) : • les géostationnaires ou géosynchrones (GEO), qui sont en orbite à environ 36 000 km au-dessus de l’équateur et se déplacent à la vitesse de la rotation de la Terre, observant par là même à la verticale d’un point fixe de la Terre ; • les satellites à orbite basse (LEO pour Low Earth Orbit) comprennent : – des satellites à orbite polaire à approximativement 850 km d’altitude ; la plupart sont des satellites héliosynchrones ; – des satellites de recherche et développement dont l’orbite est comprise dans une certaine bande de latitude à quelques centaines de km d’altitude. Par exemple, l’orbite du satellite Tropical Rainfall Measurement Mission (TRMM, Simpson et al., 1996) est circulaire et non héliosynchrone. L’orbite se situe entre 35°N et 35°S à 402,5 km au-dessus de la surface. Le satellite

545

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Megha-Tropiques, lancé en 2011, a lui une orbite qui est située entre 20°N et 20°S à 866 km, alors que le Global Precipitation Mission (GPM) Core, lancé en 2014, a une orbite entre 65°N et 65°S. Certains satellites dédiés à la recherche, tel TRMM, ont été utilisés pour la prévision du temps. Geostationary satellite coverage with Meteosat

Polar-orbiting satellite coverage with MetOp

 Figure 9.2   Couverture orbitale du géostationnaire Météosat ainsi que du système polaire EUMETSAT (EPS) avec MetOp. Source : Reproduit avec la permission du programme COMET.

9.1.1.2 Avantages et limitations des satellites GEO et LEO Les satellites géostationnaires, tel Météosat, ont un champ de vue large et une résolution spatiale plus faible, mais présentent l’avantage d’avoir une haute résolution temporelle. Leurs observations en continu d’une même zone géographique peuvent être utilisées pour suivre les systèmes météorologiques sur de grandes distances. Les satellites LEO, tels Terra, MetOp, GPM Core, et TRMM présentent l’avantage d’avoir une haute résolution spatiale avec un champ de vue réduit mais une faible résolution temporelle du fait que leurs orbites passent rarement au-dessus du même lieu plus d’une fois par jour. Alors que les satellites à orbite polaire fournissent une bonne couverture géographique au-dessus des pôles, ils laissent de grands trous dans les tropiques (e.g. orbite MetOp en Figure 9.2). Le fait d’avoir une constellation de satellites avec des instruments similaires diminue ces trous. En un jour donné, la combinaison de satellites GEO et LEO fournit une couverture globale des phénomènes météorologiques significatifs.

9.1.1.3 Géométrie de balayage et de visée Au cours du balayage de l’instrument satellitaire, son champ de vue ou empreinte sur la surface de la Terre varie. La visée au nadir, c’est-à-dire au sous-point du satellite, a la plus petite empreinte et le maximum de résolution, alors que la visée aux limbes, c’est-à-dire au maximum de l’angle de visée, a la plus grande empreinte et

546

9. Télédétection

le minimum de résolution (e.g. Figure 9.3). Les instruments satellitaires balaient communément de trois façons : perpendiculairement à la trace (balayage dit « cross track », Figure 9.3), selon un arc (balayage dit « conique »), ou en peigne (balayage dit « push broom »). AMSU Scanning geometry and resolution

150 km

Resolution ~ 50 km

FOV 1

150 km

FOV 30 UW-CIMSS

 Figure 9.3  Géométrie de balayage et résolution de l’Advanced Microwave Sounding Unit (AMSU). Au fur et à mesure du balayage à partir du nadir, le champ de vue (FOV) devient plus grand et déformé. Source : Fournie courtoisement par le Cooperative Institute for Meteorological Satellite Studies (CIMSS), University of Wisconsin–Madison.

9.1.2

Bases scientifiques en télédétection

La propagation du rayonnement électromagnétique (EM en anglais) dans le système Terre-atmosphère est la base des applications en télédétection. Cette partie est un résumé décrivant le rayonnement électromagnétique, comment il interagit avec la Terre et l’atmosphère, et comment le rayonnement mesuré à distance par les capteurs satellitaires est utilisé pour restituer de l’information sur l’atmosphère et la surface.

9.1.2.1 Spectre électromagnétique Les ondes électromagnétiques sont décrites par les quantités fondamentales suivantes : • la longueur d’onde, λ, mesurant la distance entre deux crêtes d’un champ électrique ou magnétique (unité SI : m ; unité usuelle : mm) ; • le nombre d’onde, k, l’inverse de la longueur d’onde, k = 1/λ (unité SI : m–1, unité usuelle : cm–1) ;

547

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

• la fréquence, ν, le taux d’oscillation du rayonnement en un point donné, ν = c / λ (unité SI : Hz) où c est la vitesse de la lumière dans le vide, soit 2,99792458 × 108 m s–1. La longueur d’onde croît de la gauche vers la droite sur le spectre électromagnétique (Figure 9.4). Les applications en prévision météorologique utilisent essentiellement la partie du spectre allant du visible aux micro-ondes. Electromagnetic spectrum

10–12

10–10 1 nm

10–8

(GHz)

(MHz)

109

106

Television

Microwave

Infrared

1011

Visible

Ultraviolet

X-rays

Gamma rays 10–14

1016 1015

1019

(kHz) 103

Long radio waves

102

10–6 10–4 10–2 Wavelength (m) 1 μm

AM radio

Frequency (Hertz) 1022

1 cm

104

106

1 km

Weather forecasting spectral bands Adapted from the COMET program

 Figure 9.4   Le spectre électromagnétique (EM) depuis les rayons gamma jusqu’aux ondes radio décliné en longueur d’onde et en fréquence. Source : Reproduit avec l’autorisation du programme COMET.

9.1.2.2 Luminance et rayonnement d’un corps noir Le rayonnement peut être décrit en termes de particules d’énergie radiative, appelées photons. L’énergie par photon émis est décrite par : E = hν

(9.1)

où h est la constance de Planck (6,625 × 10–34 J s) et ν est la fréquence (Hz ou s–1), qui est inversement proportionnelle à la longueur d’onde. Le flux radiatif ou puissance mesure la vitesse de transfert de l’énergie radiative (unité J s–1 ou Watts), qui, une fois normalisée par la surface, fournit la densité de flux radiatif ou l’éclairement (unité W m–2). Un télescope embarqué sur satellite a un champ de vue qui est le plus naturellement mesuré par un angle solide (Figure 9.5). Imaginons un faisceau d’énergie se déplaçant dans une direction donnée, Ω, et intersectant une zone infinitésimale ayant une section perpendiculaire à la direction du faisceau. La luminance ou intensité spécifique est l’énergie traversant cette unité de surface, par unité de temps, par

548

9. Télédétection

unité d’angle solide dans la direction donnée, par unité de longueur d’onde (ou de fréquence ou de nombre d’ondes), exprimée comme : dI λ =



dE λ (9.2) cosθ d Ω dt dA dλ

où E représente l’énergie radiative, A est la section interceptant le rayonnement, t est le temps, l’angle solide Ω est en stéradians, λ est la longueur d’onde. Étant donné que la luminance mesure le rayonnement perpendiculaire au faisceau, la quantité cos  θ module le poids donné à l’énergie dans les autres directions. La luminance s’exprime en unité SI en Wm–2 sr–1 μm–1. λ

z

,Ω le

θ

Source area, A x

Spectral radiance, Iλ

lid

g an

So

Projected area normal to beam, A cos θ y

 Figure 9.5  Diagramme conceptuel de la luminance spectrale ou intensité spécifique du rayonnement.

La luminance monochromatique ou spectrale est l’unité fondamentale mesurée par un satellite, où le terme « monochromatique » fait référence à un intervalle très étroit de longueur d’onde, dλ, centré sur une longueur d’onde donnée λ. À noter qu’au cours du balayage de l’instrument, l’angle solide reste constant mais le champ de vue varie (Figure 9.3).

9.1.2.2.1 Rayonnement d’un corps noir Un concept utile pour le rayonnement est le corps noir, c’est-à-dire un objet qui absorbe tout le rayonnement et émet la quantité maximale d’énergie à toutes les longueurs d’onde et également dans toutes les directions (de façon isotrope). La loi de Planck exprime l’énergie émise par un corps noir comme étant une fonction de la température et de la longueur d’onde :

Bλ (T ) =

c1λ −5 (9.3) exp (c 2 / λ T ) − 1

où T(K) est la température absolue, c1 = 1,1910439 × 10–16 W m–2 sr–1, et c2 = 1,438769 × 10–2 mK.

549

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

L’intégration de la fonction de Planck en (9.3) sur toutes les longueurs d’onde fournit la densité de flux d’un corps noir ou l’éclairement, qui est représentée par la surface située sous les courbes du corps noir dans la Figure 9.6. L’énergie émise par unité de surface (pour toutes les longueurs d’onde) est reliée à la température absolue au travers de la loi de Stefan Boltzmann : E = σ T 4 (9.4)



où la constante de Stefan Boltzmann est σ = 5,67 × 10–8 W m–2 K–4.

Radiance (W m–2 sr–1 μm–1)–λ

Solar and thermal blackbody curves

0.1

1.0

10.0

100.0

Wavelength (λ)in μm Log scale ©The COMET program

 Figure 9.6  Tracé de la luminance (W m–2 sr–1μm–1) normalisée par la longueur d’onde sur une échelle logarithmique. La surface délimitée par la ligne jaune et rouge représente, respectivement, l’éclairement solaire et terrestre. Source : Reproduit avec l’autorisation du programme COMET.

La longueur d’onde de l’émission maximum du corps noir est inversement proportionnelle à la température absolue, c’est-à-dire que plus un objet est chaud, plus la longueur d’onde, à laquelle il émet le maximum de son énergie, est courte, ce qu’exprime la loi de déplacement de Wien :

λ max =

2897, 9 (9.5) T

De fait, les longueurs d’onde visibles ont un pic d’énergie plus élevé que les longueurs d’onde IR (Figure 9.6). Alors que la longueur d’onde décroît, la luminance augmente plus rapidement en fonction de la température (Figure 9.7). Cette caractéristique est à la base de la détection des feux et autres zones chaudes en utilisant le canal infrarouge de courte longueur d’onde centré sur 3,9 μm. Sa réponse en

550

9. Télédétection

luminance vis-à-vis de l’augmentation de la température est d’un ordre de grandeur plus grand que celle à des longueurs d’onde infrarouge plus grandes. Il s’agit également du pic de longueur d’onde d’un corps noir à 743 K (Figure 9.7), ce qui est proche de la température d’un feu de forêt. Black-body spectrum

108

108 10000K 5777K

106

106 3000K 104

104 1000K

100

100

500K 300K

1

1 100K

0.01 0.1

1

3.9 Wavelength, μm

10

Spectral radiance, W/(m2 μm sr)

Spectral radiant emittance, W/(m2 μm)

1010

0.01 100 EUMETrain

 Figure 9.7  Tracé en échelle log de la longueur d’onde et de la luminance spectrale et de l’émittance pour différentes températures de corps noir. Les annotations en couleur indiquent les émissions du soleil (5 777 K, centrée sur 0,5 μm, dans le spectre visible), la surface de la Terre (300 K, centré sur 10 μm), et les feux de forêt (600 à 1 000 K, centré sur 3,9 μm). La diagonale en tireté marque l’évolution du pic d’émission en fonction de la longueur d’onde, illustrant la loi de déplacement de Wien. Source : Reproduit avec l’autorisation d’EUMETrain.

9.1.2.2.2 Température de brillance La température de brillance T est déterminée par l’inversion de la fonction de Planck. Aux longueurs d’onde micro-ondes (mm et cm) et pour des valeurs de température correspondant à la Terre et à l’atmosphère, le rapport luminance à température est une simple proportion. Alors que la loi de Planck pour la luminance d’un corps noir nous permet de comparer la luminance spectrale avec la température de brillance d’un objet qui émettrait comme un corps noir, la plupart des objets ne sont pas des corps noirs. Pour la fenêtre infrarouge à 10,8 μm, la température de brillance est proche de la température physique. Cependant, dans les micro-ondes, la température de brillance est nettement plus faible que la température physique de l’objet qui émet. L’angle de visée du satellite affecte la température de brillance observée. Lorsque le balayage de l’instrument s’éloigne du nadir, celui-ci scrute une couche plus fine, plus haute dans la troposphère, et a un trajet plus long. Par conséquent, 551

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

les zones situées près des limbes dans les images infrarouges paraissent plus froides, un phénomène connu comme étant « l’assombrissement aux limbes » ou « le refroidissement aux limbes ».

9.1.2.3 Transfert radiatif Un rayonnement traversant l’atmosphère peut être modifié par l’un des processus suivants : • l’absorption ; • l’émission ; • la diffusion dans la direction de propagation du rayonnement ; • la diffusion dans les autres directions. Par exemple, la vapeur d’eau est un absorbant majeur pour les grandes longueurs d’onde dans l’atmosphère, la neige diffuse la lumière visible, et les particules de glace diffusent le rayonnement micro-ondes.

O2

1.0 0.8 0.6 0.4 0.2 0

O3

0.1µm

0.3

CH4 CH4 H2O H2O H O 2 CO2 H2O H O O2H2O 2 CO2CO2 O3

0.6 1.0µm

3

6 10µm

Atmosphere mostly opaque due to absorption by H2O

30 60 100µm Wavelength

Solar spectral irradiance (Wm –2 / µm)

(b) 2200 2000 1800 1600 1400 1200 1000 800 600 400 200 0

300

H2O O2

600 0.1cm

O2

0.3

H 2O

0.6 1.0cm

3

©The COMET Program

(c) 10.0

Molecules absorbing solar radiation 6000 K blackbody O3 O2 H2O CO2

0

0.4

0.8

1.2

1.6

Solar radiation at top of atmosphere Solar radiation reaching surface

2.0

2.4

2.8

3.2

3.6

4.0

Wavelength (µm) ©The COMET Program

Radiance (W/ / m2 / ster / µm)

Transmittance

(a)

O3 band

Window CO2 band

8.0 6.0 4.0

300K 280K

H2O band

260K 240K 220K 220K

2.0 0.0

4.0

6.0

8.0 10.0 12.0 14.0 Wavelength (µm)

16.0

©The COMET Program

 Figure 9.8  (a) Variations de la transmittance (mesure de la fraction de rayonnement traversant l’atmosphère) en fonction de la longueur d’onde depuis l’ultraviolet jusqu’aux micro-ondes. Plus la ligne rouge est proche de 1, plus la quantité de rayonnement transmise au travers de l’atmosphère est grande. Les longueurs d’onde avec une transmittance proche ou égale à 1,0 sont appelées fenêtres atmosphériques. (b) Éclairement spectral d’un corps noir de même température que le soleil 5 777 K, éclairement spectral solaire au sommet de l’atmosphère, et à la surface après absorption atmosphérique. (c) Luminance d’un corps noir correspondant à la surface terrestre à différentes températures et luminance transmise au sommet de l’atmosphère après absorption atmosphérique. Source : Reproduit avec l’autorisation du programme COMET.

552

9. Télédétection

L’atmosphère est généralement transparente pour le rayonnement visible et microondes et opaque pour le rayonnement infrarouge excepté dans une étroite fenêtre autour de 10 μm (Figure 9.8). L’épaisseur optique d’un milieu est une mesure de la quantité de rayonnement extraite d’un rayonnement incident soit par absorption soit par diffusion le long de son trajet dans le milieu. L’atmosphère est dite optiquement épaisse lorsque peu de rayonnement est transmis et optiquement fine lorsque l’essentiel du rayonnement est transmis. Du fait que les gaz ne se comportent pas exactement comme des corps noirs, nous définissons des quantités telles que l’émissivité (monochromatique) e λ, comme le rapport entre l’intensité émise et le rayonnement du corps noir correspondant à une longueur d’onde donnée : Iλ ελ = (9.6) Bλ (T ) L’absorptivité (αλ), la transmissivité (τλ), et la réflectivité (rλ ) mesurent, respectivement, la fraction de rayonnement incident qui est absorbée, transmise, et réfléchie. Selon la loi de Kirchhoff, pour une longueur d’onde donnée, l’émissivité est égale à l’absorptivité. Le taux de variation de la luminance pour une longueur d’onde donnée, Iλ, sur une distance s, est la somme de l’extinction (absorption et/ou diffusion) et des sources (émission et/ou diffusion dans la direction de propagation). Ce taux de variation de la luminance peut être écrit comme étant l’équation du transfert radiatif : dI λ = −kλ ρ rI λ + jλ ρ (9.7) ds où kλ est la section transversale d’extinction (en unité de surface par masse) pour la longueur d’onde λ, jλ est le coefficient de la fonction source, ρ est la densité du milieu, et r est la masse du gaz absorbant par unité de masse de l’air. Les coefficients représentent l’efficacité des molécules en termes d’absorption et de diffusion du rayonnement à la longueur d’onde λ. La Figure 9.9 illustre de façon schématique la variation de la luminance sur une courte distance. Les instruments satellitaires détectent le rayonnement de la surface, et de chaque couche atmosphérique qui est transmis à la couche supérieure. En ce qui concerne la télédétection satellitaire de la surface terrestre et de l’atmosphère dans l’infrarouge, on ne tient compte que de l’absorption et de l’émission, car la diffusion est négligeable. Le taux de variation de la luminance le long du trajet vers le capteur satellitaire est alors : dIλ (absorption) − dIλ (émission) dIλ = − kλ ρrIλds − B λ (T ) ελ Il s’agit de l’équation de Schwarzschild, qui peut s’écrire plus simplement :

dI λ = − ( I λ − Bλ (T )) kλ ρ r ds (9.8)

553

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

(a)

Iλ + dIλ



ds

(b)

Satellite

Transmittance from surface and atmosphere

Layer i with: Temperature Ti, emissivity, εi

Si

Transmissivity, τi (s,si)

ds S

Surface

 Figure 9.9  (a) Diagramme schématique de la variation de la luminance (pour une longueur d’onde donnée) sur une distance s, au travers l’atmosphère. (b) Transmittance et émission d’une couche pour une atmosphère plan-parallèle.

Une fois intégrée, l’équation (9.8) donne l’intensité du rayonnement atteignant une couche atmosphérique donnée ou le satellite en orbite, tel qu’illustré schématiquement par la Figure 9.9 :

I λ ( si ) = I λ e

−τ λ ( si ,0)

si

+ ∫ kλ ρ rBλ [T ( s )] e −τ λ (si ,s ) ds (9.9) 0

où τλ représente la transmissivité des différentes couches traversées. Les instruments satellitaires mesurent le rayonnement transmis au travers et émis par l’atmosphère. Un détecteur, généralement un radiomètre, enregistre un signal électromagnétique après qu’il ait interagi avec les molécules, les particules, ou les surfaces visées. Si T et S dénotent respectivement la cible et le signal, on peut exprimer leur relation par l’équation :

S = F (T)  et son inverse   T = F –1 (S) (9.10)

où F est une fonction qui représente le transfert radiatif.

554

9. Télédétection

Alors que le transfert radiatif est caractérisé par une longueur d’onde spécifique et sa sensibilité à certaines propriétés physiques du milieu transférant le rayonnement, la solution inverse peut ne pas être unique. Différentes combinaisons de paramètres indéterminés peuvent correspondre à une même mesure de luminance. Cette nonunicité implique une incertitude inhérente aux mesures par télédétection. Les erreurs proviennent également du fait que la fonction de transfert radiatif n’est pas nécessairement linéaire et exprimable sous forme d’une fonction analytique, et des solutions mathématiques utilisées. Pour plus d’information concernant le transfert radiatif, se référer à Kidder et Vonder Haar (1995) et Liou (2002).

9.1.2.4 La réflectance Le rayonnement réfléchi, en particulier celui issu du rayonnement solaire (Figure 9.10a), est une mesure critique en météorologie satellitaire. La luminance réfléchie est utilisée principalement pour l’identification des nuages de jour, particulièrement dans la basse et moyenne troposphère, mais peut être utilisée en combinaison avec d’autres paramètres télédétectés afin d’identifier des caractéristiques de la surface, les feux, la fumée, les poussières, la brume et la neige. La luminance réfléchie par une unité de surface élémentaire, comme illustré de façon conceptuelle en Figure 9.10b, peut s’exprimer comme :

I r (θ r ,φr ) =

π 2π 2

∫ ∫ I i (θ i ,φi ) γ r (θ r ,φr ;θ i ,φi ) cosθ i sinθ i dθ i dφi (9.11) 0 0

où θ est l’angle zénithal et Φ est l’angle azimutal. La luminance incidente est Ii et la luminance réfléchie est Ir, toutes les deux fonctions des angles zénithal et azimutal. La réflectance bidirectionnelle, γ, représente la fraction de rayonnement incident qui est réfléchie dans des directions zénithale et azimutale données. La réflectance est utilisée pour identifier différentes caractéristiques et phénomènes atmosphériques (Figure 9.11). À noter la réflectance élevée des nuages aux longueurs d’onde visible et la réflectance élevée des feux et des zones chaudes dans le proche infrarouge, propriétés qui servent à les distinguer entre eux.

9.1.2.5 Télédétection passive et active Les capteurs passifs mesurent le rayonnement qui est émis ou réfléchi naturellement, comme le radiomètre imageur Spinning Enhanced Visible and Infrared Imager (SEVIRI) sur Météosat Seconde Génération (MSG). Les capteurs actifs émettent une impulsion en énergie (habituellement dans les micro-ondes) et mesurent l’énergie rétrodiffusée, e.g. le radar nuage CloudSat et le radar de précipitation TRMM. Le radar sera abordé en section 9.1.6.

555

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

(a)

Atmosphere & ozone layer

Aerosol & cloud Mie scattering

Rayleigh scattering

(b)

Reflected radiance, Ir

Incident radiance, Ir

Zenith z θi θr

y

x

ϕi Azimuth

ϕr

 Figure 9.10  (a) Schéma illustrant la mesure satellitaire de la lumière solaire directement émise et de celle diffusée par l’atmosphère et la surface. Source : Reproduit avec l’autorisation du programme COMET. (b) Diagramme conceptuel de la luminance incidente, Ii, et de la luminance réfléchie, Ir. Les deux quantités incidente et réfléchie sont dépendantes de l’angle zénithal, θ, et de l’azimut, Φ. La fraction du rayonnement incident qui est réfléchie est dénommée réflectance et varie selon le milieu réfléchissant.

556

9. Télédétection

Vis & near IR spectral signatures

Apparent reflectance

10.0

VIS

Near-IR Cloud Fire Hot area Smoke (sm.part.) Smoke (lg.part) Shadow

Grass Lake Bare soil

1.0

0.1

400

700

1000

1300

1600

1900

2200

2500

Wavelength (nm)

 Figure 9.11  Réflectance apparente pour différents phénomènes atmosphériques et types de surface. Source : Griffin et al. (2000).

9.1.3

Les bandes spectrales ou canaux

9.1.3.1 Canaux visibles et IR Les instruments satellitaires mesurent la luminance dans des intervalles de longueurs d’onde particuliers, appelés bandes spectrales ou « canaux ». Les canaux sont d’habitude numérotés par ordre croissant depuis les bandes optiques vers les bandes thermiques (voir par exemple Figure 9.13). Les canaux 1, 2, 3 et 12 reposent sur la réflectance (le rayonnement solaire domine) comme le montre la Figure 9.12. Le canal 12, ou visible à haute résolution (HRV), est une bande large visible avec un échantillonnage horizontal de 1 km afin de mieux suivre les phénomènes de petite échelle. La bande 3, dans le proche infrarouge, repose également sur l’absorption (e.g. différence entre l’absorption par l’eau liquide et par la glace). Le canal 4, à 3,9 μm, repose à la fois sur la réflectance solaire et l’émission/absorption terrestres. Les canaux 4-11 reposent sur les émissions et absorptions (le rayonnement terrestre domine). Chacun des canaux est sensible à des propriétés physiques particulières (Tableau 9.1) qui sont utiles pour différencier les phénomènes, par exemple les différences de réflectance entre les canaux 1-3 aident à distinguer entre la végétation et le sol nu (Figure 9.14).

557

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Visible channel

3.9 channel (Shortwave IR)

10.7 channel (Longwave IR)

13.3 channel (CO2)

12.0 channel (Dirty window)

Window regions

6.7/6.5 channel (Water vapor)

Absorption bands

(Solar and earth emitted radiation passes through window regions)

Solar radiation

(Earth emitted radiation is absorbed & re-emitted by absorption bands)

Earth emitted radiation

©The COMET Program

 Figure 9.12  Schéma illustrant les canaux dans les zones fenêtres et les bandes d’absorption du radiomètre imageur SEVIRI sur Météosat Seconde génération. Source : Reproduit avec la permission de COMET.

METEOSAT SEVIRI CHANNELS

VIS 0.6 µm

VIS 0.8 µm

NIR 1.6 µm

NIR 3.9 µm

WV 6.2 µm

WV 7.3 µm

IR 8.7 µm

IR 9.7 µm

IR 10.8 µm

IR 12.0 µm

IR 13.4 µm

HRV ©The COMET Program

 Figure 9.13  Les canaux de l’instrument SEVIRI de Météosat Seconde génération (MSG). Source : reproduit avec la permission du programme EUMETSAT/The COMET.

558

9. Télédétection

Seviri solar channels 1.00

2000 Ch.1

Ch.2

Ch.3

1500

Ch.12 0.60 Leaf reflectance

1000 0.40 Soil reflectance

Irradiance (W/m2)

Reflectance / transmittance

0.80

500

0.20 Toa irradiance 0.00

0 0.5

1.0

1.5

Wavelength (µm)

EUMETSAT

 Figure 9.14  Réflectance des feuilles (courbe verte) et du sol (courbe orange) dans les régions visible et proche infrarouge du spectre, telle qu’observée par les quatre canaux de SEVIRI : 0,6, 0,8 et 1,6 μm (gris sombre) et HRV (gris clair). La ligne rouge est l’éclairement (W m–2) au sommet de l’atmosphère. À noter que la végétation est fortement réflective aux grandes longueurs d’onde visibles, alors que le sol nu a une réflectance élevée près du centre du spectre visible. Source : Reproduit avec la permission d’EUMETSAT.

 Tableau 9.1   Propriétés physiques représentées par les canaux SEVIRI de Météosat (EUMETSAT). Canaux

Propriétés physiques représentées

VIS0.6

Épaisseur optique et quantité d’eau nuageuse (liquide et glace)

VIS0.8

Épaisseur optique et quantité d’eau nuageuse (liquide et glace), « verdeur » de la végétation

NIR1.6, IR3.9

Taille et phase des particules d’eau

WV6.2, WV7.3

Humidité des niveaux moyens et élevés

IR8.7, IR10.8, IR12.0

Température de sommet de nuage

IR8.7 - IR10.8

Phase de l’eau et épaisseur optique

IR12.0 - IR10.8

Épaisseur optique

IR3.9 - IR10.8

Épaisseur optique, taille et phase des particules d’eau

IR13.4 - IR10.8

Altitude de sommet de nuage

WV6.2 - IR10.8

Altitude de sommet de nuage, tours convectives

559

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

9.1.3.2 Les canaux micro-onde Les régions des fenêtres atmosphériques micro-ondes permettent d’observer la surface au travers des nuages et sont utiles pour distinguer les terres, l’océan, les nuages et les précipitations. Les régions de forte absorption sont sensibles aux gaz telles la vapeur d’eau et l’oxygène (Figure 9.15) et sont utilisées principalement pour le sondage atmosphérique. À la fois les régions fenêtre et d’absorption sont utilisées pour dériver différents produits concernant les propriétés de la surface et des nuages. À noter que dans les micro-ondes, l’énergie par unité de surface est inférieure de plusieurs ordres de grandeur à celle dans l’infrarouge et le visible. Cela signifie que les capteurs micro-ondes requièrent de grands champs de vue, supérieurs à 10 km, afin de collecter assez d’énergie pour la mesure. De ce fait, les capteurs micro-ondes sont emportés sur des satellites à orbite basse. Les canaux micro-ondes satellitaires sont généralement référencés par leur fréquence, les plus utilisés étant ceux à 85-89 GHz et 37 GHz (régions fenêtre). 2.0 H2O Window

O2

0.6

1.0

3.0

5.0 6.0

Window

0.8

O2 Window

0.5 0.7

Absorption bands 0.4 0.2 0.0

H2O

300 200

Window

Vertical transmittance to space

Wavelength (cm) 0.1 0.2 0.3 1.0 Microwave spectrum

100 70 50 30 Frequency (Ghz)

20

10

6

5

©The COMET program

 Figure 9.15  Les bandes fenêtres et d’absorption aux longueurs d’onde micro-ondes. Source : Reproduit avec la permission de COMET.

9.1.4

Analyse multispectrale : produits de visualisation

Le nombre de bandes spectrales sur les instruments en orbite géostationnaire et polaire continue d’augmenter. Cette quantité croissante de données offre l’opportunité d’étendre les capacités d’observation mais accroît aussi la difficulté de synthétiser l’information pour en faciliter l’interprétation par les prévisionnistes. Les différents canaux peuvent être utilisés de la façon suivante : • la visualisation de canaux individuels en température de brillance et/ou en réflectance en utilisant une échelle de couleur ou de niveaux de gris appropriée ;

560

9. Télédétection

• le calcul de différences ou de rapports entre différents canaux ; • l’extraction quantitative de paramètres via des algorithmes qui utilisent des seuils ou des techniques de reconnaissance de forme appliqués à différents canaux ou combinaisons de canaux, et une table de correspondance de valeurs discrètes pour créer une image mono-canale ; • la combinaison de canaux pour créer des images en composition colorée basées sur les couleurs primaires rouge, vert et bleu (RGB par la suite, pour Red-GreenBlue) ; • la création de produits combinés dits « sandwich » en combinant deux images d’entrée avec une méthode de superposition de couche par transparence, qui est une fonction avancée de certains logiciels graphiques. Ces méthodes sont détaillées dans les sous-chapitres suivants.

9.1.4.1 Visualisation de canaux individuels Avec cette méthode, les températures de brillance ou les réflectances de canaux individuels sont visualisées via des tables de correspondance en couleurs ou en niveaux de gris avec la brillance ou le contraste appropriés. Par exemple, les niveaux de gris clairs sont utilisés pour les fortes réflectances, et les images infrarouge sont généralement inversées pour faire apparaître les faibles températures de brillance avec des niveaux de gris clairs, ce qui correspond à une vision plus intuitive des nuages. Typiquement, une image aura 256 couleurs avec des valeurs assignées à chaque couleur ou niveau de gris. Des caractéristiques spécifiques sont détectées en visualisant des canaux individuels avec un rehaussement en couleurs ou en niveaux de gris. Des éléments ayant une réflectance similaire dans le visible sont alors différenciés en utilisant la température de brillance dans les images infrarouge et vapeur d’eau. Cependant, cette méthode peut induire des confusions, par exemple lorsque des cirrus denses ont la même température de sommet que des cumulonimbus, de sorte que pour la reconnaissance des types de nuage, leur forme et leur mouvement doivent aussi être pris en compte. Cette méthode est appropriée pour les imageurs ne possédant que quelques canaux.

9.1.4.2 Différence ou rapport entre deux canaux L’utilisation de la différence ou du rapport entre deux canaux aide à mettre en évidence certaines caractéristiques particulières et est connue sous le nom de split-window ou de reverse absorption. La différence entre canaux est utilisée pour détecter des phénomènes tels que la neige, la brume, le feu et la fumée, la végétation, les cendres volcaniques, et les types de nuage. La différence de température de brillance est couramment utilisée. Par exemple, la différence entre les canaux à 3,9 μm et à 10,8 μm aide à identifier le brouillard et les stratus bas, sauf à l’aube et au crépuscule où la différence est trop faible. Celle entre les canaux à 12,0 μm et à 10,8 μm fournit une méthode efficace de séparation entre les cirrus et les poussières, étant donné que les cirrus absorbent plus de rayonnement à 12,0 μm, alors que les poussières absorbent plus à 10,8 μm (Figure 9.16).

561

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

12.0 μm

Difference 12.0µm - 10.8 μm with stretched scale

10.8 μm

Dust is bright

Cirrus is dark ©EUMETSAT 2004

 Figure 9.16  Images de Météosat SEVIRI IR12.0, IR10.8, et différence IR12.0 – IR10.8. Source : Reproduit avec la permission d’EUMETSAT et du programme COMET.

9.1.4.3 Extraction quantitative d’un paramètre L’extraction quantitative de paramètres à partir d’imagerie satellitaire est réalisée via des algorithmes qui utilisent des seuils ou des techniques de reconnaissance de forme appliqués à différents canaux ou combinaisons de canaux, et une table de correspondance de valeurs discrètes pour créer une image monocanale (SAFNWC, 2012). Par exemple, l’algorithme de masque nuage du SAFNWC identifie les pixels libres de nuage (Figure 9.17), pour lesquels d’autres paramètres météorologiques peuvent ensuite être extraits (e.g. eau précipitable, températures de surface terre et mer, poussière, cendre volcanique, neige/glace). Il utilise une méthode de seuils multispectraux pour séparer les températures de brillance des pixels clairs de celles des pixels affectés par des nuages ou des aérosols. Les seuils sont ajustés selon le type de surface, les conditions atmosphériques, et les positions du soleil et du satellite.

Cloud Land Water

0.0

METER

20000.0

©EUMETSAT 2013

 Figure 9.17  Produits masque nuage (figure de gauche) et altitude de sommet de nuage (figure de droite) déduits d’algorithmes d’extraction quantitative développés par le SAFNWC d’EUMETSAT. Source : Reproduit avec la permission d’EUMETSAT.

562

9. Télédétection

L’algorithme de température de sommet de nuage et de son altitude est utilisé en prévision immédiate, en particulier en prévision aéronautique et pour les alertes précoces de développement d’orages. Cette méthode utilise les températures de brillance de plusieurs canaux pour calculer la température physique de sommet de nuage et extraire l’altitude correspondante à partir de modèles de prévision numérique du temps. Ce type de traitement quantitatif est aussi utilisé pour la validation terrain de produits d’imagerie satellitaire.

9.1.4.4 Les produits RGB La composition colorée RGB est une méthode communément utilisée pour intégrer l’information de canaux multi-spectraux en une seule image. Différents canaux sont combinés pour mettre en évidence des caractéristiques de l’atmosphère ou de la surface qui sont difficiles à identifier à partir des seules images monocanales. Le traitement RGB combine trois canaux spectraux ou plus, en assignant à chaque canal ou à leur différence une couleur primaire (rouge, vert, ou bleu). Les images qui en résultent sont généralement d’apparence réaliste en termes de texture et de forme, mais avec une aptitude nettement accrue à distinguer des caractéristiques ou des phénomènes. Red Green Blue (671-nm band) (551-nm band) (443-nm band) Derivation of the Suomi NPP VIIRS True Color Product

RGB Processing

Orbit Overlaps

NASA/NOAA

 Figure 9.18  Image en vraie couleur produite par le traitement RGB des données du radiomètre Visible Infrared Imaging Radiometer Suite (VIIRS) à bord du satellite Suomi National Polar-orbiting Partnership (NPP).

Chaque couleur primaire est reliée à une propriété physique dans l’image composite. Par exemple, dans la Figure 9.18, le traitement RGB est utilisé pour créer une image en vraie couleur, correspondant à la vision de l’œil humain, à partir de

563

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

l’instrument VIIRS en assignant au rouge le canal visible à 0,671 μm, au vert celui à 0,551 μm, et au bleu celui à 0,443 μm. La sélection des canaux utilisés dans un produit composite RGB doit être fondée sur les propriétés physiques qu’ils représentent. Il est mieux de combiner des canaux qui représentent des propriétés physiques différentes (par exemple le canal IR10.8 qui représente la température de sommet de nuage et le canal VIS0,6 qui représente l’épaisseur optique du nuage). Les paragraphes qui suivent mettent en exergue les produits RGB Météosat qui sont le plus souvent utilisés en Afrique de l’Ouest.

9.1.4.4.1 Composite RGB masse d’air La composite RGB masse d’air est destinée à détecter les perturbations, en particulier les cyclogenèses rapides, les zones de maximum du courant jet, et les anomalies de tourbillon potentiel. Comme elle repose principalement sur les canaux infrarouge dans les bandes d’absorption de la vapeur d’eau et de l’ozone, elle fournit une information surtout sur la moyenne et haute troposphère. Elle permet de distinguer les masses d’air tropicales pauvres en ozone des masses d’air polaires riches en ozone, les nuages à différents niveaux verticaux, et les masses d’air sec liées aux zones de maximum du courant jet, aux zones de déformation, et aux systèmes subtropicaux de hautes pressions (Figure 9.19). Canaux SEVIRI de Météosat et interprétation physique • Rouge = Différence WV6,2 μm – WV7,3 μm, contenu en vapeur d’eau des couches autour de 700-400 hPa et 500-200 hPa. • Vert = Différence IR9,7 μm – IR10,8 μm, concentration en ozone total (hauteur de la tropopause), répond aussi à des cycles diurnes et saisonniers marqués de la température de surface (forte différence de température de brillance dans les régions sans nuages et sur des surfaces chaudes). • Bleu = WV6,2 μm, humidité de la haute troposphère. Période d’utilisation • Jour et nuit.

