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French Pages 182 [178] Year 2013
Jérôme GUIHO
MAHAMADOU DANDA Un destin nigérien
POINTS DE VUE
MAHAMADOU DANDA Un destin nigérien
© L’Harmattan, 2013 5-7, rue de l’École-polytechnique ; 75005 Paris http://www. harmattan.fr [email protected] [email protected] ISBN : 978-2-343-00832-5 EAN : 9782343008325
Jérôme GUIHO
MAHAMADOU DANDA Un destin nigérien
Points de vue Collection dirigée par Denis Pryen
Dernières parutions Henri PEMOT, Mali. Lettre ouverte au président, 2013. Rachel-Albert KISONGA MAZAKALA, L’idéologie du Lumumbisme, 2013. Jean Carletto BOPOUNGO, L’insertion professionnelle des jeunes en échec scolaire. Le projet des z’héros, 2013. Cédric ONDAYE-EBAUH, Crises financières internationales et pays en développement. Les enseignements pour le Congo Brazzaville, 2013. Anicet BOKA, Coupé-décalé. Le sens d’un genre musical en Afrique, 2013. Denise BUCUMI-NKURUNZIZA, The power of hope. The First Lady of Burundi. My story, 2013. Alexandra FOUILLOUX, Les enjeux de la crise dans le delta du Niger, 2013. Mosamete SEKOLA, Combat pour la résurrection du MNC, 2013. Romain Mensan SÉMÉNOU, l’Afrique n’a pas dit son dernier mot : l’inculturation, 2013. Martial BISSOG, Chroniques pour l’émergence d’une Afrique rayonnante, 2013. Denise BUCUMI-NKURUNZIZA, La force d'espérer, L'itinéraire de la Première Dame du Burundi, 2013. Joseph BITALA-BITEMO, Denis Sassou Nguesso. Stratégie politique et repères essentiels, 2013. Clarisse MERINDOL OUOBA, Je ne veux pas qu’on m’offre des faveurs dans une calebasse ! La discrimination positive au Burkina Faso, ou l’affirmation de la différence, 2013. Jean-David N’DA, La Côte d’Ivoire face aux médias colons et aux désillusions de la mondialisation, 2013. Cyrille MBIAGA, Cameroun, le temps des incertitudes. Espace de risque et dynamique de populations, 2012. Brice NZAMBA, De l’ethnie à l’État-nation. Pouvoirs traditionnels et pouvoir politique au Congo-Brazzaville, 2012.
A Issa
« Il y a des moments où gouverner les hommes, c’est sauver leur liberté ». Jacques Brillant Extrait de Le Soleil se cherche tout l’été Montréal, Leméac, Inc., coll. « Roman québecois ».
AVANT-PROPOS
Dans le quartier de la Route Filingué, à Niamey, à l’ombre d’un manguier centenaire, le promeneur qui pousse la grille du n°115 peut découvrir une modeste mais jolie demeure aux murs enduits à la tyrolienne. C’est ici que vit l’un des plus grands hommes d’Etat que le Niger ait connu, un serviteur d’exception devenu acteur presque malgré lui. Cet homme venu des profondeurs du terroir nigérien a contribué, lorsqu’il fut Premier ministre, à redonner des bases durables à la démocratisation de son pays et à rassembler les Nigériens autour de leur drapeau. En moins de cinq cents jours, il a su donner une formidable impulsion à l’industrie énergétique, créé trois nouvelles universités à Tahoua, Maradi et Zinder, ouvert une banque agricole destinée à soutenir la production et la commercialisation des produits agropastoraux par un accompagnement des producteurs, entériné le projet de construction d’un hôpital de mille lits dans la capitale. Et, en tenant un langage de vérité et de responsabilité sur la scène nationale et internationale sur la crise alimentaire, il reste celui qui a permis à des millions de Nigériens de préserver leur dignité. A la différence de tant d’autres, ce Premier ministre n’a pas un goût inné du pouvoir. C’est au nom de l’intérêt national plutôt que par ambition personnelle que Mahamadou Danda a été poussé sur le devant de la scène. Rompu aux arcanes du système politico-administratif, ce technocrate, reconnu pour ses compétences, est apprécié pour son intégrité sans faille et la puissance d’action qu’il déploie dans la gestion des affaires publiques. Malgré son goût pour l’excellence et sa volonté de donner le meilleur, sa route reste guidée par le sort de son pays et de ses concitoyens. Préférant l’action aux honneurs, fidèle à ses valeurs, il refusera à maintes reprises d’occuper des postes prestigieux et de servir sous les ors des palais nationaux, pour rester sur les chemins de la liberté.
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Néanmoins, par trois fois le destin le métamorphose en homme politique de premier plan et, à cinquante-neuf ans, la junte militaire qui provoque le départ du Président Tandja le sollicite, faisant de lui le Premier ministre du gouvernement de la transition. Un costume qui se révélera taillé à sa mesure et dans lequel il saura déployer son expérience et mettre à profit son esprit d’analyse. Il guidera l’action de son gouvernement vers des résultats salués par les principaux leaders africains et par l’ensemble de la communauté internationale. Ce parcours inhabituel a de quoi intriguer. Jamais ce grand serviteur ne force la main de ce destin qui le guide, et qu’il accepte. Les témoignages recueillis auprès de ceux qui ont côtoyé ce parcours nigérien éclairent sous un nouveau jour cette étonnante aventure. Celle d’un homme libre, capable de dire non aux plus grands, sans jamais se dérober devant ses responsabilités.
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TOUKOUR, L’ENFANT DE TAHOUA Le père, Abdou (Abdoulaye) Amadou, communément appelé Danda1, ne savait lire et écrire qu’en arabe. Originaire de Sokoto2, dans le nord du Nigéria, le jeune homme de vingt-cinq ans d’origine Peulh-Torobe ou Toronkawa, choisit dans les années trente de migrer à quatre cents kilomètres plus au nord pour s’installer à Tahoua. La silhouette élancée du garçon est imposante, le caractère affirmé. Très calme, le jeune homme est travailleur et reconnu pour ne pas faire d’histoires. Ouvert et sachant se rendre disponible, Abdou est exigeant avec lui-même et sans concession sur les valeurs. C’est dans cette ville qui l’accueille qu’il fait la connaissance de Binta Mahaman, une autochtone de l’ethnie des Haoussa, du quartier Tougoulawa, qu’il épousera. Claustrée dès le premier jour de son mariage, la jeune Baadara doit vivre selon les prescriptions de la religion musulmane, ne peut recevoir aucun homme dans la maison et ne sort qu’après la nuit tombée. Installés dans le quartier Zoulanké, Abdou et Binta ont six enfants. Six garçons soumis à une éducation rigoureuse et sévère, un choix délibéré pour les guider sur le droit chemin. A tout juste quatre ans, leur premier fils Abdouraouhou leur est retiré par la grand-mère paternelle, surnommée Hadjo. La vieille femme nigériane reprochera longtemps son exil à son fils et mettra un point d’honneur à élever son premier petit-fils à Sokoto, de l’autre côté de la frontière. L’épisode est douloureux, il marque en profondeur le cercle familial jusqu’à ce que vingt ans plus tard, le jeune garçon devenu adulte entreprenne de rendre des visites régulières à ses parents et à ses jeunes frères. Installé au Nigéria, Abdouraouhou exerce comme son père le métier de tailleur. Abdou Danda est à l’origine d’une activité modeste de tailleur qu’il exerce et qui lui permet de vivre de ses talents, tout en apprenant aux jeunes du village de Tahoua le métier de la couture. Abdou possède jusqu’à vingt machines à coudre. Un objet important dans l’histoire de la famille Danda, qui symbolise la transmission des savoirs entre générations. Les
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trois fils aînés exerceront ainsi la profession de tailleur, prodiguant, comme le fit jadis leur père, leurs précieux conseils aux jeunes soucieux de se lancer dans le métier. Attaché aux traditions, d’une prudence qui frôle parfois la méfiance, Abdou Danda a une idée assez claire de ce qu’il veut pour ses fils, et sait surtout très précisément ce qu’il ne veut pas : ne jamais envoyer ses garçons à l’école des blancs et ne jamais les mettre au service d’une administration, qu’elle fut civile ou militaire. Lorsqu’en 1966 son deuxième fils de dixhuit ans, Oumalé, atteint l’âge d’être convoqué pour effectuer son service militaire, Abdou ouvre ses portes à une cinquantaine de marabouts invités à lire les versets du coran, plusieurs heures durant, pour faire fuir le mauvais sort. Lorsque la liste des jeunes gens déclarés inaptes est affichée sur le fronton de la sous-préfecture, et qu’il est officiellement établi que le nom d’Oumalé Danda y figure, une véritable épopée entre cyclistes s’engage dans les rues de Tahoua pour annoncer la nouvelle à un père tellement soulagé qu’il remet un billet de cinq francs au plus rapide de ses messagers, une somme relativement importante pour l’époque. Il n’hésitera pas non plus à égorger le mouton du sacrifice pour partager son bonheur. Né le 25 juillet 1951, Mahamadou, le cinquième des fils d’Abdou et de Binta est alors âgé de quinze ans. Né Haoussa, le jeune homme a physiquement hérité des traits de son père. Très mince, beau garçon, Mahamadou est dans ses premières années un enfant plutôt petit, assurément moins grand et moins robuste que ses frères, d’où le surnom de Toukour qui le suit encore aujourd’hui. Comme tous les garçons de Tahoua, Toukour s’adonne à toutes sortes de jeux et participe régulièrement aux tournois de lutte plus ou moins improvisés dans la rue, dans lesquels il n’est jamais le dernier à se lancer. Et gare à ceux qui s’en prendraient au petit Haoussa, celui-ci évolue sous le regard protecteur de ses solides grands frères, toujours prompts à en découdre. Comme tous les enfants du quartier, Toukour doit engraisser le mouton qu’il achète avec ses propres économies après avoir vendu de la paille en hivernage, et qu’il revendra à l’approche de la fête de Tabaski. Mais à la différence de nombreux camarades, Toukour va à l’école du village. Scolarisé 14
dès l’âge de sept ans à l’école publique de Zoulaké, celui qui deviendra quelques années plus tard le Premier ministre de son pays, garde un souvenir douloureux de ses premiers contacts avec l’institution. Peu soutenu par un père qui ne voit aucun intérêt à ce que son fils reçoive un enseignement scolaire, l’enfant ne bénéficie d’aucun encadrement personnel. Mahamadou Danda garde aujourd’hui encore un souvenir aigu des méthodes avec lesquelles certains enseignants peu indulgents traitaient leurs élèves en guise de pédagogie. A quatorze ans, seul dans cette ambiance qu’il exècre et livré à lui-même, Toukour rate l’entrée en classe de sixième. Son frère Oumalé, l’aîné de la fratrie, est attaché à l’idée que son petit frère puisse bénéficier d’un enseignement scolaire. Entreprenant lui-même les démarches auprès du directeur de l’établissement, il le fait alors inscrire à l’école Bilbis dirigée à l’époque par Monsieur Habibou Malam Ibrahim. Toukour reste une année dans cet établissement aux méthodes éducatives plus conventionnelles, le temps nécessaire pour y préparer avec succès le concours d’entrée à l’école pratique d’agriculture (E.P.A.) de Kollo. Visiblement, l’enfant possède de réelles prédispositions pour poursuivre. En parallèle, Abdou Danda est fortement attaché à ce que ses fils reçoivent une éducation religieuse. Chaque mercredi soir, chaque samedi et chaque dimanche, lorsqu’il ne se rend pas à l’école primaire, Toukour doit ainsi se rendre à l’école coranique. Il s’y crée de nombreuses amitiés, passe des heures à se bagarrer avec des filles à la sortie, mais se nourrit intellectuellement des enseignements qu’on lui prodigue. Au total, sur les choix d’un père en quête des meilleurs imams, l’enfant fréquentera trois écoles coraniques3 différentes jusqu’à l’âge de seize ans. Malgré le labeur et les épreuves, Mahamadou Danda garde de cette période un souvenir heureux. « J’ai eu une éducation extrêmement riche, reçu des valeurs et bénéficié d’un processus de socialisation complet ». Il voue pour tout cela une profonde reconnaissance à ses parents. Il pense souvent à ce père rigoureux, sévère au point de châtier fermement, et pourtant si généreux. Ce père qu’il voyait chaque matin acheter la galette de mil offerte en guise d’aumône aux plus nécessiteux du 15
quartier. Il pense aussi à ce jour où, peu après l’indépendance du pays, il le vit sortir de la maison armé d’un bâton pour aller se joindre aux autres villageois et affronter un homme armé4. Envoyé par Djibo Bakari, leader du parti d’opposition Sawaba, cousin et rival politique du Président Hamani Diori, premier président de la République nigérienne et du parti au pouvoir le PPN-RDA, le combattant venu soumettre les habitants de Tahoua avait été repéré alors qu’il se cachait dans un buisson aux abords de la ville. Après quelques heures d’affrontement, le terroriste fut abattu. « Cela m’a marqué » confie aujourd’hui Mahamadou Danda, tout juste âgé d’une dizaine d’années au moment des événements. Ce père, même si beaucoup de choses les séparent, Mahamadou Danda estime en être la copie conforme à bien des égards, notamment du point de vue des valeurs. Intégrité, rigueur, abnégation, exigence sur l’éducation des enfants, ce dernier sait qu’il possède ces mêmes traits de caractère. A la fin de sa vie, et jusqu’à son décès au cours de l’année 2000, Abdou Danda et son fils Mahamadou se retrouveront régulièrement et passeront de longues heures à discuter, en tête à tête. Malgré leurs différences, les deux hommes se comprennent et trouvent en l’autre de nombreuses réponses à leurs propres interrogations. Mahamadou sait ce qu’il doit à son père. Pour le reste, ce qu’il ne peut obtenir auprès des siens, l’enfant de Tahoua le trouve dans la religion, au contact des imams. « J’étais constamment en train d’aller chercher des protections ». Pour se prémunir contre un éventuel danger, une maladie, un accident, l’élève Danda garde constamment dans ses poches les écorces d’arbres et les écritures noires obtenues des marabouts. Profondément croyant et pratiquant assidu, à la veille de ses seize ans, Toukour se voit offrir par un imam de renom, enseignant du Coran, un grigri destiné à l’accompagner sur la voie de la sagesse et de la réussite. Près d’un demi-siècle plus tard, même s’il ne le porte plus sur lui, le Premier ministre de la transition avoue ne s’être jamais séparé de cet objet auquel il attribue une part de sa réussite. Evoquant son parcours, l’homme se laisse aller aux confidences : « J’ai toujours cru que c’était lié à ce petit talisman »
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LE COUP DU TAPIS VOLANT A la veille de ses seize ans, le nouveau pensionnaire de l’école Bilbis termine une année qui marque à jamais son rapport à l’enseignement. Au contact de professeurs qui ont le souci de faire progresser leurs élèves, Mahamadou découvre le plaisir d’apprendre. Attentif et studieux durant l’année, il se consacre pendant neuf mois à la préparation du concours d’entrée à l’école pratique d’agriculture de Kollo, un établissement dirigé à l’époque par un cadre français chargé d’assurer la formation des moniteurs d’agriculture. Le jeune élève gagne chaque jour en maturité, délaisse progressivement les tournois de lutte et les bagarres avec les filles pour se consacrer presque exclusivement à son travail et aux cours auxquels il participe activement. Sans réelle surprise, il est brillamment reçu au concours. Plus tard, Mahamadou Danda avouera que c’est davantage par le jeu des circonstances que par vocation qu’il intégrera l’école de Kollo. Pourtant, dès son entrée, le jeune lauréat prend à cœur son nouveau statut. Il sait qu’il veut aller sur le terrain pour agir au plus près des réalités et des besoins. Contrairement à ceux qui, comme lui, ont obtenu les meilleurs résultats au concours et choisissent de s’orienter vers les filières Agriculture ou Eaux et Forêts, Mahamadou opte pour la section Animation/Coopération en même temps que huit autres élèves dont, entre autres, Sani Malam Maman, qui fut directeur de cabinet du président de la République Mamadou Tandja, Garo Gado et Nayoussa Issia. Pendant six ans, de 1968 à 1974, en temps qu’agent de la promotion humaine, il est chargé de la formation des animateurs ruraux aux nouvelles techniques et contribue en quelque sorte à éveiller les consciences des paysans nigériens. Affecté pendant trois ans en qualité d’agent d’animation au développement auprès du service d’arrondissement de Madoua, il est ensuite muté à l’arrondissement de Mirriah et placé en sous-zone au chef lieu du canton de Guidimouni pour assurer la couverture des activités du projet 3M. Particulièrement efficace et rigoureux, le
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jeune homme est très vite repéré par sa hiérarchie et promu Chef de service de l’animation au développement. Il est affecté successivement dans les départements de Keita dans la Région de Tahoua, puis de Mirriah dans la Région de Zinder. Arrive 1974. Cette année-là constitue une étape importante dans la vie du jeune cadre de vingt-trois ans. Les choix de Mahamadou s’affinent au fur et à mesure que sa personnalité s’affirme. Sans être un ambitieux, ce dernier s’épanouit incontestablement dans les missions de service public qui lui sont confiées mais il ressent aussi le besoin d’aller plus loin, de prendre davantage de responsabilités, quitte à donner de sa personne et de son temps. Après mûre réflexion, le jeune chef de service, qui compte alors déjà plus de quatre années de services effectifs au sein de la fonction publique et remplit les conditions requises, décide de se présenter simultanément à deux concours : celui de l’Institut pratique de développement rural (I.P.D.R) chargé de former les adjoints techniques et les conseillers agricoles, sur lequel il fonde de réels espoirs, et celui de l’ENA. Mahamadou sait que les places sont comptées, seulement cinq postes ouverts au concours de l’IPDR et cinq dans la section Administration générale de l’ENA. Il sait aussi que pour progresser, le fils du tailleur de Tahoua ne doit compter que sur son travail. Il n’attend rien de personne, si ce n’est de lui-même. Intelligent, méthodique, capable de rester concentré sur ses objectifs pendant de longues semaines et de longs mois, le jeune moniteur agricole se lance alors dans un travail de préparation de longue haleine. N’ayant qu’un objectif en tête, Mahamadou choisit de faire le sacrifice de payer sur ses deniers personnels des cours par correspondance avec un institut basé en France, dirigé par le Professeur Andrée Marie, dont le rythme de travail s’avère extrêmement dense. Visiblement, le jeune homme est capable de supporter une lourde, très lourde charge de travail, et n’hésite pas à solliciter régulièrement des professeurs nigériens pour se voir proposer des exercices pratiques complémentaires. Au terme d’un travail méticuleux, il se présente aux épreuves du concours de l’I.P.D.R, certes parfaitement préparé, mais il est loin d’imaginer la suite. Pour l’heure, dès les épreuves passées, le jeune homme qui est alors en poste dans la région de 18
Zinder reprend ses fonctions d’animateur rural dans lesquelles il s’investit corps et âme. Parallèlement, bien qu’il pense avoir rempli toutes les démarches requises pour s’inscrire au concours d’entrée au cours moyen de l’ENA, la candidature de Mahamadou Danda est officiellement repoussée au motif que son dossier serait arrivé après la date limite des inscriptions. Déçu, Mahamadou accepte malgré tout cette décision bien qu’il ne la comprenne pas, et porte, comme il le fait depuis le début de sa préparation, tous ses espoirs sur le concours de l’IPDR dont il pense avoir globalement maîtrisé les épreuves. Ce sera sans compter sur un nouveau coup du sort, un signe du destin. Inscrite également au concours d’entrée de l’ENA, la fille d’un ministre qui a transmis son dossier de candidature après celui de Mahamadou est quant à elle déclarée apte à concourir. Face à cette incohérence, plusieurs membres du jury de sélection demandent la révision du cas Danda. Après discussion, et tout juste vingtquatre heures avant le début des épreuves, le jeune fonctionnaire est finalement déclaré apte à se présenter au concours. Au vu des délais et du fait que l’animateur rural est en poste dans la Région de Zinder, à neuf cents kilomètres de la capitale, un certain nombre d’examinateurs estiment que le candidat Danda ne sera malheureusement pas en mesure de participer aux épreuves. Et pourtant ! Alerté un samedi du mois d’avril 1974 par l’un de ses collègues, un cadre de terrain en poste à Mirriah qui vient d’entendre à la radio son nom parmi la liste des candidats admis à concourir, Mahamadou prend rapidement son destin en mains. En quelques minutes, il se rend chez le receveur des postes opérer le retrait d’argent nécessaire à son déplacement, un long périple de neuf cents quinze kilomètres à entreprendre en véhicule, une course contre la montre sur les pistes pour pouvoir se confronter aux meilleurs de sa génération. Dès dix-sept heures, le candidat Danda trouve une place dans un véhicule de transport de marchandises qui le mène soixante-quinze kilomètres plus loin, de l’autre côté de Zinder, à Takiéta. A cet instant précis, sans ligne de transport régulière, Mahamadou joue le tout pour le tout et mise sur sa bonne étoile. Arrivé sur place aux environs de vingt heures, la soirée à 19
Takiéta lui semble longue, les heures interminables. Le jeune homme cherche en vain l’occasion de rejoindre la capitale, se renseigne auprès des commerçants, interpelle les chauffeurs. A vingt-trois heures, n’ayant pas encore parcouru le dixième de son périple, le jeune homme est bloqué, comme prisonnier de cette ville, interdit d’aller plus loin. Mahamadou continue à marcher et à se renseigner pour échapper à cette idée, il sait qu’une voie finira par s’ouvrir. A deux heures du matin, fatigué par les heures de marche qui viennent de s’égrener, il trouve enfin une solution, une T46 venue chargée de ciment qui se rend à Malbaza, à cinq cents kilomètres à l’Est de Niamey. Il négocie les conditions de son voyage, se hisse dans le camion et se laisse porter par le bruit sourd du moteur qui rompt son silence et celui de la nuit. Sans un mot, il suit du regard la voie dessinée par les feux du camion. A son rythme, le véhicule engagé sur la nationale 1 roule toute la journée du dimanche. Somnolant davantage qu’il ne dort, Mahamadou garde des pensées positives et se concentre sur ce qui l’attend. Il sait que son destin est en marche. Arrivé au bureau des douanes de Doutchi aux environs de deux heures du matin dans la nuit du dimanche au lundi, à peine descendu de la vieille T46, Mahamadou aperçoit un gros camion Mercedes chargé de marchandises et de passagers, garé juste devant et qui vient de démarrer, en partance pour Niamey. « Je me souviens avoir sauté sur la porte du côté chauffeur pour le supplier de me prendre. C’était vraiment de justesse, et il a accepté ». Le lendemain matin, Mahamadou arrive in extremis à Niamey, dans la salle d’examen, au moment solennel de l’appel des candidats. A ceux qui l’interrogent sur sa présence inattendue, celui-ci répond avec un sourire malicieux : « Mon père m’a laissé un tapis en peau d’animal. De temps en temps, il m’arrive de monter sur ce tapis, je ferme les yeux et je me laisse transporter ». Au fond de lui, le petit lutteur de Tahoua sait qu’il vient de remporter la première manche. Portant le numéro soixante-quinze, malgré la fatigue, Mahamadou Danda se soumet à l’ensemble des épreuves avec une extrême concentration. Ne pouvant se contenter de répondre aux problématiques posées avec la seule rigueur et le talent attendu d’un apprenti haut fonctionnaire, le jeune homme de vingt-trois 20
ans met à profit son expérience dans le domaine du développement rural, faisant preuve d’un esprit d’analyse et d’initiative remarqué. Le verdict est sans appel : aussi convaincant aux épreuves écrites qu'à l'oral, le candidat numéro soixante-quinze est reçu au concours d’entrée de l’ENA, tout comme il sera reçu premier au concours d’entrée de l’IPDR. Ayant fait le choix de l’ENA, Mahamadou y passe trois années au cours desquelles son épanouissement sur le plan intellectuel est total. Appartenant à une promotion de transition marquée par le départ progressif de professeurs issus de la coopération, Mahamadou Danda se passionne notamment pour les cours du professeur Jacques Colombé, un universitaire français chef du département Economie, et pour ceux du professeur Joseph Yanne, un universitaire belge qui enseigne les statistiques. Ce même professeur qui lui attribua un jour la note de 25 sur 20 pour la logique avec laquelle le jeune stagiaire sut résoudre un exercice, une logique différente de celle qui avait été enseignée aux élèves administrateurs. Mahamadou est remarqué par le corps enseignant pour sa capacité à explorer de nouvelles voies, tout en privilégiant les solutions pratiques et l’efficacité de l’action publique. Très à l’aise sur les questions qui couvrent le champ du développement et qui constituent son socle de connaissances professionnelles, il est également apprécié pour sa personnalité. Doté de convictions fortes, profondément intègre, le jeune homme se montre particulièrement ouvert au dialogue. Il sait aussi développer une argumentation solide dès lors qu’il s’agit de défendre une idée teintée de justice sociale et d’équité, thèmes auxquels il se montre particulièrement sensible. Consacrant son mémoire d’étude à l’organisation et au fonctionnement du Centre d’état civil de la ville de Niamey, sous la direction du professeur de nationalité belge Chantraigne, l’élève n’hésite pas une seule seconde au cours de sa soutenance à tenir tête et à défendre point par point, durant vingt longues minutes, sa position face à un professeur nigérien avec lequel il était en désaccord sur une disposition. Côté vie privée, au cours de son cycle moyen de l’ENA, Mahamadou partage le peu de temps libre qui lui reste avec son fidèle ami Ousseini Issa Maifada, chez qui il loge, et qui 21
travaille dans le secteur de l’automobile. Leurs conversations sont à mille lieues des sujets traités à l’ENA et alimentent une forte complicité entre les deux garçons. En 1975, à l’occasion de l’une des sorties hebdomadaires des élèves de l’Ecole nationale de santé publique (ENESP) de Niamey, la nièce de Ousseini Issa Maïfada vint en compagnie de ses camarades de classe. L’occasion pour Mahamadou de faire la connaissance d’une jeune élève de la section sage-femme prénommée Nana Barakatou, une Haoussa originaire du quartier Birni, le quartier du Sultanat de Zinder. Les deux élèves se plaisent, leurs tempéraments différents se complètent. Mahamadou est encore parfois un peu vif et réactif, Nana Barakatou est une jeune femme très calme, apaisante. Sous le charme, les deux étudiants se marient l’année suivante. La cérémonie religieuse et le mariage ont lieu à Zinder, la fête et le bal se déroulent à Niamey avec les camarades de promotion de l’ENA. Le mariage est modeste et sans ostentation. Cette même année, Nana Barakatou donne naissance à leur premier enfant, une petite Amina. Vivant dans la capitale et poursuivant tous deux leurs études, Mahamadou et Nana Barakatou savent que leur vie ne sera pas celle de leurs parents. Cette vie sera celle qu’ils se seront choisie. En fin de troisième année, alors qu’il vient de fêter ses vingtsix ans, Mahamadou Danda sort avec les honneurs major de la section Administration générale de l’ENA, une promotion qui comprend notamment Ali Illiassou, aujourd’hui ambassadeur du Niger en Inde, Amadou Abdou Maifada et Soumana Djibo Maiga. Il participe à ce titre en 1977 avec les majors des écoles nationales d’administration du Burkina, du Bénin, de la Côte d’Ivoire et du Togo, à un voyage d’étude d’un mois en Côte d’Ivoire dans le cadre d’un travail sur l’administration comparée, le tout pris en charge par le conseil de l’Entente. Ce fut la toute première sortie à l’étranger pour le jeune Haoussa de Tahoua. Major de la promotion 1974 de l’ENA, le voilà promis à une brillante carrière au sein de la haute administration, voire au-delà compte tenu des talents qu’on lui prête et de l’intérêt que commencent déjà à lui porter les plus hautes autorités de l’Etat.
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SOUS LE REGARD DE KOUNTCHÉ Comme tous les élèves sortis dans le haut du classement, Mahamadou doit quitter le ministère du Plan et son corps d’origine pour intégrer le ministère de l’Intérieur réservé aux meilleurs de l’ENA. Intégrant le corps préfectoral en 1977, alors que tous ses camarades sont affectés sur des postes d’adjoints placés auprès de sous-préfets, le major de la promotion 1974 est nommé adjoint au préfet du département de Niamey. La mission est délicate et les responsabilités sont importantes. D’emblée, par son tempérament et son professionnalisme, le jeune technocrate s’impose pourtant dans le paysage local et devient, en l’espace de quelques mois, un élément indispensable du bon fonctionnement de l’Etat dans la circonscription administrative de la capitale. Evoluant au côté d’un préfet militaire, par sa maîtrise des dossiers et sa connaissance des rouages de l’administration, il devient le véritable chef d’orchestre sur les problématiques de développement rural. Dynamique, ayant coordonné dix-huit mois durant l’ensemble des missions d’évaluation des projets de développement, l’adjoint sillonne le département en long et en travers. Ne comptant ni son temps ni son énergie, le jeune homme impose son style et séduit les équipes qui le suivent. Réfléchi, calme et serein, Mahamadou Danda agit avec tact et dans la concertation. Il sait aussi se montrer intransigeant et sans concession dès lors que les notions d’intérêt général et d’équité sont en jeu. Au cours de cette mission, qu’il assumera jusqu’en 1978, Mahamadou est également chargé de diriger la délégation départementale de Niamey au débat national pour la définition d’une stratégie de lutte contre la désertification au Niger, il participera aussi aux travaux d’élaboration du bilan départemental dans le cadre du Plan quinquennal 1979-1983 de développement économique et social (PDES) et conduira de nombreuses missions d’évaluation des opérations locales financées sur les budgets des collectivités territoriales du département de Niamey. Moins de deux ans après cette première affectation, le jeune administrateur est nommé sous-
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préfet de Niamey, chargé de coordonner le transfert du chef-lieu d’arrondissement de Niamey à Kollo. La mission est délicate, elle sera réalisée avec brio. Dans les étages feutrés du ministère de l’Intérieur, le nom du jeune sous-préfet revient régulièrement dans les conversations. Pour l’heure, en 1980, Mahamadou intègre le cycle supérieur de l’ENA. Il en sort trois ans plus tard lauréat du Diplôme d’études supérieures en administration générale avec, une fois encore, le rang de major de promotion. Une promotion à laquelle appartiennent, entre autres, Ibrahim Sani Abani, l’actuel secrétaire général du ministère des affaires étrangères, Madame Kotondi Mariama, diplomate de carrière à la retraite, Saïdou Anatché, cadre de l’Office des produits vivriers du Niger (OPVN). Dès lors, le destin du jeune fonctionnaire brillant est en partie scellé. Celui-ci est voué à exercer dans la cour des grands et à évoluer au côté des plus hautes autorités. Au moment où il réalise un nouveau voyage d’études à Lomé et attend sa prochaine affectation en qualité de souspréfet d’arrondissement, le ministère de l’Intérieur doit gérer le cas particulier de Filingué en proposant la candidature d’un nouveau sous-préfet, de préférence expérimenté, sur ce secteur jugé difficile à administrer qui est aussi, et surtout, la terre d’origine du président de la République Seyni Kountché. L’homme fort du pays, au pouvoir depuis 1974, fait connaître ses intentions qu’un jeune cadre vienne faire ses armes sur cet arrondissement sur lequel il garde un œil. Il a entendu parler de ce jeune sous-préfet originaire de Tahoua. Un certain nombre de têtes pensantes du ministère tergiversent et jouent la montre. Pragmatique, Kountché tranche : ce sera Danda ! En août 1983, à tout juste trente-deux ans, alors qu’il rentre de son voyage d’études, Toukour est immédiatement convoqué à une audience auprès du chef de l’Etat. Au ministère, où personne n’avait envisagé ce scénario, c’est le branle-bas de combat. A la veille de son entrevue présidentielle, Mamahadou est convoqué par le ministre Amadou Fiti Maïga qui lui rappelle combien la mission qui l’attend sur les terres du général est délicate et mérite de sa part une attention redoublée. Impressionné, le jeune homme ne montre à ce stade aucun signe de faiblesse, aucune marque d’inquiétude qui pourrait laisser 24
douter de sa capacité à assumer cette responsabilité si particulière. Même s’il ne mesure pas encore l’étendue de son champ d’action ni les difficultés qui l’attendent, il sent qu’une partie importante est en train de se jouer et qu’il convient, à ce moment précis, de puiser en soi pour se montrer à la hauteur de la confiance qui lui est faite en haut lieu. Le lendemain matin, lorsqu’il monte les marches du palais de la présidence du Conseil militaire suprême, en mimant le pas de l’aide de camp du chef de l’Etat, le lieutenant Tili Gaoh, sur le long tapis rouge qui mène au bureau du général, Toukour sait qu’il a rendez-vous avec l’histoire de son pays. Dans la salle d’attente, les minutes s’égrènent, la tension monte, les battements du cœur se font plus rapides. Dans quelques minutes, il se retrouvera seul, en tête-à-tête, avec le général Kountché. Mahamadou pense à ses parents. Lorsqu’arrive enfin le moment de pénétrer dans le bureau du Président, Toukour ressent tout le poids du regard fixe et profond de l’homme du coup d’Etat du 15 avril 1974. Kountché se tient debout et droit à l’entrée de son bureau, en tenue de militaire avec les gallons de général de brigade, serre fermement la main du jeune sous-préfet qu’il accueille d’un simple « Jeune homme !». Les quelques secondes de silence qui le séparent du fauteuil où il est invité à s’installer lui semblent une éternité. Tranchant cette atmosphère comme s’il maîtrisait les éléments, le chef de l’Etat, qui n’a pas quitté des yeux le jeune technocrate dresse d’emblée les éléments du décor. Ses mots sont directs et claquent dans l’air comme des injonctions. « Filingué est un territoire difficile. Certains administrateurs y ont passé dix mois, d’autres trois mois, voire trois jours5 ». Puis, celui qui a la réputation de soutenir la jeunesse de son pays et d’investir sur les mérites, se laisse aller à prodiguer sur un ton paternel quelques conseils au nouveau sous-préfet de Filingué sur lequel il semble avoir jeté son dévolu : « Jeune homme, voilà comment tu dois te comporter. Chez toi, ne reçois jamais personne, tu risquerais d’être accusé d’entretenir des liens privilégiés avec certaines personnes et d’être suspecté de corruption. Mais gare à toi ! Je ne veux pas qu’on dise que tu n’as pas reçu les personnes qui auraient sollicité une entrevue. Tu les reçois au bureau, mais jamais dans ta maison6 ». 25
Pendant toute la durée de l’entrevue, Mahamadou note scrupuleusement sur son bloc de papier les conseils du général qui se succèdent. « Je me suis comporté comme un étudiant de l’ENA qui prenait note des propos d’un professeur ». Austère, le général ne sourit pas, il est ferme. « N’accepte jamais d’argent ni le moindre cadeau de la part de qui que ce soit. Le paysan qui te donne cinq francs prendra le temps qu’il faut pour te reprendre mille francs7 ». Prévenant, le général se veut aussi rassurant « S’il se passe quoi que ce soit à Filingué, tu prends ton téléphone et tu m’appelles. Quelle que soit l’heure8 ». Au terme d’une heure d’échanges, les deux hommes se quitteront sur une dernière mise en garde du général prononcée dans la langue maternelle de Toukour : « Kajia Ko9 ! tu as entendu ! » Dès son arrivée à Filingué, Mahamadou met en application les conseils du chef de l’Etat. Accueilli par le chef de canton à l’occasion d’une cérémonie traditionnelle donnée en son honneur, les notables offrent au nouveau sous-préfet un mouton et un sac de mil. Avec amabilité, Mahamadou refuse ce cadeau qu’il perçoit comme le premier barreau de l’échelle de la corruption. L’émoi dans l’assemblée est palpable, les notables insistent mais le sous-préfet reste ferme et campe sur sa décision. Après discussion, le mouton et le sac de mil seront finalement donnés aux gardes républicains dont le cantonnement se situe en face de l’entrée principale de la résidence du sous-préfet. Danda imprime sa marque, chacun sait à quoi s’en tenir. Rapidement opérationnel, le sous préfet arrivé à une période de lutte contre la crise alimentaire s’investit sans compter. Cherchant à rendre les collectivités plus autonomes sur le plan de la production agricole, il expérimente à l’échelle de l’arrondissement une véritable politique d’aménagement du territoire en créant tous les vingt kilomètres un pôle de développement des cultures maraîchères. Engagé dans ce vaste chantier destiné à augmenter le niveau de subsistance alimentaire des populations, le sous-préfet Danda négocie également avec âpreté les programmes d’activités de l’ISAID (Institute for the stady and application of integrated development), une ONG canadienne. Il coordonne avec succès 26
le programme des microréalisations financé par le Fonds européen de développement (FED). Au final, ce n’est pas pendant trois jours que le sous-préfet de Filingué assumera ses fonctions, sous le regard du président de la République, ni même pendant dix mois, mais pendant plus de quatre années. Une exception. Durant ces quatre années, alors que chaque mois d’août le général Seyni Kountché prend ses quartiers d’été dans son village d’origine, Mahamadou est le premier à être reçu par le chef de l’Etat qui est intéressé à faire le point sur les dossiers en cours, et le dernier à être salué au moment où le général quitte les lieux entouré de son cortège officiel. Ayant sacrifié à ce rituel jusqu’à ce que la maladie ait eu raison du président nigérien, le 11 novembre 1987, Mahamadou Danda voit en Seyni Kountché un dirigeant ferme et intègre, attaché à la consolidation de l’unité nationale. "Il faut reconnaître que Kountché a beaucoup marqué mon parcours " souligne-t-il aujourd’hui. De son côté, le président apprécie le sous-préfet de Filingué pour l’enthousiasme et la probité qu’il déploie dans son action au service du territoire. Sortant du lot, Danda est devenu une pièce majeure de l’échiquier du président. Aujourd’hui encore, dans les coulisses du pouvoir, ceux qui se laissent aller aux confidences prétendent même que Kountché préparait Danda pour le ministère de l’Intérieur. Ce qui est certain, c’est que Mahamadou Danda a su gagner l’estime de Kountché sans jamais forcer sa personnalité, et sans calcul. Danda est une personnalité entière, qui a le sens du devoir et connaît sa voie profonde.
