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French Pages 317 [159] Year 1998
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P R É S E N C E S DU J U D A Ï S M E
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Benjamin Gross
Les lumières du retour Orot haTeshuva » du Rav Kook
Albin Michel
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P R É S E N C E S DU J U D A Ï S M E
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Les lumières du retour Aucun ouvrage du Rav Kook (1865-1935) n'avait encore été traduit en français. Benjamin Gross, professeur de philosophie et doyen honoraire de la faculté des lettres et de sciences humaines de l'université Bar-llan (Israël), auteur notamment du Messianisme ju if dans la pensée du Maharal de Prague, comble cette lacune avec cette traduction d'O rof haTeshuva - une traduction fidèle à la littéralité du texte original, augmentée de notes et de commentaires qui apportent des éclaircissements indispensables. Il permet ainsi de porter à la connaissance d'un large public l'une des pensées les plus originales du judaïsme contemporain. Dans ce livre, en effet, le Rav Kook expose sa conception de l'idée de repentance : la Teshuva. Il reprend les thèmes principaux (psychologiques, moraux et religieux) de ce concept et le replace dans le contexte d'une philosophie de l'histoire. Se référant à la mystique juive mais aussi aux théories des philosophies modernes, Les Lumières du retour abordent, outre le problème central du repentir, du péché et du mal, les questions du lien entre matière et esprit, liberté et nécessité, évolution et histoire, mort et rédemption universelle. Ainsi, étudiée dans la perspective des changements historiques de notre siècle, la Teshuva y apparaît comme une donnée prim ordiale, porteuse d ’ une grande espérance pour Israël et pour l'humanité entière.
© «Museum of Psalms» peint par Moshé Tsvi Berger. ISBN 2 -22 6 -1 05 3 4 -4
9 782226 105349
140,00 F TTC
DU MÊME AUTEUR
Benjamin Gross
Le Messianismejuif, L ’Éternité d ’Israël du Maharal de Prague, Éditions Klincksieck, Paris, 1969. Deuxième édition revue et augmentée : Le Messianisme j u i f dans la pensée du Maharal de Prague, Editions Albin Michel, Paris, 1994. Messianisme et Eschatologie, Encyclopédie de la Mystique juive, Éditions Berg International, Paris, 1997. Réédition : Messianisme et Histoire juive, Éditions Berg International, Paris, 1994. Le Croyant solitaire, R.J.D. Soloveichik, traduction, préface et notes, Éditions de l’Agence juive, Jérusalem, 1978. L ’Homme de la Halakha, R.J.D. Soloveichik, traduction, postface et notes, Éditions de l’Agence juive, Jérusalem, 1981. Un Messie nommé Joseph (en collaboration avec Josy Eisenberg), Éditions Albin Michel, Paris, 1983. L ’Â me de la Vie, R. Hayyim de Volozhyn (Préface d ’Emmanuel Lévinas), présentation, traduction et commentaire, Éditions Verdier, Paris, 1986. Que la Lumière soit, Nér Mitsva du Maharal de Prague (traduction et commentaire), Éditions Albin Michel, Paris, 1995. Le Testament de Moïse (en collaboration avec Josy Eisenberg), Éditions Albin Michel, Paris, 1996.
LES LUMIERES DU RETOUR « O R O T HATESHUVA » Rav Abraham Ytshaq Hacohen Kook
Liminaires, traduction et notes
À PARAÎTRE
Éducation et Humanisme ju if Le Patrimoine des fites juives. Leçons de choses bibliques.
Albin Michel
« Présences du judaïsme » Collection dirigée par Ménorah/F.S.J.U. Conseiller éditorial : Janine Gdalia
À mon ami Élie Hom
© Éditions Albin Michel S.A., 1998 22, rue Huyghens, 75014 Paris ISBN : 2-226-10534-4 ISSN : 0755-169X
TRANSCRIPTION DE L’HÉBREU
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LIMINAIRES
H istoire d ’une idée : Les grandes étapes d e l ’i nvention de la Teshuva
La notion de Teshuva - terme traduit généralement par repentance 1 - occupe incontestablement une place dominante dans le judaïsme, qui en a fait la clef de voûte de son éthique et un concept essentiel de sa théologie. Elle joue un rôle de premier plan dans la vie religieuse et de nombreux textes depuis la Bible jusqu’aux écrits les plus récents en attestent l’importance. Elle touche à la constitution la plus intime de la condition humaine, sa finitude mais également son infinitude, son ontologie, sa psychologie, et peut-être même sa destinée. U n concept aussi global qui concerne le tout de l’homme n’a pu se définir d’emblée dans toute sa complexité et sa diversité. Rien d’étonnant dès lors si le progrès de la pensée n ’a cessé, à partir des sources bibliques, d’élucider la riche substance de son contenu et d ’explorer les conditions de possibilité de sa réalisation. Nous voudrions dans ce bref aperçu tenter de saisir le mouvement de cet effort graduel de la réflexion à partir de l’affirmation initiale de style transcendantal et discerner les conditions de toute nature - historiques, religieuses, psychologiques et sociologiques - qui ont conduit à en approfondir la teneur et révéler un aspect inédit de son inépuisable réserve de sens. Nous nous contenterons de dégager les thèmes essentiels en soulignant les tendances diverses et les principales lignes d’orientation qui au cours de l’histoire ont conféré à la Teshuva
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un rôle essentiel dans la pensée et dans la spiritualité juives. Nous retiendrons surtout les textes qui ont servi de base pour des développements ultérieurs et demeurent significatifs pour les principales étapes de l’évolution de notre sujet. Ces prises de position nous achemineront peu à peu vers une perspective qui nous permettra d’apprécier la nouveauté de l’apport original de la doctrine du R. Kook au thème de la Teshuva.
et la profondeur d’une expérience primordiale, contraste singulièrement avec la place restreinte accordée à l’exigence et au phénomène de la repentance. Le texte n ’esquisse aucune recherche de définition et ne propose même pas de terme pour désigner ce dépassement de la faute et cette possibilité de retour et de réconciliation. Un lecteur qui s’en tiendrait au seul sens obvie serait assez déconcerté par l’ambiguïté qui semble régir le fait du repentir. Les récits relatifs à des fautes commises par des individus ou des groupes ne font pas mention explicite d ’une invitation ou d’une disposition au repentir et dans aucun cas la repentance n’entraîne la suppression de la sanction. Adam rejette sa part de responsabilité et subit son châtiment 2. Caïn est invité à rectifier son attitude 3, mais une fois son crime accompli, il exprime tout au plus un sentiment de regret 4. Il souffre de ne pouvoir effacer sa faute et éprouve une angoisse désespérée à l’idée de devoir désormais buter constamment contre cet incontournable obstacle. Mais ce remords sans espoir se situe aux antipodes du repentir, qui se tourne vers le passé non pour s’y fixer, mais pour le surmonter et l’orienter vers l’avenir. Si le remords n ’est pas un éveil vers un changem ent créatif, il risque de demeurer une vaine et parfois morbide condamnation de soi. La génération du Déluge, celle de la tour de Babel, les habitants de Sodome et de Gomorrhe, les coupables de l’érection du Veau d’or subissent tous leur châtiment sans être à aucun moment appelés à se repentir de leurs actes. Pour cette dernière infraction particulièrement grave d ’idolâtrie, Moïse invoque la clémence divine, il réclame pardon et absolution, sans justifier sa demande par le remords et encore moins le repentir des fautifs 5. Ce sont sa prière et son intervention personnelle qui arrachent le pardon. Pharaon ne reconnaît ses erreurs que dans le but d’obtenir l’annulation des sanctions qui le frappent6 ; Dieu endurcit son cœur et toute possibilité de retour semble lui avoir été refusée 7. Les explorateurs par contre avouent leur faute et s’empressent même à vouloir la réparer : leur bonne volonté n’entraîne cependant ni le pardon ni la suppression de la sanction 8 !
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L’EXPÉRIENCE INITIALE :
EXPIATION, REPENTIR ET RETOUR, DANS LE PENTATEUQUE
Dans la Tora, point de thématique ni d’essai de définition, mais des expériences vécues qui donnent à penser, des récits, des symboles et des préceptes qui sollicitent une interprétation. C ’est là que se révèle ce que l’on pourrait appeler un ordre ontologique, une concrétude différente de la réalité naturelle, un appel impératif à une idéalité normative. Univers métaphysique qui situe l’homme d’emblée dans une relation personnelle à D ieu et détermine, préalablement à toute spéculation, un espace spirituel de rencontre et de dialogue. Dans cette situation caractéristique de l’univers de la Tora où l’homme se sent interpellé par un Dieu soucieux de sa conduite, l’expérience vive du péché constitue un événement im portant et nombreux sont les textes qui relatent les infractions, aussi bien individuelles que collectives. Un large faisceau d’expressions aux racines multiples illustre d’une façon très concrète les différentes voies du manquement, de la déviation, de la rébellion et de l’égarement, même si dans tous ces cas il ( s’agit moins de la transgression d’une règle abstraite, de l’altération d ’une valeur, que de la rupture d ’un lien personnel, de la lésion d’une relation. C ette riche palette de la description de l’infraction du péché, qui s’exprime dans certaines prescriptions rituelles mais se dessine surtout à partir de nombreux récits et possède l’amplitude
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Ces récits ne nous enseignent rien sur la valeur du repentir ni sur la place éminente qu’il peut remplir dans la rémission des péchés. N ous trouvons par contre des indications plus précises sur ce point, bien que non expressément formulées, dans les prescriptions concernant les péchés qui exigent un sacrifice expiatoire. Le coupable qui désire réparer sa faute doit restituer le préjudice, apporter un sacrifice et à cette occasion « il confessera le péché commis... ». Le sacrifice constitue l’objectivation de l’aveu de la faute : la conscience du péché portée hors de soi dans la lumière de l’acte et dans l’expression de la parole. Cette manifestation extérieure implique très certainement une prise de conscience et un mouvement de repentance9. Ils ne sont cependant pas explicitement formulés. L’accent principal est mis sur l’expiation rituelle, et la confession, quoique indispensable, ne fait qu’accompagner le geste qui entraîne le pardon. Le rituel de l’expiation vaut par la praxis de l’acte : c’est le moyen accordé par Dieu au pécheur pour la rémission de la faute, sans que pour autant nous soit révélé le secret de cette opération. Il en va de même pour l’imposant cérémonial de la grande journée du Pardon du Yom-Kippour. Il y est certes question de l’aveu et de la confession des péchés, mais c’est le grand prêtre qui conduit l’ensemble du service, et c’est lui qui obtient le pardon pour lui-même et pour toute la maison d’Israël '°. Il est indubitable que la confession expressément prescrite comme un commandement positif ouvre la voie au repentir mais le texte ne fait aucune mention explicite du processus subjectif et intérieur de la repentance. U ne troisième indication sur le repentir dans la Tora nous est fournie dans le chapitre 30 du Deutéronome. Dans les dix premiers versets de ce texte, que la tradition juive dénomme « Le chapitre du retour », le radical ShU V (revenir) apparaît à sept reprises. Il se rapporte aussi bien au peuple appelé à revenir vers Dieu, qu’à Dieu lui-même qui prom et d’assurer la délivrance du peuple en le ramenant d ’exil 11. Contrairement au verset des Nombres 12 qui s’adresse à l’individu, ce passage concerne la collectivité et lie
son destin à l’acte de repentance. Cependant la question reste ouverte de savoir s’il s’agit d ’une obligation et d’une prèscription ferme ou d’une simple affirmation, voire d’une promesse. Les commentateurs restent partagés sur ce point et la lettre du texte, «T u reviendras vers l’Éternel ton Dieu», ne permet pas de conclure en faveur de l’une ou de l’autre des opinions 13. Si l’on réunit, comme cela s’impose, les contenus des trois analyses précédentes, force est de constater que le repentir ne se présente pas dans la Tora comme une obligation explicite. Il est certes impliqué dans le processus d’expiation, il est intimement lié à la promesse de la rédemption collective du peuple, mais aucun texte ne laisse entrevoir la notion d ’une conversion intime de la conscience ni son rapport avec le pardon. Cependant, la convergence des récits et des prescriptions, leur confrontation réciproque, nous obligent de les replacer dans une perspective plus vaste, seule susceptible de révéler la véritable signification de l’expérience du péché et de la repentance. Dans la Tora cette expérience ne peut se comprendre que dans le cadre de l’Alliance conclue entre Dieu et l’homme. Ce dernier n ’est jamais seul : il est toujours sollicité et interpellé par Dieu, un Dieu soucieux de l’homme et intéressé par sa conduite. Cette initiative divine se présente souvent sous la forme d ’un commandement, mais ce qui importe dans cette adresse autant et peut-être même plus que l’impératif de la loi, c’est la relation dialogale. Ce qui est premier, c’est une présence et non un devoir ou une idée. Aussi le péché est-il une lésion d’un lien personnel, mais jamais une rupture définitive. Le point de départ n’est pas le péché de l’homme mais bien au contraire !’affirmation fondamentale de la capacité humaine de faire réussir le projet divin pour la création, qui est à la base du précepte et du sens profond de l’Alliance. O n comprend dès lors que l’accent ne soit pas mis essentiellement sur la faute et en conséquence sur le repentir, et que d’autre part la repentance apparaisse dans la Tora comme la promesse de la réussite ultime du bien, comme la réalisation du projet de l’Alliance. Bien évidemment, la Tora ne se livre pas à une étude métho
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dique du péché ou à une recherche de définition du repentir, mais c’est dans la profondeur et l’essentielle positivité de la parole primordiale qui constitue la situation dialogale, que le péché apparaît et que la suppression de sa charge s’amorce. Cette suppression, il faut le souligner, ne semble pas pouvoir être obtenue par la seule confession du péché et le repentir : l’acte rituel du sacrifice d ’expiation est primordial. À défaut d’une explication fournie par le texte lui-même, on peut penser que pour la Tora la mesure du péché ne peut se réduire à la conscience subjective de la culpabilité. Elle se définit en premier lieu par la situation objective de l’homme dans l’Alliance. Le péché se présente de ce fait comme une « réalité » extérieure qui lui confère une véritable transcendance, échappant pour ce qui concerne ses conséquences ultimes et le désordre introduit dans le monde à la connaissance et au contrôle du coupable. Seul Dieu peut couvrir cette déviation et amender totalement l’homme en lui accordant son pardon 14.
de sa repentance d’autre part, mérite une mention particulière lâ. L’attitude de David se caractérise en effet, malgré l’ampleur de son péché, par la reconnaissance immédiate de sa responsabilité, la promptitude de son aveu et l’intensité de son remords. Le prophète lui fait savoir que Dieu lui en sait gré : tout en maintenant la sanction, Il commue sa peine 17. Le Psaume 51 qui rapporte la prière du roi pour implorer la miséricorde divine montre bien la dualité évoquée ci-dessus. Le sens religieux du péché, le désordre objectif qu’il introduit dans le monde, la relation essentielle résultant de l’Alliance sont fortement affirmés, mais déjà apparaît la dimension d’une culpabilité subjective mesurée à l’aune de la conscience 18 :
LE MOUVEMENT D ’INTÉRIORISATION DU PÉCHÉ ET D ’INDIVIDUALISATION DE LA FAUTE :
LE MESSAGE DES PROPHÈTES
U n rapide regard sur les autres parties de la Bible confirme tout d’abord que l’on peut désormais considérer comme acquis le principe général de la Teshuva. O n y constate de quelle manière les principes de la Tora sont appliqués dans le vécu et comment simultanément se dessinent des déplacements d’accent qui dévoilent des aspects nouveaux dans la prise de conscience de la culpabilité et des possibilités de repentance. Les livres de Josué, des Juges et de Samuel donnent plusieurs exemples de repentir individuel ou collectif15, mais nous retiendrons surtout l’exemple de David qui, tant par le rang de son auteur et la gravité de sa faute d’une part, que par la qualité
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« Car mon péché, moi, je le connais, ma faute est devant moi sans relâche ; Contre toi, toi seul, j ’ai péché, ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait. » (Ps. 51:3, 6)
Le livre de Jonas illustre la possibilité et la nécessité du repentir également pour les non-juifs : ici sans ambiguïté le repentir entraîne la suppression de la sanction 19. Mais c’est avec les Prophètes que la notion prend une nouvelle amplitude. Elle est d’abord un appel pressant à un retour collectif aux impératifs de l’Alliance et peut dans ce sens être considérée comme un rappel du chapitre 30 du Deutéronome. « Reviens, Israël, jusqu’à !’Éternel ton Dieu, car tu as trébuché sur ta faute : prenez avec vous des paroles et revenez vers Dieu ; Dites-lui : pardonne toute faute... » (Os. 14:2, 3) «... Revenez jusqu’à moi de tout votre cœur par le jeûne, par les pleurs, par les lamentations. Déchirez votre cœur et non vos vêtements, revenez à !’Éternel votre Dieu, car il est
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clément et miséricordieux, longanime et d’une grande bonté, revenant sur le mal 20. »
Go. 2:12, 13) Après la destruction du Temple et la disparition du culte sacrificiel, en exil, la conscience du caractère collectif du destin ju if se relâche. Ézéchiel souligne la valeur de l’individu et voit dans le repentir l’expression la plus évidente de la liberté absolue de l’homme. La faute des générations précédentes ne pèse pas fatalement sur les descendants et par ailleurs une conduite morale longuement soutenue ne présente pas une garantie absolue contre une rechute possible dans le péché. Ainsi, en l’absence des sacrifices et de la certitude de l’expiation et du pardon, Ézéchiel déclare que tout individu dispose par luimême de la force nécessaire pour déterminer sa propre conversion. « La personne qui pèche, c’est elle qui mourra. Le fils ne portera pas de responsabilité dans la faute de son père et le père ne portera pas de responsabilité dans la faute du fils... Quant au méchant, s’il revient de ses péchés qu’il a commis... il vivra, il ne mourra pas. Aucun de ses péchés qu’il a commis ne lui sera imputé... Estce la mort du méchant que je désire... n’est-ce pas plutôt qu’il revienne de ses voies pour qu’il vive ? » (Éz. 18:20-23)
Aucune disposition naturelle ou héréditaire, aucune circonstance historique, ne saurait réduire la capacité de régénération de l’individu : « Rejetez loin de vous tous vos péchés et créez en vous un cœur nouveau. » (Éz. 18:31)
Ainsi, la perversion comme la conversion relèvent d’une décision individuelle et le repentir par lui-même entraîne le pardon. Cette conception, qui correspond à une situation his
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torique précise, affirme la force du repentir dans l’économie du salut individuel et marque une étape importante pour la compréhension de l’évolution de la notion de repentance dans la Bible 21.
PRÉÉMINENCE DU REPENTIR :
LA LITTÉRATURE DU TALMUD ET DU MIDRASH
Ce sont les maîtres du Talmud qui ont forgé le terme même de Teshuva : ils ont approfondi et élargi la définition de ce concept d ’origine biblique, et en ont fait un principe essentiel. Trois traits principaux, nous semble-t-il, se dégagent de la masse des aphorismes des rabbins du Talmud dispersés dans cette vaste littérature, rédigée généralement sans aucun esprit de systématisation et de conceptualisation. a) Affirmation de la valeur absolue de la repentance, aussi bien dans le cadre codifié des prescriptions que dans celui de l’expérience morale 22. La place centrale accordée à la capacité et surtout au devoir de se repentir devait conduire à définir la nature de cette obligation et la façon de lui donner une exprèssion pratique sur le plan de la conduite. Le Talmud distingue les étapes suivantes devant mener à une conversion totale : remords, confession verbale, abandon de la faute et engagement ferme pour l’avenir. Ne considérant pas le « mauvais penchant » (Yêtser hara ") comme un mal radical, mais comme un aiguillon destiné à stimuler la liberté et la responsabilité de l’homme, il présente également la repentance comme une disponibilité permanente de retour vers Dieu 23. D ’où la tendance à rapporter les récits de la Bible relatant certaines graves infractions en précisant que leurs auteurs se sont repentis de leurs fautes 24. Ces récits n’auraient parfois pour but que de souligner la possibilité pour l’individu comme
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pour la collectivité de changer de voie et de revirginiser leur conscience malgré la faute et même grâce à elle 25. L’une des expressions les plus marquantes de la prééminence accordée au repentir est l’affirmation de la préexistence du repentir à la création du monde 26. Selon une opinion, les repentants se situeraient même à un niveau supérieur à celui des justes qui n’ont jamais fauté 27.
Il convient de souligner que c’est très précisément le judaïsme de la Halakha qui a mis l’accent sur le concept de Teshuva, les deux relevant d’une même thématique. Le retour à Dieu et à la mitsva est toujours possible, il est toujours à la disposition de l’homme. Cette position est à l’opposé de la logique chrétienne de la grâce : la réparation n ’a pas besoin d ’un secours extérieur ni d’une nouvelle intervention de la divinité. Par la Teshuva, le judaïsme affirmait la liberté de l’homme et réaffirmait la permanence de l’Alliance sans avoir à recourir à une nouvelle alliance. Parallèlement à ce point de vue nettement dominant, la dialectique talmudique reconnaît également la dimension de la miséricorde divine surtout en ce qui concerne le destin d ’Israël et de l’humanité. S’inscrivant dans une conception culturelle générale, la Teshuva prenait une place de plus en plus importante dans la conduite individuelle sur le plan de la vie quotidienne en s’insérant dans une structure d’action précise 31. Mais sur le plan de la pensée et de la vie de l’esprit également, elle s’imposait comme une idée-force de la philosophie religieuse et de la théologie de l’Histoire sans recevoir cependant une formulation correspondant à une quête systématique de vérité.
b) Les tendances que nous avons relevées dans la prophétie d’Ézéchiel au moment de la destruction du premier Temple se retrouvent et se confirment après la disparition du second et dans les siècles suivants. L’abolition des sacrifices a pour conséquence de reporter sur le repentir le rôle principal dans l’obtention du pardon. Le Talmud s’interroge sur les rapports entre la praxis rituelle et le processus subjectif de la repentance. Le rapport entre Teshuva (repentir) et Kappara (expiation) vaguem ent esquissé dans la Tora fait l’objet d ’un débat approfondi. Si tous s’accordent à conférer au repentir la possibilité de l’obtention du pardon, les opinions divergent sur la radicalité de ce pouvoir, et sur la part réciproque de Dieu et de l’homme dans ce processus 28. c) Les arguments avancés dans cette discussion se retrouvent tout naturellement au sujet du problème du destin collectif de la nation, dans le cadre de la relation d’Alliance entre Dieu et Israël. La rédemption ultime dépend-elle de l’initiative du peuple, du mérite et de l’effort humains selon l’adage « Si Israël ne se repent pas, il ne sera jamais délivré 29 », ou au contraire l’univers divin ne pouvant pas rester éternellement sur un échec, parviendra-1-il à la solution objective de ses problèmes ? La venue des temps messianiques est-elle conditionnée par le repentir et les œuvres, le salut de l’homme devant avoir son origine dans l’homme, ou tout dépend-il d’un engagement préalable de Dieu envers sa création garantissant le triomphe final du bien 30 ?
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ÉLUCIDATION DU CONCEPT DE LA TESHUVA : LA LITTÉRATURE JUIVE MÉDIÉVALE
La spéculation philosophique Une réflexion de plus en plus approfondie sur le sujet s’engagera dans la littérature du Moyen Age et plus particulièrement dans les œuvres des philosophes juifs. Ces auteurs, dans des genres littéraires divers, dégageront une ligne de pensée définie en effectuant un choix dans les données bibliques et les
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interprétations talmudiques. Ils mettront l’accent sur tel argum ent au détriment de tel autre laissé sous silence afin de présenter une conception cohérente qui fixe les règles et précise les conditions de la repentance, ainsi que son rôle dans la vie religieuse et spirituelle. En présentant leur enseignement, il conviendra de porter notre attention, bien sûr, sur le contenu de leurs conclusions mais également sur les choix qu’ils ont opérés et les motifs qui les ont guidés dans leur approche du problème. C ’est à R. Saadia ben Joseph Al-Fayumi (Saadia Gaon, 882942) 32 que revient le mérite d’avoir le premier consacré une analyse de la Teshuva dans son ouvrage Séfer ‘É munot Wede'ot (« Le Livre des Croyances et des Idées »). Bien qu’il ne traite pas le thème pour lui-même et ne l’aborde que dans le cadre général de la description de la conduite religieuse, il mettait cependant en relief la valeur particulière de cette attitude, et son analyse devait servir de base à toutes les études ultérieures. Dans le cinquième chapitre portant sur « Les droits et les devoirs », il établit le principe théologique que le don de la Loi implique la possibilité théorique de son accomplissement intégral. Le péché ne dérive pas de la nature même de l’homme ; il est accidentel. Cependant, comme dans la pratique l’homme succombe aux incitations du penchant du mal, la Tora se devait de prévoir la modalité d’une réparation. La Teshuva est le moyen prévu pour réparer ce que l’on aurait pu et dû éviter. Saadia s’applique, en suivant les données du Talmud 33, à préciser les stades de cette conversion suscitée par une prise de conscience de la faute ou par la crainte de ses conséquences 34. Cette conception lie étroitement la Teshuva à la faute, et plus exactement à une faute commise par un individu dans des circonstances définies. Il s’agit d’une aventure individuelle, d ’une conversion intime, soutenue par la prière et éventuellement par le jeûne pour l’obtention du pardon. L’analyse revêt une forme assez technique et ne se préoccupe ni du fondement ni des possibilités réelles de la Teshuva. Bahya Ibn Paqûda 35 approfondira la démarche de Saadia en insistant sur la dimension spirituelle de la Teshuva. Fondant
toute son œuvre sur le rappel des exigences de la vie intérieure, il accordera dans son Introduction aux devoirs du cœur une place centrale au repentir. Entre la nécessité de la vertu d ’humilité (6e Portique) et l’examen de conscience comme instrument d’une meilleure connaissance de soi-même (8e Portique), le retour vers Dieu (7e Portique consacré à la pénitence) constitue un chaînon indispensable pour rétablir l’équilibre entre la volonté humaine et celle du Créateur. C’est une étape incontournable sur la voie de la purification de l’individu pour parvenir à l’ascèse spirituelle et à l’amour de Dieu. Dans la structure hiérarchisée de la vie spirituelle, la Teshuva, dont l’auteur précise avec rigueur 36 la définition, les conditions et les limites, est perçue pour la première fois dans le cadre global d’une dynamique de progrès de l’être devant permettre à l’âme de se libérer des servitudes charnelles afin que l’homme puisse vivre dans la réalité accomplie de sa ressemblance divine 37 Ces « précurseurs » seront suivis en Espagne et en Provence par des auteurs qui rédigeront des monographies sur la Teshuva sur les bases des principes de la philosophie ou de la Halakha. Abraham bar Hyya (début du XIIe siècle à Barcelone) consacre le troisième des quatre chapitres de son Hegyon haNefesh ha "atsuva38 (« Méditation de l’âme affligée ») à « l’élucidation des voies de la pénitence », mais à vrai dire le repentir constitue le sujet essentiel de l’ensemble de l’ouvrage, qui se présente sous forme d’homélies sur les Haftarot (passages des livres des Prophètes) lues à la synagogue durant les Dix Jours de Pénitence. Au XIIIe siècle R. Yona Gerondi 39, opposé au courant philosophique de la pensée juive et luttant pour le renforcement du culte et de la pratique religieuse, publie son Sha"aré Teshuva, « Les Portes du retour ». Il s’y livre à une description systématique du processus progressif du cheminement du repentir dans l’âme et dans la conduite du pécheur. Dans cet essai, de même que dans celui de R. Bahya Ibn Paqûda, on aperçoit comment la dynamique de l’analyse de la Teshuva et son action sur la personnalité tendent à faire de cette attitude
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un exercice permanent de conquête de la liberté - pas forcément liée à une faute précise. C ’est dans un tout autre esprit que R. Menahem Haméiri, célèbre commentateur de la Halakha, entreprend la rédaction d ’une anthologie sur la Teshuva. Son recueil, Hibûr haTeshuva, comporte des citations d’auteurs juifs et non juifs, musulmans pour la plupart, sur la pénitence, ainsi qu’un examen approfondi au ton parfois lyrique de la crainte du châtiment et de l’angoisse de la mort, en vue de provoquer chez le lecteur un éveil au repentir. Ces monographies, qui tentent, à travers des genres littéraires, on le voit, fort variés, de présenter le phénomène du retour comme une donnée essentielle, s’attachent surtout à en décrire l’aspect moral et parfois psychologique dans le cadre de la vie religieuse. Dans la majorité des cas elles passent sous silence l’aspect rituel et formel qui dans la Bible et le Talmud se traduisait pour l’expiation et la rémission des fautes par un acte concret de contrition et de rachat.
de par sa structure, une illustration supplémentaire : les problêmes essentiels se rattachant à la dualité des deux ordres y affleurent et s’y éclairent d ’une façon particulièrement marquante 40. Dans les quatre premiers chapitres, Rambam développe tout d’abord l’aspect hilkhatique de la Teshuva, tel qu’il se présente dans la Tora et découle de l’interprétation talmudique, en tant que précepte positif qui s’impose à l’individu désireux de réparer sa faute. Définition du repentir (soulignant l’importance de la confession verbale), temps le plus efficace pour l’effectuer, cérémonial de l’expiation et du pardon, ses limites et les manquements qui y font obstacle, tels sont les principaux articles exposés d ’une façon assez technique dans ces chapitres. Le style change au milieu de l’ouvrage, à partir du cinquième et du sixième chapitre. En s’appuyant certes sur l’Écriture, mais en faisant essentiellement appel à des arguments rationnels, Maimonide défend la thèse du libre arbitre et de la compatibilité de l’omniscience divine et de la liberté humaine. O n remarquera que ce principe, qui est le fondement du repentir, n ’est pas affirmé au départ de l’analyse comme l’exigerait la logique, mais comme une conséquence découlant du précepte de la Tora (chap. 7, § 1). C ’est parce que la Loi prescrit l’obligation de la Teshuva que l’individu fidèle au précepte découvre sa liberté. Il peut en déduire, comme l’auteur le fera lui-même dans la suite de son analyse, l’éminente dignité d ’une telle conduite (chap. 8) ainsi que sa finalité ultime. Elle nous conduit en effet à l’amour intellectuel de Dieu (chap. 9 et 10) et nous prépare à ce monde à venir dont Maimonide affirme avec force qu’il n’a pas de réalité corporelle 41.
C ’est par contre à une présentation exhaustive réunissant tous les éléments de la Teshuva - hilkhatiques, philosophiques, moraux, pratiques et spirituels - que s’applique R. Moshé ben Maïmon (Maimonide, Rambam, 1135-1204) dans une synthèse qui n’a jamais été reprise par la suite avec la même plénitude. Ramassant l’acquis du passé, il réagence toutes les données et les oriente selon une approche et une compréhension originales tant dans la forme que dans le fond, qui seront déterminantes pour l’évolution de la pensée juive. L’auteur établit en effet un lien organique entre l’ordre hilkhatique dicté par la révélation et l’ordre philosophique dérivant des spéculations de la raison : ces deux ordres, loin de s’opposer, sont complémentaires, la philosophie étant le moyen de s’assimiler le contenu de la révélation. Le Séfer haMada ", le Livre de la connaissance, qui constitue la première partie des quatorze que comporte le Code, le M ishné Tora, est en luimême une démonstration de ce principe. La section sur la Teshuva, qui en est la conclusion, en est, de par son contenu et
L’esprit de clarté et d’ordre que Maimonide introduit ainsi dans la masse touffue et parfois confuse des sources, soutenu par un style limpide et précis, confère désormais à la Teshuva une place de choix indiscutée dans l’éthique du judaïsme. Cependant, l’effort de synthèse entrepris reste fortement marqué par l’influence du courant philosophique. Simultanément dans le nord de la France et dans le sud de l’Allemagne,
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lieux de résidence de groupes juifs connus sous le nom d’ashkenazim, d’autres tendances non retenues ou non soulignées par Maimonide s’affirment et donnent lieu à de nouvelles interprétations de la Teshuva selon des perspectives et des sensibilités différentes.
que le désordre introduit par le péché ne peut être réparé complètement par la seule conversion intérieure 44. Ces instructions qui répondent davantage à des exigences pédagogiques que spéculatives devaient avoir une influence profonde et durable. O n en retrouve la tonalité sous des formes diverses et à travers une interprétation empruntée à la Cabbale, dans certaines dispositions adoptées par des maîtres de l’École de Safed au XVIe siècle.
Les instructions de la H assidut ashkénaze Les dispositions recommandées au repentant par les fondateurs de la Hassidut ashkénaze sont consignées essentiellement dans le Séfer Hassidim, vaste compilation rédigée par R. Yehuda le Hassid et son fils Shmuel 42. Les voies de la pénitence qu’elles préconisent diffèrent de celles des conceptions précédentes et ne semblent pas obéir aux mêmes principes. Elles mettent l’accent surtout sur la sanction que le repentant doit s’infliger afin de parvenir à une conversion véritable. Le processus interne de la conscience et l’aspect spirituel du repentir, quoique non totalement ignorés, cèdent la place à des mesures préventives pour éviter la récidive de la transgression, ainsi qu’à la description des mortifications pénibles, parfois draconiennes et souvent humiliantes, que doit s’imposer le pécheur 43. Certains ont cru déceler dans ces recommandations surprenantes et peu conformes à l’esprit du judaïsme une influence chrétienne. Cependant, en l’absence de preuves formelles en faveur de cette hypothèse, et vu le refus radical et général du christianisme de la part des juifs, nous préférons voir dans cette attitude l’expression d’un aspect du thème de la Teshuva qui avait été délaissé par les théories classiques et n’avait pas reçu jusque-là l’attention qu’il mérite. Nous voulons parler de l’expiation et de la nécessité d’accompagner la conversion d’un geste extérieur pour l’obtention effective du pardon. Les mortifications - qui sauf cas exceptionnels et graves se limitent surtout aux jeûnes, aux inconforts et à l’exil volontaire hors du foyer - jouent le même rôle que le sacrifice et viennent rappeler
La Cabbale : la Teshuva comme rétablissem ent de l'u nité initiale Un exemple particulièrement marquant de renouvellement du sens traditionnel de la Teshuva nous est fourni par la Cabbaie. En faisant apparaître des aspects inattendus au sein même de la conception traditionnelle, les cabbalistes n ’avaient pas l’impression d’élaborer une doctrine inédite mais de nous faire pénétrer plus intimement et plus authentiquement dans le message des maîtres de la Tradition. Sans entrer dans le détail des différentes écoles, nous nous efforcerons de dégager quelques caractères saillants afin de rendre compte du climat spirituel de ce mouvement et de ses répercussions pour la compréhension du phénomène du retour. Les dix Sefirot et les rapports qu’elles entretiennent entre elles ne nous renseignent pas seulement sur l’ordre de l’émanation de la divinité mais sont également une référence à laquelle se ramènent tous les autres plans de la réalité. Les cabbalistes décrivent la structure compliquée mais unie des mondes émanés en montrant la connexion du monde visible avec les divers aspects de la Déité. Tout dérive d’un même point et l’ensemble complexe du réel est relié par un réseau de correspondances qui agissent les unes sur les autres et interfèrent entre elles. Dans ce contexte, les entités Hokhma (Sagesse) et Bina (Discernement) 45 forment un couple conjugal qui, dans certaines conditions, communique son flux aux Sefirot inférieures —Tifé-
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ret et M alkhut. Quand ces conditions ne sont pas remplies l’unité séfirotique, c’est-à-dire l’unité divine, se trouve rompue. O r ce sont les actions malfaisantes des pécheurs qui sont la cause principale de cette rupture et obstruent les voies de communication. Le rétablissement de l’unité est l’objet de la Teshuva : la conversion du pécheur est à la fois le symbole et l’instrument du retour pour l’union rétablie de Hokhma et de Bina 46. Par l’accomplissement de la mitsva en général et par l’action de la Teshuva en particulier, l’homme s’attache aux Sefirot ; il coopère à leur unification et réalise l’harmonie dans le monde supérieur et les sphères spirituelles 47. Dans l’ordre de ce symbolisme on comprend aisément que les textes cabbalistiques citent à l’appui de leur thèse l’adage talmudique selon lequel la Teshuva préexistait au monde comme cause primordiale et fondement de toutes choses 48, et donnent la préférence aux repentants sur les justes qui n’ont jamais fauté 49. Le processus du retour n ’est pas forcément lié à une faute définie ; il est une nécessité permanente qui concerne évidemment la conduite humaine individuelle et collective, mais dont la finalité ultime est cosmique 5°. Cet enseignement, qui se répand à partir de la seconde moitié du XIIe et s’épanouit au XIIIe siècle, bien que fondé sur la tradition rabbinique la plus authentique, ajoute au thème de la Teshuva une dimension insoupçonnée jusque-là. Il sera une source d’inspiration créatrice et exercera une grande influence sur les spéculations ultérieures. Durant les siècles suivants, la réflexion sur le thème du repentir s’apparente le plus souvent à un commentaire répétitif de et à partir des diverses tendances que nous venons d’analyser, sans que l’on puisse y déceler une orientation radicalement nouvelle. Une remarque particulière s’impose cependant pour marquer l’importance du mouvement cabbalistique du XVIe siècle à partir des œuvres de Moshé Cordovéro 51 et de Ytshaq Luria 52. Les théories ainsi d’ailleurs qu’un grand nombre de coutumes
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inspirées par la Cabbale de Luria exerceront une influence considérable dans toutes les couches de la population et dans chaque contrée de la diaspora juive. Elles portent également sur le sens et la pratique du repentir. Sur ce point comme sur de nombreux autres, elles reprendront les idées fondamentales du Zohar en leur conférant pourtant une amplitude plus généraie et plus dramatique, qui constitue en fait non un changement radical mais un déplacement de perspective conduisant à de nouvelles conclusions. Pour Luria, le monde et l’humanité sont menacés par la corruption qui provient de la fissure originelle de la création, la « Brisure des Vases », confirmée et renforcée par le péché d ’Adam. Grâce au progrès spirituel et particulièrement grâce au repentir, la déficience initiale inhérente à tout ce qui existe peut être réparée. La restauration de l’ordre idéal, le Tiqun, qui forme le but original de la création et aussi la fin ultime de l’existence, est le sujet principal du système théorique et pratique de Luria 53. La réparation de la faute rejoint la tâche essentielle de surmonter l’exil en concentrant la force du repentir de l’ensemble de la communauté par la progression de l’action messianique du salut. Un lien plus explicite et plus élaboré s’établit ainsi entre la Teshuva et la rédemption, qui accentue encore davantage le rôle essentiel de l’homme dans la création. La structure de l’anthropologie correspond à celle de la cosmologie, et le processus de la restauration se trouve ainsi recouvrir celui de l’eschatologie. Le Hassidisme à travers les écrits de ses grands Maîtres insistera sur le lien entre le processus descendant de l’émanation et celui ascendant du retour, et certains souligneront l’analogie entre ce développement et celui qui régit l’évolution de Thistoire juive de l’exil vers la rédemption. Ce n ’est que vers le XIXe siècle que le thème de la Teshuva resurgit dans un contexte totalement différent et tend à prendre une place centrale aussi bien dans le contenu des doctrines que dans le cadre général dans lequel ces démarches se situent.
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La fin du XVIIP siècle est marquée en effet par le mouvement de l’émancipation qui pousse progressivement les masses juives hors des ghettos et les conduit simultanément vers un affranchissement des valeurs traditionnelles du judaïsme. L’éclatement du cadre social entraîne, surtout en Occident, une identification de plus en plus affirmée avec les cultures nouvelles. Cette mutation - sujette bien sûr à de multiples variations suivant les époques et les lieux - a pour conséquence une intégration qui se transforme très rapidement sur le plan culturel en assimilation. L’abandon de toute spécificité juive ne se trouve freiné que par les agressions des adversaires antisémites et la fuite n’est enrayée que par le phénomène de rejet plus ou moins violent suivant les régions. Alors que le judaïsme semble menacé de disparition physique et spirituelle, se manifeste une réaction de Retour plus forte que toutes les ruptures, qui engendre des courants de pensée dissemblables parmi les juifs d’Europe occidentale ou orientale, mais qui convergent tous vers une remise en question du processus engagé 54. Le cheminement à rebours pour retrouver des éléments constitutifs d’une identité juive est désormais engagé.
La Teshuva comme reconstitution de l ’être ju if A ux confins de la tradition métaphysique de l ’Occident : la redécouverte du judaïsme Ce n’est plus de l’intérieur du fait juif accepté et assumé que le repentir s’impose comme réparation d’une transgression, comme accomplissement d ’un précepte prévu par un code. Il se présente plutôt comme une tentative qui conduit le juif déjudaïsé â renouer avec un destin dont il ignorait le sens et avec un mode de vie dont il méconnaissait la grandeur. Deux figures illustrent par leur démarche — personnelle certes, mais significative pour la situation de l’intelligentsia juive - le mouvement qui ramène vers le centre de la spiritualité juive ceux qui avaient adhéré à la sagesse de la philosophie et aux lumières de l’Occident, mais recherchent une issue à la
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crise de l’humanité qui s’annonce et dont ils pressentent les menaces et les dangers. Hermann Cohen 55 et Franz Rosenzweig 56 retrouvent la voie religieuse en rompant d ’abord, le premier avec l’éthique abstraite de l’idéalisme, et le second avec la philosophie conceptuelle, pour reconnaître, dans un deuxième mouvement, dans le judaïsme le sens singulier de l’homme individuel. S’appuyant sur le message des prophètes individualistes et en particulier d ’Ezéchiel, Cohen montre comment la conscience de l’individu-moi surgit et s’élabore à partir de la conscience du péché 57 et par l’espoir du pardon de Dieu 58. C ’est à travers l’expérience de la Teshuva que se renforce la corrélation avec Dieu, et que l’individu se constitue en personne morale 59. Ainsi, la Teshuva devient l’élément constitutif de la religion, l’expérience vécue qui introduit des ruptures dans le moi et fonde l’individualité concrète « devant Dieu ». Cheminement, effort constant pour se donner à soi-même « un cœur nouveau ». Le repentir est pour Cohen cet acte d’autorégénération par lequel une personne parfait son être par une réalisation infinie, toujours à reprendre, de la tâche morale. Vu la finitude de l’humaine condition, cette œuvre demeurerait impossible, inaccomplie, si l’homme ne pouvait placer sa confiance (Émuna) dans le pouvoir rédempteur de Dieu, désir de l’élargissement de sa corrélation avec Lui, sans laquelle il perdrait son humanité. D ’où la fonction éminente du Pardon et du Yom-Kippour dans le judaïsme ainsi que la place centrale qu’ils occupent au cœur de l’œuvre maîtresse de Cohen 6°. Mais le sursaut du retour est particulièrement sensible dans l’existence de Franz Rosenzweig et son élan marque avec force et originalité toute son œuvre. Dans sa personne comme dans sa pensée, il est représentatif du trouble de cette génération et de ses efforts pour se situer par rapport aux énigmes posées par l’histoire. Selon sa propre expression, il s’est voulu non un fiancé du repentir, mais son époux (un Baal Teshuva)., celui qui vit avec elle en totale et constante intimité, édifiant son existence autour de cette permanente et exaltante expérience. Llevé dans une famille assimilée et arrivé au seuil de la
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conversion au christianisme, c’est finalement dans le judaïsme qu’il trouve une réponse aux problèmes de la destinée et du salut de l’homme. Son itinéraire le mène d’une révolte contre l’esprit de système de l’hégélianisme à l’élaboration d’une « nouvelle pensée » qui tienne compte de la personne singulière du philosophe, de l’individu particulier. C ’est dans la religion, ou plus exactement dans les significations que véhicule depuis toujours l’existence religieuse, qu’il décèle la plénitude inépuisable de la vie capable de surmonter l’immobilité des concepts et découvre le lieu où se joue concrètement le drame de l’être. L’attitude religieuse réalise dans une relation vécue la jonction accomplie entre Dieu, l’homme et le monde. L’amplitude du mouvement du Retour qui conduit Rosenzweig de la philosophie à la religion, de la religion au seuil du christianisme, l’amènera finalement au judaïsme 61. La communauté religieuse juive anticipe dans son existence collective la plénitude de cette relation. Elle seule, à travers son temps rituel et liturgique loin de sa Terre, par sa loi immuable et sa langue sacrée - , vit d’ores et déjà une existence extra-historique, anticipation de l’Eternité. Rosenzweig retrouve ainsi, étape après étape, le fondement de son identité : l’ensemble de ce cheminement est Teshuva, retour vers la condition juive 62. Cependant, cet esprit inquiet ne pouvait se contenter d’une approche partielle : la dynamique de son retournement ainsi que ses options philosophiques le poussent vers de nouvelles exigences : pour lui ce cheminement ne peut rester seulement un moyen, il doit être un but. Après avoir découvert, à la suite de l’enseignement de Buber, le sens éternel de la Parole de l’Ecriture et la nécessité de lui prêter une oreille attentive afin d’en saisir l’actualité, il formule une revendication identique pour la partie pratique de la révélation. Impossible de ne pas accorder une considération sérieuse à la mitsva. Rejetant à la fois l’opportunisme prôné par le judaïsme réformé et ce qui lui apparaît comme le légalisme juridique de l’orthodoxie, il voudrait accomplir la mitsva qu’il se sent présentement en mesure d’accepter avec la totalité de son être 63. Tout le passé de la Halakha constitue pour lui la
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seule règle de vie pour le peuple juif mais il réclame pour celui qui rejoint cette voie en cours de route le droit de la concrétiser au fur et à mesure de sa progression spirituelle. Il faut, dit-il, accepter la règle non par devoir et comme une charge mais en fonction du pouvoir individuel de chacun de la réaliser pleinement dans la joie 64. Conscient du but à atteindre et des difficultés à surmonter pour y parvenir, Rosenzweig, suivant le rythme personnel de sa Teshuva, a finalement édifié la pratique de sa vie et celle de son foyer jusqu’à la stricte observance de l’ensemble des mitsvot. Ces deux démarches 65, quoique se référant à des thèmes bibliques et midrashiques, sont indéniablement très marquées par leur époque et demeurent intrinsèquement liées à l’évolution de la pensée philosophique en Europe occidentale au milieu du XIXe siècle. Elles retracent, dans le fil d ’une expérience vécue autour du phénomène du repentir, l’aventure spirituelle de la reconstitution de l’être juif personnel de chacun de ces auteurs. Bien que répondant à un but identique, c’est dans une tout autre direction que s’engagera la réflexion et le renouvellement de la notion de Teshuva en Europe orientale. A ux confins du cosmopolitisme culturel et des pogroms en Europe orientale : la redécouverte de la nation juive L’immense majorité des juifs se trouve alors en Europe centraie et orientale. Soumis à un statut discriminatoire, les juifs vivent en groupe compact, au milieu d’une population formée d ’une mosaïque de minorités nationales, dont la culture ne constitue point à leurs yeux un point d’attraction susceptible de rivaliser avec leurs propres valeurs. Là, également, l’échec de l’émancipation et les manifestations d’un antisémitisme chronique engendrent déception et refus d’intégration. Un changement radical de la situation s’impose : la prise de conscience se cristallisera autour de l’idée d ’un retour au nationalisme juif. Le mouvement de Teshuva y est envisagé non comme un engagement individuel, mais comme une entreprise collective. Une des premières réactions dans ce sens, expressément rat
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tachée à la notion de Teshuva, émane du Rav Yehuda-Haï Alqalay, rabbin de Sarajevo, en Serbie 66. Il formule sa revendication dans une étude sémantique et philologique du terme Teshuva, intitulée significativement Une porte étroite comme le chas d ’une aiguille, parue en 1849 67. « Sache que l’acception première de ce terme [Teshuva] est le retour à l’endroit d’où l’on est parti, que l’on a quitté, comme cela ressort du verset où il apparaît pour la première fois dans la Bible : “ Et son retour à Rama, car là est sa maison ” (ISam. 7:17). Ce sont les maîtres du Talm ud qui ont transposé ce sens initial et l’ont appliqué par extension et au figuré au repentir de la faute. Par la suite cet emploi s’est imposé, surtout sous la plume des moralistes, comme sa signification exclusive, occultant le sens originel. La signification authentique du terme nous indique sans ambages “ que nous devons retourner dans le pays que nous avons quitté ”. »
Inutile de souligner que pour l’auteur également le repentir est de toute évidence un choix moral de conversion de la conscience, mais ce dernier ne saurait être plénier s’il ignore le besoin de retrouver dans toute sa hauteur la dimension colléetive de la conduite, la poursuite collective du projet divin pour la nation. Il convient en effet de distinguer deux sortes de Teshuva : le repentir individuel et le repentir collectif. Le premier correspond à la description classique qu’en font les moralistes, tandis que le second, prôné par les prophètes, exige le retour dans la Terre ancestrale qui seul aura pour effet le retour de la gloire divine dans le pays. Le salut dépend bien, comme l’affirme le Talmud, de la Teshuva68, mais il convient de réapprendre le sens précis de ce terme et de lui rendre sa signification première, seule déterminante. Le retour effectif dans le pays entraînera le repentir individuel vers Dieu, qui reste difficile sinon impossible dans la diaspora, où la nation est privée de toute initiative créatrice susceptible de lui rendre son âme.
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R. Alqalay interprète dans cette ligne de nombreux versets bibliques et fait de la Teshuva ainsi comprise l’élément central, essentiel, de sa réflexion sur le destin du peuple juif. Les malheurs de l’exil résultent de l’apathie dont a fait preuve le peuple. Passivité qui peut être considérée comme un consentement tacite à sa situation et par conséquent doit être estimée comme le plus grave des péchés, comme un reniement de la vocation spécifique de la nation. Le retour vers Sion de tous, mais plus spécialement de ceux qui se sont détachés de la tradition, sera l’amorce et le signe d’une authentique Teshuva, de la reconquête de l’être ju if dans l’acception la plus totale de ce terme. Nombreux seront par la suite les penseurs religieux qui verront dans le sionisme, même laïque, une confirmation des vues de ce précurseur 69. Au début du XXe siècle, l’Histoire provoque et favorise ainsi une herméneutique qui, selon des modes divers, fait surgir un enseignement nouveau impliqué de toute éternité dans la notion biblique tant de fois redéfinie mais inépuisable de Teshuva, et destiné à réorienter le destin individuel et collectif de ceux qui ne peuvent concevoir leur existence que dans le cadre immuable de l’Alliance. Apport inédit certes, mais qui se confronte à toutes les leçons du passé avec lesquelles il entretient une discussion sincère, continue et féconde. Il s’exprimera dans la lecture érudite et moderne qu’en fera le Rav Kook comme un prolongement de la parole prophétique et une réactualisation des éléments de la tradition biblique, rabbinique et cabbalistique.
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La Teshuva dans la pensée d u R av Kook Le m ouvem ent cosmique d u retour
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Bien qu’il soit difficile de définir la pensée du R. Kook suivant un système et de découvrir le centre de gravité autour duquel ses idées s’organisent, on peut cependant affirmer que le thème de la Teshuva constitue le centre actif de sa doctrine. Source vive de sa méditation, nous la retrouvons impliquée dans tous les grands problèmes qu’il sera amené à traiter : les rapports entre Dieu, le monde et l’homme, l’effort de volition et d’intellection, l’évolution et la finalité de l’histoire, le temps, la liberté et le problème de la mort. T out en se fondant sur l’enseignement traditionnel et en particulier celui de la Cabbaie, il lui confère un aspect nouveau et une expression originale en le greffant sur le mouvement de pensée de son époque et sur la situation historique du peuple juif au début du XXe siècle. Si l’expérience de la Teshuva détermine ainsi dans une large mesure le style véritable, intérieur, de l’ensemble de l’œuvre, le R. Kook lui consacra cependant un essai particulier, Orot haTeshuva (« Les lumières du retour »), auquel il attachait la plus grande importance70. Nous en présentons aujourd’hui une traduction française qui s’efforce de rendre compte à la fois de ses qualités philosophiques, de son souffle lyrique et de sa puissance spirituelle. L’écriture s’y déploie continûment
Voir notice biographique en Annexes, p. 175.
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comme sous la force d’une poussée organique et la pensée s’y présente de ce fait sous une forme totale et indivise qui risque d ’en voiler l’acuité. Les références implicites au texte biblique et talmudique, l’emploi d ’expressions aux résonances multiples empruntées aux écrits cabbalistiques d ’époques diverses, le recours fréquent à l’intuition et la densité du sentiment peuvent renforcer cette impression d ’absence de méthodes logiques et de concepts univoques qui structurent généralement les constructions intellectuelles fondées sur des idées immuables, claires et distinctes. Aussi avons-nous accompagné la traduction de substantielles notes destinées à mettre en relief —grâce à des recoupements avec d’autres textes de l’auteur et la recherche de leurs sources - les principes cohérents qui soutiennent son analyse et étayent ses descriptions. Le lecteur s’apercevra rapidement que la critique de l’intellectualisme dans la démarche de l’auteur ne correspond en aucune façon à un antirationalisme. Elle répond plutôt à un irrésistible et parfois pénible besoin de rechercher un mode de discours original qui lui permette d’intégrer une logique réfléchie aux intuitions fécondes de l’im agination71. Cette « connaissance poétique par les sentiments de l’âme » correspond à l’exigence de ne pas laisser échapper dans l’abstraction de l’idée la réalité concrète de la vie et la sensibilité qui enrichit l’âme. L’esprit, s’il veut s’exprimer, a besoin de signes qui pourtant le démentent, et qui le servent en le gênant. Pour saisir l’essence profonde des choses, il faut plonger jusqu’à l’intériorité où la pensée rationnelle prend son élan, l’intériorité intime qui est son origine. Afin de suivre le devenir permanent du jaillissement de la vie, il est nécessaire de renoncer aux concepts figés des essences éternelles en se forgeant un langage dynamique et mouvant, capable de rendre la poésie de la vie en ouvrant la pensée sur tout ce qui transcende ses limites. Il n ’est pas exagéré d’affirmer que ce langage « poétique » —essence du langage - , qui nous invite à retrouver jusque dans la forme l’expérience primitive de la pensée à l’état naissant, correspond parfaitement à la description de la Teshuva suivant la présentation q u ’en fait l’auteur. Ne consiste-t-elle pas précisément à
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nous libérer de nos aliénations pour rejoindre les couches profondes d’une existence libre et bondissante vers sa finalité ultime ? Le R. Kook, dans le but de nous aider à retrouver le chemin vers notre être profond, nous rappelle ainsi, par la forme comme par le fond de son essai, l’unité signifiante du cosmos et la parenté essentielle de l’humain avec l’univers. C ’est par l’analyse du thème de la Teshuva qu’il entreprend cette tâche qui lui semble constituer l’impératif primordial de notre époque.
LA TESHUVA DANS LE MONDE
Le monde comme unité organique L’intuition centrale de la pensée du Rav Kook est que l’univers constitue une réalité unique dans laquelle tout ce qui existe concourt à la cohérence de l’ensemble. Le lien qui unit tous les éléments en une unité organique, quoique non perceptible, répond à une exigence de la pensée en quête d’intelligibilité. En effet, depuis les présocratiques jusqu’aux théories de la science moderne unifiant les conceptions du monde, de la matière et du mouvement, l’idée que la diversité du réel puisse être expliquée par une unité sous-jacente n’a cessé d’être une hypothèse constante. Plus la connaissance de l’univers se développe, plus l’exigence d’unité se précise et le problème du rapport des éléments multiples avec le Tout s’impose comme essentiel. Afin de fournir de l’ensemble la description la plus globale possible, la science tente de raccorder dans une vision synthétique d’ordre mathématique les lois les plus fondamentales. La question de l’unité se présente pour elle comme un problème épistémologique portant sur les relations entre les termes et les lois des diverses branches de la connaissance.
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C ’est plutôt à l’aspect ontologique que le Rav Kook porte son attention. Les réflexions dictées par les données scientifiques peuvent suggérer des hypothèses fécondes mais elles ne sauraient apporter une réponse satisfaisante aux problèmes permanents de la philosophie 72. Partant d’une vision intuitive des choses et s’ouvrant aux rythmes et aux significations éparses de la poétique du Zohar, le Rav Kook considère l’univers comme une totalité organique où les existants ne sont pas isolés comme des objets distincts mais réagissent les uns sur les autres par interactions mutuelles, quelle que soit la distance qui les sépare. Plus on pénètre les couches profondes de la réalité, plus on en découvre la parfaite unité et la manière dont chaque élément est tributaire de l’autre dans une interdépendance générale qui se révèle progressivement. Dans l’univers, toutes les parties sont liées et se complètent : une indéfectible continuité s’établit depuis le degré inférieur du réel jusqu’aux expressions supéHeures de l’esprit qui constituent le développement suprême de la vie. À cette démarche organiciste et holiste, le Rav Kook ajoute une note axiologique fort importante, qui concerne directem ent notre propos, la Teshuva. La continuité entre les niveaux inférieur et supérieur du réel doit être saisie comme une unité qui vise à s’accomplir dans la ligne d’une constante élévation. Une force vitale dont l’essence est de se déployer selon un processus croissant de création permanente traverse l’univers comme une poussée vers une persistante ascension. C ’est la volonté divine cachée dans la profondeur du phénomène vital qui unifie les mondes matériel et spirituel et oriente l’ensemble du développement vers le « bien supérieur ». La continuité entre la vie et l’esprit, les deux suivant la pente ascensionnelle d’une montée vers la plénitude, doit nous inciter à une compréhension du réel qui ne se réduit pas à ses manifestâtions mais discerne même dans 1’« inanimé » la poussée vitale qui la maintient et la propulse dans l’existence. La vie, principe premier de la réalité, ne peut dériver de rien d’autre, et c’est ce mouvement intérieur qui constitue l’essence des choses qu’il faut redécouvrir si l’on ne veut pas maintenir la pensée sous le
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signe et la domination de la mort. L’expérience immédiate de la vie dans son irréductibilité est fondamentale pour la compréhension non seulement pour tout ce qui concerne les êtres vivants, mais également de tout ce qui existe. Ce point de vue découle naturellement de la conception de l’auteur d’un univers unifié par le processus vital qui le traverse. Sous l’écorce du monde phénoménal une autre réalité se fraye une voie, une lumière divine « qui somnole dans les minéraux, s’éveille un peu avec les végétaux, éclate avec les vivants » et tend à retourner à la source suprême de l’existence. Ce mouvement qui ne s’ajoute pas aux corps mais en constitue l’essence est le signe d’une finalité interne qui oriente l’évolution par un processus d’élévation infini vers le bien absolu. La réalité tant matérielle que spirituelle participe à ce développement qui a son origine et son but dans la divinité. L’évolution naturelle apparaît comme une manifestation de Teshuva, une volonté permanente de dépassement, un ardent « désir » de perfectionnement. L’essence « volontaire » de la réalité exprime le pouvoir de renouvellement de la nature, sa persévérance dans l’existence, sa croissance dans l’être, qui se manifestent à des degrés divers dans tout ce qui est afin de parvenir à une perfection absolue. Cette « repentance cosmique » marquée par une spiritualisation croissante de la réalité confirme le lien intrinsèque entre existence et valeur et souligne le dessein « moral » à l’œuvre dans la création. Ayant sa source en Dieu, elle affecte l’univers dans son ensemble et constitue en fait le moteur de son devenir, en quête de sa véritable essence. Cette conception est fondée sur l’idée que la création n’a jamais encore atteint son objectif, elle est une réalité incomplète. Autrement dit, elle ne s’est pas arrêtée dans un moment du passé, elle n’est pas achevée, elle se poursuit et continue à se faire. Elle a débuté par une rupture, une brisure de l’absolu, qui s’est traduite par la descente des mondes selon le processus décroissant de l’émanation jusqu’aux plus abyssales profondeurs. Cette descente a pour but une remontée en sens inverse par le chemin de la repentance, un « retour » du degré le plus
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bas jusqu’à la source suprême. Chute nécessaire, ou plutôt descente volontaire afin de susciter l’ascension et prouver par cette poussée implantée dans l’univers l’unité dont le monde procède et auquel il tend à retourner. La Teshuva marque le moment du changement de direction, l’amorce de l’instant du retour 73. La nostalgie de Dieu qui se manifeste par le désir de perfectionnement de l’univers, comprise comme une repentance cosmique, exprime la finalité de la création et définit pour l’essentiel le rapport entre Dieu et le monde 74. C ’est dire l’importance primordiale que revêt la notion de Teshuva comme élévation constante et infinie vers une perfection absolue : elle est le signe de la persévérance de la volonté divine dans la réalité même matérielle du monde. À ce titre elle définit le statut ontologique de l’univers.
Le processus de l'évolution La conception du processus cosmique que nous venons d ’analyser se fonde, comme nous l’avons souligné, sur les théories émanationnistes de la Cabbale. O n y décèle également l’influence des idées du ‘Ari R. Ytshaq Luria, concernant la « Brisure des Vases » et la réparation du Tiqun 75. Selon cette théorie, la création du cosmos actuel aurait été précédée par la destruction de mondes multiples, incapables de supporter l’éclat de la lumière divine, et cette brisure serait la cause de la déficience intrinsèque de tout ce qui existe. La restauration de l’ordre idéal, la réintégration du tout originel, est le but ultime de la création et la finalité de l’existence 76. Mais de l’aveu de l’auteur lui-même, cette conception correspond également aux théories évolutionnistes qui commencent à se répandre et qu’il estime être « les plus compatibles avec les principes de la Cabbaie 77 ». Contrairement à la plupart des rabbins de son époque, il se félicite de l’élargissement des perspectives dont témoignent les théories scientifiques en biologie, en sociologie et en cosmologie. Elles contribuent à renforcer la vision dynamique d ’un univers en voie de constant développement vers une libé
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ration progressive de tous les éléments restrictifs qui freinent l’épanouissement de la vie dans tous les domaines. Partisan d’autre part d’une exégèse allégorique et philosophique des textes des premiers chapitres de la Genèse, et partant du principe d’une continuité entre les étapes inférieures et supérieures de la vie, il accueille les théories évolutionnistes comme une confirmation de sa conception vitaliste du monde et une vérification concrète de l’idée d’une progression constante de la perfection divine à l’œuvre dans l’existence. À condition toutefois d ’approfondir la connaissance de ce phénomène, de ne pas se contenter de le décrire empiriquement en faisant du hasard le principe de son développement, mais d ’en préciser la source, l’essence et la finalité. Que signifie ce retour à la source ? Faut-il le comprendre comme un parcours circulaire et une simple réintégration au point de départ ? En d’autres termes, quelle valeur et quel but assigner à la repentance cosmique ? Problème qui occupe une place importante dans la pensée du R. Kook et s’inscrit en continuité avec celui du lien entre Dieu et le monde que nous venons d’analyser. Il ne saurait être question, précise-t-il, de considérer le mouvement ascensionnel comme un simple retour à l’unité primordiale, sur le modèle des philosophies de l’Inde et de la mystique hindoue : l’évolution comporte un surcroît d’élévation éternelle. La lumière de l’Infini est certes plénière par elle-même, mais l’effort pour s’élever jusqu’à elle lui ajoute un surplus de plénitude, comme nous l’avons expliqué ci-dessus 78. La repentance cosmique serait un « besoin » de la divinité, processus infini d’élévation, création qui confère au créateur une bénédiction permanente, selon le vœu du psalmiste : « Que la Gloire de Dieu soit pour l’éternité, que Dieu se réjouisse de ses œuvres 79 ! » L’évolution ne doit pas être comprise comme la projection mécanique et indéterminée de l’élan vital, mais comme un processus de perfectionnement infini, de spiritualisation croissante, c’est-à-dire de rapprochement graduel du Bien supérieur. Toute la réalité, même la nature matérielle, aspire à concrétiser cet idéal 8°. Chaque élément, toute chose, à tous les degrés, doit
se rendre apte à accueillir la lumière de l’infini. Ce dessein, manifeste déjà dans toutes les forces naturelles, se révèle dans toute son intensité dans la conscience et l’intelligence de l’homme. Mais, dès le stade de la repentance cosmique —qui ne constitue qu’une première, mais fondamentale, approche d ’un essai de définition de la Teshuva —, la repentance se présente comme une qualité éminente et revêt une signification positive.
LA TESHUVA CHEZ L’HOMME
D e la volonté cosmique à la volonté humaine L’homme fait certes partie du cosmos, mais il y occupe une place centrale qui lui confère un rôle particulier. Il est lié au tout, mais grâce à son esprit il est conscient de ce lien. Prenant connaissance du processus cosmique, il peut, attentif à la volonté divine immanente à tout ce qui existe, participer à ce projet rédemptionnel et lui donner une amplitude maximale. C ’est en effet comme « volonté générale » que le R. Kook définit l’essence du monde : toute réalité n’existe qu’en vertu de la force infinie de la volonté divine, source de toute liberté. Pour lui, comme pour le courant volontariste qui se manifeste en philosophie à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, le spirituel relève davantage de la volonté que de la raison. Le rationnel correspond à la saisie du monde des phénomènes mais l’irrationnel nous conduit jusqu’aux profondeurs d’une force libre non retenue par tout ce qui freine l’expansion de l’être. Il ne s’agit pas de renoncer à l’élucidation rationnelle de l’univers, mais d’en fixer la limite afin de lui conserver la source vitale dont elle provient et qui en garantit l’élan et la persévérance 81. La conception du monde comme manifestation d’une volonté infinie qui en constitue la véritable essence rappelle
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naturellement la doctrine développée par Schopenhauer à partir de la notion kantienne de la « chose en soi ». Le R. Kook confirme d ’ailleurs explicitement la proximité de sa pensée avec celle de l’auteur du livre au titre significatif Le Monde comme volonté et comme représentation, tout en se démarquant nettement de ses conclusions 82. Il lui reproche de se méprendre sur le véritable caractère de la volonté, sa finalité et sa signification axiologique. Il s’agit d’une « volonté aveugle », pulsion biologique qui serait à elle-même son propre but. Cette force qui tend à la conservation de l’être constitue certes une partie de la réalité —point inférieur du processus - mais elle s’étend bien au-delà de cette base élémentaire. Réduire la réalité à ce sédiment comme le fait Schopenhauer, c’est en méconnaître la véritable nature et confondre la lie avec le vin. Car cette force, loin d’être toujours aveugle, aspire à un but : animée également par la libre volonté divine, la source de la vie du tout, elle tend vers la liberté. Elle se dévoile dans l’âme humaine, dans la merveille de l’acte de la volonté humaine, qui transcende dans son infinitude tous les aspects de la réalité. La définition réductrice et restrictive doit être considérée comme une attitude négative qu’il convient de combattre, car elle sert d’alibi à la force brutale et à l’exercice de la volonté de puissance. Le combat ne consiste peut-être pas à extirper cette poussée aveugle, qui de par sa forte intensité est à la base de la conservation de l’être, mais à l’utiliser afin de l’orienter vers un but positif de dépassement. La récupération de la force intensive du mal pour la mettre au service du bien en lui faisant changer de vecteur est le fondement même de l’œuvre du repentir. Toutes les forces de l’univers, y compris les plus négatives, participent en réalité au processus de réparation : la volonté qui anime le monde est une Volonté orientée vers le bien 83. Elle est active dans tout ce qui existe, mais seul l’homme doté d’une liberté morale est capable d’en prendre conscience, d’en renforcer le mouvement et de récupérer en faveur du Bien ses formes brutes, élémentaires et parfois destructrices. Tel est le sens ultime du volontarisme moral : l’homme prend sa place
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et remplit son rôle dans le processus de l’évolution, sa volonté rejoint la volonté divine active dans l’univers 84. A ce niveau, l’homme adhère à la force vitale interne qui anime toutes les formes de liberté actives dans le monde. Sa connaissance se confond avec la vie même, la vie du Tout. Ses actes sont authentiques parce que en conformité avec la force vitale qui est la vie divine elle-même. Il importe de rappeler à ce point le lien profond qui unit l’esprit et la vie : les deux sont associés dans la psychologie humaine comme ils le sont dans le processus cosmique. Le vital dénué de conscience est un degré inférieur de l’esprit, comme l’esprit est le degré supérieur de l’intensité de la volonté. L’esprit est !’aboutissement du vital : c’est là que se manifeste le plus clairement l’essence de la vie en tant que renouvellement permanent et unité organique. La manifestation suprême de l’esprit n’est pas la pensée mais la volonté. La théorie de la volonté occupe dans la métaphysique du R. Kook un rôle important : elle est le fondement du principe essentiel de la liberté. Alors que le monde des phénomènes est soumis à un déterminisme rigoureux, nous découvrons au fur et à mesure que nous pénétrons dans les couches profondes de l’univers une liberté de plus en plus grande. Les lois régulières de la nature que la science s’efforce de déterminer s’appliquent à la relation qui règle les rapports des divers éléments, mais l’existence même de ces éléments relève du principe de liberté qui a sa source dans la pure spontanéité du vouloir divin. « C ’est une force secrète cachée dans les profondeurs du réel », constamment à l’œuvre, qui se révèle de la manière la plus apparente dans le libre arbitre de l’homme. Cette capacité de choix ne peut s’expliquer par elle-même ; on ne peut la comprendre que comme une parcelle de la volonté générale qui fut à l’origine de l’existence du monde et continue à l’animer comme une force créatrice de renouvellement permanente 85. Pour tout homme s’impose donc comme un devoir de repentance d’assumer le vouloir-vivre de l’univers, de l’exprimer, de lui donner effectivité et pouvoir, en élargissant son
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âme à la mesure de l’univers et en s’éveillant à la conscience de ses infinis prolongements. Avant d’examiner comment peut s’effectuer concrètement cet effort vers la lumière et la conscience, souvent à travers l’angoissante épreuve de la faute, nous voudrions souligner l’étroite concordance qui s’établit dans la pensée du R. Kook entre la métaphysique et la psychologie. Le niveau « inférieur » exprime le niveau « supérieur » et implique une sorte de frayage à la fois subjectif et transcendantal qui débouche sur une ontologie. Le monde et l’homme sont indissolublement liés : la vie psychologique est un aspect de la restauration de l’unité perdue et l’exigence morale l’expression d ’une nécessité cosmique, une nostalgie messianique. La quête cosmique est inscrite au plus profond de l’âme humaine et l’homme attentif au projet qui scande sa durée retrouve et convertit dans son histoire personnelle l’exigence première de l’unité transcendante. La vie de chaque homme, dans la mesure où elle s’articule avec plus ou moins de conscience au projet divin, est « une voie de résolution en même temps qu’un reflet de l’énigme cosmique ».
La volonté humaine : de la nécessité à la liberté Tout ce qui accroît le perfectionnement de la réalité et contribue à l’élargissement infini de la liberté dévoile peu à peu le projet fondamental qui porte le monde et le projet humain qui en dérive. À l’inverse, toute impuissance et toute faiblesse constituent une régression, une diminution de l’intensité créatrice, un arrêt du processus de spiritualisation et en conséquence un mal et une faute. La vie est une lutte de la liberté contre le déterminisme, un effort soutenu pour surmonter et vaincre la nécessité naturelle. Les philosophies de l’existence rappellent volontiers que le déterminisme n’est pas la conclusion d’une expérience mais très souvent une conduite d ’excuse, peut-être même le fondement de toutes les conduites d’excuse. Repentir et péché
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sont les deux faces d’une même réalité car il faut qu’il y ait obstacle pour qu’il y ait acte libre. En ce qui concerne l’homme, plus la force de sa volonté personnelle s’affirme, plus sa participation à la libération de l’univers grandit. Dans ce but il importe qu’il se libère des aspects bruts, immoraux et aveugles de la réalité naturelle et développe au contraire ses forces positives, vitales, ordonnées. L’unité de la vie doit être recherchée à travers une progression dialectique. « U y a une sainteté constructive et une sainteté destructive. La première est un bien manifeste, tandis que la seconde est un bien caché. Elle ne détruit qu’en vue d ’édifier quelque chose de supérieur à ce qui existait déjà... un monde nouveau empli d’une grande lumière 86. » Cette dialectique est indispensable pour la persévérance du monde et de l’homme, elle est la loi de la vie, spirituelle comme biologique : elle se déroule dans la composante du développement historique et du rapport transcendant87. Car le bien n’est pas simplement l’absence de mal, mais le mal vaincu et constamment récupéré ; plus, il est cette transformation même. Le réel est forcément hétérogène et le R. Kook souligne voire exalte cette diversité qui met en relief la valeur et le triomphe du repentir, donne un sens à la durée et du prix à la plénitude du devenir 88. De ce point de vue, la « faute » qui se situe du côté du mal est un élément nécessaire de la vie et le repentir, victoire de la liberté sur le déterminisme naturel, un élément tout aussi nécessaire. Le repentir est dans ce sens un renouvellement constant de la vie, qui révèle l’action de la volonté divine à travers l’éveil et le déploiement de la volonté humaine 89. Mettre sa volonté en conformité active avec la volonté divine est donc le devoir primordial de l’homme. Il s’exprime moins en une tâche définie qu’en un devoir d’être, une œuvre de création et d’épanouissement qui puise dans la volonté divine l’efficace de sa puissance en même temps que la rectitude de son jugement 9°. Précisons que cette participation n’a pas pour conséquence l’annihilation de soi-même, mais au contraire l’affirmation de la personnalité, le renforcement de la volonté,
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car la volonté humaine n’est qu’un aspect de la volonté divine, la vie du Tout 9’. Cependant, avant de s’éveiller à la vie secrète de son âme, de prendre conscience de cette bonté la plus originaire, l’homme se trouve sous le poids plus ou moins pesant de sa matérialité brute et son être encore imparfait n ’implique pas nécessairement le déploiement de la volonté dans toute sa potentialité : il y faut une occurrence supplémentaire, le courage de s’arracher. Nous nous découvrons en tant que volonté, mais en même temps nous sommes plongés dans un présent immédiat qui alourdit notre âme. La liberté se dégage du déterminé, c’est elle qui permet la régénération, la récupération de toutes les puissances de l’être. Elle est possible car elle est implantée au tréfonds de l’âme humaine, elle est la force première de la personnalité, toujours prête à émerger. L’instant de conversion soudaine et gracieuse à la simplicité d’une âme détendue, sans raideur, ce moment de liberté est l’essence même du repentir. O n y devine la promesse d’une survie immortelle et on y découvre la surnaturalité de notre être. Pour le R. Kook, le vouloir c’est le divin en l’homme, la marque de !’universellement humain, mais il exige une tension toujours en éveil, un recommencement perpétuel. Il est difficile d’interpréter rationnellement ce point limite de la liberté, car ce qui est pensable dans la liberté —en particulier les moyens qu’elle met en œuvre - est déterminé. Mais la volonté de vouloir qui se propulse en dehors de toute nécessité nous ramène à une origine radicalement fondatrice, une initiative sans préexistence ni motif. Elle est la matrice des existences et des valeurs elles-mêmes 92. Le problème consiste donc à agir en fonction de ce foyer central de liberté à partir duquel l’homme peut être entièrement et totalement lui-même. T out acte déterminé émane de ce qu’il y a de plus périphérique, superficiel et insignifiant de la personne, et en vérité toute faute - avant d’être infraction à une norme —dérive d’une méconnaissance de soi-même 93. La Teshuva est en premier lieu un retour à la véritable identité de soi-même : la faute et le péché mènent l’homme vers des voies
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périphériques, le repentir le ramène à lui-même, à son moi profond. Ce retour à l’âme est en même temps un retour à Dieu, à l’actualisation de la liberté, à la découverte de l’infini en soi. Toute aliénation ou même tout entêtement continu sur le plan des idées et des actes sont des causes de sclérose et empêchent la lumière de la Teshuva de luire de tout son éclat, « car le repentir aspire à une liberté authentique, une liberté divine qui ne tolère aucune servitude 94 ». U n affaiblissement de la volonté entraîne une baisse de la vigueur intellectuelle et du raffinement de la conscience morale. Cependant, une connaissance plus élaborée contribue au renforcement de la volition et la claire conviction de la valeur suprême de la bonté de la volonté enrichit et améliore la qualité spirituelle de la vie. Grâce à cette conquête du repentir, les cloisons s’estompent, les horizons s’élargissent et une lumière supérieure se projette dans les actes et les pensées.
