222 80 1MB
French Pages 160 [156] Year 2012
Christine MIRABEL-SARRON Aurélie DOCTEUR Loretta SALA Eryc SIOBUD-DOROCANT
Mener une démarche de pleine conscience
Approche MBCT
978-2-10-058644-8
Table des matières
XI
LISTE DES AUTEURS
XIII
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
PRÉFACE INTRODUCTION
1
1. Définition de la pleine conscience
3
La pleine conscience dans la tradition bouddhiste : conscience, attention...
3
La pleine conscience dans son application thérapeutique : non-jugement, acceptation, compassion
8
Principes théoriques Le mode « faire » et « être », 10 • Vivre plutôt qu’éviter, 14 La pleine conscience au quotidien, 15 • Solliciter la bienveillance, 16 • La compassion, 17
10 •
2. Historique des notions de pleine conscience en médecine Historique L’expérience de Jon Kabat-Zinn, 20 • Modèle du stress, 21 Apport de MBSR dans la gestion du stress chronique, 24
19 20 •
Autres domaines d’application de MBSR La douleur, 25 • Le système immunitaire, 25 • Qualité de vie et bien-être, 25 • Évaluations de l’application de MBSR, 25
25
VI
TABLE
DES MATIÈRES
La pleine conscience en psychothérapie La pleine conscience et les techniques de relaxation, 27 et TCC, 28
27 •
MBCT
3. Déroulement MBCT : première phase Les 4 premières séances Leurs similarités, 31
31 31
•
Leurs divergences, 31
Objectifs
33
Les séances préliminaires Les entretiens cliniques, 34 • Les attentes du patient et de l’instructeur, 37 • L’instructeur, 38 • La structuration des séances, 40 • Préparation de la pratique, 40 • Les compétences à inculquer aux patients, 40
34
L’organisation des séances
43
Séance 1 : le pilote automatique Déroulement de la séance, 46
46 •
Prescription de tâche, 47
Séance 2 : Gérer les obstacles Introduction de la méditation, 49 • Description du body scan, 50 • Buts du body scan pour le patient déprimé multi-récidivant en rémission, 51 • Prescription de tâche, 52
49
Séance 3 : Conscience de la respiration et du corps en mouvement Premier exercice cognitif concret, 52 • Fin de la troisième séance : méditation en marchant, 54 • Prescription de tâche, 54
52
Séance 4 : Rester présent Exercice concret, 55 • Questionnaire A.T.Q, 55 assise ou couchée à trois focus, 56
54 •
Méditation
4. Déroulement MBCT : seconde phase
59
Les séances 5 à 8
59
Objectifs Organisation générale des séances, 60
59
Séance 5 : permettre, lâcher prise Méditation à quatre focus, 60 • Prescription de tâches, 63 Étapes de la méditation de la montagne, 63
60 •
Séance 6 : Les pensées ne sont pas des faits Exercice cognitif, 65 • Conclusion générale, 66 • Exercice : espace de respiration « faire face », 67 • En résumé, 67
64
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Table des matières
Séance 7 : Comment puis-je au mieux prendre soin de moi ? Premier travail, 67 • Deuxième travail, 68 • Représentation de la journée d’un participant, 68 • Troisième travail, 69 • Prescription de tâches, 69
67
Séance 8 : plan d’action pour faire face à la menace de la rechute
69
Les séances de rappel
70
Commentaires L’engagement personnel, 71 • Pratique de la méditation, au début de l’initiation mais aussi tout au long du cheminement, 71 • La gestion des symptômes, 72
71
Perspectives
72
5. Déroulement MBCT : consolidation
73
Un entraînement personnel régulier
73
Les obstacles
74
Tout simplement ouvert à l’expérience
74
L’acceptation des émotions
76
Accueillir les nouvelles expériences
77
Observer nos vieilles habitudes de pensée
77
Se concentrer en pleine conscience
78
Un engagement personnel
79
Les a priori
79
Observer ses pensées comme des objets
80
Le piège de nos attentes
80
Quand l’esprit vagabonde
81
L’ancrage corporel
81
Apprendre une meilleure gestion des émotions
84
Ne pas idéaliser
85
6. Comment ça marche ? Une approche intégrative de pleine conscience et de thérapie comportementale et cognitive Facteurs déclenchant des ruminations, 89 • Explication des conséquences négatives des ruminations, 89 • But de la Mindfulness Based Cognitive Therapy par rapport aux ruminations, 90 • Augmentation des
87 87
VII
VIII
TABLE
DES MATIÈRES
compétences du patient à la décentration, 90 • Initiation aux stratégies cognitives classiques, 91 • Présentation, 91 Mécanismes d’action (observation compassionnelle, flexibilité attentionnelle, acceptation émotionnelle) Contact avec l’instant présent, 97 • Entraînement à l’attention dirigée, 97 • Concentration sur un sens, 98 • Acceptation, 98 • Distanciation cognitive, 99 Les techniques comportementales Les tâches à domicile, la régularité de l’apprentissage, 99 Méthode d’exposition aux émotions, sensations désagréables, 100
97
99 •
7. Outils d’évaluation
103
Freiburg Mindfulness Inventory FMI (Buchheld, Grossman et Walach, 2001)
105
Mindful Attention Awareness Scale MAAS (Brown et Ryan, 2003)
106
Kentucky Inventory Of Mindfulness Skills KIMS (Baer, Smith et Allen, 2004)
106
Cognitive And Affective Mindfulness Scale CAMS (Feldman, Hayes, Kumar et Greeson, 2007 ; Hayes et Feldman, 2004) 107 Mindfulness Questionnaire MQ (Chadwick, Hember, Mead, Lilley et Dagnan, 2005)
108
Toronto Mindfulness Questionnaire TMQ (Lau et al., 2006)
108
Philadelphia Mindfulness Scale PHLMS (Cardaciotto et al., 2008)
109
Five Facets Mindfulness Questionnaire FFMQ (Baer et al., 2006)
109
8. Études d’évaluation et perspectives
113
Efficacité de la MBCT sur la prévention des rechutes
114
MBCT dans la diminution de la symptomatologie dépressive
116
MBCT dans la diminution de la symptomatologie anxieuse
117
MBCT et troubles bipolaires
117
Perspectives de recherche
119
Table des matières
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
121
BIBLIOGRAPHIE
123
ANNEXE . LA PLEINE CONSCIENCE
131
ANNEXE . SYNTHÈSE DES PRINCIPAUX RÉSULTATS D’EFFICACITÉ MBCT SUR LA PRÉVENTION DES RECHUTES ET LA DIMINUTION
DE LA
DE LA SYMPTOMATOLOGIE DÉPRESSIVE ET ANXIEUSE
135
IX
Liste des auteurs
Christine M IRABEL -S ARRON est psychiatre, praticien hospitalier à l’hôpital Sainte Anne (Paris) et ex-présidente de l’AFTCC. Docteur en psychologie clinique et pathologique, elle enseigne dans différentes universités de médecine et de psychologie en France et à l’étranger. Aurélie D OCTEUR est psychologue, docteur en psychologie cognitive à l’hôpital Sainte Anne (Paris). Elle enseigne dans les universités de Paris 5 et de Paris 8. Loretta S ALA est psychologue, Docteur en psychologie clinique et pathologique à l’hôpital Sainte Anne (Paris). Elle enseigne à l’université de Paris 5. Eryc S IOBUD D OROCANT est psychiatre, psychothérapeute à l’hôpital Sainte Anne (Paris). Il enseigne à l’université de Paris 5.
Préface
John Teasdale, Mark Williams, et moi avons d’abord développé la thérapie cognitive basée sur la pleine conscience (MBCT), nous avions confiance en ses racines empiriques, mais nous avions quelques doutes sur sa diffusion dans le champ thérapeutique. Effectivement, nous avons demandé aux médecins de développer une pratique personnelle de la pleine conscience avant qu’ils deviennent instructeurs de MBCT et qu’ils accompagnent leurs patients en séance, afin de leur enseigner comment méditer. Cette orientation semblait quelque peu différente de celles des protocoles thérapeutiques classiques qui utilisaient des stratégies plus répandues telles que l’exposition, l’activation comportementale et le questionnement des pensées. À notre grande surprise et contrairement à nos interrogations, cette démarche a été bien accueillie et nous en avons ressenti une grande satisfaction. Depuis, l’intérêt pour l’application clinique de la méditation par la pleine conscience s’est développé exponentiellement durant les quinze dernières années. Ainsi, de nombreuses interventions cliniques considèrent maintenant la pratique de la pleine conscience comme intégrée à leur démarche de soin. De ce fait, cette approche est devenue plus facilement accessible aux patients. Un développement si rapide nécessite de faire le point sur la question et de réfléchir : au moment où de nombreux résultats empiriques montrent l’efficacité clinique de la thérapie cognitive basée sur la pleine conscience, de plus en plus de médecins sont amenés à étudier cette approche afin de pouvoir la proposer à leurs patients. Dans un même temps, des hôpitaux et d’autres institutions de santé publique intègrent
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Q
UAND MES COLLÈGUES ,
XIV
P RÉFACE
la MBCT dans leurs programmes de soin à l’intention des troubles dépressifs chroniques et anxieux, séparant le traitement de la phase aiguë, de la phase de consolidation. Le Docteur Mirabel-Sarron et ses co-auteurs ont rendu un grand service en écrivant un livre qui aide le lecteur à naviguer dans ce paysage passionnant, toujours en cours d’évolution. Ils étaient parmi les premiers à adopter la thérapie cognitive de la pleine conscience pour les troubles de l’humeur et ils sont bien placés pour décrire sa diffusion et son utilisation en France. La France dispose particulièrement de nombreuses ressources, d’une part grâce à la disponibilité de plusieurs manuels originaux en version française (manuel de traitement de la MBCT, manuel du patient, prospectus et guides pratiques de la pleine conscience, etc.) et, d’autre part, grâce à la création d’une association nationale de la pleine conscience qui réunit la formation professionnelle et préconise des conseils de bonne pratique. Ce livre, dont le contenu fait l’état de l’art de la pratique de pleine conscience (MBCT) est pourtant suffisamment détaillé et illustré pour répondre aux questions pragmatiques concernant le déroulement du programme en huit séances. Cet ouvrage aborde des problématiques terminologiques, l’histoire des applications de la pleine conscience dans des contextes de santé mentale et médicale, aussi bien que les critères pour devenir un instructeur de la thérapie cognitive basée sur la pleine conscience. Parce que peu de livres réussissent à allier l’évaluation universitaire et la sagesse clinique aussi bien que celui-ci, Mener une démarche de pleine conscience : approche MBCT doit nécessairement devenir un texte de référence dans le domaine pour de nombreuses années à venir. Pr Zindel V. Segal, Ph.D., C.Psych Titulaire de la Chaire d’études Cameron Wilson sur la dépression Professeur de Psychiatrie Université de Toronto
Introduction
de pleine conscience (MBCT et MBSR) constituent aujourd’hui des démarches très prometteuses dans la prise en charge de différents troubles psychologiques. Les plus récentes combinent des pratiques ancestrales et des techniques de thérapie comportementale et cognitive bien connues et déjà bien éprouvées en pratique clinique. Cet ouvrage se propose de présenter les différentes approches de pleine conscience, leurs indications, mais aussi le déroulement pratique et les effets thérapeutiques. Après avoir resitué ces approches dans leur contexte historique et spécifié leurs caractéristiques générales, ces démarches seront abordées, séance après séance, illustrées de partages d’expériences cliniques de patients, mais aussi d’instructeurs. La question des mécanismes d’actions et des effets thérapeutiques est toujours explorée aujourd’hui. Comment et sur quoi fonctionne la pleine conscience ? Ces questions seront abordées à la fin de l’ouvrage, avec une synthèse des études publiées ces dix dernières années.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
L
ES APPROCHES
Chapitre 1
Définition de la pleine conscience
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
L A PLEINE CONSCIENCE DANS LA TRADITION BOUDDHISTE : CONSCIENCE , ATTENTION ... Ces dernières années, la méditation est devenue particulièrement populaire dans la société occidentale. Pourtant elle existe depuis des milliers d’années. Il s’agit d’un ensemble de pratiques inspirées principalement des traditions bouddhistes. Dans la 2e moitié du siècle dernier, des Occidentaux se sont rendu en Asie pour y suivre une véritable formation bouddhiste. Dans un mouvement réciproque, des enseignants asiatiques venus en Europe et aux États-Unis ont permis aux Occidentaux de s’exercer et de se familiariser au bouddhisme. C’est surtout en France, que le maître Thich Nhat Hanh (vietnamien et moine bouddhiste) a fait de la pleine conscience le concept fondamental du bouddhisme. Il est un des promoteurs du bouddhisme en Occident parmi les plus connus. Il enseigne l’art de vivre pleinement en mettant l’accent sur la vigilance et l’attention. La méditation ou la pleine conscience (parfois également appelé attention juste, samma sati en sanskrit) est une expression dérivée de l’enseignement de Siddhartha Gautama (dit Sh¯akyamuni « sage des Shakya » ou le Bouddha) et désigne la conscience vigilante de ses propres pensées, actions et motivations. Elle joue un rôle primordial dans
4
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
le bouddhisme où elle est considérée comme un facteur fondamental pour la libération de la souffrance. Le terme Bouddha ne désigne ni un dieu au sens où l’entendent les Occidentaux, ni une personne. Il désigne un état d’être intérieur. L’état d’éveil ou Bouddha se réalise dès l’instant ou l’être humain se connaît totalement. Par pleine conscience de soi, les maîtres du Bouddhisme désignent une parfaite prise de conscience de tous les éléments qui nous constituent, à tout niveau :
Parfaite prise de conscience de réflexes corporels impliquant indirectement la pratique du yoga. Pilote automatique : ce sont les automatismes de pensées qui sont entretenus par nos tendances et nos habitudes. Les habitudes, les attitudes et les comportements que nous adoptons dans la vie quotidienne sans nécessairement nous en rendre compte. Parfaite prise de conscience des processus présidant à la naissance et au développement des pensées et des émotions. Parfaite connaissance surtout du niveau de conscience supérieur, dépassant les agitations de l’émotion et de la pensée.
Le bouddhisme enseigne que la plénitude de la conscience n’est que dans le présent. C’est une approche de pleine conscience, et ses méthodes mettent l’accent sur un état d’esprit vigilant, conscient de son corps et de ses actes car la plupart de nos actes et pensées sont réalisés machinalement et d’une façon inconsciente. La méditation de pleine conscience est appelée « méditation insight » dans la tradition bouddhiste, ou Vipassana qui, en sanskrit, signifie voir clairement. Étymologiquement, les mots sanskrits, tibétains, traduits en français par méditation, sont respectivement bhavana, qui signifie cultiver, et gom, qui signifie se familiariser. Il s’agit principalement de se familiariser avec une vision claire et juste des choses et de cultiver des qualités que nous possédons tous en nous mais qui restent à l’état latent aussi longtemps que nous ne faisons pas l’effort de les développer. Finalement, la pleine conscience a été adaptée des pratiques de méditation traditionnelles qui trouvent leurs origines dans le bouddhisme Therevada et Mahoyana, en Inde, depuis 2 500 ans.
Définition de la pleine conscience
Dans le bouddhisme on parle de cinq vrais pouvoirs : 1. La foi 2. La diligence 3. La pleine conscience 4. La concentration 5. La vision profonde Dans le bouddhisme, ces cinq pouvoirs sont à l’origine du vrai bonheur et ils sont fondés sur des pratiques concrètes. La pleine conscience correspond à l’énergie qui aide à revenir au présent, ici et maintenant, et qui permet de se concentrer sur soi-même. Dans cette tradition, la pleine conscience amène le 4e pouvoir, le pouvoir de la concentration, et c’est par le biais de ce dernier que l’on peut briser les apparences et approfondir ce qui est ici, maintenant. « Le miracle n’est pas de marcher sur l’eau, il est de marcher sur la Terre verte dans le moment présent et d’apprécier la beauté et la paix qui sont disponibles maintenant. » (Thich Nhat Hahn, 2006)
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Cette pratique exige que l’on s’engage pleinement, corps et âme, dans tout ce que nous faisons, quoique nous fassions. Tout le monde sait verser un café, un thé, mais tout le monde ne sait pas le verser en pleine conscience et cela est dû à notre tendance à nous laisser emporter par l’énergie des habitudes, des automatismes. La pleine conscience, c’est la capacité d’être ici, totalement présent. Ce qui signifie la capacité d’être présent à 100 %.
LA
PLEINE CONSCIENCE
« Qui a une claire et pleine connaissance de ce qu’il fait ou éprouve, de l’existence ou de la réalité de quelque chose. » (Larousse)
Toutes les écoles de bouddhisme enseignent deux types de méditation complémentaire : le calme mental, appelé shamatha en sanskrit et la vision pénétrante (vipashyana). Shamatha est l’état d’esprit apaisé, clair et parfaitement concentré sur son objet. Vipashyana est la vision pénétrante de la nature de l’esprit et des phénomènes auxquels on parvient en analysant minutieusement la conscience puis en ayant recours à la pratique contemplative, à l’expérience intérieure.
5
6
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
Dans les techniques de méditation bouddhiste, la concentration et la relaxation ne constituent pas un but en soi mais une étape vers la mindfulness. Souffrance et bien-être sont les points de départ fondamentaux du bouddhisme. La méditation bouddhiste vise à prendre conscience que la source de ses souffrances provient non pas de causes extérieures mais des mouvements de notre esprit. « La plus grande partie de la souffrance humaine est inutile. On se l’inflige à soi-même aussi longtemps que, à son insu, on laisse le mental prendre le contrôle de sa vie. » (Eckhart, 1999)
Les exercices de mindfulness sont d’abord centrés sur le dépistage de ses propres mécanismes de pensées et des émotions associées, puis sur la recherche d’un état de conscience où l’individu se défait des pensées qui l’assaillent en focalisant son attention sur le présent. Une des pratiques fondamentales de la pleine conscience consiste à prendre soin des émotions douloureuses. Nous essayons de tout faire pour fuir la douleur, la peur, le chagrin ou le désespoir que nous ressentons, mais en cherchant à effacer ou oublier notre douleur, nous rendons notre corps et notre esprit encore plus malheureux, avec le désir, la crainte et l’inquiétude. Au lieu de nous comporter ainsi, nous pouvons revenir à nous-mêmes. Si nous laissons en nous notre colère, notre peur, notre désespoir, seuls sans surveillance, ils exerceront un effet dévastateur. Il s’agit de cultiver une certaine intimité avec notre corps avec une attention non jugeante. C’est la présence à soi-même et pas nécessairement réagir ou agir qui est primordial. Issue des traditions millénaires, la pleine conscience s’inscrit donc dans le monde contemporain et est proposée aujourd’hui comme une méditation laïque, détachée des aspects religieux de ses origines. « Lorsque nous vivons inconsciemment, incapables de voir vraiment le monde qui nous entoure, notre vie peut être comparée à un train fou. » (Thich Nhat Hahn, 2009)
Définition de la pleine conscience
L ES
SYNONYMES DE PLEINE CONSCIENCE
Attention juste.
Conscience vigilante.
État de conscience soutenue.
L’équanimité, appelée aussi égalité d’âme ou d’humeur. Il s’agit d’une disposition affective de détachement et de sérénité à l’égard de toute sensation ou évocation, agréable ou désagréable.
Observation sans jugement de flot continu des stimuli internes et externes tels qu’ils surgissent.
Une attention qui se caractérise par la curiosité et l’ouverture, le nonattachement et le non-jugement, la non-rumination mentale et l’acceptation.
Un état de conscience sensible à l’expérience et pouvant se développer, (comme l’on développe une compétence).
Un état d’esprit qui met en valeur l’attention et l’habilité à se dégager de schémas de pensées non adaptatifs qui rendent l’individu vulnérable à des états de stress et à d’autres états pathologiques.
Un état dans lequel l’esprit du sujet ne se laisse pas accrocher ou n’est pas parasité par des pensées, des sensations ou des émotions à propos d’expériences présentes, passées ou d’attentes futures qui surgissent.
7
8
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
L A PLEINE CONSCIENCE DANS SON APPLICATION THÉRAPEUTIQUE : NON - JUGEMENT, ACCEPTATION, COMPASSION J ON K ABAT-Z INN Jon Kabat-Zinn est professeur émérite de médecine à l’université médicale du Massachussetts où il fonde la Clinique de réduction du stress en 1979 dont il a été le directeur. En 1995, il crée et développe le « Center for Mindfulness in Medicine, Health Care, and Society » à l’université de l’école de médecine du Massachusetts et le préside jusqu’à 2000. Il a soutenu au « Massachussetts Institut of Technology » une thèse pour le doctorat en biologie moléculaire sous la direction du prix Nobel Salvador Luria en 1971. Le thème de ses recherches est l’influence de l’interaction soma-psychisme sur la guérison. Nombreux sont ceux qui considèrent comme importante sa contribution aux soins. Tout particulièrement dans l’étude des conséquences cliniques de la méditation en pleine conscience chez les patients souffrant de douleurs chroniques.
Jon Kabat-Zinn (1982) définit la mindfulness comme étant la prise de conscience qui se développe en prêtant attention de façon délibérée au moment présent sans jugements de valeur. Tacon (2003) décrit la méditation de pleine conscience comme une « forme de méditation qui implique les stimuli du champ de la conscience plutôt que l’exclusion des stimuli, comme la concentration de la méditation ». Levey et Levey (1999) décrivent la méditation de pleine conscience de la façon suivante : « La pleine conscience nous libère de la mémoire du passé et fantasmes d’avenir, en apportant la réalité du moment présent clairement en lumière. »
Ils déclarent aussi que « l’attention nous rend plus conscients de miracles quotidiens de la vie ». Dunn, Hartigan et Mikulas (1999) indiquent que : « La pratique de pleine conscience implique la réceptivité et la sensibilisation ouverte à tous les stimuli, alors que l’évaluation, l’analyse ou le classement de ces stimuli est supprimé. »
Baer (2003) dit que : « L’attention est l’observation sans porter de jugement des cours d’eau en cours de stimuli internes et externes qui se présentent. »
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Définition de la pleine conscience
Cette pratique favorise une prise de conscience accrue des sensations corporelles, des perceptions, des pensées et des émotions qui se succèdent, sans intervention des jugements de valeur et des réactions affectives qui les accompagnent habituellement. Elle permet de développer une plus grande acceptation de notre expérience immédiate et d’arriver à une meilleure compréhension de nous-mêmes et de nos réactions habituelles. Le problème c’est que l’on veut souvent tout diriger et notre attention ne voit que ce que nous sommes disposés à voir. Il s’agit de porter attention aux choses telles qu’elles sont et non telles que nous voudrions qu’elles soient. La cultiver nous aide à mieux voir la réalité présente et tous les choix qui se présentent à nous. Cette pratique permet aussi de réaliser si une sensation est permanente ou bien impermanente. Ensuite, on examinera les perceptions, les habitudes mentales positives ou négatives, la conscience, comment les choses apparaissent, comme elles deviennent et comment elles disparaissent. L’observateur reste neutre et silencieux (le silence mental). Il examinera l’apparition et la disparition des sensations agréables, désagréables ou neutres, sans juger, sans chercher à retenir la sensation désagréable ou à la rejeter. L’observateur fait ainsi l’apprentissage du détachement en se libérant progressivement de la sensation, de la perception et des conditionnements mentaux de la conscience. Cette pleine conscience consiste simplement à observer les objets physiques et mentaux qui se présentent à l’esprit car nous sommes souvent des spécialistes de la perte de contact. De plus, la pensée et notre mémoire historique peuvent finalement fausser notre expérience originelle en la déformant ou en la détournant. En effet, le meilleur moyen d’être injoignable est d’avoir l’esprit préoccupé, d’être à la merci de ruminations, du flux des pensées, des émotions et d’être ainsi indisponible à toute expérience directe du moment présent. Prendre conscience de la façon dont on mange et dont on se sent ou non, le goût des aliments, etc. est une des pratiques les plus difficiles de la pleine conscience. La pleine conscience est une expérience directement centrée sur le moment présent car la rumination nous amène vers le passé ou vers l’avenir. La pleine conscience est sans jugement, mais, l’esprit jugeant, est quelque chose d’extrêmement fort chez chacun de nous que l’on en soit conscient ou pas. Il s’agit plutôt de promouvoir un processus d’acceptation active de notre réalité, telle qu’elle est, et non de résignation, afin de pouvoir, au mieux, décider si une action doit être entreprise ou pas.
9
10
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
Parfois le mot mindfulness est traduit simplement par « attention ». On parle alors d’entraînement à l’attention, mais elle comporte aussi une notion de bienveillance. La pleine conscience est une attention ouverte. Cela signifie que nous découvrons avec la même attention une jolie chose et son contraire, que nous accorderons la même attention aux sentiments et aux pensées, agréables et désagréables. Accueillir avec ouverture tout ce qui se présente à notre attention nécessite une dose très importante de bienveillance. Finalement, la pleine conscience est la conscience obtenue par l’attention que l’on porte délibérément, dans l’instant et sans jugement, aux choses telles qu’elles sont, et pas telles que nous voudrions qu’elles soient. Ce qui signifie qu’être pleinement conscient implique de suspendre son jugement pendant un temps, de remettre l’action à plus tard et d’accueillir l’instant présent tel qu’il est et non tel que nous voudrions qu’il soit. Pour comprendre la pleine conscience, nous avons besoin de la comprendre sur le plan physique. Par exemple, nous générons la pleine conscience en pratiquant la respiration et la marche méditative. Mais il ne faut pas oublier qu’une des pratiques fondamentales de la pleine conscience consiste à prendre soin des émotions douloureuses. Vous pouvez ne pas savoir pourquoi vous êtes triste, déprimé mais il s’agit d’appréhender votre douleur avec l’énergie de la pleine conscience, car elle tend à embrasser la douleur, le chagrin (Thich Nat Hanh, 2009). Si nous laissons en nous notre colère, notre peur, notre désespoir seul, sans surveillance, ils exerceront un effet dévastateur. Au lieu d’utiliser notre énergie et notre pouvoir à refouler la douleur, nous aidons notre corps à devenir plus acceptant. En embrassant notre souffrance, nous devenons plus forts.
P RINCIPES THÉORIQUES N
Le mode « faire » et « être »
Faire (mode dirigé) est dirigé vers un but. Nous allons dans une direction et nous mesurons la distance qui nous sépare de l’endroit où l’on veut aller et qui nous sépare du but. Dans le mode « faire » il est toujours question d’y être ou plutôt ne pas y être. Dès que nous y sommes, le mode « faire » installe un autre but. Sans le faire, nous n’arrivons nulle part, mais le problème survient quand nous ne pouvons pas faire quelque chose tout de suite, quand nous nous fixons un but qui ne peut pas être
Définition de la pleine conscience
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Tableau 1.1. Principaux auteurs qui ont introduit la notion de pleine conscience Kabat-Zinn (1982)
Chemin évolutif depuis les premières recherches effectuées qui définissaient la pleine conscience comme le fait de faire attention au chemin, au but dans le moment présent, dans un état de non-jugement
Varela, Thompson et Rosch (1993)
Is la définissent comme l’attention vigilante
Langer (1989, 2000)
La pleine conscience est un processus cognitif permettant la création de nouvelles catégories, ouvertes aux informations et conscientes de plus d’une perspective. Un état d’esprit flexible et adaptatif, dans laquelle nous sommes activement engagés dans le présent, en notant les nouvelles choses et en étant sensibles au contexte
Safran et Segal (1990)
Ils voient la pleine conscience comme l’adoption d’une perspective de décentration à propos des pensées, des sensations et des émotions afin que celles-ci puissent être expérimentées dans leur subjectivité et leur nature transitoire
Martin (1997)
Il la définit comme un état de liberté psychologique, qui arrive lorsque l’attention est tranquille et réjouie, sans attachement envers un quelconque point de vue
Brown et Ryan (2004)
Ils définissent la pleine conscience comme un état d’attention et de vigilance soutenue à ce qui se passe dans le présent, et une conscience de l’expérience actuelle ou de la réalité en présence
Cardaciotto, Herbert, Forman Une tendance à être profondément conscient de nos et Farrow (2005) expériences internes et externes dans un contexte d’acceptation et une position de non-jugement. Elle correspond pour eux à deux composantes essentielles : l’attention vigilante et l’acceptation
atteint. Dans le mode « faire » les sentiments sont évalués comme « des bonnes choses » et « des mauvaises choses ». Dans le mode « faire », il est souvent nécessaire d’évaluer les conséquences qu’aura une action par rapport à un but, d’anticiper les conséquences de la réalisation du but. Le résultat est que l’esprit voyage souvent vers l’avenir ou le passé et que les expériences vécues la plupart du temps ne sont pas celles d’être vraiment ici et maintenant, car notre esprit est emporté par une multitude de pensées où se mêlent réminiscences et projections dans le futur. Nous
11
12
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
sommes distraits, dispersés, confus et, de ce fait, déconnectés de la réalité la plus proche de nous. Effectivement, nos automatismes de pensées sont aux antipodes de la pleine conscience, car cette dernière consiste à être parfaitement éveillée à tout ce qui est présent en nous et autour de nous, à tout ce que nous entendons, voyons, pensons. Par exemple : les pensées, les émotions et les humeurs vont et viennent selon un baromètre qui échappe à notre contrôle. Le mode « faire » est mobilisé parce qu’il nous aide à atteindre un but dans les situations du quotidien et il nous permet de résoudre les problèmes pratiques. « Votre mental est un outil, un instrument qui est là pour servir à l’accomplissement d’une tâche précise. Une fois cette tâche effectuée, vous déposez votre outil. » (Eckhart, 1999, p. 19)
Si nous voulons atteindre quelque chose, notre esprit se concentre sur la diminution de l’écart entre notre idée de là où nous sommes et notre idée de là où nous voulons être. Ce mode mental ne nous permet pas seulement de gérer les détails de la vie quotidienne mais il est aussi à la base des transformations du monde extérieur par les êtres humains. Mais qu’arrive-t-il lorsque l’action à accomplir ne peut pas l’être immédiatement ? La conséquence est que le mental continue à traiter toutes les informations sur le mode « faire » et ceci continuera jusqu’à ce qu’une tâche plus urgente provoque un changement temporaire dans le thème traité par l’esprit et revenir à l’écart non résolu dès que la tâche alternative n’est plus une priorité. Il va de soi que nous utilisons les mêmes stratégies mentales pour transformer notre monde intérieur pour échapper au mal-être. Mais lorsqu’il s’agit d’émotions, comparer ce que nous ressentons et ce que nous aimerions ressentir rend malheureux et nous éloigne encore plus de l’état souhaité. En mode « faire », notre esprit est tellement occupé à penser à ce qui se passe que nous ne sommes que vaguement conscients du moment présent. Le mode « faire » focalise notre attention sur les objets et les situations qui l’occupent, produisant une sorte d’écran qui nous coupe de l’extérieur direct. Par exemple : quand on a l’esprit occupé à rêvasser, faire des projets, résoudre des problèmes ou ruminer, l’aspect, l’odeur et le goût d’un aliment que nous sommes en train de manger ne sont pas dans nos préoccupations et ne mobilisent pas une attention particulière de notre part. Nous sommes ailleurs ! Quand nous fonctionnons ainsi nous
Définition de la pleine conscience
pouvons manger sans vraiment goûter, voir sans vraiment voir, entendre sans vraiment entendre, toucher sans sentir, et parler sans vraiment savoir ce que nous sommes en train de dire (Jon Kabat-Zinn, 2009). Quand on fait la vaisselle et on est en mode « faire » on la fait pour s’en débarrasser au plus vite et passer à autre chose. Probablement on pense déjà à autre chose. Finalement, on n’est jamais vraiment là où on se trouve, attentif à ce qui se produit en cet instant et on passe à côté du moment présent. L’inconscient peut nous empêcher d’être en contact avec notre propre corps, ses propres signaux et ses messages. Le mode « faire » ne nous donne du monde qu’une image indirecte, filtrée par le voile de la pensée et des mots. De plus, le mode « faire » peut s’autonomiser, surtout dans les moments où l’on se sent mal. Nous avons tous tendance à fonctionner en pilote automatique dans les situations quotidiennes, de même que l’activité mentale ne sera pas seulement centrée sur la seule expérience présente, car il sera préoccupé d’analyser le passé et le futur qu’il ne donnera pas priorité au présent. Le mode « être ». Avant d’être pensées, les choses sont expérimentées directement par nos sens. Nous apprenons les choses par les sens et pas seulement par l’intellect. Le mode « être » est un mode de connaissance entièrement différent du mode « faire » et des pensées qui l’accompagnent. En cultivant le mode « être », on peut :
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
sortir de sa tête et apprendre à expérimenter directement le monde, débarrassé du perpétuel commentaire de la pensée ; voir les pensées comme des événements mentaux qui vont et viennent dans l’esprit comme les nuages dans le ciel ; commencer à vivre ici et maintenant, dans l’instant présent ; débrancher le pilote automatique qui est dans notre tête et avoir une meilleure conscience de nous-même par nos sens, de notre esprit et de nos émotions ; éviter la cascade d’événements mentaux qui nous tire vers la rumination – en développant notre conscience, nous devenons capables de reconnaître très vite les moments où nous risquons de glisser dans la dépression et nous apprenons à ne plus nous laisser entraîner plus bas ; cesser de vouloir changer la vie, sous prétexte qu’elle n’est pas agréable en ce moment.
