L'harmonie secrète : Coeur de l'ancienne Egypte
 235118226X, 9782351182260

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L'HARMONIE SECRÈTE CŒUR DE L'ANCIENNE ÉGYPTE

Photographie de couverture © Erich Lessing. Buste d' Amenhotep, fils de Hapou. Granit noir. Musée Égyptien, Le Caire.

© Éditions Almora • 51 rue Orfila, 75020 Paris• janvier 2015 www.almora.fr ISBN: 978-2-35118-226-0

JEAN BOUCHART D'O~VAL

L'HARMONIE SECRETE CŒURDE L'ANCIENNE ÉGYPTE

COLLECTION DIRIGÉE PAR JOSÉ LE ROY

Du même auteur Dans l'ombre du Sphinx, Almora, 2012. Au cœur de l'instant, Almora, 2010. Reflets de la spendeur, le shivaïsme tantrique du Cachemire, Almora, Paris, 2009. Le Secret le mieux gardé, Almora, 2007. L'impensable Réalité, Almora, 2006. La Rumeur de Dieu, Éditions du Roseau, 2000. Patafl.jali: la maturité de la joie, Le Relié, 1999. Héraclite, la lumière de l'Obscur, Le Relié, 1997. Les Entretiens de /'Éveil, Éditions du Roseau, 1996. La Diligence divine, Éditions De Mortagne, 1995. La Maturité de la joie, Libre Expression, 1992. Vers une Nouvelle Forme d'intelligence, Louise Courleau, 1989. La Plénitude du vide, Louise Courteau, 1987.

Plus d'informations sur Jean Bouchart d'Orval : http://www.omalpha.com

En hommage à Amenhotep, fils de Hapou, initié, prophète, scribe royal, grand vizir sous Amenhotep Ill et concepteur du temple de Louxor et avec reconnaissance envers René A. Schwaller de Lubicz, qui a le mieux compris les anciens Égyptiens.

SOMMAIRE SORTIR À LA LUMIÈRE ....................................................... 11 LE MIRACLE .......................................................................... 33 TOUT EST NOMBRE ............................................................. 65 LE TEMPLE VIVANT .......................................................... 117 LECIEL ................................................................................. 151 LES PYRAMIDES ................................................................ 173 CONNAISSANCE, MYSTÈRES ET INITIATION .............. 213 CEUX QUI ONT VU ............................................................. 233 L'HOMME ROYAL ............................................................... 243 C'EST EN NOUS .................................................................. 261

Annexe 1 : La légende d'Osiris ............................................. 267 Annexe 2: Un certain tableau anodin .................................... 270 Annexe 3: Seshat, déesse des mesures, de la géométrie et des étoiles ......................................................... 275 Annexe 4 : Le mètre et le Tt en ancienne Égypte ................... 277 Annexe 5 : La précession des équinoxes en ancienne Égypte .... 282 Source des figures .................................................................. 284 Ouvrages cités ........................................................................ 285

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SORTIRÀ LA LUMIÈRE

L'Égypte ancienne recèle la clé capable de délivrer l'homme moderne des ses tourments et sortir notre civilisation de son marasme. La cause profonde des malheurs qui nous affligent, tant individuellement que collectivement, n'est pas d'ordre économique, financier, politique ou social ; elle est d'abord et avant tout de nature spirituelle. Toutes nos difficultés à bien vivre sur terre sont des symptômes de l'oubli de rien de moins que la réalité, ou l'essentiel, cet essentiel que l'ancienne Égypte avait installé au cœur de sa vie. Ce que nous sommes est impensable, inconcevable, sans bornes et intemporel. Une société fondée sur autre chose que cette vérité ultime, peu importe sa puissance économique et militaire, toute passagère de toute façon, ne peut vivre dans la paix et l'harmonie. Le présent ouvrage souhaite replacer la civilisation de l'Égypte ancienne dans la perspective résolument spirituelle qui fut la sienne dès l'origine et sans laquelle elle demeure absolument incompréhensible. Le ferment absolu du miracle de l'Égypte antique fut la lumière de ses véritables maîtres, ceux qui avaient percé le grand secret de l'existence. Leur civilisation a laissé de très nombreuses de traces se référant à beaucoup d'éléments. Les égyptologues ont creusé et fouillé la terre et en ont dévoilé les traces matérielles, mais il nous reste à fouiller l'essentiel sur l'ancienne Égypte, ce sans quoi il n'y aurait pas eu l'ancienne Égypte que nous connaissons. Jusqu'à maintenant,

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les égyptologues universitaires ont gratté sans vraiment trouver, ils ont regardé sans vraiment voir. En fait, ils préfèrent ne pas voir, car cela remettrait en question les bases de ce qu'on leur a enseigné à l'université. Chaque fois que l'occasion s'est offerte à eux de voir -voir différemment, voir au-delà de la surface-, ils ont préféré regarder dans l'autre direction. Qui est prêt à remettre en question la pièce de résistance de son curriculum vitre et des pans entiers de sa vie professionnelle ? Aucun égyptologue ne lira ce livre ... Ce livre n'a certainement aucune prétention à une quelconque érudition égyptologique et ne constitue pas une étude systématique de l'ancienne Égypte ; il n'a d'autre but que de souligner quelques aspects fondamentaux négligés ou mal éclairés de l'antique civilisation du Nil. Il est une occasion de nous réjouir ensemble dans le sacré. Le sacré : notre civilisation a justement perdu cet étonnement mêlé de respect devant ce qui dépasse infiniment les petites vies restreintes et remplies de calculs inquiets que nous menons sur terre. Seul le sens du sacré peut mener les êtres humains au-delà des futilités et des ajournements dont leur quotidien est truffé et devant lequel s'effondrent alors toutes les insignifiances, les inquiétudes et les doutes habituels. L'antique civilisation du Nil a vécu dans le sacré : elle le respirait et l 'exhalait. C'est exactement ce dont l'homme moderne a le plus criant besoin. Le public se passionne depuis deux cents ans pour l'ancienne Égypte. La vaste majorité de ceux qui ont eu la chance de visiter les temples égyptiens, les pyramides, divers monuments et les départements égyptiens des grands musées ont ressenti quelque chose qu'on ne retrouve pas dans l'art grec ultérieur et encore moins dans les copies romaines. C'est que l'art égyptien fut toujours tourné vers la vérité à l'origine de toute existence, vers le sacré, et non vers la recherche esthétique superficielle. Il est vrai et immense avant de se vouloir« beau» et c'est de là qu'il tire sa beauté inimitable.

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Parfois il faut vivre un certain temps avec un objet pour l'estimer à sa juste valeur. S'il est authentique, comme toute véritable œuvre d'art il se bonifiera avec le temps. Mais s'il est faux, la familiarité et le temps finiront par trahir l'imposture. Ce qui est merveilleux dans l'art égyptien, c'est son immense dignité et son extrême simplicité. Seuls les anciens Égyptiens pouvaient produire cela. Le sens du sacré imprégnait leur vie quotidienne et s'inscrivait dans une perspective d'éternité, si l'on peut dire. Cela ne se copie pas. Howard Carter

L'Égypte ancienne incite à l'immensité. Remercions les égyptologues professionnels qui ont travaillé d'arrache-pied depuis deux siècles et ont découvert pour nous des merveilles et tous ceux qui, sans être du sérail, ont contribué à jeter plus de lumière sur certains aspects en y apportant leur passion et leurs talents. Il nous reste pourtant à découvrir la Merveille celée dans ces merveilles. Il est encore temps de le faire : il est toujours temps, car l'appel franchit des milliers d'années et se réfère à l'Éternité en nous. Il en est pour croire que presque tout a été dit sur l'antique civilisation du Nil. Or, l'essentiel n'a même pas encore été clairement formulé ; ceux qui ont osé faire signe dans cette direction furent superbement ignorés et le sont encore, car ils remettent en question la vision mondaine perpétuée par l'égyptologie profane. Depuis l'importante et célèbre expédition napoléonienne en Égypte, l'humanité a dépensé beaucoup d'énergie et parfois de grosses sommes d'argent pour découvrir tant de tombeaux et de grandioses monuments, déchiffrer les hiéroglyphes, exposer des statues et toutes sortes d'objets magnifiques dans les musées, et sauvegarder des temples de la destruction ou de l'inondation ; mais il nous reste encore à prendre en garde le plus grand monument... Ce monument est invisible, mais c'est lui qui est à la source de tous les autres; c'est celui sans lequel ceux-ci ne sont qu'objets de curiosité mondains, vides et stériles. C'est ce Monument qui en cet instant même où j'écris ces mots fait vivre en moi ce qui autrement ne serait qu'amas de pierres mortes.

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Un abîme sépare encore l'immensité évoquée en tout par les maîtres de la civilisation du Nil et la pauvreté de ce qu'en ont déduit les égyptologues depuis deux siècles. L'égyptologie profane est passée à côté du cœur de ce que les Anciens ont vu, vécu et formulé. Ce n'est pas que les travaux des égyptologues soient inutiles -bien au contraire, ils sont précieux- ou que leur discours habituel soit faux ; c'est simplement que, depuis deux siècles, ces discours sont demeurés désespérément à la surface. La plupart des commentaires tendent encore aujourd'hui à montrer que les Anciens étaient de naïfs superstitieux qui avaient très peur de la mort et idolâtraient une multiplicité de dieux 1• Dans le meilleur des cas, on admire leurs constructions monumentales et leur savoir-faire technique2 • Mais en essayant de comprendre l'Égypte à partir de la mentalité moderne, fondée sur le rationalisme grec tardif, on a raté le plus beau. La vaste majorité des égyptologues envisagent les signes laissés par l'ancienne Égypte dans une perspective politique, historique, économique ou, à la rigueur,« religieuse» et cela nous fait rater le plus vrai et le plus beau de cette civilisation. Non pas que la politique et l'économie n'aient pas eu une grande importance là comme ailleurs, mais tout dans le fonctionnement de l'Égypte ancienne fut d'abord agencé selon une vision de l'existence qu'un esprit matérialiste ne saurait comprendre. Aucun peuple n'aurait pu accomplir ce que les anciens Égyptiens ont accompli sans une ferveur exceptionnelle. Peut-on imaginer la somme d'effort colossale requise pour concevoir, planifier et exécuter parfaitement la Grande Pyramide ou un seul temple ? Or, la civilisation du Nil a construit une

1. D'ailleurs, les indianistes occidentaux du XJX< siècle on exprimé la même ignorance et la même arrogance au sujet de l'Inde védique. 2. Un exemple parmi tant d'autres : on ignore encore comment les artisans de l'ancienne Égypte ont pu façonner des vases et des amphores d'une telle perfection dans des matériaux aussi durs que la diorite. Avec les machines-outils d'aujourd'hui on ne saurait évider et parfaitement polir une pierre aussi difficile à travailler pour en faire une amphore comme celles des tout premiers temps de l'Ancien Empire et même avant cela.

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bonne centaine de pyramides et encore plus de temples. Un peuple d'artisans et de travailleurs n'accomplit pas de telles œuvres si grandioses et avec les moyens technologiques aussi limités de cette époque et dans la chaleur de ce pays simplement pour satisfaire la mégalomanie d'un souverain ou pour obéir à une caste de prêtres ; il faut être animé d'une énergie transcendant toute rationalité. Même une discipline exceptionnelle n'expliquerait pas les monuments d'Égypte, il n'y a qu'une passion inouïe qui puisse l'expliquer. Ni la raison ni la discipline ne peuvent faire accomplir à l'homme d'aussi grandes choses; seule une passion absolue peut l'expliquer. La raison et la discipline, ce sont les béquilles des handicapés du cœur. La seule masse des œuvres laissées par l'Égypte antique aurait dû porter les égyptologues à s'interroger plus sérieusement sur ces réalisations exceptionnelles. Le discours habituel sur l'Égypte ne fait que refléter notre monde tourné vers les« choses», dominé par la caste des marchands et ignorant l'essentiel de l'existence. Il y a bien plus fascinant et mystérieux que le masque en or massif de Touthânkhamon, la tête de Nefertiti, les momies, le Sphinx et les fantastiques pyramides, qui ont fait poussé des millions de oh ! et de ah ! aux touristes et aux visiteurs des musées. Derrière les vestiges de la théocratie pharaonique, il y a plus - infiniment plus - que ce que nos préjugés modernes nous ont laissé voir. C'est l'inconcevable qui s'y profile, cet Inconcevable que nous sommes tous. Si, après avoir été exposé à l'Égypte ancienne, on n'a pas été ébranlé et qu'on continue à ronronner dans la médiocrité d'une petite vie personnelle inquiète, c'est qu'on n'a pas encore été vraiment saisi par elle. À celui qui sait l'écouter et la laisse se révéler, elle n'offre rien de moins que sortir à la Lumière 1• Le présent ouvrage veut rendre hommage à deux hommes que séparent 3300 ans, mais qu'unit la même vision de la Vérité. Le premier est Amenhotep fils de Hapou, scribe royal, initié, grand 1. Sortir à la Lumière (ou Sonir au Jour) est le titre véritable du recueil de textes initiatiques très anciens souvent appelé à tort Livres des Mons Égyptien.

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vizir du pharaon Amenhotep III (qui régna entre -1391 et -1353 environ), architecte et concepteur du temple de Louxor, entre autres monuments. Il fut reconnu comme un des plus grands sages de l'Égypte ancienne et même de toute l' Antiquité. Certains ont reconnu en lui le fameux Joseph de la Bible qui conseillait le pharaon 1. Le second est René A. Schwaller de Lubicz, celui qui a le mieux compris le cœur vivant de l'ancienne Égypte. Une bonne partie des réflexions présentées ici ont été stimulées par la lecture de ses travaux, particulièrement son étude monumentale Le Temple de l'Homme, ouvrage capital et largement ignoré et snobé par l'égyptologie officielle. Faut-il attribuer à la seule paresse intellectuelle et au manque de curiosité2 le recul des égyptologues devant cet ouvrage colossal regorgeant de géométrie et de mathématiques pourtant simples ? Plus probablement, ce qui est aussi en cause, c'est une terreur devant ce qui dépasse toutes les constructions fallacieuses sur lesquelles la plupart d'entre nous ont édifié nos vies. Un des très rares égyptologues à être ouvert à l'approche de Schwaller de Lubicz et le seul à la défendre, dès le début des années cinquante, fut Alexandre Vacille, ce qui, bien sûr, lui valut les railleries de ses confrères3 , comme il est arrivé 1. Il convient de noter que nulle part dans les milliers d'années qu'a duré la civilisation égyptienne il n'est fait mention d'un peuple hébreu. Il est possible que celui-ci, ou une partie de celui-ci, soit sorti d'Égypte (soit que cet exode ait été volontaire, soit qu'on les en ait chassés, comme l'estiment certains auteurs) et c'est même probable. Mais une chose semble certaine : nous ne savons pas encore grand-chose des origines lointaines de la population au sein de laquelle finit par s'implanter une identification particulière autour de la tradition hébraïque. Il y a surtout des théories, parfois fumeuses. Par contre, nous sommes beaucoup plus certains de l'histoire de ce peuple à partir de la déportation à Babylone. Nous savons qu'après les grandes révoltes contre l'occupation romaine, une partie des Hébreux, de plus en plus désignés comme des Juifs, se sont dispersés et se sont retrouvés en Europe de l'Est, en Russie, en Afrique du Nord et en Espagne, et l'autre partie est demeurée sur place en Palestine et se serait finalement convertie à l'Islam. 2. Albert Einstein disait : « Je n'ai pas de don particulier, je suis juste passionnément curieux.» 3. Étienne Drioton mena la charge, mais se montrant toujours incapable de réfuter ce que Schwaller de Lubicz avançait (celui-ci n'avait pas accès aux revues spécialisées, n'étant pas lui-même un égyptologue officiel). Schwaller de

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à tous les grands découvreurs qui bouleversent l'ordre établi et

les dogmes d'une discipline. L'œuvre entière de Schwaller de Lubicz, notamment étayée par les murs du temple de Louxor, rencontra un autre mur qui subsiste encore, l'épais mur de silence dans la communauté des égyptologues. En dehors du cercle de l'égyptologie officielle, un seul auteur, John Anthony West semble avoir bien compris Le Temple de l'Homme : il a voulu rendre justice à Schwaller de Lubicz en dédiant un livre à l'exposition de son œuvre 1• L'œuvre de Schwaller de Lubicz n'est pas d'une lecture facile pour le commun des mortels et pour plusieurs raisons. Tout d'abord, l'approche sur laquelle elle repose ne peut se « comprendre » ; on ne peut que la voir ou la pressentir ou non, on ne peut que la vivre ou non. Vouloir la « comprendre » serait comme demander à un aveugle de naissance de comprendre les couleurs. Cela suffit pour mettre les rationalistes hors jeu. Deuxièmement, Le Temple de l'Homme, l'ouvrage où Schwaller de Lubicz a vraiment livré le fruit de ses réalisations et réflexions, est énorme : dans sa plus récente édition, il compte plus de 1400 pages en deux tomes. De plus, il est farci de géométrie et de mathématiques. Non pas que la géométrie et les mathématiques utilisées soient très complexes, mais il y en a beaucoup et peu de gens ont l'envie, l'énergie et le temps pour vraiment entrer dans ces aspects essentiels de son œuvre. Finalement, il faut bien reconnaître que Schwaller de Lubicz n'était pas un très grand pédagogue. Le Temple de l'Homme n'est pas un livre qu'on lit, c'est un ouvrage qui s'étudie. Il faut Lubicz traita toujours ses opposants avec la courtoisie typique du Vieux Monde et les invita constamment à discuter et débattre, mais il ne reçut toujours en guise de réponse que de grossières insultes. Invités par Varille à confronter les preuves sur place à Louxor et Karnak, les égyptologues, dont Drioton, se défilèrent, prétextant avoir des choses plus importantes à faire. Il est vrai, comme le souligna ironiquement John West dans Serpent in the Sky, que l'important problème de savoir combien de serpents avaient mordu Cléopâtre n'était pas encore résolu à l'époque ... 1. John Anthony West, Serpent in the Sky : The High Wisdom of Ancient Egypt, Quest Books, États-Unis, 1993 (1979).

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vraiment être passionné et préparé pour étudier sérieusement cette œuvre exceptionnelle. Bien sOr, l'œuvre de Schwaller de Lubicz fait reculer les frileux qui s'agrippent désespérément au rationalisme. Le problème n'est, bien sOr, pas la raison elle-même, qui a plus que montré son utilité et sa beauté, mais la peur qui fait que le rationaliste s'accroche à la raison de façon déraisonnable, si l'on peut dire, et qu'il lui donne non seulement la primauté mais l'unique place, ce qui l'empêche de connaître la Vérité et le maintient dans ses croyances. On le voit bien: les rationalistes sont de grands peureux qui manque de l'audace nécessaire pour laisser parler autre chose que le connu, c'est-à-dire la mémoire. La Vérité, celle que connurent les grands initiés de l'Égypte ancienne et de toutes les civilisations traditionnelles, celle qui est au-delà de ce que nous appelons la vie et la mort, au-delà même de l'idée d'exister ou ne pas exister, celle devant laquelle pâlissent toutes nos vérités relatives comme une bougie face au soleil, n'est pas contraire à la raison ; elle lui est simplement antérieure et infiniment supérieure. En ignorant et snobant les exceptionnels travaux de Schwaller de Lubicz, les égyptologues ont raté ce qu'il y avait de plus vrai et de plus profond sur l'ancienne Égypte. Bien sOr, ce qu'il a mis en lumière est de nature à anéantir plusieurs des concepts grossièrement naïfs auxquels ils sont très identifiés. En tout cas, il me semble incroyable de se déclarer expert en égyptologie alors qu'on ignore la géométrie et l'architecture sacrées ou même la précession des équinoxes, et surtout quand on n'a aucune idée de ce que pouvait être une véritable initiation spirituelle. Non seulement Schwaller de Lubicz possédait-il toutes ces clés, mais il avait aussi l'ouverture d'esprit, une denrée dont la valeur n'a d'égal que sa rareté dans ce milieu. On a souvent parlé du miracle égyptien. Tout ne fut certes pas toujours parfait et l'ancienne Égypte ne fut pas exempte d'hommeries, mais au pays des aveugles, les borgnes sont rois : une société plutôt normale peut sembler miraculeuse comparée à celles qui, comme les nôtres, sont profondément anormales et malades. Parmi toutes les civilisations del' Antiquité et même du

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monde moderne, l'Égypte demeure l'endroit où semblent avoir le plus fleuri la paix et l'harmonie, et cela pendant une durée qu'aucune autre civilisation n'a pu approcher 1• La chose ne mérite-t-elle pas notre examen? À travers la longue continuité de son histoire, elle a certainement eu des démêlées avec ses voisins, mais on ne voit pas qu'elle a eu, comme la Perse, la Macédoine (la Grèce d' Alexandre) et Rome, pour ne relever que ces exemples extrêmement bien connus dans l' Antiquité, l'obsession de se tailler un immense empire par la force des armes. Quant à la vie quotidienne de ses habitants, d'après les indices dont nous disposons elle semble y avoir été plus douce et sereine que partout ailleurs. De plus, la société égyptienne antique n'a pas pratiqué l'esclavage sur une vaste échelle comme le firent plus tard les Grecs et les Romains 2 • Il y eu certes des prisonniers de guerre devenus esclaves, mais la plus grande partie de la main d 'œuvre (et la totalité sur les chantiers des grandes pyramides) était composée d'hommes libres.

1. Les cités grecques n'ont eu de cesse de se quereller, de manigancer les unes contre les autres et de se faire la guerre. Les Romains, peuple apparemment frustre et sans culture avant d'être touché par la Grèce au ne siècle avant notre ère, ont laissé dans leur sillage un chemin dégoulinant de sang et de souffrance, fait d'agressions, de destructions, de spoliations et d'asservissements, d'abord contre les peuples de l'Italie, puis ceux de tout le pourtour méditerranéen, du Proche-Orient et de l'Europe. Cela, c'est sans compter les invraisemblables inégalités sociales dans la Cité elle-même (aux jours les plus glorieux de Rome, 300 000 personnes devaient quémander chaque jour de quoi subsister), les interminables luttes de pouvoir et les guerres civiles. La fameuse Pax Romana a bien existé sous l'Empire et elle a certainement apporté des bienfaits, mais elle a été imposée par la force des armes, après une barbarie sans nom. L'histoire de l'Assyrie, de Babylone et de la Perse ne semble guère plus édifiante. Quant aux Hébreux, d'après leurs propres livres leur histoire repose dès le début sur le mythe d'un soi-disant peuple choisi ; ce fanatisme narcissique est récurant à travers les âges et a toujours servi de prétexte pour exterminer des peuples et leur voler leurs terres et leurs biens. 2. En guise de comparaison, n'oublions pas que c'est il y a 150 ans à peine et au bout d'une longue et sanglante guerre civile que fut officiellement aboli l'esclavage aux États-Unis, pays qui se présente pourtant comme le champion et le défenseur des« valeurs i. de la civilisation moderne.

