Les enjeux des nouveaux matériaux textiles 9782759812455

Avec les nouvelles fibres synthétiques et la combinaison des nombreux savoir-faire textiles ou connexes (non-tissés, com

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French Pages 217 [216] Year 2014

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles
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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles Le substrat textile au cœur de la compétition des matériaux pour l’innovation technologique

Christine Browaeys

Illustrations de couverture : « Reconstruction IV », œuvre de Deidre C. Adams, photo reproduite avec l’autorisation de l’auteur, http://deidreadams.com ; Corde détoronnée, photo T3Nel

Imprimé en France ISBN : 978-2-7598-1135-9 Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal. © EDP Sciences 2014

Sommaire

Remerciements................................................................................................ 5 Préface............................................................................................................. 7 Avant-propos.................................................................................................. 9  Chapitre 1   •  Introduction. Les révolutions du textile.................................... 11 1.1 xixe siècle – Industrialisation (mécanisation).......................................... 13 1.2 xxe siècle – Fibres artificielles et synthétiques (chimie)............................ 15 1.3 xxie siècle – Les nouveaux textiles, fonctionnels ou techniques (à la croisée des technologies).................................................................. 19  Chapitre 2   •  Les textiles techniques ou fonctionnels..................................... 23 2.1 Le champ sectoriel, technologique et économique des textiles techniques. 25 2.2 Le textile considéré comme un matériau souple : les tissés, les « non-tissés », les composites à base textile......................................... 28 2.3 L’innovation sur les matériaux, les procédés et les produits...................... 36 2.4 L’évolution des marchés avec le développement de la population mondiale................................................................................................ 47

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 Chapitre 3   •  Les non-tissés........................................................................... 55 3.1 3.2 3.3 3.4 3.5

Dans la mouvance du papier et du plastique........................................... 55 La consommation de non-tissés, sa corrélation à l’évolution du PIB....... 59 Les fibres utilisées pour les non-tissés...................................................... 68 La recherche et le développement durable............................................... 74 Vers une nouvelle génération de textiles destinés à des applications critiques.................................................................................................. 82

 Chapitre 4   •  Les matériaux composites à base de fibres................................. 85 4.1 Quoi de neuf depuis l’os et le bois.......................................................... 86 4.2 Structures composites et développement durable.................................... 94 4.3 Le textile permettant de fonctionnaliser la matière (de nouvelles performances grâce à la présence du textile)............................................ 100 4.4 Des modèles de matériaux adaptés aux propriétés désirées (ou sur mesure)....................................................................................... 106  Chapitre 5   •  La lutte des classes de matériaux............................................... 119 5.1 Le monde des matériaux d’aujourd’hui................................................... 119 5.2 Faire le meilleur usage de la matière pour remplir une fonction.............. 125 5.3 Une industrie agile et réactive pour fabriquer les matériaux.................... 132  Chapitre 6   •  La nécessité d’une nouvelle industrie pour les matériaux textiles...................................................................................... 139 6.1 Les enjeux dans un contexte de compétition entre matériaux.................. 140 6.2 Quelle stratégie de développement des matériaux hautes performances au xxie siècle ?................................................................... 150 6.3 Les plans stratégiques dans l’industrie mondiale des textiles techniques... 165 6.4 Les paradoxes et la complexité de l’industrie des matériaux textiles......... 173  Chapitre 7   •  Conclusion. Le textile moteur d’innovation pour les technologies high-tech................................................ 181 7.1 Le textile catalyseur de nouvelles technologies high-tech......................... 181 7.2 Le matériau textile est par nature ubiquiste............................................. 183 7.3 La nécessaire identification d’une nouvelle filière, la « texturgie »........... 187 Annexes........................................................................................................... 189 Glossaire des acronymes utilisés dans cet ouvrage........................................ 201 Index............................................................................................................... 205 Références bibliographiques.......................................................................... 209

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Remerciements

Dans cet ouvrage, j’essaie de faire la synthèse de mon cheminement dans le domaine des textiles, où je suis venue après une longue expérience dans le domaine des TIC. Cette passion textile tient certainement au fait que je suis originaire du Nord de la France, où mes grands-pères étaient industriels dans cette filière alors florissante (dès 1842, mon ancêtre Jean-Baptiste Browaeys fonda une usine de teinture textile à Roubaix). Je voudrais remercier collectivement ou nommément certaines des personnes qui m’ont guidée et accompagnée sur ce chemin captivant, mais aussi plein de détours complexes. J’ai tenté de restituer tous les témoignages reçus avec leur vraie valeur : – André Beirnaert, fondateur du Centre européen des textiles innovants et textilien de toujours ; – Guy Nemoz, professeur de chimie à l’ITECH, consultant précurseur des textiles à usages techniques (TUT), et longtemps rédacteur de la revue TUT ; – Xavier Flambard, très tôt contacté quand il était directeur de l’ENSAIT à laquelle il a su redonner une dimension internationale ; – Dominique Jacomet, directeur général de l’IFM, qui m’a missionnée pour réaliser une étude d’opportunité avant la création de l’Observatoire des textiles techniques (OTT) à l’IFM ;

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– Évelyne Chaballier, professeur associé à l’IFM, pour tous les projets menés ensemble dans le cadre de l’OTT ; – Serge Piolat, PDG de Schappe et vice-président de l’UIT et d’Euratex, qui m’a encouragée à écrire cet ouvrage pour sa contribution à la notoriété et à la modernisation de l’image de l’industrie textile ; – Jean-François Bracq, dynamique secrétaire général de Clubtex, association professionnelle qui porte et promotionne depuis plus de vingt ans la filière française des textiles techniques ; – Jean-Yves Dréan, directeur du Laboratoire de physique et mécanique textiles à l’ENSISA Mulhouse, qui a su éveiller ma curiosité pour toutes les fibres textiles ; – Markus Schwyn, PDG de Kermel, qui a vécu l’aventure industrielle de RhônePoulenc et de Rhodia. À titre amical, – – – – – –

Sandrine Pessé, directrice de la communication à l’ENSAIT ; Édith Degans, ingénieur R&D au pôle Up-tex ; Catherine Schmidt, directrice du Club Textile Intégral ; Jérôme Chauveau, chercheur au Cerdato (Arkema) ; Gilles Muller, directeur de l’agence Re-active RP ; Dieter Veit, directeur des études à l’ITA de l’université technologique d’Aix-laChapelle ;

et Clément Sanchez, directeur du Laboratoire de chimie de la matière condensée au Collège de France, qui m’a fait l’honneur de contribuer à la préface avec son regard de chimiste. À tous ceux qui m’ont consacré de leur temps, je veux dire ici mes plus sincères remerciements, et surtout, à Jean-Pierre Aulas, mon mari, qui m’a incité à rédiger cet ouvrage, partageant mes enthousiasmes nombreux, et me soutenant dans toutes les phases de doute et d’incertitude.

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Préface

Le livre écrit par Christine Browaeys est une œuvre originale et complète, consacrée aux matériaux textiles dans tous leurs états. Cette ode argumentée aux textiles modernes et innovants est agréablement illustrée. Elle décrit et analyse ces matériaux indispensables à l’homme, mariant harmonieusement structures et fonctions. Cet ouvrage décrit leur histoire, les différentes classes et grandes catégories de textiles, leurs évolutions, leur intégration dans des systèmes polyfonctionnels de plus en plus complexes. Cet état de l’art démontre la place centrale occupée par ces matériaux qui aujourd’hui concernent la plupart sinon tous les grands secteurs industriels. L’approche développée par l’auteur dépasse largement une description des textiles modernes. Elle aboutit, via une analyse scientifique, technique, sociologique, économique, à une vision optimiste mais réaliste de ce que seront les matériaux textiles du futur. Une approche éclectique de la conception et de l’élaboration des textiles avancés embrasse obligatoirement les nouvelles technologies et la biologie car l’une des particularités remarquables de ces systèmes est leur capacité d’intégration, de communication et d’adaptation. Christine Browaeys nous démontre que l’irruption des « supra-textiles » (textiles adaptatifs faisant preuve d’un certain degré d’autonomie, matériaux à performances physico-chimiques et dynamiques, nanocomposites bioinspirés et bioactifs, matériaux compatibles avec les contraintes écologiques,

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biocompatibles, recyclables, textiles communicants, etc.) dans les technologies avancées au sens large est déjà déclarée et que son expansion paraît inéluctable, compte tenu des limitations techniques, économiques ou écologiques auxquelles se heurtent les solutions existantes. Ce livre met en évidence la naissance d’un nouveau champ de recherche et de développements technologiques dont de nombreux domaines d’applications pourront sans doute tirer bénéfice, en particulier si une démarche pluridisciplinaire et intégrative est appliquée : démarche intégrant la chimie dans tous ses états, les nouveaux procédés d’élaboration, la biologie et ses concepts, la physique… Ce thème à la jonction entre les nouvelles technologies et les nouveaux matériaux est de première importance dans la compétition internationale car les secteurs technologiques qui vont dominer le xxie siècle sont les nouveaux matériaux, l’électronique, les sciences de la communication et les biotechnologies. Ces technologies et leurs interfaces doivent être développées par tout pays désireux d’être dans le peloton de tête des pays industrialisés et à fonctionnement durable. La nécessité d’entreprendre ou de renforcer des actions réellement interdisciplinaires semble évidente si l’on veut promouvoir ce domaine et il convient donc de se préparer dès aujourd’hui à affronter les défis qui s’imposent. Plusieurs types d’actions conditionnent l’essor de ce domaine innovant et prometteur aussi bien au niveau fondamental qu’appliqué : – le lancement d’un programme robuste international impliquant encore plus les communautés académique et industrielle autour de pôles de compétitivité ; – la mise en place d’un programme de formation pour ingénieurs, chercheurs et universitaires, soutenu pendant plusieurs années, qui aurait pour vocation de fédérer les différents acteurs concernés autour d’objectifs mobilisateurs tels que ceux décrits par Christine Browaeys dans ses conclusions ; – la définition de filières d’enseignement assurant une formation de base réellement pluridisciplinaire aux acteurs du domaine. La lecture du livre de Christine Browaeys finira par vous convaincre : des « percées » stratégiques vont très certainement se produire dans le domaine très prometteur qui concerne les matériaux textiles intelligents bioinspirés. Clément Sanchez Professeur au Collège de France, chaire de Chimie des matériaux hybrides 4 janvier 2014

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Avant-propos

« Ah ! esprits ! soyez utiles ! servez à quelque chose. Ne faites pas les dégoûtés quand il s’agit d’être efficaces et bons. L’art pour l’art peut être beau mais l’art pour le progrès est plus beau encore. » Victor Hugo, William Shakespeare, 1864

Le matériau textile connaît une révolution extrêmement rapide qui n’est pas sans rappeler la formidable évolution des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) vécue ces dernières décennies. Aujourd’hui, le textile concerne tous les secteurs industriels, car il est utilisé pour ses performances techniques et ses propriétés fonctionnelles avec le concours de plusieurs disciplines, comme la chimie pour concevoir de nouvelles fibres ou greffer toutes sortes de molécules sur la surface d’une étoffe, la physique et la mécanique pour étudier les propriétés des fibres, les mathématiques et l’informatique pour imaginer et simuler de nouveaux entrelacements, la biologie afin d’optimiser génétiquement les fibres naturelles, voire de les imiter. Il est urgent de dresser un état des lieux de ce phénomène, sous tous ses aspects, qu’ils soient techniques, économiques ou sociologiques. Le textile inspire le monde de la mode, et contribue à afficher les réussites sociales. Il génère des investissements en sciences et technologies, détermine des stratégies

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d’arbitrage en matière de ressources agricoles (alimentation/matière/énergie), et mêle développement durable et politique d’utilisation de la main-d’œuvre. Son rôle véritable n’est pas évident à appréhender, tant nous le considérons souvent comme banal, ordinaire, tant il nous est familier. Pourtant, le textile est un matériau polyvalent qui n’a pas fini de nous surprendre. Selon l’échelle et la distance d’observation, sa texture domine ou disparaît. Omniprésent, le textile s’adapte à son milieu, se fait caméléon. Au-delà de cet état des lieux, cet ouvrage est destiné à attirer l’attention des concepteurs de matériaux, fabricants ou chercheurs, sur les possibilités d’innovation offertes par les nouveaux substrats textiles. Le textile sort des sentiers battus auxquels on l’a longtemps associé. Il ne demande qu’à se confronter aux autres matériaux, qu’à tisser des passerelles vers les acteurs des technologies connexes pour être valorisé. Dans ce contexte de mutation du textile, les acteurs de ce secteur ont besoin de définir de nouvelles stratégies industrielles pour se réorienter vers des produits à forte valeur ajoutée, à haute performance, en plus petits volumes. Pour faire face à ces nouveaux marchés, notre industrie doit opérer une mutation profonde pour être agile et réactive, avec de nouveaux modèles de production. Déjà dans son rapport pour préparer la première exposition internationale des temps modernes, à Londres, en 1851, le comte Léon de Laborde écrivait : « L’avenir des arts, des sciences et de l’industrie est dans leur association. » C’est on ne peut plus d’actualité pour l’art textile.

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Introduction

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Les révolutions du textile

Le textile véhicule un imaginaire qui lui est propre Peut-être avons-nous un peu oublié la valeur immense que l’on accordait autrefois aux beaux tissus. Valeur des matières précieuses comme la soie, valeur des savoirs technologiques complexes qui les mettaient en œuvre, mais aussi valeur d’art. Les plus merveilleux tissus d’Orient et du Moyen-Orient étaient convoités dans le monde entier, servant de valeur d’échange dans les tractations commerciales. Le textile est un signe de la société à laquelle il appartient, qui en a une représentation donnée, induite aussi par les développements techniques qu’il génère. Cependant, au-delà des avatars et des diversifications de leurs matières, les caractères premiers des textiles demeurent inchangés. Ils sont appréciés pour leur souplesse et leur légèreté, leur aptitude à protéger, à envelopper, à couvrir, à suivre le mouvement. Caractères qui font que nous avons tous un lien très personnel avec le textile. Il nous est familier et accompagne notre quotidien depuis des millénaires. L’industrie textile archaïque a longtemps imprégné la vie quotidienne. À côté des ateliers de production, véritables usines dont nous avons déjà des descriptions en Égypte ancienne, la confection du fil, le tissage de la toile, étaient des occupations majeures à l’intérieur du groupe social, ou au sein de la cellule familiale. Au xve siècle, en France, la division du travail dans les statuts des métiers textiles

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était extrêmement contraignante, avec une forte tradition techno-rituelle. Ainsi, un même teinturier ne pouvait teindre indifféremment les soies ou les laines, les fils, les toiles ou les draps. Aux productions textiles sont aussi liées toutes sortes d’oppositions fondamentales et, au même titre que le rythme engendre la continuité, le jeu des contraires – de la chaîne et de la trame – engendre la cohérence et l’équilibre [1]. La longue aventure textile de l’humanité se poursuit aujourd’hui. Avec la prolifération de nouvelles fibres artificielles et synthétiques, le rapport traditionnellement entretenu par le textile avec l’espace et le volume s’exprime dans un esprit renouvelé. Le textile permet une profusion de matériaux et de calibres, désormais emmêlés sans réserve, et répartis dans les trois dimensions. Toute activité, toute profession, toute industrie, véhicule un imaginaire qui lui est propre, gage d’identité, de cohérence, de vitalité pour tous les acteurs qui y contribuent. Or, les activités textiles contemporaines connaissent une formidable révolution, source de nouvelles réalités sociales et économiques, les nouveaux matériaux textiles contribuant aux applications les plus diverses. Et ces bouleversements d’un art millénaire ne sont pas sans effet sur la conscience que les gens du textile peuvent avoir d’eux-mêmes, jusque dans l’appréhension de leur identité propre. Mais quelle rénovation symbolique comportera le fait textile de notre xxie siècle ?

La force musculaire comme seule énergie disponible L’homme a longtemps utilisé sa propre énergie pour fabriquer des étoffes car le recours à la force animale ne se prêtait pas vraiment aux activités textiles. Il a fabriqué des outils, des dispositifs simples, puis de plus en plus perfectionnés qui lui ont permis d’utiliser sa force avec plus d’efficacité. En Europe occidentale, jusqu’au xive siècle, le textile était surtout l’affaire des artisans et des paysans qui utilisaient des méthodes traditionnelles dont certaines n’avaient guère changé depuis l’Antiquité. Le fuseau et la quenouille furent les premiers instruments utilisés pour la filature de la laine et du lin. Cette pratique, souvent réservée aux femmes, perdura jusqu’au xviiie siècle en milieu rural. Elle offrait le double avantage de nécessiter peu de capitaux et d’occuper une main-d’œuvre nombreuse, disponible pendant l’hiver, puis un peu soulagée l’été par la mécanisation de l’industrie agricole. Dès l’Antiquité, on savait entrelacer des fils pour en faire des étoffes. On utilisait un métier vertical composé d’une barre en bois, à laquelle étaient attachés des fils tendus vers le bas par des pierres, et à l’aide d’une grosse aiguille, on entrelaçait les fils de trame. Si le tissage s’est développé sur le modèle de la vannerie et du tressage, le tricot prend modèle de la maille des filets (figure 1), déjà utilisée vers 1500 avant notre ère. Les premières techniques de tricotage sont probablement issues d’Égypte [2], et les premiers articles tricotés seraient apparus en Europe occidentale au xiiie siècle.

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1. Introduction

 Figure 1  Mailles de filet de pêche (photo J.P. Aulas).

Jusqu’au xviiie siècle, on distingue deux types de fabrication textile en France : – les paysans-tisserands, qui produisent des textiles de façon artisanale, souvent pour leur propre consommation. Ce sont surtout des femmes qui, après leur journée de travail agricole, filent et tissent sur des métiers traditionnels afin de subvenir aux besoins de la famille. Ainsi, 20 % de la laine produite sont directement utilisés dans les campagnes ; – les premières fabriques, situées dans les villes, où les toiles de lin et de chanvre, les draps de laine, les étoffes de soie et les cotonnades dominent l’activité industrielle de l’ancien régime. La ville est le lieu principal de la production marchande de textiles, notamment en France, où le textile concoure à la moitié du produit manufacturier national et occupe l’essentiel de la main-d’œuvre non agricole. On compte déjà plusieurs villes à forte activité textile, comme Lyon pour la passementerie et la rubanerie, Nîmes pour la soie, ainsi que d’autres villes plus modestes comme Tourcoing ou Roubaix, grands centres de peignage de la laine, dans l’ombre de Lille. Les textiles de qualité étaient essentiellement produits à la ville, vu l’importance de l’investissement à consentir pour l’achat du métier, et la nécessité de disposer d’un savoir-faire. Par exemple, le métier d’un toilier, coûtant deux fois moins cher que le métier d’un canut, restait à la portée des paysans.

1.1 xixe siècle – Industrialisation (mécanisation) Au xixe siècle, le textile a connu sa première révolution avec le développement de l’industrialisation et de la mécanisation. En effet, toutes les machines textiles, primitivement réalisées en bois, ont pu fortement progresser grâce au développement de l’industrie métallurgique. Les interactions entre le textile et la sidérurgie ont été à la base de la mécanisation, avec de nombreuses innovations dans le domaine de l’outillage, et ont ainsi permis le passage de l’artisanat à l’économie industrielle.

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En même temps, les réseaux ferroviaires se développèrent, en particulier en GrandeBretagne, première puissance textile de l’époque. Le charbon est aussi au cœur de la première révolution industrielle. Au xixe siècle, la machine à vapeur incita à concevoir de grandes usines, avec une forte concentration de main-d’œuvre pour utiliser au mieux les sources d’énergie issues du charbon, imposant une nouvelle organisation dans le cadre de l’usine. Ce fut une étape très importante pour le secteur des textiles qui fut le premier à connaître un développement significatif au cours de la révolution industrielle. Née en 1800 avec la pile chimique de Volta, l’électricité mit près d’un siècle avant d’être utilisée dans l’industrie. Autour de l’électricité, c’est l’ensemble du système technique qui évolua. La vieille industrie de la machine à vapeur évolua fortement pour fournir la puissance nécessaire aux nouvelles centrales. Pour un industriel, la transmissibilité de l’électricité était un atout fondamental par rapport aux autres énergies. Sous cette forme, l’énergie pouvait être transportée et alimenter un espace distinct du lieu de sa production. L’énergie électrique a permis d’augmenter la productivité, non pas en améliorant les mécanismes de production des machines, mais en rendant autonomes les machines existantes, avec la naissance de l’automatisation.

 Figure 2  L’ourdissage au bâtiment de l’Echarenne, usine Naef à Saillans, en 1884 (Mémoires de soie, avec l’aimable permission des éditions Vivre à Saillans).

Élément moteur de la croissance industrielle, l’industrie textile européenne vit l’émergence de nouveaux pays comme les États-Unis et le Japon. Elle dut rapidement se moderniser, sous la pression de la concurrence, en particulier pour le coton et la filature de laine en France. L’industrie lainière, surtout implantée dans les usines bien mécanisées du Nord, dominait l’industrie textile en France, et c’est

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1. Introduction

grâce à l’exportation de ses productions textiles que la France a pu atteindre alors le 3e rang mondial. Quant à l’industrie cotonnière, elle fut longuement marquée par la perte de l’Alsace et de la Lorraine. Bien que l’importance relative de l’industrie textile ait diminué au profit des industries nouvelles, comme l’automobile, l’aéronautique ou les télécommunications, c’était encore un secteur important pour les pays anciennement industrialisés à la fin du xixe siècle (figure 2).

1.2 xxe siècle – Fibres artificielles et synthétiques

(chimie)

Jusqu’à la fin du xixe siècle, les innovations concernaient surtout les technologies des machines. L’homme ne disposait que de fibres naturelles, d’origine animale, végétale, voire minérale. La deuxième révolution textile remonte aux années 1930, où les avancées dans le domaine de la chimie ont permis la mise au point de procédés pour produire des fibres synthétiques à l’échelle industrielle. La production de fibres artificielles, puis de fibres chimiques, s’est surtout développée dans la première moitié du xxe siècle, la fabrication de textiles à partir de matières d’origine naturelle ne suffisant plus aux besoins. Pour ces nouveaux textiles, il fallut concevoir un matériel hautement automatisé et très flexible dans son utilisation.

Histoire des fibres de verre et de carbone La fibre de verre fut inventée dès 1836 par un Lillois, Ignace Dubus-Bonnel. Il déposa une demande de brevet portant sur le « tissage du verre rendu malléable par la vapeur, pur ou mélangé avec la soie, laine, coton ou lin [3]». Les tissus de DubusBonnel ont été primés à l’Exposition de 1839, mais, malgré son succès, cette nouvelle fibre est ensuite tombée dans l’oubli en raison de son coût de fabrication élevé. Il faudra attendre près de 140 ans pour voir son utilisation réelle, seule ou en mélange. La fibre de carbone fut mise au point en 1880 par Edison qui cherchait comment fabriquer sa première ampoule électrique. Mais il faudra attendre les années 1970 pour assister à l’essor industriel de ce qui n’était qu’une curiosité de laboratoire. Cette fibre allie la résistance de l’acier à une exceptionnelle élasticité sans oublier sa grande légèreté, et ses excellentes conductivités thermiques et électriques.

Imiter la filière du ver à soie L’idée de copier la nature pour obtenir des fibres artificielles et synthétiques devança de loin la mise au point du procédé industriel de leur production. D’abord l’Anglais Robert Hooke, en 1667, s’intéressa à la soie, puis le Français René-Antoine Ferchault de Réaumur, qui explique dans son grand ouvrage Mémoire pour servir à l’histoire des insectes : « La soie n’étant qu’une gomme liquide qui se dessèche, ne pourrions-nous pas, nous-mêmes, faire de la soie avec nos gommes et nos résines ? … Nous sommes déjà parvenus à faire des vernis qui ont les qualités essentielles de la soie ».

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

Ami de Pasteur, et passionné par ses travaux sur le ver à soie, Chardonnet étudia toutes les phases de transformation du fil pendant la sécrétion de l’insecte : « Il a, immédiatement au-dessous de sa tête, deux réservoirs destinés à recevoir la matière soyeuse, et unis par une filière ou petit trou, par lequel il les vide, en y faisant passer sa soie, quand il veut bâtir son cocon. [4] » À l’Exposition universelle de 1889, le comte Hilaire de Chardonnet présenta un procédé nouveau permettant d’obtenir de la soie artificielle à partir de la cellulose du mûrier. Ce procédé consistait à faire passer en force un fluide visqueux à base de nitrate de cellulose à travers de petits tuyaux en forme de dé à coudre appelés filières, et à durcir ce fluide en fils par coagulation dans un bain chimique. Il est remarquable de constater que le procédé de filage de toutes les fibres synthétiques modernes découle de l’imitation de la filière du ver à soie.

Fibres artificielles et synthétiques Cette fibre nommée viscose, en fait de la cellulose modifiée chimiquement, présente de nombreux avantages. Elle a un touché très proche de la soie tout en étant beaucoup moins onéreuse. Le développement industriel de la viscose ouvre de nombreuses perspectives, aussi Chardonnet crée-t-il alors sa première usine à Besançon, en 1890. Cette fibre prendra ensuite le nom de rayonne à partir de 1924. En 1926, est créée la Société nationale de la viscose à Échirolles, à côté de Grenoble. Elle profite de la puissance hydroélectrique de l’eau du Drac et de l’abondance du bois dont elle tire la cellulose. En 1936, l’usine couvre un site de 13 hectares et emploie un millier d’ouvriers. La viscose vivra son heure de gloire entre les deux guerres avant de céder la place aux fibres entièrement synthétiques. On distingue les fibres artificielles des fibres synthétiques par leur procédé de mise en œuvre chimique. Les fils et les fibres textiles artificiels sont obtenus par filage de substances macromoléculaires naturelles transformées ou solubilisées par l’action d’agents chimiques. En 1928, les entreprises chimiques Poulenc Frères et la SCUR (Société chimique des usines du Rhône) fusionnent et créent Rhône-Poulenc qui se tourne vers la production de fibres synthétiques. En 1928, le chimiste allemand Herman Staudinger découvre les polymères, composés de molécules géantes capables de former des chaînes complexes et de générer une multitude de matières artificielles produites par synthèse chimique. Ce nouveau matériau va donner un essor irrésistible à la société de consommation de masse. L’enjeu industriel et commercial est de taille, aussi le géant chimique américain DuPont de Nemours va-t-il recruter un génie de la chimie organique, Wallace Carothers. En 1935, le chimiste synthétise le polyamide 6-61. D’abord nommée le Norun (pour « no run »), puis le Nolen, le Nolon et enfin le Nylon, cette fibre

1. Le brevet du polyamide 6-6 fut déposé en 1935 avec le n° 207250, puis commercialisé ensuite sous le nom de nylon.

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1. Introduction

tenace, élastique, résistante à l’abrasion apparaît dans les parachutes et les cordes de l’armée dès la Seconde Guerre mondiale. À la libération, les fameux bas Nylon® enthousiasment les femmes françaises. En France, l’armée de l’air commença réellement à donner une place importante au parachutisme à partir de 1937 (figure 3).

 Figure 3  Parachutage de matériel militaire (photo reproduite avec la permission de Défi Raider parachutisme).

Avec la découverte de nouvelles matières textiles pour l’habillement et l’ameublement, les pays très industrialisés, qui étaient auparavant contraints d’importer le coton et la laine sous forme de matières premières textiles et donc dépendant des pays fournisseurs, ont pu progressivement fabriquer leurs propres fibres à partir de ressources déjà disponibles comme le charbon, le pétrole et la cellulose. Ensuite, de nombreuses autres fibres firent leur apparition dans l’industrie textile, parmi lesquelles : – – – – –

1939, les polyuréthanes (produits de type Lycra) ; 1941, le polychlorure de vinyle (filage des chlorofibres Rhovyl®) ; 1943, les polyacryliques ; 1950, les fibres organiques de haute ténacité, comme le polyester Dacron® ; 1960, les fibres thermostables de type Nomex®.

Fer de lance industriel, la société Rhodiacéta fabrique, dès le milieu des années 1950, les quatre classes de la famille des synthétiques, un polyamide Nylon®, un polyester Tergal®, un polyvinylique Rhovyl® et un polyacrylique Crylor®.

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

À partir de 1960, la fabrication de fibres textiles de synthèse concerne soit la mise en œuvre de fibres bicomposées, à base de copolymères ou d’alliages de polymères, soit le développement de nouveaux dérivés dans les familles chimiques déjà exploitées. On peut citer les fibres suivantes, par ordre chronologique : – 1970, la fibre para-aramide (le Kevlar ou polyamide aromatique) ; – 1980, la fibre de carbure de silicium ; – 1990, la fibre de polyéthylène de haute ténacité. En août 1973, est édictée une norme textile portant sur la dénomination des fibres textiles. Cette norme prévoit une période de résorption pour permettre le remplacement, et l’oubli, de désignations dont la connotation reste négative, comme certaines fibres artificielles de type viscose2.

La chimie au service du contrôle textile industriel La Condition publique de Roubaix, créée au xixe siècle pour le conditionnement des soies et laines, a largement contribué à l’innovation sur les fibres. En 1926, un laboratoire de chimie industrielle y est installé au service du contrôle industriel, sans recherche de bénéfices. Il dispose d’un matériel très performant pour l’époque, avec notamment la première salle climatisée et un centre de documentation comprenant une « fibrothèque ». Ce laboratoire a notamment permis de définir les taux de reprise acceptables des différentes matières textiles, préfigurant le règlement international des Conditionnements de toutes les matières textiles établi en 1933. En 1946, la recherche fondamentale est affiliée au tout nouvel Institut textile de France (ITF) qui vient d’être créé. Le Centre textile de contrôle et de recherche scientifique s’étend alors sur 2 000 m2, comprenant une trentaine de salles techniques équipées des matériels les plus modernes permettant de réaliser tous types de tests sur les matières textiles : résistance à la traction, force d’éclatement des tissus, résistance à l’usure, résistance des couleurs à la lumière. Après la fermeture de la Condition publique en 1972, ce centre déménagera à l’ITF, qui deviendra ensuite l’IFTH.

L’essor de la maille Le moulinage consiste à tordre ou à assembler un ou plusieurs fils, avant de les utiliser pour le tissage ou le tricotage. La texturation permet de modifier les propriétés élastiques ou le volume du fil, et concerne essentiellement les fils synthétiques. Les fils texturés peuvent être réalisés par torsion, fixage et détorsion. L’amélioration des procédés de texturation, en particulier celle des fils polyamides, est à l’origine d’une véritable mutation industrielle qui voit la production de la maille, ou du tricot, l’emporter sur la production de la chaîne et trame, ou tissu. En 1964, l’industrie de la bonneterie devient, par ses effectifs, le premier secteur textile en France.

2. Norme NF 600 004. Depuis 1976, les appellations fibranne et rayonne sont prohibées. L’appellation viscose s’applique désormais simultanément aux deux procédés de filage.

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1. Introduction

1.3 xxie siècle – Les nouveaux textiles, fonctionnels

ou techniques (à la croisée des technologies)

Au début des années 1960, la consommation croît à tel point que plus du quart des principales fibres consommées par l’industrie textile mondiale sont des fibres chimiques. La concurrence entre les producteurs de fibres naturelles et de fibres chimiques est amplifiée par le phénomène de substitution des matériaux. Cette compétition est aussi exacerbée par un transfert de technologies plus en aval de la chaîne textile. L’activité intense de recherche conduit à faire évoluer les caractéristiques de certaines fibres qui vont trouver leur application dans de nouveaux secteurs. Progressivement, non seulement ces fibres vont envahir les marchés traditionnels du textile, mais elles vont entrer sur de nouveaux marchés et en permettre le développement.

Le textile identifié comme un matériau Depuis la découverte des matières synthétiques dans les laboratoires de l’industrie chimique, le textile contemporain ne se laisse plus seulement identifier au toucher. Le 25 octobre 1963, un décret du ministère de l’Agriculture réglemente pour la première fois l’étiquetage des matières entrant dans la composition des produits textiles [5]. Ce décret entérine la bipartition traditionnelle des matériaux, d’origine naturelle (végétale, minérale et animale) et d’origine chimique. L’étiquetage de composition touche l’ensemble de la filière industrielle textile. Ainsi, le matériau textile révèle son identité avec une étiquette de composition et un label de qualité, complétant près d’un siècle après la marque et la griffe de l’auteur ou du fabricant du modèle.

Les grands groupes chimiques américains, européens et japonais se livrent alors à une compétition commerciale féroce. On assiste à une surenchère sur les dénominations génériques des fibres synthétiques, avec une inflation d’appellations et de marques. L’étiquetage de composition préserve l’information sur la matière première, alors que la famille des fibres s’est considérablement élargie.

La création du Comité interprofessionnel de la rénovation des industries textiles En 1966, est mis en place en France un Comité interprofessionnel de la rénovation des industries textiles (CIRIT), auquel succédera le CIRTH en 1981. L’industrie textile dresse une liste des fonctionnalités textiles : la lavabilité, l’infroissabilité, l’indéformabilité, la solidité des coloris, la légèreté, l’élasticité, la résistance au boulochage, le toucher, l’imperméabilité. La versatilité intrinsèque des fibres synthétiques, tant au niveau des polymères que des fibres, et la vitesse élevée des processus de production, étaient des atouts majeurs pour leur faire pénétrer les marchés textiles. Cependant, la mise au point des nouvelles fibres synthétiques s’opérait souvent dans l’univers de la pétrochimie, et non dans l’industrie textile, ce qui retardait

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

leur introduction dans le marché textile traditionnel, étant donné la différence de culture entre les deux industries. Fin 1969, on constate une tendance à l’« intertextilisation », c’est-à-dire l’emploi généralisé des fibres chimiques et des fibres naturelles dans tous les secteurs de la production textile [6]. Le cloisonnement qui existait auparavant entre les branches de l’industrie textile tend à disparaître par l’emploi généralisé des mêmes matières premières.

La dynamique des textiles techniques En se substituant aux fibres naturelles, les fibres synthétiques entrent aussi dans la composition d’articles plus techniques comme les cordes, les filets et les produits d’hygiène, dessinant de nouveaux marchés de textiles à usage technique, ou textiles techniques. Dépassant les performances des fibres naturelles, elles permettent de nouvelles applications, notamment dans le domaine du sport (tissu de parachute, vêtement waterproof ) et se substituent même au cuir dans de nombreux articles. Ainsi, depuis 1960, le marché des textiles techniques a crû cinq fois plus vite que le marché du textile traditionnel [7]. En 2000, ce marché consommait près d’un quart de la production mondiale de fibres et, aujourd’hui, il en consomme un tiers, avec un tonnage mondial de fibres estimé à 78 millions de tonnes. Ingénierie des fibres, meilleure performance produit, sont les atouts clés de ces nouveaux textiles. La dynamique du secteur des textiles techniques est prometteuse, en particulier en France, qui se place au 2e rang européen derrière l’Allemagne. C’est pourquoi l’IFM a démarré la mise en place d’un Observatoire des textiles techniques (OTT) en 2010, avec le soutien de la DGCIS, afin de mieux identifier ce marché et de guider les industriels sur ces nouveaux débouchés [8]. Le système textile est complexe avec une dimension transversale, car les matériaux textiles contribuent à la fabrication de nombreux produits grâce à leurs propriétés intrinsèques. Le processus d’innovation dans le système des objets ou produits se déroule en deux phases. D’abord, le nouveau matériau est employé de façon imitative, comme simple substitut du matériau en usage. Puis dans une seconde phase, c’est le système tout entier qui est redéfini [9]. C’est ce qui se passe actuellement avec le « système textile » qu’il faut appréhender d’une façon totalement nouvelle.

Appréhender la matière dans un monde de plus en plus virtuel Aujourd’hui, le textile vit une nouvelle révolution en étant de plus en plus utilisé pour ses performances techniques et ses propriétés fonctionnelles. Les nouveaux matériaux textiles sont co-créés au sein de collaborations intersectorielles qui permettent le développement de nouvelles fonctions textiles intégrant les innovations technologiques de secteurs connexes. Ces matériaux permettront d’élaborer les nouvelles applications de demain. Le xxie siècle sera celui des textiles dits « intelligents », capables de protéger, de soigner, de faciliter la vie de diverses façons. Les deux sens de la vue et de l’ouïe se sont offerts à une théorie du codage, que la technique des communications s’est efforcée de prolonger à travers les réseaux [10].

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1. Introduction

Le textile permettra peut-être de nouveaux modes de communication sensibles, en prise avec tous nos sens, avec le concept émergent de « wearable computer ».

« Catalytic clothing », un concept de vêtement capable de purifier l’air ambiant Comment faire intervenir nos vêtements dans l’élimination de la pollution de l’air ? Les technologies développées par l’entreprise irlandaise Tactility Factory Ltd ont permis de combiner de façon complexe un textile doux à porter sur soi, avec le béton, dur, rigide, froid et durable, capable de délivrer le message attendu. Le résultat final est l’étonnante robe « Herself », qui apparaît comme sculptée dans le tissu (figure 4). Installée au centre de la ville de Sheffield, elle a permis d’engager le public dans un débat visuel autour de la pollution de l’air, avant d’être présentée au festival Art et Design de l’université de l’Ulster en juin 2011 dans le cadre du « Catalytic clothing project ».

 Figure 4  Robe «  Herself », Projet Catalytic clothing 2011 (photo Nik Daughtry, DED associates).

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Les textiles techniques ou fonctionnels

Définition du secteur textile Le secteur textile recouvre : – la préparation et la fabrication des fibres naturelles, comme la laine, le coton, la soie, le lin, le jute, et des fibres chimiques, qu’elles soient synthétiques ou artificielles ; – la filature, le tissage, le tressage et la fabrication d’étoffes à maille ; – l’ennoblissement qui apporte la touche finale aux différents produits en aval ou en amont de la filière. Le secteur fabrique donc essentiellement des produits intermédiaires pour l’habillement, la maison (linge de maison, tapis et moquettes) et l’ameublement, ainsi que des textiles à usage spécifique (industrie, sport, médical), et des produits semi-finis ou finis.

L’expansion des textiles techniques Entre les années 1980 et 2000, cette industrie très ancienne, et représentative de la renommée de la France dans le monde, a subi un fort déclin, perdant plus de 300 000 emplois [11]. C’est l’amont de la filière, peignage et filature, qui a le plus

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

souffert en termes d’effectifs et de capacité de production. En revanche, les textiles techniques sont en pleine expansion et connaissent un taux de croissance de 3 à 5 % par an. Aujourd’hui, le textile français ne peut plus concurrencer la production de masse des pays à faibles coûts salariaux. Il doit faire face à l’émergence de nouveaux producteurs qui ont développé une industrie qualitative, à plus forte valeur ajoutée, grâce à des investissements importants. Les nouveaux débouchés du textile technique ont permis la reconversion de nombreuses entreprises textiles. En 1991, ce fut le cas de la société LMB – La Maille de Buissière, fabricant exclusif pour le leader français du tulle utilisé dans les robes de mariées. La disparition du groupe EMC risquait d’entraîner sa perte. Le dirigeant de LMB, François Castro, a alors candidaté sur l’appel d’offres lancé par le ministère de la Défense pour la production de filtres à air destinés à la fusée Ariane. LMB fut sauvée en remportant le marché avec un procédé simple et innovant qui fonctionne encore aujourd’hui. En 1995, LMB est devenu Texinov, aujourd’hui leader mondial du géotextile, spécialisé dans les textiles de renforcement et les filets de protection pour le bâtiment et les travaux publics (figure 5).

 Figure 5  Grille de protection de pipelines Texinov (photo Texinov).

Les pays industrialisés ont mis au point de nouvelles générations de fibres textiles appelées fibres techniques, avec le concours de la recherche scientifique. Ces matériaux doivent répondre à des exigences technico-qualitatives élevées (performances mécaniques, thermiques, durabilité) leur permettant d’apporter des fonctions

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2. Les textiles techniques ou fonctionnels

particulières. Ils s’intègrent ainsi aux projets industriels les plus avancés dans des secteurs de pointe comme le spatial, le médical ou les transports. Les pays industrialisés ont redéployé leur activité vers ces débouchés à haute technicité où ils avaient une longueur d’avance, et l’ont développé de façon spectaculaire, en particulier en Europe (figure 6). La France réalise 25 % de la production européenne, juste au 2e rang derrière l’Allemagne (30 %).

 Figure 6  Chiffres clés 2012 de la production mondiale de textiles techniques (schéma T3Nel, données : INDA, Freedonia Group, IFAI, JEC).

2.1 Le champ sectoriel, technologique

et économique des textiles techniques

Le champ sectoriel des textiles techniques est très large, tant du point de vue technologique qu’économique, du fait de la transversalité de leurs applications existantes et potentielles. Les textiles techniques sont le fruit d’innovations variées portant sur les matériaux, les procédés de fabrication et les produits eux-mêmes. La notion de « textile technique » intègre également les textiles ou étoffes dont le processus de fabrication est innovant ou technologiquement avancé. Ainsi les « non-tissés », textiles composés de fibres enchevêtrées, naturelles ou chimiques, sont-ils apparentés à des textiles techniques. Dès lors que l’on considère le textile comme un matériau souple, le champ des applications est très vaste et rejoint aussi le monde des composites.

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

2.1.1 Le vêtement connaît aussi des évolutions technologiques Quand on évoque le mot textile, on pense d’abord au vêtement dont les matières ont réellement évolué avec les innovations des fibres modernes. La vocation première du vêtement est d’isoler thermiquement le corps, de le cacher, voire de l’affirmer. L’évolution vers une société dite de loisir, et constamment connectée, brouille le distinguo entre situation de travail et de loisir. Dans un monde communiquant, nous sommes toujours plus exigeants en matière de performances. Qu’il s’agisse de la mode, du loisir, du sport, ou même de la lingerie, chaque vêtement se veut polyvalent et voit ses performances inspirées par les marchés connexes. Le vêtement fera-t-il sa révolution technologique au même titre que les dispositifs techniques de communication qui ont complètement bouleversé nos usages ?

Les fibres dans l’habillement La part de fibres consommées dans l’habillement représente 54 % de la production mondiale, qui est de 79 millions de tonnes. Le coton compte pour plus d’un tiers du marché, mais les fibres synthétiques prédominent, ouvrant des perspectives presque infinies, les polymères pouvant être modulés à la demande, souvent à faible coût (figure 7). De fait, près des deux tiers des vêtements contiennent des fibres synthétiques. Depuis les années 1980, une nouvelle génération de fibres synthétiques permet de concilier confort, esthétique, et facilité d’entretien.

 Figure 7  Le marché de l’habillement 2012 : la consommation de fibres par segment (données : Euromonitor).

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2. Les textiles techniques ou fonctionnels

Les nouvelles fonctions apportées au vêtement Les nouvelles méthodes d’assemblage, comme le tricotage sans couture, la découpe au laser, ou le thermo-soudage permettent d’éliminer les coutures qui sont sources de friction, d’épaisseur, pour un vêtement plus léger au porter. Les procédés de traitement de surface permettent d’obtenir des perceptions tactiles, visuelles et sonores précisément définies (doux ou rugueux, sec ou gras). C’est d’autant plus important pour la lingerie qui se porte à même la peau. Il faut aller au-delà des propriétés élastiques, en prenant aussi en compte l’impact émotionnel de la matière. La fabrication de la dentelle, tissu sans trame ni chaîne, relève de la performance technique. Cette matière magique et transparente fut d’abord l’apanage des hommes au xvie siècle, avant d’être réservée au vêtement féminin. Au cours des années 1980, l’arrivée de la fibre Lycra® dans ce secteur a eu un impact spectaculaire en permettant à la dentelle Leavers de s’alléger, d’épouser le corps et d’en suivre les mouvements. Le corps humain est une machine thermique qui dégage de la chaleur ainsi que de l’humidité par la transpiration. Pour trouver un bon équilibre, des matériaux textiles imper-respirants (Gore-Tex®), ainsi que des matériaux thermorégulants, à changement de phase (Outlast®), ont été développés. Les cosmétotextiles à microcapsules greffées ou intégrées à la fibre, et les textiles bioactifs intégrant des oxydes minéraux, offrent des effets correcteurs et des bienfaits de confort et de bien-aller, très appréciés par les consommateurs. Ce marché, encore émergent, devrait se développer rapidement. Toutefois, il reste encore modeste avec un chiffre d’affaires mondial estimé à 717 millions d’euros en 2013 [12].

2.1.2 Les textiles à vocation technique Le marché des textiles techniques représente plus du quart de la production textile européenne, alors qu’il correspondait à une part de 22 % en 2007. Il existe de réels enjeux qui nécessitent de consolider nos avantages technologiques et nos savoirfaire. Ce secteur peut générer des activités importantes, capitalistiques et génératrices d’emplois dans la filière textile, mais aussi dans des domaines connexes, car l’industrie textile technique est porteuse d’innovations transversales. Ce qui est à mettre en perspective dans un contexte de désindustrialisation des pays évolués. L’étude sur le périmètre économique des textiles techniques réalisée par la DGE en 2005 fournit une excellente cartographie des différents usages de ces textiles à usage technique [13]. Il faut noter que cette approche hiérarchisée par domaine d’application peut s’avérer cloisonnante, et être un frein à la propagation des innovations matières d’un marché applicatif à un autre.

