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French Pages 832 Year 2019
LE SUFFRAGE POLITIQUE EN FRANCE
Ouvrage publié avec le concours du Centre National de la Recherche Scientifique
ÉCOLE PRATIQUE DES HAUTES ÉTUDES — SORBONNE SIXIÈME SECTION : SCIENCES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES
ÉTUDES EUROPÉENNES III
PARIS
M O U T O N & CO MCMLXV
LA HAYE
JEAN-PAUL CHARNAY
LE SUFFRAGE POLITIQUE
EN FRANCE Elections parlementaires, élection présidentielle, référendums Préface de Marcel P R É L O T
PARIS
M O U T O N & CO MCMLXV
LA HAYE
DU MEME AUTEUR
TABLEAU DU SUFFRAGE POLITIQUE EN FRANCE
Société militaire et suffrage politique en France depuis 1789, 319 p., h.t., Bibliothèque générale de l'Ecole Pratique des Hautes Etudes, Paris, 1964, SEVPEN. (Ouvrage couronné par l'Académie des Sciences Morales et Politiques, prix Louis Marin). Le contrôle de la régularité des élections parlementaires, 447 p., Bibliothèque de Droit public, Paris, 1964, Librairie générale de Droit et de Jurisprudence. Les scrutins politiquea en France de 1815 à 1962 (contestations et invalidations), 290 p., cartes et tableaux h.t., Cahiers de la Fondation nationale des Sciences politiques, Paris, 1965, Armand Colin. « Naissance et développement de la vérification des pouvoirs dan6 les anciennes assemblées françaises (1302-1815) », Revue historique de Droit français et étranger, 1962, pp. 556-589 et 1963, pp. 20-56. « L'Eglise catholique et les élections françaises », Politique. Revue des doctrines et des institutions, juil.-déc. 1962, pp. 257-306.
internationale
* Les techniques d'investigation dans le contrôle des élections parlementaires », Revue du Droit public et de la Science politique, 1964, pp. 5-62. « L'Etiquette politique et ses variations », Revue oct. 1964, pp. 61-65.
politique
et
parlementaire,
« Le rôle du suffrage politique dans l'émancipation des anciennes colonies françaises », in De l'impérialisme à la décolonisation, Paris, éd. de Minuit (sous presse). « L'avenir du suffrage politique », à paraître. « Sur une méthode de sociologie juridique dence », Annales ES.C., 1965, n " 3 et 4.
l'exploitation de la
jurispru-
AUTRES OUVRAGES La vie musulmane en Algérie, d'après la jurisprudence de la première moitié du xx' siècle, 394 p., Bibliothèque de Sociologie contemporaine, Paris, 1965, Presses Universitaires de France. Evolution des doctrines stratégiques, en cours de publication, in Stratégie, revue de l'Institut français d'Etudes Stratégiques, n" 1 (été 1964) ; n° 2 (automne 1964) ; n° 3 (sous presse).
© 1965 by Mouton Co, and École Pratique des Hautes Études, Paris. Printed in France
PREFACE
La somme électorale qui nous parvient sous le patronage de la VI 8 section de l'Ecole des Hautes Etudes est appelée à occuper, dans la littérature constitutionnelle française, une place jusqu'ici demeurée presque vide. Sans doute, sur certains aspects particuliers, possédonsnous des thèses estimables, mais leur champ de recherche se limite à un aspect du problème parfois mineur. Quant aux exposés généraux, ils demeurent, au sein des manuels et des précis, nécessairement éiémentaires ; dans les colonnes des répertoires, ils portent Vempreinte (B. C O N S T A N T a d'ailleurs atténué l'idée de réserver les droits électoraux a u x propriétaires fonciers dans la 2 e édition de ses Réflexions sur les
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les ultra-royalistes, partisans du suffrage quasi-universel, mais indirect, dans l'espoir que la classe « la plus basse », les paysans (métayers et fermiers), assureraient le succès de leurs maîtres naturels et séculaires, les grands propriétaires terriens, la bourgeoisie imposa un cens électoral relativement élevé, et le suffrage direct, qui devait conférer l'électorat à la partie la plus active, mais également la plus frondeuse, « arriviste », de la classe moyenne : plus peut-être le commerce que les professions libérales. Deux mesures renforçaient la montée de cette classe : l'art. 40 de la Charte de 1814 disposait que seuls étaient électeurs les citoyens âgés de plus de 30 ans, et payant une « contribution directe de 300 francs ». Or, cette formule, due à l'inattention des rédacteurs de la Charte, entraînait l'inscription sur les listes électorales, non seulement des contribuables payant l'impôt foncier, ou des rentiers soumis à la contribution personnelle mobilière, mais également des commerçants et industriels payant patente, et soupçonnés d'avoir trop peu de loisirs pour développer leurs facultés intellectuelles, et leur sens de l'intérêt national. D'autre part, afin d'assurer l'autorité et le prestige de la cellule sociale (la famille), son chef ajoutait à ses contributions celles dues par sa femme ou ses enfants mineurs (art. 2 de la loi Laîné du 5 février 1817) ; et afin de reconnaître sur le plan politique l'importance sociale de la femme, la veuve fut admise à transférer ses contributions à celui de ses fils, petits-fils, ou gendres qu'elle désignerait (art. 5 de la loi Siméon du 29 juin 1820). Ces dispositions, qui d'ailleurs n'élevèrent pas le nombre des électeurs au-dessus de 102 000, profitaient surtout à la partie aisée de la classe moyenne. Aussi, diverses mesures étaient prises pour tempérer le poids grandissant de cette classe. D'abord, afin de restaurer l'influence aristocratique (grands propriétaires terriens), la loi Siméon du 29 juin 1820 (loi du double vote), adoptée après l'assassinat du duc de Berry, conférait au quart des électeurs les plus imposés le droit de voter deux fois : mêlés aux autres électeurs dans les collèges d'arrondissement, ils contribuaient à élire les trois cinquièmes des membres de la Chambre. Puis seuls, dans les collèges départementaux, ils désignaient les deux cinquièmes restants a . Mais, pour empêcher les grosses fortunes bancaires ou commerciales de l'opposition, de se créer une « clientèle » d'électeurs à qui elles auraient attribué juste avant le vote un revenu suffisant pour atteindre le cens, l'art. 4 de la loi de 1820 exigea que les biens (immeubles, commerce) produisant un tel revenu aient fait l'objet d'une possession d'un an avant l'époque de la convocation des collèges électoraux 2 . Enfin, pour interdire l'extension Constitutions et les garanties, chap. VII). La différence des justifications théoriques présentées par les diverses écoles ne fait que mieux apparaître la similitude des intérêts de la classe qui avait confisqué à son profit les conquêtes de la Révolution. 1. ROYER-COLLARD taxa la loi nouvelle d'inconstitutionnalité, l'attribution à une certaine classe d'un double pouvoir de suffrage violant l'égalité affirmée par la Charte. 2. Cette manœuvre aurait été utilisée lors des élections de 1819, en Corse, p a r S É B A s T i A N i (CD 4 décembre 1819). En pratique, la possession devait avoir commencé dans les 35 jours suivant la publication de la liste électorale. Cette exigence de la possession annale souleva de nombreuses controverses lors des débats de vérification.
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trop rapide, causée par l'accroissement des richesses, de la classe moyenne dans l'électorat ; et aussi, le cas échéant, pour éliminer des électeurs douteux, le gouvernement fit voter, dans les lois de finances, des dégrèvements d'impôts directs — au besoin compensés par une augmentation des indirects ! E n 1828, pour 32 millions d'habitants, il n'y avait plus que 82 000 électeurs ! 5 7 . — Monarchie
de
Juillet.
La Monarchie de Juillet, au contraire s'appuierait sur toute cette classe moyenne (propriétaires, commerçants, professions libérales), et non plus seulement sur sa partie supérieure : l'aristocratie terrienne est noyée dans la masse. L e chiffre du cens est abaissé à 200 frs de contribution directe, quelle que soit sa catégorie : contribution foncière, contribution personnelle et mobilière, contribution des portes et fenêtres, redevances des mines, patente, centimes additionnels, droit annuel de diplôme pour les chefs d'institutions et les maîtres de pensions. L e montant du cens pouvait être moindre en certains cas : sans doute, le vote des « capacités intellectuelles » n'était pas, en fait, reconnu : étaient seuls admis à l'électorat, à condition de payer un cens de 100 frs, les membres et correspondants de l'Institut, les officiers jouissant d'une pension de retraite d'un total de 1 200 frs (dans lequel pouvait intervenir le traitement touché comme membre de la Légion d'honneur). Mais surtout, lorsqu'un collège électoral (l'arrondissement) avait moins de 150 électeurs, on appelait, afin d'atteindre ce chiffre, les citoyens les plus imposés au-dessous de 200 frs. Enfin, comme sous la Restauration, le père de famille ajoutait aux siennes les contributions payées par sa femme et ses enfants mineurs, et la veuve pouvait désigner celui de ses descendants à qui elle affectait ses contributions (v. art. 1 er à 9 de la loi du 19 avril 1831). Grâce à ces mesures, le nombre des électeurs s'accrut lentement : de 172 000 en 1832 (pour 32 millions d'habitants), il passe à 248 000 en 1845 (pour 35 millions d'habitants). Mais les inégalités demeurent flagrantes. Après la loi du double vote, plus de 300 arrondissements ont moins de 200 électeurs. E n 1848, 172 collèges (sur 459) doivent faire appel à des électeurs ne payant pas le cens légal : ces collèges ne sont donc composés que de 150 électeurs, d'où des « bourgs-pourris », où les manœuvres des préfets se donnent libre cours, et de graves inégalités de représentation, du fait de l'agglomération des fortunes mobilières en certains grands centres : à Paris, il y a un électeur pour 30 habitants ; et dans le Finistère, un pour 207. Mais en contrepartie, un député de la Seine représente 1 276 électeurs, tandis qu'un député de la Corrèze n'en représente que 300 : il fallait donc moins de voix pour être élu en province. Selon Duvergier de Hauranne 1 , 102 000 électeurs nomment 282 députés alors que les 139 000 autres nomment 177 députés ! L a Chambre représentait aussi 1. Discours, CD 22 mars 1847.
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m a l les contributions que la population : les électeurs payaient 95 millions d'impôt, le reste des contribuables, 276 millions. Cependant, cette bourgeoisie, s'accrochant au pouvoir, refusait aussi bien le droit de vote aux masses (trop peu éclairées, à son sens, p o u r comprendre l'intérêt de la société) qu'aux capacités (qui n'ayant rien à conserver, parfois déclassées, seraient attirées p a r les théories les plus radicales et les plus subversives). Et, à l'opposition qui demandait l'abaissement du cens électoral à 100 frs et l'adjonction des membres des professions libérales et des licenciés (ce qui n'eût donné q u e 15 000 nouveaux électeurs), Guizot répondait : « Enrichissez-vous. »
4°) Suffrage universel haute élue au suffrage
58. — a) Le suffrage
direct, bientôt indirect.
tempéré
par une
chambre
direct.
La Révolution de 1848 décréta le suffrage universel (décret du 5 m a r s 1848, et loi électorale du 15 mars 1849, art. 2 et 3) : le n o m b r e des électeurs atteignit 9 400 000. Le suffrage direct s'implanta alors solidement en France. Et, sauf l'intermède sans lendemain de la loi d u 31 mai 1850 % la consistance du corps électoral demeure stable jusqu'en 1940 2 . Mais l'accession au droit de vote, en 1945, des femmes et des militaires porte le n o m b r e des électeurs, de 11 500 000 en 1938 (pour 42 millions d'habitants), à 24 millions et demi en 1945 (pour 40 millions et demi d'habitants), et à plus de 27 millions et demi en 1962 3 , pour 46 millions et demi d'habitants, 48 millions en 1964 avec les rapatriés. Les exclusions qui existent encore demeurent justifiées : d é f a u t de nationalité, indignité, incapacité intellectuelle (art. L. 1 à L. 8 et L. 328 d u C. élec., infra 334-339) ; peut-être pourrait-on d'ailleurs, à cet égard, abaisser l'âge de l'électorat 4 . Aussi, les éléments 1. Décidé à perdre dans l'opinion publique l'Assemblée législative qui se laissa prendre au piège ( T H I E R S flétrit la « vile multitude »), le prince-président lui fit adopter cette loi qui multiplia les cas de déchéance et exigea, pour l'inscription sur la liste électorale, un domicile de 3 ans dans la même commune, domicile qui ne pouvait être prouvé que par une déclaration des ascendants, ou des patrons (qui pourraient donc repousser tout élément douteux), ou par l'inscription au rôle de la taxe personnelle, ou de la prestation en nature pour les chemins vicinaux (or les Conseils municipaux pouvaient dispenser de cette taxe les individus ne payant pas un loyer minimum) : 2 800 000 électeurs (surtout des ouvriers nomades ou saisonniers) étaient ainsi privés du droit de vote. 2. La proportion totale des électeurs par rapport au chiffre de la population demeure, en moyenne, de 27 %, et va, selon les départements, de 33 % à 20 % (dans la Seine, où le nombre des électeurs non-inscrits est très grand, la proportion s'abaisse même à 16 % sous le Second Empire, soucieux de ne pas gonfler le corps électoral parisien). 3. 27 582 113 ; 28 185 478 avec les départements et territoires d'Outre-mer. 4. Fixé à 21 ans, en corrélation avec la majorité civile, il n'est abaissé à 18 ans qu'au profit des titulaires de certaines décorations (art. L. 3 du C. élec.). Or, la moyenne d'âge du corps électoral était, en 1958, de 47 ans et 4 mois; sur 28 millions d'électeurs, 5 millions étaient âgés de plus de 65 ans. En t a n t que groupe, la jeunesse n'est pas représentée dans l'électorat français (au contraire des
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socialement et politiquement dominants ont, depuis 1852, utilisé d'autres procédés que la restriction du « pays légal » pour assurer leur pouvoir : pressions, manipulation des circonscriptions sous le Second Empire et le début de la III e République, modification du mode légal de répartition des sièges en 1919-1927 et sous la IV e République ; enfin, élection d'une chambre au suffrage indirect.
b) Le suffrage 5 9 . — III e
indirect.
République.