M al, péché e t repentir Mettre l’accent sur l’effervescence de ce plus-être intérieur à l’être, et même souvent sur le caractère inéluctable de son affirmation, ne dispense pas de s’interroger sur la nature de la faute ni sur sa réparation comme devoir. Celui-ci, qui est surtout un devoir-être, ne se fonde pas sur une règle dictée par la raison humaine, mais sur une loi d’ordre cosmique. Réaliser les aspirations de la volonté est en conséquence une attitude positive, car c’est participer à la volonté générale tendue vers le bien à l’œuvre dans le monde. Nous sommes conduits à la suite des analyses précédentes à préciser d ’emblée que le « mal » n’est pas premièrement l’œuvre de l’homme. Il fait partie de la réalité du monde en tant que ce dernier est contingent et dans une réaction de crispation et d ’immobilité n’aspire pas dans sa totalité à sa propre perfection. Il n ’est pas le résultat du hasard, mais s’intégre dans un ensemble organique. Dans la ligne des principes de la Cabbale 95 - et en contre
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point à la philosophie de Maimonide - le R. Kook estime que le mal, pratique et moral, a une essence concrète et n’est point une illusion. « Il existe dans la réalité, parallèlement à une aspiration à l’édification, à l’élévation et au perfectionnement, une tendance à la destruction 96. » La réalité, comme nous l’avons déjà relevé, n’est pas homogène : elle est le champ d’une lutte entre deux principes opposés, deux forces de vecteurs divergents. Ces forces coexistent également dans l’homme et la force destructrice s’exerce non seulement contre autrui mais contre l’individu lui-même. Comme les forces positives dans l’homme ne sont qu’un aspect d’une volonté générale qui le porte audelà de ses buts conscients, il en est de même à l’inverse pour les forces négatives qui le limitent et le blessent. O n se souvient que ces forces antagonistes sont unies en Dieu et qu’il appartient à l’homme, pour ce qui le concerne comme pour ce qui touche au monde, de contribuer à faire prévaloir l’une sur l’autre. La racine du mal est la même que celle du bien, les deux dérivent de la force de la volonté. C ’est dire qu’un élément positif caché se trouve même dans les actes destructeurs, dans le péché. Il est en conséquence possible d’utiliser cette grande énergie vitale - souvent même plus déterminée que celle du bien — pour l’orienter dans un sens contraire97. Le mal concret ainsi que l’évidence intérieure de la culpabilité m orale98 arrachent en effet l’individu à l’engluement dans l’instant pour l’éveiller à son histoire. Le manque agit comme un aiguillon pour pousser au changement, éveiller à l’espérance de l’avenir, et constitue en fait un rappel que l’homme ainsi que le monde sont une réalité en devenir. L’homme doit inverser la force du mal et l’orienter vers le bien : il importe pour cela qu’il le reconnaisse en tant que tel dans sa réalité propre afin de le transformer ensuite en bien. Cette prise de conscience met en relief sa responsabilité comme instrument indispensable à son propre accomplissement ainsi qu’à la restauration du monde. C ’est un moment fervent et mobile qui permet la montée vers une plénitude. Nous touchons ici à un des points les plus importants de la pensée du R. Kook. Pour lui, on le voit, la Teshuva ne se définit pas
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seulement par le mouvement qui arrache l’homme à la dispersion de son être mais surtout par la transformation du mal mis au service du bien. La redoutable volonté qui suscite le péché devient une énergie constructive et démontre ainsi la vigueur de son action libératrice. Le Rav substitue ainsi une nouvelle image à la conception austère de la repentance. Il voit la Teshuva comme un mouvement dynamique et joyeux d’élévation, dépourvu de toute crainte et loin de toute amertume, car il ne contrarie pas la nature mais la structure sans atténuer sa force vitale. La profondeur du mal a sa racine dans la profondeur même du bien, et la Teshuva découvre cette réalité intérieure et en modifie la finalité " . L’essence dialectique du réel explique que le bien et le mal constituent ensemble la substance d’une réalité en voie de formation et que même ce qui s’oppose à leur unité secrète participe en fin de compte à sa réalisation. O n comprend que si l’homme, doué de liberté, n ’est pas à l’origine du mal dans le monde, il en est cependant un des principaux acteurs. Mais son échec, et la détresse qu’il entraîne, lui permet également de se hausser à l’excellence de l’idéal le plus élevé. Il est indispensable à son développement spirituel et marque une étape nécessaire dans le rythme dialectique de l’édification de la cohérence de son être. On comprend égalem ent que celle-ci soit toujours à reprendre afin d’inscrire, en toute liberté, le projet personnel dans l’histoire d’un monde soumis à la loi de l’inertie et de la création. Aussi le Rav décritil les montées et les descentes possibles qui marquent inévitablement ce processus en insistant toutefois sur la valeur structurante de l’ensemble de ce mouvement dans une voie qu’il estime indubitablement progressive. D ’après les considérations que nous venons d ’évoquer, la faute consiste d’abord pour l’homme dans la non-coïncidence avec lui-même, et ensuite dans la peur d’assumer sa liberté en vue d’assurer la poursuite du processus créateur pour lui et pour le monde 100. Il s’agit toujours d’un refus d’accepter la culpabilité que commande la nature humaine non pas comme une déchéance mais comme le signe d’une faillibilité. Telle que
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nous l’avons envisagée jusqu’ici, celle-ci peut être qualifiée de faillibilité générale située dans la racine de l’existence. Elle peut et doit être compensée par un repentir que le R. Kook désigne expressément comme un repentir général, soudain ou progrèssif. Cependant, elle entraîne très fréquemment, soit par ignorance, soit par choix déterminé, des transgressions qui ont au niveau du quotidien un contenu précis. Ces failles occasionnent des ruptures plus ou moins graves qui abolissent le temps et endurcissent l’âme. S’échappant à soi-même, le pécheur se sépare de l’essentiel et tend à se perdre dans l’indifférence. A ce niveau le repentir, comme commandement positif prescrit par la Tora et mis au point pour son application pratique par la loi orale, tente de susciter de l’extérieur le regret et le remords, puis de les orienter et de les ouvrir sur une véritable conversion. Le R. Kook décrit les modalités du repentir relatives à ces fautes selon les principes établis par la tradition, tout en s’attachant également à en présenter la phénoménologie 101. Mais en dernière analyse il nous ramène toujours à la racine de la faillibilité et au devoir de reconquérir le cœur de la vie et l’intégralité de l’âme. La démission réside dans le fait d’interrompre le processus qui mène vers l’infini. O n se contente du présent et de l’immédiat en valorisant et en fixant ainsi définitivement le manque, ou bien on se précipite d’un coup vers son élimination, faisant fi dans ces deux cas de la nécessaire et patiente édification de la personne dans le temps. Pour maîtriser la faute, il faut l’inscrire dans une histoire et l’assumer dans un projet.
La Teshuva et la notion de temps La conception dynamique de l’existence ainsi que la description de la conscience dans son aspiration à la liberté devaient inévitablement conduire à une réflexion sur la notion de temps et sur la manière dont l’homme choisit de le vivre et de se situer par rapport à lui. De fait, l’essence dialectique du réel nous place devant deux
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expériences distinctes du temps 102. D ’une part un temps morcelé, divisé en présent, passé et futur, qui nous est donné par le mouvement des horloges, sert de cadre à la compréhension des lois causales de la nature et nous suggère une représentation stable et figée de la réalité. Il se compose de phases successives hétérogènes, juxtaposées les unes après les autres, dans un ordre irréversible, et nous cache le rythme de perfectionnement et de développement qui, selon le R. Kook, anime la matière dans ses profondeurs. Mais d’autre part, notre vie intérieure, spirituelle, nous confronte à une expérience différente de celle que nous livre la forme superficielle de nos perceptions et qui nous permet de saisir un aspect de la nature même de l’être, étrangère à tout morcellement. Ce temps qualitatif, non quantifiable, essentiellement mobile, nous révèle une durée dont les moments s’interpénétrent et s’animent. Il nous suggère une représentation dynamique de la réalité et nous conduit à retrouver, au cœur même des lois régulières et immuables, la source de vie et de libre volonté qui les soutient et les maintient dans l’être. La Teshuva, qui est une attention de forte densité spirituelle, nous permet de ressentir l’éternité vivante où l’être est dans toute la mesure du possible présent à lui-même. Lorsque la conscience s’éveille, elle confère une vigueur accrue au désir d ’exister, qui n ’est plus dès lors seulement le résultat d’une poussée aveugle, mais s’accompagne d’une claire connaissance intérieure. Dès que l’âme éprouve avec force et conscience la nostalgie du divin et aspire à la perfection, elle transcende les limites contingentes et nous replace dans la direction du principe transcendant qui renouvelle constamment toute l’existence. Dans cet effort de réinsertion qui est l’œuvre du repentir, la distinction entre passé, présent et futur s’estompe. Le temps est saisi dans sa continuité substantielle. Le repentir rejoint le point d’avant le commencement de l’existence, celui où la volonté divine, spontanée et totalement libre, décide de faire surgir l’univers. Comment comprendre concrètement ce retour à la racine ? Comment l’homme peut-il retrouver la pure réalité de sa nature et échapper à ce monde morcelé et quantifiable
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dans lequel il s’aliène ? Comment un acte actuel peut-il modifier un acte passé ? Ce dernier ne marque-t-il pas nécessairement de son inflexible empreinte tout ce qu’il a provoqué ? Dans le temps morcelé de notre perception courante, le passé est révolu et le futur inexistant. L’homme se situe dans « l’étroite capacité de l’instant présent » - et non dans le tout de l’existence - , et de ce point de vue on ne saurait envisager la possibilité du repentir. Mais lorsque le présent est subordonné à l’ensemble, le passé se mêle au présent et se profile vers un futur déjà entrevu : le futur modifie la quiddité du passé et lui imprime sa marque, l’effet réagit sur la cause et en corrige l’orientation. Car le passé comporte dans son fond, comme tout ce qui existe, un aspect éminemment positif. C ’est cet aspect que le repentir retrouve et révèle. Car un lien vital insère tous les actes dans un même courant et un devenir continu, si bien qu’aucun passé n’est jamais totalement révolu pour la conscience. Tout dépend donc d’un choix fondamental : l’homme peut vivre dans la dimension du temps cosmique, asservi à la eausalité mécaniste, ou au contraire participer au temps créatif de la durée intérieure. La Teshuva est l’opération par laquelle le passé est réactivé par le présent et le futur, et se charge de ce fait d’un contenu nouveau. « Toute pensée de Teshuva lie l’ensemble du passé au futur ; le futur s’élève ainsi grâce à l’ascension de la volonté du repentir inspiré par l’amour 103. » Le passé n’est plus définitivement clos. Par la quête de cette ultime intériorité qui préexiste aux morcellements de l’être, il se rouvre et se réinsère dans le flot vivant et créateur de la conscience à travers lequel la personne se construit. Cependant le temps fort du repentir n’est pas dans le souvenir du passé, mais dans l’anticipation de l’avenir qui est création et conquête. La projection du futur dans le passé, qui semble constituer pour le R. Kook la phase essentielle du repentir, est un point important de son argumentation. Elle appréhende le futur, non pas comme une vague et indécise utopie, encore moins comme un néant, mais comme un appel. « À travers la méditation sur le repentir l’homme perçoit la voix de D ieu qui l’inter
pelle 104... » : invitation à un dépassement, à un achèvement de soi-même. Par cet appel l’avenir ne se présente plus comme le simple prolongement du passé, la réalité s’inscrit et s’élève dans l’ordre de la valeur. Le futur apparaît comme la direction fondamentaie du temps, celle qui le soutient tout entier. Seul le futur en effet confère son véritable sens au passé. La signification de ce dernier ne se précise qu’avec le recul qui fera de lui le point de départ d’une déchéance ou le point d’inflexion d ’une renaissance. La volonté de choisir le temps de la continuité affirme et renforce la liberté et donne à chaque instant un goût d’éternité. Le R. Kook insiste tout particulièrement, comme nous l’avons vu, sur le rôle primordial de la volonté dans ce processus. Il identifie même d’une manière générale l’attitude religieuse avec le rejet de toute servitude et fait de l’extension de la liberté un devoir essentiel. Dans l’acte libre l’âme entière se ramasse dans chaque motif et opère ainsi une récupération de toutes les virtualités. De toute évidence, selon lui, la Teshuva n’est possible que parce que l’homme dispose d’une liberté de choix qui ne demande qu’à s’affirmer. Sur ce point il rejoint les conclusions des penseurs classiques, bien qu’il estime inutile de tomber dans le piège d’une conceptualisation impossible de l’acte libre 105. Il reste cependant à expliquer pourquoi et comment cette réaction se déclenche à un certain moment. Q u’est-ce qui arrache l’homme au présent et lui fait entrevoir le passé révolu comme étant le sien, c’est-à-dire comme demeurant significatif pour sa vie ? À cette question le R. Kook propose une réponse originale qui constitue son apport spécifique à l’élucidation de ce phénomène. L’éveil de la Teshuva dans la conscience individuelle n ’est possible que parce qu’elle participe à un mouvement plus vaste de nature cosmique. La réflexion sur la Teshuva se présente comme une harmonique de « la voix divine qui l’appelle » et provoque en lui une aspiration vers le Bien. C ’est « le repentir inspiré par l’amour », c’est-à-dire par la découverte de la force vitale qui anime l’univers et brille d’un éclat divin. À ce niveau il ne s’agit plus simplement de la réparation d ’une faute
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mais de l’élévation du tout de la personne à un degré supérieur d ’existence. Dans cette construction de l’être par lui-même, la représentation du futur joue un rôle essentiel. Appelé à la vie, invité à s’élever dans l’ordre de la valeur, l’homme collabore à l’histoire d’un monde qui aspire à son achèvement et la cohésion du temps s’établit autour de cet appel. Nous comprenons mieux à présent que la maîtrise de la faute, si elle passe forcément par un processus psychologique de régénération qui implique un projet personnel, requiert, pour sa confirmation et son accomplissement, une expérience qui porte l’homme jusqu’au principe même de la vie en général. Ici apparaît la liaison profonde qui unit l’homme à l’univers et l’histoire de l’individu à celle du monde en devenir, dans la réalité absolue qu’est la vie. La volonté humaine retrouve sa direction essentielle pour parachever l’œuvre de Dieu.
voir le mouvement du repentir et à créer l’environnement culturel et le climat spirituel indispensables à son développement. Le vécu d ’Israël coïncide avec une volonté persistante de surmonter les différents déterminismes, comme si le drame cosmique s’exprimait de la façon la plus constante et la plus prèssanté dans son histoire, sans qu’il puisse s’y soustraire. O n est frappé par le nombre impressionnant de graves crises qui ont bouleversé son itinéraire, mais plus encore par l’étonnante puissance de régénération dont il n’a cessé de faire preuve, lui permettant toujours de dégager des voies nouvelles sans renier les principes du passé. Alors que d ’autres peuples dépérissent lorsque, ayant rempli leur rôle, les exigences et les intérêts de l’individu l’emportent sur l’harmonie du tout, Israël demeure une collectivité vivante et créatrice car l’idéal universel auquel elle aspire —la réalisation de 1’« idée divine » , selon la terminologie du R. Kook - n’a pas été atteint et ne peut se concrétiser que par son intermédiaire 106. Ces considérations s’expliquent, car, selon la conception organique de l’univers, l’éclosion des sociétés et leur déroulement historique suivent le mouvement général de l’élan de la vie. La volonté cosmique qui anime tous les éléments de la réalité se manifeste également, sous des formes variées et plus ou moins élevées, dans l’élaboration des cultures et des civilisations ainsi que des sociétés qui les produisent et les incarnent. Le R. Kook interprète selon ce principe la notion biblique d ’Alliance conclue entre Dieu et Israël comme le déploiement dans l’histoire juive, selon une progression dialectique de destruction et de réparation, d’échec et de reprise, du mouvement même de la force montante qui à chaque instant dans la nature défie la nature 107. Le temps de 1’« Alliance » n ’est-il pas dans l’histoire d’Israël fusion et coexistence où le présent est à la fois passé et avenir et non un fragment signifiant par lui-même ? N ’est-il pas une invite à participer, à travers l’effort de la loi et la tension de la volonté, à la création d’une réalité nouvelle libérée du désarroi de l’angoisse, du poids du destin et de l’opacité du mystère 108 ? D ’ailleurs la continuité de l’histoire concrète de l’Alliance à travers toute son étendue, depuis
LA TESHUVA ET LA COMMUNAUTÉ D’ISRAËL
Entre le cosmos et Vhomme : Israël, peuple de la Teshuva L’accomplissement de l’Histoire et l’Histoire comme accomplissement se heurtent aux multiples obstacles interposés entre Dieu et le monde. L’homme, tout homme, peut en renouant le contact avec l’effort créateur apporter une participation active à la remontée de l’émanation descendante vers sa source. Cependant, force est de constater que l’humanité en général cède souvent à la tentation de la dispersion et du divertissement : elle s’enlise et se fige dans un durcissement des valeurs qui bloque la progression. C’est peut-être afin de maintenir vive dans le genre humain cette aspiration à la perfection en vue d’assurer le triomphe final de l’appel de l’absolu, que nous trouvons dans l’Histoire un peuple qui s’est constitué en collectivité nationale dans le seul but de prendre en charge le projet divin. Il est ainsi mieux préparé que d ’autres à promou
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l’époque biblique jusqu’aux événements les plus récents, semble porter témoignage de la tension dramatique entre l’irrésistible attraction vers un noyau de temps absolu et la tentation de renoncer, en se réfugiant dans l’atome précaire et rassurant d’un temps morcelé, réduit à la jouissance de l’instant et la satisfaction du moment. C ’est plus précisément dans l’actualité de la vie juive moderne et dans la tentative de renouveau de la vie nationale d’Israël en Terre sainte que le R. Kook trouve une confirmation éclairante de sa philosophie de l’histoire ainsi que l’occasion de préciser sa conception d’une Teshuva collective de l’ensemble de la nation. C ’est à partir de cette notion, cueillie à même la Bible mais à laquelle il donne une fraîcheur nouvelle, qu’il comprend et explique les profondes mutations qui ont bouleversé l’histoire du peuple juif à la fin du XIXe et au début du XXe siècle et mis à rude épreuve son unité. C ’est dans les sources traditionnelles qu’il puise une explication aux données de l’heure, étant entendu que souvent les acteurs eux-mêmes agissent à l’insu de la signification ultime de leurs engagements réciproques. Au XIXe siècle le mouvement de l’émancipation et la volonté des juifs de pénétrer dans la société européenne entraînent non seulement une intégration sociale mais également une adhésion à des cultures nouvelles qui les conduit à renoncer à des éléments constitutifs de leur identité religieuse et nationale. O n assiste à un véritable éclatement et à une remise en question dont la tendance la plus courante aboutit à une amputation et même à un rejet de la spécificité juive. Dans la ligne de sa conception dialectique, le R. Kook estime que cette crise spirituelle générale, pourtant grave et source d’une tragique perte de substance, constitue une étape cruciale qui engagera le peuple juif, sourcier des Lumières du retour, sur la voie des réalisations de l’espérance universelle en vue de la réussite du destin cosmique de l’homme. En effet, une des conséquences essentielles de l’échec de l’émancipation devait mener à l’éclosion du mouvement sioniste et au réveil d’une prise de conscience de la dimension collective du destin juif. Celle-ci, loin de se confiner dans un nationalisme étroit, porte en elle
la promesse d ’une nouvelle rencontre unique et exemplaire de Γ« idée divine » et de P« idée nationale », du spirituel et du terrestre. Le retour du peuple juif en Terre sainte après deux mille années d ’exil est le signe et l’amorce d’un vaste mouvement de Teshuva, de retour vers l’identité authentique de la nation. Grâce à la redécouverte de l’unité profonde du réel, d ’une élévation du profane au niveau de la sainteté, la colléetivité d’Israël en recouvrant son authenticité redeviendrait ainsi un relais efficace pour le renforcement du rayonnement de la volonté cosmique dans l’univers. C ’est en effet en fonction du rapport de la tendance matérialiste et de la tendance spiritualiste au sein de la société hébraïque que le R. Kook explique les diverses mutations qui ont marqué le déroulement de l’histoire du judaïsme. Le retour en Terre sainte est le signe d’une nouvelle étape, décisive, qui réalisera une conjonction harmonieuse entre ces deux tendances « provenant toutes deux du Dieu vivant », réalisant une unité qu’il était impossible d’atteindre dans l’exil. La renaissance nationale entreprise dans un premier stade par le sionisme politique laïque annonce la voie de la guérison. L’équilibre ne tardera pas à se réaliser : le peuple, retrouvant par le lien renouvelé avec les forces matérielles et vitales le sens vécu de l’unité de l’existence, s’élèvera à une repentance spirituelle authentique, source de dynamisme pour la diffusion de l’esprit de sainteté 109. Le fondement intérieur qui est à la base du mouvement de la renaissance nationale d’Israël repose sur l’exigence de perfection qui anime l’ensemble du réel. Les événements qui marquent ce retour ont une portée cosmique et concernent l’être lui-même. Ils révèlent la loi interne de l’univers et rendent manifeste aux yeux de tous la force de Teshuva qui, par l’intermédiaire de la communauté d ’Israël, travaille à l’édification de la véritable valeur de la culture humaine et à son élévation spirituelle. Dans la conception qui vient d’être exposée, il faut souligner que la Teshuva ne concerne pas au premier chef des individus singuliers ni la vie particulière de tel ou tel homme, mais la
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vie de la nation en tant qu’entité collective n0. C ’est au niveau de l’existence sociale et politique des États et du développement de la culture qu’il importe, selon le R. Kook, de réaliser les idéaux divins et c’est dans ce sens qu’il faut saisir l’importance du retour d’Israël sur la scène politique en vue de rapprocher l’histoire universelle de sa finalité. O n comprend dans cette perspective la place centrale qu’occupe la Teshuva dans sa pensée. Son analyse nous engage dans deux voies principales : la métaphysique et la philosophie de l’histoire, la Teshuva formant le lien entre elles. O n retiendra surtout la vaste extension qu’il accorde à ce concept. Il ne s’applique pas seulement à l’accomplissement des préceptes et à la réparation des fautes, mais s’étend à la restauration de tous les domaines de la vie, politique, sociale et culturelie. Cette restauration entraînera une création spirituelle originale élargissant l’horizon des connaissances scientifiques, religieuses et morales afin de préparer l’univers à accueillir pleinement la lumière divine. Les progrès de la connaissance laisseront percevoir d’une façon de plus en plus manifeste l’unité profonde de la vie, élevant l’ensemble du réel dans un élan infini de sainteté et de liberté créatrice.
Plus qu’une utopie, ce passage de l’idée à son superlatif met en évidence, me semble-t-il, le noyau essentiel du thème de la Teshuva en tant qu’orientation de la vie vers ce qui la transcende irréductiblement par la quête du sens ultime à faire advenir de l’humain " 2. Pour que l’homme puisse vraiment prendre sa place dans ce nouvel ordre il faut donner une réponse au problème que pose la mort, apaiser l’angoisse qu’elle provoque et assurer l’homme de la liberté de sa conscience transcendantaie. La mortalité, malgré son caractère universel — sentence majeure des syllogismes - , ne saurait définir l’humain. Elle constitue en fait une non-vérité, un mensonge 113. Elle s’inscrit en effet en contre-courant de l’avènement à l’être dont notre présence et notre persévérance sont le témoignage. Elle est un destin et non une vérité, et à ce titre il convient de lui appliquer la loi générale du destin qui touche l’humain : nous avons le devoir de le gouverner et l’obligation d ’en maîtriser les forces hostiles. C ’est parce que l’univers en devenir n ’est pas encore en mesure d’accueillir l’infini que la mort impose sa victoire. Pour une pensée qui constitue l’être de l’homme comme projection progressive vers l’avenir, il y a un scandale à accepter comme fin dernière un événement qui le transforme en pur passé et marque l’arrêt définitif de sa mobilité prospective. La mort apparaît comme un démenti qui remet en cause le sens même du devenir et présente l’obligation du « choix de la vie 114 » comme une amère ironie. Ainsi que le souligne fort justement Jankélévitch, quelle pourrait en effet être la signification d’un mouvement qui ne mène nulle part ? « Un devenir qui ne devient rien est un rien de devenir : l’inexistence du but nihilise, par un effet contagieux de la négation, le mouvement même qui est censé nous y conduire 1' 5. » La mort frappe tout le devenir d’un manque de consistance et introduit une négativité radicale dans la pleine positivité de la vie. L’extrême angoisse de la mort, souterraine, informulée, n’est pas seulement au bout de la vie mais elle ronge souvent l’acte même de vivre. Elle engendre un sentiment d ’inquiétude qui enlève à la destinée humaine une intelligibilité plausible, mélancolie que l’on cherche à noyer dans la fuite du divertissement et de
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Le scandale de la m ort et Vespérance de l'im m ortalité La Teshuva ainsi comprise nous conduit à une irrésistible différence, à un surplus d’être qui se traduit par un débordement de liberté susceptible de vaincre toutes les résistances. Au terme de son parcours et dans la pente naturelle de son inspiration, le R. Kook pousse cette idée jusqu’à son emphase. Parce que l’homme est voué par essence au Bien, qu’il est requis par l’Infini et porte en lui l’intuition de l’éternité, l’expansion d’une liberté de l’âme pleinement achevée aboutira à l’élimination du poids obsédant des aliénations et surmontera tous les obstacles même celui de la m o rt111. L’homme saura vaincre cette pesanteur métaphysique comme il a su triompher de la pesanteur terrestre et briser la finitude de sa nature ambiguë.
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l’indifférence. La civilisation occidentale semble avoir accepté de vivre avec la mort et parfois même se définit-elle, surtout dans la période moderne, en fonction de ce phénomène 116. Le R. Kook a-t-il perçu au début de ce siècle le malaise qui minait la société européenne et devait la précipiter sur la voie d’un nihilisme désespéré et violent ? Est-ce pour ce motif qu’il a pressenti dans l’éveil marqué par l’avènement du sionisme l’enjeu historique d’un combat à mener pour la vie et dans la renaissance nationale du peuple juif un mouvement de Teshuva susceptible de redonner vie au sens et sens à la vie, par Israël pour l’humanité ? Toujours est-il que sa réflexion poussée jusqu’à « la clarté de l’utopie 117 » l’amène à s’inscrire en faux contre l’acceptation passive de la fatalité de la mort réduite à un néant. En tant que négation de l’être, fin et anéantissement, la mort est une absurdité anti-divine. Puisque le devenir implique une suite de mutations radicales, pourquoi ne parviendrions-nous pas à vaincre ce qui nous semble pour l’instant inévitable et inéluctable, en réussissant une percée dans la métempirie ? Pour lui la mort est étrangère à l’essence de la créature, elle est la limite extrême d’une finitude que l’homme est appelé à dépasser, non dans l’au-delà mais dans le cadre de ce monde-ci ’18. La vie est une lutte contre la mort et l’homme appelé à la vie n’est pas né-pour-la-mort mais pour la vaincre. Le néant est certes tapi à l’intérieur de l’être mais aussi la promesse d’une plénitude, et entre les deux les jeux ne sont pas définitivement faits. Le temps porte en lui les germes du déclin, de la dégradation et de la dissolution, mais également les bourgeons de la sève ascendante annonciateurs des fleurs du lendemain. T out ce qui dans le courant de l’existence freine l’expansion de la liberté et retient l’élan créateur est déjà de l’ordre de la mort, et tout ce qui au contraire par une volonté tenace s’obstine à féconder le désert et à soutenir la tension vers une existence sans frontières contribue déjà à élargir les chances de l’immortalité 119. Le mouvement de la Teshuva, en rapprochant l’homme du noyau profond de son moi authentique, lui fait rejoindre la source originelle de l’être génératrice
de vie et le délivre de l’inquiétude et de l’angoisse de la mort. Pour annoncer la victoire de la Teshuva et le triomphe d ’une liberté ouverte sur l’infini, le R. Kook retrouve l’accent et le message de l’eschatologie des Prophètes : « Plus la Teshuva s’intensifie, plus la crainte de la mort recule jusqu’à disparaître totalement 120. » Il considère la mort comme un défaut provisoire dans la création, et le peuple juif, ce héraut de la Teshuva, a le devoir d ’y porter remède concrètement, maintenant et dans ce monde 121. La Teshuva est certes une remise en question du rapport de chaque individu avec son histoire personnelle, mais plus fondamentalement elle vise le retour de l’homme - et par son intermédiaire du monde - « dans son existence supérieure, lorsqu’il était illuminé par une lumière conforme à la qualité intrinsèque de son âme spirituelle 122 ». Elle n ’est pas seulement, ni même peut-être principalement, un phénomène d ’ordre moral mais d’ordre métaphysique : un retour à l’origine, au monde d’avant la création. Dans le principe le flux vital originel n’aurait pas dû être interrompu ou ralenti dans son aspiration de retour vers l’intarissable source de l’éternité. Il ne l’a été que par l’asservissement et l’engourdissement de la volonté créatrice et seul l’élargissement de l’âme dans l’homme —être unique à pouvoir réaliser consciemment sa participation à une essence éternelle - , l’assouvissement recherché de sa soif d’absolu peuvent rétablir le courant et lui rendre sa force ascensionnelle. Un consentement à l’être qui ne serait plus résignation, un amour de la vie qui ne serait plus vécu comme réaction à la peur de la mort, mais comme positivité réelle qui trouve en elle-même la force de sa persévérance. Pour parvenir à cette dimension d’être, il faut conserver intacte la possibilité de subversion de la nécessité et rendre l’homme à lui-même en l’ouvrant à l’infini. La liberté du moi exercée dans toute sa plénitude fera apparaître le spirituel non plus comme un épiphénomène du matériel mais comme l’essence même de la vie. « L’aspiration à la splendeur de l’éternité vainc la mort et efface les larmes de tous les visages 123. »
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La vie est pour l’instant, suivant la définition proposée par Bichat, « l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort », elle s’affirme contre la mort. Mais selon le R. Kook, la vraie vie délestée de toutes les servitudes ne commencera qu’après la victoire des hommes sur les affres de la mort. O n ne peut en même temps dire pleinement oui à la vie, la « choisir », et accepter allègrement et simplement la mort comme une sorte d’apothéose qui en serait le couronnement. Le désir d’éternité soutenu avec obstination et fermement assumé dans ce mondeci - et c’est l’essence même de la Teshuva —procède de cette éternité à laquelle elle accédera un jour. La création débouchera alors sur un nouvel espace-temps qui échappera aux catégories de l’inéluctable. Il serait du rôle d’Israël, qui dans la fragilité de son existence expérimente déjà cette pérennité, de mener en pèlerin de l’absolu cette lutte à la fois folle et grandiose en faveur de l’avènement de l’humain comme liberté, d’une liberté d’avant le péché non réduite ou anéantie par la mort. Transformer le destin en liberté, telle serait en dernière analyse l’expérience de Teshuva que le peuple juif aurait pour mission de faire connaître à l’humanité, par son existence - de la sortie de la maison d’esclavage d’Égypte à la résurrection de la nation juive sur sa Terre - et par son enseignement - la Parole de vie reprise et commentée de génération en génération. Cette expérience véhicule l’espérance du moment où existera enfin une humanité qui pour l’instant se cherche. Les « Lumières du retour » allumées par les pionniers qui ont fait refleurir le désert sont en ce siècle de tempêtes dévastatrices comme un phare pour permettre à l’humanité de retrouver, avec la lumière de la vie, le sens de son orientation et la signification du projet qu’elle supporte et qui la porte. L’originalité de cette conception par rapport aux analyses précédentes est de situer le problème de la Teshuva dans une vision d’ensemble de laquelle il reçoit son plein sens. Un même processus d’élévation spirituelle est à l’œuvre dans la nature et dans l’histoire. Nous pouvons en suivre le déroulement dans la cosmologie, la biologie, la psychologie et la sociologie. Il
concerne l’individu, la société, la nation, l’univers ; il embrasse l’histoire et la civilisation universelles. Des aspects partiels avaient certes déjà été évoqués et soulignés dans la littérature traditionnelle traitant du sujet, mais n’avaient jamais été intégrés dans une synthèse globale enveloppant la totalité de l’existence. C ’est à un élargissement considérable de la notion et de l’expérience de la Teshuva que se livre le R. Kook, faisant de ce thème le lieu géométrique de sa vision unitaire du monde. Nous avons fait débuter l’exposé de sa doctrine par l’expérience cosmique, qui nous semble en constituer le fondement. Toutes les fragmentations et les manques proviennent de la blessure primitive, de même que le mouvement de restauration s’amorce premièrement dans l’aspiration de l’univers de revenir à sa source. Les réalités profondes du monde rejoignant l’intériorité absolue de la conscience, toute faute est ontologiquement appelée à se réparer, comme toute dégradation dans le processus cosmique est ontologiquement promise à la restauration. Le comportement de l’âme suit une structure identique à celle du développement de l’univers, et c’est pour ce motif que la description du mouvement de repentance chez l’homme découle de la connaissance de l’évolution du monde : une même dynamique les anime 124. La nouveauté introduite par le R. Kook consiste dans l’application de ce schéma à l’Histoire, et plus particulièrement à l’Histoire contemporaine. Aussi cette pensée, une des plus marquantes de ce siècle, est-elle également fortement marquée par lui et traite-t-elle implicitement de ses principaux problèmes. Par l’acquisition du supplément d’âme et du plus-être qu’est la Teshuva, notre civilisation en péril pourrait assurer sa survie en éveillant l’homme à la conscience de ses infinis prolongements. Bien que s’inscrivant dans la ligne de la Cabbale et des œuvres des maîtres du Hassidisme, cette pensée reste cependant profondément atypique. Elle se situe dans un courant qui tient compte à la fois du rationnel et du mystique et tente de se frayer un chemin qui les prolonge ensemble en les dépassant tous deux.
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Aussi est-ce finalement dans l’adhésion à l’irrépressible mouvement de l’Histoire que le R. Kook tente de dépasser les antinomies systématiques. C ’est par une reprise en charge de la mémoire d’Israël - mémoire fidèle des origines - et par un appel au peuple-témoin afin qu’il assume le projet dont il est le porteur, qu’il nous propose de concilier le temps irréversible du monde physique et le temps réversible du monde spirituel ; à la conjonction de ces deux mondes, il nous invite à orienter l’univers vers de nouvelles perspectives pour l’avènement de l’humain. Benjamin Gross Jérusalem, Fête des Lumières 5768
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Introduction Valeur de la Tesbuva dans la vie individuelle et collective
Depuis longtemps une lutte intime se déroule en moi et une puissante force me pousse à traiter du thème de la Teshuva, au point que toutes mes pensées se concentrent sur ce seul sujet. La Teshuva occupe une place primordiale dans la Tora 1 et dans la vie ; elle est le fondement de toutes les espérances individuelles et collectives. C ’est un commandement divin qui, d’une part, est le plus facile à exécuter puisque toute velléité de repentir constitue déjà en soi une expression de pénitence 2, mais, d’autre part, est le plus difficile à accomplir puisqu’il n’a pas encore été réalisé pleinement dans le monde et dans la vie. Je me trouve enclin à ne penser et à ne parler constamment que de ce problème. Bien des choses ont été écrites sur le repentir dans la Tora, dans les Prophètes 3 et dans l’enseignement de nos maîtres 4. Cependant pour notre génération le thème reste obscur et demande à être explicité. La littérature, qui explore tous les recoins où pointe la poésie de la vie, n’a pas pénétré dans ce merveilleux trésor de vie, le trésor de la Teshuva 5. De fait elle n’a même pas commencé à manifester le moindre intérêt pour tenter d’en découvrir la nature et la valeur. Elle n ’a pas davantage retenu son aspect poétique, susceptible d ’être une source illimitée d’inspiration, et il va sans dire qu’elle n’a pas, jusqu’à présent, encouragé sa réalisation effective, particulièrement en ce qui concerne les conditions de notre vie moderne 6. D u plus profond de mon être je me sens poussé à parler de
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la Teshuva, et cependant je recule devant mes propres intentions : suis-je digne de traiter de ce sujet ? Les grands esprits des générations passées ont écrit sur la repentance, les prophètes et les maîtres les plus saints, les hommes pieux les plus éminents, comment oserais-je me compter parmi eux ? Mais aucune insuffisance ne saurait me libérer de cette exigence intime : il me faut parler de la Teshuva et plus particulièrement de son aspect littéraire et pratique, en saisir la signification pour notre génération et examiner les moyens propres à la réaliser dans la vie, la vie individuelle et la vie collective.
1 La Teshuva selon la nature, la f o i e t la raison
Le phénomène de la Teshuva se manifeste à nous sur trois plans : le repentir selon la nature, selon la foi, et le repentir selon la raison. Le repentir selon la nature peut être envisagé selon deux aspects, physique et spirituel. Le repentir physique se rapporte à toutes les transgressions contre les lois de la nature, ainsi qu’aux règles de la morale et de la Tora qui sont liées aux lois de la nature 7. Toute mauvaise conduite engendre finalement maladie et souffrance, et l’individu aussi bien que la société en sont douloureusement affligés. Lorsqu’une personne réalise clairement que c’est elle-même par son mauvais comportement qui est responsable de la détérioration de sa force vitale, elle s’applique à rectifier la situation, à se conformer aux lois de la vie, à respecter les lois de la nature, de la morale et de la Tora, afin de revivre et de recouvrer sa vitalité dans sa pleine vigueur 8. La science médicale se consacre activement à cette tâche, mais elle n ’a apparemment pas encore réussi à maîtriser pleinement ce phénomène. O n n’a pas encore trouvé la réponse exacte à l’ensemble des problèmes posés par le repentir physique, à préciser jusqu’à quel point il est possible, dans les limites de l’existence, de restaurer tout ce qui est détérioré chez une personne à la suite de défaillances entraînant un affaiblissement du corps et de ses fonctions. Ce stade du repentir semble être inextricablement lié à d’autres formes de repentir,
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le stade spirituel du repentir naturel, le repentir selon la foi et le repentir selon la raison. Le repentir naturel qui se rapporte à l’âme et à l’esprit est d ’une nature plus interne ; il relève de ce qu’il est convenu d’appeler la « conscience morale ». Il est dans la nature de l’âme humaine de suivre la voie droite. Lorsqu’un individu s’en détourne et tombe dans le péché, si tant est que son âme n’est pas encore totalement corrompue, ce sentiment de droiture l’affectera et lui causera douleur et peine. Il s’empressera de faire retour sur lui-même, de corriger sa perversion, jusqu’à ce qu’il sente que sa faute a été effacée. Cette dimension du repentir revêt un aspect fort complexe ; elle dépend de nombreuses convictions subjectives et objectives et comporte de multiples possibilités d ’erreur dont il convient de se préserver. Elle constitue cependant une des bases sur lesquelles se fonde l’essence de la Teshuva 9. Après le repentir naturel, vient le repentir inspiré par la foi ; il a sa source dans la tradition religieuse, qui se préoccupe beaucoup de ce problème. La Tora promet le pardon aux pénitents. Les fautes individuelles et collectives sont effacées par le repentir10. Les prophètes abondent de remarques exaltantes sur ce sujet. D ’une façon générale, toutes les remontrances de la Tora sont fondées sur la pénitence, considérée du point de vue de la foi. Une analyse en profondeur de cette notion révèle des détails en nombre infini, mais même l’élucidation des principes de base exige un large examen et de très nombreuses clarifications. O n ne parvient au repentir selon la raison qu’après avoir atteint le stade du repentir selon la nature et selon la foi. C ’est le niveau le plus élevé dans l’ordre de la pénitence. Il ne résulte pas seulement d ’une souffrance physique ou d ’une angoisse spirituelle, d’une influence de la tradition religieuse qui aurait conduit soit à une crainte de la sanction soit à l’habitude de l’observance d ’une loi et d’une règle. Il procède aussi d’une intime conviction fondée sur une vision générale du monde et de la vie qui s’impose après que le repentir selon la nature et le repentir selon la foi ont profondément affirmé leur influence.
Récapitulant tous les niveaux précédents, ce repentir porte déjà en lui une lumière infinie. Il transforme toutes les fautes du passé en actes méritoires n . De toutes les erreurs il tire de sublimes leçons, de tous les échecs, l’occasion de brillantes remontées. C ’est à ce niveau du repentir que tous aspirent ; il doit nécessairement être atteint et il sera finalement atteint.
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2 R epentir instantané e t repentir progressif
Sur le plan de la durée, du temps, le repentir peut être divisé en deux parties : le repentir instantané et le repentir progressif. Le repentir instantané se produit à la suite d’un certain éclair spirituel qui pénètre l’âme. D ’un coup l’individu reconnaît le mal ainsi que la laideur de la faute et devient un autre homme. Il ressent aussitôt au fond de lui-même un mouvement intime qui le porte vers le bien. Cette forme de repentir se manifeste par la grâce d ’une force spirituelle interne, d’un flux puissant de l’âme dont il convient de rechercher l’origine dans les profondeurs du mystère 12. Il existe aussi une forme de repentir progressif13. Nul éclair soudain n ’illumine l’individu pour l’amener des profondeurs du mal vers le bien, mais il ressent qu’il doit en permanence améliorer sa conduite et son mode de vie, sa volonté et sa manière de penser. Il progresse ainsi et acquiert peu à peu des habitudes de moralité ; il corrige ses mœurs, améliore ses actes et s’exerce afin de se discipliner toujours davantage jusqu’à ce qu’il parvienne à un haut niveau de pureté et de perfection. Le niveau supérieur de la Teshuva 14 surgit à la suite d’un éclair du Bien général, du Bien divin qui réside dans tous les mondes, la Lumière de Celui qui vit éternellement. L’âme du tout, celle de l’émanation 15 qui anime la totalité de l’univers, se laisse saisir par nous dans toute sa sainte majesté, dans la mesure où le cœur est capable de s’en imprégner. De fait le Tout de l’existence n’est-il pas essentiellement bon et droit, et
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notre propre droiture ainsi que notre bonté ne proviennentelles pas de notre relation harmonieuse au T out ? Comment pourrions-nous alors nous permettre d’être détachés du Tout, fragment étrange, tel un grain de sable menu et insignifiant16 ? C ’est à partir de cette prise de conscience, qui est en réalité une connaissance d’inspiration divine, que se développe le repentir inspiré par l’amour, dans la vie de l’individu comme dans celle de la société.
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3 R epentir particulier e t repentir général
Il y a une forme de repentir relative à une faute spécifique ou à plusieurs fautes spécifiques 17. L’individu se situe face à sa faute, éprouve du remords et regrette de s’être laissé prendre au piège du péché. Son âme tente de s’élever jusqu’à ce qu’il parvienne à se libérer totalement de la servitude pécheresse ; il éprouve alors un sentiment de sainte liberté, fort apaisant pour son âme fatiguée, et poursuit ainsi sa guérison. Les lumières irradiantes d ’un gracieux soleil, porteuses de la grâce supérieure, étendent sur lui leurs rayons, un sentiment de bonheur s’empare de lui et une délicieuse félicité intérieure l’envahit. Simultanément il ressent que son cœur demeure brisé, son âme humble et contrite 18, mais ce sentiment même, lui convenant bien dans la présente situation, augmente encore son intime joie spirituelle de vraie plénitude, il réalise qu’il se rapproche toujours davantage de la Source de vie, du Dieu vivant qui, il y a peu, lui apparaissait encore fort lointain. Son âme ardente se souvient avec un joyeux soulagement de son affliction et de son angoisse ; elle est à présent tout emplie d’un intense sentiment de gratitude, et s’exclame dans un chant de louange et de remerciement : « Bénis mon âme, l’Éternel, et n’oublie aucun de ses bienfaits. C ’est Lui qui pardonne toutes tes fautes, guérit toutes tes souffrances ; délivre ta vie de l’abîme, te couronne de grâce et de clémence ; prodigue le bonheur à ton âge florissant, fait se renouveler ta jeunesse comme celle de l’aigle.
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L’Éternel fait des choses justes et fait droit à tous les opprimés 1S). » Combien angoissée était son âme lorsqu’elle ployait sous le joug de la faute, de son obscur, grossier et oppressant fardeau ! Comme elle était déprimée et meurtrie, même si la fortune et la gloire extérieure lui tombaient en partage ! De quelle valeur peut être la richesse si le contenu interne de la vie s’appauvrit et se dessèche ? Quel bonheur à présent lorsqu’elle ressent en son for intérieur que sa faute a été pardonnée, que la proximité de Dieu l’anime et l’illumine ; que sa pesanteur intérieure s’est allégée, qu’elle a déjà payé sa dette et que son angoisse et sa confusion se sont dissipées. Elle est pleinement apaisée et jouit d ’une tranquillité légitime 2°. « Reviens, mon âme, à ta quiétude, car !’Éternel te comble de ses bienfaits 21. » Il existe encore une autre sorte de repentir, non spécifique et plus général. L’individu ne se remémore pas une ou plusieurs fautes du passé, mais il éprouve un sentiment diffus de profonde dépression 22. Il se sent perverti par le péché, la lumière divine ne l’éclaire pas. Il manque de générosité, son cœur est insensible, sa conduite morale ne suit pas, comme cela serait souhaitable, une voie droite susceptible de remplir son âme pure d ’une vie valable. Sa culture est vulgaire, ses émotions agitées par d’obscures et sinistres passions qui l’épouvantent. Il a honte de lui-même, et conscience que Dieu n ’est pas en lui ; cela constitue son plus grand malheur, sa plus terrible frustration. Amer envers lui-même, il ne parvient pas à se soustraire au trouble de ses tourments, qui n’ont pas de contenu précis, mais qui dérangent tout son être. Dans cet état de malaise spirituel, le repentir se présente comme une thérapie proposée par un médecin qualifié. Le sentiment du repentir accompagné d’une profonde connaissance de son essence, son affinité avec l’intimité de l’âme, avec les mystères de la nature, avec tous les arcanes de la Tora et de la tradition religieuse, subjugue son âme d’un flot puissant. La ferme confiance dans la guérison, dans la régénération générale que le repentir provoque chez tous ceux qui s’y attachent, fait
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souffler sur lui un esprit de faveur et de grâce, « comme un homme que sa mère console, ainsi je vous consolerai 23 ». Jour après jour, inspiré par ce repentir général supérieur, son sentiment devient de plus en plus ferme, de plus en plus clair, illuminé davantage par la raison et en meilleure harmonie avec les principes de la Tora. Il est de plus en plus rayonnant, sa face courroucée a disparu et un éclat de bienveillance s’en dégage ; il est plein de vigueur, ses yeux brillent d’un feu sacré. Son cœur est tout entier plongé dans un fleuve de délices, un esprit de sainteté et de pureté l’enveloppe. Un amour infini emplit tout son être, son âme est assoiffée de Dieu et cette soif elle-même l’étanche comme « une substantifique moelle ». L’esprit saint tinte autour de lui comme une clochette 24. Il lui fait savoir que toutes ses fautes, les connues comme les inconnues, ont été effacées, qu’il vient de renaître créature nouvelle, que tout l’univers, à tous les niveaux de l’être, bénéficie de son renouvellement, que toutes choses se joignent au chant et qu’une joie divine embrasse le Tout. « Grand est le repentir car il apporte la guérison au monde ; un seul se repent, on lui pardonne et grâce à lui on pardonne au monde entier 25. »
4 Repentir in d ivid u el particulier et repentir collectif général dans le monde et dans la com m unauté d ’I sraël
1. Intarissables sont les ondes du repentir, individuel et général. Telles des vagues de flammes à la surface du soleil, elles s’élancent et s’élèvent dans une lutte incessante, donnant la vie à une multitude de mondes et à d’innombrables créatures. Nul n’a le pouvoir de recueillir l’afflux infini de l’abondance de couleurs 26 émanant de ce magnifique soleil qui illumine les mondes, le soleil du repentir. Leur flux est si puissant, il se précipite avec une telle profusion et à une si vertigineuse vitesse ! Il jaillit en effet directement de la source de la vie, dont le temps lui-même n ’est qu’une des forces restreintes de son épanchement 27. L’âme spirituelle de tout individu, de toute collectivité, l’âme de l’univers et de l’ensemble des mondes, rugit comme une féroce lionne en proie à ses douleurs. Elle aspire à une rédemption totale, à une existence idéale. Nous sommes sensibles à ces souffrances et elles nous purifient 28. Comme le sel accommode la viande, de même elles expliquent notre amertume. Les mots ne peuvent rendre compte d ’un tel projet, aussi vaste que l’étendue des deux. Nous participons à l’unification 29, nous méditons sur les significations des noms divins : un point - et voilà qu’apparaissent de nouveaux deux, une nouvelle terre et tous les trésors qu’ils contiennent ; une lettre —et des mondes se révèlent ; des mots —et voici des myriades d’univers éternels, d’innombrables créatures, sereines et heureuses, animées d’une toute-puissante joie divine, empreintes de paix et de vérité 3°.
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Et l’âme s’amende et va vers sa plénitude. 2. Par la Teshuva tout retourne à la divinité 31. Sa force étant active dans l’ensemble de tous les mondes, tout revient et s’unit en fait à la perfection divine. Par la méditation sur la Teshuva, ses implications intellectuelles et les émotions qu’elle suscite, toutes nos pensées, nos concepts, nos intentions et nos sentiments se réform ent32 et reviennent se fixer dans leur caractère essentiel, dans le contexte de la sainteté divine. 3. La Teshuva collective est l’élévation du monde, sa restauration. La Teshuva individuelle concerne la personnalité privée de chacun. Elle s’étend jusqu’au détail le plus infime des moyens particuliers de régénération, que seul l’esprit saint peut saisir dans toute sa complexité. Les deux, collective et individuelle, ont même contenu et obéissent au même but 33. Ainsi, toutes les réformes culturelles à travers lesquelles le monde émerge de sa confusion, l’organisation de la vie sociale et de la vie économique qui s’améliore constamment grâce au redressement des fautes et des injustices 34 - des préceptes les plus impératifs jusqu’aux règles précises d’application édictées par les Sages et les recommandations de piété les plus exigeantes - , toutes ces tendances constituent un tout inséparable, « tout s’élève vers un unique lieu 35 ». 4. La nature du monde comme celle de chaque créature particulière, l’histoire de l’humanité comme les actes de chaque être singulier, doivent être considérées selon une vision d’ensemble, comme relevant d’un phénomène unique présentant des aspects divers. Alors la lumière de la connaissance qui conduit à la Teshuva ne tarde pas à apparaître36. 5. O n ne peut en fait s’élever à l’aspiration spirituelle d ’une rédemption collective sans avoir effectué au préalable un profond repentir intérieur de chaque faute et péché personnels.
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Par contre, un individu qui fait pénitence de cette manière obtient le pardon pour lui-même et le monde tout entier. Un grand nombre peut en effet retrouver la nature idéale celée dans l’âme de la nation grâce au repentir d’un seul, s’il est motivé par le but de promouvoir le rayonnement de l’aspiration du génie authentique de la nation 37. 6. Le point culminant de l’âme de la nation est sa tendance à l’universalité. Elle y aspire de par l’essence même de son être, et cette aspiration elle-même affecte déjà tout ce qui existe. L’idée de Teshuva dans sa forme suprême est ancrée dans cette hauteur cachée. 7. L’âme de la communauté d ’Israël est la justice absolue ; sa réalisation comporte l’actualisation de toutes les vertus morales. Toute infraction à la morale commise par un individu ju if affaiblit du même coup le lien qui l’unit à l’âme de la nation. Aussi la démarche initiale, fondamentale, de la Teshuva consiste-t-elle à se rattacher à l’identité essentielle de la nation, et en même temps, nécessairement, à corriger tous les actes de la conduite, conformément à ce qui fait le critère essentiel de l’âme de la nation 38. 8. La Teshuva pour la gloire de Dieu précède toutes les formes ultérieures de repentir. L’intensification de la lumière entraîne généralement un élargissement des concepts. Celui de la gloire divine cependant - quelle que soit son étendue demeure trop étroit pour contenir le flux puissant des lumières de la Teshuva, dont la quintessence est plus précieuse que celle de la Sagesse et de la Gloire elles-mêmes ! Telle est la qualité de cette Teshuva dont la lumière se révélera aux abords de l’ère messianique : elle récapitule toutes les voies mineures du repentir et les contient toutes 39. Au moment de son irruption, le puissant éclat de sa lumière semble d’abord s’opposer à tout ce qui présente une moindre clarté. Les enfants du violent40 se lèvent alors et tentent de réaliser la vision mais ils succombent. Cet échec n’est dû qu’aux petites lumières, qui apparaissent
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comme évincées. La grande lumière poursuit son œuvre et elle n’aura de reste que lorsqu’elle se sera révélée dans toutes ses dimensions, les plus élevées comme les plus basses. « Répare ma brèche avec le fils de Peretz, et de la ronce cueille la rose 41 . »
la Tora, à la compréhension de ses secrets. Ceux qui s’y sont adonnés sans s’y être convenablement préparés n’ont abouti en effet qu’à accroître considérablement le nombre des opposants et des détracteurs 43. O r, c’est précisément de cette lumière de vie, qui soumise à des influences inappropriées engendre de graves dangers et des cataclysmes, que surgira la délivrance, la rédemption de l’univers. C ’est d’elle précisément que se dégagera la lumière du Bien suprême qui donnera vie nouvelle à la société comme à l’individu, afin de relever la cabane ébranlée de David 44 et de faire disparaître l’humiliation du peuple de Dieu de toute la terre 45.
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9. La Teshuva surviendra et se manifestera par des voies diverses. L’une des plus spécifiques sera la douleur ressentie alors pour l’injure infligée à l’héritage spirituel de nos ancêtres, d’une puissance et d’une gloire inestimables. Cette intense spiritualité provient pourtant de la source même de la vie, dans l’ordre le plus élevé du divin. Elle continue à se répandre sur nous de génération en génération. Il suffit d’y prêter attention, pour tout y trouver, tout ce qu’il y a de précieux et de beau. Seule une fronde aveugle nous a éloignés de ce terrain fertile pour nous entraîner dans des champs étrangers, qui ne sauraient nous fournir, à nous, une subsistance vitale 42. Cette immense douleur éclatera avec vigueur, suivie d ’un effort de réflexion et d’appréciation afin de déterminer ce qu’il conviendrait de retenir de toutes ces voies trompeuses dans lesquelles nous avions trébuché. L’âme dégagée de ces entraves retrouvera l’élan de liberté de sa profonde sainteté, et tout esprit attentif s’empressera de puiser et de boire d’abondance à cette source de vie supérieure. Connaissance et sensibilité, joie de vivre, vision universelle et aspiration à une renaissance nationale, amendement des défauts de l’âme et renforcement de la vigueur du corps, organisation du régime politique et désir de resserrement du lien social fondé sur la civilité et la tolérance, associée à une vive protestation contre tout ce qui est abominable et mauvais, souillé et laid, un dévouement total allant jusqu’au sacrifice pour promouvoir tous les moyens par lesquels le bien universel supérieur se manifeste et s’instaure - toutes ces dispositions surgiront alors et se révéleront ensemble, d’un coup. Afin de les fonder sur une base solide, nous devons absolument préparer nos cœurs à la véritable lumière intérieure de
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10. L’arrogance qui prédomine dans la période précédant la venue du Messie 46 provient du fait que le monde est arrivé à un niveau de compréhension globale de l’univers qui le pousse à vouloir saisir clairement la relation de chaque élément à l’ensemble. Dans cette perspective, tout détail qui ne s’inscrit pas dans une théorie générale constitue un m otif d’exaspération. Si le monde avait recherché la lumière de la Tora dans cet esprit, de manière à ce que l’âme puisse reconnaître aisément la relation adéquate entre les éléments particuliers et les grands principes spirituels, la Teshuva et la restauration du monde qui s’ensuivrait se produiraient très certainement. Mais par manque d’application un état élevé d’authentique sainteté n ’ayant pas été atteint, la lumière profonde de la Tora n’a pas été convenablement dévoilée. Aussi l’exigence d’un ordre de vie dans lequel les éléments particuliers seraient compris en référence aux principes généraux survient-elle à un moment où la voie n ’est pas encore pavée et la lumière insuffisamment dévoilée pour la compréhension d ’un tel processus. Ce décalage est la cause de ce tragique désarroi. Nous devons, en conséquence, recourir au remède le plus élevé, renforcer nos facultés spirituelles afin que la manière de comprendre et d’apprécier la relation entre les enseignements théoriques et pratiques de la Tora et la plus haute universalité devienne quelque chose de
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compris et d’explicité directement selon les modalités de la perception la plus courante. Alors, la vigueur de la vie spirituelle, dans l’action et dans la pensée, se confirmera dans l’univers, et la Teshuva collective commencera à porter ses fruits. 5
11. Des profondeurs de la vie scintille, à tout instant, une lumière nouvelle de la Teshuva supérieure. En même temps un flux de lumière irradie les mondes et tout ce qu’ils contiennent et les régénère en constance. Plus cette lumière est intense, plus la sagesse et la sainteté quelle porte en elle sont grandes, et plus les âmes s’imprègnent des trésors de vie nouvelle. De ce flux peut naître et se développer le fruit de la culture morale la plus élevée et de la conduite pratique la plus vertueuse 47. De la Teshuva dépendent en tout temps et à chaque instant l’illumination de l’ensemble du monde et le renouvellement de toutes ses formes. Il en est ainsi à plus forte raison de la lumière du Messie, de la délivrance d’Israël, de la renaissance de la nation et de la terre, de la langue 48 et de la littérature. Tout émerge de la source de la Teshuva et, par elle, des profondeurs tout sera élevé vers les cimes altières de la Teshuva supérieure.
Existence nécessaire de la Teshuva, ses effets sur l ’h omme, le monde et la com m unauté d ’I sraël
1. Le repentir est le sentiment le plus sain de l’âme vitale 49. Une âme saine dans un corps sain 50 doit nécessairement parvenir au grand bonheur que procure le repentir ; c’est là qu’elle ressent sa plus grande joie naturelle. L’élimination des substances nuisibles a un effet bénéfique et revigorant pour le corps lorsque celui-ci est en état de santé parfaite. L’annulation par l’esprit51 de toute mauvaise action et des effets négatifs et nuisibles qui en résultent, de toute mauvaise pensée et en général de tout éloignement du contenu de l’émanation divine qui est à la base de tout mal, de toute grossièreté et de toute laideur 52, doit forcément advenir lorsque l’organisme est dans un état de bonne santé à la fois spirituelle et physique. 2. À la pl ace de chaque parcelle de laideur qui se détache de l’âme d’une personne grâce à son assentiment ultime à la lumière du repentir, des mondes resplendissants d ’une haute clarté se révèlent dans son âme. L’écartement d’un péché ressemble au retrait d’un objet gênant hors d’un œil en état de vision : tout un nouvel horizon de perception visuelle se dégage, la lumière des vastes étendues du ciel et de la terre et de tout ce qu’ils renferment 53. 3. Le monde doit nécessairement parvenir à une Teshuva complète. Le monde n’est pas statique, il évolue constamment.
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Son développement authentique et intégral doit inévitablement conduire à un état de santé parfaite, matérielle et spirituelle, qui à son tour amènera avec lui la lumière d’une vie de repentir 54.
7. « La Teshuva a précédé la création du monde 63 », et c’est pour cette raison qu’elle est le fondement de l’univers. L’excellence de la vie réside précisément dans la persévérance dans l’être, selon sa nature spécifique. La nature étant par elle-même dépourvue d’observation et de discernement64, le péché devient de ce fait inévitable : « Il n ’y a pas d’homme juste sur la terre, qui fasse le bien sans jamais faillir 65. » Supprimer le caratère naturel de la vie pour que l’homme devienne un être non pécheur constitue justement le plus grand des péchés 66. « Il demandera son expiation parce qu’il a péché envers son âme vitale 67. » C ’est pourquoi le repentir restaure ce qui a été détérioré et ramène l’univers et la vie à leur origine, en révélant précisément le fondement supérieur de leur essence, le monde de la liberté. C ’est pour ce motif que l’on désigne le Nom de Dieu (Tétragramme) par Dieu (Elohim) vivant 68.
4. Un esprit de Teshuva plane sur le monde et lui confère son caractère essentiel. L’élan de son développement55 le purifie par la fragrance de son parfum et le rend apte à saisir sa beauté et sa splendeur 56. 5. L’obstination à se tenir toujours à la même opinion et, pris dans ces liens du péché transformés en habitude 57, à vouloir être conforté par elle, soit pour les actes, soit pour les idées, est une maladie due au fait que la personne est tombée dans un état de grave servitude, qui ne permet pas à la lumière de la liberté du repentir de luire dans tout l’éclat de sa puissance 58. La Teshuva aspire en effet à une véritable et authentique liberté, la liberté divine affranchie de toute espèce de servitude 59. 6. Ne fût la pensée du repentir, l’apaisement et la sécurité qu’elle procure, l’homme ne connaîtrait pas de repos, et la vie spirituelle ne pourrait pas se développer dans le monde 6°. La conscience morale requiert de l’homme justice, vertu, perfection. Q u’il est loin cependant de réaliser cette perfection morale dans les faits, quelle difficulté n’éprouve-t-il pas pour confermer ses actes au pur idéal d’une rigoureuse justice ! Comment dans ces conditions peut-il aspirer à ce qui semble absolument au-delà de ses possibilités ? C ’est pourquoi le repentir est dans la nature de l’homme, il le parachève. Même s’il demeure exposé à trébucher 61, à enfreindre la justice et la morale, cela ne porte pas atteinte à sa perfection, car le principe de base de cette qualité est l’aspiration et la volonté constante de se perfectionner 62. Ce désir est en lui-même le fondement du repentir ; il a une influence directrice permanente sur la conduite de la vie humaine et permet réellement à l’homme de se parachever.
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8. L’avenir mettra au jour les merveilles de la puissance de la Teshuva, et cette révélation présentera pour le monde entier un intérêt infiniment plus grand que les phénomènes les plus étonnants qu’il est habitué à percevoir dans les vastes sphères de la vie et de l’existence. Cette nouvelle révélation attirera à elle tous les cœurs par son caractère merveilleux, au point d ’exercer par son esprit une influence sur tous. Le monde émergéra alors vers sa véritable renaissance, le péché disparaîtra, l’esprit d’impureté sera évacué et tout le mal s’évanouira comme de la fumée 69. 9. La communauté d’Israël de par sa sensibilité spirituelle supplémentaire est la première au monde pour la Teshuva. Elle est l’entité cosmique 70 dans laquelle la qualité spécifique du repentir deviendra manifeste en prem ier71. Elle est poussée à vivre dans le monde en conformité avec la lumière divine qui ne comporte ni faute ni péché. Toute déviation de cette disposition de sa part entame la perfection spécifique de cette nation mais finalement sa puissante force vitale triomphera de ce désordre, elle recouvrera une santé parfaite qui bientôt se
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répercutera vigoureusement dans son être et la lumière du repentir se manifestera en elle en prem ier72. Israël deviendra alors le canal à travers lequel la sève vitale d’un désir raffiné de repentance parvient au monde entier afin de l’illuminer et de redresser sa stature.
6 Existence e t effet interne de la Teshuva dans la conscience profonde de l ’h omm e , du monde e t de la com m unauté d ’I sraël
1. La Teshuva émerge des profondeurs. D ’une telle profondeur que l’âme vitale individuelle particulière ne constitue pas par rapport à elle une entité distincte, mais plutôt la continuation de la grandeur de l’existence générale 73. La volonté du repentir rejoint la volonté universelle dans sa plus haute origine. Comme le courant le plus puissant du flot vital de cette volonté s’oriente vers le bien, de nombreux torrents se précipitent aussitôt dans l’ensemble du réel afin de mettre au jour le bien et d ’apporter du bien p artout74. « Grande est la Teshuva, car elle apporte la guérison au monde ; un seul se repent, on lui pardonne et grâce à lui on pardonne au monde entier 75. » Dans la voie spacieuse à travers laquelle se déverse la sève de l’essence de la vie, l’unité de tout le réel se révèle à sa source : grâce au souffle de vie de la pénitence qui l’anime, tout ce qui existe se renouvelle en direction du bien suprême, lumineux, irradiant. Le repentir provient de l’aspiration de l’ensemble du réel à devenir meilleur, plus pur, plus vigoureux, à s’élever à un niveau supérieur. Dans ce désir se cache une force vitale capable de vaincre tous les éléments qui restreignent et affaiblissent l’existence 76. Le repentir particulier, individuel, et à plus forte raison le repentir collectif, tirera sa force de cette source de vie d ’une activité vigoureuse et ininterrompue constamment à l’œuvre.
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2. Le repentir est toujours présent dans le cœur. Même au moment de la transgression, il est caché dans l’âme ; il lance ses rayons qui se manifesteront plus tard lorsque retentira le lancinant appel vers la repentance 77. La Teshuva se trouve dans la couche profonde de l’existence du réel, car elle a précédé la création du monde 78 ; avant que ne survienne la faute, le projet de la repentance de cette faute était déjà conçu. Rien n’est donc plus certain dans le monde que le repentir, tout doit en fin de compte revenir et être redressé. À plus forte raison, Israël estil assuré et prêt à faire pénitence, de se rapprocher de sa volonté originelle, d ’actualiser dans la vie la nature de son âme spirituelle, malgré les barrières de fer qui retiennent et qui empêchent la manifestation de cette vigoureuse nature 79. 3. La crainte naturelle du péché est l’expression la plus saine de la nature humaine sur le plan de la morale générale. Elle porte, dans la nature particulière à Israël, sur les fautes et iniqui tés commises en violation de la Tora et des commandements, héritage de la communauté de Jacob 8°. Israël ne recouvrera cette nature que par une vaste propagation de l’étude de la Tora, étude de la Tora en vue de former des maîtres, et par la fixation régulière d’heures précises réservées à l’étude de la Tora pour de larges couches de la population. Il est impossible qu’Israël puisse revenir à sa force première et vive sa vie naturelie sans une pleine restauration également de sa nature spirituelle, dont l’une des caractéristiques les plus marquantes est la crainte naturelle, l’aversion de la faute, et l’exigence d’une repentance régulière, si par malheur on a été entraîné à la transgression et au péché. Lorsque la vitalité de la nation se renforcera, en s’étendant à tous les aspects de son activité, l’agitation qui trouble la pensée prendra fin ; toutes les institutions nationales se préoccuperont à nouveau d’assurer également le rétablissement du profond caractère naturel de la moralité, particulier à Israël, si scrupuleux pour distinguer dans le moindre détail entre l’interdit et le permis. Les éléments les plus minutieux de la Tora et de l’enseignement des maîtres seront reconnus comme une
manière de vivre essentielle, dont une vie nationale florissante ne saurait aucunement se passer.
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4. Les transgressions morales qui ont leur origine dans une déviation de la morale générale aboutissent finalement à une déviation de la morale divine, à une désaffection de la religion. La révolte contre les préceptes divins, leur abandon témoignent d ’une grande décadence morale, qui ne peut se produire qu’à la suite d ’une effroyable chute de la personne dans une existence grossièrement matérialiste81. Une génération peut en totalité ou en partie, dans certains pays et dans certaines régions, s’empêtrer pendant un laps de temps dans une aussi aveuglante confusion au point de n’absolument pas ressentir le déclin moral que comporte l’abandon des statuts divins 82. Le fait n’en perd pas pour autant sa valeur. Le repentir doit inévitablement surgir et se manifester, car la maladie de l’oubli du monde divin ne peut pas s’implanter d’une façon durable dans la nature humaine. Comme une source polluée, elle retrouve toujours sa pureté originelle. 5. L’existence, l’acte du choix d ’un individu, sa volonté permanente forment une grande chaîne, dont aucun maillon ne peut jamais être séparé l’un de l’autre 83. Le vouloir d’un homme est lié à ses actes 84. Même les actes du passé ne sont pas coupés de l’essence de la vie et du vouloir originel. Rien ne pouvant être totalement détaché, le vouloir peut imposer une marque particulière même aux actions passées. C ’est le mystère de la Teshuva que le Saint Béni soit-il a créé avant de créer le monde 85. Cela signifie qu’il a étendu la puissance créatrice spirituelle de l’âme vitale par rapport aux actes et à l’existence au point de lui donner prise également sur le passé. La mauvaise action déploie son influence, cause laideur et mal, perte et destruction, tant que la volonté ne lui impose pas une marque nouvelle 86. Dès que la volonté lui impose la marque du bien, elle contribue elle-même au bien et à l’agrément, à la joie de Dieu et à Sa lumière.
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6. Les actes parlent à l’intérieur des âmes spirituelles87. Toute action vertueuse se déploie suivant des étapes multiples, à partir du bien, du saint. Elle émane de la source de la Sainteté, car c’est à la présence de cette Sainteté qu’elle doit son existence et sa manifestation effective. Infinies sont les causes qui dérivent de la hauteur cachée jusqu’à ce que cette action vertueuse parvienne à sa manifestation pratique. Similairement, une fois qu’elle a émergé, elle renvoie la lumière à sa racine, repousse les ondes en direction contraire, élargit le champ d’action de la sainteté, et l’élève à partir du bas vers le haut 88. Ce processus est identique en cas de conduite inverse, pour toute action corrompue à sa source. De même que la source impure est la cause de son émergence, ainsi l’action corrompue reflète sa maladie à l’intérieur de l’esprit qui l’a façonnée. Et ce, jusqu’à ce qu’un homme maître de ses actes et de sa volonté la détache de sa source grâce au grand pouvoir du repentir. Alors, particulièrement par l’ascension du repentir jusqu’au niveau de l’amour, elle s’établit à demeure dans la profondeur du bien et oriente les ondes du bas vers le haut, comme dans le cas des actions vertueuses, vers le bien 89.
celui du fruit. La terre se repentira de sa faute et les sentiers de la vie pratique ne feront plus obstacle à l’agrément de la lumière idéale, soutenue dans son déploiement par des moyens appropriés, qui la stimulent et l’aident à passer de la puissance à l’acte. Le repentir lui-même, qui active le flot de l’esprit intérieur immergé dans les profondeurs de l’abîme du néant aux antipodes du but idéal - en donnant de l’extension à l’esprit de justice retenu dans un premier stade en un état d’oppression - , permettra à l’esprit idéal de pénétrer en force également dans les ramifications des nombreux moyens intermédiaires, et de tous l’on pourra percevoir le goût de la splendeur du but ultime. L’homme ne sera plus entravé par le poids d ’une honteuse indolence sur la voie de la vraie vie.
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7. Au début de la Création, l’arbre devait avoir le même goût que le fruit 9°. Tous les moyens qui renforcent un but spirituel général élevé devaient être perçus dans l’intimité de l’âme avec la même sensation d’élévation et d’apaisement que celle qui nous est fournie par la représentation du but luimême. Mais la nature de la terre 91, l’instabilité de la vie, la lassitude de l’esprit lorsqu’il est confiné dans le cadre étroit de la corporalité92 ont fait que seul le goût du fruit, du stade ultime, de l’idéal principal, est ressenti avec plaisir et splendeur. O r les arbres portant le fruit, bien qu’indispensables pour sa croissance, se sont épaissis, solidifiés et ont perdu leur goût. C’est le péché de la terre pour lequel elle a été maudite, lorsque Adam fut également maudit pour sa faute 93. Mais toute défection est destinée à être finalement réparée. Aussi sommes-nous fermement assurés que les jours viendront où la création retrouvera son état antérieur et le goût de l’arbre sera identique à
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3. À travers la méditation sur le repentir, l’homme perçoit la voix de Dieu qui l’interpelle, à partir de la Tora 98, à partir de tous les sentiments du cœur, à partir de l’univers et de sa plénitude, et de tout ce qu’ils contiennent Le désir du bien se renforce en lui et la chair elle-même, qui conduit au péché, s’affine progressivement jusqu’à ce que la lumière de la pénitence la pénètre. Valeur de la m éditation sur le repentir , sa représentation e t sa conception
1. Il est dans la nature du repentir de procurer à l’homme à la fois apaisement et appel à une réflexion sérieuse. La moindre réflexion sur le repentir le conforte 94. Une seule petite lueur de sa grande lumière porte déjà en elle le haut et exaltant bonheur de tout un monde. Mais en même temps le repentir place l’esprit devant l’obligation permanente d’un perfectionnement qui le sauve de l’orgueil et projette sur lui une douce lumière, conférant une grande et stable valeur à son existence. La représentation du repentir transforme tous les péchés, ainsi que la confusion, l’angoisse spirituelle et l’abomination qui en résultent, en concepts de bonheur et de satisfaction ; parce qu’à travers eux l’homme reçoit l’illumination de la profonde connaissance de la haine du mal, et l’amour du bien se renforce en lui considérablement 95. Au-delà de tout calcul et de tout savoir, il se délecte du bonheur de son soulagement, dans lequel il perçoit cet allègement divin réservé à ceux qui se repentent. Cette sensation s’unit de la façon la plus agréable avec le sentiment purifiant d ’un cœur brisé et d’une âme contrite joint à la foi profonde en une libération et un secours éternel 96. 2. Toute pensée de repentir lie l’ensemble du passé au futur ; le futur s’élève ainsi grâce à l’ascension de la volonté du repentir, inspiré par l’amour 97.
4. La méditation sur le repentir met à découvert la profondeur de la volonté. La puissance de l’âme spirituelle se révèle ainsi dans toute la force de sa splendeur ; le degré de pénitence marque le degré de sa liberté 10°. 5. Je vois comment les fautes dressent une barrière devant la claire lumière divine qui irradie chaque âme spirituelle de tout son éclat et de quelle manière ces iniquités projettent une ombre et obscurcissent l’âme spirituelle '°1. En vérité, le repentir même entretenu seulement sur le plan de la pensée est d’un grand effet salutaire 102. Mais l’âme spirituelle ne parvient effectivement à une libération totale que par l’actualisation du repentir en puissance. Cependant, étant donné que la pensée est liée à la sainteté et au désir de repentir, il n ’y a pas lieu de craindre '°3. Dieu, Béni soit-il, suscitera très certainement tous les moyens adéquats pour qu’il parvienne à un repentir total qui éclairera par sa lumière vitale tous les domaines encore obscurs. La Tora tire bénéfice d ’un repentir de valeur supérieure et gagne en clarté 104 : l’étude devient vive et lucide 105, Dieu ne dédaigne pas un cœur brisé et contrit 106. 6. Nous constatons à l’évidence comment les fautes sont des barrières qui font écran entre nous et la lumière d’une claire conception ; non seulement les péchés individuels, mais également les fautes de la société. Cependant tout cela n ’est pas décisif ; grâce à un grand effort nous pouvons parvenir au repentir et au redressement, ainsi qu’à la mutation des ténèbres en lumière.
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7. Il est nécessaire de bien approfondir la foi dans le repentir et d’être assuré que même par la seule méditation on peut exercer une sérieuse action réparatrice sur soi-même et sur le monde 107. La réflexion sur le repentir doit inévitablement conduire à ce que l’on se sente plus content et mieux satisfait de soi-même qu’auparavant. Cela sera d ’autant plus vrai lorsque la méditation aboutira au consentement au repentir et sera accompagnée de Tora, de sagesse et de piété, et spécialement lorsque le sentiment de l’amour de Dieu vibrera dans la personne. Elle se sent alors soulagée et conforte son âme vitale fatiguée, la soutient avec toutes sortes d’encouragements possibles 108, selon la promesse de la parole de Dieu : « Comme un homme que sa mère console, ainsi vous consolerai-je 109. » Si l’on se découvre des fautes commises envers le prochain et que l’on ne se sente pas le courage de les réparer, il ne faut pas désespérer pour autant du grand pouvoir rédempteur du repentir 11°. Les offenses envers Dieu dont on s’est repenti ont déjà été pardonnées 1 ״. O n peut estimer que le résidu non encore réparé est annulé par le grand nombre, du moment que la majeure partie des fautes a été pardonnée grâce au repentir. Il ne faut cependant pas relâcher la vigilance afin de ne succomber dans aucune faute envers autrui, et de réparer autant que faire se peut le passé avec sagesse et ferme résolution. « Dégage-toi, toi-même, comme le cerf de la main du chasseur, et l’oiseau de la main de l’oiseleur 112. » Il ne faut pas s’attrister de n’être pas encore parvenu à tout restaurer, mais s’en tenir fermement au bastion de la Tora et du service de Dieu, de tout cœur avec joie, crainte et amour 113. 8. Il faut approfondir le principe du repentir jusqu’à ce que sa lumière brille d’un tel éclat que le souvenir des fautes puisse éveiller dans l’homme un puissant sentiment de joie. Celui-ci est provoqué par la connaissance du grand mérite qui luit en elles grâce à la sainteté du repentir, lumière de Dieu à l’œuvre dans la restauration du monde, fondement de la Création 4 ״.
8 Les souffrances de la faute, les douleurs du repentir et la guérison apportée p a r son rayonnement
1. La souffrance ressentie lors de la réflexion sur le repentir au début de son apparition est due à une amputation. Les sections mauvaises de l’âme vitale, qui ne peuvent être restaurées tant qu’elles sont rattachées et demeurent partie intégrante du complexe organique de cette âme, la corrompent et portent atteinte à l’ensemble, se détachent progressivement de l’action du repentir et sont arrachées à son essence fondamentale 115. Toute amputation entraîne une souffrance, semblable à celle causée par le retranchement d’un membre atteint par la gangrène dont l’opération s’impose pour raisons médicales 116. Ce sont les souffrances les plus intimes par l’intermédiaire desquelles et à travers lesquelles une personne émerge de l’obscure servitude de ses péchés et de ses basses inclinations ainsi que de leurs amères conséquences, vers la liberté. « Nous tirons cette leçon d’un raisonnement a fortiori, de la loi qui libère un esclave ayant perdu une dent ou un œil [à la suite d ’un châtiment] 117. » « Heureux l’homme que T u éprouves, ô Dieu, et que tu instruis de Ta loi 118. » Ne lis pas « que tu instruis » mais « T u nous instruis » : cette leçon T u nous l’as enseignée à partir de Ta lo i119. 2. Les pénibles tourments qui s’emparent de l’âme vitale suite à la méditation sur le repentir paraissent provenir parfois de la crainte de la sanction ; elles sont cependant, dans leur essence, des souffrances bien spécifiques 12°. L’âme spirituelle
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est durement atteinte parce que le péché - si contraire aux conditions de son être - l’afHige ; mais ce sont ces tourments qui justement la purifient. L’homme qui sait reconnaître dans l’intimité de son être le précieux trésor déposé dans ces souffrances les accepte en parfait amour et en pleine connaissance de cause 121. Il progresse ainsi dans de nombreux domaines : son savoir lui reste acquis, son caractère intime s’affine, les marques laissées par ces iniquités s’effacent 122. Elles se transforment en signes positifs qui reflètent la spirituelle splendeur de l’âme.
tion nous répondons : tout cela découle de la source du mal : « Des méchants sort le mal 128. » La volonté est libre et la vie survient afin que l’homme exerce sa force et devienne un être véritablement libre. Si la volonté refuse d’abandonner le mal déposé dans les profondeurs de l’âme spirituelle 129, elle va à l’encontre de l’équilibre vital et détruit la relation directe qui existe entre l’âme humaine et tout le réel, et l’ensemble de l’existence, dans sa globalité comme dans ses éléments particuliers. La rupture de l’harmonie entraîne de nombreuses souffrances. Lorsqu’elle atteint l’esprit 13°, la douleur s’intensifie et se manifeste sous la forme de frayeurs, de colère, d ’impudence, de légèreté et de désespoir 131. Aussi les justes, les hommes bons et généreux qui apprécient le bonheur de vivre, lancent-ils un appel aux méchants malheureux : venez et vivez, « revenez, revenez de vos mauvaises voies ! Pourquoi mourriez-vous 132 ! ». Jouissez de la bonté de Dieu, connaissez une vie de délice et de lumière, de paix et de quiétude, de confiance et de dignité. « Comme la rosée divine, comme des gouttelettes sur l’herbe 133. »
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3. T out péché afflige le cœur, parce qu’il détruit l’unité entre la personnalité particulière et la totalité de l’existence 123. Seul le repentir apporte la guérison : à travers lui la lumière du flux supérieur de l’idéalité, qui porte le réel à l’existence, resplendit sur l’homme. L’harmonie générale et l’adhésion à l’être deviennent à nouveau manifestes en lui, il revient et il est guéri. Cependant le fondement de la douleur ne provient pas seulement de la faute elle-même ; mais de l’essence de la faute et du contenu du processus spirituel, allant en sens contraire de l’ordre de l’existence, ordre qui resplendit de la droite lumière divine dans tout le réel harmonieusement organisé et orienté vers le haut 124. C ’est pour cette raison que ceux dont l’âme est fondamentalement mauvaise — et la racine de leurs fautes est ancrée dans leurs idées, dans leur aspiration et la disposition de leur cœur - sont des pessimistes auxquels le monde entier apparaît sous une couleur si infiniment sombre. Ce sont eux, ces esprits en proie à la mélancolie 125, qui se plaignent du monde et de la vie ; leur raillerie de tout ce qui existe est le rire d’un insensé 126 qui n’a pas su comprendre que « Dieu est bon pour to u t127 ». 4. Quelle est la source de la fureur qui s’empare des méchants ? Pourquoi cette colère contre le monde entier ? Quel est le fondement de cette amère mélancolie, fréquente chez eux, qui consume l’esprit et le corps et empoisonne la vie ? D ’où provient cette source polluée ? Avec une claire et intime convie-
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5. Tout juste, dans l’impossibilité d’étancher sa grande soif, ressent en lui-même une vive peine pour le peu de communion qu’il parvient à établir avec Dieu. À cause de ce tourment tous ses organes sont soumis à une constante pression due à la nostalgie de l’âme, au point qu’il ne trouve pas de quiétude dans les délices et les plaisirs du monde. C’est en vérité la souffrance de la Présence divine 134, car le contenu vital de l’ensemble des mondes aspire à ce que la suprême perfection divine devienne manifeste en lui 135. Cette manifestation, dans la pleine étendue de son rayonnement, est cependant conditionnelle : elle requiert l’intensification de la libre volonté humaine exercée avec talent et accompagnée de l’action juste et belle qui en dépend. C’est pour cette raison que les justes languissent constamment après le repentir général. Ils tendent à innocenter le coupable dans l’intimité de leur cœur, comme quelqu’un qui aspire à la vie, car en vérité c’est bien de notre vie, et de la vie de tous les mondes, qu’il s’agit.