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MINISTRE MALGRÉ LUI Le 10 novembre 1987, vers 10 heures du matin, la radio nationale interrompt ses programmes pour diffuser un communiqué du Conseil militaire suprême (CMS), l’organe qui détient la réalité du pouvoir : « En raison de l’état de santé très préoccupant du chef de l’Etat, les officiers des forces armées nationales, convoquées ce mardi 10 novembre, ont décidé de confier l’intérim de la présidence du Conseil militaire suprême au chef d’état-major des forces armées nationales, le colonel Ali Seibou10 ». A 17h30, le colonel Ali Seibou s’adresse luimême à ses compatriotes pour annoncer la mort de Seyni Kountché, qui s’est éteint à 15h15 à l’hôpital de la PitiéSalpêtrière à Paris. Un deuil national d'un mois est décrété. L’homme fort du pays, celui qui avait pour ambition de rompre avec les méthodes de son prédécesseur et de remettre le Niger sur les rails s’en est allé. Arrivé au pouvoir avec la volonté de redresser l’économie, d’atteindre l’autosuffisance alimentaire et de combattre la corruption, le bilan de Kountché fait débat. Sérieusement ralentie par l’effondrement des prix de l’uranium et la sécheresse qui sévit une nouvelle fois en 1983 et en 1984, son action fut également marquée par la révolte des Touaregs, soutenus dans l’ombre par le voisin libyen, et par trois tentatives de putsch auxquelles il échappa. Dès sa désignation par le CMS, Ali Seibou, le très fidèle chef d’état-major du général président, indique qu’il entend poursuivre l’œuvre de Seyni Kountché et favoriser la réconciliation nationale. Le nouveau chef de l’Etat entend pour cela proclamer l’amnistie générale des condamnés politiques, faire libérer tous les prisonniers impliqués dans la tentative du coup d’Etat de 1983, et associer davantage de civils à l’exercice du pouvoir. Depuis Filingué, le sous-préfet Danda observe ces événements qui marquent l’histoire de son pays. Ce pays auquel il se sent de plus en plus proche et pour lequel il développe en secret ses propres réflexions, qu’il s’amuse à comparer aux décisions prises, ou non, par les acteurs politiques. En poste
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depuis quatre ans et demi dans le même arrondissement, il est à cette époque dans l’attente d’un stage de spécialisation ouvert aux anciens du cycle supérieur de l’ENA qui ont accompli cinq années de services effectifs, pour devenir cadre A1 de la haute fonction publique. Cette spécialisation, le chef de division Danda, cadre A2, aurait déjà dû la suivre à l’IDEP de Dakar où son dossier avait été accepté deux ans après sa sortie du cycle supérieur de l’ENA. Le délai nécessaire fut, malheureusement pour lui, au moment même où il devait y entrer, porté à cinq ans de services effectifs, par un décret du président Kountché. La mesure ayant un effet rétroactif, Danda dut renoncer et rester en poste à Filingué, une terre difficile où le jeune cadre est parvenu à tenir les choses et les hommes en respect. A présent qu’il répond à toutes les conditions requises, Mahamadou tient absolument à suivre cette spécialisation dans une école de planification, ce qui lui permettrait de revenir vers le ministère du Plan et son corps d’origine. Le sous-préfet Danda, s’il a fait ses preuves, est d’abord un homme d’action et de passion. Il sent que son profil d’administrateur local serait plus adapté à des missions de réflexion et de mise en œuvre de projets de développement territorial qu’à l’administration tous azimuts d’une circonscription administrative. Qu’il le veuille ou non, Danda est un homme de projets, un leader, et, en très haut lieu, cette caractéristique n’échappe à personne. Quelques semaines avant la mort de Kountché, par le hasard des rencontres, le jeune sous-préfet a eu l’occasion d’évoquer longuement son projet de stage de spécialisation alors qu’il se trouvait sur le siège passager d’un véhicule conduit par celui qui allait devenir le futur chef de l’Etat, de passage dans l’arrondissement de Filingué pour suivre les opérations d’aide aux populations éprouvées. Les deux hommes s’entendent bien. Ali Seibou apprécie l’action du sous-préfet Danda et n’ignore rien des ambitions qu’avait Kountché pour le jeune Haoussa. Jusqu’ici, Mahamadou a déjà grimpé plusieurs étages de l’ascenseur social. Il lui reste à ouvrir les portes de l’antichambre du pouvoir. Le 20 novembre 1987, le vendredi qui suit la prise de fonctions d’Ali Seibou, Mahamadou rentre de la mosquée et s’installe dans son salon. Il s’apprête à rédiger le procès-verbal d’un arbitrage foncier qu’il a eu à gérer le 30
matin même, en écoutant le flash d’information. A 13h, c’est le choc : la radio annonce sa nomination en tant que ministre des ressources animales et de l’hydraulique. « Il faut reconnaître que cela a été pour moi une terrible surprise. Je n’avais eu vent de rien, je n’ai absolument rien vu venir » se souvient Mahamadou Danda. Pensant à la conversation qu’il avait eue avec Ali Seibou, le jeune technocrate qui a d’autres ambitions laisse échapper sa stupéfaction devant son épouse: « Mais qu’est-ce qu’il fait ? ». « Cette phrase, prononcée spontanément, je ne l’oublierai jamais » confie-t-il aujourd’hui. L’annonce est aussi forte que surprenante. Passée la stupeur, le jeune sous-préfet s’isole plusieurs heures pour essayer de comprendre et se refaire le scénario du film de la vie qu’il s’est imaginé. Il a beau tourner les choses dans tous les sens, rien n’y fait. Il reste convaincu que la sagesse et le sens du devoir doivent le conduire à élever son degré de compétences sur un plan professionnel, place qu’il s’est octroyée et à laquelle il se sent totalement légitime. Devenir ministre n’est pas un but pour cet énarque, et pour l’heure, le cœur et la raison ne l’aident pas à apprécier cette « promotion » inattendue. Devant le manque d’enthousiasme et le peu d’empressement du jeune sous-préfet, certains de ses amis ne manquent pas de lui rappeler qu’il est aussi dans son propre intérêt de répondre à ce choix du pouvoir militaire. Cette décision claque comme un ordre lancé au fonctionnaire, auquel il est également recommandé d’assister au tout premier conseil des ministres prévu dans les jours suivants. Contre mauvaise fortune bon cœur, Mahamadou qui ne se résigne pas à l’idée de mettre en réserve sa carrière doit pourtant quitter sa famille et s’installer à Niamey pour assurer ses fonctions gouvernementales. Au plus profond de lui, il sent que rien ne saura le détourner de la voie qu'il s'est tracée. Profitant de sa toute première audience avec le Premier ministre Hamid Algabid dans la semaine qui suit sa prise de fonctions, Mahamadou n’hésite pas une seule seconde et entame le dialogue en revenant avec insistance sur sa volonté de se spécialiser. Surpris par l’interpellation du jeune ministre, et quelque peu démuni devant l’argumentation de celui dont l’abnégation et le sens du service sont largement reconnus, le Premier ministre lui rétorque en jouant de toute son autorité 31
« Mais où a-t-on vu un ministre aller en formation11 ? » La discussion est ferme mais Mahamadou, qui a tout juste trente six ans, ne tremble pas : « Moi, je veux servir en étant réellement compétitif. Je dois pour cela me spécialiser. Si vous n’évoquez pas vous-même la question avec le chef de l’Etat, sachez que je demanderai personnellement une audience12 ». Devant la détermination et la sérénité affichée par la nouvelle recrue, Hamid Algabid capitule : « Bon, je vois le chef de l’Etat à 14h et j’évoquerai le sujet avec lui. Tu me rappelles après 15 heures13 ». A 15 heures précises, Mahamadou décroche son téléphone pour s’entendre répéter par un chef de gouvernement visiblement résigné les paroles d’Ali Seibou : « Je sais effectivement que Monsieur Danda est attaché à ses études. Dans ces conditions, dites-lui de se préparer pour le prochain remaniement que je prévois d’ici quelques mois14 ». La détermination de Mahamadou a eu raison de décisions arbitraires. Toukour continue à tracer son propre chemin. Pendant neuf mois, fort de cette assurance de pouvoir suivre son cycle de formation, le jeune ministre s’investit corps et âme dans les dossiers qui dépendent de son département comme sur l’ensemble des questions liées au secteur de l’élevage. Parallèlement, il suit au quotidien la mise en œuvre d’un important programme hydraulique financé par les Canadiens à l’Est du pays, entre Zinder et Diffa, et coordonne le chantier de réalisation de la retenue d’eau de Goudel sur le fleuve Niger, destiné à sécuriser la ville de Niamey pour son approvisionnement en eau. En juillet 1988, quelques jours avant le remaniement qui marque sa sortie du gouvernement, Mahamadou se rend à Addis Abéba en Ethiopie où il conduit la délégation nigérienne à la réunion des ministres de l’élevage. Il met à profit cette ultime mission pour traverser la mer rouge et faire son premier pèlerinage. Une manière pour lui de donner la primeur à ses propres choix et de donner corps à une nouvelle étape. Cette première expérience dans l’arène politicoadministrative nationale est riche d’enseignements sur la personnalité de Mahamadou Danda. Elle nous apprend notamment qu’il se considère en technocrate plutôt qu’en homme politique et n’assouvit ses rêves d’action au service de 32
la nation que dans la recherche de l’excellence d’un travail de l’ombre, loin des projecteurs et de l’ambiance médiatique, dont il maîtrise pourtant tous les ressorts. Méthodique, Mahamadou Danda avance en homme libre au gré de ses convictions. Résolument humaniste mais atypique à bien des égards, ce serviteur attachant attire autant qu’il interroge. De quoi déstabiliser bon nombre de ceux qui ont eu à croiser sa route. Selon ses propres choix, en mai 1989, Mahamadou intègre sur titre, en même temps que deux autres nigériens, Halidou Bagué le dernier ministre du commerce du gouvernement du président Tandja et Djibo Garba, cadre du ministère du Plan, l’Institut panafricain pour le développement de l’Afrique de l’Ouest-Sahel (IPD/AOS) de Ouagadougou, au Burkina Faso, en vue d’y obtenir un diplôme postuniversitaire en Planification régionale et aménagement du territoire. Il intègre une promotion hétéroclite dont il sortira major. Il y côtoie des agronomes, des géographes, des économistes, des historiens, des sociologues et des administrateurs de sept nationalités différentes. Ce mélange des cultures et l’ouverture d’esprit qu’il induit lui conviennent parfaitement. Le ministre redevenu fonctionnaire réside une année complète dans la capitale burkinabé. Bénéficiant d’une position de stage, le jeune père de famille garde son salaire et bénéficie d’une bourse de subsistance. A 38 ans, il est, à cette époque, père de quatre jeunes enfants, trois filles et un garçon. Ouvert et communicant, Mahamadou est un père exigeant quant à l’excellence des résultats scolaires et consacre toutes ses ressources à l’éducation des enfants. Vivant dans un petit studio situé sur le campus, Mahamadou est éloigné de sa famille et ne la reverra qu’après neuf mois de cours. Il est totalement concentré sur ce sésame qui doit lui permettre de devenir A1, « J’étais obnubilé par le fait de devenir A1 ». Appréciant l’approche prospective des enseignements qu’il reçoit en matière d’aménagement du territoire et de gestion de projets, Mahamadou Danda est particulièrement à l’aise dans ces domaines qu’il affectionne et où il excelle. Dans son mémoire de recherche dirigé par le professeur sénégalais Boubacar N’Bong consacré à « l’aménagement du territoire au Niger et la Communauté urbaine de Niamey15 », il propose à travers une étude démographique et socio-économique de la capitale 33
nigérienne, trois scenarii d’évolution envisageables à échéance des vingt- cinq prochaines années, une nouvelle structuration de Niamey en cinq territoires jugés plus cohérents en terme de gestion administrative du développement urbain. Le mémoire devient une référence et Niamey sera administrée quelques années plus tard en cinq arrondissements ! Le diplôme est une formalité. Mahamadou est à nouveau major de promotion et met un point final à dessiner les contours de la carrière qu’il s’est fixée.
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L’AVENTURE MNSD Quelques jours après son accession au pouvoir, le 18 novembre 1987, le nouveau président de la République Ali Seïbou proclame une amnistie générale qui inaugure le régime de la décrispation. Un régime marqué par la reconnaissance de nouvelles libertés individuelles et collectives et la naissance d’une presse privée. La liberté d’expression est reconnue d’emblée aux Nigériens. Mais le successeur du général Seyni Kountché veut aller encore plus loin en créant un parti unique. Du 15 au 18 mai 1989, il prévoit de convoquer le congrès constitutif du Mouvement national pour la société de développement (MNSD). Le mouvement a vocation à doter le pays d’un cadre national de consolidation de son unité. Avant la tenue des élections générales destinées à installer un nouveau gouvernement et une nouvelle assemblée, Ali Seïbou prône la création d’un Conseil supérieur d’orientation nationale (CSON), véritable instance dirigeante de ce parti-Etat, en lieu et place du Conseil militaire suprême qui dirigeait le pays sous le régime d’exception. Depuis Ouagadougou, Mahamadou est attentif à ces événements. Il juge la démarche du MNSD, qui vise à englober l’ensemble des élites nigériennes, intéressante, sans être dupe cependant des intentions des militaires cherchant à se draper d’une légitimité populaire. Hérité du modèle tanzanien développé autour de la jeunesse et du mouvement coopératif, le MNSD pose un cadre de mobilisation populaire ouvert à toutes les sensibilités. Une sorte d’antichambre du jeu démocratique. L’idée de la société de développement n’est pas étrangère à Mahamadou : elle a été évoquée pour la première fois par le colonel Seyni Kountché et le jeune sous préfet de Filingué a eu lui-même à participer à la popularisation de la charte nationale qui en dépendait. D’observateur éloigné, les choses vont rapidement s’accélérer pour Mahamadou qui se retrouve littéralement aspiré par cette dynamique du nouveau régime. D’abord invité à venir participer au congrès fondateur, le haut fonctionnaire est approché par les hommes du président qui, lui dit-on, espère
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vivement sa présence à Niamey le 18 mai. A l’approche du grand rassemblement militant, les contacts se font plus réguliers, les messages plus clairs aussi. Début mai, un fax est adressé à l’IPD/AOS pour qu’un congé d’une semaine soit attribué à Mahamadou Danda, à qui l’on demande de préparer son déplacement. Le patron du MNSD lui fait savoir qu’il souhaite le désigner dans les instances dirigeantes. Le calendrier du président ne coïncide pas avec l’ambition de Danda, mais at-il vraiment le choix ? : « Quand je m’inscris dans une logique, je vais jusqu’au bout. Mais en temps que fonctionnaire, je ne pouvais pas m’attirer les foudres du pouvoir ». Mahamadou sera du déplacement. Malgré les réticences et les atermoiements d’une poignée de hauts dignitaires du mouvement, opposés à la désignation de ce ministre démissionnaire, Ali Seïbou le nomme au poste de secrétaire administratif. Le président de la République apprécie ce haut serviteur qu’il a laissé bon gré mal gré quitter le gouvernement deux ans plus tôt. Il sait qu’un chef de parti n’est souvent rien sans ses conseillers. Il sait aussi qu’avoir Mahamadou Danda à ses côtés, c’est se prémunir contre l’influence de ceux qui ont, de toute chose, une vision plus étroite. Le 18 mai, c’est une foule immense qui envahit le grand hall du palais des congrès de Niamey. Près d’un millier de supporters unis par une même ferveur ont fait le déplacement. Dans une ambiance survoltée, le congrès désigne soixante-sept membres au sein du Conseil supérieur d’orientation nationale (C.S.O.N) et vingt-trois membres au sein du Bureau politique national. Douze permanents sont également désignés, parmi lesquels Hama Amadou et Brigi Rafini, deux futurs Premiers ministres. Les choses sont ainsi organisées que Mahamadou n’a pas de concurrent pour occuper le poste de secrétaire administratif. Il se fait désigner par acclamation. « Ma désignation fut très mécanique », souligne-il aujourd’hui. Assis dans les tous premiers rangs, il observe le spectacle qui se joue sous ses yeux. Une fois encore, une fois de plus, il n’a rien demandé mais s’en remet totalement à son sort. Et puis, à bientôt quarante ans, il se reconnait sans difficulté dans une
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démarche politique qui cherche à dépasser les limites idéologiques habituelles. Rapidement installée dans les locaux du conseil de l’Entente qui font office de siège du parti-Etat, l’équipe dirigeante s’organise et se met à la tâche. Mahamadou a la responsabilité de la gestion administrative du mouvement, il rédige des rapports pour le bureau politique et prépare les réunions du CSON. En pratique, tout se crée et meurt au Bureau politique. Plus qu’un conseil du mouvement, l’instance dirigeante compte en son sein toutes les personnalités qui ont joué et jouent encore un rôle important dans la vie politique nigérienne. Les réunions de travail avec Ali Seïbou sont l’occasion d’émettre des avis et d’exprimer son opinion. Entre la vision réformiste des uns, l’esprit traditionnaliste des autres, les échanges et les débats sont nourris et cette confrontation coïncide parfaitement avec l’idée que le Secrétaire administratif se fait du mouvement politique qui est en train de se construire. Apte à traiter rapidement du moindre dossier, à émettre un jugement assuré tant sur des questions sociales que sur des problématiques politiques des plus complexes, l’administrateur devient très vite une valeur sûre du bon fonctionnement du mouvement. Danda est un créatif, un imaginatif, tout le contraire d’un apparatchik. En quelques semaines, sans être considéré comme un idéologue du mouvement, son bureau est devenu le passage obligé des visiteurs du soir. Mahamadou Danda reçoit. Il écoute. Il est là pour ça. Le MNSD veut agir, et vite. Le 24 septembre 1989, une loi fondamentale instaurant le régime de parti unique est adoptée. Dès le 10 décembre, Ali Seïbou est élu premier président de la République, l’assemblée nationale est installée. Au quotidien, la machine MNSD est organisée et gérée comme une véritable entreprise et tourne d’abord autour de son action militante. Action militante externe, destinée au public, ou action militante interne, destinée à la mobilisation des adhérents, le mouvement se veut un « parti de terrain » et parvient à mailler le territoire jusque dans les moindres villages. L’organisation est d’ores et déjà tournée vers la bataille électorale. Le mouvement s’appuie sur un réseau de structures locales qui sont autant de relais de ses messages et qui disposent d’une capacité de mobilisation 37
sans pareille à travers le pays. Malgré cette dynamique, passé l’état de grâce, le général Ali Seïbou est rapidement l’objet d’un mouvement d’humeur et de contestation de la part des Nigériens. Les uns réclament des réformes en profondeur pour le pays, les autres, souvent les mêmes, espèrent de réelles avancées pour leur quotidien. Chahuté par les revendications syndicales en tous genres, le pouvoir maintient à bout de bras une contestation grandissante, jusqu’à commettre l’irréparable. Le 9 février 1990, les étudiants de l’Université de Niamey organisent une marche pacifique pour dénoncer les mesures d’ajustement prévues dans le secteur de l’éducation. En arrivant sur le pont Kennedy, c’est le drame : la manifestation organisée par l’Union des scolaires nigériens (USN) se termine dans le sang. Alors que le président se trouve en mission diplomatique en dehors des frontières, le colonel Amadou Seyni Maïga qui assure son intérim, choisit de disperser les manifestants armés de cocktails Molotov. Peu préparées à ce genre d’événements, les forces de l’ordre tuent trois étudiants et en blessent plusieurs dizaines. Ce sera l’étincelle. Cet événement bouleverse le pays et alimente le ressentiment de la rue contre le pouvoir en place. Les revendications syndicales de l’USN et du SNEN s’invitent sur le terrain politique en réclamant le jugement des coupables, soutenus dans leur démarche par les travailleurs en proie à des mesures d’austérité. S’en suivent des marches et des grèves à répétition. Les manifestants demandent la démission du chef de l’Etat, et l’engagement de leur pays sur la voie du multipartisme et de la démocratie. Dans ce contexte de guerre civile, le MNSD est un navire qui prend l’eau et son capitaine doit changer de cap s’il ne veut pas se saborder avec son équipage. Dès son retour de Guinée-Bissau, Ali Seïbou convoque une réunion extraordinaire du CSON. Chaque heure compte. Il est impératif d’adresser un signal fort à la population, si l’on peut encore apaiser les tensions. En quelques heures, la décision est prise de sacrifier des responsables : le colonel Amadou Seyni Maïga et le ministre de l’Intérieur Amadou Madougou sont démis de leurs fonctions et exclus du CSON. L’organisation du MNSD est également revisitée. Seuls deux des douze permanents sont maintenus dans leurs fonctions, le trésorier et le secrétaire administratif dont les 38
missions semblent davantage relever du fonctionnement du mouvement que de la stratégie. A l’issue du CSON extraordinaire, un communiqué final est donc rédigé en ce sens. Le communiqué comporte des décisions difficiles à assumer pour ses auteurs. Et c’est à Mahamadou Danda que revient la lourde charge de lire le message de sanctions à l’égard des auteurs du drame du 9 février, en direct, devant l’ensemble des médias nationaux. L’image de l’homme de consensus tranche avec la violence de cette annonce, mais c’est en responsabilité qu’il se présente devant la nuée de micros et de caméras qui ont envahi la grande salle de réunion du parti. Avec le recul, Danda se laisse aller aux confidences : « Le fait que je fus désigné pour annoncer ces décisions a conduit certains à considérer que j’étais l’initiateur de ces exclusions et ils m’en ont tenu rigueur » Il reconnait néanmoins que ces décisions pouvaient trouver leur justification : « Il fallait trouver des passerelles pour apaiser les tensions ». Fin de l’acte I. Pourtant, rien n’est réglé sur le fond. Les Nigériens rêvent d’un printemps démocratique, observent avec envie le modèle qui émerge chez le voisin béninois et revendiquent plus que jamais l’avènement du multipartisme. Mahamadou y est favorable, et ne s’en cache pas. Pour lui, le multipartisme est l’une des expressions de la démocratie, pour peu que les mouvements politiques sachent véhiculer les fondements idéologiques et dépasser leur seule construction autour de leur fondateur ou d’un groupe ethnolinguistique. Mahamadou, qui anticipe aussi vite les questions que les réponses, a compris que l’époque avait changé. Les règles du jeu sont en train d’évoluer, les lignes sont en train de bouger, mais les politiques n’appréhendent ni les contours ni les conséquences du mouvement qui est en train de se jouer sous leurs yeux. A cette époque, la machine du mouvement a d’ailleurs besoin d’être relancée. Il faut changer de style, de vocabulaire et de méthode. Danda en est convaincu, il y travaille. Durant plusieurs semaines, il ne rate aucune occasion pour faire partager sa propre vision des choses avec les cadres du mouvement. L’homme manie les concepts aussi bien que les mots. Sans jamais chercher à imposer ses vues, ses argumentations sont de véritables démonstrations teintées de bon sens. Trois jours avant 39
le discours de La Baule, prononcé par le président François Mitterrand le 16 juin 1990, le CSON adopte lui-même le principe du multipartisme. Ali Seïbou l’annonce officiellement devant l’assemblée nationale le 15 novembre. Le vent de l’histoire vient de souffler sur le pays. Fin de l’acte II. Rideau. L’heure est alors à la naissance de nouveaux partis. Le MNSD, jusqu’alors parti-Etat, convoque du 12 au 18 mars 1991 un congrès pour se transformer en parti ordinaire. Les cadres envisagent de marquer un nouvel élan en rebaptisant le parti MNSD-Nassara. Le mouvement s’offre une nouvelle appellation, en même temps qu’il désigne ses nouvelles instances. A ce moment, Mahamadou sait que ses jours au sein du MNSD sont comptés car pour lui, le temps est venu de reprendre sa liberté et de suivre la voie qu’il s’est tracée. La préparation du congrès constitutif du MNSD-Nassara sera son ultime mission. Le 18 mars 1991, point d’orgue du congrès, trois candidats à la présidence du parti se sont déclarés : Mamadou Tandja, Adamou Moumouni Djermakoye et Ali Seïbou. Un consensus est trouvé selon lequel Ali Seïbou continuera à présider aux destinées du MNSD jusqu’au sortir de la conférence nationale souveraine. Ce n’est que par la suite que le MNSD-Nassara se retrouve en congrès extraordinaire pour désigner le nouveau leader d’un parti redevenu comme les autres. A l’issue d’élections libres et transparentes, Mamadou Tandja est alors élu président du MNSD-Nassara et Hama Amadou secrétaire général. Au moment où les uns et les autres postulent aux différent postes du MNSD, le secrétaire administratif est publiquement interpellé par une personnalité du mouvement : « Et lui, ce Monsieur Danda, il serait intéressant pour nous tous qu’il puisse avoir une place de choix dans le nouveau dispositif ! Que veut-il16 ?». Danda ne demande rien, sinon sa liberté. « Dès le départ, bien en amont du congrès, alors que les dignitaires du mouvement essayaient de caler des noms et me faisaient des appels du pied, j’avais annoncé que je n’étais pas partant ». Se jugeant peu qualifié pour la politique, Mahamadou Danda préfère, et ne s’en cache pas, l’atmosphère des ministères à celle des officines électorales et les rites de la fonction publique à ceux des milieux parlementaires. Il n’est pas homme, de surcroît, à se laisser 40
dicter un comportement, ni imposer une opinion contraire à ses vues et plus encore à ses principes. Il vient de donner deux ans de sa vie à la politique, c’est déjà beaucoup. La posture de Danda interroge, elle ne se discute pas. Le secrétaire administratif est un homme déterminé qui jouit de l’estime du premier responsable, Ali Seïbou. Ce départ s’accommode aussi parfaitement, disons-le, avec les ambitions de jeunes cadres du parti qui ne retiennent pas le brillant technocrate. Le jeune homme proclame qu’il ne veut rien. Il s’est vite répandu qu’il pouvait tout. Le passage au MNSD n’est pas une parenthèse dans le parcours de Mahamadou Danda. Sa prise de distance lui vaut d’être épargné par les événements, même s’il assume l’influence de cette expérience dans sa propre construction individuelle et ne donne prise à aucune critique : « J’étais là pour apprendre, et j’ai beaucoup appris ! Des regrets, je n’en ai pas ». L’intensité du travail accompli a été riche d’enseignements : « J’avoue que c’était très lourd de gérer une telle structure ». Depuis son petit bureau, où il a vu défiler les hiérarques et les ténors du mouvement, Danda a doté le MNSD d’une organisation que le mouvement n’a jamais retrouvée depuis. Ces deux années l’ont aussi, dans un tout autre registre, lancé sur la scène politique nationale et sont venues renforcer son aura auprès des caciques : « Nous étions nous aussi des politiques ». Vingt ans se sont écoulés. L’ancien permanent du mouvement dont l’ambition visait à la construction d’une nation unie et solidaire, portée par le progrès et la responsabilisation des acteurs locaux, ne regrette rien et porte un regard lucide sur le MNSD-Nassara. Depuis vingt ans, le MNSD a été de tous les combats, de tous les scrutins, de tous les débats de société, et son message original a imprégné la société nigérienne. Le mouvement est devenu une véritable machine de guerre pour la conquête et la préservation du pouvoir, jusqu’aux élections présidentielles de 2011. Il a également su forger une doctrine pragmatique. Jusqu’en 2011, le MNSD a toujours su non seulement résoudre les crises internes mais aussi et surtout tirer profit de sa diversité. Pourtant, le parti de la société du développement 41
doit aujourd’hui relever un défi profond qui tient à sa propre culture. C’est de lui que dépendra l’avenir du mouvement. Pour le replacer dans une dynamique électorale, ses dirigeants ne pourront éluder cette question sans avoir à s’interroger sur les fondements de son action. Mahamadou en est convaincu : c’est sur le registre des idées que le mouvement peut faire la preuve de sa vitalité, car au-delà des résultats électoraux, les valeurs des pères fondateurs du mouvement dans lesquelles se reconnaissait le haut fonctionnaire semblent s’étioler avec le temps. L’intégrité, le goût de l’effort et du travail bien fait, la qualité des ressources humaines ont été progressivement relégués au second rang des priorités. Le MNSD est aujourd’hui à la croisée des chemins et Mahamadou Danda se demande s’il saura trouver un nouveau fondement à son action, de nouveaux ressorts. Quant à son propre départ de l’enceinte dirigeante du parti, à un moment où il aurait pu espérer y jouer un premier rôle, Mahamadou Danda le juge aujourd’hui fondamental dans la suite de son aventure personnelle : « Ce départ m’a permis d’avoir la confiance de toutes les formations politiques ». Le moment venu, plus tard, bien plus tard, beaucoup se souviendront en effet du choix de Danda et de son abnégation.
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CELUI QUI A DIT « NON » Le retour à son domicile est silencieux. Mahamadou est perturbé de ne pas avoir pu se rendre à la prière du vendredi. Il est un pratiquant assidu et respecte à la lettre les grands principes de l’Islam. Les cinq prières quotidiennes, le Jeun, le Zakât et le pèlerinage sont des piliers essentiels de son équilibre personnel. Pour lui, rien d’autre ne compte à cet instant, ou presque. Au volant de son véhicule, il repasse en boucle les heures qui viennent de s’écouler. Il se dit qu’il a fait le bon choix. Il fait partie de ces hommes que la vue du drapeau et l’écoute de l’hymne national emplissent d’émotion. Il aime le Niger. Alors la perspective de le servir au plus haut ne peut que l’exalter. Sauf que pour la première fois de sa vie, il vient de refuser la main tendue par le destin. 8 heures : le permanent du MNSD se rend comme chaque jour au bureau. Il n’imagine pas un instant ce que sera la journée de ce vendredi du mois de Mai 1990. 9 h 30 : le téléphone sonne. En ligne, un aide de camp de la présidence de la République : « Le chef de l’Etat souhaite vous parler. Je vous mets en relation ». Après quelques minutes d’attente, le général Ali Seibou en personne indique au jeune cadre du mouvement qu’il souhaite le voir et lui demande de le rejoindre rapidement. Sans autre explication, le haut fonctionnaire s’exécute. Sur le chemin qui le conduit à l’étatmajor, Mahamadou s’imagine qu’en cette période troublée où le régime est en crise, le chef de l’Etat s’apprête à engager de nouvelles réformes et qu’il va vraisemblablement lui donner quelques consignes pour mettre le parti Etat au diapason. Cette perspective est déjà un honneur. 10h15 : Mahamadou arrive à la présidence. Dans l’antichambre du bureau présidentiel, quatre ministres quelque peu inquiets semblent attendre leur tour. Le secrétaire du MNSD les salue avec le respect et la déférence qui sied à leurs
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fonctions. Pourtant, c’est lui qu’Ali Seibou fait appeler et demande à voir le premier. 10h25 : Après avoir été annoncé par le chef du protocole, Mahamadou, qui n’a pas encore 39 ans, entre dans le bureau du chef de l’Etat. Ali Seibou n’est pas seul. Autour de la table, on compte les représentants des plus hautes autorités du régime. Le président de l’assemblée nationale, le chef d’état-major de l’armée, le président du Conseil national de développement (CND), le secrétaire politique du MNSD, ainsi que les secrétaires généraux du gouvernement et de la présidence seront du rendez-vous. Invité à s’asseoir, le jeune homme n’a pas le temps de se poser de questions, le président prend d’emblée la parole. Fidèle à son style, le militaire est direct. Evoquant la crise politique que traverse le pays, le chef de l’Etat indique qu’il lui faut procéder à des ajustements et qu’il s’apprête à remanier le gouvernement. Les prochaines heures seront décisives. Depuis l’époque de Seyni Kountché, le pouvoir nigérien se soumet à une tradition de dosage ethno-régionaliste lorsqu’il s’agit de composer les équipes gouvernementales. A chaque région du Niger est communément rattachée une ethnie dominante. Afin d’asseoir la représentativité et la légitimité des gouvernants, chacune des sept régions se voit alors attribuer des portefeuilles ministériels ou la présidence d’institutions nationales. Le président Ali Seibou, originaire lui-même de la région de Tillabéry, souhaite pérenniser ce modèle et indique qu’il a déjà affecté plusieurs postes. Ses choix sont sans appel. Le secrétariat politique reviendra ainsi à un homme de la région de Dosso, la présidence du CND à un représentant de la zone d’Agadez, le ministère du commerce à un économiste de la région de Maradi, la présidence de l’assemblée nationale à un responsable de la région de Zinder. Au moment de conclure son propos, le chef de l’Etat marque une courte pause, comme pour mieux affirmer le point d’orgue de son raisonnement. Il regarde fixement Mahamadou et va à l’essentiel : « Je souhaite maintenant que le poste de Premier ministre revienne à un représentant de la Région Centre-Ouest. J’ai pensé à toi pour assumer cette responsabilité17 ». Un blanc. Ce que le chef de l’Etat vient de lui proposer, là, dans son bureau, peut bousculer 44
l’existence de Mahamadou Danda. A n’en pas douter, ce poste représente le point culminant de son parcours. Combien de politiciens éminents seraient prêts à toutes sortes de compromissions pour obtenir une telle charge ? 10h35 : le général Ali Seibou écoute scrupuleusement la réponse de Danda. Si les arguments avancés ne font pas vraiment les affaires du président, ils ne font que renforcer l’estime qu’il porte à son candidat. La logique du jeune homme est très claire. Il sait où situer l’intérêt du pays et connaît ses propres limites. « Monsieur le président, si c’est à une personne de Tahoua que vous avez décidé d’attribuer le poste de Premier ministre, d’un strict point de vue politique je ne pense pas être le meilleur candidat. J’ai un père peulh originaire du Nigéria. Par conséquent, tous les gens originaires de ma région ne s’identifient pas à moi ». Honnête, Danda connaît les règles du jeu de son terroir. Il sait que s’il devait être nommé, cet argument lui serait immédiatement opposé et l’affaiblirait dans son action : « Si j’accepte, c’est de ma propre région que l’opposition va venir18 ». 11 heures : devant l’échec de la manœuvre, le colonel Toumba, chef d’état-major de l’armée, cherche à infléchir la position du jeune cadre du mouvement. La réponse de Mahamadou est paisible, la voix chaleureuse : « Mon colonel. Votre propre tante est du même quartier que moi à Tahoua, le quartier Zoulanké. Le terme Zoulanké signifie que ce quartier est réservé aux étrangers, ceux dont un des membres n’est pas originaire de Tahoua. Vous connaissez cette réalité ! » Ali Seibou entend parfaitement les arguments de Mahamadou Danda qui insiste sur ce point : « Il faut un homme dont les parents sont tous deux issus de Tahoua19 ». 11h10 : pour ne pas se contenter de décliner l’offre qui lui est faite et pour aider Ali Seibou à trouver une solution, Mahamadou soumet une idée : « Je pense que vous avez quelqu’un qui a le bon profil dans le gouvernement actuel ». Mahamadou suggère alors le nom du ministre de la Justice, Abdramane Soli. Magistrat de formation, l’homme qui est non45
voyant est reconnu pour être parfaitement intègre et jouit d’une solide réputation dans le milieu des hommes de droit. 11h20 : Ali Seibou demande à son aide de camp d’appeler Abdramane Soli et de le faire venir. 11h45 : Abdramane Soli entre dans le bureau présidentiel. L’aide de camp lui tient le bras et l’invite à s’installer sur une chaise située à la droite de Mahamadou. Le chef de l’Etat lui présente à nouveau sa logique : « On est ici car il faut un Premier ministre et il doit être de Tahoua. Nous pensons que vous avez le profil20 ». Abdramane Soli ignore qui se trouve dans la pièce. Flatté, le ministre se méfie de ses propres limites et réplique : « Monsieur le président, dans le contexte et les conditions que vous venez d’exposer, je ne vois pas d’autre Premier ministre possible que l’actuel permanent du MNSD, Mahamadou Danda21 ». Amusé, le chef de l’Etat y voit la confirmation que sa première idée était juste et répond en souriant : « Danda. C’est lui qui est assis à côté de toi en ce moment et qui t’a fait venir. Cela fait près de deux heures que nous sommes ensemble. Il a refusé le poste22 ». 12h15 : les échanges se poursuivent. Les avis divergent. Plusieurs noms sont évoqués sans faire consensus. Soli évoque soudain le nom d’un économiste planificateur de formation, Alio Mahamidou. Danda connaît les qualités de cet ancien directeur du Plan et considère que le problème du régime est précisément et avant tout de nature économique. « Monsieur le président, compte tenu de la période, Alio Mahamidou a le bon profil23 ». Ali Seibou sait qu’il peut s’appuyer sur le jugement de Mahamadou Danda. Si celui-ci s’engage, c’est que celui qui est alors directeur de la société nationale de cimenterie possède les qualités requises. Joint par téléphone, ce dernier accepte la mission. C’est lui qui sera chargé de conduire le gouvernement à la conférence nationale. En définitive, rien n’empêchait Mahamadou Danda de prendre ce tournant politique. En tout cas pas la crainte d’affronter à mains nues les pesanteurs d’une machine 46
bureaucratique et les affres d’un système en perte de vitesse. Le pouvoir de refuser dont il a usé ce jour là apparaît en réalité comme une condition fondamentale et constitutive de sa propre liberté. S’appuyant sur sa culture et son autonomie de pensée, faisant appel à son libre arbitre, l’enfant de Tahoua a choisi d’accorder sa volonté et ses actes de manière responsable. A tout bien peser, ce refus est initiateur d’action. Il est aussi marqueur d’identité. A travers cette décision, Mahamadou Danda a pris l’initiative. Auteur d’un acte d’autorité, son refus est bel et bien, qu’il le veuille ou non, un acte d’expression politique, identifiable dans sa fonction et ses effets. A partir de ce jour, plus jamais le jeune Danda ne sera perçu comme avant. Plus jamais le jeune Danda ne sera perçu comme un autre. D’abord connu des seuls membres du CSON, cet épisode fera tâche d’huile jusqu’à se répandre dans l’ensemble de la classe politique. Sans le savoir, en refusant le pouvoir, Mahamadou Danda vient de franchir un pas important en s’assurant le respect des intellectuels et de l’ensemble de la classe dirigeante nigérienne. Sans le vouloir, il vient de marquer les esprits et de s’inscrire durablement dans la vie politique de son pays. L’histoire lui donnera raison.
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LES ANNÉES MAYAKI
L’année 1996 voit le Niger entrer dans une nouvelle période d’exception. La guerre d’usure engagée depuis le 25 février 1995 entre le président Mahamane Ousmane et son Premier ministre Hama Amadou n’a fait qu’accélérer la paralysie du fonctionnement de l’Etat. Engagées dans un bras de fer incessant, les deux têtes de l’exécutif n’ont pas su entendre les aspirations démocratiques et ne se sont pas résolues à prendre en considération les véritables difficultés de la population. La confiance envers les élites est largement consommée. C’est dans ce contexte de crise au sommet que le 27 juin, le colonel Ibrahim Maïnassara Baré, chef d’état-major des armées depuis quelques mois, choisit de bousculer le système et de mener un coup d’Etat. Le président est immédiatement destitué, l’assemblée nationale est dissoute, les partis politiques suspendus. Condamnée par la communauté internationale, l’intervention militaire provoque un concert de protestations de la part de la France, des Etats-Unis, du Canada et de l’Union européenne qui annoncent l’interruption de leur coopération avec le Niger. Sévèrement jugé, le colonel Baré est fermement invité à restaurer les conditions du processus démocratique en organisant dans des délais raisonnables des élections présidentielles et législatives transparentes. Contre toute attente, le corpus institutionnel et politique permettant l’organisation des scrutins est mis en place en moins de six mois ! Candidat lui-même à la consultation suprême, le général Baré est élu président de la République le 8 juillet 1996 avec plus de 52% des suffrages exprimés. Les partis d’opposition regroupés au sein du Front pour la restauration et la défense de la démocratie (FRDD) contestent les conditions de l’élection et décident de boycotter le scrutin législatif du 23 novembre. L’assemblée nationale élue ne compte alors aucun opposant, pas plus que le premier gouvernement de la IVème République formé le 21 décembre 1996. Une IVème République qui démarre sous de mauvais auspices, qui n’incarne au cours des premiers mois de
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l’année 1997 aucun renouveau et ne laisse espérer à la population nigérienne aucune perspective d’amélioration. Les tensions avec le FRDD, le déficit public et la mauvaise récolte alimentent jour après jour un climat social sous tension. S’il veut désamorcer cette situation conflictuelle, Baré doit agir, et vite. Le 1er décembre 1997, le chef de l’Etat choisit de former un nouveau gouvernement. Un gouvernement dont il décide de confier la responsabilité au docteur Ibrahim Assane Mayaki. Entré au gouvernement en janvier 1996, au poste de ministre délégué chargé de la coopération et de l’intégration africaine, il était le ministre des affaires étrangères et des Nigériens de l’extérieur dans la précédente équipe gouvernementale. Réputé discret, c’est aux côtés de l’ancien secrétaire général du MNSD, Hama Amadou, qu’il fit ses premières armes en politique dans les années 90. Modéré, issu de la société civile, Assane Mayaki fait le pari de conduire les affaires dans un souci d’apaisement des tensions et la recherche d’avancées démocratiques. Parmi les dossiers du nouveau Premier ministre, la restauration des conditions d’un dialogue social apaisé avec l’ensemble des partenaires sociaux est une priorité, mais aussi la tenue d’élections locales, libres et transparentes. En organisant la mise en place de conseils locaux démocratiquement élus à travers tout le pays, Mayaki est convaincu qu’il permettra aux partis politiques de tourner la page des scrutins équivoques de 1996. Le nouveau Premier ministre sait que la partie s’annonce difficile. Il sait aussi qu’en cas de succès, il installera le Niger dans un processus démocratique durable. Qu’importe les risques politiques encourus sur un plan personnel, il n’a pas l’intention de s’accrocher au pouvoir. Réaliste, le technocrate sait qu’il n’a pas de base politique. Concentré sur ses objectifs, Mayaki veut se donner les meilleures chances de réussite et choisit de s’entourer des meilleurs techniciens de la chose publique. Les freins institutionnels, administratifs ou politiques susceptibles d’entraver la bonne marche du gouvernement seront nombreux, le Premier ministre en est parfaitement conscient et souhaite les éviter avec soin. Exigeant sur la constitution de son équipe rapprochée, Mayaki fixe lui-même son organisation et 50
s’implique personnellement dans le choix de ses principaux collaborateurs. Une équipe qu’il préfère réduite et composée de cadres rigoureux et affûtés. Une équipe qu’il souhaite voir fonctionner en mode commando. Mahamadou Danda fera partie de cette « task-force ». Trois semaines après sa désignation à la tête du gouvernement, le Premier ministre le nomme conseiller technique principal chargé de suivre les questions institutionnelles. Mahamadou connaît bien Mayaki. Quinze ans plus tôt, ce spécialiste de la théorie des organisations était son professeur à l’ENA où il dispensait un cours sur les systèmes d’information. Un bon souvenir pour l’ancien stagiaire de la promotion 1980. En 1994, c’est d’ailleurs ce même Mayaki qui informe son ancien élève d’un appel d’offres international lancé par les Danois pour recruter un conseiller technique chargé d’élaborer le schéma directeur de développement régional de Zinder et lui suggère de postuler : « le profil te correspond parfaitement !24 ». Seule difficulté, les bailleurs ne souhaitent pas, par soucis d’objectivité, recruter un candidat nigérien. En concurrence avec deux autres candidats dans le trio final, un français et un suédois, Copenhague fait néanmoins le choix de Mahamadou Danda. Les deux hommes ne se côtoient pas directement, mais Ibrahim Assane Mayaki, qui dirige à cette époque la SOMAIR, en sait suffisamment pour juger de l’efficacité de sa recrue. Peu importe si le haut fonctionnaire ne milite au sein d’aucun parti politique, c’est sur le plan technique que Mayaki attend Danda. Pour Mahamadou, les choses sont claires, son engagement aux côtés de Mayaki se fera en dehors de toute considération politique. Dès lors, sur la base de cet accord, les domaines d’attribution, calqués sur les départements ministériels qui sont confiés à Mahamadou sont particulièrement vastes et éminemment sensibles. Les missions de ce conseiller du premier cercle englobent la coordination de l’action gouvernementale, la réforme de l’Etat, la décentralisation, la bonne gouvernance, et les questions relatives aux collectivités coutumières. Mayaki se sent en confiance avec Danda, c’est un rôle stratégique qu’il choisit de lui confier.