Certes, le suffrage indirect, chargé de désigner les membres de la chambre haute, et, de 1958 à 1962, le Président de la République, procède du suffrage universel. Mais, en 1875, pour « créer un contrepoids à la loi du nombre » (Lefèvre-Portalis), l'Assemblée nationale, monarchiste, n'utilisa pas le système des inéligibilités (sénateurs élus au suffrage universel parmi des catégories étroites de notables) : elle organisa un corps électoral où la France rurale, fortement tenue par les conservateurs, serait dominante. Ce corps électoral départemental était composé (et continue à l'être) des députés, des conseillers généraux, des conseillers d'arrondissement (supprimés à la Libération), et des délégués sénatoriaux élus par les Conseils municipaux : ces délégués constituent donc la masse du corps électoral. D'après la loi du 24 février 1875, chaque commune, quelle que soit son importance, élisait un seul délégué sénatorial : d'où une prépondérance écrasante en faveur des communes de moins de 500 habitants (28 000 sur 38 000 communes ! ), communes dont les Conseils municipaux étaient le plus souvent soumis à l'influence des grands propriétaires fonciers. Sur le conseil de Gambetta, les républicains partirent à la conquête des mairies, afin d'assurer leur victoire au « Grand conseil des Communes françaises ». Puis, la loi du 9 décembre 1884 (qui supprimait les 75 sénateurs inamovibles nommés par le Sénat lui-même) décida que le nombre de délégués varierait en fonction du nombre des conseillers municipaux, donc de la population. Mais aucune proportionnalité ne fut établie entre ces trois termes, les républicains auteurs de la réforme ayant voulu transférer aux gros bourgs, aux chefs-lieux de canton, au centres de vie locale où la petite bourgeoisie était « bleue », mais non trop avancée, la suprématie exercée jusqu'alors par les communes rurales. Ainsi, les dix villes de plus de 100 000 habitants (soit 2 millions démocraties populaires qui, en fixant l'électorat à 18 ans, l'insèrent dans la vie politique). En 1965 apparaîtra, grâce à l'expansion démographique des années 1945 et suivantes, un brusque rajeunissement du corps électoral : l ' U N R se préoccupe déjà d'attraire les jeunes, peu soucieux de logomachie, par des méthodes modernes, et l'Eglise, consciente de la force de l'éducation, a obtenu une loi d'aide à l'enseignement privé (loi D E B H É du 31 décembre 1959 et décrets du 14 avril 1960).
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d'habitants) ont 240 délégués ; et 370 communes de moins de 100 habitants (soit 35 000 habitants) ont 370 délégués. E n 1938, 22 900 délégués représentent les communes de moins de 500 habitants, et 22 300 celles de 5 000 à 15 000 habitants (sur 64 000 délégués) et 75 000 électeurs sénatoriaux. E u égard à la dispersion des petites communes sur l'ensemble du territoire, les départements sous-représentés sont peu nombreux, mais, fortement pénalisés : 159 sénateurs représentent 14 109 499 habitants, 158 en représentent 28 750 464. En 1938, 41 362 habitants des Basses-Alpes, 485 965 habitants de la Seine élisent respectivement un sénateur ! 60. — IVe
République.
La loi du 27 octobre 1946 relative à l'élection du Conseil de la République essayait d'établir une certaine proportionnalité : sans doute, 50 membres étaient élus par l'Assemblée nationale ; mais les autres membres étaient élus par un corps électoral composé (en métropole tout au moins) des députés, des conseillers généraux, et de délégués élus, non plus par les Conseils municipaux, mais par le suffrage universel, à raison d'un délégué par 300 électeurs inscrits. Cette proportionnalité très approximative, puisque non fondée sur le nombre d'habitants, risquait cependant de favoriser les grands courants populaires, P C ou R P F . Aussi fut adoptée la loi du 23 septembre 1948, qui organisait une « Chambre d'agriculture », composée des « élus du seigle et de la châtaigne » (G. Y e d e l ) . Celte loi maintenait, en l'améliorant il est vrai, un système de représentation, dégressive à un double point de vue : représentation des départements au Conseil de la République ; représentation des communes au collège départemental. La représentation des départements au Conseil était ainsi établie : chacun d'eux a droit à un élu ; à deux élus s'il a plus de 154 000 habitants 1 ; à trois élus s'il a plus de 250 000 habitants. Tous les départements ayant moins de 315 000 habitants (surtout Centre et SudOuest) sont sur-représentés. Mais l'écart entre les départements extrêmes est, par rapport à 1958, réduit des deux tiers : 83 354 habitants des Basses-Alpes et 238 785 de la Seine élisent respectivement un sénateur. La représentation des délégués des communes, dans le collège départemental était cependant améliorée : les communes de moins de 9 000 habitants élisaient de un à 15 délégués ; de 9 000 à 45 000 habitants, un nombre de délégués égal à celui des conseillers municipaux ; et dans les communes de plus de 45 000 habitants, un délégué supplémentaire par 5 000 ou fraction de 5 000 habitants en plus 2 . 1. Chiffre curieux, dont on a expliqué l'adoption de la façon suivante : le président Gaston aurait craint d'être battu en sa circonscription (Guyane) où 5 candidats se présentaient dans un collège électoral composé de quelques dizaines de membres ! Or, ce chiffre permettait d'attribuer au département du Lot un second siège, que M . M O N N E R V I L L E enleva facilement. 2. Le nombre des délégués de ces communes est donc conditionné par le nombre de conseillers municipaux. Or d'après la loi du 5 avril 1884, modifiée par les lois du 6 septembre 1947 et 28 juillet MONNERVILLE
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Le système demeurait donc dégressif 1 : les 72 départements surreprésentés, avec 23 453 747 habitants (et 14 285 765 inscrits) avaient 160 sièges et 71 742 délégués. Au contraire, les 18 départements sousreprésentés (tous urbains, sauf le Vaucluse et la Haute-Vienne) avec 17 041 049 habitants (et 10 215 479 inscrits) avaient 86 sièges et 27 800 délégués. Soit un pourcentage respectif de 58 et 42 % quant à la population, de 65 à 35 % quant aux sièges, de 72 à 28 % quant aux délégués. Les deux causes de distorsion (représentation du département au Conseil, représentation des communes dans le collège électoral) défavorisaient 15 départements, peuplés, urbains pour la plupart 2 , favorisaient la France rurale. En 23 départements, ces causes de distorsion jouaient en sens contraire 3. En gros, la France rurale élisait 56 % des délégués sénatoriaux. 61. — Ve
République.
Ce taux a été abaissé à 53 % sous la V e République (Ord. du 15 novembre 1958) 4. Les délégués sont au nombre de un à 15 pour les communes de moins de 9 000 habitants 5 ; tous les conseillers municipaux sont délégués de droit dans les communes de plus de 9 000 habitants et dans celles de la Seine ; les communes de plus de 30 000 habitants ont droit, en plus, à un délégué par 1 000 habitants, ou fraction de 1 000, en sus de 30 000 6 . Ces mesures accroissenï la représentation des grandes villes ; mais la progression démographique d'une part, le jeu de la R P qui assure, dans l'élection des délégués municipaux, et des sénateurs dans les circonscriptions les plus peuplées de concentration urbaine, une certaine représentation des minorités rurales d'autre 1953 (art. L. 225 du C. élec. et 16 du C. de l'administration communale), ce nombre est de 33 conseillers pour les communes ayant de 40 001 à 50 000 habitants ; de 65 pour les communes a y a n t de 50 001 à 60 000 habitants ; et de 37 pour les communes a y a n t 60 001 habitants et au-delà {plus 3 conseillers en plus par mairie pour les villes divisées en plusieurs mairies). Cette relation accroît nécessairement les inégalités au détriment des centres urbains les plus importants. 1. Les communes ayant moins de 1 500 habitants (35,5 % de la population) ont 56 % de» délégués; les communes de 1 501 à 10 000 habitants (25,5 % de la population) ont 28 % des délégués; les communes de plus de 10 001 habitants (39 % de la population) ont 16 % des délégués. 2. Seine, Seine-et-Oise, Nord, Finistère, Ille-et-Vilaine, Loire-Atlantique, Bas-Rhin, H a u t Rhin, Gironde, Haute-Vienne, Loire, Rhône, Haute-Garonne, Bouches-du-Rhône, Var. 3. 20 départements étaient sous-représentés (faiblement) au Conseil de la République, mais sur-représentés dans le collège : soit départements à forte population urbaine (Pas-de-Calais, SeineMaritime, Gard, Isère, Puy-de-Dôme, Meurthe-et-Moselle, Moselle, Marne); soit départements à économie agricole, mais avec d'importants centres urbains (Oise, Loiret, Calvados, Côtes-du-Nord, Morbihan, Vendée, Dordogne, Allier, Saône-et-Loire, Côte d'Or, Vosges, Indre-et-Loire). En trois départements, les distorsions étaient inverses : Alpes-Maritimes, Hérault (urbains et peuplés), Vaucluse (urbain mais peu peuplé). 4. Art. 7 de l'Ord. n° 58-1098 (art. L. 284 et L. 285 du C. élec.) (métropole, DOM). Variantes pour les TOM (art. 7 de l'Ord. n° 59-260 du 4 février 1959). 5. Conseils municipaux de 9 ,et 11 membres : un délégué; de 13 membres : 3 délégués; d e 17 membres : 5 délégués; de 21 membres : 7 délégués ; de 23 membres : 15 délégués. 6. Supra 60, le nombre des conseillers municipaux pour les villes de plus de 40 000 h a b i t a n t s . Les communes de plus de 30 000 habitants ont droit à 31 conseillers.
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p a r t 1 , compensent presque cet accroissement ; et les villes de moins de 1 500 habitants, avec 33 % de la population, ont 53 % des délégués, tandis que les villes de plus de 10 000 habitants, avec 41,5 % de la population, n'ont que 21,5 % des délégués. Le corps électoral comprend un peu plus de 103 500 membres 2 , parmi lesquels sont noyés les députés (465) et les conseillers généraux (3 150 environ). L e mode d'élection de ces derniers n'a donc pas une grande importance (les conseillers généraux sont désignés au scrutin uninominal majoritaire à deux tours dans le cadre du canton pour six ans ; ils sont renouvelés par moitié tous les trois ans) 3 . Au contraire, le mode de scrutin des élections municipales réagit directement sur les sénatoriales : les conseils municipaux sont élus pour six ans. et renouvelables intégralement. Sous la I I I e République, ils étaient élus au scrutin de liste plurinominal majoritaire à deux tours 4 . Sous la IV e République, ce mode de scrutin fut réservé aux communes rurales de moins de 9 000 habitants. Au contraire, dans les communes urbaines (plus de 9 000 habitants et communes de la Seine, sauf P a r i s ) , les conseillers municipaux étaient élus à la R P , selon le système de la plus forte moyenne (liste complète, mais non bloquée) 5 . Mais, sous la V e République 6 , on rétablit, pour les communes de moins de 120 000 habitants, le mode de scrutin de la loi de 1884 : l'UNR espérait, comme lors des élections législatives, que ce système lui serait favorable. Espoir déçu : il profita aux notables traditionnels, aux modérés notamment, mais permit aux communistes de conquérir un certain nombre de municipalités de banlieue proche des grandes villes industrielles. Dans les villes de plus de 120 000 habitants (douze en 1958, vingt-trois en 1963) 7 , le mode de scrutin de 1947 était maintenu (mais avec liste bloquée) ; Paris avait un régime spécial 8 . Mais, une loi du 27 juin 1964 applique au contraire à toutes les villes de plus de 30 000 habitants (soit 159 communes et le Conseil de Paris) le scrutin majoritaire à deux tours, avec liste complète et bloquée, afin de faciliter les regroupements des partis en deux camps (infra 2 8 4 ) ; pour les communes de 1. La loi favorise les villes moyennes contre les grandes, afin de conférer la majorité absolue aux représentants ruraux (commune ayant moins de 2 000 habitants) et semi-urbains (commune de 2 000 à 10 000 habitants). 2. Le nombre des grands électeurs dans les départements algériens était de 6 000 environ, soit un corps électoral de plus de 108 000 membres. 3. Art. L. 191 à L. 193 du C. élec. (loi du 10 août 1871), décrets des 4 mars 1949 et 24 juillet 1961. Les conseillers généraux de la Seine (banlieue) sont élus selon ce mode de scrution (Ord. n° 59-232 du 4 février 1959, aborgeant l'ancien art. 315 du C. élec., et décret n° 59-294 du 13 février 1959, modifié par le décret du 24 juillet 1961) en attendant l'organisation des nouveaux départements (loi du 10 juillet 1964). 4. Art. 11 et 30 de la loi du 5 avril 1884. 5. Art. 294 ancien du C. élec. ; et art. primitif 301 du C. élec. (texte de la loi du 5 septembre 1947). 6. Ord. n° 59-230 du 4 février 1959 (art. L. 252 à L. 255 du C. élec.) et décret n° 59-292 du 13 février 1959 (modifié par le décret du 24 juillet 1961). 7. Marseille, Lyon, Toulouse, Bordeaux, Nice, Nantes, Strasbourg, Lille, Saint-Etienne, Toulon, Le Havre, Grenoble, Rennes, Brest, Dijon, Reims, Le Mans, Clermont-Ferrand, Nancy, Rouen, Montpellier, Angers, Limoges. 8. Les membres du Conseil municipal de Paris étaient élus à la RP selon la règle du plus fort reste (liste complète et bloquée) : Ord. n» 59-231 du 4 février 1959 et décret n» 59-293 du 13 février 1959.
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moins de 30 000 habitants subsiste le scrutin de liste plurinominal à deux tours (art. L . 252 à L. 255 du C. élec.). L e système dégressif conservé et amélioré en 1958 entraîne deux conséquences : toute sur-représentation d'un département au Sénat accroît la représentation des communes rurales ; la sous-représentation départementale frappe en général les communes urbaines du département ; la compensation entre communes urbaines et rurales dans la circonscription n'est donc pas automatique, et jamais complète. L a sous-représentation frappe donc surtout les départements contenant de nombreux centres urbains. En conséquence, les départements peu peuplés, mais à population concentrée, sont moins sur-représentés que les départements plus peuplés, mais à population dispersée. 6 2 . — L'élection du Président de 1958 à 1962.
de la République
au suffrage
indirect
Avant leur, modification par la loi du 6 novembre 1962, les art. 6 et 7 de la Constitution ( i n f r a 7 3 1 , les textes d'application) instituaient pour l'élection présidentielle, un corps électoral de structure semblable, mais non similaire, à celui des sénateurs. Les délégués des petites communes étaient de droit le maire pour les communes de moins de 10 000 habitants, et, au-delà, un nombre, déterminé selon la population, d'adjoints, puis de conseillers municipaux pris dans l'ordre du tableau, et enfin, de délégués élus par les conseillers municipaux 1 à la R P , selon le système du plus fort reste, avec listes bloquées (sans panachage ni vote préférentiel, mais possibilité de liste incomplète). L e corps électoral ainsi constitué (et qui procéda à l'élection du général de Gaulle en décembre 1958) était moins important que celui des sénateurs. E n effet, sur 76 000 électeurs, et défalcation faile des parlementaires et conseillers généraux, il comprenait seulement 8 541 délégués supplémentaires au profit des villes de plus de 30 000 habitants, et 63 250 membres des conseils municipaux dont 31 401 étaient les maires des communes de moins de 1 000 habitants. Seize millions de ruraux (communes de moins de 2 000 habitants) 2 disposaient de 39 000 électeurs, 27 millions de citadins n'en avaient que 36 000. 6 3 . — Signification
du suffrage
indirect.