9.1.4.4.2 Composite RGB en couleur naturelle La composite RGB en couleur naturelle utilise les canaux SEVIRI 1, 2 et 3. Cette composite est semblable à celle en vraie couleur, excepté qu’elle utilise la différence de phase entre l’eau et la glace pour distinguer les nuages d’eau (dans les teintes blanchâtres ou rosâtres) des nuages de glace et de la neige (cyan) (Figure 9.20). Il est difficile de distinguer les nuages de glace de la neige, car ils ont une réflectance et une température de brillance similaires. Les nuages de glace peuvent être distingués de la neige par leur couleur plus intense et souvent une apparence fragmentée, ainsi qu’en utilisant une animation ou une connaissance climatologique de la zone. Les cirrus fins sont difficiles à identifier avec ce produit composite.

564

9. Télédétection

(a)

©EUMETSAT 2013

(b)

©EUMETSAT 2013/ECMWF/EuMeTrain

 Figure 9.19  (a) Image composite RGB masse d’air, avec l’interprétation des masses d’air et de l’altitude des nuages et (b) image composite RGB masse d’air superposée aux lignes de courant (orange) et aux isotaches (jaune) à 300 hPa. Source : Reproduit avec la permission de EUMETSAT/ECMWF/EuMetrain.

565

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

NIR 1.6 VIS 0.8 VIS 0.6

VIS 0.65

VIS 0.67

VIS 0.55

VIS 0.56

VIS 0.47

VIS 0.49

 Figure 9.20  Image composite RGB en couleur naturelle dérivée de MSG SEVIRI (haut) et images en vraie couleur RGB issues de Moderate-resolution Imaging Spectroradiometer (MODIS) Aqua (bas gauche) et Suomi-NPP VIIRS (bas droit). Source : Reproduit avec la permission d’EUMETSAT.

Canaux SEVIRI de Météosat et interprétation physique • Rouge = VIS0,6 μm, épaisseur optique et quantité d’eau nuageuse (liquide et glace).

566

9. Télédétection

• Vert = VIS0,8 μm, épaisseur optique, quantité d’eau nuageuse (liquide et glace), verdeur de la végétation. • Bleu = NIR1,6 μm, taille et phase des particules. Période d’utilisation • Jour (utilise la réflectance solaire).

9.1.4.4.3 Composite RGB poussières La composite RGB poussières utilise la différence d’émissivité des poussières et des surfaces désertiques dans les bandes infrarouge. Le magenta clair indique les poussières de basse couche durant le jour et le magenta sombre les poussières de basse couche durant la nuit (Figure 9.21). Pendant la journée, il est plus facile de détecter les poussières de basse couche en raison de la plus grande différence de température entre la surface chaude du désert et le nuage de poussière plus froid. La nuit, le contraste thermique plus faible rend difficile la détection des poussières de basse couche. Les poussières des couches plus élevées absorbent plus à 10,8 μm que les cirrus, qui sont plus sensibles au rayonnement à 12,0 μm, ce qui induit une différence négative entre ces canaux et permet une discrimination entre les nuages de poussières et les nuages plus élevés.

 Figure 9.21  Images composites RGB poussières d’un haboob (tempête de sable), associé au front de rafale d’un fort orage, qui s’est déplacé à travers le Niger, le Mali et l’Algérie les 9 et 10 juin 2010. Source : Reproduit avec la permission d’EUMETSAT.

567

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Canaux SEVIRI de Météosat et interprétation physique • Rouge = Différence IR12,0 μm – IR10,8 μm, émissivité des poussières, surfaces désertiques, et nuages ; les poussières absorbent plus à 10,8 μm, les cirrus sont moins sensibles au rayonnement à 12,0 μm. • Vert = Différence IR10,8 μm – IR8,7 μm, différence de température de brillance entre la surface chaude du désert et le nuage de poussière plus froid, plus faible la nuit. • Bleu = IR10,8 μm. Période d’utilisation • Jour et nuit. Les canaux visibles, particulièrement le canal HRV, permettent de mieux suivre les poussières sur mer pendant la journée ; par exemple la poussière se distingue mieux de l’océan sous-jacent avec la composite RGB en couleur naturelle qu’avec la RGB poussières (Figure 9.22). Cette dernière aide également à analyser l’humidité de basse couche ; les zones en bleu sombre correspondent aux masses d’air humides et celles en bleu plus clair sont plus sèches. Elle est aussi très utile pour suivre les nuages de convection profonde (rouge sombre). D’autres exemples d’utilisation de données satellite ou autres pour le suivi des poussières sont fournis au chapitre 5. (a)

(b)

 Figure 9.22  Poussières sur l’Afrique de l’Ouest détectées par (a) la composite RGB en couleur naturelle et (b) la composite RGB poussières. Source : Reproduit avec la permission d’EUMETSAT.

9.1.4.4.4 Composite RGB convection La composite RGB convection fournit de l’information sur l’évolution des systèmes convectifs et des nuages élevés (Figure 9.23). Elle repose sur les différences de propriétés radiatives de la glace et de l’eau liquide (phase et épaisseur optique) et sur l’effet de l’intensité du courant ascendant et de l’épaisseur du nuage sur la taille des particules 568

9. Télédétection

de glace (Lensky et Rosenfeld, 2008). Par exemple, du fait de la sensibilité de la réflectance des canaux NIR1.6 et IR3.9, les nuages avec de petites gouttelettes d’eau sont plus sombres que les nuages de glace durant le jour. Les couleurs jaunes indiquent une convection profonde pénétrante entraînant des conditions météorologiques sévères, ou bien des cirrus épais avec de petites particules de glace générés par des ondes orographiques. Les petites particules de glace sont aussi fréquentes dans les nuages pollués par des aérosols, qui en Afrique de l’Ouest sont le plus souvent des poussières.

Thick Ice cloud (small ice) Cumulonimbus with strong updrafts and severe weather

IR 6.2 – 7.3

Thin ice cloud (large ice)

Thick ice cloud (large ice) Thick cirrus anvil, precipitation may not reach surface, dissipating storm

IR 3.9 – 10 .8 NIR 1.6 – V I S0.6

 Figure 9.23  Image composite RGB convection de systèmes convectifs de méso-échelle sur l’Afrique de l’Ouest. Source : Reproduit avec la permission d’EUMETSAT.

Canaux SEVIRI de Météosat et interprétation physique • Rouge = Différence WV6,2 μm – WV7,3 μm en température de brillance, proche de zéro dans un cumulonimbus transperçant la tropopause. • Vert = Différence IR3,9 μm – IR10,8 μm en température de brillance, épaisseur optique des petites particules de glace, formées par congélation quasi homogène dans les courants ascendants des orages sévères. • Bleu = Différence NIR1,6 μm – VIS0,6 μm en réflectance, sensibilité à la taille et à la phase des particules d’eau. NIR1,6 a une réflectance plus élevée pour les gouttes d’eau liquide que pour les particules de glace. Période d’utilisation • Jour.

569

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

9.1.4.4.5 Composite RGB microphysique de jour La composite RGB microphysique de jour est utilisée pour l’analyse des nuages (Figure 9.24) et le suivi de la convection, du brouillard, de la neige et des feux. L’épaisseur optique des nuages et la quantité d’eau liquide sont indiquées par la réflectance VIS0,8. Les nuages d’eau non précipitants, avec de petites gouttes d’eau, apparaissent en blanc, alors que les nuages précipitants avec des grosses gouttes d’eau apparaissent en rose. Le canal IR3,9 (vert) mesure la phase et la taille des particules, alors que la température de brillance à IR10,8 module le bleu.

Dust

Thick Ice cloud Optically thick large amount of cloud ice

Cloud with large drops

VIS 0.8 IR 3.9 IR 10.8

 Figure 9.24  Image composite RGB microphysique de jour. Source : Reproduit avec la permission d’EUMETSAT.

Canaux SEVIRI de Météosat et interprétation physique • Rouge = VIS0,8 μm, épaisseur optique et quantité d’eau nuageuse (liquide et glace). • Vert = Réflectance IR3,9 μm, différence de phase et de taille des particules. • Bleu = Température de brillance IR10,8 μm. Période d’utilisation • Jour.

570

9. Télédétection

9.1.4.4.6 Composite RGB brouillard/stratus bas ou microphysique de nuit Cette composite RGB permet le suivi du brouillard nocturne et des stratus bas (Figure 9.25), et accessoirement la détection des feux, des limites dans le champ d’humidité de basse couche, des cirrus fins, de la neige, et la classification générale des nuages. Elle est réglée pour les conditions nocturnes et, de ce fait, il est recommandé de ne pas l’utiliser de jour. En raison de leur faible émissivité de surface, cette RGB n’est pas recommandée pour la détection du brouillard au-dessus des zones désertiques.

IR 12.0–10.8 IR 10.8 – 3.9 IR 10.8

 Figure 9.25  Brouillard et stratus bas près de la côte du golfe de Guinée. Les orages près de la côte ouest africaine sont bordés par un flux sortant constitué de cirrus fins. Source : Reproduit avec la permission de Henk Verschuur d’EUMETSAT.

Durant la nuit, le brouillard et les stratus bas apparaissent en vert clair ; plus les gouttelettes sont petites, plus la couleur verte est intense. En comparaison, les surfaces libres de nuage apparaissent en couleur rosâtre, les nuages élevés épais ont des tons rouges ou apparaissent avec une couleur tachetée en rouge et jaune (ce qui est un indicateur de nuage très froid) et les nuages élevés fins apparaissent en bleu sombre. L’océan apparaît en violet pâle et les nuages bas apparaissent en bleu pâle. Les nuages épais de moyenne altitude apparaissent en marron, alors que les nuages fins de moyenne altitude apparaissent en vert.

571

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Canaux SEVIRI de Météosat et interprétation physique • Rouge = Différence IR12,0 μm – IR10,8 μm, les cirrus sont plus sensibles au rayonnement à 12,0 μm que les nuages près de la surface. • Vert = Différence IR10,8 μm – IR3,9 μm en température de brillance, cette différence varie entre 6 et 10 K, l’émissivité d’un nuage d’eau à 3,9 µm est plus faible qu’à 10,8 µm. Indique des différences de taille de particule, mais seulement pour les nuages chauds de nuit. • Bleu = IR10,8 μm, température de brillance pour distinguer la surface des nuages. Période d’utilisation • Nuit.

9.1.4.4.7 Composite RGB cendres volcaniques La composite RGB cendres est destinée à identifier les cendres volcaniques et les nuages de SO2 résultant des éruptions volcaniques. Elle est similaire à la RGB poussières, mais les intervalles de variation de température assignés à certaines couleurs sont différents, pour permettre la distinction entre les cendres, le SO2, et les cristaux de glace (qui représentent des dangers pour l’aviation et la qualité de l’air). Le canal IR8,7 μm détecte les cendres volcaniques, et la différence entre ce canal et le canal IR10,8 μm est généralement positive. Pour les nuages de glace, la différence en température de brillance est négative. La couleur de la RGB cendres varie selon la température, l’altitude et la taille des particules, le rouge indiquant que les cendres sont froides, le magenta qu’elles sont chaudes, et le jaune qu’il s’agit essentiellement de particules de cendre de petite taille. Les différences de couleur indiquent aussi la température et l’altitude du SO2 (Figure 9.26), qui est plus transparent à 10,8 μm. À noter que les cendres sont seulement détectables à partir d’une certaine concentration, et qu’il est difficile d’identifier le dioxyde de soufre et les cendres lorsqu’ils sont mêlés à des nuages de glace. Canaux SEVIRI de Météosat et interprétation physique • Rouge = IR12,0 μm – IR10,8 μm, aide à distinguer l’absorption par les cirrus de celle par les aérosols. • Vert = IR10,8 μm – IR8,7 μm, le canal IR8,7 μm détecte l’émissivité plus faible des aérosols. La différence de température de brillance mesure l’absorption par les aérosols et les gaz trace par rapport au canal fenêtre infrarouge. • Bleu = IR10,8 μm, température de brillance, différencie les températures de la surface et des nuages. Période d’utilisation • Jour et nuit. Les produits composites RGB SEVIRI sont résumés dans le Tableau 9.2. Les produits RGB deviendront encore plus courants avec la nouvelle génération de satellites,

572

9. Télédétection

comme le satellite américain GOES-R et Météosat Troisième Génération (MTG), qui auront des imageurs avec plus de bandes spectrales.  Tableau 9.2  Les produits composites RGB SEVIRI de Météosat, les canaux composites utilisés et leurs applications. Composite RGB &Canaux

Applications

Période d’utilisation

RGBs poussières et cendres 10-09, 09-07, 09

Poussières, nuages (épaisseur, phase), traînées de condensation, brouillard, cendres, SO2, humidité de basse couche

Jour & Nuit

RGB masse d’air 05-06, 08-09, 05

Perturbations intenses, jets, analyse du tourbillon potentiel

Jour & Nuit

RGB brouillard/stratus bas 10-09, 09-04, 09

Nuages, brouillard, traînées de condensation, feux

Nuit

RGB microphysique de jour 02, 04r, 09

Nuages, convection, neige, brouillard, feux

Jour

RGB convection 05-06, 04-09, 03-01

Convection intense

Jour

RGB nuage au-dessus de la neige 02, 03, 04r

Neige, brouillard

Jour

RGB en couleur naturelle 03, 02, 01

Végétation, neige, fumée, poussières, brouillard

Jour

IR 12.0 – 10.8 IR 10.8 – 8.7 IR 10.8

 Figure 9.26   Exemple d’image composite RGB cendres montrant des panaches de dioxyde de soufre (SO2) à différents niveaux d’altitude et un panache de cendres mêlées à de la glace dans le cas d’une éruption volcanique en Éthiopie. Source : Reproduit avec la permission d’EUMETSAT.

573

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

9.1.4.5 Produits combinés dits « sandwich » Les produits combinés dits « sandwich » sont utilisés pour superposer les structures de sommet de nuage (tels que les sommets des tours convectives, les panaches nuageux et les ondes de gravité) avec les caractéristiques froides ou chaudes associées du champ de température de brillance. L’image résultante est créée en combinant l’information d’une image en niveaux de gris et d’une image en couleur (soit une image mono-canale avec rehaussement en couleur, soit une image composite RGB). En utilisant un logiciel de traitement d’image, les images sont superposées en transparence pour produire une image qui mette en évidence les structures de sommet de nuage présentes dans les deux images d’entrée. Par exemple, la figure 9.27 montre la localisation des sommets des tours convectives à partir de la texture et des ombres de l’image visible et des zones froides (en rouge) de l’image en température de brillance. Les échelles de la température de brillance sont décalées ou étirées de façon optimale, selon la localisation et la saison ; en général, des températures plus froides sont utilisées pour les tropiques et pour la saison estivale aux moyennes latitudes. (a)

(b)

BT 240 K

(c)

200 K

© EUMETSAT 2006

 Figure 9.27  Image MSG-3 (a) visible, (b) IR10,8 μm avec rehaussement en couleur, et (c) produit « sandwich » des images visible et infrarouge mettant en évidence les sommets des tours convectives d’une super-cellule orageuse sur l’Italie. Source : Reproduit avec la permission d’EUMETSAT.

9.1.5

Restitution de paramètres météorologiques à partir des mesures satellitaires

Comme noté plus haut, les phénomènes accessibles aux observations satellitaires dépendent des intervalles spectraux choisis (fenêtre et bande d’absorption). Les capacités d’observation dépendent aussi de la résolution du télescope de l’instrument, de la période de la journée (nuit ou jour), de l’état atmosphérique (température, humidité et nuages) et de la surface sous-jacente (océan, terre émergée, végétation). Cette section passe en revue la restitution des paramètres qui sont critiques pour la prévision du temps et des tendances saisonnières en Afrique de l’Ouest.

574

9. Télédétection

9.1.5.1 Vapeur d’eau 9.1.5.1.1 Vapeur d’eau infra-rouge Les longueurs d’onde entre 6 et 7 μm sont connues en tant que « canaux vapeur d’eau » car la vapeur d’eau absorbe et émet fortement dans cette bande. Les images infrarouge des satellites géostationnaires dans ces longueurs d’onde sont utilisées pour suivre la circulation atmosphérique dans la moyenne et haute troposphère. Elles sont habituellement utilisées pour détecter les ondes d’altitude, les cyclogenèses rapides, les courants jet, les anomalies du tourbillon potentiel et les sommets des orages. L’identification des éléments météorologiques est facilitée par l’utilisation de rehaussement en couleur d’images en température de brillance. Par exemple, dans la figure 9.28, les zones rouge sombre montrent où le satellite détecte de la vapeur d’eau dans la haute troposphère là où les températures sont froides. Le bleu indique les zones sèches dans la moyenne et haute troposphère, ce qui permet à l’instrument de sonder plus bas dans la troposphère, où les températures sont plus chaudes. Les zones rouge sombre isolées sur l’Afrique de l’Ouest peuvent être interprétées comme étant des systèmes convectifs, alors que les zones rouges striées sur l’océan Indien sont vraisemblablement des cirrus associés au jet d’est tropical, qui a son maximum dans la haute troposphère autour de 150 hPa (voir Figure 1.30c). Les zones en bleu entourant le vortex d’altitude sur la Tunisie indiquent une intrusion d’air sec venant des latitudes extra-tropicales. M802 WV 28-Jun-2012 12002 naval research laboratory

 Figure 9.28  Exemple d’image de vapeur d’eau infrarouge avec rehaussement en couleur pour l’Afrique du Nord ; les zones rouge sombre indiquent des contenus élevés en vapeur d’eau dans la moyenne et haute troposphère et les zones bleu à violet montrent les zones sèches de la moyenne et haute troposphère. Source : Reproduit avec la permission d’US Navy NRL/EUMETSAT.

575

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Des estimations du contenu en eau précipitable sont dérivées en utilisant les canaux vapeur d’eau (Figure 9.29). La figure montre les mesures des radiosondages et le contenu en eau précipitable estimé par satellite.

10 16

16

14

12

13

13 21

34 41 59 52

35 14 15

 Figure 9.29  Contenu en eau précipitable dérivé de MSG SEVIRI. Les valeurs dans les boîtes sont celles issues de sondages. Source : Reproduit avec la permission d’EUMETSAT.

L’humidité de basse couche peut être déterminée en utilisant la différence de température de brillance entre les canaux IR10,8 et IR12,0. Cela provient du fait que la vapeur d’eau absorbe plus dans le canal IR12,0 que dans le canal IR10,8, et que la différence est essentiellement due à l’humidité située dans la basse troposphère. C’est pourquoi, en faisant l’hypothèse d’un profil normal en température (pas d’inversion de basse couche), plus la différence de température de brillance est grande, plus l’humidité absolue de basse couche est élevée. Étant donné que la composite RGB poussières utilise la différence IR10,8-IR12,0, elle peut être utilisée pour suivre l’humidité de basse couche. La transition de masses d’air sèches vers des masses d’air humides est indiquée par le changement de couleur du bleu clair au bleu plus foncé, comme à travers la limite est-ouest autour de 16°N, au milieu de la figure 9.22b.

9.1.5.1.2 Estimations micro-ondes de la vapeur d’eau Des estimations du contenu en vapeur d’eau sont dérivées du rayonnement passif dans les micro-ondes, mesuré par des instruments à bord de satellites en orbite 576

9. Télédétection

basse. La combinaison de plusieurs orbites permet de suivre le contenu total en eau précipitable sur le globe (Figure 9.30). Les prévisionnistes sont particulièrement intéressés par les régions avec fort contenu en eau précipitable, qui peuvent générer des pluies intenses et des inondations (voir sections 2.1.3.2 et 3.1.1). Ces images sont aussi utiles pour suivre ce que l’on appelle des « rivières atmosphériques » ; ce sont des panaches étroits de fort contenu en eau précipitable qui s’écoulent depuis les tropiques et entraînent des pluies intenses dans les régions subtropicales et les moyennes latitudes. NESDIS Operational blended total precipitable water (TPW) 0545 UTC 21 Nov 2011

0

15

30

45

60

75 mm

NESDIS

 Figure 9.30  Contenu total en eau précipitable dérivé des capteurs micro-ondes passifs. Des exemples de panaches d’humidité tropicale et de rivières atmosphériques sont indiqués.

9.1.5.2 Structure verticale en température, humidité et vents 9.1.5.2.1 Sondeurs satellitaires Les sondages issus des instruments satellitaires ont amélioré de façon significative la prévision du temps, en premier lieu grâce à l’assimilation des luminances des sondeurs dans les modèles opérationnels de prévision numérique du temps. Les sondeurs satellitaires fournissent des profils verticaux de température et d’humidité qui sont en bon accord avec ceux issus de radiosondages lors d’expériences de validation (Figure 9.31b). Par exemple, l’instrument IASI a une précision de l’ordre de 1 °C en température et de 10 % en humidité, avec une résolution verticale d’environ 1 km. 577

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

(a)

IASI temperature retrieval

km 20 10 0 –100 Lo –95 ng iitu –90 de –85 (d eg –80 ree s) –75

–10 –5

0

20

30

25

35

Latitude (degrees)

40 EUMETSAT

5 10°C

(b) 200

Zadar, Croatia 00:00 UTC 08 Sep 2004 AIRS T Radiosonde T ECMWF T AIRS Tdew Radiosonde Tdew

1000

p (hPa) 500

ECMWF Tdew

–60

–40

–20 Tdewpoint, T (C)

0

20

©EUMETSAT, 2006

 Figure 9.31  (a) Exemple de restitution de température à partir du sondeur Infrared Atmospheric Sounding Interferometer (IASI) des satellites MetOp. (b) Profil de température de l’air et du point de rosée issu du sondeur de la NASA Atmospheric IR Sounder (AIRS), de radiosondages, et d’une analyse du CEPMMT en ciel clair au-dessus de Zadar (Croatie). Source : Reproduit avec la permission d’EUMETSAT.

Les sondeurs satellitaires peuvent aussi être utilisés pour l’analyse synoptique du temps, en particulier pour la prévision immédiate d’événements intenses, en diagnostic de l’environnement pré-convectif. Les données des sondeurs hyper-spectraux (en particulier des satellites géostationnaires) peuvent améliorer les produits de contenu en eau précipitable issus des instruments micro-ondes, rendant plus facile la détection et le suivi des zones humides ou sèches. Les sondeurs géostationnaires, présents actuellement sur les satellites GOES et prévus pour les satellites Météosat Troisième génération, fournissent des observations à pas de temps horaire voire mieux ; c’est un avantage important par rapport aux radiosondages qui sont rarement disponibles plus de deux fois par jour.

578

9. Télédétection

L’émission et l’absorption atmosphériques se produisent à des longueurs d’onde discrètes dépendant de la structure moléculaire des gaz et des aérosols (Figure 9.32). L’atténuation par les gaz est plus forte près du centre de la région d’absorption de la bande spectrale. Les canaux pour le sondage sont sensibles aux variations de température liées au dioxyde de carbone, à l’ozone et à la vapeur d’eau à différents niveaux dans l’atmosphère (comparer l’instrument hyper-spectral IASI avec les canaux SEVIRI de Météosat Seconde génération dans la Figure 9.32). Chaque bande est convertie en une image avec des couleurs fixées pour identifier les différences thermiques (Figure 9.31a). (a) Infrared Radiance Spectrum

300 290 Brightness Temperature (K)

280 270 260 250 240 230 220 210 200 600

800

1000

1200 1400 1600 1800 Wavenumber (1/cm)

2000

2200

• Ozone concentration (4 layers)

Products: • Water vapor (soundings, fluxes, winds)

• Surface temperature, emissivity, land characterization • Temperature (soundings, stability) • Carbon monoxide concentration (2 layers) • Clouds (altitude, optical depth, and CO2 concentration (total column) microphysical properties, winds) • Aerosol concentration and depth

• Methane concentration (total column)

NOAA/The COMET Program

(b)

IASI Channels with SEVIRI bands superimposed

SEVIRI bands:

13.4

12.0

10.8

9.7

8.7

7.3

6.2

3.8

270

Tb (K)

260 250 240 230 220 210 800

1000 1200

IASI coverage shown in red

1400 1600 1800 ν (cm–1)

2000 2200 2400 2600 COMET/EUMETSAT

 Figure 9.32  (a) Spectre de luminance IR, avec les principaux gaz interagissant avec le rayonnement selon le domaine de longueur d’onde, et les produits dérivés des sondeurs satellitaires permettant le suivi de la surface et la colonne atmosphérique. (b) Canaux du sondeur hyper-spectral IASI superposés avec ceux de SEVIRI sur Météosat Seconde génération. Source : Reproduit avec la permission d’EUMETSAT et du programme COMET.

579

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

En sélectionnant différentes longueurs d’onde pour le sondage, les luminances observées sont utilisées pour en déduire des profils de température et d’humidité, ainsi que les pressions de sommet de nuage. Les gaz qui sont relativement abondants et distribués uniformément, tel le dioxyde de carbone, sont de bonnes sources d’émission pour restituer des sondages en température. Partant de l’équation de Schwarzschild (9.8), on peut déterminer le rayonnement infrarouge émis et transmis par la surface et les différentes couches de l’atmosphère (Figure 9.9). Le rayonnement émis vers le satellite dans un canal donné peut aussi s’exprimer en termes de luminance et d’une fonction poids : ∞



I λ = ε λ BλT (surface)τ λ ( psurface ) + ∫ Bλ [T ( p )] 0

dτ λ ( p ) dp (9.12) dp

(a) 50 Km

11 Km

CO2

CO2

CO2 CO2 CO2

CO2 5 Km CO2

CO2

CO2 © The COMET Program

(b) 13.3 μm channel weighting function 30

50

GOES 12-15 Imager Ch 6 (264.6 K)

70

Pressure (hPa)

100

200 300

500 700 850 1000

dτ/dp τ: Atmospheric transmittance CIMSS/The COMET Program

 Figure 9.33  (a) Schéma montrant l’émission du CO2 à la longueur d’onde de 13,3 μm, qui est dominante près de la surface ; (b) la fonction poids correspondante pour cette bande spectrale. Source : Reproduit avec la permission du programme COMET.

580

9. Télédétection

La fonction poids détermine la contribution d’une couche d’épaisseur unitaire au rayonnement sortant observé, et donc la couche atmosphérique à l’origine du rayonnement transmis et mesuré dans un canal donné. Pour une longueur d’onde donnée, les fonctions poids dépendent des caractéristiques d’émission des gaz, ainsi que du profil vertical et de l’angle de visée satellitaire. Pour le sondage, on sélectionne généralement des canaux pour lesquels l’atmosphère est de plus en plus opaque. À mesure que l’opacité croît, le signal mesuré provient d’une couche de plus en plus élevée dans l’atmosphère. Par exemple, la fonction poids pour le canal de GOES à 13,3 μm, dans la bande d’absorption du CO2, a son pic près de la surface (Figure 9.33). Avec un pic près de la surface, les nuages et les caractéristiques de la surface sont toujours visibles. Cependant, étant donné que la contribution du CO2 à la température de brillance observée devient dominante dans les basses couches de l’atmosphère, les nuages les plus bas et les caractéristiques de la surface sont plus difficiles à distinguer. À noter qu’il est parfois difficile de déterminer les profils de température et de vapeur d’eau en présence de nuages bas épais, et au-dessus d’une surface continentale.

9.1.5.2.2 Indices d’instabilité convective Des indices d’instabilité convective sont dérivés dans les zones claires à partir de six des canaux de Météosat et de sorties du modèle du CEPMMT. Les indices d’instabilité globale (GII), qui décrivent l’instabilité de la troposphère, incluent le « K-index », le « lifted index », et le contenu total en eau précipitable (Figure 9.34 ; voir aussi section 3.2.3.1.2(1)). L’accès aux liens ci-dessous requiert de s’inscrire à Comet MetEd : • Lifted Index (http://meted.ucar.edu/mesoprim/skewt/li.htm) – Mesure la stabilité comme étant la différence entre la température de la particule d’air et celle de son l’environnement à 500 hPa ; plus la différence est grande, plus l’instabilité est forte. • K index (http://meted.ucar.edu/mesoprim/skewt/ki.htm) – Des valeurs élevées indiquent de l’instabilité et de fortes pluies potentielles ; correspondant à un fort gradient vertical de température et à une forte humidité dans la moyenne troposphère. • Total Totals Index (http://meted.ucar.edu/mesoprim/skewt/tt.htm) – Des valeurs qui augmentent correspondent à un accroissement du risque d’orage. • Contenu total en eau précipitable – Les valeurs élevées sont associées à de fortes précipitations avec une efficacité élevée.

581

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Global Stability Index: Total Precipitatlble Water

0.0

20

Kg *m–2 40

80 MPEF GII 2889–10–09 16:08 UTC

©EUMETSAT 2009

 Figure 9.34  Contenu total en eau précipitable Météosat, indice de stabilité globale déduit statistiquement dans les zones claires et utilisé pour estimer le potentiel convectif. Source : Reproduit avec la permission d’EUMETSAT.

9.1.5.2.3 Vecteurs de déplacement atmosphérique Les vecteurs de déplacement atmosphérique (AMV pour Atmospheric Motion Vectors) sont produits pour des couches de la basse, moyenne et haute troposphère à partir de l’imagerie géostationnaire (Figure 9.35). Les vecteurs sont déterminés à partir du suivi automatique de structures dans les images vapeur d’eau dans la moyenne et haute troposphère et des structures nuageuses dans la basse troposphère en utilisant les images visible et infrarouge (Velden et al., 2005). L’assimilation des AMV a contribué de façon significative à des améliorations en prévision numérique du temps, particulièrement dans les tropiques où les radiosondages sont peu nombreux. 9.1.5.2.4 Sondages par radio-occultation GPS La radio-occultation est une technique par laquelle des récepteurs satellitaires interceptent les signaux des satellites GPS (Global Positioning System) et en déduisent les déviations du trajet du signal causées par les gradients de température et d’humidité dans l’atmosphère (Figure 9.36 ; Bevis et al., 1992). Les relations entre l’indice de réfraction et le gradient de température et d’humidité sont alors utilisées pour restituer des sondages verticaux (encart de la Figure 9.36). 582

9. Télédétection

> 950 hPa 800 hPa - 950 hPa 650 hPa - 800 hPa 500 hPa - 650 hPa 350 hPa - 500 hPa  15 m s–1).

600

9. Télédétection

(a) 300

60 55

200

Distance from radar (km)

50 45

100

40 0

35 30

–100

25 20

–200

15 10

–300 –300

–200

–100

0

100

200

300

(b)

30

Range height indicator (RHI) reflectivity

25

0251 UTC 11 Aug 2006

Altitude above sea level (km)

Raflectivity (dBZ)

12.0

20

9.0

15

6.0

10

3.0

5 –150

–100

–50

0

50

100

150 0

RHI Radial velocity 15.0

–5

0251 UTC 11 Aug 2006

12.0

–10

Radial velocity (m s–1)

15.0

Outbound

Distance from radar (km)

9.0

–20

3.0 –150

–100

–50

0

50

100

150

Radial distance from radar (km)

–25

Inbound

–15

6.0

–30

Adapted from Matthew Janiga/data courtesy Earle Williams

 Figure 9.52  (a) Réflectivité de base du Plan Position Indicator (PPI) produite par un MCS (Mesoscale Convective System) sur Niamey au Niger à 0251 UTC le 11 août 2006 en surimpression sur l’image Météosat IR 10,8 μm. Les images en (b) et (c) sont respectivement les réflectivités et les vitesses radiales dans le plan de coupe verticale RHI (Range Height Indicator), pris le long de la ligne rouge en (a). À noter en (b) et (c) la zone claire conique directement au-dessus du radar ; une zone qui n’est pas observée, et donc dénommée « cône du silence ». Source : Fournie courtoisement par Matthew Janiga, les données étant de Earle Williams.

601

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

2/24/2011 0434Z TRMM precipitation radar (PR) 15dBZ isosurface

0

10

20

30

40 50 dBZ

 Figure 9.53  Image 3D de la réflectivité radar du radar de précipitation TRMM montrant un cyclone tropical touchant Madagascar. Source : Reproduit avec la permission de la NASA/GSFC.

Le radar de précipitation de TRMM, premier satellite du genre, émet des impulsions à 13,6 GHz. Lancé en 1997, il a une résolution spatiale horizontale de 4 km et de 250 m sur la verticale, ce qui fournit des vues 3D de systèmes météorologiques pour toute la ceinture tropicale (Figure 9.53). Initialement développé pour une mission de recherche de 3 ans, le satellite TRMM qui a maintenant près de 20 ans, devient un véritable outil de prévision opérationnelle (Rozante et al., 2010). Sa mission a pris fin en 2016. La fauchée de son radar est passée à 247 km (220 km à l’origine) après que TRMM a été déplacé sur une orbite plus élevée en 2001. Le radar de nuages CloudSat en orbite polaire est principalement utilisé pour les études de climat. Il fonctionne à la fréquence de 94 GHz (ondes radio) et permet d’avoir des informations détaillées sur les différents types de nuages. Le radar à doubles fréquences GPM – (Dual Frequency Precipitation Radar – DPR) travaille à une fréquence de 35 GHz pour mesurer les précipitations intenses et à une fréquence de

602

9. Télédétection

14 GHz pour mesurer les précipitations solides et les pluies fines. La détection pluie/neige sera possible en utilisant l’atténuation différentielle entre les deux fréquences. Le GPM DPR a une résolution horizontale de 5 km et une résolution verticale de 250 m pour la bande 14 GHz et de 250-500 m pour la bande 35 GHz. Sa sensibilité est réglée à 0,2 mm h–1. Tout au plus, ces satellites survolent un même lieu deux fois par jour et sont ainsi limités pour une utilisation opérationnelle, mais ce sont les seuls radars pour l’Afrique de l’Ouest.

9.1.6.3 Profileurs de vent Les profileurs de vent sont similaires aux radars Doppler, sauf qu’ils pointent verticalement depuis la surface. Ils réalisent des mesures à haute résolution des paramètres de couche limite tels que la vitesse du vent, la température et l’humidité. Les prévisionnistes utilisent les profileurs de vent afin d’identifier les cisaillements de vent des basses couches (problématique pour l’aviation), les zones de convergence, les forts gradients de température et d’humidité qui peuvent être à l’origine de forts orages. Quelques profileurs de vent ont été installés sur les aéroports en Afrique de l’Ouest et ont été utilisés durant le programme de la campagne AMMA (Lebel et al., 2009). Les campagnes de mesures en Afrique de l’Ouest ont utilisé des profileurs pour suivre les jets de basse couche, le front de brise de mer, l’initialisation de la convection, le brouillard et les nuages bas. Les profileurs de vent fournissent aussi les meilleures mesures de déplacement vertical de l’air à l’intérieur des cellules convectives, car ils peuvent faire la différence entre les mouvements de l’air et des précipitations.

9.2 Méthodes opérationnelles Parmi les challenges des prévisionnistes en Afrique de l’Ouest, il y a les fortes pluies, les vents forts, les orages de poussière et de sable, le brouillard côtier et radiatif ainsi que les stratus, la fumée issue de la combustion de la biomasse, et, dans des cas plus rares, la cendre volcanique. Nombre de ces phénomènes peuvent être suivis en utilisant les produits satellitaires et radar. Cette section décrit les plates-formes et les capteurs qui sont le plus souvent utilisés pour la prévision dont certains ont été présentés au paragraphe 9.1. Plus loin, nous effectuons une revue des produits satellitaires les plus utilisés. Ensuite, nous recommandons les produits les mieux appropriés pour les phénomènes de différentes échelles en commençant par les caractéristiques de grande échelle (par exemple, le front inter-tropical ou FIT), puis les échelles de plus en plus petites jusqu’à, finalement, les phénomènes météorologiques locaux qui évoluent rapidement (par exemple, les orages avec éclairs et les lignes de grains). Quelques exemples spécifiques de prévision seront présentés pour certaines applications, par exemple la prévision aéronautique. Nous proposons une procédure opérationnelle standard et comment intégrer les produits de la télédétection dans l’analyse et le processus de prévision. Le paragraphe 9.2.9 est une liste de produits satellitaires qui sont librement disponibles en ligne.

603

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

9.2.1

Les plates-formes et les capteurs

9.2.1.1 Les satellites géostationnaires et les capteurs Le capteur SEVIRI à bord de Météosat est le premier capteur utilisé pour la prévision opérationnelle en Afrique et en Europe. Le Tableau 9.3 présente les canaux de MSG-SEVIRI et leurs applications associées. Les principales caractéristiques sont les suivantes : • • • •

12 canaux spectraux (Figure 9.13) ; des images toutes les 15 minutes ; 3 km de résolution spatiale au point sous-satellite (0,0) ; canal visible à haute résolution (HRV) avec une résolution spatiale d’un kilomètre.

