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Liber, Gesta, histoire. Écrire l’histoire des évêques et des papes, de l’Antiquité au xxie siècle
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Liber, Gesta, histoire. Écrire l’histoire des évêques et des papes, de l’Antiquité au xxie siècle
édité par François Bougard et Michel Sot
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Les textes recueillis dans cet ouvrage forment les actes du colloque international « Liber, Gesta, histoire. Écrire l’histoire des évêques et des papes, de l’Antiquité au xxie siècle » organisé au Centre d’études médiévales d’Auxerre les 25, 26 et 27 juin 2007 par l’UMR 5594 ARTeHIS « Archéologie-Terre-Histoire-Sociétés (CNRS, université de Bourgogne, ministère de la Culture), l’université de Paris-Sorbonne et l’équipe THEMAM « Textes, histoire et monuments de l’Antiquité et du Moyen Âge » de l’UMR 7041 ArScAn « Archéologie et sciences de l’Antiquité » (CNRS, université de Paris I – Panthéon-Sorbonne, université de Paris-Ouest – Nanterre-La Défense, ministère de la Culture).
© 2009, Brepols Publishers n.v., Turnhout, Belgium. All rights reserved. No part of this publication may be reproduced stored in a retrieval system, or transmitted, in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise, without the prior permission of the publisher.
ISBN 978-2-503-53122-9 D/2009/0095/26
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Introduction
Auxerre et Rome : Gesta pontificum et Liber pontificalis Michel Sot
Si le colloque intitulé Liber, gesta, histoire. Écrire l’histoire des évêques et des papes de l’Antiquité au xxie siècle que nous publions aujourd’hui s’est réuni à Auxerre, c’est d’abord parce que, vers 875, deux chanoines de la cathédrale d’Auxerre, répondant aux noms étranges d’Alagus et Rainogala, ont rédigé des Gestes des évêques d’Auxerre (Gesta pontificum autissiodorensium), une histoire des pontifes de la cité depuis le premier jusqu’à celui qui vient de mourir en 872. Il s’avère que ce texte est un des plus remarquables parmi la vingtaine d’autres recueils de gesta episcoporum rédigés entre le viiie et le xiie siècle dans diverses cités épiscopales d’Europe. Mais s’il s’est réuni à Auxerre, c’est aussi parce que se trouve à Auxerre, une institution unique en France dans une ville moyenne, le Centre d’études médiévales Saint-Germain, lieu de science et de convivialité efficace grâce à son directeur, Christian Sapin, et à celles et ceux qui travaillent avec lui, en particulier Chantal Palluet et Pierre Bonnerue, sans lesquels ce colloque et ce livre n’auraient pas été possibles. S’il s’est réuni à Auxerre, enfin, c’est parce que depuis plus de dix ans, à la suite d’une table ronde tenue au Centre de recherches sur l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge de l’université de Paris X-Nanterre (devenue récemment « Paris-Ouest – Nanterre-La Défense »), une équipe a travaillé régulièrement en séminaire, alternativement à Nanterre et à Auxerre, sur le texte des Gestes des évêques d’Auxerre, pour en établir une nouvelle édition et une traduction annotée. La publication achevée comporte trois volumes, le dernier dépassant le Moyen Âge pour intégrer des notices d’évêques ayant siégé jusqu’à la fin du xviie siècle. L’unique manuscrit de ce texte, le manuscrit 142 de la bibliothèque d’Auxerre, réunit en effet des cahiers ajoutés au manuscrit médiéval, dont le dernier a été achevé en 1773. Notre équipe de médiévistes n’a pas cru devoir renoncer à la publication de ce qui, académiquement, n’est en principe pas de sa compétence.
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Cette audace – ou cette témérité – est à l’origine de la réflexion d’ensemble que nous proposons ici sur l’écriture de l’histoire des pontifes « de l’Antiquité jusqu’au début du xxie siècle » et de l’appel que nous avons lancé à nos collègues d’histoire moderne et d’histoire contemporaine qui ont répondu avec un enthousiasme (ou un dévouement à la cause commune de l’histoire) dont il convient de les remercier. « Auxerre et Rome », affichons-nous fièrement en titre. La ville d’Auxerre n’a certes pas l’importance de la ville de Rome, ni aujourd’hui ni hier, mais Rome est à l’horizon de toute Église en Occident, de celle d’Auxerre très particulièrement. En écrivant des Gestes de leurs évêques, les chanoines du ixe siècle avaient sans doute en tête le modèle du Liber pontificalis, le Livre des papes de Rome dont un exemplaire est présent à Auxerre au ixe siècle : le Liber pontificalis, on l’admet depuis longtemps, est le prototype des gesta episcoporum. Du moins, les chercheurs que nous sommes ont-ils toujours en tête ce texte impressionnant, magistralement étudié et présenté par Louis Duchesne, il y a cent vingt ans, en une édition qui fait toujours autorité. C’est pourquoi, en amont des Gestes des évêques d’Auxerre, puis parallèlement à eux et à leurs continuations jusqu’au xve siècle au moins, nous avons voulu reprendre la réflexion sur ce texte fameux et difficile. À son propos aussi, nous avons souhaité réfléchir à ses continuations, puis à ses reprises et prolongations dans l’écriture de l’histoire des papes au-delà du Moyen Âge, dans le contexte moderne puis contemporain, de l’humanisme, de l’érudition puis de l’histoire scientifique, et même de la chronique médiatique. Le travail s’est organisé en deux temps qui deviennent les deux parties de ce livre : d’abord l’étude du Liber pontificalis et de l’écriture de l’histoire des papes de l’Antiquité jusqu’au début du xxie siècle ; puis l’étude de l’écriture de l’histoire des évêques : gesta episcoporum médiévaux bien sûr, mais là aussi continuations, reprises et nouvelles orientations aux époques modernes et contemporaines. Je me propose dans cette introduction de présenter simplement comment a été écrite l’histoire des évêques d’Auxerre et comment a été écrite l’histoire des évêques de Rome dans les deux textes qui sont à la base de notre réflexion : Les gestes des évêques d’Auxerre et le Liber pontificalis de Rome.
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1. Les Gestes des évêques d’Auxerre 1 Il faut d’abord présenter la cité d’Auxerre au ixe siècle et son école. Auxerre n’est certes pas Rome, mais ce n’est pas non plus n’importe quelle cité épiscopale de l’Occident carolingien. C’est un des hauts lieux de la renaissance culturelle carolingienne sous le règne de Charles le Chauve et, plus généralement, dans la seconde moitié du ixe siècle. L’abbaye Saint-Germain, où s’est tenu le colloque, a vu se succéder quatre générations de moines savants entre 840 environ et la fin du siècle : Muretach, originaire d’Irlande ; Haymon d’Auxerre sur lequel Dominique Iogna-Prat a réattiré l’attention et qui vient de donner lieu à la remarquable thèse de Sumi Shimahara 2 ; Heiric, dont nous pensons qu’il a participé à la rédaction des Gesta pontificum avec les chanoines ; et enfin Remi qui, vers 893, est parti réformer les écoles d’un autre centre prestigieux : Reims. Voilà ce que, depuis un grand colloque tenu ici même en 1989, on appelle l’école carolingienne d’Auxerre 3. Ajoutons que, dans le même temps, ont été construites ou largement reconstruites et ornées, les très belles cryptes qui sont sous l’église abbatiale et qui ont donné lieu depuis dix ans et plus, à d’importants travaux archéologiques 4. À Auxerre, comme dans beaucoup de cités d’Occident, il y a en fait deux pôles d’autorité et de pouvoir ecclésiastique : la cathédrale Saint-Étienne et l’abbaye dédiée à un saint prestigieux, le plus vénéré et donc le plus célèbre 1. Les gestes des évêques d’Auxerre, sous la direction de M. Sot, texte établi par G. Lobrichon et M. Goullet, présentation, traduction et notes par P. Bonnerue, M.-H. Depardon, N. DeflouLeca, A. Dubreucq, K. Krönert, D. Iogna-Prat et A. Wagner, 2 vol., Paris, 2002-2006 (Les classiques de l’histoire de France au Moyen Âge, 42-43). Le troisième volume doit paraître en 2009. Cité désormais, Les gestes… – L’édition a suscité un regain de curiosité pour le texte: C.B. Bouchard, Episcopal Gesta and the creation of a useful past in ninth-century Auxerre, dans Speculum, 84, 2009, p. 1-35. 2. D. Iogna-Prat, « L’œuvre d’Haymon d’Auxerre », dans L’école carolingienne d’Auxerre… cité n. 3, p. 157-180. S. Shimahara, Exégèse et politique dans l’œuvre d’Haymon d’Auxerre, thèse de doctorat, université de Paris-Sorbonne (Paris IV), 2006, à paraître dans la collection « Haut Moyen Âge » aux éditions Brepols. Voir aussi les actes de la table ronde réunie par S. Shimahara : Études d’exégèse carolingienne : autour d’Haymon d’Auxerre. Atelier de recherches, Centre d’études médiévales d’Auxerre, 25-26 avril 2005, Turnhout, 2008 (Haut Moyen Âge, 4). 3. D. Iogna-Prat, C. Jeudy et G. Lobrichon (éd.), L’école carolingienne d’Auxerre, de Muretach à Remi (830-908), Paris, 1991. 4. C. Sapin (dir.), Archéologie et architecture d’un site monastique. 10 ans de recherche à l’abbaye Saint-Germain d’Auxerre, Auxerre/Paris, 2000.
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des anciens évêques de la cité : saint Germain. À la cathédrale Saint-Étienne d’Auxerre, un chapitre de chanoines entoure l’évêque : nous ne savons pas grand-chose de lui, sauf qu’il a produit ces Gestes des évêques d’Auxerre. Ce qui attire notre attention sur le caractère somme toute modeste de ce type de texte, rédigé par d’obscurs chanoines, même s’ils se sont assuré le concours du savant moine Heiric 5. Nous verrons plus loin qu’à Rome, le Liber pontificalis a été rédigé aussi par d’obscurs fonctionnaires de la curie, les érudits hésitant sur le bureau auquel il faudrait l’attribuer à moins qu’il ne soit passé d’un bureau à l’autre comme le montre François Bougard. 1.1. La première écriture des gesta De fait, dans les Gestes des évêques d’Auxerre, nous suivons très précisément, d’évêque en évêque, la constitution du patrimoine de l’Église d’Auxerre, l’établissement des lieux de culte, la construction des églises et des demeures épiscopales, la constitution du trésor, la mise en place du droit de l’Église, la production de règlements liturgiques… Bref la mise en place de tout ce qui fait matériellement et institutionnellement l’Église d’Auxerre en 875, au moment de la rédaction sous l’évêque Wala (39e évêque). Mais tout cela s’inscrit dans une histoire, une histoire que l’on peut qualifier de théologique. Toute Église est fondée dans et par le Christ qui a envoyé ses apôtres dans tout le monde connu. Pierre a gagné Rome. Toute Église a été fondée, comme celle de Rome, par des apôtres et des martyrs. Nos chanoines d’Auxerre sont honnêtes et donc embarrassés, parce qu’ils ne trouvent pas d’apôtre, ni même de disciple de Pierre venu à Auxerre. Mais le premier évêque, saint Pèlerin (Peregrinus) est bien venu de Rome, et il est martyr des persécutions de l’empereur Aurélien (270-275). Tous les successeurs de Pèlerin sont désignés comme saints. Il faut cependant s’arrêter sur le septième qui est saint Germain (418-448), auxerrois devenu haut fonctionnaire romain, qui donne à l’Église d’Auxerre une dimension universelle en allant affronter les hérétiques pélagiens en Bretagne et en fréquentant la cour de Ravenne où il meurt. C’est son patrimoine qui est à la base du patrimoine de l’Église d’Auxerre au ixe siècle. La sainteté originelle de l’Église d’Auxerre est donc transmise et réactivée, d’évêque en évêque, jusqu’au moment de la rédaction en 875, validant et protégeant ainsi les biens, les pratiques et les droits de l’Église d’Auxerre. 5. Les Gestes…, I, Introduction, p. x-xii.
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Au chapitre des relations anciennes et réelles entre Auxerre et Rome, il convient d’ajouter la présence à Auxerre de deux textes romains très importants dans l’histoire de l’Occident. Le premier est le martyrologe romain, dit Martyrologe hiéronymien, dont la version auxerroise date de l’épiscopat d’Aunaire (561-604). C’est sur cette version auxerroise que repose notre connaissance du martyrologe hiéronymien. Le second est le Liber pontificalis lui-même, auquel nos chanoines font explicitement référence, par exemple dans la notice qu’ils consacrent à saint Germain. Un premier manuscrit était parvenu entre les mains de Grégoire de Tours en 590, au moment même où le Martyrologe hiéronymien arrivait à Auxerre. Le manuscrit d’Auxerre que nous connaissons aurait été copié à Auxerre même à une date proche de celle de la rédaction des gesta 6. On peut ajouter ici un témoignage archéologique : dans l’agrandissement et la réorganisation des cryptes abritant les corps de saint Germain et de nombreux autres évêques opérés en 859, on place de part et d’autre de la châsse de saint Germain des reliques romaines. Le chef du martyr Tiburce et des ossements du pape Urbain Ier ont été apportés de Rome et installés dans la crypte sans doute en 875, au moment de la rédaction des gesta 7. 1.2. Les continuations Si la première rédaction des Gestes des évêques d’Auxerre, celle de 875, a retenu notre attention depuis longtemps, les continuations apportées ensuite, par des auteurs à peu près contemporains des prélats dont ils établissent les notices, méritent un examen non moins attentif, et doivent aussi être envisagées dans leur ensemble et non seulement comme une carrière d’informations ponctuelles sur tel ou tel prélat. Elles sont écrites aussi par des chanoines, généralement anonymes. Tous les rédacteurs, nous semble-t-il, et jusqu’au dernier, celui du xviiie siècle, ont bien eu conscience de s’inscrire dans le prolongement du livre écrit en 875 et qui s’ouvrait avec les épiscopats de saint Pèlerin, le fondateur, bientôt suivi par celui de saint Germain, la grande illustration de l’Église d’Auxerre. 6. Le manuscrit est daté par L. Duchesne de la fin du ixe siècle mais semble un peu antérieur. La première main dans le catalogue s’arrête à Adrien II (867-872) et, dans les notices, à Étienne III (m. 772). L. Duchesne, Le Liber pontificalis… cité n. 14, I, p. clxxviii, n° 22 (manuscrits de la classe B). C’est le Voss. lat. 4°, 41, 114ff. (Bibliothèque de la Rijksuniversiteit à Leyde). 7. D. Iogna-Prat, La Maison Dieu, Une histoire monumentale de l’Église au Moyen Âge (v. 800-1200), Paris, 2006, p. 223 et plan 4.
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Un chanoine de la fin du xie siècle donne en tête de la notice qu’il consacre à l’évêque Robert de Nevers (n° 52, 1076-1084/1092) l’avertissement suivant :
La coutume de l’Église d’Auxerre, qui n’est pas sans noblesse, veut que, dès que son évêque migre de ce monde vers le Ciel, on mette aussitôt par écrit ses derniers moments, son accession au siège épiscopal et surtout ses belles actions. Or, pour le plus grand dommage de sa patrie, l’évêque Robert, patron de cette Église, vint à mourir sans qu’en trois ans, on n’ait rien écrit de ce que nous avons dit, tant furent grandes la peine que causa sa mort et les dissensions sur le choix du futur évêque. Enfin la douleur s’apaisa et l’Église fut rassérénée et consolée par son nouveau pasteur. Aussi un frère, médiocrement instruit et peu lettré, n’osant manquer à l’obéissance, a-t-il, à la demande du chapitre et sur l’ordre de l’évêque, confié à la plume tout ce qui lui a paru devoir échapper à l’oubli ; sa manière est d’autant plus indigne qu’elle est dépourvue d’élégance et d’éloquence ; au moins a-t-il fait ce qu’il a pu 8.
Au-delà des topoi de modestie du chanoine qui revendique sa médiocrité et affirme n’avoir écrit que par devoir d’obéissance, retenons l’affirmation de cette « noble coutume » de l’Église d’Auxerre : au décès d’un évêque, on met par écrit le récit de sa mort et de son élévation à l’épiscopat, encadrant les hauts faits de sa vie. Un avertissement analogue et beaucoup plus développé, rédigé trois siècles plus tard, se trouve en tête des notices consacrées aux évêques du xive siècle, écrites d’une seule traite par le même auteur, sur un cahier séparé, la partie du manuscrit aujourd’hui conservée au Vatican 9.
C’est une très ancienne et louable coutume de l’Église d’Auxerre depuis saint Pèlerin son premier évêque et jusqu’à aujourd’hui, d’écrire et de consigner pour l’avenir, à la mort de chaque pontife du siège, ses gestes remarquables dans un livre ordonné avec une sage prévoyance à cette fin que, par le fait même de la lecture fréquente de leurs actes, des louanges soient adressées à Dieu, et que leurs successeurs soient très fortement incités à agir énergiquement en suivant les exemples de leurs prédécesseurs. Or par négligence, ou faute d’historiographes, cette coutume a disparu après la mort du seigneur Érard de Lésignes, de bonne mémoire, qui a eu lieu le 15 des calendes d’avril, l’an du Seigneur 1277 ; ainsi, pendant quatre-vingt-quatre ans, ne trouve-t-on rien qui ait été écrit sur les évêques dans le livre en question, jusqu’à l’arrivée du révérend père en Christ le seigneur Nicolas d’Arcis [1372-1376], aujourd’hui pontife de cette Église, son 81e évêque, élevé par le saint siège apostolique en
8. Les Gestes…, I, p. 278. 9. Biblioteca Apostolica Vaticana, Reg. lat. 1283 A, f. 77r-85v.
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1373, et qui fut ainsi élevé par le très saint père en Christ le seigneur pape Grégoire XI [1370-1378] pendant l’Avent de l’année susdite. Il a paru utile à celui qui est maintenant le seigneur évêque de notre Église de remettre en pratique cette coutume et il fit rechercher activement la vérité sur les gestes des pontifes qui avaient dirigé l’Église dans l’intervalle ; il fit consigner dans l’ordre et de façon claire, avec le plus grand soin possible, tout ce qu’on découvrit. C’est conformément à ce projet, mis en œuvre avec un soin très scrupuleux, qu’ont été découverts, sur les évêques précédents, les faits particuliers qui vont suivre. Mais comme la certitude ne saurait être pleinement atteinte sur les évêques dans leur ensemble et sur chacun d’eux en particulier, que le lecteur soit indulgent pour l’historiographe de cet ouvrage, qui n’a pas vu tous les évêques au sujet desquels il a écrit ci-dessous, en particulier les quatre premiers, dont il a mis par écrit les gestes selon un récit digne de foi ; quant aux autres, il les a vus et sait que ce qu’il a écrit est vrai, pour avoir continûment servi plusieurs d’entre eux et scrupuleusement recherché les gestes des autres. Ils ont en outre accompli bien d’autres actes saints pour leur salut et celui de ceux qui dépendaient d’eux dont on doit croire que, même s’ils ne sont pas consignés dans le présent livre, ils ne sont pas absents du Livre de Vie. [L’historiographe] s’appuie cependant sur l’exemple que donne saint Grégoire au début de ses Dialogues, au chapitre III et là dans le passage ea que mihi sint etc., où il est dit que les évangélistes Marc et Luc, parce qu’ils n’ont pas connu ce qu’ils décrivent pour l’avoir vu mais pour l’avoir entendu, ôtent par là à leur lecteur toute occasion de doute sur chacun des faits qu’ils décrivent. Et si, pour ceux qui les entendent, ces faits ne sont pas avérés et certains, ils désirent que tous les lecteurs de cet ouvrage sachent que dans certains cas, il faut ne retenir que le sens et dans d’autres les termes en plus du sens ? Car, aurait-il voulu garder, à propos de toutes les personnes et de chacune d’entre elles, les termes dans leur littéralité, la plume de l’auteur qui consigne des faits qu’on lui a rapportés de façon rustique ne saurait les reprendre de façon convenable. J’ai appris ce que j’expose par de très vénérables anciens, soumettant cependant cet opuscule à la correction des maîtres et à la relation des anciens 10.
On ne commentera pas ici cet admirable exposé de méthode historiographique, mais retenons le principe énoncé à nouveau : la « noble coutume » serait d’écrire sa notice à la mort de chaque évêque mais la pratique ne semble pas avoir été très régulière. Le précédent éditeur du texte, Pierre Janin, dans sa thèse de l’École nationale des chartes restée inédite, avait distingué dix-sept continuations médiévales et modernes sur des critères historiques et philolo10. Les Gestes…, début du vol. 3, à paraître en 2009.
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giques, du moins pour les premières 11. Nous avons tempéré cette précision pour la période 875-1151, au cours de laquelle Pierre Janin distinguait sept continuations. Dans la notice d’un de ces évêques, Geoffroy de Champallement, mort en 1076 (n° 51), le chanoine rédacteur, qui est le Frodon que nous avons déjà cité, met au crédit du défunt le fait d’avoir « rénové » ce volume des Gestes des pontifes (hoc volumen de gestis pontificum renovavit). Monique Goullet a souligné l’ambiguïté du verbe renovare, qui peut signifier restaurer matériellement le livre ou le recopier, mais plus vraisemblablement en remanier le contenu. « Il faut donc admettre que nous lisons des textes dont nous ignorons en grande partie la date de rédaction et dont nous ne savons pas davantage s’ils sont l’œuvre d’un auteur unique, chargé de toiletter des notices anciennes, ou bien d’une succession d’auteurs » 12. Cela jusqu’en 1151, à la mort de l’évêque Hugues de Mâcon/Cluny (n° 55). Le manuscrit 142 d’Auxerre est en effet écrit d’une même main depuis le début jusqu’à ce point. C’est pourquoi il est bien difficile de distinguer des continuations successives, obligés que nous sommes de nous fonder sur des arguments philologiques et historiques discutables. Au-delà du milieu du xiie siècle, nous pouvons distinguer dans le manuscrit tel qu’il se présente aujourd’hui, des mains et des livrets différents, ce qui donne des arguments beaucoup plus solides pour distinguer les continuations successives. Elles ont d’abord été écrites par groupes de deux ou trois évêques, jusqu’à Érard de Lésignes (n° 64, 1270-1278) avec lequel s’achève la partie médiévale du manuscrit d’Auxerre. Mais on trouve la suite, pour la période 1278-1372 et les évêques nos 65 à 80, écrite d’une seule main, peu après 1372 dans le manuscrit du Vatican dont nous avons cité le prologue. Au xve siècle, ce cahier faisait encore partie du manuscrit d’Auxerre comme le prouverait la table du manuscrit 142 d’Auxerre. Il en a été détaché ultérieurement. Au-delà de 1372, nous n’avons plus de notices, ni au Vatican, ni à Auxerre pour les dix évêques suivants (n° 81-91), c’est-à-dire jusqu’en 1514. Pour le xvie et le xviie siècle, trois livrets ont été reliés dans le manuscrit 142 d’Auxerre. Le premier concerne les deux évêques François Ier et François II de Dinteville (nos 92 et 93). On a ensuite une nouvelle lacune pour les évêques Robert et Philippe de Lénoncourt, puis pour Philibert de La Bourdaisière (nos 94, 95 et 96). Vient alors une très belle notice sur Jacques Amyot (n° 97) dans un livret séparé. Enfin un dernier livret, composé ou recopié par un P. Bosc en 11. Voir École nationale des chartes, Positions des thèses, 1969, p. 69-74. 12. Les Gestes…, I, Introduction, p. xx-xxi.
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1773 comporte d’une seule traite les notices des évêques du xviie siècle jusqu’à Nicolas Colbert (nos 98 à 102). Trente ans plus tôt, l’érudit abbé Jean Lebeuf avait publié ses Mémoires concernant l’histoire civile et ecclésiastique d’Auxerre et de son diocèse 13. Le genre historiographique carolingien des Gesta episcoporum a continué à être pratiqué alors que l’histoire érudite s’était mise en place.
2. Le Liber pontificalis de Rome S’il était nécessaire de présenter la cité d’Auxerre au moment de la première rédaction des Gestes de ses pontifes, on ne prétendra pas ici présenter Rome, mais seulement le Liber pontificalis romain, sa genèse et son développement. Notons d’abord que le titre (Liber pontificalis) n’est vraiment devenu canonique que depuis l’édition de Monseigneur Duchesne 14. Avant le xiie siècle il est désigné comme episcopale, liber episcopalis in quo continentur acta beatorum pontificum Urbis Romae, pontificale romanum, ou encore gesta pontificum ou pontificale romanum. Quand les chanoines d’Auxerre y font allusion ils le désignent comme gesta pontificalium 15. Il s’agit donc bien d’un livre des évêques ou des pontifes de Rome, qui contient leurs acta et leurs gesta, organisé en chronica, c’est-à-dire selon la chronologie. Bède le Vénérable dans son Historia ecclesiastica gentis anglorum (731), le pape Nicolas Ier (856-867) et l’archevêque Hincmar de Reims (845- 82) ont parlé des Gesta pontificalia 16. À la base du travail des rédacteurs se trouve le catalogue ou la liste chronologique des papes et, sur chaque pontife, on rassemble progressivement un 13. J. Lebeuf, Mémoires concernant l’histoire civile et ecclésiastique d’Auxerre et de son diocèse, Paris, 1743, 2 vol. ; continués jusqu’à nos jours par A. Challe et M. Quantin, Auxerre, 1848-1855, 4 vol. 14. Le Liber pontificalis, texte, introduction et commentaire par l’abbé L. Duchesne, 2 vol., in 4°, Paris, 1886 et 1892 ; réimpression, Paris, 1955, suivie d’un vol. 3 par C. Vogel : Additions et corrections de Monseigneur Louis Duchesne. Histoire du Liber pontificalis depuis l’édition Duchesne, bibliographie, tables générales, Paris, 1957. Nous nous fondons largement sur ces volumes dans la présentation qui suit sans y renvoyer constamment. Depuis le colloque, une traduction française d’une grande partie du Liber pontificalis a été publiée : Le livre des papes. Liber pontificalis (492-891), traduit et présenté par M. Aubrun, Turnhout, Brepols, 2007. 15. Les Gestes…, I, p. 29. 16. C. Vogel, Le Liber pontificalis dans l’édition de Louis Duchesne. État de la question, dans Monseigneur Duchesne et son temps. Actes du colloque de Rome, 23-25 mai 1973, Rome, 1975 (Collection de l’École française de Rome, 23), p. 99-140 : p. 100.
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ensemble d’informations jusqu’à constituer des notices biographiques qui, mises bout à bout, forment le Liber pontificalis. Il faut donc s’arrêter un instant sur ces catalogues d’évêques, mis au point dès le iie siècle par Hégésippe ou Irénée. Pourquoi ces listes ? Pour rendre sensible la continuité de l’enseignement de l’Église depuis l’apôtre Pierre, jusqu’à l’évêque de Rome contemporain. Cette préoccupation est fondatrice de l’histoire des évêques et des papes. Au iiie siècle, la Chronique d’Hippolyte (ou Liber generationis) rassemble des éléments de comput pascal et des documents chronographiques, dont la liste des évêques de Rome. Elle a un continuateur (pour la période 235-254) qui rédige de petites notices préfigurant celles du Liber pontificalis. Les catalogues jouent un rôle important au ive siècle dans la Chronique et dans l’Histoire d’Eusèbe de Césarée, continuées au siècle suivant par leurs traducteurs en latin, Rufin et Jérôme. Dans un recueil fameux publié sous le nom du « Chronographe de 354 » se trouve, entre autres, une liste des papes jusqu’à Libère (352-366), appelée par les érudits « catalogue libérien », qui sera repris au vie siècle pour organiser le premier Liber pontificalis jusqu’à cette date de 352. Les catalogues se multiplient aux ve et vie siècles, souvent comme documents d’accompagnement, avec d’autres listes, de provinces ou de cités par exemple, dans des manuscrits contenant des collections canoniques ou des chroniques. Duchesne a attiré notre attention sur deux documents qui témoignent chacun à leur manière de l’intérêt pour les catalogues et la continuité de la liste épiscopale au tout début du vie siècle. D’une part l’élaboration d’un catalogue schismatique dans l’entourage de l’antipape Laurent (498-507) qui posait Laurent en 51e pape depuis saint Pierre aux dépens de Symmaque (498514). D’autre part une série de figures des évêques de Rome, peinte à SaintPaul-hors-les-Murs, avec des inscriptions précisant qui ils sont. Donner des images et des représentations élaborées des papes, c’est ce que s’efforcent de faire aussi les notices qui leurs sont consacrées, écrites à peu près au même moment et qui constituent le premier Liber pontificalis, celui du vie siècle. 2.1. Le Liber pontificalis du vie siècle : jusqu’au pape Vigile (538-555) Duchesne a montré qu’il fallait attribuer la rédaction à la première moitié du vie siècle, à la période où Rome est sous la domination des Ostrogoths, juste avant la Reconquête de Justinien. Essayons de synthétiser ses conclu-
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sions, en tenant compte des compléments apportés par Cyrille Vogel en 1975. Il y aurait eu deux rédactions successives. La première a été entreprise sous Hormisdas (514-523), continuée par un contemporain sous ses successeurs Jean Ier (523-526) et Félix IV (526-530) et prolongée jusqu’au milieu de la notice de Silvère (537-538). Elle est perdue mais Duchesne la reconstitue à partir des deux abrégés postérieurs dits « abrégé félicien » pour l’un (il va jusqu’à Félix IV), et « abrégé cononien » pour l’autre (il va jusqu’au pape Conon : 686-687). La seconde rédaction est un remaniement de la première qui, entre autre, ajoute une passion de Silvère pour terminer la notice de ce pape. Elle est effectuée sous Vigile (537-555). C’est celle qui nous a été transmise par les manuscrits 17. En tête de ce Liber pontificalis primitif et en guise d’introduction se trouvent deux lettres dont on sait depuis longtemps qu’elles sont apocryphes mais dont il faut saisir le sens. La première est une lettre de saint Jérôme adressée au pape Damase (366-384). Jérôme, traducteur de la Bible en latin, mais aussi de la Chronique d’Eusèbe et auteur d’un De viris illustribus, est l’Historien par excellence. Il voudrait savoir qui, parmi les papes, a été martyr et qui a transgressé les canons. La seconde lettre est la réponse de Damase : il a rassemblé et transmis à Jérôme tout ce qu’il a pu trouver : c’est le texte qui suit. On discerne donc l’intention globale du livre : distinguer les bons pontifes (qui ont accepté le martyre et respecté la discipline de l’Église) des mauvais pontifes. On reconnaît aussi, dans le recours à un Père de l’Église (et de l’histoire) et à un pape, un artifice classique pour conférer autorité à un ouvrage anonyme. Qui peut avoir écrit ce Liber pontificalis du vie siècle ? La critique interne permet d’établir qu’il s’agit d’un (peut-être de deux) clerc(s) de la curie pontificale, contemporain(s) des papes de 496 à 530 ou 537 (d’Anastase II à Félix IV ou Silvère). C’est en effet à partir d’Anastase II que les notices deviennent assez exactes. Le rédacteur connaît les archives, les trésors et les possessions de l’Église. Il écrit dans une langue latine assez simple. Ce serait donc un clerc romain subalterne, un homme des bureaux. « Pas de la chancellerie, précise 17. Th. Mommsen, dans son édition du Liber pontificalis postérieure à celle de Duchesne et menée jusqu’en 725 seulement, est en général d’accord avec l’édition Duchesne mais propose une date plus tardive pour cette partie primitive : après Grégoire le Grand (m. 604) sur des arguments écartés par Duchesne et Vogel. Th. Mommsen, Libri Pontificalis Pars prior (-725), Berlin, 1898 (MGH, Gestorum Pontificum Romanorum, I) ; cf. L. Duchesne, La nouvelle édition du Liber pontificalis, dans Mélanges d’archéologie et d’histoire, 18, 1898, p. 381-417 : p. 406 et suiv.
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Duchesne, il aurait un meilleur style » : donc sans doute du vestiarium 18. Signe de cette humilité de l’auteur, son texte eut d’abord un médiocre succès auprès des lettrés et il fut retouché, corrigé, remis à jour comme le texte d’Auxerre dont nous avons montré plus haut qu’il avait été à plusieurs reprises « rénové » : d’où la difficulté de l’approche philologique. Pour caractériser le livre examinons la structure des notices qui comportent un certain nombre de rubriques obligatoires, organisées en une sorte de grille de présentation que l’on peut décrire en dix points. Elle sera souvent reprise, ou du moins adaptée, dans les gestes d’évêques. 1. Une notice commence par donner le nom et le numéro d’ordre du pape concerné en utilisant pour cela les catalogues existants. 2. Vient ensuite l’origine du pape : sa patrie et le nom de son père, comme dans d’autres ouvrages biographiques, tel le De viris illustribus de Jérôme, 3. … puis la durée du pontificat, en année, mois et jours ; et une datation par rapport aux listes d’empereurs et de consuls, puis de rois. 4. On précise alors si le pape a été martyr ou non. Rappelons que c’est la première question posée par le Pseudo-Jérôme au Pseudo-Damase dans la lettre d’introduction : quel pontife a été martyr ? 5. … et on développe un certain nombre de récits relatifs à la vie et à l’action du pape. 6. Les notices de papes signalent les décisions prises par chacun d’eux en matière de discipline ou en matière de liturgie : constitutions pontificales, décrétales, actes de conciles, et bien des éléments du Liber canonum usuel à Rome, parfois cité explicitement. Rappelons que la seconde question posée par le Pseudo-Jérôme au Pseudo-Damase était : quels sont les pontifes qui ont transgressé les canons ? 7. Viennent ensuite les fondations et dotations d’églises. L’inventaire des biens-fonds que le pape a donnés à l’Église de Rome, avec leur localisation et leurs revenus. L’inventaire des trésors aussi, avec description des objets et indication de leur poids de métal précieux. 8. Puis est indiqué le nombre d’ordinations effectuées par le pape : nombre de diacres et de prêtres ordonnés pour l’Église de Rome, nombre d’évêques ordonnés pour d’autres Églises. 9. Le lieu de la sépulture du pape est précisé ainsi que la date de célébration de l’anniversaire de sa mort. La sépulture est le plus souvent au 18. F. X. Noble, A new look at the Liber Pontificalis, dans Archivium historiae pontificae, 23, 1985, p. 347-358, défend l’appartenance à la chancellerie.
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Vatican mais pas toujours. L’important est de savoir où est le corps, garantie de la réalité du pontife. 10. Enfin les rédacteurs indiquent précisément la durée de vacance entre deux papes qui, combinée à la durée du pontificat signalée plus haut (3) doit permettre d’établir la chronologie. Toute l’histoire des cinq premiers siècles de l’Église de Rome, soigneusement organisée selon la chronologie et scandée par la succession des papes, aboutit à la situation juridique, liturgique et patrimoniale de l’Église de Rome au milieu du vie siècle, au moment où est mis au point ce premier Liber pontificalis. 2.2. Les continuations Le Liber pontificalis a été continué jusqu’au pape Martin V (n° 206, 14171431) et c’est bien ce que semble montrer l’édition de Duchesne. Donc, on peut penser que, périodiquement sinon à la mort de chaque pape, un clerc rajoute des notices au Liber, se livrant à un travail d’histoire contemporaine, voire « d’histoire du temps présent ». Mais les choses n’ont pas la simplicité et la linéarité de ce que nous avons observé à Auxerre où l’on ne dispose que d’un seul manuscrit pour une œuvre continue menée sur place. La tradition manuscrite du Liber pontificalis, diffusé dans tout l’Occident est beaucoup plus complexe. Néanmoins, pour essayer d’y voir un peu clair, on peut, toujours à la lecture de Duchesne et Vogel, distinguer deux temps dans ces continuations : jusqu’au ixe siècle d’abord ; puis jusqu’au xve siècle. 2.2.1. Du vie au ixe siècle : une première continuation à Rome Le Liber pontificalis est continué à Rome jusqu’à la notice tronquée d’Adrien II (n° 106, 867-872) et à un fragment pour l’année 886 de la notice d’Étienne V (n° 107). Notons que l’achèvement de cet ensemble est exactement contemporain de l’écriture des premiers Gestes des évêques d’Auxerre (875). Un premier continuateur aurait rédigé les notices des quatre papes suivant Silvère dès le vie siècle. Un second, celles de Pélage II (n° 63) et celle de Grégoire le Grand (n° 64, 590-604) peu après. Un troisième, celles des cinq évêques suivants. Ensuite les notices des papes du viie siècle sont sans doute rédigées au fur et à mesure, à la mort de chaque pontife. Toutes ces notices sont assez sommaires.
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Elles prennent de l’ampleur à la fin du viie siècle et surtout au viiie siècle, pour devenir de véritables mémoires à la fin du viiie siècle, en particulier les deux dernières notices, celles des papes interlocuteurs de Charlemagne : Adrien Ier (n° 95, 772-795 ; dix-huit pages in 4° dans l’édition Duchesne) et Léon III (n° 96, 795-816 ; trente-trois pages in 4°). Les notices des papes du ixe siècle sont à nouveau plus sommaires et mènent jusqu’à Nicolas Ier (n° 105, 858-867) et son successeur Adrien II (n° 106, 867-872) dont seules les trois premières années de pontificat sont traitées. On a encore un début de notice (un an) pour le pontificat d’Étienne V (n° 110, 885-891) comme indiqué plus haut. On considère habituellement, avec Duchesne et Vogel, que là s’arrête le Liber pontificalis proprement dit. Nous préférons dire : le Liber pontificalis et ses premières continuations. Mais on constate que, dans ces continuations « de la première génération » manquent les notices des trois prédécesseurs d’Étienne V : Jean VIII (n° 107, 872-882) et ses deux successeurs Marin Ier (n° 108) et Adrien III (n° 109). C’est le signe d’une grande crise dans l’histoire de la papauté qu’il n’y a pas lieu de développer ici : Jean VIII est le premier pape mort assassiné. On ne trouvera des notices sur ces évêques que dans une version postérieure du Liber pontificalis, dite Liber pontificalis de Pierre Guillaume écrite trois siècles plus tard, au xiie siècle. 2.2.2. Du ixe au xve siècle, en passant par le xiie siècle Le Liber pontificalis tel que nous venons de le présenter est repris dans un manuscrit du Vatican (Vat. lat. 3762 H) exécuté en 1142 (soulignons là encore, sans pouvoir en tirer de conclusion, l’étonnante coïncidence de date avec le premier manuscrit conservé des Gestes des évêques d’Auxerre copié peu après 1151). Ce manuscrit du Vatican a été réalisé par Pierre Guillaume, bibliothécaire du monastère de Saint-Gilles. Il reprend les notices de tous les papes jusqu’à Adrien II (106, 867-872). Puis un catalogue commençant à Jean VIII (107, 872-882) et menant jusqu’à Grégoire VII (157, 1073-1085), avec des notices généralement succinctes. En revanche, il donne ensuite des notices très développées de Grégoire VII à Honorius II (163, 1124-1130). Le véritable auteur de ce texte est le cardinal Pandolphe dont on a retrouvé un manuscrit original à Tortosa en 1925 19, donc après l’édition Duchesne. Ce 19. J. M. March, Liber pontificalis prout exstat in codice manuscripto Dertunensi (de Tortosa) textum genuinum complectens, hactenus in parte ineditum Pandulphi scriptoris pontifici. Accedit memoriale ecclesiarum Romae (1382), Barcelone, 1925.
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manuscrit permet de souligner l’importance de la période allant de Grégoire VII à Honorius II (1073-1130) et en particulier des quatre dernières notices : celles de Pascal II, Gélase II, Calixte II et Honorius II. Pour Duchesne, Pandolphe est l’auteur de ces quatre dernières, mais José March, l’éditeur du manuscrit de Tortosa, lui enlève Pascal II et, après une étude serrée, Vogel lui donne raison 20. Mais c’était le seul point de divergence entre les deux savants et le manuscrit de Tortosa n’invalide en rien l’édition Duchesne. Pandolphe est bien l’auteur des dernières notices (même si c’est de trois sur quatre seulement) dans les années 1130. Nous sommes au moment du schisme d’Anaclet (1130-1138) et Pandolphe est un partisan d’Anaclet. Le Liber pontificalis « de Pierre Guillaume » a été repris deux siècles plus tard, peu après la mort de Martin V en 1431 et continué jusqu’à ce pape (206, 1417-1431). Entre-temps d’autres textes que Duchesne a publiés, avaient repris le catalogue et apporté des éléments de vies de papes : des Annales romaines, couvrant la période 1044-1187 (de Benoît IX à Clément III) et des Vies de papes, du xe siècle jusqu’à Alexandre III (1159-1181), rédigées par le cardinal Boson et insérées dans une copie exécutée en 1254 du Liber censuum (1192). Le cardinal Boson est maître de la chambre apostolique sous Adrien IV et Alexandre III, de 1154 à 1178. Dans son dernier état au xve siècle, le Liber pontificalis se présente donc de la façon suivante (c’est ainsi que Duchesne l’édite) : • le texte du manuscrit de Pierre Guillaume, c’est-à-dire jusqu’à Honorius II (1124-1130) (Vaticanus 3762 H), contenant lui-même le texte du ixe siècle. À ce manuscrit a été ajouté un cahier de douze feuillets contenant les notices des papes d’Innocent II (164), successeur d’Honorius III en 1130 à Martin IV (189, 1281-1285) ; • ce texte a été recopié au xve siècle dans le Vallicellanus C. 79 et continué jusqu’à Jean XXII (196, 1316-1334) mais jusqu’à l’année 1328 seulement ; • le Vallicellanus C. 79 est repris sous Eugène IV (207, 1431-1447) et complété de la fin de la notice de Jean XXII et des notices de ses trois successeurs. Puis on a ajouté une série de papes, d’Urbain V (200, 13621370) à Martin V inclusivement (206), c’est-à-dire de 1362 à 1431 ; • le tout est « réédité » avec quelques compléments empruntés à Martin le Polonais et à Bernard Guy concernant les mêmes papes dans les manuscrits Vaticanus 3763, Parisinus 5444 et 5444 A. 20. C. Vogel, Le Liber… cité n. 16, p. 125-127.
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Ce sont de beaux manuscrits, nous dit Duchesne, mais « les beaux manuscrits terminés à Martin V, s’ils témoignent d’une certaine vogue, ne représentent cependant, au premier siècle de l’imprimerie, qu’un succès secondaire… Du reste, le curialiste contemporain de Martin V n’avait guère songé au style… Il ne s’était même pas inquiété d’introduire un peu de proportion et d’harmonie… L’un des familiers du pape Sixte IV (1471-1484), le fameux Platina, entreprit cette tâche et y réussit. Son livre était lisible, élégant même ; imprimé en 1479, il fit aussitôt rentrer dans l’ombre le vieux recueil presque millénaire. Désormais il n’y eut pour s’intéresser à lui que les érudits… les Panvinio, Ciacconio, les Bosio, les Baronius… 21 ». Le dépit de Duchesne a été tempéré par Girolamo Arnaldi en 1975 au colloque « Monseigneur Duchesne et son temps ». Se fondant sur un article de Giuseppe Billanovich sur les humanistes et les chroniques médiévales22, le savant italien a remis l’accent sur le manuscrit de Pierre Guillaume (Vat. lat. 3762) et montré sa fortune à la fin du Moyen Âge, que Duchesne n’avait pas saisie23. Ce manuscrit a été apporté à Rome par un membre de la grande famille des Colonna (Landolfo Colonna). On peut remarquer que le dernier pape dont traite le Liber pontificalis, Martin V, est un Colonna. Billanovich insiste sur le fait que ce manuscrit a joué un rôle beaucoup plus important que ne le pensait Duchesne et G. Arnaldi montre que c’est à ce moment-là, parce que cette œuvre était très estimée, que le nom de Pierre Guillaume (bibliothécaire à Saint-Gilles au xiie siècle) a été remplacé par celui d’Anastase le Bibliothécaire (bibliothécaire à Rome au ixe siècle) comme auteur du Liber pontificalis, peut-être par Platina lui-même. Un codex réalisé en 1526 est mis sous le nom d’Anastase le Bibliothécaire, ce qui témoigne de l’importance accordée à ce texte dans les milieux de la Curie romaine au xvie siècle encore.
21. Le Liber pontificalis, II, p. lv. 22. G. Billanovich, Gli umanisti e le chroniche medievali. Il « Liber pontificalis », le « decadi » di Tito Livio et il primo umanesimo a Roma, dans Italia medioevale et umanistica, 1, 1958, p. 103-137. 23. G. Arnaldi, Intorno al Liber pontificalis, débat, dans Monseigneur Duchesne et son temps… cité n. 16, p. 134-136.
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Livre et histoire des papes
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La place du Liber pontificalis dans les genres historiographiques du haut Moyen Âge Rosamond McKitterick
Le Liber pontificalis apparut pour la première fois dans l’Italie ostrogothique. On a longtemps pensé que la première histoire pontificale a été écrite au moment du schisme laurentien, de dissensions autour des partisans de Symmaque et de l’implication de Théodoric dans les affaires romaines et pontificales 1. Ce conflit avait suscité l’amertume : la comparaison entre le jugement flatteur porté sur Symmaque par le Liber pontificalis et le fragment laurentien rédigé à la mort du même Symmaque indique clairement que rares sont ceux qui, à Rome, ont accepté de gaîté de cœur le succès de ses partisans 2. Qui plus est, le fait qu’il n’ait été transmis que dans un seul manuscrit, copié à Vérone au vie siècle, pourrait indiquer l’existence de sympathisants en Italie du Nord à l’époque 3. Le manuscrit du fragment laurentien est cependant mutilé (il y manque les dix-huit premiers feuillets), de sorte qu’il est impossible de dire s’il s’agissait d’un récit différent de ce seul conflit ou si le compilateur a aussi voulu présenter sa propre version de l’histoire de l’évêché à l’époque de saint Pierre. L’existence de nombreuses discordes à Rome ressort aussi du récit peu élogieux de la vie de Boniface II (530-532) et de sa rude lutte contre Dioscore pour le trône pontifical. La rivalité entre les deux hommes a parfois été perçue comme ce qui aurait déclenché la rédaction de l’histoire des papes. 1. Pour le contexte général : P. Amory, People and identity in Ostrogothic Italy, 489-554, Cambridge, 1997 (Cambridge studies in medieval life and thought, 4e s., 33). Sur le schisme laurentien, voir P. A. B. Llewellyn, The Roman church during the Laurentian schism : priests and senators, dans Church History, 45, 1976, p. 417-427 ; J. Moorhead, The Laurentian schism : east and west in the Roman church, ibid., 47, 1978, p. 125-136 ; Id., Theoderic in Italy, Oxford, 1993 ; E. Wirbelauer, Zwei Päpste in Rom : der Konflikt zwischen Laurentius und Symmachus (498-514). Studien und Texte, Munich, 1993 (Quellen und Forschungen zur antiken Welt, 16). 2. W. T. Townshend, The so-called Symmachan forgeries, dans Journal of Religion, 13, 1933, p. 165-174 ; J. Hillner, Families, patronage and the titular churches, dans K. Cooper and J. Hillner (éd.), Religion, dynasty, and patronage in early Christian Rome, 300-900, Cambridge, 2007, p. 225-261, spec. p. 248-257. 3. E. A. Lowe, Codices latini antiquiores, IV, Oxford, 1947, n° 490 : Vérone, Biblioteca capitolare, XXII (20).
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Il est encore possible d’approfondir l’enquête sur les circonstances qui ont poussé certains à écrire l’histoire des évêques de Rome. Le contexte dans lequel le Liber pontificalis a vu le jour est celui de l’Italie ostrogothique et d’une Europe où domine la figure de Théodoric ; à quoi s’ajoute le fait que la période était riche de bouleversements dans l’Empire romain finissant et de réorientations politiques en fonction de l’empereur et de l’Italie. Les papes eux-mêmes étaient à l’œuvre, pour modifier la perception que l’on se faisait du passé impérial dans Rome, par le biais notamment du développement des cérémonies pontificales et des liturgies liées aux principales basiliques de la ville 4. Petit à petit, un nouveau réseau de sanctuaires voyait le jour. Les innovations liturgiques et architecturales liées au culte de saint Pierre et à la valorisation de son tombeau coïncident avec les deux étapes principales de la composition du Liber pontificalis aux vie et viie siècles, qui sont précisément l’occasion de les mettre sur le papier 5. Non contents d’avoir construit de nouvelles églises telles que Sainte-Marie-Majeure, des papes comme Sixte III (432-440) ont aussi « transformé la signification de la rhétorique architecturale de Constantin » 6. Symmaque (498-514) parvint à exploiter Sainte-MarieMajeure pendant le schisme laurentien, réorganisant le baptistère afin qu’il 4. H. Geertman, Forze centrifughe e centripete nella Roma cristiana : il Laterano, la basilica Iulia e la Basilica Liberiania, dans Rendiconti. Atti della Pontificia Accademia Romana di Archeologia, 59, 1986-1987, p. 63-91, repris dans Id., Hic fecit basilicam. Studi sul Liber Pontificalis e gli edifici ecclesiastici di Roma da Silvestro a Silverio, Louvain, 2004, p. 17-44, L. Pani Ermini, Cristiana loca : lo spazio cristiano nella Roma del primo millennio, Rome, 2000 ; G. G. Willis, A history of early Roman liturgy to the death of Gregory the Great, Londres, 1994 ; R. Krautheimer et al. (éd.), Corpus Basilicarum Christianarum Romae. The early Christian basilicas of Rome (IV-IX cent.), Cité du Vatican-Rome-New York, 1937-1977, 5 vol. 5. H. Geertman, Nota sul Liber Pontificalis come fonte archeologica, dans Quaeritur inventus colitur. Miscellanea in onore al Padre Umberto Maria Fasola, Cité du Vatican, 1989 (Studi di antichità cristiana, 40), p. 347-361, repris dans Id., Hic fecit basilicam… cité n. 4, p. 75-86 ; V. Saxer, L’utilisation par la liturgie de l’espace urbain et suburbain : l’exemple de Rome dans l’antiquité et le haut Moyen Âge, dans Actes du XIe Congrès international d’archéologie chrétienne (Lyon…-Aoste, 21-28 sept. 1986), II, Rome, 1989 (Collection de l’École française de Rome, 123 ; Studi di antichità cristiana, 41-2), p. 917-1033. 6. Ce sont les mots (traduit par nos soins) prononcés par Judson Emerick lors d’une communication à l’Université de Cambridge dans le cadre d’un séminaire d’histoire de l’art au sujet des liturgies et des papes au début du Moyen Âge (avril 2007). Voir asusi S. de Blaauw, Cultus et decor. Liturgia e architettura nella Roma tardoantica e medievale : basilica Salvatoris, Santae Mariae, Sancti Petri, Cité du Vatican, 1994 (Studi e testi, 355-356) et sur Sainte-MarieMajeure H. Geertman, The builders of the basilica maior in Rome, dans Festoen. Opgedragen aan A.N. Zadoks-Josephus Jitta bij haar zeventigste verjaardag, Groningen-Bussum, 1976 (Scripta archaeologica groningana, 6), p. 277-295, repris dans Id., Hic fecit basilicam… cité n. 4, p. 1-16.
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rappelle celui qui se trouve au Latran, et faisant de Sainte-Marie-Majeure sa cathédrale. Un relevé des références à la vie des empereurs romains dans des textes comme l’Historia Augusta et l’observation des édifices de Rome nous apprend par exemple comment Hadrien restaura le Panthéon, le Champ de Mars, la basilique de Neptune, les thermes d’Agrippa, un pont, un temple, et construisit le Colisée près du forum 7. Dans le Liber pontificalis, le pape Boniface IV (608-615) transforme le temple païen du Panthéon en une église dédiée à la Vierge, après en avoir obtenu l’autorisation de l’empereur Phocas. Les papes ont ajouté aux édifices la grandeur et la magnificence qui leur manquait, utilisant le porphyre, l’argent, l’or et la soie pour embellir les églises. Leurs dons considérables et leurs programmes de construction apparaissent dans de nombreux récits. Tout au long du Liber pontificalis, on fait allusion aux édifices impériaux romains qui ont un lien avec les châsses de saints particuliers, à commencer par le palais de Néron, situé à proximité de la sépulture de Pierre. Le texte explique les changements topographiques de la Rome impériale du ve siècle et insiste sur sa transformation en cité pontificale et chrétienne, ainsi que sur la prise de pouvoir progressive de la scène impériale par les papes 8. Bien évidemment, la première partie du texte met ostensiblement l’accent sur les martyrs, leur mort, leur sépulture et l’essor de leur culte, ainsi que sur les innombrables basiliques construites à partir du ive siècle par les empereurs chrétiens puis embellies par les papes 9. Néanmoins, le Liber pontificalis offre principalement une présentation précise de l’histoire romaine, qui doit être analysée en fonction du contexte politique de l’Italie ostrogothique et des précédents historiographiques dont disposaient les premiers compilateurs du texte. Il est donc possible de mettre en relation la signification idéologique de la production du Liber pontificalis comme travail historique et les transformations de la perception de Rome. Le Liber pontificalis n’est pas seulement le fruit d’une réaction contre les changements survenus sur la scène politique la fin du ve et au début du vie siècle, mais il a façonné la perception de cette 7. A. von Domaszewski, Die Topographie Roms bei den Scriptores Historiae Augustae, dans Sitzungsberichte der Heidelberger Akademie der Wissenschaften, phil. -hist. Klasse, 7, 1916, p. 1-15. 8. Voir H. Geertman, More veterum : Il Liber pontificalis e gli edifici ecclesiastici di Roma nella tarda antichita e nell’alto medioevo, Groningen, 1975 (Archaeologia traiectina, 10). 9. Voir la discussion de T. F. X. Noble, Paradoxes and possibilities in the sources for Roman Society in the early Middle Ages, dans J. M. H. Smith (éd.), Early medieval Rome in the Christian West. Essays in honour of Donald A. Bullough, Leyde, 2000 (The Medieval Mediterranean. Peoples, economies and cultures 400-1453, 28), p. 55-83.
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période dans son ensemble ainsi que celle de toute l’histoire ultérieure de la papauté. Les analyses du contexte historiographique dans lequel s’inscrit le Liber pontificalis doivent prendre en compte les différentes étapes de sa production. La plus critique d’entre elles est la version finale de la première rédaction : celle-ci ne va pas au-delà de la quatrième décennie du vie siècle, ca 535 10 ; il y eut, si l’on suit Duchesne, une autre tentative de mise à jour du texte au viie siècle, probablement entre 625 et 638, après quoi l’ouvrage fut augmenté vie après vie, jusqu’à la fin du ixe siècle 11. L’importance idéologique du Liber pontificalis apparaît nettement lorsque l’on énumère les principaux thèmes du texte. Celui-ci s’ouvre sur l’apôtre saint Pierre, offrant ainsi une nouvelle date de fondation et une nouvelle orientation chronologique pour les règnes des évêques de Rome au lieu de commencer par la fondation de la ville de Rome (ab urbe condita). L’utilisation des dates fixées par les évêques, les consuls et les empereurs en fonction des Vies, ce jusqu’au vie siècle, offre beaucoup plus qu’un simple cadre chronologique. Elle permet également de mettre en lumière le statut politique des évêques par rapport aux autres dirigeants de l’Italie et de Constantinople 12. La référence aux Césars, dont les règnes ont vu l’essor de la papauté, peut être considérée comme un moyen de réorienter la pensée du lecteur sur les héritiers des empereurs romains. Anaclet, nous dit-on, était évêque au temps de Domitien et de Clément (95). De Jean Ier, on signale qu’il fut évêque de Rome depuis le consulat de Maxime (523) jusqu’à celui d’Olybrius (526), sous le roi Théodoric et sous l’empereur chrétien Justin. Une telle information prend tout son relief quand on apprend ensuite que le pape rendit visite à Théodoric à Ravenne et que, sur ses conseils, il l’envoya en délégation à Justin pour l’affaire du schisme acacien : ainsi n’y a-t-il pas d’équivoque quant au détenteur de l’autorité suprême à Ravenne et quant aux relations qu’entretenait le royaume ostrogothique, évêché romain « inclus », avec l’Empire. Le Liber pontificalis se propose également d’établir l’autorité pontificale et le rôle temporel des papes 13. Trois exemples de la manière dont cela apparaît 10. Voir la contribution de Herman Geertman dans le présent volume. 11. Le Liber pontificalis. Texte, introduction et commentaire, éd. L. Duchesne, Paris, 18861892, 2 vol. 12. La dépendance vis-à-vis des fastes consulaires et du Chronographe de 354 est significative ; sur le Chronographe, voir M. R. Salzman, On Roman time : the codex calendar of 354 and the rythms of urban life in late antiquity, Berkeley-Los Angeles, 1990. 13. Voir l’étude préliminaire par D. Moreau, Les patrimoines de l’église romaine jusqu’à la mort de Grégoire le Grand. Dépouillement et réflexions préliminaires à une étude sur le rôle
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dans le texte peuvent être évoqués. Les lettres liminaires attribuées au pape Damase (366-384) et à Jérôme le démontrent d’abord d’entrée de jeu 14. Datées du 23 mai et du 26 septembre, elles sont censées avoir été échangées entre les villes de Rome et de Jérusalem. Le procédé, simple, témoigne de l’intelligence des auteurs et permet aussi de souligner la transformation de Rome en centre chrétien. Damase était connu pour avoir participé personnellement à l’historiographie sacrée de Rome et pour avoir financé l’élaboration du texte de la Bible. L’association de Damase et de Jérôme, si la correspondance date bien du vie siècle, est celle du pape et du livre sacré, et met ainsi en relief le contexte officiel au sein duquel s’insère la nouvelle histoire pontificale. Le statut du Liber pontificalis en tant qu’histoire est souligné par le lien établi entre Jérôme historien, Jérôme créateur du canon officiel des auteurs chrétiens dans le De viris illustribus, Jérôme traducteur et commentateur par excellence des textes bibliques 15. On peut aussi comparer le récit de Jérôme tel qu’il apparaît dans le Chronicon et celui que fournit le Liber pontificalis car la période 327-378 se révèle fort instructive (et parfois même quelque peu déroutante). Les deux sources se contredisent de temps à autre. L’intérêt que porte le Liber à la ville de Rome s’étend dans le Chronicon à d’autres cités chrétiennes. Ainsi, en 327 et en 328, Jérôme livre des détails supplémentaires sur les activités de l’empereur Constantin et sur les héritiers des évêques d’Antioche. Pour chaque année est fait mention d’événements marquants qui s’étendent aux frontières de l’empire, comme les défaites des Goths, ou la succession des empereurs. Figure aussi le récit de la succession des papes, avec bien des différences : le Liber écrit ainsi, à tort, que le pontificat de Marc (336) aurait duré deux ans, huit mois et temporel des évêques de Rome durant l’antiquité la plus tardive, dans Antiquité tardive, 14, 2006, p. 79-93 et aussi Ch. Pietri, Roma Christiana. Recherches sur l’église de Rome, son organisation, sa politique, son idéologie de Miltiade à Sixte III (311-440), Rome, 1976 (Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome, 224). 14. Voir Michel Sot dans le présent volume et K. Blair-Dixon, Memory and authority in sixth-century Rome : the Liber Pontificalis and the Collectio Avellana, dans K. Cooper et J. Hillner (éd.), Religion, dynasty… cité n. 2, p. 59-76. 15. Eusèbe-Jérôme, Chronicon, éd. R. Helm, Eusebius Werke, VII, 2e éd., Berlin, 1956 (Die griechischen christlichen Schriftsteller der ersten Jahrhundert 70) ; B. Jeanjean et B. Lançon, Saint Jerôme, Chronique : Continuation de la Chronique d’Eusèbe, années 326-378, suivie de quatre études sur les Chroniques et chronographies dans l’Antiquité tardive (iv-vie siècles), Rennes, 2004 ; Jerôme-Gennade, De viris inlustribus, éd. E. C. Richardson, Leipzig, 1896 (Texte und Untersuchungen der altchristlichen Literatur, 14) ; J. N. D. Kelly, Jerome. His life, writings and controversies, Londres, 1975 ; et R. McKitterick, Perceptions of the past in the early middle ages, Notre Dame, 2006, p. 14-19.
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vingt jours, alors que dans le Chronicon, confirmé par le Catalogue libérien, son règne dure huit mois ; le baptême de l’empereur Constantin aurait eu lieu en 337 dans le Chronicon, mais n’est même pas mentionné dans le Liber ; le Chronicon offre un résumé de la carrière de Libère (352-366), traitée de manière beaucoup plus détaillée dans le Liber ; la rivalité entre Damase et Ursinus est évoquée brièvement dans les deux textes. Les deux œuvres sont complémentaires, l’auteur du Liber pontificalis semblant développer les renseignements sur les pontifes d’après les brèves allusions offertes par le Chronicon. Enfin, il faut s’intéresser aux comptes rendus des papes eux-mêmes. L’insistance sur leur primauté est de plus en plus forte à partir de saint Pierre. Dès son arrivée, Pierre établit l’autorité pontificale parce qu’il avait été élu par le Christ. Il parcourut le monde, depuis Bethesda et la Terre Sainte, jusqu’à Antioche et en Asie mineure. On prétend qu’il écrivit l’évangile de saint Marc, ce qui fait de lui un producteur de texte sacré. Quant aux récits minutieux des innovations pontificales dans le domaine liturgique, ils servent non seulement à réorienter la pratique religieuse mais aussi à fournir un équivalent aux récits anciens de ces pratiques observées par l’empereur. Le pape apparaît comme celui qui supervise la transformation des pratiques religieuses de la cité.
Structure et modèles La structure de base de chaque biographie pontificale comprend le plus souvent une note sur le nom du pontife, sur sa famille et sur ses origines, qui s’accompagne d’informations sur les souverains de son époque (empereurs, rois ou consuls), et sur la durée précise de son règne, exprimée en nombre d’années, de mois et de jours. Suit parfois un développement sur la carrière antérieure, ainsi qu’un récit du contexte immédiat entourant l’élection, faisant généralement état de détails sur les partis de l’opposition et sur les différents adversaires. Vient alors le pontificat proprement dit : action politique, innovations liturgiques et disciplinaires, donations aux églises, activité édilitaire, décès et sépulture, ordinations. Les derniers mots se rapportent toujours à la durée de la vacance du siège avant l’élection du successeur. Les modèles qui ont servi à écrire la vie des papes ont été analysés, de même qu’ont été rassemblées les sources possibles de l’information qui s’y trouvait. Bien qu’il y ait de fortes chances que les premiers écrits sur les martyrs contiennent des renseignements biographiques sur les divers pontifes, les modèles structuraux sont plus significatifs car ils facilitent notre compréhension du
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texte dans son ensemble 16. Les récits biographiques et hagiographiques sacrés et bibliques ont toujours été considérés comme le précédent formel du Liber pontificalis. Toutefois, la biographie romaine et séculaire en série, notamment la vie des Césars, me paraît fournir un modèle bien plus influent, à la fois en termes structuraux et idéologiques. Le schéma guidant la Vie de chaque empereur dans les Vies des douze césars de Suétone et dans ses continuations (la « Kaisergeschichte », le De caesaribus d’Aurélius Victor et l’Historia Augusta) est en bien des points semblable à celui suivi par le Liber pontificalis. D’après la reconstitution d’Alexander Enmann, la « Kaisergeschichte » fournissait ainsi le nom et les origines de l’empereur, des remarques sur sa vie avant son arrivée au pouvoir suprême, les modalités d’accession au trône, y compris ce qui concerne les autres prétendants, la carrière impériale, les travaux dans le domaine public et dans la initiatives édilitaires, spécialement en matière de bâtiments à usage religieux, la dévotion du prince, sa mort et ses funérailles ainsi que la durée du règne 17. Entre 359 et 361, Aurelius Victor a utilisé le même agencement pour composer son récit moralisant. Pour décrire la progression de Rome vers la domination du monde, son contemporain Eutrope était davantage préoccupé par les affaires militaires et le Sénat 18. Ses récits concernant le défilé des empereurs sont également conformes à la structure de base de la biographie. De même encore, l’Historia Augusta, que l’on date aujourd’hui de 369, donne des indications sur les ancêtres de chaque empereur et ses activités avant l’accession au trône ; sa politique, les événements qui ont marqué son règne, ses petites habitudes et sa façon d’être, son décès et les distinctions honorifiques reçues après sa mort font l’objet d’une description détaillée. Cependant, tous ces sujets ne sont pas traités de la même manière : certains offrent matière à développements, comme les relations que Caracalla entretenait avec son frère, le soin particulier avec lequel Hadrien construisait la ville de Rome ainsi que 16. K. Cooper (ed.), The Roman martyrs and the politics of memory, numéro spécial d’Early Medieval Europe, 9-3, 2000, p. ; et L. Grig, Making martyrs in late antiquity, Londres, 2004. 17. Sur Eutrope, l’Historia Augusta et Aurelius Victor, voir G. Bonamente, Minor Latin historians of the fourth century AD, et A. R. Birley, The Historia augusta and pagan historiography, dans G. Marasco (éd.), Greek and Roman historiography in late antiquity, fourth to sixth century AD, Leyde, 2003, p. 85-125 et 127-150. 18. Sextus Aurelius Victor, Liber de Caesaribus et Epitome, éd. R. Gruendel, Leipzig, 1966 ; Eutrope, Breviarium ab urbe condita, éd. C. Santini, Leipzig, 1979 ; H. W. Bird, Liber de Caesaribus of Sextus Aurelius Victor, translated with an introduction and commentary (Liverpool, 1994) et H. W. Bird, Eutropius : Breviarium, translated with an introduction and commentary, Liverpool, 1993.
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son amour pour Antinoüs, le gouvernement de Sévère et la mise en place de sa législation 19. Comme les Vies des douze Césars de Suétone, les commérages, les anecdotes et quelques documents apparaissent sporadiquement. Rome revient sans cesse dans l’évocation de la vie de chacun. L’accent est mis sur la topographie de la ville, sur ses édifices ainsi que sur le rôle prééminent du Sénat 20. La Vie de Maxime et de Balbinus en est un bel exemple : Maximin avait été fait empereur par les soldats, tandis que Maxime et Balbinus, qui gouvernèrent la ville avec mesure, s’étaient vus portés au rang suprême par le Sénat. Ces textes datent tous du ive siècle mais le filon était loin d’être épuisé, puisqu’au vie siècle Jordanès à son tour composa ses récits sous forme de biographies en série 21. Si divers soient-ils, tous opèrent par variations sur la base héritée de Suétone. Leur manière de raconter l’histoire est celle de la biographe sérielle et les auteurs du Liber pontificalis firent de même. L’impact de l’Historia Augusta, d’Aurélius Victor, d’Eutrope et même de Jordanès comme expression représentative de l’histoire telle qu’on la pratiquait à leur époque est trop souvent occulté par les interrogations sur la véracité des informations qu’ils fournissent et sur ce qu’ils pourraient avoir mal interprété en raison de sources perdues ou hypothétiques. Or ils sont bien les témoins d’une vision particulière du passé romain et autant de modèles de l’écriture de l’histoire. Aucun témoignage manuscrit ne les replace malheureusement dans le contexte romain du vie siècle. Les témoins les plus anciens de Suétone, d’Eutrope et de l’Historia Augusta ne remontent pas au-delà du ixe siècle, et Aurélius Victor n’est transmis que par deux manuscrits du xve siècle. Nul n’est en mesure d’affirmer avec certitude que les auteurs du Liber pontificalis les ont consultés ou ont pu le faire. La connaissance de Suétone par Jean Lydus (première moitié du vie siècle) et son utilisation de l’Historia Augusta indiquent cependant qu’ils se sont propagés jusqu’à Byzance, ce qui est un indice en faveur de leur présence en Italie au vie siècle, à un moment où les communications ne manquaient pas entre l’Empire oriental et ses anciennes provinces occidentales. L’utilisation d’extraits de la Vie de Maxime de l’Historia Augusta dans la Chronique de Symmaque (Aurelius Memmius Symmachus), elle-même citée dans l’Histoire des Goths de Jordanès, situe au moins l’Historia Augusta à 19. H. W. Benario, A commentary on the Vita Hadriani in the Historia Augusta, Ann Arbor, 1980. 20. Historia Augusta, éd. et trad. D. Magie, Cambridge (Mass.)-Londres, 1921. 21. Jordanis Romana et Getica, éd. T. Mommsen, Berlin, 1882 (MGH, Auctores antiquissimi, 5-1).
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Rome, même si le premier témoin de l’ouvrage est un manuscrit du ixe siècle d’Italie du Nord (Bibl. Apostolica Vaticana, Pal. lat. 899, provenant de Vérone) 22. Il serait ainsi logique de considérer le Liber pontificalis et l’adoption de cette forme particulière d’écriture de l’histoire comme le signe que ces textes sur l’histoire romaine étaient connus.
Premiers éléments pour une mise en contexte du Liber pontificalis : la tradition manuscrite L’histoire des manuscrits du Liber pontificalis ne donne que peu d’indices sur les différentes étapes de sa composition. D’un côté, il soulève des problèmes sur l’arrière-plan culturel et politique de sa réception et de son adaptation. De l’autre, il pourrait indiquer la manière dont les premières sections du texte pourraient avoir été disséminées, pas seulement en tant que recueil de biographies, mais aussi en tant que texte composite porteur d’un message particulier. Le témoin le plus ancien, constitué de neuf feuillets palimpsestes, se trouve à Naples (Biblioteca Nazionale, IV. A. 8, f. 40-47) et a été écrit sur deux colonnes en minuscule pré-caroline de la fin du viie et du début du viiie siècle, très probablement à Bobbio 23. Il faisait partie d’un livre luxueux, quoique rédigé sur un parchemin de deuxième main (le texte originel est un texte en onciale de Gargilius Martialis datant du vie siècle). Puisque le texte s’arrête à Anastase II (486-498), on pense que l’ouvrage d’origine a pu contenir l’ensemble du Liber au moins jusqu’à la fin du ve siècle, voire jusqu’à l’époque du scribe, et serait donc ce qui reste de la deuxième phase de composition du noyau primitif. Un autre fragment, conservé à Turin (Biblioteca nazionale Universitaria, F. IV.18) et écrit lui aussi en minuscule pré-caroline, date de la première partie du viiie siècle 24. Il contient des éléments relatifs aux papes de l’époque ostrogothique, Hormisdas et de Jean Ier, entre 514 et 526. Peut-être est-il lui aussi le vestige d’un exemplaire de la seconde rédaction, exemplaire ayant existé sous sa forme complète. À partir de la fin du viiie et du début du ixe siècle circulent trois versions différentes, qui englobent les parties datant des viie et viiie siècles.
22. L. D. Reynolds, Texts and transmission : a survey of the Latin classics, Oxford, 1983, p. 354. 23. E. A. Lowe, Codices latini antiquiores, III, Oxford, 1938, n° 403. 24. Ibid., Supplément, Oxford, 1971, n° 1810.
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• Il y a d’abord la révision « lombarde » ou, version A de Lucques, Biblioteca capitolare, ms 490 25. Cet exemplaire, d’une importance capitale, a été composé entre 787 et 816 ; il ferait partie d’un abrégé en trois parties contenant le texte du Liber jusqu’à 715 (y compris les deux lettres apocryphes de Jérôme et du pape Damase), auquel ont été ajoutés des extraits des Vies 9194 et 95-97 (soit les années 715-757 et 757-795) 26. Comme le montre le manuscrit de Lucques, les chapitres 9-10 de la section qui s’étend jusqu’à 715 révèlent que la nouvelle présentation du récit du passé romain et du rôle du pape a considérablement changé, se chargeant d’une force et d’une détermination nouvelles :
Le jour où ils se rencontrèrent, le très chrétien et auguste empereur se prosterna avec sa couronne sur la tête et baisa les pieds du pape. Ensuite, ils se hâtèrent de s’embrasser (…). Le dimanche, le pape dit la messe pour l’empereur auquel il donna la communion de ses propres mains. Justinien demanda au pape de prier pour que ses fautes fussent éloignées et il renouvela tous les privilèges de l’Église. Ensuite, l’empereur laissa le très saint pape retourner dans sa résidence (…). Il parvint en bonne santé au port de Gaète, où il rencontra des prêtres et une multitude de Romains ; le 24 octobre de la dixième indiction, il fit son entrée dans Rome ; tout le peuple exulta de joie (…). Le peuple romain n’acceptait pas le nom de l’empereur hérétique dans l ni son image sur les monnaies (…) 27.
Puis le onzième et dernier chapitre s’attarde sur la déposition de l’empereur hérétique Philippicus et sur l’avènement d’Anastase :
C’est le triomphe de l’orthodoxie/Le transport de joie des orthodoxes fut grand (…). Le cubiculaire Scolasticus arriva à Rome. Il était porteur d’une lettre de l’empereur Anastase dans laquelle il déclarait à tous qu’il confessait la foi orthodoxe et le sixième saint concile.
25. L. Schiaparelli, Il codice 490 della Biblioteca capitolare di Lucca e la scuola scrittoria Lucchese (sec. VIII-IX). Contributi allo studio della minuscola precarolina in Italia, Cité du Vatican, 1924 (Studi e testi, 36) ; Le Liber pontificalis, éd. L. Duchesne, I, p. clxiv-clxvi. 26. L. Schiaparelli, Il codice 490… cité n. 25, p. 13, 18 et 106 ; à comparer avec R. Parker Johnson, Compositiones Variae from Codex 490, Biblioteca capitolare, Lucca, Italy. An introductory study, Urbana, 1939 (Illinois studies in language and literature, 23, 3), p. 10. 27. Le Liber pontificalis, éd. L. Duchesne, I, p. 391-392 ; trad. M. Aubrun, Le Livre des papes. Liber pontificalis (492-891), Turnhout, 2007, p. 98-99, revue. Sur le cérémonial de l’adventus voir S. MacCormack, Change and continuity in late antiquity : the ceremony of adventus, dans Historia, 21, 1972, p. 721-732 ; Ead., Art and ceremony in late antiquity, Berkeley-Los AngelesLondres, 1981 ; et P. Dufraigne, Adventus Augusti, Adventus Christi : recherche sur l’exploitation idéologique et littéraire d’un cérémonial dans l’antiquité tardive, Paris, 1994 (Collection des Études augustiniennes, série Antiquité, 141).
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Et le manuscrit de Lucques ajoute : « Jusqu’ici, cela fait 129 ans et 7 mois que les Lombard sont arrivés » 28. • La version B, dont le premier témoin est le modèle de Laon (Bibl. mun., ms 342 et Paris, BnF, lat. 13729), date selon toute probabilité de 792 et s’achève sur le règne du pape Adrien Ier (772-795, Vie 97) 29. • On trouve également une version C. Son tout premier témoin, Leyde, Bibl. der Rijksuniversiteit, Voss. lat. Q. 60, va jusqu’à Étienne II (752-757, Vie 94), selon la version « lombarde » 30. Nombre de détails devraient encore être signalés au sujet de ces manuscrits, mais je m’en tiendrai à deux éléments essentiels. Il semblerait tout d’abord que le texte, au moins jusqu’en 715, ait été disséminé dans sa totalité au début de la période carolingienne. Il est possible que les fragments de Naples et de Turin indiquent que le texte dans son ensemble, conçu à l’origine au cours de sa seconde révision du milieu du vie siècle, ait été l’objet d’une transmission dans sa totalité. À la fin du viiie siècle, les parties allant de 715 à 792 ou 795 et contenant les Vies de Grégoire II, Grégoire III, Zacharie, Étienne II, Paul Ier, Étienne III et Adrien Ier ont été ajoutées, peut-être en deux fois. Comme je l’ai déjà souligné dans une analyse précédente, la majeure partie des manuscrits existants ne va pas plus loin que la Vie 97 (Adrien Ier) et la diffusion des dernières parties du Liber pontificalis semble avoir été très réduite 31. Deuxièmement, la partie du manuscrit de Lucques contenant le Liber pontificalis comprend aussi, avant celui-ci, la chronique d’Isidore, l’histoire ecclésiastique (Historia ecclesiastica) d’Eusèbe-Rufin, le De viris illustribus de Jérôme-Gennade et le recueil de droit canon arrangé chronologiquement et connu sous le nom de Collectio Sanblasiana 32. Dans la section suivante figurent la suite de la chronique d’Eusèbe par Jérôme ainsi qu’une série de textes ayant trait à des sujets ecclésiastiques, parmi lesquels figure l’Epitome hispana,
28. Le Liber pontificalis, éd. L. Duchesne, I, p. 392-393. 29. Ibid., p. clxxvi-clxxvii. 30. E. A. Lowe, Codices latini antiquiores, X, Oxford, 1963, n° 1583 ; cf. R. McKitterick, History and memory in the early middle ages, Cambridge, 2004, p. 210-216. 31. R. McKitterick, Perceptions of the past… cité n. 15, p. 46-51. 32. L. Kery, Canonical collections of the early middle ages (ca. 400-1140). A bibliographical guide to the manuscripts and literature, Washington D.C., 1999 (History of medieval canon law, 1), p. 29-31.
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abrégé canonique organisée chronologiquement 33. Une telle compilation semble faire écho aux intentions de l’auteur originel du Liber pontificalis. Il associa explicitement la production du récit à Jérôme, créa de nombreuses lignes de recoupement : les plus importantes sont l’association de Jérôme et de Damase à propos de la nouvelle traduction officielle de la Bible ; Jérôme définissant les auteurs orthodoxes dans le De viris illustribus ; Jérôme l’historien, qui écrivit la suite de la chronique d’Eusèbe. Le fragment laurentien du vie siècle de Vérone met également l’accent sur cette connexion, puisque l’autre texte de ce manuscrit est le De viris illustribus de Jérôme-Gennade. En outre, le Liber pontificalis met assurément l’accent sur les martyrs mais, sur ce point, situe Rome dans le cadre de l’histoire que fournissait déjà le Chronicon de Jérôme-Eusèbe. Il était relativement banal que Eusèbe entremêlât les destins des Juifs et des Chrétiens avec les récits sur les Assyriens, les Perses, les Grecs et les Romains, ainsi qu’avec les aventures des gouvernants et les événements religieux. Peu à peu, le récit de la Chronique se concentre sur les empereurs et leurs campagnes. Le dernier parallèle entre le Liber pontificalis et la Chronique dans le manuscrit de Lucques est ainsi la preuve d’une christianisation réussie de l’histoire de Rome. Un autre exemple d’association « idéologique » entre le Liber pontificalis et une histoire particulière est le manuscrit Vienne, Österreichische Nationalbibliothek 473, du ixe siècle. Il intégrait le Liber pontificalis à un livre d’histoire sur les Francs et les dirigeants carolingiens : le Liber apparaît ici à côté du Liber historiae Francorum et des Annales regni Francorum ainsi qu’à côté d’un extrait de la Vita Karoli d’Éginhard 34. Non seulement les premiers temps de la conception du Liber pontificalis, mais aussi ses apparitions successives dans d’autres recueils historiques dans des manuscrits composites, apportent des indices importants sur son contexte historiographique au haut Moyen Âge. L’influence exercée par le Liber pontificalis dans le genre historique et sa postérité dans les gesta abbatum et les gesta episcoporum a été reconnue depuis longtemps, notamment dans les études classiques de Michel Sot. J’espère avoir réussi à ajouter ce que le Liber 33. Ibid., p. 57-60. 34. H. Reimitz, Ein fränkisches Geschichtsbuch aus Saint-Amand und der Codex Vindobonensis palat. 473, in C. Egger et H. Weigl (éd.), Text–Schrift–Codex. Quellenkundliche Arbeiten aus dem Institut für Österreichische Geschichtsforschung, Munich-Vienne, 2000 (MIÖG, Ergänzungsband, 35), p. 34-90 ; R. McKitterick, History and Memory… cité n. 30, p. 121-123.
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pontificalis offrait de particulier par rapport aux autres récits rédigés aux ve et vie siècles. Il a apporté une autre version de l’histoire de Rome. La vision du passé chrétien qu’il reflète représente un effort désespéré de changer la conception courante de l’histoire romaine. L’histoire de Rome a été christianisée et remodelée au moment de la transformation du genre historiographique en biographie en série. À la différence des premiers récits sur les martyrs et des martyrologes qui apportent leur matériau au Liber pontificalis, les modèles qui ont eu le plus d’influence sur les auteurs du vie siècle ont été les biographies en série des empereurs romains, celles de Suétone, d’Aurelius Victor, d’Eutrope et de Jordanès, des auteurs de la « Kaisergeschichte » et de l’Historia Augusta. Une fois reconnue l’importance du rôle joué par les événements entourant la rédaction du Liber pontificalis, notre compréhension de ce que ce texte a accompli s’en trouve transformée. Chrétienne et christianisée, l’histoire romaine du Liber pontificalis a donné le signal à de nombreuses associations nouvelles et à de nouveaux imitateurs. Enfin, les implications et la signification de la composition du Liber pontificalis et de sa propagation trouvent un éclairage à la lumière d’autres récits qui furent écrits à la fois au moment de sa toute première rédaction et quand l’on trouve les premières traces manuscrites conservées : d’un côté le vie siècle, de l’autre la fin du viiie et le début du ixe siècle. Ces manuscrits montrent dans quel contexte de la production de la nouvelle historiographie chrétienne le Liber pontificalis a été compris en Italie lombarde et en Francie. Le Liber pontificalis pouvait être utilisé pour de nouveaux programmes idéologiques d’écriture historique. Les différents apports des auteurs originels, développés par les auteurs ultérieurs des viie, viiie et ixe siècles, pouvaient être utilisés et adaptés de bien des façons, comme les communications du présent volume vont le montrer 35.
35. Je remercie les organisateurs de ce colloque, Michel Sot et François Bougard, pour m’avoir invitée à faire cette communication, ainsi le Centre d’études médiévales d’Auxerre pour son hospitalité et son accueil chaleureux. Je remercie aussi Laure Cauquil pour la traduction française. La présente contribution est la première version, brève, d’une étude plus approfondie que je mène sur la question.
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La genesi del Liber pontificalis romano. Un processo di organizzazione della memoria Herman Geertman 1. Organizzazione e riorganizzazione del testo 1.1. Introduzione Negli anni 530-535 della nostra era, o poco più tardi, venne ultimata la redazione del Liber Pontificalis romano, che comprendeva le vitae dei vescovi di Roma, da Petrus a Iohannes II (533-535). Solo quarant’anni più tardi qualcuno prenderà l’iniziativa di aggiungere nuove biografie, seguendo peraltro una formula redazionale diversa da quella della prima edizione del 535. La continuazione del Liber Pontificalis proseguirà poi, con ritmi variabili, fino alla fine del IX secolo (Stephanus V, 885-891) 1. La complicata storia della genesi della fonte è stata magistralmente analizzata e descritta da Louis Duchesne e Theodor Mommsen nelle loro edizioni della fine dell’Ottocento. Ora però, dopo più di un secolo di studi successivi, ci sono tutte le ragioni per considerare l’opportunità di una nuova edizione del testo e di un nuovo commentario. Innumerevoli sono i nuovi dati storici ed archeologici e le nuove interpretazioni del contesto di essi. Ma anche il testo stesso, e in particolare la forma nel quale esso ci ha raggiunto, ha offerto
* Traduzione dalla ligua neerlandese a cura di M. Beatrice Annis. 1. Liber Pontificalis: L. Duchesne, Le Liber pontificalis. Texte, introduction et commentaire, 2 voll., Paris, 1886-1892 (Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome, 2a s.); t. III, éd. C. Vogel, Additions et corrections de Mgr L. Duchesne… avec l’histoire du Liber pontificalis depuis l’édition de L. Duchesne, une bibliographie et des tables générales, Paris, 1957 (rist. dei 3 voll., Parigi, 1981); Th. Mommsen, Liber Pontificalis, pars prior, Berlino, 1898 (MGH, Gesta Pontificum Romanorum, 1). H. Geertman, Le biografie del Liber Pontificalis dal 311 al 535. Testo e commentario, in Id. (ed.), Atti del colloquio internazionale «Il Liber Pontificalis e la storia materiale. Roma, 21-22 febbraio 2002», Assen, 2003 (= Mededelingen van het Nederlands Instituut te Rome, 60-61), p. 285-355. (rist. In Id., Hic Fecit Basilicam. Studi sul Liber Pontificalis e gli edifici ecclesiastici di Roma da Silvestro a Silverio, Leuven, 2004, p. 169235).
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spazio a nuovi studi 2. È su questo particolare aspetto che vorrei soffermarmi nel mio contributo. Il testo della versione finale che, come già detto, data agli anni trenta del sesto secolo, ci è pervenuto nella forma di un certo numero di varianti. Da una parte abbiamo tre classi di manoscritti (I, II, III), che rappresentano elaborazioni strettamente apparentate tra loro della versione finale integrale, dall’altra ci sono pervenute due versioni accorciate, le epitomi Feliciana e Cononiana, che mostrano notevoli differenze rispetto all’archetipo comune delle classi I-II-III, e che sono evidentemente basate su un’altra elaborazione ancora. Poichè le differenze nel testo possono riguardare argomenti essenziali come la dottrina, il diritto, la politica ecclesiastica, le successioni episcopali e le fazioni curiali, diventa importante sapere chi corregge chi e quale dunque è la posizione della redazione originale. Per poter rispondere a queste domande si offre un’analisi della struttura della redazione, cioè la definizione delle categorie dei soggetti, di modelli costanti e formule fisse, di suture nella composizione. Questo lavoro di «smontaggio e rimontaggio» della fonte dà la possibilità di riconoscere le linee ricorrenti nelle formule e nell’ordinamento delle parti, ma anche i disturbi della regolarità e dell’ordine dovute ad aggiunte e modifiche. 1.2. La prima fase redazionale (P1) La redazione iniziale, indicata in questo contributo con la sigla P1, fu fatta da più persone, che compilarono un numero fisso di rubriche mettendole insieme secondo un modello stabilito. Il primo gruppo sono i dati biografici: sempre all’apertura della vita la prosopografia e la cronologia, sempre alla fine le ordinazioni e la sepoltura. Per la provenienza geografica e genealogica la redazione s’impegna a dare informazioni sicure e controllate. Prova ne sia che per due pontefici, Hyginus 2. Una sintesi delle attuali discussioni e temi di ricerca riguardo alla genesi e alla natura del testo può trovarsi nelle pagine introduttive di due recenti contributi di Klaus Herbers: Le Liber Pontificalis comme source de réécritures hagiographiques (ixe-xe siècles), in M. Goullet e M. Heinzelmann (éd.), La réécriture hagiographique dans l’Occident médiéval. Transformations formelles et idéologiques, Ostfildern, 2003 (Beihefte der Francia, 58), p. 87-107, spec. p. 87-92; Zu frühmittelalterlichen Personenbeschreibungen im Liber Pontificalis und in römischen hagiographischen Texten, in J. Laudage (éd.), Von Fakten und Fiktionen. Mittelalterliche Geschichtsdarstellungen und ihre kritsiche Aufarbeitung, Köln-Weimar-Wien, 2003, p. 165-191, spec. p. 165-173.
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e Dionysius, il redattore si scusa di non poter fornire le informazioni dovute. Ciò significa che non intende dare informazioni ai suoi occhi approssimative o inventate 3. L’eventuale status di martire viene comunicato con le parole Martyrio coronatur, le quali inizialmente stanno subito dopo la cronologia del pontificato; dalla vita di Pontianus (230-235) in poi esse invece precedono la cronologia, probabile segno di un cambiamento di redattore. I dati sulla cronologia del pontificato mostrano tre diverse «mani», fenomeno che testimonia forse più sulle fonti disponibili che su un vero cambiamento di persona. Per i primi secoli i dati sono stati tratti dal Catalogo Liberiano e offrono la durata del pontificato in anni, mesi e giorni, e in più i nomi degli imperatori regnanti e dei consoli dell’inizio e della fine del pontificato. Dalla vita di Damasus fino a quella di Simplicius compresa (366-483) i dati cronologici si riducono alla durata del pontificato, sempre in anni, mesi e giorni. La terza “mano” è quella che coincide con la redazione stessa del Liber Pontificalis, il periodo cioè che va da Felix III a Iohannes II (483-535). Oltre alla durata del pontificato in anni, mesi e giorni compaiono ora –introdotti da una nuova formula (Fuit autem temporibus...)– sia i nomi dei re germanici (Odoacer, Theodoricus, Athalaricus), sia quelli degli imperatori di Costantinopoli (Zeno, Anastasius, Justinus, Justinianus), mentre nelle vite degli anni 498-530, da Symmachus a Felix IV, si citano anche i nomi dei consoli dell’inizio e della fine del pontificato. Devono esser stati quest’ultimi gli anni centrali della redazione del Liber Pontificalis. La seconda rubrica, quella che chiude la biografia, informa sui numeri delle ordinazioni di presbiteri e diaconi di Roma, e di vescovi per diversa loca, cioè nelle diverse sedi della diocesi suburbicaria 4. Dalla vita di Marcus (336) in poi, anche le ordinazioni di presbiteri e diaconi saranno presentate come avvenute nella loro sede, cioè in urbe Roma, precisazione che nelle statistiche delle vite precedenti manca 5. Questo fenomeno può significare che, da questo mo3. 010 Yginus, natione Grecus, ex philosopho, de Athenis, cuius genealogiam non inveni, sedit ann. IIII m. III d. IIII; 026 Dionysius, ex monacho, cuius generationem non potuimus reperire, sedit ann. VI m. II. d. IIII. 4. Vedi in proposito Liber Pontificalis , ed. Duchesne, I, p. 157 nota 3. 5. L’associazione dell’espressione in urbe Roma con l’ordinazione di XXV presbiteri, nelle vite di 003 Cletus e di 031 Marcellus, è di altra natura e di altra mano. Essa non ha niente a che fare con le statistiche delle ordinazioni, ma con la costituzione del sistema di XXV tituli urbani, cfr. ancora 031 Marcellus. Probabilmente colui che fornisce quest’ultimo particolare ha voluto sottolineare la vecchia data del sistema, collocandone la creazione nel pontificato di Cletus.
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mento in poi, per il paragrafo sulle ordinationes un’altra persona ha raccolto e redatto i dati, oppure anche che i dati provenivano da una fonte diversa da quella usata per le vite precedenti. Fra le due rubriche appena citate, quella iniziale con la prosopografia e la cronologia, e quella finale con le ordinazioni e la sepoltura, venne inserita una terza rubrica che presentava le notizie sulle misure amministrative, liturgiche e dottrinali. Queste comprendono un largo spettro di decisioni e decreti e trattano tra l’altro dei compiti e ranghi del clero, dell’organizzazione prebiterale e diaconale, dell’amministrazione dei cimiteri, della cura per il culto dei martiri, delle celebrazioni e i rituali, dei testi, canti e vesti liturgiche, delle prediche orali e scritte, della lotta contro eretici ed eresie, delle prerogative del vescovo di Roma nei confronti di altri vescovi. Un posto speciale occupano qui le constituta de omni ecclesia, che vengono sempre menzionate separatamente e che sono delle circolari apostoliche emanate da coloro che siedono sulla cattedra di Pietro in difesa e protezione dell’ortodossia e dunque anche della posizione del vescovo di Roma. Contenuto e destinatari vengono precisati nelle vite di Siricius (384-399) e Caelestinus (422-432), mentre nella vita di Hilarus (461-468) si cita anche la sede della promulgazione, ad sanctam Mariam, la basilica patriarcale di S.Maria Maggiore 6. La redazione di questa terza rubrica, quella cioè riguardante il governo e gli avvenimenti politici, è di mano diversa da quella che redige i dati sulla cronologia e la prosopografia. Ciò si può dedurre dalla constatazione che il redattore delle parti amministrative e narrative indica i diaconi sempre nella forma diacones, diaconibus, mentre nelle statistiche delle ordinationes, alla fine di ogni vita, le forme grammaticali che s’incontrano sono diaconorum, diaconos 7. 6. 041 Siricius : Hic constitutum fecit de omnem ecclesiam vel contra omnes hereses et exparsit per universum mundum, ut in omnem ecclesiae arcibo teneantur ob oppugnationem contra omnes hereses. 045 Caelestinus : Hic fecit constitutum de omnem ecclesiam, maxime et de religione, quas hodie archibo ecclesiae detenentur reconditae. 048 Hilarus : Hic fecit constitutum de ecclesia in basilica «Ad sancta Maria», consulatu Basilisco Hermenerico, XVI kal. decemb. Altre constituta de omni ecclesia sono menzionate nelle vite di 011 Pius I, 016 Zephyrinus, 034 Silvester, 039 Damasus, 041 Anastasius I, 042 Innocentius, 047 Leo I, 050 Felix III e 051 Gelasius I. 7. Per diacones / diaconibus nelle parti amministrative e narrative vedi le vite 006, 021, 023, 025 (2x), 029, 030, 034, 039, 043, 050, 053, 054, 057. Nel paragrafo delle ordinationes la classe I spesso abbrevia in diac e questo viene qua e là letto come diacones (così sempre, ma errando, Mommsen). Il comportamento delle tre classi di manoscritti nel loro insieme, però, è conseguente. Le epitomi F e K invece non sono conseguenti: spesso danno l’abbreviazione diac,
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Per alcuni papi già il Catalogo Liberiano offriva brevi notizie storiche e anche queste furono comprese nel testo del Liber Pontificalis. Esse fanno dunque solo indirettamente parte della terza rubrica della redazione originale e perciò nel testo del Liber Pontificalis che segue questa introduzione dette notizie vengono distinte tipograficamente dalle altre 8. Il primo testo fu quasi subito arricchito di un’ulteriore categoria o rubrica, la quarta, che raccoglieva i dati sulla munificenza papale e imperiale: costruzioni di nuove chiese e donazioni alle medesime (P1-b). Il modo in cui i nuovi dati sono stati inseriti nel testo esistente ha causato delle riconoscibili suture ed anche la loro collocazione non è costante. Le notizie di costruzioni e donazioni possono seguire immediatamente la prosopografia e la cronologia, ma anche trovarsi alla fine, dopo i dati amministrativi, la dottrina e la liturgia. In altri casi c’è stata un’elaborazione redazionale che ha fatto diventare la notizia parte del testo già presente, per esempio quando si collegano iniziative edilizie e sepoltura o anche quando l’informazione viene introdotta dal termine Hic constituit (titulum, cymiterium) o Hic dedicavit, formule che mettono in rilievo il carattere amministrativo dell’iniziativa. Tutte le quattro rubriche della prima fase presentano una certa unità di stile. Le notizie sono concrete e ponderate. Esse possono offrire delucidazioni su scopo o contesto, ma ogni carattere narrativo è assente. Le misure vengono quasi sempre introdotte con termini del tipo Hic constituit, fecit, construxit, dividit, miscuit, composuit, distribuit, firmavit, scripsit, exquisivit, precepit, invenit, e simili. 1.3. La seconda fase redazionale (P2) Anche in questa forma ampliata tuttavia, il testo della prima redazione continuava evidentemente a dare adito a discussioni e insoddisfazioni. Non molto dopo infatti, esso fu arricchito di estese aggiunte storiche. Esse testimoniano il desiderio di descrivere e comprendere nel testo un certo numero di eventi di ordine ideologico e/o politico, sia appartenenti al passato, lontano o recente, sia anche contemporanei. I nuovi paragrafi riguardano principaltalvolta le forme diacones/-ibus, talvolta diaconi/-os/-is. Anche questo fenomeno è segno del loro carattere secondario. 8. Per le notizie storiche provenienti dal Catalogo Liberiano si vedano le vite di 001 Petrus, 011 Pius I, 019 Pontianus, 021 Fabianus, 022 Cornelius, 023 Lucius, 036 Julius.
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mente le persecuzioni e le passiones dei pontefici-martiri, i concili eucumenici e la difesa dell’ortodossia, i contrasti col potere secolare di imperatori e re, ma anche i conflitti intorno alle successioni pontificali e i reati imputati ad alcuni papi da parte di membri del clero. I nuovi resoconti vengono distribuiti nelle diverse biografie, adattando, ove opportuno, il testo esistente come ben illustra la vita di Hormisdas (514523), la quale per un malinteso ha conservato sia la nuova versione (cc. 2-7) che quella originale (c. 8). I nuovi paragrafi inseriti nel testo sopprimevano precedenti cenni storici più scarni, presentando i fatti con vera dovizia di particolari e con toni politicamente assai più espliciti e drammatici. Anche questa fase della redazione è stata eseguita con cura, ma le suture rimangono riconoscibili. Più in particolare, si possono fare alcune osservazioni sullo scopo di questa rielaborazione del testo che presumibilmente fu opera di un’altro reparto della stessa cancelleria papale. In primo luogo si è voluta sottolineare la posizione indipendente del vescovo di Roma, il suo status di occupante della prima sedis entro la gerarchia ecclesiastica, e la sua continua cura per la fede e la difesa dell’ortodossia. Nelle vitae dei papi dei primi tre secoli quest’aspetto si esprime nel tema delle persecuzioni e del martirio. Nelle biografie del IV secolo e in quelle successive cambiano la natura e il tono delle notizie. Quattro temi possono distinguersi. Nelle vitae della metà del IV secolo sono all’ordine il concilio di Nicea e i conflitti con gli imperatori di fede ariana. In quelle della seconda metà del V secolo si presenta il tema del concilio di Calcedonia e delle tensioni monofisite. Un terzo gruppo tematico sono i cinque conflitti elettorali e i modi in cui si cerca di risolvere la doppia elezione di papi (Liberius e Felix, Damasus e Ursinus, Bonifatius I e Eulalius, Symmachus e Laurentius, Bonifatius II e Dioscorus). Il quarto gruppo tematico sono le gravi accuse di malgoverno e eterodossia, sporte contro papi regnanti che si videro costretti render conto del loro operato davanti ad appositi sinodi (Damasus, Xystus III, Symmachus). La scelta di questi quattro temi, due di ordine dottrinale, due di ordine amministrativo, ma strettamente collegati fra loro, è stata dettata chiaramente dalle vivaci discussioni e conflitti che hanno avuto luogo nei primi decenni del VI secolo, durante i pontificati di Symmachus, Hormisdas, Iohannes I, Felix IV e Bonifatius II, il trentennio che va dal 498 al 532. Qui si scrive storia contemporanea, eventi che la stessa redazione ha vissuto, nei quali anch’essa è stata coinvolta, e per dar loro prospettiva attira l’attenzione su storie parallele
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dei secoli precedenti. Esse vengono descritte con tono relativamente distante ma posizioni critiche, o anche scelte a favore o contro determinate persone, non vengono evitate. Così per esempio si sostiene la posizione di Felix II, a danno di Liberius, mentre nel duello elettorale tra Bonifatius I e Eulalius, la redazione si mostra assai neutrale. Nella misura in cui diminuisce la distanza nel tempo, aumenta il coinvolgimento, il che si rispecchia anche nei titoli amministrativi e nelle qualificazioni morali che la redazione usa per un certo numero di attori in scena: presul, archiepiscopus, episcopus primae sedis, vicarius beati Petri, venerabilis-beatusbeatissimus papa, piissimus Augustus, vir religiosus, imperator orthodoxus, rex hereticus. Importante per una corretta valutazione e interpretazione del testo è dunque la conclusione che, in caso di parallellismi, le notizie sul conto di papi precedenti devono esser intese sotto il profilo del loro significato per i resoconti sui papi contemporanei. La notizia più recente non è una ripetizione, sì o no con le stesse parole, della notizia più vecchia, ma quest’ultima funziona da preludio alla notizia più recente. In questo modo le vicissitudini di Liberius, Felix II, Damasus, Bonifatius e Xystus III, pontefici del IV e V secolo, offrono una prospettiva storica e una giustificazione di quel che è capitato ai papi della fine del V e inizio del VI sec. Il parallelo più evidente è quello tra Damasus e Symmachus e tra le soluzioni scelte e le motivazioni offerte nei due casi di conflitto elettorale, scontro armato e incriminazione. Più in generale si può ancora osservare sulla seconda fase di redazione, la fase P2, che il resoconto di concili, eresie e elezioni papali non rappresenta una raccolta di singole notizie, ma è stato concepito come un insieme separato che infatti si può anche leggere come tale. Un curioso segno di questa situazione offre la vita di Gelasius I (492-496). La redazione mostra di rispettare la cronologia degli eventi quando all’inizio della biografia inserisce la fase finale di un evento che cominciò sotto il predecessore di Gelasius, mentre più oltre riapre la questione con un secondo inserto su una nuova fase del conflitto. Riassumendo si può quindi affermare che i redattori della fase P1a+b delineano un’immagine dei vescovi di Roma quali amministratori e benefattori di dignità pari a quella dei benemeriti imperatori, in altri termini, una historia pontificalis di riscontro a una historia augusta. I redattori della fase P2 dal canto loro erano interessati a fornire una prospettiva interpretativa dei contrasti nei quali erano coinvolti i vescovi del loro tempo. Fu forse il conflitto tra i pontefici Symmachus e Laurentius che segnò l’inizio della fase P2 della redazione? Oppure ciò ebbe luogo solo dopo che fu risolto il conflitto tra Bonifatius II
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e Dioscurus? Forse è meglio rispondere al quesito in altri termini. I postumi della lotta tra Symmachus e Laurentius non si erano ancora spenti e nel frattempo divampavano nuovi conflitti. I redattori di P2 avevano vissuto la storia di Symmachus e Laurentius e da quella prospettiva essi descrivono gli avvenimenti seguenti 9. 1.4. La rielaborazione «fk» e le epitomi FK Fin qui dunque la presentazione della prima fase della redazione del Liber Pontificalis e quella della sua rielaborazione in un secondo momento. Di questo processo di discussione e revisione del testo –che fino a quel momento probabilmente altro non era che un unico «manoscritto-dossier»– fa parte una rielaborazione profonda (fk) che non ci è pervenuta, ma che si rispecchia in due epitomi del Liber Pontificalis, note sotto i nomi di Feliciana (F) e Cononiana (K). A questo punto bisogna introdurre una breve discussione sulla natura e la posizione cronologica di queste epitomi. Duchesne e Mommsen hanno dedicato ampia attenzione ai due testi di F e K, i quali chiaramente si riconducono ad una sola fonte che non era il testo del Liber Pontificalis che ci è pervenuto, ma una versione ad esso vicina. Secondo ambedue gli editori si tratta di una versione primitiva del Liber Pontificalis che non ci è giunta e della quale il nostro, terminato intorno all’anno 535, è una rielaborazione. Come ho già detto alcuni anni fa, ai miei occhi questo giudizio andrebbe riconsiderato. Sono infatti dell’avviso che vi siano troppi elementi che si spiegherebbero assai meglio se si pensasse ad una dinamica inversa, se cioè si vedesse il testo del quale le due epitomi sono un derivato come una rielaborazione del nostro Liber Pontificalis 10. Dal confronto risulta a mio parere che l’autore della fonte all’origine di F e K, più che essere il redattore di un «Urtext» del Liber Pontificalis, ha intenzionalmente riscritto un testo esistente e originale, che è quello che noi conosciamo. Egli migliora la grammatica e la sintassi del latino, accentua il carattere 9. Questo processo tardoantico di contemporanea percezione e costruzione di presente e passato in relazione tra loro, meriterebbe uno studio del tipo condotto in modo egregio da Rosamond McKitterick per l’Alto Medievo: R. McKitterick, Perceptions of the Past in the Early Middle Ages, Notre Dame, 2006. 10. H. Geertman, Documenti, redattori e la formazione del testo del Liber Pontificalis, in H. Geertman (ed.), Atti del colloquio internazionale… cit. n. 1, p. 267-284. (= Id., Hic Fecit Basilicam… cit. n. 1, p. 149-167).
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drammatico del racconto e mette in risalto il ruolo del vescovo di Roma e dei suoi rappresentanti, chierici e nobili romani. Questo comportamento ben si addice a una persona vicina agli eventi trattati e contemporanea alla redazione del Liber Pontificalis 11. 1.5. La terza fase redazionale (P3) Quasi contemporaneamente, o non molto tempo dopo, e comunque indipendentemente dall’operazione del redattore/autore di fk, si realizzarono gli ultimi ritocchi al manoscritto con interventi in genere di modesta portata. Siamo così arrivati alla versione P3. In realtà si potrebbe dire che P3 altro non è che l’ultima fase di P2. Le aggiunte non sono di grande importanza, con una eccezione: qualcuno ritenne necessario offrire una spiegazione della relazione cronologica e gerarchica tra i primi quattro pontefici Petrus, Linus, Cletus e Clemens. Le notizie aggiunte a questo proposito mostrano una chiara coerenza e sono visibilmente opera di un ammiratore di Clemens. Nella versione di fk manca qualsiasi cenno di ciò. 1.6. Le classi di manoscritti I – II – III Il processo di continuo rimaneggiamento del testo non si ferma ancora. La versione finale del Liber Pontificalis (P3) fu a sua volta oggetto di interventi da parte delle persone che crearono gli archetipi delle classi I-II-III, manoscritti definiti da Duchesne e Mommsen e caratterizzati da abbreviazioni, correzioni di lingua e contenuto, precisazioni, selezioni. L’archetipo della classe I ha conservato in genere la caratteristica formulazione associativa e spesso grammaticalmente debole della redazione originale. Gli archetipi delle classi II e III sono intervenuti invece frequentemente sul testo, ambedue in un modo caratteristico: la classe II semplifica e abbrevia, la classe III corregge e migliora il latino. Inoltre l’archetipo della classe III ha voluto confrontare e combinare le versioni delle classi I e II e di almeno un’altra versione ancora, che però non ci è pervenuta. Gli archetipi delle tre classi sembrano nati non 11. Il modello da me proposto è stato applicato con esito positivo da Patrizia Carmassi: P. Carmassi, La prima redazione del Liber Pontificalis nel quadro delle fonti contemporanee. Osservazioni in margine alla vita di Simmaco, in H. Geertman (ed.), Atti del colloquio internazionale… cit. n. 1, p. 235-266.
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molto tempo dopo la chiusura della redazione finale e il comportamento correttivo della classe III ha tutta l’aria di esser il prodotto di una mano contemporanea o quasi. Riassunto della proposta di Duchesne
Riassunto della proposta di Geertman fk → F e K
π ( ≈ FK ) → P → classi I, II, III
P1 → P2 → 〈
π prima redazione; il testo di π è (per buona parte) conservato nelle epitomi F e K.
P1 prima redazione.
P ampliamento e rielaborazione redazionale del testo originale (π); il testo di P (la cosiddetta seconda redazione) è conservato nei manoscritti delle classi: I con poche modifiche e poche abbreviazioni, II con più modifiche e numerose abbreviazioni, III classe mista basata su manoscritti di I e II, e con interventi propri.
P3 → classi I, II, III
P2 aggiunte varie al testo del manoscritto P 1. fk rielaborazione del testo di P1+2; il manoscritto fk sarà la base delle epitomi F e K. P3 aggiunte e interventi sul testo del manoscritto P 1+2, realizzazione di un nuovo manoscritto, P3, base per le classi I, II, III.
1.7. Epilogo Osservando il processo della genesi del Liber Pontificalis scaturisce un’immagine vivace di opinioni mutevoli su persone e cose, idee e avvenimenti. Neutralità e partigianeria, progressività e ortodossia, si alternano. A un latino non letterario si sostituisce un uso curato della lingua. Il passato viene osservato ormai a distanza e i resoconti asciutti ricevono un’aura drammatica. La posizione del vescovo di Roma viene sempre meglio messa in rilievo sia da un punto di vista ecclesiastico che secolare. Avvenimenti storici riguardanti persone e relazioni vengono rettificati o coloriti. In breve, la stratigrafia del testo ci offre del materiale nuovo, o almeno meglio definito, per il contesto del tardo quinto e del sesto secolo. Una nuova edizione della fonte, che ormai si sente come necessaria, potrebbe e dovrebbe analizzare, descrivere, ed esprimere an-
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che tipograficamente, questo affascinante processo storico. Un tale lavoro però non può prender forma altrimenti che in collaborazione in quanto diversi aspetti devono essere considerati: in primo luogo un aggiornamento del commentario storico ed archeologico e inoltre una approfondita nuova ricerca sui manoscritti. Se infatti la situazione di fatto fu ben descritta dal Duchesne e dal Mommsen, quel che ora richiede nuova attenzione è il comportamento delle fonti alla luce delle discussioni vigenti nei periodi tardoantico e medievale. Ciò deve ovviamente esser preceduto da uno studio che si concentri sulla stratificazione che fu all’origine della realizzazione del testo che ci è pervenuto. Quest’ultimo, in modo non differente da quanto avvenne per le passiones dei martiri, fu soggetto per diversi decenni ad una continua rielaborazione con riassunti, aggiunte, correzioni e modifiche conformi alle esigenze dei redattori. Negli anni passati ho cercato in diverse occasioni di dare un contributo alla ricerca archeologica e filologica del Liber Pontificalis 12. Tra i risultati raggiunti è da annoverarsi una presentazione del testo che si estende dalla vita di Miltiades a quella di Iohannes II (311-535) dove, accanto a un commentario storico-archeologico, si è offerta anche un’immagine significativa del comportamento delle tre classi dei manoscritti distinte. Ora desidero aggiungere un secondo contributo a quella ricerca che, mi auguro, potrà essere sempre meglio approfondita nel futuro secondo i parametri che ho appena descritto. Il mio attuale lavoro è la presentazione dell’intero testo, da Petrus fino a Iohannes II, secondo le linee della sua realizzazione in fasi redazionali.
2. L’anatomia del testo tramandato 2.1. Il testo presentato del Liber Pontificalis (P1-2-3) Per il testo di P si è seguita in linea di massima la classe I, come fecero anche il Duchesne e il Mommsen. Soltanto quando sembrava vi fossero evidenti ostacoli si è optato per la lettura delle classi II o III, seguendo talvolta Duchesne e/o Mommsen, talvolta una strada propria. Un’immagine completa del comportamenteo delle tre classi viene offerta nell’ edizione del Mommsen, mentre
12. Gli studi da me dedicati a questi temi archeologici e filologici nel periodo 1976-2003 sono raccolti in H. Geertman, Hic Fecit Basilicam… cit. n. 1. Essi rappresentano una prosecuzione di Id, More Veterum. Il Liber Pontificalis e gli edifici ecclesiastici di Roma nella tarda antichità e nell’alto medioevo, Groningen, 1975 (Archaeologica Traiectina, 10).
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per le vitae da 033 Miltiades fino a 058 Iohannes II può essere usato anche il testo con commentario da me pubblicato nel 2003 (vedi sopra, nota 1). 2.2. Il testo presentato di fk (le epitomi F e K) Come ho detto sopra, il testo del Liber Pontificalis ha subito una rielaborazione profonda (fk) che non ci è pervenuta, ma che si rispecchia in due epitomi, note sotto i nomi di Feliciana (F) e Cononiana (K). Visto che F e K percorrono spesso strade diverse sia nella selezione degli argomenti che nelle formule usate, il testo originale di fk si può stabilire soltanto approssimativamente. La ricostruzione del testo di fk proposta più avanti è stata effettuata in base ai seguenti criteri: 1. Se F e K sono conformi o pressochè conformi l’una all’altra, possiamo considerare il testo come una riproduzione, o almeno un riflesso fedele di fk. Dove il testo si differenzia dal testo di P, ciò viene indicato in grassetto. 2. Se F e K non sono conformi, ma il testo di una delle epitomi coincide col testo di P, si riporta solo quest’ultima versione e il passo che se ne distanzia si esclude essendo esso evidentemente un prodotto di F o di K separatamente e non di fk. 3. Se in una delle due epitomi manca un passaggio, si indica in margine da quale epitome proviene il passaggio che fu invece conservato. Anche qui le differenze rispetto a P vengono indicate in grassetto. L’origine di tali differenze in questi casi non è controllabile: si tratta di fk o della relativa epitome? L’immagine che in questo modo si ottiene, pur non essendo ovviamente una ricostruzione a tutti gli effetti del testo originale di fk, tende tuttavia ad offrire una testimonianza chiara e affidabile della vicinanza e distanza di fk e P, per arrivare in base ad essa ad un giudizio sulla loro relazione cronologica. Per un confronto diretto dei testi di F e K stampati in giustapposizione, vedi Duchesne, Liber Pontificalis, I, p 47-113 e Mommsen, Liber Pontificalis, p. 229-263. 2.3. L’organizzazione tipografica del testo di P Il testo di P viene presentato in colonne che rispecchiano le categorie e fasi della redazione. Inoltre, dalla vita di Miltiades (311-314) in poi, si è deciso di riservare una colonna separata alla rubrica della fase P1 che riporta le fonda-
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zioni e le costruzioni di chiese e le donazioni alle medesime. Il testo è dunque tipograficamente organizzato come segue: Le biografie dei primi tre secoli (001 – 032): P 1 - prosopografia e cronologia, ordinazioni e sepoltura; - amministrazione, dottrina, liturgia (con margine rientrato); - fondazioni, costruzioni, donazioni (con margine rientrato e segnato con * *). P 2 - aggiunte di eventi pastorali e dottrinali, di persecuzioni e passioni. P 3 - ultimi ritocchi. Le biografie del quarto al sesto secolo (033 – 058): P 1-a - prosopografia e cronologia, ordinazioni e sepoltura; - amministrazione, dottrina, liturgia (con margine rientrato). P 1-b - fondazioni, costruzioni, donazioni. P 2 - aggiunte di eventi particolari: sinodi e concili, conflitti dottrinali e gerarchici, elezioni di papi. P 3 - ultimi ritocchi. Il segno # # si usa per indicare le brevi notizie storiche tratte dal Catalogo Liberiano. I dati cronologici provenienti dalla medesima fonte non sono invece contrassegnati.
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Annotazioni alle singole vite 001 Petrus * I dati riguardanti vita e opere dell’apostolo Pietro come amministratore ecclesiastico provengono principalmente dal De Viris Illustribus di Gerolamo e dal Catalogo Liberiano di Filocalo, mentre il resoconto della relazione di Pietro con i suoi coadiutori Lino e Cleto e anche quella della designazione di Clemente come suo successore, provengono da Rufino e dalla lettera di Clemente a Giacomo (vedi Duchesne, Liber Pontificalis, I, p. 119). * fk: (...) ad interrogationem Petri (…) consonent: fk ha voluto rendere più chiaro il testo di P. * Il passo preso da Rufino e la continuazione della vita di Clemente mancano del tutto in fk e paiono dunque esser stati inseriti solo più tardi, nella fase P3. Con le parole Post hanc dispositionem il redattore di P3 ha creato il nesso tra il suo inserto e il seguito del testo, la notizia delle circostanze del martiro di Pietro. Ciò l’ha indotto anche a modificare l’ordine della fine della vita e a menzionare prima la sepoltura e solo dopo le ordinazioni. 002 / 003 Linus / Cletus * Le notizie delle ordinazioni (Linus) e della sede vacante (Cletus) mancano in fk. Siccome fk riporta sempre questi particolari, si può concludere che in questo caso dette notizie furono inserite più tardi, nella fase P3 (cfr. anche Duchesne, Liber Pontificalis, I, p. 121s.). 003 Cletus * Il Catalogo Liberiano, dal quale il redattore di P1a ha preso i dati cronologici, dice Fuit temporibus Vespasiani et Titi et initio Domitiani a cons. Vespasiano VIII et Domitiano V usque Domitiano VIIII et Rufo. Pare che P1a abbia copiato erroneamente il particolare et initio Domitiani a, scrivendo a Domitiani, e che l’errore, rimasto in fk, sia stato tolto in P3. Non sarebbe questa l’unica volta che P1a copia in modo non corretto i dati dal Catalogo Liberiano. Vedi anche Duchesne, Liber Pontificalis, I, p. 2 e p. 53 nota III,1. * fk intende XXV presbiteros ordinavit come statistica di ordinazioni, fatte da Cletus, e aggiunge erroneamente mense decemb.
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004 Clemens * Vedi sopra, 001. La mia ricostruzione in P1, III Traiani anno, proviene da Gerolamo. Vedi anche Duchesne, Liber Pontificalis, I, p. 123, n. 5,7,9 008 Xystus I * : passo ancora presente nella fase P2 (vedi FK), ma come pare saltato nell’ultima stesura, P3. Vedi anche Duchesne, Liber Pontificalis, I, p. 128. 009 Telesphorus * In questa vita come anche in quelle di 011 Pius I e 015 Victor, sono state aggiunte, nella fase redazionale di P2, alcune misure riguardanti la Quaresima e la Pasqua. Nelle vite di Telesphorus e di Victor tale intervento ha causato disturbi all’ordine originale del testo il che ha indotto i redattori di fk e P3 a riparare. 011 Pius I * Vedi 009 Telesphorus. 014 Eleuther * FK: ambedue le epitomi si sono inciampate nel testo di fk che evidentemente non aveva capito il testo di P, però lo aveva «corretto». 015 Victor * , mss. ut. Propongo di emendare. Duchesne invece considera ut dominico paschae una glossa entrata in seguito nel testo. * Vedi 009 Telesphorus per le notizie inserite nella fase redazionale P2. Il redattore di fk ha cercato correggere almeno in parte l’ordine anomalo. 016 Zepherinus * Le parole supportantes, donec episcopus missas sono conservate soltanto nella classe III e in FK. Nelle classi I e II sono state soppresse in un tentativo di rendere il passo meno oscuro. Per il significato e una possibile traduzione, vedi Duchesne, Liber Pontificalis, I, commentario ad locum.
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017 Callistus I * La ragione dell’unione delle due notizie sull’edilizia e della modifica dell’ordine in fk, è evidente. 018 Urbanus * I dati consolari del Catalogo Liberiano caddero o furono soppressi nella fase P2. L’origine delle parole temporibus Diocletiani è oscura, cfr. Duchesne, Liber Pontificalis, I, commentario ad locum. * Da questa vita in poi, fino a quella 030 Marcellinus, il redattore, o i redattori, della fase P2 aggiungono numerose notizie sulle persecuzioni a quelle già riferite nella fase P1 e riprese dal Catalogo Liberiano. Le notizie non riguardano solo i papi martiri ma anche le azioni e le vicissitudini dei papi confessores (Urbanus, Eutychianus, Gaius). In alcuni casi si è ritenuto in seconda istanza di estendere la qualità di martyr ad alcuni papi precedentemente presentati come confessores (Cornelius, Lucius, Gaius). 019 Pontianus * Da questa vita in poi l’ordine dei dati prosopografici cambia e le parole Martyrio coronatur vengono prima e non dopo i dati consolari. Il fenomeno potrebbe esser segno di un cambiamento di mano nella redazione di P1. 020 Anteros * Le parole qui martyrio coronatus est, le quali si riferiscono al presbitero Maximinus, sono state modificate da fk in martyr effectus est, perchè erroneamente interpretate come riferentisi ad Anteros. 022 Cornelius * P2 sostituisce la notizia della morte non violenta del pontefice (dormicionem accepit, Catalogo Liberiano) con il resoconto della passio. 025 Xystus II * Il redattore di P1 prese i dati cronologici dal Catalogo Liberiano (vedi Duchesne, Liber Pontificalis, I, p. 6-7 e 155-156; Mommsen, Liber Pontificalis, p. 34): a consulatu Maximi et Glabrionis II [256] usque Tusco et Basso [258] et passus est VIII id. Aug. Et presbiteri praefuerunt a cons. Tusci et Bassi usque in diem XII kl. Aug., Aemiliano et Basso cons. [259]. Il fatto che la vita di Xystus II nell’orginale versione di P1 contenesse
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due serie di dati cronologici, quelli del pontificato e quelli della lunga vacatio sedis dopo la morte di Xystus II, ha indotto i redattori di P2, fk e P3 a risolvere ognuno a suo modo le apparenti contraddizioni. Vedi anche Duchesne, Liber Pontificalis, I, commentario ad locum. 026 Dionysius * Hic presbiteris ecclesias dedit et cymiteria, et parrocias diocesis constituit. Duchesne e Mommsen non mettono la virgola. Pare invece di dover capire che il significato della notizia sia che le chiese titolari e cimiteriali sono competenza dei presbiteri cittadini, e che le parrochie rurali hanno un proprio status giuridico. Cfr. Duchesne, Liber Pontificalis, I, commentario ad locum. 027 Felix I * Hic constituit supra memorias martyrum missas celebrare. Proseguimento delle misure introdotte dal predecessore. * fk sostituisce il temine tecnico memorias martyrum con il termine più generico sepulchra martyrum. Cfr. infra 047 Leo I. 031 Marcellus * Pare ragionevole presumere che solo nella fase P3 sia stato aggiunto il resoconto della prigionia di Marcellus e del ruolo svolto da Lucina. In fk manca ogni traccia di ciò, diversamente da quanto avviene nella vita precedente di Marcellinus, di cui viene raccontata integralmente la passione. 034 Silvester * Colpisce il fatto che nei primi capitoli della vita di Silvester la classe III, come anche fk, offrono dei dettagli che mancano nella classe I e anche nella II, la quale coincide talvolta con I e altre volte con III. Le divergenze tra le classi sono state marcate nel testo (vedi per un’immagine completa H. Geertman, Le biografie del Liber Pontificalis dal 311 al 535… cit. n. 1). Una spiegazione ragionevole di ciò potrebbe esser che la classe III si è sentita meno in dovere di accorciare il lunghissimo testo della vita. * factum est concilium cum eius praeceptum (cl. I-II) / cum eius consensu (cl. III e fk) in Nicea… La spiegazione più probabile di questa significativa divergenza pare possa essere che la classe III e fk offrono la lezione originale mentre i copisti delle classi I e II hanno preferito una versione
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alternativa scritta da qualcuno come correzione in margine al testo del manoscritto P2. La doppia menzione delle ordinazioni in questa vita, prima e dopo l’inserimento del Libellus donationum Constantini Aug nel testo di P1, sembra causata proprio da questo inserimento. Il redattore nuovo cominciò la copiatura quando aveva già trascritto il passo delle ordinazioni. Questo errore lo indusse a ripetere la loro menzione al posto solito alla fine della vita, introducendole con la formula Hic Silvester, caratteristica per P2 quando, dopo i propri inserti, riprende il testo di P1. Il posto insolito della prima menzione indusse poi una seconda mano ad aggiungere in margine alcune precisazioni. Queste ultime erano già presenti quando il compilatore di fk redasse il suo testo. Egli infatti non le copiò direttamente ma introdusse la curiosa espressione per diversis temporibus quando riformulò il passo finale della vita.
036 Julius * La notizia dell’edificazione di alcune basiliche, in città e fuori le mura, è stata presa dal Catalogo Liberiano insieme ai dati cronologici e non è della mano del redattore della fase P1b. 037 Liberius * Omnes itaque anni Felicis in huius ordine dinumerantur: queste parole dunque in origine (fase P1a) seguivano immediatamente le date consolari. 039 Damasus * accusatus invidiose (P2) si trova soltanto nelle classi II e III, non nella classe I che, forse intenzionalmente, soppresse invidiose. Il redattore dell’epitome fk aveva evidentemente davanti a sè un manoscritto della classe I e così F e K hanno cercato di rimediare il testo mutilato, F sopprimendo anche accusatus e K leggendo accusatur. 046 / 047 Xystus III / Leo I * Non tanto l’assenza dalle epitomi F en K, ma proprio la presenza in luoghi inconsueti delle notizie sull’edificazione della basilica di Santa Sabina da parte del episcopus Petrus e della basilica di S. Stefano sulla via Latina da parte di una Demetria ancilla Dei, mostrano che qui si tratta di aggiunte tarde (fase P3).
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047 Leo I * In F l’espressione in martyrio s. Eufemiae è stata sostituita da in basilica s. martyris Eufemiae. La modifica era già presente in fk, come dimostra 027 Felix I (vedi sopra). * Le epitomi F e K danno della vita di Leo I ognuna una propria versione fortemente abbreviata. Il posto anomalo che sia F che K danno alle ordinationes pare indicare che il redattore di fk si limitasse in prima istanza al resoconto del concilio di Calcedonia finendo lì la vita, ma che poi abbia deciso che anche la seconda parte della biografia meritava attenzione. 050 Felix III * P2: Hoc factum tempore Odoacris regis. Il redattore di P2 ha creduto opportuno precisare la cronologia dei fatti, perchè il seguito del suo racconto, compreso nella vita di 051 Gelasius II, si svolge sotto Teodorico. Cfr. 056 Felix IV per una simile precisione cronologica da parte di P2. 051 Gelasius I * P1a: Hic fuit amator pauperum et clerum ampliavit. Hic liberavit a periculo famis civitatem Romanam (…) Sub huius episcopatu clerus crevit. Per due volte il redattore mette in rilievo la cura che ha il pontefice per il bene del popolo e del clero. È un tema ricorrente nelle ultime vite, cfr. 053 Symmachus, 054 Hormisdas e 057 Bonifatius II. 053 Symmachus * P1a: saltato nella frase di apertura, aggiunto in margine e, in un momento successivo e da un’altro copista inserito in un luogo sbagliato aggiungendo le parole Fuit autem. Successivamente il redattore di fk volle spostare anche il dettaglio dei giorni dell’anno, rimasto al suo posto originale in P, ma ormai senza contesto. * L’aggiunta del redattore di P2 Qui etiam in pace confessor quievit «chiude» il suo resoconto delle tumultuose vicende di papa Simmaco.
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054/055 Hormisdas / Iohannes I * Il conflitto tra 054 Hormisdas e l’imperatore Anastasio viene da K riassunto in poche frasi senza dilungarsi. F (= fk ?) invece rielabora la versione che P ha voluto dare del conflitto aggiungendo dettagli personali e accenti drammatici e sottolineando il comune agire del pontefice e di Teodorico nei confronti dell’imperatore ariano. Nella vita seguente, 055 Iohannes I, gli accenti si spostano: l’imperatore ortodosso Giustino, successore di Anastasio, viene presentato come alleato del papa e il re Teodorico si comporta da traditore. Non è l’unico caso in cui il redattore di fk tende a delineare una determinata immagine di papi, imperatori e re e anche dei conflitti che li coinvolgevano, vedi 037 Liberius, 043 Bonifatius I, 047 Leo I, 050 Felix III, 053 Symmachus, 057 Bonifatius II. 054 Hormisdas * P2: : per l’omissione di questo passo, conservato solo in fk, vedi H. Geertman, Le biografie del Liber Pontificalis dal 311 al 535… cit. n. 1; Id., Documenti, redattori e la formazione del testo del Liber Pontificalis… cit. n. 10. * P1a: Hic perrexit ad regem Theodoricum Ravenna (…) vel omnes hereses, resoconto succinto presente nella versione originale, P1a, e non soppresso quando il redattore di P2 lo sostituì con la sua dettagliata descrizione degli eventi. 055 Iohannes I * fk: omnem Italia gladio perderet «Iustinus Aug». Questa aggiunta erronea di fk al testo di P è stata ripresa da F, mentre il redattore di K la corregge in «rex Theodoricus». 056 Felix IV * P2 Qui etiam ordinatus est cum quietem è stato modificato dal redattore di fk in Qui etiam ordinatus est ex iussu Theodorico regis et obiit etc., invertendo anche l’ordine di ordinazioni e sepoltura. F ha preferito sopprimere il particolare della «elezione» imposta, di chiaro tono polemico, K invece lo ha mantenuto.
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057 / 058 Bonifatius II / Iohannes II * Da questo momento (530-) mancano i riassunti dell’epitome Feliciana (F). Questo potrebbe significare che anche la sua fonte, la versione fk del Liber Pontificalis, non arrivava oltre questa data. In tal caso la continuazione da Bonifatius II fino a Conon (686-687) dell’altro testo abbreviato, l’epitome Cononiana (K), si basa direttamente su uno o più manoscritti di P.
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Petrus
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martyrio cum Paulo coronatur, post passionem domini anno XXXVIII. Hic fecit ordinationes per mens. Decemb. episcopos III, presbiteros X, diaconos VII. Qui sepultus est via Aurelia, in templum Apollinis, iuxta locum ubi crucifixus est, iuxta palatium Neronianum, in Vaticanum, iuxta territurium Triumphalem, III kal. Iul.
← P3
.
Hic martyrio cum Paulo coronatur [ ... ... ].
Hic fecit ordinationes III, presbiteros X, diaconos VII, episcopos III per mens. decemb. Qui et sepultus est via Aurelia, in templum Apollonis, iuxta locum ubi crucifixus est, iuxta palatium Neronianum in Vaticanum, in territurium Triumphale, via Aurelia, III k.iul.
F:
Hic scripsit duas epistulas, quae canonicae nominantur, et evangelium Marci, quia Marcus auditor eius fuit et filius de baptismo; post, omnem quattuor evangeliorum fontem ad interrogationem Petri firmata sunt, dum alius grece, alius hebraice, alius latine consonent.
Hic scripsit duas epistulas, quae catholicae nominantur, et evangelium Marci, quia Marcus auditor eius fuit et filius de baptismo; post, omnem quattuor evangeliorum fontem, quae ad interrogationem et testimonio eius, hoc est Petri, firmatae sunt, dum alius grece, alius ebraice, alius latine consonent, tamen eius testimonio sunt firmatae.
f k = F+K Beatus Petrus, Anthiochenus, filius Iohannis, provinciae Gallileae vico Bethsaida, frater Andreae et princeps apostolorum, primum sedit cathedra episcopatus in Anthiochia annos VII. Hic Petrus ingressus in urbe Roma Nerone Caesare ibique sedit cathedram episcopatus ann. XXV m. II d. III. Fuit temporibus Tiberii Cesaris et Gaii et Tiberii Claudii et Neronis.
P2
Beatus Petrus ← P 3 Anthiochenus, filius Iohannis, provinciae Gallileae vico Bethsaida, frater Andreae et princeps apostolorum, primum sedit cathedram episcopatus in Anthiochia annos VII. Hic Petrus ingressus in urbe Roma Nerone Caesare ibique sedit cathedram episcopatus ann. XXV m. II d. III. Fuit autem temporibus Tiberii Cesaris et Gaii et Tiberii Claudii et Neronis.
P1a-b
inversio ordinis sepulturae et ordinationum
Hic ordinavit duos episcopos Linum et Cletum, qui praesentaliter omne ministerium sacerdotale in urbe Roma populo vel supervenientium exhiberent; beatus autem Petrus ad orationem et praedicationem, populum erudiens, vacabat. Hic cum Simone mago multas disputationes habuit tam ante Neronem imperatorem quamque ante populum, ut quos beatus Petrus ad fidem Christi adgregabat, ille per magias et deceptiones segregabat. Et dum diutius altercarent, Simon divino nutu interemptus est. Hic beatum Clementem episcopum consecravit eique cathedram vel ecclesiam omnem disponendam commisit, dicens: Sicut mihi gubernandi tradita est a domino meo Iesu Christo potestas ligandi solvendique, ita et ego tibi committo, ut ordinans dispositores diversarum causarum, per quos actus ecclesiasticus profligetur, et tu minime in curis saeculi deditus repperiaris; sed solummodo ad orationem et praedicare populo vacare stude. Post hanc dispositionem ... ...
et princeps apostolorum
, apostolus et princeps apostolorum,
P3
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Clemens
004
Cletus
003
Linus
002
P2
Hic fecit ordinationes duas per mens. Decemb, presbiteros X, diaconos II; episcopos per diversa loca XV. Obiit martyr III Traiani. Qui etiam sepultus est in Grecias VIII kal. Dec. Et cessavit episcopatus dies XXI.
Hic fecit VII regiones et dividit notariis fidelibus ecclesiae, qui gestas martyrum sollicite et curiose, unusquisque per regionem suam, diligenter perquireret et fecit duas epistolas.
Clemens, natione romanus, de regione Celiomonte, ex patre Faustino, sedit ann. VIIII m. II d. X. Fuit autem temporibus Galbae et Vespasiani, a consulatu Tragali et Italici usque ad Vespasiano VIIII et Tito. Martyrio coronatur.
Cletus, natione Romanus, de regione Vico Patrici, patre Emeliano, sedit ann. XII m. I d. XI. Fuit autem temporibus Vespasiani et Titi, a Domiciani (F, Domiciano K) consolatu Vespasiano VII et Domitiano V usque ad Domitiano VIIII et Rufo consulibus. Martyrio coronatur. Hic ex praecepto beati Petri XXV presbiteros ordinavit in urbe Roma. mense Decemb. Qui etiam sepultus est iuxta corpus beati Petri in Vaticanum VI kal. Mai.
Qui sepultus est iuxta corpus beati Petri in Vaticano sub die VIIII kal. Octubris.
Linus, natione Italus, regionis , patre Herculano, sedit ann. XI m. III d. XII. Fuit autem temporibus Neronis, a consulatu Saturnini et Scipionis usque ad Capitone et Rufo consulibus. Martyrio coronatur. Hic ex praecepto beati Petri constituit ut mulier in ecclesia velato capite introiret.
f k = F+K
quae catholicae nominantur. Hic ex praecepto beati Petri suscepit ecclesiae pontificatum gubernandi, sicut ei fuerat a domino Iesu Christo cathedra tradita vel commissa; tamen in epistula, quae ad Iacobum scripta est, qualiter ei a beato Petro commissa est ecclesia, repperies. Ideo propter Linus et Cletus ante eum conscribuntur eo quo ab ipso principe apostolorum ad ministerium sacerdotale exhibendum sunt episcopi ordinati.
Hic dum multos libros zelo fidei Christianae religionis adscriberet, martyrio coronatur.
Et cessavit episcopatus dies XX.
Domitiani
Hic fecit ordinationes II, episcopos XV, presbiteros XVIIII.
P3
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← P3 Hic fecit ordinationes duas per mens. Decemb, presbiteros X, diaconos II; episcopos per diversa loca XV. Obiit martyr III Traiani anno [ P3 Traiano III]. Qui etiam sepultus est in Grecias VIII kal. Dec. Et cessavit episcopatus dies XXI.
Hic fecit VII regiones, dividit notariis fidelibus ecclesiae, qui gestas martyrum sollicite et curiose, unusquisque per regionem suam, diligenter perquireret. Hic fecit duas epistolas. ← P 3
Clemens, natione romanus, de regione Celiomonte, ex patre Faustino, sedit ann. VIIII m. II d. X. Fuit autem temporibus Galbae et Vespasiani a consulatu Tragali et Italici [68] usque ad Vespasiano VIIII et Tito [76]. Martyrio coronatur. ← P 3
Cletus, natione Romanus, de regione Vico Patrici, patre Emiliano, sedit ann. XII m. I d. XI. Fuit autem temporibus Vespasiani et Titi, a Domitiani consolatu Vespasiano VII et Domitiano V [77] usque ad Domitiano VIIII et Rufo consulibus [83]. Martyrio coronatur. *Hic ex praecepto beati Petri XXV presbiteros ordinavit in urbe Roma.* Qui etiam sepultus est iuxta corpus beati Petri in Vaticanum VI kal. Mai. ← P 3
Linus, natione Italus, regionis Tusciae, patre Herculano, sedit ann. XI m. III d. XII. Fuit autem temporibus Neronis a consulatu Saturnini et Scipionis [56] usque ad Capitone et Rufo consulibus [67]. Martyrio coronatur. Hic ex praecepto beati Petri constituit ut mulier in ecclesia velato capite introiret. ← P3 Qui sepultus est iuxta corpus beati Petri in Vaticano sub die VIIII kal. Octubris.
P1a-b
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Alexander
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Evaristus
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Anencletus
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Hic passionem domini miscuit in predicatione sacerdotum [ ... ]. Martyrio coronatur et cum eo Eventius presbiter et Theodolus diaconus. [ ... ... ] (vide supra) Hic constituit aquam sparsionis cum sale benedici in habitaculis hominum. Hic fecit ordinationes III per mens. Decemb., presbiteros VI, diaconos II; episcopos per diversa loca V. Qui etiam sepultus est via Numentana, ubi decollatus est, ab urbe Roma non longe miliario VII, V nonas Mai. Et cessavit episcopatus dies XXXV.
Martyrio coronatur ← P 2 . Hic passionem domini miscuit in predicatione sacerdotum, quando missae celebrantur. Hic constituit aquam sparsionis cum sale benedici in habitaculis hominum. Hic fecit ordinationes III per mens. Decemb., presbiteros VI, diaconos II; episcopos per diversa loca V. Qui etiam sepultus est via Numentana, ← P 2 ab urbe Roma non longe miliario VII, V nonas Mai. Et cessavit episcopatus dies XXXV.
ubi decollatus est,
Alexander, natione Romanus, ex patre Alexandro, de regione Caput tauri, sedit ann. X m. VII d. II. Fuit autem temporibus Traiani, usque Heliano et Vetere.
Hic fecit ordinationes III [ ... ... ],presbiteros XVII, diaconos VIIII; episcopos per diversa loca XV. Qui et sepultus est iuxta corpus beati Petri in Vaticanum, VI kal. Novemb. Et cessavit episcopatus dies XVIIII.
Hic fecit ordinationes III per mens. Decemb., presbiteros XVII, diaconos II; episcopos per diversa loca XV. Qui etiam sepultus est iuxta corpus beati Petri in Vaticanum, VI kal. Novemb. Et cessavit episcopatus dies XVIIII.
Alexander, natione Romanus, ex patre Alexandro, de regione Caput tauri, sedit ann. X m. VII d. II. Fuit autem temporibus Traiani, usque Heliano et Vetere. [116]
Hic titulos in urbe Roma dividit presbiteris et VII diaconos ordinavit, qui custodirent episcopum praedicantem, propter stilum veritatis.
Evaristus, natione Grecus, Antiochenus, ex patre Iudaeo nomine Iuda, de civitate Bethleem, sedit ann. VIIII m. X d. II. Fuit autem temporibus Domitiani et Nervae Traiani, a consulatu Valentis et Veteris usque ad Gallo et Bradua consulibus. Martyrio coronatur.
Evaristus, natione Grecus ex patre Iudeo nomine Iuda, de civitate Bethlehem, sedit ann. VIIII m. X d. II. Fuit autem temporibus Domitiani et Nervae Traiani, a consulatu Valentis et Veteris [96] usque ad Gallo et Bradua conss. [108] Martyrio coronatur.
Hic titulos in urbe Roma dividit presbiteris et VII diacones ordinavit, qui custodirent episcopum praedicantem, propter stilum veritatis.
sepultus est [ ... ] III idus Iulias. Hic fecit ordinationes II per mens. Dec., presbiteros V, diaconos III, episcopos per diversa loca numero VI. Et cessavit episcopatus dies XIII.
sepultus est iuxta corpus beati Petri III idus Iulias. Hic fecit ordinationes II per mens. Dec., presbiteros V, diaconos III, episcopos per diversa loca numero VI. Et cessavit episcopatus dies XIII.
et cum eo Eventius presbiter et Theodolus diaconus.
Hic memoriam beati Petri construxit et conposuit, dum presbiter factus fuisset a beato Petro [ ... ] ubi episcopi reconderentur sepulturae; ubi tamen et ipse
*Hic memoriam beati Petri construxit et conposuit, dum presbiter factus fuisset a beato Petro, seu alia loca ubi episcopi reconderentur sepulturae; ubi tamen et ipse*
f k = F+K Anecletus, natione Grecus de Athenis, ex patre Anthioco, sedit ann. XII m. X d. III. Fuit autem temporibus Domitiani, a consulatu Domitiano X et Savino usque ad Domitiano XVII et Clemente consulibus.
P2
Anecletus, natione Grecus de Athenis, ex patre Anthioco, sedit ann. VIIII m. II d. X. Fuit autem temporibus Domitiani, a consulatu Domitiano X et Savino [84] usque ad Domitiano XVII et Clemente conss. [95]
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Telesphor
009
Xystus I
008
Martyrio coronatur. ( transtulit P3) natalem domini missas celebrarentur: nam omni tempore ante horae tertiae cursum nullus praesumeret missas celebrare, qua hora dominus noster ascendit crucem; et ante sacrificium hymnus diceretur angelicus, hoc est "Gloria in excelsis deo". ← P3 Hic fecit ordinationes IIII per mens. Decemb., presbiteros XII, diaconos VIII; episcopos per diversa loca XIIII. Qui vero sepultus est iuxta corpus beati Petri in Vaticano IIII non. Ianuar. Et cessavit episcopatus dies VII.
Hic fecit ordinationes IIII per mens. Decemb., presbiteros XII, diaconos VIII; episcopos per diversa loca XIII. Qui etiam sepultus est iuxta corpus beati Petri in Vaticanum IIII non. Ianuar. Et cessavit episcopatus dies VII.
Martyrio coronatur. Hic fecit ut natalem Domini nostri Iesu Christi noctu missae celebrarentur et in ingressu sacrificii hymnus diceretur angelicus: "Gloria in excelsis deo", tantum noctu natale Domini.
Telesphor, natione Grecus, ex anachorita, sedit ann. XI m. III d. XXI. Fuit autem temporibus Antonini et Marci. Hic constituit ut septem ebdomadas ieiunium celebraretur Paschae.
Telesphor, natione Grecus, ex anachorita, sedit ann. XI m. III d. XXI. Fuit autem temporibus Antonini et Marci. ← P2
Hic fecit ordinationes III [ ... ], presbiteros XI, diaconos III; episcopos per diversa loca IIII. Qui etiam sepultus est iuxta corpus beati Petri in Vaticanum, VI non. April.. Et cessavit episcopatus mens. II.
Hic fecit ordinationes III per mens. Decemb., presbiteros XI, diaconos IIII; episcopos per diversa loca IIII. Qui etiam sepultus est iuxta corpus beati Petri in Vaticanum, III non. April.. Et cessavit episcopatus menses II.
Xystus, natione Romanus, ex patre Pastore, de regione Via Lata, sedit ann. X m. II d. I Fuit autem temporibus Adriani, usque ad Vero et Anniculo. Martyrio coronatur.
f k = F+K
Hic constituit ut ministeria sacrata non tangerentur nisi a ministris. Hic constituit ut quicumque episcopus evocatus fuisset ad sedem romanam apostolicam et rediens ad parrochiam suam, non susciperetur nisi cum formata salutationis plebi a sede apostolica. Hic constituit ut intra actionem sacerdos incipiens populo hymnum decantaret "Sanctus sanctus sanctus dominus deus Sabaoth" et cetera.
Hic constituit ut septem ebdomadas ante pascha ieiunium celebraretur
P2
Hic constituit ut ministeria sacrata non tangerentur nisi a ministris. Hic constituit ut quicumque episcoporum evocatus fuisset ad sedem apostolicam, rediens ad parrociam suam non susciperetur nisi cum litteras sedis apostolicae, salutationis plebi, quod est formatam. < Hic constituit ut intra actionem sacerdos incipiens populo hymnum decantaret "Sanctus sanctus sanctus dominus deus Sabaoth" et cetera>
Xystus, natione Romanus, ex patre Pastore, de regione Via Lata, sedit ann. X m. II d. I Fuit autem temporibus Adriani, usque ad Vero et Anniculo. [126] Martyrio coronatur.
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Martyrio coronatur. + inversio ordinationum et sepulturae
… ieiunium celebraretur et natalem domini missas celebrarentur …
pratermissum in P3
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(FK 011)
Anicetus
012
(FK 012)
Pius I
011
Hyginus
010
Hic constituit ut clerus comam non nutriret, secundum praeceptum apostoli. Hic fecit ordinationes V per mens. Decemb., presbiteros XVIIII, diaconos IIII; episcopos per diversa loca VIIII. Qui etiam sepultus est iuxta corpus beati Petri in Vaticano (mutavit P 3) XII kal. Mai. Et cessavit episcopatus dies XVII.
Anicetus, natione Syrus, ex patre Iohanne, de vico Humisa, sedit ann. XI m. IIII d. III. Fuit autem temporibus Severi et Marci, a consulatu Gallicani et Veteris [150] usque ad Praesente et Rufino [153].
Hic constituit hereticum venientem ex Iudaeorum herese suscipi et baptizari; et constitutum de ecclesia fecit. Hic fecit ordinationes V per mens. Decemb., presbiteros XVIIII, diaconos XXI; episcopos per diversa loca XII. Qui etiam sepultus est iuxta corpus beati Petri in Vaticanum V id. Iul. Et cessavit episcopatus dies dies XIIII.
Hic fecit ordinationes V per mens. Decemb., presbiteros XVIIII, diaconos IIII; episcopos per diversa loca VIIII. Qui etiam sepultus est iuxta corpus beati Petri in Vaticano XII kal. Mai. Et cessavit episcopatus dies VII.
Hic constituit ut clerus comam non nutriret. [ ... ]
Anicetus, natione Syrus, ex patre Iohanne, de vico Amisa, sedit ann. XI m. IIII d. III. Fuit autem temporibus Severi et Marci, a consulatu Gallicani et Veteris usque ad Praesente et Rufino.
Sub huius episcopatum Hermis librum scripsit, in quo mandatum continet quod ei precepit angelus domini, cum venit ad eum in habitu pastoris et precepit ei ut sanctum Paschae die dominica celebraretur. Hic constituit a Iudaeo hereticum venientem suscipi et baptizari; [ ... ] Hic fecit ordinationes V per mens. Decemb., presbiteros XVIIII, diaconos XXI; episcopos per diversa loca XII. Qui etiam sepultus est iuxta corpus beati Petri in Vaticanum V id. Iul. [ .. ] cessavit episcopatus dies dies XIIII.
Pius, natione Italus, ex patre Rufino, frater pastoris, de civitate Aquileia, sedit ann. XVIIII m. IIII d. III. Fuit autem temporibus Antonini Pii, a consulatu Clari et Severi.
Pius, natione Italus, ex patre Rufino, frater pastoris, de civitate Aquilegia, sedit ann. XVIIII m. IIII d. XXI. Fuit autem temporibus Antonini Pii, a consulatu Clari et Severi [146]. # Sub huius episcopatum Hermis librum scripsit, in quo mandatum continet quod ei precepit angelus domini, cum venit ad eum in habitu pastoris # ← P2
Hic clerum conposuit et distribuit gradus
Yginus, natione Grecus, ex philosopho, de Athenis, [ ... ... ] sedit ann. IIII m. III d. IIII. Fuit autem temporibus Veri et Marci, a consulatu Magni et Camerini usque ad Orfito et Camerino.
f k = F+K
et fecit ordinationes III per mens. Decemb., presbiteros XV, diaconos V; episcopos per diversa loca VI. Qui etiam sepultus est iuxta corpus beati Petri in Vaticanum III id. Ianuar. Et cessavit episcopatus dies III.
et precepit ut pascha die dominico celebraretur
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Hic fecit ordinationes III per mens. Decemb., presbiteros XV, diaconos V; episcopos per diversa loca VI. Qui etiam sepultus est iuxta corpus beati Petri in Vaticano III id. Ianuar. Et cessavit episcopatus dies III.
Hic clerum conposuit et distribuit gradus.
Yginus, natione Grecus, ex philosopho, de Athenis, cuius genealogiam non inveni, sedit ann. IIII m. III d. IIII. Fuit autem temporibus Veri et Marci, a consulatu Magni et Camerini [138] usque ad Orfito et Prisco. [149]
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obiit martyr et sepultus est in cymiterio Calisti
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Eleuther
014
Soter
013
Hic fecit ordinationes III per m. Decemb., presbiteros XII, diaconos VIII; episcopos per diversa loca XV. Qui etiam sepultus est iuxta corpus beati Petri in Vaticano VIIII kal. Iun. Et cessavit episcopatus dies XV.
Hic fecit ordinationes III per m. Decemb., presbiteros XII, diaconos VIII; episcopos per diversa loca XV. Qui [ .. ] sepultus est iuxta corpus beati Petri in Vaticano VIIII kal. Iun. [ .. ] Cessavit episcopatus dies XV.
Hic accepit epistula a Lucio Brittanio rege, ut christianus efficeretur per eius mandatum et hoc constituit (K, contenuit, F) ut nullus (K: cassules) repudiaretur a christianis, maxime fidelibus, quod deus creavit, que tamen rationales (F, rationes, K) sunt.
Hic accepit epistula a Lucio Brittanio rege, ut christianus efficeretur per eius mandatum. Et hoc iterum firmavit ut nulla esca a christianis repudiaretur, maxime fidelibus, quod deus creavit, quae tamen rationalis et humana est.
Hic fecit ordinationes III per m. Decemb., presbiteros XVIII, diaconos VIIII; episcopos per diversa loca XI. Qui [ .. ] sepultus est iuxta corpus beati Petri in Vaticano X kal. Mai. [ .. ] Cessavit episcopatus dies XXI.
Hic constituit ut nullus monachus palla sacrata contingeret, nec incensum poneret intra sancta ecclesia.
Soter, natione Campanus, ex patre Concordio, de civitate Fundis, sedit ann. VIIII m. VI d. XXI. Fuit [ ... ] temporibus Severi, a consulatu Rustici et Aquilini usque ad Cetego et Claro.
f k = F+K
Eleuther, natione Grecus, ex patre Abundio, de oppido Nicopoli, sedit ann. XV m. III d. II Fuit [ .. ] temporibus Antonini et Commodi, usque ad Paterno et Bradua.
P2
Eleuther, natione Grecus, ex patre Habundio, de oppido Nicopoli, sedit ann. XV m. III d. II Fuit autem temporibus Antonini et Commodi, usque ad Paterno et Bradua [185].
Hic fecit ordinationes III per m. Decemb., presbiteros XVIII, diaconos VIIII; episcopos per diversa loca XI. Qui etiam sepultus est iuxta corpus beati Petri in Vaticano (mutavit P 3) X kal. Mai. Et cessavit episcopatus dies XXI.
Hic constituit ut nullus monachus pallam sacratam contingeret, nec incensum poneret in sanctam ecclesiam.
Soter, natione Campanus, ex patre Concordio, de civitate Fundis, sedit ann. VIIII m. VI d. XXI. Fuit autem temporibus Severi, a consulatu Rustici et Aquilini [162] usque ad Cetego et Claro [170].
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in cymiterio Calisti via Appia
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Zephyrinus
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Victor
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Hic constituit praesentia omnibus clericis et laicis fidelibus sive clericus sive levita sive sacerdos ordinaretur. Et fecit constitutum de ecclesia
Hic constituit praesentia omnibus clericis et laicis fidelibus sive clericus sive levita sive sacerdos ordinaretur. Et fecit constitutum de ecclesia
Hic fecit ordinationes II [ ... ], presbiteros IIII, diaconos VII; episcopos per [ ... ] loca XII. Hic sepultus est iuxta corpus beati Petri [ ... ... ] V kal. Aug. Et cessavit episcopatus dies XII.
Et fecit concilium et interrogatio facta est de Pascha vel de die prima cum Theophilo, episcopo Alexandriae, de luna.
Victor, natione Afer, ex patre Felice, sedit ann. X m. II d. X. Fuit [ ... ] temporibus Cesaris Augusti, a consulatu Commodi II et Glabrione usque ad Laterano et Rufino. Hic constituit ut [ .. ] Pascha die dominico celebraretur, sicut et Eleuther (K) / Pius (F). Hic fecit sequentes cleros. Martyrio coronatur. Et constituit ut, necessitate faciente, ubi inventus fuisset, sive in flumine sive in mari sive in fonte, tantum christiano confessione declarata credulitates, quicumque hominum ex gentile veniens ut baptizaretur. ( vide infra )
f k = F+K
Zepherinus, natione Romanus, ex patre Habundio, sedit ann. VIII m. VII d. X. Fuit autem temporibus Antonini et Severi, a consolatu Saturnini et Gallicani usque ad Praesentem et Stricato conss.
Hic fecit constitutum ad interrogationem sacerdotum de circulo paschae dominico paschae, cum presbiteris et episcopis factam conlationem et arcessito Theophilo episcopo Alexandriae facta congregatione, ut a XIIII luna primi mensis usque ad XXI diem dominicum custodiatur sanctum pascha.
Hic constituit ut sanctum pascha die dominico celebraretur, sicut Eleuther. Hic fecit sequentes cleros.
P2
Zepherinus, natione Romanus, ex patre Habundio, sedit ann. VIII m. VII d. X. Fuit autem temporibus Antonini et Severi, a consolatu Saturnini et Gallicani [198] usque ad Presente et Stricato conss. [217]
Hic sepultus est iuxta corpus beati Petri apostuli in Vaticanum V kal. Aug. Et cessavit episcopatus dies XII.
Hic fecit ordinationes II per mens. Decemb., presbiteros IIII, diaconos VII; episcopos per diversa loca XII. ← P2
Martyrio coronatur. Et constituit ut, necessitate faciente, ut ubiubi inventus fuisset, sive in flumine sive in mari sive in fontibus, tantum Christiano confessione credulitatis clarificata, quicumque hominum ex gentile veniens ut baptizaretur.
Victor, natione Afer, ex patre Felice, sedit ann. XV m. II d. X. Fuit autem temporibus Cesaris Augusti, a consulatu Commodo II et Gravione [186] usque ad Laterano et Rufino [197]. ← P2
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Callistus I
017
[ .. ] Cessavit episcopatus dies XVI.
[ ... ... ... ] ( vide supra )
P3
La genesi del Liber pontificalis romano
Et cessavit episcopatus dies XVI.
*Qui fecit alium cymiterium via Appia, ubi multi sacerdotes et martyres requiescunt, qui appellatur usque in hodierno die cymiterium Calisti.*
Hic fecit ordinationes V per mens. Decemb., presbiteros XVI, diaconos IIII; episcopos per diversa loca VIII. Qui etiam sepultus est in cymiterio Calepodi via Aurelia miliario III prid. id. Octob.
Hic fecit ordinationes V per mens. Decemb., presbiteros XVI, diaconos IIII; episcopos per diversa loca VIII. Qui etiam sepultus est in cymiterio Calepodi via Aurelia miliario III prid. id. Octob.
Hic constituit ieiunium die sabbati ter in anno fieri, frumenti, vini et olei, secundum prophetiam, secundum prophetiam quarti mensis, septimi et decimi. K: Hic fecit basilicam trans Tiberim et cymiterium via Appia qui dicitur Caliste.
Hic constituit ieiunium die sabbati ter in anno fieri, frumenti, vini et olei, secundum prophetiam.
*Hic fecit basilicam trans Tiberim *
Calistus, natione Romanus, ex patre Domitio, de regione Urberavennatium, sedit ann. VI m. II d. X. Fuit autem temporibus Macrini et Theodoliobolli, a consulatu Antonini et Alexandri. Hic martyrio coronatur.
Calistus, natione Romanus, ex patre Domitio, de regione Urberavennatium, sedit ann. VI m. II d. X. Fuit autem temporibus Macrini et Theodoliobolli, a consulatu Antonini [218] et Alexandri [222]. Hic martyrio coronatur.
Hic fecit ordinationes IIII per mens. Decemb., presbiteros XIIII, diaconos VIII; episcopos per [ ... ] loca XIII.
et patenas vitreas ante se sacerdotes in ecclesia et ministros supportantes, dum episcopus missa celebraret, ante se sacerdotes omnes adstantes; sic missae celebrarentur, excepto quod ius episcopi interest tantum, clerus substineret omnibus praesentes; ex ea consecratione de manu episcopi iam coronam consecratam acciperet presbiter tradendam populo
f k = F+K
Qui [ ... ] sepultus est in cymiterio suo iuxta cymiterium Calisti via Appia VIII kal. Sept.. Et cessavit episcopatus dies V.
P2
Hic fecit ordinationes IIII per mens. Decemb., presbiteros XIIII, diaconos VII; episcopos per diversa loca XIII. Qui etiam sepultus est in cymiterio suo iuxta cymiterium Calisti via Appia VIII kal. Sept.. Et cessavit episcopatus dies VI.
et patenas vitreas ante sacerdotes in ecclesia et ministros celebraret ante se sacerdotes adstantes; sic missae celebrarentur, excepto quod ius episcopi interest tantum, clerus substineret omnibus praesentes; ex ea consecratione de manu episcopi iam coronam consecratam acciperet presbiter tradendam populo.
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230-235
Pontianus
019
222-230
Urbanus
018
Hic fecit ordinationes II per mens. Decemb., presbiteros VI, diaconos V; episcopos per diversa loca VI. (auxit P 2) in cymiterio Calisti via Appia. Et cessavit episcopatus dies X
Pontianus, natione Romanus, ex patre Calpurnio, sedit ann. V m. II d. VII (cl. Ib-II-III; ann. VIIII m. V d. II, cl. Ia). Martyrio coronatur. # Fuit autem temporibus Alexandri, a consulatu Pompeiani et Peliniani. [231] Eodem tempore Pontianus episcopus et Ypolitus presbiter exilio sunt deportati ab Alexandro in Sardinia insula Bucina Severo et Quintiano conss. [235] In eadem insula adflictus, maceratus fustibus, defunctus est III kal. Novemb. et in eius locum ordinatus est Antheros XI kal. Decemb.#
Hic fecit ordinationes V per mens. Decemb., presbiteros XVIIII, diaconos VII; episcopos per diversa loca VIII. Qui etiam sepultus est in cymiterio Pretextati via Appia, ← P 2 XIIII kal. Iun. Et cessavit episcopatus dies XXX.
← P2
Urbanus, natione Romanus, ex patre Pontiano, sedit ann. VIII m. XI d. XII (cl. Ib-II-III; ann. IIII m. XI d. XII, cl. Ia). < # Fuit autem temporibus Alexandri a consulatu Maximi et Eliani [223] usque Agricola et Clementino [230] # > *Hic fecit ministeria sacrata omnia argentea et patenas argenteas XXV posuit.*
P1a-b
Quem beatus Fabianus adduxit cum clero per navem et sepelivit ..
, quem sepelivit beatus Tiburtius,
Qui etiam clare confessor temporibus Diocletiani. Hic sua traditione multos convertit ad baptismum et credulitatem, etiam et Valerianum, nobilissimum virum, sponsum sanctae Caeciliae, quos etiam usque ad martyrii palmam perduxit, et per eius monita multi martyrio coronati sunt.
P2
Hic fecit ordinationes II per mens. Decemb., presbiteros VI, diac. V; episcopos per [ .. ] loca VII. Quem beatus Fabianus adduxit navigio et sepelivit in cymiterio Calisti via Appia. [ .. ] cessavit episcopatus dies X
Pontianus, natione Romanus, ex patre Calpurnio, sedit ann. V m. II d. XXII (K; ann. VIIII m. V d. II, F). Martyrio coronatur. Hic fuit temporibus Alexandri, a consulatu Pompeiani et Peliniani. Eodem tempore Pontianus episcopus et Yppolitus presbiter exilio sunt deputati ab Alexandro in Sardinia insula Bucina Severo et Quintiano consulibus. In eadem insula adflictus, maceratus fustibus, defunctus est III kal. Novemb. [ ... ... ... ]
Hic fecit ordinationes V per mens. Decemb., presbiteros XVIIII, diaconos VII; episcopos per [ .. ] loca VIII. Qui sepultus est in cymiterio Pretextati via Appia, quem sepelivit beatus Tiburtius XIIII kal. Iun. Et cessavit episcopatus dies XXX.
Hic ministeria sacrata argentea constituit et patenas argenteas XXV posuit. Qui etiam clare confessor temporibus Dioclitiani. Hic sua traditione multos convertit ad baptismum [ .. ], etiam et Valerianum [ .. ], sponsum sanctae Caeciliae, [... ...] , et [ .. ] multi martyrium coronati sunt per eius doctrinam.
Urbanus, natione Romanus, ex patre Pontiano, sedit ann. VIIII m. I d. II (K; ann. IIII m. X d. XII, F)
f k = F+K P3
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236-250
Fabianus
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235-236
Anteros
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Hic fecit ordinationes V per mens. Decemb., presbiteros XXII, diaconos VII; episcopos per diversa loca XI. Qui etiam sepultus est in cymiterio Calisti via Appia XIIII kal. Febr. Et cessavit episcopatus dies VII.
Fabianus, natione Romanus, ex patre Fabio, sedit ann. XIIII m. I d. XI (cl III; m. XI d. XI cl. I-II) Martyrio coronatur. Fuit autem temporibus Maximi et Africani [236] usque ad Decio II et Quadrato et passus est XIIII kal. Febr.. [250] # Hic regiones dividit diaconibus et fecit VII subdiacones, qui VII notariis imminerent ut gestas martyrum in integro fideliter colligerent; et multas fabricas per cymiteria fieri praecepit. Et post passionem eius Moyses et Maximus presbiteri et Nicostratus diaconus conprehensi sunt et in carcere missi sunt. Eodem tempore supervenit Novatus ex Africa et separavit de ecclesia Novatianum et quosdam confessores, postquam Moyses in carcere defunctus est, qui fuit ibi menses XI. # Et sic multi christiani fugierunt.
Hic fecit ordinationes V per mens. Decemb., presbiteros XXII, diaconos VIII; episcopos per [ .. ] loca XI. Qui [ .. ] sepultus est in cymiterio Calisti via Appia XIII kal. Febr. Et cessavit episcopatus dies VII.
Fabianus, natione Romanus, ex patre Fabio, sedit ann. XIIII m. I d. XI. Martyrio coronatur. Fuit autem temporibus Maximi et Africani usque ad Decio II et Quadrato et passus est XIIII kal. Febr. Hic regiones dividit diaconibus et fecit VII subdiaconos, qui septem notariis imminerent ut gestas martyrum [ .. ] fideliter colligerent; et multas fabricas per cymiteria fieri praecepit. Post passionem eius Moyses et Maximinus presbiteri et Nicostratus diaconus conprehensi sunt [ ... ... ... ]. Eodem tempore [ ... ... ... ] Moyses in carcere defunctus est, qui fuit ibi menses XI; et sic multi christiani fugierunt.
Hic gestas martyrum [ ... ] diligenter a notariis exquisivit et in ecclesia recondit. Propter quondam Maximino presbitero [ .. ] martyr effectus est. Hic ordinavit unum episcopum in civitate Fundis Campaniae [ .. .. ]. Qui [ .. ] sepultus est in cymiterio Calisti via Appia III non. Ianuar.. Et cessavit episcopatus dies VII.
... ... propter quodam Maximino presbitero, qui martyrio coronatus est.
*Hic gestas martyrum et legentium diligenter a notariis exquisivit et in ecclesia recondit.* ← P2 Hic fecit unum episcopum in civitate Fundis Campaniae per mens. Decemb. Qui etiam sepultus est in cymiterio Calisti via Appia III non. Ianuar.. Et cessavit episcopatus dies XIII.
f k = F+K Anteros, natione Grecus, ex patre Romulo, sedit ann. XII m. I d. XII. Martyrio coronatur temporibus Maximini et Africani consulibus.
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Anteros, natione Grecus, ex patre Romulo, sedit ann. XII m. I d. XII. Martyrio coronatur temporibus Maximini et Africani conss. [236]
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251-253
Cornelius
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← P2
Cornelius, natione Romanus, ex patre Castino, sedit ann. II m. II d. III. ← P2 # # # Sub huius episcopatu Novatus Novatianum extra ecclesiam ordinavit et Africa Nicostratum. Hoc factum, confessores qui se a Cornelio separaverunt cum Maximo presbitero, qui cum Moysen fuit, ad ecclesiam sunt reversi # et facti sunt confessores fideles. # Post hoc Cornelius episcopus Centumcellis pulsus est et ibidem cum gloria dormicionem accepit. #
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ibidem cum gloria dormicionem scriptam epistulam de sua confirmatione missam accepit a Cypriano, quam Cyprianus in carcerem scripsit, et de Celerino lectore. Hic temporibus suis rogatus a quodam matronam Lucina corpora apostolorum beati Petri et Pauli de Catacumbas levavit noctu: - primum quidem corpus beati Pauli acceptum beata Lucina posuit in predio suo via Ostiense iuxta locum ubi decollatus est; - beati Petri accepit corpus beatus Cornelius episcopus et posuit iuxta locum, ubi crucifixus est, inter corpora sanctorum episcoporum in templum Apollinis, in montem Aureum, in Vaticanum palatii Neroniani, III kal. Iul.
Post hoc ambulavit noctu Centumcellis. Eodem tempore audivit Decius eo quod epistolam accepisset a beato Cypriano Cartaginensi episcopo. Misit Centumcellis et exhibuit beatum Cornelium episcopum, quem tamen iussit presentari sibi cum praefecto Urbis in Tellude noctu ante templum Palladis. Quem ita adgrediens dicens: Sic definisti, ut nec deos consideres, nec praecepta maiorum nec nostra minas timeas, ut contra rem publicam litteras accipias et dirigas? Cornelius episcopus respondit dicens: Ego de coronam domini litteras accepi non contra rem publicam, sed magis animas redimendas. Tunc Decius iracundia plenus iussit os beati Cornelii cum plumbatis caedi et precepit duci eum ad templum Martis ut adoraret; quod si non fecerit, dicens capite truncari. Hoc autem factum est.
praetermissum in P2
Martyrio coronatur.
P2
Sic definisti, ut nec deos consideris, nec praecepta maiorum nec nostra minas timeas, ut contra rem publicam litteras accipias et dirigas? Cornelius episcopus respondit [ .. ] : Ego de corona domini litteras accepi non contra rem publicam [ .. .. ]. Tunc Decius [ .. .. ] iussit os beati Cornelii cum plumbatis cedi et [ .. ] duci eum ad templum Martis ut adoraret, [ .. .. ] aut capite truncaretur. Quae et factum est. [ .. .. .. ]
Post hoc Cornelius episcopus Centumcellis pulsus est et ibidem scriptam epistulam de sua confirmatione martyrii missam accepit a Cypriano, quam Cyprianus in carcerem scripsit, et de Celerino lectore. Hic temporibus suis rogatus a quodam matrona [ .. ] corpora apostolorum beati Petri et Pauli de Catacumbas levavit noctu: - primum quidem corpus beati Pauli accepto beata Lucina posuit in predio suo via Ostense iuxta locum ubi decollatus est; - beati Petri accepit corpus beatus Cornelius episcopus et posuit iuxta locum, ubi crucifixus est, inter corpora sanctorum episcoporum in templum Apollonis, in monte Aureo, in Vaticanum palatii Neroniani, III kal. Iul. Fecit autem ordinationem I, presb. VIII. K: Post hoc ambulavit noctu Centumcellis. Eodem tempore audivit Decius eo quod epistolam accepisset a beato Cypriano Cartaginensi episcopo; a Centumcellis eum exhibere fecit iussitque noctu sibi praesentari dicensque ei:
Sub huius episcopatu Novatus Novatianum extra ecclesiam ordinavit et Africa Nicostratum. Hoc factum, confessores qui se a Cornelio separaverunt cum Maximo presbitero, qui cum Moyse fuit, ad ecclesiam sunt reversi [ … ] fideles.
Cornelius, natione Romanus, ex patre Castino, sedit ann. II m. II d. III. Martyrio coronatur.
f k = F+K
omissum in P 3
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254-257
Stephanus I
024
253-254
Lucius
023
P3
La genesi del Liber pontificalis romano
Hic fecit ordinationes II per mens. Decemb., presbiteros VI, diaconos V; episcopos per [ .. ] loca III. [ .. ] sepultus est in cymiterio Calisti via Appia IIII non. Aug.. [ .. ] cessavit episcopatus dies XXII.
Hic constituit sacerdotes et levitas ut vestes sacratas in usu cotidiano non uti nisi in ecclesia.
Hic constituit sacerdotes et levitas ut vestes sacratas in usu cottidiano non uti nisi in ecclesia. Hic fecit ordinationes II per mens. Decemb., presbiteros VI, diaconos V; episcopos per diversa loca III. Qui etiam sepultus est in cymiterio Calisti via Appia IIII non. Aug.. Et cessavit episcopatus dies XXII.
Lucius, natione Romanus, ex patre Purfirio, sedit ann. III m. VIII d. X. Martyrio coronatur. Fuit autem temporibus Galli et Volusiani, usque ad Valeriano III et Gallicano. Hic in exilio fuit. Postea nutu Dei incolumis ad ecclesiam reversus est. Hic praecepit ut duo presbiteri et tres diaconi in omni loco episcopum non desererent propter testimonium ecclesiastico. Qui etiam a Valeriano capite truncatus est III non. Mart. Hic dum ad passionem pergerit postestatem dedit Stephano archidiacono ecclesiae suae. Hic fecit ordinationes II per mens. Decemb., presbiteros IIII, diaconos IIII; episcopos per [ .. ] loca VII. Qui etiam sepultus est in cymiterio Callisti via Appia VIII kal. Sept. [ .. ] cessavit episcopatus dies XXXV.
Qui etiam decollatus est ad templum Martis [ .. .. ]. Cuius corpus noctu collegit beata Lucina cum clericis et sepelivit in cripta, iuxta cymiterium Calisti via Appia in predio suo XVIII kal. Octobr. Et cessavit episcopatus dies LXVI.
F:
f k = F+K
Stephanus, natione Romanus, ex patre Iobio, sedit ann. VI m. V d. II. Martyrio coronatur. Fuit autem temporibus Valeriani et Gallicani et Maximi usque ad Valerio III et Gallicano II.
Qui etiam a Valeriano capite truncatus est III non. Mart. Hic postestatem dedit omni ecclesiae Stephano archidiacono suo, dum ad passionem pergeret.
Martyrio coronatur.
Qui etiam decollatus est in locum supradictum et martyr effectus est. Cuius corpus noctu collegit beata Lucina cum clericis et sepelivit in crypta, iuxta cymiterium Calisti via Appia in predio suo XVIII kal. Octobr.