Au suffrage direct d'où est issue l'Assemblée nationale — et 1. Communes de moins de 1 000 habitants : le maire; de 1 001 à 2 000 habitants, le maire et le premier adjoint; de 2 001 à 2 500 hab. : le maire, le premier adjoint et un conseiller municipal pris dans l'ordre du tableau; de 2 501 à 3 000 hab. : le maire et les deux premiers adjoints; de 3 001 à 6 000 hab. : le maire, les deux premiers adjoints et trois conseillers municipaux; de 6 001 à 9 000 hab. : le conseil municipal en entier; de plus de 30 000 hab. : le conseil municipal et les délégués élus par lui & raison de un par 1 000 habitants en sus de 30 000. 2. Soit 35 000 communes sur 38 000 environ. Du fait des « villages qui meurent », le nombre des communes de moins de 300 habitants s'accroît sans cesse et est actuellement de 16 625; 61,1 % des communes ont moins de 400 habitants, chacune, soit 11,7 % du total de la population.
COMPOSITION DU CORPS
ELECTORAL
95
maintenant le Président de la République — s'oppose donc le Sénat, élu au suffrage indirect, et qui favorise la partie agricole et conservatrice 1 de la France. Politiquement, on a essayé de justifier cette inégalité de représentation. G. Monnerville — après M. Debré — la fonde sur la réalité sociologique de la France, composée de milliers de petites communes dirigées, ou, du moins inspirées, par leurs notables. L e Sénat assure la représentation des collectivités territoriales : les véritables personnes morales de la République. Or, sauf en quelques régions, l'étreinte des grands propriétaires fonciers s'est desserrée, et ne menace plus, comme au début du siècle, le régime. I l se crée un nouveau type d'agriculteurs, soit paysans exploitants plus ouverts sur l'extérieur, soit descendants des grandes fortunes foncières diminuées, souvent inspirés par la J A C , dont les genres de vie se rapprochent, et parmi lesquels sont indifféremment choisis les notables de la commune. Or, les grands problèmes qui se posent actuellement à la gestion communale (habitat, adduction d'eau, coopératives, pôles de développement, mise en valeur du territoire, reconversion...) dépassent souvent l'horizon municipal. Aussi M. Prélot 2 juge ce suffrage inégalitaiie nécessaire, la sur-représentation accordée aux régions arriérées leur permettant de hâter leur équipement. I l observe aussi que le régime était fondé — avant la réforme de 1962 — sur cette « masse de granit » composée du Président de la République, du Premier ministre et du Sénat. G. B u r d e a u 3 ne justifie pas ce suffrage indirect, mais a essayé de l'expliquer — très brillamment : à l'assemblée élue au suffrage universel (« pouvoir démocratique » ) , en fonction des intérêts antagonistes (supra 1 9 ) , s'opposeront le Président de la République et le Sénat, « pouvoirs d'état », élus par un collège de « citoyens » conscients de la continuité et des grands intérêts de la nation. A dire vrai, l'analyse qui confère aux élections législatives un aspect moins politique que professionnel (au sens très large) demeurait assez imprécise en ce qui concerne l'élection du Sénat. Sans doute, celui-ci est destiné à servir de frein à l'Assemblée nationale, avec l'accord du gouvernement (art. 45 de la Const.). I l est cependant composé de notables très au courant de la gestion des affaires publiques, mais suffisamment « politisés » pour ne pas perdre de vue les intérêts les plus proches 4 . E t l'élection du Président de la République au suffrage direct a pour but de lui conférer une force, un poids, que le suffrage indirect ne pouvait lui donner (supra 2 0 ) . I l est néanmoins certain que, selon M. Duverger 5 , ce suffrage 1. Deux circonstances renforcent ce trait. Les mandats locaux (sauf en certaines grandes villes) sont gratuits : ce qui suppose de leurs titulaires un minimum de richesse, et de loisirs. D'autre part, le Sénat se renouvelle par tiers tous les trois ans : à un renouvellement au moins sur deux, la moitié des Conseils généraux, et les Conseils municipaux n'auront pas été renouvelés. D'ailleurs, jes élections locales maintiennent souvent en place le même personnel. 2. Pour comprendre la Constitution, Paris 1958, éd. du Centurion. 3. « La conception du pouvoir selon la Constitution française du 4 octobre 1958 », Rev. franc, de Se. pol., 1959.87. 4. En 1964, le Sénat comprend 32 présidents de Conseils généraux et 162 maires. 5. Institutions politiques et Droit constitutionnel, PUF, 1960.
LE SUFFRAGE POLITIQUE EN FRANCE
96
indirect non proportionnel constitue un frein. Mais, tout antidémocratique qu'il soit, peut-être pourrait-on le justifier (tout au moins si on en atténuait et normalisait les plus flagrantes inégalités) en élargissant l'argument de M. Prélot : une égalité numérique parfaite de représentation n'entraînerait-elle pas, en fait, une inégalité relative au détriment de la France rurale, sous-équipée 1 ? Ses élus, en trop faible nombre, seraient noyés par ceux des grandes cités, des régions industrielles ; et du déséquilibre économique qui risquerait de s'accroître, ne surgirait-il pas quelque péril pour l'unité sociologique, et par voie de conséquence, politique de la nation 2 ?
B. —
L'ÉVOLUTION DE LA COMPOSITION DU CORPS ÉLECTORAL DANS LES ANCIENNES
-64. — Situation juridique
COLONIES.
de la colonie.
La représentation parlementaire des pays d'Outre-mer a subi une évolution. Son organisation devrait dépendre, en principe, du caractère attribué à la « colonie » : est-elle partie intégrante du territoire métropolitain, et sa population est-elle titulaire, au même titre que la population métropolitaine, de la souveraineté ? Elle doit députer en tant que telle. Ou bien n'est-elle que « propriété » de la métropole ? Elle ne saurait bénéficier alors d'une représentation parlementaire propre, et seuls les citoyens pourront participer au suffrage politique, mais seulement à titre personnel, et s'il a été organisé. En pratique, ce problème a longtemps été résolu en fonction du caractère autoritaire ou démocratique du régime. En 1789, les colons de Saint-Domingue élisent des députés aux Etats-généraux : l'admission de ces députés, combattue dans le cadre de l'Ancien régime, fut adoptée après la transformation des Etats en Assemblée nationale 3 — après rejet de leurs prétentions d'obtenir une représentation proportionnelle, non à la population, mais à la richesse —et les autres colonies députèrent à leur tour. La Constitution de 1791 entérina le principe de la représentation des colonies 4 . Celle-ci fut 1. D'ailleurs, les dix départements du Nord, de la Lorraine et du Bassin parisien produisent, avec la Beauce, la Bretagne et la Normandie, 60 % de la production agricole (moins le vin); la différence est marquée, au point de vue rural, entre le Nord et le Sud de la France. Les mesures de décentralisation industrielle prises afin d'éviter un accroissement excessif de la région parisienne, ne bénéficient qu'en partie aux régions en voie de dépérissement économique, mais aussi aux zones industrielles, toutes situées au-dessus de la Loire (exactement, au Nord d'un axe CherbourgMontpellier, compte tenu des « déserts » du Sud-Est et du Massif Central); or le développement •du Marché Commun favorisera précisément cette portion du territoire. — 44 % de la population se trouve au Nord de la ligne Saint-Malo-Belfort, sur 23 % de la surface totale. Aussi les aides à la décentralisation se font maintenant au Sud d'une ligne Cherbourg-Marseille. 2. « C'est la France nantie qui a plébiscité de GAULLE ® a-t-on dit en octobre 1962 ; l'affirmation est cependant beaucoup trop abrupte : les traditions de gauche sont puissantes dans le Sud. 3. A N 4 juillet 1789. 4. Art. 1 e r de la Sect. I du Chap. I du Titre III.
COMPOSITION
DU CORPS
ELECTORAL
organisée par un décret de l'Assemblée législative du 2 mars 1792, puis un décret du 22 août 1792 en vue des élections à la Convention, et enfin reprise par la Constitution de l'an I I I (art. 6 et 7). Elle fut supprimée de l'an VIII à 1848 \ rétablie par la II e R é p u b l i q u e 2 , à nouveau supprimée sous le Second E m p i r e 3 , reprise enfin sous la III e République, pour les « anciennes colonies » (Martinique, Guadeloupe, Réunion, Indes françaises) et l'Algérie 4 . Mais, sauf quelques extensions en 1879 et 1882 (Cochinchine et, après la Grande Guerre, le Sénégal, qui avait député sous la II e République et à l'Assemblée nationale de 1871), la représentation parlementaire des colonies nouvellement conquises n'est pas organisée. Ce n'est qu'à la faveur des élections à l'Assemblée constituante de 1945 que cette représentation sera systématiquement accordée à toutes les colonies 5 . Mais le problème de cette représentation parlementaire des colonies a été envenimé par celui de la composition du corps électoral : l'accession des autochtones à l'électorat politique 6 a été freinée par la crainte des Européens d'être noyés dans la masse indigène, et d'être, en fait, privés de toute représentation. Cette accession s'est pourtant réalisée en trois étapes : assimilation, suffrage diversifié, suffrage universel. 65. — 1°) Le suffrage
réservé aux individus
assimilés.
D'abord, seuls ont été admis à l'exercice des droits civiques et politiques les « indigènes » estimés socialement et intellectuellement assimilés. Juridiquement, on retint, comme critère de cette assimilation, l'accession au statut personnel de droit civil. Ainsi, la jurisprudence déclara que la loi du 24 avril 1833 7 , qui conférait les droits civiques et politiques aux individus libres, ne s'appliquerait qu'aux personnes soumises au statut personnel de droit civil. E n fait, en jouissaient seuls les habitants des quatre vieilles colonies « de plantation », françaises dès le X V I I e siècle, depuis l'abolition de l'esclavage (décret du 27 avril 1848), confirmé par l'art. 6 de la Constitution de 1848. Ceux de Saint-Pierre-et-Miquelon, dont le peuplement était uniquement européen. E t ceux des îles du Vent (Tahiti et Tuamotou), lors de la transformation en colonie de l'ancien royaume protégé de la 1. Art. 91 de la Const. de l'an VIII; art. 54 du S.C. organique du 16 thermidor an X ; art. 73 de la Charte de 1814; art. 64 de la Charte de 1830 : les colonies sont régies par des lois spéciales. 2. Décret du 5 mars 1848 (art. 3) : élection à l'Assemblée constituante; art. 21 et 109 de la Const. de 1848; art. 75-78, 82 et 96 de la loi du 15 mars 1849. 3. Art. 27 de la Const. du 14 janvier 1852; art. 1 e r du DO du 2 février 1852. 4. Décret du 8 septembre 1870, renvoyant à la loi de 1849, pour les élections à l'Assemblée nationale. Loi du 24 février 1875 (art. 1, 2, 4 et 6) et loi du 2 août 1875 (art. 8, 11, 12 et 21) : Sénat. Loi du 30 novembre 1875 (art. 12 et 19 à 21) : Chambre des députés. — V . aussi art. 2 de la loi du 16 juin 1884. 5. Ordonnances des 17 et 22 août 1945. 6. L'électorat local a toujours été assez facilement accordé. 7. Les incapacités frappant les descendants d'affranchis furent atténuées parles décrets des 15 mai 1791 et 28 mars 1792, et supprimées, ainsi que l'esclavage, par le décret du 16 pluviôse, an II, mais rétablies par une loi du 30 floréal an X . 4
98
LE SUFFRAGE
POLITIQUE
EN
FRANCE
reine Pomaré (loi du 30 décembre 1880) \ Dans ces colonies, le suffrage universel fonctionnait (Saint-Pierre-et-Miquelon et les Iles du Vent ne députant d'ailleurs pas). Au contraire, dans les autres colonies, les indigènes avaient conservé un système social et juridique propre, et n'étaient pas, pensait-on, intégrés à la masse française. Aussi devaientils, pour acquérir les droits politiques, faire la preuve de leur volonté d'assimilation en adoptant le statut civil français 2 . Mais cette source d'accession individuelle à la citoyenneté répugnait aux populations qui avaient souvent l'impression que la renonciation à leur statut personnel les éloignait de leurs traditions ; elle constituait même, dans l'esprit des musulmans, une abjuration 3 . La masse autochtone demeurait donc sans représentation. Aussi fut-on amené, dès la I I I e République, à considérer que l'assimilation pouvait aussi résulter d'une longue appartenance à la souveraineté française et de l'accomplissement de certaines obligations du droit public français : paiement des impôts, et surtout, service militaire. On prit des textes spéciaux accordant le droit de suffrage aux ressortissants des Etablissements de l'Inde, et à ceux des communes de plein exercice du Sénégal (Dakar, Rufisque, Saint-Louis) 4 . Le critère de l'assimilation se transférait de la similitude juridique à l'adhésion psychologique.
6 6 . — 2°) L'extension
du droit de suffrage, et m
diversification.
Après la Seconde guerre mondiale, la victoire des démocraties sur les systèmes totalitaires, le brassage général des peuples, le prix du sang, la croissance de l'esprit d'égalité, et, plus particulièrement pour la France, l'esprit des discours de Brazzaville (1942) et de Constantine (1943), puis la Conférence de Brazzaville (1944) firent rejeter le critère de l'assimilation. E t la citoyenneté — qui se confondait désormais avec la nationalité — fut accordée à tous les ressortissants des territoires français, quel que soit leur statut personnel (loi Lamine Gueye du 7 mai 1946, reprise par l'art. 80 de la Const. de 1946). Les droits publics et civiques ne coïncidaient donc plus nécessairement avec les droits civils : des millions de citoyens, souvent illettrés, et encore soumis aux chefs ancestraux, accédaient à la jouissance des droits politiques. Les Européens risquaient l'écrasement, et la domination française d'être remise en cause. Aussi l'art. 80 de 1. Une ordonnance du 24 mars et un décret du 5 avril 1945 ont étendu l'application du statut civil à l'ensemble des Etablissements de l'Océanie. 2. Les modalités de cette adoption ont varié selon les colonies : admission à la citoyenneté par décret ou jugement, renonciation au statut personnel. 3. On dénombra moins de 8 000 « naturalisés » en Algérie en 1936, sur 5 millions de musulmans. 4. V. instruction du 27 avril 1848, décret du 16 septembre 1871; Civ. 29 juillet 1889, DP 1889 1.457; Civ. 24 juillet 1907, S 1911.1.401; loi du 29 septembre 1916 pour les habitants originaires, des quatre communes de Dakar, Gorée, Rufisque et Saint-Louis.
COMPOSITION DU CORPS
ELECTORAL
99
la Const. de 1946 disposa que l'exercice de ces droits serait organisé par des lois particulières. 6 7 . — a) Algérie
: le double
collège.