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Le profil des deux hommes présente il est vrai quelques similitudes. Outre une appétence modérée pour le pouvoir à l’image de leur caractère, l’un et l’autre font figure d’intellectuel. Ils partagent un parcours professionnel dans l’enseignement supérieur et la recherche, l’administration publique et le secteur privé. Agé de 46 ans, Mahamadou Danda prépare une thèse en sciences politiques, est chargé de cours d’administration publique à l’ENAM et vient de passer deux années dans le privé. Âgé lui aussi de 46 ans, Ibrahim Assane Mayaki est titulaire d’un doctorat en sciences administratives, a exercé comme professeur d’administration publique et de management au Niger et au Venezuela, dirige des travaux au Centre de recherche sur l’Europe et le monde contemporain au sein de l’université de Paris XI. Il a aussi travaillé pour le compte de la Société des mines de l’Aïr du Niger (SOMAIR), filiale nigérienne du groupe AREVA. Les deux responsables se ressemblent et se comprennent. Entre ces deux-là, le courant passe visiblement bien. Le Premier ministre attend de son conseiller qu’il exerce pour son compte un travail d’analyse minutieux qui lui permette de faciliter ses prises de décision sur des dossiers de fond. Chaque jour, durant les neuf mois de la transition, Mahamadou analyse les courriers et les dossiers techniques adressés au Premier ministre, en provenance des ministères et des institutions nationales et internationales qui relèvent de son champ d’action. Chargé d’en étudier le contenu, avec l’aide d’une conseillère juridique, il produit et met en forme des notes d’analyse destinées au chef du gouvernement. L’approche intellectuelle et la méthode du conseiller sont immuables. Après avoir relevé les principaux enjeux du dossier, il les confronte à sa propre analyse et n’hésite jamais à formuler des suggestions sur l’action qui pourrait être conduite. Transmises au Premier ministre, ces notes lui reviennent avec les indications d’Ibrahim Mayaki sur les suites à donner. Fondées sur des considérations techniques et juridiques, les propositions qu’il formule constituent pourtant très souvent le point de départ de décisions de nature plus politique de la part du chef du gouvernement : l’expertise du technocrate au service de l’action publique, et de la démocratie. « Je pense effectivement avoir régulièrement 52
convaincu Mayaki » avoue-t-il aujourd’hui. Durant toute la période de la transition, ce sont ainsi des dizaines de notes qu’échangent les deux hommes et autant de sujets qu’ils traitent ensemble. Une manière simple et discrète de servir l’Etat et de défendre ses intérêts. Mahamadou Danda est de ceux qui auront contribué, notamment avec l’appui de la Banque Mondiale, à la mise en place de la cellule de communication gouvernementale, un dossier qui aboutira la veille de son départ. Il est également en première ligne sur le dossier d’arbitrage institutionnel du Conseil national de l’environnement pour un développement durable (CNEDD) dont il défend avec ardeur et conviction le rattachement au cabinet du Premier ministre plutôt qu’au ministère de l’environnement. Un dossier qu’il retrouvera bien des années plus tard, dans une autre vie. Le contexte politique de cette année 1997 est particulièrement tendu. Mais Mahamadou Danda fait fi de ces événements car pour lui, comme pour Ibrahim Assane Mayaki, l’essentiel réside dans les résultats de l’action du gouvernement. Un gouvernement qui, de l’avis des observateurs, a su convaincre la communauté internationale d’accompagner le Niger dans un processus démocratique qui aboutira en tout juste neuf mois, au terme d’élections ouvertes et transparentes. D’un point de vue plus personnel, ce passage au cabinet du Premier ministre permet à Mahamadou d’élargir son propre réseau de relations au sein des plus hautes sphères de l’Etat et lui ouvre de nouveaux horizons : « Ce passage au cabinet de Mayaki a été extraordinaire. Si je ne l’avais pas fait, j’aurais peut-être eu davantage de difficultés à accomplir ma propre mission de Premier ministre quelques années plus tard ». Placé au cœur du système de l’Etat, Danda a tutoyé le pouvoir. Il en maîtrise désormais les codes et les usages, et a acquis une légitimité d’homme d’Etat qu’il n’a pas recherchée. Sans jamais se laisser griser par les dorures et les apparats, par son seul dévouement et sa droiture, l’homme a su se forger une solide réputation dans les couloirs d’une République en proie à tous les maux. Malgré les efforts de la Commission nationale électorale indépendante (CENI) pour aboutir à un scrutin libre et transparent, les élections locales du 7 février 1999 sont malheureusement émaillées de plusieurs actes de violence et de 53
contestations. Après avoir déclaré la victoire de l’opposition le 6 avril, le Conseil constitutionnel en raison des incidents survenus annule une partie des résultats et propose qu’une majorité du corps électoral se rende de nouveau aux urnes. Dans ce contexte explosif, l’opposition réclame la démission du général Baré et invite les Nigériens à exercer « leur droit naturel de résistance25 ». Au plus haut sommet de l’Etat, une ligne de fracture apparaît nettement entre les tenants de la manière forte et les partisans d’une recherche de solution plus consensuelle. L’atmosphère est pesante. Au terme de trois années de crise politique, marquées par un pouvoir contesté dans sa propre légitimité, le Niger connaît alors un énième coup d’Etat. Le vendredi 9 avril, vers 10h30, sur le tarmac de l’aéroport de Niamey, le chef de l’Etat, qui s’apprête à embarquer à bord d’un hélicoptère pour se rendre au nord-ouest du pays, tombe sous les balles tirées par des éléments de sa propre garde présidentielle. Ce jour là, vers midi, à la sortie de l’ENA où il vient de dispenser un cours, Mahamadou Danda au volant de son véhicule voit de nombreux chars sillonner la ville et des habitants quitter le marché en courant. Il comprend qu’un événement majeur vient de se produire. En quelques heures, un Conseil de réconciliation nationale (CRN) présidé par le chef d’escadron Daouda Walam Wanké prend les reines d’un nouveau régime d’exception. Ibrahim Assane Mayaki est reconduit dans ses fonctions. L’ancien directeur d’établissement de la SOMAÏR dispose d’un réseau de relations solide à travers le monde, de quoi accélérer la légitimité de la junte militaire sur la scène internationale. L’enjeu est désormais de former un gouvernement de consensus, ouvert à toutes les sensibilités politiques. Une semaine plus tard, le vendredi 16 avril, Mahamadou rentre à son domicile peu avant 20 heures. La semaine a été d’une extrême intensité pour l’entourage du Premier ministre. La journée a été longue et le conseiller éprouve le besoin de profiter d’un moment de calme. Il pose un tapis sur sa terrasse, s'allonge, se laisse aller. La sonnerie du téléphone le tire soudain d’un profond sommeil. Le ton de Nana Barakatou semble s’accélérer au fur et à mesure de la conversation. Elle pose beaucoup de questions. Mahamadou qui écoute d’une 54
oreille attentive comprend que son épouse s’entretient avec l’enseignant qui assure des cours de répétition à l’un de leurs enfants26 et qu’il vient de l’informer d’une nouvelle apparemment inattendue. Après avoir raccroché, Nana Barakatou sort d’un pas décidé et interroge déjà son mari du regard : « Tu savais que tu allais être nommé ministre et tu ne nous as rien dit ? » Interloqué, Mahamadou se relève calmement et interroge son épouse : « Ministre de quoi ? ». La réalité, c’est que Mahamadou n’avait pas songé un seul instant à ce scénario. Ni même espéré. Ce qu’il sait seulement, c’est que le Premier ministre a passé une bonne partie de l’après-midi avec les leaders des différents partis politiques nigériens pour se pencher sur la composition du nouveau gouvernement. Comprenant ce qui vient de se produire, il reste calme, ne s’enflamme pas. Ce n’est pas dans son tempérament. A 20 heures 30 minutes précises, Mahamadou écoute la télévision nationale annoncer la composition du second gouvernement Mayaki : il est nommé ministre de la Jeunesse et des Sports, de la Culture et de la Communication, et est élevé au rang de porte-parole du gouvernement. La nouvelle ne l’empêchera pas de passer la soirée avec les siens. La politique attendra. Le lendemain, comme chaque samedi matin, Mahamadou se rend pour huit heures à son bureau pour travailler sa thèse. Depuis son entrée au cabinet du Premier ministre, il a pris l’habitude de consacrer ses fins de semaine à coucher sur le papier l’état de ses réflexions sur son thème de recherche doctorale. Mayaki connaît les habitudes de son conseiller. Ce matin-là, il a d’ailleurs passé les consignes aux hommes de la sécurité. Trente minutes après son arrivée, Mahamadou est donc invité par un garde officiel à retrouver le Premier ministre qui souhaite s’entretenir avec lui. Calmement, Mahamadou monte le grand escalier qui mène aux salons où l’attend Mayaki. En franchissant le seuil de la porte, le regard échangé en dit assez sur ce qui lie les deux hommes et guide leur action. Mayaki invite son conseiller à s’asseoir avec courtoisie sur l’un des fauteuils situés autour de la table basse et s’adresse à lui sur le ton de la confidence. Il lui doit une explication.
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« Tu vas nous excuser mais je t’explique comment les choses se sont passées. Au moment de former le gouvernement, quand nous avons pris la décision de fusionner le ministère de la Jeunesse et des Sports et de la Solidarité nationale avec celui de la Communication et de la Culture, compte tenu des enjeux électoraux et stratégiques de ce grand ministère, aucun des cinq partis politiques de gouvernement n’a accepté de confier un tel portefeuille à un représentant d’une autre formation politique. Alors, comme ils ne se sont pas accordés, je leur ai dit que j’avais quelqu’un à leur proposer. Une personne non issue du milieu politique, mon propre conseiller. Lorsque j’ai donné ton nom, tous m’ont dit « Nous sommes d’accord ! ». Ils te connaissent et te font totalement confiance. Nous avons ensuite consulté la junte sur ta candidature, qui a également adhéré et a proposé que l’on te confie la fonction de porteparole du gouvernement. Voilà pourquoi j’ai cru devoir t’engager. Et j’ai pris sur moi de te l’expliquer ». « Monsieur le Premier ministre, est-ce une mission ? » « Oui » « C’est pour neuf mois ? » « Oui » « Dans ce cas il n’y a pas de problème. Mais dans la mesure où vous avez fusionné deux ministères, vous m’autoriserez à poser les conditions qui me garantiront le bon fonctionnement de ces départements que je pense connaître assez bien pour les avoir suivis au sein de votre cabinet27 ». Le nouveau ministre exige en effet de pouvoir positionner lui-même des hommes jugés compétents aux postes clés de son portefeuille. Pour connaître son sujet et tenir compte des projets de réformes en cours, il suggère de nommer à la tête de l’ORTN le Secrétaire général du ministère de la Communication, journaliste de formation, et de confirmer son adjoint dans ses fonctions de manière à suivre la réforme d’ores et déjà engagée de la SONITEL. Quant au secrétaire général du ministère de la Jeunesse et des Sports, Mahamadou demande à pouvoir le remplacer par un cadre qu’il choisira lui-même. Mahamadou obtient carte blanche de la part du Premier ministre sur l’ensemble de ces mouvements. Il sera le tout premier au
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gouvernement à faire passer des décrets dans les heures qui suivent sa nomination. Déjà dans l’action. Sa feuille de route ministérielle est posée. Après les tensions et les mouvements de contestation de ces derniers mois, il doit, durant cette période de réconciliation nationale, faire en sorte que la scène nationale soit constamment animée et que la jeunesse trouve un cadre d’expression à son énergie. Durant neuf mois, il multiplie les rendez-vous culturels et organise de nombreuses manifestations sportives, à l’image des rencontres de lutte traditionnelle. L’objectif est bien celui d’animer la transition, de faire en sorte qu’il n’y ait pas de vide susceptible d’alimenter le front des tensions sociales. Dans le domaine de la communication, il s’investit et met en place des organes de régulation, procédant notamment à l’installation de l’Observatoire national de la communication. Il rédige aussi des textes dans le cadre de la mise en route de la cinquième République. Sur la forme, le porte-parole du gouvernement laisse libre cour à son tempérament, communique de façon spontanée et sans calcul. Partant du principe que l’information doit être immédiate, il prend l’habitude de convoquer l’ensemble des médias nationaux à l’issue de chaque réunion du Conseil des ministres, y compris les médias indépendants, et communique de façon transparente sur les décisions prises. Ses conseillers comprendront vite qu’il est inutile de préparer au ministre des fiches de communication et des éléments de langage. Le porte-parole entend bien maîtriser la communication gouvernementale et la gérer à sa guise. « Je ne m’encombrais pas de trop de précautions » reconnaît-il aujourd’hui. Ibrahim Assane Mayaki ne lui fera jamais le reproche de cette indépendance d’esprit. Danda maîtrise les codes de la communication publique. A chaque prise de parole officielle, les mots sont choisis, les messages sont précis, le discours est en phase et donne de l’écho à l’action gouvernementale. Les médias quant à eux apprécient ce ministre qui n’est pas du genre à pratiquer la censure et choisit au contraire de laisser les organes d’information faire leur travail, en leur âme et conscience. Sur le terrain politique, entre les mois d’avril et de décembre 1999, les relations entre Mayaki et Danda ne seront jamais 57
teintées du moindre désaccord. Chaque semaine, les deux hommes se rencontrent pour un tête à tête d’une heure et font le point des principaux dossiers. Ils sont au diapason sur la manière de faire avancer le pays sur le chemin de la restauration de la démocratie. Entre eux, une relation de confiance absolue s’est tissée. Hormis le problème persistant des arriérés de salaires des fonctionnaires, ils atteindront leur objectif dans les délais impartis et seront les dépositaires d’un bilan jugé globalement positif. Pour Mahamadou Danda, cette expérience ministérielle constitue une période décisive dans son parcours d’homme public. Bien qu’il fut « mis devant le fait accompli28 », il reconnaît que ce ministère complexe, né de la fusion de deux départements, et ce rôle de porte-parole ont constitué des responsabilités passionnantes qui l’ont profondément marqué et enrichi au point de le propulser sur les devants de la scène médiatique et politique. Une expérience qui en appelait d’autres pour la suite. Mayaki a fait le choix de miser sur Danda et son sens du consensus pour renforcer la crédibilité de la démarche gouvernementale et dépasser les lignes politiques traditionnelles. Ibrahim Assane Mayaki fait partie des rencontres qui ont marqué le parcours de Mahamadou Danda. Et ce n’est sans doute pas un hasard si le destin a fait se croiser leur chemin respectif. Ils partagent le même langage et se ressemblent en tous points, ou presque. Car à bien y regarder, Mayaki et Danda sont complémentaires l’un de l’autre. Mayaki l’extraverti évolue avec aisance et habileté sur la scène internationale quand Danda, davantage ancré dans le terroir, est en prise directe avec la réalité quotidienne des Nigériens qu’il côtoie depuis sa plus tendre enfance, et dont il connaît la sociologie sur le bout des doigts. Pour certains, les deux hommes se reconnaissent des compétences réciproques et ne pouvaient que s’entendre. Pour d’autres, leur réussite et les résultats qu’ils sont parvenus à atteindre sont principalement le fait de leur distance commune aux jeux du pouvoir politique. Ce qui est sûr, c’est qu’en à peine deux ans, d’abord dans l’ombre puis sous les feux des projecteurs, en collaborant aux affaires aux côtés d’Ibrahim Mayaki, Mahamadou Danda s’est révélé aux yeux de l’opinion publique sous les traits d’un homme d’Etat. 58
DOCTEUR DANDA A l’issue de son cycle supérieur de l'ENA, en 1983, Mahamadou Danda confie à l'un des camarades de promotion, Mohamed Moudour, son intérêt pour la recherche. Malgré la brillante carrière de technocrate qui s’ouvre devant lui, la curiosité d'approfondir un domaine d'étude et l'envie d'enseigner sont déjà fortement ancrées chez le jeune administrateur. Il sait que l'émergence de problèmes de société complexes liés à l'environnement, à la santé et aux mutations économiques et sociales, ont multiplié le besoin d'expertise de haut niveau. La gestion de la complexité est désormais un enjeu majeur et cette évolution touche toutes les disciplines, y compris les sciences de l'homme et de la société. Les formations doctorales sont vouées au XXIème siècle à avoir un rôle aussi important que les Grandes Ecoles. Mahamadou le sait, c’est pour cette raison qu’il envisage d’entreprendre un jour une thèse, un projet qui se justifie par l'envie de se pencher sur des problèmes complexes pour lesquels les méthodes du chercheur sont indispensables. Peu importe les années et les sacrifices qu'il faudra consentir pour y arriver. Dix ans plus tard, en 1993, le Niger s’ouvre au multipartisme. En sa qualité de secrétaire permanent du MNSD, Mahamadou fait l’objet de pressions amicales et beaucoup misent déjà sur sa capacité à entamer une très belle carrière politique. Mais le quadragénaire n’envisage pas les choses de cette façon. Il considère que sa propre structuration intellectuelle mérite encore d’être aiguisée. Le moment d’assouvir ce rêve de chercheur est sans doute arrivé. Mahamadou y songe depuis trop longtemps pour ne pas tenter ce nouveau défi. Après mûre réflexion et s’être fixé l’objectif de préparer une thèse en sciences politiques en réalisant des travaux dans le secteur du développement local, il dépose son dossier à l’université de Lausanne en Suisse, et à l’université Laval au Canada. Les deux établissements marquent immédiatement leur intérêt pour accueillir le Nigérien. L’université de Lausanne est la seule en mesure de proposer un
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parcours doctoral complet, Mahamadou est tenté et est à deux doigts de partir pour la Suisse. C’est sans compter sur l’intervention du professeur Sénégalais M’Bong, son ancien directeur de mémoire à l’Institut panafricain de Ouagadougou. Même si l’université Laval ne va pas jusqu’au Doctorat, même si le parcours doctoral sera sans doute plus long et plus complexe à établir, le niveau de l’enseignement et la réputation des Maîtrises canadiennes sont tels que ce dernier l’invite à revoir sa position. Cette intervention ébranle Mahamadou et le fait longuement hésiter. A cette même période, le premier secrétaire de la coopération canadienne au Niger, Monsieur Podevin, a eu vent de ce contact entre le secrétaire du MNSD et l’université Laval et demande à pouvoir rencontrer Danda, via l’entremise du ministère des affaires étrangères. Un soir, en rentrant à son domicile, sa sacoche à peine posée, un appel de l’agent du protocole du MNSD l’invite à se rendre dès que possible au Bureau de la coopération canadienne. Mahamadou ne fait pas le lien avec sa démarche doctorale. Il se rend à l’adresse indiquée, monte à l’étage du bâtiment officiel et s’entend dire par le premier secrétaire de la coopération : « Monsieur Danda, j’ai appris votre intérêt pour intégrer l’université Laval. Quand les autorités canadiennes ont développé un programme hydraulique dans la région de Zinder et de Diffa, en tant que ministre de l’hydraulique, vous nous avez appuyés et nous avons beaucoup apprécié. Je promets de chercher une bourse, mais je ne promets pas d’en trouver29 ». Le diplomate sait que la question des moyens dont pourra bénéficier le Nigérien jouera dans sa décision. Mahamadou fait un choix difficile en voulant s’orienter vers la recherche mais la chance est avec lui. Après avoir passé plusieurs années à Niamey, Monsieur Podevin est à ce moment précis à vingtquatre heures de quitter définitivement le pays. A vingt-quatre heures près, cette chance n’aurait pas été au rendez-vous. Pour son dernier jour au Niger, et après avoir demandé à son successeur de bien vouloir suivre ses consignes, le diplomate engage les démarches et parvient à faire rapatrier sept bourses de l’Agence canadienne de coopération internationale vers le Niger. Les choses sont claires. Il n’y aura aucun passe droit. Mais maintenant que le Niger dispose lui aussi de quelques 60
bourses, il appartient à Mahamadou de plaider sa cause. Après avoir présenté son projet auprès du secrétaire général du ministère de l’enseignement supérieur, l’une des sept bourses lui est attribuée. Cette fois c’est sûr, Mahamadou s’envole pour le Canada. La Maîtrise en aménagement du territoire et développement régional de l’université Laval constitue le premier barreau de l’échelle doctorale. Prévue sur trois ans, Mahamadou la conduira en vingt et un mois. Ayant opté pour l’option Recherche, l’ancien ministre consacre son mémoire à la décentralisation et à l’insertion institutionnelle des projets d’aménagement de terroirs, en s’arrêtant sur le cas particulier d’un département qu’il connaît bien, celui de Tahoua30. Ses travaux sont encadrés par le professeur Alf Schwarz, spécialiste des questions africaines et des problématiques de gestion de terroirs. Le professeur apprécie la personnalité de son élève et sa posture sur les questions d’aménagement local. Un autre universitaire, le professeur Pierre-Gerlier Forest, responsable du département de sciences politiques, associe rapidement de son côté Mahamadou aux travaux de l’université. Il sent chez celuici de véritables prédispositions pour la recherche dans le domaine des sciences sociales. Désigné membre de la composante Aménagement de terroirs (A.T) du Centre Sahel de l’université, Mahamadou Danda devient assistant de recherche pour la mise en œuvre d’une analyse conceptuelle et d’un cadre méthodologique sur l’aménagement et la gestion de terroirs. On lui propose également de devenir assistant d’enseignement pour le cours de méthodologie de recherche (TD II) au département de science politique. Le professeur Alf Schwarz quant à lui invite l’élève Danda à collaborer à ses propres consultations privées. En 1993, il l’intègre ainsi aux travaux préparatoires à l’évaluation de l’Office national pour l’assistance aux réfugiés et personnes déplacées de Djibouti. Une mission pour laquelle il sera rémunéré. Le jeune homme s’épanouit sur le plan intellectuel, goûte aux plaisirs de l’enseignement et apprécie la formation pratique du système de formation nord-américain. Les étudiants de la promotion qui comprend des Français, des Canadiens et des Haïtiens sont régulièrement amenés à se déplacer sur le terrain pour aller à la rencontre des acteurs 61
locaux et échanger sur la mise en œuvre pratique de leurs propres travaux d’étude. Durant ces vingt et un mois, Mahamadou réside sur le campus, dans une chambre du pavium Mauro, un bâtiment de trois étages directement relié aux salles de cours par un réseau de tunnels. Durant ces vingt et un mois, il ne regagne le Niger qu’une seule fois. Il est au Canada pour apprendre le métier de chercheur et pour entamer ses propres travaux, toujours sur le Niger. « J’ai passé mon temps à renforcer mon background. Je lisais beaucoup, je fouillais beaucoup, je travaillais beaucoup ». Certains camarades de promotion se souviennent de ce Nigérien travaillant, durant le mois de carême, jusqu’à quatre heures du matin dans les salles de cours. Les séances d’aïkido sont la seule distraction qu’il s’autorise. Considérant que la sérénité du corps et celle de l’esprit sont intimement associées, Mahamadou a toujours pratiqué une activité sportive, le football jusqu’à l’âge de vingtquatre ans, puis la marche à pied et les étirements pratiqués de façon très régulière. A l’issue de l’année de maîtrise qu’il décroche sans difficultés, l’un de ses professeurs canadiens qui voit déjà en lui un collègue éminent ira jusqu’à lui proposer de développer ensemble quelques activités lucratives : « Non merci, cela ne m’intéresse pas ». La démarche du Nigérien est toute autre. Reste maintenant à entamer un troisième cycle universitaire dans une école doctorale. Mahamadou ne veut pas se tromper, il doit faire un choix, si possible le meilleur. L’opportunité se présente trois ans plus tard. Chargé de cours à l’ENA, Mahamadou Danda partage un enseignement modulaire sur les questions d’aménagement du territoire avec un Français, PierreJean Buisson, responsable de la cellule de perfectionnement des cadres à l’ENA. Pierre-Jean Buisson n’ignore pas les projets de recherche de Danda. Maître assistant à l’université de Bordeaux IV, il lui parle du DEA Gouvernement Local de l’Institut d’Etudes Politiques de Bordeaux et lui confirme que son profil correspond en tous points à celui des étudiants recherchés par le Centre d’études et de recherche sur la vie locale (C.E.R.V.L) dont dépend ce DEA. Le professeur en est convaincu, les Français ne manqueront pas de porter un intérêt à son dossier. Non seulement la France marquera son intérêt en intégrant 62
Mahamadou Danda à la promotion 1996-1997 du DEA Gouvernement local, mais elle investit sur cet Africain en lui attribuant une bourse de seize mois. Cette même année, le Niger est frappé par un coup d’Etat orchestré par le colonel Ibrahim Baré Mäinassara contre le président Mahamane Ousmane. L’hypothèse et la rumeur d’une cooptation du haut fonctionnaire pour jouer un rôle éminent dans le dispositif étatique finissent d’accélérer son départ vers la France. Dès le 7 octobre 1996, Mahamadou rejoint Bordeaux. Logé dans une chambre de neuf mètres carrés sur le pôle universitaire de Talence, c’est en toute modestie que le candidat chercheur intègre une promotion de vingt-six étudiants. La moitié est issue du cycle de Science Po Bordeaux, l’autre moitié est composée d’étudiants sortant d’un second cycle universitaire et d’une poignée de professionnels en formation continue. Les profils sont variés, certains élèves sont particulièrement brillants et montrent dès les tous premiers jours leur appétence pour la recherche. Dans ce contexte hautement concurrentiel, Mahamadou joue profil bas. Tel un joueur d’échecs, il observe le jeu des adversaires, mesure leur personnalité et s’amuse de la partie qui va se jouer. Les vingt-six lauréats ont été retenus parmi des centaines pour ce particularisme qui les caractérise, cet intérêt si particulier qu’ils portent aux complexités de la vie publique locale. Les sujets de recherche sont variés. Certains choisissent de se pencher sur l’institution préfectorale, d’autres sur le mode de gouvernance locale en Corse ou l’engagement des anciens élèves de l’ENA dans les gouvernements locaux. Fidèle à ses racines, le Nigérien choisit de plancher sur un mémoire intitulé « Décentralisation importée : genèse des réformes décentralisatrices au Niger31 ». Conforme à ses habitudes, il consacre la totalité de ses journées à ses travaux, dirigés par le professeur Pierre Sadran qui n’est autre que le directeur de Science Po, ainsi qu’aux modules de recherche assurés par des chercheurs en sciences sociales de renom et d’éminents professionnels de la chose publique locale. Les seuls loisirs que s’octroie Mahamadou l’amènent de temps à autre à se rendre au Palais Rohan pour assister à une séance du Conseil municipal de Bordeaux dont le maire, un certain Alain Juppé, est à l’époque Premier ministre. Les joutes oratoires entre Alain 63
Juppé et son opposant socialiste Gilles Savary qui assure le cours d’Administration et Politique Locale (APOLO) à l’I.E.P, y sont toujours vives et relevées. Mais ce qui intéresse le Nigérien, au fond, c’est d’observer le rapport à la politique et le mode de gouvernance de ce maire perçu dans l’opinion publique comme l’archétype du technocrate. Inconsciemment, Mahamadou s’interroge sans doute sur son propre positionnement. Ce qu’il ignore surtout à cet instant, c’est qu’un jour, c’est lui qui endossera le costume de Premier ministre. L’un de ses camarades se souvient d’une sortie de fin de semaine avec le Nigérien. Ayant voulu lui montrer la dune du Pyla située à l’entrée du bassin d’Arcachon, la plus haute dune d’Europe, l’ancien élève de Science Po reste marqué par cette journée : « Nous avons gravi la pente côté forêt, je voulais qu’il profite de la vue face à l’océan. Je l’ai tout à coup aperçu s’éloigner et marcher dans le sable. A son retour, je l’ai vu mettre à la corbeille tout un tas de détritus et de sacs plastiques qu’il avait ramassé et je l’entends m’interroger : il n’y avait rien de ton côté ? Ces mots m’ont longtemps suivi et me laissent encore honteux ! » D’abord discret sur son parcours, la personnalité de Mahamadou se dévoile peu à peu dans les rangs de la promotion et son charisme s’affirme. Pour les élèves de Science Po, ce qui se conçoit bien s’énonce clairement. Souvent séduits, parfois inquiets, tous seront très vite surpris par la finesse d’analyse du Nigérien et par la qualité de ses interventions. Les quelques élèves condescendants à l’égard de l’étudiant africain en seront pour leurs frais. L’approche du Nigérien est innovante et interpelle le corps professoral. Contrairement à la pensée dominante, celui-ci n’hésite pas à soutenir que le rôle politique du savoir scientifique constitue une posture tout à fait concevable. Mahamadou défend l’engagement du chercheur en sciences sociales dans l’action politique comme continuité logique de sa démarche de recherche autonome et désintéressée. Désengagé du monde social dont il doit extraire un savoir objectif, le chercheur ne doit pas s’interdire, selon lui, de développer un savoir engagé. En moins d’un an, et plus de trois mois avant l’ensemble de ses camarades, l’apprenti chercheur boucle son 64
mémoire et le soutient avec brio, profitant même de ses derniers mois de présence à l’IEP pour préparer le plan de sa thèse. Pierre Sadran, qui a particulièrement apprécié cette année de travail avec Mahamadou, accepte d’en diriger les travaux. Le sujet portera sur la politique de décentralisation, le développement régional et les identités locales, en partant du cas concret du Damagaram. Il s’agit pour lui de poser la problématique de l’approche à mettre en œuvre pour garantir l’appropriation des actions de développement, ou comment s’appuyer sur l’identité culturelle pour que les actions de développement soient mieux appropriées. Il commence ses travaux dès 1997 alors qu’il occupe le poste éminent de conseiller technique principal du Premier ministre. Chaque soir, l’homme de l’ombre s’enferme dans son bureau du cabinet jusqu’à vingt-trois heures. Pendant près de quinze mois, il reviendra passer ses samedis et ses dimanches dans ce même bureau. Le lieu est calme, protégé, l’homme est isolé et peut se consacrer pleinement à sa tâche. Les événements politiques survenus au Niger et ses propres contraintes professionnelles conduisent malheureusement Mahamadou à suspendre sa thèse à deux reprises. Ce n’est finalement qu’à partir de 2001 qu’il reprend le cours normal de ses travaux. Ses recherches, menées tambour battant, le conduisent à organiser de multiples déplacements et à multiplier les échanges avec Pierre Sadran qu’il rencontre plusieurs fois à Bordeaux. Danda est preneur de toutes les observations de son directeur de thèse, même s’il est celui qui connaît le mieux le champ d’expertise de son sujet. « Je me disais qu’à partir du moment où Pierre Sadran faisait une remarque, il y avait une petite vérité quelque part, et qu’il fallait chercher cette vérité ». Les deux hommes communiquent constamment sur le sujet et nouent une relation de confiance réciproque. Le 23 novembre 2004, dans un amphithéâtre bondé d’étudiants de Bordeaux IV, Mahamadou soutient sa thèse de doctorat en Science Politique32. Le jury présidé par Andy Smith, directeur de recherches à la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP) comprend, outre Pierre Sadran, trois autres universitaires : François Constantin, professeur émérite de l’université de Pau, Dominique Darbon, maître de conférences à 65
l’université Montesquieu et Michel-Louis Martin, professeur à Sciences Po Toulouse. Pendant deux heures, Mahamadou expose le résultat de ses travaux et répond sans embages aux questions du jury. L’exercice est complexe mais il en maîtrise les règles. Il sait que la thèse est un genre très codifié, destiné à fournir des connaissances nouvelles grâce à une méthodologie et une forme d’écriture recevable par la communauté scientifique. Comme toute thèse en sciences sociales, la thèse de sciences politiques doit reprendre ou discuter des travaux antérieurs, poser une interrogation et grâce à une méthodologie précise y répondre. La thèse de Mahamadou Danda s’inscrit dans ce schéma. Elle décrit une situation et tente une interprétation des logiques à l’œuvre ainsi que des conséquences dans la société. Elle sert à comprendre la réalité et les conséquences d’une action publique. La posture de Danda est à la fois singulière et complexe. Il aborde son rapport à la recherche comme un moyen de mieux comprendre les mécanismes de fonctionnement et de développement d’une société, sans pour autant être en capacité d’apporter les solutions. Une manière de considérer que le chercheur et l’homme d’action n’appartiennent pas à deux univers qui s’excluent l’un de l’autre, qu’ils doivent au contraire apprendre à coopérer davantage. Partant, Mahamadou Danda se refuse à abuser du langage ésotérique qui traduit trop souvent une forme d’ethnocentrisme scientifique à laquelle il n’adhère pas. Il considère que sa fonction sociale, en tant que chercheur, ne vaut qu’à condition que ses travaux ne soient pas réservés à un cercle d’initiés. En 2012, la maison d’édition française L’Harmattan lui propose d’éditer ses recherches33. De quoi les ouvrir au grand public et leur donner, comme le souhaite Mahamadou Danda, une portée collective.
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L’AVENTURE CANADIENNE Aurait-on pu imaginer qu’un grand commis de l’Etat comme Mahamadou Danda puisse un jour franchir le Rubicon pour exercer ses talents à l’extérieur de l’administration ? A l’issue de la transition démocratique de 1999, le haut fonctionnaire est approché par Henri Bigras, chef du bureau de l’ambassade du Canada à Niamey. Le diplomate sait que l’ancien ministre a été formé au Canada. Il lui indique qu’un poste de chargé de programme est ouvert et que son pays envisage de recruter un Nigérien pour assumer les fonctions de conseiller politique et commercial en charge des affaires publiques, pour un contrat de droit privé à durée indéterminée. Mahamadou est invité à poser sa candidature. Le poste est éminent, bien rémunéré. Outre la diffusion des valeurs prônées par le Canada en matière de droits de l’Homme et d’égalité des sexes notamment, le poste revêt aussi une dimension hautement stratégique. Il s’agit de jouer, dans l’ombre, le rôle de conseiller du Prince. Les missions consistent à élaborer des analyses politiques les plus fines possibles et à confectionner à intervalles réguliers des rapports circonstanciés sur la situation économique et commerciale du pays, à l’attention de l’ambassadeur du Canada au Niger et pour l’ACDI en résidence à Abidjan, Donald McMaster. Les Canadiens ont besoin d’une personnalité nigérienne forte d’un capital social davantage que d’un juriste. Une personnalité dotée de capacités de synthèse et de réflexion, qui dispose d’un réseau de relations favorisant un degré d’information pertinent et objectif. A l’issue de la période de la réconciliation nationale, Danda n’envisage pas de retourner dans l’administration. Il craint trop la routine. Ses deux strapontins de haut fonctionnaire et de chargé d’enseignement à l’ENAM ne constituent pas la panacée. Mahamadou n’est pas un homme d’argent et son départ de l’administration ne saurait être motivé par le seul intérêt pécuniaire. Bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée. Mais les enfants grandissent, Mahamadou et son épouse font de leur éducation une priorité, et sont prêts à tous les
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sacrifices pour leur donner les meilleures chances de réussite. A presque cinquante ans, l’administrateur a atteint un plafond de verre au sein de la haute administration. Il nourrit pourtant en secret le même goût des responsabilités qu’à ses débuts. En self made-man assuré, il a mené sa carrière professionnelle à l’instinct, aux rencontres. Décidé à tenter l’aventure sous de nouveaux cieux, il n’attendait en fait que la meilleure occasion. Aux frontières du public et du privé, la proposition des Canadiens le séduit rapidement et cette éventualité ne constitue pas réellement une rupture brutale. Il y voit plutôt une opportunité en mesure de l’insérer dans le cadre d’une seconde carrière. Le goût de la liberté et de l’indépendance, un intérêt marqué pour l’activité intellectuelle des missions et l’opportunité de collaborer pour un grand pays d’Amérique du Nord achèveront de le convaincre. Monsieur Alichina Idrissa, l’ancien directeur de cabinet adjoint du Premier ministre de l’époque et Madame Haoua Djibo, une économiste en poste au ministère du plan, sont également sur les rangs et font partie de la short-list élaborée par la diplomatie canadienne. Mais au terme des ultimes entretiens, c’est Mahamadou Danda qu’ils retiennent. Les Canadiens font appel à un homme neuf, une personnalité extérieure aux codes et aux usages de la diplomatie. Ils considèrent que Danda peut leur être utile, en apportant un autre regard. Sa maîtrise du système politico-administratif et son réseau de relations ont joué en sa faveur. C’est indéniable. Au fil des années, l’homme de contacts s’est constitué un carnet d’adresses aussi vaste que divers. Un atout pour les Canadiens. En février 2000 Mahamadou Danda opère ce saut dans l’inconnu qui, à dire vrai, n’est pas fait pour l’inquiéter. Pendant plus de dix ans, il est en contact permanent avec des responsables de l’administration publique, des acteurs de la société civile et du monde politique qu’il rencontre régulièrement pour entretenir son niveau d’information. Il organise de nombreuses rencontres avec les leaders de l’époque comme le chef de l’opposition Issoufou Mahamadou, des personnalités influentes de la majorité au pouvoir comme Ali Sabo, ou bien encore Kassoum Issa, le Secrétaire général du très puissant syndicat des enseignants du secondaire SNEN. 68
Missionné sur plusieurs affaires sensibles, c’est lui qui est mandaté pour suivre personnellement le dossier de l’enlèvement des deux diplomates canadiens, Robert Fawler et Louis Guay, enlevés le 14 décembre 2008 par l’AQMI à quelques encablures de Niamey. En matière économique et commerciale, Danda se tient en éveil permanent sur les relations entre le Niger, la Banque mondiale et le FMI. Il se tient constamment informé sur les conclusions de chacune des missions réalisées par des représentants de ces institutions, pour en rendre compte en temps réel. Des tâches délicates. Autant d’expériences enrichissantes. Homme de réseaux, d’une prudence extrême, Danda se signale par ses précautions de langage et n’affiche aucune appartenance politique. L’ancien ministre avoue sans détours que cette expérience auprès des autorités canadiennes lui a d’ailleurs permis de se « garder en dehors de la gestion publique nigérienne et hors de toute compromission ». De quoi finalement renforcer son aura auprès des acteurs politiques et administratifs du pays. Auprès des Canadiens aussi, Mahamadou Danda semble faire l’unanimité. Extérieur au système, il ne veut pas faire de la figuration. Il met donc un point d’honneur à exercer ses responsabilités avec la plus grande rigueur. Chargé de couvrir les questions commerciales, sociales et politiques, il va au-delà des commandes de reportages qui lui sont adressées et multiplie les enquêtes de sa propre initiative. Outre une intelligence capable de dominer n’importe quel sujet, Danda a les pieds sur terre. Une qualité jugée très utile pour qui connaît la culture du résultat des Nord-Américains. En quelques mois, toutes les analyses qui se réfèrent aux questions politiques en partance pour Ottawa ou d’Abidjan doivent obtenir son approbation. Ses enquêtes politiques sont jugées pertinentes et sont régulièrement partagées avec les ambassadeurs du Mali et du Burkina-Faso. Au sein des réseaux diplomatiques, son nom fait écho. Il devient un conseiller reconnu et respecté pour la finesse de ses réflexions. Fidèle à lui-même, il s’abstient de tout étalage, évite de se mettre en avant; tout sauf un homme de marketing. Sous les lustres et les lambris, les ambassades ont toujours suscité la curiosité, la suspicion et la jalousie. Lui, conserve ses distances avec les mondanités et ne se laisse pas impressionner. Son bon 69
sens d’homme de terroir ne le quitte pas. Sa réputation le suit et son contact est régulièrement indiqué aux personnalités canadiennes de passage à Niamey. Un rôle de sherpa qui n’est pas sans lui déplaire. « Je n’ai à aucun moment regretté d’avoir fait le choix de collaborer avec la coopération canadienne. Je me suis senti utile ». Mahamadou Danda a eu à cœur de servir une cause honorable. Il y a d’ailleurs un consensus très large autour de son engagement. Une expérience qui lui vaut d’élargir encore son carnet d’adresses et d’intégrer le réseau, ô combien important à ses yeux, des partenaires du Niger au développement. En homme de terrain, Mahamadou Danda expérimente beaucoup et se plaît toujours à relever de nombreux défis. Curieux, il s’intéresse à tout. Et ce qui lui plait par-dessus tout dans cette aventure canadienne, c’est l’idée d’explorer des horizons inconnus et d’emprunter des chemins de traverse en toute indépendance. Les dix années passées lui ont permis d’ouvrir les portes d’un monde passionnant et exigeant, de découvrir un milieu bouleversé par l’apparition de nouvelles puissances, les impératifs de la mondialisation, la concurrence économique. Il se sent à l’aise au milieu de ces diplomates dont la grande majorité se consacre entièrement et loyalement à leurs missions. Les collègues du Bureau de l’ambassade s’appellent Henri Bigras, Amadou Garba, Fati Bagna, Delphine Romba et autre Haoua Tiwaché. Il se reconnaît des points communs avec ces professionnels qui font preuve de clairvoyance et de réalisme. Clairvoyance dans leur capacité à voir loin et à prévoir les événements pour mieux les anticiper. Réalisme par leur capacité à agir et leur sens de l’efficacité. A la fois complète et exemplaire, la carrière de Mahamadou Danda se termine sur cette expérience dans le milieu de la coopération bilatérale. Sans accroc. Pour celui qui a servi les « sommets » de l’Etat, ce choix raisonné résulte d’une volonté de mêler le désir de servir et celui d’être utile socialement. Fidèle à son devoir de loyauté, la notion de service public prime chez lui sur celle du service de l’Etat. L’idée de promouvoir le bien-être de la nation est une tâche exaltante.