Certaines catégories de textiles techniques ont aujourd’hui un énorme potentiel lié à la demande croissante de consommation, ou à des applications très spécifiques, en

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

particulier dans le domaine médical. Il existe aussi une demande continue pour de nouveaux matériaux composites à renfort textile, comme dans l’industrie aéronautique ou automobile. Il faut aussi tenir compte des nouveaux challenges industriels liés au développement durable et au recyclage [14]. Le nombre de sociétés produisant ou transformant des textiles techniques est en augmentation constante. Il s’agit à la fois de nouvelles entités, mais aussi de sociétés qui mixent leur production en incluant des textiles techniques, ce qui a changé la dynamique du marché des textiles. Lors de l’édition du salon Techtextil 2013 à Francfort, on comptait 1 652 exposants issus de 56 nations différentes, en augmentation de 15 % malgré la crise économique mondiale. La globalisation du marché est perceptible par le globe Messe Frankfurt [15] qui note qu’il y a 20 ans, il n’existait qu’un seul salon Techtextil, à Francfort. Aujourd’hui, on en compte sept de par le monde avec Moscou, Shangai, Bombay, Atlanta, Las Vegas, et Dubaï, le tout dernier en date au Moyen-Orient, qui ouvrira en 2014. Plusieurs pays ont défini un plan stratégique pour leur industrie des textiles techniques, étant donné les facteurs qui induiront une demande dans ce secteur. Le niveau de compétition est intense, avec une problématique forte de protection de propriété intellectuelle. Parmi les applications les plus prometteuses des textiles techniques, on peut citer : – les textiles intelligents (matériaux caractéristiques ou intégrant des éléments électroniques) ; – les membranes textiles et les textiles architecturaux (pour un design durable) ; – les applications médicales et biomédicales (implants, texticaments) ; – les textiles de protection, de sécurité ou de bien-être (cosmétotextiles) ; – les transports et la logistique (allègement des structures).

2.2 Le textile considéré comme un matériau souple :

les tissés, les « non-tissés », les composites à base textile

2.2.1 Des structurations subtiles de fibres Les textiles techniques résultent de la capacité de l’industrie à combiner à l’infini les fibres textiles, éventuellement avec d’autres fibres, comme la céramique ou le quartz, voire d’autres composants organiques ou minéraux, afin d’en réaliser des fils, des surfaces, des volumes selon des structurations qui permettent les applications les plus variées (figure 8). Les fibres utilisées dans la fabrication de ces textiles sont à 80 % d’origine chimique, comme le polypropylène et le polyester. Leur faible densité leur confère une grande solidité et une extrême légèreté. Elles présentent aussi une excellente tenue en

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2. Les textiles techniques ou fonctionnels

température, des propriétés électriques, et une inertie, versus réactivité, vis-à-vis des solvants, des acides ou de l’eau.

 Figure 8  Relations entre fibre, forme et présentation du produit textile (d’après « Technical Textiles and Nonwovens World Market Forecasts to 2010 », David Rigby Associates, 2003).

Ces fibres sont assemblées selon les techniques classiques de croisement (tissage, tricotage, tressage), mais également sous forme de non-tissés, où l’adhérence des fibres enchevêtrées est assurée par pression, traitement thermique ou adjonction d’un liant. Au stade final de la fabrication, les traitements d’apprêts et les technologies d’enduction ou de complexage donnent aux tissus des caractéristiques supplémentaires.

2.2.2 Les savoir-faire textiles Les textiles techniques sont des textiles dont les performances leur confèrent une aptitude à s’adapter à une fonction industrielle ou technique. On peut regrouper les acteurs de cette filière de production en trois grandes catégories (tableau 1) : – les producteurs de matières premières ; – les filateurs, tisseurs, tricoteurs et imprégnateurs, qui travaillent à l’élaboration de semi-produits ; – les entreprises chargées de la mise en forme définitive. Les savoir-faire de la chaîne textile sont valorisés dans la mise en œuvre des textiles techniques.

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

Par exemple, le tressage est utilisé pour le renfort des composites, tandis que la broderie permet d’embarquer des dispositifs intelligents dans le textile (e-embroidery).  Tableau 1  Les savoir-faire de la chaîne textile (T3Nel). Producteurs de fibres et fils

Producteurs de textiles

Traitements spécifiques

Filage Filature Transformations de fils : Moulinage Retordage Texturation Guipage Traitements chimiques et enduction de fils Recyclage textile

Tissage Tissus étroits (rubans, sangles) Mailles et tricots (maille cueillie, indémaillable) Tressage Cordages Câbles Dentelle Broderie Textiles 3D Non-tissés Composites (préforme textile) Découpe Assemblage Confection

Ennoblissement Teinture Impression Apprêts Enduction Pré-imprégnation Imprégnation Complexage/Contrecollage Adhérisation Des technologies récentes : traitement plasma micro-encapsulation, greffage impression laser

CART’TEX est une cartographie des savoir-faire rares et des machines des acteurs textiles de la région Rhône-Alpes. Ce projet a été lancé au 1er trimestre 2010 par le pôle de compétitivité Techtera. L’objectif est d’identifier et de mieux connaître les compétences rares et mobilisables au sein de la filière textile, à des fins d’innovation, notamment pour les PME. Ainsi les projets de R&D disposeront d’un portefeuille d’expertises dans la filière. C’est la conjugaison de ces savoir-faire textiles avec les savoir-faire spécifiques et les technologies de domaines connexes qui va permettre la conception de nouveaux matériaux textiles. Par exemple, l’utilisation de lasers permet d’obtenir des effets intéressants par un procédé compatible avec les surfaces textiles. Selon l’effet recherché, on peut utiliser soit les lasers à effets thermiques, soit les lasers à effets photochimiques.

2.2.3 Les non-tissés La fabrication de non-tissés trouve son origine dans les industries du textile, du papier, du plastique et du cuir, qui, pour répondre à un marché émergent, ont

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2. Les textiles techniques ou fonctionnels

adapté leurs procédés et leurs matières premières. C’est dans les années 1960, avec l’apparition de l’industrie des fibres synthétiques et des polymères, que l’industrie des non-tissés commence à connaître un véritable essor. L’Europe est le premier producteur de non-tissés, avec une production qui est passée de 40 000 tonnes en 1970, à 750 000 tonnes en 1997, et pratiquement 2 millions de tonnes en 2012. Historiquement, l’industrie des non-tissés est organisée différemment de l’industrie textile, visant surtout la production de gros volumes, rapidement et à moindre coût. À part les feutres, les non-tissés sont essentiellement constitués de fibres chimiques. Cependant, malgré son prix, le coton originel ou recyclé fait son entrée dans de nombreux produits non tissés du fait de son profil environnemental. Mélangé à des fibres synthétiques, il évite les traitements chimiques spéciaux. Avec l’augmentation du coût des matières premières, l’utilisation de fibres recyclées prend de l’importance, et le recyclage s’organise, qu’il s’agisse de matières naturelles ou synthétiques (PET). Les non-tissés sont parfois incorporés dans des composites (garnitures de portières, insonorisation pour l’industrie automobile, revêtements de sols). L’industrie des textiles non tissés s’oriente vers des produits à forte valeur ajoutée, en plus petits volumes, tout comme le secteur des textiles techniques où le moteur est la recherche de performance. Les nouvelles structures de non-tissés sont solides et possèdent une zone de surface sensiblement plus importante que celle des tissus existants. Les développements sur les nouveaux non-tissés permettront de faire émerger une nouvelle génération de textiles techniques destinés à des applications critiques. Par exemple, les nouvelles fibres mises au point peuvent être filées en filaments ou fibres longues, et être utilisées dans les textiles tissés ou tricotés, contribuant ainsi à la nouvelle génération de vêtements techniques.

2.2.4 Les membranes textiles Le champ des textiles fonctionnels est très large et présente aussi une gamme diversifiée de membranes et laminés. Une membrane est une mince paroi d’une substance poreuse que l’on interpose entre deux milieux. Par exemple, il peut s’agir d’un film ultrafin qui ne laisse pas pénétrer l’eau liquide, mais qui permet à la transpiration, ou vapeur d’eau, de s’évacuer. Les produits imper-respirants sont souvent utilisés dans le sport ou l’outdoor, avec aussi un effet coupe-vent. Les membranes textiles composites s’affirment dans le secteur de la construction et autorisent toutes les audaces architecturales. Il existe deux types de matériaux sur le marché : les membranes microporeuses en polyuréthane ou polytétrafluoroéthylène (PTFE), et les membranes en polyester hydrophile. Les membranes textiles peuvent servir au stockage de gaz, par exemple sur les sites de traitement des eaux, où l’on utilise des membranes souples pressurisées à deux enveloppes qui forment un réservoir pour les biogaz émis. Les géomembranes textiles sont une solution pour la rétention de déchets liquides sur des décharges, pour le confinement des boues ou des pollutions.

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

Le recyclage de ces produits n’est pas toujours simple. Le polyester a un avantage clair sur les membranes courantes, dont le recyclage entraîne souvent l’émission de substances nocives et bio-accumulatives. Si une membrane en polyester brûle, il ne s’en dégage que du CO2 et de l’eau. Par hydrolyse, on peut même séparer les polymères et obtenir un polyester réutilisable par l’industrie textile. Le Français Serge Ferrari est leader sur le marché des membranes composites (figure 9). Parmi ses atouts forts, on compte la protection de l’environnement et la réversibilité des structures. Il a une forte expérience en matière de recyclage grâce à la technologie Texiloop mise au point en 2002.

 Figure 9  Monumenta 2011, Leviathan, Anish Kapoor, textile Serge Ferrari (photo Serge Ferrari).

2.2.5 Les composites textiles Les pièces en matériaux composites sont réalisées en associant au moins deux composants complémentaires qui combinent ainsi leurs propriétés intrinsèques. Initiée dans les années 1940, l’industrie des composites est relativement récente. Les matériaux composites ont apporté une forte innovation technologique industrielle dans le domaine aéronautique et aérospatial, en permettant d’alléger considérablement les structures, et en simplifiant le nombre des pièces à assembler. Grâce à leur microstructure de fibres, les composites textiles permettent de créer un modèle adapté aux propriétés désirées (comportement mécanique, aspect de

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2. Les textiles techniques ou fonctionnels

surface). Ce sont des matériaux innovants qui ne cessent d’évoluer, avec des produits de plus en plus performants. Les préformes textiles peuvent être tissées, cousues, tricotées, tressées, et sont travaillées en deux ou en trois dimensions. Elles sont composées de fibres courtes ou longues.

2.2.6 La certification des produits, le développement durable La réglementation européenne REACH Entré en vigueur le 1er juin 2007, le règlement REACH [16] encadre l’utilisation des substances chimiques. C’est un règlement européen et non une directive. Il est donc applicable immédiatement dans tous les états membres de l’Union européenne. L’Agence européenne des substances chimiques (ECHA) est chargée de l’actualisation des nouvelles directives. REACH a un double objectif : – avoir une meilleure connaissance des substances chimiques pour améliorer la protection de la santé humaine et de l’environnement ; – développer les échanges d’information et améliorer la communication entre les acteurs. Le 1er juin 2009, les directives existantes concernant les restrictions imposées pour la mise sur le marché des substances chimiques ont été reprises à l’annexe XVII de REACH. Ainsi, tous les produits textiles fournis doivent répondre aux restrictions en vigueur (pour exemple, le contenu non mesurable de colorants azoïques susceptibles de se diviser en des amines aromatiques cancérogènes). L’industrie textile utilise beaucoup de substances chimiques, et les utilisateurs en aval sont obligés d’évaluer et d’appliquer des mesures limitant les risques avant d’utiliser des substances chimiques. La réglementation REACH n’étant valable qu’en Europe et ne concernant que les mélanges chimiques, elle ne peut réellement empêcher la présence de substances dangereuses dans les produits finis importés. D’autant que les contrôles aux frontières ne sont pas toujours suffisants.

La nouvelle régulation BPR La directive 98/8/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998 contrôle la mise sur le marché des produits biocides. Une nouvelle régulation BPR (Biocidal Products Regulation) va progressivement la remplacer. Le phasage en trois temps concerne de près le secteur textile : – 1er septembre 2013 pour les nouvelles substances actives ; – 1er janvier 2017 pour les produits incorporant des textiles ; – 1er janvier 2020 pour les produits concernant la protection des matériaux fibreux.

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

La norme Bluesign® Le standard Bluesign® a été lancé par la société suisse Bluesign Technologies en 2000. Cet organisme indépendant vérifie les processus de fabrication des usines de textiles en tenant compte des matières premières et de l’énergie utilisées, jusqu’aux rejets dans l’eau et dans l’air. Pour fabriquer des vêtements performants, l’apport de la chimie est essentiel, et les tissus légers imperméables et « respirants » sont souvent issus de polymères et de procédés chimiques. Même les fibres naturelles comme le coton et la laine reçoivent un traitement chimique à l’étape de la teinture et de la finition. Bluesign propose des ajustements par ordre de priorité et suggère des façons de réduire l’utilisation des matières premières. Lorsque c’est possible, il suggère de remplacer les produits et processus nocifs par d’autres moins dommageables. Les usines de textiles qui s’engagent à suivre les recommandations de l’organisme, et à subir des vérifications en conséquence, reçoivent la certification officielle Bluesign®. Cette démarche exige du temps et de l’argent de la part des usines et des fournisseurs. Ces derniers doivent donc pouvoir compter sur le fait que la certification entraînera une demande accrue de leurs produits de la part des détaillants et des consommateurs.

Le standard Oeko-Tex® L’Oeko-Tex® standard 100 est un système international de contrôle et de certification. Il garantit une exclusion ou une limitation des substances indésirables ou interdites pouvant présenter un risque pour le consommateur. Il concerne tous les acteurs de la filière, qu’ils soient producteurs, transformateurs, distributeurs ou négociants. Il s’applique aux matières premières (fibres, filés, fils, écrus), aux produits intermédiaires (tissus teints imprimés), aux accessoires ou ornements (boutons, zip, broderie, ornements, transferts), et aux articles finis (vêtements, rideaux, literie). L’Oeko-Tex® standard 100 est synonyme de transparence grâce aux contrôles de la traçabilité, de fabrication sécurisée vérifiée par des tests. Il certifie aussi la sélection des produits chimiques, et des audits inopinés peuvent être réalisés par l’Association internationale Oeko-Tex®. Membre de cette association depuis 1994, l’IFTH est le seul organisme habilité en France à traiter ces demandes de certification.

2.2.7 Les tests de performance des textiles techniques L’évaluation et les tests d’aptitude des textiles sont étroitement liés aux domaines d’application des produits finis. Ils doivent être soumis à des tests de performances pour en démontrer la valeur ajoutée. La mondialisation des secteurs du textile et de l’habillement a fait fortement évoluer la normalisation. Depuis 2009, le secrétariat du comité technique « Textiles » de l’ISO est assuré par la Chine, en partenariat avec le Japon. En France, la mise en place des pôles de compétitivité contribue à la

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2. Les textiles techniques ou fonctionnels

synergie entre l’innovation et la normalisation. Avec plus de 630 normes concernées, la normalisation textile s’applique à l’ensemble des domaines depuis la production de fibres, de fils ou de filaments, jusqu’aux applications très diversifiées de l’industrie textile et aux produits de consommation. Dans ce contexte, le BNITH (Bureau de normalisation des industries textiles et de l’habillement), créé à la demande des organisations professionnelles UIT et UFIH, organise l’ensemble des travaux normatifs français. Il a repris et mis à jour le guide européen pour l’utilisation des normes européennes et internationales dans le textile et l’habillement [17]. Tous les partenaires de la filière (producteurs, distributeurs, utilisateurs, consommateurs, pouvoirs publics) sont impliqués, représentant plus de 240 personnes adhérentes du BNITH. Cette organisation s’inscrit dans la stratégie française de Normalisation 2011-2015 qui fixe deux principaux défis : la proximité et l’influence internationale. Le cas des textiles médicaux est parmi les plus complexes. La directive 93/42/EEC concerne les produits médicaux, à laquelle doivent se conformer les solutions textiles selon certaines classes (classe I : bandages, draps, matelas ; classe IIa : produits chirurgicaux à usage de moins de 60 minutes ; classe IIb : pansements dont pansements actifs ; classe III : implants). L’évaluation des produits selon ces protocoles est une science en elle-même et les entreprises qui envisagent de pénétrer ce marché doivent penser à long terme [18].

2.2.8 Focus sur les textiles intelligents La découverte des matériaux à mémoire de forme dans les années 1960 et celle de gels polymères intelligents dans les années 1970 ont contribué à la naissance du terme « matériaux intelligents ». C’est sans doute avec le fil de soie à mémoire de forme, mis au point au Japon en 1979, qu’on parla pour la première fois de « textile intelligent » [19]. Mais ce ne fut que qu’à la fin des années 1990 que ce concept devint couramment utilisé dans l’industrie textile. D’une façon générale, les textiles vont devenir de plus en plus intelligents, en interaction complète avec leur environnement. Mais cela suppose de lever encore de nombreux verrous technologiques (miniaturisation, alimentation, consommation, tissage de fibres instrumentées, résistance aux lavages, durabilité…). La prochaine génération de textiles intelligents inclura un système autonome de génération d’énergie, dérivée du soleil, du mouvement, voire des fluctuations de température. Ils sentiront notre présence, contrôleront notre santé et s’adapteront à nos besoins individuels. Ces smart textiles pourront être vus comme une « seconde peau » où les technologies embarquées permettront d’amplifier les caractéristiques cognitives de nos sens. Le calcul et la manipulation de données pourraient créer des expériences visuelles, ou tactiles transmises à distance au porteur du vêtement intelligent. Tout comme pour le smartphone, le marché nécessitera d’élaborer des textiles intelligents capables d’exécuter plusieurs fonctions en même temps. Alors il y aura pléthore de nouveaux services à développer.

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

2.3 L’innovation sur les matériaux, les procédés

et les produits

Le secteur des textiles techniques investit fortement en recherche et développement car la différentiation est un enjeu important pour les entreprises de l’industrie textile. Le développement de nouveaux matériaux textiles résulte de la synergie entre la valorisation des travaux de recherche, la recherche de nouvelles applications et le respect des principes du développement durable.

La dynamique de recherche sur les textiles La dynamique de recherche concerne l’intégralité de la chaîne de conception du textile technique : – le matériau, avec la conception de nouvelles fibres et fils performants ; – le traitement des textiles ou l’intégration de technologies pour doter le textile de propriétés particulières, ou fonctionnalisation ; – l’optimisation des processus de fabrication et de production textile, le contrôle de la qualité. La recherche porte aussi sur l’usage du matériau : – la durabilité, les considérations environnementales liées à l’usage et à la fin de vie du produit ; – les aspects esthétiques et polysensoriels. Lors de la dernière décennie, l’industrie textile européenne a amorcé une transition significative vers une nouvelle industrie basée sur la connaissance. Bien que comptant surtout des PME, près de la moitié des entreprises sont engagées dans un processus d’innovation et de R&D. Les moteurs de ces nouveaux développements sont le fait des entreprises textiles, mais aussi de la contribution d’autres disciplines comme la chimie, les sciences des matériaux, l’ingénierie et l’électronique. L’innovation intersectorielle contribue à co-créer de nouvelles fonctionnalités [20] (figure 10).

Les principaux axes de recherche porteurs pour le textile Les principaux axes de recherche porteurs pour l’industrie des matériaux textiles sont : – la chimie macromoléculaire (polymères réactifs, fibres composites, traitements fonctionnalisant) ; – les nanotechnologies (nanofibres, nano-enduction, ingénierie de surface) ; – les biotechnologies ; – les microsystèmes électroniques (capteurs, actionneurs, polymères conducteurs) ; – les technologies avancées (plasma, laser, greffage, impression 3D).

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2. Les textiles techniques ou fonctionnels

 Figure 10  Les moteurs d’innovation intersectorielle pour co-créer de nouvelles fonctionnalités.

La thématique transversale du développement durable L’un des objectifs prioritaires des centres de recherche textiles est la prise en compte de la thématique transversale du développement durable. Quel que soit le secteur d’application, il s’agit d’avoir en ligne de mire la protection de l’environnement et la réduction de la consommation d’énergie et de ressources. Les recherche vont donc porter sur : – la recyclabilité, la capacité à séparer les matières différentes composant un produit textile ; – l’utilisation de fibres naturelles, ou de biopolymères, facilement renouvelables ; – la biodégradabilité des fibres, propriété essentielle notamment pour les produits jetables de grande consommation, comme les lingettes ; – la diminution des déchets liés aux traitements chimiques des fibres ; – la réduction des effluents ; – la réduction de la consommation d’énergie, et d’eau (technologies par voie gazeuse). Deux associations européennes, Euratex pour l’industrie textile et EuropaBio pour la bio-industrie, se sont associées dans la recherche sur les biotechnologies en lançant conjointement l’initiative Biotex. Des actions communes ont été initiées en recherche et développement dans le secteur textile et dans la bio-industrie, portant

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

en particulier sur la fonctionnalisation des matériaux textiles, sur les matériaux biosourcés ainsi que sur les nouveaux produits textiles pour améliorer les performances humaines.

Le soutien de l’innovation dans le secteur textile Depuis 2008, l’entreprise publique française OSEO – aujourd’hui Bpifrance – est en charge de la procédure d’innovation stratégique industrielle (ISI) qui finance des projets collaboratifs correspondant à une réelle innovation de rupture [21]. Pour la première fois, en 2011, OSEO a soutenu un projet de ce type dans la filière textile, dans le domaine des cosmétotextiles, pour un montant de 5,7 millions d’euros. En 2012, un nouveau programme a été financé dans le domaine des textiles intelligents pour un montant de 7,2 millions d’euros. Les soutiens à l’innovation dans la filière textile-habillement ont progressé en 2012. Ils représentent un total de 9,40 millions d’euros (6,91 millions d’euros en 2011) pour 96 projets aidés (figure 11).

 Figure 11  Le soutien à l’innovation textile par OSEO – Synthèse 2012 : répartition par sous-secteurs en nombre de projets aidés (données : OSEO).

2.3.1 L’innovation sur les matériaux La production mondiale de fibres est estimée à 79 millions de tonnes en 2012. Les textiles techniques en consomment le tiers, essentiellement des fibres chimiques classiques, ou des fibres modifiées pour leur apporter des propriétés fonctionnelles. Les fibres hautes performances (aramide, carbone…) représentant à peine 1 % de la production de fibres chimiques. Les chiffres d’évolution de la demande mondiale de fibres synthétiques confirment une croissance soutenue (figure 12).

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 Figure 12  Projection de l’évolution des productions de fibres au niveau mondial (données : CIRFS).

Les textiles à haute valeur ajoutée permettent des niveaux de performances améliorés requis pour de nombreuses applications spécifiques. La conception de ces textiles innovants nécessite des efforts constants de recherche sur les propriétés mécaniques, thermiques, chimiques et optiques des matrices polymères constitutives des fibres, des étoffes ou de leur finition.

Les nanomatériaux textiles L’association européenne Euratex a émis des recommandations visant à formuler des standards européens pour les nanotechnologies appliquées au textile, et à mettre en place un dispositif pour vérifier que la production de ces nouveaux produits est adaptée aux besoins des consommateurs et réellement sans danger. Le bilan du projet européen Nenatex

Le projet européen Nenatex [22] a permis d’évaluer les potentialités d’utilisation des nanoparticules dans le domaine du textile. Il a relevé un ensemble de caractérisations techniques démontrant leur valeur ajoutée technique : – des propriétés thermiques, avec l’augmentation des tenues thermiques des fibres ou des apprêts utilisés dans des textiles soumis à des conditions d’utilisation sévères (automobile sous capot moteur, exposition solaire), ou associés à un meilleur comportement au feu (transport, protection des pompiers) ; – des propriétés mécaniques, avec l’augmentation de certaines caractéristiques mécaniques en relation avec les applications envisagées (résistance en compression, à l’abrasion) ; – des propriétés barrières grâce à l’amélioration de l’étanchéité vis-à-vis des liquides ou des gaz, et la réduction de la migration de plastifiants présents dans certaines formulations d’enduction ;

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

– des propriétés optiques avec de nouveaux effets visuels de transfert de lumière pour les architectures tendues et les textiles dans l’automobile ; – et d’autres propriétés, comme la conduction électrique, de nouveaux touchers, l’amélioration de la surface des composites à renforts continus. Le projet Nenatex a mis aussi en évidence les freins technologiques dans l’incorporation des nanoparticules organiques, ou minérales, lors des différentes étapes de fabrication des produits textiles (extrusion/filage, ennoblissement, enduction, imprégnation). Les biofibres

On appelle biofibres les nouvelles fibres d’origine végétale, obtenues par synthèse chimique ou par reconstitution de cellulose (viscose). Grâce aux progrès de la chimie verte, les fibres synthétiques d’origine végétale se développent, comme les fibres en PLA, polyester dérivé de l’acide polylactique extrait du maïs, ou les fibres en polyéthylène obtenu à partir de la canne à sucre. À terme, elles pourraient représenter une alternative aux fibres d’origine pétrolière quand on aura amélioré les coûts de production. Les biofibres permettront aussi de nouvelles applications dès qu’on aura réussi à étendre leur gamme de propriétés, en élaborant des fibres multifonctionnelles combinant plusieurs polymères plus ou moins compatibles entre eux.

Les textiles intelligents Les textiles intelligents associent le textile à des technologies connexes qui apportent de l’intelligence au matériau, comme les capteurs, les nouveaux matériaux à changement de phase (MCP), les TIC (figure 13). Un document normatif [23], élaboré sous la responsabilité du Bureau de normalisation des industries textiles et de l’habillement (BNITH), fournit des définitions et une classification dans le domaine des matières textiles ou des systèmes textiles « intelligents ». Il classifie ces produits et identifie les différents types de fonctionnalités ou de performances. Il décrit leur état actuel de développement, leur application potentielle et fournit des indications sur les besoins de normalisation préférentiels. On peut citer quelques exemples de matières textiles fonctionnelles ou intelligentes : – matières textiles thermiquement conductrices ; – matières textiles chromiques, qui permettent au vêtement de changer de couleur en fonction de la lumière, de la chaleur ou de la pression ; – matières textiles à changement de phase, capable de stocker et de libérer de grandes quantités d’énergie libérée lorsque le matériau passe de l’état solide à l’état liquide.

 Figure 13  Les smart textiles associent le matériau textile à de nombreuses autres technologies.

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2. Les textiles techniques ou fonctionnels

Ces textiles intelligents, comme beaucoup de produits high-tech, pourraient générer des marchés de masse dans l’avenir. Toutefois, le recyclage de ces matériaux textiles nécessitera de séparer les composants électroniques. La projection du marché des smart textiles est estimée à 1,8 milliard de dollars en 2015. Le segment de marché le plus prometteur est celui de la santé, et le marché grand public du sport et du bien-être (figure 14).

 Figure 14  Répartition du marché 2011 des textiles intelligents en valeur (données : IntertechPira).

Dans le domaine de la santé, les fonctionnalités que peuvent apporter les textiles intelligents sont nombreuses : cicatrisation, délivrance de médicaments, suivi des signes vitaux, thermorégulation, détection des infections, détection de chutes, communication avec le personnel soignant, orthèses, implants, diagnostic prénatal [24]. On constate un intérêt croissant pour les smart textiles dans le domaine médical, avec une forte dynamique de publication au niveau mondial. Le nombre de publications a été multiplié par quatre en 10 ans, avec un rythme de 30 publications par an, dont 35 % en Europe, leader dans ce secteur. Les freins à l’industrialisation des textiles intelligents

Aujourd’hui les textiles intelligents sont encore peu matures et de nombreux travaux de recherche fondamentale sont toujours en cours pour lever les divers verrous technologiques et identifier de nouveaux processus pour passer à la phase d’industrialisation. On rencontre de nombreux freins au déploiement des smart textiles, et il faut lever les verrous technologiques suivants : – manque de robustesse et faibles performances des dispositifs ; – difficultés d’intégration des fibres fonctionnelles dans les textiles (interconnexion des composés) ; – fiabilité à long terme, résistance au lavage à démontrer ; – coûts importants des technologies ; – faible capacité à gérer l’énergie.

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

Il existe aussi des faiblesses dans les processus industriels : – absence de réels outils de fabrication industriels ; – adaptation pour une production en salle blanche, avec des tests cliniques ; – hétérogénéité des industries impliquées, manque de structures d’intégration entre industriels ; – tissu industriel surtout constitué de petites structures (faiblesse des investissements) ; – méconnaissance et réticence des usagers face aux nouvelles technologies. Les matériaux à changement de phase

Parmi les nouveaux matériaux prometteurs susceptibles d’apporter de l’intelligence au textile, on peut citer les matériaux à changement de phase (MCP). Ces matériaux peuvent stocker ou générer de l’énergie thermique lors de leur changement d’état solide/liquide. Leur utilisation apporterait une contribution à la demande croissante en énergie (froid ou chaud), que ce soit dans le domaine du bâtiment, de la construction, de l’air conditionné et d’autres applications industrielles (emballages, textiles, stockage de l’énergie solaire). Si des applications commencent à se développer dans le domaine du bâtiment en France, peu d’entreprises sont présentes sur le territoire national3. Il conviendrait d’orienter la recherche sur des matériaux ou des biomatériaux originaux permettant le stockage ou la génération d’énergie sur de larges gammes de températures. Le nombre de brevets américains sur le thème des MCP a crû de 26 % de 2008 à 2009, et les projections les plus optimistes estiment que les MCP permettraient de réduire de 50 % la demande en énergie sur les applications mentionnées à l’horizon 2050 [25].

2.3.2 L’innovation sur les procédés L’amélioration de la qualité Une grande partie des développements actuels concernent l’amélioration de la qualité des fibres et des produits. Les industriels textiles doivent adapter leurs machines aux productions à réaliser, ce qui implique d’importants travaux sur les procédés de fabrication textile et sur les procédés de contrôle de la qualité (figure 15). Ainsi l’on voit chaque année de nouvelles générations de capteurs pour contrôler la densité, la tension ou l’uniformité des fibres et des fils, par exemple des capteurs optiques mesurant les irrégularités de surface sur la ligne de production de monofilaments, ou encore des appareils de mesure par rayons X de la densité des produits textiles.

3.  La start-up Kaplan Energy fabrique des accumulateurs d’énergie E-STOCKER® à changement de phase.

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2. Les textiles techniques ou fonctionnels

En teinture, les ennoblisseurs cherchent à optimiser les procédés à base de colorants naturels pour améliorer la reproductibilité tinctoriale, la tenue au lavage et à la lumière. Ils cherchent également à réduire les opérations pénibles de manutention avec l’automatisation du bobinage, par exemple. On optimise aussi certains procédés de transformation : – le pilotage des métiers leavers pour apporter de la créativité dans le domaine de la dentelle ; – le tricotage de nappes de fibres de carbone pour en augmenter la cohésion ; – le contrôle de la dépose des fils lors du guipage pour fabriquer des fils de qualité irréprochable dans l’industrie du luxe ; – l’aiguilletage pour maîtriser parfaitement la réalisation de non-tissés 3D.

 Figure 15  Les procédés de transformation textiles du futur (schéma reproduit avec l’autorisation de Jan A. Craamer, Textile processes for the future, 2008).

Procédés industriels et environnement L’ennoblissement textile représente plus de 50 % de l’énergie consommée annuellement par la filière, toutes énergies confondues. Aussi les industriels tentent-ils d’améliorer la gestion de l’eau et de l’énergie par une utilisation rationnelle des outils de production et des procédés. Ces actions portent sur le tri et la concentration des produits, la réutilisation des bains et une régulation des rinçages, l’aquaprocess remplaçant le rinçage par débordement. L’impression au jet d’encre supprime les opérations de préparation des pâtes et de lavage des matériels. Le traitement des rejets au niveau des machines s’applique aux effluents de même nature, et la mise

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

en place de nouveaux vecteurs de transfert, comme le plasma, permet la suppression totale ou partielle des prétraitements dans le secteur cotonnier. On assiste à une prise de conscience collective des industriels pour qui la consommation d’eau est devenue une préoccupation majeure au vu des contraintes réglementaires pour le respect de l’environnement.

2.3.3 L’innovation sur les produits Concevoir des produits en prise directe avec les utilisateurs La recherche textile porte sur l’amélioration de nombreuses fonctionnalités telles que l’absorbance, la résilience, l’élasticité, la douceur, la résistance, et aussi la lavabilité, la filtration, la stérilisation (tableau 2). Beaucoup de grands groupes chimiques sont à la pointe des innovations pour améliorer la performance des textiles, comme Arkema, Clariant, Schoeller Technologies, Huntsman Textile Effects, BASF, Novozymes, ou encore Lenzing.  Tableau 2  Essai de classification des fonctionnalités des produits textiles semi-finis ou finis (T3Nel). Performances mécaniques • Résistance • Maintien • Contention • Renfort • Élasticité • Mémoire de forme • Auxétique

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Fonctions de protection • Mécanique : coupure, balistique, perforation, projection d’éclats, lacération, vandalisme • Thermique • Risques NRBC (Nucléaire, Radiologique, Biologique, Chimique) • Radiations (UV, IR) • Électrique (protection et isolation) • Électromagnétique • Conditions extrêmes • Déperlant

Fonctions d’échange • Filtration (gaz, liquide) • Isolation • Essuyage • Absorption (gaz, liquide) • Drainage • Étanchéité • Imprégnation • Imperméabilité • Imper-respirant • Thermo-régulant • Évacuation de la sueur

Fonctions « Bio » • Bioactif • Biomimétique • Biocompatible • Biodégradable • Biorésorbable • Hygiène • Anti-bactérien • Anti-acarien • Anti-mite • Algicide

Autres fonctions • Anti-tache • Réfléchissant • Haute visibilité • Antistatique • Anti-poussière • Thermochrome • Cosmétique • Texticament • Conduction électrique (e-fonctions : piézoélectrique, luminescent, chauffant, absorption d’OEM)

2. Les textiles techniques ou fonctionnels

La versatilité des textiles Les textiles ont une grande capacité d’adaptation. Mis au point pour un usage spécifique défini dans un cahier des charges, ils peuvent ensuite trouver leur application dans des domaines divers. Il leur faudra alors être certifiés pour ces usages précis, en fonction du secteur produit où ils seront utilisés, et de nombreux tests sont à prévoir pour l’agrément. Un exemple : les matériaux textiles auxétiques

Les matériaux auxétiques forment une large famille de molécules, de matériaux et de structures dont le coefficient de Poisson est négatif : ils deviennent plus épais dans la direction perpendiculaire à la traction (figure 16). On en rencontre dans la nature, comme dans certaines peaux ou certains os, d’où l’idée de concevoir des matériaux synthétiques aux propriétés similaires. Aujourd’hui, on produit des matériaux auxétiques sous forme de gels polymères, de composites renforcés de fibres de carbone, de mousses métalliques, de nids d’abeille, de polymères microporeux.

 Figure 16  Le matériau auxétique s’élargit à l’étirement (photo Sirris Belgique).

À l’origine du développement des matériaux textiles auxétiques, l’objectif visé était l’amélioration de la protection balistique des équipements de combat. Globalement, le facteur de succès est un textile qui ajuste sa résistance et sa perméabilité selon la force extérieure appliquée (fil élastique gainé d’une fibre non élastique, ou « power thread »). Au final, les marchés potentiels s’avèrent multiples : – médical : les sutures chirurgicales, les bandages ajustables ; – filtration : les systèmes de filtration auto-adaptables ; – protection : les ceintures de sécurité, la protection des infrastructures contre les ouragans, les explosions.

De nombreux challenges technologiques pour améliorer les performances des textiles Le projet européen ProeTEX vise à intégrer des capteurs dans des textiles pour réaliser le suivi de l’état physiologique des personnes de la sécurité civile lors de leurs interventions sur des sinistres, et assurer ainsi leur protection. Pour ce faire, de nombreux travaux ont été menés pour améliorer les performances des textiles (tableau 3).

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

Le capteur de déshydratation développé par le CEA-Leti dans le cadre du projet européen ProeTEX concerne aussi d’autres projets de recherche. L’un porte sur une application dans le sport, l’autre sur le monitoring d’un rein artificiel. Ce capteur détecte la concentration en sodium dans la sueur, qui est un marqueur du niveau de l’hydratation. Il a été développé au départ pour les pompiers en intervention. En effet, un pompier au contact du feu peut perdre 2 kg en une demi-heure, ce qui altère fortement ses capacités physiques et intellectuelles. Les tests réalisés en chambre climatique au Service de santé des armées ont montré une bonne corrélation entre les mesures du capteur et celles d’un équipement de laboratoire4.  Tableau 3  Quelques exemples de challenges technologiques pour améliorer les performances des textiles (les fonctions visées par la R&D et les freins) (données : ProeTEX). Applications performantes

Fonctions visées/freins éventuels

Gestion de la chaleur et de l’hydratation

Optimisation de la fonction HMM*, durabilité, rafraîchissement / maîtrise des matériaux SMM* et PCM

Confort physique

Interaction peau/corps, formes parfaites / modélisation

Protection

Propriétés combinées, adaptabilité / certification pour des applications médicales

Soin et entretien

Nouvelles finitions pour vêtement protection ou sport, linge de lit, surfaces auto-décontaminantes par nanoparticules (ZnO, TiO2) / tests de validation

Monitoring

Textile intelligent, capteur avec système de transfert pour l’analyse des données / développement durable

Fonctionnalités actives

Interopérabilité, régulation température, transpiration / facteur coût et disponibilité des matériaux, intégration, distribution de l’énergie, impact sur le corps, acceptation par le porteur, interférences

Cicatrisation des plaies

Bio-interface, propriétés de stérilisation du textile / efficacité des tests, étude type de plaie versus type de solution, modification surface pansement couvrant, management sueur

Biodégrabilité

Nouvelles fibres biodégradables / bio-compatibilité, contrôle de la désagrégation du produit, fiabilité, flushabilité wipes, déclenchement décomposition fibres

* Hidden Markov Model (HMM) ; Shape Memory Material (SMM). 4.  Voir en annexe A1 - projet ProeTEX : les objectifs en termes de fonctions visées et l’échéancier de maturité des produits.

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2. Les textiles techniques ou fonctionnels

2.4 L’évolution des marchés avec le développement

de la population mondiale

2.4.1 Une fertilisation des marchés d’application de plus en plus transversale Les marchés les plus importants suivent le développement de la population mondiale. Les plus gros marchés en volumes sont la construction et l’industrie. Les pays en développement ont besoin de développer leurs infrastructures, ce qui nécessite des géotextiles. Les textiles techniques se qualifient par leurs usages finaux. Ils sont donc conçus selon un cahier des charges, avec des fonctions précises à apporter. Ils sont potentiellement utilisables dans toutes les branches de l’industrie, et la segmentation par type de segment applicatif permet de prendre en compte cette dimension. Le rapport du cabinet David Rigby Associates [26] commandé pour le salon Techtextil 2003 fut le premier à introduire une segmentation en 12 marchés ou domaines d’application (tableau 4).  Tableau 4  Les 12 grands domaines d’applications des textiles techniques, par ordre alphabétique. Agriculture

Aménagement intérieur

Construction et bâtiment

Emballage

Environnement

Géotextiles

Habillement

Industrie

Médical et santé

Protection & Sécurité

Sports et loisirs

Transports

Comme nous l’avons vu plus avant, la mise au point d’un matériau textile spécifique pour une application donnée peut être bénéfique pour un autre secteur d’application. La segmentation en 12 domaines nuit à cette dynamique de transfert entre destinations produits. Traditionnellement utilisée au sein de la profession en Europe, cette sectorisation orientée « marché » a ses limites, car elle ne prend pas en compte : – – – –

le type de fibre ; le procédé de fabrication (industries des non-tissés, des composites) ; le niveau d’intervention sur la filière textile (filature, ennoblissement) ; les propriétés du produit final en tant que tel (tapis, cordage).

La profession textile utilise aussi une segmentation par nature, ou forme des fibres textiles utilisées, lorsqu’elle réalise des analyses plus approfondies.

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

2.4.2 L’ensemble des secteurs économiques consomme des textiles techniques La part des textiles techniques dans la consommation mondiale de fibres est passée de 7 % en 1980 à 33 % en 2012, alors que, dans le même temps, celle du secteur de l’habillement déclinait de 64 à 53 %. Avec un taux de croissance annuel moyen de 3 %, le marché des textiles techniques croît plus vite que le marché de l’habillement. Ces perspectives économiques encourageantes incitent donc les entreprises à investir dans ce domaine. D’une façon générale, on constate que les industriels qui résistent le mieux à la crise sont ceux qui se positionnent sur le double marché de l’habillement et des textiles techniques.

Tous les secteurs économiques consomment directement ou indirectement des textiles techniques. Dans l’agriculture, les agrotextiles protègent et activent les cultures (textiles d’ombrage, filets pare-grêle). Dans le bâtiment, seuls ou en composites, ils rivalisent avec les matériaux traditionnels par leur légèreté et leur durabilité (isolation thermique, protection contre le feu ou l’électricité statique). Dans le génie civil, les géotextiles améliorent le comportement mécanique et hydraulique des sols (renforcement par géomembranes, filtration, drainage). Dans le domaine médical, on les retrouve à tous les niveaux d’intervention sous forme de fils, bandes, pansements, prothèses, implants. Ils jouent également un rôle majeur dans les transports où ils garantissent sécurité et confort (ceintures, airbags, freins en carbone) et participent au fonctionnement du moyen de transport et à sa structure (pneus, courroies, pales d’hélicoptères). On les utilise aussi pour la fabrication des vêtements de protection thermique ou balistique, contre les risques nucléaires, bactériologiques et chimiques. Le secteur du sport et des loisirs a servi de banc d’essai à ces nouvelles matières performantes, légères, résistantes aux déchirures et à l’abrasion. Désormais, les tissus innovants gagnent les marchés grand public et intéressent le prêt-à-porter. Les couturiers sont séduits par les non-tissés à faible coût de revient, qui leur permettraient de fabriquer des vêtements jetables. Les consommateurs attendent beaucoup des matériaux multifonctionnels, d’entretien facile, anti-taches, anti-microbiens et même anti-stress. Selon l’Observatoire des textiles techniques (OTT), le marché français des textiles techniques était estimé à 5,5 millions d’euros HT pour l’année 2011, avec un quart pour les non-tissés. La part relative correspondant au marché des transports dans la production des textiles techniques en France, historiquement forte, tend à diminuer, représentant environ 20 % aujourd’hui (figure 17). Les domaines d’application se diversifient. On note une progression sensible du marché des sports et loisirs, ainsi que de celui de la santé et du bien-être. L’ensemble des segments de marché représentés par le médical, l’hygiène, le bien-être, les sports et loisirs, et la protection individuelle représente aujourd’hui un quart du marché des textiles techniques en valeur et en volume.

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2. Les textiles techniques ou fonctionnels

 Figure 17  Principaux domaines d’application des textiles techniques en France : estimation de la répartition marché 2011, en valeur (données Clubtex, OTT).

2.4.3 Focus sur les textiles architecturaux, un secteur d’avenir Les textiles architecturaux sont des textiles synthétiques assurant des fonctions d’enveloppe ou de structure en architecture. Dans les structures tendues, la toile tient lieu à la fois de couverture et de structure. La tension est appliquée de façon localisée sur des points de renforts internes ou périphériques et autorise des formes diverses telles que l’hyper-parabole, la selle de cheval, le chapeau chinois ou le faîtage, et la vallée. Le matériau textile peut aussi intervenir dans les façades des bâtiments, la protection solaire et l’architecture d’intérieur. Le comportement des textiles architecturaux varie en fonction du tramage et de la nature des fils qui les composent. Ils présentent de nombreux avantages techniques : – la possibilité d’une grande préfabrication en atelier et une mise en œuvre rapide sur le chantier ; – la légèreté car leur masse excède rarement 2 kg/m2 ; – la résistance mécanique qui est dix fois supérieure à celle des fibres naturelles animales ou végétales utilisées dans le passé ; – la résistance aux températures extrêmes, aux vents violents, aux précipitations, et à l’enneigement ; – l’opacité ou la transparence, avec jusqu’à 22 % de coefficient de transmission lumineuse selon la formulation de leurs composants. L’apparition de matériaux souples innovants a généré de nouvelles possibilités de structures et de fonctionnalités dans le domaine de l’architecture [27] (figure 18).

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

 Figure 18  Les différentes classes de matériaux souples architecturaux.

Les dernières technologies textiles architecturales présentées à Techtextil 2013 La technologie du coussin se développe fortement dans les usages de textiles et de membranes à l’extérieur des bâtiments. La membrane ETFE (éthylène tétrafluoroéthylène) peut être utilisée en façade ou en toiture, en remplacement du verre. Ses performances d’isolation thermique sont élevées, soit 2,94 W/m² · K pour un coussin composé de deux membranes ou une seule chambre, ou 1,96 W/m² · K pour un coussin à trois membranes ou deux chambres. Ces structures résistent aux UV, à une traction de 400 fois leur propre poids et ont une durée de vie d’environ de 50 ans. Pour exemple, on peut citer le fabricant Dyneon, filiale de 3M, qui est l’un des plus gros producteurs mondiaux de fluoropolymères. Le Français Profil Tension System a mis au point un nouveau procédé qui vient d’être retenu par Bouygues Construction. Il s’agit d’un système de cadres aluminium dotés de dispositifs simples incorporant des ressorts, et fiables dans le temps, capables de tendre la toile et de compenser ses dilatations et retraits. Les fibres de verre, de polyester ou de carbone prennent une place croissante dans le béton, sous forme de grilles, soit pour remplacer totalement les armatures structurelles dans des ouvrages à faibles charges, soit pour les compléter dans des ouvrages à fortes charges. La gamme C-Grid du Français Chomarat était exposée à Techtextil. Chomarat a aussi présenté le produit TPreg R, un thermoplastique de renfort destiné à la construction. L’utilisation de fibres de carbone permet de fabriquer des structures béton à fortes qualités ornementales, un nouveau facteur qui inspire les architectes et les ingénieurs.