Dès 1944 1 , mais surtout diverses ordonnances du 17 août 1945 avaient appelé à l'élection des membres de l'Assemblée constituante quelques personnes de statut local promues « citoyens à titre personnel », car remplissant certaines conditions de dignité, capacité ou fonction : 60 000 personnes environ en Algérie, qui votent dans le collège des « Français non citoyens ». Le système fut définitivement organisé par la loi du 5 octobre 1946 2 . Le suffrage universel était établi en Algérie, mais s'exerçait en deux collèges séparés (art. 21 et 39) : dans le premier collège, tous les citoyens de statut français, même musulmans, plus certaines catégories de citoyens de statut local : l'assinùtation n'était donc pas abandonnée ; son degré était apprécié en raison de la capacité intellectuelle (diplômes ou fonctions) ou civique (décorations) des intéressés. Le second collège comprenait tous les autres citoyens de statut local. Sans doute avait-on voulu éviter que la discrimination entre les deux collèges soit uniquement fondée sur le statut de droit privé. Mais, le déséquilibre numérique entre ces deux collèges (qui nommaient le même nombre de députés) était aggravé par le fait que, dans le premier collège, les Européens jouissaient d'une écrasante majorité. En 1954, année de la « rébellion », le premier collège comprenait 500 000 Européens (hommes et femmes), et 70 000 musulmans environ ; et le second collège, 1 4 5 0 000 musulmans : chiffre relativement peu élevé, par rapport à la masse musulmane (9 millions), mais qui s'explique (outre les défauts d'inscription sur les listes électorales) par deux circonstances : d'une part, en raison d'une foudroyante progression démographique, la moitié environ de cette population est mineure. D'autre part, les musulmanes, à qui la jouissance du droit de vote était reconnue, n'en avaient pas l'exercice, qui devait leur être conféré par décision de l'Assemblée algérienne (art. 4 de la loi portant statut de l'Algérie du 29 septembre 1947). Décision qui ne fut jamais prise, en raison de la conjonction des Européens, peu soucieux de voir s'accroître le nombre des électeurs musulmans, et des musulmans traditionalistes appréhendant une trop rapide émancipation de la femme.
1. Mesure adoptée dans le but, a-t-on dit, de faciliter l'incorporation des musulmans dans l'armée française. Art. 14 de l'Ord. du 17 août 1945. 2. V. aussi art. 39 de la loi du 29 septembre 1947 (statut de l'Algérie), et art. 39 à 41 et 51, de la loi du 23 septembre 1948 (Conseil de la République).
100 68. — b) Les territoires
LE SUFFRAGE
), CC 29 janvier 1963, Ree. 90. 4. El. GAVINI, CL 19 novembre 1863 ; él. Aimé GHOS, CL 28 novembre 1863 ; él. COULON (AN, Allier 4 e ), CCP 12 décembre 1958, Ree. 82. 5. El. MASCLANIS (Condom-Lectoure), CD rap. 21 juin 1928 ; él. Pic (AN, Drôme 2 e ), CCP 6 janvier 1959, Ree. 124. 6. El. d'Apt (Vaucluse), CD 4 juillet 1910 ; él. LAURENT (St-Denis 8 e ), CD 9 mars 1933.
ALLIANCES ET MANŒUVRES
325
nés, mais immédiatement préhensibles, que de la situation de fait véritable, qu'elle ne peut, le plus souvent, dégager. Elle retient trois éléments : origine des fausses nouvelles ; existence d'un démenti ; influence véritable de la manœuvre. Origine
des fausses nouvelles
:
On considère que la manœuvre est patente lorsque les fausses nouvelles ont été lancées par le candidat lui-même \ l'un de ses partisans 2, ou l'Administration 3. Au contraire, on estime que les électeurs n'ont pas porté attention à de fausses nouvelles diffusées par tracts ou affiches anonymes *. On ne retient donc pas la bonne foi du candidat (car on ignore si ces tracts émanent, ou non, de lui) ; mais on s'appuie sur l'esprit critique des électeurs.
Existence
d'un démenti
:
Le démenti rétablissant la situation exacte doit être apprécié en fonction de la diffusion donnée à la fausse nouvelle (presse, radio, tracts, et volume de la publication effectuée) ; le principe du contrarius actus (que le rectificatif ait lieu dans la même forme que la fausse nouvelle) est souhaitable, mais n'a pas à être automatiquement respecté. En pratique, une mise au point radiophonique ou publiée dans la presse est susceptible d'atteindre un plus grand nombre d'électeurs 5. Enfin, la mise au point doit être intervenue en temps utile : avant que la fausse nouvelle n'ait pris corps 6, avant la date-limite de dépôt des candidatures 7, jusqu'à la veille du scrutin 8, et même après la clôture de la campagne électorale 9. Evidemment, plus le délai de rectification a été court, plus la mise au point devra avoir été efficace ; et, si de nombreux électeurs n'avaient pu être avertis à temps, l'annulation de l'élection s'ensuivrait 10.
1. El. DE LACOSTE-LAREYMONDIE (AN, Charente-Maritime LRE), CCP 6 janvier 1959, Ree. 122. 2. E l . ULRICH ( A N , H a u t - R h i n 5 E ) , C C P 6 j a n v i e r 1959, Ree.
118 ; él. GRASSET-MOREL
(AN,
Hérault 1 " ) , CCP 13 février 1959, Ree. 193. 3. El. JACOT (Beaune), CD rap. 21 juillet 1932. 4. El. MASCLANIS (Condom-Lectoure), CD rap. 21 juin 1928 ; él. LEBAS (AN, Manche 3E), CCP 6 février 1959, Ree. 179. 5. El. PANDOVANI (AN, Bouches-du-Rhône 10e), CCP 20 janvier 1959, Ree. 157 (radio) ; él. LEBAS, précitée ; él. GRASSET-MOREL, précitée, (presse). 6. El. GAVINI, CL 19 novembre 1863 ; él. Aimé GROS, CL 23 novembre 1863 ; él. de la 3E circ. de Saint-Denis, CD 3 juin 1902 ; él. JACOT, précitée. 7. E l . P A N D O V A N I , p r é c i t é e .
8. El. Roux (AN, Seine 19E), CCP 20 janvier 1959, Ree. 162 ; él. GRASSET-MOREL, précitée. 9. El. LEBAS, précitée. 10. El. des Basses-Alpes, S rap. 22 janvier 1903, déb. 27 janvier 1903.
326
LE SUFFRAGE
POLITIQUE EN
FRANCE
Influence de la manœuvre : Les deux éléments précédents ne sont que les moyens les plus courants par lesquels l'organe vérificateur parvient à jauger ce troisième élément. Aussi, lorsqu'aucun démenti n'est intervenu (ou qu'il est intervenu tardivement) 1 , et que la manœuvre est patente, l'invalidation n'est prononcée que si, eu égard au faible écart des voix, et au sens dans lequel les transferts de suffrage se sont effectués, il apparaît que le résultat de l'élection a pu être modifié 2 .
§ III. — ASSERTIONS DIFFAMATOIRES OU I N J U R I E U S E S . 301. — Assouplissement des notions de diffamation matière électorale.
ou d'injures
en
« Tant que l'on n'est traité que de misérable, crapule, vendu et autres appellations qui sont pour ainsi dire la monnaie courante de la période électorale dans les arrondissements où la passion politique est vive, on peut dédaigner les injures, les laisser de côté et poursuivre son chemin : « les chiens aboient, la caravane passe... », déclarait un jour, avec quelque philosophie, un député 3 . Mais il poursuivait : « Il y a des diffamations qui dépassent véritablement la note et la mesure de toutes les indulgences. » Car il s'agit là d'un procédé fréquemment utilisé ; plus cependant, dans le scrutin arrondissementier où la lutte électorale prend vite l'aspect d'un frénétique « combat de gladiateurs », que dans le scrutin de liste, où les invectives adverses s'éparpillent à la fois sur la tête de liste, ses suivants immédiats, et l'étiquette de leur parti. Les tribunaux répressifs ont toujours reconnu « le droit qui appartient à tout électeur d'apprécier la sincérité des opinions politiques d'un candidat », droit qui résulte « du jeu naturel de nos institutions », lequel « comporte, en matière d'élections, des franchises indispensables », donc que, « pendant la période électorale, il est permis d'écrire et de dire tout ce qui est nécessaire pour éclairer les électeurs » 4 , même avec « véhémence et certaines brutalités dans les propos dus à l'ardeur de la lutte » 5. De même, afin de permettre à la vérité de s'établir, l'organe vérificateur reconnaît que la polémique entre candidats est permise, et nécessaire ; qu'une certaine dose de violence, de passion est fort excusable 6 , et signe de vie, et de l'intérêt que l'on porte aux affaires 1. El. Pic (AN, Drôme 2 e ), CCP 6 janvier 1959, Rec. 124 : le jour même du scrutin. 2 . El. L A U R E N T (Saint-Denis 8 ) , CD 9 mars 1 9 3 3 ; él. U L R I C H , précitée ; él. de L A C O S T E - L A R E Y M O N D I E , précitée. 3. CD 8 juillet 1906. 4. Cass. 10 novembre 1876. 5 . Trib. corr. de la Seine, 1 7 Chambre, 2 1 janvier 1 9 5 6 , S C H N E I T E R / P O U J A D E . 6 . El. B L I N de B O U R D O N , C D 2 1 août 1 8 4 6 ; él. de la Martinique, A L 2 3 juillet 1 8 ' I 9 . E
E
ALLIANCES
ET
MANŒUVRES
327
publiques. Mais c(,tte véhémence, cette passion, qui atteignent souvent l'injure, ne doivent pas se transformer en diffamation : faute de quoi, l'invalidation serait assez facilement prononcée. On étudiera successivement la détermination de l'injure ou de la diffamation, puis leurs sanctions.
A. —
302. —
L A DÉTERMINATION DE L ' I N J U R E ET DE LA DIFFAMATION.
L'injure.
1° )
L'injure est définie, au point de vue pénal, par l'art. 29 in fine de la loi du 29 juillet 1881 : « toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait. » De telles invectives sont courantes, au cours de la campagne électorale ; mais comme elles ne dénoncent aucun fait, l'organe vérificateur a toujours estimé qu'elles étaient insusceptibles d'influencer les électeurs, plutôt amusés que scandalisés ; d'autant plus qu'elles sont souvent réciproques 1 . Aussi, l'injure (tout au moins si l'organe vérificateur l'a correctement qualifiée, ce qui ne semble pas toujours le cas) n'entraîne pas l'invalidation, lors même que la campagne « a excédé par sa violence les limites normales de la polémique électorale 2 . Il n'en est pas de même en matière de diffamation.
303. —
2°)
La
diffamation.
En effet, celle-ci est définie, au point de vue pénal, par l'art. 29, § 1 er , de la loi du 29 juillet 1881 : « toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé », même faite sous forme dubitative ou allusive, pourvu qu'il y ait eu « publication directe ou par voie de reproduction ». Quatre éléments sont donc exigés pour que l'infraction existe : la publicité, l'intention de nuire (toujours présumée) — on reviendra sur ces deux éléments — le fait précis, l'atteinte à l'honneur ou à la considération. Or, l'allégation d'un fait précis peut fort bien entraîner le vote des électeurs, s'il est présenté avec suffisamment de hardiesse, et s' « il tend à briser son crédit ». Ainsi en est-il lorsqu'un candidat s'attaque soit à la personnalité même de son compétiteur, soit à son honorabilité. 1. Au pénal, la provocation constitue précisément une excuse qui affranchit l'auteur du délit de toute peine : art. 33 de la loi du 29 juillet 1881. 2. El. RIPERT (Bouches-du-Rhône 5E), CCP 6 janvier 1959, Rec. 120 ; él. LACAZE (AN, CharenteMaritime 5E), CCP 6 janvier 1959, Rec. 126 ; él. LEBAS (AN, Manche 3 E ), CCP 6 février 1959, Rec. 179 ; él. VASCHETTI (AN, Seine 23E) CCP 6 février 1959, Rec. 187 ; él. ROTH (AN, Algérie 14E, Philippeville), CC 11 décembre 1959, Rec. 259.
328
LE SUFFRAGE POLITIQUE
EN
FRANCE
Les atteintes à la personnalité peuvent viser, soit la personnalité physique (on annonce le décès de l'adversaire, son agonie, son aliénation mentale 1 , on dénonce son origine raciale 2 ) soit la personnalité juridique : on fait courir le bruit de la perte de sa capacité électorale 3 , la survenance de son inéligibilité 4 , on lui dénie la qualité de français, en l'affublant d'une nationalité alors peu en estime 5 . L'invalidation est prononcée s'il est avéré que les électeurs ont été suffisamm e n t troublés pour s'abstenir, ou modifier leur vote. Mais ne sont pas retenues les allégations relatives à la qualité du c a n d i d a t 6 , ou à l'exercice de sa profession 7 insusceptibles d'avoir influé sur les électeurs... Enfin, le fait, pour u n candidat, de se déprécier lui-même afin d'attirer les suffrages n'est pas, le plus souvent, relevé s . E n revanche, les atteintes à l'honorabilité sont souvent sanctionnées par l'invalidation : accusations calomnieuses d'être à la solde d'une puissance ennemie 9 , de prévarication 3 (les candidats adorant s'accuser de toucher des « pots-de-vin »), d'usage de fausses signatures (faux caractérisés) d'avoir renié sa parole 12 , d'avoir distribué u n écrit jugé diffamatoire et calomnieux par les tribunaux 13 . L'assertion diffamatoire, m ê m e n o n calomnieuse, peut entraîner l'invalidation 14 . A u contraire, l'annonce des poursuites engagées par u n candidat contre l'un de ses adversaires, et relatives à des faits concernant la campagne électorale en cours, n'est pas considérée comme une manoeuvre 15 . La situation politique influe sur l'appréciation du caractère diffa1. El. M A R I E , CL 9 novembre 1863; él. A U R I N (Issoudun), CD rap. 23 juin 1928, déb. 5juillet 1928 (invalidée); él. M A I N G U Y ( A N , Seine 53e), CC 29 janvier 1963, Rec. 93. 2. Sauf cas exceptionnels (par exemple, en Algérie, aux alentours de 1900), la propagande antisémite en matière électorale est relativement peu utilisée. 3. CL 19 novembre 1869 ; CD 5 novembre 1881 ; CD 17 novembre 1893 ; S 4, 8 et 9 février 1897. 4. El. D K L A F E R R I È R E , CL 16 mars 1863 : invalidée. 5. El. D U M E S N I L D O T , C D 19 et 20novembre 1889: invalidée (il avait traité son adversaire de • prussien ») ; él. V A C H E R , C D 12 et 19 décembre 1889 : invalidée ; él. Le C O R B E I L L E R ( I V E arr. de Paris), CD rap. 23juin 1932: invalidée. Mais le simple déni de la qualité de français, fondé sur la seule consonnance étrangère du nom, ne serait pas pris en considération : él. P A N D O V A N I ( A N Bouches-du-Rhône 10e), CCP 20 janvier 1959, Rec. 157. 6. El. de Cosne, CD 3 juin 1903 : un candidat avait traitéson adversaire de « ex-moine», ce qui d'ailleurs se rapproche de l'injure ; v. aussi él. du Jura, CD 21 novembre 1893. 7. El. B L I N (AN, Ardennes 2 e ), CC 24 avril 1959, Rec. 211. 8. Candidats affectant la faiblesse afin de persuader leurs jeunes compétiteurs qu'ils n'occuperont pas longtemps leur siège : S I X T E - Q U I N T en est l'exemple le plus célèbre. En 1 8 1 5 , P H I L O P P O T E A U X , sous-préfet démissionnaire de Sedan, et candidat dans les Ardennes, fait croire qu'il est inéligible : il obtient ainsi une confortable majorité, les électeurs ayant voté pour lui contre d'autres candidats, afin de réserver l'avenir : mais la Chambre des représentants le valida (CR 3 juin 1 8 1 5 ) . 9. El. R E V E S T , CD 30 novembre 1889, invalidée; él. L A U R , CD 9 et 17 décembre 1889, invalidée. La simple assertion diffamatoire, alors que l'authenticité de sa source n'est pa3 contestée, suffit à entraîner l'invalidation : él. S Y V E T O N (II e arr. de Paris), CD 6 et 7 avril 1903 : affiche dite du « ministère de l'Etranger ». 10. El. C n i r n E i (Senlis 2 e ), CD rap. 7 juillet 1932, invalidée. 11. El. GOY (Falaise), CD rap. 15 février 1938, invalidée. 12. El. D E L A C O S T E - L A R E Y M O N D I E (AN, Charente-Maritime l r e ) , CCP 6 janvier 1959, Rec. 122, invalidée. 13. CL 21 novembre 1863. 14. El. M O N T I I . I . O T (Lure), CD 23 février 1933 : révélation d'une fraude fiscale, invalidée. 15. El. D U T H E I L (AN, Aveyron 3 E ) , C C P 2 0 j a n v i e r 1 9 5 9 , Rec. 1 5 8 : poursuites en diffamation; él. V A S C H E T T I (AN, Seine 2 3 E ) , C C P 6 février 1 9 5 9 , Rec. 1 8 7 : poursuites pour propagande illégale.