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6. Lorsque les justes se repentent, ils font luire la lumière de la sainteté dans les sentiers les plus obscurs et dans les moindres défauts qu’ils découvrent dans leur âme. Les recommandations qu’ils énoncent à leur propre intention, afin d’émerger de la dépression et du désespoir à la claire lumière de la sainteté et de la suprême droiture, deviennent à leur tour de grandes lumières qui contribuent à illuminer le monde. Toute personne qui perçoit elle-même l’impérieux appel du repentir et éprouve l’anxiété de l’esprit pour la réparation des fautes, soit celles qu’elle a déjà réussi à amender, soit celles qu’elle n ’est pas encore parvenue à restaurer et pour lesquelles elle espère en la miséricorde, fait également partie de cette catégorie de justes : grâce à ses pensées de repentir, le monde entier bénéficie d ’un renouveau de lumière 136. 7. L’univers dans son ensemble est ajusté avec harmonie. Une unifiante convergence pénètre tous les coins et recoins du réel. La conscience morale et ses impératives exigences sont le prolongement de l’écho de la clameur unifiée de toutes les parties de l’existence, qui toutes s’interpénétrent ; l’âme entière est pleine de toutes et unie à toutes 137. Toute division morale, dans la pensée et dans l’action, dans le caractère et dans le tempérament, provoque de multiples morcellements, qui causent de nombreux tourments internes à tous les niveaux dans l’âme 138. La base de ces souffrances spirituelles est le pouvoir destructeur du retrait de la lumière vitale de l’ordre général qui anime toute l’existence des canaux vitaux de l’âme pècheresse 139. Plus une âme est pure, plus elle est sensible au trouble causé par ces souffrances, jusqu’à ce qu’elle apaise sa douleur par le courant de vie du repentir dérivant de la source suprême. Il unifie tous ces éléments déchirés en leur injectant une rosée de vie provenant directement de toutes les artères de l’existence et, par cette confluence, atteint les différentes régions de l’âme, qui revient ainsi, en une grande grâce et une joie éternelle, à une suprême renaissance 14°.
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8. Lorsque l’angoisse spirituelle, qui est la souffrance du repentir suscitée par la situation spirituelle personnelle et celle du monde est particulièrement vive au point d ’obstruer les sources des idées, des paroles de la prière et du cri, du sentiment et du chant, il faut alors s’élever et effectuer un saut afin de découvrir les lumières porteuses de vie dans la source du silence 141. « Le sol desséché deviendra une nappe d ’eau et la terre assoiffée, des fontaines 142. » 9. Lorsqu’un penseur se recueille dans la solitude et que sa force spirituelle interne s’active, il ressent alors tous les défauts qui ont endommagé son âme en conséquence de ses actions et de ses tendances indignes. Il en est alors profondément et intimement affligé et recherche dans son esprit de quelle manière il pourrait réparer ce qui a été perverti. Lorsque son angoisse interne transparaît violemment et que sa condition extérieure se détériore, comme par exemple à un moment de désastre et de malheur, le sentiment interne n’est encore pas très affirmé. Cependant, même dans ce cas il peut parvenir à son but altier, car un repentir engendré par la souffrance est aussi un repentir 143. 10. Le tourment provoqué par le repentir est un excellent sujet pour éveiller l’inspiration des poètes mélancoliques et réveiller le talent des peintres tragiques. 11. Les péchés sont l’essence de la mélancolie. Lorsque l’âme spirituelle entreprend de se purifier, elle ressent la véritable essence de ses péchés et la mélancolie de la repentance s’empare alors d ’elle ; le feu de la douleur du remords, de la honte 144, et d’une redoutable frayeur, la consume 145. Par cela même elle amorce le processus de la purification, et sera capable, la période d’agitation terminée, de retrouver son énergie, son maintien ferme et digne. 12. Il faut veiller avec attention à ne pas tomber dans la tristesse, mais non au point d’empêcher la lumière du repentir
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de pénétrer dans la profondeur de l’âme spirituelle. La tristesse pourrait alors s’étendre comme une tumeur maligne à travers le corps et l’âme vitale ; car le péché afflige le cœur et amène la tristesse à s’intégrer dans la brûlante amertume de l’agitation du repentir 146. Celui-ci présente certains aspects mélancoliques, mais ils sont comme un feu purifiant qui décante l’âme spirituelle et la renforce dans le sens de la joie naturelle constante qui lui convient147.
quence souhaitable que le désespoir lui-même contribue au renforcement du cœur de l’homme, qu’il n’éprouve point de crainte et revienne de chaque faute d’un repentir total empreint d ’un esprit calme et courageux.
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13. Tout péché impose une anxiété particulière à l’âme vitale, qui ne se dissipe que sous l’effet du repentir. Selon la profondeur du repentir, l’anxiété elle-même se transforme en assurance et courage. La marque de l’anxiété engendrée par la faute peut se reconnaître indifféremment dans les traits de la figure, les mouvements, la voix, la conduite, l’écriture, le style du langage parlé, mais surtout écrit, dans l’exposé et l’ordre des idées. Le défaut apparaît au point où la faute entrave le passage de la lumière 148. Selon la gravité de la faute et l’importance que ce sujet revêt pour lui, sa marque sera discernable à qui sait regarder avec des yeux clairs. 14. O n ne saurait surestimer le malheur qu’entraîne le manque de volonté pour le bien et la sainteté. La sagesse ne s’éveille qu’en fonction de la bénédiction de la volonté qui la supporte 149. Ce sont les fautes qui empêchent la volonté de se déployer. Aussi est-il indispensable de se repentir pour que la volonté soit plus claire et que la sagesse soit en mesure de s’affirmer d’une façon appropriée. Il importe particulièrement de se repentir des iniquités commises envers le prochain, et en premier lieu du vol, qui entrave l’ascension de la volonté ; il est nécessaire de faire un vigoureux effort dans ce sens et d’espérer dans le secours de Dieu afin de parvenir à renoncer totalement à toute violence 15°. 15. Le désespoir qui s’empare du cœur est en lui-même le signe d’une subtile révolte intérieure, dérivant d’une conscience supérieure de la moralité et de la sainteté 151. Il est en consé
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16. Lorsque l’idée du repentir, d’un amendement de tous les actes et de tous les sentiments surgit dans le cœur d’un homme, ne fut-ce qu’au niveau de la pensée seulement 152, il ne doit pas se sentir découragé par la crainte que lui inspire le grand nombre de ses iniquités dont il vient de prendre une plus vive conscience. Cela est dans la nature des choses : tant qu’un homme est mû par l’agitation d’une nature brute et par l’habitude d’une obscure et mauvaise conduite, il est moins sensible à ses écarts ; parfois même il ne ressent rien, et se considère comme un juste. Mais lorsque la conscience morale s’éveille, la lumière de l’âme spirituelle se manifeste aussitôt ; elle l’aide à explorer son âme vitale dans toutes ses dimensions, et il constate tous ses défauts. Une profonde anxiété s’empare alors de lui, il est atterré de son peu de perfection et de la gravité de sa chute. Mais c’est précisément à ce moment qu’il doit se rendre compte que cette perception et l’anxiété qu’elle provoque sont les signes les plus réconfortants qui lui annoncent un secours définitif pour la restauration de son âme ; il doit se sentir réconforté par cela, par !’Éternel, son Dieu 153.
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9 Valeur de la volonté q u i se manifeste p a r le repentir
1. La concentration régulière de la pensée sur le repentir élève le caractère d’un homme sur de nobles fondements 154. Elle attire à lui constamment des idées pures et de ce fait cette pensée le situe, dans la vie comme dans le réel, sur une base spirituelle. Le repentir, toujours présent dans le cœur, confirme à l’homme la grande valeur de la vie spirituelle. L’important principe que la volonté bonne est le tout, et que toutes les dispositions offertes dans le monde ne sont qu’une expression de son efficience, s’impose comme une ferme conviction implantée par la lumière du repentir qui influe sur lui constamment. En conséquence, un important flux d ’esprit sain t155 l’innerve en permanence ; une volonté exaltée de sainteté, supérieure à celle que l’on trouve communément chez les personnes ordinaires, s’affirme en lui progressivement. Il en vient ainsi à reconnaître la vraie valeur d’un authentique succès, ne dépendant d’aucune condition extérieure, mais de l’homme lui-même, c’est-à-dire de sa volonté bonne. Cette réussite procure un bonheur supérieur à toutes les richesses et à tous les trésors ; elle seule peut apporter le bonheur à l’ensemble du monde et à tout ce qui existe. Car la volonté bonne qui réside en permanence dans l’âme spirituelle oriente toute la vie et toute l’existence vers le bien 156. Grâce à la vue généreuse qu’elle projette ainsi sur la véritable essence du réel, elle exerce une action sur les choses et sur les voies confuses de l’existence pour les arracher à leur
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déficience. Par l’éclatante profusion de sa spiritualité, toutes choses s’épanouissent et se développent dans le bonheur. Cet enseignement, à savoir que tous les problèmes fondamentaux dépendent exclusivement de la volonté bonne, se répand dans le monde grâce aux maîtres du repentir, pour lesquels la pénitence est un motif de constante aspiration. Ainsi, la volonté progresse et devient effectivement meilleure et plus pure, et le monde avance vers une plus grande perfection. La volonté qui s’affirme par la pénitence est la volonté ardente de la vie profonde, et non la volonté superficielle qui n ’atteint que les aspects légers et extérieurs de la vie. Il s’agit de cette volonté qui constitue le noyau le plus intime du principe vital, et qui est l’essence absolue de l’âme 157. Comme la volonté est orientée dans le sens du bien par l’intensité du repentir, le bien s’intégre dans la nature authentique de l’âme spirituelle, et de ce fait tous les développements ultérieurs, toute semence que le véritable maître du repentir propage dans le monde, puisent leur lumière vitale dans le principe du bien. Ces personnes sont dotées d’une âme rayonnante, imprégnée de la lumière idéale de la suprême sainteté. 2. Sous l’effet du repentir, l’horizon du regard s’élargit. Le principe de volonté idéale croît, s’étend et englobe depuis les premières origines de l’univers 158 jusqu’à l’ultime, jusqu’à la fin de toutes les générations 159. A travers l’amplitude de cette pénétrante perception, dans la grandeur, la longueur, la largeur, la hauteur et la profondeur, le bien et la véritable grâce divine se dévoilent : la vie aussi bien individuelle que collective s’épanouit, fondée sur une totale équité. Les défauts qui apparaissent dans l’organisation de la vie se reconnaissent à travers les plis qui se redressent et s’égalisent sous l’effet de la vitalité de la volonté bonne qui coule comme un très grand fleuve, à travers les générations et les époques. Seuls des aspects fragmentaires de l’existence se révèlent dans chaque génération particulière. O n ne réalise leur complémentarité qu’après de très nombreuses générations, la volonté pénétrante et enveloppante du repentir leur apportant à toutes vie,
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paix et délicieuse bénédiction. Lorsqu’elle se manifeste, on découvre que le bonheur et la joie juste s’y trouvaient dès le départ, dans le principe, et tout ce qui semblait restreint, tout ce qui était considéré comme hideux dans le passé, ne contenait en réalité que splendeur et élévation, ayant été un fragment de la grandeur suprême de la marche du repentir.
bien, une force qui transforme effectivement les iniquités commises avec préméditation en mérites 167.
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3. L’essence du repentir apporte guérison, vraiment, au monde entier 16°. Le courant de la volonté poursuit son action avec force, précisément lorsqu’il échappe à toute pression 161. Les maîtres du repentir font jaillir avec une intensité accrue la force de vie de la source du bien 162. Toutes les actions et toutes les créatures sont existentiellement unies dans la poussée de la volonté qui se manifeste chez l’homme dans toute la splendeur de sa gloire. Les éléments de base, les forces et les effets qu’elles engendrent, sont projetés dans toutes les directions. Qui leur injecte lumière vitale, discipline et ordre pour faire éclore le bien et échapper au piège du mal ? La haute volonté, la force morale illuminée par l’éclat d ’En H a u t163 ! Par l’intention affirmée d’un peuple saint, tous les actes se groupent en un seul faisceau afin d ’accepter la volonté du Saint Roi, exalté par la justice et sanctifié par la charité.
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6. Le péché arrête le rayonnement de la sagesse suprême qui se manifeste lorsque l’âme spirituelle consciente établit un rapport harmonieux intégral avec la totalité de l’existence et sa source supérieure. Cette relation se révèle à travers le canal même de l’âme spirituelle où entendement et volonté forment une entité unifiée 168. Tout acte de transgression rompt cette unité idéale et déplace la sphère de la vie en dehors d’elle 169. Le flux qui s’élance comme une source pure ne reprendra son cours en direction de la volonté profanée 170 qu’à la suite du repentir et du remords. La lumière du repentir, selon le degré de clarté avec lequel elle est perçue et la profondeur avec laquelle elle est acceptée, restaure alors l’harmonie dans sa force originale : « Rends-moi la joie de ton salut et qu’un esprit généreux me soutienne 171. »
4. U n relâchement de la volonté, dû à une préoccupation permanente concernant le repentir 164, bien que signe d’une faiblesse physique et d’une déficience de l’âme vitale qui réclame guérison, comporte cependant beaucoup de principes distingués et nobles qui purifient l’esprit, et « toutes les imperfections seront effacées par l’amour 165 ».
7. Il y a un manque dans le niveau inférieur du repentir. Il affaiblit en effet la volonté et porte ainsi atteinte à la personnalité 172. Ce défaut se corrige lorsque la pensée du repentir parvient à sa pleine maturation. Elle rejoint alors le repentir supérieur qui ne recherche pas principalement l’affaiblissement de la volonté et la cassure de l’individualité de la personne, mais le renforcement de la volonté et la valorisation de la personnalité. Les iniquités commises avec préméditation se transforment ainsi en mérites ' 73. « Lorsque le méchant se détourne de sa méchanceté et pratique le droit et la justice, sur eux, il vivra 174. »
5. Lorsque l’on s’occupe de repentir, il importe de définir avec soin la différence de nature du bien et du mal, afin que le remords et l’agitation de la volonté, passant de l’acceptation au refus, portent uniquement sur le mal et non sur le bien 166. Mieux, il faut identifier le bien contenu dans la profondeur du mal, et le renforcer avec la même énergie que l’on met à fuir le mal, afin que le repentir soit une force active en faveur du
8. Le repentir ébranle la volonté qui s’est déjà matérialisée dans l’action et s’est acquis un pouvoir existentiel audacieux, parvenant à briser par sa vigueur la force de la morale et de la foi. Lorsque la lumière divine se ravive avec intensité et déracine la volonté de son principe, celle-ci ne retourne pas au néant. Elle met de préférence son ardeur au service du fondement de
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l’univers en insufflant dans toute l’existence une puissante attirance vers la lumière et vers le bien : les iniquités commises avec préméditation deviennent effectivement des mérites 175.
cacité pour la purification de l’âme, l’affinement de l’esprit et l’élimination des actions viles de la conduite 183. Ils comportent cependant nécessairement une certaine faiblesse à laquelle même les esprits les plus courageux ne peuvent échapper 184. Lorsque l’on contracte la volonté, et que l’on retient brutalement la poussée vitale en cultivant une aversion intense envers la faute et une tendance à se repentir de tout péché, la volonté pour le bien se contracte également, et la pure vitalité de la vie se relâche, elle aussi. Il arrive qu’un homme souffre lors de sa catharsis morale d’une faiblesse identique à celle qu’éprouve un malade soigné par l’application de violents chocs électriques ; le virus de la maladie a certes été éliminé, mais on a affaibli la saine vitalité du malade. Aussi des jours de sainte joie et de bonheur pour l’âme vitale suivent-ils [la période réservée à la pénitence], afin de redresser la volonté bonne et la pure force vitale. Alors le repentir peut être intégral 185.
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9. Tout péché découle d ’un défaut dans les aptitudes de l’âme vitale d ’une personne. L’âme vitale s’affaiblit et ne réussit pas à s’opposer aux inclinations mauvaises qui la travaillent. Si cette incapacité se confirme, elle ralentit la poussée de la volonté vers le bien ; le relâchement de la volonté entraîne une baisse de connaissance et la conscience du bien s’altère 176. Le repentir s’éveille en fonction du discernement 177, si l’on s’applique à distinguer sans ambiguïté le bien. Dans sa forme la plus accomplie, cette reconnaissance s’effectue simultanément avec celle du mal 178. « Le mal authentifie le bien 179. » Lorsque l’on prend une claire conscience de l’extrême nocivité du mal, l’intensité de la générosité du bien 180 brille d ’une lumière plus éclatante 181. Plus la connaissance du bien se précise - et l’effet causé par le péché et voilant la connaissance disparaît sous l’action du retour de la volonté et l’inclination de l’âme vitale vers le bien —, plus s’affirme, grâce à cette connaissance, la tendance à renforcer la volonté bonne et à la sauver des influences néfastes de la faute. L’âme vitale, qui avait été affaiblie, en profite pour se relever de sa chute et restaurer son pouvoir afin qu’elle soit dans sa totalité, pleinement disponible pour le bien. La capacité de choisir devient ainsi vraiment libre, et le bien peut être évalué sans empêchement 182. En conséquence, l’attraction spirituelle présente en toute âme vitale pour la pousser en direction du bien s’active en vue de renforcer la décision en faveur du bien et de fonder toutes les dispositions d’organisation de la vie de l’individu et de la collectivité sur la base centrale du bien absolu, dont le terme ultime est la lumière de Dieu. 10. Le repentir, ses conditions d’application pratique et l’esprit général qu’il inspire, surtout durant la période réservée plus particulièrement à la repentance, sont d’une grande effi
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ouvre les portes du discernement, de même qu’il est lui-même un produit de cette faculté 192.
10 Nécessaire interdépendance du repentir et de la Tora dans leur essence générale et dans leurs qualités supérieures
1. Un repentir vraiment parfait exige une contemplation supérieure, une élévation vers ce monde sublime où vérité et sainteté abondent. Cela n’est réalisable que par la recherche des couches profondes de la Tora et de la Sagesse divine dans les mystères de l’Univers 186. Dans la pratique, cet effort requiert au départ propreté physique et pureté morale, afin que les nuages de la concupiscence n ’obscurcissent pas l’éclat de l’intellect 187. Mais en priorité à toute démarche il faut une adhésion à la Tora, et plus précisément à la Tora supérieure, car elle seule peut briser les barrières de fer qui séparent l’individu comme la société de leur Père dans le ciel 188. Le repentir survient à la suite d’un examen lucide d’un monde intelligible. Il se poursuit grâce à son propre pouvoir de clarification et d’élucidation de l’univers 189. 2. Une bonne indication d ’un excellent repentir : un sentiment d’intime satisfaction et une illumination de l’intelligence par des pensées élevées. Clarté de la conception, sainte vigueur et pureté de la faculté imaginative qui enveloppe la compréhension supérieure 19°, embrassant elle-même tous les sentiers de la vie 191. 3. Tout péché entrave la concentration de l’esprit nécessaire pour saisir l’illumination des mystères de l’univers. Le repentir
4. Le repentir est une nécessité pour l’accession à la compréhension du divin. Vigueur et rayonnement de la volonté et vigueur de l’intelligence sont interdépendants 193. Les actes projettent une lumière sur les racines supérieures d ’où ils proviennent, et les sentiments de l’âme formés des racines de la sainteté supérieure dévoilent de par leur propre existence ces mêmes racines 194. Aussi celui qui est prêt à une communion constante avec le divin ne peut-il se contenter d ’une démarche de moindre valeur ; les conditions nécessaires, physiques et spirituelles, qui le poussent à revenir à une communion parfaite sont déjà présentes en lui. O n ne peut cependant y parvenir qu’après avoir atteint un degré d’humilité absolue, qui dépend de l’ouverture de l’âme dans une grande joie à la lumière de Dieu 195. L’humilité se développe dans le cœur, une fois acquise la conviction intellectuelle que l’idée de la communion avec Dieu sous toutes ses formes est le bonheur suprême de la vie. Plus cette idée croît en splendeur, se pare de savoir et de grandeur d’esprit, d’actes et d’un ordre de vie régulier, d’une lumière collective étendue et d ’une pure élévation de l’âme spirituelle, plus le bonheur de la vie s’intensifie. En conséquence, la joie de l’âme se propage et la communion elle-même s’élève à son plus haut niveau, au point que la grandeur de Dieu se révèle dans l’âme spirituelle. Il n’y a alors plus de limite à la juste humilité qui se développe simultanément, car comment un homme pourrait-il faire preuve d’orgueil face à la source de toute perfection, la lumière infinie suprême, transcendante à toute bénédiction et à toute louange 196 ! 5. À quel point les transgressions peuvent-elles abrutir l’esp r i t 197 ! L’esprit d’un individu comme celui d ’une société, celui d ’une seule génération comme celui de toute une époque ! Lorsque la dégénérescence entraîne à une conception de vie telle que l’âme qui la formule en vient à s’opposer à l’esprit supérieur qui l’illumine, à s’opposer à la parole de Dieu qui lui
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parvient de toutes les sources, de la Tora, de la foi et aussi de la tradition ancestrale, de l’assentiment de l’humanité, de son propre sens interne de l’équité 198 —la poursuite du caractère supérieur de toutes ces données continuant par ailleurs à être assurée par l’ordre vivant et pleinement spirituel du monde et de tout ce qu’il renferme, les lois les plus élémentaires de l’existence du ciel et de la terre - , l’homme devient la proie de la dimension aveugle de son moi, de son côté fragile 1" . Il perd sa force de résistance, au point de ne pouvoir respecter les normes exigeantes des impératifs de la vie, qui lui commandent de s’écarter de la faute et de conserver son intégrité de créature divine 20°. Le déclin et la dégradation ne touchent pas uniquement un aspect de son être, ce n’est pas seulement sa volonté chancelante qui vacille, l’essence et la qualité de son esprit, son intelligence et sa lumière vitale se maintenant par ailleurs non, tous les traits du visage se métamorphosent201 ! La lumière assurée de l’esprit, qui dans les profondeurs de l’existence spirituelle s’unit à l’ensemble des forces vitales, intimement intégrée à l’ordre moral et spirituel réel de tout son environnement, en dessous et au-dessus, cette lumière s’obscurcit. O r cette lumière est le secret même de la vie ; c’est elle qui nous permet de la saisir intensément, l’âme spirituelle y puise le sang vital de sa subsistance. Seule la purification du repentir lui fera retrouver son éclat. Aussi le repentir est-il le fondement si ardemment recherché de la culture humaine 202.
que lorsque les manquements ont été effectivement réparés 204. Des obstacles peuvent surgir et certaines entraves sont parfois difficiles à surmonter ; tant que les fautes n ’ont pas été redressées, elles restreignent la lumière de l’intellect, et par voie de conséquence obstruent la conscience de la justice générale et le désir de la voir émerger de sa retraite. Malgré cela, un engagement ferme de réparer le passé et de veiller au moins dans l’avenir à ne pas heurter autrui permet à la lumière spirituelle, dans la mesure où l’on réalise pratiquement ce repentir, de poursuivre progressivement l’illumination de l’âme. Jusqu’à ce que le pouvoir de l’esprit trouve par lui-même de multiples moyens pour porter le repentir à sa totale réalisation dans les faits, afin que la lumière spirituelle puisse, de toute sa force gracieuse, reposer sur l’âme spirituelle qui a tant soif d’elle. 7. Lorsqu’un homme tente de s’élever aux cimes de la pensée, ses fautes se précipitent aussitôt afin d’empêcher la lumière supérieure de lui parvenir. Les grandes idées perdent de leur élévation sous l’effet obscurcissant des fautes inscrites sur les parois du cœur 205. Il peut cependant s’engager immédiatement dans la voie d’un repentir lucide, qui lui rendra en un clin d ’œil une vie de bonheur. Dans la mesure où le repentir se confirmera effectivement dans son mode de vie, les concepts de sa pensée gagneront en hauteur et le flot de ses idées sera béni.
6. Les transgressions et les dispositions non épurées abrutissent le cœur. Tant qu’elles ternissent l’âme, aucune introspection pénétrante ne peut valablement s’entretenir et se développer 203. L’homme sérieux qui cherche à s’élever au niveau de la compréhension supérieure s’en rendra compte par luimême ; il se sentira dans l’obligation absolue de procéder à un repentir complet afin de ne pas compromettre ses chances de réussite. Toutefois, pour les péchés commis envers Dieu, le repentir spirituel restaure sur-le-champ la joyeuse libération de la lumière spirituelle, tandis que pour les fautes commises envers le prochain il n’y a de perfection de l’âme vitale possible,
8. Il est évidemment impossible de mener à bien l’étude des mystères de la Tora sans repentir. Ces grands sujets exigent en effet le concours simultané de la volonté et de l’intellect 206. Lorsque, animé d’une ferme et bonne volonté, on s’aventure au cœur de ces questions, on est saisi d’un ardent désir de les approfondir et on conçoit toutes sortes de moyens ordinaires et spécifiques pour y parvenir. Mais si les fautes font obstruetion, la volonté reste défectueuse 207. Si on ne s’élève pas au niveau supérieur de la volonté en soi, et restant soumis au joug de l’abomination du péché on n ’attache pas une intime et profonde importance au désir du bien général et particulier, l’in
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tellect ne peut s’épanouir et les canaux pour parvenir aux secrets de la Tora s’obstruent. Il est par conséquent indispensable de se conforter par le repentir et de purifier la volonté afin d’atteindre à une compréhension exaltante, lucide et claire des sujets du monde supérieur.
plus haute forme de repentir. Très souvent ceci ne peut se réaliser convenablement que si le désir est accompagné d’une vibrante prière —alors la puissante source jaillit à nouveau et se répand sur l’âme spirituelle 209.
9. Il est impossible de s’engager dans le monde spirituel ésotérique et de contempler la lumière supérieure sans se préparer à cette tâche au préalable par un acte de parfait repentir. Car, dès que l’homme perçoit la lumière supérieure de la splendeur de l’absolue justice et que la beauté de la sainteté supérieure se révèle à lui, il éprouve un irrépressible désir de participer également à cette lumineuse splendeur, afin que sa vie soit enracinée en elle dans ses multiples apparences. Aussitôt il scrute ses actes et ses aptitudes afin d’évaluer leurs défauts. Le remords en lui se fait plus brûlant ; mû par un sentiment de profond amour, il s’engage sur le chemin du repentir. Selon la fermeté de sa résolution d ’avancer dans la voie du bien en accord avec la pure lumière de l’intellect - qui s’élève à son plus haut niveau grâce à l’illumination par la Tora, dans laquelle seul un homme juif peut trouver le sens profond de ses obligations 208 - , il s’élève progressivement jusqu’à s’enraciner dans le monde supérieur. Ses idées sont de plus en plus brillantes, ne présentant aucune contradiction interne ; les visions spirituelles de la culture supérieure qui portent sur les mystères de l’univers se précisent à ses yeux dans toute leur splendeur, selon la qualité de son âme vitale, sa préparation antérieure, la force de sa vitalité et son authentique liberté spirituelle. 10. Lorsque quelqu’un procède, pour ce qui est du divin, selon la voie de la pure recherche intellectuelle, il se rend compte par lui-même qu’un écran le sépare d’une perception claire. L’âme spirituelle elle-même reconnaît que cet écran est formé par les actes et les qualités impropres ; aussitôt s’élève du fond du cœur un désir vers un repentir complet, vers la
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11. Prière, supplication et repentir du fond du cœur, qui se traduit effectivement par des actes réparés, doivent forcément précéder toute manifestation de la lumière de la compréhension supérieure 2'°. Aucune littérature vraiment importante ne saurait naître et se présenter comme une lumière vitale dans le monde sans la présence de la lumière de la Teshuva qui renouvelle l’univers dans tous ses aspects 21'. En vérité, l’éclat de cette littérature du futur est perceptible dans l’étincellement de la compréhension qui précède la lumière du repentir 212. La connaissance dote les facultés spirituelles d’une totale maîtrise et d ’une exaltante liberté supérieure qui conduit à un parfait repentir entraînant la rédemption dans son sillon. Suivront le pardon intérieur et extérieur, la guérison, la subsistance économique, le rassemblement des exilés, et la restauration du pouvoir des juges et des conseillers qui sont les piliers de cette littérature et ses initiateurs. La méchanceté se retire, la justice s’élève, le cœur de la nation se met à battre avec une vive force pour Jérusalem, le principe et les attributs d’une souveraineté totale sont de plus en plus apparents, tous les désirs du cœur s’accomplissent conformément à la prière des justes emplie de la volonté de Celui qui est la vie des mondes, « Celui qui a parlé et l’a fait advenir 213 ».
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« annule » 220 : ici le bien seul abonde sans aucune restriction, tout mal et toute abomination ont été exclus dans le principe depuis toujours, car en vérité cela n’a pas été, n’est pas et ne sera pas : il n’y a que la lumière de Dieu et sa bonté.
11 Sources du repentir dans l ’existence en général et dans la spiritualité suprême
1. Le repentir survient à la suite du discernement 214 ; par son caractère sublime, il transforme les fautes commises avec préméditation en mérites, qui deviennent ainsi un soutien vital 215. Cependant le repentir, dans tous ses aspects et sous toutes ses formes, souffre initialement d’un affaiblissement de la volonté causé par le remords antérieur. Il ne se transforme qu’ultérieurement en joie et en épanouissement de l’esprit dû à la connaissance supérieure, à la mutation des fautes commises avec préméditation, en mérites 216. A un niveau supérieur, se situe la lumière de la sagesse 217 qui ne subit jamais d’affaiblissement à la suite de la souffrance du remords. Elle considère les mérites éclairant déjà comme en plein jour ; la joie divine, dans sa radieuse exultation, dépourvue de toute angoisse, honte ou tristesse, y transparaît déjà, car tout a été blanchi grâce à l’action du discernement dans l’âme. A un niveau encore plus élevé apparaît la lumière de la couronne universelle, la mystérieuse vision qui engendre toute joie et tout plaisir, toute sainteté et tout bien, qui renferme tout dans son saint trésor 218. Cette lumière ne dépend nullement du dégagement du remords au début de l’illumination du discernement : par cette lumière on s’aperçoit qu’il n’y a nulle déficience, aucune obscurité. Il n’y a que sainte lumière et suprême gloire, l’éclat de la vie et son exaltant rayonnement. Au-delà du discernement qui « abroge » les fautes, « car ce que l’Éternel, Dieu des armées, a décrété, qui pourrait l’abroger 219 ? ». Au-delà de la Sagesse qui
2. L’esprit saint dans sa manifestation générale réunit dans une même entité supérieure la fusion unitaire de tous les courants spécifiques : l’esprit saint de la volonté, de l’intellect, de la beauté, de la forme physique et de la morale 221. Lorsqu’il agit ainsi dans la plénitude et au plus haut niveau, il inspire la parole des prophètes 222, dans tous les détails de son expression et le déploiement de sa force, comme le grondement de nombreuses et puissantes eaux, bruit tumultueux comme celui de la clameur d’une armée, comme la voix du Tout-Puissant 223. Cet esprit, qui comporte les cinq expressions de l’esprit saint dont nous venons de parler, darde également ses rayons et se manifeste dans l’esprit de repentir toujours immanent en tout cœur humain désirant s’élever du fond de l’échec de la faute, vers les hauteurs de la sainteté, et séjourner dans le sanctuaire divin. 3. Plus le repentir s’approfondit, plus la crainte de la mort diminue, jusqu’à disparaître totalement. A sa place s’impose un état d’esprit qui correspond au verset : « Elle se réjouit pour le jour ultime 224. » La nature spirituelle de l’authentique existence humaine ainsi que la nature spirituelle de l’univers tout entier assument la primauté prévue pour elles, leur potentialité se confirme et se manifeste explicitement, la mort renonce à son nom et avec son essence s’évanouissent la crainte et le frisson qu’elle inspire 225. La personnalité individuelle se développe et s’étend, elle s’intégre concrètement dans la structure collective de la nation entière, et de là s’absorbe dans la réalité générale de tout l’univers 226. Elle trouve son bonheur dans cette totalité supérieure, dans la splendeur divine, dans son puissant rayonnement et dans la délicieuse et riche lumière d ’une vie où coule le flot d ’une existence éternelle.
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4. Le développement de tout le réel est construit sur la base de la Teshuva 227. Les existences particulières se manifestent par la descente de la divinité à la mondanité. C ’est une sorte de décadence et d’effrayante « mort » incomparable avec d ’autres dégradations dans le monde, où il s’agit d’une baisse de niveau d ’un plus grand à un moindre degré de créativité 228. Tout cela s’accomplit selon la norme supérieure d’une juste évaluation qui apprécie l’ordre des existants avant la formation de toute créature. La grâce supérieure dont parle l’Écriture, « le monde est construit par la grâce 229 », comporte également la vertu de la force et de la vigueur de l’esprit divin qui « plane sur la surface des eaux ». Cependant cette régression porte en elle le principe de la remontée supérieure et bien avant l’ordre des temps la remontée y était contenue — « le profond abîme du jugement et les cimes altières de la justice 230 » s’embrassent mutuellement. Les choses existantes poursuivent leur processus de clarification, recouvrant leur force initiale avec une plus grande intensité dans l’esprit humain. Car le repentir est son lot et son héritage propre, mais il peut servir de paradigme pour tout ce qui existe dans les suprêmes hauteurs comme dans les plus profonds abîmes. « Seigneur, Tu as été notre abri de génération en génération. Avant que les montagnes fussent nées, avant que fussent créés la terre et le monde, de toute éternité T u es Dieu. T u ramènes l’homme à la contrition et Tu dis : Revenez, fils de l’homme 231. » Si nous réalisons à quel point les plus petites parcelles de l’existence, spirituelle et matérielle, sont une miniaturisation et une récapitulation des structures générales, le plus infime fragment comportant des éléments de grandeur dans les couches profondes de son être, nous ne serons nullement surpris de ce que le principe du repentir envahisse jusqu’aux recoins les plus intimes de l’âme humaine 232. Son action est à l’œuvre depuis le commencement de l’envol de sa pensée et de sa conception du monde, jusqu’aux plus infimes détails de ses actes et les modalités de son caractère. Ce processus se reproduit et se retrouve pleinement dans la marche historique de l’ensemble de l’humanité. Lorsque nous connaîtrons davantage la valeur
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de la qualité de l’homme et de son esprit, ainsi que la nature de son influence sur le monde, nous saisirons aussitôt avec évidence la lumineuse relation entre la grande Teshuva cosmique, dans son extension la plus large, la plus profonde et la plus élevée, et le repentir humain individuel et collectif, sur l’orbite duquel tournent et se déploient toutes les initiatives de la vie pratique et spirituelle : « des profondeurs je T ’ai appelé, Dieu 233 ». 5. Le repentir nous enseigne que la base de chaque acte réside dans l’essence spirituelle qu’il comporte —cette marque que l’acte imprime au fond de l’âme. Puisque, concrètement, les contenus des actes ne sont pas de simples concepts symboliques, mais sont tissés dans le principe du monde réel, nous sommes incités à considérer ce monde, dans sa réalité existentielle, comme étant en fait un monde divisé où les différentes structures s’adaptent les unes aux autres 234. Cependant sa racine est l’élément conceptuel, qui le comprend et l’enveloppe, le dépasse et le transcende. Le repentir élève l’homme et son environnement à ce niveau où toute l’existence se tient dans la clarté de son contenu spirituel, et ce monde-là, par sa forte spiritualité, domine le monde limité de notre action. L’ordre du monde de l’action se détermine suivant l’impression gravée par la pensée dans le monde du repentir supérieur 235. 6. Selon le principe de la doctrine ésotérique, toute bonne œuvre d’un impie rejoint le lieu de la méchanceté et de l’impureté ; bien que le Saint Béni soit-il ne le lèse pas, ne le prive pas de sa récompense et lui accorde dans ce monde compensation même pour le commandement le plus facile qu’il accomplit —tel est cependant le sort de la méchanceté. A plus forte raison tout péché et toute faute d’un juste, bien que « sanctionné sur terre 236 » et « qu’autour de lui la tempête fasse rage 237 », tout suit cependant le principe « une mesure de bien l’emporte 238 », afin de renforcer et d ’intensifier la lumière de la sainteté et du bien 239. Nous pouvons saisir d’après cela le
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statut général des nations : toute bonne action d’une nation impie renforce le mal universel et « la bonté des nations est une faute 240 ». Pour Israël, « peuple juste, sachant fidélité garder241 », le Saint Béni soit-Il applique la règle : « pour ses proches, Il est strict, comme le fil d’un cheveu 242 » [et les punit pour la moindre infraction]. Pour l’ensemble de la nation : « vous seuls Je vous ai connus entre toutes les familles de la terre, et c’est pourquoi Je vous demande compte de toutes vos fautes 243 ». En conséquence, toute faute provenant d’une source dont la majeure partie est bonne —ce qui est un signe qu’en vérité le fonds est totalement bon - contient certainement dans l’intimité cachée de son essence une lumière bienfaisante et de nombreux éléments salutaires. La faute des tribus a permis d’assurer la subsistance du monde entier 244, et l’Écriture rapporte l’exigence : « même lorsqu’ils fautent, que leurs besoins soient devant Toi 245 ». Cependant telle est la règle : le bien et l’édification qui se dégagent de la faute doivent subir un processus de purification afin de pouvoir participer au perfectionnement de l’ensemble de la création. Cette purification se réalise à travers les souffrances qui effacent la faute 246. Il faut comprendre : les souffrances purifient la faute provenant de la profondeur du bien de son abomination superficielle et l’établissent sur la base de son essence intérieure, dotée d’une vraie et sainte vie. Comme rien ne se perd des actions des justes, « sa feuille ne se fane pas et tout ce qu’il fait réussit 247 », toute faute, même la plus légère et la plus bénigne, doit passer par ce processus de purification, afin qu’elle puisse servir à la brillante œuvre générale suprême, but de chaque geste d’une âme sainte. « Car Dieu connaît la voie des justes 248 », seul Dieu connaît ce que les pensées d’aucune créature ne peuvent atteindre. Tout repentir inspiré par l’amour parvient à cette source intérieure, où tout ce qui se produit est bon et contribue rétroactivement à l’édification de l’intégrité et de la droiture. Les fautes commises par préméditation qui se muent en mérites 249 ne nécessitent pas une création nouvelle, il suffit qu elles se manifestent dans leur originelle essentialité. Même les nouveaux cieux et la nou-
velle terre, que le Saint Béni soit-Il fera surgir dans les temps messianiques, ne requièrent pas une nouvelle création, ils existent déjà fermement comme le précise le verset : « comme ces cieux nouveaux et comme cette terre nouvelle que je crée se tiennent devant moi 250... » - il n’est pas dit se « tiendront » mais « se tiennent251 ». —
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12 Influence du repentir sur le procès de l ’e sprit, de la vie e t de l ’a ction en général
1. Le repentir élève l’homme au-dessus de toutes les dégradations présentes, sans toutefois le rendre étranger au monde, car il fait monter le monde et la vie à sa hauteur 252. Grâce à lui, même les tendances qui poussent au péché se purifient. La puissante volonté qui brise toutes les barrières et fut à l’origine de la faute devient une force vivante et active qui promeut de grandes et exaltantes œuvres pour le bien et la bénédiction 253. Une qualité de vie provenant de la source suprême de la sainteté plane toujours sur le repentir et ses hérauts, car ces derniers sont l’élite représentative de l’élan vital. Ils appellent à son perfectionnement, à l’élimination des entraves, au retour au bien originel de la nature, au vrai bonheur, et à la suprême élévation d’une authentique liberté, que l’homme recouvre lorsqu’il s’élève vers les sphères supérieures en accord avec son origine spirituelle et son fondement dans l’image de Dieu 254. 2. Plus un homme approfondit la nature du repentir, plus il y trouve une source d ’héroïsme 255, et le contenu le plus fondamental d’une vie active et idéale. 3. Le repentir : de quelle nécessité et de quelle importance est-il pour illuminer l’horizon de toute vie ! À cause de la faute de l’homme les canaux spirituels s’obstruent. Les exigences de la morale pratique et les vives réactions de la conscience, qui sont les moyens par lesquels la soif de Dieu se manifeste dans
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la profondeur de l’âme, s’imposent. Elles commencent à s’agiter et à se mouvoir avec force dans le sens de la vie, mais retombent à cause de l’épaisse boue de la souillure des iniquités qui pèse sur elles. Non seulement celles de l’individu, mais surtout celles de la société. Les quelques êtres d ’élite qui recherchent la lumière divine souffrent à cause des fautes de l’ensemble de la société. Le puissant amour qu’ils portent à la collectivité est sans limites. La substance du bien dans leur âme vise précisément le bien collectif256 ; mais la société, lorsqu’ils sont attirés par elle, risque de les contaminer par les fautes dans lesquelles elle est engagée. Cependant, les vrais justes supportent volontiers ces obstructions, ces épreuves physiques et spirituelles, pourvu qu’ils réalisent leur but de comprendre, de progresser, de répandre le bien et la lumière de la sainteté, de frayer la voie à la bienfaisante lumière de Dieu, pour qu’elle pénètre directement dans chaque cœur et esprit, afin que tous trouvent leur joie dans la bonté de Dieu et que Dieu puisse se réjouir de ses œuvres. 4. Tout péché, même le plus bénin, imprime dans l’homme une haine envers quelque créature, mais par le repentir l’amour se remet à luire 257. 3. Au moment où un homme commet un péché, il est dans le « monde de la séparation ». Là, chaque élément n’existe que pour lui-même ; le mal, mauvais en soi, y exerce une influence néfaste et nuisible 258. Lorsque l’homme se repent par amour 259, la lumière existentielle du monde de l’unité, où toute chose s’intégre dans une entité, l’illumine aussitôt. Dans !’interrelation générale, il n ’y a plus de mal 26°, car le mal se joint au bien pour l’accommoder et bonifier encore l’excellence de sa valeur. Ainsi, les fautes commises avec préméditation se transforment effectivement en mérites. 6. Il est impossible de surestimer la nécessité d ’une pratique du repentir, par le redressement des actes en accord avec la Tora et la parfaite droiture, par l’acquisition des qualités supé
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rieures de l’élévation de l’âme de la collectivité comme de l’individu. L’essence de la pratique embrasse dans la moindre de ses démarches un grand nombre d’idéaux et de larges pensées qui la préparent à jouer son rôle dans le monde et dans la vie 261. Lorsque cette pratique est défectueuse, les grands idéaux qui animent le monde sont privés de leur force. Le rapport de ces idéaux avec la pratique est comparable à une masse d’éther d’un volume de millions de mètres cubes, compressée dans un seul atome de matière afin de la présenter sous sa forme la plus accomplie.
sance intuitive, dans les profondeurs du cœur, de ce qui est droit et bon 267, on peut reconnaître la trace de la moralité qui traverse toute l’existence sous la forme d’un idéalisme concret, vivant, inscrit dans le réel. Grâce à la Tora elle se révèle sous la lumière de la sainteté, dans chaque communauté suivant son niveau, et en Israël dans sa forme la plus authentique, concordance entre la sainteté et la moralité, dans toutes ses manifestâtions 268. La personne qui découvre dans la conduite de sa vie et dans les dispositions de son esprit des défauts et une disharmonie dans sa relation avec le tout absolu, entre l’intérieur et le manifeste, en ressent une infinie souffrance et s’efforce de revenir à la source de la vie et de l’être. Elle regrette ses errances, et revient d ’un cœur comblé par la joie de la délivrance: «J’erre comme une brebis égarée; mets-Toi à la recherche de Ton serviteur, car je n’ai pas oublié Tes commandements 269. »
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7. Nulle sagesse ni même la somme de toutes les sciences de l’univers ne sauraient dispenser de l’obligation de la pratique concrète et effective du repentir ; elles lui éclairent cependant les voies à suivre. Dans ce monde, aucune élévation ne peut tenir pour négligeables les revendications de la petitesse, de même qu’aucune grandeur ne peut écarter ou éliminer une tâche physique quelconque, fut-ce la plus humble. Mais la grandeur montre à l’individu qui l’accepte en toute innocence comment se comporter dans les situations inférieures, de telle manière que celles-ci s’élèvent également et gagnent en importance. 8. Le repentir est antérieur à la création du monde 262 : la loi morale concerne le tout. La valeur absolue suprême pénètre les plus infimes éléments du réel. Même l’acte divergent, non orienté vers sa racine, revient vers sa source par une intensification de la volonté 263. 9. Le repentir supérieur surgit à partir d’une stimulation interne 264, qui dérive d’une impulsion externe 265 provenant du monde supérieur. Le monde entier, matériel et spirituel, doit être saisi comme une totalité unique 266. La morale, le droit et le bien sont le centre volontaire de tout le réel. Ce centre doit s’accorder dans les détails particuliers de la vie, dans sa nature interne comme dans ses manifestations extérieures, à tout ce qui l’entoure, à tout ce qui existe. Grâce à une connais
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10. Dans son essence le repentir est un mouvement de retour vers l’origine, vers la source de la vie et de l’existence supérieure dans leur plénitude, sans limites et sans restrictions, dans leur caractère le plus noble, béni par l’éclat simple et rayonnant de la splendeur supérieure 270. Le courant vital nous abaisse vers les branches périphériques de l’existence. Plus celles-ci s’étendent et s’ancrent profondément dans la pratique, dans l’œuvre et dans la matérialité, plus elles tendent à renforcer l’étroitesse de notre finitude. Elles nous donnent l’impression de pouvoir nous considérer comme des êtres forts et stables. Et c’est pour cette raison, et dans cette même mesure, que nous nous sentons faibles et hésitants lorsque la volonté de revenir vers la source première qui transcende la prolifération des branches périphériques nous saisit. L’échec de cet effort entraîne même un relâchement de l’aspiration spirituelle. Aussi, lorsque nous progressons sur la voie du repentir, devonsnous rester constamment attentifs également aux détails de l’action, à leur examen, leur signification et leur visée, afin de les hausser simultanément avec l’élévation de notre être inté
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rieur vers la hauteur de l’émanation et la dignité de la communion originelle 271. Car, en fin de compte, quelle que soit la prolifération de la vie, tous les embranchements du réel tirent leur lumière de la lumière originelle, et doivent donc retourner au niveau suprême, en même temps que l’essence de notre âme. Alors ce n’est plus dépourvus de ressource que nous entreprendrons la montée, nous ne trébucherons plus par faiblesse car ce n’est pas nus que nous gravirons les hauteurs. Nous disposerons de notre propre habit, multicolore et riche en nuances, que nous aurons acquis durant le débordement du courant vital. Nous montons et entrons dans les jours, avec tous les fruits de l’œuvre, de l’acte et de la vie qui les accompagnent 272.
et que surviennent les années dont tu diras : elles n ’ont pas d ’agrément pour moi, avant que s’obscurcissent le soleil et la lumière, la lune et les étoiles 276. » Les autres encouragements sont des soutiens pour le renforcement du repentir et la clarification de sa valeur 277. Cependant, celui qui s’en tient à ces formules de réconfort au point de négliger l’établissement des valeurs d ’une vie sanctifiée, et reste plongé dans la vase de l’abîme du péché, se disant « je suis sauvé 278 » —c’est la vie de m ort d’une idolâtrie qui renonce à la rigueur de la loi 279, comme celle qui proclame : « Apportez le matin vos sacrifices 28°, la troisième année, vos dîmes 281 ; brûlez vos offrandes de reconnaissance 282 en prélevant ce qui est fermenté 283. » Une conduite qui renonce à la justice et au droit 284 pour suivre les impulsions du cœur est une hérésie 285 qui entraîne dans son sillage toute sorte de violence et de débauche 286, bien qu’elle tente de donner le change 287 et déclare : « Voyez, je suis pure. Elle se nourrit de consolations illusoires qui ne résistent pas aux faits, et de mensonges au fondement incertain 288. Car les lèvres de l’étrangère distillent du miel, et son palais est plus onctueux que l’huile, mais sa fin est aussi amère que l’absinthe, acérée comme un glaive à double tranchant 289. » Les résultats des conceptions et des mœurs de ceux qui ont été éduqués dans cette culture idolâtre témoignent de sa véritable essence. Sa seule force dérive des saintes étincelles qu’elle s’est appropriées du trésor de vie d’Israël 290 ; elle les rejette peu à peu, jusqu’à ce qu’elle s’en débarrasse totalement : « Il a dévoré une fortune et il la rejettera, Dieu l’expulsera de ses intestins 291. » Alors cette sainte étincelle, si négligée et considérée comme indésirable par les nations, servira d’aiguillon pour éveiller le cœur de nombreux peuples, afin de « se transformer pour eux en une langue épurée pour invoquer le nom de Dieu 292 », « le Dieu d’Israël, dans l’esprit de Dieu, un esprit de conseil et de force, un esprit de science et de crainte de Dieu 293 ». N on un esprit étranger, un esprit de folie et de faiblesse, un esprit d ’ignorance et de laisser-aller moral, qui établit ses bases mensongères sur le principe du renoncement, ce qui constitue une
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11. La morale, comme appel divin, pénètre dans l’âme par la vie de l’ensemble des mondes. L’existence considérée dans sa totalité est intègre ; le péché ne se trouve qu’au niveau des éléments particuliers. Dans la totalité, toutes les choses se rejoignent dans une harmonie éternelle 273. Les actes par lesquels l’harmonie éternelle se manifeste sont les actes purs dépourvus de toute faute, de tout péché et de toute perversité. L’âme recherche une qualité de vie susceptible de favoriser de tels actes. Elle la trouve dans la lumière de la source de vie de tous les vivants. La lumière qui est la source du rayonnement de la lumière du En-Sof, vers laquelle elle est attirée avec une telle intensité, à laquelle elle est rattachée et à laquelle elle aspire avec une infinie nostalgie. Elle la découvre grâce au repentir supérieur, la suprême liberté, la joie exultante de la libération et la crainte du Saint des Saints, emplie d’une sagesse éternelle. 12. Le repentir, c’est le renouveau de la vie 274. Il est impossible que le repentir ne transforme pas la qualité de toute la vie, tant que la vie se poursuit. En conséquence il change la qualité de l’ensemble de la vie pour le bien, même si le repentir ne se produit que le dernier jour 275. « Souviens-toi de ton créateur aux jours de ta jeunesse, avant qu’arrivent les mauvais jours
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honte et une injure pour tout guide et juge équitable. Seule une « bonté des nations 294 » de ce genre a pu être la source ouverte à toutes les cruautés et à toutes les abjections. « Notre Dieu viendra et ne restera pas silencieux ; devant Lui un feu dévorant, autour de Lui la tempête fait rage. Il lancera son appel vers les deux d’en haut et vers la terre en vue de juger son peuple. Rassemblez-moi mes pieux serviteurs, ceux qui ont conclu alliance par l’offrande du sacrifice 295. » « Car l’Éternel est un Dieu de justice : heureux ceux qui espèrent en Lui 296. » « Je conclurai avec vous une alliance éternelle, les bienfaits durables promis à David. Certes, je l’ai établi comme un témoin pour les nations, un chef et un législateur pour les peuples. Des nations à toi inconnues, tu les convoqueras ; des peuples qui ne te connaissent pas accourront vers toi, pour l’Éternel ton Dieu et pour le Saint d’Israël, qui a voulu te rendre illustre 297. »
un déclin définitif, car le bien spirituel, intellectuel, ne peut se transformer en mal. C ’est un déclin temporaire, nécessaire dans le but d ’une nouvelle ascension. Ces personnes qualitativement insignifiantes sont numériquement importantes, et bien que l’attribut quantitatif soit de valeur nulle face à la qualité, uni à cette dernière il lui donne du lustre : « Une multitude de personnes est une gloire pour un roi 2" . » Cela ne s’applique pas spécialement à la quantité numérique, mais également à la masse d’énergie, de courage et de volonté pour poursuivre, atteindre et réaliser un objectif par des moyens pratiques et une démonstration de force — ces qualités se révèlent davantage auprès de personnes de forte et solide corpulence physique, manquant de sensibilité spirituelle, qui affaiblit généralement la force dans la relation à la matière. Lorsque la pensée doit acquérir une base physique, elle subit généralement une baisse de niveau. Dans ce cas elle est jetée à terre, des hommes violents s’en emparent et profanent sa sainteté. Mais en même temps ses adhérents augmentent et son pouvoir matériel s’établit d ־une façon toujours plus affirmée. Le processus se poursuit jusqu’à ce que des hommes au cœur pur, guidés par la force de la justice de Dieu, s’éveillent. Ils s’élèvent au sommet de la pureté originale de l’idée, approfondissent son contenu, lui insufflent l’intégrité de leur âme, leurs nobles intentions et leurs claires pensées. De ce fait, cette pensée abstraite, qui gisait affaiblie et manquant de vigueur, mortellement engourdie et ne donnant presque aucun signe de vie à cause des tourments qui lui étaient infligés par des forces hostiles, s’anime et entreprend avec une belle vaillance de répandre généreusement une rosée de vie sur tous ceux qui l’approchent 300. Quiconque s’attache à elle profite maintenant de son ascension. Les fidèles du temps de sa décadence spirituelle, comme ceux qui par orgueil et pervers dévergondage avaient dévié de la voie royale menant au but prôné, bénéficient également de son redressement. Grâce à elle ils reviennent, avec la merveilleuse aisance de l’envol de l’aigle, en un lucide et exaltant repentir. Cette démarche n’a son semblable dans aucune autre manifestation du phénomène
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13. L’éveil au repentir s’impose également pour assurer la survie de la nation 298. De quelle manière ? Nous devons être unis, vivre ensemble, pour les générations. Notre bien spirituel doit être entretenu, et sa subsistance consiste en la manière de vivre et le développement des idées. Lorsque nous restons fidèles aux mêmes voies et pensées, alors l’harmonie de l’unité se maintient, elle renforce la continuité ethnique ainsi que d’autres formes de cohésion, bien qu’en elles-mêmes ces formes soient passagères et sujettes au changement. Mais lorsque la spiritualité est faible, la distension spirituelle s’accentue, et l’unité ethnique accidentelle ainsi que les autres facteurs extérieurs sont impuissants à rassembler les nombreux éléments que les conditions de vie, à la fois intérieures et extérieures, ont divisés. 14. Une pensée perd parfois de son exaltante grandeur et de sa pureté originale, parce que après sa réalisation dans la vie pratique, des personnes indignes s’en emparent et en ternissent l’éclat. Cet amoindrissement ne doit pas être considéré comme
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du repentir dû à l’éveil de la force du bien d’une âme individuelle. Cette vision d’avenir se réalisera, elle ne tardera pas. La lumière de Dieu, voilée par les brumes, celée dans ce lieu fondamental de Sion 301, émergera. Elle montera de la vallée des pleurs, vers le sanctuaire du roi, la cité royale et ses annexes. Avec elle monteront tous ceux qui se rattachent au pan de son vêtement, les proches et les lointains, vers une effective résurrection et une éternelle délivrance.
Voies du repentir spirituel et p ra tiq u e
1. Ne peut adhérer parfaitement au principe national d’Israël que celui dont l’âme spirituelle a déjà été purifiée par le repentir des fautes humaines abjectes et d’une conduite morale indigne, ou celui qui dispose originellement d’une âme vitale pure 302. Car le fondement authentique du caractère national d’Israël est l’aspiration à la suprême justice, la justice de Dieu dans le monde 303. Une personne souillée par le péché, suivant le degré de la souillure, le désir de justice et de bonté ne parvient pas à luire en elle correctement. Elle ne peut donc, avant de s’amender, participer effectivement au génie national. 2. Afin d’écarter tout écran entre le bien divin général et l’âme particulière qui y aspire, il faut s’affranchir de tout défaut moral, selon la compréhension et l’extension la plus large de ce terme. Cette exigence concerne l’affinement de toutes les qualités du caractère, ainsi que la clarification des idées qui incite à l’action 304. L’ensemble de ces éléments règle en effet la propagation de la lumière divine dans le monde dans sa globalité, embrassant l’humanité et tout ce qui existe, dans tous les domaines où la moralité peut s’appliquer. Afin d’éliminer également les obstacles entravant le parfait ajustement du vêtement d’Israël 305, qui habille le bien divin abstrait selon son propre style distinctif, il est indispensable d’écarter tout empêchement pratique susceptible d’agir sur l’âme vitale d’Israël. Cette tâche nécessite un repentir radical, dans les moindres
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détails, de toutes les fautes et de toutes les transgressions des lois écrite et orale qui, réunies, constituent l’âme divine liée à Israël 306.
concernant les rapports avec le prochain. Dans notre tradition, cette législation est exposée dans son contenu dans le « Hoshen Mishpat » avec une profonde érudition et une grande clarté, et rédigée avec finesse dans un style le plus incisif possible310. Cette étude rectifie toutes les défaillances du cœur provoquées par la vie. Elle établit la justice divine sur une base solide et soustrait l’âme au tourment du doute et de la confusion, du fait qu’elle illumine la conduite de la vie pratique de sa claire lumière. Il faut cependant toujours maintenir le cœur et le cerveau en éveil par l’étude des autres parties de la Tora, en particulier par l’intense et large influence morale et intellectuelle que dispense la rosée-lumière 311 des profondes méditadons sur les nobles conceptions de la divinité. L’âme sera ainsi bien disposée à adhérer fidèlement à la justice divine immanente exposée dans la partie législative de la Tora de vie. Cette discipline 312 agit alors comme un baume pour l’élévation et l’exaltation de l’âme.
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3. Un homme doit participer en constance à l’essence du bien divin, lui-même relié à la racine de l’âme de l’ensemble de la communauté d’Israël : c’est la meilleure manière de parvenir au repentir. Il est ainsi confronté en permanence avec les manques et les fautes qui dérivent de la source même de l’aliénation ; il s’est en effet écarté du peuple de Dieu, le roc dont il est extrait et la source de tout bien en lui 307. Il ne faut pas craindre de se rattacher à la racine de l’âme de toute la nation ; bien que dans la ramification des branches particulières il y ait aussi des individus indignes et vulgaires, cela ne diminue en rien la lumière divine du bien de la collectivité. Une étincelle de l’âme divine demeure, même dans les âmes individuelles les plus dégradées. La communauté d ’Israël portant en elle le bien divin non seulement pour elle-même mais pour le monde entier, pour tout ce qui existe, une intense communion avec l’âme profonde de la nation conduit forcément à la communion avec le Dieu vivant, en harmonie avec la bénédiction divine qui abonde en toutes choses. La lumière de la présence divine repose alors sur l’individu dans toute sa vigoureuse splendeur. 4. O n ne peut être sérieusement affligé des malheurs de la collectivité sans sanctifier ses voies et amender son caractère dans un mouvement de parfait repentir 308. La participation du fond du cœur au malheur de la collectivité est en elle-même déjà une récompense pour l’accomplissement des commandements, à laquelle seuls ont droit les hommes à l’âme pure, à la vie intègre, qui marchent dans la loi de Dieu 309. 5. La meilleure et la plus originale approche pour parvenir au repentir, celle qui dérive de la lumière de la Tora dans le monde, consiste dans l’étude intensive de la partie du Code portant sur les relations commerciales et sur !’ensemble des lois
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6. Lorsque le désir d ’une justice absolue, envisagée théoriquement sous sa forme la plus noble, se renforce dans l’âme spirituelle d’une personne à cause de la pureté de son âme vitale suite à une bonne conduite morale et de bonnes œuvres, un repentir parfait dicté par l’amour, alors le désir supérieur traverse tous les espaces spirituels pour se frayer un chemin vers le monde inférieur, et exiger avec force d’accomplir sa tâche et promouvoir la justice sur terre 313. Ceci provoque un vif empressement pour l’étude et la compréhension des lois profondes régissant les rapports de l’homme avec son prochain. Le domaine le plus étendu de la Tora, celui des lois portant sur les questions d’argent, s’élargit, se précise et s’éclaircit, en même temps que les disciplines traitant de leur application pratique. À partir du moment où la forme spirituelle de la justice divine se réalise dans la vie pratique, sa force s’accroît, l’âme spirituelle se raffermit et son rayonnement acquiert encore un degré supérieur de clarté.
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7. Si une personne voulait que toutes ses facultés, toutes ses forces intérieures se sanctifient d ’un coup conformément à l’ascension spirituelle qu’elle a réalisée au niveau de la conception théorique, et qu’en même temps ses défauts sur le plan pratique se rectifient immédiatement et s’amendent d’une façon parfaite, elle ne trouverait aucune stabilité et serait dans l’incapacité de renforcer sa volonté en vue de progresser sur la voie d’un perfectionnement « véritable » 314. Le principe dont tout dépend est l’élévation de la conscience, l’intensification de la lumière de la Tora, suivies de près par le repentir en acte. Il portera d’abord sur la prise de résolutions pour l’avenir et ensuite sur des erreurs du passé faciles à réparer315. Puis le cercle s’élargira aux sujets plus difficiles à amender et progrèssera ainsi jusqu’à ce que la personne parvienne à une restauration complète 316. Mais elle veillera à ne rien négliger dans sa progression spirituelle de ce que, selon son intime sentiment, au plus profond d ’elle-même, son âme spirituelle exige d’elle 317.
supérieur afin de rétablir la stabilité de la vie intérieure. Cela ne peut s’obtenir que par une décision hardie ; un profond courage est indispensable pour soutenir l’homme au moment aigu de ses crises spirituelles 322. L’exigence morale est parfois si contraignante qu’il est déconcerté et éprouve une grande peine à s’arracher à ses liens. Une mauvaise conduite, de mauvaises habitudes, et de mauvaises actions entraînant l’abandon de la voie de la Tora et de la morale, entravent sa libération. Il voit son chemin cerné de ronces 323 et ne discerne aucune issue qui puisse le conduire vers une restauration. Il se sent empoigné par des forces extérieures et ne parvient pas à leur résister. Mais, de tout cela, se dégagera la lumière d ’un soleil irradiant de justice.
8. La principale difficulté dans le processus de la compréhension réside en ce que la volonté pour le bien et la perfection se relâche à la suite de failles dans la conduite morale et à cause des iniquités commises 318. Il conviendrait sans doute mêfne de jeûner afin d ’émousser le mal virtuel inhérent à la matière, empêchant l’ascension de la volonté vers des qualités supérieures, mais il faut auparavant examiner soigneusement si les forces, spirituelle et physique, le permettent 319. En tout cas, il ne faut pas désespérer de l’ascension de la volonté, même si quelques défauts demeurent non réparés, soit dans le comportement moral, soit dans l’action ; il faut espérer dans la grâce de Dieu et en l’aide supérieure car « Dieu est bon et droit et montre la voie aux pécheurs 320 ». 9. D u tréfonds de notre être la conscience morale nous lance cet appel : fils de l’homme, reviens de tes fautes 321 ! Parfois l’appel est si véhément qu’il dérange l’ordre harmonieux de la vie. Il faut alors se dépasser et s’élever à un niveau spirituel
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10. Il ne faut pas se laisser perturber par les obstacles rencontrés sur la voie du repentir 324. Même si à cause des fautes commises envers autrui la tâche paraît difficile, même si l’on a pleine conscience de n’avoir pas accompli son devoir et que par faiblesse on se sente dans l’incapacité de rétablir des relations satisfaisantes avec le prochain, il ne faut pas laisser s’installer dans le cœur un esprit de découragement qui entraînerait une dépréciation de la haute valeur du repentir. N ul doute qu’en perfectionnant tous les domaines dans lesquels on n ’éprouve pas de gêne, Dieu aide à réparer au mieux toutes les fautes au sujet desquelles on se heurte aux pénibles obstacles non encore surmontés. 11. Aucun obstacle d’ordre spirituel, et à plus forte raison d ’ordre matériel, ne doit retenir le déploiement du repentir. Même si l’on constate que l’on ne parvient pas à s’amender de certaines fautes inexcusables, il faut tout de même poursuivre joyeusement le repentir de tout ce dont le cœur engage à se repentir. 12. La base du repentir doit toujours être orientée vers l’amélioration du futur 325. Au départ, il ne faut pas faire des problèmes du passé une pierre d ’achoppement. Si l’on se pré
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occupe immédiatement de la réparation du passé, on bute sur de nombreux obstacles, et les voies du repentir et de la proximité de Dieu apparaissent alors hors de portée. Mais si l’on porte ses efforts sur une amélioration sincère de la conduite présente, on est assuré de l’aide du ciel, même pour l’amendement du passé.
mande, c’est une grâce ; une huile précieuse que ma tête ne refuse pas 327. »
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13. Il y a des personnes dont l’exigence morale illumine l’âme avec une très vive clarté. Toute représentation esquissée de l’excellence morale est aussitôt suivie dans leur âme vitale de la volonté de s’y conformer dans la vie pratique. Etant donné que le flot des représentations coule à une bien plus grande vitesse que le geste pratique ou que les aptitudes naturelies normales du corps et de l’âme, ces personnes sont tourmentées [en constance] et aigries à cause de leur incapacité à accomplir leur devoir et à réaliser en pleine conscience et avec une vive sensibilité ce que leur âme perçoit de la bonne et précieuse lumière de la morale. Il peut se produire que cette sainte aptitude engendre une peur de la créativité ; que la personne ne veuille plus prendre en claire considération ces représentations où se fondent les concepts moraux et scientifiques, ainsi que les images les plus nobles de la plus haute sainteté, afin que la peine de son âme ne prenne pas des proportions exagérées. Dans cette situation, il faut mobiliser les forces vitales et maintenir avec fermeté la qualité volontaire du repentir qui accompagne toujours celui qui marche dans les sentiers de la vie supérieure. Simultanément, il faut conserver l’aptitude nécessaire pour saisir le prédeux esprit supérieur, afin de propager les ressources de la sainteté et accroître la gloire de la Tora. Il ne faut pas se laisser décourager par les assauts des exigences morales, mais les affronter avec la certitude que la lumière de la Tora facilitera toujours le retour vers le bien dans sa forme la plus haute 326. S’efforcer d ’augmenter l’acquis intellectuel et l’esprit d’imagination dans la liberté de l’âme la plus adéquate à la personnalité et n’éprouver aucune crainte : « Le Juste me frappe et me répri
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14. Grand et majestueux est le bonheur de la Teshuva. Le feu consumant du remords causé par la faute épure lui-même la volonté, dote le caractère d’une supérieure et rayonnante pureté, jusqu’à ce que la grande richesse du trésor de vie du repentir grandisse et agisse en sa faveur 328. L’homme continue à s’élever grâce au repentir, par son amertume et par sa douceur, par sa tristesse et par sa joie. Rien n ’affine et ne purifie l’homme, ne l’élève au rang d’un authentique être humain comme l’approfondissement du repentir. « Au niveau atteint par les maîtres du repentir, les justes parfaits ne peuvent prétendre 329. » 15. La flamme du remords provenant d’une âme généreuse, grâce au flambeau de la lumière du repentir, devient un feu sacré, débordant de lumière et de chaleur, plein de vie. Lorsqu’elle se pose sur un esprit pur, sur une âme spirituelle vivante, éclairée par la lumière de la grâce et du bon sens et disposée à la compréhension des choses saintes, elle se transforme en une grande et puissante force, une force active qui assainit et purifie, ajoute vigueur et énergie, fraie des chemins et insuffle un esprit nouveau dans toutes les démarches de la vie 330. Elle suscite de nouvelles initiatives et provoque un éveil plein d ’une sève juvénile. L’homme devient un être nouveau, épuré et raffiné, visant les cimes, les sommets de la connaissance et du discernement, qui mènent au repentir331. De la lumière du Messie, de la racine de la Tora et des Commandements, de tous les actes et plus spécialement des œuvres chargées d’une haute qualité morale, des rayons lui parviennent pour illuminer les sentiers obscurs et les voies désertes 332. En édifiant sa propre personnalité, il concourt à l’édification des autres : beaucoup suivent la lumière, qu’il avait primordialement allumée pour lui-même, — une lumière pour un seul est une lumière pour une grande multitude 333, « et tu seras proclamé le réparateur des brèches, le restaurateur des sentiers, pour y demeurer 334 ».
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14 Voies individuelles du repentir
1. De même que l’on doit élever les défauts et les mauvaises pensées vers leurs racines pour les amender et les modifier, il est également nécessaire d’élever à la source de leurs racines des qualités et des pensées communes —quoique positives, elles ne sont ni d’un haut niveau ni d’un caractère rayonnant - afin de les irradier d ’un éclat de grandeur 335. Comme l’ascendance des actes et des pensées dépravés est bénéfique au monde entier, de même et davantage encore l’élévation des qualités et des pensées viles est-elle utile et bienfaisante pour le monde, lorsqu’elles parviennent à une grande lumière. Le processus d’élévation de la bassesse vers la grandeur ne cesse jamais, à aucun moment : c’est le principe même de la Teshuva idéale qui permet aux justes parfaits d’accéder au niveau des maîtres du repentir 336. 2. Quiconque s’engage dans une réflexion sérieuse s’aperçoit que l’horizon spirituel est bouché par la détérioration de l’âme vitale à la suite de toutes sortes de transgressions. Le tourment provoqué par ce blocage peut inciter au remords pour les failles en général ou pour certaines fautes particulières. On cherche alors de tout cœur à amender les actes et la conduite, afin que ne se poursuive pas l’obstruction empêchant la pénétration de la lumière supérieure dans les profondeurs de l’âme pensante. C ’est la voie pour parvenir au repentir supérieur, un repentir digne d ’obtenir le pardon pour tous les actes 337.
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3. Parfois, à la suite de l’effort entrepris pour adhérer à une spiritualité suprême, toutes les forces de la vie spirituelle sont tendues vers le haut, vers le monde de la pensée supérieure. Le corps est ainsi délaissé par l’âme et abandonné à des influences malfaisantes. Quand la contemplation parvient à son terme et le processus vital revient à la normale, l’âme trouve le corps dangereusement atteint dans ses facultés, ce qui entraîne un grand et périlleux déséquilibre. C ’est pourquoi le repentir orienté vers la purification de la conduite doit précéder l’ascension contemplative. Un contact entre le corps et l’âme reste ainsi assuré en permanence 338. 4. Quiconque s’engage sur la voie du repentir doit savoir que rien ne pourra s’opposer à sa réalisation. Même les vingtquatre obstacles considérés généralement comme insurmontables 339 ne résistent pas à une ferme résolution 34°. Aussi ne faut-il négliger aucune inclination au repentir. Ni la plus banale, que l’on aurait tendance, à cause de sa médiocrité, à rejeter comme inadéquate par rapport à la situation, ni la plus noble, estimant qu’elle dépasse les possibilités. Car tout monte et se rejoint pour former ensemble un édifice complet et un univers abondant de Teshuva341, plus précieux, plus grand et plus ancien que tous les autres mondes 342. 5. Se trouver à un certain moment en proie à une grande confusion, touchant les devoirs envers Dieu ou les rapports avec le prochain, n ’entrave en rien la recherche de l’essence spirituelle de la Teshuva. Quiconque désire revenir vers Dieu peut réussir à se convertir en une créature nouvelle. Q uant aux résidus des fautes dont l’amendement effectif exige un zèle particulièrement soutenu, il ne faut jamais perdre l’espoir d ’y parvenir. Tant qu’il reste une déficience qui n’a pas encore été restaurée dans les faits, il faut cultiver soigneusement l’esprit d ’humilité 343 et maintenir vivace le désir de réparation parfaite. Les choses évoluent alors de telle sorte que le Saint Béni soitIl contribue effectivement à la réalisation de cette aspiration 344. Cependant, même si la restauration tarde, soit à cause
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d’obstacles extérieurs ou intérieurs, soit parce que la volonté n’est pas assez ferme, ou parce que la décision sur les démarches pratiques à entreprendre n’est pas encore mûre, il faut absolument se rattacher courageusement et résolument au repentir spirituel. Maintenir fermement la conviction qu’en tout cas on reste engagé sur la voie du repentir, la chose la plus précieuse au monde ; multiplier l’étude de la Tora, les bonnes œuvres, la recherche de la sagesse, et avoir une conduite aussi droite que possible. Il est indispensable de se répandre en prières devant le Créateur 345, afin de parvenir à actualiser totalement tous les aspects encore potentiels du repentir 346, pour soimême, pour la collectivité d’Israël, pour le monde entier et pour la restauration générale de la présence divine, afin que la lumière divine réside pleinement dans le monde. Il faut souhaiter que toutes les âmes soient restaurées et jouissent de la splendeur de la Présence divine afin que toutes soient rassasiées de bonté et d’une abondance de vie 347.
que l’aspiration vers le bien authentique prévaut, un passage s’ouvre vers le bonheur et la joie, et l’âme jouit de cette affluence de délices. Si la capacité d’agir s’empare de ces délicates sensations, la pure morale supérieure, qui assure à la vie un splendide épanouissement, émerge.
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6. Si, pour des raisons corporelles ou animales, on se laisse aller à un acte licite mais vulgaire, il suffit que l’on regrette ce geste pour que toutes les forces se transforment et s’élèvent vers la spiritualité et la sainteté. « Quiconque transgresse un commandement positif et s’en repent, il est pardonné sur-lechamp, avant même d’avoir pu esquisser un mouvement 348. Quiconque accomplit un acte régulier 349, dès que lui vient l’idée de se repentir, il s’élève vers la sainteté en même temps que l’acte et les virtualités qu’il comporte. La mélancolie qui succède aux plaisirs vulgaires se mue immédiatement en joie, une joie dérivant de l’accomplissement d’un précepte divin 350. » « Et la joie est sur ceux qui sont droits dans leur cœur 35'. » 7. Si l’on s’interroge : D ’où vient donc la mélancolie ? Force est de répondre : de l’effet des mauvaises actions, tendances et pensées sur l’âme. À cause de sa pénétrante sensibilité, l’âme ressent douloureusement leur nuisance, en est répugnée, effrayée et affligée ! Lorsque apparaît la lumière du repentir et
8. Toute mélancolie provient d ’une faute tandis que le repentir illumine l’âme et transforme la mélancolie en joie. La morosité coutumière habituelle a son origine dans l’impureté générale qui infecte l’espace de l’univers, par suite des fautes collectives et individuelles, de la faute cachée de la terre, actuaUsée par le péché de l’homme 352. Les justes, et particulièrement le Messie, qui sont le fondement du monde, se repentent pour l’essence de cette faute et la transforment en joie 353. 9. Une personne qui consomme occasionnellement de la nourriture dans un esprit impropre ou pour de bas motifs, et s’en repent aussitôt, élevant ses pensées et ses facultés par un repentir dicté par l’amour, corrige ainsi totalement son inconduite. Tout se passe comme si dès le départ elle désirait se sustenter dans une bonne intention 354. Le temps de digestion prévu pour la récitation des grâces après le repas 355 convient le mieux pour cet acte d’élévation digne des prêtres de Dieu, qui mangent le pain de Dieu : « Les prêtres mangent et ceux qui apportent l’offrande sont pardonnés 356. » 10. Une nourriture excessive, même prescrite en cas de maladie, comporte toujours un élément répréhensible. Il apparaît cependant qu’on puisse aisément l’élever vers la sainteté, le repentir devant naturellement accompagner cette restauration. S’agissant d’un cas de force majeure imposée par la maladie, la faiblesse ou une cause similaire, ce supplément de force, quoique provenant d’un acte de gloutonnerie, apporte finalement, une fois au service de la sainteté, une contribution très positive. O n ne peut assimiler ce cas à la consommation d ’un produit interdit où l’élévation se heurte à bien plus d ’obstacles.
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11. Il est fort possible, si on a mangé pour des motifs impropres ou que l’on s’est laissé entraîner à des ripailles —attitude que la tradition qualifie de péché 357 —, de se repentir. Il y a intérêt, même longtemps après, à tenter d’élever les étincelles saintes contenues dans cette nourriture 358, et il est certain que l’on peut y parvenir. Que l’homme creux 359 ne se décourage pas. Q u ’il s’efforce après chaque repas, par un repentir dicté par l’amour, de réparer le mieux possible sa vulgarité. Q u’il le fasse avec joie et de bon cœur, sans tristesse mais dans la joie de Dieu, d’un cœur brisé et humble, plein de grandeur et de sainte vigueur. Il portera ainsi le salut à lui et au monde. Même si lors d’un repas il devait y avoir des chutes et des régressions, qu’il poursuive son repentir, s’élève, et il finira par être digne de manger le pain sacré 360 dans un esprit de haute sainteté. Le péché se changera en influence bénéfique, répandant le bien, la bénédiction, la miséricorde et la bienveillance. « Qui a le cœur content jouit d’un festin constant361. »
le domaine spirituel de l’abstraction ; elles ne ressentent pas leur incapacité au point d’en être affligées et ont tendance à donner libre cours à leur naturel plutôt joyeux. Par contre, quiconque éprouve des difficultés sur le plan de la conduite pratique mais a de très fortes ambitions spirituelles doit veiller à renforcer le flux spirituel et à le subordonner au monde de l’action, afin qu’il illumine l’horizon de la vie pratique 365. Si on se concentre sur les aspects pratiques de la Tora, ce flux se développe jusqu’à devenir une lumière du repentir supérieur qui restaure à la fois la vie pratique et la vie contemplative.