P2
Stephanus, natione Romanus, ex patre Iobio, sedit ann. VI m. V d. II. Martyrio coronatur. Fuit autem temporibus Valeriani et Gallicani et Maximi usque ad Valerio III et Gallicano II. [255]
Hic fecit ordinationes II per mens. Decemb., presbiteros IIII, diaconos IIII; episcopos per diversa loca VII. Qui etiam sepultus est in cymiterio Callisti via Appia VIII kal. Sept. Et cessavit episcopatus dies XXXV.
← P2
Lucius, natione Romanus, ex patre Purphirio, sedit ann. III m. VIII d. X. ← P2 Fuit autem temporibus Galli et Volusiani [252], usque ad Valeriano III et Gallicano. [255] # Hic exilio fuit. Postea nutu Dei incolumis ad ecclesiam reversus est. # Hic praecepit ut duo presbiteri et tres diacones in omni loco episcopum non desererent propter testimonium ecclesiasticum.
Et cessavit episcopatus dies LXVI.
P1a-b
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259-268
Dionysius
026
257-258
Xystus II
025
Dionysius, ex monacho, cuius generationem non potuimus reperire, sedit ann. VI m. II. d. IIII. Fuit autem temporibus Gallieni, ex die XI kal. Aug. Emiliano et Basso conss. [259] usque in die VII kal. Ianuar a consulatu Claudii et Paterni [269]
Et cessavit episcopatus ann. II. ( mutavit P3 )
Hic fecit ordinationes II per mens. Decemb., presbiteros IIII, diaconos VII; episcopos per diversa loca II. Qui vero sepultus est in cymiterio Calisti via Appia, ← P2
← P2
# Et passus est VIII id. Aug. Et presbiteri praefuerunt a consulatu Tusci et Bassi [258] usque XIII kl. Aug., Aemiliano et Basso cons. [259] #
← P2
Xystus, natione Grecus, ex philosopho, sedit ann. I m. X d. XXIII. Martyrio coronatur. Fuit autem temporibus Valeriani et Decii, # a consulatu Maximi et Gravionis II [256] usque Tusci et Bassi [258] # (transtulit P2) quo tempore fuit maxima persecutio.
P1a-b
nam VI diacones supra dicti sepulti sunt in cymiterio Praetextati via Appia. Supradictus autem beatus Laurentius sepultus est via Tiburtina in cymiterio Cyriaces in agrum Veranum, in crypta, cum aliis multis martyribus.
Fuit autem temporibus Valeriani et Decii, a consulatu Maximi et Gravionis usque Tusci et Bassi quo tempore fuit maxima persecutio. Eodem tempore hic comprehensus a Valeriano et ductus ut sacrificaret demoniis. Qui contempsit praecepta Valeriani. Capite truncatus est et cum eo alii sex diacones, Felicissimus et Agapitus, Ianuarius, Magnus, Vincentius et Stephanus sub die VIII id. Aug. Et presbiteri praefuerunt a consulatu Maximo et Gravione II usque Tusco et Basso, a consulatu Tusci et Bassi usque XIII kal. Aug., Aemiliano et Basso cons, quo tempore sevissima persecutio urguebatur sub Decio (cl. Ib, II, III; fuit magna persecutio sub Decio cl. Ia). Et post passionem beati Xysti, post tertia die, passus est beatus Laurentius eius archediaconus IIII id. Aug. et subdiaconus Claudius et Severus presbiter et Crescentius lector et Romanus ostiarius.
P2
Dionysius, ex monacho, cuius generationem repperire non potuimus, sedit ann. VI m. II. d. IIII. Fuit [ .. ] temporibus Gallieni, ex die XI kal. Aug. Emiliano et Basso conss. usque in die VII kal. Ianuar., a consolatu Claudi et Paterni.
F: Truncati sunt capite cum beato Xysto VI diaconi, Felicissimus [.. ] Agapitus, Ianuarius, Magnus, Vincentius et Stephanus VI id. Aug. Et presbiteri praefuerunt a consulatu Maximo et Gravione II usque F: Tusco et Basso, consulatu Tusci et Bassi usque XIII kal. Aug., quo tempore fuit magna persecutio sub Decio. Et post passionem [K: eiusdem] beati Xysti, K: die IIII passus est Laurentius eius archidiaconus. F: post dies III passi sunt Laurentius eius archidiaconus [… v. infra] et [ ... ] Claudius [..] Severus presbiter et Romanus ostiarius et Crescentius lector. Hic fecit ordinationes II, [ .. ] presbiteros IIII, diaconos VII; episcopos per [ .. ] loca II. Qui etiam sepultus est in cymiterio Calisti via Appia; F: nam VI diaconi eius in cymiterio Pretextati via Appia, VIII id. Aug. [ ... ] Beatus vero Laurentius sepultus est via Tiburtina [ ... ... ] in cripta, in agro Verano, [ ... ... ] IIII id. Aug. Et cessavit episcopatus ann. II.
[… … …]
Xystus, natione Grecus, ex philosopho, sedit ann. I m. X d. XXII(II). Martyrio coronatur. Fuit autem temporibus Valeriani et Decii
f k = F+K
Et cessavit episcopatus dies XXXV.
P3
70 Herman Geertman
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275-283
Eutychianus
028
269-274
Felix I
027
Eutycianus, natione Tuscus, ex patre Marino, de civitate Luna, sedit ann. I m. I d. I. Fuit autem temporibus Aureliani, a consulatu Aureliano III et Marcellino usque in diem id. Decemb. Caro II et Carino consolibus.
Eutycianus, natione Tuscus, ex patre Marino, de civitate Lunae, sedit ann. I m. I d. I. Fuit autem temporibus Aureliani, a consulatu Aureliano III et Marcellino [275] usque in die idus Decemb. Caro II et Carino [283] conss.
Qui etiam sepultus est in cymiterio Calisti via Appia VIII kal. Aug. Et cessavit episcopatus dies VIII.
Et martyrio coronatur.
P3
La genesi del Liber pontificalis romano
Hic fecit ordinationes V per mens. Decemb., presbiteros XIIII, diaconos V; episcopos per [ .. ] loca VIIII.
[… …]
Hic constituit ut fruges super altare tantum fabe et uve benedici. Hic temporibus suis per diversa loca CCCXLII martyres manu sua sepelivit.
Et cessavit episcopatus dies V.
Hic constituit ut fruges super altare tantum fabe et ube benedici. ← P2 Qui et constituit ut quicumque de fidelium martyrem sepeliret, sine dalmaticam aut colobium purpuratum nulla ratione sepeliret, quod tamen usque ad notitiam sibi divulgaretur. Hic fecit ordinationes V per mens. Decemb., presbiteros XIIII, diaconos V; episcopos per diversa loca VIIII. ← P3 Qui etiam sepultus est in cymiterio Calisti via Appia VIII kal. Aug. Et cessavit episcopatus dies VIII.
Hic constituit super sepulchra martyrum missas celebrare. Hic fecit ordinationes II per mens. Decemb., presbiteros VIIII, diaconos III; episcopos per [ .. ] loca XI. Qui et sepultus est in cimiterio suo, via Aurilia, miliario [ .. ] II, III kal. Iun.
*Hic constituit supra memorias martyrum missas celebrare.* Hic fecit ordinationes II per mens. Decemb., presbiteros VIIII, diaconos V; episcopos per diversa loca numero V. *Hic fecit basilicam in via Aurelia, ubi et sepultus est III kal. Iunias miliario ab urbe Roma II.* Et cessavit episcopatus dies V.
[ .. ] sepultus est in cymiterio Calisti via Appia VI kal. Ian. Et cessavit episcopatus dies V.
Hic fecit ordinationes [ … … ] episcopos per [ .. ] loca VII.
Hic presbiteris ecclesias dedit et cymiteria, et parrocias diocesis constituit.
f k = F+K
Felix, natione Romanus, ex patre Constantio, sedit ann. IIII m. III d. XXV. Martyrio coronatur. Fuit autem temporibus Claudi et Aureliani, a consulatu Claudi et Paterni usque ad consulatu Aureliani et Capitulini.
Hic temporibus suis per diversa loca CCCXLII martyres manu sua sepelivit.
P2
Felix, natione Romanus, ex patre Constantio, sedit ann. IIII m. III d. XXV. Martyrio coronatur. Fuit autem temporibus Claudii et Aureliani, a consulatu Claudii et Paterni usque ad consulatu Aureliani et Capitulini .
Hic fecit ordinationes II per mens. Decemb., presbiteros XII, diaconos VI; episcopos per diversa loca VIII. Qui etiam sepultus est in cymiterio Calisti via Appia VI kal. Ianuar. Et cessavit episcopatus dies V.
*Hic presbiteris ecclesias dedit et cymiteria, et parrocias diocesis constituit.*
P1a-b
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283-296
Gaius
029
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Qui etiam sepultus est in cymiterio Calisti via Appia X kal. Mai.. Et cessavit episcopatus dies XI.
Hic fecit ordinationes IIII per mens. Decemb., presbiteros XXV, diaconos VIII; episcopos per diversa loca V. ← P3
← P2
*Hic regiones dividit diaconibus.*
Hic constituit ut ordines omnes in ecclesia sic ascenderetur: si quis episcopus mereretur, ut esset ostiarius, lector, exorcista, sequens, subdiaconus, diaconus, presbiter et exinde episcopus ordinaretur.
Gaius, natione Dalmata, ex genere Diocletiani imperatoris, ex patre Gaio, sedit ann. XI m. IIII d. XII. Fuit autem temporibus Cari et Carini [283], a die XVI kal. Ian. a consulatu Caro II et Carino usque in die X kal. Mai. Diocletiano IIII et Constantio II. [296]
P1a-b
Hic fugiens persecutionem Diocletiani in criptis habitans confessor quievit (mutavit P 3) post annos VIIII.
P2
Qui etiam sepultus est in cymiterio Calisti via Appia X kal. Mai.. Et cessavit episcopatus dies XI.
Hic fecit ordinationes IIII per mens. Decemb., presbiteros XVI, diaconos VIII; episcopos per [ .. ] loca V.
Hic fugiens persecutionem Diocletiani in criptis habitans confessor quievit [ .. .. ].
Hic regiones dividit diaconibus.
K: Hic constituit ut [ … … ] si quis episcopus meretur ab hostiario per unumquodque grado paulatim ad maiora conscenderet.
Gaius, natione Dalmata, ex genere Dioclitiani imperatoris, ex patre Gaio, sedit ann. XI m. IIII d. XII. Fuit autem temporibus Cari et Carini, a die XVI kal. Ian. a consulatu Caro II et Carino usque in die X kal. Mai. Diocletiano IIII et Constantio II.
f k = F+K
Qui post annos XI cum Gavinio fratre suo propter filiam Gavini presbiteri nomine Susanna martyrio coronatur .
habitando martyrio coronatur
Cari et
P3
72 Herman Geertman
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296-304
Marcellinus
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Hic fecit ordinationes II per mens. Decemb., presbiteros IIII, diaconos II; episcopos per diversa loca V. ← P2
Qui etiam sepultus est via Salaria in cymiterio Priscillae in crypta iuxta corpus sancti Criscentionis, VII kal. Mai. (mutavit P2)
← P2
et cessavit episcopatus ann. VII m. VI d. XXV. # ( transtulit et mutavit P2 )
Marcellinus, natione Romanus, ex patre Proiecto, sedit ann. VIIII m. IIII d. XVI. # Fuit autem temporibus Diocletiani et Maximiani ex die kal. Iul. a consulatu Diocletiano VI et Constantio II [296] usque Diocletiano VIIII et Maximiano VIII [304], quo tempore fuit persecutio
P1a-b
Quo tempore fuit persecutio magna, ut intra XXX diebus XVII milia hominum promiscui sexus per diversas provincias martyrio coronarentur Christiani. De qua re et ipse Marcellinus ad sacrificium ductus est, ut turificaret, quod et fecit. Et post paucos dies paenitentiam ductus ab eodem Diocletiano pro fide Christi cum Claudio et Cyrino et Antonino capite sunt truncati et martyrio coronantur. Et post hoc factum iacuerunt corpora sancta in platea ad exemplum Christianorum dies XXVI ex iussu Diocletiani. Et exinde Marcellus presbiter collegit noctu corpora cum presbiteris et diaconibus cum ymnis et sepelivit in via Salaria in cymiterio Priscillae in cubiculum qui patet usque in hodiernum diem, quod ipse praeceperat, paenitens dum traheretur ad occisionem, in crypta iuxta corpus sancti Criscentionis, VII kal. Mai. Hic fecit ordinationes II per mens. Decemb., presbiteros IIII, diaconos II; episcopos per diversa loca V. Ab eodem die cessavit episcopatus ann. VII m. VI d. XXV persequente Diocletiano Christianos.
P2 Marcellinus, natione Romanus, ex patre Proiecto, sedit ann. VIIII m. IIII d. XVI. Fuit autem temporibus Diocletiani et Maximiani ex die kal. Iul. a consulatu Diocletiani VI et Constantio II usque Diocletiano VIIII et Maximiano VIII. Quo tempore fuit persecutio magna ut intra XXX diebus XVII milia hominum promiscui sexus per diversas provintias martyrio coronarentur [ ... ]. De qua re et ipse Marcellinus ad sacrificium ductus est, ut turificaret, quod et fecit. Et post paucos dies paenitentiam ductus ab eodem Diocletiano pro fide Christi cum Claudio et Quirino et Antonino capite sunt truncati et martyrio coronantur. Et [ ... ... ] iacuerunt corpora sancta in platea ad exemplum Christianorum dies XXVI ex iussu Diocletiani. Tunc Marcellus presbiter collegit noctu corpora [... ... ... ] et sepelivit in via Salaria in cymiterio Priscillae in cubiculum qui patet usque in hodiernum diem, quod ipse preceperat, penitens dum traheretur ad occisionem, in cripta iuxta corpus sancti Criscentionis, VII kal. Mai. Hic fecit ordinationes II per mens. Decemb., presbiteros IIII, diaconos II; episcopos per [ .. ] loca V. Et cessavit episcopatus ann. VII m. VI d. XXV persequente Diocletiano christianos.
f k = F+K P3
La genesi del Liber pontificalis romano 73
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308-309
Marcellus
031
← P3
in cymiterio Priscillae via Salaria XVII kal. Febr. Et cessavit episcopatus dies XX.
← P3
Qui etiam sepultus est in cymiterio Priscillae via Salaria XVII kal. Febr. [ .. ] Cessavit episcopatus dies XX.
Hic ordinavit presbiteros XXV [ .. .. ] et diaconos II per mens. Decemb.; episcopos per [ .. ] loca XXI.
Hic ordinavit presbiteros XXV in urbe Roma et diaconos II per mens. Decemb.; episcopos per diversa loca XXI.
Marcellus, natione Romanus, ex patre Benedicto, de regione Via Lata, sedit ann. V m. VII d. XXI. Fuit [ .. ] temporibus Maxenti a consulatu Maxentio IIII et Maximo usque post consulatu.
f k = F+K
Hic fecit cymiterio via Salaria et XXV titulos in [ .. ] Roma constituit quasi diocesis propter baptismum et penitentiam [ … … ] et sepulturas martyrum.
P2
*Hic fecit cymiterium via Salaria et XXV titulos in urbe Roma constituit quasi diocesis propter baptismum et paenitentiam multorum qui convertebantur ex paganis, et propter sepulturas martyrum.*
Marcellus, natione Romanus, ex patre Benedicto, de regione Via Lata, sedit ann. V m. VII d. XXI. Fuit autem temporibus Maxenti a consulatu Maxentio IIII et Maximo usque post consulatum.
P1a-b
Lucina vero scriptione damnata est.
Hic coartatus et tentus eo quod ecclesiam ordinaret et comprehensus a Maxentio, ut negaret se esse episcopum et sacrificiis humiliari daemoniorum. Quo semper contemnens deridens dicta et praecepta Maxenti, damnatus est in catabulum. Qui dum multis diebus serviret in catabulum, orationibus et ieiuniis domino deserviens non cessabat. Mense autem nono noctu venerunt clerus eius omnis et eruerunt eum noctu de catabulo. Matrona quidem nomine Lucina vidua, quae fecerat cum viro suo Marco annos XV et in viduitate sua habuit annos XVIIII, suscepit beatum virum; quae domum suam nomine beati Marcelli titulum dedicavit, ubi die noctuque ymnis et orationibus domino Iesu Christo confitebatur. Hoc audito Maxentius misit et tenuit iterum beatum Marcellum et iussit ut in eadem ecclesia plancas externi et ibidem animalia catabuli congregata starent et ipsis beatus Marcellus deserviret. Qui tamen in servitio animalium nudus amicto cilicio defunctus est. Cuius corpus collegit beata Lucina et sepelivit in cymiterio Priscillae via Salaria XVII kal. Febr. Et cessavit episcopatus dies XX.
P3
74 Herman Geertman
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309 (310?)
Eusebius
032
Hic fecit ordinationem I per mens. Decemb., presbiteros XIII, diaconos III; episcopos per diversa loca XIIII. Qui etiam sepultus est in cypiterio Calisti via Appia VI non. Octob. Et cessavit episcopatus dies VII.
Hic hereticos invenit in urbe Roma, quos per manus impositionis reconciliavit.
← P2
Eusebius, natione Grecus, ex medico, sedit a. VII m. I d. III. Fuit autem temporibus Constantis.
P1a-b
et baptizatus est Iudas qui et Quiriacus
Sub huius temporibus inventa est crux domini nostri Iesu Christi V non. Mai.
P2
Hic fecit ordinationes III per mens. Decemb., presbiteros XIII, diaconos III; episcopos per [ .. ] loca XIIII. [ .. ] sepultus est in cypiterio Calisti via Appia VI non. Octob. [ .. ] cessavit episcopatus dies VII
Sub huius tempora inventa est crux domini nostri Iesu Christi, V non. Mai. F: Hic baptizatus est Iudas [ ... ] Quiriacus. K: Hic hereticos in [ .. ] Roma invenit [ ... ... ... ].
Eusebius, natione Grecus, ex medico, sedit a. VII m. I d. III. Fuit autem temporibus Constantini.
f k = F+K P3
La genesi del Liber pontificalis romano 75
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314-335
Silvester
034
311-314
Miltiades
033
Hic fecit constitutum de omne ecclesia.
← P1b
Hic fecit in urbe Roma ecclesiam in praedium cuiusdam presbiteri sui, qui cognominabatur Equitius, quem titulum Romanum constituit, iuxta termas Domitianas, qui usque in hodiernum diem appellatur titulus Equitii, ubi et haec dona constituit: [sequitur tabula donorum: vasa, lumina, possessiones]
Hic fecit constitutum de omne ecclesia.
[ ... ... ... ]
[ ... ... ... ]
Silvester, natione Romanus, ex patre Rufino, sedit ann. XXIII m. X d. XI. Fuit autem temporibus Constantini et Volusiani ex die kal. febr. usque in die kal. ian. Constantio et Volusiano conss. Hic exilio fuit in monte Seracten, persecutione Constantini concussus, et post modum rediens cum gloria baptizavit Constantinum Augustum, quem curavit Dominus per baptismum a lepra.
Silvester, natione Romanus, ex patre Rufino, sedit ann. XXIII m. X d. XI. Fuit autem temporibus Constantini et Volusiani ex die kal. febr. usque in die kal. ian. Constantio et Volusiano conss.
Hic exilio fuit monte Syraptin, , et post modum rediens cum gloria baptizavit Constantinum Augustum, quem curavit dominus a lepra, cuius persecutionem primo fugiens exilio fuisse cognoscitur.
Hic fecit ordinationem I per mens. dec., presbiteros IIII, diaconos IIII; episcopos per [..] loca numero XI. Hic sepultus est in cymiterio Calisti via Appia IIII id. feb. Et cessavit episcopatus dies XVI.
Hic fecit ordinationem I per mens. dec., presbiteros VII, diaconos V; episcopos per diversa loca numero XI. Hic sepultus est in cymiterio Calisti via Appia IIII id. dec. Et cessavit episcopatus dies XVI.
← P2
Hic constituit nulla ratione die dominico aut quinta feria ieiunium quis de fidelibus agere, quia eos dies pagani quasi sacrum ieiunium celebrabant. Et Manichei inventi sunt in urbe. Ab eodem die fecit ut oblationes consecratas per ecclesias ex consecratu episcopi dirigerentur, quod declaratur fermentum.
fk = F+K
Hic constituit nulla ratione die dominico aut quinta feria ieiunium quis de fidelibus agere, quia eos dies pagani quasi sacrum ieiunium celebrabant. Et Manichei inventi sunt in urbe. Ab eodem die fecit ut oblationes consecratas per ecclesias ex consecratu episcopi dirigerentur, quod declaratur fermentum.
P2 Melciades, natione Afer, sedit ann. IIII m. VII d. VIII, ex die non. iul., a consulatu Maximini VIIII usque ad Maxentio II, qui fuit mense sept. Volusiano et Rufino consulibus.
P 1-b
Miltiades, natione Afer, sedit ann. IIII m. VII d. VIII, ex die non. iul., a consulatu Maxentio VIIII usque ad Maximo II, qui fuit mense sept. Volusiano et Rufino consulibus
P 1-a
P3
76 Herman Geertman
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(sequitur)
Silvester
P 1-b
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In margine: presbyterorum et diaconorum (cl.I-II; om. cl.III) diversis temporibus in urbe Roma (cl.I-II; om. cl.III)
.
Etiam huius temporibus factum est concilium cum eius < praeceptum cl. I-II; consensu cl. III > in Nicea Bithinia et congregati sunt CCCXVIII episcopi catholici . Qui exposuerunt fidem integram catholicam immaculatam et damnaverunt Arrium et Fotinum et Sabellium vel sequaces eorum. Et in urbe Roma congregavit ipse cum consilio Augusti CCLXXVII et damnavit iterum et Calistum et Arrium et Fotinum et Sabellium; et constituit ut presbiterum Arrianum resipiscentem non susciperet nisi episcopus loci designati; et chrisma ab episcopo confici; et privilegium episcopis, ut baptizatum consignet propter hereticam suasionem. Hic et constituit ut baptizatum linet presbiter chrisma levatum de aqua propter occasionem transitus mortis.
P2
Hic ordinationes [ ... ... ... ] fecit VI per mens. Decemb., presbiteros XLII (K; XLIIII, F), diaconos XXXVI [ ... ... ... ]; episcopos per [ ... ] loca LXV.
Hic constituit ut nullus laicus crimen clerico [..] inferret. Hic constituit ut diacones dalmaticas [ ... ] uterentur F: et pallea linostima leva eorum tegerentur. Hic constituit ut nullus clericus propter causam quamlibet in curia introiret nec ante iudicem cinctum causam dicerit nisi in ecclesia. Hic constituit ut sacrificium altaris non in siricum neque in pannum tinctum celebraretur, nisi tantum in lineum [ ... ... ], sicut corpus domini nostri Iesu Christi in sindonem lineam [ ... ] sepultus est; sic missas celebrarentur. Hic constituit ut, si quis desideraret in ecclesia militare aut proficere, ut esset lector annos XXX, exorcista dies XXX, acolitus annos V, subdiaconus annos V, custus martyrum annos V, diaconus annos VII, presbiter annos III, probatus ex omni parte, et etiam [ ... ] foris qui sunt, testimonium habere bonum [ ... ... ... ] et sic ad ordinem episcopatus ascendere; nullum maiorem vel prioris locum invadere, nisi ordinem temporum cum pudore cognoscere, omnium clericorum votiva gratia, nullum omnino clericum vel fidelem contra dicentem.
Etiam huius temporibus factum est concilium cum eius consensu in Nicea Bithinia et congregati sunt sacerdotes CCCXVIII episcopi catholici et quorum cyrographus cucurrit alii imbeciles CCVIII. Qui exposuerunt fidem integram catholicam immaculatam et damnaverunt Arrium et Fotinum et Sabellium vel sequaces eorum. Et in urbe Roma congregavit [ ... ... ] episcopos CCLXXVII et damnavit [ ... ] Calistum et Arrium et Fotinum [ ... ]; et constituit ut presbiterArrianum [..] non susciperet nisi episcopus loci designati; et chrisma ab episcopo confici; et privilegium episcopis, ut baptizatum consignent propter hereticam suasionem. [ ... ... ... ]
fk = F+K P3
La genesi del Liber pontificalis romano
Hic ordinationes (← P 2) fecit VI per mens. Decemb., presbiteros XLII, diac. XXVI (← P 2); episcopos per diversa loca LXV.
Hic constituit ut nullus laicus crimen clerico audeat inferre. Hic constituit ut nullus clericus propter causam quamlibet in curia introiret nec ante iudicem cinctum causam dicere nisi in ecclesia. Hic constituit ut diacones dalmaticas in ecclesia uterentur et pallea linostima leva eorum tegerentur. Hic constituit ut sacrificium altaris non in siricum neque in pannum tinctum celebraretur, nisi tantum in lineum terrenum procreatum, sicut corpus domini nostri Iesu Christi in sindonem lineam mundam sepultus est; ut, si quis desideraret in ecclesia militare aut proficere, ut esset lector annos XXX, exorcista dies XXX, acolotus annos V, subdiaconus annos V, , diaconus annos VII, presbiter annos III, probatus ex omni parte, etiam et ab his foris qui sunt, testimonium habere bonum, unius uxoris virum, uxorem a sacerdote benedictam, et sic ad ordinem episcopatus accedere; nullum maiorem vel prioris locum invadere, nisi ordinem temporum cum pudore cognoscere, omnium clericorum votiva gratia, nullum omnino clericum contra dicentem.
← P2
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(sequitur)
Silvester
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Hic sepultus est in cymiterio Priscillae via Salaria ab urbe Roma miliario III prid. kal. ianuar. ← P3 Et cessavit episcopatus dies XV.
← P2 (= Libellus donationum Constantini Augusti)
P 1-a
P 1-b
Hic Silvester fecit ordinationes VI per mens. decemb., presbiteros XLII, diaconos XXVI; episcopos per diversa loca LXV.
Huius temporibus fecit Constantinus Augustus basilicas istas quas et ornavit: Basilica Constantinianam ubi posuit ista dona: fastidium argenteum battutilem qui habet in fronte salvatorem sedentem in sella ... et XII apostolos, ... item a tergo ... salvatorem sedentem in throno ... et angelos IIII ex argento ... , cameram ex auro ... , altaria VII ex argento ... [sequitur tabula donorum: vasa, lumina, possessiones] Fontem sanctum ex lapide porfyretico ... coopertum ex argento ...[sequitur tabula donorum] Eodem tempore Augustus Constantinus fecit ex rogatu Silvestri episcopi basilicam beato Petro apostolo in templum Apollinis, cuius loculum cum corpus sancti Petri ita recondit: ... , fecit autem et cameram basilicae ex trimma auri ... [sequitur tabula donorum] Eodem tempore fecit Augustus Constantinus basilicam beato Paulo apostolo ex suggestione Silvestri episcopi, cuius corpus ita recondit... ... [sequitur tabula donorum] Eodem tempore fecit Augustus Constantinus basilicam in palatio Sessoriano, ubi etiam de ligno sanctae crucis domini nostri Iesu Christi posuit et in auro et gemmis conclusit, ubi et nomen ecclesiae dedicavit, quae cognominatur usque in hodiernum diem Hierusalem. ... [sequitur tabula donorum] Eodem tempore fecit basilicam sanctae martyris Agnen ex rogatu Constantiae filiae suae et baptisterium in eodem loco, ubi et baptizata est soror eius Constantia cum filia Augusti a Silvestrio episcopo, ... [sequitur tabula donorum] Eodem tempore Constantinus Augustus fecit basilicam beato Laurentio martyri via Tiburtina in agrum Veranum supra arenario cryptae ... ... [sequitur tabula donorum] Eisdem temporibus fecit Augustus Constantinus basilicam beatis martyribus Marcellino presbitero et Petro exorcistae in territurio inter duos lauros et moysileum ubi mater ipsius sepulta est Helena Augusta, via Lavicana, miliario III. ... ... [sequitur tabula donorum]] Eodem tempore fecit Constantinus Augustus ex suggestione Silvestri episcopi basilicam in civitate Hostia, iuxta portum urbis Romae, beatorum apostolorum Petri et Pauli et Iohannis Baptistae, ... ... [sequitur tabula donorum] Hisdem temporibus fecit Constantinus Augustus basilicam in civitatem Albanense sancti Iohannis Baptistae, ... ... [sequitur tabula donorum] Eodem tempore fecit Constantinus Augustus basilicam intra urbe Capua apostolorum, quae cognominatur Constantinianam, ... ... [sequitur tabula donorum] Eodem tempore fecit Constantinus Augustus basilicam in urbe Neapolim, ... ... Fecit autem formam aquae ductus per m ilia VIII; fecit autem et forum in eandem civitatem ... ... [sequitur tabula donorum] Hisdem temporibus constituit beatus Silvester in urbe Roma titulum suum in regione III iuxta thermas Domitianas qui cognominantur Traianas, titulum Silvestri, ubi donavit Constantinus Augustus: ... ... [sequitur tabula donorum]. Obtulit et omnia necessaria titulo Equitii.
P2
... ... Omnes has basilicas quas construxit Constan-tinus Augustus ornavit auro argentoque plurimum, ditavitque eas possessiones in diversis provinciis non parvis. Ordinavitque beatus Silvester episcopus per mens. decemb., presbiteros XLIIII, diaconos XXVI; episcopos per diversis temporibus et loca LXV. Sepultusque est via Salaria in cimiterio Priscillae, miliario ab urbe Roma III prid. kal. ianuar. Et cessavit episcopatus dies VIII
K:
FK: Summarium libelli donationum Constantini Augusti
fk = F+K
Qui vero catholicus et confessor quievit
P3
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337 - 352
Iulius
036
336
Marcus
035
quem ipse insistens fecit
Hic fecit duas basilicas, unam via Ardeatina, ubi requiescit, et aliam in urbe Roma iuxta Pallacinis. Ex huius suggestione obtulit Constantinus Augustus basilicae quem cymiterium constituit via Ardeatina ... [sequitur tabula donorum]
P 1-b
... , heretici, ... Hic multas tribulationes et exilio fuit mensibus X et post huius Constantini mortem cum gloria reversus ad sedem beati Petri apostoli.
P2
[ ... ] Sepultus est via Aurelia in cymiterio Calepodi miliario [ ... ... ] III, prid. id. april. Et cessavit episcopatus dies XXV.
Hic fecit ordinationes III [ ... ] per mens. decemb., presb. XVIII, diac. IIII; episcopos per [ .. ] loca VIIII.
[ ... ... ... ]
Hic constituit ut nullus clericus causam [...] in publico ageret [ ... ].
[ ... ... ]
[ ... ... ]
Iulius, natione Romanus, ex patre Rustico, sedit ann. XV m. II d. VI. Fuit autem temporibus Constantini [ ... ... ] et Feliciani et Maximi.
[ ... ] Sepultus est in cymiterio Balbinae, via Ardiatina [ ... ... ] pridie non. octob. Et cessavit episcopatus dies XX.
Hic fecit ordinationes II [ ... ] per mens. decemb., presb. XXV, diac. VI; episcopos per [ .. ] loca XVII.
[ ... ... ... ]
Marcus, natione Romanus, ex patre Prisco, sedit ann. II m. VIII d. XX. Fuit autem temporibus Constantini et Nepotiani et Fecundo consolibus ex die kal. febr. usque in die kal. octob. Hic constituit ut episcopus Ostensis, qui consacrat episcopum, pallium uteretur et ab eodem episcopo urbis Romae consecraretur. [ ... ... ... ]
fk = F+K P3
La genesi del Liber pontificalis romano
Hic fecit ordinationes III in urbe Roma per mens. decemb., presbiteros XVIII, diaconos IIII; episcopos per diversa loca VIIII. Qui etiam sepultus est via Aurelia in cymiterio Calepodi miliario ab urbe Roma III, prid. id. april. Et cessavit episcopatus dies XXV.
Iulius, natione Romanus, ex patre Rustico, # sedit ann. XV m. II d. VI. Fuit autem temporibus Constantini, filii Constantini < P 2 > a consulatu Feliciani et Maximi. ← P2 Fecit basilicas II, una in urbem Romam iuxta forum et altera trans Tiberim, et cymiteria III, unum via Flamminea, alium via Aurelia et alium via Portuense. # Hic constitutum fecit, ut nullus clericus causam quamlibet in publico ageret nisi in ecclesia, et notitia, quae omnibus pro fide ecclesiastica est, per notarios colligeretur, et omnia monumenta in ecclesia per primicerium notariorum confectio celebraretur, sive cautiones vel instrumenta aut donationes vel conmutationes vel traditiones aut testamenta vel allegationes aut manomissiones clerici in ecclesia per scrinium sanctum celebrarentur.
Hic fecit ordinationes II in urbe Roma per mens. decemb., presbyteros XXV, diaconos VI; episcopos per diversa loca XXVII. Qui etiam sepultus est in cymiterio Balbinae, via Ardiatina, < P 1 b >, pridie non. octob. Et cessavit episcopatus dies XX.
← P1b
Marcus, natione Romanus, ex patre Prisco, sedit ann. II m. VIII d. XX. Fuit autem temporibus Constantini Nepotiano et Facundo conss. ex die kal. febr. usque in die kal. octob. Hic constituit ut episcopus Hostiae, qui consecrat episcopum, palleum uteretur et ab eodem episcopus urbis Romae consecraretur.
P 1-a
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352 - 366
Liberius
037
Liberius, natione Romanus, ex patre Augusto, sedit ann. VI m. III d. IIII. Fuit autem temporibus Constanti filii Constantini usque ad Constantio Aug. III. ← P2
P 1-a
P 1-b
Hic exilio deportatur a Constantio eo quod noluisset heresi Arrianae consentire, et fecit in exilio annos III. Et congregans sacerdotes cum consilio eorum Liberius ordinaverunt in locum eius Felicem presbiterum episcopum venerabilem virum. Et fecit concilium Felix et invenit duos presbiteros consentientes Constantio Augusto arriano, nomine Ursacium et Valentem, et damnavit eos in concilio XLVIII episcoporum. Post paucos autem dies zelo ducti Ursacius et Valens rogaverunt Constantium Augustum, ut revocaret Liberium de exilio, ut unam tantum communionem parteciparet, extra secundum baptismum. Tunc missa auctoritate per Catulinum agentem in rebus, et simul Ursacius et Valens venerunt ad Liberium. Qui Liberius consensit praeceptis Augusti ut unam tantum participatio conveniret communionis cum hereticis, tantum ut non rebaptizarent. Tunc revocaverunt Liberium de exilio. Rediens autem Liberius de exilio habitavit in cymiterio sanctae Agnes apud germanam Constanti Augusti, ut quasi per eius interventionem aut rogatu rediret Liberius in civitatem. Tunc Constantia Augusta, quae fidelis erat domino Iesu Christo, noluit rogare Constantium Augustum germanum suum, quia senserat consilium. Eodem tempore Constantius una cum Ursacio et Valentem convocaverunt aliquos qui ex fece arriana erant, et quasi facto concilio misit et revocavit Liberium de cymiterio beatae Agnes. Et ingressus Roma in ipsa hora Constantius Augustus fecit concilium cum hereticis, simul etiam Ursacio et Valentem, et eregit Felicem de episcopatu, qui erat catholicus, et revocavit Liberium. Ab eodem die fuit persecutio in clero, ita ut intra ecclesiam presbiteri et clerici necarentur et martyrio coronarentur. Qui depositus Felix de episcopatum habitavit in praediolo suo via Portuense, ubi et requievit in pace IIII kal. aug. Ingressus Liberius in urbe Roma IIII non. aug. consensit Constantio heretico. Non tamen rebaptizatus est Liberius . Et tenuit basilicas beati Petri e Pauli et basilicam Constantinianam annos VI et persecutio magna fuit in urbe Roma, ita ut clerici et sacerdotes neque in ecclesia neque in balnea haberent introitum. Hic Liberius ornavit... et cetera, P 1b
P2
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[ ... ... ]
Qui Liberius consensit praeceptis Augusti ut unam tantum participatio conveniret communionis cum hereticis, tantum ut non rebaptizarent. F : Tunc revocaverunt Liberium de exilio. K: Et revocato eo de exilio habitavit in cymiterio sanctae Agnes apud germanam Constanti Augusti, ut quasi per eius [ ... ] rogatu rediret [ ... ] in civitatem. Sed ipsa pro eo rogare noluit, quia fidelis erat in Christo. Tunc Constantius una cum Ursacio et Valentem convocaverunt aliquos qui ex fece arriana erant, et [ ... ... ] misit et revocavit Liberium de cymiterio sanctae Agnae ubi sedebat. Et ingressus Roma in ipsa hora Constantius [ .. ] fecit concilium cum hereticis, simul Ursatius et Valens, et eiecit Felicem de episcopatu, qui erat catholicus, et revocavit Liberio. Ab eodem die fuit persecutio in clero, ita ut intra ecclesia presbiteri et clerici negarentur. Qui depositus Felix de episcopatu habitavit in praediolo suo [ ... ], ubi [ .. ] requievit in pace IIII kal. aug. Ingressus Liberius in urbe Roma IIII non. aug. consensit Constantio heretico. Non tamen rebaptizatus est [ .. ] sed consensum praebuit. [ ... ... ] Tunc persecutio magna fuit in [ .. ] Roma, ita ut catholice clerici [ ... ] in ecclesias vel balnea non haberent introitum.
Liberius, natione Romanus, ex patre Augusto, sedit ann. VI m. III d. IIII. Fuit autem temporibus Constanti [ ... ] usque ad Constantio Aug. III. Hic exilio detrudetur (F) a Constantio eo quod noluisset heresi Arrianae consentire, et fecit ibi annos III. Et congregans sacerdotes cum consilio eorum Liberius ordinaverunt in locum eius Felicem presbiterum episcopum venerabilem virum. Et fecit concilium Felix et invenit duos presbiteros consentientes Constantio Augusto arriano, nomine Ursacium et Valentem, et damnavit eos in concilio XLVIII episcoporum. Post paucos autem dies zelo ducti Ursacius et Valens rogaverunt Constantium Aug., ut revocaret Liberium de exilio, ut unam tantum communionem parteciparet, excepto rebaptizare. [ ... ... ... ]
fk = F+K P3
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355 - 358
Felix II
038
in basilica supradicta eius quam ipse construxit
Hic fecit basilicam via Aurelia cum presbiteri honore fungeretur, et in eadem ecclesia emit agrum circa locum quod obtulit ecclesiae quam fecit.
Hic fecit basilicam nomini suo iuxta macellum Libiae et
ornavit de platomis marmoreis sepulchrum sanctae Agnes martyris.
P 1-b
in basilica supradicta [ ... ... ... ]
in basilica supradicta eius quam ipse construxit via Aurelia XVII k. Dec. in pace
XVII k. Dec. [ ... ... ] Et cessavit episcopatus dies XXXVIII
Qui etiam capite truncatur cum multis clericis et fidelibus occulte iuxta muros urbis ad latus forma Traiani III id. nov. et exinde rapuerunt corpus eius christiani cum Damaso presbitero et sepelierunt
Hic fecit ordinationem I [ ... ] per mens. decemb. presb. XXI, diac. V; episcopos per [ .. ] loca XVIIII.
Hic martyrio coronatur [ ... ... ]. Hic fecit basilicam via Aurelia [ ... ... ... ] miliario ab urbe II ubi et requievit (F) / requiescit (K).
Felix, natione Romanus, ex patre Anastasio, sedit ann. I m. III d. II. Hic declaravit Constantium filium Constantini hereticum et rebaptizatum secundum. [ ... ... ]
Cessavit episcopatus dies VI.
[ ... ] Sepultus est [ ... ] in cymiterio Priscillae V id. sept.
Fecit ordinationes II [ ... ... ] presb. XVIII, diac. V; episcopos per [ .. ] loca VIII.
[ ... ... ]
Omnes itaque anni Felicis in huius ordine dinumerantur
fk = F+K
... capite truncatur cum multis clericis et fidelibus occulte iuxta muros urbis ad latus forma Traiani III id. nov. et exinde rapuerunt corpus eius christiani cum Damaso presbitero et sepelierunt
Hic declaravit Constantium filium Constantini hereticum et rebaptizatum secundo ab Eusebio Nicomediense episcopo in villa qui appellatur Aquilone. Et pro hoc declaratum ab eodem Constantii praecepto Augusti, filii Constantini Augusti, martyrio coronatur et capite truncatur.
P2
P3
La genesi del Liber pontificalis romano
via Aurelia XVII k.Dec. Et cessavit episcopatus dies XXXVIII.
< sepultus est > ← P1b
Hic fecit ordinationem I in urbe Roma per mens. decemb. presbiteros XXI, diaconos V; episcopos per diversa loca XVIIII. Qui etiam ← P2
← P1b
← P2
Felix, natione Romanus, ex patre Anastasio, sedit ann. I m. III d. II.
fecit ordinationes II in urbe Roma per mens. decemb., presbiteros XVIII, diaconos V; episcopos per diversa loca XVIIII. Qui etiam sepultus est via Salaria in cymiterio Priscillae V id. sept. Et cessavit episcopatus dies VI.
Omnes itaque anni Felicis in huius ordine dinumerantur. ← P1b
← P1b
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366 - 384
Damasus
039
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Hic fecit ordinationes in urbe Roma V per mens. decemb., presbiteros XXXI, diaconos XI; episcopos per diversa loca LXII. Qui etiam sepultus est via Ardiatina in basilica sua III id. decemb. iuxta matrem suam et germanam suam. Et cessavit episcopatus dies XXXI.
Hic constituit ut psalmos die noctuque canerentur per omnes ecclesias, qui hoc praecepit presbiteris vel episcopis aut monasteriis.
← P1b
← P2
Hic multa corpora sanctorum requisivit et invenit, quorum etiam versibus declaravit. Hic constitutum fecit de ecclesia.
Fuit autem temporibus Iuliani. ← P1b
← P2
Damasus, natione Spanus, ex patre Antonio, sedit ann. XVIII m. III d. XI.
P 1-a
Hic constituit titulum in urbe Roma basilicam quem ipse construxit, ubi et donavit: [sequitur tabula donorum: vasa, lumina, possessiones]
Hic fecit basilicas duas: una beato Laurentio iuxta theatrum et alia via Ardeatina ubi requiescit. Et in catacumbas, ubi iacuerunt corpora sanctorum apostolorum Petri et Pauli, in quo loco platomam ipsam, ubi iacuerunt corpora sancta, versibus exornavit.
P 1-b
Hic accusatus invidiose incriminatur de adulterio; et facto synodo purgatur a XLIIII episcopis, qui etiam damnaverunt Concordium et Callistum diacones accusatores et proiecerunt de ecclesia.
Et cum eodem ordinatur sub intentione Ursinus; et facto concilio sacerdotum constituerunt Damasum, quia fortior et plurima multitudo erat, et sic constitutus est Damasus; et Ursinus erigerunt ab urbe et constituerunt eum Neapolim episcopum; et mansit Damasus in urbe Roma praesul in sedem apostolicam.
P2
Hic fecit ordinationes [ ... ] V per mens. decemb., presb. XXXI, diac. XI; episcopos per [ ...] loca LXI. Qui etiam sepultus est via Ardiatina in basilica sua III id. decemb., cum matre sua et germana. Et cessavit episcopatus dies XXXI.
[ ... ... ... ]
[ ... ... ... ]
[ ... ... ... ] Hic accusatur (F) / criminatur (K) de adulterio et facto synodo purgatur a XLIIII episcopis, qui etiam damnaverunt Concordium et Callistum diacones accusatores et iactaverunt de ecclesia
[ ... ... ... ]
Hic dedicavit platomum in Catacumbas, ubi corpora Petri et Pauli apostolorum iacuerunt, quam et versibus exornavit.
Fuit autem temporibus Iuliani. Hic fecit basilicas II: una [ ... ... ... ] ad via Ardeatina ubi requiescit.
[ ... ... ... ]
Damasus, natione Spanus, ex patre Antonio, sedit ann. XVIII m. III d. XI.
fk = F+K P3
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399 - 401
Anastasius
041
384 - 399
Siricius
040
Hic fecit ordinationes [ ... ] II [ ... ], presb. VIIII, diac. V; episcopos per [..] loca XI. Sepultus est [ ... ] ad Urso pilato V kal. mai. Cessavit episcopatus dies XXI.
Et [..] constituit ut nullum clericum transmarinum suscipi, nisi V episcoporum designaret cyrographum [ ... ... ] propter Manicheos.
[ ... ... ]
P3
La genesi del Liber pontificalis romano
Hic fecit ordinationes in urbe Roma II per mens. decemb., presbiteros VIIII, diaconos V; episcopos per diversa loca XI. Qui etiam sepultus est in cymiterio suo ad Ursum piliatum V kal. mai. Et cessavit episcopatus dies XXI.
Et hoc constituit ut nullum clericum transmarinum suscipi, nisi V episcoporum designaret cyrographum quia et eodem tempore Manichei inventi sunt in urbe Roma.
← P1b
[ ... ... ]
Anastasius, natione Romanus, ex patre Maximo, sedit ann. III d. X.
Hic fecit ordinationes V [ ... ... ], presb. XXXI, diac. XVI; episcopos per [ .. ] loca XXXII. Qui et sepultus est in cymiterio Priscillae via Salaria VIII kal. mart. Et cessavit episcopatus dies XX.
Hic constituit hereticum sub manu inpositione reconciliari [ ... ... ... ].
[ ... ... ... ]
[ ... ... ... ]
Et constituit ut sine consacrato episcopi loci cuiuslibet presbitero non liceret consecrare (F: consacrari) [ ... ... ... ].
Siricius, natione Romanus, ex patre Tiburtio, sedit ann. XV, dies XXV. Hic constitutum fecit de omnem ecclesiam [ ... ... ] et direxit per provincias [ ... ... ]
fk = F+K
Hic fecit constitutum de ecclesia.
P2
Hic constituit, [..] quotienscumque evangelia [..] recitantur, sacerdotes non sederent , sed curvi starent. Fecit autem et basilicam quae dicitur Crescentiana, in regione II, via Mamertina, in urbe Roma.
P 1-b
Hic constituit ut quotienscumque evangelia sancta recitantur, sacerdotes non sederent, sed curvi starent.
Anastasius, natione Romanus, ex patre Maximo, sedit ann. III d. X.
Hic fecit ordinationes V in urbe Roma per mens. decemb., presbiteros XXXI, diaconos XVI; episcopos per diversa loca XXXII. Qui et sepultus est in cymiterio Priscillae via Salaria VIII kal. mart. Et cessavit episcopatus dies XX.
Hic invenit Manicheos in urbe quos etiam exilio deportavit et hoc constituit ut non participarent cum fidelibus communionem, quia ore polluto non liceret sanctum corpus dominicum vexari. Hic constituit ut si quis conversus de Manicheis rediret ad ecclesiam, nullatinus communicaretur, nisi tantum religatione monasterii die vitae suae teneretur obnoxius, ut ieiuniis et orationibus maceratus, probatus sub omni examinatione usque ad ultimum diem transitus sui ut humanitatem ecclesiae viaticum eis largiatur. Hic constituit hereticum sub manum inpositionis reconciliari praesente cuncta ecclesia.
Hic constitutum fecit de omnem ecclesiam vel contra omnes hereses et exparsit per universum mundum, ut in omnem ecclesiae arcibo teneantur ob oppugnationem contra omnes hereses. Hic constituit ut nullus presbiter missas celebraret per omnem ebdomadam, nisi consecratum episcopi loci designati susciperet declaratum, quod nominatur fermentum.
Siricius, natione Romanus, ex patre Tiburtio, sedit ann. XV.
P 1-a
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401 - 417
Innocentius
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Hic fecit ordinationes IIII in urbe Roma per mens. decemb., presbiteros XXX, diaconos XII; episcopos per diversa loca LIIII. Qui etiam sepultus est in cymiterio ad Ursum pileatum V kal. aug. Et cessavit episcopatus dies XXII.
← P1b
Hic constituit sabbatum ieiunium celebrari, quia sabbato dominus in sepulchro positus est et discipuli ieiunaverunt.
← P1b
Hic invenit Pelagium et Caelestium hereticos et damnavit eos. Et hoc constituit, ut qui natus fuerit de christiana, denuo nasci per baptismum, hoc est baptizari, quod Pelagius damnabat.
Hic constitutum fecit de omnem ecclesiam et de regulis monasteriorum et de Iudaeis et de paganis et multos Catafrigas in urbe invenit, quos exilio monasterii religavit.
Innocentius, natione Albanense, ex patre Innocentio, sedit ann. XV m. II d. XXI.
P 1-a
Hic constituit ut basilicam beatae Agnae martyris a presbiteris Leopardo et Paulino sollicitudini gubernari et tegi et ornari; eorum dispositione tituli suprascripti Vestinae presbiteris concessa potestas.
Eodem tempore dedicavit basilicam sanctorum Gervasi et Protasi ex devotione testamenti cuiusdam inlustris feminae Vestinae, laborantibus presbiteris Ursicino et Leopardo et diacono Liviano. Quae femina suprascripta testamenti paginam sic ordinavit ut basilica sanctorum martyrum ex ornamentis et margaritis construeretur, venditis iustis extimationibus et constructam usque ad perfectum basilicam. In quo loco beatissimus Innocentius ex delegatione inlustris feminae Vestinae titulum Romae constituit et in eodem dominico optulit: [sequitur tabula donorumi]
P 1-b
P2
Hic fecit ordinationes IIII in urbe Roma per mens. decemb., presbiteros XXX, diaconos XII; episcopos per diversa loca LIIII. Qui etiam sepultus est in cymiterio ad Urso pilato V kal. aug. Et cessavit episcopatus dies XXII.
[ ... ... ... ]
Hic constituit sabbatum ieiunium celebrare, quia sabbato dominus in sepulchro positus est et discipuli ieiunaverunt.
[ ... ... ... ]
[ ... ... ... ]
Innocentius, natione Albanensis, ex patre Innocentio, sedit ann. XV m. II d. XXI.
fk = F+K P3
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418 - 422
Bonifatius
044
417 - 418
Zosimus
043
← P2
Bonifatius, natione Romanus, ex patre Iocundo presbitero, sedit ann. III m. VIII d. VI.
Hic fecit ordinationem I in urbe Roma per mens. decemb., presbiteros X, diaconos III; episcopos per diversa loca VIII. Qui etiam sepultus est via Tiburtina iuxta corpus beati Laurenti martyris, VII kal. ianuar. Et cessavit episcopatus dies XI.
Hic multa constituit ecclesiae et fecit constitutum ut diacones leva tecta haberent de palleis linostimis; et per parrocia concessa licentia cereum benedici. Et precepit ut nullus clericus in poculum publicum propinaretur nisi tantum cellae fidelium, maxime clericorum.
Zosimus, natione Grecus, ex patre Abramio, sedit ann. I m. III d XI.
P 1-a
P 1-b
Hic sub intentione cum Eulalio ordinantur uno die et fuit dissensio in clero mens. VII et d. XV. Eulalius vero ordinatur in basilica Constantiniana, Bonifatius autem in basilica Iuli. Eodem tempore audiens hoc Placidia Augusta cum filio suo Valentiniano Augusto, dum sederent Ravenna, retulit Honorio Augusto Mediolani sedenti. Eodem tempore ambo Augusti missa auctoritate hoc praeceperunt, ut ambo exirent civitate. Qui cum pulsi exissent, habitavit Bonifatius in cymiterio sanctae Felicitatis martyris via Salaria, Eulalius vero in civitate Antio ad sanctum Hermem. Veniens autem dies proximus paschae praesumpsit Eulalius, eo quod ordinatus fuisset in basilica Constantiniana, et introivit in urbem et baptizavit et celebravit pascha in basilica Constantiniana; Bonifatius vero, sicut consuetudo erat, celebravit baptismum paschae in basilica sanctae martyris Agnae. Hoc auditum Augusti utrumque miserunt et erigerunt Eulalium a LII episcopi et missa auctoritate revocaverunt Bonifatium in urbem Romam et constituerunt episcopum, Eulalium vero miserunt foris in Campaniam.
P2
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La genesi del Liber pontificalis romano
Et facto synodo deponitur Eulalius a LII episcopis quia iniuste fuerat ordinatus, et ex consensu omnium sedit Bonifacius praesul et constituitur Eulalius in civitatem Nepessinam episcopus.
[ ... ... ... ]
Hic sub intentione cum Eulalio ordinantur [ ... ... ] et fuit dissensio in clero mens. VII et d. XV. [ ... ... ... ]
Bonifatius, natione Romanus, ex patre Iocundo presbitero, sedit ann. III m.VIII d. VI.
[ .. ] Sepultus est [ ... ] iuxta corpus beati Laurenti martyris via Tiburtina, VII k. Ian.. Et cessavit episcopatus dies XI.
Hic fecit ordinationem I [ ... ] per mens. decemb., presb. X, diac. III; episcopos per [ .. ] loca VIIII.
Hic [ ... ... ... ] constituit ut diacones leva tecta haberent de palleis linostimis per parochias, et ut cera benedicatur, et [ ... ] ut nullus clericus in poculum publicum propinaretur, nisi tantum cellae fidelium, maxime clericorum.
Zosimus, natione Grecus, ex patre Abramio, sedit ann. I m. III d XI.
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422 - 432
Caelestinus
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Hic fecit ordinationes III in urbe Roma per mens. decemb., presbiteros XXXII, diaconos XII; episcopos per diversa loca XLVI. Qui etiam sepultus est in cymiterio Priscillae via Salaria VIII id. april. Et cessavit episcopatus d. XXI.
Hic multa constituta fecit et constituit ut psalmi David CL ante sacrificium psalli antephanatim ex omnibus, quod ante non fiebat, nisi tantum epistula beati Pauli recitabatur et sanctum evangelium. Hic fecit constitutum de omnem ecclesiam, maxime et de religione, quas hodie archibo ecclesiae detenentur reconditae. ← P1b
Caelestinus, natione Campanus ex patre Prisco, sedit ann. VIII m. X d. XVII.
Hic fecit ordinationem I in urbe Roma per mens. decemb., presbiteros XIII, diaconos III; episcopos per diversa loca XXXVI. Qui etiam sepultus est via Salaria iuxta corpus sanctae Felicitatis martyris VIII kal. novemb. Et cessavit episcopatus dies VIIII.
constituit ut nulla mulier aut monacha pallam sacratam contingeret aut lavaret aut incensum poneret in ecclesia nisi minister; nec servum clericum fieri, nec obnoxium curiae vel c uiuslibet rei. ← P1b
P 1-a
Hic dedicavit basilicam Iuli in qua optulit post ignem Geticum: [sequitur tabula donorumi] Ad beatum Petrum apostolum: [esq. tab. don.] Ad beatum Paulum apostolum: [seq. tab. don.]
Hic fecit oratorium in cymiterio sanctae Felicitatis iuxta corpus eius et ornavit sepulchrum sanctae martyris Felicitatis et sancti Silvani, ubi et posuit hoc: [sequitur tabula donorum]
P 1-b
P2 Et post annos III et menses VIII defunctus est Bonifatius. Clerus et populus petierunt Eulalium revocari. Quod tamen non consensit Eulalius Romam reverti. Qui tamen in eodem loco Campaniae post annum mortis Bonifatii defunctus est Eulalius. Hic Bonifatius ...
fk = F+K
Sepultus est in cymiterio Priscillae via Salaria VIII id. april. Et cessavit episcopatus d. XXI.
Hic fecit ordinationes III [ ... ... ] per mens. decemb., presb. XXXII, diac. XII; episcopos per [..] loca XLVI.
[ ... ... ... ]
[ ... ... ... ]
Hic [ ... ... ] constituit ut psalmi CL David ante sacrificium psalli [ ... ... ], quod ante non fiebat, nisi tantum recitabatur epistula Pauli apostoli et sanctum evangelium et sic missae fiebant.
Caelestinus, natione Campanus ex patre Prisco, sedit ann. VIII m. X d. XVII.
Hic fecit ordinationem I [ ... ] per mens. decemb., presb. XIII, diac. III; episcopos per [..] loca XXXVI. Qui etiam sepultus est in cymiterio sanctae Felicitatis via Salaria VIII kal. novemb. Cessavit episcopatus dies VIIII.
Hic constituit ut nulla mulier aut monacha pallam sacratam contingeret aut lavaret aut incensum poneret in ecclesia nisi minister; nec servum clericum fieri, nec obnoxium curiae vel cuiuslibet rei. [ ... ... ... ]
[ ... ... ... ]
P3
86 Herman Geertman
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432 - 440
Xystus III
046
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← P1b
← P2
Xystus, natione Romanus, ex patre Xysto, sedit ann. VIII d. XVIIII.
P 1-a
Et cessavit episcopatus d. XXI.
Hic fecit basilicam sanctae Mariae quae ab antiquis Liberii cognominabatur, iuxta macellum Libiae, ubi et obtulit hoc: [sequitur tabula donorumi] Hic ornavit de argento confessionem beati Petri apostoli, qui habet libras quadringentas. Ex huius supplicatione optulit Valentinianus Augustus imaginem auream cum XII portas et apstolos XII et Salvatorem gemmis pretiosissimis ornatam quem voti gratiae suae super confessionem beati Petri apostoli posuit. Fecit autem Valentinianus Augustus ex rogatu Xysti episcopi fastidium argenteum in basilica Constantiniana, quod a barbaris sublatum fuerat, qui habet libras MM. Huius temporibus fecit Valentinianus Augustus confessionem beati Pauli apostoli ex argento, qui habet libras CC. Item fecit Xystus episcopus confessionem beati Laurenti martyris cum columnis porphyreticis et ornavit platomis transendam et altare et confessionem sancto Laurentio martyri; de
P 1-b
Hic post annum unum et menses VIII a quodam Basso incriminatur. Eodem tempore audiens hoc Valentinianus Augustus iussit concilium sancta synodus congregari: et facto convento cum magna examinatione iudicium synodicum purgatur a LVI episcopis et condemnatur Bassus a synodo, ita tamen ut ultimo die viaticum ei non negaretur propter humanitatem pietatis ecclesiae. Hoc audiens Valentinianus Augustus cum matre sua Placidia Augusta furore sancto promoti scriptionem Bassum condemnaverunt et omnia praedia facultatum eius ecclesiae catholicae sociavit. Qui nutu divinitatis intra menses III defunctus moritur Bassus. Cuius corpus Xystus episcopus cum linteaminibus et aromatibus manibus suis tractans recondens sepellivit ad beatum Petrum apostolum, in cubiculum parentum eius.
P2
K:
Hic fecit basilicam sanctae Mariae [ ... ... ] iuxta macellum Libiae [ ... ... ... ] Et confessionem beati Petri apostoli exornavit de argento. Huius temporibus Valentinianus Aug. ornavit basilicas beati Petri et Pauli ex auro argentoque plurimum. [ ... ... ] Et in Constantiniana basilica fecit fastigium argenteum, quod a barbaris sublatum fuerat. Et in alias quamplures basilicas Romanas multa dona obtulit Valentinianus Aug.
Hic [ ... ... ] a quodam Basso incriminatur (K) / incriminatus accusatur (F). Et ex praecepto Valentiniani Aug. cum magna examinatione facto synhodo purgatur a LVI episcopis et eieerunt Bassum a communione. [ ... ... ... ]
Xystus, natione Romanus, ex patre Xysto, sedit ann. VIII d. XVIIII.
fk = F+K P3
La genesi del Liber pontificalis romano 87
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Qui etiam sepultus est via Tiburtina in crypta iuxta corpus beati Laurenti. Et cessavit episcopatus dies XXII.
← P3
Hic fecit ordinationes in urbe Roma per mens. decemb., presbiteros XXVIII, diaconos XII; episcopos per diversa loca LII.
P 1-a argento purissimo fecit altare pens. lib. L; cancellos argenteos supra platomas purphyreticas, pens. lib. CCC; absidam super cancellos, cum statu beati Laurenti martyris arg. pens. lib. CC. Fecit autem basilicam sancto Laurentio, quod Valentinianus Augustus concessit, ubi et haec optulit: [sequitur tabula donorum]] Fecit autem monasterium in Catacumbas. Fecit et fontem baptisterii ad sanctam Mariam et columnis porphyreticis exornavit. Hic constituit columnas in baptisterium basilicae Constantinianae, quas a tempore Constantini Augusti fuerant congregatas, ex metallo purphyretico numero VIII, quas erexit cum epistolis suis et versibus exornavit. Et platoma in cymiterio Calisti ubi conmemorans nomina episcoporum. Fecit autem sciphos aureos III: unum ad sanctum Petrum, qui pens. lib. VI, ad sanctum Paulum unum, qui pens. lib. VI; ad beatum Laurentium I, qui pens. lib. III; calices ministeriales aureos XV, pens. sing. lib. singulas.
P 1-b
P2
Qui etiam sepultus est via Tiburtina in crypta ad sanctum Laurentium. Et cessavit episcopatus dies XXII.
Hic fecit ordinationes [ ... ... ] presb. XXVIII, diac. XXII; episcopos per [..] loca LII.
fk = F+K
Et huius temporibus fecit Petrus episcopus basilicam in urbe Roma sanctae Savinae, ubi et fontem construxit.
P3
88 Herman Geertman
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440 - 461
Leo I
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multas epistulas fidei misit quae hodie reconditae archivo tenentur. Hic firmavit frequenter suis epistolis synodum Calcidonensem: ad Marcianum epistulas XII, ad Leonem Augustum epistulas XIII, ad Flavianum episcopum epistulas VIIII, episcopis per Orientem epistulas XVIIII, quas fidei confirmavit synodi.
Hic invenit duas hereses, Eutychiana et Nestoriana. ← P2
Leo, natione Tuscus, ex patre Quintiano, sedit ann. XXI m. I d. XIII. ← P3
P 1-a
P 1-b
Iterum multas epistulas fidei beatissimus Leo archiepiscopus ...
Hic ordinavit praecepta sui auctoritate et misit ad Marcianum Augustum, orthodoxum principem catholicum, et facta conlatione cum eodem principem collecti sunt episcopi et factum est concilium sanctum episcoporum in Calcedona, in martyrio sanctae Eufemiae. Et congregati sunt CCLVI sacerdotes et aliorum, quorum cyrografus cucurrit, CCCCVIII episcoporum qui congregati una cum tomum, hoc est fidem apostolicae ecclesiae Romanae, cum cyrographo sancti episcopi Leonis sed et catholici principis Marciani praesentia Augusti congregatum concilium numero MCC episcoporum una cum Augusto Marciano, qui exposuerunt fidem catholicam, duas naturas in uno Christo, Deum et hominem. In quo loco piissimus Augustus Marcianus una cum uxore sua Augusta Pulcheria, deposita regia maiestate, fidem suam exposuerunt ante conspectum sanctorum episcoporum, ubi et damnaverunt Eutychium et Nestorium. Et iterum fidem suam imperator Marcianus Augustus cum coniugem suam Pulcheriam Augustam, cyrografo proprio fidem suam exponentes, postulaverunt sanctum concilium ut dirigeret ad beatissimum papam Leonem, damnantes omnes hereses.
P2
Hic fecit epistolas multas, exponens fidem catholicam rectam, quae hodie reconditae archivo ecclesiae Romanae tenentur et decretalem, quem per universum mundum spargens seminavit
Hic fecit constitutum de ecclesia. Hic invenit duas hereses, Euthicen et Nestorium; et per rogato Marciani Augusti orthodoxi principis ex huius preceptum factum est concilium sanctorum episcoporum in Calcidona Orientis, in basilica sanctae martyris Euphemiae, et congregat CCLXVI sacerdotes et aliorum, quorum cyrografus cucurrit, CCCCVI episcoporum qui condemnaverunt Eutichen et Nestorium. Et post dies XLII item in unum congregati cum cyrographis, qui presentis fuerunt exponentes fidem MCC episcopi cum Augusto Marciano piissimo qui fidem suam una cum [ ... ] Augusta Placidia publice ante conspectum sanctorum episcoporum declaravit, ubi iterum damnatus Eutices. Et postmodum rogat imperator Martianus simul cum episcopis CL et misit sacra rogans Leone papa, ut fidem expositam fidei catholicae et apostolicae ei dirigerit. Beatus vero Leo exposuit et direxit thomum et firmavit synodum sanctum.
F:
F:
Leo, natione Tuscus, ex patre Quintiano, sedit ann. XXI m. I d. XIII.
fk = F+K P3 Huius temporibus fecit Demetria ancilla Dei basilicam sancto stephano via Latina miliario III in praedio suo.
La genesi del Liber pontificalis romano 89
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Hic fecit ordinationes IIII in urbe Roma per mens. decemb., presbiteros LXXXI, diaconos XXXI; episcopos per diversa loca CLXXXV. Qui etiam sepultus est aput beatum Petrum apostolum, II id. april. Et cessavit episcopatus dies VII.
Hic propter nomen Romanum suscipiens legationem ambulavit ad regem Unnorum nomine Atthela et liberavit totam Italiam a periculo hostium. Hic constituit monasterium apud beatum Petrum apostolum. Hic constituit ut intra actionem sacrificii diceretur sanctum sacrificium et cetera. Hic constituit ut monacha non acciperit velaminis capitis benedictionem, nisi probata fuerit in virginitate LX annorum. Hic constituit super sepulchra apostolorum custodes qui dicuntur cubicularii, ex clero Romano.
Hic renovavit post cladem Wandalicam omnia ministeria sacrata argentea per omnes titulos, conflatas hydrias VI, duas basilicae Constantinianae, duas basilicae beati Petri apostuli, duas beati Pauli apostoli, quas Constantinus Augustus obtulit, qui pens. sing. lib. centenas; de quas omnia vasa renovavit sacrata.
← P1b
Hic renovavit basilicam beati Petri apostoli. Et cameram et beati Pauli post ignem divinum renovavit. Fecit vero cameram in basilica Constantiniana. Fecit autem basilicam beato Cornelio episcopo et martyri, iuxta cymiterium Calisti, via Appia.
P 1-b
P 1-a
P2 Hic ministeria Romanae ecclesiae post bellum Wandalicum renovavit. [ ... ... ... ] Hic cum multis episcopis exponens fidem catholicam rectam, que hodie archivo ecclesiae Romane tenetur, propter heresim Euticium et Nestorium, qui eius temporibus damnantur.
Qui etiam sepultus est in basilica beati Petri, III id. april. Cessavit episcopatus dies VII.
[ ... ... ... ] < vide supra >
Hic constituit monasterium apud beatum Petrum apostolum Hic constituit ut intra actionem [ ... ] diceretur sanctum sacrificium et cetera. FK : Hic constituit ut monacha non acciperit velaminis capitis benedictionem, nisi probata fuerit in virginitate LX annorum. K: Hic constituit super sepulchrum [ .. ] custodes qui dicuntur cubicularii [ ... ... ].
Hic propter nomen Romanorum [ ... ... ... ] ambulavit ad regem Chunorum Atthilam et liberavit totam Italiam. [ ... ... ].
Hic fecit ordinationes III [ ... ] per mens. decem., presb. LXXXI, diac. XXXI; episcopos per loca CLXXV. K: Hic renovavit basilica beati Petri et beati Pauli apostolorum post ignem divinum; Fecit et multas basilicas. [ ... ... ]
K:
fk = F+K P3
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461 - 468
Hilarus
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← P1b
Hic fecit decretalem et per universam Orientem exparsit et epistulas de fide catholica confirmans III synodos Niceni, Epheseni et Calcidonense vel tomum sancti episcopi Leonis et damnavit Eutychem et Nestorium vel omnes sequaces eorum et vel omnes hereses, et confirmans dominationem (cl. I-II) / auctoritatem (cl. III) et principatum sanctae sedis catholicae et apostolicae. Hic fecit constitutum de ecclesia in basilica ‘Ad sancta Maria’, consulatu Basilisco Hermenerico, XVI kal. decemb.
Hilarus, natione Sardus, ex patre Crispino, sedit ann. VI m. III d. X.
P 1-a
Hic fecit oraturia III in baptisterio basilicae Constantinianae, sancti Iohannis baptistae et sancti Iohannis evangelistae et sanctae crucis, omnia ex argento et lapidibus pretiosis : Confessionem sancti Iohannis baptistae ex argento, qui pens. lib. C, et crucem auream; confessionem sancti Iohannis evangelistae ex argento, qui pens. lib. C, et crucem auream; ante confessionem beati Iohannis [bapt.] coronam argenteam, pens. lib. XX;
farum cantarum, pens. lib. XXV; [ vide infra ] in ambis oraturiis ianuas aereas argento clusas. Oratorium sanctae crucis: confessionem, ubi agnum [v.l. lignum] posuit domini, cum crucem auream cum gemmis qui pens. lib. XX; ex argento in confessionem ianuas, pens. lib. L; supra confessionem arcum aureum qui pens. lib. IIII, quem portant columnae unychinae, ubi stat agnus aureus pens. lib. II; coronam auream ante confessionem, farus cum delfinos, pens. lib. V; lampadas IIII aureas, pens. sing. lib. II. Nympheum et triporticum ante oraturium sanctae crucis, ubi sunt columnae mirae magnitudinis quae dicuntur exatonpentaicas, et concas striatas duas cum columnas purphyreticas raiatas aqua fundentes; et in medio lacum purphyreticum cum conca raiata in medio aquam fundentem, circumdatam a dextris vel sinistris in medio cancellis aereis et columnis cum fastigiis et epistuliis, undique ornatum ex musibo et columnis Aquitanicis et Tripolitis et purphyreticis. [ Ante confessionem beati Iohannis [bapt.] coronam argenteam, pens. lib. XX, farum cantarum, pens. lib. XXV.] [vide supra ]
P 1-b
P2
K: Hic fecit multa vasa et diversa ornamenta apostolorum Petri et Pauli et in Constantiniana et sancto Laurentio et sancta Maria ornavit.
Hic fecit decretalem et per universam Orientem exparsit et epistulas de fide catholica [ ... ... ... ]
Hilarus, natione Sardus, ex patre Crispiniano, sedit ann. VI m. III d. X.
fk = F+K P3
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Et cessavit episcopatus dies X.
Qui etiam sepultus est ad sanctum Laurentium, in crypta iuxta corpus beati episcopi Xysti.
Hic fecit ordinationem unam in urbe Roma per mens. decemb., presbiteros XXV, diaconos VI; episcopos per diversa loca XXII.
P 1-a
Hic fecit monasterium ad sanctum Laurentium et balneum et praetorium sancto Stephano. Fecit autem oratorium sancti Stephani in baptisterio Lateranense. Fecit autem et bibliothecas II in eodem loco. Item monasterium intra urbe Roma ad Luna.
Item ad sanctum Iohannem intra sanctum fontem: lucernam auream cum nixus luminum X, pens. lib. V; cervos argenteos III fundentes aquam, pens. sing. lib. XXX; turrem argenteam cum delfinos, pens. lib. LX, columbam auream, pens. lib. II. In basilica Constantiniana: [sequitur tabula vasorum et luminum ] Ad beatum Petrum apostolum: [sequitur tabula vasorum et luminum ] Ad beatum Paulum apostolum: [sequitur tabula vasorum et luminum ] Ad beatum Laurentium martyrem: [sequitur tabula vasorum et luminum ] In basilica beati Laurenti martyris: [sequitur tabula vasorum et luminum ] In urbe vero Roma constituit ministeria, qui circuirent constitutas stationes: [sequitur tabula vasorum ] Hic omnia in basilica Constantiniana vel ad sancta Maria constituta recondit.
P 1-b
P2
Qui etiam sepultus est ad sanctum Laurentium, in crypta iuxta corpus beati [...] Xysti. Et cessavit episcopatus dies X.
Hic fecit ordinationem unam [ ... ] per mens. decemb., presb. XXV, diac. VI; episcopos per [...] loca XXII.
fk = F+K P3
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468 - 483
Simplicius
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Hic fecit ordinationes in urbe Roma III per mens. decemb. et febr., presbiteros LVIII, diaconos XI; episcopos per diversa loca LXXXVIII. Hic sepultus est in basilica beati Petri apostoli VI non. martias. Et cessavit episcopatus die VI.
← P1b
← P2
Hic constituit ad sanctum Petrum apostolum et ad sanctum Paulum apostolum et ad sanctum Laurentium martyrem ebdomadas ut presbyteri manerent, propter penitentes et baptismum: regio III ad sanctum Laurentium, regio prima ad sanctum Paulum, regio VI vel septima ad sanctum Petrum.
Simplicius, natione Tiburtinus, ex patre Castorio, sedit ann. XV m. I d. VII. ← P1b
P 1-a
Hic fecit in ecclesia Roma scyphum aureum, pens. lib. V; canthara argentea ad beatum Petrum XVI, pens. sing. lib. XII.
Hic dedicavit basilicam sancti Stephani in Celio monte, in urbe Roma, et basilicam beati apostoli Andreae, iuxta basilicam sanctae Mariae, et aliam basilicam sancti Stephani, iuxta basilicam sancti Laurenti, et aliam basilicam intra urbe Roma, iuxta palatium Licinianum, beatae martyris Bibianae, ubi corpus eius requiescit.
P 1-b
Sub huius episcopatum venit relatio de Grecia ab Acacio Constantinopolitano episcopo et adfirmavit Petrum, Alexandriae urbis, eutychianistam hereticum, facta petitione ab Acacio episcopo, cyrographo eius constructa. Eodem tempore fuit ecclesia, hoc est prima sedis apostolica, executrix. Tunc Simplicius presul audiens damnavit Petrum Alexandrinum de quo Acacius innumerabilia crimina adfirmabat, ita tamen ut paenitentiae reservaret tempus. Eodem tempore rescripsit Timotheus catholicus et Acacius, dicentes quod etiam in mortem Proteri catholici Petrus esset permixtus. Tunc archiepiscopus Simplicius dissimulans numquam rescripsit Acacio, sed damnavit Petrum, expectans tempus paenitentiae.
P2
Et cessavit episcopatus die VI.
Sepultus est ad beatum Petrum VI non. martias.
P3
La genesi del Liber pontificalis romano
Hic fecit ordinationes [ ... ] III per mens. decemb. [ ... ], presb. LVIII, diac. XI; episcopos per [..] loca LXXXII.
[ ... ... ... ]
Eodem tempore rescripsit Timotheus catholicus et Acacius, dicentes quia vero in mortem presbiteri catholici Petrum esse mixtum. Tunc papa Simplicius dissimulans numquam rescripsit Acacio, sed damnavit Petrum [ ... ... ].
Hic constituit ad sanctum Petrum [...] et ad sanctum Paulum [...] et ad sanctum Laurentium [...] ebdomadas ut presbyteri manerent propter baptismum et penitentiam petentibus: de regione III ad sanctum Laurentium, de regione prima ad sanctum Paulum, de regione [ ... ] septima ad sanctum Petrum. F: Huius episcopatum venit relatio de Grecia ab Acacio qui fuit episcopus Constantinopolitanus et adfirmabat Petrum Alexandrino Eutychiano heretico, facta petitione ab Acacio venit. Tunc fuit ecclesia [ ... ... ... ] exequens. Tunc Simplicius presul [ .. ] damnavit Petro Alexandrino de quo Acacius innumerabilia crimina adfirmabat [ ... ... ... ].
[ ... ... ... ]
Simplicius, natione Tiburtinus, ex patre Castino, sedit ann. XV m. I d. VII.
fk = F+K
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483 - 492
Felix III
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Et post transitum eius factum est a presbiteris et diaconibus constitutum de omnem ecclesiam.
Hic fecit ordinationes II in urbe Roma per mens. decemb., presbiteros XXVIII, diaconos V; episcopos per diversa loca XXXI. Hic sepultus est in basilica beati Pauli apostoli. Et cessavit episcopatus dies V.
← P2
← P1b
Felix, natione Romanus, ex patre Felice presbitero de titulo Fasciolae, sedit ann. VIII m. XI d. XVII. Hic fuit temporibus Odoacris regis usque ad tempora Theodorici regis.
P 1-a
Hic fecit basilicam sancti Agapiti iuxta basilicam sancti Laurenti martyris.
P 1-b
Sub huius episcopatum iterum venit relatio de Grecias, Petrum Alexandrinum revocatum ab Acacio episcopo Constatinopolitano. Tunc venerabilis Felix, archiepiscopus sedis apostolicae urbis Romae, mittens defensorem cum consilio sedis suae, facto concilio, et damnavit Acacium cum Petrum. Post annos III iterum venit relatio ab imperatorem Zenonem ut paenitens rediret Acacius. Tunc papa Felix misit duos episcopos, Mesenum et Vitalem, ut si invenirent complicem Petri Acacium iterum damnarent eos; si non, offerrent libellum paenitentiae. Qui dum introissent Constantinopolim, (v.l. cl. 2 e3 in civitatem Heracleam,) corrupti sunt pecuniae datum suprascripti episcopi et non fecerunt secundum praeceptum sedis apostolicae. Venientes vero Romam ad sedem apostolicam fecit papa Felix concilium et facta examinatione invenit iudicius ambos episcopos, id est Mesenum et Vitalem, reos et corruptos pecuniae; et eregit Mesenum et Vitalem episcopos a communionem. Tunc Mesenus episcopus non se tacuit corruptum pecuniae; cui concilius concessit tempus paenitentiae. Hoc factum tempore Odacris regis.
P2
Huius episcopatum iterum venit relatio a patres Greciarum, Petrum Alexandrino revocatum ad communionem ab Acatio [ ... ]. Tunc venerabilis papa Felix [ ... ... ... ] mittens defensorem ex constituto synodi sedis suae [ ... ] et damnavit Acatio cum Petro. Post annos III iterum venit relatio ab imperatore Zenonem ut paenitens rediret Acatius. Tunc papa Felix fecit concilium, ex consensum misit duos episcopos, Mesenum et Vitalem, ut si invenirent complicem Petri Acacium iterum damnarent [..]; si non, offerrent libellum paenitentiae. Qui dum introissent civitatem Constantinopolim, corrupti [..] pecuniae datum supra dicti episcopi [..] non fecerunt secundum praeceptum sedis apostolicae. Venientes vero Romam ad sedem apostolicam fecit papa Felix concilium et facta examinatione in concilio invenit eos reos [ ... ] et eiecit Mesenum et Vitalem episcopos a communionem. Tunc Mesenus episcopus non se tacuit corruptum per pecunia; cui concilius concessum tempus paenitentiae. Hoc vero factum temporibus Odovagri regis.
[ ... ... ... ]
Hic fecit ordinationes II [ ... ] per mens. decemb., presb. XXVIII, diac. V; episcopos per [..] loca XXXI. Sepultus est apud beatum Paulum. Et cessavit episcopatus dies V.
F:
[ ... ... ... ]
[ ... ... ... ]
Felix, natione Romanus, ex patre Felice presbitero [ ... ], sedit ann. VIII m. XI d. XVII.
fk = F+K P3
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492 - 496
Gelasius I
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Hic dedicavit basilicam sanctae Eufemiae martyris in civitate Tiburtina et alias basilicas sanctorum Nicandri, Eleutheri et Andreae in via Lavicana in villa Pertusa. Fecit autem basilicam sanctae Mariae in via Laurentina, in fundum Crispinis.
P 1-b
Huius temporibus venit iterum relatio de Grecias eo quod multa mala et homicidia fierentur a Petro et Acacio Constantinopolim. Eodem tempore fugiens Iohannis Alexandrinus episcopus catholicus et venit Romam ad sedem apostolicam, quem beatus Gelasius suscepit cum gloriam, cui etiam et sedem secundam prebuit. Ipsis temporibus fecit synodum et misit per tractum Orientis et iterum misit et damnavit in perpetuo Acacium et Petrum si non penitens sub satisfactionem libelli postularet paenitentiam
Hic sub gesta synhodi cum fletum sub satisfactione libelli purgatum Mesenum episcopum revocavit; quem ecclesiae suae restituit, qui peccaverat in causa Acacii et Petri.
P2
Hic fecit V libros adversus Nistorium et Euticen; fecit et ymnos in modum beati Ambrosii;
[ ... ... ]
[ ... ... ]
[ ... ... ]
Hic sub gesta synhodi cum fleto sub satisfactione libelli purgatum Mesenum episcopum revocavit [ ... ... ].
[ ... ... ... ]
Fuit autem temporibus Theodorici regis et Zenonis Aug.
Gelasius, natione Afer, ex patre Valerio, sedit ann. IIII m. VIII d. VIII.
fk = F+K P3
La genesi del Liber pontificalis romano
Hic fecit V libros adversus Nestorium et Eutychem; fecit et ymnos in modum beati Ambrosii;
← P1b
← P2
Hic fuit amator pauperum et clerum ampliavit. Hic liberavit a periculo famis civitatem Romanam. Hic fecit constitutum de omnem ecclesiam.
Huius temporibus inventi sunt Manichei in urbe Roma, quos exilio deportari praecepit, quorum codices ante fores basilicae sanctae Mariae incendio concremavit. ← P2
Gelasius, natione Afer, ex patre Valerio, sedit ann. IIII m. VIII d. XVIII. Fuit autem temporibus Theodorici regis et Zenonis Aug.
P 1-a
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496 - 498
Anastasius II
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Hic fecit ordinationem I in urbe Roma per mens. decemb., presbiteros XII; episcopos per diversa loca XVI. Qui etiam sepultus est in basilica beati Petri apostoli, XIII kal. decemb. Et cessavit episcopatus dies IIII.
← P2
← P1b
Anastasius, natione Romanus, ex patre Petro, de regione V caput Tauri, sedit ann. I m. XI d. XXIIII. Fuit autem temporibus Theodorici regis
Hic fecit ordinationes II in urbe Roma per mens. decemb. et febr., presbiteros XXXII, diaconos II; episcopos per diversa loca LXVII. Qui etiam sepultus est in basilica beati Petri apostoli XI kal. decemb. Et < ← P 2 > cessavit episcopatus dies VII.
item duos libros adversus Arrium; fecit etiam et sacramentorum praefationes et orationes cauto sermone et epistulas fidei delimato sermone multas. Sub huius episcopatu clerus crevit.
P 1-a
Hic fecit confessionem beati Laurenti martyris ex argento, pens. lib. LXXX.
P 1-b
Eodem tempore multi clerici et prebiteri se a communione ipsius erigerunt, eo quod communicasset sine consilio presbiterorum vel episcoporum vel clericorum cunctae ecclesiae catholicae diacono Thessalonicense, nomine Fotino, qui communis erat Acacio et quia voluit occulte revocare Acacium et non potuit. Qui nutu divino percussus est.
... post obitum eius ... ...
P2
Huic clerus et prebiteri multi se eregerunt a communione [ ... ], eo quod communicasset sine consilio eorum [ ... ... ] diacono Thessalonicense, nomen Futino [ ... ... ... ].
Hic fecit confessione beati Laurenti [ ... ... ].
Hic fecit ordinationem I [ ... ] per mens. decemb., presbiteros XII; episcopos per [ .. ] loca VII(I). Sepultus est apud beatum Petrum , XIII kal. decemb. Et cessavit episcopatus dies VI.
K:
Anastasius, natione Romanus, ex patre Petro, de regione V caput Tauri, sedit ann. I m. XI d. XXIIII. [ ... ... ... ]
Qui etiam sepultus est apud beatum Petrum XI kal. decemb. [ ... ... ] Cessavit episcopatus dies VII.
Hic fecit ordinationes II in urbe Roma per mens. decemb. [ ... ], presb. XXXII, diac. II; episcopos per [..] loca LXVII.
[ ... ... ... ]
fecit [..] et sacramentorum praefationes [ ... ] cauto sermone et epistulas fidei delimato sermone [...].
fecit et duos libros adversus Arrium;
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Symmachus
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Symmachus, natione Sardus, ex patre Fortunato, sedit ann. XV m. VII d. XXVII. Hic fuit temporibus Theodorici regis et Anastasii Augusti < a consulatu Paulini usque ad consulatum Senatoris> a die X kal. decemb. usque in die XIIII kal. aug.
P 1-a
P 1-b
Eodem tempore Festus caput senati excons. et Probinus excons. coeperunt intra urbem Romam pugnare cum aliis senatoribus et maxime cum Fausto excons. Et caedes et homicidia in clero ex invidia. Qui vero communicabant beato Symmacho iuste, publice qui inventi fuissent intra urbem gladio occidebantur; etiam et sanctimoniales mulieres et virgines deponentes de monasteria vel de habitaculis suis, denudantes sexum femineum, caedibus plagarum adflictas vulnerabantur; et omni die pugnas contra ecclesiam in media civitate gerebant. Etiam et multos sacerdotes occidit, inter quos et Dignissimum et Gordianum, presbiteros a vincula sancti Petri apostoli et sanctum Iohannem et Paulum, quos fustibus et gladio interfecerunt; nam multos christianos, ut nulli esset securitas die vel nocte de clero in civitate ambulare. Solus autem Faustus excons. pro ecclesia pugnabat.
Hic sub intentione ordinatus est uno die cum Laurentio, Symmachus in basilica Constantiniana, Laurentius in basilica beatae Mariae. Ex qua causa separatus est clerus et divisus est et senatus, alii cum Symmachum, alii vero cum Laurentium. Et facta intentione hoc constituerunt partes, ut ambo Ravenna pergerent ad iudicium regis Theodorici. Qui dum ambo introissent Ravennam, hoc iudicium aequitatis invenit, ut qui prior ordinatus fuisset vel ubi pars maxima cognosceretur, ipse sederet in sedem apostolicam. Quod tamen aequitas in Symmachum invenit et cognitio veritatis, et factus est presul Symmachus. Eodem tempore papa Symmachus congregavit synodum et constituit Laurentium in Nucerinam civitatem episcopum intuitu misericordiae. Post annos vero IIII, zelo ducti aliqui ex clero et alii ex senatu, maxime Festus et Probinus, incriminaverunt Symmachum et subornaverunt testes falsos quos miserunt Ravennam ad regem Theodoricum, accusantes beatum Symmachum; et occulte revocaverunt Laurentium post libellum Romae factum; et fecerunt schisma et divisus est iterum clerus; et alii communicabant Symmacho, alii Laurentio. Tunc Festus et Probinus senatores miserunt relationem regi et coeperunt agere ut visitatorem daret rex sedi apostolicae. Tunc rex dedit Petrum, Altinae civitatis episcopum, quod canones prohibebant. Eodem tempore beatus Symmachus congregavit episcopos CXV, et facto synodo purgatur a crimine falso et damnatur Petrus Altinas invasor sedis apostolicae et Laurentius Nucerinus, quare vivo episcopo Symmacho pervaserunt sedem eius. Tunc ab omnibus episcopis et prebiteris et diaconibus et omni clero vel plebe reintegratur sedis apostolicae beatus Symmachus cum gloria apud beatum Petrum sedere praesul.
P2
et deponens mulieres sanctimoniales [ ... ... ] de habitaculis suis, denudans sexum femineum, cedens fustibus [ ... ... ... ] ibique multos sacerdotes occidit. [ ... ... ... ]
Hic amavit clerum et pauperes, . Et cum eo ordinatur Laurentius sub intentione episcopus [ ... ... ... ]. Ex qua causa separata aliqua pars clericorum vel senatorum, alii cum Symmachum, alii vero cum Laurentium. Et facta intentione hoc constituerunt , ut ambo Ravennam pergerent ad iudicium regis Theodorici. Qui dum [ .. ] pervenissent [ .. ], hoc iudicium aequitatis invenit, ut qui prior ordinatus fuisset vel ubi pars maxima consentiretur, ipse sederet in sede apostolica. Quod tamen aequitas in Symmachum invenit et cognitio veritatis, et fuit presul Symmachus. Eodem tempore papa Symmachus fecit synodum et constituit Laurentium in Noceria civitate episcopum, intuitu misericordiae. Post annos vero IIII, zelo ducti aliqui ex clero et aliqui ex senatu [ ... ... ] incriminant Symmachum et suburnant testes falsos quos miserunt Ravennam ad regem Theodoricum hereticum, accusantes beatum Symmachum; et occulte revocant Laurentium Romam [ ... ... ]; et fecerunt schisma et separaverunt se ab invicem pars aliqua a communione Symmachi, mittentes relationem regi et petunt a rege Theoderico heretico visitatorem sedis apostolicae Petrum Altinantem [... ... ]. Eodem tempore beatus Symmachus congregavit episcopos CXV, et facto synodo purgatur a crimine falso et damnatur Petrus Altinas invasor sedis apostolicae et Laurentius Nucerinus [ ... ... ... ]. Tunc ab omnibus episcopis et prebiteris et diaconis et clero [ ... ] reddintegratur sede apostolicae beatus Symmachus cum gloria apud beatum Petrum sedere praesul. K: Tunc Festus patricius [ ... ... ] cepit intra urbe [ ... ... ] cedes facere in clero, qui communicabant beato Symmacho [ ... ... ... ]
Symmachus, natione Sardus, ex patre Fortunato, sedit ann. XV m. VII d. XXVII. Hic fuit temporibus Theodorici heretici et Anastasii Aug. [ ... ... ].
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(sequitur)
Symmachus
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invenit Manicheos in urbe Roma, quorum omnia simulacra vel codices ante fores basilicae Constantinianae incendio concremavit et eos ipsos exilio religavit. [ Fuit autem a consulatu Paulini usque ad consulatum Senatoris ] vide supra
P 1-b
Hic fecit basilicam sancti Andreae apostoli apud beatum Petrum, ubi fecit tiburium ex argento purissimo et confessionem, pens. lib. CXX; arcos argenteos III pens. lib. LX; oratorium sancti Thomae apostoli: ex argento, pens. in confessionem lib. XX; arcum argenteum, qui pens. lib. XVI; confessionem sancti Cassiani et sanctorum Proti et Yacinti ex argento, pens. lib. XX; arcum argenteum, pens. lib. XII; oratorium sancti Apollinaris: ex argento in confessionem cum arcum, pens. lib. XXXI; oratorium sancti Sossii: ex argento confessionem, pens. lib. XX Item ad fontem in basilica beati Petri apostoli: oratorium sanctae Crucis: ex argento confessionem et crucem ex auro cum gemmis, ubi inclaudit lignum dominicum, ipsa crux aurea pens. lib. X; fecit autem oratoria II, sancti Iohannis evangelistae et sancti Iohannis baptistae, in quorum confessiones cum arcos argenteos, pens. lib. XXX. Quas cubicula omnes a fundamento perfecta construxit. Basilicam vero beati Petri marmoribus ornavit. Ad cantharum beati Petri cum quadriporticum ex opere marmoribus ornavit et ex musivo agnos et cruces et palmas ornavit. Ipsum vero atrium omnem conpaginavit. Grados vero ante fores basilicae beati Petri ampliavit et alios grados sub tigno dextra levaque construxit. Item episcopia in eodem loco dextra levaque fecit. Item sub grados in atrio alium cantharum foris in campo posuit et usum necessitatis humanae fecit. Et alios gradus ascendentibus ad beatum Andream fecit et cantharum posuit. Hic fecit basilicam sanctae martyris Agathae, via Aurelia, in fundum Lardarium: a fundamento cum fonte construxit, ubi posuit arcos argenteos II. Eodem tempore fecit basilicam sancti Pancrati, ubi et fecit arcum argenteum, pens. lib. XV; fecit autem in eodem loco balneum. Item aput beatum Paulum apostolum: in basilicam renovavit absidam, quae in ruina inminebat et post confessionem picturam ornavit et cameram fecit et matroneum; et super confessionem imaginem argenteam cum Salvatorem et XII apostolos posuit, qui pens. lib. CXX; et ante fores basilicae grados fecit in atrium et cantarum; et post absidam aquam introduxit, ubi et balneum a fundamento fecit. Intra civitatem Romanam:
Post haec omnia beatus Symmachus ... ...
P2
Hic fecit basilicam sancti Andreae apostoli ad sanctum Petrum, et ornavit tam eam quam alias quamplures ex auro argentoque plurimo. Hic fuit constructor ecclesiarum;
K: Fuit autem beatus Symmachus a consulatu Paulini usque ad consulatum Senatoris, a X k. decemb. usque XIII k. aug.
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Hic fecit ordinationes IIII in urbe Roma per mens. decemb. et febr., presbiteros XCII, diaconos XVI; episcopos per diversa loca CXVII. Qui etiam sepultus est in basilica beati Petri apostoli, XIIII kal. aug. Et cessavit episcopatus dies VII. ← P2
Hic omni anno per Africam vel Sardiniam ad episcopos qui exilio erant retrusi pecunias et vestes ministrabat. Hic captivos per Ligurias et Mediolano et per diversas provincias pecuniis redemit et dona multiplicavit et dimisit.
Hic constituit ut omne die dominicum vel natalicia martyrum Gloria in excelsis ymnus diceretur. ← P 1b
P 1-a
P 1-b
Hic fecit cymiterium Iordanorum in melius propter corpus sancti Alexandri.
basilicam sanctorum Silvestri et Martini a fundamento construxit iuxta Traianas, ubi et super altare tyburium argenteum fecit, qui pens. lib. CXX; arcos argenteos XII, qui pens. sing. lib. X; confessionem argenteam, qui pens. lib. XV; ad beatum Iohannem et Paulum fecit grados post absidam; item ad archangelum Michahel basilicam ampliavit et grados fecit et introduxit aquam; item ad sanctam Mariam oratorium sanctorum Cosmae et Damiani a fundamento construxit. Item via Tribuna, miliario XXVII ab urbe Roma, rogatus ab Albino et Glaphyra pp inlustris de proprio facientes a fundamento, basilicam beato Petro in fundum Pacinianum dedicavit. Item ad beatum Petrum et ad beatum Paulum et ad sanctum Laurentium pauperibus habitacula construxit. Item ad beatum Petrum XX cantara argentea fecit, pens. sing. lib. XV; arcos argenteos XXII, pens. sing. lib. XX. Hic reparavit basilicam sanctae Felicitatis, quae in ruinam inminebat. Hic absidam beatae Agnae quae in ruinam inminebat et omnem basilicam renovavit.
Qui etiam in pace confessor quievit.
P2
Hic fecit ordinationes IIII in urbe Roma per mens. decemb. [ .. ], presbiteros XCVIII, diaconos XVI; episcopos per [..] loca CXVII. Qui etiam sepultus est in basilica beati Petri apostoli, XIIII kal. aug. in pace. Et cessavit episcopatus dies VII.
K: ampliavit clero et donum presbiterii triplicavit et pauperibus vestes et alimonium triplicavit et multa alia bona, quae enarrare longum est.
[ ... ... ... ]
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Hormisdas
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Hic composuit clerum et psalmis erudivit.
Hormisdas, natione Campanus, ex patre Iusto, de civitate Frisinone, sedit ann. VIIII d. XVII. Fuit autem temporibus regis Theodorici et Anastasii Aug., a consulatu Senatoris usque ad consolatum Symmachi et Boethi.
P 1-a
Hic fecit basilicam in territorio Albanense, in possessionem Mefontis.
P 1-b
Idem secundo misit Ennodium ipsum et Peregrinum, episcopum Mesenense, portantes epistulas confortatorias fidei et contestationes secretas numero XVIIII et textum libelli. In quo libello noluit sentire Anastasius Augustus, quia et ipse in herese eutychiana communis erat. Volens itaque eos legatos per remunerationem corrumpere, legati vero sedis apostolicae, contempto Anastasio Augusto, nullatenus consenserunt accipere pecunias, nisi satisfactionem sedis apostolicae operaretur. Tunc imperator repletus furia eiecit eos per posterulam et imposuit eos in navem periculosam cum milites et magistrianos et praefectianos nomine Eliodorum et Demetrium; qui hoc dedit eis in mandatis imperator Anastasius ut nullam civitatem ingrederentur. Legati vero sedis apostolicae secretius suprascriptas epistulas fidei XVIIII per manus monachorum orthodoxorum exposuerunt per omnes civitates. Quae tamen epistulae ab episcopis civitatum qui erant conplices Anastasii Augusti, timori omnes eas epistulas fidei pro crimine Constantinopolim direxerunt. Furore repletus Anastasius contra papa Hormisda inter alia sacra sua hoc scripsit:
Eodem tempore ex constitutum synodi misit in Grecias, humanitatem ostendens sedis apostolicae, quia Greci obligati erant sub vinculo anathematis propter Petrum Alexandrinum et Acacium Constantinopolitanum episcopum sub Iohanne episcopo Constantinopolitano. Cum consilio regis Theodorici, direxit Ennodium, episcopum Ticinensem, et Fortunatum, episcopum Catinensem, et Venantium, prebiterum urbis Romae, et Vitalem, diaconum sedis apostolicae, et Hilarum, notarium sedis suprascriptae. Euntes ad Anastasium Augustum, nihil egerunt.
P2
F:
Huius episcopatum auctoritate, ex constituto synodo, misit in Grecia secundum humanitatem [ .. ] sedis apostolicae et reconciliavit Grecos, qui obligati erant sub anathemate propter Petro Alexandrino et Acacio Constantinopolitano [ ... ... ]. Hic papa perrexit ad regem Theodoricum Ravennam et ex consilio regis direxit Ennodio, episcopo Ticinense, et Fortunato, episcopo Cathenense, et Euantium, prebiterum urbis [..], et Vitalem, diaconum urbis [ ... ... ]. Euntes ad Anastasio Aug., ut sub libelli satisfactione revocarentur, nihil egerunt. Idem secundo misit Hormisda Ennodium [ .. ] et Peregrinum episcopos et Pollione subdiacono urbis et portaverunt epistulas [ .. ] fidei et contestationes secretas numero XVIIII et libellum, per quem redirent; quod si noluissent epistula suscipere contestationes, per civitates spargerent. In quo [ .. ] noluit consentire Anastasius Aug., eo quod erat in herese Eutychi consentiens. Volens itaque eos [ .. ] per remunerationem corrumpere: illi autem contempto principe nullatenus consenserunt accipere pecunias [ ... ... ... ]. Furore accensus imperator eiecit eos per locum pericolosum et imposuit eos in nave sub periculo mortis cum [ .. ] magistrianum et praefectianum [ .. ] Heliodorum et Demetrium; et hoc dedit [ .. ] in mandatis imperator [ .. ] ut nullam civitatem ingrederentur. Illi vero [ ... ] secretius suprascriptas epistulas fidei XVIIII per manus monachorum catholicorum posuerunt epistolas per omnes civitates. Quae tamen epistulae susceptaeab episcopis civitatum consentientes Anastasio Aug. heretico, timore omnes eas [ ... ... ] Constantinopolim direxerunt in manus Anastasii. Furore ductus Anastasius [ .. ] papae Hormisdae inter alia sacra sua haec scripsit:
[ ... ... ... ]
[ ... ... ... ]
[ ... ... ... ]
Hormisdas, natione Campanus, ex patre Iusto, de civitate Frisinone, sedit ann. VIIII d. XVII.
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P 1-a
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Tunc Hormisda episcopus cum consilio regis Theodorici direxit a sedem apostolicam Germanum, Capuanum episcopum, et Iohannem et Blandum presbiteros et Felicem et Dioscurum, diacones sedis apostolicae, et Petrum notarium, quos monitos ex omni parte fidei, et textum libelli paenitentiae. Qui venientes iuxta Constantinopolim, tanta gratia fidei refulsit ut multitudo monachorum orthodoxorum et inlustrium virorum maxima multitudo, in quibus Iustinus imperator et Vitalianus consul, simul occurrerunt a Castello Rotundo quod dicitur usque in civitatem Constantinopolim. Cum gloria et laudem ingressi una cum Grato inlustrem. Qui suscepti sunt a Iustino orthodoxo Augusto cum gloria. Omnis itaque clerus una cum Iohanne episcopo Constantinopolitano, sentientes eo quod gratanter suscepti sunt, sentientes qui erant conplices Anastasii (v.l. cl. 2 e 3 Acaci), incluserunt se in ecclesia maiore, quae vocatur sancta Sufia, et consilio facto mandaverunt imperatori dicentes: Nisi nobis reddita fuerit ratio quare damnatus est episcopus noster Acacius, nullatenus sentimus sedi apostolicae. > Hic papa Hormisda (et cetera, P1-a)
Eodem tempore nutu divinitatis percussus est fulmine divino Anastasius imperator et obiit. Sumpsit itaque imperium Iustinus orthodoxus et direxit auctoritatem suam ad papam Hormisdam sedis apostolicae Gratum et inlustrem nomine sperans a sedem apostolicam ut reintegraretur pax ecclesiarum.
Nos iubere volumus, non nobis iuberi.
P2
fk = F+K
Hic habuit certamina per epistolis suis contra Anastasiam imperatorem hereticum. Inter alia multa, quae Anastasius ei direxit, haec scripsit, dicens: FK: Nos iubere volumus, non nobis iuberi. Percussus divino ictu fulimini Anastasius [ .. ] interiit. Sumpsit itaque imperium Iustinus orthodoxus et misit ad sedem apostolicam F: ad papam Hormisda Gratum et inlustrem nomine et hoc speravit ut ligati dirigerentur ad sedem apostolicam, tamen cum consilio regis Theodorici. Et direxit Germanum, episcopum Capuano, et Iohanne episcopo et Blando presbitero et Felicem diaconum sedis apostolicae et Dioscorum diaconum sedis suscepit [ ... ... ], quos monitus ex omni parte fidei una cumlibello quomodo redirent Greci ad communione sedis apostolice. Qui venientes iuxta Constantinopole, [ ... ] occurrit illis multitudo monachorum [ .. ] et inlustrium virorum [ ... ], in quibus Iustinus imperator et Vitalianus magister militum simul [ ... ] a Castello Rotundo quod dicitur usque in civitate Constantinopolim, cum gloria et laudes ingressi sunt una cum Grato inlustri. Ingressi itaque in civitate suscepti sunt a Iustino Aug. orthodoxo cum gloria. Omnis itaque clerus Constantinopolitanus una cum Iohanne episcopo [ .. ], sentientes eo quod gratae suscepti sint [ ... ... ... ], incluserunt se intra ecclesiam maiore, quae vocatur sancta Sufia, et consilio facto mandaverunt imperatori dicentes: Nisi nobis reddita fuerit ratio quare damnatus est episcopus civitatis nostrae Acacius, nullatenus sentimus sede apostolicae. Et facto concilio simul cum Iustino Augusto in conspectu omnium inlustrium tunc legati sedis apostolicae elegerunt ex suis Dioscorum diaconum ad reddendam rationem, qui ita exposuit eis culpas Acaci, ut etiam omnes simul cum Iustino Augusto adclamarent dicentes: et hic et in aeternum damnetur Acacius. Eodem tempore iussit Iustinus Augustus accepta veritate, ut sine aliqua dilatione facerent libello omnes episcopi, qui in regno Iustini erant, et redeant ad communionem sedis apostolicae. Quod etiam factum est et concordaverunt ab Oriente usque ad Occidente et cucurrit pax ecclesiae. Qui textus libelli hodie arcivo ecclesiae reconditus tenetur.
K:
praetermissum in P 3
P3
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Hic fecit ordinationes in urbe Roma per mens. decemb., presbiteros XXI; episcopos per diversa loca LV. Qui etiam sepultus est in basilica beati Petri apostoli, VIII id. aug., consulatu Maximi. Et cessavit episcopatus dies VI.
← P1b
Hic invenit Manicheos, quos etiam discussit cum examinatione plagarum, exilio deportavit; quorum codices ante fores basilicae Constantinianae incendio concremavit. Huius temporibus episcopatus in Africa post annos LXXIIII revocatum est, quod ab hereticis fuerat exterminatum.
perrexit ad regem Theodoricum Ravenna et cum eius consilio misit auctoritatem ad Iustinum et cum vinculo cyrografi et textum libelli reintegravit ad unitatem sedis apostolicae damnantes Petrum et Acacium vel omnes hereses.
P 1-a
Eodem tempore venit regnus cum gemmis praetiosis a rege Francorum Cloduveum christianum, donum beato Petro apostolo. Sub huius episcopatum multa vasa aurea vel argentea venerunt de Grecias – et evangelia cum tabulas aureas cum gemmis praetiosis, qui pens. lib. XV – : [sequitur tabula donorum] Haec omnia a Iustino Augusto orthodoxo votorum gratia optulta sunt. Eodem tempore Theodoricus rex optulit beato Petro apostolo cereostata argentea II, pens. sing. lib. XXX Eodem tempore fecit papa Hormisda apud beatum Petrum apostolum trabem ex argento quem cooperuit, qui pens. lib. MXL. Hic fecit in basilica Constantiniana arcum argenteum ante altare, qui pens. lib. XX; canthara argentea XVI, pens.sing. lib. XII. Item ad beatum Paulum fecit arcos argenteos II, pens. sing. lib. XX; canthara argentea XVI, pens. sing. lib. XV; amas argenteas III, pens. sing. lib. X; Scyphos argenteos stationales VI cum duces, pens. sing. lib. VI.
P 1-b
P2
Fecit autem papa Ormisda in ecclesia Romana per multas basilicas diversa ornamenta ex auro et argento.
Eodem tempore venit corona aurea cum gemmis preciosissimis a rege Francorum [ ... ... ... ].
Huius temporibus episcopatus Africae reordinatur post annos LXXIIII, quod ab hereticis fuerant exterminati a tempore persequutionis.
Hic invenit Manicheos, quos etiam discussit sub examina plagarum [ ... ... ]; quorum codices [ ... .../ ] incendio consumpsit ante foris basilicae Constantinianae.
Et cessavit episcopatus dies VI
Qui etiam sepultus est apud beatum Petrum VIII id. aug., consulatu Maximi.
Hic fecit ordinationes [ ... ] presbiteros [ .. ]; episcopos per diversa loca [ .. ]
K:
F:
[ ... ... ... ]
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Iohannes I
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← P2
Iohannes, natione Tuscus, ex patre Constantio, sedit ann. II mens. VIIII d. XVI. Fuit autem a consulatu Maximi usque ad consulatum Olybrii temporibus Theodorici et Iustini Augusti christiani.
P 1-a
P 1-b
Qui dum ambulassent cum Iohannem papam, occurrerunt beato Iohanni a miliario XV omnis civitas cum cereos et cruces in honore beatorum apostolorum Petri et Pauli. Qui veteres Grecorum hoc testificabantur dicentes a tempora Constantini Augusti a beato Silvestro episcopo sedis apostolicae, Iustini Augusti temporibus meruisse parte Graeciarum beati Petri apostoli vicarium suscepisse cum gloria. Tunc Iustinus Augustus, dans honorem deo, humiliavit se pronus et adoravit beatissimum Iohannem papam. Eodem tempore beatus Iohannes papa cum senatores supra scriptos cum grandem fletum rogaverunt Iustinum Augustum, ut legatio acceptabilis esset in conspectu eius. Qui vero papa Iohannis vel senatores viri religiosi omnia meruerunt et liberata est Italia a rege Theodorico heretico. Iustinus imperator tamen gaudio repletus est, quia meruit temporibus suis vicarium beati Petri apostoli videre in regno suo, de cuius manibus cum gloria coronatus est Iustinus Augustus. Eodem tempore cum hii supra scripti, id est papa Iohannes cum senatores Theodorum exconsule, Inportunum exconsule, Agapitum exconsule – et Agapitum patricium defuncto Thessalonica – et supra scriptos positos Constantinopolim, Theodoricus rex hereticus tenuit duos senatores praeclaros et exconsules Symmachum et Boetium et occidit interficiens gladio.
Hic vocitus est a rege Theodorico Ravenna, quem ipse rex rogans misit in legationem Constantinopolim ad Iustinum imperatorem orthodoxum, quia eodem tempore Iustinus imperator vir religiosus summo ardoris amore religionis christianae voluit hereticos extricare. Nam summo fervore christianitatis hoc consilio usus est, ut ecclesias Arrianorum catholicas consecraret. Pro hanc causam hereticus rex Theodoricus audiens hoc exarsit et voluit totam Italiam ad gladio extinguere. Eodem tempore Iohannis papa egrotus infirmitate cum fletu ambulavit et senatores exconsules cum eo, id est Theodorus, Inportunus, Agapitus excons. et alius Agapitus patricius, qui hoc accipientes in mandatis legationum, ut redderentur ecclesias hereticis in partibus Orientis, quod si non, omnem Italiam ad gladium perderet.
P2 Iohannes, natione Tuscus, ex patre Constantio, sedit ann. II mens. VII(I) d. XV [ ... ] a consulatu Maximi usque ad consulatum Olibri [ ... ... ]. Hic vocatur a rege Theodorico Ravenna, quem [ .. ] rex rogans misit in legationem Constantinopolim ad Iustinum imperatorem [ ... ... ...] vir religiosus qui summo [ .. ] amore religionis christianae voluit hereticos extricare. Nam summo fervore [ ... ... ... ] ecclesias Arrianorum in catholica dedicavit. Exinde iratus [ ... ] rex Theodoricus arrianus [ ... ... ] voluit totam Italiam gladio perdere. Tunc Iohannis venerabilis papa egressus cum fletu et mugitu ambulavit et viri religiosi ex consulibus et patricii Theodorus, Inportunus, Agapitus [ .. ] et alius Agapitus [ ... ] hoc accipientes in mandatum legationis, ut redderentur ecclesias hereticis in partes Greciarum: quod si non fuerit factum, omnem Italiam gladio perderet Iustinus Aug. (rex Theodoricus, K emend.) K: Qui dum introissent omnes suprascripti cum Iohanne papa Constatinopolim , occurrerunt eis a miliario XII [ ... ... ] in honore [ .. ] apostolorum [ ... ... ... ] desiderantes post beatum Silvestrum papam [ ... ... ... ] temporibus Constantini meruissent partibus Graeciae vicarium sancti Petri suscipere [ ... ]. Et Iustinus Augustus [ ... ... ] adoravit beatum Iohannem papam, [ ... ... ... ] de cuius manibus [ ... ] coronatus est Cui vero simul et senatoribus tantis et talibus exconsulibus et patriciis civitatis urbis Romae, Flavium Theodorum viris inlustribus praecedentem omnium dignitatum splendorem sed et Inportunum viro inlustri ex consulibus et Agapito viro inlustri ex consulibus et alio Agapito patricio, omnem concessit petitionem: propter sanguinem Romanorum reddidit hereticis ecclesias. Et dum actum fuisset in partes Greciarum secundum voluntatem Theodorici regis heretici, maxime sacerdoptes vel christiani ad gladio mitterentur, illud vero beatissimo Iohanne episcopo sed et viros inlustris positus Constantinopoli, rex Theodoricus [ ... ] tenuit duos senatores ex consulibus et patricios, gladio interfecit Boetium et Symmachum, quorum etiam corpora abscondi praecepit.
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Iohannes I
sequitur
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← P 2 sepultus est in basilica beati Petri, sub die VI kal. iun. Olybrio consule. Et cessavit episcopatus dies LVIII.
Hic ordinavit episcopos per diversa loca XV.
← P1b
P 1-a
refecit cymiterium beatorum martyrum Nerei et Achillei, via Ardiatina; item renovavit cymiterium sanctorum Felicis et Audacti; item renovavit cymiterium Priscillae. Eodem tempore positum est ornatum super confessionem beati Pauli apostoli de gemmis prasinis et yachintis. Item huius temporibus Iustinus imperator optulit: patenam auream cum gemmis, pens. lib. XX; calicem aureum cum gemmis, pens. lib. V; scyphos argenteos V; pallea aurotexta XV; quod ipse Iohannes detulit ad beatos apostolos Petrum et Paulum et ad sanctam Mariam et ad sanctum Laurentium.
P 1-b
Cuius corpus translatum est de Ravenna et ...
Post hoc factum nutu dei omnipotentis XCVIII die postquam defunctus est beatissimus Iohannes in custodia, Theodoricus rex hereticus subito interiit et mortuus est. Hic papa Iohannes ...
Qui tamen defunctus est Ravenna in custodia XV kal. iun. martyr.
P2 Eodem tempore revertentes Iohannes venerabilis papa et senatores cum gloria, dum omnia obtinuissent a Iustino Augusto, rex Theodoricus hereticus cum grande dolo et odio suscepit eos, id est papam Iohannem et senatores, quos etiam gladio voluit interficere, sed metuens indignationem Iustini Augusti. Quos tamen in custodia omnes adflictos cremavit, ita ut beatissimus Iohannes episcopus primae sedis papa in custodia adflictus deficiens moreretur.
Et cessavit episcopatus dies LVIII.
[ ... ... ... ]
Hic ordinationes episcoporum fecit per diversa loca [ .. ].
K: Adtullit autem beatus Iohannes de Grecias auro gemmis argentoque exornavit basilicas multas.
[ ... ... ... ]
Post hoc [ ... ] nutu dei omnipotentis XCVIII die postquam defunctus est [ ... ] Iohannes episcopus in custodia, subito Theodericus rex [ ... ] interiit divinitate percussus (F; fulmine percussus, K)
fk = F+K Venientes vero hii supra dicti viri inlustres cum Iohanne episcopo omnia per ordinem acta Agapito patricio defuncto in Grecias, suscepti sunt a rege Theoderico cum dolo et grande odio Iohannes episcopus etiam et senatores viros inlustres religiosus suscepit. Quos itaque cum tanta indignatione suscipiens gladio eos voluit punire sed metuens indignatione Iustini Augusti orthodoxi non fecit: tamen in custodia omnes [ ... ] cremavit, ita ut beatus Iohannes [ ... ... ] papa in custodia adflictione maceratus deficiens moreretur. Qui vero defunctus est Ravenna cum gloria XV kl. iun., in custodia regis Theoderici. P3
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Bonifatius II
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Felix IV
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Hic presbiteris et diaconibus et subdiaconibus et notariis scutellas de adeptis hereditatibus optulit et alimoniis multis in periculo famis clero subvenit.
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Bonifatius, natione Romanus, ex patre Sigibuldo, sedit ann. II dies XXVI. Fuit autem temporibus Athalarici regis heretici et Iustini Aug.
Hic fecit ordinationes II in urbe Roma per mense februario et martio, presbiteros LV, diaconos IIII; episcopos per diversa loca XXVIIII. Qui etiam sepultus est in basilica beati Petri apostoli IIII idus octob. Et cessavit episcopatus dies III.
← P2
← P1b
Felix, natione Samnium, ex patre Castorio, sedit ann. IIII m. II d. XIII. Fuit temporibus Theodorici regis et Iustini Aug., a consulatu Maburti [527] usque ad consulatum Lampadii et Horestis [530], a die IIII id. iul. usque in IIII id. octub.
P 1-a
Hic fecit basilicam sanctorum Cosmae et Damiani in urbe Roma, in loco qui appellatur via Sacra, iuxta templum urbis Romae. Huius temporibus consumpta est incendio basilica sancti martyris Saturnini, via Salaria, quam a solo refecit.
P 1-b
Hic cum Dioscoro ordinatur sub intentione. Qui Dioscorus ordinatur in basilica Constantiniana, Bonifatius vero in basilica Iulii; et fuit dissensio in clero et senatu dies XXVIII. Eodem tempore defunctus est Dioscorus, prid. id. oct. Ipsis diebus Bonifatius, zelo et dolo ductus, cum grande amaritudine sub vinculo anathematis cyrographi reconciliavit clero; quem cyrographum arcivo ecclesiae retrudit, quasi damnans Dioscorum; et congregavit clerum. Cui tamen in episcopatum nullus subscripsit, dum plurima multitudo fuisset cum Dioscoro.
Qui etiam ordinatus est cum quietem et vixit usque ad tempora Athalarici.
P2
P3
La genesi del Liber pontificalis romano
[ ... ... ... ]
K (F deficit) : Bonifatius, natione Romanus [ ... ] sedit ann. II dies XXVI. Fuit autem temporibus Athalarici regis heretici et Iustini Aug. catholici. Hic cum Dioscoro ordinatur sub intentione. Qui Dioscorus ordinatur in basilica Constantiniana, Bonifatius vero in basilica Iulii; et fuit dissensio in clero et senatu dies XXVIII. Eodem tempore defunctus est Dioscorus [ ... ]. Tunc Bonifatius, zelo et dolo ductus, cum grande amaritudine sub vinculo anathematis cyrographi reconciliavit clero; quem cyrographum archivo ecclesiae retrudit, quasi damnans Dioscorum [ ... ... ... ]
Qui etiam ordinatus est ex iussu Theodorici regis et obiit tempore Athalarici regis sub die IIII id. oct., cons. suprascriptis. Qui sepultus est ad beatum Petrum. Cessavit episcopatus dies III. Hic fecit ordinationes II [ ... ], presb. LII, diac. IIII per mens. feb. [ ... ]; episcopos per [...] loca XXVIIII (inversio ordinationum et sepulturae)
K:
Hic fecit basilicam sanctorum Cosmae et Damiani in urbe Roma [ ... ... ] iuxta templum urbis Romae. [ ... ... ... ]
Felix, natione Samnium, ex patre Castorio, sedit ann. IIII m. II d. XIII [ ... ... ... ] a consulatu Maburti usque in consulatum Lampadii et Orestis, a die IIII id. iul. usque in IIII id. octub.
fk = F+K
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Qui etiam sepultus est in basilica beati Petri apostoli sub die XVII mens. octob. consulatu Lampadii. Et cessavit episcopatus mens. II dies XV.
( ordinationes desunt )
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P 1-a
P 1-b Hic congregavit synodum in basilica beati Petri apostoli et fecit constitutum ut sibi successorem ordinaret. Quod constitutum cum cyrographis sacerdotum et iusiurandum ante confessionem beati apostoli Petri in diaconum Vigilium constituit. Eodem tempore, factum iterum synodum hoc censuerunt sacerdotes omnes propter reverentiam sedis sanctae et quia contra canones fuerat hoc factum et quia culpa eum respiciebat ut successorem sibi constitueret; ipse Bonifatius papa reum se confessus est maiestatis, quod in diaconum Vigilium sua subscriptione cyrographi; ante confessionem beati apostoli Petri ipsum constitutum praesentia omnium sacerdotum et cleri et senatus incendio consumpsit. Eodem tempore venit relatio ab Afris episcopis de constitutione et ut cum consilio sedis apostolicae omnia Cartaginensis episcopus faceret.
P2
Et cessavit episcopatus mens. II dies XV.
Qui etiam sepultus est in basilica beati Petri [ ... ] XV k. nov., Lampadio et Oreste conss.
( ordinationes desunt )
[ ... ... ... ]
Eodem tempore, factum iterum synodum [ ... ] censuerunt sacerdotes [ ... ] propter reverentiam sanctae sedis et quia contra canones fuerat [...] factum et [ ... ... ... ] ipse Bonifatius papa reum se confessus est [ ... ], quod in diaconum Vigilium sua subscriptione firmasset. Tunc [ ... ... ] ipsum constitutum in praesentia [ ... ] sacerdotum [ ... ] et senatus incendio consumpsit.
Hic congregavit synodum in basilica beati Petri [ ... ] et fecit constitutum ut sibi successorem ordinaret, [ ... ... ] cum cyrographis sacerdotum et iusiurandum ante confessionem [ ... ... ... ].
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Iohannes II
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Hic fecit ordinationem in urbe Roma per mens. decemb., presbiteros XV; episcopos per diversa loca XXI. Qui etiam sepultus est in basilica beati Petri apostoli VI kl iun. post consulatum iterum Lampadii. Et cessavit episcopatus dies VI.
← P1b
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Iohannes qui et Mercurius, natione Romanus, ex patre Proiecto, de Caeliomonte, sedit ann. II mens. IIII d. VI. Fuit autem temporibus Athalarici regis et Iustianiani Aug.
P 1-a
Ipsis diebus obtulit christianissimus imperator Iustinianus Aug. beato Petro apostolo: scyphum aureum circumdatum de gemmis prasinis et albis et alios calices argenteos II: scyphum pens. lib. V, calices argenteos sing. lib. V; pallia olovera aurotexta IV.
P 1-b
Eodem tempore vir religiosus Augustus summo amore christianae religionis misit fidem suam scripto cyrographo proprio ad sedem apostolicam, per episcopos Epatium et Demetrium.
P2
Fecit autem Iohannes papa ordinationem I [ ... ... ], presbiteros XV; episcopos [ ... ] XXI. [ ... ] sepultusque est in basilica beati Petri [ ... ] VI kl iun. [ ... ... ]. Cessavit episcopatus dies VI.
una cum magna dona.
[ ... ... ]
[ ... ... ] Ipse misit fidem suam scripto cyrographum proprio ad sedem apostolicam [ ... ... ]
K (F deficit) : Iohannes [ ... ], natione Romanus, [ ... ... ] sedit ann. II mens. IIII d. VI. Fuit autem temporibus Athalarici regis et Iustianiani Aug. catholici.
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Agir et écrire : les actes des papes du ixe siècle et le Liber pontificalis Klaus Herbers
« Erat enim corpore castus, animo benivolus, vultu hilaris, eloquio prudens, opibus largus, ingenio facundus, merentium consolator, pupillorum et inopum enutritor et (…) omnium virtutum adornatus ». Tel est le portrait du pape Étienne V dressé dans la partie initiale de sa vie contenue dans le Liber pontificalis, portrait complété par des phrases telles que « fecit in aecclesia beati Pauli, fecit in aecclesia domini Salvatoris (…) » 1. Par la louange d’une personne publique et l’énumération de ses dons et de ses actions, l’exemple juxtapose-t-il ou bien combine-t-il deux aspects et fonctions du même genre historiographique ? J’ai choisi « agir et écrire » comme première partie de mon titre, titre qui veut mettre en relief la mise en contexte et la corrélation entre la documentation écrite et les actions d’un individu. Dans quelle mesure la documentation reflète-t-elle les actions, les pensées, les intentions de ses acteurs ? Dans quelle mesure fait-elle l’objet de remaniements, d’élargissements, d’ajouts ou de suppressions ? Ces questions ont été beaucoup discutées, notamment dans le cadre des recherches sur le vaste champ de la mémoire dite collective ou culturelle 2. Je noterai à titre d’exemple les travaux sur les formes et motivations de la réécriture hagiographique 3. Mais quelles personnes et institutions sont en effet responsables de la confec1. Le Liber pontificalis, éd. L. Duchesne, Texte, introduction et commentaire, 2 vol., vol. III sous la dir. de C. Vogel, Paris, 1886-1892 et 1957 : II, p. 191 et 194. Je présente ici quelques réflexions livrées au colloque d’Auxerre, en me limitant dans mes notes aux remarques et indications indispensables. Je remercie Gordon Blennemann et Cornelia Gossner (Erlangen) de leur aide pour la révision du texte. 2. Cf. entre autres J. Assmann, Das kulturelle Gedächtnis. Schrift, Erinnerung und politische Identität in frühen Hochkulturen, Munich, 1999 ; J. Fried, Der Schleier der Erinnerung. Grundzüge einer historischen Memorik, Munich, 2004. 3. M. Heinzelmann (éd.), L’hagiographie du haut Moyen Âge en Gaule du Nord. Manuscrits, textes et centres de production, Stuttgart, 2001 (Beihefte der Francia, 52) ; M. Goullet et M. Heinzelmann (éd.), La réécriture hagiographique dans l’occident médiéval, Ostfildern, 2003 (Beihefte der Francia, 58) ; Eid. (éd.), Miracles, vies et réécritures dans l’occident médiéval, Ostfildern, 2006 (Beihefte der Francia, 65) ; cf. la synthèse de M. Goullet, Écriture et réécriture hagiographiques. Essai sur les réécritures de Vies de saints dans l´Occident latin médiéval (viiiexiiie siècle), Turnhout, 2005 (Hagiologia, 4) ; sur l´historiographie médiévale en général voir
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tion de l’acte écrit, spécialement dans le cas d’une documentation aussi complexe que le Liber pontificalis du ixe siècle, et quel est le public ? Si l’on tient compte de l’acte écrit et des sources dont nous disposons pour l’histoire pontificale, on s’aperçoit facilement qu’à part les notices du Liber pontificalis, il y a bien une tradition de lettres pontificales extérieure au Liber, dans les collections épistolaires ou en fragments dans des collections canoniques, dans des chartes ou copies isolées ou d’autres traditions historiographiques 4. Mais dans la plupart de ces cas, ces traditions documentaires ne se recoupent pas avec le Liber pontificalis. Les faits et les actions mentionnés dans ce dernier sont rarement transmis ailleurs 5. De plus, la structure du Liber pontificalis varie. Pour donner une idée de ces variations, je présenterai quelques remarques sur le Liber pontificalis et sur les possibilités de variations que l’on observe dans la structure des vies qui y sont insérées, pour analyser ensuite quelques aspects des deux dernières vies du Liber pontificalis classique, celle d’Adrien II et celle d’Étienne V. L’une et l’autre forment des cas particuliers, spécialement par leur aspect fragmentaire, qui invite à comparer les différences et les possibilités de composition du Liber pontificalis, ce qui pourrait fournir matière à une explication quant à la fin de l’ancien Liber pontificalis.
1. Le Liber pontificalis : généralités Le Liber pontificalis est un texte bien connu dans l’Europe du milieu du ixe siècle, un texte de base, de référence 6, comme le montre la diffusion des aussi H.-W. Goetz, Geschichtsschreibung und Geschichtsbewußtsein im hohen Mittelalter, Berlin, 1999 (Orbis mediaevalis – Vorstellungswelten des Mittelalters, 1). 4. Cf. dorénavant K. Herbers, Die Regesten des Kaiserreiches unter den Karolingern 751-918 (926/962), Band 4 : Papstregesten 800-911, Teil 2 : 844-872, Lieferung 2 : 858-867, CologneWeimar-Vienne ( J. F. Böhmer, Regesta Imperii, 1), sous presse, introduction. 5. Cf. à titre d’exemple K. Herbers, Papst Leo IV. und das Papsttum in der Mitte des 9. Jahrhunderts. Möglichkeiten und Grenzen päpstlicher Herrschaft in der späten Karolingerzeit, Stuttgart, 1996 (Päpste und Papsttum, 27), p. 468-494 (tables). Sur Adrien Ier, voir maintenant F. Hartmann, Hadrian I. (772-795). Frühmittelalterliches Adelspapsttum und die Lösung Roms vom byzantinischen Kaiser, Stuttgart, 2006 (Päpste und Papsttum, 34), spéc. p. 13-28. 6. Cf. les préfaces de l’édition citée de Duchesne et les additions de Vogel, cité n. 1 ; puis : C. Vogel, Le « Liber pontificalis » dans l’édition de Louis Duchesne. État de la question, dans Monseigneur Duchesne et son temps, Actes du colloque 23-25 mai 1973, Rome, 1975 (Collection de l’École française de Rome, 23), p. 99-127. Traduction et commentaire dans R. Davis, The Book of Pontiffs (Liber pontificalis). The Ancient Biographies of the First Ninety Roman Bishops to A. D. 715, Liverpool, 1989 (Translated Texts for Historians, Latin series, 5) ; Id., The Lives of
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les actes des papes du ixe siècle et le Liber pontificalis
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manuscrits 7. Un coup d’œil à l’édition de Louis Duchesne 8 révèle vite les problèmes : il ne s’agit pas seulement d’une succession, d’un assemblage chronologique de notices individuelles. Le tout forme un seul dossier, une entité textuelle qui sert au siège pontifical comme lieu de mémoire et de définition institutionnelle. Voilà pourquoi l’on a proposé le terme plus adéquat de Gesta pour désigner cet ensemble 9. Si je parle pourtant de « vies » dans ma contribution, cela me sert uniquement d’abréviation, bien que l’on puisse parfois découvrir des aspects biographiques 10. the Eight-Century Popes (Liber pontificalis). The Ancient Biographies of nine popes from A. D. 715 to A. D. 817, Liverpool, 1992 (Translated Texts for Historians, 13) ; synthèse par A. Brackmann, Der Liber Pontificalis, dans Realenzyklopädie für protestantische Theologie und Kirche, 3e éd., Hambourg, 1902, p. 439-446 (réimpr. dans Id., Gesammelte Aufsätze, 2e éd., Cologne, 1967, p. 383-396, spéc. p. 387). W. Berschin, Biographie und Epochenstil, II : Merowingische Biographie. Italien, Spanien und die Inseln im frühen Mittelalter, Stuttgart, 1988 (Quellen und Untersuchungen zur lateinischen Philologie des Mittelalters, 8), p. 115-138 ; F. Monfrin, Liber pontificalis, dans Dictionnaire historique de la papauté, Paris, 1994, p. 1042-1043 ; littérature ultérieure dans K. Herbers, Leo IV… cité n. 5, p. 12-17 ; en général H. Fuhrmann, Papstge schichtsschreibung. Grundlinien und Etappen, dans Geschichte und Geschichtswissenschaft in der Kultur Italiens und Deutschlands. Wissenschaftliches Kolloquium zum hundertjährigen Bestehen des DHI in Rom, Tübingen, 1989, p. 141-191. Sur l’importance de Byzance cf. P. Schreiner, Der Liber Pontificalis und Byzanz. Mentalitätsgeschichte im Spiegel einer Quelle, mit einem Exkurs : Byzanz und der Liber Pontificalis (Vat. Gr. 1455), dans K. Borchardt et E. Bünz (éd.), Forschungen zur Reichs-, Papst- und Landesgeschichte. Peter Herde zum 65. Geburtstag, I, Stuttgart, 1998, p. 33-48. 7. Quelques exemples : K. Herbers, Le Liber Pontificalis comme source de réécritures hagiographiques (ixe-xe siècles), dans M. Goullet et M. Heinzelmann (éd.), La réécriture hagiographique… cité n. 3, p. 87-107. 8. Liber pontificalis, éd. L. Duchesne… cité n. 1, cf. l’édition avec des additions postérieures : Liber pontificalis nella recensione di Pietro Guglielmo e del card. Pandolfo, glossato da Pietro Bohier, vescovo di Orvieto, 3 vol., éd. U. Přerovský, Rome, 1978 (Studia Gratiana, 21-23). 9. Cf. M. Sot, Gesta episcoporum. Gesta abbatum, Turnhout, 1981 (Typologie des sources du Moyen âge occidental, 37), p. 32-33, qui voit dans le Liber pontificalis une sorte de prototype des Gesta episcoporum. Cf. également F.-J. Schmale, Funktion und Formen mittelalterlicher Geschichtsschreibung. Eine Einführung, Darmstadt, 1985, p. 116, qui préfère l’appellation Gesta et H. Hofmann, Artikulationsformen historischen Wissens in der lateinischen Historiographie des hohen und späten Mittelalters, dans La littérature historiographique des origines à 1500, Heidelberg, 1987 (Grundriß der romanischen Literaturen des Mittelalters, 11, 2), p. 367-687, spéc. p. 603. W. Berschin, Biographie und Epochenstil, II… cité n. 6, p. 115-138 traite le Liber pontificalis sous l’aspect biographique, cf. n. 10. Il faudrait peut-être aussi faire la différence entre les res gestae et la narratio rerum gestarum, cf. H.-W. Goetz, Geschichtsschreibung und Geschichtsbewusstsein… cité n. 3, p. 134-159. 10. Cf. surtout W. Berschin, Biographie und Epochenstil, II… cité n. 6, et l’analyse de quelques exemples par K. Herbers, Zu frühmittelalterlichen Personenbeschreibungen im Liber Pontificalis und in römischen hagiographischen Texten, dans J. Laudage (éd.), Von Fakten und
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Mais quelle a été la genèse de ce livre ? Depuis les recherches de Louis Duchesne 11, la plupart des chercheurs sont d’accord sur le fait que le Liber pontificalis « primitif » fut composé au vie siècle, puis qu’il fut suivi d’une mise à jour continue, contemporaine des pontifes, jusqu’au ixe siècle 12. Le Liber pontificalis « primitif » a connu plusieurs éditions successives, dont les manuscrits conservés n’ont gardé que la deuxième. La première édition englobe les vies jusqu’à Hormisdas (514-523), prolongé jusqu’à Silvère († 537) et il n’est transmis que de manière indirecte 13 ; au moins jusqu’à Anastase II (496-498), il est élaboré à l’aide de sources anciennes 14. La seconde partie du Liber – rédigée au vie ou au plus tard au début du viie siècle – recueille plutôt du matériel contemporain et adopte une structure uniforme. Au ixe siècle l’on atteint avec les douze vies de Léon III, Étienne IV, Pascal Ier, Eugène II, Valentin, Grégoire IV, Serge II, Léon IV, Benoît III, Nicolas Ier, Adrien II et Étienne V une suite presque exhaustive de notices à la structure très proche sans être identique, parfois dans des versions différentes comme dans le cas de Serge II 15. La plupart sont composées selon le Fiktionen. Mittelalterliche Geschichtsdarstellungen und ihre kritische Aufarbeitung, Cologne, 2003, p. 165-191. 11. Liber pontificalis, I (seul paru), éd. T. Mommsen, Hanovre, 1898 (MGH, Gesta pontificum Romanorum) ; d’après un colloque sur Wilhelm Levison tenu à Bonn en octobre 2007, Levison était chargé de continuer l’édition de Mommsen, mais on n’a jusqu’à présent pas retrouvé de manuscrit dans le fonds des Monumenta ; Liber pontificalis, éd. L. Duchesne… cité n. 1, introduction. Cf. C. Vogel, Le « Liber Pontificalis »…cité n. 6 et les autres contributions du volume Monseigneur Duchesne et son temps… cité n. 6. Cf. les introductions de R. Davis, The Book of Pontiffs… cité n. 6 ; Id., The Lives of the Eight-Century Popes… cité n. 6. 12. Certaines ruptures se déduisent également des manuscrits transmis, par exemple chez Constantin († 715), Étienne II († 757), Étienne III († 772) et Adrien Ier († 795). Cf. déjà A. Brack mann, Liber pontificalis… cité n. 6, p. 389-390. Cf. sur les manuscrits de cette partie les remarques dans l’introduction à l’édition de Duchesne citée n. 1, I, p. clxiv-ccvi et II, p. i-viii. 13. Entre autres à travers les sources de la deuxième rédaction et les abrégés félicien et cononien, cf. A. Brackmann, Liber pontificalis… cité n. 6, p. 385-388 ; W. Berschin, Biographie und Epochenstil im lateinischen Mittelalter 1. Von der Passio Perpetuae zu den Dialogi Gregors des Großen, Stuttgart, 1986 (Quellen und Untersuchungen zur lateinischen Philologie des Mittel alters, 8), p. 270-277. 14. Outre la chronographie, ce sont surtout le Liber generationis d’Hippolyte, la Notitia regionum urbis Romae, le Catalogue libérien ou filocalien, cf. surtout A. Brackmann, Liber pontificalis… cité n. 6, p. 386. Sur le rôle des martyrs romains au temps du pape Damase, cf. M. Sághy, Scinditur in partes populus. Pope Damasus and the Martyrs of Rome, dans Early Medieval Europe, 9, 2000, p. 273-287. 15. Cf. K. Herbers, Personenbeschreibungen… cité n. 10, p. 177-182 et Id., Die Regesten des Kaiserreiches unter den Karolingern 751-918 (926/962), Band 4 : Papstregesten 800-911, Teil 2 :
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les actes des papes du ixe siècle et le Liber pontificalis
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même schéma : nom du pape, origine, durée du pontificat, informations sur le pontificat (de plus en plus détaillées à mesure que l’on avance dans le temps) ; suivent les décrets sur la discipline et la liturgie, les donations, les ordinations, la mort, la sépulture et la durée de la vacance du siège. Les études de Herman Geertman, Sible de Blauuw, Franz Alto Bauer et autres 16 fournissent de précieuses analyses des « listes de donations » que l’on trouve enchâssées dans les récits à teneur « politique » ou « historique ». La relation entre ces deux types d’informations varie considérablement dans les douze vies mentionnées. De l’étude menée sur Léon III et Léon IV, il ressort que ce qui a trait aux donations renvoie au vestiaire et les développements d’ordre « politique » à une sorte de chancellerie primitive 17. Les remarques « politiques » témoignent d’une perspective strictement romaine, qui débouche parfois sur un discours hagiographique ; les listes de donations, elles, suivent généralement la chronologie des indictions, bien qu’il y ait parfois des sauts, des lacunes ou des logiques différentes dans le classement de l’information 18. Cette structure hétéroclite est sans doute la raison principale pour laquelle il est difficile d’attribuer les vies à un seul auteur, bien que le nom d’Anastase le Bibliothécaire ait été maintes fois évoqué 19. 844-872, Lieferung 1 : 844-858, Cologne-Weimar-Vienne, 1999 ( J. F. Böhmer, Regesta Imperii, 1), n° 52. 16. H. Geertman, More Veterum. Il Liber pontificalis e gli edifici ecclesiastici di Roma nella tarda antichità e nell’alto medioevo, Groningen, 1975 ; Id., Hic fecit basilicam. Studi sul Liber pontificalis e gli edifici ecclesiastici di Roma da Silvestro a Silverio, éd. S. de Blaauw, LouvainParis, 2004 ; S. de Blaauw, Cultus et decor. Liturgie en architectuur in laataniek en meddeleeuws Rome. Basilica Salvatoris, Sanctae Mariae, Sancti Petri, Delft, 1987 ; F. A. Bauer, Die Bau- und Stiftungspolitik der Päpste Hadrian I. (772-795) und Leo III. (795-816), dans C. Stiegemann et M. Wemhoff (éd.), 799 – Kunst und Kultur der Karolingerzeit. Karl der Große und Papst Leo III. in Paderborn, 2 vol., Mayence, 1999, p. 514-528 ; Id., Das Bild der Stadt Rom im Frühmittelalter. Papststiftungen im Spiegel des Liber Pontificalis von Gregor dem Dritten bis zu Leo dem Dritten, Wiesbaden, 2004 (Palilia, 14) ; H. Geertman (éd.), Atti del colloquio internazionale Il liber Pontificalis e la storia materiale, Roma, 21-22 febbraio 2002, Assen, 2003 (Mededelingen van het Nederlands Instituut te Rome, Papers of the Netherlands Institute in Rome, 60-61). 17. Cf. la discussion des propositions différentes de Geertman, de De Blaauw et de T. F. X. Noble, A New Look at the Liber Pontificalis, dans Archivum historiae pontificiae, 23, 1985, p. 347-358, dans K. Herbers, Leo IV… cité n. 5, p. 14-17. 18. K. Herbers, Leo IV… cité n. 5 ; Id., Papst Leo III. (795-816), der Koronator Karls des Großen – Möglichkeiten päpstlicher Politik an der Schwelle des 9. Jahrhunderts, dans Geschichte im Bistum Aachen, 5, 2000, p. 1-24 ; cf. également F. Hartmann, Hadrian… cité n. 5, p. 19-21 et p. 82-91, qui souligne la structure bipartite de la notice consacrée à Adrien Ier. 19. Cf. la note suivante.
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Les deux dernières vies du Liber pontificalis sont particulièrement intéressantes pour l’histoire de la papauté du haut Moyen Âge. On manque encore d’une explication convaincante pour rendre compte du fait que l’ancien Liber pontificalis s’arrête brusquement en 870, avant le décès d’Adrien II, ou en 886 au début du pontificat d’Étienne V. Notons dès à présent que Flodoard de Reims n’a puisé dans les vies des papes que jusqu’à Nicolas Ier 20. Deux chemins me semblent ici propices : l’analyse de la transmission manuscrite et celle de la structure interne, analyse qui profite en même temps des observations et résultats tirés des autres vies 21. Je m’en tiendrai aux deux vies fragmentaires d’Adrien II et d’Étienne V ainsi qu’à leur structure et à leurs tendances, dans une perspective d’étude comparée.
2. La vie d’Adrien II 2.1. Contenu et structure Des cinq années du pontificat d’Adrien II (867-872), la notice que lui consacre le Liber pontificalis ne couvre que les trois premières. Elles concernent une période assez mouvementée des relations entre le siège romain et Byzance, puisqu’un concile réuni sous le patriarche Photios allait jusqu’à déposer Nicolas Ier à l’automne 867 ; mais Nicolas mourut avant l’arrivée de la délégation grecque à Rome. La vie est divisée en deux voire trois parties puisque les chapitres 22 à 64 traitent uniquement des affaires de Byzance. À partir du
20. Cf. sur le rôle d’Anastase comme auteur du Liber pontificalis et de la vie de Nicolas les discussions d’A. Lapôtre, De Anastasio Bibliothecario Sedis Apostolicae, Paris, 1885 ; réimpr. dans Id., Études sur la papauté au ixe siècle, I, Turin, 1978, p. 121-466, spéc. p. 208-272 (réimpr. p. 332-396) ; E. Perels, Nikolaus I. und Anastasius Bibliothecarius, Berlin, 1920, p. 181 et suiv., 250 et note 2 ; voir aussi W. Wattenbach et W. Levison, Deutschlands Geschichtsquellen im Mittelalter. Vorzeit und Karolinger 4 : Die Karolinger vom Vertrag von Verdun bis zum Herr schaftsantritt der Herrscher aus dem sächsischen Hause. Italien und das Papsttum, bearb. von H. Löwe, Weimar, 1963, p. 460-462 ; P. C. Jacobsen, Flodoard von Reims. Sein Leben und seine Dichtung « De triumphis Christi », Leyde-Cologne, 1978 (Mittellateinische Studien und Texte, 10), p. 139 et p. 222-232 ; M. Sot, Gesta… cité n. 9, p. 32-33. 21. Cf. W. Wattenbach, W. Levison et H. Löwe, Deutschlands Geschichtsquellen… cité n. 20, p. 460-461 avec la note 5 ; cf. la contribution de F. Bougard dans le présent volume, p. 127-152.
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chapitre 34 l’action se déroule hors de Rome 22. Je me concentre ici sur les chapitres qui décrivent la situation romaine. D’abord sont présentées longuement la personne d’Adrien, sa famille, sa jeunesse, son éducation et sa carrière ecclésiastique (ch. 1-3) ; un épisode de distribution et multiplication de deniers est utilisé pour brosser le portrait moral du futur pontife (ch. 2) 23. Suivent presque deux pages dans l’édition de Duchesne sur l’élection et sur la consécration, racontées en détail (ch. 4-11). Les légats Dominique et Grimoald, que Nicolas avait expédiés en Bulgarie mais qui avaient rebroussé chemin en apprenant son décès, y sont de nouveau envoyés avec des lettres du pape défunt pour bien montrer la continuité de pensée et d’action (ch. 12). Le chapitre 13 est particulièrement intéressant car il introduit l’affaire des évêques exilés Gaudéric, Étienne et Jean (diacre) Hymmonide, dont le pape demanda la grâce auprès de l’empereur Louis II 24. Le chapitre suivant (ch. 14) souligne l’attachement du pape à la basilica Nicolaitana que son prédécesseur avait érigée au Latran. L’idée de la poursuite de la politique de Nicolas est reprise ensuite dans une autre perspective : les évêques d’Occident soutiennent Adrien par des lettres contre les ennemis du nouveau pape qui avaient critiqué son orientation nicolaïte (ch. 15). La même tendance est perceptible dans l’évocation d’un des rares événements datés aux chapitres 16-19 : le pape profite d’une fête (20 février 868) à laquelle participent entre autres les Grecs présents à Rome pour prononcer une allocution. Commençant par demander le secours de la prière de tous pour la lourde tâche qui est la sienne, il finit par obtenir des représentants de Jérusalem, d’Antioche, d’Alexandrie et de Constantinople un double éloge, de lui-même et de son prédécesseur. Les chapitres 20-21 donnent le récit de l’invasion du duc Lambert de Spolète et de ses partisans durant la consécration du nouveau pape 25. La partie finale (chapitres 22 à 64) concerne le conflit avec la Bulgarie et celui qui oppose Ignace à Photios. Ce dernier fut traité lors d’un concile romain, mais surtout par des légats qui agissent pratiquement seuls à partir des 22. Je suis les indications de chapitre dans l’édition de L. Duchesne citée n. 1. Pour une meilleure orientation j’ai préparé un schéma de la structure de la vita qui se trouve en annexe. 23. K. Herbers, Papstregesten… cité n. 15, n. 49. 24. Duchesne soupçonnait que les évêques avaient peut-être été exilés par le duc Lambert de Spolète durant la vacance du siège pontifical ; cf. H. Zielinski, Die Regesten des Kaiserreichs unter den Karolingern 751-918 (926), Band 3 : Die Regesten des Regnum Italiae und der burgundischen Regna. Teil 1 : Die Karolinger im Regnum Italiae 840-887 (888), Cologne/Vienne, 1991 ( J. F. Böhmer, Regesta Imperii, I, 3, 1), n. 285. 25. Böhmer-Zielinski… cité n. 24, n. 284.
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événements décrits dans le chapitre 34. Le changement politique à Byzance en 867 (ch. 22) avait mené à l’envoi de deux légations à Rome, l’une de la part du patriarche Ignace, l’autre de la part du patriarche Photios entre-temps déposé, mais la flotte de Photios fit naufrage – telle était la volonté de Dieu – alors que les légats d’Ignace arrivèrent sains et saufs à Rome avec la délégation de l’empereur byzantin et avec leurs cadeaux et lettres (ch. 24). Ils firent état de la découverte, chez l’usurpateur Photios, d’un livre contenant des accusations contre l’Église romaine, livre qu’ils avaient apporté (on suppose qu’il s’agit des décisions du concile de 867 contre le pape Nicolas Ier ; ch. 25). Puisqu’une réunion à Sainte-Marie-Majeure avait déjà condamné Photios par deux fois, on envisage de le faire une troisième fois. Photios compte parmi les auteurs des mensonges ( Job 13, 4) et est accusé d’invention de dogmes faux (ch. 27). Suit une scène à forte charge symbolique : le livre du menteur Photios est jeté par terre ; le spatharius grec le piétine et le frappe de son épée en le disant d’être habité par le diable (ch. 28). Reste la question délicate de savoir pourquoi ce livret porte les signatures des empereurs byzantins. L’auteur de la vie d’Adrien propose une explication : Michel III avait été invité à signer durant une nuit d’ivresse, tandis que la signature de l’empereur Basile aurait été falsifiée (ch. 29). Quant aux signatures de certains évêques, elles serviraient seulement à camoufler l’œuvre mensongère (ch. 30) et l’on se serait efforcé d’imiter des mains et des graphies différentes (ch. 31). Par la suite le pape ordonne que le livre soit examiné par des personnalités bilingues et que leurs conclusions soient présentées en synode. Sur cette base, Photios est à nouveau condamné, avec anathème. La sentence est précédée de l’audition des légats de Constantinople et de la lecture publique de quelques lettres. Le verdict est confirmé par les signatures de tous, puis le livre contenant les fausses accusations est une nouvelle fois piétiné (ch. 32) et brûlé. La pluie qui se met alors à tomber nourrit les flammes au lieu de les éteindre, car ses gouttes sont comme de l’huile. Tous, Latins et Grecs, sont frappés par ce miracle et élèvent des louanges à Dieu (ch. 33). Suivent encore une trentaine de chapitres dont l’action est située hors de Rome, en Bulgarie et à Byzance, après quoi le texte s’arrête brusquement sur la description des événements de l’année 870.
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2.2. Auteurs, buts et discours En comparant la vie d’Adrien II avec celles des pontifes précédents, on se rend vite compte de la place singulière qu’elle prend dans l’ensemble des notices du ixe siècle. La recherche a longtemps soutenu que l’auteur de ce fragment pourrait être le diacre Jean, dont le chapitre 13 mentionne la réhabilitation ; François Bougard a récemment fourni d’autres arguments dans ce sens 26. Ce diacre Jean est également connu sous le nom de Jean Hymmonide comme auteur de la troisième vie de Grégoire le Grand, si précieuse pour la connaissance de la situation romaine des années 870 27. Avec Anastase le Bibliothécaire, à qui nous devons la traduction des actes du quatrième concile de Constantinople de 869/870 28, il a assurément contribué à fournir des informations, en particulier pour la deuxième partie de la Vita. Au reste, cette deuxième partie me semble plus correspondre à une « Vita de légats », qu’à la « Vita d’un pape ». 26. Voir n. 21 et surtout la thèse d’État d’A. Lapôtre. — Pour une rédaction par Jean Diacre possible mais plutôt improbable, cf. G. Arnaldi, Giovanni Immonide e la cultura a Roma al tempo di Giovanni VIII, dans Bullettino dell’Istituto storico italiano per il medio evo, 68, 1956, p. 33-89, p. 49, note 2 ; W. Wattenbach, W. Levison et H. Löwe, Deutschlands Geschichtsquellen… cité n. 20, p. 461, note 307 ; W. Berschin, Biographie und Epochenstil, II… cité n. 6, p. 138 et Id., Biographie und Epochenstil im lateinischen Mittelalter 3. Karolingische Biographie 750-920 n. Chr., Stuttgart, 1991 (Quellen und Untersuchungen zur lateinischen Philologie des Mittelalters, 10) p. 372, note 88 ; par contre R. Davis, Book… cité n. 6, soutient dans son introduction (p. 249) « some possibility, that the author […] was John (Hymmonides) ». Voir F. Bougard, Anastase le Bibliothécaire ou Jean Diacre ? Qui a récrit la Vie de Nicolas Ier et pourquoi, dans Medievalia et Vaticana. Mélanges Duval-Arnould, Florence, 2008 (Millenio medievale, 71 ; paru après la rédaction de cet article), p. 27-40 et la contribution du même dans le présent volume p. 127-152. 27. Cf. sur l’auteur et son œuvre l’étude de H. Goll, Die Vita Gregorii des Johannes Diaconus. Studien zum Fortleben Gregors des Großen und zu der historischen Bedeutung der päpstlichen Kanzlei im 9. Jahrhundert, Thèse de doctorat, Fribourg-en-Brisgau, 1940 ; C. Leonardi, La « Vita Gregorii » di Giovanni Diacono, dans Roma e l’età carolingia, Rome, 1976, p. 381393 ; Id., L’agiografia romana nel secolo IX, dans Hagiographie. Cultures et sociétés, Paris, 1981, p. 471-490 ; W. Berschin, Biographie und Epochenstil, III… cité n. 26, p. 372-387 (avec bibliographie). Sur l’édition et l’importance de la Vita Gregorii, cf. Vita Gregorii, dans PL, 75, col. 63-242, le poème de dédicace chez K. Strecker, MGH, Poetae lat., 4, 2, Berlin, 1923, p. 1068-1072 ; une nouvelle édition est en préparation : Johannes Hymmonides diaconus Romanus, Vita Gregorii I papae (BHL 3641-3642), 1 : La tradizione manoscritta, éd. L. Castaldi, Florence, 2004 (Archivum Gregorianum, 1) ; cf. également K. Herbers, Personenbe schreibungen… cité n. 10, p. 183-189. 28. Cf. la lettre de dédicace : MGH, Epistolae, VII, éd. E. Perels et G. Laehr, Berlin, 1928, p. 403-415.
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L’auteur est en outre familier de la documentation du scrinium ou des archives : à plusieurs reprises, il fait allusion à des documents que l’on peut identifier. En revanche, les notices de donations communes aux autres vies manquent, à l’exception du chapitre 14. L’accès de l’auteur aux archives ressort aisément de la confrontation avec les actes du concile tenu à Rome en 869. Dans la vie d’Adrien, la destruction du livre de Photios est le sujet principal, qui occupe presque deux pages dans l’édition de Duchesne (ch. 26-33). La préface d’Anastase à la traduction des actes du quatrième concile de Constantinople n’évoque l’événement qu’au détour d’une phrase : le pape avait ordonné de brûler le codex et d’en faire autant à Constantinople : « Nam synodo mox apud beatum Petrum collecta, profanum codicem illum cremari censuisti et ita fieri apud Constantinopolim (…) 29 ». Dans les allocutions d’Adrien, les canons et autres textes contenus dans les actes du synode 30, la destruction du livre est également mentionnée, mais en quelques mots à peine 31. Le but de la Vita paraît ainsi différent : plutôt, par exemple, que donner une légitimation canonique au fait de brûler des écrits apocryphes (on aurait pu citer un canon du temps du pape Léon Ier) 32, l’auteur vise plutôt les formes et les aspects communicatifs de l’acte. Son intérêt va à la « performance » : le piétinement, les coups d’épée, le feu, la résistance du feu à la pluie ; le « comment » est placé au premier plan. À la différence des actes, la Vita ne veut pas seulement informer son public sur les décisions prises. Elle veut surtout décrire la manière d’y parvenir et le mode d’exécution des décisions. Dans cette perspective s’introduit de manière générale le but d’expliquer, de convaincre et de légitimer. On devance d’éventuelles questions en rendant compte de la présence des souscriptions impériales, tout en soulignant le contrôle « paléographique » et « diplomatique » des documents. La légitimation est construite par plusieurs biais : les préjugés, les actes symboliques, le discours providentiel. L’empereur Michel III est présenté comme ivrogne, les Grecs sont enfermés dans la tradition et l’habitude. Mais l’auteur ne se limite pas à ces préjugés communément répandus. Pour lui, les décisions romaines sont justes parce qu’elles reçoivent le soutien de Dieu : le naufrage des légats de Photios s’inscrit, comme la destruction du livre par le feu malgré la 29. Ibid., p. 408. 30. Die Konzilien der karolingischen Teilreiche 860-874, éd. W. Hartmann, Hanovre, 1998 (MGH, Concilia, IV), p. 340-351. 31. Ibid., p. 343. 32. Les auteurs de la Vie auraient pu citer le pape Léon Ier pour une argumentation juridique et canonique sur le droit de brûler des écrits apocryphes (cf. ibid.).
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pluie, dans un programme narratif autour du thème de la providence. Ces deux exemples illustrent donc bien par quelles voies la narration est influencée par ce qui tient du discours hagiographique 33. Si l’on tient compte de cette volonté de convaincre un public de la légitimité de la position romaine face à Byzance, il n’est pas difficile de lire la première partie de la vie dans cette perspective. Les vingt-deux premiers chapitres varient selon moi autour d’un même sujet : la continuité avec le prédécesseur Nicolas Ier, la légitimation de la position dite « nicolaïte ». Voilà pourquoi l’auteur s’attarde si longuement sur l’élection et la consécration ainsi que sur la résistance à l’invasion des partisans de la maison de Spolète, les lettres des évêques d’Occident en faveur du nouveau pape et le banquet avec les Grecs présents à Rome, qui finissent par soutenir la politique d’Adrien par acclamation et par d’autres gestes symboliques. Les échecs du nouveau pape – comme l’affaire d’Éleuthère 34 – sont eux passés sous silence. Par rapport aux autres notices du Liber pontificalis, la vie d’Adrien II apparaît ainsi comme un fragment qui ne tient pas compte des informations du vestiaire – Adrien II est présenté comme un pape qui ne fait pas de cadeaux aux églises romaines. En revanche, elle vise à gagner la faveur de son public envers la politique nicolaïte d’Adrien, un public qu’il fallait surtout chercher à Rome, peut-être dans le milieu grec particulièrement concerné par les changements qu’entraînait à Byzance la succession d’Ignace à Photios.
3. La vie d’Étienne V 3.1. Contenu et structure Des quatre manuscrits qui transmettent la vie fragmentaire d’Adrien II, trois (E1, E2 et E6) donnent un autre fragment de la vie d’Étienne V. Apparemment, aucun auteur n’a rendu compte des trois pontificats intermédiaires de Jean VIII, Marin Ier et Adrien III, bien que le copiste du manuscrit E6 change le nom de Marin en celui de Nicolas (ch. 2, 3, 11) et qu’il confonde peut-être Adrien II et Adrien III (ch. 11). 33. Il y a donc au moins trois éléments qui ressortent du discours hagiographique et providentiel dans la narration : le naufrage des envoyés de Photios, le miracle lors de l’autodafé du libelle photien et le miracle qui permet d’obtenir la documentation écrite concernant le concile. 34. Cf. l’introduction de R. Davis, Book… cité n. 6, p. 250.
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La vie commence par des remarques sur l’origine d’Étienne V, la durée de son pontificat et le début de sa carrière ecclésiastique (ch. 1) ; vient ensuite un long éloge de son caractère et son ordination comme prêtre par Marin Ier (ch. 2). Après avoir mentionné la mort d’Adrien III près de la rivière Scultenna, l’auteur décrit la grave crise causée à Rome par une invasion de sauterelles et par la famine, qui poussèrent le peuple romain à demander Étienne, comme évêque, du fait de sa sainteté (ch. 3). Le missus impérial et le peuple conduisent alors Étienne de sa maison à l’église des Quatre-Saints-Couronnés puis, avec l’accompagnement des scholae, au palais du Latran (ch. 4). Avant d’y arriver, une forte pluie met fin à la sécheresse et à la stérilité de la terre, montrant par cet indice divin (« ut aperto indicio Deus ostenderet ») 35 que Dieu était prêt au pardon à cause des mérites d’un tel homme. Le dimanche suivant, Étienne est consacré à Saint-Pierre avant de retourner au Latran (ch. 5). Suit une inspection avec les évêques, le missus impérial et le « sénat romain » de l’état du vestiaire, dévasté et dépouillé de nombreux objets liturgiques et d’autres pièces du trésor (ch. 6). Les autres dépôts se trouvent également vidés, de sorte que le nouveau pape ne peut rémunérer ni le clergé, ni les scholae, ni consoler les veuves ou racheter des captifs. Il mobilise alors la fortune de sa famille et de son père pour la distribuer aux pauvres, montrant sa capacité à trouver des familiares favorables à ses idées et prêts à participer aux repas donnés aux orphelins (ch. 7). Célébrant la sainte messe tous les jours, le pontife romain s’aperçoit de la faiblesse des convictions chrétiennes du public et lui adresse une allocution relativement longue sur la signification du temple de Dieu (ch. 8). L’auteur fait ensuite l’éloge du pape qui recourait à tous les moyens possibles pour racheter des captifs ou enrichir les églises dont il avait la charge (ch. 9). Avec le chapitre 10 commencent les mentions stéréotypées des donations aux églises : Saint-Pierre avec une notice sur l’argent offert aux prêtres (ch. 1011), Sainte-Marie-Majeure (ch. 11), Saint-Paul, Saint-Jean de Latran (ch. 12-13), les Douze-Apôtres (Saints-Jacques-et-Philippe, Via Lata) et le monastère voisin de Saint-André de Biberatica (ch. 14), les Quatre-Saints-Couronnés (ch. 15-16), Saint-Marcel et, hors de Rome, Sainte-Marie à Monterano (ch. 16), le monastère du Clivus Scauri, le monastère Saint-Silvestre sur le mont Soracte, Sainte-Anastase, Sainte-Prudentienne, Sainte-Croix-de-Jérusalem, l’hospice de Saint-Grégoire à Saint-Pierre, la Schola cantorum (ch. 17), Ravenne, Imola et Bologne. La liste se termine alors brusquement sur ces mots : « Imo et pro perenni mercede in aecclesia (…) », puis reprend avec quelques mentions sur 35. Liber pontificalis, II, éd. L. Duchesne… cité n. 1, p. 192, ligne 3.
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les donations aux tituli des cardinaux et à certains monastères, pour terminer sur les Saints-Apôtres (ch. 18). Les trois derniers chapitres décrivent comment le pape vient à bout du fléau des sauterelles par la rémunération des ramasseurs d’insectes, la prière, l’aspersion des champs à l’eau bénite et la demande de l’aide de Dieu (ch. 19-21). La vie finit au début d’une phrase : « (…) et mox laeta (…) » 36. 3.2. Interprétation Bien que le court fragment de la vie d’Étienne V soit plus difficile à interpréter que celui relatif à Adrien II ou que d’autres vies complètes, il est possible de risquer quelques observations. Comme pour nombre de vies du Liber pontificalis, le texte est divisé en deux parties : aux chapitres 1-9 et 19-21 s’opposent les chapitres 10-18, dont la relation avec le vestiaire pontifical est évidente. Ainsi peut-on supposer que deux auteurs ont contribué au texte tel qu’il a été transmis. Mais on découvre une autre rupture aux chapitres 17-18, avec l’arrêt de la liste des donations dans le courant de la phrase (« Imo et pro perenni mercede in aecclesia (…) »), arrêt qui marque également la fin du manuscrit E2. Le développement manquant n’est probablement pas exactement une liste de donations d’objets, mais plutôt de reliques attribuées aux titres cardinalices et à quelques monastères, puisque le passage suivant souligne l’action miraculeuse : « (…) alios per diversi cardinales titulos alios etiam circumquaque per diversa largitus est monasteria, ubi plurimis coruscant miraculis, maximam vero partem digna honorificentia collocavit apud aecclesiam quae Apostolos dicitur 37 ». La préoccupation du pape pour les reliques, une certaine prédilection pour l’église des Douze-Apôtres semble évidente. Au début et à la fin de la vie, c’est le discours hagiographique qui s’impose sur la structure narrative, comme je l’ai souligné ailleurs 38. D’une manière générale, la relation du fragment avec la documentation du vestiaire est frappante, car elle est déjà soulignée par les chapitres 6 et 7, où le triste état des lieux mène le pontife à prélever sur sa propre fortune et celle 36. Liber pontificalis, II, éd. L. Duchesne… cité n. 1, p. 196, ligne 18. 37. Ibid., p. 196, lignes 2-3. 38. Cf. K. Herbers, Zu Mirakeln im Liber pontificalis des 9. Jahrhunderts dans M. Heinzelmann, K. Herbers et D. R. Bauer (éd.), Mirakel im Mittelalter. Konzeptionen, Erscheinungsformen, Deutungen, Stuttgart, 2002 (Beiträge zur Hagiographie, 1), p. 114-135, spéc. p. 126-127, 129. Dans cet article je n’avais pas encore mis ce passage en relation avec les aspects relatifs aux reliques et aux miracles.
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de ses proches. Cette dotation lui permet d’agir comme un véritable évêque de Rome : soutien aux pauvres, ornementation des églises, éducation. Les chapitres 7-9 montrent que l’invitation des pauvres au repas permet de les instruire en même temps. Le texte transmet et perpétue donc l’image complémentaire du pape instructeur autant que nourricier. Il paraît alors significatif que parmi les donations offertes figurent à plusieurs reprises des livres, ce qui est plutôt rare au ixe siècle : les homélies de Grégoire le Grand (ch. 11), Jean Chrysostome (ch. 16), trois livres de gesta (ch. 13 et 15) qui sont probablement des actes de martyrs. Cela renforce peut-être l’argument de la prédilection d’Étienne pour le culte des reliques. Si l’on admet qu’il y avait deux auteurs, un premier lié au vestiaire, un autre plutôt au scrinium, il semble que ce dernier ne disposait pas de connaissances particulières de la documentation épistolaire ou d’autres documents en provenance des archives. Il paraît également peu instruit sur la succession des papes : un des manuscrits (E 6) remplace le nom de Marin par Nicolas (ch. 3 et 11), tandis qu’Adrien III, le prédécesseur d’Étienne, pourrait aussi bien être Adrien II. La vie est ainsi dominée par les éléments du vestiaire, le ton hagiographique, les allocutions, qui s’inscrivent dans la perspective de montrer un pape soucieux des personnes et des institutions de son diocèse.
4. Comparaison et conclusion Il est difficile de comparer ces deux fragments qui utilisent l’un et l’autre les méthodes structurelles et stylistiques propres au discours hagiographique. Le recours au style direct est souvent un moyen de rendre le texte plus suggestif à l’auditoire. J’ai du mal à attribuer ces fragments avec certitude à un seul auteur ou à un groupe d’auteurs, mais les textes s’adressent visiblement à un public précis : la vie d’Adrien II justifie la politique passée de Nicolas Ier, très probablement dans l’objectif de convaincre le public grec présent à Rome ou un public qui s’occupait des affaires grecques à Rome. En revanche, la vie d’Étienne V met en relief les tâches et obligations classiques d’un évêque de Rome qui, le cas échéant, assure la pérennité voire l’augmentation des biens du vestiaire ; son public serait plutôt à chercher dans le milieu traditionnel de l’administration pontificale. Si le fragment relatif à Adrien est exceptionnel par le fait qu’il puise largement dans la documentation pontificale (voir surtout les ch. 12 et 15) 39, on pourrait soupçonner que le fragment existant devait 39. R. Davis, Book… cité n. 6, p. 249 ; cf. également mes indications plus haut, surtout notes 28-31.
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servir comme fonds narratif pour un remaniement à l’aide des notices du vestiaire. C’est en tout cas l’hypothèse qui s’impose si on le compare avec les autres vies du Liber pontificalis au ixe siècle. Pourquoi la vie d’Adrien II ne fut-elle pas achevée ? Plusieurs raisons ont été mises en relief et répétées en diverses occasions. Walter Berschin soutient qu’une grande rupture à Rome en 870 conduisait également à une renaissance littéraire. Dans ce contexte novateur, l’ancienne forme du Liber pontificalis ne pouvait plus suffire 40. Notons à titre d’exemple la troisième vie de Grégoire le Grand écrite par Jean Diacre (Hymmonide) en 873 sur commande du pape Jean VIII, notons également les essais, quoique tardifs, de donner une vie à Adrien III qui mourut près de Nonantola en 885 41. Mais la comparaison des deux fragments de l’ancien Liber pontificalis peut conduire à une explication supplémentaire, proprement romaine : le vestiaire ne fonctionnait plus au début du pontificat d’Étienne V. Si l’on pense aux luttes romaines sous Jean VIII et aux circonstances de sa mort cruelle, si l’on ajoute les informations sur les problèmes de la cité sous Marin Ier et Adrien III, qui dut peut-être s’enfuir vers le Nord, on pourrait supposer que le déclin du vestiaire datait déjà du pontificat d’Adrien II. La relance par Étienne V se fondait sur un apport personnel qui ne pouvait mener à une restauration structurelle. Les deux vies se présentent ainsi sous un jour très différent : le fragment sur Adrien II fut conçu par une élite romaine politique et littéraire nouvelle – que l’auteur soit ou non Jean Hymmonide –, en laissant de côté ou en laissant pour une future adaptation la forme classique des Gesta, si particulière au Liber pontificalis 42. En revanche, si l’auteur ou les auteurs de la vie d’Adrien II ne se préoccupaient pas de la forme traditionnelle du Liber pontificalis, le fragment sur Étienne V, lui, essayait de raviver cette forme classique : une tentative couronnée à terme d’insuccès, puisque la vie s’arrête dès après la première année. Reste la question de savoir si la fin d’un modèle historiographique 40. Cf. entre autres W. Berschin, Biographie und Epochenstil, III… cité n. 26, p. 372. 41. Sur la vie de Grégoire voir la bibliographie cité aux notes 26 et 27 ; cf. dans un contexte plus vaste K. Herbers, Liber pontificalis comme source… cité n. 7, p. 97-100. Sur la vie d’Adrien I/III à Nonantola cf. D. Stahl, Die Vita Papst Hadrians III. und ihre Entstehung im Kloster Nonantola, Mémoire de maîtrise, Erlangen, 2003. Le dossier complet sur Adrien est en état de préparation à Erlangen. 42. Les éléments propres à la communication symbolique n’ont pu être développés ici en détail, je les remets à une autre publication. Voir déjà quelques remarques dans K. Herbers, Rom und Byzanz im Konflikt : Quellenerstellung, Quellenveränderung, Quellenvernichtung 869/870 in der Perspektive der Hadriansvita des Liber pontificalis, dans W. Hartmann et K. Herbers (éd.), Die Faszination der Papstgeschichte. Neue Zugänge zum frühen und hohen Mittelalter, Cologne, 2008 (Beihefte zu J.F. Böhmer, Regesta Imperii, 28), p. 55-69.
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impliquait aussi la fin et la nouvelle orientation de l’action pontificale. Les futurs titulaires du siège apostolique, ne disposant peut-être pas d’un vestiaire en fonction 43, furent en tout cas d’autant plus liés à l’aristocratie romaine. Un survol comparé des années 870 et 880 montre bien que l’historiographie pontificale, avec la réécriture de la Vie de Grégoire le Grand et le fragment d’Adrien, pouvait certes dépasser le cadre des Gesta, mais pour quelques années seulement. Ni le fragment un peu plus littéraire sur Adrien II ni celui plutôt classique sur Étienne V n’ont servi de modèle ou d’exemple au siècle à venir qui, pourtant, ne fut pas toujours un siècle obscur 44.
43. Cf. les décisions du canon 11 du concile de Ravenne en 898, éd. G. D. Mansi, Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio, XVIIIA, Florence-Venise, 1767, col. 223-226, spéc. col. 226, qui interdit le pillage du palais pontifical lors de la mort du pape. Cf. sur ce concile : J. Duhr, Le concile de Ravenne en 898, dans Recherches de science religieuse, 22, 1932, p. 541-579 ; W. Hartmann, Die Synoden der Karolingerzeit im Frankenreich und in Italien, Paderborn, 1989, p. 390-395, spéc. p. 393 ; K. Herbers, Jean IX, dans Dictionnaire historique de la papauté, Paris, 1994, p. 933-934. 44. Cf. ma contribution sur la continuité en ce qui concerne les chartes et lettres à la fin du ixe et au début du xe siècle : K. Herbers, Päpstliche Autorität und päpstliche Entscheidungen an der Wende vom 9. zum 10. Jahrhundert, dans W. Hartmann (éd.), Recht und Gericht in Kirche und Welt um 900, Munich, 2007 (Schriften des Historischen Kollegs. Kolloquien, 69), p. 7-30 ; cf. également les autres contributions dans ce volume pour nuancer la perspective classique sur la rupture des années 900.