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C'est également en Égypte que la femme a joui du statut le plus enviable de toute l' Antiquité 1 ; beaucoup de femmes vivant aujourd'hui dans plusieurs pays de cette région échangeraient volontiers leur sort contre celui de celles qui ont vécu dans la vallée du Nil il y a des milliers d'années. Les artisans de toutes sortes ont fleuri dans l'empire pharaonique; or, un artisanat vigoureux accompagne toujours une grande civilisation2 • Dans le domaine artistique, les statues, objets d'art et monuments de l'Égypte ancienne recèlent une verticalité, une élévation, une lumière et une noblesse qu'on n'a guère pu retrouver depuis. C'est que l'Égypte, contrairement à la Grèce classique qui a plus tard servi de modèle à l'Occident, n'a jamais cultivé l'esthétisme pour lui-même: elle n'a jamais fait de compromis avec une beauté de surface. Observons les phases de l'histoire : les époques les plus fructueuses, les plus géniales et les plus « vivantes » ont toujours vu un artisanat florissant. On ne pourra rénover la conscience des peuples que par l'artisanat et non par des doctrines. La civilisation mécanisée est l'agonie d'un monde. René A. Schwaller de Lubicz, Le Miracle égyptien

Nous ne nous soucions pas tellement ici de savoir quelle fut l'origine lointaine des habitants ou de la civilisation de l'ancienne Égypte. De toute façon, personne ne le sait vraiment. Il n'y a que des hypothèses, la plupart farfelues : les incontournables et inénarrables ufologues y voient des ovnis, certains l. Depuis sa naissance et jusqu'à sa mort, la femme de l' Antiquité était, selon la rude expression romaine, in manum viri : dans la main de l'homme. Or, on ne retrouve pas trace de cette infériorisation de la femme dans l'Égypte ancienne. 2. Le déclin brutal des petits artisans dans toutes les contrées modernes est un autre signe de décadence de la civilisation. Ce déclin suit et accompagne celui de l'initiation. D'ailleurs chez les anciens Romains, le dieu Janus était à la fois celui des corporations d'artisans et de l'initiation aux Mystères.

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Africains y voient des Africains noirs, des Juifs prétendent sans sourciller que les Égyptiens étaient en fait des Juifs, etc. Chacun tente de promouvoir qui ses préjugés, qui ses motivations politiques cachées, en adoptant certains recoupements tentants et en ignorant tout ce qui viendrait contredire sa théorie. Ici, nous nous intéressons au fait même de la civilisation de l'Égypte antique et à la profonde spiritualité qui l'éclaira au complet tout au long de sa longue histoire. Il est fort possible qu'elle ait hérité d'une civilisation disparue (pourquoi pas la fameuse Atlantide), mais savoir exactement quelle serait cette source n'entre pas dans le propos du présent ouvrage. Je voudrais, par ce petit livre, redonner un peu la place qui lui revient au souffle vital omniprésent de l'ancienne Égypte: le ferment de toute cette civilisation n'est à chercher nulle part ailleurs que dans la vision profondément spirituelle qui inspira et dirigea absolument tout dans la civilisation du Nil1. Tant qu'on n'a pas été touché, submergé et imprégné par cette spiritualité, le cadeau de l'Égypte ancienne demeure certes admirable, mais incompréhensible et surtout stérile. Tant qu'on ne met pas au repos un instant les préjugés égalitaristes et démocratiques modernes, on ne peut comprendre pourquoi les institutions de la théocratie pharaonique ont si bien fonctionné pendant des milliers d'années. Dès le départ, tout reposait sur la Connaissance et la tradition fut maintenue vivante par les initiés et les sages regroupés autour des temples. L'Égypte entière fut tournée vers l'Éternité. En cela, elle offre un aperçu de ce que pouvait être une civilisation normale, ou traditionnelle, c'est-à-dire fondée d'abord et avant tout sur la réalité profonde de l'existence. Nous disons ici un aperçu, car les plus beaux exemples ne se retrouvent certainement pas dans la période historique et on ne peut que les pressentir. Déjà à la fin del' Ancien Empire, c'est-à-dire autour de l'an -2150 on assiste à une sorte de révolution qui mine l'autorité royale, l'unité du pays et l'harmonie de la vie. C'est que déjà à cette époque on 1. Le grand historien grec Hérodote qualifiait les Égyptiens de « peuple le plus religieux au monde».

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était entré dans la période la plus sombre de l'humanité, celle que les Indiens nomment le kali yuga. Malgré deux rétablissements, qui ont donné le Moyen Empire et le Nouvel Empire, le désordre a gagné du terrain de plus en plus, non seulement autour de la Méditerranée, mais sur toute la terre. Être touché par le courant spirituel des anciens Égyptiens, c'est accéder à la plus grande intimité de soi-même. Connaître vraiment l'Égypte ancienne exige autre chose qu'un simple savoir de compilation; cela demande d'avoir pressenti sa propre nature véritable. En l'absence de cette lumière, le discours sur l'Égypte demeure confiné aux miettes dont l'égyptologie profane s'est contentée depuis deux cents ans. La civilisation pharaonique nous parle de ce que nous sommes vraiment tous : elle parle à partir du cœur même de l'existence et y ramène sans cesse. En ce sens, elle n'a pas grand-chose à envier à l'Inde traditionnelle, qui nous a pourtant légué tant de témoignages spirituels inestimables. Si on ne le voit pas, c'est qu'on cherche encore au niveau des discours didactiques, ceux de l'Inde hindouiste ou bouddhiste, qui en ont produit des quantités industrielles. L'Égypte ancienne nous parle par ce qu'elle ne dit pas explicitement. Elle enseigne par ses temples mêmes et ses pyramides, pourvu qu'on sache vraiment sentir et regarder : les techniques de construction des pyramides sont certainement un sujet intéressant, mais ce n'est pas grand-chose à côté de ce que peut encore nous apprendre l'Égypte antique! Tout est là, dans ses innombrables monuments, qui n'ont d'autre raison d'être que de glorifier l'inconcevable sans jamais s'abaisser à expliquer, enseigner, analyser et jeter en pâture au vulgaire une caricature de la Connaissance. L'initiation fut une réalité dès l'Ancien Empire et même avant, mais pendant des millénaires les mru"tres égyptiens n'ont jamais, selon l'image évangélique, «jeté leurs perles aux pourceaux». Pourtant, encore aujourd'hui l'Égypte ancienne fait signe vers le Mystère : par sa science des nombres et sa géométrie sacrée fondées sur sa « théologie 1 », par la 1. Il faut mettre les guillemets ici, car la« théologie» des anciens Égyptiens n'a rien à voir avec ce que l'Occident moderne entend par ce mot. Il n'y avait

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verticalité de son art, par le fondement même de ses institutions. Sur ce plan, l'ancienne Égypte est très près de l'Inde védique, où l'on préférait l'allusion plutôt que la déclaration tonitruante, le mythe plutôt que la prédication. On s'y exprimait sous forme d'hymnes de célébration de l'inconnaissable, de poésie et de métaphores qui invitaient l'aspirant à découvrir lui-même la Réalité plutôt que de l'abrutir de philosophie. Ce n'est sans doute pas un hasard si ces deux courants se situent exactement à la même époque del' Antiquité. Non pas qu'il n'y eut pas de discussions philosophiques en Égypte ancienne, mais on ne les confiait pas à l'écrit et si on le faisait on ne livrait pas la Connaissance à ceux qui n'avaient pas la capacité d'être touchés et transformés. Les maîtres de la civilisation pharaonique n'ont pas jeté à tous les vents des textes philosophiques, car ils se sont exprimés à une époque où cela n'était pas de mise. Il va sans dire que l'Égypte ancienne s'est toujours tenue aussi loin que possible de toute forme de prosélytisme, cette vulgarité qui est l'apanage des temps dégénérés et des idéologies débiles, cette tendance marquée du sceau de l'ignorance de la Vérité. Contrairement aux religions occidentales agressives que nous connaissons depuis deux mille ans et à la pléthore de faux gurus modernes, les anciens maîtres ne cherchaient pas à convertir ou accroître le nombre de leurs disciples, bien au contraire. Le symbolisme et le langage architectural des Égyptiens sont tels que les maîtres n'auraient pas pu entrer dans les explications de leurs œuvres sans en ternir la beauté et en amoindrir la puissance. Tout comme les visionnaires de l'Inde védique - les rishis - ont tout dit dans des hymnes pleins d'un beau symbolisme qui a échappé aux intellectuels occidentaux, les anciens Égyptiens ont tout mis dans l'expression symbolique, ce langage qu'ils maîtrisaient si bien. La force de tout langage véritablement poétique et de l'expression symbolique est que les deux pas des« dieux »,mais des Neter, des principes vitaux, existentiels. Parler de polythéisme ou de monothéisme en rapport avec l'ancienne Égypte est le discours convenu de ceux qui n'ont absolument rien compris à ses fondements.

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laissent l'auditeur ou le spectateur découvrir lui-même l'indicible Immensité. Ainsi la figuration - le symbole - est notre seul véritable moyen pour transmettre un sens ésotérique que, dans une écriture alphabétique, nous devons chercher dans la parabole, ou, éventuellement dans la métaphore ou l'allégorie. ( ...) Cet aspect symbolique a été complètement négligé en égyptologie 1• René A. Schwaller de Lubicz, Le Temple dans l'Homme

Le rationalisme est incapable de nous livrer la pensée profonde des anciens Égyptiens, car il nous confine au sens conventionnel des mots du dictionnaire. L'égyptologie souffre de cette tendance réductrice qui nous fait tout ramener au domaine de la mentalité mécanique. La raison convient pour démontrer comment on a pu transporter des blocs en granite de 60 tonnes, les élever et les assembler à une hauteur de 70 mètres ou faire des déductions sur la date de construction d'un monument, mais elle devient un obstacle quand on continue de s'y agripper tout en prétendant comprendre l'ancienne Égypte. La raison est un outil essentiel à notre fonctionnement d'être humain, mais le rationalisme c'est la peur et la fermeture typiques des handicapés spirituels, qui sont légion dans notre civilisation moderne. Comprendre l'ancienne Égypte c'est un peu se comprendre soi-même, comprendre la Vie, si on peut ici utiliser le mot « comprendre ». Il faut voir la peur dans les yeux des rationalistes quand on évoque, même de loin, la Connaissance ésotérique qui fut le fondement de toute la civilisation du Nil. C'est la peur de lâcher le connu, le savoir linéaire, carré et rassurant; rassurant pour notre monde imaginaire et fallacieux, celui qui est convaincu que l'univers est fait de « choses ». La terreur devant l'inconcevable résulte de l'identification à l'imagerie mentale égotique. Les 1. René A. Schwaller de Lubicz, Le Temple dans l'Homme, Dervy, Paris, 1979

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rationalistes vivent dans la croyance que tout a une explication rationnelle. Face à un mystère qu'ils n'arrivent pas à élucider par des explications raisonnables, ils trivialisent. Mais ce se sera toujours qu'un réflexe de protection, pas une preuve. Les amoureux de l'Égypte ancienne, y compris les égyptologues professionnels depuis Champollion, sont de toute évidence enivrés par son parfum 1• Cet envoûtement très particulier a sa source profonde dans l'appel d'une verticale lumière sans compromis. Cette étincelante lumière, insuffle vie à tout ce que la civilisation du Nil a créé au fil des millénaires et elle fait sentir sa noblesse davantage dans la tranquille austérité de l'Ancien Empire. Cependant, incapables de pressentir clairement que c'est toujours de cette Lumière intemporelle dont nous parle l'Égypte et que c'est ce qu'il y a en nous de plus vrai et de plus profond, la plupart de ses amoureux ne parviennent pas à percer la surface de l'Égypte antique et leur élan finit par se réduire à une molle fascination pour son art et ses monuments ou à une admiration passive et stérile devant des prouesses techniques comme la construction de la Grande Pyramide de Khoufou. N'ayant pas été touché en profondeur, n'ayant pas été transformé par la Source de toute cette splendeur qu'a manifestée l'Égypte, n'ayant vu que l'aspect profane qu'il s'est habitué à voir dans sa propre vie, l'homme retourne bientôt vaquer à ses inquiètes préoccupations de tous les jours. C'est ainsi que l'appel de sa verticale lumière finit presque toujours par se perdre dans cette sorte de discours mondain devenu la norme depuis deux siècles. Là où les Anciens ont clairement montré qu'ils détenaient la Connaissance, la seule vraie connaissance, là où ils ont fait signe vers l' Absolu et le mystère de sa manifestation, combien d'égyptologues leur prêtent encore des croyances religieuses sympathiques, mais plutôt naïves 2 ? Ne

l. « Je suis tout à l'Égypte ; elle est tout pour moi ! » disait le père de l'égyptologie. 2. Il faut dire que la religion chrétienne des XIX• et XX• siècles n'était que trop heureuse de qualifier la spiritualité égyptienne de « païenne » et de

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saisissant pas le symbolisme égyptien, c'est avec soulagement qu'on le rejette en le qualifiant d'idolâtrie. Page après page, les livres d'égyptologie étalent une érudition souvent impressionnante, mais finalement stérile : le lecteur demeure encore bien en deçà de l'Égypte ancienne et de lui-même. Certes, comme je le disais plus haut, on doit à tous les chercheurs dévoués une gratitude immense pour nous avoir présenté un tel trésor, mais c'est désormais à nous d'ouvrir ce trésor et de le vivre. Les égyptologues professionnels grattent le sol, trouvent des tombes et des objets, décrivent la vie quotidienne des anciens Égyptiens et déchiffrent les hiéroglyphes en tant que langue grammaticale. Mais il est inconcevable que beaucoup d'entre eux ne se soient jamais préoccupés sérieusement de questions astronomiques aussi élémentaires que la précession des équinoxes' et de la géométrie sacrée, quand on comprend l'importance primordiale de ces éléments dans la conception des grands monuments érigés par les anciens Égyptiens. Les maîtres de l'Égypte antique avaient d'abord et avant tout à cœur Maât, l'ordre cosmique : c'est l'élément central si l'on veut comprendre quoi que ce soit dans leur civilisation. Cet ordre cosmique est celui de la manifestation de l'existence et il s'actualise dans le ciel avec la marche régulière du soleil, de la lune et des étoiles. Il ne faut jamais perdre de vue l'impression qu'ont toujours laissée sur les anciens Égyptiens la voûte céleste et l'ordre et la régularité qu'ils y ont décelés. Nous sommes aujourd'hui beaucoup trop encombrés d'images venues de la science moderne pour pouvoir nous mettre à leur place et sentir ce qu'ils ont senti. Il n'est pas étonnant qu'ils aient mis tant d'énergie à reproduire sur terre l'ordre cosmique du manifesté dans le ciel, y compris dans la construction et la disposition des grandes pyramides sous « polythéiste »,termes vaguement méprisants qu'elle utilisa toujours au sujet de tout ce qui ne s'inscrit pas dans les enclos judéo-chrétien ou islamique. Outre l'Égypte ancienne, on pense aussi à l'Inde et aux Amérindiens. l. Jane B. Sellers fut la première égyptologue à insister sur l'importance de l'astronomie et particulièrement la connaissance de la précession des équinoxes pour bien comprendre la tradition des anciens Égyptiens.

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l'Ancien Empire. Ils eurent littéralement non pas la foi, mais la connaissance qui déplace les montagnes. L'égyptologie, malgré toutes ses découvertes, est largement demeurée un amusant petit club aux membres étonnamment terrorisés par les idées nouvelles. C'est ce qui explique que d'importantes découvertes soient souvent faites par des chercheurs n'appartenant pas au sérail. Il est difficile d'être admis dans le club tout en conservant un esprit libre et capable d'un regard frais et exempt de préjugés. Le mal qui ronge l'égyptologie est tout ce qu'il y a de plus humain et est loin d'y être confiné. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, beaucoup de scientifiques dans de nombreux domaines préfèrent défendre une idéologie ou un courant de pensée plutôt que de rechercher la vérité à tout prix 1• Rien de nouveau ici : voilà des siècles que les nouvelles intuitions et les regards frais, particulièrement s'ils proviennent d'un autodidacte ou d'un chercheur non encadré par le monde universitaire, sont péremptoirement rejetés sans même faire l'objet d'un début d'examen véritable. Même ceux qui, n'étant pas des égyptologues officiels, contribuent à la recherche à partir de leur domaine de compétence ou de leurs intuitions peuvent difficilement s'empêcher d'être entraînés dans le maelstrom des controverses, des jalousies, des mesquineries, des invectives et des détestations qui est devenu monnaie courante dans ce milieu. Tout comme un vrai musicien se passionne pour la musique plus que pour les théories et les opinions musicales, le véritable égyptologue devrait davantage s'intéresser à la vérité de l'Égypte ancienne plutôt que défendre des consensus à la mode.

1. La physique semble moins rigide à cet égard, sans doute à cause des bouleversements qu'elle a connus il y a un siècle. Rappelons qu'Einstein était en dehors des cercles de la physique établie avant 1905, année durant laquelle il publia trois articles dont chacun était digne du prix Nobel.

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Le but de l'archéologie est d'apprendre ce que les temps passés ont à nous enseigner et non d'imposer aux Anciens nos conceptions personnelles 1 • René A. Schwaller de Lubicz

Depuis les derniers cinquante ans, plusieurs des découvertes les plus fondamentales concernant l'Égypte ancienne sont venues de chercheurs qui n'étaient pas des égyptologues professionnels. Dans les années cinquante, René A. Schwaller de Lubicz a insisté sur l'importance primordiale de l' anthropocosme et du symbolisme pour comprendre l'Égypte antique. L' anthropocosme est la doctrine selon laquelle l'univers et en entier dans l'homme. Non pas l'image habituelle que nous nous faisons de l'homme, mais la Réalité que nous sommes, qu'on peut aussi appeler l'Homme cosmique. Il a en outre mis en lumière la science du Nombre et la géométrie sacrée, celle qui se réfère à la Connaissance, dans la pensée des maîtres pharaoniques. De tous les auteurs que j'ai lus, il est celui qui a le mieux compris les Anciens et reconnu le fil conducteur unissant les divers aspects de l'héritage égyptien ; pourtant, comme nous l'avons dit, les égyptologues professionnels l'ont toujours ignoré. Plus récemment, l'architecte français Jean-Pierre Houdin, avec le soutien de l'égyptologue américain Bob Brier et le concours de Dassault Systèmes, a brillamment exposé la manière dont fut érigée la Grande Pyramide de Khoufou et a même prédit la découverte de deux antichambres en annexe à la chambre supérieure et de couloirs jusque-là inconnus. Au départ, aucun égyptologue français n'avait même daigné répondre à Houdin après qu'il leur eut soumis un dossier pourtant très sérieux et bien étoffé sur sa théorie. Cela montre assez la mentalité sectaire qui prévaut dans le milieu. Il ne lui reste plus, pour apporter au monde une preuve finale, qu'à procéder à une dernière expérience totalement non invasive et non destructrice sur la Grande 1. René A. Schwaller de Lubicz, Le Temple dans L'Homme, Dervy, Paris, 1979 (Schindler, La Caire, 1949), page 28.

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Pyramide ; après avoir soumis son dossier pourtant complet, précis et détaillé, à ce jour les « autorités égyptiennes » n'ont jamais donné suite à sa demande. Si les chercheurs universitaires faisaient preuve de plus d'imagination et se libéraient un peu de leur enclos académique, les librairies et l'Internet seraient peut-être moins encombrés de publications farfelues sur l'Égypte. Il n'y en aurait peut-être pas autant si les professionnels ne se montaient pas aussi bornés qu'un clergé religieux et s'il n'y avait pas une telle censure entourant l'Égypte ancienne 1• Car la vérité sur l'Égypte ancienne est bien plus étincelante que toutes les élucubrations qui pullulent de nos jours. Deux éléments très humains affectent donc l'égyptologie profane : le syndrome du petit club fermé et l'incapacité de comprendre l'épanouissement de la civilisation du Nil à la lumière de la vision de l'existence de ses maîtres spirituels. Le cordon reliant toutes les perles du« miracle égyptien» n'est rien d'autre qu'une authentique et profonde spiritualité. Or, à peu près toutes les communications qu'on lit aujourd'hui sur l'Égypte ancienne ignorent ou feignent d'ignorer cet élément central, car leurs auteurs sont mal à l'aise devant ce qu'ils ne connaissent tout simplement pas. Tout est passé à la moulinette du navrant matérialisme qui caractérise tant notre civilisation.

1. Autrefois, cette censure venait des autorités religieuses. On sait combien le Vatican avait pris ombrage des découvertes de Champollion sur l'ancienneté de la civilisation égyptienne et sur sa spiritualité ; on connaît aussi la bataille que livra le clergé autour de la découverte du zodiaque de Dendérah, pour ne mentionner que ces deux exemples. Dans les temps modernes, la censure fut jusqu'à il n'y a pas très longtemps le fait de l'ex-secrétaire général du Conseil suprême des Antiquités égyptiennes, un narcissique égyptologue de peu d'envergure qui a finalement été démis de ses fonctions après avoir été soupçonné de corruption. La mise hors d'état de nuire de cet énergumène, qui avait bloqué de nombreuses autorisations demandées par des chercheurs occidentaux pourtant sérieux, fut accueillie avec un soupir de soulagement dans le monde entier. Mais le nationalisme étroit continue de sévir au Conseil suprême des Antiquités égyptiennes et l'inexplicable refus déguisé opposé à Jean-Pierre Houdin en est une nouvelle preuve.

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Devrait-on abandonner entre les mains des seuls intellectuels universitaires un trésor aussi immense et universel que celui des maîtres de l'Égypte ancienne? Devrait-on laisser une telle splendeur être réduite, année après année, livre après livre, documentaire après documentaire, à des platitudes frisant parfois l'insignifiance ? Devrions-nous aussi la laisser être rabaissée dans les thèses fumeuses qui voient derrière le miracle égyptien l'intervention de petits bonshommes verts ou gris venus de mondes extraterrestres ou de grand bonhommes noirs venus de l'Afrique tribale ? Faut-il la laisser être récupérée par les sectateurs du nouvel âge ? Ne devons-nous pas plutôt tâcher de revivifier ce patrimoine de l'humanité et le laisser luire en toute clarté ? Répétons-le : ce livre est une invitation à visiter ensemble quelques-uns des éléments de l'ancienne Égypte les plus essentiels, ceux qui se réfèrent à ce que nous sommes tous. Notre mode de vie moderne accuse une nette dégénérescence sur à peu près tous les plans par rapport à l'antique civilisation du Nil, sauf sur le plan technique, mais il demeure au moins un acquis de taille pour nous, si nous savons en profiter : certaines informations jadis réservées à une petite élite de privilégiés admis dans les temples sont désormais à la portée de tous sans aucune distinction. Encore faut-il s'y intéresser activement. Or, très peu s'intéressent vraiment au cœur vivant de l'ancienne Égypte : les masses se contentent de se pâmer devant les trésors dorés de Toutankhamon et les égyptologues s'intéressent à sa collection de cannes. C'est que même si notre civilisation moderne ne reconnaît plus que les hommes ne naissent pas égaux et que les castes sont aujourd'hui inextricablement mêlées dans nos sociétés, la réalité de ces castes demeure, car elle est inhérente à la vie manifestée. Peu s'intéressent aux vérités intimes de l'Égypte ancienne, qui sont celles de l'existence. Parmi les rares qui y sont attirés, il en est qui n'ont pas la capacité de les saisir et donc les profanent et les déforment ; c'est justement pour éviter cela que l'élite spirituelle de l'Égypte antique ne les livrait pas en pâture à la foule et c'est aujourd'hui le prix à payer pour le dévoilement de certains de ses aspects.