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12. Il faut parfois se détourner des idées de sainteté et de repentir susceptibles de conduire à la mélancolie. La joie, intimement liée à l’essence même de la sainteté, est plus importante que toute autre expression de sainteté et de repentir 362. Aussi, lorsque des idées de crainte et de repentir présentant un caractère mélancolique viennent à l’esprit, est-il préférable de les écarter jusqu’à ce que la pensée soit plus ferme et que l’on soit en mesure de se confronter à leurs exigences dans la joie et l’allégresse, comme il convient à ceux qui ont le cœur droit servant Dieu en vérité 363. 13. Le sentiment d’une occultation de l’âme engendre parfois une profonde tristesse. Si de plus la faculté d’agir est déficiente et la conscience de la responsabilité insuffisamment développée, l’âme vitale ressent très vivement ces défectuosités, parce qu’elle relève de la même sphère de fonctionnement 364. Les réactions different pour les personnes qui ont plus d’affinité pour le domaine pratique. Leurs manques se situent plutôt dans
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14. Il faut se repentir également des fautes consécutives à une faiblesse physique, d’elles et de leurs effets. Il convient cependant de s’imposer une certaine retenue, afin de ne pas s’alarmer outre mesure des déficiences causées principalement par une indisposition corporelle. Nous avons en effet l’assurance que Dieu dans sa grande grâce ne tient pas rigueur des fautes positives ou négatives 366, dues à la force majeure d ’une déficience physique. Autant il est bénéfique pour une personne d ’être troublée par sa mauvaise conscience 367, autant il lui faut un cœur ferme pour être prête à servir Dieu, par l’étude de la Tora et une pratique sincère, dans la plus grande lucidité d ’esprit possible 368. 15. Dans les domaines qui ne peuvent être réparés par la seule pensée mais exigent des actes, comme ceux qui règlent les rapports avec le prochain 369, toute intention de repentir est malgré tout d’une inestimable valeur, dût-elle être inspirée par la crainte, la peur de la sanction. La moindre initiative de repentir provoque effectivement dans l’âme et dans le monde de redoutables et grands effets. Une sainte lumière émanant du rayonnement de la force supérieure illumine, de toute la splendeur de son éclat d’amour et de délice divin, toute pensée tendant au bien. Même si elle comporte de nombreuses scories, sa grâce bienveillante, le fond de sainteté qui l’anime, sont
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préférables à toutes les richesses et aucun trésor ne peut leur être comparé 370.
dans ces limites mais de les dépasser vers le niveau supérieur : « Il faut toujours progresser en sainteté 372. »
16. Bien que négligence de l’étude de la Tora et transgression des commandements provoquent tristesse et frayeur, tout change pour le mieux dès que se manifeste la moindre intention de repentir. Il faut alors immédiatement faire preuve de fermeté et mettre sa confiance dans la grâce supérieure de Dieu, Loué soit-il, afin de s’attacher, chacun selon son niveau, à la Tora et au service de Dieu. Si une personne a l’impression que la forme de pénitence suggérée par certains traités d ’édification morale ne correspond pas à son état, il lui faut prendre conscience avec précision de son statut et concentrer tous ses efforts pour améliorer sa condition particulière sans toutefois délaisser les conseils suggérés par les livres. Bien que son approche des sujets qui à son avis ne la concernent pas directement soit sujette à caution, les degrés du bien et de la sainteté doivent de toute façon être tous reliés les uns aux autres. Ensemble, ils forment une entité susceptible de projeter avec une délicieuse bonté la lumière de Dieu et de sa Tora supérieure. 17. Il arrive que la lecture d’ouvrages traitant des divers degrés de sainteté provoque affliction et angoisse de l’âme. Il importe alors d’analyser les composantes de cette angoisse. O n découvre parfois qu’une des causes vient de ce que l’on se sent fautif d’être fort éloigné de l’un des degrés préconisés. Dans ces conditions, il est bon de se renforcer par le repentir afin d’atteindre ce niveau supérieur. Il se peut au contraire que l’on juge le niveau recommandé inférieur par rapport aux possibilités. Le trouble doit alors être attribué à la tendance à se contenter d’une qualité médiocre des vertus 371. Il faut clarifier dans quelle mesure on serait vraiment heureux en adoptant l’une ou l’autre de ces qualités. Jusqu’à quel point cette satisfaction serait-elle compatible avec le souci de ne pas demeurer
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18. La grandeur spirituelle peut provenir de deux sources différentes. L’une doit son excellence aux actes et à l’étude, l’autre à un talent naturel inné. Dans le premier cas, s’il y a déclin, il faut remonter par degrés et revenir progressivement à l’état initial. Par contre, si l’éminence est due essentiellement à une disposition innée liée à la grandeur de l’âme, et la régression à des obstacles contingents intérieurs ou extérieurs, il faut revenir par un mouvement ample et rapide, d’un coup, comme « sur les ailes des aigles 373 », sans tenir compte des étapes 374. Malgré cela, ce processus s’accompagne également d ’un repentir de moindre ampleur lié à de multiples petits détails, mais ce dernier ne constitue pas l’essentiel de la geste du repentir pour quelqu’un dont la racine de l’être se situe à un niveau important et élevé. Il s’agit plutôt d ’un épiphénomène annexe, qui se greffe sur le fait fondamental, pour corser, adoucir et soutenir la grande et exaltante forme de Teshuva 375. 19. Toute conception de vie, quel que soit son niveau, comporte un trésor de sainteté. Lorsqu’une personne saute les étapes et s’élève trop rapidement, elle se prive des dimensions de sainteté des niveaux inférieurs qui lui conviennent, tandis qu’elle ne peut s’attacher fermement aux degrés supérieurs, d’un niveau spirituel trop élevé pour elle 377. C ’est pourquoi elle doit faire pénitence par rapport aux degrés délaissés, d’un cœur brisé mais avec joie, tout en maintenant l’impression des degrés supérieurs, car il faut éviter de régresser après avoir réussi à s’élever. Alors tout s’ordonne pour le mieux. 20. Quiconque constate qu’au fur et à mesure de son ferme engagement sur la bonne voie et son obstination au service de Dieu, son mauvais penchant se renforce davantage et le rejette vers ses passions vulgaires, ne doit cependant pas regretter ses efforts. Il doit au contraire les intensifier avec une résolution accrue. Q uant aux obstacles rencontrés sur la voie de l’ascen
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sion, il faut s’en repentir en se souvenant du principe : « quiconque se trompe dans l’accomplissement d’un commandement divin n’a pas à apporter de sacrifice expiatoire 378 ». Q u ’il n’éprouve donc aucune peur, mais que chaque expérience lui soit une occasion pour intensifier crainte de Dieu, sainteté et repentir.
droite de Dieu qui élève ». Elle réalise de grandes merveilles en sa faveur avec l’aide de Dieu, Béni soit-il, « qui dirige les humbles dans la justice et enseigne aux humbles Sa voie 383 ».
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21. L’affaiblissement de la volonté, responsable de bien des échecs, est dû pour une grande part à un manque de force physique. Il dépend bien sûr également de nombreux facteurs moraux, mais il importe lors de la restauration du repentir de tenir compte de toutes les causes de l’affaiblissement de la volonté. Les efforts doivent tendre à une restauration générale portant aussi bien sur la morale et la pureté spirituelle que sur le corps et le raffermissement des forces physiques. L’ardeur à entreprendre s’engage ainsi sur une base solide et bien équilibrée 379. 22. Lorsque nous concevons des idéaux qui nous semblent dépasser nos possibilités et hors de notre atteinte réelle, il importe de savoir que cette distance est purement physique, mais non spirituelle 38°. C’est pourquoi nous devons nous engager sur la voie du repentir afin que nous nous rapprochions de la lumière de l’idéal qui brille à travers notre pensée 381. Il faut éviter que la mélancolie et la dépréciation de soi émoussent la vigueur de la force vitale. Il est préférable de se livrer à une délicate introspection critique dans le but de réduire les côtés déplaisants de notre personnalité et d’exalter la nature de ce qui est bien et pur en nous. « La droite de l’Eternel élève, la droite de l’Éternel agit avec vaillance 382. » 23. Le manque de confiance dans l’efficacité de la prière, ressentie par une personne non à cause d’un scepticisme dans la providence divine, à Dieu ne plaise, mais à cause d’un sentiment de dépression dû au grand nombre des fautes et de l’angoisse qui accompagne le repentir, se transforme en fin de compte en une forte et vénérable foi, dans le pouvoir de « la
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24. Quiconque est abattu et amèrement troublé par sa régression morale, ses fautes, au point de ne pouvoir se ressaisir pour se consacrer à la Tora et aux commandements divins, vaquer à ses occupations et poursuivre sa vie sociale dans le calme et une saine joie de vivre, doit réaliser ceci : une affliction de ce genre est la preuve évidente qu’il est déjà parvenu à un parfait repentir. Il a acquis un niveau supérieur, et peut donc en toute quiétude retrouver sa joie, recouvrer sa gaieté d’esprit et se consacrer au bien d’un cœur apaisé et satisfait, car « Dieu est bon et droit 384 ». 25. La honte ressentie dans le tréfonds du cœur à la suite d ’une faute, bien que chose naturelle, comporte aussi un élément de pardon. Si l’on s’applique à élargir ce sentiment, plus il progresse, plus il entrouvre la sphère du pardon à l’ensemble de toutes les fautes. Elles sont en effet liées entre elles, suivant le principe « une transgression en entraîne une autre 385 ». La honte éprouvée pour une faute est une réaction qui s’applique à toutes les fautes 386. Le repentir inspiré par la crainte de Dieu, qui finalement se traduit par un sentiment de honte 387, s’étend à l’être tout entier. On obtient ainsi le pardon même pour les fautes qui requièrent « un grand repentir digne de couvrir tous les actes 388 ». 26. Des défauts surviennent parfois comme sanction pour des fautes précédentes. Il ne suffit pas de se purifier de ces carences. O n ne peut retrouvrer son innocence qu’en scrutant les actes et en se repentant des fautes qui ont entraîné la dégradation et la sanction correspondante. 27. Le manque d’attrait et de suavité ressenti pour l’étude de la Tora provient d’une déficience du caractère juif de l’âme. Elle doit être réparée par un acte de repentir correspondant
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spécifiquement à cette imperfection 389. Dès que l’on se préoccupe de restaurer ce défaut, la lumière supérieure de la sainteté naturelle de l’âme se remet à luire, et la douceur de la Tora redevient manifeste.
souvenions au moment du malheur de tous les aspects du bien et de l’éveil à la sainteté provoqué par les paroles de la Tora et les commandements. Dans la détresse, la conscience devient plus attentive aux nombreux détails négligés de la Tora et des préceptes. O n s’engage alors sur la voie du repentir. Le Saint Béni soit-il accepte ce repentir et fait advenir du fond même de l’adversité délivrance et soulagement.
28. La lucidité de la compréhension dans l’étude varie en fonction de la pureté du repentir qui précède l’étude. L’élévation de l’intellect se fait sur la base de l’intensification de la volonté et elle augmente en clarté en proportion de la force de la volonté 39°. 29. Le repentir supérieur inspiré 391 par un grand amour et une compréhension lucide élève le contenu de l’étude à un niveau incomparable de rendement et de créativité. Une étude ordinaire ne saurait par elle-même atteindre ce degré. 30. Tout concourt à élever l’esprit vers la Teshuva supérieure : toute la connaissance de la Tora, tout le savoir, toutes les facultés, toute la connaissance du monde et de la vie, toutes les relations humaines, toutes les règles du droit et de la justice 392. Quiconque éprouve un sentiment de peur, de profonde humiliation, ressent comme une souillure du corps et de l’âme, doit mobiliser toutes ses forces pour examiner scrupuleusement tous les aspects de ses déficiences afin de les réparer. Se livrer à cette opération d’une façon superficielle ne mènerait qu’à une bien plus grave régression : il faut s’y adonner avec une réflexion pénétrante et une pure vigueur de l’esprit. 31. Un vrai et pur repentir doit faire revenir vers le monde et vers la vie. O n établit ainsi la sainteté sur une base solide et on contribue à instaurer le règne de la présence divine dans le monde 393. 32. Quiconque se relâche dans son rapport à la Tora perd la capacité de faire face le jour de l’adversité 394. Ce principe est valable également pour un précepte isolé. Le Saint Béni soitII, dans sa grande bonté, suscite sa grâce pour que nous nous
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33. Il faut se repentir rapidement de toute faute, même des plus bénignes. Un retard dans le repentir est comparable à celui mis à écarter l’impureté du Temple 395, à séparer la laine du lin dans le vêtement 396, à conserver du pain levé durant la Pâque 397. Toute temporisation constitue en fait une nouvelle faute, et la répétition fréquente d ’une faute vénielle la transforme en grave péché, semblable à ce « gros câble pour chariot », dont parle le prophète 398. De même quiconque atteint un haut niveau spirituel doit-il se repentir pour toute parole superflue sortie de sa bouche ou même pour toute parole utile et sainte mais prononcée sans la sainteté intérieure, intellectuelle et émotionnelle qui conviendrait à son statut. 34. La veille du saint Shabbat on doit se préoccuper de se repentir de tout ce qui s’est passé durant la semaine, afin de pouvoir accueillir la sainteté du Shabbat sans aucun empêchem ent résultant d’une faute ou d’un péché 3" . À la sortie du saint Shabbat on doit se repentir du contenu de l’illumination du Shabbat. Q u’elle conserve une pureté sans mélange, et que les éléments néfastes qui étaient dans l’impossibilité d’agir et de nuire à cause de la sainteté du Shabbat ne viennent pas maintenant troubler le cours ordinaire des jours de semaine, qui ne jouissent plus de la même immunité. Ceci nous permet de comprendre que le grand prêtre se sanctifiait en se lavant les mains et les pieds après avoir enlevé les vêtements sacrés, le jour de Kippour 40°. Des fragments d ’impureté s’infiltrent dans le sanctuaire et, à cause de la majesté de la sainte lumière qui y règne, cherchent à s’y implanter. Tant que la sainteté ellemême domine, leur action est vouée à l’échec, mais son irra
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diance passée il faut se garder d ’eux par un grand repentir avec joie, vigueur et hum ilité401. 35. La crainte de Dieu ne doit jamais être séparée de la sagesse 402, mais étroitement liée à elle afin d’en tirer sa substance, et exercer son influence sur elle. Cette association est souhaitable aussi bien pour l’irradiance générale de l’éclat de la crainte et de la sagesse dans l’âme vitale que pour les détails particuliers qui en dérivent. La lumière de la sagesse doit illuminer les plus infimes aspects de la crainte ; la crainte de Dieu doit se nourrir du moindre élément de sagesse, dans l’éventail total de ses valeurs pratiques, morales, émotionnelles et même imaginatives. L’âme sera illuminée par l’union harmonieuse de ces deux grandes lumières, et la manifestation d ’un repentir abondant de délice, de joie et de vie apparaîtra dans le monde. 36. Des aspirations intellectuelles lucides élèvent l’homme au-delà de la sphère limitée de la vie pratique 403. Lorsqu’elles sont élaborées sur des bases solides, elles l’engagent à organiser sa conduite pour l’avenir et aplanissent devant lui le chemin de la vie. Mais elles éliminent également les obstacles sur la voie du repentir pour ce qui est du passé, afin que les actes déficients ne bloquent pas son dessein. Il perçoit clairement en effet à quel point la lumière du savoir qui prépare et fonde le repentir déracine le mal de sa source essentielle, ramène ses racines vers le bien et comment les fautes intentionnelles se transforment en vertus. 37. Si quelqu’un désire absolument n’être rien de moins qu’un juste parfait, il lui sera difficile de devenir un maître du repentir 404. C ’est pourquoi il vaut mieux concentrer continuellement les aspirations sur la Teshuva, se plonger dans l’idée du repentir, et s’efforcer de la réaliser en acte. Cette attitude permet de s’élever vers les hauteurs, jusqu’au niveau des justes parfaits, et même au-delà.
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38. U n pénitent est obligé de marcher dans les voies supérieures, dans les sentiers d’une fervente piété et d’une sainte pensée. Il y a certes des personnes qui naissent avec une nature leur permettant d’être d’emblée des justes 405 ; si elles fautent accidentellement et se repentent, elles peuvent après leur repentir reprendre leur style de vie primitif, sans intensification notable de leur ferveur sacrée et de leur aspiration permanente. Mais ceux qui par nature sont dotés d’une âme les obligeant à avoir constamment recours au repentir sont plus particulièrem ent appelés à devenir des hommes pieux, fervents, voués à la sainteté 406. 39. Parfois une personne a le sentiment d’un rétrécissement de son horizon spirituel407. Elle n’éprouve aucun contentement, à cause du nombre infime de ses bonnes actions, du poids de ses iniquités et de son manque d’assiduité dans l’étude de la Tora. Une telle personne doit se rattacher au pouvoir mystérieux de la pensée et réaliser que « quiconque est capable de déduire une chose d’une autre - sa pensée est plus significative pour le Saint Béni soit-il que tous les sacrifices et holocaustes 408 ». De saintes pensées et des représentations intellectuelles élevées ont donc même vertu que les sacrifices et les rites les concernant. Cela est vrai également de ces importants préceptes de la Tora qui remplacent les sacrifices et en dérivent, et s’accomplissent par la bouche et la parole409. Parfois le manque de bonnes œuvres et d’assiduité dans l’étude provient effectivement d’une forte attirance pour les « secrets de la pensée », ou d’un approfondissement insuffisant des fondements de sa pensée. Il faut en conséquence faire un effort supplémentaire de compréhension pénétrante pour réaliser que la restauration de tout l’univers et la guérison de toutes les âmes dépendent du principe de la pensée. Il faut élever la pensée au plus haut niveau possible et parvenir aussi à un repentir inspiré par un amour profond : « Heureux le peuple qui connaît le son de la Teru”a, il marche, Dieu, dans la lumière de Ta Face 4'°. »
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40. Certains justes, lorsqu’ils discernent durant un très bref instant ce qui leur apparaît comme une interruption de leur totale et vivante communion suprême avec Dieu, se sentent plongés dans l’angoisse du péché et tentent de surmonter leur crise par un suprême repentir, une Teshuva complète, grande et puissante411. Même si leur adhésion est parfaite mais par l’un des ses aspects seulement, soit par la crainte soit par l’amour, ils ressentent cette imperfection comme un grand défaut et une rupture de l’harmonie de l’ordre divin dans le monde. Leur âme aspire à s’élever au niveau d ’une Teshuva suprême afin de réparer ce défaut. Les justes parfaits, emplis d ’une grâce et d’une miséricorde divines pour toutes les créatures, pour l’ensemble des mondes et ce qu’ils contiennent de bout en bout, ceints d ’héroïsme et couronnés de splendeur, la splendeur de la vérité, ressentent très vivement le moindre déséquilibre dans la pure relation de leur communion avec le divin 412. Si la fusion de la crainte et de l’amour ne devait pas atteindre l’exact équilibre souhaité, un des éléments restant plus déterminant que l’autre, ces justes s’engagent sur la voie de la Teshuva, se haussent au niveau suprême d’où se répandent les trésors des saintes influences et découvrent le lieu du saint équilibre supérieur. Ils restaurent le défaut de la claudication de la hanche de Jacob 413 et marchent dans la droiture. « Mon pied se tient sur une place droite, dans les assemblées je veux bénir Dieu 414. » Ce sont eux les hommes droits auxquels Dieu révèle en permanence Son secret : « Et aux justes, Son secret 415. » Toute âme à la recherche de splendeur et de vie se nourrit de la représentation éclatante de leur aspiration à une excellence spirituelle « et la recherche de leur honneur est honneur 416 ».
15 Fondements de la Teshuva individuelle et collective
1. La perception de la vérité est le fondement de la Teshuva. La reconnaissance que l’ensemble de l’univers, dans toutes ses manifestations, n’est qu’une émanation du vêtement enveloppant de la lumière417 de l’absolue vérité enracine en nous l’amour d’une éclatante vérité 418. Toute expression, soit par la parole, soit par le mouvement ou l’action, opposée à ce principe, nous apparaît comme loin du monde, irréelle et détachée de la vie. L’introspection, lorsqu’elle pénètre dans tous les recoins de l’âme vitale en scrutant les actes et les pensées, approfondit le remords pour tout ce qui a été soustrait à la lumière de la vérité dans les diverses manifestations de la vie. Elle en fait ressentir l’abjection, l’abomination et l’insignifiance, en sorte que nous revenons alors avec un repentir inspiré par l’amour vers la lumière de la vérité. Un disciple des Sages doit également réciter un verset419 invoquant la grâce de Dieu avant de se retirer pour la nuit. Il confie son esprit à Dieu source de vérité, afin qu’il lui renouvelle la force pour un service sincère de la Tora de vérité, comme par exemple le verset : « En Ta main je confie mon esprit, Tu me délivres, Eternel, Dieu de vente 420 . » /
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2. En toute équité, l’œuvre de l’acquisition du savoir devrait être orientée vers l’idéal fondamental de conférer à la volonté humaine la forme la plus pure qui lui convienne, d ’épurer la volonté, de la renforcer, de la sanctifier, de l’affirmer, de l’édu
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quer par diverses disciplines afin qu’elle aspire toujours vers ce qui est élevé et sublime421. Les différentes branches du savoir devraient se consacrer à découvrir comment faire passer de la puissance à l’acte tous les éléments auxquels aspirent les bonnes et droites volontés qui prévalent dans le monde, et qui sont indispensables à une vie digne, tant matérielle que spirituelle. Cependant, le point culminant de leur objectif global devrait être l’épuration de la volonté elle-même, sa lucidité intellectuelle 422 et le dévoilement de sa nature idéale. Malheur à l’humanité qui dévie de la voie droite et qui, au lieu de centrer ses efforts vers la perfection sur le principe de l’élévation de la volonté, la maintient à l’état brut 423, sans la faire progresser et l’améliorer. Malheur à elle si elle ne consacre son activité qu’à satisfaire les passions qui déferlent comme un torrent de soufre, emportées par toutes sortes d’impulsions infernales 424. L’humanité dans son ensemble tomberait dans l’effrayant et abominable piège de la souillure de l’idolâtrie, menant inévitablement à une terrible effusion de sang 425. Des profondeurs il lui faudrait alors implorer Dieu, le Dieu de vérité, pour retrouver son caractère sacré en fondant son effort global sur l’élévation de la volonté. « Alors tu appelleras et l’Éternel répondra, tu supplieras et II dira : Me voici 426 », car « l’Éternel est proche de tous ceux qui L’invoquent, de tous ceux qui L’appellent en vérité 427 ». Le principe fondamental de la Teshuva réside dans l’élévation de la volonté et son orientation vers le bien, pour sortir de l’obscurité vers la lumière et de la vallée de la confusion vers la porte de l’espérance. « M on peuple attend de revenir vers Moi 428 », « Reviens, renégate, Israël 429 », « Reviens Israël vers l’Éternel, ton Dieu 430 ».
au moins celle-ci se trouve-t-elle entamée et émoussée. Mais l’angoisse ressentie à la suite de l’immobilité est prégnante ; elle pénètre jusqu’aux profondeurs de l’âme qui en éprouve un trouble considérable. Car l’âme qui dans son essence n’a pas été touchée par la baisse de sensibilité reste vivante et active. La souffrance que lui cause sa stagnation, si contraire à sa nature et à sa raison d’être, la consume comme un feu ardent. Elle se transformera en une flamme d’un grand amour plein d ’un suprême délice 431, lorsque l’âme rassemblera ses forces pour revenir à un mouvement ascendant et maintiendra fermement et continûment la volonté de s’élever qui lui est caractéristique. « Pour que mon âme te chante et ne se taise, Éternel m on Dieu, pour l’éternité je Te célèbre 432. »
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3. Le remords naturel qui dévore le cœur, expression caractéristique du repentir, provient de la peine ressentie par l’âme de sa stagnation, alors qu’elle doit être en constante progrèssion. Il en est ainsi, à plus forte raison, en cas de régression. Si elle tombe radicalement en dessous de son statut, elle perd du même coup la sensibilité de la souffrance spirituelle ou tout
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4. Parfois le cœur se sent oppressé en constance par une profonde angoisse, sans cause ni raison. Ce trouble provient de la source du repentir. La lumière supérieure de la splendeur de la Présence divine se révèle sous une forme très concentrée dans le tréfonds de l’âme. Comme une graine, ce noyau doit être irrigué par le puissant flot de la source supérieure de la connaissance 433. Il apparaît alors dans un grand et splendide éclat multicolore, illuminant tous les mystères de la vie : l’arbre de la vie avec ses merveilleuses ramifications se déploie sur l’âme. L’homme s’élève et se sanctifie, sa tristesse se change en allégresse, il se sent consolé et éprouve de la joie dans sa mélancolie même. « Du sein de l’obscurité et des ténèbres, les yeux des aveugles verront 434. » 5. L’importance dont une personne jouit aux yeux du public pour sa sainteté ne doit pas l’entraîner à relâcher son esprit435 envers les exigences qu’elle nourrit pour elle-même. Celles-ci sont la base du repentir, condition de cette élévation qui assure la délivrance de l’individu et du monde. La haute estime dans laquelle elle est tenue doit au contraire l’inciter à développer pleinement son humilité, l’enracinement de cette qualité constituant le couronnement de toute sagesse 436. La sauvegarde de l’humilité, l’exercice de son influence sur tous les recoins de
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l’âme exigent un grand courage. La référence extérieure, sociale, contribue à renforcer le fondement de cette fermeté, qui peut ainsi, une fois décantée de la souillure de l’orgueil, émerger dans la clarté de sa lumière. 6. La Teshuva supérieure, qui consiste essentiellement en une sainte compréhension et une perception renforcée de la bienveillance divine, est la source et le fondement du niveau inférieur du repentir. Ce dernier consiste en un redressement des actes et une élévation de la pureté du caractère 437. Le principe de la Teshuva supérieure relève du même fondement que celui de la Tora et des enseignements qui en découlent. Quiconque se sent momentanément dans l’impossibilité de remplir toutes les exigences du repentir inférieur doit s’empresser d’atteindre le niveau supérieur 438. L’honneur sera finalement sauf439, puisque dans son for intérieur il désire faire coïncider les deux niveaux du repentir 44°. Le temps aidant, la Teshuva supérieure le mènera également vers le repentir inférieur qui consiste en une sanctification des actes particuliers, une purification du corps, un affinage du caractère et une élévation des dispositions naturelles, « et son cœur et sa chair chanteront avec allégresse le Dieu vivant441 ». 7. La clarté de la lumière de la Teshuva illumine l’âme spirituelle d ’un individu dans la mesure même où il reconnaît ses iniquités 442. Bien qu’apparemment il n’ait pas encore réussi à ancrer fermement le repentir dans le cœur et dans la volonté, sa lumière l’entoure et plane sur lui ; elle est déjà à l’œuvre et le transforme en un nouvel être. Les entraves qui retardent le repentir443 diminuent même d’intensité et perdent de leur nocivité dans la mesure où il les connaît et ne tente pas de les ignorer. Dès lors, la lumière du repentir commence à l’illuminer et la sainteté de la joie supérieure envahit toute son âme. Des portes fermées jusqu’ici s’ouvrent devant lui, et il atteint finalement le stade suprême où tout ce qui est retors se rectifie. « Toute vallée sera exhaussée et toute montagne et colline
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seront abaissées ; ce qui est inégal deviendra droit et les crêtes escarpées se changeront en vallée 444. » 8. Si l’on s’engage sur la voie du repentir et que l’on se heurte à des obstacles qui le contrecarrent et apparaissent comme insurmontables, il ne faut pas renoncer. Il faut continuer à se rattacher à l’idée de Teshuva et l’on parvient à vaincre même les empêchements qui retardent sa réalisation. La lumière de la Teshuva, se dégageant des entraves qui la retiennent, éclate avec beaucoup de force et d’intensité, et devient une des figures les plus brillantes de repentir. Elle se place parmi celles qui forcent le passage pour l’agrément de repentants pourtant très indignes, comme Manassé et ses compagnons 445. De même que des justes parfaits ne peuvent se tenir à la place qu’occupent des pénitents 446, ainsi des pénitents ordinaires ne peuvent se comparer à des pénitents ayant effectué leur retour malgré les obstacles qui freinaient leur développement. Des pénitents ordinaires sont, par rapport à ceux qui ont surmonté les obstacles entravant le retour, comme des justes parfaits par rapport à des pénitents. Le principe valable pour le repentir s’applique aussi à la prière. Certains obstacles en entravent le bon exercice 447. Quiconque estime se trouver dans cette situation et maintient cependant fermement cette pratique en invoquant Dieu en toutes circonstances finit par vaincre tous les empêchements. La lumière de la prière émergeant des éléments qui la retiennent se propulse alors directement avec une grande intensité, une force supérieure, et fraie la voie à une multitude de prières rejetées, les siennes comme celles du monde entier 448. Le verset des Psaumes s’applique précisément à ce cas : « À l’étroit, j’invoque l’Éternel. L’Eternel m’exauce au large. Dieu est pour moi, avec mes protecteurs, et j’affronterai ceux qui me haïssent 449. » 9. L’idée de Teshuva, toujours présente dans l’homme, est le fondement de toutes les vertus 45°. Même les idées dépressives qui se mêlent à la profondeur du repentir peuvent être
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source de jo ie 451. La disposition fondamentale du repentir étant inspirée par la représentation de la grandeur de la perfection supérieure du divin, les iniquités prennent de ce fait plus de relief : « T u as placé nos iniquités devant Toi, nos défaillances cachées, à la lumière de Ta face 452. » Dès que l’on réalise que la conscience du péché, dans tous les cas, provient d’une radiation divine sur l’âme spirituelle, cette idée même provoque une joie et une exaltation infinies. L’allégresse de cette noble joie 453 croît simultanément avec le trouble du cœur ressenti dans le « vêtement » de l’âme vitale impliqué dans le processus du repentir. Le repentir provoque ainsi une libération partielle. Lorsque la clarté de l’illumination divine devient de plus en plus vive, l’individu se sent délivré du joug des forces étrangères qui le subjuguaient. Toute sa personnalité, déjà sensibilisée à l’idée du repentir, se trouve aussitôt affranchie, grâce à l’illumination de la lumière divine qui l’inonde, dès que l’idée de Teshuva surgit.
même 458. Voilà le secret de la lumière du Messie : l’émergence de l’âme de Γunivers. Grâce à son rayonnement le monde retournera à la racine de son être et la lumière de Dieu y sera manifeste 459. De la source de cette éminente Teshuva, l’homme puisera la vie sainte d’une repentance authentique.
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10. Lorsqu’on néglige l’essence de son âme et qu’on détourne l’esprit de la contemplation du contenu profond de la vie intime, tout devient confus et douteux 454. Le rôle premier de la Teshuva qui illumine d’emblée les zones obscures est le retour vers soi-même, vers la racine de sa propre âme, ce qui entraîne aussitôt le retour vers Dieu, l’Âme de toutes les âmes, et une progression continue vers le sommet de la sainteté et de la pureté. Le retour vers soi-même ! Ce principe vaut pour l’individu comme pour la collectivité, pour l’humanité entière et même pour la restauration de tout ce qui existe : les détériorations proviennent toujours d’un oubli de sa propre nature 455. Croire que l’on peut retourner à Dieu sans « rassembler ses dispersés 456 », c’est consentir à un repentir fondé sur la mauvaise foi et comme une invocation mensongère du nom de Dieu 457. L’individu, la société, l’univers et l’ensemble des mondes, toutes les formes d’existence, ne peuvent revenir vers le Créateur pour être illuminés par la lumière de la vie, sans avoir accepté au préalable le principe fondamental d’un retour à soi-
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11. Notre nation sera reconstruite et rétablie, retrouvera sa vitalité dans tous les domaines fondamentaux de l’existence lorsque ses ressources de foi et de piété, c’est-à-dire tout ce qui constitue la noble et sainte dimension divine de son essence, s’étendront, s’intensifieront, se perfectionneront et se renforceront. Tous les artisans du renouveau de la nation finiront par reconnaître la profonde vérité de cette affirmation 46°. Ils proclameront alors, d’une voix forte et puissante pour euxmêmes et à l’intention du peuple : venez, revenez vers Dieu. Ce repentir sera un retour authentique, base de départ de décisions courageuses. Il conférera force et vigueur à toutes les initiatives pratiques et spirituelles, à toutes les démarches nécessaires à la reconstruction et au perfectionnement de la nation, pour l’éveiller à revivre, l’encourager à fermement poursuivre. Les yeux se dessilleront, l’âme s’épurera, sa lumière rayonnera, son horizon s’élargira : « le peuple à naître » se lèvera 461, peuple grand, puissant, nombreux, porteur de la lumière divine et conscient de la grandeur de la nation, « comme une lionne il se lève, tel un lion il se dresse 462 ». 12. Q u’un déclin de la moralité puisse freiner l’éclosion littéraire est un sentiment propre à la conscience juive. Nous sommes les seuls à réaliser sérieusement que pour améliorer le niveau de l’écriture, les écrivains doivent auparavant épurer leur âme. Nous ressentons au fond de nous-mêmes l’indispensable recours à la Teshuva pour pouvoir nous élever aux sublimes hauteurs de la littérature pure qui nous est propre, qui dérive des origines de la sagesse juive, dont les sources sont sainteté et pureté, foi et courage spirituel 463.
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Racines et nature profonde de la Teshuva
1. Le fondement de la Teshuva est la prise en compte de l’état du monde 464. Les racines de ce compte sont au-delà de tout calcul, comme la théorie de la numération est au-delà d’un nombre ou d ’un chiffre particulier. C ’est pourquoi l’essence de la Teshuva supérieure échappe à toute évaluation précise ; chaque calcul exact en découle 465. « La caisse des comptes 466 » avait précisément été installée en contrebas de Jérusalem, la Ville sainte elle-même étant « joie de la terre entière 467 », lieu de liesse de la lumière de la Teshuva supérieure. Nous trouvons une articulation identique dans le cantique chanté par Adam : « Cantique-chant pour le jour du Shabbat : Il est bon de rendre grâces à l’Éternel et de chanter en l’honneur de Ton Nom, suprême... car T u me combles de joie par Ton œuvre, je veux célébrer les œuvres de Tes mains 468. » Verset à lire en conjonction avec le suivant : « Q u’elles sont grandes Tes œuvres, Dieu, infiniment profondes Tes pensées 469 », au-delà de tout compte, car « Son discernement est sans limites 470 » ; au-delà du niveau de « que Tes œuvres sont nombreuses, D ie u 471» qui implique un dénombrement de nature immanente : « la terre est remplie de Tes créations 472 ». Mais au sujet du fondement de l’essence de la Teshuva, il est dit : « Car autant les deux sont élevés au-dessus de la terre, autant
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Sa grâce est puissante pour ceux qui Le craignent ; autant l’orient est éloigné de l’occident, autant II éloigne de nous nos iniquités 473. » Le flux du repentir se meut toujours du haut vers le bas - de la hauteur d’un au-delà du compte jusqu’à la base de la manifestation du calcul 474, et du bas vers le haut, du niveau du calcul 475 « jusqu’aux confins des collines éternelles 476 », « avant que les montagnes ne soient nées 477 ». Collines et montagnes au sujet desquelles le texte proclame : « Et pesé au crochet les montagnes et les collines avec une balance 478 », « D ’éternité en éternité Tu es Dieu, T u fais retourner l’homme dans la poussière, et T u dis : Revenez, fils de l’homme 479 ». 2. Un des fondements du repentir du point de vue de la pensée humaine est la reconnaissance de la responsabilité de l’homme pour ses actes, résultant de sa foi dans le libre arbitre. Tel est bien le contenu de la confession associée au commandement du repentir. Le pêcheur reconnaît qu’il n ’y a lieu de blâmer pour la faute et ses conséquences nul autre que luimême 48°. Il prend ainsi une conscience plus évidente de la spontanéité de sa volonté et de l’efficience de son pouvoir à régler sa vie et ses actes. De la sorte il se fraie la voie pour un retour à Dieu et pour le renouvellement de sa vie selon l’ordre du Bien. Il sera assuré de sa réussite lorsque, puisant à la source du savoir481, en liaison avec la sainte lumière de la Tora, son âme aura retrouvé toute sa vigueur. La question de l’antinomie des concepts impliqués dans ce sujet 482 ne fait en effet problème que par rapport à nous, à cause de la limitation de notre entendement. Elle ne concerne en aucune façon le Créateur de toutes choses, maître de toutes les lois, cause de toutes les causes, source de la sagesse, et inspirateur du discernement, Béni soit-il. Ce principe clairement admis, nous sommes mieux disposés pour saisir qu’il y a place pour une conception admettant simultanément le libre choix et la liberté, et le non-choix et la non-liberté, antinomie qui découle des courants divers qui animent tous les domaines de l’existence. Tant qu’un homme ne s’est pas repenti de ses fautes
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et n’a pas défini les voies de sa repentance, il reste soumis à l’asservissement de son propre choix, et sa culpabilité pour tous les actes et leurs conséquences nuisibles pèse sur lui 483. Par contre, dès que l’illumination du repentir surgit, toutes les déficiences de sa vie, toutes les actions qui à vue humaine ne sont pas bonnes et dont les conséquences lui sont pénibles, sont transférées à un niveau supérieur, et réévaluées selon un critère extérieur à son libre choix ; elles rejoignent le domaine de la providence supérieure, domaine divin dans lequel : « tous mes actes sont Ton œuvre 484 ». Ceci s’applique au côté négatif de la conduite, mais il en va différemment des bonnes œuvres, qui sont toutes rapportées à sa libre décision. Au fur et à mesure que le processus du repentir s’affirme et que l’aspect négatif de la conduite se détache de son libre choix et se déplace vers le domaine supérieur où tout est bon car « le mal ne demeure point auprès de Toi 485 », le lien de l’aspect positif de ses actes et de sa conduite avec le domaine de son libre choix se renforce. La lumière et la richesse de sa vie acquièrent ainsi une grande ampleur pour l’immédiat et pour l’éternité. Lui-même, son univers et dans une certaine mesure l’ensemble des mondes s’élèvent et sont illuminés par une connaissance supérieure du Bien suprême, conscients que la disposition pour le Bien est la dimension générale la plus fondamentale, commencement et fin de toute l’existence : « l’Éternel est bon pour tous, sa grâce s’étend à toutes ses œuvres 486 ».
claires et exaltantes valeurs de la liberté ; ce monde-ci craint l’émergence du monde à venir, un monde de redoutable sainteté 49°. Cependant, du trésor de la confiance vient l’apaisement qui évacue la peur : « Le nom de Dieu est une tour fortifiée : le juste y accourt et est établi dans les hauteurs 491. » Par la sainteté de la confiance, les déficiences des mondes et de tout ce qu’ils contiennent se réparent : « Mettez votre confiance en Dieu toujours et toujours, car !’Éternel Dieu est un roc immuable 492. »
3. Les zones non illuminées de l’existence sont entourées de fausses frayeurs dont l’obscurité se répand dans les âmes des individus comme des sociétés, dans l’âme d’un monde soumis à des conditions d’oppression et à des lois qui répriment la vraie liberté. Le pénitent craint que ses fautes l’aient déjà perdu et qu’il soit sans espoir, ignorant que dans sa crainte même sont déposées, cachées, toutes les lumières de son salut 487. De même, c’est bien de terreur que fut prise la terre en ne produisant pas un arbre parfait au goût identique à celui de son fruit 488. La lune fut effrayée par la compétition de deux rois se disputant la même couronne 489. L’humanité a peur des
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4. Il est impossible d’évaluer et d’estimer l’intensité du bonheur - dans une parfaite tranquillité d’esprit - qu’un homme doit ressentir dans l’intime de soi-même, à la suite de la délicate souffrance 493 qu’il éprouve au moment où l’esprit de sainteté et de pureté du repentir s’empare de lui. C ’est un moment où il est en proie à l’ardente idée du bonheur d’un total remords de ses fautes, péchés et iniquités ; un moment où son âme se languit pour son bien-aimé, son créateur qui l’a formé et a formé toutes choses, Béni soit-il ; un moment où de tout son cœur et de toute son âme, il cherche avec une profonde et puissante volonté à marcher dans l’intégrité et la droiture, à être un juste répandant la bonté, à être droit et à marcher dans la rectitude. Bien qu’il s’interroge encore sur la manière de se dégager du bourbier de ses fautes et n’envisage pas concrètem ent de quelle manière restaurer le passé, bien que la voie des réalisations pratiques encore pleine d’embûches soit loin d ’être dégagée devant lui, la volonté d’être bon 494, ce vent du jardin divin d’Éden qui souffle sur l’âme, le remplit d’un bonheur infini, au point que même le feu le plus éprouvant de la Géhenne se change lui aussi en un torrent de délices. 5. Le repentir est lié au courage personnel 495 : « Heureux l’homme qui craint Dieu 496 » —« Heureux celui qui se repent tandis qu’il est un homme 497 ». Cet enseignement se dégage de la notion même de Teshuva : Heureux celui qui est pleinement homme dans son acte de repentance 498.
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6. Le tourment que l’on éprouve lorsque l’on s’engage sur la voie de la sainteté vient de ce que l’âme devenue plus lumineuse découvre le contenu d ’absolue perfection q u ’elle recèle 4" . Elle prend conscience du caractère négatif de ses limites et de son étroitesse et souffre amèrement de tout ce qui restreint sa force et son rayonnement. Cette réaction est en vérité la base pour un repentir dicté par l’amour et tout homme ouvert au spirituel se doit d’accepter ce sentiment d’amertume avec joie et contentement 500. La profonde souffrance se change alors en un suprême plaisir, qui laisse entrevoir une abondance de délicieuse sainteté 501.
en lui-même un grand bien. Il faut immédiatement s’en réjouir, et tirer même de ce bien une assurance ferme et confiante. Jusqu’à ce que l’on retrouve la joie de la vie et l’aptitude à jouir de sa bénédiction, plein de vitalité et renforcé par l’efficacité de l’action engagée, même au milieu du plus grand trouble causé par les émotions du repentir.
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7. Le repentir ne vient pas rendre la vie plus amère, mais plus agréable. La douceur de vivre résultant du repentir se dégage du fonds même de ces vagues d ’amertume qui subjuguent l’âme au début de son engagement dans la voie vitale de la Teshuva 502. Mais telle est la puissance de la force créatrice : elle permet de réaliser et de comprendre qu’une douceur se révèle dans toute amertume. La vie se manifeste même dans les affres de la mort, un délice éternel perce dans toute peine et dans chaque souffrance. Cette connaissance d’éternité gagne en clarté et finit par s’imposer à l’intelligence, au sentiment, à la nature physique et spirituelle. L’homme devient une créature nouvelle, projetant courageusement un nouvel esprit de vie sur tout son entourage. Il annonce pour son époque et pour les générations futures la joie des justes, l’allégresse exultante de l’assurance de la rédemption libératrice, joie et chant éclatant : « Les humbles augmentent leur joie en Dieu et les plus nécessiteux parmi les hommes jubilent par le Saint d’Israël 503. » 8. Tout repentir complet produit inévitablement deux effets contradictoires sur l’âme vitale : d’un côté, anxiété et tristesse pour les fautes et le mal qu’on se découvre et d’autre part confiance et joie pour le bien, car il est impossible que l’on ne se trouve quelques qualités. Même si le compte apparaît confus au point de n’y déceler nulle trace de bien, le fait que la reconnaissance des fautes et du mal ait causé anxiété et tristesse est
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9. La pensée du repentir précède le repentir en acte, et la volonté profonde de Teshuva précède même la pensée du repentir. La volonté profonde de Teshuva est en réalité toujours un repentir inspiré par l’amour, même dans le cas où l’intention du repentir est dictée par la crainte 504. 10. Le repentir supérieur 505, intellectuel et émotionnel récapitule en lui tous les niveaux inférieurs du repentir ainsi que les multiples modalités de leurs laborieux décomptes, mais sous une forme noble, agréable et fine. 11. Un maître de la Tora ne peut accomplir son redressement de repentir que dans et par la Tora, et un maître de la vie spirituelle ne peut se repentir que selon la norme de cet ordre de pensée 506. Si un maître de la Tora déclarait : je veux me mortifier par le jeûne et ce sera là mon repentir, ses paroles sont dénuées de fondement et « qu’un chien mange son repas 507 ». Un maître de la vie spirituelle qui déclarerait : mon repentir consistera en une performance extérieure, physique, n ’a pas fait pénitence. Son repentir doit être de niveau supérieur, spirituel, pur, libre, rempli de la lumière du Saint des Saints, orné des parures de la vie supérieure. Ce n’est qu’ainsi qu’il peut porter guérison à lui-même et à l’ensemble du monde. 12. La Teshuva comporte deux points que nous résumons sous la dénomination « repentir supérieur » et « repentir inférieur 508 ». Le repentir supérieur est le repentir pour soi-même et le repentir inférieur pour le monde 509. Le point essentiel spécifique de tout homme, dans son être intime, est à tout
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moment plus élevé, plus sublime et plus précieux que tout ce qui se dégage de sa personnalité vers l’extérieur 510. Certaines personnes désirant réaliser leur repentir personnel doivent se consacrer davantage à la pensée et de ce fait moins à l’étude, s’engager davantage dans la voie de la représentation et de ce fait ralentir leur activité. L’essentiel sera d’épurer l’être intime afin de se sentir transformé et vraiment libre. Ceci s’applique au repentir supérieur, le repentir personnel. Il n’en va pas de même par contre pour le repentir inférieur, orienté vers le monde. Ici les choses changent : il est indispensable de se consacrer intensément à l’étude et à l’action, éventuellement même au détriment de la spéculation et de la méditation. Parfois c’est la réduction du brillant de la spéculation de la pensée qui constitue une réparation par rapport au monde, parce que le monde extérieur ne pourrait pas saisir dans son éclatante lucidité le contenu d ’une pensée émanant du monde supérieur. C’est justement en occultant la pensée d’une certaine manière que l’on se rapproche de lui davantage. Mais il faut savoir que nous sommes toujours invités à maintenir ces deux repentirs simultanément, le repentir inférieur étant comme un corps et un instrument pour le repentir supérieur 511. Il faut articuler leur rapport de telle manière que tout moment du repentir supérieur entraîne un mouvement du repentir inférieur vers le haut et que tout mouvement du repentir inférieur stimule et renforce le repentir supérieur. Bien qu’apparaissant comme contradictoires dans leurs formes extérieures, les deux sont dans leur essence deux inséparables compagnons 512.
sans pouvoir l’endommager ou le détruire. C ’est d ’ailleurs une exigence qui découle du degré d’intensité de la lumière. Une lumière sainte faible ne nécessite aucun voile pour faciliter la jouissance de son éclat. Par rapport à elle, la vulgarité, les tendances matérialistes, et à plus forte raison la médianceté et la folie, sont nuisibles en elles-mêmes, corruptrices et destructrices et portent atteinte à l’âme ; leur manifestation la remplit d’indignation, de douleur et de colère. Tel n’est pas le cas des justes supérieurs, habitués à une claire compréhension du divin, animés d’une volonté pure, habités par l’éclatante lumière supérieure. Ils réalisent que la lumière pure est bien trop intense pour que le monde puisse la supporter, et pourtant elle doit illuminer le monde ! Il est donc indispensable, vu la nature du monde, qu’il y ait de nombreux écrans pour voiler la lumière. Le mal et ceux qui le soutiennent constituent ces écrans, qui remplissent ainsi, eux aussi, une fonction dans la restauration du monde. La souffrance essentielle qui en résulte touche ceux qui, ne bénéficiant que d’une lumière restreinte, sont dans l’incapacité de saisir comment le mal n’est qu’un écran ayant pour fonction de redresser l’éclat de la lumière. C ’est pourquoi le Messie viendra pour ramener également les justes au repentir 514. Lorsque ces justes s’élèveront au niveau du repentir supérieur, ils réaliseront que la grande lumière est d’une grandeur infinie, dépassant tout entendement. Elle se manifeste dans le monde par la vigueur de la puissante grâce divine, et sans les multiples écrans que constituent les diverses formes matérielles et spirituelles du mal, le monde se désagrégerait sous la force excessive de son éclat. Toute chose participe ainsi à la restauration du monde ; les méchants se corrigent et retournent vers le bien, ayant pris conscience du rôle qu’ils remplissent. La punition des méchants vient principalement sanctionner la peine qu’ils ont causée au juste dans le monde de la contraction. Les justes qui se tiennent dans le vaste espace divin viennent libérer le méchant de l’étroitesse du Shéol, et l’ensemble se remplit de force et de joie.
13. Les justes clairvoyants513 qui voient la totalité du monde sous l’angle du bien purifient toute chose. D u fait de la clarté de leurs idées et de l’éclat du bien redressé de leur pure volonté, ils évacuent toutes les défectuosités du monde et détachent le mal de sa racine. Ils considèrent l’esprit de folie et de méchanceté du monde comme un écran qui n’a d ’autre rôle que d ’assurer le rayonnement de la lumière, lui donnant la possibilité de luire dans le monde,
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« Traversant la vallée des larmes 515, ils en font un pays de sources, qu’en outre une pluie précoce couvre de bénédictions ; ils s’avancent avec une force toujours croissante 516, chacun d’eux apparaît devant Dieu à Sion 517. »
17 La grande révélation de la Teshuva p a r la vie d ’I sraël et sa résurrection sur sa terre
1. La résurrection de la nation est le fondement de Tétablissement de la grande Teshuva, la Teshuva suprême d ’Israël et la Teshuva du monde entier qu’elle suscitera 518. 2. Le désir d’effectuer un véritable repentir peut se heurter à de multiples obstacles : une pensée confuse par exemple, une faiblesse physique, ou l’impossibilité de réparer des offenses commises envers autrui 519. L’empêchement peut être considérable et le cœur se sentir brisé par la conscience de l’important devoir qui s’impose, de réparer les défauts de la manière la meilleure et la plus totale possible. Bien que l’on ne puisse pour l’instant surmonter tous les obstacles, il faut cependant, le désir de repentir étant ferme, accepter cette illumination de la volonté du repentir comme une force purifiante et sanctifiante. Il ne faut pas hésiter, à cause des obstacles dus à un repentir encore imparfait, à tendre vers toute forme d’élévation et de grandeur spirituelles à laquelle on peut aspirer selon la sainteté de son âme et son caractère sacré 52°. Ce principe fondamental pour l’individu s’applique également à la collectivité. L’illumination de la volonté de Teshuva est effective en Israël. L’éveil du désir collectif de la nation de retourner vers son pays, vers son essence, son esprit et son caractère spécifique — en vérité, la lumière de la Teshuva a une part dans cette aspiration 521. De fait, ceci est proclamé fort clairement dans l’affirmation
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de la Tora : « Tu reviendras jusqu’à l’Éternel ton Dieu », « Car tu retourneras à l’Éternel, ton Dieu 522 ». Ce retour est une repentance intérieure, dissimulée, cachée et retenue par de nombreux voiles. Mais aucune entrave, nul obstacle, n ’a le pouvoir d’empêcher la lumière supérieure de nous atteindre.
sûrement un poète du retour, qui sera le poète de la Vie, un poète de la renaissance, un poète de l’âme spirituelle de la nation en marche vers la rédemption.
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3. D u profane aussi, la sainteté se révélera 523, et même de l’effrénée liberté surgira le joug bien-aimé 524. Des chaînes d’or s’assembleront et s’élèveront de la poésie libertaire et un irradiant repentir émergera même de la littérature profane 525. Ce sera l’émerveillement suprême de la vision de la rédemption. Que le bourgeon fleurisse, que la fleur s’épanouisse, que le fruit mûrisse, et le monde entier saura que l’esprit saint se manifeste dans la communauté d’Israël dans toutes les envolées de son esprit 526. Et finalement tout culminera dans une Teshuva qui apportera guérison et rédemption au monde. 4. Le déracinement de la sainteté naturelle du judaïsme est la cause de toutes sortes de confusion dans les idées. O n veut faire preuve de sagesse et trouver dans la spéculation et la logique ce que l’on doit chercher dans la nature de l’être biologique, dans la nature spirituelle et même physique, de la collectivité comme de chaque individu du peuple juif. C ’est une violation de l’Alliance, un abandon de la sensibilité juive dans l’action, dans la conception, dans le sentiment et dans la pensée, dans la volonté et dans l’existence 527. Il n ’y a d’autre remède pour celui qui rompt l’Alliance qu’un retour à l’Alliance, saisie intensément à travers le sacré d’Israël 528 : « Revenez à moi et je reviendrai à vous 529. » 5. Les sentiments de Teshuva dans toute la splendeur de leur éclat, ainsi que les profonds troubles de l’âme qu’ils provoquent, devront forcément trouver leur expression dans la littérature afin que la génération de la résurrection puisse s’initier au retour du tréfonds de son âme, d’une façon vivante et vigoureuse, « afin qu’elle revienne et soit guérie 530 ». Il se lèvera
6. Nous nous attardons et nous relâchons notre effort sur la voie du perfectionnement à cause de la crainte excessive que nous éprouvons dans l’âme vitale lorsque l’idée de Teshuva se présente à nous. Nous sommes angoissés et privés de force à cause du grand trouble provoqué par le retour 531. C ’est pourquoi nous repoussons cette idée qui est pourtant la source de toutes les réussites, afin qu’elle ne marque pas notre âme, et nous restons ainsi errants dans le désert de la vie. Mais cette situation ne peut durer 532. Nous devons nous ceindre de vigueur spirituelle, nous imprégner de la puissance poétique de la Teshuva. La mélancolie doit se transformer en un chant vibrant qui ravive et réconforte, console et guérit. La Teshuva et les réflexions qu’elle inspire nous seront alors une douce et plaisante réalité, sur laquelle nous ne cesserons de méditer et selon laquelle nous réglerons la marche de notre vie, pour notre bien individuel et collectif, dans ce monde et dans le monde à venir, pour la rédemption individuelle et celle de toute la communauté, pour la résurrection de la nation et son retour de captivité, afin que tout revienne « comme dans les jours antiques et dans les années d’autrefois 533 ».
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N otice biographique
Abraham Ytshaq Hacohen Kook naquit le 16 Ellul 1865 à Gréva, aux environs de Dvinsk, en Lituanie. Introduit dans les textes bibliques et talmudiques par son père, il poursuit ses études auprès de rabbi Naftali Tsevi Berlin (haNetsiv) à la célèbre yeshiva de Volozhin. Très assidu, il ne tarde pas à élargir le champ de ses investigâtions dans le domaine de la philosophie juive et de la Cabbale, rédige quelques articles et compose ses premiers poèmes. Marié à l’âge de vingt ans avec la fille du rabbin Elyahu David RabinowitzTheumim de Mir, il obtient trois ans plus tard son premier poste rabbinique dans la petite communauté lituanienne de Zaumel. Nommé rabbin de la ville de Bausk en 1895, il s’attache durant les neuf années qu’il demeure à la tête de cette communauté à en faire un important centre d’études et publie de nombreux articles sur des questions halakhiques traitant des problèmes de l’heure. Sa réputation de maître de la Tora et de leader lui vaut en 1904 une invitation à prendre la direction spirituelle de la communauté de Yaffo en Palestine, invitation qu’il accepte d’autant plus volontiers qu’il aspirait de longue date à participer à l’œuvre de reconstruction qui s’amorçait en Terre sainte. Dès cette époque il établit des liens amieaux avec les pionniers non religieux des colonies agricoles, considérant qu’ils remplissent un rôle essentiel pour le renouveau de la nation. En toutes occasions il soutient leurs efforts agricoles et intervient en faveur du renforcement de leur économie qui se heurte à de multiples difficultés. On retiendra sur ce plan la vive controverse qui l’oppose à la majorité des rabbins du vieux yishouv au sujet de l’application de la loi de l’année sabbatique, la Shemitta. Estimant que le strict respect de cette loi, qui prescrit l’arrêt de la plupart des
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travaux agricoles durant toute une année, porterait gravement atteinte à la situation économique encore branlante, il décide de surseoir provisoirement et pour une durée déterminée à son application, en procédant à une vente nominale des terrains '. Le R. Kook se trouve en Europe à une conférence internationale de l’Agoudat Israël lorsque éclate la première guerre mondiale. Dans l’impossibilité de rejoindre la Palestine, il est accueilli en Suisse et en 1916 accepte un poste rabbinique à Londres. Les tractations qui se trament dans la capitale britannique en vue de la reconnaissance de !’établissement d’un foyer national juif ne sont sans doute pas étrangères à sa décision. De fait il soutient vigoureusement, comme parfaitement conforme à l’esprit du judaïsme de la Tora, la Déclaration Balfour et défend l’idée d’un retour des juifs à Sion auprès des masses juives 2. Pour lui cette déclaration officielle marque une étape importante dans la vie du peuple juif dans son aspiration millénaire à la restauration de sa souveraineté sur la terre des ancêtres. Dès la fin du conflit, il s’empresse de retourner en Palestine (3 Ellul 1919) où il est porté à la tête du rabbinat de Jérusalem. En 1922, lors de la création du grand rabbinat d’Israël, il accède au poste de premier grand rabbin ashkénaze et consacre désormais toute son énergie à renforcer le sionisme religieux et à approfondir les racines spirituelles du mouvement de renaissance nationale. Homme d’action et de pensée, il tente d’interpréter les événements dramatiques qui bouleversent le monde au début du XXe siècle et confrontent le destin juif à des défis inédits : la sécularisation d’une grande partie du peuple et l’amorce du retour vers la Terre sainte. Nourri de culture juive médiévale, philosophique et cabbalistique, il est cependant fortement marqué par son époque et son œuvre reflète sur des points essentiels les interrogations et les préoccupations de sa génération. Son orientation, influencée évidemment par les sources traditionnelles, le porte à redéfinir, selon ses propres vues et dans son style singulier, une philosophie de l’Histoire qui rende compte de l’ensemble de l’évolution du peuple et permette en fonction du passé de penser la situation présente et future d’Israël. Dans la vision dialectique qu’il en esquisse, on discerne en majeur les éléments essentiels de la Cabbale, mais aussi la volonté affirmée de jeter un pont entre le saint et le profane, le physique et le métaphysique, le rationnel et l’irrationnel. Sa pensée est ancrée dans le courant rationaliste aussi bien que dans celui du Hassidisme, et c’est dans la rencontre de ces deux tendances de l’histoire récente du judaïsme
qu’il se propose de dégager une voie pour renouveler le sens de la spiritualité juive pour le monde moderne. Il meurt le 3 Ellul 1935, laissant une œuvre considérable (dont une grande partie demeure inédite), qui couvre tous les domaines de la littérature religieuse et le classe parmi les grands maîtres de la pensée juive du XXe siècle.
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À la base de tou t : une information générale sur la confiance en la Teshuva
Il importe de procéder en tout premier lieu à une information générale sur la confiance dans le processus de la Teshuva, et l’immense apaisement, la vigoureuse joie, qui doivent revêtir l’âme de tout homme dont la lumière du repentir illumine l’âme. Il faut montrer simultanément comment cette joie authentique et ce plaisir de l’éclat de la sainteté ne détruisent pas, à Dieu ne plaise, la crainte ; ils ne diminuent en rien, fût-ce de l’épaisseur d’un cheveu, l’éveil spirituel produit dans l’âme par les diverses représentations de la crainte inférieure ; ils accroissent au contraire la force essentielle de l’attention et de la vigilance de l’âme. En même temps la grandeur supérieure de l’éclat gracieux de la lumière originelle remplit tous les recoins de l’âme spirituelle d’une grande assurance. A tel point qu’elle lance, avec une héroïque fidélité et dans la plénitude de son être, un chant sacré original qui proclame avec une splendide et totale vitalité : « Il pardonne toute ta perversité, il guérit toutes tes infirmités. Il rédime ta vie de l’abîme, il te couronne de grâce, de tendresse. Il prodigue le bonheur à ton âge florissant, ta jeunesse se rénove comme l’aigle '. » La confiance se renforce, une joie, une allégresse et une délicieuse splendeur se répandent à profusion jusqu’à ce que l’âme spirituelle ressente par un fin sentiment de pureté intérieure que les fautes intentionnelles à tous les degrés —et à plus forte raison les erreurs de toutes sortes commises par inadvertance - se transforment en parfaits mérites 2. De la multitude des ténèbres, se dégagent un grand gain et une abondante richesse. « Mon âme se réjouit en Dieu, elle exulte en son salut : que tous mes os disent : Eternel, qui, comme Toi, sauve le pauvre de plus fort que lui, le pauvre et l’indigent de son spolia
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teur 3. » La connaissance s’élève jusqu’aux puissantes cimes du monde supérieur, le monde des racines des existants au premier stade de leur émanation, dans leur suprême agrément. Grâce à l’élévation de la volonté vers le Bien et la sainteté divine, le processus de transformation de toute faute et iniquité s’amorce et pénètre dans le sentier de la vie, apportant bénédiction et joie éternelle dans la création tout entière : « Il lance [le grondement de Sa voix] sous tous les deux, et sa lumière brille jusqu’aux extrémités de la terre 4. » Par la force du repentir, tout éclate en chant, le chant du Premier homme, cantiquechant du jour du Shabbat : « Car Tu m’as comblé de joie, Eternel, par Ton action ; je chanterai les œuvres de Ta main 5. » Afin d’amener toutes choses dans leurs détails à réalisation, les adapter à tous les niveaux sans exception, élever tout élément de dégradation de tout individu en Israël, peuple aimé, peuple saint, de tout lieu, du point le plus bas des profondeurs de la terre, sur le plan pratique comme sur le plan de la théorie, jusqu’à la limite extrême - vers la lumière de la Vie. Il s’agit de les conduire essentiellement dans la joie et dans l’allégresse, sans la moindre angoisse, avec une force et une rapidité du tonnerre, à travers des voies saintes déblayées et dégagées, grâce à l’illumination éclairante des étincelles de lumière du jour de la rédemption. Celle-ci se manifeste à nous en tout moment dans le Pays de la Vie, par des signes évidents : les montagnes d’Israël, travaillées et ensemencées, donnant des fruits au peuple de Dieu qui Le recherche 6. Pour éclaircir toutes ces choses d’une façon satisfaisante, il faut un temps propice et disponible, afin d’éliminer tous les obstacles de la route et faire émerger la lumière cachée de tous les obscurs et secrets recoins. Si quelqu’un, à notre époque, se proposait de formuler de hautes réflexions inédites sur la Teshuva sans porter attention aux signes évidents et à la lumière manifeste de la libération, il serait dans l’incapacité de saisir ce phénomène dans sa juste dimension, dans la ligne de la Tora de vérité. À chaque époque sa lumière spécifique. La sagesse divine a décidé de faire luire la lumière de la libération, enveloppée dans une brume de mystères, entourée d’un grand nombre d’afflictions, de pauvres d’esprit souffrant de déficience spirituelle, comme nous pouvons le constater de nos propres yeux. Certes les prévisions avancées par des hommes aux pensées vaines ne pourront rien contre le conseil supérieur de Dieu qui a décidé, en faveur d’Israël, d’affermir la lumière de la délivrance et le chemin de la vie pour le reste de son peuple :
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tous, dans l’avenir, seront des repentants. Timidité, peur, découragement, lâcheté disparaîtront totalement. Un esprit d’initiative, inspiré par une vie de liberté et de joies divines, généreux, aux idées larges et d’une rigoureuse logique, s’installera dans le cœur de tous ceux qui s’approchent de Dieu, sur la montagne sainte. Afin de faire éclore la délivrance, en préparant les conditions de vie aptes à répondre à la puissante initiative divine annonçant la création d’une multitude d’âmes prêtes pour l’œuvre de rédemption et de véritable libération, progressant de puissance en puissance, soutenues par la force vigoureuse de la Droite supérieure.
Les fondem ents du repentir
Igrot, lettre 378 1er Ellul 5675 (1914)
Dans le préambule à la confession des péchés du Yom-Kippour, rédigée selon l’ordre alphabétique, nous déclarons en guise d’introduction : « Tu connais les mystères du monde et les pensées les plus secrètes de tout être vivant ; Tu scrutes l’intérieur de l’homme, Tu sondes les reins et les cœurs. Rien ne Te reste caché, rien ne peut se dérober à tes regards. Aussi, !’Éternel notre Dieu et Dieu de nos pères, daigne nous pardonner nos fautes... » Les louanges exprimées dans ce texte ne conviennent apparemment pas comme prélude à une confession des péchés. Il faut en conséquence expliquer les motifs qui ont poussé à la rédaction de ce préambule, pour introduire précisément à la confession du Yom-Kippour, clef destinée à ouvrir largement les portes du repentir pour l’ensemble de la maison d’Israël. Les fondements du repentir sont, on le sait, au nombre de trois : le premier, regret du passé ; le second, décision intérieure de renoncer à cette faute et volonté fermement soutenue de s’en tenir à cette décision dans le présent ; et le troisième, résolution de ne point retomber dans l’erreur à l’avenir. Cette triple démarche, accomplissement d’un repentir parfait, semble tellement aisée que l’on s’interroge pourquoi la Tora, parlant de la repentance, éprouve le besoin de nous avertir solennellement avec une telle insistance : « Car ce précepte n’est pas extraordinaire pour toi, il n’est pas lointain 1 », « car la chose est très proche de toi 2 ». Pourquoi la Tora précise-t-elle : « Il n’est pas dans les deux 3 », « Il n’est pas de l’autre côté de la mer 4 », si l’on suit l’interprétation
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proposée par les premiers exégètes de ce passage, qui rapporte ce précepte particulièrement au repentir 5 ? Mais il suffit d’approfondir tant soit peu le sujet pour s’apercevoir que le repentir, bien que facile, n’exigeant que l’acceptation de ces trois principes, regret, abandon de la faute et engagement pour l’avenir, est en réalité une œuvre laborieuse. Celle-ci serait même irréalisable sans la grâce divine qui nous a facilité la tâche au point que, par son intervention, elle « n’est pas dans les deux ou de l’autre côté de la mer », mais « très proche, dans notre bouche et dans notre cœur, pour l’accomplir 6 ». Expliquons point par point l’obstacle qui persiste dans chacun des principes du repentir à une totale reprise de soi, au point que le repentir apparaît souvent comme excédant la puissance humaine. Ainsi le remords : regretter la faute après avoir pris conscience de l’indignité de la conduite, après avoir réalisé que « c’est mauvais et amer d’abandonner Dieu 7 », cela semble chose aisée. Mais si l’on considère d’une part la gravité de la transgression, la laideur et la dévastation qu’elle entraîne, et d’autre part le fait que le monde ne subsiste que par la parole de Dieu, que la vie de tout être est suspendue à son décret, dépend de l’intensité de la sainteté de la lumière de la Tora et des commandements qui illumine le monde, qu’il s’agit de lois immuables que le Maître de l’univers a établies dans son monde - de quelle puissance et de quelle profondeur devrait être le remords qui nous assaille ! Quiconque passe outre et transgresse l’ordre divin porte en fait atteinte et détruit la splendeur des mondes, il détériore l’éclat de la vie. Ah ! s’il était au pouvoir de l’homme de restaurer parfaitement les choses, son remords serait intégral, il extirperait jusqu’à la racine le mal causé par son péché, il parviendrait même à l’éradication des traces de sa faute. Mais, n’est-il pas vrai, les choses cachées n’appartiennent qu’à Dieu : qui en dehors de Lui connaît les mystères du monde et le secret de l’âme des vivants, pour apprécier la qualité que devrait revêtir le remords par rapport à la faute ? Venons-en maintenant au problème de l’abandon de la faute. Il s’agit du présent, de la résolution volontaire de se détourner du péché, du lien que nous entretenions avec lui et de l’attrait qu’il exerçait sur nous. Si l’homme pouvait par l’introspection connaître la profondeur de son âme et les recoins de son cœur, il serait en mesure de renoncer d’une façon absolue à sa faute. Mais voici bien la difficulté : l’homme ne peut pas sonder par lui-même les secrets
du cœur et des reins. Aussi est-il dans l’impossibilité d’actualiser pleinement l’exigence de renoncer à sa faute, car Dieu seul, « T u scrutes l’intérieur de l’homme, T u sondes les reins et le cœur ». Ceci nous amène à l’examen du dernier fondement qui conclut l’acte du repentir : l’engagement pour l’avenir. Si l’homme connaissait les événements futurs susceptibles de le détourner de sa voie et de celle de son créateur, il serait en situation de prendre en connaissance de cause des résolutions pour l’avenir. Mais puisque nous tâtonnons à l’aveuglette pour discerner les traits du futur, nous n’avons pas les moyens de nous engager avec tout le sérieux requis, car pour Dieu seul, « rien ne Te reste caché, rien ne peut se dérober à Tes regards ». Bien que les trois principes du repentir excèdent le pouvoir humain, la Tora nous invite malgré tout à la repentance, n’hésitant pas à la qualifier de tâche facile, très proche de nous. Nous devons en conclure que Dieu prenait sur lui, par un acte gracieux, les résolutions que nous étions amenés à formuler pour le repentir, comme si nous étions en mesure d’agir en toute conscience et en pleine connaissance de cause. C ’est dans ce sens que nous proclamons en préambule à la grande confession, fondement essentiel de l’acte de Teshuva qui nous fait passer des ténèbres à une vive lumière, cette importante précision portant sur ces trois principes : pour ce qui les concerne, nous nous en remettons à Dieu, béni soit-il. - « T u connais les mystères du monde et les pensées secrètes de tout être vivant » : eu égard au remords intégral. - « Tu scrutes l’intérieur de l’homme, T u sondes les cœurs et les reins » : eu égard à l’abandon définitif de la faute. - « Rien ne Te reste caché, rien ne peut se dérober à Tes regards » : eu égard à la résolution pour l’avenir. Quelles que soient les épreuves qui peuvent surprendre un être humain dans son existence, nous prenons l’engagement de demeurer fermes malgré les difficultés du moment, résolus à servir Dieu avec sincérité, à « accomplir toutes les paroles de cette Tora 8 ».
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A p p el à la Teshuva
Le repentir est un retour à l’originel, au commencement, afin de ramener tous les courants de la vie à leur source '. Notre âme spirituelle, part divine d’en haut 2, pleine de vie dans sa racine supérieure, pleine de lumière et de splendeur, est d’une pureté absolue. Mais sa grandiose splendeur, sa force et sa beauté ne sont manifestes que dans la sphère de la spiritualité supérieure. Reliée au monde de la vie pratique, rattachée au corps et à ses activités, elle prend part à ses peines et à ses misères, et se trouve impliquée dans les embarras de sa dure lutte. Il est vrai que c’est de cette manière, et rien que de cette manière, qu’elle peut exercer son influence sur le monde matériel, dans un univers où la vie doit être entretenue par des actes qui renforcent l’énergie vitale. N ’empêche que dans cette descente, sa force se disperse et s’amenuise ; elle s’adapte à une activité et à une intensité vitale réduites aux limites d’un être de chair et de sang. Sa clarté baisse, son éclat se ternit, et de nombreux aspects de la vie humaine sont altérés à cause de cet assombrissement. Cependant nous sommes appelés au retour : une voix divine en provenance du mont Horeb proclame : « Malheur aux créatures pour l’affront fait à la Tora 3 ! » Cet appel nous secoue, et parfois, surtout en cette période consacrée plus particulièrement au repentir 4, nous réalisons que « c’est le temps d’agir pour Dieu 5 », que le moment d’amorcer le retour est venu. Il est temps de ramener les différents courants de la vie, qui se manifestent dans les actions, les entreprises, les tendances diverses de notre conduite, à la source de leur racine, à la pureté de l’âme spirituelle, à l’origine de l’existence, à la gloire
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suprême et à la source de leur lumière vitale : « Reviens, Israël, jusqu’à l’Éternel ton Dieu 6. » L’œuvre de l’esprit, qui est à l’origine de la naissance d’un mouvement qui soulève tout un peuple, est identique à celle de l’âme spirituelle, active dans le corps d’un individu : elles ont, toutes deux, un même sort7. Nous avons pu constater de visu que notre saint mouvement, le mouvement de la renaissance nationale et du retour à Sion, émanait à son origine de la source de la sainteté, du désir ardent de Dieu qui remplit la communauté d’Israël, qui ne cesse de proclamer : « Mon âme languit et même défaille pour les parvis de l’Éternel, mon cœur et ma chair chantent le Dieu vivant 8. » Les premières démarches qui ont marqué la naissance de ce saint mouvement de la part de ses initiateurs étaient tout imprégnées d’une sainte rosée, de nobles aspirations, de la vision de Halévy, homme assoiffé d’un avide besoin de se délecter de la présence divine dans Sa sainte demeure, palais solidement établi, où les serviteurs sacrés dans l’éclat de leur splendeur chantent avec une sainte ferveur les louanges de l’Éternel 9. La résurrection de l’âme spirituelle juive dans son intégralité, dans toute sa sainte splendeur, c’est cela le contenu toujours actuel de la promesse divine, qui dispose les esprits à entreprendre l’œuvre de réinstallation en Eretz Israël. En conformité totale avec le judaïsme, pureté et intégrité marquent tous les regards des Amants de Sion. Mais notre âme spirituelle, au fil des jours, s’est mêlée aux travaux de la vie active et pratique, de la vie terrestre, avec ses combats, ses ombres, l’obscurité que comporte inévitablement la lutte semée d’embûches pour la subsistance. De ce fait sa clarté a baissé, son brillant éclat s’est terni. Sa lumière originelle ayant diminué, ses démarches se sont trouvées faussées au profit du renforcement des applications pratiques ; les nécessités du réalisme politique ont revêtu de leurs ténèbres les deux des hautes et saintes aspirations du début, et nous voici, figures tristes et pensées confuses, poursuivant la route dans l’incertitude. Sur cette Terre sainte, berceau des plus nobles espérances, ellesmêmes fermement ancrées dans la racine de notre vie supérieure, avec l’élévation vers les purs et saints sommets qui nous attendent, et en même temps le maintien intégral du saint trésor de notre antique héritage provenant de la source de la sainte lumière, de la fontaine de la Tora de vérité, la Tora de vie, que nous conservons
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comme un patrimoine éternel venant de la source originelle de la Vie, de la splendeur de l’âme spirituelle du Vivant éternel, sainte lumière d’Israël... Sur cette terre sacrée, voici que nous sommes exposés maintenant à tomber dans le piège de l’oubli des principes fondamentaux qui furent à la base de l’aspiration spirituelle de la résurrection nationale, et à l’origine des saintes initiatives des Amants de Sion. Du fait de l’amoindrissement de la lumière à la suite de l’association forcée de l’âme spirituelle de la résurrection avec un matérialisme terre à terre, nous sommes plongés dans l’obscurité et dans l’affaiblissement de notre force, ce qui finalement porte un coup sévère même à notre développement matériel. De cette grande angoisse, de l’intense souffrance ressentie par cette chute dans les profondeurs, nous sommes appelés par une voix divine sortant des ruines de Sion et de Jérusalem à la Teshuva, à un retour de l’ensemble du mouvement, de toutes ses fractions, vers sa toute première origine, vers la noblesse d’‘Atsilut et sa sainte splendeur : « Si tu reviens, Israël, parole de Dieu, tu reviens vers moi 10. » « Grand est le repentir, il apporte rédemption et guérison au monde 11. » Comme le cri de notre âme va vers le monde entier et vers tous les êtres en particulier, il s’adresse de la même façon à l’ensemble du mouvement et à chacune de ses sections. Notre cœur lance son cri vers Dieu, « car dès les origines Tu nous as promis le repentir, et c’est pour le retour que nos yeux sont fixés sur T o i12 ». « Reviens, Israël, jusqu’à l’Éternel, ton Dieu 13. » « Allons ! Retournons vers Dieu, car II nous a déchirés et II nous guérira, Il frappe et II nous pansera ! Il nous fera revivre après deux jours, au troisième jour II nous ressuscitera et nous revivrons devant Lui 14. »
Le repentir et la p a ix
Chers frères qui souffrez du malheur de notre peuple et ressentez de toute votre âme ses destructions, ses peines et ses terribles humiliations —vous qui savez à l’évidence que nulle guérison ni aucune amélioration de la situation dans laquelle se trouve notre société ne saurait intervenir que par un retour au berceau de notre jeunesse, un retour en Terre sainte, par sa reconstruction et notre édification grâce à cette œuvre de reconstruction : Voici venue l’heure où nos spéculations doivent nous amener à la conclusion, à la claire conscience, qu’en dernière analyse le commencernent et la fin de notre œuvre collective, qui réclame tant d’efforts, tant de zèle, tant de sacrifices de chacun d’entre nous —tout cela dépend et doit être rattaché à la grande clef de la délivrance - au repentir. Certes, bien des obstacles s’opposent à ce retour. Nous devons les écarter et les surmonter. Mais l’obstacle majeur, celui qui en vérité contient tous les autres, surtout pour ce qui concerne la qualité du repentir général de l’ensemble de la collectivité, vu sa diversité et compte tenu de l’accélération du processus de la germination de la rédemption chez nous, réside dans la fausse représentation que l’on se fait du phénomène du repentir. On a tendance à ne l’envisager qu’en relation avec une déchéance de l’âme vitale, faiblesse, carence et dégradation de la vie. Cette image déformée porte atteinte dans une certaine mesure aussi au contenu du repentir individuel, mais elle handicape surtout le repentir collectif. Or celui-ci doit forcément advenir, maintenant que les signes de la délivrance se précisent, nous invitant à faire preuve de courage, de nous ceindre de force, d’aspirer ardemment à une rosée vitale abondante, à une intense et neuve
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créativité. Aussi avons-nous le devoir de dévoiler ce mystère : le véritable retour de la communauté d’Israël - dont le retour au Pays d’Israël, qui ne cesse de se confirmer, est un des éléments essentiels —doit nécessairement trouver sa place dans le tréfonds de notre âme sous la forme d’une grandiose et puissante vision. Elle nous apportera un trésor d’énergie et de vigueur pour nous opposer avec courage à ceux qui, remplis de haine, recherchent notre perte, et nous inspirera un projet de force créatrice, de tension féconde, pour la réalisation de nos valeurs spirituelles et pratiques, avec l’aide puissante du Rocher d’Israël. Le repentir vital ne peut provenir de personnes physiques isolées, dispersées, mais du trésor de l’âme spirituelle de la collectivité tout entière, de la communauté d’Israël qui intègre en une entité l’ensemble de ses différents et nombreux membres. Ce repentir-là advient par des phénomènes dont nous pouvons marquer les étapes de prise de conscience progressive par la manière dont nous retrouverons ces quatre valeurs éternelles contenues dans les termes : honneur, amour, connaissance et vie. Nous devons impérativement recouvrer l’honneur, l’honneur de la collectivité, l’honneur de la nation et de ses saintes et suprêmes valeurs, sans nous autoriser à en sous-estimer aucune. Après l’honneur viendra l’amour : sans honneur il ne saurait y avoir un amour idéal. En même temps que l’honneur et simultanément, l’amour des sphères élevées (Atsilut) surgit et darde vers nous ses rayons. Après l’amour, c’est la connaissance qui doit revenir : l’élimination de l’ignorance et de l’inculture doit s’effectuer rapidement grâce à un effort soutenu et une application constante. Toutes ces valeurs nous achemineront vers la vie —une vie remplie d’un judaïsme plénier. À travers un repentir aussi ardent la lumière de la Paix nous irradiera forcément de tout son éclat. Aucune fraction du peuple qui ne puisse s’accommoder au moins d’une de ces valeurs. À partir de l’adhésion vécue à celle-ci et par les réactions en chaîne qu’elle déclenchera, ce développement se poursuivra jusqu’à son terme : l’âme spirituelle d’Israël retrouvera ainsi sa vigueur d’antan. Soyez attentifs, cher frères, et placez cette clef d’or, la clef de la rédemption vraie - la Teshuva-, sur votre cœur. Que vienne rapidement et de nos jours une année de délivrance et de salut, une année de paix et d’amour fidèle et fraternel.