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Annexe 1. Vie d’Adrien II (éd. L. Duchesne, II, p. 173-185) Page/chapitre
Contenu
173/1-3 173-175/4-11 175/12 176/13 176/14 176/15 176-177/16-19
Présentation de la personne d’Adrien (éloge). Élection et consécration. Deux légats sont envoyés en Bulgarie. L’affaire des évêques exilés. Rénovation de l’église nicolaïte au Latran. Les évêques d’Occident apportent leur soutien au pape. 20 février 868 : allocution du pape aux Grecs présents à Rome, éloge du pape. Rétrospective sur l’invasion du duc Lambert de Spolète. Légations à Byzance et en Bulgarie. Deux légations sont envoyées à Rome, naufrage de la flotte de Photios. Arrivée de la délégation impériale à Rome. Rapport sur le livre de Photios. Condamnation du livre de Photios. Explication de la présence de la signature des empereurs byzantins et de quelques évêques sur le libelle. Enquête sur le livre et condamnation de Photios. Miracle pendant l’autodafé. Légations à Byzance.
177/20-21 177-185/22-64 177-178/22-23 178/24 178/25-26 178-179/27-28 179/29-31 179/32 179/33 180-185/34-64
2. Vie d’Étienne V (éd. L. Duchesne, II, p. 191-196) Page/ chapitre
Contenu
Donations
191/1
Origine et carrière ecclésiastique d’É. 191/2 Éloge du pape et ordination. 191/3 Crise à Rome. 191-192/4-5 « Élection » et consécration. 192/6 Inspection du vestiaire pontifical.
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Page/ chapitre 192/7 192-193/8 194/9 194/10-11
Contenu Distribution d’argent aux pauvres. Allocution au peuple. Conscience des besoins des églises.
194/11 194/12-13 195/14 195/15-16 195/16 195/17
195-196/18 196/19-21
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L’invasion de sauterelles est résolue.
Donations
Saint-Pierre (don d’argent aux prêtres). Sainte-Marie-Majeure. Saint-Paul ; Saint-Jean de Latran. Les Douze-Apôtres ; Monastère voisin Saint-André de Biberatica. Quatre-Saints-Couronnés. Saint-Marcel ; Sainte-Marie à Monterano. Monastère du Clivus Scauri et monastère Saint-Silvestre sur le mont Soracte ; Sainte-Anastase ; SaintePrudentienne ; Sainte-Croix de Jérusalem ; Hospice de Saint-Grégoire à Saint-Pierre ; Schola cantorum. Saints-Apôtres ; donations diverses.
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Composition, diffusion et réception des parties tardives du Liber pontificalis romain (viiie-ixe siècles) François Bougard Les notices du Liber pontificalis relatives aux papes des viiie-ixe siècles (de 715 à 886) font partie de celles rédigées par les contemporains des pontifes, selon une pratique qui s’est imposée au viie siècle. Le cas de figure le plus simple qui vient à l’esprit, celui du texte écrit au lendemain du décès du pontife, n’est peut-être pas le plus fréquent, puisque certaines notices ont été mises en chantier du vivant même du pape en exercice. Il faut compter, aussi, avec les interventions plus ou moins lourdes de réécriture à différents moments et enfin avec la mise en circulation de versions concurrentes qui ne sont pas sans enjeu politique. Parmi ces dix-neuf ou vingt biographies autorisées – dix-neuf de Grégoire II (715-731) à Adrien II (867-872), considéré comme le point d’achèvement du LP mais auquel s’ajoute Étienne V (885-891) par-delà la lacune de Jean VIII (872-882), Marin (882-884) et Adrien III (884-885) 1 – règne la diversité : à la sécheresse, ici, du magasin d’informations brutes à propos d’objets ou de bâtiments s’opposent, là, des récits nourris, des commentaires abondants ; le petit théâtre romain, si important qu’on a pu voir dans le LP à la fois une description concrète de Rome, le plus complet de ses guides apte à créer chez le lecteur une représentation choisie de la Ville 2, s’efface parfois devant les enjeux de l’église universelle. La plus ou moins grande rapidité d’écriture des notices dépend aussi, semble-t-il, de la volonté plus ou moins forte d’offrir à un public donné une historiographie orientée. Pourquoi ces différents niveaux d’élaboration du texte, et pour quel public ? Comment celui-ci a-t-il reçu l’œuvre à ses différents stades ? Pourquoi, encore, le LP s’arrête-t-il à la fin du ixe siècle, laissant inachevé le récit du pontificat d’Adrien II en l’année 870, puis jetant de derniers feux, après une lacune de 1. La notice d’Étienne V n’est toutefois transmise que par trois manuscrits et ne couvre qu’une année du pontificat ; voir sur elle la contribution de Klaus Herbers dans le présent volume. 2. Cf. F. A. Bauer, Das Bild der Stadt Rom im Frühmittelalter. Papststiftungen im Spiegel des Liber Pontificalis von Gregor dem Dritten bis zu Leo dem Dritten, Wiesbaden, 2004 (Palilia, 14).
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quinze ans, pour la première année du pontificat d’Étienne V ? Sans prétendre résoudre les multiples questions sur lesquelles bien d’autres se sont déjà penchés, les lignes qui suivent voudraient, à partir de l’examen de quelques notices, d’abord fournir quelques éléments sur la manière de composer l’ouvrage, dont la logique semble avoir volontiers obéi à des soucis de diffusion à plus ou moins court terme avant que la papauté n’en confie la mise en œuvre à des plumes de renom, initiative qui fut apparemment fatale à l’entreprise (I). En retour, la diffusion du LP a provoqué ses remaniements et favorisé l’émulation entre des recensions concurrentes, hors du contrôle du Latran ; parmi celles-ci, la version dite lombarde mérite un examen particulier (II). Enfin, si la bonne réception du LP dans les bibliothèques médiévales est un fait acquis, il n’est pas inutile de tenter de la mesurer dans l’espace et dans le temps (III).
1. Composition 1.1. Entre vestiarium et scrinium : accès aux sources et ordonnancement de l’information La multiplicité des auteurs qui se sont succédé dans l’entreprise de rédaction du LP, d’une notice à l’autre ou à l’intérieur d’une même notice, fait de l’ouvrage un ensemble hétérogène tant dans sa composition que dans les motifs qui y ont présidé ; chaque vie mériterait un examen particulier. À défaut de pouvoir établir de vraies règles, quelques principes de base peuvent être rappelés. Les notices « complètes » comprennent : le cursus du nouveau pape et le récit de son élection ; son activité comme évêque de Rome en matière de construction et de réparation d’églises, de donations à ces mêmes églises, d’assistance aux pauvres, de discipline du clergé ; un récit historique – l’élément politique le plus susceptible de retouches – des relations de la papauté avec le monde extérieur (Constantinople, les Lombards, les Francs) ; les ordinations de prêtres, diacres et évêques ; le lieu et la date de la sépulture. Parmi les notices les mieux étudiées, qui sont aussi les plus longues, celles d’Adrien Ier († 795) et de son successeur Léon III († 816) montrent un agencement chronologique, basé sur la compilation année après année des données relatives à l’activité édilitaire, matérielle ou disciplinaire des papes 3. Un même scribe peut rédiger 3. Comme l’a démontré H. Geertman, More Veterum. Il Liber pontificalis e gli edifici ecclesiastici di Roma nella tarda antichità e nell’alto medioevo, Groningen, 1975. La traduction anglaise du LP tient compte de cet agencement et essaie de l’étendre à d’autres notices : The
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une ou plusieurs années, en une ou plusieurs fois, avant de passer le relais à un autre ; le fait qu’un même scribe, aussi, assure parfois la fin d’une notice et le début d’une autre crée çà et là comme une chaîne stylistique ; quoi qu’il en soit, l’activité d’écriture paraît strictement contemporaine des événements. La même absence de recul paraît valoir pour les sections historiques de ces vies rédigées à chaud. Ainsi la notice d’Adrien Ier commence-t-elle par un récit détaillé des deux premières années du pontificat, en insistant sur la transition avec Étienne III († 772), jusqu’à la chute du royaume lombard en juin 774 : un récit composé semble-t-il un an plus tard en même temps qu’était dressée une liste des donations matérielles pour les années 772-775 4. Un tel procédé était déjà celui de la vie de Grégoire III, élu en 731, dont la notice débute par un récit historique jusqu’en 733 5, comme si l’on avait attendu le temps minimum de mise en place de la nouvelle équipe au pouvoir pour commencer à mettre par écrit le reportage de son action politique. Dans l’un et l’autre cas, les éléments de nature politico-historique laissent ensuite la place aux faits matériels strictement romains jusqu’à la fin du pontificat (sauf un court passage sur le concile de Nicée II de 787 pour Adrien Ier) 6. Cela tend à indiquer que la rédaction d’une même notice était le fruit d’une itinérance entre aux moins deux bureaux du Latran et deux types de sources, le vestiarium et les registres concrets des activités et dépenses quotidiennes d’une part, le scrinium et la correspondance pontificale qui sert de trame au récit historique d’autre part. N’en déduisons pas sans examen qu’il y a changement d’auteur en même temps que de bureau, car dans le cas d’Adrien Ier il semble bien que toute la partie qui va jusqu’en 775, politique et matérielle, est d’un même jet 7 ; mais cela montre aussi qu’une fois démarrée l’activité quotidienne d’un pontificat, la routine de l’enregistrement régulier des donations, peut-être aussi la séparation physique des deux types d’archives, n’encourageait pas à reprendre le matériau d’ordre politique qui demandait un effort intellectuel plus poussé Lives of the ninth-century Popes (Liber Pontificalis), trad., introduction et commentaire par R. Davis, Liverpool, 1995 (Translated texts for historians, 20). Sur Adrien Ier, voir F. Hartmann, Hadrian I. (772-795). Frühmittelalterliches Adelspapsttum und die Lösung Roms vom byzantinischen Kaiser, Stuttgart, 2006 (Päpste und Papsttum, 34) ; sur Léon III, K. Herbers, Das Bild Leos III. in der Perspektive des Liber pontificalis, dans M. Niderkorn-Bruck et A. Scharer (éd.), Erzbischof Arn von Salzburg, Vienne, 2004 (Veröffentlichungen des Instituts für Österreichische Geschichtsforschung, 40), p. 137-154. 4. Le Liber pontificalis, éd. L. Duchesne, I, Paris, 1886, XCVII, c. 5-44, p. 486-499. 5. Liber pontificalis, éd. Duchesne, I, XCII, c. 2-4, p. 415-417. 6. Liber pontificalis, éd. Duchesne, I, XCVII, c. 88, p. 511-512. 7. F. Hartmann, Hadrian I…, p. 24.
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dans son élaboration – sans quoi l’on s’explique mal pourquoi la notice d’Adrien Ier tait des événements importants comme les deux visites de Charlemagne à Rome en 781 et en 787. Avant même de rédiger le corps de la notice proprement dit, les pièces introductives, à savoir le portrait du pontife, sa carrière et son élection sont les premiers éléments à être mis par écrit. C’est ce que montre la notice du pape Valentin, qui ne régna que quarante jours, en 827. Comme les autres, elle commence par le curriculum antérieur à l’élection, élection dont elle offre un long récit, ainsi que de la consécration qui suivit, puis elle se termine ex abrupto en trois lignes informant de son rappel à Dieu dans la joie. Commencée dès après l’avènement de Valentin avec l’ampleur littéraire qui s’imposait, elle aurait été continuée de la sorte si le pontificat avait suivi son cours normal : le LP apparaît ainsi comme une création continue, où l’on écrit au passé sur le pape régnant, dans la perspective d’un décès à venir. Mais dans quel ordre les deux autres « parties », la matérielle et l’historique, étaient-elles rédigées ? Klaus Herbers a montré à propos de Léon IV (847-855) que les données matérielles étaient venues d’abord, fournissant le cadre chronologique (qui reste implicite au lecteur d’aujourd’hui) à l’intérieur duquel a été glissé un discours historique fragmenté 8. La notice relative à Grégoire IV (828-844) offre une confirmation par défaut de ce procédé, puisque le récit de l’élection n’est suivi que de la liste chronologique des interventions du pape dans sa cité, sans allusion à son activité politique. Les exemples déjà évoqués de Grégoire III et d’Adrien Ier sont eux un peu différents, en ce qu’ils présentent un récit historique interrompu : comme si le rédacteur, dans la foulée de la présentation du pape et de son élection, avait enchaîné sur l’histoire des premiers temps du pontificat puis avait passé la main ou s’était déplacé au bureau voisin pour la transcription des données concrètes mais n’avait plus eu ensuite l’occasion ou le courage de travailler à nouveau sur la notice. Ils montrent en tout cas que les parties introductive et historique avaient été confiées aux mêmes personnes, ce qui, dans le cas idéal d’une notice « complète », suggère au moins trois étapes rédactionnelles, étapes dont il faut penser qu’elles ont été de plus en plus séparées – quant au lieu de rédaction et aux auteurs – à mesure que s’affirmait la construction bureaucratique du palais du Latran : 1) identité, carrière et élection au scrinium ; 2) interventions matérielles, par ordre chronologique, jusqu’au décès, 8. K. Herbers, Papst Leo IV. und das Papsttum in der Mitte des 9. Jahrhunderts. Möglich keiten und Grenzen päpstlicher Herrschaft in der späten Karolingerzeit, Stuttgart, 1996 (Päpste und Papsttum, 27), p. 39-40.
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en remplissant à la fin les blancs laissés au début de la notice pour ce qui concerne la durée du pontificat (« il siégea [tant] d’années, [tant] de mois, [tant] de jours »), au vestiarium ; 3) retour éventuel au scrinium pour la partie historique. Un tel parcours n’a cependant rien de canonique, puisqu’il est également possible d’avoir affaire à des notices exclusivement historiques, comme celle d’Étienne II (752-757), qui n’a été augmentée d’informations concrètes que dans une révision largement postérieure au pontificat. Il appelle en tout cas à une analyse attentive des moments d’écriture propres à chaque notice avant tout jugement sur les éléments historiques qu’elle transmet : selon qu’ils ont été rédigés dans la foulée de l’élection ou après la mort du pape, ils auront fait l’objet d’un travail sur les sources fort différent, ce qui change leur portée. Ainsi la césure de 774 dans la vie d’Adrien Ier pourrait, aurait pu marquer la volonté de la part de la papauté de souligner son lien avec la monarchie franque, au moment de faire parvenir l’ouvrage à celle-ci ; mais puisque tout indique qu’elle est simplement due à un changement de sources, voire d’auteur, il faut s’abstenir d’une interprétation d’ordre politique séduisante qui paraissait aller de soi. 1.2. Les Vies « d’auteur » et la fin du Liber pontificalis romain Dans la deuxième moitié du ixe siècle, le LP change de ton, puis s’arrête à la date de 870, deux ans avant la mort d’Adrien II, laissant cette notice inachevée. On tenta de reprendre l’ouvrage vingt-cinq ans plus tard avec Étienne V, mais les pages qui lui sont consacrées ne vont pas au-delà de la première année de son pontificat. Plusieurs explications peuvent être avancées pour rendre compte de cette fin peu glorieuse. Il se peut que le « produit » n’ait plus correspondu aux attentes et au goût du public ; mais s’il est vrai que les gesta sont un genre littéraire propre à l’âge carolingien, il ne manque pas d’entreprises qui sont tranquillement allées de l’avant, comme la geste des évêques d’Auxerre. Entrent en jeu, certes, le climat délétère au sein de la curie romaine, l’instabilité au sommet (sept papes entre 896 et 903), la dégradation des services du vestiaire en cours dès Adrien II peut-être, alors même que se généralisait la pratique du droit de dépouille à la mort des papes, dont la notice d’Étienne V fournit un témoignage sans équivoque 9. La fin du LP, aussi, était 9. Liber pontificalis, éd. Duchesne, II (1892), XCII, c. 6, p. 192 et la contribution de Klaus Herbers dans le présent volume.
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aussi inscrite dès le moment où sa rédaction n’a plus été confiée à des clercs anonymes mais à des personnalités choisies pour leur talent d’exposition littéraire. C’est ainsi qu’a été remaniée de fond en comble une première version de la notice de Nicolas Ier (858-867), aux dépens semble-t-il de la majeure partie des informations proprement romaines qui figuraient dans le premier jet, et qu’ont été rédigées sur un canevas exclusivement historique les premières années de la notice d’Adrien II, jusqu’à son interruption. L’intervention de ces grands auteurs a mis fin à une tradition de compilation routinière, qui n’a plus été reprise ensuite. Jusqu’il y a peu, on s’accordait à attribuer à Anastase le Bibliothécaire la paternité de la notice relative à Nicolas Ier, auprès duquel il avait joué un rôle marquant, et à Jean Hymmonide ( Jean Diacre), connu surtout pour avoir écrit une longue biographie de Grégoire le Grand commandée par Jean VIII, celle de la notice d’Adrien II : soit deux figures majeures de la Renovatio romana des années 870. En reprenant le problème à nouveaux frais, il m’a paru qu’il fallait écarter Anastase le Bibliothécaire, comme l’avait déjà pressenti Arthur Lapôtre en 1885, et assigner à Jean Hymmonide les deux notices, Nicolas Ier révisé et Adrien II 10. Une conséquence mineure est de retirer à Anastase toute intervention dans le LP, alors que pendant longtemps, à partir de Platina, on lui avait attribué toute l’œuvre. Mais il faut surtout se demander le sens du travail opéré par Jean Hymmonide. La confrontation des deux notices avec la Vie de Grégoire le Grand écrite par ce même auteur fournit une clé pour la compréhension de l’ensemble. La justification officielle de la biographie de Grégoire le Grand était qu’on ne disposait pas à la fin du ixe siècle d’une Vie à la hauteur de l’importance de son pontificat – à commencer par la notice que lui consacre le LP, qui n’occupe pas plus d’une demi-page dans l’édition Duchesne 11 – ; telle est en tout cas la motivation immédiate de la commande qu’en avait faite Jean VIII. Mais Claudio Leonardi a montré que, au-delà du souci de combler une lacune, il y avait un vrai projet hagiographique, celui de faire accéder la papauté à la sainteté, c’est-à-dire à un modèle susceptible d’être proposé 12. Curieusement, la sainteté et le pontificat étaient restés jusque-là étrangers l’un à l’autre, même si dans le LP affleurent parfois des éléments qui 10. F. Bougard, Anastase le Bibliothécaire ou Jean Diacre ? Qui a récrit la Vie de Nicolas Ier et pourquoi, dans J.-M. Martin, B. Martin-Hisard et A. Paravicini Bagliani (éd.), Vaticana et medievalia. Études en l’honneur de Louis Duval-Arnould, Florence, 2008 (Millennio medievale, 71 ; Strumenti e studi, n. s., 16), p. 27-40, dont je reprends ici les conclusions. 11. Liber pontificalis, éd. Duchesne, I, LXVI, p. 312. 12. Cl. Leonardi, La Vita Gregorii di Giovanni Diacono, dans Roma e l’età carolingia. Atti delle Giornate di studio 3-8 maggio 1976, Rome, 1976, p. 381-393 : p. 386-387 ; Id., L’agiografia
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ressortent du genre hagiographique et si le LP a pu être source d’écriture hagiographique 13. Les papes étaient qualifiés de saints, voire très saints dans le LP, mais d’une sainteté automatique, effet d’une révérence institutionnelle envers « le saint pape un tel » plus que d’autre chose. Avec la Vie de Grégoire le Grand par Jean Hymmonide, les papes sortent de cette « non-sainteté » ; le nouveau modèle proposé n’est plus celui du martyr, de l’évêque, de l’ermite ou du moine mais du pape, c’est-à-dire d’une figure qui les résume tous et qui, ce faisant, permet aussi d’affirmer le primat de la puissance spirituelle romaine face aux pouvoirs impériaux d’Occident et d’Orient. Or, à la lumière de la Vie de Grégoire, il est possible de lire d’une part la notice de Nicolas Ier comme la démonstration que son pontificat était copie conforme de celui de Grégoire, d’autre part celle d’Adrien II, son successeur, comme celle d’un faire-valoir et d’un gardien de la mémoire du pape grégorien du ixe siècle que voulait exalter Jean VIII. C’est Adrien II qui a sauvé les écrits de Nicolas, que les opposants voulaient détruire à son décès, exactement comme le diacre Pierre avait sauvé de la destruction ceux de Grégoire le Grand, et c’est lui encore qui fit voter une sempiterna memoria en l’honneur de son prédécesseur, désormais « saint Nicolas » et non plus seulement « le saint pape Nicolas » 14. On comprend alors pourquoi le LP s’est arrêté. Il a été pris dans les années 870 dans un projet qui en changeait la nature, lui donnant un souffle hagiographique dont il était jusque-là dépourvu. Non que les notices soient devenues des vies de saints : mais le triptyque voulu par Jean VIII, vie de saint ici, notices là, soumettait ces dernières à une logique nouvelle, étrangère aux ressorts narratifs habituels du LP. Cependant Jean Hymmonide est mort en 876, en pleine rédaction de la notice d’Adrien II ; après lui il n’y avait personne en mesure de reprendre le travail de cette manière-là. Le commanditaire, Jean VIII, disparut à son tour en 882, assassiné, dans un climat de luttes de factions peu propice à la continuité littéraire, et le LP en est resté là, suspendu dans sa mue entre une chronique centrée surtout sur Rome et offrant l’image de papes
romana nel secolo IX, dans É. Patlagean et P. Riché (dir.), Hagiographie, cultures et sociétés (ive-xviie siècle), Paris, 1981, p. 471-490 : p. 483-485. 13. K. Herbers, Zu Mirakeln im Liber Pontificalis des 9. Jahrhunderts, dans M. Heinzelmann, K. herbers et D. R. Bauer (éd.), Mirakel im Mittelalter. Konzeptionen, Erscheinungsformen, Deutungen, Stuttgart, 2002, p. 114-135 ; Id., Le Liber Pontificalis comme source de réécritures hagiographiques (ixe-xe siècles), dans M. Goullet et M. Heinzelmann (éd.), La réécriture hagiographique dans l’Occident médiéval, Ostfildern, 2003 (Beihefte der Francia, 58), p. 87-107. 14. Liber pontificalis, éd. Duchesne, II, CVIII, c. 19, p. 176-177.
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bâtisseurs et rénovateurs de leur cité, et un texte programmatique qui se voulait aussi un manifeste.
2. Diffusion, remaniements et versions concurrentes Le fait que Rome a pu vouloir faire du LP un instrument de promotion de la sainteté pontificale pose la question de sa diffusion et de son public. Il y a d’abord la diffusion que l’on pourrait dire passive, issue des demandes des intellectuels pour nourrir leurs propres ouvrages. Bède le Vénérable est toujours cité, qui utilise pour sa Grande chronique, close en 724, des matériaux tirés de la notice de Grégoire II jusqu’à la fin des années 717-718 alors que celui-ci ne meurt qu’en 731. Louis Duchesne a fait l’hypothèse que les moines de Jarrow venus en pèlerinage à Rome en seraient repartis avec une copie du LP, ce qui nous renseigne sur la manière dont Bède a obtenu son information tout en confirmant le fait que les bureaux du Latran avaient déjà commencé à coucher par écrit la notice relative au pontife en exercice 15. Autre témoignage tout aussi souvent cité, celui d’Hincmar, qui en 866 demanda à son collègue de Sens en partance pour Rome de lui rapporter une copie des gesta pontificum (qu’il appelle ailleurs codex ou liber episcopalis) mise à jour à partir du début du pontificat de Serge II, quia nos, in istis regionibus, satis hoc indigemus – indice du fait que, même dans un centre aussi important que Reims, on était en retard de vingt ans et près de quatre pontificats sur l’historiographie romaine 16. C’est la même démarche qui pousse Flodoard, lors de son séjour à Rome en 936-937 à s’enquérir de l’ouvrage, sans réussir toutefois à mettre la main sur des informations postérieures à Nicolas Ier († 867) 17. Mais il y a aussi la diffusion « active ». Dans le lot de livres transmis à Charlemagne par Léon III figurait très probablement un LP qui allait jusqu’au 15. Le dernier emprunt direct est celui relatif à la crue du Tibre en 717 ; le dernier épisode commun aux deux ouvrages, emprunt sans doute indirect, est le siège de Constantinople par les Arabes en 717-718 (Liber pontificalis, éd. Duchesne, I, XCI, c. 12, p. 402) : MGH, Auctores antiquissimi, XIII, Berlin, 1898, p. 321 (= CCL, 123 B, p. 534 ; voir au CCL, 123 C, p. 777-779 la liste des emprunts directs au LP) ; cf. Liber pontificalis, éd. Duchesne, I, p. ccxxiiccxxiii. 16. MGH, Epistulae, VIII-1, Berlin, 1929, p. 194 l. 6 (demande de copie) ; p. 212 l. 7 (codes episcopalis) ; MGH, Concilia, IV, Supplementum II, Hanovre, 2002, p. 217 l. 15 et 20 (liber episcopalis). 17. Cf. P. C. Jacobsen, Flodoard von Reims. Sein Leben und seine Dichtung « De triumphis Christi », Leyde-Cologne, 1978 (Mittellateinische Studien und Texte, 10), p. 222-232 sur le ou les manuscrits que Flodoard a pu utiliser.
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décès de son prédécesseur Adrien Ier, et dont le scriptorium de Laon a effectué au moins une copie, à l’initiative de l’évêque Wenilo (799-814), pour l’archevêque Hildebald de Cologne (Cologne, Erzbischöfl. Diözesan- u. Dombibl., ms CLXIV) 18. Rien n’est dit toutefois des motivations de cet envoi, qui a pu aussi bien répondre à une requête de Charlemagne qu’à la volonté d’essaimer de la part de Rome. Un autre manuscrit offre peut-être un cas de figure différent : un des exemplaires du LP conservés à Vienne (Österreichische Nationalbibl., lat. 632), copié aux xie-xiie siècles, va jusqu’à Eugène Ier († 656) inclus, puis présente son successeur Vitalien en une phrase, Vitalianus, natione Signiensis, provinciae Campaniae, de patre Anastasio, sed. [blanc] ann. [blanc] mens. [blanc] : nom, origine, nom du père, durée du pontificat sont inconnus ; l’identité du personnage est fournie mais on ne va pas au-delà ; même chose pour le manuscrit Paris, BnF, lat. 317, copié lui au xiie siècle, qui offre un LP terminé au décès du pape Constantin en 715, tout en fournissant un minimum d’informations sur son successeur : « Grégoire, originaire de Rome, ex patre Marcello 19 ». Il n’est pas impossible que de telles notices aient répondu à un souci de diffusion rapide des coordonnées essentielles du nouveau pape, qui ferait toutes proportions gardées pendant à la synodique envoyée à Constantinople : tant qu’ils ne l’avaient pas reçue, les Grecs considéraient le pape précédent comme toujours en exercice, même s’ils pouvaient avoir connaissance de son décès par d’autres voies. Le LP aurait pu ainsi valoir, parfois, comme « carte de visite » après l’arrivée sur le trône, selon la même logique qui a voulu, en milieu laïc, que les nouveaux souverains se fassent connaître, en particulier lors de successions troublées : peu de temps après s’être emparé du trône d’Italie en 926, Hugues de Provence, écrit Liudprand de Crémone, envoya ainsi des fidèles en divers pays de l’Europe « pour faire connaître son nom » ; c’est par ce biais qu’est passée à Byzance sa généalogie officielle et manipulée, qui exalte son ascendance carolingienne 20. Dans le cas 18. M. Buchner, Zur Ueberlieferungsgeschichte des « Liber pontificalis » und zu seiner Verbreitung im Frankenreiche im 9. Jahrhundert. Zugleich ein Beitrag zur Geschichte der karolingischen Hofbibliothek und Hofkapelle, dans Römische Quartalschrift, 34, 1926, p. 141-165 ; B. Bischoff, Die Kölner Nonnenhandschriften und das Skriptorium von Chelles, in Id., Mittelalterliche Studien, I, Stuttgart, 1966, p. 16-34 : p. 18-19 ; J. Contreni, The Cathedral school of Laon from 850 to 930. Its manuscripts and masters, Munich, 1978 (Münchener Beiträge zur Mediävistik und Renaissance-Forschung, 29), p. 50-51. 19. Liber pontificalis, éd. Duchesne, I, p. clxvii. 20. Liudprandi Cremonensis Antapodosis III, 22, dans Liudprandi Cremonensis Opera omnia, éd. P. Chiesa, Turnhout, 1998 (Corpus christianorum, Continuatio Mediaevalis, 156),
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des papes, la dimension familiale et généalogique n’avait pas à être développée mais la réalisation et l’expédition de copies du LP a pu participer d’un souci de communication externe. N’en exagérons toutefois pas l’importance, car sans doute aurait-il été plus expédient, pour asseoir la légitimité du nouvel arrivant, de présenter son cursus, ses qualités physiques, intellectuelles et morales tout en assurant que l’élection avait été le fruit d’un choix unanime, voire que les laïcs avaient bien participé au vote à côté des clercs, selon l’exigence réitérée par le Pactum Hludovicianum de 817, qui réglait les relations entre la papauté et l’empire carolingien. Or la notice du pape Valentin, on l’a vu, montre que l’écriture de cette partie introductive pouvait être très rapide. Quant à la tradition manuscrite du LP, elle ne paraît pas plaider pour la dissémination de l’ouvrage dans un but de « justification » politico-diplomatique immédiate du nouveau pape en exercice. Si l’activité de copie a connu régulièrement des pics à la fin des pontificats, tout au moins de certains 21, la diffusion de ces copies est surtout celle d’un bilan. Ce dernier, si l’initiative des copies vient de Rome, peut avoir une valeur programmatique, qui est au minimum l’affirmation d’une continuité, et permet de présenter le LP comme produit d’accompagnement d’une correspondance diplomatique écrite et orale chargée de la transmission des nouvelles les plus immédiates ; dans le cas contraire, les pics de copie doivent davantage à l’intérêt qu’ont pu susciter au sein du public des pontificats particuliers, comme celui d’Étienne II pour les Francs. L’attention portée à la diffusion du LP fut par ailleurs source de révisions, remaniements et réécritures, qui comme pour tout autre texte d’histoire en disent long sur les intentions de leurs auteurs. Il faut toutefois distinguer ce qui est dû à un nouveau travail au sein du Latran de ce qui relève d’interventions extérieures. Qu’à Rome même les rivalités entre courants puissent être à l’origine d’interventions sur l’écriture de l’histoire des papes est avéré avec la notice de Serge II (844-847), un pape que le manuscrit « Farnèsien » aujourd’hui p. 76 ; commentaire par F. Bougard, Charles le Chauve, Bérenger, Hugues de Provence : action politique et production documentaire dans les diplômes à destination de l’Italie, à paraître dans les actes du colloque « Zwischen Pragmatik und Performanz : Dimensionen mittelalterlicher Schriftkultur » (Münster, mai 2007). 21. Quatre « moments » privilégiés ont été repérés, qui correspondent à autant de césures pour les continuations : Constantin († 715), Étienne II († 757), Étienne III († 772), Adrien Ier († 795) ; cf. A. Brackmann, Der Liber Pontificalis, dans Realenzyklopädie für protestantische Theologie und Kirche, 3e éd., Hambourg, 1902, p. 439-446 (réimpr. dans Id., Gesammelte Aufsätze, 2e éd., Cologne, 1967, p. 383-396 : p. 389).
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perdu présentait comme malade et manipulé par son frère au point de laisser se développer la simonie et la vente de charges épiscopales ; le fruit de ce péché ne fut autre que le sac de Saint-Pierre par les Sarrasins en 846 22. C’est bien évidemment cette version noire de la fin du pontificat qui fut utilisée à la fin des années 1070 à Osnabrück par le Pseudo-Liudprand pour sa propre histoire des papes, en plein conflit pour les investitures entre Rome et l’Empire 23. Cependant, les retouches opérées depuis l’intérieur sont plus souvent destinées à réorienter la perspective des notices en fonction des objectifs de l’histoire officielle, au gré des alliances politiques. La notice relative à Grégoire II (715-731) existe ainsi en deux recensions, l’une brève, l’autre « longue ». La version longue insère des données matérielles nouvelles, augmente la description de certains objets, ajoute des détails topographiques, chronologiques (l’indiction) ou prosopographiques : autant d’informations puisées aux registres du vestiarium dans un souci louable de précision. Cependant, celle-ci n’est pas toujours gratuite. L’insertion de la liste des objets déposés par le roi Liutprand sur la confession de saint Pierre à la fin d’un épisode tendu des relations entre Rome et les Lombards en 729 (armes d’apparat, baudrier, couronne d’or, croix d’argent) va de pair avec un développement d’ordre historique, qui révèle le projet du réviseur : il s’agit d’ouvrir un front entre Byzantins et Lombards, en partant de la présentation de leur alliance militaire commune, consilium nefas – Liutprand voulait mettre au pas Spolète et Bénévent, l’exarque voulait soumettre Rome –, pour montrer ensuite comment le roi lombard s’est rendu aux arguments du pape avec force démonstrations de piété 24. De telles retouches ont pu être apportées au début des années 740, au moment d’une embellie dans les relations entre Liutprand et la papauté. La même observation vaut pour le remaniement de la notice de Zacharie (741-752) : des informations matérielles supplémentaires, mais aussi un passage montrant le pontife, nouveau Moïse, accompagné d’une nuée blanche lorsqu’il se rendit à Ravenne pour convaincre Liutprand de lever le siège de la cité 25. Inversement, dans la notice de Grégoire III (731-741) ont été rajoutées quelques lignes sur les nefandi Longobardi et leur roi Liutprand venus assiéger Rome en 739, passage qu’il est facile de dater des années 750, au plus fort de la crise avec les Lombards, celle qui déboucha sur l’intervention militaire fran22. Liber pontificalis, éd. Duchesne, II, CIIII, c. 40 et suivants, p. 97 et suiv. 23. Cf. W. Levison, Die Papstgeschichte des Pseudo-Liutprand und der Codex Farnesianus des Liber Pontificalis, dans Neues Archiv, 36, 1910, p. 415-438 ; D. Jasper, Die Papstgeschichte des Pseudo-Liutprand, dans Deutsches Archiv, 31, 1975, p. 17-107. 24. Liber pontificalis, éd. Duchesne, I, XCI, c. 22, p. 408. 25. Liber pontificalis, éd. Duchesne, I, XCIII, c. 13, p. 429-430.
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que 26. Dans ces années-là fut aussi écrite la notice relative à Étienne II (752757), qui présente les Lombards sous leur jour le plus noir. Et c’est très probablement à la fin du viiie siècle, après la conquête carolingienne du royaume d’Italie, que furent insérés dans la même notice d’Étienne II plusieurs passages visant un public franc, public qui ne pouvait déjà qu’être réjoui à la lecture des épithètes peu aimables dont étaient qualifiés les Lombards : l’épisode relatif à la trahison du duc d’Aquitaine Hunaud, ennemi de Pépin, qui finit lapidé par ceux-là même qu’il avait rejoints, un autre sur les nombreux cadeaux offerts par Pépin à Étienne II, parmi lesquels les douze mille sous qu’il avait promis à Aistulf si celui-ci avait cessé ses hostilités contre Rome, un autre encore sur l’attribution du pallium à Chrodegang 27. Reste à savoir d’où viennent ces ajouts : de ce qu’ils sont propres aux classes de manuscrits B et D – comme ceux des notices de Grégoire III et de Zacharie –, dont la tradition est très largement franque, on est tenté de penser qu’ils sont le fruit d’une recension opérée en terre franque après réception du LP romain ; mais d’autres informations furent aussi insérées, qui sont, elles, d’ordre matériel et ne peuvent guère avoir été puisées qu’au vestiarium 28, même si certaines ont un lien direct avec les Francs, comme la mention de la construction d’une basilique destinée à abriter le corps de sainte Pétronille 29, selon un engagement qu’Étienne II avait pris envers Pépin. Y a-t-il alors deux étapes dans la révision, l’une à Rome l’autre à la cour franque 30, ou faut-il penser à un seul moment romain, ce qui en dirait long sur l’attention qu’a pu porter la papauté à sa propre historiographie et sur sa capacité à façonner la mémoire collective des Francs en leur proposant un texte où ils pourraient trouver l’écho de leurs propres intérêts ?
26. Liber pontificalis, éd. Duchesne, I, c. 14, p. 420. 27. Liber pontificalis, éd. Duchesne, I, XCIIII, c. 4, p. 441 l. 20-22 ; c. 34, p. 450 l. 18-22 ; c. 53, p. 456 l. 4 ; cf. M. Buchner, Zur Ueberlieferungsgeschichte… cité n. 18, p. 153-155 ; R. McKitterick, History and memory in the Carolingian world, Cambridge, 2004, p. 145-150. Tous les passages propres aux recensions B et D sont en petit corps dans l’édition Duchesne (en italiques dans la traduction de R. Davis). 28. Voir ainsi Liber pontificalis, éd. Duchesne, I, XCIIII, c. 12-13, p. 443 l. 17-21 ; c. 14, p. 444 l. 18-19 ; c. 45, p. 453 l. 18-2 ; c. 47, p. 454 l. 19-20. 29. Liber pontificalis, éd. Duchesne, I, XCIIII, c. 52, p. 455 l. 20-24, commenté par R. McKitterick, History and memory…, p. 146-148. 30. Comme le suggérait Max Buchner, loc. cit. supra n. 27.
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2.1. La version « lombarde » du LP : un produit lucquois ? Si la prudence s’impose quant à l’origine des remaniements de la « version franque » du LP, ceux de la « version lombarde » sont peut-être plus faciles à localiser. Ils sont tous concentrés sur le pontificat d’Étienne II, dont l’importance historique n’était pas moindre pour les Lombards que pour les Francs, puisque c’est ce pape qui donna le départ du mouvement qui mena à la conquête du royaume d’Italie par Charlemagne (774). Si le récit des aventures de Pépin le Bref en Italie attirait la curiosité au nord des Alpes et justifie une activité de copie et de retouches du LP intense juste après la mort d’Étienne II, les vaincus n’étaient pas en reste. Plusieurs manuscrits du LP ont ainsi transmis une version expurgée de sa notice. Blessants ici, élogieux là, les qualificatifs se rapportant aux Lombards (le roi ou la gens), à Pépin et au pape lui-même ont été systématiquement supprimés. Aistulf n’est plus protervus, saev(issim)us, nequissimus, atrocissimus, nefandus, pestifer, iniquus, blasphemus, malignus, tyrannus, les Lombards ne sont plus nefandissimi ; Pépin n’est plus excellentissime, très chrétien, eximius, benignissimus, Dei cultor mitissimus ; Étienne II doit se contenter de son titre de pape sans être sanctissimus ni beatissimus comme ses prédécesseurs. Il n’est pas jusqu’au Christ à qui ne soit retiré son rôle de sauveur quand il accorde la victoire aux Francs (Deus et salvator noster Iesus Christus victoriam paucissimis illis tribuit Francis devient Deus noster etc.) 31. En certains endroits, on ne s’est pas contenté de supprimer, on a remanié. Il s’agit tantôt d’un mot, qui transforme les satellites d’Aistulf en optimates, ou atténue la versutia prêtée au roi lombard en ingenium 32. Ailleurs l’intervention s’étend à un membre de phrase : un seul exemple vaudra pour tous, puisqu’ils ont déjà été rassemblés par Duchesne 33 : Version « originale » 1
Version « lombarde »
Audiens itaque protervus ille Aistulfus parvos fuisse Francos illos qui ad custodiam propriarum advenerant clusarum, fidens in sua ferocitate…
Audiens itaque Aistulfus rex parvum numerum ex illis Francis adfuisse qui ad custodiam propriam advenerant, fidens in sua fortitudine…
1
Liber pontificalis, éd. Duchesne, I, XCIIII, c. 35, p. 450 l. 5-7.
31. Liber pontificalis, éd. Duchesne, I, XCIIII, c. 52, p. 450 l. 8. 32. Liber pontificalis, éd. Duchesne, I, XCIIII, c. 22, p. 446 l. 13 ; c. 30, p. 449 l. 1. 33. Liber pontificalis, éd. Duchesne, I, p. ccxxv-ccxxvi.
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Ces retouches ne gomment pas l’information que tout le monde connaissait – la défaite d’Aistulf face à Pépin –, mais elles libèrent sa présentation de l’optique romano-franque. Ainsi naît ce que Duchesne a appelé la « recension lombarde » du LP, destinée à fournir à un public lombard un texte acceptable. Le plus connu des manuscrits à avoir transmis cette recension est celui des archives du chapitre de la cathédrale de Lucques (ms 490), un recueil composite au sein duquel on a copié le LP jusqu’à Adrien Ier († 795) inclus et que Duchesne datait de la fin du viiie siècle (ms A1). Il remontait pour lui à un original antérieur, car la recension lombarde, vue son orientation politique, ne pouvait être qu’antérieure à la conquête carolingienne – d’où la fourchette qu’il lui assigne, entre 757 (décès d’Étienne II) et 774 (conquête) 34. La datation du manuscrit lucquois fut confirmée et précisée par Luigi Schiaparelli, qui établit que l’ouvrage avait été copié à plusieurs mains, probablement dans l’école cathédrale même de Lucques, entre 787/796 et 816 35. Or tout porte à croire que la version retouchée de la vie d’Étienne II qui fut copiée à ce moment-là en onciale mâtinée de minuscule cursive par six mains différentes avait été composée à Lucques même. L’évêque Walprandus (737-754/755) avait en effet participé à l’expédition d’Aistulf contre Rome en 754, où il avait sans doute trouvé la mort 36. On avait ainsi de bons motifs, à Lucques, pour épargner la mémoire du disparu. La démarche, au reste, ne s’est pas étendue aux notices des prédécesseurs et des successeurs d’Étienne II, qui offraient pour34. Liber pontificalis, éd. Duchesne, I, p. ccxxvi. 35. L. Schiaparelli, Il codice 490 della Biblioteca capitolare di Lucca e la scuola scrittoria lucchese (sec. VIII-IX). Contributi allo studio della minuscola precarolina in Italia, Città del Vaticano, 1924 (Studi e testi, 36). Le manuscrit fait actuellement l’objet d’une nouvelle étude de la part de Gaia Elisabetta Unfer Verre (Université de Cassino), tandis que sur la version lombarde proprement dite sont attendus les travaux de Clemens Gantner (Institut für Mittelalterforschung, Österreichische Akademie der Wissenschaften, Vienne), qui remettront peut-être en cause l’interprétation proposée ici. 36. Voir son testament, Codice diplomatico longobardo, éd. L. Schiaparelli, Rome, 1929 (Fonti per la storia d’Italia, 62), n° 114 (2/3 juillet 754) : quia ex jussione domini nostri Aistulfi regis directus sum in exercito ambulandum cum ipso… Il n’y a plus de mention de Walprandus ensuite, jusqu’en septembre 755 où apparaît pour la première fois son successeur Peredeus (Codice diplomatico longobardo, I, n° 113) ; sur ces deux personnages, cf. H. Schwarzmaier, Lucca und das Reich bis zum Ende des 11. Jahrhunderts. Studien zur Sozialstruktur einer Herzogstadt in der Toskana, Tübingen, 1972 (Bibliothek des Deutschen Historischen Instituts in Rom, 41), p. 74-85 ; L. Bertini, Peredeo vescovo di Lucca, Pise, 1973 (Studi per la cronotassi dei vescovi delle diocesi d’Italia, 4) ; B. Andreolli, Walprando : un vescovo guerriero del regno di Astolfo, dans Id., Uomini nel Medioevo. Studi sulla società lucchese die secoli VIII-XI, Bologne, 1983, p. 19-32.
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tant également matière à censure pour qui aurait voulu en réorienter franchement le ton dans une perspective « nationale » 37. Notre version serait ainsi moins « lombarde » que lucquoise. Pour autant, elle traduit bien une fierté collective : car alors que la notice d’Étienne II n’avait pas subi de retouches jusqu’au c. 15, tant qu’on s’y limitait à des insultes ad hominem contre Aistulf (persécuteur, cruel et parjure face à un pape beatissimus et très saint), elle devint l’objet d’une censure systématique dès que le biographe s’en prit à la gens des Lombards, qualifiée de nefanda selon l’appellation récurrente de la correspondance pontificale. À strictement parler, il n’y a de version lombarde qu’à partir du c. 15, ce qui peut probablement se rapporter à un changement de main dans la copie locale de la notice – une pratique qui s’accorde au reste avec ce qu’on sait des modes d’écriture de l’école cathédrale lucquoise telles que Schiaparelli les a mises en lumière pour les décennies immédiatement postérieures. La recension lombarde a eu une diffusion régionale : deux manuscrits toscans des xie et xiie siècles (Bibl. Apostolica Vaticana, Vat. lat. 629 ; Florence, Bibl. Laur. I, iii, 17) dépendent de celui de Lucques. Mais elle est aussi passée très tôt en Francie, en particulier dans le ms Leyde, Bibl. d. Rijksuniversiteit, Voss. Lat. Q 60 (ms C1 de Duchesne), daté par Elias Lowe et Bernhard Bischoff de la fin du viiie siècle et écrit « dans l’entourage immédiat » de SaintAmand, dans ce que Bischoff a appelé « le style d’Arn » (Arn de Freising, abbé de Saint-Amand en 782, évêque de Salzbourg en 785) 38, avant de passer à Saint-Remi de Reims. Les variantes que présente le manuscrit de Leyde par rapport à celui de Lucques confirment qu’il ne dépend pas directement de lui mais d’un ancêtre commun 39. À supposer qu’il ait été copié quelques années avant celui de Lucques, ce pour quoi plaide aussi le fait qu’il s’arrête à Étienne II 37. Voir par exemple les nefandi Langobardi dans la notice de Grégoire III (Liber pontificalis, éd. Duchesne, I, XCII, c. 14 p. 420) ; la persecutio exercée par l’insidiator Liutprand contre Ravenne et Rome dans celle de Zacharie (XCIII, c. 17 p. 431) ; la maligna saevitia du roi Didier dans celle d’Étienne III (XCVI, c. 30 p. 479 l. 16), l’atrocissimus Desiderius dans celle d’Adrien Ier (XCVII, c. 7 p. 488) etc. 38. E. A. Lowe, Codices latini antiquiores. A palaeographical guide to Latin manuscripts prior to the ninth century, X, Oxford, 1963, p. 48 n° 1583 ; B. Bischoff, Die südostdeutschen Schreibschulen und Bibliotheken in der Karolingerzeit, II : Die vorwiegend österreichischen Diözesen, Wiesbaden, 1980, p. 102 n° 43 ; cf. R. McKitterick, History and memory…, p. 211-213. 39. Alors que d’autres manuscrits septentrionaux sont des descendants directs de celui de Lucques : Bibl. Apostolica Vaticana, Vat. Reg. 1852 (xie siècle), Poitiers, BM, ms 6 (xie-xiie siècle) et Paris, BnF, lat. 4999A (xive siècle, copié sur le précédent ou sur la même source que lui).
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alors que Lucques 490 va jusqu’à Adrien Ier, il offrirait le plus ancien exemplaire conservé de la recension. Il existe plusieurs possibilités pour dater le passage de la version lombarde de l’autre côté des Alpes : • soit les années 774-777, quand l’évêque de Lucques Peredeus (755-779), successeur de Walprandus, fut emmené en otage (en même temps que l’évêque de Pise et celui de Reggio) par Charlemagne, pour s’assurer de la fidélité de la région après la conquête. On sait que les prélats ne partaient pas seuls ni sans bagages, et que l’exil ne signifiait pas l’isolement mais participation, volens nolens, à la vie culturelle du nord des Alpes. Arn de Salzbourg étant de son côté arrivé à Saint-Amand après 776 (vers 778 ?) 40, il a pu entrer en possession d’un texte apporté d’Italie et le faire copier sur place ou dans les environs ; • ou bien Arn se sera procuré une version du LP lors de l’un de ses séjours en Italie, dont on sait qu’ils ont donné lieu à copie d’autres textes liés à l’histoire de Rome 41 : en 787, lorsqu’il vint à Rome en représentation de Tassilon de Bavière pour demander au pape de s’entremettre auprès de Charlemagne, lui-même présent dans la Ville ; en 798, pour la réception de son pallium ; ou en 799-800, à l’occasion de la commission d’enquête réunie pour juger les voies de fait commises contre Léon III en avril 799, puis du couronnement impérial. Arn avait alors fait un séjour en Toscane comme missus du roi d’Italie Pépin, et avait siégé à Pistoia pour juger un conflit entre les moines de SaintBarthélemy de Pistoia et le Bavarois Nibelung 42. Puisqu’elle atteste d’un lien direct entre Arn et la Toscane, région par ailleurs marquée par ses liens avec la Bavière 43, la date la plus tardive est certes la plus tentante et n’est pas incompatible avec un travail de copie à SaintAmand puisque, malgré son remplacement à la tête de l’abbaye et les devoirs de sa charge épiscopale à Salzbourg, Arn n’a pas cessé de fréquenter SaintAmand, où Alcuin a manifesté plusieurs fois l’espoir de le rencontrer dans les
40. Cf. S. Krämer, dans Lexikon des Mittelalters, I, Munich-Zurich, 1980, col. 993. 41. Voir en particulier le ms Vienne, Österreichische Nationalbibl., lat. 795, commenté par R. McKitterick, Perceptions of the past in the early Middle Ages, Notre Dame (Indiana), 2006, p. 42-46. 42. C. Manaresi, I Placiti del « Regnum Italiae », I, Rome, 1955 (Fonti per la storia d’Italia, 92), n° 25 et Perduti, n° 20. 43. Cf. M. Stoffella, Le relazioni tra Baviera e Toscana tra VIII e IX secolo : appunti e considerazioni preliminari, dans Mélanges de l’École française de Rome. Moyen Âge, 120, 2008, p. 73-85.
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années 798-800 44. À quoi l’on pourrait objecter qu’au tournant des viiie et ixe siècles, on se serait vraisemblablement procuré un exemplaire du Liber pontificalis à jour, c’est-à-dire comprenant les notices relatives aux successeurs d’Étienne II jusqu’à Adrien Ier. La solution du problème passe peut-être par une datation plus précise du manuscrit de Leyde, pour autant que la chose soit possible. Pour qui retiendrait au contraire les années 774-777, il en résulterait que le Liber pontificalis doté de la version « lombarde » de la vie d’Étienne II aurait été le premier ouvrage d’histoire ancienne et contemporaine originaire d’Italie passé dans les milieux francs au lendemain de la conquête, dans lequel on pouvait trouver une version politiquement incorrecte des mésaventures d’Aistulf. Très vite, la bibliothèque de Saint-Amand fut cependant dotée de la version « franque » du LP, grâce au manuscrit Vienne, Österreichische Nationalbibl. lat. 473, qui vint compléter le magasin d’ouvrages d’histoire contemporaine de l’abbaye en permettant des lectures croisées 45.
3. La réception du LP Si le projet hagiographique de Jean VIII, par la plume de Jean Diacre, a été couronné de succès quant à la valorisation de la figure de Nicolas Ier, il n’a semble-t-il pas mené le LP « tardif » vers des succès de librairie immédiats, puisque la notice de Nicolas, comme celle d’Adrien II, n’a été transmise que par quatre manuscrits (si l’on fait abstraction des recensions postérieures d’initiative non romaine) 46. La haute réputation de Nicolas Ier, la comparaison explicite entre son pontificat et celui de Grégoire le Grand sont le fruit d’autres voies. L’analyse de la tradition manuscrite du LP pour les notices des autres papes du ixe siècle est au reste sans appel : pas plus de cinq manuscrits pour les deux premiers, Pascal Ier et Eugène II, trois pour Étienne V, le dernier. Voilà qui pose la question de la réception du LP.
44. Voir en particulier MGH, Epistulae, IV, n° 150, écrite vers la fin janvier 799 : ayant appris qu’Arn, retour de Rome, se trouve à Saint-Amand, Alcuin se propose de venir le trouver durant le prochain carême, pour autant que son ami séjourne dans l’abbaye jusqu’à Pâques ; cf. H. Platelle, Le temporel de l’abbaye de Saint-Amand des origines à 1340, Paris, 1962, p. 55. 45. Cf. H. Reimitz, Ein fränkischer Geschichtsbuch aus Saint-Amand und der Codex Vindobonensis palat. 473, dans C. Egger et H. Wiegl (éd.), Text – Schrift – Codex : Quellenkundliche Arbeiten aus dem Institut für Österreichische Geschichtsforschung, Vienne, 1999 (Mitteilungen des IÖG, 35), p. 34-90 ; R. McKitterick, History and memory…, p. 215-216. 46. R. Davis, The Lives of the ninth-century Popes…, p. xiv.
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Avec plus de soixante-dix manuscrits conservés, le LP entre assurément dans la catégorie des ouvrages à grand ou très grand succès, telle que l’a définie Bernard Guenée, sans pour autant rejoindre la popularité d’Orose, Bède ou Flavius Josèphe, ou encore de la vie de Charlemagne par Éginhard 47 ; succès confirmé par la multiplicité des remaniements ou abrégés dont il a fait l’objet, qui en ont facilité la transmission. Mais cette réception n’est uniforme ni dans l’espace ni dans le temps. La carte de répartition des manuscrits et des mentions de possession qu’a proposée Bernard Guenée 48 peut être corrigée et complétée ici et là, mais l’essentiel demeure : rien en Espagne et en Europe centrale, bien peu en Angleterre 49. Le terrain d’élection du LP est l’espace français, italien, rhénan, en d’autres termes le cœur de l’Europe carolingienne. Ce qu’on y a le plus copié est un LP qui s’arrête au décès d’Étienne II, en 757 : il concerne la moitié des manuscrits des viiie-xe siècles, le tiers encore de ceux des xie-xiie siècles, qui reproduisent naturellement ce qui était disponible dans les fonds existants. La réception du LP est ainsi étroitement dépendante des événements du milieu du viiie siècle et de l’intérêt qu’ils ont suscité dans l’historiographie franque 50. Pour tout ce qui suit, le succès est beaucoup plus mitigé. Même au ixe siècle, seuls quelques intellectuels se préoccupent vraiment de tenir à jour leur information, les autres se contentent de faire copier ce qu’ils ont sous la main : témoin le livre d’histoire exécuté pour le couronnement de Charles le Chauve à Metz en 869 (Vienne, Österreichische Nationalbibl. 473), où le LP ne va pas au-delà de 757, alors qu’il n’aurait pas été si difficile de se procurer une version plus complète. Ainsi le LP romain a-t-il tôt perdu sa nature de livre d’histoire contemporaine. Sauf la tentative avortée de reprise pour Étienne V, il reste figé aux années 870 pour sa composition, aux années 750 pour le gros de sa réception. Réception partielle, donc, qui n’a suscité d’attente pour une suite sous cette forme-là que dans quelques cercles restreints. Rien d’étonnant, dans ces conditions, que même les centres les plus proches de Rome ne soient pas mieux informés que ceux du nord des Alpes : dans les années 960 à Saint-André du Mont Soracte, Benoît ne paraît 47. B. Guenée, Histoire et culture historique dans l’Occident médiéval, Paris, 1980, p. 250, 255. 48. Ibid., carte 2 p. 262. 49. Davantage toutefois que ce que laissent entendre Duchesne et Mommsen, qui ne connaissent que le ms. Oxford, Bodleian Lib., Laud. Lat. 421 (xe siècle), puisque Guillaume de Malmesbury a pu utiliser aux moins deux ms. du LP pour sa propre édition (cf. infra, n. 52). 50. R. McKitterick, History and memory…, p. 33, 144-145 ; Ead., Perceptions of the past…, p. 47.
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pas disposer pour sa chronique d’un LP qui va au-delà d’Adrien Ier, tandis qu’au Mont-Cassin au milieu du xie siècle, Léon d’Ostie n’y puise pas après Léon IV 51. La manière dont le LP avait été composé, au reste, n’encourageait pas une diffusion massive durable : celle-ci le devient quand il s’agit de récits politiques sensibles, mettant en jeu la diplomatie internationale ; dès qu’il s’agit en revanche de recopier les informations concrètes sur les donations des papes aux églises de Rome l’enthousiasme faiblit, on abrège et la réception tend alors à ressembler à celle de gesta episcoporum locaux, qui n’ont pas vocation à essaimer même si la projection de l’image de papes bâtisseurs, évergètes, façonneurs de la cité a pu avoir son importance. La place de l’ouvrage dans les manuscrits conservés et dans les inventaires de bibliothèques (voir Annexe) montre que son utilisation a répondu à quelques champs d’intérêt : comme magasin d’informations sur la topographie sacrée de Rome et ses martyrs, rassemblées avec passion certes, mais dans une quête du passé romain chrétien plus que dans la perspective d’une mise à jour continue ; comme texte d’histoire au sein d’un recueil de textes historiques ou comme livre séparé dans la section ad hoc d’une bibliothèque ; accessoirement comme livre de référence pour les interventions en matière de discipline ecclésiastique, qui le font placer avec les textes « législatifs ». Ce statut ambigu n’a pas aidé à donner une identité clairement affichée aux autres thèmes d’information. Non que l’intérêt pour l’histoire des papes ait faibli après les années 880. Témoin l’activité de copie des manuscrits plus anciens, aux xie-xiie siècles, et les multiples abrégés, « recensions » et continuations sur la base de catalogues ou de sources le plus souvent canoniques qui se succèdent entre la fin du xe et le xiie siècle, spécialement entre les années 1080 et les années 1140 à la faveur tantôt des polémiques entre l’empire et la papauté (ps.-Liutprand), tantôt des luttes pour le Saint-Siège (Pandolphe puis Pierre Guillaume), tantôt encore dans une perspective plus simplement historique (Lambert de Saint-Omer, la recension de Saint-Denis, Guillaume de Malmesbury) 52. Mais Rome n’a plus 51. Il Chronicon di Benedetto monaco di S. Andrea del Soratte…, éd. G. Zucchetti, Rome, 1920 (Fonti per la storia d’Italia, 55) ; cf. Liber pontificalis, éd. Duchesne, II, p. xii ; Chronica monasterii Casinensis, éd. H. Hoffmann, Hanovre, 1980 (MGH, Scriptores, 34), p. 626. 52. Liber pontificalis, éd. Duchesne, II, p. XXIV et suiv. ; W. Levison et D. Jasper, travaux cité n. 23 ; R. M. Thomson, William of Malmesbury’s edition of the Liber Pontificalis, dans Archivum historiae pontificiae, 16, 1978, p. 93-112, repris dans Id., William of Malmesbury, Woodbridge, 1987, p. 119-138 ; P. Orth, Papstgeschichte im 11.Jahrhundert: Fortsetzung, Bearbeitung und Gebrauch des Liber Pontificalis, dans M.W. Herren, C. J. McDonough et R.G. Arthur, Latin culture in the eleventh century. Proceedings of the Third international conference
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l’initiative. Quant aux manuscrits tardifs, ils sont nombreux, certes, mais relèvent désormais d’une quête érudite pour laquelle il est fait feu de tout bois. Les humanistes romains assurent quant à eux le succès des LP du xiie siècle 53, à commencer par celui de Pierre Guillaume qui fournit le texte intégral des notices jusqu’à Étienne II ; mais la lecture de l’histoire de l’Église et des papes passe alors surtout par Martin le Polonais – le seul auteur, par ailleurs, à avoir été partiellement traduit en grec et à transmettre ainsi un peu d’histoire des papes en Orient 54 – et par le Speculum historiale de Vincent de Beauvais.
ou medieval Latin studies, Cambridge, September 9-12 1998, Turnhout, 2002 (Publications of The Journal of Medieval Latin, 5/2), p. 258-280. 53. Cf. G. Billanovich, Gli umanisti e le cronache medioevali. Il « Liber Pontificalis », le « decadi » di Tito Livio e il primo umanesimo a Roma, dans Italia medioevale e umanistica, 1, 1958, p. 103-137. 54. Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. gr. 1455, copié à Chypre ou à proximité à la fin du xiiie siècle, cf. P. Schreiner, Der Liber Pontificalis und Byzanz : Mentalitätsgeschichte im Spiegel einer Quelle, mit einem Exkurs : Byzanz und der Liber Pontificalis (Vat. gr. 1455), dans K. Borchardt et E. Bünz (éd.), Forschungen zur Reichs-, Papst- und Landesgeschichte. Peter Herde zum 65. Geburtstag von Freunden, Schülern und Kollegen dargebracht, I, Stuttgart, 1998, p. 33-48 : p. 46-48.
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Annexe Le Liber pontificalis dans les inventaires de bibliothèques médiévales * Abréviations : Becker : G. Becker, Catalogi bibliothecarum antiqui, Bonn, 1895, réimpr. complétée Hildesheim-New York, 1973. Corpus : Corpus of British medieval Library catalogues, 12 vol. parus, Londres, 1990-2006. Delisle : L. Delisle, Le cabinet des manuscrits de la Bibliothèque nationale, II, Paris, 1874. Derolez : A. Derolez (éd.), Corpus catalogorum Belgii. The medieval booklists of the Southern Low Countries, 4 vol., Bruxelles, 1966-2001. MBK : Mittelalterliche Bibliothekskataloge Deutschlands und der Schweiz, 6 vol. parus, Munich, 1918-1979. MBKÖ : Mittelalterliche Bibliothekskataloge Österreichs, 5 vol., Graz-VienneCologne, 1915-1971. [1] 821-822 : abbaye de la Reichenau (MBK I, n° 49) Catalogue de la bibliothèque Gesta pontificum Romanorum in codice I (MBK I, p. 247 l. 23 ; dans la section De vita patrum, où figure aussi Darès ; l’ouvrage est suivi d’un Ordo Romanus de divinis officiis in codice I ; la section De vita patrum est suivie de celle consacrée aux ouvrages de Flavius Josèphe, puis d’une section de livres juridiques, qui précède à son tour les Dix livres d’histoire de Grégoire de Tours et la Vie de Charlemagne). [2] s. IXmed. : abbaye de Saint-Gall (MBK I, n° 16) Catalogue de la bibliothèque Gesta pontificum Romanorum, volumen I (MBK I, p. 76 l. 14 ; dans la section De libris Eusebii, après l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe-Rufin et des extraits de Flavius Josèphe par Hégésippe ; la section suivante, De libris diversorum auctorum, comprend Grégoire de Tours et Eusèbe-Jérôme). * La présentation typographique suit celle adoptée par R. Kottje, Bussbücher in mittelalter lichen Bücherverzeichnissen, dans Sacris erudiri, 45, 2006, p. 305-326.
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[3] Vers 860 : abbaye Saint-Nazaire de Lorsch (Becker, nos 37-38 ; A. Häse, Mittelalterliche Bücherverzeichnisse aus Kloster Lorsch, Wiesbaden, 2002) Inventaire général des livres de l’abbaye a) Catalogue Ca : Gesta pontificum Romanorum in uno codice (Becker, p. 83 n° 85 ; Häse, p. 137 n° 99 ; au sein d’une section historique) ; b) Catalogue D : Gesta pontificum Romanorum in uno codice (Becker, p. 120 n° 11 ; Häse, p. 169 n° 21 ; au sein d’une section historique). [4] 863/864 : Évrard de Frioul (Becker, n° 12) Testament Gesta pontificum Romanorum (Becker, p. 29, n° 17 ; fait partie des ouvrages donnés à Bérenger, futur roi d’Italie et empereur ; suivi des Gesta Francorum). [5] s. X : Nevers, cathédrale (B. Aspinwall, Les écoles monastiques de l’ancienne province ecclésiastique de Sens du VIe au XIIe siècle. Les maîtres et les matières de l’enseignement, Paris, 1904) Livres de l’abbé Rostagnus passés à la cathédrale Epistole Hieronimi ad Damasum papam (Aspinwall, p. 146 n° 33 ; précède l’Histoire des Lombards). [6] s. X-XI : abbaye Saint-Emmeram de Ratisbonne (MBK IV-1, n° 26D) Adjonctions au catalogue de l’abbé Ramwold (dressé avant 993) Successiones pontificum Romanorum (MBK IV-1, p. 149 l. 68 ; parmi les livres du moine Waltherius ; peut-être plus qu’un simple catalogue : cf. titre similaire au n° 19). [7] 1023-1036 : abbaye Saint-Benoît du Mont-Cassin (Becker, n° 47) Livres copiés sur ordre de l’abbé Théobald Pontificalem Romanorum pontificum (Becker, p. 133 n° 15 ; dans une section historico-juridique, où il suit l’Histoire des Lombards de Paul Diacre et un Edictum regum). [8] 1049 : abbaye Saint-Pierre de Lobbes (Derolez IV, n° 101) Catalogue de la bibliothèque Gesta Romanorum pontificum. Vol. I (Derolez IV, p. 268 n° 137 ; au sein d’une section historico-juridique, après Réginon de Prüm et Liutprand de Crémone, avant deux volumes de canons et la loi salique).
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[9] 1093 : abbaye Sainte-Marie de Pomposa (Becker, n° 70) Catalogue de la bibliothèque Liber pontificum Romanorum (Becker, p. 161 n° 28 ; suit Réginon de Prüm, dans le même volume). [= Modène, Bibl. Estense, VI F 5] [10] 1105 : abbaye Saint-Remacle de Stavelot (Derolez II, n° 68) Catalogue de la bibliothèque Gesta Domini. Gesta pontificum Romanorum (Derolez II, p. 172 n° 90 ; introduit une section de Gesta, comprenant : Gesta regum Romanorum. Gesta Anglorum / Gesta Langobardorum. Gesta Bregmanorum / Gesta regum et principium partis Europae / Gesta Pafnucii et Simphoniaci cum regula sancti Benedicti ; suivent deux livres de canons). [11] Vers 1125 : abbaye Saint-Maximin de Trèves (Becker, n° 76 ; I. Knoblich, Die Bibliothek des Klosters St. Maximin bei Trier bis zum 12. Jahrhundert, Trèves, 1996) Catalogue de la bibliothèque Gesta pontificum Romanorum (Becker, p. 180 n° 113 ; Knoblich, p. 123 n° 113). [12] s. XIImed. : abbaye Saint-Vaast d’Arras (Becker, n° 125 ; Ph. Grierson, La bibliothèque de Saint-Vaast d’Arras au XIIe siècle, dans Revue bénédictine, 52, 1940, p. 117-140) Catalogue de la bibliothèque Gesta pontificum Romanorum (Becker, p. 255 n° 105 ; Grierson, p. 131 n° 142 ; dans une section historico-juridique). [13] 1158-1161 : abbaye Saint-Pierre de Cluny (Delisle, p. 458-481) Catalogue de la bibliothèque Volumen in quo continentur decreta et gesta pontificum Romanorum, habens in capite nomina provinciarum vel civitatum (Delisle, p. 460 n° 53). [14] s. XII : abbaye Saint-Bertin de Saint-Omer (Becker, n° 77) Catalogue de la bibliothèque Gesta Romanorum pontificum (Becker, p. 183 n° 110 ; après les Gesta Francorum, Gesta Langobardorum, Gesta Anglorum). [= peut-être le Liber Floridus]
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[15] s. XII : abbaye Saint-Martial de Limoges (Delisle, p. 493-495) Catalogue de la bibliothèque Gesta pontificum (Delisle, p. 494 n° 88 ; dans une section historique, entre Flavius Josèphe et le ps.-Clément ; voir aussi infra, n° 21). [16] s. XII : abbaye Saint-Pierre de Corbie (Becker, n° 79 ; U. Winter, Die mittelalterlichen Bibliothekskataloge aus Corbie. Edition und bibliotheks- und wissenschaftsgeschichtliche Untersuchung, Berlin, 1972) Catalogue de la bibliothèque Romanorum pontificum gesta (Becker, p. 190 n° 276 ; le classement est alphabétique). [17] s. XIImed. : abbaye de Saint-Évroult (H. Omont, dans Catalogue général des manuscrits des bibliothèques de France. Départements, II, Paris, 1888, p. 468469) Catalogue de la bibliothèque Historia Langobardorum, cum Gestis pontificum (Omont, p. 468 n° 136 ; voir aussi au n° 43 p. 468, un Catalogus pontificum, cum Novo Testamento). [= Alençon, BM, ms 18, s. XI 2 ; recension d’Adémar de Chabannes] [18] s. XIImed. : abbaye Santa Croce de Fonte Avellana (Sancti Petri Damiani Sermones, éd. G. Lucchesi, Turnhout, 1983 [Corpus Christianorum, Continuatio mediaevalis, 57, p. xliv-xlvi) Catalogue de la bibliothèque Liber pontificum / De pontificum (p. xliv l. 73 ; p. xlv l. 120) 3. [19] s. XII2 : abbaye Notre-Dame du Bec-Hellouin (Becker, n° 127) Catalogue de la bibliothèque Successiones Romanorum pontificum transmisse beato Ieronimo a Damaso papa (Becker, p. 261 n° 62, dans un volume comprenant l’interprétation des mots hébreux et de l’exégèse biblique). [20] s. XII ex. : abbaye Saint-Pierre de Maillezais (Delisle, p. 506-508) 2. Cf. G. Nortier, Les bibliothèques médiévales des abbayes bénédictines de Normandie, 2e éd., Paris, 1971, p. 108 et 210 ; Catalogue général des manuscrits…, II, p. 495. 3. Cf. P. Supino Martini, Aspetti della cultura grafica dell’Umbria altomedievale, dans Umbria cristiana. Dalla diffusione del culto al culto dei santi (secc. IV-X). Atti del XV Congresso internazionale di studi sull’a lto medioevo, Spoleto 23-28 ottobre 2000, II, Spolète, 2001, p. 607629 : p. 618.
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Catalogue de la bibliothèque Gesta pontificum (Delisle, p. 507 n° 67 ; dans une section d’histoire).
[21] s. XIII : abbaye Saint-Martial de Limoges (Delisle, p. 496-498 [a] et 498504 [b]) Catalogues de la bibliothèque a) Gesta pontificum Romanorum (Delisle, p. 497 n° 47 ; dans une section d’histoire) ; b) Gesta pontificum (Delisle, p. 500 n° 114 ; dans une section d’histoire). [22] s. XIII1 : abbaye Saint-Laurence de Liège (Derolez II, n° 53) Catalogue de la bibliothèque Item alius liber de gestis eorum (Derolez II, p. 124 n° 107 ; suit les Decreta pontificum Romanorum). [23] 1247/1248 : abbaye Sainte-Marie de Glastonbury (Corpus IV, B39) Catalogue de la bibliothèque Gesta diversorum pontificum Romanorum (Corpus IV, p. 192 n° 200 ; dans une section d’histoire). [24] 1343 : chapitre de la cathédrale de Constance (MBK I, n° 36) Catalogue de la bibliothèque Item Thitus Livius de gestis Romanorum pontificum de litera antiqua (MBK I, p. 196 l. 13 ; à la suite de Canones ecclesiastici et decreta Romanorum pontificum). [25] 1355-1360 : prieuré Sainte-Marie et Saint-Jean de Lanthony (Corpus VI, A16) Catalogue de la bibliothèque Liber pontificalis, quaternus magnus (Corpus IV, p. 45 n° 76 ; l’éditeur propose d’y voir l’une des continuations du LP) ; Liber pontificalis, mediocre volumen (Corpus IV, p. 50 n° 126). Il n’est pas exclu que dans l’un des cas, sinon les deux, il s’agisse simplement d’un pontifical. [26] 1464 : abbaye Saint-Silvestre de Nonantola (G. Gullotta, Gli antichi catloghi e i codici della abbazia di Nonantola, Città del Vaticano, 1955 [Studi e testi, 182]) Catalogue de la bibliothèque
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Liber unus de Gestis Romanorum pontificum, qui incipit, post capitula, « In novo autem testamento », et finit « gloria letabuntur » (Gullotta, p. 260 n° 135 ; mais cf. ibid., p. 323-324 : l’incipit indiqué est celui de la collection canonique de Burchard, tandis que l’explicit n’est pas celui du LP ; à l’époque de la rédaction de l’inventaire, le manuscrit devait être mutilé). [27] s. XV ex. : abbaye de Fulda (G. Schrimpf, Mittelalterliche Bücherverzeichnisse des Klosters Fulda…, Francfort/Main, 1992, catal. Ba) Catalogue de la bibliothèque Liber in quo nomina Romanorum pontificum et gesta Henrici imperatoris (Schrimpf, p. 143 n° 473 ; dans une section historique, après Suétone). Schrimpf y voit le LP, mais on ne peut exclure qu’il s’agisse d’un simple catalogue.
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L’abrégé comme mode de transmission du Liber pontificalis au Moyen Âge : l’Excerptum de gestis romanorum pontificum d’Abbon de Fleury (vers 996) Louis-Marie Gantier
Louis Duchesne a répertorié une trentaine d’abrégés du Liber pontificalis, réalisés entre le vie et le xive siècle. Ils diffèrent par leur contenu, leur longueur, leurs qualités de conception et de rédaction ; la plupart sont anonymes, quelques-uns ont été publiés 1. L’abrégé d’Abbon de Fleury (Saint-Benoît-surLoire) a été publié en 1602 par Jean Busée (ou Buys) à la suite de ce que Duchesne considérait comme l’édition princeps du Liber pontificalis 2. Cet abrégé s’interrompt au milieu de la 91e notice, celle de Grégoire II (715-731). Duchesne n’en avait retrouvé aucun manuscrit. Ad Van Els, dans un mémoire soutenu à Utrecht en 2003, démontre que Busée a édité le texte d’un manuscrit du milieu du xie siècle, originaire de l’abbaye de Micy près d’Orléans (Berne, Burgerbibl., ms 120 I, f. 76-93). C’est la copie d’un manuscrit de Fleury vraisemblablement des années 1032-1039 (Leyde, Bibl. d. Rijksuniversiteit, Voss. lat. f° 96 I, f. 1-13) 3. 1. L. Duchesne, Le Liber pontificalis, texte, introduction et commentaire, I, Paris, 2e éd., 1955, p. xlix-lxvii, clxvii-cxix, passim, et surtout cciii-ccvi. En plus d’Abbon (p. civ), Duchesne a relevé trois noms d’auteurs : Adémar de Chabannes (p. clxxxii-clxxxv ; cidessous n. 17), Orderic Vital (p. clxxxi ; ci-dessous n. 6 et p. 154-164, 173) et, vers 1020, Lambert, chanoine de Saint-Omer (p. clxxxv-clxxxvii). 2. Iohannes Busaeus (éd.), Liutprandi Ticinensis Diaconi Opusculum, de vitis Romanorum pontificum. Item Albonis [sic] Floriacensis Epitome de vitis eorundem ex Anastasii Bibliothecarii Historia excerpta. Utrumque ex pervetustis MSS. Codd. membraneis descriptum, et nunc primum typis procusum, Mayence, 1602. L’abrégé d’Abbon (p. 117-161) est présenté sous le titre Albonis Floriacensis Abbatis Epitome de XCI. Romanorum Pontificum Vitis e Libro de Vitis Romanorum Pontificum, qui Anastasio Bibliothecario tribuitur, desumpta, et nunc primum ex vetusto MS. Cod. in lucem vindicata. L’édition de Busée a été reprise dans J.-P. Migne (éd.), Patrologiae Cursus completus, Series latina, 139, col. 535A-570C. 3. L’abrégé sera cité, avec référence à la Patrologie latine, selon l’édition préparée par Ad van Els et encore inédite (Abbo van Fleury, Excerptum de Gestis Romanorum Pontificum, uitgegeven, vertaald en ingeleid, pro manuscripto, Utrecht, 2002). Ce texte a été traduit et commenté dans L.-M. Gantier, Une histoire des papes, en l’an mil : l’Abrégé du Liber pontificalis d’Abbon
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Abbon de Fleury, à qui un long titre attribue l’abrégé 4, a été l’un des écolâtres et des abbés les plus réputés de l’an Mil. Il a laissé, en plus de quelques lettres, des œuvres de grammaire, d’histoire, de dialectique, d’arithmétique, d’astronomie, de comput, de droit canonique, peut-être de musique. Abbé de Saint-Benoît-sur-Loire à partir de 988, il s’est vigoureusement engagé dans la promotion conjointe des libertés monastiques et de la primauté romaine 5. La confrontation de l’Excerptum avec le Liber pontificalis permet d’observer comment Abbon traite sa source, de retrouver sa forte personnalité et les centres d’intérêt de ses autres écrits. Car le genre littéraire de l’abrégé, très pratiqué au Moyen Âge, n’est pas aussi anodin qu’il paraît : il manifeste le talent littéraire de celui qui s’y livre, sa personnalité intellectuelle, ses préoccupations et celles de son temps. J’essaierai de le montrer en trois étapes. D’abord en caractérisant l’art d’abréger que permet de dégager la comparaison détaillée de l’Excerptum d’Abbon avec le Liber pontificalis ; puis en évaluant le métier d’historien d’Abbon ; en relevant enfin les correspondances que ses choix et omissions dans l’Excerptum entretiennent avec ses autres œuvres et les engagements de sa vie, en particulier sa relation avec la papauté. On établira quelques points de comparaison avec un autre abrégé du Liber pontificalis, celui qui clôt le second livre de L’Histoire ecclésiastique écrite entre 1136 et 1140 par Orderic Vital, moine de Saint-Évroult en pays d’Ouche,
de Fleury (vers 950-1004), Bruxelles, 2004 (Bibliothèque de la Revue d’histoire ecclésiastique, 86). Le présent article résume les chapitres 2 à 4 du commentaire, p. 103-198. 4. PL 139, col. 535-536 : Excerptum de gestis romanorum pontificum ex libello qui continet gesta romanorum pontificum quæ de singulis eorum suo ordine utilia posteris iudicavit Abbo floriacensis breviter ac utiliter decerpsit secutus veritatem Damasi romanæ æcclesiæ pontificis qui eundem libellum scripsit rogatu Hieronimi divinæ legis interpretis (Abrégé des actes des pontifes romains, qu’Abbon de Fleury a jugés utiles pour la postérité. Avec concision et compétence, il les a extraits du livret qui contient les actes des pontifes romains, chacun à son rang respectif, suivant l’exposé véridique de Damase, pontife de l’église de Rome, qui a écrit ce livret à la demande de Jérôme, l’interprète de la loi divine). 5. Sur Abbon, livres récents : M. Mostert, The political theology of Abbo of Fleury. A study of the ideas about society and law of the tenth-century monastic reform movement, Hilversum, 1987 ; P. Riché, Abbon de Fleury, un moine savant et combatif (vers 950-1004), Turnhout, 2004 ; B. Obrist (éd.), Abbon de Fleury. Philosophie, sciences et comput autour de l’an mil. Actes des journées organisées par le Centre d’histoire des sciences et des philosophies arabes et médiévales, Paris-Villejuif, 2004 (Oriens-Occidens, 6) ; A. Dufour et G. Labory (éd.), Abbon de Fleury, un abbé de l’an mil. Actes du Colloque, Orléans-Saint-Benoît-sur-Loire, 10-12 juin 2004, Turnhout, 2008 (Bibliothèque d’histoire culturelle du Moyen Âge, 4) ; E. Dachowski, First among abbots. The career of Abbo of Fleury, Washington, 2008.
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le grand historien normand de l’époque ducale 6. Plusieurs traits distinguent d’emblée les deux abrégés. Orderic résume le Liber pontificalis jusqu’à Léon IV (847-855). À la différence d’Abbon, il intègre des éléments provenant d’autres sources. Alors qu’Abbon réduit de moitié environ le texte du Liber pontificalis, Orderic est encore deux fois plus concis pour les matériaux qui en proviennent. Enfin, tandis qu’on connaît probablement le manuscrit du Liber pontificalis dont s’est servi Orderic, on ignore celui dont disposait Abbon, ce qui doit rendre prudent sur l’origine des transformations repérées dans son texte 7.
L’art d’abréger Abréger, c’est choisir, donc omettre ; c’est aussi résumer, éventuellement reconstruire ou reformuler. Abbon reproduit le cadre biographique et chronologique de chaque pape : au début de la notice, son nom, celui de sa nation et de son père, la durée de son pontificat en années, mois et jours ; et à la fin, le lieu et la date de sa sépulture, puis la durée de la vacance du siège. Pour Félix IV, mort en 530, Abbon s’en tient sèchement à ce cadre, tandis qu’Orderic recopie aussi deux formules coutumières au Liber pontificalis : le synchronisme impérial et consulaire, et le compte des ordinations. Orderic omet toujours les ordinations de prêtres et de diacres, ne retenant que celles d’évêques. Abbon, lui, omet systématiquement les deux formules de synchronisme et d’ordinations. Il supprime également volontiers les éléments accessoires ou obscurs, les énumérations, les redites et les doublets. Le plus souvent cependant, il conserve au moins un organe-témoin représentatif d’une formule ou d’un thème répétés dans le Liber pontificalis. Ainsi le synchronisme impérial apparaît-il in extremis dans la dernière notice, celle de Grégoire II 8. 6. Orderic Vital, Historia ecclesiastica, Pars I, Liber II, xxiv-xxx, dans PL, 188, col. 196D-228C. L’édition de M. Chibnall (The ecclesiastical history of Orderic Vitalis, I, Oxford, 1980, p. 191-200) ne reproduit de cet abrégé que les passages les plus originaux d’Orderic et se contente d’indiquer, pour le reste, la référence aux sources qu’il résume (Liber pontificalis et autres). 7. Voir ci-dessous p. 157. Dans l’abrégé d’Abbon, selon Duchesne (LP, I, p. cciv) « la notice de Grégoire II appartient à la classe B ; pour tout le reste, l’abrégé dérive évidemment d’un manuscrit A », ce que confirme et nuance la comparaison de l’abrégé avec l’apparat critique du Liber pontificalis. 8. Fuit autem temporibus Anastasii, Theodosii, Leonis atque Constantini Augustorum (PL, 139, col. 568B). Autre exemple d’un organe témoin : Abbon retient l’introduction de l’hymne
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Comme la plupart des abrégés 9, celui d’Abbon omet la plupart des fondations, dotations, embellissements et restaurations de basiliques, qui représentent une masse importante de textes et parmi les mieux documentés du Liber pontificalis. Abbon n’en garde que cinq débris : une unique occurrence, pour Félix Ier, de la formule fecit basilicam ; le don de perles à Saint-Pierre par le roi Clovis sous Hormisdas ; l’augmentation du nombre de luminaires à Saint-Pierre sous Sabinien ; le don du Panthéon à Boniface IV par l’empereur Phocas et un résumé général des bienfaits prodigués aux basiliques par Serge Ier 10. Orderic Vital, un peu plus prolixe, résumera très brièvement l’activité édilitaire d’une douzaine de papes 11. Résumer, c’est en effet dire plus brièvement. Le résumé pratique des omissions plus ou moins importantes, mais il s’efforce de garder l’essentiel, souvent en le reformulant à l’aide d’autres mots. Prenons comme exemple la présentation de Benoît II (fin du viie siècle). Le Liber pontificalis écrit : Hic ab ineunte ætate sua ecclesiæ militavit, atque sic se in divinis Scripturis et cantilena a puerili etate et in presbiterii dignitate exhibuit ut decet virum suo nomine dignum, in quo vere supernæ benedictionis gratia redundavit, et nomine pariter et operibus, ut dignus ad pontificii regimine perveniret ; paupertatis amator, humilis, mansuetus et omnibus conpatientiam habens atque manu largissima 12. Abbon n’en retient que quelques mots : Hic a puerili ætate in scripturis et cantilena doctissimus et benignus 13. Orderic, aussi bref, en retient d’autres : Hic ab infantia Ecclesiæ militavit et bonis operibus studuit 14. Le résumé permet donc d’abréger sensiblement sans rompre la logique ni la progression d’un angélique (Gloria in excelsis Deo) sous Télesphore (notice 9, col. 537B) mais la supprime sous Symmaque (notice 53). 9. Voir cependant ci-dessous, n. 17. 10. Félix Ier (PL, 139, col. 539D) ; Hormisdas (col. 547C) ; Sabinien (col. 554D) ; Boniface IV (col. 555A) ; Serge Ier (col. 565C). 11. Marc, Jules, Anastase, Innocent, Hilaire, Hormisdas, Jean II, Vigile, Boniface IV, Honorius, Jean VII, Grégoire II. 12. LP, I, p. 363. « Depuis son plus jeune âge, il militait pour l’Église. Dans [l’étude des] divines Écritures et le chant, depuis l’enfance, puis dans la charge presbytérale, il se montra, comme il convient, un homme digne de son nom, en qui surabondait vraiment la grâce de la bénédiction d’en haut. Par son nom comme par ses œuvres, il était digne de parvenir au gouvernement pontifical ; ami de la pauvreté, humble, doux, il avait de la compassion envers tous et la main très large ». 13. PL, 139, col. 562C. « Il était, depuis l’enfance, très savant dans les Écritures et le chant, et généreux ». 14. PL, 188, col. 219C. « Depuis l’enfance, il militait pour l’Église et s’appliquait aux bonnes œuvres ».
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texte. Aussi Abbon l’utilise-t-il souvent comme pont entre des passages intégralement recopiés. Il peut ainsi conserver presque tous les récits du Liber pontificalis avec leur saveur et leur pittoresque, ce que ne permettra pas l’extrême concision d’Orderic. Abbon, d’autre part, modifie parfois l’ordre du texte pour lui donner plus de logique et uniformiser la structure des notices. La formule Martyrio coronatur, le plus souvent placée par le Liber pontificalis vers le début des notices, devient chez Abbon Martyrio coronatus, formule participiale subordonnée à une phrase plus longue et toujours reportée à la fin, avant la sépulture. Il arrive aussi, rarement, qu’Abbon explicite des données évidentes pour l’auteur du Liber pontificalis, mais qui risquaient d’échapper aux lecteurs de l’an Mil. Ainsi le Liber pontificalis écrit du pape Sisinnius : Qui vir podagrico humore ita tenebatur constrictus ut sibi cibum propriis manibus exhibere non valeret 15. Traduit littéralement, podagrico humore suggère que c’est à cause de ses rhumatismes aux jambes que Sisinnius ne pouvait manger de ses propres mains… Abbon est assez frotté de grec pour corriger l’apparente incongruité : il ajoute ac chiragrico 16 : les mains de Sisinnius étaient également atteintes par la goutte. Quant aux incorrections de la langue populaire du Liber pontificalis, notamment la fréquente confusion de l’accusatif et de l’ablatif, l’abrégé d’Abbon tantôt les corrige, tantôt les conserve. Chez Orderic la grammaire reprendra tous ses droits. Son abrégé est plus réécrit que celui d’Abbon. Le moine normand l’a en effet probablement rédigé à partir d’un manuscrit de Saint-Évroult (Alençon, BM, ms 18, xie siècle), copie d’un autre manuscrit réalisé et offert par Adémar de Chabannes (vers 989-1034) à l’évêque Rohon d’Angoulême vers 1025. Adémar avait retouché sa recension pour la rendre plus correcte et intelligible 17. Alors qu’Abbon n’ajoute presque rien au Liber pontificalis, Orderic rédige un texte dont le tiers environ provient d’autres sources. Il ajoute ainsi, de 15. LP, I, p. 388 : « Cet homme était goutteux, ce qui le tenait paralysé au point qu’il ne pouvait porter la nourriture à sa bouche de ses propres mains ». 16. PL, 139, col. 566C. 17. Cf. Duchesne, LP, I, p. clxxx-clxxxv. L’intérêt d’Adémar pour le Liber pontificalis ne s’arrête pas là. Sous sa direction, le scriptorium de l’abbaye Saint-Cybar d’Angoulême a réalisé un manuscrit (Paris, BnF, lat. 2400) où figure un abrégé de la recension retouchée du LP (fol. 138-151) ; puis un De ornamentis ecclesiarum Romæ (fol. 163-172) qui extrait du LP les dons faits aux églises par les papes jusqu’à Nicolas Ier. Cet abrégé thématique est précédé (fol. 154-162 et 183) de l’unique copie connue de la Collection canonique d’Abbon de Fleury dont Adémar était un admirateur.
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Clément à Marcellin, de nombreux décrets disciplinaires absents du Liber pontificalis. Ce sont de brefs résumés ou extraits des pseudo-décrétales isidoriennes du milieu du ixe siècle 18. Ainsi, d’après le Liber pontificalis, le pape Évariste, au second siècle, institue sept diacres pour surveiller ou protéger la prédication de l’évêque : Hic… VII diaconos ordinavit qui custodirent episcopum prædicantem, propter stilum veritatis 19. Cette mesure plutôt obscure est interprétée et développée par le Pseudo-Isidore qui introduit ensuite une exhortation au mariage indissoluble, puis une longue lettre interdisant à une église de renvoyer son évêque 20. Orderic reproduit le texte du Liber pontificalis sur les diacres, puis résume en quelques mots l’explication et les deux décrétales du Pseudo-Isidore : Hic VII diacones ordinavit qui custodirent episcopum prædicantem per stylum veritatis, eique velut oculi essent in omnibus locis. Is etiam constituit ut vir uxorem, vel mulier maritum non dimittat, nec ecclesia, episcopo suo vivente, alium accipiat 21. Nous touchons là l’un des avatars le plus curieux du Liber pontificalis au Moyen Âge : l’atelier pseudo-isidorien a reconstitué de toutes pièces un certain nombre de décrétales signalées par le Liber pontificalis et attribuées par lui, à tort ou à raison, aux papes de l’antiquité 22. On ira même jusqu’à intégrer la collection pseudo-isidorienne dans
18. Ainsi dans les notices de Clément (PL, 188, col. 199B ; cf. Jaffé-Wattenbach, Regesta Pontificum Romanorum, Leipig, 1885, n° 11 ; Decretales pseudoisidorianæ, éd. Hinschius, Leipzig, 1863, p. 46), Anaclet (col. 199C ; cf. J.-W. n° 3 ; Hinschius p. 75), Évariste (col. 199C ; cf. J.-W. nos 20-21 ; Hinschius p. 87, 90), Sixte (col. 200A ; cf. J.-W. n° 31 ; Hinschius p. 105), Hygin (col. 200B ; cf. J.-W. n° 35 ; Hinschius p. 113), Anicet (col. 200C ; cf. J.-W. n° 57 ; Hinschius p. 120), Éleuthère (col. 200C ; cf. J.-W. n° 68 ; Hinschius p. 125), Victor (col. 200D ; cf. J.-W. n° 74 ; Hinschius p. 127), peut-être Zéphyrin (col. 200D ; cf. J.-W. n° 81 ; Hinschius p. 133), Calixte (col. 201A ; cf. J.-W. n° 86 ; Hinschius p. 137), Urbain (col. 201AB ; cf. J.-W. n° 87 ; Hinschius p. 143), Fabien (col. 201BC ; cf. J.-W. n° 94 ; Hinschius p. 167), Corneille (col. 201C ; cf. J.-W. n° 115 ; Hinschius p. 172), Étienne (col. 202A ; cf. J.-W. n° 130 ; Hinschius p. 180), Sixte II (col. 202A ; cf. J.-W. n° 134 ; Hinschius p. 191), peut être Denys (col. 202B ; cf. J.-W. n° 139 ; Hinschius p. 195), Félix (col. 202B ; cf. J.-W. n° 142 ; Hinschius p. 197), Marcellin (col. 202C ; cf. J.-W. n° 159 ; Hinschius p. 220). Pour d’autres ajouts d’Orderic, voir ci-dessous n. 32 et 33. 19. LP, I, p. 126. 20. Decretales pseudoisidorianæ, éd. Hinschius, p. 87-90. 21. PL, 188, 199C. « Il ordonna sept diacres qui contrôleraient la prière proclamée par l’évêque en vue de l’expression correcte de la vérité et qui lui seraient comme des yeux en tous lieux. Il décréta aussi que l’homme ne renverrait pas sa femme, ni la femme son mari, et que l’église, du vivant de son évêque, n’en recevrait pas un autre ». 22. Cf. P. Fournier et G. Le Bras, Histoire des collections canoniques en occident depuis les fausses décrétales jusqu’au décret de Gratien, I, Paris, 1931, p. 178.
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le Liber pontificalis 23. C’est cette amplification apocryphe qui a été à son tour résumée et intégrée par Orderic à son abrégé, dans le style législatif allusif et concis du Liber pontificalis. Abbon connaissait lui aussi les fausses décrétales. Il en avait utilisé dixhuit en compagnie de Jean, l’écolâtre d’Auxerre, au concile de Saint-Basle de Verzy (991) pour défendre l’archevêque de Reims Arnoul coupable d’avoir violé son serment de fidélité à Hugues Capet. Elles interdisaient en effet de déposer un métropolitain sans l’aval du pape. L’assemblée passa outre, convaincue par le promoteur de l’accusation, l’évêque Arnoul d’Orléans 24. Aussi Abbon n’eut-il plus recours au recueil isidorien dans son œuvre canonique. D’ailleurs, si les fausses décrétales magnifiaient la primauté romaine, c’était pour affermir les évêques contre les abus des métropolitains ou des laïques. Abbon, lui, cherchait l’appui de Rome en faveur des monastères, contre les empiétements des évêques, notamment le sien, Arnoul d’Orléans. Nous pouvons caractériser en quelques mots l’art d’abréger d’Abbon. L’abbé connaît l’ensemble du Liber pontificalis avant de se lancer dans sa réduction. Il s’est donné des principes pour éliminer tel thème ou telle formule, pour résumer les passages inutilement bavards, pour reconstruire parfois le texte de façon plus logique. Armé de ces principes Abbon avance sans rigidité, laissant place à une part d’improvisation. Le résultat n’est pas une suite d’extraits décousus, mais un texte continu, abrégé, discrètement réécrit, plus unifié dans sa langue et la structure de ses notices 25. La vision d’ensemble de l’œuvre prend parfois le pas sur le détail de chaque notice, ce qui contente le styliste mais peut inquiéter l’historien. Le métier d’historien d’Abbon est-il à la hauteur de son talent littéraire ?
Abbon historiographe L’œuvre la plus répandue d’Abbon est la Passio sancti Eadmundi, œuvre hagiographique écrite vers 986 durant son séjour au monastère de Ramsey, en
23. Par exemple dans le Vaticanus 629, xie siècle, fol. 115-267 (Duchesne LP, I, p. clxix). 24. Cf. Gerbert d’Aurillac, Acta Concilii Remensis ad Sanctum Basolum, éd. G. H. Pertz, dans MGH, Scriptores, III, Hanovre, 1839, p. 658-686 : § 19-28, p. 666-676 ; C.-J. Hefele et H. Leclercq, Histoire des conciles d’après les documents originaux, IV-2, Paris, 1911, p. 837866. 25. L’abrégé d’Abbon n’est pas « informe et sans valeur » comme celui du manuscrit Malatestianus (Césène) XXIII, 2, xiiie siècle, signalé par Duchesne (LP, I, p. cciii).
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Angleterre 26. Sa source principale fut l’exposé oral que Dunstan, archevêque de Cantorbéry, lui avait fait de la vie et de la mort du roi Edmond d’Estanglie, martyrisé par les envahisseurs Vikings en 869. On ne garde d’Abbon aucun autre ouvrage d’histoire, mais il a eu le mérite de relancer la production historiographique à Fleury en confiant à Aimoin, un disciple doué et plus disponible que lui-même, la composition des Gesta Francorum, « première grande compilation historique française » selon Robert-Henri Bautier 27. Après la mort d’Abbon, Aimoin écrira sa vie, ainsi que les livres 2 et 3 des Miracula sancti Benedicti et les Gesta des abbés de Fleury, malheureusement perdus, mais qu’il faut signaler en ce colloque consacré aux gestes des papes et des évêques 28. En abrégeant le Liber pontificalis, Abbon s’est en quelque sorte fait la main avant de lancer son disciple dans une œuvre plus considérable. Pouvons-nous y déceler quelque chose de sa pratique et de sa conception de l’histoire ? Nous nous poserons quatre questions. Abbon respecte-t-il sa source ? Ses omissions ou ses résumés présentent certes quelques maladresses ou approximations 29, mais elles sont assez rares et n’entachent pas une fidélité globale au Liber pontificalis, encore attestée par deux autres indices. Abbon, d’une part, ne cache pas les défauts des papes ni les scandales de la vie de l’Église. Autant que le permet la volonté d’abréger, il ne dissimule ni les faiblesses de Libère, ni les rivalités entourant l’élection de Damase, Boniface Ier, Symmaque et Boniface II, ni les horreurs du schisme laurentien, ni l’accession trouble au pontificat de Silvère, Vigile et Pélage. À 26. Abbon de Fleury, Passio Sancti Eadmundi, éd. M. Winterbottom, dans Three lives of English Saints, Toronto, 1972, p. 67-87. Il reste au moins vingt-sept manuscrits de cette Passio ; cf. M. Mostert, Gerbert d’Aurillac, Abbon de Fleury et la culture de l’An Mil : Étude comparative de leurs œuvres et de leur influence, dans F. G. Nuvolone (éd.), Gerberto d’Aurillac, da Abate di Bobbio a Papa dell’Anno 1000. Atti del Congresso internazionale, Bobbio, 28-30 settembre 2000, Bobbio, 2001 (Archivum Bobiense, Studia, 4), p. 397-431 : p. 419-420. 27. R.-H. Bautier, La place de l’abbaye de Fleury-sur-Loire dans l’historiographie française du ixe au xiie siècle, dans R. Louis (éd.), Études Ligériennes d’histoire et d’archéologie médiévales, Semaine d’études, Saint-Benoît-sur-Loire 1969, Auxerre, 1975, p. 25-34 : p. 27 ; Aimoin de Fleury, Gesta Francorum, éd. Bouquet et Delisle, dans Recueil des historiens des Gaules et de la France, III, Paris, 1869, p. 21-139. 28. Aimoin de Fleury, Vita et passio sancti Abbonis, éd. R.-H. Bautier et G. Labory, dans L’abbaye de Fleury en l’an mil, Paris, 2004 (Sources d’histoire médiévale, 32) ; Les Miracles de saint Benoît, écrits par Adrevald, Aimoin, André, Raoul Tortaire et Hugues de Sainte-Marie, moines de Fleury, éd. E. de Certain, Paris, 1858, p. 90-172 ; sur les Gesta abbatum, voir A. Vidier, L’historiographie à Saint-Benoît-sur-Loire et les miracles de saint Benoît, Paris, 1965, p. 87-88, et R.-H. Bautier, La place de l’abbaye de Fleury-sur-Loire… cité n. 27, p. 27-28. 29. Cf. L-M Gantier, Une histoire des papes… cité n. 3, p. 129-136.
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la différence d’Orderic, il n’omet pas l’apostasie provisoire de Marcellin, ni l’incompétence de Conon dans l’administration des domaines de Sicile, ni la lâcheté de Jean VII face à l’empereur Justinien II. Abbon, d’autre part, ne manifeste pas davantage la volonté de magnifier certains papes ou empereurs. Aucun traitement de faveur pour Grégoire le Grand, le pape le plus lu et le plus aimé du Moyen Âge, des moines en particulier et singulièrement d’Abbon 30. Sa notice, dans le Liber pontificalis, est étonnamment succincte. Abbon lui applique ses règles habituelles d’abréviation : suppression des travaux aux basiliques et du compte des ordinations, résumé de la liste des écrits du pape et de la mission anglaise, et même omission de la reconquête, par l’exarque Romanus, des villes occupées par les Lombards ; c’est l’unique cas, dans l’abrégé d’Abbon, de l’omission totale d’une campagne militaire 31. Orderic, en revanche, supprime peu de chose mais ajoute le nom de la mère de Grégoire, Sylvie, un éloge de ce « docteur incomparable » 32 et des compléments sur la campagne militaire de Romanus. Orderic ajoute de même un résumé élogieux du règne de Justinien dans la notice du pape Benoît Ier : les nations qu’il a soumises, la reconstruction de Sainte-Sophie à Constantinople, sa foi et sa justice, et le nom d’hommes qui ont illustré son règne (Cassiodore, Denis [le
30. Abbon fut l’un des premiers à utiliser la correspondance de Grégoire en faveur de la défense des monastères. Voir surtout sa Lettre 14 à Gauzbert de Tours (PL, 139, col. 443B-450A) ; J.-F. Lemarignier, L’exemption monastique et les origines de la réforme grégorienne dans À Cluny : Congrès scientifique… en l’honneur des saints Abbés Odon et Odilon, 9-11 juillet 1949, Travaux du Congrès…, Dijon, 1950, p. 288-334 (repris dans Id., Structures politiques et religieuses dans la France du haut Moyen Âge. Recueil d’articles rassemblés par ses disciples, Rouen, 1995 [Publications de l’Université de Rouen, 206], p. 285-337) ; Id., Le monachisme et l’encadrement religieux des campagnes du royaume de France situées au nord de la Loire de la fin du xe à la fin du xie siècle, dans Le istituzioni ecclesiastiche della societas christiana dei secoli XI-XII, Atti della sesta Settimana internazionale di studio, Milano, 1-7 settembre 1974, Milan, 1977, p. 357-394 (repris dans Id., Structures…, p. 387-427) ; O. Guillot, Un exemple de la méthode suivie par Abbon de Fleury pour recueillir et ordonner les textes : à partir des lettres de Grégoire le Grand incluses dans l’epistola XIV, dans Le istituzioni ecclesiastiche…, p. 399-405 ; voir ci-dessous n. 65. 31. PL, 139, col. 554BC. Peut-être le Registrum des lettres de Grégoire a-t-il informé Abbon du désaccord du pape avec la politique de l’exarque et de l’empereur envers les Lombards ? D’où cette omission ? 32. PL, 188, col. 215D : arte philosophus… Doctor enim incomparabilis enituit, et multa sagacitate, ingentique studio dicendi et scribendi utiliter laboravit, Ecclesiæque Dei filiis admodum profuit. Orderic se fait l’écho de l’avis général du Moyen Âge sur saint Grégoire, étonné sans doute de l’absence d’éloge de ce pape dans le LP, qui recourra pourtant assez systématiquement à cette pratique à partir de Boniface V (619-625).
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Petit], Priscien, Arator et saint Benoît du Mont-Cassin) 33. Rien de tel chez Abbon qui se contente d’abréger une unique source, le Liber pontificalis. Seconde question, peut-être anachronique : Abbon fait-il preuve de sens critique ? On en perçoit vite les limites. Comme plus tard Orderic, il reprend sans sourciller nombre de légendes ou de partis pris véhiculés par le Liber pontificalis ; entre autres, le dédoublement de Clet et Anaclet (en réalité, deux noms du même pape) ; l’invention de la croix de Jésus par Judas-Cyriaque, sous Eusèbe ; la lèpre de l’empereur Constantin, sa guérison miraculeuse et son baptême par Silvestre ; la déconsidération du pape Libère et la valorisation de l’antipape Félix II ; la partialité contre l’effort œcuménique du pape Anastase II 34. Orderic gonflera démesurément la part légendaire des notices de Clément et de Silvestre, et fera du pape Libère l’auteur direct de la persécution des catholiques 35. Abbon, plus prudent, colle de plus près au Liber pontificalis. Dans les notices de Libère et de Félix II, précisément, il manifeste quelque sens critique. Le Liber pontificalis en effet, confondant Félix II et plusieurs martyrs du même nom, lui attribue deux morts : une, naturelle, un 29 juillet, dans la notice de Libère, l’autre, violente, un 11 novembre, dans sa propre notice 36. Abbon résout la contradiction en attribuant la première date à la déposition de Félix. Réflexe de logicien plus que d’historien ? Orderic, lui, l’omet totalement. Plus haut, dans la notice de Clet, le moine normand a osé une note critique assez fière contre la chronologie de Rufin d’Aquilée, cas d’ailleurs unique dans son abrégé : c’est qu’Orderic envisage son œuvre d’abord comme une chronographie, ainsi qu’il l’annonce dans son introduction 37. Abbon de son côté a-t-il corrigé la chronologie du Liber pontificalis 38 ? Les questions de chronologie ne devaient pas être indifférentes à ce computiste chevronné. De fait, la durée des pontificats présente de nombreuses divergences entre l’Excerptum et le Liber pontificalis, de la fin du second siècle au début du cinquième. La confrontation des durées de l’abrégé avec les cata-
33. PL, 188, col. 214D-215B. C’est à la faveur d’une mention erronée de l’empereur Justinien († 565) faite par le LP dans la notice de Benoît Ier (575-579) qu’Orderic insère son résumé. Ce pontificat se situe à la fin du règne de Justin II (565-578). 34. PL, 139, col. 535B-536A ; 540C ; 540D ; 541D-542A ; 545D. 35. PL, 188, col. 197D-199B ; 203A-206B ; 206D-207A. 36. LP, I, p. 207-211. 37. PL, 188, col. 197C (cf. M. Chibnall, The ecclesiastical history of Orderic Vitalis, I, p. 192, n. 1) ; 196D : Quia chronographiam secundum scripta priscorum contexere decrevi. 38. Examen détaillé dans L-M. Gantier, Une histoire des papes… cité n. 3, p. 143-154.
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logues pontificaux des ve-viie siècles édités par Duchesne 39 fait ressortir une proche parenté avec le catalogue d’un manuscrit du ixe siècle de la Bibliothèque municipale d’Arras [644 (572, E 68)], provenant de l’abbaye de Saint-Vaast, copie d’un catalogue datant probablement de la fin du ve siècle. Abbon a pu se servir d’un catalogue semblable. D’autre part, ses transformations des chiffres du Liber pontificalis s’approchent plusieurs fois de la réalité, mais s’en écartent plus souvent et parfois gravement. L’autorité reconnue à la source des corrections semble avoir eu plus d’importance qu’une vérification chronologique, guère possible ; d’où l’hypothèse que, si Abbon a laissé un abrégé du Liber pontificalis, c’était pour combler une lacune de la bibliothèque de Fleury 40. On pouvait en revanche y conserver un catalogue des papes apparenté à celui de Saint-Vaast ; d’où la préférence d’Abbon pour ce catalogue fleurisien en cas de désaccord avec le manuscrit du Liber pontificalis emprunté à une autre bibliothèque. L’hypothèse vaut bien sûr ce qu’elle vaut. Il n’est d’ailleurs pas exclu qu’Abbon ait trouvé ces corrections déjà effectuées dans la recension qu’il abrégeait. L’examen des dates divergentes de sépultures n’est guère plus concluant. Reste une quatrième question : Abbon est-il sensible aux évolutions de l’histoire ? Le Liber pontificalis attribue aux différents papes des institutions liturgiques et disciplinaires qui, bien que souvent antidatées, laissent pourtant l’impression d’une patiente élaboration de la liturgie et du droit ecclésiastique. Il n’est pas rare que la même institution soit attribuée à deux pontificats différents. En ce cas, Abbon, qui supprime volontiers les doublets, a tendance à ne garder que la première occurrence. Plusieurs fois cependant il conserve les deux, ce qui semble manifester une attention fine aux évolutions de la législation. Ainsi, le passage du fait au droit : sous le pape Eusèbe, au début du ive siècle, est évoquée la pratique de l’imposition des mains pour réconcilier les hérétiques ; elle devient normative sous Sirice à la fin du siècle. Abbon garde les deux occurrences 41. On note une évolution semblable au sujet du fermentum eucharistique entre la notice de Melchiade et celle de Sirice :
39. Duchesne, LP, I, p. xiv-xvii, lxxviii-lxxxix et 14-33. 40. M. Mostert, The political theology… cité n. 5, p. 56. 41. PL, 139, col. 540C : [Eusebius] hereticos invenit, quos per manus impositionem reconciliavit (Il découvrit des hérétiques qu’il réconcilia par l’imposition des mains). Col. 542D : [Siricius] constituit etiam hereticum sub manu impositionis reconciliari, presente cuncta æcclesia (Il décréta aussi que l’hérétique serait réconcilié par l’imposition des mains en présence de toute l’Église).
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Abbon garde les deux 42. De même pour les degrés de l’ordre clérical et l’accession à l’épiscopat : la présentation qui en est faite sous Gaïus englobe l’hypothèse d’un laïc élu à l’épiscopat et devant franchir tous les degrés inférieurs, sans précision de délai. La législation attribuée à Silvestre rend cette hypothèse impossible par les durées qu’elle prescrit pour chacun des ordres (30 ans pour le seul lectorat). Là encore, Abbon a gardé les deux occurrences 43. Il a développé ailleurs, dans le chapitre le plus personnel de sa Collection canonique, cette attention au caractère contingent et évolutif du droit 44. Au contraire, Orderic Vital intègre, nous l’avons vu, une vingtaine de dispositions canoniques pseudo-isidoriennes attribuées aux papes des trois premiers siècles, alors qu’il omet la plupart des dispositions canoniques plus tardives du Liber pontificalis : cela ne favorise-t-il pas l’image d’une Église moins évolutive, fixée plus tôt dans des institutions intangibles ? Le sens historique d’Abbon se manifeste ainsi dans la volonté de transmettre des données et des faits qu’il pense réels. Ses instruments pour établir leur objectivité ne dépassent guère une confiance globale dans ses sources, tempérée par son sens de la logique. Ce n’est pas de l’histoire édifiante qui retiendrait seulement le positif de ses héros : sur ce point, l'abrégé est aux antipodes de la Passio Sancti Eadmundi et fait preuve d’un sain réalisme devant la com-
42. PL, 139, col. 540D : Fecitque [Melchiades] ut oblationes sacræ, quod est fermentum, ex consecratione episcopi per æcclesias dirigerentur (Et il établit que des offrandes consacrées, c’està-dire le fermentum prélevé sur ce qu’a consacré l’évêque, seraient envoyées dans les églises). Col. 542CD : [Siricius] constituit ut nullus presbiter missas celebraret per omnem ebdomadam, nisi consecratum episcopi susceperit, quod nominatur fermentum (Il décréta qu’aucun prêtre ne célébrerait la messe chaque semaine sans avoir reçu du [pain] consacré par l’évêque, ce qu’on appelle le fermentum). 43. PL, 139, col. 539D-540A : [Gaius] constituit ut ordines omnes in æcclesia sic ascendetur : si quis episcopus mereretur, ut esset hostiarius, lector, exorcista, sequens, subdiaconus, diaconus, presbiter, et exinde episcopus ordinaretur (Il décréta que, dans l’Église, tous les degrés de l’ordre se graviraient ainsi : si quelqu’un méritait l’épiscopat, il devrait être portier, lecteur, exorciste, acolyte, sous-diacre, diacre, prêtre, et il pourrait alors être ordonné évêque). Col. 541AB : [Silvester] constituit… ut si quis desideraret in æcclesia militare aut proficere ut esset lector annis XXX, exorcista diebus XXX, acolitus annis V, subdiaconus V, diaconus VII, presbiter III, probatus ex omni parte et ab his qui foris sunt, testimonium habere bonum, unius uxoris virum a sacerdote benedictæ, et sic ad ordinem episcopatus accedat (Il décréta… que si quelqu’un désirait militer ou avancer dans l’Église, il serait lecteur pendant 30 ans, exorciste 30 jours, acolyte 5 ans, sous-diacre 5 [ans], diacre 7 [ans], prêtre 3 [ans] ; si l’on a vérifié de tous côtés qu’il reçoit un bon témoignage même de ceux qui sont dehors, et qu’il a été le mari d’une seule épouse bénie par le prêtre, alors, qu’il accède à l’ordre de l’épiscopat). 44. Collectio canonum, PL, 139, c. 8, col. 481B-482A.
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plexité des personnes et des situations. L’histoire cependant n’a pas ici sa finalité en elle-même, elle est au service de la promotion de la primauté pontificale.
L’abbé de l’an Mil et la papauté C’est pour l’utilité des générations futures qu’Abbon a rédigé son abrégé 45 ; utilité qu’il évaluait bien sûr à l’aune de ses convictions et centres d’intérêt. Ses choix, omissions et transformations peuvent ainsi nous renseigner sur luimême et son milieu. Ils offrent effectivement des correspondances avec ses autres œuvres et ses engagements dans l’Église de l’an Mil, surtout envers la papauté. Abbon, mêlé aux vicissitudes politiques de son temps, a élaboré au fil de ses écrits une théologie politique avec laquelle consonent maints passages de l’abrégé 46. Ainsi, dans la notice de Léon le Grand, l’empereur Marcien et l’impératrice Pulchérie déposent la majesté impériale pour professer la vraie foi en présence des évêques du concile de Chalcédoine. Au seuil de son Liber apologeticus Abbon les propose en exemple aux rois Hugues Capet et Robert le Pieux : eux aussi doivent chasser toute hérésie du royaume 47. Il leur expose ensuite sa théorie des trois ordres de fidèles dans l’Église 48. Le premier ordre est bon ; c’est celui des gens mariés, des laïcs, paysans (agricolæ) ou combat45. Voir ci-dessus n. 4. Même souci dans sa lettre 7, à Odilon de Cluny, sur la concordance des évangiles (PL, 139, col. 425B) : instar commentatoris scribere decrevi aliquid gratum amicis, utile posteris (J’ai décidé, à l'instar du commentateur, d’écrire un texte intéressant pour mes amis et utile pour la postérité). 46. Cf. M. Mostert, The political theology… cité n. 5, p. 55-56 ; p. 91 n. 22 ; p. 92 n. 26 ; p. 101 n. 67 ; p. 114 n. 36 ; p. 127 n. 21 ; p. 132 n. 41 ; p. 139 n. 22 ; p. 140 n. 28 ; p. 145 n. 57 ; p. 155 n. 104 ; p. 159 n. 8 ; p. 172 n. 67 ; p. 192 n. 81. 47. Excerptum, PL, 139, col. 544C : Ubi piissimus augustus cum Pulcheria coniuge sua augusta deposita regia maiestate fidem suam sub cyrographo exposuerunt ante conspectum omnium episcoporum (C’est là que l’empereur très pieux ainsi que l’impératrice Pulchérie son épouse, laissant de côté la majesté royale, exposèrent leur foi sur un document signé, en présence de tous les évêques). Liber apologeticus, PL 139, col. 462CD : In tantum puritas fidei pio placuit principi, ut eam ipse cum sua conjuge sub cyrographo publice profiteretur coram omni illo magno concilio. Cuius piam religionem imitamini, domini nostri Hugo et Rotberte, clarissimi reges (La pureté de la foi plut tant au pieux empereur que lui-même, avec sa femme, en fit profession en public dans un acte solennel en présence de tout ce grand concile. Imitez sa religieuse piété, Messeigneurs Hugues et Robert, rois très illustres). 48. Liber apol., PL, 139, col. 463B-465B.
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tants (agonistæ). Le second ordre, celui des clercs, est meilleur ; ils assument le soin quotidien des églises en pratiquant la vie active de Marthe ; leur vie irréprochable, intermédiaire entre laïcs et moines, est le miroir de toute l’Église. Le troisième ordre, celui des moines et des vierges, bien que non exempt de péché, est très bon, à cause de l’excellence de la virginité alliée à la contemplation 49. Abbon se fait là le porte-parole du mouvement monastique clunisien qui se veut éducateur de la société : la vie monastique est proposée comme paradigme à toute l’Église. Cette théorie socio-ecclésiale n’est pas sans écho dans l’abrégé. De part et d’autre est revendiquée une non-confusion des ordres qui se traduit, dans l’abrégé comme dans l’œuvre canonique d’Abbon, par l’interdiction des tribunaux civils aux clercs et la défense faite aux laïcs d’intenter un procès contre un clerc 50. C’est peut-être le souci de distinguer nettement moines et clercs qui a poussé Abbon à omettre les allusions du Liber pontificalis aux monastères basilicaux ou de bienfaisance 51, alors qu’il a conservé les fondations monastiques de Grégoire le Grand, Adéodat II et Grégoire II dans leur propre maison. Mais le plus symptomatique, c’est l’image que renvoie l’abrégé de l’évêque et de son rapport au pape. Abbon en effet, ami des archevêques anglais Dunstan de Cantorbéry et Oswald d’York, anciens moines, réformateurs de l’Église, s’est opposé aux évêques francs non seulement au concile de SaintBasle, pour affirmer la primauté romaine, mais aussi à celui de Saint-Denis (993) pour empêcher qu’ils ne suppriment les dîmes aux moines. Il a aussi été attaqué de nuit par les gardes de l’évêque Arnoul d’Orléans qui avait des prétentions indues sur l’abbaye de Fleury 52. D’où la lutte d’Abbon pour obtenir l’exemption de Fleury, et cette théorie des trois ordres dont l’aporie principale est la place et le rôle de l’évêque par rapport aux moines qui le surplombent 53. 49. Liber apol., PL, 139, col. 464D : Porro illud unum quod est necessarium in contemplativa vita adepti monachi, cum Maria tanto magis delectantur pedes Jesu lacrymis rigare et capillis tergere (cf. Luc. 7, 38), quanto remotiores sunt ab omnium negotiorum sæculi inquietudine (Ayant embrassé dans la vie contemplative la seule chose qui importe, les moines, avec Marie, se réjouissent d’arroser de larmes les pieds de Jésus et de les essuyer de leurs cheveux, d’autant plus qu’ils sont davantage éloignés du trouble qu’apportent toutes les affaires du siècle). 50. Excerptum, PL, 139, col. 541A et 541C ; Lettre 8, col. 430CD ; Lettre 13, col. 439A, Coll. can., c. 45, col. 504D-505A ; c. 48, col. 505C. 51. Notices 46 (Sixte III), 47 (Léon le Grand), 48 (Hilaire), 61 (Vigile), 69 (Boniface IV). 52. Cf. Aimoin, Vita Abbonis, éd. Bautier et Labory, c. 8-9, p. 62, 70-74 ; Abbon, Liber apol., 139, col. 468B-469C. 53. Cf. G. Duby, Les trois ordres ou l’imaginaire du féodalisme, Paris, 1978, p. 112-118.
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Ce n’est pas qu’Abbon manque de considération pour l’évêque. Il reconnaît sa potestas qui ne doit pas être tyrannique 54, et il lui trace un idéal de vie conforme à son ministère 55. L’abrégé a retenu les notations du Liber pontificalis qui s’accordent avec ce portrait. D’abord, la nécessité d’une élection régulière, sans simonie – ce dont on a soupçonné Silvère et que Pélage Ier interdit dans son discours d’intronisation 56 –, et sans désignation par le prédécesseur, comme l’a fait Boniface II ensuite désavoué par son clergé 57. Du portrait moral des papes, Abbon omet presque tout ; il garde pourtant l’unique occurrence du terme castus (chaste), attribué à Grégoire II. Il retient aussi, dans la notice de Silvestre, que le candidat à l’épiscopat doit n’avoir été marié qu’une fois, avec bénédiction nuptiale de l’épouse : toute sa vie, Abbon a exhorté à la chasteté moines, clercs et laïcs, chacun selon son ordre 58. Il a par ailleurs conservé dans l’abrégé ce qui concerne la formation et la compétence intellectuelles des papes Léon II, Benoît II, Jean V, Serge, Jean VII et Grégoire II, tout comme il a insisté dans sa lettre 14 sur l’instruction des évêques 59. Mais derrière cette valorisation d’un idéal moral et disciplinaire, que deviennent la fonction et l’être sacramentels de l’évêque ? Abbon omet systématiquement, on l’a dit, la formule du compte des ordinations qui clôt presque sans exception la biographie de chaque pape dans le Liber pontificalis. Cette suppression massive ne jette-t-elle pas de l’ombre sur un aspect essentiel du lien de l’évêque avec son clergé, le lien sacramentel d’engendrement dans la succession apostolique 60 ? Abbon omet aussi, sous Zéphyrin, l’unique description d’une concélébration eucharistique autour de l’évêque 61. Il omet également, dans la notice de Silvestre, l’unique occurrence 54. Coll. can., PL, 139, c. 12, col. 483A ; c. 27, col. 490C ; c. 30, col. 491C ; c. 41, col. 496D. 55. Voir surtout la lettre 14, PL, 139, col. 455-457 ; cf. M. Mostert, L’abbé, l’évêque et le pape : l’image de l’évêque idéal dans les œuvres d’Abbon de Fleury, dans Religion et Culture autour de l’an mil, Paris, 1990, p. 39-45. 56. Excerptum, PL, 139, col. 549D, 553C ; cf. Liber apol., col. 466 ; Coll. can., c. 13, 483B-484A ; Aimoin, Vita Abbonis, éd. Bautier et Labory, c. 10, p. 76-79. 57. Excerptum, PL, 139, col. 548CD ; cf. Coll. can., c. 42, col. 497A. 58. Excerptum, PL, 139, col. 568C et 541B ; Passio Sancti Eadmundi, éd. Winterbottom, c. 17, p. 87 ; Lib. apolog., PL, 139, col. 463B-465A ; Coll. can., c. 39-40, col. 495D-496C ; lettres 8-9, col. 429-432 ; lettre 14, col. 450A-459. 59. Lettre 14, PL, 139, col. 456BD. 60. Abbon conserve en revanche la plupart des mentions concrètes d’ordinations, soit celle du pape lui-même lorsqu’elle est mentionnée avec son élection, soit celles faites par lui dans des cas exceptionnels, comme le passage de Vigile en Sicile. 61. LP, I, p. 139 ; cf. PL, 139, col. 568C.
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de trois privilèges sacramentels de l’évêque : réconcilier l’arien repentant, bénir le chrême et confirmer (consignare) le nouveau baptisé 62. Abbon conserve pourtant des notations liturgiques de moindre importance ; la volonté d’abréger ne peut expliquer à elle seule la suppression de ces trois brefs privilèges épiscopaux 63. Ces omissions ne dénoteraient-elles pas un déplacement d’accent dans la conception de l’épiscopat, une certaine mise entre parenthèses de sa nature et de son rôle sacramentels propres ? L’intérêt d’Abbon se porte en revanche vers l’honnêteté de vie et le droit. La réalité sacramentelle semble s’estomper devant le pouvoir de juridiction, et celui du pape doit être fort pour assurer l’exemption monastique. Celle-ci est ignorée par le Liber pontificalis. Il évoque cependant, sous le pape Constantin, l’exemption du diocèse de Pavie, capitale des Lombards, et la tension qu’elle entraîna avec l’archevêque de Milan, tension qu’Abbon édulcore quelque peu 64. La recherche de l’exemption conditionne sa conception de la primauté : le pape est celui qui accorde et garantit des privilèges inviolables. Abbon a trouvé son arme principale dans les nombreuses interventions de Grégoire le Grand en faveur des monastères 65. Il profite de la double mission que lui a confié le roi Robert, concernant son union incestueuse avec la 62. LP, I, p. 171 : [Silvester] constituit ut presbiter arrianum resipiscentem non susciperet, nisi episcopus loci designati, et chrisma ab episcopo confici, et privilegium episcopis ut baptizatum consignet propter hereticam suasionem. L’édition Duchesne ne signale aucune omission de ce passage par un quelconque manuscrit. 63. Abbon n’ignorait pas que c’est à l’évêque qu’il revient de confirmer (cf. Passio Sancti Eadmundi, éd. Winterbottom, c. 8, p. 76). Mais « la remise du saint chrême et la réception du saint chrême sont toujours au Moyen Âge la marque de la souveraineté spirituelle de l’évêque dans son diocèse comme celle de la dépendance du clergé et des fidèles d’une certaine juridiction » (L. Falkenstein, La papauté et les abbayes françaises aux xie et xiie siècles. Exemption et protection apostolique, Paris, 1997, p. 168). Serait-ce parce qu’Abbon est réticent à cette juridiction sur les moines qu’il passe sous silence la bénédiction elle-même ? 64. Excerptum, PL, 139, col. 567D : Venit autem et Benedictus archiepiscopus Mediolanensis orationis voto, et suo se pontifici presentavit, postposita altercatione pro æcclesia Tycinensi, cuius antistes consecrandus ad domnum papam pertinet (Benoît, l’archevêque de Milan, vint [à Rome] dans l’intention de prier, et il se présenta à son pontife, laissant de côté la dispute au sujet de l’Église de Pavie dont il revient au seigneur pape de consacrer l’évêque). L’abrégé adoucit l’altercatio de l’archevêque avec le pape. On lit en effet dans le LP (I, p. 392) : Altercavit vero et pro ecclesia Ticinense, sed convictus est, eo quod a priscis temporibus sedis apostolicæ eiusdem Ticinensis ecclesiæ antistes ad consecrandum pertinebat atque pertinet (Il discuta aussi de l’Église de Pavie, mais on le convainquit que, depuis les temps anciens, il revenait et il revient [encore] au siège apostolique de consacrer les évêques de cette Église de Pavie). 65. Cf. ci-dessus, n. 30 ; L.-M. Gantier, Le pape et l’évêque dans l’ecclésiologie monastique d’Abbon de Fleury, dans Studia Anselmiana (à paraître 2009).
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reine Berthe et le rétablissement de l’archevêque Arnoul à Reims, pour présenter à Grégoire V sa demande en faveur de Fleury. Privilegium illi apostolicæ auctoritatis fieri rogavit… In eo sane privilegio inter alia continetur, ut episcopus Aurelianensis, nisi invitatus, Floriacum nequaquam adeat coenobium, neve umquam quilibet pontificum eidem monasterio divinum interdicat officium, etiam si tota Gallia ob populi peccata anathematis feriatur vindicta a Sede apostolica 66. Ce recours au Saint-Siège s’accompagne d’une certaine théorisation de la primauté pontificale, dont l’abrégé se ressent. Au pape Clément, son premier successeur d’après le Liber pontificalis, Pierre a remis « la chaire, c’est-à-dire l’administration de toute l’Église 67 ». Abbon omet ici les paroles de Pierre : Sicut mihi gubernandi tradita est a domino meo Iesu Christo potestas ligandi solvendique, ita et tibi committo 68. Phrase supprimée vraisemblablement parce que le pouvoir de lier et de délier n’est pas spécifique de Pierre, Jésus l’ayant attribué également aux autres apôtres (cf. Mt 18, 18). Ce qui intéresse Abbon, ce n’est pas ce que le pape a de commun avec les autres évêques, mais sa juridiction universelle qui le distingue d’eux. Abbon recopie avec soin que c’est Rome et non Constantinople qui est le premier siège, « la tête de toutes les Églises », et le pape, « le chef de
66. Vita Abbonis, éd. Bautier et Labory, c. 12, p. 92-95 : « Il lui demanda de faire un privilège de l’autorité apostolique… Dans ce privilège il est précisément contenu entre autres choses, que l’évêque d'Orléans, à moins d’y être invité, ne peut en aucune façon avoir accès au monastère de Fleury et que jamais l’un quelconque des évêques ne peut jeter l'interdit sur la célébration de l’office divin dans ce monastère ». Ce privilège est la Charte de Grégoire V, dans Recueil des chartes de l’abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire, I, éd. M. Prou et A. Vidier, Paris, 1907, p. 185188. « C’est un privilège considérable. Il déclare l’abbé de Fleury primus inter abbates Galliæ, interdit à tout archevêque, évêque ou clerc d’inquiéter celui-ci, de venir au monastère, d’y faire une ordination vel missas celebrare sans le consentement de l’abbé. L’évêque n’aura aucune autorité sur les moines qu’il aura ordonnés. Si l’abbé est accusé de crime, il ne sera pas jugé par un seul évêque, mais par le concile provincial et, s’il préfère appellare Sedem apostolicam, l’affaire sera déférée au souverain pontife. Il lui sera permis d’aller à Rome chaque fois que la nécessité l’en pressera. Il aura la potestas solvendi et ligandi sur les hommes et les femmes sui ordinis (soumis à Fleury) ; également le pouvoir coercitif sur les moines ; interdiction est faite aux prêtres du diocèse d’Orléans de donner la communion aux moines qui en auront été privés par lui. Le monastère ne sera pas soumis à l’interdit général. Fleury est donc bien un îlot quasi indépendant au sein du diocèse d’Orléans et Abbon a en mains une arme maîtresse contre Arnoul » (J.-F. Lemarignier, L’exemption monastique… cité n. 30, p. 311). 67. Excerptum, PL, 139, col. 535A : Clementi vero cathedram, vel Ecclesiam omnem disponendam commisit. 68. LP, I, p. 118 : « De même que le pouvoir de gouverner, de lier et de délier, m’a été remis par mon Seigneur Jésus-Christ, de même je te le confie à toi aussi ».
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tous les prêtres » 69. Il majore plus que le Liber pontificalis le rôle des papes Silvestre et Léon le Grand dans la convocation des conciles de Nicée et de Chalcédoine. Et il accentue le caractère personnel du gouvernement de certains papes, en remplaçant deux fois au moins sedes apostolica par Dominus papa 70. L’exemption monastique suppose une primauté pontificale juridiquement forte. Sur ce point, la lettre d’Abbon aux chanoines de Tours (996) est particulièrement instructive. Siquidem Romana Ecclesia sua super omnes Ecclesias excellentia hoc habet privilegii, ut, sicut claviger regni cœlestis obtinet principatum apostolici culminis, ita eadem Romana Ecclesia auctoritatem tribuat omnibus quasi suis membris, quæ sunt per quatuor climata totius orbis… Certe unicuique Ecclesiæ suum jubet servari privilegium, illud magnum et inviolabile Nicænum concilium, quod sanctissimus papa Gregorius ita se fatetur venerari, ac si sanctum Evangelium 71. L’Église romaine « confère autorité » à ses membres dispersés dans l’univers. Elle se répand dans l’univers entier par ceux qui lui obéissent comme ses membres. Même le plus incontesté des conciles, celui de Nicée, tire en quelque sorte sa valeur de la recommandation qu’en fait le pape. Abbon tend à faire de l’Église romaine la source de légitimité de toute autre autorité dans l’Église. Dans cette ligne, l’abrégé reproduit le texte le plus fort du Liber pontificalis sur la dépendance juridique des évêques par rapport au pape : l’évêque convoqué au siège apostolique doit, au retour dans son diocèse, fournir une formata 69. Excerptum, PL, 139, col. 554D : caput omnium Ecclesiarum ; col. 564D : utpote capiti sacerdotum omnium. 70. Cf. L.-M. Gantier, Une histoire des papes… cité n. 3, p. 190 n. 78, p. 192 n. 86. Par deux fois l’abrégé remplace sedes apostolica, par dominus papa… une façon de parler qui n’est pas tout à fait neutre. Dans la notice de Félix III (LP, I, p. 252), non fecerunt secundum præceptum sedis apostolicæ devient dans l’abrégé (PL, 139, col. 545B) non fecerunt ut preceperat domnus papa ; dans celle de Serge Ier (LP, I, p. 373), Bonifatium consiliarium sedis apotolicæ devient (col. 565A) Bonifatium consiliarium domni papæ. En revanche, les notices d’Anastase II, de Boniface II et de Pélage Ier n’ignorent pas le tempérament apporté par le conseil ou le synode à un gouvernement personnel. 71. Lettre 5, PL, 139, col. 423D-424A : « L’Église romaine a, par sa supériorité sur toutes les Églises, ce privilège que, de même que le Portier du royaume céleste possède la primauté de la dignité apostolique, de même la dite Église romaine confère autorité à tous ceux qui en sont en quelque sorte les membres aux quatre points de l'univers. (…) Oui, il ordonne à chaque Église de suivre la loi de l'Église, ce grand et inviolable concile de Nicée que le très saint pape Grégoire a recommandé de vénérer comme le saint Évangile ». Cf. Y. Congar, L’ecclésiologie du Haut Moyen Âge, Paris, 1968, p. 181 n. 70, p. 246 n. 71.
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(certificat du pape) pour réintégrer son siège. Cette disposition s’inspire d’un canon apocryphe du vie siècle attribué au concile des 275 évêques sous le pape Silvestre : que tout évêque convoqué au concile signe la profession de foi de façon à recevoir du pape une pagina salutationis à faire connaître à son retour en même temps que la profession de foi du concile. Cette disposition est mise par le Liber pontificalis au compte de Sixte Ier (vers 116-125) ; elle y perd sa relation avec le concile et la confession de la foi mais y gagne une haute antiquité et une portée générale et universelle à laquelle Abbon ne peut que souscrire 72. Ainsi les choix, omissions et transformations opérés par Abbon dans l’abrégé consonent avec ses lettres et ses œuvres canoniques. Il s’y manifeste une théologie de l’Église qui magnifie conjointement l’état monastique et la primauté romaine au détriment de l’épiscopat dont le caractère et la fonction sacramentelle spécifiques sont volontiers mis entre parenthèses, y compris pour l’évêque de Rome. L’insistance se porte d’une part sur un certain ordre moral dont décide la chasteté, alliée de la prière, et d’autre part sur un ordre juridique dont la primauté romaine est la clef de voûte et le garant. La connivence d’Abbon avec le Liber pontificalis est manifeste, tant au plan de la méthode qu’à celui du contenu. Des notices brèves, ordonnées, four72. Les trois textes sur la formata (cf. Duchesne, LP, I, p. cxxxxviii et p. 128, n. 4 ; Excerptum, PL, 139, col. 537A) : Excerptum (Xyxtus I) constituit ut quicumque episcoporum evocatus fuisset ad sedem apostolicam rediens ad parroechiam suam non susciperetur nisi cum formatam.
Concile des 275 évêques, can. 3 Silvester episcopus dixit : Robustius duximus consilium, si placet, ut omnis episcopus qui convenit ad concilium fidem suam chirographo confirmet, ut deinceps rediens ad parochiam suam cum pagina nostræ salutationis plebi suæ innotescat, ut fide concilii declarata, intemeratus ordo servetur.
Liber pontificalis (Xystus I) constituit ut quicumque episcopus evocatus fuerit ad sedem romanam apostolicam et rediens ad parochiam suam, non susciperetur nisi cum formata salutationis plebi a sede apostolica.
L’évêque Silvestre dit : « Nous avons fermement résolu, si cela convient, que tout évêque qui est venu au concile confirme par écrit sa profession de foi. Au retour dans son diocèse, il la fera connaître à son peuple en même temps que notre lettre de salutation, de sorte que la règle soit gardée sans tache ».
(Sixte) décréta… que tout évêque qui aurait été appelé au siège romain apostolique, ne serait admis à rentrer dans son diocèse que muni d’une ‘formata’ de salutation au peuple de la part du siège apostolique.
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millant de renseignements de tous ordres, satisfont l’historiographe, le canoniste, le conseiller politique et ecclésiastique et surtout l’abbé qui vénère la papauté et y cherche le soutien pour la réforme monastique. La visée est claire : transmettre aux générations futures un document allégé en fonction des convictions de l’abréviateur. Les rédacteurs du Liber pontificalis n’ont-ils pas rédigé leurs notices en fonction de leurs propres engagements du moment ? Abbon prolonge leur perspective pour son temps, et ce sera un jalon parmi d’autres vers la grande restructuration de l’Église connue sous le nom de « réforme grégorienne ». Peut-on dater l’abrégé ? Les manuscrits, postérieurs de quelques décennies à la mort d’Abbon, ne donnent aucune indication. Une approximation est cependant possible. S’il y a des rapports thématiques évidents entre l’abrégé et les œuvres canoniques d’Abbon, elles ne le citent pourtant jamais et n’en dépendent pas 73 ; ce qui semble indiquer qu’il a été rédigé après elles, c’està-dire après 995. Plusieurs passages de l’abrégé, en revanche, ont été utilisés par Aimoin de Fleury dans les premiers livres de ses Gesta Francorum qui semblent dater, selon Karl Ferdinand Werner, des toutes premières années du règne personnel de Robert II, après la mort d’Hugues Capet en octobre 996 74. Il est donc vraisemblable qu’Abbon a rédigé l’abrégé vers 996, au moment de sa plus forte affirmation de l’autorité romaine et de ses tentatives pour obtenir le privilège d’exemption de Fleury. Pourquoi s’interrompt-il au milieu de la notice de Grégoire II ? Sur le plus ancien manuscrit, celui de Leyde, le texte d’Abbon s’arrête au milieu d’une colonne. Puis, après six lignes blanches, le même copiste a continué un catalogue de papes indépendant du Liber pontificalis. Il suivait donc un modèle qui s’interrompait déjà à cet endroit, soit que la suite ait été perdue, soit qu’Abbon se soit effectivement arrêté là, utilisant lui-même un exemplaire incomplet du Liber pontificalis ou pour toute autre raison. On ne peut en dire plus. 73. Même l’allusion à Marcien et Pulchérie dans le Liber apologeticus (994) ne dépend pas de la notice sur Léon le Grand (voir ci-dessus p. 165). En effet, là où l’abrégé (PL, 139, col. 544B) dénombre 256 ou 630 évêques à Chalcédoine, le Liber apologeticus (PL, 139, col. 462C) en compte 600 ou 1200 ; le nombre 600 est transformé de façon erronée en 200 par l’édition Migne ; l’unique manuscrit (Londres, British Library, Add.10972) porte DCtis, confirmé par les manuscrits de la Vita Abbonis où ce texte est cité (éd. Bautier et Labory, p. 66). 74. Cf. K. F. Werner, Die literarischen Vorbilder des Aimoin von Fleury und die Entstehung seiner Gesta Francorum, dans H.-R. Jauss et D. Schaller (éd.), Medium ævum vivum. Festschrift für Walther Bulst, Heidelberg, 1960, p. 69-103 ; L.-M. Gantier, Une histoire des papes… cité n. 3, p. 156-157 et 198.
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Sur beaucoup de manuscrits, le Liber pontificalis ou ses abrégés ont été complétés par des listes plus ou moins exhaustives et fiables de papes plus récents. Orderic Vital a ainsi essayé de reconstituer le catalogue des papes postérieurs à Léon IV (847-855) jusqu’à son contemporain Innocent II (11301143) 75. Au texte d’Abbon, le copiste du manuscrit de Leyde a ajouté vingtsept noms jusqu’à Benoît IX (1032… 1048), recopiés tels quels vers 1050 sur le manuscrit de Berne. Puis plusieurs mains ont apporté des compléments au manuscrit de Leyde, jusqu’au pape Lucius II (1144-1145). Le catalogue des dix-sept premiers noms, de Grégoire III à Adrien II, est exact et continu ; la suite présente de nombreuses lacunes, erreurs ou approximations. Huit noms sont accompagnés d’éléments biographiques de valeur inégale, dont le centre de perspective n’est pas Rome, mais la Francie et Fleury. Busée n’a pas édité ces continuations 76, dont nous donnons en annexe le texte établi par Ad van Els, avec sa permission.
75. PL 188, col. 227A-228C. 76. Après le texte d’Abbon, Busée conclut (Liutprandi Ticinensis Diaconi Opusculum…, p. 161 ; PL, 139, col. 569C-570C) : « Cætera desiderantur. Quæ vero in ms. cod. ab alio quopiam de viginti duobus sequentibus Pontificibus Romanis brevissime subjecta erant luce indigna putavimus, tum quod ex libro de Romanis Pontificibus, qui Anastasio Bibliothecario tribuitur, uti superiora omnia, excerpta non essent, tum quod mutila essent et plena lacunis. » Dans le manuscrit de Berne, la continuation compte 27 noms et non 22. De ce dernier chiffre, Duchesne a conclu à tort qu’elle allait jusqu’à Formose (cf. LP, I, p. CCIV) ; en fait, les lacunes commencent plus tôt, et Formose n’y figure pas.
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Annexe Continuations de l’abrégé du Liber pontificalis d’Abbon de Fleury 1 Item Gregorius sedit annis X, mensibus VIII, diebus XXIIII. Zacharias sedit annis XIIII, mensibus …… diebus …… Huius auctoritate, Pipinum, fratrem Karlomamni in Monte Cassino monachi facti sub regula sancti Benedicti, Franci regem sibi constituunt, abiecto Hilderico, qui postea tonsoratus monachus effectus est. Huius quippe pontificis extat epistula missa Pipino regi, ut restitueretur Cassiniensibus corpus sancti Benedicti. Quæ Deo volente nullum habuit effectum. Eam tamen Pipinus accipiens, Remigium Rotomagensem episcopum, fratrem Karlomanni, Floriaco monasterio dirigit, qui sacrum pignus eis reddat. Quos divina clementia ita oculorum lumine privavit, ut mutuos cernere 2 non possent vultus. Sed humiprostrati, veniam petentes, clementiam Dei senserunt et ad sua letantes reversi sunt 3. Stephanus sedit annis V, diebus XXIII. /13va/ Et cessavit episcopatus diebus XXXV. Huic papæ sanctissimo Stephano revelatio et memoria ostensa est de consecratione altaris apostolorum Petri et Pauli, quod est situm ante sepulcrum sanctorum Dyonisii, Rustici et Eleutherii, V kalendas augusti. Qui pro obpressione atrocissimi et nec nominandi Haistulfi Pipinum regem Francorum adiit. Et in monasterio sanctorum Dyonisii sociorumque eius, diu infirmus iacuit. Sed sanctorum precibus sanitati redditus, altare consecravit. Et non multo post tempore, Pipinum et duos filios eius, Karolum et 1. Texte établi par Ad van Els d’après le manuscrit de Leyde (Bibl. d. Rijksuniversiteit, Voss. lat. folio 96 I, fol. 13rb, ligne 22 – 13v ; vers 1032-1039). Les passages entre crochets […] ont été ajoutés par plusieurs mains sur ce manuscrit après que l’Excerptum a été recopié, entre 1039 et 1056, sur le manuscrit de Berne (Burgerbibl., 120 I, fol. 92v, med. - 93r). 2. D’ici jusqu’à la fin de la colonne 13rb, changement de main. 3. « Zacharie (décembre 741-mars 752) siégea 14 ans, … mois, … jours. C’est par son autorité que les Francs établissent, pour être leur roi, Pépin – le frère de Carloman devenu moine au Mont-Cassin sous la règle de saint Benoît – après avoir rejeté Childéric qui fut ensuite tonsuré et que l’on fit moine. De ce pontife précisément, il existe une lettre envoyée au roi Pépin afin qu’il restitue aux Cassiniens le corps de saint Benoît. Elle n’eut, Dieu le voulant, aucun effet. Cependant lorsqu’il la reçut, Pépin envoya Remi, évêque de Rouen et frère de Carloman, au monastère de Fleury pour qu’on leur rende le trésor sacré. La clémence divine les priva de la lumière des yeux au point qu’ils ne pouvaient plus distinguer mutuellement leurs visages. Mais, prosternés à terre en demandant pardon, ils expérimentèrent la clémence de Dieu et retournèrent chez eux pleins de joie. »
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Karolomannum, in reges Francorum apud Ferrarias benedixit 4. Et contestatus est, ut nullus nisi de eorum progenie per succedentium temporum curricula in regno Francorum rex crearetur. Acta sunt hæc anno Incarnationis Dominicæ DCCLIIII 5. Paulus sedit annis X, mense I. Et cessavit episcopatus anno I, mense I. Hic frater predecessoris sui Stephani. Monasterium, quod in honore sanctorum martirum Dyonisii sociorumque eius in proprio suo 6 ædificare cepit papa Stephanus, Paulus successor et frater eius, nobiliter consummavit. Et servos Domini natione Grecos ibi constituit, et Ad sanctos martires in Scola Grecorum appellari fecit 7. Stephanus sedit annis III, mensibus V, diebus XVII. Et cessavit episcopatus diebus VIIII. Adrianus sedit annis XXIII, mensibus X, diebus XVII. Leo sedit annis XX, mensibus V, diebus XVII. Hunc Romani anno Incarnationis Domini DCCmoXCmoVIIIIno excecaverunt VII kalendas maii linguamque preciderunt. Positusque in custodia ad æcclesiam beati Petri, nocte confugit. Deinde ad gloriosum regem Karolum deductus et honorifice susceptus. Romam cum honore est remissus. Gloriosus autem rex Karolus, in die Nativitatis Domini ante confessionem beati Petri apostoli residens, Leo pontifex capiti eius coronam inposuit. Et sic ab universo Romanorum populo
4. Et non multo – benedixit : correction sur grattage. 5. « Étienne (II [III] mars 752-avril 757) siégea 5 ans, 23 jours. La charge épiscopale resta vacante 35 jours. À ce saint pape Étienne fut montrée par révélation la date de la consécration de l’autel des apôtres Pierre et Paul qui se trouve devant le tombeau des saints Denys, Rusticus et Éleuthère, le 28 juillet. À cause de l’oppression qu’exerçait le cruel et innommable Aistulf, il se rendit auprès de Pépin, le roi des Francs, et resta longtemps immobilisé par la maladie au monastère de saint Denys et de ses compagnons. Mais rendu à la santé par les prières des saints, il consacra l’autel. Et peu de temps après, à Ferrières, il bénit Pépin et ses deux fils, Charles et Carloman, comme rois des Francs. Et il déclara solennellement qu’au cours des temps à venir, dans le royaume des Francs, personne ne serait créé roi s’il ne provenait pas de leur descendance. Cela eut lieu l’an de l’Incarnation du Seigneur 754. » 6. San Silvestro in Capite, sur la Via Lata. 7. « Paul (Ier, mai 757-juin 767) siégea 10 ans, 1 mois. La charge épiscopale resta vacante 1 an, 1 mois. Il était frère de son prédécesseur Étienne. Le monastère que le pape Étienne avait commencé à édifier dans sa propre maison en l’honneur des saints martyrs Denys et ses compagnons, Paul, son successeur et frère, l’acheva noblement. Il y établit des serviteurs du Seigneur originaires de Grèce et décida qu’on l’appellerait le Collège grec aux saints Martyrs. »
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adclamatur : « Karolo augusto, a Deo coronato, magno et pacifico imperatori, vita et victoria » ; Et exinde imperator et augustus /13vb/ appellatus est 8. Stephanus sedit annis VII 9. Paschalis sedit annis VII, diebus XVI. Eugenius sedit annis III, mensibus VIII, diebus XXIII. Valentinus sedit diebus XL. Gregorius sedit annis XVI. Sergius sedit annis III. Leo sedit annis VIII, mensibus III, diebus V. Benedictus sedit annis II, mensibus VI, diebus VI. Nicholaus sedit annis XI, mensibus VI, diebus VII. Adrianus sedit annis Gregorius 10 sedit annis [VIII 11] Iohannes sedit annis …… Hic Iohannes papa in Gallias venit. Et apud civitatem Trecas moratus est, habuitque synodum episcoporum, in qua Himmarus, Lauduni Clavati episcopus, post avulsionem oculorum suo episcopatu est donatus. [Qui papa huic Floriaco cenobio privilegium fecit sub anathemate ut semper de monachis nostris abbatem habeamus 12.] [IIII Stephanus sedit 13] [V] Leo sedit annis 8. « Léon (III, décembre 795-juin 816) siégea 20 ans, 5 mois, 17 jours. En l’année de l’Incarnation du Seigneur 799, le 25 avril, les Romains lui crevèrent les yeux et lui coupèrent la langue. Mis en prison près de l’église Saint-Pierre, il s’enfuit de nuit. Conduit ensuite au glorieux roi Charles et honorablement reçu, il fut renvoyé avec honneur à Rome. Puis, le jour de la Nativité du Seigneur, tandis que le glorieux roi Charles siégeait devant la confession du bienheureux apôtre Pierre, le pontife Léon lui posa la couronne sur la tête. Il est alors acclamé en ces termes par le peuple entier des Romains : “À l’auguste Charles, couronné de Dieu, grand et pacifique empereur, vie et victoire !” On l’appela dès lors empereur et auguste. » 9. En fait, sept mois (juin 816-janv. 817). 10. Qui le copiste avait-il en vue ? Jean VIII a directement succédé à Adrien II. Aucun pape ou antipape ne s’est appelé Grégoire entre Grégoire IV († 844) et Grégoire V († 999). 11. Pour ce pape et les quatre suivants, une main tardive a précisé par des chiffres en capitales romaines, à gauche de la colonne, quels papes étaient visés. Cette numérotation est fausse pour ceux qu’elle indique comme Étienne IV et Grégoire VI. En plus de ces imprécisions, la suite contient à partir d’ici de grandes lacunes. 12. « Jean VIII (décembre 872-décembre 882) siégea … ans. Ce pape Jean vint en Gaule et demeura à Troyes. Il tint un synode d’évêques au cours duquel Hincmar, évêque de Laon, à qui on avait arraché les yeux, fut rendu à sa charge épiscopale. C’est ce pape qui donna sous anathème à ce monastère de Fleury le privilège d’avoir toujours un abbé élu parmi nos moines. » 13. En fait, Étienne V (sept. 885-sept. 891).
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[IIII] Benedictus sedit annis 14 [VI] Gregorius Tusculanus, ex patre Gregorio, sedit annis …… Hic pro adversario Crescentio, qui Capitolium Romanæ civitatis tenebat, Ferentina civitate se convertit, et in ea diu conversavit 15. Silvester, qui et Girbertus, ex monacho factus, Remensium archiepiscopus. Et eo relicto, iterum Ravennatium archiepiscopus factus. Gregorio defuncto, ab Octone imperatore tercio in apostolica benedictione sublimatus est 16. Johannes sedit annis Benedictus sedit annis Romanus 17 sedit annis Benedictus sedit annis 18 [Alexander papa II Paschalis papa II Urbanus papa Honorius papa Papa II Innocencius, natione Romanus. Consensu omnium episcoporum Galliæ apud Carnotensem urbem electus ; vir omni laude dignus iusti tenax. Sedit annis XV. Huius temporibus 19 II Celestinus, bonæ memoriæ, sedit mensibus fere VI. Lucius sedit]
14. Le copiste a inversé Léon V (août-septembre 903) et Benoît IV (février 900-août 903). 15. Il ne peut s’agir de Grégoire VI (mai 1045-déc. 1046). « Grégoire V (mai 996-février 999), de Tusculum, fils de Grégoire, siégea … ans. À cause de son adversaire Crescentius qui occupait le Capitole de Rome, il se tourna vers la cité de Ferentinum et y vécut longtemps. » Les données sur l’origine de Grégoire V concernent en fait Benoît VIII (mai 1012-avril 1024), fils du comte Grégoire de Tusculum. 16. « Silvestre (II, avril 999-mai 1003), également nommé Gerbert, d’abord moine, devint archevêque de Reims. Ayant quitté ce siège, il devint une seconde fois archevêque à Ravenne. Après le décès de Grégoire, il fut élevé à la dignité apostolique par l’empereur Otton III. » 17. Jean XIX (avril 1024-octobre 1032). 18. Ici prend fin la première continuation, en minuscule caroline. La suite est en écriture pré-gothique. 19. « Le pape Innocent II (février 1130-septembre 1143), originaire de Rome, choisi dans la ville de Chartres par le consensus de tous les évêques de Gaule, homme digne de toute louange, défenseur de la justice, siégea 15 ans. De son temps...» (notice inachevée: le mot temporibus commence une ligne dont la suite est restée en blanc). Innocent II est passé par Fleury en janvier 1131 (De Mas Latrie, Trésor de chronologie d’histoire et de géographie, Paris, 1889, p. 1094).
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Quelle écriture de l’histoire des papes d’Avignon ? Guy Lobrichon et Paul Payan
Pendant longtemps, la visite du Palais des papes a commencé par un temps d’arrêt devant les « portraits » des neufs papes, légitimes ou non, ayant séjourné à Avignon, portraits réinventés en 1839 par Henri Serrur 1. Aujourd’hui, une présentation plus respectueuse de la critique documentaire a repris ses droits au palais, mais les célèbres « portraits » ornent encore, de façon monumentale, l’un des murs de l’Hôtel du Département à Avignon, et les guides touristiques doivent être capables de dérouler la chronologie des pontificats du xive siècle, comme pour reconstruire un véritable Liber pontificalis avignonnais. De fait, l’historiographie des papes d’Avignon a fait une place importante à l’histoire personnelle de chacun des pontifes. Peut-être, il est vrai, en raison de la forte personnalité de certains d’entre eux ( Jean XXII, Clément VI…) et de la centralisation de plus en plus poussée du pouvoir pontifical à Avignon, mais sans doute également parce que notre approche de cette histoire est encore très dépendante de l’œuvre du grand érudit Étienne Baluze (1630-1718), les Vitae paparum avenionensium, publiées en 1693 et rééditées par Guillaume Mollat entre 1914 et 1922 2. Son travail a tellement été utile aux historiens de la papauté d’Avignon qu’il est parfois cité comme tel, sans références aux textes du xive siècle qu’il compile. Il nous semble donc nécessaire d’ébaucher un démontage de cette construction de l’histoire, d’abord pour utiliser de façon pertinente le remarquable travail de Baluze, ensuite pour tenter de retrouver la démarche mémorielle et historiographique en œuvre dès le xive siècle 3.
1. D. Vingtain, Avignon : le palais des papes, Saint-Léger-Vauban, 1998, p. 8. 2. Étienne Baluze, Vitae Paparum avenionensium, hoc est historia pontificum romanorum qui in Gallia sederunt ab anno Christi MCCCV usque ad annum MCCCXCIV…, Paris, 1693 ; G. Mollat, Vitae paparum avenionensium…, nouvelle édition d’après les manuscrits, Paris, 1914-1922, 4 vol. 3. Dans le cadre du projet CORELPA dirigé par Jacques Chiffoleau, il est prévu de rendre prochainement accessible par internet et en mode texte l’intégralité des Vitae paparum avenionensium, ainsi que les notes de Baluze et de Mollat. Nous remercions d’ailleurs vivement Jacques Chiffoleau qui nous a livré la substance de sa communication au colloque organisé par Jean Boutier à Tulle en octobre 2006, sur Étienne Baluze, à paraître prochainement.
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Il faut pour cela comprendre quel a été le propos du célèbre bibliothécaire de Colbert 4. Celui-ci s’est formé dans le Midi, à Tulle puis à Toulouse où il fait partie du collège Saint-Martial, ancienne fondation avignonnaise. Protégé de Pierre de Marca, archevêque de Toulouse, il est marqué par le contexte de la construction de la frontière méridionale du royaume et de la lutte contre le protestantisme cévenol. Ses premiers travaux l’amènent à éditer les conciles de la province de Narbonne 5 et à travailler à la Gallia christiana, dans une perspective clairement gallicane. Bibliothécaire de Colbert à partir de 1667, il est un des représentants de la grande érudition du second xviie siècle, aux côtés de Mabillon ou Papebrock. Sa charge le place dans une position privilégiée pour un colossal travail d’édition dont les médiévistes d’aujourd’hui sont encore largement tributaires 6. C’est lui, par exemple, qui reçoit et exploite le premier les registres copiés dans le Midi par la mission Doat. En élaborant les Vitae paparum, il exploite le travail de la génération qui l’a précédé, celle de François Bosquet 7, Pierre Dupuy 8, André Du Chesne 9, mais il s’en démarque assez nettement. Par exemple en préférant la compilation de vitae à la construction d’une historia. Son travail est d’abord une édition de textes, en utilisant en partie des éditions réalisées par François Bosquet, mais surtout à partir de manuscrits, la plupart provenant de la bibliothèque de Colbert qu’il a lui-même contribué à constituer 10. Si son travail d’édition est très sûr, sa démarche générale peut déconcerter l’utilisateur d’aujourd’hui : Baluze n’édite pas en tant que telle les chroniques qu’il rencontre, il les découpe – en éliminant parfois 4. Voir la notice d’Henri Michel dans C. Amalvi (dir.), Dictionnaire biographique des historiens français et francophones, Paris, 2004, p. 14-15, et É. Fage, Étienne Baluze, sa vie, ses ouvrages, Tulle, 1899. 5. Étienne Baluze, Concilia Galliae Narbonensis, Paris, 1668. 6. Citons entre autres les Capitularia regum Francorum, ab anno 742 ad annum 922, Paris, 1674. 7. François Bosquet, Pontificum romanorum qui e Gallia oriundi in ea sederunt historia ab anno Christi MCCCV ad annum MCCCXCIV, Paris, 1632. 8. Pierre Dupuy, Traittez concernant l' histoire de France, sçavoir la condamnation des Templiers, avec quelques actes : l' histoire du schisme, les papes tenans le siège en Avignon et quelques procez criminels. Composez par Monsieur Dupuy conseiller du Roy en ses Conseils, Garde de sa bibliotheque, Paris, 1654 (Il s’agit d’une édition posthume, Pierre Dupuy étant mort en 1651). 9. André Du Chesne, Histoire des papes et souverains chefs de l'Église, depuis S. Pierre, premier pontife romain, jusques à Paul V aujourd' huy séant…, Paris, 1616 (rééd. par son fils François Du Chesne en 1653). 10. Voir L. Auvray et R. Poupardin, Catalogue des manuscrits de la collection Baluze, Paris, 1921.
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certains passages, restitués dans l’édition de Mollat – pour les réagencer en Vitae regroupées par pontificat, donnant ainsi l’impression de composer un nouveau Liber pontificalis. Sa démarche semble toutefois guidée essentiellement par un souci d’érudition critique, quelques années après la parution du De re diplomatica de Mabillon : le procédé permet de confronter les différents récits, pontificat par pontificat. En outre, il joint à cette édition un gros volume d’acta qui regroupe pêle-mêle une quantité de documents de nature très variée, destinés à être confrontés aux différentes chroniques. Ces documents sont quasi exclusivement d’origine française, Baluze n’étant pas le bienvenu à Rome, compte tenu de ses prises de position gallicanes. Les Vitae seront d’ailleurs mises à l’index en 1698. En effet, son souci d’érudition ne masque pas le caractère très politisé de sa démarche. Celui-ci apparaît très nettement dans la dédicace grandiloquente qu’il compose pour Louis XIV, dans laquelle il n’hésite pas à placer Avignon « dans les limites de ton royaume » – posita est intra terminos regni tui 11. Il faut se souvenir que Louis XIV s’est lancé à deux reprises dans un bras de fer avec le pape pour récupérer Avignon et le Comtat, la dernière fois entre 1687 et 1689, juste avant la publication des Vitae. L’entreprise de Baluze, nourrie de conceptions gallicanes, est une forme de justification de cette politique : en insistant sur l’origine « française » des papes d’Avignon, en collationnant des chroniques globalement favorables à ces pontifes, l’érudit français cherche à combattre une polémique et une légende noire présentes dès le xive siècle, par exemple sous la plume de Pétrarque, et largement relayés par l’historiographie italienne de son temps. Ce faisant, il cherche à construire le tableau d’une papauté d’Avignon non pas captive de la monarchie française, mais protégée par elle et respectueuse de l’Église de France. On sait aujourd’hui, à la lumière des archives de la Chambre apostolique, combien ce tableau est déformé. Il est significatif à cet égard que Baluze – comme François Bosquet avant lui – choisit d’arrêter sa compilation en 1394, en incluant donc Clément VII, le premier pape schismatique d’Avignon, mais en excluant Benoît XIII, contre qui la France avait décidé la fameuse soustraction d’obédience. Ce choix d’intégrer un pape contesté contribue d’ailleurs à la mise à l’index de l’œuvre de Baluze. On le voit, si le travail de Baluze est encore très utile, son exploitation nécessite un important travail de déconstruction. Celui-ci est largement aidé par la nouvelle édition proposée par Guillaume Mollat au début du xxe siècle,
11. G. Mollat, Vitae paparum… cité note 2, vol. 1, p. ix.
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et assortie d’une Étude critique 12. La démarche de ce dernier, cependant, n’est elle-même pas exempte de présupposés : lui aussi se place clairement dans la perspective d’une réhabilitation des papes d’Avignon, quelques années après l’ouverture des archives vaticanes et la fondation de l’École française de Rome, et alors que se multiplient les études exploitant ce nouveau filon documentaire 13. Il faudrait donc reprendre une à une et recomposer chacune des chroniques utilisées par Baluze, ce qui dépasserait largement le cadre de notre propos. La démarche, cependant, peut servir de point de départ à notre réflexion : une fois disparus les découpages introduits par Baluze, apparaît une réelle continuité de l’écriture de l’histoire, entre le xiiie et le xive siècle, ainsi que la suprématie d’une histoire universelle dont la vie des pontifes ne constitue que la trame. De fait, la plupart des Vitae sélectionnées par Baluze sont des continuations de trois grandes chroniques composées entre la seconde moitié du xiiie siècle et le début du xive siècle (voir tableau récapitulatif en annexe) : la chronique de Martin de Troppau 14, la Nouvelle Histoire ecclésiastique de Ptolémée de Lucques 15 et les Flores chronicorum de Bernard Gui 16. Or, tous ces auteurs et leurs disciples, s’ils sont souvent proches de la cour pontificale, n’en sont pas l’émanation et ne sont pas aux ordres. Leur travail se démarque clairement de la tradition du Liber pontificalis. Celle-ci est-elle oubliée au moment où les papes séjournent sur les bords du Rhône ? Les chroniques sélectionnées par Baluze suffisent-elles à rendre compte de la construction de l’histoire de ce moment particulier pour la lignée pontificale ? On le comprend, ce n’est qu’en les replaçant dans un vaste mouvement commencé bien avant l’élection de Clément V que l’on pourra commencer à l’évaluer.
Les avatars du Liber pontificalis (ixe-xiie siècle) On ne peut faire l’économie d’une remontée dans le temps pour comprendre et Baluze et les réécritures de l’histoire pontificale au xive siècle. Rappelons que le Liber pontificalis, tenu à Rome dès le vie siècle au moins et revitalisé 12. G. Mollat, Étude critique sur les Vitae paparum avenionensium d’Étienne Baluze, Paris, 1917. 13. Citons simplement la grande étude de N. Valois, La France et le Grand Schisme d’Occident, Paris, 1896-1902. 14. Voir ci-dessous, note 34. 15. Voir ci-dessous, note 36. 16. Voir ci-dessous, note 37.
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dans la première moitié du ixe siècle, a subi par la suite une lente désaffection. Il est maltraité, réduit à l’état d’un simple catalogue de noms : la notice d’Étienne V (885-891) est interrompue brutalement après la première année de son pontificat et de 896 à 1048, le Liber ne rapporte rien des vies des papes. Alors que les compilateurs des Fausses Décrétales, entre 847 et 852, en usent encore comme d’une référence historique, les juristes cessent d’intégrer dans leurs collections les lettres pontificales d’Étienne V à Léon IX 17. Certes, la réforme ecclésiastique conçue par Léon IX et ses successeurs suscite une réactivation de l’histoire officielle : la Vie de Léon IX donne le coup d’envoi à une réfection complète de l’historiographie pontificale, qui triomphe dans la Vie de Grégoire VII. Rien ne transpire cependant d’une gestion romaine de la mémoire : les enjeux de la Réforme ecclésiastique, plus ambitieux, ne laissent pas place à cette préoccupation. Dans la Rome de la première moitié du xiie siècle, le modèle classique du Liber pontificalis semble bénéficier d’un renouveau d’intérêt. Si l’on éprouve quelque incertitude devant la Vie de Pascal II 18, le cardinal Pandolfo, neveu du cardinal Ugo d’Alatri et lié aux Pierleoni, s’impose comme l’abréviateur des cent sept premières notices du Livre pontifical, de saint Pierre à la mort de Nicolas Ier (867). Pandolfo recopie de brèves mentions pour les papes suivants jusqu’à la fin du xie siècle. Il renoue alors avec l’esprit des origines en assumant la responsabilité unique d’une continuation qui couvre les vies de Pascal II (1099-1118), Gélase II (1118-1119), Calixte II (1119-1124) et Honorius II (1124-1130) : il achève l’ouvrage entre 1133 et le printemps 1138 alors qu’il suit dans le schisme Anaclet II Pierleoni, qui l’a fait cardinal avant décembre 1131 19. L’autre continuateur du Liber pontificalis au xiie siècle réside aussi à Rome : son auteur a pour nom Boso (mort après 1178), connu comme scriptor de la 17. H. Fuhrmann, dans D. Jasper et H. Fuhrmann, Papal letters in the early Middle Ages, Washington, 2001, p. 163 et p. 4. 18. Est-elle écrite par Petrus Pisanus (avis de J. M. Watterich, Pontificum romanorum vitae, I, Leipzig, 1862, p. lxii), par Pandolfo (Le Liber Pontificalis, éd. L. Duchesne, II, Paris, 1892, p. xxxv-xxxvi et Přerovský, cité n. 25, p. 1, 84 et 113, 121) ou par Petrus Pierleone, futur antipape Anaclet II (selon J. M. March, Liber pontificalis prout exstat in codice manuscripto Dertuensi, Barcelone, 1925, p. 46-60, d’après un manuscrit de Tortosa) ? 19. Přerovský, cité n. 25, 1, p. 86 ; avant 1139, S. Twyman, Papal ceremony at Rome in the twelfth century, Londres, 2002, p. 37-38. Cf. P. Orth, Papstgeschichte im 11. Jahrhundert : Fortsetzung, Bearbeitung und Gebrauch des Liber pontificalis. Mit einem Appendix : Cursusgebrauch und Verseinlagen in den Papstviten Pandulfs, dans M. W. Herren, C. J. McDonough et R. G. Arthur (éd.), Latin culture in the eleventh century : Proceedings of the third international Conference on Medieval Latin studies Cambridge, September 9-12, 1998, Turnhout, 2002 (Publications of the Journal of Medieval Latin, 5), II, p. 258-280.
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curie en 1149, occupe peut-être le poste de chancelier de 1149 à 1153, devient sûrement chambellan d’Adrien IV qui lui confère le titre de cardinal-diacre des SS. Cosma e Damiano (janvier 1157) et de cardinal-prêtre de S. Pudenziana avant mars 1166 20. Il réécrit de brèves notices sur les papes de la fin du ixe au début du xie siècle, puis une série de biographies des papes, de Léon IX à Alexandre III. Pour la plupart des biographies jusqu’à Grégoire VII, il utilise le Liber de vita christiana et le Liber ad amicum de Bonizon de Sutri. Il compose de première main la vie d’Eugène III, mais sa relation de la Commune de Rome et de l’accession d’Eugène au Latran appelle les compléments d’Otton de Freising et Romuald de Salerne 21. Le talent de Boso se donne libre cours dans les biographies d’Adrien IV et d’Alexandre III, mais le scriptor suspend sa plume dans l’année 1178 22. Tant Pandolfo que Boso opèrent au cœur du pouvoir pontifical, mais représentent deux options a priori contradictoires : l’un pourrait avoir entrepris son ouvrage afin de justifier l’ascension de son maître déconfit, l’autre aura écrit l’histoire comme se la représentent les successeurs du pape gagnant 23. Loin de Rome, les promoteurs de la Réforme ecclésiastique pourraient à bon droit s’interroger sur l’opportunité de ces batailles littéraires au service de fin inavouables ; ne devraient-ils pas jeter l’opprobre sur le perdant et diffuser le Liber pontificalis du vainqueur ? Or c’est l’inverse qui se produit. Le seul écho, hors de Rome, de la tradition victorieuse incarnée par Boso apparaît dans l’Historia pontificalis de Jean de Salisbury 24 : le clerc anglais l’achève à Reims en 1163-1164, pendant l’exil du pape Alexandre III en France pour cause de schisme et à l’heure où l’archevêque de Cantorbéry Thomas Becket s’apprête à le rejoindre, mais son ouvrage jouit d’une diffusion aussi confidentielle que non-officielle. De façon paradoxale, la voix du clan perdant parvient au 20. Le Liber pontificalis, cité n. 18, II, p. 359 ; T. Montecchi-Palazzi, Cencius Camerarius et la formation du Liber Censuum de 1192, dans Mélanges de l’École française de Rome. Moyen Âge - Temps modernes, 96, 1984, p. 49-93 : p. 59-60. 21. Le Liber pontificalis, cité n. 18, II, p. 386 ; Otton de Freising, Chronica sive Historia de duabus civitatibus, éd. A. Hofmeister et W. Lammers, trad. A. Schmidt et W. Lammers, Darmstadt, 1961, p. 554 et 558 ; Romuald de Salerne, éd. W. Arndt, dans MGH, Scriptores, XIX, Hanovre, 1866, p. 424. 22. Cf. W. Maleczek, Boso, Kardinal, dans Lexikon des Mittelalters, II, Munich-Zurich, 1983, col. 478-479 ; O. Engels, Kardinal Boso als Geschichtsschreiber, dans G. Schwaiger (éd.), Konzil und Papst. Historiche Beiträge zur Frage der höchsten Gewalt in der Kirche. Festgabe für Hermann Tüchle, Munich, 1975, p. 147-168. 23. La question d’une lutte historiographique entre les clans romains reste à élucider. 24. Historia Pontificalis, éd. et trad. anglaise de M. Chibnall, Oxford, 1986 (Oxford Medieval Texts).