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matoire : ce caractère a été reconnu au fait d'avoir accusé son adversaire, en 1932, d'être l'inspirateur de l'assassinat du président de la République Paul Doumer 1 ; en 1939, d'être responsable de l'inorganisation de la défense passive 2 ; en 1946, de demander la grâce d'un collaborateur 3 ; de traiter, en 1958, son concurrent de « cryptocommuniste spécialiste de la diffamation contre l'armée d'Algérie » 4 ; ou, en 1962, d'avoir des sympathies « activistes » ou d'être partisan de « l'organisation armée secrète » (OAS) 5 . Enfin, si, a priori, il est loisible aux candidats de critiquer la conduite de leurs concurrents dans l'exercice de leurs fonctions parlementaire et gouvernementale, encore faut-il que cette critique soit matériellement exacte, et n'entache pas l'honorabilité de ce concurrent 6 . De même, l'histoire de leurs variations politiques peut être rapportée, mais avec bonne foi 7 . Sont permises dans les mêmes conditions les discussions des conceptions religieuses et philosophiques du candidat 8 , ou de ses opinions et de son action en matière économique : une déformation systématique pourrait entraîner l'invalidation 9 .
B. —
SANCTIONS DE LA DIFFAMATION E T DE L ' I N J U R E .
Les assertions injurieuses, et surtout diffamatoires, si elles sont lancées avec adresse, peuvent causer de graves préjudices à un candidat. Aussi a-t-on essayé de protéger le candidat diffamé ou injurié au cours de sa campagne électorale. Mais cette protection n'exclut pas le recoura en annulation de l'élection devant l'organe vérificateur.
1. El. CORBEILLER (IV E arr. de Paris), CD rap. 28 'juin 1932, invalidée ; il. OUWEK DB KEROUARTZ (Guingamp) CD rap. 7 juillet 1932. 2. El. FÉGA (Mulhouse) CD rap. 23 mai 1939, non invalidée. 3. El. de la Drôme, AN rap. 30 janvier 1947, invalidée. 4. El. BAYLOT (AN, Seine 17E), CCP 6 février 1959, Rec. 183, non invalidée eu égard à l'écart des voix. Sur la «loyauté envers l'armée», v. aussi él. d'Alger-banlieue (AN, Algérie 2E), CC 5 mai 1 9 5 9 , Rec. 2 1 9 . 5. El. POIRIER (AN, Seine-et-Oise 16E), CC 5 mars 1963, Rec. 135 ; v. aussi Trib. cor. de Rouen, 22 avril 1963, André MARIE/CHERASSE. 6. El. LIOGIER (AN, Ardèche 3 e ), CCP 6 février 1959, Rec. 190 : fausse accusation d'avoir trempé dans le scandale des piastres et l'affaire du Stalinon : invalidation. 7. El. COULON (AN, Allier 4E), CCP 5 janvier 1959, Rec. 112 ; él. JUNOT (AN, Seine 2E), CCP 16 février 1959, Rec. 195 (avant-dernier considérant). 8. Les accusations réciproques, et parfois si violentes avant 1914, de cléricalisme ou de francmaçonnerie n'ont jamais, en tant que telles, entraîné une invalidation ; elles ont pourtant souvent déterminé le résultat de l'élection. Il y aurait cependant lieu de rechercher l'influence exercée sur le résultat de l'élection en cas de conviction faussement attribuée à un candidat, ou trop intempestivement rappelée 9. El. NEUVILLE (Eure), S 11 février 1930, validée; él. DURAND (AN, Drôme3 e ), CCP 5 janvier 1 9 5 9 Rec. 1 0 8 .
LE SUFFRAGE
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1°) Moyens de défense du candidat injurié ou diffamé au cours de la campagne électorale. Deux moyens sont donnés à la victime de l'injure ou de la diffamation : si elles ont été commises par voie de presse, le droit de réponse ; et, dans tous les cas, le recours devant les tribunaux répressifs. Mais, eu égard à l'urgence du démenti, des délais spéciaux ont été édictés pour la période électorale. 3 0 4 . — a ) L e droit de réponse. L'art. 13, § 9, de la loi du 29 juillet 1881 réduit à 24 h. à compter de la réception de la réponse, l'insertion de celle-ci durant la période électorale a. A cet effet, les gérants des journaux doivent déclarer au parquet l'heure du tirage du journal. La réponse peut émaner du candidat lui-même, ou de tiers électeurs 2. Le délai de citation correctionnelle sur refus d'insertion est réduit à 24 h., sans augmentation pour les distances ; et le recours, opposition ou appel, frappant le jugement ordonnant l'insertion n'est pas suspensif. Ce procédé de défense est puissant ; c'est celui que les candidats diffamés emploient le plus volontiers. La réponse n'est insérée que si elle n'est contraire ni aux lois, aux bonnes mœurs, à l'intérêt des tiers, ni à l'honneur du journaliste. L'insertion incomplète d'une reponse ne serait donc pas considérée comme un grief viciant l'élection, si la partie omise avait un caractère diffamatoire 3. I l en irait de même en cas d'insertion tardive *. Malheureusement les journaux (surtout les publications occasionnelles) utilisent cette tolérance pour tronquer les réponses qui leur sont parvenues, ou en retarder la publication, d'ailleurs accompagnée de commentaires venimeux, qu'il n'est parfois plus possible de démentir. 3 0 5 . — b ) Le recours devant les tribunaux répressifs en diffamation ou injure. Les tribunaux répressifs estiment qu'une latitude plus grande doit être laissée, en période électorale, aux candidats et à la presse, afin d'éclairer l'opinion 5 ; ils déclarent aussi que « le droit de discuter les candidats, leurs opinions et leurs actes, ne doit jamais dégénérer 1. BIOLLEY (Gérard), Le droit de réponse en matière de presse, Paris 1963, L.G.D.J. Crim. 19 novembre 1869, DP 70.1.142 ; Douai 13 novembre 1895. 3. El. de BAKBANTANE, CL 2 décembre 1857. 4. El. de Brest, CD 7 novembre 1881. 5. Cass. 10 novembre 1876 ; Cour de Rouen, 13 février 1886 ; Trib. corr. de la Seine, 17E Ch. 21 janvier 1956, SCHNEITER/POUJADE.
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MANŒUVRES
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en licence, mais s'arrêter où le délit commence » % et n'hésitent pas à sévir 2 . En pratique, ils sont saisis seulement lorsque le candidat attaqué a été touché au vif par une assertion diffamatoire — ce que les injures ne réussissent jamais —, ou lorsque, trouvant sa campagne languissante, il estime qu'un peu de bruit autour de son nom, fût-ce à propos d'un scandale — ce qui lui permettra d'y associer son adversaire — lui serait profitable. Pourtant, les règles du droit commun, très favorables au demandeur, s'appliquent : en particulier, la période électorale n'apporte pas d'exception aux notions d'injure ou de diffamation, même si celles-ci sont perpétrées à l'aide de documents électoraux : l'assouplissement est purement jurisprudentiel. Le candidat qui a avancé à l'encontre de son adversaire un fait diffamatoire, mais vrai, ne peut donc être admis à le prouver si l'on se trouve dans un des cas où la preuve est interdite 3 , et sera condamné 4 : ce qui risque de surprendre la bonne foi des électeurs, peu au courant des subtilités de la loi, et est peut-être critiquable, car l'on empêche ainsi la vérité de se faire jour. De même les poursuites ne sont intentées que sur la plainte de l'injurié ou du diffamé, qui peuvent les arrêter par leur désistement 5 : d'où, en matière électorale, de regrettables collusions. Enfin, il a toujours été admis que les candidats à la députation ne sont pas revêtus d'un caractère public ; et qu'en conséquence, compétence est attribuée, selon la règle en matière de diffamation entre particuliers, non à la Cour d'assises, mais aux tribunaux correctionnels 6 traditionnellement moins indulgents pour les prévenus. Mais les tribunaux ne peuvent connaître des opinions émises par le parlementaire à raison de sa qualité : et les reproches que son adversaire lui en fait ne peuvent donc être sanctionnés à titre de diffamation T. Quant au délai, le candidat victime est avantagé par rapport au droit commun : eu égard à l'urgence d'arriver à un démenti, le délai de citation est réduit à 24 heures (délai franc), outre le délai de distance. 1. Cass. 24 avril 1879 ; S 80.1.93, D 79.1.435. 2. V. Cass. 19 mai 1876 ; Cour d'Agen, 30 janvier 1890, S 1 8 9 0 . II. 4 ; Cour de Pau, 16 mars 1905. 3. L a preuve est interdite lorsque l'imputation se réfère à la vie privée, ou à des faits qui remontent à plus de 10 ans, ou à des faits ou condamnations effacés par amnistie, prescription, réhabilitation, révision (art. 35 de la loi du 29 juillet 1881). 4. Trib. corr. de Bordeaux, 5 mars 1890, Journal des arrêts de Bordeaux, 1890. 2.43. Contra, Douai, 9 février 1847, S 47.2.392. 5. Art. 60, 2° de la loi du 29 juillet 1881. 6. Crim. 11 mai 1843, Bull. casa. crim. n» 103 ; Crim. 23 mai 1874, Bull. cass. crim. n° 144 ; Crim. I E R juin 1888, Bull. cass. crim. n° 187. Lors de la discussion delà loi de 1881, TRARIEUX à la Chambre (CD 1 E R février 1881), BAZÉRIAU au Sénat (S 11 juillet 1881) essayèrent vainement de faire attribuer un caractère public aux candidats, afin qu'ils puissent librement discuter les mérites de leurs concurrents. Cette solution f u t repoussée, par crainte des abus, de la difficulté de rassembler des preuves, et de ranimer des passions éteintes. En conséquence, le candidat sortant ne pourrait invoquer à son profit l'art. 34 de la loi du 9 décembre 1905 (diffamation ou outrage effectué par un ministre des cultes dans les lieux où s'exerce ce culte). 7. Art. 41 de la loi du 29 juillet 1881, modifié par l'Ord. du 17 novembre 1958; Trib. cor. de Rouen, 22 avril 1963, André MARIE/CHÉRASSE.
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Pourtant, les tribunaux répressifs sont, relativement, peu saisis : la victime craint, en effet, d'être déboutée et d'être ainsi défavorisée lors du contentieux électoral ; ou bien d'être entraînée dans un procès qui ne sera jugé 1 , ou dont la solution ne portera ses fruits, qu'après l'élection 2 .
306. — 2°) Conditions nécessaires pour entraîner F invalidation. Pour déterminer l'existence de la diffamation, l'organe vérificateur se base essentiellement sur deux des éléments de la qualification pénale : le fait précis, l'atteinte à l'honorabilité ou à la personnalité ; et en cela, il ne s'écarte pas trop de la jurisprudence des tribunaux répressifs. Il abandonne, au contraire, les deux autres éléments : intention de nuire, publicité — ou plutôt, il les transforme ; et il exige de plus une troisième condition. En effet, pour prononcer, ou non, l'invalidation, il examine la matérialité du fait invoqué, le volume du préjudice causé, l'effectivité de la défense. En conséquence, la condamnation intervenue devant les tribunaux répressifs n'entraîne pas l'invalidation, mais sert au plus de mode de preuve de la diffamation.
307. — La matérialité mation.
du fait invoqué : calomnie ou simple diffa-
Au lieu de l'intention de nuire, trop subjective, et d'ailleurs a priori, toujours présumée, la jurisprudence électorale préfère examiner la matérialité de l'assertion diffamatoire. Si les graves allégations formulées dans la presse 3 , ou autrement 4 , se révèlent calomnieuses, l'invalidation s'ensuivrait. Mais si les accusations lancées sont déjà connues de notoriété publique 5 , ou lancées avec bonne foi, ou par un tiers indépendant de l'élu 6 , ou si le candidat attaqué ne les dément pas 7 , la responsabilité de leur auteur est appréciée plus libéralement. Quant à l'assertion diffamatoire, mais vraie, elle est aussi moins dure1. II est indéniable que des pressions s'exercent parfois surles tribunaux pour qu'ils ne rendent leur jugement qu'après l'élection. 2. Le jugement de relaxe obtenu par un candidat battu ne saurait autoriser celui-ci à contester la sincérité de l'élection du fait de la publicité faite, lors de la campagne électorale, autour des poursuites, si cette publicité ne s'est accompagnée d'aucune manœuvre caractérisée : él. Dutheil (AN, Aveyron, 3 e ), CCP 20 janvier 1959, Rec. 158. 3 . El. Turrel (Narbonne 1 " ) , CD 9 juillet 1 8 9 8 ; él. de la 2 E circ. de Troves. CD 3 et 7 juillet 1914 ; él. Liogier (AN, Ardèche 3 E ) , CCP 6 février 1 9 5 9 , Rec. 1 9 0 . 4. El. de Lacoste-Larfymondie (AN, Charente-Maritime l r e ) , CCP 6 janvierl959, Rec. 122. 5. El. Noualhier, CL 10 juillet 1869. 6 . El. de Staplanoe, C D 2 1 août 1 8 4 6 ; él. de la Haute-Saône, C D 1 9 novembre 1 8 8 5 ; él. Laurelli (AN, Saint-Pierre-et-Miquelon), C C 9 juillet 1 9 5 9 , Rec. 2 4 9 . 7. CD 23 juin 1883.