NOTES
ABRÉVIATIONS
Bible Gen. : Genèse Ex. : Exode Lév. : Lévitique Nom. : Nombres Deut. : Deutéronome Jos. : Josué Jug. : Juges I Sam. : 1er livre de Samuel II Sam. : 2' livre de Samuel I Rois : 1er livre des Rois II Rois : 2e livre des Rois Is. : Isaïe Jér. : Jérémie Éz. : Ézéchiel Os. : Osée Jo. : Joël Am. : Amos Ob. : Obadia Jon. : Jonas Mic. : Michée
Nah. : Nahum Hab. : Habakuk Soph. : Sophonie Hag : Haggaï Zac. : Zacharie Mal. : Malachie Ps. : Psaumes Pro. : Proverbes Job : Job Cant. : Cantique des cantiques Ru. : Ruth Lam. : Lamentations Ecc. : Ecclésiaste Est. : Esther Dan. : Daniel Ezr. : Ezra Neh. : Néhémie I Chr. : 1er livre des Chroniques II Chr. : 2e livre des Chroniques
LIMINAIRES
1. « Il arrive que l’histoire universelle se blottisse dans les pages des lexiques. C’est le cas du terme hébreu Teshuva, irréductible à sa traduction dans le Nouveau Testament par metanoïa, irréductible à toute expression différente du terme hébreu Teshuva. » (Franz Rosenzweig, Briefe, Éd. Schoken, Berlin 1935, p. 76.) Le terme grec exprime bien l’idée de regret, mais ne rend pas compte de la force de renouvellement suscitée par la liberté du repentir. Le terme hébreu, comme nous le verrons dans la suite de cette présentation, est riche de multiples significations aux connotations les plus diverses. Pour ces motifs nous avons gardé le temps hébraïque pour désigner le « retour ». Dans le Guide des égarés rédigé en arabe, Maimonide a conservé le terme hébreu Teshuva sans le traduire. 2. Gen. 3:12 : Adam rejette la responsabilité sur sa femme. Pour le châtiment : id. 3:17-19. 3. Id. 4:7 : « Si tu agis bien, ne te relèveras-tu pas ? Que si tu n’agis pas bien, le péché est tapi à la porte : son élan est vers toi, mais toi, dominele. » 4. Id. 4:13 : « Ma faute est trop grande pour que je la porte. » 5. Ex. 32: 11-14; 30, 31. 6. Id. 9:27, 28 ; 10:16, 17. 7. Id. 10:1. 8. Nom. 14:23 ; 29-45. 9. Lév. 5:5 et surtout Nom. 5:7. Cf. Rashi : « Lorsqu’il reconnaîtra lui-même d’avoir à se repentir et qu’il aura compris et confessé avoir péché et commis une faute. »
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NOTES
10. Lév., chap. 16. Voir en particulier verset 30 : « car en ce jour-là il [le grand prêtre] vous absoudra, pour vous purifier de toutes vos fautes... » 11. On notera le parallélisme entre les versets 2 et 3 d’une part, et 8 et 10 d’autre part, qui établit un lien de causalité entre le repentir du peuple et le salut divin. 12. Nom. 5:7· Voir supra, note 9. 13. Cf. Commentaires de Nahmanide, Abravanel et Sforno sur Deut. 30:11-14. Tous trois, se fondant sur ce texte, considèrent la Teshuva comme un commandement positif. Pour Maimonide par contre, il s’agit ici d’une promesse. Il se réfère à Nom. 5:7 et considère l’obligation de l’aveu comme étant l’expression véritable de l’impératif du repentir. 14. L’obligation d’inclure dans la confession des péchés les transgressions commises par inadvertance, oubliées ou inconnues, illustre bien cette dimension absolue de la faute. 15. Jos. 7:19, 20 : Aveu d’Akhan. Voir à ce sujet Mishna Sanh. 6:2. Repentir collectif : Juges 2:4, 5 ; 10:10, 15, 16. I Sam. 7: 5, 6 ; 12:23. 16. Le livre de Samuel relate deux cas de péché et de repentir, ceux des rois Saül (I Sam, chap. 13 et 15) et David (II Sam. chap. 12 et 24). Pour une comparaison des deux cas voir Y. Albo, "Iqarim, 4e partie, chap. 26, ainsi que le commentaire d’Abravanel sur I Sam., chap. 15. Voir également Midrash Ps. 100 et Ps. 27. Dans le livre des Rois, le texte signale expressément le repentir exceptionnel du roi Josias : II Rois 23:25. 17. Le rôle primordial de l’aveu se trouve ainsi très nettement confirmé. 18. La tradition fait de ce psaume la prière de David, seul face à Dieu, après le départ du prophète. Une analyse détaillée de ce psaume de la repentance dépasse le cadre de cette étude. Relevons cependant les versets suivants souvent cités et commentés. « Crée pour moi un cœur pur, Dieu, rénove en mon sein un ferme esprit. » « Les sacrifices de Dieu : un esprit brisé, un cœur brisé et broyé, Dieu, Tu ne les méprises pas. » 19. Jon. 3:10. Voir Mishna Ta"anit 2:1. Certains discernent des éléments de repentir également dans la conduite des matelots (Jon. 1:16 ; commentaire de D. Qimhi sur 2:9) et dans celle de Jonas (prière de Jonas 2:10). 20. Voir également Is. 55:6, 7. Jér. 3:12-14 ; 36:7. Zach. 1:3, 4. Mal. 3:7. 21. Très conscient du caractère apparemment révolutionnaire de cette conception, le peuple éprouve de sérieuses difficultés à y adhérer. Voir Éz. 18:25.
22. Mishna Avot 4:22. T.B. Yoma 86a, b. T.B. Shabbat 153a. Voir également T.Y. Makot 2:6 qui met bien en relief le caractère spécifique et merveilleux de la repentance. 23. T.B. Yoma 85b, 86a, b. Yevamot 105a. Shabbat 153a. 24. Citons à titre d’exemple : - ‘Adam : Pirqey derabbi Éiï'ézer, chap. 20. - Ismaël : T.B. Baba Batra 16a. Voir Rashi Gen. 25:9. - Ruben : Gen. Rabba 82. Voir Rashi Gen. 37:29. Pour l’ensemble de cette question voir : A. Margaliot, Hahayavim baMiqra uzaka’ym baTalmuduvamidrashim (hébreu : « Coupables dans l’Écriture et acquittés dans le Talmud »), Londres 1949. 25. Pour les fautes du Veau d’or et du roi David, voir T.B. Avoda Zara 4b et T.Y. Péa, chap. 1. 26. T.B. Yoma 86b. Pirqey derabbi ‘Éiï'ézer, chap. 3. Midrash Ps. 90. 27. T.B. Berakhot 34b. Sanh. 99a rapporte aussi un avis contraire sans opter pour l’une ou l’autre opinion. 28. Voir A.Y. Heschel, Tora min haShamayin beaspaqlarya shel haDarot (hébreu), vol. 1, Londres-New York 1962, pp. 143147־. 29. Sanh. 97b-98a. 30. .E. Urbach, Hazal pirqey ‘Émunot veDé"ot (hébreu: «Les Sages: croyances et idées »), Jérusalem 1969, pp. 408415־. 31. Outre les données mentionnées ci-dessus, signalons l’introduction d’une bénédiction portant sur la Teshuva dans la prière de 1’ "Amida, et surtout l’institution des Dix Jours de Pénitence de Rosh haShana à YomKippour (T.B. Rosh haShana 16b et 18a) spécialement dédiés à la Teshuva. Dans le même ordre d’idées il convient de souligner que le Talmud établit une distinction entre la repentance individuelle et le repentir collectif (cf. T.B. Rosh haShana 17b et 18a). 32. Biographie et bibliographie dans H. Maker, Saadia Gaon, His Life and Works, Philadelphie 1921 (sur repentir, pp. 362 sq.). Voir également Rav Saadia Gaon, Qovets torani mada "i (hébreu : « Rav Saadia Gaon, Recueil Tora et science»), Jérusalem 1942. Sur le repentir: Émunot weDé"ot, chap. 5, § 2, 3, 4, 5, 6. 33. Saadia ne se réfère pas à la Tora et ne semble pas considérer la Teshuva comme un précepte. Elle dérive de la libre décision du pécheur de changer de voie. Il va de soi que l’adage talmudique qui accorde la prééminence au repentant par rapport au juste (T.B. Berakhot 34b, Sanh. 99a) n’est pas retenu : il ne se comprendrait pas dans le cadre de cette théorie. Il en va de même de l’affirmation (Midrash Ps. 90) que la Teshuva préexistait à la création. 34. Sa définition, désormais classique, prévoit quatre stades : abandon de la faute, remords, imploration du pardon, décision ferme de non-réci-
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dive. Certains ajouteront par la suite la confession des fautes à laquelle ils accordent une importance particulière. 35· Cet auteur a vécu en Espagne, à Saragosse au XIe siècle. Introduction aux Devoirs du cœur, trad, française André Chouraqui, Desclée de Brouwer, Paris. 36. Bahya consacre tout un Portique à la Teshuva dont il analyse les différents aspects au cours de dix chapitres. Il ne s’agit plus de remarques isolées mais d’un essai cohérent de conceptualisation du thème suivant une ligne définie. 37. Dans cette conception qui marque une étape importante dans le développement de notre thème, la Teshuva n’est plus liée à une faute précise : elle devient un élément permanent d’une vie spirituelle en éveil. Le péché dérivant de la lutte constante et souvent tragique entre l’âme et le corps, le repentir est indispensable pour assurer une progression continue de l’être. Il a pour objet de réparer les brèches que la corporalité imprime à la pureté originelle de l’âme. On ne sera pas étonné dans ces conditions de constater que Bahya contrairement à Saadia, voir supra, note 33 - ne manque pas de relever l’opinion exprimée par le Talmud donnant la préférence au repenti par rapport au juste (7' Portique, chap. 8). L’expérience de la faute, surtout s’il ne s’agit pas d’infractions graves, peut éviter une conduite orgueilleuse préjudiciable à l’éveil et au progrès constant de la conscience, qui sont l’essence même de la Teshuva. Voir E. Schweid : « La Voie du repentir pour l’individu en quête de purification » (hébreu : Derekh haTeshuva layahidhamitahér) in Da"at, n° 1, hiver 1978. 38. Traduction exacte du titre de l’ouvrage : Méditation de l ’âme affligée lorsqu’ellefrappe aux portes de la pénitence, Leipzig 1859 (voir l’Introduction de L. Freymann et surtout les notes de S.J. Rappaport, pp. 21-63). Après s’être livré à une catégorisation des différents genres de pénitence (du juste et du méchant, des fautes intentionnelles ou volontaires), l’auteur estime que le juste qui n’a pas succombé dépasse en valeur le pécheur repenti. Il s’efforce d’inscrire ses conclusions dans une exégèse originale du livre de Jonas, fondée sur une comparaison entre le « repentir » des matelots et celui des habitants de Ninive. 39. Disciple et collègue de Nahmanide, né à Gérone en Espagne en 1180 et mort à Tolède en 1263. A publié des ouvrages de morale, un commentaire du livre des Proverbes et du Traité des pères. Son livre sur la Teshuva connut un grand succès populaire. Dans la seconde partie, l’auteur distingue entre le repentir individuel et le repentir collectif. 40. Le Livre de la Connaissance, trad, française Valentin Nikiprowetzky et André Zaoui, PUF, Paris 1961. Le Code s’ouvre par un abrégé de théologie : il débute par la section sur
les Principes fondamentaux de la Tora et s’achève par les règles concernant la Teshuva. Il est remarquable que cette mitsva soit traitée dans ce livre parmi les principes spéculatifs essentiels. Cinquième section : De la conversion à Dieu, pp. 349-420. Nous retrouvons la dualité que nous avons signalée, dans le préambule même de cette section : « Cette section traite d’un seul commandement positif : le pécheur doit renoncer devant Dieu à son péché et le lui confesser (Halakha), ainsi que les principes qui en découlent (Philosophie). » 41. Le libre arbitre est le « principe capital et le pilier qui soutient la Loi et les commandements » (chap. 3, § 3). La liberté a été accordée à l’homme afin qu’il parvienne à réaliser les virtualités de son essence spirituelle. Seule la Teshuva autorise un tel espoir. À la suite de cette conclusion, il semble que Maimonide envisage deux sortes de mouvements qui incitent à la repentance. Le premier est dicté par la Halakha qui exige la réparation de toute faute, tandis que le second dérive de la dynamique de la liberté, d’un élargissement interne de la conscience, elle-même liée à la rationalité humaine. Ceci explique la différence de ton et de style des deux parties de son exposé et montre très clairement comment les préceptes jouent un rôle d’éveil pour la réflexion philosophique. Celle-ci engendre à son tour une pratique plus parfaite du commandement divin, un accomplissement spirituel plus profond. Voir : J.B. Soloveitchik : Al haTeshuva (hébreu), Jérusalem 1974. J. Pauer : « Réflexions sur les Hilkhot Teshuva du Rambam » (hébreu), in Sinai 61, 1966. I. Qapah : « La Teshuva dans la doctrine du Rambam » (hébreu), in Sinat 92, 1981, pp. 97-108. J. Levinger : HaRambam kephilosoph ukeposeq (hébreu : « Le Rambam comme philosophe et comme décisionnaire »), Jérusalem 1989, chap. 7. 42. Le mouvement des Hassidey ashkénazes s’est manifesté pendant un siècle environ, de 1130 à 1230. Le Séfer Hassidim (Le Livre des Hassidim, trad, française et présentation par E. Gourewitch, Paris 1988) reproduit en substance certains passages de 'Émunot weDé'ot de R. Saadia Gaon ainsi que des Hilkhot Teshuva de Maimonide. Il ne comporte pas d’exposé systématique sur la Teshuva mais de multiples passages répartis dans l’ouvrage. Il insiste beaucoup sur la technique du repentir et élabore une série d’actes pénitentiels correspondant à chaque degré de transgression. Il est possible que l’auteur suppose connus les principes de base et veuille se limiter à des remarques complémentaires. (Voir G. Scholem, Les Grands Courants de la mystique juive, Payot, Paris 1950, pp. 118 sq.) Ajoutons que ce livre a eu, sinon sur le plan des idées théologiques, du moins pour ce qui concerne ses recommandations sur le plan pratique, une influence durable. R. Éléazar de Worms en reproduit certains passages dans son ouvrage
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hilkhatique, Séfer haRoqéah, qui donne un résumé cohérent de l’ensemble de la doctrine. 43. Dans ce « tarif de pénitence », les mesures pénitentielles sont estimées par rapport à la gravité de la faute d’après les sanctions prévues par la Tora (Teshuvat baKatuv) ou d’après la jouissance éprouvée lors de la transgression (Teshuvat haMishqal). C’est ce dernier point qui constitue la nouveauté et l’étrangeté —essentielle de cette conception par rapport au Talmud et à la philosophie juive du Moyen Age. 44. Voir supra, pp. 14-16. 45. Les dix Sefirot sont dix médiations qui relient l’En-Sof, l’Infini, au cosmos fini. Elles sont des émanations, des formes manifestées de la Divinité. Les trois premières Sefirot sont dans l’ordre Keter, Hokhma et Bina. 46. La procession différenciée des êtres commence par Bina : elle est à l’origine de toute réalité. D’où l’identification fréquente chez les cabbalistes de Bina et de Teshuva. 47. Cf. Zohar 3, 123a, b ; 3, 15b, 16a. Dans beaucoup d’ouvrages, l’œuvre de réunification est exposée en se fondant sur une exégèse des rapports des lettres du Tétragramme. Cette identification est la principale nouveauté introduite par la Cabbale dans le thème de la Teshuva. Voir Y. Tishby : Mishnat haZohar, op. cit., vol. 2, pp. 735 sq. 48. La Teshuva préexistante est l’entité Bina. C’est à partir d’elle que « la lumière du Retour éclaire la conscience du repentant » (Perush ha’Agadot leRabbi "Ezri’el, p. 96). 49. Voir supra, p. 20. 50. Cf. Zohar 1, 134b. 51. Moshé Cordovéro (1522-1570), Le Palmier de Débora, introduction, traduction et notes de Charles Mopsik, Éd. Verdier, Paris 1985, p. 41 et pp. 88-90. 52. Communément appelé ‘Ari, 1534-1572. 53. Le processus de l’exil et de la rédemption est un drame qui se joue dans la vie de la Divinité. Le Tiqun concerne bien sûr le peuple juif et chaque membre de ce groupe, mais vise en fait le rétablissement de l’harmonie parfaite en Dieu lui-même. 54. Dans les deux cas il s’agit d’une remise en question de la solution d’intégration et d’assimilation que l’émancipation semblait avoir ouverte aux juifs. Tous ces penseurs sont unanimes pour attribuer au groupe, à la collectivité, une spécificité —nationale, culturelle, spirituelle, morale —qu’ils reprochent à l’émancipation d’avoir dissoute. Une réorientation s’impose qui s’engage autour de l’idée centrale de Teshuva. Cf. André Neher, Ils ont refait leur âme, Éd. Stock, Paris 1979.
55. Hermann Cohen, 1842-1918. Un des fondateurs de l’école néokantienne de Marburg. Mais il s’écarte progressivement d’une compréhension de la morale comme respect de la loi pour affirmer que l’individu ne se constitue en personne morale que par référence à l’autre, le prochain, et en corrélation avec l’Autre, Dieu. Voir surtout : Religion de la Raison —tirée des sources du judaïsme, trad, française Marc B. De Launay et Anne Lagny, PUF, Paris 1994. 56. Franz Rosenzweig, 1887-1929. Dans son œuvre maîtresse L ’Étoile de la Rédemption (trad, française Alexandre Derczanski et Jean-Louis Schlegel, Seuil, Paris 1982), il esquisse une critique de l’esprit de totalité de la philosophie de Thalès à Hegel, à laquelle il oppose les catégories de la « nouvelle pensée » susceptibles selon lui de sauvegarder l’expérience vivante du penseur dans son irréductible singularité. 57. Seule la religion monothéiste permet de saisir le sens de l’individualisation de la responsabilité, contenu premier et essentiel d’une attitude religieuse authentique. 58. Le pardon de Dieu exige que l’individu humain se délivre soi-même du péché. « Nous avons cherché quelles étaient les étapes principales que le repentir aurait à franchir en s’accomplissant. Nous avons désormais la réponse essentielle : le repentir est autosanctification. Et tout ce que peuvent signifier le regret, la plongée dans les profondeurs du moi, l’examen de l’ensemble de notre vie, le refus et la conversion, la création d’un nouveau chemin d’existence, tout cela est rassemblé dans l’autosanctification. Elle recèle la force et la direction qu’elle doit emprunter afin de recréer le vrai je. La sainteté est le but. La sanctification de soimême, par soi-même, l’unique moyen. Et ce moyen recèle également le but tout comme le but recèle le moyen. Seul l’homme est en mesure d’accomplir l’autosanctification ; aucun Dieu ne peut l’y aider... C’est à l’homme qu’incombe la tâche ; elle est infinie parce que la solution est infinie » (Religion de la Raison, op. cit., p. 291). 59. Cohen met l’accent presque exclusivement sur la réconciliation et ne voit dans le cérémonial de l’expiation qu’un signe dénué d’importance spirituelle. Le travail moral qui s’effectue au cours du repentir est selon lui un travail strictement personnel qui s’accomplit sans aucune assistance extérieure. 60. Le Yom-Kippour est l’unique fête du calendrier analysée dans cet ouvrage et le thème du pardon le seul sujet qui ait droit à deux chapitres. Ceux-ci occupent significativement le centre géométrique du livre (chap. 11 et 12). « Le pardon est donc une pierre d’angle du monothéisme. On comprend que le judaïsme fasse du pardon le centre de tout le culte, et que lui soit
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consacré un jour de fête particulier... En ce jour, l’individu comme la communauté doivent atteindre leur sommet et en témoigner » {Religion de la Raison, op. cit., p. 305). 61. Il reconnaît cependant un rôle privilégié au christianisme. Son rôle missionnaire consisterait à porter le message du judaïsme aux nations. Il importe en tout cas que le juif sauvegarde scrupuleusement sa propre personnalité, ferment et aiguillon indispensables au salut du monde. 62. On notera le parallélisme de cette double démarche : le retour vers le judaïsme coïncide avec le projet délibéré de l’élaboration d’une nouvelle pensée, à la fois plus humble et plus sûre, en rupture avec l’arrogance de la philosophie d’« Iona à Iéna ». Il s’engage ainsi sur une voie ouverte, une route audacieuse qui doit lui permettre de s’échapper d’un système clos et fermé sur lui-même. 63. Ces réflexions nous semblent capitales pour saisir le point de vue de Rosenzweig sur la Teshuva et sur les mesures de prudence, de patience et de maturation qu’il recommande. Elles sont développées dans une lettre adressée à Buber en 1923 dans laquelle il plaide avec force pour la réintégration de la mitsva en vue d’une meilleure et plus authentique approche du judaïsme. Ce texte reproduit dans Kleinere Schrifien (Berlin 1937, pp. 106-121) sous le titre « Die Bauleute » a paru en trad, française (« Les Bâtisseurs ») dans Les Nouveaux Cahiers, Paris, n° 32, pp. 44-52. 64. Interrogé s’il mettait les Tefilin, il répond : « pas encore ». Il démontrait ainsi sa volonté de principe de se soumettre à l’ensemble de la Loi mais de ne le faire que progressivement selon le rythme interne de son évolution personnelle. 65. On pourrait peut-être également déceler une progression dans la voie du « retour » qui mène de la doctrine de Cohen à celle de Rosenzweig. Alors que la première reste encore partiellement tributaire de l’idéalisme, la seconde remplace la notion de « corrélation » par celle de Berit (Alliance) et rompt sans équivoque avec la philosophie spéculative au profit de celle du dialogue. Pour Cohen l’initiative du rapprochement appartient à l’homme tandis que chez Rosenzweig c’est l’irruption effectivement vécue et ressentie comme telle de l’amour divin qui ouvre à l’homme la voie vers le retour à Dieu, au prochain et au monde. C’est dans la même ligne, pensons-nous, que Buber et surtout A.Y. Heschel esquisseront une réponse aux désarrois du siècle et aux reniements du judaïsme, en affirmant que c’est Dieu qui est « en quête de l’homme ». 66. 1798-1878. Il fin un des précurseurs du sionisme religieux. À la suite de l’accusation de meurtre rituel connue sous le nom de l’Affaire de Damas (1840), il prend conscience que le retour dans la patrie ancestraie est « le seul remède aux malheurs incessants de l’exil d’Israël ». Il esquisse un programme d’action dans ce sens, lance un appel en vue de
la résurrection de la langue hébraïque et émigre lui-même à Jérusalem en 1871. 67· « Petah Kehudo shel mahat » (p. 3). Titre du livre d’après Cant. Rabba 5:3 : « Dieu dit à Israël : Ouvrez-moi une porte de Teshuva étroite comme un chas d’aiguille, et moi je vous ouvrirai un grand portail... » En d’autres termes : prenez l’initiative du retour, ma réaction ne tardera pas ! 68. T.B. Yoma 85a. 69. Cf. par exemple : J. Reiness : Or Hadash al Zion (New York 1885), Porte 9, chap. 1. « L’éveil des détachés de la Loi est une sorte de Teshuva collective. » Leur éveil au sionisme « ne provient nullement de leur détachement mais d’un reniement de ce détachement ». 70. L’introduction et les trois premiers chapitres ont été rédigés par l’auteur en vue d’un essai sur la Teshuva avant la guerre de 1914. Les autres chapitres ainsi que les titres afférents ont été réunis par le fils de l’auteur R.T.Y. Kook, extraits d’œuvres diverses du Rav et composés à différentes époques. L’essai fut publié en 1925 avec l’approbation enthousiaste de l’auteur, qui en recommanda très vivement l’étude attentive. Selon ses disciples il avait lui-même contracté l’habitude d’en méditer le contenu chaque année durant le mois d’Ellul, à l’approche des fêtes austères. L’ouvrage a connu de nombreuses rééditions et, à partir de la quatrième livraison, avec des ajouts que nous avons reproduits soit dans le texte soit dans les notes. Notre traduction a été effectuée à partir de la dernière édition, dite édition O r "Etsion (1987). Nous avons également reproduit en annexes quelques textes de l’auteur relatifs au thème de la Teshuva qui mettent en relief l’importance que l’auteur attachait à ce sujet. Il existe deux traductions anglaises de l’ouvrage : - Lights of Return, tr. par A.B.Z. Metzger, New York 1978 ; - « The Lights of Penitence » in Abraham Isaac Kook (The Classic of Western Spirituality), trad, par B.Z. Bokser, New York 1978. Notre traduction est la première présentation d’une œuvre du R. Kook en langue française. 71. Les difficultés de traduction et même de compréhension exacte du texte proviennent également de l’emploi d’une terminologie empruntée le plus souvent à la littérature cabbalistique mais dans laquelle le R. Kook projette une signification nouvelle différente de l’originale. L’auteur, imprégné de pensée cabbalistique mais désirant échapper à une formulation technique et un mode de réflexion par trop étrangers à un lecteur moderne, semble livrer une sourde lutte pour trouver un langage, qui sans altérer la saveur de l’original en rendrait le plus fidèlement possible le contenu. Seul ce contenu ancré dans l’exégèse ésotérique de la Tora lui paraît susceptible d’éclairer les événements contemporains et les problèmes
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qu’ils engendrent. Il se heurte cependant à la difficulté de l’exposer en un langage commun sans renoncer aux principes essentiels et spécifiques qui le fondent. « Quoique lorsque nous prenons la parole, le discours se refuse à nous, lorsque nous tentons de nous exprimer les notions se fondent dans le silence parce que nous ne parvenons pas à libérer la parole et à délivrer le mot —cependant ce n’est pas pour autant que nous reculerons et renoncerons à notre projet » (O.Q., vol. 1, p. 6). Cette démarche devait nécessairement avoir pour conséquence une certaine ambiguïté latente quant à la double signification aussi bien des termes que des contenus de pensée. Sur cette importante question voir : A. Steinsaltz, « La problématique de “ Orot haQuodesh ” » (hébreu), in Qovetz HaRayah, Édit. Ytshaq Rafaël, Jérusalem 1966. Et Y.L. Ashkenazi, « L’emploi des expressions cabbalistiques dans l’œuvre du R. Kook» (hébreu), in Yovel Orot, op. cit., pp. 123-128. 72. Newton formule la loi mathématique de la gravitation universelle, sans savoir ce qu’est la force de gravitation. La science étudie les rapports entre les phénomènes mais reste muette sur la nature du phénomène en lui-même. 73. O.Q., vol. 2, p. 540. 74. L’auteur s’attache ici à souligner la présence divine au monde sous la forme de la diffusion de son énergie dans tout ce qui existe. Grâce au rayonnement de l’émanation le monde se maintient dans l’être et persévère dans son dynamisme. Les différentes doctrines cabbalistiques avaient mis l’accent sur ce point. Il a été repris par le Hassidisme qui en a fait le fondement de sa conception de la Devéqut, la possibilité pour l’homme d’adhérer à la divinité à tout moment et en tout lieu. Bien que le R. Kook considère également que l’immanence divine soit la source de la nostalgie humaine de se rapprocher de la perfection et qu’il affirme que l’homme peut découvrir Dieu dans le tréfonds de son cœur, il prend soin, me semblet-il, d’établir une nette distinction entre le Dieu de la perfection absolue Dieu dans son essence transcendante —et la divinité à l’œuvre dans un monde en voie de perfectionnement. Cette distinction occupe une place centrale dans sa réflexion qui s’applique à ne pas glisser dans la doctrine païenne du panthéisme et critique expressément de ce point de vue la pensée de Spinoza. La divinité quoique présente et active dans l’univers ne s’identifie pas au monde, comme l’affirme le panthéisme. Dieu est à la fois immanent au monde puisque son essence le pénètre et transcendant à lui, non soumis à ses limites. La position de Dieu au-delà du monde maintient son absoluité dans la perfection de son essence éternelle plénière. Malgré ces affirmations qualifiées souvent de « panenthéisme » (terme inventé par C.F. Krause,
1781-1832) ; il distingue entre panthéisme —Tout est Dieu —et panenthéisme —Tout est en Dieu. Cf. R.M. Cordovéro : « Dieu est tout être et tout être n’est pas Dieu », Alima Rabati 24d. Voir G. Scholem, Les Grands Courants, op. cit., p. 411, note 19), le R. Kook va parfois jusqu’à considérer le perfectionnement comme un aspect intrinsèque de la perfection : « Il est impossible qu’un surcroît d’élévation éternelle fasse défaut à la perfection absolue » (O.Q., vol. 2, pp. 548, 552). Il n’en reste pas moins que si « la lumière du monde » ne dérive pas nécessairement de l’essence divine mais provient d’une libre décision de sa volonté, on peut affirmer que cette doctrine est dans la ligne des théories traditionnelles qui établissent une différence de nature radicale entre Dieu et le monde. (Cf O.Q., vol. 2, p. 399. Les théories qui empruntent le langage de la Cabbale expriment la même idée en distinguant entre l’Infini et la Volonté divine. C f R Shnéur Zalman de Ladi, Lyqutey Amarim, chap. 6 et 7.) Ces considérations amènent l’auteur à se démarquer par rapport à la philosophie de Spinoza. S’il approuve certains éléments de cette « doctrine aristocratique » fondée sur des concepts immuables et univoques, il rejette par contre catégoriquement les tendances païennes quelle recèle. ('!Eder Yaqar, p. 133 ; comparer cette critique à celle de Hermann Cohen, Jüdische Schriften, vol. 3, Berlin 1924, pp. 359-372). Spinoza a certes conservé du judaïsme la profonde aspiration à rechercher la proximité du divin, à y adhérer et à approfondir la notion de son unité. Mais un intellectualisme outrancier a perverti sa recherche et corrompu le monothéisme juif en panthéisme en l’amputant du fondement irrationnel qui est la source de tout processus logique fécond. Sa conception moniste qui identifie Dieu et le monde ne laisse aucune place à la liberté, à la distance qui maintient en éveil le désir de connaître sans jamais en abolir l’horizon. En s’appliquant à percer les aspects cachés de la substance divine, il a méconnu la dynamique de la relation de Dieu au monde, la valeur éminente du perfectionnement et des moyens idéaux qui permettent à l’homme dans une démarche que l’on peut qualifier d’asymptotique d’exercer sa liberté. La compréhension du lien entre Dieu et le monde comme relation non nécessaire mais soutenue par la puissance de la volonté divine permet de rendre compte, comme nous l’exposerons par la suite, de la place de l’homme dans le monde et du rôle d’Israël dans l’univers. 75. Voir supra, Liminaires, p. 28. 76. Cf. Scholem, op. cit., pp. 282 sq. ; O.Q., vol. 1, p. 105 ; id., vol. 2, p. 349 ; Genèse Rabba 3:7. 77. O.Q., vol. 2, p. 537 ; id., vol. 3, p. 143. 78. Voir supra, note 3, p. 193. 79. Ps. 104:31. 80. Le R. Kook s’oppose (note 74) à Spinoza parce qu’il supprime toute distance entre Dieu et le monde et refuse toute valeur positive au temps.
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Mais d’autre part il reproche à Bergson, autre philosophe d’origine juive, malgré son rapport affirmatif au temps de ne fixer aucun but défini à l’évoludon et de la priver ainsi de sens. L’auteur de L ’Évolution créatrice exclut en effet l’idée d’un créateur transcendant et par conséquent également celle d’une finalité providentielle : toute réflexion sur l’origine et la fin est étrangère à sa pensée et relève d’une logique spatialisante. Pour lui c’est l’évolution qui est créatrice, tandis que pour le R. Kook c’est la création qui est évolutionniste et converge vers une finalité d’ordre spirituel déjà en puissance dès les premiers éléments de la vie. L’évolution est orientée pour la production de formes non seulement plus complexes mais également dotées d’une qualité de valeur morale supérieure et cela concerne aussi bien les espèces particulières que l’ensemble de l’univers. Les deux auteurs sont d’accord pour réserver une place centrale à la théorie de l’évolution dans leurs doctrines métaphysiques mais divergent quant à leur appréciation de ce processus. Pour Bergson l’élan vital projeté dans le monde vers des formes vitales toujours plus élevées anime et soulève l’univers. Mais selon quel critère faut-il évaluer cette « élévation » ? Ne fautil pas admettre au-delà du phénomène un critère extérieur qui permette d’en apprécier la signification ? La finalité de l’aspiration de l’univers à son perfectionnement nous fait découvrir selon le R. Kook l’essence de la réalité comme progrès moral permanent. Pour Bergson l’idée d’un temps accompli relève de l’absurde, puisqu’elle vide le temps de son caractère essentiel, !’imprévisibilité. Elle est par contre capitale pour le R. Kook, car la contemplation de l’avenir vers lequel tend le développement est à la base de sa vision morale optimiste de l’univers et porte en elle l’espérance du monde. On peut rapprocher cette interprétation métaphysique de l’évolution, et en particulier la compréhension de l’univers comme un processus finalisé qui a sa source et son but en Dieu, des conceptions du philosophe catholique Pierre Teilhard de Chardin. Pour ce dernier également l’évolution provient d’une source supérieure et ne peut d’aucune façon être le produit d’un mécanisme aveugle de la matière : elle est déterminée par ce qui la transcende. (Cf. Hugo Bergman, Teilhard de Chardin verayon hahitpathut (« T. de Ch. et l’idée de l’évolution », hébreu) in Anashim wederakhim, Tel-Aviv, 1967.) La présentation originale du R. Kook consiste dans le fait qu’il rattache ce phénomène d’une part à l’idée cabbalistique de l’émanation descendante, et d’autre part aux théories modernes de l’évolutionnisme sur l’évolution progressive ascendante : c’est le processus du retour, celui de la Teshuva cosmique. 81. Le R. Kook exprime sa méfiance envers toute pensée détachée des forces vitales et de l’existence concrète. En figeant le mouvement de la vie elle perd en clarté et en spiritualité. Sur ce point sa position est proche de celle de Bergson. (Cf. La Pensée et le Mouvant, PUF, Paris, 1975, p. 75.) Elle suit le schéma cabbaliste de la relation entre les deux Sefirot supé
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rieures. La volonté divine est la source de la volonté humaine tandis que la sagesse divine est la source de la raison humaine, la première précédant et nourrissant la seconde, lui donnant force de vie et de spiritualité créatrice. Cf. O.Q., vol. 3, pp. 108-110. Liberté et déterminisme sont ancrés dans deux principes du monde divin qui se retrouvent à tous les niveaux de la réalité. Tout ce qui existe a donc un fondement de liberté et de nécessité. Comme on le voit, il ne prône nullement un irrationalisme, mais suspend la connaissance à ce qui lui donne naissance, la volonté de connaître, qui la maintient et renouvelle constamment son aspiration. 82. L’œuvre maîtresse de Schopenhauer a eu une influence marquante. Elle a notamment initié à la philosophie Nietzsche, Freud, Tolstoï, Proust et Thomas Mann. Elle coïncide avec l’épanouissement du romantisme en Allemagne et exprime déjà le nihilisme de ce siècle et le vide d’un monde sans Dieu. Pour une étude plus approfondie des rapports entre l’ontologie schopenhaurienne et le judaïsme (en particulier sur le péché et la rédemption), on se reportera aux travaux de E. Amado Lévy-Valensi, Les Niveaux de l ’Être, PUF, Paris 1962, pp. 262-279 et Le Temps dans la vie morale, Éd. Vrin, Paris 1968, chap. 3. Cf. O.Q., vol. 2, p. 484 : « La conception de la volonté définie par Schopenhauer n’est en elle-même pas éloignée de la nôtre. Son erreur consiste seulement à la comprendre comme constituant toute la réalité, alors qu’elle n’est en fait qu’une vision partielle. » L’examen de la doctrine de Nietzsche sur l’éternel retour illustre à quel point la réflexion du R. Kook sur la Teshuva se confronte aux problèmes essentiels du mouvement de pensée de l’époque. Zarathoustra appelle également l’homme à se surmonter soi-même afin de libérer son vouloir de toute entrave. Ne reconnaissant cependant aucune finalité vers laquelle elle devrait tendre, la volonté fait du surhomme la forme pure du nihilisme. « La volonté aime encore mieux vouloir le néant que de ne pas vouloir. » Déclaration de Nietzsche que M. Blanchot commente en ces termes : « Le surhomme est celui en qui le néant se fait vouloir et qui maintient, libre pour la mort, cette essence pure de sa volonté en voulant le néant. » (L'Entretien infini, Gallimard, Paris, p. 222.) Comme le suggère Blanchot à la suite de Karl Lôwith, c’est ce nihilisme qui explique qu’un homme moderne comme Nietzsche en soit venu à reprendre cette très vieille idée de l’Éternel retour qui traînait déjà chez Héraclite, et à y voir la pensée la plus angoissante propre à bouleverser le monde. Le vouloir totalement libéré se heurte en effet selon Nietzsche au roc du fait accompli du passé qu’il ne peut déplacer et qui entrave lourdement son envol. « Pensons cette pensée sous sa forme la plus effrayante. L’existence, telle qu’elle est, privée de sens et de but, mais revenant inexorablement sans trouver sa fin dans le néant : voilà l’Éternel retour —la forme plus extrême
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du nihilisme. » On voit clairement comment l’idée de Teshuva, qui nous donne le temps comme accomplissement et assure la récupération du passé en fonction de l’avenir, est seule capable de nous libérer de la nature et de donner une signification positive à l’effort de civilisation de l’humanité en l’ancrant dans une éternité de vie. 83. O.Q., vol. 3, pp. 26, 39, 108. 84. Précisons qu’il s’agit de la volonté pure non déterminée par un contenu particulier, consentement à la vie qui est la manifestation de l’essence même de la vie. 85. « La morale, le droit et le bien sont le centre volontaire de tout le réel » (O.T., chap. 12, § 9). 86. O.Q., vol. 2, p. 314. 87. On peut rapprocher cette dialectique de celle soutenue par Pascal : « Nous n’avons ni bien ni vrai qu’en partie, et mêlé de mal et de faux » {Pensées 385). Mais dans l’ambivalence, une force, une lumière intérieure pousse à la résolution de l’ambivalence. Voir O.Q., vol. 2, p. 395. 88. Cf. « L’événement qui permet à l’homme de ressentir que la création n’est pas achevée mais en constant devenir, développement et élévation, est un fait qui l’emporte d’en dessous du soleil vers l’en dessus du soleil, d un lieu où rien de neuf ne se produit vers un lieu où il n’y a rien d’ancien, où tout se renouvelle, où règne la joie de la terre et du ciel, comme au jour de leur création » (O.Q., vol. 2, p. 517). 89. La « faute » résulte de l’état « normal » de la distance qui sépare l’homme de Dieu, tandis que le péché est un approfondissement et un renforcement de cet éloignement. La faute s’attache à tout homme : lorsqu’il prend conscience du processus cosmique il s’engage dans un mouvement de repentir qui témoigne de son sens de la responsabilité. Ce repentir concerne même le juste. Il est en faute non pour ce qu’il a fait mais pour tout ce qu’il n’a pas encore accompli en vue de son perfectionnement. « Le processus de l’élévation des petites choses à la grandeur ne s’arrête à aucun moment. C’est la Teshuva totale par laquelle même des justes accomplis s’élèvent au niveau des maîtres du repentir » (O.Q., vol. 3, p. 262). Le péché porte sur une infraction particulière par la pensée ou des actes, et le repentir y afférant se limite à la volonté de les réparer. Ce stade peut être dépassé par un repentir plus général auquel le péché sert de tremplin pour s’élever à un niveau plus haut encore qu’auparavant. Dans cet essai, l’auteur examine dans le détail chacune de ces circonstances, les classe et les analyse en fonction des sources traditionnelles et des implications psychologiques, morales et métaphysiques qu’elles comportent. 90. La concentration intérieure par laquelle l’homme rejoint le projet
divin réalise l’union entre la raison et la volonté (cf. O.Q., vol. 2, p. 430). Sur le plan cosmique comme sur le plan humain, ces deux aspects de la réalité réalisent ensemble la restauration de l’univers (cf. A.T., p. 34). « La tâche suprême de l’individu consiste à élever les forces naturelles de la vie, celles de la volonté qui sont intrinsèquement liées â celles de la pensée rationnelle » (O.Q., vol. 3, p. 86). 91. Il importe dans le cadre du monisme de la totalité de souligner l’importance de ce subjectivisme. L’individu ne peut être totalement luimême qu’en adhérant au tout dont il fait partie. (Cf. O.Q., vol. 1, pp. 165, 166.) En s’aimant l’homme est capable de répandre le bien qui est en lui sur tout ce qui l’entoure. 92. Voir A.T., p. 13 et p. 60. Cf. « La volonté est l’essence de la vie » (O.Q., vol. 3, p. 75). La volonté est la première manifestation de l’essence spirituelle de l’homme dont dépendent toutes les autres. La Teshuva consiste à donner à cette capacité active toute l’expansion possible : c’est sur ce point intensif que l’attention et l'effort doivent se concentrer. La restauration du monde dépendant de cette volition, il est de la plus haute importance de ne jamais briser cette force élémentaire. Voir O.Q., vol. 3, p. 75 sq. Ce point de vue intervient d’une façon particulièrement remarquable dans les théories sur l’éducation développées par l’auteur : il ne faut jamais affaiblir la spontanéité vitale. 93. O.T., chap. 15, § 10. Ce principe s’applique à toute chose, individu, peuple, humanité, qui s’écarte de sa véritable nature et perd ainsi une part de son indépendance. « S’il n’y a pas de moi, il n’y a pas d’il et à plus forte raison il ne peut y avoir de tu » (O.Q., vol. 3, pp. 140, 141). L’aliénation, l’étrangeté à soimême, est la racine de toute faute. L’auteur remarque cependant que nous ne pouvons avoir une connaissance précise de la propre spécificité de notre nature et a fortiori de celle d’autrui. A l’instar de la « chose en soi » nous ne pouvons en avoir qu’une connaissance intuitive (O.Q., vol. 3, p. 119). 94. O.T., chap. 5, § 5. 95. Le sujet du mal a fait l’objet d’analyses variées selon les différents courants de la Cabbale. Le R. Kook semble suivre la doctrine du Zohar telle que l’a présentée le Hassidisme. Voir Y. Jacobson, La Pensée hassidique, trad. C. Chalier, Éd. Cerf, Paris 1989, chap. 12. 96. O.Q., vol. 2, p. 475. 97. La force cachée dans l’intensité de la volonté des méchants est parfois plus proche de la sainteté que l’inertie et l’indifférence ou la recherche de l’intérêt et du gain. 98. Pour la conscience de la faute, quel que soit le système de référence, il ne fait que traduire selon des expériences diverses un fait existentiel irré
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ductible à toute analyse, celui de la subjectivité primitive de chaque être, son intériorité radicale et absolue. 99. Il faut comprendre que le mal n’est pas une partie de l’essence de la réalité. Lorsque son « étincelle » positive est mise au service du bien, sa perversion n’aura été qu’apparente. La Teshuva permet justement de saisir cette essence véritable du réel au-delà de ses manifestations superficielles. Le point extrême de la volonté est aussi celui de la plus grande clarté de l’entendement. 100. O.T., chap. 16, § 2. La peur engendre la faute et elle se trouve renforcée à la suite de la transgression. Elle est toujours le symptôme d’un recul de la vitalité qui provoque mélancolie et angoisse, refus de la vie comme combat. Le repentir au contraire est une puissance biologique et un élan spirituel suscités par une force transcendante. Il implique l’appréhension d’un plus-être, source et ressource inépuisable d’espérance et de joie. 101. La faute n’est pas niée, mais assumée et dépassée. Le R. Kook insiste surtout sur la nécessité, en cas de remords et de regret, de ne pas rester rivé à l’échec afin de ne pas glisser dans le désespoir. Il faut mener cette première ébauche de responsabilité vers l’au-delà de la faute pour la dépasser. Dans ce processus il attache une forte importance à la réparation des fautes commises envers le prochain, spécialement le vol et tout ce qui porte atteinte à son indépendance (O.T., chap. 8, § 14). Il recommande également l’approfondissement de la « sagesse sainte » (Hokhmat haQodesh) qui favorise l’éclosion du pouvoir de la volonté (O.Q., vol. 1, p. 260). 102. La question du rapport du temps et de l’éternité est évoquée dans l’œuvre du Rav surtout à l’échelle de la divinité, à propos de la description des rapports entre Dieu et la création. « Pour Dieu le temps est éternel et en conséquence non temporel. Cependant il n’est pas dénué pour autant des qualités qui caractérisent le temps en tant que tel... (O.Q., vol. 2, p. 527 ; voir également A.T., p. 37). Du point de vue divin seule l’éternité existe et la création est un acte continu et éternel. Mais le monde créé par Dieu évolue dans les limites temporelles d’un temps morcelé. Ce paradoxe s’explique par l’action de la volonté divine qui œuvre d’une façon permanente dans le monde. Dans la réalité les deux principes éternité et temporalité agissent simultanément. Rejetant expressément la position de Spinoza - qui ne prend en considération que la plénitude de l’être —de même que celle de Bergson —qui préférencie le devenir —, le R. Kook soutient, malgré le paradoxe logique (« la vie se joue des contradictions »), la simultanéité des deux représentarions. À l’échelle du monde et de l’homme nous retrouvons un rapport identique mais dans l’ordre inverse. En paraphrasant le texte ci-dessus on peut affirmer que pour l’homme le temps se présente selon une structura-
don morcelante. Cependant il n’est pas dénué pour autant des qualités qui caractérisent l’éternité en tant que telle. Le R. Kook manifeste sans conteste un rapport affirmatif au temps dans lequel il voit la possibilité offerte à l’homme d’aller au-delà de ce qu’il est, mais à condition qu’il choisisse une représentation du temps qui corresponde à son exigence profonde d’unité. C’est à propos de l’analyse du phénomène de la Teshuva qu’il évoque cet aspect du temps comme éternité de vie. Nous avons tenté d’en dégager toutes les implications. 103. O.T., chap. 7, § 2. Voir texte, note 97, p. 233. 104. Id., § 3. Voir texte, note 99, p. 234. 105. La liberté, s’écartant du monde phénoménal soumis à la loi naturelie, est selon lui absurde au regard de la raison. La conscience humaine en a cependant l’intuition, et elle se clarifie dans l’acte du choix dans l’âme sentante et pensante. 106. Cf. Orot, p. 102 sq. 107. La définition de «Knesset Ysraël» (communauté d’Israël) repose également et sans doute même essentiellement sur divers enseignements de la Cabbale. Voir texte, note 71, p. 226. 108. Sur le temps de l’Alliance voir A. Neher, L’Existence juive, Seuil, Paris 1962, pp. 17-26. 109. Voir supra, note 104. La sainteté n’est pas une sphère au-dessus et en dehors de la vie, mais un renouveau de l’unité de la vie. Par le retour dans sa terre, le peuple réalise une nouvelle synthèse de la nature et de l’esprit. 110. Le thème de la repentance a été pensé dans la littérature juive classique principalement sous l’angle du repentir individuel portant sur une ou plusieurs fautes spécifiques. Bien que le point de vue collectif ne soit point absent de ces considérations, il occupe cependant dans la réflexion du R. Kook une place bien plus éminente. Il faut sans doute attribuer cet intérêt à la dimension collective de la Teshuva à l’attention qu’il porte à l’actualité et à l’espoir qui l’anime quant à la possibilité effective d’un tournant décisif dans l’histoire de la nation. Il est intéressant de comparer ce point de vue avec celui de Maïmonide. Ce dernier fait mention de la Teshuva collective dans Code, Hilkhot Teshuva 2:6 et 7:5. « Israël n’obtiendra la rédemption que par la pénitence. La Tora assure en effet qu’Israël fera pénitence à la fin de l’exil et qu’ils seront alors immédiatement délivrés. » Cette promesse dérive de la foi de la Tora en ses propres principes : victoire de la raison et de l’obéissance à la Loi. 111. Idée voisine exprimée par Bergson : « Tous les vivants se tiennent, et tous cèdent à la même formidable poussée... et l’humanité entière, dans l’espace et dans le temps, est une immense armée qui galope à côté de chacun de nous, en avant et en arrière de nous, dans une charge entraînante
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capable de culbuter toutes les résistances et de franchir bien des obstacles, même peut-être la mort» {L’Évolution créatrice, in Œuvres, PUF, Paris 1970, pp. 724, 725). 112. C’est la volonté élevée par la pensée à la pleine conscience, qui est susceptible de porter l’homme au-delà de lui-même. Il y a un plus-être intérieur à l’être qui doit être libéré, chez l’individu comme dans la société, qui pousse le réel vers un dépassement absolu. 113. L’affirmation de la mortalité de tout homme est une induction amplifiante dépourvue de fondement expérimental, et doit être considérée de ce fait comme une hypothèse et non comme une vérité établie et définitive. La vérité d’un syllogisme ne réside d’ailleurs nullement dans l’exactitude des prémisses mais dans le passage des principes à la conclusion. D’où la stérilité d’un tel raisonnement purement formel. 114. Deut. 30:19. 115. W. Jankélévitch, La Mort, Paris 1966, p. 170. 116. La tradition philosophique telle qu’elle s’inaugure dans le Phédon traite bien de cette question. L’âme parvient à l’immortalité lorsque délivrée du corps elle est pensée pure contemplant les Idées. L’éternité est conçue comme une idéalité logique. La mort serait ainsi l’accomplissement même de l’idéal philosophique. L’idéalisme platonicien comme le dualisme cartésien annoncent le manichéisme hégélien et expriment en fait un renoncernent à transformer le monde en faisant éclore en lui, ici-bas et non ailleurs, le monde spirituel à advenir. Pour Platon « la vie n’est qu’un flux perpétuel à la mort » {Gorgias, § 32 et § 154). Heidegger, plus radicalement encore, insiste sur la finitude absolue et essentielle de l’être humain. La mort est sa possibilité la plus authentique, l’existence humaine étant une existence-pour-la-mort (voir texte, note 225, p. 254). Mais c’est peut-être surtout dans la littérature de l’Occident moderne que l’on trouve l’écho de cet attrait du funèbre et de cette étrange comptaisance pour la mort (voir à ce sujet Huizinga, Le Déclin du Moyen Age, trad.fr., pp. 164-180). Baudelaire, par exemple, n’exprime-t-il pas ce complexe bien moderne et ce profond parti pris lorsqu’il déclare : « C’est la mort qui console, hélas ! et qui fait vivre » ? La soumission de la vie à la mort dérive également d’une façon plus générale de l’acceptation de la nature comme référence absolue et ferme demeure. L’expérience diasporique devait enseigner à Israël, à travers des millénaires d’épreuves, à vivre aussi contre la nature et à résister aux projets d’extermination collective en faisant face à une menace de mort constante par une vitalité à proprement parler sur-naturelle. Existentiellement Israël sait que la mort ne fait pas vivre et qu’elle ne
console pas de la mort. « La dilection, dit le Cantique des cantiques (8:6), est aussi forte que la mort. » 117. Expression de Paul Celan (in Strette, Le Méridien). Citée par E. Lévinas, Noms propres, Fata Morgana, Montpellier 1976, p. 64 : « ... c’est dans la clarté de l’utopie que se montre l’homme ». 118. On comprend qu’il ne s’agit pas ici du problème de l’immortalité de l’âme séparée de son enveloppe corporelle ni de la continuation de la vie sous une forme quelconque, dans un autre univers. Le judaïsme a d’ailleurs généralement été assez discret sur ce sujet. Le R. Kook semble parler du monde d’ici-bas mais où, au sein même de l’histoire, une humanité régénérée trouverait son accomplissement dans le cadre d’une vie libérée des aliénations. F. Rosenzweig, à la recherche d’une « nouvelle pensée » qui rendrait possible une vie éternelle qui ne soit pas une abstraction par rapport aux valeurs de ce monde, débute sa critique du système pétrifié de la philosophie conceptuelle de « Iona à Iéna » précisément par une réflexion sur la mort : « La mort, la crainte de la mort, amorce toute connaissance du Tout. Rejeter la peur du terrestre, enlever à la mort son dard venimeux, son souffle pestilentiel à Hadès, voilà ce que n’ose faire la philosophie... Elle abandonne le corps à la merci de l’abîme mais l’âme libre prend son envol pour s’enfuir au loin. Que l’angoisse de la mort ignore tout d’une telle séparation en âme et corps... peu en chaut à la philosophie... L’homme n’a aucune envie de s’évader de quelque lieu que ce soit : il veut subsister, il veut... vivre » (L ’Étoile de la Rédemption, trad, fr., op. cit., p. 11). 119. L’augmentation de la durée de la vie grâce au développement de la science doit être considérée comme un progrès dans ce sens, mais il ne pourra être vraiment effectif que par une intensification de la Teshuva. Voir O.Q., vol. 2, p. 381. 120. O.T., chap. 11, § 3. Cf. Is., 25:8 : « L’Éternel abolira la mort à jamais. Il effacera les larmes de dessus tous les visages et enlèvera l’opprobre de son peuple de dessus toute la terre. » 121. O.Q., vol. 2, p. 386. « C’est à cette tâche que nous sommes conviés et c’est pour elle que nous menons le combat. Aucun échec n’entravera notre marche vers ce but suprême que nous portons dans notre âme spirituelle. Nous le réaliserons par étapes, nous franchirons les obstacles, et nous parviendrons à conquérir cette liberté pour laquelle nous vivons » {id., p. 384). 122. Id., p. 385. « L’histoire humaine ne débute pas par les réalisations de l’homme consécutives à la chute. Le fondement de la réalité humaine réside dans son existence supérieure lorsqu’il était illuminé par la lumière spirituelle selon l’essence véritable de son âme. Si l’homme n’était pas tombé dans les rets
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de l’oubli et n’avait pas relâché son aspiration vers l’absolu, la vie elle-même, conformément à sa finalité ultime, à sa noble destination, n’aurait pas dû s’interrompre. Pourquoi l ’âme spirituelle ne continuerait-elle pas toujours à animer le corps ?» (souligné par l’auteur). 123. Id, p. 377. 124. Dans la Cabbale classique le monde des Sefirot reproduit la vie de la divinité et décrit les attributs de Dieu dans sa relation au monde. L’interprétation hassidique de la Cabbale, influencée peut-être par les oeuvres de R. M.H. Luzzato, déplace l’accent de la théosophie et de la cosmologie à la psychologie et au comportement de l’homme. La disposition sefirotique structure également l’âme humaine, déterminant ainsi le lien profond qui unit l’homme à l’univers et à Dieu. À chaque étape du monde théosophique correspond un état de l’âme, d’où l’importance accordée à l’orientation de la vie personnelle et collective de l’homme et à son influence sur le destin de l’univers.
LES LUMIÈRES DU RETOUR Introduction 1. Le terme même de Teshuva (repentir) a été forgé par les maîtres du Talmud, mais il est incontestable que le concept a son origine dans la Tora et les Prophètes. Il s’agit en effet d’un principe de base de l’idéal éthique du judaïsme. Cf. Maimonide, Code, Hilkhot Teshuva, 5:3 : « C’est un principe essentiel, un pilier qui soutient la Loi et les Commandements. » De même Guide, 3:36 : « Il est évident que la pénitence... fait partie des idées qu’il faut admettre pour qu’il puisse exister une société religieuse bien organisée. En effet, il est impossible que l’homme ne pèche pas... Si donc on pouvait croire que ce mal est à jamais irréparable, il persisterait dans son erreur, et peut-être même pécherait-il davantage, n’ayant aucun moyen [de réparation] ; mais en croyant à la pénitence, il se corrigera et redeviendra meilleur et même plus parfait qu’il n’avait été avant de pécher... » 2. Cf. T.B. Qidushin 49b. Un individu qui s’engage à épouser une femme, mais fait dépendre cet engagement du fait qu’il soit un juste parfait, son engagement est absolument valable. Même s’il est un scélérat au moment de se prononcer, on estime qu’il a pu avoir une intention de repentir et celle-ci prend effet immédiatement. La moindre pensée de repentir est donc considérée comme un début de l’accomplissement de ce devoir. 3. Voir I. Jacobsohn, Bina baMiqra, Tel Aviv 1955, pp. 206-209 ; I. Jacobsohn, Hazon haMiqra, Tel Aviv 1958, vol. 2, pp. 122-144 ; E. Kaufmann, Toldot haEmuna haYsraélit, Tel Aviv 1962 (5' édit.), vol. 2,
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pp. 285 sq. et 674 sq. ; E.K. Dietrich, Die Umkehr (Bekehrung und Busse) im A. T und im Judentum, Stuttgart 1936. 4. C.G. Montefiore, Rabbinic Conceptions of Repentance, J.Q.R XVT, 1904, pp. 209-257 ; S. Schechter, Some Aspects of Rabbinic Theology in the First Centuries of the Christian Era, 1927, vol. 1, pp. 460-534 ; A.Y. Heschel, Tora min haShamayim beaspaqlaria shel haDorot, vol. 1, Londres-New York 1962, pp. 143-147 ; E.E. Urbach, ΉαζαΙ Pirqé Emunot weDéot, Jérusalem 1969, pp. 408-415. 5. Voir Igrot, lettre 378, en appendice à ce volume, infra, p. 178. 6. La création littéraire a pour objet de décrire et d’analyser les états d’âme. Elle contribue de cette manière à la prise de conscience de la richesse et de la profondeur du psychisme humain et peut jouer un rôle capital dans l’élargissement et le progrès de la conduite : « Plus un homme est grand, plus il se doit d’aller à la recherche de son moi... jusqu’à ce que enfin son âme spirituelle lui devienne apparente » (O.Q., vol. 2, p. 270). En découvrant la nature essentielle de son âme l’homme peut en reconnaître l’essence divine et découvrir la présence de la divinité en lui-même. Ce foyer intime est révélateur d’absolu. (Cf. « car si l’homme aime sa propre vie, il aimera Dieu qui est la Vie de la vie, la Vie de toutes les vies, et de sa propre vie en particulier », R. Shnéur Zalman de Ladi, Tora ‘Or, p. 52b.) C’est dans ce sens qu’il faut comprendre le verset des Psaumes « Lumières de Dieu, l’âme de l’homme » (20:27). « Le rôle principal du repentir qui illumine d’emblée les zones obscures, est le retour vers soi-même, vers la racine de son âme, ce qui entraîne aussitôt le retour vers Dieu, l’Ame de toutes les âmes, et une progression continue, de plus en plus haut, en sainteté et en pureté » {infra, chap. 15, § 10 ; voir également chap. 14, § 11). Cf. "Olat Rayah, vol. 2, p. 3 (Introduction au Cantique des cantiques) : « Tant qu’il reste même une seule impression gravée dans les profondeurs de l’âme qui n’a pas été actualisée, il est du devoir de l’art de l’exprimer. » Porter à la claire conscience ce qui reste encore obscur dans le tréfonds de l’âme, c’est le repentir ultime, la réparation suprême, c’est littéralement rendre à l’homme son âme. Ce qu’il y a de plus caché dans l’univers devient manifeste et se révèle. La création artistique d’une manière générale et la littérature en particulier ont un rôle important à jouer dans ce domaine : « Bien qu’elles tendent vers des sujets profanes et parfois même vers l’impureté », elles peuvent néanmoins servir « de voies d’accès vers la pureté supérieure d’une splendeur qualitative qui se manifestera dans le monde » (Arpiley Tohar, p. 30). Sur l’importance de la littérature pour la formation de l’esprit de la génération, voir Igrot haRayah, vol. 1, lettre 149, et vol. 2, lettre 497 ; ‘Orot, pp. 81-82. Sur le rapport de la littérature et la Teshuva, voir infra, chap. 8, § 10 ; chap. 10, § 11 ; chap. 17, §§ 5 et 6.
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Chapitre 1 7· Le phénomène du « repentir » dans son sens le plus large se comprend à partir de la notion de loi. Toute transgression entraîne un déséquilibre et un dommage qui doivent être réparés pour permettre la poursuite harmonieuse de la vie. Ce qui est vrai d’une évidence expérimentale sur le plan de la nature l’est également dans le domaine spirituel, moral et métaphysique. 8. « Les lois de la nature, de la morale et de la Tora » se présentent toutes trois, quoique à des titres divers, comme des obligations normatives qui s’imposent à l’homme, dans le domaine individuel, comme dans le domaine social. Dans ces trois cas, le repentir selon la nature est dicté par la nécessité et l’utilité. 9. Cf. « La conscience morale nous remplit entièrement. Nous aspirons à vivre une vie pure, notre imagination renforce le désir de notre cœur en nous projetant ce qui est le plus sublime et le plus beau, le plus pur et le plus noble. Notre désir intérieur voudrait que notre volonté soit en constance pure et sainte, que la direction de notre vie soit claire et orientée vers l’idéal le plus élevé » (Orot haTora, chap. 11, § 2). Inspiré par ce mouvement naturel, le repentir n’est pas dicté par une cause extérieure, mais suscité par un sentiment intérieur. Le moi souffre des défaillances dont il s’est rendu coupable. Cependant l’éveil de la conscience morale dépend de nombreux facteurs, et son contenu peut être trompeur et confus. 10. Cf. Is. 44:22 : «J’ai dissipé tes méfaits comme un brouillard et tes péchés comme un nuage. Reviens à moi, car je suis ton libérateur. » Sur le rapport entre la Teshuva et le pardon, voir Heschel, op. cit., pp. 143-147· 11. T.B. Yoma 86b: «Grand est le repentir, car par lui les fautes commises avec préméditation se transforment en mérites... » L’auteur voit dans cette transformation l’essence même du repentir à son plus haut niveau. Le Bien n’est pas seulement l’absence du mal, mais le mal vaincu, récupéré et transformé. Le repentir tire le bien du mal. Cf. infra, pp. 236 (note 115), 238 (note 129), 245 (note 167), 246 (note 175) et 247 (note 181). Cette phase ultime du repentir ne répond à aucune causalité, elle correspond à une mise en œuvre de tous les moyens pour la réalisation du projet vital divin. Aspiration désintéressée, qui est à proprement parler l’amour. Chapitre 2 12. La caractéristique de cette forme de repentir est la soudaineté, soulignée par le fréquent emploi dans ce paragraphe et dans d’autres parties de
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cet essai d’expressions telles que : « aussitôt », « tout de suite », « immédiatement », « d’emblée ». Ce repentir ne s’édifie pas peu à peu, mais d’un coup, sans transition. Il s’agit en effet d’un instant, bref et fulgurant, où l’âme, parfaitement détendue, s’ouvre à la grâce transcendante de l’inspiration créatrice. Décision instantanée, dégagée de toute nécessité, inexplicable, où la liberté scintille, dans un éclair qui n’occupe aucun temps, de sa lumière infinie. 13. La seconde forme du repentir n’est pas l’explication rétrospective de la première ; elle est d’un ordre différent. Les moralistes distinguent dans le repentir progressif quatre moments successifs : reconnaissance de la faute, remords, réparation, décision pour l’avenir. Démarche immanente de la conscience morale, qui progresse selon des gradations régulières. Voir par exemple : Saadia al Fayumi, Livre des Croyances et des Opinions, chap. 5, § 4 ; Bahya Ibn Paqûda, Introduction aux devoirs des cœurs, 7e Portique, chap. 4 ; Maimonide, Code, Hilkhot Teshuva, chap. 2, § 2. 14. Après avoir présenté les deux formes du repentir, le chapitre analyse plus en détail le repentir soudain, qualifié ici de « repentir supérieur ». Dans cette seconde partie du chapitre l’auteur semble relier l’intention interne du repentir soudain au phénomène général de l’émanation du Bien dans le monde. Le repentir progressif sera étudié au chapitre suivant. 15. Le monde d’Atsilout est le premier stade de l’Émanation de l’EnSof. C’est de lui que procède toute vie et en premier lieu la vie de l’âme. Il représente l’infini de la volonté divine, qui échappe à toute causalité. L’âme de l’homme a pour origine ce monde d’où tout émane et vers lequel tout aspire à retourner. Selon l’école cabbaliste de Safed, il y a quatre mondes entre ΓΕη-Sof et le cosmos terrestre, entre l’infini et le fini, que tout élément créé doit forcément traverser : 1. "Olam haAtsilut (le monde de l’émanation) ; 2. "Olam ha Bery’a (le monde de la création) ; 3. "Olam ha Yetsira (le monde de la formation) ; 4. "Olam ha "Assya (le monde de la fabrication). Selon R. Itshaq Luria, le ‘Ari, le monde d’Atsilut est substantiellement identique à l’En-Sof. « L’âme du Tout a la clarté de la lumière d’Atsilut. » Cf. R. Shnéur Zalman de Lady : Liqutey Tora, Deut. 27a, et G. Scholem : « Hitpathut Torat ha "Olamot » (Développement de la théorie des mondes) in Tarbiz, vol. 2, pp. 415-422, et vol. 3, pp. 3366־. Voir aussi M. Cordovéro, Pardès Rimonim, chap. 16. 16. La mutation de la conversion est due à une ouverture de l’âme qui capte l’impulsion extérieure. L’auteur appelle amour ce saut qualitatif, ce passage aventureux du fini vers l’infini. L’impulsion extérieure est la transcendance divine à l’œuvre dans le monde. Appel, exigence qui rappellent à
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la conscience qu’elle ne dispose pas, du simple fait de son existence, de tout l’être - du tout de l’être ? -, qu’elle est capable d’accueillir. L’auteur précisera par la suite {infra, chap. 4) la qualité et l’origine de cette occurrence supplémentaire. Chapitre 3 17· Voir supra, note 14, p. 215. 18. L’humilité est la vertu cardinale de la vie religieuse en général, et du repentir en particulier. Cf. Bahya Ibn Paqûda, Introduction aux Devoirs des Cœurs, 7' Portique, chap. 8 : « La crainte de Dieu repose en son cœur, son âme est brisée ; il [le repentant] est humble et prosterné devant son Dieu. Son péché devient une source d’humilité, le réservoir où il puise l’énergie pour se soumettre à la volonté du Créateur. Il ne s’enorgueillit de rien ; ses actes lui apparaissent infimes et misérables ; il ne peut s’en glorifier, aussi est-il préservé du piège. Un tel pénitent est supérieur au juste qui ignore le péché et peut s’enorgueillir. On dit qu’il est des péchés qui valent mieux pour l’homme que toutes les justices du juste, et des justices qui causent plus de mal au juste que tous les péchés du pénitent, car celui-ci, faute d’humilité, peut devenir orgueilleux, hypocrite et sensible à la louange. » Un saint disait à ses disciples : « Si vous ne péchiez plus, je craindrais pour vous le plus grave des péchés. —Quel est le plus grave des péchés ? — L’orgueil et l’hypocrisie », répondit le saint. 19. Ps. 103:2-6. 20. Ne résultant pas de l’inaction, mais acquise à la suite de l’effort couronné de succès du repentir. Dans cette tranquillité se dissimule l’active force secrète de la plénitude. 21. Ps. 116:7. 22. Description inspirée par Ps. 51. 23. Is. 66:13. 24. D’après T.B. Sota 9b. « La présence divine tinte devant lui comme une clochette. » Cf. Zohar 2, 147a et 188b. L’esprit saint est le degré de développement suprême de toutes les qualités humaines et élève l’homme au-dessus de sa condition normale. Cf. O.Q., vol. 1, p. 268. À travers lui, au-delà des multiplicités visibles, il perçoit l’unité cachée de l’univers : tous les tons se fondent dans l’harmonie d’un son unique. 25. T.B. Yoma 86a. Le repentir est certes une aventure de la vie personnelle, sur le plan psychologique et moral. Mais au-delà de cet aspect subjectif il affecte la réalité tout entière. Le pénitent, en rejoignant le Tout, transforme, en même temps que son propre être, la condition humaine dans son ensemble et, avec elle, tout l’univers.
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Chapitre 4 26. Les différentes couleurs symbolisent les diverses manifestations apparentes de la gloire divine. Cf. Zohar 1:15a : « Une flamme sombre jaillit du domaine le plus intime du mystère du En-Sof, comme un brouillard qui prend une forme dans ce qui n’en a pas, enfermée dans l’anneau de cette aura, ni blanche, ni noire, ni rouge, ni verte et dépourvue de toute couleur. C’est seulement lorsque cette flamme commencera de s’élever et de s’étendre qu’elle produira des couleurs rayonnantes. Au centre le plus intime de cette flamme, en effet, jaillit une source d’où des couleurs se déversèrent sur tout ce qui est en dessous, cachée dans les secrets mystérieux de ΓΕη-Sof. » Sur la symbolique des couleurs dans la tradition et la mystique juives, voir G. Scholem, Le Nom et les Symboles de Dieu dans la mystique juive, Paris 1983, pp. 151-189. 27. Le repentir provient de la source de la vie, de l’Infini, au-delà même du commencement du monde, c’est-à-dire au-delà de la division du temps. C’est le sens de la citation talmudique souvent reprise : « La Teshuva a précédé la création du monde » : le repentir procède de l’Infini (T.B. Pessahim 54a). C’est à ce niveau, au-delà des structures causales de l’univers, au-delà de la réalité de la nature et de la Tora, que l’acte du repentir nous fait accéder. En termes de Cabbale, le monde de la création se structure à partir de la seconde Sefira. Le repentir nous ferait donc accéder à la source même de l’émanation, à Keter, la Volonté suprême. Voir supra, note 15, p. 215. Cf. Maharal, Netivot "Olam, Netiv haTeshuva, chap. 2. La force dynamique de la Teshuva échappe à notre expérience : sa puissance, sa rapidité, son origine la situent hors du champ de notre perception. L’auteur doit en conséquence, pour l’évoquer et en tenter l’éclaircissement, recourir à des métaphores et à l’emploi d’un style poétique. 28. Le repentir n’est pas seulement ni essentiellement remords pour la faute et le péché personnels, mais douleur de la séparation du monde d’avec Dieu. Le monde de la création souffre de sa finitude et clame sa plainte : nostalgie de l’absolu. Le repentant est l’homme sensible à cette « souffrance » du monde : son angoisse, sa mélancolie, son ouverture sont aspiration vers l’infini. Cf. Tiquné Zohar 40:5. 29. Yhudim, contribuer à !’unification des mondes, par des actes d’unification : prière, mitsvot et surtout méditation sur les combinaisons des noms divins. « Les Yhudim sont le moyen pour recevoir l’influence céleste», O.Q., vol. 1, p. 115. Voir: Tikun (restauration) à l’aide des Yhudim, id., pp. 119-120. Cette technique cabbaliste fut recommandée par le ,Ari à ses disciples. 30. L’Être infini, l’innommable absolu, dans sa transcendance échappe
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totalement à notre appréhension. Cependant cet être caché se révèle et s’offre à notre méditation à travers les diverses formes de son émanation. Le Tétragramme, exprimant l’essence de l’émanation, condense en lui toute l’énergie créatrice du divin : la réalité de l’univers procède de ce Nom, dont chaque lettre donne naissance et se rapporte à un degré différent de manifestation. Le Nom divin se décompose dans la création et retrace les configurations de l’émanation. À partir du « point » - Yod, première lettre du Tétragramme, la plus petite et la plus condensée des lettres de l’alphabet hébraïque —le monde émerge et se déploie en « lettres » et en « mots ». (Cf. « La lettre Yod est le commencement et la fin de tout », Péruchey Hagra, Séfer Yetsira, Jérusalem, p. 5b.) La méditation de ces noms — qui comprennent les lois profondes qui gouvernent tout être —est susceptible de nous rapprocher de la force de vie qui se déploie et agit en permanence dans le monde. Cf. G. Scholem, Le Nom et les Symboles de Dieu dans la mystique juive, op. cit., pp. 53 sq. En « orientant », par nos actes, notre pensée et nos paroles, notre conduite dans la direction du Bien, nous pouvons réunifier les mondes, les recréer. Ces mondes « recréés » abritent la présence divine, et sont en conséquence remplis de bien-être et de « joie divine ». Contrairement aux plaisirs provoqués par les sens, la « joie divine » ne s’épuise pas dans le présent et ne sombre pas dans l’ennui mais se renouvelle par un désir grandissant du Dieu vivant. Désir sans satisfaction, qui se nourrit de sa faim. 31. Description de la Teshuva non plus sous la forme d’une évocation poétique, mais dans la réalité concrète de l’univers. A partir du principe de base que « tout retourne à la divinité », l’auteur détaille l’action de la Teshuva d’abord dans le monde, puis dans la conscience humaine. Son analyse poursuit constamment la description parallèle de son œuvre dans le monde physique et dans le monde humain. Dans le monde physique, dans sa totalité et dans ses phénomènes particuliers, et dans l’homme dans chaque individu comme dans l’ensemble des générations de l’humanité. La suite du texte précise l’interaction de ces deux voies qui définit l’action de la Teshuva à partir de la source unique originale. L’émanation constitue une « descente », une dégradation du monde supérieur et la Teshuva est l’amorce d’une remontée vers la source suprême. Cf. O.Q., vol. 2, p. 522. La force de Teshuva est la force de vie, active dans le monde, qui pousse toute chose à croître dans l’être vers la perfection et la sainteté. Cette impulsion profonde oriente l’évolution, organise la convergence interne de ses tentatives, vers une finalité. En épousant ce mouvement positif, l’individu coïncide le plus possible avec une réalité intégralement pure, sa conduite s’inscrit dans cette voie ascendante et s’éveille à la conscience de ses infinis prolongements.
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32. En menant sa vie individuelle, séparée de la totalité continue, l’homme s’écarte et se coupe de la simplicité initiale, et tombe dans la confusion. Le repentir le replace dans la ligne de la cohésion vitale. 33. L’initiative personnelle inspirée par la conscience morale et la force cosmique de la Teshuva à l’œuvre dans l’univers sont de même nature et ont une finalité identique. 34. L’effort de civilisation, qui organise la vie dans toutes ses ramifications et la porte en avant, obéit également à ce principe de progrès qui mène au plus haut. 33. Zohar 1:3a ; 2:162b. 36. La conscience que la réalité est une totalité où tout s’interpénétre et s’unit nous rapproche de l’idée du repentir en nous faisant découvrir le dynamisme orienté de la vie. 37. Les paragraphes 5, 6 et 7 sont plus particulièrement consacrés à la communauté d’Israël et au rapport spécifique qui lie l’individu à cette communauté, dans l’ordre du repentir. Les notions indiquées ici d’une manière très générale seront expliquées plus amplement, dans la perspective du retour du peuple sur sa terre, au chapitre 17. Pour l’auteur, la « communauté d’Israël » - Knesset Israël - dans son être collectif marque « la présence de la semence de Dieu dans le monde » ( Orot p. 138). Cette nation, contrairement à toutes les autres, ne s’est pas constituée en collectivité pour assurer la défense de ses intérêts économiques ou territoriaux, mais en vue de la réalisation de la loi morale supérieure. Son particularisme, c’est son aspiration universaliste, son désir de Dieu {Orot, p . 132 sq. —voir surtout p. 139). Il en résulte que pour un juif l’attachement à la communauté d’Israël —à la différence de toute identification avec n’importe quel Volksgeist - ne le replie pas sur une valeur singulière mais approfondit et renforce sa fidélité à l’universel. La communauté d’Israël confère à ses membres leur véritable identité, leur sert de modèle de référence, et c’est pourquoi, dans ce seul cas, la valeur de l’individu se mesure à son degré d’identification avec la collectivité nationale. « Le rapport entre la “ communauté d’Israël ” et les individus qui la constituent est différent de celui que tous les autres groupes nationaux entretiennent avec leurs membres. Les collectivités nationales n’assignent à leurs citoyens que l’aspect extérieur de leur identité ; tout homme reçoit sa nature profonde de l’âme du Tout, de l’âme divine, et non par l’intermédiaire du groupe, car le groupe n’est pas une entité divine dans laquelle résiderait un élément de l’essence divine. Il n’en est pas de même en Israël : l’âme individuelle est extraite de la source de la vie éternelle dans le trésor collectif, et c’est le collectif qui octroie l’âme à l’individu » {‘Orot, p. 144). Lorsqu’un individu juif effectue un mouvement de retour vers le génie authentique de la nation, il y retrouve la force vitale divine immanente dans
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le monde. « La Knesset Israël est appelée Teshuva » {Zohar 2:106a, b). Une telle conversion ne peut se définir exclusivement dans les termes d’une éthique commune. 38. L’âme collective d’Israël se caractérise par l’aspiration vers le Bien universel, mais cette qualité interne ne s’actualise que par des actes précis de moralité et de sainteté. (Voir Igrot [lettres] 555, et sur « l’âme d’Israël », ‘Orot, p. 156.) 39. Le retour vers la gloire de Dieu semble être un degré préparatoire élémentaire vers un repentir de forme supérieure. Au premier stade du repentir marqué par une identification très générale de l’individu avec l’âme de la nation, une conscience plus vive de la dimension collective de son destin, succèdent une série de démarches qui tendent à préciser le sens de cette nouvelle orientation. Le retour vers la gloire de Dieu indique une attitude positive globale envers les valeurs rejetées par les dernières générations. Il s’agit d’un respect extérieur manifesté par la société mais pas encore d’un retour ferme vers leur contenu réel. L’éclat de la lumière supérieure dépassera de beaucoup ce stade —la « gloire » s’avère trop étroite pour supporter les lumières du retour, qui dérivent des catégories supérieures à la sagesse et à la gloire. Il faudra reconsidérer les concepts à la lumière du repentir, bien au-delà de la compréhension proposée par le respect et même par la sagesse. Lors de la phase finale, celle de l’approche des temps messianiques, la grande lumière (qui comporte toutes les petites lumières partielles des expériences précédentes) fera luire la sainteté du royaume de la Tora et des mitsvot. Elle semble d’abord éclipser les petites lumières, mais finit par les absorber dans le contenu rayonnant et plénier de la Teshuva. La Teshuva de la rédemption se caractérise en effet par le fait qu’« elle récapitule toutes les voies mineures du repentir et les contient toutes ». Ce qui au départ n’apparaissait pas clairement comme une progression dans le dévoilement de la gloire cachée se replace finalement dans une perspective rédemptrice. Il n’empêche que dans un premier temps, durant la période qui précède la venue du Messie, il y a incertitude. Les « enfants du violent », impulsifs et impatients, proposent des visions hâtives, non élaborées, qui échouent car elles ne tiennent pas compte des « petites lumières » nécessaires pour une édification à fondement solide. La force de rédemption n’en poursuit pas moins son élan. La « brèche » est réparée, la rose retirée d’entre les épines, et l’idéal se révèle dans sa totalité, tenant compte de toutes les dimensions supérieures comme inférieures. 40. En référence à Daniel 11:14 : «... et les enfants du violent parmi ton peuple se lèveront et tenteront d’imposer la vision, mais ils succomberont ». 41. Le fils de Peretz «désigne le Messie de la lignée de Juda et de David ». Cf. Gen. 38:29. Parots : s’élancer avec violence. Voir Ru. 4:18-22.