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milieu du xiie siècle dans les cercles monastiques du Sud du royaume de France, dans un espace où les légats romains tracent leur sillon depuis la fin du xie siècle, de Maguelonne jusqu’à Die et tout particulièrement dans l’archevêché d’Arles. Le moine Pierre Guillaume est bibliothécaire du monastère de Saint-Gilles (Gard), un des lieux d’élection de la réforme romaine et où l’on aura suivi avec passion les événements des années 1130 et le retour triomphal du pape Innocent II à Rome. Il se trouve que Pierre a découvert dans le monastère de Psalmodi un manuscrit contenant la continuation du cardinal Pandolfo : il l’a corrigé, amplifié, avant d’en faire exécuter une copie à Acey, en 1142 25. Mais l’initiative de Pierre Guillaume demeure sans postérité jusqu’au xive siècle, comme on va voir. Le modèle du Liber pontificalis s’affaisse en réalité, et rapidement. Dans la seconde moitié du xiie siècle, une mutation s’opère. Elle privilégie trois voies, d’une part une hagiographie pontificale, d’autre part un modèle patrimonial, enfin une histoire comparée de la papauté et de l’Empire. De la première orientation, la Vie de Grégoire VII a donné le ton ; elle atteint le sublime dans les Gesta Innocentii III. La seconde orientation conduit les gardiens du trésor à recenser l’organisation territoriale, liturgique et politique du siège romain, en véritables gardiens du Temple. En trois salves, ils liquident le modèle traditionnel. Vers 1140, Benoît, chanoine de Saint-Pierre de Rome et cantor romane ecclesie, rédige son Liber politicus à la demande de Guy de Castello, cardinal-prêtre de S. Marco (futur Célestin II, 1143-1144) 26. Viennent ensuite, 25. Acey, abbaye cistercienne près de Besançon ? Ou Acy, près Reims, comme le veut l’éditeur du Liber pontificalis nella recensione di Pietro Guglielmo OSB e del card. Pandolfo, glossato da Pietro Bohier OSB, vescovo di Orvieto, éd. U. Přerovský, Rome, 1978, 3 vol. (Studia Gratiana, 21-23), p. 4 ? L’édition du manuscrit Vat. Lat. 3762 (xive siècle, Sud de la France : 183 fol., 235 x 182 mm) par U. Přerovský reproduit en apparat le texte de Duchesne et intègre les variantes d’un manuscrit de Tortosa signalé par José March (cf. ci-dessus, n. 18). Sur Pierre Guillaume, voir Le Liber pontificalis, cité n. 18, II, p. xxiv. Pierre Guillaume semble s’appuyer sur un manuscrit du Liber pontificalis, Leyde, Bibl. d. Rijksuniversiteit, Voss. Lat. 60, en provenance de Saint-Remi de Reims (ms C1 de Duchesne) et sur une copie du ms 246 de la cathédrale de Tortosa. Il rédige lui-même la notice de Jean VIII d’après des informations trouvées à Saint-Gilles (n° 109, 872-882 : Přerovský, cité n. 25, 2, p. 640-642), introduit une addition sur l’origine d’Urbain II (Duchesne l’avait remarqué, Le Liber pontificalis, cité n. 18, p. xxv et 222) et apporte des compléments empruntés à la vie de Grégoire le Grand par Jean Diacre, à l’Historia Longobardorum de Paul Diacre et à la Collection du cardinal Deusdedit (Přerovský, cité n. 25, II, p. 57). La Bibliothèque vaticane conserve une autre copie de l’ouvrage de Pandolfo (BAV, Barb. lat. 584). 26. Il se peut que le Liber politicus ait été compilé par plusieurs personnages sous Innocent II, entre la fin du schisme en 1138 et 1143 : cf. B. Schimmelpfennig, Die Zeremonien bücher der römischen Kurie im Mittelalter, Tübingen, 1973, p. 49-52.
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vers 1189, les Digesta pauperis scolaris d’Albinus, chanoine de Sainte-MarieMajeure, cardinal-diacre en décembre 1182, cardinal-prêtre de S. Croce in Gerusalemme en mars 1185, cardinal-évêque d’Albano en mai 1188, mort avant mars 1198 27. Enfin Cencius, camérier de Clément III depuis 1189, collabore vers 1192 à la rédaction d’un nouveau type de document, le Liber censuum de l’Église de Rome 28. À l’évidence, le moule du Liber pontificalis ne correspond plus aux méthodes d’enregistrement de la curie 29. L’entreprise romaine a rompu les amarres avec la formule antique du Liber pontificalis : elle affiche ses ambitions patrimoniales, sans souci de reconstituer un modèle jugé apparemment périmé. En réalité, la cour romaine a pris maintenant ses distances. Elle laisse à d’autres le soin de l’histoire. C’est que Godefroid de Viterbe 30, suivi de peu par le marginal Robert de Saint-Marien d’Auxerre 31, écrit la charte de la nouvelle historiographie pontificale en adoptant les règles de la chronique universelle, qu’Otton de Freising avait codifiées au milieu du xiie siècle. Ils ne se contentent plus de tableaux synchroniques offrant en parallèle les listes des papes et des empereurs ; ils relient les deux séries dans leur discours et construisent une synthèse, affranchie du Liber pontificalis et de ses représentations hagiographiques. Prise dans le cadre de l’histoire universelle, l’histoire des papes ne saurait être réduite à celle de leurs vies.
27. Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, Ms. Ottob. lat. 3057 (vers 1200 ?). Selon T. Montecchi-Palazzi, Cencius Camerarius… cité n. 20, p. 49-93, Albinus rédige ses Digesta avant 1189, mais son avis est contesté par U.-R. Blumenthal qui décèle dans l’ouvrage des additions postérieures à 1189 (Cardinal Albinus of Albano and the « Digesta pauperis scolaris Albini ». Ms. Ottob. lat. 3057, dans Archivum historiae pontificiae, 20, 1982, p. 7-49). 28. Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. lat. 8486 et deux cahiers conservés dans Paris, BnF, lat. 4202 (d’après T. Schmidt, Die älteste Überlieferung von Cencius, dans Quellen und Forschungen aus italienischen Archiven und Bibliotheken, 60, 1980, p. 511-522, ils contiennent la version primitive, malgré des additions qui s’étendent jusque vers 1254). Cf. R. Elze, Der Liber Censuum des Cencius (Cod. Vat. Lat. 8486) vom 1192 bis 1228 : Zur Überlieferung des Kaiserkrönungsordo Cencius II, dans Bollettino dell’Archivio paleografico italiano, n. s. 2-3, 1956-1957, p. 251-270, repris dans Id., Päpste-Kaiser-Könige und die mittelalterliche Herrschaftssymbolik, éd. B. Schimmelpfennig et L. Schmugge, Londres, 1982 (Collected studies series, 152), article n° III. 29. S. Twyman, Papal Ceremony… cité n. 19, p. 39, renvoyant à P. Toubert, Les structures du Latium médiéval. Le Latium méridional et la Sabine de la fin du ixe siècle au xiie siècle, Rome, 1973 (Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome, 221), II, 1067-1129. 30. Godefroid de Viterbe, Pantheon, éd. L. A. Muratori, Milan, 1725 (Rerum Italicarum Scriptores, 7). 31. Le manuscrit en partie autographe est conservé à Auxerre, BM, 145 (les MGH n’en ont reproduit que la partie concernant l’extrême fin du xiie siècle).
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Le xiiie siècle Au xiiie siècle, des Gesta Innocentii III papae voient le jour, puis une Vie de Grégoire IX 32, une autre consacrée à Innocent IV par le franciscain Nicolaus de Curbio, futur évêque d’Assise 33. Ces œuvres restent isolées, sans terreau historiographique commun. De probable origine curiale, leur caractère officiel n’en est pas moins douteux ; la tendance hagiographique les envahit et les déleste de la sévérité traditionnelle du Liber pontificalis. Détachées du mouvement historiographique dominant au xiiie siècle, elles n’inspirent plus. Le renouveau passe par un groupe de dominicains qui réalisent l’acclimatation romaine du genre de la chronique universelle. Le premier est Martin de Troppau en Moravie, dit aussi le Polonais en raison de l’appartenance des couvents de Bohême et Moravie à la Province dominicaine de Pologne : il exerce les fonctions de pénitencier à la cour pontificale à partir de 1261, de chapelain du pape avant l’élection de Grégoire X (1271-1276) et devient archevêque de Gniezno en 1278, mais il meurt avant d’avoir pris possession de son siège. Durant son séjour romain, il entreprend d’écrire une première version d’une chronique des papes et des empereurs à la demande de Clément IV (1265-1268) ; il la complète dans une seconde édition peu après la mort de son commanditaire et conduit enfin une troisième version de son ouvrage jusqu’en 1277 34. L’apport de Martin de Troppau est essentiel : il diffuse un modèle simple, qui imprègne la grande majorité des reconstructions ultérieures 35. Un autre dominicain joue un rôle important de relais dans l’historiographie pon32. Éd. Muratori, Milan, 1723 (Rerum Italicarum Scriptores, 3-1), p. 585-587. 33. Éd. Muratori, Milan, 1723 (Rerum Italicarum Scriptores, 3-1), p. 592. 34. T. Kaeppeli, Scriptores Ordinis Praedicatorum Medii Aevi, III, Rome, 1980, p. 114-123, nos 2972-2974. Cf. D. Berg, Martin von Troppau, dans Biographisch-Bibliographisches Kirchenlexikon, V, Herzberg, 1993, col. 923-926 ; A.-D. von den Brincken, Studien zur Überlieferung der Chronik des Martin von Troppau, dans Deutsches Archiv für Erforschung des Mittelalters, 41, 1985, p. 461-500 ; 45, 1989, p. 551-591 ; 50, 1994, p. 611-613 ; W.-V. Ikas, Martin von Troppau (Martinus Polonus), O.P. (gest. 1278) in England. Überlieferungs- und wirkungsgeschichtliche Studien zu dessen Papst- und Kaiserchronik, Wiesbaden, 2002 (Wissensliteratur im Mittelalter. Schriften des Sonderforschungsbereich 226 Würzburg/Eichstätt, 40). 35. Chronicon pontificum et imperatorum, éd. L. Weiland, dans MGH, Scriptores, XXII, Hanovre, 1872, p. 377-475. Cf. A.-É. Lebourgeois, Le Promptuarium exemplorum de Martin le Polonais, O.P. (1278). Édition critique et commentaire, thèse de l’École des chartes, 2002. Dans la liste des manuscrits de la fin du Moyen Âge comportant des chroniques des papes et des empereurs, établie par H.-J. Mierau sur le site des MGH (http://www.mgh-de), on dénombre 594 manuscrits de la chronique de Martin de Troppau et de ses continuations ! Onze des quarante-quatre Vitae regroupées par Baluze sont issues de cet ensemble.
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tificale du xiiie siècle : Bartolomeo Fiadoni, dit Ptolémée de Lucques (Tolomeo da Lucca, 1236-1327), compagnon de Thomas d’Aquin à partir de 1261 et témoin à son procès de canonisation. Tolomeo reprend la chronique de Martin à partir de 1277-1278 et, peut-être lors de son séjour dans la maison du cardinal Guillaume de Peyre Godin à Avignon en 1313-1316 36, il met à profit l’une des premières recensions d’un troisième dominicain, Bernard Gui (12611331). Les Flores chronicorum de ce dernier connaissent un franc succès 37. C’est dans l’œuvre de ces trois auteurs et de leurs continuateurs, on l’a vu, que Baluze a trouvé la matière essentielle des Vitae paparum avenionensium. Le souvenir des notices du Liber pontificalis semble avoir sombré à tout jamais.
La construction de l’histoire pontificale au xive siècle Malgré l’épuisement du modèle, l’exemplaire du Liber pontificalis de Pandolfo revu et corrigé par Pierre Guillaume (Vat. lat. 3762) fait mieux cependant que survivre. Il sort de l’ombre au xive siècle et circule alors entre plusieurs mains prestigieuses. Il est apparemment glosé par Landolfo Colonna 38, sans qu’on puisse dire si Colonna a déniché le manuscrit à Avignon ou à Rome. Un autre de ses lecteurs est Giovanni Cavallini, domini pape scrip36. Ptolémée de Lucques compose d’abord des Annales, de 1063 à 1303, dont une première version est entamée peu après 1270, retravaillée entre 1303 et 1307 (Die Annalen des Tholomeus von Lucca in doppelter Fassung nebst Teilen der Gesta Florentinorum und Gesta Lucanorum, éd. B. Schmeidler, Berlin, 1930 (MGH, Scriptores rerum Germ., n. s., 8) : T. Kaeppeli et E. Panella, Scriptores Ordinis Praedicatorum Medii Aevi, IV, Rome, 1993, p. 318-325). Pour l’histoire des papes, il exploite Martin de Troppau, mais le corrige à l’aide du Liber pontificalis de Boso pour le xiie siècle et de diverses chroniques et vies de saints. Ptolémée écrit une seconde œuvre historique, l’Historia ecclesiastica nova (1313-1316, Avignon), de diffusion assez large (18 manuscrits) ; éd. A. L. Muratori, Milan, 1727 (Rerum Italicarum scriptores, 11), p. 7511203C ; p. 1217-1242C, avec interpolation p. 1203D-1216. 37. On n’en décèle pas moins de dix recensions entre 1314 et 1331, suivies de traductions en français et une en occitan (celle-ci, du xive siècle, se lit dans Paris, BnF, fr. 24940) : cf. T. Kaeppeli, Scriptores Ordinis Praedicatorum Medii Aevi, I, Rome, 1970, p. 205-226, n° 615 et A. Vernet – qui date différemment les premières versions – dans Lexikon des Mittelalters, I, Munich-Zurich, 1980, col. 1977 ; sur Bernard Gui, cf. aussi Bernard Gui, Le Livre des Sentences, éd. A. Palès-Gobillard, Paris, 2002 ; sur ses continuations, cf. Die Weltchronik des Mönchs Albert, 1273/77-1454/56, éd. R. Sprandel, Munich, 1994 (MGH, Scriptores rerum Germ., n. s., 17), p. 18-23. 38. Hypothèse de G. Billanovich, Gli umanisti e le cronache medievali. Il « Liber pontificalis », le « Decadi » di Tito Livio ed il primo umanesimo a Roma, dans Italia medioevale e umanistica, 1, 1958, p. 103-137.
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tor, auteur d’un autre manuscrit de qualité – le Vat. lat. 1927 39. Que Cavallini ait porté lui-même ou non à Rome la copie du Liber pontificalis de Pandolfo, celle-ci s’y trouve au plus tard en 1361, lorsqu’une glose y est apposée d’une main française au sujet de l’incendie de Saint-Jean de Latran 40 ; c’est là que le découvre le bénédictin Pierre Bohier (vers 1310/1315-1387/1388), qui réside à Rome de 1364 jusqu’à son retour en France, en 1378. Or le goût de Pierre Bohier le porte à relier passé et présent dans sa lecture de l’histoire pontificale : les gloses qu’il insère dans le manuscrit de Pierre Guillaume révèlent une pensée critique du Schisme et témoignent de ses atermoiements (pro-avignonnais jusque vers 1385, il se rallie ensuite au pape romain). Le livre échoit ensuite aux mains d’un possesseur italien qui y porte au début du xve siècle une continuation, d’Innocent II à Martin V (1417-1431), qui ne paraît pas répondre à une sollicitation officielle, bien que le manuscrit appartienne au xve siècle à un châtelain du Château Saint-Ange. Le fil d’un livre officiel de la succession apostolique a été brisé en réalité longtemps avant le Schisme. Le constat s’impose désormais : il n’existe plus d’historiographie curiale, qui aurait été programmée, constituée et publiée sous le contrôle des papes et de la curie du xive siècle. Pour connaître l’histoire des papes d’Avignon, les historiens se sont donc très tôt avisés de la nécessité de recourir à des chroniques éparses. Ils l’ont reconstituée en suivant cinq voies. Étienne Baluze, on l’a vu, s’inscrit dans une lignée protestataire vis-à-vis d’une histoire proprement romaine : il véhicule à bien des égards le discours du gallicanisme. Une autre lignée se constitue au xixe siècle : elle émane des historiens catholiques, anxieux de montrer le parfait ancrage romain des papes d’Avignon. Elle s’oppose à la troisième filiation : la postérité italienne reprend depuis Pétrarque le chœur des lamentations sur l’exil de Babylone et considère la Papauté d’Avignon comme une triste et regrettable parenthèse. S’il veut s’affranchir de ce tableau embarrassé, l’historien doit remonter alors aux sources contemporaines et mettre de l’ordre parmi celles-ci. Il constate une quatrième voie : depuis la fin du xiie siècle, de Godefroid de Viterbe à Vincent de Beauvais, le genre de l’encyclopédie historique a submergé celui de la Chronique universelle qui avait si bien réussi au xiie siècle. Après avoir épuisé la littérature historique, les encyclopédistes abandonnent le terrain à la cinquième voie, celle des chroniqueurs des villes et des royaumes. De ceux-ci, les exemples les plus éminents sont les héritiers de Guillaume de Nangis qui compilent les Grandes Chroniques de France, Giovanni Villani auteur de la grande 39. Giovanni Cavallini est mort peut-être en 1349 à Rome (Přerovský, cité n. 25, p. 23). 40. Přerovský, cité n. 25, p. 6.
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chronique de Florence, le franciscain Giovanni da Marignolli au service du royaume de Bohême 41 ; mais d’autres, plus modestes, se glissent à leur suite, tels l’auteur d’une chronique strasbourgeoise, Matthias von Neuenburg (v. 1295-peu après 1364), Heinrich von Diessenhofen, continuateur de Tolomeo de Lucques et partisan des Habsburg (sa chronique s’étend jusque dans les années 1360) ou Jean de Viktring, cistercien et compagnon de Jean de Bohême, attaché à l’Empire et à sa patrie autrichienne (son Liber certarum historiarum couvre les années 1230-1341) 42. Ces auteurs ne sont plus que des observateurs postés à distance, en aucun cas des représentants d’une conception romanoavignonnaise.
Une historiographie de confrontation À l’évidence, les faveurs et les priorités de la cour pontificale et des maîtres d’Avignon vont ailleurs. La forte activité des administrateurs et des intellectuels a empli l’espace, soulevé des tempêtes jusqu’au sein de la Curie ; les sermons prononcés tout au long du xive siècle devant les papes et les cardinaux restituent les échos de débats vivaces. Mais les maîtres de l’heure savent que l’histoire se fait ailleurs. Pensée théologique, philosophique, politique, juridique, scientifique, musicale : tout Avignon en bruit et que sait-on de ce qui s’y crée vraiment ? Jean de Murs, astronome, mathématicien, théoricien de la musique, dédie ses ouvrages aux papes et aux cardinaux, mais a-t-il besoin de séjourner à Avignon même ? Il se pourrait que le goût du xive siècle avignonnais s’intéresse davantage aux mondes lointains qu’au centre nerveux de la chrétienté, à l’orientalisme plus qu’aux vertiges de l’Atlantique. Clément VI n’a sans doute guère bénéficié de l’investiture qu’il accorde à Louis de Castille pour les Canaries en 1344. En revanche, Jean de Montecorvino, Giovanni da 41. Après une carrière qui l’a porté jusqu’en Mongolie, Giovanni da Marignolli est mort en 1358-1359 à la cour de l’empereur Charles IV à Prague. Il écrit sa chronique entre 1355 et 1358 : Iohannis de Marignolis Chronicon Bohemorum, éd. J. Emler, Fontes rerum Bohemicarum, III, Prague, 1882, p. 492-604 ; cf. G. Kornrumpf, Johannes de Marignolis (Giovani de’ Marignolli) OFM, dans Die deutsche Literatur des Mittelalters. Verfasserlexikon, XI, Berlin, 2004, col. 791794 ; H. A. Hilgers, Zum Text der « Cronica Boemorum » des Johannes de Marignolis, dans Mittellateinisches Jahrbuch, 15, 1980, p. 143-154. 42. H.-D. Mück, Matthias von Neuenburg : Ein Chronist des Spätmittelalters am Oberrhein. Seine Zeit, sein Leben, sein Werk, Neuenburg, 1995 ; E. H. Limbach, Political opposition to Ludwig the Bavarian in the Chronicles of Heinrich von Diessenhoven, Matthias von Neuenberg, and Johann von Viktring. PhD Ohio University, 2004.
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Marignolli, Paulin de Venise bousculent irrémédiablement les représentations traditionnelles. Lorsque, le 9 août 1374, Grégoire XI demande à l’évêque de Verceil de lui communiquer un livre intitulé « Trogue Pompée où l’on expose l’histoire de l’Orient » 43, il avoue sa curiosité en même temps qu’une audace mesurée. Le doute sur la légitimité de l’enracinement pontifical en Avignon n’aurat-il pas pétrifié ? Dès les années 1340, il s’exprime dans le langage des prophétesses et visionnaires, par le moyen de la correspondance ou celui de la vision davantage que dans une écriture polémique de l’histoire : Catherine de Sienne (1347-1380), Brigitte de Suède (1303-1373), Constance de Rabastens qui égrène ses visions entre 1384 et 1386, Ermine de Reims († 1396), Marie Robine d’Avignon († 1399), toutes mettent à mal l’idée qu’on continuerait de faire l’histoire depuis le môle du Palais des papes 44. La suite de l’histoire n’est-elle pas déjà écrite par le vieux Joachim de Flore, mort en 1202 et qui continue d’inspirer ? Sa pensée habite tous les polémistes et auteurs de traités, de Jean de Roquetaillade à L’Arbre des batailles d’Honoré Bovet, ses œuvres sont copiées à Avignon au dernier quart du xive siècle 45. L’œuvre historique de la dissidence avait commencé dès le xiiie siècle. Elle se déchaîne au xive siècle en exploitant le filon joachimiste. Elle commence avec le Liber de Flore, naguère étudié par Herbert Grundmann, où un auteur anonyme, sans doute un Spirituel languedocien ou italien qui écrivit sous le pontificat de Benoît XI (1303-1304), prend la plume de Joachim à la première personne : il écrit une histoire des papes de Grégoire IX à Boniface VIII et l’achève sur l’annonce d’un pape angélique qui réformera l’Église corrompue par la richesse, avec l’aide d’un empereur qui lui prêtera main-forte. Tout ésotérique qu’elle soit, cette œuvre associe pour la première fois le thème du pape « réparateur » à celui de l’empereur des derniers temps. Suivent dès le temps de Clément V les Vaticinia de summis pontificibus (« Genus nequam » et « Ascende calve »), 43. Trogue Pompée ubi historie parcium orientalium diffuso lepore contexte feruntur : F. Ehrle, Historia Bibliothecae Romanorum Pontificum tum Bonifatiane tum Avenionensis, I, Città del Vaticano, 1890, p. 142, n° 10. 44. Cf. Fin du monde et signes des temps. Visionnaires et prophètes en France méridionale (fin xiiie-début xve siècle), Toulouse, 1992 (Cahiers de Fanjeaux, 27) ; A. Vauchez, Saints, prophètes et visionnaires. Le pouvoir surnaturel au Moyen Âge, Paris, 1999 ; Id. (dir.), L’attente des temps nouveaux. Eschatologie, millénarisme et visions du futur du Moyen Âge au xxe siècle, Turnhout, 2002 ; R. Blumenfeld-Kosinski, Poets, saints and visionaries of the Great Schism, 1378-1417, University Park (Pennsylvania), 2006. 45. Valencia, Biblioteca Universitaria, ms 694 (fin du xive siècle, Avignon) : Joachim de Flore, Opera. Cf. F. Manzari, La miniatura ad Avignone al tempo dei papi (1310-1410), Modène, 2006, p. 273.
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puis Jean de Roquetaillade (Rupescissa, v. 1305-v. 1366) qui sonne le chant du cygne du joachimisme médiéval. Son Liber secretorum eventuum, achevé en 1349 et composé de trente intellectus, ou interprétations de textes prophétiques, pointait le doigt sur la manifestation prochaine de l’Antéchrist, qu’il annonçait pour 1366. Jean de Roquetaillade en analysait les signes avant-coureurs qu’il croyait discerner dans la situation politique et religieuse de la chrétienté. Il y développait également sa conception du millenium - un véritable règne de mille ans qui commencera vers 1415, après la défaite finale de l’Antéchrist et de ses partisans sous les coups des forces vives de l’Église et de la société chrétienne. En 1354, Roquetaillade acheva un commentaire de la prophétie Veh mundo in centum annos – déjà citée et glosée par Arnaud de Villeneuve en 1301 – qui circula ensuite sous le nom de De oneribus orbis. On y voit apparaître le thème de la chauve-souris (vespertilio) qui désigne un prince d’Aquitaine ou d’Espagne qui devrait ramener l’Église grecque dans le giron de l’Église romaine et vaincre l’Islam. Appliquée ensuite aux rois d’Aragon, cette prophétie connut un grand succès dans les pays ibériques. En 1356 enfin, il écrivit un volumineux traité intitulé Liber ostensor quod adesse festinant tempora, dédié au cardinal de Talleyrand-Peyrigord, protecteur de l’ordre franciscain et légat pontifical en France. Dans cet ouvrage qui constitue une véritable anthologie de la prophétie médiévale, il évoque la crise eschatologique majeure à prévoir pour les années 1360-65 et les moyens d’y survivre. Il y parle longuement du futur « réparateur », qui restaurera l’Église et l’ordre franciscain avec le soutien d’un souverain temporel appelé à être l’empereur des derniers temps et à régner sur Jérusalem avec le pape angélique. Mais on se tromperait en voyant en lui un Spirituel car, s’il ne ménage pas ses critiques envers Jean XXII et ses successeurs, il dénonce également la désobéissance des Frères Mineurs dissidents qui, en mettant en cause leur légitimité, ont compromis la cause de la pauvreté au sein de l’Église. La réplique des papes et de la cour avignonnaise ne se fait pas attendre. Elle est double. La première émane des intellectuels au sein de la Curie, et notamment d’Alvaro Pelayo (De planctu ecclesiae). Suit celle des religieux au service du pape. Le grand œuvre d’Avignon s’illustre dans les nouvelles formes de l’encyclopédie biblique : au premier chef, le Speculum humanae salvationis d’un auteur sans doute alsacien 46, qui touche les milieux avignonnais dès sa
46. Speculum humanae salvationis. Codex Cremifanensis 243 des Benediktinerstiftes Kremsmünster, éd. W. Neumüller O.S.B., Graz, 1997 (Glanzlichter der Buchkunst, 7).
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publication vers 1325 47. Un deuxième auteur, actif à Avignon, mérite d’être étudié autrement que sous l’étiquette paresseuse d’un exégète : il s’agit du frère mineur Enrico del Carretto 48 qui déploie à Avignon une activité aussi ingénieuse que prudente en faveur des groupes spirituels du Midi. Ce qui nous conduit tout droit aux Vies des papes en images, dont le Livre des prophéties des papes de la Bibliothèque municipale de Lunel, copié dans le Midi, dans la basse vallée du Rhône ou vers Montpellier, est l’un des exemples les plus précoces 49. On en connaît l’origine immédiate : c’est la continuation d’un Principium malorum, pamphlet inspiré par les Oracles sibyllins et diffusé depuis l’intérieur de la Curie romaine vers 1285 contre les Orsini, Nicolas III (1277-1280) et sa famille de cardinaux. Au temps peut-être de Bernard Délicieux, un autre franciscain, ennemi juré de Jean XXII, ce livre offre une étonnante alternative à une histoire officielle. S’il y eut abondance d’écriture de l’histoire au xive siècle, celle de la papauté d’Avignon a fait son lit ailleurs que dans les bureaux pontificaux. Peutêtre s’est-elle murée dans le silence historiographique, comme si, privée de sa sève romaine et d’une territorialité incontestable, elle manquait d’assise concrète, comme si la souveraineté universelle peinait à s’incarner. L’imposante présence du palais avignonnais, les fresques de Matteo Giovannetti, rappelant le rôle évangélisateur de saint Martial envoyé en Limousin par saint Pierre lui-même, tiendraient alors lieu de justification. À moins que la conception théocratique d’un pouvoir pontifical universel et intemporel, loin d’être oubliée par les papes d’Avignon, ait rendu inutile le récit prosaïque d’une existence terrestre. Dans quel esprit alors Benoît XIII fait-il copier les Vies des papes romains, pendant que le Schisme fait rage 50 ? L’argument d’une concur47. Francesca Manzari a démontré la provenance avignonnaise d’une copie conservée à l’Académie des Lincei (Rome, Accademia Nazionale dei Lincei e Corsiniana, ms 55.K.2, Rossi 17) ; le ms est signalé dans les inventaires de la bibliothèque des papes en 1353 et 1369 : F. Manzari, « Rudes autem erudiri debent in libris laycorum, id est in picturis ». Il ciclo biblico di uno Speculum humanae salvationis avignonese, dans Rivista di storia della miniatura, 6-7, 2001-2002, p. 145-156, et notes 27-29, p. 156. Cf. aussi C. Frugoni et F. Manzari, Immagini di san Francesco in uno Speculum humanae salvationis del Trecento, Padoue, 2006. 48. Deux exemplaires du Liber visionis Ezechielis, Paris, BnF, lat. 503 et 12018, copiés et enluminés tous deux à Avignon vers 1330 : F. Manzari, Contributi per una storia della miniatura ad Avignone nel XIV secolo, dans J. Hamesse (éd.), La vie culturelle, intellectuelle et scientifique à la cour des papes d’Avignon, Turnhout, 2002, p. 126. 49. H. Millet, Le Livre des prophéties des papes de la Bibliothèque municipale de Lunel. Présentation du codex 7 du Fonds Médard, Lunel, 2004. 50. Paris, BnF, lat. 5142 (fin xive-début xve siècle, Avignon) : Vitae romanorum pontificum pour Benoît XIII. Voir F. Manzari, Contributi… cité n. 48, p. 138 (peut-être achevé en Cata-
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rence des groupes d’opposants, qui aurait tétanisé les chroniqueurs officiels, n’explique rien. Le doute en revanche sur la perpétuation du séjour à Avignon et l’impossibilité d’entretenir depuis ce lieu l’évergétisme traditionnel des pontifes et la mémoire patrimoniale de leurs bienfaits auront pesé bien davantage. L’écriture de l’histoire pourrait avoir ainsi laissé place à une forme jugée plus urgente et plus efficace, la propagande politique où les maîtres d’Avignon sont bientôt passés maîtres. L’ultime continuation du Liber pontificalis élaborée sous le pontificat d’Eugène IV (1431-1447), au moment où la papauté tente de renouer les fils d’une continuité mise à mal par le Grand Schisme, apparaît bien comme un archaïsme, et la cour pontificale se dote rapidement d’un nouvel outil historiographique. Le renouveau naît avec Bartolomeo Sacchi dit Platina (14211481), humaniste, protégé de Sixte IV della Rovere (1471-1484) qui en fait son bibliothécaire et le fondateur de la Biblioteca apostolica vaticana 51. Depuis Rome, Platina tire le rideau sur l’épisode avignonnais et il inspire de nombreux émules. Des papes d’Avignon, la mémoire est pour longtemps occultée. C’est avec Étienne Baluze que le modèle historiographique du Liber pontificalis ressurgit en France, mais vidé de sa substance romaine et patrimoniale, parce que le but du savant bibliothécaire était de démontrer le bien-fondé des prétentions royales sur Avignon et le Comtat Venaissin. Étienne Baluze a certes créé une œuvre monumentale pour l’histoire de la papauté avignonnaise. En vérité, il engendre un monstre historiographique, au soutien du colbertisme. Les apports et corrections de Guillaume Mollat n’ôtent rien à son aspect sulfureux : les Vitae paparum sont définitivement minées aux yeux de l’historien médiéviste. Cela ne signifie en rien qu’il doive s’en abstraire.
logne) ; et aussi Paris, BnF, lat. 5126 (1401, Avignon) : Tolomeo da Lucca, Historia ecclesiastica pour Benoît XIII. F. Manzari, La miniatura… cité n. 45, p. 276 ; Ead., Contributi… cité n. 48, p. 138. 51. Liber de vita Christi ac omnium pontificum, éd. G. Gaida, Città di Castello, 1913-1932 (Rerum Italicarum Scriptores, 2e s., III-1).
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Annexe Organisation des Vitae paparum avenionensium par Étienne Baluze et Guillaume Mollat La pagination est celle de l’édition de Mollat, Vitae paparum avenionensium…, I, Paris, 1914. L’identification des textes est aussi celle de Mollat. Pour chacun d’entre eux, nous renvoyons à sa présentation dans Étude critique sur les Vitae paparum avenionensium d’Étienne Baluze, Paris, 1917. Clément V (1305-1314)
Jean XXII (1316-1334)
Prima vita (p. 1-23) Secunda vita (p. 24-53) Tertia vita (p. 54-58) Quarta vita (p. 59-80) Quinta vita (p. 81-88) Sexta vita (p. 89-106) Prima vita (p. 107-136) Secunda vita (p. 137-151) Tertia vita (p. 152-168) Quarta vita (p. 169-171) Quinta vita (p. 172-177) Sexta vita (p. 178-182) Septima vita (p. 183-194)
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Jean de Saint-Victor, Memoriale historiarum. Mollat, Étude, p. 86-101. Ptolémée de Lucques, Nouvelle histoire ecclésiastique. Mollat, Étude, p. 1-12. Bernard Gui, Cathalogus brevis romanorum pontificum. Mollat, Étude, p. 30-32. Bernard Gui, Flores chronicorum. Mollat, Étude, p. 22-30. Chronique de Paulin, évêque de Pouzzoles. Mollat, Étude, p. 84-86. Amalric Auger, Actus romanorum pontificum. Mollat, Étude, p. 101-105. Jean de Saint-Victor, Memoriale historiarum. Mollat, Étude, p. 86-101. Bernard Gui, Cathalogus brevis romanorum pontificum. Mollat, Étude, p. 30-32. Bernard Gui, Flores chronicorum. Mollat, Étude, p. 22-30. Chronique de Paulin, évêque de Pouzzoles. Mollat, Étude, p. 84-86. Continuation de Ptolémée de Lucques par Henri de Diessenhoten. Mollat, Étude, p. 13-17. Pierre de Herentals, Compendium chronicorum de imperatoribus et pontificibus Romanorum. Mollat, Étude, p. 105-110. Amalric Auger, Actus romanorum pontificum. Mollat, Étude, p. 101-105.
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Benoît XII (1334-1342)
Prima vita (p. 195-209)
Secunda vita (p. 210-215) Tertia vita (p. 216-222) Quarta vita (p. 223-225) Quinta vita (p. 226-230) Sexta vita (p. 231-232) Septima vita (p. 233-234) Octava vita (p. 235-240) Clément VI (1342-1352)
Prima vita (p. 241-261)
Secunda vita (p. 262-272) Tertia vita (p. 273-288) Quarta vita (p. 289-297)
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Continuation française de la fin du xive siècle de la chronique martinienne. Mollat, Étude, p. 58-82. – Repris par Baluze de François Bosquet, Pontificum romanorum…, 1632, p. 45-70. Continuation par Jean la Porte, d’Annonay des Flores chronicorum. Mollat, Étude, p. 34-40. Henri de Diessenhoten (continuation de Ptolémée de Lucques). Mollat, Étude, p. 13-17. Chronique de Werner de Hasselbecke (continuation de la chronique martinienne). Mollat, Étude, p. 48-58. Continuation française aux Flores chronicorum. Mollat, Étude, p. 33-34. Continuation italienne du xve siècle à la chronique de Ptolémée de Lucques. Mollat, Étude, p. 18-21. Pierre de Herentals, Compendium chronicorum de imperatoribus et pontificibus Romanorum. Mollat, Étude, p. 105-110. Continuation italienne du xive siècle à la chronique martinienne. Mollat, Étude, p. 46-47. Continuation française de la fin du xive siècle de la chronique martinienne. Mollat, Étude, p. 58-82. – Repris par Baluze de François Bosquet, Pontificum romanorum…, 1632, p. 71-106. Continuation française du xive siècle des Flores chronicorum. Mollat, Étude, p. 41-44. Continuation par Jean La Porte, d’Annonay des Flores chronicorum. Mollat, Étude, p. 34-40. Continuation italienne du xve siècle à la chronique de Ptolémée de Lucques. Mollat, Étude, p. 18-21.
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Quelle écriture de l’histoire des papes d’Avignon ?
Clément VI (1342-1352)
Quinta vita (p. 298-303)
Innocent VI (1352-1362)
Sexta vita (p. 304-308) Prima vita (p. 309-330)
Secunda vita (p. 331-342) Tertia vita (p. 343-346) Quarta vita (p. 347-348) Urbain V (1362-1370)
Prima vita (p. 349-382)
Secunda vita (p. 383-393) Tertia vita (Secunda vita dans Baluze) (p. 394-397) Quarta vita (Secunda vita dans Baluze) (p. 398-402) Quinta vita (Tertia vita dans Baluze) (p. 403-404) Sexta vita (Quarta vita dans Baluze) (p. 405-414)
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Pierre de Herentals, Compendium chronicorum de imperatoribus et pontificibus Romanorum. Mollat, Étude, p. 105-110. Continuation française du xve siècle aux Flores chronicorum. Mollat, Étude, p. 44. Continuation française de la fin du xive siècle de la chronique martinienne. Mollat, Étude, p. 58-82. – Repris par Baluze de François Bosquet, Pontificum romanorum…, 1632, p. 106-141. Chronique de Werner de Hasselbecke (continuation de la chronique martinienne). Mollat, Étude, p. 48-58. Continuation italienne du xive siècle à la chronique de Ptolémée de Lucques. Mollat, Étude, p. 18-21. Pierre de Herentals, Compendium chronicorum de imperatoribus et pontificibus Romanorum. Mollat, Étude, p. 105-110. Continuation française de la fin du xive siècle de la chronique martinienne. Mollat, Étude, p. 58-82. – Repris par Baluze de François Bosquet, Pontificum romanorum…, 1632, p. 142-197. Chronique de Werner de Hasselbecke (continuation de la chronique martinienne). Mollat, Étude, p. 48-58. Continuation de Werner de Hasselbecke, fondue dans la Secunda vita de l’édition de Baluze (cf. Mollat, Étude, p. 55, note 1). Continuation de Werner de Hasselbecke, fondue dans la Secunda vita de l’édition de Baluze (cf. Mollat, Étude, p. 55, note 1). Pierre de Herentals, Compendium chronicorum de imperatoribus et pontificibus Romanorum. Mollat, Étude, p. 105-110. Chronique d’Aimeric de Peyrac, abbé de Moissac. Mollat, Étude, p. 110-112.
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Guy Lobrichon et Paul Payan
Grégoire XI (1370-1378)
Prima vita (p. 415-438)
Secunda vita (p. 439-459) Tertia vita (p. 460-462) Quarta vita (p. 463-465) Quinta vita (p. 466-467) Clément VII (1378-1394)
Prima vita (p. 469-518)
Secunda vita (p. 519-535)
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Continuation française de la fin du xive siècle de la chronique martinienne. Mollat, Étude, p. 58-82. – Repris par Baluze de François Bosquet, Pontificum romanorum…, 1632, p. 198-239. Continuation française du xive siècle des Flores chronicorum. Mollat, Étude, p. 41-44. Continuation italienne du xive siècle à la chronique de Ptolémée de Lucques. Mollat, Étude, p. 18-21. Continuation italienne du début du xive siècle à la chronique martinienne. Mollat, Étude, p. 82-83. Pierre de Herentals, Compendium chronicorum de imperatoribus et pontificibus Romanorum. Mollat, Étude, p. 105-110. Continuation française de la fin du xive siècle de la chronique martinienne. Mollat, Étude, p. 58-82. – Repris par Baluze de François Bosquet, Pontificum romanorum…, 1632, p. 239-322. Pierre de Herentals, Compendium chronicorum de imperatoribus et pontificibus Romanorum. Mollat, Étude, p. 105-110.
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L’histoire « officielle » de la papauté du xve au xviie siècle, les Vitae pontificum romanorum de Platina, Panvinio, Ciaconius : critique et apologétique Alain Tallon
En donnant un tel titre à ma communication, j’ai bien conscience de me montrer à la fois présomptueux et inexact. Présomptueux, car il prétend couvrir un siècle et demi de l’historiographie pontificale, du Liber de vita Christi ac pontificum omnium, présenté par Platina à Sixte IV en 1474 1, à l’édition posthume en 1630 aux presses du Vatican des Vitae et res gestae Pontificum romanorum et S. R. E. cardinalium ab initio nascentis Ecclesiae, usque ad Urbanum VIII, œuvre d’Alfonso Chacón, ou suivant son nom latinisé Ciaconius, reprise et enrichie par plusieurs autres auteurs 2. Certes, pour réaliser cette étude, qui dans ce cadre restreint sera avant tout une synthèse, je peux m’appuyer sur de nombreux travaux, notamment, en qui concerne Platina, ceux récents de Stefan Bauer 3. Surtout le choix d’un arc chronologique aussi large permet d’envisager la crise d’identité qui touche la papauté 1. J’utilise ici une édition de 1485, Platina (B. Sacchi, dit), Platinae Historici liber de vita Christi ac pontificum omnium, s.l. (Trévise) : Joannis Vercelensis, 1485, non paginé. 2. A. Chacón et alii, Vitae et res gestae Pontificum romanorum et S. R. E. cardinalium ab initio nascentis Ecclesiae, usque ad Urbanum VIII, pont. max., auctoribus M. Alphonso Ciaconio… Francisco Cabrera Morali et Andrea Victorello, (…) iconibus pontificum, horum et cardinalibus insignibus et plurimorum elogiis adjunctis ; alia plura Victorellus et Ferdinandus Ughellus, (…) ex mss. praesertim monumentis addiderunt ; Hieronymus Aleander… et alii Ciaconianum opus recensuerunt, Romae : typis Vaticanis, 1630. 3. S. Bauer, « Platina non vitas, sed vitia scripsit ». Le censure sulle Vite dei papi, dans M. Firpo (éd.), Nunc alia tempora, alii mores. Storici e storia in età postridentina. Atti del convegno internazionale, Torino, 24-27 settembre 2003, Florence, 2005 (Studi e testi. Fondazione Luigi Firpo Centro di studi sul pensiero politico, 25), p. 279-289, et surtout du même auteur The censorship and Fortuna of Platina’s Lives of the Popes in the sixteenth century, Turnhout, 2006 (Late medieval and early modern studies, 9). Il faut aussi rappeler M. Miglio, Storiogafia pontificia del Quattrocento, Bologne, 1975 ; A. Campano et P. Medioli Masotti (éd.), Bartolomeo Sacchi il Platina, Padoue, 1986, et l’étude récente de la vie de Sixte IV écrite par Platina et restée manuscrite, de E. D. Howe, Art and culture at the Sistine court : Platina’s Life of Sixtus IV and the frescoes of the Hospital of Santo Spirito, Cité du Vatican, 2005 (Studi e testi. Biblioteca Apostolica Vaticana, 422).
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entre la Renaissance et l’âge baroque sous l’angle historiographique. Ce dernier se montre un révélateur très pertinent des mutations idéologiques et ecclésiologiques de l’Église romaine, de l’humanisme à la Réforme catholique. Mon titre n’en reste pas moins inexact car il n’y a pas d’histoire officielle de la papauté moderne : contrairement à plusieurs monarchies, il n’existe pas de charge d’historiographe à la curie romaine, pourtant fort inventive en matière de création d’office. Cependant, de Platina à Chacón, le milieu des érudits attachés à la Bibliothèque vaticane a été très impliqué dans la genèse de ces vies, et, dans le cas de Chacón, son œuvre revue et continuée a connu une édition somptueuse et largement diffusée aux presses du Vatican. Que ces Vitae, notamment celle de Platina, aient pu apparaître comme une forme de version officielle et que cette perception soit en partie à l’origine de leur succès ne doit pas faire oublier que jamais la papauté ne développa une historiographie officielle, tout au plus des histoires autorisées. C’est une évidence dans le cas le mieux connu, celui de Platina. Bartolomeo Sacchi, dit Platina (1421-1481) fit sa carrière sous la protection des Gonzague, surtout celle du cardinal Francesco Gonzague. Formé à Florence, il s’installe en 1462 à Rome, dans le contexte de la papauté humaniste de Pie II. Platina développe dans ses divers écrits une vision très positive de Pie II, pendant le pontificat, où il livre un éloge du projet d’une croisade, comme après : juste après la mort du pontife siennois, il rédige sa biographie et la dédie à son neveu Francesco Piccolomini, futur pape Pie III. Il faut dire que l’humaniste avait intégré en mai 1464 le collège des abréviateurs à la faveur de l’augmentation de leur nombre par Pie II. Mais il ne profite pas longtemps d’un office qu’il avait pourtant payé : en août 1464, après la mort de Pie II et l’élection de Paul II, le nouveau pape abolit la mesure de son prédécesseur. Platina proteste si violemment contre cette privation, menaçant même d’un appel au concile, qu’il est mis en prison pendant quatre mois. Libéré, il est compromis en février 1468 dans le fameux et mystérieux « complot » de l’Académie romaine, assemblée littéraire d’humanistes qui sont accusés d’hérésie paganisante, de vouloir renverser le pouvoir temporel et assassiner le pape. De nouveau emprisonné, torturé, il est relâché le 7 juillet 1469 et cherche un emploi auprès Paul II, sans succès. Il semble commencer à ce moment ses Vitæ Pontificum, qui ne sont donc pas, comme on l’a longtemps dit, une commande de Sixte IV. L’idée est dans l’air du temps : Jacopo Zeno, évêque de Vérone, lui aussi commence une entreprise similaire sous Paul II, mais son œuvre reste manuscrite. L’élection en 1471 de Francesco della Rovere qui prend le nom de Sixte IV met fin à cette période difficile pour Platina. Par Francesco Gonzague,
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il a accès au nouveau pape. C’est à lui qu’est confié l’éloge funèbre du cardinal Bessarion en 1472. À la fin de 1474, Platina offre au pape le manuscrit de ses Vies 4. Le 15 juin 1475, il reçoit la charge de bibliothécaire de la Bibliothèque vaticane, épisode immortalisé par la célèbre fresque de Melozzo da Forlí. Les Vitae sont publiées du vivant de Platina à Venise, chez Johannes de Colonia et Johannes Manthen, en 1479. L’ouvrage, Platinæ historici liber de vita Christi ac omnium pontificum qui hactenus ducenti fuere et XX, connaît un succès rapide et durable. La première édition a connu un tirage important si l’on en juge par le nombre des exemplaires survivants. De nouvelles éditions latines suivent à Nuremberg en 1481, Trévise en 1485, Venise en 1504, Paris en 1505 5. Ce succès ne s’interrompt pas pendant tout le xvie siècle. Il faut ajouter des traductions en langue vernaculaire, française en 1519, italienne en 1543, allemande en 1546 6. Rapidement, les éditions sont mises à jour : celle parue à Venise en 1511 – la date n’est pas indifférente, quand la Sérénissime, après son humiliante défaite devant la Ligue de Cambrai, se réconcilie avec Jules II –, comprend les vies des quatre papes suivant Paul II (Sixte IV, Innocent VIII, Alexandre VI, Pie III), rédigées par Raffaele Maffei da Volterra, dit Il Volterrano, humaniste ayant fait une belle carrière à la curie romaine. À Lyon en 1512 – là encore la date est significative, en plein concile « gallican » de Pise contre le pape –, une édition aussi est mise à jour par un auteur inconnu. Mais les ajouts de Maffei s’imposent dans les versions suivantes. Diverses actualisations sont effectuées dans des éditions vénitiennes par exemple en 1543 et 1552, en attendant la remise à jour plus radicale d’Onofrio Panvinio à partir de 1562 7. Rédigées en grande partie pendant le pontificat de Paul II, les Vitae de Platina laissent transparaître la rancœur de l’humaniste à l’égard du pape régnant, rancœur qui explique sans doute les amères accusations sur l’état de l’Église actuelle. L’opposition nette entre Pie II, pape philosophe suivant l’idéal platonicien, et Paul II, tyran persécuteur des belles lettres, donne son sens général à l’œuvre. Platina rapporte un dialogue avec ce dernier quand le pape l’accuse d’hérésie parce qu’il suit Platon. Platina lui rétorque que saint 4. Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. lat. 2044. Le manuscrit est enluminé par Gaspare da Padova et Bartolomeo Sanvito (E. D. Howe insiste avec raison sur l’importance de l’art de l’enluminure à la cour de Sixte IV, E. D. Howe, Art and Culture…, p. 19). On y trouve aussi des annotations marginales de Pomponio Leto, un des premiers lecteurs de l’œuvre. Fondateur de l’Académie romaine, Leto était un proche de Lorenzo Valla. 5. E. D. Howe, Art and culture… cité n. 3, p. 34. 6. S. Bauer, « Platina non vitas… », cité n. 3, p. 279. 7. E. D. Howe, Art and culture… cité n. 3, p. 36-37.
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Augustin donne raison à Cicéron quand il qualifie Platon de dieu parmi les philosophes 8. La polémique de Platina contre son persécuteur, présenté comme irrémédiablement hostile à la nouvelle culture, ne doit pas être prise pour argent comptant : une partie des cercles humanistes fut ravie de l’élection de Paul II et certains, comme Filelfe, dénoncèrent au contraire la mémoire de Pie II 9. Bien plus que l’opposition simpliste que Platina a assez largement réussi à imposer à l’historiographie postérieure, il faut voir dans la rupture entre les deux pontificats la traduction de conflits entre des clans humanistes, qui se confondent avec la lutte des clans politiques de la curie romaine autour du pouvoir pontifical. Mais au moins autant que les rancœurs personnelles de Platina, le contexte culturel général du pontificat de Sixte IV permet de comprendre le succès des Vitae. Théologien franciscain à la formation classiquement scolastique, mais dont la carrière s’était largement faite sous la protection du cardinal Bessarion, le pape mène un mécénat actif, dont la dernière et plus spectaculaire manifestation est la première décoration de la Chapelle Sixtine entre 1478 et 1482. En lien avec le jubilé de 1475, ce patronage s’articule à un projet d’exaltation de Rome 10 : le thème de Roma restaurata se lit dans les premiers grands travaux d’urbanisme, comme le ponte Sisto, dans une politique pontificale agressive et expansionniste en Italie. Le soutien aux belles lettres s’intègre dans cet effort global de restauration du prestige romain. Autre trait du pontificat, le népotisme change d’échelle et devient un véritable système de gouvernement avec l’investissement massif du Sacré Collège par la famille du pontife. Dédié à Sixte IV « prince des théologiens et des philosophes », l’ouvrage de Platina est un bon exemple d’historiographie humaniste reprenant les thèmes cicéroniens classiques : l’histoire est école de vérité, une gloire éternelle est assurée aux hommes par les historiens. Les modèles de ces Vies sont bien sûr Suétone et Plutarque, mais aussi la Vie de Nicolas V de Giannozzo Manetti, mort en 1459. Les sources de Platina sont principalement le Liber pontificalis, l’Histoire ecclésiastique de Ptolémée de Lucques, les Décades de Flavio Biondo, qu’il reprend sans grand souci critique. Giacinto Gaida, éditeur de l’œuvre 8. Platina, Platinae…, [p. 267]. 9. R. Avesani, Una fonte della « vita » di Pio II del Platina, dans A. Campano et P. Medioli Masotti (éd.), Bartolomeo Sacchi… cité n. 3, p. 1. Filelfe reste fidèle à la mémoire de Paul II et prend sa défense après sa mort quand les attaques se multiplient contre le pontife défunt, notamment venant de Platina, M. Miglio, Storiografia… cité n. 3, p. 124. 10. M. Miglio (éd.), Un pontificato ed una città : Sisto IV (1471-1484). Atti del convegno, Roma, 3-7 dicembre 1984, Rome, 1986.
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dans la collection Rerum Italicarum scriptores, ne peut éviter de noter « una certa indolenza del Platina per l’indagine critica 11 ». En fait l’humaniste est parfaitement capable de faire preuve d’esprit critique : avec une certaine audace exégétique, il refuse d’attribuer à Pierre les deux épîtres canoniques, en raison de la différence de style qui existe entre les deux 12 ; il ne mentionne pas la donation de Constantin dans la vie du pape Sylvestre, et refuse la légende qui veut que l’empereur ait été guéri de la lèpre par ce pape 13. Mais ce souci critique trouve vite ses limites : Platina émet des doutes sur l’existence de la papesse Jeanne, mais rapporte quand même son histoire, ajoutant même des inventions de son cru, comme l’interprétation du fameux trône percé sur lequel on ferait asseoir le pape nouvellement élu comme un lieu d’aisance, destiné à rappeler au souverain pontife sa misérable condition humaine 14. Platina n’est pas un Valla : plus qu’une histoire critique, c’est une histoire plaisante qu’il veut écrire, sacrifiant volontiers la rigueur de la méthode aux charmes de l’anecdote, surtout si elle est piquante. Son œuvre n’en présente pas moins une vision cohérente de la papauté et de son histoire. Le fait de commencer par la vie du Christ est original, car ni le Liber pontificalis, ni l’histoire des papes rédigée au même moment par Jacopo Zeno ne l’incluaient. Certes, Platina se livre plus à un éloge d’Auguste et de la paix retrouvée grâce au prince qu’à un véritable récit de la vie de Jésus, qui est expédiée en quelques lignes. Mais la signification ecclésiologique est importante. Placer en tête la vie du Sauveur, c’est aussi bien magnifier l’institution divine de la papauté que de suggérer une plus grande fidélité aux principes évangéliques. Le gage de cette fidélité se trouve pour Platina dans une alliance sans faille avec les belles-lettres et la sagesse antique. Quand la papauté leur est proche, elle se montre sainte, quand elle s’en éloigne, elle devient tyrannie. Cette figure du pape tyran est très présente dans les Vies, avec notamment Boniface VIII et bien sûr Paul II. La dénonciation des vices de certains pontifes est évidemment l’occasion de développer des passages presque satiriques, comme Platina en raffole : la fameuse papesse Jeanne, Jean VIII (VII chez Platina) et sa chaise percée ; Formose, dont le cadavre est déterré et jugé
11. Platina, Platynae historici liber de vita Christi ac omnium pontificum (AA 1-1474), éd. G. Gaida, Città di Castello, 1913-1932 (Rerum italicarum scriptores, 3/1), p. xlv. 12. Platina, Platinae…, [p. 7]. 13. Ibid., [p. 35-37]. 14. Ibid., [p. 103-104]. Voir la présentation des « malices de Platina » dans A. Boureau, La papesse Jeanne, Paris, 1993 (1re éd. 1988), p. 28 et suiv.
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par son successeur 15 ; Jean XIII (XII chez Platina) pape adultère ; Silvestre II concluant un pacte avec le diable pour obtenir le pontificat. On pourrait multiplier ces exemples, qui expliquent la gourmandise avec laquelle, quelques décennies plus tard, les protestants reprennent l’œuvre de Platina. La traduction allemande de 1546 est ainsi l’œuvre du réformateur strasbourgeois Gaspard Hédion, qui ajoute en postface l’éloge funèbre de Luther, récemment disparu, par Mélanchthon 16. Au-delà de la papauté, Platina se livre à une féroce critique des abus ecclésiastiques, bien dans l’air du temps. Il n’hésite pas à faire appel au pouvoir laïc pour corriger les clercs : mentionnant les lois somptuaires de Louis le Pieux, il regrette que l’empereur ne soit pas de son époque où « l’ordre ecclésiastique se livre entièrement au luxe et à la débauche 17 ». Toujours audacieux, il résume sarcastiquement l’hérésie de Wyclif et de Huss : « entre autres, ils disaient que les ecclésiastiques devaient être pauvres à l’imitation du Christ 18 ». Pour Platina, la corruption générale de son siècle, mais surtout celle des clercs, explique la menace turque. Il se livre à de longs excursus sur ce thème, par exemple à propos des persécutions de Dioclétien, qui ne sont rien à côté de ce que le Turc qui arrive réserve au nom chrétien 19. Il ne faut cependant pas faire de Platina un précurseur des ruptures du xvie siècle. Sa critique de la papauté et du clergé vient justement de la haute opinion dans laquelle il les tient idéalement, bien éloignée de la réalité des comportements. Pour autant, le pape reste pour Platina le souverain qui, s’il se montre fidèle à sa vocation, peut incarner le salut de la chrétienté. À propos du Turc justement, dont les déprédations sont le châtiment des péchés des chrétiens, Platina fustige l’inaction des princes chrétiens et se souvient des vaines tentatives de Pie II pour les détourner de leurs querelles et les unir contre le danger 20. Cette figure du pape philosophe, prince platonicien gouvernant avec sagesse et mesure, s’imposant par sa piété et sa justice aux princes de la chrétienté, représente l’autre versant, idéal cette fois, des Vies de Platina. 15. Platina rappelle d’ailleurs à cette occasion que Paul II, sa bête noire, avait songé à prendre ce nom de Formose lors de son élévation au pontificat, avant que les cardinaux ne lui rappellent le destin tragique du pape qui avait porté ce nom, Platina, Platinae…, [p. 109]. 16. H. Goldbrunner, L’umanesimo al servicio della Riforma. Caspar Hedio e la sua traduzione del Liber de vita Christi ac omnium pontificum, dans A. Campano et P. Medioli Masotti (éd.), Bartolomeo Sacchi… cité n. 3, p. 39-47. 17. Platina, Platinae…, [p. 100]. 18. Ibid., [p. 220]. 19. Ibid., [p. 31]. 20. Ibid., [p. 67].
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Il contrebalance les aspects très critiques, dans une sorte de dialectique entre bon et mauvais gouvernement interne à l’histoire même de la papauté. Cet équilibre a cependant du mal à résister à l’épreuve des guerres d’Italie et de la Réforme. L’idéal du pape philosophe est devenu bien anachronique au temps d’Alexandre VI ou de Jules II, et si Léon X ressuscite une dernière fois les espoirs en un pape de la paix universelle, ils sont ensevelis par la crise luthérienne et le Sac de Rome. Aux accents indignés des humanistes nord-européens, et notamment d’Érasme, s’ajoutent les féroces critiques de Machiavel ou de Guichardin sur les conséquences désastreuses des ambitions pontificales pour l’Italie et pour la chrétienté. La crise de l’Église romaine dans le premier xvie siècle, entre affaiblissement politique et remise en cause spirituelle, trouve sa traduction dans l’historiographie pontificale. Les notices des continuateurs de Platina sur les papes postérieurs à Paul II sont d’une grande sécheresse, presque uniquement factuelles. Le genre même des vies des papes semble atteindre ses limites, car il est devenu une arme redoutable dans les polémiques menées de toute part contre le pouvoir des souverains pontifes. Pour autant, les autorités romaines ne prennent pas de mesures de censure ou de répliques avant le milieu du siècle, et les premières réponses sont bien timides et parfois contradictoires. On le voit dans l’œuvre d’Onofrio Panvinio, premier continuateur de Platina à véritablement infléchir les tendances de l’historiographie pontificale. Érudit augustin passionné par les antiquités romaines 21, Panvinio fait partie du cercle réuni à la Bibliothèque vaticane autour du cardinal bibliothécaire Marcello Cervini, avec notamment Angelo Massarelli, le célèbre secrétaire du concile de Trente, Guglielmo Sirleto, le Français Gentian Hervet, qui cherche à élaborer une première riposte intellectuelle aux attaques que subit l’Église romaine. Ce cercle est distinct de celui qui au même moment réorganise l’Inquisition romaine autour de la nouvelle congrégation du Saint-Office, mais il en partage assez largement les options intransigeantes. Après la mort de Cervini, bref pontife en 1555 sous le nom de Marcel II, Panvinio passe au service du cardinal Alexandre Farnèse, tout en restant attaché à la Bibliothèque vaticane jusqu’à sa mort en 1568 22. Son œuvre imposante est restée en grande partie manuscrite, comme un gigantesque De varia Romani Pontificis crea-
21. J.-L. Ferrary, Onofrio Panvinio et les antiquités romaines, Rome, 1996 (Collection de l’École française de Rome, 214). 22. Il n’existe pas de biographie récente de Panvinio. On peut toujours se référer à D. A. Perini, Onofrio Panvinio e le sue opere, Rome, 1899.
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tione 23, qui détaille l’évolution du mode de création du pape à travers l’histoire 24. Il est aussi le premier à avoir fait imprimer une galerie de portraits des papes. Dans le domaine précis des vies de papes, son œuvre imprimée tarde à prendre une physionomie originale. Ses premières Vitae sont de brèves notices sur les pontifes, ainsi qu’une liste des créations cardinalices 25. En 1562, chez un imprimeur de Cologne – et il ne faut pas négliger cette indication : comme son premier patron Cervini, Panvinio a un lien privilégié avec l’Empire et ces vies « autorisées » des papes devaient sans doute concurrencer les ouvrages protestants sur le marché allemand, même si la publication en latin permettait aussi d’atteindre l’ensemble de la chrétienté –, il édite Platina sans modifier son texte, reprenant ainsi intégralement la légende de la papesse Jeanne ou celle du pacte entre Silvestre II et le diable 26. L’originalité réside plutôt dans les notices rédigées par Panvinio lui-même, à partir de Paul III, où il va plus loin que la simple présentation factuelle qui jusqu’ici caractérisait les biographies rédigées par les continuateurs de Platina et ses propres premières vitae. L’historien augustin se montre notamment très sévère pour le pontificat précédent de Paul IV (Gian Piero Carafa, pape de 1555 à 1559), pape inquisiteur dont le règne avait été marqué par une épuration brutale des plus hautes instances de la hiérarchie curiale, avec notamment l’emprisonnement du cardinal Morone, et l’imposition de l’ordre inquisitorial à Rome. Même si la rigueur du pape peut à l’occasion trouver grâce à ses yeux, notamment ses mesures contre les Juifs de l’État pontifical, Panvinio rapporte la haine que lui valurent ses excès et les émeutes qui suivirent sa mort 27. À l’inverse, le pontife régnant, Pie IV, est présenté comme le réparateur des excès de son prédécesseur, qu’il 23. Ibid., p. 147 et suiv. 24. Sur ces recherches et leur signification dans le contexte des années 1550 et 1560, voir A. Tallon, Les conclaves dans l’historiographie de la Contre-Réforme, dans M. Firpo (éd.), Nunc alia tempora… cité n. 3, p. 30-32. 25. O. Panvinio, Onuphrii Panvinii Veronensis fratris eremitae augustiniani, Romani pontifices et cardinales S. R. E. ab eisdem a Leone IX usque ad Paulum Papam IIII per quingentos posteriores a Christi Natali annos creati, Venetiis : apud Michaelem Tramezium, 1557, 40875 p. 26. O. Panvinio, Bap. Platinae, Cremonensis, opus de vitis ac gestis Summorum Pontificum, ad sua usque tempora deductum, et actum deinde accessione rerul gestarum eorum Pontificum, qui Paulo II in quo Platina desinit usque ad Clementem eius nominis VII successerunt. Et nunc postremo multo locupletius redditum per eruditissimum virum Onophrium Panvinium, qui seriem Historiae eleganti stylo, bonaque fide continuavit usque ad Pium IIII qui modo Reipub. Christianae praesidet…, Coloniae : apud Maternum Cholinum, 1562, p. 119, 139. 27. Ibid., p. 337, 339-340.
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corrige dès son avènement : il reconnaît la légitimité de l’empereur Ferdinand, contestée par Paul IV ; il adoucit les rigoureuses mesures prises contre la simonie ; il blanchit les personnes injustement accusées d’hérésie, à commencer par le cardinal Morone ; il emprisonne les neveux du pape Carafa et les soumet à la justice ; enfin il convoque à nouveau le concile de Trente tant méprisé par le pape précédent 28. On ne peut s’empêcher de retrouver ici l’opposition que faisait déjà Platina entre le pape tyran, Paul II, et le pape philosophe et mécène, Pie II ou Sixte IV. L’idée subsiste d’une opposition à l’intérieur même de la papauté entre le bon et le mauvais gouvernement, opposition d’autant plus facile à mettre en évidence que l’alternance des pontificats permet de charger les papes défunts pour mieux exalter celui qui règne. Mais quand le mouvement de balancier qui caractérise souvent les élections pontificales part dans l’autre sens, il affecte aussi cette historiographie trop proche du pouvoir pour ne pas en suivre les virages, même les plus brutaux. À la mort de Pie IV, l’élection en janvier 1566 du cardinal Michele Ghislieri, ancien bras droit de Paul IV au Saint-Office, marque la revanche des partisans du pape Carafa. Sous le nouveau pape Pie V, Panvinio prépare une édition corrigée de sa continuation de Platina, qui paraît en 1568, l’année de sa mort, toujours à Cologne 29. Elle est dédiée au pape et au vice-roi de Naples, Parafanio de Rivera, duc d’Alcalá de Henares, dont Panvinio vante le zèle contre les infidèles et les hérétiques, qu’il remet au tribunal du Saint-Office romain. Surtout, Panvinio déploie un zèle critique dans des annotations au texte de Platina dont il corrige les erreurs les plus criantes. Il pourfend la légende de la papesse Jeanne ou celle du pacte diabolique de Silvestre II 30. Il est intéressant de noter l’association entre positions intransi-
28. Ibid., p. 341-342. Sur la biographie de Paul IV rédigée par Panvinio et ses versions successives, voir A. Aubert, Paolo IV. Politica, Inquisizione e storiografia, Florence, 1999, p. 163186. 29. O. Panvinio, Historia B. Platinae de vitis Pontificum Romanorum a D. N. Iesu Christo usque ad Paulum II venetum, papam, longe quam antea emendatior, doctissimarumque annotationum Onuphrii Panvinii accessione nunc illustrior reddita. Cui eiusdem Onuphrii accurata atque fideli opera, reliquorum quoque Pontificum vitae, usque ad Pium V Pontificem Max. nunc recens addunctae sunt…, Colonia : apud Maternum Cholinum, 1568, 466 p. 30. Ibid., p. 134, 160-161. Sur la démonstration de Panvinio, A. Boureau, La papesse…, p. 267 et suiv. Utilisant une édition du xviie siècle, Alain Boureau n’a pas vu que l’introduction des annotations critiques date de 1568 et non de 1562. La rectification de la date n’est pas indifférente puisqu’elle souligne le lien entre le pontificat inquisitorial et intransigeant de Pie V et la volonté d’épurer Platina sur le mode critique et démonstratif, plutôt que par la simple censure.
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geantes et méthode critique qui se manifeste pour la première fois dans l’historiographie pontificale pour finir par s’imposer par la suite. Pour autant, Panvinio ne renonce pas à dénoncer les méfaits commis par des pontifes : il ajoute ainsi un commentaire très défavorable sur Alexandre VI, qui n’existait pas dans la version de 1562, où il reprend la légende noire du pape empoisonneur et tyrannique. Même si sa vie de Paul IV n’est pas aussi négative, il maintient cependant son jugement sur sa sévérité excessive et ajoute simplement une mention louangeuse sur la restauration de la discipline ecclésiastique. Sa description de la stupéfaction générale quand le pape retire la légation d’Angleterre au cardinal Pole, « virum moribus integrum et multorum virtutum opinione vulgo commendatum », mais soupçonné d’hérésie comme Morone 31, n’est en rien conforme à l’esprit du pontificat de Pie V, qui partageait la certitude de son mentor sur l’hérésie des cardinaux spirituali. La biographie du successeur de Paul IV, Pie IV, est elle aussi révisée, mais cette fois dans un sens plus critique. Panvinio mentionne bien que le nouveau pape revient sur les mesures rigoureuses de son prédécesseur, mais il nuance l’impression de rupture qui se manifestait dans l’édition de 1562. Il n’hésite pas à rappeler des traits de caractères négatifs du pontife, comme sa propension à la colère et son tempérament entier, mais il conclut sur les grandes réalisations du pontificat et notamment la fin du concile de Trente. Panvinio fait l’expérience des contraintes politiques qui pèsent sur l’écriture de l’histoire des papes : les changements de pontificats conduisent à réévaluer l’œuvre des prédécesseurs, mais cette réévaluation ne peut cependant être radicale, car le système du népotisme laisse le plus souvent une grande puissance à la famille du pontife défunt et à ses créatures. Panvinio avait ainsi soumis sa vie de Pie IV révisée à son neveu et principal collaborateur, Charles Borromée, et avait intégré docilement les corrections que celui-ci demandait. Platina avait déjà expérimenté ce poids des clans issus des précédents pontificats. Comme le fait remarquer Giacinto Gaida, sa vie de Calixte III, très élogieuse pour un pontificat plutôt médiocre, a certainement été écrite dans le souci de ne pas déplaire au neveu de ce pape, le puissant cardinal Rodrigo Borgia, futur Alexandre VI 32. En l’absence d’une famille puissante survivant au pape ou en cas de rupture nette entre deux pontificats, les historiens retrouvent leur liberté de blâmer. Platina rend cette justice à Paul II qu’il n’a pas peuplé la curie de sa famille et de ses créatures : il aurait pu ajouter que c’est précisément l’absence d’un « clan Barbo » qui lui permet d’accabler ainsi le 31. O. Panvinio, Historia…, éd. de 1568, p. 441. 32. Platina, Platynae…, éd. G. Gaida, p. lxxvii-lxxviii.
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pape défunt. En 1562, Panvinio peut dresser un tableau très sombre du règne de Paul IV, parce que les Carafa et leurs partisans sont en prison ou en disgrâce. Pour autant, il ne faudrait pas tirer de ce constat une conclusion simpliste. Si Panvinio comme Platina avant lui doit tenir compte des variations du contexte politique à Rome, il conserve cependant une marge de manœuvre et les corrections qu’il fait en 1568 aux vies de Paul IV et de Pie IV, si elles sont plus que des nuances, maintiennent cependant des jugements négatifs dans le premier cas, notamment sur la rigueur excessive du pape Carafa, et positifs dans le second. Cette liberté conservée explique sans doute que Pie V a interdit en 1569 toute nouvelle édition des œuvres de l’historien augustin 33, interdiction qui ne fut même pas respectée du vivant du pontife, mais qui limita tout de même la diffusion de son œuvre et traduisait bien les difficultés persistantes du catholicisme intransigeant face à l’historiographie pontificale. À la mort de Panvinio en 1568, un érudit de l’entourage de Charles Borromée, Pietro Galesini, veut reprendre la tâche d’écrire de nouvelles vies des papes, notamment pour réfuter les Centuriateurs de Magdebourg 34. Mais il ne produit que quelques fragments manuscrits, conservés aujourd’hui à la Bibliothèque ambrosienne 35. Le temps n’est plus à la publication de nouvelles Vitae, mais bien plutôt à la censure des anciennes et principalement de celles de Platina. Stephan Bauer en a magistralement reconstruit les étapes 36. Les premières dénonciations de l’œuvre de Platina à la toute récente congrégation de l’Index se produisent en 1572 et 1576 et viennent d’un oratorien, Tommaso Bozio, proche de Baronius. Bozio mentionne notamment dans la vie du pape Jean XXII (numéroté XXIII chez Platina) la relation de la condamnation de l’idéal de pauvreté franciscaine et le commentaire de cette condamnation par Platina : « quod certe non multum cum Sacra Scriptura convenit ». Platina est aussi mentionné dans un index manuscrit resté inédit envoyé par le maître du Sacré Palais Paolo Costabili aux inquisiteurs italiens après 1576. Costabili indique que l’auteur attaque les papes les plus saints, notamment Jean VIII et Jean XXII. Après 1576, un consulteur de la congrégation, le dominicain Francesco Cotta, est chargé de compiler les erreurs de Platina. Mais c’est seulement avec Sixte Quint que le projet de correction de l’œuvre prend forme 33. S. Bauer, The censorship… cité n. 3, p. 111. 34. Voir sa lettre à Borromée du 25 mai 1568 où il demande à être attaché à la Bibliothèque vaticane : Milan, Biblioteca Ambrosiana, F 40 inf., n° 102 g, f. 158-160. 35. S. Bauer, « Platina… », cité n. 3, p. 284. 36. S. Bauer, « Platina… » et The Censorhip… cités n. 3, où S. Bauer édite les censures conservées à la Bibliothèque ambrosienne et à l’Archivio della Congregazione per la dottrina della fede. Je tire de ses travaux le résumé qui suit.
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en 1587. Le cardinal anglais William Allen, Robert Bellarmin (qui avait déjà censuré l’Histoire ecclésiastique de Panvinio), et le protonotaire Pietro Galesini, venu à Rome après la mort de son protecteur Borromée en 1584, donnent leurs censures, Bellarmin et Galesini commentant la première censure faite par Allen. Le travail est approfondi et plus de la moitié des 220 vies font l’objet de commentaires d’au moins un des trois censeurs. Porte-parole intransigeant d’une Église martyre, William Allen n’a pas l’intention de laisser la moindre place aux critiques contre l’Église romaine, armes entre les mains des hérétiques, et le cardinal anglais est logiquement le censeur le plus sévère. Il se plaint surtout des vies de papes Formose (891-896) à Jean XII (955-964) et conclut que Platina n’a pas écrit la vie de ces papes, mais leurs vices : « non vitas, sed vitia eorum Platina scripsit 37 ». S’il propose lui aussi des corrections, Galesini se montre assez largement en désaccord avec Allen : les faits relèvent de la vérité historique. Si on les censure, poursuit Galesini, les protestants diront que nous adultérons les livres, ce que nous leur reprochons. Tous les catholiques sont d’accord pour dire qu’un pape peut être mauvais, mais pour autant il ne peut errer en matière de foi ni être privé de son siège 38. Bellarmin lui aussi se refuse à occulter les fautes morales des papes, notamment de ceux des ixe et xe siècles, brocardés par Platina. Le théologien jésuite avait même proposé ailleurs une explication théologique à l’établissement de ces faits historiques, qui ne contredisent en rien l’institution divine de la papauté et le secours que lui accorde la Providence. Pour Bellarmin, les vices des papes font partie du plan divin : ils montrent que la grandeur du siège romain ne dépend pas des qualités morales des hommes qui l’occupent. Il ne sert à rien aux hérétiques de s’évertuer à démontrer les failles morales de quelques papes : nous les reconnaissons, dit Bellarmin, mais « loin d’obscurcir ou de diminuer la gloire de ce Siège, ils l’augmentent et l’amplifient considérablement ». La papauté a survécu non en raison de la sagesse des hommes, mais de la protection divine 39. Ce débat a un résultat contrasté : l’édition non expurgée des Vies de Platina en italien est interdite – l’éditeur vénitien Girolamo Polo qui venait en 1590 d’en faire un tirage de 1100 copies s’en trouve ruiné – et en 1592 paraît une version italienne corrigée par le censeur Girolamo Giovannini, qui se contente de supprimer les passages polémiques. Mais les éditions latines restent fondées 37. S. Bauer, The Censorship… cité n. 3, p. 309. 38. Ibid., p. 254. 39. Praefatio in libros De summo pontifice habita in Gymnasio Romano MDLXXVII, cité par S. Bauer, « Platina… », cité n. 3, p. 287, n. 28 et 29.
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sur le texte non censuré édité par Panvinio, en ajoutant ses commentaires critiques. Cette différence de traitement est bien dans l’esprit de la politique générale des instances inquisitoriales qui veulent avant tout empêcher la diffusion de textes suspects en langue vulgaire 40. Au-delà du sort même de l’œuvre de Platina, le débat a aussi permis l’émergence d’une forme de consensus autour des positions nuancées défendues par Galesini et Bellarmin, contre l’intransigeance d’un William Allen. L’histoire critique est un instrument à la défense de la papauté contre les attaques protestantes, car le dévoilement des vices ou des erreurs de quelques papes, difficiles de toute façon à cacher dans le nouveau contexte de la controverse confessionnelle, confirme simplement l’aide de Dieu à l’Église romaine. Au moment même où Bellarmin donnait ainsi à l’histoire des papes sa justification théologique, s’élaborait une refonte complète du genre par rapport à Platina, que les historiographes romains s’étaient jusque-là contentés de prolonger ou d’annoter. Un dominicain espagnol Alonso Chacón, dit Ciaconius, arrivé à Rome en 1567, rédige des Vitae et res gestae Summorum Pontificorum. Après sa mort en 1599, ces Vitae sont éditées par Francisco Morales Cabrera en 1601, qui complète le manuscrit. Une nouvelle édition en 1630 est préparée par un groupe d’auteurs, où l’on trouve Andrea Vittorello, Girolamo Aleandro le jeune, Ferdinando Ughelli, Luke Wadding (qui ne figure pas dans la page de titre), qui ajoutent des notices jusqu’au pape régnant Urbain VIII. Passionné tout comme Panvinio avant lui d’antiquités romaines, Chacón faisait partie de l’importante colonie d’érudits et de théologiens espagnols présents à Rome dans la seconde moitié du xvie siècle, où ils insufflent à la papauté la vision mondiale de la monarchie catholique et élargissent les horizons d’une curie romaine encore très exclusivement centrée sur l’Italie 41. Les continuateurs de Chacón eux aussi ont cette ouverture européenne et mondiale et ont le sentiment de travailler, comme l’écrit Andrea Vittorello dans la préface de 1630, « pour la république chrétienne des lettres ». L’Isagoge de cette édition pose clairement les principes de l’œuvre : elle exalte la « monarchie de l’Église catholique » et sa perpétuité. Explicitement, les auteurs se placent dans la continuité du Liber pontificalis, du pape Damase qui aurait rédigé des vies de papes, continuées par Anastase. Ils reprennent aussi l’héritage de Platina et de Panvinio, même s’ils reprochent au premier d’avoir laissé trop de place à l’histoire profane et d’avoir médit de beaucoup 40. Sur cette véritable « politique de la langue », voir G. Fragnito, Proibito capire. La Chiesa e il volgare nella prima età moderna, Bologne, 2005. 41. T. J. Dandelet, Spanish Rome 1500-1700, New Haven, 2001, n’aborde guère cet aspect.
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de papes, et au second, à l’inverse, d’avoir écrit une histoire purement ecclésiastique, « cantonnée au cloître » 42. Cet équilibre revendiqué permet de placer ces Vitae dans un courant bellarminien, d’autant plus que l’ecclésiologie qu’elles promeuvent semble assez proche de celle du théologien jésuite. La vie de Jésus, qui ouvre le volume comme précédemment chez Platina, est cette fois l’occasion de présenter une véritable définition du pouvoir pontifical : Jésus, « Pontifex, Rex et Monarcha », n’a transmis que le pontificat à Pierre et aux papes, qui sont les vicaires et non les successeurs du Christ, pontife éternel 43. Cette vision relativement limitée du pouvoir pontifical n’est pas loin de la théorie du pouvoir indirect du pape, qui avait valu à Bellarmin les foudres des partisans les plus intransigeants de l’absolutisme pontifical. Mais les Vitae de Chacón et de ses continuateurs se caractérisent surtout par le souci d’expurger les biographies traditionnelles de tout un merveilleux chrétien, même quand celui-ci ne risquait pas de prêter le flanc à une critique de la papauté 44. Cette expurgation révèle surtout une sorte de jubilation critique dans la réfutation des nombreuses légendes, que, sans se montrer très regardante, l’historiographie protestante avait pu reprendre pour les besoins de la polémique. Panvinio avait certes ouvert la voie, mais Chacón poursuit son entreprise de façon systématique et en mettant en cause dès qu’il le peut la mauvaise foi des adversaires. La réfutation est aussi l’occasion de mises au point apologétiques, par exemple à propos du pape Formose. Platina avait repris la tradition qui voulait que le cadavre de ce pape du ixe siècle ait été exhumé par ses adversaires, jugé, amputé de trois doigts et jeté dans le Tibre. Ce récit avait déjà provoqué l’ire de ses censeurs de la fin du xvie siècle. Chacón qualifie l’histoire de « fabula », mais replace surtout le règne de Formose dans le contexte des luttes de factions et des pressions impériales qui oppriment alors l’Église romaine, pour conclure que nul ne peut juger le pape 45. Les Vitae de Chacón enrôlent donc la critique historique dans le camp catholique, contre les détracteurs de la papauté qui ajoutent foi à des fables. Ces détracteurs ne sont pas uniquement protestants. Les Vitae sont souvent 42. A. Chacón, Vitae…, col. 2. 43. Ibid., col. 18 et 22. 44. Ainsi Chacón ne reprend pas les récits traditionnels sur l’élection d’Adrien II en 867, annoncée d’après les récits traditionnels de nombreux prodiges et notamment les songes prémonitoires de plusieurs clercs qui virent le futur pape revêtu des habits pontificaux. Les Vitae se contentent de mentionner la grande vertu du personnage pour justifier son élection, Ibid., col. 302. 45. Ibid., col. 314.
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l’occasion d’une vibrante défense de la liberté de l’Église, face à toutes les menaces extérieures, notamment celles des pouvoirs laïcs. Elles insistent sur la miraculeuse continuité de la papauté résistant depuis sa fondation aux hérésies, aux persécutions, mais aussi aux tentatives des factions politiques et des puissances temporelles pour la mettre sous tutelle. Chacón et ses continuateurs esquissent une opposition tranchée, qui n’est plus tout à fait bellarminienne, entre une papauté préservée par la Providence malgré les faiblesses des hommes et un monde extérieur corrompu et hostile. Cela ne les empêche pas de reprendre des thèmes chers aux humanistes de la Renaissance, notamment l’image du bon pape protecteur des arts et des belles lettres – avec cependant une plus grande insistance sur le mécénat religieux –, mais quand Platina bâtissait son histoire des papes sur une opposition interne entre le pape philosophe et le pape tyran, les Vitae de Chacón se construisent sur une confrontation externe entre l’Église romaine dont la perpétuité est l’œuvre de la volonté divine et un monde profane d’où vient tout le mal. Cette distinction, bien tridentine dans la netteté de la coupure entre sacré et profane, permet de fonder une nouvelle identité pontificale. Cette nouvelle identité peut reprendre l’exaltation renaissante de la Roma restaurata, mais il ne s’agit plus ici exactement de la même Rome et sa vocation impériale n’est plus aussi nettement temporelle et limitée à l’Italie qu’au temps des papes du second xve siècle. Pour autant, les Vitae de Chacón n’ont pas non plus adopté la conception purement intransigeante qui s’était développée au cours du xvie siècle dans les cercles inquisitoriaux et qui soumettait toute démarche historique aux impératifs dogmatiques et apologétiques de la Contre-Réforme. Chacón assume et même revendique l’héritage de l’histoire critique, dont il fait une arme privilégiée pour l’apologétique romaine. En ce sens l’historiographie « officielle » de la papauté participe du grand mouvement de l’érudition ecclésiastique moderne qui s’épanouit au xviie siècle, fondé sur l’association entre critique et apologétique, se justifiant mutuellement face aux contestations de tous bords.
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Pourquoi fallait-il encore un Dictionnaire de la papauté à la fin du xxe siècle ? Philippe Levillain
Dans une « causerie » d’Émile Littré publiée par l’édition Didier à Paris en 1880, sur « Comment j’ai fait mon dictionnaire », l’auteur raconte la genèse, le rythme, les déboires, et l’aboutissement d’un « monument national » comme le rappelle Jacques Cellard dans l’édition de la même « causerie » 1. En voici le tout début : Rien ne m’avait préparé particulièrement à une entreprise de ce genre… Rien ? et les travaux consignèrent le présent volume et ceux, plus considérables, que contient l’histoire de la langue française ? Sans doute… je répète en toute vérité, rien ne m’avait préparé à une entreprise de ce genre.
En transposant cette causerie très personnelle et quasi radioscopique des relations entre dictionnaires incomparables et une vie personnelle asservie à la construction de l’édifice, il est clair que l’équipe qui a mis en œuvre le Dictionnaire historique de la papauté (DHP) était plutôt bien préparée. La construction de l’ensemble ne constitue pas le moment le plus fort de la biographie de chacun des membres du Comité. Chacun arriva avec un bagage approprié. L’élaboration d’un Dictionnaire des papes, au sens strict, n’a jamais été l’intention du comité scientifique qui s’est réuni au milieu des années 1980 pour envisager sa mise en œuvre. Il en existait de nombreux et les initiatives se multipliaient après l’œuvre de Ludwig von Pàsztor, qui avait rappelé en 1886 : « L’historien ne doit jamais se laisser guider par des fins apologétiques, tant son seul but doit être la recherche de la vérité ». C’est peu dire que le Comité ait été conscient de l’existence d’une école allemande de l’histoire de la papauté, point d’équilibre parfait entre l’érudition et la science, récusant non seulement une présentation apologétique mais aussi une interprétation polémique. À vrai dire, l’initiative prise au milieu des années 1980 ne répondait à aucune attente spécifique. Les instruments de travail étaient nombreux, à commencer par l’Annuaire pontifical, Annuario pontificio. Mais le maniement de ceux-ci requiert une certaine habileté, pour ne pas dire une familiarité 1. Émile Littré, Comment j’ai fait mon dictionnaire (1880), préface de Jacques Cellard, augmenté d’un texte de Pierre Larousse (1864), Arles, 1992.
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avec l’histoire du Saint-Siège en palimpseste de la présentation de son organigramme. Un seul exemple suffit : très longtemps il fut impossible de trouver dans l’Annuaire le nom du père Stanislas Dziwisz, le secrétaire particulier du pape, futur archevêque de Cracovie et cardinal, qui n’entra qu’en 1998 quand il fut désigné sur le siège titulaire de San Leone en Calabre. Une certaine expérience des membres du comité scientifique avec les médias, notamment audiovisuels, passionnés moins par l’histoire de la papauté, que par le gouvernement central de l’Église depuis Vatican II, faisait constater que la popularité de Jean-Paul II occultait très souvent une bonne connaissance de l’histoire du Saint-Siège, de celle des rapports entre le Vatican et le Saint-Siège, du gouvernement central de l’Église dans ses mystères très simples, à bien considérer les choses. Le degré d’urgence augmenta au fur et à mesure que Jean-Paul II, rétabli de l’attentat manqué du 13 mai 1981, décuplant ses forces pour accomplir un pontificat menacé, les allusions remplacèrent les précisions, les imprécisions remplacèrent les allusions. On pourrait faire un florilège moins des erreurs commises par les médias que des comparaisons hâtives établies avec les sociétés civiles et du déclassement progressif du sens de la romanité, de l’observation quotidienne de l’activité du siège apostolique jusque dans ses moindres détails. C’est d’ailleurs au cours des années 1980 que la curiosité pour la vie domestique du pape, son entourage, sa santé, ses goûts, devinrent un sujet de récit et de reportage régulier tant à la télévision que dans la presse. En un mot, le comité scientifique partit de la conviction qu’il fallait rétablir, autant que faire se peut, le sens de la romanité. C’est donc sur ces deux points qu’il convient de s’arrêter : les buts de l’entreprise d’une part, le lien entre ces buts et l’esprit qui unissait les membres du comité scientifique, après quelles considérations rapides sur l’équipe en elle-même. Si, pour suivre Pàsztor, l’apologétique est condamnable, on ne peut que souscrire à l’idée de Pierre Larousse en vertu de laquelle : « un dictionnaire est tout, sauf neutre ». Si l’érudition et la science allemande se sont portées essentiellement sur le Moyen Âge pour éclairer l’acheminement de la théocratie à la Réforme, si certains savants français se sont fixés plus spécialement sur la Renaissance et l’Humanisme, l’entreprise du Comité scientifique postula une présentation romaine et non pas ultramontaine de l’histoire de la papauté. Le projet fut donc bâti sur le principe propre à la notion de catholicité, telle que la définissait le Père de Lubac, « centrifuge et centripète ». Le système même d’un seul dictionnaire des papes, nécessairement alphabétique, ne permettait pas de respecter la règle des quatre temps, équivalent en Histoire des cinq actes des pièces classiques (Antiquité chrétienne, Moyen Âge, Temps
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Pourquoi un Dictionnaire de la papauté à la fin du xxe siècle ?
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modernes, Histoire contemporaine), par conséquent d’élaborer quatre grands fûts dans le temps, perdant la perspective et proposant une histoire constituée par les séries de papes de la période en ouvrant des ramures sur quelques grands thèmes de l’époque. Cette contrainte alphabétique, longuement discutée, détermina le style des notices concernant les papes, pour autant qu’il était possible de l’imposer aux 210 auteurs (dont un quart d’auteurs étrangers, italiens, allemands, espagnols, anglais, américains…). En l’occurrence, dans la biographie des papes, il fut convenu que les éléments essentiels tels la date et le lieu de naissance, la date et le lieu de la mort, la date de l’élection à la Chaire de Saint-Pierre et le lieu d’inhumation, autant que faire se pouvait, feraient l’objet d’une présentation sous forme de mention prosopographique après le nom, et que les traits essentiels de sa formation, de son gouvernement, et des relations entre le Saint-Siège et le monde, constitueraient le corps de notices dont la longueur ne fut calibrée jamais en fonction d’une apparente résonance historique mais en fonction des connaissances acquises. C’est pourquoi une bibliographie, sélective certes, mais aussi nécessaire qu’il pouvait l’être, fut adjointe systématiquement au pied de chaque notice dans la langue originale des ouvrages ou des articles publiés. La bibliographie a eu pour objet de solliciter l’érudition et d’ouvrir la « connaissance du Saint-Siège » à toutes les formules de curiosité. L’accueil fait à tout ouvrage de référence fondamental, en quelque langue que ce fût, stipulait que l’entreprise fut à la fois d’information et d’approfondissement. Les titres des ouvrages furent choisis de préférence dans la langue d’origine, faute de traductions dépassées dans le temps le plus souvent (lesquelles trompent sur l’actualité des débats ouverts par tout livre à sa date de publication), ou par souci de ne pas céder aux adaptations, lesquelles sont souvent l’effet commercial d’une traduction. L’objectif du DHP dans le domaine bibliographique fut celui d’un centre nerveux de recommandations. C’est pourquoi, pour faire face à la succession chronologique des papes en respectant la ventilation par quartiers académiques (Antiquité chrétienne, Moyen Âge — haut et bas —, Temps Modernes, époque contemporaine), fut établie une répartition au sein du Comité scientifique par compétence tempo relle. Il en résulte un DHP éclaté, que l’ordre alphabétique permit de corseter. Chaque temps, si l’on peut dire, a ses mises au point singulières et ses obsessions propres, sur la nature de la souveraineté pontificale, territoriale, magistrale, économique, politique. L’intégration de ces données à la fois éparses et stratifiées de la construction monumentale de « Il Papato » devait répondre à l’ordonnancement du savoir que seul, encore une fois, l’ordre alphabétique pouvait permettre et favorisa. De la mission spirituelle de la papauté, à sa to-
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pographie symbolique et missionnaire, des biographies intenses, courtes, discutées, des 266 (267 ?) souverains pontifes, à la désignation de l’expression symbolique (le Camauro) ou matérielle (le téléphone), à la fois spécifique et commune au progrès de toute société, nulle solution de continuité n’existe. Il revenait au DHP de permettre à ses lecteurs de comprendre l’éternelle présence, l’éternelle lenteur, l’éternelle fragilité de cette institution, qui s’est rendue éternelle dans une histoire dont la similitude à elle-même a fait le grand débat. En un mot, de rendre compte de la « Traditio » qui, au sens thomiste du terme, est une « Implantatio » plus qu’une simple mémoire, un héritage. Le DHP, dans la variété de ses notices et de ses références, a prétendu exprimer une tension historique de longue durée de « romanité » ; l’intelligibilité des signes multiples d’une institution pour l’Histoire et dans l’Histoire. L’ordonnancement des signes — biographiques, institutionnels, liturgiques, symboliques, matériels — selon une lecture interligne, loin de renvoyer à la simple notion de Providence, peut porter à la notion d’écriture des relations entre la Croix et le Cercle, Urbs et Orbs. Le principe éditorial a voulu que les éditions Fayard aient considéré ce Dictionnaire, comme tous les dictionnaires, bien conçu et exhaustif. L’édition princeps, de 1994, et les quatre rééditions ne comportent donc pas d’index. L’index désigne nécessairement l’expression d’un choix, encore plus que d’une référence. Or, mise à part la liste des papes et antipapes, les choix du DHP furent sélectifs. Le comité scientifique n’a jamais eu l’ambition d’épuiser l’intelligibilité d’une parole instituée. Mais les éditions Routledge en 2002 ont favorisé une traduction avec un index cumulatif. Faut-il croire que seuls des jésuites de l’Université Notre-Dame pouvaient exprimer les limites sousentendues d’une histoire unitaire ?
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Éphémère et éternité : médias et historiographie officielle des papes au début du xxie siècle Hervé Yannou
Écrire l’histoire d’un pontificat et a fortiori celle d’un pape régnant relève, au début du xxie siècle, de deux logiques concurrentes mais intimement complémentaires : celle d’une « histoire immédiate 1 » de l’actualité et celle du temps long, de l’historiographie officielle héritière du Liber pontificalis et des Gesta pontificum. Le terme d'histoire immédiate est justement controversé. On ne peut, en effet, faire l'histoire de l’instant. Pour qu’il y ait histoire, il faut un temps de recherche et de réflexion, donc un certain délai. Si, néanmoins, nous reprenons l’expression d’histoire immédiate – popularisée dans les années 1960 par une collection d’ouvrages dirigée par le journaliste et biographe Jean Lacouture –, ce n’est donc pas au sens strict mais au sens large, comme synonyme de proche et comme antonyme de distant et d’éloigné. L’histoire immédiate ne doit pas être confondue avec le journalisme, invité à transmettre le plus vite possible une information à l’opinion publique et à la commenter « à chaud ». Elle a pour caractéristique principale d’avoir été vécue par celui qui la raconte ou par ses principaux témoins. Pour les historiens, c’est dans cette dernière catégorie que doit rentrer le travail de la presse et des journalistes. Les journalistes sont les « historiens de l’instant » écrivait Albert Camus, des observateurs de leurs temps 2. Le journaliste peut donc venir nourrir l’historien, mais ne peut pas se substituer à lui. Les journalistes sont des rapporteurs, voire des acteurs, mais surtout des chroniqueurs ordinaires en prise directe avec l’histoire qui se construit au jour le jour. Ils se trouvent confrontés à des prises de positions, des déclarations concomitantes aux événements. Le témoignage qu’ils livrent à vif peut se révéler, plus tard, un document à valeur historique sur un temps, une période et une institution donnée. L’historien a le privilège de constamment savoir ce qui suit et comment tout se termine. Pleinement intégré au 1. J. Leduc, Les historiens et le temps, Paris, 1999 ; J.-F. Soulet, L’histoire immédiate, Paris, 1994 (Que-sais-je ?, 2841). 2. P. Levillain, L’historiographie du pontificat de Léon XIII, dans Le pontificat de Léon XIII. Renaissance du Saint-Siège ?, Rome, 2007 (Collection de l’École française de Rome, 368) p. 9-33.
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contexte, à ses émotions, mais ignorant de la longue durée, de la transformation de la perception de l’événement au fil du temps, le journaliste ne peut que participer à ce que Michel Foucault appelait la « cuisson de l’histoire 3 ». Mais tout comme l’historien, le journaliste aime l’événement, même si l’un et l’autre n’en ont pas la même perception. Ils analysent chacun à leur échelle l’impact sur le long terme d’un fait ou d’une série de faits afin de donner un sens, par exemple, à un pontificat, à tout le moins d’en donner une perception qui peut aller de la propagande à la désinformation. Ainsi, le travail des journalistes doit être pris en considération par les historiens dans l’étude de la mémoire de la papauté avec toute l’acuité et les méthodes qui relèvent du travail sur les sources historiques. Leur lecture partiale et partielle, catholique, anticléricale, atlantiste, nationale, voire à travers le prisme d’une autre culture religieuse que celle de l’Église catholique ou du monde chrétien, permet de dessiner une image plurielle d’un pontificat à un moment donné. Depuis le début du xxe siècle et surtout après le concile Vatican II, le règne de Paul VI (1963-1978) et l’évolution de l’image sacrée du pape, la cour de Rome s’est ouverte aux médias, par nécessité et très souvent à contrecœur. Le règne surmédiatisé, par sa volonté même, de Jean-Paul II (1978-2005) a marqué une nouvelle étape dans ce rapport des médias à l’institution pontificale 4. Sujet médiatique par excellence, le pape désacralisé a été traité par la presse comme un «grand de ce monde» dont les faits et gestes, la vie quotidienne et les discours viennent nourrir la sphère médiatique des « vaticanistes », les journalistes accrédités pour suivre quotidiennement l’activité du Saint-Siège, comme autrefois les chroniqueurs de la cour des princes. L’écriture journalistique est fondamentale dans la diffusion journalière de l’activité du pape. Elle le fait « exister », lui permet de s’adresser aux masses et structure l’image ordinaire d’un pontife et, au-delà, du Saint-Siège et de l’Église catholique. Sans la presse, la voix, l’image et les discours du chef de l’Église ne seraient pas transmis aussi rapidement que l’exige une société globalisée. Ce dernier point est aujourd’hui renforcé par le développement d’Internet. C’est un outil de stockage de données et d’informations colossales sur la papauté. La simple requête « Benoît XVI » sur un moteur de recherche ouvre 1 130 000 pages ; « Jean-Paul II », lui, donne accès à 1 800 000 entrées. L’histoire du temps
3. M. Foucault, La vie des hommes infâmes, dans Dits et écrits de Michel Foucault, 1954-1988, II : 1970-1975, Paris, 1994, p. 237. 4. G. Mazza (dir.), Karol Wojtyla, un pontefice in diretta. Sfida e incanto nel rapporto tra Giovanni Paolo II e la tv, Rome, RAI, 2006.
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présent de la papauté, suite à l’universalisation de l’usage d’Internet, sera de plus en plus souvent amenée, dans la construction d’un corpus documentaire, à croiser sources « virtuelles » et sources « matérielles », la question se posant de la validité et de la fiabilité de cette documentation et de ses auteurs, « bloggeurs » et autres « webmasters » 5. L’écriture de l’histoire de la papauté au début du xxie siècle doit donc se dessiner à travers un double prisme et un double jeu : d’une part celui des observateurs extérieurs, indispensables relais avec le monde que constituent les médias, et d’autre part le pape, son entourage et la curie romaine qui conservent le monopole traditionnel sur l’histoire officielle, voire sur l’hagiographie du souverain pontife. Cela revient à poser la question du passage d’une historiographie cléricale, héritière du Liber pontificalis, à une histoire laïcisée des papes. L’historiographie officielle est appelée à nourrir, répondre, voire corriger l’écriture immédiate des annales d’une institution qui a une perception du temps, et donc de l’histoire, fondée sur le long, voire le très long terme, alors que la sphère médiatique est synonyme d’immédiateté et assimile la papauté à une institution presque comme une autre.
Comment la presse raconte le pape Entre la papauté et la sphère médiatique, il existe un malentendu. L’Église est bien consciente de l’importance des médias depuis les encouragements du concile Vatican II à travers le décret Inter mirifica du 4 décembre 1963. Jusque-là « l’Église temporelle pensait transcender l’actualité 6 ». Le concile fut un tournant historique pour l’information religieuse et pour celle du Saint-Siège, avec la création d’un service de presse destiné à aider à relater et à raconter l’événement qui se déroulait à Rome. Les journalistes participèrent à la fabrication de l’événement, en lui suggérant un sens, en rappelant ce qui n’était pas survenu et qui aurait pu arriver. À travers la multiplicité des positions individuelles et l’événementiel ils contribuèrent à donner la première conception d’un fait dont la perception devait s’inscrire dans le long terme.
5. R. Minuti, Internet et le métier d’historien, Paris, 2002. 6. R. Laurentin, L’information au Concile, dans Le deuxième Concile du Vatican (1959-1965), Rome, 1989 (Collection de l’École française de Rome, 113), p. 359-378.
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Il n’en demeure pas moins que l’Église n’est pas politique et qu’elle est restée marquée par la culture du secret qui, pour les journalistes, est le plus souvent synonyme d’hypocrisie. Pour la curie romaine, l’information, fût-elle exacte, demeure encore indiscrétion et rabaisse le sacré au niveau de la nouvelle. Le Saint-Siège joue de « son droit de réserve » et de l’équilibre entre secret et information. Une source de nombreuses perturbations et de malentendus, pas toujours assumés, qui impliquent une tension continuelle avec les médias pour qui l’événement doit « faire la nouvelle ». Au Vatican, les règles du jeu sont différentes des méthodes apprises dans les écoles du journalisme démocratique, mais on y parle beaucoup. De façon informelle et souvent inattendue, les informations arrivent sous la forme de confidences. Tout est question de réseau, de bon sens et de pratique déductive. L’information recueillie ne doit pas toujours créer l’événement et donc la nouvelle, mais être récoltée. Ainsi peu de faits bruts sont livrés et l’information est rarement « sourcée ». Cette absence de transparence, propre cependant à tout gouvernement, est une source traditionnelle de frustrations pour la presse, qui aime comparer les murs du Vatican à ceux du Kremlin. Cette information reste ainsi l’apanage du cercle restreint de ceux qui travaillent quotidiennement et exclusivement sur l’actualité du Saint-Siège : les « vaticanistes ». Ces chroniqueurs professionnels du Saint-Siège constituent un groupe de premiers témoins et d’acteurs de l’histoire immédiate. Ils peuvent bien être comparés aux chroniqueurs et mémorialistes qui rapportaient non sans une certaine subjectivité « ce qui s’est passé ». Les journalistes spécialisés sur l’information vaticane et religieuse publient d’ailleurs à chaque grand moment de la vie du Saint-Siège (jubilés, anniversaires, mort et élections des papes) souvenirs, enquêtes, études, biographies destinées à un large public, dont le succès en librairie participe à la perception de l’événement. La « technologie » du langage et de la communication désigne comme « vaticaniste » ou « vaticanologue » les chroniqueurs contemporains spécialistes du Saint-Siège et de la cour des papes. Ce barbarisme du vocabulaire journalistique est dérivé de l’italien « vaticanista ». La terminaison en « -iste » est une dérivation savante nominale du latin « ismus, ista » et du grec « ismos, istès ». Cette déformation du latin scolastique est passée dans la langue vulgaire. « Iste » désigne un sujet qui, d’une manière ou d’une autre, s’occupe de l’objet désigné par le radical. Un vatican-iste serait donc bien un journaliste qui écrit sur le Vatican. La terminaison en « -logue », elle, vient du grec et signifie « savant en ». Ainsi, la profession de vaticanologue signifierait que relater l’actualité du Vatican relèverait d’une science et d’une pro-
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fession savante. Une approche prosopographique peut aider à approfondir cette définition et à mieux cerner cette profession 7. Un « vaticaniste » doit tout d’abord résider ou du moins entretenir des liens et des réseaux à Rome et être accrédité en permanence auprès des services de presse du Vatican. C’est en effet le Saint-Siège qui fait le « vaticaniste » en acceptant de lui délivrer une autorisation lui permettant d’avoir accès à un certain nombre d’informations, de lieux, et d’être éventuellement habilité à suivre le pape dans ses déplacements. Lors des voyages à l’étranger, le pontife est toujours accompagné d’une suite officielle de journalistes, environ soixantedix tous médias confondus. Les journalistes (agenciers, correspondants de presse, de journaux, de périodiques, de radio et de télévision, photographes) accrédités en permanence auprès des services de presse du Saint-Siège étaient deux cents en 1970 et environ cinq cents en 2003. Leur nombre varie aussi selon les événements. Pour le Jubilé de l’an 2000, ils furent huit mille six cent cinquante. De février à avril 2005, pour la mort de Jean-Paul II, le conclave et l’élection de Benoît XVI, ils étaient six mille. La grande variation de ces chiffres montre l’intérêt que peut susciter dans la presse d’information générale des événements liés à la vie de l’Église catholique. Deux sur trois de ces journalistes sont des hommes. La moyenne d’âge est de cinquante ans. Dans neuf cas sur dix, ils sont titulaires d’un master. 5 % ont un diplôme en théologie, tous pratiquent l’italien, langue de travail du SaintSiège, les trois quarts l’anglais, la moitié le français et un tiers l’espagnol. En revanche, peu connaissent le latin. Le gros bataillon de ces vaticanistes est composé à 70 % d’Européens et à 19 % de nord Américains. 42 % d’entre eux sont, sans surprise, Italiens. Ces derniers ont naturellement des antécédents géographiques et historiques avec la papauté. Il existe dans les écoles italiennes de formation professionnelle, les universités catholiques et surtout pontificales, des sections offrant un enseignement spécifique sur l’information religieuse et des cours de spécialisation sur l’actualité du Saint-Siège. Chaque agence de presse, chaîne de télévision et journal italien compte un bureau de « vaticanistes », d’un ou plusieurs journalistes. Cependant, les « vaticanistes » italiens sont de plus en plus concurrencés par les chroniqueurs des États-Unis, qui représentent 11 % des journalistes accrédités au Vatican, suivi par les Allemands (8 %). Il faut noter l’absence de correspondant pour des pays comme les Philippines, première
7. F. Njoroge Kainu, The Vaticanologist : who they are and what they do, Doctorat en communications sociales, Université pontificale de la Sainte-Croix, Rome, 2003.
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nation catholique d’Asie, du Pérou ou des pays africains. Les pays du Tiersmonde, où se concentre aujourd’hui la majeure partie des fidèles catholiques, n’ont en général pas de correspondant permanent accrédité au Vatican. Ils relaient l’information transmise par les médias occidentaux. Enfin, 84 % des journalistes accrédités en permanence auprès des services de communication du Saint-Siège se déclarent catholiques et 60 % reconnaissent que leur propre formation religieuse et personnelle a une influence sur la pratique de leur métier. Répartis sur un échiquier politique, 43 % se déclarent à gauche, 25 % au centre et 32 % à droite. Il faut aussi noter que seuls 37 % de ces journalistes ont comme activité exclusive l’actualité du Saint-Siège, du souverain pontife et de l’Église catholique. Chargés de suivre uniquement l’actualité du Vatican pour un ou plusieurs médias, ces journalistes respectent les règles et normes d’écriture de leur profession. Le journaliste-rédacteur est appelé à faire une sélection des faits, à les isoler pour en faire une nouvelle. Cette sélection peut être effectuée individuellement, mais elle résulte le plus souvent d’une concertation entre les journalistes réunis en un même lieu, salle de presse, salle de rédaction, ou après des discussions téléphoniques. Les premiers à faire ce travail ce sont les journalistes des agences de presse installées au Vatican. Ils sont les premiers, dans le temps, à traiter l’information et à la communiquer, tout d’abord aux journaux-quotidiens ou aux chaînes d’information continue. Ils fixent « la ligne à suivre ». Les directions éditoriales des journaux d’informations générales se fixent sur les dépêches envoyées par les agences de presse internationales, en particulier l’américaine Associated Press, la britannique Reuters et l’Agence France Presse (AFP), pour ne citer que les trois premières mondiales. Elles instaurent ainsi une sorte de monopole sur l’information en fournissant une première grille de lecture d’un document ou d’un fait et créer positivement ou négativement l’événement qui fait la nouvelle. Un exemple de ce travail peut-être fourni par la publication, le 22 novembre 2001, de l’exhortation post-synodale Ecclesia in Oceania, un document de plusieurs centaines de pages, conclusion d’un synode. De ce texte n’a alors été retenu que le pardon demandé par Jean-Paul II pour les abus sexuels perpétrés par des prêtres. L’information était d’importance et fit les gros titres. Du reste du document, il n’a rien été conservé et transmis à un large public. La leçon que Benoît XVI a tenue à l’université de Ratisbonne, le 12 septembre 2006, a été traitée sur un mode identique. Les agences de presse américaines titrèrent immédiatement sur la phrase que le pape empruntait à l’empereur Manuel II Paléologue dans une dispute avec un érudit musulman au xive siècle, dans laquelle l’islam était assimilé à la violence. Une partie de la virulente contro-
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verse que ce discours suscita dans le monde musulman avait pour origine ces dépêches. Ainsi, dans le traitement des documents, actes et gestes pontificaux, la presse d’information générale ne prend traditionnellement en compte qu’un aspect du texte et en occulte, dans la majorité des cas, la dimension spirituelle et religieuse. L’information est avant tout traitée et relayée sous son aspect politique. Ainsi, en l’an 2000, 60 % des articles de la presse américaine au sujet des manifestations organisées à Rome pour le Jubilé ont porté sur le voyage de Jean-Paul II en Israël. La dimension politique ainsi appliquée aux événements romains conduit à reproduire un schéma de lecture démocratique bipolaire : droite/gauche, conservateur/progressiste, modernité/réaction, Saint-Siège/fidèles de « la base ». Cette typologie a été introduite par la presse au cours des sessions du concile Vatican II. Ce système ne semble toutefois pas satisfaisant pour embrasser l’ensemble des réalités du Saint-Siège et d’un pontificat, mais fixe son histoire immédiate par des critères de l’histoire politique.
Comment le Vatican s’exprime Les papes savent l’importance de la presse dans la transmission de leurs faits et gestes. La première audience publique que Benoît XVI accorda au lendemain de son élection, le 19 avril 2005, a été réservée aux journalistes ayant suivi la mort du pape polonais et le conclave. Jean-Paul II, comme ses prédécesseurs et son successeur, s’est adressé officiellement au monde des médias à l’occasion de la publication annuelle du message pour la « Journée mondiale des communications sociales » 8, mais aussi de manière plus personnelle et directe. Ainsi Benoît XVI, à bord de l’avion qui l’amenait en Turquie en novembre 2006, devait rappeler aux journalistes l’accompagnant que « les événements arrivent à l’humanité à travers (leur) médiation » et que la difficulté de leur métier était d’informer rapidement « sur des choses complexes » et à faire « une synthèse de ce qui s’est passé, de ce qui a été dit ». Il était parfaitement conscient du rôle fondamental des journalistes dans le relais de ses propos et de leur influence sur la perception positive et donc sur la réussite d’un voyage, dans un pays musulman, jugé comme extrêmement difficile. 8. La Journée mondiale pour les communications sociales a été instaurée en 1966 par l’Église catholique. Elle est célébrée chaque 24 janvier, fête de la saint François de Sales, patron des écrivains, journalistes et des sourds.
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Les journalistes sont les premiers relais de la parole et du geste pontifical. Le pape parle traditionnellement en italien, les journalistes traduisent. Ils voient ce que le public ne peut atteindre. C’est pourquoi le Saint-Siège a organisé différentes structures et mis en place différents protocoles de communication et autant de garde-fous afin de « canaliser » et éventuellement « corriger », autant que faire se peut, le travail des journalistes. Le Saint-Siège dispose de plusieurs structures administratives autonomes pour gérer sa communication, la diffusion des écrits, des textes et des images du pape : Radio Vatican, le Bureau de presse du Saint-Siège, le Centre de télévision du Vatican, L’Osservatore Romano, le Conseil pontifical pour les communications sociales, le Service Internet etc. Cette multiplicité génère incohérences, chevauchements de compétences, parfois inimitiés et handicaps entre les services, mais suppose officiellement collaboration et non-concurrence. Elle a pour effet qu’aucun prélat, laïc, ordre ou congrégation religieuse ne peut se targuer, a priori, d’un monopole sur la communication du Saint-Siège.
L’Osservatore Romano Le quotidien du Saint-Siège constitue la matrice historique des moyens de communication moderne du Vatican. L’Osservatore Romano a été fondé en 1861. C’est un journal du soir dans son édition quotidienne en italien. Il en existe six éditions hebdomadaires en six langues qui reprennent une sélection d’article de l’édition quotidienne et une édition mensuelle en polonais. L’Osservatore Romano n’est pas un journal comme les autres dont le poids se calcule au nombre de ses lecteurs. Il faut savoir lire ses éditoriaux non signés qui proviennent parfois directement de la secrétairerie d’État et faire la part entre ces écrits officiels et ceux de la rédaction qui peut mener des campagnes très personnelles. Au début du xxie siècle, un certain anti-américanisme et une ligne souvent peu favorable à l’État d’Israël n’ont pas toujours fait le jeu de la diplomatie du Saint-Siège. « Petite paroisse, vaste monde », commentait le théologien Yves Congar, car le journal officieux du Saint-Siège donne aussi des informations sur les conflits oubliés de la planète, mais surtout et avant tout publie documents, décrets et notes diverses, souvent accompagnés de commentaire de prélats autorisés, discours et allocutions officielles, parfois largement amendés lorsqu’il s’agit de propos improvisés par le pape. Il arrive en effet que ceux publiés par L’Osservatore Romano, qui font foi, et ceux rapportés par les journalistes soient différents. Il en a ainsi été de la conférence de presse que Benoît
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XVI a donnée aux journalistes de sa suite dans l’avion le menant au Brésil, le 9 mai 2007. Entre le texte enregistré et publié par les chroniqueurs et celui imprimé dans les pages du quotidien du Saint-Siège dans son édition du 10 mai, il n’y a pas moins de soixante corrections, qui ne relèvent pas que de la syntaxe. Elles peuvent modifier substantiellement, par omission ou légère modification, les propos pontificaux sur des sujets sensibles qu’il a été jugé plus prudent de ne pas retenir. Un exemple parmi d’autres : interrogé sur les progrès du procès en béatification d’Oscar Romero, archevêque de San Salvador assassiné en 1980 par les paramilitaires et héros de la théologie de la Libération, Benoît XVI avait répondu que le dossier suivait son cours, que la difficulté était que des mouvements politiques voulaient faire de la figure de l’archevêque leur porte-drapeau, mais que cette mort relevait bien « d’un témoignage de foi ». Benoît XVI concluait que « la personne elle-même méritait d’être béatifiée » ; une précision supprimée dans la version officielle.
Le Bureau de presse Le Bureau de presse du Saint-Siège (« Sala Stampa della Santa Sede ») est devenu le service le plus emblématique de la communication du Vatican, au point de détrôner le Conseil pontifical pour les communications sociales réduit à la portion congrue dans le travail quotidien de la communication du Saint-Siège 9. L’expression « bureau de presse » convient mieux à cette institution que celle de « salle de presse ». Cette dernière est normalement synonyme d’indépendance car elle qualifie le siège d’une association ou d’un syndicat professionnel qui fournit à ses adhérents-journalistes, contre cotisation, un lieu de travail et invite des personnalités à s’exprimer dans ses locaux. Un bureau de presse est une administration qui travaille en collaboration avec les médias. Il existe une association des journalistes accrédités près le SaintSiège (AGAV), mais son rôle reste limité à celui d’éventuel partenaire, ou d’interlocuteur, et non de gestionnaire du Bureau de presse. Le Bureau de presse du Saint-Siège est entré en fonction, dans sa structure actuelle, le 6 octobre 1966. Il succédait à un premier service d’information organisé en 1939 et confié à un journaliste de L’Osservatore Romano qui publiait un bulletin quotidien contenant des informations précises et des nouvelles avant même leur publication dans les colonnes du quotidien du 9. Le Conseil se charge, dans la pratique, des accréditations pour les photographes, les techniciens et les journalistes-reporters-d’images (JRI).
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Saint-Siège. Jean-Paul II en a fait un organisme autonome en charge de « diffuser les informations concernant les actes du souverain pontife et l’activité du Saint-Siège ». En 1988, la Constitution Pastor Bonus réformant le fonctionnement de la curie romaine mettait le service de presse sous la tutelle directe de la première section de la secrétairerie d’État (Affaires générales). Le Bureau de presse du Saint-Siège délivre quotidiennement un ou plusieurs bulletins d’informations rapportant l’agenda du pape, ses discours et nominations, organise des conférences de presse pour les journalistes accrédités auprès de ses services, officiellement sans distinction de confession, de nationalité et de support média. Son directeur et son vice-directeur, abusivement qualifiés de porte-parole, une charge qui n’existe pas dans l’organigramme du Saint-Siège, sont théoriquement invités à répondre de façon adéquate mais dans certaines limites à toutes les demandes de la presse. Dans le cadre du Bureau de presse du Saint-Siège fonctionne aussi depuis 1990 le « Vatican Information Service » (VIS), un service d’information dédié en premier lieu aux représentations pontificales dans le monde et aux évêques. Il s’agit d’une news letter quotidienne, aussi accessible aux journalistes, qui reprend et condense les informations diffusées dans la journée par les services de presse du Vatican. Ce service est disponible en milieu d’après-midi en quatre langues (italien, anglais, français et espagnol). Chaque service comprend les actes et nominations du pape, une synthèse de ses homélies et discours, les présentations et les communiqués relatifs aux documents pontificaux et des dicastères du Saint-Siège, les activités des Congrégations, Conseils, Synodes etc., ainsi que les communiqués officiels diffusés par le Bureau de presse. Adressé quotidiennement aux abonnés avant 15 heures (heure de Rome), le bulletin du VIS leur permet un accès à l’information avant sa diffusion par les médias classiques. En tant qu’agence de presse officielle, les nouvelles contenues dans les envois du Vatican Information Service peuvent être reproduites – sauf cas de rediffusion électronique – intégralement comme partiellement par la presse. Le Bureau de presse du Saint-Siège diffuse aussi « sous embargo » les messages et surtout les discours et homélies du pape, avant que le texte ne soit prononcé ou officiellement publié à une date et à une heure précise. Ce protocole doit permettre aux journalistes de suivre ses propos en direct et d’avoir le temps de les synthétiser pour les diffuser. Ce système n’est cependant pas totalement efficace. Le pape peut improviser partiellement ou totalement son discours. C’est souvent le cas lors des audiences hebdomadaires du mercredi. Avant la publication définitive de ses propos, le texte transcrit par les soins du Bureau de presse est transmis à la secrétairerie d’État pour sa mise en forme
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finale, bien que Jean-Paul II et Benoît XVI, le premier polyglotte et le second de langue maternelle allemande, aient été capables d’improviser dans un italien parfait des homélies entières. La version définitive des discours diffusée par le Bureau de presse du Saint-Siège peut alors varier par rapport aux propos prononcés par le souverain pontife. Ainsi, le 31 janvier 2007, Benoît XVI, se détachant de son texte, expliqua aux fidèles que « les saints sont des gens comme nous, avec leurs problèmes et parfois avec leurs péchés ». Ces paroles furent applaudies, mais abandonnées dans la version finale du texte. Le pape avait parlé en italien et ses paroles « con peccati » (avec leurs péchés) furent remplacées par « complicati » (les saints ont des problèmes compliqués). Ces changements ne consistent généralement qu’en des figures de style, mais ils peuvent aussi modifier le ton employé. En août 2005, lors de l’assassinat du frère Roger Schutz, de confession protestante et fondateur de la communauté œcuménique de Taizé (Bourgogne), le pape qualifia publiquement la nouvelle de « terrifiante ». La version finale préféra le terme, moins émotif, de « dramatique » 10. Il peut aussi arriver que la secrétairerie d’État fasse parvenir aux services de presse des textes erronés. Ainsi, dans un communiqué publié dans la soirée du 7 novembre 2006, le Bureau de presse du Saint-Siège faisait savoir que le discours de Benoît XVI aux évêques suisses en visite ad Limina, publié en milieu de journée au bulletin officiel, n’avait pas été prononcé. Il s’agissait d’un texte préparé un an plus tôt par la secrétairerie d’État pour le pape JeanPaul II. Il aurait dû rencontrer ces évêques s’il n’avait été à l’agonie. Le discours avait été repris pour son successeur et seule son introduction avait été modifiée. Il fallut attendre que les agences de presse diffusent son contenu et que les évêques suisses en soient informés pour se rendre compte que Benoît XVI ne l’avait pas lu. L’édition quotidienne de L’Osservatore Romano, qui reproduisait en une le discours pontifical, fut envoyée au pilon.
Écrits et chroniques Dans les multiples éléments du puzzle de la communication du SaintSiège, le Bureau de presse constitue une institution clef qui ne doit cependant pas cacher le reste des moyens de communication du Vatican à caractère plus confidentiel, du moins plus spécialisé. 10. J. Tavis, Lost in translation : Pope’s asides might be changed in official texts, dans Agence Catholic News Service (agence de presse de la conférence épiscopale américaine), 2 février 2007.
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La Civiltà Cattolica (la civilisation catholique), le bimensuel italien de la compagnie de Jésus fondé en 1850 occupe une place particulière dans le paysage de l’information vaticane. Par sa lecture on en apprend beaucoup sur le Saint-Siège, sa politique et sa diplomatie. Et pour cause, la publication est visée par la secrétairerie d’État, ce qui lui vaut une série de qualificatifs qui vont de « l’estafette du désir pontifical », à « baromètre de l’Église », en passant par « le laboratoire du pape ». La revue n’est ni officiellement, ni officieusement un organe de presse de l’évêque de Rome. Elle n’est pas le porte-parole de ses positions, mais son instrument. Ses articles autorisés n’ont jamais cessé d’être fidèles aux orientations de chaque pontife sur les sujets sociaux, politiques, éthiques, économiques et religieux. Les papes restent attentifs à la qualité de la revue et reçoivent régulièrement, voire annuellement, en audience l’ensemble de ses rédacteurs et collaborateurs. La revue relève de leur juridiction. Pie IX (1846-1878) institua officiellement le collège des rédacteurs par un bref en 1866. Léon XIII (1878-1903), son successeur, confirma l’institution et ce collège en 1889. Les « journalistes » de la revue, onze jésuites et cinq collaborateurs émérites, forment une communauté particulière qui dépend directement du préposé général des jésuites. Un article de La Civiltà Cattolica connaît un long processus de rédaction. Son sujet est choisi par son auteur, puis soumis à l’ensemble du collège des rédacteurs qui se réunit tous les quinze jours. Une fois rédigé, l’article est lu une première fois par le directeur, puis soumis à deux spécialistes de la question. Les premières corrections sont alors introduites à l’article dont une copie prend le chemin du Vatican. La revue étant publiée le premier et le troisième samedi de chaque mois et diffusée trois jours plus tôt à la presse accréditée, le lundi précédent le directeur se rend au Vatican où il est reçu par le cardinal secrétaire d’État ou l’un de ses proches collaborateurs. Jusqu’à Pie XII (1939-1958), le pape relisait personnellement les copies. Des points sont discutés, des observations sont faites, des modifications demandées. Selon leur importance, elles peuvent être laissées à la discrétion du directeur. La censure de la secrétairerie d’État suit deux lignes directrices. Les articles doivent tout d’abord être conformes à l’enseignement officiel de l’Église en matière de foi et de morale. Si le sujet d’un article s’avère particulièrement difficile, il est revu par la congrégation pour la doctrine de la foi ou par d’autres dicastères spécialisés. La Civiltà Cattolica livre ainsi la chronique la plus politique de l’histoire d’un pontificat. L’Attività della Santa Sede est aussi une publication non officielle, annuelle, mais qui dépend directement du Saint-Siège. Présentée sous le vocable de
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« chronique », elle relève systématiquement les différents engagements du pape au cours de l’année, mais aussi l’ensemble des activités des dicastères et administrations du Saint-Siège, classés par catégories (curie romaine, synode des évêques, gouvernorat de la Cité du Vatican, organismes de la charité du pape, culture, art et sciences). L’Attività della Santa Sede présente aussi les principales nominations effectuées par le pape dans l’année ainsi qu’une rubrique sur les activités « internationales » du Saint-Siège auprès des institutions et bureaux onusiens. Un cahier photographique des grands événements de l’année écoulée vient l’illustrer. Le premier volume en a été publié en 1939 à l’initiative de l’alors substitut de la secrétairerie d’État, Mgr Giovanni Battista Montini, futur Paul VI (1963-1978). Par cette publication, il souhaitait répondre au désir exprimé par les diplomates accrédités près le Saint-Siège qui voulaient avoir une « trace » des principaux événements intervenus au cours de l’année, afin de pouvoir en référer précisément à leur gouvernement. Passés en soixante-huit ans de trente-sept à mille cinq cents pages, ces volumes sont anonymes, car collectifs, et précédées d’une courte « préface ». En ce qui concerne les deux derniers pontificats, cette dernière ne comporta pas de signature de 1978 à 1986. Elle fut alors rédigée par Mgr Giulio Nicolini, vicedirecteur du Bureau de presse du Saint-Siège et auteur d’une biographie de Jean XXIII (1958-1963), du cardinal Tardini et de la première biographie de Jean-Paul Ier (1978) 11. Puis pendant dix ans ce sera Angelo Scelzo, secrétaire de rédaction de L’Osservatore Romano, qui sera le préfacier de L’Attività della Santa Sede. Enfin en 1994, Mgr Nicolino Sarale, minutante de la secrétairerie d’État, fut chargé de cette introduction redevenue ensuite anonyme. Ces chroniques doivent être complétées par les volumes publiés mensuellement des Acta apostolicae Sedis, à ne pas confondre avec les Acta sanctae sedis à qui ils ont succédé. Ces Acta constituent le commentarium officiale, c’est-àdire « le bulletin officiel du Saint-Siège », dans lequel sont officiellement publiés tous les actes pontificaux et ceux de tous les dicastères romains. La publication aux Acta, comme au Journal officiel, vaut promulgation. Selon le canon 8 § 1 du Code de droit canon, les textes publiés aux Acta, s’ils n’ont pas été rendus public auparavant, ont force de loi trois mois après cette publication sauf acte contraire. La première publication d’Acta remonte au 1er janvier 1909. Pie X (19031914) avait fondé cette publication par la Constitution Promulgandi du 11. Il fut invité en 1984 à publier une note contre le livre du journaliste David Yallop sur l’assassinat du pape. D. Yallop, Au nom de Dieu, traduction de l’anglais par C. Gilbert, Paris, Éditions Bourgois, 1984.
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29 septembre 1908, sur demande des prélats engagés dans la compilation et la réforme du Code de droit canon. Il voulait ainsi rationaliser le système de promulgation de la législation et de l’enseignement pontifical, qui jusque-là se faisait par affichage sur les portes des basiliques de Saint-Jean de Latran et de Saint-Pierre au Vatican, dans les secrétariats des dicastères compétents et par l’envoi de ces textes aux évêques par la secrétairerie d’État. Les Acta ont aussi la fonction de « carnet » de curie, puisqu’ils recensent les principales audiences données par le pape, ses nominations, les délivrances de titres honorifiques et les décès des cardinaux et évêques.
Son et images Avant leur publication officielle, les paroles du pape sont saisies sur le vif par d’autres services bénéficiant d’un monopole en la matière. Le 12 février 1931, la Radio réalisée par Guglielmo Marconi, était inaugurée par Pie XI (1922-1939), souverain du tout jeune État de la Cité du Vatican. Depuis ce jour, la voix du pape peut être captée dans le monde entier. Confiée aux jésuites, ils n’ont cependant pas les mains libres. La secrétairerie d’État assure un contrôle sur les programmes, en particulier sous l’angle doctrinal, même si dans les émissions religieuses le pluralisme s’exprime par la place laissée au dialogue entre les différentes confessions chrétiennes, les autres religions et le monde moderne. Les émissions de Radio Vatican ont quatre missions : défendre la parole et les enseignements du pape, informer sur les activités du SaintSiège, faire état de la vie des catholiques et de l’Église dans le monde, éclairer les polémiques et problèmes d’actualité à la lumière de l’enseignement de l’Église catholique, tout en restant attentif « aux signes de temps ». Le radiojournal en langue italienne diffusé chaque jour à 14 heures (heure de Rome) depuis 1957 constitue une source d’information vaticane officieuse. Dans la pratique, ces programmes ne sont soumis à aucun contrôle préalable car aucun texte n’est envoyé aux responsables avant diffusion. Ceci conduit parfois à des bavures. Si un compte rendu quotidien est rédigé par chaque section, il est destiné au site Internet de la radio et à ses archives qui permettent un contrôle a posteriori. Radio Vatican est chargée d’enregistrer et de conserver toutes les interventions orales du pape. Il y a toujours un technicien de la radio qui accompagne le souverain pontife lors de ses déplacements. Il est chargé de disposer son micro et de l’enregistrer. Ce « micro du pape » peut parfois se trouver en situation difficile. Le dimanche 6 février 2005, Jean-Paul II, hospitalisé à l’hôpital Gemelli de Rome et quasi incapable de parler, apparaissait à
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la fenêtre de sa chambre pour la traditionnelle prière de l’Angélus. Dans un premier temps, le Vatican devait démentir ce que les médias avaient pu constater durant la prière : un recours à un enregistrement pour masquer ses difficultés à s’exprimer avait été prévu et utilisé après que le souverain pontife se soit étouffé en tentant de lire son message. Les images montrèrent son visage masqué par une feuille de papier tenue par son assistant alors qu’il souhaitait d’une voix presque claire un « bon dimanche » aux fidèles. Après la disparition du pape polonais, un technicien de Radio Vatican devait reconnaître ce stratagème. Au-delà des propos tenus par le pape, la photographie et l’image tiennent aujourd’hui une place toujours plus importante dans les médias et pour le témoignage historique qu’elles constituent. Un premier organisme veille sur l’image du pape. Le service photographique de L’Osservatore Romano est chargé de réaliser l’ensemble des photos concernant l’activité du pape et en gère le monopole. Un ou plusieurs photographes de ce service le suivent dans le moindre de ses déplacements et lors de ses moindres rencontres. Leurs archives photographiques ont été instituées à la fin du règne de Paul VI et ont pris un essor particulier avec Jean-Paul II. Elles contiennent près de cinq millions de clichés et « les visages des papes » 12. À ce fonds propre s’ajoute le « fonds Giordani », acquis par L’Osservatore Romano, afin de compléter le fonds photographique jusqu’au xixe siècle. L’ensemble de ces images est archivé par informatique, ce qui permet un accès par Internet. Institué en 1983, le Centre de Télévision du Vatican (CTV) est depuis novembre 1996 un organisme associé de plein droit au Saint-Siège. L’objectif principal du CTV est la participation à la retransmission en direct des manifestations et cérémonies pontificales, la production et l’archivage d’images dont il détient le monopole. Chaque année, le CTV filme intégralement environ cent trente événements au Vatican, auxquels viennent s’ajouter les activités publiques du pape et ses voyages. Si le monopole de la production d’images télévisées les plus rapprochées du pape lui appartient, ces dernières sont diffusées par d’autres chaînes de télévision selon des accords préalables, en particulier avec les services télévisés italiens de la RAI 13. Sur demande des 12. Vatican click’, exposition du service photographique de L’Osservatore Romano, Rome, 25 avril-27 mai 2007. 13. L’accord signé le 17 décembre 2001 entre la RAI et le CTV est entré en vigueur le 31 décembre 2003. Il reconnaît une « position préférentielle » aux retransmissions par la télévision publique italienne des événements au Vatican et des activités du pape, tout en interdisant que ces programmes soient interrompus pas des coupures publicitaires.
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différentes chaînes de télévision du monde, le CTV peut acheminer le signal, via satellite, sur les cinq continents. Le CTV travaille aussi sur la diffusion interactive et multimédia de certains des grands événements se déroulant au Vatican. Le CTV a enfin un rôle de producteur. Il a ainsi monté des documentaires sur le pontificat de Jean-Paul II, sur le Vatican et les basiliques de la Cité éternelle. Sa vidéothèque est riche de plus de 10 000 cassettes soit environ 4 000 heures d’enregistrement des images du pontificat de Jean-Paul II. Ces archives sont accessibles aux professionnels de l’image et aux producteurs de documentaires.
Quand les papes écrivent leur histoire Au-delà des journalistes et des historiographes officiels du Saint-Siège, les papes sont devenus au début du xxie siècle leur propre biographe. Jean-Paul II et Benoît XVI ont ainsi écrit sur eux-mêmes. Cette écriture participe à la construction de l’image d’un pontificat, à l’élaboration de son histoire et relève de l’événement médiatique international. Les questions que soulève l’autobiographie 14 en général se posent davantage encore pour une institution comme l’Église catholique qui s’incarne dans son chef au-delà de sa personne. Ces autobiographies peuvent tendre à l’hagiographie. Dans le cas des papes, le geste autobiographique relève d’une pratique religieuse et morale. Il n’existe pas vraiment pour lui-même. Le modèle demeure saint Augustin et ses Confessions. Benoît XVI l’a expliqué lors de son déplacement à Pavie, le 21 avril 2007, où sont déposées les reliques de l’évêque d’Hippone. La clé de ce « pèlerinage » était autobiographique. Il désirait exprimer sa « dévotion personnelle et sa reconnaissance envers celui qui a eu une grande part dans (sa) vie de théologien et de pasteur, mais avant tout d’homme et de prêtre ». Benoît XVI devait dresser un portrait de saint Augustin à travers le chemin de sa conversion. On pouvait y reconnaître des traits du propre parcours de Joseph Ratzinger qui, en 1953, avait consacré sa thèse en théologie à sa doctrine. La référence à saint Augustin pour l’écriture de la vie d’un religieux est une constante, mais qu’un pape écrive lui-même son parcours est une chose plus rare, voire une nouveauté. Certes, la plupart des papes ont compté, avant leur élection, plusieurs ouvrages à leur actif. Pie XI, par exemple, a laissé une œuvre 14. P. Lejeune, Le pacte autobiographique, Paris, 1975.
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immense alors qu’il était préfet de la bibliothèque ambrosienne, à Milan : des traités d’histoire ecclésiale, mais aussi des contributions à des ouvrages moins religieux comme la prestigieuse Geologia d’Italia dans laquelle ce féru d’alpinisme traita du chapitre sur les reliefs volcaniques. Pourtant, après avoir été élu pape, Achille Ratti prit toujours soin de ne rien écrire de personnel pouvant interférer avec le magistère particulier que le pape exerce dans l’Église. Son enseignement, même s’il n’engage pas son infaillibilité pontificale, revêt une autorité : les fidèles lui doivent « une soumission de l’intelligence et de la volonté ». Les textes des papes, encycliques et exhortations, discours, homélies et catéchèses ont une portée qui dépasse de loin leur personne. Ils engagent l’Église tout entière. Cette exigence a été particulièrement affirmée après le Concile Vatican I, la proclamation du dogme de l’infaillibilité pontificale et la perte du pouvoir temporel du pape, qui dès lors devait assumer différemment son autorité spirituelle devenue prépondérante 15. Auparavant, comme le montre l’exemple d’Enea Silvio Piccolomini, Pie II (1458-1464), les papes écrivirent parfois librement leurs mémoires. Brillant esprit de la Renaissance, il fut l’auteur Des deux amants (1444), un bref récit souvent sensuel des amours contrariés d’une jeune Siennoise et d’un chevalier allemand. En 1999, encore cardinal, Benoît XVI l’évoquait ainsi : « En tant que pape, (…) il devait parfois dire des choses qui étaient en contradiction avec les théories du savant humaniste qu’il avait été auparavant. Quand on lui faisait remarquer de telles contradictions, il avait l’habitude de répondre : Eneam reicite, Pium recipite, rejetez Enea, recevez Pie 16 ». Pendant son pontificat, il ne cessa pas d’écrire, en particulier ses Commentarii où il raconte sa vie avec franchise et le conclave qui vit son élection face au cardinal d’Estouville. Lorsque le cardinal Joseph Ratzinger parlait de Pie II c’était en référence à Jean-Paul II. En effet, le pendant entre Enea Silvio Piccolomini et Karol Wojtyla peut être fait. Dans sa jeunesse, ce dernier écrivit une pièce de théâtre à succès, fut journaliste et poète. Comme Léon XIII, il n’arrêta pas, une fois élu, de composer des vers qui furent publiés au cours de son règne. Mais il a surtout rédigé des mémoires et des livres d’entretiens avec des journalistes. Paul VI avait déjà modifié la tradition. Reprenant l’idée alors audacieuse de Léon XIII 17, il accorda en 1965 une interview au journaliste italien Alberto 15. La Croix, 24 mai 2007. 16. J. Ratzinger, Jean-Paul II. Vingt ans dans l’histoire, Paris, 1999. 17. Léon XIII accorda le 14 février 1892 à Ernest Judet, journaliste au Petit journal, une audience particulière. Le 17 février, l’entretien était entièrement publié par le journal. Il fut qualifié « d’encyclique à quatre sous », le prix de ce journal populaire. Cette interview pon-
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Cavallari afin de s’adresser directement aux masses. En 1967, il autorisait la publication d’un livre d’entretiens avec le philosophe Jean Guitton 18. L’exercice relevait alors de l’art du portrait. Jean-Paul II a été le premier pape contemporain à écrire, au cours de son pontificat, une partie de ses mémoires en utilisant les services de ces chroniqueurs que sont les journalistes. Profond connaisseur du monde médiatique, il sut l’utiliser jusqu’à l’outrance. Il avait choisi comme directeur de son service de presse un spécialiste, Joachim Navarro-Valls, médecin psychiatre espagnol, membre de l’Opus Dei, auteur d’une thèse sur la manipulation publicitaire, journaliste et « vaticaniste » du quotidien madrilène ABC. Il organisa la promotion du triptyque autobiographique du pape, en faisant de la publication de chaque livre un événement médiatique bien orchestré afin d’en faire des best-sellers vendus à des millions d’exemplaires. Le 1er novembre 1996, à l’occasion du cinquantième anniversaire de son ordination sacerdotale, Jean-Paul II publiait Don et mystère, sur sa vocation sacerdotale, le premier volume de ce parcours de conversion autobiographique et méditatif. En 2004, à l’occasion de son quatre-vingt-quatrième anniversaire, le pape livrait un second tome, Levez-vous, allons ! sur son expérience épiscopale à Cracovie (1958-1978). Mémoire et identité, publié en février 2005, deux mois avant sa mort, constituait le troisième volume de cette trilogie riche de souvenirs et de réflexions personnels, sans cependant être pleinement une histoire de son règne. Le propos était présenté comme un dialogue né d’entretiens, au cours de l’été 1993, entre Karol Wojtyla et ses amis philosophes polonais Krzysztof Michalski et Józef Tischner, ce dernier décédé en 2000. Jean-Paul II y évoquait non seulement ses voyages, mais aussi sa poésie, la question du mal et des totalitarismes du xxe siècle, l’idée de nation et d’Europe, les fondements des droits de la personne humaine, les problèmes liés à l’économie et à l’écologie. Un épilogue traitait toutefois de l’attentat du 13 mai 1981. Le livre fut publié en France comme le testament politique du pape. Jean-Paul II, diminué par la maladie de Parkinson depuis de nombreuses années, n’avait pas été en mesure d’écrire entièrement ses deux derniers livres. Son entourage polonais – en particulier Mgr Pawel Ptasznik, responsable de la section polonaise de la secrétairerie d’État – l’avait aidé à remanier et compléter ces textes de conversations. Devant un pape réduit par la maladie, muet
tificale entrait dans le cadre de la politique de Ralliement. E. Soderini, Il pontificato di Leone XIII, II : Rapporti con l’Italia e la Francia, Rome, 1923, p. 419-423. 18. J. Guitton, Dialogues avec Paul VI, Paris, 1967.
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dans les dernières semaines de sa vie, c’était là le moyen de dresser un bilan officieux de son action, tout en continuant à diffuser sa parole et à faire rayonner sa personnalité.
La mémoire confisquée Non pas que les papes n’écrivent pas quelques souvenirs. Benoît XVI, alors qu’il était cardinal, a écrit ses mémoires jusqu’à sa nomination à l’archevêché de Munich en 1977 19. Après son élection, son récit fut repris par Radio Vatican et monté en feuilleton radiophonique afin de raconter officiellement l’histoire du successeur de Jean-Paul II. Paul VI, comme avant lui Jean XXIII, avait aussi laissé des notes que leurs secrétaires particuliers ont ensuite éditées 20. Le statut de ces écrits, publiés post mortem, reste cependant assez particulier : Paul VI, comme ensuite JeanPaul II, avaient demandé dans leur testament que leurs papiers personnels soient détruits. Mais ni Mgr Pasquale Macchi, ni le cardinal Stanislaw Dziwisz n’ont respecté ces volontés au nom de l’importance historique de ces documents. Ils ont ainsi privatisé une partie de la mémoire de ces papes. Les archives conservées par le secrétaire de Giovanni Battista Montini n’ont en effet pas été déposées aux Archives secrètes du Vatican. Elles sont conservées par l’institut Paul VI de Brescia, qui veille sur la mémoire du pontificat. Dans le même esprit, un institut Jean-Paul II devrait voir le jour à Cracovie. Le 5 novembre 2006, le porte-parole du cardinal Dziwizs, Robert Necek, a indiqué que le cardinal avait l’intention de transférer toute la documentation, les écrits personnels de Jean-Paul II, ses notes et ses lettres du centre pour les pèlerins polonais de Rome, où ils les avaient fait déposer, à Cracovie sa ville épiscopale et celle du pape polonais. Quant à Benoît XVI, Giuseppe Alberigo, professeur à l’université de Bologne, a indiqué, le 28 mai 2007 21, que le professeur Ratzinger avait décidé, en 2001, de confier à son institut de recherche sur l’histoire de l’Église ses archives personnelles du Concile Vatican II, à charge pour son exécuteur testamentaire de faire appliquer ou non ses volontés. Ainsi l’historiographie d’un pape peut échapper au monopole du SaintSiège pour revenir à son entourage. Il faut noter que Jean-Paul II, dans Levez vous, allons, avait fait un portrait du cardinal Ratzinger, son futur successeur. 19. J. Ratzinger, Ma vie. Souvenirs (1927-1977), Paris, 1998. 20. Jean XXIII, Journal de l’âme, Paris, 1964. 21. Corriere della Sera, 28 mai 2007, p. 35
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Benoît XVI lui-même a raconté, en tant que cardinal, ses souvenirs de JeanPaul II 22 puis publié après son élection un recueil de textes dans lequel il lui rend hommage 23. L’entourage de Joseph Ratzinger s’est aussi chargé de gérer l’image d’un pape parfois malmené par les médias. À l’occasion de ses quatre-vingts ans, le 16 avril 2006, les cardinaux de la curie romaine furent invités par Giulio Andreotti, ancien président du Conseil italien, sénateur à vie et directeur de la revue catholique Trente Jour, proche du mouvement Communion et Libération, à livrer leurs souvenirs et impressions sur le pape. Le recueil devait lui être offert et publié dans les pages de la revue 24. Cette dévotion vient nourrir la sphère médiatique. On ne compte plus les films et téléfilms qui ont été produits sur Jean-Paul II, en particulier en Italie. Plusieurs de ces productions ont reçu l’imprimatur du Saint-Siège en étant solennellement diffusés en avant-première dans la salle Paul VI au Vatican, en présence de Benoît XVI et des cardinaux. À un tel emballement médiatique, le Saint-Siège se devait de répondre afin de se réapproprier l’image et l’histoire du chef de l’Église catholique. JeanPaul II, monstre sacré des médias, est mort en odeur de sainteté, mais son image surmédiatisée avait échappé au cadre de l’Église. Au cours de l’agonie, puis à la mort du pape polonais, le 2 avril 2005, la presse ne parlait pas tant du chef de l’Église que d’une superstar dont les conditions de la mort nourrissaient tous les fantasmes. Pour se réapproprier l’image et l’histoire de JeanPaul II, le Saint-Siège eut recours aux instruments historiographiques traditionnels de la papauté. Dès le 19 septembre 2005, le Vatican publiait un supplément aux Acta apostolicae sedis. Daté du 17 avril 2005, il rapportait officiellement les derniers moments de la vie de Jean-Paul II. Comme lors du décès des précédents papes, ce numéro spécial des Acta, concluant la collection du pontificat, avait été rédigé exclusivement en latin par la secrétairerie d’État. Mais contrairement à ceux écrits pour Paul VI et Jean-Paul Ier, une première partie commentant les dernières étapes de la vie du pape polonais avait été intégrée au document. Pour répondre aux attentes de nombreux fidèles catholiques et d’observateurs, le collège des cardinaux avait en effet décidé de publier « un commentaire officiel » de sa mort. Les deux cent vingt pages 22. J. Ratzinger, Jean-Paul II… cité n. 16. 23. J. Ratzinger, Benedetto XVI, Giovanni Paolo II. Il mio amato predecessore, Rome, 2007. 24. Ad multos annos. Benoît XVI fête ses 80 ans, dans Trente Jours dans l’Église et dans le monde, 25, 3, 2007. La revue a publié le témoignage de vingt-sept cardinaux.
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rapportaient par le menu la longue agonie de Karol Wojtyla comparée à un chemin de croix. Il ne s’agissait pas tant de mettre un point final aux rumeurs sur un éventuel arrêt des soins, de l’aide respiratoire et d’un décès gardé secret pendant plusieurs heures, que de redonner au décès du pape toute sa dimension eschatologique et sacrée. Le texte relevait de l’exercice hagiographique, présentant la mort du souverain pontife comme celle d’un simple prêtre et d’un saint. Dans une même logique, le 13 mai 2005, Benoît XVI dérogeait à la règle des cinq ans pour ouvrir immédiatement le procès en canonisation de son prédécesseur. Il répondait, d’une part, à la piété populaire qui s’était exprimée le jour des funérailles sur la place Saint-Pierre, au cours d’une manifestation organisée par le mouvement des Focolari pour réclamer la canonisation immédiate de Jean-Paul II, et d’autre part à celle du collège des cardinaux. Les pressions ecclésiales et médiatiques ne manquèrent pas pour que ce processus soit achevé au plus vite et que la sainteté du pape polonais soit officiellement reconnue. Mais lors de la clôture de la phase diocésaine du procès, à Rome, le 20 mars 2007, Mgr Slavomir Oder, postulateur de la cause de son compatriote, devait expliquer à la presse qu’il fallait laisser le temps au temps et surtout à l’institution. « Le temps du procès constitue un moment précieux pour l’Église. Il est opportun de le vivre comme un temps pour mieux connaître la vie, l’enseignement et le message spirituel du serviteur de Dieu », en d’autres termes pour mieux écrire et inscrite son histoire dans celle de la papauté. En renouant avec le style des chroniques anonymes, en effaçant toute référence d’auteur, l’instruction du procès en canonisation de Karol Wojtyla avait aussi pour objectif de se réapproprier son pontificat et sa personnalité pour en faire un patrimoine commun, mais ecclésial.
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Deuxième partie
Livre, gestes et histoire des évêques
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Les évêques de Salone (iie-viie siècle) d’après l’Historia Salonitana (xiiie siècle) de Thomas l’Archidiacre : histoire et hagiographie Stéphane Gioanni L’Historia Salonitana 1 écrite par Thomas l’Archidiacre au xiiie siècle est encore peu connue en France. Elle constitue pourtant un des rares exemples de Gesta episcoporum du Sud de l’Europe, au même titre que ceux de Naples et surtout de Ravenne qui a joué un rôle déterminant dans la transmission des modèles historiographiques de l’autre côté de l’Adriatique. Par de nombreux aspects, cette chronique épiscopale tend vers le genre de l’Historia d’après la définition qu’en donne Isidore de Séville 2. Elle n’en appartient pas moins au genre des Gesta dans la mesure où elle relate l’histoire d’une institution ecclésiastique à travers l’activité des personnes qui sont à sa tête 3. Cette institution, c’est l’Église de Split, métropole de la Dalmatie, fondée par les habitants de l’antique Salone 4 après sa destruction au début du viie siècle. Composée de 49 chapitres, l’Historia Salonitana se divise en trois parties distinctes : les chapitres 1 à 10 portent sur les évêques de Salone (des origines à la chute de la ville 1. Nous citerons dans cette étude la dernière édition de l’Historia Salonitana [ci-après : HS] : Thomas l’Archidiacre, Historia Salonitana, éd. O. Perić, commentaire M. M. Sokol et R. Katičić, 2 vol., Split, 2003 (Biblioteka Knjiga Mediterana, 30). Cette édition a constitué la base de la traduction anglaise : Archdeacon Thomas of Split, History of the Bishops of Salona and Split, ed., transl. and annotated by D. Karbić, M. Matijević Sokol and J. R. Sweeney, Budapest-New York, 2006 (Central European University Press, 4). 2. Isidore, Étymologies, 1, 41, éd. W. M. Lindsay, Oxford, 1911 : narratio rei gestae, per quam ea quae in praeterito facta sunt dinoscuntur. Isidore de Séville est cité dans le début du texte (HS, 1, 1, p. 2 : Dalmatia secundum Ysidorum est prima pars Gretie et dicitur a Delmi ciuitate antiqua, que ibi fuit, sed ubi hec ciuitas Delmis in Dalmatie partibus fuerit, non satis patet). 3. Sur le genre des Gesta, voir M. Sot, Gesta episcoporum, gesta abbatum, Turnhout, 1981 (Typologie des sources du Moyen Âge occidental, 37) et Archdeacon Thomas of Split, History… cité n. 1, p. XXXII. 4. Sur le christianisme antique à Salone, voir W. Gerber, Forschungen in Salona, I, Vienne, 1917 ; R. Egger, Forschungen in Salona, II, Vienne, 1926 ; E. Dyggve et R. Egger, Forschungen in Salona, III, Vienne, 1939 ; E. Dyggve, History of Salonitan Christianity, Oslo, 1951 (Instituttet for sammenlignende Kulturforskning. Serie A, 21) ; Id., Salona Christiana, dans E. Marin (éd.), Split, 1994 ; Id., Salona : recherches archéologiques franco-croates, I et III, dans N. Duval, E. Marin et C. Metzger (dir.), Rome, 1994 et 2000 (Collection de l’École française de Rome, 194/ 1 et 3).
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vers 610) ; les chapitres 11 à 21 s’intéressent à la fondation du siège de Split au viie siècle jusqu’à l’épiscopat de saint Rainier (1156-1175) ; les chapitres 22 à 49 couvrent la période à peu près contemporaine de Thomas l’Archidiacre. Notre étude portera sur la première partie, les notices des évêques de Salone, qui nous renseigne sur la composition et sur la méthode suivie dans l’ensemble de l’œuvre. L’Historia Salonitana ressemble en effet à une longue justification des liens étroits qui existent entre la papauté et le siège de Split depuis ses origines salonitaines. Cette démonstration se fonde, dès les premières notices, sur un récit d’apostolicité, apparemment inconnu avant le xie siècle, prétendant que la Dalmatie a été évangélisée par un disciple de saint Pierre, appelé saint Domnio 5. Est-ce à dire que l’Historia Salonitana est indépendante de tout noyau primitif et qu’elle fut entièrement composée au xiiie siècle ? Et faut-il l’interpréter comme une histoire romaine des évêques de Split-Salone, autrement dit comme un instrument de la politique pontificale dans une région très convoitée ? L’éventuelle implication de la papauté dans ce projet historiographique ne doit pas faire oublier que ces liens privilégiés ont bénéficié également à l’Église de Split qui a pu revendiquer ainsi son autorité sur les sièges de la région. Elle ne doit pas occulter non plus les enjeux plus personnels de l’Historia Salonitana où l’on devine parfois un projet autobiographique et une défense, par Thomas l’Archidiacre, de ses propres actions. Après avoir retracé, dans une première partie, l’origine et l’histoire de ce texte, nous nous concentrerons sur les notices des évêques de Salone, et en particulier sur les sources utilisées par l’auteur. Nous tenterons, pour finir, d’étudier les fonctions de cette représentation médiévale de l’Antiquité dalmate dans le projet d’ensemble de Thomas l’Archidiacre.
Présentation de l’Historia Salonitana Le colophon du plus ancien manuscrit de l’Historia Salonitana, le codex Spalatensis 6, qui date de 1266, nous apprend que cette chronique a été rédigée 5. Ce dossier a suscité une abondante bibliographie : voir plus loin, note 25 et V. B. Prozorov, The Passion of St. Domnius : the tradition of apostolic succession, dans B. Lourié et A. Mouraviev (éd.), Scrinium II : Universum Hagiographicum. Mémorial R. P. Michel van Esbroeck, s. j. (1934-2003), Moscou, 2006, p. 230. 6. Les quatre principaux témoins manuscrits de l’HS sont : cod. Split, Archives Capitulaires, sign. Kas 623, xiiie siècle [codex Spalatensis, originaire de Split] ; cod. Budapest, Széchényi National Library, lat. medii aevi 440, xive siècle [codex Traguriensis, originaire de Trogir] ; cod. Vatican, Vat. Lat. 7019, seconde moitié du xive siècle ; cod. Zagreb, National and Uni-
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dans les dernières années de la vie de Thomas l’Archidiacre, mort en 1268. Compte tenu du faible nombre de manuscrits latins recensés pour la Dalmatie médiévale, la transmission manuscrite de l’Historia Salonitana témoigne d’une diffusion relativement importante dès la fin du Moyen Âge. Ce succès est confirmé par la production du poète et historien Marcus Marulus (14501524) dont l’œuvre – considérée comme la plus importante de la Renaissance en Dalmatie 7 – et la biographie 8 contribuent à transmettre la vision thomasienne de l’histoire pour les siècles suivants. Cette diffusion a été favorisée par les éditions successives, en intégralité ou en extraits, de l’Historia Salonitana. L’édition princeps fut réalisée en 1666 par l’historien croate Jean Lucius 9 qui permit aux Bollandistes d’introduire les parties relatives aux martyrs de Salone et à saint Rainier 10 dans les Acta Sanctorum. De longs extraits sont également cités dans l’Illyricum Sacrum de Daniele Farlati, histoire globale de l’Illyrie depuis l’Antiquité, qui constitue jusqu’au début du xxe siècle une référence majeure pour l’historiographie croate. Deux nouvelles éditions complètes de l’Historia Salonitana furent entamées à la fin du xixe siècle 11 et à la fin du xxe siècle, deux travaux scientifiques qui correspondent à des périodes importantes de l’histoire et de l’identité croates 12. Ces éditions successives prennent soin de distinguer, d’une part, l’Historia Salonitana de Thomas l’Archidiacre et, d’autre part, une compilation du xvie siècle connue sous le titre d’Historia Salonitana Maior. Cette continuatio poursuit les Gesta episcoporum après le xiiie siècle et ajoute des commentaires, des documents et des canons de conciles médiévaux, parfois inconnus de Thomas, dont l’authenticité est douteuse. Cette distinction, malgré la quasi-identité des titres, est nécessaire pour comversity Library, MS R 3311, xve et xviie siècle. Sur la tradition manuscrite de l’HS, voir Thomas l’Archidiacre, Historia Salonitana, cité n. 1, introduction, p. v-xxi et Archdeacon Thomas of Split, History… cité n. 1, introduction, p. xiii-xviii. 7. Voir par exemple M. Tomasović, Marcus Marulus, trad. par C. Béné, Split, 1996, 48 p. 8. D. Farlati, Illyricum Sacrum, V, Venise, 1772. 9. Iohannes Lucius, De Regno Dalmatiae et Croatiae Libri sex, Amsterdam, 1666, p. 310370. 10. Acta Sanctorum, XI, 1866 (11 avril : De SS Martyribus Dalmatius) et tome XXXV, 1867 (4 août : St. Raynerius). 11. Thomas l’Archidiacre, Historia Salonitana, éd. F. Rački, Zagreb, 1894 (Monumenta spectantia historiam Slauorum meridionalium, 26). 12. L’éditeur de l’Historia Salonitana, l’historien F. Rački, joua « un rôle considérable dans le développement scientifique et politique des Iougo-slaves en général et des Croates en particulier » (Voir Vl. Zagorsky, François Rački et la renaissance scientifique et politique de la Croatie (1828-1894), Paris, 1909, p. 1). Quant à la dernière édition de l’Historia Salonitana (voir note 1), elle a vu le jour dans les premières années de la Croatie indépendante.
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prendre l’originalité du texte de Thomas l’Archidiacre, dont le genre pose un certain nombre de problèmes. L’Historia Salonitana prend en effet quelques libertés à l’égard du genre des Gesta. Il est difficile, par exemple, de dégager un schéma d’organisation interne des notices : l’origine et la carrière du prélat, jusqu’à son élection épiscopale, sont parfois passées sous silence et l’activité de construction ou la politique extérieure de l’évêque sont traitées de façon très inégale. Le titre même de l’ouvrage fait penser davantage à une chronique, à un récit historique, comme l’Historia Romana de Paul Diacre, qu’à des Gesta episcoporum. Ce titre a été donné par Lucius au xviie siècle mais il est très proche de celui que transmettent les manuscrits médiévaux, Historia Salonitanorum atque Spalatinorum pontificum. Le raccourci de Lucius est rendu possible par les nombreuses digressions sur les événements politiques et militaires et sur les descriptions de personnes, de coutumes et de lieux, qui font parfois oublier la succession épiscopale et qui obligent l’auteur à ajouter de fréquentes incises telles que « Ad propositum redeamus… ». Le chapitre I De Dalmatia, qui joue le rôle de prologue, contribue à cette indécision générique : les considérations étymologiques (empruntées à Isidore), les citations d’auteurs païens (César, Virgile, Ovide, Lucain…) 13 et les évocations de héros ou de divinités antiques (Cadmus, Ariane, Minos, Thésée, Phèdre, Ba[c]chus…) 14 donnent l’impression d’un prologue profane qui ne laisse nullement présager le début d’une histoire épiscopale. La biographie de l’auteur est elle aussi mal connue 15 même si Thomas l’Archidiacre (1201-1268) se met directement en scène lorsqu’il devient un acteur de l’Historia Salonitana. Il raconte d’abord qu’il fut étudiant à Bologne où il fut témoin de la révolte des cités italiennes, des conflits entre le pape et 13. Le chapitre De Dalmatia cite, explicitement ou non, plusieurs auteurs profanes : Lucain, Phars. IV, 530 ; Tite-Live, Ab urbe condita, IX, 2.4 ; Strabon, Georg. VII, 5 ; Virgile, Aen. I, 242-9 ; Horace, Sat. I, 3, 26-27 ; Ovide, Mét. VIII, 174-7. 14. Par exemple, voir HS, 1, 5, p. 6 : Adria nichilominus hec prouintia nuncupatur ab Adrianne filia Minoys regis, quam rapuit Theseus et per mare nauigans, cum iam ipsam exosam haberet, reliquit in quadam insula solam et aufugit cum sorore ipsius Phedra, sed Bachus qui et Liber pater dicitur, eam inueniens sibi in uxorem accepit. 15. K. Šegvić, Toma Splicanin. Drzavnik i pisac, 1200-1268, Zagreb, 1927 ; P. Fontana, Tommaso Arcidiacono di Spalato, Storia dei vescovi salonitano e spalatini, dans Archivio storico per la Dalmazia, 27, 1939, p. 161-162 ; 28, 1939, p. 163-168 ; 29, 1940, p. 169-177 ; D. Zelić, Arhiðakon Toma i Šibenik : Historia i res gestae [Archdeacon Thomas and Sibenik : Historia and res Gestae], dans M. Matijević Sokol et O. Perić (éd.), Archdeacon Thomas and his time (Split, 25-27 septembre 2000), Split, 2004, p. 197-234 ; Archdeacon Thomas of Split, History… cité n. 1, introduction, p. xxii-xxxi.
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l’Empereur et, surtout, de l’essor des ordres mendiants. Il semble en effet avoir été très marqué par les prêches et la personnalité de saint François qu’il écoutait, à Bologne, au milieu de la foule :
Eodem anno in die assumptionis Dei Genitricis, cum essem Bononie in studio, uidi sanctum Franciscum predicantem in platea ante pallatium publicum, ubi tota pene ciuitas conuenerat. Fuit autem exordium sermonis eius : angeli, homines, demones. De his enim tribus spiritibus rationalibus ita bene et diserte proposuit, ut multis litteratis, qui aderant, fieret admirationi non modice sermo hominis ydiote nec tamen ipse modum predicantis tenuit, sed quasi contionantis. Tota uero uerborum eius discurrebat materies ad extinguendas inimicitias et ad pacis federa reformanda. Sordidus erat habitus, persona contemptibilis et facies indecora. Sed tantam Deus uerbis illius contulit efficatiam, ut multe tribus nobilium, inter quas antiquarum inimicitiarum furor immanis multa sanguinis effusione fuerat debachatus, ad pacis consilium reducerentur. Erga ipsum uero tam magna erat reuerentia hominum et deuotio, ut uiri et mulieres in eum cateruatim ruerent, satagentes uel fimbriam eius tangere aut aliquid de paniculis eius auferre 16.
Le souvenir de saint François suggère que Thomas entretenait des liens étroits avec les franciscains : la représentation de saint François correspond en effet à la première évocation de Thomas par lui-même, à la première personne du singulier (cum essem Bononie in studio). Ce choix est d’autant plus étonnant que les derniers chapitres de l’Historia Salonitana, dont Thomas est l’un des principaux acteurs, mentionnent toujours l’Archidiacre à la troisième personne du singulier. Le récit de Bologne, réunissant dans un même lieu saint François et Thomas, est donc l’objet d’un traitement exceptionnel et revêt une signification particulière dans le projet autobiographique de l’auteur, sur le16. HS, 26, 13, p. 152-154 : « La même année, le jour de l’Assomption de la Mère de Dieu, alors que je faisais mes études à Bologne, je vis prêcher saint François sur la grand place devant le palais public où presque toute la cité s’était réunie. Le début de son sermon, ce furent les anges, les hommes, les démons. En effet, sur ces trois esprits dotés de raison, il s’exprima si bien et si clairement que, chez de nombreux lettrés qui étaient présents, le sermon de cet homme simple ne suscita pas peu d’admiration, et il ne possédait pas les manières du prêcheur mais, pour ainsi dire, celles d’un orateur. Toute la matière de ses paroles était destinée à éteindre les inimitiés et renforcer les liens de la paix. Son habit était misérable, son apparence méprisable et son visage sans gloire. Mais Dieu donna une si grande efficacité à ses paroles que de nombreuses familles nobles, entre lesquelles la folie monstrueuse des haines séculaires avait fait couler tant de sang, furent ramenées à conclure la paix. Envers lui, le respect et la dévotion de tous étaient si grands que les hommes et les femmes se précipitaient par flots à sa rencontre, s’efforçant de toucher une extrémité de son habit ou d’agripper un morceau de ses guenilles. »
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quel nous reviendrons. L’inhumation de Thomas dans l’église franciscaine de Split 17 confirme l’attachement de Thomas à l’ordre franciscain 18. Loin d’être anecdotiques, ces liens pourraient éclairer le projet historiographique de l’Historia Salonitana puisque l’essor des ordres mendiants s’accompagne d’une remise en cause d’une histoire centralisée et universelle de l’Église. La rédaction d’une Histoire de l’Église de Split-Salone illustre en effet la volonté de « décentraliser » l’historiographie ecclésiastique. De multiples aspects révèlent en effet l’influence du séjour italien sur Thomas l’Archidiacre dont l’œuvre témoigne d’une excellente maîtrise du latin, d’une parfaite culture classique (qu’il utilise bien plus que les références bibliques ou patristiques) et d’une loyauté indéfectible envers l’autorité pontificale. De retour en Dalmatie, il exerça la fonction de notaire public à Split, comme clerc, de 1227 à 1230, puis comme archidiacre, de 1230 à 1232. Cette 17. L’inscription, aujourd’hui difficilement lisible, a été éditée en 1927 (K. Šegvić, Toma Splicanin. Drzavnik i pisac, 1200-1268, Zagreb, 1927, p. 120 : Doctrinam, Christe, docet Archidiaconus iste / Thomas, hanc tenuit, moribus et docuit : / Mundum sperne, fuge uicium, carnem preme, luge / pro uite fruge, lubrica lucra fuge. / Spaletumque dedit ortum, quo uita recedit. / Dum mors succedit uite, mea gloria cedit. / Hic me uermis edit, sic iuri mortis obedit, / Corpus quod ledit, animamue qui sibi credit. / A.D. MCCLXVIII, mense Madii, octauo die intrante). 18. I. Heullant-Donat a montré à propos de Nicolas Tavelić (moine franciscain, missionnaire de Bosnie dans la seconde moitié du xive siècle, canonisé en 1970), l’importance des cercles franciscains dans l’histoire de la nation croate depuis la fin du Moyen Âge : Les martyrs franciscains de Jérusalem (1391), entre mémoire et manipulation, dans D. Coulon, C. Otten, P. Pagès et D. Valerian (éd.), Chemins d’outre-mer. Études sur la Méditerranée médiévale offertes à Michel Balard, II, Paris, 2004 (Byzantina Sorbonensia, 20), p. 439-459. L’histoire de la sanctification de Nicolas Tavelić montre comment celui-ci « [sortit] du cercle franciscain pour (…) intégrer celui de la nation croate » (p. 455). Nicolas Tavelić fut béatifié à la fin du xixe siècle sous l’insistance de l’évêque de Sibenik dans une période fondamentale pour le mouvement national croate : « comme les autres nations de l’empire austro-hongrois, la Croatie avait conservé une certaine autonomie culturelle, en partie grâce au rôle du clergé catholique, et s’affirma[it] progressivement comme détentrice d’une identité propre, notamment face aux Serbes orthodoxes » (p. 455). L’épiscopat croate entreprit une première démarche auprès du pape Pie XII à l’automne 1939 pour la canonisation de Nicolas Tavelić. Le contexte de la deuxième guerre mondiale et la défaite des forces de l’Axe, que soutenait le régime croate, retarda le processus qui reprit à l’occasion d’une nouvelle requête formulée en 1957. Finalement, Paul VI canonisa Nicolas Tavelić à Rome le 21 juin 1970, avec trois autres compagnons martyrs, sur la base d’une relatio médiévale (attribuée par la tradition au gardien des martyrs, Geraldus) retraçant le pèlerinage des quatre frères en Terre Sainte et leur rencontre avec le sultan. La relatio leur attribue pour finir l’origine de la garde des lieux saints par les franciscains, au prix d’un « saisissant raccourci qui rattache la mission de gardiens des franciscains en Terre Sainte à des temps apostoliques – ceux de l’apostolat de François (…) » (p. 456).
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fonction aux archives capitulaires explique sa connaissance des sources diplomatiques qui constitue la source principale de son information historique. Par ailleurs, ce sont ses actes autographes qui ont permis de supposer que le codex Spalatensis de l’Historia Salonitana était peut-être un manuscrit autographe. Sans entrer dans des considérations trop techniques, l’analyse de ce codex 19 fournit des renseignements précieux sur la transmission du texte : ce manuscrit archétype est l’unique témoin de l’Historia Salonitana copié en écriture bénéventaine. Or, cette écriture désigne une pratique localisée de la minuscule caroline qui apparaît dans les principaux scriptoria d’Italie du Sud, comme à Bénévent et au Mont-Cassin 20. Or, pour des raisons encore incertaines mais probablement liées à la proximité géographique et aux échanges entre l’Italie du Sud et la Dalmatie 21, la bénéventaine s’est généralisée en Dalmatie au point de caractériser la production manuscrite de la région avec un certain nombre de traits qui lui sont propres 22. Le codex Spalatensis est un parfait exemple de la bénéventaine dalmate et il peut être, à ce titre, considéré comme une production typiquement spalatine fidèle à une pratique d’origine italienne. Cette interprétation paléographique correspond parfaitement au projet d’ensemble de l’Historia Salonitana qui consiste à mettre en valeur l’identité latine de la Dalmatie qui trouve ses racines dans l’histoire du premier évêque de Salone, représenté depuis le xie siècle comme un disciple de saint Pierre. 19. Les éditeurs de l’HS ont publié un fac-similé du codex Spalatensis (tome II de l’édition cité n. 1). Ce manuscrit en écriture bénéventaine (Split, Archives Capitulaires, Kas. 623, xiiie siècle, 122 feuillets) n’est pas complet puisqu’il manque une grande partie du premier chapitre De Dalmatia (de « Dalmatia secundum Ysidorum… » à « …secundum poetarum fabulas Cadmus »). 20. E. A. Loew, The Beneventan script. A History of the South Italian minuscule, 2e éd. par V. Brown, Rome, 1980 (Sussidi eruditi, 33-34). 21. Le scriptorium de Saint-Chrysostome de Zadar, fondé au début du xe siècle, a probablement joué un rôle déterminant dans l’utilisation et la diffusion de l’écriture bénéventaine en Dalmatie. En effet, ce monastère était étroitement lié au Mont-Cassin (d’où son surnom de « Mont-Cassin croate »), qui fut l’un des principaux foyers de la bénéventaine en Italie du Sud. Le scriptorium de Saint-Chrysostome de Zadar constitua aux xie et xiie siècles le centre le plus actif de la production des codices latins pour l’ensemble de la Dalmatie. Il exerça une forte influence sur les scriptoria dalmato-croates qui furent créés dans les villes de Trogir, Split, Dubrovnik et Kotor : voir I. Petrović, L’hagiographie, latine et vernaculaire, de l’espace croate, des origines à 1350, dans G. Philippart (éd.), Hagiographie IV, Turnhout, 2006, p. 183272 (sur « Scriptoria et bibliothèques », p. 220-235) ; G. Praga, Lo « Scriptorium » dell’abbazia benedittina di San Grisogoro in Zara, dans Archivio storico per la Dalmazia, vol. 7, fasc. 40, 1929, p. 177-189). 22. V. Novak, Something new from the Dalmatian Beneventana, dans Medievalia et Huma– nistica, 14, 1962, p. 76-85.
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Les évêques de Salone d’après l’Historia Salonitana Les notices des évêques antiques posent d’emblée le problème de la vraisemblance historique du projet de Thomas. Chacune des trois parties de l’Historia Salonitana correspond à un type de sources différent : la première (iie-viie siècle) repose sur des correspondances pontificales, comme celle de Grégoire le Grand, et sur des traditions hagiographiques, comme il est fréquent dans les Gesta 23 ; la seconde (viie-xiie siècle) se dit fidèle aux sources diplomatiques (libri traditionum, chartes et lettres pontificales…), ce que confirme la conservation de certains actes médiévaux ; la troisième (xiiie siècle) s’appuie aussi sur ce type de document mais surtout sur l’expérience directe de Thomas l’Archidiacre, contemporain des événements qu’il relate. La première partie, qui nous intéresse ici, retrace les origines du christianisme dalmate en se fondant sur une légende hagiographique d’après laquelle la Dalmatie aurait été évangélisée par un disciple de saint Pierre, appelé saint Domnio, qui aurait reçu cette mission du « prince des apôtres » et qui aurait connu le martyre à Salone sous Trajan : Cuius loco beatus Petrus, apostolorum princeps, direxit quendam discipulum suum, nomine Domnium, natione Syrum, patria Antiocenum, qui dalmatie populis uerbum uite, quod per Titum inchoatum fuerat, predicaret. Hoc enim beatus Petrus statuerat, ut pontificia christiane religionis sic disponerentur per urbes singulas totius orbis, quemadmodum apud gentiles fuerat antiquitus constitutum 24.