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2. Les textiles techniques ou fonctionnels

La maison textile de demain Dans le cadre du prestigieux concours Solar Decathlon Competition, de futurs architectes, ingénieurs et designers travaillent sur la première maison textile au monde, baptisée Techstyle Haus, un bijou technologique. Le designer Alexander von Vegesack a fait de son domaine de Boisbuchet le centre névralgique de ce projet porté par trois prestigieuses universités américaines et allemande (université de Brown, École de design de Rhode Island, université technologique d’Erfurt). L’objectif est de construire une maison passive qui n’utilise que des énergies renouvelables, avec un matériau novateur, le Sheerfill®, une membrane produite par Saint-Gobain. Les textiles à trois dimensions ouvrent de nouvelles perspectives. On peut concevoir des toiles textiles isolantes pour une isolation thermique ou acoustique, l’enveloppe constituant à elle seule l’élément structurel et le complexe d’isolation. On imagine la maison du futur, extensible et réductible, flexible, s’adaptant dans le temps et l’espace. Un habitat qui se ramifiera dans son site libéré de sa structure. Ville de l’épure et de la transparence, Helsinki a été capitale mondiale du design en 2010. À cette occasion, on organisa le projet « Textile Market », événement éphémère où les « architextiles [28] » furent à l’honneur (figure 19).

 Figure 19  Maquette du projet « Textile Market », Helsinki 2010.

2.4.4 Le tissu industriel du textile La France dispose d’un réseau d’acteurs importants pour favoriser l’innovation textile, répartis dans les principales régions textiles en France [29] (figure 20). La région Rhône-Alpes détient l’héritage des soyeux et de la chimie. La production textile technique y est plus ancienne, avec des entreprises de taille plus importante (Porcher, Thuasne, Schappe, Ferrari…), et une forte implantation d’une industrie des composants. Le Nord - Pas-de-Calais a hérité des savoir-faire des lainiers, et a inauguré récemment sa nouvelle plateforme technologique dédiée à l’ingénierie des non-tissés, le CETI. Des liens resserrés se sont noués à travers le réseau des PME du textile technique, animé par Clubtex, en lien avec le pôle Up-tex. La région AlsaceLorraine fut jadis le centre de l’impression sur textile, et l’IFTH y a une plateforme dédiée à l’ennoblissement textile, en particulier pour la mise au point des teintures. La région Champagne-Ardenne vit avec l’héritage de la maille. Là-bas, la plateforme de l’IFTH Troyes est dédiée au tricotage 3D.

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

L’Union des industries textiles (UIT) est le syndicat professionnel qui réunit les groupements professionnels patronaux de l’industrie textile. L’Institut français du textile et de l’habillement (IFTH) dispose d’un réseau de plates-formes de services pour les industriels du textile, de l’habillement et des textiles techniques. Il appartient au réseau des CTI français, et préside également l’association européenne Textranet qui regroupe près de 30 centres techniques industriels du textile-habillement.

 Figure 20  Les principales régions textiles en France (T3Nel).

Les diverses entreprises composant l’économie nationale ne sont pas réparties au hasard. Des motifs, variables suivant la nature, l’origine, la densité des matières premières, interviennent le plus souvent afin d’assigner à chaque industrie un emplacement. Cependant, ce n’est pas toujours le cas pour l’industrie textile. On constate qu’avec une parfaite concordance les unités de production de l’industrie des textiles artificiels et synthétiques se sont groupées dans les contrées textiles où l’industrie antérieurement localisée a créé, puis entretenu la formation traditionnelle d’une main-d’œuvre expérimentée et d’un personnel de spécialistes [30]. Ainsi, en 1942, les principales zones textiles étaient déjà le Sud-Est, et le Nord (figure 21). De même qu’elle est l’industrie initiatrice, l’industrie textile est, à toutes ses étapes, l’industrie ubiquiste. Il en est ainsi sans doute parce que la matière textile, à l’état brut ou élaboré, est éminemment transportable, facile à emballer, de faible poids pour sa valeur, de conservation aisée, et que l’outillage est apte à être monté presque partout [31].

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2. Les textiles techniques ou fonctionnels

 Figure 21  Les zones de production des textiles artificiels et synthétiques en 1942 (Les textiles artificiels et synthétiques en France, Bernard Pierre, SPIE, 1946).

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Les non-tissés

3

L’apparition des premiers non-tissés remonte à la fin du xixe siècle. Cette technologie a vraiment émergé après la seconde guerre mondiale, permettant des vitesses et des coûts de production plus avantageux que pour les produits tissés. La fabrication de non-tissés trouve son origine dans les industries du textile, du papier, du plastique et du cuir, qui, pour répondre à un marché émergent, ont adapté leurs procédés et leurs matières premières. C’est dans les années 1960, avec l’apparition de l’industrie des fibres synthétiques et des polymères, que l’on voit l’essor de l’industrie des nontissés. La Société Française des Non-tissés (SFNT) a été créée le 11 août 1969, afin de produire et de commercialiser des non-tissés (35 % des parts étaient détenues par La Rochette Cenpa et 65 % par les Papeteries de France).

3.1 Dans la mouvance du papier et du plastique 3.1.1 Le feutre, première technique de non-tissé Depuis longtemps, l’homme utilise des fibres d’origine végétale ou animale pour former une masse compacte, pressée, comme le feutre. Le feutre est probablement le premier textile fabriqué par l’homme, avec de la laine de moutons, ou de chèvres,

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

des poils de lapins ou de chameaux. Il est apparu avec les débuts de l’élevage du mouton, vraisemblablement sur les rives du Tigre et de l’Euphrate. Les nomades de Mongolie l’utilisent encore pour la construction de leur habitation, la yourte. Le feutre de laine a des propriétés thermo- et hydro-régulatrices qui ne sont égalées par aucune autre fibre naturelle ou synthétique, et offre ainsi une climatisation naturelle. Il protège du chaud comme du froid, et peut absorber un tiers de son poids en eau sans paraître mouillé. C’est une matière vivante, source d’inspiration pour de véritables œuvres d’art textile (figure 22).

 Figure 22  Robe en feutre de laine, exposition Laines d’Europe 2011, musée de Gap (photo J.P. Aulas).

Les travaux menés en chimie colloïdale ouvrirent la voie des non-tissés en montrant qu’une modification superficielle des fibres à l’aide de chaleur et d’humidité leur permettait de se souder entre elles. La parfaite cohésion du feutre et sa résistance à la déformation tiennent à l’enchevêtrement et à l’enlacement des fibres entre elles, créant dans leur masse une énorme quantité de force de frottement. Cette cohésion et cette résistance sont également dues à une infinité de tensions internes de cette masse dirigée en tous sens, provoquées par l’imbrication de matières élastiques.

3.1.2 Définition d’un non-tissé Le non-tissé est « une feuille manufacturée, constituée de voile ou de nappe de fibres orientées directionnellement ou au hasard, liées par friction, par cohésion, ou par adhésion. Sont exclus de cette définition le papier et des produits obtenus par tissage, tricotage, tuftage, couturage, incorporant des fils ou filaments de liage, voire feutrés par foulage

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3. Les non-tissés

humide, qu’ils soient ou non aiguilletés [32] ». En fait, les non-tissés sont à l’interface du papier (industrie papetière), des feutres, tapis ou voiles aiguilletés (industrie textile), et des films plastiques (industrie chimique). Comment différencie-t-on le non-tissé du papier ? Une structure fibreuse sera classée non-tissée si plus de 50 % des fibres constituant cette structure sont non cellulosiques avec un rapport longueur/diamètre supérieur à 300 ; dans le cas contraire, si 30 % des fibres non cellulosiques ont un rapport longueur/diamètre supérieur à 100 et si la main de la structure fibreuse est supérieure à 2,5 [33]. La différence majeure avec un textile classique est que la cohésion du non-tissé ne dépend pas du mode de tissage, comme c’est le cas habituellement pour le textile, mais de l’interaction entre fibres.

3.1.3 Le voile L’industrie des non-tissés utilise principalement cinq procédés pour la formation de voiles de non-tissés : – la voie sèche par cardage (drylaid carded) ; – la voie sèche aérodynamique (airlaid) ; – la voie humide (wetlaid) ou voie papetière ; – la voie fondue (spunlaid) ou filature directe (figure 23) ; – la voie solvant, technique spécialisée in situ. En amont, la préparation de la fibre est une étape essentielle pour garantir l’efficacité du procédé et la performance du produit [34].

 Figure 23  Schéma de principe de l’extrusion (voie fondue) (tutoriel sur la fabrication des non-tissés, Gérard Coste EFPG/IRFIP 2004, schéma reproduit avec l’autorisation de Grenoble INP-Pagora).

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

La voie fondue utilise les mêmes machines de base que les applications de filature qui ont évolué vers le non-tissé. Le cardage est l’une des techniques de base de l’industrie textile. Alimentée en fibres brutes, la carde fournit un voile dont les impuretés (graines, fibres courtes, poussières) sont éliminées. L’invention du cardage remonte aux temps préhistoriques, et pendant des siècles, on a cardé manuellement les fibres naturelles. Alimentées en fibres brutes, les cardes nettoient, séparent et parallélisent les fibres (figure 24).

 Figure 24  Schéma de principe d’une carde (tutoriel sur la fabrication des non-tissés, Gérard Coste EFPG/IRFIP 2004, schéma reproduit avec l’autorisation de Grenoble INP-Pagora)

 Figure 25  Comparaison en volume des productions mondiales de non-tissés par technologie utilisée (données : INDA).

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3. Les non-tissés

Les non-tissés sont parfois incorporés dans des composites (garnitures de portières, insonorisation pour l’industrie automobile, revêtements de sols). Certains produits non-tissés, essentiellement produits par « voie humide » ou par « voie aérodynamique », sont faits de plus de 50 % de fibres non textiles, et ne sont pas répertoriés dans la nomenclature économique officielle HS 56035 spécifique à ce secteur, ce qui ne facilite pas l’étude du marché des non-tissés. Les technologies qui dominent le marché des non-tissés, en volume, sont le cardage (carded ou ex-staple fibre) et la voie fondue (spunbound ou ex-chips) (figure 25).

3.1.4 La consolidation Excepté pour la technique de voie fondue, il est nécessaire de consolider la majorité des non-tissés avec différents modes de consolidation : – chimique avec du latex (latex bonding) ; – thermique (thermal bonding) ; – mécanique (needle punching). Les non-tissés consolidés par enchevêtrement hydraulique (spunlace ou hydro-entanglement) ne contiennent pas d’adjuvant, ce qui est important pour les applications alimentaires et médicales. Le procédé d’enchevêtrement peut aussi être appliqué à des produits tissés auxquels il confère des propriétés particulières. Au sein des nontissés cardés, la technique d’enchevêtrement hydraulique montre le plus fort taux de croissance (11 % par an entre 2006 et 2012).

3.2 La consommation de non-tissés, sa corrélation

à l’évolution du PIB

Historiquement, l’industrie des non-tissés s’est organisée différemment de l’industrie textile, visant surtout la production de gros volumes, rapidement et à moindre coût. Selon l’association INDA (International Nonwovens & Disposables Association), l’industrie mondiale a produit environ 7,6 millions de tonnes de non-tissés en 2011, avec un taux de croissance annuel de près de 7 %. Les principales régions produisant des non-tissés sont l’Europe, les États-Unis et la Chine, et elles concentrent aussi les principaux échanges commerciaux de non-tissés (figure 26).

5.  The HS Code 5603 is described as Nonwovens, Whether Or Not Impregnated, Coated, Covered Or Laminated.

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

 Figure 26  Répartition de la production mondiale des non-tissés 2011, en tonnage (total 7,6 Mt) (données : INDA).

Les leaders mondiaux du secteur déploient de nouvelles unités de production dans les zones en forte croissance de consommation, et ce sont des centaines de milliers de tonnes de capacité supplémentaire qui seront bientôt opérationnelles (figure 27). Les géants de l’industrie des non-tissés ont entamé une stratégie mondiale d’intégration et d’expansion, signe que ce secteur est florissant malgré la crise. Ainsi, tout récemment, l’Américain Polymer Group Inc. (PGI) vient de réaliser l’acquisition de l’Anglais Fiberweb, dans le but de renforcer ses activités dans le domaine des non-tissés.

 Figure 27  La répartition des ventes 2011 des leaders mondiaux de non-tissés, par grandes régions du monde (données : ETUF TCL).

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3. Les non-tissés

L’Europe est particulièrement dynamique, avec une production qui est passée de 40 000 tonnes de non-tissés en 1970, à 750 000 tonnes en 1997, et 2 millions de tonnes en 2011. Les perspectives de croissance continuent à être favorables pour les années qui viennent6. Au sein de ce secteur industriel, on constate que la consommation de non-tissés est directement corrélée au niveau de revenu individuel de la population. On estime ainsi qu’en Inde, la consommation individuelle de non-tissés pourrait rejoindre le niveau actuel des États-Unis et de l’Europe occidentale vers 2035 [35] (figure 28).

 Figure 28  Consommation de non-tissés par personne pour 2005-2050 : comparaison Inde/États-Unis (d’après Texas Tech University).

3.2.1 Les usages des non-tissés Tandis que le marché des non-tissés jetables est pratiquement stable dans les pays développés comme les États-Unis, la croissance des non-tissés durables est d’environ 4,5 %, impulsée par les marchés des géotextiles, de l’automobile et de la construction. Aujourd’hui, le secteur des non-tissés se segmente en marchés de plus en plus spécialisés, parfois très proches du monde des composites (tableau 5).

6. Voir en annexe A2 le tableau prévisionnel de production de non-tissés en Europe, étude « World Markets for Technical Textiles to 2017 », CIRFS, 2011.

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

 Tableau 5  Les applications et des qualités des matériaux non-tissés (exemples). Domaine d’application

Exemples

Agriculture

Nappe de protection des cultures (insectes, gel), de capillarité, serres, protège semis et racines, prévention de l’érosion, gazon artificiel, isolation de piscine

Construction et bâtiment

Revêtements de sols ou de murs, produits d’étanchéité et de renforcement : feutres bitumeux de toiture, armature des membranes d’étanchéité pour le bâtiment, isolation (thermique et phonique), géotextiles pour le terrassement, drainage

Habillement

Rembourrage (ouatine), feutres de chaussure, entoilage des vêtements, protection

Légèreté, rétention de la forme, qualité, souplesse

Membranes, drainage, filtration

Stabilité, imputrescibilité, solidité, souplesse

Aménagement intérieur

Thibaude, isolation sous plancher, matelas, cuir artificiel, occultation Linge de table, serviettes, torchons, chiffons, filtres

Résistance, absorbance, douceur, résilience, isolation

Industrie

Gaines de câbles, membranes de haut-parleurs, antennes paraboliques, matériaux d’enduction, matériaux d’âme, abrasifs, filtres, feutres, séparateurs de batterie, bandes adhésives, isolation anti-feu, renforts

Solidité, souplesse, compressibilité, résistance au vieillissement, aux variations de température

Médical et santé

Champs opératoires, vêtements, masques, pansements, compresses, bandages, filtres, nettoyage , implants, prothèses, soins corporels, usage unique (couches)

Sécurité, barrière bactériologique, anticontamination, usage unique, résistance, absorbance, douceur, dispersabilité (flushabilité)

Transports

Feutres moulés, garnitures de pavillons, portières, tapis, isolation, insonorisation, freins, pneus

Résistance, souplesse, facilité de formage, résistance au feu, imperméabilité, imputrescibilité (anti-moisissures)

Emballage

Pochettes, enveloppes, emballage, sacs à nourriture (chaud, froid), filets

Protection, stabilité, solidité, souplesse, étanchéité, isolation, anti-feu, respirant

Géotextiles

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Qualités du matériau non-tissé

Stabilité, imputrescibilité, solidité, souplesse

Stabilité, imputrescibilité, solidité, souplesse

3. Les non-tissés

Domaine d’application

Exemples

Qualités du matériau non-tissé

Protection et Sécurité

Vêtements de protection (ou sécurité), barrière chaleur/humidité, auvent, tente, sac de couchage

Solidité, souplesse, isolation

Sports et loisirs

Isolation contre la chaleur ; membrane anti-vent, respirante

Souplesse, isolation

Environnement

Textile absorbant, filtration

Résistance, structure homogène

Séparation par échange d’ions et séparation catalytique Applications : industrie agroalimentaire, conditionnement de l’air, sachet de thé, infusettes de tisanes, sacs aspirateur

Résistance, structure homogène, résistance aux agressions chimiques

Reproduction, décoration, signalétique, reliure ouvrages d’art (livres)

Rendu d’impression, stabilité, solidité, souplesse ou rigidité, résistance au mouillé

Filtration

Support d’impression

3.2.2 Les non-tissés à usage court (short-life) En termes d’application, les non-tissés sont surtout utilisés dans des produits jetables destinés à l’hygiène, le médical, la filtration, voire la protection. Ce marché représente 70 % du secteur des non-tissés aux États-Unis, alors qu’il ne représente qu’une part de 20 % dans les pays émergents. On estime que le marché mondial des non-tissés jetables pourrait être de 15,8 milliards de dollars en 2017 [36] (avec 80 % pour les marchés de consommation, et 20 % pour les produits industriels). De fait, le marché de l’hygiène n’a pas été très impacté par les pressions économiques, et il continue de connaître un bon essor dans les pays émergents, tout en accroissant sa sophistication dans les zones développées. L’année 2011 a connu une expansion sans précédent de l’industrie des non-tissés de type « voie fondue », le plus commun et le moins coûteux des non-tissés, utilisé pour faire des vêtements à usage unique. Les usines les plus récentes sont équipées de nouvelles machines beaucoup plus performantes, travaillant en grande largeur, avec une réduction notable du poids de matière utilisée (33 %). Les constructeurs partenaires des grands acteurs du secteur ont su faire évoluer la technologie de leurs machines de fabrication. C’est le cas des Allemands Reicofil GmbH et Trützschler GmbH, du Belge Oerlikon, ou encore de l’Autrichien Andritz qui a racheté le Français Asselin-Thibeau, spécialisé sur ce secteur.

63

Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

Focus sur le domaine médical Les non-tissés sont utilisés couramment dans le domaine médical pour les blouses ou les draps jetables. Ce marché connaît des changements majeurs, avec une nouvelle stratégie d’investissement du côté des fabricants, des finisseurs et des fournisseurs de matières premières. Tandis que se poursuit le débat à propos des solutions jetables, versus réutilisables, en lien avec la problématique de l’environnement, la nécessité d’une meilleure prévention contre les infections favorise la pénétration des non-tissés, en particulier en Asie où le taux de croissance annuel est estimé à 15 %. Les principaux leaders comme l’Américain PGI, le Finlandais Ahlstrom ou le Japonais Toray y réalisent d’énormes investissements dans de nouvelles usines. Le marché des non-tissés de protection médicale est estimé à 271 000 tonnes en 2012 et croît d’environ 4 % par an.

Focus sur la filtration Les textiles non-tissés ont connu une impressionnante croissance depuis qu’ils ont pénétré les marchés de la filtration dans les années 1970. Aujourd’hui, l’industrie mondiale de la filtration croît de 2 à 6 % par an au-dessus du PIB [37], avec un développement qui risque encore de s’accélérer. Les produits non-tissés de filtration représenteraient environ 12 % du marché global des non-tissés, soit une valeur de 2,5 milliards de dollars en 2009 [38], avec 65 % pour la filtration de l’air, et 35 % pour la filtration des liquides. De nombreux facteurs impulsent le marché de la filtration. D’une part, les industriels filtrent plus fréquemment à des niveaux plus fins que le micron pour améliorer la qualité des produits, d’autre part, les réflexions environnementales incitent les États à ériger des lois pour limiter les émissions de gaz et le gaspillage des eaux. La filtration des liquides génère de grandes marges, en particulier pour les industries médicales, pharmaceutiques et microélectroniques, qui vont grandir avec le besoin global d’eau pure et potable. Les nouveaux médias filtrants non-tissés, toujours plus sophistiqués et légers, à des prix compétitifs, répondent aux besoins de filtration par voie sèche ou humide, et concurrencent déjà les membranes polymères. Une nouvelle technique de non-tissés consiste à incorporer des couches de nano-fibres non tissées dans les tissus de filtration. Grâce à leur charge électrostatique, elles assurent une meilleure perméabilité, et les filtres fabriqués avec cette matière ont besoin de moins d’énergie pour faire circuler l’air. Au fil des avancées technologiques, les médias filtrants à base de matériaux non-tissés voient leur compétitivité renforcée par rapport aux autres médias, pour l’élimination des virus et bactéries, avec une amélioration des performances et des avantages en termes de coûts. La fourniture d’eau potable à toutes les populations représente un débouché porteur. Le géant industriel Ahlstrom, concepteur et fabricant international de papiers non tissés et spéciaux, et Eureka Forbes, leader reconnu dans le domaine de la purification de l’eau, ont lancé récemment un produit de purification de l’eau innovant, avec la technologie Disruptor® basée sur la gravité. Ce produit utilise des fibres en nano alumine, dotées d’un potentiel électrocinétique tel que

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3. Les non-tissés

le milieu non-tissé a une efficacité de filtrage équivalente à celle des membranes polymériques, mais sans abaisser les variables comme la pression, le taux de flux ou la capacité de chargement.

3.2.3 Les non-tissés durables (long-lasting) Voyant l’opportunité de nouvelles applications à forte valeur ajoutée, les grands acteurs du secteur se focalisent sur ces marchés plus pointus. Les performances apportées par ces non-tissés (absorbance, opacité, douceur, protection acoustique, efficacité de filtration) sont précieuses pour les applications émergentes, en particulier celles des marchés de la santé, de l’industrie, ou de la filtration. L’Anglais Fiberweb se focalise sur la construction et l’agriculture, tandis que le Finlandais Ahlstrom se consacre aux marchés de la filtration et des revêtements muraux, avec des matières plus faciles à gaufrer, offrant des possibilités de design en 3D. L’américain DuPont investit dans la technologie des membranes poreuses utilisées pour les séparateurs de batterie, visant le développement du marché des voitures électriques. Aux États-Unis, ce segment ne représente que 3 % du tonnage des non-tissés durables, mais 11 % en termes de ventes. De nombreux non-tissés haute performance sont aussi utilisés pour stabiliser les structures (routes, quais). Les non-tissés sont aujourd’hui le segment de marché le plus porteur de l’industrie textile européenne. On les utilise de plus en plus dans des biens de consommation, et ils prennent une part majeure dans le secteur de la construction et de l’aménagement intérieur (figure 29).

 Figure 29  Répartition en Europe du marché 2011 des non-tissés durables en tonnage (données : INDA).

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

3.2.4 Quelques focus sur des non-tissés spécifiques Les non-tissés support pour l’impression digitale La réaction de la surface du support avec l’encre est un élément critique dans l’impression digitale. Le non-tissé présente une surface plus lisse car il n’est pas fait de fils mais de fibres plus petites. Avec les non-tissés, on peut contrôler la taille de la fibre et ainsi la densité du textile, pour une meilleure résolution. On peut les couper selon la forme désirée sans effilochage, en texturer la surface et la gaufrer. On fait aussi une économie de poids, soit un tiers de moins par rapport à un produit tissé. On peut citer le produit Evolon® de Freudenberg Nonwovens, récemment entré sur le marché de l’impression digitale ou encore Tyvek® Vivia de DuPont, un nontissé recyclable à l’aspect velouté, qui fait concurrence au vinyl. Ahlstrom propose des non-tissés « voie humide », avec un procédé qui permet d’utiliser des fibres synthétiques très performantes, apportant stabilité des dimensions et solidité. Ces nouveaux produits ont un aspect fibreux qui diffuse bien la lumière et ouvrent la voie à de nouvelles applications, destinées en particulier à l’aménagement intérieur et à l’affichage.

Les non-tissés réfléchissants Les non-tissés réfléchissants arrivent sur un nouveau marché, celui de l’éclairage. En Caroline du Nord, des chercheurs de l’institut RTI International ont mis au point la technologie NLITe™, à base de nanofibres de polymère qui permet d’accroître la réflectivité des installations d’éclairage, avec un rendu de lumière supplémentaire de 40 %, sans apport d’énergie en plus. Ce projet avait été initié par le Département américain de l’énergie, afin de trouver une technologie pour réduire la dépense d’énergie dans l’éclairage public. Ces nouveaux non-tissés devraient remplacer les revêtements traditionnels, comme l’aluminium, avec un meilleur facteur de réflexion.

Les géotextiles Le premier géotextile non-tissé fut développé par la société française Rhône-Poulenc en 1968. C’était un polyester aiguilleté relativement épais qui fut utilisé dans la construction de barrages. Les géotextiles non-tissés servent dans les travaux routiers, les travaux de construction, les terrassements, les systèmes de drainage et de filtration, les travaux hydrauliques et les centres d’enfouissement techniques. Les fonctions des géotextiles sont la séparation, la filtration, le drainage, la protection, le renforcement et la réduction des contraintes (figure 30). En plus de renforcer les capacités du domaine de la géotechnique, les géotextiles peuvent être munis de capteurs à fibre optique à des fins de surveillance (mesure des déformations dans les ouvrages).

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3. Les non-tissés

 Figure 30  Les utilisations des géotextiles dans la construction (schéma de Novintiss reproduit avec la permission de l’entreprise).

Les agrotextiles Depuis fort longtemps, les textiles ont été employés dans l’agriculture [39]. Les agrotextiles sont utilisés pour l’irrigation, avec les textiles collecteurs d’eau, véritables capteurs de gouttelettes récupérant la vapeur d’eau pour l’arrosage des plantations dans les pays chauds. Ils servent à la protection contre les oiseaux, les insectes, et ils permettent de réduire l’utilisation de pesticides. Aujourd’hui, les produits utilisés sont principalement à base de polyoléfine. L’Union européenne encourage la coopération sur le développement d’agrotextiles à partir de ressources renouvelables en soutenant le projet européen Bioagrotex. C’est probablement en Inde qu’on prévoit le plus fort potentiel de consommation d’agrotextiles avec un taux de croissance annuelle de l’ordre de 8 %.

Les non-tissés dans l’habitation Le choix des matériaux est un point crucial de la conception des bâtiments durables, étant donné l’incidence du cycle de vie des produits. Ces matériaux génèrent des répercussions sur le plan de l’environnement lors de leur fabrication, de leur utilisation et de leur disposition en fin de vie. On estime que l’industrie de la construction consomme environ 40 % du flux de matières à l’échelle mondiale. Avec les contraintes liées au développement durable, les nouvelles normes dans l’habitation incitent les propriétaires à réaliser les travaux pour améliorer l’isolation thermique des murs et des toitures, mais aussi pour récupérer les eaux de pluie via des systèmes drainants. Les non-tissés grâce à leur forte capillarité, leur coût de revient et leur vitesse de production se prêtent particulièrement au drainage, contrairement, aux anciens systèmes de type bâche en polypropylène. Pour l’isolation thermique ou acoustique, on utilise souvent des produits faits de non-tissés additionnés de polymères ou de produits bitumeux. Le non-tissé apporte ses qualités d’élasticité à l’ouvrage, tandis que le polymère assure la partie technique de la membrane. Le non-tissé a une meilleure isotropie par rapport à un tissé, ce qui

67

Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

facilite la pose du matériau sous charpente, qu’il soit agrafé ou cloué. L’ensemble de l’industrie mondiale du secteur de l’isolation représentait un chiffre d’affaires de 29 milliards de dollars en 2009, avec 10 milliards en Europe et 7 milliards en Amérique du Nord. C’est un secteur florissant qui connaît un taux de croissance annuel de l’ordre de 4 % [40]. Les non-tissés entrent dans la composition de certains éléments de construction composites, appelés « non crimp fabrics », ou tissus non ondulés. Ils permettent, par une orientation ciblée des fibres et un dimensionnement adéquat du textile, d’y appliquer les forces qui interviennent dans le sens de la charge de la meilleure façon possible (figure 31). Il est donc possible de réduire le poids de l’élément de construction tout en conservant ses paramètres mécaniques caractéristiques. D’orientations et de dispositions variables, les différentes couches de tissus non-tissés multiaxiaux présentent toujours les paramètres mécaniques caractéristiques les plus élevés par rapport aux textiles d’armature traditionnelle.

 Figure 31  Schéma du non-tissé multiaxial « Non Crimp Fabric » de Saertex, utilisé dans la construction (reproduction autorisée par Saertex).

3.3 Les fibres utilisées pour les non-tissés 3.3.1 Les types de fibres On peut distinguer cinq types de fibres dans la fabrication des non-tissés (tableau 6) : – – – – –

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les fibres chimiques ou synthétiques (polyester, polyéthylène…) ; les fibres régénérées comme la viscose ; les fibres naturelles ou cellulosiques ; les fibres animales (protéines sous forme de poil ou de sécrétion) ; les fibres minérales (surtout fibre de verre).

3. Les non-tissés

Les fibres principalement utilisées dans l’industrie des non-tissés sont les fibres de polypropylène, de polyester et de viscose. Elles représentent 70 % des volumes en Europe occidentale.  Tableau 6  Exemples de fibres utilisées dans l’industrie des non-tissés. Fibres textiles traditionnelles

Fibres high-tech

Coton Laine Modacrylique Nylon PET (polyéthylène téréphtalate) Polyester Polyoléfine : Polypropylène (PP) Polyéthylène (PE) Rayonne Viscose (ex : Lyocell®)

Aramide (Nomex, Kevlar) Nylon conducteur Mélamine (résistance au feu) Acier inoxydable Spandex (polyéther) co-PET fusible Fibre support/matrice PA-6 Microfibre de verre Chlorofibre (chlorure de polyvinyle) PTFE (polytétrafluoroéthylène) Fibre bi-composants (side-by-side, sheath-core, segmented pie et sea-island) Nanofibres

À part les feutres, les non-tissés sont essentiellement constitués de fibres chimiques. Cependant, malgré son prix, le coton, originel ou recyclé, fait son entrée dans de nombreux produits non-tissés, du fait de son profil environnemental a priori favorable. Mélangé à des fibres synthétiques, il évite les traitements chimiques spéciaux. Selon la Confédération européenne du lin et du chanvre (CELC), l’Europe produit annuellement plus de 190 000 tonnes de fibres de lin et plus de 30 000 tonnes de chanvre, et près de 10 % de cette production serait utilisée dans l’isolation des véhicules et des bâtiments sous forme de non-tissés. La tendance est aux fibres fines, voire microfibres pour accroître la performance avec le même poids de non-tissés. Les non-tissés à base de microfibres sont utilisés dans les composants automobiles, et font une entrée timide dans l’habillement technique, car ce sont encore souvent des matières peu élastiques et difficiles à teinter. Selon les principaux acteurs du secteur des non-tissés, la dépense en matières premières représente entre 40 % et 60 % du total net des ventes. Le marché des produits non-tissés est donc très tributaire du coût des fibres utilisées (figure 32).

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

 Figure 32  La chaîne de valeur des non-tissés à usage court (articles d’hygiène en polyester et viscose) (données : Lenzing). *Exemple : couche en polyester - viscose (70/30) par paquets de 72.

Avec l’augmentation du coût des matières premières, l’utilisation de fibres recyclées prend de l’importance et le recyclage s’organise, qu’il s’agisse de matières naturelles ou synthétiques (PET).

3.3.2 Focus sur le recyclage des fibres Avec le développement de l’éco-conception, la recyclabilité des matières va devenir la norme, facilitant la mise en œuvre d’opérations de recyclage. Cette évolution demande une coordination permanente entre tous les acteurs de la filière pour optimiser les solutions techniques et le partage de la valeur. Si le recyclage d’objets mono-matériaux est assez simple, le recyclage d’objets multi-matériaux comme les composites nécessite le développement de procédés chimiques spécifiques innovants.

La réalité du recyclage textile en France Jusqu’à aujourd’hui, seul le recyclage des textiles dits ménagers, ou TLC (habillement, linge, chaussures), était organisé en filière. Les objectifs fixés dans l’agrément d’Eco TLC étaient, à l’horizon 2012 [41] : – la collecte et le tri de 50 % des tonnages mis sur le marché français par ses contributeurs ; – la valorisation matière par recyclage ou réemploi effectifs d’au minimum 70 % des quantités de TLC en fin de vie triés. Des débouchés innovants ont été étudiés, mais la somme de l’ensemble des tonnages évalués pour ces nouvelles filières de recyclage ne représente que 50 000 tonnes environ, soit 20 % des objectifs d’Eco TLC (figure 33).

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3. Les non-tissés

 Figure 33  Schéma de la chaîne des débouchés des textiles en fin d’usage (projection) (données : ADEME).

En 2011, on estimait à 700 000 tonnes la quantité d’articles de type TLC mise sur le marché [42], soit 11 kg par an et par habitant (80 % de textiles d’habillement, 8 % de linge de maison, 12 % de chaussures). Mais la quantité d’articles usagés réellement collectée pour être recyclée n’est que de 140 000 tonnes, soit une moyenne de 2 kg par an et par habitant. Au final, seulement 128 300 tonnes auraient été récupérées et triées dans les centres de tri conventionnés par l’organisme Eco TLC, ce qui représente moins de 18 % du gisement global. Les textiles usagés triés sont principalement destinés au réemploi (62 %). Un peu plus de 29 % part dans un circuit de recyclage et 8 % au rebut. Des entreprises spécialisées dans la collecte et le recyclage des textiles, comme la Toison Dorée ou le Relais d’Emmaüs, fabriquent des isolants thermo-acoustiques à partir des fibres textiles recyclées.

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

La valorisation des textiles issus de produits techniques Labellisé par Techtera et financé par l’ADEME, le projet ValTex vise à développer une filière rentable et pérenne de récupération et de valorisation des textiles des véhicules en fin de vie (mousses et textiles issus de l’automobile et du ferroviaire) et des vêtements professionnels (uniformes, vêtements d’image, vêtements de protection). Les déchets collectés seront recyclés pour créer par exemple des non-tissés isolants acoustiques et thermiques (labellisés Ecocert Environnement), destinés à l’industrie, à l’automobile, au bâtiment et à l’aéronautique. L’objectif est de valoriser au moins 80 % des matières premières issues de ces déchets textiles.

Le procédé Multitex pour le recyclage chimique des textiles Le centre de recherche Valagro développe des procédés industriels innovants pour la valorisation industrielle de la biomasse, de ses coproduits et des déchets. Dans le cadre d’un projet cofinancé par l’éco-organisme Eco TLC, Valagro a démontré la faisabilité technique d’un procédé de dépolymérisation de textiles multi-matières par des réactions successives de dépolymérisation sélective, partant du constat que la plupart des textiles en fin de vie sont constitués de fibres de différentes origines (animales, végétales, synthétiques). Il s’agit du procédé Multitex (figure 34).

 Figure 34  Le procédé de recyclage chimique Multitex mis au point par Valagro Carbone renouvelable (schéma reproduit avec l’autorisation de Valagro).

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3. Les non-tissés

3.3.3 La manne des biopolymères Les préoccupations environnementales modifient la dépendance industrielle par rapport aux ressources dérivées de la pétrochimie. On a commencé à concevoir des fibres polylactiques dans les années 1980. Elles ont d’abord été utilisées dans le domaine médical à haute valeur ajoutée, car biocompatibles, biorésorbables et donc biodégradables. Dans les prochaines années, les biopolymères basés sur l’amidon, la cellulose ou l’acide polylactique (PLA) devraient se substituer progressivement au plastique utilisé par l’industrie de l’emballage en Europe à raison de 3 à 5 % par an [43]. Cette tendance nécessite d’augmenter fortement la production mondiale de biopolymères alors qu’elle n’est que de l’ordre de 300 000 tonnes par an. L’industrie a d’abord besoin d’une image claire pour évaluer les avantages et les inconvénients de ces nouveaux biomatériaux et de leurs propriétés mécaniques. Il est encore trop tôt pour décider d’abandonner la pétrochimie pour synthétiser les fibres. Le projet européen Biotext II a pour objectif de faire l’inventaire des formulations polymères et des conditions de transformation lors de l’extrusion, et lors des traitements ultérieurs. Les résultats de recherche serviront à définir les différentes applications finales à base d’amidon thermoplastique et de bio-polyesters. La technologie d’extrusion bicomposée consiste à ajouter sélectivement des additifs fonctionnels à la partie extérieure des filaments. On confère ainsi de nouvelles propriétés améliorées aux filaments, pour des fonctionnalités encore plus efficaces débouchant sur de nouvelles applications des biopolymères. On note une forte augmentation du nombre de brevets portant sur l’utilisation de PLA dans des applications textiles, avec environ 65 demandes par an dans des domaines très divers, des fils médicaux jusqu’aux non-tissés et des tricots aux composites. Il est par conséquent important d’acquérir des connaissances sur ce biopolymère afin de pouvoir faire face à la compétition mondiale.

3.3.4 La cellulose a de l’avenir La cellulose est le polymère le plus abondant sur la Terre. Il est infiniment renouvelable et complètement recyclable. On est donc loin d’avoir exploré toutes ses possibilités. La viscose est une fibre reconstituée à partir de cellulose, comme celle issue de la pulpe de bois. Elle n’est pas considérée comme une fibre végétale, mais est biodégradable. Des leaders mondiaux, comme l’Autrichien Lenzig ou l’Indien Birla Cellulose, proposent une large gamme d’applications de non-tissés à base de viscose. Apparu en 1989, le Lyocell est de la cellulose dissoute dans un oxyde de type NMMO (N-méthylmorpholine-N-oxyde), qui permet la régénération de fibres très absorbantes. On les utilise en particulier pour les « wipes », cet anglicisme désignant les torchons, les chiffons et, plus généralement, tout ce qui sert à essuyer. Les grands papetiers réorientent certaines de leurs activités vers la fabrication de viscose, qui représente un marché plus porteur que le papier journal par exemple. Ainsi

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

le groupe sud-africain Sappi va convertir l’activité de pâte à papier de son usine du Minnesota, aux États-Unis, de façon à produire de la cellulose chimique, qui devrait d’abord être expédiée en Chine, en Indonésie et en Inde pour y être transformée. Ce projet est financé avec une joint-venture chinoise et vise la fabrication de rayonne pour les marchés du textile, qu’il s’agisse de tissus ou de produits non tissés jetables. Le volume de production annuelle escompté est de 330 000 tonnes de viscose [44].

3.4 La recherche et le développement durable Grâce à des traitements innovants, les fibres et les matériaux fibreux peuvent être dotés de caractéristiques techniques nouvelles. De nouvelles fonctions sont apportées aux matériaux : – amélioration du confort (antibactérien, thermorégulant) ; – de l’entretien (antitâche, auto-nettoyant, hydrophobe) ; – de la sécurité et la santé (acaricide, anti-flamme…) ; Les travaux de recherche ouvrent le champ à de nouvelles applications et permettent souvent de remplacer les matériaux conventionnels par des alternatives optimisées, plus respectueuses de l’Homme et de l’environnement, voire plus compétitives. Il y a donc de réelles opportunités à saisir pour l’industrie de demain. La recherche porte sur des techniques très diverses : – fonctionnalisation de surface par des technologies plus vertes (multifonctionnalité) ; – nano-revêtement par assemblage couche-par-couche ; – greffage de nanostructures hybrides sur des fibres textiles ; – modification de fibres naturelles par CO2 supercritique ; – traitement plasma pour des propriétés de surface durables.

3.4.1 La recherche sur les fibres spécifiques Les fibres se prêtent facilement à la fonctionnalisation. Les fibres dites « fragmentées » fournissent souvent un effet « velcro » qui permet de les fixer facilement à d’autres surfaces. L’aspect des fibres dépend aussi de la forme de leur section (ronde, trilobée, multilobée, creuse, haricot, quartiers d’orange…). Ainsi, les procédés mis au point par Invista dans les fibres Coolmax®, ou 4DG™, permettent beaucoup plus de capillarité par rapport à des fibres rondes, améliorant le transport de l’humidité (figure 35). Les non-tissés ainsi conçus sont flexibles et leur usage est particulièrement adapté au marché de l’activewear, où les vêtements se portent à même la peau.

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3. Les non-tissés

 Figure 35  Fibre Coolmax® légère et hyper-respirante, marque déposée Invista (photo Invista, reproduction autorisée par Invista Corporate).

L’Américain Polymer Group Inc. (PGI) a mis au point une technologie utilisant des fibres submicroniques qui présentent aussi une large interface. Le Japonais Teijin Fibers a développé une nouvelle fibre polyester creuse dotée de huit lobes, ce qui lui donne l’apparence de la pieuvre (octopus), d’où son nom « Octa ». Cette fibre présente des propriétés exceptionnelles de rapidité d’absorption de la sueur, de protection de la chaleur. Son poids est moitié plus faible que les fibres de même épaisseur, avec la même solidité. Elle est utilisée dans les sous-vêtements ou le sportwear, et peut être combinée avec d’autres fibres selon divers procédés.

Les atouts des fibres bi-composants (ou conjuguées) Marier plusieurs polymères offre la perspective de disposer d’un matériau multifonctionnel. C’est pourquoi, on développe des fibres spécifiques, ou fibres bi-composants, où la sélection de polymères joue un rôle essentiel car les fibres doivent avoir une réelle affinité entre elles. Une fibre bi-composants est constituée de deux polymères différents issus de la même filière lors du filage. L’Américain DuPont fut le premier à introduire une application « bicomposant » au milieu des années 1960, un fil de bonneterie nommé « cantrese ». Il était fait de fibres torsadées très élastiques composées de deux polymères de type nylon. Dans les années 1970, on commença à développer différentes fibres bicomposants en Asie, essentiellement au Japon. Les procédés de fabrication s’avérèrent très complexes et coûteux. Il fallut attendre 1989 pour qu’une nouvelle démarche voie le jour, utilisant de fines plaques dotées de rainures et de trous pour acheminer les polymères. Le développement de fibres bi-composants est un enjeu important pour le marché des non-tissés, que ce soit pour l’hygiène, le médical ou la filtration, car cette technique permet de marier les fonctionnalités des composants. On distingue trois types de fibres bi-composants : le type side by side (face-à-face), le type core/sheath (âme/gaine) et le type matrice-fibrille. La section croisée des fibres trilobées peut être modifiée de plusieurs façons [45] (figure 36). Les fibres trilobées

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

ont une surface beaucoup plus importante que les fibres à section circulaire. À la différence des fibres rondes, elles se fendent facilement par hydroenchevêtrement. Le cœur de la fibre peut être exposé à la surface, comme il peut être enveloppé par les bords de la fibre.

 Figure 36  Structures de fibres trilobées (bicomponent islands in the sea fibers). (US Patent Application Publication 2006/0292355 A1, Dec. 28, 2006 ; schéma reproduit avec l’autorisation du Nonwovens Institute, NC State University).

La fibre Winged Fiber™, développée par l’Américain Allasso Industries Inc. est une fibre bi-composants en forme d’aile d’oiseau, qui présente une large zone de surface qui peut être fonctionnalisée pour des applications biomédicales. Elle permet la création de structures 3D adaptées à la filtration, en particulier pour la préparation de médicaments aux composants réellement purs.

3.4.2 Les nanofibres et les nano-traitements L’industrie textile se focalise sur deux aspects des nanotechnologies, les fibres et les traitements. Cependant, il est important de comprendre l’incidence des nano-particules sur l’environnement et la santé, avant de laisser prise au lobbying de l’industrie. Ainsi la Commission européenne a publié fin 2011 une première définition des nanomatériaux. Cette annonce marque un progrès important dans la protection des citoyens, puisqu’il s’agit de définir clairement les matériaux qui doivent recevoir une attention particulière dans le cadre d’une réglementation spécifique.

Les nanofibres Les nanofibres sont une nouvelle classe de matériaux utilisés dans des applications à forte valeur ajoutée, comme le médical, la filtration, l’effet barrière, la cosmétique, les vêtements, l’isolation, et le stockage de l’énergie. Les nanofibres ouvrent

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3. Les non-tissés

la voie à de nouvelles applications high-tech, aussi bien pour des produits de grande consommation que pour des usages industriels (séparateurs de batterie, TIC). Leur faible densité, leur large zone de surface (figure 37), leur grand volume poreux leur confèrent des atouts incontestables par rapport aux autres fibres utilisées dans les non-tissés [46], tout spécialement dans les applications de filtration.

 Figure 37  Diamètre des fibres submicroniques et zone de surface.