Finalement, le mode « être » favorise l’acceptation inconditionnelle de l’expérience du moment présent (émotions, pensées, sensations, etc.)
13
14
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
en se détachant d’un mode habituel réactif (l’évaluation, le jugement, l’évitement de l’expérience) qui est souvent source de souffrances individuelles (inquiétude, auto-dévalorisation, etc.). « L’Être constitue l’essence invisible et indestructible la plus profonde. En d’autres termes, l’Être vous est accessible immédiatement et représente votre moi le plus profond, votre véritable nature. Mais ne cherchez pas à le saisir avec votre mental ni à le comprendre. Vous pouvez l’appréhender seulement lorsque votre mental s’est tu. Quand vous êtes présent, quand votre attention est totalement et intensément dans le présent, vous pouvez sentir l’Être. » (Eckhart, 1999)
Le mode « être » est un état dans lequel nous sommes simplement, sans rien vouloir attendre, sans rien exiger de la réalité. Il faut simplement être présent, chose pas simple car nous ne sommes pas vraiment habitués à être dans le mode « être ». Quand on est dans le mode « être » grâce à la pleine conscience on apprend à observer nos pensées et nos émotions comme des expériences qui vont et viennent dans notre esprit. Les pensées sont des événements mentaux qui surgissent naturellement, restent un instant et s’effacent. N
Vivre plutôt qu’éviter
Vivre l’instant présent et traiter ses pensées et ses émotions comme des messages passagers permet de ne plus occulter les signaux que nous délivrent nos sens. L’intention qui guide les exercices de pleine conscience n’est pas de contrôler l’esprit par la force, mais de percevoir clairement ses différents modes. Au contraire du mode « faire », le mode « être » se caractérise par la conscience de l’expérience sensorielle immédiate de l’instant présent. Elle nous met en contact direct avec la vie, instant après instant. Avec le mode « être », on cesse d’évaluer chaque expérience en fonction de ce qu’elle devrait être, de la considérer correcte ou incorrecte, de suffisante ou insuffisante en n’arrêtant de se demander si on a réussi ou échoué et même si on se sent bien ou mal. Par exemple, nous ne pouvons pas rater une méditation dans la mesure où l’on vit son expérience, quel qu’elle soit, en pleine conscience. Chaque instant présent peut être accueilli tel qu’il est en lui-même. Mais cela ne veut pas dire rester flottant, à la dérive, sans projets ni but, car nous sommes, en même temps, capable d’agir avec intention et direction car nous pouvons agir en mode « être ». La seule différence c’est que nous ne sommes plus aussi obnubilés par le but à atteindre. Tout cela veut dire que nous ne sommes plus aussi ennuyés, contrariés quand la réalité ne se conforme pas à nos attentes, quelles
Définition de la pleine conscience
qu’elles soient. Le mode « être » insiste plutôt sur le fait d’accepter et permettre ce qui est, sans vouloir, tout de suite le changer. Par conséquence nous ne vivons plus de la même façon l’ensemble des sentiments et des émotions désagréables qui surviennent automatiquement lorsque nous nous focalisons sur le désaccord et l’écart entre ce que nous ressentons et ce que nous voudrions ressentir. Nous supprimons ainsi la principale source qui alimente l’escalade de l’insatisfaction. Finalement dans le domaine de la vraie méditation, là où on explore le paysage intérieur de l’esprit et du corps et le non agir, et où il semble que rien ou pas grand-chose se passe mais où rien est négligé.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
N
La pleine conscience au quotidien
Donc l’attention est portée volontairement sur l’expérience présente qui doit être vécue avec curiosité et acceptation. Il s’agit de débrancher volontairement le pilote automatique, qui est notre habitude à faire les choses machinalement d’une façon répétitive. Finalement être en pilote automatique signifie être en mode d’action automatique et peu conscient. Ce changement permet au mode action qui, très souvent, suscite en nous des ruminations sur le passé et des inquiétudes pour l’avenir, de se mettre en phase avec les choses telles qu’elles sont dans l’instant présent. Il s’agit de savoir que nos pensées ne sont pas une réalité mais des événements passagers dans notre esprit et que nous sommes plus et mieux en contact avec la vie telle qu’elle est quand nous vivons et éprouvons les choses avec notre corps et nos cinq sens, plutôt que quand nous le pensons uniquement. Les pensées ne sont pas des faits mais notre point de vue présent sur les choses au moment où nous les voyons et pensons. Le but de la méditation n’est pas de tenter d’accéder à un ailleurs, mais de permettre d’être exactement là où l’on est et tel que l’on est. C’est un instrument, une discipline qui nous permet de cultiver, d’approfondir notre capacité à prêter attention et à habiter la claire conscience. La claire conscience, c’est l’attitude à être attentif aux objets et aux événements intérieurement ou extérieurement. La pratique méditative systématique permet une perception plus aiguë, en amenant des moments de clarté et de la vision pénétrante sur la nature des choses. Demeurer dans la claire conscience à chaque instant, implique de se remettre à tous nos sens, d’entrer en contact avec nos paysages extérieurs et intérieurs, à tout moment et partout où on est, à l’intérieur et à l’extérieur. La claire conscience incarne un mouvement consistant à se tourner vers ses
15
16
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
sentiments et à les étreindre, plutôt qu’à les éloigner, à les nier ou à les supprimer. Au fil du temps, nous faisons l’expérience de toutes sortes d’états mentaux et corporels, agréables ou désagréables ou neutres, qui sont, parfois, difficilement repérables. Mais ce qui deviendra plus stable sera notre capacité à être attentif, notre plateforme d’observation. Comme un petit enfant qui tombe et se relève, il faut regarder nos modes de pensées avec bienveillance, voir que nous n’arrivons pas à les arrêter, voir nos désirs, nos douleurs, savoir ce que nous sommes en train de faire pendant que nous le faisons est l’essence de la pratique de la pleine conscience. N
Solliciter la bienveillance
L’entraînement à la pleine conscience est un entraînement permettant de sortir de nos limites, et avec un regard ouvert, on pourra voir les choses que l’on ne remarquait pas avant, car nous regardons sans forcément appréhender ni comprendre. La bienveillance doit être une décision consciente. On choisit de ne plus utiliser l’automatisme ou nos habitudes mentales, autodestructeur. Et c’est là que l’on commence à remarquer à quel point ce mécanisme est fortement ancré en nous. L’autocritique est un phénomène normal et son absence est le signe d’une difficulté à tenir compte de ses erreurs et donc de la mise en place de toute possibilité d’apprentissage. Ce qui dérange dans cette capacité d’autocritique est son excès et sa nature envahissante. Son excès fait souffrir et ce sentiment d’insatisfaction et de honte joue un rôle dans différents problèmes psychologiques (par exemple la dépression, les troubles anxieux, etc.). Ces pensées automatiques d’autocritique s’activent et deviennent un automatisme. Il s’agit de transformer ce mode de relation à soi en cultivant un mode compassionnel tel que nous l’enseigne la méditation. La compassion pour soi, implique d’être touché et ouvert à sa propre souffrance, sans l’éviter. Elle implique une compréhension non jugeante de sa douleur, de son incapacité et de reconnaître son expérience douloureuse comme faisant partie de chaque être humain expérimenté dans la vie. (Neff, 2003) L’auto-compassion est l’extension de la compassion envers soi-même dans le cas d’inadéquation perçue, d’échec, ou en général de souffrance. Les trois composants de l’auto-compassion sont : l’attention,
Définition de la pleine conscience
la gentillesse envers soi-même (par opposition à l’auto-jugement) et le sentiment d’appartenance à une humanité commune (par opposition à l’isolement). N
La compassion
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
« Il est très important de savoir écouter avec compassion. Écouter avec compassion, c’est écouter avec la volonté de soulager l’autre de sa souffrance, sans le juger ni chercher la dispute. » (Thich Nhat Hanh, 2006)
– La guérison affective. C’est fondamental d’être conscient dans l’instant présent quand nous sommes aux prises avec des sentiments d’insuffisance, de désespoir, de confusion et d’autres formes de stress, en répondant avec gentillesse et compréhension (l’auto-compassion). Il s’agit de la pratique, de manière répétée, de la bonne volonté envers nous-mêmes, surtout quand on souffre. Pour avoir une chance de réduire notre charge émotionnelle et de nous guérir du péage du stress, nous devons trouver une façon de voir clairement tout ce qui est ici et rester conscient et présent, afin de nous donner une chance de choisir la réponse la plus adaptée, car très souvent les gens tombent dans des modèles d’auto-accusation destructeurs, ils ne font qu’ajouter du chagrin à ce qu’ils ressentent déjà. Nous pouvons aussi reconnaître, alors, nos habitudes de juger et de nous blâmer pour notre propre douleur. Reconnaissant ces tendances, nous pouvons répondre avec gentillesse et compassion au lieu de réagir avec blâme et méchanceté. Il s’agit de pratiquer la bonté et la compassion envers nous-mêmes. Nos émotions sont la conséquence d’une situation additionnée d’une interprétation. C’est le modèle ABC (Ellis & Harper, 1994) de la détresse émotionnelle. Nous nous retrouvons souvent dans une situation (A) et terminons avec un sentiment (C). Mais souvent nous ne sommes pas conscients de la pensée qui les relie. – L’équanimité est souvent définie comme du sang-froid face à une situation aigue de stress. Elle est associée à la qualité de l’équilibre. C’est l’acte d’apporter une attention particulière et un cœur ouvert à ce qui est ici. Il ne s’agit pas de détourner. La réalisation et la manifestation dans notre propre vie de cette qualité innée de l’équanimité sont basées sur notre prise de conscience de l’impermanence des choses et de notre capacité à accepter les choses telles qu’elles sont en ce moment.
17
18
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
P OUR
FAIRE UNE PAUSE SANS JUGEMENT ...
Les blagues nous rappellent qu’il est sage de ne pas se prendre au sérieux et que le sens de l’humour est une qualité essentielle dans la vie. Quand nous rions vraiment, pendant ces quelques instants, nous sommes dans un état méditatif profond. La pensée s’arrête. Une journaliste interroge les pensionnaires d’une maison de retraite. Que faites-vous depuis que vous ne travaillez plus ? Moi je fais de la photo, dit l’un. Moi je jardine, ajoute l’autre. Moi je fais de la recherche, explique un troisième. De la recherche ? Dans quel domaine ?, demande la journaliste. C’est varié. Je cherche ma canne, mes lunettes, mon dentier... « L’humour est ce qui vous sauve de l’humiliation. Si vous avez un bon sens d’humour vous ne serez jamais humilié. Et si vous n’êtes pas humilié vous devenez invincible. L’humour reconnecte tout le monde ensemble, alors que l’humiliation déchire et sépare. » (S.S Ravi Shankar)
Retrieved on http://meditationfrance.com/blagues.htm
Quand les pensées influencent nos émotions ?
Un des points fort de la thérapie cognitive est de donner un moyen de voir les liens entre les sentiments, les pensées et les comportements qui créent un trouble émotionnel particulier. Le postulat de base est que les patients arrivent à opérer un changement radical dans leurs modèles mentaux qui structurent leurs relations aux pensées et aux sentiments négatifs. Ces modes de pensée sont souvent la conséquence d’expériences antérieures répétées. Notre esprit est le résultat d’un ensemble d’éléments en interaction. Ces éléments reçoivent des informations venant des sens (ou de l’univers sensoriel) et des éléments du mental. Traditionnellement ces deux modes sont connus sur les appellatifs de mode « être » et mode « faire ».
Chapitre 2
Historique des notions de pleine conscience en médecine
s’est tournée très tôt vers des approches psychologiques non médicamenteuses pour tous les troubles où des composantes liées au stress étaient évoquées : symptomatologies douloureuses, troubles cardiovasculaires dont l’hypertension artérielle, les addictions, les troubles ostéo-articulaires, etc. à l’origine du développement d’une médecine comportementale. Deux techniques étaient populaires : le yoga et la relaxation. Par cette dernière, le sujet est entraîné au contrôle des manifestations physiologiques par habituation émotionnelle et acceptation de son corps dans ses manifestations naturelles. En physiologie expérimentale les techniques de relaxation internationalement reconnues de Schultz et de Jacobson ont été évaluées et permettent un contrôle émotionnel satisfaisant. La technique de Hata Yoga est proposée comme entraînement à être, dans son corps. Elle consiste en des exercices de renforcement et d’étirement réalisés très lentement en portant son attention sur la respiration et les sensations corporelles. Le yoga en pleine conscience conduit à l’assouplissement corporel, à la découverte de son corps. C’est une des voies de la méditation. Plus encore, il contribue à atténuer le processus d’atrophie d’immobilisation. Comme l’explique Kabat-Zinn, notre corps doté de compétences de plasticité évolue constamment en
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
L
A MÉDECINE
20
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
réponse aux stimuli. Un corps insuffisamment sollicité décline subissant une « atrophie d’immobilisation » conduisant à la réduction progressive de ses compétences. Le yoga peut contribuer à renverser cette tendance par une pratique régulière et durable. LE
YOGA
Il s’est développé d’abord en Inde, avant d’atteindre, au XXe siècle, l’Occident où il est popularisé sous la forme d’une recherche du mieux-être individuel. Le texte référent du Hatah Yoga fait une large place aux postures (¯ asana) et au contrôle du souffle (pranayama).
H ISTORIQUE N
L’expérience de Jon Kabat-Zinn
MBSR (réduction du stress basée sur la pleine conscience) naît d’une longue pratique de la méditation bouddhique de Jon Kabat-Zinn. Il fait l’expérience des bienfaits que lui procure la pleine conscience et observe des changements profonds chez lui. Certain de son rôle dans la diffusion universelle d’une approche propre à guérir l’homme de sa souffrance, il réfléchit longuement à une intervention clinique, première étape de sa mission. Son équipe recrute les patients d’un service de médecine souffrant de douleurs persistantes malgré un traitement pharmacologique optimisé selon les connaissances du moment. Dans le but de diminuer les conséquences émotionnelles du stress et des douleurs chroniques, Kabat-Zinn propose un programme associant pleine conscience et technique de yoga des postures ou Hatha Yoga. Les premiers résultats sont très encourageants. Le nouveau programme permet une réduction significative du vécu douloureux et une amélioration de la qualité de vie des patients. Des études ultérieures concluront à un impact positif sur le système immunitaire. Il voue sa vie à la diffusion de l’approche en pleine conscience en médecine et dans la société. Plus qu’une utilisation thérapeutique Kabat-Zinn insiste sur une implication personnelle complète et durable. Plus qu’une thérapie, la pleine conscience permettrait de guérir nos mots mais cela n’est plus du champ de la science.
Historique des notions de pleine conscience en médecine
N
Modèle du stress
La définition du concept de stress est attribuée à Hans Selye qui décrit en 1975 le syndrome général d’adaptation. Il décrit un processus physiologique non spécifique réactionnel à la rupture de l’homéostasie de l’organisme soumis à un stresseur externe ou interne. Le terme d’homéostasie est forgé par Walter Bradford Cannon qui dans la lignée de Claude Bernard rappelle la nécessité pour tout organisme vivant de maintenir l’équilibre des systèmes internes dans un environnement en perpétuel changement. Les organismes, système ouvert, sont perturbés par leurs interactions avec l’environnement. Des mécanismes automatiques assurent l’équilibre général du système pérennisant sa survie et son autonomie. Le syndrome général d’adaptation selon Selye se déroule selon trois phases : réaction d’alarme, phase de résistance et phase d’alarme. La réaction d’alarme ou phase de choc
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
L’interaction avec le stresseur provoque une mobilisation des ressources du sujet en vue de réagir. Cette étape se manifeste par un syndrome hyper adrénergique déclenché par l’hypothalamus avec tachycardie, hypertension artérielle, tachypnée, hypersudation, dilatation pupillaire, hyperglycémie, ralentissement de la digestion, hyper acidité gastrique, stimulation de l’attention et de la mémoire etc. Cette étape est une souffrance importante pour l’organisme. Elle peut durer de quelques minutes à 24 heures. La phase de résistance
Si l’organisme ne retrouve pas l’équilibre par disparition du stresseur ou par une stratégie d’adaptation alors se produit la deuxième phase. Le sujet va chercher l’équilibre en accentuant la mobilisation de ses réserves. Contrôlés par l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien, les systèmes cardiovasculaire, respiratoire, glycémique et hydroélectrolytique conservent leur hyper activité. La phase d’alarme ou d’épuisement
À ce stade l’organisme ne peut plus résister au stresseur. Ces capacités adaptatives sont débordées et s’épuisent.
21
22
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
Les manifestations sont somatiques (palpitations, douleurs diffuses, asthme, amoindrissement du système immunitaire) et psychiques (irritabilité, tristesse, angoisse, asthénie). Incapable de fournir l’effort nécessaire, l’organisme dysfonctionne. L’homéostasie est durablement perdue. Les maladies débutent et se manifestent selon les prédispositions de chacun en référence au modèle diathésique stress vulnérabilité. Lazarus, en 1984, enrichi le concept de stress par l’introduction d’un intermédiaire perception-interprétation individuel entre le stresseur et la réaction physiologique. Le traitement cognitif de l’information va donner à l’événement toute sa qualité de stresseur et quantifier sa dangerosité en même temps que le sujet va préjuger de ses ressources à s’y adapter. Le stress devient une réaction psycho physiologique orientée dont la résultante est elle-même évaluée et interprétée créant un système dynamique psycho physio comportemental. L’objectif demeure le rétablissement de l’homéostasie le plus rapidement possible. Les ressources du sujet sont multiples. Sans prétendre à l’exhaustivité on peut citer :
Les seuils de perception biologique et psychologique ; Les croyances psychologiques selon la définition de Beck (Beck et al., 1979) ou Ellis (Ellis & Harper, 1994) ainsi que l’expérience passée du sujet ; L’état émotionnel du sujet au moment de la survenue du stresseur ; Le lieu de contrôle (sentiment du sujet de pouvoir contrôler son environnement) ; Le niveau d’intelligence, les compétences exécutives selon le modèle de la mémoire de travail de Miyake et Shah en 1999 (flexibilité mentale, mise à jour, inhibition) ; L’état somatique.
La place des facteurs environnementaux dans la qualification de stresseur d’un événement est discutée. Certains facteurs seraient considérés et d’autres non, selon la culture et le contexte social. Les modèles psycho-somatiques sont aujourd’hui plus étayés scientifiquement que leurs contradicteurs somato-psychiques. Ces derniers affirmant l’automaticité de la réponse quelle que soit la nature du stresseur.
Historique des notions de pleine conscience en médecine
Tableau 2.1. Les facteurs de stress d’après Holmes et Rahe, 1967 Mort du conjoint
100
Divorce
73
Séparation conjugale
65
Emprisonnement
65
Décès d’un proche parent
63
Blessure ou maladie physique
53
Mariage
50
Perte d’emploi
47
Réconciliation conjugale
45
Retraite
45
Maladie du conjoint
44
Maladie d’un proche
44
Grossesse
40
Naissance
39
Arrivée d’un nouveau membre dans la famille
39
Modification de la situation financière
38
Mort d’un ami intime
37
Changement de travail
36
Modification du nombre de disputes avec le conjoint
35
Modification de responsabilités professionnelles
29
Départ de la maison d’un enfant
29
Difficultés avec la belle-famille
29
Début ou arrêt de travail du conjoint
26
Début ou fin de scolarité
26
Changement dans les conditions de vie
25
23
24
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
Tableau 2.1. (suite) Changement des habitudes personnelles
24
Conflits avec employeur
23
Déménagements
20
Changement des loisirs
19
Changement des activités sociales
18
Changement dans les habitudes de sommeil ou repos
15
Changement du nombre de personnes vivant dans la famille
15
Petites infractions de la loi
11
N
Apport de MBSR dans la gestion du stress chronique
MBSR est une approche utilisant principalement la méditation en pleine conscience à laquelle s’ajoutent quelques postures de Hatha-yoga. Pendant 8 séances hebdomadaires de 2 h 30, un groupe de 20 sujets maximum apprend des exercices de méditation visant à modifier leur état d’esprit. À la fin de chaque séance, participants et instructeur partagent leur expérience. Entre les séances, des exercices sont proposés. La pleine conscience complète la meilleure connaissance du corps par une approche plus cognitive. En effet, les premières séances permettent la prise de conscience des pensées automatiques et des ruminations. Les participants expérimentent le mode de pensée automatique (pilote automatique) dans lequel ils vivent quotidiennement et s’exercent à en sortir consciemment. L’attention sélective est exercée en même temps que l’observation des sensations, émotions et cognitions sans jugement ou explication et sans intention. Progressivement, le sujet acquiert une posture d’acceptation de soi et de son environnement tel qu’il est pour ce qu’il est. Au final, les sujets évoluent d’une réaction au stresseur vers réponse au stress pour citer Kabat-Zinn. La réponse est appropriée à une situation à l’instant T.
Historique des notions de pleine conscience en médecine
A UTRES DOMAINES D ’ APPLICATION DE MBSR N
La douleur
La douleur chronique est une douleur qui dure dans le temps dont l’intensité peut fluctuer. Elle résiste souvent au traitement médical. L’habitude conduit le sujet douloureux à refuser et à lutter contre les sensations physique et psychologique liées à la douleur considérée comme absolument mauvaise. Il recherche à tout prix à y remédier. Cette attitude contribue à augmenter la souffrance du sujet. MBSR propose de modifier progressivement le rapport que le sujet entretient avec son corps et conséquemment avec la douleur. Cette dernière se différencie du sujet pour devenir une information normale ni bonne ni mauvaise en soi. « Le sujet n’est pas sa douleur... » Les premiers patients reçus à la clinique du stress du Dr Kabat-Zinn étaient des patients souffrant de douleurs persistantes partiellement améliorées par un traitement médical. Depuis, il est régulièrement proposé à des patients douloureux souffrant d’une maladie chronique de suivre le protocole MBSR en huit séances. Kabat-Zinn rappelle régulièrement l’impact favorable sur les symptômes algiques de son protocole. Les patients rapportent une meilleure acceptation de la douleur ainsi qu’une meilleure qualité de vie. Les patients concernés sont ceux souffrant de troubles musculo squelettiques et de fibromyalgie.
La pratique de MBSR serait liée à une fabrication plus rapide d’anticorps et favoriserait la résistance immunitaire du pratiquant. N
Qualité de vie et bien-être
La pratique MBSR est aussi proposée à des populations aussi diverses que des étudiants, des personnels soignant, des patients souffrent de cancer ou patients porteurs du virus du sida. Il est rapporté une réduction du stress et de la sensation de fatigue. N
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
N
Le système immunitaire
Évaluations de l’application de MBSR
Il est utile de rappeler que MBSR répond à la souffrance psychique et physique. En aucun cas l’intention est de réduire les symptômes
25
26
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
ou de guérir une maladie. La littérature scientifique est très riche en articles évaluant l’application de la pleine conscience en médecine et en psychologie clinique. Dès les années 1980, plusieurs équipes, américaines surtout, ont proposé diverses méthodologies d’évaluation. Nous proposons de nous appuyer sur l’important travail de revue de la littérature effectué par Berghmans et al. (2008). Cette recherche à visée exhaustive a recensé à partir des bases de données Medline, Psycinfo et Psyarticles ; l’ensemble des articles évoquant l’étude de l’impact de la pleine conscience dans un domaine somatique ou psychologique. La quantité d’études portant sur la pleine conscience est très importante. Toutefois, les études contrôlées randomisées dont la méthodologie scientifique est rigoureuse et qui sont soumises à une revue avec comité de lecture international sont en nombre restreint (n=6). Shapiro et al. (1998) concluent à une diminution significative du stress ressenti chez une population de soignants. Les résultats sont confirmés lors d’une étude de l’auteur en 2005. Plusieurs auteurs présentent des études aux conclusions similaires (Speca et al., 2000, Nyklicek et al., 2008). Il est difficile de prendre position aujourd’hui, car les études sont disparates. Le nombre de sujets est faible et inhomogène de même que les sujets contrôles non malades. Certaines comparent MBSR à d’autres interventions ou psychothérapies mal définies (exemple un massage). Le protocole d’utilisation de la pleine conscience est imprécis dans son contenu et sa forme. Quels sont les mécanismes à l’origine du changement ? La pleine conscience répond-elle au paradigme de l’apprentissage ? L’effet du groupe n’est jamais contrôlé. Les critères principaux sont propres à chaque équipe sans que l’on puisse aujourd’hui en proposer de pertinent. Certaines équipes utilisent des échelles d’évaluation clinique et psychologique connues telles que l’échelle d’anxiété de Beck ou Hamilton, la SCL-90-R, la STAI, les échelles de la douleur (Guelfi, 1997). Que change la pleine conscience ? Le débat reste ouvert. Aucun protocole n’est à ce jour convainquant pour démontrer l’effet spécifique de la pleine conscience. Beaucoup de travaux sont en cours afin d’identifier ses mécanismes d’action plus précisément.
Historique des notions de pleine conscience en médecine
L A PLEINE CONSCIENCE EN PSYCHOTHÉRAPIE Le champ des psychothérapies comportementales et cognitives a intégré la pleine conscience et conduit à l’émergence de programmes intégratifs.
Zindel Segal est psychologue et a exercé en tant que Ph.D. En 1998, il est nommé à la fois professeur pour le département de psychiatrie de Toronto et professeur du département de psychologie dans la même université. En 2001, il est nommé à la chaire de psychothérapie au sein de l’université de psychiatrie. Il est le coauteur du livre intitulé : Mindfulness-based cognitive therapy for depression : a new approach to preventing relapse, paru en 2001.
N
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Jon Kabat-Zinn a développé MBSR dans les années 1980 dans le cadre de la médecine comportementale pour soulager stress et douleurs chroniques. Linehan, en 1993, propose la « Dialectical Behaviour Therapy », destinée aux patients borderline selon la description du DSM. Une étape consiste à appréhender son vécu sans juger et sans éviter. Marlat, en 1994, intègre la pleine conscience dans son programme pour faire face à l’envie impérieuse de boire. En 1995, Segal et al. combinent pleine conscience et quelques outils de la thérapie cognitive de Beck pour proposer la MBCT comme intervention de prévention de la rechute dépressive. En 1999, Hayes propose l’ « Acceptance and Comitment Therapy », basée sur l’analyse comportementale qui entraîne l’observation sans jugement de ses pensées sans essayer de les changer.
La pleine conscience et les techniques de relaxation
Les techniques de relaxation visent la diminution du tonus musculaire. Car, en effet, le tonus musculaire augmente en diverses situations (associées à un sentiment de menace, de frustration, de peur ou d’irritation) interprétées comme un signal d’alarme de danger. Cette réaction musculaire décrite par Cannon, prépare l’organisme à une réaction rapide. En situation adaptée, elle conduit à la fuite ou au combat. Alors qu’en situation dysfonctionnelle, vécu fréquemment répété où
27
28
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
la réaction adaptée n’est ni la fuite ni l’attaque, l’hypertonie musculaire se chronicise. La persistance de l’hypertonie induit le maintien des manifestations somatiques a minima et rend le sujet plus réactif à ses émotions. Les points communs de l’ensemble des techniques de relaxation sont :
La pratique dans un environnement à faible niveau de stimulation sensorielle ;
Une position propice à réduire les tensions musculaires ;
La prise d’une attitude « réceptive » plutôt qu’une attitude volontaire nécessitant un certain lâcher prise ;
La focalisation attentionnelle sur un stimulus déterminé tel que la sensation de contraction (Jacobson) ou une sensation (Schultz).
Les techniques de relaxation conduisent à une auto-détente ainsi qu’à une auto-régulation respiratoire. Elles répondent au paradigme de l’apprentissage. La relaxation peut être considérée comme une décentration comportementale. Elle partage avec la pleine conscience le changement d’état d’esprit (Eraldi-Gackière et al., 2007). La pleine conscience propose d’explorer le mode « être », la relaxation le mode « détente » au lieu du « mode automatique » qui favorise les ruminations. Aucune des approches ne cherche à résoudre les problèmes. La MBCT n’est pas du tout une approche de relaxation, la confusion est souvent faite. Si elle peut procurer de la détente, le sujet apprécie ce moment, mais elle peut procurer, tension, colère, impatience, et le sujet apprendra à accueillir ces émotions pénibles, à les accepter sans jugement critique amenant à un état psychologique de quiétude N
MBCT et TCC
Teasdale, Segal et Williams (1995) ont décrit une théorie du traitement de l’information pour la rechute dépressive, qui propose que les individus déprimés seraient vulnérables à la rechute en raison d’un style de traitement de l’information qui perpétuerait l’accessibilité aux schémas, souvenirs et attitudes négatifs durant les phases dépressives. Lorsque ces schémas sont activés de manière continue, des significations
Historique des notions de pleine conscience en médecine
spécifiques à tonalité négative vont alors être générées, telles que des prévisions négatives du futur, des attributions personnelles inadéquates des échecs, des évaluations négatives des interactions interpersonnelles, et la récupération en mémoire de souvenirs de précédents échecs ou difficultés. Teasdale et al. (1995) ont postulé que, lorsqu’elles éprouvent des émotions négatives, les personnes à risque de rechute dépressive ont tendance à réactiver les styles de pensée associés à des périodes d’humeur triste dans le passé. Plus précisément, ces individus ont tendance à ruminer ou à s’attarder sur les raisons de leur humeur triste, ce qui, en retour, maintient des cognitions négatives qui se chronicisent, prédisposant ainsi les individus à une rechute dépressive. Segal perçoit une convergence d’objectif entre la thérapie cognitive et la pleine conscience :
➙ la décentration cognitive, ➙ la réhabilitation des processus attentionnels ➙ et la mise en évidence des symptômes précurseurs
des rechutes
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
dépressives.
Il propose une structure de groupe en huit séances. À partir de l’expérience pilote des premiers groupes de patients l’équipe modifie progressivement le modèle de Kabat-Zinn en diminuant la durée des séances à 2 heures et le nombre de participants. La pleine conscience était enseignée grâce à une cassette audio de Kabat-Zinn à la durée raccourcie de 20 minutes. La consigne donnée était d’écouter la cassette chaque jour. L’impact insatisfaisant des premiers essais accentue l’évolution sur un point qu’il considère comme crucial. L’équipe de Segal adopte la nécessité d’une pratique personnelle pour les instructeurs. Ils appréhendent différemment la décentration induite par la pleine conscience qui accueille et accepte, à la différence de la décentration-action qui amène à faire une action pour rechercher des pensées alternatives par exemple. La décentration est dès lors vécue telle une ouverture vers les pensées, les sensations et les comportements constituant une expérience quelle qu’en soit la tonalité. La méditation appelée balayage corporel ou body scan, la marche en pleine conscience deviennent des éléments importants du programme. Les exercices associés intègrent la dimension d’accueil expérientielle qui devient l’élément central.
29
30
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
La thérapie cognitive dès lors demeure une approche dans le « faire » alors que MBCT devient sous la forme définitive une approche accueillante dans « l’être ». Elle sort du champ des stratégies orientées vers le changement puisqu’elle se réalise pour elle-même. Elle sort du champ des psychothérapies. Elle est une intervention méditative de prévention, s’adressant au sujet en rémission clinique, sans symptômes aigus.
Chapitre 3
Déroulement MBCT : première phase
La pratique de l’instruction de mindfulness connaît deux modalités bien différentes : le premier modèle historique ou MBSR (pour mindfulness based stress reduction) est préconisé pour les souffrances liées au stress, et la MBCT (pour mindfulness based cognitive therapy) indiquée chez des patients qui présentent des troubles de l’humeur dépressifs multi-récidivant afin de pouvoir réduire leurs rechutes. Ces deux programmes d’éveil à la pleine conscience partagent les mêmes objectifs principaux, même si des modalités spécifiques aux troubles dépressifs existent dans la version MBCT (cf. chapitre 2). N
Leurs similarités
La durée d’instruction en huit séances ; La pratique principalement en groupe fermé.