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LE SPÉCIALISTE DU LOCAL Mahamadou Danda est né dans les profondeurs du terroir nigérien, et en a été marqué. Depuis le début de sa vie professionnelle et de son engagement public, il garde un intérêt certain pour les communautés villageoises et s’interroge en permanence sur les conditions d’amélioration de leurs conditions de vie. Il entretient avec le monde local un lien fort qui a façonné une part importante de son corpus idéologique et qui sous-tend sa réflexion sur le niveau de pertinence de l’action publique. A dire vrai, Mahamadou Danda conçoit le local comme un vecteur d’identité, une échelle propice à la participation des individus et aux projets de développement. Fervent défenseur d’une organisation décentralisée des pouvoirs publics, le niveau local constitue à ses yeux la meilleure échelle pour mesurer les phénomènes sociaux et déployer l’action publique. « La décentralisation offre l’espoir d’une gestion rationnelle des services économiques et sociaux en même temps qu’elle permet de lutter contre le gaspillage des ressources de toute sorte, dès lors que les bénéficiaires sont directement impliqués dans la conception, la réalisation et le contrôle des programmes et opérations de développement; autrement dit, dès lors qu’ils participent réellement34 » défend-il ainsi dans ses travaux de recherche en 2004. Selon sa propre conception, en recentrant son intervention sur des territoires, l’action publique donne ainsi au projet local une place déterminante. L’ancrage sur le terrain des politiques permet d’adapter les programmes de développement aux besoins mais il augmente aussi le risque de développement des inégalités, en fonction des richesses des collectivités et des choix opérés par les élus. D’où l’intérêt selon lui d’associer le renforcement de la décentralisation à la définition claire et précise du rôle de l’Etat, à travers un mouvement de déconcentration approprié, et la nécessité d’une réflexion constamment revendiquée tant sur le champ des compétences et le degré d’autonomie des collectivités locales que sur le rôle de régulation de l’Etat. Un Etat qui, selon lui, au-delà de sa
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mission de contrôle, doit être en capacité d’accompagner les initiatives locales. Depuis près de trente-cinq ans, le parcours de Mahamadou Danda est ainsi porté et orienté par cet attachement aux territoires, cette croyance manifeste qu’une part de la vérité réside dans le monde local. En tant que sous-préfet, le jeune administrateur a fait ses premières armes au contact des réalités du terrain et des difficultés quotidiennes des populations des arrondissements dont il avait la responsabilité. C’est là qu’est né son goût de la concertation et que s’est exprimée sa capacité à mobiliser les acteurs. C’est là aussi qu’il forge sa conviction profonde qu’une réflexion sur un véritable processus de décentralisation nigérien doit être engagée, et qu’il convient d’imaginer de nouvelles relations entre les collectivités territoriales et l’Etat. « Le paradoxe du modèle nigérien de décentralisation vient de cette ambivalence que traduit le souci de promouvoir la participation et celui de vouloir donner une certaine prééminence au représentant de l’Etat en région. Ce qui pose à l’avance les bases d’une profonde controverse politico-administrative35 ». Le parcours universitaire de Mahamadou traduit cette quête de rénovation de l’action publique nigérienne autour des territoires. Ses diplômes et travaux de recherche entrepris à l’Institut panafricain de Ouagadougou en 198936 et à l’université Laval de Québec en 199137 traduisent notamment une forme de légitimation des questions d’aménagement du territoire dans un cadre décentralisé. Le troisième cycle entamé à Science Po Bordeaux, ainsi que la thèse de doctorat permettent d’élargir la réflexion en posant de véritables jalons à une forme de décentralisation intégrée, non pas calquée sur un modèle existant par ailleurs, mais élaborée en tenant compte des spécificités sociales nigériennes. L’occasion de mettre des mots sur des problématiques aussi fondamentales que le développement régional, et d’aborder de front les questions d’identités locales en posant des actes. Chargé de cours à l’Ecole nationale d’administration (ENAM) de Niamey depuis 1991, Mahamadou Danda a la réputation de passionner ses élèves avec lesquels il entretient d’ailleurs une relation privilégiée, en dispensant des enseignements sur des matières 72
aussi transversales que l’aménagement du territoire et la décentralisation, la coopération décentralisée et l’intercommunalité, ou bien encore le développement local et les enjeux de planification. Du côté de l’UNICAN, les cours d’aménagement du territoire du professeur Danda sont également au programme des étudiants de troisième année de la faculté de droit. Au Niger, Mahamadou Danda est aujourd’hui reconnu pour être le meilleur spécialiste de la sphère publique locale, rien de moins ! Il participe à ce titre, depuis une vingtaine d’années, à divers séminaires de travail et à de nombreuses conférences organisées à travers le monde. Contribuant à des travaux scientifiques sur le système public local, il est notamment l’auteur en 1993, avec M-M. Kalala et A. Schwarz, d’une publication38 portant sur le « désengagement étatique, le transfert de pouvoir et la participation populaire au Sahel ». Il fut l’auteur en 1998 d’une publication sur le Niger39 et la question de la décentralisation, en défendant une thèse qui fit longtemps référence, car sur le plan des idées, Mahamadou Danda aborde la question du développement du Niger, et plus globalement des pays du Sud, à travers une triple approche : la décentralisation, le rôle de l’Etat et le développement local. Sa position est simple : « En plaçant des pouvoirs plus proches des citoyens, donc plus aptes à répondre à leurs besoins, à favoriser une plus grande démocratie participative, la décentralisation vise à alléger les pesanteurs bureaucratiques qui affectent gravement l’efficacité de l’administration nigérienne40 ». Partant du postulat que la décentralisation permet de renforcer l’intérêt général sur des principes démocratiques et de proximité avec les populations intéressées, Mahamadou Danda a très tôt défendu la nécessité d’inventer de véritables institutions locales. « Nous sommes d’avis qu’un pays n’a pas seulement besoin de bonne administration, il a aussi besoin de liberté politique. La décentralisation est réputée donner l’occasion d’instrumenter cette liberté politique. Par conséquent, la liberté politique est donc un enjeu majeur de la décentralisation qui est par essence l’application, au niveau infranational, du jeu démocratique. Aussi, une association naturelle et consubstantielle unirait le local, ce foyer 73
d’apprentissage démocratique, aux vertus citoyennes, à la démocratie, et réciproquement41 ». Attaché au principe d’égalité tout autant qu’au concept de régulation, il prône dans le contexte d’une organisation décentralisée le renforcement de l’Etat dans ses missions régaliennes : un Etat qui doit, selon lui, être par ailleurs en capacité d’accompagner les initiatives locales. En définitive, Mahamadou Danda s’est forgé une conviction profonde : la seule façon de réformer l’Etat consiste à faire confiance au local et à s’appuyer sur les échelons territoriaux pour assurer le développement du pays. Une vision jugée dans un premier temps assez iconoclaste de la part d’un haut serviteur de l’Etat, une vision qui jalonne néanmoins avec constance l’ensemble des travaux engagés tout au long de sa carrière et se retrouve avec la même ferveur au cœur de son message politique. Il n’est du reste pas étonnant que celui qui s’interroge sur la nécessité de renforcer les initiatives des habitants eux-mêmes soutienne avec une certaine acuité le concept de la coopération décentralisée. En favorisant la responsabilisation et le transfert de la maîtrise d’ouvrage des programmes de développement des collectivités du nord vers des entités nigériennes, et en impliquant les acteurs de la société civile à la prise de décision et à la gestion quotidienne des politiques de développement, la coopération décentralisée permet de confier aux populations concernées une compétence qui relève d’abord et avant tout de leurs politiques publiques. Pour le politiste, cette nouvelle approche renforce l’efficacité de l’aide au développement tout en renforçant la démocratie locale. L’homme en est convaincu et n’hésite pas à retrousser les manches pour confronter ses convictions au réel et évaluer les potentialités de cette nouvelle forme de coopération internationale. Danda se plaît à réfléchir au monde qui l’entoure, il sait aussi agir. En 1997, il est le cofondateur de Solidarité France-Niger, une association franconigérienne qui vise à développer les liens de coopération décentralisée en direction du Niger qui enregistre un retard comparatif important vis-à-vis de ses voisins maliens ou burkinabés. L’association est structurée autour de deux équipes de bénévoles basées en France et à Niamey. Mahamadou Danda prend la tête de la section nigérienne et s’entoure d’une équipe 74
d’une dizaine de fidèles. Boureima Gado, Ousmane Djika, Issa Nomao font notamment partie de l’aventure. Mahamadou Danda considère que le local nigérien est viable sur le plan politique mais que le problème majeur des collectivités est celui de l’autonomie financière. Dans un contexte de pénurie des moyens et d’extrême pauvreté de la population, il convient selon lui de renforcer la capacité financière des échelons territoriaux, et la coopération décentralisée constitue un moyen de répondre à ces enjeux. Pendant une dizaine d’années, l’équipe de bénévoles met sur les rails et accompagne ainsi avec succès de nombreux projets de développement locaux autour de partenariats associant des communes françaises à des villages nigériens : Margny-lès-Compiègne et Méhanna, Assérac et Gao-Sabongari ou bien encore La Chapelle-des-Marais et Kalfou-Dabagui font partie des conventions de partenariat initiées par Solidarité France-Niger. Bâtie autour de Mahamadou Danda comme un véritable réseau de compétences, l’équipe nigérienne de l’association démontre ainsi les bienfaits de la coopération décentralisée dès lors que les territoires sont en capacité de dégager de véritables projets dans un cadre démocratique. L’exemple du travail réalisé à Méhanna en est la parfaite illustration. Les investissements réalisés dans l’achat de motopompes ont permis aux agriculteurs du village d’intensifier la production maraîchère et d’améliorer la qualité nutritionnelle ; les moulins à mil ont allégé les travaux des femmes qui ont été en capacité de développer de nouvelles activités créatrices de revenus complémentaires ; le fonds documentaire, constitué avec l’aide de la collectivité partenaire au sein de la bibliothèque, est venu renforcer les capacités éducatives de la communauté. Dany Hellal, présidente de Margny-Jumelages, a apprécié l’entreprise de coopération menée de haute main par cet ancien ministre dont elle apprécie les qualités : « Il a cette faculté de dire toute vérité avec clarté, sans la moindre polémique car pour faire avancer les choses, il n'y a jamais de non-dit avec lui. Il fait partie de ceux qu'on écoute avec le plus grand intérêt car à tout problème il trouve une solution42 ». Au final, tout en défendant une cohérence des actions engagées par les acteurs locaux avec celles de l’Etat, 75
Mahamadou Danda défend l’idée d’un renouvellement des rapports existant entre le centre et la périphérie, et milite en faveur de l’émergence d’acteurs nouveaux sur la scène publique et du renouvellement des élites. Fidèle à la culture nigérienne et conscient des limites d’une réforme qui se cantonnerait aux seuls dirigeants de la sphère politico-administrative, il est de ceux qui ont perçu dans la réforme décentralisatrice de 2000 une forme de rupture avec les réflexes mimétiques du passé, et demeure attaché à la mise en place de nouvelles entités sur la base des collectivités coutumières. « Les chefs traditionnels, notamment ceux des cantons, sont des acteurs centraux de la vie des campagnes nigériennes. Ils sont les autorités les plus proches des populations rurales », plaide ainsi le haut fonctionnaire. Une thèse qui orientera naturellement sa réflexion vers les questions de gouvernance locale. Fort de ces convictions, Mahamadou Danda pose un regard empreint de réalisme sur la décentralisation nigérienne et se veut résolument optimiste. Il considère que le local nigérien est légitime sur le plan politique. Les élections se déroulent dans des conditions jugées globalement satisfaisantes, ce qui favorise l’émergence d’élus de qualité. La principale difficulté réside sans conteste dans l’insuffisance des moyens mis à la disposition des collectivités locales, les budgets dont disposent les décideurs locaux n’étant pas à la hauteur des attentes de leurs administrés. Une situation qui suscite à ses yeux de fortes attentes vis-à-vis du niveau central, et qui place malheureusement certains acteurs dans une situation de dépendance, voire de soumission, à l’égard des représentants de l’Etat. Pour autant, Mahamadou Danda reste convaincu que le renouvellement institutionnel du Niger passe par l’émergence de nouveaux acteurs territoriaux auxquels l’Etat doit attribuer les moyens suffisants qui leur permettent d’accompagner des projets de développement local. Il préconise ainsi un véritable transfert de compétences vers les autorités territoriales, doublé d’un fort degré d’autonomie financière qui leur permette d’assurer leurs missions obligatoires. En outre, la mise en place d’une véritable fonction publique territoriale placée sous l’autorité des élus locaux constitue aussi une priorité pour le haut fonctionnaire. S’il regrette l’absence totale de réflexion sur 76
ce chantier important, Mahamadou Danda propose très concrètement que l’Etat engage dans un premier temps le redéploiement de personnels d’encadrement vers les communes, par le biais de mises à disposition statutaires. « Ces cadres sont qualitativement mal préparés et en nombre insuffisant, par conséquent ils ne peuvent efficacement appuyer les réformes décentralisatrices au Niger en général » constate-t-il aujourd’hui.
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UNE VIE D’ENGAGEMENTS Mahamadou Danda est à l’opposé de l’individualisme et du repli sur soi. Son engagement permanent le démontre. Sa citoyenneté surpasse le fait d’être seulement dépositaire d’une identité, elle implique de participer activement au dessein collectif. Qu’elle soit sociale, associative ou politique, la participation trouve dans certains cas ses origines dans une socialisation familiale mais apparaît à certains moments marquée par des ambitions ou la simple quête de sens. A l’échelle d’une vie, dans ses racines les plus profondes et dans son expression, l’engagement reste guidé par le souci d’autrui autant qu’il est porté par le souci de soi. Tout est subtil. Et tout n’est que compromis. L’engagement social de Mahamadou n’échappe pas à ce schéma et participe tout autant à l’affirmation de son identité qu’à la satisfaction d’un besoin de sociabilité. Mais qu’il soit conscient ou non de ces horizons, ce processus lui confère une autorité spécifique. Il contribue à forger son capital politique. Un capital politique qui, sans jamais avoir été tenté par le passage de l’élection, repose dans son cas sur une triple composante. L’expertise de l’intellectuel, l’expérience politique et le capital individuel directement lié à l’importance de son engagement citoyen. Ce dernier capital n’est pas le moins structurant de son espace de représentation politique. Il contribue pleinement au degré de confiance que lui accordent ses compatriotes. Cette confiance, Mahamadou l’a acquise dans la durée, grâce à un engagement fort et constant au service de la cause nationale. Outre sa participation à de nombreux colloques et séminaires consacrés aux questions de décentralisation, d’aménagement et de développement local, thèmes qui lui sont chers et dont il s’est fait une spécialité, Mahamadou Danda est régulièrement sollicité pour faire bénéficier de ses analyses éclairées et de sa capacité à faciliter le dialogue sur des sujets complexes. Son aura naturelle et son charisme sont également de nature à renforcer la crédibilité des projets sur lesquels il intervient
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directement. Tout en nuance, homme de consensus et de dialogue, il reste toujours au-dessus de la mêlée, limitant ses interventions au minimum et se posant constamment en arbitre. On le retrouve tour à tour engagé sur des projets portés par les acteurs de la société civile, de la sphère publique nationale, voire internationale. Tantôt investi sur la défense d’intérêts catégoriels, tantôt sur des approches beaucoup plus globales, il n’hésite pas à se rendre aux quatre coins du pays et s’engage sur tous les fronts. Il est à l’aise partout. Il participe en 1993 aux premières journées géographiques du Niger, préside en 1998 le forum national d’enrichissement et de validation du Plan national pour l’environnement et le développement durable (PNEDD), et participe en France à des assises de la coopération décentralisée Franco-Nigérienne. En 2001, il est désigné président du Présidium de la conférence sur le cadre d’intervention des ONG au Niger. Il préside en 2002 le Présidium de l’atelier chargé de définir la politique nationale de communication pour le développement, ainsi que l’atelier préparatoire au forum consacré au financement de la Stratégie de réduction de la pauvreté pour le Niger (SRP). Participant en 2003 aux travaux de l’association des villes et communes du Niger (AVCN), il assure l’année suivante le rôle de modérateur de l’assemblée générale du conseil mondial des éleveurs qui se tient à Niamey, et se voit désigné membre de l’observatoire international des élections municipales nigériennes, sous la supervision des Nations unies. Il est membre depuis cette même année 2004 de la cellule de formateurs en gestion de la diversité culturelle pour le compte du centre d’études et de coopération internationale, un organisme canadien qui s’appuie sur les principes du volontariat pour mettre en œuvre la pratique de la coopération internationale au service du développement. Autant d’engagements qui témoignent de l’attachement de Mahamadou Danda à une cause qui trouve grâce à ses yeux et transcende toutes les autres : celle du Niger et de son développement. Danda croit aux vertus du volontariat et accorde beaucoup d’importance au dialogue. Partant du principe qu’il ne faut pas tout attendre des autorités publiques, il y voit un moyen efficace pour éradiquer notamment une partie de la pauvreté qui frappe le Niger. Plutôt que de céder aux sirènes de l’indignation, cet 80
esprit ouvert appelle à l’engagement et à l’action productive. Et, dans un pays en proie à d’importantes difficultés, les chantiers ne manquent pas. Attaché à la notion de capital social, il s’applique à lui-même l’action volontaire sous la forme de la participation, en référence au rôle que peuvent jouer les individus dans le processus de gouvernance. Une participation qui favorise la cohésion sociale et facilite les prises de décisions collectives, pour de meilleurs résultats en terme de développement. Attaché à sa propre liberté, Mahamadou défend sans doute également cette idée de participation citoyenne pour protéger les Nigériens d’un pouvoir politique trop autoritaire. La liberté des Nigériens est à ses yeux la première richesse à défendre dans ce pays qu’il chérit et qu’il sait parfois fragile. L’engagement social de Mahamadou Danda est une façon d’articuler son action individuelle avec sa propre vision de la société. Les idéologies portées par les partis politiques ne trouvent pas grâce à ses yeux. Il préfère la posture qui consiste à rechercher du sens aux choses et aux événements, dans une démarche collective. Cette quête de sens exige de pouvoir libérer la parole, de travailler sur la base d’échanges et de débats ouverts qui alimentent la dimension démocratique du processus de décisions. Donner du sens et s’engager sans être prisonnier des jeux et des enjeux du pouvoir. Sceptique engagé, Danda s’intéresse aux questions politiques mais se méfie du jeu politique. Au fond, c’est autant par son engagement social que par son action politique que Mahamadou Danda a su mettre en mouvement la société nigérienne.
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PREMIER MINISTRE ! Jeudi 18 février 2010, il est tout juste treize heures lorsque les hommes des Forces de défense et de sécurité (FDS) avec, à leur tête, le jeune chef d’escadron Djibo Salou décident de prendre d’assaut le palais présidentiel et de renverser le régime de Mamadou Tandja. Le coup de force opéré par cette poignée d’officiers est extrêmement rapide. L’affaire a été préparée avec minutie. L’assaut est rondement mené. Après quelques échanges de tirs, le chef de l’Etat et sa garde rapprochée sont sous contrôle. Le soir même, le couvre-feu est instauré, les frontières nigériennes fermées jusqu’à nouvel ordre. La junte militaire annonce dans les toutes premières heures la création d’un Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD). La Constitution est suspendue. Les principales institutions du pays sont dissoutes. La première déclaration officielle est explicite : « En ce jour du 18 février 2010, nous, Forces de Défense et de Sécurité, avons décidé de prendre nos responsabilités, en mettant fin à la situation politique tendue…Nous réaffirmons notre engagement aux traités et conventions précédemment souscrits par l’Etat du Niger. Nous appelons l’opinion nationale et internationale à nous soutenir dans notre action patriotique pour sauver le Niger et sa population de la pauvreté, du mensonge et de la corruption43 ». Ce coup d’Etat militaire est la conséquence directe de la dérive constitutionnelle du président de la République élu en 1999. Dans sa volonté de s’installer durablement et de prolonger son règne au-delà des deux mandats réglementaires, Mamadou Tandja a choisi d’imposer l’organisation d’un référendum constitutionnel lui permettant de se maintenir au pouvoir. Passant outre la contestation de nombreux partis politiques et l’incompréhension d’une très large majorité de l’opinion, le chef de l’Etat avait alors suspendu la Cour constitutionnelle qui avait eu l’outrecuidance de souligner le caractère inconstitutionnel du référendum. Tandja avait également dissout l’Assemblée nationale et s’était approprié les pouvoirs exceptionnels. Bataille juridique, manipulations
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constitutionnelles, crise politique, le Niger entame, au cours de cette année 2009, une véritable plongée en eaux troubles. Violations des droits humains, restrictions de la liberté d’expression, entraves manifestes à la liberté de la presse, interpellations d’acteurs politiques, isolement sur la scène internationale : le pays est au bord du chaos. La communauté internationale condamne largement le coup d’Etat et multiplie les appels à un retour à l’ordre démocratique. La France et la Chine notamment, qui se fournissent au Niger pour l’uranium de leurs centrales nucléaires, ne cachent pas leur inquiétude et sont attentifs à la tournure des événements. La France, qui compte mille cinq cents ressortissants à travers tout le pays, a indiqué qu’elle « engageait tous les acteurs nigériens, y compris les forces armées, à trouver par le dialogue et dans les meilleurs délais une solution à une crise institutionnelle44 ». Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU, en appelle au respect de l’Etat de droit et des droits de l’Homme45. Mais à Niamey et dans les grandes villes du pays, les Nigériens manifestent par milliers pour afficher leur soutien aux militaires qui ont su les libérer du joug du président en place. Sur la scène politique nationale, hormis les mises en garde prudentes de quelques personnalités, la croyance dans la bonne foi des militaires l’emporte largement. Brigi Rafini, ancien DéputéMaire d’Agadez, considère que les auteurs du coup d’Etat « vont tenir parole. Le contexte national et international est tel qu’ils ne peuvent pas s’enraciner au pouvoir46 ». De son bureau de l’ambassade du Canada, Mahamadou Danda partage ce sentiment. Il observe avec prudence. Le 20 février, comme chaque samedi matin, Mahamadou est au volant de son 4x4 et passe au domicile de son ami Ousmane Djika. Depuis des années, les deux hommes ont pris l’habitude de partir en excursion et de s’évader l’espace de quelques heures pour se rendre à plusieurs kilomètres de la capitale. Une manière d’échapper au quotidien. L’occasion pour les deux amis de se confier, de parler de tout et de rien. Ce 20 février, à l’heure du départ les deux amis sont interpellés par Yacouba Soumaila, voisin d’Ousmane Djika et camarade de promotion de l’ENA de Mahamadou Danda entre 1974 et 1977. Yacouba Soumaila souhaite visiblement entretenir Mahamadou d’un 84
sujet important. Les deux hommes s’isolent quelques instants. Ils font quelques pas, s’arrêtent à l’angle de la rue où réside Djika, près de la mosquée, au moment où ce dernier s’adresse à Mahamadou en le fixant du regard. Le ton est grave. Le sujet visiblement très sérieux. : « C’est toi que je cherchais. Le coup d’Etat est intervenu il y a tout juste quarante-huit heures, mais toute la ville est en train de dire que ce sont de jeunes officiers Zarma de l’Ouest qui ont renversé un président de l’Est. Vous et moi savons très bien que le problème ne se situe évidemment pas à ce niveau. Mais les militaires doivent apaiser le climat et étouffer cette spéculation qui pourrait dégénérer. Ils sont donc en train de chercher en ce moment un Premier ministre Haoussa. Tu pourrais être cet homme-là Mahamadou. » La réponse de l’intéressé se veut sans appel : « Je ne suis plus dans cette logique, c’est fini47 ». Mahamadou Danda ne s’y voit pas. La réaction est sincère. Au fil de la conversation, il comprend pourtant que son nom figure déjà sur la liste des candidats pressentis par la junte. En bonne place. Après avoir défendu leurs arguments, les deux hommes se quitteront en laissant en suspens une hypothèse inattendue, déjà lourde à porter. Sur la route du départ, Mahamadou éprouve le besoin de faire une halte à son domicile. Il sait pour l’avoir expérimenté dans le passé que dans ce genre de situations les choses peuvent se précipiter et aller très vite. Il décide alors de joindre par téléphone Marie-Isabelle Massip, l’ambassadeur du Canada avec laquelle il est en collaboration professionnelle pour encore plusieurs mois. En résidence à Abidjan, la diplomate couvre le Niger, la Sierra Leone, le Liberia et la Côte d’Ivoire. Le conseiller nigérien est gêné mais tient à être totalement transparent. On ne sait jamais. Au bout du fil, la réaction de Marie-Isabelle Massip est tout sauf ambiguë : « Monsieur Danda, si vous êtes à l’aise pour accomplir une mission aussi éminente et venir en aide à votre pays, nous nous sentirons nous-mêmes grandis d’apprendre que c’est un de nos propres collaborateurs qui aura à diriger la transition démocratique du Niger48 ». Un poids important vient d’être levé. Les quelques heures passées avec son ami Ousmane Djika finiront d’apaiser Mahamadou et de poser les termes de 85
cette nouvelle équation. Les deux hommes ont l’habitude de se confier et de se parler ouvertement. En amis. Mahamadou a rencontré Ousmane Djika en 1977. Mahamadou était adjoint au préfet du département de Niamey et Ousmane Djika assumait sur ce même département la fonction de directeur départemental de l’Union nigérienne de crédit et coopération (UNCC). Dans son rôle d’assistance à un préfet militaire, le jeune administrateur Danda est en première ligne sur les dossiers de développement régional. Il travaille en étroite collaboration avec des cadres techniques de qualité comme Boureima Gado, le directeur du projet SAY, Idé Issaka, directeur départemental du plan et Ousmane Djika, tous entrent dans son premier cercle d’amis et n’en sortiront pas. Originaire du centre du pays, Ousmane Djika est prince de Tibiri, un territoire peuplé majoritairement de l’ethnie Gobirawa. Faisant figure de sage, Djika est une personnalité estimée qui incarne les valeurs de la tradition nigérienne. Son statut de prince lui procure une aura, particulièrement lors des événements religieux. Par-dessus tout, Mahamadou apprécie le calme et le caractère réservé de cet ami fidèle, père de neuf enfants. En fin d’après-midi, sur la route qui les conduit vers la capitale, alors que la conversation les a guidés vers des sujets plus légers, un véhicule noir accidenté qui n’est autre que celui du chargé de communication gouvernemental en fuite au lendemain du coup d’Etat vient leur rappeler les tensions du moment. En arrivant chez Ousmane, Yacouba Soumaila, qui a tenté à plusieurs reprises de joindre Mahamadou sur son téléphone portable, les attend de pied ferme pour reprendre le cours de la conversation entamée quelques heures plus tôt. La position de Mahamadou n’a pas changé. Il n’est pas vraiment partant. Sous la demande pressante de Yacouba Soumaila, il s’engage cependant à lui faire suivre son CV, sans empressement. Mais à huit heures précises, le lundi suivant, Yacouba Soumaila est au bureau de l’ambassade pour récupérer le document. A partir de cet instant, la nervosité monte d’un cran : « Je sentais que la chose devenait inévitable et était en train de me rattraper49 ». Le soir, Mahamadou Danda a beau démentir, il n’échappe pas à la clairvoyance de son épouse qu’il a mise dans la confidence au retour de son excursion avec 86
Ousmane. Elle connaît bien son mari. Elle sait que les heures qui viennent seront cruciales et qu’il ne saurait se dérober à son destin. Il sait pouvoir compter sur elle. Quatre jours après le coup d’Etat, le jeune chef d’escadron Salou Djibo désigné président du CSRD adresse les premiers signes d’apaisement et affiche les objectifs de la junte. Il signe ce lundi 22 février une ordonnance « portant organisation des pouvoirs publics pendant la période de transition » au terme de laquelle est rappelé que l’Etat du Niger est une République qui réaffirme son attachement aux principes de l’Etat et de la démocratie pluraliste : « Notre seule ambition est d’accompagner le retour à la démocratie dans notre chère patrie50 ». Se portant garant de la préservation de l’unité nationale et de la cohésion sociale, le CSRD annonce sa ferme volonté de garantir les droits et libertés de la personne humaine, d’assurer l’égalité devant la loi, et de restaurer le processus démocratique engagé en 1990 par le peuple nigérien. « Je rappelle que notre armée n’a pas vocation à faire de la politique et encore moins à gérer les institutions de l’Etat51 ». L’ordonnance du 22 février investit le CSRD des pouvoirs exécutif et législatif, autorise le président à gouverner par ordonnances et décrets, prévoit la mise en place de nouveaux organes en lieu et place des institutions, et la nomination d’un nouveau Premier ministre à la tête d’un gouvernement de transition. Affichant clairement ses intentions, le jeune président du CRSD, martial, en appelle à la responsabilité de chacun et met en garde les partis politiques qu’il juge en partie responsables de la situation. Lors de sa première rencontre avec les principaux leaders, les propos du militaire sont sans concession : « Je voudrais souligner (…) que vous avez tous été à un titre ou à un autre, à un moment ou à un autre, acteurs et responsables du processus qui a conduit notre pays dans cette situation. Soit par les actes que vous avez posés, soit en vous abstenant d’en poser quand il le fallait52 ». Difficile d’être plus clair. Mardi 23 février, Mahamadou se rend à son travail. Il sent que la journée ne sera pas tout à fait ordinaire. Et de fait, les événements vont s’accélérer. A midi, Yacouba Soumaila le joint au téléphone et lui confirme que selon les dernières 87
informations les militaires en font toujours leur candidat favori pour le poste de Premier ministre. A 16h30, Ousmane Mamane, le directeur de cabinet du Premier ministre Ali Badjo Gamatié, que le président du CSRD a gardé à ses côtés l’appelle à son tour. Il souhaite le rencontrer rapidement. Très rapidement. La proposition de Mahamadou d’organiser une entrevue le lendemain à la première heure est repoussée avec courtoisie : « Nous souhaitons vous rencontrer tout de suite53 ». A-t-il vraiment le choix ? Quelques minutes plus tard, Mahamadou entre dans le bureau du directeur de cabinet, où l’attendent également son adjoint et la secrétaire générale du gouvernement. « Monsieur Danda, vous connaissez la situation et vous savez déjà que les militaires pensent à vous pour occuper le poste de Premier ministre » « Je sais aussi qu’il y a deux candidats pressentis. Je propose de laisser le poste à l’autre candidat. En revanche, de là où je suis, je suis disposé à accompagner la transition. S’il s’agit réellement de restaurer un régime démocratique, vous pouvez compter sur mon dévouement et ma détermination » « Monsieur le ministre, vous me pardonnerez d’être aussi insistant mais, comment vous dire, c’est presque obligatoire. C’est presque obligatoire. » La forme est cordiale, mais les mots claquent et raisonnent à jamais à l’esprit de Danda. « J’entends. Mais laissez-moi maintenant poser mes propres conditions en vous soumettant trois questions simples sur lesquelles je souhaite avoir des réponses précises. Premièrement : est-ce réellement pour restaurer la démocratie ? Deuxièmement : quel est l’agenda de la transition ? Troisièmement : quels sont l’espace de liberté et les marges de manœuvre dont je dispose dans un gouvernement dirigé par une junte ? » Un long silence. « Monsieur le ministre, nous ne pouvons pas vraiment vous apporter de réponses à cela. Nous transmettons vos exigences aux membres du CSRD. Mais à l’heure où nous nous parlons, nous sommes sûrs d’une chose : ces jeunes-là sont sincères54 ». Il est 18 heures. Mahamadou retrouve son domicile. La soirée sera longue, ou pas. 19h50 : Madame Saliah, la secrétaire générale adjointe du gouvernement, qui connaît bien Danda et 88
apprécie les qualités de ce grand commis de l’Etat, le joint au téléphone : « Grand frère, cela va passer tout de suite au journal de 20 heures. Le président du CSRD a tranché en ta faveur55 ». Mahamadou allume son poste, s’assied sur le fauteuil qui lui fait face, écoute en silence. Quelques minutes plus tard, dans un communiqué lu à la télévision nationale, le secrétariat général du gouvernement indique « Le président du CSRD, chef de l’Etat, le chef d’escadron Salou Djibo, a signé ce jour un décret portant nomination du Premier ministre. Ainsi, Mahamadou Danda est nommé Premier ministre56 ». En entendant cette annonce, Mahamadou ne s’enflamme pas. Il ne ressent curieusement aucune appréhension, pas même une excitation. Le calme absolu. Le voilà pourtant soudain investi d’une charge, jeté au centre de la vie politique. En a-t-il vraiment envie ? Rien n’est moins sûr. S’il n’a pas le démon de l’ambition, il n’est pas du genre à se dérober face à ses responsabilités et considère que son devoir est d’accepter. En quelques minutes, les badauds et les médias, la BBC en tête, envahissent la rue du nouveau Premier ministre. Le quartier s’est transformé en une fourmilière où grouillent les curieux à l’affût de sa toute première réaction. Mais Mahamadou ne fera aucune déclaration. Il doit d’abord s’entretenir avec les membres du CSRD. Il passe la soirée comme il l’avait prévu, à relire ses auteurs favoris, en écoutant les morceaux d’artistes modernes comme Saadou Boris et Maman Garba qu’il affectionne tout particulièrement. Cette nomination du nouvel homme fort, chargé de conduire la transition, est saluée sur tous les bancs de la sphère politique. Les commentaires sont unanimes. La presse souligne « qu’il a l’avantage, en raison de ses récentes fonctions, d’être en relation avec tous les leaders politiques du pays57 ». Abdourahamane Ousmane, du réseau des journalistes pour les droits de l’Homme (RJDH) le présente comme un homme « sérieux, efficace et très méthodique58 ». Pour Brigi Rafini qui a déjà travaillé avec Mahamadou Danda, « la junte a fait un excellent choix59 » en le nommant. L’opposition parle d’un homme « compétent et neutre, ce qui est un bon profil pour la transition60 ». Une nomination largement interprétée comme le
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signe évident que les militaires n’ont pas l’ambition de se maintenir au pouvoir. Le lendemain matin, mercredi 24 février, les militaires ont demandé à Mahamadou Danda de les retrouver à la Villa Verte. Le bâtiment fait office de quartier général et de siège de la présidence du CSRD. Le Premier ministre ne ressent aucune appréhension pour cette première confrontation. Il a déjà eu à collaborer avec trois générations de militaires. Il a pour lui l’expérience de plusieurs gouvernements de transition et se sent parfaitement à son aise avec les arcanes du pouvoir. C’est un homme du sérail. Face à lui, dans le bureau du chef de l’Etat, cinq officiers supérieurs entourent le président du Conseil suprême pour la restauration de la démocratie, le chef d’escadron Salou Djibo. Les deux hommes ne se sont jamais croisés auparavant. Invité à s’asseoir, le Premier ministre est immédiatement interpellé sur un ton complaisant par le commandant de l’armée de l’air, le colonel Salou Souleymane: « Ah, Monsieur le ministre, cette fois-ci vous ne nous avez pas échappé61 ! ». Le commandant de l’armée de l’air, faisant référence au refus qu’avait alors opposé Danda à la proposition qui lui avait été faite par le général Ali Saïbou. Mahamadou saisit l’allusion et ne se démonte pas. S’adressant au général Salou Souleymane, assis à la droite du colonel Mossi qui assumait vingt ans auparavant la fonction d’aide de camp du général Ali Seibou, l’œil provocateur, il enchaîne : « Mon Général, vous ne devriez pas le savoir mais c’est celui qui est à vos côtés qui m’a trahi62 ». Rires. Le ton est donné, l’ambiance de cette première rencontre sera détendue. Rapidement la discussion s’engage sur le fond. Le sérieux domine. Les échanges sur la situation sont très clairs, les membres du CSRD et le Premier ministre n’usent pas de la langue de bois. Ils partagent un attachement profond à leur pays et une ambition manifeste pour un retour au calme. Après quelques minutes consacrées à l’analyse de la situation, le chef de l’Etat, resté jusqu’ici silencieux, s’adresse à son Premier ministre. Un lourd silence s’instaure dans la pièce. Le ton est plus solennel : « Monsieur le Premier ministre, nous avons reçu vos conditions. Sachez qu’il n’y a aucune difficulté et je vais être clair avec vous sur la manière dont nous entendons mener cette 90
transition. Oui, il s’agit de restaurer la démocratie. Oui, nous respecterons l’agenda de la transition. Un agenda dont je souhaite qu’il puisse être défini par un organe représentatif de l’ensemble des Nigériens. L’idée sera de s’appuyer sur le Conseil consultatif regroupant l’ensemble des acteurs pour définir les priorités de la transition et décider de sa durée. Quant à la troisième condition : vous avez carte blanche pour la direction du gouvernement63 ! ». Le chef de l’Etat vient ainsi de répondre point par point aux exigences de Danda. Dans l’immédiat, sa mission est claire. Il s’agit à la fois de rassurer la société civile nigérienne et la communauté internationale sur les objectifs de la transition. A la sortie de cette première rencontre jugée « très ouverte », Mahamadou Danda se veut rassurant et engageant : « Il n’y a pas eu de sujet tabou et le président du CSRD nous a donné carte blanche (…). Nous allons nous efforcer de recentrer l’équipe gouvernementale sur l’essentiel64 ». Ce sera sa toute première intervention officielle. Sans le vouloir, et sans même l’avoir imaginé, Mahamadou vient de voler sur un tapis jusqu'au pouvoir. Reste dorénavant à composer l’équipe gouvernementale chargée de conduire la transition. La tâche s’annonce délicate, comme toujours en pareil cas. Mahamadou se sait exigeant sur le choix des membres de son gouvernement mais il a aussi conscience qu’il va devoir composer avec la junte militaire. Quatre officiers supérieurs sont mandatés par le président du CSRD pour arrêter avec lui la composition du gouvernement dans les meilleurs délais. Dès le lendemain de ce premier entretien, les quatre généraux présentent la liste des personnalités pressenties au nouveau Premier ministre : vingt noms, dont ceux de sept militaires à la tête de portefeuilles régaliens. La méthode ne surprend pas Mahamadou. Pour autant, le Premier ministre souhaite avoir les coudées franches et exige de revoir la copie. Habilement, à force d’arguments, il parvient d’abord à limiter la place accordée aux membres du CSRD de sept ministères à cinq. Les trois quarts des membres du gouvernement seront donc choisis parmi des personnalités de la société civile. Tout un symbole. Et sur ce quota aussi le nouveau Premier ministre présente ses exigences. Sur les postes clés de l’Economie et des Finances, et sur celui de la Justice, les 91
noms proposés ne lui vont pas. Il le fait savoir sans réserve. Sa détermination est totale. Pour le poste de ministre de l’Economie et des Finances qu’il juge de toute première importance, Danda veut une personnalité qualifiée, capable de faire en sorte que le Niger retrouve la confiance de ses partenaires financiers. Il souhaite que Badamassi Annou assume cette fonction. Ancien ministre délégué des Finances sous la seconde République du général Ali Seïbou, cet économiste-financier expérimenté, qui a travaillé au FMI et exercé au Canada ainsi qu’aux Etas-Unis, maîtrise la mécanique budgétaire et connaît parfaitement les rouages du système monétaire international. On lui attribue un rôle de premier plan dans les négociations du programme américain : le Millenium challenge corporation, Afrique de l’ouest. Le Premier ministre, qui souhaite s’entourer d’un carré de fidèles, appuie également la nomination de Hamid Hamed en qualité de ministre du Commerce et de l’Industrie. Cet ingénieur statisticien économiste de formation, réputé pour son efficacité, servait au moment de sa nomination au bureau du FED Togo. Enfin, il met un point d’honneur à faire entrer dans son équipe son homonyme, Mahamane Laouali Dan-dah. Mahamadou connaît parfaitement ce magistrat qui a participé à ses côtés à la transition de Wanké, en tant que ministre de la Justice. Il fut un président reconnu de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) en 2007, chargée de l’organisation et de la supervision des opérations électorales. Il apprécie sa rigueur, sa loyauté et son sens du devoir jamais démenti. Les militaires s’opposeront dans un premier temps à cette nomination d’une personnalité selon eux proche du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS) tarraya. Ils mesurent aussi très vite les conséquences immédiates de ce refus. La position du Premier ministre est sans appel : « En dix ans, Laouali Dan-dah et moi, nous ne nous sommes jamais quittés plus de trois mois. » Les deux hommes ont en effet l’habitude de passer régulièrement des soirées à partager leurs visions et à dresser des analyses sur la situation nigérienne, veillant souvent tard dans la nuit. « S’il ne vient pas, je démissionne immédiatement de mes fonctions ». Laouali Dandah se verra confier le ministère des Enseignements secondaire, 92
supérieur et de la Recherche scientifique. Il sera, ultime revendication du Premier ministre, désigné porte-parole officiel du gouvernement de la transition. Sur ces deux points, avec habileté, Mahamadou Danda a pris l’ascendant. Les militaires ont capitulé. L’homme de Tahoua s’impose déjà en véritable chef. Le dimanche 1er mars, dix jours après le coup d’Etat, c’est donc un gouvernement mixte que le chef de l’Etat présente aux Nigériens. Le Premier ministre aura à coordonner une équipe de vingt membres, composée pour partie de civils et de militaires, à laquelle participe une majorité de cadres et de personnalités anonymes étrangères au microcosme politique. Le 4 mars, à l’occasion de la première réunion du conseil des ministres, le commandant Djibo Salou ne manque pas de fixer les règles du jeu en marquant son attachement aux principes de collégialité, de solidarité, de neutralité, d’esprit d’initiative et de rigueur dans la conduite de l’action gouvernementale. Une ligne de conduite partagée et incarnée, aux yeux de tous, par le profil atypique du nouveau Premier ministre. Un chef déjà perçu par les membres de son gouvernement comme « un homme de dialogue doté d’une excellente capacité d’écoute et de sagesse65 », qui « jouit d’une intégrité morale reconnue par tous (…) et d’une ardeur au travail66 », qui possède « des qualités de rassembleur et des dispositions d’esprit à rechercher le compromis67 ». En somme toutes les qualités d’un homme d’Etat. Déjà la reconnaissance d’un leader.