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ment appréciée 1 ; elle peut cependant entraîner l'invalidation de son auteur si celui-ci a montré une véritable intention de nuire en mettant en lumière des faits anciens, et qui n'entachent ni la capacité, ni l'actuelle moralité du candidat évincé 2 . Ce n'est donc qu'à titre subsidiaire que sont interprétés les éléments subjectifs de la diffamation. 308. —
Le volume du préjudice
causé.
La simple publicité ne suffit pas : il faut, en outre, que la diffusion de l'assertion diffamatoire ait été susceptible de causer au candidat diffamé un préjudice électoral tel que les résultats aient pu être modifiés 3. En l'espèce, une présomption suffit : on ne recherche pas une certitude. On examine donc l'intensité de la diffusion (nombre de tracts, etc... par rapport au nombre d'électeurs, à l'étendue territoriale de la circonscription) 4 et l'écart des suffrages obtenus 5 par rapport au tour de scrutin où la manœuvre a été effectuée 6 . Mais on ne retiendrait pas un grief fondé sur la diffusion d'assertions diffamatoires déjà utilisées au cours d'une précédente campagne électorale : on suppose alors que les électeurs, dûment avertis, ont voté en connaissance de cause 7 .
309. —
L'effectivité de la défense.
Enfin, l'organe vérificateur examine si le candidat attaqué a eu le temps matériel de présenter sa défense devant les électeurs : ceci afin d'éviter la trop fameuse « manœuvre de dernière heure ». En général, on estime que l'assertion diffusée la veille du scrutin 8 (et, en certains cas, l'avant-veille ne permet pas une réplique suffi1. CD 23 juin 1883, discours CORENTIN-GUYHO. 2. El. MONTILLOT (Lure), CD 23 février 1933 : révélation d'une ancienne fraude fiscale. 3. El. de Saint-Quentin, CD 6 juin 1898; él.HoGUET (AN, Eure-et-Loir 3") CCP 27 janvier 1959, Ree. 170; él. du Bas-Rhin (S),CC 28 mai 1959, Ree. 233; él. LAURELLI (AN, Saint-Pierre-etMiquelon), CC 9 juillet 1959, Ree. 249. 4. El. de la 2 E circ. de Chartres, CD rap. 26 juin 1906 ; él. ROTH (AN, Algérie 14 3 , Philippeville), CC 11 décembre 1959, Ree. 259 ; él. BARBET (AN, Seine 33 E ), CC 5 mars 1963, Ree. 133. On peut considérer, sauf en cas d'espèces, que 3 000 tracts distribués, ou 500 lettres missives, peuvent être négligés dans nos actuelles circonscriptions législatives. 5. 1 000 voix d'écart semblent un critère suffisant : él. RIPERT (AN, Bouches-du-Rhône 5E), CCP 6 janvier 1959, Ree. 120; él. HOGUET (AN, Eure-et-Loir 3E), CCP 27 janvier 1959, Ree. 170; él. BAYLOT (AN, Seine 17 E ), CCP 6 février 1959, Ree. 183 ; él. VA SCHETTI (AN, Seine 23E), CCP 6 février 1959, Ree. 187 ; él. BLIN (AN, Ardennes 2E), CC 24 avril 1959, Ree. 211. 6. El. LIOGIER (AN, Ardèche 3E), CCP 6 février 1959, Ree. 190. >a manœuvre avait porté sur le premier tour de scrutin, où l'écart était de moins de 200 voix : l'élection fut invalidée— avec quelque imprudence peut-être —, alors que l'écart au second toar atteignait 9 000 voix. 7. El. OUWEN DE KEROUARTZ (Guingamp), CD rap. 7 iuillet 1932. 8. El. de la Nièvre, AN, 27 juin 1875 ; él. LE VEILLÉ, CD 12 décembre 1887; CD 30 novembre 1893 ; él. de Cosne, CD 3 juin 1902 ; él. de la l r e circ. de Lorient, CD rap. 2 juin 1910 ; él. NEUVILLE (Eure), S 11 février 1930 ; él. LAURENT (AN, Nord 6 e ), CC 29 ja îvie- 1903, Ai;.88, 4E considérant. V. aussi CE 16 octobre 1935, él. de Paris (quartier des Batignolles). 9. El. POIRIER (AN, Seine-et-Oise 16E), CC 5 mars 1963, Ree. 135. Cf. CE 23 mai 1946, él. de la Chapelle-sur-Thècle : factum distribué 48 heures avant le scrutin : annulation.
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samment efficace. De même si l'accusation portait sur un secret militaire 1 ou professionnel, ou si pour toute autre raison le candidat ne pouvait s'expliquer 2 , on considérait que le préjudice n'a pu être écarté. Au contraire si l'imputation a pu faire l'objet d'éclaircissement ou de réfutation en temps utile et par des moyens de diffusion suffisants (profession de foi, réunions 3, publications du jugement établissant la diffamation 4 ) , on estime que les électeurs se sont prononcés en toute connaissance de cause.
310.
—
CONCLUSION.
On a essayé de démonter les rouages de l'opération électorale, de décanter les diverses influences, les multiples passions qui agitent l'âme des candidats et des électeurs. Cet essai de réduction de séries complexes en leurs diverses unités ne doit pas faire oublier qu'elles se combinent, chaque fois, en des proportions variables ; qu'à tout instant l'imprévu peut surgir ; que chaque élection est un ensemble ayant sa saveur originale, et que, quand on la vit, apparaissent les imperfections, les incertitudes, les espoirs des candidats et des électeurs : la chaleur humaine. Mais, si l'aliénation de l'électeur par la violence, la tromperie, l'exploitation de ses croyances, la soumission économique, ou les manipulations du système électoral, aboutit à sa réification, le dégrade de souverain — ou plus exactement d'unité autonome — en moyen agi, on est aussi conduit à se demander si le comportement de l'électeur n'est pas, par lui-même, susceptible d'entraîner son aliénation intellectuelle. D'ailleurs, grosso modo, il est aisé de constater qu'en métropole tout au moins, cette sincérité externe ne laisse pas trop à désirer. L'électeur est plus libre qu'il ne l'était au début de ce siècle ; de toutes façons, des phénomènes de compensation jouent, tous les partis ayant des représentants dans les diverses fonctions électives, dans l'administration, les syndicats et les organisations professionnelles protégeant leurs adhérents, etc... D'où le remplacement des grossières méthodes de pression utilisées au cours du XIXe siècle par de plus subtiles accommodations du mode de scrutin...
1. El. de Mulhouse, CD rap. 23 mai 1939. 2. V .
El. 4. El. 3.
C E
16 mai
1930,
él. D E
FEIX
CLAGNY.
(Seine 20 e ), CCP 5 janvier 1959, Rec. 105. (AN, Seine-et-Oise 1 « ) , CC 5 février 1963, Rec. 101, 3 e considérant.
HABIB-DELONCLE
DEUXIEME PARTIE
LA DETERMINATION DU CANDIDAT
Quelles que soient les conceptions politiques et j u r i d i q u e s q u e l'on se fasse d u lien unissant le p a r l e m e n t a i r e à ses électeurs et à la n a t i o n , sa fonction est u n e charge l o u r d e à r e m p l i r , et u n h o n n e u r . Aussi, seuls les candidats satisfaisant à certaines conditions restrictives peuvent-ils être élus. Ces conditions, d o n t la r i g u e u r varie selon le caractère plus ou moins démocratique de la représentation envisagée, t e n d e n t a u j o u r d ' h u i à être réduites au m i n i m u m indispensable d'aptit u d e intellectuelle et civique (Aptitude d u candidat : T i t r e I ) . Cependant, afin d ' i n f o r m e r les électeurs sur les candidatures en présence et d e régulariser la bataille électorale, des formalités relatives à la présentation des candidats (Déclaration de candidatures) o n t été édictées (Titre I I ) . Enfin, les candidats é p r o u v e r o n t le besoin de se f a i r e p a t r o n n e r p a r u n e f o r m a t i o n politique (Investiture et étiquette : Titre III).
TITRE I
L'APTITUDE DU CANDIDAT 311. —
Textes.
On exige du candidat des garanties de capacité (Chapitre 1). D'autre part, la relation électeurs-élus suppose certaines conditions : représentativité, indépendance (Chapitre II). L'article 25 de la Constitution de 1958 dispose que le régime de& inéligibilités parlementaires est établi par une loi organique : le texte de base en la matière est l'Ordonnance n° 58-998 du 24 octobre 1958 portant loi organique, relative aux inéligibilités et incompatibilités parlementaires, et modifiée par les ordonnances n° 58-1027 du 31 octobre 1958, 59-224 du 4 février 1959 et la loi organique n° 61-1447 du 29 décembre 1961, textes repris par les art. L. 44 à L. 46 et L.O. 127 à L.O. 153 du C. élec. pour l'Assemblée nationale, et étendus au Sénat par les art. L.O. 296 et L.O. 297 du C. élec. Pour les TOM : décret n° 59-395 du 11 mars 1959. 3 1 2 . — Condition
préliminaire
: la qualité
Sélecteur.
L'éligibilité, qui renforce les conditions de l'électorat, suppose donc que l'on jouisse préalablement de la qualité d'électeur (art. L.O. 127 du C. élec.). Cette qualité est maintenant accordée à tous, sans distinction de sexe 1 , de capacité ou de race 2 . Traditionnellement on considérait que la jouissance de la capacité électorale était une condition suffisante, mais que son exercice n'était pas une condition nécessaire de l'éligibilité 3 , même après que l'art. 4 de la loi du 9 mai 1951 (art. L. 9 et R.* 1 du C. élec.) eût édicté l'obligation (d'ailleurs démunie de sanc1. Art. 17 de l'Ordonnance du 21 avril 1944 pour les femmes de statut civil français; art. 39 et 40 de l'Ordonnance du 5 octobre 1946, élargis par la loi du 23 mai 1951 pour les femmes de statut personnel des TOM ; art. 4 du statut de l'Algérie du 29 septembre 1947 : la mise en œuvre du vote des musulmanes, qui devait résulter d'une décision de l'Assemblée algérienne, fut ordonnée par une décision de la délégation générale en Algérie du 27 juin 1958, homologuée par un décret du 3 juillet 1958. 2. Loi-cadre du 23 juin 1956 pour les TOM. 3. E l . W E L L E S , C L 1 9 n o v e m b r e 1 8 6 3 ; él. E S Q U I B O S . C L 24 d é c e m b r e 1 8 6 9 .
APTITUDE DU CANDIDAT
337
tion) de s'inscrire sur les listes électorales. Cependant, les art. R . * 99 du C. élec. (élections législatives) et R . * 149 du C. élec. (élections sénatoriales) exigent que soit portée sur la déclaration de candidature l'indication des listes électorales sur lesquelles candidats et remplaçants sont inscrits 1 . Mais cette exigence frappe-t-elle automatiquement d'inéligibilité les électeurs non inscrits sur les listes -— sauf, bien entendu, lorsque la non-inscription provient d'un défaut de jouissance 2 — alors qu'elle résulte d'un décret d'application, évidemment inhabile à créer une nouvelle condition d'éligibilité ? et une déclaration de candidature omettant de fournir ce renseignement sera-t-elle irrecevable ? ( i n f r a 3 9 7 ) .
1. Cf. aussi l'art. L.O. 129 du C. élec. Sur l'inscription sur les listes électorales : supra 71 et s. 2. El. LOSTE (AN, Wallis et Futuna), CC 10 juillet 1962, Rec. 39.
CHAPITRE I
CONDITIONS DE CAPACITE LES INELIGIBILITES ABSOLUES L'élu doit être capable intellectuellement et civiquement.
SECTION
I. — CONDITIONS
DE CAPACITE
INTELLECTUELLE.
Certaines subsistent par nécessité (âge, faiblesse intellectuelle) ; une autre a disparu (sexe).
§ 1. — L'AGE. 313. —
Fixation.
L'âge de l'éligibilité a été, sous la poussée démocratique, constamment abaissé 1 : il est actuellement fixé à 23 ans « révolus » pour l'Assemblée nationale, et 35 ans révolus pour le Sénat (art. L. 44 et L.O. 296 du C. élec.) Ce motif d'invalidation est rarement employé (8 cas) et toujours suivi de réélection. Deux difficultés se sont élevées à propos de l'âge : détermination du jour où l'âge légal doit être accompli ; modes de preuve.
1. Chambre basse: 40 ans dans la Charte de 1814; 30 ans dans la Charte de 1830; 25 ans de 1848 à 1940 ; 23 ans en 1945. Sénat delà I I I e République : 40 ans ; Conseil de la République : 35 ans.
APTITUDE DU CANDIDAT
A.
—
DÉTERMINATION
339
DU
JOUR
AUQUEL
L'ÂGE
LÉGAL
DOIT
ÊTRE
ACCOMPLI.
3 1 4 . — Jurisprudence
des
chambres.