La meilleure résolution spatiale des images Météosat est fournie par le canal HRV qui offre une meilleure vision par rapport aux autres canaux dans le visible (Figure 9.54). À noter que de 0000 à 1400 UTC la fenêtre du HRV sur l’Afrique couvre seulement la zone située à l’est de la longitude 0° afin d’assurer une meilleure couverture de l’océan Indien (Figure 9.54c).  Tableau 9.3  Canaux MSG SEVIRI, les bandes spectrales et leurs principales applications. Caractéristiques de la bande spectrale (μm)

604

No. du canal

Bande Centre spectrale (μm)

Min.

Max.

Principales applications

1

VIS0.6

0,635

0,56

0,71

Surface, nuages, champs de vent

2

VIS0.8

0,81

0,74

0,88

Surface, nuages, champs de vent

3

NIR1.6

1,64

1,50

1,78

Surface, phase du nuage

4

IR3.9

3,90

3,48

4,36

Surface, nuages, champs de vent

5

WV6.2

6,25

5,35

7,15

Vapeur d’eau, nuages hauts, instabilité atmosphérique

6

WV7.3

7,35

6,85

7,85

Vapeur d’eau, instabilité atmosphérique

7

IR8.7

8,70

8,30

9,1

Surface, nuages, instabilité atmosphérique

8

IR9.7

9,66

9,38

9,94

Ozone

9

IR10.8

10,80

9,80

11,80

Surface, nuages, champs de vent, instabilité atmosphérique

10

IR12.0

12,00

11,00

13,00

Surface, nuages, instabilité atmosphérique

11

IR13.4

13,40

12,40

14,40

Hauteur des cirrus, instabilité atmosphérique

12

HRV

Bande large (0,4 – 1,1 μm)

Surface, nuages

9. Télédétection

(a)

(b) MSG channel 1 (Vis)

MSG high resolution visible (HRV)

(c) HRV coverage, 0000-14000 UTC

 Figure 9.54  Cumulonimbus sur le Nigeria vu par (a) Canal 1 VIS et (b) Canal 12 HRV à 0800 UTC le 24 avril 2003. (c) Couverture de HRV pour 0000-1400 UTC. Source : Reproduit avec la permission d’EUMETSAT.

Les satellites Météosat de troisième génération (MTG) auront 16 canaux avec des résolutions spatiales et temporelles accrues (2 km pour l’IR, 1 km pour le visible et des images toutes les 10 minutes).

605

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

9.2.1.2 Les satellites à orbite basse Les prévisionnistes de l’Afrique de l’Ouest peuvent utiliser l’information de quelques capteurs de satellites à orbite basse pour la prévision opérationnelle du temps : MetOp, NOAA, Suomi-NPP, MODIS, TRMM et GPM. Par exemple, les satellites MetOp embarquent plusieurs instruments clés pour la prévision : • L’Advanced Very High Resolution Radiometer (AVHRR), dont les six bandes spectrales fournissent des images des surfaces continentale et maritime, des nuages, de la SST, de la glace, la neige, et la couverture végétale. • Le High Resolution Infrared Radiation Sounder (HIRS) et le Infrared Atmospheric Sounding Interferometer (IASI) mesurent le rayonnement IR pour obtenir des profils de température et d’humidité très précis. IASI possède 8 461 canaux entre 3,62 μm et 15,5 μm (Figure 9.31). • Le Advanced Microwave Sounding Unit-A (AMSU-A, Ferraro et al., 2005) et le Microwave Humidity Sounder (MHS) fournissent des mesures de précipitation ainsi que des profils de température et d’humidité. AMSU possède 15 canaux (23-90 GHz) et MHS en a cinq (entre 89 et 190 GHz). • Le Global Ozone Monitoring Experiment (GOME-2) est un spectromètre qui donne des profils détaillés d’ozone, du dioxyde d’azote, de la vapeur d’eau, de l’oxygène et d’autres gaz. C’est un instrument utile pour le suivi de la qualité de l’air et des émissions volcaniques. • Le Global Navigation Satellite System Receiver for Atmospheric Sounding (GRAS) est un récepteur GPS qui utilise l’occultation des signaux GPS pour en déduire des sondages de température et d’humidité (Figure 9.35). • L’Advanced Scatterometer (ASCAT) ; il s’agit d’un capteur micro-onde qui mesure la vitesse et la direction du vent à la surface des océans (Figure 9.49). Suomi-NPP, le premier de la nouvelle génération de satellites, lancé en octobre 2011, dispose de quelques instruments utiles pour la prévision : • Visible Infrared Imaging Radiometer Suite (VIIRS) est un radiomètre à balayage qui fournit une imagerie visible et proche infrarouge incluant un canal jour/nuit (Figure 9.55). Il permet la surveillance des feux, des nuages et des propriétés des aérosols. • L’Advanced Technology Microwave Sounder avec 22 canaux fournissant des profils de température. • Cross-track Infrared Sounder (CrIS) est un spectromètre avec 1 305 canaux, qui fournit des profils haute résolution tridimensionnels de température, de pression, et d’humidité utilisés dans les modèles de prévision météorologiques.

606

9. Télédétection

Suomi NPP VIIRS

 Figure 9.55  Exemples de produits VIIRS : (a) jour/nuit, (b) vraie couleur RGB, (c) visible, (d) de nuit (réflectance lunaire). Source : Reproduit avec la permission l’US Navy NRL.

Les deux autres instruments que sont l’Ozone Mapping Profiler Suite (OMPS), destiné à maintenir des enregistrements d’ozone stratosphériques, mais peut aussi suivre la pollution dans la haute troposphère, et le Clouds and the Earth’s Radiant Energy System (CERES), sont utilisés principalement pour l’étude du climat.

607

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

9.2.1.3 Outils et produits d’analyse satellitaire opérationnelle • La haute résolution visible, l’IR courte longueur d’onde, l’IR thermique, l’IR vapeur d’eau (Météosat, NOAA, MetOp). • Les RGB Météosat (masse d’air, poussière, convection et orage sévère, la microphysique de jour, la couleur naturelle, la microphysique de nuit ou le brouillard et les stratus, les nuages au-dessus de la neige, la cendre volcanique). • Les produits image mixtes ou « sandwich » (Météosat, MetOp). • Les produits nuage Météosat (par exemple, GII). • Les estimations satellitaires de précipitation (Météosat MPE, SSMI, AMSU, TRMM). • L’eau totale précipitable (AMSU, SSMI). • Les vecteurs de déplacement de vent (AMV) (Météosat). • Les sondeurs en température et humidité de NOAA POES. • La vapeur d’eau atmosphérique, la température de surface de peau, les profils de température et d’humidité (IASI, AIRS, AMSU). • Les profils atmosphériques de température et d’humidité (tracé temps réel du biais en T à partir d’AIRS). • Les vents de surface (SSMIS, WindSat, ASCAT). • L’humidité du sol (Combinaison de WindSat, ASCAT, etc.). • L’eau précipitable (récepteurs GPS en surface).

9.2.1.4 Outils d’analyse de radar opérationnel • • • •

Réflectivité (PPI, RHI). Vitesses radiales (PPI, RHI). Velocity Altitude Display (VAD), qui montre le profil vertical de vitesse radiale. Estimation des précipitations (aide à la prévision des crues éclairs).

9.2.2

Identification des éléments de grande échelle

9.2.2.1 FIT et ZCIT • L’imagerie géostationnaire (e.g., IR 10,8 μm, RGB poussière, RGB Couleur Naturelle) et les produits LEO (e.g., eau précipitable) pour détecter le FIT et le RGB Masse d’Air pour identifier la ZCIT. • Météosat Global Instability Indices (GII) aide aussi à délimiter le FIT, qui typiquement a son maximum d’instabilité au sud du FIT. • L’eau précipitable (PW) déduite des GPS, les séries temporelles de PW à des sites individuels peuvent être utilisées pour suivre la position du FIT. Pour plus d’information sur le FIT et la ZCIT, se référer aux chapitres 1, 2 et 11.

608

9. Télédétection

9.2.2.2 Circulations intra-saisonnières : MJO, ondes équatoriales • Les anomalies de rayonnement ondes longues sortant (OLR pour Outgoing Longwave Radiation) à partir des observations deux fois par jour. Utiles pour identifier la MJO. • Le canal IR10,8 μm des géostationnaires, pour identifier les ondes de Rossby équatoriales couplées à la convection (vortex symétrique autour de l’équateur) et les ondes mixtes Rossby-Gravité (vortex anti-symétrique autour de l’équateur ; section 7.1.4). • Anomalies filtrées d’OLR observées et prévues pour la MJO et des ondes équatoriales fournies par le BOM australien et de l’US Climate Prediction Centre. Pour plus d’information sur la MJO et les ondes équatoriales, se référer au chapitre 7.

9.2.2.3 Systèmes synoptiques • Ondes d’est africaines (en anglais AEW pour African Easterly Wave), courant de jet, panaches tropicaux, cyclogenèses de la haute troposphère, et intrusions extra-tropicales peuvent être suivis en utilisant l’imagerie géostationnaire et LEO (RGB Masse d’air, IR10,8 μm, vapeur d’eau, visible). • Les AEW sont souvent suivies en utilisant les tracés longitude-temps (Hovmöller) du canal IR10,8 μm (Figure 9.56), disponible à partir de l’US National Weather Service Africa Desk. • Les systèmes des couches élevées de l’atmosphère et les intrusions extra-tropicales sont habituellement identifiés en utilisant le produit RGG Masse d’air, la vapeur d’eau IR et le canal IR10,8 μm en couleur améliorée afin d’identifier les systèmes convectifs qui se forment à l’avant de fronts froids et les nuages à sommet froid qui matérialisent le courant de jet. • Les Atmospheric Motion Vectors (AMV) de la haute troposphère sont utilisés pour suivre les courants jet. • Les produits Total Precipitable Water (TPW) des capteurs LEO montrent les transports d’humidité entre les tropiques et les zones extra-tropicales. • Les données de sondage sont utiles pour détecter les intrusions d’air sec provenant des zones extra-tropicales. Pour plus d’information, se référer au chapitre 2.

609

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

 Figure 9.56  Diagramme Hovmöller des images satellitaires à IR10,8 μm utilisées pour suivre le déplacement des systèmes synoptiques sur l’Afrique et l’océan Atlantique tropical sur 5 jours. Source : Reproduit avec la permission d’EUMETSAT et de la NOAA.

610

9. Télédétection

9.2.3

Analyse à méso-échelle et à l’échelle locale

9.2.3.1 Les circulations de méso-échelle • Les circulations de méso-échelle sont bien identifiées en utilisant les images visibles, qui montrent les lignes de nuages et les limites de basses couches telles que les fronts de rafale, les lignes de cisaillement ou les fronts de brise de mer. • Les images IR sont utiles pour différencier la circulation atmosphérique à différents niveaux, par exemple les nuages en virgule de méso-échelle et les zones de bas géopotentiels des couches supérieures de l’atmosphère. • Les produits Atmospheric Motion Vector (AMV) sont utilisés pour identifier les cisaillements de vent à méso-échelle en vitesse ou en direction. • Les produits humidité du sol sont aussi utiles pour identifier des limites dans les plus basses couches de l’atmosphère. • Le produit RGB Masse d’air et le canal vapeur d’eau peuvent détecter des vortex de méso-échelle et la dynamique atmosphérique des couches moyennes et supérieures de la troposphère. • La réflectivité radar et la vitesse de déplacement des cellules sont utiles pour repérer la circulation de méso-échelle et la circulation dans la couche limite. Pour plus d’information sur les circulations de méso-échelle et locale, se référer aux chapitres 3, 4 et 6.

9.2.3.2 Systèmes convectifs de méso-échelle (MCS) • Les systèmes convectifs sont reconnaissables par leurs sommets froids identifiés en utilisant le RGB Convection et les images IR10,8 μm améliorées. La Figure 9.57 montre des systèmes convectifs intenses qui ont causé des inondations au Bénin et au Nigeria. La convection la plus intense est représentée par les zones rouges sur la figure 9.57a et en jaune sur la figure 9.57b. Le MCS à l’est a une forme en V, ce qui est une indication d’une forte alimentation du système et le signe de vents forts en surface. La pointe du V est à surveiller en prévision immédiate, c’est dans cette zone que la convection est la plus forte. • Les capteurs micro-ondes LEO à 85-89 GHz montrent les hydrométéores dans les MCS. • La réflectivité radar et les mesures de vitesse montrent la structure des précipitations et peuvent confirmer s’il y a des courants ascendants et descendants importants. • Les images dans le Visible sont utiles pour analyser l’évolution des MCS, notamment la zone sommitale la plus brillante, les sommets de type overshooting tops, les enclumes de cirrus et les fronts de rafales à la surface. Pour plus d’information sur les MCS, se référer aux chapitres 3 et 6.

611

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

(a) –43 –48 –53 –58 –63 –68 –73 –78

(b)

 Figure 9.57  Produits satellitaires de convection pour suivre les systèmes convectifs de méso-échelle : (a) en couleur améliorée IR10,8 μm et (b) RGB convection. Source : Reproduit avec la permission d’EUMETSAT.

9.2.3.3 Les tempêtes de poussière et de sable • Les tempêtes de poussière et de sable s’étendent sur de vastes zones mais peuvent être traitées comme de la méso-échelle. Elles sont identifiées en utilisant le produit RGB Dust et la composition colorée RGB (Figures 9.21 et 9.22) et parfois le RGB Microphysique de jour (Figure 9.24). • Les capteurs des satellites défilants, MODIS et VIIRS, permettent de calculer l’épaisseur optique en aérosols.

612

9. Télédétection

• La réflectivité radar et la vitesse sont utiles pour apprécier la circulation dans la couche limite, comme les fronts de rafale ou les limites frontales qui soulèvent les poussières. La vitesse radiale des basses couches permet d’identifier des accélérations qui peuvent accroître l’intensité des tempêtes de poussière et de sable. Pour plus d’information, se référer au chapitre 5.

9.2.3.4 Cellules convectives, fronts de rafales, lignes de grains • Les circulations à échelle fine sont mieux identifiées en utilisant les images visibles à haute résolution de l’ordre du kilomètre qui montrent plus de détails (convection cellulaire, lignes de grains, fronts de rafales, et fronts de brise de mer). • Les produits d’humidité du sol élaborés à partir des données des capteurs microondes en orbite polaire montrent des gradients qui aident à identifier les zones où les phénomènes de petite échelle dans la couche limite se forment (Figure 9.49). • La réflectivité radar et la vitesse sont utiles pour déterminer les zones propices à la convection. Pour plus d’information sur la convection, se référer au chapitre 3.

9.2.4

Brouillard et stratus bas

• Le brouillard et les stratus bas sont identifiés grâce au produit RGB Météosat Brouillard/Stratus bas (identique de nuit avec le produit RGB Microphysique), comme montré en Figure 9.25 et décrit au paragraphe 9.1.4.4.6. Cependant, ce produit n’est pas performant à l’aube ou au crépuscule, car il utilise la différence entre les canaux 3,9 μm et 10,8 μm. • Le visible et la composition colorée RGB Couleur naturelle peuvent aussi aider à identifier le brouillard que l’on retrouve parfois dans des endroits comme les vallées ou le littoral. Pour plus d’information sur l’analyse du brouillard et la prévision, se référer au chapitre 4.

9.2.5

Sondages satellitaires

• Les profils atmosphériques de sondage en température et humidité pour l’Afrique de l’Ouest sont reconstitués à partir des sondages des satellites polaires. Certains sont des sondeurs hyperspectraux (i.e., plusieurs milliers de canaux). • Des profils atmosphériques en temps réel réalisés à partir d’AIRS sont disponibles sur le site web NASA AIRS. Dans l’exemple (Figure 9.58), le sondage satellitaire le plus proche de Niamey le 6 mars 2014 est très comparable au radiosondage.

613

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

• Le produit IASI Atmospheric Temperature Water Vapour and Surface Skin Temperature product (TWT), disponible sur EUMETCast Afrique, propose des profils verticaux de température et d’humidité avec un échantillonnage de 25 km au nadir.

 Figure 9.58  Exemple de produits temps réel à partir d’AIRS, Météosat, et de radiosondages le 6 mars 2014. (a) Indice de soulèvement déduit des canaux du sondeur. Source : Reproduit avec la permission de la NASA/JPL. (b) Sondage satellitaire à 1246 UTC à (13,47°N ; 2,61°E). Source : Reproduit avec la permission de la NASA/JPL. (c) Image du RGB Masse d’Air à 1200 UTC. Source : Reproduit avec la permission d’EUMETSAT. (d) Tracé Skew-T log P à partir du radiosondage à 1200 UTC. Source : Reproduit avec la permission de l’université du Wyoming.

614

9. Télédétection

9.2.6

Les vents

• Les canaux visible et IR sont utilisés pour déterminer les vents à partir du déplacement des nuages, les produits Atmospheric Motion Vector (AMV) de Météosat proposent des vitesses et directions du vent à plusieurs niveaux dans la troposhère (Figure 9.35). • Les vents de surface de l’océan, déterminés à partir des données des capteurs micro-ondes actifs ( ASCAT) et passifs (WindSAT, SSMIS) sont utiles pour la prévision marine.

9.2.7

Les dangers pour l’aviation

Les dangers spécifiques à l’aviation peuvent être suivis grâce aux produits de télédétection : • Turbulence : la turbulence en air clair est généralement associée avec des courants de jet, qui sont détectés en utilisant le produit RGB Masse d’air, les Atmospheric Motion Vectors (AMV), le canal vapeur d’eau, le canal IR10,8 amélioré et le canal visible. La turbulence due aux systèmes convectifs est évaluée en utilisant le RGB Convection, l’IR amélioré et les canaux visibles afin d’identifier les zones de forte convection. La turbulence près d’un nuage est associée aux ondes de gravité excitées par la convection (Lane et al., 2012), qui est identifiée par une série de bandes transversales dans les images visibles et IR (Figure 9.59). La turbulence associée au relief est indiquée par des bandes nuageuses parallèles sous le vent de la montagne, due aux ondes de gravité orographiques. Ces bandes nuageuses peuvent être observées sur les images visibles, HRV, IR améliorées et la composition colorée RGB Couleur naturelle.

 Figure 9.59  Turbulence près d’un nuage générée par un système convectif de mésoéchelle sur l’Afrique de l’Ouest. Les lignes d’onde transverses signent la zone de turbulence. Source : Reproduit avec la permission d’EUMETSAT.

615

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

• Givrage : les RGBs Microphysiques de jour et de nuit et la Convection RGB permettent de discriminer les nuages de glace et les nuages d’eau liquide et d’estimer la concentration en glace dans les nuages. • Visibilité : la réduction en visibilité peut être due à des phénomènes tels que les poussières, les précipitations intenses, le brouillard, la brume, la fumée et la cendre. La poussière est détectée en utilisant le RGB Dust de Météosat, le RGB Couleur naturelle et le produit Couche limite saharienne. Les précipitations intenses sont détectées en utilisant le RGB Convection, l’IR amélioré, et les canaux pour identifier la convection profonde. Les feux et la fumée sont détectés en utilisant Météosat et les produits feu (Figure 9.44), le RGB Météosat en Couleur naturelle, le visible et l’IR thermique. Le brouillard de nuit est détecté avec le RGB brouillard/stratus bas de Météosat. La brume est identifiée avec le RGB Couleur naturelle. La cendre volcanique peut être tracée avec le RGB Cendre, le RGB Masse d’air ainsi que le RGB Couleur naturellle, le visible et les canaux IR10,8. • Plafond nuageux bas : l’algorithme Météosat sur la hauteur et la température du sommet des nuages (Cloud Top Temperature et Height, en anglais) fournit des informations sur le sommet des nuages. Le RGB de Météosat brouillard/stratus bas peut aussi être appliqué de nuit. • Cisaillement de vent : les canaux HRV et IR10,8 aident aussi à identifier les fronts, les cisaillements de vent et les zones de convergence. Le RGB Poussière (Dust) peut être utilisé pour estimer la convergence de basse couche et le cisaillement de vent. La convection intense qui produit de forts courants descendants et des rafales peut être suivie avec le RGB Convection de Météosat et le canal IR10,8 amélioré (des pixels chauds au milieu du sommet du nuage froid indiquent généralement un fort courant descendant). Les vecteurs de déplacement de l’atmosphère (AMV en anglais) peuvent indiquer des cisaillements.

9.2.8

Analyse marine

• À peu près de la même façon que pour les terres émergées, des limites que ce soit près des côtes ou au large qui indiquent des zones de vents forts à l’origine d’une mer agitée peuvent être identifiées, le RGB Couleur naturelle, le visible, l’IR10,8 et les vents ASCAT. Le RGB Poussière (Dust) peut être utile, car la poussière se déplaçant vers le large est généralement associée avec des rafales de vent. • La réduction de visibilité au niveau de la mer due aux poussières sahariennes peut être suivie en utilisant le RGB Couleur naturelle, le RGB Poussières (Dust) de Météosat et le produit Couche limite saharienne (Saharan Air Layer en anglais).

9.2.9

Sources de produits satellitaires

• EUMETSAT – en temps réel et archive, images d’actualité, cas d’études, http://www.eumetsat.int/

616

9. Télédétection

• EUMETRAIN ePort, Atlantique, http://www.eumetrain.org/eport/archive_atlantic.html?width=1680&height=1050 Temps réel et archives d’images Météosat et analyse de modèles CEPMMT à 00, 06, 12, 18 UTC. Les images peuvent être superposées avec quatre champs (e.g., la pression moyenne du niveau de la mer). • Produits Satellitaires Météorologiques, Images & Films, US Naval Research Laboratory, http://www.nrlmry.navy.mil/sat_products.html • Africa Desk, US National Weather Service, NOAA http://www.cpc.ncep.noaa.gov/products/african_desk/cpc_intl/africa/africa. shtml Source compréhensive de données météorologiques sur l’Afrique en temps réel et de prévisions régionales de modèles qui incluent les estimations satellitaires de précipitation, des diagrammes Hovmöller d’évolution de l’onde synoptique, la position du FIT, et le cyclage sur 24 heures des images IR améliorées (sommets des nuages froids). • Analyse des pluies tropicales en temps réel, à un pas de 3 heures, NASA http:// precip.gsfc.nasa.gov/rain_pages/3hrly.html • Suomi-NPP VIIRS imagery, US Naval Research Laboratory (NRL) http://www.nrlmry.navy.mil/VIIRS.html Sélectionnez la côte Afrique de l’Ouest sur la carte globale. Les produits incluent les images haute résolution visible et IR, aussi bien que les images créées à partir de la réflectance lunaire et les canaux RGB. La couleur augmentée sur chaque produit indique son âge : ≤ 1 h, ≤ 12 h, ≤ 24 h, et ≥ 24 h. • Produits satellitaires tropicaux régionaux temps réel, Cooperative Institute for Meteorological Satellite Studies (CIMSS), http://tropic.ssec.wisc.edu/ • Profils de température et humidité AIRS (émagramme) de la NASA, http:// airsnrt.jpl.nasa.gov/SkewT_index.html • Sondages opérationnels température et humidité atmosphériques, http://www.ospo.noaa.gov/Products/atmosphere/soundings/index.html • Profils de sondage POES de température et d’humidité pour l’Afrique du Nord, NOAA http://www.osdpd.noaa.gov/pskewt/G33.html • La station de réception satellitaire de Dundee, Dundee University, UK, http://www.sat.dundee.ac.uk/ Accès libre aux images après inscription • Images micro-onde temps réel http://weather.msfc.nasa.gov/cgi-bin/sportPublishData.pl?dataset=pmw& product=37H Les tracés en temps réel des canaux micro-ondes, à 37 et 89 GHz

617

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

sur AMSR2, SSMI, SSMIS, TMI. Création d’une animation comprenant tous les passages des satellites des précédentes 48 heures. • Vents de surface sur l’océan, NOAA NESDIS Center for Satellite Application and Research (STAR), http://manati.orbit.nesdis.noaa.gov • WindSat : Description, Produits & Publications, US Naval Research Laboratory, http://www.nrl.navy.mil/WindSat/ • Programme Metop, eoPortal, http://www.eoportal.org • Profils de température et d’humidité issus des occultations GPS, COSMIC, http://www.cosmic.ucar.edu, Données gratuites après inscription. • Taux de pluie à partir des radars GPM, http://pmm.nasa.gov/GPM/flight-project/DPR

9.3 Cas d’étude, présentations et autres ressources 9.3.1

Analyse radar et satellitaire

9.3.1.1 Systèmes convectifs de méso-échelle et ondes d’est africaines Ici nous présentons le cas d’une AEW et d’une ligne de grains intense qui a traversé la côte ouest africaine le 1er et 2 septembre 2006. Nous interprétons les produits satellitaires et radar afin de rassembler toute l’information sur ces systèmes et leurs dangers. L’image IR10,8 améliorée montre les caractéristiques de l’onde d’est et les nuages organisés en V inversé (Figures 9.60a et b) avec une densité de nuages maximum près du creux de l’onde (Figures 9.60a, b, c et d). Les MCS et leurs dangers associés tels que les pluies intenses, les vents forts et la visibilité réduite, sont identifiés par le développement rapide des nuages. Les MCS sont reconnaissables sur l’image par leurs sommets froids en couleurs. La forme des nuages fournit des indications sur leur potentiel à générer des pluies intenses. À noter deux minima contigus à 0130 UTC (Figure 9.60c), à comparer à l’image radar (Figure 9.61). À noter la forme en cône ou V du MCS sur la côte du Sénégal à 0000 UTC le 2 septembre (Figure 9.60e), qui permet d’identifier l’endroit où se produisent les pluies les plus intenses. Les températures de sommet les plus froides sont situées près du cône le long du bord d’attaque du MCS, où la nouvelle convection la plus intense se développe, alors que les éléments convectifs plus anciens sont balayés en arrière et forment les zones de nuages stratiformes et les cirrus. Le RGB Poussière détecte les nuages d’enclume, les cirrus fins qui s’échappent des nuages en liaison avec les courants ascendants et la limite des flux des basses couches (Figure 9.60f ).

618

9. Télédétection

(a)

(b)

(c)

(d)

(e)

(f)

 Figure 9.60  Images améliorées Météosat IR10,8 d’onde d’est et MCS sur l’Afrique de l’Ouest à (a) 1200 UTC, (b) 1800 UTC le 1er septembre, (c) 0130 UTC et (d) 0600 UTC le 2 septembre 2006. Vue zoomée sur le MCS (e) IR et (f) RGB Poussière à 0000 UTC le 2 septembre. Le contour orange sur les images IR10,8 repère les sommets de nuage plus froids que – 65 °C. Les panneaux (a) et (b) incluent les contours du géopotentiel à 700 hPa avec le thalweg de l’onde et le vortex soulignés en magenta. Source : Reproduit avec la permission d’EUMETSAT.

619

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Les observations radar (Figure 9.61) détaillent la structure : une première ligne de convection intense (réflectivité > 45 dBZ), une large zone de pluie stratiforme (réflectivité 20-35 dBZ), et une zone de transition pas toujours bien définie avec des échos faibles. La première ligne a une forme arquée qui indique généralement l’existence d’une forte alimentation à l’arrière du système (depuis l’est). Ceci est confirmé par l’image de la vitesse radiale, qui montre un fort flux entrant d’est à ouest derrière les deux échos plus importants (> 18 m s−1). Le sondage de Dakar a montré que les vents d’est ont forci dans les basses couches, en dessous de 850 hPa après le passage du MCS, probablement à cause de cette forte alimentation (Cifelli et al., 2010). L’image de la vitesse radiale montre aussi une convergence en bordure ouest. La convergence de basse couche accroît le soulèvement et maintient l’activité du MCS durant plusieurs heures.

(a)

(b)

 Figure 9.61  PPI radar à faible élévation de (a) la réflectivité radar et (b) la vitesse radiale (m s−1) à partir du radar NPOL, stationné à Dakar, Sénégal, à 0132 UTC le 2 septembre 2006. En (b) le flux vers le radar est indiqué par les valeurs négatives (bleu à vert). Le flux s’écartant du radar est indiqué par des valeurs positives (jaune à rouge). Source : Cefelli et al. (2010). © American Meteorological Society. Reproduit avec permission.

Les coupes verticales de réflectivité (Figure 9.62) confirment l’interprétation que l’on peut faire à partir de la température de brillance satellitaire, en montrant que la ligne principale est restée intense, avec une réflectivité > 50 dBZ, et que le MCS a maintenu une grande zone de pluie stratiforme. À 0200 UTC, les cellules principales ont atteint une hauteur extrême de 18 km, ce qui signifie une forte activité avec des courants ascendants et descendants forts, de la turbulence et un plafond bas. La bande jaune de la zone des nuages stratiformes à 0200 UTC est la « bande brillante » marquant l’isotherme 0 °C, une zone de réflectivité relativement importante due aux particules de glace recouvertes d’eau liquide. Ce cas montre l’intérêt de combiner les données des produits satellitaires et radar en fournissant une

620

9. Télédétection

information concernant la localisation de la pluie intense, les vents forts, les forts courants ascendants et descendants et les périodes de pluie continue et uniforme. km 15 10

0000 UTC 2 Sep 2006

60 54

5

48

0 15

42 0100 UTC

36

10

30

5

24

0 15

18 0200 UTC

12

10

6

5

0 (dBZ)

0

Amber Emory/NASA

 Figure 9.62  Coupe verticale de la réflectivité radar et vue horizontale d’une ligne de grains qui s’est déplacée à travers la côte ouest africaine le 2 septembre 2006. Les coupes sont prises le long du tireté dans les images horizontales. Source : Reproduit avec la permission de Amber Emory/NASA.

9.3.1.2 Cyclone tropical, mascaret et autres systèmes nuageux Ce cas concerne plusieurs types de systèmes nuageux incluant une dépression tropicale qui se transforme en une tempête tropicale, des MCS, des fronts de rafale, un mascaret (bore en anglais ; voir section 4.1.4.5), une cellule convective et des tourbillons dans le sillage d’îles. Le système le plus imposant est une dépression tropicale s’intensifiant qui est devenue la tempête tropicale Bertha (centré sur le sud du Cap-Vert à 1200 UTC), constituant une menace pour les activités marine et aéronautique en Afrique de l’Ouest (Figure 9.63). À noter des bandes de pluie convectives le long de la côte. Grâce à leur transparence, les cirrus fins expulsés par la dépression tropicale permettent d’avoir une vue partielle des nuages sous-jacents et de la surface. Sur l’Afrique de l’Ouest, on note des MCS avec des sommets pénétrant la basse stratosphère (overshooting tops), des enclumes et des limites visibles associées aux fronts de rafales à l’avant des cellules convectives (section 3.1.2.2). La convergence et le soulèvement à l’avant du courant de gravité produisent les nuages en forme d’arc s’étalant au-delà des MCS, qui comprennent plusieurs cellules convectives facilement repérables, par leurs ombres dans les images du matin.

621

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

 Figure 9.63  Canal visible Météosat à 0930 et 1200 UTC, le 3 juillet 2008 avec de nombreux systèmes nuageux différents. Source : Reproduit avec la permission d’EUMETSAT.

622

9. Télédétection

Le flux sortant du MCS en phase de dissipation dans le nord-ouest (encart de la Figure 9.63) produit un train d’onde de gravité ou mascaret sur l’océan. On y retrouve de nombreux rouleaux étroits (Figure 9.63). Ces nuages d’ondes deviennent plus importants sur l’océan lorsque l’air froid et sec se déplaçant depuis l’Afrique interagit avec une couche stable d’air chaud et humide sur l’océan Atlantique. L’inversion de température au-dessus de la surface océanique qui est surmontée d’une couche d’air saharien agit comme un mécanisme de piégeage pilotant le phénomène. À noter que la couche de stratus marin qui était près du littoral se dissipe avec le passage du mascaret et que la zone à l’est des phénomènes ondulatoires devient libre de tout nuage. Conceptuellement, l’air plus sec soulève de l’air humide, qui se refroidit à une certaine altitude, retombe puis remonte mais en atteignant une altitude plus faible que le pic initial, créant ainsi un train d’onde. Le nuage le mieux défini se trouve donc à l’avant du groupe. La brillance relative et les températures des nuages d’ondes montrent qu’ils sont au-dessus de la couche de stratus et de stratocumulus en mer. Cependant, la plupart ne sont pas aussi brillants ou aussi froids que les nuages convectifs (Figure 9.64), indiquant qu’ils sont au niveau ou un peu en dessous du sommet de l’inversion.

 Figure 9.64  Canal IR Météosat à 10,8 µm à 0930 UTC, le 3 juillet 2008. Source : Reproduit avec la permission d’EUMETSAT.

Les structures nuageuses en forme de tourbillons sous le vent des îles Canaries, appelés tourbillons de von Karman, se forment quand les particules d’air qui se divisent autour et au-dessus des îles se retrouvent. Un autre élément notable est la réflexion spéculaire le long de la zone côtière orientée sud-ouest (Figure 9.65) qui est particulièrement brillante entre 1400 et 1430 UTC et le signe d’une surface océanique lisse se comportant comme un miroir. Les ombres des nuages convectifs sont bien dans leur partie sud-est.

623

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

 Figure 9.65  Canal Météosat visible à 1415 UTC le 3 juillet 2008. À noter la réflexion spéculaire due au reflet du soleil, très blanche, qui peut être faussement identifiée comme étant un nuage. Source : Reproduit avec la permission d’EUMETSAT.

Pour plus d’information sur la tempête Bertha et les mascarets, voir CIMSS Satellite Blog : http://cimss.ssec.wisc.edu/goes/blog/archives/678

9.3.2

Présentations

NCAR Colloquium on African Weather and Climate, 2011 Radar Meteorology: Overview and Applications in Africa by Paul Kucera http://ral.ucar.edu/csap/events/ISP/presentations/Kucera_Africa_Colloquium_ July26_2011.pdf Satellite Remote Sensing: A Review by Arlene Laing http://ral.ucar.edu/csap/events/ISP/presentations/Laing_2011_NCAR_Africa_colloquium.pdf

624

9. Télédétection

Satellite Products for Weather Analysis in Africa by Estelle De Coning http://ral.ucar.edu/csap/events/ISP/presentations/deConing_NCAR_colloquium_2011.pdf GPS Applications for Weather Analysis by John Braun http://ral.ucar.edu/csap/events/ISP/presentations/Braun_GPS_AfricaWeather Climate.pdf

9.3.3

Éducation et formation

African Satellite Meteorology Education and Training (ASMET), http://www.meted.ucar.edu/communities/asmet/ Le projet ASMET : produit en ligne et sur CD-rom des modules d’apprentissage qui enseignent aux prévisionnistes africains comment améliorer leurs prévisions en faisant un meilleur usage des images et produits d’images météorologiques. Les bases de l’interprétation satellitaire dans les tropiques : http://rammb.cira.colostate.edu/training/visit/training_sessions/basic_satellite_ imagery_interpretation_in_the_tropics/ Une vue générale des éléments généralement observés dans les tropiques, avec un focus sur l’imagerie GOES pour le visible, l’IR et la vapeur d’eau mais l’interprétation est similaire à l’imagerie Météosat. Introduction à la Météorologie Tropicale, UCAR/COMET http://www.meted.ucar.edu/tropical/textbook_2nd_edition/ Le chapitre 9 du manuel décrit les analyses satellitaires et radar dans les tropiques à l’échelle synoptique, la méso-échelle, et aux échelles locales. Le chapitre 2 est une vue générale des applications de la télédétection dans les tropiques. The Africa Desk, une présentation par WassilaThiaw, http://ral.ucar.edu/csap/events/ISP/presentations/Thiaw_AfricanDesk20110803.pdf WMO Virtual Labs for Education and Training in Satellite Meteorology, http://www.wmo-sat.info/vlab/ Formation et autres événements, http://www.wmo-sat.info/vlab/calendar-of-events/ Fondamentaux en météorologie radar, https://www.meted.ucar.edu/training_module.php?id=960 Un module COMET de 2 heures qui « présente les principes fondamentaux sur le fonctionnement d’un radar météorologique Doppler et comment interpréter les phénomènes météorologiques généraux en utilisant l’imagerie radar ». Conway, E., 1997.