N
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
L ES 4 PREMIÈRES SÉANCES
Leurs divergences
Le contenu même des séances qui dans le programme MBCT est fortement orienté vers la prévention de la rechute dépressive.
32
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
Le tableau suivant présente leurs différentes caractéristiques. Tableau 3.1. Tableau comparatif des pratiques MBSR et MBCT Caractéristiques
MBSR
MBCT
Nombre de Séances
8
8
Pratique de Groupe
30
10
Séance 1
Les concepts de pleine conscience et de stress sont présentés de manière simple, ainsi que les exercices clés utilisés dans le protocole, en se concentrant sur l’instant présent dans une optique de non-jugement et d’acceptation (exercice du raisin).
(exercice du raisin).
Séance 2
Body scan
Body scan.
Séance 3
La méditation assise et insiste sur l’observation détachée des pensées et des émotions.
Méditation en marchant.
Séance 4
Hatha-yoga.
Méditation assise 4 Focus.
Séance 5
Body scan guidé et non guidé. Méditation assise dans une optique de non-jugement.
Séance 6
Hatha-yoga. Méditation couchée.
Séance 7
Méditation guidée avec visualisation et acceptation des pensées.
Activités Nourrissantes et activités évidentes.
Séance 8
Récapitulatif des outils.
Récapitulatif des outils. Body scan.
Exercices au quotidien à domicile
Oui
Oui
Journal de Suivi
Oui
Oui
Évaluation
Oui
Oui
Séance de consolidation
Oui
Oui
Déroulement MBCT : première phase
O BJECTIFS Ces deux démarches visent à développer les capacités de pleine conscience, de moment présent et d’acceptation sans jugement. Elles font partie des thérapies comportementales et cognitives au grand étonnement de certains. En effet, ces pratiques de MBSR ou de MBCT ont en commun avec la pratique des TCC :
➙ Un travail d’apprentissage de séances en séances ; ➙ La pratique journalière d’un travail personnel qui découle directement
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
➙ ➙ ➙ ➙ ➙
de la séance antérieure ; La tenue d’un journal de thérapie ; Une évaluation clinique et psychologique avant et après l’instruction ; Un travail en groupe avec partage de l’expérience personnelle ; Un travail à long terme avec des séances de consolidation ; Un même modèle psychologique de la dépression et de la vulnérabilité dépressogène.
Les vieilles habitudes de pensées sont automatiques, ruminatives et sont motivées par un mode cognitif automatique, actionné par un souhait de se débarrasser de ces pensées négatives. Le but est donc de quitter ses routines cognitives qui s’autoalimentent. Partant du fait que le participant est expert en ce qui le concerne, il va arrêter de s’impliquer dans ses habitudes. Mode verbal identique de celui qui guide : questions ouvertes, reformulations, renforcements positifs, etc. En revanche, elle se distingue des TCC :
➙ En mettant l’accent sur l’acceptation davantage que sur les notions de ➙ ➙ ➙
changement, de réévaluation et de résolution de problème ; Les pensées sont prises en compte comme des pensées sans rechercher nécessairement d’autres pensées possibles, ni d’autres interprétations alternatives de la situation vécue ; L’exploration des sensations corporelles respiratoires, musculaires, tendineuses... est réalisée à l’aide d’exercices de concentration ici et maintenant ; Une méthode pour se libérer des ruminations négatives, basée sur la centration de l’attention sur le moment présent et la conscience corporelle ;
33
34
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
➙ Le sujet apprend à quitter ses pensées afin de ne pas enclencher ses ➙ ➙
ruminations mentales ; Les exercices s’effectuent en période non aiguë émotionnellement, alors que les émotions sont plus stabilisées ; En période d’humeur dépressive franche les techniques cognitives et comportementales classiques sont utilisées de manière privilégiée.
Ces différences dans la pratique et dans l’action permettent d’envisager les démarches de thérapies TCC classiques et de mindfulness comme complémentaires. Toutes deux conduisent l’individu à se décentrer de ses contenus de pensées « tyranniques » qui les amènent à des comportements pathogènes (Mirabel-Sarron, 2002). Envisageons à présent les premières séances précédant l’instruction à la mindfulness, puis décrivons séance après séance toute la méthode MBCT.
L ES SÉANCES PRÉLIMINAIRES N
Les entretiens cliniques
Après avoir invité le patient à exposer les motifs de sa consultation, il nous décrit l’histoire de son trouble de l’humeur :
➙ Les différents épisodes thymiques, ➙ Leurs durées, ➙ Les traitements biologiques et psychologiques entrepris, ➙ La qualité et la rapidité de la rémission obtenue après chaque accès, ➙ L’identification d’éventuels symptômes résiduels anxieux ou de troubles du sommeil...
Le clinicien s’attachera également à évaluer les conséquences psychosociales de ce trouble de l’humeur récurrent dans la vie personnelle, affective, relationnelle, professionnelle, familiale au décours de chaque épisode aigu. L’exploration clinique se complète d’une évaluation psychologique de l’état clinique et émotionnel actuel du patient. Un entretien spécifique structuré permet d’évaluer l’intensité des souffrances anxieuses, dépressives, hypomaniaques ou maniaques. Si le clinicien en a l’habitude, il
Déroulement MBCT : première phase
complète en fin d’entretien des échelles d’évaluation pour la dépression et pour l’anxiété, pour exemple les échelles de Hamilton (1960, 1962). Cette investigation clinique est complétée par la passation de questionnaires traduits en langue française et validés dans notre population qui permettent rapidement de préciser l’intensité des troubles. Des exemples d’échelles et d’auto-questionnaires possibles sont présentés dans le tableau suivant. Tableau 3.2.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Instrument
Auteur(s)
Description
Beck Depression Inventory – BDI-13
Beck (1961)
Il s’agit d’une auto-évaluation quantitative de la dépression. La version française a été étudiée sur des patients déprimés (Pichot et Lempérière, 1964) et des sujets contrôles (Pichot et Lempérière, 1964 ; Bourque et al., 1982 : cités par Bouvard et Cottraux, 2005).
Dysfunctional Attitudes Scale - DAS
Weissman et Beck Ce questionnaire évalue les attitudes (1980) et erreurs systématiques relatives à la triade cognitive dépressive de Beck. Un score élevé est en faveur d’attitudes dysfonctionnelles dépressives. La validation de la version française a été effectuée par Bouvard et al. (1994).
Hamilton Depression Rating Hamilton (1967) Scale – HDRS
Cette échelle a été traduite et validée en langue française en 1984 par Lempérière et al. C’est une échelle d’hétéro évaluation qualitative de la dépression en 17 items.
Échelle d’affirmation de soi RATHUS
Ce questionnaire d’auto-évaluation, traduit par Agathon et Dorna, évalue les compétences en termes d’affirmation de soi.
State Trait Anxiety Inventory Spielberger (1983) Il s’agit d’une échelle d’auto-évaluation, – STAI YA/YB en deux sous échelles, de l’anxiété état et trait. Hamilton Anxiety Rating Scale - HARS
Hamilton (1969)
Il s’agit d’une échelle d’hétéro évaluation en 14 items mesurant la gravité de l’anxiété. La version française a été validée par Pichot P et al. en 1981.
35
36
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
En effet l’indication principale du programme MBCT est une personne dont l’humeur est stable (euthymie), soit ni déprimé, ni maniaque, mais qui relate au moins quatre épisodes de troubles de l’humeur antérieurs. Bien sûr chez un patient en rémission, les symptômes de la dépression sont par définition de très faible intensité. Ceci implique que le but de la thérapie sera surtout d’apprendre au sujet à tendre l’oreille, d’être plus conscient des changements, si petits soient-ils, de leur humeur. La récidive dépressive se définit comme la réapparition des symptômes au moins un an après la disparition totale de la symptomatologie dépressive. Le but potentiel est si éloigné dans le futur, comment la démarche MBCT peut prétendre un tel résultat ? La réponse de la mindfulness à cette question réside dans le fait que sa finalité est d’enseigner des habiletés, une nouvelle façon d’être dans sa vie. Le clinicien explique les bases théoriques de la thérapie MBCT (Mindfulness based cognitive therapy). Il discute avec le patient comment elle peut l’aider. Il insiste également sur le fait que la mindfulness demande patience et persévérance au cours des 8 semaines d’apprentissage et pendant des mois après. L ES
CONTRE - INDICATIONS DE LA
mindfulness
Dépression en phase aiguë
Trouble bipolaire non stabilisé
Troubles de l’attention
Séquelles psychologiques d’abus physiques, émotionnels ou sexuels
Dissociations
Attaques de panique récurrentes
Troubles psychotiques aigus (hallucinations, délires)
Si le patient souhaite entreprendre cette démarche, des questionnaires complémentaires qui visent à évaluer ses capacités de pleine conscience sont proposés, ils seront ensuite régulièrement remplis pendant l’apprentissage (C. Mirabel-Sarron et al. 2010). Pendant l’instruction MBCT, différents exercices sont proposés au patient afin d’augmenter la prise de conscience du moment présent
Déroulement MBCT : première phase
Tableau 3.3. Les questionnaires Nom
Auteurs et année
Freiburg Mindfulness Inventory (FMI)
Buchheld et al. (2001)
Mindfulness Attention Awareness Scale (MAAS)
Brown & Ryan (2003)
Kentucky Inventory of Mindfulness Skills (KIMS)
Baer et al. (2004)
Cognitive and Affective Mindfulness Scale (CAMS)
Feldman et al. (2007)
Mindfulness Questionnaire (MQ)
Chadwick et al. (2005)
Toronto Mindfulness Questionnaire (TMQ)
Lau et al. (2006)
Philadelphia Mindfulness Scale (PHLMS)
Cardaciotto et al. (2008)
Five Facets Mindfulness Questionnaire (FFMQ)
Baer et al. (2006)
et d’avancer dans l’expérience pas à pas. Les exercices traditionnels enseignés sont le balayage corporel (body scan) qui permet une prise de conscience des sensations sur une partie du corps, le yoga-stretching explore en détail différents aspects de sensations corporelles (tension, douleur...), des exercices de concentration respiratoire, de méditation. Ces stratégies vont permettre au patient déprimé en rémission :
Même en phase de rémission de la dépression, les individus connaissent des montées émotionnelles, dont souvent ils n’arrivent pas à se décentrer par la pensée. On peut en conclure qu’aux stratégies de décentration spécifiques de la thérapie cognitive sont adjointes des techniques de décentration non spécifiques dans l’utilisation de la mindfulness. N
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
de noter les premiers signes de perturbation émotionnelle ; de se décentrer des pensées négatives ; d’attaquer le cercle vicieux : pensées-émotions.
Les attentes du patient et de l’instructeur
On ne peut pas prédire au départ quel aspect de la MBCT sera le plus utile pour le participant.
37
38
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
Un certain nombre d’instructeurs proposent la métaphore du jardinier qui plante ses semences, vous ne savez pas combien de temps ces graines mettront pour germer et en réalité ce n’est pas sous votre contrôle. Cultivez votre jardin dans quatre directions : l’ouverture, le sens de la découverte, de la curiosité, de l’exploration. Différents bénéfices sont possibles de la MBCT. Par exemple la technique de distraction quand l’humeur est chagrine dissout les pensées troublantes et les images. Chaque participant observe ce qui se passe entre sa propre expérience et celle des autres. Les patients trouvent utiles différents aspects de la MBCT, ce ne sont pas les mêmes outils pour tous. Ou encore la MBCT est utile lorsque le sommeil est perturbé. N
L’instructeur
L’instructeur guide la démarche de pleine conscience. Comment faitil ? Comment s’est-il formé ? Quelles sont ses consignes ? La formation des instructeurs
On parle essentiellement d’instructeurs et non pas de thérapeutes. La formation en tant qu’instructeur de mindfulness requiert une formation brève de huit jours intensifs, d’une lecture des principes de base et d’une pratique personnelle quotidienne de tous les types d’exercices. Les instructeurs en MBCT proposent cette démarche psychologique en groupe de dix personnes. L’instructeur formé s’entraîne personnellement avant toute pratique possible avec des patients afin de pouvoir partager les différents vécus de l’expérience. La conduite du groupe
Au début du groupe, chaque participant se présente. La consigne est donnée que personne n’est obligé de parler, de dire quoi que ce soit pendant le groupe. Il est précisé qu’il est important d’écouter l’autre et donc d’apprendre à être attentif à ce que l’autre dit pendant qu’il le dit. Initier la méditation en demandant aux personnes de commencer à être conscient de leur posture : dos redressé mais pas raide, vérifier l’alignement dos-nuque-tête. Créer une posture qui incarne dignité-stabilité et éveil ce qui permet d’induire dans la séance ces trois qualités.
Déroulement MBCT : première phase
Donner les instructions pour la méditation de manière pratique, à voix lente pour laisser le temps avec des pauses de deux ou trois minutes, respecter des moments de silence. En revanche, la voix est naturelle, pas de ton de relaxation, ne pas lire les instructions. Faire la pratique avec le groupe, on guide avec sa propre expérience. Guider la pratique en interaction et à l’écoute en permanence avec les personnes présentes. Ainsi, l’instructeur ne peut aborder la partie suivante d’une séance sans donner aux personnes l’occasion de réagir et de commenter l’expérience de la pratique qui vient de se terminer. « En observant si votre esprit vagabonde... »
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
➙ Accueillir et rester attentif à ce qui est exprimé, renforcer les autres
membres du groupe et contribuer à leur faire sentir que ce qu’ils ont ressenti est légitime. Il faut avant tout rester proche de l’attention des participants. ➙ Quand on donne un encouragement : précisez : « du mieux que vous pouvez. » ➙ Toujours demander un « retour d’expérience » immédiatement après chaque pratique ou exercice, et pour tout travail à domicile. Il devrait être le principal instrument de l’enseignement. ➙ Utiliser des questions ouvertes et encourager l’expression des doutes, des difficultés et des réserves. ➙ Réserver toujours un moment de parole, d’échanges après la pratique : quelles expériences, quelles pensées, quelles sensations apparaissent, qu’a-t-on remarqué à leur sujet, y a-t-il des commentaires par rapport à ces expériences ? Rester attentif à ce qui est exprimé, souligner le point d’enseignement essentiel explicite dans le « retour d’expérience » des participants. (Être concret et spécifique). ➙ Garder l’équilibre entre les instructions et l’expression des attentes (qui peuvent démotiver si elles sont excessives comme l’attente d’un changement franc, d’un objectif défini à atteindre, etc.). ➙ Encourager la curiosité comme investigation de l’expérience, même si l’expérience apparaît comme ennuyeuse ou négative. ➙ La curiosité des instructeurs à la sensation des participants amène chaque personne à devenir curieuse de sa propre expérience. Donc il faut rester proche de l’expérience du participant et y prêter attention. ➙ Exprimer une intentionnalité claire et non pas une orientation vers un but.
39
40
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
En résumé chaque participant au groupe est amené à devenir plus conscient de ses propres signes personnels d’avertissements d’une dépression imminente et à : 1. observer 2. recevoir 3. s’ouvrir 4. laisser être 5. accepter maintenant. N
La structuration des séances La séance comprend généralement les parties suivantes :
➙ Mise en condition ➙ Retour d’expériences ➙ Expérience MBCT ➙ Retour d’expérience ➙ Prescription de tâches. N
Préparation de la pratique
Le travail préalable occupe une part importante du travail de l’instructeur. Préparation de la salle et de la séance. À cela s’ajoute la nécessité de se préparer soi-même avant chaque groupe afin « d’incarner » l’équilibre d’ancrage que les participants expérimentent pour eux-mêmes. Une pratique régulière des techniques de concentration de la Pleine Conscience permet à l’instructeur de bénéficier d’une plus grande souplesse dans l’approche du groupe pour l’instructeur et les patients. N
Les compétences à inculquer aux patients La mindfulness vise à inculquer 7 compétences de bases. La concentration
Il s’agit de la capacité de maintenir son attention sur un point particulier et central à tous les aspects de la mindfulness, de maintenir l’attention de qualité et soutenue qui est rassemblée et focalisée, plutôt que fragmentée.
Déroulement MBCT : première phase
La vigilance, conscience des pensées, des émotions, des sentiments, des sensations corporelles
La thérapie de Pleine Conscience implique des schémas inutiles qui ne peuvent être abandonnés sans en être conscient. En effet, la conscience enlève les ressources nécessaires à l’existence des patterns dysfonctionnels. Enfin, la conscience des difficultés incite l’esprit à permettre au processus de se déployer de façon plus créative. Être dans l’instant
Le patient ne doit pas se perdre dans des considérations sur un avenir qui le prive de la richesse du moment présent. Il doit redécouvrir l’ici et maintenant. Se décentrer
C’est une façon de devenir vraiment conscient des pensées, des sensations corporelles et des sentiments. Acceptation, non-attachement, conscience bienveillante
La motivation qui nourrit les pensées négatives automatiques étant l’aversion ou le désir, l’acceptation de ce qui est court-circuite le pouvoir qui actionne ses pensées. Il s’agit de voir la mauvaise chose ou la bonne chose dans une perspective plus claire, plus large, si bien que nous pouvons répondre à la situation dans sa totalité. Laisser aller
C’est pour éviter d’être pris et de sortir des cycles peu utiles. L’expiration est le moyen naturel pour laisser aller. « Être » plutôt que « faire », ne pas rechercher le but, d’état spécial à réaliser
Pour la mindfulness, les schémas inutiles appartiennent au « mode faire », décrit comme la tendance à comparer l’état du moment par rapport aux états attendus, désirés, au détriment de l’appréciation du moment présent. Le rôle de l’instructeur est ici fondamental, d’où l’importance pour ce dernier d’incarner au maximum les qualités pour la Pleine Conscience : un rythme et des transitions appropriées, se focaliser
41
42
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
sur un point à la fois, devenir conscient de la manifestation d’un problème dans le corps. Deux parties, chacune de quatre séances se succèdent. Faire attention à tout moment est au centre des séances, de la séance 1 à 4. Le participant devient alors conscient du peu d’attention qu’il accorde habituellement à sa vie quotidienne. « Un mendiant était assis sur le bord d’un chemin depuis 30 ans. Un jour, un étranger passa devant lui. – “Vous avez quelques pièces de monnaie pour moi ?”, marmotta le mendiant en tendant sa vieille casquette de baseball d’un geste automatique. – Je n’ai rien à vous donner, répondit l’étranger, qui lui demanda par la suite : Sur quoi êtes-vous assis ? – Sur rien, répondit le mendiant, juste une vieille caisse. Elle me sert de chaise depuis aussi longtemps que je puisse m’en souvenir. – Avez-vous jamais regardé ce qu’il y avait dedans ?, demanda l’étranger. – Non, répliqua le mendiant, pour quelle raison ? Il n’y a rien. – Jetez-y donc un coup d’œil”, insista l’étranger. Le mendiant réussi à ouvrir le couvercle en le forçant. Avec étonnement, incrédulité et le cœur rempli d’allégresse, il constata que la caisse était pleine d’or. » (Eckhart, 1999)
Le participant prend conscience de la vitesse à laquelle l’esprit saute d’un sujet à un autre. Il apprend, lorsque l’esprit vagabonde, à le ramener à un point central. L’apprentissage se fait alors en ramenant l’esprit soit à un point du corps (body scan) soit en l ramenant au souffle (observation de l’inspiration et de l’expiration). Cette prise de conscience du vagabondage de l’esprit qui ouvre la porte aux pensées et aux sentiments négatifs. Il s’agit d’une première étape après laquelle le sujet pourra remarquer ses changements d’humeur et les prendre en main maintenant ou plus tard. Gérer les mouvements de l’humeur est l’objectif de la deuxième partie, intitulée « faire face », soit de la séance 5 à 8, que nous verrons dans le chapitre suivant (cf. chapitre 5). Quand une pensée ou un sentiment négatif surgit, des instructions sont apprises afin de permettre d’être tout simplement là avant de bouger et d’y répondre adéquatement avec des stratégies spécifiques. Les participants apprennent à être pleinement conscients de la pensée ou du sentiment,
Déroulement MBCT : première phase
puis une fois qu’ils l’ont reconnu, accepté, ils apprennent à déplacer leur attention vers leur respiration, ou vers une image mentale... Après cette étape essentielle, le sujet peut choisir sa manière de répondre au mieux avec la situation difficile, soit maintenant ou plus tard : par exemple en la voyant comme une pensée ou un sentiment et en la regardant passer ou encore en notant quelle partie du corps est affectée. Après cet apprentissage premier, les sujets sont amenés à participer six fois par an en moyenne à une séance de rappel. L’objectif principal est d’aider le patient, au moment où une émotion pénible douloureuse fait irruption, de surmonter le processus d’invalidation, d’évitement de l’émotion douloureuse amenant pensées et rumination, mais au contraire de provoquer une confrontation au moment présent. Les sujets apprennent à être dans le moment présent sans avoir besoin de ressasser des idées concernant le passé ou encore le futur (Segal et al., 2001).
L’apprentissage de l’attention est au cœur des séances 1 à 4 : Objectifs principaux des séances 1 à 4 :
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
1. Devenir conscients de la vitesse à laquelle l’esprit saute d’un sujet à un autre. 2. Apprendre à ramener l’esprit qui vagabonde à un point central (référence aux parties du corps, respiration) 3. Apprendre à devenir conscient que l’esprit qui vagabonde c’est la porte ouverte pour les émotions négatives.
L’ ORGANISATION DES SÉANCES Une salle a été réservée en avance pour les séances de MBCT, avec un cadre si possible calme. Les patients sont disposés assis en cercle avec les thérapeutes. La séance comprend généralement les parties suivantes :
Mise en condition Retour d’expériences
43
44
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
Expérience MBCT Retour d’expérience Prescription de tâches
Mise en condition Le stretching permet une mise en condition corporelle afin de diminuer les tensions accumulées jusqu’à la séance. Par exemple, on part de la position de la montagne les deux pieds écartés de la largeur des hanches, verticalité de la colonne vertébrale, tête droite, prise de conscience de l’ancrage dans le sol. P OSTURE
DE LA MONTAGNE OU
TADASANA
1. Debout, les pieds parallèles et alignés avec les hanches, balancez-vous vers l’avant et vers l’arrière et d’un côté à l’autre afin de trouver votre point d’équilibre. Appuyez de façon égale dans les quatre coins de la plante des pieds. Levez les orteils, écartez-les et déposez-les au sol. 2. Placez le bassin en position neutre. 3. Ouvrez la poitrine en roulant les épaules vers l’arrière et vers le bas. Votre tête est dans l’alignement de la colonne vertébrale et le dessus de votre tête essaie de rejoindre le plafond. Respirez profondément. 4. Allongez les bras jusqu’au bout des doigts. Inspirez et levez les bras sur les côtés en position de « T » et tournez les paumes vers le haut. Continuez de lever les bras au-dessus de la tête, alignés avec les épaules, les paumes se faisant face, les doigts essayant de rejoindre le plafond. Respirez. 5. Pour sortir de la posture, en expirant, ramenez les bras dans la position de départ. Sentez les effets de la posture et l’énergie circulant dans votre corps. 6. La posture de la montagne est habituellement le point de départ de toutes les postures debout. Il est toutefois utile de pratiquer la montagne comme une posture. Demeurez dans la posture de la montagne de 30 secondes à 1 minute en ayant une respiration aisée.
– Posture de la demi-lune en douceur, sans jamais forcer, en étirant vers la gauche (jambes toujours écartées de la largeur des épaules, le bras droit s’élève à la verticale, puis le haut du corps s’infléchit sur la gauche, le bras tendu vers le ciel). Le retour à la position de la montagne quelques minutes avant de réaliser une demi-lune vers la droite toujours dans un mouvement calme, lent et tout en douceur sans forcer, sans performance
Déroulement MBCT : première phase
(hanche bien basculée vers la gauche, le bras gauche étiré au-dessus de la tête, le thorax progressivement penché vers la droite formant ainsi un arc de cercle). Il s’amorce ensuite un retour très lent en position de la montagne.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
« La montagne est impassible et inamovible malgré les tempêtes, malgré le vent pendant l’hiver. En revanche, pendant le printemps, les oiseaux se remettent à chanter, les fleurs s’épanouissent dans les prairies verdoyantes et la montagne, malgré les changements de ses apparences, demeure. En tant qu’être humain, nous sommes dans notre vie secoués par des vents violents, des moments lumineux aux moments les plus sombres. Nous pouvons, avec l’image de la montagne, garder la même immobilité, le même enracinement face aux événements qui peuvent survenir toutes les minutes. » (Kabat-Zinn, 1990)
– Exercice dit « du tonneau » : on pousse les hanches vers l’avant, puis à gauche, puis en arrière, puis à droite et on continue, alors que le buste reste droit et rectiligne. Ce mouvement lent, harmonieux est poursuivi pendant au moins trois ou quatre révolutions, puis recommencer dans l’autre sens en prenant son temps. Un retour lent en position de la montagne est toujours effectué entre deux mouvements dynamiques. Cet exercice a permis un « déverrouillage du bassin », il est jugé indispensable pour favoriser la méditation – D’une même manière, un « déverrouillage des épaules et du haut du dos » est important. Il peut être réalisé des rotations ou des haussements d’épaules. Alors que les bras sont le long du corps, des cercles vont être effectués par les deux épaules simultanément (rotation des deux épaules vers l’arrière et vers le bas, puis les montées vers l’avant et vers le haut) environ cinq à six révolutions sont effectuées. Retour lent à la position de la montagne gardée quelques instants. Puis, on fait l’exercice de rotation des épaules dans le sens inverse, on fait tourner les épaules vers l’avant puis on les remonte et on les fait descendre en arrière cinq ou six révolutions encore puis retour à la position de la montagne. – Un relâchement de toutes les tensions du corps autour de la verticalité s’effectue avec l’exercice de la « poupée de chiffon » : à partir de la position de la montagne, le sujet tourne épaules et bras souples sur la gauche, puis lentement vers la droite et revient de nouveau vers le côté gauche, ainsi de suite dans un mouvement lent et relâché. Le bassin reste fixe et immobile. Retour d’expérience
45
46
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
Expérience MBCT Toujours démarche d’un exercice concret, puis analyse en commun du vécu, des sensations de tout le groupe. Situation concrète. Retour d’expérience Prescription de tâches
S ÉANCE 1 : LE PILOTE AUTOMATIQUE « Même si le moment présent vous paraît comme affreux, insupportable, acceptez-le tel qu’il est. » (Eckhart, 1999)
N
Déroulement de la séance
Chaque personne se présente tel qu’elle le souhaite. Premier travail expérientiel : Manger en pleine conscience. – L’exercice dit « du grain de raisin » inaugure la découverte de la pleine conscience (durée moyenne 40 minutes). Il permet la prise de conscience du pilote automatique, de l’automatisme mental et l’obligation d’être « dans l’instant ». R APPELONS
UNE DES DÉFINITIONS DE LA PLEINE CONSCIENCE
« État de conscience qui résulte du fait de porter son attention, intentionnellement, au moment présent, sans juger, sur l’expérience qui se déploie moment après moment. » (Kabat-Zinn, 2003)
Instructeur : « Maintenant que vous êtes correctement installés, les yeux fermés, je vais déposer à chacun de vous, dans le creux de votre main, un objet. En vous servant de l’autre main découvrez cet objet en découvrant avec curiosité, sa forme, son volume, sa surface, son poids... »
C’est un exercice sensoriel dans toutes ses dimensions, le sujet découvre, explore le grain de raisin, sens par sens, guidé, pendant une vingtaine de minutes, concentré sur lui-même, sans échanger verbalement... Le retour d’expérience est spontané, chaque participant exprime son vécu :
Déroulement MBCT : première phase
« J’étais surprise, je pensais que c’était un caillou en le touchant. Quand je l’ai regardé, j’ai remarqué que ce grain de raisin avait des tâches de couleur, je n’avais jamais regardé ainsi un grain de raisin. » « Pour moi le contact avec cet objet a été dégoûtant, il collait après mes mains, je le sentais élastique, j’ai cru que cela était un chewing-gum, mais je me suis dit aussi que c’était impossible. Quand je l’ai découvert en tant que grain de raisin il m’est apparu plus sympathique, je les mangeais habituellement par dix, je ne me suis jamais attardée sur un grain de raisin tout seul. » « J’ai trouvé l’expérience amusante au début, comme un jeu, puis j’ai été gêné par l’odeur de ce petit grain de raisin, il sentait fort quand je l’ai approché de mon nez, un tel arôme dans un si petit volume. »
L’instructeur après avoir accueilli toutes les expériences, relate sa propre expérience : « J’ai été surprise par sa dureté, sa petitesse, comme une petite pierre, en revanche il avait un parfum extraordinaire, mais à chaque fois je suis surprise, l’expérience est nouvelle. Aujourd’hui c’est ainsi mais d’autres fois j’ai pu être fascinée par le toucher irrégulier, ou encore par sa texture. »
Puis il guide l’ensemble des participants vers cinq séries de questions : 1. Qu’est-ce que chaque personne a vécu dans sa sensorialité ? 2. Quelles sont leurs expériences habituelles au quotidien ? 4. La description correspondait-elle à leur quotidien ? Quelle comparaison ? 5. Que pensez-vous de ce constat par rapport à la prévention de la rechute dépressive ? Puis l’instructeur peut reformuler : « Si je comprends bien... », et faire un résumé des propos des différents participants. Ainsi, dans la première séance, les patients deviennent conscients du peu d’attention qu’ils accordent aux actions répétitives qui remplissent leur vie quotidienne. N
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
3. Est-ce que cette sensation était quelque chose de nouveau pour eux ?
Prescription de tâche
Après la fin de chacune de ces séances, prescription de tâches à domicile : le patient doit faire un acte de la vie quotidienne, comme se
47
48
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
laver les dents, mettre de la crème, faire son lit « en pleine conscience », l’expérience est rapportée sur le journal quotidien de pratique MBCT (cf. Fiche d’enregistrement). F ICHE D ’ ENREGISTREMENT
DES EXERCICES À DOMICILE
– S ÉANCE 1
Chaque fois que vous pratiquez un exercice, notez-le dans ces colonnes. Prenez note de tout ce qui survient durant la pratique pour pouvoir en parler lors de la prochaine séance. Jour/date
Pratique
Commentaires
Oui/Non Lundi Mardi Mercredi Jeudi Vendredi Samedi Dimanche
Choisissez une activité de routine, que vous faites habituellement tous les jours puis comme dans l’exercice du raisin sec, faites un effort délibéré pour introduire de la pleine conscience à un moment précis de cette activité, comme un arrêt sur image. Par exemple, cette activité peut être : se lever le matin (au moment ou vous êtes assis au bord du lit), se brosser les dents (par exemple : au moment où vous mettez la pâte de dentifrice, ou au moment où vous vous brossez les dents), se doucher (par exemple au moment où vous prenez le gel douche dans la main ou encore au moment où l’eau de la douche coule sur votre corps), s’essuyer après la douche, s’habiller (par exemple quand vous enfilez un pull ou encore quand vous mettez vos chaussures), manger (par exemple au cours de la première bouchée ou juste avant de prendre votre première gorgée de boisson). Concentrez-vous simplement sur le fait de savoir ce que vous êtes en train de faire, comme vous êtes en train de le faire réellement. Là encore, ne cherchez aucun résultat particulier. Faites-le, c’est tout.
Déroulement MBCT : première phase
S ÉANCE 2 : G ÉRER LES OBSTACLES « Je me levai et me mis à marcher dans la pièce. Je la reconnus et, pourtant, je sus que je ne l’avais jamais vraiment vu auparavant. Tout était frais et comme neuf, un peu comme si tout venait d’être mis au monde. Je ramassai quelques objets, un crayon, une bouteille vide, et m’émerveillai devant la beauté et la vitalité de tout ce qui se trouvait autour de moi. » (Eckhart, 1999)
N
Introduction de la méditation Rappelons la définition de la méditation issue du dictionnaire : La méditation est le fait de se concentrer sur un sujet de réflexion, pour obtenir une solution.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Rechercher la paix intérieure, la vacuité de l’esprit. Elle englobe une grande variété de pratiques spirituelles qui soulignent l’activité ou l’arrêt progressif du mental. La méditation est au cœur des pratiques du bouddhisme, du taoïsme, du yoga, de l’islam, de la Chrétienté et de bien d’autres formes de spiritualité, comme une pratique permettant d’accéder à différents états de conscience. Ceci est obtenu en se « familiarisant » avec un objet d’observation : qu’il soit extérieur (comme une fleur par exemple ou tout autre objet) ou intérieur (comme l’esprit ou un concept ou l’absence de concept). Ce sens se précise dans une perspective psychologique : action de méditer, de penser avec une grande concentration d’esprit pour approfondir sa réflexion.