Citation extraite de la liturgie des Selihot pour le 17Tamouz, jeûne en souvenir de la brèche effectuée par l’armée romaine dans Jérusalem. 42. La prise de conscience du respect dû par la collectivité aux valeurs du judaïsme entraîne parallèlement le regret de les avoir dénigrées et d’avoir négligé un héritage seul capable d’assurer la vie de la nation. Ces réactions - dont l’auteur analyse à la fois les aspects positifs (§ 8) et les aspects négatifs (§ 9) —conduisent à une compréhension nouvelle quant à l’unité de la sagesse divine. Une appréhension sérieuse du contenu de l’unité divine à l’œuvre dans le monde devrait permettre non seulement à une élite mais au plus grand nombre de vouloir accéder à la sainte sagesse de la doctrine ésotérique du judaïsme. La sagesse du judaïsme, Hokhmat haQodesh, est une doctrine de la totalité et de l’unité. Depuis l’ère de l’émancipation, une partie du peuple s’est détournée de cette source vitale en faveur de sciences particulières, et donc partielles. Le retour sera marqué, entre autres, par la reconnaissance de la haute valeur de la spiritualité supérieure de la science ésotérique du judaïsme, et de la nécessité d’y recourir pour l’explication non seulement du destin du peuple, mais de la compréhension de l’humain et de l’évolution de l’Histoire. En effet, la spiritualité supérieure ne rejette pas les sciences partielles - qui sont partie intégrante de sa culture au même titre que de la culture de toutes les nations - mais les englobe dans une vision plus vaste et plus générale, d’où se dégagera la lumière supérieure du Bien, qui donnera vie nouvelle à l’individu comme à la société. 43. Le renouveau de la pensée juive, essentiel pour la promotion et la compréhension du phénomène continu de la rédemption à l’œuvre dans le monde, est lié au développement de la sagesse ésotérique de la Tora (Hokhmat haNistar). Les progrès de la science - qui étudie l’extériorité des faits matériels et spirituels - appellent impérieusement au dévoilement parailèle de la sagesse de l’intériorité. (Cf. O.Q., vol. 1, p. 7.) Celle-ci nous donnera une vue de plus en plus unifiée de l’univers. Elle ne pourra cependant être valable sur le plan de la pratique que soutenue par une connaissance précise des moyens adéquats pour réaliser cet idéal élevé. Lorsque cette base fait défaut, elle conduit à des faux messianismes qui engendrent non seulement des catastrophes, mais déprécient la doctrine, hautement valable en elle-même, qui lui a donné naissance. Voir infra, § 10. 44. Selon Am. 9:11. 45. Selon Is. 25:8. 46. Les deux paragraphes précédents traitent de la première phase du repentir, tandis que l’auteur précise à présent le développement de ce tournant jusqu’à la période antérieure à l’époque messianique. Il explicite en particulier le sens de la résistance « des petites lumières » lors de l’éclosion de la « grande lumière » comme l’exigence d’une spiritualité plus élevée tenant compte du bouleversement intervenu dans le domaine social —écla
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tement de la société et plus grande diffusion du savoir - et des nouvelles conceptions de la cosmologie moderne. « Le monde veut comprendre comment tous les détails se relient au Tout. » L’insolence qui croît dans la période précédant la rédemption est caractéristique, selon la Mishna (Sota9,15), de la confusion des valeurs et du trouble des esprits. Pour le Rav Kook, cette confusion n’a pas que des aspects négatifs ; elle poussera à la recherche de réponses nouvelles à donner à ce défi, « qui permettront d’expliquer ouvertement les mystères de la Tora » (A.T., p. 29), afin d’accélérer le processus de la restauration. (Voir également id., p. 32 : ce refus des valeurs positives est également « une manifestation de la force de vie, le ferment de vie de la splendeur supérieure s’y cache »). L’insolence dont parle la Mishna n’est donc pas le signe d’une délinquance courante, marque d’une époque apocalyptique agitée, mais une étape sur la voie de la restauration. Dans notre texte, elle est un signe de malaise d’une civilisation dont les progrès de la connaissance objective de la réalité provoquent un désir d’unité que cette connaissance n’est pas à même d’assouvir. La science a considérablement élargi l’appréhension du monde sensible, posant des problèmes que seule une spiritualité renouvelée serait à même de résoudre. Le malaise, qui peut déboucher sur une crise redoutable, pourrait être évité ou circonscrit grâce à un développement de l’étude authentique de la Tora. Cette connaissance « intérieure » aurait pu fournir une explication plus totale, plus englobante, rendre compte à la fois de la multiplicité apparente du réel et de l’unité cachée qui l’anime. Elle aurait eu un effet mobilisateur d’une part sur le plan de la méthode en exigeant un réajustement permanent du contenu théorique et, d’autre part, sur le plan pratique en indiquant les actes normatifs susceptibles d’ouvrir le monde à la dynamique de l’évolution et de le réorganiser sans cesse jusqu’à son unification. C’est par « négligence », manque de zèle et chute dans l’inertie que l’on a renoncé à suivre le mouvement de la vie, en recherchant dans la science de la Tora l’explication de l’unité de l’essence. La tâche qui s’impose est donc de reprendre l’ascension et, au-delà du visible, de scruter attentivement les mystères de la vie et de la science ésotérique de la Tora. Voir, pour l’application de ce principe à la vie religieuse juive (pratique des mitsvoi), infra, note 271, p. 260. 47. Cf. supra, chap. 2 et chap. 4, § 1, 2. La tendance naturelle de la vie est ascensionnelle ; son renouvellement n’est pas accidentel ou saisonnier, mais un jaillissement continuel de chaque instant. L’initiative humaine et les effets de civilisation se greffent sur le courant continu venu d’En Haut. De la qualité et de l’intensité de ces efforts de repentir allant à la rencontre de la Teshuva supérieure, dépend le rythme de progression de la rédemption.
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48. La renaissance de la langue hébraïque, exemple unique d’une « langue morte » ressuscitée, est un des signes les plus évidents du retour et de l’activité souterraine de la Teshuva supérieure toujours à l’œuvre. Cf. Igrot, lettre 323.
Chapitre 5 49. Ame vitale : nefesh. La Bible emploie indifféremment trois exprèssions pour désigner lame : nefesh, ruah, neshama. Sous l’influence de la pensée grecque, la philosophie juive médiévale a essayé de donner un contenu précis à chacune de ces manières d’être. (Voir S. Horowitz : Die Psychologie bei den jüdischen Religionsphilosophen des Mittelalters von Saadia bis Maimonides, Breslau 1898-1912.) L’âme dont on affirme par ailleurs avec force l’unité substantielle se composerait de trois parties : le nefesh (principe vital, biologique), le ruah (esprit, la pensée intellectuelle) et la neshama (âme spirituelle, étincelle divine). La Cabbale, et en particulier le Zohar, accepte également la tripartition de Γâme et souligne que cette hiérarchie reproduit celle des Sefirot. (Voir Y. Tishby, Mishnat haZohar, vol. 2, pp. 11-26.) La neshama, la partie suprême de l’âme, provient de la Sefira Bina appelée également Teshuva : elle est substantiellement plus proche de Dieu et permet à l’homme, lorsqu’elle est libérée de ses entraves, de percer les mystères de la Tora et de la divinité. Le nefesh est la partie inférieure, la plus proche du corps. Le Rav Kook semble avoir adopté ces définitions : il emploie, d’une manière très précise, nefesh pour désigner l’âme biologique et neshama pour l’âme divine. Dans ce paragraphe, il affirme que le repentir est un phénomène général qui s’applique aussi bien au corps qu’à l’âme : il consiste à libérer le noyau vital caché en le débarrassant des substances nuisibles, pour l’élargir et l’élever. On remarquera que le repentir ne concerne pas seulement le remords après la faute, mais répond à une nécessité naturelle et saine de régénération. L’auteur ne diminue pas de ce fait le caractère éthique du repentir, mais il saisit l’expérience de la faute dans le cadre plus large d’une exigence profonde et constante de l’intégrité absolue de l’être. Voir infra, note 51. 50. Voir infra, chap. 14, § 20. 51. Ruhanit: par le ruah ; degré supérieur qui fait le lien entre nefesh et neshama. 52. La base de tout mal provient de l’éloignement du courant de l’émanation générale et l’installation dans la séparation et la multiplicité. Mal réel, mais susceptible de restauration, puisqu’il dérive non de la réalité ellemême mais de notre inadéquate perception des choses. 53. Inversement, l’écartement de la faute rétablit une meilleure
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NOTES
« vision » ; la personne saisit mieux l’unité fondamentale sous-jacente à la multiplicité du réel. 54. La vitalité qui anime la nature de l’intérieur, et qui n’est autre que l’immanence divine qui remplit le monde, n’est pas statique. Telle est l’affirmation fondamentale qui est à la base de la conception de la Teshuva de l’auteur. « Il est évident qu’il y a une force supérieure qui l’[la réalité] oblige à s’élever. Cette force était déjà active dès l’origine, avant même la descente. L’évolution perceptible du bas vers le haut, c’est la vision de la progression du retour de tout le réel » (O.Q., vol. 2, p. 522). Dans cette conception se rejoignent les théories biologiques sur l’évolution, la philosophie de l’histoire développée par l’hégélianisme et l’émanatisme de la Cabbale. (Cf. chap. « Évolution ascendante », id., pp. 537-539.) Pour le Rav Kook, il s’agit d’une évolution orientée : retour à la source de l’Être, qui s’effectue à tous les niveaux de l’existence, cosmique, biologique, sociale et individuelle. « Lorsque l’on pénètre à l’intérieur du principe de l’évolution ascendante on y trouve “ la chose divine ” illuminée d’une clarté absolue. Le En-Sof en acte œuvre afin d’actualiser ce qui est En-Sof en puissance » {ibid., p. 537). L’expérience individuelle du repentir n’est en fait qu’un cas particulier du phénomène général cosmique du retour : « c’est l’existence tout entière qui évolue et s’élève » {ibid.). Cette progression constante à l’œuvre dans l’univers est un processus rédemptif continu. « La rédemption est en marche sans cesse. La libération d’Égypte et la délivrance définitive sont un seul phénomène ininterrompu » {Orot, p. 44). 55. La remontée progressive du monde en direction inverse de l’émanation progressive descendante est le sens même de la « création » du monde. 56. Un esprit de Teshuva « plane » sur le monde, invite à l’éveil, sans violence ; il veut être perçu librement. Tel un parfum impalpable agissant à distance, il doit être intériorisé pour être ressenti. (Cf. T.B. Berakhot 43b.) Ce n’est que par un acte personnel, une « prise » de conscience, que la Teshuva devient accessible à l’individu. 57. Selon Is. 5:18 et commentaire de ce verset T. B. Soucca 52a. 58. La servitude de la faute fait écran à la diffusion de la lumière, toujours prête à luire. Cette inertie opposée à l’illumination est peut-être la force du mal. D’autre part le manque d’initiative et de progrès, soit sur le plan pratique soit dans l’ordre des idées, est le signe d’une stagnation, d’une absence de volonté de libération —servitude coupable qui bloque l’appel de la Teshuva. 59. La liberté est la substance même de l’homme, mais elle ne lui est
vraiment acquise que dans la mesure où il est totalement lui-même. L’acte superficiel au contraire, périphérique, reste soumis à la servitude du déterminisme. La volition est l’acte de dégagement progressif de cette pesante nécessité : le moi se sent attiré par une sorte de nécessité supérieure. Un acte est d’autant plus libre qu’il émane de l’âme tout entière, du point le plus profond de l’être. Par son aisance, son recueillement, sa sincérité, il témoigne du sérieux de la vie. La « liberté divine » à laquelle aspire le repentir est celle de la totalité de l’être, volonté pure qui émane du foyer central de la personne, où elle retrouve ce qu’il y a de plus divin en elle. En dehors même des conflits moraux, elle est effusion de liberté continuelle. La perte du sens du vouloir est un manque de coïncidence avec soimême et témoigne par conséquent d’un ralentissement du dynamisme vital. (Cf. « La libre volonté éclairée par l’intelligence supérieure constitue l’essence de l’existence, et elle se manifeste dans son intériorité : c’était cela l’âme d’Adam, dans toute sa plénitude », O.Q., vol. 2, p. 367.) C’est une perte du sens du vouloir qui fut à la base de la faute d’Adam : « Les mondes sont tombés par la chute de la volonté » (A.T., p. 114). 60. Une doctrine qui fait de la loi morale l’essence de son existence doit forcément, vu la faillibilité humaine, prévoir, pour ne pas sombrer dans le désespoir, la possibilité du repentir. On notera le caractère immanent à l’humain de cette possibilité : « Le repentir est naturel à l’homme, il le complète. » Cf. Maimonide, Guide, 3, 36 : « En effet, il est impossible que l’homme ne pèche pas... Si donc on pouvait croire que ce mal est à jamais irréparable, il persisterait dans son erreur, et peut-être même pècherait-il davantage n’ayant aucun moyen [de réparation] : mais en croyant à la pénitence, il se corrigera et redeviendra meilleur et même plus parfait qu’il n’avait été avant de pécher. » Le retour et le maintien d’un équilibre sont une exigence constante de la vie, aussi bien physique que morale et spirituelle. 61. Cf. Ecc. 7:5 « Il n’est pas d’homme juste sur terre qui fasse le bien sans jamais faillir. » Voir note suivante. 62. La perfection de l’homme, comme celle du monde, consiste très précisément dans son perfectionnement. Cette conception est à la base de la vision dynamique et évolutive de l’univers du Rav Kook ainsi que de son optimisme pour ce monde. Pour être, nul besoin de fuir et d’échapper, il faut au contraire s’intégrer le plus profondément possible au courant du devenir. Dans ce monde, la plénitude n’est pas, comme le voulait Spinoza, une plénitude de l’être, mais une plénitude du devenir. 63. T.B. Pessahim 54a. Genèse Rabba 1, 5. Cet adage talmudique confirme la thèse de l’auteur. D’une part il souligne le caractère nécessaire du repentir comme exigence de régénération
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possible dans l’ordre de la morale (voir note 60, p. 225) et, d’autre part, il peut se comprendre comme le principe du devenir, qui fut à la base même de la volonté de création de l’univers. 64. La nature, dépourvue de liberté, est soumise au déterminisme. 65. Ecc. 7:20. 66. La vie est une lutte de la liberté contre le déterminisme, un effort soutenu pour surmonter, et peut-être vaincre, la nécessité naturelle. Liberté et nécessité, repentir et péché sont les deux faces d’une même réalité. 67. Nom. 6:11 (voir supra, note 62). Ceci explique le refus catégorique de l’auteur de l’ascèse comme moyen d’élévation. Voir commentaire de ce verset dans T. B. Nedarim 10a, et Maimonide, Huit Chapitres, chap. 4. Il s’agit en toute occasion d’élever la vie et non de la supprimer ou de l’amoindrir. 68. La Bible emploie une multiplicité de noms divins, et les commentateurs, du Talmud à la Cabbale en passant par la philosophie, s’interrogent sur la signification de ces variantes. Selon la Cabbale, le Tétragramme désignerait la source de l’être tandis qu"Elohim se rapporterait à Dieu en tant qu’il se manifeste dans et par la Création. Le Tétragramme comprend « les lumières de l’âme intérieure de tout le réel, qui comportent le passé, le présent et le futur, au-delà de l’ordre du temps et de ses formes» (O.Q., vol. 3, p. 23), tandis qu "Elohim se rapporte à la nature extérieure, soumise à l’ordre du temps et de ses catégories. L’« ‘Elohim vivant » agit dans l’immanence du monde de la vie, dans le déterminisme de la nature, afin de nous permettre de découvrir le fondement de son essence, la source souveraine de la liberté créatrice du En-Sof (voir ausssi supra, note 55, p. 224). 69. Béatitude d’une jouissance parfaite de l’être, marquée par la disparition totale du mal. Vision eschatologique de la victoire d’une liberté dégagée de la nécessité, qui permet enfin une vie intégrale d’inépuisable vitalité. « Renaissance » du monde ! 70. Cf. T.B. Berakhot 6a : « Le Saint Béni soit-il dit à Israël : Vous m’avez placé dans le monde comme une entité, et moi je ferai de vous une entité dans le monde... » 71. La présence divine immanente dans le monde se manifeste par une force vitale qui pousse toute chose à s’élever vers le retour, c’est-à-dire à progresser dans la voie de la droiture et de la morale. La communauté d’Israël fut fondée dans le seul but de s’identifier à ce projet de vie (cf. supra, notes 37 et 38, p. 219) et elle est ainsi mieux préparée que d’autres à saisir le mouvement de la Teshuva et à le promouvoir. Cet espoir repose en fait chez l’auteur sur une certitude ancrée dans sa vision cabbalistique de la réalité d’Israël. La Knesset Israël, dans son principe, relève d’un niveau élevé dans l’ordre de l’émanation, qui l’apparente
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au divin : « Israël puise son esprit de la force de vie, supérieure à toute vie... » ('Orot, p. 64), Israël est le lieu où Dieu entre en contact avec le monde, et c’est pourquoi Knesset Israël est souvent le symbole de l’entité Malkhut\ Il y a identité entre la dernière Sefira, la Shekhina, et l’Ecclesia d’Israël (voir Orot, p. 141). Israël est une force qui procède de Dieu, une manifestation directe et intrinsèque de sa présence dans le monde. « Dans le degré supérieur de Knesset Israël, il n’y a aucune différence entre la tendance qui se manifeste par l’épanchement de la vie divine dans tout le réel, et ce qui est atteint par l’ensemble de la nation » {Orot, p. 141). C’est pour ce motif que « tout le bien et toute la vérité sont déjà implantés dans l’intériorité de la communauté d’Israël : c’est notre éternité et la vie implantée en nous par la Tora de vérité » (Igrot, vol. 1, p. 45). Si, à certaines périodes de son histoire et chez certains groupes partialliers, il y a déviation, celle-ci ne saurait s’implanter d’une façon durable, l’esprit de la nation étant dans sa nature profonde identique à l’esprit divin. L’effort de la nation, et en particulier de ses maîtres, doit toujours tendre à maintenir cette identité et, en cas de crise, à redécouvrir la lumière divine qui ne cesse d’illuminer les couches profondes de son existence. (Cf. Orot, p. 63, et voir note suivante.) 72. Cf. ‘Orot, ibid. « Un grand nombre des adhérents à l’esprit de la nation, qui connaissent actuellement un réveil certain, déclarent qu’ils n’ont nul besoin de l’esprit divin. S’ils réussissaient réellement à fonder ainsi l’esprit de la nation en Israël, ils placeraient la nation dans une situation d’iniquité et de destruction. Mais ils ne savent eux-mêmes pas ce qu’ils veulent... au point que même celui qui déclare qu’il n’a nul besoin de l’esprit divin, lorsqu’il revendique l’esprit d’Israël, l’esprit divin réside au cœur même de sa demande, même contre sa volonté. L’individu particulier peut se couper de la source divine, mais non la nation, la communauté d’Israël tout entière. Aussi tous les attributs nationaux, tant prisés comme expressions de l’esprit national, terre, langue, histoire, gouvernement, sontils animés de l’esprit divin. » (Voir aussi 'Orot, p. 139.) Chapitre 6 73. Cf. supra, chap. 4, § 2. Le repentir procède de la source même de la vie ; c’est un phénomène cosmique. La volonté individuelle est un aspect particulier, second, de ce courant général, qui traverse tous les domaines de la vie, et en constitue en fait l’unité sous-jacente profonde. Cf. A.T., p. 36 : « La Teshuva suprême provient d’une impulsion intérieure qui dérive de la poussée extérieure supérieure. L’univers tout entier, matériel et spirituel, est saisi dans sa forme unitaire. » Ce point de vue, nous semble-t-il, n’est nullement contraire à la conception du repentir comme démarche de la conscience morale en proie au
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remords ou en réponse à un impératif de la Tora, mais il inclut cette démarche dans un processus plus général, qui la comprend et l’explique. 74. Cette phrase semble faire allusion à une théorie cabbalistique Ionguement reprise et développée par R. Hayyim de Volozhin dans son ouvrage Nefesh haHayyim (trad, française et commentaires par Benjamin Gross, Éd. Verdier, Paris 1986) suivant laquelle l’action humaine propage une énergie créatrice qui agit également sur la racine des choses dans les mondes supérieurs, provoquant ainsi, en retour, un flux de vitalité spirituelle, un surplus de lumière et de sainteté dans le monde. Le Rav Kook insiste sur la responsabilité morale cosmique de l’homme et sur le rôle capital qu’il joue dans le processus de renforcement de l’essence spirituelle de l’univers : « L’homme ne subit pas seulement l’influence du monde entier, mais il l’influence également. Son influence est une influence essentielle considérable, générale, d’une spiritualité positive. Il ne s’agit pas simplement d’une action limitée telle que nous pouvons la constater lorsqu’il soumet les forces de la nature à son service... Mais l’essence du monde, dans toute sa plénitude et toute son extension, entretient avec lui un rapport de dépendance et de réception d’influence, comme l’enseigne la doctrine ésotérique. En nous exprimant ainsi nous sommes amenés à dire qu’il y a une fusion essentielle entre l’âme spirituelle à l’œuvre dans l’ensemble du monde et l’âme spirituelle de l’homme » (O.Q., vol. 2, p. 349). Pour la source de cette théorie, voir également : Séfer haBahir, p. 138. § 185, trad, française J. Gottfarstein, Éd. Verdier, Paris 1983, et Zohar 3:110b. Le Rav Kook reprend cette idée majeure de la Cabbale en l’insérant dans la théorie plus générale de l’évolution. Voir supra, note 54, p. 224. 75· T.B. Yoma 86a. Voir supra, note 25, p. 216. 76. La Teshuva est une aspiration permanente à dépasser la finitude de l’existence et à élever l’ensemble du réel au niveau spirituel le plus élevé. Volonté de retour à la source de l’être, à l’œuvre dans toute l’existence, qui exhausse le fini et définit l’ultime intention de la vie religieuse. 77. La neshama (âme spirituelle) demeure inaltérée dans les profondeurs de l’être, mais son éclat et la conscience que l’homme peut en avoir sont obscurcis par les actes périphériques qu’il accomplit. C’est toujours sur le fonds d’une exigence d’intégrité surgie des profondeurs qu’intervient l’expérience de la faute. Aussi l’individu ne peut-il se réduire exclusivement à la défaillance, cette autre partie de lui-même ne cessant de l’assaillir pour provoquer sa libération. D’autre part, comme l’auteur le précise dans la suite, le désir interne qui pouvait n’être qu’une fiction —trouve une confirmation et un soutien dans la réalité objective. 78. Cf. T.B. Pessahim 54a ; Midrash Tehilim, Ps. 90, Éd. Buber, p. 196a. La préexistence du repentir par rapport au monde ne doit pas être
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comprise comme une simple antériorité chronologique, mais aussi comme l’affirmation d’une valeur suprême qui constitue la raison d’être de l’existence même de l’univers. Il nous semble qu’il faut comprendre cette très importante affirmation et le contexte dans lequel l’auteur la rapporte comme une référence constante à une régénération possible insérée dans le monde. Sans elle le moi resterait prisonnier du poids de son passé, et tous ses efforts pour s’en dégager demeureraient vains ou pour le moins incertains. Ainsi, au contraire, « rien n’est plus certain dans le monde que le repentir ». Voir Perush haAgadot leR. "Ezriel miGerona, op. rit., p. 98. « La Teshuva maintient le tout ; elle fut créée avant le monde, l’univers ne pouvant subsister sans elle. » 79. Le repentir étant inscrit dans la nature même de son âme, Israël peut en avoir, dans une certaine mesure, une certitude quasi expérimentale, au cours de son histoire. Cf. supra, note 71, p. 226 ; T.B. Sanhedrin 97b. Voir Maimonide, Code, Hilkhot Teshuva, 7, § 5. 80. La conscience morale, inspirée par la présence divine à l’œuvre dans le monde, dicte à la personne, même non consciente de cette origine, l’obéissance à une loi qu’elle sent ne pas pouvoir transgresser impunément. (Ma’amarey Rayah, 21 sq.). En Israël, cette même loi est rapportée à la véritable source. De ce fait son extension s’élargit considérablement : elle n’est plus une affaire individuelle mais concerne surtout la société et le monde (cf. Orot, p. 140). Implantée dans la nature même du peuple, « cette tendance à vivre très précisément pour la réalisation de la morale » ( Orot, p. 139) doit cependant être « ressaisie » en contenu et en clarté. Cette opération ne peut se faire qu’à partir de la connaissance de la Tora qui révèle au peuple les structures de la conscience spontanée et lui fait comprendre pourquoi il n’est pas encore parvenu à la réalisation de sa nature. 81. L’auteur ne compare pas ici le contenu respectif de la morale et de la religion, mais il se place dans la situation concrète de la personne. Dans les deux cas c’est la personne dans sa totalité —et non telle faculté particulière - qui est concernée : une défaillance de la morale entraîne forcément un affaiblissement du religieux et une révolte contre le religieux témoigne d’une décadence morale. Ces deux sphères ont en effet une racine commune (voir note 80) mais l’obéissance à la loi morale naturelle ne confère pas à l’individu l’épanouissement total dont il bénéficie par l’acceptation libre d’une valeur éthique proposée par l’Absolu. Il y manque un certain rayonnement vital qui transforme tout l’être de la personne, et que seule la relation à l’Absolu peut procurer. « De toute façon, malheureux sont les humains tant qu’ils ignorent que l’effort qu’ils investissent dans l’élargissement de la morale et la recherche du bien est une exigence divine » (Ma’amarey Rayah, 1, 29).
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82. La crise traversée par la religion dans le monde en général et en Israël en particulier est un problème qui a beaucoup tourmenté le Rav Kook. La rupture avec la religion - athéisme existentialiste ou marxiste — lui apparaît comme une attaque contre l’Absolu, qui ne pourra se prolonger au-delà d’une durée limitée, le temps d’une période de la dialectique. Elle se déploie en effet en dehors de la vérité de l’existence humaine : l’homme n’est pas l’être qui fonde le monde. La Teshuva devra donc nécessairement rétablir cette vérité élémentaire. 83. La nature de l’existence, le choix d’un acte particulier et la disposition naturelle à vouloir relèvent d’un même ordre : —L’essence du monde est volonté divine. Cela signifie non seulement que le monde est le résultat de la volonté de Dieu, mais qu’il est en luimême, considéré globalement, volonté divine. « La vision universelle la plus sublime, la plus idéale, et la plus profonde dans l’abîme de la connaissance de l’expression la plus haute et la plus assurée de la certitude de la vérité, est celle du monde en tant que représentation de la volonté divine, manifestation de la volonté divine suprême, créatrice du tout » (O.Q., vol. 3, p. 39). - La disposition naturelle à vouloir, le pouvoir de vouloir, est ce qu’il y a de divin dans l’homme (cf. id., p. 50). Cette puissance, toujours disponible, qui n’exige aucune capacité préalable, est le destin de l’homme. « On ne peut comprendre la merveille de la volonté chez l’homme, dans sa splendide liberté, que comme une étincelle de la grande flamme de la puissante volonté qui anime toute l’existence, manifestation de la volonté du Maître de tous les mondes, Béni soit-il » (id., p. 39). Il s’agit ici du fait de vouloir, de cette faculté dont nous disposons absolument et sans réserve, et à travers laquelle nous saisissons la pointe extrême de notre liberté. 84. Le vouloir à l’état pur n’exclut pas et sans doute même implique-t-il un contenu assignable empiriquement, par le choix d’une conduite déterminée. La volonté sincère veut les moyens en même temps que les fins, et l’intériorité du vouloir pur est toujours en contact avec la vie extérieure matérielle et sociale. La décision se heurte chez l’homme à des obstacles possibles, et quoique dans ce cas vouloir et pouvoir ne coïncident pas, le cœur du prime vouloir relève toujours de l’ouverture de la liberté qui caractérise la bonne volonté, et qui est la cime de l’âme. Voir O.Q., vol. 3, p. 42. Ce n’est pourtant que « dans le monde unifié de l’avenir » que volonté et pouvoir coïncideront absolument, chez l’homme. Extase de la pure liberté de la volonté de vouloir ! 85. Voir supra, note 78, p. 228. Dans ce paragraphe l’auteur précise de quelle manière l’œuvre de régénération potentielle active dans le monde peut se réaliser dans la psychologie concrète de l’individu. 86. L’altérité du désiré par rapport au pur vouloir peut entraîner l’homme dans des actes périphériques qui ne correspondent pas totalement,
et parfois même sont contraires, à sa nature profonde. Les actes s’inscrivent dans la conscience et pèsent sur le désir futur. Cependant la liberté du vouloir peut à tout moment, instantanément, récupérer l’ensemble de la conscience - et par conséquent tout son passé —et la ressourcer à la source du bien. Il est de l’essence de la volonté pure d’être chez tous les humains une volonté bonne. Cette puissance créatrice, inhérente à la nature humaine, permet le repentir, qui en changeant le présent transfigure en même temps le passé. 87. Voir supra, note 49, p. 223. Les actes sont accomplis par les membres du corps et de ce fait relèvent du nefesh, de l’âme vitale, biologique. Cependant les trois modalités de l’âme (nefesh, ruah neshama) étant liées entre elles, les « actes parlent », c’est-à-dire exercent leur influence sur la neshama, l’âme spirituelle, divine. 88. L’âme spirituelle (neshama) est l’élément par et dans lequel s'effectue le lien entre Dieu et l’homme. C’est à travers elle que l’homme reçoit, du monde supérieur, l’impulsion du bien, à charge pour lui de la traduire en acte et de l’introduire ainsi au niveau du monde de l’action. Il renforce ainsi et élargit le domaine de la sainteté dans le monde, et à partir du monde inférieur influence la racine de l’âme dans le monde supérieur, provoquant un contact continu d’influences bénéfiques réciproques. 89. Le schéma est identique pour la mauvaise action, mais la source de l’acte corrompu se situe au niveau du ruah (l’esprit subjectif de l’homme) et n’atteint pas l’âme divine qui reste, elle, inaltérée. La force du vouloir (toujours disponible puisqu’elle gît précisément dans les profondeurs de l’âme) a le pouvoir de faire retrouver à l’homme le sens du projet divin, le sens de sa propre existence, au-delà de son plaisir immédiat. Il détache alors la mauvaise action de sa source et la réinsère dans le courant vital, selon le modèle de la bonne action. On comprend que le repentir inspiré par l’amour introduit la personne dans un mouvement de dépassement de la subjectivité, qui la conduit à assumer sa responsabilité. 90. Cf. Genèse Rabba 5:9 (Éd. Theodor Albeck, p. 38). « On a enseigné au nom de R. Nathan : Trois ont comparu en jugement et quatre ont été reconnus coupables. Ce sont : Adam, Eve et le serpent ont comparu en jugement et la terre a été maudite avec eux. Comme il est dit : “ Maudite soit la terre à cause de toi ” (Gen. 3:17). Et pourquoi at-elle été maudite ? R. Yehuda dit au nom de R. Shalom : parce qu’elle a transgressé l’ordre. Dieu avait dit : “ que la terre produise un arbre-fruit, qui donne un fruit de son espèce... ”. L’arbre devait être comestible, comme le fruit. Mais elle ne fit pas ainsi : “ La terre a fait sortir... un arbre donnant un fruit... Le fruit est comestible, mais l’arbre ne l’est pas. ” À l’origine, le goût de l’arbre devait être identique à celui du fruit. » (Cf. Rashi sur Gen. 1:11.)
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Selon l’interprétation proposée, ce texte attire notre attention sur le fait que dans les conditions actuelles la réalisation de fins souhaitables se heurte parfois à la nécessité de passer par des moyens qui ne répondent pas aux mêmes exigences de pureté. Ce décalage entre les moyens et la fin est le résultat d’une « faute » qui précède le péché de l’homme et conditionne son action. L’homme entre dans un monde qui est déjà un monde cassé. Une réflexion sur la faillibilité humaine nous confronte non seulement à un problème psychologique et moral, mais également à un problème métaphysique fondamental. Voir Y. Sheviv, Hata’ey Beréshit (« Les fautes du Commencement »), in Be’oro H. Hamiel éd., Jérusalem 1986, pp. 19-32. 91. Créé par un acte de libre choix du Créateur, dont elle conserve d’ailleurs la trace dans ses couches profondes, la nature obéit à un déterminisme : « les marques de la nécessité sont apparentes dans l’existence même, sous toutes ses formes », elles constituent l’aspect extérieur des choses (O.Q., vol. 3, p. 26). Le fondement volontaire par contre agit secrètement dans le principe et dans l’intériorité profonde de tout ce qui est. Dans toute réalité créée et par conséquent limitée, agissent à la fois des éléments de nécessité et des éléments de liberté. Leur force respective varie, ce qui permet d’assurer, par le passage des liens de la nécessité à la liberté, le perfectionnement incessant du monde. Voir infra, note 93. Exprimé en termes de Cabbale, cela signifie que les lois naturelles procèdent de la Hokhma, sagesse divine (seconde Sefira) tandis que la liberté dérive de la première Sefira, Volonté infinie (Ratson), essence de la divinité. 92. La paresse de l’esprit consentant aux limites qui lui sont imposées, et renonçant à s’élever à la compréhension du monde. Il accepte la disjonction, la séparation, la fragmentation et fige ainsi ce qui devait progresser dans une féconde confrontation. 93. Pour l’auteur, la vie morale concerne tout ce qui dans le monde demeure inaccompli, et tend à la réalisation de sa véritable nature. Il ne faut pas limiter l’effort vital et le processus de l’émergence à l’individu humain ou à la société, mais l’étendre à la totalité de l’existence, au monde. L’œuvre de restauration est certes suspendue à l’action humaine, mais elle s’inscrit dans le cadre plus général d’un projet cosmique. « La personnalité universelle générale relève de la morale, elle est dotée de volonté et de choix » (O.Q. vol. 3, p. 11). Dans cette vision éthique du monde, le mal, la faute, est tout ce qui empêche l’éclosion maximale de la vie, qui retarde et freine l’évolution du courant créateur. Aussi ne faut-il pas comprendre le texte cité du Midrash sur le « péché de la terre » comme une métaphore seulement, mais comme l’illustration par le Rav Kook de l’unité organique de l’univers, et du rapport intime qui lie l’homme à la terre. Rapport complexe, puisque la terre oppose une résistance à ses efforts, mais marque aussi l’horizon ultime de son devoir.
« La plainte de la lune [cf. T.B. Hulin 60b et R. Meir Ibn Gabbay, Avodat haQodesh 4, chap. 8, et O.Q., vol. 1, p. 253] et le péché de la terre sont des causes qui précèdent la faute de l’homme. L’homme est une branche dont la puissance est supérieure à celle de sa racine. Les choses continuent à évoluer : l’homme réparera la faute, et la terre réagissant en conséquence réparera également la sienne » (O.Q., vol. 3, p. 11). Nous comprenons cette option de l’auteur comme étant celle non d’un animisme primaire, mais comme l’affirmation fondamentale que derrière cet univers déterminé se dresse une Personnalité vivante et volontaire qui lui confère sens et signification.
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Chapitre 7 94. Ce chapitre est consacré à la valeur qu’il y a lieu d’accorder à une réflexion sur le repentir et aux répercussions que cette première et timide ébauche peut avoir sur la personne. Cette réflexion, plus que nulle autre, porte en elle-même une particulière fécondité. Dès qu’elle s’éveille, elle engendre aussitôt un début de régénération et la personne peut vérifier, au fur et à mesure de la progression, qu’elle se rapproche de son être. D’où le sentiment de certitude et d’apaisement qu’elle provoque dès le dépan, autant par l’opération elle-même, que par les espérances qu’elle permet d’entrevoir. La réflexion sur le repentir est donc un moment important qui fait partie intrinsèque des opérations par lesquelles le moi se reprend. 95. L’homme ne pouvant connaître son orientation véritable qu’à travers les échecs qu’il subit, la réflexion sur le repentir prend rapidement une signification éthique. La réflexion découvre les principes universels qui, audelà de l’expérience individuelle, assurent le rassemblement des forces de la conscience et fondent la personne. 96. Le manque actuel, la défaillance ne sont plus ressentis comme une expérience limitée, mais reliée à un processus plus large débouchant sur un redressement possible. Cœur brisé par la conscience de la faute, mais qui puise dans l’aveu même de sa défaillance l’assurance de pouvoir retrouver son intégralité. 97. La réflexion sur le repentir fait prendre conscience de l’unité profonde du temps. Le passé n’est ni désavoué ni oublié, mais repris et incorporé à l’effort de régénération. La conscience acquiert ainsi une dimension plus intégrale, une certitude plus concrète et plus vive d’être. Le passé n’est pas irrémédiablement révolu et le futur n’est pas un quelconque élan en avant, un projet indéfini mais, grâce à la volonté du repentir, il est chargé du poids du passé qu’il élève et transfigure. Le moi découvre dans la réflexion sur le repentir l’articulation du passé et du futur et, au-delà des actes singuliers et discontinus de la conduite, prend une plus claire conscience de son unité.
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98. Cf. Maimonide, Code, Hilkhot Teshuva 5, §§ 3, 4 et Guide 3, chap. 36. 99. La méditation sur le repentir fait ressentir la distance que l’homme prend avec son passé, qui jusqu’ici le constitue. Dans sa déception de luimême, dans le sentiment aigu d’être demeuré en deçà de ses possibilités, perce un rapport du moi au Dieu qui l’habite. Une exigence semblable d’un accroissement d’être pour la conquête de l’intégralité de la personne est à la base des impératifs de la Tora, comme de la volonté générale qui traverse et anime l’ensemble du réel. Son espérance ultime débouche sur une transfiguration totale du monde, jusqu’à « l’illumination » de la nature matérielle, délivrée de son inertie et de son opacité. « Dans les profondeurs de l’âme humaine la voix de Dieu résonne en constance. L’agitation de la vie ne peut, le plus souvent, qu’étourdir l’âme vitale afin d’assourdir ce lancinant appel. Mais elle ne peut d’aucune manière déraciner le fondement, la racine et le principe de cette voix, qui est en vérité l’essence même de la vie humaine» (Ma’amarey Rayah 1, p. 113). 100. La réflexion sur le repentir libère la conscience du poids que le passé fait peser sur elle. La personne éprouve sa liberté et entrevoit la possibilité de se dégager de cette emprise totale qui lui enlevait, en même temps que la jouissance du présent, tout espoir pour l’avenir. Progressivement cette résistance à l’obstruction du passé s’étend, non pas pour abolir le passé, mais pour en faire le point de départ d’un devenir fondé justement sur la liberté retrouvée. Celle-ci est ancrée dans l’âme spirituelle qui gît dans les profondeurs de notre être. Retenue dans son expansion par l’activité superficielle, discontinue et locale du moi aux prises avec les difficultés matérielles, elle se dégage, grâce à la réflexion sur le repentir. Plus l’action sera l’œuvre de l’âme, plus libre sera la conduite. L’acte entièrement libre serait celui qui émanerait, dans sa totalité, de l’âme tout entière. Il coïnciderait alors avec la volonté universelle, la volonté du bien. 101. La lumière divine irradie le monde sans interruption et d’une façon permanente. Il ne dépend que de l’homme de la percevoir, ses mauvaises actions faisant écran entre lui et elle. Cf. Is. 59:2. : « Ce sont vos iniquités qui ont fait une séparation entre vous et votre Dieu. » Voir Maimonide, Huit Chapitres, chap. 7, et Guide, Introduction. 102. Il est impossible de dissocier la réflexion sur le repentir du principe qu’il nous permet de découvrir. Cette réflexion n’est pas une démarche extérieure, mais la partie commençante du processus du repentir lui-même. D’où son effet salutaire pour rapprocher le moi de son être véritable. Une libération plus étendue de l’âme nécessite cependant un engagement plus profond et plus longuement soutenu sur la voie du retour. 103. La pensée en elle-même reste du domaine d’un exercice subjectif qui n’est à l’abri ni de l’incertitude ni du doute. La réflexion portant sur le
repentir n’est cependant pas une démarche abstraite, mais une véritable expérience, qui doit certes être reprise et vérifiée, mais qui d’ores et déjà marque la conscience et l’oriente dès le commencement vers un mouvement de renaissance. 104. Par la réflexion sur le repentir, le moi se dégage d’une conduite qui lui barrait son horizon et qui le constituait totalement. Il s’est relié à un autre principe constitutif de son être, plus profond, plus difficilement atteignable, mais qui ne le constitue pas moins, et sans doute même beaucoup plus. Désormais la conscience ne peut plus ignorer ce mouvement ascendant en elle qui la renforce, et son désir s’affirme de s’y rattacher de plus en plus. L’affirmation de l’auteur n’est donc pas un vœu pieux mais une espérance suscitée et soutenue par une expérience qui devient pour la personne une source de certitude d’une régénération possible. 105. Voir infra, chap. 14, §§ 27, 28. Le repentir est un éveil de la volonté en l’homme. Or celle-ci n’est qu’un aspect de la Volonté divine générale qui anime l’univers. De ce fait elle ne véhicule pas seulement la spontanéité du vouloir, mais également la sagesse de l’entendement. « L’unité spirituelle réunit en elle la conjonction de la pensée et de la volonté... L’approfondissement de la pensée, et son extension, est en elle-même un agrandissement de la volonté et l’élargissement de la volonté est un approfondissement de la pensée... » (O.Q., vol. 2, p. 430). À l’inverse, un manque dans l’une de ces deux facultés entraîne un affaiblissement de la qualité de l’autre. « Tout obscurcissement moral est en luimême un abaissement intellectuel... Aussi le repentir de toute faute est-il toujours une condition indispensable, caractéristique de la Sagesse d’Israël » (O.Q., vol. 3, p. 20). En effet, la volonté divine s’exprime de la manière la plus évidente dans la Tora : un approfondissement de la volonté chez une personne permet donc une plus claire perception des impératifs de son enseignement. 106. Ps. 51:19. 107. Cf. supra, note 102, p. 234. L’efficience de cette méditation lui vient de l’acte intérieur de la volonté qui la promeut. C’est de lui qu’elle tient son dynamisme, et c’est lui qui la relie au réel psychologique et cosmique, où elle s’est déployée. Il est de la nature d’une méditation portant sur le repentir de ne pas se suffire à ellemême, mais de chercher à s’accroître et à se vérifier dans la réalité concrète. Dans ce but, il importe que cette réflexion conserve et même approfondisse la vertu de l’acte qui lui a donné naissance, avant qu’elle ne s’épuise ou ne s’égare. L’auteur voit trois moyens susceptibles de remplir ce rôle et il les présente en ordre de valeur croissante. En premier lieu, il y a le progrès concret de l’être, engendré par la réflexion. Il devient, en même temps qu’une vérification immédiate de la
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NOTES
consistance et de l’authenticité de l’idée, une source de créativité pour des actes nouveaux et une force féconde de satisfaction. En second lieu, la réflexion peut éclairer le contenu de son intuition du dehors par une information puisée dans la Tora, qui en présente et l’origine et les fins et les moyens. Énfin, si la réflexion sur le repentir est inspirée par une nécessité spirituelle interne, une nostalgie de la totalité de l’être - de l’Être dans sa totalité-, elle trouve dans ce désir d’infini un stimulant pour s’engager plus avant dans une vie permettant de combler ce manque. 108. Toutes ces données comportent une promesse d’apaisement et d’espérance. L’homme découvre que Dieu a mis à sa disposition des ouvertures possibles qui le consolent et qui l’arrachent à la fatalité du passé. 109. Is. 66:13. 110. Parmi les ouvertures envisageables il faut examiner en premier lieu les actions possibles. Sur ce plan, il se peut que l’individu rencontre des limites qui freinent le rétablissement de la communication avec autrui, premier pas pour l’établissement d’une vie aspirant à l’unité. Tout en restant confiant dans la dynamique de la conversion amorcée, l’auteur attire cependant l’attention sur les difficultés éventuelles. Une sérieuse vigilance s’impose dans ce domaine qui engage directement la responsabilité humaine. L’essentiel de la libération du moi dépend d’un effort personnel soutenu afin de ne pas laisser l’action s’alourdir et s’enliser. 111. Cf. Yoma, Mishna, chap. 5:2. « Le jour de Kippour apporte le pardon pour les fautes commises envers Dieu ; les fautes commises envers le prochain, Yom-Kippour ne les absout pas, tant qu’on ne s’est pas réconcilié avec le prochain. » 112. Prov. 6:5. 113. Joie, crainte et amour. Cf. Kuzari 2, chap. 50. 114. L’expérience de la faute donne non seulement accès à une réflexion de caractère moral, mais également à une expérience métaphysique qui lui confère une dimension infiniment plus large. Il faut poursuivre cette recherche vers la compréhension de soi afin d’intégrer d’une manière permanente la faute, dans la certitude d’un processus de régulation morale, qui est lui-même un des fondements essentiels de la finalité du monde : « Lumière de Dieu à l’œuvre dans la restauration du monde, fondement de la création. »
pond précisément à cette opération douloureuse, mais salutaire. Il n’y a de liberté que libération, et toute libération ne peut s’obtenir que par un effort douloureux d’émergence et d’arrachement. Le texte du Talmud cité en référence tend à montrer que la valeur thérapeutique de cette souffrance peut être affirmée non seulement comme une vérité expérimentale courante d’un processus naturel de régénération, mais comme un enseignement essentiel de la Tora. 116. Cf. Nefesh haHayyim, 2e Portique, chap. 11 in fine. (Trad, française, op. cit., p. 99.) 117. Ex. 21:26, 27 : Un esclave maltraité par son maître acquiert sa liberté si un dommage grave, atteinte à l’œil ou aux dents, lui a été causé. 118. Ps. 94:12. 119. T.B. Berakhot 5a. L’exégèse rabbinique de ce verset est fondée sur un changement de voyelle sous la lettre dalet du verbe (un Tséré à la place du Ségot). Si une douleur infligée à une partie restreinte du corps entraîne la liberté, combien plus une souffrance générale intime peut-elle être cause de libération ! 120. L’arrachement du bien à l’emprise du mal est la cause de cette souffrance. Cette émergence de la personne de sa contradiction interne est évidemment d’un autre ordre que la crainte purement négative de la sanction. 121. Crise de la personnalité qui se trouve prise d’abord dans l’angoisse, la peur et la souffrance. L’auteur veut rendre compte de cette émotion qui s’empare du pénitent conscient de sa faute et élucider son contenu spécifique. Les souffrances provenant des douleurs éprouvées par l’âme vitale, retenue dans son expansion, sont ressenties dans l’âme spirituelle comme une conséquence du péché. Acceptées, assumées comme un moyen de régénération, ces douleurs peuvent engendrer une sérénité qui est le signe d’une progression de l’âme dans la personne. 122. Cette description suit le texte talmudique de Berakhot 5a sur les «souffrances d’amour» (Yisurin me’ahava — souffrances infligées par amour). Celles-ci assumées et acceptées en connaissance de cause n’entament pas les possibilités intellectuelles mais au contraire replacent l’ensemble des connaissances acquises dans une expérience globale, qui leur confère une dimension existentielle plus concrète. 123. Dans ce sens tout péché est une restriction de la personnalité, que l’homme le sache ou l’ignore. Seul le repentir, qui est un retour vers la source de vie, peut rendre à l’individu sa santé, une plus intense utilisation de sa liberté, grâce à sa réintégration dans la totalité de l’existence. 124. La faute en elle-même est un acte mauvais qui corrompt la personne. Mais de plus, elle interrompt le flux ascendant qui ramène le monde à sa source (O.Q., vol. 2, p. 515 sq.). L’univers privé de sa lumière et de
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Chapitre 8 115. D’une manière générale l’idéal consiste à transformer le mal en bien. Mais ceci est un stade élevé du processus du repentir. Au début il importe, afin d’éviter la contamination de la totalité, d’éliminer les parties les plus irrémédiablement atteintes. La période initiale du repentir corres
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son mouvement s’assombrit et se replie. Ce serait la cause de ce mal de l’âme qu’est la mélancolie et de la vision séparatrice et pessimiste de l’univers qu’elle suggère. 125. Littéralement en proie à la « mélancolie de la rate ». Selon le Zohar la forte tristesse serait due à une expansion anormale de la rate dans l’organisme. Cf. Zohar 2, 227b, 232b. Tikuney Zohar 21, 24, 48. 126. Ecc. 7:6. « Car tel le bruit des épines sous la marmite, tel est le rire de l’insensé. » 127. Ps. 149:9. Nous traduisons le verset selon l’interprétation du Rav Kook. « LaKol » : pour le Tout (et non pour tous, selon le sens généralement accepté). La vision optimiste est liée à la considération de l’univers comme un Tout en constante croissance. Le mal provient d’une illusion d’optique : on ne perçoit pas le monde dans son unité fondamentale. « Dans la généralité de l’univers, pratique et spirituel, il n’y a de mal réel que dans ce qui est séparé. Mais dans la globalité du tout, tout est concrètement bon » (O.Q., vol. 2, p. 454). Voir aussi id., p. 456. 128. I Sam. 24:14. 129. Le bien n’est pas seulement l’absence du mal, mais le mal surmonté et vaincu. Il y a une inertie, qui doit être « ranimée » même au « fond » de la pure âme spirituelle. 130. Voir supra, note 49, p. 223. Les trois aspects de l’âme, neshama, ruah et nefesh, sont liés l’un à l’autre. La partie inférieure, nefesh, la plus proche du corps, reçoit sa force du ruah (esprit), qui lui-même est sous l’influence de neshama. 131. Le psychologique s’explique par le métaphysique. La mélancolie provient de la source même du mal, c’est-à-dire des méchants : une abdication de la volonté, qui freine le jaillissement de la liberté et empêche l’extension fécondante de la puissance spirituelle de l’âme. La non-coïncidence de l’individu avec son être profond le coupe de la dimension globale de l’existence. N ’étant plus acheminée vers l’être, sa créativité s’amenuise et se flétrit. Cette sclérose prive la conscience de sa densité vitale, de sa possibilité de croissance : assoupissement qui se traduit par un vif sentiment de déséquilibre et de profonde tristesse. 132. Éz. 33:11. 133. Mic. 5:6. Signes de l’irruption permanente du principe vital dans le monde ; renaissance perpétuelle, grâce au don gracieux de Dieu. Pour les cabbalistes, la rosée est le symbole de l’Éveil d’en Haut non provoqué par l’homme, expression de l’amour gratuit de Dieu « qui n’espère rien de personne et n’attend rien des fils de l’homme ». Cf. O.Q., vol. 2, p. 378. C’est dans ce sens qu’Isaïe lie la « rosée » à la résurrection des morts : « Tes morts revivront, mes cadavres se relèveront. Réveillez-vous et poussez
des acclamations, habitants de la poussière ! Car ta rosée est une rosée lumineuse et la terre redonnera jour aux ombres » (Is. 26:19). Cf. aussi Osée 6:14. « Je serai comme la rosée pour Israël... », et Cant. 2:5 : »... car ma tête est pleine de rosée... ». Voir infra, note 311, p. 265. 134. Pour le développement de la notion de Shekhina, la présence divine dans le monde, à partir du Talmud, à travers la philosophie juive médiévale jusqu’à la Cabbale, voir G. Scholem : « Zur Entwicklungsgeschichte der Kabbalistischen Konzeption der Schekhina », Eranos-Jahrhuch 1952, vol. 21. La Shekhina souffre de ne pas pouvoir pénétrer totalement l’ensemble des mondes. L’élargissement de cette présence dépend en effet de l’œuvre de l’homme, que Dieu associe ainsi au maintien et au développement de la création continuée. Le juste, conscient de ses devoirs et de ses manques, souffre de la même souffrance. Il est tourmenté par tout ce qui dans sa propre vie, mais aussi dans la vie des autres, empêche la manifesration totale de la gloire divine. Son aspiration au repentir général découle de ce vif sentiment de la responsabilité humaine, comptable non seulement de son salut individuel, mais de la rédemption du monde. Voir infra, chap. 12, § 3. Sur la place privilégiée de l’homme dans la hiérarchie des mondes voir Nefesh haHayyim, Tr Portique, chap. 4, et notre introduction à la traduction française, op. cit., p. 19 sq. et O.Q., II, p. 433 ; Arpiley Tohar, p. 27. 135. Voir O.Q., vol. 2, p. 515 sq. Aspiration de l’ensemble des mondes à la plénitude. Leur élévation dépend cependant de la libre volonté de l’homme et de son action juste, exécutée dans la joie de participer à la restauration de l’univers. 136. Le repentir du juste est inspiré d’abord par son souci pour la rédemption générale du monde et ensuite par son désir de régénération personnelle. Toute personne qui s’éveille à la Teshuva en réponse à l’appel qui s’élève de l’univers en voie vers son perfectionnement participe à ce grand mouvement de renouvellement et en renforce l’intensité, quelle que soit par ailleurs sa performance individuelle dans la pratique de sa propre restauration. 137. Non seulement tous les éléments du réel sont-ils reliés les uns aux autres, mais l’ensemble forme une unité organique, traversée par le puissant courant vital divin. Cependant ces éléments et plus particulièrement l’homme doivent vaincre la tentation sécessionniste pour se raccrocher à l’unité du Tout, et faire progresser l’ensemble vers le retour à la source de l’être. L’unité du Tout est ainsi le fondement du monothéisme éthique, aussi bien dans ses affirmations métaphysiques que dans les exigences touchant le comportement pratique qui en découle. 138. La faute, quel que soit le domaine dans lequel elle se manifeste, consiste toujours en une séparation et une division, qui marquent en conséquence un retrait de la densité vitale.
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139. L’isolement et le morcellement ont pour conséquence l’aliénation de l’âme, qui se traduit, comme toute perte de l’unité, par de grosses souffrances. 140. Action rédemptrice du repentir, à l’œuvre dans les profondeurs immanentes de l’univers, toujours offerte à l’attention vigilante de l’homme à la recherche de sa propre intégrité. 141. Cf. O.Q., vol. 2, p. 297 : « La sainteté supérieure est la sainteté du silence, la sainteté de l’existence ; l’homme se connaissant lui-même s’efface dans son intimité individuelle, et vit une vie totale, la vie du Tout. » Audelà du monde de la finitude de la parole et de l’effort humain, il y a le « monde du silence » de la grâce infinie de Dieu. La parole, le cri, la prière sont des supplications de l’homme en vue de briser la finitude, un appel à l’irruption de la transcendance dans ce monde. Lorsque ces efforts s’avèrent insuffisants pour apaiser la nostalgie de l’infini, il ne reste que le silence. Silence au-delà de la parole, lieu originel d’où peut naître un changement régénérateur. Ce silence est une descente dans les profondeurs de l’être, le tréfonds de l’âme humaine, où l’homme, redevenant pleinement lui-même, retrouve dans son intériorité la ressource d’une créativité qui le réconcilie avec la réalité universelle. « Lorsque l’écoute supérieure s’affirme, l’intelligence analytique ne peut pas accomplir son œuvre, et le silence commence alors à s’imposer » (O.Q., vol. 1, p. 116). 142. Is. 35 :7. 143. L’idéal étant un repentir désintéressé, inspiré par la compréhension de la situation de l’homme dans ce monde et sa responsabilité envers le maintien et le développement de l’univers. 144. Sur la relation entre honte et repentir voir Netivot Olam, Netiv haTeshuva chap. 5, et notre analyse : « La honte : étude comparée — le Maharal et quelques philosophes modernes », in Ni» Hamidrashia, 1980, en particulier p. 68. 145. L’essence du péché n’est pas dans la violation d’une loi extérieure, mais dans le sentiment déconcertant d’une aliénation à soi-même, d’un manquement à son propre être profond. Cette déception est ressentie d’abord comme un rétrécissement du désir d’existence, dans les souffrances et l’angoisse. Approfondie par une conscience inquiète d’elle-même, elle devient l’expérience d’un moi qui se découvre en relation avec un fond d’existence, un ordre du réel auquel il ne peut se soustraire. L’émotion passée, la réflexion sur la faute peut ainsi constituer l’amorce d’un processus de régénération. 146. Dans un premier stade, le repentir, étant un mouvement régressif, entraîne un ralentissement de l’expansion de la volonté et un renversement de son vecteur naturel, qui se traduit par un sentiment de lassitude et de tristesse. Il importe à la fois de ne pas supprimer ce moment de prise de conscience indispensable à la conversion et d’autre
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part de le dépasser rapidement en le réintégrant dans le mouvement ascendant d’une temporalité positive. La tristesse est un durcissement de l’âme et conduit à un processus mortel de dévalorisation de la vie, dans lequel les moralistes juifs ont vu, sinon 1essence même du péché, tout au moins une des causes les plus pernicieuses de son incrustation. Cf. O.Q., vol. 3, p. 105. « La tristesse est haïssable, parce qu’elle provient de la source la plus corrompue des idées et des sentiments. » 147. Sur « la joie naturelle constante » liée à l’exercice de la libre volonté voir id., p. 105. 148. Le péché, introduisant une séparation dans notre être entre notre personne et le courant vital général, interrompt le processus de notre devenir. L’anxiété parfois refoulée et l’amertume qui en résulte s’inscrivent dans la constitution entière et, suivant la fonction atteinte, marquent de leur empreinte indissimulable les différentes expressions extérieures de la personnalité. 149. Voir supra, note 105, p. 235, en particulier sur le lien entre pensée et volonté. Et O.Q., vol. 3, p. 92. « La faute empêche la révélation de la sagesse, parce qu’elle atteint la volonté. Or le principe de manifestation de la sagesse est contenu dans les profondeurs de la volonté. » La volonté humaine est un aspect particulier de la volonté générale divine qui anime l’univers dans ses profondeurs. « Nous connaissons la volonté bonne qui est le fondement de l’existence ; toute la réalité est fondée sur son essence. Lorsque ce principe du monde se manifeste à travers la volonté humaine, son influence s’étend dans la mesure où cette dernière se développe » (O.Q., vol. 3, p. 43). Le développement de la volonté humaine est donc un impératif premier car « nous réalisons que la volonté humaine, que nous rencontrons dans notre intériorité dans une forme mineure, est imprégnée d’une concentration de la volonté d’En Haut, de la volonté de la lumière des mondes... » (id., p. 45) et nous prenons ainsi plus claire conscience du fait que « la volonté d’aucune créature n’est chose distincte de la volonté divine générale, qui se manifeste dans la lumière de tout vivant et de toute créature » (id., p. 50). La relation au prochain revêt dans ce contexte une signification nouvelle qui enrichit et approfondit son contenu. Elle est une exigence de dépassement des frontières de l’individualité en vue de l’établissement d’un ordre de rapports où s’affirme une vie unitive. Un resserrement des liens avec autrui est une étape importante sur la voie d’accès pour le repentant de son être vrai, en relation avec la réalité universelle. La violence, négation de l’autre, est une manifestation de volonté de puissance qui se déploie sur le compte et en direction inverse de la puissance de volonté.
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NOTES
150. Formule empruntée à la prière de Neïla de Yom-Kippour, qui résume le contenu et le but de l’ensemble des prières de la journée. 151. La faute provoque le sentiment d’une diminution d’être qui affecte le sujet bien au-delà de la transgression de l’interdit, et le tourmente, parfois jusqu’au désespoir. Mais ce désespoir qui marque la distance du sujet avec son passé lui permet en même temps de découvrir qu’il est plus que sa faute et par conséquent l’invite à aller jusqu’aux racines de son être. Cette démarche lui montre qu’il y a en lui une aspiration vers plus de moralité et de sainteté, dont l’attraction est plus forte que la faute qu’il condamne. 152. Sur la valeur particulière de la réflexion dans le processus du repentir, voir supra, notes 94 et 97, p. 233. 153. Voir note précédente. L’anxiété et la détresse à la suite de la faute sont les signes les plus évidents de la libération, parce qu’elles font progresser l’individu vers la certitude de pouvoir ressaisir son être, et l’espoir d’une meilleure possession de lui-même.
repentir, par contre, est une force de l’âme, une puissance profondément enracinée dans l’intimité de l’être, et de ce fait ouverte et orientée vers une fin supérieure. Elle sous-tend notre finitude et nous greffe sur l’infini, au point que tout acte absolument voulu serait forcément un acte bon. C’est dans ce sens que le Rav Kook parle de la « volonté bonne » qui oriente toute existence vers le bien - théorie dans laquelle nous devons voir le point central de toute sa philosophie. La disposition gracieuse qu’est la volonté étant déposée dans le tréfonds de notre être, il ne dépend totalement que de l’homme de se créer en la trouvant. Ceci nous explique pourquoi pour l’auteur cet acte de synthèse du moi entier est dans cet engagement total, une résolution authentique : elle est indépendante de toute condition extérieure. D’autre part, il convient de remarquer que l’approfondissement et la libération de l’intimité du moi ne sont pas décrits ici dans la « ligne de la plus grande résistance », dans la sévérité crispée d’un âpre effort, mais plutôt dans ce que G. Marcel appelle la « volonté comme détente » (G. Marcel, Journal métaphysique, Paris 1927, p. 216). L’accent est mis sur la richesse intérieure d’une maitrise de soi comme liberté spirituelle. 157. Cf. O.Q., vol. 2, p. 428, et O.Q., vol. 3, pp. 39-59. 158. Cf. T.B. Pessahim 54a : « La Teshuva a précédé le monde. » 159. Le repentir permet à l’homme de se voir comme partie d’un tout ; plus il descend dans les profondeurs de son être, plus sa vision du monde devient universelle. Cela s’applique à tout le réseau de ses relations, aussi bien avec le monde physique qu’avec la réalité sociale. Aussi l’auteur avaitil insisté sur l’importance de la relation entre ces Consciences et la communication des personnes par l’approfondissement du processus du repentir (voir supra, note 149). Cette exigence n’exprimait pas seulement un impératif moral, mais s’imposait pour l’établissement d’un ordre de rapport où l’unité de la vie pourrait s’affirmer avec plus de vigueur. Dans le même ordre d’idées, la maîtrise des relations qu’apporte le repentir réconcilie le sujet, non seulement avec le passé et le présent, mais avec le temps en général. Son effort individuel rejoint le projet universel et il se trouve associé à une œuvre qui, au-delà de son propre destin, engage toutes les générations. 160. Cf. T.B. Yoma 86a : « Grand est le repentir car il apporte la guérison au monde. » Le pénitent, en s’intégrant dans le courant général qui anime le monde, renforce ce devenir de son apport et contribue de cette manière à un élargissement de son influence bénéfique. Voir ci-après note 162. 161. Quelle que soit par ailleurs l’importance de ces moments de lutte pour la libération du moi pour la vie morale, l’action de la volonté ne se limite ni à la résistance à la multicité des désirs, ni à l’arrachement à la « pression » du passé. La volonté libérée débouche dans la conscience fondamentale de l’unité et, comme expression de la totalité du moi, sur un
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Chapitre 9 154. Littéralement : sur le fondement d’Atsilut, le « monde de l’Émanation » le plus élevé dans la procession des mondes à partir de En-Sof. Voir supra, note 15, p. 215. Le repentir, la réflexion constante sur son essence, réintègre la personne dans le courant de l’émanation dont il était coupé par le péché ; il se trouve ramené vers la réalité spirituelle, d’où procède son âme spirituelle. 155. Pour la définition de l’esprit saint, voir supra, note 24, p. 216. 156. La vie spirituelle ne répond pas en premier lieu à une curiosité d’ordre intellectuelle, mais à une nécessité intérieure de dépassement : la personne ne consent pas à voir dans sa position actuelle par rapport au réel son ultime limite. D’où son aspiration à un redressement, dont la spiritualité sera d’autant plus intense que sa visée sera plus haute. Le repentir, en réintégrant l’individu davantage dans le courant vital général, le confirme à la fois dans son unité et dans le caractère non illusoire de ses aspirations. La faculté qui assure la résolution venant du cœur du sujet en même temps que sa liaison avec la vitalité générale est la volonté. Elle constitue l’essence de la personnalité profonde et son exercice est un véritable « acte de transcendance ». On pourrait appliquer plus justement à la description de la volonté par l’auteur ce que W. James dit de l’effort : elle apparaît comme la « réalité substantielle de nous-mêmes par rapport aux réalités accidentelles que nous ne faisons qu’avoir et porter partout avec nous » (W. James, Précis de psychologie, p. 610). Les réalités accidentelles correspondent en effet aux réactions superficielles et à ce niveau, même la volonté n’est qu’une pulsion parmi d’autres, une tension qui garde une certaine raideur, un effort de soi sur soi encore marqué par une ténacité concentrique. La volonté du
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consentement au projet vital, une adhésion à son rythme et un dévouement actif à sa croissance. 162. Formule courante du Zohar (voir par ex. Zohar 1, 129b) qui souligne la grande énergie déployée par le repentant pour rejoindre dans son mouvement de conversion la source d’où tout émane. Cette énergie éveille les sources d’En Haut, qui à leur tour injectent dans le monde un flux supplémentaire de vitalité spirituelle. Thème du Zohar expliqué et amplifié dans Nefesh haHayyim (op. rit., 1, 3 et trad, française intr. p. XIX sq.) : l’homme exerce, suivant la qualité de ses actes, ses paroles et ses pensées, une influence bénéfique ou maléfique sur l’ensemble des mondes et sur la divinité elle-même dans son association aux différents mondes. L’homme —et le maître du repentir en est la plus haute expression —est ainsi véritablement associé à la création continuée de l’univers. Le Rav J.D. Soloveichik a donné une expression originale à cette « création continuée » en la situant essentiellement sur le plan de la transformation de l’univers selon le projet de la Halakha. Voir L'Homme de la Halakhah, traduction, notes et postface par Benjamin Gross, Jérusalem 1981, pp. 105-146. Voir en particulier l’analyse de la Teshuva, pp. 118126. 163· En lutte contre les forces de dispersion, l’élan de la volonté met en jeu une force d’orientation, qui unifie les impulsions inhérentes, et les dirige vers un but. Chaque acte particulier s’intégre ainsi dans une perspective globale qui rejoint la volonté générale divine. 164. Le repentir inspiré par un sentiment de culpabilité, et un regard rivé sur le passé, écrase l’individu et inhibe sa volonté. Bien que toute restriction du vouloir soit un signe de faiblesse vitale (voir ci-après, § 7), cette confrontation avec la faute est un moment nécessaire, à condition d’être provisoire et surmontée. De toute manière, même si elle persiste audelà du temps nécessaire, étant donné que le pénitent assume sa faute et ne s’y complaît pas, il trouvera dans cette expérience la force nécessaire pour aller plus loin. 165. Prov. 10:12. L’amour est le dépassement de cette expérience initiale de la culpabilité et la poursuite du processus du repentir, inspirée maintenant par une volonté d’amélioration de soi-même et du monde. Ce dépassement n’a été possible que par les « imperfections » initiales, qui sont ainsi compensées et rachetées par leur contribution au progrès de la conscience. 166. Le repentir est une remise en cause de la conduite passée. Or celleci comporte des zones d’ombre et de lumière. Il importe de les distinguer soigneusement afin de porter l’effort de redressement exclusivement sur les actes négatifs. Vu les contradictions, les disharmonies et les conflits de
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devoir qui caractérisent et le monde et l’homme dans les conditions actuelles, cette distinction n’est pas toujours aisée à établir. 167. Selon la Cabbale du ‘Ari (R. Ytshaq Luria), rien n’existe qui ne participe à la fois du mal et du bien. « Le mal et le bien sont mélangés et confondus dans l’homme et dans les mondes. » Cf. Ets Hayyim, Sha"ar qelipot Noga, chap. 2, et Gilgulim, chap. 1 ; voir aussi Nefesh haHayyim, op. rit., 1er Portique, chap. 6, 2' note de l’auteur et notre traduction française (op. rit.), p. 19. Il faut veiller à bien séparer ces deux domaines, afin d’empêcher le groupement des forces négatives en une active entité impure (cf. Y. Tishby, Torat haRa" wehaQelipa beqabalat ha’Ari («La doctrine du mal et des écorces dans la cabbale du ‘Ari »), Jérusalem, 1942. Pour le Rav Kook, l’éloignement de la faute et l’écartement du mal ne sont qu’un aspect primaire du repentir. L’essentiel consiste à transformer le mal en bien, de telle façon que le repentir devienne une force active de créativité et oriente l’ensemble du réel dans le sens vectoriel du bien. Il développe ce point important de sa théorie en dégageant les multiples implications (voir supra, chap. 1, et infra, § 7, 8) du texte talmudique « Grand est le repentir : les iniquités commises avec préméditation se transforment par lui en mérites » (T.B. Yoma 86b). Il l’interprète à la lumière de sa doctrine sur l’évolution positive de l’univers et de l’homme dans l’histoire. La transformation du mal est un élément incontournable à l’accomplissement total du bien. 168. Un des points les plus importants de la théorie de la volonté de l’auteur réside dans l’affirmation de l’unité idéale de la volonté et de l’entendement. « L’unité spirituelle réalise l’unification de la pensée et de la volonté... Ce n’est que dans sa forme superficielle que la volonté revêt chez nous un caractère différent de la pensée et de la représentation intellectuelle » (O.Q., vol. 2, p. 430). C’est vers cette unité idéale que doit tendre l’individu qui veut atteindre le point suprême de l’émanation, le monde d’Atsilut. « L’élévation, comprise comme aspiration vers Atsilut, réside dans la concordance de l’entendement et de la volonté, qui s’unissent ensemble vers le bien idéal. Tant que l’entendement et la volonté constituent des éléments distincts, même s’ils s’unissent parfois dans une rencontre accidentelle, on ne parvient pas à actualiser l’aspiration à'Atsilut... La qualité de la sainteté supérieure, atteinte par cette aspiration, ne s’obtient qu’après l’union de l’entendement et de la volonté au point qu’ils n’ont plus la nature et la consistance qui étaient la leur en tant qu’éléments distincts. Une lumière de qualité nouvelle procède de leur union, sous la forme d’une connaissance pleine de splendeur manifeste (Tiferet)... » (O.Q., vol. 3, p. 85). Pour la distinction entre « volonté manifeste et volonté cachée », voir O.Q., vol. 2, p. 368. La sagesse suprême est l’illumination qui parvient à l’homme de « haut
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en bas » lorsque entendement et volonté sont confondus. L’usage de la raison humaine s’exerce à côté de cette expérience personnelle, comme un outil de recherche et d’analyse, de « bas en haut ». 169. Par la faute, l’individu guidé par son désir égoïste se coupe du courant vital et sa vie se déroule dans une relative inertie conservatrice, en marge de l’élan central, soumis aux impulsions du moment et sans orientation décisive. 170. Volonté profanée, car elle ne remplit pas sa fonction de dépassement ; l’individu demeure dans le cadre strict du déterminisme naturel. 171. Ps. 51:14. L’harmonie spirituelle réunit en elle la joie du salut soutenue par l’esprit qui en est partie intégrante. 172. Voir note 164, p. 244. 173. T.B. Yoma 86b. 174. Ez. 33:19. Voici comment l’auteur du Nefesh haHayyim explique le texte du Talmud et la citation du verset d’Ézéchiel pour illustrer son dire : « À première vue le verset indiqué ne prouve rien. On explique généralement “ sur eux ” comme se rapportant au droit et à la justice, qu’il a accomplis à la suite de son repentir... Mais si “ sur eux ” se rapportait au droit et à la justice, il aurait fallu dire “ il vit en eux ” comme cela est le cas pour le verset : “ il vivra en eux ” (Lév. 18:5)... En disant “ sur eux ”, le texte a en vue la faute et le péché antérieurs. Grâce à son repentir, le rejet des actes précédents et l’accomplissement du droit et de la justice, ces derniers actes ont supplanté les premiers et les ont transformés en mérites pour la vie éternelle » (1er Portique, chap. 6, 3' note de l’auteur ; notre traduction fr., op. cit., p. 24). 175. La force du vouloir qui est à l’origine de la faute est l’ébauche d’une certaine, ou plutôt d’une incertaine, cohérence qui se cherche à travers des sollicitations désaccordées. Le repentir s’applique à ne pas briser ce fond de consistance sans lequel aucune moralité ne serait concevable, mais à le réorienter et à le porter vers sa véritable fin. Le repentir capte ainsi les forces vitales engagées dans une mauvaise direction, voire à rebours, et les entraîne dans le courant constructif d’un accomplissement créateur. 176. Une faiblesse de l’âme vitale, voire de la force physique, entraîne un ralentissement de la volonté, qui a pour conséquence une diminution de l’intellect. Le repentir suit la voie inverse. 177. Cf. T.B. Megilla 17b : « Pourquoi a-t-on fixé [dans la prière des dix-huit bénédictions] le repentir [après la prière portant sur] le discernement \Bina\ ? Car il est écrit : « Son cœur comprendra, il fera retour et sera guéri » (Is. 6:10). Selon la Cabbale l’entité « Bina » est le lieu de la mutation du mal en bien : elle est souvent désignée comme « Teshuva ». Voir Perush ha’Agadot lerav "Ezriel miGerona, Éd. Tishby, Jérusalem 1977, p. 96, et I. Tishby, Mishnat haZohar, op. cit., p. 738, note 3.
Cf. Zohar, Sitré Tora 1, 79b : « La neshama (âme spirituelle) vient à l’homme par Bina. » 178. Plus on s’élève dans la connaissance de l’unité, mieux on s’aperçoit que le fondement du mal est dans la profondeur même du bien (dans la volonté divine de créer le monde) et l’apparente dualité du monde se dissipe pour faire place à la vision réelle d’un monde unifié. 179. Séfer Yetsira 6:2. Le mal permet de mieux cerner le bien et ainsi le désir de la perfection du bien s’accroît. 180. Voir id., chap. 1, § 5. 181. Voir O.Q., vol. 2, pp. 475 sq. « Par la vision d’une claire sainteté nous pouvons voir que la profondeur du bien est la cause de la profondeur du mal. Afin que le bien également s’approfondisse grâce au mal, et parvienne dans sa totale bonté à une meilleure perfection. C’est pourquoi il y a une aspiration au mal dans tout le réel, au mal moral comme au mal pratique. » Ce « discernement » doit permettre la juste appréciation de la fonction du mal afin d’œuvrer à sa transformation en bien, puisque telle est, en fin de compte, sa véritable destination. 182. Se vouloir vraiment et totalement, c’est se poser comme liberté et s’affranchir progressivement de l’ordre causal. 183. Selon la tradition, les dix jours qui s’étendent de Rosh-haShana à Yom-Kippour sont plus particulièrement propices au repentir. Entre le Nouvel An - jour du jugement - et Yom-Kippour - jour du pardon —le juif se sent en sursis. Il est appelé en conséquence durant ces jours, « les dix jours du retour », à un vaste examen de conscience. Cf. T.B. Rosh-haShana 18a et Maimonide, Code, Hilkhot Teshuva, 2:5. Voir également J.D. Soloveichik, Yemey Zikaron (« Jours du Souvenir »), Jérusalem 1986, pp. 229-251, « Les jours de Teshuva et leur spécificité ». 184. Malgré la valeur pédagogique d’éveil de cette convocation régulière au repentir, il lui manque peut-être la lente et progressive maturation de l’esprit qui lui permettrait d’en faire une étape sur le chemin de la plénitude. Cet arrêt brusque, et cette focalisation sur l’univers morbide de la faute, risque de paralyser ou de restreindre l’élan spontané de la volonté, et de constituer ainsi une régression, non seulement du mal, mais également du bien. La thérapie risque, avec l’élimination des cellules atteintes, d’annihiler également les cellules vives. D’une manière générale, considérant la volonté comme le principe essentiel de la vie, le Rav Kook s’est toujours élevé contre toute tentative susceptible d’en restreindre la force. Dans ce sens il a mis en garde contre une mauvaise interprétation possible des exigences de la vie religieuse, pouvant engendrer un esprit de servitude non propice à l’épanouissement de la personnalité voulue par la Tora. « La volonté, principe vital essentiel, doit nécessairement être active dans
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la vie. La morale, la Tora, toute lumière sainte d’ordre supérieur, doivent s’appliquer à la redresser mais non à en restreindre l’intensité. L’affaiblissement de la volonté par des charges contraignantes, même lorsqu’elles proviennent d’un lieu saint d’origine supérieure selon la conception que les hommes peuvent s’en faire, atténue la forme élevée de la splendeur humaine » (O.Q., vol. 3, p. 75). 185. La fête de Souccot, consacrée à la joie («Tu seras uniquement joyeux », Deut. 16:15), vient ainsi redresser et compléter ce qu’une période de contrition pouvait représenter comme éloignement provisoire de l’indispensable force vitale, de la joie de vivre. Sur volonté et joie, voir O.Q., vol. 3, p. 105.