Ce récit permit à la métropole de Split, pendant de longs siècles, de tirer son autorité directement de l’évêque de Rome. Pourtant, les recherches archéologiques menées dès la fin du xixe siècle par Frane Bulić ont montré qu’il s’agissait d’une manipulation hagiographique : saint Domnio avait bien existé mais il n’était pas un disciple de saint Pierre mais un évêque de Salone, martyr de Dioclétien au début du ive siècle 25. Or, la tradition du Domnio apostoli23. Le De regno Dalmatiae et Crotiae de Lucius au xviie siècle et l’Ilyricum sacrum de Farlati au xviiie siècle citent ce texte pour illustrer les origines apostoliques de la Dalmatie chrétienne. 24. HS, 3, 2, p. 12 : « De cet endroit, le bienheureux Pierre, prince des apôtres, envoya un de ses disciples, nommé Domnius, un Syrien d’Antioche, pour prêcher le Verbe de Vie aux peuples de Dalmatie, comme Tite avait commencé à le faire. En effet, le bienheureux Pierre avait décidé que des évêques de religion chrétienne seraient ainsi établis dans chacune des villes du monde, de la même façon que cela avait été fixé chez les païens dans les temps anciens ». 25. Les conclusions de F. Bulić, qui avait reçu le soutien des Bollandistes et de nombreux érudits, provoquèrent une vive réaction de l’Église de Split et de la Congrégation des rites à
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que semble totalement inconnue avant le xe et plus sûrement le xie siècle. Les témoignages hagiographiques antérieurs ne connaissent que le martyr de Dioclétien dont le culte est attesté à Salone au ive siècle, dans un martyrologe syriaque 26. Cela signifie que Thomas l’Archidiacre, qui défend ardemment l’apostolicité de l’Église de Split, utilisa une tradition récente et non des sources antiques ou un noyau primitif, comme ce fut le cas du Liber pontificalis. Trois textes antérieurs au xiiie siècle évoquent l’apostolicité de Domnio : les actes du concile de Split de 925, contemporain de la réorganisation de la région par le pape Jean X, le chapitre 29 du De administrando imperio (vers 953) de Constantin VII Porphyrogénète et une Vita Domnii du xie siècle (BHL 2268), écrite par Adam de Paris. Mais rien ne prouve l’authenticité du concile de 925 et l’origine de la Vita Domnii est elle-même très obscure puisqu’elle est citée pour la première fois par Thomas l’Archidiacre 27. L’Historia Salonitana contribue, par la suite, à fixer cette tradition d’apostolicité dans la mesure où les Vitae Domnii postérieures n’évoquent que le Domnio apostolique et méRome. Cette controverse a donné lieu, de part et d’autre, à une importante bibliographie : voir en particulier Ch. Molette, La discussion autour des martyrs de Salone au tournant des xixe et xxe siècles, dans B. Waché (éd.), Mélanges Charles Molette, Abeville, 1989, p. 147-177 ; F. Bulić, I ss. Anastasio e Dojmo martiri salonitani, dans Bullettino di archeologia e di storia dalmata, 21, 1898, p. 113-132 ; H. Delehaye, L’hagiographie de Salone d’après les dernières découvertes archéologiques, dans Analecta bollandiana, 23, 1904, p. 5-18 ; J. Zeiller, Une légende hagiographique de Dalmatie : saint Domnius de Salone, dans Revue d’histoire et de littérature religieuses, 9, 1906, p. 193-218 et 385-410 ; V. Saxer, Les saints de Salone – examen critique de leur Dossier, dans D. Simundža (éd.), U službi čoujeka, Zbornik nadbiskupa-metropolite dr. Frane Franića, Split, 1987, p. 293-325 ; I. Petrović, L’hagiographie… cité n. 21, p. 196-203. 26. Ce martyrologe syriaque, le plus ancien martyrologe connu, daté de novembre 411, se trouve dans le manuscrit add. 12150 du British Museum. Ce document exceptionnel, qui a utilisé l’une des principales sources du martyrologe hiéronymien, a été copié en 411 en Mésopotamie, à Édesse (voir J. Dubois, Les martyrologes du Moyen Âge Latin, Turhnout, 1978, p. 30 : « c’est une traduction un peu désordonnée et abrégée d’un martyrologe composé en grec à Nicomédie (actuellement Izmit en Turquie) peu après 362, où avaient été rassemblés les martyrs de l’Orient chrétien, par renseignements directs ou en utilisant les recueils d’actes des martyrs d’Eusèbe de Césarée et quelques récits isolés »). La présence dans ce martyrologe de Jacques de Nisibe (15 juillet) et des martyrs de Synnada (19 juillet), martyrisés respectivement en 361 et 362, montre en effet que l’original grec est postérieur à 362. On peut donc en déduire que le martyrologe grec mentionne la fête de l’évêque Domnio de Salone dans la seconde moitié du ive siècle. 27. HS, 16, 3, p. 68-70 : His temporibus Adam quidam Parisiensis, optime in artibus elimatus, pergendo Athenas ad Graecorum studia deuenit Spalatum. Et cum fuisset a Laurentio antistite honorifice susceptus, rogatus est ab eodem, ut passiones beatorum martirum Domnii et Anastasii, que inculto fuerant antiquitus sermone conscripte, luculenta faceret compositione nitere.
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connaissent le Domnio du ive siècle 28. Le lien entre la légende hagiographique que diffuse l’Historia Salonitana et le contexte religieux des xiie-xiiie siècles apparaît de manière éclatante à propos de la possession des reliques. Le Liber pontificalis raconte en effet que le pape Jean IV, originaire de Dalmatie, avait fait transporter à Rome les reliques des saints évêques de Salone après la prise de la cité, comme en témoigne aussi une mosaïque du viie siècle dans le baptistère de Saint-Jean-de-Latran représentant les martyrs d’Istrie et de Dalmatie. La comparaison entre l’Historia Salonitana et le Liber pontificalis 29 montre que Thomas prend une certaine liberté puisque le nom de Domnio, qui apparaît sur la mosaïque du Latran 30, n’est pas cité dans le Liber pontificalis. Elle révèle aussi qu’il ajoute des marques de révérence (summus pontifex apostolice sedis ; uenerabilis pontifex ; reuerenter) qui peuvent être interprétées comme de nouveaux signes de sa soumission à l’égard de Rome :
28. Les six Vitae Domnii ont été publiées par Farlati dans l’Illyricum sacrum, I, p. 414-426 : la Vita prima aurait été composée à partir des Actes proconsulaires ; la seconde est attribuée à l’évêque de Salone Hesychius, le correspondant d’Augustin ; la troisième est connue sous le nom d’Adam de Paris ; la quatrième est anonyme ; la cinquième et la sixième sont extraites de lectures liturgiques à la louange de saint Domnio. Mais la plus ancienne est en réalité la Vita tertia d’Adam de Paris qui est le seul texte connu au xiiie siècle par Thomas l’Archidiacre. Les cinq autres versions, qui sont des résumés ou des réécritures fidèles de la Vita tertia, sont postérieures au xve siècle (voir en particulier J. Zeiller, Les origines chrétiennes dans la province romaine de Dalmatie, Paris, 1906, p. 12-13 et V. Saxer, Les saints de Salone… cité n. 25, p. 307-308). La Vita tertia d’Adam de Paris (BHL 2268) a été éditée d’abord au xviie siècle par les Bollandistes (Act. SS. April. II, 7-8) puis reprise au xviiie siècle par Farlati (Illyr. Sacr. I, 418-419). Si ce dernier ne cite pas ses sources, les Bollandistes précisent que la Vita leur a été communiquée par le savant dalmate Jean Lucius « d’après le Breviarium Spalatensis ». Il est probable que les Bollandistes, d’ordinaire soucieux de signaler leurs sources manuscrites, n’aient pas eu accès à une copie médiévale mais seulement au Bréviaire moderne, probablement imprimé, qui était en usage dans l’Église de Split au xviie siècle. 29. Dans l’ensemble de l’HS, les échos au Liber pontificalis sont rares et apparaissent comme de simples ornements destinés à marquer l’appartenance à un genre : dans HS, 4, 3, p. 18, cf. Liber pontificalis, I, notice 29 : « Gaius (283-296) » ; dans HS, 8, 3, p. 38, cf. Liber pontificalis, I, notice 74 : « Iohannes IV (640-642) », p. 330. Toutefois, l’absence de citations explicites du Liber pontificalis ne permet pas de déterminer de quelle version disposait Thomas l’Archidiacre. 30. J. Zeiller, Les origines chrétiennes… cité n. 28, p. 10 ; A. Duplančić, M. Ivanišević et S. Kovačić, Sveti Dujam. Štovanje kroz vjekove, Split, 2004, p. 10-13 et surtout p. 171-173.
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Liber pontificalis, I, p. 330
Historia Salonitana, VIII, 3
Iohannes, natione Dalmata, (…) misit per omnem Dalmatiam seu Histriam multas pecunias per sanctissimum et fidelissimum Martinum abbatem propter redemptionem captiuorum qui depraedat, erant a gentibus. Eodem tempore fecit ecclesiam beatis martyribus Venantio, Anastasio, Mauro et aliorum multorum martyrum, quorum reliquias de Dalmatias et Histrias adduci praeceperat, et recondit eas in ecclesia suprascripta, iuxta fontem lateranensem, iusta oratorium beati Iohannis Euangelistae, quam ornauit et diuersa dona optulit (…).
Iohannes summus pontifex apostolice sedis (…) misit abbatem quendam, Martinum nomine, cum multa pecunie quantitate pro redimendis captiuis. (…) Iste Martinus ex apostolica iussione multorum sanctorum reliquias accepit in partibus Dalmatie et Histrie et detulit eas Romam ad predictum papam Iohannem. Qui uenerabilis pontifex eas reuerenter suscipiens recondidit apud ecclesiam beati Iohannis Lateranensis, ubi fons baptisterii et ibidem iuxta fecit depingi imaginem beati Domnii cum pallio et ceteris pontificalibus indumentis totum ex musio aureo. Similiter fecit imaginem beati Anastasii inter alios sanctos.
À l’inverse, une seconde tradition défend la présence des reliques à Split, en se fondant sur les actes du concile de Split de 925 31, sur un diplôme de 1076 32 et sur une recognition dans la cathédrale de Split en 1103 sous l’archevêque Crescentius qui aurait trouvé le corps entier du saint, comme le prétend une inscription tardive du Maître Bonino de Milan en 1427 33. La contradiction entre ces deux traditions, qui aurait pu attiser les tensions entre Rome et la métropole dalmate, est levée par Thomas qui explique qu’il s’agit de deux saints homonymes mais différents. L’explication de Thomas, visiblement prêt à tout pour résoudre ce problème, nous renseigne sur la crédibilité de l’Historia Salonitana et sur ses enjeux. Tout semble déterminé par la préservation de bonnes relations avec Rome. Tout en soutenant l’existence des deux Domnio, le disciple de saint Pierre et le martyr de Dioclétien, Thomas montre en effet que le premier est supé31. Farlati dans Illyricum Sacrum, III, p. 96 : Quoniam antiquitus beatus Domnius ab apostolo Petro praedicare Salonam missus est, constituitque, ut ipsa ecclesia et ciuitas, ubi sancta eius membra requiescunt, inter omnes ecclesias prouinciae huius primatis habeat et metropolis nomen, super omnes episcopos legitime sortiatur (…). 32. Ce diplôme du roi de Croatie et de Dalmatie Svinimir cite « les deux très saints martyrs, Domnio et Anastase (…) de l’Église de Split dans laquelle reposent leurs corps » : voir Monumenta spectantia historiam Slavorum Meridionalium, VII, Zagreb, 1877, p. 106 (Doc. Hist. Croat., 88). 33. Cette inscription est retranscrite par Farlati (Illyricum Sacrum, I, p. 392) et par J. Zeiller, Les origines chrétiennes… cité n. 28, p. 37-38.
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rieur au second, en raison de ses liens avec le « prince des apôtres ». Mais les fondements « romains » de l’Église de Salone apparaissent aussi dans l’évocation du second Domnio, le martyr de Dioclétien. Thomas raconte que Domnio, chambellan de Maximien, fut envoyé par Dioclétien à Rome où il encouragea les fidèles au martyre. Fuyant la capitale par la Via Claudia, il fut rejoint puis exécuté près de Parme avant d’être enterré près du fleuve Sytirion. Les habitants de Salone, frappés par les vertus des reliques d’un saint qui portait le même nom que leur fondateur, seraient venus chercher son corps pour l’ensevelir en Dalmatie :
Cum uideret Maximianum adeo crudeliter in christianos deseuire, ut multos a sancto proposito deterret, ipse utpote christianissimus et deuotus exortabatur martires in sancto proposito finaliter perdurare. Tunc fecit opportunitatem eis effugiendi tyranni rabiem et ad Romanam urbem diuertendi. Quod cum ad Maximiani deuenisset notitiam, acrius in eum persecutionis deseuit insania (…) Sed beatus Domnio, tiranni declinans seuitiam, Romam fugiens properat. Et dum iret uia Claudia prope ciuitatem quandam, que Iulia Crisopolis appellatur, satellites imperatoris post ipsum currentes inuaserunt eum et strictis mucronibus circumdantes amputauerunt caput eius. Ipse uero martir uirtute diuina propriis manibus caput suum de terra dicitur eleuasse et ibidem quendam fluuium, qui Sytirion nominatur, firmis gressibus transuadasse ibique sepultus aliquo tempore requieuit. (…) Tunc Salonitani ciues, quia equinomius erat beato Domnio pontifici, abeuntes rapuerunt corpus beati Domnionis, et cum magna reuerentia locauerunt Salone 34.
Ce récit – novateur au xiiie siècle – sous-entend qu’il n’y eut jamais qu’un seul Domnio sur le siège de Salone, en l’occurrence le disciple de saint Pierre, son homonyme n’ayant rejoint la Dalmatie qu’après sa mort. 34. HS, 3, 3, p. 14 : « Quand il vit Maximien persécuter les chrétiens si cruellement que beaucoup étaient détournés de leur sainte mission par la peur, étant lui-même un homme très chrétien et pieux, il exhorta les martyrs à persévérer jusqu’au bout dans leur sainte mission. Alors, il leur donna un moyen de fuir la colère du tyran et de s’enfuir vers la ville de Rome. Comme cette nouvelle était parvenue à Maximien, la fureur de la persécution se déchaîna contre lui de façon particulièrement cruelle. (…) Mais le bienheureux Domnio, méprisant la cruauté du tyran, s’enfuit de Rome à la hâte. Et alors qu’il s’approchait, sur la Via Claudia, d’une cité qu’on appelle Iulia Crisopolis, des soldats de l’empereur, qui étaient lancés à sa poursuite, le rejoignirent et, après avoir sorti leurs épées, l’encerclèrent et le décapitèrent. Mais on raconte que le martyr, grâce à la force divine, ramassa à terre, de ses propres mains, sa tête et ensuite, d’un pas déterminé, traversa un fleuve appelé le Sytirion où il fut enterré quelque temps. (…) Alors, les habitants de Salone, parce qu’il portait le même nom que leur saint évêque Domnius, vinrent, prirent le corps du bienheureux Domnio et le placèrent avec un grand respect à Salone ». – Il y a là une évidente contamination avec saint Domninus honoré à Parme.
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Toutefois, ce dernier présente lui aussi un rapport avec Rome puisque ce saint, originaire d’Italie, manifesta son courage dans la capitale de l’Empire et subit le martyre près de Parme. Les notices des deux Domnio montrent que la vraisemblance n’est pas la première préoccupation de Thomas l’Archidiacre. Est-ce suffisant pour dire que la première partie de l’Historia Salonitana n’a aucun intérêt pour l’historien de la Dalmatie antique ? La liste des évêques de Salone, établie grâce aux travaux épigraphiques menés au cours du xxe siècle à Salone 35, révèle les nombreuses lacunes de l’Historia Salonitana qui ne citent que cinq évêques antiques : les deux Domnio (en grande partie légendaires), Glycerius, Natalis et Maximus 36. Ces manques ne s’expliquent pas tous par les lacunes de l’information : Thomas connaissait nécessairement d’autres évêques importants de la Salone antique, en particulier Hesychius (405-426 ?) dont le nom est gravé dans l’abside de la Basilica Urbana de Salone et qui apparaît également dans la correspondance de Jean Chrysostome, du pape Zosime et d’Augustin qui le qualifie de beate memorie uir dans la Cité de Dieu 37 (XX, 5). Ce désintérêt pour une histoire exhaustive du siège antique de Split a pu être interprété comme du mépris pour Salone dont la chute est encore justifiée par sa décadence. Loin de partager ce point de vue, nous pensons que la représentation exhaustive des évêques de Salone est moins importante, aux yeux de l’auteur, que d’autres objectifs qui mettent en évidence la diversité et l’évolution du genre des Gesta.
Une représentation médiévale et personnelle de l’Antiquité dalmate Le principal consiste, nous venons de le voir, dans la représentation des liens privilégiés entre la papauté et les archevêques de Split. Mais peut-on déterminer ce qui relève de la construction ou de la réalité historique ? Les rares sources antiques que nous possédons font état de tensions importantes 35. Voir bibliographie note 4, en particulier W. Gerber, Forschungen in Salona, I, fig. 3, p. 16-17 ; voir aussi D. Ch. Segvić, Chronologie des Evêques de Salone suivie de la Chronologie des Archevêques de Spalato, dans Analecta bollandiana, 33, 1914, p. 266 et E. Marin, Les provinces danubiennes et balkaniques : épigraphie chrétienne. L’œuvre de Jacques Zeiller sur la Dalmatie, dans Un siècle d’épigraphie classique : aspects de l’œuvre des savants français dans les pays du bassin méditerranéen de 1888 à nos jours, Paris, 1990, p. 183-203. 36. On est surpris, en revanche, par l’importance donnée, dans la notice consacrée aux évêques Glycerius et Natalis, à l’histoire de l’archidiacre Honoratus (HS, 5, 3-5, p. 20-24). 37. Augustin, De civitate Dei, XX, 5.
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entre l’Église de Split et Rome qui sont largement nuancées par Thomas l’Archidiacre 38. Certes, les correspondances pontificales traduisent une grande confiance envers certains évêques de Salone, comme Hesychius 39 ou encore Stephanus, honoré du titre d’archevêque 40 par Denis le Petit qui lui dédia deux éditions de sa collection des conciles au début du vie siècle 41. Mais les tentations ariennes de l’Église de Salone, au ive siècle 42, et l’attitude indépendante de plusieurs évêques 43 suscitèrent plusieurs conflits qui culminèrent avec l’affaire des Trois-Chapitres. Suivant l’exemple d’autres Églises d’Orient, l’évêque de Salone Frontinus se détacha de la communion romaine après l’ac38. J. Zeiller, Les relations de l’ancienne église de Salone avec l’Église romaine, dans Bessarione, 71, 1903, p. 235-248 ; F. Lenzi, L’autocefalia della chiesa di Salona, Ascoli Piceno, supplemento all’anno XXXIV del Bullettino, 1911, 17 p. ; Id., I rapporti della Chiesa Salonitana con la Chiesa di Roma, dans Bullettino di archeologia e di storia dalmata, 1909, p. 113-128 ; I. Coman, Grégoire le Grand et les Églises illyro-thraco-daco-romaines, dans J. Fontaine, R. Gillet et St. Pellistrandi (éd.), Grégoire le Grand, Paris, 1986, p. 95-105. 39. Zosimus Hesychio episcopo Salonitano, 4 (21 février 418), dans PL XX, col. 669-673 : nos ne quid meritis dilectionis tuae derogaremus, ad te potissimum scripta direximus, quae in omnium fratrum, et coepiscoporum nostrorum facies ire notitiam, non tantum eorum, qui in ea prouincia sunt, sed etiam qui uicinis dilectionis tuae prouinciis adjunguntur ; voir J. Zeiller, Les origines chrétiennes… cité n. 28, p. 10-11 : en 418, le pape Zosime répond à une question d’Hésychius « sur la légitimité de l’ordination sacerdotale conférée à des laïques ou à des moines n’ayant pas encore passé par les degrés inférieurs de la cléricature. Le ton de la lettre témoigne clairement des sentiments de confiance que le pape et l’évêque de Salone éprouvaient mutuellement l’un pour l’autre ». 40. Voir J. Zeiller, Les origines chrétiennes dans les provinces danubiennes de l’Empire romain, Paris, 1918 (Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome, 112) p. 380-381 : « (…) à cette époque le titre d’archevêque était supérieur à celui de métropolitain : on ne le donnait qu’au pape, aux patriarches ou aux exarques. À quelle occasion Stephanus de Salone en aurait-il été revêtu ? Peut-être précisément à la suite du synode illyrien de 515 : le pape aurait désigné l’évêque de Salone, métropolitain de Dalmatie, pour remplacer Dorothée en qualité de vicaire et lui aurait ainsi conféré une sorte de primatie sur toute la région illyrienne ». 41. La première édition, contemporaine du pape Symmaque, est dédiée à « l’évêque Stephanus » alors que la seconde, sous le pape Hormisdas, est adressée à « l’archevêque Stephanus ». On ne peut expliquer cette modification par une simple erreur de copiste puisque trois successeurs de Stephanus, dans la seconde moitié du vie siècle, sont également qualifiés d’archevêques. 42. J. Zeiller, Les origines chrétiennes… cité n. 28, p. 9 : « le Concile dissident de Sardique, en 344, envoya un exemplaire de son encyclique à l’évêque de Salone d’alors, Maxime. On le tenait donc apparemment, sinon pour acquis à l’arianisme, du moins pour sympathique au parti eusébien ». 43. Ibid., p. 11-12 : l’évêque Honorius exprime son mécontentement de recevoir des « directives » du pape Gélase lui demandant de lutter pour empêcher le réveil de l’hérésie pélagienne en Dalmatie.
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ceptation des décrets du concile de Constantinople par le pape Vigile interprétée comme une capitulation devant l’empereur. Cette fronde se traduisit par l’exil de l’évêque récalcitrant en 553. À la fin du vie siècle, le Saint-Siège menaça l’évêque salonitain Natalis de le dépouiller du pallium et, quelques années plus tard, Grégoire le Grand contesta l’élection de Maximus sur le siège de Salone en 594 et menaça de retirer le pouvoir juridictionnel de l’évêque de Salone sur la Dalmatie. Or, Thomas l’Archidiacre n’évoque que deux de ses affaires : les critiques romaines contre l’immoralité de l’évêque Natalis et les mises en garde du pape contre l’élection illégitime de l’évêque Maximus. Dans ces deux exemples, l’auteur défend le point de vue de Rome et la crise est résolue par un compromis qui conforte la soumission de la métropole dalmate à l’Église romaine qui, de son côté, reconnaissait aux évêques de Salone la dignité d’archevêque, celle-là même qui est attribuée à saint Domnio de manière anachronique 44. Il en ressort l’image d’une relation ancienne et légitime entre Rome et la Dalmatie qui dépasse l’histoire chrétienne de la région. Les notices des évêques antiques donnent en effet l’occasion de mettre en lumière une romanité plus profonde. Par exemple, le récit du martyre de Domnio, lors de la grande persécution du début du ive siècle, innocente totalement Dioclétien, imputant toute la responsabilité à Maximien. Pourquoi ? Probablement parce que le palais de Dioclétien est le berceau de la ville de Split 45, l’empreinte la plus visible de l’histoire romaine de la Dalmatie 46. Le silence sur la responsabilité de Dioclétien, l’empereur d’origine dalmate, contribue à la valorisation discrète d’une romanité dalmate, fondée sur un héritage commun, dont le palais impérial de Dioclétien, noyau de la ville médiévale de Split, est l’un des principaux symboles. Pour Thomas, la construction d’un lien privilégié entre la papauté et l’Église de Split suppose donc la
44. Vita Domnii, 1 : Domnii Archiepiscopi Salonitani Christi Martyris Vitam scripturus, non immerito a parentibus ordiar. 45. E. Hébrard et J. Zeiller, Spalato. Le Palais de Dioclétien, Paris, 1912, 234 p. et surtout J. Belamarić, The first centuries of christianity in Diocletians’s palace in Split, dans Acta XIII Congressus internationalis archaeologiae christianae, Split-Poreć 25.9-1.10 1994, III, Cité du Vatican, 1998, p. 55-68. 46. Pour lui, le véritable responsable était en réalité Maximien (voir HS, 3, 3, p. 14 : Cum uideret Maximianum adeo crudeliter in christianos deseuire, ut multos a sancto proposito deterret, ipse utpote christianissimus et deuotus exortabatur martires in sancto proposito finaliter perdurare. Tunc fecit opportunitatem eis effugiendi tyranni rabiem et ad Romanam urbem diuertendi. Quod cum ad Maximiani deuenisset notitiam, acrius in eum persecutionis deseuit insania).
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représentation positive, parfois hardie, de tous les symboles de la présence romaine en Dalmatie 47. La démonstration de l’identité romaine de la région apparaît aussi dans la défense de la latinité, dont témoigne l’obligation de la liturgie latine au détriment de la liturgie slave à partir du xe siècle. L’unification religieuse de l’Église dalmato-croate s’était traduite en effet par des mesures favorisant l’unité linguistique et liturgique. Dans sa stratégie pour ramener les évêques à l’obédience romaine, le Saint-Siège avait opéré en deux temps : après avoir servi Rome comme « le meilleur moyen d’attacher les Slaves au souverain pontife 48 », en particulier sous les papes Hadrien II (867-872) et Jean VIII (872-882), l’œuvre de Méthode fut peu à peu rejetée au fur et à mesure que diminuait le danger byzantin en Dalmatie. Le règne du pape Jean X (914928) se traduisit ensuite par l’interdiction radicale de la liturgie slave malgré la résistance de l’évêque croate de Nin, Grégoire. Cette politique est illustrée par une lettre à l’archevêque de Split 49 et surtout par le concile de Split de 925 50 – dont l’authenticité est incertaine – qui interdit la liturgie slave au
47. La représentation positive de l’édifice impérial fournit une nouvelle preuve que Thomas n’a pas repris une tradition primitive de l’Antiquité chrétienne pour laquelle Dioclétien, dont le nom est associé à la dernière grande persécution contre les chrétiens, était une figure du mal. 48. F. Dvornik, Les Slaves, Byzance et Rome au ixe siècle, Paris, 1926, p. 322. 49. H. Zimmermann, Papsturkunden 896-1046, I, 2e éd., Vienne, 1988 (Österreichische Akademie der Wissenschaften. Philosophisch-historische Klasse. Denkschriften, 174 ; Veröffentlichungen der historischen Kommission, 3), n° 40 ; cf. Farlati, Illyricum Sacrum, III, p. 93 (§ 3. Epist. Joannis X Papae ad Joannem III. Archiepiscopum Spalatensem, et episcopos prouinciae Spalatensis) : Miratur quid causae fuerit, quare consueta, ac debita erga Sedem Apostolicam fidei, et obseruantiae officia tamdiu neglexerint ; (…) hortatur ut ad eas extirpandas cum Legatis Sedis Apostolicae sedulo incumbant, ac ne tantulum quidem a sana horum et orthodoxa doctrina deflectant ; Liturgiae Slauonicae usum improbat, et interdicit. 50. La question liturgique semble avoir constitué le point central du concile de 925. C’est du moins ce que pense Farlati dans son commentaire De concilio spalatensi qui retrace d’abord l’histoire liturgique de la région, si fortement marquée par l’œuvre de Cyrille et Méthode qui avaient traduit les Écritures Saintes et la liturgie, du latin au glagolitique : Illyricum Sacrum, III, p. 87 (§ I. Exponuntur causae cogendi Concilii) : « Cyrillus et Methodius Apostoli Slauorum Libros Canonicos utriusque Testamenti, et statas solemnesque Ecclesiae precationes ad sacrificium cultumque diuinum adhiberi solitas e Latino in Slauonicum conuerterant, et Slauorum litteris ab se inuentis expresserant. Vsum autem ritumque Liturgiae Slauonicae Morauis antea traditum, in Dalmatiam quoque inuexerant (…) ». En réalité, même s’ils se sont servi de formulaires d’origine latine, Cyrille et Méthode se sont surtout attachés à traduire les principaux textes de la liturgie byzantine (voir Chr. Hannick, Slave (Liturgie), dans A. Vauchez (dir.), Dictionnaire encyclopédique du Moyen Âge, 1997, p. 1444) ; sur le contexte du concile
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profit du rite latin 51. Thomas l’Archidiacre, qui ignore l’existence de ce concile 52, signale un autre concile provincial, organisé lui aussi à Split, un siècle et demi plus tard, pour réaffirmer l’obligation de célébrer l’office en latin 53. Il est difficile d’évaluer, à la lecture de l’Historia Salonitana, les résultats de la politique romaine en Dalmatie 54. Mais le fait que Thomas répète cette obligation deux siècles plus tard pourrait révéler les limites de cette
et les éditions des canons postérieures à Farlati, voir J. F. Böhmer, Regesta Imperii, II, 5 : Papstregesten 911-1024, par H. Zimmermann, 2e éd., Vienne-Cologne-Weimar, 1998, nos 70-74. 51. Farlati, Illyricum Sacrum, III, p. 97 (dixième canon) : Vt nullus Episcopus nostrae prouinciae audeat in quodlibet gradu Slauinica lingua promouere ; tamen in clericatu, et monachatu Deo deseruire. Nec in sua ecclesia sinat eum missas facere ; praeter si necessitatem Sacerdotum haberet, per supplicationem a Romano Pontifice licentiam ei sacerdotalis ministerii tribuat. 52. Thomas emploie toutefois des formules très proches de certains canons du concile de 925 : pour reprendre l’exemple que nous venons d’étudier, comparer Farlati, Illyricum Sacrum, III, p. 97 (dixième canon) : ut nullus Episcopus nostrae prouinciae audeat in quodlibet gradu Slauinica lingua promouere // HS, 16, 6, p. 70 : ut nullus de cetero in lingua Sclauonica presumeret diuina misteria celebrare. 53. HS, 16, 6, p. 70 : (…) synodus omnium prelatorum Dalmatie et Chroatie multum solempniter celebrata, in qua multa fuerunt conscripta capitula. Inter que siquidem hoc firmatum est et statutum, ut nullus de cetero in lingua Sclauonica presumeret diuina misteria celebrare. Rien ne prouve l’authenticité du concile évoqué dans l’HS mais il est intéressant de noter que Thomas le situe sous le pontificat d’Alexandre II (1061-1071), au moment même où fut composée la Vita Domnii, vers 1070, qui raconte pour la première fois l’histoire de Domnio apostolique, le disciple de saint Pierre. La volonté de latiniser le territoire fut renforcée par l’obligation d’élever les enfants dans la langue latine et de posséder le latin pour entrer dans les ordres. 54. En l’absence de catalogue général des manuscrits latins en usage en Dalmatie au Moyen Âge, il est difficile d’avoir une idée précise de l’impact de ces dispositions sur les productions locales et la culture livresque. Plusieurs savants ont souligné l’importance d’un tel inventaire pour une histoire de la liturgie latine dans la région, comme G. Praga, ancien bibliothécaire de Venise, originaire de Zadra, qui rassembla de nombreuses archives relatives aux livres dalmates, manuscrits et imprimés, du viie au xve siècle (Voir G. E. Ferrari, Le carte di Storia ed erudizione dalmatica di Giuseppe Praga (ora Marciana), dans Rivista Dalmatica, 30, 1959, I-II ; V. Saxer, L’introduction du rite latin dans les provinces dalmato-croates au xe-xiie siècle, dans Vita religiosa morale e sociale ed i concili di Split (Spalato) dei secc. X-XI, Padoue, 1982 [Medioevo e umanesimo, 49], p. 175, note 28). Il existe aujourd’hui quelques catalogues partiels : par exemple, Th. Kaeppeli et H.-V. Shooner, Les manuscrits médiévaux de Saint-Dominique de Dubrovnik, Rome, 1965 (Dissertationes Historicae, 17). L’analyse de ces inventaires semble confirmer les progrès de la culture latine sur les côtes dalmates qui peuvent bien être considérées comme « une province de la liturgie latine d’Occident aux xie-xiie siècles » (voir V. Saxer, L’introduction du rite latin…, p. 169).
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latinisation qui se heurta à de fortes résistances de la part de la population slave et du clergé croate 55. Les notices des évêques de Salone ne se contentent pas de justifier ses liens privilégiés avec Rome ni de célébrer la latinité de la région. Elles donnent aussi à lire, entre les lignes, un objectif plus personnel, comme le montre le portrait à charge de l’évêque de Salone Natalis :
cum enim esset inpos scientia, non lectioni erat deditus, sed epulis et cotidianis conuiuiis cum cognatis et amicis vacabat et quod erat deterius, thesauros ecclesie et vasa ministerii dando suis contribulibus et complicibus sacrilega dilapidatione uastabat 56.
En raison de son mode de vie dissolu, l’évêque Natalis était entré en conflit avec son archidiacre Honoratus qui s’adressa finalement au pape Pélage pour régler le différend. Natalis avait réussi à le chasser mais le nouveau pape, Grégoire le Grand, s’était directement impliqué dans l’affaire en menaçant Natalis d’excommunication et du retrait du pallium. Certains commentateurs croates 57 ont interprété cette représentation négative de l’évêque de Salone comme une preuve du mépris de Thomas envers les Dalmates et, partant, comme une preuve de son origine non-dalmate. Mais cette pratique n’est pas exceptionnelle dans les Gesta : les notices d’évêques-repoussoirs sont fréquentes, par exemple, dans le Liber pontificalis de Ravenne où, de la même manière, l’auteur « règle ses comptes avec son évêque en traitant de certains prélats peu recommandables des temps passés 58 ». Mais ces contre-exemples ne doivent pas être interprétés comme une méfiance vis-à-vis des Dalmates. Comme le 55. Farlati constate la résistance de la liturgie slave en Dalmatie au milieu du xie siècle (Illyricum Sacrum, III, p. 142 : Nunc autem usus linguae ac liturgiae Slauonicae passim uiget in oppidis uicisque mediterraneis et insulis etiam Dalmatiae.). Le pape ne serait parvenu à faire appliquer le canon du concile que dans la partie de la Dalmatie soumise aux Vénitiens. La Croatie et la Slavonie voisines, elles, restaient fortement attachées à la liturgie slave. 56. HS, 5, 3, p. 20 : « comme celui-ci était dépourvu de connaissances, il ne s’adonnait pas à la lecture mais passait son temps dans des repas et des festins quotidiens avec ses parents et ses amis et, ce qui était pire, dilapidait de façon sacrilège les trésors de l’Église en donnant à ses partisans et à ses complices les objets de culte liés à son ministère ». 57. I. Kršnjavi, Prilozi historiji salonitani Tome arcidjakona Spljetskoga [Contribution à l’Historia Salonitana de Thomas l’Archidiacre de Split], dans Vjestnik kr. hrvatsko-slavonskodalmatinskog Zemaljskog arkiva, 2, 1900, p. 129-169, en particulier p. 147 et L. Margetić, Historia Salonitana i Historia Salonitana Maior – neka pitanja [Historia Salonitana et Historia Salonitana Maior – quelques remarques], dans Historijski zbornik, 47, 1994, p. 1-36 (cité par Archdeacon Thomas of Split, History of the Bishops of Salona and Split, introduction, p. XXIII, note 50). 58. M. Sot, Gesta episcoporum… cité n. 3, p. 18.
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Liber pontificalis de Ravenne, l’Historia Salonitana met en valeur « la sainteté globale de toute la lignée de prélats, une sainteté indépendante de la nonsainteté de certains individus (…) qui transcende les accidents de l’histoire 59 ». Dans le cas de notre texte, ces contre-exemples tendent à démontrer, a contrario, que la sainteté des prélats spalatins consiste essentiellement dans l’effort de préserver l’unité avec l’Église de Rome. Si la notice de l’évêque Natalis est l’occasion d’un nouvel éloge de la papauté, une autre interprétation, plus personnelle, est également possible. Cet épisode reproduit en effet par anticipation le conflit, au xiiie siècle, entre l’archevêque de Split Guncel et Thomas l’Archidiacre lui-même (immoralité/ appel à Rome/résolution grâce à la papauté qui donne raison à l’archidiacre). Ce parallèle permet à Thomas de justifier l’intervention de Rome (non plus Grégoire Ier mais Grégoire IX) mais aussi de suggérer que l’archevêque n’a pas toujours raison dans les conflits avec son archidiacre. La représentation du lien privilégié avec Rome fournit donc aussi le cadre d’une autobiographie originale – à travers des Gesta, qui se révèlent un genre très extensif de la biographie. Ce caractère personnel est renforcé par l’originalité de l’écriture qui constitue l’un des principaux intérêts du texte. Aux citations des grands auteurs de la littérature classique (César, Virgile, Ovide, Lucain…) s’ajoute une recherche stylistique qui correspond, suivant les canons de l’ars dictaminis, au genus mixtum, aussi appelé style Isidorien : Interea Salonitana urbs propter barbarorum uicinitatem, qui eam cotidianis insultibus impugnabant, ad deteriora labi cotidie cogebatur. Erantque in ea ciuiles discordie, nec satis arguto moderamine res publica regebatur. Non erat rector sapiens, qui refrenaret superbiam, qui puniret nequitiam, sed uoluntas propria unicuique pro iustitia habebatur. Qui plus poterat, colebatur, impotentes prede patebant. Iustitia procul aberat, totum prauitas occupabat. Timor Dei, sanctorum reuerentia, misericordia et pietas expirauerant, odia, rapina, usure, periuria et alia facinora totam inuaserant ciuitatem. Religio erat derisui, clerus contemptui, humilitas superbie succumberat. Debita subtrahebant ecclesiis, indebita exigebant. Preterea rector ciuitatis non communiter, sed diuisim querebatur ; nec qui prodesset omnibus, sed qui priuatim aut amicorum commodum aut inimicorum incommodum procuraret. Et sic in ciuitate multi erant domini, pauci subditi, multi precipientes, pauci obedientes, non quasi patriam diligebant, sed quasi hostilem terram predari rapaciter satagebant (…). Preter hec uero improba Venus omnem ordinem, omnem sexum et etatem absque ullo pudoris uelamine
59. Ibid.
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Stéphane Gioanni sordidabat. Dissolutio uoluptatis marcebat in iuuenibus, obstinatio auaritiae rigebat in senibus, ueneficia in mulieribus, peruersitas in omnibus abundabat 60.
Ce court passage condense de nombreux procédés rhétoriques et figures de style comme le montrent le jeu continu sur les sonorités (assonances, allitérations, rimes internes) et la recherche rythmique, renforcée par les parallélismes (qui refrenaret superbiam, qui puniret nequitiam ; dissolutio uoluptatis marcebat in iuuenibus, obstinatio auaritiae rigebat in senibus), les antithèses (debita…, indebita ; non quasi…, sed quasi) et les chiasmes (aut amicorum commodum aut inimicorum incommodum). Ces procédés créent un rythme binaire qui contribue à une représentation binaire du monde, marqué par le bien et le mal, la lumière et l’obscurité, exprimée à travers des images bibliques traditionnelles. Le récit de la chute de Salone est en cela exemplaire : avant la catastrophe, la cité est décrite comme Sodome et Gomorrhe, comme Babylone, dont la destruction traduit la fin de l’ordre ancien, permettant l’établissement d’un ordre nouveau, dans un lieu nouveau (en l’occurrence Split). L’improba Venus est une allégorie de Sodome et Gomorrhe, la cause de la chute, qui est une figure usuelle de la littérature médiévale pour symboliser la frivolité et la perversion. Rien d’excessif ni de très original dans ce genus mixtum mais une recherche stylistique et métaphorique qui révèle un système stylistique plus développé que le sermo simplex qui caractérise le plus souvent les chroniques ecclésiastiques. 60. HS, 7, 1, p. 30 : « Pendant ce temps, la ville de Salone, en raison de la proximité des barbares qui l’attaquaient par des assauts quotidiens, voyait chaque jour sa situation se détériorer. Il y avait en elle des discordes civiles et le gouvernement n’était plus dirigé par une autorité suffisamment puissante. Il n’y avait pas de sage dirigeant capable de réprimer l’orgueil, de punir l’injustice, mais chacun considérait sa propre volonté comme la justice. Les plus puissants étaient honorés, les faibles devenaient des proies. La justice était partie loin ; le vice était partout. La crainte de Dieu, la vénération des saints, la miséricorde et la piété avaient disparu ; les haines, les vols, les spéculations, les parjures et les autres crimes avaient envahi la totalité de la cité. La religion était l’objet des rires, le clergé du mépris, l’humilité était piétinée par l’orgueil. Les églises se voyaient refuser leurs créances et exiger des dettes imaginaires. En outre, le gouverneur de la cité n’était pas choisi par la communauté mais par quelques-uns ; et il ne servait pas l’intérêt général mais, en privé, il procurait des avantages à ses amis et des ennuis à ses ennemis. Et ainsi, dans la cité, il y avait de nombreux maîtres, peu de sujets, de nombreux hommes prêts à commander, peu à obéir, comme s’ils n’aimaient pas leur patrie mais s’affairaient à piller avec rapacité une terre hostile (…). En plus de cela, la malhonnête Vénus souillait chaque classe, chaque sexe et chaque âge en ôtant le voile de la pudeur. Le relâchement des plaisirs engourdissait les jeunes, l’obsession de l’avarice dirigeait les vieux, les femmes se livraient à de nombreux sortilèges et la perversité guidait tout le monde ».
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L’Historia Salonitana a joué un rôle de première importance dans la construction de l’identité religieuse de la Dalmatie depuis le xiiie siècle. Le regain d’intérêt pour ce texte dans des périodes importantes de l’histoire croate, au xixe siècle et à la fin du xxe siècle, en apporte une preuve supplémentaire. Comme pour d’autres cités de l’Adriatique 61, il faut souligner aussi les objectifs politiques de cette construction médiévale de la « mémoire » antique qui justifie le rayonnement du siège de Split sur la Dalmatie tout en constituant une pièce majeure de la diplomatie pontificale dans la région. Mais les fonctions religieuses et politiques de l’Historia Salonitana ne doivent pas éclipser sa dimension littéraire : l’originalité de sa forme, où l’omniprésence des classiques latins se mêle à l’écriture autobiographique, montre que le genre des Gesta, à cette époque très avancée du Moyen Âge, peut être aussi un espace de création littéraire qui offre sans doute, aux partisans de Thomas, le meilleur argument de l’identité latine de la Dalmatie.
61. Sur les exemples de Ravenne et Aquilée, voir V. B. Prozorov, The Passion of St. Domnius… cité n. 5, p. 224-230.
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La difficile genèse de l’Histoire des évêques de Naples (milieu du ixe-début du xe siècle) : le scriptorium et la famille des évêques Thomas Granier Naples est, avec Rome, Ravenne et (Aquilée-)Grado, l’un des quatre sièges italiens à posséder une histoire ancienne de ses évêques. Le duché de Naples échappant complètement à la conquête lombarde, le siège épiscopal ne connaît aucune solution de continuité depuis l’Antiquité. Même si sa liturgie utilise quelques formules grecques, l’église napolitaine est, jusqu’à la mise en place des métropoles méridionales à partir de la fin du xe siècle, étroitement rattachée à Rome dans le cadre du diocèse suburbicaire dont les évêques reçoivent directement leur ordination ou confirmation de Rome. Le clergé de la cité est activement réformé du point de vue institutionnel et culturel entre le milieu du viiie et le troisième quart du ixe siècle, surtout du fait des évêques Étienne II (766-794) et Athanase (849-872). Ces réformes ont avant tout un objectif liturgique, mais définissent aussi le contexte et les conditions de la production de l’Histoire des évêques de Naples (Gesta episcoporum Neapolitanorum) 1. Certaines des particularités de ce texte n’ont pas reçu l’attention qu’elles méritent ou peuvent être abordées de façon nouvelle ; dans la perspective des présents Actes de Colloque, il s’agit donc de mettre en évidence ces originalités et de porter sur elles un regard neuf, entre autres pour permettre une comparaison aussi fructueuse que possible avec la composition des gesta d’autres sièges.
1. Pour le contexte général : E. Pontieri (éd.), Storia di Napoli, II : L’Altomedioevo, 2 vol., Naples, 1969 et B. Vetere (préf.), Napoli nel Medioevo, I : Segni culturali di una città, Galatina, 2007 (Le Città del Mezzogiorno medievale, 4). Pour les aspects culturels : Th. Granier, Histoire, dévotion et culture à Naples, viiie-xie siècles, thèse de doctorat en Histoire du Moyen Âge, Université Aix-Marseille I, 7 novembre 1998, dir. H. Taviani-Carozzi ; Id., Les échanges culturels dans l’Italie méridionale du haut Moyen Âge : Naples, Bénévent et le Mont-Cassin aux viiie-xiie siècles, dans Les échanges culturels au Moyen Âge. XXXIIe Congrès de la SHMES (Université du Littoral-Côte d’Opale, juin 2001), Paris, 2002 (Publications de la Sorbonne. Série Histoire ancienne et médiévale, 70), p. 89-105, ici p. 91-92 et Id., La Renovatio du modèle rhétorique antique dans les éloges urbains de l’Italie du haut Moyen Âge, dans les Actes du 131e Congrès du CTHS, Grenoble 2006, publication en ligne en cours.
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Il s’agit donc d’abord de faire une rapide présentation générale des trois parties du texte et de son unique manuscrit ancien. Le constat de l’état d’inachèvement de la première partie et des pertes et mutilations subies par cette section du manuscrit pose ensuite la question du contexte et du processus de composition des Gesta napolitains ; la reconstitution de ce processus amène à présenter d’autres manuscrits au contenu apparemment lié à l’élaboration des Gesta. La difficulté à dater précisément les deuxième et troisième parties et donc à définir les conditions de leur composition, ainsi que la disparition de la quasi-totalité de la troisième partie, invitent enfin à s’interroger sur la signification et la portée exactes du texte pour les hommes, ceux dont il est question, ceux qui commandent la rédaction et leurs successeurs, les évêques de Naples de la deuxième moitié du ixe et de la première moitié du xe siècle – parents entre eux et membres de la famille qui dispose de la fonction ducale depuis 840 – et leur entourage. Dans l’état actuel de l’unique manuscrit ancien, Biblioteca Apostolica Vaticana, lat. 5007, l’Histoire des évêques de Naples se compose de trois parties qui peuvent être ainsi présentées : Partie Folios Écriture Date de composition
I 1r-100v onciale Épiscopat de Jean IV (842849)
Auteur
anonyme
Période couverte Caractères du récit
Incarnation-762 Très peu d’informations sur les évêques euxmêmes
Remarques
Lacunes et mutilations
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II 101r-130r bénéventaine Années 896902/3 ?, sous Athanase II (876898) ou Étienne III (898906/907) Jean Diacre 762-872 Bonne information de type biographique et sur l’histoire régionale
III 130r-130v bénéventaine Sous Étienne III ou Athanase III (907-957)
Pierre SousDiacre 876- ?
Reste un peu plus d’une page, fin mutilée
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Les auteurs des deuxième et troisième parties, identifiés par un intertitre entre celles-ci dans le manuscrit, sont des clercs lettrés en vue liés à l’épiscopat, bien connus par ailleurs comme hagiographes. Pour Jean Diacre, auteur de la deuxième partie, c’est une œuvre de jeunesse 2. La première partie se caractérise par une information extrêmement limitée sur les évêques eux-mêmes et sur Naples en général ; la deuxième partie, en revanche, est un texte entièrement original, caractérisé par une information très détaillée sur les évêques et les événements locaux et régionaux. Le manuscrit Vat. lat. 5007 présente des mutilations. Il manque d’abord au moins un cahier après le premier, dans le début de la première partie, d’où une solution de continuité dans le récit : on passe du récit inachevé de l’établissement de l’Église apostolique et de l’église de Rome au début de la liste épiscopale de Naples. Le nom du premier évêque, Aspren, figure en tête de première ligne du recto du premier folio du deuxième cahier conservé et la phrase est entière : c’est bien le début de la série épiscopale telle qu’elle est copiée ; nous ignorons donc comment était conçu le lien avec ce qui précédait 3. Ensuite, trois folios sont coupés ou ont disparu un peu avant la fin et à la fin de la première partie : ce qui reste du texte indique qu’il était, entre autres, question de l’empereur iconoclaste Constantin V (741-775). Le duc de Naples suit probablement, lors de la promulgation des premières mesures iconoclastes, la politique impériale, et ce passé doit ensuite devenir difficilement acceptable suite à la position romaine et occidentale en faveur des images. Mais l’iconoclasme napolitain est peu virulent, de courte durée et ne laisse pas de traces notables ; il est condamné comme crime (scelus) par l’auteur même de la première partie qui emprunte le passage à Paul Diacre 4. Les mu2. Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. G. Waitz dans MGH, Scriptores rerum Langobardicarum et Italicarum saec. VI-IX., Hanovre, 1878, p. 398-436 ; D. Mallardo, Storia antica della chiesa di Napoli. Le fonti, éd. D. Ambrasi et U. Dovere, Naples, 1987 (Studi e testi, 5) ; L. A. Berto, Giovanni Diacono, dans Dizionario biografico degli Italiani [DBI], LVI, Rome, 2001, p. 7-8 ; Pietro suddiacono napoletano. L’opera agiografica, éd. E. D’Angelo, Tavarnuzze, 2002 (Edizione nazionale dei testi mediolatini, 7. 1a s., 4), p. lxvi-lxxi ; B. Valtorta (éd.), Clavis scriptorum latinorum Medii Aevi. Auctores Italiae (700-1000), Florence, 2006 (Edizione nazionale dei testi mediolatini, 17 ; 1a s., 10), Iohannes Neapolitanus diac., p. 153-158 et Petrus Neapolitanus subdiac., p. 222-233 et L.A. Berto, «Utilius est veritatem proferre». A difficult memory to manage: narrating the relationships between bishops and dukes in Early Medieval Naples, dans Viator, 39, 2008, p. 49-64. 3. A. Bellucci, Il prologus del codice Vaticano latino 5007, dans Atti dell’Accademia Pontaniana, n. s., 4, 1950-1952, p. 317-326. 4. Gesta ep. Neap… cité n. 2, c. 37, p. 422 l. 21-29 qui cite Paul Diacre, Historia Langobardorum, VI, 49 (éd. et trad. L. Capo, Milan, 1992 [Scrittori greci e latini], p. 348-350 l. 7-23).
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tilations visent donc à éliminer non des allusions, tout à fait improbables, à l’adhésion à l’iconoclasme de l’évêque de l’époque, Calvus (750-762), mais plutôt des passages à la louange de Constantin V, non en tant qu’iconoclaste, mais en tant qu’empereur 5. Enfin, nous ne conservons que les premières lignes de la troisième partie : le début de la notice d’Athanase II (876-898). Le texte s’arrête actuellement en fin de dernière ligne du verso du dernier feuillet d’un cahier complet. La suite est-elle accidentellement perdue ou volontairement supprimée ? Athanase II, en tant que duc de Naples (877/878-898), mène une politique très durement contestée dans les sources lombardes (surtout dans l’Histoire des Lombards de Bénévent composée par le Cassinien Erchempert en 885 ou 890-891), mais presque toutes les sources napolitaines conservées font son éloge, sauf le Libelle en faveur de l’évêque Étienne III (898-906/907), de 908 environ, qui rapporte des agressions contre des patrimoines de l’évêché à la mort d’Athanase II 6. Ce dernier ne fait donc pas l’unanimité autour de lui à Naples même et une éventuelle élimination volontaire de la suite de sa notice est possible, mais nous ignorons jusqu’où le texte se prolongeait, donc quand il est écrit, donc quand il peut être détruit et avec quelles motivations. L’état de la première partie du texte dans le manuscrit semble refléter un inachèvement : choix matériels contradictoires, information limitée, peut-être même incertitude quant au sens général de l’œuvre. Le Vat. lat. 5007 est un petit manuscrit, de 205 x 143 mm 7. Ses fol. 1-100 sont en onciale, ce qui est le principal argument pour remonter la composition 5. P. Bertolini, La Chiesa di Napoli durante la crisi iconoclasta. Appunti sul codice Vat. lat. 5007, dans G. Arnaldi (éd.), Studi sul Medioevo cristiano offerti a Raffaelo Morghen, I, Rome, 1974 (Studi storici, 83-87), p. 101-127 ; F. Luzzati Laganà, Tentazioni iconoclaste a Napoli, dans Rivista di studi bizantini e neoellenici, 26, 1989, p. 99-115 et J.-M. Martin, Hellénisme politique, hellénisme religieux et pseudo-hellénisme à Naples (viie-xiie siècle), dans ’Αμπελοκήπιον. Studi di amici e colleghi in onore di Vera von Falkenhausen. II = Νέα ‘Ρώμη. Rivista di ricerche bizantinistiche, 2, 2005, p. 59-77. 6. P. Bertolini, Atanasio II, dans DBI, IV, Rome, 1962, p. 510-518 ; Th. Granier, Napolitains et Lombards aux viiie-xie siècles. De la guerre des peuples à la « guerre des saints » en Italie du Sud, dans Mélanges de l’École française de Rome. Moyen Âge, 108, 1996, p. 403-450 ; Libellus in defensionem Stephani episcopi et praefatae ordinationis, dans Auxilius und Vulgarius. Quellen und Forschungen zur Geschichte des Papstthums im Anfange des zehnten Jahrhunderts, éd. E. Dümmler, Leipzig, 1866, c. III p. 99 et Clavis… cité n. 2, Auxilius presb., p. 61-65. 7. À titre de comparaison, le manuscrit A de la Geste des évêques d’Auxerre (Auxerre, BM, 142, xiie siècle), de 261-264 x 195-205 mm, est dit de « dimension notable » : Les gestes des évêques d’Auxerre, éd. M. Sot (dir.), I, Paris, 1999 (Les classiques de l’Histoire de France au Moyen Âge, 42), p. xxxix ; le manuscrit Tr des gesta abbatum de Fontenelle (Paris, BnF, lat. 5426A, ixe siècle) est un « in-folio », et donc nettement plus grand : Chronique des abbés de
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de la partie I aux environs de 800, ce qui est déjà très tard pour cette graphie. La rédaction de cette première partie doit cependant être datée des années 840, sous l’évêque Jean IV (842-849), puisque le transfert par celui-ci des reliques de plusieurs anciens évêques dans la cathédrale est mentionné dans le texte : résultat dans la partie I au sujet de chaque évêque en question et récit du transfert lui-même dans la partie II. C’est donc bien au milieu du ixe siècle que le scribe de la première partie du Vat. lat. 5007 emploie l’onciale, ce qui est exceptionnel, et probablement l’exemple connu le plus tardif d’emploi de cette graphie pour un manuscrit complet 8. La main laisse cependant parfois transparaître des habitudes venues de la minuscule ou de la bénéventaine de la « période de formation ». Entre les fol. 1-4 et les fol. 5-100, la même main adopte une mise en page différente, et la graphie est moins bien maîtrisée. Nous ne connaissons que peu de manuscrits sûrement napolitains du haut Moyen Âge, et ils sont plus tardifs ; nous ne pouvons donc pas replacer le manuscrit 5007 dans son contexte paléographique exact. Mais depuis la fin du viiie siècle, les clercs napolitains sont formés à partir de la tradition cassinienne, à une date où la bénéventaine est formée 9. Le scribe de la partie I du manuscrit 5007 laisse voir sa familiarité avec cette dernière et ceux des parties II et III l’emploient. Le choix de l’onciale est donc délibéré et exceptionnel, complètement artificiel et forcé.
Fontenelle (Saint-Wandrille), éd. P. Pradié, Paris, 1999 (Les classiques de l’Histoire de France au Moyen Âge, 40), p. lxxii. 8. Gesta ep. Neap… cité n. 2, par exemple c. 2, p. 404 l. 6, 9, 12-13 et 17-19 pour les transferts d’Agrippinus, Eusthasius, Ephevus et Fortunatus (…343…) et c. 59, p. 432 l. 37-39 pour le récit de l’événement ; D. Mallardo, Storia antica… cité n. 2, p. 36 ; P. Bertolini, La serie episcopale napoletana nei secoli VIII e IX : ricerche sulle fonti per la storia dell’Italia meridionale nell’Altomedioevo, dans Rivista di storia della Chiesa in Italia, 24, 1970, p. 349-440, ici p. 421-429 ; M. Sot, Gesta episcoporum, gesta abbatum, Turnhout, 1981 et 1985 (Typologie des sources du Moyen Âge occidental, 37), p. 19, 25, 38 et 40 ; E. Condello, Una scrittura e un territorio. L’onciale dei secoli V-VIII nell’Italia meridionale, Spolète, 1994 (Biblioteca di « Medioevo latino », 12), p. 94-96 et 111 et V. Lucherini, L’invenzione di una tradizione storiografica : le due cattedrali di Napoli, dans Prospettiva. Rivista di storia dell’arte antica e moderna, 113-114, 2004, p. 2-31, ici p. 10. 9. E. A. Loew, The Beneventan script. A history of the South Italian minuscule, éd. V. Brown, 2 vol., Rome, 1980 (Sussidi eruditi, 33-34), I, p. 122-124 (« tentative period » et « formative period ») ; la chronologie de la formation de la bénéventaine est revue par Fl. De Rubeis, La tradizione epigrafica longobarda nei ducati di Spoleto e Benevento, dans I Longobardi dei ducati di Spoleto e Benevento. Atti del XVI Congresso internazionale di studi sull’Alto Medioevo. Spoleto, 20-23 ottobre 2002 – Benevento, 24-27 ottobre 2002, I, Spolète, 2003, p. 481-506 + 9 pl., ici p. 494-506.
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La première partie comporte très peu d’informations sur les évêques euxmêmes : la première mention de sépulture originelle est donnée pour le neuvième évêque, Fortunatus (…343…) ; les premiers synchronismes et les premières mentions d’événements historiques, extérieurs à Naples, sont donnés pour le onzième évêque, Zosimus (355/356-383/384 ?) ; la première durée d’épiscopat est donnée pour le douzième évêque, Severus (…387/393397/399…) 10. L’information est limitée à la durée de l’épiscopat, aux éventuelles fondations, à la sépulture. La première notice développée est celle de Severus, mais les détails se limitent à ses fondations : quatre églises dont une avec une mosaïque représentant quatre prophètes, un monastère, sa sépulture. Il est le premier évêque pour lequel est donnée une durée précise d’épiscopat en années, jours et mois, le suivant étant son cinquième successeur, Felix, vers 460. Cette précision de la notice de Severus est due au fait que l’auteur utilise une Vie de l’évêque, peut-être du viiie siècle, transmise par ailleurs. Tout le reste du texte de la première partie est le récit d’événements contemporains de l’histoire de l’Église, tiré d’autres sources, au premier rang desquelles le Liber pontificalis. Il n’y a donc aucun détail biographique, y compris pour les derniers évêques, à une exception près, le récit du contexte de l’élection de Sergius (717-746) 11. Les durées d’épiscopat et synchronismes avec les empereurs et papes sont artificiels : par rapport aux attestations extérieures, la série des évêques des premiers siècles est dilatée pour reculer son début. Zosimus (fin du ive siècle) est ainsi situé à l’époque constantinienne ; cet écart se réduit progressivement et disparaît avec les évêques de la fin du ve siècle. Ce recul artificiel n’aboutit pas pour autant à placer le premier évêque, Aspren, à l’époque apostolique. Durées et synchronismes sont aussi largement incomplets ou manquants : le copiste de la partie I laisse des blancs à remplir et même Jean Diacre, malgré
10. Gesta ep. Neap… cité n. 2, c. 2, p. 404 l. 16-17 (Fortunatus), c. 3, p. 404 l. 27-31 (Zosimus) et c. 4, p. 404 l. 36 (Severus). Les dates sont celles de Ch. et L. Pietri (éd.), Prosopographie chrétienne du Bas-Empire, II : Prosopographie de l’Italie chrétienne (313-604), II, Rome, 2000, p. 2416. 11. Pour Iulianus (693-701) : durée d’épiscopat, synchronismes, pas de fondation ; Laurentius (701-717) : durée d’épiscopat, synchronismes, pas de fondation, quelques mots signalant une épidémie à Naples (Gesta ep. Neap… cité n. 2, c. 35, p. 421 l. 26-27) ; Sergius (717-746) : durée d’épiscopat, récit du contexte de l’élection (ibid., c. 36, p. 421 l. 45-p. 422 l. 9), pas de fondation ; Cosmas (746-748) : durée d’épiscopat, synchronismes, pas de fondation ; Calvus (750-762) : durée d’épiscopat, synchronismes, une fondation (ibid., c. 39, p. 422 l. 43-44) ; plus, pour chacun, les grands événements contemporains.
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sa très bonne information, laisse en blanc les dates des années de décès des tout derniers évêques, Tibère (839), Jean IV (849) et Athanase (872). Cela montre que l’auteur de la première partie des Gesta entreprend vers 840 une tâche pour laquelle il dispose d’un très faible matériau : une série de noms, des traditions locales de fondation des diverses églises qui composent le paysage visible, une Vie de Severus, mais même pas une liste épiscopale aux synchronismes et durées complets et fiables. Non qu’il travaille dans des conditions difficiles d’accès à la documentation ; bien plutôt, la conservation précise du souvenir des évêques ne mobilise guère le milieu épiscopal napolitain avant les années 840. La plus ancienne liste épiscopale napolitaine connue est la représentation, au début du vie siècle, des portraits des quatorze premiers évêques, jusqu’à Jean Ier mort en 432, dans les catacombes 12. Cette peinture, visible au ixe siècle, sert certainement de source à l’auteur de la première partie, mais nous ignorons si la liste qu’elle suppose est conservée par ailleurs et régulièrement continuée 13. La teneur même du texte de la première partie montre que son auteur adopte un propos qui n’est pas celui de faire des biographies épiscopales, mais de situer l’église de Naples dans l’histoire de l’Église universelle et ses grands événements. Or, sa position exacte sur ce point nous échappe en grande partie. Pourquoi, en effet s’arrête-t-il au milieu du viiie siècle, environ quatre-vingts ans avant le présent ? Écrivant alors que le second iconoclasme vient d’être réglé (843) 14, l’auteur peut voir là la dernière grande crise affectant l’Église universelle et chercherait à situer l’église de Naples dans ce contexte : les rares passages originaux concernent le retour de l’évêque Sergius dans la hiérarchie occidentale après une éphémère promotion par le patriarche de Constantinople vers 717 et le rapprochement entre le pape et les Francs dans les années 750. C’est probablement, on l’a vu, la position conciliante de l’auteur – condam12. U. M. Fasola, Le catacombe di S. Gennaro a Capodimonte, 2e éd., Rome, 1993, p. 133-150 et Th. Granier, Lieux de mémoire, lieux de culte à Naples aux ve-xe siècles : saint Janvier, saint Agrippin et le « souvenir des évêques », dans Cl. Carozzi et H. Taviani-Carozzi (éd.), Faire mémoire. Souvenir et commémoration au Moyen Âge, Aix-en-Provence, 1999, p. 63-102, ici p. 82-83. 13. Les premières listes romaines de papes sont établies à partir de l’époque de Pontien (230-235) : J.-Ch. Picard, Le souvenir des évêques. Sépultures, listes épiscopales et culte des évêques en Italie du Nord des origines au xe siècle, Rome, 1988 (Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome, 268), p. 523-524, 535 et 541 ; la plus ancienne liste d’évêques d’Italie du nord, celle de Milan, serait tenue à jour à partir de la fin du ve ou du début du vie siècle : ibid., p. 445 et 560 ; les autres listes sont mises au point entre le vie et le xie siècle : ibid., c. X p. 397-504. 14. G. Dagron, P. Riché et A. Vauchez (éd.), Histoire du christianisme des origines à nos jours, IV : Évêques, moines et empereurs (610-1054), Paris, 1993, p. 155-162.
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nation de l’iconoclasme mais valorisation de Constantin V – qui, jugée inacceptable après le rétablissement final des images, motive les mutilations de la fin de la première partie qui nous empêchent de saisir précisément sur quoi il fait s’achever l’œuvre, et donc son propos. Si le projet est bien d’insérer l’église de Naples dans l’histoire de l’Église universelle, quatre faits montrent que celui-ci n’est pas mené à bien de façon très soignée. Des synchronismes, on l’a vu, sont faux ou manquants. L’absence d’au moins un cahier dans le début de la première partie empêche de saisir si un lien, et lequel, est fait entre l’Église apostolique et l’église de Naples, mais le début de la série épiscopale de Naples par le nom d’Aspren avec son initiale en tête d’un cahier et les différences de mise en page semblent plutôt indiquer que le copiste entreprend de transcrire séparément l’histoire des premiers temps de l’Église universelle et celle de l’église de Naples, et renonce à les coordonner. À part l’emplacement dans la mise en page, aucun accent particulier n’est mis sur la fondation de l’église napolitaine : la notice d’Aspren, de vingt-neuf mots, occupe à peine plus de deux lignes dans l’édition de Georg Waitz dans les Monumenta Germaniae Historica 15. Enfin, l’auteur fait allusion au résultat du transfert de reliques opéré par Jean IV en 842-849 sans poursuivre son récit jusqu’à inclure cet événement non seulement très important pour l’identité et l’autorité épiscopales, mais déterminant pour l’existence même du texte, sans chercher donc à coordonner la position de l’église de Naples vers 750 et celle des années 840 16. Tout cela semble indiquer des incertitudes quant à la place de l’église de Naples dans l’Église universelle, voire même un changement de point de vue dans le cours du travail, alors que l’on s’attend plutôt à ce qu’une entreprise de rédaction de gesta révèle une conviction assez sûre sur ce point. Cette place est plus clairement définie par la suite, entre la fin du ixe et la fin du xe siècle, mais dans un autre cadre que celui des Gesta, et spécialement par le développement du culte et du corpus hagiographique. On a donc au total l’impression d’un emploi artificiel et contradictoire de l’onciale archaïsante et monumentale, qui rattache au passé et surtout à Rome, pour un manuscrit de petite taille, peu spectaculaire, et pour un texte peu soigné et inachevé, pour lequel l’auteur ne cherche pas à améliorer, même de façon fictive, la liste épiscopale avec ses durées d’épiscopat et ses synchronismes. La volonté d’illustrer la série des évêques de Naples par la nature même 15. Gesta ep. Neap… cité n. 2, c. 2, p. 403 l. 32-35. 16. N. Cilento, Il significato della translatio dei corpi dei vescovi napoletani dal cimiterio di San Gennaro extra moenia nella basilica detta Stefania, dans Campania sacra, 1, 1970, p. 1-6.
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de l’entreprise de rédaction de gesta ne débouche pas sur une réalisation textuelle et matérielle de grande qualité. Outre le manuscrit 5007, deux autres manuscrits, l’un sûrement, l’autre probablement napolitain, semblent pouvoir être rapprochés du processus de composition des Gesta. Le manuscrit Rome, Biblioteca Corsiniana 777, un lectionnaire réalisé à Naples autour de 1100, est une série de Passions de martyres féminines et de Vies d’évêques de Naples. Il associe donc, mais avec une finalité cultuelle, les saints évêques locaux à de saintes martyres des temps héroïques de la Chrétienté 17. Il contient, en prologue à la Vie de l’évêque Severus, un court texte décrivant une méthode de travail : récit depuis l’Incarnation, synchronisme entre les évêques de Naples et les patriarches des grands sièges, insertion de détails sur Severus 18. Un tel programme n’a rien à voir avec la démarche de l’auteur de la Vie ; il décrit exactement, en revanche, la méthode de composition de la partie I des Gesta, et la Vie est justement le seul texte napolitain servant certainement de source à cette première partie. Cela suggère que ce prologue est composé en rapport avec l’entreprise de la partie I des Gesta, mais n’est pas inséré dans le manuscrit 5007, et que le responsable de la compilation du manuscrit 777 a pu trouver comme exemplar de la Vie de Severus un manuscrit local lié à la préparation de la partie I des Gesta, contenant à la fois la Vie et ce projet de prologue. Le manuscrit Florence, Biblioteca Medicea Laurenziana, San Marco 604 contient un Catalogue des évêques de Naples aux fos 1-5, puis le Liber pontificalis, le De viris illustribus de Jérôme, le De haeresibus de saint Augustin, les Institutiones de Cassiodore et le Décret du Pseudo-Gélase sur les livres à retenir ou rejeter ; il associe donc aux évêques de Naples de grands thèmes de l’histoire de l’Église : les grands auteurs, les hérésies, ce qui coïncide à peu près avec le propos de la partie I des Gesta. Datant probablement du xe ou du début du xie siècle, ce manuscrit est de toute façon d’origine méridionale car il est en bénéventaine, et la présence du catalogue des évêques constitue l’argument
17. A. Poncelet, Catalogus codicum hagiographicorum latinorum bibliothecarum Romanarum praeter quam Vaticanae, Bruxelles, 1909 (Subsidia hagiographica, 9), p. 170 et 278-280 et R. Arnese, Un codice napoletano della Biblioteca Corsiniana di Roma, dans Accademie e biblioteche d’Italia, 49, 1981, p. 420-425. 18. Vita sancti Severi episcopi Neapolitani (BHL 7676), éd. AASS, Apr., III, 13 avril, p. 775779 ; prologue dans Monumenta ad neapolitani ducatus historiam pertinentia, éd. B. Capasso, I, Naples, 1881 [MND], p. 269-270 et A. Bellucci, Il prologus… cité n. 3, p. 322-323.
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essentiel pour proposer une origine précisément napolitaine 19. Le Liber pontificalis copié dans ce manuscrit s’arrête dans le cours de la notice de Léon II (682-683) et les passages concernant les fondations à Rome sont très abrégés, comme si le copiste s’intéressait plus aux aspects événementiels qu’à l’histoire de l’église dans Rome. Or, un tel propos coïncide avec la mise en œuvre du Liber pontificalis dans la partie I des Gesta, et cette dernière ne le cite que jusqu’à la notice de Jean V (685-686), suggérant l’emploi d’un exemplaire du Liber romain appartenant à la branche de la tradition s’arrêtant au pontificat de Conon (686-687), ce qui pourrait très bien être le cas du Liber pontificalis du manuscrit 604 20. Peut-être vers 957-962, Pierre Sous-Diacre, l’auteur de la partie III des Gesta, justifie ses réécritures des Passions de Cyr et Julitte et de Georges par la nature corrompue (vitiata) du texte, faisant ainsi indirectement référence, sans le nommer, au Décret pseudo-gélasien – transmis donc par le manuscrit 604 – qui cite nommément ces deux Passions 21. Ce manuscrit 19. xe siècle selon Le Liber pontificalis, éd. L. Duchesne, I, 2e éd., Paris, 1981 (Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome), p. clxvi-clxvii, Duchesne signalant aussi des hypothèses de datation jusqu’au xiiie siècle ; xe siècle selon Das Decretum Gelasianum de libris recipiendis et non recipiendis in kritischen Text, éd. E. von Dobschütz, Leipzig, 1912 (Texte und Untersuchungen zur Geschichte der altchristlichen Literatur, 3e s., 8-4), p. 162 ; début du xie siècle selon E. A. Loew, The Beneventan script… cité n. 9, I, p. 73, 184 et 194-195 et II, p. 44 ; xe siècle selon D. Mallardo, Storia antica… cité n. 2, p. 119 ; début du xie siècle selon C. Jeudy, Inédits littéraires et scientifiques du ive au xvie siècle, dans Scriptorium, 44, 1990, p. 313-318 ; xie siècle et probable origine napolitaine selon F. Lo Monaco, Note su codici cassinesi tra Quattro e Cinquecento, dans M. Dell’Omo (éd.), Montecassino nel Quattrocento. Studi e documenti sull’abbazia cassinese e la « Terra sancti Benedicti » nella crisi del passaggio all’età moderna, Mont-Cassin, 1992 (Miscellanea Cassinese, 66), p. 329-357, ici n. 21 p. 334. 20. D. Mallardo, Storia antica… cité n. 2, p. 45. Le manuscrit Naples, Biblioteca Nazionale IV.A.8 comporte un Liber pontificalis palimpseste du viie siècle par-dessus le Digeste de Justinien en onciale du vie siècle, mais ce manuscrit, d’origine italienne, à Bobbio au viiie et jusqu’au xiiie siècle, n’est à Naples qu’après 1500 : Le Liber pontificalis… cité n. 19, I, p. clxxvi et A. Zironi, Il monastero longobardo di Bobbio. Crocevia di uomini, manoscritti e culture, Spolète, 2004 (Istituzioni e società, 3), p. 51. 21. Passio namque horum latuit per tempora longa / Nec relegi valuit vitiata famine ficto, Passio sanctorum Cyrici et Iulittae (BHL 1814b), Pietro suddiacono napoletano, éd. E. D’Angelo, cité n. 2, p. 50-52, ici III, 4 p. 52 ; Ego Petrus, beati Georgii martyris passionem variis translatoribus vitiatam emendare studens…, Passio sancti Georgii (BHL 3393), ibid., p. 53-94, ici i, 2 p. 65 ; Sed ideo secundum antiquam consuetudinem singulari cautela in sancta Romana ecclesia non leguntur, quia et eorum qui conscripsere nomina penitus ignorantur et ab infidelibus et idiotis superflua aut minus apta quam rei ordo fuerit esse putantur ; sicut cuiusdam Cyrici et Iulittae, sicut Georgii aliorumque eiusmodi passiones quae ab hereticis perhibentur conpositae, Das Decretum Gelasianum, éd. E. von Dobschütz, cité n. 19, texte p. 3-61 [CPL 1676], ici p. 9 l. 208-214.
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– de toute façon lui-même compilé après la fin de la composition des Gesta – pourrait donc refléter une partie du matériel rassemblé pour cette entreprise, matériel peut-être encore connu et utilisé au moins par Pierre SousDiacre au xe siècle. Le Catalogue des évêques de ce manuscrit reprend, quoiqu’avec des erreurs de copie, les synchronismes et durées d’épiscopat des Gesta. Mais il ajoute des durées d’épiscopat pour les onze premiers évêques, là où les Gesta n’en donnent pas. Ce sont des nombres tous entiers, donc fictifs, dont l’addition situerait le premier évêque, Aspren, vers 140-150, alors que la tradition de son ordination par saint Pierre figure déjà, dans les années 872-877, dans la Vie de l’évêque Athanase 22. Le compilateur du Catalogue fait donc un effort de reconstruction de l’histoire de l’église de Naples qui va plus loin que celui de l’auteur de la partie I des Gesta et différent de celui de l’hagiographe d’Athanase. L’existence du Catalogue et du manuscrit 604 montre donc que le travail sur l’histoire des évêques et la réflexion sur la place de Naples dans l’histoire de l’Église ne s’arrêtent pas avec la fin des Gesta. Entre 839 et 875, enfin, le diacre Paul de Naples adresse à Charles le Chauve, outre deux traductions hagiographiques, un manuel de gesta pontificaux : s’il travaille à Naples, ce qui n’est pas sûr, ce peut être une confirmation du fait qu’une documentation concernant les papes y est disponible à cette époque, à peu près celle de la composition de la partie I des Gesta 23. Les manuscrits 5007, 604 et 777 transmettent donc des pièces qui, malgré leur diversité, se rapportent étroitement, dans leur ensemble, au projet de la première partie des Gesta. On a donc l’impression d’assister à la transmission éparse de pièces d’un dossier de travail : l’œuvre n’est pas véritablement achevée dans le manuscrit 5007, et ces pièces restent encore disponibles longtemps après la fin de l’entreprise de composition de gesta, au moins jusque vers 1100, date à laquelle certaines sont copiées dans le manuscrit 777 après que d’autres l’ont été, au xe et au début du xie siècle, dans le manuscrit 604.
22. D. Mallardo, Storia antica… cité n. 2, p. 129-131 ; Vita et Translatio s. Athanasii Neapolitani episcopi (BHL 735 e 737) sec. IX, éd. A. Vuolo, Rome, 2001 (Fonti per la storia dell’Italia medievale. Antiquitates, 16), 1, 13 p. 118. 23. Obsequii quoque et devotionis meae fuit, ut non simplicem tantum memoratae rei textum exhiberem, sed et alia quaesitu digna superadicerem de venerandis scilicet constitutis et gestis praesulum Romanae ecclesiae, quorum sanctionibus quam reverenter Ecclesia utatur, maiestas vestra optime novit, Vita sanctae Mariae Ægyptiacae (BHL 5415), éd. PL, LXXIII, col. 671690, dédicace du traducteur dans MGH, Epistolae VI (Karolini aevi, 4), 1, Berlin, 1902, n° 29, p. 193-194, ici p. 194 l. 6-9 ; Clavis… cité n. 2, Paulus Neapolitanus diac., p. 219-221.
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Le principal problème posé par les parties II et III des Gesta napolitains est celui de la datation, donc du commanditaire et de ses intentions. À cette question centrale s’ajoutent celles des reproches adressés à Jean Diacre et, à nouveau, pour la partie III, de l’état du manuscrit. La partie II s’achève sur Athanase ; Jean Diacre la compose probablement entre 896 et 902-903, sous l’évêque Athanase II ou son successeur Étienne III. Il pourrait en effet avoir été l’élève du prêtre romain et polémiste Auxilius, qui ne peut pas être à Naples avant 896 ; et dans sa Translation de Sossius de 906-907, il évoque des œuvres de jeunesse qui lui sont reprochées, probablement les Gesta donc, qui seraient de ce fait antérieurs à sa première grande Translation, celle de Séverin datée de 902-903 24. À cette date, la très précoce réputation de sainteté d’Athanase a déjà donné lieu à la composition de la Vie entre 872 et 877, au transfert des reliques en 877 et à la composition de la Translation en 877-878 25. La partie II est-elle donc commandée par Athanase II ou par Étienne III ? Si c’est la deuxième solution, pourquoi Jean Diacre et son commanditaire passent-ils volontairement sous silence l’épiscopat d’Athanase II ? Quant à la partie III, le fait que le Catalogue du manuscrit de Florence s’arrête avec Étienne III pourrait indiquer qu’elle comporte à l’origine deux notices, celles d’Athanase II et d’Étienne III. L’entreprise serait donc commandée par Athanase III (907-957), qui fait écrire l’histoire contemporaine, celle de ses deux prédécesseurs et parents. Mais les durées d’épiscopat forcées ou fictives du Catalogue et l’absence des jours d’épiscopat d’Étienne III montrent que la composition du Catalogue ne repose pas sur une documentation précise, et peut donc résulter d’une initiative isolée dans l’église de Naples, pas forcément rattachée ni à la partie III ni à son commanditaire. La partie III peut donc se réduire à la seule notice d’Athanase II et le texte des Gesta n’être jamais allé plus loin. 24. Post nonnulla tyrocinii mei opuscula, quibus aliquantisper juvenilem animum caritatis exercuisse videbar imperio (…) et per auxilium (Auxilium?) Domini sacerdotem meae indolis praeceptorem, Translatio sancti Sossii (BHL 4134-4135), éd. AASS, Sept., VI, Addenda ad 19 septembre, p. 874-884, ici c. 1 p. 874C et c. 24 p. 879E ; la leçon des AASS est corrigée dans MND, cité n. 18, I, p. 302 ; D. Mallardo, Storia antica… cité n. 2, p. 73-74 ; O. Capitani, Ausilio, dans DBI, IV, Rome, 1962, p. 597-600 ; F. Dolbeau, La Vie latine de saint Euthyme : une traduction inédite de Jean, diacre napolitain, dans Mélanges de l’École française de Rome. Moyen Âge - Temps modernes, 94, 1982, p. 315-335, ici p. 324-325 ; L. A. Berto, Giovanni diacono… cité n. 2 ; Clavis… Auxilius presb., cité n. 6; le caractère hypothétique de la référence au prêtre Auxilius est rappelé en dernier lieu par L.A. Berto, «Utilius est vertitatem proferre»... cité n. 2, p. 53-54. 25. Th. Granier, Conflitti, compromessi e trasferimenti di reliquie nel Mezzogiorno latino del secolo IX, dans Hagiographica, 13, 2006, p. 33-71, ici p. 53-61.
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Jean Diacre déclare que les Gesta lui attirent des critiques, sans dire exactement de la part de qui ni pourquoi 26. Nous ne pouvons que supposer que ces reproches sont liés aux points éventuellement sensibles de son récit. Ce pourrait être parce qu’il rappelle le contexte iconoclaste de l’avènement de Paul II en 762-764, alors que l’évocation de Constantin V à la fin de la partie I, si prudente soit-elle, provoque déjà l’élimination de trois folios. Ce pourrait être parce que son œuvre, achevée sur saint Athanase, peut servir la position d’Athanase II, à la fois évêque et duc à partir de la fin de 877 ou de 878, ou parce qu’il ne cache pas, voire exagère, l’agressivité du duc Serge II envers son oncle Athanase en 870-872 ; il serait ainsi la cible de partisans du duc. Ce pourrait être au contraire parce que, écrivant sous Étienne III, il élimine Athanase II ; il serait alors la cible de partisans de ce dernier. La partie III se réduit actuellement dans le manuscrit 5007 au début de la notice d’Athanase II, le texte conservé s’arrêtant en fin de dernière ligne du verso du dernier feuillet d’un cahier complet. Il y a bien une réelle hostilité contre Athanase II à Naples même, mais nous ne savons ni de la part de qui, ni pourquoi 27, et ne pouvons donc expliquer précisément une éventuelle mutilation volontaire du manuscrit. Par ailleurs, le texte s’arrête actuellement sur un quaternion entier, ce qui laisse, à la différence de la partie I, la possibilité d’une détérioration accidentelle. Le point commun à ces trois problèmes, qui n’a pas été jusqu’ici étudié précisément, est le rapport très étroit entre le récit et les hommes : les évêques dont il est question et ceux qui commandent l’œuvre sont parents et membres de la famille qui gouverne le duché. On peut proposer d’insérer dans la chronologie des épiscopats celle des parties successives du texte de la façon suivante : 840-864 : Serge Ier duc de Naples. 842-849 : épiscopat de Jean IV, rédaction de la partie I des Gesta. 849-15 juillet 872 : épiscopat d’Athanase. 864-870 : Grégoire III duc de Naples. 870-877/878 : Serge II duc de Naples.
26. Nullius fore disponebam intentionis, nisi ut magis hebetaret desidia, quam fomenta lividae stomachationis alicui pro talibus subministrarem experimentis. Didiceram quippe, et satis didiceram, qualiter bilis ignita linguae faculam torrens continuos ureret dentes, Translatio sancti Sossii, cité n. 24, c. 1 p. 874C. 27. Références citées n. 6.
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870-872 : conflit entre Serge II et Athanase, chassé de Naples vers octobre 870 ( ?) ; excommunication du duc et de la cité. 871 (ou avant ?) : épiscopat d’Étienne III à Sorrente ; il en est chassé en 875-876. Juillet 872-mars 876 : vacance du siège. 872-877 : rédaction de la Vie d’Athanase. Mars 876-mars-avril 898 : épiscopat d’Athanase II. 1er août 877 : transfert des reliques d’Athanase du Mont-Cassin à Naples. Fin 877 ou 878 : Athanase II renverse Serge II et devient duc de Naples ; rédaction de la Translation d’Athanase. 896-902/903 ( ?) : rédaction de la partie II des Gesta. Mars-avril 898-avril-mai 907 ( ?) : épiscopat d’Étienne III à Naples. 907-957 : épiscopat d’Athanase III. 898-957 ( ?) : rédaction de la partie III des Gesta. La succession familiale à la charge ducale est bien assurée à partir de 840 et jusqu’en 1137, grâce en particulier à l’association au pouvoir. En ce qui concerne le siège épiscopal, nous n’avons de renseignements précis que sur les trois premiers successeurs d’Athanase : sur Athanase II grâce à Erchempert ; sur Étienne III grâce aux libelles polémiques formosiens ; quelques bribes sur Athanase III grâce à des diplômes et des actes de la pratique 28. Ces quatre membres de la famille ducale se succèdent donc bien à l’épiscopat pendant plus d’un siècle, mais cette continuité semble en grande partie fortuite. Athanase II, en effet, accède à l’évêché en 876, à environ 25 ans. Il a au moins deux filles. Il est donc possible qu’il soit marié et ait des enfants avant son accession à l’épiscopat. Il semble ainsi qu’à la mort d’Athanase, voire même jusqu’en 876, il n’est pas prévu que l’un de ses parents lui succède comme évêque de Naples ; le choix d’Athanase II se ferait sous la pression des circonstances – pour mettre fin, en particulier, à quatre ans de vacance du siège –, une carrière ecclésiastique n’ayant pas forcément été prévue pour lui 29. À la 28. P. Bertolini, Atanasio III, dans DBI, IV, Rome, 1962, p. 518-519. 29. P. Bertolini, Atanasio II… cité n. 6. Il n’est pas possible de faire ici une chronologie détaillée de la vie d’Athanase II, mais on peut mettre en évidence deux principaux points : a) La Translation d’Athanase affirme que celui-ci aime et éduque son neveu [Vita et Translatio, éd. A. Vuolo, cité n. 22, 3, 1 p. 146], mais ce texte cherche justement à démontrer la parfaite continuité entre les deux hommes, au service de la légitimité d’Athanase II. L’oncle peut prendre son neveu à son école, mais pas forcément pour faire de lui un évêque. b) Erchempert prête à Athanase II tous les défauts, mais pas le non-respect du célibat [Th. Granier, Napoli-
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mort d’Athanase II en 898, son oncle Étienne III, chassé vers 875 de son siège de Sorrente, lui succède, dans un contexte difficile pour l’évêché ; ce transfert de siège est très âprement critiqué et suscite la rédaction d’un libelle polémique en sa faveur 30. Nous ignorons presque tout des successeurs d’Athanase III : on suppose un évêque Pierre entre 957 et 962 ; Niketas est attesté vers 962, Grégoire vers 969. Seul ce dernier nom peut faire supposer une appartenance à la famille ducale 31. Nous ne pouvons donc pas affirmer que la famille ducale continue à occuper le siège épiscopal après Athanase III, hormis quelques cas isolés aux xie et xiie siècles, et l’anthroponymie semble même prouver le contraire. Même si, en 870 encore, une partie du clergé napolitain reste étroitement liée au duc Serge II et refuse de tenir compte de l’excommunication prononcée par Adrien II 32, Athanase réforme profondément les institutions du clergé urbain à partir de 849 : les collèges de prêtres hebdomadiers, en particulier, doivent désormais jouer un rôle important dans l’élection épiscopale, même s’ils ne peuvent empêcher la longue vacance de 872-876. La succession familiale n’est donc pas assurée, les institutions ne la facilitent pas forcément, et il semble même qu’elle ne soit pas prévue. Même si elle se produit, de fait, pendant un siècle, cette succession ne réussit pas à instaurer une unanimité : le conflit déclenché en 870-872 entre le duc Serge II, allié des bandes sarrasines contre les Lombards, et son oncle Athanase, qui défend la stricte position antisarrasine romaine, peut se prolonger au sein de la famille et influer sur l’entreprise de rédaction des parties II et III des Gesta. Les parents et successeurs d’Athanase II peuvent juger diffétains et Lombards… cité n. 6, p. 426-429] ; s’il avait des enfants au cours de son épiscopat, l’historien ne se priverait probablement pas de le signaler. Sa fille Gemma épouse Landolf de Capoue [Chronicon Salernitanum, éd. U. Westerbergh, Stockholm, 1956 (Acta Universitatis Stockholmiensis. Studia latina Stockholmiensia, 3), c. 153, p. 160 l. 30-p. 161 l. 2] sans que ne soit mentionnée aucune indignité quant à sa naissance. Athanase II pourrait donc rompre la vie commune avec son épouse à son élection, conformément aux exigences de son état, et ses filles être nées avant 876. Je remercie Thierry Stasser (Bruxelles) pour avoir discuté ce point avec moi et renvoie pour plus de détails à son livre: Où sont les femmes? Prosopographie des femmes des familles princières et ducales en Italie méridionale depuis la chute du royaume lombard (774), jusqu’à l’installation des Normands (env. 1100), Oxford, 2008 (Prosopographica et Genealogica, 9), p. 33, 39, 231, 233, 248, 252, 256, 269, 362-363 et 458. 30. G. Sangermano, Momenti della politica degli stati della Campania medievale nel Libellus in defensionem Stephani episcopi del prete Ausilio, dans M. C. De Matteis (éd.), Ovidio Capitani : Quaranta anni per la storia medioevale, Bologne, 2003, p. 335-343. 31. MND, cité n. 18, I, p. 226-228, sans aucune indication sur l’origine de Grégoire. 32. Vita et Translatio, éd. A. Vuolo, cité n. 22, 7, 27-41, p. 137-138 et G. Arnaldi, Anastasio Bibliotecario a Napoli nell’871. Nota sulla tradizione della « Vita Athanasii episcopi neapolitani » di Guarimpoto, dans La Cultura, 18-1, 1980, p. 3-33, ici p. 4.
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remment son épiscopat : il y a peut-être, au temps d’Étienne III, un refus initial de faire rédiger sa notice ; plus tard, elle est effectivement rédigée ; plus tard encore, elle est peut-être supprimée. La domination de la même famille sur les deux charges, ducale et épiscopale, peut être mal vue par certains, y compris dans l’entourage direct des évêques, car si le manuscrit est bien mutilé, c’est dans les archives cathédrales. L’entreprise de composition des parties II et III, pour laquelle on mobilise les grands auteurs, Jean Diacre et Pierre SousDiacre, est donc peut-être une tentative pour consolider par le poids de l’écrit, de justifier une succession familiale fragile, voire contestée. La très précoce réputation de sainteté d’Athanase, effective au plus tard en 877, pourrait jouer là un rôle majeur et expliquer le fait que la partie II s’achève sur lui, même si elle est commandée par Étienne III, dont le choix peut être de faire se conclure l’œuvre sur le grand saint récent et familial, et non sur son prédécesseur immédiat, même s’il est aussi son parent ; il ne s’agit donc pas forcément d’éliminer Athanase II en tant que personne 33. Cette éventuelle tentative n’est guère efficace puisque la fin de la partie III est peut-être bien éliminée et que de toute façon la famille ducale ne semble pas conserver le siège. Malgré l’importance que semble revêtir cette question familiale, rien ne prouve que ce soit la seule clef de composition du texte. Il faut peut-être le comprendre dans sa dimension institutionnelle plutôt que dans une éventuelle dimension familiale. Dans ce cas, et quel que soit le commanditaire là encore, faire se clore l’œuvre sur le saint évêque récent est peut-être plus important pour l’église de Naples que de montrer la succession familiale des derniers évêques, succession qui, au début du xe siècle, ne semble ni solide, ni liée à un projet défini, et suscite critiques et oppositions. Cette approche des Gesta episcoporum Neapolitanorum peut être synthétisée en un modèle de l’entreprise de rédaction qui puisse inviter à la comparaison avec les autres textes du genre. D’abord, la période totale de rédaction est globalement très courte : dans les années 840, puis vers 900, enfin au plus tard jusqu’en 957 (?). Lorsqu’elle est commencée, l’entreprise est nouvelle, l’auteur de la partie I disposant d’un très maigre matériau sur les évêques euxmêmes. Les auteurs des première et deuxième parties ont, du fait de leur information, des propos très différents (ce qui nous reste de la troisième est trop maigre pour nous permettre de saisir réellement le propos de son auteur) : 33. D. Mallardo, Storia antica… cité n. 2, p. 84, affirme que Jean Diacre et Étienne III éliminent volontairement Athanase II.
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pour la partie I, montrer la gloire de l’église de Naples et sa place dans la hiérarchie et l’histoire de l’Église universelle. Or, du fait de ses lacunes et parce qu’elle s’arrête longtemps avant le présent, l’œuvre finale, telle qu’elle se présente aujourd’hui dans le manuscrit Vat. lat. 5007, joue mal ce rôle. Pour Jean Diacre, faire le récit des épiscopats récents, de l’action des évêques dans la cité et de leurs rapports avec Rome. Les manuscrits Florence, Biblioteca Medicea Laurenziana, San Marco 604 et Rome, Biblioteca Corsiniana 777 reflètent le fait que les pièces du dossier de travail sur les évêques sont encore disponibles aux xe-xie siècles, que l’on travaille encore sur le souvenir des évêques, mais avec des objectifs, une portée, un propos différent, et ce, alors que l’entreprise des Gesta est abandonnée. On compose par ailleurs, entre le viiie et le xiiie siècle, les Vies et les Miracles de quelques saints évêques locaux. Les Gesta ne constituent donc qu’un bref moment, très particulier, dans un processus bien plus long et multiforme de construction du souvenir des évêques et de définition de leur position dans l’Église universelle et son histoire. Quant à l’état actuel du manuscrit 5007, il prouve que la position des auteurs successifs n’est pas forcément unanimement acceptée, mais aussi que personne ne cherche à remédier ou ne peut remédier aux pertes accidentelles ou délibérées. Il est possible que l’imbrication problématique, contestée, des aspects institutionnels et familiaux entre 850 et 950 soit l’une des raisons qui pousse à abandonner ainsi la rédaction des Gesta. Mais surtout, tout se passe comme si, dans le milieu épiscopal, on s’apercevait assez vite que des gesta ne sont pas le meilleur outil pour prouver la gloire et la spécificité de l’église locale, que l’on a une autre carte à jouer, celle du culte des saints, de l’hagiographie, de l’exploitation des liens spéciaux de Naples avec le monde byzantin. L’entreprise de rédaction de gesta semble intéressante un temps, entre le milieu du ixe et le début du xe siècle, dans le cadre de la politique carolingienne et pontificale d’intervention dans le Mezzogiorno. Ensuite, le contexte est différent : éloignement de la menace sarrasine après la victoire du Garigliano en 915, reprise des tensions entre les pouvoirs locaux et retour de l’influence byzantine entre les deux prises de Bari, par Louis II en 871 et par Robert Guiscard en 1071. Après le début du xe siècle, Naples ne joue plus la carte de l’alignement sur Rome par le biais de l’histoire épiscopale, mais celle de la spécificité et du prestige locaux par celui du culte et de l’hagiographie. Le choix des évêques n’est plus celui de faire raconter l’histoire de leur succession, mais de se placer en médiateurs avec le sacré, responsables du culte, de sa promotion et de son expression littéraire – parfois de très haut niveau – dans l’hagiographie, phénomène qui atteint sa pleine floraison dans les années 910 à 960. C’est désormais par le culte rénové des grandes figures
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de martyrs et de confesseurs de la période modèle des persécutions et de la mise en place de l’Église institutionnelle qu’ils donnent à leur siège sa place dans l’histoire de l’Église universelle. Après 990 au plus tard, l’élévation au rang métropolitain à la fois impose l’alignement sur Rome et confirme le prestige local, synthétisant et confirmant sur le plan institutionnel ce qui depuis les années 840 s’affirmait dans les textes. Ni la poursuite des Gesta ni celle des grandes réécritures hagiographiques ne sont plus nécessaires.
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The Liber pontificalis of the Church of Ravenna : its relation with its Roman model Deborah M. Deliyannis
Agnellus wrote his history of the bishops of Ravenna, the Liber pontificalis ecclesiae Ravennatis (which I will call the LPR) in the 830’s and 40’s 1. The work consists of a vita of each bishop of Ravenna from the apostolic founder, Apollinaris, to Agnellus’s own day. There is no evidence that he knew about the gesta of Naples, and while he certainly knew Paul the Deacon’s Historia Langobardorum, it seems unlikely that he would have known that author’s gesta of the bishops of Metz. It is thus not clear whether Agnellus knew that he was working in a new historiographical genre, but in any case he had a more specific reason to imitate the Roman Liber pontificalis: he was writing his work to elevate the claims of the church of Ravenna against those of Rome and to demonstrate Ravenna’s ancient history of independence from Rome. Agnellus’ Liber pontificalis of Ravenna provided his bishops with a lineage almost as ancient and distinguished as that of the popes. Because of his antagonism toward the papal see, Agnellus did not merely imitate the Roman Liber pontificalis but reacted against its claims. I have shown elsewhere that Agnellus had a later eighth-century version of the Liber pontificalis that he used both as a literary model and as a source of information 2. In addition to imitating the basic structure of papal vitae, he used some of the same categories of information, and even some of the same terminology, particularly with reference to artistic and architectural patronage. Yet Agnellus’ work also differed in significant ways from his model: he made extensive use of hagiographical material, to the point that some of his vitae are purely hagiographic. In addition, he included numerous passages that seem to be excerpts from exegetical literature, particularly sermons, to highlight some of his themes and moral points. Thus, as is true of every example of gesta episcoporum, Agnellus imitated the model but introduced his own variations as well. 1. Agnelli Ravennatis Liber pontificalis ecclesiae Ravennatis, ed. D. M. Deliyannis, Turnhout, 2006 (Corpus Christianorum, Continuatio mediaevalis, 199); see also D. M. Deliyannis, trans., The Book of Pontiffs of the Church of Ravenna, Washington, 2004. 2. See D. M. Deliyannis, The Book of Pontiffs…, p. 20-28.
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Agnellus was well aware that the Liber pontificalis was a highly biased and propagandistic piece of historical writing. In his use of the Liber pontificalis as a source of information, he did not simply take information from the Roman text, but he carefully responded to the bias in the Roman text by explaining Ravenna’s side of the story. We can see this most clearly when we look at events described in Agnellus’ vita of Sergius, who was archbishop from 744 to 769. Sergius reigned at a time when antagonism between the two sees was at its height, and the Roman Liber pontificalis for this period has a very antiRavenna slant. In his biography of Sergius, Agnellus garbles a sequence of events from the Liber pontificalis’ vitae of Popes Zacharias, Stephen II, Paul I, and Stephen III. As I will demonstrate, Agnellus’s recounting of mid-eighth century events is not due to his incompetence as a historian, but to his methodological practices and his desire to portray Ravenna-papal relations in a light most favorable for the claims of Ravenna’s archbishops. By looking both at what Agnellus did use and what he did not use, we can understand the LPR not simply as an imitation of a model, but as a reaction to the model for specific political reasons.
Ravenna and Rome I would like to begin by reviewing the history of the rivalry between the archbishops of Ravenna and the popes, which went back at least to the late sixth century. Archbishop John II (reigned 578-595) is described by Agnellus as Romana natione 3, yet we know from papal letters that he quarrelled with Pope Gregory I over the wearing of the pallium by the archbishop of Ravenna. After a disputed election, Gregory personally selected John’s successor Marinian (reigned 595-606), also Romana natione, who had to overcome opposition in Ravenna to his appointment 4. Anti-Roman sentiment at Ravenna apparently continued to develop into the seventh century, because in 666 the emperor Constans II granted a privilege or typus of autocephaly to Archbishop Maurus of Ravenna. Autocephaly meant that the archbishop of Ravenna would be consecrated by three of his suffragan bishops rather than by the pope, and that he would not be subject to orders from the pope. The fact of 3. LPR ch. 98; Gregorius Magnus, Registrum epistularum, 2 vols., ed. D. Norberg, Turnhout, 1982 (Corpus Christianorum, Series Latina, 140-140A); see 1.35; 2.25, 2.34, 2.38; 3.54; 5.1, 5.11, 5.15, and 5.24. 4. LPR ch. 99; Gregorius Magnus, Reg. Epist. 3.54, 5.11, and 5.15.
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autocephaly did not last long; Archbishop Theodore, although consecrated in Ravenna in 677, resubmitted Ravenna’s church to Pope Agatho in 680, and returned the typus of autocephaly to Pope Leo II. By 682, the emperor had issued a decree formally revoking it. It is interesting to note that Ravenna’s first known historiographical production, the Passio sancti Apollinaris, which relates the story of Ravenna’s first bishop as a disciple of St. Peter, is thought to have been composed as propaganda related to this rivalry sometime in the sixth or seventh century, in order to give Ravenna quasi-apostolic status 5. With the dissolution of the Byzantine exarchate in the early eighth century, the popes and the archbishops of Ravenna maneuvered to control the former exarchal territories, adding a new dimension to their rivalry 6. Several of the archbishops of the eighth century, notably Felix and Sergius, continued the struggle for autonomy, with limited success; the shifting political situation in Italy meant that some of the time the archbishops were necessarily allied with the popes, as for example over Iconoclasm. After the death of Archbishop Sergius in 769, there was another contested election, which involved the clergy, the Duke of Rimini, the Lombards, the pope, and the Carolingians 7. Leo, the successful candidate, was from the pro-papal party; nevertheless, when Charlemagne conquered Italy, Leo wrote to Charlemagne, reminding him of their earlier contacts, and requesting autonomy from Rome, which
5. G. Zattoni, La data della “Passio S. Apollinaris” di Ravenna, in Id., Scritti storici e ravennati, comp. M. Mazzotti, Ravenna, 1975, p. 113-128 (first published in Atti della Reale Accademia delle scienze di Torino, 39, 1904); Id., Il valore storico della “passio” di S. Apollinare e la fondazione dell’episcopato a Ravenna e in Romagna, Ibid., p. 185-233 (first published in Rivista storico-critica delle scienze teologiche, 1, 1905, p. 10ff., and 2, 1905, p. 3ff.); F. Lanzoni, Le fonti della leggenda di Sant’Apollinare di Ravenna, in Atti e memorie della deputazione di storia patria per le provincie di Romagna, 4th ser., 5, 1915, p. 111-176; M. Mazzotti, Per una nuova datazione della “Passio S. Apollinaris”, in Studi romagnoli, 3, 1952, p. 123-129; G. Orioli, I vescovi di Ravenna – Note di cronologia e di storia, in Bollettino della Badia Greca di Grottaferrata, 32, 1978, p. 45-75, at p. 67-75; and G. Orioli, La Passio sancti Apolenaris secondo il codice petropolitano, in Ravenna, Studi e ricerche, 8, 2001, p. 13-62. 6. On the late eighth and early ninth century conflict between the popes and the archbishops of Ravenna, see especially T. F. X. Noble, The Republic of St. Peter: The Birth of the Papal State, 680-825, Philadelphia, 1984, and R. Savigni, I papi e Ravenna. Dalla caduta dell’esarcato alla fine del secolo X, in A. Carile (ed.), Storia di Ravenna, II-2: Dall’età bizantina all’età ottoniana: ecclesiologia, cultura e arte, Venice, 1992, p. 331-368. 7. Agnellus’ vita of Leo is missing from the manuscripts; what we know of these events comes from the Roman Liber pontificalis, Vita Stephani III, ch. 25-26 (Le Liber pontificalis: texte, introduction et commentaire, ed. L. Duchesne, 2 vols., Paris, 1886-92). See T. F. X. Noble, The Republic of St. Peter… cit. n. 6, p. 119 and R. Savigni, I papi e Ravenna… cit. n. 6, p. 336.
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earned him the epithet nefandissimus archiepiscopus from Pope Hadrian 8. In the early ninth century, the bishops of Ravenna had apparently been alternately currying favor with the popes and the Carolingian emperors in order to bolster their authority both within and beyond their local jurisdiction. Petronax, who reigned c. 818-37 and whose vita is missing from the manuscript of the LPR, seems to have pursued a pro-papal policy: Petronax received a privilege from Pope Paschal I in 819, and later attended a council held in Rome in 826 9. Petronax’ s successor George, who reigned c. 837-46, on the other hand, bribed his way into the imperial inner circle, serving as the baptismal sponsor of the emperor Lothar’s daughter. George later went to Francia with a large part of Ravenna’s treasure, against papal advice, apparently in order to gain influence with the emperor 10. Agnellus seems to have been a member of the anti-papal faction to which George belonged. Again and again Agnellus makes anti-Roman statements; stories of bishops of Ravenna defying the popes are told with approval, bishops who worked with the popes are vilified 11. Agnellus seems to have been seriously alarmed at the direction Petronax’s policies were taking in the late 820s and early 830s, and it is likely that this rapprochement with Rome caused Agnellus to begin writing the LPR as a Ravennate response to the Roman propaganda of the Liber pontificalis.
Agnellus and the Roman Liber pontificalis As I have noted, Agnellus was well acquainted with a version of the Roman Liber pontificalis that went up to the 790’s. He used this vehemently proRoman text as a historical source, but in a subtle way, never quoting from it directly, but always responding to its information. Every time an archbishop of Ravenna is mentioned in the Liber pontificalis, up to the year 731, there is
8. Codex Carolinus, ed. W. Gundlach, MGH, Epistolae Merowingici et Karolini aevi, I, Berlin, 1892, no. 49 p. 568-9; see also nos. 53-55, p. 575-80. See T. F. X. Noble, The Republic of St. Peter… cit. n. 6, p. 142 and 169-71. 9. T. S. Brown, Louis the Pious and the Papacy, A Ravenna Perspective, in P. Godman and R. Collins (ed.), Charlemagne’s Heir, New Perspectives on the Reign of Louis the Pious (814840), Oxford, 1990, p. 297-308, at p. 304. 10. LPR, ch. 171-5; Brown, ibid. 11. See D. M. Deliyannis, Agnellus of Ravenna and Iconoclasm: Theology and Politics in a Ninth Century Historical Text, in Speculum, 71, 1996, p. 559-576, at p. 566.
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a corresponding passage in the LPR. This can be seen in Table 1 12. Not only do the passages correspond, but Agnellus takes pains to present each event according to his Ravennate, anti-Roman bias, which means that his text often contradicts information in the Liber pontificalis. The Liber pontificalis says that, among other steps taken to revoke autocephaly, the death of Maurus was ordered not to be commemorated at Rome; Agnellus adds that the death of Pope Vitalian was likewise not celebrated at Ravenna, but that of Maurus was commemorated secretly. The Liber pontificalis says that the church of Ravenna was reconciled with the pope by Archbishop Reparatus shortly before his death; Agnellus says pointedly that Reparatus “did not subjugate himself to the Roman see 13”. The Liber pontificalis says that Archbishop Theodore was reconciled with Pope Agatho, and that autocephaly was ended by Theodore and Pope Leo II; Agnellus makes Theodore into the wickedest of his bishops, and depicts him as plotting underhandedly against his clergy with both Agatho and Leo II. The Liber pontificalis tells us that Archbishop Felix had rebelled against the authority of the pope, and portrays his capture and blinding as divine punishment; the death of Justinian II is a depicted as a tragedy, and after his return Felix is reconciled with Rome. Agnellus makes Felix one of the saintly bishops of Ravenna; his blinding is described in hagiographical terms, and upon the deserved violent death of Justinian II, Felix performs several miracles on his way home. No mention is made of a quarrel or reconciliation with Rome; the entire story is set in the frame of Ravennate-Byzantine politics. The only case in which Agnellus did not dispute the Liber pontificalis’ testimony was in describing the consecration of Archbishop Damian at Rome. Where Agnellus could not contradict the evidence of the Liber pontificalis,
12. The only exception is Archbishop John V of Ravenna’s participation at an anti-iconoclastic council at Rome, mentioned in the vita of Gregory III (731-741); see D. M. Deliyannis, Agnellus of Ravenna and Iconoclasm… cit. n. 11, p. 563-566. 13. The Roman Liber pontificalis, Vita Doni (ed. Duchesne, I, p. 348) says: “Huius [Doni] temporibus ecclesia Ravennas, quae se ab ecclesia Romana segregaverat causa autocephaliae, denuo se pristinae sedi subiugavit. Cuius ecclesiae praesul nomine Reparatus e vestigio, ut Deo placuit, vitam finivit.” Here it is the ecclesia Ravennas that submits to Rome; it is significant that in the passage in the LPR, Reparatus “non sub Romana se subiugavit sede”. The statement in the LPR clearly echoes the phraseology in the Liber pontificalis. Agnellus must have interpreted the passage in the Liber pontificalis to mean that some members of the Ravennate church submitted to Rome, but Reparatus was not among them, indication of dissention which resulted in the election of Theodorus as the next archbishop.
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he ignored it 14, and at the same time he portrayed the popes in question as vindictive, corrupt, greedy, and unjust.
The Vita of Sergius The years of Archbishop Sergius’ reign (744-69) were among the busiest and most complicated in Ravenna’ s history. In 727 the Byzantine emperor Leo III had promulgated the policy of Iconoclasm, which the bishops of Italy, including the archbishops of Ravenna and the popes, refused to follow. Ravenna, as the capital of the Byzantine exarchate in Italy, was thus in rebellion against the empire in the 730’s and 40’s. In 751, the Lombards under their king Aistulf captured Ravenna and did away with Byzantine rule in northern Italy. Pope Zacharias went to Aistulf and asked that the territories of the exarchate be given back to him, and Aistulf agreed. However, Sergius was apparently also exterting his power in the territories at the same time. In 769, Pope Stephen III convened a council at Rome, at which, among other things, the Acts of the Iconoclastic Council of Hiereia were officially rejected; a deacon John represented Sergius, who died shortly before or after the council 15. The mid-seventh century in Italy is particularly rich in historical sources. Of course, some of our information comes from Agnellus, but we also have detailed accounts in the Roman Liber pontificalis, papal letters, Paul the Deacon’s Historia Langobardorum, Frankish sources, and acts of the church council. We are thus particularly well prepared to compare Agnellus’ account of Sergius’ reign to what we know from other sources. The discrepancies between Agnellus’ account and some of these sources has resulted in accusations
14. For example, he ignores several passages in the Liber pontificalis that assert the right of the papacy to control the former exarchate (Liber pontificalis, Vita Zachariae, cc. 9, 12-17, ed. Duchesne, I, p. 428-31; Vita Stephani II, chs. 26, 37, 47, ed. Duchesne, I, p. 447-8, 451, 454). It should also be pointed out that the inclusion of such passages in the Liber pontificalis is a political statement by the authors in the papal administration, who were as much concerned with asserting Rome’s control over Ravenna as Agnellus was with refuting it. 15. Liber pontificalis, Vita Stephani III, chs. 17 and 23, ed. Duchesne, I, p. 474-7. In this passage, the bishop of Ravenna is named as Leo; whereas in the Acta of this council the bishop of Ravenna is listed as Sergius, MGH, Concilia aevi Karolini, II-1, Hanover-Leipzig, 1906, p. 80 (also Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio, ed. G. D. Mansi, 53 vols. [Florence, 1759-98], XII, col. 714). See also MGH, Concilia aevi Karolini, I, p. 74-92.
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against Agnellus’ historiographical skills. I prefer to see Agnellus as an author who was shaping historical information to suit his own purposes. In his biography of Sergius, Agnellus’s anti-papal arguments reach their climax. Agnellus tells us that Sergius was a layman of noble family, whose wife became a deaconess after his consecration. The election of Sergius was apparently contested, perhaps split between Greek and Latin clergy, or perhaps between political factions, since Agnellus then says: “Haec autem ciuitas uexabatur a Longobardis et Veneticis. Non possumus per tanta discurrere, quia olescit (…)”. When Sergius returns from his consecration at Rome, the clergy refuse to work with him. Sergius consecrates new clergy, which brings the old ones round, and they work out a compromise. Agnellus next describes the activities of the popes, the Lombards, and Pepin the Short. King Aistulf visits Ravenna (is this his conquest of 751?) and presents gifts to the church; Agnellus adapts a story from Paul the Deacon’s Historia Langobardorum to explain (incorrectly) the etymology of Aistulf ’s name. Finally, Agnellus comes to the heart of his story: the arrest of Sergius and his trial at Rome. Sergius and the pope quarrel; Sergius seems to have been supporting Aistulf against the pope, but another faction of Ravennate citizens delivers him up to the pope in Rome. Sergius is put on trial as a usurper, but is delivered from disgrace by divine intervention, good luck, and some bribes. One pope dies in the middle of the trial, and Sergius promises to give the greedy new pope whatever the latter wants from the treasury of Ravenna. When that pope comes to claim his reward, the clergy of Ravenna have to resort to clever stratagems to preserve anything from the pope’s clutches. After allying himself with the pope, Sergius helps arrest members of the anti-papal faction and sends them to Rome. At that point the vita breaks off, and unfortunately the rest of Sergius’ vita, and the vita of his successor Leo, are missing from the only extant manuscript of the LPR. In sum, Agnellus presents Sergius as a genuine Ravennate hero; he wistfully tells us how Sergius “ueluti exarchus sic omnia disponebat, ut soliti sunt modo Romani facere 16”. Sergius represents an ideal combination of ecclesiastical and secular authority to which the ninth-century bishops of Ravenna should aspire.
16. LPR, ch. 159.
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The Liber pontificalis as a literary model Agnellus’s vita of Sergius contains an intriguing mix of literary and factual references to information in the Liber pontificalis. First of all, Sergius is mentioned by name in the Liber pontificalis in the context of the trial of the intruder pope, Constantine II, which is found in the vita of Pope Stephen III. I will tell the Liber pontificalis’ story in some detail, so that it will be clear that Agnellus used it in more than one way. After the death of Pope Paul I in 768, the Duke of Nepi entered Rome and forced the election of his brother, Constantine, as pope. Eventually Constantine’s faction was overthrown and Stephen III was restored as popeelect. According to the Liber pontificalis, Constantine was dragged from sanctuary, imprisoned, and, the day before the consecration of Stephen, “Maurianus subdiaconus orarium de eius [Constantini] collo abstulit, et ante pedes eius proiecit” in the assembly of all the bishops and clergy. Constantine was then imprisoned in a monastery and blinded. After the political situation had stabilized, the pope called a council of bishops in Rome (this is the anti-iconoclastic council of 769, to which Sergius sent a deacon as representative). Constantine was put on trial, which lasted two days. He was asked, “cur praesumpsisset apostolicam sedem laicus existens invadere?” On the first day he claimed that he had been forced into the papal office by the Roman people; on the second day he replied that it was “quia et Sergius archiepiscopus Ravennantium, laicus existens archiepiscopus effectus est, et Stephanus episcopus Neapolitanae civitatis”. This defense does not serve; Constantine is beaten and cast out of the church. The clergy he had consecrated are reduced to their former statuses 17. The vita of Sergius in the LPR displays some interesting similarities to the story of the usurper Constantine. We are told that when he is elected, half the clergy oppose him, so he consecrates new ones to take their places. This is sufficient to bring the old clergy back to his fold, and all are reconciled in a truce of peace 18. The main event in the vita of Sergius is his trial at Rome. According to Agnellus, on the first day Sergius is accused, “Neophitus es, non ex ouile fuisti nec secundum canones in Rauennensi ecclesia militasti, sed subito inuasisti cathedram quasi latro, et sacerdotes tuos, qui digni donis ecclesiae perfrui, reppulisti, et per saecularium fauorem, potenter tamen, sedem optinuisti”. Sergius replies that he was elected by the Ravennate clergy and people, and 17. Liber pontificalis, Vita Stephani III, chs. 13, 18 and 19, ed. Duchesne, I, p. 472, 475. 18. LPR, ch. 154.
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that he had been consecrated by the pope himself, who knew he was a layman (quomodo laicus fui). The first day of the trial is inconclusive: “Haec audiens papa, in furorem uersus, asseruit se die crastino manibus suis orarium a collo eius eueleret.” Unlike Constantine, Sergius does not have a second day of trial; because of his prayers to God and St. Nicholas, the pope miraculously dies that very night, and Sergius comes to an arrangement with his successor 19. The parallels between this story and that of Constantine are obvious: the two-day trial in an assembly of bishops, the accusation of being a layman and “invading” the high office, the phrase orarium a collo eius to indicate degradation from the episcopacy, even the problem of extra consecrated clergy. And, of course, according to the Liber pontificalis, Constantine had made the status of Sergius part of his own defense. Was there such a trial of Sergius in Rome? There is probably some element of truth to the fact that Sergius was called to Rome by Pope Stephen II some time around 755 and was kept there until the latter’ s death in 757 20, as part of the struggle over who would control the former exarchate, but the details of the trial seem to have been created by Agnellus on the model of the Liber pontificalis. It is extremely unfortunate that the end of the vita of Sergius and the vita of Leo in the LPR no longer survive. It is again the Liber pontificalis which is our source for the narrative of the death of Sergius and the troubled election of Leo, which also parallels the story of Constantine and Stephen III in many ways. Here we can see another interesting correspondence with Agnellus’ vita of Sergius. The Liber pontificalis tells us that a certain Michael forcibly seized the episcopal throne of Ravenna with the help of the Duke of Rimini. Michael attempted to bribe his way into his position: “Tunc direxit quantocius praedictus Michelius atque Mauricius et iudices Ravennantium civitatis ad praefatum beatissimum pontificem, promittentes ei copiosa munera ut ipsum Michelium archiepiscopum consecrare deberet. Ipse vero beatissimus praesul per nullius dationis promissionem inclinatus est eundem Michelium consecrare (…).” Michael does send many “presents” to Desiderius, now king of the Lombards, “etiam et quimilia et ornatus ipsius ecclesiae cum aliis diversis speciebus (…) 21”. Thus, according to the Liber pontificalis, Ravenna is a place of bribery and corruption, whereas the pope takes the moral high ground. This is a far cry from the pope in Agnellus’ story who is successfully bribed by Sergius, and who carries 19. LPR, ch. 157. 20. For a complete discussion, see T. F. X. Noble, The Republic of St. Peter… cit. n. 6, p. 104-6. 21. Liber pontificalis, Vita Stephani III, ch. 25, ed. Duchesne, I, p. 477.
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off Ravenna’s sacred equipment and ornaments of the church and takes them back to Rome! Agnellus may have resented the papal and Carolingian involvement in the establishment of Leo as archbishop of Ravenna, and may have thus sympathized in some sense with the anti-pope Constantine and antiarchbishop Michael 22.
The Liber pontificalis as a source of information Besides these narrative and thematic echoes, Agnellus’ vitae of Sergius and his predecessor John V contain a great deal of other information about the mid-eighth century popes that contradicts what is told in the Liber pontificalis. Table 2 sets the information from the two texts side by side 23. There is no way to reconcile the two accounts; it should be pointed out that the Roman version also contains some inaccuracies, such as listing Archbishop Leo as present at a council before reporting the death of his predecessor Sergius. The first item, Pope Zacharias’ visit to Sant’ Apollinare in Classe, is reported more or less the same way in both texts, but is placed by Agnellus in the vita of Sergius rather than in the vita of John V. Agnellus had good reason to downplay the importance of John V: the Liber pontificalis states that John and the exarch appealed to Pope Zacharias to save the city and the Pentapolis from the Lombards. Zacharias arrived secretly in Ravenna, celebrated mass in Sant’ Apollinare in Classe, and then proceded to Pavia where he talked King Liutprand out of attacking. Thomas Noble has pointed out that this passage in the Liber pontificalis indicates that the popes thought of Ravenna and the exarchate as part of their “flock”, in other words, under the control of Rome 24. From the Ravennate point of view, John’s act was one of cowardice, an indication that he considered the pope to be his superior; Agnellus may have placed
22. Leo, after being made archbishop, pursued policies that were both anti-Lombard and anti-papal; this can be seen both in the Liber pontificalis’ vita of Hadrian in his connection with the Paul Afiarta affair, and in the letters in the Codex Carolinus. We cannot know exactly what Agnellus knew of this. See R. Savigni, I papi e Ravenna... cit. n. 6, p. 336-337. 23. Much of this information is discussed by O. Bertolini, Sergio arcivescovo di Ravenna (744-769) e i papi del suo tempo, in Studi romagnoli, 1, 1950, p. 43-88. 24. T. F. X. Noble, The Republic of St. Peter… cit. n. 6, p. 53-5. Agnellus provides a pointed counter-example to this in ch. 39, where he notes that Bishop John I saved all of the Romans from Theodoric, “Inuitat nouum regem de oriente uenientem, et pax illa ab eo concessa est, non solum Rauennenses ciues, sed etiam omnibus Romanis, quibus beatus postulauit Iohannes”.
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the visit of Zacharias to Sant’ Apollinare in Classe in the vita of Sergius deliberately to disavow the humiliating conduct of John. The subsequent sequence of events is puzzling. There was a papal succession Stephen-Paul-Stephen, but it was the first two who were brothers, not the last two as Agnellus claims. The order of the events in the LPR is more or less correct, even though the papal names are wrong. Agnellus identifies only three popes: Zacharias, Paul, and Stephen. However, all of the actions ascribed to these three were actually performed by the one who is omitted in Agnellus’s account, Stephen II. He is the pope who made one journey to Francia in 75354; he was succeeded by his brother Paul (not the other way round); he brought Sergius to Rome, who was only freed after his death; he took hostages from Ravenna 25. And yet, as we have already seen, the account of Sergius’ trial is derived from the vita of Stephen III, in whose biography the death of Sergius is announced. So, did Agnellus just get it wrong, or was there more going on here? In part, he got it wrong, and I believe that this has to do with his methods of historical research. Agnellus searched through historical texts, hagiographical texts, documents, and inscriptions to find information about the bishops of Ravenna; wherever he found the name of a bishop, he entered some information into the LPR in the biography of that bishop. I have proposed that this methodology is responsible for a number of the chronological errors in Agnellus’ information, because Agnellus tended to use the name of a bishop as a terminus post quem and then assumed that all information after that name applied to that bishop. We can see this clearly in his use of Paul the Deacon’s Historia Langobardorum and of the consular annal at his disposal, and we can also see it in his use of the Liber pontificalis 26. Agnellus knew from the Liber pontificalis that Archbishop John V reigned during the pontificates of Gregory III and Zacharias. He knew that Sergius died while Stephen III was pope; thus he knew that Sergius was a contemporary of the four popes after Zacharias. Agnellus had a few other sources for the vita of Sergius which may have connected the bishop with various named popes. He says that when Pope Paul was on his way to France, he stayed in a valley called Galliata, where Sergius did not come to meet him; this story seems to have been derived from a papal bull issued by Pope Paul that mentions Stephen’s visit to a monastery at Galliata that was later restored to the
25. For an examination of this issue, see O. Bertolini, Sergio… cit. n. 23. 26. See D. M. Deliyannis, ed. LPR, p. 20-39.
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church of Ravenna 27. A copy of this bull was surely in Ravenna’s archive, and Agnellus may have seen it and confused the journeys to Francia, assigning one to Paul; however, no bishops of Ravenna are named in the bull. Agnellus may also have seen a list of objects given to or taken by a pope, quoted in c. 157, which contained the names of Sergius and a Pope Stephen 28. Thus, Agnellus had evidence to connect Sergius to popes named Stephen, Paul, and Zacharias. As we have seen, Agnellus puts the names of the popes in the correct order, but he omits Stephen II and assigns the many events from his reign to the other three popes; all of these events indeed occurred during the episcopate of Sergius. Agnellus also had other reasons for wishing to magnify Sergius as an independent ruler and to downplay the role of Stephen II. The Liber pontificalis explicitly says that Pepin gave to Stephen: “Et ipsas claves tam Ravennatium urbis quamque diversarum civitatum ipsius Ravennatium exarchatus una cum suprascripta donatione de eis a suo rege emissa in confessione beati Petri ponens, eidem apostolo et eius vicario sanctissimo papae, atque omnibus eius successoribus pontificibus perenniter possidendas atque disponendas tradidit, id est Ravennam, Ariminum, Pisaurum (…) 29.” This was a critical moment in Rome-Ravenna relations, and Agnellus suppresses it completely, even suppressing the existence of the pope who engineered it. On the contrary, as we have seen, Agnellus says that Sergius “ruled everything like the exarch 30”. I would therefore argue that Agnellus’ choices about which events to include and why were based partly on his research methodology. But the selec27. Liber pontificalis ecclesiae Ravennatis, ed. O. Holder-Egger, in MGH, Scriptores rer. Lang. et. Ital. saec. VI-IX, Hanover, 1878, p. 265-391, at p. 379, n. 1. The bull, dated Feb. 5, 759, is included in P. Jaffé, Regesta pontificum romanorum: ab condita ecclesia ad annum post Christum natum MCXCVII, Berlin, 1885-8, 2 vols, as no. 2342; it is found as Epist. XI of Pope Paul I in PL 89, cols. 1189-90: “ante horum (…) annorum sanctae recordationis dominus et germanus noster beatissimus Stephanus, huius apostolicae sedis praesul ad redimendam Italiae prouinciam, simulque exarchatum Rauennatium de manibus gentium, Franciae properasset regionem; contigit, eo reuertente, suum peragrari iter per monasterium beati Hilari, situm in terrirotio Populiense: cessante aemulorum saeuitia, gratissime atque cum maxima honoris humilitate susceptus est ab Anscauso (…) [Stephen took the monasterium from the church of Ravenna and gave it to Ascausus] (…) Nunc uero diuina uocatione ipso Anscauso de hac migrante luce, agnoscentes rei ueritatem, praedictum uenerabile monasterium iuris sanctae Rauennatis ecclesiae a diuturnis existere temporibus, ideoque perpendentes contra omnem rationem esse ut ipse uenerabilis locus a sancta Rauennate ecclesia abstrahatur (…).” 28. O. Bertolini, Sergio… cit. n. 23. 29. Liber pontificalis, Vita Stephani II, ch. 47, ed. Duchesne, I, p. 454. See T. F. X. Noble, The Republic of St. Peter… cit. n. 6, p. 92-94. 30. LPR, ch. 159.
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tion and arrangement of these events in the LPR effectively ignores the connections of Bishop John V with the popes, downplays the connections of the popes with the Carolingian kings, and creates a coherent narrative with the wily Bishop Sergius as its hero. Even God is on Sergius’ side in his struggle against the popes. Agnellus may have deliberately combined events from the vitae of all of these popes in order to construct a more coherent narrative for his vita of Sergius, one that emphasized the independence and power of Ravenna’s archbishop, in direct contradition to the subordinate position of the Ravennate church depicted in the Roman Liber pontificalis. Alas, Agnellus may have been a brilliant propagandist, but he did not convince the Carolingians. While the Liber pontificalis enjoyed wide distribution throughout Europe in the eighth and ninth centuries and later, Agnellus’ text languished in the archive of Ravenna, largely unknown outside of the city. It was Rome’s version of events that has dominated the historiography of early medieval Italy down to the present.
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Annexe Table 1. References to Archbishops of Ravenna in the Roman Liber pontificalis Information Death of Maurus not commemorated at Rome Reparatus [not] reconciled with Rome Theodorus reconciled with Rome Autocephaly revoked Damianus consecrated at Rome Felix captured, blinded, returned to Ravenna
LPR 112 116 124 124 125 137-143
LP V. Leonis II V. Doni V. Agathonis V. Leonis II V. Sergii V. Constantini
Table 2. Events in the Vita of Sergius from the Liber pontificalis and the LPR Vita Greg. III. 2 Zach. 12 Zach. 13
Zach. 16
Liber pontificalis Bishop John at a Council at Rome Bishop John asks the pope to save Ravenna Zacharias visits Sant’ Apollinare in Classe, on his way to Pavia
year 731
LPR
Vita
743
Bishop John V reigns 18 years, 725-744 Zacharias says mass in Sant’ Apollinare in Classe, on his way to Rome
John V 153 Serg. 155
Zacharias saves Ravenna from the Lombards
743
Aistulf comes to Ravenna in penitence 753 Zacharias goes to Francia because of Aistulf 754 Zacharias anoints Pepin 755
Serg. 155
743
751 Steph. II. 24-26 Steph. II. 27 Steph. II. 32-37
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Stephen II goes to Francia because of Aistulf Stephen II anoints Pepin Pepin attacks Aistulf
Serg. 155
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Steph. II. 39
Stephen II returns to Rome
755 755
Steph. II. 47 Paul I. 1
Steph. III. 16 Steph. III. 17 Steph. III. 19 Steph. III. 25
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Stephen II takes hostages from Ravenna Paul succeeds his brother Stephen II as pope Stephen III sends missi to Francia Bishop Leo of Ravenna at a council at Rome Mention of Sergius at trial of antipope Death of Bishop Sergius
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Paul brings Bishop Sergius to trial at Rome 757 Stephen succeeds his brother Paul as pope Stephen goes to Francia, steals treasure from Ravenna Stephen returns to Rome 756 Stephen takes hostages from Ravenna 757
Serg. 157
Serg. 157 Serg. 158
Serg. 159 Serg. 159
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Construire l’histoire d’une ville épiscopale : les Gesta Trevirorum (xiie siècle) Klaus Krönert
Les Gesta episcoporum sont un genre historiographique qui a connu son âge d’or entre le ixe et le xiie siècle, dans la société des Carolingiens et des dynasties qui leur ont succédé, notamment en Francie orientale 1. Les Gesta Trevirorum, texte qui a été achevé, dans sa première version, par un auteur anonyme, en 1101, s’inscrivent donc, à première vue, dans ce vaste mouvement d’écriture. Cependant, le titre de l’œuvre appelle à la prudence : Gesta Trevirorum n’est pas un synonyme de Gesta episcoporum treverensium. Le but de cette étude est précisément de s’interroger sur la signification et la fonction de ce texte dans la société de l’époque et de répondre à cette question centrale : les Gesta Trevirorum sont-ils une histoire des évêques de Trèves ? L’analyse sera organisée en trois temps : dans les deux premières parties, nous présenterons l’intégralité du texte et analyserons la méthode de travail de l’auteur afin de comprendre la structure de l’œuvre et sa genèse. Dans la dernière partie, nous interpréterons le texte dans une perspective d’histoire culturelle pour mettre en lumière le contexte dans lequel les Gesta Trevirorum furent composés.
Présentation générale des Gesta Trevirorum Les Gesta Trevirorum nous sont parvenus dans une trentaine de manuscrits dont neuf datent du xiie siècle 2. L’édition de référence est celle de Georg Waitz publiée dans les MGH 3, et l’étude de référence est la thèse de Heinz
1. Cf. M. Sot, Gesta episcoporum, gesta abbatum, Turnhout, 1981 (Typologie des sources du Moyen Âge occidental, 37), p. 7-8. 2. Une liste des manuscrits se trouve dans le commentaire de l’édition de référence (Gesta Trevirorum, éd. G. Waitz, dans MGH, Scriptores, VIII, Hanovre, 1848, p. 111-200 : p. 123-128) ; cf. également note 84. 3. Cf. note 2. Les Gesta Trevirorum sont également édités par J. H. Wyttenbach et M. F. J. Müller, Gesta Trevirorum, Trèves, 1836-1839, 3 vol. ; cf. également note 5.
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Thomas 4, dont l’approche est principalement philologique. L’ensemble des manuscrits, décrits et examinés par Waitz, permet de dégager trois versions différentes des Gesta 5. La première – celle qui est au centre de notre analyse – relate l’« histoire des Trévirois 6 » jusqu’en 1101, d’où l’hypothèse que cette version a été écrite ou au moins terminée en cette année-là. Le nom de l’auteur et le lieu de la rédaction de l’œuvre ne sont nulle part précisés, ni dans le texte lui-même, ni dans d’autres écrits de l’époque. L’œuvre occupe, dans l’édition des MGH, 41 pages 7. Elle est partagée en deux parties, dont la première, longue de 14 pages, est consacrée à l’histoire païenne de Trèves 8, et la deuxième, occupant 27 pages, à l’histoire de l’ère chrétienne 9. La première partie commence par l’histoire de la fondation de la ville, datée 1250 ans avant la fondation de Rome et attribuée à un certain
4. H. Thomas, Studien zur Trierer Gechichtsschreibung des 11. Jahrhunderts, insbesondere zu den Gesta Trevirorum, Bonn, 1968 (Rheinisches Archiv, 68). 5. Cf. H. Thomas, Studien… cité n. 4, p. 23-25, donne une description détaillée des différentes versions des Gesta Trevirorum, description qui s’appuie sur le commentaire de Waitz, éd. citée n. 2 : la première version (« version A »), qui se trouve dans les manuscrits 1 à 3 de la liste de Waitz, s’arrête en 1101 et semble être la version originale. Les manuscrits 4 à 6 de cette même liste appartiennent également à la première version (« version A »), mais vers la fin du récit (cap. 33), ils intègrent des parties de texte qui appartiennent aux « versions B » et « C » ; plus précisément, il s’agit de la « Vie » de Poppon, archevêque entre 1016 et 1046, qui y est amplifiée. Les manuscrits de la « version B » se distinguent de la « version A » dans la première partie du texte – celle qui porte sur l’histoire païenne – par des variantes – ils intègrent notamment des passages des Vies des Césars, rédigées par Suétone –, et, dans la dernière partie, comme nous l’avons indiqué, par une Vie amplifiée de Poppon. Les manuscrits de la « version C » reprennent le texte de la « version B » en ajoutant des copies des diplômes et en poursuivant le récit jusqu’en 1132. D’autres continuations, toutes rédigées en latin, furent entreprises jusqu’en 1720. L’édition de Waitz reprend la « version A », l’édition de Wyttenbach-Müller, citée n. 3, reprend la « version B ». E. Zenz (éd.), Die Taten der Trierer. Gesta Treverorum, Trèves 1955-1965, 8 vol., présente une traduction commentée des Gesta Trevirorum ainsi que de leurs continuations modernes. 6. Nous utiliserons le terme « Trévire » pour le peuple gaulois et le terme « Trévirois », pour désigner les habitants de Trèves à l’époque médiévale. 7. L’indication des pages de l’édition des MGH permet de donner une vision générale des proportions des différentes parties de l’œuvre. Étant donné que la quantité de texte, notée sur une page, varie de manière générale d’une vingtaine à une trentaine de lignes par page, ces indications n’ont donc aucune valeur absolue. Dans deux cas (pages 144 à 146 et pages 168 à 170), nous avons compté trois pages de l’édition comme une page afin de donner une vision plus juste des proportions réelles. 8. Cf. p. 130 à 143 dans l’édition de Waitz citée n. 2. 9. Cf. ibid., p. 144 à 174.
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Trebeta 10. L’auteur des Gesta Trevirorum consacre ensuite un long passage à la description de la ville, passage qui pourrait être intitulé mirabilia : les portes fortifiées, les tours, les capitoles, les palais, les temples, les statues, les thermes ou encore les théâtres témoignent, selon l’historiographe, de la grandeur de la cité 11. Suit une curieuse anecdote concernant un certain Catholdus, notable de la ville qui accepte de réaliser, en concurrence avec l’un de ses esclaves, des grands travaux de construction. L’esclave termine le travail avant le maître dont il séduit, en outre, la femme ; doublement humilié, Catholdus se suicide après avoir tué son épouse. Selon l’auteur, le lieu de leur mort fut baptisé solarium Catholdi 12. Les passages suivants sont consacrés à la description du pouvoir de plus en plus grand des Trévires qui soumettent à leur domination Bâle, Strasbourg, Worms, Mayence et Cologne. Avec Reims, en revanche, ils entretiennent des relations amicales 13. L’ascension de Trèves ne connaît aucune limite, car les Gaulois – sous la conduite des Trévires, bien sûr – conquièrent l’Italie, la Macédoine et même l’Asie entière : Trèves, ville amie de Rome, mérite alors être appelée Roma secunda 14. La suite du récit, longue de 7 pages, est consacrée à la Guerre des Gaules de Jules César. Trèves est finalement conquise par ruse – à l’image de Troie –, mais César lui rend la liberté 15. L’évocation du règne d’Auguste marque le début de la deuxième partie des Gesta Trevirorum, celle qui est consacrée à l’ère chrétienne 16. Cette partie commence par le récit de l’évangélisation de Trèves par Euchaire, Valère et Materne, tous trois envoyés apostoliques 17. La succession 10. Gesta Trevirorum, cap. 1, 2, éd. Waitz p. 130 : Anno ante urbem Romam conditam millesimo ducentesimo quinquagesimo urbs Treberis in Europa auctore Trebeta profugo, filio Nini filii Belis, parvo adhuc nomine condita est anno septimo aetatis Habrahae patriarche… 11. Cf. Gesta Trevirorum, cap. 3, éd. Waitz p. 131-132. 12. Cf. ibid., cap. 4, p. 132-133 ; cf. également H. Thomas, Studien… cité n. 4, p. 36. 13. Cf. Gesta Trevirorum, cap. 5-6, éd. Waitz p. 133-134. 14. Cf. ibid., cap. 7-8, p. 134-135. L’auteur explique que les Rémois et les Trévires jouent le premier rôle en Gaule. Puis, il relate que la « Gaule Belgique », sous la conduite des Trévires, a fourni le plus grand contingent des troupes gauloises qui ont conquis les régions asiatiques. 15. Cf. ibid., cap. 9-13, première partie, p. 136-142. L’image d’une prise de Trèves par ruse à l’image du sac de Troie n’est pas mentionnée expressis verbis, mais elle est sous-jacente : en effet, César, qui est ici amplement cité, comme nous allons le montrer dans la deuxième partie de notre étude, évoque une ruse de guerre qui lui permit de vaincre la tribu des Trévires. Étant donné que l’auteur des Gesta Trevirorum avait donné des descriptions très détaillées de la « ville » de Trèves – ville qui, en réalité, n’a été fondée qu’au ier siècle de notre ère, donc après la Guerre des Gaules –, le lecteur a l’impression que César prit la cité par ruse. 16. Cf. ibid., cap. 13, deuxième partie, p. 143. 17. Cf. ibid., cap. 14-16, p. 143-148.
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des épiscopats jusqu’au xiie siècle, relatés avec plus ou moins de détails, forme la trame du récit. Cependant les véritables notices sont plutôt rares et l’auteur consacre aussi des passages à d’autres événements de l’histoire de Trèves, pour lesquels le rôle des évêques a été marginal, voire inexistant, comme nous le verrons dans la deuxième partie de l’étude. L’ensemble de la description de l’ère chrétienne se partage en deux parties : les 13 premières pages concernent l’Antiquité 18, les 14 pages suivantes sont consacrées au Moyen Âge 19. Avec 27 pages sur l’histoire antique de Trèves – paganisme et christianisme confondus – contre seulement 14 pages sur l’histoire médiévale, l’Antiquité prédomine donc dans les Gesta Trevirorum.
Le travail de l’auteur : l’histoire des habitants de la ville De manière générale, les Gesta episcoporum débutent par une notice consacrée à l’évêque évangélisateur de la ville et l’histoire païenne de la cité, brièvement évoquée, sert uniquement à mettre en lumière les bienfaits de l’homme d’Église 20. En consacrant un tiers de son œuvre à l’histoire païenne, l’auteur des Gesta Trevirorum sort donc largement du cadre habituel des Gesta episcoporum. Trebeta, le présumé fondateur de la ville, par qui les Gesta Trevirorum commencent 21, est en effet un « héros eponymos » prestigieux : en tant que fils de Ninus, premier souverain du premier empire dans la succession des quatre empires qui, selon la prophétie de Daniel, donnent une structure à l’histoire du Salut 22, il permet d’attacher les origines de Trèves aux débuts de la civilisation humaine 23. L’historiographe de Trèves reprend ici une tradition relativement récente, car la fondation de la ville par Trebeta est pour la pre18. Cf. ibid., cap. 14-22, première partie, p. 143-157. 19. Cf. ibid., cap. 22, deuxième partie, p. 158- 174. 20. Cf. M. Sot, Gesta… cité n. 1, p. 16-17, et par ex. De beato Peregrino, première notice de Les gestes des évêques d’Auxerre, sous la dir. de M. Sot, I, Paris, 2002 (Les classiques de l’histoire de France au Moyen Âge, 42), p. 10-17. 21. Cf. Gesta Trevirorum, cap. 1, 2, éd. Waitz, p. 130-131. 22. Cf. Dan. 2 et 7 ; cf. également M. Noth, Das Geschichtsverständnis der alttestamentlichen Apokalyptik, dans W. Lammers (éd.), Geschichtsdenken und Geschichtsbild im Mittelalter, Darmstadt, 1965, p. 30-54. 23. Cf. H. Thomas, Studien… cité n. 4, p. 190-205 ; cf. également G. Kentenich, Die Trierer Gründungssage in Wort und Bild, dans Trierer Heimatbuch. Festschrift zur Rheinischen Jahrtausendfeier 1925, éd. par la Gesellschaft für nützliche Forschungen zu Trier, Trèves, 1925, p. 193-212, et I. Haari-Oberg, Die Wirkungsgeschichte der Trierer Gründungssage vom 10. bis zum 15. Jahrhundert, Berne, 1994 (Publications universitaires européennes, 3e s., 607).
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mière fois attestée dans un manuscrit de la chronique de Réginon de Prüm, datant de l’an Mil 24 : un auteur inconnu a, juste avant le début de la chronique, noté ladite « épitaphe de Trebeta », poème en dix hexamètres. Il n’est pas impossible qu’il s’agisse là d’un simple exercice stylistique 25, exercice qui a cependant fait foi, car au xie siècle, il est repris par l’un des hagiographes de la ville 26. S’agissant de la suite de l’histoire païenne de Trèves, les sources de l’auteur sont faciles à identifier. Pour ne mentionner que les plus importantes, le récit de l’ascension des Trévires s’appuie, pour l’essentiel, sur Justin 27, d’autres passages sont des reprises de l’Histoire contre les païens d’Orose 28 et des Origines d’Isidore de Séville 29, et les modifications dans le récit de la Guerre des Gaules, faite à partir de la description de Jules César, sont si rares qu’il est possible de classer ce passage dans le stemma de la transmission des manuscrits du Bellum Gallicum 30. En ce qui concerne la description des mirabilia, l’auteur s’est certainement inspiré des traces architecturales de l’époque romaine qui étaient, au Moyen Âge, encore abondantes dans la métropole mosellane 31. Seule la source pour la curieuse histoire de Catholdus reste impossible à identifier. Étant donné que le style de ce passage se distingue clairement de celui des passages qui furent sans aucun doute rédigés sans modèle littéraire, il faut supposer que l’auteur des Gesta Trevirorum ne s’est pas contenté de reprendre une tradition orale 32.
24. Il s’agit du manuscrit Schaffhausen, Stadtbibliothek, Mi 109. L’épitaphe est éditée par H. Thomas, Studien… cité n. 4, p. 196. 25. Cf. ibid., p. 198. 26. Cf. Passio martyrum Treverensium, éd. F.-J. Heyen, Die Öffnung der Paulinus-Gruft in Trier im Jahre 1072 und die Trierer Märtyrerlegende, dans Archiv fur mittelrheinische Kirchengeschichte, 16, 1964, p. 23-66 : p. 58. 27. Cf. Gesta Trevirorum, cap. 7, éd. Waitz p. 134-135, et M. Iuniani Iustini, Epitoma Historiarum Philippicarum Pompei Trogi, XXIV, 4 et suiv. et XX, 5. 28. Cf. par. Gesta Trevirorum, cap. 7, éd. Waitz p. 134, et Orosius, Contra pag. VI, 7. 29. Cf. Gesta Trevirorum, cap. 2, éd. Waitz p. 130, et Isidore, Orig. IX, 2. 30. Cf. Gesta Trevirorum, cap. 9-13, éd. Waitz p. 136-142, et César, Bellum Gallicum, II, 16, 24, V, 2-4, 17-58 et VI, 2-20 ; cf. également H. Thomas, Studien… cité n. 4, p. 36, qui, en suivant M. Manitius, Geschichte der lateinischen Literatur, III, Munich 1931, p. 518, et W. Hering, Die Recensio der Caesarhandschriften, Berlin, 1963, explique que l’auteur des Gesta Trevirorum a suivi la « classe β » des manuscrits de César. 31. Cf. L. Clemens, Zum Umgang mit der Antike im hochmittelalterlichen Trier, dans H. H. Anton et A. Haverkamp (éd.), Trier im Mittelalter, Trèves, 1996 (2000 Jahre Trier, 2), p. 167-202. 32. Cf. H. Thomas, Studien… cité n. 4, p. 36.
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Passons maintenant à la deuxième partie des Gesta Trevirorum, celle qui est consacrée à l’ère chrétienne. Dans le cas « type », les auteurs des Gesta episcoporum consacrent à chaque prélat une notice biographique plus ou moins longue en respectant l’ordre de leur succession 33. La série des archevêques de Trèves constitue bien l’ossature des Gesta Trevirorum, et l’œuvre n’échappe donc pas, pour reprendre une expression de Michel Sot, à « la tyrannie de l’ordre du temps »34. Plus précisément, l’historiographe mosellan a utilisé un catalogue dans sa version amplifiée 35. Jusqu’au milieu du xie siècle, les séries qui nous sont parvenues mentionnent comme étant les quatre premiers évêques Euchaire, Valère, Materne et Agrice 36, et les documents narratifs de cette époque – par exemple la Vita Agritii – précisent que le siège de la ville mosellane resta vacant durant 201 ans entre le pontificat de Materne et celui d’Agrice, évêque du ive siècle 37. Seulement vers la fin du xie siècle, deux nouvelles séries comblent cette lacune avec, au final, vingt-trois noms 38. C’est la liste la plus longue de ces deux catalogues que l’auteur des Gesta Trevirorum a utilisée, et son choix est facile à comprendre : depuis le xie siècle, les habitants de Trèves étaient sûrs que leur ville avait été, au iiie siècle, le théâtre d’un grand massacre : Rictiovare y avait tué d’innombrables chrétiens. Imaginer qu’il y avait autant de fidèles dans la ville mosellane, mais pas un seul évêque, avait alors dû paraître inconcevable 39. Pour revenir à la « tyrannie de l’ordre 33. Cf. M. Sot, Gesta… cité n. 1, p. 15. 34. Ibid. 35. Les listes des prélats de Trèves sont éditées par L. Duchesne, Les fastes épiscopaux de l’ancienne Gaule, III, Paris, 1915, p. 32-33, et par O. Holder-Egger, dans MGH, Scriptores, XIII, Hanovre, 1881, p. 301. 36. Par ex. la liste qui se trouve dans Wolfenbüttel, Herzog-August-Bibliothek, Guelf. 1109, vers l’an mil, de Saint-Euchaire, f. 93-94v. 37. Vita Agritii (BHL 178, 179), cap. 13, dans AASS, Ian., p. 775 : Sicut enim diligenti supputatione collegimus ducentos et unum annos inter S. Materni ex hoc mundo gloriosum excessum et B. Agritii felicem in hanc urbem ingressum esse cognoscimus : quo temporis spatio intercurrente cessavit huius Sedis Episcopatus, paganis ipsam civitatem obtinentibus. Ce texte a été rédigé entre 1050 environ et 1072 ; cf. K. Krönert, La construction du passé de la cité de Trèves : viiiexie siècles. Étude d’un corpus hagiographique. Thèse de doctorat, soutenu à l’Université Paris X-Nanterre en 2003, p. 426-427. 38. Il s’agit des manuscrits Paris, BnF, lat. 4280, xiie siècle, de Trèves, f. 56 (avec huit nouveaux noms entre celui de Materne et d’Agrice), et Vatican, Bibl. Apostolica Vaticana, Reg. lat. 497, xie siècle, de Trèves, f. 72 (avec quinze noms supplémentaires d’évêques qui auraient précédé Agrice sur le siège de Trèves) ; cf. K. Krönert, La construction… cité n. 37, p. 629641. 39. En 1072, les chanoines de Saint-Paulin ont découvert les corps d’« innombrables » martyrs dans la crypte de leur communauté, qu’ils ont « identifiés » comme étant les victimes
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du temps », elle trouve, dans les Gesta episcoporum, sa forme la plus élaborée dans l’indication des dates des intronisations et des décès des prélats. Aussi dans les Gesta Trevirorum, l’auteur précise régulièrement ces années, comptées à partir de la naissance du Christ et précisées parfois par un règne impérial, comme c’est le cas pour les premiers pontificats – ceux d’Euchaire, Valère, Materne 40 et Agrice 41 – et quelques autres plus tardifs, ceux de Teudgaud, Bertolf et Poppon 42. Il est en revanche impossible de savoir comment l’auteur a pu établir la durée des pontificats antiques avec autant de précision. Si l’ère chrétienne des Gesta Trevirorum est donc organisée, dans son ensemble, sur le modèle des Gesta episcoporum, il n’en est pas de même en ce qui concerne le récit des pontificats : en effet, les véritables notices biographiques sont rares. Les trois évêques évangélisateurs, Euchaire, Valère et Materne font l’objet d’une notice longue de 57 lignes 43 : elle a été élaborée, pour l’essentiel, à partir de la Vita Eucharii, Valerii et Materni, texte du xe siècle, mais aussi d’autres écrits hagiographiques du xie siècle. On y apprend que les trois évangélisateurs furent envoyés par saint Pierre, qu’Euchaire était le troisième des soixante-douze disciples du Christ et que Materne, mort lors du voyage, fut ressuscité par le bâton du premier apôtre. La fin de la notice contient même quelques détails sur la mort de Materne qui sont ici mentionnés pour la première fois 44. Une autre véritable notice, longue de 38 lignes, est consacrée à
du grand persécuteur Rictiovare. Il s’agit là, certainement, d’une mise en scène. Nous allons y revenir ; cf. également K. Krönert, La construction… cité n. 37, p. 537-561. 40. Gesta Trevirorum, cap. 15, éd. Waitz p. 147 : Anno dominicae incarnations 54, regni autem Claudii Caesaris 19, episcopatus vero beati Petri apostoli in Roma anno 8, sanctus Eucharius, tercius in ordine 72 discipulorum Domini, cum sociis suis Valerio et Materno ad praedicandum Gallicis gentium deum Treberim pervenit. Cuius infidelitatis aciem devinciens, verae religions arcem obtinuit et eiusdem urbis pontificatum 23 annis tenuit. (…) Post cuius obitum beatus Valerius in ministerium sacerdotale successit, illudque per 15 annos sancte vivendo et verbum vitae praedicando probatissime rexit. (…) Post cuius decessum beatus Maternus pontificalem suscipiens apicem, 40 annis talentum sibi creditum fideliter multiplicavit. 41. Ibid., cap. 19, p. 152 : Anno dominicae incarnationis 368, sanctus Agricius Trebirorum praesul efficitur. 42. Ibid., cap. 26, p. 164 : Anno dominicae incarnationis 851, cathedram Hetti Tietgaudus obtinuit ; cap. 27, p. 165 : Anno dominicae incarnationis 868, Bertolfus abbas Mediolacensis fit episcopus Treberis… ; cap. 31, p. 172 : Anno dominicae incarnationis 1015 Poppo archiepiscopus Trebirorum ordinatur. 43. Ibid., cap. 14-16, p. 143-148. 44. L’information précisant qu’Euchaire était le troisième des 72 disciples, provient d’une introdution versifiée d’une liste épiscopale ; cf., pour l’analyse détaillée de ce passage, K. Krönert, La construction… cité n. 37, p. 641-645.
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Poppon, évêque entre 1016 et 1047 45. Étant donné que ce prélat n’avait pas fait l’objet d’une Vie, l’auteur des Gesta Trevirorum est donc seul « responsable » de la composition de ce passage. Cependant, de façon surprenante, il ne consacre que cinq lignes aux occupations spirituelles de l’archevêque – notamment sa fondation de la maison canoniale Saint-Siméon –, tandis que la plus grande partie de la notice porte sur la lutte de Sicko, l’un de ses vassaux, contre un homme d’armes appelé Adelbert : par ruse – Sicko offrit à Adelbert trente fûts de vin, dans lesquels il avait caché ses hommes – il arriva à prendre le château de son ennemi et à tuer l’ensemble de ses occupants. Ce massacre, qui rappelle à nouveau la guerre de Troie et qui est tout sauf un acte chrétien, fut récompensé par l’archevêque par des dons très généreux 46. En revanche, le pèlerinage de Poppon à Jérusalem, dont nous avons connaissance grâce à la Vita Symeonis, est ici passé sous silence 47. D’autres notices, longues d’une quinzaine de lignes, sont consacrées à Milon, considéré comme tyran 48, et à Egbert 49 et Eberhard 50, prélats des xe et xie siècles, mais là encore, les thèmes ecclésiastiques ou spirituels ne sont pas dominants : à l’image de la notice de Poppon, celle d’Eberhard est presque exclusivement consacrée à une « affaire séculière » – le prélat se fait voler ses biens par un comte alors qu’il parcourait son diocèse – tandis que l’engagement pour son Église, notamment pendant la querelle de la primatie, qui opposait son siège à ceux de Cologne et de Mayence, ne fut manifestement pas jugé digne d’intérêt par l’auteur des Gesta Trevirorum 51. Enfin, les hauts faits des grands pontifes du ive siècle, Agrice, Maximin, Paulin et Félix 52, et de deux évêques mérovingiens, Magnéric et Liutwin 53, tous connus grâce à leurs Vitae respectives 54, sont résumés en dix à quinze lignes environ. La plupart des pontifes, en revanche, n’y figurent que
45. Gesta Trevirorum, cap. 31, éd. Waitz p. 172-174. 46. Cf. ibid., p. 173 : Sicko a Poppone pro victoria beneficiis illustratus est. 47. Cf. à propos de ce passage, également H. Thomas, Studien… cité n. 4, p. 37, p. 141. 48. Cf. Gesta Trevirorum, cap. 24, éd. Waitz p. 161-162. 49. Cf. ibid., cap. 29, p. 169-171. 50. Cf. ibid., cap. 32, p. 174. 51. Cf. E. Boshof, Köln, Mainz, Trier, Die Auseinandersetzungen um die Spitzenstellung im deutschen Episcopat in ottonisch-salischer Zeit, dans Jahrbuch des Kölnischen Geschichts vereins, 49, 1978, p. 19-48 : p. 37-44. 52. Cf. Gesta Trevirorum, cap. 19-22, éd. Waitz p. 152-157. 53. Cf. ibid., cap. 24, p. 159-161. 54. Cf., à propos de l’élaboration de ces notices, K. Krönert, La construction… cité n. 37, p. 648-655.
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sous forme de liste de noms, parfois avec quelques mots explicatifs 55. Ceux-ci concernent le plus souvent leur lieu de sépulture et les sanctuaires dont ils étaient les fondateurs 56. Les Gesta Trevirorum cherchent donc à créer une véritable topographie chrétienne, caractéristique qu’ils partagent avec les autres Gesta 57. On trouve aussi, dans la deuxième partie des Gesta Trevirorum, de longs passages relatifs à des événements au cours desquels les évêques ne jouèrent aucun rôle actif, par exemple la persécution des chrétiens orchestrée par Rictiovare à la fin du iiie siècle ; sur deux pages l’auteur résume les Passiones relatives à ce martyre 58. Le passé impérial de Trèves occupe également une place importante : bien sûr, on y lit qu’Hélène, mère de Constantin, était originaire de la métropole mosellane et qu’elle s’était investie pour sa ville natale comme les hagiographes du xie siècle l’avaient décrit 59. Mais aussi Constance Chlore et Maxime, usurpateur du trône impérial qui résidait à Trèves, ont laissé de bons souvenirs : Maxime est décrit comme strenuus et Augusto dignus en dépit de son rôle dans la condamnation à mort des Priscillanistes. Ce procès aussi, qui eut lieu à Trèves, est décrit, sans doute à l’aide de l’œuvre de Sulpice Sévère, avec beaucoup de détails, bien qu’il ne représente pas vraiment un titre de gloire pour la ville 60. De longs passages sont, en outre, consacrés à des personnages ecclésiastiques importants qui ont 55. Cf. par exemple Gesta Trevirorum, cap. 23, éd. Waitz p. 158 : Post obitum sancti Felicis, ut ad id redeamus a quo paululum recessimus, Mauricius Trebirorum praesul efficitur. Post quem sanctus Legontius ; deinde sanctus Auctor ; post quem sanctus Severus… 56. Cf. par exemple ibid., cap. 10, p. 148-149 : Deinde Auspicius quidam regimen tenuit. Dein insignes per legitimas successiones, sanctitate et gratia pollentes, extiterunt Felix, Mansuetus, Clemens, Moyses, Martinus… Qui videlicet episcopi omnes in ecclesia sancti Eucharii sepulti esse creduntur. 57. M. Sot, Gesta… cité n. 1, p. 18-19. 58. Cf. Gesta Trevirorum, cap. 17, éd. Waitz p. 149-151 ; l’historiographe reprend ici les textes de l’Historia martyrum treverensium (BHL 8284) et de la Passio martyrum treverensium (BHL 8284c). Une translation des corps de ces saints au ixe siècle est mentionnée, comme le plan chronologique de l’œuvre l’exige, vers la fin des Gesta Trevirorum (ibid., cap. 27, p. 166167), mais la découverte des martyrs en 1072 est curieusement omise ; nous y reviendrons ; cf. K. Krönert, La construction… cité n. 37, p. p. 646-648, 655-656. 59. Cf. Gesta Trevirorum, cap. 18, éd. Waitz p. 151-152 ; l’historiographe reprend ici la Vita IIa Helenae (BHL 3776) ; cf. également K. Krönert, La construction… cité n. 37, p. 648-650. 60. Cf. Gesta Trevirorum, cap. 18,20, éd. Waitz p. 151, p. 154-156. Les chanoines de SaintPaulin croyaient, depuis la fin du xie siècle, que la tombe de Constance Chlore se trouvait dans leur abbaye (cf. F.-J. Heyen, Das Stift St. Paulin vor Trier, Berlin-New York, 1972 [Germania sacra, n. s., 6 - Das Erzbsitum Trier, 1], p. 307). Sulpice Sévère décrit cette « affaire priscillaniste » dans la Chronique, les Dialogues et la Vita Martini.
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résidé, à un moment de leur vie, à Trèves, comme Athanase 61, Ausone 62 et Jérôme : le passage de ce dernier occupe même une demi-page, où l’auteur cite le livre 8 des Confessions d’Augustin, faisant allusion au séjour du Père de l’Église dans la ville mosellane 63. Si l’auteur des Gesta Trevirorum s’est consacré aux « Gestes des Trévirois », il y inclut donc les résidents temporaires de la ville. Trèves était aussi le théâtre des guerres, et elles ne manquent pas dans ce texte comme le montre l’exemple suivant, ladite « Moselfehde » : après la mort du prélat Ludolf en 1008, Adalbéron, ancien praepositus de l’abbaye Saint-Paulin, revendiqua le siège épiscopal, que l’empereur Henri II voulait réserver pour Mégingaud, l’un de ses fidèles. Afin de s’imposer, Henri fit, durant cinq mois, le siège du palais épiscopal qui était occupé par les fidèles d’Adalbéron. Ces affrontements sont relatés avec beaucoup de détails, et l’auteur fait même l’éloge d’un massacre dont les soldats de l’empereur furent les victimes. Il est fort probable que ces affrontements sanglants faisaient, presque deux siècles après les faits, encore régulièrement objet de discussions dans les cercles de la noblesse laïque de Trèves. La « Moselfehde » ne prit fin qu’en 1015, avec l’intronisation de Poppon 64. Enfin l’historiographe des habitants de Trèves évoque aussi les grands événements de l’histoire qui marquèrent l’histoire de la ville, par exemple l’arrivée des Francs, des Vandales et des Normands, événements pour lesquels il s’appuie sur des Chroniques comme celles du Pseudo-Frédégaire ou de Réginon de Prüm 65, et il cite dans son intégralité le faux privilège que le pape Silvestre est censé avoir accordé à l’église de Trèves et qui était le modèle pour tous les privilèges de primatie que les métropolitains mosellans ont obtenus au xe et au xie siècle 66.
61. Cf. Gesta Trevirorum, cap. 19, éd. Waitz p. 153. 62. Cf. ibid., cap. 20, p. 156. 63. Cf. ibid., cap. 20, 21, p. 156 ; Augustin évoque, dans ce passage des Confessions, deux hauts représentants romains qui se sont convertis au monachisme après avoir lu, à Trèves, la Vie de saint Antoine, représentants dont les noms ne sont pas mentionnés, mais dont l’un d’entre eux est, selon toute probabilité, saint Jérôme. 64. Cf. Gesta Trevirorum, cap. 30, éd. Waitz p. 171-172 ; cf. également H. Thomas, Studien… cité n. 4, p. 141-142. 65. Cf. Gesta Trevirorum, cap. 22, 27-28, éd. Waitz p. 157, 166-167. 66. Cf. ibid., cap. 18, p. 152 ; cf. également, à propos du « diplôme de Silvestre » et des diplômes de primatie, H. V. Sauerland, Trierer Geschichtsquellen des XI. Jahrhunderts, Trèves, 1889, p. 88-139, et E. Boshof, Köln, Mainz, Trier… cité n. 51, passim. On suppose que l’auteur a également utilisé des sources dont nous n’avons gardé que quelques traces isolées, comme la Gallica Historia ou l’Historia Trebirorum ; cf. H. Thomas, Studien… cité n. 4, p. 23-134.
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Les Gesta Trevirorum représentent donc, comme leur titre l’indique, une histoire des « Trévirois » depuis la fondation de la ville jusqu’à l’époque de leur rédaction. Celle-ci fut élaborée avec un grand nombre de sources écrites couvrant à la fois l’histoire universelle et l’histoire locale, mais aussi avec l’aide des traditions orales. De manière générale, le texte valorise étonnamment l’histoire antique de la ville, non seulement par la quantité des épisodes relatés, mais aussi par le soin avec lequel l’auteur a travaillé : après avoir décrit le massacre organisé par Rictiovare à Trèves, il oublie de mentionner, pour l’an 1072, la découverte de leurs corps dans la crypte de Saint-Paulin 67. Ce phénomène, qui va de pair avec une sous-représentation de l’époque franque de Trèves, est appelé par Heinz Thomas « tendance gauloise 68 ». Seule la deuxième partie des Gesta Trevirorum, celle qui est consacrée à l’ère chrétienne, offre des similitudes avec le genre des Gesta episcoporum, grâce à sa structure générale qui suit le schéma de la succession épiscopale, et grâce à quelques notices biographiques consacrées aux prélats. Cela ne suffit cependant pas pour considérer ce texte – ou même sa deuxième partie – comme une série des « Gestes des évêques », car l’historiographe de Trèves s’intéresse autant aux faits séculiers qu’aux actes spirituels. Les Gesta Trevirorum ne représentent donc pas une histoire de l’église de Trèves et de ses représentants, mais une histoire de la ville mosellane, dont son Église et ses représentants font partie.
Les intentions possibles de l’auteur et les lecteurs des Gesta Trevirorum Les Gesta Trevirorum tels que nous les avons présentés, posent un certain nombre de questions : Qui a écrit ce texte ? À qui était-il destiné ? Quelle fonction a-t-il eu dans la société de l’époque ? Dans la mesure où ni le texte, ni d’autres textes contemporains ne permettent de répondre à ces questions, nous ne pouvons qu’avancer quelques hypothèses s’appuyant sur une analyse détaillée de l’œuvre et de sa diffusion manuscrite. Comme nous l’avons montré dans la partie précédente, l’auteur a fait un véritable travail d’historien : il n’y a pratiquement pas de passage qui puisse être considéré comme véritable invention. Loin de là, l’historiographe a réuni des textes et des traditions sur l’histoire universelle et l’histoire locale pour 67. Cf. note 58. 68. Cf. H. Thomas, Studien… cité n. 4, p. 230-245.
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donner une vision d’ensemble de l’histoire de la ville. Certaines de ces informations risquaient, avant la rédaction des Gesta Trevirorum, de se perdre – par exemple les traditions orales –, et d’autres n’étaient que difficilement accessibles, car les manuscrits dans lesquels elles étaient notées, étaient dispersés dans les diverses abbayes de la ville. Notamment, les textes sur les évêques antiques étaient de nature hagiographique : les clercs de Trèves les avaient rédigés au cours des xe et xie siècles, en ajoutant, lors de la rédaction de chaque nouveau texte, de nouveaux éléments à la légende du saint en question 69. Ce travail de reconstruction du passé a ici, dans les Gesta Trevirorum, trouvé un certain point final grâce à un changement de statut : par leur insertion dans une seule « œuvre de référence », tous ces récits faisaient maintenant parte de l’« histoire officielle » de la ville. Les faits du passé transmis, jusque-là, oralement ou relatés en « discours hagiographique », pouvaient maintenant être lus en « discours historiographique » 70. L’histoire de Trèves a été, de ce fait, plus facilement accessible pour les lecteurs intéressés, elle pouvait être diffusée, et elle faisait davantage autorité. Voilà des atouts pour assurer la propagande de la ville. La caractéristique principale des Gesta Trevirorum – certainement la somme de ce que chaque lecteur retient encore aujourd’hui – est son insistance sur le passé antique de la ville, avec à la clef, un fondateur qui est attaché, par sa parenté, aux débuts de l’humanité et un évangélisateur attaché aux débuts du christianisme. Cette insistance n’est certainement pas anodine et elle s’explique en partie par le contexte politique et les ambitions de l’église de Trèves : après l’éclatement de l’Empire carolingien, la métropole mosellane s’était retrouvée dans la Francie orientale, tout à l’ouest de ce royaume, et, par cette position, fortement marginalisée. Seule son histoire ancienne pouvait, d’une certaine manière, « sauver » la ville, car les nouveaux souverains de ce royaume s’appliquaient à faire revivre l’Empire romain, non seulement pour augmenter leur légitimité, mais aussi pour des raisons spirituelles : selon la prophétie de Daniel, évoquée plus haut, l’Antéchrist devait arriver à la fin du quatrième Empire, identifié avec l’Empire romain 71. La valorisation de l’An69. Cf. K. Krönert, La construction… cité n. 37, passim. 70. Cf. M. Heinzelmann, Hagiographischer und historischer Diskurs bei Gregor von Tours, dans M. Van Uytfanghe et R. Demeulenaere (éd.), Aevum inter utrumque : mélanges offerts à Gabriel Sanders, Steenbruge-La Haye, 1991 (Instrumenta patristica, 23), p. 237-258. 71. Cf. W. Goez, Translatio Imperii, Tübingen, 1958. Ce lien entre l’intérêt pour l’Antiquité et l’attente de la fin des temps est certainement l’une des clefs pour comprendre l’étonnant essor des chroniques universelles dans l’Empire germanique au Moyen Âge central. Nous préparons actuellement une autre étude sur ce phénomène.
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tiquité gagnait alors en importance dans l’Empire ottonien, et la proposition d’un passé ancien ne pouvait être que bénéfique pour Trèves, ville qui était, avec Cologne, l’une des plus anciennes cités de ce nouvel Empire 72. De même, la fondation du siège épiscopal par un envoyé apostolique ne pouvait qu’accroître le prestige de l’Église mosellane, et les prélats de Trèves tenaient là leur principal argument pour revendiquer des prérogatives telles que la primatie 73, mentionnée dans cette œuvre et, plus tard, dans les versions amplifiées, régulièrement copiée dans son intégralité. Les Gesta Trevirorum sont donc aussi un travail historiographique utilitaire, destiné à défendre des droits 74. Qui peut en être l’auteur ? Compte tenu de l’enjeu politique que nous venons d’évoquer, il faut croire qu’il s’agit d’un représentant de l’église cathédrale ou du monastère Saint-Euchaire, resté très proche de l’archevêque de Trèves. De toute évidence, on peut exclure l’hypothèse que le texte fut écrit par un chanoine de Saint-Paulin, également proche de la cathédrale, qui n’aurait pas oublié de mentionner la découverte des martyrs dans son abbaye en 1072 75, ou par un moine de Saint-Maximin, à cette époque abbaye royale et souvent en relation conflictuelle avec l’archevêque 76 : en effet, l’auteur des Gesta Trevirorum revendique pour Saint-Euchaire des tombes d’évêques qui se trouvaient en réalité à Saint-Maximin 77. L’érudition avec laquelle cette 72. À ce sujet, il est révélateur que d’autres villes de la Lotharingie et de ses confins ont également, à cette époque, mis par écrit les récits de leur fondation attribuée, dans le cas de Jülich, à Jules César, dans le cas de Reims, à Remus, dans le cas de Toul, à Tullus Hostilius, et dans le cas de Metz, à Mettius Fufestius. Tous ces prétendus fondateurs sont des personnages antiques, mais aucun n’a vécu avant celui de Trèves, Trebeta ; cf. également H. Thomas, Studien… cité n. 4, p. 192. 73. Gesta Trevirorum, cap. 29, éd. Waitz p. 169 : Cui Theodericus successit ; qui corpus decessoris sui Treberim relatum in cimiterio maioris ecclesiae sepelivit ; privilegia suae ecclesiae renovavit et auxit. (Theoderich [Thierry, 964-977] est le premier archevêque à avoir reçu la primatie, privilège qui fut, pendant un siècle et demi, régulièrement renouvelé ; cf. E. Boshof, Köln, Mainz, Trier… cité n. 51, passim.) 74. Cf. M. Sot, Gesta… cité n. 1, p. 20-21. 75. Cf. note 58. 76. Cf. E. Wisplinghoff, Untersuchungen zur ältesten Geschichte der Abtei St. Maximin bei Trier von den Anfängen bis etwa 1150, Mayence, 1970 (Quellen und Anhandlungen zur Mittelrheinischen Kirchengeschichte, 12), p. 33-61. 77. Par exemple les tombes d’Agrice et de Maximin ; cf. Gesta Trevirorum, cap. 19, éd. Waitz p. 153 : Sanctus autem Agritius, officio sui pontificatus expleto, migravit ad Dominum, sepultusque est juxta corpus sancti Eucharii ; cf. ibid. : Successit in episcopatum Paulinum, qui corpus magistri sui (scilicet Maximini) per beatum Lubentium et populum Trebirorum ex Aquitania revexit, et in cimiterio sancti Eucharii sepelivit ; cf., à propos de la localisation des tombes, également E. Gierlich, Die Grabstätten der rheinischen Bischöfe vor 1200, Mayence, 1990
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histoire de Trèves a été écrite, semble, en outre, exclure un auteur laïque. Une telle attribution – soit à un chanoine de la cathédrale, soit à un moine de Saint-Euchaire –, laisse cependant deux questions sans réponse : pourquoi l’auteur n’a-t-il pas davantage valorisé son propre archevêque, qui aurait pu constituer le pendant contemporain au glorieux fondateur de l’Église ; Brunon, évêque en 1101, n’a été digne que d’une seule ligne 78. Et pourquoi a-t-il autant valorisé des épisodes à caractère temporel, par exemple concernant Poppon ? Aucune réponse claire ne s’impose. Il est cependant possible que le commanditaire de l’œuvre ait été soit Poppon (1016-1047) soit Eberhardt (10471066), derniers prélats qui font l’objet de véritables notices. Selon cette hypothèse, l’auteur aurait pris du retard, et la rédaction n’aurait été terminée que sous Brunon (1102-1124), peut-être par un autre auteur, qui ne voulait pas passer sous silence les noms des métropolitains les plus récents 79. En ce qui concerne le problème du nombre élevé des passages à caractère temporel dans le texte des Gesta Trevirorum, Heinz Thomas cherche une explication dans le public visé : le style simple et les très fréquentes anecdotes guerrières rendent, selon lui, probable, que l’auteur ait voulu s’adresser, au moins en partie, à des laïcs 80. En effet, deux panégyriques du xie siècle en l’honneur de saint Euchaire suggèrent que les laïcs pouvaient participer à Trèves, au moins occasionnellement, à des lectures de textes rédigés en latin, et qu’ils avaient, par conséquent, quelques notions de cette langue sacrée : l’auteur des prédications leur demande de faire des dons à l’Église 81. De plus, nous savons que les laïcs de la haute noblesse étaient plus souvent que les aléas de la transmission des manuscrits le laissent aujourd’hui supposer, en possession des codices latins,
(Quellen und Abhandlungen zur mittelrheinischen Kirchengeschichte, 65), p. 21-26. N’oublions pas non plus que l’auteur revendique, pour Saint-Euchaire, la totalité des tombes des évêques dont les noms étaient, vers la fin du xie siècle, interpolés dans les listes épiscopales ; cf. note 56. 78. Cf. Gesta Trevirorum, cap. 33, éd. Waitz p. 174. 79. Les passages relatifs aux successeurs d’Eberhardt sont trop courts pour pouvoir constater un changement de style. Mais déjà H. Thomas, Studien… cité n. 4, p. 25-33, a évoqué l’idée d’une version des Gesta Trevirorum qui aurait précédé celle qui est considérée comme la première et que nous présentons ici. Il pourrait s’agir, selon lui, d’une version courte, qu’il a appelé G*, version qui était achevée après 1072 et qui pourrait avoir été conçue comme une sorte de « premier jet » ou d’un « brouillon ». 80. Cf. H. Thomas, Studien… cité n. 4, p. 143-152. 81. Cf. Remi de Mettlach, Homelia Eucharii, cap. 16, éd. K. Krönert, et Sermo Eucharii, cap. 21, éd. K. Krönert (cf. K. Krönert, La construction… cité n. 37, annexe).