La seconde séance débute par le retour d’expériences des tâches du quotidien effectuées en pleine conscience : « Je l’ai fait à la gare en attendant mon train, j’étais assise et j’ai fixé mon attention sur mon sac posé sur mes genoux : il m’est apparu très lourd, sa couleur était bien plus foncée que celle que je croyais, j’ai remarqué qu’il commençait à se déchirer près de la fermeture... » « Je me suis lavé les mains comme d’habitude, j’avais beaucoup de mal à me concentrer sur le contact avec l’eau, avec le savon, je pensais tout le temps, je pensais à ce que je devais faire, ma pensée revenait sans cesse ; je ne suis pas arrivée. » « J’ai commencé cet exercice en me rasant avec mon rasoir électrique, son bruit m’a très vite gêné, à un moment j’ai eu l’impression que j’avais pris trop
49
50
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
de temps, j’ai regardé l’heure cela m’a rassuré, et je me suis re-concentré sur le contact avec la peau. »
Cette première approche quotidienne de la pleine conscience est faite avec curiosité, comme un expérimentateur qui se trouve pour la première fois devant un objet ou une situation qu’il ne connaît pas, qu’il ne juge pas, qu’il n’essaye pas de résoudre pour le moment, mais qu’il va explorer afin de se faire une idée. Il n’y a pas de but, rien à accomplir, aucun objectif à atteindre, hormis être présent à soi-même, à ses sensations. Cet apprentissage est lent, avec des moments plus favorables, et d’autres moins. Le body scan ou balayage corporel est la première méditation en position allongée (60 minutes environ). N
Description du body scan
Nous proposons de faire un cheminement avec le sujet au travers de tout le corps avec la respiration. Pour commencer, nous allons utiliser nos efforts à porter notre attention sur les différentes parties du corps, afin d’ancrer notre conscience sur le moment présent. Nous allons aussi nous entraîner à diriger délibérément notre attention et notre conscience vers différents endroits. C’est le but de l’exercice de body scan. Nous rappelons régulièrement, plusieurs fois pendant la séance : « Si votre pensée s’évade, ce qui est le propre de la pensée, et donc ce qui ne serait pas étonnant, félicitez-vous de l’avoir remarqué et ramenez avec bienveillance votre pensée sur votre respiration systématiquement. Félicitez-vous d’avoir remarqué que vous vous êtes évadé avec vos pensées. Votre pensée a vagabondé, donc ramenez-la avec gentillesse, comme une amie que vous prendriez par la main, une de vos meilleures amies allez la chercher gentiment par la main et ramenez-la. Reconnectez-vous à votre respiration, ce mouvement stable, permanent, qui sera toujours là pour vous. »
Pendant tout ce cheminement, cette technique permet de se ré-ancrer sur sa respiration avant de retourner sur la partie du corps Object de l’observation des sensations corporelles, et émotionnelles. Instructeur : « Vous vous installez confortablement tel que vous le sentez de l’intérieur, tel que vous souhaiteriez vous installer, ni comme les autres pensent de
Déroulement MBCT : première phase
ce qui serait bien, ni comme les autres vous jugent, vous vous pensez de l’intérieur, vous faites du mieux que vous pouvez. Soyez bienveillant avec vous-même, portez votre attention sur la respiration, pas du tout de relaxation, donc pas d’attente de relâchement, ni aucune attention particulière sur quelques sensations agréables, on n’est pas du tout dans une démarche de relaxation. Accueillez vos perceptions telles qu’elles viennent... Vous portez votre attention sur votre souffle, vous suivez les mouvements de votre inspiration, de votre expiration, vous observez avec curiosité comme si vous ne l’aviez jamais observé les mouvements de votre cage thoracique. Imaginez que votre inspiration descende de votre poitrine, dans le ventre, la cuisse droite, la jambe droite pour atteindre vos orteils... »
En suivant le chemin guidé par la respiration, et visualisé mentalement jusqu’aux différentes parties du corps, l’attention est portée successivement sur : orteils droits, jambe droite, cuisse droite, orteils gauches, jambe gauche, cuisse gauche, hanche, ventre, organes génitaux, épaules, thorax, visage, mains, bras, pour se recentrer ensuite sur la respiration thoracique ou abdominale d’être dans le moment présent. N
Buts du body scan pour le patient déprimé multi-récidivant en rémission
1. Prendre le temps de s’occuper de lui 2. Le but n’est pas que ce soit une activité plaisante, ni même une relaxation, mais le second but est la capacité à mettre un focus, puis à déplacer ce focus. Le patient se concentre, identifie ses sensations. Lors de la deuxième séance, il apprend à devenir conscient de la vitesse à laquelle l’esprit saute d’un sujet à l’autre.
51
52
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
Retour d’expérience « J’ai bien senti toutes les zones du corps, je ne m’étais jamais observé ainsi... » « J’étais déçue de ne pas sentir des sensations satisfaisantes comme les autres, je n’ai pas senti grand-chose, j’avais du mal à me connecter avec mon corps. » « Je me suis évadée très vite, j’ai dû partir dans mes pensées, je me souviens de votre voix, la jambe droite, puis plus rien et je suis revenue à la fin au moment de la respiration juste avant de terminer. Qu’est-ce qu’il y avait après la jambe droite ? » « J’ai déjà eu l’impression d’avoir fait ce travail, j’étais présent à mes sensations, j’ai observé que j’avais très mal à un genou, je ne sais pas pourquoi, la douleur s’est à peine calmée maintenant. »
N
Prescription de tâche
Après la fin de chacune de ces séances, prescription de tâches à domicile : le patient doit poursuivre son apprentissage à la pleine conscience et faire un acte de la vie quotidienne comme se laver les dents, mettre de la crème, se raser « en pleine conscience ».
S ÉANCE 3 : C ONSCIENCE DE LA RESPIRATION ET DU CORPS EN MOUVEMENT « Prêtez particulièrement attention aux schémas de pensée répétitifs, à ces vieux disques qui jouent et rejouent les mêmes chansons peut-être depuis des années. » (Eckhart, 1999)
Comme toute séance désormais, elle débute par le stretching puis partage d’expériences du travail quotidien en pleine conscience. Chaque participant lit son journal quotidien où il a noté son expérience sensorielle. N
Premier exercice cognitif concret
Ce travail mené en groupe est issu directement des techniques cognitives. L’instructeur fait imaginer une scénette aux participants qui observent en pleine conscience leurs émotions, leurs pensées et leurs sensations physiques, puis analysent en commun le vécu de tout le groupe.
Déroulement MBCT : première phase
Instructeur : « Imaginez que vous marchez dans une rue qui vous est familière, vous visualisez cette rue, les immeubles, les portes, les voitures, les passants... vous reconnaissez alors une personne qui marche sur le trottoir opposé, vous lui faites signe de la main, elle ne réagit pas, vous faites un plus grand signe encore mais elle ne semble pas vous apercevoir. »
Pause. « Vous pouvez ouvrir vos yeux et noter sur votre feuille quelles sont les émotions que vous ressentez, les pensées qui vous viennent à l’esprit, et décrivez également les sensations physiques que vous percevez dans votre corps. Vous fermez de nouveau les yeux et vous reprenez l’image mentale de la rue où vous marchez, vous poursuivez votre chemin et de nouveau après quelques instants vous reconnaissez une autre personne familière, vous la regardez, vous lui faites un grand signe de reconnaissance. Cette personne poursuit son chemin sans vous faire signe. » Partage d’expérience « Cela a été encore pire la seconde fois. Dès la première rencontre je me suis sentie rejetée ; et la seconde fois je me suis vraiment dit que je n’étais rien. » « Je me suis dit qu’elle ne m’avait pas vue, qu’elle était dans les nuages comme d’habitude ; mais à la seconde rencontre manquée, j’ai vraiment ressenti de la colère. »
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
« Je me suis dit qu’il avait fait exprès, qu’il n’avait pas envie de me parler, que j’allais lui faire perdre son temps, et la seconde fois je me suis dit que je n’avais pas de chance aujourd’hui. D’ailleurs, j’ai vécu exactement cela pas plus tard qu’hier. » « Je me suis senti vexé, puis à la seconde rencontre je me suis dit que vraiment maintenant personne n’avait le temps, il devait être plongé dans ses pensées. »
On amène ainsi chaque participant à dévoiler ses émotions, ses cognitions, son ressenti physique et son comportement adopté. On note sur un tableau pour chacun d’entre eux toutes ces informations en quatre colonnes. Exemple ci-dessous noté en quatre colonnes : Situation
Émotion
Je fais un signe à une personne Colère. dans la rue et elle ne semble pas m’apercevoir.
Cognition Elle le exprès.
Comportement
fait Je vais la voir.
53
54
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
On demande à chaque sujet de commenter ces quatre colonnes, ce qu’ils en pensent. Commentaires : « mes pensées sont négatives. » Elle remplit le tableau et dit : « différentes personnes ont donné différentes interprétations donc ma pensée n’est pas nécessairement absolue dans ma façon de lire la situation. Si je suis certaine de ce que j’ai pensé, je constate que les autres le voient d’une autre manière, et qu’ils ont une autre compréhension qui n’est pas nécessairement la mienne. » N
Fin de la troisième séance : méditation en marchant
On marche très lentement en sentant chaque appui sur le sol, on attaque par le talon, on sent le changement de poids sur le corps, changement des appuis, appuis sur une jambe, on décharge l’autre, le talon se soulève puis la jambe est projetée vers l’avant par un mouvement du bassin qui s’avance. Durée vingt minutes. N
Prescription de tâche
Agenda des expériences positives et des expériences négatives. Le patient doit noter chaque jour une expérience de chaque selon les quatre colonnes vues en séance.
S ÉANCE 4 : R ESTER PRÉSENT « Environ 80 à 90 % de la pensée chez l’humain est non seulement répétitive et inutile, mais aussi en grande partie nuisible en raison de sa nature souvent négative et dysfonctionnelle. » (Eckhart, 1999)
Déroulement MBCT : première phase
Retour d’expérience « Le Body scan m’apporte un bien fou, et au travail, malgré les tensions, je pense à ma respiration et je laisse filer. ». « La méditation en marchant m’a paru plus facile, je l’ai pratiqué une fois par jour, je me suis sentie calme. » « J’ai pris l’habitude de me laver chaque jour les dents en pleine conscience et depuis trois semaines, je m’aperçois que je ne vis plus du tout cette action de la même manière, désormais les pensées me parasitent moins, elles sont toujours là mais sont comme en arrière-plan. »
N
Exercice concret
Introduction de la notion de dépression unipolaire, quels sont les symptômes ? On fait travailler tous les participants en distribuant l’échelle des pensées automatiques ou A.T.Q de Hollon et Kendall (1980). Le patient coche, parmi les pensées dépressives, celles qui sont présentes dans son esprit dans les huit derniers jours. Le but est de repérer les pensées qui sont persistantes dans les huit derniers jours alors que l’humeur est stable et non dépressive. Amenez le sujet à constater que ses pensées ne sont que des pensées, pas autre chose. N
Questionnaire A.T.Q
Le questionnaire des pensées automatiques ou ATQ (Automatic Thoughts Questionnaire ; traduction française et validation Bouvard et al. 1992) comprend 21 pensées automatiques typiques du dépressif. Cet outil sert tout à la fois à évaluer la fréquence des cognitions et à les identifier.
55
56
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
E XTRAIT
DU QUESTIONNAIRE DES PENSÉES AUTOMATIQUES
– ATQ
Pour chaque pensée, veuillez indiquer à quelle fréquence la pensée a été vôtre durant la dernière semaine. La cotation s’effectue sur une échelle allant de « pas du tout » à « tout le temps ». 1. J’ai la plus grande difficulté à faire face au monde. 2. Je ne suis pas bon. 3. Pourquoi je ne réussis jamais. 4. Personne ne me comprend. 5. J’ai laissé tomber les autres.
N
Méditation assise ou couchée à trois focus
Focus respiratoire, puis focus sur le corps et enfin focus sur les sons. À la place des sons cela peut-être visuel, focus sur ce qu’il y a à voir, par exemple dans la nature. Durée 40 minutes. Déroulement
Dans une première étape, on accueille l’expérience quoi qu’il arrive, qu’il y ait des pensées ou pas, des émotions ou pas. Revenir sur les sensations physiques ensuite étape du focus sur la respiration. Le focus sur les sons est de prendre conscience des types de sons sans chercher à les reconnaître à les nommer, mais repérer le volume, leur continuité ou pas, leur style, l’absence de son entre les sons, les silences ; timbre aigu, grave, sons au même moment ou non ; qui arrivent à différents moments ; qui est en premier plan ? En arrière-plan ? Et on repère les pensées comme elles viennent, sans les juger. Ce sont des objets, non des commandements. Dans cet espace privilégié, ma pensée est un événement mental comme un son est un événement mental. Le cerveau dans la tradition orientale est le sixième sens qui est conçu comme un organe sensoriel qui n’est pas supérieur par rapport aux autres. Instructeur : « Prenez le temps de respirer, d’observer votre respiration dans le ventre, autour de l’abdomen...
Déroulement MBCT : première phase
Qu’est-ce que vous remarquez de votre respiration ? Comment ressentez-vous votre respiration ? Est-ce que vous remarquez les petits détails de chacune de vos inspirations, et de chacune de vos expirations ? »
On peut prendre alors la métaphore de l’écran où se projettent nos pensées que l’on peut regarder. Mais on peut prendre d’autres métaphores : les nuages, etc. Retour d’expérience « J’ai eu l’impression d’être envahi, voire même agressé par les sons pendant toute la méditation. Pourtant, ces sons je ne les entendais pas en début de groupe, ils sont devenus très intenses, et m’ont envahi. » « Je ressens plus de difficultés à pratiquer la méditation assise ». Dans lequel il se sent envahi par ses pensées et son travail qui le stresse et l’angoisse, il a l’impression d’être submergé. Il s’effondre en larme durant l’exercice de méditation assise.
En cette fin de séance 4, un troisième objectif : introduction de la technique du sablier, durée 3 minutes, intitulé « espace respiratoire ».
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Méditation assise
Focus respiratoire, puis focus sur le corps éventuellement là où cela peut faire mal, on respire sur ces zones-là et on peut alors éventuellement changer de position pour une plus confortable. Durant la première minute, prise de conscience de la respiration avec focus, sur le cœur et dans tout le corps. La minute suivante, focus que sur la respiration. Et dernière minute respiration globale dans tout le corps. Technique indispensable, complémentaire aux phases de méditation. Complément de la pratique formelle, car sinon rapidement utilisée seule par les patients comme un outil. On dit pour la méditation de la faire régulièrement, du mieux que vous pouvez. L’instructeur commence l’espace respiratoire toujours par : « Vous sentez la source sur laquelle vous êtes assis. Portez attention à votre respiration, vous laissez maintenant votre respiration en second plan et vient en premier plan la perception de votre corps. »
57
58
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
Tâche comportementale de fin de quatrième séance : on distribue aux patients des CD où sont enregistrées les méditations principales afin qu’ils puissent faire les exercices plus facilement. Durée : 40 minutes environ. Caractéristiques Du fait que les exercices sont pratiqués consciemment, ces derniers ont pour avantage d’occuper une partie du canal limité de l’information en lieu et place des pensées dépressives, c’est-à-dire qu’il prive le cycle ruminant des ressources pour l’entretenir. Elle permet de mieux repérer les périodes où les malades sont susceptibles de glisser dans la dépression, la Pleine Conscience constituant un système d’alerte permettant de l’arrêter avant l’effondrement.
Fin de la première partie de la thérapie qui était consacrée à l’identification, à la conscience de soi, à la découverte de la pleine conscience, dans la façon d’être. Les sujets apprennent de quelle manière le vagabondage de l’attention ouvre la porte des pensées négatives. Dès qu’une personne sera consciente de cela, qu’elle aura assimilé cette première phase de la démarche de pleine conscience, elle pourra remarquer ses changements d’humeur et avancer pour les prendre en main maintenant ou plus tard. Les séances 5 à 8 sont consacrées à la gestion des mouvements de l’humeur à l’instant où ultérieurement : Le but du programme n’est pas le bonheur, mais la liberté.
Chapitre 4
Déroulement MBCT : seconde phase
L ES SÉANCES 5 À 8 La seconde partie du programme MBCT vise à utiliser les démarches de pleine conscience pour faire face aux variations quotidiennes des émotions et de leur cortège de pensées. Le choix de ses outils dans la démarche MBCT se compare à notre sélection opérée devant la carte d’un restaurateur : « C’est comme une carte au restaurant, on propose différents plats à une personne et elle va construire son menu en faisant succéder différents mets, tels qu’une entrée, un plat principal et un dessert ou encore deux entrées puis un dessert, etc. » Poursuivons la description de cette pratique.
O BJECTIFS A PPRENDRE
À GÉRER LES MOUVEMENTS D ’ HUMEUR
Détecter et devenir conscient de la pensée ou du sentiment négatif qui pourrait causer une baisse d’humeur plus tard.
Apprendre à déplacer son attention vers la respiration pendant une ou deux minutes avant d’étendre l’attention à son corps dans son ensemble.
60
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
N
Organisation générale des séances
Toujours mise en route par du stretching ou des exercices de yoga en position debout, en commençant par la posture de la montagne, à laquelle on revient entre chaque mouvement (cf. chapitre 4). Partage d’expérience Exercice MBCT Mise en commun de l’expérience Prescription de tâches entre les séances.
S ÉANCE 5 : PERMETTRE , LÂCHER PRISE « Plus on est à même de respecter et d’accepter le moment présent, plus on est libéré de la douleur, de la souffrance et du mental » (Eckhart, 1999)
Cette séance se concentre sur :
➙ travailler sur les difficultés du moment ; ➙ développer un sentiment d’acceptation de l’expérience telle qu’elle est sans la juger ou essayer de la changer.
N
Méditation à quatre focus
Le corps, la respiration, le son, et ensuite sur une expérience désagréable vécue le jour même en observant les cognitions. Ainsi, on active volontairement les cognitions désagréables afin de développer un nouveau rapport entre soi et ses pensées pénibles : l’acceptation/le non-jugement. Instructeur : « Portez votre attention lentement sur les sons, vous êtes à l’écoute de chaque son comme unité primaire, un son fort, faible, aigu, grave ou encore lointain sans chercher à définir quel est ce son... Dès que vous vous sentez prêt, vous quittez les sons sur lesquels vous vous concentriez, puis lentement vous portez votre attention dorénavant sur une situation qui a été émotionnellement désagréable pour vous aujourd’hui, vous visualisez cette situation avec ses détails, ses différentes facettes et vous êtes de nouveau dans cette scène : quelles sont vos émotions ? Vos images ? Vos pensées ? Vos sensations physiques ?... Vous allez alors imaginer que votre tracas est comme un caillou dans le torrent, comme un rocher, vous regardez toujours le rocher en regardant
Déroulement MBCT : seconde phase
le torrent couler autour. Ne vous laissez pas happer ni kidnapper par le torrent qui représente le flot de vos émotions. Si cela est trop difficile, trop douloureux, déplacez de nouveau votre attention sur votre respiration, restez à l’écoute de votre respiration... »
L’instructeur peut proposer d’autres images telles que des nuages gris qui passent dans le ciel, l’image d’une feuille portée par l’eau du ruisseau et qu’on laisse passer au fils de l’eau, etc. « Revenez lentement de nouveau sur la situation émotionnellement pénible du départ et observez comment vous la vivez maintenant, comment vous l’entrevoyez ? »
L’instructeur ne fait pas de « feed-back » sur la situation pénible, mais s’appesantit seulement sur la capacité à changer le focus. On passe ainsi du mode « faire » au mode « être ». Partage d’expériences « J’ai vraiment bien visualisé le torrent, j’ai imaginé que j’écrivais ma pensée, mon émotion sur une écorce d’arbre, puis je l’ai suivi des yeux partir sur le ruisseau, j’étais soulagé. » « J’ai bien imaginé me rapprocher du torrent, puis poser ma pensée, mes émotions sur une feuille qui était sur le bord, puis elle est partie très vite dans le flot turbulent de ce ruisseau de montagne puis a disparu dans une cascade. »
Cette méditation se termine par la lecture à haute voix plusieurs fois du poème « la maison d’hôtes ». Chaque participant du groupe lit lentement à haute voix le poème, ensuite tout le groupe partage sa compréhension affective du texte ligne par ligne, les pensées et émotions qu’il suscite.
61
62
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
P OÈME « L A
MAISON D ’ HÔTES
»
DE J ALÂLUDDÎN
R ÛMÎ
Jalâluddîn Rûmî était originaire de cité de Balkh dans le nord de l’Afghanistan actuel. Né le 30 septembre1207, il décède le 17 décembre 1273 à Konya. Il s’agit d’un mystique musulman perse qui a profondément influencé le soufisme. Rûmî a également repris à son compte les fables d’Esope dans son principal ouvrage le « Masnavi » (« Mathnawî », « Mesnevi »). L’Unesco a dédié l’année 2007 en son honneur, pour fêter le huit centième anniversaire de sa naissance. Son poème « la maison d’hôte » connait de très nombreuses traductions, mais aucune ne semble faire l’unanimité. Nous vous en proposons cidessous une formulation la plus fidèle possible du texte original : L’être humain est une maison d’hôtes À chaque jour, une nouvelle arrivée Une joie, une peine, une mesquinerie, Une pleine conscience passagère qui survient, Tel, un visiteur inattendu. Accueille-les tous ! Même s’ils sont une foule de tristesse, de chagrins, Qui balayent violemment ta maison, Et la vident de ses meubles, Pour autant, traite toujours chaque visiteur honorablement. Il pourrait te débarrasser et t’éclairer Pour faire place à quelques nouvelles joies. Les pensées sombres, la honte, la méchanceté, Reçois-les devant la porte en riant Et invite-les à entrer. Sois reconnaissant envers celui qui vient, Parce que chaque invité a été envoyé Comme un guide venu d’en haut, d’ailleurs.
Partage d’expériences « Je ne suis pas d’accord du tout avec ce texte, pourquoi accueillir sur la porte tous les mauvais hôtes ? » « C’est très beau, mais... » Un autre participant pleure après la lecture.
Nous poursuivons la séance avec l’utilisation de l’espace respiratoire pour « faire-face » :
Déroulement MBCT : seconde phase
Reprise de la technique du sablier (cf. séance 4) mais, dès le temps 1, on demande au patient de se concentrer sur une sensation physique ou psychologique désagréable, sur une sensation, il cherche à repérer la cognition et la sensation physique existante puis, temps 2, focus sur la respiration et, temps 3, focus sur les sensations générales du corps. N
Prescription de tâches
Variantes possibles de la méditation quatre focus, la méditation de la montagne : Instructeur : « Vous avez déjà vu une montagne en vrai ou en image. Cette image de montagne apparaît au premier plan, elle peut-être massive, pas très haute enracinée dans le sol, sur un socle... Mais elle peut-être aussi très haute, escarpée aux sommets enneigées, vous visualisez votre montagne celle qui vous plaît à regarder... votre esprit peut partir dix mille fois de suite, peu importe, ramenez à chaque fois votre esprit sur votre respiration... »
N
Étapes de la méditation de la montagne
Imaginons dans notre esprit, dans notre image intérieure une montagne qui nous plaise, dans sa forme, dans ses flans que l’on intériorise alors. Plutôt en position assise. La montagne est impassible, inamovible malgré les tempêtes malgré le vent pendant l’hiver. Pendant le printemps les oiseaux se remettent à chanter, les fleurs s’épanouissent dans des prairies verdoyantes. Et la montagne demeure malgré tous ces changements dans ses apparences. En tant qu’être humain, nous sommes dans notre vie secoués par des vents violents, des tempêtes intérieures. Des moments lumineux aux moments les plus sombres de notre vie, de notre corps. Nous vivons des périodes douloureuses. Des périodes de joie intense. Nous pouvons avec l’image de la montagne garder la même immobilité, garder le même enracinement. Grâce aux événements qui peuvent survenir toutes les minutes, toutes les heures, toutes les années pendant notre existence quotidienne. Nous éprouvons constamment la nature changeante de notre corps ainsi que celle du monde extérieur. Notre aspect physique aussi s’est modifié, en fonction du temps, en fonction des circonstances. La montagne change au gré des saisons. Au gré des conditions climatiques.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
63
64
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
En adoptant la montagne pendant la méditation, on adopte également sa force, sa stabilité. Elle peut nous aider à voir nos sensations, nos émotions, nos crises émotionnelles. Les éléments qui nous perturbent ressemblent aux assauts du mauvais temps. Nous avons tendance à en faire une affaire personnelle, alors qu’en réalité, cela relève d’une causalité impersonnelle. Les tempêtes qui déferlent sur nos vies ne doivent pas être ignorées, mais doivent être identifiées, ressenties, reconnues pour ce qu’elles sont. Nous finissons par trouver par cette méditation :
➙ un calme, ➙ un silence, ➙ une sagesse,
dont nous nous serions sentis incapables. C’est ce que les montagnes ont à nous apprendre. C’est un support qui est destiné à nous venir en aide pendant la méditation. Nous sommes une montagne en mouvement, qui respire, qui danse. Nous sommes à la fois aussi solides que le roc, mais aussi fluides que l’eau. Notre potentiel est immense.
Une variante proche, la méditation du lac, se réalise en position allongée, mais peut se faire en position assise. Cette méditation suit les mêmes étapes que la méditation de la montagne, mais le sujet se concentre sur l’étendue d’eau qu’il a choisi de visualiser : un lac suspendu au sommet d’une montagne, un lac dans les terres, etc.
S ÉANCE 6 : L ES PENSÉES NE SONT PAS DES FAITS « Votre liberté commence quand vous prenez conscience que vous n’êtes pas cette entité, c’est-à-dire le penseur... Observez le penseur. » (Eckhart, 1999)
Le but de cette séance est triple : 1. trouver différentes manières de considérer autrement nos pensées ; 2. arriver à séparer les événements des interprétations ; 3. voir notre propre expérience sous un autre angle. Cette séance débute toujours par quelques exercices de stretching, puis pratique d’une méditation à deux focus (corps et respiration) ou bien pratique d’un espace de respiration.
Déroulement MBCT : seconde phase
N
Exercice cognitif Première scénette
L’instructeur fait imaginer une scénette de la vie quotidienne, afin de faire découvrir au participant sa propre expérience émotionnelle : « Vous imaginez que vous êtes déprimé, vous êtes dans votre bureau et vous recevez un appel téléphonique d’un supérieur qui vous fait remarquer que vous avez mal fait votre travail, vous voulez alors discuter avec un collègue au travail dans le couloir et celui-ci part rapidement en vous disant qu’il n’a pas le temps tout de suite, mais tout à l’heure. »
L’instructeur demande : « Notez sur la feuille devant vous : quelles sont vos pensées ? Vos émotions ? »
Deuxième scénette « Vous venez d’avoir un appel téléphonique dans votre bureau qui vous félicitait sur la qualité de votre travail, vous croisez ensuite un collègue dans le couloir vous voulez lui parler et celui-ci dit qu’il n’a pas le temps tout de suite, plus tard, qu’il est pressé et part. »
D’une même manière, l’instructeur demande de noter par écrit ce qu’ils ressentent, ce qu’ils pensent. Partage d’expérience Les différentes propositions des participants sont notées sur le tableau (style paper-board), selon un format en quatre colonnes qui distinguent la situation, l’émotion, la pensée et les sensations physiques.
Tableau 4.1. Trois exemples de participants Participant
Situation
Émotion
Cognition
Participant 1
1re scénette
Colère
« Il se moque de moi »
Participant 1
2e scénette
Indifférence
« On aura bien une autre occasion de se voir »
Participant 2
1re scénette
Abattement
« Je suis nul »
Participant 2
2e scénette
Engourdissement
« Il est vraiment distrait »
Participant 3
1re scénette
Abandon
« C’est de ma faute »
Participant 3
2e scénette
Etonnement
« Je ne le crois pas »
65
66
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
Chacun commente la différence entre les deux situations dont le déroulement est identique mais dont la seule différence est l’état émotionnel de départ. L’instructeur leur demande ensuite de conclure : à quoi sert ce travail que nous venons de faire ? « Dans la première expérience, je suis en colère, j’en veux à l’autre de ne pas prendre le temps, alors que dans la seconde expérience son refus m’est quasi indifférent et je me dis que je vais en parler à quelqu’un d’autre. » « Dans la première expérience, les pensées sont toutes négatives, autocentrées “moi, je...” Et le plus souvent, dans la seconde scénettes, les pensées concernent l’autre, elles sont hétéro centrées » « Je me sens si nulle dans le premier exemple que je cherche un soutien, je me sens abandonnée ; la seconde fois, je suis étonnée des compliments, je n’y crois pas trop, je ressens moins le besoin de partager, j’accueille son refus avec fatalité. »
N
Conclusion générale
La situation change en fonction de ce que l’on a vécu précédemment. L’humeur induite par une situation influence longuement la pensée et le comportement. La pensée n’est qu’une pensée, elle n’est pas très fiable, elle n’est que relative. Il ne s’agit que d’une interprétation, les pensées ne sont pas des faits. Quel est l’intérêt de cet exercice dans la prévention des rechutes dépressives ? Montrer que l’état émotionnel est transitoire, monte puis diminue. Quel contraste avez-vous constaté entre la situation négative et la situation positive ? Ma pensée n’est pas un fait, mais quand je suis déprimée, ma pensée me persuade. Et, en effet, plus la dépression est intense, plus on colle à ses pensées et il faut se rappeler de ce principe avec force. Donc j’identifie mes pensées, et mes émotions ; elles sont là, comment je puis-je être avec elles ?
➙ Acceptation dialectique qui devrait pouvoir faire changer à long terme. ➙ Attitude compassionnelle. ➙ Adaptations. ➙ Regarder.
Déroulement MBCT : seconde phase
N
Exercice : espace de respiration « faire face » L’instructeur : « Ma douleur est comme une vague par rapport à l’océan. C’est une partie du corps, mais c’est la sensation globale qui compte. Regarder ce qu’il y a dans cette région douloureuse, revenir sur la respiration. Oui cette sensation est un problème, je peux être attentif et je porte attention dans l’existence du corps entier, respirez avec tout le corps en entier des pieds jusqu’au sommet de la tête quand vous êtes prêt vous décidez d’arrêter et vous pouvez continuer à prolonger l’expérience en restant présent, vous ouvrez les yeux quand vous voulez. »
N
En résumé
La première étape vise à bien reconnaître ce que l’on ressent et à le nommer. Prendre un espace de respiration afin de dissoudre le sentiment déplaisant. Les participants doivent choisir la réponse la mieux adaptée :
➙ soit de façon directe en y voyant seulement une pensée et en la laissant
Prescription de tâches
Dès la sixième séance, tous les exercices pratiqués par le patient sont libres, à la carte ; ainsi, dès la séance six, on prépare la séance huit.
S ÉANCE 7 : C OMMENT PUIS - JE AU MIEUX PRENDRE SOIN DE MOI ? N
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
➙
passer ; soit en recherchant quelle partie du corps est affectée au moyen de l’observation corporelle systématique et en utilisant le souffle pour adoucir la perception de la sensation, plutôt que de se tendre.
Premier travail
Après une mise en route par le stretching, le premier travail porte sur les signes précurseurs ou signes d’alerte de la rechute dépressive. Chaque
67
68
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
participant témoigne, l’instructeur note l’ensemble des propositions sur un tableau. L’instructeur suggère à chacun de faire des fiches qui récapitulent la liste des signes annonciateurs de la rechute. La thématique de cette séance se rattache à l’apprentissage pour reconnaître les signes personnels d’une baisse de moral et acquérir la compétence de faire des plans et élaborer des stratégies personnelles pour faire face et savoir comment répondre au mieux à ces signes. Rappelons : Les pensées ne sont pas des faits, elles sont simplement des pensées. N
Deuxième travail
Tâche de l’emploi du temps « activity shedulling » (Beck 1979) pour chaque activité, noter si elle apporte de l’énergie. Dans ce cas, on lui attribue la lettre « n » comme activité qui nourrit. Si l’activité vide de l’énergie, si cette activité prend de l’énergie ou encore qu’elle prend plus d’énergie qu’elle n’en donne, alors on lui attribue la lettre « v ». Ensuite chaque participant établit le total sur la journée. Pendant la séance chaque participant travaille sur une seule journée, celle qui précède le groupe. Partage d’expérience « Je débute par des activités toutes vidantes, ma préparation, les transports en commun jusqu’à mon travail, le trajet jusqu’au bureau. Le travail. Une pause nourrissante vers 10 heures où je discute avec une collègue. De nouveau, des activités vidantes jusqu’à 18 heures. Ensuite, que des activités nourrissantes : du sport, le retour chez-moi, un bain, dîner et lecture. » Un autre participant : « Toutes mes activités ont été nourrissantes à mon étonnement, sauf un moment vidant où je me suis trouvée dans un trajet en voiture dans les embouteillages. »
N
Représentation de la journée d’un participant Après le partage de tous les témoignages, l’instructeur demande : « Est-ce que ce constat est une surprise ? Est-ce qu’il apprend quelque chose ? »
En effet, si on dépense trop d’énergie alors on devient vulnérable sur le plan émotionnel. Il faut bien penser où mettre l’énergie.