625

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Annexe : Acronymes AEW AIRS AMSU ASCAT AVHRR BTD EUMETSAT FIT GEO GOME-2 GNSS GPM GPS GRAS HIRS HRV IASI IR LEO MCS MODIS MPE MSG MTG NDVI NPP POES RGB SEVIRI TRMM VIIRS ZCIT

626

African Easterly Wave Atmospheric Infrared Sounder Advanced Microwave Sounding Unit Advance SCATterometer Advanced Very High Resolution Radiometer Brightness Temperature Difference EUropean organisation for the exploitation of METeorological SATellites Front InterTropical Geostationary or Geosynchronous Earth Orbit Global Ozone Monitoring Experiment-2 Global Navigation Satellite System Global Precipitation Mission Global Positioning System GNSS Receiver for Atmospheric Sounding High Resolution Infrared Radiation Sounder High-Resolution Visible Infrared Atmospheric Sounding Interferometer Infrared (infra-rouge) Low Earth Orbit Mesoscale Convective System Moderate-resolution Imaging Spectroradiometer Multisensor Precipitation Estimate Meteosat Second Generation Meteosat Third Generation Normalised Difference Vegetation Index National Polar-orbiting Partnership Polar-orbiting Environmental Satellites Red, Green, and Blue (primary colours combined for image visualization) Spinning Enhanced Visible and Infrared Imager Tropical Rainfall Measurement Mission Visible Infrared Imaging Radiometer Suite Zone de Convergence InterTropicale

9. Télédétection

Références Bevis BG, Bussinger S, Herring TA, et al. 1992. GPS meteorology: remote sensing of atmospheric water vapor using the Global Positioning System. J. Geophys. Res. 97: 15787-15801. Cifelli R, Lang T, Rutledge SA, et al. 2010. Characteristics of an African easterly wave observed during NAMMA. J. Atmos. Sci. 67: 3-25. Conway E. 1997. An Introduction to Satellite Image Interpretation. Johns Hopkins University Press: Baltimore, MD; 242 pp. Ferraro RR, Weng F, Grody N, et al. 2005. NOAA operational hydrological products derived from the Advanced Microwave Sounding Unit (AMSU). IEEE Trans. Geosci. Remote Sens. 43: 1036-1049. Gaiser PW. 2004. WindSat-remote sensing of ocean surface winds. NRL Rev. http:// www.nrl.navy.mil/ content.php?P=04REVIEW87 (accessed 29 July 2016). Griffin MK, Hsu SM, Burke HK, Snow JW. 2000. Characterization and delineation of plumes, clouds and fires in an AVIRIS image. In: Proceedings of the 2000 JPL Airborne Earth Science Workshop, JPL, Pasadena, CA. Hyer EJ, Reid JS, Zhang J. 2011. An over-land aerosol optical depth data set for data assimilation by filtering, correction, and aggregation of MODIS Collection 5 optical depth retrievals. Atmos. Meas. Tech. 4: 379-408. doi: 10.5194/amt-4379-2011. Kerr YH, Waldteufel P, Wigneron J-P, et al. 2010. The SMOS mission: new tool for monitoring key elements of the global water cycle. Proc. IEEE 98(5): 666-687. Kidder SQ, Vonder Haar TH. 1995. Satellite Meteorology: An Introduction. Academic Press; 466 pp. Kummerow C, Olson WS, Giglio L. 1996. A simplified scheme for obtaining precipitation and vertical hydrometeor profiles from passive microwave sensors. IEEE Trans. Geosci. Remote Sens. 34: 1213-1232. Lane TP, Sharman RD, Trier SB, et al. 2012. Recent advances in the understanding of near-cloud turbulence. Bull. Am. Meteorol. Soc. 93: 499-515. Lebel T, Parker D, Flamant C, et al. 2009. The AMMA field campaigns: multiscale and multidisciplinary observations in the West African region. Q. J. R. Meteorol. Soc. 136: 8-33. doi: 10.1002/qj.486. Lensky IM, Rosenfeld D. 2008. Clouds-aerosols–-precipitation satellite analysis tool (CAPSAT). Atmos. Chem. Phys. 8: 6739–6753. Liou K-N. 2002. An Introduction to Atmospheric Radiation, 2nd edition. Academic Press; 513 pp.

627

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

NASA. 2013. Seeing photosynthesis from space: NASA scientists use satellites to measure plant health. ScienceDaily. http://www.sciencedaily.com/releases/ 2013/07/130724155223.htm (accessed 29 July 2016). NWCSAF. 2012. Algorithm theoretical basis document for ‘Cloud Products’ (CMa-PGE01 v3.2, CT-PGE02 v2.2 &CTTH-PGE03 v2.2), SAF/NWC/ CDOP/MFL/SCI/ ATBD/01. Rozante JR, Moreira DS, de Goncalves LGG, Vila DA. 2010. Combining TRMM and surface observations of precipitation: technique and validation over South America. Weather Forecast. 25: 885-894. Simpson J, Kummerow C, Tao WK, Adler RF. 1996. On the Tropical Rainfall Measuring Mission (TRMM). Meteorol. Atmos. Phys. 60: 19-36. Smith TM, Arkin PA, Bates JJ, Huffman GJ. 2006. Estimating bias of satellitebased precipitation estimates. J. Hydrometeorol. 7: 841-856. Velden CS, Daniels J, Stettner D, et al. 2005. Recent innovations in deriving tropospheric winds from meteorological satellites. Bull. Am. Meteorol. Soc. 86: 205223. Ware RH, Fulker DW, Stein SA, et al. 2000. Suominet: a real-time national GPS network for atmospheric research and education. Bull. Am. Meteorol. Soc. 81: 677-694. Wilheit TT. 1986. Some comments on passive microwave measurement of rain. Bull. Am. Meteorol. Soc. 67(10): 1226-1232. World Meteorological Organization. 2005. The global observing systems. Twentysecond status report on the implementation of the World Weather Watch. WMO- No. 986. http://www.wmo.int/pages/prog/www/ StatusReport/22nd_ WMO986/Chapter2_GOS.pdf (accessed 28 July 2016).

628

10 Prévision numérique du temps en Afrique

Auteur principal : Sean Miltona Autres auteurs : Aida Diongue-Niangb, Benjamin Lampteyc, Caroline Baina et Cathryn Birchd Reviewer : Philippe Bougeaulte Traduction française : Philippe Bougeaulte, Fatima Karbouf et Jean Pierre Chaboureaug

a

c d e f g b

Met Office, Exeter, UK ANACIM, Dakar, Sénégal ACMAD, Niamey, Niger University of Leeds, Leeds, UK CNRM-UMR3589, CNRS et Météo-France, France CEN, Météo-France, Grenoble, France LA, Université de Toulouse, CNRS, UPS, Toulouse, France

629

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

10.1 Bases scientifiques 10.1.1 Introduction Le développement de la prévision numérique du temps (PNT) a été jalonné par trois étapes décisives : (i) une longue tradition d’observation régulière des conditions météorologiques, (ii) les fondements théoriques établis par Newton en dynamique des fluides et appliqués à la météorologie extra-tropicale par Vilhelm Bjerknes, William Napier Shaw, Carl Gustaf Rossby, Jule Charney et par de nombreux autres auteurs (voir Nebeker, 1995), et (iii) la vitesse de calcul croissante des supercalculateurs permettant la production de prévisions numériques en temps réel. La célèbre expérience de prévision numérique, réalisée à la main par Lewis Fry Richardson au début du xxe siècle, a été un événement marquant pour la prévision numérique du temps (Richardson, 1922). Cette prévision a été jugée irréaliste à l’époque car entachée d’erreurs importantes. Des recherches ultérieures ont mis en évidence la nécessité d’utiliser des méthodes pouvant fournir des états initiaux cohérents pour ces prévisions numériques (voir une discussion dans Lynch, 2011). 50

45

RMS error (metres)

40

35

30

25

20

15

UK Met Office - MetUM ECMWF - IFS NCEP - GFS Meteo-France: ARPEGE-IFS DWD: GME JMA: GM CMC: GEM 1990

1995

2000 Date (years)

2005

2010

 Figure 10.1  Exemple d’amélioration des performances de la PNT pour les régions extra-tropicales. Évolution temporelle de l’erreur quadratique moyenne du géopotentiel à 500 hPa pour l’hémisphère nord (20°N-90°N), en moyenne mensuelle, pour quelques modèles opérationnels. Tous les modèles s’améliorent en moyenne de 2,5 à 5 % par an. Ces données sont calculées à partir des champs échangés dans le cadre de la Commission for Basic Systems (CBS) de l’OMM.

Il faut attendre 1950 pour que Charney, Fjortoft et von Neumann réalisent la première prévision numérique du temps sur ordinateur s’appuyant sur la compréhension théorique émergente des systèmes dynamiques barotrope et barocline établis

630

10. Prévision numérique du temps en Afrique

par Rossby (1940), Charney (1947) et Eady (1949). Depuis lors, des améliorations rapides de la qualité des prévisions numériques du temps dans les régions extra-tropicales ont été constatées dans tous les centres opérationnels (Figure 10.1). Ces améliorations s’expliquent par une combinaison de facteurs comme le déploiement croissant de systèmes d’observation, avec en particulier l’apport de la télédétection par satellites (section 10.1.2.1), l’amélioration des techniques d’assimilation de données permettant de décrire un état initial de l’atmosphère de façon optimale en combinant observations et prévisions de modèles (section 10.1.2.2), l’amélioration de la résolution des modèles et les progrès continus des modèles numériques atmosphériques en matière de physique et de dynamique (section 10.1.2.3). L’histoire de la PNT pour l’Afrique et les régions tropicales a été marquée par les mêmes évolutions en lien avec le réseau d’observation et les fondements théoriques. Néanmoins, malgré quelques améliorations de la prévision de la circulation générale constatées dans ces régions (Figure 10.2), la PNT sur le continent africain demeure un défi scientifique considérable. Les verrous à lever pour une prévision réaliste sont nombreux car cela nécessite de tenir compte des nombreuses conditions météorologiques et des régimes climatiques du continent allant des systèmes de latitudes moyennes aux extrémités nord et sud du continent jusqu’aux climats des forêts équatoriales et des zones désertiques, tous ces systèmes étant exposés à des conditions météorologiques extrêmes, sur une grande variété d’échelles temporelles et spatiales. La géographie particulière de l’Afrique conduit à des phénomènes météorologiques particuliers. Aux échelles synoptiques, nous notons des structures telles que le jet d’est africain (JEA), les ondes d’est africaines (AEW par la suite, pour African Easterly Wave) et le front intertropical, qui influencent considérablement la quantité de pluie au Sahel et en Afrique de l’Ouest (voir les chapitres 1 et 2). Les cyclones tropicaux sont également responsables de phénomènes météorologiques extrêmes en Afrique de l’Est et australe, comme cela fut le cas en 2000 avec l’accentuation des inondations au Mozambique, tandis que les AEW sont étroitement liées à la cyclogenèse tropicale dans l’Atlantique tropical. Contrairement aux latitudes moyennes, la plupart des systèmes météorologiques en Afrique tropicale sont fortement couplés à la convection et cela à différentes échelles, allant des orages isolés à des lignes de grains plus organisées et des systèmes convectifs de méso-échelle (MCS par la suite, pour Mesoscale Convective System). Ces systèmes convectifs sont à la fois liés à la dynamique de grande échelle et étroitement contrôlés par la stabilité de l’atmosphère, ses fluctuations diurnes et les interactions avec la surface terrestre et la topographie sous-jacentes (voir chapitre 3). Pour la PNT, l’initialisation et la modélisation des MCS restent encore aujourd’hui un défi scientifique majeur. Les systèmes météorologiques d’Afrique jouent également un rôle clé dans la détermination du temps et du climat des autres régions à travers des connexions complexes, à la fois sur des échelles de temps intra-saisonnières et même à 3 jours de prévisions (par exemple Faccani et al., 2009). Notons également des recherches importantes pour montrer la variabilité significative sur l’Afrique sur des échelles de temps soussaisonnières allant de la semaine (par exemple les ondes équatoriales de Kelvin) à des mois (par exemple l’oscillation Madden-Julian ; MJO), qui peut moduler les précipitations (Janicot et al., 2011 ; et section 7.1.5.2).

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Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

4.5

RMS vector wind error (m/s)

4.0

3 2

3.5

All tropics 4 5 1 6

3.0

2.5

2.0

1

2002

2

3

2004

4

5

6

2006

2008

2010

2012

Date (years)

 Figure 10.2  Exemple d’amélioration des performances de la prévision sur les tropiques pour le modèle global du Met Office. Évolution temporelle de l’erreur quadratique moyenne du vent à 850 hPa sur tout le domaine tropical (18,75N-18,75S) et sur différents sous-domaines d’extension longitudinale 60° (1-6 – voir l’encart). Tous les domaines de vérification montrent une amélioration d’année en année. La valeur absolue de l’erreur quadratique moyenne du vent est en partie déterminée par la variabilité naturelle dans un domaine donné (par exemple la variabilité est plus grande sur l’océan Indien (domaine 2) et le Pacifique tropical (domaine 3), comme le montre l’encart qui présente l’écart-type des précipitations d’après les données 1DD du GPCP, sur tous les jours de 2002 à 2007. L’augmentation des erreurs pendant l’hiver 2009-2010 est en partie liée à la difficulté de prévoir un épisode actif de MJO, également notée pour d’autres modèles.

Il est nécessaire d’avoir des observations de bonne qualité sur l’Afrique afin de réaliser des PNT précises, non seulement pour obtenir des conditions initiales pour les prévisions, mais aussi pour comprendre les processus physiques et dynamiques intervenant dans des phénomènes météorologiques spécifiques, étudier leur prévisibilité potentielle, et pour contribuer à l’évaluation et l’amélioration des modèles numériques (Tompkins et al., 2005 ; Faccani et al., 2009 ; Agusti-Panareda et al., 2010). Parallèlement aux observations météorologiques régulières, un certain nombre de campagnes de mesures ont façonné notre connaissance des processus physiques et dynamiques qui contrôlent les phénomènes météorologiques et climatiques sur l’Afrique de l’Ouest. Parmi les campagnes de mesure internationales de grande ampleur, on peut mentionner la GARP Atlantic Tropical Experiment (GATE)

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10. Prévision numérique du temps en Afrique

qui a débuté en Afrique de l’Ouest en 1974 et dont le but était de comprendre l’atmosphère tropicale et son rôle dans la circulation globale (Kuettner, 1974), et plus récemment en 2006 la campagne de mesures Analyses multidisciplinaires de la mousson africaine (AMMA) pour l’étude des processus physiques de la mousson en Afrique de l’Ouest et de sa prévisibilité (Redelsperger et al., 2006 ; Janicot et al., 2008 ; Lebel et al., 2010). Des campagnes de mesure à des échelles plus modestes ont également été menées par des centres de PNT et de recherche afin d’étudier des aspects particuliers des phénomènes météorologiques en Afrique, tels que la dépression thermique saharienne (voir par exemple Fennec) et l’impact des particules/aérosols sur la météorologie et le climat (BodEX, SAMUM, GERBILS). La combinaison des observations intensives issues des campagnes de mesures et de la modélisation numérique haute résolution constitue un outil de choix pour l’amélioration de la PNT et des prévisions climatiques sur l’Afrique (Garcia-Carreras et al., 2013 ; Marsham et al., 2013). Ce chapitre vise à fournir aux prévisionnistes une revue concise des techniques de PNT utilisées actuellement dans les centres opérationnels pour établir les prévisions météorologiques quotidiennes sur l’Afrique et sur d’autres régions du globe (section 10.1). La section 10.2 donne un aperçu de l’état de l’art de la PNT opérationnelle sur l’Afrique et de ses performances. L’accent est mis sur les prévisions à court terme à l’horizon d’une semaine, mais nous discuterons aussi des prévisions à moyen terme (2e semaine) et les méthodes de prévision d’ensemble. Une large part de la section 10.2 est consacrée aux performances actuelles des systèmes de PNT opérationnels globaux (et régionaux) et les limitations actuelles des sorties des modèles. La section 10.1.4 fournit une réflexion sur la façon dont la PNT pourrait évoluer dans les dix prochaines années afin de relever le défi de fournir des prévisions précises sur l’Afrique, ce que cela supposerait comme changements dans les techniques de prévision, et discute le rôle clé des prévisionnistes dans l’interprétation des sorties des modèles.

10.1.2 Systèmes de PNT déterministes Les éléments de base de toute prévision numérique du temps sont : les observations, utilisées à la fois pour initialiser les modèles PNT et pour les évaluer ; le processus d’assimilation de données, qui permet d’obtenir un état initial optimal de l’atmosphère, des surfaces émergées et océaniques, nécessaire pour démarrer les prévisions ; et les modèles numériques eux-mêmes. Ci-après, nous discutons ces trois composantes pour une seule prévision déterministe. Nous verrons plus loin que la prévision d’ensemble est également une technique clé fournissant une évaluation des risques pour les phénomènes météorologiques dangereux et à enjeux, et que les ensembles de prévisions jouent un rôle de plus en plus important dans les techniques d’assimilation des données.

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Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

10.1.2.1 Observations Le point de départ de toute prévision numérique du temps est d’avoir une représentation, la plus précise possible, de l’état initial de l’atmosphère à partir duquel les équations du mouvement sont intégrées dans le temps pour obtenir une prévision. Cet état initial est souvent une représentation de la température, l’humidité, le vent et la pression sur différents niveaux atmosphériques ainsi qu’une description de la surface terrestre par le biais de la température, l’humidité des sols, l’état de la végétation, la couverture neigeuse et la température de surface de la mer (SST). Il est donc évident que nous avons besoin d’observations de qualité de ces grandeurs physiques. Généralement, ces observations ne sont pas distribuées de façon homogène en temps et en espace et sont un mélange d’observations in situ et de télédétection spatiale. Par exemple, la Figure 10.3 montre la distribution spatiale de quelques observations, ayant subi un contrôle qualité et utilisées au Met Office pour initialiser les prévisions à l’échelle globale le 27 février 2013 à 0000 UTC. Pas loin de 150 000 observations atmosphériques sont utilisées pour cette fenêtre d’assimilation de 6 heures (1800-0000 UTC). Toutes ces données sont collectées à une fréquence journalière et distribuées aux centres opérationnels grâce au système de l’OMM Global Telecommunications System (GTS). Observer l’atmosphère, la terre et l’océan au-dessus et autour du continent africain est un vrai défi. À titre d’exemple, le désert du Sahara est probablement la région la moins observée du globe (Figure 10.3) et nous avons une compréhension insuffisante des processus physiques et dynamiques importants contrôlant la météorologie dans cette région ; processus qui ont une influence sur le temps dans d’autres régions d’Afrique. Cependant, même dans des environnements plus cléments en Afrique, la couverture des observations in situ est encore clairsemée par rapport à d’autres régions du monde. Un certain nombre de types de données et de mesures sont utilisés dans les systèmes d’assimilation des modèles PNT. Les données de surface et marines (observations SYNOPS, bouées, etc.) et les radiosondages par ballons 1 (qui fournissent un profil atmosphérique vertical de température, humidité et vent) fournissent typiquement des mesures toutes les 6 heures. Une absence significative de données SYNOPS peut être constatée sur l’Afrique par comparaison à d’autres régions (Figure 10.3). De même, les données issues des avions sont limitées sur l’Afrique : les AMDARS (programme d’acquisition et de retransmission des données météorologiques d’aéronefs) constituent le flux principal de données d’avion. Il s’agit d’un programme lancé par l’Organisation météorologique mondiale (OMM) afin de collecter des données météorologiques, à travers le monde, à partir des avions de ligne commerciaux. Les données sont collectées à partir des systèmes de navigation des avions et de sondes standards embarquées de température et de pression statique ; les données sont pré-traitées avant transmission vers le sol, que ce soit via la communication VHF (ACARS) ou via une liaison satellite (ASDAR). Les mesures typiques sont 1.  Les ballons « pilot » sont moins chers que les radiosondes, mais ne mesurent que le profil du vent.

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10. Prévision numérique du temps en Afrique

la température, la vitesse et la direction du vent et la position (latitude, longitude, altitude et l’heure). Quelques avions (la plupart du temps aux États-Unis et en Europe) transmettent également des informations sur l’humidité atmosphérique, la turbulence et le givrage. Les données satellites englobent des mesures passives et actives issues d’instruments de télédétection à bord de satellites polaires et géostationnaires. On parle de télédétection active quand l’instrument de mesure émet une énergie en direction d’une cible (objets/régions), et mesure le rayonnement réfléchi ou rétrodiffusé par cette cible. Les scatteromètres sont un exemple typique de ces mesures, utilisés dans les systèmes de PNT opérationnels pour mesurer le vent au-dessus des océans et l’humidité des sols au-dessus des surfaces continentales. En ce qui concerne la télédétection passive, le sondeur mesure le rayonnement naturel émis ou réfléchi par le système atmosphère-océan-terres-glaces. Les instruments de type ATOVS (Advanced Television and Infrared Observational Satellite (TIROS) Operational Vertical Sounder), AIRS (Atmospheric Infrared Sounder) et IASI (Infrared Atmospheric Sounding Interferometer) mesurent le rayonnement naturel de l’atmosphère et de la surface de la Terre. Autrefois, les radiances satellitaires étaient converties en températures et humidités pour une utilisation ultérieure dans le processus d’assimilation de données, mais les pratiques ont changé et il est plus courant de convertir les champs de température et d’humidité des modèles en radiances en utilisant un modèle direct, à l’image des modèles complexes de transfert radiatif (e.g. RTTOV – Radiative Transfer for TIROS Operational Vertical Sounder 2). Cela permet, dans le contexte de l’assimilation de données, de représenter des champs du modèle dans « l’espace des observations » afin de permettre une comparaison directe avec les observations (voir section 10.1.2.2). Cependant, les restitutions avec les mesures satellites sont encore difficiles à réaliser sur l’Afrique en raison de la connaissance insuffisante de l’émissivité de surface dans les différentes longueurs d’onde observées. En dehors de ces observations de l’atmosphère, il y a aussi les observations utilisées pour produire une analyse de la température de surface de la mer (bouées et mesures de télédétection) et une analyse de la neige. Certains centres commencent à exploiter les observations micro-ondes à partir d’instruments tels que ASCAT (Dharssi et al., 2011) pour fournir des informations sur l’état initial de l’humidité du sol. L’utilisation de ces données dans un système de PNT reste délicate, car les microondes ne donnent des informations sur l’humidité du sol que dans les premiers centimètres du sol alors que la première couche des modèles de sol sont généralement de l’ordre de 10 cm de profondeur.

2. http://nwpsaf.eu/site/software/rttov/

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Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

 Figure 10.3  Exemple de la répartition spatiale des données après contrôle de qualité, utilisées au Met Office dans l’assimilation qui initialise les prévisions globales (à 0000 UTC le 27 février 2013).

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10. Prévision numérique du temps en Afrique

 Figure 10.3  (Suite) Exemple de la répartition spatiale des données après contrôle de qualité, utilisées au Met Office dans l’assimilation qui initialise les prévisions globales (à 0000 UTC le 27 février 2013).

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Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

 Figure 10.3  (Suite) Exemple de la répartition spatiale des données après contrôle de qualité, utilisées au Met Office dans l’assimilation qui initialise les prévisions globales (à 0000 UTC le 27 février 2013).

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10. Prévision numérique du temps en Afrique

 Figure 10.3  (Suite) Exemple de la répartition spatiale des données après contrôle de qualité, utilisées au Met Office dans l’assimilation qui initialise les prévisions globales (à 0000 UTC le 27 février 2013).

Malgré l’utilisation croissante des données satellitaires dans les modèles PNT au cours des deux dernières décennies, les données de radiosondage restent encore très importantes pour ces systèmes et particulièrement sur l’Afrique (Fink et al., 2011). Les radiosondes fournissent des informations à une résolution verticale très élevée permettant une caractérisation d’importance, dans l’état initial du modèle, des structures de température, d’humidité et de vent de la couche limite (et la troposphère libre). Les variations verticales dans la stabilité et le cisaillement du vent sont importantes pour les systèmes météorologiques en Afrique, car ils jouent un rôle dans la formation et la croissance de la convection et également l’évolution dynamique des systèmes météorologiques synoptiques. La résolution verticale des données satellitaires est généralement moins fine. De plus, l’exploitation de ces données s’est avérée difficile près de la surface en raison des incertitudes sur l’émissivité de surface, et plus généralement en ciel nuageux, bien que les centres de PNT opérationnels travaillent activement à dépasser ces limitations. Les informations sur la localisation des jets et des vents des niveaux supérieurs sont particulièrement tributaires de lancements de radiosondes, car les mesures satellites ne peuvent être utilisées pour restituer les vents qu’en ciel nuageux, en utilisant les restitutions de vents par suivi des nuages (SATWINDS – voir Figure 10.3). La campagne JET2000 (Thorncroft et al., 2003) a démontré l’importance des mesures de profils verticaux pour la PNT grâce à l’utilisation des données dropsondes des avions de recherche, ce qui a permis de mieux décrire le JEA dans les analyses du modèle et d’améliorer les prévisions (Tompkins et al., 2005 et discussion dans la section 10.2). Malheureusement, le réseau de radiosondage en Afrique est encore moins dense que le réseau de stations sol. Les stations de radiosondage sont relativement coûteuses à maintenir et nécessitent du personnel dédié pour les faire fonctionner (Parker et al., 2008). En 2006, et dans le cadre de l’expérience AMMA, une densification

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Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

du réseau de radiosondage sur l’Afrique de l’Ouest a été réalisée et plusieurs centres de PNT opérationnels ont utilisé ces nouvelles données à la fois pour réaliser des expériences d’impact de données et pour évaluer les performances des modèles (voir la discussion de la section 10.2).

10.1.2.2 Assimilation des données Les observations irrégulières (Figure 10.3) ne peuvent pas être directement utilisées comme conditions initiales pour une prévision numérique. Elles doivent être combinées à une « ébauche » du modèle obtenue à partir d’une première prévision à courte échéance (généralement à 6 heures), ce qui permet de générer des champs sur la grille régulière du modèle. Le processus d’assimilation de données consiste à combiner de manière optimale les observations et l’ébauche en tenant compte des statistiques d’erreurs connues pour chacune d’elles (Daley, 1991 ; Kalnay, 2003). Le résultat est un état initial équilibré qui correspond à la meilleure estimation possible sur une grille régulière des paramètres physiques (température, humidité, vitesse du vent, conditions en surface, etc.) à un instant donné et peut être utilisé dans des modèles numériques de l’atmosphère, des surfaces émergées et océaniques, pour réaliser des prévisions. Les méthodes d’assimilation de données utilisées de manière opérationnelle en PNT, qui consistaient dans les années 1960-1980 en des techniques d’interpolation optimale assez simples, ont évolué vers des assimilations variationnelles plus complexes (assimilation de données 3D-Var et 4D-Var, i.e. en dimension trois ou quatre), des filtres de Kalman et des méthodes d’ensemble. Au cœur de nombreux systèmes d’assimilation comme la méthode des corrections successives (SCM), l’interpolation optimale (OI), 3D-Var et les filtres de Kalman (KF), on trouve l’équation d’analyse, dans laquelle x représente un état du modèle et y une observation.

x a = xb + W [ y0 − H ( xb )] (10.1)

D’après cette équation, l’analyse du modèle (xa) est égale à l’ébauche (xb) combinée à des incréments d’observation ou « innovations », y0 – H(xb), qui mesurent la différence entre observations (y0) et l’ébauche (Figure 10.4). Le transfert de l’ébauche dans l’espace des observations est réalisé par un opérateur d’observation, H, qui peut être un modèle de transfert radiatif convertissant températures et humidité en radiances. L’ébauche recèle également des informations préliminaires très utiles, car elle est partiellement contrainte par toutes les observations réalisées durant les cycles d’assimilation précédents. Dans le contexte actuel de l’assimilation des données, le problème est multidimensionnel et les vecteurs x et y de l’équation d’analyse sont de grande taille. Pour l’état du modèle x, cette taille est le produit du nombre total de points de la grille par le nombre de variables, et la taille du vecteur des observations y est fixée par les observations irrégulièrement espacées (e.g. Figure 10.3). Le terme W correspond à un poids optimal basé sur des estimations statistiques des erreurs typiques (covariances d’erreurs) du modèle et des observations. La détermination des poids optimaux constitue l’une des différences entre les différentes techniques d’assimilation (pour une discussion à ce sujet, voir Lorenc, 1986). Par exemple,

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10. Prévision numérique du temps en Afrique

dans le cadre d’une approche 3D-Var ou 4D-Var, l’analyse xa est déterminée via la minimisation d’une fonction coût, J, proportionnelle au carré de sa distance aux observations et à l’ébauche :

J=

1 ( y − H ( x )) T R −1 ( y0 − H ( x )) + ( x − xb ) T B −1 ( x − xb ) (10.2) 2 0

Le premier terme de J (Jo dans la Figure 10.4) mesure la distance entre un état du modèle x et les observations yo renormalisée en fonction des covariances d’erreur d’observation R, et le second terme Jb est la distance à l’ébauche xb renormalisée en fonction des covariances d’erreur de l’ébauche B. Ainsi, par exemple, plus les covariances d’erreur de l’ébauche sont importantes, plus le poids de celle-ci est petit (relativement à celui des observations) dans la détermination de l’analyse. Cette fonction de coût est minimisée par une méthode itérative de type gradient, et le minimum x = xa ainsi obtenu constitue notre analyse initiale (voir la ligne rouge dans la Figure 10.4). X obs

Jo

Analysis Jo obs Xb

obs

Jb Xa

3z

Corrected forecast

Jo

Previous forecast

Jo obs 6z

9z

12z

15z

Time

Assimilation window

 Figure 10.4  Vision schématique de l’assimilation de données 4D-VAR. La figure représente une fenêtre d’assimilation de 12 heures. Le cycle d’assimilation commence avec une prévision démarrant de « l’ébauche » (xb en bleu clair), qui est corrigée par étapes pour atteindre une nouvelle trajectoire (démarrant de xa en rouge), plus proche des observations (étoiles vertes). Jo et Jb représentent les deux termes de la fonction-coût (équation 10.2 du texte) qui mesurent l’écart entre la prévision finale « corrigée », et respectivement les observations et l’ébauche. Un instant nominal est sélectionné sur la trajectoire finale (ici 12 UTC) pour servir d’analyse, i. e. le point de départ de la prévision qui suit cette étape d’assimilation. Source : D’après Bouttier et Courtier (1999) reproduit avec l’autorisation du CEPMMT.

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Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Depuis la fin des années 1990, de nombreux centres opérationnels ont adopté un système d’assimilation à quatre dimensions dans lequel l’évolution temporelle des observations (et de l’ébauche du modèle) est utilisée pour mettre à jour les covariances d’erreur de l’ébauche (et l’état du modèle) au lieu d’utiliser des covariances d’erreur statiques, ce qui améliore l’estimation de l’analyse. Les filtres de Kalman étendus (EKF), qui constituent une version non linéaire des filtres de Kalman, sont considérés comme la meilleure méthode d’assimilation parmi ce type de techniques (Kalnay, 2003). En effet, cette méthode fait évoluer de manière explicite la matrice de covariance (et l’état du modèle) de manière à ce que soient disponibles au cycle d’analyse suivant à la fois un état de l’ébauche du modèle et une matrice de covariance actualisée. Cependant, le coût de l’implémentation des EKF est prohibitif. L’assimilation variationnelle de données en dimension 4 (4D-Var), qui constitue une alternative moins coûteuse aux filtres de Kalman, a été implémentée avec succès dans un certain nombre de centres opérationnels de PNT comme le Met Office, le European Centre for Medium-Range Weather Forecasts (CEPMMT) et Météo-France. La différence principale est que le système 4D-Var propage l’état du modèle avec la matrice de covariance de manière implicite lors du processus, sans le rendre explicitement disponible pour le cycle d’analyse suivant (voir Figure 10.4 pour un schéma d’assimilation variationnelle). Une limitation supplémentaire du 4D-Var est que l’erreur de covariance initiale disponible au début d’un cycle d’analyse correspond à une estimation climatique, sans connaissance « des erreurs du jour ». Ces dernières années, des recherches intensives ont été menées dans le domaine des techniques d’assimilation du type filtre d’ensemble, car celles-ci font évoluer les covariances d’erreurs de prévision dépendant de l’écoulement, à partir d’ensembles de prévisions non linéaires. De nombreux centres ont développé des systèmes de prévision d’ensemble (EPS – voir section 10.1.3) intégrés au sein de leurs chaînes de prévision opérationnelles, qui donnent des informations à court terme (6-12 heures) sur la croissance des erreurs dépendant de l’écoulement pouvant être utilisées dans le processus d’assimilation. Météo-France, CEPMMT et le Met Office utilisent tous les trois ces méthodes d’ensemble. Un autre ingrédient important de tout système d’assimilation de données correspond à une certaine forme de contrôle qualité des observations, permettant de s’assurer que des erreurs d’observation importantes ne contaminent pas les conditions initiales. Les sources d’erreurs d’observation incluent les biais instrumentaux et les erreurs dues à l’intervention humaine lors des mesures (e.g. estimation de température à la surface). Un bon exemple du rôle des erreurs d’observation et du contrôle qualité est illustré par une partie de la campagne AMMA, dans laquelle les différents types de radiosondes utilisées dans les SOP (Special Observing Periods) ont exhibé des biais d’humidité par rapport à des données indépendantes. La correction de ces biais a eu un impact sur les analyses de PNT qui ont suivi et les prévisions à court terme (voir section 10.2 pour plus de détails). L’initialisation de l’humidité du sol et de la température de surface sur l’Afrique est également importante pour modéliser les interactions surface-atmosphère. Les systèmes de PNT ont été freinés par le manque d’observations de variables d’état du sol. Une solution a été de développer des estimations de l’humidité des sols à partir de l’observation de la température superficielle et de variables d’humidité des stations

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10. Prévision numérique du temps en Afrique

SYNOP (Mahfouf, 1991). L’idée centrale est que les erreurs du modèle d’humidité du sol induiront des erreurs particulières dans les températures superficielles diurnes et dans l’humidité. La connaissance de ces erreurs aux niveaux superficiels (mesurées via les SYNOPs) peut être utilisée pour corriger progressivement l’humidité du sol initiale, ou la faire tendre vers un état potentiellement plus proche des observations, et qui minimise assurément les erreurs sur les températures superficielles et l’humidité. Des schémas de ce type ont été initialement implémentés à CEPMMT et Météo-France. Cependant, il existe de nombreuses sources d’erreur sur la température et l’humidité superficielles (e.g. advection, mélange dans la couche limite planétaire (CLP)), et il est donc important d’identifier les conditions physiques ou les régimes pour lesquels les imprécisions sur l’humidité du sol contribuent aux erreurs aux niveaux superficiels. Par exemple, le schéma correctif du Met Office est mis en œuvre seulement dans le cas où : (i) il y a évaporation, (ii) les erreurs de température et l’humidité superficielle sont de signes opposés, de sorte que le modèle de couche limite (CLP pour Plan/couche de surface) est chaud et sec (pas assez d’humidité du sol) ou froid et humide (trop d’humidité du sol), (iii) la basse atmosphère/CLP est instable, et (iv) il n’y a pas de couverture neigeuse. Plus récemment, les centres de PNT et plus généralement la communauté de la recherche en météorologie ont exploré l’utilisation de la télédétection pour l’observation de l’humidité du sol. Des mesures spatiales actives de coefficients de rétrodiffusion micro-ondes peuvent être utilisées pour extraire de l’information sur l’humidité du sol dans la plus haute couche de 1 cm (Wagner et al., 1999). D’autres pistes ont été explorées pour utiliser : (i) des mesures micro-ondes passives, basées sur le fait que l’émissivité de surface micro-onde dépend de l’humidité du sol, et (ii) le domaine infra-rouge dans lequel la sensibilité du cycle diurne de la température de surface à l’humidité du sol peut être utilisée pour définir des méthodes de restitution basées sur les changements observés de la température de peau infrarouge. En octobre 2006, le diffusiomètre ASCAT a été mis en orbite sur le satellite METOP avec une couverture globale journalière de 82 %, des passages à 09:30 et 21:30 (heure locale) et des observations disponibles sur une grille de 12,5 km, ce qui a fourni une plateforme adéquate pour l’assimilation dans les modèles de PNT. Les données ASCAT ont été assimilées dans le système global de PNT du Met Office depuis juillet 2010 (Dharssi et al., 2011), avec des résultats positifs sur les prévisions de température et d’humidité de surface dans les tropiques. D’autres sources d’observation d’humidité du sol incluent la mission de l’ESA Soil Moisture and Ocean Salinity (SMOS) lancée le 2 novembre 2009, et la mission active et passive de la NASA sur l’humidité du sol (SMAP) lancée le 31 juillet 2015. SMAP comprend un radar à synthèse d’ouverture actif et un radiomètre passif afin de permettre la mesure de l’humidité du sol à travers une végétation modérée, et fournit également des informations sur l’état gelé ou non du sol. Ces développements dans les techniques d’assimilation de données et l’exploitation des nouvelles plateformes d’observations par satellite ont conduit à des améliorations spectaculaires en PNT au cours des vingt dernières années (Figures 10.1 et 10.2). Une bonne source de documentation sur l’assimilation de données est fournie par le CEPMMT training course disponible à http://www.ecmwf.int/en/learning/education-material/ lecture-notes, et en particulier l’article de revue par Bouttier et Courtier (1999).