Les grands leaders mondiaux de l’hygiène, du médical, du transport, de l’énergie voire de la défense concentrent leur attention sur le marché des nanofibres, conscients des enjeux qu’il représente. Ce marché est dominé par de grands acteurs mondiaux des fibres textiles, comme DuPont de Nemours, Teijin, Toray ou Donaldson. Il était estimé à 140 millions de dollars en 2010 [47], et devrait atteindre 2 milliards de dollars en 2020, avec un taux de croissance de plus de 30 % par an. Cette croissance est largement impulsée par l’utilisation de nanofibres dans les structures de non-tissés, fournissant ainsi des filtres plus efficaces. De fait, les applications de filtration ne nécessitent que quelques grammes de nanofibres pour couvrir le substrat de base fait de non-tissés de cellulose ou de polyester. La mise au point de procédés d’électrofilage pour l’élaboration de nanofibres fait l’objet de recherches intenses, avec près de 2 000 publications au niveau mondial en 2012. Aujourd’hui, il reste de nombreux freins à la production de nanofibres. Le processus pour fabriquer des nanofibres sont très coûteux comparativement aux fibres traditionnelles car ces technologies sont encore peu matures. De plus, les vapeurs émises par le solvant nécessaire au filage doivent être isolées et éliminées de façon écologique, ce qui requiert des équipements supplémentaires.

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

Les nano-traitements Les nano-traitements sont aussi l’objet de recherches intenses car les débouchés sont nombreux, sources de nouvelles applications. On peut citer les nano-revêtements multifonctionnels en assemblage couche par couche, ou encore le greffage de nanostructures hybrides sur des fibres textiles, sur lequel travaille le professeur Thierry Hamaide au laboratoire d’Ingénierie des matériaux polymères (IMP), à l’université Claude Bernard Lyon I.

3.4.3 Les nanomatériaux textiles pour soigner, versus les micromatériaux textiles Les nanosciences permettent de mieux comprendre l’organisation et la structure des cellules, jusqu’aux protéines et à l’ADN.

Les nanofibres pour soigner, atouts et risques pour la santé Les nanofibres de carbone sont très prometteuses pour l’imagerie médicale, mais il y a encore d’énormes défis à surmonter, l’un des principaux étant la façon de les produire avec toujours la bonne taille [48]. Historiquement, la mise au point de ces procédés a été coûteuse et chronophage. Ces nanofibres creuses, plus petites que les cellules sanguines, pourraient aussi être utilisées comme vecteur de médicament en libérant des substances médicamenteuses. Les greffes étant assez souvent rejetées par le système immunitaire du patient, il est envisagé d’encapsuler les cellules greffées dans une membrane semi-perméable, constituée d’un matériau rendu biocompatible par l’emploi de nanocomposés sélectionnés. Une autre méthode étudiée consiste à aider un organe défaillant par un implant de taille nanométrique, ou par sa stimulation au moyen d’un maillage nanostructuré. Le tissu pourrait ainsi se régénérer grâce à la création de connexions nanométriques entre les cellules cultivées in vivo, et l’on obtiendrait un ensemble construit et viable, comme cela a été pratiqué pour l’épiderme ou pour le cartilage. Les chercheurs du laboratoire de Physique et Mécanique textiles (ENSISA Mulhouse) travaillent à l’étude de nanofibres pour la fabrication de supports nanostructurés destinés à l’ingénierie tissulaire. [49] Cependant, on ne maîtrise pas encore le comportement et la toxicologie des nanomatériaux. La taille et la mobilité exceptionnelle des nanoparticules font qu’en cas d’ingestion, elles peuvent pénétrer les membranes cellulaires de la muqueuse de l’intestin, avec la possibilité d’accéder au cerveau et d’autres parties du corps, et même à l’intérieur des noyaux de cellules.

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3. Les non-tissés

L’utilisation de microfibres dans des membranes de régénération tissulaire guidée Créée en octobre 2010 par Pierre Layrolle et Valérie Dumay, la société Biomedical Tissues conçoit, développe, fabrique et vend des guides de tissus humains synthétiques en polymères biodégradables (figure 38), ayant une structure comparable aux matrices extracellulaires naturelles (collagène, fibrine, élastine).

 Figure 38   Membrane de régénération tissulaire guidée de Biomedical Tissues (photo Biomedical Tissues SAS).

Le diamètre des microfibres de polymère est généralement compris entre 0,2 et 1,2 micromètre (figure 39).

 Figure 39  Photographie au microscopie électronique à balayage montrant la structure non-tissée en microfibres de polymère biodégradable (autorisation Biomedical Tissues SAS).

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

Cette structure fibreuse est aérée, ce qui permet une bonne adhérence des cellules (figure 40).

 Figure 40  Coupe histologique montrant l’infiltration des cellules souches mésenchymateuses humaines dans la structure de la membrane après 21 jours de culture (coloration hématoxyline/éosine) (photo Biomedical Tissues SAS).

C’est au niveau cellulaire et donc microscopique que se situent les travaux de Biomedical Tissues. C’est une attitude prudente, car on ne maîtrise pas suffisamment encore l’incidence des nanofibres à l’intérieur du corps humain. Pierre Layrolle est aussi coordinateur du projet européen Reborne qui s’inscrit dans les thématiques des biomatériaux et de la thérapie cellulaire et génique du pôle Atlanpole Biotherapies. L’objectif de Reborne est de réaliser des essais cliniques utilisant des cellules souches et des biomatériaux déclenchant la cicatrisation osseuse chez les patients.

La reconstitution de vaisseaux artificiels Les techniques de remplacement vasculaire par des prothèses entièrement synthétiques comme le PTFEe (polytétrafluoroéthylène expansé) ou le Dacron® sont utilisées avec succès pour suppléer à des artères de gros diamètre [50]. Ces vaisseaux artificiels sont d’autant plus efficaces et mieux tolérés si leur revêtement est colonisé par des cellules endothéliales humaines. La porosité du matériau non-tissé permet de faciliter cette colonisation cellulaire. Un biomatériau ainsi « cellularisé » produit une surface dite « hémocompatible », c’est-à-dire limitant le risque d’occlusion et d’inflammation.

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3. Les non-tissés

3.4.4 Les non-tissés dans la dynamique du développement durable À côté de l’industrie des non-tissés, l’industrie papetière a fait d’énormes progrès, et fonctionne quasiment en circuit fermé. Elle traite et recycle ses effluents, elle limite sa consommation d’énergie. Mais qu’en est-il de l’industrie des non-tissés ? A priori, les non-tissés seraient compatibles avec toutes les filières de valorisation des déchets. Le recyclage matière est envisageable car ils sont souvent essentiellement composés de polymères. Une nouvelle granulation est alors possible. Certains non-tissés sont eux-mêmes produits à partir de matières plastiques recyclées, par exemple celle provenant de bouteilles (PET).

La dispersion des produits jetables De plus en plus de produits d’hygiène jetables sont proposés aux consommateurs, comme les lingettes nettoyantes, le papier toilette humide. L’attrait de ces produits pour le consommateur est indéniable, mais leur généralisation suscite également des questionnements quant à leur élimination. Une grande partie de ces produits est évacuée dans les toilettes, donc par les systèmes de transport et de traitement des eaux usées, ce qui constitue la voie d’élimination la plus appropriée. Il est cependant important de s’assurer que ces produits sont « flushable », c’est-à-dire qu’ils peuvent être éliminés de cette façon sans créer de problème. Le Centre technique du papier a créé un laboratoire qui mène des tests pour l’évaluation de la flushabilité des produits d’hygiène jetables fabriqués par la filière industrielle des produits non-tissés (tissues).

Le rôle des non-tissés dans la protection de l’environnement Certains produits non-tissés sont spécifiques à la protection de l’environnement, dans des applications diverses : – la filtration des effluents gazeux et l’absorption des fluides ; – la préservation des sites, la protection contre les risques naturels ; – les agrotextiles qui permettent de réduire l’utilisation de pesticides et d’accroître la productivité ; – les produits d’isolation thermique et phonique. Ce marché présente des perspectives de croissance élevée, car la prise en compte des considérations environnementales et écologiques s’accroît dans chaque segment de notre économie, y compris dans les pays émergents.

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

3.5 Vers une nouvelle génération de textiles

destinés à des applications critiques

3.5.1 Le matériau non-tissé explore les tendances et les grandes questions sociétales Comme son confrère le papier, le matériau non-tissé explore les enjeux, les tendances et les grandes questions sociétales auxquels doit répondre son industrie : la chimie des celluloses, les matériaux biosourcés, les applications pour l’hygiène et la santé, les emballages du futur, l’électronique imprimée et les textiles intelligents, la valorisation des déchets et l’optimisation des procédés industriels. L’industrie des textiles non-tissés s’oriente vers des produits à forte valeur ajoutée, en plus petits volumes, où le moteur est la recherche de performance. La recherche porte sur l’amélioration des fonctionnalités telles que l’absorbance, la résilience, l’élasticité, la douceur, la résistance, et aussi la lavabilité, la filtration, la stérilisation. Ces nouvelles structures non-tissées sont solides et possèdent une zone de surface sensiblement plus importante que celle des tissus existants. Les développements sur les nouveaux non-tissés durables permettront de faire émerger une nouvelle génération de textiles techniques destinés à des applications critiques. Certains développements pourront également impacter les textiles tissés ou tricotés, car les nouvelles fibres mises au point peuvent être filées en filaments ou fibres longues.

3.5.2 La nécessité de nouveaux processus industriels, de nouveaux équipements La mise au point de nouvelles matières rend indispensable la conception de nouveaux équipements, capables de fabriquer ces produits. Cela représente des investissements lourds, inabordables pour les PME qui composent majoritairement cette industrie. Inauguré en octobre 2012, le CETI (Centre européen des textiles innovants) se veut être un centre de prototypage pour la conception de nouveaux matériaux textiles. Véritable centre high-tech, il est doté d’équipements pour la fabrication de non-tissés « voie sèche » et « voie fondue », et de machines de filage tri-composants, permettant de combiner différents moyens de consolidation et de formation de voile. Les entreprises peuvent venir y créer des prototypes de production, afin de tester en vraie grandeur les recherches des laboratoires.

3.5.3 L’ingénierie tissulaire, ou le substrat textile pour reconstruire des tissus humains L’enjeu technologique dans les approches d’ingénierie tissulaire consiste à associer dans une même unité fonctionnelle un matériau de synthèse, d’origine synthétique

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3. Les non-tissés

ou naturelle, et un système cellulaire, dans une architecture à trois dimensions reproduisant le tissu lésé. Le développement de techniques de nano-fabrication devrait permettre de renforcer les interactions entre les cellules endothéliales et le substrat, en cherchant à se rapprocher de l’organisation cellulaire d’un vaisseau natif.

3.5.4 Quand la combinatoire s’en mêle pour décliner à l’infini les structures La particularité des non-tissés est la grande versatilité de leurs procédés de fabrication qui permettent de travailler aussi bien la fibre naturelle, la fibre artificielle ou la fibre synthétique. On peut aussi agir à l’échelle du granulé de polymère pour diversifier les fibres. Seule la finalité d’usage nous impose le cahier des charges pour définir la structure de la matière qui s’y prête. La grande variété de procédés de formation de voiles et de modes de consolidation suggère des possibilités quasi infinies de structures textiles, encore démultipliées par la possibilité de combiner différemment les fibres.

Les mathématiques peuvent surgir de situations ou d’objets concrets. La construction des matières textiles semble propice à l’utilisation de la combinatoire et de la théorie des graphes et des treillis pour décliner à l’infini les structures (figure 41).

 Figure 41  Graphe du treillis mathématique (Z/2Z)3 ; forum d’algèbre, les-mathematiques.net (avec l’aimable accord de M. Emmanuel Vieillard-Baron, Institut de Mathématiques de Bourgogne).

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

« Que l’on cherche à se représenter la figure formée par ces deux courbes et leurs intersections en nombre infini [...], ces intersections forment une sorte de treillis, de tissu, de réseau à maille infiniment serrées; chacune de ces courbes ne doit jamais se recouper ellemême, mais elle doit se replier elle-même d’une manière très complexe pour venir couper une infinité de fois toutes les mailles du réseau. On sera frappé par la complexité de cette figure, que je ne cherche même pas à tracer. Rien n’est plus propre à nous donner une idée de la complication du problème des trois corps et en général de tous les problèmes de la dynamique où il n’y a pas d’intégrale uniforme. » Henri Poincaré, extrait du mémoire sur « le problème des trois corps et les équations de la dynamique »

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Les matériaux composites à base de fibres

Les matériaux composites existent depuis des siècles. L’os et le bois sont des matériaux composites qui existent à l’état naturel. Les os sont constitués de fibres noyées et liées entre elles par des tissus qui assurent un rôle fonctionnel en distribuant les contraintes et en assurant la protection de la structure contre l’environnement extérieur (figure 42). Il est intéressant de noter que les recherches actuelles sur les prothèses osseuses s’orientent vers des matériaux composites organiques-inorganiques, qui se rapprochent de la composition naturelle du tissu osseux dans lequel les fibrilles de collagène contribuent à la rigidité de l’os. Le torchis, fait d’une matrice de boue mêlée d’un renfort de fibres de paille, est probablement l’un des premiers composites fabriqués et utilisés par l’Homme. Dans les pays d’argile comme la Flandre, c’était un matériau de base dans la construction, en substitution à la pierre.

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

 Figure 42  Trame osseuse (microscopie électronique à balayage) (photo Groupe de recherche et d’information sur les ostéoporoses, reproduction autorisée par le GRIO).

4.1 Quoi de neuf depuis l’os et le bois Les pièces en matériaux composites sont réalisées en associant au moins deux composants complémentaires qui combinent ainsi leurs propriétés intrinsèques. Initiée dans les années 1940, l’industrie des composites est relativement récente. Les matériaux composites combinent solidité et légèreté, et apportent une vraie révolution par rapport aux autres matériaux. Ils ont apporté une forte innovation technologique dans le domaine de l’industrie aéronautique et aérospatiale, en permettant d’alléger considérablement les structures, et en simplifiant le nombre des pièces à assembler. Le secteur aéronautique étant un fer de lance pour la France industrielle, les composites s’y développent fortement, représentant un marché de 2 milliards d’euros en 2010, soit 300 000 tonnes, correspondant à 15 % du marché européen des composites [51]. Ce sont de jeunes matériaux qui occupent encore une faible place, de l’ordre de 1,5 % en tonnage, par rapport au monde des matériaux traditionnels comme l’acier, le bois ou le plastique. À partir des années 1980, apparaissent des tissus « composites », c’est-à-dire accolés à d’autres matériaux, voire enduits de résines spéciales, pour renforcer leurs caractéristiques respectives. Ils se sont substitués à des textiles synthétiques traditionnels comme le nylon, rendant leur marché moins attractif, ce qui a conduit le géant

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4. Les matériaux composites à base de fibres

américain du Pont de Nemours à vendre son activité textile à l’Américain Koch industries en 2004. DuPont a ainsi perdu certaines de ses marques les plus connues comme le polyester Dacron®, l’acrylique Orlon®, ou le nylon Antron®.

4.1.1 Définition du matériau composite Un matériau composite est une matière première, ou un alliage, comportant un renfort sous forme filamentaire. Il nécessite l’association intime d’au moins deux composants, le renfort et la matrice, qui doivent être compatibles entre eux et se solidariser, ce qui introduit la notion d’agent de liaison, l’interface. La matrice assure la cohésion et l’orientation des fibres. Elle permet également de transmettre les sollicitations auxquelles sont soumises les pièces. Les matériaux ainsi obtenus sont très hétérogènes et anisotropes (les propriétés physiques varient selon la direction considérée). Les matériaux composites font partie de la famille des matériaux de synthèse [52] (figure 43).

 Figure 43  Arborescence des matériaux de synthèse (d’après Maurice Reyne).

Les caractéristiques mécaniques des composites ne sont réellement connues qu’après fabrication, contrairement aux matières premières classiques, car on réalise le matériau et le produit en même temps. Actuellement, les composés à matrice organique (CMO) représentent la plus grande part des matériaux composites. Il existe aussi des composites à matrice inorganique, métallique (CMM) ou céramique (CMC), dont la diffusion est moindre. La matrice organique est faite d’une résine thermoplastique (TP) ou thermodurcissable (TD), tandis que la structure de renfort est constituée de fibres, qui peuvent être de verre, de carbone, d’aramide (kevlar) ou naturelles (lin, chanvre, sisal, bambou). Ces fibres peuvent être dispersées, tressées, tréfilées, orientées. Des additifs ou charges sont nécessaires pour assurer une adhérence entre le renfort fibreux et la matrice. Ils permettent également de modifier l’aspect ou les caractéristiques de la matière à laquelle ils sont ajoutés : pigments de coloration, agents anti-UV, charges

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

ignifugeantes, isolation thermique ou acoustique [53]. Les matériaux thermodurcissables comme le polyester ou l’époxy sont les plus courants, mais l’utilisation de matériaux thermoplastiques est en forte augmentation car ils sont plus faciles à recycler. Certains procédés de mise en forme ne font pas appel à des fibres et de la matrice séparés, mais à des semi-produits nommés préimprégnés (abrégés en prepregs), c’est-à-dire des plis ou des tissus déjà enduits de matrice semi-solide, fournis sous forme de feuilles ou de rouleaux. Les préimprégnés sont essentiellement utilisés pour les composites à matrices organiques thermodurcissables.

4.1.2 La matrice organique (résine) La matrice a pour rôle de lier les fibres de renforts, répartir les contraintes, assurer la tenue chimique de la structure, et donner la forme désirée au produit final. Deux types de matrices sont utilisés, présentant des propriétés très différentes au vu de leur structure moléculaire (figure 44) : – les résines thermodurcissables (TD), qui sont généralement associées à des fibres longues. Les polymères thermodurcissables ont la forme d’un réseau tridimensionnel. Au cours de la polymérisation, ce réseau se ponte, avec une double liaison de polymérisation, et durcit de façon définitive lors du chauffage selon la forme souhaitée. Cette transformation est irréversible ; – les polymères thermoplastiques (TP), qui se développent fortement et ont une structure linéaire. Mis en forme par chauffage, avec pliage des chaînes polymères, ils durcissent au cours du refroidissement. Leur transformation est réversible, ce qui est un atout important pour le recyclage.

 Figure 44  Structures moléculaires : (a) d’un polymère thermoplastique, (b) d’un polymère thermodurcissable (« Les grandes familles de matériaux composites », Sciences de l’ingénieur, Lionel Gendre, 2011, ENS Cachan ; reproduction autorisée par l’auteur).

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4. Les matériaux composites à base de fibres

Les polymères thermoplastiques sont transformés sans réaction chimique. Leur cadence de transformation est beaucoup plus rapide que celle des thermodurcissables car elle est presque exclusivement liée à leur vitesse de refroidissement. Les plus couramment utilisées sont : – – – – – – –

les polyesters thermoplastiques ; le polyphénylène oxyde ; les polyamides ; les polyacétals (polyoxyméthylène) ; les polycarbonates ; les polyéthers éther cétone (PEEK) ; les polysulfures (PS).

Le chimiste français Arkema a reçu le prix d’innovation JEC 2013 pour de nouvelles résines composites Altuglas®. Ces formulations méthacryliques innovantes ont été mises au point dans le cadre d’un partenariat de R&D entre Arkema et le Pôle de plasturgie de l’Est (PPE). Elles permettent de fabriquer des composites en thermoplastiques méthacryliques, renforcés de fibres continues de verre, de carbone ou de lin, à l’aide des procédés actuellement utilisés dans la fabrication des pièces en composites thermodurcissables. Les composites réalisés ont l’avantage d’être thermoformables en aval et recyclables, tout en offrant de nouvelles possibilités d’assemblage.

Les procédés de fabrication Le procédé de moulage par transfert de résine (RTM, pour Resin Transfer Moulding) est le plus adapté aux filières textiles [54]. Il consiste à transférer de la résine au travers d’une préforme de renforts fibreux. Celle-ci est disposée au préalable dans un moule fermé dans lequel on injecte la résine, avec assistance du vide. Il existe de nombreuses techniques différentes pour fabriquer des matériaux composites, comme le moulage au contact, la projection simultanée au pistolet, le moulage sous vide, l’infusion, la compression de préimprégnés, la pultrusion, l’enroulement filamentaire, l’injection (figure 45). Le choix du procédé se fait selon les critères qui prédominent : la qualité des pièces (qui va de pair avec les coûts de fabrication) ou la vitesse de production (que l’on adapte à la taille des séries).

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

 Figure 45  Principaux procédés de fabrication des composites à fibres longues et matrices thermodurcissables (d’après « Quelques procédés de mise en forme des composites », Sciences de l’ingénieur, Lionel Gendre, 2011, ENS Cachan).

4.1.3 Les fibres des structures Les fibres de verre sont les plus utilisées, dans plus de 80 % des matériaux composites, avec une consommation mondiale de l’ordre de 4 millions de tonnes. Elles permettent d’obtenir une bonne résistance mécanique pour un coût modéré. Les fibres de carbone sont beaucoup plus chères à produire, ce qui fait que le volume de production mondiale est bien moindre, soit environ 42 000 tonnes en 2012. Le coût des fibres carbone est 20 à 25 fois plus élevé que la fibre de verre de type « E ».

Les fibres de verre Le marché des fibres de verre devrait continuer à croître annuellement d’environ 6 % en valeur, pour atteindre 8,4 milliards de dollars en 2015 [55]. En Chine, sont implantés les plus grands producteurs mondiaux. Un petit nombre de producteurs détiennent la majorité du marché dont notamment Saint Gobain, avec ses filiales Vetrotex pour les fibres de renforcement, et Isover pour les fibres d’isolation, ou encore l’Américain Owens Corning, leader pour la fabrication des renforts en fibres de verre, et le Suisse Knauf pour les fibres d’isolation.

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4. Les matériaux composites à base de fibres

On distingue les fibres textiles ou de renforcement (fil continu), des fibres pour l’isolation (courtes et enchevêtrées). Les fibres textiles sont fabriquées à l’aide de filières en platine, alors que les fibres courtes sont obtenues par centrifugation d’un filet de verre tombant sur un disque réfractaire tournant à 4 000 tours/min. Le verre appartient au groupe des matériaux inorganiques non métalliques. Il a une structure cristalline qui lui donne une grande rigidité, la plupart des autres fibres ayant une structure macromoléculaire linéaire. Si le verre utilisé en standard pour la fabrication des fibres de verre de renforcement est un verre borosilicaté dit type E (tableau 7), d’autres compositions verrières ont été élaborées pour répondre à des exigences spécifiques : le verre C est résistant à la corrosion, le verre A/R est destiné à être incorporé aux bétons spéciaux alcali-résistants.  Tableau 7  La composition chimique de la fibre de verre en % en masse (d’après Les verres et l’état vitreux, J. Zarzycki, Masson, 1982).

Fibre de verre

SiO2

B2O3

Al2O3

Na2O

CaO

MgO

54,6

8,0

14,8

0,6

17,4

4,5

Les fibres de verre servent à fabriquer des matériaux composites capables de se substituer à l’acier, en intervenant dans le renfort des bétons ou des polymères. Des équipements de sport aux pare-chocs des automobiles, ce matériau très résistant trouve de multiples applications industrielles. Il permet de réduire le poids des matériaux, tout en améliorant leurs performances. Dans le domaine de la construction, il permet un allègement des structures d’environ 30 % par rapport à l’acier. Ces fibres sont notamment appréciées pour leurs propriétés d’inertie chimique, de résistance aux chocs et d’isolation, voire dans l’optique. En France, le recyclage du verre est organisé depuis 1974. Une partie des fibres d’isolation sont fabriquées à partir du calcin élaboré dans les centres de retraitement.

Les fibres de carbone Les fibres de carbone apportent une résistance supérieure à celle des fibres de verre. Leur coût élevé limite leur utilisation à des applications hautes performances, dans l’aéronautique ou pour certains articles de sport ou de loisirs. Elles sont fabriquées à partir de précurseurs chimiques (fibres synthétiques, brai de charbon ou de pétrole). La plus grande partie de la production, soit 90 %, est réalisée à partir d’un polymère semi-cristallin, le polyacrylonitrile (PAN) [56]. À titre indicatif, il faut fournir une énergie de 286 MJ pour produire 1 kg de fibres de carbone. Innovateur dans l’industrie des composites depuis de nombreuses années, le Français Chomarat a renforcé son offre carbone en investissant dans les procédés de transformation les plus performants. Il fournit des renforts à base de fibres de carbone (figure 46) permettant aux industries de développer le procédé de moulage par transfert de résine et l’infusion pour la fabrication de composites.

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

 Figure 46  Le renfort carbone C-PLY Bi-Angle™ développé par Chomarat (photo reproduite avec la permission de Chomarat).

Les fibres de carbone ne représentent que 10 % du volume de fibres intégrées dans les matériaux composites. La demande mondiale en fibres de carbone était estimée à 11,5 milliards de dollars en 2010 [57], et il devrait atteindre 18,6 milliards de dollars en 2015. C’est un marché en forte croissance (figure 47), avec une demande toujours plus importante pour les matériaux composites utilisés dans l’aéronautique, l’aérospatiale, le domaine militaire, ainsi que celui de l’énergie.

 Figure 47  Prévision de croissance du marché des fibres de carbone pour composites (milliers de tonnes) (données : SGL Group).

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4. Les matériaux composites à base de fibres

Le marché des fibres de carbone est dominé par les Japonais, le leader mondial étant le groupe Toray Industries (figure 48). En France, l’usine Soficar (70 % Toray, 30 % Arkema), située à Abidos dans les Pyrénées Atlantique, fabrique des fibres à partir de PAN. En 2010, la capacité de production était de 5 200 t/an. La France est le premier consommateur en Europe car son secteur aéronautique représente 30 % du marché européen qui est concerné de près par les composites.

 Figure 48  Capacité de production 2011 de fibres de carbone pour composites en milliers de tonnes (leaders mondiaux) (données : SGL Group).

Les autres fibres techniques On utilise encore des fibres d’aramide, assez onéreuses, issues de la chimie organique des polyamides par synthèse chimique à basse température. La plus connue est le Kevlar, marque déposée de DuPont. Les composites renforcés de fibres d’aramide offrent une bonne stabilité en température (jusqu’à 200 °C en fonction de la matrice), mais présentent une adhérence moyenne entre matrice et fibres. Il existe aussi des renforts à base de fibres de polyéthylène haute ténacité, légères (densité de 0,95, contre 1,44 pour l’aramide) et d’une haute capacité de conversion de l’énergie cinétique en énergie thermique, essentiellement utilisées pour la réalisation de blindages ou de protections (gilets pare-balles, casques).

Les fibres naturelles Aujourd’hui, on redécouvre les propriétés des fibres naturelles, telles que le lin, le chanvre, le jute, le miscanthus, le bambou, le kénaf, le sisal. Environ 40 000 tonnes de fibres naturelles sont utilisées dans l’industrie des composites, à 95 % dans

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

l’automobile, et le restant dans la bagagerie. Leur usage devrait exploser pour atteindre 120 000 tonnes en 2020 [58]. En Europe, les biofibres représenteraient déjà une part de 13 % du volume de fibres utilisées, et l’utilisation de ces fibres fait l’objet de recherches intenses, car elles pourraient constituer une solution de remplacement des fibres de verre lorsque leurs propriétés physiques seront mieux maîtrisées. Premier producteur mondial de fibres de lin, soit 70 % du lin mondial, la France a un atout important à jouer, en réorientant les applications du lin vers les « écomatériaux ». Actuellement, 90 % du lin produit est utilisé dans la filière textile classique en étant transformé dans des pays à faible coût de main-d’œuvre, et l’augmentation actuelle des surfaces de cultures de lin en Chine représente un risque majeur pour les producteurs normands.

4.2 Structures composites et développement

durable

Les déchets de production des composites représentent des volumes considérables. En France, il s’agit de 30 000 tonnes par an, soit 10 % du marché français des composites. En fin d’usage, la plupart des composites, à base de polymères thermodurcissables, sont difficilement recyclables. Une solution préconisée par la filière de retraitement européenne ECRC (European Composite Recycling Service Company) consiste à broyer les matériaux pour les réintroduire sous forme de fragments dans les fours de cimenterie, ou dans les bétons (pour les fibres de verre), ce qui leur procure des propriétés mécaniques et d’anti-fissuration. On peut aussi les broyer en poudre pour les intégrer dans le processus de fabrication des thermoplastiques, en remplacement des charges minérales naturelles.

4.2.1 Le recyclage des composites La fin de vie des composites pose des problèmes de recyclage, car ils sont faits d’un mélange quasi indissociable de résine organique et de fibres. Il est même difficile de séparer les fibres issues de sources différentes (carbone, verre, lin). Même si l’on utilise de plus en plus des résines issues des agro-matériaux, les composites ne sont pas biodégradables et nécessitent un recyclage spécifique. Les procédés actuels peinent à valoriser les différentes matières utilisées pour la fabrication des composites (figure 49). En mars 2011, onze pôles de compétitivité français ont signé une charte nationale sur le recyclage des composites, définissant une feuille de route à l’horizon 2014.

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4. Les matériaux composites à base de fibres

 Figure 49  Les procédés actuels de recyclage des composites peinent à valoriser les différents matériaux (source : Plastipolis).

Le projet AERDECO (Aéronautique Déchets Composites) Démarré en 2008 en partenariat avec Dassault aviation, le projet AERDECO a eu pour but de développer la filière de recyclage des déchets composites aéronautiques par dépolymérisation chimique. Il se décompose en deux parties : – l’étude économique et organisationnelle de la filière (nature des gisements de déchets, logistique, flux de matière en aval du traitement et réinsertion dans une boucle industrielle) ; – l’étude du procédé de solvolyse pour les composites (figure 50), avec caractérisation des fractions liquides et solides, tests de réutilisation des fibres dans un nouveau composite, validation du procédé à l’échelle industrielle.

 Figure 50  Schéma de principe du procédé de solvolyse, projet AERDECO (source : Compositec).

De nouveaux composites ont été fabriqués à partir des fibres recyclées qui disposent de propriétés mécaniques proches des composites de départ, ce qui confirme le potentiel de cette technologie. Une analyse du cycle de vie a été réalisée, qui a mis en évidence le bénéfice environnemental qu’apporte le recyclage par solvolyse qui

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

permet de séparer les matériaux (fibres, matrice) pour des valorisations futures. Un réacteur pilote permettra de traiter des quantités significatives de composites et de valider le procédé dans des conditions pré-industrielles. Cependant, la démarche d’éco-conception des composites, qui a pour objet de permettre la séparation, avant leur recyclage, des divers matériaux constituant les produits en fin de vie, devrait se trouver rapidement compliquée par la miniaturisation croissante des composants.

4.2.2 Les composites à base de produits recyclés Certains composites sont déjà fabriqués à partir de matériaux recyclés. Coordonné par le CTP (Centre technique du papier), le projet MATREC consiste à démontrer la faisabilité technique et économique de l’utilisation des fibres recyclées et des boues papetières comme matières premières pour l’élaboration de bio-composites et de nouveaux matériaux de construction. Il permettra de développer de nouveaux produits qui intègrent des fibres recyclées, en fédérant les compétences au-delà de l’industrie papetière. Cette utilisation permettra ainsi de réduire le volume de déchets de papier produits.

4.2.3 Les biocomposites Les atouts des biocomposites Les composites à fibres naturelles présentent des gains environnementaux par rapport aux matériaux conventionnels, à matrice seule ou en fibres de verre. Aujourd’hui, les biocomposites sont surtout utilisés dans le secteur de la construction où l’on encourage l’usage de matériaux respectueux de l’environnement. Leur diffusion est parfois freinée par les contraintes de certification et les lobbies existants. Leur usage se répand aussi dans les secteurs de l’automobile et des biens de consommation. Le marché mondial des composites à base de fibres naturelles était estimé à 2,1 milliards de dollars en 2010 [59]. On prévoit une rapide augmentation de la demande en fibres et résines naturelles, avec un marché des biocomposites qui pourrait croître de 10 % par an d’ici cinq ans. De nombreux laboratoires cherchent à développer de nouvelles résines biodégradables, et travaillent sur les caractéristiques des fibres naturelles, dont le potentiel de renouvellement semble a priori illimité.

Le dilemme de l’utilisation des terres cultivables pour les matières premières On constate une forte croissance de la consommation de fibres synthétiques qui représentent 60 % de la consommation globale de fibres, avec un volume estimé à 48 millions de tonnes en 2012. Selon le cabinet PCI fibres, le ratio des fibres obtenues par synthèse chimique sera de 75 % en 2030, soit un volume de 80 millions

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4. Les matériaux composites à base de fibres

de tonnes, la consommation de fibres augmentant de 2,5 % par an, pour atteindre 14 kg par personne en 2030. La teinture des textiles nécessite aussi l’usage de produits chimiques et de produits auxiliaires pour en favoriser le procédé, qu’elle soit dans la masse, ou pigmentaire, ou que le colorant soit diffusé après dissolution. Les principales structures chimiques de colorants – selon la nature du chromophore – sont azoïques, anthraquinoniques, indigoïdes, polyméthiniques. Il y a aussi les colorants du diphénylméthane et du triphénylméthane, les phtalocyanines, les colorants nitrés et nitrosés. Malgré tout, la dépendance des textiles vis-à-vis du pétrole doit être relativisée, car la production de bases pétrochimiques (polymères, solvants, détergents, teintures…) n’utilise qu’environ 3,5 % du pétrole raffiné. Plusieurs filières portant sur des usages primaires non énergétiques s’engagent dans une logique de substitution des sources de matières premières fossiles. En France, la surface agricole utile (SAU) représente environ 29 millions d’hectares, soit 54 % du territoire national. La chimie du végétal et les néo-matériaux fibreux et polymères nécessitent l’exploitation de 500 000 hectares. C’est une filière prometteuse, bien qu’encore peu mature et compétitive, qui représente environ 5 % des nouveaux matériaux, avec un objectif de 10 % en 2025 défini par le Grenelle de l’environnement [60]. Pour le lin et le chanvre, les surfaces cultivées en France sont respectivement de 75 000 et 8 000 hectares par an. Aujourd’hui, il y a aussi un regain d’intérêt pour les teintures naturelles à base d’extraits de plantes, et la guède est à nouveau cultivée en Angleterre et en France. Sans être illimitées, les bio-ressources de notre planète sont importantes et flexibles. Elles constituent nos aliments, mais elles vont redevenir des sources sobres de matériaux, de molécules et d’énergies comme elles le furent autrefois. Cependant, le développement des technologies, des filières et des politiques de valorisation de la biomasse peut entraîner des concurrences d’usages non maîtrisées entre les différents marchés (alimentation versus bioressources/chimie), avec des risques de tensions sur les prix. Il faut organiser la gestion raisonnée et l’utilisation équilibrée des bio-ressources en cherchant des synergies entre filières et entre politiques publiques, et surtout en sécurisant les filières alimentaires. On note que les valorisations « matière » de la biomasse créent plus de valeur ajoutée que les bioénergies, tout en prolongeant la fonction « puits de carbone » de la biomasse. Les biomatériaux peuvent être recyclés, voire être valorisés énergétiquement en fin de vie. Selon la FAO, la superficie mondiale des terres cultivées est estimée à 1 650 millions d’hectares, soit 11 % de la surface (figure 51) de la planète. Les céréales en occupent un ratio de 55 %, et apportent environ la moitié de l’énergie et des protéines alimentaires de l’humanité [61]. En 2050, il faudrait entre 400 et 600 millions d’hectares, agricoles ou forestiers, dédiés à la production de « carbone vert » dans le monde pour répondre au quart des besoins de l’après pétrole, alors que, dans le même temps, il faudrait doubler la production agricole alimentaire mondiale. Il faut aussi tenir compte de la pression urbaine croissante, qui fait que le ratio mondial de surfaces agricoles cultivées par habitant, qui était de 0,5 ha par habitant en 1950 [62], ne serait probablement plus que de 0,2 ha par habitant en 2040.

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

 Figure 51  Les différents types de couverture ou d’usage des terres de la planète (% des terres émergées) (données : SAGE, GTAP).

L’adaptation de la filière fibres végétales en France Dans chaque secteur industriel, il existe des produits qui valorisent un ou plusieurs types de fibres végétales [63]. Celles qui sont disponibles en France pourraient permettre de couvrir l’ensemble des besoins actuels ou futurs (figure 52).

 Figure 52  Synthèse des usages actuels ou futurs en fonction des fibres végétales disponibles en France (données : ADEME, FRD).

À l’origine, les fibres végétales étaient principalement destinées au marché du textile (lin), du papier (lin, chanvre), ou du paillage. Aujourd’hui, les producteurs essaient de diversifier leurs débouchés, tout particulièrement sur les marchés de l’isolation, du béton, ou de la plasturgie (figure 53).

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 Figure 53  Degré de maturité des différents produits utilisant les fibres végétales (à droite, les produits de moins en moins utilisés, à gauche, les produits émergents) ; source : ADEME, FRD.

4. Les matériaux composites à base de fibres

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

L’émergence d’une filière du lin technique en France Il faut étudier l’adaptation de la production végétale pour faire un lin technique destiné à de nouvelles applications. Cela implique de travailler sur la sélection variétale, les nouvelles espèces, la conduite culturale spécifique, comme le stress hydrique, en concertation avec les agronomes, les semenciers, les biologistes de la matière végétale. Crée en 2009, l’association française FiMaLin [64] a lancé le projet Fiabilin portant sur l’industrialisation des composites thermoplastiques biosourcés hautes performances à renfort en fibres de lin. Ce projet contribue à l’émergence d’une filière du lin technique dédiée en France, et est co-labellisé par les pôles Mov’éo et EMC2. Le projet Sinfoni a été sélectionné en juillet 2012 dans le cadre des Investissements d’avenir au titre des projets structurants des Pôles de compétitivité. Son objectif est de structurer la filière fibres techniques végétales « lin et chanvre à usage matériaux ». Sinfoni va tenter de réunir les acteurs de l’ensemble de la chaîne de valeur, dotés d’un fort savoir-faire en la matière. Il a été impulsé par la société Fibres recherche développement (FRD), l’École nationale supérieure des mines de Douai et l’ENSAIT. En ouvrant la voie aux éco-composites, le lin pourrait devenir la 3e fibre utilisée dans les composites. Quelques chiffres sur la filière française de lin en 2012 : 6 000 liniculteurs, 1 500 emplois directs, 290 millions d’euros de chiffre d’affaires. La Normandie, première région européenne de production de lin fibre longue.

4.3 Le textile permettant de fonctionnaliser

la matière (de nouvelles performances grâce à la présence du textile)

Les composites haute performance connaissent un fort taux de croissance et sont une opportunité pour les fabricants de textiles techniques. Les facteurs qui modulent les propriétés mécaniques, électriques, chimiques, photochimiques ou thermiques des composites sont : – les propriétés de la matrice ; – la longueur des fibres et leur proportion ; – les températures de transition et de fusion dans le cas des thermoplastiques. Les propriétés mécaniques sont très dépendantes des fibres employées (type, répartition, taux, longueur, diamètre, ensimage). L’élaboration des composites renforcés par des fibres a bénéficié des acquis de l’industrie textile qui possédait son vocabulaire propre, ses normalisations nationales et internationales, son expérience et ses installations industrielles pour la plupart déjà amorties.

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4. Les matériaux composites à base de fibres

L’industrie textile propose aux transformateurs des tissus de différents types (taffetas, satin, serge) qui diffèrent par leurs masses surfaciques, des tricots, des feutres aiguilletés, des tresses, des mats de verre à filaments continus, des voiles de surface. Il existe aussi des renforts fibreux dans lesquels les monofilaments sont organisés dans 3, 4 ou même 5 directions. La plupart de ces semi-produits mono- ou bidimensionnels peuvent être fournis par des sous-traitants, ou préparés par des transformateurs sous forme de préimprégnés, plus faciles à mettre en œuvre et qui doivent être stockés à froid.

4.3.1 Le rôle des fibres et filaments Les composites monocouches sont l’élément de base de la structure, qui peut être constituée de fibres longues, de fibres courtes, ou de fibres tissées. Les producteurs de fibres et les entreprises de l’industrie textile ont uni leurs efforts pour mettre à la disposition des plasturgistes des éléments de renforcement fibreux adaptés aux besoins, selon différentes formes : – fils constitués de filaments continus (silionne pour le verre). Le fil de base contient de 50 à 2 000 filaments en fonction du nombre de trous de la filière ; – fils constitués de filaments discontinus provenant d’un filage pneumatique (verrane pour le verre ; – stratifils ou rovings, qui se présentent sous forme d’assemblages parallèles et sans torsion de fils de base ; – fils coupés (3 à 25 mm) et fibres broyées (0,1 à 0,5 mm). Les fibres vont aussi différer par leur ensimage, et le traitement qui leur est appliqué. L’ensimage est une émulsion aqueuse contenant des composés organiques qui peuvent être utilisés comme agents lubrifiants, collants, mouillants ou émulsifiants. Pour la fabrication des composites de hautes performances, on utilise surtout les fibres continues, comme les fibres de carbone, d’aramide et même de verre R. Les fibres peuvent être associées dans des hybrides qui permettent de combiner leurs propriétés (résistance à l’impact du Kevlar, rigidité du carbone, conductivité électrique des fibres métalliques).

4.3.2 Le rôle des structures textiles Dans les matériaux composites à renfort tissés, le choix du type de matrice et de renfort ainsi que l’arrangement des fibres sont fonction des propriétés finales recherchées (propriétés mécaniques, aspect de surface). En revanche, le choix de la mise en œuvre dépend de la pièce à réaliser et de sa géométrie.

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

La géométrie des structures textiles Les structures composites sont anisotropes. La plupart des renforts travaillent bien en traction, mais offrent de moins bonnes performances en compression et cisaillement. Il est donc impératif de jouer à la fois sur la texture et la géométrie des renforts pour créer une architecture adaptée. Il existe différentes géométries et textures de renforts, ou trames textile : – textile unidirectionnel (UD), où les fibres sont assemblées parallèlement les unes par rapport aux autres à l’aide d’une trame très légère ; – toile ou taffetas, où les nombreux entrecroisements successifs génèrent un embuvage important (raccourcissement des fils de chaîne) et réduisent les propriétés mécaniques ; – serge, où l’armure est de plus grande souplesse (le taffetas a une plus forte densité de fils) ; – satin, où les tissus sont assez souples et adaptés à la mise en forme de pièces à surfaces complexes ; – hybrides. Les géométries les plus utilisées sont explicitées dans la figure 54.

a) Taffetas

Chaque fil de chaîne passe dessus puis dessous chaque fil de trame, et réciproquement

b) Serge 

Chaque fil de chaîne flotte au-dessus de (n) fils de trame et chaque fil de trame flotte au-dessus de (m) fils de chaîne

c) Satin

Chaque fil de chaîne flotte au-dessus de (n – 1) fils de trame et réciproquement

 Figure 54  Schémas des principales armures utilisées dans les structures de renfort (taffetas, serge, satin).

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4. Les matériaux composites à base de fibres

Les préformes textiles Les préformes textiles donnent la dimension dans l’espace. Les composites stratifiés sont constitués d’un empilement de monocouches, l’orientation des couches les unes par rapport aux autres permettant d’obtenir des propriétés mécaniques spécifiques. À travers leur microstructure de fibres, les composites textiles offrent un large panel d’innovation, avec la possibilité de créer des éléments adaptés aux performances désirées. Les fibres sont regroupées pour former des mèches ou torons [65], disponibles à échelle mésoscopique, qui servent à la confection de la préforme macroscopique. Selon les performances désirées pour le composite, on choisira la préforme textile adéquate (figure 55) : – les préformes bidimensionnelles se composent d’un empilement de plis indépendants l’un de l’autre. Le transfert de charge est réalisé principalement dans les deux directions du plan. Les structures textiles sont les tissus, les tricotés, les tressés et les triaxiaux ; – les préformes tridimensionnelles permettent d’assurer un transfert de charge selon les trois directions de l’espace. Les structures sont les mêmes, avec les cousus en plus.

 Figure 55  Gamme type de préformes textiles répandues dans le domaine des structures composites.

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

Les formes tressées sont également utilisées (figure 56). Elles sont très efficaces pour les pièces soumises à de fortes torsions (arbre moteur, convertisseur, moyeu).

 Figure 56  Procédé de tressage et bande tressée (source : Euratex).

4.3.3 Quelques exemples de composites spécifiques Les renforts multiaxiaux La technologie multiaxiale apporte une meilleure flexibilité dans la conception et la réalisation de textiles techniques multicouches. La fabrication de tissus multiaxiaux nécessite des machines spécifiques, et l’on ne compte que deux constructeurs de machines qualifiés dans le monde (Karl Mayer et Liba). Le Français Ferlam Technologies développe un complexe multiaxial de fibres de carbone craquées permettant de réaliser pour un coût accessible des préformes présentant d’excellentes caractéristiques de résistance dans différents axes et qui, de plus, peuvent être embouties (figure 57). Cette technologie se pose en solution économique crédible à la réalisation d’éléments de carrosserie dans le marché automobile, plus légers, donc permettant une réduction significative des consommations et recyclables.

 Figure 57  Test du coin de malle (complexe multi-axial) Ferlam Technologies (photo reproduite avec l’autorisation de Ferlam Technologies).