Déroulement MBCT : seconde phase
Pour approfondir l’exploration, demander quel critère le sujet prend pour estimer qu’une activité est nourrissante ou vidante puis discuter l’équilibre entre nourrissant pour soi-même et nourrissant pour les autres. Dans le cas où le patient constate que toutes ses activités vidantes sont obligatoires, on amène le patient à s’interroger comment peutil faire pour que ces activités puissent être vécues autrement ? Quels aménagements ? Faire les activités de manière différentes afin qu’elles puissent apporter de l’énergie à la personne. N
Troisième travail
Espace respiratoire en incluant une flexibilité : avoir la possibilité de faire une pause pour voir ce qui se passe, sentir le souffle avant d’élargir son attention, sentir une plus large perspective de l’Ici et Maintenant. À cela s’ajoute l’invitation faite aux participants d’être plus conscient des signes personnels avant-coureurs d’une dépression éminente, et à développer des plans d’action spécifique pour le moment où cela va se produire.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
N
Prescription de tâches
Chaque sujet doit poursuivre pendant toute la semaine la notation de son emploi du temps en indiquant pour chacune celles qui sont nourrissantes et vidantes. Chaque sujet poursuit au moins une activité quotidienne en pleine conscience, et chaque jour également une pratique de méditation au choix (body scan, méditation à 2, 3 ou 4 focus, etc.).
S ÉANCE 8 : PLAN D ’ ACTION POUR FAIRE FACE À LA MENACE DE LA RECHUTE Il s’agit de la dernière séance, c’est une récapitulation de la thérapie. Elle souligne l’importance de la pratique régulière de la pleine conscience pour maintenir un bon équilibre et la nécessité de savoir prendre soin de soi. Le balayage corporel ou body scan inaugure toujours la séance huit. Il permet de faire le point, le parcours depuis la séance 2 : le développement des capacités à fixer l’attention sur le souffle, sur le corps, sur les sensations ; les capacités à reconnaitre l’irruption permanente des pensées,
69
70
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
d’images mentales, de commentaires des actions, des anticipations ; le développement des capacités à quitter ces objets mentaux et de revenir sur les corps, les souffles ou encore les sensations, les sens ; les nouvelles capacités à être dans le moment présent. Partage d’expérience après la pratique du balayage corporel « J’ai beaucoup mieux ressenti mon corps dans sa globalité, c’était plutôt plaisant, même si je me suis aperçue que j’avais mal dans un bras, cela m’a préoccupé quelques instants puis je me suis re-concentrée sur ma respiration. » « Le body scan, c’est ce que préfère le plus, j’en fais presque tous les jours, cela me permet de me poser. »
Dans un second temps, revue des tâches au domicile : sur l’emploi du temps indiquant les activités nourrissantes et vidantes. « J’étais contente, j’ai pu observer sur une semaine que je ne faisais pas tant d’activités vidantes que cela, je croyais le contraire. » « Ce relevé m’a permis de constater que toutes les activités vidantes sont concentrées en première moitié de journée, j’arrive épuisée, à bout l’aprèsmidi, j’ai pensé à certaines occupations pour mieux répartir cette charge mal répartie. »
Tâche : faire une journée de pleine conscience de 10 h du matin à 15 h 30. Enfin, dans la huitième et dernière séance, il est demandé aux patients d’apprécier leur progression et d’initier une démarche pour pérenniser l’enseignement qu’ils ont reçu à moyen et long terme. Fin de l’apprentissage
L ES SÉANCES DE RAPPEL Elles se réalisent au cours de groupe de consolidation une fois par mois, où se rejoignent des personnes issues des différents groupes. Elles apparaissent indispensables pour pérenniser la pratique MBCT et pour prolonger plus avant cette expérience de la pleine conscience.
Déroulement MBCT : seconde phase
C OMMENTAIRES Quelle est l’observance des individus pour cette pratique ? Dans ce type d’approche psychologique et cela de manière beaucoup plus marquée que des thérapies biologiques, le patient a un rôle primordial à jouer. Il est l’activateur et l’acteur clé de la réussite de sa démarche. En effet, soutenu par le thérapeute à raison de huit séances, en deux mois, afin de le guider, il doit de manière solitaire, pratiquer différents types d’exercice qu’il aura appris de manière collective au sein de sa formation. Le travail vise à assurer la persistance des acquis de la thérapie. Elle se décline en quatre messages :
N’oubliez pas le message : « Prenez soin de vous ». « Tissez » votre bien-être jour après jour. Acceptez les choses comme elles sont sans pour autant baisser les bras. Regarder en avant !
N
L’engagement personnel
L’observance stricte est présentée, au moment du choix de la démarche, comme essentielle à la mise en place d’un processus d’amélioration et de guérison, ce qui de fait, limite l’application du traitement aux sujets les plus fonctionnels et observant. Bien sûr, le thérapeute insiste à chaque séance sur l’importance de la pratique en suivant le cahier de pratique de manière stricte en soulignant le contrat d’engagement effectué entre le patient et le thérapeute. N
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Pratique de la méditation, au début de l’initiation mais aussi tout au long du cheminement
Chaque méditation sera une expérience différente. Il faudra avoir la curiosité d’explorer, se familiariser avec soi-même, se familiariser avec son impatience. C’est comme la maison d’hôte : « je l’accueille cette impatience », « je me familiarise avec mes sensations internes au bout d’un certain temps de pleine conscience, on s’aperçoit qu’on n’est par-là, on ramène son attention avec gentillesse, on n’a rien manqué, il n’y a rien à rattraper... »
71
72
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
La respiration, elle est toujours là, permanente, je sais que j’ai un endroit, un lieu où je peux me poser au lieu de tomber dans une réactivité émotionnelle, au lieu d’avoir un comportement d’évitement ou encore d’attaque ou sinon de m’auto accuser et de ruminer mes pensées. Donc ne pas être réactif par rapport à l’émotion, mais en revanche être actif par rapport à celle-ci et non pas être résigné. Du fait du focus sur la respiration pendant la méditation, vous êtes actif par rapport à l’émotion donc aucune passivité. N
La gestion des symptômes
On peut considérer cette approche comme de l’exposition guidée aux stimuli internes aversifs représentés par les émotions négatives, les pensées douloureuses. Cette exposition renforcée permet d’utiliser avec l’aide du thérapeute, les exercices stimulant la pleine conscience, afin, d’une part, de permettre au sujet de mettre en place un processus personnel d’utilisation des atouts de la pleine conscience au moment où les stimuli aversifs se manifestent dans la vie du patient, et d’autre part, d’autonomiser le sujet par rapport à cette démarche, afin de renforcer son potentiel adaptatif qui se base ici sur la pleine conscience. L’idée étant que le patient puisse mettre en place par lui-même et sans soutiens des stratégies alternatives. Quand la thérapie est terminée, ces mécanismes lui permettent de mieux faire face à sa problématique. Ainsi, cette attention soutenue sur ces pensées sans les juger, et en essayant de les laisser passer, sans leur donner de la consistance, sans chercher à les analyser, ni les comprendre permet cette distanciation émotionnelle.
P ERSPECTIVES La pratique régulière de MBCT démontre une volonté d’engagement et d’implication forte ce type de pratique amène le participant à se questionner sur son rapport au monde et à son hygiène de vie. Enfin, notons également l’importance que joue le thérapeute mais aussi le groupe dans cette approche en tant que stimulant à une certaine pratique. C’est pourquoi, dans une optique clinique et psychothérapeutique, les recherches futures sur les processus de changement incluront non seulement les variables personnelles cliniques, émotionnelles et cognitives, mais aussi les variables interpersonnelles.
Chapitre 5
Déroulement MBCT : consolidation
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
U N ENTRAÎNEMENT PERSONNEL RÉGULIER La pleine conscience exige un entraînement. D’abord, il faut pratiquer la pleine conscience pour nous concentrer sur nous-mêmes car, si nous méditons de façon discontinue, pendant les périodes sans méditation, nous allons revenir à nos vieilles habitudes. Ainsi, nous allons retomber sous l’emprise des émotions négatives sans avoir la possibilité d’avoir recours au soutien de la méditation. Mais tout entraînement implique des efforts, comme tout changement amène des résistances. Que notre séance soit agréable ou ennuyeuse, facile ou difficile, l’important est de continuer, de persévérer. Cultiver les attitudes de non-jugement, de patience, de confiance, d’esprit du débutant, de non-effort et de lâcher prise va épauler et approfondir la pratique des techniques de méditation (Jon Kabat-Zinn, 2009).
74
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
Partage d’expériences « Je me rends compte combien c’est important pour moi de pratiquer car cela me permet de me poser, d’être moins agitée, moins éclatée. Ça me repose et j’en sens la nécessité. » « La pratique me permet d’être moins dans la dispersion, dans la réactivité, moins impulsive. » « Je me rends compte que quand je lâche la pratique, je repars dans des automatismes d’avant. Il ne faut pas que je décroche pendant trop longtemps car après j’ai plus de mal à revenir... »
L ES OBSTACLES Les obstacles que nous pouvons rencontrer et qui ralentissent la mise en place et la constance de la pratique de la méditation sont :
➙ la distraction (notre esprit a tendance à être chaotique) ; ➙ l’agitation et la torpeur ; ➙ la paresse ou le manque de motivation. La torpeur peut aller de la lourdeur au sommeil en passant par la rêverie, l’ennui, etc. Le manque de persévérance et de motivation diminue aussi les effets de la méditation. L’agitation est une forme de distraction hyperactive qui nous éloigne de notre objet de concentration. Mais il y a tellement de façons d’expérimenter la méditation, de la vivre.
T OUT SIMPLEMENT OUVERT À L’ EXPÉRIENCE Quand nous sommes simplement ouverts à l’expérience, il y a déjà là d’énormes opportunités d’expérimenter les choses car il n’y a pas une bonne ou une mauvaise façon de tester l’expérience, ni une façon correcte de pratiquer la méditation. Ce n’est pas le résultat qui compte mais la conscience d’être présent. Il ne s’agit pas d’éviter ce que l’on vit mais de l’accepter. La pratique de la méditation c’est un peu comme un laboratoire mais aussi une méthode pour l’aborder.
Déroulement MBCT : consolidation
Sommes-nous en mesure de percevoir la beauté dans un environnement commun à une heure inappropriée ? Par un froid matin de janvier, un homme assis à une station de métro de Washington commença à jouer du violon. Il joua six morceaux de Bach pendant environ 45 minutes. Pendant ce temps, comme c’était l’heure de pointe, il fut calculé que des milliers de personnes étaient passées par la gare, la plupart d’entre elles en route vers leur travail. Trois minutes s’écoulèrent et un homme d’âge moyen remarqua qu’un musicien jouait. Il ralentit son rythme, arrêta pendant quelques secondes, puis se précipita pour respecter son horaire. Une minute plus tard, le violoniste reçut son premier dollar : une femme jeta de l’argent dans l’étui de son violon et, sans s’arrêter, continua son chemin. Quelques minutes plus tard, quelqu’un s’adossa au mur pour l’écouter, mais l’homme regarda sa montre et reprit sa marche. Il est clair qu’il était en retard au travail. Celui qui a apporté le plus d’attention à la prestation musicale fut un petit garçon de 3 ans. Sa mère le tira vers elle, mais le garçon s’arrêta pour regarder le violoniste. Enfin, la mère tira plus fort et l’enfant continua à marcher en tournant la tête tout le temps. Cette action fut répétée par plusieurs autres enfants. Tous les parents, sans exception, les forcèrent à aller de l’avant.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Durant les 45 minutes que le musicien joua, seulement 6 personnes s’arrêtèrent et restèrent à l’écouter pendant un certain temps. Environ 20 lui donnèrent de l’argent, mais continuèrent à marcher à leur rythme. Il recueillit 32 $. Quand il finit de jouer et que le silence se fit, personne ne le remarqua. Personne n’applaudit, ni n’exprima quelque reconnaissance que ce soit. Personne ne savait cela, mais le violoniste était Joshua Bell, l’un des meilleurs musiciens au monde. Il a joué l’un des morceaux les plus difficiles jamais écrits, avec un violon une valeur de 3,5 millions de dollars. Deux jours avant sa prestation dans le métro, Joshua Bell joua à guichets fermés dans un théâtre de Boston où un siège coûtait en moyenne 100 $. C’est une histoire vraie. Joshua Bell joua effectivement incognito dans la station de métro. Retrieved on http://lapleineconscience.com/2012/02/12
75
76
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
L’ ACCEPTATION DES ÉMOTIONS Ceci signifie vivre l’expérience et ne pas la rejeter si elle ne nous plaît pas, l’accueillir au lieu de l’éviter. Il y a différentes relations que nous pouvons avoir avec les émotions ; l’une d’entre elles c’est de les explorer, car les émotions sont nécessaires et elles ont le pouvoir de nous régénérer. Mais accepter ne signifie pas une résignation passive. Accepter veut dire reconnaître car même les expériences négatives peuvent être des enseignements. On ne peut pas changer l’expérience mais la façon de la vivre, de l’aborder. L’objectif de la pratique est de développer l’attention, d’apprendre à remarquer quand on décroche et cela sans se gronder. C’est important d’apprendre à décrocher, à revenir à la pleine conscience en se félicitant. Il s’agit d’aller à la rencontre de ce qui est déjà là. Il n’y a dans la méditation rien à faire, rien à accomplir et nulle part où aller. Le succès et l’échec sont simplement des pensées, pensées qui nous empoissonnent car les pensées peuvent restreindre ce que nous allons vivre, le conditionner. Partage d’expérience « La méditation m’a bien permis de prendre conscience de ma fatigue chronique, d’accepter mon état de fatigue chronique. Avant je luttais contre en étant hyperactive. Je ne m’arrêtais jamais sauf pour tomber brutalement dans les pommes sans avoir la perception des signes avant-coureurs. Aujourd’hui, je sens bien la fatigue, je l’écoute et je décide quand je dois rester un peu plus au lit, quitter plus tôt mon travail, ne pas m’imposer des soirées quand je suis trop fatiguée. Aujourd’hui, je me pose de limites car je sens les limites de mon corps et surtout bien clairement ma fatigue. » « Je me rends compte que pendant des années j’ai voulu retrouver le même corps qu’avant l’incident. J’étais en colère et déprimée par ce qui m’arrivait. Je n’acceptais pas mon corps. Aujourd’hui, je sais qu’il ne sera plus le même qu’avant et je commence à m’en occuper autrement. Je cherche à construire un nouveau projet de vie en prenant compte de mes limites d’aujourd’hui. Je me sens moins en colère et j’arrive à plus et mieux m’occuper de mon corps. » « La pratique m’a permis de me rendre compte que j’étais constamment dans le contrôle des situations, de mes émotions. J’avais tendance au catastrophisme et d’énormes difficultés à lâcher prise. Aujourd’hui, j’accepte autrement les situations désagréables et les émotions négatives. J’arrive à avoir du recul par rapport aux situations problématiques. »
Déroulement MBCT : consolidation
A CCUEILLIR LES NOUVELLES EXPÉRIENCES Mais si nous arrivons à ouvrir et à nous ouvrir, de nouvelles émotions jamais éprouvées avant peuvent alors arriver. C’est important de tourner l’attention vers l’expérience dans le corps, même si c’est négatif. Il s’agit d’observer sans jugement et sans entrer dedans, observer plutôt ce qui se passe en nous. Dans la pratique de la méditation, nous choisissons de mettre de côté notre tendance à valoriser certains aspects de notre expérience et à en rejeter d’autres.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
O BSERVER NOS VIEILLES HABITUDES DE PENSÉE Ce n’est pas un outil pour se soulager car la méditation vise l’acceptation de ce qui est là. Il s’agit plutôt de ne pas être dans l’évitement émotionnel. Il s’agit de ce que Francisco Varela a appelé d’abord une expérience à la première personne. Il s’agit d’éviter l’établissement et la consolidation de schémas de pensées négatifs, en désactivant les vieilles habitudes de pensées. Il ne s’agit pas de remplacer ses idées mais plutôt de les observer en prenant de la distance, ainsi que d’observer les émotions et les sensations corporelles. Dans cette pratique on ne s’intéresse pas au contenu mais au fait d’être en relation différemment avec cette souffrance. Les pensées et les émotions sont comme des turbulences atmosphériques. La méditation se cultive en adoptant la position du témoin impartial de notre propre expérience. Ceci implique que nous soyons conscients du flot constant de jugements et des réactions à nos expériences externes et internes en apprenant à s’en dégager car la concentration permet de vivre et ressentir les choses autrement. « Le lâcher prise c’est une façon de laisser les choses être, de les accepter telles qu’elles sont. » (Jon Kabat-Zinn, 2009)
77
78
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
Partage d’expérience « J’ai pris conscience de mon automatisme à me juger toujours négativement et maintenant je me rappelle à l’ordre. La pratique m’a permis d’observer des pensées récurrentes qui tournent surtout autour du jugement de la performance, de bien faire ou mal faire mes séances de méditation. Je me vois juger ma bonne ou ma mauvaise façon de pratiquer et je me suis aperçue que c’est un peu une façon générale que j’ai de me positionner dans la vie. Je juge régulièrement mes actions sur un critère de bien faire ou mal faire, je m’observe en permanence. Aujourd’hui, j’arrive à bien détecter ce fonctionnement et à prendre un peu de distance. » M. R. a pu observer qu’il est souvent dans une question : « Est-ce que je fais bien comme il faut ? Au maximum ? » Aujourd’hui, il constate qu’il est souvent dans ses pensées et qu’il a du mal à ressentir ses émotions. Mais il est content de voir cela afin de pouvoir en faire quelque chose. « Quand je pratique je me rends compte qu’une pensée revient assez régulièrement : tu ne le fais pas assez bien, tu n’y arrives pas aussi bien que les autres car pendant le body scan tu n’arrives pas à ressentir beaucoup de sensations dans le corps. Ce n’est pas normal. Aujourd’hui j’en suis consciente ainsi que je me rends compte que cette pensée me décourage et c’est mon ennemie pour une pratique régulière. La pratique m’a permis de voir, progressivement, certaines pensées sous-jacentes à mes comportements. Il fallait que je sois toujours présente, que je ne délègue jamais rien par peur que personne d’autre ne puisse accomplir les tâches aussi bien que moi. Aujourd’hui, je sais que je dois lâcher prise, faire un peu plus confiance aux autres... »
S E CONCENTRER EN PLEINE CONSCIENCE Mettre et poser le focus sur l’expérience est fondamental car souvent nous faisons les choses en pilote automatique. Souvent, le problème c’est que l’on veut aussi tout diriger, donc notre attention ne voit que ce que nous voulons voir. Mais, la majorité du temps, nous avons des vies complexes et nos esprits sont si occupés qu’il est important et fondamental de soutenir la pratique de la méditation. Il faut savoir que la pleine conscience n’arrive pas d’elle-même et une forte autodiscipline est indispensable pour développer une bonne pratique de la méditation.
Déroulement MBCT : consolidation
U N ENGAGEMENT PERSONNEL Une fois que nous avons pris, envers nous-mêmes, cet engagement de pratiquer, l’autodiscipline vient au fur et à mesure de la pratique. Le simple fait, par exemple, de nous réserver du temps chaque jour constitue déjà un changement positif de style de vie, ce qui nous mettra à l’abri des interruptions pour pouvoir être simplement soi-même sans avoir rien de particulier à faire. Méditer permet de voir de plus en plus tôt les erreurs ou les pièges car, quand on ne voit pas les choses, on fait de plus en plus d’erreurs. C’est important de voir notre attitude de rejet pour ce qui ne nous plaît pas, sans la repousser. Repousser n’est pas une solution, quand c’est là, c’est déjà là.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
L ES a priori Le jugement bloque l’événement, le vécu expérientiel. Mais nous bloquons aussi la prise de conscience de ce que cela provoque en nous : peut-être la peur, les préjugés, et par conséquent nous fermons la porte à l’inattendu, à ce que nous n’avions pas prévu. Nous passons la majorité de notre temps à vouloir tout anticiper et contrôler. Il s’agit simplement d’observer et regarder quand il y a quelque chose qui nous dérange, en essayant plutôt de comprendre ce qui se passe. Mais malgré tout, il faut savoir que l’esprit jugeant est quelque chose d’extrêmement fort et puissant chez l’être humain. Il s’agit alors d’aider les gens à ne pas être dans l’évitement émotionnel et à être plus tolérant vis-à-vis du problème et surtout à se rappeler que nous ne sommes pas nos pensées. Il s’agit davantage de cultiver une certaine intimité avec notre corps, la maison qui est à l’intérieur de nous. Il est important de cultiver la pratique et de ne plus avoir l’habitude d’éviter car il y a différentes façons d’être en relation avec nos émotions. L’une, c’est de les explorer plutôt que de les bloquer. Un esprit ouvert, de « débutant », nous permet d’être réceptifs à des nouvelles possibilités et nous empêche de nous bloquer sur notre propre expertise.
79
80
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
O BSERVER SES PENSÉES COMME DES OBJETS La mindfulness change la relation à la réalité. Plus nous la pratiquons, plus nous arrivons à être moins dans les pensées. Il ne s’agit pas d’obliger tout le monde à les accepter mais plutôt à les reconnaître, reconnaître ce qui est en train de se passer. La pleine conscience n’implique pas d’être attentif mais plutôt de l’être différemment, en utilisant comme base toutes les ressources du corps et des sens. En général, notre façon de prêter attention aux choses est particulièrement limitée. Pour s’entraîner à développer la pleine conscience, on peut choisir une activité quotidienne et y apporter une conscience différente dans sa réalisation. Finalement la méditation permet d’être dans l’instant présent en nous libérant des automatismes qui enclenchent le cycle des ruminations. Il est classique de comparer la méditation à un muscle qui doit être exercé. Si on ne la pratique pas on ne comprend pas cette expérience, expérience qui ne nous amène pas à être indifférents ni détachés mais à la vivre autrement. La pratique de la méditation permet d’identifier à chaque fois que l’esprit s’évade. Nous pouvons prendre conscience des moments où l’on sort du mode « être » pour retomber dans le mode « faire ». Ce sont des opportunités importantes qu’apprendre à nous libérer du mode « faire » pour revenir au mode « être ».
L E PIÈGE DE NOS ATTENTES Les pensées peuvent restreindre ce que nous allons vivre, et pour s’empêcher de tomber dans les ruminations, il faut commencer par repérer les moments où notre esprit fonctionne en automatique et adopter un niveau de conscience plus vaste et important. Plus nous pratiquons et plus nous arrivons à être moins dans les pensées. Mais le souci c’est que quand les choses ne sont pas comme nous le souhaitons, nous n’avons pas envie d’être dans l’instant présent et nous voulons plutôt être ailleurs. Découvrir que notre esprit fonctionne ainsi marque le point de départ de la conscience de la méditation. Mais sans en être conscient, la méditation peut être entreprise sur le mode « faire ». Mais il faut savoir que, une fois s’être aperçu que les turbulences de l’esprit s’apaisent d’elles-mêmes, on attend que cela se reproduise
Déroulement MBCT : consolidation
à chaque fois que l’on entreprend la méditation. C’est ainsi que, quand cela n’arrive pas, on est déçu et frustré. Voilà que sans vouloir on s’est remis à viser un objectif et on pense alors que l’on n’a fait aucun progrès. Notre esprit critique nous empêche d’accepter simplement les choses telles qu’elles sont. L’attente et notre préférence de ce que nous devrions ressentir vont susciter de la frustration. Mais plutôt que de considérer tout cela comme des ennemis, on peut simplement traiter nos états mentaux orientés vers un but, comme des indices nous rappellent combien il est facile de se laisser piéger par notre tendance à vouloir faire des progrès et arriver quelque part.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Q UAND L’ ESPRIT VAGABONDE Dans la pratique, le point le plus difficile de la bataille arrive au moment où, une fois revenu à l’instant présent, on se rend compte que notre esprit s’est absenté. Mais cela est une très bonne occasion d’apprendre, apprendre que le passage d’un état mental à l’autre peut être instantané. Il est possible d’apprendre que les moments de lutte peuvent être des moments où l’on apprend beaucoup. Il est possible de ramener chaque fois l’attention et tout accueillir : les vagabondages de l’esprit, ses obsessions, ses luttes, etc. Pendant ces moments, il n’y a pas un état particulier à atteindre car il suffit de laisser simplement l’expérience de chaque instant se dérouler sans chercher à la modifier. Presque tous les exercices exigent de focaliser son attention dans l’instant présent. C’est ainsi que nous apprenons à stabiliser notre esprit tout en cultivant la pleine conscience. Par exemple, dans les moments difficiles, les sensations physiques peuvent nous aider à nous sentir plus ancrés émotionnellement. L’objectif qui guide les exercices de mindfulness n’est pas de contrôler à tout prix l’esprit, mais de percevoir et identifier clairement ses différents modes. L’apprentissage de la pleine conscience nous amène à s’exercer à prendre contact avec l’expérience directe, instant après instant.
L’ ANCRAGE CORPOREL La nature physique de nos sensations physiques et corporelles est une bonne base qui nous permettra de développer une nouvelle façon de nous connaître, plus directe. C’est une distinction essentielle qui nous
81
82
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
permettra de faire la différence entre penser au corps et éprouver des sensations physiques par le biais du corps. Cette attention accrue au corps augmente notre capacité à ressentir les messages du corps en donnant plus de places à ce dernier et en diminuant le vagabondage mental. Ces exercices nous permettent de moins vivre dans notre tête en permettant à la pleine conscience d’habiter davantage notre corps. Toutes les différentes pratiques de la pleine conscience nous permettent de nous débarrasser des attentes car les attentes peuvent se transformer en buts. De plus, la pleine conscience des sensations peut nous aider à défaire le lien entre les pensées et les sensations physiques, lien qui entretient le cycle des ruminations. Le psychologue Steve Hayes (1996) a conclu, après avoir étudié plus de 100 travaux de recherche, qu’un grand nombre de troubles émotionnels résultent d’efforts nocifs pour fuir et éviter nos pensées et nos émotions, tout ce qui constitue notre expérience émotionnelle et notre moteur mental risque ainsi de nous lâcher. Ceci fait que, à la longue, l’évitement expérientiel n’est pas une manière efficace de gérer nos émotions désagréables car même si elles sont extérieures à notre conscience, elles sont toujours là. En prêtant une attention plus fine à notre baromètre interne, nous serons capables de reconnaître les sensations déplaisantes que nous cachons, au moment précis où elles apparaissent. En apprenant à lire notre baromètre interne, nous pouvons nous libérer des automatismes des ruminations et de l’aversion. Le fait de les rendre conscients permet de réduire l’influence qu’ils ont sur notre esprit et nous permet de réagir selon des modes qui ne sont pas de l’aversion. C’est au moment où nous sentons l’aversion émerger suite à un événement vécu comme désagréable, c’est là que la pleine conscience est un point clé pour faire émerger de nouvelles possibilités. Comment ? En y dirigeant une attention bienveillante et sans jugement, ce qui permettra de découvrir des manières différentes de répondre à notre mal-être, tel que notre corps le ressent. C’est la pratique de la pleine conscience, centrée sur une meilleure connaissance du corps, qui permet de détecter plus facilement l’aspect déplaisant de l’émotion, avant qu’il ne déclenche le mode aversion. S’engager à prendre conscience de tout ce que l’on vit (agréable ou désagréable) implique que l’on soit conscient et attentif à tout ce qui se passe en nous. Cela nécessite alors d’adapter une attitude inverse à l’évitement.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Déroulement MBCT : consolidation
Accueillir avec bienveillance et intérêt quelque chose de bouleversant est déjà un pas très important vers son acceptation. Il s’agit alors d’apprendre à approcher, reconnaître et apprivoiser nos émotions afin qu’elles ne puissent plus nous entraîner facilement dans la spirale dépressive. Et c’est à force de pratiquer la pleine conscience que nous arrivons à découvrir notre manière de transformer ce qui est désagréable et difficile. En regardant ce qui nous semble difficile nous pouvons voir ce qui est activé dans notre cerveau. Nous arrivons alors à être dans un autre type de relation à l’alarme, relation qui nous permet une alternative à la mentalisation permanente et automatique. En apprenant à lire notre baromètre interne et notre envie d’éviter ce qui est désagréable, nous pouvons localiser la sensation désagréable dans notre corps afin de casser la spirale qui nous entraîne vers la rumination et la dépression. Garder délibérément une émotion en conscience, c’est déjà voir qu’elle peut être regardée, nommée et travaillée. Ce recours au corps nous permet de rester en contact avec toutes nos difficultés, et de découvrir que les pires situations sont manœuvrables. Regarder en face ce qui nous semble déprimant nous permet de tourner notre attention vers ce qui se passe. Nous sommes alors dans un autre type de relation à l’alarme. Dans la pleine conscience nous n’abordons que les problèmes de l’instant présent. Nous pouvons voir et découvrir qu’une douleur aiguë et forte que l’on perçoit comme permanente, surgit et s’estompe, va-et-vient et qu’elle est composée de toute une gamme d’émotions qui ne sont pas que douloureuses. C’est à ce moment-là que nous pouvons décider soit de nous ouvrir en pleine conscience à tout ce que nous ressentons de douloureux, soit de rester sur notre habitude à nous retirer et à nous détourner de l’expérience. Finalement, une plus grande conscience du corps sera utile pour apprendre une meilleure gestion des émotions. Partage d’expérience Mlle D., souffrant de douleurs chroniques suite à un très grave incident de la route, relate après un body scan : « J’avais mal partout quand nous avons commencé la méditation, au point de ne pas arriver à trouver une posture confortable. Le fait de me focaliser sur des points précis du corps a fait que j’ai oublié la douleur physique. J’étais bien dans les points du corps que vous évoquiez. Pendant la méditation, j’ai oublié et je n’ai pas ressenti la douleur ni n’ai pensé à l’incident et aux séquelles qu’il m’a laissées. Souvent, quand j’ai mal, je sens la colère car je repense à avant,
83
84
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
à comment je vivais avant l’accident. La méditation m’aide à me recentrer sur le corps et à sortir des ruminations. » « La méditation me permet de me focaliser sur le corps. Avant je faisais des compulsions boulimiques sans vraiment comprendre ce qui les déclenchait et sans pouvoir m’arrêter. Me focaliser sur le corps et surtout sur la respiration me permet de me calmer, de me poser, de focaliser mon état d’agitation ou d’angoisse sur quelque chose de concret. Elle m’a aussi permis de comprendre les états émotionnels qui arrivaient avant les crises. »
A PPRENDRE UNE MEILLEURE GESTION DES ÉMOTIONS Le contrôle attentionnel permet au patient de repérer quand il est en train ou prêt à traverser des vagues émotionnelles. C’est alors que le patient pourrait se décentrer et quitter ses schémas de pensées automatiques liées à la dépression ou induites par celle-ci. En sachant que le fait de lutter, que ce soit contre les émotions, les sensations corporelles et les pensées non souhaitées, crée parfois plus de tension et d’agitation intérieure. Mais l’essence de la pleine conscience est la volonté de recommencer encore et encore et sa pratique permet de se dégager de vieilles habitudes de l’esprit. Il faut savoir que des nombreuses habitudes mentales tournent autour des thèmes de performance, d’évaluation sociale, de réussite, d’attentes déçues et la déception due à la pratique elle-même, qui ne se déroule pas comme elle devrait. Beaucoup de patients pensent que si l’esprit n’était pas si souvent distrait de l’exercice, il serait plus facile de gérer les difficultés de la pratique. Finalement le vagabondage mental est considéré souvent comme une faute à corriger et à maîtriser, sans pouvoir considérer que c’est la nature propre de l’esprit. Il faut savoir que même des instructeurs de méditation très expérimentés, avec des années de pratique, remarquent que la plupart du temps ils ont des pensées qui leur passent par l’esprit. Le problème n’est pas d’apprendre comment arrêter les pensées, mais comment changer la manière d’être en relation avec elles. Un autre obstacle à la pratique est l’idée que les conditions pour la faire doivent être bonnes. Mais aucune pratique de méditation n’empêchera les choses désagréables d’arriver tous les jours de notre vie. La pratique implique plutôt d’abandonner la tendance à vouloir résoudre ou changer, d’améliorer, de fuir ou d’être ailleurs. Le retrait du corps vers le mental a probablement commencé comme une façon
Déroulement MBCT : consolidation
d’éviter une émotion intense liée à une expérience corporelle difficile. Mais cela implique que les stratégies de retrait de l’attention du corps font que le traitement de certaines expériences émotionnelles reste incomplet. La conséquence c’est qu’il est nécessaire de produire un effort continu pour éviter que des sensations corporelles liées à des émotions arrivent dans le champ de la conscience. Mais devenir plus conscient de la façon dont une situation est classée par l’esprit comme agréable ou désagréable peut demander de l’entraînement. Plus on pratique la pleine conscience, plus l’attitude à être attentif aux objets et aux événements qui pénètrent dans le champ de la conscience a des chances d’être stabilisée. Hélas, il est facile d’être amené à penser, d’être distrait et le problème n’est pas seulement que nous perdions parfois le contact avec le monde extérieur mais aussi que nous ne soyons plus disposés à être attentifs à nous-mêmes. Et l’objectif reste toujours le même, voir les pensées comme des pensées sans se laisser enfermer dans leur contenu, tout en continuant à les percevoir. Il faut y revenir et revenir encore, chaque fois qu’on est amené ailleurs par des vagabondages de l’esprit, car recommencer ne veut pas dire que l’on a fait une erreur.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
N E PAS IDÉALISER Il faut savoir qu’un obstacle classique à la pratique consiste à l’idéaliser en se fixant des objectifs impossibles à atteindre. Maintenir la pratique c’est une façon de prévoir des stratégies de prévention de la rechute. Le but de l’entraînement au contrôle émotionnel est de permettre aux patients d’augmenter leur conscience, ainsi que de repérer quand ils seraient sur le point de traverser de dangereuses modifications de l’humeur. Finalement, la pleine conscience est le passe-partout infaillible pour connaître l’esprit, et donc le point de départ. Elle est l’outil parfait pour former l’esprit. Elle peut se concevoir comme une conscience claire de chaque instant, neutre, que l’on peut cultiver en prêtant attention d’une manière particulière. Comment ? D’une manière peu réactive et peu discriminante. En conclusion, elle n’est rien d’autre que la capacité que nous possédons tous de connaître ce qui se passe tel que cela se passe réellement et que finalement la méditation est fondamentalement un exercice de perpétuel recommencement.