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Les Anciens avaient percé le secret de l'existence. Leur formulation géométrique et symbolique demeure accessible à quiconque l'aborde sans préjugé. Non seulement ont-ils fait signe vers le Un, mais ils ont décrit et célébré sa manifestation en tant Un dans la multiplicité. Ils ont reconnu le grand mystère de l'incarnation et du retour à l'Unique. Ce mystère interpelle tout être humain : nous sommes tous pourvus d'un système nerveux nous permettant de vivre cette aventure fascinante. Nous n'avons plus accès aux initiations formelles des temples antiques et il n'est nul besoin de faire revivre les institutions d'une civilisation si belle, mais disparue à jamais. Quiconque médite sur la réalité de sa propre existence dans le temple de son corps peut voir tous les voiles tomber. Car profondément, la passion pour l'Égypte ancienne, c'est la passion pour la Vie.

Note Plusieurs lecteurs auront peut-être un sursaut de frayeur en apercevant sur certaines pages de ce livre des figures géométriques et des chiffres. Qu'on se rassure, car il n'y a rien de complexe dans tout cela - rien qu'un adolescent de niveau secondaire ne puisse comprendre - et le lecteur qui, au lieu de courir aux abris, les abordera en toute simplicité verra sa« bravoure» largement récompensée par une ouverture sur la beauté mesurée il y a des milliers d'années par les maîtres de l'ancienne Égypte.

LE MIRACLE De l'invisible au visible

Miracle initial, délivrance finale Le seul vrai miracle est celui du Un se manifestant sous forme du multiple : le passage de l'invisible au visible. C'est la seule chose qu'on ne saura jamais expliquer; d'ailleurs, on n'a pas à le faire. Ce miracle est ce qui est le plus digne d'être célébré dans l'espace-temps de nos brèves vies sur terre et c'est exactement ce à quoi les anciens Égyptiens, sous l'égide des maîtres qui furent à l'origine de tout, ont consacré leur temps et leur énergie pendant des millénaires. Non seulement avaient-ils à cœur ce miracle, mais ils avaient aussi fréquenté la voie du retour à l'Un pour l'être humain qui se voit séparé, limité et souffrant. Cette voie passe par un retour à ce qui nous a un jour fait prendre conscience que « j'existe » et nous a dès lors amenés à nous affirmer en tant qu'individu. C'est uniquement par la reconnaissance de ce mouvement que peut luire en toute clarté la pure Lumière consciente qui le provoque. C'est par la prise de conscience directe du mouvement de la création temporelle que l'homme se découvre sa propre intemporalité. C'est en réalisant ce qui a assisté à la prise de conscience « j'existe » qu'il se découvre au-delà de l'existence et de la non-existence. C'est le sens véritable d'expressions telles que l'immortalité ou la vie éternelle : Cela qui est au-delà même du fait d'exister ou ne pas

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exister. C'est cela qu'on dit au-delà de toute dualité 1• Même parler du Un est une licence poétique. Le mythe initiatique égyptien des origines, dans ses versions diverses et complémentaires, parle du miracle initial et fait signe vers la délivrance finale. C'est en prenant vivement conscience du miracle de son origine que l'homme peut réaliser qu'il est vraiment l'invisible, ou l' Absolu, et non simplement cet instrument mortel par lequel Il expérimente sa manifestation dans le multiple. La tradition égyptienne était initiatique : elle se transmettait de bouche-à-oreille à qui s'en montrait digne et capable de porter la Connaissance. Le grand secret, autrefois transmis nuitamment dans les cryptes ou sur le toit des temples, est aujourd'hui formulé beaucoup plus ouvertement. Les initiés de l'Égypte antique se gardaient bien de formuler ouvertement cette Connaissance. Ils ne souhaitaient pas que la Vérité tombât dans les oreilles de ceux qu'elle pourrait rendre fous ou qui pourraient la déformer et même l'utiliser à des fins personnelles. Mais au fond c'était surtout une question de respect absolu: ne pas la livrer en pâture au vulgaire allait de soi et cela fut la norme dans toutes les civilisations traditionnelles. La crainte de voir la Vérité tomber en de « mauvaises mains » concerne ceux qui sont à moitié prêts, car, on le voit bien encore de nos jours, celui qui n'est pas prêt du tout entend sans écouter et regarde sans voir, et continue de vaquer à sa petite vie personnelle comme si de rien n'était. Par contre, ceux qui entendent et en forment des concepts aussitôt mis au service de la machine égotique, ceux qui s'embrouillent en croyant avoir tout compris, sont très actifs : le nombre des malheureux et de malheureuses qui se prétendent des« éveillés» permanents, ou qui un peu plus subtilement le laissent entendre, est en croissance rapide. Ceux qui vont ainsi grossir l'offre sur le populaire marché des éveillés de pacotille répandent une confusion colossale, bien sOr, mais cela est dans l'ordre des choses à une époque de grand désordre comme la nôtre.

1. L'Inde le nomme advaita, non duel.

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La Connaissance tient à très peu de mots : l'homme n'a jamais cessé d'être l'Homme cosmique, l' Absolu, la Lumière consciente 1• Tout être humain méditant avec passion sur le Mystère arrivera à une conviction absolue, hors de tout doute, et seulement alors pourra-t-il vivre sans restriction la liberté et la joie sans borne. Toute la vie des anciens Égyptiens était, à travers le mythe des origines, tournée vers cette révélation libératrice. En dehors de cette conviction totale, la vie humaine n'est qu'une suite d'ajournements,« vanité des vanités». Je suis Un qui devient Deux Je suis Deux qui devient Quatre Je suis Quatre qui devient Huit Après quoi je suis Un. Sarcophage de Petamon, musée du Caire, n• 1160

On ne peut voir directement la lumière entrant dans une pièce ; on ne sait voir cette lumière que lorsqu'elle se répercute sur les obstacles qui la réfléchissent. Nous appelons cela des objets. Nous sommes obnubilés par les « objets » de nos perceptions - plus haut) qui précipite la forme. C'est le rôle d'Hathor, qui inclut l'action d'Isis donnant naissance à Horus ; Hathor signifie justement la maison d'Horus. On peut voir ce principe comme la Vierge-Mère. Les unités de mesure des volumes des anciens Égyptiens se réfèrent aussi aux mêmes nombres. Par exemple, la coudée étant l'unité de base, le volume de base sera une coudée cube. Une des unités de mesure des volumes est le khar, qui vaut 2/3 d'une coudée cube (c'est le rapport entre le volume d'une sphère et celui du cylindre qui la contient). Les rapports fondamentaux relatifs à la gamme musicale se retrouvent aussi dans les mesures de volumes des anciens Égyptiens et sont omniprésents dans leurs calculs. Par exemple, pour calculer la surface d'un disque inscrit dans un carré, on prend les 8/9 du diamètre (ou côté du carré inscrit) et on en fait le carré : 8/9 x 8/9 = 64/81 2 • Nous retrouvons les mêmes proportions dans les nombres de Platon se référant à la formation de « l' Âme du Monde» : 9/8, 3/2, 4/3 (le ton, la quinte et la quarte). Le rapport 3/2 est celui de la coudée cubique en rapport au khar et celui de 243/128 est équivalent au volume du cube en rapport avec celui de sa sphère inscrite. Les rapports des tubes musicaux chinois sont aussi en accord avec tout cela.

1. L'octaèdre (qu'on peut voir comme une pyramide à laquelle on adjoint par la base une autre pyramide égale et inversée) occupe un volume équivalent au 113 de celui du parallélépipède qui l'inscrit, tout comme la sphère occupe un volume équivalent au 2/3 de celui du cylindre la contenant parfaitement. 2. Cette approximation est excellente, car le rapport 64/81 = 0,7901234, alors que le rapport exact est m2/(2r)2 = 1t/4 = 0,78539 ; un écart minime de 0,6%.

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Les harmonies musicales sont également mises en évidence dans les antiques méthodes d'extraction de la .r 2 par itérations, attribuées à Théon de Smyrne et Archytas de Tarente, car elles font appel aux médiétés arithmétiques et harmoniques 1• Ces méthodes illustrent bien le phénomène croissance dans la Nature : celle-ci croît en créant des formes dont les proportions s'approchent de plus en plus de .r2 et elle le fait en suivant la voie des médiétés arithmétiques et harmoniques. On peut dire que .r2 est l'expression vivante de la fonction

• Le passage d'un canevas à l'autre est donné par le Kamoutef sculpté sur la face extérieure du mur Nord du transept du temple de Louxor. En fait, ce sont les joints des pierres qui recèlent la clé, ce qui est typique des Anciens, qui exprimaient tout dans la pierre pour ceux qui savent la regarder. Les joints des pierres mettent en évidence un rectangle de proportion 4 à 10. Or, la hauteur du Kamoutef, de la plante des pieds à la ligne de base du front, vaut exactement 19 fois la hauteur d'un de ces 40 carrés ainsi définis. Pour obtenir les canevas à 18 et 21, on doit donc respectivement agrandir et rapetisser le côté de ces carrés. Aujourd'hui, nous ferions les opérations algébriquement simples 19/18 et 19/21 pour obtenir les valeurs exactes des nouvelles unités. Mais les maîtres pharaoniques ont employé une méthode

.r

1. Rappelons que les deux séries de Fibonacci sont basées sur les rapports fondamentaux 1 à 2 (série F) et 1 à 3 (série R).

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géométrique ne faisant intervenir, encore une fois, que les rapports fondamentaux là 2 et là 3.

A

c

B

b

a

Figure 10 Les canevas à 18/ 19 et 21 /22 carreaux ;,

--- ~ ·-

7

'

.
, cf> • Nous serions arrivés à ce résultat en imposant que la hauteur soit moyenne géométrique entre la demi-base et l'apothème. Si h est la hauteur, d la demi-base et a l'apothème, cela signifie a/h = h/d, ou ad = h2 • Cette relation entre les trois côtés de ce triangle rectangle a pour résultat que a/d = cf>, d'où si d = 1, alors a= cf> et h=.f"cf>.

1. Dans notre notation décimale, le rapport 14/11 vaut 1,272727 ... , alors que

,{ !/J vaut 1,2720196 ... : une remarquable précision de 6 parties sur 100 000.