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FAMINE : LA FIN D’UN TABOU A la fin de l’année 2009, le Niger recense plus de sept millions de personnes en état d’insécurité alimentaire, conséquence directe des pertes occasionnées sur la récolte céréalière et le bétail. Quatre ans plus tôt, le pays avait déjà été touché par une forte crise alimentaire qui avait provoqué de très nombreuses victimes. Malgré la mise en éveil de la communauté internationale, alertée à l’époque par les médias et les organisations de la société civile, l’ancien président de la République, Mahamadou Tandja, avait choisi de relativiser la gravité de la situation, allant jusqu’à congédier hors des frontières des ONG en capacité de porter secours à des enfants malnutris68, et à pointer du doigt la mauvaise organisation des secours et l’évaporation d’une partie des fonds levés auprès des bailleurs. Pour le pouvoir en place, nulle raison de dramatiser la situation, ni, surtout, aucun intérêt. D’où la volonté de garder secrets les résultats de l’enquête de recensement du niveau de vulnérabilité alimentaire des Nigériens réalisée en 2009. Mercredi 25 février 2010, le vent tourne brusquement. Le regard porté par le gouvernement de transition sur la situation alimentaire est sans concession, et la méthode tranche très clairement avec les habitudes du passé. Dès le lendemain de sa nomination au poste de Premier ministre, reçu pour sa toute première audience par le président du Conseil suprême pour la restauration et la démocratie, le chef d’escadron Salou Djibo, Mahamadou Danda aborde sans ambages la gravité de la nouvelle crise alimentaire et nutritionnelle dont souffrent déjà les Nigériens et défend avec insistance l’urgence d’une intervention d’envergure. Il souhaite que son gouvernement joue la transparence et se lance dans la recherche de solutions durables. Le chantier est colossal mais les deux leaders sont en phase sur cette question. La lutte contre la crise alimentaire sera la première de leurs priorités. Quelques jours plus tard, à l’occasion du rendez-vous officiel avec les partenaires techniques et financiers du Niger, le discours du nouveau Premier ministre marque les esprits car
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pour la première fois Mahamadou Danda brise délibérément un tabou en lâchant le mot de « famine » pour définir la situation dans laquelle se trouve son pays. C’est la première fois que le terme est utilisé dans la bouche d’un responsable politique. Le Premier ministre veut ainsi souligner l’ampleur de la catastrophe humanitaire qui est en train de se propager à travers les campagnes. Il cherche à créer une véritable tempête dans les crânes. Evoquant un "phénomène qui n’arrête pas de meurtrir le cœur et la dignité du peuple69 ", chiffres à l’appui, l’enfant de Tahoua délivre aux représentants de la communauté internationale un message de vérité qui ne laisse pas indifférent. Maîtrisant son sujet, le Premier ministre Danda se montre aussi exigeant à l’égard des partenaires dont il sollicite avec fougue le soutien indispensable au salut de ses concitoyens : "Je souhaiterais lancer un appel pressant, afin qu’un soutien massif soit apporté aux énormes efforts déployés par le Niger70". Les mots de Danda résonnent dans la salle et dans les cœurs. Médusé, le parterre de diplomates est tenu en haleine par cet homme politique au langage choisi et qui incarne, à cet instant précis, la volonté d’un pays tout entier de se relever. Ne voulant rien cacher du drame humain que vivent ses concitoyens, Mahamadou décline l’état de la situation point par point. Plus de deux millions six cent milles personnes sont déjà en insécurité alimentaire sévère, principalement dans quatre mille quatre cent quarante-deux villages des régions de Tahoua, sa propre région d’origine, Diffa, Zinder et Tillabéry. A l’échelle du pays, six ménages sur dix font face à une insécurité alimentaire sévère ou modérée. Ayant travaillé plusieurs jours et plusieurs nuits avec ses équipes à mettre en place les trois volets d’un plan de soutien, destiné à créer les conditions d’une production alimentaire maîtrisée, le Premier ministre joue cartes sur table. Le coût de son programme est évalué à quatre-vingtneuf milliards de francs CFA, mais le Niger ne peut malheureusement en financer que le tiers. Qu’à cela ne tienne, Mahamadou ne tergiverse pas un seul instant et annonce clairement sa méthode pour remédier à cette catastrophe "Je sais pouvoir compter sur la mobilisation de la communauté nationale et internationale pour nous aider à relever les défis auxquels notre pays est confronté. Je sais tout particulièrement 96
pouvoir compter sur la sollicitude des partenaires traditionnels du Niger71 ". Les dés sont jetés, le maître du jeu vient d’en fixer les règles. Dans les jours qui suivent cet appel au sursaut national et à la mobilisation, Mahamadou se lance dans une véritable campagne destinée à expliquer aux puissances étrangères les détails de son plan d’action. Il démontre ainsi que le volet alimentaire, à travers le programme d’intervention coordonné par le dispositif national de sécurité alimentaire, vise à financer la reconstitution de la réserve alimentaire stratégique du pays. Les objectifs retenus passent par le dispositif de cash for work pour les avantages qu’il apporte aux populations vulnérables, la création et le renforcement des stocks céréaliers et la vente de céréales à prix modérés. En matière d’actions d’accompagnement, le Premier ministre explique sa volonté d’obtenir en urgence le financement de la mise en place d’intrants zootechniques pour faire face à l’importance du déficit fourrager, et l’approvisionnement en semences pour permettre aux producteurs des zones déficitaires de préparer la campagne agricole. Sur le plan nutritionnel, la stratégie est centrée sur la prévention des problèmes de sous nutrition et de prise en charge des couches les plus vulnérables. Des distributions alimentaires ciblées pour cinq cent mille enfants, âgés de six mois à deux ans dans les départements les plus touchés, sont ainsi programmées. La prise en charge de la malnutrition aiguë modérée chez trois cent dix mille enfants âgés de six mois à cinq ans et chez trentecinq mille femmes enceintes est également une priorité, ainsi que la prise en charge de la malnutrition aiguë sévère chez soixante-trois mille enfants âgés de six mois à cinq ans. Elaboré sur un diagnostic aussi précis que terrible, le plan d’action que défend Mahamadou Danda est à la fois ambitieux et suffisamment réaliste pour susciter un accueil positif. Le 7 avril, moins d’un mois après la rencontre des partenaires techniques et financiers, les Nations Unies annoncent depuis New-York qu’elles ont décidé de mettre en place un plan d’action humanitaire d’urgence en faveur du Niger d’un montant de cent quatre-vingt-dix millions de dollars. Le 22 avril, le président de la commission de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), 97
James Victor Gbeho, met à la disposition du Niger cinq cent cinquante mille dollars en guise de premier secours. Les donateurs semblent avoir entendu l’appel, mais le Premier ministre ne s’en contente pas. Dur en affaires, ferme sur ses objectifs, il attend un soutien plus affirmé. Réunissant le 19 mai à Niamey la commission mixte de concertation Etat-donateurs, se félicitant comme il se doit de l’élan de solidarité qui s’est manifesté jusqu’ici, il met à profit l’occasion qui lui est donnée pour pointer du doigt les aides annoncées par certains partenaires qui semblent tarder à se réaliser. A bon entendeur… Et le 3 juin, c’est au tour de la Commission européenne d’octroyer une aide de cinq millions d’euros, ciblée vers les enfants de moins de cinq ans, l’Unicef estimant à cette période qu’en l’absence de réponse urgente, près de quatre cent mille enfants de cinq ans sont en risque de malnutrition. Le 14 juillet, la Banque islamique de développement (BID) et le Croissant Rouge du Qatar débloquent une aide de deux milliards de francs CFA, au terme d’un accord tripartite signé sous la présidence du Premier ministre nigérien. Alors que les observateurs se plaisent à souligner les bienfaits de cet élan de solidarité internationale, le Premier ministre de transition ne lâche rien et considère pour sa part que la partie de bras de fer engagée depuis plusieurs mois est loin d’être terminée. Le 24 juillet, participant à la 12ème session ordinaire de la conférence des leaders, chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté économique des Etats sahélosahéliens (Cen-Sad) organisée dans la capitale tchadienne N’Djaména, Mahamadou Danda enfonce le clou et lance une nouvelle offensive : "Nonobstant toutes les interventions conduites à ce jour, la situation reste très critique72 ". Chacun comprend alors que cet homme-là ne lâchera rien. " Sur un besoin estimé à près de cent treize milliards de francs CFA, nous n’avons pu mobiliser, à ce jour, qu’environ soixante milliards73". Ne ménageant ni sa peine ni sa détermination pour trouver les cinquante-trois milliards indispensables pour sauver les hommes et sécuriser en même temps la campagne agropastorale en cours, Mahamadou lance un appel solennel. Du haut de la tribune officielle, le visage est fermé, le ton est grave et teinté de la dramaturgie qui sied à la situation. L’heure n’est pas à déplacer des confettis à coups de bulldozers. Mahamadou 98
sait que les jours sont comptés :" Je lance un appel pressent à la communauté internationale pour qu’elle poursuive ses efforts, aux côtés du gouvernement du Niger, afin de faire face à la crise alimentaire et nutritionnelle qui sévit dans mon pays, car c’est maintenant qu’il faut agir, autrement il sera trop tard74 ". Toukour remporte la partie, de loin la plus difficile de sa vie de responsable politique. Les derniers fonds nécessaires à la mise en œuvre du plan d’action contre la famine affluent dans les temps et de toutes parts. Au total, cent cinquante mille tonnes de vivres sont distribuées gratuitement. Soixante-trois mille tonnes de céréales sont vendues à des prix modérés, permettant aux ménages de s’approvisionner au prix de treize mille francs CFA le sac de cent kilos. Cinq mille tonnes de semences sont distribuées pour soutenir les producteurs. Trente mille tonnes d’aliments pour bétail sont distribuées et trentesept mille têtes de bétail déstockées pour soutenir les éleveurs en détresse. Plus de dix milliards de francs CFA sont enfin injectés dans le cadre des mesures d’atténuation des crises alimentaires à travers les opérations de cash for work qui permettront non seulement d’augmenter les revenus des populations mais encore de lutter contre les migrations en fixant les populations concernées. Sur le plan nutritionnel, près de six cent mille enfants sont pris en charge et près de soixante mille femmes enceintes. Sept cent mille enfants bénéficieront de blanket feeding. Sur le plan de la méthode, le gouvernement de transition, ayant souhaité intégrer la contribution des partenaires nationaux et internationaux non membres du Dispositif national de prévention et de Gestion des crises alimentaires (DNP GCA), avait eu à cœur, dès le 13 avril 2010, de créer un comité ad hoc national, traduisant dans les faits la volonté des autorités de ne ménager aucun effort pour juguler la crise traversée par le pays. Chargé de coordonner et de superviser les appuis du plan de soutien 2010, ce comité a eu pour mission de réceptionner et de répartir les aides vers les zones et les populations les plus vulnérables, et s’est vu chargé de veiller à assurer la mise à disposition des moyens nécessaires à l’exécution des aides d’urgence et humanitaires.
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Grâce à la détermination des hautes autorités de la transition et à la persévérance du Premier ministre, plus de 80 % des besoins d’intervention estimés dans le plan ont été couverts par l’ensemble des partenaires du Niger. Une mobilisation qui entraîne le 21 octobre la diffusion d’un communiqué officiel des Nations unies : " Nous constatons aujourd’hui que la crise alimentaire et nutritionnelle est à présent maîtrisée et que le nombre de zones vulnérables a diminué considérablement75 ". Dans ce même communiqué, en forme de satisfecit et de message adressé à l’ensemble de la communauté internationale sur ce qui vient de se jouer au Niger, l’ONU adresse au gouvernement nigérien et aux acteurs humanitaires « ses vifs remerciements pour leur forte mobilisation en vue d’apporter une réponse concertée et efficace à la crise alimentaire ». Fermez le ban ! Pour aller plus loin dans ce combat qui lui tient à cœur et parfaire un système accordant les meilleures garanties à ses concitoyens en matière de subsistance alimentaire, le Premier ministre installe officiellement le 3 décembre 2010 un comité d’orientation et de pilotage chargé d’engager une réflexion sur les problématiques des crises alimentaires au Niger et de dégager une stratégie et des actions sur le long terme : « L’enjeu majeur est pour nous d’apporter des réponses appropriées face à l’incertitude des campagnes agricoles. Aussi est-il impératif de sortir de l’urgence, et de gérer les questions alimentaires de manière prospective » déclare-t-il en installant les membres du comité. Une Haute autorité à la sécurité alimentaire et nutritionnelle (HASA) est mise en place par décret quelques jours plus tard avec pour mission de proposer des orientations, d’impulser, de coordonner et de veiller à la mise en œuvre des politiques et stratégies relatives à la sécurité alimentaire et nutritionnelle en prenant en compte la dimension nutrition, la réforme agraire et la gestion de toutes les formes de catastrophes naturelles. Mahamadou Danda décide également dans les mois qui suivent cette crise de renforcer les capacités opérationnelles de l’Office national des aménagements hydroagricoles (ONAHA) et de miser sur la recherche en soutenant l’Institut national de la recherche agronomique du Niger (INRAN). La dernière pierre à l’édifice est posée avec 100
l’inauguration de la Banque agricole du Niger (BAGRI), une société anonyme au capital de dix milliards de francs CFA dont l’objectif est de contribuer à la lutte contre l’insécurité alimentaire et au développement des industries agroalimentaires, par le biais d’un soutien aux petites exploitations agricoles. Parrainée par l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA), BAGRI-Niger a vocation à intervenir dans les domaines de l’agriculture vivrière, l’élevage, la pisciculture, les groupements organisés de producteurs, la micro finance, l’agro-industrie et agrobusiness, et les structures d’accompagnement. Homme d’action, Mahamadou Danda cultive la discrétion mais n’en reste pas moins sensible. Aussi, lorsque le 19 novembre 2010 le Premier ministre est invité à intervenir en France à Evian sur la problématique de l’innovation durable en Afrique, dans le cadre de la conférence internationale sur le développement durable, la standing ovation que lui réserve le public du Palais des congrès suite aux propos élogieux tenus par Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre de Jacques Chirac, pour sa gestion de la crise alimentaire, ne laisse pas l’enfant de Tahoua indifférent. C’est pour faire bouger les lignes et parce qu’il croit encore aux bienfaits de l’action publique qu’il a accepté de s’engager. A ce moment précis, il est en paix avec lui-même. Les premiers pas du Premier ministre sur la scène diplomatique ont été remarqués. Grâce à sa gestion de la crise alimentaire, le Niger peut désormais espérer renouer le fil du dialogue avec la communauté internationale, encore très prudente néanmoins sur les véritables intentions des autorités de la transition. La voie des négociations semble étroite, notamment en matière de coopération, et Mahamadou sait que la partie qui s’annonce sera difficile.
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LE « GRAND ORAL » EUROPÉEN On savait le « vieux continent » attaché à la démocratie et au respect de l’ordre constitutionnel. En 2009, au plus fort de la crise du Tazarché, l’Union européenne tente de contrarier les desseins autocratiques de l’ex-président en menaçant de suspendre sa coopération avec le Niger. Malgré les appels à la raison, Mamadou Tandja annonce le 22 décembre 2009 sa décision de prolonger son mandat de trois ans. La sanction européenne est immédiate. Premier bailleur de fonds du pays avec une aide de près de quatre cents cinquante millions d’euros attribués au titre du dixième Fonds européen de développement (FED), cette décision pèse lourd sur les épaules d’un Niger en pleine crise de moyens. Le Niger a besoin d’argent pour se reconstruire. Au lendemain de la chute du régime de Tandja, la junte au pouvoir sait que la restauration de la démocratie et la réconciliation nationale ne peuvent se passer d’une reprise de la coopération européenne. Le président du CSRD, Djibo Salou, sait qu’il a à jouer une partie délicate sur ce dossier et que la main tendue vers l’Europe exige une bonne dose de minutie et beaucoup de diplomatie car Bruxelles a déjà annoncé la couleur aux nouvelles autorités nigériennes : les bonnes intentions ne suffiront pas. Très vite, Djibo Salou et Mahamadou Danda se penchent sur l’élaboration du calendrier de la transition et travaillent à la mise en œuvre d’une feuille de route destinée à assurer le retour à une vie constitutionnelle et à rassurer les partenaires. Lundi 24 mai 2010, missionné par le chef de l’Etat, le Premier ministre s’envole pour la capitale européenne où il doit prendre part, pendant trois jours, à la seconde session de consultations entre le Niger et l’Union européenne. A la tête d’une délégation composée d’une trentaine de personnalités, Mahamadou Danda est accompagné notamment de la ministre des Affaires étrangères, Madame Aminata Djibrila Maiga, du ministre de l’Economie et des Finances, Malam Annou Mamane et des membres du CSRD. Font également partie du voyage Marou Amadou, président du Conseil consultatif
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national, Ousmane Abdourahmane, président de l’Observatoire national de la communication ainsi qu’Abdou Abary, ambassadeur du Niger à Bruxelles et le professeur André Salifou, conseiller du président du CSRD. La partie s’annonce difficile, les négociations seront serrées. La délégation n’a pas le choix, elle doit donner des gages significatifs et se montrer convaincante sur les intentions des autorités de la transition. Les discussions seront complexes car les Européens ont été échaudés et se méfient. Mardi 25 mai, les premières rencontres sont organisées avec le secrétariat du groupe des A.C.P (Afrique, Caraïbes et Pacifique) dirigé par le Ghanéen Mohamed Ibn Chambaz. Cette réunion de concertation avec les A.C.P est courtoise et se passe d’autant mieux que Mohamed Ibn Chambaz s’était, en tant qu’ancien président de la commission de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest, fortement mobilisé pour faire revenir l’ancien président Tandja à la raison. A l’issue de la rencontre, Mahamadou Danda se montre satisfait : « Nous leur avons fait le point de la situation du pays. Il y a eu des commentaires et des questionnements, ce qui était une étape préparatoire à la grande rencontre avec l’Union européenne. A partir de ce moment, les A.C.P rejoignent le camp du Niger. Ainsi, les huit pays considérés comme les amis du Niger, dont la Jamaïque, ont fait un plaidoyer bien ciblé en faveur du Niger. La Jamaïque a plaidé sur la crise alimentaire, le Bénin sur le décaissement des financements. Ces plaidoyers étaient articulés sur les préoccupations pendant la transition et s’inscrivent exactement dans notre vision et nos attentes face à l’Union européenne ». S’il vient de remporter une étape, Mahamadou sait que la véritable bataille, la seule qui compte réellement, se jouera le lendemain, lors des négociations prévues avec les représentants de la commission européenne, dans le cadre de l’article 96 de l’accord de Cotonou conclu entre l’Union européenne et les pays A.C.P. Cette rencontre au sommet intervient moins de cent jours après la nomination de Mahamadou Danda au poste de Premier ministre. Ce dernier sait qu’il joue gros. Comme à son habitude, tel un athlète de haut niveau, le chef de la délégation nigérienne aborde ce rendez-vous international particulièrement concentré 104
et parfaitement préparé. Comme à son habitude, il n’a rien laissé au hasard et s’y prépare depuis des semaines. Comme à son habitude, il a prévu de mettre les bouchées doubles pour séduire et convaincre son auditoire. En moins de cent jours, les autorités de la transition ont pour elles d’avoir élaboré un code électoral qui a été amendé par le Conseil consultatif et validé par le CSRD. Un magistrat a été désigné président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) sur proposition des partis politiques. Un référendum constitutionnel est programmé pour le 24 octobre, une loi sur la dépénalisation des délits de presse doit voir le jour, et le premier tour de l’élection présidentielle est d’ores et déjà fixé au 26 décembre. Autant de décisions qui ont de quoi accélérer le calendrier électoral et limiter la transition à douze mois. Le mercredi 26 mai 2010 demeure l’un des jours les plus importants dans la vie de Mahamadou Danda. Ce jour-là, c’est à un exercice particulièrement périlleux que le Premier ministre nigérien doit se prêter. Les enjeux sont importants. Très importants. Pour rendre fructueux cet échange, Danda a pris l’initiative d’adresser à ses interlocuteurs européens, dans les jours qui précèdent cet examen de passage, un mémorandum sur la situation sociopolitique, son évolution et les engagements de la transition à restaurer l’ordre constitutionnel. Depuis son arrivée à Bruxelles, le chef de la délégation nigérienne a le visage fermé et le regard des mauvais jours. Plus économe en paroles, refusant d’engager la discussion sur des sujets trop éloignés du dossier pour lequel il a été missionné par le chef de l’Etat, le Premier ministre semble vouloir rechercher des moments de solitude. Ses collaborateurs, qui ont appris à le connaître, savent que leur Premier ministre est totalement concentré et qu’il se prépare intérieurement à l’exercice qui l’attend. Dans la berline officielle qui l’emmène au bâtiment où l’attendent les diplomates européens, assis à ses côtés, l’ambassadeur du Niger à Bruxelles lui donne les dernières consignes. Mahamadou hoche la tête en signe d’approbation, échange quelques mots avec le diplomate qu’il apprécie, mais il est déjà ailleurs. Dans dix minutes, le cortège arrivera à destination. En attendant, Mahamadou a le temps de poser le
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regard sur cette ville qui l’observe déambuler et s’apprête à juger de sa capacité à dessiner un chemin pour ses concitoyens. Arrivé au siège de la Commission européenne, le Premier ministre est accueilli par une cohorte d’émissaires et est immédiatement invité à rejoindre la salle de conférences du quatrième étage. A son entrée dans la salle, avant même de saluer ses hôtes, Mahamadou balaye la pièce d’un regard. Il veut comprendre dans quelles dispositions sont les Européens. L’ambiance feutrée du lieu témoigne du caractère solennel de l’échange qui va s’y dérouler. Sur la grande table rectangulaire, la disposition des chevalets souligne la posture de domination de la délégation européenne volontairement en surnombre. La largeur de la table qui sépare les deux délégations vise quant à elle à marquer l’absence de proximité entre des interlocuteurs qui doivent apprendre à se connaître. Mahamadou Danda mesure la gravité du moment mais ne le craint pas. Au fond, il aime ces défis qui l’obligent à souffrir et à se surpasser. Installé au milieu de la délégation nigérienne, avant d’entamer les discussions, Mahamadou prend le temps d’observer le petit drapeau nigérien posé à côté du chevalet qui porte son nom. Il sourit, et repense à ce qu’il avait ressenti lors de sa première rencontre avec le président Kountché. Il se sent prêt. Devant lui, le dossier complet que lui a préparé son cabinet doit lui permettre d’apporter des éléments de réponse sur les sujets qui seront abordés. Il sait qu’il ne l’ouvrira pas. Pendant plusieurs heures, à l’abri des micros et des caméras, le chef de la délégation nigérienne répond au feu nourri des questions destinées à éclairer les responsables européens sur la nature et le réalisme des engagements pris par la junte militaire. Précis dans ses réponses et volontairement didactique, appuyant chacune de ses interventions par des arguments travaillés, le chef du gouvernement nigérien n’esquive aucune question, ne contourne aucun sujet et place lui-même le débat sous le sceau de la transparence. Mahamadou défend sa feuille de route et n’oublie pas ce pour quoi il est venu, en sollicitant le déblocage d’un certain nombre de financements. Ses demandes portent à la fois sur des financements destinés à appuyer la tenue des élections et le bon fonctionnement des organes de transition, car 106
souligne-t-il « pour nous la réussite de la transition dépend en grande partie de la capacité de l’Etat à faire face à la fois aux dépenses de fonctionnement et aux exigences liées au processus de restauration de la démocratie ». Pragmatique, l’homme de Tahoua n’hésite pas non plus à vendre aux représentants de la commission européenne l’idée que la résolution de la crise alimentaire, de la question sécuritaire et la consolidation des acquis des secteurs sociaux viendront également conditionner le rétablissement de l’ordre constitutionnel dans les délais impartis. L’exercice est physiquement et nerveusement éprouvant mais Danda semble habité par son sujet. Soutenant le regard de ses interlocuteurs, l’homme connaît ses dossiers sur le bout des doigts. La pensée est structurée, les mots sont précis. Emporté dans son élan, Mahamadou Danda parle de son pays avec fougue et témoigne de l’ambition de tout un peuple de s’en sortir. Pour les diplomates présents dans la salle de conférences, à travers le ton et les mots employés, ce Premier ministre ne se contente pas de défendre les intérêts de ses concitoyens, il incarne à lui seul son pays et ses valeurs. Au terme de ce marathon diplomatique, la coopération entre l’Union européenne et le Niger marque un tournant décisif. La copie présentée par Mahamadou Danda a visiblement rassuré les partenaires européens qui saluent les efforts déployés par le CSRD et le gouvernement depuis les événements du 18 février 2010. Sensibles à la mise en place d’institutions pluralistes, les autorités européennes font savoir que les garanties apportées par le Premier ministre nigérien les engagent à revoir leur position vis-à-vis du Niger. Dans un communiqué officiel, elles reconnaissent en effet la pertinence du document de base et affirment leur totale satisfaction quant aux réponses qui leur ont été apportées. Ainsi, l’Union européenne annonce pouvoir soutenir le Niger par des mesures d’accompagnement ciblées et annonce qu’une reprise graduelle de la coopération sera proposée aux instances du Conseil de l’Union européenne. L’Union européenne promet aussi de soutenir financièrement et techniquement le Niger dans son processus de retour à la démocratisation. « Les Nigériens nous ont fait une excellente impression76 », confie un diplomate européen.
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Mahamadou Danda vient d’arracher le principe d’un rétablissement progressif de la coopération européenne, rien de moins : « La reprise n’est qu’une question de semaines, de mois, peut-être de jours. L’Union européenne et les autres institutions se sont engagées à accompagner le processus de restauration de la démocratie au Niger. Et notre engagement a été réaffirmé de garder le cap pour que cette confiance que l’Union européenne nous a exprimée soit durable et pérenne. En disant qu’il y a une totale satisfaction, je pense ne pas trahir le sentiment du groupe ». Satisfaction partagée par le ministre de l’Economie et des Finances : « Le mois dernier, la banque mondiale a accepté de rétablir l’aide budgétaire, aussi bien que tous les décaissements qui étaient en cours. Et maintenant, c’est au tour de l’Union européenne, le bailleur de fonds le plus important pour le Niger. Tout le monde veut que cette entreprise réussisse. C’est très enthousiasmant.77 » Même si une partie de la presse ouest-africaine ne partage pas l’enthousiasme nigérien, Le Pays du Burkina Faso dénonçant « l’acte d’allégeance à l’égard des bailleurs de fonds occidentaux », il est évident que la délégation nigérienne emmenée par le Premier ministre de transition a passé avec succès son grand oral auprès du conseil représentatif des vingtsept pays européens. Dès la fin de l’été, la reprise de la coopération est officialisée, les responsables européens précisant qu’une fois une nouvelle Assemblée nationale et un nouveau président installés sur la base d’élections démocratiques et transparentes, la coopération reprendrait pleinement. De manière indépendante, l’Union européenne annonce qu’elle continuera de financer des opérations humanitaires et des opérations d’urgence bénéficiant directement au peuple nigérien et qu’elle continuera de soutenir la transition démocratique. Au cours de l’année 2010, les institutions européennes attribueront une aide au processus électoral de près de vingt millions d’euros. La Mission d’observation électorale de l’Union européenne (MOE-UE) dépêchée au Niger évaluera positives les opérations de vote du premier trimestre 2011. Le 20 juin de cette même année, jugeant que la transition démocratique s’est effectivement déroulée dans des conditions 108
régulières et satisfaisantes, comme s’y était engagé Mahamadou Danda, l’Union européenne annonce la reprise totale de sa coopération. Le 19 juillet, par la voix du commissaire européen chargé du développement Monsieur Andris Piebalgs, elle décaisse une première aide de vingt-cinq millions d’euros en vue de renforcer la lutte contre la pauvreté. Au titre du dixième Fonds européen de développement (FED), la République du Niger recevra une aide d’un montant total de quatre cent cinquante-huit millions d’euros entre 2008 et 2013. Les domaines prioritaires de la coopération pendant cette période portent sur le soutien au développement rural, l’amélioration de la sécurité alimentaire, le développement des infrastructures de transport et le soutien à la bonne gouvernance. Ayant le triomphe modeste, Mahamadou Danda ne commentera ce succès diplomatique sans précédent que pour adresser des remerciements aux responsables qui ont accompagné et appuyé le Niger lors de ces consultations. « Sans pouvoir les citer tous, je voudrais adresser une mention particulière à SEM Abdou Diouf, Secrétaire général de l’Organisation Internationale de la Francophonie, à SEM Abdoul Salami Abubacar, médiateur de la CEDEAO pour le Niger, au professeur Albert Tevoédjéré, envoyé spécial de l’Union africaine pour le Niger, à Monsieur Maliki Niang, au docteur Mohamed Ibn Chambaz, secrétaire général des A.C.P et à tous les amis du Niger pour avoir été à nos côtés tout au long de ce processus et pour avoir apporté le témoignage de ce que le Niger est irréversiblement engagé dans la restauration d’un ordre démocratique ». En fin tacticien, le Premier ministre nigérien a dirigé une brillante équipée diplomatique. Il a choisi de chasser en meute en recherchant les appuis de personnalités africaines de premier plan. Sa stratégie s’est avérée payante. Satisfait du résultat, Mahamadou savoure intérieurement cette victoire. Il sait qu’il vient de poser un acte fort pour tous les Nigériens.
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LA RESTAURATION DE LA DÉMOCRATIE « Ma priorité, c’est principalement la restauration de la démocratie ! » Quelques heures après sa nomination, le 23 février 2010, c’est par ces mots que Mahamadou Danda conclut sa toute première déclaration publique en qualité de Premier ministre devant les journalistes de l’AFP. La junte au pouvoir depuis près d’une semaine, qui a suspendu la Constitution très controversée d’août 2009 et dissout le gouvernement, a annoncé la tenue d’élections sans préciser le calendrier. Le nouveau Premier ministre a quant à lui demandé aux militaires des assurances sur un retour aux règles démocratiques. « J’ai demandé des garanties nécessaires pour être sûr de m’engager dans un processus devant aboutir à la restauration réelle de la démocratie » déclare Mahamadou Danda, ajoutant que ces garanties portent sur les délais les plus « corrects » possibles pour un retour à la vie constitutionnelle et l’organisation d’élections. Le haut fonctionnaire pose clairement ses conditions : « Il va falloir préciser l’agenda de la transition pour que les choses soient très claires dans la tête de tout le monde et que nous ayons un chronogramme assez clair de travail ». Lors du coup d’Etat de 1999, le pouvoir avait été remis aux civils au terme de huit mois. Le commandant Djibo Salou, « tombeur de la dictature », « sauveur de la démocratie », « redresseur de torts » n’a visiblement pas l’intention de s’accrocher au pouvoir à la façon du Guinéen Moussa Dadis Camara. En nommant au poste de Premier ministre celui qui fut porte-parole du gouvernement de transition de Daouda Mallam Wanké, le nouvel homme fort du pays choisit d’adresser un message d’apaisement et de donner des gages sur ses intentions. Très vite, le chef de l’Etat et son Premier ministre vont s’accorder sur les objectifs de la transition et convenir ensemble d’une méthode. Selon leur propre choix, les représentants de la société civile seront associés à la conduite de la transition. L’objectif majeur consiste à organiser à moyen terme des élections libres et transparentes auxquelles aucun des membres
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du CSRD et du gouvernement ne pourront prendre part. Enfin, l’agenda précis de la transition est arrêté pour s’achever le 6 avril 2011 par l’investiture du président de la République démocratiquement élu. Djibo Salou et Mahamadou Danda sont en phase sur les priorités de ce calendrier qui doit permettre de restaurer la démocratie, assainir la vie politique et économique, et réconcilier les Nigériens. Très vite, une ordonnance « portant organisation des pouvoirs publics pendant la période de transition » investit le CSRD des pouvoirs législatif et exécutif et confère au président le pouvoir de gouverner par décrets et ordonnances. Des mesures significatives sont prises pour souligner la détermination des autorités à se retirer de la scène politique à la fin de la transition : l’ordonnance n°2010-03 du 11 mars 2010 rend ainsi inéligibles les membres du CSRD, les personnels des Forces de défense et de sécurité et les membres du gouvernement aux élections organisées pendant la transition. L’ordonnance n°2010-2 prise le même jour leur impose la neutralité. La volonté d’instaurer un dialogue permanent entre les acteurs politiques et les forces sociales du pays est érigée en principe absolu, et, pour y donner corps, plusieurs organes consultatifs sont installés afin d’accompagner le travail des autorités de la transition. Composé de 131 membres qui représentent les forces vives de la nation, le Conseil consultatif national (CCN), installé le 7 avril 2010, est notamment chargé de faire des suggestions au gouvernement sur les différentes échéances électorales, la mise en place d’une commission électorale indépendante, les mécanismes de réconciliation et de renforcement de l’unité nationale, le mécanisme de dépolitisation de l’administration publique. Un Conseil constitutionnel de transition (CCT) est chargé, quant à lui, du contrôle de la régularité, de la transparence et de la sincérité du référendum constitutionnel, des élections présidentielles, législatives et locales. Il est juge du contentieux électoral et proclame les résultats. Créé le 16 avril, l’Observatoire national de la communication (ONC) a pour mission de garantir la liberté de l’information et de la communication conformément à la loi, de garantir l’indépendance des médias publics et privés, 112
d’assurer l’accès équitable des partis politiques, des syndicats, des associations et des citoyens aux médias. En parallèle, une haute autorité à la réconciliation nationale et à la consolidation de la démocratie, créée le 16 avril par ordonnance, vise à lutter contre les inégalités et les disparités dans les actions de développement. Cette haute autorité doit veiller à ce que les actions menées dans le cadre de l’assainissement soient compatibles avec les objectifs de pérennisation de l’unité nationale et de la concorde sociale. Le Comité des textes fondamentaux (CTF), installé le 22 août, est chargé de préparer les avant-projets de la Constitution, du code électoral, de la charte des partis politiques, du statut de l’opposition et de la charte d’accès à l’information publique. « Par la confiance qui a été placée en vous, un contrat moral de la plus grande importance vous lie désormais au peuple nigérien. Sachez que vous n’appartenez plus à un cercle d’amitié politique ou idéologique78 » souligne Djibo Salou en s’adressant aux membres du comité le jour de leur installation officielle ; Mahamadou Danda d’ajouter : « Le compte à rebours pour la restauration de la démocratie est engagé. Il vous revient à présent de vous assumer pleinement et d’apporter votre contribution au processus en cours. Votre mission est exaltante mais noble. Les Nigériennes et les Nigériens, attachés à la démocratie et à l’Etat de droit, attendent beaucoup de vos travaux79 ». De leur côté, les membres de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), installés par Mahamadou Danda, sont appelés à préparer et à organiser les futures échéances électorales de la période de transition. En procédant à leur installation, le lundi 14 juin 2010 au Palais des Congrès de Niamey, le Premier ministre rappelle aux membres de la CENI l’engagement des autorités à suivre l’agenda proposé par le Conseil consultatif national et les exhorte à respecter le calendrier « Vous voudrez bien vous y mettre pour disposer d’un chronogramme et d’un budget, toutes choses qui conditionnent la réussite du processus électoral ». Devant un auditoire médusé par le volontarisme des propos officiels, le Premier ministre rappelle sa volonté et celle du chef de l’Etat de parvenir à organiser des scrutins électoraux dans des conditions 113
de transparence et de parfaite équité entre les candidats. Rappelant d’une part les deux ordonnances relatives à la neutralité et à l’inéligibilité des membres du gouvernement et des personnels de défense et de sécurité, d’autre part les dispositions du code électoral renforçant les conditions de transparence des scrutins, Danda se montre ferme quant au respect des règles du jeu démocratique : « Nous ne saurions tolérer que les scrutins à venir, dont la finalité est la restauration de la démocratie, soient entachés de quelque nature que ce soit et par qui que ce soit ». Le ton est donné, les membres de la CENI sont avertis. « Vous êtes donc les arbitres du jeu électoral, vous devez être pénétrés des valeurs démocratiques, faire preuve d’impartialité, de neutralité et d’indépendance ». Au cours de cette période de transition, plusieurs actes sont également posés pour conforter le respect des droits et des libertés. Le CSRD et le gouvernement organisent ainsi du 29 au 31 mars les états généraux de la presse au Niger pour souligner leur attachement au respect de la liberté de la presse, aux droits d’expression et d’opinion. Les dernières années de la présidence de Mamadou Tandja ont, de ce point de vue, été marquées par de fortes restrictions de la liberté d’expression. Moussa Kaka, correspondant de RFI, a été détenu plus d’un an en prison, entre le 20 septembre 2007 et le 7 octobre 2008. Regroupant plus de cent cinquante participants, professionnels de la presse, juristes, représentants des organisations de la société civile, l’enjeu de cette rencontre vise à établir un avant-projet de texte sur la dépénalisation des délits commis par voie de presse. Le 4 juin, le gouvernement, réuni en conseil des ministres, adopte l’ordonnance dépénalisant les délits de presse. « Cette dépénalisation consiste à remplacer les peines d’emprisonnement par des peines d’amende pour tout délit80 », indique le communiqué du gouvernement. Djibo Salou et Mahamadou Danda montrent ainsi leur engagement en faveur du respect des droits humains garantis par les instruments juridiques nationaux et internationaux. Adoptant l’agenda de la transition proposé par le Conseil consultatif national, le chef de l’Etat et le Premier ministre mettront tout en œuvre pendant une année pour installer 114
durablement la démocratie au Niger. Ils mandatent la CENI pour organiser un référendum constitutionnel le 31 octobre 2010, les élections municipales et régionales les 11 et 12 janvier 2011, les élections législatives couplées au premier tour de la présidentielle le 31 janvier 2011, le second tour de l’élection présidentielle le 12 mars 2011. Mahamadou Danda s’investit corps et âme dans la conduite des chantiers réglementaires, avec le souci permanent de transparence et de consensus, le respect du calendrier initial et l’attachement indéfectible au respect des lois. Le Premier ministre, comme le président du CSRD, savent que leur implication personnelle dans le processus est décisive pour la réussite des consultations électorales successives. Le 31 octobre 2010, plus de six millions de Nigériens sont donc appelés aux urnes pour se prononcer par référendum sur une nouvelle Constitution, la septième depuis l’accession du pays à son indépendance le 3 août 1960. Adopté à plus de 90%, le texte constitutionnel qui institue une nouvelle République propose des innovations majeures avec l’instauration d’un régime semi-présidentiel, la durée du mandat du président de la République et des députés à cinq ans, la limitation absolue du nombre de mandats présidentiels à deux. En outre, la VIIème République prévoit la création d’un Conseil économique et social, d’une cour constitutionnelle, d’un organe de régulation des médias et d’une commission nationale chargée de la protection des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. La promotion et la protection de la femme, de l’enfant, des personnes âgées et des personnes handicapées font l’objet de garanties renforcées. L’avènement de cette nouvelle Constitution promulguée le jeudi 25 novembre lors d’une cérémonie solennelle organisée au Palais de la présidence « consacre le retour de notre pays à une vie constitutionnelle normale » selon les mots du chef de l’Etat. « Nous avons voulu une Constitution comportant des dispositions inviolables afin de tenir compte des crises institutionnelles qu’a connues notre pays et qui ont engendré les événements du 18 février 201081 ». Au-delà de l’adoption d’une nouvelle Constitution, le processus de restauration de la démocratie, objectif premier du CSRD et du gouvernement, se poursuit avec les échéances électorales. Pour Mahamadou Danda, les choses sont claires : 115
« Notre détermination était forte. Nous étions mobilisés à 100% pour faire aboutir le processus démocratique que nous avions enclenché ». Bénéficiant d’une délégation de pouvoirs du chef de l’Etat, Mahamadou Danda préside la réunion du Conseil des ministres du 1er décembre 2010. L’occasion d’examiner le projet d’ordonnance déterminant le nombre de députés siégeant à l’Assemblée nationale et leur répartition par circonscription électorale, et de passer en revue le projet de décret portant convocation du corps électoral pour le premier tour de l’élection présidentielle. Les élections présidentielles et législatives constituent le rendez-vous démocratique majeur de la période de transition. Pour autant, attaché à l’émergence de véritables collectivités locales et à l’émergence d’une véritable démocratie de proximité, Mahamadou Danda n’a pas l’intention de reléguer l’élection des conseillers municipaux et des conseillers régionaux au second plan et invite l’ensemble des responsables à rappeler l’importance de ce rendez-vous majeur dans la restauration de la démocratie. Le chef de l’Etat est sur la même ligne que son Premier ministre. Djibo Salou apprécie les convictions défendues par Mahamadou Danda et partage en tous points ses analyses sur le secteur local. Le 31 décembre 2010, dans un message à la Nation, le président du CSRD invite ainsi ses compatriotes « à un choix lucide et responsable de ceux qui seront chargés de concevoir les solutions les plus appropriées aux problèmes qui se posent au niveau local ». Il explique que c’est à ce niveau que « les besoins des populations sont identifiés avec le plus de fiabilité, donnant ainsi aux actions de développement à la base toute leur rationalité et toute leur pertinence82 ». Mardi 11 janvier 2011, les Nigériens sont ainsi appelés à voter pour désigner quelques trois mille élus locaux sur l’ensemble du territoire, pour un total de huit régions et deux cent soixante-six communes. A l’issue des scrutins, trois formations politiques remportent à elles seules les trois quarts des sièges à pourvoir : le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme de Mahamadou Issoufou (PNDSTarraya), le Mouvement national pour la société de développement de Seyni Oumarou (MNSD-Nassara) et le Mouvement démocratique nigérien pour une fédération africaine de Hama Amadou (MODEN-Lumana) avec 116
respectivement 969, 782 et 657 élus. Ces élections sont émaillées de quelques incidents qui conduiront les dix candidats à l’élection présidentielle à demander au chef de l’Etat le report des scrutins nationaux pour tenter d’améliorer l’organisation, et le changement de direction de la CENI jugée « incapable d’assurer les missions assignées par le code électoral ». Au terme d’une médiation avec les candidats, chacun s’accordant sur le constat que ces élections locales se sont finalement déroulées sans incident majeur, le président du CSRD confirmera son engagement à respecter l’agenda initial de la transition. Les autorités nigériennes, chef de l’Etat et Premier ministre en tête, ont engagé un dialogue franc avec la classe politique dans son ensemble. Une classe politique qui a foi dans la capacité des autorités de la transition à organiser des scrutins libres, démocratiques et transparents. Les élections législatives suivantes organisées le 31 janvier 2011 se déroulent dans un climat apaisé. Près de la moitié des électeurs inscrits se rendent à l’isoloir. Annoncés le 16 mars par le Conseil constitutionnel, les résultats aboutissent à la désignation de 113 députés dont 37 pour le PNDS-Tarraya, 26 pour le MNSD-Nassara, 25 pour le MODEN FA-Loumana, 8 pour l’ANDP-Zaman Lafia, 7 pour le RDP-Jama’a, 6 pour l’UDR-Tabat, 3 pour le CDS-Rahama et 1 pour l’UNI. La nouvelle assemblée est installée le 30 mars 2011. Dans le souci de renforcer l’unité nationale, Djibo Salou et Mahamadou Danda s’accordent sur la nécessaire transparence et la crédibilité du processus électoral et sollicitent ouvertement la communauté internationale pour que les scrutins fassent l’objet d’une observation la plus large possible. Une cinquantaine d’observateurs de l’Union européenne sont ainsi déployés au Niger pour suivre la bonne tenue des élections législatives et le premier tour de l’élection présidentielle. L’Union africaine, la CEDEAO, la Francophonie et l’UEMOA participent également à cette opération de transparence. Au total, plus de trois cents observateurs internationaux sont dépêchés dans sept régions du pays. Seule la région d’Agadez, pour des raisons de sécurité, échappe au processus. Côté nigérien, l’Association pour la défense des droits de l’Homme (ANDDH) et l’Observatoire national des droits de l’Homme et des libertés fondamentales 117
(ONDHLF) déploient plus de deux mille trois cents observateurs nationaux à travers tout le pays. Le scrutin présidentiel, moment clé du processus démocratique, voit s’affronter lors du premier tour organisé ce même 31 janvier 2010 une liste de dix candidats. C’est l’opposant historique et leader du PNDS Tarraya, Mahamadou Issoufou, qui arrive en tête avec 36,06 % des suffrages exprimés, devant le candidat du MNSD Nassara, Seïni Oumarou, qui recueille 23,24 % des voix. Un second tour est organisé le 12 mars. Mahamadou Issoufou sort vainqueur avec 57,95 % des suffrages exprimés. En termes d’organisation, l’élection du 12 mars a fait l’objet d’améliorations par rapport aux scrutins précédents. Aucune volonté de fraude ni d’entrave à l’expression des opinions n’est relevée, les opérations se déroulent dans le calme et la sérénité. Les observateurs nationaux et internationaux salueront dans un même élan les conditions d’équité et de transparence dans lesquelles se déroule le scrutin. Le nouveau président de la République a su rendre un hommage appuyé à son adversaire et a salué les sympathisants de l’opposition qui « en exerçant leur droit de vote, ont vivifié la démocratie nigérienne83 ». De son côté, le candidat malheureux du second tour reconnaît sa défaite et se rend au domicile du vainqueur pour le féliciter de vive voix. Cette élection vient parachever la conduite du processus de transition engagé depuis douze mois. « Nous pensons, indique le chef de l’Etat, qu’à partir de ce jour, le Niger renoue avec la démocratie84 ». C’est le moment que choisit Mahamadou Danda pour rendre un vibrant hommage au peuple nigérien, aux leaders politiques et à tous les acteurs qui ont contribué à la réussite de ce processus. Des Nigériens qui, en retour et dans une écrasante majorité, saluent les efforts du chef de l’Etat et du Premier ministre pour avoir tenu leurs engagements. Moteur d’une dynamique gouvernementale qui n’a pas failli, Mahamadou Danda est reconnu pour être l’un des premiers artisans de ce retour apaisé à la démocratie qui, selon le chef de l’Etat, « restera dans l’histoire comme notre œuvre commune85 ». Tenace et persévérant, l’homme de Tahoua a su créer et entretenir une formidable émulation gouvernementale autour de 118
cette noble cause en y associant, pour plus d’efficacité, les forces vives du Niger. L’ambition et la rigueur du Premier ministre ont aussi permis de doter le pays de textes indispensables à une vie démocratique durable : code électoral, charte des partis politiques, statut de l’opposition, charte d’accès à l’information publique. Lorsqu’il aborde aujourd’hui ces questions, Mahamadou Danda en tire une satisfaction modeste mais il sait, au fond de lui, que la communauté nigérienne lui en est infiniment reconnaissante. Un succès qui, pour autant, ne pose pas le voile sur des aspects douloureux de cette période de transition et la difficulté des autorités à régler tous les dossiers.