643

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

10.1.2.3 Les modèles globaux et régionaux de PNT Les modèles numériques de prévision du temps et du climat représentent les processus dynamiques et thermodynamiques de l’atmosphère sur une grille de calcul, constituée de points régulièrement espacés (Figure 10.5). Ils s’appuient sur les équations du mouvement (qui dérivent de la deuxième loi de Newton), l’équation de continuité, l’équation d’état, et le premier principe de la thermodynamique (Kalnay, 2003). Les processus qui mettent en jeu des échelles spatiales plus petites que la grille de calcul (les processus sous-maille) doivent être paramétrés. Cela demande d’utiliser les valeurs de la température, du vent, de l’humidité, etc. résolues sur la grille de calcul, ainsi qu’une modélisation simplifiée des processus physiques mis en jeu, pour estimer des quantités comme les taux de chauffage ou de refroidissement dus aux nuages, aux précipitations, ou le transport vertical de chaleur et d’humidité par les tourbillons dans la couche limite. 80 km high

Pressure, Temperature, winds, moisture

25 km

du = 𝝏p – fv 𝝏x dt dv = 𝝏p + fu 𝝏y dt p = RT p

Newton’s laws for rotating fluid Gas laws Laws of thermodynamics

 Figure 10.5  Exemple de grilles horizontales et verticales utilisées sur la sphère pour résoudre les équations de la mécanique des fluides et produire une prévision numérique du temps. Les valeurs sont celles de l’Unified Model du Met Office vers août 2013.

Dans cette section, nous passons brièvement en revue les diverses composantes d’un modèle numérique de l’atmosphère : la formulation numérique utilisée pour représenter le transport de grande échelle, la force de Coriolis et le gradient de pression ; les paramétrisations physiques des processus d’échelle sous-maille ; le choix de la grille de calcul pour discrétiser les équations, la taille de la maille (ou résolution) dans les directions horizontale et verticale. Le Tableau 10.1 met en regard les formulations

644

10. Prévision numérique du temps en Afrique

de quelques modèles opérationnels globaux de PNT et systèmes de prévisions d’ensemble, au moment où ce chapitre a été écrit. Il faut signaler que ce type d’information devient vite obsolète, car les systèmes de PNT sont en constante évolution.  Tableau 10.1  Caractéristiques des systèmes opérationnels de PNT produisant des prévisions sur l’Afrique, ainsi que quelques systèmes utilisés pour la recherche (TIGGE, voir https://software.ecmwf.int/wiki/display/TIGGE/Models). Résolution Centre de prévision

Modèle

Horizontale

Verticale

Échéance de prévision

Assimilation

Nombre d’EPS

Modèles de PNT globaux déterministes N768 – 17 km

70N (sommet 144 h à 80km)

Hybrid 4D-Var (33 mem)

CEPMMT IFS (ECMWF)

T1279 -16 km

137N 240 h (0,01 hPa top)

Ensemble 4D-Var (25 mem)

MétéoFrance

ARPEGE

Variable mesh 70N

240 h

4D-Var

JMA

GSM

T959 0,1875°

100N (top 0,01 hPa)

216 h

4D-Var

NCEP

GFS

T1534 T574

64N (top 0,3 hPa)

240 h 240-384 h

Hybrid 3D-Var EnKF

CMC

GM (GEM)

0,45° Long. – 0,33° Lat.

80N

DWD

GME

20 km

60N

7 jours

70N (top at 80 km)

Met Office

MetUM Global

4D-Var 3D-Var

Systèmes de prévision d’ensemble globaux Met Office

MOGREPS-G

N400 (33 km)

168 h

12

CEPMMT

IFS-ENS

T639 (32 km) 91N 240 h T319 (0,01 hPa top)

50

NCEP

GEFS

T254 T190

20

42N

0-8 d 8-16 d

Systèmes de prévision d’ensemble de la base de données TIGGE utilisés ici (recherche seulement) Met Office

MOGREPS-15 70N (top at N216 (60 km) (14 Juil) 80 km)

15 jours

24

MOGREPS-G (14 Oct)

7 jours

12

10 jours 10-15 jours

50

N400 (33 km)

70N (top at 80 km)

CEPMMT IFS-ENS (ECMWF)

T639 (32 km) 91N T319

NCEP

GEFS-TIGGE

T126

28N (top 2,73 hPa)

16 jours

20

CMC

GEM EPS

~0,45°

40N (top at 2 hPa)

16 jours

20

JMA

GSM EPS

T479 (0,375°)

60N (top 0,1 hPa)

11 jours

26

645

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

10.1.2.3.1 Aspects numériques des modèles Le cœur dynamique d’un modèle de PNT est la composante permettant de résoudre numériquement les équations du mouvement (10.3, 10.4 et 10.5 ci-dessous), de continuité (10.6), d’état (non montrée) et la première loi de la thermodynamique (10.7), sur la grille de calcul couvrant la sphère (pour les modèles globaux) ou une partie de la sphère (pour les modèles régionaux). À titre d’exemple, nous donnons les équations primitives (10.3 à 10.7, exprimées ici en coordonnée pression) qui ont formé la base de nombreux modèles de PNT et de climat dans les années 1970 et 1980 (Arakawa, 2000b). Ce sont des équations aux dérivées partielles non linéaires, impossibles à résoudre par des méthodes analytiques, dont on recherche des solutions approchées par des méthodes numériques (Haltiner et Williams, 1980 ; Durran, 1999). Ces équations primitives représentent elles-mêmes une approximation des équations exactes de l’atmosphère : (i) l’accélération verticale et les frottements sont négligés dans l’équation du mouvement vertical (approximation hydrostatique) ; (ii) une partie des termes représentant la force de Coriolis sont négligés ; (iii) la distance exacte au centre de la Terre est approchée en tout point par le rayon terrestre moyen ; (iv) certains termes liés à la courbure de la Terre sont négligés dans les équations du mouvement horizontal et vertical. Pour les modèles sur domaine limité, à plus haute résolution, où l’on essaie de simuler plus fidèlement l’accélération verticale au sein des systèmes météorologiques de moyenne échelle, l’approximation hydrostatique n’est plus appropriée, il faut utiliser les équations non hydrostatiques exactes. Plusieurs modèles globaux atteignant des résolutions horizontales de 10 à 20 km utilisent également une formulation non hydrostatique : c’est le cas du modèle global du Met Office. Les autres approximations ont aussi été abandonnées dans quelques modèles pour améliorer la précision (voir par exemple Davies et al., 2005 pour le Met Office Unified Model (MetUM)).

1 ∂Φ Du  u  = Fλ (10.3) − 2Ω + v sinϕ + Dt  a cosϕ  a cosϕ ∂λ



Dv  u  1 ∂Φ + 2Ω + u sinϕ + = Fϕ (10.4) Dt  a cosϕ  a ∂ϕ



∂Φ = −α (10.5) ∂p



1  ∂u ∂ (v cosϕ )  ∂ω + + = 0 (10.6) a cosϕ  ∂λ ∂ϕ  ∂p



Dθ  p0  C p Cp = Q (10.7) Dt  p 

R

où (u, v, ω) sont les composantes de la vitesse (vers l’est, vers le nord, et vitesse verticale en coordonnée pression), λ, ϕ sont la longitude et la latitude, Φ est le géopotentiel, a le rayon moyen de la Terre, Ω la vitesse angulaire de la rotation terrestre, θ la température potentielle, α le volume spécifique, et où les autres termes ont leur définition

646

10. Prévision numérique du temps en Afrique

habituelle (voir par exemple Kalnay, 2003). Ayant ainsi défini le jeu d’équations hydrodynamiques qui régit l’écoulement, il faut définir une discrétisation de manière à les résoudre numériquement sur un ordinateur. Dans quelques modèles globaux et la plupart des modèles régionaux, on utilise la technique des différences finies : les dérivées des variables sont remplacées par des approximations à partir de différences entre les valeurs des variables aux points d’une grille couvrant l’espace et le temps (Haltiner et Williams, 1980). Dans les autres modèles globaux et quelques modèles régionaux, on utilise la technique spectrale pour représenter les dérivées horizontales et la technique des différences finies pour les dérivées verticales (voir Tableau 10.1). La méthode spectrale représente les variables comme la somme d’un nombre fini de fonctions mathématiques globales orthogonales, ayant chacune une structure spatiale spécifiée, les harmoniques sphériques (voir Haltiner et Williams, 1980). Les équations (10.3) à (10.7) permettent de réaliser des prévisions en calculant les taux d’évolution de la température, de l’humidité, du vent (et de la pression), résultant du transport de ces quantités, et de divers sources et puits, comme l’amortissement par frottement (F au membre de droite de 10.3 et 10.4) ou le taux de chauffage diabatique dû aux processus humides (Q au membre de droite de 10.7). La solution numérique est calculée de proche en proche dans le temps, par incréments déterminés par le pas de temps du modèle. Une méthode courante pour calculer l’effet du transport, adoptée dans plusieurs centres de PNT en raison de sa précision et de son efficience, est le schéma semilagrangien (Staniforth et Coté, 1991 ; Durran, 1999). Un schéma vraiment lagrangien consisterait à suivre des particules d’air définies et leurs propriétés pendant toute la durée d’une prévision, mais ceci n’est pas pratique pour la prévision du temps, car les particules ont tendance à s’accumuler dans certaines régions, en laissant les autres régions virtuellement vides. La méthode semi-lagrangienne évite ce défaut en utilisant à chaque instant la grille régulière du modèle et en calculant la position initiale au pas de temps précédent des particules qui arrivent à l’instant considéré à chaque point de grille. La dérivée temporelle totale d’une variable (∂x/∂t) est alors calculée à partir des équations d’évolution, et ajoutée à la valeur initiale de la variable estimée en sa position initiale par interpolation. Cette méthode est différente des schémas eulériens, qui estiment la dérivée partielle par rapport au temps (∂x/∂t) à chaque point de grille, en calculant l’advection à partir de la vitesse locale de l’écoulement et de la dérivée horizontale en ce point. Dans le cas des modèles sur domaine limité à haute résolution, on a également besoin de connaître les conditions aux limites sur le périmètre du domaine considéré, à la fois à l’instant initial et durant toute la période de prévision. Ces conditions aux limites latérales sont fournies par un modèle de PNT globale à plus basse résolution. Les modèles sur domaine limité sont en général seulement pilotés dans un seul sens, ce qui signifie qu’ils reçoivent leurs conditions aux limites d’un modèle global mais n’influencent pas la prévision globale en question. Par contraste, Météo-France (Courtier et Geleyn, 1988) et le Centre météorologique canadien (Coté et al., 1998a, b) ont introduit le nouveau concept de modèle global à résolution variable, qui peuvent avoir une résolution plus élevée sur une zone cible (par exemple la France) et une résolution plus basse sur le reste du domaine.

647

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Les schémas numériques doivent impérativement avoir une haute précision, assurer la stabilité du calcul, et conserver des quantités importantes telles que l’énergie, le moment cinétique, et l’humidité, tout en restant suffisamment rapides pour livrer les prévisions dans le temps imparti.

10.1.2.3.2 La résolution et la grille de calcul La taille de la grille de calcul et l’espacement entre les points de grille (la résolution) sur l’horizontale et sur la verticale (Figure 10.5) dépendent des ressources calcul et du temps disponibles pour produire les prévisions en temps utile pour leur utilisation effective. La résolution horizontale influence le réalisme de la topographie et des autres caractéristiques de la surface que le modèle pourra représenter. Elle influence également la précision des calculs, notamment pour le transport (l’advection) de l’humidité, de la quantité de mouvement et de la température. La résolution verticale joue également un rôle très important pour la précision dans le calcul des transports verticaux de grande échelle, ainsi que celle des paramétrisations des processus physiques d’échelle non résolue sur la grille de calcul (voir section 10.1.2.3.3). Des exemples typiques des résolutions horizontale et verticale des modèles (en 2015) sont donnés dans le Tableau 10.1. On rappelle qu’un espacement des points de grille de Δx ne permet de représenter fidèlement que des éléments d’échelle supérieure à environ 7 × Δx, de telle sorte qu’une résolution de 25 km (par exemple) ne permet de représenter avec précision que des échelles supérieures à 175 km. La disposition précise des variables (température, pression, etc.) sur la grille de calcul est aussi un élément important des techniques numériques. Arakawa (2000a) a fait une revue des différentes possibilités d’organiser les variables sur la grille de calcul (en décalant la position de certaines variables par rapport aux autres), et leurs conséquences sur la précision du calcul. Pour les modèles globaux, la grille la plus traditionnelle en latitude et longitude a un gros inconvénient : quand on se rapproche du pôle, les méridiens convergent et la dimension de la maille dans la direction zonale diminue (créant aussi des problèmes pour distribuer les calculs de manière équilibrée sur les calculateurs massivement parallèles). Par exemple, le modèle N512 du Met Office, dans sa version opérationnelle en 2013, a un espacement zonal des points de grille de 40 km à l’équateur, et de 25 km seulement dans les moyennes latitudes. Il y a de nombreuses recherches sur des nouvelles formes de grille pour éviter ce problème. 10.1.2.3.3 Les paramétrisations physiques De nombreux processus physiques importants pour le temps en Afrique ont en réalité lieu à des échelles spatiales bien plus petites que l’espacement des points de grille des modèles opérationnels actuels globaux (17-25 km) ou même régionaux (méso-échelle, 10 km ou un peu moins). En conséquence, il faut représenter l’effet moyen de ces « processus sous-maille » sur les échelles résolues par les grilles de calcul. Cela est réalisé grâce aux « paramétrisations physiques », qui permettent de déterminer, à partir des variables de grande échelle (la température, l’humidité, le vent) représentées sur la grille du modèle et d’une modélisation physique simplifiée des phénomènes aux échelles plus petites, des tendances à grande échelle dues à ces 648

10. Prévision numérique du temps en Afrique

phénomènes, comme les taux de chauffage, les puits et les sources d’humidité (précipitation et évaporation), les accélérations du vent et le mélange turbulent. La description des différentes méthodes utilisées pour calculer l’effet des processus physiques sous-maille dans les différents modèles de PNT et de climat dépasse le cadre de cet ouvrage. Cependant, la compréhension du fonctionnement de ces différentes paramétrisations physiques est au cœur du travail sur les modèles de prévision, pour comprendre leur comportement, en moyenne ou bien au cas par cas, notamment sur l’Afrique (voir section 10.2). Il faut identifier les processus élémentaires mis en jeu, évaluer les résultats (taux de chauffage, flux de surface) par confrontation à des observations détaillées, et finalement améliorer les paramétrisations. Ceci constitue encore un défi pour la PNT sur l’Afrique. Les prévisionnistes peuvent jouer un rôle important en évaluant les résultats des modèles de PNT sur de nombreuses situations, pour aider à caractériser leurs défauts, liés aux incertitudes dans les paramétrisations physiques. Au départ, on décompose une quantité quelconque, par exemple la température potentielle θ, comme la somme d’une valeur moyenne sur la maille (θ ) et d’une déviation par rapport à cette moyenne (θ ′), qui représente l’effet sous-maille. En injectant cette décomposition dans l’équation de l’énergie thermodynamique (10.7), en moyennant sur la maille, et réalisant quelques opérations mathématiques 3 on arrive à l’équation (10.8) ci-dessous, où l’on a regroupé les termes ‘résolus’ au membre de gauche et tous les termes sous-maille paramétrés (non résolus) au membre de droite. Ces derniers comprennent : (i) le chauffage dû au rayonnement (QR), (ii) la condensation nette (C) due à la somme de la saturation résolue (calculée par la paramétrisation des nuages et des précipitations de grande échelle) et de la saturation non résolue (calculée par la paramétrisation de la convection par cumulus), et (iii) l’effet des flux verticaux de chaleur résultant des transports turbulents dans la couche limite planétaire et des ascendances convectives. R

  ∂ω ′θ ′ L Q R + C (C *)  − ∂p (10.8) p   Les transports turbulents sous-maille horizontaux (u′T ′) et (v′T ′) sont petits et généralement négligés dans les paramétrisations physiques. Il faut de plus connaître la valeur des flux verticaux de chaleur, d’humidité et de quantité de mouvement à l’interface entre l’atmosphère et la surface de la planète (sol, océan, ou glace), c’est-à-dire les flux de chaleur sensible et latente et le frottement de surface.

∂θ ∂ωθ  p0  C p + ∇.ν θ + =  ∂t ∂p p

10.1.2.3.3.1 Le transport turbulent dans la couche limite planétaire La couche limite planétaire (CLP), dont la hauteur varie typiquement de 100 m pendant la nuit, à un ou deux kilomètres pendant la journée, est la partie la plus basse de l’atmosphère, influencée directement par la présence de la surface terrestre (voir section 4.1). La CLP répond au forçage de la surface en quelques heures et est fortement 3.  Cette procédure est appelée moyenne de Reynolds, d’après le mécanicien des fluides Osborne Reynolds (1842-1912).

649

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

affectée par le cycle diurne du rayonnement solaire. Elle est très importante pour la PNT, car elle se situe à l’interface entre l’atmosphère et la surface terrestre et transporte les flux de surface de chaleur, d’humidité et de quantité de mouvement vers l’atmosphère par les mouvements turbulents. La CLP n’est pas figée et sa profondeur est très variable dans l’espace et dans le temps, étant déterminée par l’intensité du mélange à la surface. Pendant la journée, la CLP se développe typiquement jusqu’à 1 à 2 km (6 km dans les cas les plus extrêmes comme le désert du Sahara) sous l’influence du chauffage de surface et du transport de cette chaleur vers le haut par la turbulence. Pendant la nuit, la surface terrestre se refroidit et le flux de chaleur est dirigé vers le bas, ce qui a pour effet de diminuer le mélange et d’amincir la CLP, parfois jusqu’à une centaine de mètres de la surface. Pendant la journée, quand la chaleur et l’humidité sont transportées vers le haut, les particules d’air se refroidissent en montant, et se dilatent jusqu’à ce que le niveau de condensation soit atteint et qu’un nuage se forme. Les types de nuages normalement associés à la CLP sont les « cumulus de beau temps », les stratocumulus et le brouillard. L’autre effet important est l’interaction avec la rugosité de la surface terrestre, qui crée une force de frottement sur l’atmosphère au-dessus de la surface, et ralentit le vent au voisinage de la surface. Voir le chapitre 4 pour une discussion plus détaillée de la CLP et de ses effets locaux sur le temps. Dans les modèles de PNT, il faut paramétrer les effets du mélange turbulent et de la force de frottement sur les bilans de chaleur, humidité et quantité de mouvement à grande échelle, à la fois dans les couches nuageuses et dans les couches de ciel clair. Les flux turbulents verticaux qui représentent ces effets dans l’équation (10.8) doivent être exprimés en fonction des variables résolues, pour « fermer » le système d’équations et le résoudre. Une approche fréquente consiste à représenter le transport vertical dans la CLP par l’approche de la « diffusion turbulente », où les flux verticaux sont reliés au gradient vertical des quantités résolues selon la théorie en K : −∂ω ′θ ′ ∂  ∂θ  = K (10.9) ∂p ∂p  ∂p  où K est un « coefficient de diffusion turbulente » qui dépend de la stabilité de l’écoulement (voir section 4.1.2.1 et équation 4.5). Cependant, dans les CLP convectives, en dehors de la couche de surface, le flux ne dépend pas du gradient local, mais du transport par les gros tourbillons. Plusieurs modèles ont adopté une approche « non locale » (voir Holtslag et Boville, 1993) où le profil vertical du coefficient de diffusion turbulente K est une fonction de la hauteur de la CLP et d’une échelle de vitesse turbulente.

10.1.2.3.3.2 La convection nuageuse La paramétrisation des cumulus est une composante essentielle pour la prévision des écoulements tropicaux. Comme l’indique Arakawa (2000b), la paramétrisation des cumulus est complexe et doit livrer les informations suivantes : (i) la quantité de précipitation qui arrive à la surface par suite de l’instabilité convective humide, (ii) les profils verticaux du chauffage/refroidissement et de l’humidification/assèchement qui impactent l’environnement des systèmes convectifs et rétroagissent sur la dynamique de grande échelle, (iii) les transports de quantité de mouvement, (iv) les effets radiatifs des nuages de type cumulus présents dans la maille, (v) la description des interactions 650

10. Prévision numérique du temps en Afrique

avec les couches situées en dessous des nuages convectifs, par des processus comme l’évaporation des précipitations sous la base des nuages, et les échanges de masse avec la CLP par les courants ascendants et descendants. Dans les modèles les plus complexes, les paramétrisations calculent également le transport de l’eau en phase liquide et glace, et d’autres constituants de l’atmosphère comme les aérosols. Une paramétrisation des cumulus doit d’abord déterminer la répartition spatiale de la convection et son type (peu profonde, moyenne ou profonde), habituellement via une fonction de déclenchement et une étape de diagnostic. On applique ensuite un modèle de nuage sous-maille pour déterminer la distribution verticale du chauffage, de l’humidification et du transport de quantité de mouvement. Le dernier élément de la paramétrisation est la détermination de l’intensité globale de la convection, grâce à une équation de « fermeture ». On peut regrouper les paramétrisations des cumulus en trois classes principales, qui se distinguent par la complexité de leurs modèles de nuage sous-maille et de leur équation de fermeture : (i) les paramétrisations basées sur la convergence d’humidité (e.g. Kuo, 1965) ; (ii) les schémas d’ajustement (Manabe et al., 1965 ; Betts et Miller, 1986) ; et (iii) les schémas en flux de masse. Ces derniers sont maintenant utilisés dans la plupart des modèles de PNT et sont des héritiers du travail pionnier d’Arakawa et Schubert (1974) sur un ensemble d’ascendances nuageuses multiples. Ces idées ont été utilisées sous la forme simplifiée d’une ascendance unique avec entraînement et détraînement par Bougeault (1985), Tiedtke (1989), Gregory et Rowntree (1990), Kain et Fritsch (1990), Donner (1993) et Bechtold et al. (2001). Le transport vertical turbulent dû à la convection (Équation 10.8) est exprimé grâce au flux de masse convectif Mc et à la différence de température entre le nuage et l’environnement de grande échelle selon l’équation :

− ω ′θ ′ = gMC (θC − θ ) (10.10)

Le flux de masse à la base du nuage doit être estimé à partir des variables de grande échelle. Une équation de fermeture courante pour la convection profonde relie ce flux de masse à l’énergie potentielle convective disponible (acronyme anglais CAPE) dans la colonne, en utilisant l’hypothèse de quasi-équilibre, qui stipule que la CAPE va être réduite en un temps caractéristique donné, de l’ordre de quelques heures. Il est honnête de dire qu’une grande partie des incertitudes de prévision des écoulements tropicaux par les modèles de PNT provient des faiblesses des paramétrisations des cumulus, notamment pour l’évolution diurne de la convection, qui représente un vrai défi sur les continents. Il faut cependant rappeler qu’une représentation plus fidèle des processus convectifs ne dépend pas seulement de cette paramétrisation, mais aussi des flux de surface, des transports dans la CLP et des processus radiatifs (parmi d’autres).

10.1.2.3.3.3 Les surfaces continentales et le sol superficiel Les surfaces continentales et la couche située immédiatement au-dessous constituent des réservoirs d’eau et d’énergie importants dans les sols, la végétation, la neige et la glace terrestre. Ces réserves peuvent être transférées dans l’atmosphère par les flux de surface de chaleur sensible et latente (flux d’humidité). L’atmosphère peut également réalimenter ces réservoirs en humidité à travers les précipitations ou la rosée, et en chaleur via les flux de rayonnement ou les flux turbulents descendants de chaleur 651

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

sensible pendant la nuit. La rugosité de la surface, liée à la topographie ou à la végétation, est également importante pour déterminer la force de frottement exercée sur l’atmosphère et l’intensité des flux de quantité de mouvement. La canopée de la végétation a aussi un rôle important dans le stockage de chaleur et d’humidité et les échanges avec l’atmosphère. Par exemple, l’évaporation des plantes (évapotranspiration) est en partie contrôlée par leurs stomates (des orifices de petite taille présents sur la face inférieure des feuilles, qui permettent les échanges gazeux entre la plante et l’air ambiant). Pendant les épisodes de stress en raison de la sécheresse, les stomates se ferment pour permettre aux plantes de conserver leur humidité, ce qui limite le processus d’évaporation. Les racines jouent également un rôle pour l’évaporation. La végétation à racines profondes peut extraire de l’eau stockée à des mètres sous la surface, ce qui permet à l’évaporation de continuer, même pendant les sécheresses. Les modèles de surfaces continentales tentent de représenter tous ces processus physiques, qui impactent le cycle de l’eau et de l’énergie. Ils utilisent typiquement jusqu’à quatre niveaux de calcul sous la surface, pour représenter les transferts verticaux d’eau et d’énergie, et leur impact sur le contenu en eau et la chaleur du sol. Ils doivent aussi représenter les processus de la canopée de la végétation, en décrivant de nombreuses variétés de couverture végétale, depuis les buissons de la toundra jusqu’aux prairies et aux zones forestières. La complexité des modèles de surfaces continentales augmente régulièrement, pour représenter d’autres processus importants du système Terre, tels que les nappes d’eau dans le sol, le transport d’eau par les rivières, les zones humides, et les échanges de gaz à effet de serre entre la surface et l’atmosphère, notamment le cycle du carbone et celui de l’azote.

10.1.2.3.3.4 Les processus radiatifs Le taux de chauffage QR pour un niveau donné de l’atmosphère est calculé comme la divergence verticale de la somme des flux montants et descendants dans les ondes électromagnétiques courtes (flux solaire) et longues (flux terrestre) (Peixoto et Oort, 1992). Ces flux sont déterminés à partir d’un modèle de transfert radiatif. Le rayonnement interagit avec les nuages, la vapeur d’eau, les gaz à effet de serre (CO2 et méthane), l’ozone et les aérosols, et avec les surfaces continentales, marines et glacées. Malgré sa complexité, le transfert radiatif en air clair est sans doute la mieux contrôlée de toutes les paramétrisations, alors que les interactions du rayonnement avec les nuages et les aérosols nécessitent une meilleure compréhension pour améliorer leur paramétrisation. Pour y parvenir, des programmes d’observations sont développés, à la fois sur des satellites comme CloudSAT et CALIPSO (Stephens et al., 2002), depuis le sol ou depuis des avions, en utilisant des radars et des lidars, comme sur les sites permanents et mobiles du programme Atmospheric Radiation Measurement (ARM) (voir Miller et Slingo (2007) pour une discussion des mesures réalisées au site ARM installé à Niamey pendant AMMA. 10.1.2.3.3.5 La condensation de grande échelle et les nuages À côté des nuages et précipitations formés par les processus convectifs, tous les modèles de PNT et de climat sont également dotés d’un schéma de nuages et précipitations de grande échelle, pour représenter les processus humides dus aux ascendances de 652

10. Prévision numérique du temps en Afrique

grande échelle. Cela permet de traiter notamment les nuages et précipitations dans les fronts atmosphériques, essentiellement en dehors des régions tropicales, mais aussi les enclumes nuageuses stratiformes générées par les zones de convection profondes souvent rencontrées dans les régions tropicales. Plus récemment, des schémas de nuages ont été développés pour essayer de traiter simultanément tous les mécanismes conduisant à l’apparition ou à la disparition de nuages, dont ceux associés à la convection. On peut citer par exemple le schéma de Tiedtke (1993) et le schéma PC2 utilisé dans le modèle global du Met Office (Wilson et al., 2008).

10.1.2.3.3.6 Les poussières et les autres aérosols Les aérosols ont à la fois un effet direct sur le rayonnement atmosphérique (et celui qui atteint la surface), en raison de l’absorption et de la diffusion (voir section 5.1.4), et un effet indirect par les changements qu’ils induisent sur les noyaux de condensation nuageuse, responsables de la formation des nuages et de leur durée de vie. De nombreux modèles de PNT utilisent encore des distributions climatologiques d’aérosols, mais plusieurs explorent l’utilisation de schémas d’aérosols complètement interactifs aux échelles temporelles de la PNT. Le rôle de la poussière en Afrique de l’Ouest est traité en détail au chapitre 5, y compris la prévision des tempêtes de sable dans quelques modèles actuels. 10.1.2.3.3.7 L’effet des ondes de gravité et du frottement dans la couche limite orographique L’écoulement de l’air sur les montagnes crée des ondes atmosphériques sur un spectre d’échelles très étendu, allant des ondes planétaires quasi stationnaires jusqu’aux phénomènes de méso-échelle. Pour les paramétrisations, il faut prendre en compte les processus sous-maille, et les ondes de gravité forcées par les montagnes tombent dans cette catégorie pour les résolutions typiques des modèles globaux. Elles transportent la quantité de mouvement vers le haut dans l’atmosphère, jusqu’à ce qu’elles atteignent des zones où elles deviennent instables et « déferlent » (comme des vagues sur le rivage). La quantité de mouvement transportée par les ondes est alors transférée à l’écoulement de grande échelle par une force de résistance au mouvement (drag). Ce mécanisme de Gravity Wave Drag (GWD) a pour effet de ralentir le vent de grande échelle. Les déferlements d’ondes interviennent typiquement dans la basse stratosphère ou dans la CLP proche du relief (voir Kim et al., 2003, pour une revue du GWD). Un autre mécanisme de résistance au mouvement que l’on doit paramétrer dans les modèles est le form drag, relié au gradient de pression à méso-échelle qui se développe en raison de l’écoulement turbulent sur les obstacles (Mason, 1986). 10.1.2.4 Les modèles d’échelle convective Depuis quelques années, des progrès importants ont été réalisés avec l’utilisation de modèles régionaux de PNT à haute résolution horizontale (1-5 km), proche de la taille des systèmes convectifs, si bien que des prévisions permettant une résolution explicite de la convection (convective-permitting) sur des domaines à aire limitée, deviennent progressivement opérationnelles. Le modèle COSMO-DE développé par le Deutscher Wetterdienst (DWD) est opérationnel depuis 2007 avec une maille

653

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

de 2,8 km ; le modèle AROME (Seity et al., 2011) est opérationnel à Météo-France depuis 2008 avec une maille de 2,5 km, et le passage à 1,3 km en 2015 ; une version à échelle convective de UnMET est opérationnelle au Royaume-Uni depuis 2010, avec une maille de 1,5 km. L’avantage principal de ces résolutions proches de l’échelle de la convection est qu’une plus grande partie des processus associés à la convection est explicitement résolue par le modèle, plutôt que par l’intermédiaire de paramétrisations. Un exemple d’une telle modélisation à l’échelle convective sur l’Afrique est le projet de recherche Cascade (Marsham et al., 2013a). Ce projet a utilisé l’UnMET du Met Office à résolution élevée (4-1,5 km), en mode convective-permitting, sur de grands domaines, pour étudier l’influence de la convection tropicale sur l’Afrique (ainsi que sur la région des eaux chaudes du Pacifique). En ce qui concerne l’Afrique, deux modèles sur domaine limité indépendants à 4 km et 12 km de résolution ont été mis en œuvre, ainsi qu’un modèle global à 40 km de résolution. Le modèle de résolution 12 km a été utilisé dans deux configurations différentes, avec et sans le schéma de paramétrisation de la convection, afin d’étudier l’impact de la seule résolution. En débranchant cette paramétrisation, les processus convectifs d’échelle inférieure à la maille n’étaient plus représentés, mais ceux d’échelle supérieure à la maille pouvaient quand même être représentés. De manière générale, on a observé plus d’activité convective à méso-échelle et moins de convection de petite échelle sporadique et de bruine, pour cette configuration sans schéma de convection. Un inconvénient des modèles en mode convective-permitting à des échelles entre 4 et 12 km est que l’intensité de cette convection partiellement résolue tend à être beaucoup trop intense, ce qui n’est pas réaliste (voir aussi Beucher et al., 2013). L’absence de la paramétrisation de la convection a pour conséquence que les processus convectifs de petite échelle, comme l’entraînement et le mélange, qui ont pour effet de diminuer la force de la convection, ne sont pas bien représentés. Dans ces modèles, la convection se développe sous la forme de « cheminées » de grande échelle, qui ressemblent un peu à des systèmes convectifs sahéliens typiques, mais ont des taux de précipitation beaucoup trop forts. Malgré ce défaut, un avantage de ces modèles est de pouvoir générer des poches d’air froid sous les systèmes convectifs, et de représenter le cycle diurne de manière plus réaliste (voir section 10.2). Ces poches d’air froid ont un impact important sur l’environnement local en redistribuant l’air froid et humide à la surface sur des vastes distances (voir le chapitre 3 de ce volume et aussi Garcia-Carreras et al., 2013). La simulation numérique explicite de la convection et des nuages à haute résolution (de quelques kilomètres à la centaine de mètres) sur l’Afrique de l’Ouest est un domaine de recherche très actif dans plusieurs centres de recherche.

10.1.2.5 Les adaptations statistiques des sorties de modèles Une méthode efficace pour améliorer les biais systématiques des prévisions issues des modèles de PNT opérationnels est l’adaptation statistique par post-traitement des prévisions numériques. Cette méthode est généralement appelée MOS (Model Output Statistics). On développe ces modèles statistiques à partir des champs tri-dimensionnels issus de la PNT, des observations de surface, et de la climatologie locale. La méthode MOS peut corriger l’absence des effets locaux, que le modèle de PNT ne

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10. Prévision numérique du temps en Afrique

peut représenter en raison de sa résolution limitée, mais aussi les biais intrinsèques des modèles de PNT. Un exemple typique est la correction de la température de surface pour tenir compte de l’altitude locale à un point donné, qui diffère de l’altitude représentée dans le modèle de PNT. Les paramètres de prévision pris en compte dans les MOS incluent en général les températures minimales et maximales de la journée, la quantité de précipitation attendue, le risque d’orage, la nébulosité et le vent de surface.

10.1.3 La prévision d’ensemble et la prévisibilité de l’atmosphère Jusqu’à maintenant nous avons considéré la PNT comme un problème aux valeurs initiales, mettant en œuvre une prévision déterministe démarrant de la meilleure estimation possible de l’état de l’atmosphère à un instant donné. Cependant, Lorenz (1963) a montré que les solutions numériques des équations non linéaires du mouvement sont très sensibles à des petites perturbations dans les conditions initiales, dont l’amplitude croît avec le temps pendant la durée de la prévision. L’état initial est entaché d’incertitudes pour plusieurs raisons : 1) Toutes les observations (y compris les données de satellites) souffrent d’erreurs de mesure. 2) Le contrôle de qualité des observations n’est pas parfait. 3) Les méthodes d’assimilation de données qui combinent de manière « optimale » les observations et les modèles contiennent aussi des approximations. Le concept de prévision d’ensemble a été introduit pour prendre en compte cette incertitude des conditions initiales (Epstein, 1969 ; Leith, 1974 ; Lewis, 2005). La prévision d’ensemble repose sur l’introduction de multiples perturbations à l’état initial analysé de l’atmosphère, cohérentes avec les erreurs d’observation et d’analyse. Des prévisions multiples (typiquement entre 20 et 50) sont réalisées à partir des états initiaux perturbés. Les perturbations ont tendance à croître au cours du temps dans les prévisions, si bien que les prévisions divergent et se dispersent progressivement (Figure 10.6). Le degré de dispersion des prévisions est une mesure de leur incertitude. Dans certains cas, l’écoulement atmosphérique est assez stable, il résiste à la croissance des perturbations, la dispersion des prévisions est faible, et notre confiance dans ces prévisions peut être élevée. Dans d’autres cas, les perturbations croissent rapidement, la dispersion des prévisions est grande, et notre confiance dans les prévisions doit alors être plus faible (voir la section 10.2 et les figures 10.19 et 10.20 pour des exemples). Cette dispersion et cette incertitude variables sont une propriété inhérente de l’atmosphère, et peuvent en théorie être prévues par la technique de prévision d’ensemble. En pratique, il est possible que l’estimation de la dispersion soit mauvaise, si les perturbations initiales utilisées ne reflètent pas bien les véritables incertitudes d’analyses et d’observations, ou ne se projettent pas bien sur les modes de perturbations qui croissent rapidement dans la dynamique, ou bien si les imperfections des modèles ont pour effet de sous-estimer la vraie variabilité atmosphérique, la vitesse de croissance des perturbations et leur dispersion. Les diverses techniques de génération des perturbations ont été passées en revue par Kalnay (2003). Il y a

655

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

eu toutefois plus de travaux sur les perturbations appropriées pour les écoulements d’échelle synoptique en équilibre rencontrés aux moyennes latitudes que pour les écoulements fortement convectifs rencontrés dans les tropiques. Une autre source de croissance des erreurs en PNT provient des modèles euxmêmes, par les approximations numériques utilisées pour résoudre les équations du mouvement (en particulier la résolution limitée des modèles) et par nos connaissances imparfaites des processus physiques (notamment les paramétrisations de processus importants comme la convection). Dans quelques centres, on représente aussi ces incertitudes liées aux modèles dans les prévisions d’ensemble (Figure 10.6), en perturbant les paramétrisations physiques du modèle elles-mêmes. Ces perturbations apportées aux tendances physiques se sont révélées extrêmement efficaces pour améliorer la fiabilité des prévisions d’ensemble dans les tropiques. Notons aussi que les prévisionnistes du monde entier utilisent aussi couramment le concept d’« ensemble du pauvre », qui consiste à combiner les prévisions émises par différents centres : cette combinaison inclut automatiquement différentes conditions initiales et différentes formulations des paramétrisations physiques.