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356P9

14

Vcj>

280 coudées

Il

Il

1--~~~~~~~~~~22

~~~~~~~~~~--1

440 coudées

Figure 26 Coupe de la Grande Pyramide en fonction de cp, en proportion de nombres entiers et en coudées royales

Cette valeur relative de 22 pour la base de la pyramide par rapport à la hauteur de 14 permettait ni plus ni moins que la quadrature du cercle, car 3t vaut 2217 avec une précision de 4 parties sur 10 000. Ici encore, les Anciens sont demeurés fidèles à leur tradition de toujours utiliser des rapports de nombres entiers pour approcher les irrationnels. La base divisée par la demie-hauteur vaut 3t ; on pourrait aussi dire que la moitié du périmètre divisée par la hauteur vaut Jt. Pour une base valant 22, le rayon d'un cercle ayant le même périmètre que la Grande Pyramide au sol sera 44/Jt = 44/(2217) = 14. C'est peut-être ainsi que fut fixée la hauteur de la pyramide. Autrement dit, imposer que la hauteur de la Grande Pyramide soit égale au rayon du cercle ayant le même périmètre qu'elle au sol revenait à fixer l'angle d'élévation et vice-versa: l'un entraîne l'autre. Les concepteurs de la Grande

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Pyramide ont-ils choisi le rapport 22/14 comme rapport base/ hauteur à dessein, pour illustrer géométriquement la quadrature du cercle? D'autre part, ce même rapport 22/14 fait que le rapport entre la hauteur et la moitié de la diagonale de la base vaut h/(d/2) = 2h/d = 7.J°2/11 = 0,899954 = 9/10 avec une précision de 5 parties par 100 000 1 • À partir de ces proportions exprimées à partir de nombres entiers simples (14, 11, 22, 44), il était aisé de fixer les dimensions en valeurs absolues de la Grande Pyramide en choisissant un multiple entier de 22 pour la base. Les concepteurs de la pyramide ont choisi 20 comme multiple, faisant donc une base de 440 coudées royales et une hauteur de 280 coudées. Or, ici encore ce choix n'est pas arbitraire, car ainsi la hauteur moins la demi-base de la Grande Pyramide égale 10 fois le nombre n: en mètres2 • En effet, la hauteur valant 280 coudées et la demi-base 220, la différence entre les deux vaut 60 coudées. Pour exprimer ce résultat en mètres, il faut le multiplier par n:/6 (car la coudée royale, par définition, vaut un sixième de la circonférence d'un cercle ayant un diamètre de 1 mètre) : 60 x n:/6 = 101t. C'est ce même choix pour la base qui fait que la hauteur de la Grande Pyramide plus sa demi-base valent 100 2 en mètres. En effet, 280+220 500 coudées, qui, en multipliant par n:/6, vaut 500n:/6. Or, nous avons vu que n: vaut (6/5) 2 (ou 1;2 2). Le résultat en mètres est donc [500(6/5) 2)/6 = 100 2. La hauteur totale de la Grande Pyramide (celle entre le niveau de la chambre souterraine et le sommet de la pyramide) vaut 6/5 de la hauteur visible, car le niveau de la chambre souterraine est à 115 de la hauteur visible sous la terre. Cette proportion se retrouvera plus de 1400 ans plus tard sur la curieuse figure d'une momie dans la tombe de Ramsès IX dont nous avons parlé plus

=

1. Le rapport équivalent pour la pyramide de Khafre (pente 4/3) est (8,5)/9 et pour la pyramide de Menkaurê (pente 5/4) 8/9. 2.En soustrayant plutôt qu'en divisant, nous ne sommes plus dans des rapports, mais dans des nombres absolus ; comme la coudée royale se réfère à x, il est tout à fait normal de retrouver cet irrationnel dans cette soustraction.

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haut (voir en annexe). Comme :n: = 615 2 et que le rapport entre le demi-périmètre et la hauteur visible de la Grande Pyramide vaut lO:n:, le fait de trouver que ce même demi-périmètre divisé par la hauteur totale est égal à 2 n'apporte rien de nouveau 1• Résumons un peu : • Le rapport entre la base et la hauteur de la Grande Pyramide est 22/14 et sa pente vaut donc 14/ 11. Cela a pour conséquence que le triangle rectangle formé par la demi-base, la hauteur et l'apothème est dans la proportion 1, , • Cela a aussi pour conséquence que la hauteur vaut 9/10 de la demi-diagonale au sol. • Le rapport de 22/ 14 entre la base et la hauteur permet aussi d'exprimer géométriquement la quadrature du cercle : la hauteur est égale au rayon d'un cercle ayant même périmètre que le carré de la Grande Pyramide. C'est pour cette raison que deux fois la base divisée par la hauteur donne le nombre :n:. •Le fait d'adopter un multiple de 22 valant 20 fixe la valeur absolue de la base à 440 coudées royales et a pour conséquence que la hauteur en mètres moins la demi-base en mètres égale lO:n:. Cela entraîne aussi que la hauteur en mètres plus la demi-base en mètres valent 100 2 en mètres. Nouvelle preuve, s'il en fallait encore, de la connaissance du mètre par les anciens Égyptiens2 • On pourrait « découvrir » d'autres propriétés géométriques impliquant des longueurs et des surfaces de la Grande Pyramide, mais tous ces résultats sont une simple conséquence du choix du rapport 22/14 entre la base et la hauteur (équivalent à choisir une pente de 14/11) et d'un multiple 20 pour fixer la valeur absolue

.r

l .Ce qui pourrait être nouveau, c'est que la hauteur de la Grande Pyramide (146,7m) peut se comparer à la distance minimum Terre-Soleil, qui est de 147,l milliards de mètres. La hauteur de la Grande Pyramide serait donc un milliardième de la distance de l'aphélie de la Terre, avec une précision de 0,27%, ou 2,7 parties par mille. Mais cette fois il s'agit certainement d'une coïncidence et en cherchant assez longtemps dans les champs de la physique, de l'astronomie et autres sciences, on trouverait certainement des rapports apparemment étonnants, mais qui n'ont en fait aucun intérêt et n'ont rien à voir avec les anciens Égyptiens. 2. En fait, c'est toujours la définition de la coudée royale par le cercle de 1 mètre de diamètre qui permet ces résultats en mètres.

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de la base en coudées royales 1• Les maîtres de l'Égypte ancienne, eux, ne jouaient pas avec les nombres pour éblouir la galerie ; tout se tient et se réfère constamment à leur « théologie », qui raconte la manifestation du Un inconcevable, la révélation de l'invisible dans le visible, avec ses règles d'harmonie et ses proportions. La Grande Pyramide renferme trois chambres. La chambre souterraine est située à 115 de la hauteur sous le sol : on y accède par un corridor descendant en parfaite ligne droite sur 105 mètres avec une pente de Al/2 soit 26°26'46" 2 • Nous retrouvons ici le passage de 1 à 2 opéré par l'irrationnel .{5 comme diagonale d'un rectangle de proportion 1 par 2. La chambre dite «de la Reine »3 , mieux appelée chambre intermédiaire, à laquelle on accède par un corridor ascendant puis un corridor horizontal, est située à 117 de la hauteur de la pyramide. Le plafond est fait de blocs de granit en chevron pour diriger la charge sur les côtés ; le haut de ce toit en chevron est à exactement 1/4 de la hauteur totale de la pyramide. Dans le prolongement du corridor ascendant, on arrive à la grande galerie, d'une longueur de 47 ,80 mètres et d'une hauteur de 8,60 mètres par rapport à la verticale, avec une pente de 26°10' 16". La grande galerie débouche sur une antichambre comportant un système de fermeture avec herses obstruant le passage, mais aujourd'hui disparues. Avec les rapports 117 et 1/4, on retrouve les deux premiers rapports de la décomposition harmonique qui devait servir à établir le plan du temple de Louxor 11 siècles plus tard. l . La Grande Pyramide est déjà un monument assez exceptionnel sans qu'il faille, comme le fait un conférencier sensationnaliste et peu scrupuleux dont nous tairons le nom, rajouter des« découvertes» qui n'en sont pas simplement pour épater un auditoire naïf et peu au fait. Cet homme, qui voudrait nous faire croire que les «Bâtisseurs», comme il les appelle, étaient des extraterrestres, a aussi démontré qu'il préférait recourir à des arguments fallacieux plutôt que reconnaître qu'il a passé une grande partie de sa vie à éplucher un détestable oignon. 2. L'angle" 112 exprimé en degrés vaut 26°33 '54", ou 26,565°. La précision du couloir descendant vers la chambre inférieure est de mieux de 0,5%. 3. Ce nom a été donné par des explorateurs arabes; cette chambre n'a jamais été destinée à recevoir le sarcophage d'une reine.

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La chambre haute, souvent appelée chambre du Roi, semble située à 217 de la hauteur totale de la pyramide ; à ce niveau, la surface du plan de coupe de la pyramide vaut exactement la moitié de celle de la base. Cette chambre mesure exactement 20 coudées royales par 10 et est faite de blocs de granit massifs assemblés avec un tel art qu'on n'arriverait pas à passer une lame de rasoir entre les blocs. Le plafond est constitué de blocs de granit sur cinq niveaux surmontés d'une voûte de décharge avec pierres disposées en chevrons pesant chacun 60 tonnes. Rien n'a bougé depuis 4500 ans ... Le plafond de la chambre haute est situé à exactement 1/3 de la hauteur totale de la pyramide et le sommet de la chambre de décharge à 1/2 de la hauteur totale. Tant la chambre haute que la chambre inférieure sont dotées de deux «conduits d'aération». Nous verrons plus loin que ces conduits avaient une autre raison d'être. Nous avons dit que le plancher de la chambre haute semble situé au 217 de la hauteur depuis le sol, donc au 517 depuis le sommet, ce qui ferait exactement 200 coudées royales. Mais des mesures précises donnent un peu moins que 200 coudées, soit 197 ,91 198 coudées royales (82,09 coudées mesurées par rapport à la base de la pyramide). Ceci pourrait signifier qu'on a fixé la hauteur de la Chambre du Roi par un procédé géométrique simple faisant appel à la racine de 2, tel qu'illustré sur la figure 27 1• On trace le carré FGBC de 280 coudées de côté, on ramène la hauteur CB de la pyramide sur l'apothème en la faisant pivoter sur le sommet B. Le point d'intersection avec la diagonale du carré détermine la hauteur EC du plancher de la Chambre du Roi. Les triangles semblables donnent : BE/BD BC/BF, soit BE/280 = 280/(280xF 2) = 280/F 2 = 197 ,9899. La valeur théorique de 280/F2 coudées a donc un écart de seulement 0,4% par rapport à la mesure de 197,91 coudées. Une valeur théorique de 200 coudées depuis le sommet (517 de la hauteur totale) implique un écart légèrement plus grand, soit environ 1,1 %. Si

=

=

l .C'est John Legon qui a Je premier suggéré cette possibilité.

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la hauteur qu'ont voulu les concepteurs est bien 280/,r2 coudées par rapport au sommet, cela signifierait que la « fonction du carré » ( ,r2) est intervenue dans le choix de la hauteur de la Chambre du Roi.

Figure 27 Possible détermination géométrique de la hauteur de la Chambre du Roi.

La chambre haute présente des propriétés géométriques intéressantes. Ses dimensions en valeurs absolues reposent toutes sur la valeur de la coudée royale, dont on sait qu'elle est liée au mètre, et les rapports des diverses dimensions linéaires (largeur, longueur, hauteur, diagonales) mettent en jeu le triangle sacré 3, 4, 5 ainsi que ,r5. Ayant une surface rectangulaire de 2/1 en proportion, donc avec une diagonale de ,r5, la chambre du Roi nous ramène au passage de 1 à 2 et au Nombre d'Or. Ainsi, elle mesure très exactement 5,236 mètres par 10,472 mètres, soit précisément JO coudées royales par 20. Le périmètre de la chambre fait donc exactement 60 coudées royales, soit lO:rt en mètres. Le choix du granite pour la construction de la chambre haute, une pierre très lourde et très dure à travailler, et qui allait compliquer les plans et

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la construction de la pyramide 1, était certes d'abord et avant tout dicté par des contraintes techniques, car seules des poutres en granite peuvent enjamber plus de 5 mètres sans se fracturer. Mais le choix du granite allait avoir une autre conséquence intéressante : il assurait que les dimensions et les proportions de la chambre haute n'allaient absolument pas bouger pendant des millénaires. La précision des dimensions de cette chambre et des joints entre les blocs eut été difficile à réaliser avec des blocs en calcaire ; avec des blocs de granite, elle est carrément stupéfiante. Cette chambre constitue ni plus ni moins qu'une nouvelle et durable confirmation de la connaissance du mètre, de Tt et de par les anciens Égyptiens, en attestant avec éclat la coudée royale définie comme étant un sixième du périmètre du cercle de diamètre d'un mètre, soit ;r,/6 = 0,5236 m. D'autre part, le sarcophage a la propriété que son volume vide intérieur est exactement la moitié de son volume total incluant les parois. Si la Chambre haute a bel et bien servi de chambre funéraire royale, en tout cas ce n'était pas, comme le veut le dogme promulgué par les égyptologues profanes, son unique raison d'être ni peut-être même sa principale raison. Mis à part quelques irréductibles qui voient des extraterrestres partout et à toutes les époques, tout le monde s'entend sur la date de construction des grandes pyramides de Gizeh : sous l'Ancien Empire, durant la l\lt dynastie. Les anciens Égyptiens avaient les connaissances techniques, les outils et l'organisation pour réaliser ces projets monumentaux, et on a aussi retrouvé trace des 4000 travailleurs et artisans permanents sur le chantier. Par contre, le débat sur la manière dont elles furent construites a longtemps fait rage. Les anciennes théories s'étant toutes montrées impraticables, à la fin des années '90 l'architecte français Jean-Pierre Houdin a entrepris d'étudier sérieusement le problème et il est parvenu à une théorie aussi élégante que lumineuse concernant non seulement la Grande Pyramide, mais toutes les 1. Il a obligé la construction de la grande galerie et une grande partie de la superstructure de la chambre supérieure.

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pyramides. La première partie de la pyramide de Khoufou aurait été érigée en hissant les blocs au moyen d'une rampe d'accès externe : c'est ainsi que les 2/3 des blocs auraient été installés. Les blocs de granit de 60 tonnes faisant partie de l'ensemble de la chambre supérieure auraient été hissés au moyen de contrepoids massifs glissant dans la grande galerie, qui en porte d'ailleurs encore les marques. Notons en passant que Houdin est le seul à avoir expliqué l'existence de la grande galerie. Quant au reste de la pyramide, elle aurait été construite à partir des blocs de la rampe d'accès : à mesure qu'on la démontait, on en acheminait les blocs par une rampe intérieure en spirale carrée et à deux niveaux. Les tests de microgravimétrie déjà effectués dans les années '80 ont confirmé qu'il y a bien des zones de sous-densité exactement là où la rampe intérieure devrait se trouver. De toute façon, n'importe quel visiteur peut apercevoir sur les côtés de la Grande Pyramide des tracés linéaires blanchâtres inclinés avec une pente de 7%, exactement la pente prédite par Houdin pour la rampe intérieure. Tout semble cohérent et vérifié, y compris le mécanisme de contrepoids, et testé sur les logiciels de Dassault Systèmes. La preuve finale nécessiterait un simple test non invasif d'analyse thermographique fine, pour laquelle une demande bien étayée a été adressée aux autorités égyptiennes, qui n'y ont encore jamais donné suite. D'autre part, Jean-Pierre Houdin affirme, à propos de la chambre haute, qu'il existe « deux antichambres à découvrir ainsi qu'un circuit de corridors par lequel le sarcophage a été acheminé ». C'est par là, selon lui, que serait passé le cortège funèbre du Roi (c'est ce qu'il appelle le circuit noble) et que seraient, bien des années auparavant, sortis les derniers ouvriers de la chambre haute, dont l'entrée actuellement ouverte fut fermée de l'intérieur'. De sérieux indices montrent qu'une des pierl . Le bloc qui fermait cette entrée est demeuré à l'intérieur de la Chambre du Roi durant 1178 ans, soit entre l'an 820, lorsque les voleurs du Calife Al Mamoun l'ont endommagé et simplement poussé pour forcer leur entrée et 1998, alors que les hommes de main de Zahi Hawass, alors en charge des

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res à la base du mur nord de la Chambre du Roi ne supporte aucune autre pierre au-dessus et qu'on peut glisser une carte de crédit autour d'elle, alors que partout ailleurs cela est impossible, tellement les pierres sont bien ajustées : ce serait là la véritable entrée de la Chambre du Roi. Toute la structure de granite en chevrons inversés au-dessus de la chambre supérieure avait pour but non pas de protéger celle-ci de la charge écrasante de la masse de la pyramide au-dessus d'elle, mais bien de protéger les deux antichambres des forces latérales qu'elles n'auraient pas pu supporter1. Tous les indices tendent à étayer sa thèse et on attend toujours que les autorités égyptiennes daignent accorder la permission d'effectuer les derniers tests qui confirmeraient hors de tout doute ses avancées. Jean-Pierre Houdin est allé aussi loin qu'il se peut dans l'étude strictement technique de la construction de la Grande Pyramide et ses conclusions montrent que les anciens Égyptiens avaient trouvé des solutions simples, ingénieuses et élégantes dans la résolution des problèmes techniques que posait la construction de ce monument impressionnant et beaucoup plus complexe que ce qu'on croyait il y a à peine quelques années.

Antiquités égyptiennes, l'ont carrément fait disparaître. 1. S'il s'était agi de protéger la seule chambre supérieure (dite la chambre du Roi), il n'aurait pas été nécessaire de construire les chevrons si haut au-dessus d'elle.

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rampe intérieure '

Figure 28 Partie de l'intérieur de la Grande Pyramide selon les découvertes de Jean-Pierre Houdin. En plus des éléments déjà connus (chambres supérieure et inférieure, grande galerie et les 4 « conduits de ventilation », on distingue les deux antichambres ainsi que les couloirs attenants et celui qui mène à la chambre inférieure. On voit aussi en coupe de la double rampe intérieure. Avec la gracieuse permission de Jean-Pierre Houdin I Dassault Systèmes (annotations de l'auteur).

La durée de construction avait toujours été tenue pour être 20 ans, mais on a récemment découvert des papyri datant de la 27e année du règne de Khoufou. L'exploit qui consiste à tailler, transporter, hisser, installer en place et parfois polir environ 2,3 millions de blocs de pierre pesant ensemble plus de 6,2 millions de tonnes en un peu moins de 30 ans, sans compter le temps qu'il a fallu pour préparer le terrain et établir le dallage, bâtir les trois chambres, les deux antichambres, les couloirs d'accès et les conduits de « ventilation » avec la minutie que l'on sait paraît incroyable, mais les anciens Égyptiens possédaient un sens de l'organisation extraordinaire et ne laissaient aucun détail au hasard. Ils avaient ce qu'il fallait-le savoir-faire, l'organisation, la main d'œuvre, l'outillage et les matériaux-pour construire les grandes pyramides de Gizeh.

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D'autre part, comme nous l'avons déjà mentionné, les grandes pyramides n'ont peut-être pas vu le jour sous l'initiative de tel ou tel roi, mais ont peut-être été plutôt planifiées globalement par les sages de la I~ dynastie. Nous savons que les grandes cathédrales du Moyen Âge ne furent pas le fait de tel ou tel roi, mais de toute une époque. Quant au vieux mythe selon lequel des esclaves auraient été exploités pour construire les pyramides, il a été complètement déboulonné dans les dernières années ; nous savons maintenant que les travailleurs étaient bien nourris, bien logés et soignés, et qu'ils étaient heureux et fiers d'œuvrer pour leur roi, lui-même au service de Maât. Encore une fois, nous pouvons établir le parallèle avec la ferveur populaire qui régnait à l'époque de la construction des cathédrales européenne au Moyen Âge.

Parmi eux, l'ancien s'appuyait sur le garçon, le puissant soutenait le trembleur. Le cœur s'enthousiasma, leurs bras prirent de la force. Texte concernant la construction de la Grande Pyramide retrouvé sur un papyrus Dans quel but la Grande Pyramide et toutes les autres ont-elles été érigées? Comme nous le disions, pour les égyptologues profanes l'affaire est classée et la ligne du parti promulguée il y a longtemps : la Grande Pyramide, comme toutes les autres, est un tombeau royal pour un mégalomane (le roi Khoufou en l'occurrence) et toute autre raison d'être est totalement exclue 1• Les rationalistes aiment bien voir dans les Anciens des hommes superstitieux, redoutant la mort et à la conscience aussi matérialiste que la leur ; mais cela ne colle tout simplement pas à la réalité et, redisons-le, l'Égypte antique demeure incompréhensible

1. Jean-Pierre Adam, architecte, archéologue au CNRS et professeur à l'École du Louvre, claironne sur un ton persifleur la position officielle : « On a longtemps fait courir l'idée que les pyramides pouvaient avoir une autre fonction. C'est totalement exclu.»

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tant qu'on ne peut s'élever au niveau de ses grands initiés et voir l'existence comme eux la voyaient. Pendant longtemps, personne n'osait poser certaines questions embarrassantes remettant en question le dogme du tombeau royal. Pourquoi un tombeau aussi gigantesque ayant accaparé une bonne part des ressources de l'Empire égyptien pendant des décennies, alors que la coutume était jusque-là de mettre la dépouille royale dans un discret mastaba ? Pourquoi bâtir un tombeau aussi ostentatoire et tenter les pillards alors qu'un trou dans la terre ou, comme ce fut le cas sous le Nouvel Empire, une tombe facilement excavée dans une montagne ou une vallée auraient suffi ? D'ailleurs, si les pyramides devaient servir uniquement de tombeaux royaux, alors les anciens Égyptiens se seraient royalement fourvoyés, car on n'a jamais retrouvé, dans aucune des 118 pyramides de toutes sortes et de tous états recensées aujourd'hui, l'ombre d'une trace d'ossement, de tissus ou de quoi que ce soit qui aurait pu s'apparenter à une momie. De ce fait, on doit conclure qu'elles furent de très mauvais tombeaux, car elles eurent tôt fait d'attirer les pillards; ou alors, on n'a jamais mis de dépouilles mortelles dans aucune pyramide. La première hypothèse est la plus probable, mais alors il y avait sûrement une raison très importante pour les anciens Égyptiens de construire de tels monuments qui ont accaparé une grande partie des ressources de l'époque. Autant on note un désir de discrétion pour enterrer les rois avant l'ère des pyramides, autant il est évident qu'une des intentions derrière celles-ci était d'être vues de tous. On peut facilement comprendre que la vision constante de ces monuments visibles de très loin rappelaient à tous la réalité invisible au-delà de la vie et de la mort. À bien y regarder, parmi toutes les théories farfelues mises de l'avant sur les grandes pyramides par des charlatans du nouvel âge, des pyramidologues compulsifs, des ufologues en délire et autres personnes psychiquement complexes et fragiles, celle qui ressort comme étant la plus grotesque et la moins crédible est celle voulant que les pyramides aient été érigées uniquement pour servir de tombeaux.

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Pourquoi s'être donné tant de peine pour aligner le monument sur les axes géographiques et pourquoi viser des étoiles et des constellations très particulières 1 ? Pourquoi cette disposition très étrange des trois pyramides de Gizeh, alors qu'on aurait très bien pu les aligner plus régulièrement sur ce plateau ? Pourquoi la troisième pyramide, celle de Menkharê, est-elle si petite relativement à celles de Khoufou et Khafre, alors que le roi Menkharê n'était ni moins puissant ni moins riche que son père et son grandpère ? Pourquoi ces références constantes et évidentes aux nombres :7t et dans l'architecture ? Pourquoi y a-t-il exactement trois « pyramides de reines » à côté de la Grande Pyramide de Khoufou (alors que ce roi avait davantage de reines), trois autres au sud de la pyramide de Menkaurê et une seule minuscule pyramide satellite à côté de la pyramide du roi Khafrê (qui avaient au moins autant de reines que son père et son fils) ? Est-ce encore le sempiternel hasard, celui qui vient constamment à la rescousse des égyptologues embarrassés ? Voilà des questions qu'ils évitent soigneusement de se poser la plupart des universitaires, trop souvent plus intéressés, comme beaucoup de petites chapelles de spécialistes modernes, à défendre leurs dogmes qu'à rechercher la vérité. Il est plus que plausible que les grandes pyramides de Gizeh aient effectivement été des tombeaux construits par les Égyptiens, d'autant plus que les Textes des Pyramides le laissent entendre2 , mais il est encore plus possible qu'elles aient eu une ou plusieurs autres fonctions et on aurait tort de se limiter à une seule, toujours la même, celle de l'orthodoxie profane. De plus, se pourrait-il qu'il faille aussi entendre les tombeaux en un sens symbolique ? René Guénon affirmait déjà en 1936 que la Connaissance était «bien vraiment cachée dans la Pyramide, mais parce qu'elle se trouve incluse dans sa structure même, dans sa disposition

1. Voir plus loin. 2. « ô Horus, ce Roi (disparu) est Osiris, cette pyramide de lui est Osiris, cette construction de lui est Osiris, veille sur elle. » Textes des Pyramides 1657.

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extérieure et intérieure et dans ses proportions ; et tout ce qu'il peut y avoir de valable dans les « découvertes » que les modernes ont faites ou cru faire à ce sujet ne représente en somme que quelques fragments infimes de cette antique science traditionnelle'. » C'est très simple : les anciens Égyptiens ne faisaient jamais rien qui ne soit pas en rapport avec la vision qu'ils avaient de l'existence. Ils ont toujours utilisé les temples et autres monuments pour évoquer ce qu'ils répugnaient à expliquer dans des textes : leur profonde spiritualité, la Connaissance qui se réfère au mystère de l'invisible se faisant visible. De là viennent les références incessantes au Nombre d'Or ,à Jt et à la grande loi de l' Harmonie dans leurs grandes constructions. Il faut voir dans les œuvres monumentales de l'ancienne Égypte d'abord et avant tout des hymnes géométriques dans la pierre, un hommage durable à la gloire de la manifestation de la Lumière consciente sur terre. Les initiés de l'ancienne Égypte répugnaient à étaler directement leur connaissance de l'invisible et c'est pourquoi ils ne nous ont pas expliqué pourquoi ils ont bâti des monuments aussi fantastiques et ayant exigé tant de ressources et d'expertise, non plus qu'ils n'ont écrit le Nombre d'Or ou le Jt; pourtant on les retrouve partout en Égypte antique. Les pyramides étaient d'ailleurs coiffées d'un pyramidion rappelant la fameuse pierre Benben d'Héliopolis, le monticule originel du monde. Le pyramidion reconstitué par Rainer Stadelmann lors de ses fouilles de 1982-85 près de la pyramide rouge de Snefrou (le père de Kheops) à Dahchour mesurerait exactement 1 mètre de hauteur et aurait une base de 1,57 mètre de côté, ce qui lui donnerait la pente exacte de la Grande Pyramide et donc les mêmes propriétés géométriques. On pourrait donc penser que ce pyramidion appartenait à la pyramide de Kheops. Sa base de 1,57 mètre mesure exactement 3 coudées royales de 0,5236, ce qui donne un périmètre de 12 coudées. Or, nous savons que l. René Guénon, Le Tombeau d'Hermès, revue Études Traditionnelles 1936, repris dans Formes traditionnelles et cycles cosmiques, Gallimard, Paris, 1970.

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la hauteur est égale au rayon d'un cercle ayant même périmètre que la base : le pyramidion nous fait signe vers un cercle de 12 coudées royales, autrement dit un petit zodiaque. Cependant, ce pyramidion contient beaucoup plus de ciment moderne que d'éléments originaux, alors on ne peut être certain de rien avec ce pyramidion. Mais il est un autre élément important et intéressant dont nous n'avons pas encore parlé ici : qu'en est-il de la disposition particulière des divers monuments du plateau de Gizeh ? Nous pouvons être plutôt certains que la construction du Sphinx et des grandes pyramides sur le même site ne fut pas laissée aux caprices de quiconque, fut-il roi. Mais qu'est-ce donc qui dirigea la conception du complexe monumental de Gizeh ? On a prétendu que les Égyptiens ont déterminé les emplacements des pyramides pour de motifs strictement géologiques et économiques, qu'on les a érigées là où le terrain était suffisamment plat et on a évoqué les courbes de niveau. Mais les pyramides de Khafre et Menkharê auraient très bien pu être érigées ailleurs, on aurait plus les aligner plus régulièrement. Ne pourrait-il pas aussi y avoir d'autres facteurs ayant régi l'étrange disposition de ces pyramides' ? Les géologues regardent les grandes pyramides avec des yeux de géologues, les architectes avec des yeux d'architectes, les égyptologues avec leur savoir d'égyptologues, un certain chimiste spécialiste des géopolymères voudrait nous faire croire que les grandes pyramides ont été érigées à partir de pierres reconstituées (autrement dit du béton), etc. Au moins l'architecte et le géologue sont encore dans leur champ de compétence quand ils étudient les aspects techniques de la construction des pyramides. Pour ce qui est de leur disposition, ils peuvent peut-être encore nous dire là où une pyramide ne pouvait pas être construite, mais 1. Sans compter que ceux qui n'en ont que pour les explications économiques, pratiques et rationnelles de l'emplacement des pyramides sont les mêmes qui évitent à tout prix de s'interroger sérieusement sur les raisons qui auraient au départ poussé les anciens Égyptiens à se donner tant de mal et à consacrer tant de ressources pour ériger des œuvres aussi économiquement inutiles que les pyramides et les temples.