85
86
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
S YNTHÈSE Éléments indispensables au processus d’apprentissage de la pleine conscience :
La concentration : indispensable, avec une capacité à maintenir son attention sur un point particulier, de manière focalisée, non dispersée, non fragmentée.
La conscience des pensées, des émotions, des sentiments et des sensations corporelles.
Le fait d’être dans le moment présent : situation qui peut être valorisée par le thérapeute travaillant moment par moment, en ne prenant pas les devants, « en ne donnant pas d’instruction » à l’avance avant que les sujets puissent l’utiliser.
Le fait de rentrer dans un processus cognitif de décentration.
S’autoriser à accepter, ne pas s’attacher et développer une conscience bienveillante. L’acceptation de ce qui est court-circuite le pouvoir qui actionne ces habitudes. L’acceptation et la conscience permettent de voir les bonnes et mauvaises choses dans une perspective plus large, si bien que le sujet est davantage capable de voir la situation dans sa totalité plutôt que de laisser un fragment de celle-ci gérer la situation.
Laisser aller et lâcher prise :
➙
se positionner dans un mode « être » plutôt que dans un mode « faire », sans une recherche de but ni d’état particuliers de relaxation, de bonheur ou de paix ;
➙
développer la prise de conscience de la manifestation d’un problème ou d’une pathologie dans le corps.
Tout ceci apporte un apaisement temporaire, mais amène le sujet à un positionnement différent par rapport au champ de bataille de ses pensées et de ses sentiments ; les rendant capable par la suite de repérer les situations difficiles et d’y faire face ; remplacer ainsi l’ancien mode de résolution de problème par un nouveau mode.
Chapitre 6
Comment ça marche ?
L
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
MINDFULNESS BASED COGNITIVE THERAPY est un programme qui intègre trois processus psychologiques :
A
des exercices de pleine conscience (perception du grain de raisin en pleine conscience) ; des exercices de focalisation volontaire de l’attention avec décentration des pensées en cours (exercices de méditation) ; des exercices de thérapie cognitive. L’objectif des concepteurs est clairement de constituer un programme qui prolonge la thérapie cognitive telle que définie par Aaron Beck (1979) et qui la complète par le processus d’acceptation sans jugement.
U NE APPROCHE INTÉGRATIVE DE PLEINE CONSCIENCE ET DE THÉRAPIE COMPORTEMENTALE ET COGNITIVE L’objectif de Segal (2002) est de proposer une méthode supplémentaire aux méthodes cognitives classiques qui augmentera les activités de décentration du patient. Le patient apprendra alors à connaître quand son humeur se détériore, puis il pourra apprendre, après un entraînement à des exercices de concentration de méditation, à normaliser les ruminations avec leur cortège de conséquences émotionnelles.
88
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
La méditation augmente les compétences du patient à la décentration en améliorant la mobilisation pertinente et précise de l’attention sélective. La compétence de base consiste à pouvoir quitter le cercle vicieux émotions-cognitions négatives qui s’autoalimentent et de pouvoir en rester à distance.
D ÉFINITION D ’ UNE
RUMINATION
Une rumination est une réponse cognitive focalisée sur les causes, les significations et les conséquences de l’humeur dépressive. Le sujet s’interroge ainsi : pourquoi suis-je dans cet état ? Que se passera-t-il si je ne m’en sors pas ? Selon la théorie appelée « response style theory », les ruminations sont un mode de réponse à une détresse psychologique. Le sujet est précipité dans un mode passif, cognitif, répétant le comment, le pourquoi de son état émotionnel. Ce mode n’embraye pas la résolution de problème et ne permet pas de résoudre réellement ses problèmes et encore moins de changer les conditions à l’origine de la souffrance.
H EURISTIQUE
POST- DÉPRESSIF
Les « vieilles habitudes de pensées » sont des heuristiques, automatiques, ruminatives et sont motivées par un mode cognitif automatique, actionné par un souhait de se débarrasser de cette humeur négative avec une comparaison constante entre l’état actuel et l’état désiré sans utiliser les techniques de résolution de problème. La rumination est l’une des six stratégies métacognitive directe sur la dysrégulation émotionnelle des sujets anxieux et déprimés a été démontré aux côtés de la stratégie d’évitement et de suppression. A l’opposé, les stratégies métacognitives de réévaluation, de résolution de problème et d’acceptation permettent à l’inverse une nouvelle régulation émotionnelle. Les TCCs activeront les processus de réévaluation et de résolution de problème, tandis que la MBCT activera les processus d’activation. Donc le but de la Mindfulness Based Cognitive Therapy est de quitter ses routines cognitives qui s’autoalimentent.
Comment ça marche ?
N
Facteurs déclenchant des ruminations
L’humeur est définie comme une tonalité affective fondamentale qui modifie la perception du sujet de soi, des autres et de son environnement ainsi qu’elle influence profondément ses conceptions. Une humeur basse réactive les schémas de pensées négatives présents lors d’épisodes antérieurs et altère la flexibilité mentale du sujet qui perd le choix des modes embrayés. Un cercle vicieux s’établit et s’enrichit progressivement. Le mode « faire » y contribue, validant l’incapacité d’un sujet qui se vit comme de plus en plus incompétent et finalement inutile et nul. L’activité mentale du sujet s’oriente vers la recherche des causes de son état et rumine les moyens d’en sortir, stratégie peu opérante comme nous l’avons écrit.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
N
Explication des conséquences négatives des ruminations
La résolution de problème est une compétence acquise par tous les êtres humains lors de leur développement neurocognitif. Elle consiste à pouvoir envisager différentes solutions réalistes pour résoudre un objectif concret. Puis, d’évaluer les avantages et les inconvénients de chaque solution et enfin d’en choisir une. Par la suite la faisabilité sera évaluée. Pour terminer, un plan d’action organisé sera envisagé et son résultat comparé à l’objectif premier. Les ruminations comme stratégie métacognitive, diminue la stratégie de résolution de problème qui est pourtant salvatrice, en particulier la résolution de problèmes interpersonnels complexes. Les solutions envisagées sont moins efficaces et leur application conduit le plus souvent à l’échec. L’inefficacité relative renforce le processus de rumination. Avec le temps, les sujets « ruminateurs » sont moins enclins à passer à l’action pour résoudre leur problème. De même, la motivation à rechercher des activités plaisantes diminuerait. Un cercle vicieux d’auto-dévalorisation, de sentiment d’incapacité favorise la survenue et le maintien au long cours d’une humeur dépressive. De nombreuses études tendent à montrer que les patients « ruminateurs » ont un risque accru de développer des épisodes de dépression majeure ou un Trouble Anxieux Généralisé.
89
90
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
N
But de la Mindfulness Based Cognitive Therapy par rapport aux ruminations
L’objectif principal est d’aider le patient, au moment où une émotion pénible, douloureuse fait irruption, à surmonter le processus d’invalidation qui conduit au désengagement, à l’évitement de l’émotion douloureuse par utilisation de la stratégie métacognitive d’évitement. Ce processus d’invalidation favorise les ruminations. Au contraire, il s’agit de provoquer une confrontation avec ses émotions, même pénibles, à l’instant présent. LE
PILOTE AUTOMATIQUE
(S EGAL 2006)
Le pilote automatique est le fonctionnement mécanique de l’esprit qui suit de vieilles habitudes, fixé sur le passé ou un futur et qui échappe à la conscience de l’action, de l’instant présent. Cela conduit le sujet à un véritable vagabondage de l’esprit.
N
Augmentation des compétences du patient à la décentration
Différents exercices sont proposés au patient afin d’augmenter la prise de conscience du moment présent, d’avancer dans l’expérience pas à pas et de faire revenir régulièrement la pensée sur le moment présent. Les exercices traditionnels enseignés sont le « body-scan » qui permet une prise de conscience des sensations sur une partie du corps, le yogastretching explore en détail différents aspects des sensations corporelles (tension, douleur...), des exercices de concentration respiratoire. Ces stratégies vont permettre au patient :
➙ de noter les premiers signes de perturbation émotionnelle ; ➙ de se décentrer des pensées négatives ; ➙ d’attaquer le cercle vicieux : pensées-émotions. Même en phase de rémission de la dépression, les individus connaissent des montées émotionnelles, dont souvent ils n’arrivent pas à se décentrer. On peut en conclure qu’aux stratégies de décentration spécifiques de la thérapie cognitive, sont adjointes des techniques de décentration non spécifiques dans l’utilisation de la mindfulness.
Comment ça marche ?
N
Initiation aux stratégies cognitives classiques Définition des stratégies cognitives classiques
Elles sont issues du modèle d’Aaron Beck (1976) et de ses applications. Ce sont des exercices dont l’objet est les pensées automatiques. Elles ont pour but :
➙ d’apprendre au patient à repérer le moment où leur humeur s’effondre ; ➙ de donner une portée moins totalitaire à la pensée associée à l’émotion, ➙ ➙
ce qui permet de casser le lien existant entre l’humeur négative et la pensée négative ; d’apprendre aux patients à retrouver la capacité à se désengager de cette humeur triste, source de pensées négatives, mais aussi de stress associé ; de conduire le patient à appréhender les pensées comme des objets mentaux et non pas une vérité intangible déjà agissante.
La première étape est l’auto-observation des cognitions mise sous la forme des 4 colonnes : situation, cognition, émotion, comportement. La seconde étape est la production d’alternatives de pensées. Comme le propose par exemple Mirabel-Sarron (2005), à partir de quatre questions : 1. Dans la même situation qu’aurais-je pu penser d’autre ?
3. Si j’observais quelqu’un d’autre dans la même situation, qu’en penserais-je ? 4. Lorsque j’étais adolescent, dans la même situation, qu’aurais-je pensé ? Il s’agit de produire des pensées différentes de la pensée automatique pour contrecarrer l’autofocus attentionnel. N
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
2. Si quelqu’un que je connais bien se trouvait dans la même situation, que penserait-il ?
Présentation La scène de la rue
Lors de la deuxième séance, une tâche cognitive classique est présentée : la scène de la rue.
91
92
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
Première évocation, une personne que vous connaissez descend la rue que vous remontez. Vous lui faites signe et elle ne répond pas et poursuit son chemin. Il s’agit bien d’une exposition en imagination qui conduit à une reviviscence de situation déjà vécue extraite de la mémoire autobiographique. Le sujet va décrire sa réaction grâce à quatre colonnes : situation, émotions, première pensée associée à l’émotion, comportement immédiat. Cet outil d’auto observation est bien connu dans l’approche cognitive. Il permet d’établir un lien de cohérence entre émotion et pensée et de comprendre comment nos comportements sont liés à nos émotions. Puis une répétition de la scène (seconde évocation) exposant en imagination une seconde fois le sujet. L’objectif est de mettre en évidence le phénomène d’embrasement lié à l’activation de schémas cognitifs dysfonctionnels ainsi que le phénomène de réactivité cognitive. La première évocation va activer le schéma. Toutes les « vieilles habitudes » mentales sont mises en place. La deuxième évocation va être interprétée grâce au système activé donnant toute sa force à l’émotion. À partir de la même grille d’auto observation, le sujet identifie des réactions émotionnelles plus fortes avec extrapolation des postulats de schémas cognitifs activés. Le concept de schémas ne fait pas l’objet à ce jour d’une définition consensuelle. Quoique n’ayant pas démontré son existence neurobiologique, ce concept est cependant opérant en psychologie cognitive. Plusieurs auteurs en ont donné une définition. UN
SCHÉMA COGNITIF SELON
S EGAL (1988)
Les schémas cognitifs sont des structures mnésiques cognitivo-affectives construites tout au long de l’existence. Ces schémas constituent des représentations émotionnelles qui vont influencer le niveau sensori-moteur, en guidant la perception et l’action.
Ce modèle intégratif combine des données neurobiologiques et psychologiques et prend en compte les données de Piaget. Sur le plan théorique, on peut dire également que le schéma émotionnel est comme une structure cognitive, tel un réseau interconnecté d’éléments en mémoire à long terme. Cette représentation architecturale définit le schéma comme des éléments organisés à partir des expériences et des réactions du passé, qui forment un ensemble de connaissances relativement cohérentes et
Comment ça marche ?
durables qui vont guider les perceptions et les évaluations conséquentes. Il s’agit donc d’une structure organisée qui pourrait être modélisée par des nœuds en réseau contenus dans la mémoire à long terme. La réactivité cognitive selon Segal
Si l’organisation des pensées sur soi de tonalité négative est organisée en schémas chez les patients ayant souffert de dépression, il est alors possible que ce matériel psychologique puisse être de nouveau réactivé. Le but de la Mindfulness Based Cognitive Therapy est de réduire chez le patient sa réactivité cognitive due à l’humeur, qui est un facteur de risque à la rechute dépressive ou à la récurrence des épisodes. La Mindfulness Based Cognitive Therapy a pour but d’aider les patients à repérer plus clairement les modes de pensée qu’ils ont. Cela suppose un entraînement régulier aux méthodes de la mindfulness.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
D ÉFINITION
DE LA RÉACTIVITÉ COGNITIVE
Segal et al. constatent que les patients se différencient en fonction de leur proportion en pensées négatives produites quand leur humeur était triste. Certains patients ne montraient aucun changement entre les deux conditions de recueil de données avant et après test d’induction d’humeur triste par passation de musique tandis que d’autres montraient une augmentation marquée de ces pensées négatives quand ils étaient tristes. Cette réactivité liée à l’état émotionnel est cohérente avec les prédictions formulées par Teasdale (hypothèse d’une activation différentielle suggérant que l’humeur triste réactive un style de pensées associées). La réactivité est encore plus importante quand les patients sont réévalués plus tard. Les patients qui présentent le plus haut taux de réactivité au test d’induction de l’humeur seront ceux qui auront rechuté pendant cette période.
Le questionnaire A.T.Q et les pensées automatiques négatives
À la séance 4 du programme, les instructeurs proposent un questionnaire comportant une liste de pensées identifiées comme typiques des états dépressifs. Plus le nombre de ces pensées est présent dans la dernière semaine écoulée, plus l’état dépressif est intense. Dans le cadre de la démarche MBCT cet auto-questionnaire est proposé à des patients en rémission clinique de dépression, ils ne devraient donc pas reconnaître ces pensées dépressives typiques, c’est pourquoi celles qui
93
94
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
sont repérées par le patient comme vraiment existantes sont considérées comme résiduelles d’un épisode dépressif. Ces « séquelles » cognitives demeureraient actives et favoriseraient la récidive. Il est important que chaque patient repère ses pensées et les attribue à la dépression.
D ES
QUESTIONNAIRES POUR IDENTIFIER LES COGNITIONS
Dans le but d’identifier les phénomènes de cet étage superficiel des cognitions, Hollon et Kendall (1980) ont construit le questionnaire des pensées automatiques ou ATQ (Automatic Thoughts Questionnaire ; traduction française et validation par Bouvard et al. 1992), qui répertorie les cognitions dépressives (1991). Il comporte 30 items. Ce questionnaire comprend 21 pensées automatiques typiques du dépressif. Cet outil sert tout à la fois à évaluer la fréquence des cognitions et à les identifier en début de thérapie. Le score obtenu est une mesure des phénomènes cognitifs. Le score total à cet auto-questionnaire va de 30 à 150. Un patient déprimé obtient des scores compris entre 90 et 130. Le tableau suivant présente un extrait de la version française de l’ATQ. Pour chaque pensée, veuillez indiquer à quelle fréquence la pensée a été vôtre durant la dernière semaine. La cotation s’effectue sur une échelle allant de « pas du tout » à « tout le temps ». 1. J’ai la plus grande difficulté à faire face au monde. 2. Je ne suis pas bon. 3. Pourquoi je ne réussis jamais. 4. Personne ne me comprend. 5. J’ai laissé tomber les autres.
Comment ça marche ?
Le « mood state dépendant »
À la séance 6 de la Mindfulness Based Cognitive Therapy, un exercice sur l’humeur et les pensées est proposé aux patients.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Première étape : vous vous sentez déprimé, votre chef vient de vous appeler sur votre téléphone, il vous a fait des reproches sur votre travail. Peu après vous croisez un collègue de bureau dans le couloir, celui-ci s’éloigne rapidement en disant qu’il n’a pas le temps tout de suite de s’arrêter, mais plus tard d’ici un moment. Deuxième étape : Alors que vous vous sentez en pleine forme, votre chef vous appelle sur votre téléphone et vous félicite pour votre travail, vos initiatives. Peu après, vous croisez un collègue vous lui demandez de parler quelques instants, mais celui-ci s’éloigne rapidement en disant qu’il n’a pas le temps de s’arrêter maintenant, mais que tout à l’heure sûrement. Que ressentez-vous, que pensez-vous pour chacune des scénettes ?
Le groupe est amené à discuter la tonalité émotionnelle des pensées selon la situation. L’objectif est d’illustrer comment nous sommes piégés par la crédibilité que nous attribuons à nos pensées. L’interprétation des faits est aussi importante que si nous vivions les événements. Ce que nous ressentons (les émotions) influence aussi nos pensées. Nous avons vu comment les pensées influencent les émotions. Au total, les patients sont amenés progressivement à constater que les pensées ne sont pas des faits. Une étape de plus est franchie dans la prise de conscience que les pensées sont des objets de la conscience. La Mindfulness Based Cognitive Therapy explicite ce que l’approche cognitive classique conserve comme implicite. Cette étape est essentielle pour permettre la sortie du cercle vicieux émotion-pensée. La mindfulness rajoute l’observation sans jugement de ces objets mentaux que sont les pensées et l’acceptation des sentiments.
95
96
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
Q UAND L’ ÉTAT D ’ HUMEUR INFLUENCE L’ ACCÈS AUX SCHÉMAS COGNITIFS Les auteurs de ces théories font l’hypothèse que les schémas cognitifs sont bien des marqueurs de vulnérabilité à la dépression (schémas traits). Cependant, la capacité cognitive de chaque individu à un moment donné dépendrait de son état thymique. Miranda et Persons (1988, cité dans Ingram, Miranda et Segal, 1998) proposent le modèle du « Mood state dependance hypothesis ». L’hypothèse générale postule que les croyances, telles qu’elles sont évaluées par la DAS (Dysfunctionnal Attitude Scale ou échelle des attitudes dysfonctionnelles de Beck et Weissman, 1978) sont présentes chez les individus vulnérables à la dépression et sont inaccessibles jusqu’au moment où elles sont activées par une humeur négative comme la tristesse. La capacité des individus à avoir accès à leurs schémas dépend de l’état émotionnel dans lequel ils se trouvent au moment du rappel. Plusieurs études se succèdent pour éprouver cette hypothèse de travail. Une première étude porte sur 43 sujets, dont 30 ont des antécédents de dépression, mais sont totalement normothymiques au moment du test, et 13 n’ont jamais connu la dépression. Un test d’induction de l’humeur dépressive objective fait émerger de nombreuses attitudes dysfonctionnelles pour le premier groupe d’anciens déprimés et aucune pour le deuxième groupe. Ce résultat confirme l’hypothèse selon laquelle les sujets ayant connu l’expérience dépressive ont un plus haut niveau d’activation de leurs schémas cognitifs pris sous la forme d’attitudes dysfonctionnelles évaluées par la DAS. Deux ans plus tard, l’expérimentation est renouvelée avec 34 patients déprimés suivis en consultation et dont la dépression est jugée d’intensité modérée (Miranda et Persons, 1990). Sur une période de 24 heures, le patient doit noter ses moments les plus tristes ainsi que les moments où il se sent le mieux et remplir le questionnaire DAS à chacune de ces occasions. Les conclusions montrent qu’il existe plus de pensées dysfonctionnelles quand le patient se sent le plus mal. En revanche, quand le patient se sent mieux, il n’existe pas de réactivation de pensées dysfonctionnelles. D’après ces observations, les croyances dysfonctionnelles ou schémas cognitifs seraient inaccessibles jusqu’à ce que l’humeur triste soit ressentie. Chez l’ancien déprimé, l’humeur triste réactive des pensées et des comportements perturbés. La différence entre sujets déprimés et non déprimés ne résiderait donc pas dans leur manière de penser, mais dans leur procédure d’évaluation qui fait appel, chez les sujets ayant connu la dépression, à des croyances psychologiques personnelles facilement activables.
Comment ça marche ?
M ÉCANISMES D ’ ACTION ( OBSERVATION COMPASSIONNELLE , FLEXIBILITÉ ATTENTIONNELLE , ACCEPTATION ÉMOTIONNELLE ) Certains exercices entraînent l’observation sans jugement ainsi que l’acceptation des phénomènes sensoriels, émotionnels et cognitifs. Ils augmentent le seuil de tolérance du sujet aux émotions négatives qui les observe avec bienveillance. D’autres conduisent à l’autorégulation des processus attentionnels. Le sujet s’entraîne à passer du pilote automatique à l’attention fixée sur un seul objet sans rechercher d’explication et sans jugement. Il n’y a pas à ce jour de consensus sur les composants efficaces recrutés par la méditation. Une difficulté non encore surmontée est de donner une définition opérationnelle au concept de pleine conscience. Selon Hayes la mindfulness se composerait du contact avec l’instant présent, l’observation supportée par un sens, l’acceptation et la distanciation cognitive.
La séance numéro un propose un exercice de body scan. Il permet à chaque participant d’exercer sa concentration et de prendre conscience des sensations corporelles de façon détaillée. Dès lors, il est proposé aux participants de sortir du « bien faire ». Chaque séance comporte un exercice au moins s’exerçant à la pleine conscience. Le patient qui a souffert de dépression conserve une habitude à ruminer un passé insatisfaisant ou un futur dangereux. La mindfulness invite à quitter « le pilote automatique », c’est-à-dire quitter le cercle vicieux négatif, pour s’occuper du présent juste pour observer. N
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
N
Contact avec l’instant présent
Entraînement à l’attention dirigée
Les modèles neurocognitifs suggèrent l’existence de différents circuits de neurones supportant chacun un processus : le dégagement de l’attention, la redirection de l’attention, l’engagement de l’attention, le soutien de l’attention. La méditation activerait les zones cérébrales impliquées dans la gestion de l’attention. La courbe d’activation serait en faveur d’un
97
98
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
effet « temps de pratique ». Les pratiquants réguliers de longue date auraient des circuits de l’attention au recrutement plus efficaces et plus rapides. La pratique de la méditation favoriserait la résolution des conflits attentionnels réduisant la distractibilité. Le sujet se laisserait moins facilement détourner par un stimulus non prioritaire en particulier un stimulus émotionnel. N
Concentration sur un sens
L’exercice du grain de raisin illustre l’introduction à l’observation en se tenant à l’écart du jugement autant que possible. Il est la première pratique expérientielle précédent la description verbale, approche propre à la mindfulness. Nos habitudes mentales posent rapidement un jugement selon des catégories de valeur (par exemple : « c’est bien » ou « c’est mal »). Ce jugement est régulièrement amorcé par un fragment du contexte. Il n’y a pas d’observation contextuelle globale. Le sujet perd de l’information et décide sur des éléments incomplets. La mindfulness aide le sujet à prendre conscience d’un plus grand nombre d’éléments du contexte grâce à l’exercice de description. N
Acceptation
Segal (1998) rappelle que les patients qui ont souffert de dépression dépensent beaucoup d’énergie à penser le pourquoi et le comment sortir des sensations négatives. Ils tentent d’éviter les émotions et sensations négatives ainsi que les souvenirs qui y sont rattachés. C’est une source d’activation des ruminations qui favorisent une humeur négative. L’expérience du body scan, qui apprend l’observation des sensations physiques, invite les patients à tolérer toutes les sensations y compris les sensations négatives. Il s’agit d’une invitation explicite à ne pas lutter contre ces sensations donc de modifier le lien que le patient entretien avec sa souffrance. Ces modifications métacognitives pourraient augmenter la tolérance à la douleur.
Comment ça marche ?
H YPOTHÈSE D ’ UNE AUGMENTATION DE LA CONSCIENCE MÉTACOGNITIVE La méditation augmenterait le contrôle des aires émotionnelles limbiques par les aires du cortex préfrontales. Cela se manifesterait par une moindre réactivité émotionnelle et un plus grand choix dans la réaction à la stimulation.
Par ailleurs, les émotions ont des manifestations au niveau du corps. L’exercice du body scan permet aussi un entraînement à une meilleure perception des sensations physiques associées à l’humeur dépressive. N
Distanciation cognitive
L ES TECHNIQUES COMPORTEMENTALES N
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
La distanciation cognitive est une faculté acquise lors du développement qui permet de relativiser la validité d’une pensée automatique. Le patient déprimé a la plus grande difficulté à exercer cette faculté. Malgré la rémission clinique cette faculté reste amoindrie. De nombreux auteurs ont rappelé régulièrement la difficulté à sortir des ruminations propres au patient déprimé. Cette particularité persiste à un degré moindre alors que le patient est en rémission clinique. La mindfulness conduit progressivement à considérer les pensées comme des objets mentaux et non plus comme des faits. Cette relativisation change le lien du patient avec ses pensées et augmente sa compétence à sortir des ruminations ainsi qu’à ne plus prendre pour argent comptant les pensées automatiques.
Les tâches à domicile, la régularité de l’apprentissage L’apprentissage
Le paradigme de l’apprentissage est à la base de la TCC. La répétition quotidienne voire pluriquotidienne d’un exercice conduit à son assimilation. Les tâches à domicile sont les exercices.
99
100
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
Rappelons les éléments indispensables au processus d’apprentissage de la pleine conscience :
➙ La concentration : indispensable avec une capacité à maintenir son
attention sur un point particulier, de manière focalisée, non dispersée, non fragmentée. ➙ La conscience des pensées, des émotions, des sentiments et des sensations corporelles. ➙ Le fait d’être dans le moment présent : situation qui peut être valorisée par le thérapeute travaillant moment par moment, en ne prenant pas les devants, « en ne donnant pas d’instruction » à l’avance avant que les sujets puissent l’utiliser. ➙ Le fait de rentrer dans un processus cognitif de décentration. ➙ L’autoriser à accepter, ne pas s’attacher, et développer une conscience bienveillante. ➙ Laisser aller et lâcher prise. ➙ Se positionner dans un mode « être » plutôt que dans un mode « faire », sans une recherche de but ni d’état particuliers : de relaxation ou de bonheur ou de paix. N
Méthode d’exposition aux émotions, sensations désagréables
Exposition émotionnelle à partir de la séance 5 et régulièrement par la suite jusqu’à la séance 8. Plusieurs exercices de méditation invitent le patient à ne pas fuir ses sensations ou ses émotions désagréables. Au contraire, le patient les observe, les décrit en tolérant leur existence. H YPOTHÈSE D ’ UNE
AUGMENTATION DE LA SPÉCIFICITÉ EN MÉMOIRE
La pratique méditative réduirait l’évitement expérientiel. Hayes définit l’évitement expérientiel comme l’attitude qui vise à éviter de penser (rappel en mémoire autobiographique) à des souvenirs vécus comme pénibles. Le sujet pourrait mobiliser une grande partie de ses ressources attentionnelles pour tenter vainement d’arriver à ses fins. Cette posture mentale maintiendrait un niveau élevé d’émotions négatives. La méditation est incompatible avec l’évitement expérientielle. Elle constitue une exposition aux contenus de la mémoire autobiographique, réduisant les émotions négatives conséquentes, déchargeant les processus attentionnels.
Comment ça marche ?
La Mindfulness Based Cognitive Therapy est une méthode intégrative qui associe plusieurs exercices développant la pleine conscience et d’autres exercices cognitifs classiques. MBCT comporte plusieurs mécanismes d’actions additionnels. Leur combinaison conduit au résultat sans que l’on puisse aujourd’hui isoler un élément particulier. Le programme répond au paradigme de l’apprentissage à la base des thérapies cognitives et comportementales. Plusieurs hypothèses proposent d’expliquer l’efficacité de la Mindfulness Based Cognitive Therapy. Il n’y a d’arguments convainquant pour aucun. Plusieurs équipes à travers le monde tentent de répondre à ces questions.
101
Chapitre 7
Outils d’évaluation
Q UELQUES
CHIFFRES
En 1997, plus de 240 programmes proposaient une approche MBSR.
En 25 ans, plus de 18 000 personnes avaient suivi un stage MBSR auprès de Kabat-Zinn.
Selon une étude baromètre santé (2005), les exercices de méditation et de relaxation viennent en 5e position dans l’aide aux individus en souffrance psychologique.
Ces dix dernières années, l’intérêt de plus en plus grandissant pour la démarche MBCT a vu apparaître la nécessité de développer des méthodes de mesure valides et fiables de son efficacité.
104
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
L ES
CRITÈRES D ’ ÉVALUATION DES QUALITÉS MÉTROLOGIQUES
Classiquement, pour qu’un instrument soit considéré comme valide d’un point de vue psychométrique, un certain nombre de critères doivent être respectés (American Psychological Association, 1985). Ces critères sont aujourd’hui bien identifiés, et pour clarifier les différentes facettes à explorer et leur mise en œuvre, l’APA a rédigé dès 1985 des standards régissant « la bonne validation d’un outil ». Ces standards reposent sur une analyse exhaustive de chacune des « qualités de l’outil », des caractéristiques qui ont récemment été synthétisées par Fermanian (2005). Selon l’auteur, la validité d’un outil de mesure se définit par la validité de contenu, la validité de critère, et la validité de construit.
La validité de contenu fait référence à ce que mesure l’instrument. Autrement dit, elle vise à vérifier si son contenu est représentatif du ou des aspects théoriques qu’il doit aborder, de manière à la fois exclusive et exhaustive. Elle est testée par un panel d’experts du domaine exploré, qui juge dans quelle mesure l’outil de mesure évalue bien les aspects qu’il est censé mesurer.
La validité de critère (ou validité convergente) vise à vérifier que la mesure de l’instrument est en accord avec un critère connu comme mesure de référence (Gold Standard). Ce critère peut être un autre instrument, un questionnaire, une évaluation clinique, etc. qui est utilisé pour mesurer la même variable.