Time Forecast uncertainty Initial condition uncertainty

Analysis

Model Uncertainty Deterministic forecast

Model uncertainty arises from stochastic, unresolved processes and parameter uncertainty

Climatology

 Figure 10.6   Schéma conceptuel du processus de prévision d’ensemble. Deux types d’incertitudes sont représentés, l’incertitude sur les conditions initiales (en perturbant l’analyse initiale), et l’incertitude du modèle. Au fur et à mesure que les prévisions avancent dans le temps, les deux sources d’incertitudes conduisent à une divergence croissante des trajectoires de prévisions. À un moment donné du futur, la dispersion devient si importante qu’elle ressemble à la distribution climatologique des états possibles du modèle (région limitée par la ligne pointillée), et le caractère prédictif est perdu puisque l’ensemble donne le même résultat que la climatologie. Pour le cas montré ici, l’ensemble a encore une dispersion moindre que la climatologie, et conserve un caractère prédictif et exhibe une information qui peut être utilisée pour calculer la probabilité des différents aléas météorologiques.

656

10. Prévision numérique du temps en Afrique

En tout état de cause, il faut aussi reconnaître que même si nous avions un modèle de prévision parfait et des observations parfaites, il y aurait quand même une limite à la prévisibilité. Il est impossible de mesurer toutes les échelles d’espace et de temps parfaitement, et des erreurs provenant de l’absence d’observations aux plus petites échelles contaminent rapidement les plus grandes échelles par un transfert d’énergie vers ces échelles lors de la prévision. Les phénomènes qui mettent en jeu les échelles spatiales et temporelles les plus petites (comme les orages et les systèmes convectifs de méso-échelle) atteignent leur limite de prévisibilité plus rapidement que ceux qui mettent en jeu des échelles plus grandes, synoptiques ou planétaires. Des techniques statistiques connues sous le nom de « physique stochastique », sont utilisées pour représenter ou paramétrer l’énergie présente dans l’écoulement aux échelles sous-maille, et pour prendre en compte le transfert de cette énergie vers les échelles résolues, par exemple le schéma stochastique de rétrodiffusion de l’énergie cinétique (Shutts, 2005).

10.1.4 Résumé et capacités d’avenir Le but de ce chapitre est de donner aux prévisionnistes un aperçu des différentes étapes du processus de PNT, qui comprend la collecte et le traitement des observations, le développement des méthodes d’assimilation des observations pour fournir des conditions initiales exactes, les modèles numériques complexes de l’atmosphère, des surfaces continentales et de l’océan, et les techniques de prévision du risque de phénomènes dangereux, comme les prévisions d’ensemble et les modèles d’échelles convectives. Il y a encore un grand potentiel d’amélioration des analyses et des prévisions numériques sur l’Afrique, par exemple en utilisant les connaissances sur les processus physiques et dynamiques acquises lors de campagnes de mesures comme AMMA, en exploitant les nouvelles observations, particulièrement de plateformes de télédétection, en développant de meilleures méthodes d’assimilations pour faire bon usage des observations dans les régions où elles sont rares et dans des modèles affectés par des biais, et en améliorant la formulation physique et dynamique des modèles euxmêmes. La faible couverture en observations de l’Afrique reste un défi essentiel, et ces observations sont vitales pour améliorer la qualité des prévisions numériques sur l’Afrique et la compréhension des processus physiques et dynamiques. Une utilisation plus intensive des observations satellites est une voie d’avenir (Karbou et al., 2010a, b) mais il faudra toujours des observations in situ comme les SYNOPS et les radiosondages (Parker et al., 2008), et, de plus en plus, des observations à mésoéchelle de radars météorologiques pour fournir l’état initial des systèmes de PNT de la prochaine génération, à résolution kilométrique, actuellement en cours de développement pour les tropiques. Il faut espérer que l’amélioration de la qualité des prévisions numériques, et une meilleure exploitation de ces prévisions par les fournisseurs de services météorologiques africains, justifieront dans les années à venir un effort accru pour la maintenance des réseaux d’observations et de communications sur lesquels la PNT s’appuie.

657

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Cependant, c’est également un vrai défi pour les prévisionnistes d’utiliser de manière efficace les nombreux produits de PNT déjà disponibles, émis par les centres opérationnels globaux et régionaux, afin d’en tirer des prévisions du risque de phénomènes dangereux. Le Projet de démonstration des prévisions de phénomènes dangereux de l’OMM (SWFDP, voir section 10.2.2.2) est un bon exemple d’effort visant à faire travailler ensemble les centres opérationnels de PNT et les prévisionnistes locaux des pays d’Afrique. Si l’on examine les évolutions dans les 5 à 10 années à venir, on peut s’attendre à des développements significatifs dans les domaines suivants : • Résolution des modèles : la modélisation à l’échelle convective en est à ses débuts, mais est très prometteuse. • Paramétrisations : pourra-t-on améliorer les paramétrisations pour les modèles de maille assez grande en utilisant les connaissances dérivées des modèles à plus haute résolution et les observations recueillies lors des campagnes de mesures ? • Prévision marine et systèmes de PNT couplés océan/atmosphère : la modélisation précise des interactions air-mer pourrait s’avérer cruciale dans les environnements côtiers, ainsi que pour simuler les télé-connexions entre l’océan et le continent sur l’Afrique à des échéances plus longues (de 15 jours à la saison). • Prévisibilité : avec l’amélioration des modèles numériques, de l’assimilation de données d’observations, il devrait être possible de mieux cerner les véritables limites de la prévisibilité de phénomènes spécifiques, à différentes échelles spatiales et temporelles. • Observations : on peut anticiper que l’utilisation des observations par satellite sur l’Afrique se développera, pour pallier l’absence de réseaux denses d’observations in situ (Karbou et al., 2010a,b) • Assimilation de données : de meilleures techniques seront introduites, notamment l’assimilation utilisant des ensembles, qui permet de mieux prendre en compte les erreurs des modèles dépendant de l’écoulement. Des recherches sont également en cours sur l’assimilation de données aux échelles convectives, notamment avec des observations de radars métérologiques. • Prévision environnementale : la PNT sera développée dans le domaine de la composition de l’atmosphère (chimie et aérosols) et de la qualité de l’air, avec des applications dans le domaine de la santé humaine et animale. Alors que la PNT continuera de se développer en Afrique, le rôle des prévisionnistes restera capital pour délivrer aux bénéficiaires des services adaptés et précis, en temps utile, à partir de produits numériques de variété et de complexité croissantes. Cela demande une expertise avancée de la prévision, aussi bien qu’une connaissance détaillée des pratiques de PNT, des points forts et faibles des divers systèmes d’observation, des modèles, de l’assimilation de données et des prévisions d’ensemble. L’évaluation des produits de PNT par les prévisionnistes fournira également un retour d’expérience critique aux développeurs des modèles et méthodes d’assimilation de données, qui permettra de poursuivre l’amélioration continue des systèmes de PNT sur l’Afrique.

658

10. Prévision numérique du temps en Afrique

10.2 La PNT opérationnelle en Afrique La PNT est un outil précieux pour les prévisionnistes pour déterminer l’état météorologique futur au jour le jour et le risque de conditions météorologiques extrêmes. Cependant, comme examiné dans la section 10.1, les systèmes mondiaux et régionaux actuels de PNT ont leurs limites et il existe de nombreuses sources d’erreur découlant de l’imperfection des conditions initiales et des modèles numériques. Dans cette section, nous passons en revue l’utilisation des produits numériques et nous mettons en évidence les capacités et les inconvénients actuels de la PNT en Afrique. Les services météorologiques nationaux (SMN) africains ont un libre accès à certains produits de modèles globaux et de modèles à aire limitée par EUMETCast (par exemple le CEPMMT, Met Office, Météo-France, NCEP) afin de faciliter la prévision météorologique opérationnelle. Les modélisations régionales et locales sont effectuées dans quelques SMN afin de mieux tenir compte de leurs particularités régionales et locales et de fournir des diagnostics nécessaires pour Weather forecasting: Forecaster tasks

Observations

Ensemble prediction systems, single or multi-model

Monitoring and updating

Analysis of the current meteorological situation

Examination of the future evolution of the atmosphere and choice of the most likely scenario

Description of the evolution of the atmosphere and expected weather

Model analyses

One or more deterministic model outputs: Poor man’s ensemble

Forecaster experience

Decision on issuing warning in the case of severe weather

Distribution of products to end-users

Verification

 Figure 10.7  Schéma des tâches typiques menées par le prévisionniste (boîtes bleues) et les données d’entrée de PNT alimentant le processus (ovales violet – incluant la connaissance et l’expérience du prévisionniste des caractéristiques de la PNT).

659

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

des applications spécifiques. Quelques centres nationaux exploitent leurs propres systèmes de modélisation régionale. Par exemple, le Maroc, l’Algérie et la Tunisie sont trois membres africains du consortium ALADIN et le service météorologique d’Afrique du Sud (SAWS) utilise une version régionale du UnMet du Met Office. À l’heure actuelle, moins de dix pays africains exploitent des modèles météorologiques opérationnels. La chaîne des événements, depuis la collecte des observations, l’exécution des modèles, l’interprétation des produits de PNT par les prévisionnistes jusqu’à l’émission des prévisions et des avertissements finaux, est représentée schématiquement dans la Figure 10.7. Le prévisionniste joue un rôle clé dans ce processus en offrant la possibilité de passer au crible tous les produits de PNT disponibles, avec la connaissance de leurs forces et faiblesses caractéristiques, pour arriver au résultat le plus probable en termes de prévisions météorologiques. Dans les sections suivantes, nous discutons des forces et faiblesses typiques d’assimilation et de modèles de PNT sur l’Afrique de l’Ouest.

10.2.1 Capacité actuelle des prévisions déterministes de PNT Dans cette section, nous examinons brièvement la capacité des systèmes mondiaux de PNT à reproduire quelques-unes des principales caractéristiques saisonnières et des phénomènes météorologiques décrits dans les chapitres 1, 2 et 3.

10.2.1.1 Précipitation et bilan d’humidité dans les modèles de PNT et les analyses La précipitation est une variable clé pour la prévision à des échelles de temps météorologiques (par exemple, les inondations, comme dans le cas de Ouagadougou de 2009 présenté dans la section 2.2.2.2) et pour des échelles de temps intra-saisonnières à saisonnières (par exemple, les pauses de la mousson et sécheresses) et des prévisions climatiques décennales (par exemple, la variabilité interannuelle dans les sécheresses du Sahel de longue durée). Pour une comparaison de la capacité des modèles numériques à partir d’un certain nombre de centres opérationnels, nous avons examiné les prévisions de PNT de contrôle produites dans le cadre de l’expérience de recherche THORPEX Interactive Grand Global Ensemble (TIGGE) (Bougeault et al., 2010). Les données TIGGE se composent de prévisions de contrôle et de membres d’ensemble (entre 20 et 50 membres) d’un certain nombre de centres de PNT pour des échéances de 10 ou 15 jours. Les modèles de TIGGE ont généralement une résolution légèrement plus faible que les modèles opérationnels déterministes globaux de PNT (voir le Tableau 10.1). Pour cette comparaison, nous avons choisi les prévisions couvrant juin-septembre 2012 et les prévisions de contrôle TIGGE du Met Office, du CEPMMT, du NCEP, du CMC et du JMA. Toutes les prévisions sont initialisées à 1200 UTC et les données des modèles sont tracées à partir de la grille de sortie de 1°

660

10. Prévision numérique du temps en Afrique

sur l’Afrique de l’Ouest. Des détails sur les configurations des modèles TIGGE sont également donnés dans le Tableau 10.1.

10.2.1.1.1 Précipitation saisonnière moyenne La moyenne des précipitations saisonnière est illustrée par la Figure 10.8 pour deux échéances de prévisions, 12-36 h et 192-216 h (jours 8-9), comparée avec celle issue des données tri-horaires du produit Tropical Rainfall Measuring Mission (TRMM) 3B42, version 7.0 (Huffman et al., 2007). Pour TRMM, nous voyons les structures familières décrites dans la section 1.2 pour la climatologie des précipitations de l’Afrique de l’Ouest. Notons le fort gradient méridien de pluviométrie, diminuant du sud au nord, depuis la zone soudanienne (9-12°N), le Sahel (12-18°N), puis le Sahara. Pour cette année 2012, la pluie pénètre assez loin au nord dans le nord du Mali, mais est plus limitée au sud du Sahel en Mauritanie et au Niger. L’anomalie saisonnière de pluie de la mousson de l’Afrique de l’Ouest (WAM par la suite pour West African Monsoon) en 2012 était supérieure à la normale. Les régions climatologiques humides se trouvent sur la côte sud-ouest, les montagnes guinéennes, et à l’ouest de 0oE à travers le Nigeria, le Cameroun, le sud du Tchad et de la République centrafricaine et sur les hauts plateaux éthiopiens à l’est. Les zones plus sèches sont observées sur la Côte-d’Ivoire, le Ghana, le Burkina Faso, le Togo et le Bénin (la zone sèche Ghana-Dahomey – chapitre 1) et aussi plus à l’est sur le Soudan. JJAS 2012 precipitation (mm/day) TRMM 3B42 V7

30°N



20°W UKMO 12–36h

0° 0.5

3.0

20°E 6.0

9.0

12.0

30°N

30°N





20°W



20°E ECMWF 12–36h

40°E

60°E

40°E

20°W

15.0

18.0



60°E UKMO 192–216h

20°E ECMWF 192–216h

40°E

60°E

 Figure 10.8  Moyenne saisonnière (juin-septembre 2012) des précipitations (mm/jour) 30°N pour les prévisions de contrôle TIGGE (sur une grille de 1°) à 12-36 h (gauche) et à 192-216 h (8-9 jours – droite) d’échéance, comparée aux précipitations TRMM 3B42 version 7 (panneau du haut – sur une grille de 0,25°).

30°N



20°W

30°N





20°E NCEP 12–36h

40°E

60°E

20°W

30°N



20°E NCEP 192–216h

40°E

60°E

661

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale 0°



20°W



20°E ECMWF 12–36h

40°E

60°E

20°W

30°N

30°N





20°W



20°E NCEP 12–36h

40°E

60°E

20°W

30°N

30°N





20°W



20°E CMC 12–36h

40°E

60°E

20°W

30°N

30°N





20°W



20°E JMA 12–36h

40°E

60°E

20°W

30°N

30°N





20°W



20°E

40°E

60°E

20°W



20°E ECMWF 192–216h

40°E

60°E



20°E NCEP 192–216h

40°E

60°E



20°E CMC 192–216h

40°E

60°E



20°E JMA 12–36h

40°E

60°E



20°E

40°E

60°E

 Figure 10.8  (Suite) Moyenne saisonnière (juin-septembre 2012) des précipitations (mm/ jour) pour les prévisions de contrôle TIGGE (sur une grille de 1°) à 12-36 h (gauche) et à 192-216 h (8-9 jours – droite) d’échéance, comparée aux précipitations TRMM 3B42 version 7 (panneau du haut – sur une grille de 0,25°).

Les prévisions de PNT de contrôle TIGGE à 12-36 h et 192-216 h montrent des distributions de précipitations saisonnières moyennes raisonnablement bonnes en moyenne pour toutes les prévisions de la saison juin-septembre 2012 de la WAM. Tous les modèles capturent l’augmentation de la précipitation au large de la côte sud-ouest, bien qu’elle soit un peu trop forte dans les prévisions Met Office, NCEP et JMA à 12-36 h, et dans la plupart des modèles à 192-216 h à la fois sur la côte et la partie océanique de la zone de convergence inter-tropicale. CMC et JMA ont

662

10. Prévision numérique du temps en Afrique

une bonne représentation de la zone sèche du Ghana-Dahomey qui est maintenue jusqu’à l’échéance 8-9 jours, bien que l’ensemble des précipitations soit un peu faible dans CMC (voir les Figures 10.9 et 10.10). Le modèle MetUM du Met Office fait un bon travail pour reproduire l’étendue de la pluie vers le nord et quelques-unes des variations est-ouest, comme les conditions plus humides sur le nord du Mali et la partie sèche sur le nord du Niger voisin. Ces variations est-ouest peuvent être liées à des événements synoptiques individuels associés à des MCS et des AEW pendant la saison 2012. CMC présente des variations est-ouest similaires, mais dans d’autres modèles, les précipitations ne pénètrent pas assez loin au nord du Sahel et est trop uniforme dans la direction est-ouest. Tous les modèles montrent un accroissement de la montée des précipitations entre 12-36 h et 192-216 h. Les précipitations dans les échéances ultérieures sont généralement plus fortes que pour les estimations TRMM. (a)

JJAS 2012 Precipitation diurnal cycle 5.0N : 25.0N –10.0E : 10.0E T+12–36 h

8

TRMM 3.7 UKMO 3.5 ECMWF 2.7 NCEP 3.9 CMC 2.5 JMA 2.7

7

Precip (mm/day)

6 5 4 3 2 1 0

0

2

4

6

8 10 12 Time (Hours)

14

16

18

(b)

Mean rainfall rate (mm day–1)

14

4 km explicit 12 km explicit 12 km parameterised TRMM CMORPH

12 10 8 6 4 2 0

0

6

12

18

24

 Figure 10.9   Moyenne saisonnière des précipitations (mm/jour) en fonction du cycle diurne pour (a) les prévisions de contrôle TIGGE (échantillonnage de 6 heures) moyennées sur le domaine (5N-25N, 10W-10E) montrées sur la Figure 10.8 et (b) cycles diurnes des précipitations (mm/jour) sur l’Afrique de l’Ouest pour les estimations issues des observations à partir des ensembles de données TRMM et CMORPH (NOAA CPC Morphing Technique – http://www. cpc.ncep.noaa.gov/products/janowiak/cmorph_description.html) comparés à une simulation à 12 km du UnMET avec la convection paramétrée et des simulations à 12 km et 4 km avec convection explicite. Source : D’après Marsham et al. (2013). © John Wiley and Sons. Reproduit avec autorisation.

663

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Cette bonne performance des prévisions MetUM TIGGE pour 2012 est en contraste avec expériences libres avec le MetUM à différentes résolutions discutées dans Marsham et al. (2013a). Lors de ces tests sur la période AMMA 2006, le MetUM avait trop peu de précipitations dans la région sahélienne et les intégrations climatiques plus longues avec MetUM souffrent également de ce biais sec. Les raisons possibles des différences pourraient inclure l’initialisation de l’humidité du sol. Marsham et al. (2013a) utilisent comme conditions initiales les données du CEPMMT de 2006 fondées en grande partie sur un système de relaxation de l’humidité du sol, alors que les conditions initiales du MetUM en 2012 comprennent les observations microondes d’humidité du sol ASCAT. Cela soulève le point important que les systèmes PNT opérationnels d’assimilation et de prévision sont en constante évolution. Il est donc impératif que les caractéristiques de ces modèles pour prédire la WAM soient tenues à jour, afin que les prévisionnistes interprétant les produits numériques puissent les utiliser plus efficacement. C’est un domaine où une collaboration accrue entre prévisionnistes africains et centres de modélisation opérationnelle serait d’une grande utilité.

10.2.1.1.2 Cycle diurne de la convection Les modèles numériques actuels de l’atmosphère avec les processus humides paramétrés (convection, condensation à grande échelle, etc.) ont des lacunes bien connues pour la prévision de la pluie en Afrique de l’Ouest, en particulier le cycle diurne sur terre (e.g. Bechtold et al., 2004). À titre d’exemple, la Figure 10.9b montre quelquesunes des erreurs dans le cycle diurne des précipitations saisonnières moyennes de l’Afrique de l’Ouest (5-25°N, 10°W-10°E) simulé par MetUM d’après Marsham et al. (2013a). Pour un modèle régional de 12 km de résolution avec convection paramétrée, nous voyons clairement un biais systématique du cycle diurne sur terre avec un pic des précipitations à l’heure locale du maximum solaire (1200 LT) et de très faibles valeurs pendant la nuit. En revanche, les estimations satellites TRMM et CMORPH montrent un pic des précipitations plus tard dans la journée (1800 LT) et des précipitations significatives durant la nuit. Ainsi, même à des résolutions horizontales relativement élevées de 12 km, un modèle avec convection paramétré a des biais systématiques importants pour le cycle diurne. Le MetUM a également été lancé en mode convective-permitting (section 10.1.2.4) à 12 km et 4 km. Il est clair que la résolution de 12 km est encore trop grossière pour représenter vraiment les panaches convectifs individuels et la résolution de 4 km ne peut être considérée que comme un mode convective-permitting plutôt qu’un mode « résolvant la convection » complètement. Cependant, ces deux simulations avec convection explicite font un bien meilleur travail pour reproduire le cycle diurne, bien que le maximum de précipitation à 1800 LT soit trop intense. Des études similaires avec des simulations de modèle résolvant les nuages (Chaboureau et al., 2004) ont identifié les ingrédients physiques importants nécessaires pour reproduire correctement un cycle diurne avec des paramétrisations de la convection. Ceux-ci comprennent une période de convection peu profonde dans la matinée qui commence une fois que l’inhibition convective (CIN) est inférieure à

664

10. Prévision numérique du temps en Afrique

l’énergie cinétique verticale (turbulente), une transition bien définie de la convection peu profonde à profonde dans l’après-midi suivie de l’humidification significative de la CLP par détraînement de la convection peu profonde. Un déclenchement convectif reliant CIN et l’énergie cinétique verticale est également considéré comme important. Le but est d’utiliser les informations des simulations explicites de la convection et des nuages, et des observations AMMA pour aider au développement de paramétrisations améliorant la représentation du cycle diurne sur terre. Stratton et Stirling (2012) ont montré une certaine amélioration du cycle diurne sur terre en rendant l’entraînement 4 convectif fonction de la hauteur de la base des nuages, ce qui réduit la profondeur de la convection tôt dans la journée. Plus récemment, Bechtold et al. (2014) ont amélioré le cycle diurne en modifiant la fermeture de la paramétrisation de la convection du CEPMMT. Celle-ci introduit un ajustement d’échelle de temps convectif pour la troposphère libre, et un coefficient de couplage entre troposphère libre et la couche limite fonction des différentes échelles de temps sur terre et sur océan. Ces exemples montrent que les progrès dans les paramétrisations de convection sont réalisés à partir des connaissances acquises à partir des modèles résolvant les nuages de fine résolution et des observations détaillées des processus. Les prévisions TIGGE de 2012 exhibent une large gamme de comportements en termes de cycle diurne sur la région WAM (Figure 10.9a). MetUM montre le comportement déjà discuté avec des précipitations trop intenses à 1200 LT et trop faibles la nuit, bien que la moyenne quotidienne (montrée dans la légende) soit proche de la valeur de TRMM (les changements dans le modèle par Stratton et Stirling (2012) discutés ci-dessus n’étant pas inclus). CEPMMT montre également une synchronisation similaire du cycle diurne, mais avec plus de précipitations dans la nuit et des quantités plus réalistes pendant la journée (les modifications de la convection de Bechtold et al. (2014) n’étant pas incluses). NCEP a aussi un pic des précipitations à 1200 UTC mais a beaucoup plus de précipitations pendant la nuit que MetUM ou CEPMMT. JMA et CMC ont tous deux une bonne phase de leur cycle diurne, mais avec trop peu de précipitation totale (2,7 et 2,5 mm/jour contre 3,7 pour TRMM). De toute évidence, les détails de la façon dont la CLP, la convection, les nuages et les précipitations sont paramétrés dans ces modèles sont importants pour reproduire le cycle diurne. Ce qui reste pas clair est l’importance d’avoir un cycle diurne correct pour prédire les précipitations à d’autres échelles temporelles, de la journée à la semaine. Un résultat de Marsham et al. (2013a) suggère que modéliser le cycle diurne de manière incorrecte interagit avec les gradients de pression nord-sud, ce qui modifie en retour le flux d’humidité vers le nord sur le Sahel (Birch et al., 2014).

4.  Le processus par lequel les nuages convectifs aspirent de l’air de leur environnement dans le nuage.

665

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

(a) 20

JJAS 2012 precipitation - Sahel (smooth = 1) (T+12–36h) 18.0N:12.0N –10.0E:10.0E NCEP 0.25 CMC 0.29

UKMO 0.29 ECMWF 0.27

JMA 0.12 TRMM

Precip (mm/day)

15

10

5

0

01.07.2012

01.09.2012

JJAS 2012 precipitation - Sahel (smooth = 5) (T+12–36h) 18.0N:12.0N –10.0E:10.0E

(b) 20

01.08.2012 Date

NCEP 0.62 CMC 0.51

UKMO 0.56 ECMWF 0.57

JMA 0.53 TRMM

Precip (mm/day)

15

10

5

0

01.07.2012

(c) 20

01.08.2012 Date

01.09.2012

JJAS 2012 precipitation - Sahel (smooth = 5) (T+96–120h) 18.0N:12.0N –10.0E:10.0E UKMO 0.56 ECMWF 0.52

NCEP 0.36 CMC 0.1

JMA 0.59 TRMM

Precip (mm/day)

15

10

5

0

01.07.2012

01.08.2012 Date

01.09.2012

 Figure 10.10  Évolution des précipitations journalières pendant la saison juin-septembre 2012 de la WAM (10W-10E) pour les prévisions à 12-36 h et TRMM audessus de (a) la région du Sahel (12-18°N), (b) comme (a) mais pour les précipitations lissées sur 5 jours, (c) comme (b) mais pour T + 96-120 h, et (d) comme (b) mais pour T + 192-216 (jour 8-9 de prévisions). Les valeurs numériques dans les légendes sont la corrélation des séries temporelles entre chaque prévision et les données TRMM.

666

10. Prévision numérique du temps en Afrique

(d) 20

JJAS 2012 precipitation - Sahel (smooth = 5) (T+192–216h) 18.0N:12.0N –10.0E:10.0E UKMO 0.56 ECMWF 0.5

NCEP 0.51 CMC 0.2

JMA 0.45 TRMM

Precip (mm/day)

15

10

5

0

01.07.2012

01.08.2012 Date

01.09.2012

 Figure 10.10  (Suite) Évolution des précipitations journalières pendant la saison juin-septembre 2012 de la WAM (10W-10E) pour les prévisions à 12-36 h et TRMM au-dessus de (a) la région du Sahel (12-18°N), (b) comme (a) mais pour les précipitations lissées sur 5 jours, (c) comme (b) mais pour T + 96-120 h, et (d) comme (b) mais pour T + 192-216 (jour 8-9 de prévisions). Les valeurs numériques dans les légendes sont la corrélation des séries temporelles entre chaque prévision et les données TRMM.

10.2.1.1.3 Variabilités journalière et hebdomadaire des précipitations La variabilité des précipitations moyennes quotidiennes sur le Sahel est considérable, avec typiquement autour de 20 événements par mois de précipitations excédant 5 mm/jour, entrecoupées de périodes relativement sèches (Figure 10.10a et l’exemple d’AEW de la Figure 10.19). Comme discuté à la section 10.1.2.3, cette variabilité est associée aux AEW progressant vers l’ouest et des MCS organisés et associés au JEA. Comme la mousson progresse en juin, juillet et août, ces précipitations maximales deviennent plus intenses. Même à 12-36 h d’échéance, les prévisions de contrôle de TIGGE sous-estiment généralement l’amplitude de ces maxima (Figure 10.10a) et l’arrivée des maxima et des minima n’est pas bien prévue comme le montrent les faibles corrélations des séries chronologiques (0,1 à 0,3) entre les moyennes quotidiennes TRMM et les prévisions TIGGE (voir la légende de la figure 10.10a). NCEP se distingue comme ayant une amplitude plus raisonnable pour les maxima, mais avec encore trop peu de prévisibilité au jour le jour. Janicot et al. (2011) ont discuté de la variabilité des précipitations à travers l’Afrique de l’Ouest aux échelles de temps intra-saisonnières (voir également la section 7.1.3). Ils ont montré que, comme la variabilité des précipitations aux échelles de temps quotidiennes est associée aux systèmes météorologiques progressant vers l’ouest (AEW), la précipitation est également modulée par des modes de variabilité de basse fréquence ; deux modes sur une échelle de temps de 15 jours (mode quasi dipolaire zonale bi-hebdomadaire (QBZD) et le mode Sahel) et un mode avec une 667

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

périodicité d’environ 40 jours (mode MJO Afrique). Si nous appliquons un lissage de 5 jours sur les précipitations 12-36 h du Sahel (Figure 10.10b), nous commençons à voir que les modèles de TIGGE sont capables de reproduire durant la saison les fluctuations de fréquence plus basse dans les précipitations avec des corrélations 5 plus élevées. Les modèles ont tendance à sous-estimer systématiquement la quantité de précipitations sur le Sahel à cette échéance de 12-36 h, à l’exception de NCEP (Figure 10.10b). En regardant les prévisions pour les échéances plus longues de 96-120 h (Figure 10.10c) et 192-216 h (Figure 10.10d), on voit plus clairement la dérive de chaque modèle vers son propre climat préféré. NCEP a tendance à surestimer la précipitation bien qu’il montre une prévision raisonnable de certaines des fluctuations de faible fréquence des précipitations. Cette augmentation des précipitations dans NCEP peut être vue dans les précipitations moyennes saisonnières (Figure 10.8) comme une hausse des taux de pluie beaucoup plus loin au nord que dans TRMM ou les autres modèles et comme une chute des précipitations vers le Sahara beaucoup plus rapide. CMC montre une sous-estimation considérable des précipitations au Sahel et pas beaucoup de prévisibilité. Les trois autres modèles maintiennent des niveaux plus réalistes de précipitations et à cet égard ont de meilleures distributions de précipitations que les prévisions de 12-36 heures, bien que la prévisibilité soit diminuée. Cela suggère un temps d’adaptation (spin-up) considérable dans ces modèles depuis leur initialisation. Concernant les zones climatiques décrites au chapitre 1, pour la région de la côte de Guinée (5-9°N, 10°W-10°E ; Figure 10.11a), les modèles surestiment les précipitations prévues à 12-36 heures d’échéance et lissées sur 10 jours, en particulier en août et septembre. La région soudanienne (9-12°N) montre un cycle saisonnier plus marqué (Figure 10.11b). Les modèles sont capables de capturer certaines des oscillations sous-saisonnières des précipitations à ces échéances courtes de prévision, mais encore une fois il a une forte dispersion entre les différentes prédictions, ainsi qu’une nette hiérarchie de l’ensemble des modèles en termes de biais de précipitations, avec NCEP surestimant et CMC et JMA ayant les précipitations les plus faibles, les autres modèles se situant entre les deux. Enfin, pour les petites quantités de précipitations tombant dans le (sud) du Sahara (Figure 10.11c), le Met Office fournit la meilleure estimation des montants et la plus forte corrélation des séries chronologiques, de manière consistante avec la précipitation moyenne saisonnière (Figure 10.8).

5.  Une partie de cette corrélation accrue correspond simplement à la capacité des modèles à reproduire le cycle (ou la tendance) saisonnier de fond, mais il y a encore aussi des capacités à représenter les pics et creux dans les précipitations hebdomadaires.

668

10. Prévision numérique du temps en Afrique

(a) 20

JJAS 2012 precipitation - Guinean coast (smooth = 10) –10.0E:10.0E (T+12–36h) 9.0N:5.0N UKMO 0.26 ECMWF 0.29

NCEP 0.42 CMC 0.44

JMA 0.48 TRMM

Precip (mm/day)

15

10

5

0

01.07.2012

01.08.2012

01.09.2012

Date

(b)

JJAS 2012 precipitation - Soudainian (smooth = 10) –10.0E:10.0E (T+12–36h) 12.0N:9.0N

20 UKMO 0.64 ECMWF 0.64

NCEP 0.66 CMC 0.57

JMA 0.47 TRMM

Precip (mm/day)

15

10

5

0

01.08.2012 Date

01.07.2012

(c) 8 7

01.09.2012

JJAS 2012 precipitation - Sahara (smooth = 10) (T+12–36h) 25.0N:18.0N –10.0E:10.0E UKMO 0.85 ECMWF 0.82

NCEP 0.84 CMC 0.82

JMA 0.67 TRMM

Precip (mm/day)

6 5 4 3 2 1 0

01.07.2012

01.08.2012

01.09.2012

Date

 Figure 10.11  Évolution des précipitations journalières prévues à 12-36 h d’échéance, lissées sur 10 jours pendant la saison juin-septembre 2012 de la mousson d’Afrique de l’Ouest (10°W-10°E) pour (a) la région de côte guinéenne (5-9°N), (b) la région soudanienne (9-12°N) et (c) le Sahara (18-25°N).

669

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

10.2.1.1.4 Cas d’étude : événement de pluies intenses au Mali les 7-8 août 2012 À partir des séries temporelles des précipitations moyennées sur 1 et 5 jours (Figure 10.10a et b), on note une période de fortes précipitations observées par TRMM autour des 7-8 août 2012 dans la région du Sahel et pour laquelle les modèles de PNT montrent une bonne prévisibilité aux échéances de quelques jours. La distribution spatiale des précipitations TRMM cumulées sur un jour à partir de 1200 UTC les 7-8 août 2012 montre une grande zone organisée de pluie couvrant le sud du Mali (Figure 10.12). Les précipitations cumulées prévues les jours 2-3 à (a)

(b) Met office T+72 [‘08/05/2012 (12:00)’]

TRMM 3B42 160 120 90 70 50 30 15 5 (c)

ECMWF T+72 [‘08/05/2012 (12:00)’]

(d)

NCEP T+72 [‘08/05/2012 (12:00)’]

(e)

CMC T+72 [‘08/05/2012 (12:00)’]

(f)

JMA T+72 [‘08/05/2012 (12:00)’]

 Figure 10.12  Cumul journalier de précipitation (mm/jour) pour le cas d’étude du 7 au 8 août 2012, pour l’estimation TRMM et de la prévision de contrôle TIGGE (T + 48-72 h) pour les prévisions initialisées à 1200 UTC le 5 août 2012.

670

10. Prévision numérique du temps en Afrique

partir des prévisions de contrôle TIGGE initialisés à 1200 UTC le 5 août 2012 sont également indiquées. La plupart des modèles font une bonne prévision de la position de cet événement. Ceci est juste un exemple pour montrer que lorsque les forçages dynamiques sont forts (associés ici avec un thalweg et une AEW active – voir Figure 10.20), les modèles de PNT sont capables de reproduire ces cas extrêmes. Ce dernier est discuté plus loin dans le cadre des prévisions probabilistes d’ensemble dans la section 10.2.2.2.

10.2.1.1.5 Comprendre le cycle de l’eau à partir de AMMA 2006 – Études d’impact sur les prévisions PNT et les analyses La campagne AMMA en 2006 (Redelsperger et al., 2006 ; Janicot et al., 2008 ; Lebel et al., 2010) a fourni une nette augmentation de la densité des observations au sol. Au cours de la période juin-septembre 2006, quelque 7 000 sondages ont été effectués, et six stations sol AMMA du Global Position System (GPS) ont fonctionné pendant la période d’observation spéciale, permettant deux coupes nord-sud pour l’étude du cycle de l’eau (Bock et al., 2008). Ces observations ont été utilisées à la fois pour évaluer les processus physiques impliqués dans le cycle de l’eau de la WAM et aussi pour améliorer les analyses et les conditions initiales des prévisions des PNT opérationnelles. Des biais secs significatifs ont été mis en évidence dans les radiosondages d’humidité relative faite avec les sondes Vaisala RS80-A en 2006 par rapport aux autres données indépendantes telles que les mesures d’eau précipitable du GPS (Bock et al., 2007). Ces biais secs étaient également apparents dans les analyses PNT du CEPMMT et de Météo-France, et des corrections des mesures de sonde ont été développées (Agusti-Panareda et al., 2009 ; Nuret et al., 2008). L’application de ces corrections de biais d’humidité et l’assimilation des mesures des radiosondages « corrigés » ont eu un impact marqué sur l’analyse PNT de l’humidité, des précipitations et de la structure du JEA dans les deux systèmes globaux de PNT du CEPMMT (Agusti-Panareda et al., 2010a) et de Météo-France (Faccani et al., 2009). Cependant, en raison de grandes erreurs systématiques dans les modèles de PNT eux-mêmes, Agusti-Panareda et al. (2010a) ont rapporté que le bénéfice de ces données (biais corrigé) de sondes supplémentaires ne dure pas audelà des 1-2 premiers jours de prévisions numériques. Faccani et al. (2009) ont noté que l’impact des analyses AMMA améliorées est bénéfique à distance en aval sur la région Europe sur une échelle de temps de 2-3 jours. Une étude approfondie par Meynadier et al. (2010a, b) a utilisé un ensemble de données hybrides, y compris les observations satellites, les modèles de la surface terrestre et les analyses de PNT, pour étudier le cycle de l’eau en Afrique de l’Ouest et évaluer les analyses de modèle et les ré-analyses. Certains biais clés dans les cycles d’eau déduits des produits de modèles ont été mis en évidence (Figure 10.13). Tout d’abord, il est démontré que la bande de pluie se positionne trop au sud dans les modèles. En réalité, le Sahel est un puits net d’eau pour l’atmosphère durant la saison humide (i.e. précipitations P > évapotranspiration E), mais les biais négatifs de ~ 1-2 mm/jour du taux de P-E signifient que le Sahel est une source d’humidité dans les modèles (i.e. P  0 à 10-15°N dû à la bande de précipitation trop au sud dans la ré-analyse (non montrée). Dans la même bande de latitude, ERA-I montre aussi des régions de divergence de flux d’humidité (MFD) alors que les données hybrides d’observations ont seulement une convergence de flux d’humidité au-dessus de l’Afrique de l’Ouest pendant la saison de la mousson. Source : Meynadier et al. (2010b). © John Wiley and Sons. Reproduit avec autorisation.