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4. Les matériaux composites à base de fibres

Les matériaux composites renforcés par couture Au cours des dernières années, les composites stratifiés ont progressivement remplacé les solutions structurales métalliques en aéronautique, du fait de leur faible densité. La structure des nacelles est un bon exemple de cette transition puisqu’elle est essentiellement composée de composite à matrice organique et à renfort fibreux en carbone. C’est une structure circulaire qui entoure les moteurs d’avions, étudiée pour répondre à plusieurs exigences. Elle doit faciliter le passage des flux d’air, atténuer le bruit du moteur, faciliter le freinage de l’aéronef et assurer la sûreté des vols. Ces matériaux composites stratifiés sont capables de reprendre des efforts mécaniques importants dans leur plan de stratification, ou sens des fibres. Cependant leur comportement hors plan, ou dans l’épaisseur, est leur principale faiblesse, notamment lors d’impacts. L’apport des coutures est un moyen prometteur pour renforcer la cohésion de la stratification. Il faut cependant garder à l’esprit que l’ajout de coutures dans l’épaisseur impacte les propriétés dans le plan. Le passage de l’aiguille crée des modifications structurelles au niveau du renfort fibreux qu’il convient de caractériser. Des recherches sur cette problématique sont actuellement en cours à l’université technologique de Compiègne. Elles s’inscrivent dans un programme de recherche sur les composites (PRC), financé par la DGAC (Direction générale de l’aviation civile) et impliquant les sociétés du groupe Safran, l’ONERA et le CNRS.

Les médias de filtration Une nouvelle génération de médias composites émerge aujourd’hui. Chaque couche y a sa propre fonction, qu’il s’agisse d’assurer la solidité nécessaire, l’efficacité de la filtration, la capacité de récupération de la poussière ou des propriétés antibactériennes. La combinaison de différentes techniques dans un média composite ouvre la porte à de nouvelles applications garantes d’une meilleure performance. L’utilisation de nanofibres de polymères permet d’améliorer la protection contre les microgouttes d’agents chimiques, les aérosols biologiques, les poussières radioactives. La performance du composite va dépendre de l’architecture du textile après sa finition.

4.3.4 La normalisation des composites Il n’existe pas actuellement de norme européenne générique pour les matériaux composites. De nombreux essais pratiqués sur les plastiques homogènes peuvent être appliqués aux composites. Cependant des essais spécifiques ont été mis au point et normalisés pour tenir compte des particularités des composites (anisotropie, problèmes d’interface fibre-matrice, fragilité des renforts). Le besoin de méthodes d’essais de caractérisation s’impose pour le calcul et pour le contrôle de qualité. Les instances normalisatrices au sein de l’AFNOR, et de l’ISO TC 61 au plan international, se sont montrées très actives en ce qui concerne les plastiques et plus encore les composites. On trouve des normes AFNOR, des recommandations ISO, des normes européennes EN ou américaines ASTM, qui concernent la réalisation

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

de plaques, le taux de fibres et de charge, le taux de vide, les propriétés instantanées en traction, en compression et en flexion. Le secteur des composites entre dans le champ de compétences du CoS Ingénierie industrielle, biens d’équipement et matériaux. Des actions de collaboration ont été menées avec les pôles de compétitivité Plastipolis et EMC2, pour la normalisation des plastiques et des composites. Après avoir été un axe majeur de 2011-2012, la normalisation se poursuit dans le champ des matériaux composites. Outre la cartographie des normes existantes, validée en 2012, de nouveaux travaux ont abouti, par exemple sur les panneaux sandwichs pour les carrosseries industrielles, de nouvelles traverses en matériaux composites à matrice polymère pour les applications ferroviaires [66]. S’ajoute une instruction pour l’ouverture de nouveaux travaux liés aux équipements de fabrication des produits en matériaux composites. Un document normatif important a été publié en 2012. Il s’agit de la norme NF T 57-950-1 et 3 qui concerne les panneaux sandwichs pour carrosseries industrielles et cellules fixes : – partie 1 : panneaux avec revêtements en composites ; – partie 3 : guide de mise en œuvre des panneaux sandwichs avec revêtements en matériaux composites renforcés de fibres à matrice thermodurcissable. Un nouveau champ a été ouvert en 2010 sur les bioproduits et la normalisation des biopolymères et bioplastiques réalisée au sein du Cen/TC 249 Plastiques, l’utilisation de fibres naturelles comme renforts des composites plastiques, avec la création en 2011 du Cen/TC 411 Produits biosourcés. Les normes prévues en 2013 sont les suivantes : – NF F 01-281 Matériel roulant ferroviaire – pièces en matériaux composites, à matrice thermodurcissable, renforcés de fibres et/ou avec charges particulaires – spécifications, qualification et évaluation de la conformité (commission mixte BnF-Bnpp) ; – NF EN 16245 Composites plastiques renforcés de fibres – déclaration des caractéristiques des matières premières.

4.4 Des modèles de matériaux adaptés

aux propriétés désirées (ou sur mesure) « … une stricte subordination des questions d’enjolivement à celles d’une structure organique des choses ; la conviction intime que tout objet usuel doit tirer sa beauté de l’ordonnance rythmée des lignes, avant tout asservies au but pratique qu’il s’agit de remplir ». La Culture artistique en Amérique, Siegfried Bing, 1896

Dans le tissu de décoration Alicia 92 champagne®, les lignes s’entrecroisent ou se superposent dans une grille improbable. Un design contemporain est créé, utilisant

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4. Les matériaux composites à base de fibres

une méthode traditionnelle de guipure, sorte de broderie sans support (figure 58), ouvrant de nouvelles perspectives dans l’aménagement de l’habitat.

 Figure 58  Tissu Alicia 92 champagne® de Nya Nordyska (photo reproduite avec l’autorisation de Nya Nordyska).

Les atouts des matériaux composites

Les matériaux composites ont des atouts importants par rapport aux matériaux traditionnels. Ils apportent de nombreux avantages fonctionnels (légèreté, résistance mécanique et chimique, maintenance réduite, liberté de formes) : – ils permettent d’augmenter la durée de vie de certains équipements grâce à leurs propriétés mécaniques et chimiques ; – ils contribuent au renforcement de la sécurité grâce à une meilleure tenue aux chocs et au feu ; – ils offrent une meilleure isolation thermique ou phonique et, pour certains d’entre eux, une bonne isolation électrique ; – ils enrichissent aussi les possibilités de conception en permettant d’alléger des structures et de réaliser des formes complexes, aptes à remplir plusieurs fonctions. Ces performances remarquables sont à l’origine de solutions technologiques innovantes dans la plupart des marchés d’application (automobile, bâtiment, électricité, équipements industriels…).

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

4.4.1 Les composites comme outil de créativité et de compétitivité Les matériaux composites à matrices polymères offrent aux industriels et aux designers des possibilités nouvelles d’associer fonction, forme et matériaux, dans leurs réalisations, en visant des systèmes de plus en plus performants. Poids, anisotropie, plurifonctionnalité sont des atouts des composites. Des processus nouveaux de conception, d’industrialisation et de fabrication permettent d’étendre les possibilités techniques, et de mieux satisfaire des besoins parfois contradictoires (poids/ fonctions) auxquels les matériaux homogènes classiques répondent difficilement. Il est nécessaire d’améliorer encore la caractérisation des matériaux, en particulier pour pouvoir augmenter la longévité des pièces grâce à une meilleure connaissance du comportement au vieillissement des matériaux composites. Dans la nomenclature française des activités industrielles, les composites sont intégrés dans le vaste secteur des matières plastiques (groupe NAF 25.2). Cependant, les études sectorielles existantes prennent peu en compte la spécificité des matériaux composites. Pourtant les technologies de transformation des composites diffèrent notablement des technologies de moulage qui sont principalement utilisées dans la transformation des plastiques (injection). L’industrie des composites est multi-matériaux, ce qui fait qu’elle est en forte relation avec les autres secteurs industriels, à la différence de la métallurgie et de l’industrie de la transformation des plastiques qui concernent davantage des mono-matériaux. L’industrie des composites est indissociable de l’industrie textile.

Comparaison entre composites et métaux En cas de traction dans le sens des fibres, les résistances à la rupture massique des composites unidirectionnels sont nettement supérieures à celles des métaux7. Cependant, plus on essaie de se rapprocher de l’isotropie, moins la comparaison des propriétés mécaniques massiques des composites est avantageuse. Il est important de noter que, contrairement aux alliages métalliques, il est encore hasardeux de se fonder sur les caractéristiques mécaniques d’une pièce en composite pour en calculer une autre à partir du procédé initial d’élaboration.

7.  Voir en annexe A3 le tableau de comparaison des caractéristiques de matériaux composites et de métaux.

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4. Les matériaux composites à base de fibres

4.4.2 La segmentation du marché des composites On distingue généralement deux types de composites à matrice organique (CMO) : – les composites à grande diffusion, peu coûteux et représentant près de 95 % des composites fabriqués de type CMO, utilisés pour toutes sortes de pièces faiblement sollicitées ; – les composites à haute performance, plus onéreux mais présentant des qualités mécaniques supérieures, notamment employés dans l’aéronautique, le nautisme, les sports et loisirs ou encore la construction industrielle. Le marché mondial des composites est estimé à 108 milliards de dollars en 2012, pour un volume de 9,2 millions de tonnes, et connaît une croissance annuelle dynamique, de l’ordre de 6 % [67]. Les secteurs de l’aéronautique (croissance de 10 %) et de l’éolien (croissance de 8,5 %) tirent le marché avec une forte valeur ajoutée sur les matériaux (figure 59), alors que les transports et la construction restent les plus gros consommateurs en volume.

 Figure 59  Prévision de croissance du marché mondial des composites par secteur d’application (2012-2017) (données : Lucintel 2012).

La segmentation de la filière en valeur, pour chaque activité, de l’amont vers l’aval : – – – –

30 % pour la fabrication des matières premières, comme les résines ou les fibres ; 10 % pour la fabrication des produits semi-finis, tels que les tissus ; 55 % pour la fabrication des produits finis ; 5 % pour le commerce de gros.

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

L’industrie des composites en France En France, les entreprises se consacrant à la transformation des composites sont souvent des PME, comme dans l’industrie des textiles techniques, ce qui donne un marché assez hétérogène, dominé par le secteur des transports (tableau 8), où l’on trouve les plus grands transformateurs, comme Plastic Omnium, Faurecia, ou Hutchinson.  Tableau 8  Répartition du marché français 2012 des composites, par domaine d’application, en volume, et entreprises leaders des composites en France (données : JEC Composites). Domaine

Part volume

Entreprises leaders

Transports

32 %

Renault, PSA, Alstom

Construction

21 %

Bouygues, Vinci, Eiffage

Énergie E&E

15 %

EDF

Biens de consommation

10 %

Rossignol, Salomon

Éolien

7 %

Vestas, GE Wind, Garnese

Tubes, réservoirs

7 %

Total, GDF-Suez

Aérospatial

4 %

EADS, Dassault

Marine

4 %

Bénéteau, Dufour, Fontaine Pajot

Les composites dans le monde L’industrie des composites croît au même rythme que le produit intérieur brut des pays. Sa position s’est affirmée sur le marché des matériaux, au même titre que l’acier ou l’aluminium. Depuis les dernières décennies, l’industrie mondiale des composites a connu un taux de croissance annuel moyen d’environ 8 % en volume. Cette rapide progression repose principalement sur la force d’innovation du secteur, pour répondre aux besoins d’un marché toujours plus exigeant en termes de ratio coûts/qualité/durabilité. L’industrie des composites poursuivra sa croissance à un rythme soutenu sur le long terme. Dans le domaine des transports, les composites sont de plus en plus utilisés en substitution à d’autres matériaux, à des fins d’allègement de structure. En développant fortement ses infrastructures, l’Asie est un élément moteur de la croissance du marché dans le domaine du BTP et de la construction (figure 60). Le marché de l’éolien est boosté par les nouvelles réglementations sur l’énergie renouvelable, et l’Europe a atteint aujourd’hui un haut degré de technicité dans ce secteur qu’elle entend valoriser [68].

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4. Les matériaux composites à base de fibres

 Figure 60  Répartition du marché 2011 des matériaux composites en volume, par application, et selon les régions du monde (données : JEC Composites).

4.4.3 Les grandes tendances du marché des matériaux composites Le secteur des transports terrestres a le plus faible taux de pénétration sur le marché des matériaux composites (figure 61), soit 3,6 %, dû à un facteur prix défavorable par rapport aux autres matériaux, avec un écart supérieur à 20 %. Parmi les secteurs émergents, le secteur médical a un fort potentiel, avec de très petits volumes et une énorme valeur ajoutée. Les composites prennent le pas sur un nombre croissant de matériaux et ils répondent aussi à de nouveaux challenges en termes de suivi et d’évolution des matériaux. Ainsi, la création de matériaux intelligents, capables de s’auto-évaluer et d’auto-réparer les éventuelles dégradations de structures, serait une étape majeure

111

Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

pour favoriser la pénétration des marchés des composites. Déjà, la NASA (North American Space Agency) a développé des prototypes de matériaux composites capables de résoudre eux-mêmes des problèmes de déformation ou de fissures du matériau, par effet mémoire de la structure du polymère. Ce phénomène est activé par la chaleur et permet au matériau de retrouver sa forme initiale et de combler lui-même ses dégradations.

 Figure 61  Le taux de pénétration des matériaux composites sur les différents segments marchés, estimation 2012 (données : Lucintel).

Aujourd’hui, l’Europe a le plus haut taux d’automatisation des procédés de mise en œuvre des composites. La technologie européenne s’illustre dans le domaine des logiciels de CAO, avec des entreprises spécialisées dans les solutions d’automatisation et de robotique. Le projet TIPCO, co-labellisé par les pôles de compétitivité Plastipolis et Techtera, a été engagé pour le développement de processus de fabrication industrielle en grande série. Ce projet concerne de nouveaux types de composites à renfort textile et à matrice minérale pour des applications dans le bâtiment et le génie civil. Un enjeu important est l’amélioration de l’automatisation des processus de fabrication pour permettre une production de masse.

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4. Les matériaux composites à base de fibres

4.4.4 Focus sur les composites dans le secteur de l’automobile Les composites à base de fibres de carbone sont au cœur de la stratégie des grands constructeurs automobiles. Ils présentent de nombreux atouts comme : – l’allègement de poids ; les composites en fibres de verre (GFRP) réduisent le poids des éléments de 20 à 30 %, là où les composites en fibre de carbone (CFRP) le réduisent de 40 à 60 % ; – l’excellente résistance à la corrosion ; – la durabilité supérieure à la fatigue ; – les économies de coût pour le design et le système de conception. Cependant, il reste des freins majeurs à lever, tels que le coût élevé des matériaux et la nécessaire amélioration des processus pour la fabrication industrielle. Les constructeurs automobiles ont conclu des joint-ventures (tableau 9) avec les fournisseurs de fibres de carbone pour sécuriser leurs approvisionnements en matières (fibres), et conforter la recherche visant à mettre au point de nouveaux processus de fabrication de composites (économie de carburant).  Tableau 9  Exemples d’alliances entre fournisseurs de fibres de carbone et constructeurs automobiles, année 2011 (données : SGL, T3Nel). Fournisseur de fibres de carbone

Constructeur automobile

Type d’alliance

Description

Toray

Daimler

Joint-venture

Fabrication de pièces d’automobile en CFRP

SGL Carbon

BMW

Joint-venture 51/49

Fabrication de pièces d’automobile en CFRP

SGL Carbon

Volkswagen

Acquisition de parts SGL

VW a acheté 8 % des parts de SGL Carbon

Toho Tenax

General Motors

Partenariat

Co-développement de technologies pour améliorer l’économie de carburant

SGL Carbon

Benteler AG

Joint-venture 50/50

Acquisition de Fisher Technologies GmbH (Autriche)

SGL Carbon

Brembo SPA (Italie)

Joint-venture 50/50

SGL Carbon

Mitsubishi

Joint-venture 33/67

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

À la fin 2011, les constructeurs automobiles BMW et PSA avaient monté une coentreprise, la BPCE (BMW Peugeot Citroën Electrification), qui avait pour objectif le développement de véhicules hybrides. Mais PSA a revendu à BMW ses parts dans la joint-venture, qui se retrouve totalement intégrée à BMW. Avec ce repli d’un de ses outils industriels, PSA risque de ne devoir compter que sur lui-même pour développer ses véhicules hybrides. La performance prix des composites fibres naturelles dans l’automobile

L’utilisation de fibres naturelles comme renfort de matériaux composites se justifie à la fois pour valoriser une ressource locale, et pour développer des matériaux et des technologies permettant de réduire les impacts sur l’environnement. Selon les travaux menés par le professeur Christophe Baley à l’université de Bretagne-Sud, les performances des composites fibres naturelles sont tout à fait comparables à celles de l’acier, compte tenu de la densité de celui-ci. À volume égal, les composites fibres de verre ont de meilleures performances que l’acier et l’aluminium, mais les composites fibres naturelles ont un fort potentiel de pénétration supplémentaire [69]. Les experts du Comité scientifique européen de la CELC détiennent une expertise avancée des caractéristiques mécaniques du lin et du chanvre. Le secteur de l’automobile a un retour d’expérience positif quant à l’utilisation de ces deux fibres naturelles majoritaires en Europe.

4.4.5 Les matériaux composites au service de la médecine Les matériaux composites à matrice polymère offrent des potentialités importantes en chirurgie réparatrice du tissu osseux en raison de leur analogie avec l’os, qui constitue un nanocomposite naturel. Cependant, leur développement industriel et commercial reste, à ce jour, limité. En cas d’arthrose aggravée du dos, la médecine utilise des plaques en titane fixées par des vis en titane dans les corps vertébraux. Malheureusement, ce procédé fusionne les vertèbres, condamnant le patient à une immobilité importante. L’ambition du biomatériau composite est d’obtenir des qualités mécaniques dans plusieurs axes, reproduisant les caractéristiques de l’os, et laissant au patient sa liberté de mouvement. Comme pour l’os naturel, les pores du matériau sont interconnectés et leurs diamètres varient de 0,2 à 1 millimètre. Grâce à l’imagerie numérique, il sera possible de préparer très précisément l’implant pour réduire le temps d’intervention chirurgicale. On peut calculer les contraintes dans le substitut osseux et définir ainsi les propriétés mécaniques que doit vérifier le biomatériau composite utilisé comme greffe osseuse. On peut vraiment parler de matériau sur mesure pour les implants en biomatériau composite.

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4. Les matériaux composites à base de fibres

Les chercheurs de l’Institut Fraunhofer-IPA (Institute for Manufacturing Engineering and Automation) à Stuttgart sont partenaires du projet européen « ENDURE » (ENhanced DUrability Resurfacing Endoprosthesis). Ils ont développé un nouveau type d’implant de hanche faite d’un matériau exempt de métal et présentant une élasticité proche de celle de l’os humain (figure 62).

 Figure 62  La tête céramique du fémur s’adapte parfaitement dans la cavité de la hanche en composite PEEK conçue par Fraunhofer-IPA (photo Fraunhofer-IPA).

Les matériaux composites commencent juste à être utilisés en chirurgie osseuse. Ces biomatériaux affichent des propriétés mécaniques bien supérieures aux matériaux classiques, et vont s’y substituer dans l’orthopédie et plus particulièrement dans la chirurgie faciale et du dos. Une autre voie à explorer est l’utilisation du co-broyage de la charge minérale et du polymère pour la production de matériaux composites poreux biodégradables. Selon le CIRIMAT, il a été démontré que le co-broyage permettait d’améliorer nettement les propriétés mécaniques du matériau par rapport à un simple mélange des constituants [70].

L’évaluation des dispositifs médicaux composites Les matériaux composites sont réalisés à partir de fibres dures et résistantes enfouies dans une matrice continue, le plus souvent en résine, et sont caractérisés par une très grande variété possible dans le choix de leurs composants. Si les dermatoses aux fibres de verre et aux résines époxydes sont bien connues, de même que certaines allergies respiratoires, un certain nombre d’affections peuvent être générées soit par

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

la libération d’autres monomères du plastique, d’autres fibres ou de produits additifs utilisés dans la fabrication. Ces matériaux étant a priori promis à un bel avenir, il est important que les responsables de prévention et les médecins du travail analysent les éventuels risques intrinsèques de ces matériaux pour la santé.

4.4.6 Des processus performants pour des composites adaptés aux besoins La compétition reste très dure entre les solutions composites et les matériaux classiques, qui disposent d’une avance considérable en termes d’expérience et d’investissement chez les producteurs et les utilisateurs. La forte valeur ajoutée des réalisations en composites, leurs exigences en termes d’équipements et de compétences de haut niveau, leur confèrent un rôle croissant dans la recherche de différentiation et de compétitivité. L’innovation est un facteur déterminant du succès durable des entreprises, même si elle ne suffit pas à justifier auprès du consommateur une augmentation significative des prix de vente. Cependant, l’innovation n’est souvent accessible qu’aux entreprises capables de supporter des investissements de recherche, de développement et d’industrialisation de plus en plus lourds. Ceci est valable dans le secteur des composites comme dans d’autres industries, car il faut pouvoir disposer de machines modulaires et paramétrables pour fabriquer les formes textiles intégrées dans les composites. Les contraintes de productivité étant transmises par les donneurs d’ordre et amplifiées vers les fournisseurs, les processus de production doivent être performants pour produire à un coup compétitif.

4.4.7 L’importance stratégique du secteur des composites Les composites indispensables pour les industries de pointe Le développement durable d’une filière industrielle majeure est un enjeu national. Ainsi, faute d’une vision stratégique du secteur et d’un soutien réel, l’industrie française de la machine-outil et de la métrologie a largement disparu. Les industriels français subissent dans ce domaine une dépendance stratégique forte envers leurs compétiteurs d’Europe, du Japon, des États-Unis, en particulier dans l’aéronautique et l’automobile. Les matériaux composites sont indispensables aux entreprises industrielles françaises, leaders ou co-leaders à l’échelon mondial, dans les domaines de : – l’aérospatiale civile (structures d’Airbus) ; – la défense (EADS, avec Dassault Aviation) ;

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4. Les matériaux composites à base de fibres

– l’automobile (PSA, Renault, Valeo) ; – le ferroviaire (Alstom) ; – l’électricité et l’électronique. Le secteur des matériaux composites est donc particulièrement critique pour conserver à la France une part de sa souveraineté économique et technique et sa position de leader technologique en Europe. Sa présence dans les comités de normalisation est aussi essentielle car, à chaque décision industrielle ou normative, une classe de composants ou de systèmes peut apparaître ou disparaître. L’industrie des composites est fortement capitalistique et d’importants investissements sont nécessaires (R&D, pré-série, équipements industriels) avant de pouvoir réaliser un chiffre d’affaires significatif. Une entreprise doit pouvoir offrir à ses actionnaires et à ses partenaires financiers une rentabilité et une transparence compétitives. Aux côtés des entreprises industrielles, une place nouvelle est à accorder aux entreprises de services connexes à la production (conception, bureaux d’études, essais, prototypage rapide, logiciels de simulation…). La France dispose de leaders mondiaux dans le domaine des logiciels de conception assistée par ordinateur (Dassault Systèmes) et de simulation de produits et de processus (ESI Group). Ces produits logiciels sont autant de vecteurs privilégiés de la diffusion mondiale des technologies composites et de leur potentiel en termes d’innovation et de design à succès.

La démultiplication des possibles avec les composites Le rêve de l’ingénieur est de disposer de matériaux qui répondent aux objectifs d’usage. Ceux-ci sont souvent multiples et contradictoires. On les veut performants, mais peu coûteux ; résistants mais souples ; rigides mais légers. Le principe de la démarche est de réunir, sous forme de matériaux composites, différents constituants dotés chacun de l’une des propriétés recherchées, dans l’espoir que le matériau final aura la somme de toutes ces propriétés. La pratique montre que cette approche est souvent récompensée, au-delà même des espoirs, puisqu’on obtient parfois mieux que la somme des propriétés. Dans le même temps, la géométrie la plus adaptée à l’utilisation des objets finis sera sélectionnée, chaque type d’assemblage présentant des propriétés différentes. Les matériaux composites, avec leur complexité de constitution, offrent un vaste panel de schémas entre lesquels il est possible de choisir le plus adapté à l’usage envisagé.

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La lutte des classes de matériaux

5

5.1 Le monde des matériaux d’aujourd’hui 5.1.1 Le monde des matériaux Notre Terre nous offre une extraordinaire diversité de matériaux, ceux du monde organique, comme les arbres et les fleurs, et ceux du monde minéral, comme les métaux, les oxydes, les phosphates, les carbonates. Dans le monde vivant, la structure des matériaux se complexifie parfois, la nature combinant des composantes organiques et minérales pour créer des nanocomposites très performants. Les coquillages, les carapaces des crustacés, les os sont quelques exemples de matériaux hybrides naturels. Pour étudier ces systèmes complexes et en appréhender la construction, le chimiste mène des expériences qui permettent d’analyser tous les états de la matière, de la molécule au matériau. Aujourd’hui, s’ébauche un fort courant de pensée qui recherche l’harmonisation des relations entre la nature et les productions humaines. Les matériaux et les systèmes conçus par l’homme deviennent de plus en plus sophistiqués, miniaturisés et très fiables, mais aussi recyclables, respectueux de l’environnement, économes en énergie et peu coûteux.

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

Les matériaux sont à la base de la plupart des grandes révolutions industrielles : l’acier pour le chemin de fer, le cuivre pour l’électricité, l’aluminium pour les avions, les plastiques et polymères pour les biens de consommation de l’après-guerre, le silicium, les semi-conducteurs et les fibres optiques pour les TIC (Technologies de l’information et de la communication). Lors de la dernière décennie, ont été mis en évidence les atouts des nanomatériaux qui offrent des fonctionnalités révolutionnaires. Un des défis d’aujourd’hui est l’élaboration bio-inspirée de matériaux hybrides structurés.

Définition Un matériau est une matière d’origine naturelle ou artificielle que l’homme façonne pour en faire des objets. Dans la vie courante, on distingue ordinairement quatre grandes familles de matériaux (figure 63) : – les matériaux métalliques : métaux, alliages de métaux (fer, acier, aluminium, cuivre, bronze, fonte…) ; – les matériaux organiques : matériaux d’origine animale (laine, cuir), d’origine végétale (bois), ou matériaux synthétiques (matière plastique, textile synthétique) ; – les matériaux minéraux : roches, céramiques ou verres ; – les matériaux composites : assemblages d’au moins deux matériaux non miscibles.

 Figure 63   Le monde des matériaux.

Les polymères découverts au siècle dernier et les mousses offrent une très grande diversité de propriétés selon leurs caractéristiques.

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5. La lutte des classes de matériaux

5.1.2 La mise au point des matériaux À l’époque des premières industries, la mise au point des matériaux relevait plutôt d’une approche empirique. Vers le milieu du xxe siècle, on est passé à une démarche de caractérisation et de modélisation des matériaux, avec une tendance croissante à la multifonctionnalité. L’étude des usages des matériaux n’est plus seulement une question de savoir-faire métier. Elle nécessite aussi une forte contribution scientifique, de la physique, de la chimie, de la mécanique, des mathématiques, mais encore de la biologie s’il s’agit de matériaux textiles pour des applications médicales (figure 64).

 Figure 64  La contribution des disciplines scientifiques à la conception des matériaux textiles.

Le mot « matériau » désigne bien plus qu’un échantillon de matière. Il implique une démarche rigoureuse du scientifique et de l’ingénieur, qui s’exécute en plusieurs phases, souvent de façon itérative, les résultats d’une phase pouvant modifier les données d’entrée d’une autre.

La recherche du matériau approprié au besoin s’exécute en plusieurs étapes : – la conception générale de l’objet ; – la phénoménologie de l’objet en fonctionnement. Les phénomènes physiques qui interviennent lors du fonctionnement du matériel doivent être identifiés et compris aussi bien que possible afin que l’influence des divers paramètres (géométrie, propriétés intrinsèques des matériaux de base) puisse être mise en évidence ; – la modélisation. Cette étape a pris une importance majeure dans toutes les démarches « matériaux » d’aujourd’hui. Le fonctionnement de l’objet final est simulé sur ordinateur à l’aide de l’analyse qualitative et quantitative qu’apporte la phénoménologie. Ce travail permet de déterminer les valeurs-cibles des

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

paramètres (la géométrie, les dimensions, le poids…) et des propriétés (rigidité, résistance…) qui permettront d’atteindre le résultat recherché ; – l’établissement d’un cahier des charges. Il s’agit de décider des caractéristiques que l’on veut obtenir de l’objet recherché. Dans le cas du matériel sportif, il pourra s’agir du poids, de la résistance, de la rigidité, du frottement, de la tenue aux contraintes thermiques. Ces caractéristiques objectives sont déduites de l’analyse du fonctionnement de l’objet. Les contraintes correspondant à la faisabilité de l’objet ne devront pas être oubliées (par exemple la possibilité de soudure ou d’assemblage) ; – la fabrication proprement dite.

L’exemple de la perche du sauteur à la perche Après être passée du bois au bambou, du bambou à l’aluminium (1960), pour être ensuite conçue en polyester et en fibre de verre (aux Jeux olympiques de 1964), la perche est maintenant faite d’un mélange de résines synthétiques, de fibres de verre et de carbone, lui conférant à la fois élasticité et flexibilité, permettant l’« effet catapulte » [71]. La nature dispose de peu de briques élémentaires, mais combine une infinité d’architectures fibreuses et poreuses dans lesquelles elle n’utilise que des polymères et des solutions ioniques, car elle est limitée par les températures d’élaboration. Quant à l’ingénieur, il a accès à toute la table des éléments, mais n’a pas la même richesse d’architectures hiérarchisées. Marier ces deux conceptions serait une avancée majeure dans le domaine des matériaux. Les matériaux textiles, composés d’une structure fibreuse, se positionnement clairement dans cette dynamique.

5.1.3 Une compétition féroce entre les matériaux Une approche résolument multi-matériaux permet de marier entre eux les potentialités des différents composants. Les classes de matériaux visent des enjeux qui souvent se ressemblent comme : – alléger les pièces par le contrôle précis des microstructures de matériaux ; – fonctionnaliser la matière ou les surfaces (fonctionnalisation nanométrique des surfaces pour améliorer la durabilité, la résistance mécanique, l’anticorrosion, l’apport esthétique…) ; – perfectionner les procédés de fabrication.

Les nouveaux matériaux sont stratégiques pour les pays développés Le spatial, l’aéronautique, l’automobile et les TIC ont suscité une véritable révolution des nouveaux matériaux. Dans cette compétition impitoyable, les anciens

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5. La lutte des classes de matériaux

matériaux tels que les textiles répondent également par de fortes innovations. La séparation entre les matériaux « traditionnels » (métaux et alliages, céramiques, polymères) et les nouveaux matériaux (composites, hybrides, nanomatériaux) apparaît de plus en plus artificielle, tant la palette des matériaux disponibles est aujourd’hui variée. Si les substitutions entre matériaux sont la règle, le choix des matériaux diffère selon chaque filière d’utilisation. Ainsi les fibres de carbone sont encore trop chères pour l’automobile. L’industrie évolue dans un contexte multi-matériaux de plus en plus sophistiqué, où compétition et substitution sont la règle, avec comme seule formule « le bon matériau à la bonne place ».

On voit de nouveaux procédés de mise en œuvre pour l’élaboration des matériaux, comme l’hydroformage, le thixomoulage, ou le revêtement par projection plasma. Dans le même esprit, la conception de nouvelles structures et techniques d’assemblages (nids d’abeille, stratifiés sandwich) permet d’améliorer considérablement leurs propriétés mécaniques.

La « lutte des classes de matériaux » Le développement rapide des matériaux légers, comme les alliages ou les composites, dans la filière transport est lié aux nouvelles directives environnementales, notamment sur les émissions de gaz à effet de serre (GES). C’est vers une réduction massique que s’orientent d’abord les constructeurs automobiles, pour réduire la consommation de carburant. La diminution de la taille d’un élément permettant à son tour de diminuer la taille des autres éléments, on arrive à diminuer le poids total du véhicule. C’est pourquoi l’aluminium, les plastiques et les composites se livrent à une compétition féroce contre l’acier, mais aussi entre eux. De ce fait, tous les matériaux se retrouvent embarqués au sein d’une chaîne de substitution autoconcurrentielle complexe (figure 65 et tableau 10).

 Figure 65  Diagramme de production mondiale annuelle 2011 des matériaux en milliers de tonnes (échelle logarithmique).

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

Une amélioration significative apportée à un seul matériau peut avoir un effet radical sur la qualité de tous les produits qui en sont composés, tandis que de nouveaux matériaux peuvent déboucher sur des produits encore inédits sur le marché.  Tableau 10  Production mondiale de matériaux, année 2011, en millions de tonnes/an.

Matériau

Production mondiale annuelle (millions de tonnes)

Source des données

Verre (verre creux, plat, laine et fil)

5 025 (TCA* = 9 % en 2011)

Fédération des industries du verre

Ciment

3 500 (TCA* = 5 %)

Cembureau

Acier

1 500 (en 2012)

Ernst & Young

Papier (dont 47 % pâte à papier)

394

PPI Annual review

Plastique (polyolefins, PVC, PS, EPS, PET)

270

Plastics Europe

Fibres textiles

79 (en 2012)

CIRFS

Aluminium

44 (en 2012)

Association française de l’aluminium

* TCA : taux de croissance annuelle.

L’origine des matières composant les matériaux La plupart des matériaux sont des géo-produits. Ils sont issus de l’extraction ou du recyclage de ressources minérales. C’est le cas des matériaux métalliques (métaux et alliages), des céramiques (fabriquées à partir de minéraux industriels comme la silice, les argiles et le zircon), et des polymères (issus de gisements carbonés fossiles et élaborés grâce à des catalyseurs métalliques). On commence aussi à produire des biopolymères issus de ressources renouvelables. La raréfaction des ressources ou géo-produits

Historiquement, la sécurisation des ressources portait sur celle des combustibles, et elle était surtout portée par le secteur de l’énergie. Un changement de paradigme fait apparaître des mécanismes de raréfaction sur d’autres ressources minières, suscitant de nouveaux enjeux de richesse et de puissance. La raréfaction des ressources n’est plus seulement une problématique géopolitique, à savoir le contrôle de la production et du transit de la ressource sur un territoire, mais c’est aussi un enjeu géoéconomique. La vitalité des politiques industrielles des différents États en dépend.

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5. La lutte des classes de matériaux

Les ressources naturelles sont essentielles pour la production vivrière, le développement rural et la pérennité des moyens d’existence. Les conflits sur l’accès à ces ressources ont commencé avec l’histoire de l’humanité. Ils risquent de s’intensifier dans de nombreuses régions à cause de la demande croissante de nourriture, de fibres et d’énergie, ainsi que de la perte et de la dégradation des terres productives. La transformation des conditions de végétation, les pénuries accrues d’eau, la perte de biodiversité, et les phénomènes liés au changement climatique auront aussi un effet catalyseur. On aurait pu croire les gisements géologiques inépuisables, mais il n’en reste pas pour des millénaires. Notre civilisation technologique n’est pas du tout durable sous sa forme actuelle et elle doit évoluer au plus vite. Le recyclage, objet d’une complète reconsidération stratégique

Les matériaux secondaires, c’est-à-dire issus du recyclage, sont souvent de moindre qualité que le matériau primaire, ce qui affecte la valeur du produit recyclé et donc l’économie même du recyclage. On voit donc combien le recyclage des nouveaux matériaux est une préoccupation à la fois économique, énergétique et sociétale majeure, qui devrait faire l’objet d’une complète reconsidération stratégique. Le recyclage deviendra un problème sociétal plus critique encore lorsque des nanoproduits à base de nanomatériaux hybrides envahiront littéralement tout notre environnement.

5.2 Faire le meilleur usage de la matière

pour remplir une fonction

5.2.1 Comment faire le meilleur usage possible de la matière Une approche comparatiste dans le développement des nouveaux matériaux Aujourd’hui, les stratégies de développement des matériaux hautes performances visent à faire le meilleur usage possible de la matière pour remplir une fonction, voire plusieurs. L’ingénieur ou le concepteur se trouve face à un choix de 50 000 à 80 000 matériaux disponibles, avec 3 000 procédés de fabrication et de mise en œuvre [72]. Les différentes classes de matériaux sont en compétition pour tenter de répondre à des cahiers des charges aux exigences accrues, et les développements sont boostés par des demandes nouvelles de performances. Après une décennie d’idéologie du « fabless », modèle qui s’est bâti dans les secteurs de l’informatique et de l’électronique, les matériaux apparaissent comme un acteur majeur dans l’innovation technologique. D’où l’importance d’une approche comparatiste dans le développement des nouveaux matériaux, avec une possibilité de choix multicritères (figure 66).

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

 Figure 66  La démarche de sélection des matériaux.

Les matériaux architecturés présentent des propriétés multifonctionnelles grâce à l’association de matériaux différents et à l’optimisation de leur architecture. L’échelle caractéristique de leur architecture propre se situe entre celle de la microstructure et celle de l’objet. Afin de mieux répondre à ces défis scientifiques et de favoriser l’émergence de problématiques communes à plusieurs secteurs applicatifs, Grenoble INP et l’INSA Lyon ont créé un Groupement d’intérêt scientifique (GIS) autour des matériaux architecturés. Ainsi, les matériaux composites font partie de ces matériaux architecturés, où la répartition de la matière se fait à une échelle comparable à celle du composant, intermédiaire entre microstructure et superstructure (figure 67). Ils permettent de remplir des fonctions qui seraient contradictoires pour un matériau unique. Les associations de matières, géométries, topologies sont autant de leviers d’optimisation. Par exemple, les matériaux poreux sont efficaces pour réduire le bruit des avions car ils absorbent les vibrations.

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5. La lutte des classes de matériaux

 Figure 67  Exemples de structures de matériaux architecturés.

Les contraintes systémiques pour la conception d’un produit Les performances physico-chimiques et mécaniques ne sont plus les seuls critères de choix des matériaux (figure 68). Le rôle du designer industriel est déterminant tout au long du cycle de vie d’un produit. Il identifie les besoins et les objectifs visés, procède à des études sociologiques voire ergonomiques, conçoit, effectue les dessins nécessaires aux prototypes, et conseille sur le choix des matériaux et des couleurs.

 Figure 68  Les différents champs (ou système) qui contribuent aux choix de conception d’un produit.

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

La perception du produit, la polysensorialité La perception du produit par le consommateur est aussi un facteur important. De nouvelles exigences apparaissent comme le toucher, les aspects de surface, qui modifient les approches classiques lors de la conception de produits et relèvent de ce qu’on appelle la polysensorialité. Malgré l’évolution des technologies, les fabricants de textiles continuent à utiliser le sens du toucher pour déterminer la qualité de fabrication de plus en plus complexe des tissus. Les industriels ont donc besoin de disposer de nouvelles méthodes pour qualifier objectivement le toucher de leurs tissus. La main artificielle du dispositif « Hand Touch Tissue » mesure la vibration et l’effort de la raideur du tissu, et cette perception sensorielle est physiquement évaluée. Ce procédé breveté a été mis au point par des chercheurs du laboratoire de Tribologie et Dynamique des systèmes, de l’École centrale de Lyon. Il est utilisé dans le cadre du contrôle qualité des tissus, en particulier par un important industriel du secteur de la soierie de luxe.

5.2.2 Les technologies d’ingénierie des matériaux Les technologies des matériaux concernent un domaine très large qui fait intervenir les sciences des matériaux au travers de la compréhension de la transformation de la matière, de sa mise en forme et de la caractérisation de ses propriétés. Les tendances fortes de développement portent sur les nanomatériaux, les matériaux composites et les matériaux biosourcés ou à faible empreinte carbone. L’objectif est d’apporter les fonctionnalités requises pour répondre au cahier des charges complexe de l’utilisateur final, tout en satisfaisant les critères de durabilité. Face à la concurrence internationale, il est vital de travailler sur des axes de différentiation au travers de matériaux à très haute technicité et offrant des solutions durables. Un axe clé est la mise en synergie de domaines matériaux, en travaillant conjointement sur la synthèse de nouveaux polymères, tout en optimisant l’assemblage de matériaux existants, soit par l’approche alliage, soit par l’approche composite.

L’ingénierie des matériaux inspirée par la nature Les composés biologiques et les matériaux naturels peuvent servir de composants, de modèles ou de source d’inspiration afin de développer de nouveaux biomatériaux, ou de nouvelles stratégies biomimétiques ou bio-inspirées dans l’ingénierie des matériaux. On distingue trois principales stratégies pour concevoir et élaborer ainsi des matériaux originaux : – on peut utiliser le savoir-faire de la nature, en encapsulant ou en piégeant une « biocomposante » (enzyme, cellule, bactérie, virus, etc.) dans une matrice hybride, et en faisant travailler cette entité biologique pour une application

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5. La lutte des classes de matériaux

donnée (étude en milieu confiné, interaction cellule-paroi minérale, biocatalyse, test immunologique, production de principes actifs) ; – on peut mimer le savoir-faire de la nature, ou s’en inspirer pour suivre ce que l’on nomme des approches biomimétiques (de la feuille de nénuphar superhydrophobe au pare-brise anti-pluie) ; – on peut s’en inspirer lors d’approches bio-inspirées (matériaux mésoporeux inspirés par les nanocomposites de chitine auto-assemblée et minéralisée constituant la carapace du crabe). La carapace du crabe, un composite naturel

La carapace du crabe (figure 69) est un matériau composite, fait de chitine, de protéines, et de calcaire (en blanc). C’est ce dernier qui donne de la rigidité à l’ensemble de la structure (figure 70).

 Figure 69  Crabe vert (photo reproduite avec l’autorisation de pecheur.info).

 Figure 70  Carapace de crabe, le relief de l’invisible (photo Alto Media 1997, reproduite avec l’accord d’Altomedia Paris).

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

La chimie des matériaux hybrides concerne les matériaux avancés À l’interface de la chimie, de la physique, de la biologie et de la science des matériaux, la chimie des matériaux hybrides a déjà intégré de nombreux domaines d’application (automobile, construction, textile, cosmétique, micro-optique, micro-électronique, revêtements fonctionnels, sciences environnementales et biomédicales) [73]. Depuis plus d’une vingtaine d’années, les méthodes d’élaboration de nanomatériaux inorganiques ou hybrides reposant sur la « chimie douce » suscitent un très fort intérêt, aussi bien dans le monde universitaire qu’industriel. Par ce type de procédés, il est possible de générer simultanément dans un même matériau des composantes organiques et des composantes minérales afin d’aboutir à de véritables hybrides ou nanocomposites organo-minéraux ou bio-minéraux.

Les nanomatériaux à composantes polymères Parmi les différentes stratégies possibles d’élaboration de matériaux avancés, celle qui consiste à associer des nano-objets calibrés (comme des nanoparticules ou des clusters) à une composante polymère présente de nombreux avantages. L’utilisation de nano-objets permet d’élaborer des matériaux sur mesure via une approche ascendante (ou « bottum up ») en contrôlant chaque étape de la construction de la structure.

5.2.3 Aller plus loin grâce à la mise en commun des connaissances La nécessité de décloisonner les disciplines Les disciplines de la science des matériaux sont diverses, qu’il s’agisse de la chimie douce, de la chimie supramoléculaire, de l’hybridation organo-minérale ou biominérale, ou de la physico-chimie. On voit aujourd’hui un fort courant de recherche et de pensée en faveur d’une chimie dite « intégrative », couplant les stratégies de toutes ces disciplines, sans oublier l’étude des processus dynamiques et diffusionnels, et l’ingénierie des procédés. Cette chimie nourrit déjà une branche innovante de la science des matériaux. Ce domaine fortement multidisciplinaire ira bien audelà d’une simple somme des composantes, aussi bien au niveau des architectures accessibles que des propriétés et des applications résultantes. On voit aujourd’hui la nécessité de dépasser la dichotomie entre chimie, biologie et physique, et de redéfinir des filières d’enseignement proposant une formation de base réellement pluridisciplinaire aux futurs acteurs du domaine des matériaux.

Les collaborations croisées entre secteurs industriels La conception de nouvelles solutions doit être guidée par la mise en commun des connaissances structurales et fonctionnelles, et des technologies de mise en forme, qui diffèrent selon les industries de transformation (chimie, plasturgie, métallurgie,

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5. La lutte des classes de matériaux

papeterie, industrie textile, agro-industrie, verre). D’où la nécessité de collaborations croisées entre secteurs industriels (figure 71).

 Figure 71  Les collaborations croisées entre secteurs industriels pour élaborer de nouveaux matériaux textiles.

On peut noter qu’il n’existe pas de nom spécifique pour l’industrie de transformation textile, encore souvent assimilée au domaine de l’habillement. Pourquoi ne pas proposer un nouveau terme comme la « textilerie » ou la « texturgie » pour l’industrie des matériaux textiles, au même titre que la plasturgie, la métallurgie, la papeterie ?

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

5.3 Une industrie agile et réactive pour fabriquer

les matériaux

À l’avant-garde d’une nouvelle révolution industrielle, on cherche à développer des méthodes, des procédés ou des équipements innovants qui, comparés à ceux utilisés actuellement, apportent des gains significatifs. Cette démarche s’inscrit dans un nouveau paradigme d’innovation, avec de nouveaux moyens de production potentiels. On réfléchit aussi à de nouveaux modèles d’organisation plus interactifs, certains échecs industriels étant dus à une trop grande rigidité méthodologique et juridique.