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comme l’ont montré récemment Claudia Villa et Paolo Chiesa 82. Les textes historiographiques semblent notamment avoir suscité un grand intérêt dans les hautes sphères de l’aristocratie non ecclésiastique 83. Il est donc possible que certains des manuscrits des Gesta Trevirorum circulèrent très tôt dans les bibliothèques des seigneurs laïques 84. Le contexte social à Trèves au xiie siècle, rend une telle hypothèse probable, car dès le xie siècle les comtes et les baillis jouaient un rôle de plus en plus grand, et les ministeriales prenaient une telle importance que l’élection des nouveaux archevêques ne pouvait plus se faire sans leur accord. Deux familles de ce nouveau groupe, les De Palatio et les De Ponte, devinrent, au cours du xiie siècle, si importantes qu’il faut les compter parmi les nobles 85. Il est donc tout à fait possible que l’auteur des Gesta Trevirorum, proche de la cathédrale, ait souhaité écrire une « histoire de la ville et de ses habitants » qui s’adresse aussi – mais, bien sûr, pas exclusivement – à ces nouveaux groupes montants dans la hiérarchie urbaine. Il voyait peutêtre là un moyen de renforcer la cohésion sociale en suscitant, chez eux, un 82. Cf. C. Villa, Lo stato dell’alfabetizzazione e il grado di istruzione tra le aristocrazie laiche, dans F. Bougard, L. Feller et R. Le Jan (dir.), Les élites au haut Moyen Âge. Crises et renouvellements. Actes de la rencontre de Rome des 6, 7 et 8 mai 2004, Turnhout, 2006 (Haut Moyen Âge, 1), p. 127-142, et P. Chiesa, Storia romana e libri di storia romana fra IX e XI secolo, dans Roma antica nel Medioevo. Mito, reppresentazioni, sopavvivenze nella « Respublica christiana » dei secoli IX-XIII. Atti della quattordicesima Settimana internazionale di studio, Mendola, 24-28 agosto 1998, Milan, 2001, p. 231-258. Je remercie très chaleureusement Thomas Granier pour m’avoir indiqué ces deux travaux. 83. Cf. P. Chiesa, Storia romana… cité n. 82, p. 235. 84. Cf. Cl. Villa, Lo stato… cité n. 82, qui évoque des exemples pour des textes qui sont passés d’un propriétaire laïque aux mains d’un propriétaire ecclésiastique. Les manuscrits des Gesta Trevirorum datant du xiie siècle que nous possédons aujourd’hui sont les suivants : (1) Francfort/Main, Stadt- und Universitätsbibliothek, lat. Qu.9, de Saint-Euchaire, vers 1200 ; (2) Francfort/Main, Stadt- und Universitätsbibliothek, lat. Oct. 139, de Saint-Euchaire, xiie siècle ; (3) Londres, Brit. Libr., Harl. 3773, xiie/xiiie siècle ; (4) Vienne (Autriche), Österreichische Nationalbibliothek, cod. 640 (Hist. prof. 1069), xiie siècle ; (5) Wolfenbüttel, Herzog-August-Bibliothek, Guelf. 3208, des Saints-Pierre-et-Paul à Ylsineburg, xiie siècle ; (6) Sélestat, Bibliothèque Humaniste 99 (olim 93), de la « domus Marpacensis » près de Colmar, xiie siècle ; (7) Stuttgart, Würtembergische Landesbibliothek, Cod. hist. oct. 13 (85), xiie siècle ; (8) Trèves, Stadtbibliothek, 1342a, xiie siècle. (9) De plus, G. Waitz, éd. citée note 2, p. 124, signale le Codex Viri Cl. Leopoldi van Alstein Gandensis, antea Lammens, saec. XII, que nous n’avons pas localisé. Il existe enfin un fragment à Trèves, Stadtbibliothek, 1352b, xiie siècle. 85. Cf. J. Bast, Die Ministerialität des Erzstifs Trier, Trèves, 1918, passim, et G. Bönnen, Trier zwischen dem 10. und dem beginnnenden 12. Jahrhundert – Erzbischöfe und Erzstift, régionale Herrschftsträger und Stadtbevölkerung, dans H. H. Anton et A. Haverkamp (éd.), Trier im Mittelalter… cité n. 31, p. 203-238 : p. 227-228.
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sentiment d’appartenance à la ville épiscopale. Peut-être souhaitait-il même rapprocher les seigneurs laïques des représentants ecclésiastiques en montrant qu’ils faisaient tous partie de la même « communauté de destin ». Le nombre important de manuscrits copiés directement après la rédaction du texte laisse supposer que les Gesta Trevirorum eurent de nombreux lecteurs en dehors de Trèves 86 : cet engouement s’explique sans doute par le grand intérêt porté au passé antique qui caractérise, comme nous l’avons expliqué, la société de l’Empire germanique au Moyen Âge central. Il est aussi possible que certaines copies furent des copies réalisées dans le désir de constituer un « lectionnaire de textes historiographiques » : on souhaitait réunir, dans un seul codex, un certain nombre d’écrits relatifs à l’histoire afin d’avoir ce qu’on appellerait aujourd’hui un « manuel » 87. Les Gesta Trevirorum se présentent donc comme un texte glorifiant le passé antique du peuple de Trèves. Les « hauts faits » des évêques partagent l’affiche avec les « actes de bravoure » accomplis par les païens et les laïcs de la ville, faisant émerger l’image d’une grande et importante ville « gauloise », une Roma secunda au nord des Alpes. Cette image est en contraste flagrant avec la position marginale que Trèves occupait dans la Francie orientale depuis 925, et la nostalgie du passé et l’espoir de s’en servir pour retrouver un prestige, font, semble-t-il, partie des motivations de l’historiographe. D’autres intentions semblent être purement locales, mais tout aussi importantes : en accordant une place de choix aux laïcs, et en écrivant peut-être même pour eux, l’historiographe voulait, selon beaucoup de vraisemblance, faciliter l’intégration de nouveaux groupes, notamment les ministeriales, dans la structure sociale de la ville, groupes qui prenaient à cette époque de plus en plus d’importance et qui menaçaient l’équilibre de la société urbaine.
86. Cf. note 84. 87. Ce phénomène est bien étudié dans le domaine de l’hagiographie ; cf. G. Philippart, Les légendiers latins et autres manuscrits hagiographiques, Turnhout, 1977 (Typologie des sources du Moyen Âge occidental, 24-25), p. 107-108 ; cf., à ce sujet, le manuscrit Trèves, Stadtbibliothek, 1342, xiie-xive siècle : 1) f. 1-92v : Gesta Romanorum Pontificum (xiie siècle) ; 2) f. 94-174 : Gesta Trevirorum (xiie siècle) ; 3) f. 175-194v : Gesta Trevirorum continuatio (1259) ; 4) f. 197fin : Gesta Henrici Treverensis archiepiscopi et Theodorici abbatis S. Matthiae (xive siècle), manuscrit qui peut être cité comme exemple pour un tel « manuel d’histoire ».
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Histoire épiscopale, construction d’églises et liturgie : défense et illustration de l’église d’Eichstätt Geneviève Bührer-Thierry Le 2 août 1075 disparaissait l’évêque d’Eichstätt Gundekar II, inhumé selon ses vœux dans la chapelle de la cathédrale dédiée à saint Jean qu’il avait lui-même consacrée le 17 octobre 1062 1 en présence de l’impératrice Agnès dont il avait été le chapelain. C’est seulement quelques années plus tard, probablement en 1078, qu’un chanoine de la cathédrale, sans doute aussi chapelain de l’évêque défunt, dont le nom n’est pas parvenu jusqu’à nous et que pour cette raison on appelle « l’Anonyme de Herrieden » 2, rédige un texte dédié à un chanoine de Wurzbourg tout aussi anonyme que l’auteur, et connu sous le nom de « frère G. ». C’est dans la préface dédicatoire qu’on apprend que « l’Anonyme » comme le « frère G. » sont tous deux chanoines à la fois des églises d’Eichstätt et de Würzbourg. La première finalité du texte de l’Anonyme est de raconter la vie et l’épiscopat de Gundekar jusqu’à son décès, probablement pour justifier la position prise par l’évêque Gundekar dans la lutte entre l’empereur et le pape qui fait rage dans les années 1070, point sur lequel on reviendra. Il s’agit donc, à proprement parler, d’un libellus en faveur de Gundekar. Mais si le cœur du propos était évidemment centré sur l’épiscopat de Gundekar, le texte commençait par raconter – avec plus ou moins de détails suivant les cas – les pontificats de ces prédécesseurs depuis la fondation de l’église par saint Willibald en 742. Quoique ne portant pas de titre, il s’agissait donc bien d’un Livre des évêques – un Liber pontificalis – visant, comme on va le voir, à donner de l’église d’Eichstätt une image pérenne. La difficulté que nous rencontrons pour juger de cette œuvre, c’est que la majeure partie du texte – en fait le libellus proprement dit – a disparu : il ne 1. Pontifikale Gundekarium, éd. L. C. Bethmann, dans MGH, Scriptores, VII, Hanovre, 1846, p. 239-253, à la p. 246 : Dedicatio capellae s. Johannis Ev., in qua d. ep. Gundechar secundus sepulturam suam preordinavit. Je suis la chronologie donnée par A. Wendehorst (éd.), Das Bistum Eichstätt, I : Die Bischofsreihe bis 1535, Berlin-New York, 2006 (Germania sacra, n. s., 45, 1), p. 66. 2. Herrieden était une abbaye dépendante de l’église épiscopale d’où provenait une bonne partie du chapitre cathédral.
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nous reste plus que l’histoire des évêques d’Eichstätt depuis la fondation jusqu’à la première année du pontificat de Gundekar II (1057), transmise d’ailleurs par un seul manuscrit du xve siècle. Autant dire que ce libellus n’a eu aucun écho au sein même de la Querelle des investitures et qu’Eichsttät ne se présente pas comme un grand centre de production historiographique, au point que les humanistes du xve siècle qui entreprennent d’écrire une histoire des évêques de cette église se plaignent de n’avoir pas grand-chose à se mettre sous la dent 3. Comment juger de l’intention d’un auteur anonyme dont l’essentiel de l’œuvre a disparu ? On peut s’appuyer d’abord sur la structure même de ce qui reste, dont l’analyse se révèle quand même très intéressante : outre la préface en forme de dédicace au frère G. dans laquelle l’auteur insiste sur la nécessité de soutenir la memoria de l’évêque Gundekar qui vient de mourir 4, l’ensemble de l’histoire épiscopale est comme « encadrée » par le pontificat de Gundekar. En effet, après un bref survol de la lignée épiscopale d’Eichstätt qui consiste seulement en une liste des évêques avec la date de leur décès et la durée de leur épiscopat, le chapitre II raconte comment Gundekar, qui est un enfant du pays, a été choisi puis investi par étapes comme évêque d’Eichstätt. On apprend ainsi que Gundekar, qui était donc le chapelain de l’impératrice Agnès, a été investi par celle-ci, en tant que régente de l’empire pour le compte de son fils Henri IV âgé alors de sept ans : il a été investi par l’anneau le 20 août 1057 à Tribur, comme successeur de l’évêque Gebhard qui était devenu pape sous le nom de Victor II en 1055, mais qui avait conservé sa charge d’évêque d’Eichstätt, et qui est décédé le 28 juillet 1057. Le 5 octobre de la même année, il obtient la crosse de cette même impératrice dans l’église de Spire avec le consentement du clerus, de la militia et de la familia de l’église d’Eichstätt 5. Après son intronisation sur la cathedra d’Eichstätt le 17 octobre, il est consacré évêque le 27 décembre par l’archevêque de Mayence et ses comprovinciaux, en grande pompe au palais royal saxon de Pöhlde, en présence de l’empereur Henri IV, de l’impératrice Agnès, du cardinal Hildebrand – futur pape Grégoire VII – et de quatorze autres évêques et archevêques parmi 3. S. Weinfurter, Die Geschichte der Eichstätter Bischöfe des Anonymus Haserensis, Edition, Übersetzung, Kommentar, Ratisbonne, 1987 (Eichstätter Studien, 24), p. 11. Toutes les références au texte sont données dans cette édition sous la forme « Anonymus ». 4. Sur l’importance de la memoria au sein des préfaces des gesta, M. Sot, Rhétorique et technique dans les préfaces des Gesta episcoporum (ixe-xiie siècle), dans Cahiers de civilisation médiévale, 28, 1985, p. 181-200. 5. Pontifikale Gundekarium, éd. citée n. 1, p. 245 : (…) virga pastoralis, sui ipsius cleri militiaeque et etiam familiae communi laude et voto, Spire est honoratus.
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lesquels Anselme de Lucques, futur pape Alexandre II 6. Notons toutefois que l’auteur des Gesta ne fait que reprendre et résumer le passage qui décrit de manière très détaillée l’élection de Gundekar, telle qu’il a pu la lire dans le pontifical que l’évêque a fait réaliser dans les années 1071-1072 et sur lequel on reviendra. La partie de l’œuvre que nous avons conservée – 41 chapitres – s’achève aussi sur le choix de l’évêque Gundekar, que l’auteur cependant ne raconte pas une nouvelle fois mais pour lequel il renvoie au chapitre II et au Pontifical 7. Cette élection de Gundekar encadre donc, à proprement parler, l’histoire des évêques de l’église d’Eichstätt telle qu’elle est présentée par l’Anonyme. Si cette procédure d’élection est conforme à celle que les empereurs ottoniens puis saliens ont mise au point et pratiqué dans l’empire depuis le xe siècle et semble n’avoir choqué personne en 1057, il est moins anodin de la détailler par le menu en 1078 dans un texte destiné à préserver la mémoire de l’évêque Gundekar et à justifier son action. Elle apparaît au contraire comme un manifeste de l’église d’Eichstätt – ou du moins d’une partie non négligeable de son clergé – en faveur de la fidélité à l’empereur et aux procédures traditionnelles de choix et d’investiture des évêques, au moment même où l’empereur est excommunié et où Grégoire VII a renouvelé fermement l’interdiction de l’investiture par les laïcs, empereur et roi compris. Cette prise de position est d’autant plus notable que si Eichstätt et ses évêques se rangent du côté de l’empereur, l’évêque du siège voisin de Wurzbourg, Adalbéron, est un partisan déclaré du pape au point qu’il a été un temps chassé de son siège par les Würzbourgeois restés fidèles à Henri IV, et qu’il a participé le 12 novembre 1077 à Goslar au concile qui a renouvelé l’excommunication d’Henri IV par le légat pontifical et par l’archevêque de Mayence Siegfried 8. Or on se souvient que l’ouvrage est dédié au « frère G. », qui est, tout comme l’auteur du texte, chanoine d’Eichstätt et de Wurzbourg, et il est probable que tous deux ont dû à partir de 1076 « choisir leur camp », c’est-à-dire choisir lequel de leurs deux évêques ils continueraient de servir. On a le sentiment que l’Anonyme est resté à Eichstätt par fidélité à Gundekar, tandis que le frère G. semble avoir été plus proche de la position d’Adalbéron 9. 6. Analyse de la procédure et des participants dans R. Schieffer, Die Entstehung des päpstlichen Investiturverbots für den deutschen König, Munich, 1981 (MGH Schriften, 28), p. 7-10. 7. Anonymus, cap. 41, p. 67 : De cuius electione, investitura, intronizatione consecrationeque secundum descriptionem ab ipso factam supra iam diximus. 8. S. Weinfurter, Die Geschichte… cité n. 3, p. 17. 9. Ibid., p. 20.
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Voyons maintenant brièvement ce que contient cette histoire des évêques en termes d’importance donnée à chacun des pontifes et en termes de thèmes les plus souvent abordés. Un rapide décompte des paragraphes – qui ne sont pas tous équivalents mais dont on peut faire la conversion en nombre de pages imprimées – montre que l’évêque dont l’auteur parle le plus est Megingaud, évêque de 991 à 1014/15. Il est suivi, à peu près à égalité, par les évêques Héribert (1021/1022-1042) et Gebhard Ier (1042-1057), c’est-à-dire les prédécesseurs immédiats de Gundekar que l’auteur a lui-même connu ou dont il a pu entendre parler par des témoins directs. Il n’y a donc pas beaucoup de « mémoire longue », certains épiscopats ne disposant même pas d’une notice mais étant expédié en une simple mention, probablement parce que l’auteur n’a pu recueillir sur eux aucune tradition 10. L’auteur oublie même le pauvre évêque Udalrich (912-933), alors que ce dernier est bien mentionné dans le pontifical de Gundekar qui lui a servi de source, comme il le dit lui-même. Plus curieux encore est le jugement que l’auteur porte sur les trois évêques dont il parle le plus : si Gebhard demeure l’évêque le plus glorieux, dont on a pu montrer qu’il représente, en tant que pape Victor II, la démarque de Léon IX qui est le grand héros de notre Anonyme 11, l’évêque Héribert n’est pas exempt de critiques et surtout Megingaud, à qui sont pourtant consacrés le plus grand nombre de paragraphes (15-25), représente une sorte de portraittype du mauvais évêque : son principal défaut semble avoir été la gula, car il préférait toujours une courte messe à un court repas et faisait abréger tous les temps liturgiques pour aller manger plus vite 12. En visite à l’abbaye d’Herrieden, il ne supporte pas qu’on y chante plus d’un psaume, mais comme il estime finalement avoir été bien reçu, il fait envoyer des sangliers en cadeau aux chanoines 13. Il jurait sans cesse, mais sans haine, précise notre auteur 14, punissait ses clercs à tort et à travers. Grand ami de l’évêque Macelinus de Würzbourg, il échange avec lui des cadeaux : Eichstätt envoie des poissons, des fourrures 10. Par exemple, Anonymus, cap. 8, p. 45 : Otkero Gotschalc, huic vero venerabilis Erchanboldus successit. 11. S. Weinfurter, Die Geschichte… cité n. 3, p. 22 et M. Chazan, Léon IX dans l’historiographie médiévale de l’Europe occidentale, dans G. Bischoff et B.-M. Tock (éd.), Léon IX et son temps, Turnhout, 2006, p. 589-621 qui montre qu’il est un des premiers à faire de Léon IX un véritable modèle anti-grégorien. 12. Anonymus, cap. 17, p. 50. 13. Ibid., cap. 16, p. 50. 14. Ibid., cap. 19, p. 51 : Solebat quoque nonnunquam facile maledicere, verum absque ulla fellis amaritudine.
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et des linges fins qui font la renommée de la ville durant tout le Moyen Âge, tandis que Würzbourg fournit du vin qu’il produit en grande quantité et dont l’évêque Megingaud est particulièrement amateur 15 : il n’hésite pas à traiter de « diabolus » l’évêque d’Augsbourg Brunon – le propre frère de l’empereur – parce qu’il ne lui a fourni du vin que pour dire la messe 16. De tous les évêques, il est aussi celui dont le portrait est le plus vivant, en raison du très grand nombre de citations au style direct (y compris les jurons et insultes : furcifer, trifurcifer, filius meretricis etc.), qui sont exceptionnelles dans les autres notices. Bien que les chapitres consacrés à Megingaud commencent par une lamentation de l’auteur qui le décrit tout de suite comme peu comparable à son prédécesseur Réginold, qui était doux, juste et très instruit, véritable contremodèle dont il serait préférable de ne point parler, il suinte de ce texte une indéniable sympathie pour ce mauvais évêque. Pourquoi ? Le développement d’un aussi mauvais exemple d’évêque impérial, propre parent de l’empereur Henri II, ne pouvait a priori que servir la cause des Grégoriens. On constate cependant qu’au milieu de tous ses vices, Megingaud conserve aux yeux de l’Anonyme au moins deux qualités qui sont liées entre elles : il est parent de l’empereur et il a su défendre efficacement les possessions de l’église d’Eichstätt menacées lors de la fondation du diocèse de Bamberg. On comprend aisément que ces deux aspects soient liés : c’est parce qu’il est proche parent de l’empereur que Megingaud peut se permettre de résister à ses demandes. Cet aspect est illustré par plusieurs épisodes : lorsque l’empereur qui fait route vers Ratisbonne lui demande des vivres, au titre du servitium dû par l’église, dont la quantité – en particulier de vin – aurait effrayé même un archevêque, nous dit le texte, Megingaud se met en colère et envoie à la place à l’empereur une grande quantité des fameux tissus d’Eichstätt en expliquant à l’envoyé de l’empereur que c’est le meilleur servitium qu’Eichstätt puisse lui fournir 17. Quand il va à la cour, il n’hésite pas à forcer la porte de l’empereur en arguant de leur parenté et du fait qu’il est son aîné 18. Mais c’est surtout dans le dernier chapitre consacré à Megingaud que l’Anonyme lui rend hommage. Il explique en effet comment le « très chrétien empereur Henri », ayant fondé le diocèse de Bamberg entreprit de redéfinir les limites de tous les diocèses circonvoisins – à leur détriment, évidemment. 15. 16. 17. 18.
Ibid., cap. 21-22, p. 52. Ibid., cap. 23, p. 53-54. Ibid., cap. 23. Ibid., cap. 24, p. 54.
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Et parmi tous les évêques, Megingaud « seul, agonista noster, comptant sur son caractère et sur sa naissance, lui résista viriliter en n’acceptant jamais l’échange inique » 19 proposé par l’empereur (échange sur lequel on n’a aucune autre information). C’est pourquoi, poursuit notre auteur, à la mort de Megingaud, le rusé (ingeniosus) empereur remit l’évêché qui avait toujours été tenu par des hommes nobles et de haute naissance 20 à une personne de vile extraction, un dénommé Gunzo, custode de l’église de Bamberg, qui tente tout à fait vainement de s’opposer aux projets de l’empereur qui le rappelle à l’ordre et le menace de lui retirer sa faveur. La morale de l’histoire de Megingaud me semble claire : elle correspond d’abord, à l’affirmation, bien connue pour l’ensemble des Gesta episcoporum, selon laquelle la sainteté de l’Église qui est ici démontrée est « une sainteté globale de toute la lignée des prélats, indépendante de la non-sainteté de certains individus, une sainteté qui transcende les accidents du temps et de l’histoire 21 », ce qui explique que tous les évêques, même les pires, aient leur place dans la rédaction. Mais cette morale défend aussi une conception plus précise de la charge épiscopale : quels que soient ses défauts, un bon évêque est d’abord celui qui défend le patrimoine de son église et il ne peut le faire que s’il en a les moyens ; la qualité sociale des évêques de l’Église impériale, qui sont dans leur immense majorité des aristocrates, leur donne la possibilité de résister même aux empereurs qui les ont choisis. Ils deviennent ainsi des « champions » de l’Église, conçue, dirais-je, presque « à la mode carolingienne », comme une communauté conjointement dirigée par l’empereur, le pape et le corps épiscopal dans un système qui n’est pas entièrement pyramidal. Or on sait bien que la remise en question par les Grégoriens du mode d’élection des évêques est aussi une remise en question de la vocation naturelle de l’aristocratie à diriger l’Église 22 et a donc eu prioritairement comme conséquence l’abaissement du niveau social du corps épiscopal, point sur lequel l’Église du royaume de Germanie était particulièrement sensible en raison d’une tradition aristocratique sans doute plus affirmée qu’ailleurs.
19. Ibid. : (…) solus agonista noster, tam moribus quam genere fretus, viriliter sibi resistit, et ad vitae usque finem iniquo concambio nullatenus acquiescere voluit. 20. Ibid. : (…) Eistetensem episcopatum, ab initio usque tunc a nobilibus et summis viris habitum, ingeniosus imperator tunc demum servili personae addixit. 21. M. Sot, Gesta episcoporum, Gesta abbatum, Turnhout, 1981 (Typologie des sources du Moyen Âge occidental, 37), p. 17. 22. F. Mazel, La noblesse et l’Église en Provence (fin xe-début xive siècle). L’exemple des familles d’Agoult-Simiane, de Baux et de Marseille, Paris, 2002, spéc. p. 146-150.
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On voit bien aussi que ce qui est au centre du propos, c’est l’Église en tant qu’ensemble de biens intouchables : à l’origine pure communauté spirituelle, l’Église s’affirme dans l’espace et comme espace progressivement depuis les débuts de l’époque carolingienne pour s’identifier peu à peu à l’ensemble des territoires et des bâtiments qui lui appartiennent 23. Or c’est là le second grand thème que l’on trouve mis en avant par l’Anonyme : l’Église – et toute la sanctitas qui y est attachée – repose sur un fondement à la fois territorial et monumental qui court en filigrane tout au long des Gesta mais aussi du pontifical réalisé par l’évêque Gundekar sur lequel l’Anonyme prend appui. Il faut donc maintenant dire un mot de ce pontifical 24, commandité par l’évêque Gundekar lui-même. Il se présente comme une fondation mémoriale pour lui-même et pour tous ses debitores défunts 25. Il vise donc, comme les Gesta, à exalter la chaîne des évêques depuis la fondation de l’Église par saint Willibald en 742, la mémoire longue des évêques qui sont représentés en trois miniatures pleine page dans l’ordre de leur épiscopat. Les six premiers sont groupés sous une mention qui court tout autour du cadre : « Voici les saints hommes que le Seigneur a choisis et à qui il a donné la gloire éternelle : à travers leur enseignement rayonne l’Église comme le soleil et la lune 26. » Les douze suivants, représentés aux folios 17v et 18r, donc sur une sorte de double page, sont groupés sous une mention qui court sur les deux folios et qui dit : « Voici les triomphateurs et les amis de Dieu, qui méprisent les ordres des princes et gagnent une récompense éternelle : ils seront couronnés et obtiendront la palme 27. » 23. Sur ce processus, D. Iogna-Prat, La Maison Dieu. Une histoire monumentale de l’Église au Moyen Âge, Paris, 2006. 24. La meilleure description du manuscrit se trouve dans M. Andrieu, Les Ordines romani du haut Moyen Âge, I : Les manuscrits, Louvain, 1931 (Spicilegium sacrum Lovaniense, Études et documents, 11), rééd 1965, p. 117 et suiv. Il en existe aujourd’hui un fac-similé : A. Bauch et E. Reiter (éd.), Das Pontifikale Gundekarium, Wiesbaden, 1987. Voir aussi E. Freise, Kalendarische und annalistische Grundformen der Memoria, dans K. Schmid et J. Wollasch (éd.), Memoria. Der geschichtliche Zeugniswert des liturgischen Gedenkens im Mittelalter, Munich, 1984 (Münstersche Mittelalter-Schriften, 48), p. 441-577. 25. Pontificale Gundekarium, éd. citée n. 1, p. 245 : Gundecar peccator… pro se ipso et pro omnium debitorum suorum remedio, maxime autem pro antecessorum suorum episcoporum refrigerio, pro quorum sacra reverentia et condigna memoria imagines eorum et nomina et tempus quod in ordine episcopali vivebant, diesque discessionis eorundem hic annotare curavit, ut et ipisi apud Deum assiduis precibus illum adiuvare dignentur. 26. Ibid., p. 243 : Isti sunt viri sancti, quos elegit Dominus in caritate non ficta, et dedit illis gloriam sempiternam : quorum doctrina fulget ecclesia ut sol et luna. 27. Ibid., p. 244 : Isti sunt triumphatores et amici Dei, qui contempnentes iussa principum meruerunt premia eterna : modo coronatur et accipiunt palma.
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Ces deux citations sont tirées de l’Officium commune Apostolorum célébré le 15 juillet et visent donc à rappeler que tous les évêques – bons ou mauvais – sont par définition les successeurs des Apôtres. Cette iconographie ne connaît par ailleurs aucun équivalent 28 et elle est, en quelque sorte, doublée par les listes non seulement des évêques avec la date de leur décès et la durée de leur pontificat, suivi du récit circonstancié de l’accession de Gundekar, frater ultimus, à l’épiscopat, mais aussi d‘une très longue description des églises et des autels consacrés par Gundekar, dans et hors du diocèse d’Eichstätt. Vient enfin une sorte de calendrier dont il manque certainement une partie, puis une liste des évêques de Germanie et d’Italie et des chanoines d’Eichstätt décédés pendant le pontificat de Gundekar, sans aucune indication temporelle. C’est donc là un manuscrit composite qui tient du nécrologe, du livre de confraternité, du pontifical et… du Liber pontificalis romain, qui est d’ailleurs le modèle qu’il revendique 29. Il est donc aussi une sorte de « double » de l’œuvre de l’Anonyme : exaltant la figure de Gundekar comme dernier maillon de la longue chaîne qui le rattache à saint Willibald, il consigne aussi scrupuleusement l’action de l’évêque sur l’espace, au sein d’un manuscrit dont la première fonction est évidemment liturgique puisqu’il s’agit d’un pontifical dont les ordines sont conformes à ce qu’on connaît du pontifical de type romano-germanique 30. Cette attention à l’espace se manifeste de plusieurs manières : le pontifical donne tout d’abord la liste des autels consacrés par Gundekar au sein même de la cathédrale et des églises de la ville, en mentionnant chaque fois le nombre des reliques incluses dans l’autel 31. Ensuite, il donne la liste des églises consacrées hors de la ville 32, mais parfois même aussi hors du diocèse, probablement en des lieux où l’église d’Eichstätt possédait des biens 33. Enfin, il revient à
28. É. Palazzo, L’évêque et son image. L’illustration du pontifical au Moyen Âge, Turnhout, 1999, p. 127. 29. A. Wendehorst, Bischöfe und Bischofskirchen von Würzburg, Eichstätt und Bamberg, dans S. Weinfurter (éd.), Die Salier und das Reich, II : Die Reichskirche in der Salierzeit, Sigmaringen, 1992, p. 225-249. 30. M. Andrieu, Les Ordines romani du haut Moyen Âge, I : les manuscrits… cité n. 24, p. 117-134. 31. Pontificale Gundekarium, éd. citée n. 1, p. 246 : fol. 8r à 10r. 32. Ibid. : fol. 10v-11r. 33. A. Wendehorst (éd.), Das Bistum Eichstätt, I… cité n. 1, p. 67.
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deux chapelles construites par Gundekar dans l’église cathédrale ainsi qu’aux deux autels consacrés dans la crypte 34. Cette longue insertion des églises consacrées qui représente plus de sept folios du manuscrit, nous rappelle que ce discours liturgique, comme celui des Gesta, est profondément ancré à la fois dans le temps et dans l’espace : ce que tend à montrer le « prologue » assez inhabituel de ce pontifical, c’est à la fois l’insertion de Gundekar dans la longue chaîne des évêques qui découle de l’apôtre Willibald, mais aussi l’inscription de l’action de cet évêque sur l’espace. Cette dernière reflète en réalité deux soucis complémentaires : d’une part « restaurer » au sens propre les bâtiments de l’église d’Eichstätt qui avaient beaucoup souffert de la politique des évêques précédents, d’autre part montrer que l’église épiscopale est le centre à partir duquel l’évêque diffuse le sacré vers chaque église paroissiale, y compris hors de son propre diocèse, dès lors que son Église y possède des terres ou des biens. Le but est donc bien « d’intégrer à l’espace sacré tous les biens qui appartiennent à l’Église au sein d’une aura de sainteté qui entoure tout ce qui touche à la lignée épiscopale 35 ». Ce discours sur l’espace rejoint directement celui de l’auteur des Gesta qui ne mentionne pas la liste des églises consacrées mais qui, comme il est d’usage, fait une large place à l’activité de construction des différents évêques d’Eich stätt depuis les origines. Mais là où l’Anonyme fait preuve d’originalité, c’est en critiquant vivement la « fièvre de construction » qui anime un certain nombre d’évêques, notamment Héribert (1021-1042), mais aussi Réginold (966-991). Réginold a fait d’immenses travaux dans la cathédrale et il a notamment fait transférer les reliques de saint Willibald de la tombe qui se trouvait au centre du chœur dans une crypte occidentale consacrée le 22 avril 989. Ce développement du « Westwerk » de la cathédrale doit être compris comme l’application à Eichstätt des modèles ottoniens – notamment celui de SaintPantaléon de Cologne – qui mettent l’accent sur le regale sacerdotium qui s’incarne à l’ouest de l’église : l’origine de Réginold, ancien clerc de la chapelle royale, et les divers offices liturgiques qu’il a composés corroborent aisément cette interprétation 36. Pourtant, la manière dont l’Anonyme présente cette 34. Pontificale Gundekarium, éd. citée n. 1, p. 247 : fol. 11v-12r. 35. M. Sot, Gesta… cité n. 21, p. 21. 36. S. Weinfurter, Sancta Aureatensis ecclesia. Zur Geschichte Eichstätts in ottonisch-salischer Zeit, dans Zeitschrift für bayerische Landesgeschichte, 49, 1986, p. 3-40, rééd. dans Id., Gelebte Ordnung – Gedachte Ordnung. Ausgewählte Baiträge zu König, Kirche und Reich, Ostfildern, 2005, p. 95-134.
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transformation est assez négative : tout d’abord, il précise que Réginold a consulté son ami l’évêque Ulrich d’Ausgbourg, qui aurait cherché à le dissuader de transformer la cathédrale au motif qu’elle était, de toutes les églises qu’il connaissait, celle où il avait le mieux prié 37. Réginold passe outre l’avis de ce personnage qui, à l’époque où écrit l’Anonyme, est vénéré comme l’un des plus grands saints de la région. Ensuite, l’Anonyme raconte que, depuis l’embellissement de la cathédrale, le nombre des miracles qui se déroulaient fréquemment sur la tombe de saint Willibald a nettement diminué 38. Mais l’action de Réginold n’est rien comparée à celle d’Héribert, grand personnage, neveu à la fois de l’évêque Héribert de Cologne (999-1021) et de l’évêque Henri Ier de Wurzbourg (995-1018), tous deux grands bâtisseurs 39. Considérant que les bâtiments ecclésiastiques sont vétustes et médiocres, il fait détruire entièrement le palais épiscopal, y compris la partie réservée aux chanoines, et une bonne partie de la cathédrale qu’il entreprend de reconstruire. Cette fièvre de construction semble d’ailleurs n’avoir pas été du goût de tout le monde, en particulier des chanoines et des habitants de la cité qui ont dû financer l’essentiel des travaux. Mais surtout, Héribert a fait abattre la très ancienne chapelle dédiée à Notre Dame où Willibald avait reçu la prêtrise des mains de saint Boniface lui-même, pour en reconstruire une plus prestigieuse 40. Cette action est racontée par l’Anonyme comme un véritable sacrilège et il conclut que si maintenant la chapelle Notre-Dame est plus grande, elle ne l’est certainement pas par sa sainteté 41. Héribert apparaît donc comme celui pour qui la sanctitas d’Eichstätt n’a aucune valeur : il va jusqu’à essayer d’organiser le déplacement des reliques de saint Willibald et, partant, du siège épiscopal lui-même, vers le monastère de Klosterneubourg sur le Danube : mais la résistance du saint empêche la réalisation de ce projet auquel s’oppose finalement l’empereur Henri III. Furieux, Heribert quitte la cour impériale en jurant qu’il ne rentrera pas vivant à Eichstätt… et naturellement, il meurt en chemin 42. Ce passage est très intéressant car il n’est guère conforme à la tendance qu’on observe entre le xe et le xiie siècle, où l’on assiste plutôt à une sorte de renforcement de l’idéal de l’évêque bâtisseur. Comme accomplissement de la 37. Anonymus, cap. 13, p. 48. 38. Ibid. : Ex eo tempore paulatim cessabant signa et prodigia, quae ibi prius fiebant plurima. 39. A. Wendehorst, Das Bistum Eichstätt, I… cité n. 1, p. 53-57. 40. Anonymus, cap. 29-30, p. 57-58. 41. Ibid. : capellam… maiorem quidem quantitate sed longe imparem sanctitate. 42. Anonymus, cap. 32, p. 60.
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liturgie et du devoir de caritas, la construction possède une qualité spirituelle spécifique : elle est une sorte de cheville entre les devoirs « intérieurs » (interiora) et « extérieurs » (exterioria) qui sont liés à la charge épiscopale 43. Ici, l’Anonyme dénonce la fièvre de construction qui aboutit au non-respect de la tradition de l’Église et à l’appauvrissement des populations. Or justement, l’évêque Gundekar est celui qui reconstruisit ce que les autres avaient détruit, dans le respect de la tradition. Et c’est probablement aussi ce qui explique la place importante donnée aux consécrations d’autels, de chapelles et d’églises dans le pontifical qui repose sur la même logique. Gundekar s’emploie d’abord à faire reconstruire la partie orientale de la cathédrale démolie par Héribert, en modifiant cependant les plans de son prédécesseur : car il fait réédifier la cathédrale à l’emplacement de l’église de saint Willibald, apparaissant ainsi comme celui qui réconcilie l’Église du xie siècle avec la tradition 44. Il fait également « remonter » le corps du saint patron d’Eichstätt de la crypte occidentale où Réginold l’avait enfoui, au centre du chœur de la cathédrale, lui rendant ainsi sa place vers l’orient et vers la lumière. Plus tard, il fit transférer les reliques de saint Boniface et de saint Vite de la sombre crypte occidentale à la lumineuse crypte orientale à trois nefs 45. Il fait consacrer le nouvel autel de saint Willibald où il ne place pas moins de soixante-quatorze reliques, le 22 juillet 1060, c’est-à-dire le jour anniversaire de la consécration de Willibald lui-même. Ainsi l’autel de Willibald est-il le premier autel consacré dans la cathédrale, avant même le maître-autel dédié au Saint-Sauveur qui ne fut consacré qu’en octobre de la même année 46, manifestant le lien qui unit l’ensemble des évêques et l’église elle-même à son fondateur. Enfin, Gundekar fait réédifier les deux tours du Westwerk dont les chapelles dédiées à saint Michel et à la Vierge ne furent consacrées qu’en juillet 1072, ce qui représente plus de dix années de travaux durant lesquelles 43. W. Giese, Zur Bautätigkeit von Bischöfen und Äbten des 10. bis 12. Jahrhunderts, dans Deutsches Archiv, 38, 1982, p. 388-438, ici p. 436. 44. Anonymus, cap. 41, p. 67 : Qui mox, ut ordinatus est, cum domum sancti Willibaldi ab orientali parte dirutam invenisset, quod antecessor suus quorundam pravo consilio persuasus parvo ante obitum tempore iussit fieri, causa tamen meliorandi, nihil impensius maturandum credidit, quam ut dirutum reedificaret et reedificatam basilicam dedicaret. C’est la première – et la seule – action mentionnée par l’Anonyme pour le pontificat de Gundekar. 45. Pontificale Gundekarium, éd. citée n. 1, p. 247 : (…) translatum est hoc altare de loco tenebroso ad lucidum et consecratum est… 46. Sur tout cela, Pontificale Gundekarium, éd. citée n. 1, p. 246 et A. Wendehorst, Das Bistum Eichstätt, I… cité n. 1, p. 66.
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Gundekar s’est également préparé une sépulture dans une chapelle bâtie sur le flanc droit de la cathédrale, dédiée au Baptiste et à la Vierge, à laquelle il fait – avec d’autres membres de la familia épiscopale – une riche donation qui implique un service mémoriel précis après le décès de l’évêque 47. L’autel de cette chapelle a été consacré par Gundekar le 17 octobre 1062 en présence de l’impératrice Agnès et de nombreux évêques. C’est à cet autel que Gundekar a fait cadeau de la croix pectorale en argent sertie de pierreries qu’il portait et qu’il a fait reproduire deux fois : en tête de son pontifical et sur un exemplaire du Décret de Burchard de Worms qu’il a fait compiler. Cette croix était couverte d’inscriptions métriques qui, selon le modèle hérité de Hraban Maur, célébraient la dévotion particulière de Gundekar à la croix 48. Si l’on confronte le pontifical de Gundekar et le Liber Pontificalis de l’Anonyme, on perçoit dans l’œuvre de cet évêque et de ceux qui l’ont entouré d’abord le souci de reconstruire ce que ces prédécesseurs ont indûment détruit, mais cette reconstruction n’est pas seulement matérielle, elle est aussi mémorielle. Dans les moindres détails, elle s’appuie sur la tradition qui est la garantie de la sanctitas de l’Église épiscopale, mise à mal par des évêques ambitieux et rénovateurs. Comme dans toute entreprise de Gesta et dans tout Liber pontificalis, on voit ici se superposer les autels renfermant les reliques des saints fondateurs, les chapelles funéraires destinées à accueillir leurs successeurs, manifestant la prise en charge de la memoria des évêques dans un mausolée qui est fait à la fois de pierre et de texte, qui se déploie dans l’espace et dans le temps, et qui culmine dans l’exaltation de la liturgie pontificale. En même temps, il s’agissait de répondre à la situation de crise que traversait l’Église impériale à laquelle l’évêque d’Eichstätt, comme son chapelain, demeuraient résolument attachés. Il faut mesurer le choc qu’a pu représenter pour une Église qui avait toujours entretenu d’excellentes relations avec la papauté, dont l’évêque Gebhard était devenu lui-même pape quelques années auparavant, le fait d’être brutalement rejetée dans le camp des hérétiques, uniquement parce que ses pontifes continuaient de croire à une ecclesia au sein de laquelle l’empereur se devait d’occuper la première place, aux côtés du pape. C’est ce qui explique les mots très durs de l’Anonyme envers les Grégoriens 47. F. Heidingsfelder, Die Regesten der Bischöfe von Eichstätt, Innsbruck, 1915, n° 237, p. 82-83. L’acte est édité dans les Monumenta Boica, XLIX, n. s. III, Munich, 1910, n° 4, p. 14-20. 48. Reproduction (schématique) dans MGH, Scriptores, VII, p. 242. Texte dans S. Weinfurter, Sancta Aureatensis Ecclesia… cité n. 36, p. 36. Sur Hraban Maur et les louanges à la Sainte-Croix, Rabani Mauri In honorem sanctae crucis, éd. M. Perrin, Turnhout, 1997 (Corpus Christianorum, Continuatio mediaevalis, 100A), Turnhout, 1997.
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en général et envers Grégoire VII en particulier. Mais c’est ce qui explique surtout que l’Anonyme milite pour que ne soit pas abandonnée la mémoire de Gundekar, comme il l’explique dès les premières lignes de sa préface. En ce sens, il faut considérer le Liber pontificalis d’Eichstätt comme « mausolée » de la mémoire de Gundekar, mais aussi comme libellus à inscrire dans la longue liste des libelli impériaux. C’est sans doute ce qui explique aussi qu’il soit un des derniers : avec la fin de l’Église impériale, directement issue de l’Église carolingienne, les Gesta disparaissent avec un monde qui meurt.
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Écrire l’histoire des évêques en Péninsule ibérique, de l’époque wisigothique à la « normalisation » de l’église (viie-xiie siècle) Patrick Henriet
Une aire géographique sans saints évêques au viiie, ixe, xie ou encore xiiie siècle, mais qui produit dès le viie siècle un texte pouvant être rattaché, dans une certaine mesure au moins, au genre des Gesta episcoporum… qui n’existe pas encore ; une société qui voit naître des prélats tels qu’Isidore de Séville ou Ildephonse de Tolède mais n’accorde guère de rôle aux évêques durant tous les premiers siècles du processus de « reconquête ». Voilà au moins deux paradoxes qui pourront nous orienter dans les lignes suivantes et pour lesquels on tentera de proposer quelques explications. Comment a-t-on écrit l’histoire des évêques durant six cents ans, soit de la grande époque wisigothique à la « normalisation » de l’Église hispanique au xiie siècle, ce moment où les usages et les clercs romano-francs s’installent en Péninsule ? Pour brosser un tableau, sans doute particulièrement cavalier, il conviendra bien sûr de passer en revue les différents textes, chroniques, vies de saints, listes d’hommes illustres, histoires de sièges, qui furent alors consacrés à l’histoire des évêques hispaniques. Mais il sera nécessaire aussi de rapporter cette moisson, relativement maigre au regard d’autres zones du monde latin, à ce que l’on peut appeler un « système d’Église ». La place que l’on entendait donner aux histoires d’évêques reflétait en effet largement la place que l’on entendait donner aux évêques dans l’Histoire.
L’époque wisigothique : exaltation des sièges et de leurs titulaires, conscience de corps épiscopale Au viie siècle, les auteurs wisigothiques ont écrit l’histoire de certains évêques en sacrifiant à deux genres littéraires bien différents : l’hagiographie, ce qui n’est pas une surprise, et les Vies des Hommes illustres. Non seulement les traités de saint Jérôme et de Gennade circulaient en Péninsule, mais Isidore
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de Séville d’abord, puis Ildephonse de Tolède, composèrent des œuvres de ce type 1. Or la part des évêques, jamais négligeable, y devint essentielle. Dans la version brève du De viris illustribus d’Isidore, les évêques se taillent déjà la part du lion : ils représentent vingt-six notices sur trente-trois en comptant celles qui sont consacrées à deux évêques de Rome, Siricius et Grégoire le Grand 2. Mais on notera que les prélats espagnols ne sont que douze et ne permettent guère de valoriser un siège particulier. Séville, par exemple, n’est représentée que par un seul prélat : Léandre, frère d’Isidore. Une version longue (quarante-six notices et une préface) ne donne que deux notices hispaniques supplémentaires 3. En revanche, l’attention à une histoire des évêques hispaniques et l’exaltation d’un siège particulier se précisent nettement chez Ildephonse 4 : le prologue mentionne déjà Eugène II « de sainte mémoire », prélat du « glorieux siège de la ville de Tolède », laquelle fait ensuite l’objet d’un éloge très appuyé 5. Suivent treize notices, dont une seule n’est pas épiscopale, et sept d’entre elles sont consacrées à des prélats tolédans 6. On est donc passé avec Isidore d’une œuvre qui était encore très proche de la tradition 1. Les deux œuvres sont éditées par Carmen Codoñer : El « De viris illustribus » de Isidoro de Sevilla, Salamanque, 1964 ; El « De viris illustribus » de Ildefonso de Toledo. Estudio y edición crítica, Salamanque, 1972 (cette dernière réimpr. dans le Corpus Christianorum, Series latina, CXIVA, Turnhout, 2007, p. 473-617). 2. Notices consacrées à Osius de Cordoue ; Itacius, Hispaniarum episcopus ; Siricius, pape ; Jean Chrisostome, évêque de Constantinople ; Possidonius, Africanae provinciae episcopus ; Primasius, Africanus episcopus ; Proterius d’Alexandrie ; Paschase de Sicile ; Fulgence de Ruspe ; Eucher, Galliensis episcopus ; Hilaire d’Arles ; Apringius de Beja (Pacensis Hispaniae episcopus) ; Facundus Hermianensis ; Justin de Valence ; Juste d’Urgel ; Martin de Braga ; Avit de Vienne ; Dracontius ; Victor Tunnunensis ; Jean, évêque de Constantinople ; Grégoire Ier ; Léandre de Séville ; Sévère de Malaga ; Jean de Gérone ; Eutrope de Valence ; Maxime de Saragosse. 3. Pierre de Lérida et Isidore lui-même, d’après la Renotatio librorum Domini Isidori de Braulion de Saragosse. Sur la Renotatio, voir J. C. Martín, La Renotatio librorum Domini Isidori de Braulio de Zaragoza († 651). Introducción, edición crítica y traducción, Logroño, 2002. La version longue n’est pas d’Isidore et n’est en conséquence pas éditée par Carmen Codoñer. On peut la consulter dans PL 83, col. 1081-1106. 4. Ainsi que l’avait montré J. Fontaine, El De viris illustribus de San Ildefonso, tradición y originalidad, dans Anales Toledanos, 3, 1970, p. 59-96, repris dans Id., Culture et spiritualité en Espagne du ive au viie siècle, Londres, 1986 (Collected studies series, 234), article n° VIII. 5. Ildephonse se présente comme successor sanctae memoriae alterius Eugenii factus in sede illa gloriosa Toletanae urbis, quam non ex hominum immenso conventu gloriosam dico, cum hanc etiam gloriosorum inlustret praesentia principum, sed ex hoc quod coram timentibus Deum iniquis atque iustis habetur locus terribilis omnique veneratione sublimis, éd. C. Codoñer, p. 112. 6. Soit Asturius, Montanus, Aurasius, Helladius, Juste, Eugène Ier et Eugène II.
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antique à un catalogue exaltant avant tout un siège, celui de Tolède. Cette évolution est entérinée par quelques ajouts postérieurs : après le décès de son prédécesseur, Julien de Tolède écrit dans le même esprit une Vita Ildefonsi qui ne doit rien au genre hagiographique et à la fin du viie siècle, Felix, nouveau prélat tolédan, rédige un éloge de Julien 7. Mais l’époque wisigothique voit aussi le début d’une hagiographie que l’on peut qualifier d’épiscopale, avec une pièce maîtresse dans le panorama littéraire de l’époque, les Vies des Pères de Mérida 8. La constitution de ce texte est assez complexe. Une première version fut écrite dans les années 633-638. Elle débutait par trois miracles. Suivaient les Vies des Pères proprement dites, qui couvrent essentiellement des événements survenus durant la période 560-600. Défilent sous nos yeux les pontificats de Paul, de Fidèle, de Masona (le plus longuement détaillé), d’Innocent et enfin de Renovatus. Ces deux derniers prélats sont traités brièvement et nous amènent en 633. Dans les années 672680 (?), une seconde recension a intercalé dans le texte une partie de la Vita Fructuosi comprenant entre autres le passage de Fructueux à Mérida (avec un éloge de la ville) et diverses pièces finales qui ont aujourd’hui disparu 9. Les Vitas Sanctorum Patrum Emeretensium sont un texte ambitieux qui procède par emboîtements successifs et parallèles. En effet, l’histoire du siège de Mérida n’est pas réductible à celle de ses évêques et à bien des égards, la première figure de l’œuvre est la prestigieuse martyre locale, Eulalie. Son nom apparaît plus souvent que tout autre, et c’est elle qui justifie deux des trois premiers chapitres, dans lesquels les évêques n’apparaissent pas 10. Quant aux « Pères », les évêques, ils sont ses dévots et œuvrent au bien de leur ville en 7. Pour l’Elogium d’Ildephonse par Julien, voir Á. C. Vega, De patrología española. San Ildefonso de Toledo, dans Boletín de la Real Academia de la Historia, 165, 1969, p. 43-44 ; pour l’éloge de Julien par Felix, PL 96, col. 445-452. 8. On consultera l’édition d’A. Maya Sánchez, Vitas sanctorum patrum Emeretensium, Turnhout, 1992 (Corpus Christianorum, Continuatio mediaevalis, 116). Les commentaires de J. N. Garvin, The « Vitas » sanctorum patrum Emeretensium, Washington, 1946, restent utiles. 9. Présentation des différentes recensions par A. Maya Sánchez, éd. citée, p. xxxi-xliii. 10. Le premier récit est une vision de l’au-delà survenue à un adolescent nommé Auguste, qui travaille au monastère de Sainte-Eulalie et y est inhumé ; le second traite de la mort d’un moine de Cauliana, monastère proche de Mérida ; le troisième traite de la mort de l’abbé Nanctus, venu d’Afrique, dévot d’Eulalie et inhumé dans son monastère. La raison exacte de l’insertion du second récit n’est pas claire. Elle est peut-être liée au désir de l’auteur de montrer que les miracles survenus en Péninsule, et particulièrement à Mérida, n’ont rien à envier à ceux que Grégoire le Grand rapporte pour l’Italie dans ses Dialogues (voir le prologue, éd. citée, p. 3-5, et la note suivante).
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tant que tels. On a donc ici un système de médiation à trois et non deux étages, qui va de la communauté chrétienne à la martyre en passant par les saints évêques. Mais l’emboîtement n’est pas seulement celui de la hiérarchie des médiateurs. Il est aussi fait d’espaces dans la mesure où la ville de Mérida n’est pas seule concernée par la construction proposée. Celle-ci part des deux principaux établissements religieux de la ville, Sainte-Eulalie et la cathédrale, pour s’étendre par capillarité à l’entité urbaine dans son ensemble, puis à la province de Lusitanie et enfin à l’Hispania, le prologue rappelant déjà que les prodiges opérés dans cette région du monde ne sont pas inférieurs à ceux que Grégoire le Grand rapportait pour l’Italie 11. En enfilant chronologiquement, comme autant de perles, les notices hagiographico-biographiques, les Vies des Pères de Mérida rappellent le genre des Gesta episcoporum alors que celui-ci n’existe pas encore 12. Leur auteur n’a pas non plus connu leur source d’inspiration, le Liber pontificalis, qui ne circule pas en péninsule Ibérique au cours du haut Moyen Âge. Comment expliquer, par conséquent, l’apparition de cette œuvre étrange ? De même, comment interpréter l’évolution du genre des Vies des hommes illustres, qui tourne avec Ildephonse à l’apologie d’un siège en la personne de ses évêques, ce qui le rapproche, au-delà des différences de genre, des Vitas patrum Emeretensium ? J’aimerais suggérer, pour en terminer sur ce point, que ces deux textes, le De viris illustribus d’Ildephonse et les Vitas patrum, reflètent le développement d’une conscience épiscopale dans l’Espagne wisigothique, conscience liée au sentiment d’appartenir à un corps investi d’une mission. Les évêques s’expriment et ils affirment le rôle de leurs sièges. Cette constatation ne doit certes pas faire perdre de vue l’implication bien démontrée des prélats, généralement issus des milieux aristocratiques, dans des luttes de pouvoirs qui impliquaient également les rois et les grands laïques 13. Il ne s’agit donc pas 11. Après avoir rappelé la crédibilité des miracles rapportés par Grégoire, l’auteur continue : Quam ob rem ut omnium legentium vel audientium fides maiori credulitate robore firmetur, ea odiernis temporibus in Emeretensi urbe fuisse narramus, que non relatu aliorum agnovimus neque finctis fabulis didicimus, sed que ipsi, eos referentes, auribus nostris audivimus, quos e corporibus mirabiliter egressos ad etherea regna pervenisse non dubitamus, éd. citée, p. 5. 12. M. Sot, Gesta episcoporum, gesta abbatum, Turnhout, 1981 (Typologie des sources du Moyen Âge occidental, 37). Mise à jour du fascicule 37 : Turnhout, 1985. 13. Sur ce point, voir l’article de C. Martin, L’innovation politique dans le royaume de Tolède : le sacre du souverain, à paraître dans Élections et pouvoirs politiques au Moyen Âge et 16e, 17e siècles (colloque international 30 nov.-2 déc. 2006). Je remercie Céline Martin pour m’avoir permis d’accéder à ce travail.
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d’imaginer un corps épiscopal désintéressé, uniquement soucieux d’imposer sa marque et son influence sur la société chrétienne. Mais on n’en assiste pas moins au développement de ce que l’on pourrait qualifier comme une « idéologie épiscopale ». Les évêques ne raisonnent pas seulement comme de grands aristocrates issus d’un milieu avec lequel ils continuent d’entretenir des connivences. En réalité, leur conscience de corps et leur fierté de représenter un siège prestigieux n’entrent pas en concurrence avec des comportements susceptibles de recevoir une explication satisfaisante par l’examen minutieux des mécanismes dits « sociaux ». Elles se situent sur un autre plan. L’Église wisigothique a développé une conscience épiscopale de corps, héritière directe de la tradition antique. Celle-ci s’exprime de façon non exclusive mais tout de même très marquée dans les textes que nous avons présentés. Les Vies des Pères de Mérida, qui rapportent longuement la lutte, dans les années 570-580, de l’évêque Masona contre le roi et tyran arien Léovigilde, montrent comment le bon évêque est un rempart contre la tyrannie et l’hétérodoxie, ceci en pleine époque des grands conciles tolédans 14. Au début du viie siècle, le roi Sisebut avait utilisé la figure d’un évêque mérovingien martyr, Didier de Vienne, pour régler quelques comptes avec un royaume rival 15. Le portrait hagiographique d’un bon évêque permettait donc de penser en creux le pouvoir royal, finalement acceptable s’il était respectueux de la fonction épiscopale. Sisebut, représentant d’une aristocratie laïque lettrée qui maîtrisait encore le latin, avait évidemment des évêques dans son entourage et il n’est pas interdit de voir aussi un discours épiscopal pointer derrière l’« auteurité » royale 16. Cette conscience épiscopale se construisit prioritairement autour de l’histoire de deux sièges particuliers, Tolède et Mérida. Cependant, dans les deux cas, elle débordait les intérêts strictement locaux : les De viris illustribus don14. Éd. Maya Sánchez, p. 54-71. Le roi Léovigilde est qualifié de sevissimus atque crudelissimus (p. 54), de crudelissimus tyrannus (p. 56), d’atrocissimus tyrannus (p. 64-65), de profanus tyrannus (p. 66), d’impiissimus rex (p. 69). On trouve p. 65 et suiv. la fameuse entrevue entre Léovigilde et Masona, le premier tentant en vain d’obtenir du second qu’il lui révèle l’endroit où se trouve la tunique de sainte Eulalie, que le prélat a enroulée autour de son corps. 15. Dernière édition : J.-C. Martín, Une nouvelle édition critique de la Vita Desiderii, accompagnée de quelques réflexions concernant la date des Sententiae et du De viris illustribus d’Isidore de Séville, dans Hagiographica, 7, 2000, p. 127-180. Sur ce texte, avant tout J. Fontaine, King Sisebut’s Vita Desiderii and the politic function of Visigothic Hagiography, dans E. James (éd.), Visigothic Spain : new approaches, Oxford, 1980, p. 93-129, repris dans J. Fontaine, Culture et spiritualité… cité n. 4, article n° VII. 16. Sur la culture des aristocrates dans l’Espagne wisigothique, voir R. Collins, Literacy in Early Medieval Spain, dans R. McKitterick (éd.), The uses of literacy in early medieval Europe, Cambridge, 1990, p. 109-133.
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nent toujours des notices relatives à différents diocèses, Séville, Urgel, Carthagène, Saragosse, Tolède bien sûr. Et on a déjà vu, d’autre part, comment dès le prologue l’auteur des Vitas patrum signalait la dimension résolument hispanique de son propos. L’action des évêques était donc bien le signe de leur rôle fonctionnel au sein de la « chrétienté » hispanique, rôle parfaitement conscient qui se manifestait également sous d’autres formes. Il faut en effet rattacher cette auto-affirmation de groupe à diverses réalisations telles que l’invention du sacre royal ou encore la production d’une vaste littérature que l’on a pu définir comme essentiellement « pastorale » 17.
Après 711 : les évêques hors de l’Histoire La question de l’écriture de l’histoire des évêques, de même que celle du rôle des évêques dans l’Histoire, est profondément bouleversée par l’invasion musulmane de 711, et ce pour des siècles. Un tel constat, que nous allons tenter de justifier, n’avait pourtant rien d’évident a priori. Certes, les principaux diocèses de l’époque wisigothique (Tolède, Saragosse, Mérida, Séville…) étaient désormais sous domination musulmane. Cependant, les évêques restaient en place au nord de la Péninsule, de nouveaux diocèses (León, Oviedo etc.) étaient créés, et dès le ixe siècle, le processus de reconquête était intimement lié à la reconstruction d’une infrastructure ecclésiastique 18. De fait, dans un premier temps, on a le sentiment que l’image des évêques est encore assez positive pour qu’il soit possible de présenter ceux-ci comme le pivot de la société chrétienne. Un texte, peut-être deux, en témoigne, mais il convient de noter qu’ils furent écrits dans des régions situées sous domination musulmane qui, paradoxalement, perpétuaient peut-être davantage la tradition et le souvenir de l’époque wisigothique que celles du nord. Le premier est la chronique 17. M. C. Díaz y Díaz, La obra literaria de los obispos visigoticos toledanos : supuestos y circunstancias, dans Id., De Isidoro al siglo XI. Ocho estudios sobre la vida literaria peninsular, Barcelone, 1976, p. 87-115. 18. Toutes les références nécessaires dans D. Mansilla Reoyo, Geografía eclesiástica de España. Estudio histórico-geográfico de las diocesis, 2 vol., Rome, 1994 (Publicaciones del Instituto Español de Historia eclesiástica, Monografías, 35). Sur la reconstruction de la carte ecclésiastique au moment « grégorien », C. M. Reglero de la Fuente, Los obispos y sus sedes en los reinos hispánicos occidentales. Mediados del siglo XI-mediados del siglo XII : tradición visigoda y reforma romana, dans La reforma gregoriana y su proyección en la cristiandad occidental, siglos XI-XII, Pampelune, 2006 (XXXII Semana de Estudios Medievales, Estella, 18 a 22 de julio de 2005), p. 195-288.
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dite de 754. Écrite dans la région du Levant ou à Tolède, elle rapporte les événements survenus dans les mondes « romain » (byzantin), « arabe » et chez les Goths 19. Pour ces derniers, l’auteur accorde une grande importance à l’action des évêques et aux conciles de Tolède, à partir d’Isidore. Il a en main les actes des conciles et donne chaque fois le nombre des évêques présents, ainsi que le lieu où s’est célébrée l’assemblée. Ce sont ces conciles, principaux événements survenus dans l’Espagne chrétienne, qui rythment l’histoire du peuple goth. Le second texte pose beaucoup plus de problèmes. Il s’agit d’une Vita d’Ildephonse de Tolède, l’un des plus célèbres évêques de l’Espagne wisigothique 20. La date de rédaction de cette Vita pose problème. Cixila, son auteur, a pu aussi bien être évêque de Tolède entre 774 et 783 qu’abbé et évêque de León dans les premières décennies du xe siècle. Cette dernière hypothèse est généralement privilégiée aujourd’hui, mais les deux options demeurent possibles 21. Quoi qu’il en soit, la Vita Ildefonsi n’obéit guère aux canons du genre hagiographique. Elle ne relate ni l’action, ni la mort ni les miracles du saint. Tout le texte est structuré autour de deux récits appelés à connaître un grand succès : dans le premier, sainte Léocadie donne son voile à Ildephonse. Dans le second, c’est la Vierge en personne qui lui laisse en gage d’amour un vêtement, d’où intégration ultérieure de cette histoire à la littérature hagiographique mariale 22. L’insistance du texte sur les fêtes de Léocadie et de la Vierge 19. J. E. López Pereira, Crónica mozárabe de 754. Edición crítica y traducción, Saragosse, 1980 (Textos medievales, 58) ; du même, Estudio crítico sobre la crónica mozárabe de 754, Saragosse, 1980. Voir aussi K. B. Wolf, Conquerors and chroniclers of early medieval Spain, Liverpool, 1990 (Translated texts for historians, 9). 20. Je renvoie à l’édition de J. Gil, dans le Corpus Scriptorum Muzarabicorum, I, Madrid, 1973, p. 59-66. 21. L’idée d’une rédaction à León au xe siècle a été avancée par M. C. Díaz y Díaz, De patrística española, dans Revista española de teología, 17, 1957, p. 3-46, ici p. 44-45. Elle n’est pas suivie par R. Collins, The Arab conquest of Spain, 710-797, Oxford, 1989, p. 72-80, plutôt favorable au viiie siècle, ni par Juan Gil qui, sans prendre parti, édite le texte dans le Corpus des auteurs dits « mozarabes ». Il existe des arguments de poids pour défendre chaque thèse. V. Yarza Urquiola, La Vita vel Gesta sancti Ildefonsi de Ps. Eladio. Estudio, edición crítica y traducción, dans Veleia, 23, 2006, p. 279-325, propose une nouvelle édition p. 316-325 (avec description des différentes familles de manuscrits p. 298-312). Ce sont les manuscrits «clunisiens» qui attribuent le texte à Eladius, de façon incompréhensible. Discuter les conclusions de cet important article impliquerait une autre recherche. Je ne suis sans doute pas totalement convaincu par une rédaction à la fin du XIe siècle dans des milieux clunisiens, mais les propositions de Valeriano Yarza sont extrêmement séduisantes. Une recherche systématique des sources de la Vita Ildefonsi permettra peut-être un jour de progresser. 22. Voir J. Gil, éd. citée, p. 62-63 (Léocadie) et p. 64-65 (la Vierge).
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est clairement liée à la volonté de mettre en valeur les créations liturgiques d’Ildephonse. Il est même vraisemblable que le texte fut composé pour légitimer ces compositions dans un manuscrit qui ne nous est pas parvenu 23. La Vita Ildefonsi, pour spécifique qu’elle soit, livre cependant un passage intéressant directement la perception de la fonction épiscopale à l’époque où elle fut écrite. On y voit en effet le saint reprocher ses « iniquités » au roi Réceswinthe, celui-ci répondant d’abord par la superbe avant de s’effondrer en pleurs 24. On retrouve donc ici le thème développé dès l’époque wisigothique, en particulier dans les Vies des pères de Mérida, de l’indépendance du pouvoir épiscopal face à la royauté. Que la Vita Ildefonsi soit du viiie du xe où même du xie siècle, elle se situe donc encore dans une tradition d’exaltation du siège épiscopal par la construction d’une figure d’évêque irréprochable, favorisé des saints et même, ici, de la Vierge, sachant faire face au pouvoir royal au nom d’impératifs chrétiens. Que cette tradition se soit exprimée au viiie siècle dans des milieux dits mozarabes ou bien au xe siècle dans l’Espagne chrétienne du nord ou encore au xie siècle, elle était dans tous les cas sur le déclin après l’invasion musulmane. L’époque postérieure à 711 se caractérise en effet, jusqu’au xie siècle, par l’effacement des évêques devant des rois combattants et « reconquérants » qui réorganisent les diocèses et y nomment leurs fidèles. Dans ce contexte, écrire l’histoire des évêques, voire même rappeler le rôle des évêques dans l’Histoire, devient une activité quelque peu inutile. On peut relever, outre la rareté des textes durant quatre siècles, quelques signes très révélateurs de cette évolution. Ainsi du sort des différents De viris illustribus, antiques comme médiévaux. Nous avons vu l’importance de ces collections au cours du viie siècle. Or elles circulent assez largement au cours du haut Moyen Âge hispanique, les premiers manuscrits des traités d’Isidore et d’Ildephonse datant d’ailleurs de cette époque 25. Cependant, et c’est là qu’on mesure à quel point cet héritage ne correspondait plus à une réalité après 711, aucune nouvelle collection n’est créée. On cesse en même temps de supplémenter celles qui circulaient, avec cependant une exception en elle-même très révélatrice : en 23. Ubi statim in officio clarens duas missas in laude ipsorum dominorum suorum (= Cosme et Damien), quas in festivitate sua psallerent, miro modulationis modo perfecit, quas missas infra adnotatas invenietis, éd. Gil, p. 61. Superveniente vero die sancte et semper virginis Marie, ante tres dies letanias peregit et missam superscriptam que in eius laude decantaretur perfecit, que est septima, ibid., p. 63. 24. Ibid., 4, p. 63. 25. On verra la liste des manuscrits dans les éditions critiques de Carmen Codoñer citées note 1. La diffusion du traité d’Isidore est beaucoup plus internationale que celle du traité d’Ildephonse.
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effet, dans le manuscrit dit codex Albeldensis (976), une notice a bien été rajoutée à la collection des traités de Jérôme, Gennade, Isidore et Ildephonse. Mais cette notice est celle d’un abbé, Salvus d’Albelda, actif dans le troisième quart du xe siècle, et non celle d’un évêque 26. D’un point de vue hagiographique, si l’on excepte la zone catalane, largement intégrée à l’espace franc depuis le viiie siècle, la rareté des vitae épiscopales est remarquable puisqu’il n’en existe à ma connaissance qu’une seule, la Vita Froilani 27. Froilán de León était mort en 905 et le texte de sa Vita, par ailleurs très peu diffusée, se trouve déjà dans une Bible léonaise achevée en 920 28. Conservée à la cathédrale par une communauté fière de son saint évêque (le premier en date, la fondation du diocèse de León ne remontant qu’au milieu du ixe siècle) 29, la Vita Froilani n’en propose pas moins le portrait d’un Vir Dei qu’il est assez difficile de caractériser comme un prélat. L’essentiel de cette courte œuvre nous montre l’attirance du saint pour l’érémitisme en même temps que pour une pastorale légitimée par de longs séjours au désert, bien plus que par l’exercice de sa fonction. De façon significative, Froilán ne devient évêque qu’à la fin de la Vita, par décision royale et à contrecœur 30. Il s’inscrit en réalité dans le courant d’une spiritualité érémitique propre au nord-ouest de la Péninsule depuis le vie siècle, spiritualité illustrée par un Fructueux de Braga ou un Valère du Bierzo avant 711, ou encore par un Gennade d’Astorga (lui aussi évêque) quelques années après Froilán 31. Nous 26. Ch. J. Bishko, Salvus of Albelda and frontier monasticism in tenth-century Navarre, dans Speculum, 23, 1948, p. 559-590, repris dans Id., Studies in medieval Spanish frontier history, Londres, 1980 (Collected studies series, 124), article n° I. 27. M. Risco, España Sagrada, 34, Madrid, 1786, p. 422-425. Signalons la parution prochaine d’une nouvelle édition de la Vita Froilani par José Carlos Martín, dans un volume de mélanges sous presse. Il convient de citer pour le xie siècle la Vita de l’évêque Ermengaud d’Urgel (BHL 2609). Mais à cette époque l’espace catalan est également pauvre en textes hagiographiques. 28. Le copiste de la Bible (Jean Diacre) et de la Vita est peut-être le même. Une version complète de la Vita se retrouve dans un lectionnaire du xiie siècle : voir J. M. Canal Sánchez Pagín, San Froilán de León. Ensayo biográfico, dans Hispania sacra, 45, 1993, p. 113-146, et surtout l’édition de José Carlos Martin citée n. 27. 29. D. Mansilla Reoyo, Geografia eclesiástica… cité n. 18, II, p. 36-40. Un évêque apparaît à León pour la première fois en 860. 30. España Sagrada, 34, p. 424. 31. Voir pour Fructueux de Braga M. C. Díaz y Díaz, La vida de San Fructuoso de Braga. Estudio y edición crítica, Braga, 1974 ; pour Valère, Id., Valerio del Bierzo. Su persona. Su obra, Leon, 2006 (Fuentes y estudios de Historia leonesa, 111) ; pour Gennade, Fl. Gallon, Vita eremitarum delectatus… ad pontificatum abstractus. Episcopat, érémitisme et cénobitisme dans la Péninsule ibérique du haut Moyen Âge : le cas de Gennade d’Astorga (845-865 ? – 936 ?),
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sommes très loin de l’image du prélat riche et cultivé, dépositaire de la culture antique et conscient de ses prérogatives, capable enfin de s’opposer aux puissants de ce monde, telle qu’elle apparaissait dans les textes wisigothiques. Froilán est avant tout un ermite et un prédicateur presque « sauvage », il est évêque par défaut. Parallèlement, le rôle des évêques dans l’histoire de l’Espagne apparaît soit nul, soit franchement néfaste. Les quelques chroniques écrites au nord de l’Espagne entre les ixe et xie siècles n’offrent aucune figure épiscopale jouant un rôle important. S’il est question des diocèses, c’est essentiellement pour dire que la carte ecclésiastique se recompose et que les sièges épiscopaux sont restaurés grâce à l’action du roi. En réalité, et contrairement à ce qui se passait dans la chronique de 754, les évêques sont absents. Il est cependant une exception, hautement significative par ce qu’elle nous dit de ce qu’il faut bien considérer comme une perte de prestige du corps épiscopal après 711. Ouvrons en effet la Chronique d’Alphonse III, un texte qui, à la fin du ixe siècle, marque avec la Chronique d’Albelda le renouveau d’une historiographie chrétienne septentrionale. Nous y trouvons le premier récit de la fameuse bataille de Covadonga, mythique victoire sur les musulmans des chrétiens emmenés par leur nouveau roi Pélage 32. Le texte rapporte longuement et dans ses deux versions l’entrevue entre Pélage et Oppa, archevêque de Tolède 33. Parent de Witiza, l’un des derniers rois wisigoths, Oppa était entré au service des musulmans. C’est à ce titre qu’il engage vivement Pélage, le rebelle, à rallier les vainqueurs en échange d’importants avantages matériels. Dans sa réponse, Pélage le laïque, Pélage le roi, cite les psaumes et dit sa confiance dans le « salut de l’Espagne » 34… Sa miraculeuse victoire contre l’armée des « Ismaélites », qui voient leurs propres flèches se retourner contre eux, lui permet ensuite de mémoire de Master soutenu à l’université de Bordeaux 3 (2007; un article tiré de ce travail doit paraître dans la Revue Mabillon). 32. Trois éditions de la Chronique d’Alphonse III : J. Prelog, Die Chronik Alfons III. Untersuchung und kritische Edition der vier Redaktionen, Francfort, 1980 ; Y. Bonnaz, Chroniques asturiennes (fin ixe siècle), Paris, 1987 ; Crónicas asturianas, éd. J. Gil Fernández, traducción y notas J. L. Moralejo, estudio preliminar J. I. Ruiz de la Peña, Oviedo, 1985. J’utilise l’édition de J. Gil Fernández, récit de la bataille p. 122-130. Sur Covadonga, je me permets de renvoyer à P. Henriet, Le jour où la « Reconquête » commença : jeux d’écriture et glissements de sens autour de la bataille de Covadonga (viiie-xiiie siècle), dans C. Carozzi et H. Taviani Carozzi (dir.), Faire l’événement au Moyen Âge, Aix-en-Provence, 2007, p. 41-58. 33. Éd. Gil Fernández, p. 126. 34. Spes nostra Christus est quod per istum modicum monticulum quem conspicis sit Spanie salus et Gotorum gentis exercitus reparatus (version dite Rotensis, éd. Gil Fernández, p. 126) ; formulation presque identique dans la version dite ad Sebastianum, ibid., p. 127.
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commencer la reconstruction de l’Église, tâche que poursuivront ses successeurs 35. Le princeps a donc fait la leçon au prélat tolédan. En définitive, si l’on n’écrit guère l’histoire des évêques dans l’Espagne du haut Moyen Âge, c’est peut-être d’abord parce que l’on écrit une histoire de l’Espagne sans ses évêques. Il serait cependant faux de croire que le souvenir des temps anciens ne perdurait pas. Les évêques demeuraient idéalement au fondement de l’Église, mais sur un mode qui était comme soustrait au temps de l’Histoire présente. La plus belle illustration de cet état d’esprit se trouve peut-être dans une enluminure du manuscrit dit Aemilianensis, une vaste compilation de textes juridiques, canoniques et historiographiques effectuée au monastère de San Millán de la Cogolla en 992 36. Le folio 392 (verso) donne en effet une liste des évêques hispaniques classés selon les six provinces ecclésiastiques : Galice (Braga), Lusitanie (Mérida), Bétique (Séville), Carthaginoise (Tolède), Narbonnaise (Narbonne) et Tarraconaise (Tarragone). Au centre du folio, sur le modèle des roses des vents que l’on trouvait en particulier dans les manuscrits isidoriens, douze prélats ont été représentés. Six d’entre eux portent une crosse épiscopale et non un bâton en tau, ce sont sans doute les métropolitains 37. Ainsi, sur un arrière-plan cosmique (les vents que l’on s’attendrait à trouver à la place des évêques ne soufflent-ils pas aux quatre coins du monde ?), on a plaqué la carte ecclésiastique de l’Hispania, symboliquement assimilée au monde. Or cette carte est celle de l’époque wisigothique… Elle est présentée au lecteur comme fixe, voire éternelle, alors qu’une grande partie des diocèses présents dans la liste se trouvait à la fin du xe siècle sous domination musulmane et sans évêque. Dans le même manuscrit se trouvaient la chronique d’Alphonse III, qui donnait l’histoire d’Oppa et de Pélage, ou encore les De viris illustribus d’Isidore et d’Ildephonse. Les évêques des six provinces his35. Tunc populatur patria, restauratur ecclesia, ibid., p. 130 (version Rotensis) ; on notera le restaurantur ecclesiae de la version ad Sebastianum, ibid., p. 131. 36. Pour une description de ce manuscrit célèbre (Escorial, d.I.1), voir G. Antolín, El códice Emilianense del Escorial, dans La Ciudad de Dios, 72, 1907, p. 184-195, 366-378, 542-551, 628641 ; 76, 1908, p. 310-323, 457-470 ; 77, 1909, p. 48-56 et 131-136 ; Id., Catálogo de los códices latinos del Escorial, I, Madrid, 1910, p. 320-368 ; M. C. Díaz y Díaz, Libros y librerias en la Rioja altomedieval, Logroño, 1991, p. 155-162. Et pour les enluminures, S. Silva y Verástegui, Iconografía del siglo X en el reiño de Pamplona-Nájera, Pampelune, 1984, p. 46-52 et 68-72. 37. Sur cette image, voir le commentaire d’O. Werckmeister, Das Bild zur Liste der Bistümer Spaniens im Codex Æmilianensis, dans Madrider Mitteilungen, 9, 1968, p. 399-423. Quelques propositions dans P. Henriet, Du cosmos à la Chrétienté. Images d’évêques dans quelques manuscrits hispaniques des xe-xiiie siècles, dans M. Aurell et A. García de la Borbolla (dir.), La imagen del obispo en la Edad Media, Pampelune, 2004, p. 75-113.
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paniques étaient donc bien là, mais ils n’en étaient pas moins soustraits au temps présent. Il y eut bien une sorte de retournement de tendance après 711. Alors que l’on écrivait auparavant l’histoire de prélats qui faisaient simultanément la gloire de leur siège et celle de l’Hispania chrétienne, on décrit désormais la récupération puis la reconstruction de celle-ci sans ses évêques. Ceux-ci ne sont plus désormais, au mieux, que les créatures de souverains qui tirent leur gloire de la lutte contre les musulmans et de la réorganisation de l’Église. On ne sera donc pas surpris de constater qu’à la fin du ixe siècle, lorsque la Chronique d’Albelda transmet un poème exaltant les « différents évêques qui se signalent avec éclat dans le peuple de l’Église », elle précise qu’ils le font ex regis prudentia, « de par la sagesse du roi » 38. On ne saurait être plus clair quant au sens des hiérarchies terrestres. Le xiie siècle : écrire l’Histoire des évêques au temps de la « normalisation » de l’Église Il est bien connu que dès la seconde moitié du xie siècle, et plus particulièrement dès les années 1070/1080, l’Église hispanique s’est rapidement rattachée à un modèle romain alors en pleine expansion (ce qui ne signifie évidemment pas qu’elle abdiqua toute spécificité). Arrivée massive de clercs ultra-pyrénéens, changement de liturgie, adoption progressive mais généralisée d’une écriture débarrassée de ses particularismes hispaniques, généralisation du monachisme bénédictin, introduction de notions telles que la liberté de l’Église ou la séparation du temporel et du spirituel, le chemin parcouru en quelques décennies est impressionnant. Il n’y a pas lieu de le commenter ici. Ce qu’il importe en revanche de bien mettre en valeur, c’est l’évolution profonde du rôle des évêques, sinon toujours dans la réalité, du moins dans les discours consacrés aussi bien à l’histoire de la Péninsule qu’à celle de certains diocèses particuliers. Un premier changement apparaît dans l’historiographie, qui confère désormais un rôle plus important (un rôle tout court, serait-on tenté de dire !) aux évêques dans l’histoire de l’Espagne. Prenons trois des plus importantes chroniques du xiie siècle, soit celle de Pélage d’Oviedo, l’Historia dite Silense et enfin la Cronica Adefonsi imperatoris. Dans la Chronique de Pélage, nous 38. Prefati prasules in ecclesiae pleve ex regis prudentia emicant clare (Crónicas asturianas, éd. Gil Fernández, p. 158).
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voyons apparaître la figure de l’évêque injustement persécuté par un souverain : c’est d’abord le cas de Gudesteum d’Oviedo, emprisonné sans bonne raison par Bermude II (985-999), puis, surtout, celui d’Ataulf de Santiago 39. Pour décrire cet épisode, Pélage a sans doute recours à des traditions orales qui circulaient, mais il veut aussi bien marquer la différence entre clercs et laïques, dans une optique qui n’est certainement pas celle du xe siècle finissant. Convoqué à Oviedo par le roi, Ataulf visite d’abord le « roi des rois », avant d’aller trouver le souverain qu’il qualifie de « tyran ». En clair, il va d’abord à la cathédrale pour y revêtir ses ornements sacerdotaux et y célébrer la messe 40… L’Historia Silense, sans doute rédigée à León, intègre quant à elle le récit de la translation des restes d’Isidore de Séville à León, un événement survenu en 1063 41. Mais ce n’est pas seulement le prélat sévillan qui anoblit de sa présence la capitale du roi Ferdinand Ier. L’évêque de León Alvit, chargé de l’expédition avec celui d’Astorga, apparaît également au premier plan. C’est lui qui bénéficie d’une apparition permettant de localiser les restes du saint, et sa mort avant le retour à León l’associe pour toujours au succès d’une entreprise que l’auteur juge selon toute apparence capitale. Il convient pour terminer de signaler l’importance des évêques dans le Poème d’Almería (Prefatio de Almaria), une pièce versifiée qui se trouve à la fin de la Chronique de l’empereur Alphonse VII, elle-même rédigée à la gloire de ce souverain vers la fin des années 1140 42. La prise d’Almería (1147), à laquelle avaient aussi participé les Catalans et les Génois, était à l’évidence considérée comme un fait particulièrement marquant du règne d’Alphonse (1126-1157). Dans le poème qui en fixe le souvenir, les évêques du royaume apparaissent d’abord pour exhorter au combat et promettre une récompense « dans cette vie et 39. Crónica del obispo don Pelayo, éd. B. Sánchez Alonso, Madrid, 1924, p. 57-58 (Gudesteum) et 58-61 (Ataulf). L’épisode d’Ataulf se trouve aussi dans le Chronicon Iriense (éd. M. R. García Alvarez, El Cronicón Iriense. Estudio preliminar, edición crítica y notas históricas, dans Memorial Histórico Español, 50, 1963, p. 1-238, ici p. 111) et dans l’Historia Compostellana (éd. E. Falque, Turnhout, 1988 [Corpus Christianorum, Continuatio mediaevalis, 70], I, 2, p. 9-10). Sur ces deux chroniques, voir infra p. 343-344. 40. « Ego ibo ad Regem regum prius et salvatorem nostrum, et postea veniam ad tirannum regem vestrum ». Illico intravit ecclesiam nostri salvatoris et induit se sacris pontificalibus indumentis, et celebrato misterio, sic ab ecclesia indutus exiit…, éd. Sánchez Alonso, p. 59-60. 41. Historia Silense, éd. J. Pérez de Urbel et A. González Ruiz-Zorrilla, Madrid, 1959, p. 199 et suiv. Il s’agit d’une reprise de la Translatio sancti Isidori (BHL 4488), PL 81, col. 39-43, qui date de la fin du xie siècle. 42. Éd. A. Maya Sánchez, dans Chronica hispana saeculi XII, Turnhout, 1990 (Corpus Christianorum, Continuatio mediaevalis, 71). Mais la Prefatio de Almaria, dont il est question infra, est éditée par J. Gil Fernández, p. 255-267.
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dans l’autre 43 ». Le succès est total, puisque le désir de combattre s’étend à « l’ensemble du peuple hispanique 44 ». Le poème décrit ensuite les combattants. Il est interrompu et s’achève sur un sermon de l’évêque Arnaud d’Astorga, en qui on a proposé de voir l’auteur de la chronique. Arnaud promet lui aussi le paradis aux combattants 45. Ainsi, même si l’histoire d’Alphonse VII chante surtout les hauts faits du roi et apparaît bien peu cléricale, elle n’en réintroduit pas moins les évêques au cœur du processus de reconquête, plus sans doute qu’aucune autre chronique avant elle. La revalorisation de la figure épiscopale pouvait se faire grâce à des figures plus ou moins contemporaines (Chronique d’Alphonse VII ou Historia Silense), mais aussi par l’utilisation de quelques glorieuses figures du passé pré-islamique. On peut citer au moins trois cas de ce genre. Le premier en date est celui, déjà évoqué, d’Isidore de Séville, dont les restes sont transférés à León en 1063. Le roi Ferdinand Ier dotait ainsi sa capitale d’une profondeur et d’une légitimité wisigothique qu’elle ne possédait pas. Il convient cependant de noter que ce n’est pas la cathédrale mais un monastère féminin dans un premier temps, par la suite collégiale de chanoines réguliers, qui abrita les restes du prestigieux évêque 46. Tolède, de son côté, ressuscita aussi certaines de ses figures les plus marquantes. Dès la fin du xie siècle, un manuscrit richement enluminé, le Parma Ildefonsus, sans doute composé à Cluny, exaltait la figure d’Ildephonse. Il est possible qu’il ait été offert dès cette époque au nouvel archevêque clunisien, Bernard de Sédirac 47. Le renouveau du culte d’Ildephonse fut cependant freiné par l’absence de reliques, celles-ci étant 43. Mercedem vite spondent cunctis utriusque, éd. Gil Fernández, p. 256, v. 43. 44. Plebs Hispanorum sic prelia Sarracenorum / exoptans eque non dormit nocte dieque, ibid., v. 51-52. 45. Nunc opus ut quisque bene confiteatur et eque, / Et dulces portas paradisi noscat apertas, ibid., v. 381-382. 46. Le remplacement de la communauté féminine par une communauté de chanoines réguliers a lieu en 1148. Voir P. Henriet, Hagiographie et politique à León au début du xiiie siècle : les chanoines réguliers de Saint-Isidore et la prise de Baeza, dans Revue Mabillon, 69 (n. s., 8), 1997, p. 53-82. 47. L’autre hypothèse, proposée par M. Schapiro, The Parma Ildefonsus : a Romanesque illuminated manuscript from Cluny and related works, New York, 1964, est celle d’une donation initiale au roi Alphonse VI. En faveur d’une donation à Bernard de la Sauvetat : P. Henriet, Le moine, le roi, l’évêque. À propos du Parma Ildefonsus (Biblioteca Palatina de Parma, ms 1650), dans e-Spania, 3, 2007 (http ://e-spania.revues.org/index358.html). La rédaction d’une Vita Ildefonsi dans les milieux clunisiens hispaniques de la fin du xie siècle aurait assurément du sens dans ce contexte. Elle ne va cependant pas sans poser quelques problèmes (voir supra, n. 21).
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finalement découvertes à Zamora en 1260 48. Enfin, dans les années 1140, des reliques d’Eugène de Tolède furent ramenées de Saint-Denis vers le siège primatial des Espagnes par les soins de l’archevêque Raymond († 1151) 49. Selon le récit de la translation rédigé à Tolède peu après les événements, cet Eugène était un disciple de saint Denis qui avait été envoyé vers l’Espagne depuis la ville d’Arles, afin de présider aux destinées de l’église tolédane 50. La pauvreté de ce dossier, qui semblait indiquer que ce mystérieux Eugène, martyrisé à Deuil et inhumé à Saint-Denis, n’avait jamais mis les pieds en Péninsule, explique sans doute pourquoi les Tolédans n’en tirèrent finalement qu’un parti assez médiocre. Il n’empêche qu’avec ce prélat fondateur inconnu avant le xiie siècle, Tolède se donnait une profondeur historique nouvelle. La volonté de remettre les évêques au cœur de l’histoire de leurs sièges et leurs sièges au cœur de l’histoire de l’Espagne apparaît aussi dans les chroniques de sièges particuliers. De ce point de vue, au xiie siècle, c’est Compostelle qui déploya les efforts les plus conséquents. Deux chroniques rapportant l’histoire du siège d’Iria, puis de Compostelle, virent en effet le jour en quelques décennies. Le Chronicon Iriense pose des problèmes de datation complexe, qu’il n’est pas question d’aborder ici. Les études les plus récentes et les plus autorisées situent sa rédaction soit dans la dernière décennie du xie siècle, soit vers le début du pontificat de Diego Gelmírez (1100-1139) 51. Il s’agit d’un texte relativement court qui déroule les pontificats depuis une origine suève jusqu’à la fin du xe siècle. L’autre chronique du siège est infiniment plus célèbre : il s’agit de l’Historia Compostellana, un ouvrage volumineux, voire dis48. Le récit de l’invention est dû à Juan Gil de Zamora. Voir F. Fita, Traslación e invención del cuerpo de San Ildefonso. Reseña histórica por Gil de Zamora, dans Boletín de la Real Academia de la Historia, 6, 1885, p. 60-71. Sur cet événement, Ch. Garcia, De Tolède à Zamora, l’errance des reliques de saint Ildefonse au Moyen Âge, à paraître dans Homo viator. Errance, pèlerinage et voyage initiatique dans l’Espagne médiévale. 49. Récit de la translation (par un contemporain) dans J. F. Rivera Recio, San Eugenio de Toledo y su culto, Tolède, 1963 p. 176-183. 50. Tum ex relatu hominum tum ex eis vita, que ibidem scripta legitur, deprehendit hunc Eugenium a beato Dionisio in Gallias proficiscente ab Arelatensi urbe in Yspaniam directum, Toletane ecclesie prefuisse, éd. Rivera Recio, p. 179. 51. Pour une rédaction dans la dernière décennie du xie siècle, F. López Alsina, Urbano II y el traslado de la sede episcopal de Iria a Compostela, dans El papado, la Iglesia leonesa y la basilica de Santiago a finales del siglo XI, Santiago, 1999, p. 107-127, ici p. 109. Pour une datation sous Gelmírez, A. Isla Frez, Una vuelta al Chronicon Iriense, dans Memoria, culto y monarquia hispanica entre los siglos X y XII, Jaen, 2006, p. 185-219, avec tous les éléments bibliographiques. Le texte est édité par M. R. García Alvarez, El Chronicon Iriense. Estudio preliminar, edición critica y notas históricas, dans Memorial Histórico Español, 50, 1963, p. 3-240.
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proportionné, réalisé par plusieurs auteurs travaillant sous la houlette et à la gloire de Diego Gelmírez 52. Tout ou presque semble opposer les deux chroniques. Ainsi que l’a récemment montré Amancio Isla Frez, le Chronicon Iriense reflète les préoccupations et les intérêts du chapitre compostellan. Il s’intéresse au passé du siège plus qu’au présent et veut à tout prix le laver de tout soupçon d’hétérodoxie 53. L’Historia Compostellana, en revanche, traite avec la plus grande rapidité des pontificats antérieurs au xiie siècle, afin de se concentrer sur celui de Gelmírez. Dans un contexte de réformisme affiché, ce sont les événements contemporains qui intéressent les auteurs, ce qui explique les critiques contre l’état de l’Église compostellane avant l’action de son bienfaiteur. Le plus grand succès de celui-ci est évidemment la récupération des droits du siège de Mérida, alors occupé par les musulmans, récupération qui se traduit en 1120 par l’accession à la dignité archiépiscopale 54. Ainsi, de façon plus ou moins contemporaine, deux ouvrages ont été écrits pour donner des versions parfois assez éloignées de l’histoire d’un même siège. Le cas est assez rare pour être relevé. En bonne logique, dans le contexte qui vient d’être décrit, le xiie siècle connaît aussi un renouveau de l’hagiographie épiscopale. Quatre Vitae, celles de Géraud de Braga († 1108), de Pierre d’Osma († 1109), de Raymond de Roda († 1126) et enfin d’Oleguer de Barcelone († 1137), composent un panorama qui, s’il reste modeste d’un point de vue quantitatif, n’en est pas moins résolument nouveau 55. Ces textes nous renvoient tous à la première moitié du xiie siècle, un moment fort de la « reconquête » et de la réorganisation de la carte ecclésiastique. Ils sont emplis du bruit des expéditions militaires contre les musulmans (terrestres dans la vie de Raymond de Roda, navales dans celle d’Oleguer de Barcelone), mais aussi des échos de l’affirmation du pouvoir épiscopal face aux grands laïques peu soucieux de respecter la libertas des 52. Édition citée n. 39. 53. Voir note 51. 54. Tous les éléments dans L. Vones, Die « Historia Compostellana » und die Kirchenpolitik des Norwestspanischen Raumes, 1070-1130. Ein Beitrag zur Geschichte der Beziehungen zwischen Spanien und dem Papsttum zu Beginn des 12. Jahrhunderts, Cologne-Vienne, 1980 (Kölner historische Abhandlungen, 29). 55. Géraud de Braga : éd. A. Herculano dans Portugaliae Monumenta Historica, Scriptores, I, Lisbonne, 1856, p. 53-59 (d’après Baluze). Pierre d’Osma : éd. F. Plaine, dans Analecta bollandiana, 4, 1885, p. 10-29. Raymond de Roda : éd. J. Villanueva, Viage literario a las iglesias de España, XV, Madrid, 1851, p. 314-324. Oleguer de Barcelone : éd. M. Aurell, Prédication, croisade et religion civique. Vie et miracles d’Oleguer († 1137), évêque de Barcelone, dans Revue Mabillon, 71 (n. s., 10), 1999, p. 113-168 (édition p. 138-156). Dans le domaine catalan, on notera aussi les deux Vitae d’Odon d’Urgell, xiie siècle.
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évêques (vie de Géraud de Braga). Les évêques jouent un grand rôle dans l’histoire de leur temps, et il n’est pas indifférent de constater que les souverains apparaissent dans les quatre textes. À bien des égards, nos prélats peuvent être qualifiés de « grégoriens ». Mais ils sont aussi, et cela doit nous retenir dans l’optique qui est ici la nôtre, les véritables fondateurs de leur diocèse, exception faite d’Oleguer, qui hérite d’un siège aux mains des chrétiens depuis longtemps. Les hagiographes insistent longuement sur le travail des prélats pour restaurer la vie religieuse dans des régions longtemps laissées à l’abandon, qu’elles aient été musulmanes ou simplement frontalières et plus ou moins soustraites à toute autorité épiscopale 56. Les figures de ces évêques étaient bien perçues comme le point de départ d’une nouvelle histoire, celle d’un christianisme triomphant. Exemplaire à cet égard apparaît le tombeau de Pierre d’Osma, qui, dans la cathédrale, illustre fidèlement quelques scènes importantes de la Vita 57. Pour la postérité, il était clair que Pierre était le grand homme de l’histoire du diocèse, très certainement devant saint Dominique. La façon dont, durant six siècles, on écrivit l’histoire des évêques, reflète un certain nombre d’évolutions majeures dans ce que nous avons appelé en introduction des « systèmes d’Église ». Nous avons observé au viie siècle le développement d’une « conscience épiscopale », conférant aux prélats un rôle central et clairement affirmé dans l’organisation de la société chrétienne. Puis, après les événements de 711, les évêques disparurent pratiquement en tant qu’acteurs centraux dans l’histoire de l’Hispania et de l’Église. Ce repli, lié au rôle directeur des rois dans le processus de « reconquête », explique la part éminemment faible des évêques dans les chroniques du haut Moyen Âge ainsi que la quasi-absence d’hagiographie épiscopale. Dans un contexte de réforme et d’ouverture, à partir de la fin du xie siècle, les textes valorisèrent à nouveau les figures d’évêques, et en particulier celles des évêques moines. Ces saints modernes, dont on écrivait volontiers l’histoire, étaient souvent présentés comme de véritables fondateurs. Dans le cadre de la « reconquête » et de la reconstruction diocésaine, ils étaient perçus comme les véritables fondateurs de leurs sièges, alors même qu’on affirmait parallèlement l’ancienneté de 56. Éléments dans P. Henriet, Les saints et la frontière en Hispania au cours du Moyen Âge central, dans K. Herbers et N. Jaspert (éd.), Grenzraüme und Grenzüberschreitungen im Vergleich. Der Osten und der Westen des mittelalterlichen Lateineuropa, Berlin, 2007 (Europa im Mittelalter, 7), p. 361-386 (ici 362-368, Pierre d’Osma et Géraud de Braga). 57. Voir sur ce monument la notice qui lui est consacrée (J. M. Caamaño Martínez) dans La Ciudad de seis pisos, Catalogue de l’exposition Las Edades del Hombre, El Burgo de Osma – Soria, 1997, p. 128-131 (avec reproductions).
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ceux-ci. Sur un arrière-plan théorique de temps long, on fondait donc des légitimités nouvelles à partir d’événements récents. On peut y voir une sorte d’écrasement du temps. En définitive, et au-delà des nombreux particularismes induits par le contexte hispanique, il apparaît clairement qu’« écrire l’histoire des évêques » permettait de penser l’Église et le pouvoir, mais aussi les lieux, la mémoire et le temps.
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Reprise et continuations modernes des gesta episcoporum médiévaux à Metz Arnaud Hari
L’histoire des évêques de Metz fut un thème abondamment traité durant tout le Moyen Âge et une partie de l’époque moderne. Le premier historien des prélats messins n’est autre que Paul Diacre, le grand lettré lombard, qui, à la demande de l’archevêque de Metz Angilram, rédige pendant son séjour à la cour de Charlemagne, un Libellus de numero sive ordine episcoporum qui sibi ab ipso praedicationis exordio in Metensi civitate successerunt, passé à la postérité sous le nom de Liber de episcopis Mettensibus 1. Sa composition intervient après la mort de la reine Hildegarde en avril 783, dont les funérailles se déroulèrent dans l’abbaye suburbaine de Saint-Arnoul, une des plus grandes nécropoles de la dynastie carolingienne. Cet événement fut l’occasion pour Angilram de rappeler les liens étroits entre Metz, ses pontifes et les Arnulfiens grâce aux talents d’historiens de Paul Diacre. Le texte commence avec la passion du Christ et l’envoi par saint Pierre à Metz du premier évêque, saint Clément. La liste des prélats messins sert à partir de ce point d’épine dorsale à un ouvrage plus composite qu’il n’y paraît au premier abord et qui se distingue par sa grande concision 2. L’œuvre de l’érudit transalpin n’a pas été continuée contrairement à bon nombre de gesta episcoporum médiévaux 3, mais de courtes notices consacrées aux grands évêques de la période carolingienne ont été rédigées de manière indépendante dans le courant du ixe siècle à Metz, et insérées dans un catalogue épiscopal compilé au milieu du xe siècle sous Thierry Ier 4. Un auteur messin anonyme travaillant dans l’entourage de 1. Paul Diacre, Liber de episcopis Mettensibus, éd. G. H. Pertz, dans MGH., Scriptores, II, Hanovre, 1828, p. 260-268. 2. Le Liber de episcopis Mettensibus a été notamment étudié par W. Goffart, Paul the Deacon’s gesta episcoporum Mettensium and the early design of Charlemagne’s succession, dans Traditio, 42, 1986, p. 59-94 ; M. Sot, Le Liber de episcopis Mettensibus dans l’histoire du genre des gesta episcoporum, dans P. Chiesa (éd.), Paolo Diacono, un scrittore fra tradizione longobarda e rinovamento carolingio, Udine, 2000, p. 527-549. 3. M. Sot, Gesta abbatum, gesta episcoporum, Turnhout, 1981 (Typologie des sources du Moyen Âge occidental, 37), p. 50-52. 4. Il s’agit des notices de Chrodegang, Angilram, Gondulf et Drogon. Le catalogue se trouve dans le manuscrit Paris, BnF, lat. 5294, copié dans la première moitié du xie siècle, fol. 16v-17r ;
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l’évêque Étienne de Bar a mené à bien dans les années 1130 un travail d’une tout autre ampleur, puisqu’il a réécrit l’histoire des évêques de Metz depuis le fondateur du siège jusqu’à son époque, dans une optique fortement influencée par les idées grégoriennes 5. Son œuvre se distingue de celle de Paul Diacre par une documentation plus fournie et par un grand intérêt pour les problèmes chronologiques : chaque épiscopat par exemple est replacé dans l’histoire universelle par l’intermédiaire de la mention des papes et des empereurs contemporains. Cet ouvrage, connu sous le nom de Gesta episcoporum Mettensium, a servi de base aux historiens postérieurs qui l’ont remanié et lui ont ajouté des continuations jusqu’au début du xvie siècle 6. Avant la fin du xive siècle, ces Gesta sont traduits en langue vernaculaire et enrichis de nouveaux éléments. Cette version française fut prolongée par de nouvelles notices jusqu’au xviie siècle 7. Ces œuvres montrent bien que nous sommes en présence d’une importante tradition historiographique qui ne peut s’expliquer que par le prestige et la puissance des évêques de Metz dans et en dehors de leur cité. La synthèse de tous ces efforts pour glorifier la lignée épiscopale messine se trouve dans la dernière pièce du corpus, l’Histoire des évesques de l’Église de Metz, composée par Martin Meurisse et parue chez l’imprimeur Jean Antoine en 1634 après moult péripéties 8. Meurisse comme Paul Diacre n’est pas Messin de naissance puisqu’il est né à Roye en Picardie en 1584 ou 1585, où il rejoint très tôt l’ordre de saint François. Mais contrairement au lettré lombard, il séjourne une grande partie de sa vie sur les bords de la Moselle au point de s’intégrer plus ou moins bien à la société et à la culture messines 9. Après de brillantes études de physique et de théologie, ses accointances lui permettent de rentrer en contact avec Henri de Bourbon Verneuil, le bâtard éd. G. H. Pertz, dans MGH, Scriptores, II, Hanovre, 1828, p. 268-270. 5. Gesta episcoporum Mettensium, éd. G. Waitz, dans MGH, Scriptores, X, Hanovre, 1852, p. 531-544. 6. Les trois premières continuations ont été éditées par G. Waitz, dans MGH, Scriptores, X, p. 544-551. Un important remaniement est intervenu entre 1376 et 1379 sous la direction de Bertrand de Coblence, le suffragant de l’évêque Thierry Bayer de Boppart. Les continuations suivantes ont été éditées par G. Wolfram, Chronica episcoporum Metensium 1260-1376 (1530), Metz, 1898. Une partie des continuations est inédite pour les xiiie et xive siècles. Elle se trouve dans le manuscrit Paris, BnF, lat. 5532. 7. L’adaptation en français des Gesta episcoporum Mettensium n’a pas fait l’objet d’édition scientifique. Elle se trouve dans au moins huit manuscrits avec des continuations plus ou moins longues jusqu’au cardinal de Givry, qui occupa le siège à partir de 1608. 8. M. Meurisse, Histoire des évesques de l’Eglise de Metz, Metz, 1634, 2 vol. 9. J.-B. Kaiser, Martin Meurisse, évêque de Madaure, suffragant de Metz (1584-1585), dans Annuaire de la société d’histoire et d’archéologie de la Lorraine, 32, 1923, p. 2-3.
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d’Henri IV, qui reçut le siège messin à l’âge de six ans 10. Ce dernier, qui ne fut jamais ordonné prêtre et qui ne mit jamais les pieds à Metz, choisit Martin Meurisse pour être son suffragant dans le diocèse de Metz à la fin de 1628 11. À partir de son entrée dans la cité le 30 mai 1629, Meurisse devient l’âme de la réforme tridentine jusqu’à sa mort en 1644 12. Il n’est pas le premier suffragant messin à se piquer d’histoire ; un de ses prédécesseurs, le grand prédicateur Nicolas Cöeffeteau, qui exerça la même fonction de 1617 à 1621, avant d’aller occuper le siège de Marseille, connut un immense succès en rédigeant une Histoire romaine, qui n’eut pas moins de cinquante éditions 13. La curiosité de Martin Meurisse l’a davantage porté vers l’histoire locale et, avec son Histoire des évesques de l’Église de Metz, il a consacré ses efforts à un sujet très souvent abordé par les historiens antérieurs. Il nous a semblé particulièrement intéressant de replacer cette œuvre au sein de l’historiographie épiscopale messine en mettant à la fois en exergue les points de convergence et les différences qu’elle présente avec le reste du corpus consacré aux pontifes messins. Le second point qui retiendra notre attention concerne les circonstances qui ont vu naître cet ouvrage. En d’autres termes, pourquoi écrit-on encore une histoire des évêques de Metz dans le second quart du xviie siècle ? Dans la forme et la structure de son ouvrage, le suffragant messin suit le schéma traditionnel des gesta episcoporum, puisque son travail se décompose en une suite de notices consacrées chacune à un pontife. Martin Meurisse partage également avec ses prédécesseurs médiévaux une même conception du passé des évêques messins. Pour lui, l’église de Metz est recommandable pour 5 considérations bien particulières : • pour son antiquité ; • pour la succession ininterrompue de ses pasteurs ; • pour leur sainteté ; 10. Après la mort de l’évêque de Metz, le cardinal Charles de Lorraine, le 24 novembre 1607, le chapitre de la cathédrale choisit Henri de Bourbon Verneuil, né le 3 novembre 1601, pour devancer la réaction des ducs de Lorraine et de Guise dont la famille occupe le siège de Metz depuis plus d’un siècle. Devant les réticences du pape et les hésitations du roi, une solution de conciliation est trouvée au printemps 1608 : le cardinal de Givry reçoit l’épiscopat et Henri de Bourbon Verneuil, les grâces expectatives. Givry meurt en 1612. Sur ces problèmes voir R. Folz, le concordat germanique et l’élection des évêques de Metz, dans Annuaire de la société d’histoire et d’archéologie de la Lorraine, 40, 1931, p. 270-285. 11. Martin Meurisse porte le titre d’évêque in partibus de Madaure. 12. J.-B. Kaiser, Martin Meurisse… cité n. 9, p. 5-9. 13. N. Cöeffeteau, Histoire romaine…, Paris, 1621.
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• pour la splendeur de leur sang et la grandeur de leur naissance et ; • pour avoir esté touiours très constamment orthodoxes parmy les schismes et les divisions des Églises circonvoisines 14. À l’instar des auteurs du Moyen Âge, il entend mettre en lumière la sainteté de la lignée épiscopale qui a tenu le siège de Metz depuis les temps apostoliques 15. Dans la lignée des gesta episcoporum médiévaux, Martin Meurisse par exemple, insiste particulièrement sur l’absence d’interruption dans la succession épiscopale supérieure à deux ou trois ans alors que les autres sièges de la province ecclésiastique, Trèves, Toul et Verdun, auraient connu d’après lui des vacances dépassant un siècle 16. Le suffragant messin offre en fait ici une lecture très partiale de ses sources dans la mesure où il passe sous silence la longue vacance survenue après la mort d’Angilram en 791, qui se prolongea jusqu’en 816 17. Cette interruption est bien consignée dans un document, un catalogue épiscopal composé au milieu du xe siècle qui se trouve au début du Petit Cartulaire de Saint-Arnoul 18, une compilation de pièces juridiques, historiographiques et hagiographiques, plusieurs fois remaniée entre le xe et le milieu du xiiie siècle, que Meurisse utilise très souvent. L’auteur a donc délibérément choisi d’ignorer cette vacance car elle allait à l’encontre de son projet. Cet éloge de la lignée épiscopale messine va même parfois jusqu’à la caricature, comme le prouvent ces quelques lignes extraites de la préface :
14. M. Meurisse, Histoire des évesques… cité n. 8, I, préface, I, p. 24. 15. M. Sot, Gesta… cité n. 3, p. 15-17. 16. M. Meurisse, Histoire des évesques… cité n. 8, I, préface, p. 25 : « Le cours de ceste histoire descouvrira nettement la vérité de la seconde considération : & fera voir que depuis S. Clément, iusques à Monseigneur Henry de Bourbon, qui tient présentement en main le baston pastoral de ceste Eglise, il y a tousiours eu en la mesme Eglise une suite immédiate & une succession continuelle de pasteurs et de prélats, sans aucune interruption, au moins plus grande et plus notable que deux ou trois ans. Chose bien particulière et bien considérable, attendu les persécutions dont toutes les églises de ceste contrée ont esté agitées, qui les ont si souvent destituées de pasteurs, qu’elles sont demeurées veuves cent, deux cents & trois cents ans, comme on peut apprendre par les histoires des églises de Treves, de Toul & de Verdun ». 17. O. G. Oexle, Die Karolinger und die Stadt des heiligen Arnulf, dans Frühmittelalterliche Studien, 1, 1967, p. 250-364 : p. 279-284. 18. Édition critique par M. Gaillard, Le souvenir des Carolingiens à Metz au Moyen. Le Petit Cartulaire de Saint-Arnoul, Paris, 2006, p. 7-8. Martin Meurisse connaît la version latine, comme le prouvent les pièces juridiques qu’il a recopiées. Ce catalogue se trouve également dans le manuscrit Paris, BnF, lat. 5294, voir note 4.
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La sainteté des pasteurs de ceste mesme Eglise paroist, en ce qu’il y en a 31 qui sont qualifiés de saints dans nos anciens catalogues et martyrologes sans qu’un seul pourtant ait acquis ceste qualité par le martyre, qui est un chemin bien court pour y parvenir, le temple de la religion ayant esté construit en ceste ville sans coups de marteaux, comme celuy de Salomon, mais y estant tous parvenus par un exercice stable & continuel de vertus, qui est un sentier beaucoup plus long, plus fascheux & mal aisé à tenir 19.
Outre le débat sur les caractéristiques et les attributs de la sainteté, il faut dire que l’absence d’évêque martyr avait déjà soulevé quelques discussions au Moyen Âge, dont on retrouve notamment la trace dans l’Éloge de Metz de Sigebert de Gembloux dans le troisième quart du xie siècle 20. Le grand érudit médiéval présente cependant une solution différente au problème puisque d’après lui l’absence de martyr messin serait largement compensée par la présence dans la ville de saintes reliques, notamment celles ramenées au xe siècle d’Italie par l’évêque Thierry Ier, le fondateur du monastère de Saint-Vincent dont Sigebert fut l’écolâtre 21. Le suffragant messin cherche également à se placer dans la continuité des ouvrages antérieurs sur le plan littéraire : Paul Diacre et le rédacteur des Gesta episcoporum Mettensium au xiie siècle avaient choisi par humilité de ne pas narrer les hauts faits de l’évêque en charge, leur commanditaire. Meurisse après avoir évoqué très précisément ces deux exemples et cité leur déclaration d’humilité en latin, reprend le même procédé littéraire pour abréger la notice d’Henri de Bourbon Verneuil. Il écrit ainsi : 19. M. Meurisse, Histoire des évesques… cité n. 8, I, préface, p. 25 20. Sigebert de Gembloux, Éloge de Metz, éd. et trad. E. de Bouteiller, Paris, 1881, p. 42 : et cum nullus justus sanguis super eam venturus sit, quippeque nullius sanguini aliquando se vel filios suos devoverit, gloriosos tamen martyres praesentes habet… Etiam atque etiam meditare quid tali viro, Deodericum dico, debeas ! cujus pio studio, tot sanctorum, praeter indigenarum patrocinia suscepisti reliquias… ; sur cette œuvre voir M. Chazan, Érudition et conscience urbaine dans l’éloge de Metz de Sigebert de Gembloux, dans Les cahiers lorrains, 1992, p. 441453 ; T. Licht, Untersuchungen zum biographischen Werk Sigeberts von Gembloux, Heidelberg, 2005. 21. Thierry est le cousin germain d’Otton II et l’un de ses principaux conseillers. Durant son séjour en Italie, il collecte de nombreuses reliques et fait composer un texte, l’Inventio sanctorum, pour les authentifier, éd. G. H. Pertz dans MGH, Scriptores, IV, Hanovre, 1841, p. 473-474 ; voir R. Folz, Un évêque ottonien, Thierry Ier de Metz (965-984), dans Media in Francia… Recueil de mélanges offert à Karl Ferdinand Werner, Paris, 1989, p. 139-156 : p. 149150 ; A. Wagner, Collection de reliques et pouvoir épiscopal au xe siècle : l’exemple de l’évêque Thierry Ier de Metz, dans Revue d’histoire de l’Église de France, 83, 1997, p. 317-341 ; M. Chazan, L’Empire et l’histoire universelle. De Sigebert de Gembloux à Jean de Saint-Victor (xiiexive siècle), Paris, 1999, p. 40-44.
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Arnaud Hari I’aurois bien plus de sujet de mettre icy fin a mes petits recueils, estant parvenu isuques à la séance de Monseigneur Henry de Bourbon, que n’avoient alors ces braves escrivains, tant à cause que mon stile est beaucoup en dessous des leurs, qu’à raison que ce prince, & pour sa naissance & pour d’autres considérations, est fort au dessus de ceux qui presidoient alors a ceste Eglise. Ioint que l’Escriture nous deffend de publier les loüanges des hommes pendant le cours de leur vie. Et puis ce que i’en escrirois pourroit estre suspect sur les grandes & insignes obligations que ie luy ay… Ie dresseray seulement une table d’attente, sur laquelle ie me contenteray de tirer le crayon & les premiers traits d’un tableau qui doit estre à l’advenir tres parfait… 22.
Le suffragant messin a donc conscience de s’inscrire dans une tradition historiographique messine très ancienne et il cherche à se placer dans la filiation de ce qui a été écrit antérieurement. D’un point de vue formel, la principale différence entre l’Histoire des évesques de l’Église de Metz et les gesta episcoporum précédents réside dans le grand effort d’érudition déployé par Martin Meurisse et dans son souci d’exhaustivité. L’historiographie épiscopale messine se signale au Moyen Âge par sa concision : les notices sont en général assez courtes, le nombre d’informations limité, à tel point que certains passages ressemblent à des catalogues épiscopaux un peu étoffés 23. L’œuvre de Martin Meurisse renvoie une image très différente puisque plus d’une centaine d’ouvrages anciens et modernes ont été mis à contribution. Les titres et les références sont donnés systématiquement dans les marges et les citations sont insérées en italique dans la narration pour les distinguer du reste du texte. Le suffragant ne s’est pas contenté de livres imprimés, il a également mis à profit les manuscrits conservés à la cathédrale et dans les abbayes messines qui lui ont notamment permis de se familiariser avec des textes hagiographies qui n’avaient pas encore fait l’objet d’une édition comme les vitae des évêques messins (Clément, Clou, deuxième vie de saint Arnoul, Goery). Deux cent vingt actes sont cités, dont une centaine a été recopiée intégralement. L’auteur avait sans doute pour projet de publier et de réunir dans son œuvre toutes les pièces relatives aux évêques de Metz mais il a dû renoncer face à l’augmentation du volume de sa documentation à partir de l’épiscopat d’Étienne de Bar dans le deuxième tiers du xiie siècle. Ces actes ne proviennent cependant pas tous des archives messines. Meurisse a également utilisé des recueils édités, comme c’est le cas dans la notice d’Advence qui est la plus longue de son 22. M. Meurisse, Histoire des évesques… cité n. 8, II, p. 667-668. 23. C’est notamment le cas de Paul Diacre, qui souvent ne fait que citer le nom des évêques car il ne dispose pas d’informations à leur sujet.
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ouvrage car la correspondance de cet évêque au sujet du divorce de Lothaire II a été reproduite intégralement à partir de l’édition des Annales ecclésiastiques de Baronius. Le suffragant messin a également sollicité les établissements monastiques de son diocèse ainsi que le prouvent plusieurs passages comme celui consacré à la fondation du monastère d’Hilariacum (Saint-Avold) par l’évêque Sigebaud au viiie siècle : Le révérend père Pulchrone qui est aujourd’huy très digne abbé m’a fait porté des pièces qu’il a tirées de leurs archives parmy lesquelles celle-ci s’est trouvée escrite sur un vieux parchemin… 24.
Ces échanges épistolaires sont à rapprocher des synodes diocésains de 1629 et en mai 1633 réunis par Martin Meurisse dans le cadre de ses efforts pour promouvoir la réforme tridentine. Ces réunions lui ont sans doute permis de nouer des contacts et de collecter un certain nombre d’informations et de documents. Cette valorisation de la lignée épiscopale messine s’inscrit cependant dans un projet plus vaste, qui est de prouver la souveraineté sans partage des rois de France sur Metz. Pour bien comprendre cet aspect de l’œuvre de Martin Meurisse, un rapide aperçu de l’histoire de la ville est nécessaire. La cité mosellane jouit en effet d’un statut juridique ambigu entre la France et l’Empire au début du xviie siècle. Elle a été intégrée à la Francie Orientale dès le xe siècle et a profité de l’affaiblissement des pouvoirs impériaux et épiscopaux pour s’émanciper et mener une politique autonome à partir du xiiie siècle 25. Les évêques, qui avaient obtenu les droits comtaux dans la cité dans le courant des xe et xie siècles cessèrent à partir de cette date de jouer un rôle important dans l’organisation de la communauté urbaine. La république messine connaît alors un âge d’or dans la seconde moitié du xiiie et au xive siècle, qui fait de la ville une puissance politique en Lorraine avec laquelle les princes doivent compter et surtout un important centre financier. La fin du Moyen Âge se traduit en revanche par un déclin accusé notamment dans les domaines démographiques et économiques alors que la cité devient une proie bien tentante pour les princes voisins et notamment les ducs de Lorraine. L’indépendance messine fait les frais du grand conflit entre les Valois et les Habsbourgs puisqu’au début de l’année 1552, le traité de Chambord, signé entre le roi de France et les prin24. M. Meurisse, Histoire des évesques… cité n. 8, p. 151. 25. L’ouvrage de référence reste celui de J. Schneider, La ville de Metz aux xiiie et xive siècles, Nancy, 1950, spéc. p. 67-164.
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ces protestants de l’Empire, prévoit l’occupation des villes impériales de Metz, Toul et Verdun. Les Messins, minés par des querelles politiques et religieuses, n’opposent aucune résistance aux troupes d’Henri II et du connétable Anne de Montmorency, qui installent une garnison intra muros. Outre l’importance stratégique de la ville, base arrière pour des opérations outre Rhin, la possession de Metz revêt une forte charge symbolique pour la monarchie française après l’échec des armées de Charles Quint pour la reprendre pendant l’automne et l’hiver 1552-1553 grâce à la défense héroïque du duc François de Guise. L’évêque Robert de Lenoncourt profite de ces événements et du désarroi des Messins, dont une partie a dû fuir pendant le siège, pour restaurer les droits épiscopaux sur la cité. En 1553, il rachète le droit de battre monnaie dans la ville, que ses prédécesseurs avaient engagé, et il renverse le patriciat messin qui gouvernait l’État urbain depuis le xiiie siècle. Il entend désormais nommer et renouveler le Magistrat selon son bon plaisir mais cette situation ne dure pas à cause des nombreuses oppositions qui s’élèvent dans la cité et qui trouvent un écho favorable au sein du conseil royal. Lenoncourt renonce alors à ses projets politiques et il résilie sa charge en faveur du cardinal Charles de Guise en 1555, dont il n’était que le coadjuteur. Ce dernier cède au roi l’année suivante tous les droits politiques que possèdent les évêques de Metz sur la ville mais qu’ils n’exerçaient plus depuis la fin du Moyen Âge. C’est désormais le pouvoir royal qui approuve la nomination du Magistrat messin 26. À partir de ce moment la cité, qui fait toujours théoriquement partie de l’Empire, est placée sous la protection des rois de France et de leurs soldats. Le Magistrat messin garde en théorie son indépendance dans le domaine judiciaire et les lois du royaume n’ont pas cours dans le Pays Messin, mais dans les faits le gouverneur royal et les officiers chargés de la gestion de la garnison empiètent régulièrement sur les prérogatives des dirigeants locaux. L’intégration de Metz à la France se fait en plusieurs étapes au gré des circonstances et des fluctuations de la puissance royale. Un tournant important intervient avec la visite de Louis XIII dans la cité à la fin de 1631 et au début de l’année suivante. L’installation d’un parlement (depuis longtemps évoquée mais jamais mise en pratique) est décidée et planifiée. La nouvelle cour s’installe à Metz en août 1633 ; cet événement sonne le glas de l’indépendance judiciaire messine. Il faut attendre cependant 1648 et les traités de Westphalie pour que la cité mosellane soit définitivement détachée de l’Empire et intégrée au royaume de France. Ce rapide résumé du processus d’intégration de Metz à la France 26. Tous ces problèmes ont fait l’objet d’une étude minutieuse de G. Zeller, La réunion de Metz à la France (1552-1648), Paris, 1926, 2 vol.
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montre que l’œuvre de Martin Meurisse s’inscrit dans la période charnière de l’installation et de l’affirmation du pouvoir royal dans la cité. Le suffragant messin s’est fait un devoir de défendre les prétentions des Rois Très-Chrétiens sur la ville et son pays. Son œuvre se présente donc comme une démonstration dont les deux points essentiels ont pour but, d’une part de ruiner la souveraineté des empereurs germaniques sur la cité, d’autre part de délégitimer les prétentions à l’indépendance des Messins. Le premier aspect ressort particulièrement bien du plan adopté pour l’Histoire des évesques de l’Église de Metz : les notices consacrées aux prélats sont regroupées en quatre livres aux titres évocateurs : les évêques sous la domination des Romains ; les évêques de Metz dans le royaume d’Austrasie ; les évêques de Metz qui ont exercé les droits régaliens sur la ville ; les évêques qui ont tenu le siège depuis le retour de Metz à la France. La souveraineté des empereurs germaniques est ici complètement passée sous silence comme le prouve un autre passage tout aussi explicite qui concerne les démêlés entre les évêques messins de la première moitié du xe siècle et les Ottoniens :
La longue résistance que Wigéric et Adalbéron 1er du nom firent aux empereurs d’Allemagne, lorsqu’ils se présentèrent pour s’emparer de ceste ville, et les grands efforts qu’ils soustindrent pour tascher d’arrester le cours de ceste usurpation font bien voir qu’ils avoient déjà lors de la puissance et de l’authorité. Et comme enfin les evesques ont remis entre les mains de nos roys, les droits de souveraineté, que leur naissance, leur valeur et leur fidélité leur avaient acquis pendant les mouvements et la décadence de ceste monarchie, il semble que la providence de Dieu les en ait seulement voulu rendre dépositaires afin qu’ils les conservassent et les restituassent un jour à la France, estant bien certain que si les Allemands se fussent rendus maistres de ceste ville, elle ne fut pas retournée si facilement sous l’obeïssance de ses naturels et légitimes souverains 27.
L’histoire de Metz pour Martin Meurisse est d’une extrême limpidité : la cité a toujours été française ; après la période carolingienne, la souveraineté sur la ville et ses alentours est passée aux évêques qui l’ont restituée aux rois de France en 1556. La conclusion coule de source : Louis XIII est le légitime souverain des Messins, qui n’ont jamais appartenu à l’Empire si ce n’est sous la contrainte et sans bases juridiques solides. Pour être plus précis, le suffragant messin dans le cours de son ouvrage ne nie pas l’intégration de la Lotharingie à l’Empire pendant de longs siècles mais il tend à la présenter comme une 27. M. Meurisse, Histoire des évesques… cité n. 8, I, p. 188-189.
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usurpation, « un hyver triste & fascheux 28 ». La période cruciale pour lui est celle de la lutte pour la possession de l’ancien royaume de Lothaire II entre les derniers Carolingiens et les Ottoniens au xe siècle. Le premier argument qu’il présente dès la préface concerne l’avènement de Conrad Ier dans le royaume de Germanie :
L’an 912, Louis, dernier empereur et dernier roy de Lorraine de la maison de France, estant venu à mourir, les Allemands mirent la couronne impériale sur la teste d’un nommé Conrad de leur nation au préjudyce de Charles le Simple, roi de France et issu de la race de Charlemagne… Et ce nouvel empereur, non content de la couronne impériale qu’il avait reçue avec assez peu de justice, se voulut encore emparé, contre toute apparence de raison et d’équité, du royaume de Lorraine. Car quand bien nous accorderions aux Allemands, qu’ils auraient pu eslire un Empereur au préjudyce de la race de Charlemagne qui subsistait encore en la personne de Charles le Simple, en vertu de quoy cet empereur aurait-il pu se mettre en possession du royaume de Lorraine qui estoit du domaine de la couronne et qui faisoit partie du Royaume 29 ?
La présentation des rois de France comme successeurs des Carolingiens est un lieu commun de l’historiographie française, tout comme les réserves formulées à l’encontre du passage du titre impérial à des princes germaniques ; ce qui paraît plus original en revanche, est le rôle dévolu au roi de Germanie Conrad Ier dans la cession de la Lotharingie à l’Empire. Pour étayer sa démonstration, Meurisse annonce qu’il n’a trouvé, dans ses sources et dans les archives, aucun diplôme de ce souverain pour des destinataires lotharingiens alors qu’il en retranscrit plusieurs de Charles le Simple. Le suffragant messin enfonce ici des portes ouvertes et sa démonstration est biaisée dès l’entame dans la mesure où Conrad n’a jamais reçu la couronne impériale et n’a jamais régné sur la Lotharingie ; aucune de ses sources ne prétend d’ailleurs cela. Il pourrait s’agir d’une erreur de l’auteur mais cette hypothèse est difficilement défendable étant donné l’ampleur de la documentation utilisée et la minutie du suffragant messin. Il parait plus probable que tout ce passage a été dicté par des considérations essentiellement politiques afin d’anéantir les droits des souverains germaniques sur la Lotharingie et étayer ceux des rois de France. L’auteur revient à deux autres reprises dans le cours de son récit sur le passage de ce territoire à l’Empire pour en nier la légitimité. Pour narrer ces deux épisodes, il s’est en partie appuyé sur la chronique universelle de Sigebert de Gembloux et sur les deux historiens du xvie siècle, Richard de Wassebourg et François 28. Ibid., I, préface, p. 24. 29. Ibid., I, préface, p. 20.
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de Rosières qui écrivent dans une optique favorable aux droits des ducs de Lorraine, car les événements du xe siècle sont également essentiels pour l’historiographie ducale qui entend fonder ses prétentions à l’indépendance sur cette période 30. Après la bataille de Soissons en 923 entre Charles le Simple et le duc Robert, le roi de Francie Occidentale aurait donné la Lotharingie à Henri l’Oiseleur en remerciement de son aide. Or pour Meurisse Charles ne pouvait accomplir une telle action qui est prohibée par les lois fondamentales du royaume. Le second épisode se place selon le suffragant messin en 978, à la suite du raid mené par le roi de Francie occidentale Lothaire contre Aix-laChapelle, où séjournait Otton II. Ce dernier lance en représailles une expédition sur les terres de son ennemi. Meurisse décrit ainsi la suite : Mais comme la France a toujours esté le cymetière des Allemands, les troupes de cest empereur ayant esté défaittes bien tost après, auprès de Soissons, elles furent ensevelies dans leur propre sang. Othon fit si bien qu’il eut l’avantage en sa déroute car il obtint de Lothaire, ceste mesme portion du royaume de Lothaire, de laquelles ils estoient en débat.
Il ne faut pas se méprendre sur le sens de ces phrases et voir en Martin Meurisse un précurseur de Maurice Barrès. Le suffragant messin est certes animé par un fort sentiment patriotique qui s’identifie avec la défense de la monarchie française. Il ne fait cependant jamais intervenir dans sa démonstration d’arguments culturels comme le firent les nationalistes de la fin du xixe siècle. Il ne prétend à aucun moment que Metz fait partie du royaume de France parce que la ville est de culture romane et que ses habitants parlent le français et non un dialecte germanique. Il préfère mettre en avant les droits historiques et juridiques des rois français sur la Lotharingie. C’est pourquoi il présente la cession de cette province comme un choix inconsidéré des derniers Carolingiens, sans fondement juridique. La supériorité militaire et symbolique des Ottoniens dans la seconde moitié du xe siècle est passée sous silence, alors que Sigebert de Gembloux, l’une des sources principales de l’auteur, dresse un tableau clair et sans équivoque de ces rapports de force. Meurisse se conforme au récit élaboré par les historiens lorrains du xvie siècle, 30. Sigebert de Gembloux, Chronographia, éd. L. K. Bethmann, dans MGH, Scriptores, VI, Hanovre, 1844, a. 922-923, p. 346 et a. 978-980, p. 352. Richard de Wassebourg, Antiquitez de la Gaule Belgicque, Royaulme de France, Austrasie & Lorraine : avec l’origine des duchez & comtez de l’ancienne et moderne Brabant, Paris, 1549, p. 11-15 ; Wassebourg est archidiacre de Verdun, son père a été anobli par le duc de Lorraine René II. François de Rosières, Stemmatum Loyharingiae ac Barri ducum tomi septem, Paris, 1580, p. 356. Son ouvrage appuie les prétentions du duc de Lorraine Charles III à la couronne de France.
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mais il ne les suit pas jusqu’au bout dans leur démonstration car François de Rosières et Richard de Wassebourg mettent en avant les droits de Charles de Lorraine, le frère de Lothaire, qui est pour eux à l’origine de la généalogie des ducs de Lorraine et de leur indépendance entre la France et l’Empire. La seconde phase de l’exposé de Martin Meurisse consiste à prouver que les droits régaliens sur la ville de Metz ont été acquis par les évêques qui les ont conservés tout au long du Moyen Âge avant de les remettre en 1556 à Henri II. Le suffragant messin place l’origine de cette acquisition entre 823 et 855 sous l’épiscopat de Drogon, le fils illégitime de Charlemagne, qui porta même le titre d’archevêque. L’auteur de l’Histoire des évesques de l’Église de Metz ne s’appuie ici sur aucune source mais le parallèle est évident entre Drogon et le protecteur du suffragant messin, Henri de Bourbon Verneuil, l’évêque en titre au moment de la rédaction, qui rappelons-le, est un bâtard d’Henri IV 31. Le fils illégitime de Charlemagne aurait reçu de son demi-frère, l’empereur Louis le Pieux, un certain nombre de droits sur la ville que Meurisse ne détaille pas, en remerciement de sa fidélité après l’épisode des Champs du Mensonge en juin 833. L’avantage de ce récit imaginaire est de placer le début du processus qui devait aboutir à la domination épiscopale dans la cité, bien avant les Ottoniens et les Saliens et donc de minimiser leur rôle : Et bien que ceste puissance des evesques ne soit parvenue à son dernier point qu’en la personne de Theodoric premier du nom, proche parent des Othons, & souverain ministre de l’Empire sous leur règne ; toutes-fois par ce que dès le temps de l’archevesque Drogon, les premiers fondements en furent iettez, j’ay iugé que ie devois icy donné commencement à mon troisième livre 32.
Le suffragant messin insiste particulièrement sur deux aspects du pouvoir des prélats dans la ville qui sont le symbole de leur souveraineté : la nomination du Magistrat et la frappe de la monnaie. Les institutions de la cité se sont mises en place après une longue phase de gestation au xiie siècle. C’est sous l’épiscopat de Bertram, entre 1180 et 1212, qu’elles prennent leur forme quasiment définitive avec un Maître-Échevin, véritable représentant de la cité renouvelé 31. La comparaison apparaît notamment dans la dédicace : M. Meurisse, Histoire des évesques… cité n. 8 : « Car en tirant tous ces vénérables prélats de leurs sepulchres ie n’ay fait rencontre presque ou que de saints, ou que d’hommes incomparables en vertus & en mérites, ou que de personnes royales & d’enfants de la maison de France, tel que ce fut entre autres, Drogon ce réparateur signalé de la monarchie françoise, qui peut d’autant plus entrer en comparaison avec vous, qu’il eut l’honneur d’estre fils de Charles le Grand & frère de Louys le Débonnaire, de mesme que vous avez l’honneur d’estre fils de Henry le Grand & frère de nostre invincible et victorieux monarque, Louys le Iuste ». 32. Ibid., I, p. 188.
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annuellement, et un conseil des Treize chargé de la police et de la justice criminelle 33. Au départ, ces institutions étaient contrôlées par l’évêque et les dignitaires ecclésiastiques de la cité, mais les bourgeois se sont progressivement émancipés de cette tutelle pour gérer leurs affaires et celles du Pays Messin en toute indépendance. Les pontifes ont peu à peu renoncé à exercer leurs prérogatives dans la cité à et ils ont même cessé d’y résider dans la seconde partie du xiiie siècle ; ils préfèrent alors s’installer à Vic-sur-Seille qui devient le siège de la principauté épiscopale. Les prélats sont également aux abois sur le plan financier et ils dépendent de plus en plus des banquiers messins. Les bourgeois de la ville profitent de ces difficultés pour étendre leur autonomie comme c’est le cas en 1393 lorsque l’évêque Raoul de Coucy engage aux Messins le droit de nommer les Treize pour huit ans 34. Les évêques, dans les faits, n’intervenaient plus guère dans ces nominations, aussi le sacrifice n’a pas dû paraître excessif et après le délai prévu ils n’ont pas cherché à recouvrer leurs droits. Martin Meurisse présente toute cette évolution comme une succession d’usurpations accomplies par des Messins félons et ivres de pouvoir 35. Pour lui, les règles mises en place par Bertram sont la référence indépassable et la base des rapports entre les pontifes et la ville. Ce prélat, présenté comme un législateur comparable à Solon, Lycurgue où encore Moïse, aurait apporté la civilisation à des Messins qui passent pour des barbares sus la plume de l’auteur 36. Outre les chartes de Bertram, qui sont recopiées avec soin dans l’Histoire des évesques de l’Église de Metz, le suffragant messin s’appuie sur le serment prêté par les Treizes lors de leur intronisation le jour de la Chandeleur, 33. J. Schneider, La ville de Metz… cité n. 25, p. 149-159 34. Acte daté du 5 octobre 1393. La somme prêtée est de 6 000 francs d’or ; éd. J. François et N. Tabouillot, Histoire de Metz…, Metz, 1787-1790 (éimpr. Anast. Paris, 1974) : IV, Suite des preuves de l’histoire de Metz, p. 434-437. 35. M. Meurisse, Histoire des évesques… cité n. 8, I, p. 188. 36. Ibid., I, préface, p. 17 : « Néantmoins leur forme de gouvernement est demeurée fort rude & barbares iusques au temps de la séance de Bertrand. Car avant luy on escrivoit rien et & la plus-part des différents se vuidoient au champ de bataille, & à coup de mains, & ceux qui avoient esté battus, payoient l’amende. Il n’y avoit presque point d’autres supplices parmy eux, que la suffocation & submerssion… » et p. 427 : « Si les druides ont touiours esté en singulière vénération parmy les Gaulois, les Gymnosophistes parmy les Indiens, les Mages parmy les Perses, Solon parmy les Athéniens, Licurgue parmy les Lacédémoniens, Minos parmy les Crètes, et les autres lesgislateurs parmy les peuples qu’ils ont policez par les belles loix & ordonnances qui leur ont esté données, l’evesque Bertram doit estre parfaitement honoré des Messins, pour leur avoir donné des magistrats, des loix, des statuts et une méthode de vivre entre eux honnestement, civilement et vertueusement au lieu des coustumes barbares qu’ils pratiquaient auparavant ».
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qui mentionne bien la sujétion des magistrats mais qui n’avait plus qu’une valeur symbolique à la fin du Moyen Âge 37. Martin Meurisse a compris que l’émancipation des bourgeois messins s’est faite de façon coutumière sans renonciation écrite et définitive des pontifes. Il s’engouffre dans cette brèche et il lui est facile de constater l’absence de fondement juridique des prétentions de la communauté urbaine. Rien n’illustre mieux sa méthode que l’exemple du droit hautement symbolique de battre monnaie dans la cité 38. Comme bon nombre de prérogatives, la frappe a été engagée aux Messins en 1383 par l’évêque Thierry Bayer de Boppard, pour quatre mille francs d’or français, mais les difficultés financières de l’évêché n’ont pas permis aux prélats de racheter leur dette et la ville a émis ses propres espèces sans contrôle épiscopal pendant le siècle suivant 39. Profitant des désordres qui ont suivi le siège de Charles Quint, le cardinal de Lénoncourt, alors évêque de Metz, a racheté ce droit pour quatre mille francs d’or messins, ce qui est une escroquerie étant donné la différence de valeur entre les pièces d’or de la cité et celle du royaume ; d’où la colère des Messins 40. Cet épisode permet cependant au suffragant de bien montrer que les pouvoirs des pontifes dans la cité n’avaient pas disparu mais avaient été mis entre parenthèses pendant de longs siècles 41. D’un point de vue historiographique, Martin Meurisse se montre très critique envers les mythes de fondation de la ville de Metz qu’il a rencontrés chez les chroniqueurs de la fin du Moyen Âge 42. Il juge fabuleuse l’origine antédiluvienne du patriciat messin 43 et doute des diverses étymologies relatives au nom de la 37. A. Prost, Les institutions judiciaires de la cité de Metz, Paris, 1893, p. 73-74. Le serment se trouve dans le manuscrit Metz, BM, 796, en deux versions, f. 119 et f. 126 38. Meurisse accorde une place importante au droit de battre monnaie tout au long de son œuvre. Voir notamment Histoire des évesques… cité n. 8, II, p. 331-334. 39. Éd. D. Flon, Histoire monétaire de la Lorraine et des Trois-Évêchés, I, Nancy, 2002, p. 105-107. 40. Ibid., II p. 721. Les Messins portèrent plainte devant la Cour des Monnaies et eurent gain de cause en 1561. 41. M. Meurisse, Histoire des évesques… cité n. 8, p. 648. 42. Notamment dans la Chronique de Philippe de Vigneulles, qui est une chronique universelle allant des origines du monde jusqu’à 1525. Son auteur a consacré une grande partie de son œuvre à l’histoire de Metz, éd. Ch. Bruneau, Metz, 1927. Une synthèse des mythes de fondation de la cité se trouve p. 8-19. 43. M. Meurisse, Histoire des évesques… cité n. 8, I, préface, p. 5 : « Quelques unes de nos vieilles chroniques fabuleuses portent que la ville de Metz fut bastie 417 ans après le déluge, par les descendants de Noé & qu’elle fut premièrement habitée par sept nobles… D’autres non moins fabuleuses la font beaucoup plus ancienne que Rome. “Longo Divodunum praecessit tempore Romam”. N’ayant mesme peu faire un bon vers de ce mauvais discours ».
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cité 44, faisant preuve au passage d’une belle perspicacité ; il est au contraire très indulgent au sujet de la fiabilité des traditions de l’église de Metz. Il écrit ainsi
qu’il ne faut point estre si délicat en ces matières qui sont si antiques. C’est assez de prendre la substance, sans s’amuser à contredire impertinemment des impertinences. Il n’y a point d’histoire ancienne, ostées les saintes et les sacrées, pour sérieuse qu’elle soit, qui ne pût estre sujete a de semblables contradictions, si elle estoit espluchée et examinée de près. Les bons estomachs digèrent tout, et en vomissant les cruditez, ils retiennent fort bien l’alimentation nécessaire à la conservation de la propre substance 45.
Il y a donc deux poids, deux mesures dans la façon de juger les faits anciens, la critique rationnelle ne s’appliquant pas aux traditions chrétiennes qui sont jugées a priori vraisemblables. Martin Meurisse reprend la traditionnelle glorification de la lignée épiscopale chère aux auteurs médiévaux de gesta episcoporum, mais il l’intègre dans un dessein plus large qui est de préparer l’intégration de Metz dans le royaume de France. Le suffragant messin a en effet travaillé alors que le pouvoir royal était en train d’installer un parlement dans la ville. Son œuvre se termine d’ailleurs par le récit de la prise de fonction solennelle des membres de la nouvelle cour souveraine le 26 août 1633 avec la reproduction intégrale du discours de l’avocat général Remefort de la Grelière, qui est l’aboutissement naturel de son livre. Il précise également que cet événement marque le terme d’un travail commencé quinze mois auparavant 46, c’est-à-dire au printemps 1632, soit juste après le séjour de Louis XIII sur les bords de la Moselle et sa décision irrévocable d’introduire une nouvelle juridiction à Metz (l’édit de création de la nouvelle cour date du 15 janvier 1633) 47. Meurisse s’est donc fait l’agent et le chantre du pouvoir royal face aux dernières velléités d’indépen44. Ibid., I, préface, p. 1-5. 45. Ibid., I, p. 81. 46. Ibid., II, p. 674 : « Ie m’estime très heureux, après un travail de quinze mois, d’avoir eu occasion de mettre fin à ceste histoire par une période si mémorable, & de la pouvoir enrichir de la relation que Monsieur de Remefort de la Grelière conseiller du roy en ses conseils, & avocat général au grand conseil & en la mesme cour de Parlement de Metz, a pris la peine d’en donner au public & tout ensemble de la belle harangue qu’il fit à la première ouverture & à l’establissement de ceste cour souveraine… » 47. Louis XIII séjourne à Metz du 21 décembre 1631 au 8 février 1632. Le 28 décembre il reçoit la visite du duc de Lorraine Charles IV, voir G. Zeller, La réunion de Metz… cité n. 26, II, p. 274-278.
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dance de certains Messins. Le suffragant n’est d’ailleurs pas un isolé puisque le chancelier de la cathédrale Charles Hersant publie en avril 1632 un ouvrage qui poursuit les mêmes buts comme l’indique son titre :
De la souveraineté du roy à Mets, pays metsin et autres villes et pays circonvoisins qui estoient de l’ancien royaume d’Austrasie ou Lorraine, contre les prétentions de l’Empire, de l’Espagne et de la Lorraine et contre les maximes des habitans de Mets, qui ne tiennent le roi que pour leur protecteur 48.
Hersant se montre même plus violent que Meurisse envers les Messins :
Je n’ay pas reconnu dans beaucoup d’entre eux une disposition d’esprit à la soumission et à l’obéissance qu’ils doivent au roy en qualité de souverain. Bien plutôt j’ai remarqué en quelques uns des principaux de l’Eglise et de la justice une grande aliénation de la France pour ne pas dire une faction toute formée contre l’authorité du roy…
et il poursuit :
A la vérité l’ignorance de l’histoire semble les avoir rendus d’autant plus excusables que les lettres par une ancienne maxime de leur police, sont bannies de leur Etat 49.
Il est difficile de dire si les initiatives du chancelier et du suffragant ont été coordonnées et s’il a existé une véritable campagne de publication concertée et dirigée depuis Paris afin d’accompagner l’installation du nouveau parlement. Si les arguments utilisés dans les deux ouvrages sont très proches, il n’existe aucune preuve formelle qui irait dans ce sens. Si Hersant cite quelques dignitaires de l’église de Metz qui lui sont hostiles 50, il ne fait jamais référence à une quelconque alliance avec le suffragant messin. Une hypothèse complémentaire peut-être avancée concernant les motivations de Martin Meurisse. Le début de sa carrière s’est fait sous la protection de Jacques le Coigneux, un parlementaire parisien au service de Gaston d’Orléans le turbulent cadet de
48. Charles Hersant, De la souveraineté du roy à Mets, pays metsin et autres villes et pays circonvoisins qui estoient de l’ancien royaume d’Austrasie ou Lorraine, contre les prétentions de l’Empire, de l’Espagne et de la Lorraine et contre les maximes des habitans de Mets, qui ne tiennent le roi que pour leur protecteur, Paris, 1632. 49. Ibid., p. 13-14. 50. Ibid., p. 140, à propos de M. de Belchamps, chantre de la cathédrale et administrateur de l’évêché, Hersant écrit qu’il « a été toujours reconnu pour homme factieux et ennemy capital de l’autorité du roy ». On peut imaginer la bonne ambiance qui devait régner au sein du chapitre.
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Louis XIII 51. En janvier 1631 Meurisse se trouve dans l’entourage du prince pour prêcher la modération, sans succès 52. Gaston quitte finalement la cour emmenant avec lui le Coigneux et il se réfugie auprès du duc de Lorraine Charles IV, dont il épouse en secret la sœur Marguerite, ce qui a le don de provoquer l’ire du roi et de Richelieu. La politique du cardinal ministre au début de la décennie 1630 est marquée par la préparation de l’entrée de la France dans la guerre de Trente Ans qui déchire l’Europe depuis une douzaine d’années 53. Il est vital pour Richelieu qui prépare une guerre à l’est de neutraliser le pouvoir de nuisance du duc qui se rapproche de plus en plus des Habsbourgs. Si Louis XIII vient personnellement en Lorraine en 1631, c’est avant tout pour superviser l’expulsion des Impériaux qui se sont emparés avec le soutien tacite des Lorrains des deux châteaux de Vic et Moyenvic, qui appartiennent en théorie au temporel des évêques de Metz, dont le titulaire du siège rappelons-le n’est autre qu’Henri de Bourbon Verneuil, son demi-frère 54. Les opérations militaires se poursuivent dans les années suivantes entre Lorrains et Français 55. Dans ce contexte de tension où les anciens protecteurs de Meurisse pactisent avec un Charles IV de plus en plus hostile à la politique de Richelieu et de Louis XIII, le suffragant messin a peut-être ressenti le besoin de rappeler sa fidélité à la monarchie française en mettant en évidence la souveraineté royale sur Metz et en appuyant l’installation du nouveau parlement. Il a même retrouvé dans les archives du cardinal de Givry, ancien ambassadeur à Rome et prédécesseur sur le siège messin de Henry de Bourbon Verneuil, une copie de la lettre de dispense d’âge accordée par la papauté au futur cardinal ministre pour l’obtention de l’évêché de Luçon. Ce passage qui a peu à voir avec les pontifes messins est l’occasion de louer les qualités de Richelieu 56. Si Charles Hersant pouvait se permettre d’adopter un ton fort acrimonieux envers les Messins, son œuvre étant publiée à Paris, Martin Meurisse, lui, rencontra de sérieuses difficultés : lorsqu’il s’adressa à l’impri51. J.-B. Kaiser, Martin Meurisse… cité n. 9, p. 5-8. 52. Ibid., p. 27. 53. Sur ces problèmes, voir Ph. Martin, Une guerre de Trente Ans en Lorraine (1631-1661), Metz, 2002. 54. Ibid., p. 54-58. 55. Ibid., p. 62-80. Les opérations militaires alternent avec des phases de négociation et la signature de traités mal respectés par le duc Charles IV qui relance ainsi la guerre. Louis XIII et Richelieu irrités décident d’investir Nancy durant l’été 1633. Malgré la résistance des défenseurs, la pression des troupes royales est trop forte. Le 20 septembre le traité de Charmes est signé entre Français et Lorrains et le 24 les troupes françaises entrent dans la capitale ducale. 56. M. Meurisse, Histoire des évesques… cité n. 8, II, p. 660-661.
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meur de la ville de Metz, Claude Félix, le conseil du Maître-Échevin refusa la publication de son ouvrage malgré le soutien du duc de La Valette le gouverneur de la cité 57. Il faut dire que de nombreux Messins, et pas seulement les plus puissants, devaient appréhender l’arrivée de la nouvelle cour souveraine et ses conséquences. Les habitants de la cité n’ont jamais été des nostalgiques de l’Empire mais ils ont gardé un profond attachement pour leurs privilèges, or il était facile de comprendre qu’une intégration plus poussée au royaume de France se traduirait immanquablement par une diminution de ces derniers, avec l’installation d’impôts impopulaires comme la gabelle. Les premiers mois de l’activité des nouveaux parlementaires ne devaient d’ailleurs laisser aucun doute là-dessus. Non content d’occuper (à titre provisoire) le palais des Treizes, ils prirent toute une série de mesures symboliques comme la destruction du sceau de la cité qui portait encore l’aigle impérial 58. Il ne faut cependant pas s’imaginer un front du refus homogène car certains Messins ont dû être sensibles aux perspectives de carrières offertes par l’installation de l’administration royale et par une justice d’appel plus proche et impartiale. Les opposants furent cependant assez nombreux pour bloquer la parution de l’Histoire des Évêques de l’Église de Metz, ce qui obligea Martin Meurisse à solliciter le nouveau parlement qui accorda un privilège d’impression le 27 mai 1634 et l’ouvrage parut finalement chez Jean Antoine, l’imprimeur de la cour souveraine. Martin Meurisse apparaît donc bien au terme de cette étude comme un soutien résolu du pouvoir royal et de sa politique d’intégration de Metz au royaume de France. Mais cet aspect de l’Histoire des évesques de l’Église de Metz ne doit pas cacher l’autre versant du travail de son auteur, qui se caractérise par un immense effort d’érudition et de recherche. Le partisan et l’érudit coexistent dans la même personne et ces deux attitudes se juxtaposent dans la narration sans vraiment fusionner, provoquant ainsi un certain nombre de contradictions. Les historiens postérieurs, déroutés par ce paradoxe et la po-
57. Le registre des décisions prises par le Grand Conseil du Maitre-Échevin indique le 22 mars 1633 que le duc de la Valette, gouverneur de la ville a envoyé une lettre aux magistrats messins pour se plaindre du traitement accordé au livre de Martin Meurisse. Le Grand Conseil décide d’écrire une lettre (perdue) pour s’expliquer. Metz, Archives municipales, BB 28, f. 19r. 58. G. Zeller, La réunion de Metz à la France… cité n. 26, II, p. 280-283.
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litique intolérante du suffragant messin face aux minorités religieuses 59, qui s’intègre en réalité dans le contexte de la réforme tridentine, ont été particulièrement sévères envers Martin Meurisse 60. Le jugement le plus lucide sur son œuvre aura peut-être été porté par son pire ennemi, le pasteur et grand érudit Paul Ferry, l’âme de la communauté protestante messine 61. En dépit des violents conflits qu’il eut avec Meurisse, Ferry écrit ces lignes en forme d’hommage certes modéré mais sincère : Nous avons de l’obligation à l’evesque de Madaure qui a le premier publié ses efforts sur une histoire ou méprisée ou apprehendée par ceux qui avaient plus d’intérêt que lui. S’il eut traité de façon plus équitable les droits de la ville qu’il voulait illustrer, ou qu’il eut rencontré de meilleurs mémoires, il ne resterait rien à déduire de cette obligation 62.
59. Martin Meurisse a lutté contre l’influente communauté protestante messine qui représentait encore avant la Guerre de Trente Ans, un tiers de la population messine. Il s’est notamment illustré en fermant le collège ouvert par les réformés ainsi que leur temple rue de la Chèvre en 1642. Il est également l’auteur d’un ouvrage très violent contre eux : Histoire de la naissance, du progrès et de la décadence de l’hérésie dans la ville de Metz et dans le pays messin, Metz, 1642. Sur ces problèmes voir P. Miskimin, One king, one law, three faiths. Religion and the rise of absolutism in seventeenth-century Metz, Westport, 2002, p. 119-132. 60. Un résumé de ces critiques se trouve dans J.-B. Kaiser, Martin Meurisse… cité n. 9, p. 100-106. 61. R. Mazauric, Le pasteur Paul Ferry, messin, interlocuteur de Bossuet et historien, Metz, 1964. 62. Paul Ferry, Observations séculaires, Metz, BM, ms 106, f. 7v.
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Catalogues et séries de vies d’évêque dans la France moderne. Lutte contre l’hérésie ou illustration de la patrie ? Jean-Marie Le Gall Dans la France moderne, le récit des vies épiscopales peut s’immiscer dans de nombreux genres littéraires. Les vies de saints ou les notices des martyrologes et autres ouvrages liturgiques comportent parfois des vies d’évêques. Mais il s’agit le plus souvent de saints tels Honorat, Césaire d’Arles, Remi etc. La description des saintes grottes de l’abbaye royale de Saint-Germain d’Auxerre parue en 1714 est ainsi un guide topo-hagiographique qui présente à des fins édifiantes les vies et les reliques des saints prélats inhumés dans ce sanctuaire. On dispose aussi de panégyriques ou d’oraisons funèbres de tel ou tel évêque insigne par sa naissance, son action politique ou pastorale. Ont eu cet honneur Jacques Danes, Jacques Amyot, Pierre Daniel Huet, Sadolet, Massillon, Jean-Baptiste Gault mais aussi Soanen ou Pavillon. Enfin, lorsque des évêques sont auteurs, et notamment ceux qu’on tient pour les Pères de l’Église, les éditions de leurs œuvres comportent souvent en guise de préface leur biographie, car l’auteur fait l’autorité du texte. Devant une telle multitude de genres susceptibles d’accueillir l’écriture biographique des prélats à l’époque moderne, nous avons décidé d’en retenir un plus homogène, le catalogue des évêques des diocèses de France, afin de les comparer et d’en comprendre les finalités. L’établissement de telles listes a déjà été réalisé au Moyen Âge 1. En 1549, le chanoine de Verdun Wassebourg a consulté les catalogues des évêques de Tongres, Toul, Reims etc., mais déplore que personne n’ait jusqu’alors réalisé celui de sa cité. L’époque moderne promeut largement l’établissement de ces sources en les imprimant : si je fais abstraction des différentes listes contenues dans Antoine de Mouchy, dans les différentes Gallia, comme dans des histoires provinciales de Lobineau, Morice, Vaissète, j’ai recensé douze listes au xvie siècle, dont neuf après 1550. La première moitié du xviie siècle connaît l’inflation du genre, avec soixante-dix éditions de catalogues épiscopaux. Puis s’amorce une décrue avec quarante1. Voir par exemple au début du xve siècle, Arnould de Verdale, Catalogus episcoporum magalonensium, éd. A. Germain, Montpellier, 1881.
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deux listes dans la seconde moitié du xviie siècle, vingt-six dans le premier xviiie siècle et huit dans sa seconde moitié. Soit un total de cent cinquantesept listes. Ce calcul indicatif ne prend en considération que les livres imprimés, non les manuscrits. Mais à partir de ceux mentionnés et datés cités par le père Le Long au xviiie siècle, on obtient la même respiration : neuf au xvie siècle, vingt-quatre au xviie siècle et quatre au xviiie, siècle inachevé au moment où Le Long publie sa Bibliothèque historique 2. Cette inflation entre 1550 et 1650 peut être liée à l’affirmation de la controverse confessionnelle qui conduit les catholiques à affirmer que la vérité est avec eux, puisqu’ils peuvent se prévaloir de la continuité apostolique, l’une des notes de l’Église. Mais faut-il réduire la floraison des listes épiscopales au seul avatar des conflits confessionnels ?
1. Localisation des séries épiscopales La localisation de ces textes implique à la fois la définition des formes de publication où s’épanchent ces litanies épiscopales mais aussi la géographie qu’elles dessinent. 1.1. Topographie littéraire La présentation sérielle des évêques est explicite dans des ouvrages comme le Pontificium Arelatense, la Series chronographica episcoporum Bellicensium, la Chronologia praesulum Lodovensium, ou l’Ordre et suite des archevêques de Cambray 3. Ces ouvrages peuvent être plus ou moins longs selon l’amplitude réservée au récit de la vie des prélats. Mais le sujet est parfois plus vaste et l’ambition plus large dans les Annales ecclésiastiques du diocèse de Châlons ou de l’église cathédrale de Noyon, dans une Histoire des évêques du Mans et de ce qui s’est passé de plus mémorable dans le diocèse ou dans une Antiquité de l’église de Marseille et la succession de ses évêques, de même que dans les Histoires de l’église de Meaux ou de Metz. Les fondations monastiques et conventuelles comme les listes d’abbé peuvent alors s’ajouter au catalogue des évêques ainsi que tout ce qui touche à la vie religieuse, notamment les conciles et les synodes. Comme si l’église ne s’in2. J. Le Long, Bibliothèque historique de la France…, Paris, 1719, 2e éd. en 5 vol. 1768-1778. 3. Les références bibliographiques aux différentes listes sont regroupées en fin d’article.
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carnait pas seulement à travers la personne de son évêque, mais aussi par les fondations, les abbés et chanoines et une inscription territoriale, la cathédrale et le diocèse 4. Symphorien Guyon estime ainsi en 1647 que le livre de Charles de Saussaye n’a pas satisfait les Orléanais car il est rédigé en latin et trop étroitement consacré à l’histoire des évêques, alors qu’il entend lui écrire aussi sur celle du diocèse et sur l’histoire profane. Dom Toussaint Du Plessis note aussi en 1731 que le manuscrit pourtant très exact et honorable du chanoine meldois Jean Phelippeaux mort en 1708 n’a pas été imprimé car il ne compte que la vie des évêques sans rien dire sur les fondations d’abbaye, les listes des abbés et même le récit des troubles du xvie siècle. En 1745, l’abbé Esnault propose de faire une histoire civile (en gras dans le titre) et ecclésiastique du diocèse de Sées selon un plan thématique, qui réduit à la portion congrue la succession des évêques 5. Le diocèse prend une dimension politique et civile voire ethnique. Ainsi l’abbé Esnault considère que les diocèses normands reflètent la répartition entre tribus gauloises, les Lexoviens à Lisieux, les Osismiens à Seez, les Biducasses à Bayeux, et non à Saint-Brieuc. Mais dans la mesure où les évêques sont toujours des notables, leur vie ne peut être dissociée de l’histoire politique, civile et profane. Nombre de listes épiscopales figurent donc dans des livres comme l’Histoire chronologique des évêques et du gouvernement ecclésiastique et politique du diocèse d’Avranches en 1669, ou l’Histoire ecclésiastique et civile de la ville et diocèse de Carcassonne en 1741. Histoire politique et histoire sacrée semblent sœurs jumelles. Les catalogues épiscopaux ont donc leur place dans l’histoire des villes. Les antiquités de telle ou telle cité leur accordent une place plus ou moins grande et plus ou moins structurante. Les listes épiscopales sont parfois absentes comme dans les Antiquités de la ville et cité d’Orange parues en 1656 puis en 1673. Est-ce parce que la cité est protestante ? Lorsqu’elle existe, la liste épiscopale peut être brève comme dans les Antiquités de Paris de Corrozet (1581), où elle s’intercale parmi les séries de rues et des rois. La Chronique bourdelaise de Gabriel de Lurbe (1594) se contente de donner les prénoms des prélats, sans nom ni date. Certains auteurs, comme Claude Dormay à Soissons (1663) ou Nicolas Le Long à Laon (1783) entrelarde la succession des évêques dans la chronologie des comtes ou annales, au point de l’occulter dans la densité d’une histoire locale globale. D’autres séries épiscopales, tout en consti4. Voir sur ce sujet, G. Chaix (dir.), Le diocèse. Espaces, représentations, pouvoirs, France xve-xxe siècle, Paris, 2002 (Histoire religieuse de la France, 20) 5. Abbé Esnault, Dissertations préliminaires sur l’histoire civile et ecclésiastique du diocèse de Sais, Paris, 1746, p. 306.
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tuant un chapitre à part, sont plus fournies comme dans les Origines de Clermont de Savaron (1607) ou dans les Antiquités de Castres, où le catalogue des évêques s’intercale entre ceux des gens de lettres, de la noblesse, des minéraux, des plantes et rues… Pour Ax et Bayonne, Bertrand Compaigne a dressé, outre les listes épiscopales, celles des maires ou des gouverneurs. Enfin, ces séries épiscopales peuvent aussi structurer la composition du récit comme le fait Gazet dans son Ordre et suite des évêques d’Arras, où il a distribué les événements politiques et religieux survenus sous chaque évêque, en souhaitant que les listes épiscopales deviennent la référence des choses mémorables, comme le sont les consuls de l’histoire romaine. Le jésuite Claude Perri qui a pourtant dédié son Histoire civile et ecclésiastique de Châlons au magistrat de la ville et qui raconte l’histoire de la cité n’en organise pas moins son récit autour de la succession des évêques. On retrouve la même organisation de la narration par les épiscopats dans Les antiquités de la Gaule belgique de Richard Wassebourg (1549), dans le Recueil des antiquités de Rouen du franciscain Noël Taillepied (1587), dans l’Histoire de l’antiquité et saincteté de la cité de Vienne de Jean Le Lièvre (1625) dans l’Histoire de l’église et diocèse et ville et université d’Orléans de Symphorien Guyon (1647), ou encore dans l’Histoire ecclésiastique, et civile, politique, littéraire et topographique du diocèse de Langres et de celui de Dijon de l’abbé Mangin (1776). Une histoire de plus en plus soucieuse de la chronologie apprécie dans les séries épiscopales une manière facile d’agencer le récit. Outre les villes, l’histoire des petits pays et des provinces accorde aussi une place à l’inventaire de listes épiscopales. Les Historiae Lotharingiae de François de Rosières comptent une liste des évêques de Verdun 6. On trouve celle des prélats de Beauvais dans les Mémoires des pays villes et comté de Beauvais et Bauvaisis de Loisel (1617). Celles des pasteurs de Bordeaux, Condom, Auch, Tarbes, Ax, Lectoure et Bayonne figurent dans la Notitia utriusque Vaçoniae tum Ibericae tum Aquitanae de Arnaldo Oihenarto de 1638, une liste des évêques de Sées dans l’Histoire des pays et comté de Perche de 1620, un catalogue des archevêques de Tours dans Le paradis délicieux de la Touraine paru en 1661, une liste des évêques de Nevers dans Les coutumes du bailliage de Troyes de Pierre Pithou, publiées de manière posthume par son frère. Enfin les histoires des provinces du Berry de Thaumas de la Thaumassière, de Bretagne des mauristes Lobineau puis Morice, du Languedoc de Vic et Vaissète, de la Lorraine par dom Calmet présentent des catalogues épiscopaux.
6. F. de Rosières, Stemmatum Lotharingiae ac Barri ducum…, Paris, 1580.
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On ne saurait conclure cet inventaire sommaire sans évoquer la présence de séries épiscopales dans des ouvrages consacrés à la noblesse de telle ou telle province, tant l’analogie et la complémentarité est grande entre succession épiscopale et généalogie nobiliaire. La liste des évêques bretons est donc intégrée par le dominicain Augustin Du Paz dans son Histoire générale de plusieurs maisons illustres de Bretagne parue en 1620, de même que les listes de certains sièges normands figurent dans l’Histoire généalogique de la maison d’Harcourt de Gilles André de La Roque de La Lontière publiée en 1662. En 1626, Claude Robert remercie dans sa Gallia christiana Pierre d’Hozier pour le concours que ce généalogiste et armorialiste lui a apporté. Baluze, le généalogiste de la maison d’Auvergne, fut aussi celui des évêques de Tulle, ville dont il était chanoine. Un certain nombre de catalogues ne manquent pas, à l’instar de celui de Pierre Andoque (Béziers, 1650), Jean de Maan (Tours, 1667), Julien Nicole (Avranches, 1669), de Jean-Marie de La Mure (Lyon, 1671) de décrire les armoiries des prélats. Largement d’origine noble, l’épiscopat trouve une part de sa mémoire dans les papiers de famille et réciproquement. Pour dresser la liste des évêques de Vannes, le dominicain Albert Le Grand a eu recours à l’histoire manuscrite de la maison de Rohan que lui a procurée le sénéchal d’Hennebont 7. De même, l’évêque de Lodève Jean Plantavit utilise l’histoire des Briçonnet de Britonneau et Pierre Audoque, celle de la famille de Narbonne 8. En offrant à Clément de Bonzi en 1650 son Catalogue des évêques de Béziers, Andoque déclare au prélat qu’il aura l’occasion d’y lire les vies de ses deux oncles et de ses deux frères. La série épiscopale devient miroir généalogique. Dans son histoire du diocèse d’Ax, Bertrand Compaigne est largement attentif aux faits et gestes des Gramont, « les plus illustres de nos diocésains »9. Cette association de la continuité apostolique et généalogique peut revêtir une dimension apologétique. Dédiant à Léonor Gouyon de Matignon, évêque de Coutances, la vie des évêques de ce siège, Laurent Rouault rappelle que ses ancêtres, comme le maréchal de Matignon et son petit-fils, prélat de la ville, ont lutté contre l’hérésie 10. De sorte que « c’est à l’illustre maison de Matignon que le Cotentin a la grande obligation d’être aujourd’hui catholique ». En 1715, dans la préface de sa Gallia christiana, Denys de Sainte-Marthe justifiera encore l’utilité de son ouvrage par l’information et les monuments qu’il livre sur l’antiquité des familles. 7. A. Le Grand, La vie, gestes mort et miracles des saincts de Bretagne, Nantes, 1637, p. 632. 8. P. Andoque, Catalogue des évêques de Béziers, Béziers, 1650, p. 143. 9. B. Compaigne, Chronique de la ville et du diocèse d’Acqz, Orthez, 1657, p. 26. 10. L. Rouault, Abbrégé de la vie des évêques de Coutances, Paris, 1732, p. 380.
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Si l’on essaie de quantifier l’évolution de la présence de ces séries épiscopales parmi les annales ecclésiastiques et les ouvrages qui traitent de l’histoire politique d’une ville ou d’une province, on constate que c’est au xvie siècle et dans la seconde moitié du xviiie siècle que les listes épiscopales ont été le plus massivement immergées dans des histoires générales des villes et de provinces, tandis que le genre a été plus confiné, entre 1600 et 1750, dans les histoires ecclésiastiques. Seules entre un tiers et un quart des séries figurent alors dans des histoires des villes et de provinces. 1.2. Géographie d’une enquête Après l’inscription des séries dans des genres littéraires différents, une localisation géographique s’impose. Des entreprises visant à couvrir une grande entité politique ont vu le jour à l’étranger. Guillaume Gzaier, mort en 1602 a livré une Histoire ecclésiastique des Pays Bas où il dresse la liste des évêques de nombreux sièges anciens ou créés au début du règne de Philippe II. Suivirent la Gallo Flandra sacra et profana de Buzelin en 1625, la Belgica christiana d’Arnold Raisse en 1634 et la Sacra Belgii chronologia de Louis de Castillon en 1719. En France aussi, l’idée d’une Gallia christiana fait son chemin, avec une conception de la France qui est plus vaste que celle des frontières du royaume puisqu’elle inclut des sièges relevant des Gaules telles que l’Antiquité romaine les concevait. Mouchy est le premier à avoir établi au milieu du xvie siècle une liste des prélats de France 11. Mais comme le note en 1621 Jean Chenu, il a été fort lacunaire (saltuatim attigerat Demochares). Aussi Chenu publie en 1621 une Archiepiscoporum et episcoporum Galliae chronologica historia, où il s’appuie sur les travaux locaux, publiés ou manuscrits. Ainsi se sert-il de l’histoire des évêques de Meaux de l’avocat Bordereau, nondum editum et du reste toujours pas 12. De même, à propos des évêques de Poitiers, attend-il beaucoup de l’histoire de la province du Poitou que prépare Jean Besly et qui ne parut que vingt-six ans plus tard 13. Malgré ce ratissage, il subsiste cependant des lacunes. 11. N. Lemaître, Le culte épiscopal et la résistance au protestantisme au xvie siècle, dans G. Chaix (dir.), Le diocèse… cité n. 4, p. 318. 12. J. Chenu, Archiepiscoporum et episcoporum Galliae chronologica historia, Paris, 1621, p. 235 13. Ibid., p. 421 : « Sed ampliorem et accuratiorem expectamus eiusdem provincia Historiam a viro doctissimo Joanne Besly, pictone in praetura Fontiniaci Comitalis consiliaro ».
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Ainsi est-il incapable de fournir une liste des prélats pour Dax, Comminges, Couserans, Aire, Oloron, Bayonne. En 1626, un chanoine du diocèse de Chalon-sur-Saône, Claude Robert, publie une Gallia christiana où il dresse des listes épiscopales par diocèse. Il a été aidé par des réguliers comme Jean Picard de Saint-Victor, le jésuite Jacques Sirmond, le moine de Saint-Denis dom Doublet, le chartreux Polycarpe de La Rivière, le minime Hilarion de Coste mais aussi des magistrats et avocats comme Jean Savaron et des érudits comme les frères Dupuy. Toutefois, cinquante-sept évêchés et archevêchés, presque tous situés en Aquitaine, en Languedoc, en Provence et Dauphiné, ne comportent pas de listes complètes et numérotées, alors qu’il s’agit de zones de frontières confessionnelles. Les petits diocèses du sud du pays, souvent parmi les plus anciens du royaume sont ceux dont l’histoire est la plus mal connue. Quelques années plus tard, le jésuite Jean Baiole fait paraître une Histoire sacrée d’Aquitaine où il annonce que le second tome comprendra la liste des évêques de la province. Il ne parut jamais. Les lacunes persistantes de cette couverture territoriale conduisent Scévole et Louis de Sainte-Marthe à proposer à l’assemblée du clergé de financer une nouvelle Gallia en 1645. Six mille livres tournois leur sont accordées. Les deux inspirateurs du projet meurent mais les trois fils de Scevole poursuivent l’entreprise. Toutefois, devant la présence d’erreurs et face au développement de la critique historique, s’impose l’idée, développée par Denys de Sainte-Marthe et la congrégation de Saint Maur, de publier une nouvelle Gallia. L’assemblée du clergé soutient et finance le projet dont les premiers tomes sortent en 1715. La répétition de ces entreprises découle du désir de perfectionner les listes et de mieux couvrir le territoire. Il convient toutefois de ne considérer ces entreprises générales comme définitives, ni supérieures aux publications locales qui sont nombreuses au xviie siècle et encore dans la première moitié du xviiie siècle. En effet si les diverses Gallia s’efforcent de combler des lacunes territoriales, elles s’appuient aussi sur le travail d’érudits locaux. L’abbé Travers de Nantes livre son Histoire abrégée des évêques de Nantes en 1729 parce que « le révérend père de Sainte-Marthe a souvent écrit à Nantes pour avoir un meilleur [catalogue des évêques] qu’il put insérer dans le nouveau Gallia christiana »14. Les érudits locaux entendent corriger les différentes Gallia souvent jugées trop sommaires. Samuel Guichenon rectifie ainsi Claude Robert pour Belley. L’abbé Esnault, à Seez en 1746, semble vouloir ferrailler contre Moreri, Baillet, 14. Continuation des mémoires de littérature et d’histoire, VII-1, p. 318.