La validité de construit permet d’identifier l’utilité de la mesure à mettre au jour différents phénomènes. Aussi vise-t-elle à caractériser la structure interne de l’outil. Cette structure interne se vérifie par des analyses factorielles. En effet, si un instrument propose de mesurer un phénomène qui théoriquement possède trois dimensions, l’analyse factorielle devrait permettre de retrouver trois facteurs, et les items destinés à mesurer chacune des dimensions devraient par définition se regrouper selon les facteurs correspondants.
La fidélité, autre critère de qualité de l’instrument vise à vérifier ce que vaut la mesure. Dans le cas où elle fait référence à la stabilité temporelle de la mesure, elle est appelée fidélité test-retest et vise à vérifier que l’instrument mesure le même phénomène, avec la même précision, à des temps différents. Le présupposé est que si les conditions n’ont pas changé, la mesure produira les mêmes résultats à deux temps distincts. L’intervalle de temps est variable selon ce que l’on souhaite mesurer. Aussi, si les éléments mesurés sont sensibles au changement, ce qui est le cas pour l’image du corps, alors l’intervalle devra être court.
La consistance interne vise à évaluer la cohérence interne de l’outil. Autrement dit, elle identifie la force des corrélations entre les différents items de l’outil.
Outils d’évaluation
Si la démarche MBCT pour troubles de l’humeur a été initialement développée pour la prévention des rechutes dépressives, la question reste posée quant à ses mécanismes d’action. Aussi, au-delà d’une utilisation d’instruments de mesure standards, tels que ceux utilisés pour l’exploration de la symptomatologie dépressive, déjà bien éprouvés en recherche clinique, fallait-il développer de nouveaux outils d’évaluation, spécifiques aux mécanismes impliqués dans la démarche de pleine conscience. Au total, huit questionnaires (voir chapitre 3 pour le détail), centrés sur l’évaluation de la pleine conscience, ont été développés ces dix dernières années. Certains d’entre eux sont aujourd’hui traduits et validés en langue française. Nous allons décrire ici l’objectif, l’intérêt et les résultats de chacun de ces instruments.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
F REIBURG M INDFULNESS I NVENTORY FMI (B UCHHELD, G ROSSMAN ET W ALACH , 2001) Le Freiburg Mindfulness Inventory (FMI ; Buchheld, Grossman et Walach, 2001) est le premier instrument développé pour mesurer la pratique de la méditation en pleine conscience. Il s’agit d’un instrument de mesure composé de 30 items visant à évaluer les capacités d’observation de l’expérience dans le moment présent, sans jugement. Chaque item (par exemple : « j’accueille l’expérience du moment présent ») est côté sur une échelle en 4 points, de rarement à presque toujours. L’instrument a été conçu avec des sujets formés à la méditation. Sur le plan métrologique, elle montre une bonne consistance interne, avant et après la pratique d’une retraite méditative comprise entre 3 et 14 jours, avec des coefficients alpha compris entre 0.93 et 0.94. Les auteurs ne rapportent pas de résultats quant à la validité convergente de l’outil. Concernant la structure factorielle, les auteurs suggèrent une interprétation unidimensionnelle, avec l’utilisation du score total du questionnaire. Ayant été conçu spécifiquement pour des individus formés à la pratique de la méditation, son utilisation est essentiellement recommandée avec des sujets qui sont habitués à la pratique de la méditation en pleine conscience.
105
106
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
M INDFUL ATTENTION A WARENESS S CALE MAAS (B ROWN ET R YAN, 2003) La Mindfulness Attention Awareness Scale (MAAS ; Brown et Ryan, 2003) est un auto-questionnaire en 15 items qui évalue la tendance générale à être attentif et conscient du moment présent dans l’expérience du quotidien. Chaque item (par exemple : « j’ai des difficultés à rester concentré(e) sur ce qui se passe dans le présent », « je fais les choses très rapidement sans y prêter vraiment attention », ou encore « je suis tellement focalisé(e) sur le but que je veux atteindre que je perd de vue ce que je suis en train de faire pour y parvenir ») est côté sur une échelle en 6 points, allant de presque toujours à presque jamais. Cet instrument se compose d’un facteur unique ; le score porte donc sur l’addition de l’ensemble des items. L’étude de validation montre une bonne consistance interne, avec un coefficient alpha de 0.82, ainsi qu’une corrélation positive avec l’ouverture à l’expérience et le bien-être. Cet outil permet par ailleurs de discriminer les pratiquants des non pratiquants de la méditation en pleine conscience et de prédire les effets sur le bien-être de l’individu.
K ENTUCKY I NVENTORY O F M INDFULNESS S KILLS KIMS (B AER , S MITH ET A LLEN, 2004) Il s’agit d’un questionnaire en 39 items qui vise à mesurer 4 capacités de pleine conscience : l’observation, la description, l’action en pleine conscience et l’acceptation sans jugement.
➙ L’observation vise à évaluer la capacité à observer ses expériences (pensées, émotions, odeurs, sons). ➙ La description mesure la capacité à mettre en mot ce qui est observé en termes d’expériences. ➙ L’action en pleine conscience mesure la capacité à être pleinement engagé dans l’observation de soi durant une activité. ➙ Enfin, l’acceptation sans jugement évalue la capacité à accepter la réalité (ses pensées, ses émotions), sans la juger ou l’éviter.
L’observation (items 1-5-9-13-17-21-25-29-30-33-37-39) est évaluée par des items de type : « je suis attentif au fait que mes muscles soient relaxés » ou encore « je perçois les parfums et les arômes ». La description (items 2-6-10-14*-18*-22*-26-34) est évaluée par des
Outils d’évaluation
items de type : « je peux facilement décrire mes croyances, mes opinions ou mes attentes » ou encore « je suis capable de trouver les mots pour décrire mes perceptions, comme le goût, l’odeur ou le bruit des choses ». L’action en pleine conscience (items 3*-7-11*-15-19-23*-27*31*-35*-38) est évaluée par des items de type : « quand je marche, je fais intentionnellement attention aux sensations de mon corps en mouvement », ou « quand je prends une douche ou un bain, je reste attentif aux sensations de l’eau sur mon corps ». Enfin, l’acceptation sans jugement (items 4*-8*-12*-16*-20*-24*-28*-32*-36*) est évaluée par des items de type : « je me dis que je ne devrais pas penser de cette façon » ou « je me reproche d’avoir des émotions irrationnelles ou inappropriées ». Certains items sont côtés de manière directe, de gauche (1 = jamais ou rarement vrai) à droite (5 = très souvent ou toujours vrai). D’autres items (items suivis de « * ») sont côtés de manière indirecte, de 1 pour toujours vrai à 5 pour rarement vrai. L’avantage de cet outil est qu’il ne nécessite pas une expérience de la méditation. Sur le plan métrologique, les résultats montrent une bonne consistance interne avec un coefficient alpha compris entre 0.76 et 0.91 pour les 4 capacités de pleine conscience. Les analyses factorielles exploratoires et confirmatoires supportent une solution à 4 facteurs correspondant à ces 4 capacités de pleine conscience.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
C OGNITIVE A ND A FFECTIVE M INDFULNESS S CALE CAMS (F ELDMAN, H AYES , K UMAR ET G REESON, 2007 ; H AYES ET F ELDMAN, 2004) La CAMS est un questionnaire en 12 items qui vise à mesurer l’attention dans le moment présent et l’acceptation sans jugement de ses pensées et sentiments dans l’expérience du quotidien. Chaque item (par exemple « j’essaie de repérer mes pensées sans les juger » ou encore « il est facile pour moi de me concentrer sur ce que je fais ») est côté sur 4 points, de 1 pour rarement ou pas du tout à 4 pour presque toujours. Bien que les items portent sur différents aspects de la pleine conscience (attention, acceptation sans jugement...), le score est calculé sur la base de la somme des cotations à chaque item. La consistance interne de l’outil est bonne, avec des coefficients alpha compris entre 0.74 et 0.80. Sur le plan de la validité discriminante de la mesure, des corrélations négatives ont été retrouvées entre le score total de la CAMS et l’évitement de l’expérience, le phénomène de suppression de la pensée, les ruminations, l’inquiétude, la dépression et l’anxiété. Des
107
108
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
corrélations positives ont été retrouvées entre le score de la CAMS et la flexibilité cognitive ou encore le bien-être (Feldman et al., 2007 ; Hayes et Feldman, 2004). Par ailleurs, une amélioration des scores à la CAMS a été retrouvée pour des patients dépressifs ayant participé à une approche thérapeutique incluant une démarche de pleine conscience (Hayes et Harris, 2000).
M INDFULNESS Q UESTIONNAIRE MQ (C HADWICK , H EMBER , M EAD, L ILLEY ET D AGNAN, 2005) Le MQ est un questionnaire en 16 items qui évalue la pleine conscience de manière générale. Tous les items sont précédés de la proposition « Habituellement, lorsque je suis pris dans des pensées ou des images... », qui est suivie d’items tels que « je suis capable de les noter sans réagir » ou encore « je suis capable d’accepter cette expérience ». Les items sont côtés sur 7 points, allant de totalement en accord à totalement en désaccord. Selon les auteurs, 4 aspects de la pleine conscience sont représentés aux travers de ces différents items : l’observation de la pleine conscience, le lâcher prise, la non-aversion et le non-jugement. Cependant, la meilleure solution de l’analyse factorielle de l’outil reste une solution à un seul facteur. Aussi, les auteurs recommandent-ils une utilisation du score total du questionnaire. Sur le plan métrologique, les auteurs rapportent une bonne consistance interne, avec un coefficient alpha de 0.89. La validité convergente de l’outil, évaluée à l’aide de la MAAS comme mesure de référence, est bonne, avec une corrélation positive significative entre les deux outils (r = 0.57). Cet outil permet par ailleurs de différencier les pratiquants des non pratiquants de la pleine conscience et est sensible au changement suite à une approche MBSR.
T ORONTO M INDFULNESS Q UESTIONNAIRE TMQ (L AU et al., 2006) Ce questionnaire se compose de 10 items qui visent à mesurer l’état de conscience qui succède à la pratique d’un exercice de méditation. Deux aspects sont évalués, d’une part la curiosité liée à ses expériences, d’autre part la décentration. Chaque item (par exemple : « j’étais davantage concerné par le fait d’être ouvert à mes expériences que par celui de les contrôler ou de les changer » ou encore « j’étais curieux d’observer
Outils d’évaluation
ce que je pouvais apprendre sur moi en notant la façon dont je pouvais réagir à certaines de mes pensées ou à certaines de mes émotions ») est côté sur une échelle en 5 points, allant de pas du tout à beaucoup. Les auteurs montrent une bonne sensibilité au changement de l’outil, avec une amélioration des scores associée à l’augmentation de la pratique de la méditation. Sur le plan métrologique, la TMS montre une bonne fidélité et une bonne stabilité chez des personnes ayant pratiqué ou non la méditation en pleine conscience.
P HILADELPHIA M INDFULNESS S CALE PHLMS (C ARDACIOTTO et al., 2008) La PHLMS comprend 20 items évaluant la conscience du moment présent et l’acceptation sans jugement. La consigne fournie consiste à évaluer combien de fois l’individu a fait l’expérience de différentes propositions (par exemple : « Je suis conscient des pensées qui traversent mon esprit » ou « Il y a des aspects de moi-même auxquels je ne veux pas penser ») sur la semaine écoulée. Les items sont ainsi côtés sur une échelle en 5 points allant de jamais à très souvent. Sur le plan métrologique, les auteurs rapportent une bonne consistance interne tant avec des étudiants en université qu’avec des patients souffrants d’un trouble psychiatrique.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
F IVE F ACETS M INDFULNESS Q UESTIONNAIRE FFMQ (B AER et al., 2006) Parmi les questionnaires développés pour mesurer la pleine conscience, le FFMQ est aujourd’hui l’un des instruments les plus utilisés. Ce questionnaire a été élaboré à partir d’items de différents questionnaires décrits précédemment (c’est-à-dire FMI, KIMS, MAAS, MQ, CAMS) et dans un souci de mesurer les différents aspects de la pleine conscience. Il s’agit d’un questionnaire en 39 items, côtés par le participant sur une échelle en 5 points (de 1 pour jamais ou très rarement vrai à 5 pour très souvent ou toujours vrai). Cinq capacités de pleine conscience sont alors explorées : l’observation, la description, l’action en pleine conscience, le non-jugement de l’expérience et la non-réactivité. Le facteur observation comprend des items (par exemple : « je prête attention aux sensations, comme le vent dans mes cheveux ou le soleil
109
110
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
sur mon visage ») associés à l’attention portée aux expériences internes et externes, tels que les sensations, les émotions, les cognitions, les sons, ou encore les odeurs. Le facteur description (par exemple : « il m’est difficile de trouver les mots qui décrivent ce à quoi je pense ») comprend des items associés à la capacité à mettre des mots sur ses expériences internes. Le facteur action en pleine conscience (par exemple : « quand je marche, je prends délibérément conscience des sensations de mon corps en mouvement ») inclut des items relatifs au fait de porter son attention sur le moment présent durant ses activités, par opposition au pilote automatique. Le facteur acceptation sans jugement renvoie à des items (par exemple : « je me critique lorsque j’ai des émotions irrationnelles ou inappropriées ») relatifs au fait de ne pas être dans une attitude d’évaluation de ses contenus physiques (sensations) ou psychiques (pensées). Enfin, le facteur non-réactivité (par exemple : « j’observe mes sentiments sans me laisser emporter par eux ») évalue la capacité à ne pas réagir à ses pensées et émotions, mais à lâcher prise, à les laisser venir. Tout comme pour la KIMS, certains items sont côtés de manière directe, de gauche (1 = jamais ou rarement vrai) à droite (5 = très souvent ou toujours vrai). D’autres items (items suivis de « * ») sont côtés de manière indirecte, de 1 pour toujours vrai à 5 pour rarement vrai. Les items relatifs à chaque facteur ainsi que leur cotation directe ou indirecte sont présentés ci-dessous.
➙ Observation : 1-6-11-15-20-26-31-36 ➙ Description : 2-7-12*-16*-22*-27-32-37 ➙ Action : 5*-8*-13*-18*-23*-28*-34*-38* ➙ Non-jugement : 3*-10*-14*-17*-25*-30*-35*-39* ➙ Non-réactivité : 4-9-19-21-24-33 Une bonne consistance interne a été retrouvée pour chacune des sous-échelles, avec des coefficients alpha compris entre 0.75 et 0.91. L’avantage de cet outil est qu’il permet une évaluation de différents aspects liés à la pleine consigne chez des non pratiquants. Il a par ailleurs été traduit et validé en français (Heeren et al., 2010).
Outils d’évaluation
Nous l’avons donc vu ici, plusieurs outils ont été développés pour évaluer la pleine conscience des individus. Cependant, comme le soulignent Baer et al. (2008), il n’existe pas à ce jour de mesure qui permette une évaluation exhaustive de la pleine conscience. La définition complexe de la pleine conscience rend encore difficile son évaluation. Les mécanismes d’action de la démarche de pleine conscience, autrement dit qu’est-elle censée modifier, sont encore relativement méconnus. Plusieurs hypothèses de mécanismes d’action de la pleine conscience (régulation attentionnelle, régulation émotionnelle, modification de la perception de soi...) vont certainement amener à voir apparaître de nouveaux instruments de mesure de cette démarche.
111
Chapitre 8
Études d’évaluation et perspectives
nous allons décrire les résultats des études d’évaluation de la Mindfulness Based Cognitive Therapy (MBCT). Comme nous l’avons vu dans les chapitres précédents, la MBCT a connu un essor considérable ces dix dernières années et son évaluation a fait l’objet d’un nombre important d’études qui se sont centrées sur différentes mesures d’efficacité et sur différentes populations de patients. La grande majorité de ces études peut être divisée en quatre grandes catégories (Chiesa et Serretti, 2011) : Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
D
ANS CE CHAPITRE ,
1. la MBCT dans la prévention des rechutes ; 2. la MBCT dans la diminution de la symptomatologie dépressive ; 3. la MBCT dans la diminution de la symptomatologie anxieuse ; 4. MBCT et troubles bipolaires. D’autres publications sont venues compléter ces études, posant la question des mécanismes d’action de l’approche MBCT. Nous ne ferons pas ici de revue exhaustive de l’ensemble des études ayant fait l’objet d’une publication, mais décrirons les études ayant une importance soit historique, soit clinique. Une synthèse de ces études est présentée en Annexe. Historiquement, ces études ont été menées avec des patients dépressifs récurrents (au moins trois épisodes dépressifs majeurs vie entière selon
114
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
les critères du DSM-IV [APA, 1994]) en rémission, puis par la suite avec des patients déprimés présentant des symptômes dépressifs résiduels. De premiers résultats positifs ont amené les cliniciens à étendre l’application de la démarche à d’autres types de pathologies : troubles anxieux, troubles bipolaires, etc.
E FFICACITÉ DE LA MBCT SUR LA PRÉVENTION DES RECHUTES À notre connaissance, six études ont porté spécifiquement sur l’évaluation de l’efficacité de la MBCT dans la prévention des rechutes. Certaines d’entre elles ont porté sur des patients en rémission totale, d’autres sur des patients en rémission partielle, c’est-à-dire avec persistance de symptômes dépressifs résiduels. Teasdale et al. (2000) ont été les premiers à évaluer l’efficacité de la démarche MBCT sur la prévention des rechutes de 145 patients dépressifs récurrents en rémission. Cette étude, randomisée et contrôlée, a comparé 76 patients ayant suivi une MBCT de groupe à 69 patients poursuivant leur traitement habituel avec leur psychiatre référent. Les résultats ont montré un taux de rechute à un an significativement plus faible, d’environ 10 %, pour le groupe MBCT (56 % de rechutes versus 66 % pour le groupe contrôle). En 2004, Ma et Teasdale comparent l’efficacité d’un programme MBCT sur le nombre de rechutes à 60 semaines de 73 patients dépressifs récurrents en rémission ayant suivi une MBCT à celui de 38 patients suivant leur traitement habituel. Les résultats montrent un taux de rechutes significativement plus faible pour les patients ayant suivi le programme MBCT comparé aux autres patients. Alors que plus des deux tiers des patients (21/27) ont rechuté dans le groupe contrôle, seul un tiers (10/28) des patients ayant suivi la MBCT a rechuté à 15 mois. En 2008, Kuyken et al. complètent ces résultats en incluant dans leur échantillon des patients en rémission partielle. Les auteurs ont comparé 61 patients dépressifs récurrents en rémission partielle ayant suivi une MBCT à 62 patients dépressifs sous antidépresseurs. Les résultats ne montrent pas de différence significative à 78 semaines entre les deux groupes, avec des taux de rechutes globalement similaires (29/61 pour le groupe MBCT, 37/62 pour le groupe contrôle). Plus récemment, l’équipe suisse (Bondolfi et al., 2010) a comparé le taux de rechutes et la durée d’intervalle libre à un an de 31 patients ayant suivi une MBCT à ceux de 29 patients poursuivant leur traitement habituel. Les résultats ne montrent aucune différence significative entre
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Études d’évaluation et perspectives
les deux groupes en termes de nombre de rechutes ; un tiers des patients rechutent dans les deux groupes. Cependant, l’intervalle libre était significativement plus long pour le groupe MBCT que pour le groupe contrôle (61 jours versus 204 jours). La même année, Godfrin et Van Heeringen (2010) ont comparé le taux de rechutes à 56 semaines de 52 patients dépressifs récurrents en rémission ayant suivi un programme MBCT à celui de 54 patients poursuivant leur traitement habituel. Les résultats mettent en évidence un taux de rechutes significativement plus faible pour le groupe MBCT à 56 semaines (12/52) comparé au groupe contrôle (32/54). Par ailleurs, la durée d’intervalle libre entre deux épisodes était significativement plus élevée pour le groupe MBCT. Enfin, Segal et al. (2010) ont comparé l’efficacité de l’approche MBCT à celle d’un suivi pharmacologique et d’un traitement placebo chez 160 patients dépressifs récurrents. Les résultats ont montré que les patients en rémission instable (HDRS>7) rechutaient moins à 18 mois en condition MBCT (28 % de rechutes) qu’en condition placebo (71 % de rechutes). Il n’existait en revanche aucune différence significative entre la condition MBCT et la condition traitement pharmacologique par antidépresseurs (27 % de rechutes). Les auteurs en ont conclu que la MBCT diminuait le risque de rechute chez des patients bipolaires présentant une symptomatologie dépressive résiduelle. Les résultats positifs de l’approche MBCT sur la prévention des rechutes dépressives ont été confirmés par deux récentes méta-analyses (Chiesa et Serretti, 2011 ; Piet et Hougaard, 2011), qui montrent une réduction du risque de rechute de 34 % par rapport à des patients n’ayant pas bénéficié de cette approche. L’absence d’effet significatif dans certaines études semble tenir en grande partie des critères d’inclusion proposés (nombre d’épisodes antérieurs, présence de comorbidités, définition de la rechute, qualité de la rémission à l’inclusion, etc.). Aussi, il semblerait que la MBCT soit d’autant plus efficace chez des patients dépressifs ayant connu au moins trois épisodes, c’est-à-dire les patients récurrents. En incluant des patients en rémission partielle, certains auteurs se sont interrogés sur d’autres critères d’efficacité, tels que la diminution de la symptomatologie résiduelle.
115
116
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
MBCT DANS LA DIMINUTION DE LA SYMPTOMATOLOGIE DÉPRESSIVE Nous l’avons vu, les premières études ont testé l’approche MBCT chez des patients dépressifs récurrents en rémission clinique. Par la suite, d’autres auteurs ont étendu l’application de cette approche à des patients présentant une rémission instable, c’est-à-dire des symptômes dépressifs résiduels persistants malgré une prescription pharmacologique. Kingston et al. (2007) ont testé l’efficacité d’une démarche MBCT sur la réduction de la symptomatologie dépressive de 8 patients dépressifs récurrents comparés à 11 patients bénéficiant de leur traitement habituel. La période de suivi de 8 semaines de ces patients souffrant d’une symptomatologie dépressive résiduelle persistante a montré une diminution significative de la symptomatologie dépressive pour le groupe MBCT, comparé au groupe contrôle. Ces résultats ont été confirmés par la suite (Crane et al., 2008) sur un échantillon de 33 patients souffrant de trouble de l’humeur. En 2008, Williams et al. retrouvent des résultats différents avec des 21 patients dépressifs récurrents en rémission. En effet, les résultats des auteurs ne montrent aucune différence significative en termes de symptomatologie dépressive à 8 semaines de suivi entre les patients du groupe MBCT et les patients du groupe contrôle. Cependant, les résultats mettent en évidence un effet significatif du temps (après – avant) pour les patients du groupe MBCT. Barnhofer et al. (2009) ont évalué l’efficacité de 2 mois de MBCT sur la symptomatologie dépressive de 16 patients dépressifs récurrents symptomatiques au jour de l’inclusion, comparés à 15 patients poursuivant leur traitement habituel. Les résultats montrent une diminution significative de la symptomatologie dépressive des patients du groupe MBCT comparé au groupe contrôle à 2 mois. Enfin, plus récemment, Britton et al. (2010) ont évalué l’efficacité d’un programme MBCT sur la diminution de la symptomatologie dépressive de patients dépressifs récurrents en rémission au jour de l’inclusion. Les résultats ont montré une diminution significative des scores au BDI pour le groupe MBCT. Aussi, il semble que l’approche MBCT soit efficace dans la diminution de la symptomatologie dépressive d’intensité modérée.
Études d’évaluation et perspectives
MBCT DANS LA DIMINUTION DE LA SYMPTOMATOLOGIE ANXIEUSE Ces études ont porté sur différentes populations de patients. Concernant les troubles de l’humeur, Williams et al. (2008) ont évalué l’efficacité de la MBCT sur les scores au BAI de patients souffrant de troubles de l’humeur récurrent, sous leur forme unipolaire ou bipolaire. Les résultats n’ont pas mis en évidence d’amélioration des scores au BAI pour les patients déprimés unipolaires. En revanche, ils ont montré une diminution significative des scores au BAI pour les patients bipolaires ayant suivi la MBCT. Notons cependant que les scores d’anxiété à l’inclusion, même non pathologiques, étaient plus élevés pour le groupe de patients bipolaires. Concernant les troubles anxieux, quatre études ont testé les effets d’une approche MBCT sur la diminution de la symptomatologie anxieuse de patients souffrant d’un trouble anxieux généralisé (Evans et al., 2008, N = 11), d’un trouble panique (Kim et al., 2009 : N = 63 ; Kim et al., 2010 : N = 23) ou encore d’une phobie sociale (Piet et al., 2010, N = 26). Les résultats concluent à un effet de la MBCT pour les patients souffrant d’anxiété généralisée (Evans et al., 2008) ou de trouble panique (Kim et al., 2009, 2010). Les résultats concernant la phobie sociale sont moins probants. L’étude de Piet et al. (2010) ne montre aucune diminution significative de la symptomatologie anxieuse à 2 mois chez 36 patients phobiques sociaux, mais portait sur une comparaison TCC/MBCT.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
MBCT ET TROUBLES BIPOLAIRES L’application de la MBCT au trouble bipolaire est plus récente. Les premières études ont testé la faisabilité du programme en incluant de faibles échantillons de patients. Quatre études plus récentes ont testé l’efficacité du programme MBCT spécifiquement pour des patients bipolaires. Kenny et Williams (2007) ont été les premiers à inclure dans leurs échantillons de patients cinq patients bipolaires. Leurs premiers résultats sont encourageants, puisqu’ils mettent en évidence une diminution significative de la symptomatologie dépressive (diminution des scores au BDI de 50 % ou plus) pour plus de 50 % des patients (3/5), notamment pour le plus déprimé d’entre eux (score au BDI de 45 à 6). Un an plus tard, la même équipe (Williams et al., 2008) a complété ces résultats en incluant 17 patients bipolaires dans leur échantillon.
117
118
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
Neuf d’entre eux ont bénéficié d’une approche MBCT, les huit autres étaient en intentionnalité de traitement, en attente du groupe suivant. Les résultats à deux mois n’ont montré aucune différence significative entre ces patients et des patients souffrant de dépression unipolaire récurrente. L’ensemble des patients (bipolaires et unipolaires) s’amélioraient de manière significative en termes de symptomatologie dépressive à deux mois de suivi. Quatre études plus récentes, non randomisées, se sont centrées sur l’efficacité de la MBCT spécifiquement chez des patients bipolaires. La première étude, celle de C. Mirabel-Sarron et al. (2009), a porté sur 17 patients bipolaires de type I, en rémission clinique. Les résultats avant/après sur 12 patients ne montraient aucune différence significative en termes de symptomatologie dépressive ou anxieuse. Notons cependant que les patients inclus n’étaient ni déprimés ni anxieux à l’inclusion. La même année, Miklowitz et al. (2009) ont évalué la faisabilité et l’efficacité d’une approche MBCT chez 22 patients bipolaires (14 bipolaires I, 8 bipolaires II). Seize d’entre eux ont été réévalués à deux mois. Les résultats ont montré une amélioration significative de la symptomatologie dépressive pour l’ensemble des patients. En 2010, Weber et al. ont évalué l’efficacité de la démarche MBCT chez 15 patients bipolaires (types I et II). Leurs résultats à deux mois ont confirmé ceux obtenus par Mirabel-Sarron et al. (2009), c’est-à-dire qu’ils ne montraient aucune diminution significative de la symptomatologie dépressive. Plus précisément, sur 9 patients réévalués à deux mois, quatre diminuaient leur symptomatologie dépressive d’au moins 8 points au BDI, alors que quatre d’entre eux l’augmentaient de 10 points. Notons cependant que ces études étaient des essais ouverts, pour lesquels seuls les scores de différence avant/après étaient disponibles. La seule étude contrôlée est très récente (Mirabel-Sarron. C et al. 2012). Trente-cinq patients bipolaires de type I et ayant suivi une approche MBCT ont été comparés à 14 patients en intentionnalité de traitement. Les résultats à deux mois montrent une diminution significative de la réactivité cognitive, moins élevée pour le groupe MBCT. Cette diminution était par ailleurs expliquée par le nombre de séances MBCT.
Études d’évaluation et perspectives
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
P ERSPECTIVES DE RECHERCHE Si la grande majorité des études montrent des résultats positifs de l’approche MBCT, très peu de recherches ont investigué son influence sur les variables psychologiques. Pour autant, l’effet de la MBCT sur ces variables constitue une hypothèse forte, basée sur le postulat d’un changement psychologique et cognitif spécifique à cette approche (Teasdale et al., 1995). Le modèle MBCT postule une réduction de la réactivité cognitive en tant que facteur psychologique associé aux rechutes dépressives (Ramel et al., 2004). Selon cette perspective, certains auteurs se sont intéressés à deux processus de changement psychologiques fondamentaux : la tendance à la rumination et la réactivité cognitive. En 2007, Kingston et al. ont évalué l’efficacité de la MBCT sur les ruminations de patients déprimés. Leurs résultats ont montré une diminution significative des ruminations de ces patients après MBCT, en lien direct avec la fréquence de pratique de la méditation. Ce n’est que très récemment que les auteurs ont commencé à s’interroger sur les mécanismes de changement associés à l’approche MBCT. En 2010, Kuyken et al. ont publié un article sur ses mécanismes d’action. L’hypothèse fondamentale défendue par les auteurs était que certaines caractéristiques psychologiques constitueraient une variable intermédiaire d’efficacité. Les variables évaluées étaient la réactivité cognitive, les capacités de pleine conscience et l’attitude compatissante envers soi-même, dans un contexte où le lien entre réactivité cognitive et faibles capacités de pleine conscience avait déjà été démontré (Raes et al., 2009). Les auteurs ont ainsi mis en évidence l’influence des capacités de pleine conscience et de l’attitude compatissante envers soi-même sur l’efficacité de la MBCT. Par ailleurs, la MBCT semblait préserver de l’effet toxique de la réactivité cognitive après traitement, contrairement à un traitement par antidépresseurs seulement. Les études sur le sujet sont encore peu nombreuses, car elles requièrent la mise en place de protocoles expérimentaux qui sont soumis à des contraintes méthodologiques strictes parfois difficiles à adapter en pratique clinique. D’autres études seront nécessaires afin de mieux comprendre les mécanismes d’action de cette approche. Par ailleurs, comme pour toute démarche ou psychothérapie, la question des effets spécifiques et non spécifiques reste posée car, bien souvent, les recherches évaluent les techniques sans tenir compte des effets non spécifiques. L’encadré suivant synthétise les principaux effets non spécifiques communs aux prises en charge en psychothérapies.
119
120
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
L ES
EFFETS NON SPÉCIFIQUES
La qualité du thérapeute
La/Les techniques utilisées
L’alliance thérapeutique, c’est-à-dire :
➙ ➙ ➙
le lien affectif patient/thérapeute l’entente patient/thérapeute sur les buts l’entente patient/thérapeute sur les tâches spécifiques.