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LES OTAGES D’AL-QAÏDA Après le dépôt des armes par les rebelles touaregs en octobre 2009, les Nigériens avaient espéré pouvoir profiter d’une accalmie sur le front de l’insécurité. Un sentiment vite rattrapé par le banditisme et la multiplication des actes de terrorisme perpétrés par Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI). En l’espace de quelques mois, certains secteurs sont devenus de véritables zones de non-droit en proie à tous les trafics : drogue, armes, cigarettes, matériel high-tech et voitures permettent aux groupes armés de gagner beaucoup d’argent et de financer, entre autres, leurs hommes et leur armement. Le temps où les touristes et les ONG évoluaient en toute tranquillité dans le nord du pays est révolu. Le nord du Sahel est en voie d’ « afghanisation » comme l’évoque le quotidien algérien El Watan86. Mardi 19 avril 2010, deux mois après l’installation des autorités de la transition, l’humanitaire français Michel Germaneau et son chauffeur algérien sont enlevés dans la région frontière du Mali et de l’Algérie par une section d’AlQaïda dirigée par Abdelhamid Abou Zeïd. Agé de soixante-dixhuit ans, Michel Germaneau est un ancien ingénieur français, bénévole au sein de l’association Enmilal (entraide en Touareg) spécialisée dans le soutien à la scolarisation et à la santé. Sitôt l’enlèvement, Mahamadou Danda est immédiatement alerté par le ministre de l’Intérieur. Au Niger, les militaires se réservent l’exclusivité de la question sécuritaire, le dossier sera directement géré par le chef de la junte en lien avec les étatsmajors des corps de défense et de sécurité. Très vite, AQMI libère l’otage algérien, Abidine Ouaghi, coprésident de l’association Enmilal. Des zones d’ombre entourent alors le rôle de ce dernier, inculpé quelques jours plus tard pour complicité d’enlèvement. Le 14 mai, les ravisseurs diffusent un enregistrement sonore et une photo, preuve de vie du Français. Dans cet enregistrement vidéo intitulé Appel à Sarkozy, Michel Germaneau explique être malade et s’adresse au président
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français pour lui demander d’œuvrer à sa libération. Dans les jours qui vont suivre, dans un communiqué diffusé sur la chaîne Al-Jazira, l’AQMI demande « à la France et à ses alliés dans la région, la libération de ses détenus87 ». Le 11 juillet, dans les mêmes formes, un ultimatum est adressé à Paris : le Français sera exécuté si la France ne répond pas à ses « demandes » d’ici quinze jours88. Côté français, les autorités nourrissent des doutes sur le fait que l’humanitaire soit encore en vie. Les ravisseurs se refusent à nouer le dialogue avec la France et n’acceptent pas l’acheminement de médicaments nécessaires à leur otage gravement cardiaque. Les Français, faute d’interlocuteur, n’ont prise sur aucune négociation. La situation est complexe, l’otage court un réel danger. Nicolas Sarkozy prend alors lui-même la décision d’une intervention militaire. La France dispose sur place de forces spéciales particulièrement entraînées au combat en zone désertique. Les unités connaissent bien le Sahel et les moyens techniques dont elles disposent sont parfaitement adaptés à ce théâtre d’opérations. Dès le 22 juillet, après une large concertation avec les pays de la zone concernée, une opération militaire mauritanienne est menée contre une base d’Al-Qaïda dans le nord du Mali, avec l’appui d’une trentaine de militaires français. Six terroristes armés sont tués lors de l’assaut. Aucune trace du Français. Trois jours plus tard, l’ultimatum adressé aux Français expire. Dans un enregistrement sonore diffusé dans la soirée, AQMI déclare avoir exécuté l’otage français : « Nous annonçons avoir exécuté l’otage français dénommé Michel Germaneau, samedi 24 juillet, pour venger nos six frères tués dans la lâche opération de la France89 ». Au cours d’une allocution télévisée, le président français confirme la mort de l’humanitaire : « Je condamne cet acte barbare, cet acte odieux qui a fait une victime innocente qui consacrait son temps à aider les populations locales (…). Le camp de base du groupe, qui a été détruit, était susceptible d’être le lieu de détention de Michel Germaneau. Convaincus que nous étions que celui-ci était condamné à une mort certaine, nous avions le devoir de mener cette tentative pour l’arracher à ses geôliers90 » déclare ce dernier, en promettant que ce crime « ne restera pas 122
impuni ». Les doutes sur les conditions de l’exécution de l’otage demeurent. Outre un corps non retrouvé, des revendications qui ne sont jamais parvenues aux autorités françaises, des divergences sur la date de l’enlèvement persistent. L’hypothèse d’un enlèvement orchestré par des truands qui auraient ensuite revendu l’humanitaire français à l’AQMI, une pratique courante dans la région où le commerce d’otages est légion, est plus que probable. Pour l’heure, l’exécution de Michel Germaneau démontre au monde entier que les terroristes d’Al-Qaïda au Maghreb Islamique ne reculent devant aucune méthode. Elle démontre aussi que le Nord Niger est devenu une zone dangereuse pour les ressortissants français. Le Niger doit agir et démontrer sa volonté de mettre un frein à cette accélération de la violence sur son territoire. La menace d’AQMI est une grenade dégoupillée. Les risques de dommages collatéraux sont plus que réels. Les autorités militaires font alors le choix d’engager une démarche de coopération avec le Mali, la Mauritanie et l’Algérie en créant un Comité d’étatmajor opérationnel de coordination basé à Tamanrasset en Algérie (CEMOC), pour lutter contre les groupes terroristes. Une première dans la région mais une initiative qui peine à démontrer son efficacité. Dans la nuit du jeudi 16 au vendredi 17 septembre 2010, l’AQMI frappe à nouveau. Sept personnes dont cinq Français, un Togolais et un Malgache employés par AREVA sont enlevés par un groupe armé dans un quartier d’Arlit. En quelques heures, les ravisseurs et leurs otages gagnent le désert malien. L’hypothèse que les preneurs d’otages étaient parfaitement renseignés sur le dispositif de sécurité du site d’exploitation minière et qu’ils aient pu bénéficier de complicités internes alimente la polémique. Aux affirmations d’Areva selon lesquelles la sécurité du site relève d’un accord avec les autorités nigériennes, censé assurer la présence permanente de trois cent cinquante gendarmes et militaires armés à Arlit, le gouvernement réplique en critiquant le choix du géant français du nucléaire d’avoir confié à des agents privés non armés la sécurité des ressortissants, plutôt qu’aux forces de défense et de sécurité, néanmoins présentes, pour protéger les sites d’extraction stratégiques. En alerte depuis plusieurs mois, les 123
troupes de sécurité avaient repéré des mouvements de véhicules le long de la frontière nigéro-malienne et, le 1er septembre, l’officier assumant les fonctions de préfet d’Arlit avait adressé à Areva un courrier signalant l’existence de menaces dans la région et la nécessité de renforcer le dispositif de sécurité du site. Usant avec habileté des codes diplomatiques pour dire sa vérité, Mahamadou Danda rappelle quant à lui que « si tout le monde était d’accord sur l’insuffisance des moyens de sécurité déployés, le Niger était concentré à cette période sur des questions d’insécurité alimentaire pour lesquelles il devait consacrer 70% de ses moyens ». Une manière de renvoyer chacun à ses propres responsabilités. Mardi 21 septembre, l’AQMI revendique ouvertement l’enlèvement des sept expatriés. L’islamiste algérien, Abelhamid Abou Zeïd qui dirige le groupe au Mali, considéré comme le responsable de la mort de Michel Germaneau deux mois plus tôt, aurait mené l’opération. L’ex-rébellion touareg saisit l’occasion et annonce, à l’issue d’une rencontre organisée à Agadez, qu’elle se tient prête à assurer la sécurité dans le Sahel : « Nous prenons à témoin la communauté nationale et internationale quant à notre disponibilité pour soutenir tout processus de sécurisation de la bande Sahélo-Saharienne91 ». Les ex-rebelles, qui connaissent parfaitement le nord du pays, théâtre de leurs opérations jusqu’en 2009, n’hésitent pas à affirmer que cette recrudescence de l’insécurité dans le nord désertique du Niger « est la conséquence de l’indifférence » visà-vis de leurs « quatre mille ex-combattants abandonnés à euxmêmes » depuis le désarmement. Livrés à leur propre sort, les ex-rebelles reprochent au gouvernement de n’avoir jamais « tenu ses promesses en vue de leur réinsertion sociale ou de les associer dans la construction de la paix et la sécurité du Sahara ». La question sécuritaire est une prérogative exclusive des militaires. Pourtant, après ce nouvel épisode tragique qui fragilise le pays et met en émoi la communauté internationale, le général Djibo Salou opère un virage inédit. Considérant la gravité de la menace d’AQMI qui implique une vigilance de tous les instants de la part des autorités, le chef de l’Etat prend l’initiative de mettre en place un comité interministériel chargé 124
de superviser différents groupes de réflexion sur les problématiques de défense et de sécurité. Le président, confiant dans sa capacité à relever ce nouveau défi sur un terrain particulièrement sensible à cette période de l’histoire du pays, choisit de confier la responsabilité de ce comité à Mahamadou Danda. Pour le chef de l’Etat, le Premier ministre réfléchit bien, et il voit loin. Chaque mardi, dès huit heures, ce dernier réunit autour de lui les ministres de la Défense, de l’Intérieur, de la Justice, des Mines, des Affaires étrangères, l’inspecteur général de l’armée ainsi que le porte-parole du gouvernement et le chef d’étatmajor particulier du chef de l’Etat. Chaque mardi, pendant plus de deux heures, Danda passe en revue l’ensemble des informations recueillies par les services de renseignements des ministères régaliens. Pendant deux heures, totalement concentré sur son objectif, il filtre les éléments les plus sensibles, pèse les situations et arrête des éléments de préconisation qu’il soumettra lui-même au chef de l’Etat. Le comité interministériel a toute latitude pour donner son avis, tant sur les questions de moyens que sur la définition de dispositifs stratégiques. Dès la toute première réunion, il surprend par son audace en demandant à l’état-major de la défense de formuler sous quelques jours une proposition de plan stratégique destiné à assurer la protection du site d’Arlit exploité par le géant français AREVA. Parallèlement, il suggère au ministère de l’Intérieur de réfléchir à la mise en œuvre d’un nouveau dispositif de protection des bases-vies des employés des sites miniers. La commande est précise. Le Premier ministre est ferme, il souhaite des propositions concrètes et rapides. Les deux dossiers seront rendus disponibles dès le rendez-vous suivant du comité interministériel pour servir de document de travail. Le travail est jugé efficace, les préconisations sont sérieuses et les moyens ont été évalués. Le nouveau dispositif de sécurité ainsi établi trouve grâce aux yeux du chef du CSRD qui en valide les principes et les contours. Danda n’est peut-être pas un chef de guerre, mais il excelle sur le plan stratégique. Le Premier ministre est à l’aise avec les militaires. Il les côtoie depuis longtemps et n’a aucun complexe.
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Vendredi 30 septembre, deux semaines après le rapt et dans un contexte de tensions entre les autorités nigériennes et le groupe nucléaire français, Anne Lauvergeon se rend à Niamey et remet les pendules à l’heure. « On ne mettra pas une feuille de papier à cigarette entre le Niger et Areva. Nous sommes solidaires92 », martèle la patronne d’Areva, en tailleur beige, à sa sortie de la Villa Verte qui abrite la présidence nigérienne. Chacun comprend l’intérêt de cette démarche d’apaisement. L’entente franco-nigérienne est indispensable. L’uranium est la première ressource du Niger et la France ne peut s’en passer. « Nous sommes en train de discuter ensemble et le chef de l’Etat nigérien a annoncé que le Premier ministre Mahamadou Danda coordonnera les discussions que nous allons avoir dans le cadre de l’accord de défense pour pouvoir mettre en place des moyens de sécurité adéquats », précise-t-elle. Le Premier ministre nigérien apprécie l’engagement de la patronne d’Areva et sa force de percussion, sans doute aiguisée à l’Elysée au contact de François Mitterrand dont elle fut une proche conseillère entre 1990 et 1995. Après une première entrevue à Niamey, il reverra la dirigeante française lors de plusieurs séances de travail organisées à Paris dans le courant du mois de novembre. Les échanges sont sincères et directs, le contact passe bien : « Les choses étaient fluides entre Anne Lauvergeon et moi. Nous recherchions des complémentarités pour améliorer le dispositif de sécurité. Tout le monde regardait dans la même direction » reconnaît Mahamadou Danda. Les deux responsables s’entendent pour faciliter la coordination de leurs services de sécurité. C’est le sort des ressortissants qui est en jeu. Selon des sources maliennes et françaises, les otages sont détenus dans des collines désertiques du Timétrine, dans le nordest du Mali, à une centaine de kilomètres de l’Algérie. Les salafistes d’AQMI utilisent des caches dans la région de Kidal, à Tigharar près d’Aguelhok dans le massif de l’Adrar des Ifoghas, et bénéficient de nombreuses complicités dans un territoire qu’ils connaissent mieux que quiconque. Les autorités françaises assurent qu’elles sont prêtes à engager des pourparlers avec AQMI pour obtenir la libération des otages. Parmi eux, la Française Françoise Larribe a, peu de temps avant son 126
enlèvement, subi une chimiothérapie et a un besoin urgent de soigner un cancer. Dans un enregistrement intitulé « Message au peuple français93 », le chef d’Al-Qaïda, Oussama Ben Laden, justifie l’enlèvement des Français dans le Sahel et exige de la France le retrait immédiat et sans condition de ses 3750 soldats stationnés en Afghanistan. « Le seul moyen de préserver votre sécurité est de mettre un terme à toutes vos injustices à l’égard de notre nation » prévient Ben Laden. « Tout comme vous tuez, vous êtes tués ». Evoquant l’interdiction du voile intégral en France, Ben Laden s’interroge par ailleurs : « S’il est du droit de la France d’interdire aux femmes libres de porter le voile, n’estil pas de notre droit de pousser au départ vos hommes envahisseurs en leur tranchant la tête »? Le Parlement français vient de voter le 14 septembre l’interdiction du voile islamique sur l’espace public. Côté français, les autorités restent fermes. Le président Nicolas Sarkozy se dit « spécialement inquiet94 » pour les otages mais a prévenu que la France ne changerait pas sa politique « sous prétexte qu’elle est menacée95 ». Les relations entre les diplomaties française et nigérienne s’intensifient. Le président du CSRD pilote personnellement les relations avec Paris et charge le Premier ministre d’entretenir des contacts suivis avec l’ambassadeur de France à Niamey. Mais les diplomates, prudents par nature, sont aussi des professionnels réservés, leur communication est timide : « L’ambassadeur de France ne m’apprend jamais rien de plus que ce je n’ai déjà entendu sur les ondes de Radio France Internationale », souligne Mahamadou Danda. Interrogé sur Europe 1 le mercredi 6 octobre sur d’éventuels contacts avec les ravisseurs, Alain Juppé, le nouveau ministre français de la défense est formel : « Bien sûr qu’il y a toutes sortes de contacts96 ». Françoise Larribe, malade d’un cancer, a pu obtenir des médicaments via un canal malien. En marge du 13ème sommet de la Francophonie organisé à Montreux, en Suisse, Mahamadou Danda qui vient d’avoir le président Djibo au téléphone confirme de son côté à l’AFP et sur les ondes de Radio France Internationale l’existence de « contacts sur le terrain97 » et affirme que les sept otages « sont en vie ». Le dialogue entre les ravisseurs et les autorités maliennes est 127
effectivement resté ininterrompu depuis l’enlèvement. Pour les autorités nigériennes, la libération des otages n’est qu’une question de temps. Ce dimanche 24 octobre, les propos de Mahamadou Danda sont repris en boucle et font le tour des médias internationaux. A ce stade, une opération militaire s’avère difficile à mener, et risquée. « Les conditions ne sont pas réunies » pour une telle manœuvre qui « exige des renseignements vraiment pointus (…) et une maîtrise de la zone, ce qui est pratiquement impossible98 », estime le président de la République du Mali, Amadou Toumani Touré, dans un entretien accordé au Parisien. Pour le président malien, les ravisseurs ont certainement « dispersé leurs otages en plusieurs groupes ». « Ils ne dînent jamais là où ils ont déjeuné et se déplacent rapidement » a-t-il ajouté. Avant de conclure : « Une intervention des forces spéciales risquerait donc de mettre en danger la vie des otages ». Quant aux négociations, elles sont très difficiles en raison de la multitude d’intermédiaires. Le 24 février 2011, non loin de la frontière algérienne, trois des sept otages sont libérés : la française Françoise Larribe, le Malgache Jean-Claude Rakotorilalao et le Togolais Alex Awando. En libérant les otages, leurs ravisseurs ont parlé de geste humanitaire. La vérité révèle quelques nuances. Présents sur zone depuis plus d’une semaine, les médiateurs maliens et nigériens ont engagé de longues et difficiles négociations et le versement plus que probable d’une rançon. Ces trois otages n’avaient qu’une valeur politique relative aux yeux de leurs ravisseurs. Deux d’entre eux sont des Africains et le troisième est une femme malade d’un cancer. Restent détenus quatre hommes, tous de nationalité française. Une rançon a bien été versée mais son montant, comme toujours dans pareil cas, reste secret et fait l’objet d’estimations contradictoires. Entre temps, vendredi 7 janvier 2011, Al-Qaïda a franchi un nouveau palier dans l’échelle de la violence. Deux jeunes Français âgés de vingt-cinq ans, Antoine de Léocour et Vincent Delory, sont enlevés entre 22 heures et 22 heures 30 par quatre hommes armés alors qu’ils dînent au Toulousain, un restaurant prisé de la capitale nigérienne. Les deux jeunes gens sont embarqués de force dans un 4x4 immatriculé au Bénin. C’est la 128
première fois que les preneurs d’otages qui sévissent d’ordinaire dans le Nord Niger mènent une action au cœur de la capitale. L’armée nigérienne réagit immédiatement. Les Forces nationales d’intervention et de sécurité (FNIS) prennent en chasse le véhicule des ravisseurs, les autorités nigériennes activent des postes de sécurité entre Niamey et la frontière malienne99. Vers trois heures du matin, dans la région d’Ouallam, le 4x4 en fuite est intercepté. Des échanges de tirs éclatent, le commandant de la garde nationale en poste à Tillabéry à la poursuite des preneurs d’otage est blessé, les éléments de la gendarmerie nationale de Tillabéry intervenus en appui à la garde sont également neutralisés. Les terroristes passent en force et poursuivent leur progression vers le Nord. Durant la nuit, Mahamadou Danda est tenu informé par téléphone de la tournure des opérations par les ministres de l’Intérieur et de la Défense. Au même instant, Nicolas Sarkozy est en Martinique. Alerté et tenu informé de son côté par son ministre de la défense Alain Juppé, le président français en personne donne l’ordre aux unités des forces spéciales françaises d’intervenir pour intercepter les ravisseurs. Un Breguet-Atlantique ATL2 armé de moyens de détection nocturne discrètement positionné à Niamey décolle dans les secondes qui suivent. Un détachement du COS (Commandement des opérations spéciales) composé d’une trentaine de commandos positionnés au Burkina-Faso est mis en alerte. Après quelques minutes, le Breguet-Atlantique localise le convoi terroriste qui fait route vers le Nord. Il ne le lâchera plus. En quelques heures, une opération spéciale est mise sur pied entre les commandos français et la garde républicaine nigérienne. Au milieu de la nuit, les hommes du COS décollent à bord de cinq hélicoptères et montent un dispositif d’arrêt, positionné quelques centaines de mètres derrière la frontière malienne. L’embuscade comporte des risques, c’est aussi la seule manière d’empêcher les terroristes de rejoindre le désert malien et de sauver les otages. Alain Juppé se concerte avec Nicolas Sarkozy. Le président français donne son accord pour engager l’intervention armée. A l’arrivée du convoi terroriste, les hélicoptères du COS entrent en scène, stationnent en vol statique à quelques mètres au dessus du sol 129
pour mitrailler les moteurs des véhicules en fuite. Les kalach des ravisseurs crachent des balles de tous côtés, les militaires français surentraînés sont rapides et précis, le face à face est sanglant. A l’issue de la bataille qui fait plusieurs victimes et de nombreux blessés chez les ravisseurs, les hommes du COS découvrent les corps sans vie des deux jeunes Français. L’un a été tué à bout portant, le corps du second porte plusieurs impacts de balles et des brûlures importantes. Cette fois, c’est la Katiba concurrente de celle d’Abou Zeid au sein de l’AQMI, celle de Mokhtar Belmokhtar, qui est à l’origine de l’enlèvement. Deux jours plus tard, lundi 10 janvier, Alain Juppé s’invite à Niamey pour rencontrer les autorités de la transition. Le chef de la diplomatie française est accompagné du général Frédéric Beth, chef du commandement des opérations spéciales. Autour de la table, le climat est tendu, le ton d’Alain Juppé est grave. L’objectif principal qui consistait à libérer les otages n’a pas été atteint, l’opération franco-nigérienne n’est pas un succès. Pour autant, le message adressé aux terroristes est clair : ils seront poursuivis et tous les moyens seront employés pour les empêcher d’agir ! Au cours de la rencontre, le locataire du Quai d’Orsay assure le chef de l’Etat nigérien de la volonté de la France de renforcer sa coopération avec le Niger. Quant à la somme de quatre-vingt-dix millions d’euros de rançon réclamée par l’AQMI pour la libération des quatre otages Français, la position d’Alain Juppé est ferme et sans appel, « Nous ne négocions pas sur ces bases100 ! ». A sa sortie d’audience, parlant des ressortissants français vivant dans l’inquiétude, le ministre français déclare que « les mesures de sécurité qui les protègent doivent être renforcées en particulier dans les établissements scolaires et organismes dans lesquels il y a une forte communauté française101 ». Mahamadou Danda juge positive l’initiative de l’ancien Premier ministre de Jacques Chirac qu’il allait écouter il y a quelques années à l’hôtel de ville de Bordeaux. Au-delà de leur parcours respectif de haut fonctionnaire et d’acteur politique, les deux hommes ont indéniablement de nombreux points en commun. Passant l’un et l’autre pour être des as de la gestion, on loue chez l’un et l’autre leurs qualités intellectuelles et leur sens de l’Etat. Tous deux 130
sont des serviteurs loyaux, ils l’ont prouvé à maintes reprises. Cultivant l’esprit de modération, ils sont réputés pour être précis, discrets et rassembleurs. Juppé a des proches, et comme Danda, peu d’amis politiques. Danda et Juppé se ressemblent à bien des égards. A la différence qu’aujourd’hui, c’est Mahamadou Danda qui office en tant que Premier ministre. Sans avoir l’initiative d’intervention, Mahamadou Danda a indéniablement contribué au cours de la période de transition, par la coordination du comité interministériel de sécurité, au renforcement des capacités des forces de sécurité sur le terrain. Considérant la période de trouble et de menace terroriste, le Premier ministre s’est montré vigilant sur les capacités opérationnelles des forces de sécurité, en veillant à ce que les ressources inscrites au budget de la nation pour le compte des services de défense et de sécurité soient attribuées en priorité. L’homme de Tahoua connaît la faiblesse des capacités opérationnelles du pays et sait que le dispositif d’information et de surveillance est peu adapté à l’étendue du territoire national. Il a conscience que cette situation rend vulnérable le Niger face à une organisation terroriste comme Al-Qaïda qui dispose de son côté d’une grande capacité d’action, d’une forte mobilité et d’un matériel très sophistiqué en matière de communication et d’intervention militaire. Mahamadou Danda considère par ailleurs que ces faiblesses nationales sont amplifiées par un déficit de concertation, d’échange et d’action entre les institutions de défense et de sécurité des pays de la bande sahélo-saharienne. Il sait enfin que si la proximité de la rébellion touareg avec l’AQMI n’a jamais été établie, les actes d’insécurité orchestrés par la rébellion font le jeu de la mouvance terroriste. Danda n’est pas un novice. L’ancien souspréfet a eu sous sa responsabilité les forces de la gendarmerie, de la police et de la garde nationale. Il a pour lui l’expérience de sécurisation du département de Filingué, un territoire particulièrement sensible grand comme la moitié de la France, qui compte une frontière avec le Mali. Durant plusieurs années, celui qui deviendra en 2010 le Premier ministre de la transition, s’est ensuite distingué dans le cadre de plusieurs régimes militaires. « Les militaires et l’uniforme n’étaient plus pour moi un mythe car j’ai côtoyé les plus prestigieux et les plus austères 131
des militaires que le Niger ait connus. Qu’il s’agisse du Général-Président Kountché et du Général-Président Ali Seibou, j’ai eu avec chacun d’entre eux des relations de travail de proximité », reconnaît-il aujourd’hui. S’il considère que les autorités de transition sont parvenues à limiter l’intensité de la crise et qu’elles ont laissé en héritage une réflexion prospective en matière de sécurité, Mahamadou Danda n’hésite pas à affirmer la nécessité d’aller plus avant dans cette réflexion et dans cette mise en œuvre, dans le cadre d’une action concertée avec les pays de la bande sahélosaharienne, le Mali, la Mauritanie et l’Algérie. Pragmatique, il préconise ouvertement le renforcement des capacités opérationnelles de l’armée, de la garde nationale et de la police. Attaché à l’approche stratégique, il reste farouchement attaché à l’idée d’intensifier le dispositif de renseignements, indispensable à la surveillance du territoire, et de créer une base aérienne à Agadez où seraient positionnés des avions de chasse et de renseignements. Au-delà de l’approche purement militaire, Danda considère surtout qu’une approche sécuritaire qui ne se fonderait pas sur la reconstruction des institutions régaliennes nationales et sur la construction d’institutions de gouvernance locale démocratiques serait irrémédiablement vouée à l’échec. C’est ce à quoi il s’emploie avec ardeur durant les quatorze mois de la transition.
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MODERNISER L’ADMINISTRATION L’histoire du Niger a fait de Mahamadou Danda un Premier ministre. Tantôt capitaine courage, tantôt barreur de gros temps, ce dernier a révélé ses talents dans l’action, s’est imposé comme un acteur politique de premier plan, reconnu et écouté, capable de fixer un cap et de conduire le pays vers des jours meilleurs. A l’aise dans son costume d’homme d’Etat, le fils de Tahoua revendique pourtant sa légitimité de haut serviteur apte à piloter des chantiers de modernisation de l’action publique. Enarque, Mahamadou Danda est attaché affectivement à l’Etat et se fait une haute idée du service public. Les dysfonctionnements et la corruption qui ternissent l’image et l’efficacité du système administratif nigérien ne sont pas faits pour le satisfaire. La réforme administrative est un thème classique et récurrent du discours politique, mais dans le cadre de la transition de 2010 Mahamadou Danda passe de la parole aux actes. Inlassablement, durant quatorze mois, le Premier ministre s’appuie sur son expertise de haut fonctionnaire pour poser les conditions nécessaires à l’amélioration du service rendu aux usagers. Familier de la technostructure administrative, il en maîtrise les arcanes, en connaît les faiblesses. Œuvrant à la mise en place d’un plan de mesures fortes et structurantes, le Premier ministre affiche des objectifs ambitieux : il souhaite clairement ancrer la modernisation de l’Etat dans la durée et « léguer, à ceux qui viendraient à être élus, un héritage institutionnel, technique et méthodologique pertinent102 ». Le crédo est simple : améliorer la qualité du service public en favorisant la transparence. Il sait que sa bonne connaissance de l’administration et de la fonction publique, ainsi que son réseau de relations parmi les hauts fonctionnaires, constituent un avantage substantiel pour faire accepter ses réformes au sein des administrations centrales. Aussi, choisit-il de mettre la barre très haute. La réforme du service public qu’il préconise doit provoquer le changement de la logique de fonctionnement de l’administration, de son mode de régulation et de ses rapports avec la société civile. Rien de moins. Et ce
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qu’il veut avant tout, c’est démontrer que la modernisation de l’administration est possible dès lors qu’elle s’opère de manière progressive et qu’elle s’inscrit dans une approche globale. Dans son entreprise de modernisation de l’Etat, le Premier ministre s’entoure de spécialistes du service public et s’appuie sur le Haut commissariat à la modernisation de l’Etat (HCME), une administration de mission rattachée à son cabinet. Le haut fonctionnaire entend mettre en œuvre des valeurs qui constituent ses propres fondamentaux du service public nigérien. Placer l’usager au cœur des politiques publiques, développer une action de proximité cohérente par la territorialisation accrue des services et des projets, inscrire la dimension humaine au cœur du fonctionnement, valoriser les compétences, clarifier les circuits de décision, mieux partager l’information, autant de principes qui doivent servir de fils conducteurs à ce vent de réforme. Mahamadou choisit de fixer un cadre d’actions aux travaux des experts du HMCE à travers trois dimensions principales : définir des référentiels et mettre en cohérence les sujets ministériels clés, piloter des chantiers concrets de modernisation, aider et accompagner les administrations dans leur transformation. Sous son impulsion, l’année de la transition est riche d’initiatives. Le 22 décembre 2010, Mahamadou Danda procède en personne au lancement d’un processus dynamique de réflexion-action sur la modernisation des services publics. Le Premier ministre veut ainsi créer une dynamique interne en lien avec des structures de formation et de recherche. Une véritable approche participative est alors engagée pour moderniser les modes de fonctionnement et de gestion de l’Etat, contribuer à une utilisation plus performante des deniers publics et mobiliser les agents du secteur public autour de véritables démarches projets. Plusieurs ateliers de réflexion sont mis en place pour identifier des stratégies de modernisation des services et élaborer des plans d’action autour de réformes et de projets d’administration. Plusieurs chantiers structurants sont concomitamment engagés dans cette perspective. Avec le soutien de l’Union européenne, un document cadre de politique nationale de décentralisation qui intègre l’ensemble des enjeux liés à la décentralisation et au développement local 134
est notamment élaboré. Conformément aux orientations de la Stratégie de développement accéléré et de réduction de la pauvreté (SRDP), ce schéma met l’accent sur l’autonomie des collectivités locales, la coordination entre décentralisation et déconcentration, la mise en cohérence des politiques de développement avec le processus de décentralisation, et défend le principe d’une implication effective de la population dans la gestion des affaires locales. Parmi les autres réalisations, un projet de loi permet de réunir dans un Code général des collectivités territoriales (CGCT) l’ensemble des textes régissant la décentralisation, un projet de charte de déconcentration est également élaboré dans le cadre de la loi portant organisation et administration du territoire. Au cours de l’été 2010, le Premier ministre est aussi à l’origine d’une étude sur la fiscalité locale destinée à identifier les réformes susceptibles d’améliorer l’autonomie financière des gouvernements locaux. Grâce au Projet d’appui à la décentralisation (PAD), il met également en place de nombreux séminaires de formation pour sensibiliser les dirigeants, les fonctionnaires et les citoyens aux enjeux de la gouvernance administrative, et à ceux de la gouvernance locale. En filigrane, la conception que défend Mahamadou Danda est celle d’un Etat qui veille aux droits et aux intérêts des citoyens, qui se décentralise et favorise l’initiative ainsi que l’autonomie de ses partenaires. Un Etat appelé à devenir un acteur parmi d’autres. Avec les feuilles de route ministérielles, le Premier ministre veut enfin poser un cadre global pour piloter les actions de modernisation. Dès l’été 2010, les audits de modernisation sont lancés dans une démarche de grande ampleur, pour améliorer la qualité et la productivité. Mahamadou s’empare littéralement du dossier, choisit d’être en première ligne et se charge lui-même de fixer le cadre méthodologique. A partir du 28 juillet, et pendant près de deux mois, il remettra une feuille de route à chacun des membres de son gouvernement en vue de définir la mission de chaque ministère. « La transition a pour vocation de laisser un héritage. Il s’agit de laisser un héritage institutionnel performant qui pourrait servir à la génération à venir103 » a-t-il annoncé le 4 août au ministère de l’Agriculture, avant de préciser « c’est l’état d’esprit qui fait défaut au sein de 135
l’administration et nous devons y remédier ». La préoccupation du Premier ministre pour la jeunesse nigérienne est déjà palpable. Héritage institutionnel, héritage technique, mais aussi héritage méthodologique. Ces feuilles de route, qui interviennent après la mise en place des différents organes de transition, entrent comme il l’a souhaité dans le cadre de l’élaboration d’un tableau de pilotage et de suivi de l’action gouvernementale. En déclinant des objectifs sectoriels et en invitant les permanents des départements ministériels à s’approprier une nouvelle culture de performance, Mahamadou invite les membres du gouvernement et les cadres des différents ministères à un véritable examen de conscience : « Il s’agit pour nous, à travers cette méthode, de pouvoir identifier et restituer les problèmes qui freinent la bonne marche de l’Etat pour mieux les approprier104 ». Les feuilles de route mettent clairement l’accent sur la recherche de la qualité, l’évaluation et la prospective. Dans cette recherche de modernisation de l’Etat et d’adaptation de ses outils aux défis actuels de la société nigérienne, Mahamadou Danda n’hésite pas non plus à rebattre les cartes en engageant de nombreux chantiers de rénovation. La révision de la chaîne des dépenses publiques, celle des textes de l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP), le renforcement des corps des inspecteurs des finances et des contrôleurs financiers, la création de la Direction générale du Trésor et de la Comptabilité publique sont au nombre des mesures énergiques prises pour améliorer la transparence dans la gestion des finances publiques et lutter contre la corruption. La réforme de la fonction publique, le soutien accentué à la recherche, la refonte des dispositifs d’accompagnement aux organismes de soutien aux producteurs ruraux procèdent de cette même volonté. Mahamadou Danda cherche ici à poser les fondations qui permettront au pays de mettre sur pied une administration ouverte, fondée sur les principes de la transparence, de l’accessibilité à tous, de la réceptivité aux idées et aux attentes nouvelles. Une volonté simple. Cependant, la traduire dans les faits représente une tâche des plus délicates qui passe par des changements fondamentaux au sein du système administratif. En outre, le Premier ministre sait que l’accès à 136
l’information représente la condition sine qua non au droit de regard de l’usager, ainsi qu’une pièce maîtresse de toute administration ouverte. Les textes législatifs sur la liberté de l’information seront adaptés pour donner corps à ce droit fondamental. Grâce à l’impulsion donnée par le Premier ministre, les autorités de la transition ont pu mener en une année de nombreux chantiers de modernisation de l’Etat, avec des avancées fortes et significatives dans tous les domaines. Mahamadou Danda n’a eu de cesse de poursuivre son entreprise de rénovation administrative en obligeant l’Etat à s’adapter et à s’améliorer dans ses missions. Avec beaucoup d’humilité et de détermination, mais aussi d’innovation et d’imagination, il a su engager la modernisation de l’Etat dans toutes ses dimensions, en la réalisant au sein des ministères, et en l’incarnant concrètement au sein des services déconcentrés. L’attention portée aux attentes de tous les intéressés, le caractère exhaustif de l’approche, la dimension interministérielle, marquent l’originalité d’un processus d’animation reconnu par l’ensemble des acteurs publics et des usagers pour son efficacité. Pour garantir la pérennité de ce grand chantier, Mahamadou considère qu’il convient dorénavant de développer la culture managériale au sein de l’administration nigérienne et de responsabiliser les acteurs. S’appuyant sur une indispensable continuité, il défend l’idée que le processus de modernisation de l’administration a besoin d’une ambition. Que pour obtenir des résultats à la hauteur des défis, le changement qu’il accompagne doit être à la fois lisible et cohérent. Il va sans dire que Mahamadou Danda ne s’est pas investi personnellement sur chacun des chantiers de modernisation ouverts dans le cadre de cette réforme administrative. Mais ce qui apparaît clairement, c’est le rôle d’initiateur et l’intérêt constant porté par ce Premier ministre qui donne à ce projet une ampleur certaine. Cette réforme administrative représente un chantier ô combien motivant pour un haut fonctionnaire qui ne se sent nulle part mieux que dans la techné administrative. Elle comporte en réalité une double dimension : une dimension administrative et une dimension symbolique. Audelà du haut fonctionnaire compétent, c’est l’image d’un 137
Premier ministre moderniste et réformiste qui s’impose. Le projet de modernisation de l’Etat lui a permis de conforter son aura et d’illustrer sa méthode de gouvernement. Un art de gouverner porté par l’énonciation de mesures concrètes et l’engagement de grands chantiers, une méthode qui repose sur la vérité, la rigueur et la pédagogie. La réforme administrative est un thème classique et récurrent du discours politique. Emblème de la "méthode Danda", elle a su rassembler dans le cadre de la transition les deux concepts-clés : "action""concertation", les marqueurs identitaires du Premier ministre.
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LE PÈRE DE LA RÉGIONALISATION Mahamadou Danda n’est pas seulement un théoricien du local, c’est aussi un acteur qui dans les faits façonne le périmètre institutionnel des collectivités. Dès qu’il sera en capacité d’agir, il imprimera sa marque de fabrique dans le paysage politico-administratif de son pays en engageant la réforme qui lui tient particulièrement à cœur : celle de la régionalisation. « J’étais convaincu qu’il fallait absolument faire des élections locales, mais qu’il fallait les faire intégralement ! » Dès sa nomination au poste de Premier ministre en février 2010, celui qui passe pour être le spécialiste des questions de développement local parvient à convaincre le commandant Djibo Salou, président du CSRD, de l’intérêt d’engager la création d’un nouvel échelon territorial avec la mise en place de la Région. « Je suis très fier d’avoir imposé cette option-là ! » avoue-t-il aujourd’hui. Alors que la loi de 2001 consacrait trois paliers de collectivités, les autorités n’avaient en 2004 activé que le seul échelon communal, gelant par là même le département et la région. « L’enjeu politique ainsi défini comme étant celui d’un nouveau type de rapports entre l’Etat et les collectivités territoriales pose de facto la problématique de la conciliation des préoccupations de l’unité nationale et le risque d’un glissement, à terme, vers des revendications autonomistes des entités régionales décentralisées. Toutefois, la crainte d’un tel glissement ne doit nullement servir de prétexte pour différer à l’infini l’installation des régions-collectivités territoriales consacrées par la loi de juin 2001, en mettant en avant le prétexte de la prudence et de la progressivité105 », défendait-il déjà en 2004 dans ses travaux de recherche. Face aux difficultés rencontrées par l’échelon central, le Premier ministre de la transition de 2010 va considérer que la Région constitue le bon niveau pour assurer des projets de développement et assurer le renouvellement des élites politiques. Au Niger comme dans beaucoup de pays africains, l’échelon local et le régionalisme ont très souvent été suspectés de cacher des visées séparatistes et ont longtemps
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justifié la sauvegarde d’un système politico-administratif centralisateur où toute initiative vient généralement du haut. Le projet de Mahamadou Danda aborde au contraire la Région comme un élément à part entière de l’organisation de l’Etat. La régionalisation ne vise pas à remettre en cause l’unité territoriale de l’Etat mais à rapprocher les populations des centres de décision. Elle constitue une approche à la fois moderne et novatrice des questions de développement, de production de richesses et de création de services publics locaux, dans un cadre institutionnel et démocratique renouvelé. Elle est également susceptible de corriger les écarts de richesse territoriaux à travers l’application de dispositifs de péréquation, tant au niveau national que sur un plan infrarégional. Enfin, Mahamadou Danda considère que la vraie dimension d’une région est avant tout affaire de pouvoirs, c’est-à-dire d’aptitude à définir des stratégies, de capacité à les mettre en œuvre. Cette dimension peut s’estimer d’une part au regard des compétences qui leur sont attribuées, d’autre part par la réalité des pouvoirs qu’elles détiennent tant sur le plan juridique que financier. La tâche n’est pas facile pour engager cet important chantier de la régionalisation. Fort du soutien du chef de l’Etat, le Premier ministre ne dévie pourtant pas de son objectif et, malgré les obstacles, finit pas imposer son projet. Devant les mouvements de résistance de plusieurs partis politiques, Danda fait face et explique, serein, que partout dans le monde où le palier régional existe, il a produit des élites et permis de renouveler la classe politique. La région est présentée comme une sorte d’exutoire, y compris pour les formations politiques. « Moi, je ne crois plus au développement à partir du centre » leur indique-t-il, « et je pense que l’intérêt des Nigériens est d’activer l’échelon régional ». Dont acte. Quant aux atermoiements des bailleurs de fonds qui ne souhaitent pas multiplier les scrutins pour des raisons de coûts et proposent de repousser les discussions sur la régionalisation à l’issue des élections présidentielles de 2011, la réponse du Premier ministre est calme mais teintée de détermination « La mise en place de la Région était estimée à moins d’un milliard de francs CFA. Il était hors de question que ce projet porteur d’espoir et de renouveau démocratique ne puisse voir le jour pour des 140
raisons financières ». Danda reste ferme, l’Etat nigérien prend donc à sa charge la totalité de cette réforme. Au total, sept régions sont créées : Agadez, Diffa, Zinder, Maradi, Tahoua, Tillabéry et Dosso, auxquelles il convient d’ajouter le statut particulier de la communauté urbaine de Niamey. Dotées d’un champ de compétences élargi, elles interviennent dans des secteurs aussi transversaux que l’aménagement du territoire, le développement économique et social, l’enseignement secondaire à travers la gestion des lycées, la santé avec la responsabilité des hôpitaux régionaux. Sur le plan politique, à l’issue des premières élections et comme l’avait prédit Mahamadou Danda, la Région a permis d’installer des élus de qualité, bousculant le jeu partisan des traditionnels leaders politiques. Le président de la région d’Agadez est un Touareg reconnu, ancien haut commissaire à l’instauration de la paix, celui de la région de Zinder officiait en tant qu’ambassadeur du Niger auprès des Nations unies et jusqu’à sa nomination en avril 2011, l’actuel Premier ministre Brigi Rafini siégeait au sein d’une assemblée régionale. Le constat est établi, la régionalisation donne une bouffée d’oxygène à la démocratie. Grâce aux moyens qui leur seront attribués, les régions devraient progressivement poser des actes et déployer des politiques publiques majeures pour le quotidien des Nigériens. Au côté des communes qui demeurent un échelon de solidarité, les régions assumeront aussi un rôle de régulation et de redistribution en direction des plus pauvres en garantissant un dispositif de péréquation sur leur territoire. Avec le recul, s’il se dit très satisfait d’avoir porté cette réforme, Mahamadou Danda reste en éveil. Vigilant sur sa mise en œuvre, il continue à œuvrer à sa réussite et à jouer une place de choix à la demande des autorités. De premières études sur les problématiques de développement régional ont d’ores et déjà été engagées avec des étudiants du niveau trois de l’ENAM sur chacune des régions, et la direction générale de la décentralisation au ministère de l’Intérieur a sollicité celui qui fait aujourd’hui figure de « Père de la régionalisation » pour tenir des conférences sur le terrain et tenter d’évaluer sur place la mise en œuvre de sa réforme. L’heure du bilan n’est pas arrivée, mais
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chacun s’accorde à reconnaître la pertinence et à souligner la modernité de la « Réforme Danda ». Et comme pour confirmer cet attachement au local, quelques jours seulement avant de quitter ses fonctions de Premier ministre, Mahamadou Danda a tenu à présider une réunion de relance du Comité de concertation sur la décentralisation au Niger, en présence des partenaires techniques et financiers du pays. Il souligne dans son allocution que le processus de décentralisation gagne en lisibilité grâce notamment « à la mise en place du second palier de décentralisation, à savoir la région avec ses organes ». Cette rencontre sera pour lui l’occasion de « relever avec satisfaction que le cadre juridique et institutionnel de la décentralisation a été consolidé voire approfondi à travers notamment l’adoption du Code général des collectivités territoriales, la finalisation du document cadre de la politique nationale de décentralisation et de la stratégie nationale de formation des acteurs de la décentralisation ».