672

10. Prévision numérique du temps en Afrique

10.2.1.2 Température et humidité près de la surface Les gradients méridiens de température et d’humidité sont des facteurs importants dans la dynamique de la WAM. En outre, les prévisionnistes sont intéressés par la capacité des modèles de PNT à prévoir à la fois les conditions extrêmement sèches (sécheresse) et les extrêmes associés de températures près de la surface, pour leurs forts impacts aussi bien agricoles que sanitaires sur les communautés locales. La moyenne saisonnière des températures à 2 m et des températures de point de rosée dans les analyses TIGGE à 1200 UTC (Figure 10.14) montrent de forts gradients nord-sud à la fois en température et en humidité, mais même parmi les analyses, il y a des différences significatives. Par exemple, l’analyse du Met Office a les plus chaudes températures à 2 m sur le Sahara (> 42 °C) et JMA les plus faibles (3840 °C). Les températures du point de rosée montrent que les analyses du Met Office, CEPMMT et NCEP ont des niveaux similaires de sécheresse sur le Sahara (Td  95e centile observé), l’une sur le sud du Mali et la seconde plus au nord et à l’est sur la frontière Niger/Algérie. Celles-ci sont associées à un thalweg d’une AEW, représenté par un minimum de MSLP dans les observations (et les prévisions).

Occurrence probability of extreme 24hr precipitation Valid: 2012.08.07.12UTC +0–1 days MCGE

40N

mem:147

ECMWF

Extremes observed (GSMaP)

NCEP

mem:51

mem:21

JMA

UKMO

mem:51

mem:24

20N

EQ

20S

40S 30W

0

30E

60E

Contour: observed SLP [hPa] observed extremes defined with 90th, 95th and 99th percentiles no observation

+:

extremes observed (90th)

Contour: control SLP [hPa]

90 70 30 50 10 Probability exceeding climatological 90th percentile [%]

 Figure 10.20  Prévision d’ensemble du risque de précipitation extrême. Exemple du site web de TIGGE des prévisions d’ensemble. Il montre les probabilités de la prévision d’ensemble à partir des modèles TIGGE et du Multi Centre Grand Ensemble (MCGE) aux jours 0-1 pour la prévision de précipitation extrême (dépassant le 90e centile). Il s’agit des prévisions valides pour le 7-8 août 2012 à 1200 UTC, correspondant au cas d’étude montré à la Figure 10.12 pour les prévisions déterministes de contrôle. Les extrêmes observés pour les 90e, 95e et 99e centiles sont montrés à partir du GSMaP. Ils sont aussi superposés sur chaque prévision avec le signe « + ». Source : Reproduit avec l’aimable permission du Dr. Mio Matsueda.

685

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Le MCGE montre des prévisions réussies de ces extrêmes, avec plus de 70 % des membres de l’ensemble s’accordant sur le fait qu’il y aura des précipitations extrêmes (> 90e centile) sur le sud du Mali et entre 30 % et 50 % de prévisions avec des précipitations extrêmes sur le Niger/Algérie. Les prévisions probabilistes des centres individuels montrent un bon accord pour l’événement sud de précipitations, tous avec plus de 70 % de leurs membres de l’ensemble suggérant des précipitations extrêmes. Pour l’événement nord, les EPS du Met Office et du NCEP ont tous deux la majorité (> 70 %) de leurs membres de l’ensemble s’accordant sur un événement extrême, alors que CEPMMT et JMA sont moins certains avec moins de membres (10-30 %) prédisant un extrême. Pour les prévisions aux échéances ultérieures de 3-4 jours, sur la base des ensembles initialisés le 4 août et vérifiés les 7-8 août, nous voyons encore une bonne prévisibilité avec 50-70 % de probabilité pour l’extrême de précipitations sur le sud du Mali, mais moins de prévisibilité pour l’événement sur le Niger/Algérie (Figure 10.21). Occurrence probability of extreme 24hr precipitation Valid: 2012.08.04.12UTC +3–4 days MCGE

40N

mem:147

Extremes observed (GSMaP)

ECMWF

NCEP

mem:51

mem:21

JMA

UKMO

mem:51

mem:24

20N

EQ

20S

40S 0 30W 30E 60E Contour: observed SLP [hPa] observed extremes defined with 90th, 95th and 99th percentiles no observation

+:

extremes observed (90th)

Contour: control SLP [hPa]

10 30 50 70 90 Probability exceeding climatological 90th percentile [%]

 Figure 10.21  Comme la Figure 10.20, mais pour les prévisions des jours 3 et 4 valides à 1200 UTC le 7 août 2012 et initialisées le 4 août à 1200 UTC. Source : Reproduit avec l’aimable permission du Dr Mio Matsueda.

686

10. Prévision numérique du temps en Afrique

Sans doute encore plus intéressant que ce cas prévisible sont ceux avec une prévisibilité plus marginale, pour lesquels les prévisions déterministes opérationnelles ne parviennent pas à reproduire l’événement extrême, mais quelques-uns des membres de l’ensemble perturbé peuvent donner une petite, mais utile, probabilité de conditions météorologiques extrêmes. Il est important d’évaluer ces prévisions d’ensemble qui produisent des statistiques fiables, de sorte que par exemple, elles ne disposent pas d’un taux élevé de fausses alertes pour de tels événements extrêmes (par exemple en prédisant beaucoup plus d’extrêmes qu’observés). Ceci est un domaine où les prévisionnistes et les développeurs de modèles peuvent (et doivent) travailler plus étroitement ensemble pour évaluer ces caractéristiques individuelles de chacun des membres de l’ensemble.

10.2.2.3 Modélisation à échelle convective (kilométrique) À côté des systèmes EPS, une application pratique de la modélisation à haute résolution (1-4 km en mode convection-permitting) est de fournir des indications supplémentaires sur les phénomènes météorologiques violents à l’aide d’une « descente dynamique d’échelle ». Ici nous fournissons quelques exemples de la façon dont les modèles à échelle convective ont été utilisés dans un cadre de PNT.

10.2.2.3.1 Cas d’étude AMMA à échelle convective avec les modèles AROME et COSMO Une étude de cas de PNT par Beucher et al. (2014) pour une période de convection active pendant AMMA 2006 a comparé les performances du modèle global ARPEGE (résolutions de 50 km et 25 km) avec le modèle à l’échelle convective Arome (Seity et al., 2011) fonctionnant avec une résolution de 5 km. Le modèle Arome à 5 km a été initialisé à partir des conditions initiales du système global 4D-Var ARPEGE. Arome a montré une meilleure représentation de tous les régimes de précipitations, des échelles diurne à synoptique, allant de faibles pluies à deux MCS actifs associés à une AEW (Bain et al., 2011) et à une poussée de mousson. Cependant, l’intensité des précipitations a été généralement surestimée de 25 % par Arome. En revanche, le modèle global ARPEGE, avec convection paramétrée, a montré trop de faibles pluies et a sous-estimé les événements de fortes précipitations, même si sa précipitation moyenne quotidienne était plus proche des observations de TRMM. Un autre élément intéressant de cette étude est la sensibilité des prévisions ARPEGE et AROME à l’assimilation des observations micro-ondes supplémentaires sensibles à la surface venant de AMSU-B (suivant Karbou et al., 2010a, 2010b). Bien que ces données d’observation supplémentaires aient amélioré l’analyse ARPEGE, il y a eu un faible impact positif sur les prévisions ARPEGE. Lorsqu’elles sont utilisées pour forcer le modèle Arome, ces conditions initiales améliorées ont donné un avantage beaucoup plus grand, en améliorant la colonne d’eau totale et les prévisions quantitatives de précipitations. Une étude de cas AMMA similaire avec le modèle COSMO utilisé à 2,2 km (Schwendike et Jones, 2010) a examiné le rôle des systèmes convectifs dans le développement d’une AEW qui a

687

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

évolué plus tard pour donner naissance à l’ouragan Hélène. Cette étude a utilisé le modèle COSMO à échelle convective pour étudier les interactions d’échelle complexes entre la convection évoluant en MCS et une AEW d’échelle synoptique, et fournit un très bel exemple de l’utilisation des modèles à échelle convective pour étudier et comprendre la dynamique méso-échelle de ces phénomènes météorologiques extrêmes.

10.2.2.3.2 Cas d’étude : orages violents au-dessus du lac Victoria avec le UnMET à 4 km Ce deuxième exemple est sur l’Afrique orientale, mais il démontre l’utilité potentielle de la modélisation à échelle convective pour un utilisateur final d’une application spécifique sur le lac Victoria. En 2011, le Département de Météorologie de l’Ouganda a lancé un système d’alerte météorologique mobile visant à avertir les pêcheurs locaux de graves événements météorologiques sur le lac Victoria. Le lac est la plus grande étendue d’eau douce tropicale et est notoirement dangereux, avec plusieurs centaines de morts par an attribués à ses tempêtes (orageuses) fréquentes et extrêmes. Le système d’alerte météorologique a été mis en place pour fournir des informations sur la probabilité d’occurrence des orages. Les prévisionnistes ougandais ont utilisé des prévisions météorologiques numériques, combinées avec des observations satellites et les connaissances locales pour émettre des alertes météorologiques directement aux utilisateurs par messages textuels SMS. Les alertes ont été codées par couleur selon la probabilité de l’événement et son impact potentiel. Dans le cadre de l’étude pilote, une version à haute résolution de 4 km du MetUM du Met Office a été mise en place. Le modèle à aire limitée a utilisé le modèle MetUM opérationnel global pour les conditions aux limites. Le modèle global a été lancé quatre fois par jour, initialisé à 0000, 0600, 1200 et 1800 UTC. À partir de la prévision globale à 1800 UTC, une prévision de 3 heures a été lancée pour créer les conditions initiales utilisées aux limites du modèle à 4 km à aire limitée. Le modèle à 4 km a ensuite été lancé pendant 36 heures et a agi efficacement pour « descendre en échelle » la prévision du modèle global, sans assimilation de données dans le domaine. Par conséquent, bien que plusieurs processus aient pu être résolus, ce modèle à aire limitée ne contient pas plus d’informations observationnelles pour le piloter que le modèle global coupleur. Une étude de validation a été effectuée pour évaluer la performance du modèle à 4 km par comparaison au modèle opérationnel global (Chamberlain et al., 2013). Les auteurs ont constaté que le modèle à 4 km a été en mesure de reproduire des vitesses de vent plus élevées et des taux de précipitations plus extrêmes. La Figure 10.22 montre une étude à partir du 5 mars 2012. À cette date, un orage violent a eu lieu dans le sud-est du lac Victoria, et les bulletins des nouvelles locales ont attribué la mort tragique de deux pêcheurs tanzaniens à l’événement. L’image satellite de la Figure 10.22a montre l’enclume d’un orage mature couvrant une grande surface du lac. L’orage a été déclenché à 0000 UTC (0300 LT) et a atteint son maximum

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10. Prévision numérique du temps en Afrique

entre 0300-0600 UTC (0600-0900 LT). Les champs simulés de la Figure 10.22b sont les prévisions à 12 h valides à 0600 UTC. Les deux modèles, tant le global que celui à haute résolution, reproduisent des signaux d’orage dans plusieurs de leurs champs – les rafales de vent sont raisonnablement élevées, le vent à 850 hPa est élevé et les températures au sommet des nuages sont basses. Cependant, dans tous les champs, le modèle à 4 km montre une plus grande plage de valeurs, et donne une indication plus forte qu’un orage peut se produire. (a)

Satellite

(b)

IR 04/03/2012 0300 UTC

NWP models Precip (mm/day)

Wing gusts (kts)

850hPa wind (kts)

20 50 75100

5 10 15 20 25 30

3 6 8 10 15 20

Wind shear (kts)

4km model

Global model

Cloud temp (K)

200

220

240

150

15 20 25 30 35 40

 Figure 10.22  Cas d’étude de l’orage du lac Victoria du 4 mars 2012 : (a) imagerie satellite infrarouge, (b) performance des modèles opérationnels de PNT du Met Office pour le modèle global et celui à 4 km. Source : Chamberlain et al. (2013). Reproduit avec l’autorisation de la Royal Meteorological Society.

L’utilisation des deux modèles donne une plus grande confiance dans les prévisions – les modèles à haute résolution n’ajoutent pas toujours une nouvelle information (autrement dit, il n’y a pas d’observations supplémentaires les pilotant) à la prévision, mais développent des solutions alternatives pour les processus convectifs et aident les décideurs comme un outil supplémentaire. La comparaison des performances des modèles globaux aux modèles à haute résolution est peut-être injuste à certains égards en raison des différences inhérentes dans le détail des sorties. Une prudence doit s’exercer en interprétant les informations des modèles à haute résolution – les modèles à haute résolution auront une meilleure représentation méso-échelle, mais ils souffrent encore de conditions initiales inexactes et d’une mauvaise représentation des processus à l’échelle locale et à micro-échelle.

10.2.2.3.3 Résumé de la modélisation à échelle convective • Les modèles à haute résolution (échelle kilométrique) peuvent ajouter des détails dans les prévisions numériques et ont une représentation améliorée des processus météorologiques de méso-échelle (par exemple, le cycle diurne de la convection sur terre, les systèmes convectifs organisés).

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• Les modèles à haute résolution combinés avec des observations détaillées (par exemple AMMA) sont utilisés en recherche pour informer les scientifiques des éventuels processus absents des paramétrisations des modèles à échelle plus grossière. • Les modèles à haute résolution peuvent être utilisés comme « descente dynamique d’échelle » en conjonction avec les modèles globaux pour augmenter la confiance lors de la préparation de la prise de décision.

Remerciements Ce travail a largement puisé dans les recherches de PNT menées dans de nombreux centres de PNT opérationnels, et en particulier à partir des recherches provenant de la campagne AMMA en Afrique de l’Ouest en 2006 impliquant de nombreux scientifiques à travers de multiples institutions en Afrique, en Europe et aux États-Unis.

Annexe : Acronymes AEW ASCAT CAPE CIN CLP CMC CEPMMT EPS GATE GFS GPS GWD IASI JEA JMA LAM LCL MCGE MetUM MFC

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African Easterly Wave Advanced Scatterometer Convective Available Potential Energy Convective Inhibition Couche Limite Planétaire Canadian Meteorological Centre European Centre for Medium-Range Weather Forecasts Ensemble Prediction System GARP Atlantic Tropical Experiment Global Forecast System Global Positioning System Gravity Wave Drag Infrared Atmospheric Sounding Interferometer Jet d’Est Africain Japan Meteorological Agency Limited-Area Model Lifting Condensation Level Multi-Centre Grand Ensemble Met Office Unified Model Moisture Flux Convergence

10. Prévision numérique du temps en Afrique

MFD MJO MOS MSLP NCEP NMS OMM PNT RTTOV SMAP SMHN SOP SST SWFDP TIGGE TIROS TRMM WAM WMO

Moisture Flux Divergence Madden–Julian Oscillation Model Output Statistics Mean Sea-Level Pressure National Centers for Environmental Prediction National Met Services Organisation Météorologique Mondiale Prévision Numérique du Temps Radiative Transfer for TOVS NASA’s Soil Moisture Active Passive mission, janvier 2015 Services météorologiques et hydrologiques nationaux Special Observing Period Sea Surface Temperature WMO Severe Weather Forecast Demonstration Project THORPEX Interactive Grand Global Ensemble Television and Infrared Observational Satellite Tropical Rainfall Measuring Mission West African Monsoon (mousson ouest-africaine) World Meteorological Organization

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11 Cartes synthétiques d’analyse et prévision sur l’Afrique de l’Ouest : WASA/F Auteurs principaux : Jean-Philippe Laforea et Nicolas Chapelonb Auteurs : Florent Beuchera, Mariane Diop Kanec, Alexandre Gaymardb, Abdou Kasimoud, Serge Lepapeb, Zilore Mumbae, Bernard Orjif, David Osikag, Douglas J. Parkerh, Emmanuel Poana,i, Léon Guy Razafindrakotod et Jean-Christophe Vincendonb Reviewer : ACMAD and the West African forecasting community (feedback coordinated by Abdou) Kassimou, ACMAD, Niamey, Niger Traduction française : Nicolas Chapelonb

a

CNRM-UMR3589, Météo-France et CNRS, Toulouse, France DP/CISMF, Météo-France, Toulouse, France c Agence Nationale de l’Aviation Civile et de la Météorologie du Sénégal (ANACIM), Dakar, Sénégal b

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Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

d

African Centre of Meteorological Applications for Development (ACMAD), Niamey, Niger e University of Zambia, Lusaka, Zambia f Nigerian Meteorological Agency (NIMET), Lagos, Nigeria g Ghana Meteorological Agency, Accra, Ghana h University of Leeds, Leeds, UK i Université du Québec à Montréal, Montréal, Canada

11.1 Introduction Le travail d’un prévisionniste consiste à analyser de nombreuses observations et des produits de prévision numérique du temps (PNT, en anglais NWP pour Numerical Weather Prediction), avant d’établir une prévision du temps pour un lieu et une échéance donnés. C’est un processus complexe impliquant à la fois des critères objectifs et subjectifs, et où l’expérience du prévisionniste joue un rôle important dans la qualité de la prévision finale. La difficulté est encore plus grande pour les régions tropicales où, contrairement aux moyennes latitudes, la circulation atmosphérique est faiblement balancée, ce qui diminue la prédictibilité de l’écoulement et explique les médiocres performances des PNT notamment en ce qui concerne les événements convectifs. Un autre défi concerne la rapidité à laquelle le processus d’élaboration et de diffusion de la prévision doit être effectué, pour une utilisation optimale. Afin d’aider les prévisionnistes de l’Afrique de l’Ouest dans ce difficile travail, un cadre conceptuel a été développé et testé en 2006, lors de la période d’observations spéciales du programme d’Analyse multidisciplinaire de la mousson africaine (AMMA). Ce cadre propose une approche de la prévision basée sur des objets, établie au moyen de modèles conceptuels présentés lors des chapitres précédents. Des méthodes similaires avaient précédemment été développées pour les moyennes latitudes, comme les ANASYG/PRESYG de Météo-France (Santurette et Joly, 2002) ou les cartes SigMet de l’United Kingdom Met Office. Cette approche de la prévision consiste à élaborer des cartes synthétiques uniques, analysées ou prévues pour une échéance donnée, qui recensent les principaux paramètres qui entrent en jeu dans la Mousson ouest-africaine. Pour réaliser la prévision finale d’un événement météorologique, une analyse combinée des principaux paramètres de la Mousson africaine (en suivant les règles présentées et illustrées dans ce guide) est effectuée. Ces cartes synthétiques sont nommées WASA et WASF pour respectivement West African Synthetic Analysis and Forecast. Cette méthode est utilisée à l’ACMAD (African Center of Meteorological Applications for Development) depuis 2006 et fournit un cadre unique et commun à l’intérieur duquel les prévisionnistes des différents pays de l’Afrique de l’Ouest peuvent discuter de la situation présente. En raison de son aspect opérationnel et des progrès réalisés récemment avec le programme AMMA, la méthode a été actualisée et améliorée depuis 2006,

700

11. Cartes synthétiques d’analyse et prévision sur l’Afrique de l’Ouest : WASA/F

en particulier pour être plus reproductible et pour s’appuyer sur des mesures quantitatives. Les onze paramètres suivants sont tous considérés comme importants et apparaîtront sur les cartes WASA/F (Figures 11.1 et 11.2) sous forme de symboles (listés dans le Tableau 11.1), afin d’appréhender les principales caractéristiques de la situation et de prévoir le temps général sur l’Afrique de l’Ouest, notamment la convection profonde et les phénomènes de sable et de poussières. 1. Le FIT (front inter-tropical), ou Intertropical Discontinuity (ITD) 2. La dépression thermique saharienne, ou Heat Low (HL) 3. Le jet subtropical, ou Subtropical Jet (STJ) 4. Les caractéristiques associées aux moyennes latitudes 5. L’air sec de moyenne troposphère 6. Le jet d’est tropical, ou Tropical Easterly Jet (TEJ) 7. Le JEA (jet d’est africain), ou African Easterly Jet (AEJ) 8. Les ondes d’est africaines, ou African Easterly Waves (AEW), et les tourbillons cycloniques 9. La couche de mousson et le thalweg de mousson 10. Le suivi et la prévision des poussières sont largement traités dans la 2e partie du chapitre 5 et en conséquence ne seront pas traités ici. Cependant les symboles de poussières listés dans le Tableau 5.1 doivent apparaître sur les cartes de WASA/F si nécessaire, comme illustré par la Figure 11.2. 11. L’activité convective avec la distinction entre trois cas : • zones de convection inhibée ; • cellules convectives isolées et non organisées ; • systèmes convectifs de méso-échelle, ou Mesoscale convective systems (MCS), et lignes de grains.  Tableau 11.1  Liste des symboles figurant sur les cartes WASA/F. Attention : certains symboles peuvent évoluer ou dépendre du système d’analyse du temps et de prévision utilisé : ceux qui figurent ici émanent du système « Synergie » 1 développé par Météo-France et Météo France International.

FIT (Front inter-tropical) Axe du TEJ (Tropical Easterly Jet) Le noyau doit être tracé avec une indication du niveau considéré, 200 ou 100 hPa

1. http://www.mfi.fr/en/page/meteorological-information-systems/synergie-forecasting.php

701

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Axes du STJ (Subtropical Jet) ou du PJ (Polar Jet) Sortie/ Entrée de jet UTT (thalweg de haute troposphère) Anomalie de tourbillon potentiel (Potential Vorticity PV Anomaly) active / non active Front de surface, froid et chaud Limite d’intrusion d’air sec de moyenne troposphère Axe du JEA (jet d’est africain) Le noyau doit être tracé avec une indication du seuil considéré (25 ou 30 kt) Thalweg des AEW C850 A et D

Dorsale des AEW Tourbillon cyclonique à un niveau spécifique – ici 850 hPa (ou couche) Anticyclone de surface (« A ») et dépression de surface (« D ») (ou en anglais « H » et « L » pour High et Low) Poussée de vent de nord sec Poussée de mousson MT (thalweg de mousson) à 850 hPa ZCIT (zone de convergence inter tropicale) sur l’océan active / non active pour la convection Poussières ou sable (voir Tableau 5.1) Convection et phases de croissance ou de décroissance NB : Les systèmes convectifs organisés doivent apparaître comme une zone rouge.

702

11. Cartes synthétiques d’analyse et prévision sur l’Afrique de l’Ouest : WASA/F

 Figure 11.1  Illustration des différents éléments figurant sur les cartes WASA/F, pour le 15 août 2012 à 0000 UTC.

 Figure 11.2  Illustration des différents éléments figurant sur les cartes WASA/F, pour une situation de sable associée à une interaction avec les moyennes latitudes, pour le 19 octobre 2012 à 1200 UTC. Le FIT est normalement une ligne continue, exceptée à la côte où on peut avoir une zone de transition (notamment au début et à la fin de la saison des pluies), avec deux lignes qui vont se rejoindre et se prolonger en une seule ligne sur terre, voir section 11.2.

703

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

11.2 Front inter-tropical, Intertropical Discontinuity,

ou Intertropical Boundary au Ghana

Le front inter-tropical (FIT) (ITD – pour Intertropical Discontinuity en anglais) ou Intertropical Boundary au Ghana, est représenté par le symbole : 

11.2.1 Principales caractéristiques Le FIT correspond à un fort gradient proche de la surface, qui sépare le flux d’air humide de mousson de sud à sud-ouest au sud du FIT, avec de fortes valeurs d’énergie thermodynamique (et donc de fortes valeurs de la température potentielle pseudo-adiabatique du thermomètre mouillé θ ′w ), du flux d’air sec de nord avec de faibles valeurs de température du point de rosée Td (ou faibles valeurs de θ ′w ) au nord du FIT. En moyenne, il a une orientation zonale, et exhibe un fort cycle diurne de sa pénétration vers le nord. Sur l’océan, la ligne de convergence en surface se positionne entre les vents de sudest et les vents de nord-est et coïncide avec la ZCIT. Cependant, sur l’Afrique de l’Ouest (donc sur terre, par opposition à la mer), le FIT se positionne en général 5° de latitude plus au nord que la zone de précipitations maximales. Ainsi, sur le continent, on préfère éviter l’emploi du terme « ZCIT », et plutôt se référer au thalweg de mousson (MT pour Monsoon Trough en anglais), qui est défini comme la localisation de la convergence et du tourbillon à 850 hPa, et où les perturbations tropicales les plus intenses se produisent en général. Sur les images satellites, le MT est clairement identifiable par de puissants nuages convectifs ou des amas nuageux.

11.2.2 Règles de tracé Les trois critères nécessaires pour tracer le FIT, classés par ordre d’importance décroissant, sont : • La ligne de convergence à la surface (10 m ou 950 hPa), entre les vents de sud et de nord. Ce critère est plus facile à utiliser pendant la nuit (0000 UTC et 0600 UTC). • Un fort gradient d’humidité à la surface (Synop ou analyse à 2 m). On peut utiliser le Td (avec une limite autour de 15 °C), la θ ′w (avec des isolignes de 0,5 en 0,5 °C) ou l’humidité relative (avec une limite autour de 40 %). • La pression réduite à la surface de la mer (MSLP pour en anglais Mean Sea-Level Pressure). En général, la ligne de minimum de pression (la dépression thermique saharienne) va au cours des mois d’été être à proximité du FIT ou au nord du FIT. En général, ces deux lignes ne coïncident pas exactement, mais il s’avère utile de tenir compte du minimum de pression dans la région proche de la côte ouest de l’Afrique où les deux premiers critères peuvent être délicats à utiliser, comme illustré sur la Figure 11.4.

704

(d) (c)

(a)

(b)

11. Cartes synthétiques d’analyse et prévision sur l’Afrique de l’Ouest : WASA/F

 2

 Figure 11.3  Illustration du tracé du FIT à partir de l’analyse opérationnelle de ARPEGE2. (a, b) Carte du Td à 2 m (en couleur), vecteur vent horizontal à 925 hPa et champ de pression MSLP (isolignes avec intervalle de 2 hPa), pour souligner la dépression thermique (HL – seuil de 1 008 hPa et 1 006 hPa respectivement à 0600 UTC (a) et 1800 UTC (b)) pour le 15 août 2012. (c, d) WASA correspondant pour les paramètres FIT et HL. La flèche sur (d) indique la position de la coupe verticale montrée en Figure 11.6. 2.  Modèle global de prévision de Météo-France.

705

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Le tracé basé sur les champs d’analyse du modèle doit être vérifié et corrigé en utilisant les observations de surface (SYNOP et METAR) si disponibles. De même, les cellules convectives détectées à partir des images satellites peuvent aider au tracé du FIT, en considérant que la convection est rare au nord du FIT. Tous ces critères ne convergent pas forcément pour un même tracé, le prévisionniste doit ainsi utiliser son propre jugement en identifiant le critère le plus pertinent de la liste précédente. La Figure 11.3 illustre le tracé du FIT et de la dépression thermique (section 11.2) à deux moments différents de la journée pour tenir compte du fort cycle diurne de ces structures. Il est intéressant de remarquer que la plupart du temps le FIT se positionne légèrement au sud du minimum de pression de surface qui correspond au HL. Le FIT est tracé sur le continent africain de la côte atlantique au Soudan où il a tendance à disparaître.

 Figure 11.4  Illustration du tracé du FIT à proximité de la côte, pour un cas où les critères de convergence à la surface entre les vents de sud et de nord et de gradient maximal de Td (ligne pointillée rouge) ne coïncident pas. On s’appuie alors sur les critères de pression de surface et de vent. À noter la discontinuité entre le FIT sur terre et la ZCIT sur l’océan. Les champs proviennent de l’analyse opérationnelle de ARPEGE pour le 3 août 2012.

Sur l’océan Atlantique, la ZCIT est tracée avec la conjugaison de trois paramètres : la convergence des alizés, le maximum d’énergie (θ ′w > 21 °C) à 950 hPa, et la localisation de la convection, soit isolée, soit organisée (MCS). Il y a une continuité avec

706

11. Cartes synthétiques d’analyse et prévision sur l’Afrique de l’Ouest : WASA/F

les systèmes convectifs sortant du continent africain, mais pas avec le FIT. Ainsi, il n’est pas nécessaire de relier le FIT sur terre et la ZCIT sur mer.

11.2.3 Cas spécifiques En hiver, quand le FIT se positionne sur le sud de l’Afrique de l’Ouest, il peut être délicat de le définir précisément. Par exemple, lors d’épisodes de vents forts d’harmattan associés à des intrusions d’air sec intenses, le FIT peut même être rejeté en mer dans le golfe de Guinée. Dans d’autres cas, les dépressions des moyennes latitudes qui pénètrent sur l’Afrique peuvent modifier la structure du HL et perturber le FIT. Des illustrations de tels cas d’étude peuvent être consultées sur le site http:// www.umr-cnrm.fr/waf_handbook_casestudies/

11.3 Dépression thermique saharienne

ou Heat Low (HL)

11.3.1 Principales caractéristiques En regardant le champ de pression MSLP à grande échelle (Figure 11.5), on peut repérer la position, l’intensité et l’évolution des principaux centres anticycloniques et cycloniques qui pilotent la circulation sur l’Afrique, soit les anticyclones des Açores, de Sainte-Hélène et des Mascareignes (en bleu), les dépressions thermiques de l’Afrique de l’Ouest et de l’Arabie saoudite (en rouge), et les centres de pression des moyennes latitudes de l’hémisphère nord. Cependant, la pénétration et le retrait de la mousson sur le continent africain sont grandement pilotés par la dépression thermique saharienne, qui doit être indiquée sur les cartes WASA/F. En général, les dépressions thermiques (HL) se limitent aux plus basses couches de l’atmosphère, mais sur l’Afrique de l’Ouest, le HL a une extension verticale très importante, parfois jusqu’à 600 hPa, et une grande intensité. De plus, la position et l’extension du HL semblent fortement pilotées par les circulations et les perturbations des moyennes latitudes, comme on peut le voir dans les sections 2.1.4 et 2.1.5. Le fort cycle diurne du HL est tel que : • Le HL atteint son maximum (donc minimum de pression) en fin d’après-midi, en réponse au chauffage diurne intense. • Cependant la réponse du vent n’est pas instantanée, le maximum de vent a donc lieu en fin de nuit. • En général, le FIT suit la position du minimum de pression du HL, mais il y a une extension du HL vers le nord dans l’après-midi. La convergence de surface sur le FIT atteint son maximum entre 0000 et 0600 UTC, elle est plus faible en cours de journée.

707

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

50N 40N 30N 20N 10N 0 10S 20S 30S 60W

40W

20W

0

20E

40E

60E

1002 1006 1010 1014 1018 1022 1026 1030 1034 1038 1000 1004 1008 1012 1016 1020 1024 1028 1032 1036 1040

10

 Figure 11.5  Moyenne journalière du champ de pression MSLP et vent à 925 hPa pour le 15 août 2012, disponibles sur le site MISVA (http://isv.sedoo.fr/index) pour l’analyse opérationnelle du ECMWF. Les zones en rouge et bleu correspondent respectivement aux centres de basses et de hautes pressions.

11.3.2 Règles de tracé Le HL est mis en évidence par des pressions inférieures à un seuil donné, mais on doit pour cela tenir compte de son fort cycle diurne, avec un minimum de pression autour de 1800 UTC et la plus faible dépression autour de 1200 UTC. Ainsi, on propose de tracer des isolignes de pression de surface tous les 2 hPa, avec les critères suivants, illustrés par la Figure 11.3 : • • • •

à 1200 UTC inférieures à 1 010 hPa à 1800 UTC inférieures à 1 006 hPa à 0000 UTC inférieures à 1 008 hPa à 0600 UTC inférieures à 1 008 hPa

Si le HL est faible et n’est plus visible avec de tels seuils, la position et l’intensité du minimum de pression doivent tout de même être indiquées. La plupart du temps, le HL se situe dans le nord du Mali et de la Mauritanie, mais il y a également des modulations du HL qui circulent d’est en ouest le long du FIT et qui sont en lien avec la propagation des AEW.

708

11. Cartes synthétiques d’analyse et prévision sur l’Afrique de l’Ouest : WASA/F

Pour étudier plus précisément la structure du HL, deux diagnostics complémentaires sont utiles : 1) Une coupe verticale de θ à travers le HL (ou sondage vertical), notamment à 1800 UTC, quand la convection sèche a généré une couche homogène entre la surface et le niveau 700-600 hPa (θ ≈ 44-45 °C) comme illustré sur la Figure 11.6. 2) Une carte de température potentielle à 850 hPa (si disponible) met en valeur la trace du HL (> 38 °C), comme on peut le voir sur le site MISVA (http://isv. sedoo.fr/index) (Figure 11.7). La température potentielle et les anomalies de vent expliquent respectivement la position et l’extension du HL, et son évolution. Par exemple, dans le cas illustré sur la Figure 11.7, en raison d’une forte anomalie de vent de sud sur l’Europe de l’Ouest, on s’attend à un décalage du HL vers le nord et à son intensification entre le 15 et le 17 août 2012.

 Figure 11.6  Coupe verticale de la température potentielle θ dans la dépression thermique, le 15 août 2012 à 1800 UTC, le long de la flèche tracée sur la Figure 11.3, du [28°N ; 15°W] au [18°N ; 1°E]. Dans ce cas, l’air chaud de la couche limite associé au HL s’étend verticalement jusqu’au niveau 600 hPa approximativement.

709

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

(a)

Analysis: 2012-08-15

50N 40N 30N 20N 10N 0 80W

(b)

60W

40W

20W

0

20E

40E

60E

Forecast: 2012-08-17 (J+02)

Init: 2012-08-15

50N 40N 30N 20N 10N 0 80W

60W

40W

20W

–8 –10

–4 –6

0 2

–2

20E

4

40E

60E

10

6 8

5

 Figure 11.7  Cartes de moyenne journalière des anomalies de la température potentielle θ à 850 hPa (°C – couleurs) et des anomalies de vent (flèches, m s–1) pour (a) l’analyse du ECMWF du 15 août 2012 et (b) pour l’échéance de prévision à deux jours, le 17 août 2012. Les contours indiquent les valeurs absolues de θ à 850 hPa (en °C) avec un contour tous les 4 °C, à partir de 38 °C, de façon à faire apparaître la zone du HL. Toutes les anomalies sont obtenues à partir d’une climatologie journalière du cycle saisonnier, calculée avec la réanalyse ERA-Interim. Les données 6 h du ECMWF sont moyennées pour obtenir des données quotidiennes. Les cartes sont disponibles sur le site MISVA (http://isv.sedoo.fr/index). Source : Lafore et al. (2012), Reproduit avec l’autorisation de Météo-France.

710

11. Cartes synthétiques d’analyse et prévision sur l’Afrique de l’Ouest : WASA/F

11.4 Jet subtropical Symbole : Dans les couches supérieures de l’atmosphère, le noyau du jet subtropical (STJ pour Subtropical Jet en anglais) marque la séparation entre la troposphère tropicale épaisse (~ 16 km d’épaisseur) et la troposphère moins épaisse des moyennes latitudes (~ 10 km). Le STJ est associé à une bande de tourbillon potentiel intense (PV pour Potential Vorticity). Pour identifier le STJ, l’utilisation des vecteurs vent sur des iso-surfaces de PV est recommandée (à 0,7 ou 2 PVU), comme illustré sur la Figure 11.8. Si ces iso-surfaces de PV ne sont pas disponibles, on peut utiliser à la place des cartes de vent autour du niveau 200 hPa.

(a)

 Figure 11.8   (a) Image satellite du canal vapeur d’eau de Météosat et géopotentiel à 0,7 PVU (en isolignes marron, toutes les 50 dmgp et en dessous de 1 100 dmgp).