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leur seul savoir technique ne permet absolument pas de savoir où elles devaient être érigées. Les anciens Égyptiens n'étaient pas gouvernés par la raison, mais ils ne sont jamais allés contre elle non plus; ils se sont même montrés extrêmement rationnels et pratiques. Il faut d'abord savoir pourquoi elles ont été érigées. Pour savoir comment les anciens Égyptiens ont déterminé les emplacements des pyramides et pour savoir pourquoi ils ont érigé de tels monuments, il faut penser comme eux et non leur prêter nos lunettes teintées et nos œillères. Il nous faut alors peut-être faire comme eux et nous tourner vers le ciel : non pour prier, mais pour regarder. N'oublions jamais que les anciens Égyptiens avaient constamment le regard tourné vers le ciel et que de tout temps ils furent de passionnés observateurs de la voOte céleste nocturne. Au début des années '90, Robert Bauval a proposé une théorie selon laquelle les trois grandes pyramides de Gizeh ont été disposées de façon à représenter la position relative des trois étoiles du Baudrier d'Orion telles qu'elles étaient autour de l'an -10 500. Bien plus, on a fait remarquer qu'en prolongeant jusqu'à l'horizon sud la droite reliant le centre des pyramides de Khafre et de Menkaurê, on aboutit à l'endroit précis où se couchaient les trois étoiles du Baudrier d'Orion en l'an -10 500 et que c'est cela qui avait fixé la position des trois « pyramides des reines » au sud de la pyramide de Menkaurê 1• Or, par un processus similaire, on découvre que la position des trois « pyramides des reines » à l'est de la pyramide de Khoufou correspond à la position des trois étoiles du Baudrier d'Orion à leur lever au moment de leur culmination précessionnique, soit autour de l'an 2500 de notre ère2 • Si ces affirmations étaient avérées, cela pourrait très difficilement 1. À cette époque, la constellation d'Orion passait par sa limite minimum précession ni que. 2. Soit dit en passant, un grand cercle qui inscrirait les trois grandes pyramides et les six pyramides satellites a un rayon de 1200 coudées royales et son centre est décalé du centre de la pyramide de Khafrê de telle sorte qu'on peut former un rectangle (aligné sur les axes géographiques) de 44 coudées par 14. Or, 44/14, c'est 22n. encore :n: ...

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être mis sur le dos de la coïncidence et aurait le mérite d'expliquer les choses simplement. On comprendrait alors mieux pourquoi il n'y a qu'une seule minuscule pyramide satellite autour de la pyramide de Khafre. La critique selon laquelle l'alignement des trois étoiles sur les trois pyramides était loin d'être exact ne vaut plus depuis qu'on s'est rendu compte qu'il ne fallait pas prendre le centre des pyramides comme base de comparaison, mais plutôt le milieu de leur côté est, là où sont construits trois temples funéraires avec des fausses portes exactement au milieu des façades est de chaque pyramide. À ce moment-là, une corrélation peut-être faite et il s'avère que les anciens Égyptiens auraient commis une erreur de seulement 2' 12" sur la troisième pyramide, ce qui est tout à fait remarquable. On ne saurait donc attribuer au hasard la corrélation entre la disposition des pyramides de Gizeh et celle des trois étoiles du baudrier d'Orion, surtout en regard de tous les autres arguments concernant la tradition égyptienne. Le fameux Sphinx de Gizeh, au corps de lion, est tourné en plein vers l'est, là où se levait la constellation du Lion à l'équinoxe du printemps aux alentours de -10 500 1• On a suggéré qu'il aurait été sculpté à cette époque, soit bien avant les pyramides et que la tête aurait été plus tard refaite à l'image de Khoufou (Kheops) ou de Khafre (Khephrem). On a fait remarquer que la tête actuelle semble anormalement petite par rapport au corps. On a parlé d'érosion. Schwaller de Lubicz avait noté un fait remarquable : le Sphinx est le seul monument de l'ancienne Égypte à exhiber une telle érosion et surtout des traces d'érosion pluviale. Étant donné que pour la plus grande partie de son existence le Sphinx est demeuré ensablé jusqu'au cou et que les autres monuments d'Égypte soumis aux mêmes vents du désert ne montrent pratiquement pas de traces d'érosion par le sable, on ne voit vraiment pas comment le vent et le sable pourraient expliquer la profonde érosion du corps du Sphynx.

l. L'ère précessionnique du Lion a couvert la période de -10 800 à-8650.

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Cela a mis la puce à l'oreille d'autres chercheurs : se pourrait-il que le Sphinx ait été sculpté à une période assez ancienne pour avoir été érodé par les pluies plus abondantes des millénaires précédant l'Ancien Empire ? En 1991, une équipe de géologues menée par Robert M. Schoch et L. Dobecki a examiné de près le Sphinx et les parois de la cuve rocheuse autour de lui. L'érosion horizontale sur le corps du Sphinx peut-elle être due au vent et au sable, alors qu'il fut ensablé jusqu'à la tête pendant une large partie de sa vie? Selon Schoch et Dobecki, l'érosion du corps du Sphinx et des parois de la cuve est d'origine principalement pluviale. Notant l'érosion beaucoup plus prononcée sur la paroi sud que sur la paroi ouest de la cuve (celle derrière le Sphinx), ils en ont conclu, hâtivement, que la paroi ouest avait dû être coupée à l'époque du roi Khafre, alors que la paroi sud, beaucoup plus érodée par les eaux de pluie, avait dû être coupée beaucoup plus tôt et le Sphinx aussi. Ils ont lancé la date de -5000 à -7000 au plus tard, dates que l'auteur John West a estimées trop conservatrice, lui-même pensant à une période encore beaucoup plus ancienne. Mais le fait que l'érosion soit plus marquée sur les parois sud et ouest est étrange puisque la pente naturelle du plateau va du nord-ouest au sud-est. C'est Jean-Pierre Houdin qui en a fait la remarque en 2013 et il est étonnant que ni les géologues ni John West n'aient noté ce fait plutôt évident. Houdin explique la forte érosion de la paroi sud par le fait que la chaussée monumentale menant vers la pyramide de Khafre (et donc construite sous la IV dynastie) a formé une sorte de caniveau canalisant une bonne partie des eaux en temps de fortes pluies et que celles-ci se sont répandues dans la fosse du Sphinx par les côtés ouest et sud de la cuve. Sans cette chaussée monumentale, l'érosion aurait été plus marquée des côtés nord et ouest. Houdin en a conclu, peut-être hâtivement lui aussi, que le Sphinx ne peut avoir été construit avant Khoufou (Kheops). Pourtant tout ce qu'on peut conclure de cette observation est que le raisonnement par lequel West arrive à sa conclusion est faux, même celle-ci pourrait quand même être vraie. Il se pourrait et il est logique de penser que les quatre parois ont pu être toutes découpées en même temps et qu'après la

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construction de la chaussée monumentale menant à la pyramide de Khafre la fosse s'est érodée davantage sur sa paroi sud que sur sa paroi nord. Mais cela n'apporte absolument aucun nouvel argument sur la période où fut façonné le Sphinx, car il y a de l'érosion sur toutes les parois de la cuve du Sphinx, y compris la paroi nord, et une érosion très accélérée de la paroi sud se serait fait sentir de la même façon peu importe si le Sphinx fat sculpté en -2550 ou en -10 500. Ce qui vient compliquer davantage la question est le fait qu'on ne sait pas pendant combien de temps le corps du Sphinx a pu être ensablé durant les hypothétiques millénaires entre l'époque de construction et celle de la construction des grandes pyramides. Ce qu'on sait avec certitude, et qui complique aussi les choses, c'est que la plupart de ces égyptologues, géologues, architectes, experts, auteurs et autorités égyptiennes sont eux-mêmes ensablés dans le souverain mépris qu'ils ont les uns envers les autres et qui leur fait passer une partie de leur temps à se défendre et s'invectiver mutuellement. D'autre part, s'il fut sculpté à une période très antérieure à celle de l'Ancien Empire, comment se fait-il qu'on n'ait jamais retrouvé aucun autre monument ni aucune autre trace pouvant remonter à une période aussi reculée ? Une civilisation antérieure aurait laissé le Sphinx et c'est tout ? Rien d'autre de la même époque ni durant les millénaires qui ont suivi? Dans tous les cas, personne n'est en mesure d'expliquer le fait que le Sphinx soit le seul monument parmi des centaines en Égypte à exhiber des traces d'érosion par la pluie. L'érosion de sa cuve rocheuse peut s'expliquer par les eaux de ruissellement canalisées sur certaines parois lors de forts orages occasionnels, mais l'érosion de la pluie elle-même sur le corps du Sphinx ne peut s'expliquer que si celui-ci a été longuement exposé aux éléments avant la période del' Ancien Empire. Mais s'il se pourrait bien que le Sphinx remonte à une période beaucoup plus antérieure à celle de l'Ancien Empire, en revanche on ne dispose encore d'aucune véritable preuve. Il est au moins acquis que le Sphinx a été sculpté à partir d'une excroissance rocheuse juste au nord de la rampe servant

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à acheminer les matériaux de construction de la pyramide de Khoufou. À l'époque, l'accès à la Grande Pyramide, depuis la capitale Memphis, se faisait par le sud-est du plateau de Gizeh, au début de la rampe. Le Sphinx, peu importe l'époque où il fut sculpté, devait donc apparaître comme le gardien des lieux et il est probable, mais non certain, que son visage était celui du roi Khoufou. On peut exclure qu'il ait le visage de Khafre, comme l'ont longtemps prétendu la majorité des égyptologues. Un grand expert scientifique médico-légal de la police de New York, Frank J. Dominigo, a étudié sur place le visage du Sphinx, une statue du roi Khafre et des photos et en a conclu hors de tout doute que le visage du Sphinx et celui du roi Khafre n'étaient absolument pas les mêmes. En utilisant un processus précis de corrélation entre le visage du Sphinx et les statues de Khufu et de Khafre qui se trouvent au musée du Caire, le photographe Titus Plattner est arrivé à la conclusion que le Sphinx représente le visage de Khoufou. Tout indique que les grandes pyramides furent effectivement édifiées durant l'Ancien Empire, sous la IV' dynastie 1• Les trois grandes pyramides du plateau de Gizeh semblent être la suite logique de celles de Dahchour, bâties par le père de Khoufou. Si les fameux « conduits d'aération » de la chambre inférieure et de la chambre haute sont des viseurs d'étoiles, cela corrobore l'époque de la IV' dynastie pour la construction de la Grande Pyramide. Par contre, l'époque que les anciens Égyptiens appelaient Tep Zepi et qui se situerait autour de -10 500 est évoquée non seulement par la disposition des pyramides du plateau de Gizeh et leurs pyramides satellites, mais aussi par une inscription entre les deux pattes du Sphinx : «Voici le lieu splendide du Temps Premier». Le Sphinx regarde vers l'Est, là où le Lion se levait à l'équinoxe printanier en -10 500, à l'ère précessionnique du Lion. Cela viendrait souligner le fait déjà connu que les Égyptiens de l'Ancien Empire avaient une vénération pour le temps de grande pureté l. Entre autres, les ports du Sinaï et d'Égypte comportent de claires indications se référant à Khoufou.

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que représentait pour eux Tep 'Zepi. Mais aussi, la direction où regarde le Sphinx, plein Est, est là où se levait la constellation du Lion au solstice d'été au temps de la construction des pyramides et donc du Sphinx et celui-ci fut appelé, sous l'Ancien Empire, Horakhti: «Rê Horus de l'horizon». Les orientations des « conduits d'aération » ont été mesurées deux fois : la première par Sir Flinders Petrie en 1881, puis, avec une plus grande précision, par l'équipe de Rudolf Gantendbrinck en mars 1993. Le conduit partant de la Chambre haute (dite du Roi) en direction sud pointe précisément à 45° sur la Ceinture d'Orion 1 à son point culminant dans le ciel nocturne de Gizeh en l'an -2475 et le conduit sud de la chambre intermédiaire (dite de la Reine) pointe à 39°36'28", exactement sur le point culminant de Sirius en l'an -2400. Quant au conduit nord de la chambre supérieure, il a un angle de 32°28'00" et vise la région des « Indestructibles », les étoiles toujours visibles autour du Pôle Nord 2 . Cet angle doit nécessairement avoir cette valeur si l'on veut que les ouvertures extérieures des deux conduits de la chambre du Roi soient à la même hauteur et une fois l'angle du conduit sud fixé à 45° (voir la figure 27). Finalement, le conduit nord de la Chambre intermédiaire a un angle de 39°7'28" et vise le centre de la tête de la Petite Ourse, toujours dans le champ des «Indestructibles». Si ces conduits avaient uniquement pour but l'aération des chambres, pourquoi leur avoir donné des orientations aussi précises et aussi significatives pour les Anciens ? Les deux étoiles/constellations les plus significatives dans la tradition égyptienne sont Sirius et Orion, identifiés respectivement à Isis et Osiris. Des dizaines, peut-être des centaines, de passages des Textes des Pyramides y font référence ouvertement. Isis et Osiris sont les principaux protagonistes de la légende qui est l. Plus précisément vers Zeta Orionis, justement l'étoile brillante qui correspond, selon la théorie de la corrélation stellaire de Bauval, à la Grande Pyramide. 2. Rappelons que la Grande Pyramide est située à une latitude nord de 30° (plus précisément 29°58'44"); le conduit vise donc environ 2° plus haut que le Pôle Nord, peu importe l'endroit précis où il se situait à cette époque.

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le fondement même des Mystères égyptiens : c'est de l'union d'Osiris/Orion avec sa sœur Isis/Sirius que naît Horus, dont tous les pharaons sont une incarnation. De toute évidence la Grande Pyramide se réfère à cette union pour faire renaître le Roi.

Ta sœur Isis vient à toi se réjouissant d'amour pour toi. Tu l'as placée sur ton phallus et ta semence se répand en elle qui est prête à la recevoir en tant que Sopd-t et Horus Sopd est sorti de toi sous la forme d'Horus qui est en Sopd-t 1• Textes de Pyramides 632-634

Pour que le pharaon mort renaisse dans les étoiles, sa momie devait d'abord être soumise au rite de « l'ouverture de la bouche ». La momie était placée debout, dans le cas de Khoufou fort probablement dans la chambre de dite de la Reine qui serait mieux appelée Chambre de la Renaissance, et son fils successeur, avec un masque de faucon sur la tête, représentant Horus, lui ouvrait la bouche avec une sorte d'herminette en fer. Or, la Petite Ourse, visée de façon très précise par le conduit nord de la Chambre de la Reine, ressemble à l'herminette utilisée pour le rituel de l'ouverture de la bouche. Or, à l'époque du roi Khoufou, au moment précis où l'extrémité de l'herminette céleste de la Petite Ourse traversait le méridien sur lequel est alignée la Grande Pyramide, une étoile naissait dans le ciel : en effet, l'étoile de Khoufou, Zeta Orionis, dans le baudrier d'Orion, apparaissait à l'horizon! Les anciens Égyptiens n'appelaient-ils pas la Grande Pyramide« l'Horizon de Khoufou » (Akhet Khoufou)? Penser que l'orientation des deux conduits sud sur ces deux points précis du ciel n'était pas délibérée de la part des

1. Spd (on peut prononcer Seped) est le nom égyptien de l'étoile Sirius, que les Grecs appelaient Sothis. Spd-t est le féminin et dénote la constellation dans laquelle se trouve l'étoile Sirius, soit Canis Major (le Chien). Une certaine confusion a pu naître dans certaines traductions des textes lorsqu'on traduisait Spd et Spd-t tous les deux par Sothis ou Sirius.

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concepteurs de la Grande Pyramide est un acte de mauvaise foi de ceux qui se sentent mal à l'aise, voire terrorisés, face à la spiritualité des anciens Égyptiens et cherchent à tout prix des explications rationnelles et matérialistes à des monuments aussi exceptionnels que les grandes pyramides 1• On pourrait avancer que pour un viseur d'étoile le conduit nord de la Chambre de la Reine subit des déviations étranges, déviations qui trouvent leur explication logique dans la présence du couloir reliant les antichambres prédites par Jean-Pierre Houdin à l'entrée véritable de la pyramide (voir la figure 27) ainsi que la présence de la grande galerie 2 , mais cela n'enlève rien au fait que ce conduit vise bien,

1. Par exemple, John Legon a tenté de démontrer qu'on pouvait arriver aux points de sortie et aux pentes des conduits par des moyens purement géométriques, sans se référer à l'astronomie, et que ces pentes sont simples : 1/1 (45°) pour le conduit sud de la Chambre du Roi, 7111 (32°28') pour son conduit nord et 14/17 pour les conduits de la Chambre de la Reine. Mais le processus géométrique par lequel il arrive à ces valeurs sent la solution ad hoc à plein nez : il n'est pas très simple, comporte une bonne dose d'arbitraire et fait intervenir un processus un peu laborieux. Par contre, ce qui n'est ni compliqué ni ad hoc, c'est qu'en -2550 Orion se trouvait précisément à 45• à la latitude exacte de la Grande Pyramide, le centre de la Petite Ourse à 32°28', Sirius à 39°36'28' et l'étoile Polaire de cette époque, Thuban, à 39°7'28". C'est cela qui est remarquable, car il ne s'agit pas de n'importe quelles étoiles : ces étoiles avaient toutes des significations de première importance pour les anciens Égyptiens, ce que n'ont pas les processus géométriques utilisés par Legon pour arriver aux pentes des conduits. En ce qui concerne la Chambre de la Reine, l'an_Ble exact correspondant à une pente de 14/17 est 39°28' 19"; or, les anciens Egyptiens ont montré qu'ils étaient capables de faire la différence, tant dans leurs calculs et leurs mesures que dans leurs constructions, entre cet angle et ceux mesurés par Gantenbrink pour les conduits sud et nord (39°36'28' et 39°7'28") et qui ne correspondent pas exactement à une pente de 14/ 17. Les valeurs ne sont pas très éloignées, certes, mais les anciens Égyptiens nous ont habitués à une plus grande précision non seulement dans la grande Pyramide, mais dans tous leurs monuments. De toute façon, le rapport 14/17 allégué par Legon n'a absolument aucune signification particulière dans le canon égyptien et il était rare que les Égyptiens eussent recourt à des rapports dépourvus de sens dans leurs constructions. 2. S'il n'y avait eu que la grande galerie, il eut été nécessaire de dévoyer le conduit sud de la Chambre intermédiaire que d'une ou deux coudées; mais, d'après Jean-Pierre Houdin, la présence du couloir d'accès aux antichambres du Roi a forcé les constructeurs à imprimer une déviation de 9 coudées.

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au départ et à l'arrivée, Thuban, l'étoile Polaire de cette époque, dans la région des« Indestructibles » 1• La majorité des égyptologues continuent de nier l'importance centrale des alignements stellaires dans la conception des pyramides. Et que dira-t-on de la statue grandeur nature du Roi Djoser qui, dans la chambre secrète (serdab), regarde en plein vers les « Indestructibles » du pôle Nord depuis la pyramide à degrés à Saqqarah ? Étrangement inclinée, elle regarde vers le ciel et deux petits trous sur le mur opposé servent de viseurs vers la Grande Ourse ... Ces deux trous étaient-ils destinés à l'aération de la chambre pour que la statue du Roi n'ait pas trop chaud ? En fait, des mesures précises de l'orientation du regard du Roi vers les Indestructibles ont montré une déclinaison de 4°35' vers l'est du pôle Nord et une élévation de 16° au-dessus de l'horizon. Cela correspond, à l'époque de la dynastie, sous laquelle fut construite la pyramide à degrés de Saqqarah, à l'étoile circumpolaire Alkaid au bout de la constellation de la Grande Ourse. Or, au moment précis où cette étoile transitait dans le regard du Roi, à l'Est se levait Sirius ... Mais alors que de tels événements cosmiques ont lieu au-dessus de leur tête, les rationalistes ont encore le nez dans les conduits de ventilation. Les conduits de la Grande Pyramide visant les étoiles n'étaient pas des instruments scientifiques, mais de puissants symboles se référant à la connaissance des anciens Égyptiens ; la déviation, qui n'affecte que le conduit nord de toute façon, n'empêche pas un symbole de représenter ce qu'il représente. Par contre, si les conduits avaient eu d'abord et avant tout comme raison d'être l'aération des chambres, on pourrait se demander pourquoi les Égyptiens, si brillants et minutieux en tout, auraient construit des conduits de ventilation aussi peu intelligents et qui de surcroît étaient bouchés aux deux extrémités dans le cas du conduit sud de la Chambre de la Reine. Au contraire, de tels bouchons ne

me

l . Les étoiles circumpolaires sont appelées ainsi parce qu'elles ne disparaissent jamais, étant toujours visibles à longueur d'année et à toutes les époques. Les anciens Égyptiens les associaient à ce qui régit l'ordre cosmique, Maât.

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diminuaient en rien la valeur des conduits si ceux-ci étaient destinés à symboliser le lien avec Sirius, de la même manière que les fausses portes des temples mortuaires, qui étaient sculptées dans la pierre et que les vivants ne pouvaient traverser. Il eut été plus simple de donner à tous les conduits la même pente et surtout il eut été plus facile d'orienter le conduit nord de la chambre basse de façon à ce qu'il ne croise pas le corridor menant de l'entrée véritable à la première antichambre. Il eut été plus évident de bâtir des conduits horizontaux ne devant pas traverser toutes les couches de construction de la pyramide. Et pourquoi ne pas avoir placé l'ouverture des conduits de la chambre du Roi près du plafond, endroit logique pour assurer une efficacité maximale de la ventilation? S'il s'agissait bien de ventiler des chambres funéraires, pourquoi les bâtisseurs ont-ils bouché le conduit sud de la Chambre intermédiaire aux deux extrémités? En effet, le petit robot UPUAUT 2 a exploré ce conduit en mars 1993 pour se buter à une porte jamais ouverte depuis 4450 ans 1 . Pourquoi les ouvertures se trouvent-elles exactement à la hauteur du couvercle du sarcophage, si ce n'est pour indiquer que l'âme du Roi s'en est allée, comme le spécifient les textes des pyramides, vers Orion et les Indestructibles ? Finalement, les Égyptiens n'ont jamais installé de conduits de ventilations dans leurs tombes et cela tout au long de leur longue histoire; il serait étonnant qu'ils aient soudain fait une exception pour la Grande Pyramide. Il est donc assez évident que ces conduits n'avaient pas pour but d'aider à la ventilation des chambres et même si cela avait été le cas, il faudrait tout de même admettre que les conduits visent les constellations mentionnées plus haut. Quoi qu'il en soit, on peut conclure avec assez d'assurance que la Grande Pyramide l. En 2002, un nouveau robot a percé un petit trou dans cette porte et a découvert une petite chambre et une autre porte, qui, elle, n'a pas encore été percée. Les spéculations vont bon train depuis ce temps sur ce qu'on pourrait découvrir derrière cette deuxième porte. Une petite porte similaire a aussi été découverte à la même hauteur dans le conduit nord de la Chambre de la Reine (la chambre intermédiaire).

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fut érigée entre -2474 et -2400: on ne voit pas très bien pourquoi des bâtisseurs de l'an -10 500 auraient aligné les conduits sur la position d'Orion et de Sirius 8000 ans plus tard, une époque sans aucune signification particulière pour eux. Avec ces conduits, les maîtres del' Ancien Empire ont effectivement daté la Grande Pyramide et ils ne l'ignoraient certainement pas. D'autre part, une mission franco-égyptienne sous la direction de Pierre Tallet a récemment retrouvé un très ancien port à Ouadi el-Jarf sur la mer Rouge. Outre des vestiges d'une jetée de grande taille, des habitations des ouvriers travaillant sur le site, on y a aussi découvert une trentaine de cavernes dans lesquelles on a retrouvé le cartouche du roi Khoufou (Kheops), ainsi des outils de pierre et des cordages. Mais on y a aussi et surtout découvert 40 papyri datant presque tous de la 27e année du règne du roi Khoufou et dont 10 seraient en excellent état. Ces papyri donnent une idée du fonctionnement de l'administration royale et sur la construction de la Grande Pyramide de Gizeh. Il ne peut donc subsister aucun doute sur le fait que la Grande Pyramide a bel et bien été construite lors du règne de ce puissant roi de la IVe dynastie, soit autour de l'an -2550. Les maîtres d'œuvre de la IV" dynastie ont-ils aussi voulu souligner les « Premiers temps » (Tep 'Zepi), une époque pour laquelle ils avaient une très grande vénération, et marquer l'ère précessionnique du Lion de cette époque? Ont-ils profité d'une excroissance rocheuse pour marquer à la fois le rôle de gardien du roi Khoufou et cette époque reculée des « Premiers Temps », époque vers laquelle les trois grandes pyramides pourraient aussi faire signe, comme nous l'avons dit plus haut, en se référant à Orion? Pourquoi Orion ? La réponse se trouve dans les Textes des Pyramides, qui constituent, avec les hymnes védiques en Inde, les plus vieux textes spirituels du monde 1• De toute évidence, ces 1. Ce sont des textes d'une très grande importance retrouvés sur les parois des chambres des pyramides des VC et VI• dynasties. On a accordé beaucoup d'attention à des textes bien moins importants et beaucoup moins anciens,

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textes reprenaient des textes encore plus anciens. L'âme du Roi mort y est continuellement identifiée à Osiris-Orion et devient une étoile dans la constellation d'Orion. Pas besoin des interprétations des érudits et de leurs querelles de coqs pour comprendre le symbolisme : les Textes des Pyramides sont tout à fait clairs là-dessus et parlent d'eux-mêmes. L'âme du Roi renaît dans la Douat, le domaine céleste. Les Égyptiens étaient prêts à consacrer la plus grande partie des ressources de l'Ancien Empire pour célébrer de façon monumentale l'immortalité de l'Homme Royal, l'Homme cosmique. Ils ont été constants en cela sur une période de plusieurs milliers d'années. De là viendrait que les grandes pyramides se référeraient à certaines étoiles et constellations. Ils ont aussi voulu souligner que toute vie procède d'en haut, d'où la vénération pour Sirius (Sothis pour les Grecs), qui était considérée comme pourvoyeuse, car son lever héliaque coïncidait avec le début de l'inondation du Nil. Sirius, identifiée à Isis, se lève toujours immédiatement après la constellation d'Orion. Les étoiles d'Orion-Osiris et Sirius-Isis se retrouvent partout dans les Textes des Pyramides et il n'est donc pas étonnant qu'elles fassent aussi l'objet d'allusions géométriques de la Grande Pyramide. Il n'est pas nécessaire de rêver à des bâtisseurs non égyptiens, extraterrestres ou non. La réalité est à la fois beaucoup plus simple, plus jolie et plus profonde. Les monuments de Gizeh tels que nous les connaissons ont bel et bien été construits par les Égyptiens de la IV' dynastie à l'époque del' Ancien Empire, autour de l'an -2550, et ils avaient les moyens de le faire. Ils auraient tout simplement exprimé géométriquement une connaissance très ancienne, tout comme les cathédrales chrétiennes ont célébré, au moment de leur construction, une spiritualité déjà vieille de plus de mille ans. Non seulement ils ont exprimé géométriquement certains aspects de la Connaissance, mais ils ont voulu reproduire sur terre l'harmonie du ciel et il semble qu'ils ne se soient pas limités au plateau de Gizeh. comme les manuscrits de la mer Morte, par exemple, surtout à cause de l'influence prépondérante du judéo-christianisme en Occident.

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Combien d'égyptologues se sont demandé pourquoi les pyramides ont été réparties, d'un pharaon à l'autre, de manière si étrange, si irrégulière et sur des sites souvent si éloignés les uns des autres ? Ce ne saurait être pour des raisons géologiques et encore moins économiques, car relativement à ces aspects techniques tous les sites de la région de l'ancienne capitale Memphis s'équivalent plus ou moins. D'après Bauval, non seulement les monuments de Gizeh sont en corrélation directe avec la constellation d'Orion et Sirius, mais toute la région, comprenant Héliopolis (lounou), l'antique observatoire de Létopolis (aujourd'hui Ausim), Abu Roash, Gizeh, Abusir et Dahchour, avec le Nil entre les deux, serait la réplique exacte du ciel au « Temps Premier » (le Tep 'Zepi dont parlent les Textes des Pyramides) : le temple du soleil d'Héliopolis, sur la rive orientale du Nil, représenterait le soleil se levant dans la constellation du Lion et le Nil lui-même représenterait la Voie lactée, tels que vus par les prêtres-astronomes depuis l'antique observatoire de Létopolis, d'où le grec Eudoxe avait aussi fait ses observations du mouvement des étoiles vers -370. Nous avons déjà évoqué la corrélation entre la disposition des trois grandes pyramides de Gizeh et celle des trois étoiles du Baudrier d'Orion. Les deux grandes pyramides de Snefrou à Dahchour représenteraient alors les deux grosses étoiles de la constellation d'Hyades. Les mat"tres d'œuvre de la l\lt dynastie ont-ils voulu souligner une sorte de renouveau cosmique en évoquant les « Premiers Temps » ? En tout cas, l'idée est séduisante et en harmonie avec la façon de penser des anciens Égyptiens 1• 1. On ne peut que déplorer que Bauval ait, un peu plus loin dans son livre Le Code mystérieux des pyramides, miné sa propre crédibilité par un tissu de