5.3.1 La fin du mythe du fabless Après une décennie d’idéologie du fabless, modèle qui s’est bâti dans les secteurs de l’informatique et de l’électronique, où l’on pensait pouvoir produire sans usines, les matériaux apparaissent comme un acteur majeur dans l’innovation technologique. Allons-nous enfin aimer nos usines, outils a priori nécessaires pour fabriquer des biens de consommation matériels ? Peut-être faudra-t-il sensibiliser les étudiants à l’univers industriel, comme c’est le cas en Inde ou au Brésil. Les usines ont beaucoup changé par rapport à l’imaginaire resté dans nos esprits. Les sites industriels sont propres, équipés de machines colorées et la production industrielle repose sur des technologies complexes. L’usine du futur se déploiera à la périphérie des villes. Elle fera partie du paysage péri-urbain, et sera plus compacte, plus ramassée, plus intégrée qu’elle ne l’est actuellement. L’usine du futur se veut créative, fonctionnelle et rentable, et repose fortement sur les outils numériques. Le laboratoire GIPSA-Lab de l’INRIA étudie de nouveaux algorithmes de commande collaborative et des systèmes de contrôle pour centrales hydrauliques qui trouveront probablement leur application dans d’autres secteurs industriels.

5.3.2 Le concept de fab lab Définition Un fab lab (fabrication laboratory) est une plate-forme de prototypage rapide d’objets physiques, intelligents ou non. C’est une sorte d’atelier composé de machinesoutils pilotées par ordinateur, et pouvant fabriquer rapidement et à la demande des objets de nature variée. Ces machines professionnelles à commande numérique sont standard et peu coûteuses. Il s’agit par exemple d’une machine à découpe laser capable de produire des structures en 2D et 3D, d’une machine à sérigraphie qui fabrique des antennes et des circuits flexibles, voire d’une fraiseuse à haute résolution pour fabriquer des circuits imprimés et des moules. Le fab lab s’adresse aux entrepreneurs qui veulent passer plus vite du concept au prototype, aux designers,

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5. La lutte des classes de matériaux

aux artistes et aux étudiants désireux d’expérimenter et d’enrichir leurs connaissances pratiques. L’innovation ascendante, décentralisée et ouverte a été favorisée par l’Internet qui a permis à de nombreuses personnes de créer, d’échanger et de devenir acteur de la conception de nouveaux produits. Les fab labs, pensés comme de petites unités de production, contribuent à la réflexion sur les nouveaux modes de fabrication de l’usine du futur. Ces ateliers polyvalents allient recherche, design et formation. Ils transforment la manière de faire du prototypage rapide ou de la petite série. Ces pratiques pourraient-elles transformer le monde industriel, à l’image de l’open source ? Les fab labs sont-ils les premières ébauches de nouveaux modèles d’innovation ouverte et horizontale s’appliquant à la production industrielle, à la distribution, aux services urbains, au vivant ? À vrai dire, les fab labs restent en amont de la chaîne de production. S’ils permettent de réaliser un prototype, ils ne sont pas adaptés à la production de masse, à la réparation, voire au recyclage. Contrairement au monde numérique, le monde physique doit tenir compte de la gestion des flux (les stocks, la production, les déchets). Dupliquer dans le software ne coûte rien, mais dupliquer dans le monde physique coûte tout de suite plus cher.

5.3.3 La conception par impression 3D ou fabrication additive Définition Le terme « impression 3D » désigne la technique de fabrication par addition de matière, par opposition aux méthodes de production par soustraction plus classiques, comme le perçage, le modelage, le découpage. Cette technique consiste à superposer de très fines couches de matière pour former un volume, chaque couche étant vue comme une impression 2D. Il existe de nombreux procédés pouvant utiliser une large gamme de matériaux à prise rapide, comme la stéréo-lithographie, le modelage à jets multiples, le frittage sélectif par laser. Les matériaux ainsi conçus peuvent être des plastiques, des poudres enductives, du métal, de la cire. L’impression se fonde sur un modèle informatique 3D réalisé par conception assistée par ordinateur (CAO) ou issu d’un scannage 3D.

L’impression 3D, une technologie accessible L’impression 3D a fait son apparition au milieu des années 1980. Technologie très coûteuse, elle était essentiellement utilisée par les industriels de l’automobile ou de l’aérospatial pour la fabrication rapide de prototypes. Maintenant que son brevet d’utilisation est tombé dans le domaine public, le prix des machines a chuté, à tel point que certaines imprimantes 3D sont maintenant accessibles aux particuliers. L’essor de l’impression 3D n’est pas sans poser d’importants problèmes de propriété

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

intellectuelle, car les fichiers informatiques servant à piloter l’impression peuvent s’échanger très facilement sur Internet.

Les avantages de l’impression 3D Cette technologie se prête aux assemblages complexes et permet des économies de matière comparativement aux techniques de fabrication par soustraction. À l’échelle industrielle, les économies sont considérables. Grâce aux outils d’impression, les temps de cycle entre la conception et la fabrication sont très courts, de l’ordre du mois, ce qui répond aux besoins de customisation croissants des produits et des applications. Cette technologie se révèle particulièrement accessible à des PME. L’impression 3D de pièces métalliques monte en puissance en France. L’école Grenoble INP vient d’inaugurer une machine de fabrication additive à technologie EBM (Electron Beam Melting), la quatrième en France, la première en milieu universitaire. Cette technique est particulièrement adaptée à la conception de matériaux architecturés, de plus en plus utilisés dans des secteurs comme le spatial ou le médical, et qui permettent d’obtenir des formes que l’on ne pourrait pas obtenir par des procédés classiques. Aux États-Unis, vient d’être lancé un vaste plan d’actions qui prévoit la création d’instituts d’innovation manufacturière. Le premier, situé dans l’Ohio, est voué aux techniques d’impression 3D.

Une technique particulièrement adaptée au domaine de la santé L’impression 3D permet la création rapide de petites structures complexes à faible coût, ce qui est un progrès technologique considérable. Elle convient bien au domaine de la santé où elle permet l’adaptation de pièces chirurgicales, comme les implants, à la morphologie unique de chaque patient. Parmi les matériaux ainsi mis au point, on peut citer le « PEEK », un thermoplastique répondant au nom de « polyéther éther cétone ». Le PEKK est jugé plus performant que ses concurrents métalliques car plus flexible et plus similaire aux structures osseuses en termes de densité et de rigidité. Les fibres PEEK peuvent être tissées, tricotées ou tressées pour être utilisées dans des applications orthopédiques ou dans des implants. On dit qu’elles encourageraient même la croissance des cellules. Le Français Cousin Biotech propose son savoir-faire dans la transformation des fibres textiles pour développer des dispositifs biomédicaux implantables, utilisant des structures tricotées, tressées ou tissées (figure 72).

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5. La lutte des classes de matériaux

 Figure 72  Structures textiles implantables (tricotée, tressée ou tissée) fabriquées par Cousin Biotech (photo reproduite avec l’accord de Cousin Biotech).

L’impression 3D reste un outil de prototypage Le marché de l’impression 3D est en pleine expansion, avec aussi une explosion de services associés. Selon le rapport Wohlers [74], près de 30 000 imprimantes 3D se seraient vendues dans le monde en 2011, soit le double de l’année 2010. Cependant, selon les experts de l’industrie manufacturière, l’impression 3D ne va pas révolutionner les méthodes de production à grande échelle. En dépit de ses qualités, elle serait incapable de se substituer à des techniques comme le moulage par injection plastique. L’impression 3D semble plus correspondre à un épiphénomène qu’à une technologie révolutionnaire comme elle a pu être annoncée. En revanche, l’impression 3D est une véritable source d’innovation dans d’autres secteurs, au même titre que la robotique ou le « cloud-computing ».

5.3.4 Le concept de F3 Factory, l’usine du futur Définition Le principe de F3 Factory [75] (flexible, fast, future) consiste à mettre en place des méthodes de production plus rapides et plus flexibles. Disposer de machines de production modulaires offrant différents standards et interfaces de connexion permet de rendre rentables les équipements modernes et onéreux, même pour des séries limitées, et de s’adapter très rapidement à de nouveaux marchés. Les industriels cherchent à créer un nouveau paradigme pour la production industrielle du futur, en démontrant les avantages d’opérer avec des procédés industriels continus et modulaires, plus économiques et adaptés au développement durable,

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

en particulier dans le secteur de la chimie. Ces procédés consomment peu d’énergie, utilisent peu de matières premières et rejettent peu d’effluents. Le projet européen F3 Factory réunit 25 partenaires dont sept groupes chimiques leaders, comme Arkema et Rhodia. Le groupe de projet collabore sur des concepts de production innovants et des technologies d’intensification des procédés qui combineraient les avantages d’une production optimisée à grande échelle avec la souplesse des petites usines plus flexibles. La diversité des partenaires permettra de tester les procédés pour une large gamme de produits, des polymères aux produits intermédiaires, jusqu’aux médicaments et aux biens de consommation. L’idée est de remplacer les technologies nécessitant une surgénération d’énergie (plus de 100 000 tonnes par an), par des unités de production plus petites, modulaires et flexibles, que l’on peut augmenter facilement en fonction de la demande des marchés.

5.3.5 L’intensification des procédés Définition L’intensification des procédés est l’un des moyens pour parvenir à des procédés de transformation efficaces et respectueux de l’environnement. Elle revoit en profondeur les bases des procédés industriels traditionnels avec de nouvelles technologies qui conduisent à des unités de fabrication plus compactes, donc moins encombrantes. Ce concept se traduit le plus souvent par une miniaturisation, par des procédés opérant en continu, et par l’usage de nouvelles technologies. Initialement, le projet visait les procédés chimiques mais il peut se généraliser à tout procédé de transformation. Le pôle de compétitivité Axelera a labellisé le projet « Intensification des procédés », à l’origine du concept d’usine du futur, qui a bénéficié d’une subvention dans le cadre du 1er appel à projets (FUI) [76]. Cet outil vise une nouvelle façon de produire, avec deux enjeux forts : – adapter les outils industriels pour éviter les phénomènes de transferts pénalisants (produire en 1 minute au lieu de 2 heures, en s’exonérant des problèmes d’échange thermique) ; – combiner plusieurs opérations sur un seul équipement. Les travaux ont été ciblés sur des procédés existants ayant un fort potentiel d’amélioration. Par exemple, on a cherché à intensifier : – des techniques de laboratoire pour acquérir de façon plus fiable les données de base des procédés ; – des technologies de mélange, de réaction, de cristallisation, de séchage et leur couplage éventuel ; – des techniques d’amélioration des performances des catalyseurs ; – la prise en compte de techniques analytiques adaptées aux nouvelles technologies ; – la conduite avancée pour optimiser la consommation énergétique et la sécurité des procédés.

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5. La lutte des classes de matériaux

Le projet a permis la mise au point de plusieurs prototypes, préfigurant le passage au stade industriel, et permettant de faire des tests à l’échelle pilote (par exemple, un réacteur de synthèse innovant à plasma froid moins consommateur en énergie). Il est apparu que le développement de l’intensification des procédés passait par la mise en commun des expériences de nombreux métiers (mécanique, électronique, analyse, modélisation). Il nécessite donc la contribution de nombreuses PME, d’équipementiers et de laboratoires universitaires, aux côtés des grands groupes.

5.3.6 Le concept d’agilité Définition L’agilité, c’est la capacité à intégrer les parties prenantes dans les pratiques d’entreprise. C’est aussi une meilleure compréhension du « business » par la réestimation de l’ensemble des maillons de la chaîne de valeur dans une logique de création d’un avantage concurrentiel. Elle infléchit l’organisation, la culture et le modèle de management pour relayer au mieux le besoin de réactivité. Intégré dans la stratégie de l’entreprise, le concept d’agilité facilite la conquête de nouveaux marchés, la prise de risque, l’appréhension des nouveaux enjeux sociaux et environnementaux. Penser un management des systèmes d’information efficient, c’est penser un relais de la stratégie globale de l’entreprise dans une organisation agile. L’entrée des réseaux sociaux d’entreprise dans le champ des pratiques est révélatrice du besoin en fluidité et flexibilité dans les échanges.

Une structure en réseau Il ne suffit pas d’innover au niveau de l’offre. Il faut aussi transformer les pratiques managériales, les mécanismes internes de coordination entre les individus et l’orientation stratégique dans un souci de différentiation. Pour ce faire, il faut favoriser la mutualisation et les synergies entre les fonctions, les métiers, les projets et les initiatives de l’entreprise. D’où la nécessité de passer à une structure en réseau qui mette les parties prenantes au cœur du « business », qu’il s’agisse des employés, des fournisseurs ou des consommateurs.

Les freins à l’organisation agile De nombreux freins entravent le déploiement et l’opérationnalisation du concept d’agilité en entreprise. Beaucoup d’organisations publiques ou privées fonctionnent encore sur le mode de structures mécanistes. Elles enregistrent une forte productivité de leurs employés qui sont des experts dans leur métier, et leur expansion géographique est aisée car les procédures techniques sont facilement répliquables d’une région à l’autre. Mais elles rencontrent des difficultés à mener à bien des projets de grande envergure, car dans les structures mécanistes, le contrôle des processus et des résultats prime au niveau opérationnel, d’où un manque de réactivité locale, d’innovations et de prises d’initiatives.

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6

La nécessité d’une nouvelle industrie pour les matériaux textiles

C’est toujours la préoccupation de réduire la prétendue antinomie entre l’Art et l’Utile qui obsède les tenants de l’Art nouveau : « Un axiome veut que la machine soit l’ennemie prédestinée de l’art. L’heure a sonné enfin de s’opposer à ces idées toutes faites. À condition de propager les beaux modèles, bien pondérés et logiquement conditionnés en vue des multiplications, la machine pourra devenir un facteur important dans le relèvement du goût public. Par elle, une conception unique peut, lorsqu’elle est géniale, vulgariser à l’infini la joie des formes pures… » (figure 73) La Culture artistique en Amérique, Siegfried Bing, 1896

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

 Figure 73  Cafetière Art nouveau 1900 (collection Aulas, photo J.P. Aulas).

6.1 Les enjeux dans un contexte de compétition

entre matériaux

6.1.1 Matériaux et société de consommation Face aux enjeux de ce siècle, en termes de besoins d’énergie et de matières, et face au réchauffement climatique, l’importance primordiale des matériaux de structures est évidente, notamment ceux qui sont utilisés en gros volumes dans les biens de consommation et les infrastructures. Les produits les plus utilisés sont fortement consommateurs de matériaux [77] (figure 74).

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6. La nécessité d’une nouvelle industrie pour les matériaux textiles

 Figure 74  Diagramme A du coût au kilo des produits. La bande grisée couvre le champ des produits les plus utilisés (les valeurs absolues des coûts sont approximatives).

Le champ des matériaux les plus utilisés concerne surtout l’industrie manufacturière et la construction (figure 75). Pour les produits à fortes valeurs ajoutées, leur valeur ne provient pas seulement de la valeur des matériaux. Ils offrent des fonctionnalités spécifiques, un design agréable, et nécessitent des procédés de fabrication plus ou moins complexes. Ces produits ne répondent pas seulement à une fonction, mais ils véhiculent également un contenu dématérialisé (plaisir, rêve de performance, appartenance à une communauté).

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

 Figure 75  Diagramme B du coût au kilo des matériaux. La bande grisée couvre le champ des matériaux les plus utilisés (industrie manufacturière et construction).

Lorsque l’on croise les éléments des diagrammes A et B, on peut apprécier la valeur ajoutée pour chaque catégorie de produits. On peut dire sommairement que les produits répondant à des « coups de cœur » (raquette en fibre de carbone) correspondent à des fortes valeurs ajoutées, tandis que les produits répondant à des « besoins » (verre en plastique) correspondent souvent à des masses unitaires beaucoup plus importantes, avec des valeurs ajoutées plus faibles. Les produits « coups de cœur », et les matériaux qui les composent, sont intéressants pour permettre une croissance de la consommation avec un impact relativement faible sur la consommation d’énergie, et sur les émissions de CO2. En revanche, les produits indispensables nécessitent presque toujours de gros volumes de matières premières (infrastructures, transports, bâtiments, bien de consommation courante). Dans la mesure où l’on veut combiner un contexte de société de consommation avec les contraintes du développement durable, les produits largement dématérialisés (services, contenus numériques) présentent des possibilités de croissance presque illimitées. Ils apportent une création de valeur avec un très faible contenu en matériaux, et un faible impact énergétique, soit une faible production de CO2.

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6. La nécessité d’une nouvelle industrie pour les matériaux textiles

Une première remarque s’impose, même si elle est contraire aux habitudes d’une société de consommation : si l’on doit réduire la consommation d’énergie, il faudrait que la durée de vie des produits soit prolongée. Il faut aussi tenter de faire plus avec moins de matériaux, ce qui implique que leurs performances spécifiques soient améliorées, surtout pour tous les matériaux utilisés en grandes quantités (bétons, métaux, polymères). Enfin, la conception des produits devra s’adapter à ces nouveaux matériaux de grande diffusion. Dans de nombreux secteurs, les matériaux existants ne répondent pas aux enjeux, et un réel effort de recherche est essentiel, ainsi qu’un rééquilibrage des priorités de production. Il ne faut pas oublier la réalité du facteur temps, car le développement de nouveaux matériaux performants est long.

Il faut compter 10 à 15 ans entre le succès d’une étude de laboratoire et une mise en application industrielle. Ceci concerne aussi bien des produits de grande consommation que les équipements industriels et les infrastructures.

6.1.2 Les enjeux des matériaux dans l’industrie Les matériaux constituant la matière première indispensable à toute industrie, leur positionnement est stratégique. C’est un terrain très fertile en innovation, avec pour objectif la recherche de performance, associée à une forte pression réglementaire, notamment les directives REACH et RoHS [78]. Chaque acteur cherche à optimiser l’utilisation des matériaux pour consommer moins et à moindre coût, vu les contraintes économiques et environnementales, d’où des matériaux de plus en plus complexes, avec une logique de convergence vers des matériaux architecturés (figure 76). Un des grands enjeux industriels est de tirer le meilleur profit des propriétés intrinsèques des matériaux, en tenant compte des procédés de mise en œuvre.

 Figure 76  Quel futur pour les matériaux : des matériaux plus complexes, une logique de convergence des matériaux.

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

Matériaux et procédés, un couple indissociable La prise en compte de ces deux composantes « matériaux - procédés » conduit à élargir les champs d’application des matériaux, ou à les utiliser en substitution à d’autres. Ainsi la moitié des projets d’innovation « matériaux » soutenus par OSEO en 2010 portent sur la mise en œuvre des matériaux [79]. Les innovations les plus marquantes concernent l’injection et l’extrusion sur des procédés industriels et opérationnels en grande série, qui ne sont plus réservés au secteur de l’automobile. Ces évolutions sont impulsées par des tendances fortes de l’industrie, comme l’allègement, la recyclabilité, la biocompatibilité, les performances mécaniques ou thermiques, voire l’intégration dans un système architecturé, où chaque matériau qu’il soit plastique, métallique ou fibreux possède ses propres atouts. Parmi les matériaux architecturés, les composites à matrice renforcée offrent des performances telles qu’ils arrivent en concurrence avec certains métaux. Cependant, l’innovation dans les matériaux composites impose une maîtrise de l’ensemble des propriétés des composantes du composite, faisant intervenir les sciences de la matière. Leur recyclage peut être complexe car il nécessite la séparation des composants. En 2010, l’ANR a financé plusieurs projets dans le cadre de l’appel à projets « Matériaux et procédés pour des produits innovants », mettant en avant l’importance de la fonctionnalité des matériaux mais aussi de leur design : « L’intégration des technologies de convergence est la seule réponse aujourd’hui connue à l’augmentation de la complexité des composants et des systèmes qui sous-tendent les nouveaux produits et services d’une société basée sur l’information et la connaissance (intelligence ambiante, Internet des objets), sur la croissance durable (transports et bâtiments intelligents…), sur l’amélioration de la santé et du bien-être. » [80].

6.1.3 Les nouveaux challenges du développement durable Un challenge pour l’industrie est de trouver un équilibre optimum entre impact écologique et croissance économique. C’est l’opportunité d’un nouveau « business », avec une approche systémique des éléments à prendre en compte : – la prise de conscience par les consommateurs des effets des produits sur l’environnement ; – les économies de coût réalisées avec une utilisation plus efficace des ressources : • réduction de matières, d’énergie, d’eau ; • réduction d’émissions (gaz à effet de serre) et de déchets (prévenir vaut mieux que guérir) ; • une boucle fermée des matières à la fabrication (manufacture) pour utiliser et réutiliser les produits et les matériaux.

144

6. La nécessité d’une nouvelle industrie pour les matériaux textiles

Avant de concevoir tout produit, le choix du matériau est primordial, car il faut analyser toutes les étapes de son cycle de vie futur (ACV), de l’extraction des matières premières à l’élimination du produit. La démarche d’élaboration d’un nouveau matériau et de son procédé de mise en œuvre se complexifie au profit de plus grandes performances environnementales et fonctionnelles. De nouveaux équipements permettent d’optimiser la matière exploitée, et de mieux anticiper la phase de vie du produit.

L’éco-audit et le design Les données à optimiser sont l’efficacité énergétique, le choix des matériaux et des procédés, le design pour favoriser le recyclage [81]. L’éco-audit permet de tenir compte du cycle de vie des produits dans le choix des matériaux à la conception, le choix étant guidé par la parfaite connaissance des contraintes en présence, y compris le coût (figure 77). Toutefois, si les solutions de recyclage, d’éco-conception et de mise en œuvre de filières de matériaux biosourcés sont des réponses potentielles aux défis de l’industrie en matière de compétitivité, ces éléments restent aujourd’hui en retrait par rapport aux bénéfices qu’ils pourraient apporter au secteur.

 Figure 77   L’éco-audit et le design, les deux outils d’ingénierie des matériaux.

145

Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

Le recyclage La mise en place de filières de recyclage permet d’assurer la collecte, le tri et le traitement des déchets, ainsi que la valorisation, le recyclage et la production de matières premières secondaires de qualité. SITA France, filiale de Suez Environnement, est un leader du recyclage, avec 2,6 millions de tonnes de matières premières secondaires valorisées par an (270 000 tonnes de métaux, 100 000 tonnes de plastiques et 90 000 tonnes de pneus et produits caoutchoutés). Le constructeur automobile Renault s’est associé récemment avec SITA France et INDRA Investissement SAS, pour accélérer le recyclage des véhicules en fin de vie. Pour la première fois au monde, trois acteurs complémentaires travaillent ensemble pour assurer la réussite économique et environnementale de cette filière en pleine mutation. Ils ont l’objectif ambitieux de valoriser 95 % de la masse de chaque véhicule hors d’usage d’ici 2015. Ce projet va nécessiter la collaboration active de tous les acteurs de la filière et du monde automobile. À terme, il permettra de développer des partenariats similaires partout dans le monde et contribuera à favoriser l’émergence d’autres activités liées à l’environnement. En 2009, Arkema a lancé l’offre de service de recyclage Rcycle™ qui couvre la collecte des déchets, leur tri, leur valorisation et le développement d’une gamme de polymères recyclés. Les opérations de tri et de réutilisation des déchets de production et le traitement des articles usagés sont menés en partenariat avec la société Agiplast. Les polymères techniques Rilsan® et Pebax® utilisés dans des applications à haute valeur ajoutée (électronique, automobile, sport) sont donc recyclables, ainsi que le nouveau polyamide 11, le Rilsan T.

Les enjeux de la maîtrise des coûts de l’énergie Les contraintes d’accès aux ressources primaires et leur renchérissement pèsent fortement sur l’industrie. Les acteurs industriels doivent internaliser ces contraintes dans leurs coûts, sans toujours être en mesure de les répercuter sur le prix de vente des produits. Ce contexte est encore plus pénalisant quand les concurrents à l’échelle internationale peuvent bénéficier de contraintes moins fortes dans le domaine environnemental, ou quand ils ont accès à des ressources premières à des prix inférieurs. Pour nombre d’industriels, l’énergie est un facteur majeur de compétitivité car son prix représente une part importante des coûts de production. Pour des matériaux comme l’aluminium, l’acier ou de nombreux produits chimiques, ce coût de fonctionnement peut aller jusqu’à 50 %. En France, la quantité d’électricité consommée est d’environ 0,6 kWh par euro de valeur ajoutée (VA) pour l’ensemble de l’industrie manufacturière. Quelques secteurs concentrent la moitié des entreprises électrointensives [82]. Rapporté à leur chiffre d’affaires, le coût de l’électricité représente parfois plus du tiers des coûts salariaux. Il s’agit surtout de secteurs de fabrication en amont, comme le papier-carton, la chimie, les matières plastiques, la sidérurgie, la fonte, et de secteurs particuliers, comme les panneaux de bois ou les fibres textiles. Dans certaines industries comme la sidérurgie, la fabrication de fibres artificielles, de panneaux de bois, de verre creux ou de tube en acier, les entreprises consomment

146

6. La nécessité d’une nouvelle industrie pour les matériaux textiles

toujours une très grande quantité d’énergie8. On y constate ainsi une forte chute de la production entre 2001 et 2010 (plus de 60 % par exemple dans le secteur de la fabrication de fibres artificielles). Les filières de la fabrication de fibres synthétiques, de la pâte à papier, de la métallurgie, de l’aluminium et des emballages en matières plastiques présentent un important déficit commercial. Dans l’ensemble, la France n’occupe qu’une place secondaire dans les industries électro-intensives et est souvent devancée par l’Allemagne. Les menaces que les réglementations actuelles et futures font peser sur les coûts d’électricité des entreprises risquent de diminuer encore leur compétitivité et de les exposer davantage à la concurrence internationale.

6.1.4 La problématique de la propriété industrielle Pour conserver leur avance, les sociétés occidentales sont de plus en plus dépendantes de leurs innovations technologiques qu’il leur faut protéger. Le nombre d’applications brevetées peut être vu comme un indicateur pour quantifier le potentiel d’innovation de secteurs industriels comme l’industrie textile. L’Office européen des brevets (OEB) publie chaque année un rapport annuel qui est un thermomètre de l’innovation, aussi bien en Europe que dans le reste du monde. L’Europe constitue un espace économique dynamique et les pays membres de l’OEB représentent la zone déposant le plus de brevets depuis plusieurs années déjà, avec plus de 94 000 demandes de brevets déposées en 2012. Les entreprises continuent à investir en R&D malgré la crise. L’Europe est forte dans les transports, l’énergie, les appareillages électriques, les technologies médicales, la pharmacie. Au sein même des pays membres de l’OEB, on constate que l’Allemagne est la locomotive de l’espace économique européen, en représentant 13,3 % des demandes mondiales de brevets.

La dynamique des brevets en France La France comptabilise 4,7 % des demandes de brevets, soit plus de 12 000 demandes en 2012 (figure 78). Certes, elle dépose trois fois moins de demandes que l’Allemagne, mais il faut relativiser cet écart en notant que la part de l’industrie française dans sa contribution à la valeur ajoutée totale n’est que de 13 % alors qu’elle est de 25 % pour l’industrie allemande. Compte tenu de ce contexte, on peut donc dire que le potentiel français d’innovation est relativement dynamique, le nombre de brevets ayant d’ailleurs légèrement plus progressé que celui de l’Allemagne. Le dispositif Crédit d’Impôt Innovation qui a vu le jour en 2013 devrait entretenir largement ce dynamisme en permettant aux industriels français de financer de vastes programmes de recherche et développement. Quand on observe l’évolution 2010-2011 en nombre de demandes internationales de brevets selon le traité de coopération en matière de brevets (PCT), on constate 8.  Voir en annexe A4 le tableau des principaux secteurs des entreprises électro-intensives françaises en 2010 (Source Insee, EACEI).

147

Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

que le secteur de la chimie macromoléculaire et des polymères est dynamique avec 10,6 % d’augmentation9.

 Figure 78  Parts des pays dans les demandes mondiales de brevets déposées en 2012 (données : OEB).

Le rôle des brevets est à relativiser Le nombre de brevets détenus ou déposés n’est pas un indicateur direct du dynamisme économique ou de l’effectivité de l’innovation – comme peuvent l’être, à leur façon, le nombre de publications scientifiques. C’est un outil relativement récent dans l’arsenal juridique, bien plus que les premiers droits d’auteur et lois de copyright qui sont apparus dès le xvie siècle. En termes d’innovation, le rôle des brevets est peut-être à redéfinir pour les rendre efficaces et réellement utiles. Le principe même de droits de valorisation exclusive des nouvelles découvertes de la recherche devrait être corrigé, car ces gisements potentiels n’existent pas indépendamment des acteurs qui les alimentent, et ce sont surtout des zones de collaboration plutôt que d’exclusion qu’il faudrait promouvoir, pour assurer une meilleure synergie de la recherche.

6.1.5 Les matériaux textiles avancés La chimie, acteur des matériaux textiles avancés Au xixe et au xxe siècle, le développement de l’industrie chimique a soutenu celui du textile. Les nouvelles matières, les nouveaux colorants, les nouveaux procédés issus 9.  Voir en annexe A5 le tableau des demandes internationales de brevets en 2012, par domaine technique (selon le PCT).

148

6. La nécessité d’une nouvelle industrie pour les matériaux textiles

des innovations de l’industrie chimique ont permis au domaine textile d’évoluer et de répondre aux besoins d’un marché international fortement concurrentiel. Mais au xxie siècle, quels sont les nouveaux enjeux auxquels doit répondre le textile ?

Le génie textile contribue à l’innovation Le textile fait partie des matériaux avancés à fort potentiel technologique [83]. Parmi les technologies qui impulsent les solutions face aux enjeux majeurs de l’énergie, du développement durable et des marchés des produits à forte valeur ajoutée, la plupart entrent dans le champ du matériau textile (tableau 11).  Tableau 11  Les matériaux avancés et les technologies clés (données : UK Technology Strategy Board, 2011). Énergie

Développement Marchés à forte durable valeur ajoutée

Matériaux et structures allégés, incluant les composites et les hybrides

x

x

x

Matériaux résistant à des environnements très agressifs (haute température, corrosion, érosion)

x

x

x

Matériaux à fonction électronique ou optique

x

Structures, dispositifs et matériaux intelligents et multifonctionnels

x

x

x

Ingénierie de surface et technologies de revêtement

x

x

x

Ingénierie particulaire, fabrication préformée (near-net shape)

x

x

Technologies des fibres et du textile

x

x

x

Matéraux biorésorbables, bioactifs et biocompatibles

x

Matériaux naturels et biosourcés Technologies d’assemblage

x

Matériaux pour fournir une énergie portable (batteries, piles à combustible)

x

Nanomatériaux

x

x

x

x

x x

x

Matériaux à faible impact environnemental

x

Matériaux conçus pour être reconvertis dans un biocycle

x

x

Monitoring des fonctions physiologiques

x

x

x

Conception prédictive avec évaluation du temps d’usage du matériau

x

x

x

149

Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

Dans le contexte actuel de compétition globale et de désindustrialisation prégnante, le secteur textile a été contraint de réagir et il a su évoluer de manière extraordinairement dynamique. Les « matériaux textiles avancés », à spécialisation extrême, présentent des propriétés spécifiques étroitement liées aux applications de niche auxquelles ils sont destinés. En France, la production de matériaux textiles techniques a crû de plus de 4 % en 2011, desservant largement les marchés de l’exportation (35 %). Une étude récente publiée par la Commission européenne a mis en évidence que 69 % des entreprises interviewées dans le secteur textile considéraient les nouveaux matériaux comme essentiels pour l’innovation [84]. Le « génie textile » est en mesure de faire reculer les limites d’applications en se substituant à des matériaux classiques, ce matériau souple étant devenu une réponse technique dans de nombreux marchés, qu’il s’agisse d’équipements high-tech comme Airbus, ou de produits des marchés de masse (automobile, aménagement de la maison, protection individuelle). Les enjeux des matériaux sont clairement définis par les besoins des industries en aval, notamment par ceux qui occupent les places de leaders sur leur marché : – énergie : énergies fossiles (pétrole/gaz), nucléaire, énergies renouvelables (éolien, solaire thermique et photovoltaïque), nouvelles sources d’énergie (thermoélectricité) ; – TIC : télécoms, électronique et microélectronique, photonique, optique et éclairage (LED) ; – santé : biomatériaux et biocompatibilité, imagerie, vectorisation ; – qualité de la vie : transport, bâtiment, habillement, cosmétique, sports et loisirs, emballage et conditionnement ; – protection et sécurité : traçabilité, détection, protection. À plus long terme, les nouveaux matériaux textiles, et notamment ceux issus des nanotechnologies, vont contribuer au défi de la dématérialisation, idéal de notre société de consommation boulimique. Dans un lointain futur durable, on peut imaginer d’embarquer dans le textile des nano-hybrides actifs intégrant de l’information, sortes de poussières intelligentes (smart dust) dans un monde de plus en plus dématérialisé.

6.2 Quelle stratégie de développement des matériaux

hautes performances au xxie siècle ?

Les interfaces des textiles techniques avec d’autres matériaux La problématique des textiles techniques est une problématique « matériaux ». On sélectionne des matériaux, textiles voire autres, et l’on met en œuvre des procédés de fabrication innovants pour obtenir un produit textile final, doté de performances techniques et de propriétés fonctionnelles, répondant à un cahier des charges précis.

150

6. La nécessité d’une nouvelle industrie pour les matériaux textiles

Il existe de nombreuses interfaces et zones de chevauchement avec d’autres technologies des matériaux qui contribuent à la richesse et à la complexité de cette industrie [85] (figure 79).

 Figure 79  Interfaces des textiles techniques avec d’autres matériaux.

6.2.1 Quelques exemples de stratégies dans les matériaux connexes au textile Grâce à des traitements innovants, les fibres et les matériaux fibreux, comme le bois, les papiers, les textiles, les composites, peuvent être dotés de caractéristiques techniques nouvelles et donc de nouvelles fonctions. Cela ouvre le champ à une multitude de nouvelles applications comme l’amélioration du confort, de l’entretien, de la sécurité, voire la modification de l’aspect visuel des objets. Dans de nombreux cas, on peut envisager de remplacer les matériaux conventionnels par des alternatives optimisées, plus respectueuses de l’homme et de l’environnement, et plus compétitives. Les nouveaux traitements de surface et la fonctionnalisation sont donc une réelle opportunité à saisir pour l’industrie de demain, qu’il s’agisse du textile ou des matériaux connexes.

Le papier Le papier fait partie des matériaux de commodité vieux comme le monde, ou presque. Au même titre que le textile, l’industrie papetière doit répondre à des demandes impulsées par de grandes tendances sociétales : applications pour l’hygiène et la santé, emballages du futur, électronique imprimée et papiers intelligents, valorisation des déchets et optimisation des procédés industriels. Les champs d’investigation ne manquent pas, comme la chimie des lignocelluloses, les matériaux biosourcés. Le papier peut aussi intégrer de multiples fonctionnalités, créer des usages inédits et des débouchés autres que traditionnels pour son industrie. Le Centre technique du papier (CTP) a mis récemment au point le métapapier, un papier utilisé comme une barrière anti-wifi, grâce à des motifs imprimés avec une encre conductrice qui filtrent les ondes wifi, récompensé par la Palme d’argent de l’Innovation 2011 de l’ATIP (Association technique de l’industrie papetière). Il a

151

Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

aussi conçu un papier hydrophobe par chromatogénie, une technologie propre de modification moléculaire de la surface des matériaux ligno-cellulosiques, mise au point par le CNRS. Avec cette technologie de rupture, on obtient une sorte de goretex papier ou carton, qui ouvre des perspectives intéressantes (presse, emballage). En France, le bois est une ressource abondante et variée mais sous-exploitée par la filière industrielle. Première forêt feuillue d’Europe, la forêt française présente une très grande biodiversité avec 128 essences et de nombreuses variétés de résineux. Les surfaces s’agrandissent chaque année, mais cette forêt est très morcelée car les deux tiers des surfaces appartiennent à de nombreux propriétaires privés. Cette multiplicité nuit à la mobilisation de la ressource et la forêt française est ainsi sous-exploitée. La récolte de la forêt privée représente environ 60 % des volumes commercialisés.

Les métaux Relativement à la physique et la chimie du solide, l’une des spécificités de la métallurgie, est d’intégrer plusieurs échelles de grandeur, et de ne pas se cantonner à l’échelle atomique. Les microstructures, de la taille de grains pour des alliages hautes températures (de 10 nm à 105 nm), contrôlent en grande partie les propriétés mécaniques des métaux (élasticité, résistance mécanique, ductilité). Pouvoir maîtriser la morphologie et la taille des microstructures dans tous les alliages est un défi majeur dont les bases théoriques restent à approfondir. Il existe aussi des microstructures complexes polyphasées, ou alliages à transformation de phase. L’assemblage de phases, certaines très dures, d’autres plus ductiles, permet de réaliser un compromis résistance versus ductilité intéressant. Les métaux participent également à la révolution des composites à matrices métalliques (MMC), alliages métalliques renforcés par des fibres de verre ou de carbone dont l’utilisation est encore restreinte au domaine aérospatial.

Les mousses Les mousses présentent une faible densité (0,2 à 3,22 g/cm3) et une porosité élevée (> 90 %). Ces atouts leur procurent une grande surface par unité de volume et une faible résistance au passage des fluides. Les mousses métalliques sont des matériaux cellulaires extrêmement légers et très isolants, car contenant jusqu’à 95 % d’air (figure 80). De nature très solide par rapport à leur masse, elles offrent une résistance importante par unité de poids et elles gardent toutes les propriétés des matériaux dont elles sont issues (résistance, conductivité). Elles peuvent également conduire de l’électricité et leurs porosités peuvent contenir des gaz, des poudres, voire des médicaments. Elles intéressent donc de nombreux secteurs d’activité. On fabrique surtout des mousses d’aluminium, un matériau dont la masse volumique réduite et les performances mécaniques assez élevées sont intéressantes, par exemple pour réduire le bruit des avions en absorbant les vibrations. On cherche à le remplacer par l’acier, moins cher que l’aluminium, avec des performances mécaniques plus élevées, en particulier lors d’écrasements.

152

6. La nécessité d’une nouvelle industrie pour les matériaux textiles

 Figure 80  Mousse métallique distribuée par Goodfellow (photo reproduite avec la permission de Goodfellow).

Les céramiques Les céramiques présentent le paradoxe d’être l’un des matériaux les plus anciens, tout en participant aux technologies d’avant-garde grâce à leurs remarquables propriétés. À côté des céramiques dites techniques, comme les biocéramiques ou vitrocéramiques, on voit apparaître des composites à matrices céramiques (CMC). Les propriétés spécifiques des pièces céramiques dépendent en grande partie des propriétés des matières premières utilisées pour les concevoir, élaborées soit par mélange de roches broyées, soit par synthèse en voie liquide ou solide. Une maîtrise complète des matières est essentielle en termes de réactivité, stabilité, pureté chimique, distribution granulométrique. Il faut distinguer deux types de matériaux : – les céramiques traditionnelles (silico-alumineux), qui sont issues de matières premières naturelles (argile, feldspath, kaolin, quartz) et généralement mises en œuvre par coulée (barbotine) ; – les céramiques techniques (associations métal-métalloïde), obtenues le plus souvent par frittage, cette ébauche étant ensuite chauffée dans des fours spéciaux par électrofusion (les oxydes sont coulés directement dans un moule). Depuis une vingtaine d’années, les céramiques servent à de nouvelles applications dans des domaines de pointe, et leur forme a beaucoup évolué. Ces céramiques techniques jouent un grand rôle dans les défis technologiques lancés à l’industrie (prothèses de hanche, échangeurs thermiques et chimiques, outils de coupe). La France

153

Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

est un acteur important au niveau des céramiques structurales monolithiques grâce à de grands groupes comme Saint-Gobain. Depuis 2005, la production de céramique industrielle a fait une chute de 52 % en France, pour atteindre seulement 814 000 tonnes en 2011.

Les plastiques Le plastique présente de nombreux avantages lorsqu’il est nécessaire de concevoir un design complexe d’équipement avec l’intégration de fonctions. Les axes de recherche concernent : – les emballages alimentaires permettant la conservation, la traçabilité et la cuisson, voire biodégradables ; – les emballages dotés de propriétés techniques et esthétiques en cosmétique ; – les plastiques intelligents, ou conducteurs d’électricité ; – le design et les propriétés sensorielles du plastique (vue, toucher, odeur) ; – l’aseptisation et la biocompatibilité pour le secteur médical. La plasturgie utilise des procédés relativement simples. Aux innovations de produits s’ajoutent les innovations de procédés. Les plus marquantes concernent l’injection et l’extrusion. Plastipolis, le pôle de compétitivité dédié à la plasturgie, est situé en Rhône-Alpes, territoire qui concentre une bonne partie de cette industrie. Née il y a une cinquantaine d’années, la plasturgie est une industrie jeune qui regroupe l’ensemble des entreprises qui conçoivent et fabriquent les produits en matière plastique. L’industrie française de plasturgie se situe au septième rang mondial pour la production des plastiques avec près de 5 % des parts de marché, les deux premiers étant l’Allemagne (14 % des parts de marché) et la Chine (11 %). Au niveau européen, la France se situe en seconde position. Le chiffre d’affaires annuel est de 29 milliards d’euros pour 4,5 millions de tonnes livrées, dont près d’un quart à l’exportation [86]. Cependant, La Commission européenne estime à 450 000 le nombre d’emplois perdus chaque année, essentiellement dans les PME, à cause de difficultés de trésorerie.

6.2.2 Les stratégies de développement du textile dans la prochaine décennie Aujourd’hui, les domaines d’excellence de la France dans les technologies des matériaux sont les nanomatériaux et nanotechnologies, les composites, les matériaux pour le stockage de l’énergie, les matériaux biosourcés ou à faible impact carbone. Ces domaines sont tous susceptibles de concerner les matériaux textiles, et sont au programme des feuilles de route des pôles de compétitivité textiles (Techtera, Up-tex, Pôle Fibres). Dans la prochaine décennie, les entreprises textiles vont nouer des partenariats stratégiques avec des secteurs fortement technologiques et connexes au textile, et développer un programme de recherche de pointe exploitant les nouvelles technologies. Cette synergie leur permettra de concevoir des produits hautement fonctionnels.

154

6. La nécessité d’une nouvelle industrie pour les matériaux textiles

Les champs porteurs Les champs porteurs à exploiter sont nombreux : – les fibres issues de ressources renouvelables (PLA, PTT, etc.) ; – les polymères électro-conducteurs et les fibres à valeur ajoutée, dont les fibres antibactériennes ; – les nouvelles technologies (nanotechnologies, technologies intelligentes, microélectronique intégrée, nouvelles technologies d’assemblage des textiles), en particulier : • les technologies intelligentes ; • les nanotechnologies (traitements, nanofibres) ; • les non-tissés, les composites et les technologies hybrides ; • les fibres et textiles haute performance, les biotechnologies ; • le traitement plasma ; – les besoins des clients qui augmentent vers des produits à valeur ajoutée.

Les marchés prioritaires Les marchés prioritaires ciblés par l’ingénierie textile dans les feuilles de route des pôles sont : – – – – –

la rénovation des infrastructures (bâtiment, génie civil) ; la sécurité des personnes et les EPI (protection, habillement) ; l’allègement dans les transports (diminution du poids des véhicules) ; l’aide à la personne (santé) ; le bien-être et le luxe.

6.2.3 La maîtrise de la chaîne de production des fibres, en lien avec les groupes chimistes L’industrie textile française compte peu de producteurs de fibres aujourd’hui. Ancienne filiale des fibres techniques de Rhodia, l’entreprise Kermel est le seul fabricant de fibres techniques en France. Basé à Colmar (68), Kermel est leader en Europe sur le marché des fibres méta-aramides pour vêtements de protection contre la chaleur, les flammes et l’arc électrique. La société consacre plus de 5 % de son chiffre d’affaires à la recherche et développement et se diversifie sur le marché des vêtements et sous-vêtements de sport de vitesse avec sa marque SKEED®. L’industrie textile doit identifier de nouvelles sources de matières premières et consolider des alliances pour sécuriser ses approvisionnements, et éviter ainsi de pénaliser son avance technologique. L’industrie chimique commence à utiliser du sucre ou de l’amidon, soumis à une fermentation et à des traitements chimiques, comme alternative aux dérivés de la pétrochimie, pour fabriquer des matériaux biosourcés ayant les mêmes fonctionnalités et performances [87] (figure 81).

155

Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

 Figure 81  Schéma de principe de la bioraffinerie (d’après le projet Star-Colibri FP7).

L’objectif du projet européen Star-Colibri FP7 sur la bioraffinerie est d’avoir au moins 20 % de produits biosourcés à l’horizon 2025 (tableau 12). La plupart des polymères haute performance devraient pouvoir être produits à partir de la biomasse. À terme, lorsque la filière de production des matières premières sera organisée et qualifiée, ces biopolymères seront compétitifs par rapport aux polymères issus de la pétrochimie, voire permettront de nouvelles applications.  Tableau 12  Projection en valeur de la production de l’industrie chimique mondiale (en milliards de dollars), à l’horizon 2025 (données : projet Star-Colibri FP7).