711

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale (a)

(b)

(c)

 Figure 11.8  (Suite) (b) Carte WASA correspondante pour le STJ, les paramètres des moyennes latitudes et les intrusions d’air sec pour le 15 octobre 2012 à 1200 UTC. Les champs proviennent de l’analyse opérationnelle de ARPEGE. (c) Hauteur de géopotentiel (dmgp) à 300 hPa et vecteurs vent à 0,7 PVU (zones colorées en bleu pour des vents supérieurs à 60 nœuds).

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11. Cartes synthétiques d’analyse et prévision sur l’Afrique de l’Ouest : WASA/F

Sur les cartes WASA/F le STJ est représenté par des zones où l’intensité du vent est supérieure à un seuil donné (Figure 11.8b). La difficulté provient du fait que ce seuil va dépendre de la saison en cours. Nous proposons d’utiliser un seuil de 45 kt durant la saison de mousson (de mai à septembre), puisque le STJ est moins intense à cette période, et un seuil de 60 kt pendant l’hiver. La valeur du seuil doit être reportée sur les cartes WASA/F. L’axe du STJ est également tracé (symbole du cœur de jet) en suivant les lignes de flux le long de son maximum d’intensité. Climatologiquement, le STJ se positionne sur le Maghreb au cours de la mousson, il peut se situer sur le Sahel lors des périodes de transition en juin et en septembre, et est permanent durant l’hiver. Le rôle du STJ sur le temps en Afrique de l’Ouest n’est pas encore très clair, mais il est conseillé aux prévisionnistes de suivre sa position. Le STJ est relié à l’anticyclone de Libye en hiver, et participe aux interactions entre les tropiques et les moyennes latitudes par l’intermédiaire des thalwegs des moyennes latitudes. Le chapitre 2 fournit des explications plus précises et un schéma conceptuel de ces interactions (Figure 2.20). Les zones d’accélération et de décélération du STJ, appelées entrée et sortie de jet, peuvent forcer la circulation agéostrophique. Une des conséquences est que l’on observe un effet d’ascendance à la droite de l’entrée du jet et à la gauche de la sortie du jet, et réciproquement une subsidence en entrée gauche et sortie droite du jet. Ces effets apparaissent sur les champs de vitesse verticale en moyenne troposphère (entre 700 et 600 hPa) où la vitesse verticale peut forcer la convection à travers des ascendances ou l’inhiber dans des régions de subsidence. Dans ces cas-là, le prévisionniste peut utiliser les symboles (voir Tableau 11.1) dédiés aux zones d’entrée et de sortie.

11.5 Structures associées aux moyennes latitudes Symboles :

  

Comme indiqué dans le chapitre 2 (section 2.1.4), les éléments des moyennes latitudes peuvent influencer le temps des régions du Nord et de l’Ouest de l’Afrique. Ces éléments sont suivis et tracés de manière systématique par tous les centres de prévision des moyennes latitudes, et représentent des produits standards pour la plupart des centres de PNT. Pour assurer la cohérence avec le travail des prévisionnistes des moyennes latitudes, nous appliquons ici les mêmes règles de tracé pour les cartes WASA/F. Comme illustré par la Figure 11.8b, les éléments à tracer pour caractériser les structures des moyennes latitudes sont : • Le noyau du jet polaire (PJ pour Polar Jet en anglais), détecté sur les surfaces PV (0,7 ou 2 PVU), avec indication des zones d’entrée et de sortie de jet (comme pour le noyau de STJ). • Les fronts froids et chauds en surface, avec les symboles classiques. • Les foliations de tropopause sont tracées au moyen de l’image satellite du canal vapeur d’eau (zones noires) couplées à une baisse de la hauteur géopotentielle sur la surface PV (Figure 11.8a). Si elles sont associées à des bandes de précipitations, elles sont considérées comme actives et représentées par des lignes noires épaisses pleines, sinon par des lignes noires épaisses pointillées (Tableau 11.1).

713

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

• D’expérience, dans les tropiques, il apparaît utile d’ajouter le tracé du thalweg de haute troposphère (UTT pour Upper Tropospheric Trough en anglais, ligne de « T » bleus) à 200 hPa, repéré à l’aide du champ de tourbillon et des lignes de flux. En effet, le UTT atteint souvent les tropiques, alors que le PJ reste dans les moyennes latitudes. La Figure 11.8 fournit une illustration du tracé de ces structures des moyennes latitudes, qui peuvent interagir avec le STJ et influencer le temps sur l’Afrique, plus fréquemment en hiver et au printemps. Dans le cas d’étude d’interactions tropiques - extra-tropiques (CS03, sur le site http://www.umr-cnrm.fr/waf_ handbook_casestudies/), la pénétration du UTT vers le sud et son croisement avec le STJ génèrent une plume tropicale (Tropical Plume en anglais) et une rupture du STJ, ainsi que des tempêtes de sable (chapitre 5, Figure 5.6) et événements froids.

11.6 Air sec en moyenne troposphère Symbole :  

11.6.1 Principales caractéristiques L’air sec dans les couches moyennes peut avoir un rôle important mais contradictoire sur la convection, soit comme un facteur d’inhibition, notamment lors de la phase d’initiation de la convection, soit comme un facteur favorable, en organisant la convection à travers l’évaporation des précipitations qui alimente les courants de densité (voir section 11.12, 3.1.2.2 et 3.2.2). Ce rôle contradictoire est d’une importance capitale pour la compréhension de la mousson ouest africaine, puisque l’air sec en moyenne altitude prédomine la plupart du temps sur le Sahel et le Sahara. L’origine de cet air sec et de ses interactions avec la convection est encore un sujet de recherche (voir section 2.1.5). Une des principales origines de cet air sec se situe sur le flanc sud anticyclonique du jet polaire, dans sa zone de sortie sur l’Europe de l’Ouest. Les particules d’air plongent ensuite sous le jet subtropical, avant de poursuivre leur route sur le Sahara en direction du Sahel.

11.6.2 Règles de tracé Les limites d’air sec sont tracées sur les cartes WASA/F (lignes bleues hachurées) dans les zones où le gradient horizontal de Td (autour de – 36 °C), de l’humidité relative (inférieure à 15 %), ou de la θ ′w (inférieure à 19 °C) sont maximales (Figure 11.9). En général, l’air sec se trouve à 500 hPa au nord du FIT, mais, audessus de la couche de mousson, son altitude peut varier entre 500 et 700 hPa. Des coupes verticales peuvent aider à déterminer la limite et le niveau d’altitude associé,

714

11. Cartes synthétiques d’analyse et prévision sur l’Afrique de l’Ouest : WASA/F

qui peut en de rares cas se trouver à 400 hPa ou 800 hPa. Regarder parallèlement le vent à 600 hPa permet de voir si cet air sec est advecté vers le sud ou le sud-ouest. La Figure 11.8b fournit des exemples de tracés de limites d’air sec de moyenne troposphère sur les cartes WASA/F.

(a)

(b)

 Figure 11.9  Tracé de l’air sec en moyenne troposphère (a) en utilisant les cartes de Td à 600 hPa (b) fournies par l’analyse opérationnelle de ARPEGE pour le 13 août 2012 à 1200 UTC.

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Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Dans certains cas, particulièrement lors de la saison de mousson, l’air sec tropical sur le golfe de Guinée pénètre sur le continent ouest africain, au sud de la zone des maximums de précipitations. Ces zones d’air sec doivent aussi être reportées sur les cartes, à l’instar de celles venant des moyennes latitudes. Cependant, cet air sec tropical est nettement moins sec que l’air sec provenant des moyennes latitudes, elles atteignent un minimum de 15 % d’humidité relative, à mettre en rapport avec les 5 % pour l’air extra-tropical.

11.7 Jet d’est tropical (Tropical Easterly Jet, TEJ) Symbole :

11.7.1 Principales caractéristiques Le TEJ est un jet d’est de haute altitude situé pendant la saison de mousson au sud du FIT et au nord de l’équateur. Il correspond à la branche supérieure de la circulation de Walker, initiée par la mousson indienne. La climatologie pour les mois de juillet-aoûtseptembre fait ressortir deux noyaux d’intensité supérieure à 35 nœuds, à 100 hPa et 200 hPa, autour du 15°N et 8°N respectivement. L’apparition de ce dernier noyau le long de la côte est simultanée avec l’installation de la petite saison sèche sur le golfe de Guinée et de la saison humide sur le Sahel. Ses accélérations au-delà de 45 nœuds correspondent à la suppression de la convection profonde dans le golfe de Guinée. La relation entre le TEJ et l’activité convective est complexe, mais l’accélération du noyau de haute altitude semble intimement liée au renforcement de la mousson indienne, se propageant vers l’ouest sur l’Afrique. Le second noyau à 200 hPa résulte d’une accélération du vent d’est au sud des gros MCS. Ceci est dû à la circulation anticyclonique divergente générée en haute altitude par l’activité convective importante dans la ZCIT. Bien que pour le moment nous n’ayons pas une bonne compréhension physique ni de réelle preuve d’observation du rôle joué par le TEJ, nous recommandons de le tracer systématiquement sur les cartes WASA/F pour caractériser la situation synoptique et pour mieux comprendre les interactions entre le TEJ, l’écoulement synoptique et la convection. Par exemple, l’initiation de certaines périodes convectives sur l’Afrique de l’Est (qui se propagent ensuite sur l’Afrique de l’Ouest) semble suivre les accélérations du TEJ associées aux périodes actives de la mousson indienne.

11.7.2 Règles de tracé Pour localiser les noyaux de TEJ, une analyse du vent horizontal à différents niveaux (200 à 100 hPa, Figure 11.10a) est recommandée, ou, si possible, à un niveau

716

11. Cartes synthétiques d’analyse et prévision sur l’Afrique de l’Ouest : WASA/F

de PV (1 PVU). Des coupes verticales Nord-Sud peuvent fournir une meilleure vue de la structure du jet (Figure 11.10c, d). Les noyaux sont indiqués avec un seuil allant de 40 et 50 nœuds et l’axe du maximum de vent est tracé le long des lignes de flux avec le symbole du jet. Il est possible de trouver plusieurs noyaux de TEJ, le niveau correspondant en pression doit donc être également indiqué comme sur la Figure 11.10b. (a)

(b) D B 100 hPa C

200 hPa

A

50

Pression (hPa)

100 200

30

300

30

400

600

20

50

(d) 0

5040

50 40

5040

100

30 40 30 30

20

20

500

30

20 30

20 30

Pression (hPa)

(c) 0

40 30

200

40 40

50

50

40

20

400 10

500 10

A

B

20

30

300

40

600

20

A

0 D

 Figure 11.10  Illustration du tracé du TEJ pour le 13 août 2012 à 1200 UTC (a) vecteur vent (kt) à 200 hPa (seuil 45 kt) en rouge, et à 100 hPa (seuil 45 kt) en bleu. (b) WASA correspondant pour le tracé du TEJ, (c, d) Coupes verticales nord-sud de l’intensité du vent zonal le long des segments AB et CD respectivement, indiqués sur le panneau (a). Les champs proviennent de l’analyse opérationnelle de ARPEGE.

11.8 Jet d’est africain (JEA) Symbole :

11.8.1 Principales caractéristiques Le JEA est un jet d’est qui se situe dans la couche 500-700 hPa avec un maximum climatologique autour de 600 hPa, et une vitesse moyenne autour de 15 ms–1, ou à peu près 30 nœuds. Sa position moyenne en été se trouve autour du 16°N, avec un

717

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

noyau maximum sur le nord du Sénégal et le sud de la Mauritanie. Ses variations méridiennes sont importantes (entre le 8°N et le 20°N) ; il est limité au nord par la latitude du FIT (typiquement entre 20 et 25°N) et peut dans certains cas migrer vers le sud jusqu’à la côte lors des pauses de mousson. L’axe du JEA correspond à la bande zonale de forte baroclinicité séparant les régions soudanaises humides et relativement froides des zones sahariennes sèches et chaudes. Le JEA est un acteur clé de la mousson à surveiller, de même que ses oscillations (voir AEW, développées en section 11.9).

11.8.2 Règles de tracé • À l’instar du tracé du TEJ, les noyaux du JEA sont mis en évidence par des lignes noires épaisses. Le seuil généralement choisi se situe entre 20 et 30 nœuds (10 à 15 m s–1). Le choix du seuil est estimé par le prévisionniste, et doit être indiqué dans la zone du noyau. Les noyaux sont tracés en utilisant les vecteurs vent et l’intensité dans la couche 600-700 hPa (Figure 11.11a, b). • Le seuil choisi pour tracer le JEA dépend du modèle de PNT utilisé, et pour une analyse au niveau 700 hPa le seuil est généralement plus bas. Le seuil peut varier entre approximativement 10 m s–1 pour le modèle anglais à 13 m s–1 pour le modèle français ARPEGE à 600 hPa. Afin d’assurer une bonne cohérence du JEA dans le temps et en longitude, on doit éviter des seuils trop élevés. • L’axe du maximum du JEA est également tracé sur toute l’Afrique (lignes vertes avec des flèches). Pour tracer cet axe, un seuil plus faible entre 15 et 20 nœuds est proposé pour le vecteur vent et son intensité (Figure 11.11b). Cet axe peut être interrompu si l’intensité du vent est trop faible ; il est tracé si possible le long des lignes de flux. Quand un double maximum apparaît pour une longitude donnée, un second axe peut être tracé. Une telle configuration est la signature typique d’une situation active à l’avant du thalweg d’une onde d’est africaine, avec la possibilité d’un déferlement à venir (voir les Figures 2.30 et 2.31 en section 2.2.2.2). • Au nord du FIT, d’autres jets de moyenne troposphère peuvent exister, mais ils ne correspondent pas à des JEA : ils sont liés au passage d’ondes de Rossby des moyennes latitudes qui pénètrent sur le Nord de l’Afrique. Bien que ces jets au nord du FIT ne soient pas des JEA, ils peuvent interagir avec et forcer le JEA et ainsi moduler l’activité des AEW. Il est donc recommandé de tracer de tels jets au nord du FIT sur les cartes WASA/F (Figure 11.11c). La section suivante 11.9 sur les AEW propose un diagnostic pour suivre les mécanismes de forçage par les ondes des moyennes latitudes. La côte guinéenne au sud et le FIT au nord sont les limites naturelles du JEA.

718

11. Cartes synthétiques d’analyse et prévision sur l’Afrique de l’Ouest : WASA/F

(a)

(b)

(c)

30 kt

30 kt

30 kt

 Figure 11.11  Illustration du tracé du JEA pour le 15 août 2012 à 1200 UTC en utilisant le système de prévision « Synergie » et l’analyse opérationnelle de ARPEGE. (a) Vecteurs vent à 600 hPa, avec un seuil d’intensité de 30 nœuds et (b) 20 nœuds, et (c) la carte WASA correspondante pour l’axe du JEA et ses noyaux, et pour les noyaux de vent en moyenne troposphère au nord du FIT.

719

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

11.9 Ondes d’est africaines (African Easterly Waves,

AEW) et tourbillons cycloniques

Symboles :

11.9.1 Principales caractéristiques Les ondes d’est africaines (AEW) sont des perturbations synoptiques se produisant pendant la période de mousson (mai à octobre) sur l’Afrique de l’Ouest. Elles apparaissent typiquement sur l’est du Sahel (15-30°E ; 10-15°N). Leur amplitude maximale en termes de vent méridien atteint à peu près 5 m s–1 autour du niveau du JEA (ou autour de 650 hPa). En dessous de ce niveau, l’axe du thalweg présente typiquement une inclinaison prononcée vers l’est, alors qu’au-dessus du JEA, l’axe présente une inclinaison vers l’ouest ; cependant, une grande variabilité dans cette inclinaison peut apparaître d’un cas à l’autre. Une forte convergence est présente à l’avant du thalweg entre la surface et 850 hPa, avec de la divergence au-dessus, autour de 600 hPa. Les AEW ont une longueur d’onde moyenne d’à peu près 2 500 km et se propagent vers l’ouest à une vitesse autour de 6° à 7° par jour, ce qui correspond à une période typique d’oscillation de 3-5 jours. Elles se renforcent à mesure qu’elles se propagent vers l’ouest et concernent une épaisse couche d’atmosphère. En fait, on observe une grande variabilité des caractéristiques et de la structure de ces AEW, en particulier en raison de leur fort couplage avec la convection et la surface. Suite à ces fortes variations d’un cas à l’autre, et de la variabilité de l’intensité de la convection associée à ces ondes, le tracé des AEW est un des exercices les plus difficiles pour le prévisionniste africain, car il ne lui est pas facile d’éviter un jugement subjectif. Un critère important à garder en tête est la continuité temporelle de la structure. En effet, on peut souvent suivre une onde pendant plusieurs jours lorsqu’elle traverse l’Afrique du Tchad à l’Atlantique. Pour mener à bien cette tâche délicate, le prévisionniste doit toujours avoir en tête les modèles conceptuels présentés en détail dans le chapitre 2 (section 2.1.3), auxquels il ajoute sa propre expérience de l’observation de l’atmosphère en temps réel.

11.9.2 Règles de tracé Pour représenter les AEW sur les cartes WASA/F, on trace les deux éléments principaux qui caractérisent une onde, à savoir les thalwegs et les dorsales (double ligne noire épaisse respectivement continue et tiretée). L’axe du thalweg est en général orienté nord-sud et correspond à la ligne où le vent méridien s’annule à 600 ou 700 hPa, ou de manière équivalente, à la limite la plus nord de la ligne de flux incurvée. Il est plus facile de détecter les ondes grâce aux lignes de flux et encore plus sur les champs de tourbillon (seuil à 6 × 10–5 s–1) comme illustré respectivement sur les Figures 11.12a et b. Une extension longitudinale du tourbillon est représentative en général du cisaillement horizontal présent sur le flanc sud du noyau du JEA, sinon elle peut être la signature d’un thalweg de l’onde.

720

11. Cartes synthétiques d’analyse et prévision sur l’Afrique de l’Ouest : WASA/F

(a)

(b)

 Figure 11.12  Illustration du tracé du thalweg de l’AEW (ligne double noire épaisse) pour le 15 août 2012 à 0000 UTC en utilisant le système de prévision « Synergie » et l’analyse opérationnelle ARPEGE : (a) lignes de flux (en bleu) et (b) champ de tourbillon (isolignes en rose au-dessus de 6 x 10–5s–1) à 600 hPa avec superposition des vecteurs vent (rouge) au-dessus de 30 nœuds pour faire ressortir les noyaux du JEA (intensité en isolignes bleu clair) à 600 hPa.

721

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

400

(c)

Pression (hPa)

500

600

700

800

900

A 400

B

(d)

Pression (hPa)

500

600

700

800

900

C 400

D

(e)

Pression (hPa)

500

600

700

800

900

E

F

 Figure 11.12  (Suite) (c, d et e) coupes verticales du vent méridien (nœuds) à 3 latitudes respectivement selon les sections AB, CD et EF, indiquées en rouge sur (a). La ligne double tiretée sur (a) correspond à la dorsale.

722

11. Cartes synthétiques d’analyse et prévision sur l’Afrique de l’Ouest : WASA/F

Pour éviter un tracé subjectif du thalweg, il est recommandé d’analyser la structure verticale du système selon l’une ou les deux manières suivantes : 1) Pour comprendre la nature et l’intensité de la structure des AEW, les prévisionnistes doivent analyser la structure verticale de l’onde sur des cartes horizontales, couche après couche. En particulier, il est conseillé de vérifier la cohérence du flux de mousson en surface, de la circulation cyclonique à 850 hPa et du thalweg de l’onde à 700 hPa ou 600 hPa. Des structures typiques à analyser sont montrées en section 2.1.3.3, et schématiquement sur la Figure 2.10. 2) Lorsque cela est possible, il est conseillé de faire des coupes verticales du vent méridien à travers le thalweg de l’onde, mis en évidence au préalable par les lignes de flux et les vents en moyenne troposphère (Figure 11.12c-e). Dans ce cas, l’axe du thalweg (isoligne « 0 » noire épaisse) penche vers l’arrière (vers l’est avec l’altitude), ce qui est conforme au modèle barocline conceptuel. Plusieurs coupes verticales longitudinales sont nécessaires pour tracer entièrement l’axe du thalweg. Il est à noter que la convection peut perturber la structure du thalweg en modifiant son inclinaison, comme illustré par la coupe verticale E-F. Cette méthode donne aussi une bonne indication de l’intensité de l’onde, en fournissant des valeurs d’intensité de vent de sud et de nord de part et d’autre de l’axe du thalweg. Sur la base de l’eau précipitable (PW) et de l’analyse « barotrope », les Figures 11.13a, b, c proposent trois diagnostics complémentaires disponibles sur le site MISVA, afin d’aider à l’analyse des AEW. 1) La Figure 11.13a permet la détection des phases sèches et humides de l’AEW, correspondant aux anomalies de PW et aux anomalies de vent de basses couches associées. Dans le cas présent, nous avons deux événements humides à 10°E et 16°W et un événement sec entre les deux (à 2°W). En accord avec le modèle conceptuel (section 2.1.3.3 ; Figure 2.10), les événements sec et humide au nord du JEA prennent place à l’arrière (à l’est) respectivement des dorsales et thalwegs. Ainsi, la position latitudinale du FIT (voir la carte WASA de la Figure 11.13.d) reflète ces événements, avec le FIT rejeté vers le nord autour des longitudes où a lieu la phase humide de l’anomalie de PW de l’onde d’est. 2) L’analyse « barotrope » consiste à regarder la circulation moyenne dans une couche qui se situe en dessous du niveau du JEA. Cette approche permet de filtrer naturellement les plus petites et les plus courtes structures, ce qui aide à la détection des principales caractéristiques synoptiques en ayant une meilleure continuité temporelle. Elle consiste en deux diagnostics complémentaires illustrés par les Figures 11.13b et c. La Figure 11.13b représente le vent méridien moyen dans la couche 600-925 hPa en couleur et la circulation horizontale moyenne en basses couches (925-850 hPa) indiquée par les vecteurs vent. C’est un diagnostic efficace pour repérer les fortes poussées de mousson (zones positives en bleu) ou les poussées de nord au-dessus d’une couche de mousson peu épaisse (zones négatives en rouge). Ces poussées de mousson et de nord sont quasiment en phase avec les phases respectivement humide et sèche de l’onde d’est, en conformité avec le modèle conceptuel (section 2.1.3.3 ; Figure 2.10). Ce diagnostic permet aussi de repérer les ondes de Rossby des moyennes latitudes qui circulent vers l’est, et influencent le temps sur l’Afrique, et les poussées de mousson provenant du golfe de Guinée et circulant vers l’ouest.

723

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

3) La Figure 11.13c représente les lignes de flux (en bleu) du flux moyen dans la couche 950-600 hPa avec son intensité (isolignes, au-dessus de 7,5 m s–1) et du tourbillon (en couleur). Combiné à l’intensité du vent méridien (en couleur sur la Figure 11.13b), ceci facilite le tracé des axes des thalwegs et des dorsales « moyens » (respectivement ligne rouge pleine et ligne rouge pointillée). Le thalweg à 600 hPa tracé sur le WASA (Figure 11.13d) est détecté quelques degrés à l’ouest de la plus forte PW*, en accord avec le composite de l’onde d’est (Figure 2.7 de la section 2).

 Figure 11.13  Diagnostics complémentaires issus de l’approche en PW de la structure des ondes d’est et de « l’analyse barotrope », disponibles sur le site MISVA (http://isv.sedoo.fr/index) pour le 15 août 2012 à 0000 UTC : (a) PW* (en couleur, en mm) et anomalies de vent horizontal à 925 hPa (m s–1) ; (b) vent méridien moyen dans la couche 925-600 hPa (couleur, en m s–1) et vecteur vent horizontal moyen dans la couche 925-850 hPa.

724

11. Cartes synthétiques d’analyse et prévision sur l’Afrique de l’Ouest : WASA/F

 Figure 11.13  (Suite) (c) lignes de flux (bleu) pour le flux moyen dans la couche 950600 hPa, avec l’intensité du vent horizontal moyen (isolignes noires audessus de 7,5 m s–1) et tourbillon (en couleur, 10–5 s–1) ; (d) carte WASA correspondante pour le JEA et les AEW. Les positions de l’axe moyen du thalweg et de la dorsale comme détectées par la circulation moyenne dans la couche 950-600 hPa (c) sont superposées aux figures (b, c et d) avec respectivement des lignes rouges pleines et pointillées. Les différents champs proviennent de l’analyse opérationnelle du ECMWF.

725

Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

La combinaison de ces trois diagnostics est également un puissant outil pour détecter de manière précoce l’initiation des AEW à l’est. C’est le cas sur le Soudan où l’initiation est mise en valeur par une circulation moyenne fermée sur la Figure 11.13c. Elle est confirmée par un dipôle de vent de sud et de nord (Figure 11.13b) couplé à une anomalie de PW (Figure 11.13a), ce qui suggère une phase de développement. D’autre part, on observe dans la bande sahélienne un dipôle zonal intense d’anomalies sèche/humide, associé à un dipôle d’anomalies de vent de basses couches de nord/de sud (comme entre le Nord Niger et le Nord Mali – Figure 11.13b) : ceci est un indicateur du développement intense de l’onde d’est (section 2.1.3). On doit bien avoir conscience que l’utilisation des anomalies de PW amplifie la partie nord de la structure des ondes d’est, puisque les anomalies sont plus fortes là où les gradients moyens de PW sont plus prononcés. Le tracé des dorsales est moins précis que celui des thalwegs, car la circulation anticyclonique définit une zone plus large. La même méthode, utilisant les couches et/ ou les coupes verticales, comme pour les thalwegs, peut être utilisée. La combinaison des lignes de flux moyennées (Figure 11.13c) et du vent méridien moyen dans la couche 600-925 hPa (Figure 11.13b) peut être utilisée efficacement. Par exemple, les lignes rouges pointillées sur la Figure 11.13 permettent de repérer une dorsale intense et une circulation anticyclonique moyenne sur l’Atlantique et sur le Sud du Sénégal correspondant à une zone de convection inhibée (voir Figure 2.29d). D’autre part, quand il est intense, le champ de tourbillon au niveau du JEA (Figure 11.13c) permet la détection des centres cycloniques actifs, qui sont indiqués sur les cartes WASA/F avec le symbole C600, l’indice caractérisant le niveau considéré (en hPa). Le chapitre 2 fournit des illustrations de l’utilisation de ces diagnostics (voir section 2.2.2).

11.10 La couche de mousson et le thalweg

de mousson (Monsoon Trough, MT)

Symboles :

  

11.10.1 Principales caractéristiques Tracer le FIT et indiquer ainsi la pénétration vers le nord de la mousson n’est pas suffisant pour caractériser le flux de mousson, qui est le principal apport d’humidité alimentant l’activité convective. Nous avons également besoin d’une description de sa circulation, de son épaisseur et de son énergie qui sont directement reliées à la quantité d’eau disponible dans cette couche. De telles variables comme θ ′w ou

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11. Cartes synthétiques d’analyse et prévision sur l’Afrique de l’Ouest : WASA/F

l’humidité relative associées au vent horizontal sont cruciales pour les prévisionnistes afin d’analyser cette couche en détail. Une des principales caractéristiques au sein de la couche de mousson est le thalweg de mousson (MT pour Monsoon Trough en anglais). Contrairement à son pendant océanique, appelé la ZCIT, le MT qui est une ligne de convergence entre les vents de sud-ouest et les vents de nord-est n’est pas verticale, puisque la convergence en surface qui a lieu au niveau du FIT est décalée d’à peu près 5° vers le nord. Il en résulte une ligne de tourbillon autour de 850 hPa située en général sur le flanc sud du JEA. Comme le vent horizontal moyen est faible à 850 hPa, les lignes de flux dessinent de manière typique des circulations fermées s’enroulant autour des centres cycloniques situés le long du MT. Le MT est un paramètre clé à surveiller, car il représente une zone favorable à l’activité convective (déclenchement et organisation), encore plus lorsque les centres de tourbillon associés au MT sont en phase avec ceux couplés au passage d’une onde d’est, situés juste au-dessus (autour de 600-700 hPa).

11.10.2 Règles de tracé Pour caractériser la mousson, deux éléments sont tracés sur les cartes WASA/F, à savoir le MT (symbole de ligne de convergence rouge montré dans le Tableau 11.1) et le noyau des poussées de mousson et des poussées de nord avec une double flèche rouge. (Figure 11.14b). • Le MT est repéré à 850 hPa, comme une ligne de tourbillon maximum (Figure 11.14a), s’étendant au sud du FIT, et généralement juste au sud du noyau du JEA. Cette ligne va relier les tourbillons cycloniques à ce niveau. Pour les tourbillons les plus intenses (seuil de 6 × 10–5 s–1), le centre de la circulation sera marqué d’un C. Les cartes de tourbillon à 850 hPa montrent également des structures cycloniques proches ou au nord du FIT (Figure 11.14a), en lien avec l’extension verticale de la dépression thermique (e.g. Figure 2.10d). Les images satellites infra-rouge (IR) peuvent aider dans certains cas à situer le MT, en particulier dans l’après-midi, aux stades d’initiation ou de croissance de la convection, comme illustré par la Figure 11.15. Pour ce cas, on note que la poussée de mousson rejette nettement le MT vers le FIT entre 0 et 10°E. • Sur l’océan, le symbole ZCIT (Tableau 11.1) est utilisé plutôt que le symbole MT, pour localiser la zone convective qui coïncide avec la convergence de basses couches et une bande de tourbillon à environ 850 hPa. • Les poussées de mousson sont également tracées sur les cartes WASA/F avec l’aide du vent méridien moyen dans la couche 600-925 hPa (Figure 11.13b) en suivant l’axe de maximum de vent de sud (zone bleue). Inversement, les poussées de nord sont aussi tracées, avec l’aide du même diagnostic et correspondent aux zones rouges.

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Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

 Figure 11.14  (a) Champ de tourbillon (isolignes bleues au-dessus de 2 x 10–5 s–1) et vecteurs vent horizontal (en nœuds) à 850 hPa, et (b) carte WASA concernant les paramètres de mousson pour le 15 août 2012 à 0000 UTC. Les tracés sont obtenus avec le système de prévision « Synergie » et l’analyse opérationnelle de ARPEGE.

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11. Cartes synthétiques d’analyse et prévision sur l’Afrique de l’Ouest : WASA/F

 Figure 11.15  Illustration du tracé du thalweg de mousson (MT) : (a) image IR Météosat d’EUMETSAT pour le 2 août 2012 à 1800 UTC, avec superposition des vecteurs vent (en bleu, en nœuds) à 850 hPa et le tracé du FIT et du MT ; (b) comme (a) avec l’image IR remplacée par le tourbillon relatif (en vert > 6,10–5 s–1) à 850 hPa. Dans certains cas les thalwegs sont plus faciles à identifier avec les lignes de flux. Les champs proviennent de l’analyse opérationnelle de ARPEGE.

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Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

Pour aider le prévisionniste dans l’analyse de la couche de mousson, deux diagnostics complémentaires calculés à partir du champ de PW sont proposés (Figure 11.16). Ce champ de PW (Figure 11.16a) prend en compte l’eau disponible (soit l’énergie latente) dans la couche de mousson et au-dessus, mais se trouve réduit sur les zones montagneuses. Pour s’affranchir de cette limitation, nous proposons un diagnostic d’une épaisseur de mousson équivalente (MD pour Monsoon Depth en anglais), MD = [zs q (T850) + PW] / qs (T850) = zs RH850 + PW / qs (T850) où zs est l’altitude de surface, qs(T850) le rapport de mélange de saturation à 850 hPa, et RH850 l’humidité relative à ce niveau. Ce dernier est choisi pour s’affranchir du cycle diurne de la MD, qui est mesurée par rapport au niveau de la mer. L’avantage de cette formule empirique est que sur les zones chaudes comme au sein du HL, la MD équivalente décroît rapidement. Pour éviter une décroissance artificielle de la MD sur les montagnes due à la décroissance du PW, PW est corrigé en ajoutant une partie virtuelle dans la couche entre le niveau moyen de la mer et la surface (à l’intérieur des montagnes) en supposant une valeur moyenne extrapolée de q(T850) jusqu’au niveau moyen de la mer (le premier terme dans l’équation de MD), pour calculer sa contribution au PW. Comme défini ici, la MD est une mesure thermodynamique de l’épaisseur de l’air humide dans la couche de mousson, et représente un champ plus lissé (Figure 11.16b) que les mesures dynamiques de l’épaisseur de mousson, basées sur les champs de vents 3. Comme la MD est un champ relativement lissé, il peut aider à repérer les pénétrations et les retraits de la mousson, ainsi que les positions du MT et du FIT. L’ajout du vecteur de cisaillement de vent dans la couche 600-950 hPa fournit également une information utile pour la prévision de l’organisation de la convection (voir section 11.12). En comparant les tracés des cartes WASA (Figure 11.14b) avec les diagnostics précédents (Figures 11.13a, b et Figure 11.16), on note une forte cohérence : • Le MT coïncide avec les zones où la MD est le plus épais. C’est également vrai pour la ZCIT sur l’’Atlantique. • La pénétration vers le nord du FIT sur le nord-est du Niger est bien identifiée par le MD, et cet événement humide est précédé à l’ouest par une poussée de mousson. • Le renforcement et la rotation vers le nord du cisaillement sur le côté ouest de l’événement humide correspondent à un renforcement de la baroclinie et du HL. C’est aussi une signature de l’intensification du JEA.

3.  D’après une étude de radiosondages, la MD correspond approximativement à la limite supérieure de la couche pseudo-adiabatique, et à la limite inférieure de la couche d’air saharienne.

730

11. Cartes synthétiques d’analyse et prévision sur l’Afrique de l’Ouest : WASA/F

 Figure 11.16   (a) Champ de PW superposé aux vecteurs vent à 925 hPa (m s–1) et (b) épaisseur de mousson équivalente MD (en mètres) avec la superposition du vecteur cisaillement de vent (m s–1) dans la couche 600-950 hPa pour le 15 août 2012 à 0000 UTC. L’isoligne épaisse sur (b) délimite les zones où le cisaillement a une valeur supérieure à 20 m s–1. Les données proviennent de l’analyse opérationnelle de ARPEGE.

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Météorologie de l’Afrique de l’Ouest tropicale

11.11 Poussières et sable Symboles : Le suivi des poussières et leur prévision sont entièrement traités dans la section 5.2. Les zones de poussières correspondantes et les symboles appropriés doivent figurer sur les cartes WASA/F.

11.12 Convection Symboles : Analyser et prévoir les zones de convection, incluant le type et l’intensité des systèmes, est l’un des principaux objectifs du prévisionniste pendant la période de mousson (l’hivernage).

11.12.1 Analyse de l’activité convective Concernant l’analyse (WASA), le prévisionniste doit mettre en valeur les zones de convection les plus intenses estimées à partir de l’imagerie IR (Figure. 11.17a) et utiliser le « MCS tracking » (voir chapitre 6) pour avoir une estimation de la vitesse des MCS (en utilisant les 3 ou 4 dernières images à la fréquence d’une heure pour estimer la vitesse de propagation). Le tracé doit être précis et ajusté à l’image IR la plus récente. Les MCS doivent apparaître comme une zone fermée avec à l’intérieur le symbole convectif (par exemple dans la région du Burkina et de l’est du Mali sur la Figure 11.1), tandis que pour les zones avec des cellules convectives isolées seul le symbole convectif doit être indiqué (par exemple sur le Sénégal, la Guinée et l’Ouest du Mali sur la Figure 11.1). Au cours de cette analyse satellite, le prévisionniste doit étudier la convection dans les modèles et vérifier sa conformité avec la position de la convection issue du satellite. Ce n’est pas une tâche aisée, car il est difficile de quantifier de manière simple l’activité convective, mais le prévisionniste peut utiliser les critères suivants pour détecter les MCS les plus intenses et de longue durée de vie dans le modèle : • La pluie cumulée sur une courte période (3 ou 6 heures) montre un maximum. La pluie peut présenter de faibles valeurs pour un MCS proche du FIT en raison de l’évaporation des précipitations qui est importante sur le flanc nord de la mousson. • L’existence de vitesse verticale ascendante en moyenne troposphère (600-700 hPa) et d’un maximum d’ascendance autour de 400-300 hPa. Cette vitesse verticale est générée par le chauffage diabatique issu de la convection. • La présence d’humidité relative importante (> 80 %) à 600-700 hPa. • Pour les cas les plus nets, il y a de la divergence à 200 hPa et de la convergence à 700 hPa approximativement.

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11. Cartes synthétiques d’analyse et prévision sur l’Afrique de l’Ouest : WASA/F

• Cet exercice est plus facile à 06 h puisque seuls quelques MCS sont présents en fin de nuit. À 18 h, la convection diurne est à son maximum et il est alors difficile d’établir une distinction claire entre la convection isolée et les MCS.

 Figure 11.17  (a) Image IR Météosat (zones de couleur avec des Tb