spéculations inutiles largement fondées sur une grossière confusion entre le cycle de coïncidence de 1460 ans entre l'année siriaque et l'année vague et celui de 1508 ans entre l'année tropique (associée au solstice d'été, entre autres) et l'année vague (associé au Nouvel An des anciens Égyptiens). Donnant libre cours à une imagination débridée, Bauval voit dans le pharaon Akhenaton une sorte de messie ayant pour mission de restaurer la religion égyptienne véritable et n'a pu s'empêcher de tomber dans le marécage judéo-chrétien selon lequel ce pharaon fanatique aurait été le précurseur du « monothéisme » face au

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Quoi qu'il en soit, les Anciens croyaient beaucoup à l'éternel retour et c'est pourquoi ils insistaient tant sur le cycle précessionnique et sur le cycle sothiaque. Selon la légende, la pierre Benben était le feu tombé du ciel et elle était conservée à Héliopolis par les prêtres. Plus tard, elle fut représentée par le pyramidion au sommet des obélisques et des pyramides, pyramides qui représentaient donc ce Feu tombé du Ciel en terre. Or, le mot égyptien ben signifiait semence ; plus tard, en hébreu et en arabe, il en viendra à signifier « fils ». On associait aussi la pierre Benben au Phœnix venu pondre l' œuf originel. Ce symbolisme prit sans doute naissance d'un météorite en flammes tombé du ciel dans cette région. La pyramide porte donc ce symbolisme du Feu du Ciel descendu sur terre. Tout cela est en parfaite harmonie avec la manière d'être des Égyptiens durant les millénaires qui ont suivi et constitue un sérieux indice qu'il n'est pas besoin d'entrer dans l'imaginaire débridé qui veut voir à tout prix l'intervention d'une civilisation d'extraterrestres qui nous auraient laissé la Grande Pyramide, le Sphinx et d'autres monuments du genre sur la planète pour intervenir d'une quelconque façon dans le destin de l'humanité. Ce délire serait simplement amusant s'il n'exerçait pas une influence pernicieuse sur les plus faibles en les faisant rêver et dormir davantage. Les références à une civilisation venue d'ailleurs sont le deus ex machina moderne d'esprits matérialistes qui voient encore dans l'homme un amas de cellules et croient que la conscience est le produit de l'activité de ses neurones. Les hommes prêtent plus facilement l'oreille à de telles fadaises quand ils ne pressentent pas l'Homme Cosmique en eux-mêmes et au cœur du destin de l'humanité. En ce sens, l'obsession ufologique contribue à replier les hommes sur la pauvre et désespérante image qu'ils ont d'eux-mêmes. La réalité, cette vérité qu'ont voulu célébrer les maîtres de l'Égypte ancienne, est « polythéisme » de la tradition égyptienne. Le simple fait de parler ici de monothéisme et de polythéisme est un signe de profonde ignorance de la spiritualité de l'Égypte antique.

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infiniment plus belle, simple et subtile que tout ce que peut imaginer le cerveau linéaire et carré des matérialistes modernes. Depuis leur création, il y a près de 5000 ans, les pyramides ont captivé l'attention et stimulé l'imagination des êtres humains. Aujourd'hui, elles soulèvent plus d'intérêt que jamais : on ne compte plus les livres et les articles de toutes sortes et dans toutes les langues sur ce sujet. Il faut donc reconnaître que les concepteurs des pyramides ont bien réussi leur coup : attirer l'attention et la curiosité. S'il s'était agi de construire de simples tombes royales, à la rigueur un trou royal aurait fait l'affaire. Avant les pyramides, on plaçait la momie du roi défunt dans un simple mastaba. Plus tard, on l'a mise sous terre, dans la Vallée des Rois, à l'abri des regards. Alors, pourquoi à partir de la fin de la me dynastie, particulièrement durant la IV et jusqu'à la fin de la VIe a-t-on érigé ces fabuleux monuments si visibles de loin et ayant nécessité tant d'attention, tant d'expertise et de ressources et tant de ferveur de la part de tant d'hommes? La réponse crève les yeux: parce qu'on a voulu attirer l'attention. Mais sur quoi? La réponse à cette question crève aussi les yeux : sur la grande affaire à la base de toute la civilisation de l'ancienne Égypte: l'immortalité. Tous les êtres humains, peu importe leurs occupations et préoccupations durant leur vie, se retrouvent tôt ou tard devant la question de la mort. Face à elle, beaucoup tentent de l'ignorer ou de l'exorciser : c'est ce que la plupart d'entre nous font pendant la plus grande partie de notre vie, particulièrement dans nos années de grande activité et de productivité. Mais la question demeure ... Il y a aussi ceux qui s'interrogent sérieusement, peu importe leur âge. Il y a finalement ceux qui ont été foudroyés par la Vérité et pour qui la question de la mort ne se pose absolument plus. C'est de ceux-là dont nous allons parler un peu plus maintenant. Ce sont ceux-là qui sont à l'origine des pyramides. Ce sont eux qui ont posé les fondements et défini le fonctionnement de l'antique civilisation du Nil. Ce sont eux qui ont tâché de maintenir vivante la grande Tradition pendant des millénaires, cette Tradition sans laquelle aucune civilisation ne peut espérer vivre en harmonie.

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Les initiés de l'ancienne Égypte ont à la fois man ifesté la Connaissance aux yeux de tous et mise à l'abri du vulgaire. Aux yeux de tous, ils ont forcé la stupeur et porté l'homme à se poser des questions plus fondamentales que ses préoccupations mondaines du matin jusqu'au soir. À ceux qui cherchent sincèrement et résolument réponse à ces questions, ils ont offert, tels ces conduits de la Grande Pyramide visant les étoiles, une visée vers l 'Inconcevable, sous la forme des Mystères et de l'initiation. Il y a d'abord la révélation osirienne, celle de la manifestation, de l'éternel retour de tout, celles de la croissance et des cycles terrestres, de la réincarnation. C'est à cette révélation que se rapportent l'intérêt pour Sirius, Orion et les constellations, l'effort colossal pour reproduire sur terre ce qui est dans le ciel, la précision concernant le calendrier et l'importance démesurée accordée aux rites funéraires. Mais il y a aussi la révélation horienne, sans bornes, impensable, hors de tout. Parler de libération serait l'entrevoir du point de vue restreint de celui qui se croit encore quelqu'un. C'est à cette inconcevable révélation que s'est référé le Maître de Galilée à l'aube de l'ère des Poissons, qui devait marquer la fin du cycle de la civilisation de l'Égypte antique.

CONNAISSANCE, MYSTÈRES ET INITIATION

Je connais ce que connaît la connaissance intuitive, Ce à quoi est initié le plus grand des voyants. Qu'un chemin me soit ouvert, Car je suis le maître du souffle. Textes des Sarcophages, 236 Celui qui connaît cela, il se transformera en faucon, fils de la Lumière divine. Celui qui connaît cela sur terre ne mourra pas, il connaîtra l'éternité. Textes des Sarcophages, 339 Je suis tout ce qui a été, tout ce qui est, tout ce qui sera et nul mortel n'a encore soulevé mon voile. Inscription sur le fronton du temple d'Isis à Saïs

Le temple égyptien était, entre autres choses, une expression géométrique de la Connaissance. Sur le plan de l'activité quotidienne, il était aussi l'endroit où le culte était rendu aux Neter et d'où ceux-ci étaient censés irradier leurs bienfaits. Nous savons aussi qu'il était un rouage très important de l'économie. Mais il servait aussi de lieu d'instruction et d'initiation, et c'est aussi

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dans le temple qu'étaient préservés les textes sacrés des Anciens. La Connaissance, c'est-à-dire la vérité au-delà de ce que nous appelons la vie et la mort, y était transmise dans le secret, d'une personne à une autre et uniquement à ceux jugés dignes de la recevoir. Sans les Mystères et l'initiation, il n'y aurait tout simplement pas eu l'Égypte ancienne que nous connaissons: il n'y aurait pas eu les pyramides, le Sphinx, le temple de Louxor, les temples de Karnak et tous les signes extérieurs de cette tradition spirituelle. La Connaissance s'est révélée dans toutes les contrées et à toutes les époques, certes, mais en ce qui concerne la civilisation égyptienne, elle en a constitué le cœur secret mais puissant, l'assise à partir de laquelle elle a pu si durablement rayonner. Nous parlons ici de la connaissance initiatique, celle qui est fondée sur le pressentiment le plus profond, au-delà même de la dualité exister ou ne pas exister. Ce pressentiment est non duel, irrationnel, impersonnel et universel. Non duel parce qu'il n'y a qu'une seule Réalité. Irrationnel parce que les raisonnements, démonstrations, argumentations et opinions ne peuvent que s'appuyer sur l'apparence de la multiplicité alors que la Réalité est non duelle : elle n'est« prouvée» par rien, elle ne repose sur rien d'autre qu'Elle-même. Le plus ne saurait être démontré par le moins. Impersonnel parce que la notion de personne, bien qu'essentielle pour le fonctionnement quotidien dans l'espace-temps, constitue un voile jeté sur la vérité : il n'y a pas vraiment de choses ni de personnes dans l'univers. Universel parce qu'aucune facette de l'existence n'est séparée de cette unique Réalité : quel élément du rêve pourrait être séparé ou différent de la conscience du rêveur ? Les Anciens ne concevaient pas, comme nous le faisons depuis des siècles, de cloisons étanches entre les divers modes d'exploration de la vie. L'Égypte ancienne est toujours demeurée fidèle à la Connaissance comme base absolue de toute exploration de l'existence. Les Grecs de la décadence, eux, à partir du milieu du VC siècle avant notre ère, se sont complus à raisonner plutôt qu'à expérimenter et résonner : ils ont cherché des explications

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rationnelles au Mystère. Tout ce que nous pouvons concevoir demeure sur le plan du rationnel, où tout se présente à nous sous forme de concept de quelque chose qui peut être ou ne pas être. Or, la Réalité n'est pas quelque chose qui peut être ou ne pas être. Cela, notre cerveau rationnel ne pourra jamais le saisir. Les constructions philosophiques des Grecs et donc de l'Occident après lui ne furent et ne sont encore rien d'autre qu'une futile tentative d'apporter une imaginaire et inutile base rationnelle à ce qui est irrationnel. La base philosophique sur laquelle s'est édifié l'Occident est irréelle et nous en voyons aujourd'hui l'aboutissement caricatural et tragique : l'homme moderne vit de manière fausse, virtuelle : sa civilisation repose sur un énorme mensonge. L'homme moderne plus que jamais auparavant se ment à lui-même, il se raconte des histoires, il se gargarise avec son histoire. Les anciens Égyptiens savaient que la réalité absolue de l'Univers est indémontrable, mais les Grecs ont voulu tout expliquer à partir du paraître, c'est-à-dire du monde soi-disant physique. Tel fut le début du grand désordre intellectuel dont l'Occident a hérité et dans lequel il a maintenant entraîné la terre entière. Tous les autres désordres - moral, politique, économique, de santé, etc. ont inéluctablement suivi. Ce ne fut, bien sûr, pas un complot ; tout se fit graduellement et presque imperceptiblement, du seul fait de la nature humaine. Mais aussi tout cela fait partie du Grand Jeu, celui de l'unique Réalité. L'Univers est pure Lumière consciente et rien d'autre. L'homme est pure Lumière consciente et rien d'autre. C'est cela l'Homme cosmique qu'exprime géométriquement le temple de Louxor. Toute tradition initiatique est tournée vers l'ultime reconnaissance de cette réalité que les anciens Égyptiens ont appelée Rê. La tradition égyptienne, comme toutes les traditions authentiques, s'est toujours exprimée de manière vivante, « géométrique », sans se figer dans une quelconque forme ou expression arrêtée. Leur science du Nombre et des nombres est cohérente avec cela. Quand les formes et les expressions arrêtées prédominent, c'est la décadence : prévalent alors les religions,

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qui tournent inévitablement à la dictature de croyances imbéciles sous l'égide d'aveugles. La Connaissance ne peut se dévoiler que sous forme d'initiation, de révélation. On ne peut se diriger délibérément vers elle ; simplement, on se retrouve soudain saisi par elle. Elle ne se révèle pas dans un cimetière de mots, aussi fleuris puissent-ils être, mais dans un geste vivant. L'analyse tue ce qui est vivant. Le geste vivant ultime est celui par lequel l'être humain prend conscience de sa réalité, de la Réalité. Sortir au Jour

La vie en Égypte était tout entière axée sur le sacré, véritable sève qui en nourrissait quotidiennement les branches et les feuilles ; mais c'est une élite de sages - des initiés - qui en perpétuait la tradition. Les livres et les documentaires populaires parlent presque tous de la « quête d'immortalité » des anciens Égyptiens, laissant généralement entendre que c'est en se faisant embaumer et en se faisant mettre en terre avec une copie du « Livre des Morts » ou dans une pyramide visant certaines étoiles, en observant certains rites ou en s'attachant à des éléments superficiels que ceux-ci espéraient« atteindre» l'immortalité. Il s'est écrit et dit une impressionnante quantité d'âneries sur ce « Livre des Morts »,la plupart de temps de la part d'universitaires ignorant ce que sont vraiment l'immortalité et l'initiation, confondant spiritualité et religion, et envisageant la spiritualité des anciens Égyptiens à travers les verres sombres et déformants du bêtisier judéo-chrétien. La religion jouait un très grand rôle dans la société égyptienne, bien sOr, mais, comme toutes les religions passées et présentes, cette religion était la surface visible pour tous d'un courant spirituel puissant qui ne se dévoilait qu'à ceux qui en étaient dignes et capables de se laisser saisir par lui. La plupart des universitaires envisagent encore la religion égyptienne sous l'angle sociologique et politique, tout simplement parce qu'ils sont dans l'ignorance des véritables courants spirituels derrière toutes les religions extérieures passées ou présentes. Par exemple, le foisonnement des églises ou sectes

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chrétiennes de tous acabits dans les derniers 2000 ans a complètement fait perdre de vue le fort courant spirituel qu'incarna le Maître de Galilée. Ce sont les Mystères et l'initiation qui étaient au cœur de l'Égypte ancienne. Mais en quoi consistaient-ils? Cela ne peut se savoir si on n'a pas d'abord été ébranlé de l'intérieur. L'initiation est cet ébranlement. Ce qu'on peut lire ou entendre au sujet de l'initiation ou de la révélation n'est que verbiage tant qu'on n'a pas été touché. Ce serait comme parler de la musique à un sourd de naissance. Mais celui qui n'a pas encore été découragé par ce qu'il a lu dans cet ouvrage ne peut qu'avoir été touché auparavant dans sa vie. En ce qui concerne l'Égypte ancienne, il nous reste une source importante pour nous guider : le Livre des Morts, dont le véritable titre est Livre pour sortir à la Lumière. La Lumière ou « le Jour » est ici le principe lumineux s'opposant aux ténèbres, à l'oubli, à l'anéantissement et à la mort. On pourrait aussi que c'est un guide pour sortir de l'ignorance. Ce recueil est en effet un véritable livre d'initiation destiné aux vivants et non aux morts. Nous disposons aussi de nombreux éléments et éclaircissements venus des auteurs grecs qui ont voyagé en Égypte, même si leurs informations demeurent très lacunaires. Il est vrai que les Grecs ont commencé à s'intéresser à l'Égypte durant sa longue descente dans une décadence de plus en plus marquée, à l'époque où des rois étrangers en avaient ouvert les frontières. Mais les Mystères et les initiations avaient toujours cours. Les temples continuaient de fonctionner, bien que ce fut la religion de surface qui donnait de plus en plus le ton. Comme toujours, la décadence d'une grande partie de l'élite spirituelle présageait celle de toute la société et cela ne manqua pas d'arriver. Mais il subsista néanmoins pendant longtemps des éléments de la tradition spirituelle profonde, même si ses représentants se firent de plus en plus rares. Ce qui a surtout limité ce que les Grecs ont pu nous transmettre, c'est que les prêtres égyptiens étaient très peu portés au prosélytisme, cette maladie qui est toujours un symptôme

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d'indigence spirituelle. Ils avaient tendance à se méfier des Grecs et demeuraient le plus souvent laconiques dans leurs explications, du moins au début. Les prêtres égyptiens ne parlaient pas de la Connaissance aux étrangers, ni même aux Égyptiens qui n'avaient pas été jugés dignes de recevoir l'enseignement et l'initiation. Ce n'est d'ailleurs que lorsque des souverains étrangers régnèrent sur une Égypte politiquement et militairement affaiblie, à partir du vme siècle et surtout du vie siècle, que les étrangers furent davantage admis sur le territoire et purent s'aventurer autour des temples. À la longue, les initiés égyptiens se laissèrent aller à parler à quelques Grecs respectueux et persistants. Cela a pu leur ouvrir de vastes horizons, mais l'initiation conférée à un étranger était-elle complète ? Il nous faut leur rendre grâce d'avoir écrit, de retour chez eux, car nous en savons un peu plus grâce à ces Grecs. Mais à partir de leurs propres intuitions, stimulées par les éléments glanés en Égypte par leurs prédécesseurs, ils se sont plus tard surtout mis à penser. Peu à peu les explications rationnelles ont pris le dessus sur tout le reste ; malgré d'occasionnels mais fugaces retours très ponctuels, le sacré fut de plus en plus submergé par le profane. Strabon nous dit des prêtres égyptiens, qui étaient« supérieurs en science céleste », qu'ils étaient « mystérieux et peu communicatifs ; ils se laissent décider, à la longue et à force d'attention et de prières, à révéler quelques-uns de leurs préceptes; mais néanmoins ils en cachaient la plus grande partie. » Platon raconte un échange entre Solon et les prêtres égyptiens: Un autre jour, voulant engager les prêtres [égyptiens] à parler de l'antiquité, il se mit à leur raconter ce que l'on sait chez nous de plus ancien. ( ...)Alors un des prêtres, qui était très vieux, lui dit : «Ah ! Solon, Solon, vous autres Grecs, vous êtes toujours des enfants, et il n'y a point de vieillard en Grèce.»

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À ces mots, Solon demanda:« Que veux-tu dire par là? - Vous êtes tous jeunes d'esprit, répondit le prêtre ; car vous ne portez dans l'âme aucune tradition ancienne, aucune doctrine antique ni aucune science blanchie par le temps. Platon, Timée 22

Quand on sait le secret qui entourait les initiations dans les temples égyptiens, on comprend pourquoi Pythagore mit une douzaine d'années simplement pour être admis dans un temple. Les prophètes de l'Égypte sont reconnus être remplis d'énigmes et de paroles peu claires, obscures à plusieurs. Origène : Contre Celse 1, 12, 330 Il convient de distinguer Mystères et Initiation.« Mystères», un mot égyptien repris par les Grecs, aurait eu le sens original de «voir ce qui est caché, voir le mystérieux». C'est Hérodote qui le premier employa le mot« Mystères». Les Égyptiens eux-mêmes ne semblent pas avoir eu de mot aussi précis pour désigner les cérémonies que nous appelons ainsi. A. Moret estimait que le mot égyptien le plus proche était yahou : « les choses sacrées ». Ceux qui connaissaient le Livre sacré de l'art de l'officiant, remontant au début del' Ancien Empire, s'appelaient« Chefs du Secret» ou «Chefs des Mystères». Mais les Mystères, tout comme les initiations, remontent probablement à la période prédynastique. Les Mystères consistaient en représentations théâtrales faisant signe vers le monde ignoré de la plupart des mortels : les dieux, l'âme et sa destinée, l'origine de l'homme, tant sur terre que dans l'au-delà. L'action scénique des Mystères était faite de paroles, de gestes et de mouvements au sens énigmatique. Ce sont les prêtres qui jouaient sur scène ce drame sacré, dont une version incomplète était, en certaines occasions, présentée devant le public; mais le sens ésotérique des Mystères n'était livré que lors de l'initiation et jamais ailleurs que dans la partie plus secrète du temple et uniquement devant un public d'initiés. Le drame sacré

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représenté lors des My stères se réfère à la légende d'Osiris, c'està-dire au secret de la vie et de la mort : l'acteur principal en est l'âme, identifiée à Osiris. Au sein de la plupart des traditions spirituelles de l'humanité on trouve deux courants, qu'on peut appeler solaire et lunaire. Le premier se réfère à la spiritualité parfois qualifiée d'hyperboréenne, dans laquelle domine l'homme engendré de lui-même: la conception spirituelle de l'homme sans la femme maternelle, la création adamique. Les inscriptions égyptiennes l'appellent souvent« Taureau de sa mère», ce qui signifie la conception spirituelle, de soi-même. Rê, autosuffisant, est le symbole suprême de ce courant, cette manière de concevoir la genèse cosmogonique. C'est aussi ce que symbolise Amon-Min dans sa représentation ithyphallique omniprésente sur les murs des temples. C'est l'Homme Cosmique, l'Homme Royal, celui qui servit de modèle à la construction du temple de Louxor. Le deuxième courant se réfère à la civilisation de la Mère. Isis, la femme initiatrice, redonne vie à Osiris et engendre Horus, l'Homme Nouveau. Les deux courants ne sont pas contradictoires, mais la prépondérance du deuxième dans les derniers siècles s'accompagna d'une sorte de relâchement par rapport à la spiritualité verticale et sans compromis des millénaires précédents. Rappelons qu'Osiris est d'abord et avant tout un dieu solaire, étant fils de Rê par l'intermédiaire de Geb et Nout. Le rôle de plus en plus prépondérant que joua Isis, tant dans la légende que dans le culte, mit davantage en relief l'aspect lunaire d'Osiris, dont l'aspect chtonien ressort surtout à l'occasion de son voyage dans l'au-delà. L'aspect solaire de l'âme est établi dans les Mystères, du fait de son identification à Osiris. Le concept d'un Osiris de nature fondamentalement chtonienne est caractéristique de la période de décadence des tout derniers siècles. Il devait plus tard s'amalgamer au pathos du prophétisme juif pour donner naissance au malheureux fantasme cultivé par les diverses sectes chrétiennes encore actives aujourd'hui : le Messie, Christ souffrant pour racheter les « péchés » de tous les hommes, qui n'ont plus qu'à croire passivement pour être sauvés. On y retrouve le

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bêtisier fondamental du système de croyances judéo-chrétien selon lequel l'homme serait une créature séparée du Dieu 1 • Aux cérémonies scéniques parfois très complexes interprétées par des prêtres et des prêtresses, s'ajoutaient des paroles, des gestes, des processions, des exhibitions de tableaux et des explications orales. On pouvait aussi étudier des inscriptions, des mythes, des symboles et certains livres cachés. Au départ, l' enseignement était toujours symbolique et les Mystères constituaient une préparation aux initiations. Cet enseignement symbolique avait pour vertu de mettre l'aspirant à contribution, car, répétons-le, l'initiation n'était pas une transmission reçue passivement. Il suscitait le sentiment du mystérieux et du sacré, le nécessaire élan pour entreprendre toute investigation essentielle. Une fois la direction suggérée par le symbolisme et peut-être après avoir reçu certaines instructions, l'aspirant devait examiner tout cela en lui-même, le faire sien, acquérir une conviction absolue. Car seule cette conviction absolue est de nature à libérer l'être humain de toute forme de croyance, de doutes et d'inquiétudes. Le véritable Isiaque est celui qui après avoir reçu, par la voie légale de la tradition, tout ce qui s 'enseigne et se pratique à l'égard de ces divinités, soumet les saintes doctrines à l'examen

de sa raison et étudie pour en approfondir la vérité. Plutarque : Sur Isis et Osiris 3

Il ne s'agissait pas tant, comme le suggèrent les mots de cet auteur grec très tardif que fut Plutarque, de soumettre l'intuition profonde de la Vie à la « raison » comme d'aller vérifier directement en soi et de l'intégrer. Les Mystères n'étaient pas fondés sur la raison, mais ils n'y étaient certes pas opposés non plus; la raison n'était donc pas hors jeu non plus dans cet examen.

1. Nous ne nions pas ici l'existence, peut-être de plus en plus essoufflée, mais quand même, de courants authentiquement spirituels dissimulés sous le paraître des trois grandes religions occidentales : la kabbale hébraïque, l 'ésotérisme chrétien et le soufisme.

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Bien sûr, le recours aux symboles permettait aussi de voiler la Connaissance aux yeux des imbéciles et des gens peu sensibles, qui n'y virent toujours que de sympathiques légendes et croyances. Notre époque, où n'importe quel ignorant écrit n'importe quoi sur du papier ou sur les réseaux sociaux informatisés et régurgite ses opinions et conditionnements en les prenant pour la Vérité, semble donner raison aux sages de l'ancienne Égypte d'avoir entouré la Connaissance d'un voile de mystère. Héliodore nous dit: «Les Égyptiens, possédant la science de la nature et des dieux, ne dévoilent pas aux profanes les sens cachés de ces symboles ; ils leur en donnent les éléments sous forme de mythes ; mais à ceux qui sont parvenus à un plus haut degré de connaissances et qui ont pénétré dans le sanctuaire 1, ils donnent une initiation complète et plus claire, à la lumière flamboyante de la vérité 2. » C'était l'initiation - on devrait plutôt dire les initiations - qui éclairaient la connaissance des Mystères et soulignaient les transformations chez l'adepte. La célébration des Mystères, destinée à un public plus large, a toujours contribué à consolider le tissu social égyptien, en rappelant à chacun le sens de la vie terrestre et en soulignant la valeur de chaque vie. La révélation osirienne, à laquelle se réfèrent les Mystères, enseignait à l'homme la loi de la rétribution de ses actes et de la réincarnation. Mais la révélation d'Horus, reçue en initiation et réservée à une petite élite spirituelle, lui révélait qu'il était finalement libre de tout cela, la vraie nature de l'adepte étant pure Lumière consciente.

Livre donnant la perfection au défunt au sein de Rê3 , lui donnant la prééminence auprès d'Atoum 4 , le faisant grand auprès d'Osiris, fort auprès du résident de l'Amenti, le 1. Il faut entendre par là non seulement le sanctuaire de pierre du temple égyptien, mais aussi et surtout le sanctuaire du cœur. 2. Héliodore, Théagène et Chariclée (ou Les Éthiopiques) 9, 9. 3. Rê est la pure Lumière consciente. 4. Atoum représente la Lumière consciente en tant que puissance créatrice de tout.

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rendant redoutable auprès des Neter. C'est le mystère du Tiaou, l'introduction des mystères d'Aker, l'enlèvement des souillures, l'entrée dans la Vallée mystérieuse dont on ne connaît pas l'entrée. Cela donne la verdeur au cœur du défu.nt, allonge sa marche, le fait avancer et lui fait forcer l'entrée de la Vallée pour y pénétrer avec le Dieu.( ...) Tout défu.nt pour qui aura été fait ce livre, son âme sortira le jour avec les vivants, par lui, et prévaudra parmi les Neter. Il ne lui sera fait d'opposition par personne, en vérité. Les Neter l'approcheront et le toucheront, car il sera comme l'un d'entre eux. Ce livre fera connaître ce qui est arrivé au commencement. Ce livre mystérieux, nul autre ne l'a connu, nulle part, jamais. Aucun homme ne l'a déclamé, aucun œil ne l'a interprété, aucune oreille ne l'a entendu. Qu'il ne soit vu que par toi et celui qui te l'a enseigné. N'en fais pas de nombreux commentaires fournis par ton imagination et ta mémoire. ( ...) C'est un véritable mystère que ne connaît aucun homme vulgaire, nulle part. Livre pour sortir à la Lumière (Livre des Morts) 147-48