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LE STYLE DANDA La fonction de Premier ministre est exaltante et exigeante à la fois. L’ampleur de la tâche et des difficultés à surmonter ne sont pas à la portée de tous. Beaucoup d’hommes politiques s’y sont brûlés les ailes, parfois même les plus talentueux. Mahamadou sait cela depuis longtemps. Il a eu le temps et de nombreuses occasions d’observer les ressorts de cette fonction hors du commun. Il connaît le degré des défis à relever et sait que pour avoir une chance de réussir, même infime, son engagement ne peut être que total. D’emblée il se fait la promesse de tout donner à la cause du pays. Il mesure les sacrifices et les accepte. Agissant avec méthode et minutie, Mahamadou Danda va diriger le gouvernement sur les chemins de la réussite. Il va aussi, avec intelligence et doigté, imposer son propre style. Son ardeur au travail en fait un exemple, son charisme et sa hauteur de vue feront le reste et viendront compléter le tableau d’un homme d’Etat aussi efficace que dévoué. Les journées de ce Premier ministre infatigable sont réglées comme du papier à musique. L’homme est imperturbable, rien ne saurait le détourner de ses objectifs. Debout dès 4h30 du matin, il commence chacune de ses journées par un temps de prières. A 6 heures, des exercices physiques, en général une séance d’étirements ou de marche, finissent de le mettre en harmonie. A 7h30, il quitte sous bonne escorte son domicile pour sa journée de travail. Depuis toujours, il n’aime pas le temps perdu et se fixe pour règle d’être toujours à l’heure. Il n’attend pas les retardataires, les hommes chargés de sa sécurité l’apprendront vite à leur dépend. Une fois arrivé à la résidence du Premier ministre, Mahamadou Danda se met immédiatement à la tâche, au milieu de ce vaste bureau rectangulaire qui a quelque chose d’impressionnant pour le simple visiteur. La pile de parapheurs, annotés et signés la veille à son domicile, sont déposés à l’aide de camp pour être remis avec les instructions au directeur de cabinet, véritable chef d’orchestre de l’équipe. Mahamadou sait que le travail de ceux qui l’entourent dépend
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du sien. A 8 heures très précises, il fait le tour de l’ensemble des services rattachés à son Cabinet. Une manière de développer un rapport de proximité avec ses collaborateurs et de les encourager dans leurs missions qu’il sait difficiles. Beaucoup se montrent d’abord surpris de cette marque d’attention quotidienne de leur patron, tous y sont très sensibles. 9 heures, après l’examen des demandes d’audiences avec le chef du protocole, le calage de réunions de travail et l’échange de consignes sur le traitement du courrier, la journée peut commencer. Elle sera longue. Souvent très longue. Le Premier ministre quitte rarement son bureau avant 21 heures et a pris l’habitude, une fois au domicile familial, de consacrer ses soirées à la lecture des dossiers glissés dans sa sacoche par ses plus proches conseillers. Décrit par ses équipes comme un « travailleur infatigable106 », « toujours à la tâche107 », il veille régulièrement jusqu’à 1 heure du matin. Dans une poignée d’heures, il sera temps de repartir. Le cabinet de Mahamadou Danda est à son image : solide techniquement, dévoué à la chose publique. Une vingtaine de conseillers composent l’équipe organisée en cinq départements. Dès sa nomination, le Premier ministre complète le dispositif en place en nommant des conseillers principaux à la tête du département de la santé et des affaires sociales, ainsi qu’au département des affaires juridiques et institutionnelles. Sa garde rapprochée se réduit à quatre collaborateurs. Ari Mala, qu’il nomme directeur de cabinet, est un ancien de l’équipe Mayaki. Il a pour lui l’expérience utile de la fonction de Premier ministre et saura se montrer opérationnel rapidement. Kassoum Karimoune assure la fonction de directeur de cabinet adjoint. Danda apprécie l’efficacité du jeune économiste chargé notamment de suivre les réunions des conseils de cabinet et de présider la commission nationale des investissements. Le journaliste Keita Oumarou Lalo est le conseiller chargé de la communication et Adamou Garba, une connaissance de longue date, le conseiller technique chargé des relations avec les institutions, les partis politiques et la société civile. Ces quatrelà forment le premier cercle et ont un accès direct au Premier ministre. Rien ne sort, rien ne rentre, rien ne se décide sans que ce carré d’hommes de main, fidèles parmi les fidèles, n’en 144
soient tenus informés. Rien n’échappe à leur vigilance, car rien ne doit échapper à leur mentor. Soudée, la bande des quatre analyse les dossiers, formule des propositions, organise les prises de parole et les déplacements, rédige les notes les plus sensibles à l’attention du patron. Sur le volet de la communication, le style est vite empreint de clarté et d’efficacité, les messages du gouvernement sont limpides, la parole officielle est audible. A titre personnel, Danda part du principe qu’il n’y a pas de petits ou de grands médias et se rend accessible à toutes les demandes d’interview dès lors qu’elles portent sur le travail engagé par les autorités de la transition. Aussi à l’aise face aux micros que devant les caméras, l’homme de Tahoua se prête sans sourciller aux questions des journalistes avec une volonté de transparence et le sentiment, ancré en lui, de faire œuvre commune en tenant un discours de vérité. L’absence de langue de bois et la sincérité du propos sont appréciées. Le Premier ministre n’est pas dans une démarche marketing. Il ne cherche pas à façonner une image qui pourrait servir un quelconque plan de carrière. Il n’a pas le goût du cinglant et du clinquant, ne manie guère les formules chocs. Il oppose son rythme et impose son propre style. Les quelques rares attaques dont il sera l’objet de la part d’un ou deux organes de presse écrite ne suffiront pas à écorner la qualité des relations établies avec l’ensemble des médias du pays. Accusé à tort de nommer l’un de ses proches à la tête de la Banque agricole (BAGRI), les faits seront rapidement démentis par l’absence totale de relations personnelles entre le Premier ministre et le jeune statisticien économiste, Rabiou Abdou, un ancien cadre de la BCEAO qui avait suivi d’un bout à l’autre le processus de conception et de mise en place de cette nouvelle institution au service du développement agricole. Incontestablement la personne la plus compétente pour assurer cette responsabilité. Danda laisse les journalistes travailler. Il choisit de ne pas répondre aux attaques. Il a fait sien le conseil que lui a prodigué l’ancien président Ali Seïbou dont il fut un temps l’un des principaux lieutenants : « Ne jamais répondre aux attaques de la presse. La vérité finit toujours par l’emporter108 ». Lorsqu’un organe de presse écrite lui présente publiquement ses excuses pour avoir publié une fausse 145
information le concernant, Mahamadou prend son téléphone pour joindre le rédacteur en chef. Non pour exprimer une plainte en diffamation ou des regrets, mais pour saluer le courage de la rédaction. La démarche a de quoi surprendre. Elle est sincère. Quant à la communication gouvernementale, là aussi le dispositif est parfaitement rôdé. Le porte-parole Laouali Dandah est seul habilité à communiquer avec les médias et à transmettre des informations sur l’activité d’une équipe gouvernementale qui ne s’exprime que d’une seule voix. Complices dans la vie, le porte-parole et le Premier ministre se calent préalablement sur les éléments de langage qui permettent de livrer une information complète sur l’actualité de la transition. La communication officielle est sur un rail et ne souffre d’aucune cacophonie. Le Premier ministre veille. A la tête d’un gouvernement composé de vingt ministres, Mahamadou Danda n’a qu’une obsession : tenir les objectifs fixés pour la période et respecter le calendrier de la transition. Il doit pour cela exiger le maximum et tirer le meilleur de chacun d’entre eux. « Il avait foi dans la mission qui lui avait été assignée et tenait à ce que chacun de nous laisse quelque chose à la pospérité109 » avoue aujourd’hui l’un d’entre eux. Si quelques uns ont pour eux d’avoir une expérience gouvernementale, d’autres en revanche n’ont pas la culture des affaires publiques, voire aucune expérience significative pour les plus jeunes qu’il s’efforce d’accompagner et d’encadrer dans le cadre d’une relation d’appui et de conseil. Il doit composer avec des profils aussi divers que complémentaires, et engager une œuvre collective. Le pays attend des résultats. La restauration de la démocratie demeure la priorité absolue. Les Nigériens observent. « A ceux qui avaient du mal à se détacher de leur corporation d’origine, il rappelait la nécessité d’inscrire toujours leurs actions dans une perspective globale et équilibrée110 » nous livre l’un de ses ministres. Les premières semaines sont consacrées à la mise en place et à l’installation des organes de la transition. Le Conseil de cabinet qui réunit les membres du gouvernement en présence du secrétaire général de la présidence et du secrétaire général du gouvernement est d’abord l’occasion de discuter les textes élaborés par le Comité 146
des textes fondamentaux et proposés par le Conseil consultatif national, et de tout autre texte ayant vocation à être discuté en conseil des ministres. Mahamadou Danda souhaite instaurer une culture de résultats. Passée la période d’installation, il assigne à chacun des ministres des objectifs précis en instaurant un système de feuilles de route. Elaborées comme de véritables contrats de performance, ces feuilles de route font figure de nouveauté sur le plan de la méthodologie, elles engagent chaque ministre et les rendent individuellement responsable de la réussite globale de la transition. Préparées par les conseillers du Premier ministre et les cadres des départements ministériels, elles reposent sur un mode participatif et sur des objectifs réalistes. Pour donner corps à sa démarche, Mahamadou Danda choisit de remettre lui-même chaque feuille de route devant les caméras de télévision au cours d’une cérémonie officielle qui associe le ministre concerné et les cadres de son département. Mahamadou connaît le poids des symboles et la force des images. Il souhaite que sa démarche favorise véritablement les conditions de la prospective et de la transparence dans la gestion des ministères. Il veut aussi qu’elle contribue à l’amélioration objective du service rendu à l’usager. Mais sa volonté de performance et son souci de la transparence vont plus loin. Il prévient en même temps qu’il instaure le principe que ces contrats feront l’objet d’évaluations trimestrielles. En octobre 2010, suprême nouveauté, chacun des membres du gouvernement est donc invité à présenter à la télévision les résultats obtenus dans son domaine de responsabilité et à s’en expliquer. Le style Danda fonctionne à plein régime. La seconde évaluation réalisée en janvier 2011 servira de base objective pour dresser le bilan de la transition. Le gouvernement prend rapidement son rythme de croisière. La mécanique est parfaitement huilée. Les ministres sont au travail. Les réunions du Conseil de cabinet qui se tiennent chaque mardi sont un moment privilégié où chacun peut exprimer ses positions, présenter ses propositions ou faire part de ses interrogations sur telle ou telle mesure défendue par un collègue. La parole est libre et sans tabou. Le Premier ministre a choisi de privilégier le dialogue et la collégialité à tout autre mode de gouvernance. Les réunions commencent aux environs 147
de 10 heures du matin, sitôt l’ordre du jour du comité interministériel de sécurité épuisé, et se transforment régulièrement en véritables séances marathon. Il n’est pas rare que le Premier ministre quitte son équipe à une heure tardive, 20 heures, 21 heures, 23 heures. L’enjeu étant d’arrêter une position commune sur des textes, les échanges et la discussion sont de mise, mais le Premier ministre sait aussi conclure, faire la synthèse des débats et trancher. Bien préparé, rondement mené, le Conseil de cabinet a vocation à préparer le Conseil des ministres du jeudi, présidé par le chef de l’Etat. L’essentiel ayant été traité en amont, les discussions sur le fond des résolutions y sont moins nourries. Le respect de la forme prime sur le choix des termes juridiques ou l’amendement des textes. Mahamadou Danda est attaché et veille à ce que chacun des ministres prenne sa place dans le dispositif et joue pleinement son rôle. Il tient à ce que chacun agisse avec enthousiasme et pragmatisme dans son champ de compétences, qu’il participe à l’entreprise que s’est assignée le gouvernement, qu’il sache se montrer pleinement solidaire en toutes circonstances des positions arrêtées en conseils de cabinet. Il cherche tant bien que mal à se rendre disponible pour chacune et chacun d’entre eux, les plus jeunes comme les plus expérimentés. Lorsqu’il s’agit d’engager la réflexion sur une éventuelle privatisation de la SONITEL (Société nigérienne des télécommunications) ou de se pencher sur la situation moribonde de la Société nationale des transports nigériens (SNTN), les entrevues avec les ministres responsables se font aussi fréquentes que nécessaires. Sa porte leur est toujours ouverte, sa ligne leur est toujours accessible, les ministres apprécient. Régime d’exception ou non, un Premier ministre s’emploie à engager un travail collégial mais s’appuie aussi sur une poignée de fidèles qui composent son premier cercle. Mahamadou Danda n’échappe pas à la règle et tout au long des quinze mois de la transition, trois ministres constituent ce qu’il définit luimême comme son « noyau de confiance » : le ministre de l’Economie et des Finances, Badamassi Annou, le ministre des Enseignements Secondaire, Supérieur et de la Recherche Scientifique, Mahamane Laouali Dan-dah, et le ministre du Commerce, de l’Industrie et de la promotion des Jeunes 148
Entrepreneurs, Hamid Hamed. Mahamadou les connaît depuis des années. Il a pu mesurer les qualités qu’ils ont su déployer dans leurs domaines de compétences et apprécie les valeurs qui jalonnent le parcours de chacun d’entre eux. Il n’hésite pas à les consulter, toujours individuellement, lorsque les circonstances l’exigent ou qu’il en éprouve le besoin, y compris sur les sujets qui dépassent le champ de leur propre portefeuille ministériel. Un Premier ministre est par nature un homme seul. L’idée de pouvoir de temps à autre s’appuyer sur ce carré de fidèles a quelque chose de rassurant. Aucune crise majeure ne viendra entraver l’action du gouvernement. Les positions peuvent bien entendu diverger ici ou là, ce que Danda conçoit aisément. Mais si d’aucun s’essaye à un double jeu ou à se désolidariser des positions arrêtées collectivement, il se montre ferme et sans concession. Lorsqu’une jeune recrue du gouvernement prend la liberté, en pleine réunion de Conseil des ministres, d’aborder un dossier sur lequel elle considère ne pas avoir eu gain de cause et tente d’obtenir du chef de l’Etat l’infléchissement de la position arrêtée en réunion de Cabinet, Mahamadou se tait. Le Premier ministre considère que le gouvernement s’est prononcé. Il estime ne rien avoir à défendre de plus à cet instant. Autour de la table, le silence inhabituel du Premier ministre se fait pesant. Son retrait instantané de la discussion en devient gênant, y compris et d’abord pour le chef de l’Etat qui saisit le malaise. Solidaires de la position arrêtée, les ministres monteront euxmêmes au front pour souligner leur incompréhension et désavouer le comportement de leur jeune collègue. Djibo Salou s’en tiendra à la position du Premier ministre et de son gouvernement. Toukour sait aussi se montrer combatif pour faire aboutir les projets qui présentent un intérêt majeur. Alors qu’il souhaite mettre à profit les dernières semaines de la transition pour réformer la gestion de l’université de Niamey en dissociant le Conseil de l’université du Rectorat, il se heurte à un tir de barrage du puissant syndicat des enseignants-chercheurs qui parvient à accéder directement au chef de l'Etat. Djibo Salou se montre sensible à leurs arguments, la réforme semble définitivement compromise. Mahamadou l’a compris. Le 149
ministre directement concerné, Laouali Dan-dah, qui défend ce projet jugé à la fois moderne sur le plan de la gestion et de la réforme de l’université n’accepte pas ce blocage catégoriel et refuse le statu quo. Homme de conviction, il n’hésite pas à évoquer au cours d’un tête-à-tête qu’il provoque avec le Premier ministre l’hypothèse de sa démission. Sa déception est profonde. Ses convictions sont ébranlées. Mahamadou partage son désarroi mais n’a pas l’intention de jeter l’éponge : « Nous avons une chance unique d’engager des réformes pour notre pays. Nous allons le faire ! ». Il sait à cet instant qu’un bras de fer sur ce dossier de l’université de Niamey serait inutile et de nature à fragiliser la transition. Il propose alors au ministre de se concentrer sur le dossier en cours de création des trois nouvelles universités en régions, à Maradi, Tahoua et Zinder. Il s’agit d’un projet décentralisateur sur lequel son homonyme Laouali et lui ont beaucoup réfléchi. Comme toutes les grandes réformes, Danda et son ami savent qu’ils doivent agir rapidement et surtout éviter que le projet ne s’ébruite, afin qu’il ne soit pas bloqué par des groupes de pressions opposés. Dans la toute dernière ligne droite de la transition et contre toute attente, Laouali Dan-dah met les bouchées doubles et procède à la rentrée solennelle des trois établissements dont les recteurs ont été reçus en audience par le Premier Ministre juste avant leur mise en route. Une première depuis quarante ans. Avec talent et conviction, le chef a su faire face aux difficultés, revigorer ses troupes en proie au doute, mais n’a pas désarmé. L’enjeu en valait la peine. Au terme de la période de la transition, au moment de la traditionnelle cérémonie d’adieux, les vingt membres du gouvernement seront présents au cocktail organisé à l’hôtel Gaweye. La preuve « la plus évidente de rendre au Premier ministre un hommage mérité pour le service rendu et l’esprit de cohésion qui a prévalu111 » confie l’un des ministres. « J’ai beaucoup apprécié notre collaboration parce qu’elle m’a permis de participer à l’édification d’un chantier que la plupart des observateurs s’accordent à considérer comme annonciateur d’un avenir prometteur112 » reconnaît un autre. Les proches collaborateurs saluent de leur côté les qualités d’un leader avec lequel ils ont beaucoup appris, à la fois « rassembleur113 », « fin 150
politique114 », « un planificateur qui ne fait rien au hasard115 ». Son directeur de cabinet retient la philosophie d’action du Premier ministre qui se résume à « l’efficacité dans le silence et la discrétion116 ». Tous retiennent également l’extrême simplicité de Mahamadou Danda. Le 08 avril 2011, au lendemain de l’investiture du nouveau président de la République et à l’heure de la passation de pouvoir avec son successeur Brigi Rafini, beaucoup seront surpris de le voir arriver seul au volant de son véhicule et se garer sur le parking réservé aux visiteurs. Cette image que beaucoup gardent en mémoire, et considèrent comme un exemple, n’est finalement rien d’autre que le reflet d’un homme qui revendique sa liberté.
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TREIZE MOIS, TREIZE JOURS L’achèvement dans le consensus du processus de transition qui a suivi le coup d’état du 18 février 2010 est inscrit dans l’histoire nigérienne comme une œuvre majeure. Il est le résultat obtenu par une poignée de dirigeants, attachés à l’Etat de droit, qui ont tout donné et travaillé d’arrache-pied pour parvenir à restaurer la démocratie. Des dirigeants qui savent que seule la stabilité institutionnelle et politique d’un pays permet d’envisager son développement économique et social. Et pour eux, seule l’édification d’une société démocratique stable et solide autorise les rêves du lendemain. Les autorités de la transition, CSRD et gouvernement en tête, ont su donner le change à ceux qui doutaient de leur capacité à relever ce défi immense. Ils ont aussi suscité la reconnaissance et l’admiration. La manière de servir du gouvernement qu’a dirigé Mahamadou Danda lui a valu une adhésion sans pareil dans l’histoire nigérienne. Très vite convaincue de sa volonté de conduire une transition apaisée, la communauté internationale n’a pas longtemps hésité à inviter le Niger à la tribune de l’assemblée générale des Nations unies et au sommet mondial sur les objectifs du millénaire, dès septembre 2010. Le pays retrouve rapidement son droit à la parole et renoue des relations normalisées avec l’Union européenne, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international. La confiance est de mise et le Niger opère son grand retour, en étant désigné pour siéger au sein du prestigieux conseil des gouverneurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique. Les messages adressés par les autorités de la transition ont visiblement été reçus cinq sur cinq, les gages de bonne volonté gouvernementale appréciés à leur juste mesure. Six mois après le coup d’état, le Niger est un pays en voie de guérison. Un pays qui reprend sa place dans le concert des nations du monde. Sur la scène intérieure aussi, les actions du gouvernement Danda sont jugées pertinentes et le Premier ministre jouit d’une très bonne quote de popularité. Les Nigériens apprécient la personnalité de ce leader et son charisme discret. Une certaine forme de sérénité semble
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s’installer à travers le pays et dans ce climat, certains responsables politiques iront même jusqu’à demander la prolongation de la période de transition démocratique. Une demande qui fait sourire ou qui interroge. Une demande naturellement repoussée par le CSRD et le gouvernement, soucieux de respecter les engagements pris devant la nation et la communauté internationale. Le gouvernement dirigé par Mahamadou Danda a su relever le défi d’une transition réussie, en organisant des élections transparentes, équitables et acceptées par tous. Au total, pas moins de six élections en cinq mois auront été organisées. Une réussite bâtie autour de plusieurs conditions consubstantielles. Avant tout, la prédisposition mentale des dirigeants de la transition qui se sont engagés à appliquer un principe de neutralité politique et à ne briguer aucune fonction politique à l’issue du processus, constitue immanquablement la première de ces conditions. Le fait de disposer d’un calendrier de transition consensuel, dont la définition fut confiée au Conseil consultatif national qui regroupe les forces vives de la nation, de quoi éviter ainsi au gouvernement de prendre la responsabilité de l’agenda, est un autre facteur de cette réussite. La mise en place d’une Commission électorale nationale indépendante (CENI) pour laquelle l’Etat a veillé à attribuer les moyens nécessaires à l’organisation des différents scrutins, l’application de textes fondamentaux complets, l’ouverture aux conseils de la communauté internationale, qui fut associée tant dans la résolution de la crise alimentaire que dans l’organisation des élections, ont également contribué à créer un climat favorable à la réussite de la transition. Après le coup d’Etat, le Niger ne connaît pas de coup d’arrêt. Au contraire. Loin de scléroser le pays, comme il arrive parfois au moment des régimes d’exception, la période qui s’écoule du mois de février 2010 au mois d’avril 2011 affiche un bilan très honorable dans de nombreux domaines, susceptible de faire rougir bon nombre de leaders politiques. En confiant le poste de Premier ministre à Mahamadou Danda, Djibo Salou savait que son gouvernement léguerait une œuvre constituante et mettrait le pays sur des rails. Et de fait, le gouvernement s’est mis à l’œuvre, n’a pas ménagé sa peine, 154
s’est emparé des dossiers les plus sensibles et les plus complexes, a entrepris de nombreux chantiers qui ont permis au pays d’avancer et à la société nigérienne de s’organiser. En matière de santé, le gouvernement Danda s’est investi en poursuivant les objectifs du Millénaire pour le développement : les soins en faveur des femmes et des enfants ont été fortement renforcés, une trentaine de centres de santé ont vu le jour, l’équipement d’une centaine d’établissements est venu renforcer les capacités du plateau technique, comme l’affectation de spécialistes au sein des maternités et des hôpitaux ou le recrutement d’agents paramédicaux. Le secteur sensible de la protection de l’enfance a fait l’objet d’un projet de code de l’enfant et vu la création de cinq centres de services judiciaires et préventifs. Enfin, et parmi les avancées, la construction à Niamey d’un hôpital national de référence de mille lits a été adoptée. Dans le domaine de l’éducation, le gouvernement s’est employé à améliorer l’accès et la qualité de l’offre éducative. La création de trois cent vingt-cinq Jardins d’enfants communautaires (JEC) a favorisé l’inscription de treize mille enfants supplémentaires au niveau préscolaire, la prise en charge de la formation de quatre cents éducateurs et le recrutement de trois mille neuf cents enseignants ont permis d’améliorer le niveau d’enseignement et d’accroître le taux de scolarisation. Les réformes du B.E.P.C et du Baccalauréat, la création de trois nouvelles universités, la mise en place d’un Fonds d’appui à la recherche scientifique et à l’innovation technologique (FARSIT), sont venues renforcer le cadre des enseignements secondaire et supérieur. Des actions d’alphabétisation ont également touché plus de treize mille apprenants, dont près de trois mille femmes. Sur un autre registre, on retiendra que d’importantes mesures ont été prises pour maîtriser la chaîne des dépenses publiques, assurer la transparence dans la gestion des affaires publiques et lutter contre la corruption. Le 18 février 2011, Mahamadou Danda procède à la pose de la première pierre de l’hôtel des finances, symbole de cette volonté de transparence. La création de la Direction générale du Trésor et de la Comptabilité publique, le renforcement des corps des inspecteurs des 155
finances et des contrôleurs financiers déployés auprès des ministères et des organismes associés de l’Etat participent de cette modernisation de la gestion financière. En matière économique, la création d’un fonds pour la promotion de l’élevage, la mise à disposition de sept cent cinquante puits et de cinq cents groupes motopompes dans le cadre du soutien au maraîchage, la création d’une banque agricole destinée à favoriser l’accès des producteurs au crédit rural (BAGRI), la mise en œuvre avec l’appui de la Banque mondiale du projet « Filets Sociaux » qui vise à assurer la sécurité alimentaire des ménages les plus vulnérables, sont à mettre au crédit de ce gouvernement de mission. Le dossier énergétique n’est pas en reste. Les capacités de production de la NIGELEC sont renforcées, les efforts dans le domaine de la recherche et de la prospection minière et pétrolière intensifiés, un protocole d’accord avec la compagnie russe GAZPROM est conclu en matière d’hydrocarbures pour l’attribution des blocs Manga 1 et Manga 2, et la période enregistre le démarrage des travaux de construction des infrastructures de la mine d’Imouraren dont la mise en service est programmée en 2013. Dans le même temps, le Niger se voit attribuer la certification ITIE, Initiative pour la transparence des industries extractives. Dans le secteur des transports, le dossier de réhabilitation de la Société nationale des transports de Nigériens (SNTN) fait l’objet d’un suivi en plus haut lieu. Des chantiers routiers de grande ampleur sont menés à bien, comme la construction des routes Niamey-Ouallam, Tibiri-Dakoro ou la réhabilitation des routes Lawandi-Goudoumaria et Niamey-Balleyara. Des programmes de construction de logements neufs importants sont également portés par les organes de la transition. Chacun reconnaît que ce gouvernement ne se contente pas de gérer les affaires courantes. En prenant ses fonctions, le Premier ministre avait d’ailleurs clairement exprimé sa volonté de mettre à profit la transition pour engager des chantiers structurants. Mahamadou Danda ne s’était sans doute jamais rêvé Premier ministre. Ses rêves sont ailleurs, loin des vicissitudes de la vie politique, très loin. Ce n’est d’ailleurs qu’après avoir mûrement réfléchi qu’il a finalement accepté de s’engager dans « cette aventure qui va s’avérer passionnante, très exigeante mais 156
aussi stressante ». Une aventure qui va durer plus de quatre cents jours. Quatre cents jours qui se succèdent à un rythme effréné, sans la moindre place pour le repos, sans la moindre parenthèse pour sa vie personnelle. La vie de Premier ministre n’est pas une sinécure. Les journées se succèdent au rythme des audiences et des réunions techniques, et les dossiers s’empilent immanquablement sur le bureau, apportant derrière eux leur lot de difficultés et de contrariétés. Mais il faut être constamment en éveil, et rester totalement concentré sur cette tâche immense qui incombe au premier des ministres, garder le cap et être en mesure de prendre des décisions à la volée, si possible les bonnes. Danda s’en sort plutôt bien dans ce rôle. Il fixe les priorités avec recul et intelligence, agit avec méthode et met un point d’honneur à donner du sens et de la perspective à l’action du gouvernement. Considéré par ses collaborateurs et ses ministres eux-mêmes comme « un très bon modèle pour le Niger et pour l’Afrique117 », il laisse derrière lui l’image d’un homme « qui se bat avec acharnement118 » et qui a su « appuyer des dossiers structurants, à fort impact et qui s’inscrivent dans la durée119 ». Un portrait à son image. Danda est une personnalité aussi attachante qu’atypique. Son engagement a quelque chose de sacrificiel. Sa vie est une succession d’épreuves qui se présentent à lui, ou qu’il s’impose. Une véritable course d’obstacles qu’il s’emploie à maîtriser de la première à la dernière foulée. Une épreuve dont il franchit le plus souvent la ligne d’arrivée en tête, sans jamais rechercher les honneurs de la victoire. Mahamadou Danda a son pays dans les tripes. Le Niger est à ses yeux une cause majeure, la plus noble qu’il lui soit permis de servir. Tant pis si les esprits chagrins voient dans son patriotisme un rapport suranné à la chose publique, la cause est grande, elle en vaut la peine. D’un tempérament optimiste, il ne goûte pas les raccourcis des commentateurs qui brossent le portrait misérabiliste d’un pays exsangue dont l’avenir ne s’imagine que sous de sombres horizons. Il préfère imaginer ce qu’il y a de meilleur et tirer profit des potentialités, se laissant souvent aller à des réflexions personnelles à partir desquelles il imagine des voies possibles. Le champ des possibles, voilà son 157
horizon. Sortir du marasme économique et social suppose à la fois des idées et une bonne dose de courage. Ne pas craindre de bouger les lignes qui sont autant de freins aux évolutions de la société, oser investir de nouveaux secteurs de croissance et ne jamais sacrifier des atouts qui ne demandent qu’à s’exprimer. Mahamadou considère notamment que la jeunesse nigérienne porte en elle les germes de la renaissance. Et pour cet enseignant-chercheur qui garde un lien étroit avec la jeune génération auprès de laquelle il continue à enseigner, à l’Enam ou à l’Unican, c’est là que se situe le défi majeur de la République nigérienne. Investir dans la force et le potentiel de cette jeunesse exige selon lui que le pays prenne à bras le corps le problème du chômage des jeunes diplômés, qu’il se donne les moyens de lutter contre l’exode rural des jeunes des campagnes qui viennent gonfler les centres urbains après seulement quatre mois de campagne d’hivernage, qu’il forme la jeunesse dans les secteurs réellement porteurs de l’économie, qu’il agisse pour redonner de la confiance entre d’une part les parents d’élèves et le système scolaire, les étudiants et le système universitaire, et d’autre part entre les étudiants et les différents ordres d’enseignement. Relever ce défi de la jeunesse exige de suivre des orientations nouvelles et d’ouvrir quelques chantiers prioritaires. De ce point de vue, les choses sont assez limpides. Il pense qu’il convient dorénavant de promouvoir des travaux à haute intensité de main d’œuvre en milieu rural, d’améliorer les conditions d’étude des élèves et des étudiants par un nouveau programme de construction d’infrastructures appropriées, de créer les capacités d’accueil et d’hébergement des élèves en zone nomade de façon à contribuer à l’amélioration des taux de scolarisation et de fréquentation des enfants des éleveurs, de créer des internats pour les filles au niveau du collège et du lycée. Attaché à l’idée de préserver l’Homme au cœur de tout projet et de contribuer à améliorer sa condition, Mahamadou Danda développe une vision qui va au-delà et embrasse un large champ de ce qui fortifie le socle de la vie communautaire. Sur le plan démocratique, il défend avec force et convictions l’idée que l’Etat doit se donner les moyens de conforter la culture de la paix et marquer sa présence dans la partie septentrionale du 158
Niger. Le pays doit selon lui renforcer et approfondir la démocratie locale en assurant l’autonomie financière des régions, contribuer à conforter le respect des droits humains et agir pour bannir l’injustice, l’exclusion et la marginalisation de certaines catégories de Nigériens. Sa conception pousse ici à promouvoir de manière prioritaire une politique d’aménagement du territoire basée sur de véritables instruments de planification économique et spatiale, comme des schémas d’aménagement et des plans de développement économique et social. Décentraliser les pouvoirs et les responsabilités vers des communautés locales et régionales pour faciliter la prise de décision par les individus concernés, et encourager l’action citoyenne et la prise de responsabilités à la base, figurent au rang de ses priorités. Pour lutter contre la pauvreté chronique de la population, l’action publique doit à ses yeux soutenir l’agriculture et l’élevage par une politique de développement des cultures vivrières. Son expérience de terrain le porte également à défendre la promotion des industries de transformation des produits agro-pastoraux et à mettre l’accent sur la promotion d’emplois permanents. Poursuivre de tels enjeux n’est pas une chose facile, Mahamadou Danda en a conscience et propose une voie qui s’appuie sur quelques idées fondatrices. On le sait attaché au fait de pouvoir faciliter l’accès des paysans et des éleveurs aux intrants agricoles et zootechniques, par l’application d’une politique de prix raisonnables, voire par un système de prix subventionnés. De même, la réalisation de retenues agricoles en zones collinaires et le long des cours d’eau permanents figure parmi ses priorités, comme l’accélération de la connexion électrique des agglomérations de plus de cinq mille habitants pour faciliter le développement des activités génératrices de revenus en milieu rural. Les secteurs de l’agriculture et de l’élevage doivent être identifiés comme des secteurs d’accélération de la croissance. Danda défend également l’accélération du développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication et le soutien à leur développement dans les activités de médecine et les secteurs agro-pastoraux. Enfin, en qualité de Premier ministre, il soutenait déjà le principe d’un secteur minier 159
constituant un adjuvant à la croissance et défendait l’idée que les ressources issues de cette activité soient gérées de manière transparente et investies pour les générations futures. Pour aller plus loin, il propose aujourd’hui que ces ressources, en partie affectées au financement des principales prestations sociales, puissent contribuer au financement d’actions visant à préserver l’environnement et à lutter contre le changement climatique. Portant sa fibre sociale en bandoulière, il sait que pour sortir de ses difficultés chroniques, le Niger doit contenir une croissance démographique exponentielle, aujourd’hui l’une des plus élevées de la planète. Il n’hésite pas sur ce point à soutenir la nécessaire amélioration des stratégies de planification familiale et préconise le renforcement de la fonctionnalité des hôpitaux de district et des dispensaires par des équipements adaptés et par l’apport de spécialistes. Dans le même ordre d’idées, le maillage du territoire en centres de santé doit être selon lui amélioré pour diminuer les temps d’accès aux soins et améliorer le taux de fréquentation des établissements. Ainsi vont les réflexions et les propositions de l’enfant de Tahoua sur quasiment tous les champs d’intervention de l’Etat. L’homme se défend de porter un quelconque projet politique et pourtant, il suffit de passer quelques heures avec lui pour saisir les contours d’un idéal qu’il porte en lui. Le fruit de ses années d’expérience et sans doute de son ouverture au monde. Plus qu’un programme politique, c’est un projet de société que Mahamadou Danda incarne. Plus qu’un homme politique. Un homme d’Etat.
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EPILOGUE Mahamadou Danda est un homme curieux de tout mais pour lui la politique n’est pas la vie. Elle fait partie de sa vie. Le chercheur en science politique est davantage attiré par la connaissance et l’analyse de données que par la prise de décisions. Rien d’étonnant qu’il soit si souvent resté sourd aux sirènes du pouvoir et ne se soit jamais présenté à une élection. A son Panthéon des grands hommes, les noms d’illustres professeurs viennent avant une poignée d’acteurs politiques (Seini Kountché, Ibrahim Assane Mayaki) cités pour leur exigence et leur légitimité à assumer le rôle de chef. Ses héros ne peuvent être que des hommes qui s’affirment par eux-mêmes et n’hésitent pas à se battre pour défendre leur vérité. Cela ne l’a pas empêché de mettre au cours de sa vie toute son ambition au service du Niger, au point d’incarner aux yeux de ses concitoyens un maillon fort de la République, une « valeur sûre » selon les propres mots d’Abdou Diouf, le Secrétaire général de l’organisation internationale pour la francophonie. Cela ne l’a pas empêché d’occuper par trois fois les plus hautes fonctions de l’Etat et d’exercer ses missions avec ardeur et détermination. Toujours avec succès. Quand les temps politiques sont incertains, seuls les hommes d’Etat possèdent la puissance qui convient pour forcer le destin et fixer un cap à une société en manque de repères. En février 2010, le viatique des autorités de la transition aura été la noblesse affichée de sa cause : protéger une population livrée à la soldatesque d’un président capable d’enfreindre les règles pour se maintenir au pouvoir. Et, au-delà, réaffirmer le droit universel à la démocratie. Partout où Mahamadou Danda est passé, il a su mettre les choses sur orbite. Pour beaucoup de Nigériens, sa personnalité est associée à des réformes engagées pour plus de justice sociale et la défense des droits fondamentaux. Pour tous, son nom résonne avec les valeurs de rigueur et d’intégrité. Malgré les crises successives, et même si l’Etat a un genou à terre, Mahamadou Danda croit encore au service de
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l’intérêt général. Ses propositions pour une organisation administrative décentralisée et le développement des responsabilités locales sont les témoins d’un attachement farouche aux principes de subsidiarité et de performance de l’action publique. Aujourd’hui, certains le verraient bien continuer son action politique et aimeraient que l’homme de Tahoua fende l’armure et ambitionne enfin de jouer les tous premiers rôles. La soixantaine sonnante, l’ancien Premier ministre met la famille au-dessus de tout. Il est père de six enfants et déjà grand-père. Professeur à l’Enam et à l’Unican, il n’envisage son avenir qu’avec et au service de la jeunesse. Transmettre le flambeau aux nouvelles générations est une tâche exaltante. Elle suffit à son bonheur. Celui qui se définit lui-même comme un « éternel apprenant » continue ainsi à tracer sa voie. En homme libre. Apprendre à exercer le pouvoir, mais surtout apprendre à résister au pouvoir.
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ANNEXES Chronologie -
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25 juillet 1951 : Naissance à Tahoua. 1966 : Admission à l’école pratique d’agriculture de Kollo. 1968-1971 : Agent d’animation au développement mis à la disposition du service départemental de Madoua. 1971-1972 : Agent d’animation au développement mis à la disposition du service départemental de Mirriah. 1972-1973 : Chef de service de l’animation au développement des départements de Keita et de Mirriah. 1974 : Admission à l’Ecole nationale d’administration (ENA). 1974-1976 : Scolarité à l’ENA – Major de promotion. 1976 : Mariage avec Nana Barakatou. 1976 : Naissance d’Amina. 1977-1978 : Adjoint au préfet du département de Niamey. 1978 : Naissance de Saoudatou. 1979-1980 : Sous-préfet de Niamey. 1980-1983 : Diplôme d’études supérieures en administration générale à l’ENA – Major de promotion. 1981 : Naissance d’Aminou. 1983-1987 : Sous-préfet de Filingué. 1985 : Naissance de Rachida. 1987-1988 : Ministre des Ressources Animales et de l’Hydraulique. 1988 : Pèlerinage à la Mecque. 1989-1990 : Diplôme postuniversitaire (DESS) en planification régionale et aménagement du territoire – Institut Panafricain pour le développement Afrique de l’Ouest-Sahel (Ouagadougou, Burkina Faso) – Major de promotion. 1989-1991 : Secrétaire administratif du MNSD. Mai 1990 : Refuse le poste de Premier ministre. 1990 : Naissance de Mahaman-Bachar. 1991-1993 : Maîtrise en aménagement du territoire et développement régional – Université Laval (Québec, Canada) 1991 à aujourd’hui : Chargé de cours à l’ENAM. 1994-1996 : Conseiller technique en planification pour l’élaboration du schéma directeur de développement régional (SDDR) de Zinder, auprès du Bureau de la coopération danoise (DANIDA) – Période de disponibilité. 1995 : Naissance de Jamila. 1996-1997 : Diplôme d’études approfondies (D.E.A) en Gouvernement local, pouvoir, action publique et territoire – Institut d’études politiques (CERVL, Université Montesquieu, Bordeaux IV, France).
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1997-1999 : Conseiller technique principal du Premier ministre Ibrahim Assane Mayaki, chargé des questions institutionnelles. 1999 : Ministre de la Jeunesse, des Sports, de la Culture et de la Communication – Porte parole du gouvernement de transition. 2000-2010 : Conseiller politique, économique et commercial auprès du Bureau de l’ambassade du Canada au Niger. 2004 : Thèse de doctorat en Science Politique – Institut d’études politiques (CERVL, Université Montesquieu, Bordeaux IV, France) Février 2010 - Avril 2011 : Premier ministre du Gouvernement de transition de la République du Niger. 2012 : Publication du livre « Niger : le cas du Damagaram – Développement régional et identités locales » aux éditions L’Harmattan.
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Intervention de Mahamadou Danda lors de l’installation officielle du Comité des textes fondamentaux _____________ Niamey, Jeudi 22 avril 2010 _____________
Mesdames et Messieurs, Il y a exactement deux semaines, le Président du Conseil Suprême pour la Restauration de la Démocratie, Chef de l’Etat, procédait à l’installation du Conseil Consultatif National, qui tient actuellement sa première session ordinaire. Excellence Monsieur le Président du Conseil Suprême pour la Restauration de la Démocratie, Chef de l’Etat. La mise en place du Comité des textes fondamentaux, objet de la présente cérémonie, procède de votre volonté et de celle du CSRD de doter le Niger de textes susceptibles de lui permettre de fortifier son processus démocratique. Comme vous le savez, Mesdames et Messieurs, le Comité des textes fondamentaux est un maillon essentiel du dispositif institutionnel de la transition. Sa mission est d’élaborer et de proposer aux autorités de la transition, des Avant-projets de textes structurants, dont entre autres, la Charte d’accès à l’information publique qui reste l’innovation majeure en regard des expériences de transition vécues dans notre pays. La complexité de sa mission et les attentes légitimes de nos concitoyens ont conduit les autorités de la transition à faire appel à des compétences nigériennes, intuitu personae partout où elles se trouvent. Il s’agit pour nous de matérialiser la volonté clairement affichée du Conseil Suprême pour la Restauration de la Démocratie de mettre en place des organes qui permettraient à la transition d’être menée de manière harmonieuse, avec la participation de tous. Toutes les compétences sollicitées ont bien accepté de faire le sacrifice à la hauteur des défis que se doivent de relever les organes de la transition. Je voudrais donc, avec votre permission, Monsieur le président, saluer et remercier tous les membres du Comité des textes fondamentaux en général et ceux de nos compatriotes qui ont fait de longues distances en particulier, pour répondre favorablement à
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l’appel du Niger et de son peuple au prix d’énormes sacrifices tant professionnels que familiaux. Excellence Monsieur le Président du Conseil Suprême pour la Restauration de la démocratie, Chef de l’Etat. Avec la mise en place, aujourd’hui du Comité des textes fondamentaux, et dès demain, de celle du Conseil constitutionnel de la transition, et au cours des prochaines semaines de l’Observatoire National de la Communication, et de la Commission Electorale Nationale Indépendante, le compte à rebours pour la restauration de la démocratie est engagé. Il vous revient à présent, Mesdames et Messieurs les membres du comité des textes fondamentaux, de vous assumer pleinement et d’apporter votre contribution au processus en cours. Votre mission est exaltante mais noble. Les Nigériennes et les Nigériens, attachés à la démocratie et à l’Etat de Droit, attendent beaucoup de vos travaux. Formulons les vœux que les résultats, dont je ne doute pas qu’ils seront de qualité, seront à la hauteur des attentes des Nigériennes et des Nigériens. Qu’Allah le Tout Puissant nous assiste et éclaire vos travaux. Amen.