Conclusion et perspectives
« Où tu vas-tu es... »
a voulu retracer l’histoire de la pleine conscience et son intégration dans le champ de la médecine puis plus spécifiquement de la psychiatrie. Il a eu pour objectifs de mieux comprendre certaines notions, telles que la pleine conscience, le pilote automatique, les modes « être » et « faire », etc., de préciser les indications médicales possibles, de décrire ce cheminement expérientiel tout en expliquant tous les processus psychologiques mis en œuvre par cette démarche innovante totalement intégrative comme nous avons tenté de vous le montrer. Nous avons souhaité décrire concrètement le déroulement de l’approche MBCT, séance après séance, du côté de l’instructeur et du côté des participants. Notre expérience en pratique clinique depuis plusieurs années nous a permis de présenter de nombreux verbatims qui illustrent l’extraordinaire variété des ressentis, l’attitude bienveillante envers soi-même sans attente, les pièges à éviter, mais aussi les solutions à mettre en œuvre pour y répondre ont également été traités. De manière très originale, nous vous avons proposé une lecture très scientifique, reposant sur des études de psychologie expérimentale, d’imagerie cérébrale, etc., des processus psychologiques engagés dans cet apprentissage. Ces études explorent toutes avec minutie les mécanismes de changements supposés avec la pleine conscience et la démarche MBCT. Les derniers chapitres détaillent les outils d’évaluation utilisés pour mesurer le changement apporté ainsi que les résultats cliniques mis en évidence à ce jour.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
C
E LIVRE
122
C ONCLUSION
ET PERSPECTIVES
Comprendre la pleine conscience, c’est avant tout être ouvert à ce qui est là, devant soit, à un moment précis. Comme le souligne si bien Eckart (1999), si ce que l’on a devant soi est jugé, critiqué, c’est que la petite voix de nos pensées est revenue par la porte de service. Ce qui est là, devant soi, au moment présent, n’est en fait ni bon ni mauvais, il est juste comme il est. Nous terminerons ce livre par une blague, car les blagues constituent elles aussi le reflet de la vie, des événements du quotidien. Elles nous rappellent qu’il est sage de ne pas se prendre au sérieux. Une blague n’est ni bonne ni mauvaise, c’est tout simplement une blague. Mais la grande force, c’est que quand nous rions vraiment, pendant ces quelques instants, nous sommes dans un état méditatif profond. La femme d’un psychanalyste lui dit : – « L’ampoule de l’halogène a cassé, il faudrait que tu la changes. – Je veux bien essayer répond le psy, mais cela implique de sa part un désir sincère de changement. »
Bibliographie
A MERICAN P SYCHIATRIC A SSOCIA TION (1994), Diagnostic and statistical manual of mental disorders (4th ed.), Washington, DC, Author.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
BAER R. (2003), « Mindfulness training as a clinical intervention : a conceptual and empirical review », Clinical Psychology : Science and Practice, 10, p. 125-142. BAER R.A., S MITH G.T., A LLEN K.B. (2004), « Assessment of mindfulness by self-report : The Kentucky Inventory of Mindfulness Skills », Assessment, 11, p. 191-206. BAER R.A., S MITH G.T., H OPKIN J., K RIETEMEYER J., T ONEY L. (2006), « Using self-report assessment methods to explore facets of mindfulness »,Assessment, 13, p. 27-45. BAER R.A., S MITH G.T., LYKINS E. et al. (2008), « Construct Validity of the Five Facet Mindfulness Questionnaire in Meditating and Nonmeditating Samples », Assessment, 15, p. 329-342.
BARNHOFER T., C RANE C., H AR GUS E., A MARASINGHE M., W IN DER R., W ILLIAMS J.M.G. (2009), « Mindfulness-based cognitive therapy as a treatment for chronic depression : A preliminary study », Behaviour Research and Therapy, 47, p. 366-373. B ECK A.T., RUSH A.J., S HAW B.F., E MERY G. (1979), Cognitive Therapy of depression, New York, Guildford Press. B ECK A.T., WARD C.H., M ENDEL SON M., M OCK J.E., E RBRAUGH J. (1961), « An inventory for measuring depression », Archives of General Psychiatry, 4, p. 561-571. B ERGHMANS C., S TRUB L., TARQUI NIO C. (2008), « Méditation de pleine conscience et psychothérapie : état des lieux théorique, mesures et pistes de recherches futures », Journal de Thérapie Comportementale et Cognitive, 18, p. 62-71. B ERGHMANS C., TARQUINIO C., S TRAUB L. (2010), « Méditation en pleine conscience et psychothérapie
124
B IBLIOGRAPHIE
dans la prise en charge de la santé et la prise en charge de la maladie », Santé mentale au Québec, 35, p. 49-83. B LACKBURN I.M., C OTTRAUX J. (2001), Thérapie cognitive de la dépression, Paris, Masson. B ONDOLFI G., J ERMANN F., VAN D ER L INDEN M., G EX -FABRY M., B IZ ZINI L., ROUGET B.W. et al. (2010), « Depression relapse prophylaxis with mindfulness-based cognitive therapy : A replication randomized controlled study », Journal of Affective Disorders, 122, p. 224-231. B RANTLEY J. (2003), « Calming Your Anxious Mind : How Mindfulness and Compassion Can Free You from Anxiety, Fear, and Panic », Oakland, New Harbinger Publications. B RITTON W.B., H AYNES P.L., F RI DEL K.W., B OOTZIN R.R. (2010), « Polysomnographic and subjective profiles of sleep continuity before and after mindfulness-based cognitive therapy in partially remitted depression », Psychosomatic Medicine, 72, p. 539-548. B ROWN K.W., RYAN R.M. (2003), « The benefits of being present : Mindfulness and its role in psychological well-being », Journal of Personality and Social Psychology, 84, p. 822-848. B ROWN K.W., RYAN R.M. (2004), « Perils and promise in defining and measur- ing mindfulness : Observations from experience », Clinical Psychology : Science and Practice, 11, p. 242-248. B UCCHELD N., G ROSSMAN P., WALACH H. (2001), « Measuring mindfulness in insight meditation and meditation-based psychotherapy : The development of the Freiburg Mindfulness Inventory (FMI) », Journal for
Meditation and Meditation Research, 1, p. 11-34. C ARDACIOTTO L., H ERBERT J.D., F ORMAN E.M., M OITRA E., FAR ROW V. (2008), « The assessment of present-moment awareness and acceptance : the Philadelphia mindfulness scale », Assessment, 15, p. 204-223. C HADWICK P., H EMBER M., M EAD S., L ILLEY B., DAGNAN D. (2005), « Responding mind- fully to unpleasant thoughts and images : Reliability and validity of the Mindfulness Questionnaire ». C HIESA A., S ERRETTI A. (2011), « Mindfulness based cognitive therapy for psychiatric disorders : A systematic review and meta-analysis », Psychiatry Research, 187, p. 441-453. C OELHO H.F, C ANTER P.H, E RNST E. (2007), « Mindfulness-based cognitive therapy : evaluating current evidence and informing future research », Journal of Consulting and Clinical Psychology, 75, p. 1000-1005. C OHEN S., K AMARCK T., M ERMEL STEIN R. (1983), « A global measure of perceived stress », Journal of Health and Social Behavior, 24, p. 385-396. C OTTRAUX J. (2007), Thérapie cognitive et émotions : la troisième vague, Issy-les-Moulineaux, Masson. C OTTRAUX J. (2009), TCC et neurosciences, Paris, Masson. C RANE C., BARNHOFER T., D UG GAN D.S., H EPBURN S., F EN NELL M.V., W ILLIAMS J.M.G. (2008), « Mindfulness-based cognitive therapy and self-discrepancy in recovered depressed patients with a history of depression and suicidality », Cognitive Therapy and Research, 32, p. 775-787. C ULLEN M. (2011), « MindfulnessBased Interventions : An Emer-
Bibliographie
ging Phenomenon », Mindfulness, 2, p. 186-193. DANTIN L. (2007), « Méditation pleine conscience et traitement cognitif des obsessions », Journal de Thérapie Comportementale et Cognitive, 17, p. 115-119. D OCTEUR A., M IRABEL -S ARRON C., S IOBUD U RDAPILLETA I., D OROCANT E., G UELFI J.D., ROUILLON F. (2007), « Évaluation clinique et cognitive d’une thérapie comportementale et cognitive de groupe chez des patients bipolaires », Journal de Thérapie Comportementale et Cognitive, 17, p. 79-83. D UNN B.R., H ARTIGAN J.A., M IKU LAS W.L. (1999), « Concentration et Méditations Mindfulness : forme unique de la conscience ? », Applied psychophysiology and biofeedback, 24, p. 147-165.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
E CKHART T. (1999), Le pouvoir du moment présent, Canada, Ariane Éditions. E LLIS A., H ARPER A. (1994), « L’approche émotivo-rationnelle ». Montréal:Editions de l’Homme.Blackburn, I.-M., & Davidson, K. (1990). Cognitive therapy for depression and anxiety. Oxford: Blackwell Scientific Publications. E RALDI -G ACKIERE D, G RAZIANI P. (2007), Exposition et désensibilisation, Dunod. E VANS S., F ERRANDO S., F INDLER M., S TOWELL C., S MART C., H AGLIN D. (2008), « Mindfulness-based cognitive therapy for generalized anxiety disorder », Journal of Anxiety Disorders, 22, p. 716-721. F ELDMAN G.C., H AYES A.M., K UMAR S.M., G REESON J.G., L AU RENCEAU J.P. (2007), « Mindfulness and emotion regulation : The development and initial validation of the
Cognitive and Affective Mindfulness Scale-Revised (CAMS-R) », Journal of Psychopathology and Behavioral Assessment, 29, p. 177-190. F ELEN H., C OELHO P.F., TANTER A., E DZARD E. (2007), « Mindfulness based cognitive therapy : Current evidence and informing future research », Consulting and Clinical Psychology, 75, p. 1000-1005. F ERMANIAN J. (2005), « Validation des échelles d’évaluation en médecine physique et de réadaptation : comment apprécier correctement leurs qualités psychométriques », Annales de réadaptation et de médecine physique, 48, p. 281-287. G ODFRIN K. A., VAN H EERINGEN C. (2010), « The effects of mindfulnessbased cognitive therapy on recurrence of depressive episodes, mental health and quality of life : A randomized controlled study », Behaviour Research and Therapy, 48, p. 738-746. G OLDBERG D.P., H ILLIER V.F. (1979), « A scare version of the general health questionnaire », Psychological Medicine, 9, p. 139-145. G ROSSMAN P., N IEMANN L., S CHMIDT S., WALACH H. (2003), « Mindfulness based stress reduction and health benefits. A meta-analysis », Journal of Psychosomatic Research, 57, p. 35-43. H ANH T.N. (2006), La paix en soi, la paix en marche, Paris, Albin Michel H ANH T.N. (2009), L’art du pouvoir, Paris, Guy Trédaniel Editeur. H AYES S.C., S TROSAHL K., W IL SON K.G. (1999), Acceptance and commitment ther- apy : An experiential approach to behavior change, New York, Guilford. H AYES S.C., W ILSON K.G., G IF FORD E.V., F OLLETTE V.M., S TRO SAHL K.D. (1996), « Experimental
125
126
B IBLIOGRAPHIE
avoidance and behavioral disorders : a functional dimensional approach to diagnosis and treatment », Journal of Consulting and Clinical Psychology, 64, p. 1152-1168. H OLLON S.D., K ENDALL P.C. (1980), « Cognitive self-statements in depression: Development of an automatic thoughts questionnaire », Cognitive Therapy and Research, 4, p. 384-395. H OLMES T.H., R AHE R.H. (1967), « The Social Readjustment Rating Scale », Journal of Psychosomatic Research, 11, p. 213-218. K ABAT-Z INN J. (1982), « An outpatient program in behavioral medicine for chronic pain patients based on the practice of mindfulness meditation : Theoretical considerations and preliminary results », General Hospital Psychiatry, 4, p. 33-47. K ABAT-Z INN J. (1990), Full Catastrophe living, New York, Dell Publishing. K ABAT-Z INN J. (2003), « Mindfulnessbased interventions in context : Past, present and future », Clinical Psychology : Science and Practice, 10, p. 144156. K ABAT-Z INN J. (2005), Coming to our Senses : Healing ourselves and the World through Mindfulness, New York, Hyperion. K ABAT-Z INN J. (2009), Au cœur de la tourmente, la pleine conscience, MBSR, la réduction du stress basée sur la mindfulness : programme complet en 8 semaines, Bruxelles, De Boeck. K ABAT-Z INN J., M ASSIO A.O., K RIS TELLER J., P ETERSON S.G., F LETCHER K.E., O BERT L. (1992), « Effectiveness of meditation based stress reduction program in the treatment of anxiety disorders », American Journal of Psychiatry, 149, p. 936-943.
K ENNY M.A., W ILLIAMS J.M.G. (2007), « Treatment-resistant depressed patients show a good response to mindfulness-based cognitive therapy », Behaviour Research and Therapy, 45, p. 617-625. K IM B., L EE S.H., K IM Y.W., C HOI T.K., YOOK K. et al. (2010), « Effectiveness of a mindfulness-based cognitive therapy program as an adjunct to pharmacotherapy in patients with panic disorder », Journal of Anxiety Disorders, 24, p. 590-595. K IM Y.W., L EE S.H., C HOI T.K., S UH S.Y., K IM B. et al. (2009), « Effectiveness of mindfulness-based cognitive therapy as an adjuvant to pharmacotherapy in patients with panic disorder or generalized anxiety disorder », Depression and Anxiety, 26, p. 601-606. K INGSTON T., D OOLEY B., BATES A., L AWLOR E., M ALONE K. (2007), « Mindfulness-based cognitive therapy for residual depressive symptoms », Psychology and Psychotherapy : Theory, Research and Practice, 80, p. 193-203. K UYKEN W., B YFORD S., TAYLOR R.S., WATKINS E., H OL DEN E., W HITE K. et al. (2008), « Mindfulness-based cognitive therapy to prevent relapse in recurrent depression », Journal of Consulting and Clinical Psychology, 76, p. 966-978. K UYKEN W., WATKINS E.D., H OL DEN E., W HITE K., TAYLOR R.S. et al. (2010), « How does mindfulnessbased cognitive therapy work ? », Behaviour Research and Therapy, 48, p. 1105-1112. L AU M.A., B ISHOP S.R., S EGAL Z.V., B UIS T., A NDERSON N.D., C ARL SON L. et al. (2006), « The Toronto mindfulness scale : Development and validation », Journal of Clinical Psychology, 62, p. 1445-1467.
Bibliographie
L EPINE J.R., G ODCHAU M., B RUN P., T EHERANI M. (1986), « Utilité des échelles d’auto-évaluation de l’anxiété et de la dépression en médecine interne », Acta Psychiatrica Belgica, 86, p. 608-615. L EVEY J., L EVEY M. (1999), Méditation simple et relaxation, Berkeley, Conari Press. L INEHAN M.M. (1993), Cognitivebehavioral treatment of borderline personality disorder, New York, Guilford. LYUBOMIRSY S, N OLEN -H OEKSEMA S. (1993), « Self-perpetuating properties of dysphoric rumination », Journal of Personality and Social Psychology, 65, p. 339-349 M A S.H., T EASDALE J. D. (2004), « Mindfulness-based cognitive therapy for depression : Replication and exploration of differential relapse prevention effects », Journal of Consulting and Clinical Psychology, 72, p. 31-40.
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
M AEX E. (2007), « Mindfulness : apprivoiser les stress par la pleine conscience », Bruxelles, De Boeck & Larcier. M ASLACH C., JACKSON S. (1981), « The measurement of experienced burnout », Journal of Occupational Behaviour, 2, p. 99-113. M IKLOWITZ D.J., A LATIQ Y., G OOD WIN G.M., G EDDES J.R., D IMID JIAN S., H AUSER M. et al. (2009), « A pilot study of minduflness-based cognitive therapy for bipolar disorder », International Journal of Cognitive Therapy, 2, p. 373-382. M IRABEL -S ARRON C. (2003), « Le concept de “mindfulness” et son utilisation dans la prévention des rechutes dépressives », Journal de Thérapie Comportementale et Cognitive, 13, p. 40-43.
M IRABEL -S ARRON C. (2005), Soigner les dépressions avec les thérapies cognitives, Paris, Dunod. M IRABEL -S ARRON C., L EYGNAC S OLIGNAC C. (2009), De la cyclothymie au syndrome maniaco-dépressif : identifier, traiter et prévenir les rechutes, Paris, Dunod. M IRABEL -S ARRON C, R IVIERE B. (1993), Précis de thérapie cognitive, Paris, Dunod. M IRABEL -S ARRON C., S ALA L., S IOBUD -D ORROCANT E., D OC TEUR A., S EGAL Z., BACHE LARD M., ROUILLON F., G OR WOOD P. (2012, soumis), « MBCT dose effect on dysfunctional attitudes in bipolar I patients ». M IRABEL -S ARRON C., S IOBUD D OROCANT E., C HEOUR E LLOUZ M., K ADRI N., G UELFI J.D. (2006), « Apport des thérapies comportementales et cognitives dans les troubles bipolaires », Annales Médico Psychologiques, 164, p. 341-348. M IRABEL -S ARRON C., S IOBUD D ORROCANT E., S ALA L., BACHE LARD M., G UELFI J.D., ROUILLON F. (2009), « Mindfulness based cognitive therapy (MBCT) dans la prévention des rechutes thymiques chez les patients bipolaires I : une étude pilote », Annales Médico Psychologiques, 167, p. 686-692. N YKLICEK I., K UIJPERS K.F. (2008), « Effects of mindfulness based stress reduction intervention on psychological well being of life », Ann Behav Med, 35, p. 331-340. P HILIPPOT P. (2007), Emotion et psychothérapie, Wavre, Editions Mardaga. P IET J., H OUGAARD E. (2011), « The effect of mindfulness-based cognitive therapy for prevention of relapse in recurrent major depressive disorder : A systematic review and
127
128
B IBLIOGRAPHIE
meta-analysis », Clinical Psychology Review, 31, p. 1032-1040. P IET J.,
H OUGAARD E., H ECK M.S., ROSENBERG N.K. (2010), « A randomized pilot study of mindfulness-based cognitive therapy and group cognitive-behavioral therapy for young adults with social phobia », Scandinavian Journal of Psychology, 51, p. 403-410. SHER
R AES F., D EWULF D., VAN H EERIN GEN C., W ILLIAMS J.M. (2009), « Mindfulness and reduced cognitive reactivity to sad mood : evidence from a correlational study and a nonrandomized waiting list controlled study », Behaviour Research and Therapy, 47, p. 623-627. R AMEL W., G OLDIN P.R., C AR MONA P.E., M CQUAID J.R. (2004), « The effects of mindfulness meditation on cognitive processes and affect in patients with past depression », Cognitive Therapy and Research, 28, p. 433-455. R AZ A, B UHLE J. (2006), « Typologies of attentional networks », Neuroscience, 7, p. 367-378. R ICARD M. (2008), L’art de la méditation, Paris, Nil Editions. S EGAL Z.S., B IELING P., YOUNG T., M ACQUEEN G., C OOKE R., M AR TIN L. et al. (2010), « Antidepressant monotherapy versus sequential pharmacotherapy and mindfulnessbased cognitive therapy, or Placebo, for relapse prophylaxis in recurrent depression », Archives of General Psychiatry, 67, p. 1256-1264. S EGAL Z.V., W ILLIAMS J.M.G., T EAS DALE J.D. (2001), Mindfulness-based cognitive therapy for depression : a new approach to preventing relapse, New York, The Guilford Press. S EGAL Z.V., W ILLIAMS J.M.G., T EAS DALE J.D. (2006), La thérapie cog-
nitive basée sur la pleine conscience pour la dépression : une nouvelle approche pour prévenir la rechute, Bruxelles, Éditions De Boeck Université. S ELYE H. (1978), The stress of life, Schaum Outline Series. S HAPIRO S.L. (2005), « Mechanism of mindfulness », Journal of Clinical Psychology, 62, p. 373-386. S HAPIRO S.L., A STIN J.A., B ISHOP S.R., C ORDOVA M. (2005), « Mindfulnessbased stress reduction for health care professionals : results from a randomized trial », International Journal of Stress Management, 12, p. 164-76. S PECA M., C ARLSON L., G OODEY E., A NGEN M. (2000), « A randomized, wait-list controlled clinical trial : the effect of a mindfulness meditationbased stress reduction program on mood and symptoms of stress in cancer outpatients », Psychosomatic Medicine, 62, p. 613-622. TACON T.M. (2003), « Méditation comme thérapie complémentaire dans le cancer », Santé Familiale et Communautaire, 26, p. 64-73. T EASDALE J.D. (2000), « Prevention of relapse recurrence in major depression by mindfulness cognitive therapy », Journal of Consulting and Clinical Psychology, 68, p. 615-623. T EASDALE J.T., S EGAL Z.V., W ILLIAMS J.M.G. (1995), « How does cognitive therapy prevent depressive relapse and why should attentional control (mindfulness) training help ? », Behaviour Research and Therapy, 33, p. 25-39. T EASDALE J. D., S EGAL Z. V., W ILLIAMS J.M.G., R IDGE WAY V.A., S OULSBY J.M., L AU M.A. (2000), « Prevention of relapse/recurrence in major depression by mindfulness-based cognitive
Bibliographie
therapy », Journal of Consulting and Clinical Psychology, 68, p. 615-623. W EBER G., J ERMANN F., G EX NALLET A., B ON FABRY M., DOLFI G., AUBRY J.M. (2010), « Mindfulness-based cognitive therapy for bipolar disorder: A feasibility trial », European Psychiatry, 25, p. 334-337. W ILLIAMS J.M.G., A LATIQ Y., C RANE C., BARNHOFER T., F EN -
NELL M.J.V., D UGGAN D. S. et al. (2008), « Mindfulness-based cognitive therapy (MBCT) in bipolar disorder : Preliminary evaluation of immediate effects on between-episode functioning », Journal of Affective Disorders, 107, 275-279.
W ILLIAMS M., T EASDALE J., S EGAL Z., K ABAT-Z INN J. (2007), The mindful way through depression : freeing yourself from chronic unhappiness, New York, The Guilford Press.
129
Annexe
La pleine conscience
C’est :
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
La capacité à être présent ici et maintenant au 100 %. La concentration. L’entraînement de l’esprit afin d’affiner notre attention. Le dépistage de ses propres mécanismes de pensées et les émotions associées. Prendre le contrôle de son esprit. La recherche d’un état de conscience. La capacité d’être ici totalement présent. Le fait de prêter attention au moment présent sans jugement. Le lâcher prise. La réceptivité et l’ouverture à tous les stimuli (internes et externes). Faire une seule tâche à la fois. La prise de conscience accrue des sensations corporelles. La présence complète. La prise de conscience des pensées et des émotions. Vivre pleinement l’action que nous sommes en train de vivre. L’observation. Voir la réalité telle qu’elle est. La libération des conditionnements mentaux. La capacité à être attentif à tout ce qui est en soi et autour de soi.
132
M ENER
UNE DÉMARCHE DE PLEINE CONSCIENCE
Expérimenter l’expérience du moment présent telle qu’elle soit. L’acceptation active de la réalité présente. La bienveillance. L’attention portée d’une façon délibérée. La curiosité envers l’expérience. Le non-rejet de l’expérience présente. La vigilance. Voir la réalité telle qu’elle est. Être pleinement conscient et maître de soi-même. Une succession d’état de conscience. Un état de clarté. L’énergie de l’attention. L’affinement de notre attention. La capacité de calmer les turbulences de l’esprit. Un moyen pour développer notre équilibre émotionnel. Cultiver une manière d’être qui n’est plus soumise à nos schémas de pensée habituels. Observer et comprendre comment les pensées s’enchaînent et engendrent un flot d’émotions (souffrances, joie). L’état lucide et éveillé. Une prise de contrôle de notre esprit. Sortir de nos tendances habituelles, nos fonctionnements automatiques et inconscients. La faculté mentale de percevoir les phénomènes (par ex. ses états émotionnels). Une attention vigilante. Être éveillé et présent. Acceptation et non jugement. Investir pleinement l’instant présent. Le non-attachement. Apaiser le tourbillon des pensées. Le non-jugement. Libérer l’esprit de l’emprise des conditionnements mentaux et des conflits intérieurs. L’acceptation de pensées sans les juger. La capacité à être parfaitement attentif. L’état d’ouverture à la réalité du moment.
La pleine conscience
L’autorégulation intentionnelle de l’attention. Laisser les choses arriver à nous. L’état de non-rumination mentale (style de pensée négative récurrente). L’observation non réactive des pensées. Une façon de gérer les pensées sans les bloquer ou le nourrir à l’infini.
Ce n’est pas :
La recherche d’un état de détente. Le moyen pour effacer toute émotion douloureuse. Le moyen pour fuir la peur, le chagrin, l’inquiétude. Une technique. L’évaluation ou un classement des stimuli qui arrivent à nous. Le jugement ou l’évaluation de l’expérience. Fuir l’ici et maintenant. Tout diriger et tout contrôler. L’attachement et l’agrippement. Agir. Un moyen d’échapper la réalité. Faire le vide dans son esprit en bloquant les pensées. Engager l’esprit dans des ruminations sur le passé et/ou l’avenir. Un moyen d’échapper à la réalité. La réactivité.
133
Annexe
Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
Synthèse des principaux résultats d’efficacité de la MBCT sur la prévention des rechutes et la diminution de la symptomatologie dépressive et anxieuse
ADM = AntiDepressant Medication BAI = Beck Anxiety Inventory BDI = Beck Depression Inventory DAS = Dysfunctional Attitudes Scale. EDM = Episode Dépressif Majeur HDRS = Hamilton Depression Rating Scale MADRS = Montgomery and Asberg Depression Rating Scale MBCT = Mindfulness Based Cognitive Therapy NOS = No Otherwise Specified TCC = Thérapie Comportementale et Cognitive TU = Traitement usuel UP = UniPolaires ; BP = BiPolaires YMRS = Young Mania Rating Scale
Schizophrénie Addictions Troubles alimentaires Troubles obsessionnels compulsifs Trouble de la personnalité borderline Antécédents de TCC (+ de 4 séances) Pratique de la méditation
Randomisée contrôlée
Teasdale et al. (2000)
Trouble dépressif récurrent en rémission HDRS 10
Trouble dépressif récurrent en rémission partielle 8 MBCT 11 TU
Essai ouvert
Randomisée contrôlée
Kenny et Williams (2007)
Kingston et al. (2007)
Trouble dépressif récurrent en rémission HDRS < 10 37 MBCT 38 TU
Randomisée contrôlée
Ma et Teasdale (2004)
Addictions
Addictions
Addictions Troubles alimentaires Troubles obsessionnels compulsifs Trouble de la personnalité borderline Psychothérapie plus d’une fois par mois
8
60
Tableau 1. (suite)
Diminution de la symptomatologie dépressive
Diminution de la symptomatologie dépressive
Prévention des rechutes
_
2%
4%
Diminution significative de la symptomatologie dépressive (BDI) pour le groupe MBCT comparé au groupe TU
Diminution significative de la symptomatologie dépressive (BDI-II 13,9 vs 24,3) Impact de la sévérité de la symptomatologie à l’inclusion
Effet de la MBCT sur les rechutes pour les patients ayant connu au moins 3 EDM : groupe MBCT (10/28), groupe TU (21/27) Pas d‘effet significatif pour les patients ayant connu moins de 3 EDM (4/8 pour le groupe MBCT vs. 2/10 pour le groupe TU)
Synthèse des principaux résultats d’efficacité de la MBCT 137
Étude
Evans et al. (2008)
Essai ouvert
Exclusion
11 Trouble Anxieux Généralisé EDM actuel Addictions Trouble psychotique
Trouble de _ l’humeur récurrent (unipolaire ou bipolaire) en rémission 33 MBCT (24 UP, 9 BP) 35 TU (27 UP, 8 BP)
Participants
8
8
Durée
Diminution de la symptomatologie anxieuse
Diminution de la symptomatologie dépressive et anxieuse
Efficacité 15 %
Diminution significative de la symptomatologie anxieuse. 45 % des patients passent d’un niveau d’anxiété modéré/sévère à un niveau d’anxiété léger
Bipolaires : diminution significative de la symptomatologie anxieuse. Pas de diminution de la symptomatologie dépressive comparé au groupe TU Unipolaires : pas de diminution de la symptomatologie dépressive ou anxieuse
Attrition Résultats
S YNTHÈSE
Williams et Randomisée al. (2008) contrôlée
Auteurs
Tableau 1. (suite)
138 DES PRINCIPAUX RÉSULTATS D ’ EFFICACITÉ DE LA
MBCT
Randomisée contrôlée
Crane et al. Randomisée (2008) contrôlée
Kuyken et al. (2008)
Trouble de l’humeur (unipolaire ou bipolaire) au moins un EDM en rémission partielle 33 MBCT 35 TU
Trouble dépressif récurrent en rémission partielle 61 MBCT 62 TU
8
Addictions 78 Schizophrénie Trouble bipolaire Trouble organique
Tableau 1. (suite)
Diminution de la symptomatologie dépressive
Prévention des rechutes et diminution de la symptomatologie dépressive
30 %
3%
Diminution significative de la symptomatologie dépressive (BDI)
Pas d’effet significatif de la MBCT sur les rechutes : groupe MBCT (29/61), groupe TU (37/62) Diminution significative de la symptomatologie dépressive (HDRS, BDI) pour le groupe MBCT
Synthèse des principaux résultats d’efficacité de la MBCT 139
Randomisée contrôlée
Barnhofer et al. (2009)
Durée
22 BP (14 BP _ I, 8 BP II)
Essai ouvert
Miklowitz et al. (2009)
Addictions sévères Trouble cognitif
17 BP I
Essai ouvert
_
8
8
8
Addictions 8 Troubles obsessionnels compulsifs Troubles alimentaires Trouble bipolaire Psychothérapie en cours
Exclusion
Diminution de la symptomatologie dépressive
Diminution de la symptomatologie dépressive et anxieuse
Diminution de la symptomatologie dépressive
Diminution de la symptomatologie dépressive
Efficacité
27 %
0%
_
14 %
Diminution significative de la symptomatologie dépressive (BDI)
Pas de diminution significative de la symptomatologie dépressive (BDI) et anxieuse (BAI)
Diminution significative de la symptomatologie dépressive (BDI) pour le groupe MBCT comparé au groupe TU
Diminution significative de la symptomatologie dépressive (BDI) pour le groupe MBCT comparé au groupe TU
Attrition Résultats
DES PRINCIPAUX RÉSULTATS D ’ EFFICACITÉ DE LA
MirabelSarron et al. (2009)
Trouble dépressif récurrent en rémission 16 MBCT 15 TU
Trouble dépressif récurrent EDM en cours 16 MBCT 15 TU
Participants
S YNTHÈSE
Hepburn et Randomisée al. (2009) contrôlée
Étude
Auteurs
Tableau 1. (suite)
140
MBCT
Trouble anxieux généralisé et trouble panique 24 MBCT 22 TU
Trouble dépressif récurrent en rémission 31 MBCT 29 TU
Randomisée contrôlée
Bondolfi et Randomisée al. (2010) contrôlée
Kim et al. (2009)
Schizophrénie Addictions Troubles alimentaires Troubles obsessionnels compulsifs Trouble de la personnalité borderline Antécédents de TCC (+ de 4 séances) Pratique de la méditation
_
60
8
Tableau 1. (suite)
Prévention des rechutes
Diminution de la symptomatologie anxieuse
9%
_
Pas d’effet significatif de la MBCT sur les rechutes : groupe MBCT (9/31), groupe TU (10/29) Effet significatif de la MBCT sur la durée de la rémission : groupe MBCT (204 jours), groupe TU (61 jours)
Diminution significative de la symptomatologie anxieuse (BAI) pour le groupe MBCT comparé au groupe TU
Synthèse des principaux résultats d’efficacité de la MBCT 141
Participants
Trouble dépressif récurrent en rémission 31 MBCT 29 TU
36 Phobie sociale
36 Trouble dépressif récurrent en rémission partielle
Étude
Randomisée contrôlée
Randomisée contrôlée
Randomisée contrôlée
Auteurs
Godfrin et Van Heeringen (2010)
Piet et al. (2010)
Britton et al. (2010) 8
92
Diminution de la symptomatologie dépressive
Diminution de la symptomatologie anxieuse
Prévention des rechutes
Efficacité
_
_
34 %
Diminution significative de la symptomatologie dépressive (BDI) pour le groupe MBCT comparé au groupe TU
Pas de diminution significative de la symptomatologie anxieuse (BAI)
Effet de la MBCT sur les rechutes pour les patients ayant connu au moins 3 EDM : groupe MBCT (12/52), groupe TU (32/54)
Attrition Résultats
DES PRINCIPAUX RÉSULTATS D ’ EFFICACITÉ DE LA
_
_
56
Durée
S YNTHÈSE
Addictions Troubles obsessionnels compulsifs Schizophrénie Trouble cognitif Trouble organique Retard mental Psychothérapie plus d’une fois par mois
Exclusion
Tableau 1. (suite)
142
MBCT
23 Trouble panique
Kim et al. (2010) 8
72 Schizophrénie Addictions Trouble bipolaire
Trouble dépressif récurrent 26 MBCT 28 ADM 30 placebo
Segal et al. Randomisée contrôlée (2010)
Essai ouvert
20 15 BP I (N Hospitalisation depuis moins de = 6), II (N = 8), et NOS 3 mois (N = 1) YMRS 16
Schizophrénie Addictions Troubles alimentaires Troubles obsessionnels compulsifs Trouble de la personnalité borderline
Exclusion
8
8
Durée
Diminution de la réactivité cognitive
Diminution de la symptomatologie dépressive
Efficacité
8%
_
Diminution significative de la réactivité cognitive (DAS) pour le groupe MBCT
Diminution significative de la symptomatologie dépressive (BDI) pour le groupe MBCT comparé au groupe TU
Attrition Résultats
S YNTHÈSE
Tableau 1. (suite)
144 DES PRINCIPAUX RÉSULTATS D ’ EFFICACITÉ DE LA
MBCT