Secteur d’activités

Total Mrd $

Produits chimiques

475

0,9

0,2

550

Chimie de spécialité

375

5,0

1,3

Chimie fine

100

15,0

Polymères

250

0,3

1 200

21,2

Total

156

2005  Total Biosourcés Mrd $ Mrd $ %

2010 Biosourcés  Mrd $ % 5-11

Total Mrd $

2025 Biosourcés  Mrd $ %

0,9-2,0

875

50-86

5,7-9,8

435

87-110 20,0-25,3

679

300-340

44,2-50,1

15,0

125

25-32 20,0-25,6

195

88-98

45,1-50,3

0,1

290

15-30

452

45-90

10,0-19,9

1,8 1 400

132-183

9,4-13,1 2201

483-614

21,9-27,9

5,2-10,3

6. La nécessité d’une nouvelle industrie pour les matériaux textiles

Le groupe chimique français Arkema se positionne dans la chimie verte Le chimiste français Arkema affirme son positionnement sur des niches à forte valeur ajoutée, en particulier les matériaux à hautes performances. Il poursuit sa stratégie de croissance dans la chimie verte, et se concentre sur les plastiques biosourcés qui représentent à ce jour 30 % de l’activité du groupe sur les polymères techniques et mobilisent environ deux tiers des efforts de R&D. Les acquisitions récentes des sociétés Hipro Polymers et Casda Biomaterials en Chine vont lui permettre d’étendre sa gamme de polyamides biosourcés destinés au secteur de l’automobile et aux nouvelles énergies (leur taux de croissance est estimé à 15 à 20 % par an). Le chimiste Arkema s’intéresse à la production de fibres textiles. Il a mis au point un nouveau grade de polyfluorure de vinylidène (PVDF), le Kynar 705, en partenariat avec l’autrichien Lenzing. La molécule pourrait servir de base à la fabrication de matériaux filtrants, de séparateurs de batterie, ou encore de toiles tendues architecturales. Sa haute fluidité le rend particulièrement adapté à la fabrication de textiles techniques. Spécialisée dans le traitement de fils textiles, l’entreprise Sofila, a lancé son « green fil  », innovation issue d’un partenariat avec le chimiste Arkema. Ce programme, labellisé par le pôle de compétitivité Techtera et soutenu par Oséo, vise à relancer commercialement le rilsan, fibre textile créée dans les années 1970 et issue du ricin, une plante aux besoins en eau réduits.

Les stratégies matériaux des grands groupes chimiques européens L’Allemand BASF est présent sur le marché des polyamides renforcés à longues fibres de verre. Il développe une gamme de polyamides à hautes performances qui offre de nouvelles opportunités pour la substitution des métaux. De fait, ce composant a une ossature de fibres 3D qui fait que son comportement se rapproche de celui des métaux. Les Allemands DyStar Colours et Coatema Coating ont signé un accord de coopération de recherche portant sur les technologies de teinture indigo et le traitement chimique d’effet sur fils, tissus et autres substrats textiles. Depuis plus de 35 ans, Coatema élabore des procédés performants pour l’enduction et l’impression sur différents types de substrats, qu’ils soient flexibles ou rigides. Il dispose d’un important centre de recherche à Dormagen, Allemagne, où il organise chaque année la conférence « International Coatema Symposium ».

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

6.2.4 Les machines accompagnent la mutation technologique des textiles Une industrie mondiale dominée par les constructeurs européens Dans un contexte de nouvelle ère industrielle, le rôle des machines est essentiel pour fabriquer les matériaux textiles. L’industrie des machines textiles est une industrie complexe qui requiert une expertise étendue du textile, de la mécanique et de l’électronique, et nécessite d’importants investissements en recherche. Aussi peu de pays sont-ils capables de produire des machines à un niveau suffisant de haute technologie. Adaptabilité, flexibilité et coût attractif sont les maîtres mots qui influent sur la décision d’achat de nouveaux équipements textiles. Ce secteur d’activité a comme principaux pays leaders l’Allemagne, le Japon, l’Italie, la Chine, la Suisse, la France, et la production mondiale devrait atteindre 22,9 milliards de dollars en 2017 [88]. L’Europe reste le principal centre de production de machines textiles dans le monde. Le Cematex (Comité européen des constructeurs de machines textiles) rassemble les principales organisations nationales européennes. Dans ce secteur très mondialisé, la compétition est féroce et les avancées technologiques très protégées, avec un recours généralisé aux dépôts de brevets. Tandis que le prix de l’énergie et des matières premières va croissant, les fabricants textiles cherchent à optimiser leur production avec des processus plus efficaces, économisant énergie et matière première. Les technologies durables sont donc un axe clé de cette industrie car les machines exercent une pression sur l’environnement en consommant des ressources. L’association italienne ACIMIT (Association of Italian Textile Machinery) coordonne le projet « Sustainable Technologies » qui promeut le management intelligent de l’énergie, des ressources en eau et des substances textiles dans les machines textiles. L’efficacité énergétique est une thématique majeure pour la VDMA (Verband Deutscher Maschinen- und Anlagenbau), la puissante association de constructeurs de machines allemands, forte de 120 compagnies dans le secteur textile, qui a développé l’initiative BLUecoMPETENCE.

Les leaders mondiaux du secteur des constructeurs de machines textiles L’Allemagne a consolidé sa position de leader en tant qu’exportateur européen et mondial, réalisant 4,1 milliards de dollars à l’export en 2012, avec 57 % en Asie, 28 % en Europe et 6 % aux États-Unis, et bénéficie d’une image de haute qualité technologique. La fédération de fabricants de machines VDMA est l’une des branches les plus puissantes de l’ingénierie allemande. Son bureau exécutif comprend les dirigeants des plus prestigieux constructeurs, en particulier Karl Mayer, Trützschler, ou Liba, pour le secteur textile. Des partenariats sont noués avec les instituts de recherche. Ainsi le constructeur Tajima GmbH et l’institut TITV ont travaillé ensemble à la fabrication industrielle de textiles lumineux en modifiant les machines de broderie (figure 82) pour automatiser le placement des composants LEDs.

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6. La nécessité d’une nouvelle industrie pour les matériaux textiles

 Figure 82  Machine de broderie Tajima (Techtextil Francfort 2013) (photo T3Nel).

Le Japon a énormément travaillé à la reconstruction de son industrie de fabrication de machines en achetant des procédés étrangers et en cherchant activement de nouvelles méthodes de production. Il compte aujourd’hui une bonne quarantaine de constructeurs reconnus parmi lesquels Fukuhara, Murata et Toyota. Selon l’association japonaise JTMA (Japan Textile Machinery Association), le volume des exportations était de l’ordre de 3 milliards de dollars en 2011, avec une part de 40 % à destination de la Chine. Le Japon a aussi importé des machines pour une valeur globale de 412 millions de dollars, les composants de machines représentant plus de la moitié en valeur. L’Italie compte les fabricants de machines textiles parmi les plus réputés du monde. Ce secteur regroupe environ 300 entreprises qui exportent 80 % de leur production dans 130 pays du globe, dont 50 % en Asie et 33 % en Europe, ce qui atteste la qualité de leur technologie textile [89]. Le triangle industriel Milan-Turin-Gênes regroupe une grande partie de la production, souvent axée sur les marchés de niche et les produits de luxe de l’export. Très présents au dernier salon Techtextil de Francfort, les fabricants italiens ont montré qu’ils adaptaient leurs machines à la production de textiles techniques et de non-tissés, ce secteur représentant déjà plus de 10 % de leur chiffre d’affaires. La Chine est devenue le plus gros constructeur de machines textiles du monde [90], répondant à 80 % des besoins de sa propre activité textile et exportant pour 2,25 milliards de dollars en 2011, dont près d’un quart en Inde. Dans le même temps, la Chine a importé des machines textiles pour plus de 5 milliards de dollars, ses principaux fournisseurs étant le Japon (32 %), l’Allemagne et l’Italie. Son industrie est très compétitive face à l’Inde, le Pakistan et la Turquie, en particulier pour le filage du coton, le travail du polyester et les équipements de teinture/impression.

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

Les principaux équipementiers textiles mondiaux choisissent d’étendre leur production en Chine où ils installent des usines pour desservir les marchés asiatiques. Dans le cadre de son douzième plan quinquennal de développement (2011-2015), la Chine envisage de passer de 40 % à 60 % la part des produits high-tech et se focalise donc sur les textiles techniques à forte valeur ajoutée. La Suisse conserve une position de leader, les constructeurs suisses étant des maîtres dans leur spécialité et disposant d’un fort potentiel d’innovation, en particulier sur les logiciels de mesure et de réglage. Leurs usines sont réparties aux quatre coins du globe, au plus près de la demande. Déjà présents en Asie au xixe siècle, à Canton et à Shanghai, les entrepreneurs suisses sont armés pour les marchés internationaux. Cependant, ils ont du mal à résister à la forte montée en puissance de la Chine et de l’Inde. La France a joué un rôle important dans le développement de l’industrie textile, s’illustrant avec l’invention de Jacquard, mais le secteur a été très ébranlé, avec la disparition de certains acteurs. Aujourd’hui 6e exportateur mondial, l’industrie françaises des machines textiles compte une trentaine de fabricants et exporte 91 % de sa production, ce qui représente un chiffre d’affaires de 1,18 milliard de dollars. Elle est fortement soutenue à l’export par l’UCMTF [91] (Union des constructeurs de matériels textiles de France). Les secteurs spécifiques couverts sont le filage des fibres longues, la régénération des déchets textiles, la fabrication des non-tissés où les industriels français sont bien positionnés. Proposant des technologies de pointe, ils consacrent 8 % de leur chiffre d’affaires à la recherche et au développement. À Guebwiller, Schlumberger, constructeur de machines de préparation à la filature pour fibres longues de type laine ou lin, réalise des installations aux quatre coins du monde. Installé dans le Rhône, Laroche fabrique des matériels de préparation de fibres, de lignes de production non-tissé par la technologie Airlay et de lignes de recyclage d’articles textiles, le tout en partenariat avec de nombreux clients du monde entier. Il s’adjuge le premier rang mondial pour la régénération des déchets textiles. Connu pour ses machines à tricoter familiales et artisanales, Superba travaille le vaporisage et la thermofixation de fils pour la mercerie et les tapis, et il s’est lancé dans la fabrication d’appareils de contrôle des caractéristiques des fils, pour la filature et le tissage. Racheté il y a deux ans par l’Autrichien Andritz, AsselinThibeau est leader dans le domaine porteur des non-tissés, ouvert à de nombreuses applications. Basé à Valence, et rebaptisé après sa reprise par le groupe Reyes il y a un an, Verdol SAS a lancé une nouvelle génération de machines pour torsader le fil de verre destinée aux marchés asiatiques. Verdol est mondialement connu pour la flexibilité de ses machines. De nombreux constructeurs français sont également spécialisés dans les techniques d’ennoblissement. On note qu’en France les machines fabriquées et exportées correspondent à des secteurs spécifiques, en particulier celui des non-tissés (12 %). Plus de la moitié (53,6 %) concernent le tissage ou sa préparation, alors que ce secteur ne représente que 6 % pour les machines allemandes exportées et 7 % pour les machines italiennes (figure 83).

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6. La nécessité d’une nouvelle industrie pour les matériaux textiles

a) France

b) Allemagne

c) Italie

 Figure 83  Répartition des exportations 2011 de machines textiles par principales catégories, en valeur, pour la France, l’Allemagne et l’Italie (données : UCMTF, VDMA, ACIMIT).

En Belgique, l’industrie des fabricants de machines est le 3e exportateur de la nation. Elle investit beaucoup en R&D, soit 7 % de sa valeur ajoutée. Plus précisément, l’industrie des machines textiles représente un chiffre d’affaires de 1,3 milliard de dollars, avec une prédominance des équipements pour les textiles d’intérieur, les textiles techniques et la finition textile [92]. Le constructeur belge Picanol dédie 30 % de son activité aux textiles techniques. Il a créé la surprise en juillet dernier avec l’annonce de l’acquisition de 27,6 % de Tessenderlo Chemie, une participation rachetée à l’État français. Avec cette prise de participation, Picanol Group veut diversifier ses activités et s’étendre sur le plan géographique, afin d’être mieux armé dans le marché cyclique des machines à tisser. En Turquie, le textile est un secteur clé de l’économie (PIB, nombres d’emplois, exportations) qui a favorisé l’expansion de l’industrie des machines textiles. Les constructeurs sont aujourd’hui capables de concurrencer les machines étrangères dans la plupart des catégories. C’est l’industrie la plus moderne du Moyen-Orient,

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

de l’Afrique du Nord, des Balkans, ou de l’Asie Centrale. La Turquie exporte dans 135 pays, principalement en Égypte, en Éthiopie, en Inde et en Ouzbékistan. En Inde, l’industrie des machines textiles est assez ancienne et permet de fournir la moitié de la demande nationale en équipements. Une grande partie des usines indiennes ne fabriquent que des éléments de machines, voire des accessoires. Dans le contexte de libéralisation des échanges de 2013, les équipementiers ont commencé à moderniser leurs machines à travers des joint-ventures avec des firmes étrangères et exportent environ 10 % de leur production. Le textile indien reste donc largement dépendant des machines étrangères, dans une proportion de 40 %. De gros investissements seraient nécessaires pour que l’Inde produise elle-même des machines high-tech adaptées aux marchés d’aujourd’hui. Aux États-Unis, la production de machines textiles a chuté dans les années 2000, mais on constate une reprise, avec un chiffre d’affaires estimé à 691 millions de dollars en 2010 [93]. Selon le comité américain NCTO (National Council of Textile Organizations), les entreprises textiles américaines ont construit 23 nouvelles usines depuis trois ans, et ont investi plus de 3 milliards de dollars pour les construire et les équiper. Ces lignes de production incluent la fabrication de fibres et de fils, ainsi que le recyclage pour réutiliser les déchets textiles dans de nouvelles applications. En 2012, la valeur immobilisée de tous les équipements textiles était estimée à plus de 53 milliards de dollars.

Le rôle des constructeurs de machines dans l’innovation sur les textiles techniques Les constructeurs de machines jouent un rôle important dans l’innovation sur les textiles techniques. Leur collaboration avec les concepteurs de nouveaux produits techniques est primordiale. Beaucoup de projets textiles soutenus auprès de PME par le groupe public français Bpifrance (ex-OSEO) concernent la mise au point d’une machine spécifique. Les industriels du textile exigent des technologies plus efficaces en matière de consommation d’énergie. Pour être plus efficientes, les machines ont besoin d’être plus intelligentes. Les contrôleurs à capacité d’apprentissage permettent d’ajuster en direct le comportement des machines. Le marché mondial évoluant très rapidement, il nécessite une grande diversité de machines. Les principaux acteurs du secteur ont adapté leur gamme pour proposer des machines modulaires et reconfigurables, embarquant des logiciels de contrôle issus des télécoms et de l’avionique. Les derniers développements technologiques portent sur le tissage, le jacquard, l’insertion de la trame, la finition, le cardage. Les machines s’adaptent aussi à la demande croissante pour les produits non-tissés et les fibres respectueuses de l’environnement. Pour la production de non-tissés, on peut travailler de grandes largeurs, améliorer la manutention et la consolidation des voiles et rationaliser le traitement des déchets textiles. Les machines traditionnelles de filage sont renforcées pour convenir aux fibres de haute ténacité des textiles techniques. Les machines de tissage sont adaptées aux

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besoins des nouveaux matériaux, comme les fibres de verre, de métal ou d’aramide. Les procédés de finition accueillent des technologies high-tech comme le traitement laser ou plasma, pour créer des effets spéciaux sur les textiles.

Les atouts des constructeurs européens Un facteur clé de succès est de pouvoir investir en fonction des marchés abordés. Les industriels textiles leaders adaptent leur parc machines aux productions réalisées. La flexibilité des lignes de production permet de proposer une large gamme de produits textiles différents, conformes au cahier des charges de chaque client. Cela nécessite de disposer d’un savoir-faire sur les équipements au sein du bureau d’étude de l’entreprise textile. Les Allemands ont compris que l’industrie des machines est essentielle et ils jugent important d’enseigner l’ingénierie mécanique et électronique aux étudiants du secteur textile, comme c’est le cas à l’Institut des technologies textiles d’Aix-la-Chapelle [94]. La forte imbrication entre les industries du textile, de la chimie et des constructeurs de machines est un atout qui favorise le leadership allemand. Aujourd’hui, 75 % de la demande mondiale en équipements de production est générée par le marché asiatique. On constate de façon générale que les producteurs de textile traditionnel investissent davantage sur les textiles techniques dans les pays émergents, exigeant des solutions spécifiques. Il y a un risque réel à dépendre exclusivement de cette demande pour des machines souvent « formatées ». Pour conserver leurs avantages concurrentiels, les constructeurs doivent veiller à pratiquer une stratégie de filière, en continuant à développer des processus sophistiqués pour être à même de desservir toute la chaîne textile, et conserver ainsi leur avance technologique.

L’industrie des machines textiles a amorcé une forte mutation technologique Le marché des machines textiles continue de connaître de nombreuses fluctuations, liées à des variables diverses. La production textile dépend directement de la capacité du parc machine. Si cette dernière est insuffisante, il en résulte une incapacité régulière à livrer des clients, ou à prendre des commandes supplémentaires. Mais acheter de gros équipements textiles est une décision importante d’investissement qu’il faut pouvoir amortir. Face à des cycles d’innovation de plus en plus courts, et des demandes de plus en plus pointues, l’industrie des machines textiles a amorcé une forte mutation technologique. Les équipements sont de plus en plus modulaires et adaptables, embarquant des logiciels qui permettent de reconfigurer rapidement les processus de production en fonction de la demande précise exigée par le produit à fabriquer. Un défi est à relever pour les industriels, celui de produire de façon importante des nanofibres pour répondre à une demande grandissante. L’entreprise tchèque Elmarco a conçu et réalisé la première machine industrielle pouvant produire jusqu’à 50 millions de mètres carrés par an de non-tissé de nanofibres par la méthode d’électrofilage (l’electrospinning permet de produire des filaments de diamètres très fins en utilisant des forces électrostatiques).

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

Les Allemands demeurent les leaders en matière de précision, s’appropriant la plus grande part sur chaque segment de catégories de machines textiles. Il est vrai que, dans plus d’un tiers de projets de recherche allemands, les entreprises textiles coopèrent avec la construction des machines textiles afin de faire croître la productivité des installations dans le processus de production, tout en réalisant de nouveaux produits. Les résultats ainsi obtenus contribuent fortement à la compétitivité de la construction allemande des machines textiles. La Chine monte en puissance au fur et à mesure qu’elle absorbe les technologies des constructeurs européens qui déplacent leurs usines en Chine pour réduire leurs coûts. L’Italie conserve un potentiel consistant dans la plupart des classes de machines, assurant une forte promotion de ses activités à l’export. La France conserve une place dans le peloton de tête, avec des entreprises qui sont des leaders mondiaux dans leurs secteurs. Ses constructeurs fabriquent des machines spécialisées de haut niveau technologique, répondant aux besoins spécifiques d’une clientèle essentiellement étrangère. Le secteur du matériel textile reste l’un des plus performants de la machine-outil française et il gagnerait à être mieux connu pour l’image du textile. Il est très important que les constructeurs français capitalisent sur l’avance technologique des machines alors que nous entrons dans une nouvelle ère industrielle. Fernand Léger est le peintre des aspects nouveaux du monde moderne. Dans son œuvre Les Constructeurs, les mouvements des hommes sont tout à la réussite, dans une architecture qui monte très haut et dont ils prennent possession. Il nous montre un monde à construire, dans cet univers de couleurs où nous vivons, où le sujet n’est plus le personnage principal, car il y aussi l’objet, la machine (figure 84).

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 Figure 84  Les Constructeurs, Fernand Léger, 1950 (photo Licence Creative Commons).

6. La nécessité d’une nouvelle industrie pour les matériaux textiles

6.3 Les plans stratégiques dans l’industrie mondiale

des textiles techniques

6.3.1 Le positionnement de l’industrie textile européenne Les industriels doivent être bien armés pour aborder ces marchés complexes L’organisation professionnelle européenne du textile Euratex regroupe les associations nationales de 25 pays. Elle représente la profession textile auprès des institutions communautaires et des organisations internationales (OMC) et accompagne l’industrie textile européenne dans son développement international. Comme les textiles techniques contribuent souvent à la production de produits à haute valeur ajoutée, ils restent très dépendants de la conjoncture économique globale. Dans ce contexte, il apparaît crucial que les entreprises européennes spécialisées dans les textiles techniques se dotent d’armes économiques et commerciales suffisantes pour aborder ce marché. La première étape passe par une bonne identification des besoins de ce secteur pour soutenir son effort de croissance et d’innovation. Malgré la détérioration de l’économie mondiale, l’industrie européenne du textile et de l’habillement a atteint un chiffre d’affaires total de 179 milliards d’euros en 2011, ce qui augure d’une bonne confiance dans l’avenir. Le secteur des textiles techniques est l’un des plus innovants de l’industrie et fait partie du top 5 des secteurs high-tech ayant le plus grand potentiel de croissance escompté. 90 % des textiles innovants seraient encore à inventer et l’Europe est bien placée dans cette course. Le salon Techtextil a contribué au développement de l’industrie des textiles techniques en Europe. Son organisateur, Michael Jänecke, estime que pour rejoindre ces nouveaux marchés les compagnies doivent consentir des efforts conséquents en investissant à la fois dans la R&D (marchés, produits, matériaux), et dans les équipements (machinerie, procédés et contrôle qualité). Les objectifs à court, moyen et long termes doivent être identifiés, mais le jeu en vaut la chandelle car les opportunités sont énormes [95]. La plateforme européenne ETP (European Technology Platform) a été mise en place fin 2004. En 2009, elle avait déjà soutenu plus de 30 projets pour un engagement de financement global de 220 millions d’euros [96]. L’avenir de l’industrie européenne dépend de produits très spécialisés, aussi développe-t-elle de nouveaux types de fibres avancées qui seront disponibles dans un futur proche et compétitives sur le marché. La prochaine génération de fibres apportera une valeur ajoutée par rapport aux fonctions basiques du textile, comme la protection, l’isolation, l’occultation. Dans l’habillement, de nouvelles caractéristiques verront le jour, influencées par les effets de mode, ou de différentiation. Les textiles de santé iront plus loin dans le bien-être du corps, exigeant des fibres dotées d’une capillarité encore meilleure. L’identification de nano-particules et de nanocomposites va favoriser les avancées sur les textiles médicaux. Les textiles intelligents seront encore plus sophistiqués avec les besoins de l’industrie militaire en matière de camouflage.

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

Les nouvelles fonctionnalités seront aussi le fait d’autres champs, étrangers au secteur textile. La création de nouvelles solutions se fera donc dans le cadre de partenariats au sein de joint-ventures, ouvrant la voie à des coopérations interdisciplinaires (sciences de matériaux, ingénierie, chimie, physiologie, design, développement de procédés, TIC). La problématique de communication sera au cœur de nouveaux systèmes portables contrôlant les fonctions biologiques.

Les menaces sur les approvisionnements en fibres Il faut avoir présent à l’esprit qu’il existe une menace importante sur les approvisionnements en fibres ou filaments synthétiques, matière de base pour les textiles techniques, car elles sont de plus en plus produites en Asie (figure 85).

 Figure 85  L’évolution de la production mondiale de fibres synthétiques (1970-2015), en millions de tonnes (données : Euratex, CIRFS, Oerlikon Fiber Year, IVC, Trevira, Gherzi). *Dont filament, fibre coupée et cellulose.

La globalisation des processus productifs textiles et le bilan carbone lié au transport La mondialisation a accéléré les échanges internationaux, favorisés par de multiples facteurs, comme l’abaissement des tarifs douaniers, la réduction des coûts de transport, l’intensification des échanges d’informations générée par la révolution numérique. L’intégration des capacités de production industrielle des pays émergents dans l’économie mondiale a conduit à l’éclatement des chaînes de production entre donneurs d’ordre et sous-traitants disséminés partout dans le monde. L’industrie textile, qui nécessite de nombreuses phases de fabrication, est sans doute la plus internationalisée. Cette décomposition internationale des processus productifs (DIPP) génère des flux croisés intra-branche pour échanger des éléments ou des traitements (teinture, finition…), avant l’assemblage final. Ainsi, quand la Chine ou le Mexique exporte un produit fini, les pièces qui le composent ont parfois passé les frontières plusieurs fois auparavant.

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6. La nécessité d’une nouvelle industrie pour les matériaux textiles

L’empreinte écologique des articles textiles n’est pas neutre pour la planète, car chaque étape de leur cycle de vie (fibre, ennoblissement, transformation, distribution, entretien…) soulève des enjeux environnementaux importants. L’ADEME a élaboré une méthodologie Bilan Carbone® qui permet d’évaluer les émissions des gaz à effets de Serre (GES) engendrées par l’activité induite, en particulier sa dépendance aux énergies fossiles, sans oublier les différentes étapes d’acheminement des biens. De fait, 22,5 % des émissions de CO2 chinoises sont liées à la production destinée à l’exportation, avec parmi les premiers importateurs les pays de l’OCDE. Les émissions de CO2 liées au mode de transport choisi peuvent représenter jusqu’à 50 % de l’impact carbone global d’un produit, sans oublier l’impact carbone lié à la fabrication des emballages. Le fret maritime est avantageux et un produit qui parcourt 10 000 km en bateau a le même impact carbone que s’il avait parcouru 900 km en camion. Le transport par bateau représente 96 % des tonnes/kilomètres des produits livrés en France, mais seulement 55 % des émissions de GES, le bateau ayant des émissions par tonne/ km plus basses que le camion, ou a fortiori l’avion. La mondialisation a donc conduit à une très forte augmentation du fret maritime, qui assure l’essentiel des échanges internationaux. On essaie aussi de favoriser le ferroutage, avec un succès mitigé. Entre 1990 et 2010, la France a augmenté ses importations de produits manufacturés tout en délocalisant une partie de son outil de production, d’où une hausse de la consommation d’énergie nécessaire à la transformation des ressources en produits finis, et à leur acheminement, malgré l’amélioration de l’efficacité énergétique dans l’industrie [97]. Dans le même temps, les émissions liées au transport dans la distribution ont augmenté de 20 % (figure 86).

 Figure 86  Émissions de GES par personne, liées aux biens de consommation (hors alimentation), période 1990-2010 (données : Carbone 4).

On constate une délocalisation importante de la pétrochimie vers l’Asie et le MoyenOrient. Il existe donc une menace importante sur les approvisionnements en fibres ou filaments synthétiques, matière de base pour les textiles techniques, de plus en plus produites en Asie. Le développement d’une chimie moderne, maîtrisant sa propre empreinte environnementale, serait un atout déterminant pour inscrire la production de fibres dans la dynamique de la croissance verte.

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

De forts bouleversements sont à l’œuvre dans la hiérarchie économique mondiale, avec le caractère de plus en plus stratégique de certains échanges agricoles et la délocalisation partielle de services de qualité dans des pays plus proches comme au Maghreb, en Turquie et dans les Pays de l’Est. Ainsi, les pays développés payent parfois le prix fort en termes de croissance et d’emploi, et aussi en subissant une perte de savoir-faire tout au long de la filière textile.

Les fibres biosourcées La France, cinquième pays agricole mondial, premier européen et deuxième exportateur agricole mondial derrière les États-Unis, dispose d’une filière agronomique forte. L’objectif affiché serait d’augmenter la part de matières premières renouvelables pour les fibres textiles en utilisant tous les types de ressources agricoles et cellulosiques ainsi que les déchets et les co-produits. Les bioraffineries destinées à valoriser sucres et huiles sont bien avancées en termes de maturité. Par contre, les bioraffineries « lignocellulosiques » sont encore au stade de démonstrateurs industriels. La France fait partie des leaders européens du domaine, avec cinq bioraffineries implantées sur le territoire sur trente-cinq en Europe. Elle est donc bien placée pour encourager les développements de monomères biosourcés et leurs applications. Il lui faut néanmoins soutenir la mise à disposition de démonstrateurs, car elle manque d’unités industrielles de grande taille.

6.3.2 Panorama de l’industrie française des textiles techniques La conjoncture de l’industrie française des textiles techniques La France a de réels atouts sur le secteur des textiles techniques, car elle dispose d’entreprises françaises performantes sur les segments à fort potentiel. La filière des fibres végétales (lin, chanvre) y est en pleine mutation, ce qui sera une ressource précieuse pour l’approvisionnement en fibres techniques, à moyen terme. La recherche textile française s’effectue dans le cadre de l’IFTH, dans les centres de recherches des écoles ou des universités scientifiques, dans les entreprises, souvent en lien avec les pôles de compétitivité textile (Techtera, Up-Tex, Pole Fibres) ou l’IFTH, avec le soutien de l’entreprise publique OSEO10. La convention CITEXT Europe dédiée aux entreprises de la filière des textiles techniques a été créée en 1997, avec le concours du Club Textile Intégral basé en Champagne-Ardenne. Organisée tous les deux ans à Troyes, en alternance avec Techtextil Francfort, elle attire aussi quelques professionnels de la mode curieux de voir quel parti tirer des textiles techniques. Un nombre important d’entreprises adhèrent à l’association professionnelle Clubtex constituée en 1990, qui organise l’événement Futex dont le prochain rendez-vous est en janvier 2015. 10.  Voir en annexe A6 la carte du réseau des acteurs contribuant à l’innovation du secteur textile en France.

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Cartographie des entreprises françaises du secteur des nouveaux matériaux textiles Les entreprises françaises du textile technique sont surtout des PME, pour beaucoup regroupées à travers des associations professionnelles ou des clusters de recherche, essentiellement à un niveau régional, d’où une régionalisation de certaines productions d’input textiles. Le marché des textiles techniques correspond à un agrégat de marchés de niche pour des produits à forte valeur ajoutée, avec des coûts de production très dépendants du prix des matières premières.

On voit donc la nécessité d’un vrai plan industriel, par exemple sur les biopolymères, avec une réflexion sur les synergies possibles avec les différents secteurs concernés par des technologies clés, parfois fort éloignés des régions textiles. Mis en place récemment, l’observatoire des Textiles Techniques (IFM) a publié un premier tableau de bord de l’activité des textiles techniques français. On compte environ 400 entreprises françaises opérant dans le secteur des textiles techniques, et ayant une activité de concepteur ou de fabricant textile [98]. Le chiffre d’affaires global de l’activité française du textile technique est estimé à 5,5 milliards d’euros HT, avec un taux d’export moyen de 35 %. Cette activité concerne un effectif total d’environ 25 000 salariés (soit un effectif moyen de 62 salariés). La part de chiffre d’affaires représentée par l’activité des non-tissés est estimée à 1,06 milliard d’euros HT. Concernant la performance 2011 des entreprises des textiles techniques, les entreprises du textile technique présentent un taux d’exportation important, de 35 % en moyenne. Le taux d’investissement productif, calculé sur la valeur ajoutée, montre que ce secteur investit fortement dans les outils de production. La capacité d’autofinancement relative moyenne (3,3 % du CA) met en évidence que les entreprises sont capables de prendre en charge une part relativement élevée des investissements (tableau 13).  Tableau 13  Performance 2011 des entreprises des textiles techniques (valeurs moyennes estimées sur un panel de 370 entreprises françaises) (source : OTT 2012). Nombre d’entreprises du panel

370

Taux d’exportation moyen

35 %

Taux de rentabilité nette

2,8 %

Taux d’investissement productif

15 %

Taux de valeur ajoutée

26 %

Capacité d’autofinancement moyenne (K€ HT) Chiffre d’affaires moyen (K€ HT) Effectif moyen

500 15 000 73

Globalement, le marché français des textiles techniques a un niveau de maturité encore modéré et est demandeur d’innovation. Les applications dans le bâtiment,

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

l’aménagement intérieur et le bien-être sont des marchés en forte progression, et la France est en position de leader sur les cosmétotextiles. On peut donner les taux de croissance annuels estimés pour quelques segments de marchés sur la période 2012-2017 : – – – – –

cosmétotextiles produits médicaux chirurgicaux produits cosmétiques/hygiène non-tissés pour l’isolation non-tissés de filtration

+ 30 % + 13 % + 6 % + 4 % + 7 %

6.3.3 Les plans stratégiques définis par quelques pays pour leur industrie des textiles techniques Plusieurs pays ont défini un plan stratégique pour leur industrie des textiles techniques en fonction des facteurs qui induiront une demande dans ce secteur. Le niveau de compétition est intense, avec une problématique forte de protection de propriété intellectuelle.

L’Allemagne L’Allemagne est le leader européen dans le domaine des textiles techniques, à la fois premier producteur et premier consommateur de textiles techniques. Elle dispose de deux gros atouts, étant numéro un européen pour la chimie et la fabrication de machines. De plus, elle est depuis longtemps organisée en länder, ce qui a permis de maintenir beaucoup de centres techniques, fortement associés aux universités et aux entreprises. On compte 16 établissements de recherche textile allemands, la coordination des projets étant assurée par le Conseil en recherche textile (CRT). Le CRT a mis en place une nouvelle stratégie commune [99] qui a défini les domaines de recherche prioritaires. En moyenne, 50 à 60 projets sont financés chaque année, soit un total annuel de subventions d’environ 12 millions d’euros. L’objectif est de proposer des fonctionnalités avancées dans les composites ou les matériaux textiles. Les cinq grandes thématiques de recherche retenues sont la santé, la mobilité, la sécurité, la communication, le bien-être. La recherche sur les textiles techniques intelligents est aussi soutenue par le ministère de la Recherche allemand (BMBF) dans le cadre du programme « Microsystèmes ».

Le Canada Fin 2008, l’industrie textile canadienne a défini un plan stratégique pour la période 2008-2018 [100], avec des recommandations pour le développement des textiles techniques, ou textiles à valeur ajoutée. Les technologies mentionnées sont les composites (à base de tissés, de tricotés et de non-tissés), les technologies hybrides, les

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technologies intelligentes, les technologies ayant trait aux non-tissés, aux fibres et aux vêtements hautes performances, les nanotechnologies et les biotechnologies. Le marché des textiles techniques représente 23 % de l’industrie textile canadienne, soit 1,8 milliard de dollars. Les secteurs qui présentent le plus fort taux de croissance pour les années à venir sont la protection, les transports, l’industrie et le médical, ainsi que le domaine transversal des textiles à valeur ajoutée (performants, ultraconfortables, intelligents…).

L’Inde En Inde, la mission nationale pour la promotion des textiles techniques s’est fixé l’objectif d’augmenter la production de ce secteur pour atteindre 15 milliards de dollars en 2013, avec un budget de 170 millions de dollars pour les années 20072012. La mission a identifié quatre secteurs importants à développer en priorité : le médical, les géotextiles, les agrotextiles et la protection. Les droits de douane ont été réduits de 5 % pour l’importation des équipements nécessaires à la fabrication de textiles techniques et de non-tissés. Dans le contexte de libéralisation des échanges de 2013, les équipementiers ont commencé à moderniser leurs machines à travers des joint-ventures avec des firmes étrangères. Toutefois, le textile indien reste encore largement dépendant des machines textiles étrangères.

La Chine En Chine, le Conseil d’État a élaboré un plan national pour renforcer son industrie textile, avec pour objectif d’encourager l’innovation nationale. Ce plan propose de développer des fibres avancées pour la production de masse et les applications diversifiées, et d’étendre les applications des textiles industriels. Le cap visé est de passer la part d’utilisation de géotextiles dans les infrastructures de 20 % à 50 %, d’augmenter la production des non-tissés (voie fondue, enchevêtrement par jets d’eau). Ce plan d’amélioration du secteur textile porte aussi sur les matériaux composites avancés. L’objectif de croissance est d’augmenter de 20 % à 30 % par an la production de textiles fonctionnels ou à haute performance. Le plan chinois cible aussi le développement des fibres différenciées afin de favoriser la production intérieure, pour qu’elle atteigne la moitié de la demande (36 % avant le plan). Les contraintes de développement durable ne sont pas oubliées. Dans le secteur de l’impression et de la teinture industrielle, on cible de réduire la consommation d’énergie de 10 %, et d’atteindre un taux de recyclage des eaux usées de 35 %.

Les États-Unis Les États-Unis investissent massivement dans la recherche, la conception et la production de textiles avancés pour maintenir leur leadership. Selon l’association IFAI, l’industrie textile dépense des sommes colossales pour maintenir des installations

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

modernes, investir dans de nouveaux équipements et développer des technologies avancées. Le comité américain NCTO (National Council of Textile Organizations) précise que les entreprises textiles américaines ont construit 23 nouvelles usines depuis trois ans, en investissant plus de 3 milliards de dollars pour les construire et les équiper. Ces lignes de production incluent la fabrication de fibres et de fils, ainsi que le recyclage pour réutiliser les déchets textiles dans de nouvelles applications. L’industrie textile des États-Unis est au troisième rang mondial, les exportations textiles ayant grossi d’un tiers depuis 2009, pour atteindre 17 milliards de dollars en 2012. La productivité de l’industrie textile américaine aurait augmenté de 45 % dans la dernière décennie, avec des salaires fortement réévalués. De nombreux développements sur les vêtements de protection ou les fibres hautes performances ont des objectifs militaires, ce qui fait que les États-Unis sont parmi les leaders en R&D sur les matériaux textiles. Ainsi, l’industrie fournit plus de 8 000 produits textiles différents par an à l’armée américaine.

Le Japon L’industrie textile japonaise a fortement contribué à la croissance économique du Japon. Les technologies des fibres ont évolué, contribuant à la diversification des entreprises, en particulier dans la plasturgie, les TIC, les produits médicaux et de soin. L’industrie textile continue à être un modèle de développement à travers l’amélioration constante de ses technologies. L’industrie textile japonaise a défini un plan d’actions [101] visant à : – élargir les champs d’application du textile, en particulier dans le secteur de la santé ; – faire évoluer l’industrie japonaise de la mode vers une position de leader en termes d’identité culturelle (image de type « Cool Japan ») ; – promouvoir la collaboration inter-entreprises (cluster) ; – promouvoir l’adoption de standards et de méthodes d’évaluation japonais (JIS) pour les fibres ultra-fonctionnelles (en lien avec les standards internationaux ISO). Le Japon mise son excellence sur les fibres high-tech et sur sa suprématie mondiale comme producteur de fibres de carbones, les Japonais Toray, Toho Tenax et Mitsubishi représentant 69 % de la capacité de production mondiale. Les objectifs ciblés sont les nouveaux matériaux industriels destinés à contribuer à faire baisser l’empreinte carbone, en développant : – l’utilisation des composites à fibre carbone dans les voitures de gamme moyenne11 ; – les membranes utilisées pour le traitement de l’eau et la désalinisation de l’eau de mer. 11.  Voir en annexe A7 le schéma sur l’utilisation des fibres de carbone dans l’automobile.

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6. La nécessité d’une nouvelle industrie pour les matériaux textiles

6.4 Les paradoxes et la complexité de l’industrie

des matériaux textiles

6.4.1 Le positionnement de l’industrie française des biens intermédiaires La nécessité d’un écosystème en appui de l’industrie L’enjeu du maintien de la compétitivité de l’industrie nationale passe par la capacité des donneurs d’ordre finaux à s’appuyer sur un système complet travaillant en synergie : – – – –

un tissu de fournisseurs (matières, services spécifiques) ; un coût raisonnable de l’accès à l’énergie ; des fournisseurs de machines et d’équipements compétitifs ; des services environnementaux compétents.

Les enjeux liés au développement durable nécessitent l’adaptation des métiers et des compétences. L’attractivité du secteur de l’industrie reste faible pour les jeunes entrant sur le marché du travail, au regard d’autres secteurs comme celui des services. Cette tendance est encore plus exacerbée dans un secteur qui ne dispose pas de réelle visibilité produit, ne fabriquant pas de produits finaux pour le grand public, mais servant à fabriquer d’autres biens12. Dans le processus de la transformation de la matière, la mise au point de procédés éco-efficients est la clé de la durabilité. Il faut aussi développer des méthodes permettant l’industrialisation rapide de ces procédés, ce qui réduira les coûts d’investissement, d’autant plus s’ils sont faciles à optimiser et à maintenir. La mise en œuvre d’écosystèmes régionaux d’acteurs industriels devrait permettre d’organiser le flux des produits et des matières liées au processus de production. La structuration de filières de recyclage nationales, déclinées au niveau local, est un prérequis nécessaire pour construire des circuits courts de valorisation des co-produits. L’accès à des plateformes de démonstration aidera à appréhender la mise en œuvre des nouveaux paradigmes : matières premières renouvelables (bioraffinerie), cycle intégré de l’eau (intégration de la gestion des eaux industrielles et communales), usine économe en énergie ou usine du futur (F3 Factory).

12.  Ces industries correspondent au code EF de la NES : produits minéraux ; textile ; bois et le papier ; chimie, le caoutchouc et les plastiques ; métallurgie et la transformation des métaux ; composants électriques et électroniques.

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

Le paradoxe de l’industrie française des biens intermédiaires Une des caractéristiques de l’industrie des biens intermédiaires est la longueur des cycles d’investissement. Aussi le sous-investissement de ce secteur lui fait-il prendre du retard dans l’innovation des produits et des procédés, et dans la mise en place de partenariats solides pour consolider l’accès aux ressources primaires. Le paradoxe en France est que cette industrie des biens intermédiaires est un fort contributeur à la recherche privée, soit près de 40 % des dépenses de recherche et développement de l’industrie. Le lien entre recherche académique et recherche privée s’est amélioré dans le cadre des pôles de compétitivité, mais il nécessite d’être renforcé à l’échelle du territoire, en coordination avec les établissements de formation. Dans le cadre des états généraux de l’industrie, l’institut d’études économiques Coe-Rexecode a mené une enquête sur l’image des produits [102], les importateurs européens notant pour chaque pays chaque type de produits industriels selon plusieurs critères (qualité, ergonomie, etc.). Quand on observe le positionnement de l’industrie française vis-à-vis de ses principaux concurrents, on constate qu’elle souffre d’un déficit de notoriété, dû en partie à un manque de reconnaissance du secteur (figure 87).

 Figure 87  Note moyenne obtenue auprès des importateurs européens, par critère hors prix sur l’ensemble des produits suivants : biens de consommation, biens intermédiaires, biens d’équipement mécaniques et électriques (données : Coe-Rexecode).

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6. La nécessité d’une nouvelle industrie pour les matériaux textiles

6.4.2 L’industrie des matériaux textiles, un secteur complexe Une industrie textile fragmentée Parmi les entreprises intervenant dans la chaîne de fabrication des textiles techniques, un tiers des entreprises sont véritablement spécialisées sur ce secteur et deux tiers des entreprises n’ont pas une vocation première de « textilien ». Ce secteur est excessivement fragmenté, peu visible, car la partie textile n’est souvent pas la composante majeure du produit final, et ce n’est pas toujours un composant stratégique. Quand la composante textile de leur activité est bien visible, les industriels sont tous intégrés dans la filière textile, comme c’est le cas pour les acteurs des textiles médicaux comme Thuasne ou Gibaud. Pour tenter de caractériser ce secteur, il faut distinguer les industriels sous-traitants de ceux qui sont visibles de la filière textile technique. Ainsi on différenciera : – les entreprises qui, par la nature de leur métier au sens marché du terme, produisent des textiles techniques. Ces entreprises ont une problématique marché. Elles ont les informations sur leurs clients, les normes, les nouveaux potentiels ; – les nombreuses PME de textiliens transformateurs, qui ont un accès limité à la connaissance des matières premières. Si l’on considère les grands projets de nouveaux développements dans ce secteur, ce sont 90 % d’entreprises non textiles qui sont impliquées, et seulement quelques PME textiles. Une grande partie des industriels ne sont donc pas concernés par les initiatives d’innovation technologique textile. Il est crucial pour les entreprises de saisir les opportunités offertes par le marché innovant des nouvelles matières textiles, en particulier celles qui sont synthétiques et renouvelables. Les PME ont besoin de capter les informations pertinentes, de les interpréter et de les incorporer de manière structurée dans leurs propres développements. Si une PME est à l’origine d’un développement de produits innovants autour d’une technologie émergente et d’une vision du marché à développer, elle devient le fruit de convoitise et court le risque d’être rapidement rachetée par un groupe. Il faut pouvoir protéger le risque d’accaparement des brevets et les savoir-faire, sources de développement de notre industrie, en ayant en ligne de mire la sauvegarde de notre potentiel industriel, qui est réel. Pour ce faire, le secteur textile doit bénéficier d’un large soutien à travers toute la chaîne de valeur, de la recherche à la conception technique, et jusqu’aux processus de distribution dans les marchés.

Le textile n’est plus l’apanage des seuls textiliens De grands groupes industriels d’autres secteurs investissent dans les savoir-faire textiles, cherchant à créer une valeur additionnelle pour leurs produits, aussi bien dans l’automobile, l’aéronautique, le bâtiment que la cosmétique. Leur objectif est de développer des compétences textiles pour intégrer verticalement la chaîne de valeur.

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

Astrium, filiale du groupe EADS, est leader spatial européen. Son site de SaintMédard-en-Jalles près de Bordeaux est le berceau historique des systèmes balistiques de la force nucléaire stratégique française. Les compétences acquises avec le développement de ces programmes lui permettent d’être aujourd’hui le spécialiste dans des domaines de pointe, parmi lesquels les structures bobinées et tissées à hautes performances. L’équipementier Valeo dispose de deux lignes de production de nontissés pour la filtration en Bretagne, sur le site d’Athis de l’Orne. L’intégration est totale, de la R&D à la production. Acteur majeur dans l’aéronautique, la défense et la sécurité, le groupe Safran a mis en place une direction transversale Safran Composites en 2011. Le groupe français Saint-Gobain a créé des départements dédiés aux matériaux textiles, Vitrotex et ADFORS. Nouvelle marque institutionnelle depuis 2011, ADFORS a renforcé la stratégie du groupe Saint-Gobain basée sur la promotion de marques fortes dans les secteurs de l’industrie, du bâtiment et du cadre de vie. Saint-Gobain ADFORS fabrique des textiles de renfort en utilisant des techniques traditionnelles et innovantes telles que le tissage, le tricotage, le canevas, le laminage et l’enduction. Le travail commun des équipes de Glassolutions, Saint-Gobain et de l’éditeur de tissus Nya Nordiska a permis la conception d’une nouvelle collection Tex Glass® de verres feuilletés décoratifs intégrant des tissus (figure 88).