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Intervention de Mahamadou Danda à la seconde session des consultations entre la République du Niger et l’Union européenne au titre de l’article 96 de l’accord de Cotonou révisé ____________ Bruxelles, le 26 mai 2010 ____________
Excellence Monsieur le Secrétaire d’Etat aux Affaires Européennes du Royaume d’Espagne, Chef de la délégation de l’Union Européenne ; Monsieur le Directeur Général du Développement ; Monsieur le Président du Comité des Ambassadeurs ACP ; Excellences Messieurs les Ambassadeurs représentant les pays amis du Niger ; Excellences Messieurs les représentants de l’Union Africaine, de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest et de l’Organisation Internationale de la Francophonie ; Mesdames et Messieurs ; Je voudrais, avant toute chose, au nom du Président du Conseil Suprême pour la Restauration de la Démocratie, Chef de l’Etat, le Général de Corps d’Armée Djibo Salou, de la Délégation qui m’accompagne et au mien personnel, remercier très sincèrement le Conseil et la Commission Européenne, pour l’invitation qu’ils ont bien voulue adresser au Niger, à participer à la seconde session des consultations prescrites conformément à l’article 96 de l’Accord de Cotonou. Je voudrais également remercier de leur présence, les Etats membres du Groupe ACP, et plus particulièrement les amis du Niger, pour la solidarité agissante qu’ils ont toujours manifestée à l’endroit de mon pays, pour l’appui précieux qu’ils ont apporté à la délégation nigérienne aux instances statutaires des ACP, et pour les conseils avisés, fraternels et francs prodigués dès l’initiation de ce processus de consultations. Je voudrais enfin, dire merci aux organisations internationales que sont l’Organisation des Nations Unies, l’Union Africaine, la CEDEAO, l’UEMOA, l’Organisation Internationale de la Francophonie, notamment, pour leur juste appréciation de la situation
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politique dans mon pays, ainsi que pour avoir accepté d’accompagner la Transition politique au Niger. Je salue la présence parmi nous du Président ABDULSALAMI ABUBAKAR, Médiateur infatigable dans la crise qui a secoué le Niger et celle du Professeur ALBERT TEVOEDJERE pour tous leurs efforts, leur patience et leur disponibilité. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Nos consultations, entamées ici même à Bruxelles, le 08 décembre 2009, s’inscrivaient dans un contexte de crise politique aigüe et de tension sociale croissante, résultant des manipulations constitutionnelles, du démantèlement des Institutions démocratiques issues de la Constitution de la Cinquième République, de la liquidation des principes de l’Etat de droit et de la bonne gouvernance, et des menaces réelles qui pesaient sur l’Unité nationale et la paix sociale. Malheureusement, ces consultations n’ont pas abouti à des avancées significatives. L’engagement de poursuivre le dialogue entre l’Union Européenne et le Niger et de soutenir les efforts de médiation conduits sous l’égide de la CEDEAO était le seul acquis. La situation de blocage consécutive au rejet par les Autorités d’alors de la proposition de sortie de crise faite par le Médiateur de la CEDEAO, l’isolement continu du pays par la Communauté Internationale, la crise alimentaire grave, qui frappait plus de trois millions de nigériens, délibérément occultée et la dégradation du climat social avec la violation croissante des libertés individuelles et collectives ont amené les Forces Armées Nigériennes à prendre le pouvoir. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Depuis les évènements du 18 février 2010, unanimement salués par la population Nigérienne, notre pays se trouve dans une dynamique de consensus politique national. Pour nous, la nouvelle situation politique au Niger, depuis l’avènement du Conseil Suprême pour la Restauration de la Démocratie (CSRD), ouvre opportunément de réelles perspectives de dialogue avec l’UE. Aussi, apprécions-nous, à sa juste valeur, la disponibilité et la marque de sollicitude que l’Union Européenne manifeste à l’endroit du Niger en lui offrant l’opportunité de poursuivre, sous de nouvelles auspices, ce processus de consultations. Nous voulons y voir le signal fort de son engagement, à conduire, avec nous, un dialogue politique constructif. 168
C’est dire que nous abordons ces consultations avec un esprit de responsabilité et avec la confiance nécessaire, qu’exigent les règles et principes de notre partenariat. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Nous sommes ici pour réaffirmer les fermes engagements pris par le Conseil Suprême pour la Restauration de la Démocratie, pour ramener le Niger dans le giron des Etats respectueux de l’Etat de droit, des libertés fondamentales et de la bonne gestion de la chose publique. C’est également l’occasion de partager et d’évaluer, avec vous, l’état de réalisation des engagements démocratiques, normatifs et institutionnels pris par le CSRD, pour un retour à l’ordre constitutionnel normal. En effet, il vous souviendra que dès sa déclaration du 18 février 2010, le CSRD s’est assigné un certain nombre d’objectifs prioritaires très favorablement accueillis par la Nation nigérienne toute entière. Ces objectifs sont les suivants : Restaurer la démocratie par l’organisation d’élections libres, transparentes et justes; Assainir la situation économique et financière du pays à travers des audits et enquêtes administratives ; Réconcilier les nigériens entre eux à travers l’apaisement de la situation politique et sociale ; Lutter contre l’insécurité alimentaire qui menace dangereusement plusieurs millions de nigériens ; Pour donner effets à ces engagements, le CSRD a pris des actes, décisions et mesures qui indiquent sa bonne foi de conduire la Transition politique de manière toujours consensuelle et dans un cadre apaisé et de neutralité totale. Pour ce faire, il a décidé de l’adoption de l’Ordonnance n° 201003 du 11 mars 2010 qui rend inéligibles, même en cas de démission, les Membres du CSRD, les personnels des Forces de défense et de sécurité et les membres du Gouvernement de Transition aux prochaines élections. De même, l’Ordonnance n° 2010-02 du 11 mars 2010 a été signée afin de veiller à la neutralité de l’Armée, du Gouvernement de l’Administration, de la Chefferie Traditionnelle et des Autorités religieuses pendant toute la période de Transition. En outre, le CSRD a accepté les propositions faites par le Conseil Consultatif National de conduire la Transition dans un délai de douze (12) mois à compter du 18 février 2010.
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Ainsi, le Référendum constitutionnel est prévu pour le 24 octobre 2010, les législatives pour le 12 janvier 2011, les présidentielles pour le 26 janvier 2011 et l’investiture du nouveau Président de la République le 1er Mars 2011. Mais avant ces deux scrutins, il est également prévu l’organisation des élections locales, qui représentent pour nous l’expression par essence de la démocratie à la base et la réponse à une demande formulée par nombre de nigériens depuis 1993. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Pour conduire à terme la Transition dans un cadre politique et social consensuel, le CSRD a mis en place le Conseil consultatif National dont je parlais tantôt. Composé des représentants de toutes les couches sociopolitiques et professionnelles de notre pays, il est creuset de toutes les forces vives de la nation, pendant la période de transition. Autrement dit, le Conseil Consultatif National est le lieu où se déroule désormais le dialogue politique inclusif. A ce titre ses avis seront requis notamment sur les avants projets de Constitution, du Code électoral, de la Charte des Partis Politique, du statut de l’Opposition, de la charte d’accès à l’information publique. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Le Conseil Suprême pour la Restauration de la Démocratie s’est aussi engagé à respecter et à faire respecter les libertés fondamentales, notamment les libertés de presse, d’expression et d’opinion. Cette volonté a été matérialisée par l’organisation des états généraux de la presse, à l’issue desquels, il a été adopté l’avant-projet de loi portant dépénalisation des délits de presse. La philosophie de cet avant projet de texte incline, d’une part à interdire la détention préventive dans la procédure de poursuite en matière de délits de presse et, d’autre part, à supprimer les peines privatives de liberté pour les délits de presse que sont les fausses nouvelles, la diffamation, les injures et les outrages. Cet avant-projet de texte est actuellement à l’examen au niveau du Gouvernement en vue de son adoption. De même, dans le souci de consolider la liberté de la presse et l’indépendance des médias, il a été crée l’Observatoire National de la Communication (ONC) qui une autorité administrative indépendante, en charge de la régulation des médias. Mesdames et Messieurs,
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Comme vous le savez la Transition se déroule dans un contexte particulier, caractérisé par la nécessité de conduire à la fois, le processus politique en vue du rétablissement de l’ordre constitutionnel normal et l’obligation de faire face aux urgences du moment. L’insécurité alimentaire très alarmante touche plus de la moitié de la population du pays. En effet, les déficits ont été estimés à 410.661 tonnes au plan céréalier et 16.137.329 tonnes au plan fourrager. Nonobstant, toutes les interventions menées, la situation reste très critique tant au niveau de l’alimentation des populations qu’à celle du bétail. Sur un besoin estimé à près de 146 millions d’Euro par la Coordination Humanitaire du Système des Nations Unies au Niger, nous n’avons à ce jour pu mobiliser qu’environ 45 millions d’Euro. C’est dire qu’il subsiste encore un important gap de financement à couvrir si nous voulons sauver les populations et le bétail et sécuriser en même temps la campagne agro-pastorale 2010. Aussi, le Gouvernement sollicite dans les plus brefs délais l’accord de l’UE à notre requête relative aux 17,4 millions d’euro, dès lors que la sécurité alimentaire n’est pas concernée par les mesures conservatoires. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Comme vous le savez, toute la bande sahélo-saharienne est devenue une zone de prédilection de banditisme, de terrorisme et de trafics en tous genres, perpétrés notamment par Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI). Cette situation d’insécurité pourrait compromettre la stabilité de notre pays et celle de la sous région tout comme elle pourrait avoir un impact négatif sur les élections à venir dans les zones frontalières. Aussi, la lutte contre cette nébuleuse, à laquelle le Niger prend une part active, nécessite-t-elle le renforcement de la coopération en matière d’échanges d’informations, de formation des personnels et de fourniture d’équipements et de matériels appropriés. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Dans la perspective de la création de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), un avant projet de code électoral vient d’être examiné par le Conseil Consultatif National. Il reviendra à la CENI, qui aura la charge de la gestion du fichier électoral, de s’approprier la proposition de calendrier formulée par le Conseil Consultatif National, de définir les activités à mener,
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d’élaborer son budget et d’adopter le chronogramme définitif du déroulement des scrutins. Dans le cadre de l’organisation de ces élections, le Niger sollicite le déblocage de la convention de financement de 7 millions d’euro, sur fonds du 10ème FED, dont l’objectif était d’apporter une contribution financière à l’organisation des élections prévues en 2009. En outre, un complément de financement de la Commission Européenne (CE), au travers de ses lignes budgétaires, est également nécessaire pour appuyer les élections et le fonctionnement des Organes de la Transition. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, La réussite de la Transition politique dépend en grande partie de la capacité de l’Etat à faire face à la fois à ses dépenses de fonctionnement et aux exigences liées au processus de restauration de la démocratie. Il est clair que la résolution de la crise alimentaire, de l’insécurité et la consolidation des acquis dans les secteurs sociaux auront un impact certain sur le rétablissement de l’ordre constitutionnel normal dans les délais impartis. En effet, dans le contexte actuel de suspension des aides budgétaires extérieures, l’Etat sera contraint de procéder à des arbitrages difficiles qui pourraient l’amener à recentrer le budget sur les urgences et les dépenses incompressibles de souveraineté. Aussi, seule une mobilisation immédiate des appuis financiers extérieurs pourrait-elle permettre au Gouvernement de conduire à bon port le processus de Transition. C’est pourquoi nous demandons la levée immédiate des mesures conservatoires sur l’ensemble des financements et conséquemment que des réponses positives et un traitement diligent soient accordées à toutes les requêtes introduites par le Niger. En d’autres termes, le Gouvernement nourrit l’espoir de voir l’UE accompagner le processus de la Transition par des appuis financiers conséquents, gage d’un retour rapide et harmonieux du Niger à la démocratie telle que souhaitée par le Président du CSRD. Aussi, me fondant sur la qualité de la coopération entre le Niger et l’Union Européenne qui concerne principalement la réalisation d’infrastructures sociales et de développement et les actions bénéficiant directement aux populations, j’envisage avec optimisme, qu’à travers les consultations en cours, nous aboutirons à des résultats tangibles à la hauteur de nos attentes. Je vous remercie 172
Présentation des vœux des membres du gouvernement au Premier ministre _____________ Niamey, Salle de banquets de la primature - Vendredi 14 janvier 2011 _____________ Je voudrais tout d'abord vous remercier, très sincèrement, pour les mots aimables et les bons souhaits que vous venez de formuler à mon endroit et à l'endroit de ma famille. En retour, je vous adresse mes vœux de santé, de bonheur, de paix et de réussite à vous-mêmes, à vos familles respectives et à toutes celles et tous ceux qui vous sont chers. Qu'Allah le Tout Puissant, le Clément, le Miséricordieux vous assiste et vous donne la force et le courage de conduire, tous, à bon port, les lourdes charges dont vous êtes investis car, plus les échéances s'approchent, plus la pression est forte, les exigences nombreuses, et plus les choses deviennent difficiles. Je le sais si bien car, en tant que Coordonnateur de l'action du gouvernement, j'observe, très attentivement, la manière dont tous les jours, vous faites face aux différents défis qui se présentent à vous, les uns plus complexes que les autres. Je le sais d'autant plus qu'il nous faut souvent faire appel à des arbitrages, à des conciliations, voire à des compromis pour qu'ensemble nous puissions apporter des réponses concertées aux multiples sollicitations dont vos administrations et vous-mêmes faites l'objet. Je le sais car je suis aussi le confident, celui qui est souvent sollicité pour apporter l'éclairage nécessaire, en toute neutralité, tout en prenant en compte l'intérêt général de toute l'équipe. Mais convenez avec moi que ce rôle n'est pas facile, car l'absence de réactions de ma part est toujours difficile à appréhender, voire incompréhensible, et je lis dans vos visages, vos regards, je le capte dans vos mots, vos paroles. Malgré tout, nous arrivons ensemble à relever les écueils, à trouver les justes solutions, à avancer grâce à votre ingéniosité, votre perspicacité et au sens de l'intérêt général que vous-mêmes ainsi que vos collaborateurs arrivez à insuffler à l'Administration. Grâce à Dieu, nous pouvons aujourd'hui dire que la Transition se déroule normalement, dans le calme et la sérénité. Mon souhait le plus ardent est que cette attitude collégiale et conciliante, cette franche collaboration et cet esprit de responsabilité que 173
nous avons adopté, depuis 11 mois, se poursuivent. Cela est possible car, comme je le disais hier lors de mon adresse au Président du Conseil Suprême pour la Restauration de la Démocratie, Chef de l'Etat, Chef du gouvernement, tout le plaisir était pour moi de coordonner et d'animer une équipe gouvernementale composée d'hommes et de femmes, tous dévoués, disponibles et d'une intelligence profonde ayant facilité ma mission. La cohésion de notre équipe et le style de gouvernance mis en place permettront, j'en suis convaincu, aux Nigériens d'apprécier, le moment venu, ce que nous avons pu faire ensemble pour avancer le pays dans la voie de la paix, de la réconciliation nationale, de la démocratie, de l'Etat de droit, de la bonne gouvernance et du progrès. Mais, faut-il le noter, si nous avons atteint des résultats aussi prometteurs, nous le devons surtout à la vision et à la clairvoyante direction du Président du Conseil Suprême pour la Restauration de la Démocratie, Chef de l'Etat, Chef du gouvernement, qui a procédé au choix de chacune et chacun d'entre vous pour faire partie de cette équipe restreinte de 20 personnes qui préside aux destinées de notre pays. C'est dire que les résultats atteints, à ce jour, sont donc le fruit d'un travail collectif. Ils prouvent à suffisance que grâce à un engagement personnel, une bonne coordination et une meilleure prise en compte des intérêts supérieurs de la Nation, il est bien possible de mettre le Niger sur la voie du progrès. Mesdames et Messieurs les Ministres, En tant qu'administration de mission, la Transition a vocation à léguer, à ceux qui viendraient à être élus, un héritage institutionnel, technique et méthodologique pertinent. Comme je vous le disais, à l'occasion de la remise de la feuille de route, il s'agit à travers cette démarche de contribuer à l'ancrage de la bonne gouvernance dans notre pratique administrative. C'est pourquoi, cette démarche suppose la prise en compte des principes de cohérence, de collégialité, de responsabilisation, d'imputabilité et de reddition de comptes à chaque niveau. Elle suppose aussi, d'une part, la capitalisation des acquis du passé, et l'identification des faiblesses et leur résorption, et, d'autre part, l'appropriation, par les agents publics, de nouveaux réflexes de gestion fondés sur deux exigences cardinales : la légalité et la rationalité. En d'autres termes, les agents publics doivent être assujettis non seulement au respect des lois et règlements, mais aussi à l'obligation de résultats que leur impose la satisfaction des services publics par les usagers. C'est dire, qu'au-delà des actions et mesures que vos collaborateurs et vous-mêmes avez identifiées, la feuille de route incite à la performance et à une nouvelle méthodologie de travail qui implique le partage de l'information, la responsabilisation et la participation de tous. C'est pour cette raison que nous avons fait de la nécessité des contrats de 174
performances aux responsables en charge des Institutions publiques et, de l'obligation de résultats pour tous les agents publics, un principe fort dont la finalité est d'améliorer le fonctionnement et l'efficacité des services publics. C'est donc à juste titre que le Président du Conseil Suprême pour la Restauration de la Démocratie, Chef de l'Etat, Chef du gouvernement, l'a rappelé, dans son adresse à la Nation, à l'occasion du 52ème anniversaire de la Proclamation de la République du Niger, et je le cite : « L'ancrage de l'esprit républicain dans notre société est inconcevable sans l'existence d'une administration publique performance, c'est-à-dire véritablement au service du citoyen, et animée par les femmes et les hommes qu'il faut à la place qu'il faut ». Fin de citation. Mesdames et Messieurs les Ministres, la Transition est dans sa dernière ligne droite avec l'organisation des différents scrutins qui permettront à terme l'installation des futures Autorités démocratiquement élues le 06 avril 2011. C'est dire; que pour nous, l'organisation réussie des élections est un impératif majeur qui doit concerner chaque membre du gouvernement. Cependant, votre attention ne doit pas perdre de vue les actions qui relèvent de la gestion classique de vos départements ministériels. Autrement dit, l'exécution des réformes engagées, des projets en cours et de ceux en préparation doit se poursuivre avec le même engagement et la même abnégation. J'attends donc, de vous tous, une plus grande implication et une présence plus active dans la gestion des différents dossiers au niveau de vos départements ministériels respectifs. L'objectif étant pour nous de laisser en héritage un pays sur les rails aux futures autorités démocratiquement élues, je vous exhorte donc à plus de rigueur et davantage de détermination pour que chaque dossier connaisse une avancée significative. Mesdames et Messieurs les Ministres, Avant de terminer mon propos, je voudrais vous réitérer mes meilleurs vœux pour une bonne et heureuse année 2011. Qu'Allah, le Miséricordieux, nous assiste tous, afin que nous puissions conduire à son terme la mission à nous confiée par le Président du Conseil Suprême pour la Restauration de la Démocratie, Chef de l'Etat, Chef du gouvernement et sur laquelle tous les Nigériens fondent un espoir légitime. Que le Tout Puissant nous guide et nous accompagne afin que nous fassions toujours le bon choix pour le Niger et son peuple. Qu'Allah descende sa grâce sur notre pays afin que dans un climat de paix, de convivialité et de sérénité totale nous puissions organiser les scrutins à venir pour le bonheur de tous. Amen ! Je vous remercie. »
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Composition du Gouvernement de la Transition nationale Premier Ministre : M. Mahamadou Danda 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20.
Ministre de la défense : le général de brigade Mahamadou Ousseïni. Ministre de la Jeunesse et des sports : le général de brigade Maï Manga Oumara. Ministre de l’eau, de l’environnement et de la lutte contre la désertification : le général de brigade Abdou Kaza. Ministre des transports, du tourisme et de l’artisanat : le colonel Ahmed Mohamed. Ministre de l’équipement : le colonel Diallo Amadou. Ministre de l’intérieur, de la sécurité, de la décentralisation et des affaires religieuses : M. Cissé Ousmane. Ministre de l’économie et des finances : M. Badamassi Annou. Ministre des enseignements secondaire, supérieur et de la Recherche scientifique, porte-parole du gouvernement : M. Mahamane Laouali Dan Dah. Ministre des affaires étrangères et de l’intégration africaine et des nigériens à l’étranger : Mme Touré Aminatou Maïga. Ministre de la justice et des droits de l’Homme, Garde des sceaux : M. Abdoulaye Djibo. Ministre du commerce, de l’industrie, de la promotion des jeunes entrepreneurs : M. Hamid Hamed. Ministre de la population, de la promotion de la femme et de la protection de l’enfant : Mme Tchimadem Hadattan Sanady. Ministre des mines et de l’énergie : Maître Souleymane Mamadou Abba. Ministre de l’agriculture et de l’élevage : M. Malick Sadelher. Ministre de la santé publique : Pr. Nouhou Hassan. Ministre de l’éducation nationale : Mme Sidibé Maman Dioula Fadjimata. Ministre de la fonction publique et de l’emploi : M. Yahaya Chaïbou. Ministre de la communication, des nouvelles technologies de l’information et de la culture : Mme Takoubakoye Aminata Boureïma. Ministre de la formation professionnelle et de l’alphabétisation : M. Tidjani Harouna Dembo. Ministre de l’urbanisme, de l’habitat et de l’aménagement du territoire : Mme Djibo Salamatou Gourouza Magagi.
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NOTES
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Le surnom de Danda lui a été donné par sa propre mère Mariamou, dite Dajé. Abdoulaye dont le diminutif est Abdou est aussi un homonyme du père de Mariamou sa mère. Dans la tradition de la communauté de Danda, une femme ne nomme pas son premier fils du prénom de son père ou de celui de son mari. La famille d’origine de Danda vie dans la ville de Sokoto, quartier de Sarkin Boussoulmi, c'est-à-dire le quartier du sultan de Sokoto au niveau du sous secteur dit « Maléri ». La première école coranique fondée par Ousmane Danfodio à Sokoto, aurait été dirigée par les arrières grands-parents de Danda. Son site serait celui de « Makaranta Malam Ababa ». Les écoles coraniques de Malam Moussa et de Malam Abouba à Zoulanké et celle de Malam Sidi à Dalé. Il s’agit de Sidi Addou de Tougoulawa Propos retranscrits selon les souvenirs de Mahamadou Danda Ibid Ibid Ibid Ibid Information reprise de l’article « Décès du président nigérien Seyni Kounché » de Tshitenge Lubabu M.K, Jeune Afrique 06/11/2007. Propos retranscrits selon les souvenirs de Mahamadou Danda Ibid Ibid Ibid Mémoire de fin de cycle postuniversitaire (DESS) en Planification régionale et aménagement du territoire intitulé « l’Aménagement du territoire au Niger et la communauté urbaine de Niamey », IPD/AOS, Ouagadougou, 1989,173 p. Propos retranscrits selon les souvenirs de Mahamadou Danda Ibid Ibid Ibid Ibid Ibid Ibid Ibid Ibid Communiqué du FRDD, voir Le Républicain du 8 avril 1999, Mahamadou Danda et son épouse Nana-Barakatou Ibrahim ont au total six enfants : Amina l’ainée, diététicienne formée au Maroc et à l’Université d’Abomey au Bénin ; Sadatou la seconde, cadre de banque
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27. 28. 29. 30.
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formée au Maroc et au CSAG de Dakar ; Mahamadoul-Aminou le troisième, polytechnicien de Montréal naturalisé canadien ; Mlle Rachida, cadre de banque, formée en Tunisie ; Mahaman Bachar, étudiant à l’université d’Ottawa au Canada ; et la cadette Jamila en classe de première du collège Mariama de Niamey. Propos retranscrits selon les souvenirs de Mahamadou Danda Entretien avec l’auteur Propos retranscrits selon les souvenirs de Mahamadou Danda Mémoire de maîtrise en Aménagement du territoire et développement régional intitulé « Décentralisation et insertion institutionnelle des projets d’aménagement de terroirs : cas du département de Tahoua au Niger », Université Laval, Québec (Canada). Mémoire du D.E.A Gouvernement local, action publique, territoires intitulé « Décentralisation importée : genèse des réformes décentralisatrices au Niger ». I.E.P (CERVL), Université Montesquieu Bordeaux IV, 1997, 200 p. Thèse de doctorat en science politique intitulée « Politique de décentralisation, développement régional et identités locales : le cas du Damagaram », soutenue publiquement le 23 Novembre 2004 à l’I.E.P, Université Montesquieu, Bordeaux IV (France). « Niger : le cas du Damagaram. Développement régional et identités locales » de Mahamadou Danda, publié aux éditions L’Harmattan, Collection Etudes Africaines, Juin 2012. Thèse de Doctorat en Science Politique intitulée « Politique de décentralisation, développement régional et identités locales : le cas du Damagaram », soutenue publiquement le 23 Novembre 2004 à l’I.E.P, Université Montesquieu, Bordeaux IV (France). Ibid Mémoire de fin de cycle postuniversitaire (DESS) en Planification régionale et aménagement du territoire intitulé « l’Aménagement du territoire au Niger et la communauté urbaine de Niamey », IPD/AOS, Ouagadougou, 1989,173 p Mémoire de maîtrise en Aménagement du territoire et développement régional intitulé « Décentralisation et insertion institutionnelle des projets d’aménagement de terroirs : cas du département de Tahoua au Niger », Université Laval, Québec (Canada). Co-auteur avec M-M. Kalala et A.Schwarz d’une publication intitulée « Désengagement étatique, transfert de pouvoir et participation populaire au Sahel : de la problématique à l’analyse de l’expérience nigérienne », série dossier n°28, Centre Sahel, Université Laval, 1993. Auteur de la publication intitulée « Le Niger et la question de la Décentralisation : Mise à jour du contexte de la loi sur la Décentralisation », Bureau de l’Ambassade du Canada, Niamey, Mai 1998. Thèse de Doctorat en Science Politique intitulée « Politique de décentralisation, développement régional et identités locales : le cas du
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41. 42. 43. 44. 45. 46. 47. 48. 49. 50. 51. 52. 53. 54. 55. 56. 57. 58. 59. 60. 61. 62. 63. 64. 65. 66.
Damagaram », soutenue publiquement le 23 Novembre 2004 à l’I.E.P, Université Montesquieu, Bordeaux IV (France). Ibid Entretien avec l’auteur Extrait du communiqué du Conseil Suprême de la Restauration de la Démocratie, Sahel Dimanche, 19 février 2010. Déclaration du porte-parole du Ministère des Affaires Etrangères et Européennes, le 19 février 2010. Communiqué de presse officiel du Secrétaire Général de l’ONU publié le 19 février 2010. Extrait de l’article « Niger : la junte s’installe, appels à une transition rapide vers la démocratie » par Boureima Hama, Le Point.fr, 24 février 2010. Propos retranscrits selon les souvenirs de Mahamadou Danda Idem Entretien avec l’auteur Extrait du message à la Nation du Président du Conseil Suprême pour la Restauration de la Démocratie, Chef de l’Etat, le Chef d’escadron Salou Djibo, publié le 28 février 2010 Ibid Extrait du discours du Chef de l’Etat prononcé le 13 mars 2010 à l’occasion de sa première rencontre avec les partis politiques, mis en ligne sur le site internet officiel du gouvernement de transition. Propos retranscrits selon les souvenirs de Mahamadou Danda Ibid Ibid Communiqué du secrétariat général du gouvernement lu à l’antenne de la Voix du Sahel, Mardi 23 février 2010. In « Mahamadou Danda, nommé Premier Ministre de la transition », RFI, 24 février 2010. In « Mahamadou Danda, Premier ministre de consensus » par Lauranne Provenzano, Jeune Afrique, 24 février 2010. In « Niger : le nouveau Premier ministre, un civil habitué des régimes militaires », AFP, 24 février 2010. In « Mahamadou Danda, nommé Premier Ministre de la transition », RFI, 24 février 2010. Propos retranscrits selon les souvenirs de Mahamadou Danda Ibid Ibid In « Le chef de l’Etat reçoit plusieurs personnalités » par Oumarou Moussa, Le Sahel, 25 février 2010. Témoignage recueilli auprès de Imirane Maiga Adamou, Commissaire chargé de l’organisation des grands événements, conseiller principal du Premier ministre. Témoignage recueilli auprès de Oumarou Keïta, conseiller principal en communication du Premier ministre
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67. Témoignage recueilli auprès de Mahamane Laouali Dan Dah, Ministre des enseignements secondaire, supérieur et de la recherche scientifique, porte-parole du gouvernement de transition. 68. Voir l’article « MSF et le Niger : Tandja n’aime pas la tranquillité » par D. Evariste Ouédraogo, Le Faso.net, 31 octobre 2008. 69. In « Le Premier ministre préside, hier, la réunion de la Commission de concertation Etat-donateurs : des échanges sur les voies et moyens pour faire face à la crise alimentaire », Le Sahel, 11 mars 2010. 70. Ibid 71. Ibid 72. In « La CEN-SAD : vers une refondation des organes de la communauté », Sahel Dimanche, Dalatou Malam Mamane 26 juillet 2010 73. Ibid 74. Ibid 75. Propos retranscrits sur le site officiel du gouvernement de la transition 76. In « L’Union européenne s’accorde sur la relance graduelle de son aide au Niger », RFI, 27 mai 2010 77. Ibid 78. In « Le Président du CSRD préside la cérémonie d’installation officielle du Comité des textes fondamentaux », Sahel Dimanche, 22 avril 2010 79. Ibid 80. In l’article « Au conseil des ministres : Le gouvernement adopte le projet d’ordonnance portant régime de la liberté de la presse », Le Sahel, 7 juin 2010 81. Message à la nation prononcé par le Président du CSRD, Chef de l’Etat, le Général de Corps d’armée Djibo Salou, à l’issue de la validation et la proclamation des résultats définitifs du référendum du 31 octobre 2010 82. Propos retranscrits sur le site officiel du gouvernement de la transition 83. Déclaration de M. Mahamadou Issoufou, vainqueur du 2nd tour de la présidentielle, lue le 14 mars 2010 au siège du PNDS Taraya 84. Propos retranscrits sur le site officiel du gouvernement de la transition 85. Idem 86. Voir l’article « Mali : l’Afghanisation du Sahel », Salima Tlemcani, El Watan, 11 juillet 2009 87. Voir l’article « Al-Qaïda revendique le rapt d’un Français au Niger », Le Nouvel Observateur, 6 mai 2010 88. Voir l’article « Al-Qaïda au Maghreb menace de tuer l’otage français », RFI, 12 juillet 2010 89. Voir l’article « Al-Qaïda au Maghreb Islamique annonce avoir exécuté l’otage français Michel Germaneau », Le Monde.fr, 26 juillet 2010 90. Voir « Déclaration de M le Président de la République », Paris, 26 juillet 2010 91. Communiqué des ex-mouvements touareg à l’issue d’une réunion qui s’est tenue à Agadez mercredi 22 septembre 2010 92. Voir l’article « Anne Lauvergeon rassure le personnel d’Areva », le JDD, 2 octobre 2010
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93. « Message au peuple français », message audio diffusé sur Al-Jazira, 27 octobre 2010 94. Intervention de Nicolas Sarkozy, Président de la République, 16 novembre 2010 95. Idem 96. Voir l’article « Otages au Mali : Juppé confirme des « contacts » avec les ravisseurs », Le Monde, 17 novembre 2010 97. Déclaration à l’AFP, dimanche 24 octobre 2010 98. Voir l’entretien exclusif avec le Président Amadou Toumani Touré « Otages français au Mali : les ravisseurs les ont dispersés », Le Parisen.fr, 20 novembre 2010 99. Sur cet événement, voir l’article « Niger : les deux Français lors d’une opération contre leurs ravisseurs », Le Parisen.fr, 8 janvier 2011 ; « Les deux otages français au Niger retrouvés morts », par Reuters, Lexpress.fr, 8 janvier 2011 ; « Niger : le récit d’une poursuite mortelle », le JDD, Nathalie Prévost, 16 janvier 2011 100. Voir l’article « Aqmi : la France ne paiera pas la rançon », le JDD, M.V, 21 mars 2011 101. Voir l’article « Arrivée du ministre français de la défense au Niger suite à la prise d’otages des deux ressortissants français », china.org.cn, agence de presse Xinhua, 11 janvier 2011 102. Paroles prononcées par Mahamadou Danda lors de la cérémonie des vœux des membres du gouvernement de transition à la Primature, vendredi 14 janvier 2011 103. Propos retranscrits sur le site officiel du gouvernement de la transition 104. Propos retranscrits sur le site officiel du gouvernement de la transition 105. Thèse de doctorat en science politique intitulée « Politique de décentralisation, développement régional et identités locales : le cas du Damagaram », soutenue publiquement le 23 Novembre 2004 à l’I.E.P, Université Montesquieu, Bordeaux IV (France). 106. Témoignage recueilli auprès du Général de Brigade Mahamadou Ousseïni, Ministre de la Défense. 107. Idem 108. Propos retranscrits selon les souvenirs de Mahamadou Danda 109. Témoignage recueilli auprès du Général de Brigade Mahamadou Ousseïni, Ministre de la Défense. 110. Témoignage recueilli auprès de Mahamane Laouali Dan Dah, Ministre des enseignements secondaire, supérieur et de la Recherche scientifique, porte-parole du gouvernement de transition. 111. Témoignage recueilli auprès du général de brigade Mahamadou Ousseïni, Ministre de la défense. 112. Témoignage recueilli auprès de Mahamane Laouali Dan Dah, Ministre des enseignements secondaire, supérieur et de la recherche scientifique, porte-parole du gouvernement de transition. 113. Témoignage recueilli auprès de Imirane Maiga Adamou, Commissaire chargé de l’organisation des grands événements, conseiller principal du Premier ministre
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114. Idem 115. Idem 116. Paroles prononcées par Ari Malla lors de la cérémonie des vœux des membres du gouvernement de Transition à la Primature, vendredi 14 janvier 2011 117. Témoignage recueilli auprès de Imirane Maiga Adamou, Commissaire chargé de l’organisation des grands événements, conseiller principal du Premier ministre 118. Témoignage recueilli auprès du général de brigade Mahamadou Ousseïni, Ministre de la défense. 119. Témoignage recueilli auprès de Oumarou Keïta, conseiller principal en communication du Premier ministre.
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REMERCIEMENTS
Ma reconnaissance va tout d’abord à Mahamadou DANDA pour les entretiens qu’il a bien voulu m’accorder pendant plus d’une année, dans un esprit de parfaite transparence et de totale indépendance. Merci également à toutes celles et à tous ceux qui ont bien voulu me donner de leur temps et tout particulièrement Mamadou Ousseini, Mahamane Laouali Dandah, Keita Oumarou, Adamou Imirane Maiga et Dany Hellal. A mon épouse Linda, ma très profonde gratitude pour sa lecture attentive et fidèle.
TABLE
Avant-propos ............................................................................11 Toukour, l’enfant de Tahoua ....................................................13 Le coup du tapis volant.............................................................17 Sous le regard de Kountché ......................................................23 Ministre malgré lui ...................................................................29 L’aventure MNSD ....................................................................35 Celui qui a dit « NON » ............................................................43 Les années Mayaki ...................................................................49 Docteur Danda ..........................................................................59 L’aventure canadienne..............................................................67 Le spécialiste du local ..............................................................71 Une vie d’engagements ............................................................79 Premier ministre ! .....................................................................83 Famine : la fin d’un tabou ........................................................95 Le « Grand Oral » européen ...................................................103 La restauration de la démocratie .............................................111 Les otages d’Al-Qaïda ............................................................121 Moderniser l’Administration ..................................................133 Le Père de la régionalisation ..................................................139 Le style Danda ........................................................................143 Treize mois, treize jours .........................................................153 Epilogue..................................................................................161
Annexes ..................................................................................163 Notes .......................................................................................177 Remerciements .......................................................................183
Le Niger aux éditions L’Harmattan Dernières parutions Commerçants et entrepreneurs du Niger (1922-2006)
Gandah Nabi Hassane - Préface de Odile Goerg
Cet ouvrage porte sur l’organisation du commerce au Niger de l’époque coloniale à nos jours et appréhende à travers les mutations socio-économiques et politiques les trajectoires personnelles des entrepreneurs et les principaux ressorts de l’accumulation. (Coll. Etudes africaines, 36.00 euros, 352 p.) ISBN : 978-2-336-29136-9, ISBN EBOOK : 978-2-296-51596-3 Dynamique du Pulaaku dans les sociétés peules du Dallol Bosso (Niger)
Oumarou Amadou
Cet ouvrage s’attache d’abord à identifier les conditions de variation des principaux cadres au sein desquels s’exprime le Pulaaku dans les sociétés peules du Dallol Bosso (Niger) et voir en quoi les pratiques socioéconomiques ou religieuses contribuent à la réinvention et/ou au maintien du système de culture peule. Il analyse ensuite le «processus de réinvention» de ce système culturel à travers les stratégies d’adaptation et d’intégration des éléments de changement dans son fonctionnement quotidien. (Coll. Etudes africaines, 29.00 euros, 290 p.) ISBN : 978-2-296-99466-9, ISBN EBOOK : 978-2-296-50148-5 Anthropologie et écosystèmes au Niger Humains, lions et esprits de la forêt dans la culture gourmantché
Pedro Galhano Alves Joao - Préface de Danielle Vazeilles
Au sud-ouest du Niger des communautés humaines coexistent encore quotidiennement avec des lions et la grande faune sauvage. Cet ouvrage explore la complexité de ces cultures et de leurs relations avec la nature. Il procède à une description de la région, de ces sociétés, de leurs systèmes d’utilisation des ressources naturelles, de leurs représentations culturelles et de leurs relations avec la biodiversité. Il étudie l’ensemble de la culture et du mode de vie des Gourmantché. (45.00 euros, 448 p.) ISBN : 978-2-296-99197-2 oignon (L’) du Niger Etude d’une filière traditionnelle face à un marché globalisé
Tarchiani Vieri, Abass Mallam Assoumane, Robbiati Georgia
Forte d’une production annuelle de plus de 400 000 tonnes, la filière oignon représente aujourd’hui pour le Niger la principale source de recettes d’exportation après l’uranium. L’étude de cette filière ouvre des perspectives
nouvelles et contribue à redéfinir le rôle de l’agriculture sahélienne dans le développement et l’intégration régionale. En dépit de la mondialisation, la filière nigérienne reste dominante sur les marchés régionaux. (16.50 euros, 164 p.) ISBN : 978-2-296-56282-0 Niger : le cas du Damagaram Développement régional et identités locales
Danda Mahamadou
Comment les institutions de gestion administrative régionale s’articulentelles à des espaces sociaux pour construire des espaces politiques essentiels à la mise en oeuvre des politiques publiques dans la perspective de la good governance et espérer optimiser les stratégies de réduction de la pauvreté ? L’auteur appréhende l’influence de la vitrine identitaire du Damagaram dans le fonctionnement des institutions en charge du développement en région. (Coll. Etudes africaines, 31.50 euros, 308 p.) ISBN : 978-2-296-96078-7 économie (L’) agricole au Niger
Boureima Moussa
L’économie agricole nigérienne se caractérise par une production dépendante des aléas climatiques et insuffisante pour assurer la sécurité alimentaire des populations, un surpeuplement des sphères productives occupant plus de 80% de la population active nationale, une faiblesse structurelle de l’épargne et de l’investissement, une balance commerciale déficitaire pour les céréales. En voici un panorama. (Coll. Études africaines, 10.50 euros, 70 p.) ISBN : 978-2-296-96360-3 Peuls (Les) WoDaaBé du Niger Douce brousse
Kristin Loftdottir Traduit de l’anglais par Marie-Françoise De Munck
Voici un regard très personnel sur la vie des WoDaaBé, nomades du Niger qui tentent de vivre entre la brousse et la ville. Les observations scientifiques sont entrecoupées par les réflexions plus personnelles et les analyses issues de l’expérience de l’auteur, jeune femme blanche immergée dans la vie quotidienne des WoDaaBé. (23.50 euros, 228 p.) ISBN : 978-2-296-96941-4
L'HARMATTAN ITALIA Via Degli Artisti 15; 10124 Torino L'HARMATTAN HONGRIE Könyvesbolt ; Kossuth L. u. 14-16 1053 Budapest L'HARMATTAN KINSHASA 185, avenue Nyangwe Commune de Lingwala Kinshasa, R.D. Congo (00243) 998697603 ou (00243) 999229662
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MAHAMADOU DANDA Un destin nigérien
Mahamadou Danda occupe une place particulière dans le cœur des Nigériens. Discret mais charismatique, ce brillant technocrate n’est pas sensible aux sirènes du pouvoir : souvent sollicité pour jouer les premiers rôles, il refuse les postures partisanes et préfère en intellectuel éclairé préserver sa liberté. Homme de dialogue et de convictions, ce surdoué de sa génération est un décideur pragmatique à l’esprit vif, capable d’appréhender les enjeux des situations les plus complexes et de dresser des perspectives d’avenir à l’échelle de toute une nation. Perçu comme un leader naturel, il préfère l’action aux théories et privilégie l’expérience des hommes de terrain. Spécialiste de la gouvernance locale, fervent défenseur de la décentralisation, son nom est associé au mouvement de régionalisation politique et administrative engagé au Niger. Premier ministre de la transition démocratique entre 2010 et 2011, Mahamadou Danda lègue à son pays une œuvre constituante majeure et fondatrice pour la démocratie nigérienne. Une personnalité respectée pour sa probité et son efficacité. Un homme dont le destin se confond avec celui de son pays.
Président de l’association Solidarité France-Niger pendant quinze ans, Jérôme GUIHO est à l’origine de plusieurs conventions de partenariat entre collectivités territoriales françaises et nigériennes. Il est co-auteur d’un rapport consacré au renouveau de la coopération décentralisée franco-nigérienne paru en 2006.
ISBN : 978-2-343-00832-5
19 euros