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les Bollandistes et autres figures de la république des lettres qui émettent des opinions qui font autorité, sans toujours avoir approfondi la question. La relation entre les Gallia et les annales diocésaines tourne autour du rapport entre le local et le général. Les uns reprochent aux autres d’être englués dans un campanilisme qui les rend crédules. La Nova Gallia christiana entend ainsi réfuter les affirmations de Pierre Gariel qui faisait de Simon le Lépreux le premier évêque de Maguelonne, car il n’y avait pas encore de ville à cette époque en ce lieu (ubi enim nulla civitas ibi nec episcopus affingi potest). Mais les auteurs des différentes versions de la Gallia sont aussi accusés d’être imprécis parce qu’ils « n’ont jamais été sur les lieux » dont ils parlent 15. Le bibliothécaire du chancelier d’Aguesseau, Le Brasseur, publie en 1722 une Histoire civile et ecclésiastique du comté d’Evreux dans laquelle il reproche à la Gallia christiana d’être encore trop tributaire du livre du chanoine Le Jau de 1622. En 1729, dans son histoire de Fréjus, Jacques-Félix Girardin entend corriger ceux qui ont trop généralement parlé de sa ville et notamment « toutes les éditions de la Gallia christiana ». La parution des Gallia n’a donc jamais tari l’activité érudite locale. Les auteurs sont inspirés par le désir d’offrir un catalogue qui n’existe pas, ou de perfectionner et de corriger des travaux antérieurs, publiés ou manuscrits. L’augustin Thomas-Augustin Bouges livre en 1741 une Histoire ecclésiastique et civile de Carcassonne parce qu’il estime que l’Histoire du Languedoc parle de manière trop sommaire de ce siège et que l’histoire des évêques de Girard parue en 1667 mêle trop le fabuleux et le réel. Nicolas Chorrier décide de s’attaquer aux antiquités de Vienne car celles de Jacques Le Lièvre sont incomplètes car il « n’avait pas de talent ni de science »16. Le mauriste JeanFrançois Pommeraye publie une nouvelle histoire des archevêques de Rouen en 1667 car le récit du chanoine Dadré écrit au début du xviie siècle lui semble « fort court et fort défectueux ». Nicolas Roussel, qui compose en 1745 une histoire du diocèse de Metz, juge que le chanoine Richard de Wassebourg, qui publia sur le même sujet en 1549, était « un auteur de bonne foy, assez savant pour son temps mais trop crédule ». Le renouvellement des séries épiscopales et des annales diocésaines vise donc plus de précisions, plus d’exhaustivité et plus de vérité dans un progrès généralisé animé par un va-et-vient permanent de corrections du local par le local, du local par le général et vice versa. 15. Voir par exemple la dédicace d’A. Albert, Histoire géographique naturelle ecclésiastique du diocèse d’Embrun, Paris, 1783. L’auteur se glorifie d’être natif de ce diocèse et de l’avoir parcouru. 16. Mémoires de Nicolas Chorrier, trad. F. Crozet, Grenoble, 1868, p. 62.
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Enfin, la langue et la forme littéraire jouent aussi dans la mise en chantier de nouvelles publications. Les Gallia sont en latin et ne sont que des nomenclatures. Girardin, auteur d’une Histoire de la ville et de l’église de Fréjus parue en 1729 se flatte d’être le premier à écrire en français, et en historien, non en panégyriste ou en critique 17. Au xvie siècle, les deux tiers des listes sont en langue latine. L’érosion s’amorce au xviie siècle avec un pourcentage d’ouvrages en latin qui est de 40 % dans la première moitié du siècle et de 30 % dans la seconde moitié, pour tomber à zéro dans la seconde partie du xviiie siècle. Cette évolution reflète le désir d’intéresser un lectorat plus large que celui des clercs à ce genre ecclésiastique. Malgré toutes ces publications, il subsiste une certaine inégalité de traitement entre les différents diocèses. On a parfois le sentiment que l’érudition va à l’érudition, tandis qu’il est difficile de pallier les lacunes intellectuelles ou archivistiques de certains diocèses. On a quatre publications pour Bourges, Nantes, Toul, trois pour Bordeaux, Langres, Reims, Toulouse, Tours, Saint Brieuc, Verdun, six pour Orléans et Cambrai, cinq pour Rouen ou Vienne. Alors que dans le même temps, aucune publication locale n’est venue ailleurs enrichir ou corriger les informations des différentes Gallia. La bibliothèque du père Le Long permet ainsi de cerner les diocèses qui n’ont fait l’objet d’aucune publication en dehors des listes parues dans les Gallia et éventuellement dans les histoires provinciales. Si le Sud-Est a comblé son retard depuis le xviie siècle, le Sud-Ouest et l’Ouest breton restent des déserts où les érudits locaux n’ont pas cherché à corriger les Gallia ou à compenser les lacunes historiographiques locales. Cette tendance à la répétition des listes épiscopales dans certaines villes alors que d’autres en restent dépourvues témoigne de la plus ou moins grande vitalité de l’activité savante.
2. Les auteurs J’ai rassemblé un échantillon de cent vingt et un auteurs dont le statut social a été identifié : onze au xvie siècle, quatre-vingt-un au xviie siècle et vingt-neuf au xviiie siècle.
17. J.-F. Girardin, Histoire de la ville et de l’église de Fréjus, Paris, 1729, p. XVII.
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2.1. Évêques, chanoines et magistrats L’ordinaire est le plus fréquent dédicataire de ces ouvrages. Ces dédicaces mêlent la flatterie, l’appel à la protection de l’ouvrage et de son auteur, et l’appel aux mânes des prédécesseurs. Ces livres sont parfois offerts lors d’une entrée ou d’une installation épiscopale, comme un cadeau de bienvenue. Gazet offre sa série des archevêques de Cambrai au prélat «pour sa venue » en 1597. Charles Rapine offre son Discours de la vie… de saint Memje avec un catalogue des évêques qui luy ont succédé à Henri Clausse en cadeau de bienvenue à Châlons-en-Champagne. Julien Nicole présente son opus au nouvel évêque d’Avranches, Philippe de Froulay de Tessé. Et Jacques Taveau publie deux ans après l’arrivée de Du Perron à Sens son livre offert comme petit cadeau (munusculum offero tibi). Ces épîtres dédicatoires dépassent aussi ce formalisme pour signaler que l’évêque est parfois l’inspirateur de l’entreprise. Ces incitations épiscopales se localisent au xviie siècle mais semblent inexistantes au siècle suivant. Claude Robert rappelle les encouragements reçus de l’archevêque de Bourges, André Fremyot. Le dominicain Albert Le Grand de Morlaix a été incité par le vicaire général de son ordre qui est devenu évêque de Tréguier. Le magistrat Samuel Guichenon travaillait sur l’histoire de la Savoie et avait rassemblé un catalogue des évêques de Belley qu’il comptait introduire dans son livre, mais l’évêque Jean de Passelaigue lui a fait changer d’avis (cum toto opere edere tantum distinaveram sed illustrissimi domini episcopi Bellicensis consilium mutaui) et l’a encouragé à publier isolément son Episcoporum Bellicensium… series. Henri de La Roche Pozay, évêque de Poitiers a poussé le fils de Jean Besly à faire paraître les matériaux rassemblés par son père sur les prélats de cette ville. Simon Bartel a été pressé de rédiger son histoire des évêques de Riez par l’évêque Louis Doni d’Attichy (Ludovici Donii Attichi coactus imperio). Une Historia diocesis Sagiensis restée manuscrite en raison du décès de son auteur, Simon Prouvère aurait été écrite à l’initiative de l’évêque Jean de Forcoal, issu d’une famille protestante. Jean Hermant, curé de Maltot, signale que son histoire des évêques de Caen parue en 1705 lui a été demandée par son évêque. Drouet de Maupertuy a composé l’histoire de l’église de Vienne parue en 1708 à l’initiative de l’archevêque, Armand de Montmorin. De même c’est le cardinal de Bissy qui a ordonné à dom Toussaint Du Plessis d’écrire l’histoire du diocèse de Meaux car cette éminence considère qu’une histoire générale de l’église de France ne sera possible « qu’avec le secours de celles des diocèses particuliers ». Cet évêque finance donc le travail, et intervient pour que le mauriste puisse accéder aux archives des communautés,
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« sans la méfiance qui accompagne ordinairement toute communication de titres et de papiers ». Que l’impulsion vienne d’eux ou des autorités civiles locales, les prélats facilitent les travaux en mettant à disposition des érudits les archives de leur siège. Albert Le Grand a reproduit dans son ouvrage les permissions que les évêques des diocèses bretons lui ont accordées pour collecter les gestes des saints de Bretagne (collegis sanctorum Britania gesta). Pour ses histoires de Valence, de Viviers et de Vaison, le jésuite Jean Columbi a pu consulter le tabularium des prélats 18. De sorte que Columbi considère que son histoire des évêques de Viviers ou de Vaison « est meum et non meum » en raison de l’appui apporté par Louis François de La Baume de Suse ou Joseph Marie de Suarès. Le récollet Charles Rapine a bénéficié de l’appui financier et des archives de l’évêque de Châlons-en-Champagne. Le jésuite Claude Perri qui a reçu du maire de Chalon-sur-Saône la commande d’une histoire civile et ecclésiastique de sa ville n’a eu aucune difficulté à obtenir de l’évêque « les clefs de son archive ». Enfin, l’assemblée du clergé de 1710 recommande aux prélats du royaume de faciliter l’accès aux archives des communautés séculières et régulières aux associés de Sainte-Marthe. Enfin, nous avons trouvé cinq évêques, dont un auxiliaire, qui ont publié un catalogue de leurs prédécesseurs ; il s’agit de Jérôme de Villars, archevêque de Vienne à la fin du xvie siècle, puis, dans le premier tiers du xviie siècle de Jean Plantavit, ancien pasteur protestant devenu évêque de Lodève, et de Meurisse, un franciscain devenu auxiliaire de Metz : au xviiie siècle, Jean de Catellan évêque de Valence et Belzunce évêque de Marseille. Jean Plantavit ne cache pas avoir publié à ses frais (sumptibus authoris) ce travail qu’il a réalisé avec l’aide ponctuelle de Guillaume Catel du Parlement de Toulouse, de Claude Robert et de Polycarpe de La Rivière. Il semble en outre, selon Le Long, que Robert Ceneau au xvie siècle pour Avranches et qu’Artus de Lionne, évêque de Gap entre 1639 et 1661 auraient composé une histoire de leurs prédécesseurs restée à l’état manuscrit. Les principaux collaborateurs des prélats, les chanoines ont été la cheville ouvrière de ces publications : nous en avons recensé quarante et un dont vingthuit au xvie siècle et neuf au xviie siècle. Les thèses consacrées à ces gens 18. « E tabulariis Caroli Jacobi Leberonii pene omnia desumpsi » : Jean Columbi, De rebus gestis Valentinorum et Diensium episcoporum, Lyon, 1638, f. e3v. « Tu illes es qui et aperto episcopii tabulario et tuis omnibus libris cartisque mecum familiariter communicates meam mentem scribendis omnibus instruxisti » : Jean Columbi, De rebus gestis episcoporum Vasionensium, Lyon, 1656, f. a4v.
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d’église, comme celles de Philippe Loupes ou d’Olivier Charles, présentent souvent un monde canonial engourdi dans la routine de la liturgie, la quiétude des enclos et la chicane. Cette impression provient de ce que ces études portent sur des communautés et marginalisent les singularités. Or ces chanoines publient et travaillent, sinon peut-être en Bretagne et en Aquitaine, terrains d’études de Philippe Loupes et d’Olivier Charles. Si l’on prend les manuscrits datés et identifiés par Le Long, sur trente-sept auteurs, dix-sept sont aussi des chanoines, surtout actifs aux xvie et xviie siècles. Le chanoine Gérard de Vic ne manque pas dans son Chronicon episcoporum Carcassonis de rendre hommage au travail resté inédit de son confrère, Bernard Estelat 19. L’attachement des chanoines à leur église cathédrale explique cet investissement. Ils témoignent aussi parfois d’un certain attachement aux prérogatives capitulaires. Ayant largement puisé son information dans les registres du chapitre, Gérard de Vic retranscrit longuement la forma juramenti des évêques de Carcassonne au xvie siècle, ainsi que les usages électifs en 1497 et leur référence explicite à la Pragmatique, sans oublier les entrées et les funérailles des prélats 20. Adrien de La Morlière offre son catalogue des évêques d’Amiens à son prélat en rappelant que le chapitre et l’évêque ne font qu’un corps. Du reste, son ouvrage ne manque pas de signaler les chanoines illustres. Ces hommes ont du temps, de l’argent, des archives, une formation, une responsabilité parfois de théologal qui en fait les principaux producteurs de ces vies épiscopales. Loin d’être repliés dans leur enclos, ces gens se lisent et se communiquent des demandes de sorte qu’existe un réseau canonial provincial. Ainsi le chanoine d’Arles Pierre Saxius a-t-il été contacté par Jacques Severt, chanoine de Lyon, auteur d’une liste des prélats lyonnais. Saxius a engagé des recherches pour répondre à son confrère et elles ont conduit à l’écriture du catalogue des pontifes d’Arles 21. Gérard de Vic à Carcassonne remercie un chanoine de Montpellier, Gariel pour l’aide apportée. Il convient donc de relativiser l’atonie intellectuelle du monde canonial, comme son opposition aux évêques. Il faudrait étudier la production de ces hommes dont on a
19. « Hanc voluimus grati animi significationem reddere memoria probi viri cum de ecclesia et episcopis tum de civitate et comitibus Carcassonis optime meriti » : Gérard de Vic, Chronicon historicum episcoporum ac rerum memorabilium ecclesiae Carcassonis, Carcassonne, 1667. 20. Ibid., p. 254, 232-238. 21. « Huius foetus causa est amice lector Severtius inter canonicos Lugdunenses theologus… qui galliarum episcopos describens a nobis petiit Arelatenses archipraesules » : Petrus Saxius, Pontificium Arelatense, Aix, 1629.
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jusqu’alors surtout apprécié la culture à partir de leurs bibliothèques et de leurs lectures. Les autres gens d’église impliqués dans ces catalogues viennent d’un univers plus disparate. Le monde des réguliers compte certes vingt-huit auteurs : dix moines (pas tous mauristes) ou chanoines réguliers, six jésuites, ce qui est peu, et douze frères des ordres mendiants qui s’avèrent ainsi plus actifs que l’on ne le pense dans ces domaines d’érudition. Parmi les trente-sept auteurs d’ouvrages restés manuscrits mais identifiés et datés par Le Long, je ne compte que neuf réguliers, sans que s’affirme particulièrement un ordre, sinon les mauristes au xviie siècle. Voilà qui conduit à relativiser tout d’abord le poids des jésuites, que ne cesse de promouvoir l’historiographie. Faut-il expliquer ce faible investissement jésuite par la connotation gallicane du genre des séries d’évêques, voire par la crainte de fournir aux évêques des arguments dans la querelle des réguliers ? En outre, cette production jésuite ne touche que les sièges et les villes du Sud-Est de la France, Saint-Aubin pour Lyon, Columbi pour Viviers, Valence, et Vaison, Perry pour Chalon-sur-Saône, Guesnay à Marseille. Enfin, restent dans nos auteurs ecclésiastiques quatorze prêtres séculiers oratoriens, curés ou directeurs de séminaires, qui montrent que la vie canoniale ou régulière offre par rapport à la vie séculière des conditions plus favorables à la recherche, que tous disent longue, mais aussi à la publication. Au total, même lorsqu’il s’agit d’une histoire civile et pas seulement sacrée, les auteurs sont majoritairement ecclésiastiques. Pourtant, il ne faut pas cacher qu’entre 1550 et 1650, le monde des gens de loi, avocats et magistrats, moyens ou grands, si bien décrit par George Huppert, s’est massivement engagé dans la constitution de ces listes épiscopales, à l’heure de l’autonomisation du politique. J’ai recensé vingt-six auteurs magistrats ou avocats (vingt et un au xviie siècle), surtout des présidiaux, institutions nouvelles ayant été fort prisées par les villes soucieuses de s’élever dans la hiérarchie urbaine. Au temps où les guerres de religion ont avivé l’humanisme civique, cette intrusion des juristes dans le champ de l’histoire ecclésiastique est parfois mal perçue comme le montre Jean Bondonnet en 1653, qui considère qu’Antoine Le Corvaisier de Courteilles, le lieutenant criminel au présidial du Mans et auteur des annales de ce diocèse s’est mêlé de « choses qui ne sont pas de sa profession ». Mais l’argument reste marginal. Du reste, à partir de cet exemple qui voit le magistrat remettre en cause la légende de saint Julien contre le bénédictin qui la défend, il serait erroné d’opposer une érudition laïque à une défense cléricale des légendes. Certes des gens de loi comme Loisel ont remis en cause des
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traditions légendaires, mais certains ecclésiastiques aussi. L’établissement des séries épiscopales est une activité de la république des lettres, qui ne connaît pas la frontière des ordres. 2.2. Un travail collectif Tous ces auteurs se lisent, s’imitent, s’écrivent, quelle que soit leur vocation ou leur vacation. Le dominicain Albert Le Grand s’est ainsi fait communiquer le catalogue des évêques de Tréguier dressé par le chanoine Mandez de Trogoff en 1590 22. Guillaume de La Croix, consul de Cahors, annonce la parution prochaine des Annales de Troyes par le chanoine Camusat 23. Toute une activité d’échanges érudits, de manuscrits et de correspondances, se dévoile derrière cette collecte des actes et des noms des anciens évêques, de sorte qu’on pourrait parler d’un intellectuel collectif dont les textes imprimés ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Nicolas Roussel qui écrit une histoire de Verdun en 1745 rappelle qu’il a utilisé les manuscrits de Mathieu Husson, conseiller au présidial qui rédigea une histoire des évêques en 1631 et un autre manuscrit de Barthelemy Senoque. Toussaint Du Plessis à Meaux évoque aussi les textes restés inédits de ses devanciers. Ceux-ci sont nombreux, ils sont consultés et discutés, répertoriés en partie par le père Le Long au xviiie siècle, et certains érudits du xixe siècle les ont finalement publiés 24. Le travail collectif est tout d’abord familial, comme si généalogie épiscopale et généalogie d’érudits avaient une parenté. Gabriel de La Charlony corrige en 1597 la série des évêques que son oncle a confectionnée mais qui est incomplète (in ea tamen seriem episcoporum non satis plene). La Series et acta episcoporum Cadurcensium de Guillaume de La Croix, mort en 1614 a été achevée et publiée par son frère. Guillaume Catel publie les mémoires de l’histoire du Languedoc légués par son oncle, sans remédier du reste à l’inaboutissement de l’enquête avunculaire sur les séries épiscopales. La Praesulum Forojuliensium nomenclatura chronologia a été rassemblée (eruta digestaque) par Nicolas et Pierre Antelmy, ordonnée (ordinata) par Cl. F. Sainte-Marthe et finalement corrigée, augmentée et publiée par Joseph Antelmy (nunc casti22. A. Le Grand, La vie… cité n. 7, p. 705. 23. G. de La croix, Histoire des évêques de Cahors, Cahors, 1878, p. 297 24. Voir par exemple la publication des travaux de Le Batelier d’Aviron, avocat au présidial d’Évreux en 1638 en 1865 (Mémorial historique des évêques, ville et comtes d’Evreux, Évreux, 1865). Jean-Baptiste Souchet († 1635), Histoire du diocèse et de la ville de Chartres, Chartres, 1856. René Toustain de Billy († 1709), Histoire ecclésiastique de Coutances, Rouen, 1865.
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gata, elucidata aucta prodit). Mais le travail collectif peut dépasser le cercle amical et familial. Antoine Albert a consacré douze années à rassembler les matériaux de son histoire d’Embrun en consultant des manuscrits, en demandant des mémoires aux curés, puis en soumettant son texte aux chanoines et à l’archevêque d’Embrun qui l’ont examiné durant trois ans. Le curé et théologien Jean Hiret remercie une dizaine de chanoines réguliers ou séculiers qui lui ont fourni les matériaux de ses Antiquitéz d’Anjou. Parfois cependant il en est comme Antoine Le Corvaisier de Courteilles au Mans, qui déplore « l’oubliance de ceux qui ont négligé de m’envoyer ce qu’ils m’avaient promis »25. Des auteurs comme Michel Cotignon à Nevers ou Charles Jaulnay à Senlis espèrent que leur catalogue encouragera d’autres à écrire une histoire qu’ils savent incomplète. Cette dynamique collective est animée par un désir d’imitation, comme l’atteste Jean Plantavit qui explique à son lecteur qu’il a voulu faire pour son diocèse ce que tant d’autres réalisent pour le leur. Et de citer seize auteurs, la plupart contemporains, prouvant ainsi qu’il est bien informé des parutions. De son côté Jacques Severt dans la dédicace de sa chronologie des archevêques de Lyon de 1627 répertorie tous les auteurs qui ont utilisé son livre depuis la première édition de 1607. En 1760, dom Cajot à Metz prend pour modèle le travail de Lebeuf à Auxerre en même temps qu’il prétend rompre avec « les frivoles écrits » de ceux qui ont jadis écrit sur Metz comme Meurisse. La dimension collective de l’entreprise et ce désir mimétique ne doivent pas masquer l’émulation dont témoignent des publications rivales et contemporaines, par exemple entre Le Corvaisier de Courteilles et Bondonnet au Mans, le second considérant que son livre de 1651 est l’errata du premier paru en 1648 26. Il y a des rivalités aussi que la dédicace à l’évêque vise à conjurer contre ces envieux, qu’évoque explicitement un poème placé en tête de l’Histoire et antiquitéz du diocèse de Beauvaisis de Pierre Louvet, paru en 1635. Le capucin Benoît (Gilles Picart) réclame la protection de l’évêque de Toul pour son ouvrage contre les critiques des esprits forts. Cet investissement collectif se dilate au xviiie siècle. Le curé Hermant de Bayeux invite ses lecteurs qui auraient repéré que « des amis et parents illustres de ce diocèse par leur piété, leur science et leur emplois » ont été oubliés d’écrire leur éloge et de l’adresser à l’imprimeur. Le public est invité à participer à la composition d’un ouvrage qui glorifie le pays. L’abbé Esnault publie 25. A. Le Corvaisier de Courteilles, Histoire des évêques du Mans…, Paris, 1648, p. 19. 26. J. Bondonnet, Response sommaire à la « Défense anticipée » du sieur de Courteilles, dans Id., Les vies des évêques du Mans restituées et corrigées…, Paris, 1651, p. 712.
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en 1746 des Dissertations préliminaires sur l’histoire… du diocèse de Sais (Sées) où il invite ceux qui veulent participer à l’entreprise à adresser leur mémoire au curé qui est à la tête du doyenné ou à l’imprimeur parisien de sa dissertation. De même le chanoine Christophe-Michel Ruffelet souhaite que ses Annales briochines ou abrégé chronologique de l’histoire ecclésiastique civile et littéraire du diocèse de Saint Brieuc parues en 1771, un in-12 de 252 pages, vendu vingt-cinq sous, soit comme un prospectus invitant le public à contribuer à la rédaction d’une histoire du diocèse, sans laquelle il ne pourra y avoir d’histoire générale de la nation. « Consacrée à l’utilité publique, l’histoire d’un diocèse ne peut être que l’ouvrage du public. » Voilà qui conduit à interroger la finalité de telles publications et de tels travaux auxquels les auteurs ont souvent consacré dix à vingt années de labeur.
3. Les finalités du genre 3.1. La gloire de la cité, de la patrie et vanité d’auteur La majorité des auteurs entendent avant tout servir le public et leur patrie. En publiant la Chronique de la ville et du diocèse d’Acqz, Bertrand Compaigne a le sentiment d’acquitter son « devoir envers [s]a patrie ». Beaucoup, comme le médecin Pierre Borel, citent Platon ou Thucydide qui déploraient que les hommes soient plus enclins à connaître l’étranger que leur propre patrie. En 1722, le bénédictin dom Liron déplore de ne pouvoir obtenir une aide des échevins et maire de Chartres sous la forme d’achat de deux cents exemplaires de son histoire de la ville car « les Chartrains ne songent qu’à amasser des pistoles »27. Outre l’indifférence, ces travaux souffrent de n’être pas très gratifiants pour leur auteur. L’abbé Esnault estime ainsi en 1746 que les plus savants « sont plus touchés de l’amour [d’eux-mêmes] que de l’amour de [leur] patrie ». Néanmoins il entend consacrer son talent à valoriser son pays de Seez « qui n’a rien qui le rende célèbre ». L’amour de la patrie compte donc beaucoup dans la rédaction de ces ouvrages mais sans qu’il faille l’opposer à l’estime de soi. Le dominicain Albert Le Grand dédie la vie, geste, mort et miracles des saints de Bretagne aux États de la province. Il entend la glorifier. Mais par là même aussi se glorifier. Car un ensemble de poèmes laudateurs, d’éloges dithyrambiques, d’épigrammes flat27. J.-B. Souchet, Histoire du diocèse et de la ville de Chartres, Chartres, 1856, p. XIX
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teuses et d’anagrammes savants offerts par ses amis inaugurent l’ouvrage. Une anagramme le désigne « ainsi tel Ribanera », le grand hagiographe jésuite espagnol traduit en maintes langues. Gloire de la ville, de l’église, de la province et gloire personnelle sont très souvent associées. Comment ? Celle de l’auteur est célébrée par un florilège de pièces poétiques en latin ou en français placé en tête de ces livres. Ils ont été rédigés par des amis, souvent de la ville, magistrats ou clercs. Les Annales de Noyon publiées par le vieux chanoine Jacques Le Vasseur constitue presque un tombeau poétique à sa gloire tant sont nombreux ceux qui participent à son éloge. L’auteur est à Noyon ce qu’Homère fut à Troyes. Les anagrammes des auteurs cherchent souvent à montrer que leur nom porte une prédisposition à la vérité. Pierre Saxius est ainsi « verax pius » ou « Purus est axis ». Pierre Louet, dans le Beauvaisis, est « la pure vérité ». Le portrait du chanoine Pierre Saxius figure dans son catalogue des évêques d’Arles comme celui du chanoine Cotignon dans celui des évêques de Nevers. La publication peut assurer la carrière de son auteur. L’objectif de Jean Bounin, hebdomadier et secrétaire du chapitre de Luçon, en publiant ses laconiques antiquités de cette ville est d’obtenir une promotion capitulaire, ce que lui souhaite le chapitre de Poitiers, dans une lettre éditée avec l’ouvrage 28. Le curé Julien Nicole n’a rien écrit avant de faire paraître en 1669 son Histoire… du diocèse d’Avranches. Trois ans plus tard, la chambre ecclésiastique du diocèse lui accorde deux cents livres tournois pour avoir travaillé depuis 1669 à l’ordo du diocèse. Et en 1681, il devient vicaire général. Aussi n’est-on pas étonné de lire sur l’épitaphe de Guillaume de La Croix, auteur d’une Series et acta episcoporum Cadurcensium parue en 1617 à Cahors, qu’il a mis en lumière le tableau des évêques de cette ville (stemmatum episcopii cadurcensis illustratoris) 29. La gloire personnelle et celle du pays ne sont pas dissociables car, comme l’écrit Gilles de La Clergie, « pour être heureux il faut être né d’une célèbre et fameuse ville ». Or cet habitant du Perche souffre d’être issu d’un pays peu étendu, sans grande ville ni grande réputation. Il veut montrer la noblesse de cette province en insistant sur l’origine royale des comtes du Perche, sur les évêques de Séez et sur les grands hommes du pays comme Remy Belleau. Pierre Gassendi estime que « sa patrie n’est pas grande, ni splendide », mais qu’elle lui est néanmoins très chère 30. Il offre donc à ses concitoyens de Digne sa 28. J. Bounin, Antiquitates urbis et ecclesiae Lucionensis, Fontenay-le-Comte, 1661, p. 38. 29. G. de La Croix, Histoire des évêques… cité n. 23, p. 17 30. « Patria nec magna, nec splendida at non idcirco minus cara » : P. Gassendi, Noticia ecclesiae Diniensis, Paris, 1654, f. a2v.
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Noticia ecclesiae Diniensis comme preuve d’amour. Beaucoup de catalogues s’insèrent dans cette apologie de la ville ou de la province qu’illustrent les évêques. Par leur naissance tout d’abord. Dans son histoire des évêques de Cahors parue en 1617, le consul Guillaume de La Croix consacre un long développement, tiré des vies des papes de Ciaconius, à un prélat qui ne resta pourtant qu’un an sur le siège, Alexandre Farnèse. Cette digression vise à glorifier la ville d’un si illustre nom et en même temps à corriger Ciaconius qui a eu l’outrecuidance d’oublier qu’Alexandre Farnèse avait été évêque de Cahors. Les prélats sont aussi des notables de province, ayant un rôle essentiel dans les États de Languedoc ou de Bretagne, voire de puissants seigneurs locaux, notamment dans des villes qu’honore leur prestige temporel d’évêquecomte ou d’évêque-duc. Pour Michel Cotignon, à Noyon, les évêques, l’église cathédrale et les citoyens de la ville sont aussi indissociables que le père, la mère et les enfants. Il entend illustrer par son histoire parue en 1636 l’idéal de la bonne ville et du consensus urbain, comme jadis Loisel à Beauvais 31. Antoine Albert détaille abondamment en 1783 les privilèges et droits des archevêques d’Embrun qui ont longtemps frappé monnaie, reçut l’hommage du dauphin et tenu rang parmi les princes d’Empire. Cette gloire toute profane de la ville ou de la province ne découle cependant pas seulement de la place épiscopale dans l’ordre seigneurial et féodal qui structure encore en partie la société d’Ancien Régime. Elle s’alimente aussi de la gloire céleste et ecclésiale. Certes, il est des villes où le prestige découle moins du siège épiscopal, érigé tardivement comme à Tulle ou Dijon, que du monastère qui a été la matrice urbaine 32. Mais souvent l’épiscopat, par sa dignité et sa vertu est l’une des plus prestigieuses sources de l’honneur citadin ou provincial. Le Paradis délicieux de Tourraine du carme Martin Marteau de Saint-Gatien paru en 1661 est essentiellement composé… de la liste des archevêques de Tours. Auteur des Origines de Clermont, ville capitale d’Auvergne, paru en 1607, Jean Savaron consacre une large place à l’histoire des évêques (136 pages sur 359) car « l’évêché est une certaine marque de capitalité »33. Il dénombre en outre, sur quatre-vingt-trois évêques, trente saints dont « la probité, la sainteté et la grandeur rehaussent la ville »34. Bref comme dit Cotignon à Nevers, « le lustre de cette ville éclate par la splendeur de ses évêques ». Le chanoine Gazet dénombre huit cardinaux et un pape, 31. 32. 33. 34.
J. Le Vasseur, Annales de l’église de Noyon, III, Paris, 1633, p. 571. É. Baluze, Historiae Tutelensis libri tres, Paris, 1717. J. Savaron, Les origines de Clermont ville capitale d’Auvergne, Clermont, 1607, p. 114. Ibid., p. 246.
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Clément VI, issus du siège d’Arras. À Vienne, Jean Le Lièvre dénombre dès la préface que sur cent trois évêques, quarante-sept ont été sanctifiés, dont dix par le martyre. Antoine Le Corvaisier de Courteilles dénombre dix-huit saints évêques du Mans. Charles Jaulnay recense sept évêques de Senlis au sanctoral. Jean-Baptiste Drouet de Maupertuy, dans l’Histoire de la sainte église de Vienne (1708), affirme qu’elle est non seulement une des plus anciennes mais une des plus saintes de France puisque sur cent six évêques, elle totalise quarante-neuf saints au calendrier. Pierre Saxius estime qu’Arles est après Rome le second siège en Europe par la sainteté et la majesté des prélats mais Jean-Marie de la Mure tient le même argument pour le siège de Lyon, puisqu’à ses yeux aucun siège après Rome n’a produit autant de saints. Toul est fière d’avoir contribué à la conversion de la France par saint Vaast qui était un des catéchistes de Clovis et d’avoir eu un de ses prélats élevé sur le trône pontifical, Léon IX. En 1783 encore, Antoine Albert est fier de rappeler aux habitants d’Embrun que parmi les quatre-vingt-huit prélats de cette église, treize sont des saints, dix ont été cardinaux et l’un est devenu pape, Clément VII. Ce sont les mérites des évêques de Verdun, dont l’un est devenu pape, qui a aussi valu à cette cité le titre de « ville pieuse » 35. Savaron au début du xviie siècle comme Antoine Albert en 1783 tirent aussi parti de ce que des prélats ont préféré Clermont ou Embrun à des sièges soit plus prestigieux parce que métropolitains, soit plus riches. L’histoire des évêques vient ainsi corriger un déficit de prestige ecclésial et urbain lié à une position hiérarchique subalterne ou à une médiocre aisance démographique et économique. Outre la sainteté des prélats, il y a aussi l’ancienneté du siège qui contribue à la hiérarchisation du réseau urbain. La métropolité est une notion ecclésiastique. Jacques Severt écrit sa chronologie des archevêques de Lyon avec l’idée de défendre qu’elle détient la primatie sur toute la Gaule celtique, donc sur Rouen et Sens. Lyon est le primat des primats, primatum primatem. Pour fonder la préséance de son évêque, doyen des suffragants, sur les autres prélats de Normandie, Jean Hermant est soucieux de rappeler que la ville de Bayeux a été évangélisée avant les autres diocèses de la province de Rouen. Il va même jusqu’à montrer que si le siège métropolitain est à Rouen, c’est seulement en raison « de la police séculière », qui dès l’empire romain en a fait une capitale administrative. Mais Bayeux a été évangélisée avant Rouen et elle est ainsi plus insigne. Jean Chenu entend démontrer que Bourges est la capitale des Celtes et de l’Aquitaine première, alors que Bordeaux n’est que le siège de l’Aquitaine 35. N. Roussel, Histoire ecclésiastique et civile de Verdun, Paris, 1745, f. a4.
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seconde, de sorte que le titre primatial appartient à Bourges et non à Bordeaux. Jean Savaron estime aussi que Clermont, bien que suffragant de Bourges, est en fait une église plus ancienne 36. Le jésuite Claude Perri qui est pourtant convaincu que l’origine de la plupart des églises de France est incertaine n’en affirme pas moins que Chalon-sur-Saône est une des églises les plus vénérables de France, et sûrement davantage que celle de Langres, Autun, Dijon, Mâcon. Il laisse seulement à « ceux d’Auxerre de justifier la mission de saint Pelerin 37 ». Le jésuite Odon de Gissey veut quant à lui montrer que le siège du Puy dépend de Rome, est exempté de la juridiction métropolitaine de Bourges et qu’un évêque exempt est supérieur à un archevêque 38. Les chronologies épiscopales nourrissent un ensemble de revendications sur la supériorité d’un siège et d’une ville sur sa voisine, fondée sur l’ancienneté de l’évangélisation. Cette primauté peut aussi découler du prestige de l’évêque fondateur comme lorsque Paris justifie sa promotion archiépiscopale en 1622 sur le prestige de saint Denis l’Aréopagite 39. Cette glorification de la ville et de la petite patrie, à travers le siège épiscopal explique le traumatisme qu’a constitué la refonte de la géographie diocésaine en 1790. En 1898, l’éditeur qui réimprime l’Histoire chronologique des évêques et du gouvernement d’Avranches parue en 1669 le fait déplore que cette cité ait perdu son évêque et même sa cathédrale, qui s’est effondrée. Mais la rédaction des vies d’évêques ne répond pas seulement à cette injonction profane et patriotique. Elle a aussi des mobiles religieux. 3.2. Le modèle des Pères et de Borromée La mémoire des prélats s’inscrit dans une tradition que les auteurs ne manquent pas de rappeler. Il faut connaître l’histoire pour ne pas rester dans l’enfance, c’est-à-dire dans l’ignorance. Il faut honorer et conserver les souvenirs des apôtres qui sont des pères qui engendrent à la foi. Les évêques « sont nos pères et nos seigneurs », écrit le curé et vicaire général Julien Nicole en 1669 dans son Histoire des évêques d’Avranches tandis que le chanoine Jacques Le Vasseur les qualifie de « progéniteurs ». Les ecclésiastiques ne sont pas les 36. J. Savaron, Les origines… cité n. 33, p. 115. 37. C. Perry, Histoire civile et ecclésiastique… de la ville de Chalon…, Chalon, 1659, p. 15 38. O. de Gissey, Discours historique de la très ancienne dévotion de Notre Dame du Puy…, Toulouse, 1627, p. 134-137. 39. J.-M. Le Gall, Le mythe de saint Denis entre Renaissance et Révolution, Seyssel, 2007, p. 59-61.
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seuls à recourir à ce topique de la paternité et de l’exemplarité puisque le magistrat Antoine Le Corvaisier de Courteilles l’évoque aussi en 1648 dans son histoire des prélats du Mans. L’écriture des vies épiscopales vise à conforter la dignité épiscopale et à vénérer la hiérarchie épiscopale. Cette collecte des vies épiscopales se réfère à l’Écriture comme aux traditions apostoliques et ecclésiastiques, mais peu au modèle romain de l’écriture de la vie des papes. Jean Hermant signale qui si saint Paul a condamné la rédaction de généalogie (1 Tim 1, 4), en revanche il a encouragé les fidèles à se souvenir de leurs conducteurs (Heb 13, 7). Charles Rapine, Symphorien Guyon, Jean-François Pommeraye justifient aussi leur entreprise par ce verset. Jean Hermant à Bayeux comme Benoît (Gilles Picart) à Toul invoquent le modèle des actes des apôtres. L’église primitive a ensuite donné maints exemples de l’attention portée à la narration de l’histoire de la propagation de la foi. Le récollet Jean Dupuy (Périgueux) ou le curé Hermant renvoie à l’exemple de saint Clément qui a fait collecter les actes des martyrs. Les historiens de l’antiquité chrétienne comme Eusèbe de Césarée, saint Jérôme, Sozomène, Socrate le Scolastique sont convoqués tandis que Claude Robert rappelle le modèle gallican de Sulpice Sévère, et de Grégoire de Tours. Une troisième injonction s’impose enfin. En 1707, le capucin Benoît (Gilles Picart), dans son Histoire ecclésiastique et politique du diocèse de Toul estime que beaucoup d’évêques ont imité saint Charles Borromée. De fait, dès le début du xviie siècle, Claude Robert se réfère au concile de Milan de 1573. L’édition de 1625 de l’Histoire des évêques de Cahors par La Croix, qui est consul et avocat comporte aussi cette référence au concile de Milan, affirmant que l’évêque étant institué dès la naissance de l’église (episcopus id quod ab initio nascentis ecclesiae institutum fuit), il doit connaître le nom et les gestes de ses prédécesseurs en prenant soin de leurs actes 40. Gérard de Vic fait aussi référence au concile de Milan de 1573 dans sa chronique des évêques de Carcassonne en 1667. Jean Hermant rappelle que son évêque Nesmond, qui l’a chargé de réunir l’histoire du diocèse d’Avranches (1705) a suivi les conseils adressés à ses suffragants par Charles Borromée. Dans sa Gallia, Denys de Sainte-Marthe en 1715 revendique aussi le modèle borroméen 41 de même que Laurent Rouault dans son abrégé des évêques de Coutances (1732) et Nicolas Roussel dans son histoire 40. G. de La Croix, Histoire des évêques… cité n. 23, p. 29 41. Denys de Sainte-Marthe, Praefatio ad novam Galliam christianam : « In actis ecclesiae Mediolanensis editis a Carolo Borromeo legimus episcopos sollicitos esse debere ut singulorum episcoporum qui praecesserunt nomina, genus et pastorales eorum actiones scripto tradantur ».
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de Verdun en 1745. Il ne faudrait cependant pas surestimer cette influence borroméenne qui est surtout revendiquée au xviiie siècle. Michel Cotignon à Nevers l’ignore mais rappelle plutôt l’appel lancé cinquante ans auparavant par le théologien de la Sorbonne, Demochares. Cette obligation de mémoire est d’autant plus essentielle à l’issue des guerres civiles que celles-ci ont détruit des monuments comme le rappelle Gabriel de La Charlony pour Angoulême. Dans l’Ordre et suite des archevêques de Cambray, le chanoine Gazet accuse en 1597 les « hérétiques et sectaires de notre temps », qui ont « mis tous leurs efforts à vanger et piller les églises et abbayes, fureter les librairies et chartres… pour nous embler l’ordre et succession des évêques ». Heureusement que des catholiques ont conservé et protégé registres et autres trésors. À Troyes, Nicolas Camusat a rassemblé un magasin des antiquités sacrées du diocèse (Promptuarium sacrarum antiquitatum Tricassinae diocesis) après les troubles qui ont dispersé ou détruit beaucoup d’archives et empêché les lettrés de travailler. À Cahors, Guillaume de la Croix déplore qu’après les Wisigoths et les Albigeois, les hérétiques se sont acharnés à détruire les monuments de l’église 42. À Béziers, Pierre Andoque énumère les tombeaux épiscopaux victimes de la fureur iconoclaste 43. Ces séries épiscopales et autres annales sont donc souvent l’occasion de réparer l’outrage et de substituer un monument de papier aux archives et édifices détruits afin de faire mémoire. Le récollet Dupuy a l’impression d’écrire son histoire de Périgueux parmi les ruines ayant survécu aux Albigeois et aux calvinistes. Simon Bartel veut conjurer les lacunes des archives de Riez provoquées par les outrages que les barbares et les hérétiques leur ont infligés 44. Rappeler longuement la vie de Savinien et de Potentien, les fondateurs de l’église de Sens, est un moyen de compenser le fait que leurs reliques ont été brûlées par la rage des hérétiques en 1567 (quam hereticorum rabies efferata incendit) 45. L’écriture des listes épiscopales est une manifestation de recharge mémorielle et sacrale, un remède au collapsus mémoriel, comme les transferts de reliques. Cette nécessaire préservation de la mémoire épiscopale vise à la fois l’édification des fidèles et la réfutation de l’hérésie.
42. G. de La Croix, Histoire des évêques… cité n. 23, p. 71, 293 43. P. Andoque, Catalogue des évêques… cité n. 8, p. 148-149. 44. « Archiviorum episcopalium et regiensis ecclesiae quae saepius barbarorum, haereticorum et saecularium sacrilegis unguibus direpta sunt defectus, imperfectum prodire cogit opusculum » : S. Bartel, Historia chronologica praesulum ecclesaie nomenclatura, Aix, 1636. 45. J. Taveau, Senonensium archiepiscoporum vitae actusque variis e locis collecti, Sens, 1608, p. 4.
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3.3. La dévotion et l’édification Les évêques sont selon l’expression de Jean-Marie de la Mure la « vive image du Christ ». Leur histoire est un « pérou spirituel », selon Michel Cotignon. L’histoire enseigne la vertu et leurs vertus. Écrire sur les évêques est tout d’abord une école d’ascèse pour l’auteur. Âgé de cinquante-cinq ans, le chanoine Wassebourg de Verdun y voit un remède contre l’oisiveté. Au sortir des troubles, le magistrat Jean Savaron présente même la pratique de l’écriture historique comme un moyen de maîtriser les passions. Mais c’est aussi une pastorale de l’édification. Le dominicain breton Albert Le Grand rapporte que ses vies de saints ont été rassemblées à l’origine pour ses prédications et Jean Hermant à Bayeux estime que la vie des évêques est comme une « perpétuelle prédication ». Jean Vaisse, lieutenant criminel au présidial du Mans justifie la publication de la vie des évêques de cette ville par son neveu en soulignant que les vertus sont héréditaires, que l’exemple des pères évite de dégénérer et que « les exemples domestiques sont plus faciles, plus plaisants et nous touchent plus sensiblement que les estrangiers 46 ». Michel Cotignon veut répandre « l’odeur parmy le Nivernais des fleurs épiscopales ». Outre les fidèles et les clercs diocésains, les destinataires de ces figures épiscopales sont les évêques en place, auxquels est dédicacée l’immense majorité de ces ouvrages. Avec parfois l’intention de stimuler le courage du titulaire actuel par l’exemple du passé. Ainsi Jean Columbi, qui avoue avoir visité avec Charles Jacques de Leberon près de soixante églises de Valence (sexagenas ecclesias tecum invisi), ne cache pas que c’est pour stimuler l’ardeur de ce prélat qu’il rassemble les vies de ses prédécesseurs 47. Comme dans la noblesse, la gloire des ancêtres sert le titulaire actuel 48. Mais ces prélats sont-ils tous édifiants et que faire des mauvais exemples ? Dans ses Annales ecclésiastiques du diocèse de Châlons-en-Champagne, parue en 1636, le récollet Charles Rapine affirme que tous les évêques ont des mérites. Soit parce qu’ils ont évangélisé le pays, soit parce qu’ils ont été bâtisseurs, soit parce qu’ils ont accru la puissance temporelle de leur siège. De même Jean Plantavit affirme que tous ses prédécesseurs sont illustres soit par 46. A. Le Corvaisier de Courteilles, Histoire des évêques du Mans, Paris, 1648, f. e2. 47. « Cogitabas exempla de superioribus episcopis ex me habere, ad quae componeres tuos mores » : J. Columbi, De rebus gestis Valentinorum et Diensium episcoporum, Lyon, 1638, f. a4. 48. « Haec clarissimorum antititum gloriae non modica pars tibi [ Louis François de Suse] ad magnam nominis amplitudinem servabatur » : J. Columbi, De rebus gestis episcoporum Vivariensium, Lyon, 1651. Voir la dédicace.
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leurs miracles, leur sainteté, leur participation à des conciles comme les frères Briçonnet à Latran V, soit par leur lutte contre l’hérésie comme Bernard Gui, soit par leur action politique comme René Birague, soit enfin par leur illustre naissance comme Charles et François de Levi (alios summa sanguinis claritate conspicuos contuebuntur). Le suffragant de Metz, le franciscain Meurisse affirme aussi en 1634 que « tous les prélats sont saints, ou incomparables en vertus, en personnes royales ou d’enfants de la maison de France ». Évangélisation, sainteté, naissance, action politique et activités pastorales alimentent les notices. Est-ce pour susciter une dévotion que les vies signalent souvent le lieu d’inhumation des évêques ? Même Jean Hiret qui est pourtant très laconique sur les évêques d’Angers dont il ne signale que la date d’entrée en fonction et de mort précise si possible le lieu de la sépulture. À moins que l’épitaphe ne soit le moyen de boucler une biographie qui insiste toujours lourdement sur la naissance, et pas seulement sur les études du prélat. Les vies épiscopales accordent une grande place au rôle diplomatique et politique notamment leurs ambassades, leurs participations aux états généraux ou provinciaux, sans oublier leur carrière bénéficiale. L’action pastorale est enfin largement décrite. Jean Chenu ne manque pas de signaler la participation des prélats français du xvie siècle au concile de Trente comme le zèle qu’ils ont mis à réformer les ouvrages liturgiques, à faire des visites pastorales ou à convoquer des synodes et des conciles provinciaux. Julien Nicole en fait autant en insistant sur la lutte contre l’hérésie engagée par les évêques d’Avranches. Quant à Jean Plantavit, il est soucieux de défendre l’action de son prédécesseur Guillaume Briçonnet en le dédouanant de tout protestantisme, dans lequel son entourage a parfois basculé. L’évergétisme des prélats du xve et de la première moitié du xvie siècle, souvent non-résidents, est aussi largement décrit tandis que pour ceux de la fin du xvie siècle, les auteurs insistent davantage sur leur piété, leur résidence, leur engagement dans la prédication, le secours aux pauvres et l’appui accordé aux fondations religieuses. Les malheurs des évêques survenus durant les guerres civiles sont mis en exergue. Guillaume de La Croix rappelle que l’évêque de Cahors, Pierre de Bertrand, a été prisonnier des hérétiques 49. Pierre Louvet montre l’évêque de Beauvais capturé, dépouillé, humilié et rançonné par la Ligue 50. Maupertuy en 1708 rapporte que Pierre de Villars, archevêque de Vienne, échappa aux
49. G. de La Croix, Histoire des évêques… cité n. 23, II, p. 365. 50. P. Louvet, Histoire et antiquitéz du diocèse de Beauvais, Beauvais, 1635, p. 664.
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calvinistes en 1578 « par un miracle » 51. Mais si Guillaume de La Croix montre Antoine Hébrard de Saint-Sulpice défendant sa ville de Cahors contre les huguenots en 1580, il est plus embarrassé pour raconter son absence pendant les années de la Ligue 52. En effet, tous les prélats ne sont pas édifiants. Guillaume de La Croix aurait préféré à l’illustre Alexandre Farnèse, nommé à Cahors, un évêque de moindre renom mais résident 53. Sur quatre-vingt-quatre évêques de Rouen, le chanoine Dadré admet que deux ou trois n’ont pas « été sages ». L’embarras des auteurs est maximal quand les évêques ont été rebelles ou hérétiques. Jean Chenu ne dit quasi rien sur Claude de Saintes ni sur le cardinal de Guise. Le chanoine Jean Le Jau rappelle la participation de Saintes à Trente, son combat contre l’hérésie et suggère même qu’il a été empoisonné par les hérétiques (non sine propinati ab hereticis veneni suspitione). Rien sur sa condamnation à mort pour crime de lèse-majesté. Un siècle plus tard, en revanche, Pierre Le Brasseur ne cache pas que l’évêque d’Évreux a fait l’apologie du régicide d’Henri III, « principe insupportable et horrible », ce qui lui a valu d’être condamné à mort 54. Jean-Marie de La Mure est tout aussi embarrassé dans son histoire de Lyon parue en 1671 lorsqu’il s’agit d’évoquer Pierre d’Épinac. Il décrit sa famille, son action religieuse, les missions que lui a confiées Henri III mais passe sous silence son engagement dans la Ligue 55. Charles Jaulnay ne dit rien non plus de l’engagement ligueur de Guillaume Roze, évêque de Senlis 56. Et Jacques Taveau est bien laconique dans son histoire des archevêques de Sens de 1608 sur Nicolas Pellevé. Outre les évêques ligueurs, il y a les rares brebis égarées passées au protestantisme. En 1616, Michel Cotignon ne dit rien sur le passage du centième évêque de Nevers, Jacques Spifame, à la Réforme 57. Pierre Louvet ne cache pas en revanche que le cardinal Odet de Châtillon a apostasié et publie même la bulle l’excommuniant. Ce long développement, qui n’est pas à la gloire du siège, découle en fait de ce que ce magistrat, en 1633, a été chargé par Richelieu de faire un mémoire « pour déterminer qui est juge d’un prélat accusé de crime de lèse-majesté », à la suite de la révolte du Languedoc dans laquelle 51. 52. 53. 54. 361. 55. 56. 57.
J.-B. Drouet de Maupertuy, L’histoire de la sainte église de Vienne, Lyon, 1708, p. 303. G. de La Croix, Histoire… cité n. 23, II, p. 373-380. Ibid., p. 359. P. Le Brasseur, Histoire civile et ecclésiastique du comté d’Évreux, Paris, 1722, p. 360J.-M. de La Mure, Histoire ecclésiastique du diocèse de Lyon, Lyon, 1671, p. 212-213. C. Jaulnay, La vie et miracle de saint Rieul, Paris, 1642, p. 176-180. M. Cotignon, Catalogue historial des évêques de Nevers, Paris, 1616, p. 97.
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des évêques sont impliqués. Activité professionnelle et écriture de l’histoire se nourrissent mutuellement 58. Le jésuite Jean Columbi a consacré deux dissertations à dédouaner Jean de Monluc, évêque de Valence de l’accusation d’hérésie 59. Il est vrai que Monluc est parent des évêques de Valence, Charles, Pierre André et enfin Charles Jacques de Leberon, auquel Columbi dédie en 1638 son histoire des évêques de cette ville 60. Écrire sur les contemporains pose d’autant plus de soucis que l’historien peut être contredit par des témoins. Ainsi, lorsque dom Toussaint Du Plessis publie son histoire du diocèse de Meaux (1731), le grand vicaire Saint-André, qui a fermé les yeux de l’aigle de Meaux, lui reproche d’avoir mal parlé de Bossuet, notamment dans sa querelle avec Fénelon, en lui attribuant « des intentions malignes » et « des motifs humains » 61. Comment concilier cette finalité d’édification avec la médiocrité avérée de certains prélats et la subjectivité du narrateur ? Plusieurs solutions sont possibles. Le récollet Jean Dupuy estime que les défauts de quelques prélats de Périgueux n’entachent pas la sainteté du siège, pas plus que le charbon dans la boutique de l’orfèvre ne nuit à l’éclat de l’orfèvrerie 62. L’évêque de Marseille Henri François-Xavier de Belzunce recommande aux lecteurs d’imiter les bons prélats et de prier pour les autres. Constatant qu’un évêque de Montpellier avait été soupçonné d’hérésie, le chanoine Charles Degrefeuille avoue en 1739 que « la vérité de l’histoire ne [lui] permettait pas de supprimer ce fait qui tout déplorable qu’il est, ne peut rejaillir sur le reste de ces confrères », qui ont combattu les Albigeois puis les calvinistes. D’autres ont préféré taire les vices des contemporains, voire raccourcir leur liste pour ne retenir que les figures édifiantes de l’église primitive. Charles Rapine ne s’attarde pas trop sur les prélats de Châlons les plus contemporains « car ils sont encore à la portée de nos yeux ». Enfin, l’évêque de Valence, Jean de Catellan dans ses Antiquités de l’église de Vienne parues en 1724 focalise son récit sur « les siècles les plus purs de l’antiquité » et ne poursuit pas son récit après le xiiie siècle car depuis cette époque, il y a moins 58. P. Louvet, Histoire et antiquitéz… cité n. 50, p. 603-617. 59. J. Columbi, Quod Joannes Monlucius Valentinus et Diensis episcopus non fuerit haereticus, Lyon, 1645 ; Id., Liber singularis quod Pius Quartus non damnaverit haereseos Romae Joannem Monlucium… neque Pius Quintus, damnationem ejus a Pio Quarto Romae promulagari curaverit in Gallia, Lyon, 1661. 60. J. Columbi, De rebus gestis Valentinorum… cité n. 47, p. 180-186. 61. Réponse de dom Toussaints du Plessis à une lettre de monsieur de Saint André au sujet de l’histoire de l’église de Meaux, Paris, 1732. 62. J. Dupuy, L’estat de l’église du Périgord, Périgueux, 1629, p 231.
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de matière à édification, pense-t-il. Bel exemple de nostalgie pour les tempora priora 63. Cette archéolâtrie conduit Charles Trigan à ne pas pousser au-delà du xiiie siècle son Histoire ecclésiastique de la province de Normandie parue à Caen entre 1759 et 1761. Pourtant, la tendance à dire sans fard la réalité l’emporte peu à peu. Denys de Sainte-Marthe note du reste dans la préface de la Gallia que l’histoire n’est pas un panégyrique et ne peut cacher qu’il y a eu des prélats ambitieux, avares, même dans les six premiers siècles de l’église (etiam sex prioribus ecclesiae seculis). 3.4. La réfutation de l’hérésie Outre la gloire de la patrie et l’édification des fidèles, la publication des listes épiscopales s’inscrit dans l’apologétique anti protestante. Les listes épiscopales publiées par Antoine de Mouchy s’insèrent dans un ouvrage qui défend la messe catholique. En publiant une nomenclature des évêques de Chartres avec les œuvres de Fulbert, le chanoine Charles de Villiers déclare qu’elles sont utiles pour réfuter l’hérésie de ce temps et pour la connaissance de l’histoire des Français (quae refutandas hereses huius temporis quam ad Gallorum historia pertinent). La Gallia de Jean Chenu insiste sur le fait que la vraie église du Christ est celle que gouvernent sans interruption les prélats qui descendent des apôtres 64. Cet argument est directement emprunté à Tertullien qui est souvent invoqué 65. L’antiquité et la continuité établissent la vérité. Michel Cotignon à Nevers rappelle qu’« une des plus belles marques que l’antiquité nous aye laissé de l’église c’est l’ordre légitime et apostolique succession des évêques ». Jean Dadré à Rouen estime en 1618 que « la vie des 63. J. de Catellan, Les antiquités de l’église de Valence pour l’instruction et l’édification du clergé de son diocèse, Valence, 1724, p. 355. 64. J. Chenu : « veram esse christi ecclesiam quam praesules ab apostolis longa annorum intercapedine descendentes gubernarent ». 65. Gabriel de la Charlony à Angoulême, Pierre Andoque à Béziers invoquent le chapitre 32 des prescriptions de Tertullien : « S’il y en a quelques-unes (des hérésies) qui osent se dire du temps des apostres afin de passer pour traditions apostoliques, nous leur répondons… qu’elles nous fassent apparoitre l’origine de leurs églises, qu’elles nous montrent le catalogue de leurs évêques qui dès le commencement se suivent d’un tel ordre de succession que le premier ait pour autheur et prédécesseur immédiat quelqu’un des apostres memes ou quelqu’un de ces personnages apostoliques qui toutefois aient persévéré jusqu’à la fin avec les apostres : car c’est ainsi que les églises apostoliques prennent leur authorité. Comme celle de Smyrne eut pour évêque Polycarpe établi par saint Jean ». Tertullien, Les prescriptions contre les hérétiques, trad. La Brosse, Paris, 1612.
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évêques est un phare pour trouver la vérité de la religion parmi le meslange des opinions du siècle présent »66. Les prélats « ont donné de main en main la doctrine » reçue des apôtres. Les hérétiques ne peuvent qu’admirer l’antiquité et la succession continue de la hiérarchie. Même les ariens avaient leurs évêques, alors que les hérétiques du siècle vivent dans la confusion 67. Les listes épiscopales manifestent la succession donc la possession par l’église apostolique de la vérité comme le rappelle aussi bien le magistrat Gabriel de La Charlony (Angoulême, 1598) 68 que des clercs comme comme Adrien de La Morlière (Amiens), Jacques Severt (Lyon), Michel Cotignon (Nevers, 1616), Jean Dupuy (Périgueux, 1629), Symphorien Guyon (Orléans, 1647), JeanFrançois Pommeraye (Rouen, 1667), Jean-Marie de La Mure (Lyon), Nicolas Roussel (Metz, 1745). Dès lors, signale Claude Robert, les hérétiques aboient en vain (frustra haereticis circumlatrantibus). La nouvelle Gallia christiana constitue ainsi selon le procès-verbal de l’assemblée du clergé de 1710 « un concile de tous les siècles formé par 30 000 évêques ». En 1720 encore, une polémique oppose l’évêque de Valence qui s’apprête à publier l’histoire de son église avec le pasteur Jacques Basnage 69. Ces listes servent dans la controverse et aux controversistes, mais ne sont pas destinées aux hérétiques. Albert Le Grand interdit la lecture de son ouvrage aux athées, libertins, indifférents, hérétiques et autres « anti bretons », mais la recommande à ceux qui entendent les combattre. « Vous y trouverez un arsenal bien muni des armes tant offensives que défensives pour rembarrer les ennemis de la vérité ». Le récollet Jean Dupuy destine aussi son Estat de l’église du Périgord aux catholiques qui entendent convaincre et pourfendre les protestants. Ils y trouveront la preuve que l’église de Périgueux a été fondée au temps des apôtres, qu’elle « émane de la matrice romaine » et qu’elle a eu dix-neuf saints prélats. Apostolicité, romanité, continuité, sainteté, visibilité sont les notes de la véritable église. « Où sont les prédécesseurs des
66. J. Dadré, Chronologie historiale des archevêques de Rouen, Rouen, 1618, p. 5. 67. Ibid., f. a9. 68. Une lettre du chanoine Marteau adressée à Gabriel de la Charlony le remercie d’avoir écrit contre les hérétiques en produisant cette liste. Gabriel de la Charlony, Engolimenses episcopi, Angoulême, 1598. 69. J. Basnage, Troisième et quatriesme instruction pastorale de M. Basnage pour servir de réponse à la lettre pastorale de monsieur de Catellan aux nouveaux réunis de son diocèse. Catellan. Instruction pastorale en réponse à un ouvrage intitulé : réflexions sur la réponse de l’évêque de Valence à l’instruction pastorale de M. Basnage, Valence, 1723.
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ministres Brossier et Bordars qui ont introduit la religion réformée » en Périgord 70 ? Il ne faut cependant pas surestimer l’ampleur de cette motivation dans la rédaction de ces catalogues. Tout d’abord, je n’ai pas encore trouvé de catalogue imprimé des évêques de Genève puisque celui composé par le jésuite Pierre Morod semble être resté manuscrit. Nous n’avons pas non plus de catalogues particuliers imprimés dressant les faits et gestes des évêques de sièges comme Mende, Uzès, Limoges, Saintes, Albi, Comminges, Lavaur, Condom, Bazas, Agen, Lectoure, Couserans, Tarbes, Lescar, Mirepoix, Saint-Papoul, qui sont pourtant si marqués par la présence huguenote. D’autre part, l’argument de continuité et d’apostolicité perd de sa force lorsque les sièges n’ont été érigés qu’au xive siècle comme à Tulle, voire au xvie siècle comme nombre de sièges des Pays-Bas. Ainsi n’est-il pas étonnant de n’avoir pas de liste des prélats titulaires des évêchés fondés au xviie siècle pour lutter contre l’hérésie, comme Alès, Blois ou La Rochelle. Enfin, la rédaction des annales religieuses d’une ville ou d’un pays conduit parfois à accorder de l’importance aux ennemis de la foi tout autant qu’à ses défenseurs. Ainsi le médecin Pierre Borel après avoir dressé la liste des évêques de Castres publie celle des pasteurs. « Puisque j’ay rapporté es chapitres précédents les noms de tous les évêques et abbez de Castres et que j’ay parlé de tous les couvents, la raison semble demander que je nomme aussi ceux qui ont été ministres 71. » Dans cette ville dotée d’une chambre mi partie et biconfessionnelle, l’éloge de la cité oblige à dépasser l’apologétique confessionnelle et Borel ne cache pas que la cité fut jadis albigeoise. Certaines histoires diocésaines ne s’attardent sur les hérésies que pour mieux illustrer la défense de la foi par les prélats. Ainsi Jean-François Pommeraye n’entend pas cacher dans celle des archevêques de Rouen parue en 1667 que le pays a été envahi par les Normands et outragé par les hérétiques, mais c’est pour mieux souligner « la vigilance des prélats » et la « gloire de l’église » dans ces moments difficiles. De même, Jacques le Vasseur entend défendre la sainteté de la ville de Noyon en montrant que Calvin est plus de Genève que de Noyon, où les évêques comme les chanoines ont toujours lutté contre son hérésie 72. En revanche, d’autres ouvrages, plutôt écrits au xviiie siècle ne condamnent pas aussi vigoureusement les errements du passé. Embrun a ainsi connu 70. J. Dupuy, L’estat de l’église… cité n. 62, p. 228-232 71. P. Borel, Les antiquités de Castres, Castres, 1649, livre 2, p. 17 72. J.-L. le Vasseur, Annales… cité n. 31, III, p. 1162, 1172, 1183-1185.
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l’arianisme, les pétrobusiens, les Vaudois et enfin le calvinisme. Antoine Albert n’hésite pas à placer dans sa liste un évêque arien juste après le fondateur Marcellin 73. Où est passée alors la continuité de l’orthodoxie ? De même dom Toussaint Du Plessis rapporte que le diocèse de Meaux est « célèbre par le grand nombre des saints qu’il a donné, recommandables par les grands évêques qui l’ont gouverné, célèbre enfin par la naissance du calvinisme ». La notoriété découle ici tout autant de l’hérésie que de l’orthodoxie. « Le diocèse de Meaux est le premier qui ait eu le malheur d’ouvrir son sein aux novateurs. On le regarde pour ce sujet comme le berceau de l’hérésie en France, tache honteuse dont il ne pourra jamais se laver dans les siècles avenir 74. » L’auteur entend certes défendre la mémoire de Briçonnet contre ceux qui l’ont diffamé en en faisant un protestant, comme Bèze, Florimond de Raymond, ou Maimbourg. Il accuse son entourage d’humanistes, mais ne peut pas faire autrement que d’évoquer cette figure ambiguë, à la fois honteuse et glorieuse, par amour de la vérité historique mais aussi par fierté de voir ainsi son histoire locale s’inscrire dans l’histoire générale. Cette histoire sans finalité confessionnelle est le fait d’érudits comme dom Cajot à Metz qui déplore en 1760 que la révocation de l’édit de Nantes ait contraint de grands érudits messins au départ. L’amour de la vérité l’emporte peu à peu sur toute forme d’apologétique entre catholiques et protestants. Pour autant faut-il opposer la vérité à la piété et ne voir dans la rédaction de ces ouvrages qu’un assouvissement de la curiosité ? 3.5. La question des origines ou la vérité plutôt que l’antiquité En raison de la fierté que les communautés et les territoires tirent de leur antiquité comme de la volonté de démontrer l’enracinement apostolique de l’Église, la question de leurs origines est essentielle. Citant Marc 16, 20 et saint Cyprien (De unitate ecclesiae), Guillaume de La Croix rappelle dans sa série des évêques de Cahors qu’il « n’y a qu’un seul épiscopat dont les évêques possèdent solidairement une partie : il n’y a qu’une seule église quoique par les accroissements de sa glorieuse fécondité, elle s’étende à une multitude de
73. A. Albert, Histoire géographique, naturelle, ecclésiastique et civile du diocèse d’Embrun, II, s.l., 1783, p. 44. 74. T. Du Plessis, Histoire de l’église de Meaux, Paris, 1731, p. 325.
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membres »75. Pour lui, toute église émane des apôtres et du soleil de Rome, « l’église matrice et métropole des autres églises ». Cotignon entend aussi montrer que l’église de Nevers qui remonte à l’antiquité « a toujours participé à celle de Rome ». L’âge moderne hérite de l’époque médiévale la croyance dans une évangélisation précoce des Gaules, par des apôtres, des disciples ou des disciples de ceux-ci. Symphorien Guyon a rappelé les cinq missions fondatrices de l’église gallicane. Celle, contrainte, de Lazare, Marie Madeleine et Marthe, abandonnés à la dérive sur une barque par leurs persécuteurs romains jusqu’à ce qu’ils abordent le rivage provençal. Il y a ensuite les disciples de saint Pierre (Savinien, Potentien et Altin à Sens, Sixte à Reims, Memje à Châlons-en-Champagne, Julien au Mans, Fronton à Périgueux, Martial à Limoges), les disciples de saint Paul (Crescent à Vienne, Trophime à Arles, Paul Serge à Narbonne), l’envoi par le pape Clément de Denis l’Aréopagite avec ses compagnons, enfin les disciples de saint Jean, tels Polycarpe et Irénée. Cependant, l’âge moderne voit renaître la critique, mobilisée notamment lors de la réforme des livres liturgiques et de l’écriture des catalogues épiscopaux. Cette théologie positive constate que ces traditions présentent des problèmes. Ainsi, Grégoire de Tours place au milieu du iiie siècle la mission de Denis avec Gatien. Aussi le Tourangeau Jean de Maan entend souligner que c’est Hilduin qui a obscurci cette tradition en confondant Denis et l’Aréopagite 76. Ces confusions de personnes sont courantes. Adrien de La Morlière entend ainsi distinguer saint Saulve d’Amiens et celui d’Albi 77. Launoy comme Sirmond constatent que les martyrologes anciens distinguaient deux Denis, l’Aréopagite et Denis de Paris. Il faut donc les honorer distinctement. D’autant que ces confusions produisent des incohérences chronologiques entre les églises, voire au sein d’une même église. Enfin, beaucoup sont persuadés que la meilleure preuve de l’antiquité des églises c’est la présence de martyrs. Mais qu’advient-il lorsqu’une église qui prétend naître aux temps des persécutions n’a pas d’évêque martyr ? Dom Toussaint Du Plessis est enclin à faire naître l’église meldoise au ive siècle car elle ne compte aucun protoévêque martyrisé. Mieux vaut avoir été fondé tardivement, que de prétendre 75. G. de La Croix, Histoire… cité n. 23, p. 45-47. 76. « Primus traditionem de septem episcopis a S Fabiano missis in Gallias obtenebrare visus est Hilduinus abbas S. Dionysii » : J. de Maan, Sancta et metropolitana ecclesia Turonensis…, Tours, 1667. Voir la préface au lecteur. 77. A. de la Morlière, Catalogue des évêques d’Amiens, Amiens, s. d. [1622], p. 14.
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l’avoir été précocement sans le baptême consécrateur du sang du martyre. Au Mans, Antoine Le Corvaisier de Courteilles constate aussi que son église ne compte aucun prélat martyr ce qui le prédispose à ne pas croire que saint Julien soit un évêque du ier siècle. Nous ne pouvons ici développer la querelle sur les origines de la fondation des églises, qui fera l’objet d’une autre communication. La critique tend à avoir retardé la naissance de nombreuses églises à la suite de la controverse matricielle sur la mission de Denis, l’apôtre des Gaules, que nous avons récemment décortiquée. Nombre d’auteurs sont animés par un souci de piété, qui a besoin de la vérité, non du mensonge. De ces débats entre critiques est ressortie l’idée que cette discipline ébranlait tout, dénichait les saints du calendrier, traquait les faux évêques, raccourcissait la longévité de la plupart des églises gallicanes. Que la critique était surtout capable de détecter du faux plutôt que de dire le vrai. Charles Rapine estime dès 1636 que la liste des évêques de Châlons-enChampagne ne compte pas quatre-vingt-onze prélats, mais seulement quatrevingt-six. Belzunce affirme avoir retranché certains évêques de Marseille, et Nicolas Roussel récuse les noms de huit évêques docteurs que Wassebourg avait ajoutés à la liste épiscopale de Verdun. À Troyes, Pierre Pithou compte quatre-vingt-deux évêques depuis Amator jusqu’à Louis de Lorraine, alors que la Nova Gallia n’en dénombre que quatre-vingt. À Carcassonne, Gérard de Vic compte en 1667 quatre-vingt-six évêques jusqu’à Louis Nogaret de la Valette, sans compter ceux qu’il a rangés dans une liste à part parce que « nullo tempore quo vixerint indicantur » par les martyrologes. Mais la Nova Gallia n’en dénombre que soixante-quatorze. Pourtant, si l’on s’essaie à un bilan global, il me semble que le critique a plutôt exhumé de l’oubli des prélats inconnus et donc souligné la continuité, même si elle a diminué l’antiquité. La critique déniche de vrais évêques et pas seulement des faux. Le temps qui passe dévoile une meilleure connaissance de la vérité qui progresse et qui exhume le souvenir disparu de prélats. À Nevers, lors de la translation des reliques de saint Arigle, l’évêque Arnaud Sorbin a demandé à Michel Cotignon d’écrire la vie de celui-ci. Ce faisant, ce chanoine a découvert qu’Arigle vivait avant saint Aéé et trouve même onze évêques avant ce dernier, « lequel toutefois on tenait pour le premier évêque ». Fort de cette découverte, le bréviaire est modifié et Cotignon intervient auprès de Robert Pomeurel, gendre de Guy Coquille pour que le catalogue inséré dans l’histoire du Nivernais de ce dernier soit corrigé, « tant pour l’honneur de ce diocèse que de l’auteur ». À Bellay, Samuel Guichenon compte quatre-vingts évêques depuis saint Audax jusqu’à Jean V de Passelaigue. La Nova Gallia en compte quatre-vingt-deux. Certes les mauristes ont déplacé un Hippolyte ou
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un Étienne II, vingt-troisième chez Guichenon et vingt-septième dans la Gallia ; ils ont supprimé Florentinus, mais ils ont rajouté au trente-septième rang un Amicus. La Gallia a corrigé, identifié des évêques que Guichenon avait numérotés mais laissés en blanc et elle livre au bout du compte une série plus riche et plus complète. À Châlons-en-Champagne, la Gallia ne croit plus que saint Memje soit du ier siècle, mais elle maintient quatre-vingt-six évêques entre lui et Henry Clausse, comme Charles Rapine en 1625. Le tableau qui suit montre l’enrichissement des séries épiscopales par la critique. Nombre d’évêques dans les listes : diocèse
série du premier jusqu’à…
auteur
Angoulême Verdun Bellay Bordeaux Angers Aix Arles Auch Bourges Lyon Paris Reims Rouen Sens Tours Besançon Vienne Metz Périgueux
1567 W. de Dampmartin Jean Passelaigue A. Prévost de Sansac G. Fouquet de la Var. Paul Hurault G. du Laurens L. de Trappes A. Fremyot D. de Marquemont J.-F. de Gondi Louis de Lorraine F. de Harlay O. de Bellegarde B. d’Eschaud F. de Rie J. de Villars H. de Bourbon F. de La Béraudière
La Charlony Wassebourg Guichenon Lurbe Hiret Cl. Robert Idem Idem Idem Idem Idem Idem Idem Idem Idem Idem Idem Meurisse J. Dupuy
nombre
Nova Gallia
63 80 80 51 73 55 90 86 98 113 108 87 86 106 103 87 106 88 56
71 82 82 66 74 59 95 87 98 113 111 86 86 109 107 92 102 89 74
Les listes épiscopales ont été rédigées par des ecclésiastiques, souvent des chanoines, soucieux d’épauler l’action pastorale par le modèle des anciens prélats et de réfuter l’hérésie en nourrissant l’apologétique catholique de preuves illustrant la continuité et l’antiquité de la doctrine catholique. L’Église possède de manière ininterrompue, visible et invariable la vérité, face à la nouveauté et aux variations des protestants. L’écriture de la vie des évêques est aussi après les guerres de religion une recharge mémorielle qui entend suppléer à l’iconoclasme. La mise en œuvre de la réforme tridentine et romaine en
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France favorise donc la croissance du genre dans la première moitié du xviie siècle. Pourtant, nombre de diocèses traversés par des frontières de catholicité ont été très mal dotés en publication de listes épiscopales. En outre le genre est loin de toujours relever de l’affrontement confessionnel et s’inscrit beaucoup plus manifestement et durablement dans la recherche historique qui vise à nourrir la gloire et la connaissance historique d’une ville, d’un diocèse, d’une patrie ou d’une province.
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Annexe Listes épiscopales consultées Albert (Antoine), Histoire géographique, naturelle, ecclésiastique et civile du diocèse d’Embrun, s.l., 1783. Andoque (Pierre), Catalogue des évêques de Béziers, Béziers, 1650. Antelmy ( Joseph), De initiis ecclesiae Forojuliensis dissertatio, Aix, 1680. Antelmy (Nicolas et Pierre), Praesulum Forojuliensium nomenclatura chronologia, s.l.n.d. (vers 1674). Baluze (Étienne), Historiae Tutelensis libri tres, Paris, 1717. Bartel (Simon), Historia et chronologia praesulum sanctae Regiensis ecclesiae nomenclatura, Aix, 1636. Belzunce (Henri François-Xavier de), L’Antiquité de l’église de Marseille et la succession de ses évêques, Marseille, 1742. Benoît (Père), voir Picart. Besly ( Jean), Évêques de Poitiers avec les preuves…, Paris, 1647. Bondonnet ( Jean), Les vies des évêques du Mans restituées et corrigées…, Paris, 1651. Borel (Pierre), Les antiquités de Castres, Castres, 1649. Bouges (Thomas Augustin), Histoire ecclésiastique et civile de la ville et diocèse de Carcassonne, Paris, 1741. Bounin ( Jean), Antiquitates urbis et ecclesiae Lucionensis, Fontenay-le-Comte, 1661. Bry (Gilles), Histoire des pays et comté du Perche et duché d’Alençon, Paris, 1620. Camusat (Nicolas), Promptuarium sacrarum antiquitatum Tricassinae diocesis…, Troyes, 1610. Catel (Guillaume), Mémoire de l’histoire du Languedoc, Toulouse, 1633. Catellan ( Jean de), Les antiquitéz de l’église de Valence pour l’instruction et l’édification du clergé de son diocèse, Valence, 1724. Champier (Symphorien), Le recueil ou croniques des hystoires des royaulmes d’Austrasie ou France orientale…, Nancy, 1510. Chenu ( Jean), Chronologia historica patriarcharum archiepiscoporum Bituricensium, Paris, 1603. —, Archiepiscoporum et episcoporum Galliae chronologica historia, Paris, 1621.
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Columbi ( Jean), De rebus gestis Valentinorum et Diensium episcoporum, Lyon, 1638. —, De rebus gestis episcoporum Vivarienium, Lyon, 1651 —, De rebus gestis episcoporum Vasonensium, Lyon, 1656. Compaigne (Bertrand), Chronique de la ville et diocèse d’Acqz, Orthez, 1657. —, Chronique de la ville et diocèse de Bayonne, Paris, 1663. Corrozet (Gilles), Les antiquites croniques et singularités de Paris augmentées par Nicolas Bonfons, Paris, 1581. Cotignon (Michel), Catalogue historial des évesques de Nevers, Paris, 1616. Dadré ( Jean), Chronologie historiale des archevêques de Rouen, Rouen, 1618. Degrefeuille (Charles), Histoire de la ville de Montpellier seconde partie contenant l’histoire de son église, Montpellier, 1739. Doremet ( Jacques), De l’antiquité d’Aleth, s.l., 1628. (réédition à Rennes en 1894) Dormay (Claude), Histoire de la ville de Soissons et de ses rois, ducs, comtes, avec une suite des évêques et un abbrégé de leurs actions, Soissons, 1663. Drouet de Maupertuy ( Jean-Baptiste), L’histoire de la sainte église de Vienne contenant la vie des 106 archevêques, Lyon, 1708. Du Paz (Augustin), Histoire généalogique de plusieurs maisons illustres de Bretagne, enrichie des armes et blasons d’icelles, de divers fondations d’abbayes avec l’histoire chronologique des évêques de tous les diocèses de Bretagne, Paris, 1620. Du Plessis (Toussaint), Histoire de l’église de Meaux, Paris, 1731. Dupuy ( Jean), L’estat de l’église du Périgord, Périgueux, 1629. Farin (François), Histoire de la ville de Rouen, Rouen 1738 (1re édition 1668). Flodoard, Historiae Remensis ecclesiae libri IV cum scholiis edite opera et studio Georgii Colvenerii… et catalogus omnium archiepiscoporum Remensium, Douai, 1617. Gariel (Pierre), Series praesulum Magalonensium et Monspeliensium ab anno 451 ad 1665, Toulouse, 1665. Gassendi (Pierre), Notitia ecclesiae Diniensis, Paris, 1654. Gazet (Guillaume), L’ordre et suite des archevêques de Cambray, Arras, 1597. —, L’ordre et suite des évêques d’Arras, Arras, 1604. Girardin ( Jacques-Félix), Histoire de la ville et de l’église de Frejus, Paris, 1729
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Gissey (Odon de), Discours historique de la très ancienne dévotion de NotreDame du Puy ensenmble plusieurs belles remarques tant des évêques du Velay que d’autres, Toulouse, 1627. Gautherot (Denis), L’Anastase de Lengres tirée du tombeau de son antiquité, Langres, 1649. Guichenon (Samuel), Episcoporum Bellicensium qui et nomini temporales civitatis Bellicii et principes sunt chronographica series, Paris, 1642. Guyon (Symphorien), Notitia sanctorum ecclesia Aureliensis et historia chronologia episcoporum eiusdem ecclesiae, Orléans, 1637. —, Histoire de l’église et diocèse d’Orléans, Orléans, 1647. Hermant ( Jean), Histoire du diocèse de Bayeux…, Caen, 1705. Hiret ( Jean), Les antiquitéz d’Anjou, Angers, 1618. Jaulnay (Charles), La vie et miracle de saint Rieul avec une histoire des choses plus remarquables arrivées depuis plus de 1500 ans sous l’épiscopat de chacun des évêques au nombre de 88, Paris, 1642. La Charlony (Gabriel de), Engolimenses episcopi, Angoulême, 1597. La Croix (Guillaume de), Series et acta episcoporum Cadurcensium…, Cahors, 1617 (trad. : Histoire des évêques de Cahors, Cahors, 1878). La Morlière (Adrien de), Catalogue des évêques d’Amiens, Amiens, s.d. La Mure ( Jean-Marie de), Histoire ecclésiastique du diocèse de Lyon traictée par la suite chronologique des vies des archevêques, Lyon, 1671. Le Brasseur (Pierre), Histoire civile et ecclésiastique du comté d’Évreux, Paris, 1722. Le Corvaisier de Courteilles (Antoine), Histoire des évêques du Mans et de ce qui s’est passé de plus mémorable dans le diocèse durant leur pontificat, Paris, 1648. Le Grand (Albert), La vie, geste, mort et miracles des saincts de la Bretagne armorique ensemble un ample catalogue chronologique des évêques des neuf évêchés d’icelle, Nantes, 1637. Le Jau ( Jean), Series episcoporum Ebroicensium, Évreux, 1627. Le Lièvre ( Jean), Histoire de l’antiquité et saincteté de la cité de Vienne, Vienne, 1625. Le Long (Nicolas), Histoire ecclésiastique et civile du diocèse de Laon et de tout le pays contenu entre l’Oise, la Meuse, l’Aisne et la Sambre, Chalons, 1783. Le Vasseur ( Jacques), Annales de l’église cathédrale de Noyon profitable aux pieux et devots et à tout curieux d’antiquité, Paris, 1633. Loisel (Antoine), Mémoires des pays, villes, comté et comtes évesché et évesques de Beauvais, Paris, 1617.
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Louvet (Pierre), Histoire et antiquitéz du diocèse de Beauvais, Beauvais, 1635. Lurbe (Gabriel de), Chronique bourdeloise, Bordeaux, 1594. Maan ( Jean de), Sancta et metropolitana ecclesia Turonensis sacrorum pontificum suorum ornata virtutibus et sanctissimis conciliorum institutis decorata, Tours, 1667. Mangin (Abbé de), Histoire ecclésiastique, et civile, politique, littéraire et topographique du diocèse de Langres et de celui de Dijon, Paris, 1776. Marteau de Saint-Gatien (Martin), Le paradis délicieux de la Touraine, Paris, 1661. Mathoud (Hugues), Catalogus archiepiscoporum Senonensium ad fontes historiae noviter accuratus, Paris, 1688. Meurisse (Martin), Histoire des évêques de l’église de Metz, Metz, 1634. Nicole ( Julien), Histoire chronologique des évêques et du gouvernement ecclésiastique et politique du diocèse d’Avranches, Rennes, 1669, Perri (Claude), Histoire civile et ecclésiastique ancienne et moderne de la ville de Chalon sur Saône, Chalon, 1659. Picart (Gilles : Père Benoît), Histoire ecclésiastique et politique de la ville et du diocèse de Toul, Toul, 1707. Pithou (Pierre), Coustumes du bailliage de Troyes avec le recueil des évêques de Troyes, comtes de Champagne, Paris, 1629. Plantavit de La Pause ( Jean), Chronologia praesulum Lodovensium, Aramont, 1634. Rapine (Charles), Discours de la vie, mort et miracle de saint Memje avec un catalogue des évêques qui lui ont succédé, Châlons, 1625. —, Annales ecclésiastiques du diocèse de Chaalons en Champagne, Paris, 1636. Robert (Claude), Gallia christiana, Paris, 1626. Rouault (Laurent), Abbrégé de la vie des évêques de Coutances, Paris, 1732. Roussel (Nicolas), Histoire ecclésiastique et civile de Verdun, Paris, 1745. Ruffelet (Christophe-Michel), Annales briochines ou abrégé chronologique de l’histoire ecclésiastique civile et littéraire du diocèse de Saint-Brieuc, SaintBrieuc, 1771. Savaron ( Jean), Les origines de Clermont ville capitale d’Auvergne, Clermont, 1607. Saxius (Pierre), Pontificium Arelatense, Aix, 1629. Severt ( Jacques), Chronologia historica successionis hierarchicae illustrissimorum archiantistitum Lugdunensis archiepiscopatus Galliarum primatus, Lyon, 1627.
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Taillepied (Noël), Recueil des antiquités et singularités de la ville de Rouen, Rouen, 1587. Taveau ( Jacques), Senonensium archiepiscoporum vitae actusque variis e locis collecti, Sens, 1608. Thaumas de la Thaumassière (Gaspard), Histoire de Berry, Bourges, 1689. Travers (Nicolas), Histoire abrégée des évêques de Nantes, dans Continuation des mémoires de littérature et d’histoire, VII-1, Paris, 1729. Trigan (Charles), Histoire ecclésiastique de la province de Normandie, Caen, 1759-1761. Il arrête ses listes au xiie siècle. Vic (Gérard de), Chronicon historicum episcoporum ac rerum memorabilium ecclesiae Carcassonis, Carcassonne, 1667. Wassebourg (Richard de), Premier et second volume des antiquités de la Gaule Belgique… extraites sous les vies des évêques de Verdun, Paris, 1549. Listes épiscopales repérées mais non consultées (siège, auteur, année) Vienne (Villars, 1598), Orléans (Rouillard, 1609), Vienne (Du Bois, 1609), Orléans (La Saussaye, 1615), Besançon (Chifflet, 1618), Nantes (Charron, 1618), Tulle (La Tour, 1636), Orléans (Guyon, 1647), Tours (Cherreau, 1654), Marseille (Guesnay, 1657), Nice ( Joffredi, 1658), Avignon (Noguier, 1659), Gap (Columbi, 1663), Cahors (Vidal, 1664), Lyon (Saint Aubin, 1666), Reims (Marlot, 1666), Orléans (Meusnier, 1667), Bordeaux (Lopez, 1668), Langres (Mangin, 1675), Aix (Louvet, 1676), Le Puy (Théodore, 1671), Rodez (Binard, 1680), Apt (Marmet, 1685), Autun (Saulnier, 1686), Arles (Du Port, 1690), Paris (Dubois, 1690), Toul (Riguet, 1701), Toul (Benoist, 1707), Saint-Paul (Boyer, 1710), Rouen (Bessin, 1717), Riez (Salomet, 1728), Paris (Grandcolas, 1728), Metz-Toul-Verdun (Calmet, 1728), Vaison (Boyer, 1731), Nimes (Ménard, 1737), Auxerre (Lebeuf, 1745), Auch (Brugelle, 1746), Nîmes (Ménard, 1750), Besançon (Dunod, 1750), Toulouse (Raynal, 1759), Vienne (Charvet, 1771).
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L’histoire des évêques saisie par l’érudition (xviie-xviiie siècles) Olivier Poncet
Si le xviie siècle ne marque pas l’irruption de l’érudition dans les ouvrages d’histoire, il en consacre tout du moins l’usage régulier, quoique non exclusif1. En France, les historiographes du roi avaient montré la voie et étaient parvenus à imposer une méthode générale de citation et de constitution de corpus de preuves. André Duchesne, les frères de Sainte-Marthe, Théodore Godefroy ou Pierre Dupuy et leurs épigones avaient démontré tout au long de leurs ouvrages généalogiques ou historiques la valeur fondamentale des pièces originales pour appuyer une démonstration et emporter l’adhésion de leurs lecteurs2. Ce mouvement historiographique, paradoxalement plus vivace du
1. Ch. Grell et J.-M. Dufays (éd.), Pratiques et concepts de l’histoire en Europe, xvie-xviiie siècle (…), Paris, 1990 (Mythes, critique et histoire, 4) ; B. Neveu, Érudition et religion aux xviie et xviiie siècles, Paris, 1994. 2. Ces historiographes sont encore trop méconnus. Pour leurs méthodes de travail, voir E. Bury, Le « Père de l’histoire de France » : André Duchesne (1584-1640), dans S. Guellouz (dir.), L’histoire au xviie siècle, numéro spécial de Littératures classiques, 30, 1997, p. 121-131 ; Id., La tradition gallicane : les historiographes et l’érudition en France (fin xvie-milieu xviie siècle), dans Ch. Grell (dir.), Les historiographes en Europe de la fin du Moyen Âge à la Révolution, Paris, 2006 (Mythes, critique et histoire, [13]), p. 313-323. Je me permets de renvoyer aussi à O. Poncet, L’usage des chartriers seigneuriaux par les érudits et généalogistes en France dans la première moitié du xviie siècle, dans Ph. Contamine et L. Vissière (éd.), Les chartriers laïcs, xiie-xxie siècle, à paraître dans la collection de la Société de l’histoire de France, et, du même, La « Gallia christiana » des frères de Sainte-Marthe : une entreprise gallicane ?, dans F. Gabriel et S. de Franceschi (éd.), Références et modèles dans la culture gallicane : droit, théologie, histoire, dans Archives des sciences sociales des religions. Sur ces personnages, on pourra consulter O. Ranum, Artisans of Glory : writers and historical thought in seventeenth-century France, Chapel Hill, 1980 ; F. Fossier, À propos du titre d’historiographe sous l’Ancien Régime, dans Revue d’histoire moderne et contemporaine, 32, 1985, p. 361-417 ; O. Ranum, Historiographes, historiographie et monarchie en France au xviie siècle, dans Y.-M. Bercé et Ph. Contamine (éd.), Histoire de France, historiens de la France. Actes du colloque international, Reims, 14 et 15 mai 1993, Paris, 1994, p. 149-163 ; Ch. Grell, Les historiographes en France, xvie-xviie siècles, dans Ead. (dir.), Les historiographes en Europe…, p. 127-156.
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règne de Louis XIII jusqu’à la Régence qu’au cours de la seconde moitié du xviiie siècle3, a touché à des titres divers la composition des vies d’évêques. L’écriture de ces vies s’inscrivait d’abord dans un contexte de controverse, entre catholiques et protestants et principalement entre catholiques, afin de prouver une antériorité toujours discutée entre différents sièges épiscopaux4. Elles visaient aussi plus largement à exalter la petite patrie définie par l’espace diocésain et à enrichir la gloire de l’évêque vivant par l’évocation des hauts faits, voire de la sainteté, sur le siège épiscopal5. La voie de l’érudition, d’une certaine manière relativement peu utilisée jusqu’alors, fut diversement empruntée par des auteurs dont l’ambition hésitait entre l’ouvrage d’histoire et la publication polémique. Afin d’appréhender clairement et justement ce mouvement d’études historiques, il conviendrait de prendre en compte l’ensemble de la production manuscrite de l’époque, simples listes, recueils de sources et de notes, ébauches d’ouvrages ou manuscrits achevés n’ayant jamais trouvé la voie de l’imprimerie. Le maintien de la circulation de copies manuscrites dans les deux derniers siècles de l’époque moderne a été beaucoup plus vivace qu’on ne l’a dit parfois. Les bibliothèques, particulièrement municipales, abritent ainsi bien souvent des récits de vies épiscopales demeurées autographes ou simplement copiées par un continuateur ou un amateur d’histoire locale6, avant parfois qu’un 3. Ch. Grell, L’histoire entre érudition et philosophie. Étude sur la connaissance historique à l’âge des Lumières, Paris, 1993. M. Fumaroli et Ch. Grell (dir.), Historiographie de la France et mémoire du royaume au xviiie siècle, Paris, 2006 (Bibliothèque d’histoire moderne et contemporaine, 18). 4. Sur cette réaction qui s’appuie sur le culte des saints, déjà ponctuellement à l’honneur au Moyen Âge, cf. A. Vauchez, Le culte des saints et la construction d’une mémoire historique diocésaine : quelques exemples médiévaux, dans L. Vaccaro (éd.), Storia della Chiesa in Europa, Brescia, 2005 (Quaderni della Gazzada, 25), p. 401-410, on verra : N. Lemaître, Le culte épiscopal et la résistance au protestantisme au xvie siècle, dans G. Chaix (dir.), Le diocèse. Espaces, représentations, pouvoirs. France, xve-xxe siècle, Paris, 2002 (Histoire religieuse de la France, 20), p. 307-327 ; T. Amalou, Une concorde urbaine : Senlis au temps des réformes (vers 1520-vers 1580), Limoges, 2007, part. p. 248 et suiv. Je renvoie aussi de manière générale à la communication de Jean-Marie Le Gall dans ce volume. 5. Sur ce thème de l’exaltation historique de la cité, voir C. Dolan, L’identité urbaine et les histoires locales publiées du xvie au xviiie siècle en France, dans Annales canadiennes d’histoire, 27, 1992, p. 277-298. 6. Par exemple, Auch, BM, ms 72, tome III, « Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique du diocèze d’Auch » par l’abbé Louis Daignan du Sendat, xviiie siècle ; Châlons-enChampagne, BM, ms 250-251, « Mémoires concernant les évêques et la ville de Chaalons » par Fradet, xviiie siècle ; Grenoble, BM, ms 1093, « L’histoire du diocèse de Grenoble, xviie siècle » par Guy Allard ; etc.
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érudit ne se décide au xixe siècle à leur donner une existence éditoriale7. L’accent a délibérément été mis dans la présente étude sur les œuvres imprimées. D’une certaine manière, il s’agit là aussi d’une contribution, certes modeste, à l’histoire du livre à l’âge moderne. Dans un mouvement éditorial plus vaste, quelle a été la place prise par les vies d’évêques, qu’elles soient le moteur principal ou plus secondaire du propos des différents auteurs ? Pour ce faire il importe de comparer des projets aussi similaires que possible dans leur ambition. Les récits de la destinée de tel ou tel prélat, que l’on pourrait qualifier de monographies voire de biographies8, n’ont pas été pris en compte dans cette enquête, volontairement limitée. Par vies d’évêques, on entend ici les vies de prélats saisies dans leur continuité sur un même siège épiscopal et, surtout, qui se donnent comme telles dans le titre des ouvrages où elles sont consignées. N’ont donc pas été retenus un certain nombre de titres qui n’évoquent que des listes ou catalogues sans qu’un terme indique qu’un développement historique suive des indications purement chronologiques liées à la succession épiscopale9. 7. Voir dans ce volume la communication d’Alain Rauwel. 8. Si le terme de « biographe » est déjà employé à la fin du xviie siècle, notons que celui de « biographie » n’apparaît qu’en 1721, dans le Dictionnaire de Trévoux (F. Dosse, Le pari biographique. Écrire une vie, Paris, 2005, p. 8). 9. N’ont ainsi pas été retenus des titres comme : Pierre Louvet, Histoire de la ville de Beauvais et des antiquités du pays de Beauvoisin avec une chronologie des évêques, abbés et abbayes d’icelui, Rouen, Manassez de Preaulx, 1614, in 8° ; Charles de La Saussaye, Annales ecclesiae Aurelianensis saeculis et libris sexdecim, addito tractatu accuratissimo de veritate translationis corporis s. Benedicti ex Italia in Gallias ad monasterium Floriacense dioecesis Aurelianensis, Paris, Jérôme Drouart, 1615, in-4° ; Adrien de La Morlière, Antiquitez et choses plus remarquables de la ville d’Amiens, succinctement traictées, Amiens, Jacques Hubault, 1621, in 8° [2e éd., chez le même 1622, in-8° ; 1624, Amiens et Paris, Claude Cramoisy, sous le titre Antiquités et choses plus remarquables de la ville d’Amiens…, avec le catalogue des évêques d’Amiens, ensemble l’ordre et la suite des anciens majeurs d’Amiens, accompagnez des anciens baillifs, en marge…, in-12°. Autres éd., partielle ou totale, en 1627 et 1642, où les évêques n’apparaissent pas sur la page de titre.] ; Jean Le Jau, Series episcoporum Ebroicensium…, Évreux, Antoine Le Marié, 1622, in-8° ; Charles Rapine, Discours de la vie, mort et miracles de S. Memje, premier évesque et apostre de Chaalons en Champagne, avec un catalogue des évesques qui lui ont succédé en sa chaire jusques a cette année 1625…, Châlons-en-Champagne, Germain Nobily, 1625, deux parties en un vol. in-16 ; Pierre Andoque, Catalogue des évesques de Béziers, Béziers, Jean Martel, 1650, in-4 ; Jean Columbi, Noctes Blancalandanae, opus varium in quo plures Galliarum archiepiscopi et episcopi recensentur… appendix ad noctes Blancalandanas, Lyon, Jacques Canier, 1660-1665, 2 parties en 1 vol. in-4° ; Bertrand de Compaigne, Diptyche ou catalogue des évesques Dacqz [sic], Orthez, Jacques Rouyer, 1661, in-4° ; Thomas Bouges, Histoire ecclésiastique et civile de la ville et diocèse de Carcassonne : avec les pièces justificatives et une notice ancienne et moderne de ce diocèse, Paris, Pierre Gandouin, Pierre Emery, Pierre Piget, 1741,
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Le corpus ainsi constitué rassemble ainsi cinquante-cinq titres, de 1597, date de la publication de L’ordre et suite des evesques et archevesques de Cambray, avec une briefve histoire de leurs faits plus illustres… de Guillaume Cavet, à 1776-1778 lorsque Philippe-André Grandidier fait paraître son Histoire de l’église et des évêques-princes de Strasbourg. La répartition chronologique de ces ouvrages est relativement déséquilibrée. Les deux parties du xviie siècle semblent équivalentes, avec dix-neuf et quinze titres relevés mais il importe de souligner que l’essentiel de la production imprimée se concentre sur les décennies 1633-1664, avec dix-huit titres, soit plus de la moitié pour l’ensemble de la période. Le xviiie siècle marque un lent déclin du genre auprès du public, avec douze titres au cours de la première moitié du siècle et seulement neuf pour la seconde, sans compter qu’aucun titre ne paraît après 1778. La couverture géographique des diocèses est également profondément inégale. Les métropoles sont très bien représentées et souvent les plus anciennement traitées (Cambrai, Bourges, Lyon), bien que les vies des archevêques de Reims n’aient pas donné lieu à une œuvre imprimée majeure et qu’il faille attendre 1775 pour que l’avocat Charpentier se penche sur les prélats parisiens. Si le nord de la France est relativement bien couvert, avec une mention spéciale pour les archevêques et évêques normands (Avranches, 1669 ; Bayeux, 1705 ; Coutances, 1742 ; Rouen : 1618, 1659, 1667), le sud de la France offre une situation contrastée. La richesse du nombre de titres consacrés au Comtat Venaissin et plus largement à la vallée du Rhône et au sud-est de la France – où certains auteurs se font une spécialité de ce genre, comme Jean Columbi ou Louis-Anselme Boyer de Sainte-Marthe – tranche avec la pauvreté de la littérature concernant le sud-ouest ou le centre de la France. De manière générale et en tenant compte des diocèses traités à de multiples reprises (Le Mans, Lyon, Orléans, Rouen) aussi bien que de ceux qui font l’objet de synthèses groupées (la Bretagne manifestement indivisible en entités diocésaines distinctes, 1620, 1637, 1750-1756)10, environ la moitié des diocèses français (dans les limites territoriales de 1791) est représentée dans ce corpus. in-4° ; Jean-François Dreux du Radier, Bibliothèque historique et critique du Poitou, contenant les vies des savants de cette province… une notice de leurs ouvrages… la suite historique et chronologique des comtes héréditaires et celle des évêques de Poitiers…, Paris, 1754, Ganeau, 5 vol. in-12 ; abbé de Mangin, Histoire ecclésiastique et civile, politique, littéraire et topographique du diocèse de Langres et de celui de Dijon, Paris, Bauche, 1765, 3 vol. in-12. 10. A. Du Paz écrit en 1620 qu’il avait le projet (non abouti en réalité) d’écrire « une histoire de l’Église britannique en laquelle j’eusse récité (comme j’espère encore faire) la vie et gestes des saincts et la succession des évesques et prélats de ceste province ».
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Le français est la langue d’expression usuelle des auteurs, à l’exception de certaines dédicaces à des prélats et de certains ouvrages des deux premiers tiers du xviie siècle, comme les trois ouvrages que le jésuite Jean Columbi publie à Lyon entre 1638 et 1656. L’emploi de la langue latine ne dépasse guère en effet la décennie 1650. Jean Bondonnet, dans sa réponse à l’ouvrage de Jean de Launoy en latin à propos de ses vies des évêques du Mans, se croit ainsi obligé de justifier abondamment de l’emploi du français plutôt que du latin : le pacifique bénédictin n’hésite pas à se comparer à un duelliste souffleté et à revendiquer pour lui-même la liberté de l’offensé qui du reste lui permettait de prendre à témoin un plus large public11. François Le Maire fait même de cet abandon un argument commercial, expliquant qu’il avait voulu « revestir d’une robbe françoise » l’ouvrage de La Saussaye pour le rendre plus accessible à tous. Au xviiie siècle, le latin apparaît à ce point incongru que LouisAnselme Boyer, écrivant une histoire des évêques de Vaison en 1731, ne peut laisser imprimer une ode latine de Suarès sans l’accompagner d’une traduction de son cru. Ce trait linguistique semble caractéristique de l’écriture des vies d’évêques français. À l’étranger, principalement aux Pays-Bas espagnols puis autrichiens et dans l’espace germanique, la langue latine résistait bien mieux et plus longtemps12. Ce recul, qui s’inscrit dans un contexte éditorial français 11. Jean Bondonnet, Réfutation des trois dissertations de Me Jean de Launoy, docteur en la sacrée Faculté de théologie de Paris contre les missions apostoliques dans les Gaules au ier siècle, Paris, Jean Piot, 1653, adresse « Au lecteur », non paginé : « Ce livre [celui de Launoy] est en latin, qui est la langue des doctes, auquel néantmoins j’ay respondu en ma langue maternelle, croyant avoir autant de droit de respondre en françois à un livre latin qu’il en a pris de respondre en latin à un livre françois. (…) Aussi les règles du duel veulent que celuy qui fait l’appel donne le choix des armes et les loix du Palais ne souffrent pas que l’on tire le deffendeur du lieu de sa jurisdiction (…). » Mais il se découvre plus loin : « (…) la vraye raison est que mon Livre des vies des évesques du Mans ayant esté leu de plusieurs qui n’entendent pas le latin, il estoit juste que je ne changeasse pas de langue pour leur contentement, me trouvant plus obligé de travailler à leur satisfaction que de suivre les caprices de mon adversaire. Depuis que sa nouvelle opinion périlleuse, dans ses conséquences, a esté proposée ai public sous l’idiome vulgaire, il n’est à propos d’en changer de peur qu’il fust difficile d’apporter le remède au mal qui est desja fait, ou de couper chemin à celuy qui se glisse et ceux qui n’ont jamais salué les muses latines ne pourroient juger si mes raisons seroient meilleures que les siennes sans truchement, ce qui seroit trop importun. » 12. Voir par exemple : Jan Lindeborn, Historia sive notititia episcopatus Daventriensis (…), Cologne, Metelen, 1670 ; Hans Friedrich von Werthern, Historia episcoporum Numburgensium a prima episcopatus ad praesentem statum repetita (…), Iena, [1683] ; Jean-François Foppens, Historia episcopatus Silvaeducensis, continens episcoporum et vicariorum generalium seriem et capitulorum, abbatiarum et monasteriorum fundationes (…), Liège et Bruxelles, Foppens, 1721 ; Cornelis Van Gestel, Historia sacra et profana archiepiscopatus Mechliniensis, sive
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plus large, exclut de facto le genre des vies d’évêques de cette catégorie, faible numériquement (moins de 10 % au xviiie siècle), d’ouvrages de « doctes » qui offrent au latin son meilleur sanctuaire13. Les vies d’évêques s’adressent à un public plus large que le seul clergé, même si la plupart de leurs auteurs sont issus de cet ordre. Dans leur immense majorité, ils sont hommes d’Église. Rares cependant sont les évêques comme Jean Plantavit de La Pause, protestant converti, qui publiait en 1634 une histoire de ses prédécesseurs sur le siège épiscopal de Lodève14. La plupart d’entre eux sont chanoines de l’église cathédrale ou curés du diocèse concerné ; mais on trouve deux jésuites (Odo Gissey et Jean Columbi), un oratorien (Symphorien Guyon), un franciscain (Martin Meurisse), deux dominicains (Augustin Du Paz et Louis-Anselme Boyer de Saint-Marthe), ou encore un carme, Martin Marteau de Saint-Gatien auteur d’un Paradis délicieux de la Touraine. Les moines mauristes font leur apparition en 1667 avec Jean-François Pommeraye et son Histoire des archevêques de Rouen et sont peu représentés jusqu’à l’œuvre maîtresse de Toussaint Du Plessis consacrée à Meaux en 1731. Les quelques laïcs sont eux, le plus souvent, des professionnels de l’écriture d’histoires locales à laquelle ils intègrent une proportion plus ou moins importante d’histoire épiscopale comme François Le Maire, conseiller au présidial d’Orléans, ou Jean Besly, ancien avocat du roi au siège de Fontenay-le-Comte. Quelle que soit la qualité des uns ou des autres, ces auteurs font dans leur majorité le choix d’un imprimeur-libraire local établi dans la cité épiscopale même dont il est question : sans doute le seul suffisamment intéressé par ce genre de publication, il est également le plus à même de diffuser un travail destiné à un public avant tout local. Il arrive que tel auteur préfère publier dans une ville voisine plus importante (forte attractivité de Paris pour Meaux, Nevers, Noyon, Tours ; prédilection de Columbi pour Lyon ; etc.). Lorsque l’orientation du travail s’éloigne du plan local pour toucher de manière polémique à l’universel de l’Église catholique (Le Corvaisier de Courteilles et Bondonnet, pour Le Mans) ou aux débats érudits entre généalogistes (Du Paz et la Bretagne, Besly et Poitiers), l’auteur ou ses descriptio archidiocesis illius (…), La Haye, 1725 ; Johann Friedrich Schannat, Historia episcopatus Wormatiensis, pontificum Romanorum bullis, regum, imperatorum diplomatibus, episcoporum ac principum chartis aliisque pluribus documentis authenticis asserta et illustrata (…), Francfort-sur-le-Main, Varrentrapp, 1734. 13. F. Waquet, Le latin ou l’empire d’un signe (xvie-xxe siècle), Paris, 1998, p. 101 et suiv., chapitre 3, « Savoirs latins », part. p. 109-110. 14. L’exemple de Plantavit de La Pause est encore célébré un siècle plus tard, en 1731, par Louis-Anselme Boyer de Sainte-Marthe (Histoire de l’église cathédrale de Vaison…).
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descendants (le fils de Jean Besly) peuvent être conduits à privilégier la capitale. Le caractère « ecclésiastique » de ces ouvrages tend également à perdre de sa force au fil du temps. La plupart d’entre eux sont dédiés aux prélats du siège concerné, quand ce dernier n’en a pas été tout simplement le commanditaire. Le cardinal de Bissy, évêque de Meaux et abbé de Saint-Germain-desPrés, avait ainsi ordonné à l’un des moines placés sous son obéissance, le mauriste Du Plessis, d’écrire l’histoire de l’église de Meaux où le récit des vies d’évêques prenait une place centrale. Les privilèges d’impression royaux étaient quelquefois doublés de l’approbation de l’autorité ecclésiastique. Deux docteurs de théologie de Paris, chanoine et archidiacres de Soissons, les Pères Du Tour et Moreau, délivraient ainsi en 1663 et 1664, pour chacun de ses deux volumes de l’Histoire de la ville de Soissons une approbation à Claude Dormay, chanoine régulier de Saint-Jean-des-Vignes de Soissons. Jean Hermant, curé de Saint-Pierre de Maltot, recevait pour sa part l’appui de l’abbé Courcier, théologal de Notre-Dame de Paris, en 1704 pour son Histoire du diocèse de Bayeux. Même certains auteurs laïcs recouraient à l’autorisation de l’Église, comme le conseiller au présidial d’Orléans, François Le Maire, qui obtenait en 1645 l’approbation de deux docteurs de Sorbonne pour son Histoire et antiquitez de la ville et duché d’Orléans. Cette tutelle pesante, que s’imposaient en partie les auteurs eux-mêmes, s’assouplit à la longue et le privilège royal devint rapidement suffisant. Jean de Catellan, évêque de Valence mort en 1724, plaidait même pour ne pas avoir à demander un texte spécifique pour ce genre d’ouvrage car il l’assimilait aux textes administratifs ou liturgiques d’un évêque destiné à l’usage de son diocèse dont la parution était couverte par un privilège général15. 15. Cette extension unilatérale lui fut refusée et il dût en passer par la volonté du garde des sceaux Joseph-Jean-Baptiste Fleuriau d’Armenonville (Jean de Catellan, Les antiquités de l’Église de Valence…, Valence, 1724 [1725], « Avis », non paginé : « L’impression de ce livre étant finie sur la fin de l’année dernière 1724, il plût à Dieu peu de tems après de retirer de ce monde le grand évêque qui l’avoit composé et ensuite fait imprimer sous ses yeux et sous sa propre correction, avant que les exemplaires en eussent été fournis en cour, à la forme du privilège qu’il avoit obtenu du roy pour l’impression de tous les ouvrages à l’usage de son diocèse. Après cette grande perte, il en fut envoyé un exemplaire à monseigneur le garde des sceaux qui décida que quoique le nom de l’auteur portât avec soi toute sorte de présomptions favorables pour cet ouvrage, que néanmoins l’impression n’en avoit pû être faite sans une permission expresse de Sa Majesté, comme n’étant pas de la qualité de ceux portez par les privilèges qui sont accordez à messeigneurs les archevêques et évêques pour l’usage de leurs diocèses et fit ordonner à l’imprimeur de n’en faire aucune distribution jusqu’à e que les préalables ordonnez en pareil cas par les règlemens du roy [= examen par un censeur royal]
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Si la taille des ouvrages atteint assez régulièrement 300 ou 400 pages et peut dépasser 700 pages, l’examen de leur format montre qu’après une première période où in-octavos et in-quartos s’équilibraient relativement bien (38 % contre 47 %), la production opte résolument pour l’in-quarto après le mitan du xviie siècle (66 % dans la seconde moitié du xviie siècle, 75 % dans la première moitié du xviiie siècle), avant de retomber à 44 % dans le dernier demi-siècle de l’Ancien Régime. L’in-folio ne s’est presque jamais imposé, pas plus que l’édition en in-12. De ces quelques éléments matériels et linguistiques ressort l’image d’une production de qualité16, savante sans être limitée à un public étroit et élitiste et qui vise une diffusion assez large en dépit du refus de céder aux formats les moins onéreux. Il reste à la confronter à l’examen du contenu et de l’ambition affichée de ces ouvrages. La motivation de l’écriture des vies d’évêques est généralement lisible dans les avis au lecteur ou dans les dédicaces que les auteurs font de leur ouvrage à un personnage tour à tour, et parfois concomitamment, commanditaire, financier, protecteur avéré ou recherché. Parmi ceux-ci, les évêques occupent naturellement une place remarquable et majoritaire, que la réforme tridentine a rendue encore plus logique que par le passé17. Bien peu d’auteurs font référence à des prescriptions générales. Le mauriste Jean-François Pommeraye évoque ainsi l’Épître aux Hébreux18 de saint Paul. Un seul auteur, semble-t-il, Jean Hermant, qui publiait en 1705 une Histoire du diocèse de Bayeux, songeait à rappeler dans sa dédicace à l’évêque François de Nesmond, avec la lettre de saint Paul, l’impératif borroméen d’une écriture des vies de saints évêques : Vous avez suivi en cela, comme en bien d’autres choses, le conseil que le grand saint Charles Borromée, archevêque de Milan, donnoit à ses suffragans dans
eussent été remplis et qu’il fût expédié en conséquence un nouveau privilège de Sa Majesté ». 16. Par rapport aux développements généraux de la production éditoriale française : H.-J. Martin, (Livre, pouvoirs et société à Paris au xviie siècle (1598-1701), Paris, 1969, 2 vol. [Histoire et civilisation du livre, 3], II, p. 598) note ainsi que le second tiers du xviie siècle voit le succès grandissant des petits formats à Paris. 17. La mémoire de l’évêque décédé avant d’avoir vu paraître l’œuvre désirée, est au besoin évoquée : voir ainsi la préface de Louis-Anselme Boyer de Sainte-Marthe, Histoire de l’église cathédrale de Vaison…, Avignon, Marc Chave, 1731. 18. J.-F. Pommeraye, Histoire des archevesques de Rouen…, Rouen, 1667 : « (…) en cela je n’ay fait qu’exécuter le précepte de l’Apostre (Heb., 13.7), qui ordonne aux fidelles de conserver soigneusement la mémoire des prélats qui leur ont annoncé les heureuses nouvelles de l’Évangile (…). L’Épître aux Hébreux 13, 7 dit ceci : « Souvenez-vous de vos chefs, eux qui vous ont fait entendre la parole de Dieu, et, considérant l’issue de leur carrière, imitez leur foi ».
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son cinquième concile provincial, de ramasser les actes et d’écrire avec soin, ainsi qu’il s’étoit pratiqué dès la naissance de l’Église, la vie des évesques qui les avoient précédez dans leurs sièges afin d’an conserver la mémoire aux siècles à venir et que leurs belles actions et leurs éclatantes vertus leur fussent et à leurs peuples comme des modèles sur lesquels ils devoient régler leur conduite et leurs mœurs.
Le lien avec l’actualité politique est sensible dans certains ouvrages du règne de Louis XIII. Le franciscain Martin Meurisse laissait ainsi éclater sa francophilie dans son Histoire des évesques de Metz publiée en 1634, un an après l’occupation du duché de Lorraine par la France19. Dans une autre optique, la même année, l’évêque Plantavit de La Pause choisit Richelieu luimême pour lui dédicacer son ouvrage dédié aux évêques de Mende. Ce même Plantavit de La Pause est du reste l’un des rares à dresser la liste des ouvrages et des auteurs qui poursuivent le même but que lui et qui ont été publiés depuis le début du xviie siècle. Enfin, quelques ouvrages, une franche minorité, entendent compléter ou critiquer un ouvrage précédemment publié. Ces rares « écrits de crise » ou vecteurs de revendications comme l’avait été en son temps le Liber pontificalis, interviennent principalement dans le second tiers du xviie siècle, qui correspond à une véritable (re)naissance du genre. Le diocèse d’Orléans bénéficia ainsi de trois mises au point successives en une trentaine d’années, entre 1615 et 164820. Le débat le plus vif eut cependant lieu à propos de l’histoire des évêques du Mans qui s’inscrivait dans une polémique plus large autour de l’apostolat des Gaules et qui vit le bénédictin Bondonnet enchaîner les réponses polémiques apportées à ses détracteurs21. La question de la prééminence de certains apôtres sur d’autres et de l’existence de certains saints fut encore à l’origine d’une mise au point sur saint Austremoine et les évêques de Clermont, clairement dirigé en 1688 par le chanoine de Clermont, Jean Dufraisse, contre les prétentions des partisans limousins de saint Martial. Au xviiie siècle encore, les doutes émis par les protestants à l’endroit de la succession apostolique trouvaient encore leurs contradicteurs : l’évêque de Valence lui-même, Jean de Catellan, corrigeait ainsi vertement en 1724 le ministre Basnage qui avait osé douter de l’existence de l’origine d’un évêque de Valence aux premiers temps de l’Église. 19. Voir la communication d’Arnaud Hari dans ce volume. 20. En y incluant l’ouvrage de Charles de La Saussaye, paru en 1615 : cf. plus haut note 9. 21. Voir dans ce volume la communication de Jean-Marie Le Gall et, du même, Le mythe de Saint-Denis, entre Renaissance et Révolution, Seyssel, 2007.
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En règle générale, les ouvrages ici retenus font une place évidente aux évêques d’un même siège. Toutefois, celle-ci est très variable, de l’écrit spécifiquement et exclusivement dédié aux vies des évêques jusqu’au récit historique assis sur la succession épiscopale à un siège diocésain. Une mutation décisive a lieu lorsque, au tournant des xviie et xviiie siècles, à l’histoire des évêques de telle ou telle ville ou de telle province ecclésiastique succède l’histoire d’une église cathédrale. Cette logique géographique, qui rejoignait l’approche des laïcs du premier xviie siècle, s’impose chez les auteurs ecclésiastiques du xviiie siècle, comme si la parenthèse ouverte au Grand Siècle, dans un contexte d’exaltation épiscopale, se refermait doucement mais sûrement. Elle valorise le siège de l’action épiscopale au détriment de l’individu qui l’incarne, mais ne va pas toutefois jusqu’à minorer la succession apostolique au point de la limiter dans les frontières de la circonscription diocésaine. Peu sont nombreux sont les auteurs à publier une histoire de diocèse bâtie autour des vies des évêques qui les ont dirigés, comme Jean-Marie de La Mure et Jean Hermant qui ont publié, respectivement en 1671 et 1705, une Histoire ecclésiastique du diocèse de Lyon et une Histoire du diocèse de Bayeux22. Cette dépersonnalisation au profit d’une identification immobilière (cathédrale), voire administrative (diocèse), de l’histoire épiscopale devenue histoire territoriale accompagne les conquêtes d’une histoire critique, où l’histoire-chronique ou annalistique héritée du Moyen Âge cède le pas à une construction historique où la multiplicité des sources mobilisées aide à construire un faisceau de vérités23. 22. Jean Hermant, Histoire du diocèse de Bayeux (…), Caen, Pierre Doublet, 1705, préface : « Le lecteur voit aisément par le titre que j’ay mis à la tête de ce livre, ce que renferme cette première partie. On eût souhaitté qu’elle eût contenu tout l’ouvrage, mais la chose n’ayant pu s’exécuter de peur de faire un volume trop gros et trop incommode, il a fallu faire plusieurs parties ; celle qui suivra cette première contiendra l’histoire des abbayes et des prieurez et une notice générale de tous les bénéfices du diocèse, avec ce qu’il y aura de plus digne de remarque dans tous les lieux dont nous parlerons et la troisième donnera à l’histoire des villes et des bourgs considérables du mesme diocèse, avec les fondations des ordres et maisons religieuses qui y sont établies. » Le manuscrit autographe de Hermant (partie imprimée et partie inédite) est mentionné dans le catalogue de la bibliothèque de Bayeux, ms 297. 23. L’approche spatiale du gouvernement épiscopal est perceptible à travers le développement d’une géographie ecclésiastique (F. de Dainville, Cartes anciennes de l’Église de France : historique, répertoire, guide d’usage, Paris, 1956 [Bibliothèque de la Société d’histoire ecclésiastique de la France]), qui gagne la hiérarchie ecclésiastique lorsqu’il s’agit, par exemple, d’aborder la question d’une nouvelle création de diocèse (O. Poncet, La cour de Rome et les créations de diocèses au xviie siècle : l’exemple du diocèse de Blois (1693-1697), dans G. Chaix (dir.), Le diocèse… cité n. 4, p. 47-66, part. p. 59). De manière générale, sur une nouvelle tournure d’esprit plus « géographique » des élites du pouvoir à l’âge moderne, voir les réflexions d’A. Guer-
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Sur la longue durée, le mouvement n’est pas uniforme, les changements sont parfois insensibles ou effectués à contre-courant et il n’y pas de disqualification définitive d’une approche plus traditionnelle. Des formes d’écriture que l’on peut qualifier de « rhétorique » coexistent avec les témoignages d’une érudition de bon aloi. Jusque vers les années 1670, l’apologétique paraît être la seule ligne de conduite acceptable pour certains auteurs, qui n’hésitent pas d’ailleurs, comme Jean Plantavit de La Pause dans une notice qu’il se consacre à lui-même en 1634, à se décerner de véritables panégyriques24. Mais le sentiment hagiographique et la défense du catholicisme ne sont jamais très loin non plus lorsque l’on se penche sur les travaux des auteurs ecclésiastiques, même parfaitement respectueux des enseignements de l’érudition critique, comme par exemple le chanoine de Montbrison Jean-Marie de La Mure. La position du mauriste Dom Pommeraye sur la querelle du pseudo Denys est à cet égard exemplaire de ces situations inclassables. Soucieux de ne pas heurter sa hiérarchie, il se range (manifestement sans enthousiasme) à la tradition de l’Église, à la suite de Baronius et de son archevêque (François Harlay de Champvallon), mais il informe « le lecteur curieux » de l’existence des critiques de Sirmond et de Launoy sur la personnalité de l’Aréopagite et le renvoie à leurs écrits « afin reau, Quelques caractères spécifiques de l’espace féodal européen, dans N. Bulst, R. Descimon et A. Guerreau (éd.), L’État ou le roi. Les fondations de la modernité monarchique en France (xive-xviie siècle), Paris, 1996, p. 85-101, part. p. 96 : « Il est décisif de saisir que la notion de hiérarchie, fondamentalement ecclésiastique, mettait en jeu dans un même mouvement une relation de “pouvoir” et une relation d’essence spatiale : preuve de plus de l’inséparabilité de l’aspect social et de l’aspect spatial des structures de base du système féodal européen. Il ne pouvait y avoir dans ce cadre de “pouvoir” qui ne fût en même temps, intrinsèquement, relation spatiale ». Il demeure que les modalités chronologiques de ce rapport à l’espace au sein de la hiérarchie ecclésiastique mériteraient d’être approfondies. La passion, voire la « conversion » géographique du bénédictin Nicolas Le Long, à la fin du xviiie siècle, sont à verser au dossier de cette évolution (Histoire ecclésiastique et civile du diocèse de Laon et de tout le pays contenu entre l’Oise et la Meuse, l’Aisne et la Sambre…, Châlons-en-Champagne, Seneuze, 1783). Celui qui avait d’abord eu pour « unique but » « l’histoire du diocèse de Laon » avait dilaté son propos aux contrées environnantes et déclarait : « Rien de plus naturel et de plus intéressant que l’exacte connoissance des lieux que nous habitons. Les histoires particulières ont toujours été regardées comme l’école du citoyen ; c’est là qu’il puise l’instruction la plus agréable, la plus claire et la plus efficace : les vertus, les foiblesses des ancêtres présentent un tableau fidel et pathétique, préférable sans doute à un discours didactique sur les devoirs de la vie sociale ». Ne peut-on assimiler, d’une certaine manière et en faisant la part de la rhétorique des années pré-révolutionnaires, les vies des évêques à ce fameux « discours didactique sur les devoirs de la vie sociale » ? 24. Jean Plantavit de La Pause, Chronologia praesulum Lodovensium…, Aramont, aux frais de l’auteur, 1634, p. 406-413.
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d’embrasser le party qui luy agréera davantage ». Leurs homologues laïcs, en revanche, ont le sentiment d’avoir à faire à une histoire spécifique. François Le Maire, par exemple, expliquait, un peu ironiquement du reste, dans sa préface qu’il avait écrit son « tome ecclésiastique » à part de son histoire « civile » de la ville d’Orléans car il n’avait pas souhaité mettre sous les yeux des ecclésiastiques des pages que les règles de l’Église leur interdisaient de lire. La présence d’annexes au corps principal de l’ouvrage est un autre marqueur de cette évolution. Dans la première moitié du xviie siècle, on assortit régulièrement les vies d’évêques d’outils plus « professionnels » comme des pouillés des bénéfices du diocèse ou bien des dissertations historiques comme celle que Odo Gissey consacre en 1620 à la Vierge du Puy. La deuxième moitié du xviie siècle et surtout le xviiie siècle voient s’élargir le spectre des compléments, thématiques, littéraires ou archéologiques, qui viennent enrichir le fil du récit de la succession épiscopale et quelquefois « délasser » le lecteur25. L’extension aux autres bénéfices du diocèse, comme les abbayes, les prieurés et les principales dignités de l’église cathédrale, constituait ainsi un des arguments de l’ouvrage de Jean Hermant consacré au diocèse de Bayeux. L’ouvrage de Jean de Catellan portait en 1724 le titre explicite Les antiquités de l’église de Valence tandis qu’en 1731 Louis-Anselme Boyer faisait suivre son Histoire de l’église cathédrale de Vaison d’une chorographie des principales localités du diocèse, c’est-à-dire de devises ou de courts poèmes latins ou français26. La présentation même de la matière principale, les vies des évêques, varie en revanche assez peu selon les auteurs et l’on serait bien en peine de dégager des tendances affirmées selon les périodes. La suite chronologique constitue l’armature intellectuelle et rhétorique de ces ouvrages, au point qu’il paraît 25. François Farin, dans sa Normandie chrestienne (1659), déclarait ceci : « Je tâche autant qu’il m’est possible de joindre l’utile à l’agréable, c’est pourquoy dans cet ouvrage je fay couler un beau mélange de l’histoire profane, je veux dire des antiquitez de la ville qui délasseront l’esprit du lecteur et qui donneront en mesme temps de l’ornement et de la force à mon discours. » Il publiait ainsi divers textes « archéologiques » tels qu’une « description intérieure de l’église Notre-Dame » (p. 156-170), l’« inventaire général des richesses et ornemens de la sacristie de l’église de Rouen » (p. 170-189) ou les « antiquitez du palais archiépiscopal de Rouen où il est traité de l’origine de toutes les fontaines de ladite ville » (p. 195-205). 26. Voir par exemple la notice dédiée à Gigondas qui donne une bonne idée de ces vers de mirliton (Louis-Anselme Boyer de Sainte-Marthe, Histoire de l’église cathédrale de Vaison…, Avignon, Marc Chave, 1731, deuxième partie, p. 89) : « Tous ceux qui d’un peu loin regardent Gigondas/ Disent d’abord qu’il penche et va tomber en bas./ Ce n’est partout que bois que valons que bocages,/Les antres sont seconds en animaux sauvages./ Le grand prince d’Orange en étoit le seigneur./ Il y passoit le temps en habit de chasseur./ Gigondas vient de là, selon ma conjecture ».
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impossible à certains auteurs d’en concevoir d’autre27. La relation par chapitres constitués par autant d’épiscopats est la règle générale et chacun des prélats est affecté d’un numéro d’ordre qui le rattache à la succession apostolique du diocèse. Lorsque certains auteurs, au xviiie siècle, s’en écartent (Toussaint Du Plessis pour Meaux), c’est qu’ils ont délibérément opté, dans une histoire bâtie sur les vies des évêques, pour des cycles historiques – cinq chez Du Plessis – qui prévalent sur les ruptures traditionnellement dégagées entre tel ou tel épiscopat, « ces sortes de dates paroiss[a]nt devoir être réservées à ceux qui écrivent par forme d’annalles ». Le changement apparaît davantage dans le choix des sources utilisées et dans la mise en œuvres de ces mêmes sources. Certains, principalement dans le premier tiers du siècle, à l’imitation de ce que pratique à la même époque un André Duchesne, éprouvent le besoin d’en dresser une liste en ouverture de leur ouvrage28. Mais c’est davantage dans les avis au lecteur que les auteurs s’épanchent sur leur éventuelle stratégie érudite. La plupart font état de leurs dettes envers des devanciers, soit qu’ils reprennent des livres imprimés pour les compléter, soit qu’ils valorisent des recueils de sources ou des mémoires rédigés par d’autres et demeurés inédits. Le jésuite Columbi, dans son histoire des évêques de Viviers, allait jusqu’à affirmer qu’il leur devait tout et qu’il n’était dans cette affaire qu’un modeste compilateur. C’est alors pour certains l’occasion de se livrer à une véritable critique des sources. Les moins érudits n’hésitent pas à dénoncer « la vérité offusquée par la fable et le mensonge de quelques historiens du neuvième, dixième et onzième siècle »29. Les plus acerbes allaient plus loin. L’analyse de Toussaint Du Plessis fait ainsi honneur à sa réputation de mauriste établie depuis son Histoire de Coucy parue en 1728 : de ses quatre devanciers dans l’histoire des évêques de Meaux, le premier, Nicolas Lenfant, était l’honnête auteur d’un journal, le deuxième, Pierre Janvier, était décrié par le troisième, François Le Dieu, pour n’avoir aucune méthode et avoir laissé un fatras de notes inexploitables ; quant à Le Dieu justement, Du Plessis lui faisait un sort spécial : « La confusion qu’il reproche à Janvier n’est presque rien encore au prix de celle qu’on trouve dans ses pro27. J.-F. Pommeraye, Histoire des archevesques de Rouen… : « Quant à l’ordre, il est sans doute que je n’ay deu en observer d’autre que celuy de la chronologie, c’est-à-dire de la suite de nos archevesques, selon les divers temps qu’ils ont gouverné leur Église ». 28. Voir O. Poncet, L’usage des chartriers… cité n. 2. 29. Jean Dufraisse, L’origine des églises de France…, Paris, Étienne Michallet, 1688.
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pres papiers ». Le dernier, enfin, n’avait pas réussi à dépasser le stade d’une chronique en latin « ou, si l’on veut, d’une histoire des évêques de Meaux », cette dernière ambition étant jugée trop restrictive par Du Plessis. D’une manière générale, il engageait ses lecteurs à une grande prudence dans l’utilisation de ces sources a priori « prêtes à l’emploi » :
Ces espèces chroniques ou d’histoires abrégées ne sont pas toujours écrites avec beaucoup d’exactitude ; cependant un historien attentif ne doit pas les négliger. Inutilement chercheroit-il ailleurs certains traits intéressans ou que le public ignore absolument ou qui ne sont pas connus dans toute leur étendue. Il y a toujours du profit à faire dans l’étendue de ces contradictions locales, mais il y faut du choix et du discernement, car c’est là principalement que la fable s’insinue avec d’autant de hardiesse que, ne paroissant pas encore au grand jour, il ne se trouve personne pour la combattre.
Le critère discriminant des diverses œuvres ici examinées est naturellement le recours plus ou moins important, plus ou moins critique, aux sources d’archives. Ce souci est à l’œuvre chez certains polémistes de l’entourage royal au xvie siècle, comme Du Tillet, ou encore dans les Recherches de la France d’Étienne Pasquier, avec un bonheur inégal. L’âge classique de l’emploi des archives, royales mais aussi ecclésiastiques et seigneuriales, dans des œuvres historiques est constitué par les décennies 1620-165030. Dès cette époque, mais de manière limitée, certaines histoires épiscopales ont recours aux ressources des archives ecclésiastiques, comme le travail de Martin Meurisse sur Metz en 163431. Certains se défendent même d’avoir voulu ajouter « du leur » outre ce que disent les chartes32. Malgré tout ces titres coexistent avec des entreprises qui font fi de ces sources archivistiques pour se contenter des auteurs autorisés (Plantavit de La Pause). Certains ont conscience que l’usage nouveau de sour30. E. Bury, La tradition gallicane… cité n. 2. 31. Celui-ci semble avoir élaboré son œuvre au fur et à mesure de ses découvertes s’il faut en croire la mention suivante (Martin Meurisse, Histoire des évesques de l’église de Metz…, Metz, Jean Antoine, 1634, p. 183) : « Les trois chartes suivantes ont esté extraites sur les originaux qui sont dans les archives de l’abbaye de Gorze, deux desquelles sont de Charlemagne et l’autre de son fils Louys le Débonnaire. Ces princes confirment par ces belles pièces les donations que Godegrand avoit faites à ce mesme monastère et l’enrichissent encore de nouveaux privilèges. Et d’autant qu’elles se trouvent souscrites du temps de l’archevesque Angebram, je les eusse insérées dans l’histoire de sa vie, comme dans leur propre lieu, si je les eusse pu recouvrer plustost. Ce manquement me force de les rapporter icy ». 32. F. Farin, La Normandie chrestienne… : « Je n’ay pas seulement fouillé dans les archives et les vieux parchemins qu’on avoit ensevelis mais aussi j’ay fueilleté plusieurs chroniques, chartres et registres irréprochables et j’ay consulté tous les autheurs fidelles et authentiques qui me pouvoient apprendre quelque chose de sorte que je n’adjouste rien du mien. »
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ces pourrait dérouter le lecteur et ils s’en excusent comme le fait François Le Maire dans son Histoire (…) de la ville d’Orléans :
Toutesfois quand il s’est trouvé quelque excellent sujet, je l’ay enchassé avec la grace et bienséance convenable, l’ornant de langage voire de doctrine comme j’ay jugé à propos et qu’il est bien difficile en une histoire qu’on tire comme j’ay fait des chartes anciennes où il y a des discours lasches qui ressentent leur triste et morne vieillesse, qu’on puisse faire quelque chose de relevé et gaillard puisque je ne faisois recherche en icelles que de sa vérité sincère et nette de tout fard et piperie que je pense avoir atteint, aussi qu’en une antiquité de ville l’on ne doit point tant considérer les doctes et curieux, mais ceux qui ne font profession d’estude, pour se rendre intelligibles à tous.
Mais le recours aux sources d’archives devient de plus en plus la marque des ouvrages de qualité, même si certains sont parfois mal à l’aise dans l’évocation de sources susceptibles de relancer la contestation de certains privilèges. Claude Dormay, écrivant l’Histoire de l’église de Soissons en 1663, tenait ainsi à garder une stricte neutralité juridique :
Par exemple, lorsque j’ay dit que les chanoines de S.-Pierre ont une bulle qui les exempte de la jurisdiction des évesques et qu’ils sont dans la jouissance de ce droict, je supplie de croire que je n’entends pas soustenir leur cause en avocat, ny de faire le juge et de prononcer en leur faveur. J’ay seulement voulu rapporter un droict probable ou qui m’a paru tel par la lecture de quelques chartes, laissant aux gens du mestier à examiner si elles sont pour une partie ou pour le tout et sans dessein de nuire aux prétensions de Monseigneur l’évesque.
François Nouguier, à l’orée de son propos dans son Histoire chronologique de l’Église, évesques et archevesques d’Avignon en 1660, déclarait malgré tout que l’on ne pouvait plus se contenter de mentionner l’existence des sources d’archives sans en faire un usage maîtrisé, en particulier d’un point de vue paléographique :
Quoi qu’il en soit, il est très constant qu’on ne pourra jamais rien escrire d’asseuré dans l’histoire particulière si on n’a l’entrée des archifs (sic) où sont les papiers et tiltres concernans la matière que l’on veut traiter et encores faut-il appliquer une exacte recherche et un soin très particulier pour les mauvais charactères des manuscrits qui nous font prendre l’un pour l’autre et pour les contrarietez qui en ces temps sont trop rares ou des devinations qui sont également suspectes.
Il faut cependant attendre la deuxième moitié du siècle pour que cette manière de travailler devienne un véritable argument publicitaire digne de figurer sur la page de titre de l’ouvrage comme ce fut le cas dans l’Histoire ec-
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clésiastique du diocèse de Lyon de Jean-Marie de La Mure « établie sur titres d’archives, actes, monumens publics et autres preuves authentiques ». Et de fait La Mure fut le premier à recourir à une formule très en vogue chez les historiographes du roi dès la première moitié du xviie siècle, savoir la présentation d’un volume séparé de preuves. Meurisse en 1634 prenait soin de publier in extenso dans le fil du raisonnement les chartes sur lesquelles il s’appuyait et en cela il constituait déjà une exception remarquable à une époque où l’on se contentait d’indiquer en marge un dépôt de conservation, plus rarement une référence à un cartulaire précis. La Mure fondait toute la qualité de son travail sur les sources, inédites jusque-là, qu’il avait pu puiser dans des fonds négligés, en particulier de sa propre collégiale de Notre-Dame de Montbrison dans le Forez. Il justifiait le renvoi de son édition de sources en fin d’ouvrage : « Je vay donc étaller ces précieuses preuves desquelles j’ay voulu faire un corps particulier différent de celuy de l’Histoire afin qu’elles n’en interrompissent la suite et qu’on les puisse plus facilement trouver ». Chaque pièce était publiée avec une description typologique, une analyse sommaire et la mention de son lieu de conservation. Même une nappe d’autel de l’église Saint-Étienne de Lyon, que saint Remi, archevêque de Lyon, aurait reçue de Berthe d’Aquitaine, femme du comte Géraud de Roussillon et qui portait en lettres d’or plusieurs anciens vers latins, avait droit à son analyse et à son édition33. Désormais, et sauf exceptions, les éditions devinrent plus fréquentes, les simples mentions de sources d’archives devinrent de plus en plus précises. Bientôt, toutefois, cette pratique devint incompatible avec un mode d’écriture plus littéraire. Jean de Catellan, qui évoquait en 1724 les réels désastres archivistiques subis dans le diocèse de Valence à l’époque des guerres de religion, était ainsi trop heureux d’échapper à la corvée de chartes et de pouvoir se contenter de citer presque exclusivement les actes des conciles déjà imprimés. Par ailleurs le mauriste Du Plessis, qui reconnaissait volontiers que son hypercritique pouvait justifier les accusations de « pirrhonisme général » qu’on lui décernait34, avait du reste pleinement conscience en 1731 de ce qu’elle ne satisfaisait plus que les historiens de métier et ennuyait profondément tous les autres : « Ce sont des actes ou des extraits qu’il falloit donner, parce qu’il n’est plus permis à un auteur de rien avancer que la preuve à la main, mais qui d’un autre côté ne sont destinez que pour un certain nombre de lecteurs. » 33. Jean-Marie de La Mure, Histoire ecclésiastique du diocèse de Lyon…, Lyon, Marcelin Gautherin, 1671, p. 292-293. 34. Toussaint Du Plessis, Histoire de l’Église de Meaux…, Paris, Julien-Michel Gandouin, Pierre-François Giffart, 1731, p. 754-755.
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Parmi les ouvrages qui ont pu servir de modèle d’érudition et qui furent cités par divers auteurs d’histoire épiscopale à partir de la seconde moitié du xviie siècle, figurait la Gallia christiana des frères de Sainte-Marthe publiée à Paris en 165635. Dans quelle mesure, cette œuvre atypique, peut-elle être jointe au mouvement général de l’écriture des vies d’évêques de l’époque moderne en France ? Ce travail procède de deux traditions de nature fort différente. La première est celle, ancienne, médiévale, des outils professionnels que sont les pouillés d’une part, les listes de bénéfices taxés en cour de Rome d’autre part. Ces listes, longtemps manuscrites, avaient fini par trouver la voie de l’imprimé, en particulier chez le libraire parisien Gervais Alliot qui publia dès 1626 le grand Pouillé des bénéfices de la France dressé par le jésuite Philippe Labbe, qu’il republia sous une forme développée en 164836. La seconde tradition, plus récente, appartient aux histoires du clergé de France. Parmi ces multiples publications, d’ampleur et de rigueur très variable, certaines éprouvaient le besoin de s’émanciper des contraintes du strict cadre diocésain pour toucher, même brièvement, à l’universel de l’église du royaume de France. S’inspirant des listes dressées dès 1562 par Antoine de Mouchy, dit Demochares, dans le cadre d’une réaffirmation catholique de la succession apostolique37, Jacques Severt, dans sa Chronologia historica successionis hierarchiae ill. archiantistitum Lugdunensis archiepiscopatus, publiée pour la première fois à Lyon en 1607, saisit l’occasion d’une deuxième édition en 1628 pour livrer une Brevior chronologia reliquorum pene omnium antistitum Gallia Celticae. Le premier ouvrage spécifiquement dédié au recensement des évêques français pris dans leur ensemble est d’ailleurs l’œuvre d’un de ses auteurs d’histoires épiscopales « monodiocésaines ». Jean Chenu, avocat au parlement de Paris, avait publié en 1603 une histoire des archevêques de Bourges. Il fit par la suite paraître, après dix ans d’efforts, une Archiepiscoporum et episcoporum Galliae chronologica historia. Les évêques y étaient ordonnés selon la présentation de la Notice des Gaules : Lyonnaises, Belgiques, Aquitaines, Narbonnaises. En réalité, ce travail novateur dans son ambition, était loin d’être une réussite : un tiers des évêchés étaient absents et la plupart des notices se résumaient à un simple nom. Peu de temps après, un second ouvrage acheva de mettre un titre promis à un avenir fécond sur l’objet historique défini par Chenu. En 1626, Claude Robert, un prêtre de Langres, 35. O. Poncet, La Gallia christiana… cité n. 2. 36. Philippe Labbe, Pouillé général, contenant les bénéfices…, Paris, Gervais Alliot, 1648, 8 vol. in-4°. 37. T. Amalou, Une concorde urbaine… cité n. 4, p. 256-260.
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un in-folio intitulé Gallia christiana in qua regni Franciae ditionumque vicinarum dioeceses et in iis praesules describuntur. Robert abandonnait le plan de Chenu et optait pour un classement alphabétique strict des archevêchés, évêchés et abbayes de France rangés dans des séries distinctes. Le travail demeurait cependant encore sommaire, ce dont Robert avait pleinement conscience. Devenu chanoine et grand archidiacre de Chalon-sur-Saône, il s’attela à la refonte de celui-ci. Mais il décéda en 1637 sans avoir mené à son terme son entreprise, pour laquelle il avait sollicité le concours de plusieurs savants du temps, dont les frères Scévole et Louis de Sainte-Marthe, depuis 1620 historiographes du roi. Le saut qualitatif effectué entre le travail de Robert de 1626 et l’ouvrage publié en 1656 est évident. Il n’était certes pas isolé en Europe. Rocco Pirri avait commencé de faire paraître sa Sicilia sacra en 1638 et le Florentin Ferdinando Ughelli livrait au public en 1644 le premier volume de son Italia sacra dont les Sainte-Marthe avaient suivi avec soin la phase préparatoire quelques années auparavant. L’amélioration ne résidait pas seulement dans la masse de précisions fournies au lecteur qui occupaient désormais quatre volumes in-folio. Elle était également sensible dans le soin avec lequel ces nouvelles informations avaient été recueillies et vérifiées. À partir de 1646, l’entreprise passa sous le patronage honorifique et financier de l’assemblée du clergé de France. L’œuvre parut en 1656, en quatre tomes dont les trois premiers étaient dédiés aux évêques, le quatrième étant réservé aux abbayes et prieurés, traités beaucoup plus laconiquement. Le plan de Robert, qui distinguait nettement les archevêques, les évêques et les abbayes était maintenu. Partant de l’idée d’un catalogue, les SainteMarthe avaient considérablement enrichi leurs notices. Les notices faisaient, dès lors que les sources abondaient et méritaient d’être citées aux yeux des auteurs (soit de l’époque carolingienne jusqu’au xive siècle environ), une large place aux citations, soit de chroniques, soit de pièces d’archives ou d’épitaphes insérées telles quelles dans le corps même de la notice. Les auteurs n’avaient pas retenu en revanche l’idée, que leur avait suggérée en 1638 l’évêque de Poitiers, Henri d’Abain de la Rocheposay, de faire suivre systématiquement les notices d’un catalogue des œuvres de l’évêque concerné qui aurait formé « une Bibliothèque épiscopale de France »38. L’introduction des notices épiscopales s’ouvrait par une description géographique et des bénéfices principaux du diocèse ; elle s’achevait en règle générale par la mention des principales 38. Paris, BnF, nouv. acq. fr. 6208, f. 139 et v, d’Abain de La Roche-Posay à Scévole de sainteMarthe, Poitiers, 5 avril 1638.
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sources imprimées ayant servi à l’élaboration du catalogue. Puis venaient les notices des évêques dans lesquels, le cas échéant, étaient citées, quand elles n’étaient pas directement éditées in extenso dans le fil de la démonstration, les sources inédites ou, plus rarement, imprimées qui avaient été mobilisées. L’ouvrage fut repris un demi-siècle plus tard, à partir de 1710, toujours à l’initiative de l’assemblée du clergé de France, par un de leurs cousins éloignés, le bénédictin mauriste Denis de Sainte-Marthe. L’érudition initiale bâtie autour du cercle des historiographes du roi se nourrissait désormais plus nettement de la collaboration des érudits ecclésiastiques (Claude Estiennot, Jacques Le Long, Edmond Martène etc.). Elle prenait désormais la forme d’une composition maîtrisée ou les pièces publiées in extenso constituaient désormais une partie séparée de pièces justificatives de chaque volume. Il ne paraissait plus nécessaire de donner immédiatement au lecteur l’offrande de l’original inédit : la parole de l’érudit, appuyée sur des sources par ailleurs disponibles, suffisait à première vue. La seconde modification, plus lourde de sens, était la nouvelle répartition des notices. À une séparation nette entre évêques (trois premiers volumes) et abbé et prieurs (dernier volume) en 1656, était substitué un plan a priori géographique qui faisait la part belle à la hiérarchie régulière. Les abbayes et prieurés étaient regroupés dans le cadre diocésain, lui-même intégré au cadre métropolitain. L’œuvre reflétait ici fidèlement l’organisation institutionnelle et électorale du commanditaire, l’assemblée du clergé. En soi, l’entreprise sublimait les vies d’évêques précédemment écrites dont elle constitue une sorte de compendium. Mais cette somme n’était pas une simple compilation puisque les notices dédiées à chaque évêque, de quelque diocèse qu’il soit, étaient conçues sur un moule unique. Le sentiment hagiographique n’était pas absent mais il se portait davantage et presque exclusivement sur les évêques les plus récents : la meilleure preuve en était fournie par la notice consacrée à l’évêque d’Ypres, Cornelius Jansenius, paré alors en 1656 de toutes les vertus39. La visée générale à l’échelle des provinces de l’ancienne Gaule débordait le traditionnel cadre diocésain et conférait une certaine modernité à ce genre précis de la vie épiscopale qui n’avait jamais été atteinte jusqu’alors. D’une certaine manière, la Gallia christiana des Sainte-Marthe a poussé la logique érudite et géographique des vies d’évêques dans ses retranchements ultimes. Peut-on encore parler, dès lors, de gesta episcoporum ? 39. Cette teinte janséniste (encore plus perceptible dans la notice dédiée à l’abbé de SaintCyran) valut à la Gallia christiana de 1656 des reproches virulents de l’assemblée générale du clergé (O. Poncet, La Gallia christiana… cité n. 2).
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Annexe Ouvrages imprimés contenant, d’après leur titre, des récits successifs de vies d’évêques (espace français, xvie-xviiie siècle) Nota : les indications matérielles sont essentiellement indicatives ; seuls les feuillets ou les pages effectivement numérotés ont été mentionnés, à l’exclusion de ceux qui portent des indications de composition typographique ou les tables et pièces liminaires non numérotées. 1597. Guillaume Gazet, L’ordre et suite des évesques et archevesques de Cambray, avec une briefve histoire de leurs faits plus illustres (…), plus le catalogue et dénombrement des saincts qui sont spécialement honorez au diocèse de Cambray, Arras, Gilles Bauduyn, in-8°, VI-64 p. [Autre édition chez le même, 1598, in-8°, 106 p., sous le titre L’ordre et suyte des évesques de Cambray et d’Arras, avec une briefve histoire de leurs faits plus illustres, ensemble le catalogue des saincts qui sont spécialement honorez aux diocèses de Cambray et d’Arras, avec l’histoire de la sacrée manne et de la sainte chandelle, plus la succession et généalogie des comtes d’Arthois (…).] 1603. Jean Chenu, Stylus jurisdictionis ecclesiasticae archiepiscopalis Bituricensis reformatus in concilio provinciali anno 1584… Adjecta est brevis historia omnium archiepiscoporum ejusdem ecclesiae, et catalogus beneficiorum dioecesis Bituricensis (…) quibus accesserunt privilegia urbis et civium Bituricensium (…), Paris, Robert Fouët, in-8°, 184 p. [Reprise, dans une autre édition, d’une partie de l’ouvrage à Paris, Nicolas Buon, 1621, 2 parties en un vol. in-4°, 122-67 p., sous le titre Chronologia historica patriarcharum archiepiscoporum Bituricensium et Aquitaniarum primatum, anno 1603 primo edita, nunc vero editioni secundae accessit catalogus decanorum ecclesiae Bituricensis.] 1607. Jacques Severt, Chronologia historica successionis hierarchicae antistitum Lugdunensis archiepiscopatus Galliarum primatus et suffraganearum dioeceseum, cum brevi expositione articulorum fidei catholicae qui in plerisque conciliis, praesentibus iisdem primatibus (…) definiti fuere (…) ad doctrinae conformitatem (…) demonstrandam, adversus hodiernos calvinistas (…) opus tripartitum, Lyon, Claude Armand, in-4°, 550 p. [2e édition, Lyon, Simon Rigaud, 3 parties en 1 vol. in fol., avec l’ajout « secunda editio multo auctior ».]
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1610. Nicolas Camusat, Promptuarium sacrarum antiquitatum Tricassinae dioecesis, in quo preater seriem historicam Tricassinorum praesulum origines praecipuarum ecclesiarum vitae etiam sanctorum qui in eadem dioecesi floruerunt prmiscue continentur, Troyes, Noël Moreau dit Le Coq, in-8°, 436 fol. 1616. Michel Cotignon, Catalogue historial des évêques de Nevers, recueilli et dressé selon leur ordre, Paris, François Pomeray, in-8°, 16 fol.-109 p. 1617. Guillaume de La Croix, Series et acta episcoporum Cadurcensium quotquot hactenus summa cura inveniri potuerunt (…), accessit index chronologicus, quo episcoporum Cadurcensium anni ad Christi domini summorum pontificum et regum Galliae tempora revocantur, cum triplici indice (…), Cahors, Claude Rousseau, in-4°, 453 p. [Rééd., Cahors, Jean Dalvy, 1626, in-4°, 453 p.] 1618. Jean Dadré, Chronologie historiale des archevesques de Rouen…, Rouen, Jean Crevel, 1618, in-8°, 353 p. 1620. Augustin Du Paz, Histoire généalogique de plusieurs maisons illustres de Bretagne, enrichie des armes et blasons d’icelles, de diverses fondations d’abbayes et de prieurez, et d’une infinité de recherches ignorées jusques à ce temps et grandement utiles pour la cognoissance de l’histoire, avec l’histoire chronologique des évesques de tous les diocèses de Bretagne, Paris, Nicolas Buon, in-fol., 862 p. [Docteur en théologie, dominicain au couvent de Notre-Dame de BonneNouvelle de Rennes.] 1620. Odo Gissey, Discours historique de la très ancienne dévotion à N. Dame du Puy et de plusieurs belles remarques concernantes particulièrement l’histoire des évesques du Velay, Lyon, Louis Muguet, in-8°, 636 p. [ Jésuite. 2e éd. Toulouse, Raymond Colomiez, 1627, in-12, 664 p. « reveue et accreue par l’auteur ».] 1633-1634. Jacques Le Vasseur, Annales de l’église cathédrale de Noyon, jadis dite de Vermand, avec une description et notice sommaire de l’une et l’autre ville, pour avant-œuvre, le tout parsemé des plus rares recherches tant des vies des évesques qu’autres monumens du diocèse (…), Paris, Robert Sara, 3 parties en deux vol. in-4°, 1380 p. 1634. Martin Meurisse, Histoire des évesques de l’église de Metz, Metz, Jean Antoine, in-fol., 681-29 p. [Franciscain, docteur en théologie, naguère profes-
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seur de théologie à Paris, évêque de Madaure, suffragant de l’évêque de Metz.] 1634. Jean Plantavit de La Pause, Chronologia praesulum Lodovensium, Aramont, aux frais de l’auteur, in-4°, 413 et 52 p. [Évêque de Lodève.] 1636. Simon Bartel, Historica et chronologica praesulum sanctae Regiensis ecclesiae nomenclatura, necnon prolegomena, Reiorum Appolinarum antiquitatem, auctorum testimoniis et lapidum epigraphis comprobantia, cum indice nomine, situs et rerum notabilium oppidorum totius dioceseos (…), Aix-enProvence, Étienne David, deux parties en un vol. in-8°, 16-367 et 95 p. [Prêtre, théologal de Riez.] 1637. Symphorien Guyon, Notitia sanctorum ecclesiae Aurelianensis et historia chronologica episcoporum ejusdem ecclesiae utraque e probata auctoribus collecta opera et studio, Orléans, veuve Gilles Hotot, in-12, 304 p. [Prêtre oratorien d’Orléans. Rééd. en français, Histoire de l’église et diocèse, ville et université d’Orléans, Orléans, Maria Paris (Claude et Jacques Borde), 1647-1650, 2 vol. in-fol. (comprend : 1re partie. L’histoire d’Orléans sous la loy de nature et durant douze siècles de la loy de grâce sous la conduitte de septante évesques ; 2e partie. L’histoire d’Orléans durant quatre siècles et demi, depuis l’an 1201 jusqu’en l’an 1650, sous la conduitte de 43 évesques).] 1637. Albert Le Grand, La vie, gestes, mort et miracles des saints de la Bretaigne armorique, ensemble un ample catalogue… des évêques des neuf évêchés d’icelle, accompagné d’un bref récit des plus remarquables événements arrivés de leur temps, Nantes, Pierre Doriou, in-4°, 795 p. [Dominicain. 2e édition, corrigée et augmentée par Guy Autret Rennes, Jean Vatar, 1659, in-4°, 752-386 p.] 1638. Jean Columbi, De rebus gestis Valentinorum et Diensium episcoporum libri quatuor, Lyon, J. Gautherin, in-4°, 219 p. [ Jésuite de Manosque, professeur de théologie. 2e éd., Lyon, Jacques Canier, 1652, in-4°, 242 p., « auctior precedente ».] 1645. François Le Maire, Histoire et antiquités de la ville et duché d’Orléans, avec les noms des rois, ducs, comtes, vicomtes, gouverneurs, baillifs, lieutenans généraux, prévosts, maires, eschevins et autres officiers, fondation de l’université, augmentée des antiquitez des villes dépendants du Chastelet et bailliage d’Orléans, plus les généalogies des nobles illustres et doctes Orléanois qui ont écrit en
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toutes sortes de sciences et de plusieurs choses mémorables, ensemble le tome ecclésiastique, contenant l’origine et nombres des églises, monastères, histoires et vies des évêques d’Orléans, Orléans, Maria Paris, 2 tomes en 1 vol. in-4°. [Conseiller au présidial d’Orléans. Le titre du « tome ecclésiastique » porte Antiquités et choses mémorables de l’église et diocèse d’Orléans ; réédition en 1646 ; autre édition chez la même, 1648, deux tomes en un vol. in fol., le « tome ecclésiastique » porte le titre Histoire de l’église et diocèse d’Orléans (…).] 1647. Jean Besly, Évesques de Poictiers avec les preuves…, Paris, Gervais Alliot et Robert Bertault, in-4°, xvi-274 p. [Avocat du roi honoraire au siège de Fontenay-le-Comte.] 1648. Antoine Le Corvaisier de Courteilles, Histoire des évesques du Mans et de ce qui s’est passé de plus mémorable dans le diocèse, pendant leur pontificat, Paris, Sébastien et Gabriel Cramoisy, in-4°, 890 p. [Lientenant criminel de la sénéchaussée du Mans.] 1651. Jean Bondonnet, Les vies des évêques du Mans restituées et corrigées avec plusieurs belles remarques sur la chronologie, Paris, Edme Martin, in-4°, 740388 p. [Bénédictin de Saint-Vincent du Mans et prieur de Sarcé.] 1651. Jean Columbi, De rebus gestis episcoporum Vivariensium libri quatuor, Lyon, Jean-Baptiste Devenet, in-4°, 193 p. 1654. Ollivier Cherreau, Histoire des illustrissimes archevêques de Tours, avec les noms et le ombre des papes, empereurs et rois de France en chacun siècle, les saints et hommes lettrés qui ont fleuri, les choses mémorables arrivées en chacun temps d’iceux et les noms des premiers archevêques et évêques de France, Tours, J. Poinsot, in 4°. 1656. Jean Columbi, De rebus gestis Vasionensium libri quatuor, Lyon, Jacques Canier, in-4°, 195 p. 1659. [François Farin], La Normandie chrestienne ou l’histoire des archevesques de Rouen qui sont au catalogue des saints, contenant une agréable diversité des antiquitez de Rouen non encore veues, et plusieurs autres recherches curieuses, avec un ample discours du privilège de sainct Romain et de plusieurs choses remarquables qui se sont passées dans la pratique de ses cérémonies, Rouen, Louis
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Du Mesnil, in-4°, 724 p. [Prêtre, organiste de Saint-Godard de Rouen, prieur de Notre-Dame-du-Val.] 1660. Martin Marteau de Saint-Gatien, Le Paradis délicieux de la Touraine, qui comprend dans une briefve chronologie ses raretés admirables, particulièrement les archevesques de Tours, et autres choses remarquables depuis les commencement du monde jusques à présent… le tout divisé… en IV parties… la 1 traitte des beautez, bontez… et privilèges de la royal ville, province et duché de Touraine… La 2 de l’estat ecclésiastique et des lieux sacrez de l’archevesché de Tours… La 3 des archevesques de Tours et de plusieurs autres personnes de remarque… et la 4 des vies, mœurs, miracles des saints et saintes… qui ont fleuri… dans ce jardin de délices…, Paris, J. L’Épicier et Pierre Du Pont, 4 parties en 1 vol. in-4° [Carme. Autre éd. Paris, L. de La Fosse, 1661, in-4°.] 1660. François Nouguier, Histoire chronologique de l’église, évesques et archevesques d’Avignon, Avignon, Georges Bramereau, in-4°, 245 p. 1663-1664. Claude Dormay, Histoire de la ville de Soissons et de ses rois, ducs, comtes et gouverneurs, avec une suitte des évesques et un abrégé de leurs actions, diverses remarques sur le clergé et particulièrement sur l’église cathédrale, et plusieurs recherches sur les vicomtez et les maisons illustres du Soissonnais, Soissons, Nicolas Asseline, 2 vol. in-4°, 417-578 p. [Prêtre, chanoine régulier de l’abbaye de Saint-Jean-des-Vignes.] 1667. [ Jean-François Pommeraye], Histoire des archevesques de Rouen dans laquelle il est traité de leur vie et de leur mort, de leurs différents emplois, des affaires qu’ils ont négotiées avant et depuis leur promotion, avec plusieurs lettres des papes, des roys de France et des roys d’Angleterre et diverses particularitez qui regardent l’estat de la religion catholique durant leur administration, le tout recueilly de plusieurs livres tant imprimez que manuscrits et des archives et registres de l’église cathédrale, des abbayes et autres lieux par un religieux de la congrégation de Saint-Maur, Rouen, Laurent Maurry, in-fol., 680 p. [Prêtre bénédictin mauriste.] 1668. Jérôme Lopès, L’église métropolitaine et primatiale Sainct-André de Bourdeaux, où il est traité de la noblesse, droits et honneurs et prééminences de cette église avec l’histoire de ses archevesques et le pouillé des bénéfices du diocèze, Bordeaux, Guillaume de La Court, in-4°. [Chanoine théologal de Saint-André de Bordeaux, docteur régent en théologie de l’université de Bordeaux.]
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1669. Julien Nicole, Histoire chronologique des évesques, et du gouvernement ecclésiastique et politique du diocèse d’Avranches, Rennes, M. Denys, in-8°, 101 p. [Curé de Carnet, vicaire général du diocèse d’Avranches.] 1671. Jean-Marie de La Mure, Histoire ecclésiastique du diocèse de Lyon traitée par la sauite chronologique des vies des révérendissimes archevêques comtes de Lyon et primats de France avec les plus mémorables antiquités de la très illustre église cathédrale, de toutes les collégiales, abbayes et prieurés, établie sur titres d’archives, actes monumens publics et autres preuves authentiques, enrichie du catalogue général des bénéfices dudit diocèse, Lyon, Marcelin Gautherin, in-4°, 408 p. [Prêtre docteur en théologie, aumônier du roi, sacristain et chanoine de l’église collégiale de Notre-Dame de Montbrison.] 1688. [ Jean Dufraisse], L’origine des églises de France prouvée par la succession de ses évêques, avec la vie de saint Austremoine, premier apôtre et primat des Aquitaines, Paris, Étienne Michallet, in-8°, 521 p. [Chanoine de la cathédrale de Clermont.] 1689. Histoire cronologique des évêques et comtes de Die, avec le dénombrement des terres dépendantes dudit évêché et comté, en domaine 27, en homage immédiat 182, en arrière-fief 43, Valence, C. Barbier, in-fol., 13 p. 1690. Gilles Duport, Histoire de l’église d’Arles tirée des meilleurs auteurs anciens et modernes où l’on parle du célèbre différend entre les archevêques de cette ville et ceux de Vienne touchant la primatie des Gaules, Paris, Guillaume Cavalier, in-12, 416 p. [2e éd., Paris, Nicolas Leclerc et Jean-Baptiste Loyson, 1691, in-12, 416 p. 1705. Jean Hermant, Histoire du diocèse de Bayeux. Première partie, contenant l’histoire des évêques, avec celle des saints, des doyens et des hommes illustres de l’église cathédrale ou du diocèse, Caen, Pierre-François Doublet, in-4°, 564 p. [Curé de Maltot.] 1707. Benoît de Toul (Picard, en religion B. de Toul.), Histoire ecclésiastique et politique de la ville et du diocèse de Toul (…) [Suivi de : avertissement sur la carte du diocèse de Toul, faite par Guillaume de Lisle (…), Varia regum et principum diplomata, quaedam pontificem bullae atque episcoporum cartae (…) hujus operis probationes], Toul, Alexis Laurent, trois parties en 1 vol. in-4°, 710-CXXVIII-16 p.
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1710. Louis-Anselme Boyer de Sainte-Marthe, Histoire de l’église cathédrale de Saint-Paul-Trois-Châteaux, avec une chronologie de tous les évêques (…), Avignon, François-Sébastien Offray, 1710, in-4°, 412 p. [Prêtre dominicain, de Tarascon, professeur de théologie, membre de la congrégation du Très Saint-Sacrement.] 1713. Pierre Forestier, Les vies des saints, patrons, martyrs et évêques d’Autun, Paris, Charles Robustel, in-12. 1724 [1725]. Jean de Catellan, Les antiquités de l’église de Valence, avec des réflexions sur ce qu’il y a de plus remarquable dans ces antiquités, Valence, Jean Gilibert, in-4°, 366 p. [Évêque de Valence.] 1731. Louis-Anselme Boyer de Sainte-Marthe, Histoire de l’Eglise cathédrale de Vaison avec une chronologie de tous les évêques qui l’ont gouvernée et une chorographie ou description en vers latins et françois des villes, bourgs, villages et parroisses et chapelles qui composent ce diocèse, Avignon, Marc Chave, deux tomes en un vol. in-4°. 1731. Toussaint Du Plessis, Histoire de l’Église de Meaux avec des notes ou dissertations et les pièces justificatives. On y a joint un recueil complet des statuts synodaux de la même église, divers catalogues des évêques, doiens, généraux d’ordre, abbez et abbesses du diocèse et un pouillé exact…, Paris, Julien-Michel Gandouin, Pierre-François Giffart, deux vol. in-4°, 782-660 p. [Bénédictin mauriste.] 1737. Léon Ménard, Histoire des évesques de Nismes, où l’on voit ce qui s’est passé de plus mémorable dans cette ville pendant leur épiscopat par rapport à la religion, La Haye, Pierre Gosse, 2 vol. in-12. [Conseiller au présidial de Nîmes.] 1739. Charles Degrefeuille, Histoire ecclésiastique de la ville de Montpellier, seconde partie contenant l’origine de son église, la suite de ses évêques, ses églises particulières, ses monastères anciens et modernes, ses hôpitaux, avec un abrégé historique de son université et de ses collèges, Montpellier, Rigaud père et fils, in-fol., 455 p. [Chanoine de Montpellier.] 1742. Laurent Rouault, Abbrégé de la vie des évesques de Coutances, depuis saint Ereptiole premier apôtre du Cotentin, jusqu’à Mgr Léonor Gouyon de Matignon qui gouverne aujourd’hui ce diocèse, avec un catalogue des archevêques de Rouen et de tous les évêques de Normandie…, Coutances, Julien Fauvel, in-8°, 398 p. [Curé de Saint-Pair-sur-Mer.]
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1743. Jean Lebeuf, Mémoires concernant l’histoire ecclésiastique et civile d’Auxerre, Paris, Durand, 2 vol. in-4°, xii-886 p., viii-569 p. et 336 p. [Chanoine de la cathédrale d’Auxerre. Contient : 1. Histoire des évêques, avec plusieurs catalogues qui ont rapport à l’histoire de l’église cathédrale. 2 Actions des comtes d’Auxerre, ou des comtesses qui ont administré le comté (…) catalogue des dignités séculières de la ville (…) des écrivains auxerrois, et des illustres du pays.] 1746. Louis-Clément de Brugeles, Chroniques ecclésiastiques du diocèse d’Auch suivies de celles des comtes du même diocèse, Toulouse, Jean-François Robert, deux parties en un vol. in-4°, 572-84 p. [Camérier et doyen du chapitre abbatial de Simorre.] 1750. François Ignace Dunod de Charnage, Histoire de l’église, ville et diocèse de Besançon, qui comprend la suite des prélats de cette métropole depuis la fin du second siècle, leur vie (…) et le gouvernement civil de la ville de Besançon, Besançon, Claude-Joseph Daclin, 2 vol. in-4°, 433-clxxiv et 544 p. [Professeur de droit de l’université de Besançon.] 1750-1756. Charles-Louis Taillandier, Histoire ecclésiastique et civile de Bretagne, composée sur les auteurs et les titres originaux… enrichie d’une dissertation [de l’abbé Gallet] sur l’établissement des Bretons dans l’Armorique et de plusieurs notes critiques par Dom Pierre-Hyacinthe Morice, t. I Histoire ecclésiastique et civile de Bretagne… enrichie d’un catalogue des évêques de Bretagne et d’un nouveau supplément de preuves par Dom Charles Taillandier, Paris, Delaguette, 2 vol. in fol. [Bénédictin mauriste.] 1759. Jean Raynal, Histoire de la ville de Toulouse : avec une notice des hommes illustres, une suite chronologique et historique des évêques et archevêques de cette ville et une table générale des capitouls depuis la réunion du comté de Toulouse à la couronne jusqu’à présent, Toulouse, Jean François Forest, in-4°, 39-539 p. 1767. Charpentier, Description historique et chronologique de l’église métropolitaine de Paris, contenant l’histoire des évêques et des archevêques… celles du chapitre et des grands hommes qui en sont sortis, Paris, P. de Lormel, in-fol., xxii-54-494 p. 1767. Étienne-Joseph Poullin de Lumina, Abrégé chronologique de l’histoire de Lyon, contenant les événements de l’histoire de cette ville, depuis sa fondation par le Romains jusqu’à nos jours, les divers gouvernements sous lesquels elle a
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passé, avec une chronologie des archevêques et du corps municipal, Lyon, A.-L. Roche, in-4°, 15 p. [Négociant à Lyon.] 1770. Jean-Baptiste-Maurice de Sachy, Histoire des évesques d’Amiens, Abbeville, veuve de Vérité, in-8°, XI-284 p. 1775. Joseph Laurensi, Histoire de Castellane… Avec une suite chronologique des évêques de Senez, Castellane, Jean-Bapstiste Audemar, in-8°, 596 p. [Curé de Castellane.] 1774. Philippe Gagnarre, Histoire de l’église d’Autun, contenant : 1 ° la naissance de cette église, des mémoires pour servir à l’histoire des évêques d’Autun… 2 ° l’établissement des deux églises cathédrales…, Autun, P.-P. Dejussieu, in-8°. [Garde des archives d’Autun.] 1776-1778. Philippe-André Grandidier, Histoire de l’église et des évêques princes de Strasbourg depuis la fondation de l’evêché jusqu’à nos jours, Strasbourg, François Levrault, deux vol. in-4°, 441-lxxxii et xxx-372 p. [Bénédictin, chanoine et archiviste de l’évêché de Strasbourg.] Table des auteurs Bartel (Simon) : 1636. Besly ( Jean) : 1647. Bondonnet ( Jean) : 1651. Boyer de Sainte-Marthe (Louis-Anselme) : 1710, 1731. Brugeles (Louis-Clément de) : 1746 Camusat (Nicolas) : 1610. Catellan ( Jean de) : 1724. Charpentier : 1767. Chenu ( Jean) : 1603. Cherreau (Ollivier) : 1654. Columbi ( Jean) : 1638, 1651, 1656. Cotignon (Michel) : 1616. Dadré ( Jean) : 1618. Degrefeuille (Charles) : 1739. Dormay (Claude) : 1663-1664. Du Paz (Augustin) : 1620. Du Plessis (Toussaint) : 1731. Dufraisse ( Jean) : 1688.
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Dunod de Charnage (François Ignace) : 1750. Duport (Gilles) : 1690. Farin (François) : 1659. Forestier (Pierre) : 1713. Gazet (Guillaume) : 1597. Gissey (Odo) : 1620. Grandidier (Philippe-André) : 1776-1778. Guyon (Symphorion) : 1637. Hermant ( Jean) : 1705. La Croix (Guillaume de) : 1617. La Mure ( Jean-Marie de) : 1671. Laurensi ( Joseph) : 1775. Le Corvaisier de Courteilles (Antoine) : 1648. Le Grand (Albert) : 1637. Le Maire (François) : 1645. Le Vasseur ( Jacques) : 1633-1634. Lebeuf ( Jean) : 1743. Lopès ( Jérôme) : 1668. Marteau de Saint-Gatien (Martin) : 1660. Ménard (Léon) : 1737. Meurisse (Martin) : 1634. Nicole ( Julien) : 1669. Nouguier (François) : 1660. Plantavit de La Pause ( Jean) : 1634. Pommeraye ( Jean-François) : 1667. Poullin de Lumina (Étienne-Joseph) : 1767. Raynal ( Jean) : 1759. Rouault (Laurent) : 1742. Sachy ( Jean-Baptiste-Maurice de) : 1770. Severt ( Jacques) : 1607. Taillandier (Charles-Louis) : 1750-1756. Toul (Benoît de) : 1707. Table des diocèses Amiens : 1770. Arles : 1690. Arras : 1597. Auch : 1746.