La révélation osirienne était celle de la réincarnation et des conséquences karmiques, formant une roue d'épuisement allant vers la libération. Ceci était la loi pour tous. La« punition» est la réincarnation, mais celle-ci est aussi une sorte de miséricorde divine qui permet de se racheter. Or, le principe de la réincarnation est une réalité démontrée par le fait de l'évolution qu'impose l'observation de la Nature. Ceci est une vraie justice, sans cruauté, sans menace, une justice que chacun acceptait. Quant à la révélation horienne, elle est en dehors de toute catégorie: l'homme ne se sent tout simplement plus concerné par la naissance, la vie, la mort, la réincarnation, le karma, la loi, les désirs, les calculs, les regrets, le pardon, les peurs, rien. Elle est sans pareil ni contraire, au-delà même de l'existence et de la non-existence. C'est aussi la forme collective d'un gouvernement religieux, comme, à l'opposé, le principe de la rédemption (qui est personnelle) représente la forme individuelle de la directive

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religieuse. Ce sont les collectivités et les peuples gouvernés par la foi en la réincarnation qui ont duré le plus longtemps, ce que nous prouve l 'Histoire. Or, l'Égypte pha.raonique maintient le culte osirien - celui du renouvellement et de la réincarnation - pour le peuple, mais elle enseigne, pour l'élite du temple, le principe horien, /'Horus rédempteur. Dans le sens mystique, l'élite est précisément constituée par ceux dont tout l'effort tend vers la libération des incarnations, c'est-à-dire vers une fin évolutive dans le corporel. Le Verbe divin est dès /'Origine, comme l'affirme d'une façon précise l'évangéliste Saint-Jean. En se «faisant cha.ir », il manifeste l'Univers, l'Homme Cosmique (le Puru$a des Upanishads). Il est à l'origine des choses et porte en soi la rédemption, puisque la Cause séparatrice, divisante, porte nécessairement aussi en elle le principe réuni.fiant' . René A. Schwaller de Lubicz: Le Temple de l'Homme

Les initiations étaient connues dès la première dynastie et les lignées initiatiques se sont perpétuées de façon ininterrompue pendant des milliers d'années. Plusieurs passages des Textes des pyramides sont de toute évidence initiatiques. Gaston Maspero, le découvreur de ces textes, estimait qu'ils avaient été rédigés bien avant Ménès ; il leur donnait, selon un estimé conservateur une date de composition de -3200 au moins. Mayassis affirme : « Conservé par la tradition orale, ce livre était donc connu bien avant la première dynastie. » La genèse de la légende osirienne, au cœur des Mystères, remonte fort probablement bien avant ce qu'on appelle la période dynastique. On peut seulement regretter que Maspero soit complètement passé à côté des éléments astronomiques de première importance et du contenu ésotérique des Textes des Pyramides. On peut aussi noter avec amusement combien l' Américain Breasted, qui donna le ton si longtemps à l'archéologie aux États-Unis, fut obsédé par ses concepts judéo1. René A. Schwaller de Lubicz, Le Temple de l'Homme, Tome 1, pages 25-26, Dervy, Paris, 2004.

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chrétiens, au point de ne voir dans les Textes des Pyramides qu'un charabia de croyances « polythéistes » païennes et de superstitions, allant même jusqu'à nier aux anciens Égyptiens toute spiritualité véritable avant le pharaon hérétique Akhenaton en qui il voyait une sorte précurseur du « monothéisme ». La Connaissance, redisons-le, se transmit dans les temples égyptiens toujours sous le sceau du secret. C'était une question de respect envers le sacré : ne pas jeter les perles aux pourceaux, comme cela fut formulé il y a 2000 ans par le maître de Galilée. Les prêtres initiés craignaient en outre que le vulgaire ne fasse mauvais emploi de ce qu'il aurait pu apprendre sans être vraiment transformé, c'est-à-dire en conservant un fonctionnement personnel. Or, depuis qu'un certain savoir s'est plus ou moins démocratisé, les craintes des Anciens se sont avérées. La vulgarité du commerce « spirituel » moderne, l'autojustification de nombreux faux gourous au comportement déviant, la saturation du marché « spirituel » par une pléthore de nouveaux « éveillés » autoproclamés, dont plusieurs sont devenus millionnaires en étant assez habiles pour savoir ce qu'il faut dire pour plaire, mais qu'il suffit de regarder et d'écouter quelques instants pour comprendre qu'ils sont des imposteurs, la superficialité et la caricature que sont les écoles soi-disant ésotériques et les sociétés secrètes modernes, le fait que la Connaissance soit de plus en plus jetée en pâture à l'opinion et au point de vue de tout un chacun, voilà l'abomination entrevue il y a longtemps par les sages del' Antiquité. Jésus, qui est survenu au moment exact où s'éteignait la tradition spirituelle de l'Égypte ancienne, a servi aux gens venus l'entendre une claire mise en garde contre les faux prophètes de notre époque: «Alors si quelqu'un vous dit: "Voici, le Christ est ici !" ou bien "Il est là !",n'en croyez rien. Il surgira, en effet, des faux Christs et des faux prophètes qui produiront de grands signes et des prodiges au point d'abuser, s'il était possible, même les élus. Voici que je vous ai prévenus. Si donc on vous dit: "Le voici au désert", n'y allez pas; "Le voici dans les retraites", n'en croyez rien. Comme l'éclair, en effet, part du levant et brille

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jusqu'au couchant, ainsi en sera-t-il de l'avènement du Fils de l'homme'.» Cet avertissement contre la furieuse course aux « éveillés » résonne plus fort que jamais quand on assiste au déchaînement de tous ces faux prophètes modernes à la mode dont la carrière et le succès financier tiennent à l'habileté à manier des concepts et des slogans lus ou entendus. Mais comment reconnaître le vrai du faux ? Le Maître de Galilée nous a laissé un précieux indice en affirmant que le« Fils de l'Homme» se révèle comme l'éclair. C'est l'aveuglante évidence qui dissipe tout le brouillard en un instant, à la vitesse de la foudre. Autrement dit, on reconnaît le vrai du faux uniquement quand le vrai fait irruption. On ne peut se prémunir contre le faux par des raisonnements ; on ne peut qu'être averti et attentif. Quant à l'expression «Fils de l'Homme», elle est en droite continuité avec l'initiation horienne, Horus étant le « Fils de l'Homme »,celui représenté par 1/

-1 : la racine de 5 est directement proportionnelle à cf> , la fonction vitale. L'autorité royale repose sur le fait que le Roi est initié : il est passé de 4 (la vie purement matérielle d'un être humain se croyant un simple individu séparé) à 5 (la vie authentiquement spirituelle et non personnelle de celui en qui brille la Connaissance). Tel était le symbolisme du trône royal en ancienne Égypte. Dans toute civilisation normale, ou traditionnelle, le pouvoir temporel repose sur l'autorité spirituelle1• C'est notre civilisation occidentale moderne qui est anormale. C'est exactement ce que symbolisait le Sphinx en Égypte ancienne. La tête d'homme représente la sagesse, le corps de lion la force. Or, sagesse et force sont les attributs respectifs de la caste sacerdotale et de celle des

l. Voir à ce sujet l'excellent petit ouvrage de René Guénon, Autorité spirituelle et pouvoir temporel, Guy Trédaniel, :Editions Véga, Paris, 1984 (édition originelle Vrin, 1929).

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princes, des guerriers et des législateurs 1 • On représente toujours le Sphinx au repos, car le pouvoir temporel, celui de l'action, est représenté comme «non agissant». C'est la tête du Sphinx qui donne la direction, c'est elle qui dirige, et c'est son corps qui agit. Le Sphinx représente la réunion de l'autorité spirituelle et du pouvoir temporel. Comme nous le disions plus haut, la personne sur le trône ne fut, bien sûr, pas toujours à la hauteur de son rôle de souverain. Mais la noblesse même de la fonction royale, pourvu que l'être humain qui l'incarne n'en fût pas trop éloigné, demeura toujours un ferment de cohésion sociale. Malheur au roi indigne et à la société qui tolère un tel chef ! Le fait que le Roi se devait d'avoir été initié aux Mystères et qu'il était censé être le serviteur de l'Harmonie et de la Justice n'empêchait pas les hommes d'être des hommes. Tant qu'il y a des humains sur terre, à n'importe quel moment l'ordre peut céder la place au chaos. Les institutions de la théocratie pharaonique n'étaient pas une panacée contre tous les maux, mais on ne peut s'empêcher de reconnaître qu'elle semble avoir bien joué son rôle pendant longtemps et que les êtres humains qui vécurent avec elle pendant des millénaires ne semblent certes pas avoir été plus malheureux que ceux d'aujourd'hui, bien au contraire. Contrairement à ce qui est énoncé dans la constitution de certains pays modernes, les hommes ne naissent pas égaux. Leurs aptitudes, leurs compétences et leur destin sont infiniment divers. Rare, très rare, est celui apte à gouverner les hommes. Nos sociétés modernes tire orgueil de la « démocratie », encore que peu de gens semblent réaliser qu'il y a là une énorme supercherie ; comme si les masses, majoritairement ignorantes, pusillanimes, irrésolues, égoïstes et stupides, étaient habilitées à choisir celui qui sait gouverner. Ce n'est pas la pensée linéaire qui fait les vrais chefs, ce n'est pas le peuple, c'est un destin que ne peut comprendre la pensée profane et bornée. En ancienne l.En Inde traditionnelle, ces deux castes sont celle des brahmanes et des k$atriyas.

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Égypte, on disait que la force du Roi, c'était son regard, son œil: le Regard. La force de Pharaon est son œil.

Textes des Pyramides 320b

Pharaon s'élève vers le ciel en tant qu 'œil de la Lumière divine. Textes des Pyramides 123lb et 698c-d L'organisation même de la société égyptienne porte la marque de sa spiritualité, qui est totale écoute de ce qui est. La véritable force d'une civilisation ne réside pas d'abord et avant tout dans son économie ou dans ses armes, mais dans sa spiritualité. La vie en société exige l'ordre et l'harmonie, qui ne peuvent venir d'un système de lois, mais plutôt d'un dépassement de la mesquinerie égotique de l'être humain. La présence d'un être d'envergure spirituelle exceptionnelle à la tête d'une société favorise l'harmonie bien plus que n'importe quelles lois et que n'importe quel magouilleur politique élu par la foule. L'ordre et l'harmonie viennent directement de la Lumière consciente, de ce qui est « en haut ». C'est pourquoi les formes traditionnelles de civilisation ont eu à leur tête des êtres dont la majesté imposait le respect. Nous parlons ici d'une majesté qui est en fait une élévation par rapport à la condition humaine habituelle. Le Roi est celui qui connaît et incarne la Lumière divine, c'est-à-dire la Lumière de la conscience. La majesté du Roi, c'est son regard : il a vu, il sait ! La Connaissance du Roi est ce qui établit son pouvoir. Comment l'homme moderne peut-il comprendre cela, intoxiqué qu'il est par le concept que le pouvoir temporel doit trouver son fondement dans une masse ignorante, changeante et bornée ? Aujourd'hui, la majorité bien pensante a complètement perdu de vue un fait très simple de la Nature : en soi gouverner n'est pas démocratique. Pourtant nos démocraties modernes sont les seuls systèmes qui conviennent à notre manière de vivre superficielle et hypocrite. Quand les individus assis sur les trônes n'incarnent

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plus l'Homme cosmique, quand ils ne sont plus Horus sur terre, la confiance se perd dans le peuple, les révolutions deviennent inévitables et le chaos devient chronique et grandissant 1 • Les prédateurs économiques modernes en ont profité pour prendre le pouvoir il y a quelques siècles et depuis lors ils n'ont fait que consolider ce pouvoir. Ils ne le laisseront pas aller facilement, car ils ont complètement assujetti la classe politique et la hiérarchie militaire. Aujourd'hui, non seulement les loups sont dans la bergerie, mais ce sont leurs délégués qui en établissent les lois. Parmi toutes les civilisations de la terre, la monarchie solaire et divine ne brilla jamais davantage qu'en ancienne Égypte. D'autres systèmes de gouvernance ont eu cours sur terre, y compris la démocratie et la dictature, mais rien n'ajamais su remplacer une authentique royauté, car il n'existe aucun substitut à la Vérité.

1. Le Vi~ou Puraoa. texte indien très ancien, avait émis quelques prophéties qui se sont toutes avérées sur notre époque. L'une d'entre elles se lit comme suit: «La race sera incapable de produire des naissances divines.»

C'EST EN NOUS

L'architecture des temples, les canons de la représentation des scènes et des personnages sur les murs et les papyrus, la langue hiéroglyphique elle-même, les formules des textes, les rituels, la statuaire et, bien sûr, les institutions de la théocratie pharaonique: tout dans l'art, la science et le mode de vie des anciens Égyptiens semble n'avoir pas évolué pendant des milliers d'années : apparu complet dès le début de l'Ancien Empire, tout cela n'a guère changé jusqu'à la fin du IVt siècle de notre ère. Si l'esprit profane moderne y voit tout de suite la tare d'un conservatisme étouffant, c'est qu'il n'a pas ce qu'il faut pour voir autrement, ses préjugés l'en empêchent. La vérité - celle que vivaient les maîtres de l'Égypte ancienne - n'est pas évolutive et toute l'activité de la société pharaonique se voulait un reflet de cette Vérité immuable. Elle n'est pas matière à opinion non plus. Les sages pharaoniques se sont exprimés selon une formulation codifiée, tout comme les visionnaires de l'Inde védique (les rishis) ont, à la même époque, exprimé la Connaissance selon une codification précise et également dans le langage du mythe et de la métaphore. On reconnaît toujours l'arbre à ses fruits, dit-on. Les maîtres d'œuvre, les artistes et les artisans de l'ancienne Égypte ne recherchaient pas une beauté esthétique frivole, pas davantage qu'ils ont tenté d'échafauder des systèmes philosophiques ; tout ce qu'ils ont accompli et formulé, ils l'ont fait à partir de l'étincelante Vérité intemporelle qui les illuminait. La beauté et la

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sérénité de leurs œuvres venaient de leur résonance avec cette Vérité qu'ils pressentaient et vivaient au plus profond d'euxmêmes. On peut comprendre les esprits profanes qui donnent le ton à notre civilisation moderne: depuis des siècles, ils n'onteu devant les yeux que des représentations et des rituels religieux accomplis par des ignorants. Ils n'ont eu dans leurs oreilles que des discours d'hommes religieux dépourvus de toute virilité spirituelle authentique, embrouillés dans leurs pensées et surtout soucieux de protéger une grosse organisation jalouse de ses privilèges. Parce que sa religion n'était plus qu'une coquille vide, l'homme occidental moderne a senti le besoin de séparer le plus possible la religion et l'état et cela d'autant plus que sur le plan religieux les sociétés occidentales ne sont plus aussi monolithiques que jadis. Quant à la science moderne, sa recherche, souvent fascinante sur le plan des phénomènes, est néanmoins dépourvue de lumière. C'est une science bornée, qui se confine à la mince pellicule visible de l'existence et qui se plaît à en ignorer et même parfois nier la réalité invisible. Elle est fondée sur la croyance que l'univers est fait de « choses », d'entités qui seraient séparées les unes des autres et séparées du regard qui les connaît. Or, c'est faux. C'est la même croyance qui sous-tend toutes les religions. Ce n'est pas que la science moderne devrait être abolie, bien au contraire : c'est justement l'investigation poussée à sa limite qui permet de reconnaître le faux comme le faux et seulement alors l'impensable Réalité peut luire en toute clarté. Ce n'est pas une erreur de construire des théories sur l'univers, c'est même très beau; mais on ne devrait pas trop s'y attacher, car l'image ne sera jamais la réalité elle-même, loin de là, bien loin de là. L'homme moderne vit dans la croyance et il ne le voit même pas. Là est la source de tous ses tourments, tant individuels que collectifs. Toute civilisation qui n'est pas fondée sur la reconnaissance de la base absolue, universelle et impensable de l'existence est incapable d'un fonctionnement harmonieux avec l'environnement et entre ses membres eux-mêmes. Les civilisations traditionnelles, du moins tant que continua d'être transmise et préservée la

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Connaissance par une élite et tant que cette élite put donner le ton et inspirer la confiance (lafides), furent les plus heureuses sur terre. C'est ce qui explique que notre civilisation moderne aura été une des plus aberrantes, des plus violentes, des plus malheureuses et des plus courtes. Pourtant le plus beau est à venir, car une ère d'ignorance et de désordre (kali yuga) recèle en elle le germe d'une ère de Vérité (satya yuga). J'ai tenté d'illustrer dans cet ouvrage quelques aspects fondamentaux de l'Égypte ancienne qui démontrent l'omniprésence de l'inconcevable - le« Dieu caché»-, ou l'irrationnel, dans la vie des Anciens, car ceux-ci détenaient le secret d'une vie harmonieuse, secret que nous avons aujourd'hui perdu de vue. Tant que l'homme moderne n'aura pas retrouvé le sens du sacré et ne sera pas en résonance avec l'impensable et tant qu'il n'y aura pas de jeteur de pont (pontifex) entre l'invisible et le visible, son malêtre individuel et collectif ira en s'aggravant et le désordre croîtra sur la terre. Ses tourments sont le résultat d'une recherche aveugle et désespérée. La possibilité est là pour l'homme moderne de le constater et alors tout deviendrait possible. Nous n'avons jamais cessé d'être cette Lumière consciente, cet Inconcevable, cet Irrationnel. Celui qui cherche en lui-même avec ferveur ne peut donc que trouver. Sur le plan historique, l'héritage de la tradition égyptienne s'est en grande partie perdu. Une très faible partie fut transmise en Grèce et dans le monde hellénique, dont le cœur était Alexandrie, et une autre, tout aussi faible, a pu passer dans le christianisme primitif. Mais sur un plan plus essentiel, le cœur de l'Égypte ancienne est très vivant : il est en nous, il est nous. Ce cœur est universel et intemporel, il ne se rétère pas à une tradition particulière. Nous n'avons pas à revenir en arrière dans le temps et tenter de reproduire une civilisation disparue, mais si nous pouvions enfin faire preuve d'un peu d'humilité et écouter ce qu'elle nous raconte sur nous-mêmes, nous n'aurions pas perdu notre temps.

Je m'étonne de voir des gens revenir d'Égypte et vivre leur vie comme ils la vivaient auparavant. Florence Nightingale 1850

Annexe 1

LA LÉGENDE D'OSIRIS

L'histoire de l'humanité et l'établissement de l'Empire pharaonique sont rattachés à la célèbre légende d'Osiris, qui se conclut avec l'apparition d'Horus, dont les rois humains seront l'incarnation sur terre. Plutarque raconte une version quelque peu hellénisée de la légende d'Osiris dans son« Isis et Osiris», mais elle reflète néanmoins fidèlement cette histoire remontant aux origines de la civilisation égyptienne 1• Osiris est présenté comme le roi qui apporta la civilisation en terre égyptienne. La légende d'Osiris fut plus tard récupérée par la religion chrétienne naissante qui la teinta de sa pathologie, mais pour les prêtres égyptiens, elle demeura toujours dans le cadre de la spiritualité verticale et solaire de Rê. Il existe plusieurs variantes de la légende d'Isis et Osiris. En voici les éléments essentiels2 • On dit qu'en montant sur le trône Osiris arracha les Égyptiens à leur vie de privations et de bêtes sauvages, leur fit connai"tre les fruits de la terre, leur donna des lois et leur apprit à respecter les dieux. Plus tard il parcourut l'univers entier, y portant les bienfaits de la civilisation. Il n'eut que très rarement besoin de recourir aux armes : ce fut par la persuasion, le plus souvent, et par la raison, en y joignant l'attrait des chants et de toute sorte d'harmonie, qu'il attirait les hommes. C'est pour cela que les Grecs croient 1. Le nom même d'Osiris est hellénisé: son nom égyptien est Usir. 2. Le premier paragraphe est tiré directement du livre Sur Isis et Osiris de Plutarque.

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qu'il est le même que Diosysos 1• Seth, en l'absence d'Osiris, n'avait rien innové, parce qu'Isis exerçait une active surveillance et maintenait vigoureusement toutes choses en leur état. Mais au retour d'Osiris, il tendit à celui-ci des embûches pour lesquelles il s'adjoignit soixante-douze complices. Il fut secondé en outre par une reine d'Éthiopie, nommée Aso, qui se rendit en Égypte. Seth avait pris en secret la mesure du corps d'Osiris, et d'après cette grandeur il avait fait construire un coffre très beau et orné très richement. Le meuble, apporté dans la salle du festin, excita des transports de joie et d'admiration. Seth promit, en plaisantant, qu'il en ferait cadeau à celui qui le remplirait exactement en s'y couchant. Tous essayèrent le coffre les uns après les autres ; et il ne se trouvait à la taille de personne. Osiris y entra à son tour, et s'y étendit. À l'instant tous ceux qui étaient là s'élancèrent et fermèrent précipitamment le couvercle. Les uns l'assujettissent audehors par des clous, les autres le scellent avec du plomb fondu. On le porte ensuite au fleuve, et on le fait descendre jusque dans la mer par l'embouchure Tanaïtique, laquelle, à cause de cela, est exécrée encore aujourd'hui des Égyptiens et appelée Maudite. Apprenant la nouvelle, Isis se coupa une mèche de cheveux et revêtit un habit de deuil. Cherchant partout, la déesse finit par apprendre le sort du coffre : il avait été porté par les flots de la Méditerranée jusqu'à Byblos (au Liban) et reposait au milieu d'un arbre qui, en poussant rapidement, l'avait voilé aux yeux des passants. Après plusieurs péripéties, Isis parvint à ramener le coffre en Égypte, où elle put enterrer Osiris et le pleurer. Mais Seth découvrit le tombeau et dépeça le corps d'Osiris en 14 morceaux qu'il dispersa de tous les côtés. Isis finit par retrouver tous les morceaux du corps de son bien-aimé, sauf le phallus, qui avait été avalé par l'oxyrhynque. Isis fabriqua un phallus en argile et, avec l'aide de sa sœur Nephtys, reconstitua le corps d'Osiris et lui insuffla à nouveau la vie, le temps de s'unir à lui et ainsi engendrer un fils 2 : Horus, « le vengeur de son père ». Après l. On assimile aussi Dyonisos à Shiva. 2. Le fait qu'Osiris ait épousé sa sœur Isis explique que de très nombreux

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des joutes prolongées entre Horus et Seth, le tribunal des dieux trancha en faveur d'Horus, qui hérita du trône d'Égypte. Tous les rois d'Égypte furent les successeurs d'Horus. Dans son récit, Plutarque précise : « Isis ayant reçu Seth garrotté ne le fit pas périr ; au contraire elle le délia et lui rendit la liberté. Horus en conçut une vive indignation et, portant la main sur sa mère, il arracha le bandeau royal dont elle se ceignait le front ; mais Thot le remplaça par un casque qui figurait une tête de bœuf. » En ce qui concerne la société égyptienne, le fait le plus important qui ressort de cette légende est que Horus, qui, selon la légende, succéda à Osiris sur le trône, est le fondateur de l'autorité royale de nature divine de l'Égypte. Tous les pharaons se présentèrent comme les successeurs d'Horus. Isis est beaucoup plus que la sœur d'Osiris. Elle représente en fait l'action féminine initiatrice par laquelle l'âme reconnaît sa nature divine oubliée. Le« miracle» osirien s'opère par l'action d'Isis, qui symbolise la puissance en chaque être humain. Isis, par son action isiaque, assiste à la sortie d'Horus du corps d'Osiris. Cette faculté fécondatrice et autogénératrice de l'âme s'opère au ciel, quand Osiris retrouve son phallus perdu sur la terre qu'Isis n'avait pu retrouver. Osiris donc l'initié l'a retrouvé par lui-même au ciel; mais il l'a retrouvé en "faisant l'Isis'', ou suscité par Isis, par autoprocréation, ou par l'amour isiaque, blotti dans toute dme initiée, pour renaître par lui-même à la sphère divine. Osiris est donc le premier initié, le premier qui a« connu», le premier instruit par Isis, l'institutrice des mystères et des initiations; il est le modèle de l'dme qui a su accomplir le cycle de son existence spirituelle établi par son créateur'. Sotirios Mayassis, Mystères et Initiations de l'Égypte ancienne

pharaons eurent pour épouse leur sœur ou demi-sœur. l. Sotirios Mayassis, Mystères et Initiations de l'Égypte ancienne, Archè Milano, Milan, 1988, page 37.

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Annexe 2

UN CERTAIN TABLEAU ANODIN ...

Les anciens Égyptiens ont parfois utilisé directement le mètre dans des mesures linéaires précises en nombres entiers dans certains tableaux, comme, par exemple, le bas-relief peint sur le mur sud de la troisième partie du couloir d'accès à la tombe de Ramsès IX creusée dans la montagne (délimitée par le pointillé). Cette figure extraordinaire montre, dans sa partie gauche, le Roi sous forme d'Osiris ithyphallique momifié incliné de façon à former clairement le triangle sacré (3, 4, 5) suggéré par le serpent et mesuré en unités valant exactement un demi-mètre. Un trait rouge d'exactement 0,25 mètre soulignait la ligne de base de la figure au point 1 et un autre d'exactement 0,5 mètre au point 2 donne l'unité de mesure. Ces traits ayant été peints en rouge sur le stuc par-dessus les lignes noires, ils n'avaient donc pas d'utilité pour guider le travail de l'artiste. La hauteur du Roi au front est exactement 2 mètres, ce qui, divisé par 18, donne l'unité de la grille ayant guidé l'exécution du travail (le Roi mesure 19 de ces petits carreaux au vertex). L'axe d'équilibre de l'OsirisPtah se trouve à exactement 2 mètres de la bordure de droite du tableau. Le bras levé de la momie montre la valeur de la coudée comme étant 1/5 la hauteur du corps. Comme l'homme vaut proportionnellement toujours cf> 2 pour les anciens Égyptiens et que :rt = 6 cf> 215, le tableau de gauche nous donne ceci : la hauteur de la momie royale ithyphallique se réfère à cf> , le bras levé indique la coudée et la hauteur totale de la momie avec le bras levé indique Tt. Cette seule figure met en rapport cf> , la coudée royale et Tt.

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La momie, en tant que chrysalide qui va éclore, est tracée dans la montagne d'où sort le scarabée roulant sa boule, symbole de l'apparition solaire. C'est la fin de la genèse dans la Douat (le monde de la nuit de la vie terrestre, le temps de la migration de l'âme) qui fera apparaître le cycle solaire sensible. Ceci motive les mesures en mètres du cadre entourant la figuration, l'emploi du mètre ne servant exclusivement qu'à désigner les diamètres et les rayons du cercle, parce que les cycles se mesurent toujours en coudées pour le temps et en brasses pour le chemin. Ainsi, les mesures révèlent les conditions vitales, c'est-à-dire les phases de la vie, en même temps que l'enseignement de cette tombe apprend le passage de la droite à la courbe, /'abstraite distance d'un point à un autre qui commande le mouvement apparent d'une genèse cyclique: ce qui sépare une chose d'une autre n'est vitalement pas un chemin mais une durée, une différence des phases du devenir 1• René A. Schwaller de Lubicz, Le Temple de l'Homme

Le cadre entourant la figure est mesuré en mètres. Sa largeur divisée par sa hauteur vaut exactement ..{3, un nombre fortement associé à l'hexagone. La partie droite montre le Roi présentant une statuette de Maât à Osiris-Ptah, avec Maât debout devant lui. L'angle /3 formé par le sceptre ouas tenu par sa main gauche est celui qui permet le passage de la corde (mesure linéaire) à l'arc (mesure circulaire) : la ligne qui prolonge le sceptre jusqu'à la ligne de base et la ligne du haut à 2,5 mètres, fait une diagonale qui, ramenée à la verticale arrive exactement à la ligne du ciel à 2,618 mètres de la base, soit en cl> 2 ou 5 coudées royales de cycle en mètres. Sans entrer dans les calculs en détail, ce qui déborderait le cadre de cet ouvrage, il faut mentionner que les mesures et proportions de cette Maât et d'Osiris-Ptah, ainsi que les dimensions 1. René A. Schwaller de Lubicz, Le Temple de l'Homme, Éditions Dervy, Paris, 2004, Tome Il, page 24 7.

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et angles des deux sceptres tenus par lui évoquent clairement le pentagone avec ses cercles circonscrit et inscrit, et l'hexagone ; de plus, elles donnent la valeur de n:.

+

%

Figure30 La grille est graduée en unités d'un demi-mètre.

Ainsi, dans un tableau apparemment anodin et qui a semblé bizarre, voire incongru, aux égyptologues profanes, est celée une connaissance grandiose, regroupant le mètre, la coudée royale, le passage de la droite (mesurant la distance) à la courbe (liée au temps, aux cycles), le Nombre d'Or, les valeurs den: et f 3, l'hexagone et le pentagone (dont les rapports sont très symboliques de l'évolution de l'homme), tout en illustrant la fonction de Maât, la parfaite Harmonie-Justice qui gouverne l'action d'Osiris-Ptah. Maât représente la Féminité, l'Océan sans borne que le Feu Ptah va contracter, faisant apparaître, dans le cercle (une figure « informe ») régi par Maât, les formes concrètes du Devenir que sont le pentagone et l'hexagone. Rappelons que le pentagone, figure sacrée pour les Anciens, n'était jamais tracé,

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agissant secrètement, demeurant toujours caché. On peut difficilement réunir autant d'enseignements importants en un seul tableau.

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f·r

t

a-

1•R