L a logique exige que ce soit le jour de l'élection. Parfois, des élus n'ayant pas atteint l'âge légal à ce jour furent validés par ignorance l . Cependant, les solutions adoptées par les chambres en connaissance de cause semblent, au premier abord, quelque peu déroutantes : au début de la Restauration, à la faveur d'un argument de texte, on retint le jour de la vérification 2 . Cette solution, qui aurait permis de retarder la vérification jusqu'à ce que l'âge légal soit atteint, fut repoussée dès la Monarchie de juillet au profit du jour de l'élection 3 . D'ailleurs, la formule des textes, depuis 1848, exigeait que ce jour soit pris en considération \ Au cours de la IIIE République, une nouvelle solution apparut : le jour de la proclamation du résultat par la commission de recensement, puisque l'élu ne pouvait siéger avant 5 . Solution à la fois dangereuse (car le candidat pouvait se livrer à une manœuvre retardataire, au besoin même empêcher la commission de recensement de procéder à la proclamation dans les délais prévus (infra 6 7 0 ) , ce qui aurait reporté l'appréciation de l'éligibilité au jour de l'admission provisoire par la Chambre, jour qui pouvait coïncider avec celui de la vérification des pouvoirs) ; et illégale, car la proclamation, si elle donne son titre à l'élu, n'est cependant que la constatation de la volonté du collège électoral, et doit rétroagir au jour où cette volonté a été exprimée. P a r voie de conséquence, le Sénat décida de se placer au jour où 1. Lucien BONAPARTE, élections de Germinal an V I : les art. 74 et 83 de la Con9t. de l'an I I I prévoyaient que l'âge légal devait être « accompli » le jour de l'élection ; mais Lucien, alors âgé de 23 ans, dissimula sa date de naissance : l'âge d'éligibilité au Conseil des Cinq Cents, de 30 ans en principe, avait été ramené à 25 ans pour les premières années de la République (art. 74 de la Const. de l'an III). 2. Les art. 38 de la Charte de 1814 et 32 delà Charte de 1830 disposaient qu' «aucun député n * peut être admis dans la Chambre s'il n'est âgé de ... » Or, affirmait-on, l'admission résulte de la validation. Cette interprétation fondée sur la conception de la nature juridique que l'on avait alors de la vérification des pouvoirs ne fut retenue qu'au début de 'a Fe? auration : validation du Comte DE FARGUES en 1 8 1 6 , de C a s i m i r PERIER e t HERNOUX e n 1 8 1 7 . D é j à DUVERGIER
DE
HAURANNH
(discours du 29 novembre, Moniteur du 4 décembre 1817) la condamnait. 3. Les trois invalidations de CASTELLANE dans les trois élections partielles successives de 1844; invalidation PORTALIS après les élections générales de 1846; invalidation CAMBACÉRÈS après les élections générales de 1857 (CL 3 décembre 1857} ; les deux invalidations SÉBLINES lors des deux élections sénatoriales partielles de 1886 (S 12 juin 1886).
4. Art. 25 de la Const. de 1848 ; art. 26 du DO de 1852 : « Tout électeur est éligible... à l'âge de 25 ans », « accomplis », ajoute l'art. 6 de la loi du 30 novembre 1875 ; et l'art. 3 de la loi du 24février 1875 dispose : « Nul ne peut être nommé sénateur ... s'il n'est âgé de 40 ans au moins ». 5. Validation ZÉVAÈS, CD 20 juin 1898 : ZÉVAÈS atteignait l'âge légal deux jours après le scrutin ; la proclamation qui avait été retardée, eut lieu après que l'âge légal ait été atteint.
LE SUFFRAGE POLITIQUE EN FRANCE
340
l'élu serait appelé à siéger 1 . Jurisprudence reprise par l'Assemblée nationale lors des élections générales de 1946 2 . Mais le Conseil de la République décida, lors des élections générales de 1948, de se placer au jour de l'élection 3 . Cependant, un essai de coordination de ces précédents peut être tenté : les chambres ont adopté comme date d'appréciation le j o u r où l'élu pouvait prendre séance, donc exercer ses attributions fondamentales. Ainsi s'expliqueraient, d'une façon uniforme, les invalidations Portalis en 1846, Cambacérès en 1857, Boulanger en 1948 (aucun de ces trois candidats, élus lors d'élections générales, n'avait atteint l'âge légal pour la première séance) ; les invalidations Castellane en 1844 et Séblines en 1886 (élus au cours d'élections partielles, ils auraient eu le droit de siéger aussitôt si leur défaut d'âge ne les en eût empêchés 4 ) ; et les validations Zévaès en 1898 et Belmont en 1932, élus au cours d'élections générales, mais ayant atteint l'âge légal avant la séance de rentrée. Solution juridiquement critiquable, car le mandat et ses conséquences (l'immunité parlementaire, etc.) naissent au j o u r de l'élection, non à celui de l'entrée en séance, mais fondée en opportunité : éviter une élection partielle (qui entraîne frais et agitation), alors que la réélection de l'invalidé est quasi assurée.
3 1 5 . — Droit
positif.
Une telle solution serait d'ailleurs impossible sous l'empire de la Constitution de 1958, puisque, les élections contestées étant seules vérifiées, les élus jouissent aussitôt de la plénitude des droits et prérogatives attachés à leurs fonctions, sans avoir besoin (comme auparavant) que la validation la leur confère. Ainsi, l'organisation du contentieux comme la lettre des textes 2 font obligation au Conseil constitutionnel d'apprécier l'âge au jour de l'élection (premier tour de scrutin, puisque 1. Validation B E L M O N T , S 1932 : B E L M O N T n'avait pas l'âge légal lors du renouvellement partiel ; il fut cependant validé, car le Sénat considéra que cet âge serait atteint pour la première séance à laquelle la série nouvellement élue pouvait assister (le 10 janvier 1933). 2. Bien que le texte (art. L. 44 du C. élec., texte de la loi du 1 e r octobre 1946) obligeait sans doute possible à apprécier au jour de l'élection, peut-être même au jour de la déclaration : «Tout Français... ayant 23 ans accomplis peut faire acte de candidature et être élu...». 3 . Invalidation BOULANGER (Belfort), C R rap. D E L A G O N T R I E 25 novembre 1948, déb. 21 décembre 1948. L a formule du texte (art. 380 du C. élec. texte de la loi du 23 septembre 1948, art. 4) était semblable à celle de la loi du 24 février 1875. Cependant, les partisans de la validation (dont le rapporteur) faisaient remarquer que, le Conseil de la République ayant été convoqué prématurément par un simple décret, le jour de la première séance ne pouvait être retenu. Ils invoquaient aussi la formulede la loi de 1948 : la déclaration de candidature étant antérieure à l'élection, ce serait avant l'élection même que l'âge aurait dû être accompli; mais le texte de 1948 n'en exigeait pas moins l'âge légal au jour de l'élection. Enfin (argument principal), ils soutenaient que l'élection se décomposait en deux stades : d'abord la proclamation, qui fait du candidat un «présumé élu», puis la validation, qui le transforme en « définitivement élu ». Argument qui reprenait la doctrine admise sous la Restauration mais qui était très faible, eu égard à la nature de la vérification des pouvoirs et fait que l'élu tient son titre de la seule élection. Les préoccupations de personnes ne furent pas étrangères à cette solution. 4. S É B L I N E S atteignit l'âge légal entre sa deuxième élection et sa deuxième invalidation. 5. Art. 2 de l'Ord. du 24 octobre 1958 : « Nul ne peut être élu... s'il n'est âgé de ... ans révolus ».
APTITUDE
DU CANDIDAT
341
nul ne peut être candidat au second tour s'il ne l'a été au premier : infra 3 9 4 ) \
316.
—
B. —
M O D E S DE P R E U V E .
L'existence de l'âge légal se prouve en principe par la production de l'acte de naissance. Mais les chambres ne s'enfermaient pas dans un strict formalisme : elles admettaient la production de pièces équipollentes à l'acte de naissance. 1°) L'acte de naissance : sa production est expressément exigée par l'art. 32 de l'Ord. n° 58-1067 du 7 novembre 1958 2 (art. L.O. 179 du C. élec.). L'extrait des registres de naissance d'un état étranger est jugé suffisant, pourvu qu'il soit traduit 3 . 2 ° ) Moyens supplétifs : application de la théorie des pièces équipollentes. Un décret du 26 septembre 1953 dispose que la production d'un extrait de casier judiciaire dispense de celle de l'acte de naissance. D'autre part, la jurisprudence, très libérale, a admis, que constituaient des modes de preuves suffisants : o) la production d'un autre acte de l'état-civil : acte de mariage 4 , acte de baptême, lorsque l'état-civil est confié à l'Eglise 5 ; 6) l'exercice d'une fonction publique 6 . De simples preuves de fait : la notoriété publique 7 , la déclaration personnelle d'un représentant que l'élu a atteint l'âge l é g a l 8 , la déclaration de l'élu lui-même 9 et même l'aspect physique de l'intéressé 10 ! Mais ces précédents émanent tous des assemblées constituantes de 1848 et 1870 qui, pressées par les événements, vérifièrent très rapidement les pouvoirs de leurs membres. Ils ne sont plus invoqués. Ainsi, outre la production d'un acte de l'état-civil (ou d'un jugement en tenant lieu) on ne doit admettre que la preuve fournie par l'exercice d'une fonction publique exigeant l'âge de l'éligibilité ; en particulier, une jurisprudence nombreuse et constante dispense les anciens parlementaires de faire la preuve de leur âge.
1. Trib. adm. de Rouen, 30 octobre 1962, confirmé par le Conseil constitutionnel : él. CHÉRAS SE (AN, Seine-Maritime 4 e ), CC 22 janvier 1963, Rec. 82. 2. Id. art. 3, § 2 Rég. AN (IV e République) disposition adoptée à la suite de l'affaire TACNETD U C R E U X : infra,
3 4 6 n.
3. El. DE SAINT-PERN, CD 30 janvier 1835. 4. El. DE BALZAC, CD 29 juin 1829. 5. El. DE SAINT-AULAIRE, CD 15 décembre 1818 : acte de baptême passé avant la Révolution, et visé dans un acte notarié. 6. Grade de général (él. RADONNET, AN 4 mai 1848; él. GOURGAUD, AN 31 mai 1848) ; magistrat (él. DEMORTREUX, AN 4 mai 1848) ; conseiller général (AN, 4 mai 1848). 7 .El. Louis BONAPARTE, AN 26 septembre 1848 ; él. MOLÉ, AN 28 septembre 1848. 8. E l . PETITJEAN, A N 4 m a i 1 8 4 8 .
9. AN 1870. 1 0 . E l . H E R V I E U , A N 4 m a i 1 8 4 8 ; él. A L E N G R I , A N 2 j u i n 1 8 4 8 .
342
LE SUFFRAGE
POLITIQUE
EN
FRANCE
317. — § II. — FAIBLESSE INTELLECTUELLE. La condition de capacité intellectuelle est réduite à sa plus simple expression : les interdits ne sont ni électeurs ni éligibles (art. L. 5, 6° du C. élec.) ; les personnes pourvues d'un conseil judiciaire sont inéligibles (art. L.O. 130 et L. 200 du C. élec.). Aucune invalidation, à notre connaissance, n'a été prononcée de ce chef.
318. — § III. — SEXE. La vieille conception chrétienne de la femme, être incapable, puis l'hostilité des sénateurs radicaux et francs-maçons de la IIIe République craignant le vote de nombreuses électrices soumises à l'influence du clergé, ne furent balayées qu'à la Libération 1 : l'art. 17 de l'Ordonnance du 21 avril 1944 conféra aux femmes l'électorat (art. L. 2 du C. élec. ; art. 3 de la Const. de 1958) et l'éligibilité (art. L. 44 et L.O. 127 du C. élec.). Les chambres n'avaient jamais, à notre connaissance, été saisies d'un tel cas d'inéligibilité 2.
SECTION II. — CONDITIONS DE CAPACITE
CIVIQUE.
La fonction parlementaire obligeant son titulaire à décider d'intérêts mettant en jeu la vie et l'honneur du pays, certaines conditions permettant de présumer le patriotisme (ou la fidélité à l'ordre politique) et l'honorabilité sont exigées.
1. Sous la I V e République, les candidates atteignent la proportion de 9 à 14 % et les élues, 5 % (à l'Assemblée nationale : 32 en 1945, 19 en 1956 surtout communistes. E n 1958, le scrutin uninominal leur fut fatal : 2 % de candidatse, 6 élues en métropole, 3 en Algérie). MIGNARD (Anme) t Lea femmes parlementaires depuis 1946, Dip. d'ét. sup. de Sc. pol., Faculté de Droit de Paris, 1963. 2. CE Dame Marguerite DURAND, 26 janvier 1912, S 1912. 3. 89, note HAURIOU. En 1885, Iei suffragettes abandonnèrent le projet de présenter quelques candidatures féminines.
APTITUDE
DU
343
CANDIDAT
SOUS-SECTION I. — CONDITIONS
DE
FIDELITE
A
L'ORDRE
POLITIQUE.
§ I. — N A T I O N A L I T E . 319. —
Principe.
Tous les régimes ont réservé les fonctions parlementaires aux « régnicoles » 1 , aux nationaux 2 : art. L.O. 127 du C. élec. « Tout citoyen... peut être élu... », art. L. 44 du C. élec. : « Tout Français et toute Française... peut être élu... ». On étudiera successivement l'influence de la nationalité sur l'éligibilité, puis les modes de preuve de l'existence de la nationalité. Ce motif de contestation ne trouve guère à s'appliquer : outre quelques cas en 1789, seuls Emile de Girardin en 1839, et le prince de Lucinge-Faucigny en 1876 furent invalidés de ce chef.
A. —
I N F L U E N C E DE LA NATIONALITÉ S U R
L e n a t i o n a l f r a n ç a i s jure
sanguinis
L'ÉLIGIBILITÉ.
ou jure
soli
est éligible
de
plein droit, dès qu'il a atteint l'âge légal. Au contraire, on exige en général du naturalisé des conditions supplémentaires destinées à réaliser sa parfaite assimilation à la communauté nationale. Mais la possession d'une nationalité étrangère n'entraîne pas, de plein droit, l'inéligibilité.
1. Sauf à l'origine des Etats généraux. 2. Cependant, les anciens territoires sous tutelle (Togo et Cameroun) ont député au Parlement français de 1945 à 1956, car temporairement assimilés aux Territoires d'Outre-mer par autorisation expresse de l'ONU. Après l'élection du Parlement de la V e République, les parlementaires représentant les anciens Territoires d'Outre-mer devenus états membres de la communauté, et antérieurement élus, continuèrent à siéger jusqu'à la constitution du Sénat de la Communauté. La nationalité française fut remplacée parcelle, plus large, de l'Union (art. 81 de la Const. de 1946),de la Communauté actuellement (art. 77 de la Const. de 1958). Il est possible, pour l'un des états membres, de désigner le ressortissant d'un autre état : v. l'art. 1 e r de l'Accord multilatéral sur les droits fondamentaux des nationaux des états de la Communauté, du 22 juin 1960 (publié par le décret n° 60-694 du 19 juillet i960). Sur le cas des habitants de l'Ile Sainte-Marie, partie intégrante de la République malgache, v. l'accord sur l'état des personnes originaires de l'Ile Sainte-Marie, du 27 juin 1960 (publié par le décret n° 60-692 du 19 juillet 1960). Sur l'adoption de la nationalité française par les Algériens résidant en France après l'indépendance : Ord. n° 62-825 du 21 juillet 1962; et sur le régime de la nationalité dans les TOM : décret du 24 février 1963, modifié parla loi du 8 juin 1963 et décret du 25 mars 1963. V. E.DE GAUDIN DE LAGRANGE, «Nationalité française 1963», D 1963. chr. X V I I .
344
3 2 0 . — 1 ° ) Exigence
LE SUFFRAGE
d'un
délai
après
la
POLITIQUE
EN
FRANCE
naturalisation.