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Autun : 1713, 1774. Auxerre : 1743. Avignon : 1660. Avranches : 1669.
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Bayeux : 1705. Besançon : 1750. Bordeaux : 1668. Bourges : 1603. Bretagne : 1620, 1637, 1750-1756. Cahors : 1617. Cambrai : 1597. Clermont : 1688. Coutances : 1742. Die : 1638, 1689. Lodève : 1634. Lyon : 1607, 1671, 1767. Mans (Le) : 1648, 1651. Meaux : 1731. Metz : 1634. Montpellier : 1739. Nevers : 1616. Nîmes : 1737.
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Noyon : 1633-1634. Orléans : 1637, 1648. Paris : 1767 Poitiers : 1647. Puy (Le) : 1620. Riez : 1636. Rouen : 1618, 1659, 1667. Saint-Paul-Trois-Châteaux : 1710. Senez : 1775. Soissons : 1663-1664. Strasbourg : 1776-1778. Toul : 1707. Toulouse : 1759. Tours : 1654, 1660. Troyes : 1610. Vaison : 1656, 1731. Valence : 1638, 1724. Viviers : 1651.
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Clergé savant et mémoire épiscopale : le diocèse de Langres du xviie au xxe siècle Alain Rauwel
C’est à l’échelle du diocèse que l’on peut observer au mieux le développement et l’évolution d’une histoire ecclésiastique locale, a fortiori épiscopale. Cette évidence rappelée, pourquoi avoir retenu celui de Langres ? On répondra qu’il présente toutes les caractéristiques d’un bon laboratoire : la cité épiscopale, sans grand rôle politique, sans envergure économique, sans même de véritable rayonnement régional, ne vit que de et pour l’Église – pas d’éléments perturbants ; à l’inverse, le clergé est abondant, voire surabondant, surtout au xixe siècle, avec un chapitre cathédral, un Petit et un Grand Séminaire, une Maîtrise, plusieurs couvents, et aussi, à partir de 1889, la direction de l’influent Ami du clergé. Il y a donc un groupe important de prêtres cultivés, auteurs potentiels d’études historiques. Ces potentialités ont-elles été actualisées, c’est toute la question. Il n’y avait pas à Langres, il faut le noter, de tradition historiographique médiévale. La plus ancienne liste épiscopale ne remonte qu’à la fin du xiie siècle, et encore n’a-t-elle pas été compilée au chef-lieu, mais à Dijon, dans la grande abbaye de chanoines réguliers de Saint-Étienne 1. Quant à des Gesta episcoporum, il n’y en eut jamais, à la différence, par exemple, du diocèse voisin de Toul, avec qui pourtant les Langrois entretenaient des relations intenses 2. C’est aux premières générations humanistes qu’il faut se rapporter pour voir apparaître une érudition canoniale tournée vers les saints locaux, la cathédrale, les grands prélats. Le précurseur doit être ici le chanoine Claude Félix († 1542) 3, originaire de Montigny-sur-Aube, vicaire général de l’évêque Michel Boudet, auteur avant 1532 d’un De pontificibus urbis lingonicae et antiquitate et laude civitatis resté manuscrit 4. On sera sensible à ce titre : la célébration 1. Cf. sur ce point J. Marilier, Quelques aspects du diocèse de Langres au viiie siècle. Le diocèse, les cathédrales, les évêques, Langres, 1965, p. 17-18. 2. A. Rauwel, Église de Toul et Église de Langres du xe au xiie siècle, dans Études touloises, 120, 2006, p. 33-37 3. L. A. E. Marcel, Le Cardinal de Givry, évêque de Langres, II, Langres, 1926, p. 258-259. 4. Langres, BM, ms 38.
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des évêques s’y manifeste comme inséparable de celle de la ville, de la petite patrie, dont les pontifes sont le plus bel ornement. Une histoire épiscopale complètement autonome, dès lors, ne semble guère envisageable. Il reste que le véritable fondateur de l’histoire ecclésiastique de Langres est le jésuite Jacques Vignier (1603-1669 ou 1675) 5. Ce religieux est un fils du diocèse, né à Bar-sur-Seine dans une famille d’historiens éminents, puisqu’il est apparenté à la fois à Nicolas Vignier, historiographe de France sous Henri III, et à l’oratorien Jérôme Vignier, faussaire, certes, mais dont la qualité des faux dit la science 6. Il ne quitta jamais son milieu d’origine, toute sa carrière de régent se déroulant entre les collèges de Chaumont, Langres et Dijon. Des ouvrages de dévotion sont sortis de sa plume 7, mais son grand œuvre est la monumentale Décade historique du diocèse de Langres, jamais publiée au complet et dont la destinée éditoriale est en soi une aventure. Vignier avait accumulé des notes exhaustives : ce sont elles qui forment les six volumes de l’« autographe » de la BnF 8 ; elles ne sont toutefois pas rédigées, et demeurent impubliables. Seule la première partie, portant sur la ville de Langres et le pays langrois (puisque l’immensité du diocèse avait inspiré à Vignier un plan géographique), semble avoir été mise en forme ; le manuscrit était au xviiie siècle à Saint-Germain-des-Prés 9. La mort de l’auteur ne permit pas sa publication, et il fallut attendre 1891 pour que la Société historique et archéologique de Langres entreprît de faire imprimer cette référence obligée de l’histoire haut-marnaise. En revanche, Vignier avait eu le temps de donner au public, en latin, un abrégé de son grand livre encore inédit : c’est le Chronicon lingonense de 1665 10. Le trait essentiel de l’historien jésuite est la volonté de remonter dans le temps l’origine du diocèse. Pour lui, les premiers martyrs (saint Bénigne à Dijon, les Trijumeaux à Langres) doivent être placés vers 180 et le premier évêque, saint Sénateur, vers 200. Cela correspond au titre annoncé pour la 5. Cf. C. Sommervogel, Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, VIII, Paris-Bruxelles, 1898, col. 748-751. 6. Cf. la généalogie de la famille in M. Belotte, Histoire de Bar-sur-Seine, Dijon, 2003, p. 150 et tableau hors-texte ; sur Jérôme Vignier, excellente étude de J.-L. Quantin, Jérôme Vignier, critique et faussaire janséniste ?, dans Bibliothèque de l’École des chartes, 156, 1998, p. 451479. 7. La pratique de la paix de l’âme dans la vie de S. Louis, Autun, 1642. 8. Paris, BnF, fr. 5993 à 5998. 9. Paris, BnF, fr. 1817-1818. On trouve une copie à la Bibliothèque du Séminaire de Langres (aujourd’hui « Bibliothèque diocésaine »), dans les manuscrits de l’abbé Mathieu. 10. Traduit en français par É. Jolibois : Les Chroniques de l’évêché de Langres du P. Vignier traduites du latin, continuées jusqu’en 1792 et annotées, Chaumont, 1842.
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Décade : « de la naissance de la religion chrétienne dans la ville et pays de Langres sous les premiers Antonins » 11. On trouve peu après : « controverse historique touchant le temps du passage du roi Chrocus et du martyre de saint Didier, troisième évêque de Langres » ; c’est bien là que le bât blesse. Force est de reconnaître en effet que les deux premiers noms de la liste épiscopale recouvrent de parfaits inconnus. En revanche, Didier bénéficie d’une vita, rédigée au viie siècle par Warnachaire, qui attribue la mort de l’évêque au célèbre roi des Vandales Chrocus, grand décapiteur de chrétiens 12. La logique de l’origine ethnique imposerait pour cette mort le début du ve siècle, comme on le reconnaissait sans difficulté avant Vignier. Mais le jésuite tient à ce que Chrocus soit un Vandale précoce, et s’arc-boute sur la date de 264. Remarquons bien qu’il ne défend pas, ce faisant, une tradition locale, mais qu’il la crée 13 – de même d’ailleurs qu’il est largement à l’origine de l’idée contestable selon laquelle les évêques de Langres auraient couramment résidé à Dijon pendant le haut Moyen Âge 14. Jacques Vignier fut-il donc un historien sans critique ? C’est la réputation que ses successeurs lui ont faite ; pour l’abbé Charles-François Roussel, au xixe siècle, il pèche par « un certain amour pour le merveilleux » 15. Le bilan est bien plus nuancé, comme un exemple le montrera. Vignier est, par ses papiers, le témoin le plus ancien d’un texte extrêmement curieux, dit Roue de fortune ou Chronique de Grancey 16. Ce récit tend à établir la parenté de la noblesse de Bourgogne du Nord avec tous les héros les plus prestigieux et les saints les plus renommés de l’histoire européenne. A-t-il été rédigé à Châtillon au xive siècle ? Est-ce une forgerie du xvie siècle (ce que j’aurais tendance à croire) ? C’est de toute façon une fable. Convient-il alors de la rejeter ? Vignier répond : « il n’est point de fable si mensongère qui ne contienne quelque vérité cachée. (…) La Chronique de Grancey est un roman de cette nature, des 11. Le plan de la Décade est connu grâce au prospectus que le jésuite avait diffusé, édité par É. Jolibois en annexe à sa traduction citée n. 9 et par l’abbé Ch.-Fr. Roussel, Le Diocèse de Langres : histoire et statistique, IV. 12. Cf. l’étude du chanoine G. Bardy, Recherches sur un cycle hagiographique : les martyrs de Chrocus, dans Revue d’histoire de l’Église de France, 21, 1935, p. 5-29. 13. Un représentant éminent des usages langrois, le chanoine Théodecte Tabourot, prend parti contre Vignier en 1683 dans son Histoire des sainctes reliques et anciennetés de Langres (ms, Bibliothèque de la Société d’histoire et d’archéologie de Langres). 14. I, II, 14 dans le plan de la Décade. 15. Ch.-Fr. Roussel, Le Diocèse de Langres… cité n. 11, IV, p. 247. 16. Éd. É. Jolibois, Chaumont, 1857 ; cf. M. Chaume, Fondements historiques de la Chronique de Grancey, dans Mémoires de l’Académie de Dijon, 106, 1937, p. xxi-xxii. Je reviendrai sur ce texte étonnant.
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plus faux en apparence, mais non pas en effet »17. À cette défense et illustration du roman comme source pour l’historien, on pardonne volontiers à Vignier d’en avoir écrit lui-même, sous le titre d’histoire… Au siècle suivant, doit-on considérer que les origines langroises de Diderot, dont les oncles et les cousins peuplaient le clergé et les confréries indigènes 18, ont fait souffler sur le diocèse quelque « esprit des Lumières » ? Ce serait bien téméraire de l’affirmer. Au début du siècle, un Jean-Baptiste Charlet (16511720), chanoine de Grancey et curé d’Ahuy, dans sa dissertation manuscrite sur la mort de saint Didier, défend la date de 264 19. Mais c’est surtout vers son collègue et supérieur l’abbé de Mangin qu’il faut se tourner. Ce « docteur de la Faculté de Théologie et licencié ès droits civil et canonique de l’Université de Paris » fut grand vicaire de Langres, et auteur fécond. Son Introduction au saint ministère, ou la manière de s’acquitter dignement de toutes les fonctions de l’état ecclésiastique tant pour le spirituel que pour le temporel (1750) ne couvre pas moins de douze volumes. Son Histoire ecclésiastique et civile, politique, littéraire et topographique du diocèse de Langres et de celui de Dijon qui en est un démembrement, publiée à Paris en 1765 après avoir été annoncée dans le Journal de Trévoux dès 1757, en occupe trois, mais ce sont de petits in-12 20. L’auteur affirme crânement, d’entrée de jeu, que « rien ne discrédite plus une histoire que les apologies qu’on y fait entrer 21 ». De fait, il critique le Père Vignier : celui-ci « assure que saint Juste gouverna l’église de Langres environ de l’an 220 jusqu’à 250, mais il ne dit point où il a pris cela, ni on ne peut le deviner »22. Pour autant, les capacités critiques de Mangin restent limitées. On ne lit pas sans inquiétude, dès les premières lignes de son récit, qu’« il est probable que Langres a été bâtie fort peu de temps après le Déluge »23… Au chapitre « des premiers évêques de Langres », il reprend la toujours épineuse question de saint Didier. Loyalement, il expose les points de vue adverses : celui de Vignier d’une part, celui de Tillemont (partisan de la datation basse) 17. Paris, BnF, fr. 5310, f. 73. 18. Cf. G. Viard, Tradition et Lumières au pays de Diderot : Langres au xviiie siècle, Langres, 1985, et surtout L.-F. Marcel, Le Frère de Diderot : Didier-Pierre Diderot, chanoine et grand archidiacre, Paris, 1913. 19. Ch.-Fr. Roussel, Étude historique sur les premiers évêques de Langres, Langres, 1886, p. 85-86. 20. L’œuvre dut avoir un certain succès, puisqu’on relève une 2e édition, toujours à Paris, en 1776. 21. P. xix (je cite d’après la 1re éd.). 22. I, p. 112. 23. I, p. 2.
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de l’autre. Ce désaccord des savants l’embarrasse, mais il conclut : « pour nous, nous dirons tout uniment que jusqu’à ce que nous ayons des preuves plus convaincantes, nous suivrons l’ancienne opinion au sujet de saint Didier »24. Par « ancienne opinion », Mangin entend le iiie siècle. En 1765, cette « ancienne opinion » avait exactement cent ans… Vignier avait bel et bien gagné la partie. Fut-ce un effet de la tourmente révolutionnaire ? Si dès le début du xixe siècle l’on retrouve des prêtres langrois historiens de leur Église, on ne voit rien dans toute la première moitié du siècle qui ressemble de près ou de loin aux grandes synthèses à vocation d’exhaustivité des xviie et xviiie siècles. Les travailleurs de ce temps sont des compilateurs, souvent de voraces dévoreurs de documents, qu’ils copient et rangent dans leurs énormes dossiers, mais dont ils ne font rien, ou pas grand-chose. Ainsi l’abbé Jean-Baptiste Mathieu 25 : né à Montigny-le-Roi en 1764, il eut à peine le temps d’exercer son ministère avant que la Révolution survînt. Retiré dès lors à Chaumont, il rassembla jusqu’à sa mort en 1829 la matière de dix-sept gros volumes, précieux par l’abondance des pièces, parfois disparues depuis, qui y sont copiées, et qu’il légua au Séminaire de Langres, où ils sont toujours 26. Seul un article d’annuaire en donna écho au public 27. Un peu plus tard, la « méthode » est la même chez le Frère Asclépiade, Frère des Écoles chrétiennes, originaire de Neuilly-l’Évêque, dont le butin se monte à vingt-cinq volumes de notes, qui constituent ce que les archivistes d’antan appelaient un « fatras » 28. L’esprit change dans les années 1830. Le nouvel évêque, Mgr Parisis, est très favorable aux études historiques. Surtout, en 1836, se met en place une structure destinée à encourager fortement la recherche : la Société historique et archéologique de Langres (SHAL) 29. Au premier rang des fondateurs, on relève un jeune architecte de vingt-six ans, Jean-Félix-Onésime Luquet, lié déjà à l’administration des Monuments historiques, jeune elle aussi, au titre 24. I, p. 117. 25. Indications dans la préface à la Décade du P. Vignier, éd. de la SHAL, 1891, I, p. xxviii. 26. A. Weber, Les bibliothèques diocésaines de Langres, dans Bulletin de la Société historique et archéologique de Langres, 35, 2006, p. 286-290 : p. 289. On trouvera au même endroit un mot sur les papiers de l’abbé Daguin (1810-1870). 27. Abrégé chronologique de l’histoire des évêques de Langres, dans Annuaire de la HauteMarne, 1808-1809 ; repris en vol. par le chanoine Rieusset, Langres, 1844. 28. Index des volumes dans Ch.-Fr. Roussel, Le Diocèse de Langres… cité n. 11, IV. 29. Quelques indications, mais rien de systématique, sous les plumes de G. Viard et P. Gariot, Ces messieurs des pierres… La SHAL au xixe siècle, dans le catalogue Sur les traces des troubadours : la Haute-Marne et son patrimoine au xixe siècle, Paris-Choignes, 2002.
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de ses travaux à Saint-Mammès, et qui était destiné à devenir l’une des grandes figures de l’histoire ecclésiastique langroise. Dès l’année suivante, il devait entrer au Séminaire de Saint-Sulpice, puis passer aux Missions étrangères en 1842 et être envoyé en Inde où il joua un rôle capital dans l’installation d’un clergé catholique. Évêque en 1845, il résida dès lors à Rome jusqu’à sa mort (1858), et il y exerça une forte influence. Ses intérêts archéologiques de jeunesse ne s’effacèrent pas, pas plus que son attachement à sa terre natale, à laquelle il devait d’ailleurs léguer la masse de ses papiers, qui, malgré plusieurs tentatives, attendent encore leur historien 30. À la Société, les prêtres érudits fournirent toujours, plus qu’ailleurs, de gros bataillons d’auditeurs, de communicants, d’auteurs et de dirigeants. Jusqu’à la fin du xxe siècle, le bureau de la SHAL faisait figure d’annexe du chapitre cathédral, avec des personnalités de haute valeur (le chanoine Drioux, le chanoine Didier, professeur aux Facultés catholiques de Lille, ou Mgr Desvoyes, par exemple). Pour nous toutefois, au xixe siècle, le plus beau fruit de l’esprit nouveau reste l’abbé Roussel. L’abbé Roussel reprochait à autrui d’écrire des romans, mais sa vie en est un, à coup sûr. Nous la connaissons bien par le récit qu’il en a lui-même fait, dans son Diocèse de Langres 31. Il est né à Langres en 1813, et y a fait ses études cléricales. Prêtre en 1836, il est de la même ordination que le futur Mgr Darboy. Il est nommé curé, au village de Bay, mais il est « dominé par le désir d’être religieux et missionnaire » : le voilà donc chez les jésuites, à Saint-Acheul. Il ne s’y plaît pas, et revient dans son diocèse en 1839 ; il y retrouve une cure. En 1843, il tâte des Lazaristes, à Aurillac, puis à Valfleury. Sur un incident, il quitte cette nouvelle famille religieuse fin 1852. Son périple ecclésiastique continue : missionnaire dans une petite congrégation liée à Léon Papin-Dupont, le « saint homme de Tours » († 1876), puis récollet, toujours sans succès. En 1855, il s’installe à Toulon comme prêtre libre chargé des œuvres, mais se fait encore des ennemis. 1860 voit son retour définitif à Langres. Il est à nouveau curé, mais s’ennuie. C’est à ce moment que germe son projet d’histoire diocésaine – l’érudition comme remède contre l’ennui : causalité très sous-estimée. L’Ordinaire, décidément très complaisant, le transfère à Neuilly-sur-Suize pour qu’il soit plus près des Archives… Il publie ses quatre gros volumes bourrés de faits entre 1873 et 1879, et aura tout loisir de les compléter et de les dé-
30. Nonobstant l’excellent articolo divolgativo d’H. Multon, De la mission à l’hagiographie : itinéraire d’un Langrois, Mgr Luquet, dans Cahiers haut-marnais, 222-223, 2000, p. 57-75. 31. IV, p. 334-338.
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fendre, puisque sa mort se place seulement en 1905, au terme d’une carrière aussi agitée que féconde. Les questions qui nous occupent interviennent dès le premier tome, centré sur un « Tableau chronologique des évêques de Langres, précédé d’une dissertation sur l’antiquité du siège épiscopal ». Roussel y brocarde d’emblée les « historiens égarés par l’amour de leur petit pays », qui veulent à tout prix une fondation très ancienne. Il insiste sur l’absence totale de traces d’une église de Langres au iiie siècle, et conclut à l’évidence de la datation basse, contre Vignier et son école. Toutefois, il ajoute aussitôt : « honneur donc à l’Église de Langres, l’une des plus anciennes et des plus illustres des Gaules ! Honneur à ses dignes pontifes ! »32 On voit par là que le ralliement aux thèses critiques, au « siècle de l’histoire », ne signifiait pas nécessairement le scepticisme, l’absence de piété locale et d’enthousiasme hagiographique. Selon Roussel, « parmi tous les évêques, on n’en compte que deux à peine, savoir Papoul (un évêque du vie siècle qui fut peut-être un peu simoniaque) et Louis de Poitiers, dont on n’ait point de bien à dire ! »33. L’affaire était suffisamment sérieuse pour que le chapitre de 1873 ne l’ait pas épuisée. Treize ans plus tard, l’abbé revient sur le sujet dans un volume particulier, l’Étude historique sur les premiers évêques de Langres. C’est un livre de combat, qui se veut avant tout une réponse à dom Chamard, chantre de l’apostolicité des Églises des Gaules 34. « Certains auteurs, de nos jours surtout, prétendent sans aucune preuve solide faire remonter l’établissement de la plupart des sièges épiscopaux des Gaules presque à l’origine du christianisme, par un zèle mal entendu pour la gloire de leur Église 35. » Roussel s’emploie à les réfuter. Sa méthode est solide : plutôt que de commencer aux origines, qui ne sont pas documentées, ou à peine, il s’appuie sur Grégoire de Tours pour tenter d’aller plus haut. Il ne s’obstine pas à revendiquer l’historicité de noms ou de faits génériques ou stéréotypés. Le premier évêque de Langres est connu sous le nom de saint Sénateur ? « On convient assez généralement que (…) ce n’est pas un nom personnel mais bien un nom de dignité, et que ce nom lui a été attribué en considération du rang éminent qu’il avait 32. P. 127. 33. Ibid. 34. Les Églises du monde romain, et notamment celles des Gaules, pendant les trois premiers siècles, Paris, 1877. 35. Le Diocèse de Langres… cité n. 11, I, p. 412. On sait que cette question de l’apostolicité travailla toute l’histoire catholique du xixe siècle. Cf. le bilan proposé par un témoin très partisan, mais bien documenté, A. Houtin, La controverse de l’apostolicité des Églises de France au xixe siècle, Paris, 1901.
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occupé dans le siècle 36. » Saint Didier reste néanmoins le sujet le plus brûlant. Roussel, à son propos, fait avec netteté les rappels historiographiques qui s’imposent : « il y a sur ce point à Langres deux sortes de traditions, l’ancienne et la nouvelle – qui est moins une tradition qu’une opinion émise et soutenue en ces derniers temps exclusivement »37. Et de souligner que Vignier, Charlet et Mathieu sont à peu près les seuls à avoir défendu le iiie siècle. Il parvenait ainsi à établir les droits de la critique au nom de la tradition la plus vénérable, contre des hypo-critiques assimilés à des novateurs : c’était une stratégie très habile. Il faut dire que les tenants de l’apostolicité étaient nombreux et combatifs, en ce second xixe siècle. Dans le diocèse de Langres même, Roussel avait pour confrère Mgr Fèvre (1829-1907), le continuateur de l’Histoire de l’Église de Rohrbacher, brouillé avec son évêque par hostilité au ralliement et si violemment anti-libéral que Dupanloup l’avait traîné en cour de Rome 38 ! Partout, on accusait les historiens sujets à la révision des datations de bréviaire de trahir la foi et les mœurs. En Bourgogne du Nord également, mais dans la province de Sens, le chanoine Blondel, en 1896 encore, chapitrait l’excellent Lebeuf, mort depuis 1760 39. Ce savant avait en effet, dans sa liste épiscopale d’Auxerre, changé l’ordre des Gesta, et même supprimé un doublon. « Rayer un évêque du ive siècle de la liste des pontifes, et cela de sa propre autorité, c’est roide ! » En s’éloignant des Gesta, « texte positif » qui doit faire loi, Lebeuf a été « téméraire » – d’une témérité que le censeur, on le devine, eût volontiers transformée en hérésie. Le même Blondel (né en 1827, il est vrai) ne s’attaquait d’ailleurs pas seulement aux morts : Louis Duchesne, après la parution de ses Fastes épiscopaux, eut droit à ses foudres 40, 36. Étude… cité n. 19, p. 88. Il est remarquable de constater qu’à Dijon, vers 1930, le chanoine Bardy, pourtant considéré comme « moderniste », défendait contre les Bollandistes l’historicité du nom personnel de S. Bénigne : cf. A. Rauwel, Gustave Bardy historien de la chrétienté bourguignonne, à paraître. 37. Étude… cité n. 19, p. 75. 38. Cf. D. Moulinet, Sources et méthodes en histoire religieuse, Lyon, 2000, p. 55-56. J.-Ph. Chaumont, Mgr Fèvre polémiste anti-libéral, thèse, Paris IV, 1992 (cf. Cahiers haut-marnais, 220-221, 2000, p. 99-116). 39. Examen critique du système de l’abbé Lebeuf sur la chronologie des premiers évêques d’Auxerre, dans Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de l’Yonne, 50, 1896, p. 503-512. 40. Tradition historique et fausse science : réfutation d’un mémoire de M. l’abbé Duchesne, dans Semaine religieuse de Sens, 1892 ; Comment on jugera dans cent ans les œuvres de M. l’abbé Duchesne, Sens, 1895 ; L’apostolicité de l’Église de Sens : réfutation des erreurs de M. l’abbé Duchesne, Sens, 1902. Cet arsenal ne fut pas sans effet, puisqu’on sait que le départ de Mgr Duchesne de l’Institut catholique fut exigé par le cardinal Bernadou, archevêque de Sens.
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et même Albert Houtin 41. Roussel et ses pareils ne se battaient donc pas contre des moulins à vent. Cependant, les problèmes se déplacent vite, et dès le début du xxe siècle, ces débats et combats du Second Empire ou de la République des ducs apparaissent entièrement périmés. L’histoire épiscopale reste le fait du clergé savant, mais sa pratique, vue de Langres, change considérablement. Le temps des sommes est terminé ; on passe à la monographie. Le Moyen Âge idéalisé des clercs qui avaient reçu Le Génie du Christianisme en livre de prix au Petit Séminaire et qui s’étaient extasiés sur la Sainte Élisabeth de vitrail de Montalembert, cède largement la place à l’Ancien Régime. Enfin, la science historique devient un instrument de reconnaissance institutionnelle : les livres, désormais, sont d’abord des thèses. Deux figures originaires du diocèse ou ayant travaillé sur lui ont illustré ces tendances avec un brio certain. Le premier est l’abbé Louis Prunel (1874-1932) 42. Né à Laignes, il appartient au diocèse de Dijon, dont il fut un des brillants élèves du Séminaire. Envoyé à Rome, c’est là qu’il est prêtre en 1898. Il enseigne un temps au Petit Séminaire de Plombières, mais part vite pour Paris, où il prépare son doctorat ès-lettres, soutenu en 1912. Dès cette année, il devient vice-recteur de l’Institut catholique de Paris sous Mgr Baudrillart, et le reste jusqu’à sa mort en 1932, sa mauvaise santé l’ayant empêché de coiffer une mitre dont il s’estimait, semblet-il, fort digne. Sans doute ce goût lui venait-il de la fréquentation prolongée d’un évêque du xviie siècle auquel il consacra sa thèse : Sébastien Zamet, l’introducteur des méthodes tridentines en Langrois 43. Nettement, l’intérêt de Prunel se porte d’abord vers le rôle politique du prélat, ses relations avec le roi, la cour, Richelieu… Son Zamet (Italien, pourtant) est au service de la France et de sa grandeur autant que de l’Église et de sa croissance. Cet esprit se retrouve bien dans un petit volume de synthèse, qui fut d’abord un cycle de conférences : La Renaissance catholique en France au xviie siècle (1921). Pour Prunel, cette renaissance « fit de la France la première nation du monde »44. Et sans ambiguïté, le vice-recteur ne développe cette histoire que comme appel à faire de même au xxe siècle : à ses yeux, le temps de François de Sales et de Vincent de 41. Apostolicité de l’Église de Sens : lettre ouverte à M. l’abbé Houtin, dans La Science catholique, 1903. On envoyait beaucoup de lettres ouvertes en ces années : cf. par exemple F. Cortez, Apostolicité des Églises de Provence : lettre ouverte à M. l’abbé Vacandard, Fréjus, 1912. 42. Esquisse biographique dans Catholicisme, XII, Paris, 1990, col. 172. 43. Sébastien Zamet, évêque-duc de Langres, pair de France : sa vie et ses œuvres, Paris, 1912. La thèse complémentaire portait sur l’édition de la correspondance de Zamet. 44. L. Prunel, La Renaissance catholique en France au xviie siècle, Paris, 1921, p. v.
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Paul est un modèle, qu’il faut élargir aux dimensions du monde par la mission et la colonisation, « car la France est toujours l’instrument de Dieu »45. De ce point de vue, et même si l’on sent passer dans les Carnets de Baudrillart un agacement récurrent, Prunel était en phase avec son recteur (lui-même excellent historien). Tous deux exaltaient une sorte de « national-catholicisme », au service duquel l’histoire était enrôlée. Beaucoup plus paisible était l’histoire selon notre deuxième figure, LouisEmmanuel Marcel. Ce prêtre langrois ne fit pas la carrière nationale de son contemporain dijonnais ; au contraire, ses horizons se bornèrent au Séminaire de son diocèse, où il fut professeur, et au gros bourg de Prauthoy, dont il fut curé-doyen. Il ne fait pas de doute que l’amour de la recherche lui fut inculqué par son oncle et quasi homonyme, le chanoine Louis-François Marcel, président de la Société historique, érudit fécond, auteur notamment d’un excellent répertoire des anciens livres liturgiques langrois 46. Louis-Emmanuel présenta en 1926 sa thèse consacrée à Claude de Longvy, évêque de 1529 à 1561 47. Les deux volumes de cet ample travail sont d’un intérêt exceptionnel. Ils ne se limitent pas, et de très loin, à une histoire annalistique. Les aspects politiques et institutionnels sont même plutôt laissés au second plan. L’auteur a voulu proposer « un tableau de ce qu’était le diocèse de Langres durant les trente années qui précédèrent les guerres de religion 48 ». Comme les sous-titres des volumes le laissent entendre, le premier est centré sur l’analyse des débuts du protestantisme en Haute-Marne et pays circonvoisins, tandis que le second porte essentiellement sur le mécénat très actif du cardinal de Givry. C’est pour Marcel l’occasion d’établir une histoire culturelle complète de ce milieu d’un très grand dynamisme que fut Langres au xvie siècle, au temps où voisinaient autour de la cathédrale Lefevre, le traducteur d’Alciat, l’anatomiste Richard Roussat, le fameux Tabourot, auteur de l’Orchésographie, et Jean Duvet qui gravait alors son étonnante « Apocalypse figurée ». Comme ces analyses se combinent avec des éléments de prosopographie, d’histoire domaniale et d’autres aspects encore, on aboutit, au-delà de la figure de Givry, à une véritable « histoire totale » d’une ville sonnante au temps des Valois, qui dépasse largement le vieux modèle biographique. 45. Ibid., p. viii. 46. Le chanoine Marcel polémiqua aussi contre l’exaltation du souvenir de Diderot : cf. G. Viard, Une arme contre le radicalisme anticlérical : les pamphlets du chanoine Marcel contre Diderot (1884), dans A.-M. Chouillet (éd.), Les Ennemis de Diderot. Actes du colloque… 25-26 octobre 1991, Paris, 1993, p. 235-251. 47. Le cardinal de Givry, évêque de Langres, I : La Réforme ; II : La Renaissance. 48. I, p. x.
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L’histoire s’arrête là. Après 1945, d’érudits chanoines, comme on l’a dit, peuplent encore les sociétés savantes et multiplient les communications de détail. Mais une atmosphère tout à fait nouvelle les empêche de se livrer aux grands tableaux qu’avaient affectionnés leurs prédécesseurs. La déchristianisation de masse, la chute vertigineuse des statistiques d’ordination, la fin programmée du régime de chrétienté tournent vers d’autres préoccupations les quelques énergies encore disponibles 49. Quand par hasard une tentative de synthèse vient à terme, elle relève entièrement d’une apologétique du désespoir, en aucun cas de l’histoire. Dans une terre sans Université, les savants laïcs ne viennent guère à la rescousse. Il est à prévoir que le silence retombera durablement sur l’acropole haut-marnaise, fidèle à un destin qui avait fasciné le grand rêveur d’espaces qu’était Julien Gracq 50, et déjà avant lui un géographe inspiré, Vidal de La Blache : « il n’y a point ici pour gêner l’évocation de l’histoire l’importunité des bruits du présent. La vie semble éteinte. Peut-être ne fut-elle jamais bien intense 51 »…
49. Cf. A. Rauwel, Un diocèse face à la crise, dans Catholica, 87, 2005, p. 128-129. 50. Cf. ses Carnets du grand chemin, éd. de la Pléiade, p. 999-1000. 51. Tableau de la géographie de la France, Paris, 1903 (réimpr. anast. 1979), p. 240.
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Histoire des évêques et tradition épiscopale au xixe siècle Jacques-Olivier Boudon
La signature du concordat le 15 juillet 1801 met fin au schisme révolutionnaire qui avait coupé en deux l’Église de France pendant dix ans, mais, en prévoyant que les deux épiscopats en place devraient démissionner, il introduit une rupture majeure dans la longue chaîne des successions épiscopales. En 1802, c’est un nouvel épiscopat qui est formé par Bonaparte 1. Certes, il comprend des survivants de l’épiscopat d’Ancien Régime, représenté par seize prélats, comme du reste douze membres de l’épiscopat constitutionnel, mais aucun n’a été replacé sur le siège qu’il occupait préalablement. Par ailleurs, une trentaine d’évêques refusent de donner leur démission au pape et continuent de se considérer comme titulaires des diocèses sur lesquels ils avaient été nommés avant la Révolution. Enfin la réorganisation concordataire s’accompagne d’un profond remaniement de la carte des diocèses, par rapport à l’Ancien Régime, ce qui contribue un peu plus à rompre la chaîne des temps. Cette rupture conduit les évêques à rechercher une filiation avec ceux qui les ont précédés, à s’inscrire dans une tradition épiscopale qui doit favoriser leur propre légitimation. Mais pour l’heure, au sortir de la Révolution, la priorité est donnée à la reconstruction des structures, avant que n’apparaisse le souci de restaurer la mémoire des diocèses.
L’émergence de la biographie épiscopale La biographie épiscopale s’impose comme un genre à part entière au xixe siècle, mais il faut attendre les années 1840 pour qu’elle émerge. Auparavant, les récits de vie des évêques qui ont contribué à la réorganisation de l’Église au lendemain de la Révolution sont rares. Ils apparaissent essentiellement au travers de courtes notices publiées au moment du décès de l’intéressé, notamment dans l’Ami de la religion et du roi, ou d’éloges funèbres. 1. Sur ce contexte, voir J.-O. Boudon, Napoléon et les cultes. Les religions en Europe à l’aube du xixe siècle (1800-1815), Paris, 2002, et Les élites religieuses à l’époque de Napoléon. Dictionnaire des évêques et vicaires généraux du Premier Empire, Paris, 2002.
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Ce n’est donc que dans les années 1840 que commencent à paraître les premières vies d’évêques. L’un des précurseurs du genre est l’abbé Lyonnet, alors chanoine de Lyon, qui publie en 1841 une biographie du cardinal Fesch, premier archevêque de Lyon en 1802, mort deux ans plus tôt en exil à Rome 2. L’abbé Lyonnet a bénéficié des papiers de l’oncle de Napoléon. Il profite aussi du climat favorable à l’évocation d’une figure épiscopale très liée à l’empereur, dont les cendres ont été ramenées à Paris en grandes pompes un an plus tôt. Six ans plus tard, l’abbé Lyonnet récidive en donnant une vie de Mgr d’Aviau du Bois de Sanzay, archevêque concordataire de Bordeaux, mais auparavant évêque de Vienne 3. Il aura donc fallu attendre quarante ans pour voir évoquer le rôle des premiers évêques concordataires. C’est le moment où disparaît la génération des prêtres nés avant la Révolution, comme le souligne le biographe de Mgr Brumauld de Beauregard, évêque d’Orléans de 1823 à 1840 : D’un autre côté, nous voyons tous les jours s’éclaircir les rangs de ces évêques si vénérables que leur naissance rattachait aux premiers ordres de l’État, que leur science classait avantageusement dans la république des lettres, qui tenaient aux entrailles de notre antique monarchie par une conviction qu’avaient sanctionnée de longues souffrances, par leur sang, par religion et par devoir 4.
L’auteur anonyme de cette Vie de Mgr Brumauld de Beauregard met l’accent sur la disparition d’un épiscopat d’origine noble, remplacé depuis la fin des années 1820, et surtout dans les années 1830, par des évêques d’origines plus modestes, ces « paysans mitrés », raillés au temps de Louis-Philippe 5. En fait, l’instabilité politique a sans doute contribué au relatif silence entourant les premiers évêques du xixe siècle. Sous la Restauration, il n’est pas aisé de mettre en avant la génération des évêques de Napoléon, ce qui reviendrait à évoquer le concordat de 1801, le concile de 1811 ou encore les éloges nombreux de l’empereur composés par ces évêques, même lorsqu’ils se sont ralliés à Louis XVIII. Quinze ans plus tard, alors que vient de s’opérer une révolution de 1830 aux accents très anticléricaux, la génération des évêques de
2. Abbé Lyonnet, Le cardinal Fesch, archevêque de Lyon, Paris-Lyon, 1840, 2 vol. 3. Abbé Lyonnet, Histoire de Mgr d’Aviau Du Bois de Sançay, successivement archevêque de Vienne et de Bordeaux, Lyon, 1847, 2 vol. 4. Mémoires de Mgr Brumauld de Beauregard, évêque d’Orléans, I, Poitiers, 1842, p. xx. 5. En réalité, les évêques d’origine paysanne restent minoritaires puisqu’ils ne représentent qu’un cinquième des cinq cent quinze évêques de l’époque concordataire, voir J.-O. Boudon, L’épiscopat français à l’époque concordataire (1802-1905) : origines, formation, nomination, Paris, 1996 (Histoire religieuse de la France, 9).
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la Restauration pâtit du relatif discrédit dans lequel l’a également placé son allégeance à la branche aînée des Bourbons. Mais la raison fondamentale du changement perceptible dans les années 1840 tient à la fois à la structure du clergé et au renouveau des études historiques dans leur ensemble. À partir des années 1840 en effet, le clergé est de nouveau pléthorique en France, ce qui permet à des prêtres érudits de s’adonner à des études historiques. C’est le cas de l’abbé Lyonnet, chanoine de Lyon à trente-cinq ans, et qui bénéficie de loisirs pour écrire. Ce n’est du reste pas un hasard si c’est précisément à ce moment-là que les évêques encouragent leurs prêtres à s’adonner à des travaux d’érudition, parmi lesquels la biographie ecclésiastique s’impose assez vite 6. C’est aussi à partir des années 1840-1850 que les évêques en place cherchent à renouer les fils des successions épiscopales. Mgr Pie à Poitiers favorise l’essor du culte de saint Hilaire dont il contribue à faire un docteur de l’Église, utilisant le parallèle entre la lutte de Hilaire contre l’arianisme et le combat actuel contre le naturalisme 7. La figure de saint Martin est également remise à l’honneur par les archevêques de Tours. À Paris, l’abbé Darboy se fait connaître en s’intéressant à la vie et à l’œuvre de Denis l’Aéropagite, dont il fait le fondateur du diocèse dont lui-même prend les rênes quelque temps après 8. De même, en publiant la Vie de Mgr Guigou, évêque d’Angoulême, l’abbé Michon la fait précéder d’une « Chronique des évêques d’Angoulême » 9. Ce mythe des origines est d’autant plus fort que les diocèses concordataires ont des limites récentes et qu’il faut effacer la césure révolutionnaire, notamment en gommant le passage des évêques constitutionnels. Ainsi alors que les biographies d’évêques sont très rares pour la première moitié du xixe siècle, Claude Langlois en avait dénombré près de cinquantecinq pour les évêques morts entre 1850 et 1914. Parmi elles, dix-sept ont été publiées dans les cinq années qui suivent la mort du défunt, vingt-six moins 6. Voir à titre d’exemple, S. Milbach, Prêtres historiens et pèlerinages du diocèse de Dijon 1860-1914, Dijon, 2000. 7. Discours prononcé par Mgr l’évêque de Poitiers à Rome, dans l’église de Saint-André della Valle, le 15 janvier 1870, en la fête de saint Hilaire, docteur de l’Église, Poitiers, 1870. 8. G. Darboy, Œuvres de saint Denys l’Aréopagite, traduites du grec, précédées d’une introduction où l’on discute l’authenticité de ces livres… la doctrine qu’ils renferment et l’influence qu’ils ont exercée, Paris, 1845. 9. H. Michon, Vie de Jean-Joseph-Pierre Guigou, évêque d’Angoulême ; précédée de la Chronique des évêques d’Angoulême, Angoulême, 1844. Sur l’abbé Michon, voir aussi Cl. Savart, L’Abbé Jean-Hippolyte Michon 1806-1881 : contribution à l’étude du libéralisme catholique au xixe siècle, Paris, 1971.
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de dix ans après sa disparition. Les biographes sont généralement des ecclésiastiques – sept sur cinquante-cinq seulement sont des laïcs – parmi lesquels on compte nombre de vicaires généraux ou secrétaires de l’évêque défunt 10. À partir du corpus établi dans ma thèse sur l’épiscopat français, on peut relever que cent huit évêques ont fait l’objet d’une biographie avant 1914, ce qui représente près d’un quart des évêques concordataires morts avant cette date. C’est à partir des années 1860 que le genre s’impose véritablement pour connaître son heure de gloire sous la IIIe République. La biographie épiscopale est devenue une arme de combat, un moyen de justifier l’œuvre du défunt, que ce soit pour répondre à la politique italienne de Napoléon III à la fin du Second Empire, ou pour faire face à la laïcisation opérée par les républicains à partir des années 1880. L’abbé Clastron le dit avec force dans sa Vie de Mgr Plantier, lorsqu’il écrit, évoquant le très intransigeant polémiste que fut l’évêque de Nîmes, « son œuvre lui survivra, car il a préparé aux générations futures un abri contre les flots et les rugissements de l’erreur. C’est le service rendu à la France par les immortels pontifes qui ont illustré la seconde moitié de ce siècle, les Gerbet, les Salinis, les Dupanloup, les Pie, les Plantier »11. La biographie est aussi l’une des manifestations d’un devoir de mémoire rendu à l’évêque décédé, au même titre que la statuaire sur son lieu de sépulture, en général la cathédrale. Elle doit contribuer à l’édification des fidèles et favoriser l’éventuelle béatification du prélat, pourtant très rare, puisque le seul évêque concordataire béatifié, Eugène de Mazenod, l’a été en vertu de son rôle de fondateur de la congrégation des Oblats de Marie Immaculée 12. Le biographe dispose pour ce faire des papiers légués par le défunt et écrit une biographie à la fois très documentée, mais aussi très hagiographique. Ce genre devient également un exercice de réflexion sur le métier d’évêque d’autant plus intéressant à analyser que nombre de ces biographes suivent ensuite leur héros dans la voie de l’épiscopat. On peut en citer quelques exemples parmi les plus significatifs. En 1883, l’abbé Lagrange publie une Vie de Mgr Dupanloup, en trois volumes. Il a été le principal collaborateur de l’évêque d’Orléans, a pu 10. Cl. Langlois, Des études d’histoire ecclésiastique locale à la sociologie religieuse historique. Réflexions sur un siècle de production historiographique, dans Revue d’histoire de l’Église de France, 1976, p. 329-347. 11. J. Clastron, Vie de Mgr Plantier, évêque de Nîmes, Nîmes, 1882, p. xxii. 12. J. Chélini (dir.), Saint Eugène de Mazenod, évêque de Marseille, fondateur des Oblats de Marie, Aix-en-Provence, 1997. Voir aussi sur la question de la béatification des évêques, J.-O. Boudon, Épiscopat et sainteté. Les aléas de la cause Darboy, dans G. Cholvy (dir.), La sainteté : carrefour d’histoire religieuse. VIIe Université d’été d’histoire religieuse… 9-12 juillet 1998, Montpellier, 1999, p. 133-148.
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disposer de ses papiers, de ses écrits, et se place d’emblée sous un haut patronage, en citant la biographie de Bossuet par le cardinal de Beausset. Mais derrière sa participation aux combats politiques, son objectif est « de le montrer ce qu’il était par-dessus tout : prêtre et évêque », étape dans un processus de canonisation que le biographe ne voile pas. Fort de cet héritage hautement revendiqué, l’abbé Lagrange devient évêque de Chartres en 1889.
Histoire épiscopale et défense religieuse C’est aussi dans la deuxième moitié du xixe siècle que commencent à se développer les dictionnaires ou séries d’études biographiques sur un groupe d’évêques. Paraît ainsi dans les années 1850, l’Armorial de l’épiscopat français, entreprise lancée par Pamphile Taupin d’Auge et qui réunit, en fascicules séparés, cinquante-cinq vies d’évêques de la première moitié du xixe siècle, y compris des évêques de l’époque napoléonienne 13. On redécouvre en effet, sous le Second Empire, cet épiscopat napoléonien qui a contribué à la reconstruction de l’Église de France, au premier rang desquels l’archevêque de Paris, le cardinal de Belloy. L’auteur de ces biographies est un prêtre du diocèse de Paris, l’abbé Denys. Sous le Second Empire, l’évêque retrouve toute sa place dans la cité, surtout dans la décennie 1850 marquée par le renouveau de l’alliance du trône et de l’autel 14. Protégé par les autorités locales, l’évêque regagne un prestige qui s’était quelque peu émoussé sous la Monarchie de Juillet. Les conciles provinciaux tenus à partir de 1849, les prises de positions régulières de ces évêques dans les débats théologiques, leurs fréquents voyages à Rome, avec en point d’orgue la réunion du concile au Vatican en 1870, contribuent à ce renouveau de la figure de l’évêque. Les initiatives sont aussi locales. L’un des précurseurs en la matière est l’abbé Lecanu (1803-1884) qui publie en 1839 une Histoire des évêques de Coutances depuis la fondation de l’évêché jusqu’à nos jours 15. Il est suivi en 1846 par Alphonse Chassant (1808-1907) et G. E. Sauvage, qui publient une Histoire des évêques d’Évreux 16, en 1852 par Charles Guimart, qui donne une 13. Armorial de l’épiscopat français, Paris, 1865. 14. J.-O. Boudon, Paris, capitale religieuse sous le Second Empire, Paris, 2001 (Histoire religieuse de la France, 18), 2001. 15. A. Lecanu, Histoire des évêques de Coutances depuis la fondation de l’évêché jusqu’à nos jours, Coutances, 1839. 16. A. Chassant et G. E. Sauvage, Histoire des évêques d’Évreux, Évreux, 1846.
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Histoire des évêques de Saint-Brieuc 17, et par Eugène Van Drival (1815-1887), auteur d’une Histoire des évêques de Boulogne 18, dont il faut souligner qu’elle concerne un diocèse qui a cessé d’exister, si bien que la liste des évêques présentés est désormais close. C’est vrai également de l’Histoire des évêques de Mâcon publiée par le comte de La Rochette 19. L’abbé Van Drival précise son projet, dans sa préface :
Faire pour chaque diocèse ce que les auteurs du Gallia christiana ont fait pour toute la France ; recueillir les origines, suivre les développements, retracer l’historique de chaque Eglise, dire les actes des évêques qui ont présidé à ses destinées, c’est faire œuvre de piété, comme de reconnaissance envers nos Pères dans la foi ; c’est travailler à l’avancement du règne de Dieu, en montrant aux hommes un peu prévenus de ce siècle, quels furent ces hommes des jours anciens que l’on a appris à oublier.
Ce genre se poursuit par la suite avec notamment la publication d’une Histoire des évêques et archevêques de Toulouse, depuis la fondation du siège jusqu’à nos jours 20, d’une Histoire des évêques de Valence 21, d’une Histoire des archevêques de Paris 22, de l’Histoire des évêques de Dax par l’abbé Degert 23, ou de l’Histoire des évêques et archevêques de Cambrai par l’abbé Bourgeois 24. Loin d’atténuer la ferveur des biographes, le renforcement des luttes religieuses contribue au contraire à faire de l’évêque un rempart et un modèle à suivre. Enfin, en 1907, la Société bibliographique publie un ouvrage qui fit date, L’épiscopat français depuis le Concordat jusqu’à la Séparation (1802-1905), à la Librairie des Saints-Pères 25. Ce n’est pas la première initiative de ce genre. Depuis l’Armorial publié sous le Second Empire, on peut citer notamment le livre paru en 1896, chez Flammarion, Nos évêques. Biographies et portraits des membres de l’épiscopat français 26, qui toutefois ne consacrait qu’une courte 17. Ch. Guimart, Histoire des évêques de Saint-Brieuc, Saint-Brieuc, 1852. 18. E. Van Drival, Histoire des évêques de Boulogne, Boulogne-sur-Mer, 1852. 19. Comte Arthur de La Rochette, Histoire des évêques de Mâcon, Mâcon, 1866-1887, 2 vol. 20. Abbé Cayre, Histoire des évêques et archevêques de Toulouse, depuis la fondation du siège jusqu’à nos jours, Toulouse, 1873. 21. J. Perrier, Histoire des évêques de Valence, Monaco, 1887. 22. L. Jaunay, Histoire des évêques et archevêques de Paris, Paris, 1884. 23. Abbé A. Degert, Histoire des évêques de Dax, Dax, 1899. 24. Abbé A. Bourgeois, Histoire des évêques et archevêques de Cambrai, Rome, 1875. 25. L’épiscopat français depuis le Concordat jusqu’à la Séparation 1802-1905, ouvrage publié sous la direction de la Société bibliographique avec le concours de 90 collaborateurs diocésains, préface de Mgr Baunard, Paris, 1907. 26. S. Grenier, Nos évêques. Biographies et portraits des membres de l’épiscopat français avec une notice sur la constitution de l’Église et du clergé de France, le catalogue des évêques et le
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notice, d’une page aux évêques vivants. L’entreprise lancée par la Société bibliographique est de plus grande ampleur, puisqu’il s’agit d’un recueil de notices sur tous les évêques nommés en France depuis 1802. Ce gros dictionnaire de 720 pages est introduit par Mgr Baunard, recteur des facultés catholiques de Lille et auteur de plusieurs biographies dont une vie du cardinal Pie et une vie du cardinal Lavigerie 27. Son nom restera du reste associé à l’entreprise au point qu’on désigne ensuite souvent l’ouvrage comme le « Baunard ». Il est l’un des membres actifs de la Société bibliographique, société catholique fondée en 1882 pour éditer et diffuser de « bons livres ». Elle est présidée par le comte Aymer de la Chevalerie et compte parmi les membres de son Comité de publication Paul Allard, le baron Jules Angot des Retours, Charles Geoffroy de Grandmaison, connu pour ses travaux sur la Congrégation et les cardinaux noirs, le chanoine Pisani, archiviste du diocèse de Paris, auteur de recherches poussées sur les prêtres parisiens à l’époque de la Révolution et d’un Répertoire de l’épiscopat constitutionnel, ou encore Victor Pierre, vice-président de la Société bibliographique et conservateur aux Archives nationales. L’entreprise a réuni près de quatre-vingt-dix collaborateurs, soit un par diocèse. Ce sont dans leur très grande majorité des ecclésiastiques, curés de paroisses, archivistes diocésains, professeurs de séminaires, tous prêtres érudits. Certains se sont déjà illustrés ou vont s’illustrer par des travaux savants, à l’image de l’abbé Charles Guillemant qui se charge du diocèse d’Arras et qui publiera quelques années plus tard une Vie de Mgr Parisis 28. De même l’abbé Léon Degert, professeur à l’Institut catholique de Toulouse, chargé du diocèse d’Auch, est l’auteur d’une étude sur les séminaires français depuis la Révolution française. Mais on compte aussi des laïques parmi les rédacteurs, par exemple Léonce Pingaud, professeur à l’université de Besançon, chargé des notices de ce diocèse, Charles Geoffroy de Grandmaison, déjà cité qui prend en charge le diocèse d’Évreux, ou le comte Aymer de la Chevalerie lui-même, qui s’est réservé le diocèse d’origine de sa famille, Poitiers. Quant au Bruxellois, Paul Verhaegen, il s’occupe des diocèses belges à l’époque napoléonienne. À l’origine du projet, il avait été prévu d’arrêter les notices en 1900, mais la loi de séparation a conduit le conseil de la Société bibliographique à prolonger son enquête jusqu’en 1905. Et comme l’écrit Mgr Baunard : résumé des conciles, le tableau des services de l’administration des cultes, la liste alphabétique des cardinaux, archevêques et évêques de France, Paris, 1896. 27. Voir L. Mahieu, Vie de Mgr Baunard, recteur de l’université catholique de Lille (18281919), Paris, 1924. 28. Ch. Guillemant, Pierre-Louis Parisis, Marconne-les-Hesdin - Paris, 1916-1924, 3 vol.
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Jacques-Olivier Boudon « C’est en effet plus qu’une date que le millésime de cette publication, c’est, dans un tournant de notre histoire, le point qui marque la fin d’un vaste état des choses disparaissant sans retour, et le commencement d’un autre dont nul ne peut prévoir le caractère, les œuvres, la durée, mais dont on peut déjà prédire les luttes et pressentir la souffrance. »
L’ouvrage s’inscrit très clairement dans le prolongement de la Gallia christiana, mais préfère l’ordre alphabétique des diocèses à celui des provinces ecclésiastiques. Le programme proposé aux collaborateurs a, dans l’ensemble, été respecté : « quelques lignes d’introduction sur les origines et la circonscription de chaque évêché depuis le concordat ; une notice biographique sommaire sur chacun des titulaires qui se sont succédé sur chaque siège », puis leur bibliographie et leurs armoiries. En retraçant à grands traits les contours de cet épiscopat concordataire, Louis Baunard ne peut masquer ses préférences : « Après quinze années d’oppression écrit-il faisant allusion à la période napoléonienne, l’épiscopat connut quinze années de protection. Son idéal d’alors, c’est le retour à l’ancien régime, celui d’une Église d’État avec l’union solidaire du trône et de l’autel. Je n’en ignore pas les périls, poursuit Baunard, et j’en ai dit, dans un autre livre, les conséquences malheureuses »29, mais il n’en souligne pas moins la cohérence de cet épiscopat qui a contribué à reconstruire l’Église – il parle à son propos d’un épiscopat « réparateur ». Cette œuvre se poursuit sous la Monarchie de Juillet, tandis que s’efface le gallicanisme au profit d’une défense de l’Église romaine que les évêques prennent en charge. Mais l’on sent, à lire Baunard, que la principale raison qui a conduit à la rédaction de l’ouvrage est d’opposer à l’anticléricalisme ambiant l’armée des évêques qui ont contribué à animer l’Église et ses œuvres depuis 1802 : Il y a bientôt trente ans que cette étrange corporation de maçons qui ne savent que démolir s’est mise méthodiquement à cette démolition. Laïcisation et sécularisation, le pic et le marteau, n’ont presque plus rien laissé debout de l’édifice religieux (…) Il n’en sera pas ainsi. Dès cette levée de boucliers contre le cléricalisme, le clergé, prêtres et évêques, personnellement visés, se sont levés pour la défense. Après les ardents combats de Mgr Dupanloup brûlant pour l’Église ses dernières cartouches, on n’a pas oublié les vigoureuses et infatigables sorties de Mgr Freppel au Parlement, ni dans le même temps les calmes et fortes Lettres du cardinal Guibert ; enfin et jusqu’à la dernière heure, les éloquentes et hautes revendications du cardinal Langénieux. Le 1er janvier 1905, ce doyen vénérable des cardinaux français tombait là, à Reims, au lieu même où, 1410 ans auparavant, par le baptême de Clovis, avait été signé tacitement
29. L. Baunard, Un siècle de l’histoire de l’Église de France 1800-1900, Paris, 1902.
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entre l’Église et la France le premier de ces concordats dont le dernier, semblait-il, descendait avec lui ce jour-là, dans la tombe 30.
Et Baunard conclut :
Après cela, je puis donc l’affirmer maintenant, la main sur ce volume et sur les cinq cents noms d’évêques qu’il remémore : l’Église de France, au xixe siècle, fut bien l’Église militante, et, à une immense majorité, ces évêques ont bien mérité de la patrie chrétienne. Évêques restaurateurs que j’ai déjà nommés ; évêques pasteurs, qui ne se pourraient compter ; évêques docteurs, orateurs, écrivains, théologiens, polémistes ; évêques missionnaires et, à leur tête, cet incomparable ouvrier que fut le grand Cardinal d’Afrique ; évêques confesseurs de la foi, desquels la liste, semble-t-il, est loin d’être close encore ; évêques martyrs, tels que le magnanime Mgr Affre tombant sur les barricades en donnant sa vie pour son troupeau : un tel épiscopat peut défiler le front haut devant l’histoire ; elle s’inclinera devant lui 31.
Ainsi naît le concept d’épiscopat concordataire. Napoléon, par les articles organiques, avait tout fait pour empêcher la constitution d’un épiscopat, en interdisant par exemple les réunions d’évêques. « Il n’y a pas d’épiscopat, il y a des évêques », disait-on volontiers alors. Malgré la diversité des parcours et des générations, le « Baunard » donne sa cohérence à cet épiscopat concordataire, manifestant au passage une certaine nostalgie pour cette époque de relations étroites entre l’Église et l’État. C’est aussi une réponse aux fortes critiques à l’encontre d’un « épiscopat fin de siècle »32 et partant une défense de l’épiscopat concordataire et des positions qu’il a prises au moment de la Séparation. L’entreprise n’est du reste pas isolée. Le chanoine Poey donne en 1908 une série sur « les évêques de France » :
Ce petit volume, souligne-t-il dans son avant-propos, n’est qu’un extrait d’un ouvrage plus considérable en préparation et qui sera publié sous ce titre : L’épiscopat français depuis ses origines jusqu’à nos jours. L’éditeur a cru qu’au moment où, selon l’expression si heureuse de Mgr de Cabrières, le peuple de France était appelé à « renouveler un concordat avec l’Église », il était très utile de mettre les diverses classes sociales qui forment la nation française en contact plus immédiat avec les chefs augustes de l’Église de France. Pour at-
30. Sur son rôle lors de la célébration du 14e centenaire du baptême de Clovis, voir J.-O. Boudon, Le cardinal Langénieux, l’épiscopat français et le XIVe centenaire du baptême de Clovis, dans M. Rouche (dir.), Clovis, histoire et mémoire. Le baptême de Clovis, son écho à travers l’histoire, Paris, 1997, p. 695-707. 31. L. Baunard, préface à L’épiscopat français… cité n. 25, p. xi. 32. J.-O. Boudon, L’épiscopat français à l’époque concordataire… cité n. 5.
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Jacques-Olivier Boudon teindre ce résultat, la connaissance des évêques appelés par la divine Providence à diriger les destinées religieuses de notre pays et qui aujourd’hui, comme jadis les évêques des ive et ve siècles, sauront reconstituer ses vraies grandeurs, est un moyen qui a son importance pratique 33.
À la différence du Baunard, le dictionnaire de Poey renoue avec la tradition de la Gallia christiana en présentant les évêques par province ecclésiastique, par une brève notice d’une page accompagnée d’un portrait. Seuls les évêques vivants à la date de parution sont pris en compte, ce qui permet d’amalgamer évêques nommés à l’époque concordataires et prélats promus depuis par Pie X.
Biographies d’évêques, dictionnaires ou recueils de notices se sont donc multipliés entre les années 1840 et la Grande Guerre. Cette croissance s’explique par le succès persistant des livres à caractère religieux dont la part dans la production générale du livre ne faiblit guère au cours de la seconde moitié du siècle 34. Dans cette production à caractère religieux, les livres de nature hagiographique, à commencer par les vies de saints, ont toujours tenu une place importante. C’est une des raisons du succès des vies d’évêques. Mais au-delà du développement d’un lectorat, prompt à recevoir ces ouvrages, il faut aussi mettre en avant la plus grande « médiatisation » de ces prélats dont beaucoup – en général ceux qui font l’objet de biographies – ont été engagés dans les luttes politico-religieuses de leur temps. Les premiers évêques concordataires avaient échappé à cet engouement. La loi de séparation de 1905, en redonnant une certaine actualité au concordat de 1801, contribue aussi à faire sortir de l’ombre les évêques qui avaient mis en place l’Église concordataire. Plusieurs d’entre eux font donc l’objet d’études, souvent mêmes de thèses de doctorat – dont la thèse d’André Latreille sur le cardinal Fesch –, contribuant ainsi à la transformation d’un genre, de l’étude hagiographique vers la somme scientifique 35.
33. Abbé Ph. Poey, Évêques de France. Biographies et portraits de tous les cardinaux, archevêques et évêques de France et des colonies, Paris, 1908. 34. Cl. Savart, Les Catholiques en France au XIXe siècle. Le témoignage du livre religieux, Paris, 1985. 35. Pour un bilan historiographique sur le XXe siècle, voir J.-O. Boudon, De la biographie à la prosopographie dans l’historiographie religieuse contemporaine, dans B. Pellistrandi (dir.), L’histoire religieuse en France et en Espagne, Madrid, 2004 (Collection de la Casa de Velázquez, 87), p. 121-135.
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Conclusion André Vauchez
On ne peut que féliciter les organisateurs de ce colloque d’avoir voulu marquer la publication du second volume des Gesta des évêques d’Auxerre et l’achèvement prochain de cette belle entreprise éditoriale par une réflexion, menée à l’échelle de l’Europe et dans une perspective diachronique, sur l’ensemble de la production historiographique ayant pour cadre le diocèse et l’évêque. C’est dans ce contexte en effet qu’a été composée pendant plus d’un millénaire de l’histoire ecclésiastique et même celle de beaucoup de villes que nous ne connaissons qu’à travers l’évocation des hauts faits des prélats qui dirigeaient alors l’Église locale. Il convient en effet de réagir contre l’anachronisme qui consiste à transposer dans les époques anciennes la vision moderne d’une société ecclésiastique unifiée sous les ordres du pape et soumise aux directives romaines : au moins jusqu’au xiie siècle, le pape était avant tout l’évêque de Rome et tous les prélats en Occident lui reconnaissaient volontiers à ce titre une prérogative d’honneur et le droit de trancher en dernier ressort en matière de foi. Mais la notion d’Église n’avait de sens qu’au pluriel : les normes de la vie religieuse des fidèles étaient définies dans le cadre de conciles provinciaux et de synodes diocésains, qui pouvaient prendre des orientations différentes d’une région à une autre. La seule hiérarchie qui comptait se situait au niveau régional et était représentée, depuis l’époque carolingienne, par l’archevêque métropolitain entouré de ses suffragants. Et surtout, chaque siège épiscopal un tant soit peu notable s’enorgueillissait des reliques de ses martyrs et de ses saints évêques et avait tendance à se considérer comme une petite Rome, comme l’ont bien montré Michel Sot pour Reims et Jean-Charles Picard pour l’Italie du Nord 1. Les choses ne commencèrent à changer qu’à partir de la Réforme dite grégorienne qui entraîna l’assujettissement progressif des évêques au pape et réduisit leur marge d’autonomie par rapport à Rome. Encore fallut-il attendre le début du xive siècle pour que leur titulature indique qu’ils étaient devenus tels non seulement – comme c’était le cas jusque-là – « par la grâce de Dieu » mais également « par l’autorité du siège apostoli1. M. Sot, Un historien et son Église : Flodoard de Reims, Paris, 1993 ; J-Ch. Picard, Le souvenir des évêques. Sépultures, listes épiscopales et culte des évêques en Italie du Nord, des origines au xe siècle, Rome, 1988 (Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome, 268).
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que ». D’où la place faite dans ce colloque et dans le volume qui en résulte à l’historiographie pontificale qui, à partir de la papauté d’Avignon, prit le dessus – sans pour autant l’éliminer – sur celle des Églises locales. Dans cette perspective, la première tâche qui s’imposait à nous a été de trouver une définition unitaire permettant de rendre compte d’un ensemble de textes dont les noms diffèrent souvent (Liber, Gesta, Historia). Ces écrits ont en effet en commun une approche célébrative de l’histoire d’une Église locale et de la ville qui en est le chef-lieu à travers l’établissement d’une chaîne qui permettait de remonter le temps, constituée par la liste des prélats ayant dirigé le diocèse depuis sa fondation. Leur rédaction implique chez leurs auteurs une volonté très marquée à la fois de se rattacher à une origine sacrée – réelle ou mythique, peu importe – et de se situer dans une continuité ininterrompue, en dépit des lacunes de la documentation pour certaines époques. Le but visé est sans aucun doute de sacraliser la figure de l’évêque, en exaltant les mérites et les œuvres des bons prélats, mais aussi les lieux où s’exerçait son action : la ville, avec ses monuments sacrés et profanes, et, dans une moindre mesure, le diocèse avec ses sacralités propres 2. Il s’agit par force d’une histoire locale – même quand cette localité s’appelle Rome – à laquelle le rédacteur a donné une signification particulière en la rattachant autant que possible à un apôtre, dont le fondateur du diocèse aurait été l’envoyé, ou à un saint martyr ou confesseur, voire à plusieurs d’entre eux. Histoire orientée bien sûr, qui vise à faire de la ville épiscopale une cité sainte à travers l’action de ses pasteurs, porteurs d’une sorte de sainteté de fonction qui permettait à l’Église locale de transcender les faiblesses de tel ou tel prélat incapable ou indigne, le bon évêque étant celui qui défend viriliter le patrimoine de son Église et qui cherche à y accroître le culte rendu à Dieu, sans oublier pour autant les pauvres. À l’origine de ce genre historiographique se situe l’exaltation de ce que JeanCharles Picard, qui a consacré tant d’efforts à la fouille et à l’étude des églises d’Auxerre, a appelé dans sa thèse le souvenir des évêques : fastes épiscopaux, inscriptions lapidaires en l’honneur des prélats défunts, tombes d’évêques ornées de portraits en mosaïques et ordonnées parfois en chapelle, comme dans la catacombe de San Gennaro à Naples, toute cette orchestration monumentale de l’épiscopat de la cité a préparé le terrain à la rédaction de Gesta episcoporum qui apparaissent en Italie à partir des vie-viie siècles, parallèle2. Cf. A. Vauchez, Le culte des saints et la construction d’une mémoire historique diocésaine : quelques exemples médiévaux, dans L. Vaccaro (dir.), Storia della Chiesa in Europa tra ordinamento politico-amministrativo e strutture ecclesiastiche, Brescia, 2005 (Quaderni della Gazzada, 25), p. 401-410.
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ment aux Laudes civitatis où la possession de reliques et de corps saints constitue un élément essentiel du prestige de la ville. Au nord des Alpes, ces deux genres littéraires – l’éloge des évêques et celui de la cité – ont tendance à se fondre pour donner naissance à un genre historiographique original qui atteignit son apogée entre le ixe et le xiie siècle et survécut dans certains cas jusqu’à l’époque moderne. C’est à Rome – rien d’étonnant à cela – que l’apparition de ces textes semble avoir été la plus précoce, puisque la première rédaction du Liber pontificalis de l’Église romaine remonte aux années 530-550, et il était normal qu’une bonne partie du colloque et donc du présent volume fût consacrée à cet important ouvrage qui a fait couler tant d’encre depuis les éditions qu’en ont données successivement Theodor Mommsen et Mgr Duchesne à la fin du xixe siècle 3. Comme l’a bien montré Charles Pietri dans sa Roma christiana, cette grande entreprise rédactionnelle avait été préparée depuis le ive siècle par les papes qui se montrèrent soucieux de christianiser le temps et surtout l’espace en fondant, en développant et, plus tard, en restaurant et en embellissant des églises, de façon à mettre en place à Rome un cadre monumental propre à la nouvelle religion et une véritable topographie chrétienne fondée sur un réseau de sanctuaires prestigieux 4. Le titre donné au Liber de l’Église romaine a été parfois mal interprété : il ne s’agit pas d’un ouvrage isolé, particulier au pape en tant que « souverain pontife », car tout évêque, au Moyen Âge, est qualifié de pontife et chaque diocèse possède un livre liturgique désigné sous le nom de Pontifical. Du reste, ce titre même est discutable car il ne figure pas sur les manuscrits les plus anciens où l’ouvrage est désigné sous le nom d’Episcopale, de Gesta pontificalia ou de Liber episcopalis. Ce n’est qu’à partir de Gratien, au milieu du xiie siècle, que l’on commence à l’appeler Chronica pontificum romanorum et il ne prendra son intitulé actuel qu’avec l’édition de Giovanni Vignoli (1716-1724) où il est désigné sous le nom de Liber pontificalis seu de gestis pontificum Romanorum. Du reste, la simple existence du Liber pontificalis Ecclesiae Ravennatis, composé entre 830 et 840 par Agnellus de Ravenne, suffit à prouver que le terme pontificalis ne renvoie pas à une dignité propre à l’évêque de Rome et pourrait s’appliquer à tous les Gesta episcoporum que l’on voit apparaître dans toute la chrétienté occidentale, de 3. Sur le Liber pontificalis et ses éditions, on peut toujours se reporter utilement aux mises au point qui figurent dans le volume collectif Monseigneur Duchesne et son temps, Rome, 1975 (Collection de l’École française de Rome, 25). 4. Ch. Pietri, Roma christiana. Recherches sur l’église de Rome, son organisation, son idéologie, de Miltiade à Sixte III (311-400), Rome, 1976 (Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome, 224).
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Naples à Auxerre et à Trèves, à partir du ixe siècle. En outre, nos travaux ont montré qu’il fallait exclure l’idée qu’il aurait existé à Rome un manuscrit privilégié du Liber pontificalis faisant autorité et qui aurait été consulté par les prélats venus en visite ad limina : en fait, sa rédaction incombait à au vestiarium du palais du Latran, c’est-à-dire à l’administration politico-administrative de la Curie ; elle était entreprise du vivant du pape régnant et la notice qui lui était consacrée était complétée après sa mort selon un plan conventionnel : constructions et largesses du défunt ; rapports avec le monde extérieur ; circonstances et date de son décès. Loin de constituer une histoire de l’Église romaine, le Liber pontificalis constitue plutôt un lieu de mémoire de l’institution pontificale. De fait, l’ouvrage, constitué d’une série de strates superposées dont la datation précise n’est pas toujours facile, comporte de nombreuses lacunes. Ainsi, lorsqu’apparaît dans les années 1130/1140 ce que Mgr Duchesne a appelé le « nouveau Liber pontificalis » dû à Pierre Guillaume ou plutôt au cardinal Pandolfo, auteur d’au moins trois sur les quatre Vies de papes qui vont de Pascal II à Honorius II († 1130), deux cent quarante ans s’étaient écoulés depuis la rédaction des dernières notices, ce qui prouve qu’il ne s’agissait pas pour la papauté d’un ouvrage de référence officiel, mais plutôt d’un document que l’on éprouvait le besoin de mettre à jour de temps à autre et surtout en période de crise, comme le schisme d’Anaclet au début des années 1130. Par la suite, quand les papes, après avoir affirmé leur plenitudo potestatis au sein de l’Église et de la chrétienté, ne se considérèrent plus seulement comme les premiers des évêques et les successeurs de Pierre mais bien comme les Vicaires du Christ, le Liber pontificalis fut supplanté dans sa dimension patrimoniale par le Liber censuum de l’Église romaine et dans le domaine du récit historique par des biographies pontificales isolées qui relevaient d’une littérature d’éloge de type princier, et non de l’hagiographie, comme en témoignent la Vita Gregorii IX au milieu du xiiie siècle ou les Vitae paparum Avenionensium du xive siècle éditées par Baluze au xviie siècle. Sur le plan historiographique, c’est à cette époque qu’on voit se multiplier les chroniques universelles faisant une large place à la papauté, comme celles de Vincent de Beauvais, de Martin le Polonais, de Ptolémée de Lucques et de Paulin de Venise, textes non officiels certes mais largement répandus dans toute la chrétienté où ils diffusèrent une vision de l’histoire de l’Église centrée sur les faits et gestes des papes. Et lorsque, après la fin du Grand Schisme, le manuscrit du Liber pontificalis eût été ramené à Rome par Landolfo Colonna, chanoine romain très lié à Pétrarque, il fut bien complété jusqu’au pontificat de Martin V, mais on se contenta d’y ajouter des notices courtes et sèches sur les papes des xiiie et xive siècles em-
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pruntées aux compilations encyclopédiques qui se trouvaient dans toutes les bonnes bibliothèques ecclésiastiques. Une fois bien précisés le rôle et la signification du Liber pontificalis romain, il importait de s’arrêter sur la période d’apogée des Gesta episcoporum, qui se situe entre le ixe et le xiiie siècle. Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit à ce propos, de façon souvent très neuve, pour diverses régions de la chrétienté, mais je tiens à souligner que cette chronologie ne doit rien au hasard : auparavant, les évêques étaient trop soumis à la tutelle royale ou impériale pour pouvoir écrire leur propre histoire ; par la suite, ils seront trop dépendants de la papauté pour que celle-ci ait encore une signification autre qu’anecdotique. La composition de ces ouvrages correspond donc à une période où prévalait une forte ecclésiologie de l’Église locale, centrée sur la figure de l’évêque en tant que moteur de la vie religieuse et civile de son diocèse, et où les cités sur lesquelles s’exerçait son pouvoir bénéficiaient encore d’une certaine autonomie par rapport aux ensembles territoriaux et politiques auxquelles elles appartenaient. On a noté cependant que ces Gesta n’ont pas existé partout : on les trouve surtout dans des villes qui ont été – ou ont prétendu être – des métropoles religieuses, en vertu soit de leur revendication d’une origine apostolique directe ou indirecte (Ravenne, Compostelle, Salone-Split), soit d’un passé particulièrement glorieux (Trèves), soit enfin de la possession de reliques particulièrement prestigieuses (Auxerre, Eichstätt). La rédaction de tels écrits suppose en effet l’existence d’une forte conscience de soi (« autocoscienza », dit-on en italien) de la part des élites ecclésiastiques de la cité par lesquelles ils furent rédigés. Il y aurait à cet égard une intéressante comparaison à faire avec les Gesta abbatum qui s’adressaient à un public monastique et exaltaient le rôle d’une communauté religieuse et de ses dirigeants dans un contexte géographique plus restreint 5. Un des aspects les plus originaux de ce colloque a résidé dans l’arc chronologique qu’il a essayé de couvrir, qui dépasse de beaucoup l’époque médiévale et s’étend jusqu’à nos jours. Avec la Renaissance en effet les perspectives changèrent : l’humaniste Platina assure la transition avec l’époque antérieure dans la mesure où il mit le Liber pontificalis médiéval en un latin élégant et correct et rédigea des Vies des pontifes romains inspirées par la figure et l’exemple de Pie II. Après lui, Panvinio et Ciaconius composèrent de véritables histoires de la papauté depuis le Christ jusqu’à leur temps en donnant à leur ouvrage un horizon universel – surtout chez le second – et non plus local. On 5. Cf. M. Sot, Gesta episcoporum, gesta abbatum, Turnhout, 1981 (Typologie des sources du Moyen Âge occidental, 37).
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procéda alors à une épuration de tout le merveilleux chrétien et, plus tard, on mit l’accent, contre les Réformés, sur la continuité admirable et providentielle de l’Église romaine à travers les siècles. On voit ainsi naître une histoire qui se veut critique et accepte même, avec Bellarmin, de ne pas dissimuler les faiblesses de certains papes, ne serait-ce que pour mieux faire ressortir que la survie miraculeuse de l’institution était due à la protection divine et non aux mérites personnels des pontifes qui l’avaient dirigée. Les deux premiers tiers du xviie siècle furent une période faste pour cette histoire de l’Église désormais centrée sur la papauté et fondée sur des recherches documentaires dans les archives romaines, comme l’illustrent les Annales ecclesiastici de Baronius, continuées par Rinaldi. Parallèlement, on voit se développer les recherches de Bosio sur les monuments chrétiens de Rome qui visaient à démontrer par l’archéologie (par exemple les fouilles de Sainte-Cécile) la vérité du catholicisme, de la même façon que les Bollandistes cherchaient à prouver à la même époque l’authenticité des saints vénérés par l’Église. Mais cette ouverture fut bientôt suivie d’un raidissement sensible et la peur du scandale ou la crainte de fournir des armes aux Protestants et, plus tard, aux « Philosophes » stérilisèrent la recherche et provoquèrent la fermeture des archives pontificales qui devait se prolonger jusqu’en 1878. Il en résulta un abaissement du niveau de l’histoire de l’Église telle qu’elle était enseignée dans les séminaires qui atteignit son point le plus bas dans les mêmes années. La réaction vint de l’extérieur et fut provoquée par l’impact de la science historique allemande, dominée par l’influence protestante et l’esprit libéral qui, avec Ranke et Gregorovius, aborda l’histoire de la papauté dans une perspective purement politique en l’étudiant comme un simple pouvoir temporel et une puissance plus ou moins influente selon les époques. C’est contre cette lecture que réagit l’historien catholique autrichien Ludwig von Pàsztor qui écrivit, à la fin du xixe siècle, la première véritable histoire de la papauté, de la fin du Moyen Âge jusqu’à la Révolution française, fondée sur une documentation solide et sur la consultation des archives mais dont la perspective était fortement apologétique, un des principaux buts poursuivis par cet auteur étant de démontrer que l’Église catholique avait toujours eu raison dans ses options et dans ses décisions, comme en témoigne par exemple le jugement très sévère et totalement négatif qu’il porte sur Savonarole. En fait, il faudra attendre l’extrême fin du xixe et surtout le xxe siècle, avec les collections dirigées par Fliche et Martin en France et par Mgr Jedin en Allemagne, pour que l’on passe d’une histoire de la papauté à une véritable histoire de l’Église, mais ceci est un autre sujet qui a déjà été traité en d’autres lieux et n’avait pas à l’être ici.
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À l’époque moderne en tout cas, depuis le concile de Trente jusqu’à la Révolution française et encore davantage avec la poussée ultramontaine du xixe siècle, la figure de l’évêque ne joue plus qu’un rôle secondaire dans l’Église catholique et la papauté réussit à s’imposer comme la seule institution habilitée à délivrer une parole autorisée. Des Gesta episcoporum tels que les avait connus le Moyen Âge étaient devenus impensables et la visibilité de l’Église s’est progressivement concentrée autour du Saint-Siège et même – plus précisément – de la personne du pape, dans une perspective de médiatisation qui a atteint son apogée, avec l’essor de la télévision, sous le pontificat de Jean-Paul II. D’où de nouveaux problèmes, apparus au xxe siècle, mais qui recoupent parfois les anciens, en particulier en matière de communication. Celle-ci est restée longtemps négligée, les papes s’étant contentés jusqu’au début du xxe siècle de faire placarder leurs décisions et leurs sentences sur les portes des grandes basiliques romaines, comme on le faisait à Notre-Damedes-Doms au temps de la papauté d’Avignon. Ce n’est en effet qu’à partir de 1909 que les documents officiels du Saint-Siège furent publiés dans les Acta Apostolicae Sedis et devinrent facilement accessibles. Aujourd’hui encore, la transmission des informations religieuses par le Vatican, comme on dit dans les medias, à ces chroniqueurs de l’immédiat que sont les journalistes reste difficile, en raison notamment de la pluralité des services responsables de l’information et de sa diffusion, ce qui vaut parfois au pape de voir ses propos censurés par ses propres collaborateurs soucieux avant tout d’éviter tout ce qui pourrait choquer dans ses paroles… C’est aussi tout le problème du statut de l’Osservatore romano, dont on n’a jamais su vraiment s’il était le bulletin paroissial de Saint-Pierre de Rome ou le journal officiel de la papauté, ce qui ouvre la porte à une infinité de gloses et d’interprétations qui à la fois indiquent une direction ou une ligne générale et laissent une marge d’interprétation, tout en permettant de tester les réactions de l’opinion. Ainsi, à travers les siècles, on retrouve au niveau d’une institution apparemment monolithique et centralisée comme la papauté les problèmes que les évêques médiévaux rencontraient souvent avec les chanoines de leur chapitre cathédral, ces « auxiliaires concurrents » pour reprendre l’excellente formule de Gabriel Le Bras ! Tant il est vrai que le pouvoir épiscopal – dont celui du pape ne diffère pas par sa nature – est à la fois monarchique dans son principe et collégial dans son mode d’exercice, sans parler du sensus fidelium ou de l’opinion publique dont les prélats devaient et doivent encore parfois tenir compte.
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Index des noms de personnes NB : l’indexation des noms d’auteurs ne reprend pas ceux des éditeurs de sources ou d’ouvrages collectifs. Abain de la Rocheposay (Henri d’), év. de Poitiers 424 Abbon (saint), abbé de Fleury 153-157, 159-173 Adalbéron Ier év. de Metz 355 Adalbéron, év. de Trèves 308 Adalbéron, év. de Wurzbourg 317 Adam de Paris, hagiographe 251-252 Adelbert, homme d’armes 306 Adémar de Chabannes 150, 153, 157 Adéodat II, pape 166 Adrien Ier pape 18, 33, 110, 112, 128-131, 135-136, 140-143, 145, 286 Adrien II, pape 9, 17-18, 110, 112, 114-119, 121-125, 127, 131-133, 143, 173, 176, 212, 258, 279 Adrien III, pape 18, 119-120, 122-123, 127 Adrien IV, pape 19, 184 Advence, év. de Metz 352 Aéé (saint), év. de Nevers 398 Affre (Denys Auguste), archev. de Paris 457 Agathon (saint), pape 285, 287, 296 Agnellus de Ravenne 283-284, 286-295, 461 Agnès, impératrice 315-316, 326 Agrice (saint), év. de Trèves 304-306, 311 Agrippinus (saint), év. de Naples 269 Aguesseau (Henri François d’), chancelier de France 374 Aimeric de Peyrac, abbé de Moissac 197 Aimoin de Fleury 160, 166, 172 Aistulf, roi des Lombards 138-141, 143, 175, 288-289, 296 Alagus, chan. d’Auxerre 5 Alberigo (Giuseppe) 237 Albert (Antoine), curé de Seyne 374, 381, 384-385, 396, 401
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Albinus, cardinal-év. d’Albano 186 Alciat (André), juriste 446 Alcuin (saint), abbé de Saint-Martin de Tours 142-143 Aleandro (Girolamo, le jeune) 211 Alexandre Ier (saint), pape 60 Alexandre II, pape 177, 259, 317 Alexandre III, pape 19, 184 Alexandre VI, pape 201, 205, 208 Allard (Guy) 408 Allard (Paul) 455 Allen (William), cardinal 210-211 Alliot (Gervais), libraire 423 Alphonse III, roi des Asturies 338-339 Alphonse VI, roi de Castille 342 Alphonse VII, roi de Castille 341-342 Altin (saint), martyr à Sens 397 Alvit, év. de León 341 Amalou (Thierry) 408, 423 Amalric Auger 195 Amator (saint), év. de Troyes 398 Amicus, év. de Bellay 399 Amory (Patrick) 23 Amyot ( Jacques), év. d’Auxerre 12, 367 Anaclet (saint), pape 26, 39, 45, 50, 59-60, 158, 162 Anaclet II, antipape 19, 183, 462 Anastase (saint), martyr en Dalmatie 251, 253 Anastase Ier, empereur d’Orient 39, 56, 211 Anastase Ier (saint), pape 40, 83 Anastase II, pape 15, 31-32, 112, 118, 162, 170, 96 Anastase le Bibliothécaire 20, 113, 117, 132 Andoque (Pierre), conseiller au présidial de Béziers 371, 388, 401, 409
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Index des noms de personnes
Andreolli (Bruno) 140 Andreotti (Giulio) 238 Andrieu (Michel) 321-322 Angilram (saint), archev. de Metz 347, 350, 420 Angot des Retours (baron Jules) 455 Anicet (saint), pape 62, 158 Anselme, év. de Lucques, voir Alexandre II Antelmy ( Joseph) 380, 401 Antelmy (Nicolas), chan. de Fréjus 380, 401 Antelmy (Pierre), chan. de Fréjus 380, 401 Antère (saint), pape 67 Antinoüs 30 Antoine ( Jean), imprimeur 348, 364 Antolín (Guillermo) 339 Apollinaire (saint), év. de Ravenne 283 Apringius, év. de Beja 330 Arator, poète 162 Ariane, fille de Minos 246 Arigle (saint), év. de Nevers 398 Arn de Freising, év. de Salzbourg 141-143 Arnaldi (Girolamo) 20, 117, 279 Arnaud, év. d’Astorga 342 Arnaud de Villeneuve, médecin 192 Arnese (Raffaele) 273 Arnoul (saint), év. de Metz 352 Arnoul, év. d’Orléans 159 Arnoul, archev. de Reims 159, 169 Asclépiade (frère), f.é.c. 441 Aspren (saint), év. de Naples 267, 270, 272, 275 Assmann ( Jan) 109 Asturius, év. de Tolède 330 Ataulf, év. de Santiago 341 Athalaric, roi des Ostrogoths 39 Athanase (saint), patriarche d’Alexandrie 308 Athanase Ier (saint), év. de Naples 265, 271, 275-280 Athanase II, év. de Naples 268, 276-280
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Athanase III, év. de Naples 276, 278-279 Aubert (Alberto) 207 Aubrun (Michel) 13 Auctor, év. de Trèves 307 Audax (saint), év. de Bellay 398 Augustin (saint), év. d’Hippone 202, 234, 252, 255, 273, 308 Aunaire (saint), év. d’Auxerre 9 Aurasius, év. de Tolède 330 Aurélien, empereur 8 Aurélius Victor 29-30, 35 Ausone 308 Auspicius, év. de Trèves 307 Austremoine (saint), év. de Clermont 415 Auvray (Lucien) 180 Auxilius, prêtre, polémiste 276 Avesani (Rino) 202 Aviau du Bois de Sanzay (Charles), év. de Vienne puis archev. de Bordeaux 450 Avit (saint), év. de Vienne 330 Aymer de la Chevalerie (Henri, comte) 455 Bacchus 246 Baillet (Adrien) 373 Baiole ( Jean), s.j. 373 Balbinus, empereur 30 Baluze (Étienne), bibliothécaire de Colbert 179-180, 187, 189, 194, 196-198, 401 Bar (Étienne de), év. de Metz 348, 352 Bardy (Gustave), chan. 439, 444 Baronius (Cesare, vénérable), cardinal 20, 209, 353, 417, 464 Barrès (Maurice) 357 Bartel (Simon), chan. théologal de Riez 376, 388, 401, 428 Bartolomeo Fiadoni, voir Ptolémée de Lucques Basile Ier, empereur d’Orient 116 Basnage de Beauval ( Jacques), pasteur à Rouen 394
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Bast ( Josef ) 313 Baudrillart (Alfred), cardinal 445-446 Bauer (Franz Alto) 113, 127 Bauer (Stefan) 199, 201, 209-210 Baunard (Louis), recteur de l’université catholique de Lille 455-458 Bautier (Robert-Henri) 160 Bayer de Boppard (Thierry), év. de Metz 348, 360 Beausset (Louis-François de), cardinal 453 Bède le Vénérable (saint) 13, 134, 144 Belamarić ( Joško) 257 Belchamps ( Jean de), chan. de Metz 362 Bellarmin (Robert, saint), cardinal, archev. de Capoue 210-212, 464 Belleau (Remy) 383 Bellegarde (Octave de), archev. de Sens 399 Belloy ( Jean-Baptiste de), cardinal, archev. de Paris 453 Bellucci (Antonio) 267 Belzunce (Henri François-Xavier de), év. de Marseille 377, 392, 398, 401 Benario (Herbert W.) 30 Bénigne (saint) 438 Benoît Ier, pape 161-162 Benoît II, pape 156, 167 Benoît III, pape 112 Benoît IV, pape 177 Benoît VIII, pape 177 Benoît IX, pape 19, 173 Benoît XI, pape 191 Benoît XIII, pape 181, 193 Benoît XVI, pape 220, 223-227, 229, 234-235, 237-239 Benoît, archev. de Milan 168 Benoît de Saint-André du mont Soracte, chroniqueur 144 Benoît, chan. de Saint-Pierre de Rome 185 Benoît de Nursie (saint) 162, 174 Benoît de Toul (le Père), voir Picard Bérenger Ier, roi d’Italie, empereur 148
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Berg (Dieter) 187 Bermude II, roi de León et des Asturies 341 Bernadou (Victor-Félix), cardinal, archev. de Sens 444 Bernard Délicieux, o.f.m. 193 Bernard Gui, o.p., év. de Lodève 19, 182, 188, 196, 390 Bernard de la Sauvetat 342 Bernard de Sédirac, archev. de Tolède 342 Berschin (Walter) 111-112, 117, 123 Berthe, femme de Robert le Pieux 169 Berthe d’Aquitaine, femme de Géraud de Roussillon 422 Bertini (Luca) 140 Berto (Luigi Andrea) 267, 276 Bertolf, év. de Trèves 305 Bertolini (Ottorino) 292-294 Bertolini (Paolo) 268, 278 Bertram, év. de Metz 358-359 Bertrand (Pierre de), év. de Cahors 390 Bertrand de Coblence, év. auxil. de Metz 348 Bertrand de la Sauvetat, archev. de Tolède 342 Besly ( Jean) 372, 376, 401, 412-413, 429 Bessarion ( Jean), cardinal, patriarche latin de Constantinople 201-202 Bèze (Théodore de) 396 Billanovich (Giuseppe) 20, 146, 188 Biondo (Flavio) 202 Birague (René de), év. de Lodève 390 Birley (Anthony R.) 29 Bischoff (Bernhard) 135, 141 Bishko (Charles Julian) 336 Bissy (cardinal de), voir Thiard Blair-Dixon (Kate) 27 Blauuw (Sible de) 24, 113 Blennemann (Gordon) 109 Blondel (Paulin), chan. de Sens 444 Blumenfeld-Kosinski (Renate) 191 Blumenthal (Uta-Renate) 186 Bönnen (Gerold) 313
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Bohier (Pierre) 189 Bonamente (Giorgio) 29 Bondonnet ( Jean) 379, 381, 401, 411-412, 415, 429 Boniface (saint) 324-325 Boniface Ier (saint), pape 42-43, 85, 160 Boniface II, pape 23, 42-43, 55, 57, 105-106, 160, 167, 170 Boniface IV (saint), pape 25, 156, 166 Boniface V, pape 161 Boniface VIII, pape 191, 203 Bonino de Milan 253 Bonizon de Sutri 184 Bonzi (Clément de), év. de Béziers 371 Bordars, ou Bordat, pasteur à Bergerac 395 Bordereau (Nicolas), avocat à Meaux 372 Borel (Pierre), médecin 382, 395, 401 Borgia (Rodrigo), voir Alexandre VI Bosc (P.), chan. d’Auxerre 12 Boshof (Egon) 306, 308, 311 Bosio (Antonio) 20, 464 Boso(n), cardinal 19, 183-184, 188 Bosquet (François), év. de Lodève et de Montpellier 180-181, 196-198 Bossuet ( Jacques-Bénigne) 392, 453 Bouchard (Constance B.) 7 Boudet (Michel), év. de Langres 437 Boudon ( Jacques-Olivier) 449-450, 452-453, 457-458 Bougard (François) 8, 117, 132, 136 Bouges (Thomas Augustin), o.s.a. 374, 401, 409 Bounin ( Jean), chan. de Luçon 383, 401 Bourbon Verneuil (Henri de), év. de Metz 348-349, 351-352, 358, 363, 399 Boureau (Alain) 203, 207 Bourgeois (Alphonse), chan. de Cambrai 454 Boutier ( Jean) 179 Bovet (Honoré) 191
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Boyer de Sainte-Marthe (LouisAnselme), o.p. 410-412, 414, 418, 432 Bozio (Tommaso), o.f. 209 Brackmann (Albert) 111-112, 136 Braulion (saint), archev. de Saragosse 330 Briçonnet, famille 371 Briçonnet (Guillaume), év. de Lodève et de Meaux 390, 396 Brigitte de Suède (sainte) 191 Brincken (Anna-Dorothee von den) 187 Britonneau (Gui) 371 Brossier (Simon), pasteur 395 Bown (Timothy S.) 286 Brugeles (Louis-Clément de), chan. rég. de Simorre 433 Brumauld de Beauregard ( Jean), év. d’Orléans 450 Brunon, év. de Toul, voir Léon IX Brunon, év. de Trèves 312, 319 Bry (Gilles) 401 Buchner (Max) 135, 138 Bulić (Frane) 250-251 Burchard (saint), év. de Worms 326 Bury (Emmanuel) 407, 420 Busée/Buys ( Jean) 153, 173 Buzelin ( Jean) 372 Cabrières (François Marie Anatole de Rovérié de), év. de Montpellier, cardinal 457 Cadmus, fils d’Agénor roi de Phénicie 246 Cajot ( Joseph) 381, 396 Calixte Ier (saint), pape 52, 65 Calixte II, pape 19, 183 Calixte III, pape 208 Calmet (Augustin), o.s.b. 370 Calvin ( Jean) 395 Calvus, év. de Naples 268, 270 Camus (Albert) 219 Camusat (Nicolas), chan. de Troyes 380, 388, 401, 427
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Canal Sánchez Pagín ( José María) 337 Capitani (Ovidio) 276 Caracalla, empereur 29 Carafa (Gian Piero) voir Paul IV Carloman, prince franc 174 Carloman, roi des Francs 175 Carmassi (Patrizia) 45 Carretto (Enrico del), o.f.m. 193 Cassiodore 161, 273 Castillon (Louis de) 372 Catel (Guillaume) 377, 380, 401 Catellan ( Jean de), év. de Valence 377, 392-393, 401, 412-413, 415, 418, 422, 432 Catherine de Sienne (sainte) 191 Catholdus, de Trèves 301, 303 Cauquil (Laure) 35 Cavallari (Alberto) 236 Cavallini (Giovanni), scriptor pontifical 188-189 Cavet (Guillaume) 410 Cayre (Gabriel), chan. de Toulouse 454 Célestin Ier (saint), pape 40, 86 Célestin II, pape 177, 185 Cellard ( Jacques) 215 Cencius, camérier de l’Église romaine 186 Ceneau (Robert), év. de Vence, Riez et Avranches 377 Cervini (Marcello), cardinal bibliothécaire du Saint-Siège 205-206 Césaire (saint), év. d’Arles 367 César (Caius Julius) 246, 261, 301, 303, 311 Chacón (Alfonso) 20, 199, 211, 384, 463 Challe (Ambroise) 13 Chamard (François) 443 Champier (Symphorien) 401 Charlemagne, roi des Francs, empereur 18, 130, 134-135, 139, 142, 144, 147, 175-176, 285, 347, 356, 358, 420 Charles IV, empereur 190 Charles V (Quint), empereur 354, 360 Charles Borromée (saint), cardinal, archev. de Milan 208-210, 386-387, 414
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Index des noms de personnes
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Charles le Chauve, roi de Francie occidentale, empereur 7, 144, 275 Charles le Simple, roi de Francie occidentale 356-357 Charles, duc de Basse-Lotharingie 358 Charles III, duc de Lorraine 357 Charles IV, duc de Lorraine 361, 363 Charles (Olivier) 378 Charlet ( Jean-Baptiste), chan. de Grancey 440, 444 Charpentier, avocat 410, 433 Chassant (Alphonse) 453 Châtillon, voir Coligny Chaume (Maurice), chan. de Dijon 439 Chaumont ( Jean-Philippe) 444 Chazan (Mireille) 318, 351 Chenu ( Jean), avocat au parlement de Paris 372, 385, 390-391, 393, 401, 423, 426 Cherreau (Ollivier) 429 Chiesa (Paolo) 313 Chiffoleau ( Jacques) 179 Childéric III, roi des Francs 174 Chor(r)ier (Nicolas) 374 Chrocus, roi des Alamans 439 Chrodegang (saint), év. de Metz 138, 347, 420 Ciaconius, voir Chacón Cicéron 202 Cilento (Nicola) 272 Cixila, év. de Tolède ou de León 335 Clastron ( Jules), chan. de Nîmes 452 Clausse (Henri), év. de Châlons-enChampagne 376, 399 Clemens (Lukas) 303 Clément (T. Flavius Clemens), consul 26 Clément Ier (saint), pape 45, 50-51, 59, 158, 162, 169, 387, 397 Clément Ier (saint), pape, (Ps.) 150 Clément III, pape 19, 186 Clément IV, pape 187 Clément V, pape 182, 191, 195 Clément VI, pape 179, 190, 384
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Clément VII, pape 181, 385 Clément (saint), év. de Metz 347, 352 Clément, év. de Trèves 307 Clet, voir Anaclet Clou (saint), év. de Metz 352 Clovis Ier, roi des Francs 156, 385, 456 Cöeffeteau (Nicolas), év. auxil. de Metz, év. de Marseille 349 Colbert ( Jean-Baptiste) 180 Colbert (Nicolas) 13 Coligny (Odet de, dit le cardinal de Châtillon), archev. de Toulouse, comte-év. de Beauvais 391 Collins (Roger) 333, 335 Colonna (Landolfo) 20, 188, 462 Columbi ( Jean), s.j. 377, 389, 392, 402, 409-412, 428-429 Coman (Ion) 256 Compaigne (Bertrand [de]) 370-371, 382, 402 Condello (Emma) 269 Congar (Yves), cardinal 170, 226 Conon, pape 15, 57, 161, 274 Conrad Ier, roi de Germanie 356 Constance Chlore, empereur 307 Constance de Rabastens 191 Constant II, empereur 284 Constantin Ier (saint), empereur 24, 27-28, 162, 203, 307 Constantin, pape 112, 135-136, 168, 296 Constantin II, antipape 290-292 Constantin V, empereur d’Orient 267-268, 272, 277 Constantin VII Porphyrogénète, empereur d’Orient 251 Cooper (Kate) 29 Coquille (Guy) 398 Corneille (saint), pape 41, 52, 68, 158 Corrozet (Gilles) 369, 402 Cortez (Fernando) 445 Cosmas, év. de Naples 270 Costabili (Paolo), maître du Sacré Palais 209 Coste (Hilarion de), minime 373
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Cotignon (Michel) 381, 383-384, 388-389, 391, 393-394, 398, 402, 427 Cotta (Francesco), o.p. 209 Courcier (Louis), chan. théologal de Notre-Dame de Paris 413 Crescent (saint), év. de Vienne 397 Crescentius, archev. de Split 253 Crescentius, noble romain 177 Cyprien (saint), év. de Carthage 396 Cyr (saint) 274 Cyrille-Constantin (saint) 258 Dachowski (Elizabeth) 154 Dadré ( Jean), chan. de Rouen 374, 391, 393, 402, 427 Daguin (Arthur), chan. de Langres 441 Daignan du Sendat (Louis), chan. d’Auch 408 Dainville (François de) 416 Damase Ier (saint), pape 15, 27-28, 32, 34, 39-40, 42-43, 54, 82, 112, 154, 160, 211 Damase (Ps.-) 16 Damien, archev. de Ravenne 287, 296 Dampmartin (Warry de), év. de Verdun 399 Dandelet (Thomas James) 211 Danes ( Jacques), év. de Toulon 367 Daniel, prophète 302, 310 Darboy (Georges), archev. de Paris 442, 451 Darès le Phrygien 147 Davis (Raymond) 110, 112, 117, 119, 122, 129, 138, 143 De Palatio, famille de Trèves 313 De Ponte, famille de Trèves 313 De Rubeis (Flavia) 269 Degert (Antoine), chan. de Dax 454-455 Degrefeuille (Charles), chan. de Montpellier 392, 402, 432 Delehaye (Henri) 251 Deliyannis (Deborah M.), 283, 286-287
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Della Rovere (Francesco) 200 ; voir Sixte IV Demochares voir Mouchy (Antoine de) Denis (saint), pape 39, 53, 70, 158 Denis (saint), év. de Paris 397 Denis l’Aréopagite 343, 386, 397, 417 Denis le Petit 161, 256 Desvoyes (Robert) 442 Deusdedit, cardinal 185 Díaz y Díaz (Manuel Cecilio) 334-335, 337 Diderot (Denis) 440, 446 Didier (saint), év. de Langres 439- 441, 444 Didier (saint), év. de Vienne 333 Didier, roi des Lombards 141, 291 Didier ( Jean-Charles), chan. de Langres 442 Diessenhofen (Heinrich von), chroniqueur 190 Dinteville (François Ier de), év. d’Auxerre 12 Dinteville (François II de), év. d’Auxerre 12 Dioclétien, empereur 52, 204, 250-251, 253-254, 257-258 Dioscore, pape 23, 42-43 Dolan (Claire) 408 Dolbeau (François) 276 Domaszewski (Alfred von) 25 Dominique, év. de Trevi 115 Dominique (saint[s]) 345 Domitien, empereur 26, 50 Dommartin, voir Dampmartin Domninus (saint) 254 Domnio (saint) 244, 250-255, 257 Doni d’Attichy (Louis), év. de Riez 376 Donus, pape 287, 296 Doremet ( Jacques) 402 Dormay (Claude), chan. rég. de Soissons 369, 402, 413, 421, 430 Dorothée, vic. pontifical en Dalmatie 256 Dosse (François) 409
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Index des noms de personnes
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Doublet ( Jacques) 373 Dracontius, év. d’Hermopolis (Égypte) 330 Dreux du Radier ( Jean-François) 410 Drioux (Claude-Joseph), chan. de Langres 442 Drogon, év. de Metz 347, 358 Drouet de Maupertuy ( Jean-Baptiste), chan. de Vienne 376, 385, 390-391, 404 Du Paz (Augustin), o.p. 371, 402, 410, 412, 427 Du Perron ( Jacques Davy, cardinal du Perron), archev. de Sens 376 Du Plessis (Toussaint Chrétien), o.s.b. 369, 376, 380, 392, 396-397, 402, 412-413, 419-420, 422, 432 Du Tour, chan. de Soissons 413 Dubois ( Jacques), o.s.b. 251 Duby (Georges) 166 Duchesne (André) 180, 407, 419 Duchesne (Louis) 6, 13-20, 26, 37, 44-48, 111-112, 115, 118, 132, 134, 139-141, 144, 153, 159, 163, 172, 185, 274, 444, 461 Dufraigne (Pierre) 32 Dufraisse ( Jean), chan. de Clermont 415, 419, 431 Duhr ( Joseph) 124 Dunod de Charnage (François Ignace) 433 Dunstan (saint), archev. de Cantorbéry 160, 166 Dupanloup (Félix), év. d’Orléans 444, 452, 456 Duplančić (Arsen) 252 Duport (Gilles) 431 Dupuy ( Jean), o.f.m.rec. 373, 387-388, 392, 394 Dupuy (Pierre), garde de la bibliothèque du roi 180, 373, 407 Duvet ( Jean), graveur 446 Dvornik (François) 258 Dyggve (Ejnar) 243
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Dziwisz (Stanislas), archev. de Cracovie, cardinal 216, 237 Eberhard, év. de Trèves 306 Edmond (saint), roi d’Est-Anglie 160 Egbert, év. de Trèves 306 Egger (Rudolf ) 243 Éginhard 34, 144 Ehrle (Franz), cardinal 191 Eladius, évêque deTolède 330 Eladius (Ps.-) 335 Éleusippe (saint), voir Trijumeaux Éleuthère (saint), pape 51, 63, 158 Éleuthère (saint), compagnon de Denis de Paris 175 Éleuthère, fils d’Arsène év. d’Orte 119 Élisabeth de Hongrie (sainte) 445 Elze (Reinhard) 186 Emerick ( Judson) 24 Engels (Odilo) 184 Enmann (Alexander) 29 Ephevus (saint), év. de Naples 269 Épinac (Pierre d’), archev. de Lyon 391 Érard de Lésignes, év. d’Auxerre 10, 12 Érasme 205 Erchempert 268, 278 Ermine de Reims, visionnaire 191 Eschaud (Bertrand d’), archev. de Tours 399 Esnault (Gustave), chan. du Mans 369, 373, 381-382 Estelat (Bernard), chan. de Carcassonne 378 Estiennot (Claude) 425 Estouville (Guillaume d’), archev. de Rouen, cardinal 235 Étienne, év. de Nepi 115 Étienne Ier (saint), pape 69, 158 Étienne II, pape 33, 112, 131, 136, 138-144, 146, 175, 265, 284, 288, 291, 293-294, 296-297, 399 Étienne III, pape 9, 33, 112, 129, 136, 141, 268, 276-280, 284-285, 288, 290-291, 293-294, 297 Étienne IV, pape 112, 176
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Étienne V, pape 17-18, 37, 109-110, 112, 114, 119-125, 127-128, 131, 143-144, 176, 183 Étienne III, év. de Sorrente et de Naples 278-280 Euchaire (saint), év. de Lyon 330 Euchaire (saint), év. de Trèves 301, 304-305, 307, 311-312 Eugène Ier (saint), pape 135 Eugène II, pape 112, 143 Eugène III (saint), pape 184 Eugène IV, pape 19, 194 Eugène Ier (saint), év. de Tolède 330, 343 Eugène II (saint), év. de Tolède 330 Eulalie (sainte) 331, 333 Eulalius, antipape 42-43 Eusèbe (saint), pape 75, 162-163 Eusèbe, év. de Césarée 14-15, 27, 33-34, 147, 251, 387 Eusthasius (saint), év. de Naples 269 Eutrope 29-30 Eutrope, év. de Valence 330 Eutychien (saint), pape 52, 71 Évariste (saint), pape 60, 158 Fabien (saint), pape 41, 67, 158, 397 Facundus, év. d’Hermiane en Byzacène 330 Fage (Émile) 180 Falkenstein (Ludwig) 168 Farin (François), prieur de Notre-Dame du Val de Veules 402, 418, 420, 429 Farlati (Daniele) 245, 250, 252-253, 258-260 Farnèse (Alexandre), év. de Cahors, cardinal 205, 384, 391 Fasola (Umberto M.) 271 Félix Ier (saint), pape 53, 71, 156, 158 Félix II, antipape 42-43, 162 Félix II/III (saint), pape 39-40, 55, 81, 170, 306 Félix III/IV, pape 15, 39, 42, 56, 94, 155 Félix IV/V, pape 105 Félix, archev. de Ravenne 285, 287, 296 Félix, év. de Naples 270
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Félix, év. de Tolède 331 Félix (saint) év. de Trèves 306-307 Félix (Claude), chan. de Langres 437 Félix (Claude), imprimeur 364, 437 Fénelon (François de Salignac de La Mothe-F.) 392 Ferdinand Ier, empereur 207 Ferdinand Ier, roi de Castille 341-342 Ferrari (Giorgio E.) 259 Ferrary ( Jean-Louis) 205 Ferry (Paul), pasteur à Metz 365 Fesch ( Joseph), archev. de Lyon, cardinal 450, 458 Fèvre ( Justin) 444 Fiadoni (Bartolomeo) voir Ptolémée de Lucques Fidèle (saint), év. de Mérida 331 Fieschi (Giovanni), év. de Verceil 191 Filelfe (François) 202 Fita (Fidel) 342 Flavius Josèphe 144, 147, 150 Fleuriau d’Armenonville ( Jean-Baptiste), garde des sceaux 413 Fliche (Augustin) 464 Flodoard, chan. de Reims 114, 134, 402 Flon (Dominique) 360 Florentinus, év. de Bellay 399 Folz (Robert) 349, 351 Fontaine ( Jacques) 330, 333 Fontana (P.) 246 Foppens ( Jean-François) 411 Forcoal ( Jean de), év. de Sées 376 Forestier (Pierre), 432 Formose, pape 173, 203-204, 210, 212 Fortunatus, év. de Naples 270 Fossier (François) 407 Foucault (Michel) 220 Fouquet de la Varenne (Guillaume), év. d’Angers 399 Fournier (Paul) 158 Fradet 408 Fragnito (Gigliola) 211 Francesco della Rovere voir Sixte IV François (saint) 247-248, 348
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Index des noms de personnes
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François de Sales (saint) 225, 446 Frédégaire (Ps.-) 308 Freise (Eckhard) 321 Fremyot (André), archev. de Bourges 376, 399 Freppel (Charles-Émile), év. d’Angers 456 Fried ( Johannes) 109 Frodon, chan. d’Auxerre 12 Froilán (saint), év. de León 337-338 Frontinus, év. de Salone 256 Fronton (saint), év. de Périgueux 397 Froulay de Tessé (Philippe de), év. d’Avranches 376 Fructueux (saint), év. de Braga 331, 337 Frugoni (Chiara) 193 Fuhrmann (Horst) 111, 183 Fulbert, év. de Chartres 393 Fulgence (saint), év. de Ruspe Gagnarre (Philippe) 434 Gaida (Giacinto) 202, 208 Gaius (saint), pape 52, 72, 164, 252 Galesini (Pietro) 209-211 Gallon (Florian) 337 Gantier (Louis-Marie), o.s.b. 153, 160, 162, 168, 170 Gantner (Clemens) 140 Garcia (Charles) 342 Gargilius Martialis 31 Gariel (Pierre) 374, 378, 402 Gariot (Pierre) 441 Garvin ( Joseph N.) 331 Gaspare da Padova, enlumineur 201 Gassendi (Pierre) 383, 402 Gaston, duc d’Orléans 362-363 Gatien (saint), év. de Tours 397 Gaudéric, év. de Velletri 115 Gault ( Jean-Baptiste), év. de Marseille 367 Gautherot (Denis) 403 Gauzbert, abbé de Saint-Julien de Tours 161
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Index des noms de personnes
Gazet (Guillaume), chan. d’Aire-sur-laLys 370, 376, 384, 388, 402, 426 Gebhard, év. d’Eichstätt 316, 318, 326; voir Victor II Geertman (Herman) 24-26, 37, 44, 47, 53, 56, 113, 128 Gélase Ier (saint), pape 40, 43, 55, 95, 256 Gélase Ier (saint), pape (Ps.-) 273 Gélase II (saint), pape 19, 183 Gelmírez (Diego), év. d’Iria-Compostelle 343-344 Gemma, femme de Landolf de Capoue 279 Gennade d’Astorga (saint) 33-34, 329, 337 Geoffroy de Champallement, év. d’Auxerre 12 Geoffroy de Grandmaison (Charles) 455 Georges, archev. de Ravenne 286 Georges de Cappadoce (saint) 274 Geosmes (saints), voir Trijumeaux Gérard de Vic, chan. 378, 387, 398 Géraud (saint), év. de Braga 345 Géraud, comte de Roussillon 422 Gerber (William) 243, 255 Gerbert d’Aurillac 159, 177 ; voir Silvestre II Germain (saint), év. d’Auxerre 8-9 Ghislieri (Michele), cardinal 207 ; voir Pie V Gierlich (Ernst) 312 Giese (Wolfgang) 325 Giovannetti (Matteo) 193 Giovannini (Girolamo), censeur 210 Girardin ( Jacques-Félix), chan. de Fréjus 374-375, 402 Gissey (Odo[n] [de]), s.j. 386, 402, 412, 418, 427 Givry (Anne de Péruse d’Escars de), év. de Metz, cardinal 348-349, 363, 446 Glycerius, év. de Salone 255 Godefroid de Viterbe 186, 189
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Godefroy (Théodore) 407 Goery (saint), év. de Metz 352 Goetz (Hans-Werner) 110 Goez (Werner) 310 Goffart (Walter) 347 Goll (Helmut) 117 Goldbrunner (Hermann) 204 Gondi ( Jean-François de), cardinal de Retz, archev. de Paris 399 Gondulf, év. de Metz 347 Gonzague (Francesco), cardinal 200 Gossner (Cornelia) 109 Goullet (Monique) 12, 109 Gouyon de Matignon (Léonor), év. de Coutances 371 Gracq ( Julien) 447 Gramont, famille de Dax 371 Grandidier (Philippe-André), chan. de Strasbourg 410, 434 Granier (Thomas) 268, 271, 276, 278 Gratien 461 Grégoire Ier le Grand (saint), pape 11, 15, 17, 117, 122-124, 132-133, 135, 143, 161, 166, 168, 170, 185, 250, 257, 260-261, 284, 330-332 Grégoire II (saint), pape 33, 127, 134, 137, 153, 155-156, 166-167, 172 Grégoire III (saint), pape 33, 129, 130, 137-138, 141, 173, 287, 293, 296 Grégoire IV, pape 112, 130, 176 Grégoire V, pape 169, 176-177 Grégoire VI, pape 176-177 Grégoire VII (saint), pape 18-19, 183-185, 316-317, 327 Grégoire IX, pape 191, 261 Grégoire X, pape 187 Grégoire XI, pape 11, 187, 191 Grégoire, comte de Tusculum 177 Grégoire III, duc de Naples 277 Grégoire, év. de Naples 279 Grégoire, év. de Nin 258 Grégoire (saint), év. de Tours 9, 147, 387, 397, 443 Gregorovius (Ferdinand) 464
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Grell (Chantal) 407-408 Grenier (Albert-Sylvain) 454 Grig (Lucy) 29 Grimoald, év. de Bomarzo 115 Grundmann (Herbert) 191 Gudesteum, év. d’Oviedo 341 Guenée (Bernard) 144 Guerreau (Alain) 416 Guesnay ( Jean-Baptiste) 379 Guibert ( Joseph Hippolyte), archev. de Paris, cardinal 456 Guichardin (François) 205 Guichenon (Samuel) 373, 376, 398-399, 403 Guigou ( Jean Joseph Pierre), év. d’Angoulême 451 Guillemant (Charles) 455 Guillaume de Malmesbury 144-145 Guillaume de Nangis 189 Guillaume de Peyre Godin, cardinal 188 Guillemant (Charles), chan. d’Arras 455 Guillot (Olivier) 161 Guimart (Charles) 453 Guise (Charles de), archev. de Reims, cardinal 354 Guise (François de), duc 354 Guise (Louis de), archev. de Reims, cardinal 391 Guitton ( Jean) 236 Guncel, archev. de Split 261 Gundekar II, év. d’Eichstätt 315-318, 321-323, 325-327 Gunzo, custode de l’église de Bamberg 320 Guy de Castello, voir Célestin II Guyon (Symphorien), o.f. 369-370, 387, 394, 397, 403, 412, 428 Gzaier (Guillaume) 372 Ha-, voir aussi AHaari-Oberg (Ilse) 302 Hadrien, empereur 25, 29, 286 Hannick (Christian) 258
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Index des noms de personnes
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Harlay de Champvallon (François), archev. de Rouen puis de Paris 399, 417 Hartmann (Florian) 110, 113, 129 Hartmann (Wilfried) 124 Haymon d’Auxerre 7 Hébrard (Ernest) 257 Hébrard de Saint-Sulpice (Antoine), év. de Cahors 391 Hédion (Gaspard) 204 Hégésippe (saint) 14, 147 Heinzelmann (Martin) 310 Heiric d’Auxerre 7-8 Hélène (sainte) 307 Helladius, voir Eladius Henri II, empereur 308, 319 Henri III, empereur 324 Henri IV, empereur 316-317 Henri II, roi de France 354, 358 Henri III, roi de France 391, 438 Henri IV, roi de France 349, 358 Henri Ier l’Oiseleur, roi de Germanie 357 Henri de Diessenhoten 195 Henri Ier év. de Wurzbourg 324 Henriet (Patrick) 338, 342, 345 Herbers (Klaus) 38, 110-113, 115, 121, 123-124, 127, 129-131, 133 Héribert, archev. de Cologne 324 Héribert, év. d’Eichstätt 318, 323-325 Hering (Wolfgang) 303 Hermant ( Jean), curé de Maltot 376, 385, 387, 389, 403, 413-414, 416, 418, 431 Hersant (Charles), chancelier de l’église de Metz 362-363 Hervet (Gentian) 205 Hesychius, év. de Salone 252, 255 Heullant-Donat (Isabelle) 248 Hilaire (saint), pape 40, 91-92, 156, 166 Hilaire (saint), év. d’Arles 330 Hilaire (saint), év. de Poitiers 451 Hildebald, archev. de Cologne 135 Hildebrand, voir Grégoire VII Hildegarde, femme de Charlemagne 347
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Index des noms de personnes
Hilduin, abbé de Saint-Denis 397 Hilgers (Heribert A.) 190 Hillner ( Julia) 23 Hincmar, archev. de Reims 13, 134 Hippolyte, antipape 112 Hippolyte, év. de Bellay 398 Hiret ( Jean), curé de Challain 381, 390, 399, 403 Homère 383 Honorat (saint), év. d’Arles 367 Honoratus, archidiacre de Salone 255, 260 Honorius Ier, pape 156 Honorius II, pape 18-19, 183, 462 Horace 246 Hormisdas (saint), pape 15, 31, 42, 55-56, 100-102, 112, 156, 256 Houtin (Albert), chan. d’Angers 443, 445 Howe (Eunice D.) 199, 201 Hozier (Pierre d’) 371 Hr-, voir RHuet (Pierre Daniel), év. d’Avranches 367 Hugues Capet, roi de France 159, 165, 172 Hugues de Mâcon, év. d’Auxerre 12 Hugues de Provence, roi d’Italie 135 Hunaud, duc d’Aquitaine 138 Huppert (George) 379 Hurault (Paul), év. d’Aix 399 Huss ( Jean) 204 Husson (Mathieu) 380 Hygin (saint), pape 38-39, 62, 158 Ignace (saint), patriarche de Constan tinople 115-116, 119 Ikas (Wolfgang-Valentin) 187 Ildephonse (saint), év. de Tolède 329-330, 332, 335-336, 339, 342 Innocent Ier (saint), pape 40, 84, 156 Innocent II, pape 19, 173, 177, 185, 189 Innocent III, pape 185, 187 Innocent IV, pape 187 Innocent VIII, pape 201
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Innocent (saint), év. de Mérida 331 Iogna-Prat (Dominique) 7, 9, 321 Irénée (saint), év. de Lyon 14, 397 Isidore (saint), év. de Séville 33, 243, 246, 303, 329-330, 335-337, 339, 341-342 Isidore (Ps.-) 158 Isla Frez (Amancio) 344 Itacius, év. de Galice 330 Ivanišević (Milan) 252 Jacobsen (Peter C.) 113, 134 Jacques (saint), apôtre 50 Jacques (saint), év. de Nisibe 251 Janin (Pierre) 11-12 Jansenius (Cornelius), év. d’Ypres 425 Janvier (Pierre) 419 Jasper (Detlev) 137, 145 Jaulnay (Charles) 381, 385, 391, 403 Jean (saint), évangéliste 397 Jean Ier (saint), pape 15, 26, 31, 42, 56, 103-104, 271 Jean II, pape 37, 39, 47, 48, 57, 107, 156 Jean IV, pape 252-253, 269, 272, 277 Jean V, pape 167, 274 Jean VII, pape 156, 161, 167, 203 Jean VIII, pape 18, 119, 123, 127, 132-133, 143, 176, 185, 203, 209, 258 Jean X, pape 251, 258 Jean XII, pape 204, 210 Jean XIII, pape 204 Jean XIX, pape 177 Jean XXII, pape 19, 179, 192-193, 195, 209 Jean XXIII, pape 231, 237 Jean Ier, roi de Bohême 190 Jean, patriarche de Constantinople 330 Jean, év. de Gérone 330 Jean IV, év. de Naples 271 Jean Ier, archev. de Ravenne 292 Jean II, archev. de Ravenne 284 Jean V, archev. de Ravenne 287, 292-293, 295-296 Jean III, archev. de Split 258 Jean, diacre 288
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Jean, écolâtre d’Auxerre 159 Jean le Baptiste (saint) 326 Jean Chrysostome (saint), patriarche de Constantinople 122, 255, 330 Jean Diacre, voir Jean Hymmonide Jean Hymmonide 115, 117, 123, 132-133, 143, 185, 267, 270, 276-277, 280-281 Jean Lydus 30 Jean de Montecorvino, o.f.m. 190 Jean de Murs, astronome 190 Jean la Porte 196 Jean de Roquetaillade, o.f.m. 191-192 Jean de Saint-Victor 195 Jean de Salisbury 184 Jean de Viktring, abbé de Victoria (Carinthie) 190 Jean-Paul Ier, pape 231, 238 Jean-Paul II, pape 216, 220, 223-225, 228-229, 232-239, 465 Jeanjan (Benoît) 27 Jeanne, papesse 203, 206, 207 Jedin (Hubert) 464 Jérôme (saint) 14-15, 27, 32-34, 50, 147, 154, 273, 308, 329, 337, 387 Jérôme (Ps.-) 16 Jeudy (Colette) 274 Joachim de Flore (saint) 191 Johannes de Colonia, imprimeur 201 Johannes Manthen, imprimeur 201 Jordanès 30, 35 Juan Gil de Zamora, o.f.m. 342 Judas le Cyriaque (saint), év. de Jérusalem 162 Judet (Ernest) 235 Jules Ier (saint), pape 41, 54, 79, 156 Julien, év. de Naples 270 Julien (saint), év. de Tolède 331 Julitte (sainte) 274 Juste, év. de Tolède 330 Juste (saint), év. d’Urgel 330 Justin (Marcus Junianus J.), abréviateur de Trogue Pompée 303 Justin, empereur 26, 39, 56 Justin, év. de Valence (Espagne) 330
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Index des noms de personnes
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Justinien Ier, empereur 14, 39, 162 Justinien II, empereur 32, 161, 287 Kaeppeli (Thomas) 187-188, 259 Kaiser ( Jean-Baptiste) 348-349, 363, 365 Kelly ( John Norman Davidson) 27 Kentenich (Gottfried) 302 Kery (Lotte) 33 Kornrumpf (Gisela) 190 Kottje (Raimund) 147 Kovačić (Slavko) 252 Krämer (Sigrid) 142 Krönert (Klaus) 304-307, 310, 312 Kršnjavi (Izidor) 260 La Baume de Suse (Louis François de), év. de Viviers 377 La Béraudière (François de), év. de Périgueux 399 La Bourdaisière (Philibert de), év. d’Auxerre 12 La Charlony (Gabriel de) 380, 388, 394, 399, 403 La Clergie (Gilles de) 383 La Croix (Guillaume de), consul de Cahors 380, 383-384, 387-388, 390-391, 396, 403, 426 La Morlière (Adrien de) 378, 394, 397, 403, 409 La Mure ( Jean-Marie de), chan. de Montbrison 371, 385, 389, 391, 394, 403, 416- 417, 422, 431 La Rivière (Polycarpe), prieur de la chartreuse de Sainte-Croix 373, 377 La Roche Pozay (Henri de), év. de Poitiers 376 La Rochette (comte Arthur de) 454 La Roque de La Lontière (Gilles André de) 371 La Saussaye (Charles de) 369, 405, 409, 411, 415 La Valette (Louis de Nogaret de la V. d’Épernon), archev. de Toulouse, cardinal, gouverneur de Metz 364, 398
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Index des noms de personnes
Labbe (Philippe), s.j. 423 Lacouture ( Jean) 219 Lagrange (François), év. de Chartres 452-453 Lambert, chan. de Saint-Omer 145, 153 Lambert, duc de Spolète 115, 125 Lançon (Bertrand) 27 Landolf, duc de Capoue 279 Langénieux (Benoît-Marie), cardinal, archev. de Reims 456 Langlois (Claude) 451-452 Lapôtre (Arthur), s.j. 113, 117, 132 Larousse (Pierre) 216 Latreille (André) 458 Launoy ( Jean de) 397, 411, 417 Laurensi ( Joseph), curé de Castellane 434 Laurent, antipape 14, 23-24, 42-44 Laurent, év. de Naples 270 Laurent, év. de Salone 251 Laurens (Gaspard), archev. d’Arles 399 Laurentin (René) 221 Lavigerie (Charles Martial), cardinal, archev. d’Alger 455 Lazare (saint) 397 Le Batelier d’Aviron ( Jacques), conseiller au présidial d’Évreux 380 Le Bras (Gabriel) 158, 465 Le Brasseur (Pierre) 391 Le Coigneux ( Jacques), conseiller au parlement de Paris 362-363 Le Corvaisier de Courteilles (Antoine), lieutenant criminel de la sénéchaussée du Mans 379, 381, 385, 387, 389, 398, 403, 412, 429 Le Dieu (François) 419 Le Gall ( Jean-Marie) 386, 415 Le Grand (Albert), o.p. 371, 376-377, 403, 428 Le Jau ( Jean), chan. d’Évreux 374, 391, 403, 409 Le Lièvre ( Jean) 370, 385, 403 Le Long ( Jacques), o.f. 368, 425
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Le Long (Nicolas), o.s.b. 369, 377-380, 403 Le Maire (François), conseiller au présidial d’Orléans 411-413, 418, 421, 428 Le Vasseur ( Jacques), chan. de Noyon 383-384, 386, 395, 403, 427 Léandre (saint), év. de Séville 330 Leberon (Charles de), év. de Valence 392 Leberon (Charles Jacques de), év. de Valence 389, 392 Leberon (Pierre André de), év. de Valence 392 Lebeuf ( Jean), chan. d’Auxerre 13, 381, 405, 433, 444 Lebourgeois (Anne-Élyse) 187 Lecanu (Auguste François), chan. de Coutances 453 Leduc ( Jean) 219 Lefevre ( Jean), traducteur d’Alciat 446 Lejeune (Philippe) 234 Lemaître (Nicole) 372, 408 Lemarignier ( Jean-François) 161, 169 Lenfant (Nicolas) 419 Lénoncourt (Philippe de), év. d’Auxerre 12 Lenoncourt (Robert de), cardinal, év. de Metz puis d’Auxerre 12, 354, 360 Lenzi (Furio) 256 Léocadie (sainte) 335 Léon d’Ostie, chroniqueur 145 Léon III, empereur d’Orient 288 Léon Ier le Grand (saint), pape 40, 53-55, 89-90, 118, 165, 170, 172 Léon II (saint), pape 167, 274, 285, 287, 296 Léon III (saint), pape 18, 112, 113, 128, 134, 142, 166, 176 Léon IV (saint), pape 112, 113, 130, 145, 155, 173 Léon V, pape 177 Léon IX (saint), pape 183-184, 318, 385 Léon X, pape 205 Léon XIII, pape 230, 235
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Léon, archev. de Ravenne 285-286, 291-292 Leonardi (Claudio) 117, 132 Léonce (saint), év. de Trèves 307 Léovigilde, roi des Wisigoths 333 Leto (Pomponio) 201 Levi (Charles de), év. de Lodève 390 Levi (François de), év. de Lodève 390 Levillain (Philippe) 219 Levison (Wilhelm) 112, 137, 145 Libère, pape 14, 28, 42-43, 54, 80, 160, 162 Licht (Tino) 351 Limbach (Eric H.) 190 Lin (saint), pape 45, 50, 59 Lindeborn ( Jan) 411 Lionne (Artus de), év. de Gap 377 Liron ( Jean) 382 Littré (Émile) 215 Liutprand, roi des Lombards 141 Liutprand, év. de Crémone 135, 137, 148, 292 Liutprand (Ps.-) 137, 145 Liutwin (saint), év. de Trèves 306 Llewellyn (Peter A. B.) 23 Lo Monaco (Francesco) 274 Lobineau (Guy-Alexis), o.s.b. 367, 370 Loew (E. A.), voir Lowe Loisel (Antoine) 370, 379, 384, 403 Longvy (Claude de), év. de Langres 446 Lopès ( Jérôme), chan. théologal de SaintAndré de Bordeaux 430 López Alsina (Fernando) 343 López Pereira ( José Eduardo) 335 Lorraine (Charles de) cardinal, év. de Metz 349 Lorraine (Louis de), archev. de Reims 399 Lorraine-Guise (Louis de), év. de Troyes, cardinal 398 Lothaire Ier, empereur 286 Lothaire II, roi franc 356 Lothaire, roi de Francie occidentale 353, 357
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Index des noms de personnes
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Louet (Pierre) 383 Louis, infant de Castille 190 Louis II, roi d’Italie, empereur 115, 281 Louis le Pieux, empereur 204, 358, 420 Louis XIII, roi de France 354-355, 358, 361, 363, 408, 415 Louis XIV, roi de France 181 Louis XVIII, roi de France 450 Louis l’Enfant, roi de Francie orientale 356 Louis-Philippe, roi de France 450 Louis de Poitiers, év. de Langres 443 Loupes (Philippe) 378 Louvet (Pierre) 381, 390-392, 403, 409 Lowe (Elias Avery) 23, 31, 33, 141, 249, 269, 274 Lubac (Henri de), cardinal 216 Luc (saint), évangéliste 11 Lucain 246, 261 Lucherini (Vinni) 269 Lucius Ier (saint), pape 41, 52, 69 Lucius II, pape 173 Lucius ( Jean) 245-246, 250, 252 Ludolf, év. de Trèves 308 Luquet ( Jean-Félix-Onésime) 441 Lurbe (Gabriel de) 369, 399, 404 Luther (Martin) 204 Luzzatti Laganà (Francesca) 268 Lycurgue 359 Lyonnet ( Jean-Baptiste), chan. de Lyon 450-451 Maan ( Jean de) 371, 397, 404 Mabillon ( Jean), o.s.b. 180-181 Macchi (Pasquale), secrétaire de Paul VI 237 MacCormack (Sabine) 32 Macelinus, év. de Wurzbourg 318 Machiavel 205 Maffei da Volterra (Raffaele, il Volterrano) 201 Magnéric (saint), év. de Trèves 306 Mahieu (Léon), chan. 455 Maimbourg (Louis) 396
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Index des noms de personnes
Maleczek (Werner) 184 Mallardo (Domenico) 267, 269, 274-276, 280 Mandez, chan. de Trogoff 380 Manetti (Giannozzo) 202 Mangin (abbé de), gr. vic. du dioc. de Langres 370, 404, 410, 440-441 Manitius (Max) 303 Mansilla Reoyo (Demetrio) 334, 337 Mansuetus, év. de Trèves 307 Manthen ( Johannes) 201 Manuel II Paléologue, empereur d’Orient 224 Manzari (Francesca) 191, 193-194 Marc (saint), évangéliste 11, 28, 396 Marc (saint), pape 27, 39, 79, 156 Marca (Pierre de) 180 Marcel (Louis-Emmanuel) 446 Marcel (Louis-François), chan. de Langres 437, 440, 446 Marcel Ier (saint), pape 39, 53, 74 Marcel II, pape, voir Cervini (Marcello) Marcellin (saint), pape 52, 73, 158, 161 Marcellin (saint), év. d’Embrun 396 March ( José M.) 18-19, 183 Marcien, empereur 165, 172 Marconi (Guglielmo) 232 Margetić (Lujo) 260 Marguerite de Lorraine, femme de Gaston d’Orléans 363 Marie (sainte, Vierge) 25, 166, 247, 325-326, 335-336, 418 Marie Madeleine (sainte) 397 Marie Robine, visionnaire 191 Marignolli (Giovanni da) 190-191 Marilier ( Jean), chan. de Dijon 437 Marin Ier pape 18, 119-120, 122-123, 127 Marinianus, archev. de Ravenne 284 Marquemont (Denis de), archev. de Lyon 399 Marteau de Saint-Gatien (Martin), o.c.d. 384, 404, 412, 430 Martène (Edmond) 425 Marthe (sainte) 166, 397
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Martial (saint), év. de Limoges 193, 397, 415 Martin (saint), év. de Braga 330 Martin (saint), év. de Tours 451 Martin, év. de Trèves 307 Martin, abbé, envoyé en Dalmatie par Jean IV 253 Martin (Céline) 332 Martín ( José Carlos) 330, 333, 337 Martin (Henri-Jean) 414 Martin ( Jean-Marie) 268 Martin (Philippe) 363 Martin (Victor) 464 Martin de Troppau (M. le Polonais) 19, 146, 182, 187-188, 462 Martin IV, pape 19 Martin V, pape 17, 19, 20, 189, 462 Marulus (Marcus ; Marko Marulić), de Split 245 Masona (saint), év. de Mérida 331, 333 Massarelli (Angelo) 205 Massillon ( Jean-Baptiste), év. de Clermont 367 Materne (saint), év. de Trèves 301, 304-305 Mathieu ( Jean-Baptiste), chan. de Langres 441, 444 Mathoud (Hugues) 404 Maupertuis, voir Drouet de Maupertuy Maur (saint), martyr en Dalmatie 253 Maur, archev. de Ravenne 284, 287, 296 Maurianus, sous-diacre de Rome 290 Maurice, duc de Rimini 285, 291 Maurice, év. de Trèves 307 Maxime, consul 26, 30 Maxime, empereur 307 Maxime, év. de Saragosse 330 Maxime, év. de Salone 257 Maximien, empereur 254, 257 Maximin, empereur 30 Maximin (saint), év. de Trèves 306, 311 Maximus, év. de Salone 255, 257 Maya Sánchez (Antonio) 331 Mazauric (Roger) 365
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Mazel (Florian) 320 Mazenod (Eugène de, saint), év. de Marseille 452 Mazzotti (Mario) 285 McKitterick (Rosamond) 27, 33-34, 44, 138, 141-144 Mégingaud, évêque d’Eichstätt 318-320 Mégingaud, év. de Trèves 308 Mélanchthon (Philippe) 204 Melchiade, voir Militiade Méleusippe (saint), voir Trijumeaux Memje (saint), év. de Châlons-enChampagne 376, 397, 399 Ménard (Léon), conseiller au présidial de Nîmes 432 Méthode (saint), év. de Sirmium 258 Mettius Fufestius, fondateur de Metz 311 Meurisse (Martin), év. auxil. de Metz 348-350, 352-353, 355, 357-365, 377, 399, 404, 412, 415, 420, 427 Michalski (Krzysztof ) 236 Michel (saint, archange) 325 Michel III, empereur d’Orient 116, 118 Michel, scriniaire de Ravenne 291-292 Michel (Henri) 180 Michon ( Jean-Hippolyte), chan. d’Angoulême 451 Mierau (Heike-Johanna) 187 Miglio (Massimo) 199, 202 Milbach (Sylvain) 451 Millet (Hélène) 193 Milon, év. de Trèves 306 Miltiade (saint), pape 47-48, 76, 163-164 Minos, roi de Crète 246 Minuti (Rolando) 221 Miskimin (Patricia) 365 Moïse, év. de Trèves 307 Moïse, prophète 137, 359 Molette (Charles) 251 Mollat (Guillaume) 179, 181-182, 194-198
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Index des noms de personnes
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Mommsen (Theodor) 15, 37, 44-45, 4748, 112, 144, 461 Monfrin (Françoise) 111 Monluc ( Jean de), év. de Valence 392 Montanus, év. de Tolède 330 Montecchi-Palazzi (Thérèse) 184-185 Montini (Giovanni Battista) 231, 237 ; voir Paul VI Montmorency (Anne de), connétable 354 Montmorin (Armand de), archev. de Vienne 376 Moorhead ( John) 23 Morales Cabrera (Francisco) 211 Moreau, chan. de Soissons 413 Moreau (Dominic) 26 Moreri (Louis) 373 Morice (Hyacinthe), o.s.b. 367, 370 Morod (Pierre), s.j. 395 Morone (Giovanni), cardinal, év. de Modène 206-208 Mostert (Marco) 154, 160, 163, 165, 167 Mouchy (Antoine de) 367, 372, 388, 393, 423 Moulinet (Daniel) 444 Mück (Hans-Dieter) 190 Multon (Hilaire) 442 Muretach, moine irlandais 7 Nanctus, abbé 331 Napoléon Ier 449-450, 457 Napoléon III 452 Natalis, év. de Salone 255, 257, 260-261 Navarro-Valls ( Joachim) 236 Necek (Robert) 237 Néron, empereur 25 Nesmond (François de), év. de Bayeux 414 Neuenburg (Matthias von), chroniqueur 190 Neveu (Bruno) 407 Nibelung, Bavarois 142 Nicolas Ier (saint), pape 13, 18, 112, 114-116, 119, 122, 132-134, 157, 183 Nicolas III, pape 193
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Index des noms de personnes
Nicolas V, pape 202 Nicolas d’Arcis, év. d’Auxerre 10 Nicolaus de Curbio, év. d’Assise 187 Nicole ( Julien), vic. gén du dioc. d’Avranches 371, 376, 383, 386, 390, 404, 431 Nicolini (Giulio) 231 Niketas, év. de Naples 279 Ninus, fondateur de Ninive 302 Njoroge Kainu (F.) 223 Noble (Thomas F. X.) 16, 25, 113, 285, 291-292 Noé, patriarche 360 Nogaret de la Valette, voir La Valette Nortier (Geneviève) 150 Noth (Martin) 302 Nouguier (François) 421, 430 Novak (Victor) 249 Oder (Slavomir) 239 Odilon (saint), abbé de Cluny 165 Odoacre, roi 39, 55 Odon (saint), év. d’Urgell 344 Oexle (Otto Gerhard) 350 Oihenarto (Arnaldo) 370 Oleguer (saint), év. de Barcelone 345 Olybrius, consul 26 Oppa, archev. de Tolède 338-339 Orderic Vital 153-159, 161-162, 164, 173 Orioli (Giorgio) 285 Orth (Peter) 183 Osius (saint), év. de Cordoue 330 Oswald (saint), archev. d’York 166 Otton de Freising 184, 186 Otton II, empereur 351, 357 Otton III, empereur 177 Ovide 246, 261 Palazzo (Éric) 322 Pandolfo, cardinal 18-19, 145, 183, 185, 188-189, 462 Panella (Emilio) 188 Panvinio (Onofrio) 20, 199, 201, 205-212, 463
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Papebrock (Daniel), s.j. 180 Papin-Dupont (Léon, vénérable) 442 Papoul, év. de Langres 443 Parisis (Pierre-Louis), év. de Langres 441, 455 Parker Johnson (Rozelle) 32 Pascal Ier (saint), pape 112, 143, 286 Pascal II, pape 19, 177, 183, 462 Paschase, év. de Lilybée (auj. Marsala, Sicile) 330 Pasquier (Étienne) 420 Passelaigue ( Jean de), év. de Belley 376, 398-399 Pàsztor (Ludwig von) 215-216, 464 Paul (saint), apôtre 387, 397, 414 Paul Ier (saint), pape 33, 175, 284, 290, 293-294, 297 Paul II, pape 200-203, 205, 207-208, 277 Paul III, pape 206 Paul IV 206-209 Paul VI, pape 220, 231, 233, 235, 237-238, 248 Paul (saint), év. de Mérida 331 Paul, diacre de Naples 275 Paul Diacre 148, 185, 246, 267, 283, 288-289, 293, 347-348, 351-352 Paul Orose 144, 303 Paul Serge (saint), év. de Narbonne 397 Paulin, év. de Pouzzoles 195 Paulin (saint), év. de Trèves 306, 311 Paulin de Venise, o.f.m. 191, 462 Pavillon (Nicolas), év. d’Alet 367 Pélage Ier (saint), pape 160, 167, 170, 260 Pélage II, pape 17 Pélage, roi des Asturies 338-339 Pélage d’Oviedo, chroniqueur 340 Pelayo (Alvaro), év. de Silves 192 Pèlerin (saint), év. d’Auxerre 8-10, 386 Pellevé (Nicolas), archev. de Sens 391 Pépin le Bref, roi des Francs 138-140, 142, 174-175, 289, 296 Peredeus, év. de Lucques 140, 142 Perels (Ernst) 113
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Perini (Davide Aurelio) 205 Perri (Claude), s.j. 370, 377, 379, 386, 404 Pétrarque 181, 189, 462 Petronax, archev. de Ravenne 286 Pétronille (sainte) 138 Petrović (Ivanka) 249, 251 Petrus Pisanus, cardinal 183 Phèdre, femme de Thésée 246 Phelippeaux ( Jean), chan. de Meaux 369 Philippart (Guy) 314 Philippicus, empereur 32 Phocas, empereur d’Orient 25, 156 Photios, patriarche de Constantinople 114-116, 118-119, 125 Picard (Benoît ; en religion, B. de Toul), o.f.m.cap. 381, 387, 401, 404, 431 Picard ( Jean) 373 Picard ( Jean-Charles) 271, 459-460 Picart (Gilles), voir Picard (Benoît) Piccolomini (Enea Silvio) 235 ; voir Pie II Piccolomini (Francesco) 200 ; voir Pie III Pie (Louis-Édouard), cardinal, év. de Poitiers 451-452, 455 Pie Ier (saint), pape 40-41, 51, 62 Pie II, pape 200-202, 204, 207, 235, 463 Pie III, pape 200-201 Pie IV, pape 206-208 Pie V (saint), pape 207-209 Pie IX, pape 230 Pie X (saint), pape 231, 458 Pie XI, pape 232, 234 Pie XII, pape 230, 248 Pierleone (Petrus) 183 ; voir Anaclet II Pierre (saint), apôtre 8, 14, 23-26, 28, 37, 41, 45, 47, 50, 58, 137, 169, 183, 193, 203, 212, 244, 249-250, 253-254, 275, 285, 305, 347, 397, 462 Pierre, év. de Lerida 330 Pierre, év. de Naples 279 Pierre (saint), év. d’Osma 344-345
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Index des noms de personnes
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Pierre (Victor) 455 Pierre le Diacre (saint), secrétaire de Grégoire le Grand 133 Pierre Guillaume, bibliothécaire de Saint-Gilles 18-20, 145-146, 185, 188-189, 462 Pierre de Herentals 195-198 Pierre Sous-Diacre, de Naples 266, 275, 280 Pietri (Charles) 27, 461 Pingaud (Léonce) 455 Pirri (Rocco) 424 Pisani (Paul), chan. 455 Pithou (Pierre), avocat 370, 398, 404 Plantavit de La Pause ( Jean), év. de Lodève 371, 377, 381, 389-390, 404, 412, 417, 427 Plantier (Claude-Henri Augustin), év. de Nîmes 452 Platelle (Henri), chan. de Lille 143 Platina, voir Sacchi Platon 382, 201-202, 382 Plutarque 202 Poey (Philippe), chan. 457-458 Pole (Reginald), cardinal, archev. de Cantorbéry 208 Polo (Girolamo), imprimeur 210 Polycarpe (saint), év. de Smyrne 397 Pomeurel (Robert) 398 Pommeraye ( Jean-François), o.s.b. 374, 387, 394-395, 412, 414, 417, 419, 430 Poncelet (Albert), s.j. 273 Poncet (Olivier) 407, 416, 419, 423, 425 Pontien (saint), pape 39, 41, 52, 66, 271 Poppon, archev. de Trèves 300, 305-306, 308, 312 Possidonius, Africanae provinciae episcopus 330 Potentien (saint), év. de Sens 388, 397 Poullin de Lumina (Étienne-Joseph), négociant à Lyon 433 Poupardin (René) 180 Praga (Giuseppe) 249, 259
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Index des noms de personnes
Prévost de Sansac (Antoine), év. de Bordeaux 399 Primasius, primat de Numidie 330 Priscien, grammairien 162 Prost (Auguste) 360 Proterius (saint), patriarche d’Alexandrie 330 Prouvère (Simon) 376 Prozorov (Vadim B.) 244, 263 Prunel (abbé Louis Narcisse), vice-recteur de l’Institut catholique de Paris 445-446 Ptasznik (Pawel) 236 Ptolémée de Lucques 182, 188, 190, 194-198, 202, 462 Pulchérie, impératrice, femme de Marcien 165, 172 Pulchrone (dom), abbé de Saint-Avold 353 Quantin ( Jean-Louis) 438 Quantin (Maximilien) 13 Raban Maur (saint), abbé de Fulda, archev. de Mayence 326 Rački (François) 245 Rainier (saint), év. de Salone 244-245 Rainogala, chan. d’Auxerre 5 Raisse (Arnold) 372 Ramwold, abbé de Saint-Emmeram de Ratisbonne 148 Ranke (Leopold von) 464 Ranum (Orest) 407 Raoul de Coucy, év. de Coucy 359 Rapine (Charles), réc. 376-377, 387, 389, 392, 398-399, 404, 409 Ratti (Achille) 235 ; voir Pie XI Ratzinger ( Joseph), voir Benoît XVI Rauwel (Alain) 437, 444, 447 Raymond, archev. de Tolède 343 Raymond (Florimond de), conseiller au parlement de Bordeaux 396 Raymond (saint), év. de Roda et de Barbastro (Durban) 344
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Raynal ( Jean) 433 Réceswinthe, roi des Wisigoths 336 Réginold, év. d’Eichstätt 319, 323-325 Réginon, abbé de Prüm 148-149, 303, 308 Reglero de la Fuente (Carlos Manuel) 334 Reimitz (Helmut) 34, 143 Remefort de la Grelière, avocat général au parlement de Metz 361 Remi (saint), év. de Reims 367, 422 Remi (saint), év. de Rouen 174 Remi d’Auxerre 7 Remi de Mettlach 312 Remus, fondateur de Reims 311 René II, duc de Lorraine 357 Renovatus (saint), év. de Mérida 331 Reparatus, archev. de Ravenne 287, 296 Reynolds (Leighton D.) 31 Ribadeneira (Pedro de), s.j. 383 Ribanera, voir Ribadeneira Riché (Pierre) 154 Richelieu (Armand Jean du Plessis de), cardinal 363, 391, 415, 445 Rictiovare, préfet de Gaule Belgique 304-305, 307, 309 Rie (F. de), archev. de Besançon 399 Rieusset, chan. de Langres 441 Rinaldi (Odorico) 464 Risco (Manuel), o.s.a. 337 Rivera (Parafanio de), vice-roi de Naples 207 Rivera Recio ( Juan Francisco) 342 Robert (Claude), chan. de Chalon-surSaône 377, 394, 399, 404, 423-424 Robert Guiscard 281 Robert de Nevers, év. d’Auxerre 10 Robert de Saint-Marien d’Auxerre, chroniqueur 186 Robert Ier le Pieux, roi de France 165 Robert II, roi de France 172 Rohon, év. d’Angoulême 157 Rohrbacher (René François) 444 Romanus, exarque de Ravenne 161
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Romero (Oscar), archev. de San Salvador 227 Romuald de Salerne 184 Rosières (François de) 356-357, 358, 370 Rostagnus, abbé 148 Roth (Peter) 145 Rouault (Laurent), curé de Saint-Pairsur-Mer 371, 387, 404, 432 Roussat (Richard), anatomiste 446 Roussel (Charles-François), chan. de Langres 439-445 Roussel (Nicolas) 374, 380, 385, 387, 394, 398, 404 Roze (Guillaume), év. de Senlis 391 Ruffelet (Christophe-Michel), chan. de Saint-Brieuc 382, 404 Rufin d’Aquilée, traducteur d’Eusèbe de Césarée 14, 33, 50, 162 Rustique (saint), compagnon de Denis de Paris 175 Sabinien, pape 156 Sacchi (Bartolomeo, dit Platina) 20, 132, 194, 199-213, 463 Sachy ( Jean-Baptiste-Maurice de) 434 Sadolet ( Jacques), cardinal, év. de Carpentras 367 Sághy (Marianne) 112 Sainte-Marthe (Claude de) 380 Sainte-Marthe (Denys de), o.s.b. 371, 373, 387, 393, 425 Sainte-Marthe (Louis de) 373, 407, 423-425 Sainte-Marthe (Scévole de) 424 Saintes (Claude de) 391 Salomon, roi d’Israël 351 Salvus, abbé de Saint-Martin d’Albelda 337 Sangermano (Gerardo) 279 Sanvito (Bartolomeo), enlumineur 201 Salzman (Michele Renee) 26 Sarale (Nicolino) 231 Sauerland (Heinrich Volbert) 308 Saulve (saint), év. d’Albi 397
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Index des noms de personnes
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Saulve (saint), év. d’Amiens 397 Sauvage (G.-Er.) 453 Savaron ( Jean), lieutenant-gén. de la sénéchaussée d’Auvergne 370, 373, 384, 386, 389, 404 Savart (Claude) 451, 458 Savigni (Raffaele) 285, 292 Savinien (saint), év. de Sens 388, 397 Savonarole ( Jérôme), o.p. 464 Saxer (Victor) 24, 251-252, 259 Saxius (Pierre), chan. d’Arles 378, 383, 385, 404 Scelzo (Angelo) 231 Schannat ( Johann Friedrich) 412 Schapiro (Meyer) 342 Schiaparelli (Luigi) 32, 140-141 Schieffer (Rudolf ) 317 Schmid (Tilmann) 186 Schimmelpfennig (Bernhard) 185 Schmale (Franz-Josef ) 111 Schneider ( Jean) 353, 359 Schreiner (Peter) 111, 146 Schutz (frère Roger), fondateur de Taizé 229 Schwarzmaier (Hansmartin) 140 Šegvić (Kerubin) 246, 248, 255 Sénateur (saint), év. de Langres 438 Senoque (Barthelemy) 380 Serge Ier (saint), pape 156, 167, 170, 277, 296 Serge II, pape 112, 134, 136, 277-279 Serge, archev. de Ravenne 285, 288-297 Serge Ier, duc de Naples 277 Serge II, duc de Naples 278 Serge, év. de Naples 270-271, 284-285, 288-295 Serrur (Henri) 179 Sévère, empereur 30 Sévère, év. de Malaga 330 Sévère (saint), év. de Naples 270-271, 273 Sévère (saint), év. de Trèves 307 Séverin (saint), év. de Naples 276
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Index des noms de personnes
Severt ( Jacques), chan. de Lyon 378, 381, 385, 394, 404, 423, 426 Shimahara (Sumi) 7 Shooner (Hughes V.) 259 Sicko, vassal de Poppon de Trèves 306 Siegfried, archev. de Mayence 317 Sigebaud (saint), év. de Metz 353 Sigebert de Gembloux 351, 356-357 Silva y Verástegui (Soledad de) 339 Silvère (saint), pape 15, 17, 112, 160, 167 Silvestre Ier (saint), pape 40, 53-54, 76-78, 162, 164, 167-168, 170-171, 308 Silvestre II, pape 177, 204, 206-207 ; voir Gerbert Simon le Lépreux, père de Lazare 374 Simplice (saint), pape 39, 93 Sirice (saint), pape 40, 83, 163-164, 330 Sirleto (Guglielmo), cardinal 205 Sirmond ( Jacques), s.j., confesseur de Louis XIII 373, 397, 417 Sisebut, roi des Wisigoths 333 Sisinnius, pape 157 Sixte (saint) 397 Sixte Ier (saint), pape 51, 61, 158, 171 Sixte II (saint), pape 52-53, 70, 158 Sixte III (saint), pape 24, 42-43, 54, 87-88, 166 Sixte IV, pape 20, 194, 199-202, 207 Sixte V, pape 209 Soanen ( Jean), év. de Senez 367 Socrate le Scolastique 14, 387 Soderini (Eduardo) 236 Solon 359 Sommervogel (Carlos) 438 Sorbin (Arnaud) 398 Sossius (saint) 277 Sot (Michel) 27, 34-35, 243, 260, 299, 302, 304, 316, 320, 323, 332, 347, 350, 459, 463 Soter (saint), pape 63 Souchet ( Jean-Baptiste) 380, 382 Soulet ( Jean-François) 219 Sozomène 14, 387 Speusippe (saint), voir Trijumeaux
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Spifame ( Jacques), év. de Nevers 391 Stasser (Thierry) 279 Stephanus, év. de Salone 256 Stahl (D.) 123 Stoffella (Marco) 142 Strabon 245 Suarès ( Joseph Marie de), év. de Vaisonla-Romaine 377, 411 Suétone 29, 30, 35, 152, 202, 300 Sulpice Sévère (saint) 14, 307, 387 Supino Martini (Paola) 150 Svinimir, roi de Croatie et de Dalmatie 253 Sylvie (sainte), mère de Grégoire le Grand 161 Symmaque (saint), pape 14, 23-24, 39, 42-44, 55, 97-99, 156, 160, 256 Symmaque (Aurelius Memmius S.) 30 Tabourot (Théodecte), chan. de Langres 439, 446 Taillandier (Charles-Louis) 433 Taillepied (Noël), o.f.m. 370, 405 Talleyrand-Peyrigord (Hélie de), cardinal 192 Tallon (Alain) 206 Tardini (Domenico), cardinal, secrétaire d’État du Vatican 231 Tassilon, duc de Bavière 142 Taupin d’Auge (Pamphile) 453 Taveau ( Jacques) 376, 388, 391, 405 Tavelić (Nicolas, saint), o.f.m. 248 Tavis ( J.) 229 Télesphore (saint), pape 51, 61, 156 Tertullien 393 Teudgaud, archev. de Trèves 305 Thaumas de la Thaumassière (Gaspard) 370, 405 Théobald, abbé du Mont-Cassin 148 Théodore, archev. de Ravenne 285, 287, 296 Théodoric, roi des Ostrogoths 23, 24, 26, 39, 55-56, 292 Thésée, roi d’Athènes 246
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Thiard (Henri-Pons de), cardinal de Bissy, abbé de Saint-Germain-desPrés, év. de Meaux 376, 413 Thierry, archev. de Trèves 311 Thierry Ier, év. de Metz 347, 351 Thomas (Heinz) 300-303, 306, 308-309, 312 Thomas d’Aquin (saint) 188 Thomas l’Archidiacre, de Salone 243-246, 250-251, 257, 259, 261 Thomas Becket (saint), archev. de Cantorbéry 184 Thomson (Rodney M.) 145 Thucydide 382 Tibère, év. de Naples 271 Tiburce (saint) 9 Tillemont (Louis-Sébastien Le Nain de) 440 Tillet ( Jean du) 420 Tischner ( Józef Stanisław) 236 Tite, empereur 50 Tite (saint), disciple de Paul 250 Tite-Live 151, 246 Toto, duc de Nepi 290 Toubert (Pierre) 186 Toustain de Billy (René) 380 Townshend (W. T.) 23 Trajan, empereur 250 Trappes (Léonard de), év. d’Auch 399 Travers (Nicolas), chan. de Nantes 373, 405 Trebeta, fondateur de Trèves 301-303, 311 Trigan (Charles) 393, 405 Trijumeaux (saints Éleusippe, Méleusippe et Speusippe) 438 Trogue Pompée 191, 303 Trophime (saint), év. d’Arles 397 Tullus Hostilius, fondateur de Toul 311 Twyman (Susan) 183, 186 Udalrich, év. d’Eichstätt 318 Ughelli (Ferdinando) 211, 424 Ugo d’Alatri, cardinal 183
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Index des noms de personnes
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Ulrich (saint), év. d’Ausgbourg 324 Unfer Verre (Gaia Elisabetta) 140 Urbain Ier (saint), pape 9, 52, 66, 158 Urbain II (saint), pape 185 Urbain V (saint), pape 19 Urbain VIII, pape 211 Ursin, antipape 28, 42 Vaast (saint), év. d’Arras 385 Vaisse ( Jean), lieutenant criminel au présidial du Mans 389 Vaissète ( Joseph), o.s.b. 367, 370 Valentin, pape 112, 130, 136 Valère (saint), év. de Trèves 304-305, 310 Valère du Bierzo (saint), disciple de Fructueux de Braga 337 Valla (Lorenzo) 201, 203 Valois (Noël) 182 Van Drival (Eugène), chan. d’Arras 454 Van Els (Ad) 153, 173 Van Gestel (Cornelis) 411 Vauchez (André) 191, 408 Vega (Ángel Custodio) 331 Venance (saint), év. en Dalmatie 253 Vénus 262 Verdale (Arnoul de) 367 Verhaegen (Paul) 455 Vernet (André) 188 Vespasien, empereur 50 Vetere (Benedetto) 265 Viard (Georges) 440-441, 446 Vic (Claude de), o.s.b. 370 Vic (Gérard de), chan. de Carcassonne 378, 387, 398, 405 Victor Ier (saint), pape 51, 64, 158 Victor II, pape 316, 318 Victor, év. de Tunnuna 330 Vidal de La Blache (Paul) 447 Vidier (Anselme), o.s.b. 160 Vigile, pape 14-15, 156, 160, 166-167, 257 Vignier ( Jacques), s.j. 438 Vignier ( Jérôme), o.f. 438 Vignier (Nicolas), historiographe 438 Vignoli (Giovanni) 461
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Index des noms de personnes
Villa (Claudia) 313 Villani (Giovanni), chroniqueur 189 Villars ( Jérôme de), archev. de Vienne 377, 399 Villars (Pierre de), archev. de Vienne 390 Villiers (Charles de), chan. de Chartres 393 Vincent de Beauvais, o.p. 146, 189, 462 Vincent de Paul (saint) 446 Vingtain (Dominique) 179 Virgile 246, 261 Vitalien (saint), pape 135, 287 Vite (saint) 325 Vittorello (Andrea) 211 Vogel (Cyrille) 13, 15, 17-19, 37, 110, 112 Vones (Ludwig) 344
Werckmeister (Otto Karl) 339 Werner (Karl Ferdinand) 172 Werner de Hasselbecke 196-197 Werthern (Hans Friedrich von) 411 Wigéric, év. de Metz 355 Willibald (saint), év. d’Eichstätt 315, 321-325 Willis (Geoffrey Grimshaw) 24 Wirlebauer (Eckhard) 23 Wisplinghoff (Erich) 311 Witiza, roi des Wisigoths 338 Wojtyla (Karol), voir Jean-Paul II Wolf (Kenneth Baxter) 335 Wyclif ( John) 204
Wadding (Luke) 211 Wagner (Anne) 351 Wala, év. d’Auxerre 8 Walprandus, év. de Lucques 140, 142 Waltharius, moine de Saint-Emmeram de Ratisbonne 148 Waquet (Françoise) 412 Warnachaire, clerc de Langres 439 Wassebourg (Richard de), chan. de Verdun 356-357, 367, 370, 374, 389, 398-399, 405 Weber (Alexandra) 441 Wendehorst (Alfred) 322, 324-325 Weinfurter (Stefan) 316-318, 323, 326 Wenilo, év. de Laon 135
Zacharie (saint), pape 33, 137-138, 141, 174, 284, 288, 292-294, 296 Zagorsky (Vladimir) 245 Zamet (Sébastien), év. de Langres 445 Zattoni (Girolamo) 285 Zeiller ( Jacques) 251-257 Zelić (Danko) 246 Zeller (Gaston) 354, 361, 364 Zeno ( Jacopo), év. de Vérone 200, 203 Zénon, empereur 39 Zéphyrin (saint), pape 40, 51, 64, 158, 167 Zironi (Alessandro) 274 Zosime (saint), pape 85, 255-256 Zosimus, év. de Naples 270
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Yallop (David) 231 Yarza Urquiola (Valeriano) 335
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Index des manuscrits
Alençon, Bibl. mun., 18 : 150, 157
Langres, Bibl. mun., 38 : 437
Arras, Bibl. mun., 644 : 163
Laon, Bibl. mun., 342 : 33
Auch, Bibl. mun., 72 : 408
Leyde, Bibl. der Rijksuniversiteit - Voss. lat. F. 96 I : 153, 174 - Voss. lat. Q. 41 (ms B4 de Duchesne) : 9 - Voss. lat. Q. 60 (ms C1 de Duchesne) : 33, 141, 185
Auxerre, Bibl. mun. - 142 : 268 - 145 : 186 Bayeux, Bibl. mun., 297 : 416 Berne, Burgerbibl., 120. I : 153, 174 Budapest, Széchényi National Libr., lat. medii aevi 440 : 244 Césène, Bibl. Com. Malatestiana, plut. XXIII. 2 : 159 Châlons-en-Champagne, Bibl. mun., 250-251 : 408 Cologne, Erzbischöfl. Diözesan- und Dombibl., CLXIV (ms B3 de Duchesne) : 135 Eichstätt, Diozesanarchiv, B. 4 : 321 Florence, Bibl. Medicea Laurenziana - I. iii. 17 : 141 - LXVI. 35 (ms E6 de Duchesne) : 119 - San Marco 604 : 273-275, 280 Francfor t/Ma in, Stadt- und Universitätsbibl., lat. Oct. 139 : 313 Grenoble, Bibl. mun., 1093 : 408
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Londres, British Libr. - Add. 12150 : 251 - Harley 3773 : 251 Lucques, Bibl. capitolare, 490 (ms A1 de Duchesne) : 32, 140 Madrid, Bibl. de El Escorial d. I. i (codex Aemilianensis) : 339 d. I. 2 (codex Albeldensis) : 336 Milan, Bibl. Ambrosiana, F. 40. inf. : 209 Modène, Bibl. Estense, VI. F. 5 (ms E4 de Duchesne) : 149 Naples, Bibl. Nazionale, IV. A. 8 : 31, 274 Oxford, Bodleian Libr., Laud. lat. 421 : 144 Paris, Bibl. nat. de France - fr. 1817-1818 : 438 - fr. 5310 : 440 - fr. 5993-5998 : 438
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Index des manuscrits
- fr. 24940 : 188 - lat. 317 (ms A3 de Duchesne) : 135 - lat. 503 : 193 - lat. 2400 : 157 - lat. 4202 : 186 - lat. 4280 : 304 - lat. 4999A : 141 - lat. 5126 : 194 - lat. 5142 : 193 - lat. 5143 (ms E2 de Duchesne) : 119 - lat. 5294 : 347, 350 - lat. 5426A : 268 - lat. 5444 : 19 - lat. 5444A : 19 - lat. 5532: 348 - lat. 12018 : 193 - lat. 13729 (ms B2 de Duchesne) : 33 - nouv. acq. fr. 6208 : 424 Rome, Bibl. Corsiniana e dell’Accad. Naz. dei Lincei - 55. K. 2, Rossi 17 : 193 - 777 : 273, 275, 280 Parme, Bibl. Palatina, 1650 : 342 Poitiers, Bibl. mun., 6 : 141 Rome, Bibl. Vallicelliana, C. 79 : 19 Schaffhausen, Stadtbibl., Mi 609 : 303 Sélestat, Bibliothèque Humaniste, 99 : 313 Split, Archives capitulaires, Kas. 623 : 244, 249 Stuttgart, Würtembergische Landesbibl., Hist. oct. 13 (85) : 313
Trèves, Statdtbibliothek - 1342a : 313 - 1352b : 313 Turin, Bibl. Naz. Universitaria, F. IV. 18 : 31 Valence, Bibl. Universitaria, 694 : 191 Vatican, Biblioteca Apostolica Vaticana - Ottob. lat. 3057 : 186 - Pal. lat. 899 : 31 - Reg. lat. 1283A : 10 - Reg. lat. 497 : 304 - Reg. lat. 1852 : 141 - Vat. gr. 1455 : 146 - Vat. lat. 629 : 141, 159 - Vat. lat. 1927 : 189 - Vat. lat. 3762H : 18-20, 185 - Vat. lat. 3763 : 19 - Vat. lat. 3764 (ms E1 de Duchesne) : 119 - Vat. lat. 5007 : 266-269, 273, 275, 277, 280 - Vat. lat. 7019 : 244 - Vat. lat. 8486 : 186 Vérone, Bibl. Capitolare, XXII (20) : 23 Vienne, Österreichische Nationalbibl. - 473 (ms B6 de Duchesne) : 34, 143-144 - 632 : 135 - 640 : 313 Wolfenbüttel, Herzog -Aug ustBibliothek, Guelf. 3208 : 313 Zagreb, National and University Libr., R. 3311 : 245
Tortosa, Bibl. Capitular, 246 : 18, 185
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Table des auteurs
Jacques-Olivier Boudon, université de Paris-Sorbonne (Paris IV) ; EA 3550, Centre de recherches en histoire du XIXe siècle François Bougard, université de Paris-Ouest – Nanterre-La Défense ; UMR 7041, ArScAn (Archéologie et sciences de l’Antiquité) Geneviève Bührer-Thierry, université de Marne-la-Vallée ; EA 3350, Analyse comparée des pouvoirs Deborah M. Deliyannis, Indiana University (Bloomington) Louis-Marie Gantier, abbaye de Fleury (Saint-Benoît-sur-Loire) Herman Geertman, Institut néerlandais de Rome Stéphane Gioanni, université de Paris I – Panthéon-Sorbonne ; UMR 8589, LAMOP (Laboratoire de médiévistique occidentale de Paris) Thomas Granier, université Paul-Valéry – Montpellier III ; EA 4207, CREPMA (Centre de recherches sur les pays méditerranéens au Moyen Âge) Arnaud Hari, université Paul-Verlaine – Metz ; EA 3945, CRULH (Centre régional universitaire lorrain d’histoire) Patrick Henriet, université Michel-de-Montaigne – Bordeaux III ; UMR 5607, Ausonius – Institut de recherches sur l’Antiquité et le Moyen Âge Klaus Herbers, Friedrich-Alexander-Universität Erlangen-Nürnberg Klaus Krönert, université Charles-de-Gaulle – Lille III ; UMR 8529, IRHIS (Institut de recherches historiques du Septentrion) Jean-Marie Le Gall, université de Rennes II – Haute-Bretagne ; UMR 6258, CERHIO (Centre de recherches historiques de l’Ouest) Philippe Levillain, université de Paris-Ouest – Nanterre-La Défense ; Institut universitaire de France Guy Lobrichon, université d’Avignon et des Pays-de-Vaucluse ; EA 3152, LHISA (Laboratoire d’Histoire d’Avignon) ; CIHAM (Centre interuniversitaire d’histoire et d’archéologie médiévales) – UMR 5648 (Histoire et archéologie des mondes chrétiens et musulmans médiévaux)
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Table des auteurs
Rosamond McKitterick, Sidney Sussex College, Cambridge University Paul Payan, université d’Avignon et des Pays-de-Vaucluse ; EA 3152, LHISA (Laboratoire d’Histoire d’Avignon) ; CIHAM (Centre interuniversitaire d’histoire et d’archéologie médiévales) – UMR 5648 (Histoire et archéologie des mondes chrétiens et musulmans médiévaux) Olivier Poncet, École nationale des chartes Alain Rauwell, université de Bourgogne – Dijon ; UMR 5594, ARTeHIS (Archéologie, Terre, Histoire, Sociétés) Michel Sot, université de Paris-Sorbonne (Paris IV) ; UMR 8596, Centre Roland Mousnier, Histoire et Civilisation Alain Tallon, université de Paris-Sorbonne (Paris IV) ; UMR 8596, Centre Roland Mousnier, Histoire et Civilisation André Vauchez, Institut de France, Académie des inscriptions et belleslettres Hervé Yannou, journaliste, vaticaniste, ancien correspondant à Rome
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Table des matières
Michel Sot, Introduction. Auxerre et Rome : Gesta pontificum et Liber pontificalis
5
Première partie : livre et histoire des papes
21
Rosamond McKitterick, La place du Liber pontificalis dans les genres historiographiques du haut Moyen Âge
23
Herman Geertman, La genesi del Liber pontificalis romano. Un processo di organizzazione della memoria
37
Klaus Herbers, Agir et écrire : les actes des papes du ixe siècle et le Liber pontificalis
109
François Bougard, Composition, diffusion et réception des parties tardives du Liber pontificalis (viiie-ixe siècles)
127
Louis-Marie Gantier, L’abrégé comme mode de transmission du Liber pontificalis au Moyen Âge : l’Excerptum de gestis romanorum pontificum d’Abbon de Fleury (vers 996)
153
Guy Lobrichon et Paul Payan, Quelle écriture de l’histoire des papes d’Avignon ?
179
Alain Tallon, L’histoire « officielle » de la papauté du xve au xviie siècle, les Vitae pontificum romanorum de Platina, Panvinio, Ciaconius : critique et apologétique
199
Philippe Levillain, Pourquoi fallait-il encore un Dictionnaire de la papauté à la fin du xxe siècle ?
215
Hervé Yannou, Éphémère et éternité : médias et historiographie officielle des papes au début du xxie siècle
219
Deuxième partie : livre, gestes et histoires des évêques
241
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Table des matières
Stéphane Gioanni, Les évêques de Salone (iie-viie siècle) d’après l’Historia Salonitana (xiiie siècle) de Thomas l’Archidiacre : histoire et hagiographie
243
Thomas Granier, La difficile genèse de l’Histoire des évêques de Naples (milieu du ixe-début du xe siècle) : le scriptorium et la famille des évêques
265
Deborah M. Deliyannis, The Liber pontificalis of the Church of Ravenna : its relation with its Roman model
283
Klaus Krönert, Construire l’histoire d’une ville épiscopale : les Gesta Trevirorum (xiie siècle)
299
Geneviève Bührer-Thierry, Histoire épiscopale, construction d’églises et liturgie : défense et illustration de l’Église d’Eichstätt
315
Patrick Henriet, Écrire l’histoire des évêques en Péninsule ibérique, de l’époque wisigothique à la « normalisation » de l’Église (viiexiie siècle)
329
Arnaud Hari, Reprise et continuations modernes des gesta episcoporum médiévaux à Metz
347
Jean-Marie Le Gall, Catalogues et séries de vies d’évêque dans la France moderne. Lutte contre l’hérésie ou illustration de la patrie ?
367
Olivier Poncet, L’histoire des évêques saisie par l’érudition (xviiexviiie siècles)
407
Alain Rauwel, Clergé savant et mémoire épiscopale : le diocèse de Langres du xviie au xxe siècle
437
Jacques-Olivier Boudon, Histoire des évêques et tradition épiscopale au xixe siècle
449
André Vauchez, Conclusion
459
Index des noms de personnes
467
Index des manuscrits
491
Table des auteurs
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