~~~~~c:2J..11 Figure 31

Figure 32 La déesse Seshat tend le cordeau avec le Roi et enfonce les piquets pour établir les fondations du temple d'Edfou; Horus est derrière elle.

Annexe 3

SESHAT, DÉESSE DES MESURES, DE LA GÉOMÉTRIE ET DES ÉTOILES

La déesse Seshat, plutôt discrète dans le panthéon égyptien, jouait néanmoins un rôle de première importance par ce qu'elle représentait. On la représentait toujours vêtue d'une soi-disant peau de léopard dont les taches sont en réalité des étoiles à cinq branches, avec un bandeau sur le front, la tête surmontée de ce qui est sans l'ombre d'un doute une feuille de chanvre au centre de laquelle se trouve un pentagone ou un pentagramme (dont on sait qu'ils sont liés de près à 2 avec une excellente approximation, nous avons pu établir le rapport entre la coudée royale et le Nombre d'Or: cf> 2 est égal à 5 coudées royales. Mais est-ce que 0,5236 est bien la longueur fondamentale de la coudée royale ? Après tout, on a retrouvé des coudées mesurant entre 0,52 met 0,54 m. En fait, le système de la brasse et de la coudée tel que nous l'avons expliqué couplé avec les mesures précises effectuées sur le temple de Louxor et ailleurs montrent que le tout est cohérent avec la définition de la coudée royale théorique par l'hexagone et valant '1fi6 en mètre, confirmant que le mètre et 3t devaient être connus des anciens Égyptiens. Toute attestation de la coudée royale de 0 ,5236 mou preuve de son utilisation constitue une preuve de la connaissance du mètre

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et du 3t par les Anciens et à cela s'ajoutent d'autres éléments de preuve. Rappelons ce que nous avons dit plus haut : •La brasse vaut 1/1000 de minute du méridien terrestre. Mais comme la Terre est légèrement aplatie, la brasse n'aura donc pas exactement la même valeur à l'équateur, à 45° ou au pôle. Si nous adoptons la valeur de 40 000 000 000 mètres pour la circonférence terrestre, équivalant donc à 21 600 000 brasses, alors 5 000 000 mètres équivalent à 2 700 000 brasses, d'où 27 brasses moyennes valent 50 mètres, d'où la valeur de la brasse moyenne : 1,85185m == l ,852m. Selon les données modernes, une minute d'arc à 0° vaut 1842,90m et une minute à 90° vaut 1861,66m, ce qui donnerait une brasse équatoriale de 1,8429 == 1,843m et une brasse polaire de 1,86166 == l ,862m. La moyenne arithmétique entre ces deux valeurs donne l ,8525m = l ,852m, que nous considérons donc comme la brasse moyenne à 45°. Or, le temple de Louxor mesure exactement 258m de longueur, soit exactement 140 brasses à 0°. Or, 140 est un nombre entier et ce n'est ni 138, ni 139 ; le hasard semble exclu. Nous savons que les Égyptiens travaillaient uniquement avec des nombres entiers etc' est bien ce que nous avons ici: 258 mètres pour 140 brasses équatoriales. • Il y aussi les mesures des salles VI et IV du sanctuaire du temple de Louxor. La salle IV mesure exactement 20x20 coudées de Dendérah et la salle VI mesure 11,12 mètres, soit exactement 6 brasses moyennes à 45°, par 10,60 mètres, soit 20 coudées de Dendérah. Du simple fait de ces nombres entiers, cette coudée de Dendérah est attestée. Comme la brasse est définie en fonction de la circonférence de la Terre en mètres et que nous l'avons mis en relation avec la coudée de Dendérah, nous pouvons déterminer le rapport entre cette coudée et le rayon de la Terre : ce rapport vaut 12,0048x106 • En adoptant 0,53 m pour la valeur de la coudée de Dendérah, nous obtenons 6363 km pour le rayon moyen de la Terre, ce qui se compare bien à la valeur moderne de 6367 km. On peut dire, en très bonne approximation, que 12 millions de coudées de Dendérah mesurent le rayon moyen de la Terre. La coudée de Dendérah est une mesure de rayon fondée sur celui de la Terre en mètres.

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• La base du pylône du temple de Louxor mesure exactement 63,65 m, soit 120 coudées de Dendérah valant 0,5304m : cette « coudée de rayon » qu'est la coudée de Dendérah est donc bel et bien attestée. De plus, le mur est du sanctuaire de la barque du temple de Louxor mesure à sa base 6,365m, valeur à comparer aux 63,65 mètres précités du pylône à l'entrée du temple. Autre fait cohérent avec la connaissance du mètre par les Anciens : l'Homme royal, notamment celui qui est projeté sur le plan du temple de Louxor, vaut 2 , soit 2,618. Or, 100 2 en mètres, ou 500 coudées royales' font 261,8 mètres. Cette mesure est corroborée pas la hauteur du Roi A de la salle 1 du sanctuaire tel que nous l'avons mentionné dans cet ouvrage. •La hauteur de l'aile ouest du pylône du temple de Louxor, depuis sa base jusqu'au sommet de sa corniche, vaut exactement 25 mètres à l'angle nord-est (ce qui est 13 ,5 brasses moyennes à 45°). De plus, la porte avec ses montants fait exactement 10 mètres de large. La hauteur du pylône du temple de Louxor (25 m) est à la longueur à la base (26,18 m, soit exactement 50 coudées royales) comme le rayon du cercle (et donc le côté de son hexagone inscrit) est à l'arc sous-tendu par ce côté: 26,18/25 =0,5236/0,5 = 1,0472. • La façon dont les axes ont été déterminés par rapport au Nord: il suffit d'inscrire un petit carré de 10 mètres de côtés dans un autre carré ayant pour côté 10 fois la hauteur de chacun des Rois en mètres (ou un carré de 1 mètre de côté dans une autre ayant pour côté la hauteur exacte de chacun des Rois en mètres) et l'angle que forment ces petits carrés par rapport au grand donne les angles exacts des trois axes du temple de Louxor. • La Grande Pyramide est située à 30° de latitude nord (29°58'44" pour être très précis), ce qui est 1/6 de 180°, ou 1/6 de Jt en radians : or, Jt/6 est la définition de la coudée royale en mètre et la chose mérite peut-être d'être soulignée. Se pourrait-il que les sages pharaoniques aient délibérément fixé la latitude de 1. La différence avec la valeur précitée de 258 mètres vient de ce que la clotte crânienne de l'Homme royal est à l'extérieur du mur sud du temple.

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façon à ce que le segment de méridien entre l'équateur et de la Grande Pyramide vaille exactement une coudée royale en mètre par rapport au diamètre de la Terre servant d'unité ? • La Grande Pyramide mesure 230,35 mètres de côté à la base; or, 440 coudées royales de 0,5236 m font 230,384 mètres, une précision de 1,4 partie par 10 000. Étant donné que le revêtement de calcaire blanc de la Grande Pyramide a disparu et de l'érosion des pierres, on peut dire que la Grande Pyramide atteste de la coudée royale définie par ;r,/6 en dedans des marges d'erreur des mesures faites sur le terrain (un peu plus de 3 centimètres sur une distance de 230,35 mètres). Il en va de même de la mesure de sa hauteur initiale, mesurée à 146,58 mètres; 280 coudées royales de 0,5236 m font 146,608 mètres, soit un écart de seulement 2 parties par 10 000. Ceci corrobore la coudée royale à 0,5236 m, que nous savons définie théoriquement par le cercle d'exactement 1 mètre de diamètre et la connaissance du 1t. On peut donc dire que les dimensions mêmes de la Grande Pyramide montrent que les anciens Égyptiens connaissaient le mètre. • La chambre haute (dite du Roi) de la Grande Pyramide mesure précisément 5,236 mètres par 10,472 mètres, soit exactement 10 coudées royales de 0,5236 m par 20. On avait employé le granite, une pierre très résistante, sans compter que les murs de la chambre haute sont demeurés, bien sOr, complètement à l'abri des éléments durant tous ces millénaires, et c'est pourquoi la précision est ici totale : il n'y a aucun écart. Le périmètre de cette chambre mesure donc 60 coudées royales de 0,5236 m, ce qui fait lO:rt en mètres. Comment douter de la connaissance à la fois du mètre et de :rt par les anciens Égyptiens ? Les concepteurs de la chambre haute de la Grande Pyramide se sont exprimés clairement pour qui n'est pas de mauvaise foi. La coudée définie par :rt/6 en mètre constituait vraiment la coudée fondamentale dès l'Ancien Empire. Les dimensions simples de la chambre haute, ou chambre du Roi, de la Grande Pyramide corroborent trois faits importants : 1) La coudée royale absolue est bien celle définie par le cercle de 1 mètre de diamètre et son hexagone inscrit.

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2) Les anciens Égyptiens connaissaient le nombre Jt. 3) Les anciens Égyptiens connaissaient le mètre. • Le tableau décrit dans l'annexe 2 parle de façon on ne peut plus explicite de l'emploi direct du mètre. • Le pyramidion découvert et reconstitué par Rainer Stadelmann lors de ses fouilles de 1982-85 près de la pyramide rouge de Snefrou (le père de Kheops) à Dahchour mesurait exactement 1 mètre de hauteur et avait une base de 1,57 mètre de côté, ce qui lui donnait la pente exacte de la pyramide de Kheops et donc les mêmes propriétés géométriques. On peut donc penser que ce pyramidion appartenait à la pyramide de Kheops. Sa base de 1,57 mètre mesure exactement 3 coudées royales de 0,5236, ce qui donne un périmètre de 12 coudées. Or, nous savons que la hauteur est égale au rayon d'un cercle ayant même périmètre que la base : le pyramidion nous fait signe vers un cercle de 12 coudées royales, autrement dit un petit zodiaque. Tous ces faits réunis démontrent sans l'ombre d'un doute que les anciens Égyptiens connaissaient le mètre et donc, de façon troublante pour les préjugés modernes sur eux, les données géologiques sur le globe terrestre que cette connaissance implique. Ils n'ont pas utilisé le mètre comme étalon de mesure tout simplement parce que la coudée royale s'inscrivait de façon naturelle dans leur système.

Annexe 5

LA PRÉCESSION DES ÉQ!JINOXES CONNUE DES ANCIENS EGYPTIENS

Les anciens Égyptiens connaissaient la précession des équinoxes. Nous avons dit que l'année tropique vaut 365,242190517 jours solaires de 24 heures, l'année siriaque (ou année sothiaque, ou année fixe) 365 ,25 jours et l'année sidérale 365 ,256363051 jours. Un cycle sothiaque pharaonique dure 1460 ans, soit le temps pour que l'année sothiaque retombe en coïncidence avec l'année vague de 365 jours (différence de 'A jour par an : 365 + 'A = 1460). C'est le lever héliaque de Sirius qui a toujours fixé le premier jour du premier mois de l'année fixe (l'année siriaque, ou sothiaque), ou fête du Nouvel An chez les anciens Égyptiens. En -4240, le solstice d'été tombait 6 à 9 jours après le Nouvel An et était donc célébré durant le premier mois de l'année fixe : on l'appelait la Naissance de Rê. Or, à cause de la différence entre l'année tropique et l'année sothiaque, le solstice d'été avance de 0,007809 jour par année siriaque, soit 11,4 jours par cycle sothiaque de 1460 ans. Ainsi, autour de l'an -3400 la Naissance de Rê coïncidait avec le Nouvel An. Mais bien plus tard, soit vers l'an -1320, sous le roi Séti 1er, la Naissance de Rê (le solstice d'été) avait plutôt lieu entre le 19C et le 22e jour du douzième mois de l'année siriaque, c'est-à-dire 13 jours avant le Nouvel An. Une réforme s'imposait donc et on avança d'un mois (de l'année siriaque) tout le calendrier des fêtes.

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Comme l'année sidérale (à laquelle se réfèrent les constellations du zodiaque) est plus longue que l'année siriaque, le retour périodique d'une même étoile ou d'une même constellation retarde d'environ 0, 00636 jour par année siriaque, ou 9,28 jours par cycle sothiaque de 1460 ans. En additionnant ces 9 ,28 jours aux 11,4 jours mentionnés plus haut, nous voyons que le solstice d'été avance de 20,78 jours par cycle sothiaque de 1460 ans par rapport au Nouvel An marqué par le levé héliaque de Sirius. Cette avance correspond à la précession des équinoxes, car en se basant sur ce chiffre, le solstice d'été reviendrait au même point après environ 25 662 ans, soit un précision de 0,4% par rapport à la valeur de 25 770 ans que nous avons admise pour le cycle précessionnique (de durée légèrement variable de toute façon). Or, nous connaissons bien les tables de levers d'étoiles des Égyptiens et les listes des 36 décans correspondant chacun à un tiers de signe zodiacal, et nous avons noté qu'ils ont modifié le calendrier des fêtes se rapportant à l'année tropique par rapport à l'année siriaque : cela signifie hors de tout doute qu'ils étaient bien au fait du phénomène de la précession des équinoxes.

SOURCES DES FIGURES Figure 1 Figure 2 Figure 3 Figure 4 Figure 5 Figure 6 Figure 7 Figure 8 Figure 9 Figure 10 Figure llab Figure 12 Figure 13 Figure 14 Figure 15 Figure 16 Figure 17 Figure 18 Figure 19 Figure 20 Figure 21 Figure 22 Figure 23 Figure 24 Figure 25 Figure 26 Figure 27 Figure 28 Figure 29 Figure 30 Figure 31 Figure 32

Le Temple dans l'Homme, page 33 Le Temple de l'Homme, Tome 1page299 .Jean Bouchart d'Orval Le Temple de l'Homme Tome 1page170 Le Temple de l'Homme Tome 1 page 272 Jean Bouchart d'Orval Jean Bouchart d'Orval Le Temple de l'Homme Tome 1 page 438 Le Temple de l'Homme Tome 1 page 289 Le Temple de l'Homme Tome 2 page 235 Le Temple de l'Homme Tome 2 planche LIX Le Temple de l'Homme Tome 1 page 364 Le Temple de l'Homme Tome 1 page 485 Le Temple de l'Homme Tome 1 page 493 Le Temple dans l'Homme, Planche VI Le Temple de l'Homme Tome II page 50 Le Temple de l'Homme Tome IIp56f204 Le Temple de l'Homme Tome 1page503 Le Temple de l'Homme Tome 1 page 677 Le Temple de l'Homme Tome 1page545 Le Temple de l'Homme Tome 1 page 713 Le Temple de l'Homme Tome 1page715 Jean Bouchart d'Orval Le Temple de l'Homme Tome 1page315 Le Temple de l'Homme Tome 1page477 Jean Bouchart d'Orval Jean Bouchart d'Orval Jean-Pierre Houdin/ Dassaut Systèmes Le Temple de l'Homme Tome 1page158 Le Temple de l'Homme Tome II page 248 Le Temple de l'Homme Tome II page 250 Inconnue

Remerciements aux Éditions Dervy pour les figures 1, 2, 4, 5, 8 à 22, 24, 25, 28 à 30. Remerciement à Jean-Pierre Houdin et Dassaut Systèmes pour la figure 26.

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Q1JELQ1JES OUVRAGES CITÉS ET CONSULTÉS

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Dq,ôc légal : janvier 2015

N° imprimeur: 011550222

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