Chapitre 10 186. Le repentir, pour parvenir à un haut niveau, doit aspirer à un degré élevé de contemplation spirituelle, la connaissance soutenant la tension de la volonté. La contemplation nous renseigne en effet, au-delà de la multiplicité apparente, sur la nature véritable des choses, sur l’unité profonde de tout le réel. Alors que l’esprit humain guidé par la raison est limité, suivant la critique de Kant, aux phénomènes, « la Tora, provenant de l’illumination de la vérité suprême, dans laquelle il n’y a aucune séparation entre l’intériorité de la personne et l’ensemble de l’univers et sa source » (O.Q., vol. 1, p. 23), permet non seulement une pénétration dans la science du noumène, mais donne accès à la compréhension unitaire des mondes. Il y a attirance, correspondance, entre les mystères de la Tora et l’âme (id., p. 88). L’univers mental de l’homme ne peut s’élargir et trouver repos, calme intérieur et joie que si l’âme se sent rattachée dans sa racine aux lettres de la Tora qui lui correspondent. 187. Voir supra, note 105, p. 235, sur les rapports entre la morale et la qualité de la pensée. « Lorsque le corps est pur de toute impureté de concupiscence et d’iniquité, on peut atteindre une grande lumière et une joie supérieure, également à partir de la méditation philosophique sur la divinité. Mais pour que des êtres affaiblis puissent ressentir le goût d’une sainte joie, il faut remonter jusqu’à l’élévation des mystères de la Tora, qui révèlent clairement la lumière divine. À travers la beauté de son splendide dévoilement (Tifiret) même l’âme vitale plongée dans la matérialité est saisie par son éclat » (O.Q., vol. 1, p. 92). L’auteur accompagne cette théorie générale par une remarque particulière portant sur son époque, qui explique par ailleurs le style qu’il a donné à son entreprise littéraire : « Aussi dans ces dernières générations, durant les
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quelles l’emprise de la concupiscence s’est étendue, et les forces physiques se sont relâchées, au point qu’il est difficile de résister à l’envahissement matériel, il est indispensable de faire luire la lumière des mystères. Lumière illimitée, qui s’élève dans son altière liberté jusqu’aux suprêmes hauteurs, et projette une joyeuse allégresse de sainte beauté sur les âmes angoissées et dépressives », id., ibid. 188. « La tendance de la Sagesse des mystères sous tous ses aspects consiste à renforcer la vigueur de l’âme spirituelle, afin de la consolider dans ses ressources intérieures, pour qu’elle puisse puiser à sa source, sans devoir recourir à n’importe quel exercice intermédiaire» (O.Q., vol. 1, p. 95). 189. Le repentir ne peut survenir qu’à partir d’une claire vision du jeu dialectique des forces ascendantes et destructives, afin que la conscience soit disposée à rechercher d’abord, à participer ensuite à l’unité qui sous-tend et fonde toute réalité. La connaissance joue ici un rôle essentiel de clarification. La recherche philosophique et scientifique, à partir des représentations de l’expérience sensible, peut apporter une contribution à la reconstruction de l’unité, mais elle reste pour l’essentiel tributaire d’une vision analytique, séparatrice, du réel, sur laquelle elle est fondée a priori. (Cf. O.Q., vol. 1, p. 22.) La science de la Tora - et plus spécialement l’étude de ce qu’il est convenu d’appeler son aspect ésotérique —nous introduit d’emblée dans une vision globale et totalisante de l’univers. Elle nous invite à appréhender le réel sous l’angle d’une sagesse qui est à la fois source de vie et de pensée, qui se veut libératrice de toutes les nécessités. 190. Dans l’analyse qu’il consacre à l’imagination (O.Q., vol. 1, pp. 223243), l’auteur procède à une véritable réhabilitation de cette faculté d’investigation, capable d’atteindre de façon immédiate la lumière vitale car elle est « le trône sur lequel repose la lumière de la sagesse et de la vie supérieures » (p. 231). Dans la représentation que nous nous faisons du réel, les relations établies par la raison occupent une place privilégiée. Sans rejeter cet aspect capital du rationnel, le Rav Kook ne considère cependant l’intelligence que comme « un élève débutant » qui ne projette qu’une lumière partielle et relative, par rapport à la puissante richesse vitale de la « vérité et de la grandeur » contenue dans le trésor de la force imaginative (p. 223). Le rationnel ne touche en effet que les « éléments extérieurs de la vie » (Maamarey Rayah, vol. 1,1) mais non la vie tout entière. L’imagination débarrassée de ses obscurités déborde parfois l’intelligence et peut nous faire pénétrer, par des voies plus immédiates et plus riches, dans une dimension différente de la réalité. L’homme disposerait ainsi de diverses facultés, qui toutes lui découvrent un certain aspect du réel : les sens, le sentiment, l’imagination, l’intelligence. Seule la convergence de toutes ouvre la voie à une connaissance vaste et profonde et nous ramène à la source d’où tout émane. « Dans l’âme vitale
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humaine il y a une imagination qui revêt l’intelligence et lui confère éclat et brillance... » (p. 232). L’imagination est valable dans la mesure où elle confère à l’intelligence une certaine aisance vitale, une stimulante fécondité spirituelle. Elle est nocive lorsque, abandonnée à elle-même, elle s’active dans le vide de la fabulation et la fuite dans l’irréalité, non contenue par la régulation de l’intelligence. Malgré cela « même lorsque l’intelligence ne soutient pas les représentations de l’imagination, celles-ci conservent cependant leur valeur intrinsèque, car l’imagination est en elle-même un univers entier ». L’idéal n’en demeure pas moins l’union des deux facultés, qui ne sont contradictoires qu’en apparence et entre lesquelles règne plus une différence de degré que de nature. « L’imagination revêt une forme particulière lorsqu’elle subit )’influence de l’intelligence. Cette forme est sainte, elle embaume le monde et purifie l’homme de toutes ses impuretés. Chaque fois que cette forme se dissipe et que l’imagination se déploie selon sa propre loi en dehors de l’influence de l’intelligence, elle devient la source la plus perverse de tous les échecs, de toutes les fautes et de toutes les iniquités dans la vie individuelle comme dans la vie collective » (p. 234 ; et voir Tykuney Zohar, Tikun 10). Liée à la raison, l’imagination ne se détourne pas de la clarté et de la vigueur, mais elle les élargit à la dimension de l’univers et les élève à la hauteur d’une sainte vitalité. Cette union assure à la personne une expansion équilibrée et un renouvellement dans la pensée et dans l’action, qui sont le signe le plus évident d’une participation active au mouvement de la Teshuva. 191. Les deux paragraphes suivants ont été ajoutés au texte original à partir de la quatrième édition : « Lorsque l’on parvient à un repentir parfait, il est possible ensuite de se livrer à des réflexions prolongées. Mais tant que le repentir n’est pas assuré, les méditations spirituelles ne sont que de l’ordre de l’essai, des remarques brèves et entrecoupées. » « Celui qui parvient au stade du repentir par amour pénètre dans un monde de vaste dimension ; ses pensées se prolongent et se pénètrent de sujets élevés. » 192. Sur l’entité Bina et le repentir voir supra, note 177, p. 246. Le péché accentue le mouvement d’individualisation et de séparation de la personne, qui se ferme ainsi à la réalité profonde du monde et à sa liaison à l’unité du Tout. Le repentir réapparente l’individu à la réalité totale, et lui révèle, par la vertu même du recueillement, son enracinement dans l’âme du monde. Voir Liqutey 'Amarim, p. 98b : ‘Igeret haTeshuva, chap. 9. 193. La qualité et le niveau atteints par la compréhension dépendent du développement de la volonté. La volonté humaine n’étant qu’un aspect de la volonté divine générale, elle ne véhicule pas seulement la spontanéité du vouloir, mais également la sagesse de l’entendement. Cette affirmation sou
vent répétée (voir supra, note 105, p. 235) nous semble très importante pour la définition d’une sagesse qui se construit en conformité avec les exigences de la raison et le mouvement de la vie cosmique. La compréhension du divin ne dépend donc pas seulement de la vigueur de la raison mais également de l’intensité du vouloir, et l’intensité du vouloir ne se déclenche que par une claire connaissance du bien. Voir O.Q., vol. 3, pp. 85-95. « L’aspiration en tant qu’aspiration vers 'Atsilut est une corrélation de l’intelligence et de la volonté qui s’unissent pour se porter vers le côté du bien idéal. » 194. Voir supra, note 74, p. 228. Tout ce qui existe dans le monde a ses racines dans le monde supérieur. Il en va de même des actes de l’homme ; ce dernier a le pouvoir, si ses actes sont conformes à la volonté divine, d’éveiller les racines afin qu’elles épanchent sur lui un flux supplémentaire d’énergie spirituelle. D’autre part, les sentiments de l’âme, sous leurs différents aspects de neshama, ruah et nefesh, sont autant de relais qui permettent à l’homme de remonter à la source de ses racines. Ainsi tout est prédisposé dans l’homme pour qu’il puisse aisément participer au mouvement de Teshuva. 195. Les conditions de la communion avec Dieu sont disposées dans l’homme de par sa constitution organique. Elles ne peuvent cependant se déployer que lorsqu’il ressent ne pouvoir parvenir à la source de son propre être qu’en se liant au Tout. L’humilité est d’abord chez l’homme la conscience de sa propre insuffisance, puis dépassement de son individualité vers le Tout. Dans ce sens « la juste humilité » n’est pas seulement effacement de soi, retrait et renoncement, mais grâce à une honnête estimation de sa situation spirituelle, ouverture généreuse vers ce qui le dépasse et l’accomplit. L’humilité est ainsi, dans l’homme, la vertu qui assure le mieux son renouvellement, la source vive de son dynamisme intérieur (Igrot, vol. 3, lettre 741). 196. « S’effacer devant la totalité et à plus forte raison devant la source de l’existence de la totalité, lorsque l’on y discerne la hauteur de l’infini, ne comporte ni douleur ni abaissement, mais joie et fermeté, maîtrise et force intérieure parées d’une couronne de beauté » (‘Orot, p. 125). On peut s’incliner sans être humilié : accepter l’ordre du Bien, reconnu comme tel, est une source de joie et de grandeur d’âme. 197. Cf. T.B. Yoma 39a. La faute clôt l’homme sur lui-même et de ce fait le rend insensible à ses propres possibilités spirituelles. Il suspend sa quête, et perd ainsi le bénéfice d’une stimulante confrontation. L’essentiel de la faute n’est pas dans la faillibilité mais dans cette rupture, car elle peut entraîner une déchéance qui rejette l’individu ou la collectivité, par manque de vigilance, dans le cycle des fatalités naturelles. La déchéance consiste à accepter l’étroitesse de la finitude comme marque dernière de l’essence humaine et à renoncer à sa destination ultime.
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198. L’esprit supérieur qui illumine tout homme l’invite à participer à la vie intégrale en liaison avec l’utilité du tout. Ce principe de dépassement, aussi essentiel pour l’entretien de sa spiritualité que la vitesse pour le maintien de l’avion en vol, lui parvient à travers la Tora, la foi religieuse, la tradition familiale, l’histoire de l’humanité ou la conscience morale. On pourrait en formuler le contenu d’après l’expression poétique que lui prête le Rav Kook lui-même : « Monte vers le haut, monte ! car tu as été gratifié d’une force vigoureuse. Tu disposes des ailes de l’esprit, ailes puissantes de l’aigle. Ne les néglige pas, de peur qu’elles ne se refusent à toi. Utilise-les et elles t’obéiront aussitôt » (O.Q., vol. 1, p. 84). 199. Une volonté faible et surtout désorientée. L’action est déterminée en fonction des réactions superficielles de l’être, à l’aveuglette. 200. Cf. Ecc. 7:29 « ... Dieu a fait l’homme droit... » Il s’agit de la constitution originaire de l’homme, caractéristique première de son pouvoir, à partir de laquelle la faute se présente comme une déviation et apparaît comme une déchéance. 201. C’est à travers le visage, expression de l’unicité individuelle, que se révèle la valeur de la vie spirituelle globale de l’homme. Cf. Maharal, Derekh Hayyim 3/14 : « L’essence du Tselem (image de Dieu) s’expose dans le visage précisément, car la réalité de l’homme [de l’humain], c’est son visage. » 202. La culture est l’effort humain pour donner un sens à la vie. Le repentir est le fondement de cet effort dans la mesure où il consiste à développer les virtualités humaines en arrachant l’homme aux fatalités de la nature, dans la claire conscience de participer à un univers destiné non à la mort, mais à la vraie vie. Cette œuvre de culture lui impose la tâche de résister à la dissolution progressive et à l’enlisement de l’indifférence et, en lui enseignant à maîtriser le temps, à voir dans la quête de l’unité et la conscience vitale du Tout la destination de son devenir. 203. La connaissance de soi est indispensable pour la connaissance du divin. Cette lumière intérieure, qui donne au moi son assurance d’être, s’obscurcit par la faute et détache l’homme de sa source. Lorsque le moi commence à vouloir s’élever, il prend conscience qu’il ne peut parvenir à la connaissance profonde du principe qui le confirme dans l’être qu’en se libérant des fautes qui retiennent l’élan de l’âme, et font obstacle à l’oubli, au dessaisissement du moi concret. Dans ce paragraphe, le repentir est inspiré moins par le remords de la faute que par le désir de la compréhension et de la connaissance. 204. Le repentir spirituel restaure le lien rompu par le péché entre l’homme et Dieu. Il n’en est pas de même pour un dommage, matériel ou moral, causé au prochain. Dans ce cas il est indispensable de réparer effectivement ce tort causé, pour que l’âme retrouve sa liberté d’expansion. On notera (cf. O.Q., id., vol. 2, p. 430 et id., vol. 3, p. 20) que cette absence
de communication des consciences entraîne une restriction de l’ensemble de la personnalité, mais plus particulièrement des facultés intellectuelles et de leurs résonances spirituelles (voir ci-dessus chap. 8, § 14). 205. La prise de conscience de soi est, comme son nom l’indique, une lutte et une libération. L’épanouissement, soutenu par une aspiration vers la lumière supérieure, se heurte à la force d’inertie qui, à l’ombre des zones obscures de la personnalité, fait pencher celle-ci vers le non-être. Elle se glisse dans l’effort d’être ou de valoir et pèse de tout son poids oppositionnel dans chaque expérience où le moi tente de se comprendre par une relation qui fait apparaître manifestement son caractère provisoire. 206. La connaissance des mystères de la Tora se traduit davantage dans la qualité de la connaissance que dans la quantité du savoir. Cette sagesse supérieure, unificatrice du savoir, est une intimité jusque dans le détail, avec la profondeur de l’être, au-delà du théorique. C’est pourquoi elle ne peut être appréhendée que par une faculté particulière qui unit en elle l’esprit et la vie, l’entendement et la volonté, qui ne se cristallise qu’à travers le développement du repentir. « Les mystères de la Tora ne se révèlent pas en fonction de l’intelligence profane, mais selon le flux sacré de l’esprit saint. L’épanouissement de l’esprit saint dépend de l’intégrité de l’esprit, et l’intimité de l’esprit dépend de la maîtrise du désir qui est le caractère intérieur de l’âme spirituelle. La racine de cette dernière se situe dans le lieu de convergence où l’entendement et la volonté s’unissent en une faculté unique. La volonté progresse en perfection selon les actes. C’est pour ce motif que la vigilance dans l’action et la qualité du repentir sont une condition essentielle pour la saisie correcte du contenu des secrets de la Tora » (O.Q., vol. 1, p. 260). 207. « Lorsque la volonté intérieure est défectueuse, cette défectuosité doit forcément se manifester également dans l’intellect et dans la conduite... Aussi la lumière de la sagesse et le luminaire de la Tora ne peuvent-ils briller dans l’homme d’un clair éclat tant qu’il n’a pas effectué un repentir complet, qui restaure le principe spirituel. La manifestation de la volonté peut alors se révéler dans toute son éclairante clarté... » (O.Q., vol. 1, p. 259). 208. Les impératifs de la Tora correspondent au caractère et au rôle particuliers du peuple juif. 209. La prière exerce une fonction cathartique et restauratrice sur l’âme. Elle libère les potentialités de l’âme pour s’élever et écarte les obstacles qui s’opposent à la réception du flux de la vie supérieure. (Cf. Kuzari, 3' partie, § 5.) En vérité, l’âme prie d’une manière constante, mais l’activité de la prière révèle cette aspiration cachée d’une façon manifeste et renforce dans l’homme le sentiment de la proximité de la sainteté supérieure. Elle peut
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donc apporter un très sérieux appui au mouvement du repentir, en renforçant en particulier l’élan de la volonté. « Le fondement de la prière consiste dans l’élévation et le dévoilement de la volonté » (O.Q., vol. 3, p. 50). Dans la prière la volonté individuelle se rattache à la volonté divine, au point que la prière par excellence n’a d’autre visée que la manifestation parfaite de la lumière de la volonté divine. L’élévation de la volonté par la prière permet ainsi la rencontre, la communion avec la volonté divine, selon la recommandation du Traité des pères « Conforme ta volonté à Sa volonté afin qu’il conforme Sa volonté à la tienne » (2:4). Sur la prière : voir O.Q., vol. 3, pp. 47-58 et "Olat Rayah, Introduction. 210. La prière agit sur les forces de l’âme qui s’ouvrent à la compréhension et sur les forces du corps qui s’activent pour le bien, de telle manière que l’homme purifié peut accéder à la compréhension supérieure. 211. Voir supra ״Introduction et infra, chap. 17, § 5. Le renouveau de la littérature hébraïque au début du siècle est un des signes les plus évidents de l’éveil de la conscience du retour dans le peuple juif. Cependant « la plume qui a conquis le monde » (Igrot, vol. 1, lettre 27) et fait de l’écriture un phénomène important de notre civilisation ne peut remplir son rôle vital qu’inspirée par l’idée de la Teshuva et du sens de l’évolution. Elle risque sinon, au lieu d’éclairer les aspects positifs de l’aspiration de l’humanité, d’analyser et d’exacerber les tendances nihilistes et avilissantes et de précipiter ainsi le déclin de l’homme et du monde (cf. "Olat Rayah, Introduction au Cantique des cantiques). Si l’œuvre littéraire se veut une création libre, exprimant les profondeurs du psychisme, seul le repentir est susceptible d’assurer le sérieux de cette entreprise essentielle pour la libération de l’homme. Dans un monde où tout se tient dans une essentielle interdépendance, la création humaine relève étroitement de la situation générale de l’univers. La créativité de l’esprit humain est une part de la force créatrice cosmique infinie de la sainteté à l’œuvre dans toute l’existence comme une aspiration vers le Bien supérieur. Voir "Arpiley Tohar, p. 8, et Orot, pp. 78, 81 et 82. 212. Dans la prière de la "Amida, la supplication pour la connaissance précède celle pour le repentir. Le paragraphe reprend l’ordre des supplicarions de cette prière, tel qu’il a été formulé dans T.B. Megila 17b. 213. Selon la prière de Rosh-haShana et de Yom-Kippour débutant par « Ata hu ,Elohim ».
exemple Perusch haAgadot leR. "Ezriel (ed. I. Tishby), op. rit., p. 96. « La lumière du repentir qui illumine la pensée du repentant procède de Bina. » De même, de nombreux passages du Zohar 3:102b; 3:122b. Tikuney Zohar, Tikun 6 :22a. Cette entité est aussi appelée la Mère qui, fécondée par le principe mâle de la Hokhma, donne naissance aux autres Sefirot. Voir Liqutey Amarim 98b et supra, note 177, p. 246. 215. Nous avons déjà remarqué {supra, chap. 9) la valeur primordiale que le Rav Kook accorde à cette formule talmudique (T.B. Yoma 86b). Elle constitue en effet pour lui la clef de voûte de sa conception du repentir. Elle signifie que la volonté dans son déploiement ultime n’est retenue par aucun élément irréductible : le passé lui-même change de vecteur. Le dépassement de l’homme n’est plus limité et même dans la dimension temporelle, il peut aspirer à un total accomplissement. 216. Ce passage retrace le développement de la Teshuva chez l’homme en empruntant le vocabulaire et les symboles de la Cabbale. Si le repentir nous fait remonter à la source de l’Être, nous devons trouver dans le processus général de l’Émanation un modèle de son dévoilement. L’homme résume et reproduit en lui l’œuvre de la création, et par le repentir en remonte la voie ascendante. À partir de ΓΕη-Sof, puis de la première entité Keter (Couronne, parfois identifiée à Ratson, Volonté), l’émanation procède vers les deux Sefirot qui figurent la pensée : Hokhma, la Sagesse, et Bina, l’Intelligence, afin de s’acheminer vers les déterminations de la création. Si Keter (Ratson) demeure transcendante et fortement ancrée dans l’EnSof lui-même et ne marque qu’un infléchissement, la Sagesse divine, qui se manifeste dans la seconde entité dans sa globalité, prend forme dans Bina, le discernement, qui devient ainsi le principe de la multiplicité variée de l’univers. C’est à ce niveau que le repentir s’ébauche, et se relie à une expérience métaphysique fondamentale. Le moi « discerne » à travers la réflexion sur la faute qu’elle rejoint, confirme et aggrave le morcellement de la création. Mais il saisit du même coup que cette défaillance n’est qu’un moment du processus et n’a pas ruiné sa relation avec le principe supérieur. Dans le premier moment de cette méditation, le sentiment du remords obstrue l’avance du temps et retient l’élan de la volonté, en ramenant la conscience vers le passé (voir supra, chap. 9, § 7). Mais ce qui est décisif pour le repentir, c’est que le mouvement de la réflexion élève la conscience jusqu’au niveau de Hokhma, où elle reprend la pleine disposition de son présent, jusqu’à cette hauteur où elle retrouve l’unité de la substance divine, non affectée par la multiplicité. La restitution totale s’effectue par un retour à l’unité originelle, la source même de l’être où la multiplicité apparente se fond dans l’unité divine. A ce degré suprême où la conscience se rattache à l’unité première, Keter-Ratson, il n’y a plus ni différenciation ni défaillance. Ce degré correspond dans le psychisme humain à la racine de l’âme, à
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Chapitre 11 214. Selon T.B. Megila 17b, fixant l’ordre des prières de la "Amida (voir note 212), « le repentir vient après le discernement ». La littérature cabbalistique identifie la Teshuva avec l’entité Bina. Cf. par
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l’intériorité la plus profonde de l’être. Ici le plus bas rejoint le plus haut, le point originel de l’univers et le point initial de notre âme : lieu de la pure volonté du vouloir. Les fautes, même commises avec préméditation, sont devenues le point de départ d’une régénération qui récupère le passé pour en faire le tremplin de la plus haute perfection. 217. Entité Hokhma (Sagesse). 218. Kéter : Couronne. L’entité la plus élevée, source de l’émanation qui n’a subi aucune réduction, et par conséquent ignore tout manque, toute faute. 219. Is. 14 :27. 220. Le discernement « abroge », la sagesse « annule » : Kéter se situe audelà de Bina et de Hokhma, au-delà des différenciations du monde créé, et donc des engagements pris en fonction de la loi qui régit l’ordre de ce monde. Les termes employés font allusion au texte de Nombres, chap. 30 (voir T.B. Nedarim 78a) dans lequel il est question des vœux de la femme que le mari peut abroger (hafara) et que le tribunal peut annuler (hatara). L’auteur établit un parallèle avec le repentir. Pour les deux cas il indique où se situe le niveau originel d’une volonté absolument libre et où ne s’applique aucune détermination, ni pour les actes ni pour les paroles. 221. L’esprit de sainteté s’exerce dans trois domaines principaux : l’action (inspirée par la volonté supérieure), l’imagination et l’intellect. « L’esprit saint supérieur, qui est le vrai esprit de sainteté », réunit la sainteté active dans tous les trois domaines à la fois (O.Q., vol. 1, p. 267) et Commentaires du Hagra (Gaon Eliahou de Vilna) sur Prov. 16 :4. 222. D’une manière générale, un esprit saint puissant permet de saisir comment l’esprit de vie divin illumine les mondes, les volontés, les pensées et les actes. « La prophétie est le résultat du développement total de l’esprit saint, et l’esprit saint est la force prophétique avant son actualisation » (O.Q., vol. 1, p. 270). Le repentir puise son inspiration à cette même source : la conversion à l’être véritable comporte une étincelle de l’esprit saint qui, en se renforçant et en parvenant à pleine maturation, peut aboutir à la prophétie. 223. Voir Éz. 1:24. 224. Prov. 31:25. Dans l’attente d’un achèvement qui est un accomplissement de la vie, patiemment préparé. 225. Le repentir est une élévation de la volonté et son approfondissement par l’entendement. La rencontre de ces deux facultés à leur plus haut niveau provoque une expansion de l’âme telle que l’homme vit son existence, dans la conscience de son lien avec la totalité, illuminée par la splendeur de l’éternité. Et « l’aspiration à la splendeur de l’éternité, vainc la mort » (O.Q., vol. 2, p. 377). Le repentir entraîne un changement dans la vue et la conception de la vie de l’individu, qui surmonte le sentiment naturel de
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son autonomie et comprend sa relation avec la vie du monde. La peur de la mort, « maladie générale » de l’homme, relève en effet de la fausse idée qu’il peut se faire de son existence, lorsque celle-ci est repliée sur elle-même. La Teshuva rectifie cette optique mensongère : « c’est la faute qui a engendré la mort et la Teshuva est l’unique remède pour la faire disparaître du monde » (O.Q., vol. 2, p. 381). Il s’agit certes en premier lieu d’une rectification épistémologique qui permet de discerner le mensonge véhiculé par l’idée courante de l’angoisse de la mort. Le trépas n’est en réalité qu’un changement en vue du renforcement de la vie. Mais comme le remarque à juste titre S.H. Bergmann (« Mawet we’Almavet beMishnato shel haRav Kook», in Hogim Wema’aminim, Jérusalem 1959, pp. 101-110), le Rav Kook va au-delà de cette mutation subjective de la conscience et envisage d’une manière concrète la victoire par la Teshuva sur la mort, par l’émergence de l’essence infinie de notre nature profonde enfin libérée. « Toute l’œuvre de l’homme tourne autour de la possibilité de se libérer de la mort. Il ne pourra atteindre ce but qu’en élargissant le champ de son âme spirituelle à partir de sa source intérieure,... l’homme découvrira alors la vie de l’âme non seulement comme un appendice de la vie du corps,... mais dans son essentielle grandeur, car la vie en tant que lien avec le corps et ses besoins n’est qu’une parcelle, une ombre de vie » (O.Q., vol. 2, pp. 381-383). Cet apport original et important de la doctrine du Rav Kook permet de préciser sa conception de la Teshuva en tant que retour à la source. Il s’agit en effet de revenir, non à un point quelconque du cycle de l’émanation, mais à son point ultime, c’est-à-dire à la situation de l’homme d’avant la faute. « Le fondement de la réalité commence par l’homme dans son existence supérieure, lorsqu’il était illuminé d’un rayonnement spirituel conforme à la nature de son âme... c’est à cette situation première, antérieure à la faute, que l’homme doit revenir. Une nouvelle histoire s’engagera alors, devant laquelle la mort s’inclinera » {id., p. 385). Cf. Maharal, Netivot "Olam, Netiv haTeshuva, chap. 2. « Car l’homme a été créé au départ sans faute. En revenant vers le Saint Béni soit-Il, l’homme revient à son origine... Lorsque les hommes se repentent et retournent à leur origine, le monde également retourne à son commencement, afin de restaurer toutes les dégradations. » L’analyse de la Teshuva du Maharal annonce sur bien des points la conception du R. Kook et semble avoir inspiré sa démarche. 226. La transfiguration du monde par la Teshuva ne peut cependant être l’œuvre d’un individu, ni même d’un groupe de personnes disparates. Elle exige un projet qui engage les générations d’une façon ininterrompue et tel semble être justement le but de l’existence d’Israël : « La mort est un défaut dans la Création, et Israël est appelé à la faire disparaître » {id., p. 386). Le caractère général et cosmique de la Teshuva, en tant que retour au
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commencement absolu, est ainsi lié au destin spécifique du peuple d’Israël, qui a pour tâche d’effacer cette honte d’une humanité encore sous-développée qu’est la mort : « c’est à cela que nous sommes appelés et c’est pour cela que nous luttons. Tous les échecs que nous avons pu subir ne nous écarteront pas de ce but suprême, porté par notre âme spirituelle. Nous y parviendrons à travers de multiples étapes, à travers les voies les plus complexes, mais nous devons parvenir à cette liberté pour laquelle nous vivons » (id., p. 384). 227. La Teshuva est le fondement et le but de l’Émanation des mondes à l’existence. Cf. « Les mondes ont été créés de manière à ce qu’ils puissent dépasser leur niveau. Ils ont subi une chute au moment de la “ brisure ” afin qu’ils puissent s’élever d’une manière progressive jusqu’à ce que tout revienne au niveau de la perfection », M.H. Luzzato, Cent Trente-Cinq Portes de la Sagesse (en hébreu), porte 131. Une fois de plus s’affirme clairement le principe du caractère cosmique de la Teshuva, comme un phénomène qui n’affecte pas seulement la subjectivité de l’individu, mais également la réalité objective de l’univers. 228. L’univers visible apparaît à l’existence à la suite du processus de l’Émanation. À partir d’un point primordial dans ΓΕη-Sof, les différentes entités du monde séfirotique prennent forme et déterminent la différenciation et la multiplicité des êtres. Les étapes successives de l’émanation constituent un amoindrissement progressif de l’être, une dégradation et une descente, qui obéissent cependant à une règle d’équité. Si l’infléchissement de la transcendance vers l’immanence a sa source dans Hessed, la Grâce, elle est par contre équilibrée par Din ou Gevura (Rigueur ou Jugement). Dans le verset invoqué dans la suite du paragraphe, Gen. 1:2, l’eau est le symbole de la Grâce, et l’esprit d’Élohim, c’est-à-dire de Dieu dans son attribut de justice, représente la rigueur. Cf. O.Q., vol. 2, p. 522. 229. Ps. 89:3 (ou autre traduction possible : « la bonté aura une durée éternelle »). 230. Cf. Ps. 36:7· « Le profond abîme du jugement », le monde d’en bas, rejoindra « les puissants sommets de la justice », le monde d’en haut. Spiritualisation progressive du monde créé ! 231. Ps. 90:1-3. Ces versets affirment la préexistence de la Teshuva comme projet divin, avant la création des mondes. Elle concerne l’univers entier, mais c’est l’homme qui, en prenant conscience du processus, peut l’orienter et le précipiter. 232. Sous la division apparente, l’unité fondamentale demeure. Malgré la déchéance, chaque être porte en lui une trace de l’unité dont il procède. À chaque niveau se retrouve la même structure, bien que la clarté spirituelle de son contenu s’amoindrisse au fur et à mesure de la descente. Parvenue au point le plus bas, l’aspiration vers le retour s’amorce. « On comprend
qu’une force supérieure anime la réalité dans la voie de son élévation ; elle était déjà à l’œuvre dès l’origine, avant même la descente. Le développement qui se fait sentir du bas vers le haut, c’est la vision de la progression du retour de la réalité tout entière » (O.Q., vol. 2, p. 522). 233. Ps. 130 :1. Des profondeurs : (au pluriel) Du tréfonds de l’âme humaine et de la profondeur de l’univers (de cette double « profondeur » : celle de l’âme humaine rejoignant celle de la Volonté divine), tout désire rejoindre la source supérieure. Ce psaume est généralement compris comme une supplication par l’homme désespéré et au « fond de l’abîme » au recours ultime de Dieu. L’interprétation du Rav Kook élève ce texte à un tout autre niveau. L’homme recherche la proximité de Dieu, non à cause de son malheur, mais poussé par le Désir de son âme de se rapprocher de la Source de vie. 234. Tout acte a une répercussion sur l’âme et sur la racine supérieure de l’âme dans le monde d’en haut (cf. supra, note 74). Il en résulte une interférence de la conduite humaine sur un univers dans lequel tout concourt. Lorsque les actes sont impropres, il se produit une accentuation de la division et un détachement du monde inférieur. Cependant cette séparation doit être replacée dans l’ensemble du processus, de la chute et de la remontée, comme un élément nécessaire dans l’économie de l’univers, afin d’en élever le niveau. Aussi ce monde ne peut-il se comprendre que par rapport à sa racine, source transcendante et pourtant active dans l’existence, qui en est le fondement. Grâce à la Teshuva, la claire vision du contenu spirituel de l’existence qui soutient toute chose et la renforce dans l’être s’affirme et devient plus évidente. Cf. « L unité qui donne vie à la multiplicité, qui absorbe en elle la multiplicité, ne peut pas diminuer les expressions de vie, mais les multiplier par l’épanchement d’une grande et puissante unité dans la multiplicité. Il y a dans chaque parcelle du multiple une bénédiction d’une grandeur infinie » (O.Q., vol. 2, p. 403). Finalement le repentir élève l’homme au-desus du monde de la séparation, ce qui à nouveau provoque un flux spirituel supplémentaire spécifique à ses actes quotidiens. 235. Le monde de l’action, à l’extrémité inférieure, dépend en définitive de l’intensité de la pensée du repentir et de son influence sur le monde supérieur. 236. Prov. 11:31. « Si le juste est sanctionné sur terre... » 237. Ps. 50:3. Suivant l’adage talmudique : « Le Saint Béni soit-il est strict pour ceux qui sont “ autour de lui ” (les justes) et les punit pour la moindre infraction (T.B. Yevamot 121b) fut-elle mince comme un fil de cheveu. » 238. Cf. T.B. Yoma 76a ; Sanh. 100a.
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239. La philosophie de la Teshuva nous permet de comprendre que la faute fasse partie du destin de l’homme. Ce qui est essentiel en définitive, c’est l’accomplissement du but de la vie, c’est-à-dire la participation active au retour de l’univers vers Dieu. Pour cela l’important est d’utiliser la faute comme moyen de progrès, ce dont seule une personne qui oriente le sens général de sa vie dans le sens de la Teshuva est capable. C’est la raison pour laquelle la faute des justes est récupérée, et le bienfait des méchants s’ajoute à leurs méfaits, c’est-à-dire renforce la tendance égoïste et intéressée qui est la règle de leur conduite. Ce principe est vrai pour l’individu comme pour la société et concerne également le destin des nations. 240. Prov. 14:34. 241. Is. 26:2. 242. Voir supra, note 237. 243. Amos 3:2. Élection qui soustrait à l’anonymat et implique non des privilèges, mais des devoirs et une plus vigilante responsabilité. 244. La faute des frères, la vente de Joseph, a eu pour conséquence le salut de l’Égypte et des pays voisins de la famine. Voir Genèse Rabba 84 : 16 et 17, et Gen. 41:54. 245. T.B. Berakhot 28b et 39b. Même lorsqu’ils fautent, ne les prive pas de Ta grâce. 246. T.B. Berakhot 5a : « R. Hya’, le fils d’Aba’, dit au nom de R. Yohanan : Les souffrances purifient tout le corps de l’homme, et dans le même sens R. Shimon déclarait : Les souffrances effacent les fautes de l’homme. » 247. Ps.l:3. 248. Ps.l:6. 249. Voir supra, chap. 9. Il ne s’agit pas d’une création nouvelle, mais d’une mutation qualitative. C’est l’application de la théorie de l’évolution positive au repentir, comme à la création. 250. Is. 66:22. 251. Cf. Genèse Rabba 1:18. « Ils ont été créés lors des six jours de la création. »
volonté, mais l’orienter vers l’être authentique, la libérer des résistances qui s’opposent à sa pleine manifestation. 254. L’homme du repentir acquiert une dimension universelle. Son but dépasse le salut de sa personne, il aspire à la rénovation et à la spiritualisation de l’univers. 255· L’héroïsme de la grandeur de la vie quotidienne, qui demande beaucoup d’amour. 256. L’essence constante de leur âme, indépendamment des actes contingents de leur existence, leur fait entrevoir une structure dont dépend l’avènement spirituel du monde, plus durable et plus vaste que leur propre personne. La ligne ascendante de l’humanité passe par le dépassement de l’individu, par la relation sociale dans laquelle seule il peut pleinement s’accomplir. Cf. Orot, p. 148, § 2. 257. Le péché est dans son essence une revendication pour soi-même, pris comme fin. Il résulte de cet isolement un durcissement qui ferme l’individu à l’autre et peut dégénérer en un ferment de haine. Le repentir délivre l’homme de cette obsession stérile et rétablit un courant de sympathie et d’amour entre lui et les autres créatures. 258. Le péché isole l’individu de son moi profond, de la couche libre de sa personnalité, et par conséquent le coupe du divin qui est en lui. Selon la conception du Zohar (par ex. 1:12b) le mal essentiel, c’est la distance. Il n’a donc qu’une réalité toute relative puisqu’il peut être dominé et dépassé par le rétablissement de l’unité originelle. Cette restauration, suite au repentir, ajoute au bien existant la valeur de l’effort pour faire triompher la vie et l’unité. 259. Alors que le repentir par crainte est dicté par la peur de la sanction, le repentir par amour est inspiré par la conscience de la dépendance de l’individu de l’unité générale. Le rôle de l’intelligence et de la connaissance est primordial pour la claire compréhension de la nature de cette liaison. Voir supra, chap. 1. 260. Le mal n’est pas un produit du hasard, il a une existence propre et une redoutable vigueur. Il fait partie d’un ensemble organique et s’oppose au bien en entravant l’aspiration de l’univers à la perfection. Par la Teshuva, la volonté est en mesure de briser cette résistance et même d’utiliser son énergie en vue du renforcement du bien. Contrairement aux affirmations de la philosophie rationaliste de Maimonide à Hermann Cohen, le mal n’est pas pour l’auteur une simple privation du bien. Un principe métaphysique commun est à la base du bien comme du mal : une réalité créée et donc inachevée, privée de perfection et aspirant à l’acquérir. 261. À l’opposé de l’attitude fondamentale de la philosophie grecque, la pensée juive ne conçoit pas la possibilité d’une séparation entre la théorie et la pratique. Non seulement la pensée inspire la pratique, mais la pratique
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Chapitre 12 252. Le repentir modifie la vision des choses et fait de toute dégradation - de la personne, de la société et du monde physique - une occasion de restauration. Étant ainsi source d’action et d’initiative, le repentir, tout en élevant l’homme au-dessus des dégradations, n’est cependant pas une illusion et ne constitue pas un chemin de fuite en dehors de la réalité du monde. Cf. infra, chap. 14, § 30. 253. Le passé et les forces qui l’ont engendré ne s’annulent pas par le repentir, mais sont convertis en liberté. Aussi ne faut-il jamais briser la
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dans son essence n’est pas de nature différente. Il s’agit en fait d’une autre présentation de la même réalité : dans le monde d’ici-bas, c’est l’action qui réalise le mieux la finalité de la pensée. Aussi la pensée du repentir, dont l’auteur a longuement souligné le rôle capital pour le déclenchement du mouvement, ne saurait-elle se passer de la pratique, sans perdre considérablement de son impact. 262. T.B. Pessahim 54a. La Teshuva ayant précédé la création en est un élément transcendant. Elle s’applique par conséquent à tous les éléments de la création, sans exception, comme valeur absolue. 263. Il est du devoir de l’homme de contribuer par ses actes au retour du monde à sa source. Un acte divergent peut être récupéré et réorienté par le repentir. Ce dernier restitue à la volonté l’intensité ascendante qu’elle avait accidentellement perdue en cédant à la tentation de la faute. (Cf. supra, chap. 9, § 1 ; et O.Q., vol. 3, p. 77.) 264. De l’âme humaine. 265. Par rapport à l’âme humaine. 266. L’univers est un ensemble organique où tout rejaillit sur tout, soutenu dans ses profondeurs par l’élan divin qui l’anime (cf. O.Q., vol. 2, p. 391 sq.). Le volontarisme moral est à l’œuvre dans tout l’ensemble du réel : « La poussée de l’aspiration vers la proximité divine n’est absente d’aucun élément du réel. Elle enveloppe tout, pénètre dans tout - elle est une et unique dans toutes ses manifestations » (Ma’amarey Rayah, p. 36). Cependant seul l’homme est capable de prendre conscience à travers l’expérience de sa liberté de cet élan et d’accorder sa volonté propre à la volonté générale divine (voir O.Q., vol. 2, p. 368). « La morale, le droit et le bien » peuvent de la sorte devenir « le centre volontaire » de tout le réel orienté dans le sens d’une restauration de l’unité perdue. C’est dans le tréfonds de l’âme que l’homme peut trouver la trace de l’immanence divine et découvrir le fondement de la moralité : sa responsabilité envers le tout dont il n’est qu’un élément. (Sur le lien de l’individu et de l’entité du tout comme fondement de la morale « même sociale » voir Igrot, vol. 3, lettre 741.) 267. Cf. Deut. 6:18. La législation de la Tora recommande d’inclure dans le cadre de la Loi la possibilité, voire la nécessité, d’agir parfois audelà de la lettre stricte et forcément générale du Droit (« lifhim mishurat haDin ») afin de rester fidèle à l’esprit de droiture, de bonté et de sainteté de la loi divine. Voir Nahmanide, Commentaire sur Lév. 19:2 ; Rashi, Deut. 6:18 ; T.B. Baba Metsia 30b ; Baba Qama 100a. 268. La « morale naturelle » (force vitale divine à l’œuvre) définie dans la note 266 trouve confirmation dans la Tora et revêt en outre un caractère de sainteté authentique, de par sa mise en relation avec la volonté explicite de Dieu.
269. Ps. 119:176. Entre l’être et le néant, entre les forces ascendantes de la liberté et la servitude, l’homme, déchiré par des appels contradictoires, apparaît comme une brebis perdue. Guidé par les préceptes de la Tora, c’est de Dieu qu’il attend le secours rédempteur pour le ramener à la vérité de la force de vie. 270. On peut considérer cette phrase comme la définition par l’auteur du repentir. Grâce à l’effort humain, le monde revient à sa source, l’histoire est transfigurée. Repentir qui n’est pas dicté par la peur et la crainte mais inspiré par l’éveil de l’esprit et la joie plénifiante de la vie (cf. supra, chap. 4,
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§ 2 ).
271. Le repentir n’est pas une fuite hors de la vie, mais l’élargissement des conditions actuelles de l’existence jusqu’à l’extrême limite de leur potentialité spirituelle, un dépassement de l’humain, ouvert sur l’infini (cf. infra, chap. 14, § 30). Il faut maintenir une relation constante entre les principes de base (la lumière supérieure) et les détails d’application qui les portent dans la concrétude de la réalité. Un des aspects de la crise religieuse du début du siècle réside, d’après notre auteur, dans la rupture entre ces éléments, à un moment précisément où sur le plan de la culture générale l’exigence de la compréhension d’une telle relation s’affirme avec une évidence grandissante. « Si le monde se consacrait à la lumière de la Tora au point que l’âme spirituelle reconnaisse le lien indispensable des détails de la conduite avec les principes spirituels, la Teshuva et la restauration de l’univers pourraient très certainement... s’actualiser» (A.T., p. 1). Voir ci-dessus, chap. 4, § 10, et note 46, p. 221. 272. Bien que le processus de l’émanation soit une descente et une dégradation, il a pour but de permettre à l’homme de procéder à une remontée par le mérite de son propre effort. Grâce à l’accomplissement des commandements et des devoirs moraux, il ne se présente pas « nu », mais acquiert au cours de son existence des « vêtements », des valeurs, qui donnent à son retour non seulement le sens d’une restauration, mais celle d’une élévation à une dignité supérieure. La remontée par le repentir fait donc accéder l’homme à un niveau supérieur de celui de son point de départ. 273. Il n’y a pas de défaut dans l’unité et l’harmonie du tout. Les lacunes ne se découvrent que dans les éléments particuliers, dans la mesure où ils se séparent du tout. Cf. R. Yehuda Arié Leib Alter : Sefat ‘Emet sur Gen. 1:31 : « L’Éternel vit tout ce qu’il avait fait, et voici c’était très bon. » Cela s’explique par le verset : « Dieu a fait le tout pour lui-même » (Prov. 16:4), car le tout est uni par la force active, tandis que dans le particulier il y a des éléments qui s’opposent à la sainteté. Mais au sujet du tout il est dit : « Il a créé le tout pour son honneur. »
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NOTES
Cette idée, courante dans la littérature cabbalistique et hassidique, se trouve également chez le Maharal : « Du point de vue de la totalité il n’y a pas de péché, car le péché est dans les éléments particuliers » (Derekh Hayyim 2:4). La moralité, comme appel divin, enjoint l’homme d’adhérer par la racine de son âme à la totalité, et en toute humilité et désintéressement de trouver dans cette dépendance la voie vers sa liberté. « Tout l’effort de la morale et toutes les manifestations spirituelles dans le monde ont pour fin suprême la libération de la volonté et son retour à la source fondamentale de la vie... afin qu’elle rejoigne dans une unité parfaite et vivante la vérité de la volonté générale, qui est la lumière et la gloire divines, dans l’âme de tout ce qui est » (O.Q., vol. 3, p. 39). 274. Le R. Kook distingue plusieurs possibilités pour assurer la progrèssion spirituelle au cours de la vie. La plus riche est celle où « chaque mouvement a une amplitude double du précédent, la progression se poursuit ainsi géométriquement, sans fin, à tel point que chaque mouvement comporte le fonds et la nouveauté des mouvements précédents. Chaque nouveau fragment de vie est alors de qualité supérieure à toute la vie antérieure » : « une heure de repentir et de bonnes œuvres dans ce monde est plus belle que toute la vie future » (Mishna, Avot 4,22 ; O.Q., vol. 2, p. 567). 275. Rétroactivement, la qualité de l’ensemble se transforme, vu que les fautes elles-mêmes deviennent le tremplin pour l’amélioration. Ce principe joue, même si le repentir ne survient qu’à l’extrême limite de la vie. (Cf. Maimonide, Code, Hilkhot Teshuva 2:1.) 276. Ecc. 12:1,2. 277. Le fait que le repentir, même au dernier jour de la vie, puisse transformer la qualité de toute la vie antérieure est certes une consolation pour l’homme et permet d’autre part d’illustrer la valeur éminente de toute conversion. Cependant cette « consolation » ne saurait servir de prétexte a priori pour autoriser une conduite dénuée de tout effort de sanctification. Cf. Mishna, Yoma 5,2 : « Celui qui déclare : je veux pécher et je ferai pénitence, je repécherai et je referai pénitence, on ne lui assure pas la possibilité du repentir. » 278. Selon Jér. 7 :10. 279. L’idôlatrie considérée moins dans son aspect théorique comme polythéisme que dans ses implications pratiques, comme absence d’exigence morale. Un texte du Talmud de Jérusalem (Avoda Zara 1:1) illustre cette attitude anarchiste et permissive par rapport au cas particulier des sacrifices. « Lorsque Jéroboam devint roi d’Israël, il tenta de séduire le peuple en lui disant : “ Venez livrons-nous à l’idôlatrie —l’idôlatrie est indulgente. ” » Aucune règle n’est imposée, en violation flagrante des prescriptions de la Tora, et l’auteur étend cet exemple à une attitude de principe.
280. Contrairement à l’ordre de la Tora : Ex. 23:18 ; 34:25 ; Deut. 16:4. 281. Contrairement à Deut. 14:28 « Troisième année », voir Qimhi sur Amos 4:4. 282. Alors que la Tora interdit ce qui est fermenté : Ex. 23:18. 283. Amos 4:4,5. 284. En se remettant à l’arbitraire exclusif de la grâce, on risque de minimiser les devoirs rigoureux du droit et de la justice. 285. Selon T.B. Berakhot 12b. 286. Voir Orot, p. 21. 287. Donner le change en présentant une façade trompeuse (voir Lévitique Rabba 13:5). La loi biblique requiert deux conditions pour autoriser la consommation de la viande d’un animal : qu’il soit de la classe des ruminants et qu’il ait des sabots fourchus. Le porc qui ne possède qu’une des conditions requises présente hypocritement ses sabots pour affirmer sa pureté. 288. Littéralement « Le mensonge n’a pas de pieds » (T.B. Shabbat 104a). Pas de fondement stable. 289. Prov. 5:3,4. 290. Voir ,Orot, p. 23, § 6. 291. Job 20:15. 292. Soph. 3:9. Voir Maimonide, Code, Hilkhot Melakhim, chap. 11. 293. Is. 11:12. 294. Voir supra, notes 239 et 240, p. 257. 295. Ps. 50:3-5. 296. Is. 30:18. 297. Is. 55 :3-5. 298. Voir supra, chap. 6, § 3. La question de l’unité du peuple juif, qui a beaucoup préoccupé l’auteur, est le problème capital, surtout depuis la dispersion. (Voir Orot, p. 45, §31 ; p. 70, § 18 et p. 159, §4.) Une grande ambition comme la responsabilité de la nation pour la rédemption universelle peut grandement contribuer à assurer cette unité. Réciproquement, étant donné cette responsabilité, la survie du peuple juif est essentielle pour la réussite du projet même de la création. 299. Prov. 14:28 et T.B. Yoma 70a. 300. Il en est ainsi de la grandiose idée du retour à Sion. Elle implique en réalité dans son originelle grandeur l’amorce d’une rédemption aux dimensions cosmiques. Cependant cette vision n’a pas toujours inspiré l’action pratique de ceux qui ont entrepris la restauration du peuple juif sur sa terre. L’auteur exprime la certitude que cette déviation ne saurait être que passagère, les forces du bien qui ont poussé au retour finiront par imposer leur prépondérance. 301. Voir T. B. Yoma 54, et ,Orot, p. 123.
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NOTES
Sion comme intériorité et vie profonde de la nation « est le sens profond de la Teshuva qui prélude à la rédemption ».
L’adhésion au Tsaddik, prônée par le Hassidisme (voir S.H. Dresner, The Zaddik, New York, 1960) comme médium entre Dieu et l’homme, semble remplacée ici par la communion avec l’âme spirituelle de la communauté d’Israël « qui est le bien absolu auquel on peut puiser la lumière divine du Bien » {id., § 3). Dans les deux cas l’inadéquation de la conscience individuelle et de l’exigence morale acquiert un sens concret grâce à la confrontation existentielle entre le moi singulier et ceux qui dans l’engagement de l’histoire sont les témoins, individus ou collectivité, de l’absolu. Ce sens, qui correspond d’ailleurs à l’impératif intime du tréfonds secret de tout être humain, semble pour le R. Kook actualisé de la meilleure façon par la communauté d’Israël. 308. Voir supra, chap. 4, § 5 et note 37, p. 219. 309. Cf. Ps. 119:1. 310. Les relations de justice avec autrui sont des conditions indispensables au repentir, car elles font éclater la retraite solitaire et la défense égoïste de l’individu et l’introduisent dans une vie de participation et d’union selon des règles justes et des exigences précises. L’extériorité dans son absolu n’est pas ici une invitation à la distance, mais au contraire à l’union des consciences. 311. Selon Is. 26 :19 : « Tes morts revivront, et mes cadavres se relèveront. Réveillez-vous et poussez des exclamations, habitants de la poussière ! Car ta rosée est lumière et la terre redonnera le jour aux ombres. » Ce verset a fait l’objet de nombreuses analyses dans l’oeuvre de la Cabbale. Celles-ci soulignent non seulement la force revivifiante de la rosée divine, mais s’appliquent à dégager la signification de la valeur numérique du mot Tal (rosée). Celle-ci s élève à 39, nombre qui reproduit la valeur numérique de YHWH+EHD. Dieu est unique (‘EHaD). La rosée (Tal) serait donc le symbole du déploiement de l’unité divine dans le monde et dans l’histoire. Le symbolisme de l’expansion de la lumière (voir infra, note 459) rejoint ici celui de l’activité résurrectionnelle de la rosée pour qualifier l’insertion progressive et bénéfique de l’unité divine dans le monde. Transfiguration qui donne vie à la matière et fera revivre les morts. (Cf. Igrot, vol. 1, p. 141 [lettre 112], et pp. 240-241 [lettre 184].) Voir supra, note 133, p. 238. 312. Cf. T.B. Baba Batra 175b : « Celui qui désire progresser en sagesse doit s’occuper de droit commercial, car il il n’y a pas de discipline dans la Tora qui lui soit supérieure. » 313. Selon Is. 42:4. » Il ne faiblira pas, il ne ploiera pas, jusqu’à ce qu’il ait imposé sur la terre le jugement et les îles attendront son enseignement. » 314. Il y a un hiatus entre la conception théorique et l’aspiration spirituelle de l’âme d’une part et, d’autre part, l’effort volontaire et pratique qui, lui, ne saurait se passer des stades successifs d’un progrès intérieur. Voir infra, chap. 14, § 35.
Chapitre 13 302. Voir infra, chap. 14, § 37. 303. Le fondement de la communauté d’Israël a pour origine et pour but la réalisation du projet divin pour la création. « La communauté d’Israël veut vivre exclusivement à cause du but moral qui se trouve dans la généralité de l’existence. C’est parce que nous saisissons au plus profond de nous-mêmes que la concentration de la vie se confond pour nous avec la tendance morale générale, que nous sommes convaincus que par notre vie nous contribuons à son accomplissement » {‘Orot, p. 139 ; et voir id., p. 143). L’individu juif qui s’est écarté de la vie morale s’éloigne en même temps de ce qui fait le fondement de la communion nationale. Voir supra, chap. 4, §7. 304. Voir supra, chap. 1 : « Il [le repentir] procède aussi d’une intime conviction fondée sur une vision générale du monde et de la vie... » 305. Toute âme individuelle aspire naturellement au bien divin général ; les failles dans la conduite morale empêchent cependant la réalisation de cette communion. Ce principe général est également valable pour Israël, où la loi morale prend la forme des exigences de la Tora. Israël revêt en effet un contenu concret qui lui est propre, « le bien divin abstrait ». Aussi ne peut-il quant à lui réaliser ses aspirations profondes qu’en écartant de sa conduite tous les manquements à la Tora, qui constitue, suivant le Zohar, l’âme du peuple {Zohar 3:73a : «Qui reçoit la Tora reçoit Dieu»). Sur l’identité entre Dieu et la Tora voir Nefesh haHayyim, op. cit., pp. 187-193. 306. Cf. Zohar 3:73a. 307. La communauté d’Israël, Knesset Israël, est une personnalité colléetive dont la racine se situe au sommet de l’émanation. La communion de l’individu avec cette entité ne peut donc être réduite à une simple identité nationale, l’adhésion à un groupe. Elle déborde largement ce cadre pour s’élever jusqu’aux sommets du bien divin, à telle enseigne que l’individu se trouve, dans la quête de l’union nationale, confronté aux plus hautes exigences de la morale universelle. « Lorsqu’une personne s’efforce à adhérer par son esprit à la lumière divine qui illumine la communauté d’Israël en tant qu’entité collective, à travers toutes les âmes spirituelles de toutes les générations depuis le commencement et jusqu’à la fin des temps, elle s’attache ainsi simultanément à la lumière divine qui réside dans l’ensemble de la haute taille de l’homme général, dont la communauté d’Israël est le centre et l’essence » {'Orot, p. 146).
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NOTES
Cf. O.Q., vol. 3, p. 85 : « L’aspiration, dans son niveau d’Atsilut, est un mélange de raison et de volonté, lorsqu’elles s’unissent en direction du bien idéal. Tant que la raison et la volonté demeurent des éléments distincts, même si elles se rejoignent et voisinent parfois, l’aspiration d’Atsilut ne peut se réaliser... » 315. L’essentiel consiste à renforcer la connaissance, afin qu’elle éveille et soutienne la volonté car « la connaissance, la volonté et le pouvoir interfèrent. Là où la connaissance est infinie, la volonté est également infinie et de même le pouvoir » {id., p. 87). 316. Voir infra, § 11. 317. Exigence infinie, exigence de l’Infini, qui est le propre du désir de l’âme et à l’écoute de laquelle l’homme doit être constamment attentif. 318. La compréhension de la nature du monde et de la totalité qui la sous-tend éveille l’homme à la pratique de la Teshuva. Cependant la compréhension elle-même est handicapée par une conduite morale indigne, signe indubitable d’une faiblesse de la volonté. Or, comme l’auteur l’a souligné à de multiples reprises (voir par ex. note 105 et note 193), la volonté humaine, en référence à la volonté divine, ne véhicule pas seulement la spontanéité du vouloir mais aussi la sagesse de l’entendement. Un affaiblissement de la volonté ralentit en conséquence la vigueur intellectuelle de la compréhension. 319. L’ascétisme n’est envisagé que comme une mesure provisoire, car il faut conserver au corps l’intensité de sa force vitale, essentielle pour promouvoir le repentir. Cf. Mussar haQodesh, p. 289 : « Si le niveau intellectuel permet à un individu une élévation supérieure mais sa conduite et ses actes ne sont pas amendés dans la même mesure, un trouble et une grande tristesse peuvent s’emparer de lui. Si sa condition physique est suffisamment forte, il doit avoir recours au jeûne et aux privations, comme mesure provisoire. » Voir également Maimonide, Huit Chapitres, chap. 4. 320. Cf. Ps. 25:8. 321. Cf. ci-dessus, chap. 1. « Il est dans la nature de l’âme humaine de suivre la ligne droite. » L’auteur voit dans cette tendance naturelle « une des bases sur lesquelles se fonde l’essence du repentir». Voir note 9, p. 214. 322. Voir Mussar Avikha, p. 62, et infra, chap. 15, § 5. 323. Cf. Osée 2 :8. 324. La voie vers le repentir est hérissée de nombreux obstacles objectifs et subjectifs dont l’auteur, à la suite de toute la littérature sur ce sujet (cf. R. Ytshaq ‘Alfasi [Rif] Yoma 982 ; Maimonide, Code, Hilkhot Teshuva, chap. 4 ; Y. Horowitz, Shné Luhot haBrit, Sha"ar ha’Otiyot), est fort conscient. Cependant, ce qui importe c’est la volonté de progrès, et son affirmation constante. Aucun obstacle, de quelque nature que ce soit, ne résiste finalement à cette force divine dans l’homme. Après avoir énuméré
dans le détail tous les obstacles qui constituent un empêchement pour le repentir, Maimonide conclut : « Toutes ces choses, bien que retardant le repentir, ne l’empêchent pas définitivement. Si l’homme s’en repent, il est un parfait repentant et a part à la vie du monde futur. » Voir aussi Maimonide, op. rit., chap. 3, § 14. 325. Le fondement du repentir est le dynamisme de la progression morale dans la création de l’homme par lui-même et sa participation à la volonté générale, projet divin pour l’univers. Il importe par conséquent en tout premier lieu d’orienter le mouvement vers le futur, plutôt que de le concentrer sur la réparation du passé, quelle que soit par ailleurs la nécessité de cette réparation pour un parfait repentir. Par cette remarque, l’auteur se démarque de la conception classique - et selon lui restreinte —du repentir, préoccupée principalement par la réparation circonstanciée d’une faute passée. 326. Un hiatus entre les aspirations morales et les possibilités pratiques peut entraîner un découragement dangereux pour l’équilibre de la personne. Il importe dans ces conditions de ne point renoncer à la hauteur idéale des exigences, mais de renforcer les aptitudes de réalisation grâce à une mobilisation exceptionnelle des forces vitales, intellectuelles et spirituelles. Une appréhension plus profonde de la lumière interne de la Tora et de son influence bénéfique est également de nature à apaiser les craintes, car à mesure que la clairvoyance s’aiguise l’exigence de liberté croît. En tout état de cause, cette démarche ne doit jamais obéir à une exigence abstraite et à une règle extérieure, mais suivre le rythme de la libre individualité. Ce n’est qu’à cette condition expresse qu’elle peut provoquer un changement décisif de la personnalité. 327. Ps. 141:5. 328. La douleur éprouvée à la suite du remords rend à la volonté sa force créatrice positive. Un des problèmes du repentir consiste à « purifier » la volonté qui a engendré la faute sans pour autant affaiblir sa puissance, qui est la condition essentielle pour le renouveau de la personne. La volonté, purifiée par le remords, rejoint alors le trésor de volonté générale à l’œuvre dans le monde, pour permettre à l’homme d’atteindre sa véritable mesure. 329. T.B. Berakhot 34b. Maimonide, Code, Hilkhot Teshuva 7:4 ; Guide 3:36. 330. La mauvaise conscience d’une liberté coupable dérange la sérénité et à travers le remords concentre l’attention sur le passé, bloquant ainsi la poursuite normale de l’activité vitale. Cependant cette attitude négative peut, en épousant les lignes de force du repentir général, « se transformer » en qualité positive, éclairant de par son expérience et apportant chaleur de par sa détermination, pour la conduite future. 331. Cf. T.B. Megila 17b et supra, note 214, p. 254. 332. Lumière du Messie, racine de la Tora et des commandements,
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NOTES
impératifs moraux sont les sources lumineuses éternelles, qui orientent l’effort de l’homme de bonne volonté. 333. Selon T.B. Shabbat 122a: «Une lumière pour un, une lumière pour cent » : la même source lumineuse éclaire un individu ou une multitude. Cf. supra, note 177, p. 246. 334. Is. 58:12. Voir supra, chap. 4, § 8.
moments dans la fluidité d’un devenir dont la finalité ne saurait être niée sans tomber dans le nihilisme. 342. La Teshuva, étant le fondement même de (univers, a précédé la création du monde (T.B. Pessahim 34a ; Genèse Rabba 1, § 5). L’évolution du monde et son retour à la source première sont un dépassement des conditions limitées et restrictives de son existence actuelle. 343. La complaisance évacue toute inquiétude morale et pourrit à la base toute velléité de changement. Voir supra, note 18, p. 216. 344. Cette rassurante promesse tire sa certitude dans la croyance que les obstacles finissent par céder devant l’obstination de la volonté qui, elle, tient sa force du mouvement général de l’univers en voie vers son perfectionnement. 345. La prière est un moyen pour l’homme de développer et rendre manifeste sa volonté. Cependant « lorsque l’objet de la prière, ce qui satisferait la volonté de forant, s’exprime en fonction de l’idée et de la volonté divines, sa volonté s’élève dans les hauteurs et s’unit à la volonté générale - la volonté universelle, la lumière de l’Éternel vivant, dans lequel tous les désirs sont contenus » (O.Q., vol. 3, pp. 47-52). 346. Quelle que soit l’importance de la réflexion sur le repentir et sa valeur thérapeutique, « l’âme spirituelle ne réalise sa libération totale que par l’actualisation du repentir virtuel » {supra, chap. 7, § 5). 347. La plupart des dégradations sont dues au manque de foi dans la facilité du repentir. 348. T.B. Yoma 86a. 349. Mais inspiré par des motifs profanes et impropres. 350. La joie provient d’un élargissement de l’âme spirituelle en l’homme et du sentiment d’un supplément d’existence. La satisfaction des plaisirs profanes au contraire peut engendrer ennui et mélancolie, sentiment repu d’avoir atteint une indépassable limite. 351. Ps. 97:11. 352. Voir supra, chap. 6, § 7. Suivant la tradition cabbalistique et en particulier suivant les conceptions du ‘Ari (R. Ytshaq Luria), l’univers a non seulement subi une dégradation lors de l’émanation descendante, mais la « création » telle que nous la connaissons a été précédée par « la brisure des vases ». (Voir G. Scholem, Les Grands Courants de la mystique juive, Payot, Paris 1950, chap. 7, § 5, pp. 282 sq.) Le Rav Kook adopte ce point de vue (O.Q., vol. 2, pp. 522, 526, 527), soulignant toujours que dès l’origine cette brisure devait ultérieurement être restaurée : « Pourquoi cette brisure ? Parce que la divinité dispense selon Sa puissance, alors que le récipiendaire est limité. Le bienfait serait alors également limité. C’est pourquoi Dieu dispense ses bienfaits sans mesure, à sa dimension divine et infinie, bien que le récipiendaire soit dans l’incapacité
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Chapitre 14 335. Le Rav Kook élargit les dimensions de la conception classique du repentir. Celui-ci ne consiste pas exclusivement (ni même essentiellement) en la réparation d’une faute précise, mais dans le retour de toutes choses en leur racine originelle, dans la progression de l’univers vers une plus haute spiritualité, par l’actualisation complète de toutes les virtualités, il concerne moins le passé que le futur. Ce processus permanent et non circonstanciel, d’évolution constante, est un appel à un progrès infini qui s’adresse même aux plus justes. Voir O.Q, vol. 2, pp. 530-533. « Bien qu’il n’y ait pas de limite à l’élévation de la perfection totale où il n’y aurait plus d’élévation vu son infinité, elle comporte cependant également cette force sublime de l’élévation permanente. On peut conclure de ce fait que la perfection absolue est dans le perfectionnement de la petitesse qui parvient à la grandeur, et ce service est un besoin du monde supérieur » {id., p. 548). 336. Voir infra, § 37. 337. Cf. Zohar 2:214b. 338. Voir supra, chap. 13, § 10. L’élévation spirituelle doit toujours s’accomplir en fonction et par rapport au niveau du développement corporel, afin que l’influence du spirituel sur le corporel demeure constante. L’auteur se méfie d’une spiritualité atteinte en dehors d’une progression harmonieuse de l’être. Aussi recommande-t-il un amendement des actes et de la conduite, un renforcement de la moralité avant toute tentative de contemplation spirituelle. Le repentir vise la globalité de la personne et non l’une de ses composantes. Toute pensée ayant un substrat matériel, il est dangereux de développer la première sans tenir compte de la base qui la soutient. 339. Maimonide, Code, Hilkhot Teshuva, chap. 4, 1. Voir supra, note 324, et chap. 7, § 6 ; chap. 13, § 9. 340. Toute pensée de repentir déclenche une dynamique qui rattache son auteur à l’ordre et au mouvement général de l’univers et contribue de la sorte à renforcer sa détermination de renouvellement et de changement. 341. Rien n’est définitivement perdu: les obstacles ne sont que des
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NOTES
de les recevoir, sans en être complètement brisé. Mais par son aspiration à retourner à la source infinie pour s’unir à la divinité, il se reconstruit - le créé se faisant ainsi lui-même. Il parviendra de la sorte au niveau de perfection d’un créateur et s’élèvera bien au-dessus des limites du créé » {id., p. 527). Les « défauts » de la création sont évoqués dans l’oeuvre du Rav Kook, généralement à travers l’interprétation de Midrashim qui illustrent le moindre être de l’univers, incapable encore de répondre parfaitement à l’attente divine (cf. id., vol. 3, p. 140 et supra, notes 90 et 91). Dans notre texte cependant, l’auteur explique le moindre être, non comme une « faute » de la terre dépourvue de toute possibilité de choix, mais comme un phénomène lié à l’attitude de l’homme. « Faute cachée de la terre, actualisée par le péché de l’homme » : « N’était l’homme qui, du fait de son librearbitre, ne peut recevoir la totalité du bien divin, la création serait planifiée davantage. Le goût de l’arbre serait identique à celui du fruit, exemple type pour toutes les autres forces qui auraient connu une plus grande intensité. Mais puisque l’homme devait s’écarter de la ligne droite absolument bonne, cela devait constituer l’empêchement moral restreignant le développement prévu de la terre. Telle est l’explication pour toutes les imperfections que l’on peut déceler dans le monde, si complaisamment relevées par les esprits critiques. Ils ne saisiront le sens de ces choses qu’en comprenant le lien profond qui régit l’union de la force morale avec toutes les autres forces actives dans le monde... » (Igrot, vol. 1, p. 105). Les « vases » qui devaient recevoir la lumière divine, incapables d’en supporter l’intensité, se sont brisés. Leurs éclats se répandirent tout en emportant avec eux des particules, 'OROT, étincelles lumineuses, que l’homme a précisément pour tâche de rassembler afin de restaurer les mondes brisés. Dans notre univers où la lumière est désormais mêlée aux ténèbres, l’homme ne peut accéder au bien qu’en s’opposant au mal. En ramenant par la Teshuva les étincelles vers leur source, l’homme restitue le monde à Dieu. D’où le titre de cet ouvrage : ‘OROT haTeshuva, « Les Lumières du retour ». 353. Les justes sont ceux qui prennent sur eux « la faute cachée de la terre », toutes les imperfections de l’univers, et tentent de les réparer. De cette manière la mélancolie cédera la place à la joie d’un monde rénové qui aura conquis de par ses propres forces le mérite d’être. 354. La nourriture occupe une place importante dans la loi juive et le R. Kook lui consacre tout au long de son œuvre de très nombreuses réflexions. Fidèle à sa conception de l’unité de la personne humaine, il voudrait élever la nécessité physiologique de se nourrir au niveau d’un service divin, n’y voir qu’une fonction devant assurer le substrat indispensable à une vie spirituelle active. La gloutonnerie rabaisse cette nécessité biologique au niveau d’une jouissance grossière d’un plaisir exclusivement phy
sique, n’ayant d’autre finalité que sa propre satisfaction. (Cf. Maimonide, Code, Hilkhot Déot, chap. 3.) 355. La récitation des grâces après un repas recommandée par la Bible (Deut. 8:10) peut s’effectuer durant tout le temps de la digestion. Voir T.B. Berakhot 51b et 53b, et Orah Hayyim 184, § 5. 356. T.B. Pessahim 59b. Les prêtres en mangeant la viande du sacrifice obtiennent le pardon pour la personne offrant le sacrifice. Cf. Maimonide, Code, Lois concernant les sacrifices, chap. 10, § 1. Dans le même sens « le manger des justes, qui élève l’élément de vie caché dans l’énergie de la terre, ramène la terre à sa fonction. Les différents niveaux d’existence s’orientent d’une manière réciproque afin que tous les éléments pratiques et spirituels soient prêts à s’unir dans l’ensemble des fondements de la vie » (O.Q., vol. 3, p. 294). Le fondement spirituel potentiel inhérent à la matière peut accéder à une plus grande perfection si l’homme lui prête les forces de son âme. 357. Le Talmud considère l’absorption de la nourriture pour des motifs vulgaires et grossiers comme une grave faute. Cf. T.B. Nazir 23a : « Rabba, le fils de Bar Hana, rapporte au nom de R. Yohanan : On peut illustrer le verset : “ Les voies de Dieu sont droites ; les justes y cheminent, tandis que les méchants y trébuchent ”, par l’exemple suivant : Deux personnes font rôtir le sacrifice pascal ; l’un le mange en vue d’accomplir un commandement divin, tandis que l’autre l’absorbe d’une façon grossière. Le premier, qui veut accomplir un commandement divin : “ les justes y cheminent ”, tandis que le second qui mange pour satisfaire ses appétits : “ les méchants y trébuchent ”. » 358. L’énergie divine anime et traverse toute la réalité de l’existence. Les étincelles divines sont les éléments de sainteté (voir supra, notes 352, 354 et 356), elles demeurent dispersées également dans les mondes animal et végétal, et fournissent la nourriture à l’homme. Manger n’est donc pas seulement une nécessité biologique et physiologique - fonction animale — mais aussi l’opération par laquelle l’homme et le monde se rencontrent et peuvent fusionner. Si cette union s’effectue en conscience, non d’une manière grossière mais en vue de libérer les étincelles divines qui gisent dans la matière, l’âme spirituelle de l’homme s’unit à l’âme spirituelle de l’univers - ce qui constitue pour le R. Kook l’acte de Teshuva par excellence (cf. O.Q., vol. 3, p. 294). Par l’intermédiaire de l’action humaine, la matière s’élève et se spiritualise : « La mise à jour du lien qui unit l’homme et le monde, son renforcement, permettront un nouveau et significatif progrès de la condition humaine » (O.Q., vol. 2, p. 428). La nourriture illustre simultanément et la finitude de l’homme et sa capacité d’élever l’univers jusqu’à l’infini. Elle est de ce fait marquante pour la place centrale que l’homme occupe dans l’économie de la création et
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pour la fonction rédemptrice qu’il peut y exercer par son repentir. Considéré sous cet angle, l’acte de manger peut apporter une contribution importante au processus de spiritualisation croissante qui anime l’univers. 359. Selon T.B. Baba Batra 12b. « Avant de manger et de boire l’homme a deux cœurs (Levavot) - une fois qu’il a mangé et bu, il n’a plus qu’un cœur (Lev) car il est écrit : “ Un homme creux sera doué de cœur” » (Job 11:12). (Voir Rashi et Qimhi.) L’auteur fait allusion à ce verset. 360. Selon Sam. 1, 21:5. 361. Prov. 15:15. La joie est le signe et la récompense d’un service de Dieu authentique. Voir Deut. 28:47. 362. La joie liée à la sainteté est la joie éprouvée par la participation à l’unité retrouvée du monde. Elle n’est due à aucune cause extérieure et tient tout entière au sentiment d’élévation qu’elle procure à l’âme humaine. Elle est essentielle au dynamisme de la Teshuva, et il importe qu’elle ne soit pas éclipsée par la condition du remords ou les restrictions que l’on veut s’imposer dans la conduite en vue de la sainteté. Une telle joie est une jouissance immédiate de la vie. 363. Selon Ps. 97:11. Verset cité en conclusion du Shulhan "Arukh, O rah Hayyim. 364. L’auteur distingue, conformément à la littérature classique de la pensée juive, trois aspects de l’âme qui correspondent à trois fonctions essentielles : - Neshama : âme spirituelle, souffle divin. - Ruah : âme intellectuelle, sphère de la parole et de la pensée. - Nefesh : âme vitale, sphère de l’action. Ces deux dernières modalités sont liées au corps qui leur fournit le substrat matériel nécessaire à leur fonctionnement. Le souffle divin en nous plane sur notre personne et il dépend de l’homme d’élargir ou de restreindre sa place. Le repentir supérieur consiste précisément à faire résider en nous ce souffle afin que notre moi intime en soit pleinement animé. La joie illumine cette réussite, tandis que la « mélancolie interne » est le signe du rétrécissement ou de l’éclipse de l’âme spirituelle en nous. La mélancolie se manifeste au niveau du nefesh, de l’âme vitale, plus proche du corps, et sera différemment ressentie suivant les personnalités. Celles qui sont orientées vers la spiritualité la ressentiront fortement, vu qu’elles sont peu armées sur le plan de l’action. Celles qui au contraire, ayant peu d’affinités pour le spirituel, sont plus fortes sur le plan pratique, ne seront que superficiellement touchées et leur joie naturelle ne sera pas sérieusement altérée, bien qu’objectivement elles soient d’un niveau bien inférieur. 365. Le but consiste toujours à faciliter le processus du repentir en rétablissant l’équilibre entre la contemplation et l’action pour l’unité de la per
sonne. Cependant, afin de garantir la progression du repentir, il importe de ne pas affaiblir l’aspiration spirituelle, mais au contraire de la renforcer tout en la rattachant à la vie active. 366. Un commandement positif enjoint d’agir d’une certaine manière, tandis qu’un commandement négatif est un ordre de ne point commettre certains actes. 367. Cf. T.B. Berakhot 7a. 368. On s’efforce parfois de réparer des actes sans y parvenir. La cause de cet insuccès réside dans une certaine faiblesse physique, ou dans un manque de connaissance ou une accoutumance aux choses du monde et de la vie. Ces empêchements deviennent alors des obstacles à surmonter qui s’imposent à nous aussi impérativement que l’ensemble de la Tora. 369. Aucun repentir n’est possible dans ce domaine avant que le tort causé à autrui n’ait été réparé dans les faits. 370. Cf. Prov. 8:11, et T.B. Mo"ed Qatan 9b. Bien que la repentance idéale pour le Rav Kook ne procède pas de la peur ou de la crainte du châtiment et ne s’oppose pas à l’expansion de la force naturelle, un tel sentiment peut cependant être l’amorce d’un mouvement positif, tendant au bien. 371. Son inclination à s’en contenter témoigne peut-être de sa situation objective, et peut-être conviendrait-il pour son véritable bien-être de les adopter ? 372. T.B. Berakhot 28a. 373. Cf. selon Exode 19:4. Sur le sens précis de cette métaphore voir Commentaire de Rashbam ainsi que Mekhilta de Rabbi Shimon ben Yohaï. 374. Les distinctions établies dans ce paragraphe entre deux types de repentant correspondent à celles mentionnées ci-dessus, au chapitre 2, entre le repentir soudain, forme supérieure du repentir, et le repentir progressif. 375. « Il n’y a pas lieu de veiller à la progressivité dans le processus du repentir, comme on le fait pour l’ordre des actes, a priori 376, car généralement il faut sauter quelques étapes afin de revenir à la situation antérieure à la chute » (Supplément ajouté à l’édition ‘Or "Etsiori). 376. Ce cas sera précisé au paragraphe suivant, § 19. 377· Voir note 375. La progression normale doit s’effectuer, a priori, en respectant les diverses étapes, il n’en est pas de même en cas de régression, lors du retour à un niveau déjà atteint auparavant. 378. T.B. Shabbat 137a. 379. Sur le rôle capital de la volonté dans le processus du repentir voir supra, chap. 9, et infra, chap. 15, §2. L’affermissement de la volonté dépend en grande partie du renforcement du corps. D’où l’opposition de l’auteur à l’ascétisme, et ses appels répétés pour l’amélioration des conditions physiques pour l’individu comme pour la société, base indispensable pour tout progrès moral.