 Figure 88  Verre feuilleté décoratif Tex Glass® (photo Nya Nordiska).

Le groupe L’Oréal travaille activement sur les cosmétotextiles et fait partie des leaders français dans le dépôt des brevets liés aux textiles. Les dernières avancées portent sur

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6. La nécessité d’une nouvelle industrie pour les matériaux textiles

la technologie de tricotage alvéolé qui réalise un micromassage lissant à la surface de la peau et sur les fibres textiles favorisant la microcirculation sanguine et le drainage. Le « système textile » se complexifie, mêlant les PME issues du textile traditionnel, fortes de leurs précieux savoir-faire textiles, les industriels porteurs de technologies high-tech, avec en toile de fond les grands leaders mondiaux qui considèrent que le matériau textile contribue à concevoir des produits plus performants.

Des formations textiles élaborées avec une large approche interdisciplinaire À la fin de l’année 2011, la Commission européenne a lancé le premier conseil sectoriel des emplois et compétences pour le secteur textile-habillement-cuir (EU TCL Skills Council) pour relever rapidement les défis en matière de compétences. En France tout comme en Allemagne, près de la moitié des salariés de l’industrie textile sont des seniors de plus de 45 ans, avec des métiers de la production peu diplômés. Un enjeu important est de savoir déjà anticiper sur les besoins en compétences pour suivre les mutations en cours. L’industrie textile aura besoin d’ingénieurs et de scientifiques hautement qualifiés en sciences fondamentales, capables d’identifier les relations entre les spécifications des matériaux et les caractéristiques attendues pour un produit. Or, on constate en Europe un désintérêt prononcé pour les matières scientifiques et la part représentée par les diplômés en Mathématiques, Physique, Technologies a décru d’environ 1 % par an depuis dix ans selon Eurostat. L’Allemagne reste une exception, surtout dans la région de Rhénanie du Nord-Westphalie où perdure une forte tradition de formation aux sciences de l’ingénieur (17 % des étudiants). Les biopolymères et les matériaux biofonctionnels sont des sujets clés de la bioéconomie basée sur la connaissance [103], ainsi la mise en œuvre des biotechnologies devra être au programme des cursus de formation des ingénieurs textiles. Les formations textiles doivent s’élaborer avec une large approche interdisciplinaire, car les compétences attendues sont spécifiques à chaque sous-secteur et dépendent fortement des nouvelles techniques et des produits à concevoir, qu’il s’agisse de la construction, des transports ou de la santé. C’est une stratégie qu’a suivie l’École nationale supérieure des arts et industries textiles en adaptant ses cursus de formation. L’ENSAIT forme aujourd’hui 70 % des ingénieurs textiles français et 15 % en Europe, avec un excellent taux de placement à la sortie. L’insertion professionnelle des ingénieurs diplômés de l’ENSAIT

L’ENSAIT a procédé en 2013 à une enquête sur l’insertion professionnelle de ses anciens élèves des cinq dernières années, avec un taux de réponse significatif (figure 89). On constate que le secteur de l’aéronautique reste très demandeur de compétences textiles (12 % en 2012), alors qu’il y a une contraction des embauches dans le secteur automobile qui n’a recruté que 2 % des élèves sortis en 2012, contre 19 % en 2009. Le secteur des textiles techniques embauchait un tiers des diplômés en 2008, contre 18 % seulement en 2012. En contrepartie, la moitié des diplômés

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

de 2012 ont trouvé un emploi dans les domaines mode-distribution- luxe, en forte augmentation par rapport à 2008 où ils ne dépassaient pas le quart du panel. Dans le même temps, on remarque que 24 % des élèves de la promotion 2012 poursuivant leurs études vont à l’IFM. On peut aussi noter la forte augmentation du nombre d’ingénieurs spécialisés dans les composites.

a) promotion 2012

b) promotion 2008

 Figure 89  Les principaux domaines métiers dans lesquels travaillent les ingénieurs de l’ENSAIT (données : ENSAIT 2013).

6.4.3 La perfectibilité de l’industrie des matériaux textiles « C’est la faculté de se perfectionner, faculté qui, à l’aide des circonstances, développe successivement toutes les autres et réside parmi nous tant dans l’espèce que dans l’individu. » Rousseau. Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, 1re partie.

Adopter une démarche de co-conception Le textile est entré dans une nouvelle ère industrielle qui va perfectionner le fonctionnement de son industrie, avec l’adoption de démarches de co-conception, moteur d’accélération de la compétitivité, en lien avec les différents secteurs industriels. Plusieurs objectifs sont ciblés : – le transfert de savoir-faire textiles dans d’autres secteurs d’activités, l’intégration de savoir-faire complémentaires ; – la maîtrise des interfaces entre les composants textiles et les produits finis ; – la maîtrise des techniques d’assemblage des matériaux souples ; – la maîtrise de la chaîne de production des fibres et la structuration de la filière des fibres naturelles pour des usages techniques.

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6. La nécessité d’une nouvelle industrie pour les matériaux textiles

Les prérequis indispensables pour une collaboration efficace entre secteurs connexes Pour être à même de collaborer de façon pertinente avec les autres secteurs technologiques, le secteur textile doit avoir en ligne de mire les trois axes clés suivants [104] : – la modélisation des comportements et des propriétés d’usages des matériaux textiles avancés afin de qualifier les produits et d’alléger le coût de la phase d’expérimentation ; – la caractérisation des matières et des procédés, déterminant le lien entre les performances fonctionnelles des matériaux textiles et leurs paramètres de définition (matière, fibres, traitement de surface, architecture…), afin de pérenniser les solutions technologiques ; – la modularité et la standardisation des composants et des procédés, pour amortir le coût de conception. La caractérisation des matériaux textiles est un enjeu majeur pour la diffusion du génie textile. Elle facilitera la propagation des solutions textiles mises au point dans un secteur donné vers d’autres débouchés dans d’autres domaines d’application.

La nécessaire évolution culturelle des professionnels du textile Toute activité, toute profession, toute industrie, véhicule un imaginaire qui lui est propre, gage d’identité, de cohérence, de vitalité pour tous les acteurs qui y contribuent. Les activités textiles contemporaines connaissent une formidable révolution, sources de nouvelles réalités sociales et économiques, les nouveaux matériaux textiles contribuant aux applications les plus diverses. Au vu de chaque produit final visé, la profession textile est donc confrontée à des cultures industrielles très diverses qu’il lui faut appréhender, afin d’en acquérir la compréhension et le vocabulaire (figure 90).

 Figure 90  « Savoir travailler en intégrant les autres cultures industrielles », Texcare international Forum 2012 (image OSHA ; reproduction autorisée par l’OSHA, Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail).

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7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN

Conclusion

7

Le textile moteur d’innovation pour les technologies high-tech

Intégration, hybridation, interdisciplinarité sont les mots clés qui dynamisent le textile aujourd’hui.

7.1 Le textile catalyseur de nouvelles technologies

high-tech

7.1.1 Intégrer des technologies high-tech dans le substrat textile La quête de fibres hautes performances motive des partenariats entre des entreprises à fort potentiel technologique et des experts en fibres, et de ce ferment émergent de nouvelles technologies encore plus avancées. Le besoin en matériaux textiles hightech se fait croissant car ils répondent aux changements de notre environnement social. Si la dernière décennie a mis en évidence les atouts des nanomatériaux qui offrent des fonctionnalités révolutionnaires, le textile sera peut-être à l’origine d’une nouvelle révolution technologique.

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

Nanotechnologies et fibres La structuration à l’échelle nanométrique améliore certaines fonctions cruciales (conductivité, action antibactérienne, résistance au feu), avec la diminution de la taille des composants, l’augmentation des superficies et des interfaces opérationnelles, le renforcement des interactions entre les matériaux. Les nanofibres ouvrent la voie à de nouvelles applications high-tech. Leur faible densité, leur large zone de surface, leur grand volume poreux leur confèrent des atouts incontestables par rapport aux autres fibres utilisées pour les non-tissés, tout spécialement dans la filtration. Aujourd’hui, il reste encore de nombreux freins à la production de nanofibres, car les processus pour les fabriquer sont très coûteux et l’incidence écologique reste à évaluer.

Biotechnologies et techniques textiles Les biotechnologies intègrent le domaine du textile et cette coopération rapprochée est source de projets innovants. En biomédecine, les textiles se prêtent à l’ingénierie tissulaire, la réparation des plaies et les implants. Les biologistes et les ingénieurs travaillent de près pour développer des biomatériaux fibreux 3D résorbables et adaptables à la physiologie du patient. Les techniques textiles traditionnelles comme le tricotage, le tissage et le tressage sont utilisées avec des fibres PEEK. Les ingénieurs textiles peuvent doser la flexibilité du tissu en fonction de l’objectif thérapeutique souhaité. Chaque structure géométrique confère des propriétés mécaniques et physiques, permettant d’obtenir ainsi un matériau plus poreux ou au contraire un effet barrière. Les polymères, les métaux et les filaments de matière biologique peuvent constituer une structure textile composite correspondant exactement aux caractéristiques voulues et conforme au traitement biologique.

L’électronique organique dans le textile L’électronique organique pourrait être une révolution technologique pour produire des semi-conducteurs plus écologiques et à moindre coût, dotés de propriétés élargies, notamment pour l’énergie, l’affichage et l’éclairage [105]. On pourrait ainsi concevoir des circuits flexibles insérables dans les vêtements, des panneaux photovoltaïques organiques (OPV), ou encore des solutions d’affichage ou d’éclairage par diodes électroluminescentes organiques (OLED), voire des composants électroniques transistors (OTFT). Un des atouts des polymères semiconducteurs est de pouvoir être mis en forme par des techniques d’impressions sur des substrats flexibles de grande dimension par électronique imprimée. Les investissements et les coûts sont aussi infiniment plus faibles que dans la filière silicium. L’électronique organique devrait représenter un secteur d’activités de 30 milliards de dollars en 2015 [106], poussée par le besoin d’économie d’énergie et de métaux rares, dans l’électronique. De nouvelles applications devraient voir le jour dans des secteurs comme la santé, le vêtement, l’édition, l’emballage, mais l’aspect écologique devra d’abord être étudié de près.

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7. Conclusion

7.1.2 Le textile pour de nouveaux modes de communication sensibles Les nouveaux matériaux textiles vont contribuer au défi de la dématérialisation, idéal de notre société de consommation boulimique. La progression continuelle de la miniaturisation des composants électroniques toujours plus puissants va permettre d’incorporer ces éléments dans le textile et de concevoir des dispositifs TIC que l’on portera sur soi. Le textile permettra peut-être de nouveaux modes de communication sensibles, dans le prolongement des ordinateurs portables. On voit déjà émerger le concept de « wearable computer », en prise avec tous nos sens. La prochaine génération de textiles intelligents inclura un système autonome de génération d’énergie, dérivée du soleil, du mouvement, voire des fluctuations de température. Ils sentiront notre présence, contrôleront notre santé et s’adapteront à nos besoins individuels. Ces smart textiles pourront être vus comme une « seconde peau » où les technologies embarquées permettront d’amplifier les caractéristiques cognitives de nos sens. Le calcul et la manipulation de données pourraient créer des expériences visuelles ou tactiles transmises à distance au porteur du vêtement intelligent. Tout comme pour le smartphone, le marché nécessitera d’élaborer des textiles intelligents capables d’exécuter plusieurs fonctions en même temps. Alors il y aura pléthore de nouveaux services à développer.

7.2 Le matériau textile est par nature ubiquiste 7.2.1 Le textile ubiquiste qui s’adapte à son milieu Le textile est omniprésent dans notre quotidien, mais n’est pas toujours visible. Selon l’échelle et la distance d’observation, sa texture domine ou disparaît. Le textile s’adapte à son milieu, se fait caméléon (figure 91).

 Figure 91  Le textile s’adapte à son milieu, se fait caméléon (graphisme T3Nel).

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

Avec la prolifération de nouvelles fibres artificielles et synthétiques, le rapport traditionnellement entretenu par le textile avec l’espace et le volume s’exprime dans un esprit renouvelé. Le textile permet une profusion de matériaux et de calibres, désormais emmêlés sans réserve, et répartis dans les trois dimensions.

Le potentiel textile dans les non-tissés Grâce à une orientation ciblée des fibres et à un dimensionnement adéquat du textile, les nouveaux non-tissés apportent des performances (résilience, absorbance, opacité, douceur, protection acoustique, efficacité de filtration) qui sont précieuses pour les applications émergentes, en particulier celles des marchés de la santé, de l’industrie ou de la filtration. De plus, les fibres se prêtent facilement à la fonctionnalisation. La particularité des non-tissés est la grande versatilité de leurs procédés de fabrication qui permettent de travailler aussi bien la fibre naturelle, la fibre artificielle ou la fibre synthétique. L’extrême diversité de procédés de formation de voiles et de consolidation nous permet d’imaginer des possibilités quasi infinies de structures textiles, encore démultipliées par la possibilité de combiner différemment les fibres.

Le potentiel textile dans les composites Les propriétés mécaniques des matériaux composites organiques sont très dépendantes des fibres employées (type, répartition, taux, longueur, diamètre, ensimage). En modulant la texture et la géométrie des renforts, on modifie les performances et le comportement du matériau. À travers leur microstructure de fibres, les composites textiles offrent donc un large panel d’innovation permettant de créer des éléments adaptés au besoin. La combinaison de différentes techniques dans un média composite démultiplie encore son potentiel d’applications performantes. Avec l’arrivée des matériaux composites dans le domaine de la médecine, on peut vraiment parler de matériau sur mesure, car l’ambition du biomatériau composite est d’obtenir des qualités mécaniques dans plusieurs axes, reproduisant les caractéristiques de l’élément défectueux dans le corps humain et calibré précisément grâce à l’imagerie numérique.

Du rêve à la réalité matérielle Les designers rêvent de disposer d’un matériau extensible et réductible, flexible, s’adaptant dans le temps et l’espace, un matériau qui se ramifie dans son site au gré de son environnement. Le rêve de l’ingénierie des matériaux textiles serait de pouvoir marier une infinité d’architectures fibreuses et poreuses, en déclinant la composition des fibres, ou en les associant à d’autres éléments, au sein de matériaux hybrides. Ce rêve est en passe de devenir réalité aujourd’hui.

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7. Conclusion

7.2.2 L’industrie textile ubiquiste qui s’adapte aux milieux les plus divers Interdisciplinarité De même qu’elle est l’industrie initiatrice, l’industrie textile est, à toutes ses étapes, l’industrie ubiquiste qui s’adapte aux milieux les plus divers. Il en est ainsi sans doute parce que la matière textile, à l’état brut ou élaboré, est éminemment transportable, facile à emballer, de faible poids pour sa valeur, et de conservation aisée. Le textile est un acteur incontournable pour la production des matériaux nécessaires à la qualité de vie, à la santé, aux transports, à l’énergie. Cette interpénétration du textile ne peut se faire sans un socle solide de connaissances de la matière et de ses interactions avec son milieu. La conception de nouveaux matériaux flexibles nécessite de nouveaux partenariats scientifiques ou industriels, et les collaborations traditionnelles avec les secteurs de la chimie et le génie mécanique s’étendent à d’autres champs de connaissance. Un enjeu important est de savoir anticiper sur les besoins en compétences pour accompagner les mutations de l’industrie textile. Aujourd’hui, les formations textiles doivent être élaborées avec une large approche interdisciplinaire et, dans le même temps, l’industrie textile de demain a besoin de disposer de spécialistes en sciences des matériaux, capables d’identifier les relations entre les spécifications des matériaux et les caractéristiques attendues pour un produit. Elle a besoin d’ingénieurs et de scientifiques hautement qualifiés en sciences fondamentales. Aujourd’hui, de nombreuses entreprises et centres de recherche ne trouvent plus assez de jeunes ingénieurs confirmés ayant consenti à développer une compétence fortement technique. Disposer de compétences technologiques pointues est un gage de pérennité de l’excellence industrielle.

Intersectorialité L’industrie des composites est multi-matériaux, ce qui fait qu’elle est en forte relation avec les autres secteurs industriels. Elle a bénéficié des acquis de l’industrie textile qui possédait son vocabulaire propre, ses normalisations, son expérience et ses installations industrielles pour la plupart déjà amorties. Aujourd’hui, l’industrie textile est indissociable de celle des composites et bénéficie des fertilisations croisées apportées par la dynamique de ce secteur. Les partenariats entre les disciplines les plus diverses permettent de concevoir des combinaisons de fonctionnalités au sein d’un même matériau. Les textiles intelligents sont sans doute le meilleur exemple d’innovation interdisciplinaire dans le domaine de la santé et de la sécurité. Ils intègrent des microsystèmes utilisés pour des applications cliniques (mesure de paramètres vitaux comme la pression sanguine, le pouls, la respiration). Selon chaque produit final visé, la profession textile est confrontée à des cultures industrielles très diverses qu’il lui faut appréhender, afin d’en acquérir la

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Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

compréhension et le vocabulaire pour savoir coopérer avec les secteurs d’application. Les compétences attendues sont spécifiques à chaque sous-secteur et dépendent fortement des nouvelles techniques et des produits à concevoir. Par exemple, dans le cas des composites textiles, les techniques utilisées relèvent à la fois du secteur textile et du plastique.

Adaptabilité et synergie industrielle Quand la quantité de fibres naturelles n’a plus suffi au besoin, l’industrie textile s’est adaptée avec les fibres synthétiques. Aujourd’hui, l’augmentation de la production de biopolymères devrait modifier la dépendance industrielle des fibres par rapport aux ressources dérivées de la pétrochimie. On a commencé à concevoir des fibres polylactiques dans les années 1980. Elles ont d’abord été utilisées dans le domaine médical à haute valeur ajoutée, car biocompatibles, biorésorbables et donc biocompostables. Quand l’industrie aura une évaluation précise des avantages et des inconvénients de ces nouveaux biomatériaux et de leurs propriétés mécaniques, la biochimie concurrencera la pétrochimie utilisée jusqu’à présent pour synthétiser les fibres. La communauté académique et industrielle est très impliquée dans le montage de projets collaboratifs nationaux (FUI, ANR, ADEME, OSEO), autour des pôles de compétitivité textiles (Techtera, Up-tex, Pôle Fibres). L’évolution des modes de production et des produits est un enjeu de compétitivité et d’innovation pour les entreprises de la branche textile, pour les PME et les ETI, et pour les grands groupes. Les technologies textiles sont taillées sur mesure et ne peuvent être maîtrisées que dans le contexte industriel, avec une stratégie de R&D qui porte simultanément sur le matériau, les procédés, les applications. Les industriels du textile ont besoin de bénéficier d’un soutien large à travers toute la chaîne de valeur, de la recherche à la conception technique du produit, sans oublier l’accès aux marchés de l’énergie.

Le tissu économique régional doit s’adapter Si la société a longtemps été basée sur une économie de type linéaire, les territoires pratiquent de plus en plus une approche éco-industrielle systémique, ou écosystème, intégrant l’ensemble de l’activité humaine dans une région donnée. La réflexion scientifique, technologique et industrielle doit inclure l’intégration de tous les produits, la gestion des flux et l’approche du métabolisme industriel, privilégiant l’écologie industrielle. Par exemple, le co-produit d’une entreprise sert de matière première à une autre entreprise située à proximité. Le changement d’approche d’ingénierie dans les matériaux fait que chaque spécificité industrielle régionale doit s’adapter et évoluer face aux nouvelles technologies, permettant ainsi à l’innovation dans les matériaux d’être en phase avec son tissu industriel. L’économie locale devient un moteur d’initiative et l’innovation dans les matériaux mobilise de plus en plus d’acteurs industriels.

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7. Conclusion

Les matériaux se comparent à une échelle mondiale Produits en faibles quantités, les matériaux high-tech sont très sensibles à toute hausse rapide de la demande induite par un nouveau produit de consommation massive. Leur production est très inélastique et ne peut répondre à une forte demande. La pénétration des nouveaux matériaux suit une logique classique. D’abord limités dans des secteurs de pointe, les nouveaux matériaux se répandent dans les produits de consommation courante au fur et à mesure que leurs prix baissent. L’internationalisation des marchés des matériaux de haute technologie est accélérée par les groupements de constructeurs et de fournisseurs, par ailleurs concurrents. Ces consortiums ont des portails d’achat sur Internet, véritables places de marché virtuelles qui démultiplient les sources de pièces et de composants, en lien avec de nombreux fournisseurs. Ces portails permettent la comparabilité commerciale et technique, avec le partage de fichiers de CAO (conception assistée par ordinateur). Le risque de marginalisation pour les entreprises qui en sont absentes, ou qui ne proposent pas de produits suffisamment différenciant, est potentiellement important. Un exemple typique est le secteur de l’automobile qui devient dépendant des fibres de carbone.

7.3 La nécessaire identification d’une nouvelle

filière, la « texturgie »

7.3.1 Une identification scientifique et technique claire du matériau textile La caractérisation des matériaux textiles est un enjeu majeur pour la diffusion du génie textile. Elle facilitera la propagation des solutions textiles mises au point dans un secteur vers d’autres débouchés dans d’autres domaines d’application. La conception du produit le mieux adapté au besoin nécessite des calculs sur la prédiction et la modélisation du comportement des matériaux textiles sur pièce et en condition d’usage, en y incluant le prototypage rapide. Aussi, l’élaboration de bases de données de caractérisation des matériaux textiles est un prérequis indispensable pour faciliter l’entrée du textile dans la compétition des matériaux.

7.3.2 Une identification métier au sein de la filière des matériaux textiles Vers un nouveau paradigme du matériau textile Dans le secteur textile émergent les contours d’un nouveau paradigme qui doit être mieux partagé par l’ensemble des parties prenantes, en particulier la société civile. C’est pourquoi l’industrie des matériaux textiles doit engager un dialogue avec tous

187

Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

les acteurs du monde socio-économique pour faire partager sa nouvelle vision. C’est une filière essentielle car pourvoyeuse de solutions pour répondre à l’évolution des modes de production et de consommation, tant pour sa propre activité de fabrication que pour les secteurs industriels en aval et connexes. Les fibres naturelles existent depuis les origines de l’homme. Les fibres artificielles sont nées avec le rêve de faire aussi bien que la soie. Aujourd’hui les nouvelles fibres ne sont plus une simple alternative mais un nouveau matériau qui joue un rôle clé dans le domaine des technologies avancées. Il nous faut appréhender le « système textile » d’une façon totalement nouvelle.

Le rôle véritable du textile n’est pas évident à appréhender, nous le considérons souvent comme banal, ordinaire, tant il nous est familier. Pourtant, le textile est un matériau polyvalent qui n’a pas fini de nous surprendre. Le secteur des matériaux textiles ne dispose pas de réelle visibilité produit, ne fabriquant pas toujours des produits finaux. Aussi le grand public n’a pas une conscience claire de cette activité industrielle. Toute profession véhicule un imaginaire qui lui est propre, gage de cohérence et de vitalité pour tous les acteurs qui y contribuent. Les activités textiles contemporaines connaissent une formidable révolution, sources de nouvelles réalités sociales et économiques. Ces bouleversements ne sont pas sans effet sur la conscience que les « gens du textile » peuvent avoir d’eux-mêmes, jusque dans l’appréhension de leur identité propre. Il apparaît donc indispensable de conforter l’identification de la profession de « textilien » ou de « texturgiste ».

188

Annexes

189

Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

Annexe A1

 Figure 92   Biomatériaux et Textiles techniques : les objectifs en termes de fonctions visées et l’échéancier de maturité des produits ; données : projet ProeTEX.

190

Annexes

Annexe A2  Tableau 14  Tableau prévisionnel de la production de non-tissés en Europe par segments d’application, en milliers de tonnes (source CIRFS, EDANA, sept. 2011 [107]). Segment de marché

2000

2013*

2017*

Substrat d’enduction

37,0

35,0

35,0

Hygiène

235,4

490,0

525,0

Applications médicales (hors wipes)

20,0

48,0

55,0

Wipes

125,0

260,0

290,0

Usages industriels

257,0

460,0

500,0

dont : génie civil et construction

167,0

290,0

320,0

filtration

40,0

110,0

125,0

agriculture

15,0

30,0

35,0

autres

203,0

240,0

280,0

892,4

1 563,0

1 720,0

Total *estimation.

Nota : sont inclus dans les chiffes : pâte à bois, fibre acétate, filés de polyéthylène et extrusion.

191

 Tableau 15  Comparaison des caractéristiques de matériaux composites et de métaux (d’après A. Negrier et J.C. Rigal, Présentation des matériaux composites, Techniques de l’Ingénieur, A 7 790, 1991).

Métaux

Composites à matrice métallique (1)

Composites à matrices organiques (1)

Acier 35 NCD 16

Alliage aluminium AU 4 SG

Alliage titane TA 6 V

Bore/ résine époxyde

Carbone HR/ résine époxyde

Carbone HM/ résine époxyde

Aramide/ résine époxyde

Verre R/ résine époxyde

Bore/ aluminium

Résistance à la rupture R........(MPa)

1 850

500

1 000

2 000

1 000 à 1 300

1 000

1 300 à 1 800

1 800 à 2 000

1 250 à 1 800

Module d’Young E................ (GPa)

200

72

110

220

130

200

75

53

230

Masse volumique ρ.............(g/cm3)

7,9

2,8

4,45

2,1

1,5

1,7

1,37

2

2,7

Résistance à la rupture massique  R/ρg .....................................(km)

24

18

23

95

65 à 85

60

95 à 130

90 à 100

45 à 65

Module d’Young massique E/ρg......................................(km)

2 500

2 600

2 500

10 500

8 700

11 800

5 500

2 650

8 500

longitudinal ..................................

12 · 10–6

23 · 10–6

(2)

(2)

6 · 10–6

(2)

transversal.....................................

12 · 10–6

23 · 10–6

(2)

(2)

31 · 10–6

(2)

Caractéristiques

Caractéristiques en traction :

Coefficient de dilatation linéique (K–1) –0,2 · 10–6 –0,8 · 10–6 –5 · 10–6 35 · 10–6

35 · 10–6

60 · 10–6

Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

192

Annexe A3

Métaux

Composites à matrice métallique (1)

Composites à matrices organiques (1)

Acier 35 NCD 16

Alliage aluminium AU 4 SG

Alliage titane TA 6 V

Bore/ résine époxyde

Carbone HR/ résine époxyde

Carbone HM/ résine époxyde

Aramide/ résine époxyde

Verre R/ résine époxyde

Bore/ aluminium

longitudinale.................................

40

170

(2)

(2)

4,2

55

(2)

(2)

(2)

transversale....................................

40

170

(2)

(2)

0,7

1,3

(2)

(2)

(2)

Capacité thermique massique (J · kg–1 · K–1)

450

900

(2)

(2)

840

840

(2)

(2)

(2)

Caractéristiques

Conductivité thermique (W · m–1 · K–1)

Résistivité

(Ω · m)

longitudinale.................................

0,4 · 10–6 0,03 · 10–6

(2)

(2)

40 · 10–6

20 · 10–6

(2)

(2)

(2)

transversale....................................

0,4 · 10–6 0,03 · 10–6

(2)

(2)

66 · 10–3

100 · 10–3

(2)

(2)

(2)

(1) Composites unidirectionnels à 60 % en volume de fibre. (2) Valeurs inconnues de l’auteur. G : accélération due à la pesanteur.

Annexes

193

 Tableau 16  Les principaux secteurs des entreprises électro-intensives françaises en 2010 (données : Insee, EACEI). Consommation d’électricité par euro de Nombre Part des valeur ajoutée (en kWh) d’entreprises électropour les électrointensives pour entreprises intensives (en %) toutes les électroentreprises intensives

Effectifs salariés des électrointensives

Valeur ajoutée des électrointensives (en % de la VA du secteur)

Part de la Part de la consommation consommation du secteur dans électrique l’ensemble des électrodes électrointensives (en intensives % du secteur) (en %)

Industrie manufacturière

0,6

5,9

523

3

96 891

5

50

100

Gaz industriels

11,4

14,1

6

41

1 131

79

98

8

Métallurgie de l’aluminium

8,5

20,0

7

23

2 202

37

87

11

Aut. prod. chim. inorg. base n.c.a.

6,3

11,4

12

33

3 597

51

93

9

Papier et carton

6,2

7,6

40

55

9 905

73

90

13

Pâte à papier

6,1

6,1

6

100

1 012

100

100

2

Sidérurgie

4,5

5,0

18

61

18 265

85

94

18

Fibres artificielles ou synthétiques

3,6

5,8

3

45

708

56

89

0

Placage et panneaux de bois

3,1

4,8

18

25

3 344

58

89

2

Ciment

2,9

3,2

3

39

3 227

76

83

4

Aut. prod. chimique org. de base

2,8

5,1

15

19

10 935

47

84

13

Matières plastiques de base

2,5

4,4

16

24

2 411

41

74

3

Verre creux

1,9

3,1

5

10

8 435

36

58

3

Emballages en matières plastiques

1,2

3,4

36

14

2 734

9

26

1

Tube, profilé creux, etc. en acier

1,2

3,4

2

5

2 357

22

64

1

Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

194

Annexe A4

Annexes

Annexe A5  Tableau 17  Les demandes internationales de brevets en 2012, par domaine technique (selon le PCT) (source : OMPI).

Domaine technique

2010

2011

2012

Part (%) : 2012

Variation (%) : 2011-2012

I

Électrotechnique

1

Machines et appareils électriques, énergie électrique

9 170

11 350

13 293

7,5

17,1

2

Techniques audiovisuelles

5 617

5 836

6 365

3,6

9,1

3

Télécommunications

4 878

4 986

4 988

2,8

0,0

4

Communication numérique

10 591

11 650

12 616

7,1

8,3

5

Techniques de communication de base

1 277

1 203

1 296

0,7

7,7

6

Informatique

9 542

10 483

12 391

7,0

18,2

7

Méthodes de traitement des données à des fins de gestion

2 084

2 361

2 899

1,6

22,8

8

Semi-conducteurs

5 860

6 509

6 889

3,9

5,8

4 192

4 551

5 110

2,9

12,3

6 430

6 570

7 280

4,1

10,8

Analyse de matériels biologiques

1 789

1 786

1 716

1,0

–3,9

12 Dispositifs de commande

2 131

2 160

2 334

1,3

8,1

13 Technologie médicale

10 484

10 763

11 348

6,4

5,4

14 Chimie fine organique

5 516

5 306

5 578

3,2

5,1

15 Biotechnologie

5 222

5 244

5 298

3,0

1,0

16 Produits pharmaceutiques

7 835

7 711

7 792

4,4

1,1

Chimie macromoléculaire, polymères

2 806

3 108

3 282

1,9

5,6

18 Chimie alimentaire

1 516

1 582

1 728

1,0

9,2

19 Chimie de base

4 641

4 894

4 946

2,8

1,1

20 Matériaux, métallurgie

2 868

3 225

3 409

1,9

5,7

II Instruments 9

Optique

10 Techniques de mesure 11

III Chimie

17

195

Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

Domaine technique

2010

2011

2012

Part (%) : 2012

Variation (%) : 2011-2012

Technique de surface, revêtement

2 426

2 666

2 909

1,6

9,1

Technologie des 22 microstructures, nanotechnologie

347

358

434

0,2

21,2

23 Génie chimique

3 584

3 857

4 211

2,4

9,2

24 Écotechnologie

2 166

2 474

2 623

1,5

6,0

25 Manutention

3 648

4 071

4 007

2,3

–1,6

26 Machines-outils

2 714

3 048

3 372

1,9

10,6

27 Moteurs, pompes, turbines

4 308

5 053

5 459

3,1

8,0

1 960

1 982

2 145

1,2

8,2

29 Autres machines spéciales

3 762

4 230

4 641

2,6

9,7

Procédés et appareils thermiques

2 454

2 600

2 664

1,5

2,5

31 Éléments mécaniques

4 051

4 448

4 756

2,7

6,9

32 Transport

5 492

6 261

7 357

4,2

17,5

33 Mobilier, jeux

3 100

3 203

3 319

1,9

3,6

34 Autres biens de consommation

3 003

3 172

3 317

1,9

4,6

35 Génie civil

4 362

4 819

5 202

2,9

7,9

21

IV Mécanique

28

30

Machines à fabriquer du papier et des textiles

V Autres domaines

196

 Figure 93  Le réseau des acteurs contribuant à l’innovation du secteur textile en France.

Annexe A6

Annexes

197

198

 Figure 94  Les fibres de carbone dans l’automobile : comparaison de poids entre un modèle traditionnel et un modèle avec des éléments en composite fibre de carbone (d’après JCIA [108], JCFMA, et Renault [109]).

Annexe A7

Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

Annexes

Annexe A8 Liste des entreprises citées dans l’ouvrage (par ordre alphabétique) Nota : les entreprises exercent leur activité dans des secteurs industriels très divers. Agiplast Ahlstrom Allasso Industries Inc. Alstom Altex Textil Recycling GmbH Andritz Arkema Asselin-Thibeau Astrium EADS BASF Bénéteau Benteler Biomedical Tissues Birla Cellulose BMW Bouygues Brembo SPA CEA-Leti Chomarat Clariant Coatema Coating Cousin Biotech Daimler Dassault Dufour Du Pont de Nemours Dyneon DyStar Colours EADS EDF Eiffage Elmarco Eureka Forbes

Faurecia Ferlam Technologies Fiberweb Fimalin Fontaine Pajot Fraunhofer-IPA Freudenberg Fukuhara Garnese GDF-Suez GE Wind General Motors Gibaud Goodfellow Huntsman Textile Effects Hutchinson Invista Jan A. Craamer Kaplan Energie Karl Meyer Kermel Kimberley-Clark Knauf Koch Industries Laroche Liba Lenzing L’Oreal Murata Mitsubishi Novintiss Novozymes Nya Nordiska

199

Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

Oerlikon Owens Corning PSA Plastic Omnium Polymer Group Inc. (PGI) Porcher Industries Profil Tension System Reicofil GmbH Relais d’Emmaüs (le) Renault Rhodia Rossignol Saertex Safran Saint-Gobain Salomon Sappi Serge Ferrari Schappe Schoeller Technologies SGL Carbon SITA France (Suez) Soficar Sofila Superba Tajima GmbH

200

Technologies Composites Texinov Teijin TenCate Thuasne Toison Dorée (la) Toho Tenax Total Toray Toyota Trevira Trützschler GmbH Valagro Carbone renouvelable Valeo Verdol Vestas Vinci Volkswagen et quelques entreprises aujourd’hui fermées : Chardonnet Viscose Dubus-Bonnel Rhodiacéta Rhône-Poulenc Société nationale de la viscose

Glossaire des acronymes utilisés dans cet ouvrage

ACIMIT Associazione dei Costruttori Italiani di Macchinario per l’Industria Tessile ACV

Analyse du cycle de vie

ADEME

Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie

AFNOR

Association française de normalisation

ANR

Agence nationale de la recherche

ATIP

Association technique de l’industrie papetière

BMBF

Bundesministerium für Bildung und Forschung

BNITH

Bureau de normalisation des industries textiles et de l’habillement

BPCE

BMW Peugeot Citroën Electrification

BpiFrance

Banque publique d’investissement France

BRGM

Bureau de recherches géologiques et minières

CELC

Confédération européenne du lin et du chanvre

CEN

Comité européen de normalisation

201

Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

CETI

Centre européen des textiles innovants

CIRFS

Comité international de la rayonne et des fibres synthétiques

CIRIT

Comité interprofessionnel de la rénovation des industries textiles

CIRIMAT  Centre inter-universitaire de recherche et d’ingénierie des matériaux Coe-Rexecode Centre d’observation économique et de recherche pour l’expansion de l’économie et le développement des entreprises CNRS

Centre national de la recherche scientifique

CTMA

China Textile Machinery Association

CTP

Centre technique du papier (à Grenoble)

DGAC

Direction générale de l’aviation civile

DGCIS

Direction générale de la compétitivité de l’industrie et des services

DGE

Direction générale des entreprises (ex-DGCIS)

EACEI  Enquête annuelle sur les consommations d’énergie dans l’industrie ECHA

Agence européenne des substances chimiques

ECRC

European Composite Recycling Service Company

EDANA

European Disposal and Nonwoven Association

Eco TLC

Eco-organisme du textile, du linge et de la chaussure

EFPG  Ecole française de papeterie et des industries graphiques (INP Grenoble) ENSAIT

Ecole nationale supérieure des arts et industries textiles

ETI

Entreprises de taille intermédiaire

ETP

European Technology Platform

ETUF TCL European Trade Union Federation of Textiles, Clothing and Leather EURATEX

The European Apparel and Textile Organisation

EuropaBio

The European Association for Bioindustries

FAO  Food and Agriculture Organization of the United Nations

202

FiMaLin

Fibres Matériaux Lin

FRD

Fibres Recherche Développement

FUI

Fonds unique interministériel

GIPSA-Lab

Laboratoire Grenoble Images Parole Signal Automatique

GRIO

Groupe de recherche et d’information sur les ostéoporoses

Glossaire des acronymes utilisés dans cet ouvrage

GTAP

Global Trade Analysis Project

IEV

Industrievereinigung Chemiefaser e.V.

INDA

International Nonwovens & Disposables Association

IFAI

Industrial Fabrics Association International

IFM

Institut français de la mode

IFTH

Institut français du textile et de l’habillement

INRIA

Institut national de recherche informatique et automatique

ITA  Institut de technologies textiles de l’université technologique d’Aix-la-Chapelle ITF

Institut textile de France

JCIA

Japan Chemical Industry Association

JCFMA

Japan Carbon Fiber Manufacturers Association

JIS

Japanese Industrial Standards

ISO

International Organization for Standardization

NASA

North American Space Agency

NES

Nomenclature économique de synthèse

NCSU

North Carolina State University

NCTO

National Council of Textile Organizations

OCDE

Organisation de coopération et de développement économiques

OEB

Office européen des brevets

OLED

Organic Light-Emitting Diode

OMC

Organisation mondiale du commerce

OMPI

Organisation mondiale de la propriété intellectuelle

ONERA

Office national d’études et de recherches aérospatiales

OSEO

Agence française de l’innovation

OTT

Observatoire des textiles techniques

PCT

Patent Cooperation Treaty

PME

Petite ou moyenne entreprise

PPE

Pôle de plasturgie de l’Est

R3iLab

Réseau pour l’innovation immatérielle dans l’industrie

REACH  enRegistrement, Evaluation et Autorisation et restriction des substances CHimiques SAGE

Sustainable Agriculture Education

SCUR

Société chimique des usines du Rhône

203

Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

204

SFNT

Société française des non-tissés

Textranet

European Network of Textile Research Organisations

TIC

Technologies de l’information et de la communication

TITV

Textilforschungsinstitut Thüringen-Vogtland (e.V. Greiz)

UCMTF

Union des constructeurs de matériels textiles de France

UFIH

Union française des industries de l’habillement

UIT

Union des industries textiles

VDMA

Verband Deutscher Maschinen- und Anlagenbau

Index

A agrotextiles  48, 67, 81, 171 anisotrope  87, 102 aramide  18, 38, 69, 87, 93, 101, 155, 163, 192 auxétique  44, 45

B biocompatible  8, 44, 73, 78, 149, 186 biofibre  40, 94 bio-inspiré  120, 128, 129 biomatériau  42, 73, 80, 97, 114, 115, 128, 150, 182, 184, 186, 190 biopolymère  37, 73, 106, 124, 156, 169, 177, 186 bioraffinerie  156, 168, 173 biosourcé  38, 82, 100, 106, 128, 145, 149, 151, 154, 155, 156, 157, 168

biotechnologie  8, 36, 37, 155, 171, 177, 182, 195 brevet  15, 16, 42, 73, 133, 147, 148, 158, 175, 176, 195 broderie  30, 34, 107, 158, 159

C capillarité  62, 67, 74, 165 capteur  36, 40, 42, 45, 46, 66, 67 caractérisation  39, 95, 105, 108, 121, 128, 179, 187 cardage  57, 58, 59, 162 consolidation  59, 82, 83, 162, 184 convergence  143, 144 cosmétotextile  27, 28, 38, 170, 176 coton  14, 15, 17, 23, 26, 31, 34, 69, 159

D drainage  44, 48, 62, 66, 67, 177

205

Les enjeux des nouveaux matériaux textiles

E

K

éco-audit 145 éco-conception  70, 96, 145 enchevêtrement  56, 59, 76, 171 enduction  29, 30, 36, 39, 40, 62, 157, 176, 191 ennoblissement  23, 30, 40, 43, 47, 51, 160, 167 extrusion  40, 57, 73, 144, 154, 191

kevlar  18, 69, 87, 93, 101

F F3 Factory  135, 136, 173 feutre  31, 55, 56, 57, 62, 69, 101 fibres bi-composants  69, 75, 76 fibres naturelles  9, 15, 19, 20, 23, 34, 37, 49, 58, 68, 74, 93, 96, 106, 114, 178, 186, 188 fibres recyclées  31, 70, 95, 96 fibres végétales  98, 99, 168 filage  16, 17, 18, 30, 40, 75, 77, 82, 101, 159, 160, 162 filière  15, 16, 75, 91, 101 filtration  44, 45, 48, 62, 63, 64, 65, 66, 75, 76, 77, 80, 81, 82, 105, 170, 176, 182, 184, 191 flushabilité  46, 62, 81 fonctionnalisation  36, 38, 74, 122, 151, 184

G génie textile  149, 150, 179, 187 géotextile  24, 47, 48, 61, 62, 66, 67, 171 greffage  30, 36, 74, 78 guipage  30, 43

H habillement  17, 23, 26, 34, 35, 38, 40, 47, 48, 52, 62, 69, 70, 71, 131, 150, 155, 165, 177

I imprégnation  30, 40, 44 interdisciplinaire  8, 166, 177, 185

206

L laser  27, 30, 36, 132, 133, 163

M machines textiles  13, 158, 159, 160, 161, 162, 163, 164, 171 matériaux architecturés  126, 127, 134, 143, 144 matériaux hybrides  119, 120, 125, 130, 184 matrice  39, 69, 75, 79, 85, 87, 88, 90, 93, 96, 100, 101, 105, 106, 108, 109, 112, 114, 115, 128, 144, 152, 153, 192 MCP  40, 42 membrane  28, 31, 32, 50, 51, 62, 63, 64, 65, 67, 78, 79, 80, 172 microfibre  69, 79 multifonctionnel  40, 48, 75, 78, 126, 149

N nanocomposite  7, 114, 119, 129, 130, 165 nanofibre  36, 66, 69, 76, 77, 78, 80, 105, 155, 163, 182 nanomatériau  39, 76, 78, 120, 123, 125, 128, 130, 149, 154, 181 nano-revêtement  74, 78 nanotechnologie  36, 39, 76, 150, 154, 155, 171, 182, 196 nano-traitement  76, 78 normalisation  34, 35, 40, 100, 105, 106, 117, 185

P PEEK  89, 115, 134, 182 pétrochimie  19, 73, 155, 156, 167, 186 plasma  30, 36, 44, 74, 123, 137, 155, 163

Glossaire des acronymes utilisés dans cet ouvrage

plasturgie  89, 98, 130, 131, 154, 172 préforme  30, 33, 89, 103, 104, 149 préimprégné  88, 89, 101 prototypage/prototype  82, 112, 117, 127, 132, 133, 135, 137, 187

R recyclage  28, 30, 31, 32, 41, 70, 71, 72, 81, 88, 91, 94, 95, 96, 124, 125, 133, 144, 145, 146, 160, 162, 171, 172, 173 renfort  28, 30, 40, 44, 49, 50, 62, 85, 87, 88, 89, 90, 91, 92, 93, 100, 101, 102, 104, 105, 106, 112, 114, 176, 184 résilience  44, 62, 82, 184

S sécurité  28, 45, 47, 48, 62, 63, 74, 107, 136, 150, 151, 155, 170, 176, 179, 185 smart textiles  35, 40, 41, 183 solvolyse 95

T teinture  30, 34, 43, 51, 97, 157, 159, 166, 171 textiles architecturaux  28, 49 textiles avancés  7, 148, 150, 171, 179 textiles intelligents  8, 28, 35, 38, 40, 41, 82, 165, 183, 185 textiles médicaux  35, 165, 175 textilien  175, 188 texturation  18, 30 thermodurcissable  87, 88, 89, 90, 94, 106 thermoplastique  50, 73, 87, 88, 89, 94, 100, 134 TIC  9, 40, 77, 120, 122, 150, 166, 172, 183 tissage  11, 12, 15, 18, 23, 29, 30, 35, 56, 57, 160, 162, 176, 182 tissulaire  78, 79, 82, 182

V viscose  16, 18, 40, 68, 69, 70, 73, 74 voile  56, 57, 58, 82, 83, 101, 162, 184

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