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380. Il ne faut pas attribuer cet éloignement à une déficience de nos possibilités spirituelles, mais le considérer comme un obstacle d’ordre matériel. 381. « La lumière de l’idéal qui brille à travers notre pensée... » est l’idée de l’Infini et de la Totalité en nous. Si cet au-delà du donné nous semble actuellement inaccessible, c’est à cause de certaines limites physiques. La voie du repentir, en élargissant notre spiritualité et notre force de création, notre capacité de renouvellement permanent, nous rapproche de l’idéal entrevu. Le repentir nous conduit à une plus juste appréciation de nousmêmes : une indispensable modestie ne doit pas s’exercer au détriment de la créativité. 382. Ps. 118:16. « La droite de Dieu élève » les forces créatrices et écarte « avec vaillance » les forces négatives qui s’y opposent. 383. Ps. 25:9. 384. Et reconnaît la valeur morale d’un cœur contrit, signe d’un remords sincère. 385· C f Mishna, ‘Avot, 4:2. 386. C f T.B. Berakhot 12b : « Quiconque commet une faute, et en éprouve de la honte, on lui pardonne tous les péchés. » La réaction en chaîne des transgressions est mise en échec par la réaction en chaîne, en sens inverse, de la honte. 387. Cf. T.B. Nedarim 20a : « Afin que sa crainte soit sur vos faces pour que vous ne péchiez point» (Ex. 20:17). «C’est la honte: ceci nous enseigne que la honte a pour conséquence la crainte du péché. » 388. C f Zohar 2:214b. La honte, comme la crainte et le repentir, est considérée comme un sentiment moral, positif. Spinoza, au contraire, définit la honte comme « la tristesse qu’accompagne l’idée de quelque action que nous imaginons blâmée par les autres »> {Ethique, 3 'partie, 21. Voir également 4e partie, 30, démonstration). Bien que ce sentiment puisse contribuer à « l’amélioration des hommes » (Traité, chap. 12), il se refuse à y voir une qualité morale, car il restreint notre persévérance dans l’être. Ne portant pas sur l’usage de la Raison, il ne peut contribuer à la perfection humaine. Pour le R. Kook la prise de conscience de la culpabilité replace l’homme dans une finitude à laquelle il ne peut échapper, et qui est la véritable pleine conscience de son être. Voir supra, note 370. 389. Voir supra, chap. 6, § 3. Knesset Israël, la communauté d’Israël, est considérée par le R. Kook comme une catégorie de l’être, et ce n’est que par analogie qu’on la réduit parfois à l’une de ses composantes, nationale ou religieuse. D’où la signification particulière du rapport de l’individu d’Israël avec la collectivité : « Les collectivités nationales n’octroient à leurs membres que l’élément extérieur de leur nature. Quant à l’essence véritable, tout homme la reçoit
de l’âme spirituelle du Tout, de l’âme divine et non par !’intermédiaire de la collectivité. Celle-ci en effet n’est pas une entité divine dans laquelle résiderait une tendance divine spécifique. Le cas est différent pour Israël : l’âme spirituelle de l’individu puise à la source du Vivant éternel dans le trésor général. C’est la collectivité qui confère leur âme spirituelle aux individus » {‘Orot, p. 144). Plus l’individu se greffe sur le tronc général du groupe, et plus il est assuré de sa force vitale. C’est de la même source supérieure que la Tora puise sa spiritualité. L’auteur recommande en conséquence à l’homme d’Israël de renforcer son existence spirituelle en raffermissant son affinité avec la Tora : « qu’il s’attache durant sa vie à acquérir, suivant ses possibilités, les qualités d’Israël et les connaissances particulières qui y sont relatives - en premier lieu celles de la Tora et de la Sagesse juive - et grâce à l’élévation de la communauté d’Israël, il parviendra à une élévation générale de la source de vie humaine et cosmique » {id., p. 147). La saveur ressentie lors de l’étude de la Tora est le signe que cette étude n’est pas uniquement de l’ordre de la connaissance intellectuelle mais lui procure un supplément d’âme qui correspond bien à sa nature profonde {id., p. 148). 390. Voir supra, chap. 7, § 5, et note 105, p. 235, sur le rapport entre l’intellect et la volonté. 391. L’auteur distingue entre : - le repentir inférieur : repentir inspiré par la crainte de la sanction, qui vise surtout l’amendement de la conduite et des actes. (Voir supra, chap. 1, et infra, chap. 15, § 6) et : —le repentir supérieur : inspiré par l’amour désintéressé et par une claire compréhension de l’harmonie unificatrice qui règne dans l’univers. « Le repentir intellectuel est en vérité un repentir inspiré par l’amour » (voir infra, chap. 15, §§ 1 et 5). Il porte essentiellement sur la rectification des idées. 392. L’activité intellectuelle, spirituelle et morale développe la compréhension de l’unité du monde et conduit vers une rectification des idées, vers le repentir supérieur. 393. Le vrai repentir n’éloigne pas de la vie et du monde, mais s’efforce de les restaurer et de les élever. 394. T.B. Berakhot 63a. 395. Cf. Maimonide, Code, Hilkhot Biat haMiqdash, chap. 3, § 22. 396. Cf. Deut. 22:11 et Maimonide, Code, Hilkhot Kilayim, chap. 10, §30. 397. C f Maimonide, Code, Hilkhot Hamets uMatsa, chap. 3, § 9. Dans les trois cas cités, la faute consiste en un retard apporté à l’exécution du précepte. 398. Selon Is. 5:18 : « Malheur à ceux qui tirent sur la faute avec les
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cordes de la tromperie et sur le péché comme avec un gros câble pour chariot... » La répétition d’une faute légère finit par devenir une faute grave : la corde devient un gros câble. 399. Cf. Liqutey ‘Amarim, p. 99b. 400. Cf. Mishna, Yoma, chap. 3:3. 401. Une grande élévation spirituelle entraîne parfois un déséquilibre entre le spirituel et le corporel, cause d’un profond trouble de la personnalité dont il convient de se prémunir (voir supra, § 2). 402. « Point de sagesse, point de crainte ; point de crainte, point de sagesse » (Mishna, ‘Avot, 3:21). La crainte de Dieu, par elle-même, est une disposition générale de l’âme, sans contenu particulier. Ce cadre doit être rempli de substance positive pour contribuer vraiment à la formation de la personne. « C’est pourquoi la crainte du ciel acquiert sa valeur, non tant par l’approfondissement de sa propre substance, que par le fait que l’on remplit ce cadre, avec science et talent, de Tora et de pratiques, de qualités éminentes, avec force et courage, beauté et splendeur » (O.Q., vol. 3, p. 23). C’est dans ce sens que le Talmud (T.B. Shabbat, 31a-b) compare la crainte à une grange qui doit être remplie de froment pour accomplir effectivement la fonction pour laquelle elle a été conçue. D’autre part, si la récolte ne dispose pas d’un lieu protégé, elle risque de se détériorer rapidement. La sagesse doit de même, pour n’être pas ruine de l’âme, être encadrée par la conscience du but qu’elle doit permettre d’atteindre. (Voir O.Q., vol. 3, p. 23, § 9.) 403. Voir supra, notes 314 et surtout 315. L’essence du repentir est dans le changement d’orientation de la volonté. L’intensification de ce mouvement et son approfondissement dépendent de la lucidité de l’intellect et de la clarté des idées. Celles-ci agissent sur la volonté et de cette manière le repentir déracine la volonté primitive de son rapport au mal et utilise ce dynamisme pour le bien : les fautes intentionnelles sont ainsi récupérées au bénéfice des tendances positives. 404. Ce qu’il faut viser c’est l’ascension permanente, car la perfection est dans le perfectionnement. Le repentir doit être une démarche permanente de la conduite. L’aspiration à ne vouloir être rien d’autre qu’un juste parfait risque, surtout en cas d’échec, de priver la personne de la volonté à continuer à se faire, et de voir dans ce principe le motif essentiel d’une expérience religieuse perpétuelle. À travers ces remarques l’auteur explicite sa conception de la Teshuva, vue non seulement comme un moyen, mais comme une fin en elle-même. 405. Cf. Berakhot 29a : prédisposé à être un juste. 406. Voir note 404. 407. Qatnut : étroitesse, petitesse. L’esprit reste rivé aux détails immédiats et ne conçoit pas le lien qui les rattache les uns aux autres. D’où un manque de dynamisme et de créativité. L’élévation de l’esprit au niveau de
la compréhension de l’unité générale de l’univers correspond à l’état de Gadlut, grandeur d’esprit, élargissement vers un horizon de liberté. Dans l’œuvre du ‘Ari, ces expressions correspondent à certaines étapes de l’émanation divine dans la formation du monde : Gadlut hamohim et Qatnut hamohim. Le Rav Kook, suivant en cela les maîtres du Hassidisme, applique ces catégories à la psychologie humaine, dans la remontée de l’âme vers les sommets de l’émanation, de l’étroitesse vers la grandeur. Cf. Zohar 3:121b. 408. Le « mystère de la pensée » réside dans sa capacité de dépasser ses limites et de penser au-delà de l’ordre du donné. Cette possibilité en nous, sinon de connaître, tout au moins de concevoir l’Infini à partir du fini, est à la base du mouvement qui permet à l’homme d’adhérer à l’âme générale de l’univers et à tout ce qui s’y rattache. On comprend qu’elle remplisse une fonction identique à celles des préceptes de la Tora qui ont précisément pour but de provoquer ou de faciliter cet accès : les sacrifices, la prière, l’étude. « Etre capable de déduire une chose d’une autre », prendre une claire conscience du dynamisme interne de la pensée, n’est-ce pas déjà s’ouvrir à la transcendance, amorcer le retour vers la source ? La confiance dans le pouvoir de la pensée de penser plus qu’elle-même, de produire quelque chose qui la dépasse, constitue le fondement même du repentir intellectuel, qui peut mener ensuite au repentir par amour (cf. supra, chap. 1). Voir O.Q., vol. 3, p. 263. 409. Étude et prière. 410. Ps. 89:16. Teru"a: son du shofar, entrecoupé, discontinu, qui ressemble à un pleur, évoque le remords et appelle à la Teshuva. 411. La communion parfaite avec Dieu ne peut se réaliser qu’à travers l’union, dans l’âme du juste, de la crainte révérentielle et de l’amour de Dieu. L’auteur envisage successivement les trois cas suivants : —La communion elle-même, suivant le niveau atteint, n’est pas constante. —La communion ne s’effectue qu’à travers la crainte ou qu’à travers l’amour, mais non à travers les deux éléments à la fois. Dans ces deux cas, les justes en question, soucieux de leur insuffisance, s’emploient à la réparer par un repentir adéquat. —Pour les justes supérieurs, la communion s’effectue à travers les deux éléments, mais la proportion entre l’amour et la crainte accuse un déséquilibre. Ce déséquilibre « dans la pure relation de la communion » est ressenti par le juste, qui se trouve cependant dans l’incapacité de la déterminer et de la réparer (voir note 412). 412. La communion avec Dieu de ces justes est bien fondée et sur l’amour et sur la crainte, mais non selon la proportion exacte souhaitable
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de ces deux éléments. Le malaise fortement ressenti de ce déséquilibre constitue cependant par lui-même déjà un engagement qui mène à un équilibre parfait, dont les répercussions ne manqueront pas de se faire sentir dans l’univers. 413. Cf. Gen. 32:25-29. La claudication de Jacob est prise comme symbole de l’inadéquation de la communion parfaite du juste avec Dieu. 414. Ps. 26:12. Qimhi : C’est parce que mes pieds sont fermes que je peux proclamer ta louange. 415. Prov. 3:32. 416. Prov. 25:27.
volonté : « L’unité spirituelle réalise en elle la fusion de la pensée et de la volonté ; ce n’est que sur un plan extérieur et superficiel que la volonté revêt chez nous un caractère différent de la pensée et de la représentation intellectuelle » (O.Q., vol. 2, p. 430). 423. Allusion à la philosophie de Schopenhauer et à son influence néfaste sur la culture humaine. (Cf. O.Q., vol. 3, p. 85.) Selon le Rav Kook, Schopenhauer a bien mis en relief la valeur de la volonté comme force centrale du monde mais en lui déniant toute finalité, « il devint la cause la plus déterminante pour l’obscurcissement du monde » : « Son esprit impur s’est infiltré dans l’ensemble même de la culture humaine, en est devenu la force active, dans ses mœurs, sa manière de vivre, son art, sa poésie, et sa fausse gloire. » 424. Voir en particulier une critique de la conception schopenhauerienne de la sexualité (O.Q., vol. 3, pp. 300 sq.). Voir aussi p. 299 : sexualité et optimisme. Dénué de sa finalité idéale, l’instinct aveugle dégénère en passion incontrôlée. Il peut donner lieu à tous les abus et aux plus abominables et irrationnelles violences. 425. Le paganisme n’est pas uniquement un moment de l’histoire religieuse de l’humanité mais, dans son fondement ultime, une attitude qui consiste à confondre le sens de l’existence avec le présent et à accepter les conditions actuelles de l’existence comme définitives. L’idôlatrie accorde ainsi une valeur positive à ce qui demeure non rédimé, incomplet et impur. Son influence se retrouve dans toute restriction du mouvement vital, arrêt du développement et finalement étouffement de la vie et glorification de la mort. Toutes ces idées se résument chez le Rav Kook dans le refus de l’élévation de la volonté et son orientation vers la finalité idéale. (Cf. Orot, p. 32.) 426. Is. 58:9. 427. Ps. 145:18. L’humanité ne peut étouffer l’aspiration profonde de son être vers sa libération. 428. Osée 11:7. 429. Jér. 3:14. 430. Osée 14:2. Ces trois derniers versets concernent plus particulièrement Israël, dont le rôle principal consiste justement à maintenir vivante, pour les nations qui sont tentées de l’oublier ou de la falsifier, l’idée fondamentale de la Teshuva. Celle-ci devient ainsi non, un précepte parmi d’autres, mais la vie même du peuple de Dieu. 431. Voir supra, chap. 13, § 15. 432. Ps. 30:13. Voir R. David Qimhi ad locum et Ibn Ezra sur Gen. 49:6. 433. L’angoisse est un appel caché de l’infini en nous. Malgré la peine qu’elle provoque, c’est un sentiment positif, à condition que l’on saisisse, grâce à un effort de compréhension, sa nature véritable et ses racines métaphysiques.
Chapitre 15 417. Cf. Pirqey de Rabbi Éliézer, chap. 3. « D’où les deux ont-ils été créés ? De la lumière de l’habit dont II était vêtu... Comme il est dit : “ Tu T’enveloppes de lumière comme d’un manteau. Tu déplaces les deux comme une tenture ” » (Ps. 104:2). 418. La vérité de l’émanation et de l’unité du Tout est le fondement du repentir. L’introspection, la vigilance par le maintien en éveil de la conscience renforcent, chez l’homme, ce sentiment essentiel. Selon le Talmud, il convient même d’orienter son esprit dans ce sens avant le sommeil. Ce serait la signification de l’obligation de réciter le Shema avant de se coucher, passage du Deutéronome (6:4-9) qui souligne l’Unité du Créateur (cf. ci-après, note 419). Le verset invoqué des Psaumes (31:6) lie explicitement le moment où l’homme confie son esprit à Dieu durant le sommeil et Dieu, comme « Dieu de Vérité ». Le Rav Kook en conclut qu’il convient, même pour les moments où la conscience n’est pas en plein éveil, de ne jamais relâcher le lien profond qui doit nous rattacher au « Dieu de Vérité ». 419. Cf. T.B. Berakhot 5a. Rav Nahman dit : « S’il est un disciple des Sages, il n’a pas besoin de réciter le Shema » avant de se coucher. ‘Abbayé dit : « un disciple des Sages doit également réciter un verset invoquant la grâce de Dieu avant de se retirer pour la nuit — par exemple “ En ta main... Dieu de Vérité ” » (Ps. 31:6). 420. Ps. 31:6. Seule la vérité de Dieu libère. Voir Zohar 3:33a. 421. « Force vitale centrale, l’activité volontaire est le moteur de tous les rouages de la vie. Le grand trésor de la volonté caché dans l’âme spirituelle humaine, combien déterminant est son rôle et à quel point est-il lié à la valeur générale de la vie ! » (O.Q., vol. 3, p. 81). Il serait donc logique que l’ensemble des aspirations humaines soient orientées vers l’amélioration de cette force capitale et que tout, y compris l’activité intellectuelle et scientifique, soit subordonné à cette finalité. 422. Au niveau le plus élevé il y a unité de l’entendement et de la
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Irriguée par la connaissance, la graine de l’angoisse éclôt et donne naissance à l’élévation du repentir : illustration du mystère de la germination, de la transformation de la tristesse en allégresse. 434. Is. 29:18. 435. Da"at·, désigne l’état d’union de l’entendement et de la volonté. (Voir O.Q., vol. 3, p. 85.) 436. L’orgueil est la marque de la suffisance d’une personne, tandis que l’humilité est le signe de la conscience de son insuffisance. Pour l’auteur il ne s’agit cependant pas, dans ce dernier cas, d’une attitude uniquement négative et restrictive. L’approfondissement de cette qualité conduit au « couronnement de la sagesse ». L’homme humble découvre, en effet, qu’il participe déjà, à un ensemble dont il n’est qu’un fragment ; il retrouve ainsi l’importance de l’unité et la nécessité du repentir. Une telle démarche apparaît malgré tout comme contraire à la nature humaine : l’homme tend à s’affirmer triomphalement et à étendre son être. La restriction qu’il impose à son expansion naturelle requiert une grande fermeté de soi. Celle-ci peut trouver, à condition de n’en retenir que les éléments positifs, un appui dans le cadre de la vie sociale. Ainsi, la modestie ne serait pas seulement une haute qualité morale, mais de plus elle pourrait mener à la compréhension du fondement de la personnalité individuelle se saisissant de son humilité. L’ordre de la création se révélerait à celui qui aurait le courage d’approfondir la signification de son humilité. Voir supra, note 18, p. 216. 437. Repentir supérieur : effort de contemplation intellectuelle qui permet une perception plus vive de la bienveillance divine dans le monde et de l’aspiration de la réalité à transcender ses limites. Repentir inférieur : rectification progressive de la conduite et des actes, à la suite de la conscience de l’imperfection du péché. Cette distinction semble recouvrir celle établie au chapitre 2 entre le repentir soudain et le repentir progressif (voir supra, note 14). Il est possible cependant que le repentir supérieur dont il est question au second chapitre provienne d’un « éclair du Bien général » tandis que dans le présent chapitre il soit question d’un repentir supérieur qui a son origine dans l’effort intellectuel de la personne ellemême. Sur les deux niveaux du repentir, voir infra, chap. 16, § 11. 438. Le repentir inférieur est le moyen et la préparation pour parvenir au repentir supérieur qui en constitue le but. Il est logique que dans la généralité des cas, il soit en conséquence chronologiquement premier. 439. [Il parviendra à ses fins]. 440. Sur le lien profond qui unit les deux niveaux du repentir, voir chap. 16, § 11. 441. Ps. 84:3. Non seulement l’âme spirituelle, mais le corps également s’élève vers Dieu.
442. La reconnaissance de la faute, l’aveu, amorce le remords et bien que n’étant qu’un pas timide dans la bonne direction, elle parvient à créer une dynamique suffisante pour vaincre les entraves éventuelles. 443. Maimonide, Code, Hilkhot Teshuva 4, § 1. 444. Is. 40:4. 445. Manassé, roi de Juda, connu pour ses pratiques idolâtres et son implacable haine pour les serviteurs de !’Éternel (cf. II Rois 21:1-18). Selon T.B. Sanhedrin 103a et 104b, il aurait réussi à forcer la compassion de Dieu, par un ultime repentir. 446. Cf .T.B. Berakhot 34b. 447. Maimonide, Code, Hilkhot Tefila 4, § 1. 448. La prière est un exercice qui permet la libération et l’élargissement de l’âme spirituelle en l’homme (cf. "Olat Rayah, intr., § 3). Cette catharsis, qui « renforce en nous le sentiment de sainteté supérieure, est dérivée de la perception de la lumière de la vie des mondes contenue dans notre âme. Elle implante en nous de saintes lumières qui font germer les fruits du salut » (id., § 5). Aussi toute prière fervente dépasse les limites de forant et porte sur l’ensemble de l’existence. Elle est ainsi bénéfique pour l’individu et en même temps « élève toute la réalité vers la source de la bénédiction et de la vie » (id6 § )״. Voir Igrot, vol. 1, p. 339. Cf. Nefesh haHayyim, op. cit., chap. 2 et 12, et notre article, « La prière dans le Nefesh haHayyim de R. Hayyim de Volozhin, in Prière, Mystique et Judaïsme, PUF, Strasbourg 1984. 449. Ps. 118:5· «Ceux qui me haïssent»: tout ce qui empêche mon élévation spirituelle. Ce verset résume la dialectique de la délivrance de l’étroitesse à la voie largement dégagée de la grâce et de la vérité de Dieu. 450. Cf. supra, chap. 6, § 2, et note 77, p. 228. L’exigence d’intégralité de l’âme ne cesse d’exercer sa pression sur la conscience. D’autre part, l’assurance de la possibilité du repentir garantit la valeur de l’effort et empêche l’homme faillible de sombrer dans le désespoir. 451. L’amertume du remords et la tristesse de la chute se transforment par le repentir en occasion de progrès et en source de joie. Malgré le caractère dépressif de ces idées, elles participent ainsi, elles aussi, au fondement positif du repentir comme source de vertu. 452. Ps. 90:8. 453. Cette joie relève de la noblesse d’Atsilut et se situe au niveau de l’âme spirituelle (neshama). L’angoisse de la dépression par contre est ressentie au niveau du corps, « vêtement » de l’âme vitale, indirectement impliqué dans le processus du repentir. 454. Voir O.Q., vol. 3, pp. 137140־. L’homme, véritable microcosme, « porte en lui l’essence du Tout, participe au Tout et agit sur le Tout ». Cependant ceci ne devient manifeste
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que dans la mesure où il s’identifie totalement avec le foyer intime de son âme spirituelle. Au contraire, l’éloignement de cette perfection originelle, l’occultation ou la perte de l’identité profonde sont la racine de toute faute, la source de toute faiblesse, individuelle comme collective. « L’identité profonde et personnelle d’un individu ou d’un groupe ne se manifeste véritablement qu’en proportion de sa sainteté et de sa pureté... Nous nous sommes rendus coupables des mêmes fautes que nos pères. Adam s’est détourné de son essence. En prêtant attention au serpent, il a perdu son identité et ne pouvait plus donner une réponse claire à la question : “ où es-tu ? ”... Il ne connaissait plus son âme, il avait occulté son moi profond... » (O.Q., vol. 3, p. 140). La cause de toute faute - oubli ou refus de la norme - doit être cherchée plus profondément dans l’inauthenticité de la personne. Le moi profond où l’individu retrouve sa liberté coïncide avec le courant de la force de vie et la proximité du divin. À ce niveau il y a identité entre le divin, l’humain et le cosmique. Le repentir, au-delà de la réparation d’une déviation de la norme, doit s’attacher en conséquence à retrouver le moi profond où l’individu coïncide le plus étroitement possible avec l’unicité de « la racine de son âme spirituelle ». (Cf. O.Q., vol. 3, p. 221.) 455■ La « faute » de la terre, l’amoindrissement de la lune (cf. supra, chap. 6, § 7, et note 352) proviennent également d’une inadéquation de l’être à soi-même. « Ainsi le monde va et plonge dans la perte de l’identité propre de chaque individu et de la collectivité tout entière » (id.). 456. Unir leurs forces en vue de revenir à leur véritable nature. Le retour vers soi est un retour vers Dieu, une reconquête de la liberté de la personne, de son unité. La faute consistait précisément en une séparation, une rupture entre l’individu et son moi profond, une restriction de la personne, une aliénadon. 457. Il est impossible de revenir vers Dieu sans faire l’effort de revenir vers soi-même. (Cf. Ex. 20:7 : Utilisation du nom de Dieu pour une opération vaine.) 458. Tout individu et toute chose doivent retrouver leur authenticité particulière et unique, telle semble être la condition première pour le retour de l’univers à sa source originelle, et l’établissement d’une paix véritable entre les êtres. Toute influence subie d’une âme spirituelle par une autre, bien que bénéfique d’un certain côté —lui apportant une connaissance ou une sensation utile parfois - , comporte cependant aussi un élément nuisible, du fait qu’elle introduit un principe étranger. Le monde ne peut parvenir à son perfectionnement que par le refus de toute ingérence étrangère : « L’un n’enseignera plus l’autre, et un homme ne dira plus à son prochain : connaissez
NOTES
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Dieu, car tous, du plus grand au plus petit, Me connaîtront» (Jér. 31:33) cf. O.Q., vol. 3, p. 137 et 140). L’auteur insiste souvent sur la spécificité unique de chaque individu ainsi que sur l’indispensable et légitime affirmation de la personnalité indépendante et libre de chacun. « Je dois trouver mon bonheur dans mon propre intérieur, sans rechercher l’assentiment des hommes, ni d’aucune autre instance. Plus je serai conscient de mon caractère particulier, plus je me permettrai d’être original... et plus la lumière divine m’éclairera, mes forces s’épanouiront davantage, pour ma propre bénédiction comme pour celle de l’univers » (A.T., p. 22). 459. D’une manière générale, l’expression « Lumière du Messie », forgée par le Midrash (par ex. Genèse Rabba 85:1) et employée très souvent par le Rav Kook (dans cet ouvrage : 4, § 11 et 13, § 15. Dans O.Q., vol. 1, pp. 150-151 ; O.Q., vol. 2, p. 561 ; O.Q., vol. 3, pp. 157 et 367. - 'Ont, pp. 10, 20, 26 § 12, 37 §20, 46 §32, 84 §43. —Ma’amarey Rayah, p. 171), marque la convergence providentielle des événements dans le sens d’un progrès de l’avènement messianique. Ces progrès sont de fait autant d’actualisations du projet initial. Non la réalisation, mais le mouvement qui tend vers ce but, même si son accomplissement ne doit se produire que dans un avenir imprévisible. La « Lumière du Messie » est dans ce sens la manifestation progressive de la lumière cachée lors du premier jour de la Création : « la révélation (d’intensité croissante) de l’âme spirituelle de l’univers ». Dans ce texte, « le secret de la Lumière du Messie » : l’auteur précise que cette lumière, bien que de provenance extérieure, se manifeste cependant au plus profond de la personne authentique. Cf. « Souffle de notre nez, le Messie de Dieu » : il s’agit de sa ferme et sublime grandeur —elle n’est pas extérieure à notre personne, mais le souffle même de notre respiration » (O.Q., vol. 3, p.141). La réalisation totale et spécifique de chaque être, voilà peut-être le sens intime du messianisme, qui conduira le monde à un harmonieux bonheur. 460. La nation ne s’est formée en groupe distinct que dans le but de réaliser le projet divin pour le monde. Elle ne peut, sans renoncer à son existence même, repousser ce fondement de sa vie collective. Tôt ou tard ce naturel, provisoirement chassé, se manifestera à nouveau avec une vigueur accrue. 461. Ps. 102:19. « Que cela soit inscrit pour les temps ultimes, où le peuple à naître glorifiera Dieu. » Peuple créé après la rédemption et qui ignorera les malheurs et les contradictions de l’Exil. 462. Nom. 23:24. 463. La littérature, expression des aspirations d’une génération, devrait être le témoin de l’évolution en train de s’accomplir. Aussi l’auteur attendil avec impatience de voir se dégager un nouveau genre littéraire où le problème de la Teshuva occuperait une place centrale {infra, chap. 17, § 5).
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NOTES
« Si nous désirons rénover la littérature juive, nous devons suivre la voie de la sainteté : déboucher de la sainteté vers la littérature » (‘Orot, p. 82). D’une manière générale, l’écrivain qui se propose d’analyser les profondeurs de l’âme humaine ne saurait y parvenir sans développer au préalable en luimême son âme spirituelle. Étant donné que dans la nation juive, la Teshuva est un mouvement constamment en œuvre (« souffle même de notre respiration », note 459), cette exigence y est plus vivace et plus impérative que partout ailleurs. Selon le R. Kook, seul le judaïsme insiste sur le lien essentiel entre la morale et la valeur de la création artistique. La convergence entre ces deux domaines —légitimes tous deux - sera le signe d’un monde en voie vers la rédemption (‘Orot, p. 82, § 37). Voir supra, note 6, p. 213.
470. Ps. 147:5. Transcendance qualitative infinie, commencement absolu. 471. Ps. 104:24. Évaluation quantitative de la multitude des œuvres de toute sorte, spirituelle comme matérielle : idée, matière, loi. Œuvres qui structurent le monde fini. 472. Id. 473. Ps. 103:11-12. La repentance a son origine dans la racine supérieure du monde. Selon la Cabbale, il s’agit de la première Sefira, Kéter, la Volonté, le point d’où jaillit la source de Vie. La grâce de Dieu a implanté dans le monde le mouvement ascensionnel de retour vers la source. Implanté dans les profondeurs de la réalité, le repentir a précédé la création des éléments. 474. Cf. supra, chap. 15, § 6. 475. C’est le repentir progressif inférieur, du bas vers le haut. 476. Gen. 49:26. 477. Ps. 90:2, 3. « Avant que naquissent les montagnes, que ne fussent enfantés la terre et le monde, d’éternité en éternité, tu es Dieu. Tu fais retourner l’homme dans la poussière et tu dis : “ Retournez, fils de l’homme ! ” » Le repentir conduit l’homme jusqu’au sommet de l’émanation au-delà même du point d’origine de la création, « avant que les montagnes ne soient nées ». 478. Is. 40:12. La formation des montagnes et des collines est le symbole qu’emploie l’Écriture pour parler de la création du monde. 479. Ps. 90:2-3. Le repentir est de l’ordre de l’éternité, il a précédé la création du monde. Voir note 477. 480. Cf. Maimonide, Code, Hilkhot Teshuva, 1, § 1. L’aveu comme reconnaissance de la responsabilité, confirme la possibilité du libre choix de l’homme, expression spécifique de son humanité. Cf. Igrot, vol. 1, p. 319. 481. Da"at\ voir supra, note 435. 482. Contradiction apparente au sujet du libre choix. D’une part, volonté libre et d’autre part, soumission à la volonté au Bien. Ce problème n’est un problème que pour un être limité, pour lequel il y a encore inadéquation entre volonté et entendement. Au niveau de la volonté supérieure divine, volonté infinie, il n’y a point de limitations, point de lois. La causalité voulue par Dieu n’existe que dans le cadre du monde créé. La liberté est dans la force et la volonté de perfection, tandis que le nonchoix est dans ce qui limite ce dynamisme. Les deux principes agissent simultanément dans toute réalité et naturellement également chez l’homme. Mais leur intensité et leur influence respectives varient. Pour l’homme, la liberté consiste à libérer la volonté afin qu’elle s’identifie au Bien général. Ce mouvement de dégagement des forces de vie des obstacles qui les retiennent se retrouve à tous les niveaux de l’existence. Voir infra, note 524.
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Chapitre 16 464. Cf. T.B. Baba Batra 78a-b. La responsabilité de tout homme pour l’état spirituel de l’univers. 465. La racine du repentir supérieur est dans la compréhension générale du retour de l’univers à sa source originelle. Cette compréhension est chronologiquement antérieure et de valeur supérieure à tous les actes particuliers qu’elle inspire et dicte. Ce point de vue est caractéristique de la conception de l’auteur pour lequel la nomenclature détaillée des actes particuliers et précis de la repentance doit s’inscrire dans et dériver de l’aspiration générale. Celle-ci est ancrée dans la Volonté première qui transcende les limites des lois naturelles et des règles de la Sagesse. Les textes bibliques qui suivent, cités en référence, doivent illustrer, selon la méthode allégorique, le thème de la transcendance du désir de l’aspiration générale par rapport au caractère particulier des actions pratiques. La force du devenir de l’homme est sans rapport avec le nombre. L’être transcende tout inventaire. 466. Interprétation allégorique d’une remarque de Exode Rabba (chap. 40 in fine) selon laquelle la caisse des comptes des opérations commerciales était installée dans la banlieue de Jérusalem, et non dans la ville même, qui était, elle, le fondement de la perfection, la source de la joie. 467. Ps. 48:3. « Vision de beauté, joie de la terre entière, montagne de Sion aux arcanes du septentrion, cité du grand Roi. » 468. Ps. 92:1-2 ; 5-6. Selon le Midrash (Genèse Rabba 22) le Psaume 92 aurait été composé par Adam, émerveillé par la bonté de la grâce du pardon de Dieu. 469. Id, 7.
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NOTES
483. La volonté, aliénée et retenue par la pesanteur des fautes, n’exprime que le moi superficiel et non la conscience profonde. 484. Is. 26:12. 485. Ps. 5:5. 486. Ps. 145:9. 487. La peur est la cause principale de la perte d’identité et de la nonréalisation des possibilités virtuelles d’une personne. Manque de courage pour dépasser le donné - la sécurité de l’avoir —et s’élever vers une perfection supérieure - le risque de l’incertain. Lorsque ces inhibitions entraînent la stagnation ou la faute, celles-ci à leur tour intensifient la peur. Peur d’assumer le devenir par manque d’être, non-consentement à la vie et à la valeur suprême qu’elle représente. 488. Voir supra, chap. 6, § 7, et note 90, p. 231. Genèse Rabba, chap. 1 ; O.Q., vol. 3, p. 140. 489. T.B. Hulin 60b. R. Shimon, fils de Pazi, s’interroge sur la contradiction entre ces deux affirmations. Il est dit d’une part : « Dieu créa les deux grands luminaires » et d’autre part, on parle ״du grand luminaire... et du petit luminaire » (Gen. 1:16). L’un des grands luminaires semble avoir subi un rétrécissement ! La lune protesta devant le Saint Béni soit-il : Maître du Monde, Deux Rois peuvent-ils porter la même couronne ? Dieu lui répondit : Dans ce cas, va, et fais-toi plus petite. Ayant eu peur de s’affronter, la lune a dû renoncer et s’amoindrir. 490. Le R. Kook interprète symboliquement les données relevées par le Midrash portant sur les déficiences de l’univers d’après le récit de la Genèse, en les appliquant aussi bien au monde de la création qu’à celui de l’homme. Cf. R. Nahman de Brastlav : « Le monde est une étroite passerelle, et l’essentiel consiste à n’éprouver aucune crainte. » 491. Prov. 28:10. 492. Is. 26:4. Confiance dans le dynamisme généreux de la Vie. 493. Souffrance provoquée par la prise de conscience de la distance où l’on se trouve par rapport au but élevé désormais ardemment souhaité. Cf. infra, § 6. 494. La volonté humaine, qui a sa source dans les plus hautes sphères de la divinité, indique à l’homme qu’il est plus que ce qu’il est, et qu’il a en lui la puissance pour devenir ce qu’il pourrait être. Il suffit que cette force s’éveille, qu’elle prenne conscience de son dynamisme créateur et l’individu se sent assuré d’une ouverture qui le remplit de la joie de l’àvenir, cueillie à même l’espérance en la victoire de sa liberté retrouvée. Sur la voie de la réalisation infinie de sa personne, l’individu confère à chaque instant une charge vitale d’éternité — tout obstacle devenant un moyen sur la route de la plénitude à conquérir. « Le bonheur infini » dont parle l’auteur est un jaillissement de l’être vers une plus intense plénitude.
495. Le repentir est une preuve de courage et de fermeté et non de faiblesse. Il se présente comme une lutte contre le sentiment naturel de l’irréversibilité du temps. 496. Ps. 112:1. 497. Cf. Maimonide, Code, Hilkhot Teshuva 2, § 1. 498. Le terme « homme » dans le verset des Psaumes est expliqué dans le Talmud (T.B. Avoda Zara 19a) comme se rapportant à un individu dans la pleine possession de ses moyens : « heureux celui qui fait pénitence pendant qu’il a encore toute sa vigueur ». Selon le R. Kook, il faut comprendre que le processus de la Teshuva concerne l’être même de l’homme, son destin. 499. La souffrance inhérente au sentiment du manque de perfection n’est pas négative. Elle témoigne au contraire d’une aspiration au Bien. Ce sentiment, qui ne s’évanouit jamais totalement, laisse cependant une place grandissante au contentement et même à la joie, au fur et à mesure de la progression dans la sainteté. 500. Repentir par amour inspiré par l’éveil de l’âme et la volonté de concrétiser l’aspiration à la perfection. Sentiment de participer à la spiritualisation croissante de la réalité tant humaine que cosmique. 501. «À l’âme spirituelle lumineuse, tous les défauts sont manifestes; elle est, de ce fait, dans un état de continuel repentir » (supplément de l’édition d’Or-"Etzion). 502. Cf. supra, chap. 8, § 1. 503. Is. 29:19. L’humilité est la vertu cardinale du repentant (voir note 436). Les nécessiteux sont ceux qui manquent de vitalité et de courage : ils retrouvent le sens de la créativité et de la vie par l’ouverture sur un temps nouveau et une reconquête de l’espérance. 504. Le secret « désir » est l’aspiration profonde de l’âme spirituelle à participer à l’unité du devenir et à rendre manifeste le principe qui soustend la vie même. Ce Désir est à l’œuvre et précède tout mouvement de repentir, même si, consciemment, celui-ci semble dicté par la crainte de la faute ou de la sanction. La volonté est à la racine de toute initiative. 505. Voir note 437. 506. Le repentir doit, pour être réel et efficace, correspondre aux capacités effectives du repentant. 507. Cf. T.B. Ta"anit 11b: « Rav Sheshet déclare: un érudit qui se complaît dans le jeûne, qu’un chien mange son repas » : le jeûne n’est pas un moyen approprié pour l’effort de perfectionnement d’un érudit. Il affaiblit sa force de réflexion et son assiduité à l'étude. 508. Voir supra, § 10. Ce paragraphe est plus spécialement consacré au rapport entre les deux aspects du repentir.
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NOTES
509. Affirmation apparemment paradoxale, expliquée par la suite par l’auteur. Le foyer le plus intime de la personne est le lien de participation maximale avec la totalité de l’univers. C’est cette fine pointe de son âme, point authentique de son être, que l’homme doit s’efforcer d’atteindre. 510. Voir "Olat Rayah, 2 'partie, p. 3. 511. « C’est par la lumière du savoir (cf. Da"at, supra, note 435) que les deux repentirs, le supérieur et l’inférieur, interfèrent et deviennent une seule merveilleuse entité. Celle-ci renouvelle alors dans le corps et dans l’âme, dans la nation, dans l’univers et dans tous les mondes une importante illumination supplémentaire. Il faut de nombreuses recherches dans l’ordre de la connaissance, de la morale, de l’action et de l’humeur naturelle afin de profiter, ne fût-ce que peu, de ses profonds trésors, pleins de vie, riches de luminosité et de joie, d’une délicieuse et éternelle douceur » (édition ‘Or"Etzion 11,1). 512. D’après Zohar 3:4a. 513. L’auteur distingue dans ce passage deux niveaux dans la catégorie des justes. Ceux qui jouissent déjà d’une très forte illumination du divin (les justes supérieurs) et ceux qui ne bénéficient encore que d’une illumination restreinte. Ils présentent des différences notables dans leur compréhension respective de la réalité du mal et de son lien au bien. L’imperfection du monde créé doit permettre la concrétisation de toutes ses virtualités. C’est donc dans la profondeur même du bien que le mal a sa racine. Par la Teshuva, les traits négatifs du mal se transforment en force agissante pour le bien. De ce point de vue le mal a un côté positif comme aiguillon poussant à l’accomplissement et à la manifestation plus éclatante du bien. La compréhension de la nature dialectique de la réalité permet l’évaluation du côté négatif des choses comme partie de l’essence de l’unité. 514. D’après Zohar 3:153b. 515. Cf. T.B. "Eruvin 19a. 516. Cf. T.B. Berakhot 64a. 517. Ps. 84:7-8. « Ceux qui traversent la vallée des larmes y suscitent des sources, la première pluie y répand aussi les bénédictions. Ils s’avancent avec une force toujours croissante pour apparaître devant Dieu, à Sion. » Ceux qui « traversent la vallée des larmes » d’un monde non rédimé s’avancent maintenant « avec une force toujours croissante », jusqu’à la réalisation de leur communion avec Dieu.
particulière, et de par sa vocation spécifique et de par sa situation existentielle « anormale », Israël est l’élément dominant de ce processus. Les tentatives de reconstruction de la nation juive à la fin du XIXe et au début du XXe siècle s’inscrivent pour le Rav Kook comme un moment décisif dans cette dynamique du retour. Le message de libération de toutes les aliénations dont le peuple juif est porteur - message de Teshuva altéré durant les exils —va enfin pouvoir s’exprimer dans sa véritable dimension. Le sionisme ne doit pas être considéré comme un simple mouvement de libération nationale, un « épisode » de l’histoire juive, mais comme un moyen qui devrait permettre à Israël de sortir de la stagnation et de retrouver la pleine conscience de son lien avec la Volonté divine à l’œuvre dans le monde (cf. Orot, p. 26, § 10). Le retour d’Israël sera le signe d’un nouvel ordre mondial, essentiellement sur le plan spirituel interne de l’homme, qui jouira pleinement de sa liberté pour une vie créatrice. Révélateur objectif des lois internes de l’Histoire, ce retour est la preuve évidente qu’une Volonté suprême fraye un chemin pour un rapprochement entre nature et esprit. L’essence divine devenant de ce fait plus manifeste dans le monde, l’humanité se trouvera entraînée vers la recherche de la « grandeur » de sa véritable destination. Elle discernera mieux de quelle manière la lumière divine irise de sa force vitale jusqu’au plus infime détail de l’existence. Cf. A.T., p. 1. Pour le lien entre la rédemption et le repentir, voir Orot, p. 143, chap. 2, § 1. 519. Voir supra, chap. 7, § 6 ; chap. 13, § 9 ; chap. 14, §§ 3, 4; chap. 15, §§ 6, 7, 8. 520. L’obstacle principal consiste à ne considérer le repentir qu’en relation avec la chute, la carence, la perte de soi. C’est le piège qu’il convient d’éviter. Il faut au contraire rattacher le repentir aux forces les plus actives du mouvement de la vie, comme un moment de l’émergence du moi profond —l’âme spirituelle, la neshama —vers les hauteurs auxquelles elle peut et doit légitimement aspirer. La Teshuva concerne ainsi l’être de l’homme individuel —et non seulement la réparation de tel acte particulier : le même principe s’applique à l’être collectif de la nation. C’est dans ce sens —celui de la redécouverte de l’intégrité de son destin —que le Rav Kook situe le retour collectif du peuple juif vers la Terre sainte comme un événement crucial de l’histoire juive et de l’évolution du phénomène humain. 521. Le retour collectif du peuple juif sur sa terre, bien que se présentant, surtout à ses débuts, comme un mouvement politique animé parfois d’un laïcisme a-religieux, voire anti-religieux, se greffe en réalité sur un mouvement de retour infiniment plus radical vers les racines de l’identité profonde de la nation. C’est l’ébauche d’un véritable mouvement de repentance, après
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Chapitre 17 518. L’histoire des sociétés n’est qu’un aspect particulier du mouvement général, cosmique, du retour graduel du monde vers son Principe originel (cf. supra, chap. 6, § 2. Le R. Kook parle significativement du « mouvement des sociétés »). À l’écoute de ce mouvement, le vivant avec une intensité
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NOTES
les écarts et les abandons du judaïsme à partir de la seconde moitié du xvnr siècle. Le retour physique à la terre et la reconstitution des bases sociales d’une existence collective indépendante sont une condition préalable, indispensable à la revigoration de la stature culturelle et spirituelle de la nation. Le mouvement sioniste a libéré et canalisé, souvent à son insu (« ironie » ou « ruse » de l’histoire), des forces que la dynamique du retour portera nécessairement à leur finalité ultime. Car le retour à Sion - et non à n’importe quelle terre — implique indivisiblement une rencontre du spirituel et du terrestre, spécifique et exemplaire. Cette rencontre de « l’idée divine » et de « l’idée nationale » étant la vocation essentielle du message juif, le peuple juif ne saurait échapper à la logique de son histoire : « Aucune entrave, nul obstacle, n’a le pouvoir d’empêcher la lumière supérieure de nous atteindre. » Cf. Igrot, lettre 378, et supra, p. 178. 522. Deut. 30:2 et 10. La vision du retour dans ce chapitre de la Tora lie dans une même promesse la délivrance historique de l’exil et la conversion intérieure d’une maturation spirituelle. Il faut relever dans ce texte l’interaction entre la prise de conscience du peuple et le retour, de même que le double aspect de la délivrance physique et spirituelle. Les deux versets invoqués ici semblent marquer une ^gradation dans la voie du retour. D’abord « Tu reviendras jusqu’à {"Ad) l’Éternel » (verset 2) et ensuite « Car tu reviendras à {'El) l’Éternel » (verset 10). Cf. Y. Arama, "Aqédat Ytshaq, Sha"ar haMéa (chap. 100) et N.Z.Y. Berlin, Ha "éméq Davar : « Ce passage revêt de toute évidence un caractère prophétique. Il annonce les péripéties de la rédemption future. » 523. La sainteté vraie n’est pas une sphère qui s’oppose à la nature, mais l’expression de la totalité de la vie et son unité. De même la sainteté supérieure ne vise-t-elle pas à supprimer le profane, mais à l’élever et à l’inclure dans sa propre sphère. La division entre saint et profane ne provient pas de la recherche de l’unité qui caractérise la sainteté, mais bien plutôt de l’esprit de division qui est l’essence même du profane. Avec le retour dans le pays, l’unité spirituelle du réel se dévoile, et le profane se révèle comme un instrument pour la sainteté (cf. O.Q., vol. 1, p. 67). C’est dans le but de mieux saisir les événements historiques de son siècle que le R. Kook s’est livré à une réflexion approfondie sur les valeurs du saint et du profane et sur leur dépendance mutuelle. 524. L’élargissement du pouvoir de l’âme spirituelle et l’élimination de toutes les aliénations sont le but ultime de l’aventure humaine. Le degré suprême de la liberté est d’imposer des limites à la liberté elle-même : « Le point culminant de la liberté est atteint lorsque l’homme est libre au point d’utiliser sa liberté absolue pour se soumettre là où il le faut, et
d’être esclave là où la servitude est la liberté vraie » ("Olat Rayah, vol. 2, p. 261). « Est vraiment libre celui qui exerce son gouvernement sur la plus puissanté des forces, la force de la liberté elle-même » (p. 289). Ce degré est celui de « l’acceptation du joug du royaume céleste ». 525. Sur le rôle et la place de la littérature dans l’œuvre du repentir voir supra, note 6, p. 213, et Orot, p. 82, § 37, et chap. 10, § 11 ; chap. 15, § 12. L’auteur avait déjà traité du problème de la littérature à plusieurs reprises dans cet essai. Le sujet est à nouveau évoqué dans ce chapitre, car les pionniers de la génération du retour voyaient dans la renaissance de la littérature, et de l’art en général, un des signes les plus importants de la création d’une culture hébraïque liée au mouvement de la résurrection nationale, qui avait été négligée durant la longue hibernation des siècles d’exil. Le R. Kook considère ces initiatives comme éminemment positives pour la résurgence d’une saine et naturelle créativité. (Cf. Igrot, vol. 1, p. 20, lettre 158.) Malheureusement ceux qui se sont attelés à cette tâche se sont contentés de copier servilement et de reproduire dans la forme et dans le fond l’univers culturel des nations. (Cf. id., p. 214.) Leur œuvre, au lieu d’apporter une contribution constructive, détourne au contraire le peuple de sa vocation. « La littérature a été conquise par les destructeurs de notre âme spirituelle essentielle » (Igrot, vol. 2, p. 52, lettre 392). La libération du peuple juif du joug de l’exil, l’indépendance de la nation et surtout son retour à une vie laborieuse du travail de la terre, et d’une manière générale à toutes les activités naturelles d’un groupe responsable de son destin, sont des signes évidents du déploiement de la volonté et de la libération des forces obscures de l’âme. Ce développement de l’âme spiriruelle donnera forcément naissance à l’explosion d’une production littéraire qui se fera le chantre des vraies valeurs de la Vie. (Cf. Orot, p. 78, § 29.) C’est vers la libération de ce poème, célébration de la plénitude des temps, écho de la fidélité et de la résurrection d’Israël, que le R. Kook porte ses ferventes espérances et ses plus altières certitudes. 526. Réveil du printemps et germination, symboles de renouveau et d’espérance, par la force de vie de la sève ascendante qui perce et éclate. « La Teshuva promise à Israël, qui lui permettra de recouvrer sa vigueur lors de la rédemption complète, se produira par le retour en force de l’esprit saint. Ce stade premier, prémice de l’aptitude prophétique, sera atteint par l’ensemble de la nation » {,Orot, p. 97, § 70). Sur l’esprit saint, voir O.Q., vol. 3, pp. 355-360. 527. La volonté divine qui se révèle à travers l’élan de vie du cosmos anime l’ensemble du réel dans toutes ses manifestations naturelles, historiques, culturelles, mais à des degrés divers. La manifestation la plus complète et la plus intense de ce courant vital — à la fois volonté et sagesse divines supérieures - est la communauté
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NOTES
d’Israël, Knesset Israël. Cette notion, qui se réfère au monde sefirotique de la Cabbale (la Sefira Malkhut. Cf. G. Scholem, Pirqey Yessod beHavanat haQabala ouSemaleyha, pp. 263-264, 288-289), se rapporte également à l’Israël concret inséré dans le processus historique. Cela signifie que le peuple juif est un « condensé de l’existence », toutes les forces vives de la divinité s’y retrouvent au plus haut niveau de leur manifestation. (Cf. A.T., p. 8 : « racine de la révélation de la divinité et de la Volonté, de l’Unité de l’existence, dans le monde ». Voir également id., pp. 39 sq. et O.Q., vol. 3, p. 117.) Il en résulte, en ce qui concerne la collectivité, une « aptitude » à la sainteté (voir O.Q., vol. 2, p. 300), une nature tendue vers l’unité des forces vitales, une disponibilité à servir de relais aux forces supérieures pour leur insertion dans l’univers. Ce caractère particulier se traduit par une forte adhésion à la volonté cosmique, une proximité, une intimité avec le processus de spiritualisation et une vitalité vraiment créatrice. Il s’agit, on le voit, d’un certain niveau d’être auquel il convient de s’abandonner ou qu’il faut capter. Tous les problèmes proviennent d’un manque d’authenticité, d’une méconnaissance, voire d’un rejet délibéré, du caractère particulier de l’existence juive. Si la spécificité du judaïsme réside dans sa globalité, dans le fait qu’il englobe toutes les vérités partielles, les relie entre elles et les intègre dans une unité supérieure, le rejet de cette « sainteté » consiste dans l’acceptation d’une vérité partielle comme vérité totale. Le retour à l’authenticité doit s’effectuer par une adhésion plus foncière, plus élémentaire à l’être collectif de la nation, plutôt que par une spéculation sophistiquée qui risque d’éloigner l’individu de la source de vie créatrice capable de l’entraîner vers la conquête de l’avenir. D’une façon générale ce point de vue rejoint la conception de l’auteur et sa critique d’un rationalisme « trop étroit pour rendre compte de la profondeur du réel » (A.T., p. 45). 528. L’Alliance entre Israël et Dieu n’est pas saisie dans cette perspective comme un contrat conclu entre des partenaires, mais comme un lien organique qui situe Israël à un niveau particulièrement élevé dans la hiérarchie de l’Émanation de l’existence. « Un retour à l’Alliance » ne peut donc s’effectuer en demeurant seulement dans le cadre culturel, historique ou politique, mais par une adhérence à la dimension méta-historique et surnaturelle de l’existence juive. (Cf. ‘Orot, p. 44.) Sur la notion de Berit, Alliance, voir Igrot, lettre 555, et 'Orot, p. 170. Pour le rapport entre Berit et Teshuva, voir surtout Mussar Avikha, pp. 110-112. 529. Mal. 3:7. 530. D’après Is. 6:10. Voir supra, note 525, p. 293.
531. L’idée du repentir dans sa première ébauche constitue un frein de l’expansion vitale. À ce stade elle va au rebours de la vie. Elle nous fait prendre conscience d’une faillibilité, d’une incohérence qui se glisse dans la trame de notre prise sur l’avenir. Cette fragilité qui est une pierre d’achoppement pour le repentir individuel est également un obstacle de taille pour la collectivité sur le chemin de son édification. C’est l’idée du Salut qui permet de maîtriser cette rupture en l’intégrant dans le rythme de la vie, dans le mouvement d’émergence de l’histoire. Grâce à cette maîtrise, notre aventure - personnelle ou collective —retrouve sa cohérence et son sens. Dans le contexte de ce chapitre on doit peut-être cerner d’une façon plus concrète le « trouble » causé par le rétablissement progressif des juifs dans le pays. Paradoxalement, ce retour a en effet accentué une crise d’identité qui s’est traduite par l’affirmation d’un judaïsme séculier désirant rompre avec la tradition et la remplacer. Ce sont pourtant ces pionniers animés d’un esprit matérialiste qui furent parmi les premiers à revenir et à défricher la terre, faisant preuve d’un dévouement sans faille pour la défense et le renouveau de la nation. D’où trouble, confusion, division même, qui entravent l’élan du retour et l’empêchent d’atteindre l’amplitude spirituelle qui seule pourra assurer l’adhésion volontaire de l’ensemble de la nation à l’œuvre de résurrection. Le R. Kook s’est appliqué à montrer comment cet écart du judaïsme devait être saisi comme un moment dialectique de l’histoire juive. Dans ce que l’on peut considérer comme l’un des aspects les plus originaux de son œuvre, il explique de quelle manière « la ruse de la volonté divine » se sert des révolutionnaires séculiers pour rétablir en Israël un équilibre concret entre esprit et nature et ramener finalement le peuple vers la lumière de l’unité du réel et de la sainteté supérieure. (Cf. Orot, p. 45, § 31, et Le repentir et la paix, supra, p. 187.) 532. Le retour à la nature véritable est inévitable, d’autant plus impératif que l’écart de la norme aura été plus radical. « De toute manière cette tendance extrême ne saurait se prolonger, car l’équilibre est le fondement même de l’existence de la nation. Dès que la tempête s’apaisera, les choses s’orienteront à nouveau vers le haut et retrouveront leur équilibre normal. Il faudrait mettre au jour la lumière spirituelle qui anime la tendance matérialiste, sa finalité interne. Plus les maîtres révéleront ces données à la masse, plus l’audace effrontée des révolutionnaires se résorbera et perdra de sa négativité. La nation dans son ensemble s’éveillera et se tournera vers sa réalité naturelle, et la splendeur de son âme spirituelle l’illuminera » {‘Orot, p. 159). La confiance du R. Kook se fonde sur le fait que le retour d’Israël est un aspect central du phénomène global de l’évolution du monde vers une rédemption nécessaire. Dans ce cadre, les difficultés, les rejets, les abandons ne sont qu’une étape dialectique d’un mouvement général qui avance immanquablement vers son but.
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533. Mal. 3:4. « L’aspiration d’Israël à l’édification de la nation, au retour dans le pays, est une aspiration vers le bien profond qui pénètre le réel jusque dans ses racines. Non le rétablissement d’une brique isolée d’une maison quelconque, mais un tournant radical et profond pour assurer un fondement solide à l’ensemble du bâtiment afin de le restaurer sur sa base » ( Orot, p. 26).
ANNEXES
NOTES
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Les fondements du repentir 1. Deut. 30:11. 2. Id. 30:14. 3. Id. 30:12. 4. Id. 30:13. 5. Nahmanide (Commentaire 30:11) rapporte ce texte au précepte du repentir et non à l’ensemble des commandements. 6. Id 30:14. 7. Jér. 2:19. 8. Deut. 29:28.
Notice biographique 1. Voir Igrot, vol. 1, lettre 177. Année de Shemitta 5670 : 1909-1910. L’auteur publia ses arguments halakhiques et philosophiques sur ce sujet dans Shabbat haArets (« Le Shabbat de la Terre »). Il se fonde sur une décision de R. Israël Elhanan Spector de Kovno dès 1888, mais en élargit de beaucoup le champ d’application. Sur la Shemitta, voir Lév. 25. 2. Cf. Igrot, vol. 3, pp. 106-114. Le R. Kook réagit à une proclamation faite par des responsables juifs religieux qui dénonçaient le sionisme comme incompatible avec la religion juive, dans une lettre publiée par le Times du 24 mai 1917. « Le judaïsme ne constitue pas une nation, mais une religion. » Pour lui, la Déclaration Balfour doit être considérée comme une intervention divine en faveur de la délivrance de Son peuple, et une étape supplémentaire dans la voie de la rédemption.
La confiance en la Teshuva 1. Ps. 103:3-5. 2. T.B. Yoma 86b. Voir supra, p. 214, note 11. 3. Ps. 35:9-10. 4. Job 37:3. 5. Ps. 92:5. 6. Cf. T.B. Sanh. 98a : « R. ‘Aba’ dit : Il n’y a pas de signe plus évident pour marquer la délivrance que la déclaration d’Ézéchiel : “ Et vous, montagnes d’Israël, vous produirez vos ramures et vous porterez vos fruits pour mon peuple Israël, car ils sont près de revenir ” (36:8). » L’auteur voit dans les succès du mouvement sioniste pour faire refleurir le désert une confirmation de la perspective du retour d’exil.
Appel à la Teshuva 1. Voir supra, chap. 15 § 10. 2. Cf. Job 31:2. 3. Mishna, ‘Avot, 6:12. 4. Les « Dix Jours de Teshuva » : de Rosh haShana à Yom-Kippour, du 1" au 10 du mois de Tishré. Voir note 31, p. 195 et note 183, p. 247. 5. Ps. 119:126. 6. Osée 14:2. 7. Cf. Eccl. 3:19. 8. Ps. 84:3. 9. Kuzari, V, § 27 : « Il est dit : “ Toi, tu te lèveras saisi de compassion pour Sion, il est temps de la prendre en pitié, car l’heure est venue. Tes serviteurs en chérissent les pierres et prennent en pitié sa poussière. ” Ce verset signifie que Jérusalem ne sera reconstruite que lorsque Israël sera tendu vers elle dans une aspiration si puissante qu’ils prendront en compassion ses pierres et sa poussière. » 10. Jér. 4:1. 11. T.B. Yoma 86a. Voir supra, p. 243, note 160. 12. Prière de Netla de Yom-Kippour. 13. Os. 14:2. 14. Id. 6:1, 2.
B ibliographie
ŒUVRES DU RAV KOOK
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Index
A. INDEX ANALYTIQUE Abandon (de la faute) : 19, 182, 195. Adam : 13, 93, 160, 193, 195, 225, 231, 286. Alliance : 15, 16, 17, 20, 21, 35, 57, 170, 200, 209, 294. Âme: 223, 228, 231, 238, 248, 251, 259, 274. Aveu : voir Confession. Babel (tour de) : 13. Bien : 42, 44, 47, 55, 60, 74, 106, 108, 120, 123, 179, 215, 218, 220, 236, 245, 247, 266. Bina (sefira) : 27, 28, 198, 223, 246, 247, 250, 254, 255, 256. Brisure des vases : 29, 41, 271. Cabbale : 27-30, 41, 49, 65, 176, 198, 202, 212, 217, 228, 255. Christianisme : 21, 26, 32, 200. Confession (aveu) : 14, 16, 17, 19, 25, 161, 181, 194, 196, 283, 287. Conscience morale : 72, 100, 103, 134, 214, 229. Couleur : 217. Culpabilité: 17, 51, 162, 244. Da"at : 282. David : 16, 83, 194, 195. Déclaration Balfour : 176. Déluge : 13.
Déterminisme : 45, 46, 205, 225, 226, 232. Devéqut : 202, 279. Discernement: 108, 111, 116, 246, 255. Élan vital : 42, 57, 122. Émanation (processus de Γ) : 27, 29, 40, 74, 118, 202, 215, 218, 223, 224, / 242, 245, 255, 258, 263, 271, 280. Émancipation : 33, 58, 198, 221. Engagement pour l’avenir: 19, 183, 196, 215. Esprit saint : 117, 216, 256. Éternel retour : 205. Évolution : 41, 42, 44, 204, 224, 228. Examen de conscience : 23. Exil : 14, 29, 35, 198, 200. Expiation : 14, 15, 16, 18, 20, 24, 25, 26, 87, 199. Explorateurs : 13. Ézéchiel : 18, 20, 31. Fautes du commencement : 92, 232, 233, 272, 284, 288. Futur (voir Temps). Gloire : 81, 220. Habitude : 86. Halakha : 21, 23, 24, 25, 32, 197. Hassidisme : 29, 65, 176, 202, 207, 267.
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INDEX
LES LUMIÈRES DU RETOUR
Hassidut ashkénaze : 26-27, 197. Histoire (philosophie de 1’) : 60, 65, 66, 176, 224. Honte : 147, 276. Humilité :23, 111, 155,216, 251,282, 289. Idée divine : 57, 58. Idée nationale : 59. Imagination : 37, 110, 249, 250. Immortalité: 60-65, 211, 257. Infini : 42, 52, 203, 217, 268, 276. Intelligence: 111, 225, 249, 250, 268. Ismael : 195. Israël (communauté d’) : 56-60, 81, 120, 210, 219, 226, 229, 266, 276, 277, 285. Jeûne : 22, 26, 134. J onas : 17, 196. JosiAS : 194. Jours de pénitence (dix) : 23, 195, 247. Juste: 20, 28, 100, 120, 137, 138, 141, 150, 152, 157, 166, 167, 206, 216, 239, 272, 290. Justice: 81, 127, 131, 133. Ko o k : biographie : 175sq. style : 37, 201, 248. Langue (hébraïque) : 223, 227. Liberté (libre arbitre) : 18, 21, 25, 43, 44, 45, 46, 55, 62, 63, 64, 86, 161, 197, 205, 209, 224, 226, 264, 287, 293. Littérature : 69, 84, 115, 159, 210, 213, 254, 285, 286, 293. Mal : 19, 44, 47, 49-52, 99, 106, 108, 123, 167, 207, 208, 236, 245, 247, 260. Mélancolie: 101, 102, 140, 141, 142, 171, 208, 217, 238, 272. Messie (messianisme) : 20, 29, 46, 83, 84, 137, 141, 159, 167, 220, 221, 269, 285. Métaphysique : 46, 60, 236, 238. M o ïs e : 13. Mort : 60-65, 117, 205, 210, 211, 238, 256, 257. Mortification : 26. Nécessité : 46, 205, 226. Nourriture: 141, 142, 272, 273.
Obstacles: 135, 139, 145, 157, 169, 268. Orgueil : 94, 196, 216, 282. Orot haTeshuva : 201, 272. Panthéisme, panenthéisme : 202. Pardon : 13, 14, 16, 18, 20, 22, 25, 31, 72, 140, 196, 199, 214, 236. Passé (voir Temps). Péché (faute) : 12, 14, 15, 16, 17, 22, 31, 46, 48, 49-52, 64, 85, 90, 95, 126, 158, 206, 237, 239, 250, 251, 260. Penchant (yétser) : 19, 22, 145. Pensée: 113, 114, 119, 128, 129, 143, 151, 234, 241, 248, 279. Pharaon : 13. Philosophie : 200. Présent (voir Temps). Prière: 17, 22, 115, 146, 157, 195, 253, 254, 271, 283. Psychologie : 46. Raison (rationalisme) : 43, 249, 294. Rédemption: 20, 29, 80, 198, 239, 265, 283. Religion : 230. Remords: 17, 19, 76, 106, 116, 137, 153, 154, 182, 196, 208, 215, 217, 269. Repentance (voir Teshuva). Responsabilité: 17, 161, 199, 228. Rosée : 238, 267. R uben : 195. Sacrifice expiatoire : 14, 16, 18, 20, 26. Sagesse: 150, 221, 251. Sainteté: 47, 59, 92, 145, 164, 170, 199, 209, 274, 294. Saül: 194. Science : 38, 45, 202, 221, 222. Sefirot: 27, 28, 198, 204, 212, 232, 255, 287, 294. Sionisme : 62, 291, 292, 295. So d o m e , G omorrhe : 13. Souccot : 248. Talmud : 19, 22, 34, 195, 212. Temple : 18, 20. Temps : 52-56, 74, 94, 135, 204, 206, 208, 233, 234, 255, 269, 289. Tétragramme : 87, 198, 218, 226.
Teshuva : —étapes de développement : 11-36. —idée générale: 11, 69, 165, 184, 263. -sémantique: 14, 19, 34, 193, 212. —collective : 14, 16, 20, 33, 34, 58, 80, 84, 132, 169, 195, 209, 291. —individuelle : 22, 80, 209. —cosmique: 28, 40, 42, 86, 227, 258, 290. —précepte positif : 19, 25, 30, 52, 69, 194, 195, 197. -permanente : 31, 69, 74, 196, 270, 278. —antérieure au monde : 20, 28, 87, 124, 195, 217, 228, 258, 271, 287. —souffrances : 97-103, 120, 155, 163, 164, 237. —et communauté d’Israël : 56-60, 87, 90, 128, 131, 132, 159, 169-171, 185, 226. —et sionisme: 30, 35, 58, 179, 200, 265, 295. —dans la pensée du R. Kook (résumé) : 36-68. —dans le Pentateuque : 12-15.
307
-dans les Prophètes : 16-18. -dans Talmud et midrash : 1920־. —dans philosophie médiévale : 21-25. —dans Hassidut ashkénaze : 26. —dans la Cabbale : 27-29. Tiqun (restauradon) : 29, 41, 83, 167, 198, 207. Unité : 28, 38, 39, 41, 42, 46, 59, 100, 209, 216, 221, 236, 247, 258, 259, 262, 265, 280, 294. Veau d’or : 13, 195. Vie : 37, 39, 45, 62, 63, 213sq. Visage : 252. Vitalisme : 42. Volonté : —cosmique : 40, 44, 57. -divine (générale) : 39, 41, 43, 45, 47, 49, 89, 95, 203, 205, 217, 230, 232, 235, 241, 250, 293. -humaine: 43, 44, 47, 48, 55, 91, 102, 104-109, 113, 116, 122, 146, 153, 154, 205, 207, 225, 230, 235, 241, 243, 245, 247, 250, 256, 268, 275, 278, 281, 288. Yom-Kippour : 14, 31, 149, 181, 199, 236, 242, 247.
B. INDEX DES AUTEURS CITÉS Abravanel (Issac) : 194. Albo (Joseph) : 194. Alfas (Ytshaq ben Yaqob) : 268. Amado-Lévy-Valensi (Eliane) : 205. Alqalay (Y.H.) : 34-35. Alter (Y.A.) : 263. Arama (Ytshaq) : 292. Ashkenazi (Léon) : 202. Bar-Hyya (Abraham) : 23. Baudelaire : 210. Ben-Yohaï (Sh.) : 275. Bergman (Hugo) : 204, 257. Bergson (Henri) : 204, 208, 209. Berlin (N.Ts.Y.) : 292. Bichat : 64. Blanchot (Maurice) : 205. Buber (Martin) : 32, 200.
Celan (Paul) :211. Chouraqui (André) : 196. Cohen (Hermann) : 30, 31, 199, 200, 203, 261. Cordovéro (Moshé) : 28, 198, 203, 215. Dietrich (E.K.) : 213. Dresner (Samuel H.) : 267. Éléazar (ben Yehuda) de Worms : 198. Élyahou (de Vilna) Hagra : 218, 256. Ezriel (de Gérone) : 198, 229, 255. Freud (Sigmund) : 205. Freymann (L.) : 196. Gross (Benjamin) : 240. Halévy (Yehuda) : 236, 253, 297. Hayyim de Volozhin : 228, 237, 239, " 244, 245, 246, 266, 283.
308
LES LUMIÈRES DU RETOUR
Hegel : 199. Heidegger (Martin) : 210. Héraclite : 205. Heschel (Abraham) : 195, 200, 214. Horowitz (S.) : 223· Horowitz (Y.) : 268. Huizinga : 210. Ibn Gabbay (Méïr) : 233. Ibn Paqûda (Bahya) : 22, 23, 196, 215, 216. Jacobson (Issacar) : 212. Jacobson (Yoram) : 207. James (William) : 242. Jankélévitch (Vladimir) : 61, 210. Kant (E.) : 44. Kaufmann (Y.) : 212. Krause (C.F.) : 202. Levinger (J.) : 197. Lôwith (Karl) : 205. Luria (Y.-‘Ari) : 28, 29, 41, 215, 245, 271. Luzzato (Moshé-Hayyim) : 212, 258. Maharal (Yehuda Loew ben Bezalel) : 217, 240, 252, 257, 258, 264. Maïmonide (Moshé ben Maïmon) : 24, 25, 49, 193, 194, 197, 209, 212, 215, 225, 226, 229, 234, 247, 261, 264, 265, 268, 269, 270, 273, 277, 283, 287, 289. Marcel (G.) : 243. Margaliot (A.) : 195. Méiry (Menahem) : 24. Montefiore (C.G.) : 213. Nahman (de Bratslav) : 288. Nahmanide (Moshé ben Nahman) : 194, 262, 297. Néher (André) : 198, 209.
Newton : 202. Nietzsche : 205. Pascal (Biaise) : 206. Pauer (J·) : 197. Platon : 210. Proust : 205· Qapah (I.) : 197. Qimhi (David) : 194, 265, 274, 280, 281. Rappaport (S.J.) : 196. Rashbam : 275. Rashi: 193, 195, 231, 274. Reiness (J.) : 201. Rosenzweig (Franz) : 30, 31, 32, 33, 193, 199, 200, 211. Saadia (Alfayumi ben Yossef) : 22, 195, 215. Schechter (Salomon) : 213. Scholem (G.): 197, 203, 205, 217, 218, 239, 271, 294. Schopenhauer (A.) : 43, 44, 205. Schweid (E.) : 196. Sforno (O.) : 194. Sheviv (Y.) : 232. Shnéur Zalman de Ladi : 203, 213, 215, 250, 255, 278. Soloveitchik (J D.) : 197, 244, 247. Spinoza (B.) : 203, 208, 276. Steinsaltz (Adin) : 202. Teilhard de Chardin (P.) : 204. Thalès : 199. Tishby (Y.) : 198, 223, 245, 246. Tolstoï : 205. Urbach (E.E.) : 195, 213. Yehuda héhassid : 26. Yona Gerondi : 23.
C. INDEX DES PASSAGES CITÉS DES ŒUVRES DU RAV KOOK
45 : 265, 295 63 : 227 78 : 254, 293 81 : 213, 254 82 : 286, 293 97 : 293 102 : 209 123 : 265 125: 251 132: 219 138: 219 139 : 227, 266 140 : 229 141 : 227 143 : 266, 291 144 : 219, 277 146 : 266 148 : 261 156: 220 159: 295 170 : 294 ‘O rot HaQodesh ,
23 : 265 26: 285, 291 32 : 281 44 : 224, 294
vol. 1 (Éd. 1963)
6 : 202 7 : 221
22 : 249 23 : 248 67 : 292 84 : 252 88 : 248 92: 248 95 : 249 105 : 203 115: 217 116: 240 119 : 217 150: 285 165 : 207 223 : 249 253 : 233 259 : 253 260 : 208, 253 267 : 256 268 : 216 270 : 256 O ro t HaQodesh,
(Éd. 1963) 10 : 285 20 : 285 21 : 265
O nt
309
INDEX
270: 213 297: 240 300 : 294 314 : 206
vol. 2 (Éd. 1964)
349 : 203, 228 367: 225 368 : 245, 262 377: 212, 256 378 : 238 381 : 211, 257 383 : 257 384: 211 385: 211 386: 211 391 : 262 395 : 206 399: 203 403: 259 428 : 243, 273 430 : 207, 235, 245, 252, 281 433 : 239 454 : 238 456: 238 475 : 207, 247 484: 205 515 : 237, 239 517: 206 522: 218, 224, 258, 259, 271 526 : 271 527: 208, 271 530: 270 537 : 203 539 : 224 540: 202 548 : 203 552: 203 561 : 285 567: 264 vol. 3 (Éd. 1964) 11 : 232, 233 20 : 235, 252 23 : 226, 278 26 : 206, 232 39 : 206, 230, 264 42 : 230 43: 241 45 : 241 47: 271 50: 230, 241, 254 58 : 254 59 : 243 75 : 207, 248 77 : 262
'Orot Haqodesh,
310 81 : 280 85 : 245, 86: 207 87: 268 92: 241 95: 251 105 : 241, 108 : 205, 110: 205 117: 294 119 : 207 137 : 283, 140 : 207, 141 : 207, 143 : 203 157: 285 221 : 284 262: 206 263 : 279 289: 268 294: 273 300: 281 355 : 293 360: 293 367: 285
114 : 225 251, 268, 281, 282
248 206
284, 285 272, 283, 284, 285, 288 272, 285
(Éd. 1983) 1 : 263, 291 8 : 254, 294 13 : 207 22: 285 27: 239 29 : 222 30: 213 32: 222 34: 207 36: 227 37: 208 39 : 294 45 : 294 60: 207
"Olat haRayah Introduction : 254, 283 Vol. 2 p. 3 : 213, 290. 261 : 293 'Igrot haRayah, vol. 1 (Éd. 1962) Lettre 27, p. 24 : 254 44, p. 45 : 227 91, p. 105 : 272 112, p. 141 : 267 149, p. 192: 213 158, p. 203 : 293 164, p. 214 : 293 177, p. 226 : 296 184, p. 240 : 267 283, p. 319: 287 301, p. 339: 283 325, p. 363 : 223 vol. 2 (Éd. 1962) 378, p. 36 : 178, 213, 292 392, p. 52 : 293 497, p. 134 : 213 555, p. 184 : 220, 294 vol 3 (Éd. 1968) 741, p. 4 : 251, 262
"Arpiley Tohar
Mussar Avikha (Éd. 1971) p. 62 : 268 p. 110-112: 294 Orot haTora : chap. 11 § 2 : 214 Ma’amarey Rayah, vol. 1 (Éd. 1940) p. 1 : 249 21 : 229 29: 229 36: 262 113 : 234 171 : 285
D. INDEX DES CITATIONS BIBLIQUES Genèse:
1: 2:258 11 : 231 16 : 288 31 : 263
3 : 12 : 193 17: 193, 231 19: 193 4 : 7 : 193
311
INDEX
LES LUMIERES DU RETOUR 25: 9: 195 32 : 25 : 280 29 : 280 37: 29: 195 38 : 29 : 220 41 : 54 : 260 49 : 6 : 281 26: 287
Exode : 9 : 27 : 193 28 : 193 10: 1 : 193 16: 193 17 : 193 19 : 4 : 275 20 : 7 : 284 17: 276 21 : 26 : 237 27: 237 23 : 18 : 265 32: 11 : 193 14 : 193 30: 193 31 : 193 34 : 25 : 265
Lévitique·. 5 : 5 : 193 16: 194 19 : 2 : 262 25: 296
Nombres : 5 : 7 : 193, 194 6 :1 1 : 226 14 : 23 : 193 29 : 193 23: 24: 185 30: 256
Deutéronome : 6 : 4 : 280 18 : 262 8 : 10 : 273 14 : 28 : 265 16 : 4 : 265 15: 248 22 : 11 : 277 28 : 47 : 274 29 : 28 : 297 30 : 2 : 292, 194 8 : 194 10 : 292 11 : 194
19: 210 Josué
: 7 : 19: 194
Juges
: 2 : 4 : 194 10 : 10 : 194
Sam uel :
5: 194 17: 34 12 23: 194 194 13 194 15 21 5: 274 24 14: 238 194 II. 12 194 24 I. 7
: II. 21 : 1 : 283 23 : 25 : 194
Rois
Isaïe:
5:18:224,277 6 : 10 : 294 11 : 12: 265 14 : 27 : 256 25: 8:211,221 26 : 2 : 260 4: 288 12 : 288 19 : 239, 267 29 18 : 282 19 : 289 30 18 : 265 35 7 : 240 40 4 : 283 12 : 287 42 4 : 267 44 22 : 214 55 3 : 265 6 : 194 58 9 : 281 12 : 270 59 2 : 234 66 13 : 216 22 : 260
Jérémie
: 2: 19: 297 3: 12 : 194 14: 194, 4: 1 : 297 7: 10: 264
312
LES LUMIÈRES DU RETOUR 31 : 33 : 285 36 : 7 : 194
Ézéchiel :
Osée :
1 : 24 : 256 14 : 2 : 297 18:20: 18 25 : 194 31 : 18 33: 11 : 238 19 : 246 36 : 8 : 296
2 : 8 : 268 6 : 1 : 297
14 : 239 11 : 7:281 14 : 2 : 17, 281, 297 Joël : 2 : 12 : 18 3 : 2: 260 4 : 4: 265 9 : 11 : 221 Jonas : 1 : 16: 194 2 : 9 : 194 3 : 10 : 194 Amos :
Michêe :
5 : 6 : 238
: 3 : 9 : 265 Zacharie : 1 : 34 : 194 Sophonie
Malachie Psaumes :
: 3 : 4 : 296 7: 194, 294 1 5 20 25 26 30 31 35 36 48 50 51
84
3 6 5 27 8 9 12 13 6 9 7 3 3 5 14 19 3
260 260 288 213 268 276 280 281 280 296 258 286 259, 265 216 17 246 235 282, 297
7 290 3 258 16 279 90 1 258 2 258, 287 8 283 92 1 286 5 296 94 12 237 97 11 271, 274 102 19 285 2 216 103 3 296 11 287 104 2 280 24 287 31 203 112 1 289 116 7 216 118 5 283 16 276 1 267 119 126. 297 176 263 130 1 259 141 5: 269 145 9: 288 18: 281 147 5: 287 149 9: 238 Proverbes : 3 : 32 : 280 5 : 3 : 265 6 : 5 : 236 8 : 11 : 275 10: 12 : 244 11 : 31 : 259 14 : 28 : 265 34: 260 15: 15:274 16 : 4 : 256, 263 25 : 27 : 280 28 : 10 : 288 31 : 25: 256 Job: 11 : 12 : 274 20 : 15 : 265 31 : 2 : 297 37 : 3 : 296 89
Cantique des Canüques : 2 : 5 : 239
INDEX 8: 6: 211, 254 R u th
: 4 : 18 : 220
Ecclesiaste :
3 : 19 : 297 7 : 5 : 225
313
6: 238 20: 226 29: 252 12 : 1 : 264 D aniel : 11 : 14 : 220
E. INDEX DES PASSAGES CITÉS DE LA LITTÉRATURE TALMUDIQUE ET CABBALISTIQUE Talmud de Babylone (T.B.)
Talmud de Jérusalem (T.Y.)
5a : 237, 260, 280. — 6a : 226. - 7a : 275. - 12b : 265, 276. 28a : 275. - 28b : 260. - 29a : 278. - 34b : 195, 269, 283. - 39b : 260. - 43b : 224. - 51b : 273. - 53b : 273. - 63a : 277. - 64a : 290. Shabbat: 31ab: 278. - 104b: 265. 122a: 270. - 137a: 275. - 153a: i95. "Éruvin : 19a : 290. Pessahim: 54a: 217, 225, 228, 243, 262, 271. Rosh haShana: 16b: 195. - 18a: 195, 247. Yoma : 39a : 251. - 54a : 265. —70a : 265. - 76a: 259. - 85a: 201. 85b: 195. - 86a: 195, 216, 228, 243, 271, 297. - 86b: 195, 214, 245, 246, 255, 296. Soucca : 52a : 224 T a"anit: 11b : 289. M egila: 17b : 246, 254, 269. M o"ed Qatan : 9b : 275. Yevam ot: 105a: 195. - 121b : 259. N edarim : 20a : 276. —78a : 256. N a z ir : 23a : 273. Sota : 9b : 216. Q iddushin : 49b : 216. Babba qama : 100a : 262. Baba metsia : 30b : 262. Baba batra: 12b : 274. - 16a: 195. 78ab : 286. - 175b : 267. Sanhedrin : 97b : 195, 229. - 98a : 195, 296. - 99a : 195. - 100a : 259. "Avoda Zara : 4b : 195. - 19a : 289. H u lin : 60b : 233, 288.
M a k k o t : 2:6 : 195. Péa: 1 : 195. "AvodaZara·. 1:1 : 264.
Berakhot :
Mishna Yoma : 3:3 : 278. - 5:2 Ta"anit·. 2:1 : 194. Sota : 9:15 : 222. Sanhedrin : 6:2 : 194. A v o f. 2:4 254. - 3:21
: 236, 264.
: 278. - 4:2 : 276. - 4:22 : 195, 264. - 6:12 : 297.
Midrash : 1 : 288 ; 1:5 : 225, 271 ; 1:18 : 260 ; 3:7 : 203 ; 5:9 : 231 ; 5:22 : 286 ; 82: 195 ; 84:16 : 260 ; 85:1 : 285. Exode Rahba : 40 : 286. Lévitique R abba: 13:5 : 265. Psaumes: 27: 194; 90: 195, 228; 100: 194. Cantique des Cantiques Rabba : 5:3 : 201. Pirqey de Rabbi 'Éliézer: chap. 3 : 195, 280 ; chap. 20 : 195. Genèse Rahba
Code (Shulhan Arukh) ‘O rah H ayyim :
273, 274.
Cabhale Séfer Yetsira : 6:2 : 247. Séfer haBahir : 228.
Zohar: I. 3a : 219 ; 12b : 261 ; 15a : 217 ; 79b : 247; 129b: 244; 134b: 198.
314
LES LUMIÈRES DU RETOUR
IL 106ab : 220; 147a; 216; 162b: 219; 188b: 216; 214b: 270; 227b : 238 ; 232b : 244. III. 4a: 290; 15b: 198; 16a: 198;
73a : 266 ; 102b : 255 ; HOb : 228 ; 121b: 279; 122b: 255; 123ab: 198; 153b: 290. Tiquney Zohar : 217 ; 238 ; 250 ; 255.
Table
LIMINAIRES HISTOIRE D’UNE IDÉE : Les grandes étapes de l’invention
de la Teshuva.................................................................... L’expérience initiale : expiation, repentir et retour, dans le Pentateuque.................................................................. Le mouvement d’intériorisation du péché et d’individualisation de la faute : le message des Prophètes............ Prééminence du repentir : la littérature du Talmud et du M idrash............................................................................. Élucidation du concept de la Teshuva : la littérature juive médiévale........................................................................... La spéculation philosophique....................................... Les instructions de la Hassidut ashkénaze.................. La Cabbale : la Teshuva comme rétablissement de l ’u nité initiale........................................................... La Teshuva comme reconstitution de l ’être j u i f .........
11 12 16 19 21 21 26 27 30
LA TESHUVA DANS LA PENSÉE DU RAV KOOK : le mou-
vement cosmique du re to u r..........................................
36
La Teshuva dans le m o n d e ................................................ Le monde comme unité organique.............................. Le processus de l ’é volution............................................
38 38 41
316
TABLE
LES LUMIÈRES DU RETOUR
La Teshuva chez l’hom m e................................................. De la volonté cosmique à la volonté hum aine........... La volonté humaine : de la nécessité à la liberté....... Mal, péché et repentir.................................................. La Teshuva et la notion de tem ps.............................. La Teshuva et la communauté d’Israël............................ Entre le cosmos et l ’h omme: Israël, peuple de la Teshuva..................................................................... Le scandale de la mort et l ’espérance de l ’immortalité
43 43 46 49 52 56 56 60
11. Sources du repentir dans l’existence en général et dans la spiritualité suprême.................................................. 12. Influence du repentir sur le procès de l’esprit, de la vie et de l’action en général ........................................ 13. Voies du repentir spirituel et pratique ...................... 14. Voies individuelles du rep en tir................................... 15. Fondements de la Teshuva individuelle et collective 16. Racines et nature profonde de la Teshuva................. 17. La grande révélation de la Teshuva par la vie d’Israël et sa résurrection sur sa terre.......................................
317
116 122 131 138 153 160 169
TEXTE
LES LUMIÈRES D U RETOUR INTRODUCTION ...................................................................
1. 2. 3. 4.
5. 6.
7. 8. 9. 10.
Valeur de la Teshuva dans la vie individuelle et collective....................................................................... La Teshuva selon la nature, la foi et la raison......... Repentir instantané et repentir progressif................. Repentir particulier et repentir général...................... Repentir individuel particulier et repentircollectif général dans le monde et dans la communauté d’Israël............................................................................ Existence nécessaire de la Teshuva, ses effets sur l’homme, le monde et la communauté d’Israël....... Existence et effet interne de la Teshuva dans la conscience profonde de l’homme, du monde et de la communauté d’Israël............................................... Valeur de la méditation sur le repentir, sa représentation et sa conception................................................ Les souffrances de la faute, les douleurs du repentir et la guérison apportée par son rayonnement......... Valeur de la volonté qui se manifeste par le repentir. Nécessaire interdépendance du repentir et de la Tora dans leur essence générale et dans leurs qualités supérieures.....................................................................
ANNEXES
69 69 71 74 76
Notice biographique............................................................ Lettre : Confiance en la T eshuva....................................... Les fondements du repentir................................................ Appel à la Teshuva.............................................................. Le repentir et la p a ix ...........................................................
175 178 181 184 187
NOTES
79 85
89 94 97 104
110
Abréviations......................................................................... Liminaires............................................................................. Les lumières du retour......................................................... Annexes.................................................................................
191 193 212 296
Bibliographie......................................................................... 299 In d ex..................................................................................... 305 A. Index analytique............................................................. 305 B. Index des auteurs cités.................................................... 307 C. Index des passages cités des œuvres du Rav Kook........... 308 D. Index des citations bibliques.......................................... 310 E. Index des passages cités de la littérature talmudique et cabbalistique.................................................................... 313