Notre droit public a parfois admis que la naturalisation entraînait de plein droit l'éligibilité 1 . Mais souvent, le nouveau naturalisé a été soumis à des conditions supplémentaires : ou la production d'un acte lui accordant expressément l'éligibilité : lettres de grande naturalisation de 1814 à 1848 2 , loi émanant de l'Assemblée législative 3 ; ou, depuis 1889, l'écoulement d'un certain délai depuis l'obtention de la naturalisation 4 . Ce dernier système est en vigueur ; il résulte de la combinaison des art. L. 4 et L.O. 128 du C. élec. qui renvoient aux art. 81 à 83 de l'Ordonnance du 19 octobre 1945 portant Code de la nationalité française : le délai est, en principe, de 10 ans à compter de la date du décret de naturalisation, sauf pour les individus qui ont servi dans l'armée française, et ceux qui ont été dispensés par décret en tout ou en partie de ce délai, en raison des services qu'ils ont rendus ou pourront rendre à la France. L'acquisition de la nationalité française par un autre procédé que la naturalisation, de même que la réintégration, n'entraîne pas l'application de ces mesures. Cependant, l'art. L.O. 128 du C. élec. soumet maintenant la femme étrangère devenue française par son mariage, à l'écoulement d'un délai de 10 ans à compter du jour où le Gouvernement ne peut plus s'opposer à sa naturalisation (6 mois après la transcription du mariage : art. 39 du C. de la nationalité). Auparavant la femme devenait éligible à l'expiration de ces 6 mois. Cette nouvelle condition restrictive doit-elle rétroagir, c'est-à-dire s'appliquer aux étrangères naturalisées par mariage depuis moins de dix ans lors de la promulgation de l'Ord. du 24 octobre 1958 ? Toute la jurisprudence parlementaire est en sens contraire : ainsi fut-il décidé qu'un élu, naturalisé en vertu des dispositions de la Constitution de 1791, n'avait pas à obtenir, pour être éligible, les lettres de grande naturalisation prévues par l'Ordonnance du 1. Système révolutionnaire (la naturalisation pouvait être accordée très facilement par acte du pouvoir législatif : ainsi Thomas P A Y N E et Anacharsis C L O O T S purent siéger dans les Assemblées révolutionnaires) et impérial, de 1791 à 1814, avec la brève éclipse dueau décret du 5nivôse an II (25 décembre 1795), décret qui, interdisant aux individus nés en pays étranger, d'être élus, et à de tels individus déjà élus de siéger, était dirigé en fait contre Thomas P A Y N E , accusé d'intriguer avec un « ancien agent du bureau des affaires étrangères ». Ce décret tomba vite en désuétude, do nombreux étrangers étant élus dans les pays conquis. Ce système accordant l'éligibilité immédiate au naturalisé fut repris par le décret du 28 mars 1848 lors des élections à l'Assemblée constituante, puis après une interruption en 1849, au cours du second Empire (querelle entre l'Empereur et le Corps législatif, en 1863, à propos de L'él. W E L L E S D E L A V A L E T T E , Dordogne 3 e , CL 19 novembre 1863) et confirmé implicitement mais indubitablement par la loi du 29 juin 1867 (él. S T E E N A C K E R S , CL 2 juillet 1869, DP 1870. 3.4), et expressément par les lois de 1875, jusqu'en 1889. 2. Art. I e * de l'Ordonnance du 8 juin 1814. 3. Art. 1 e r de la loi des 3-11 décembre 1849. 4. Délai de dix ans (lois du 26 juin 1889 (art. 3) et du 10 août 1927) abaissé en faveur de ceux qui ont servi dans l'armée française [loi du 19 juillet 1934, prise après les événements du 6 févriîr).
APTITUDE
DU
345
CANDIDAT
8 juin 1814 1 ; de même, les conditions imposées par la loi du 15 décembre 1790, autorisant les descendants des religionnaires expatriés à revendiquer la qualité de Français, furent très largement interprétées 2 ; enfin, la Chambre décida expressément que le délai de dix ans imposé par la loi de 1889 n'était pas applicable aux étrangers naturalisés antérieurement 3 . Seul un texte exprès pourrait exiger que la condition nouvelle plus dure s'applique aux étrangers naturalisés avant son adoption : texte qui serait restrictivement interprété 4 . Or, un tel texte n'existe pas à l'encontre des étrangères naturalisées par mariage. Plusieurs arguments fondent la solution jurisprudentielle, qui doit être approuvée et serait applicable à toute nouvelle condition restrictive En effet, le principe (qui justifierait la solution inverse, mais dont l'existence même est incertaine) en vertu duquel la loi réglant les effets de la naturalisation étant d'ordre public doit s'appliquer à tous, doit être écarté du fait de la tendance générale à considérer que les incapacités sont de droit étroit ; et du principe de la non-rétroactivité des lois qui s'oppose à ce que des situations nées sous l'empire d'une loi favorable soient régies par les dispositions plus dures d'une loi postérieure.
3 2 1 . — 2°) Personnes
titulaires
¿Tune double
nationalité.
L'art. 87 du Code de la nationalité décidant que seul perd la qualité de français l'individu majeur qui acquiert « volontairement » une nationalité étrangère, le fait d'être en possession, sans manifestation de volonté, d'une autre nationalité, n'entraîne pas la perte de la qualité de français, car seul un décret « peut » déclarer cette perte (art. 96 du C. de la nationalité). En conséquence, l'individu dans cette situation est certainement éligible 6 .
1. El. D ' E N N E C Y , C D 13 janvier 1 8 2 5 . 2. El. Benjamin C O N S T A N T , C D 26, 27 avril et 15 mai 1824 ; él. R O M A N , C D 9 février 1828. 3 . El. M A C - A D A R A S , CD 15 novembre 1889. 4. Ainsi la loi du 14 octobre 1814 décida que l'étranger ayant joui sous l'Empire de la possession d'état de citoyen du fait de la réunion momentanée de son pays à la France, et qui aurait effectué la déclaration prescrite à l'art. 1 e r permettant de conserver toutes les prérogatives du citoyen, ne pourrait accéder à l'éligibilité que par des lettres de grande naturalisation. Cependant la Chambre n'étendit pas cette disposition aux descendants des religionnaires et aux étrangers naturalisés selon la libérale législation révolutionnaire. De même, l'art. 14 de la loi du 10 août 1927 dispensait expressément du délai de 10 ans imposé par l'art. 6 les candidats aux élections législatives : en conséquence les étrangers naturalisés avant la promulgation de cette loi étaient soumis à ce délai d'inéligibilité seulement pour les élections locales. 5. On ne saurait invoquer à l'encontre de cette solution l'art. 4 de l'Ordonnance du 19 octobre 1945, qui vise les conditions d'acquisition ou de perte de la nationalité (ces conditions doivent être appréciées au moment de l'acquisition ou de la perte), mais non des conséquences attachées à l'existence de la nationalité. 6. El. D U C H O U D , A N 9 mai 1956. V . aussi él. L A F A R G U E (Nord L ) C D rap. 1 e r décembre 1891, déb. 7 décembre 1891. RE
346
LE SUFFRAGE POLITIQUE
B. —
L ' E X I S T E N C E DE LA N A T I O N A L I T É
3 2 2 . — 1 ° ) Qui apprécie
F existence
EN
FRANCE
FRANÇAISE.
de la nationalité
?
Les chambres se sont toujours reconnu le droit d'apprécier la nationalité des élus, sans renvoi pour question préjudicielle 1 devant les tribunaux civils. Elles auraient pu effectuer un tel renvoi si elles l'avaient estimé utile : cela ne s'est jamais, à notre connaissance, produit : la majorité de la chambre repoussant la demande de la minorité en invoquant, non la légalité, mais l'opportunité 2 . Mais elles ajournaient parfois leur décision, lorsqu'une instance relative à la nationalité était pendante devant les tribunaux judiciaires, jusqu'à ce que ceux-ci aient tranché, afin d'éviter une trop flagrante contrariété de décision 3 . Le Conseil constitutionnel a également « compétence pour connaître de toute question et exception posée à l'occasion de la requête » (art. 44 de l'Ord. n° 58-1067 du 7 novembre 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel) (art. L.O. 188 du C. élec.). En cas d'instance pendante devant les tribunaux civils, le Conseil pourrait surseoir à statuer.
2 ° ) Modes a ) Preuve
de preuve de l'existence
de la de la
nationalité. nationalité.
La qualité de français se prouve en principe par titre. Cependant, des moyens supplétifs sont admis.
1. El. Benjamin C O N S T A N T , C D 15 mai 1824 ; él. C A M P A I G N O (Haute-Garonne), C L 1 2 novembre 1862. 2. El. Emile DE GIRARDIN, CD 13 avril 1839. 3. El. SOUBBIAH, 26 janvier 1947, CR rap. sup. 19 juin 1947. L a situation était curieuse : un jugement du tribunal de paix à compétence étendue de Karikal du 25 septembre 1944, confirmé par un arrêt de la Cour de Pondichéry du 25 mai 1947, avait dénié la qualité de français à S O U B B I A H . Celui-ci s'était pourvu en cassation : mais ce recours n'est pas suspensif en la matière (art. 16 de la loi du 27 novembre 1790). Ainsi S O U B B I A H était inéligible lors de son élection (car il n'avait pas encore formé appel), puis devint éligible (de par l'effet suspensif de l'appel non encore vide), puis, du fait de l'arrêt de la cour de Pondichéry, redevint inéligible, mais sous condition résolutoire en quelque sorte, en attendant que le pourvoi en cassation soit tranché. Le Conseil de la République ordonna une enquête, ce qui lui permettait d'attendre la décision de la cour, et privait S O U B B I A H , alors considéré comme étranger, de participer aux scrutins intervenant dans la Chambre.
APTITUDE
DU
347
CANDIDAT
3 2 3 . — 1. — Preuves
par titre :
Acte de naissance, exemplaire enregistré de la déclaration relative à la nationalité, ampliation du décret de naturalisation 1 , certificat de nationalité, établi par le juge de paix en vertu de l'art. 149 du C. de la nationalité 2 ; décisions définitives rendues par les juridictions de droit commun (juridictions civiles, et non répressives, puisque l'art. 137 du C. de la nationalité 3 refuse l'autorité de la chose jugée sur les questions de nationalité aux décisions de ces dernières juridictions, si elles n'ont pas déféré la contestation relative à la nationalité en tant que question préjudicielle devant la juridiction civile) ; enfin, une validation précédente font la preuve de la nationalité (jurisprudence constante) 4 ; mais, comme les décisions de validation, bien qu'ayant force légale obligatoire, ne bénéficient pas de l'autorité de la chose jugée, une nouvelle contestation, même fondée sur des motifs semblables, serait recevable, à condition d'être très sérieuse 6 et pourrait même déterminer l'invalidation s . Cette jurisprudence est, il est vrai, ancienne ; et le Conseil constitutionnel, mieux armé pour la recherche de la vérité, pourrait accorder une plus grande valeur à ses propre décisions, encore que l'art. 44 de l'Ord. du 7 novembre 1958 (art. L.O. 188 du C. élec.) précise que, sur les questions et exceptions posées à l'occasion de la contestation, sa décision n'a d'effet juridique qu'en ce qui concerne l'élection dont il est saisi. 3 2 4 . — 2. — Moyens supplétifs
:
a. — La théorie des pièces équipollentes que également en matière de nationalité.
(supra 3 1 6 ) s'appli-
b. — Exercice de fonctions exigeant la qualité de français : une jurisprudence identique à celle relative à la preuve de l'âge s'était établie. Cependant, l'art. 81 du C. de la nationalité n'imposant 1. A défaut, un exemplaire du numéro du JO où ce décret a été publié, ou une copie conforme délivrée par l'administration du JO. 2 . El. R É O Y O , AN rap. 2 2 mars 1 9 5 6 . Ce certificat doit supplanter les anciens actes de notorité dont les bureaux de véréfication appréciaient la valeur : él. Emile D E G I R A R D I N , CD 23 décembre 1837 : G I R A R D I N , fils naturel du général Alexandre D E G I R A R D I N , se refusait à produire son acte de naissance (Antony est de 1831 !), et ne délivra qu'un acte de notoriété, muet sur le lieu de sa naissance. Le bureau se reconnut le droit de s'enquérir des faits démontrant que la naissance avait eu lieu sur le sol français, mais décida de taire par délicatesse les témoignages qui prouvèrent ces faits. 3. V. les art. 124 à 127 du Code de la nationalité, conférant le caractère de question préjudicielle à l'exception de nationalité française devant toutes les juridictions répressives, à l'exception de celles comportant un jury criminel. 4 . CD 12, 19 et 23 novembre 1885 ; él. G I G U E T , C D 14 novembre 1889. 5. El. Benjamin C O N S T A N T , C D 15 mai 1824 ; él. S I E Y È S , C D 29 mai 1847 ; él. T H O U R E T , AL 30 mai 1849. 6. El. Emile D E G I R A R D I N , CD 23 décembre 1837 et CD 13 avril 1839 ; déjà validé trois fois, G I R A R D I N fut invalidé en 1839, puis validé en 1842 (CD 2 août 1842).
348
LE SUFFRAGE
POLITIQUE
EN
FRANCE
au naturalisé qu'un délai de cinq ans pour l'accession à la fonction publique, aux professions d'avocat ou d'officier ministériel, le contrôle de l'écoulement du délai de dix ans s'impose. c. — Preuve par possession cCétat : prévue par les art. 140 et 143 du C. de la nationalité, la possession d'état ne vaut, devant les tribunaux judiciaires, que jusqu'à la preuve contraire. Les chambres ont parfois admis ce mode de preuve (Cormenin en était partisan) mais souvent avec réticence 1 , quelquefois même l'ont repoussé 2 . 3 2 5 . — b ) Preuve de la perte de la
nationalité.
La perte de la qualité de français ne se présume pas, mais doit toujours résulter soit d'une manifestation de volonté de la part de l'intéressé 3 , soit d'un acte émanant de l'autorité française 4 . En conséquence, l'ancienne jurisprudence relative à l'art. 21 (abrogé par la loi du 10 août 1927) du C. civ. n'a plus guère qu'un intérêt historique : l'art. 21 édictait la perte automatique de la qualité de français à l'encontre du citoyen qui, sans autorisation du gouvernement, avait pris du service militaire à l'étranger. Les chambres se reconnaissaient un très large pouvoir d'appréciation : elles ne bornaient pas leur contrôle à la simple constatation de la situation de l'intéressé, mais examinaient les circonstances de fait, et même les mobiles de l'élu : la perte de la nationalité ne résultait pas du seul fait de prendre du service à l'étranger, mais de l'intention de perdre la qualité française 5 ; intention appréciée, non au jour où le service était effectué, mais au jour de l'élection 6 . Un problème voisin pourrait cependant se poser, l'hypothèse de l'ancien art. 21 du C. civ. ayant été reprise par l'art. 97 du C. de la nationalité : le Français qui continue à fournir un service civil ou militaire à l'étranger plus de six mois après l'injonction gouvernementale d'avoir à le résigner, est privé de la qualité de français par décret. Mais si, après l'injonction non suivie d'effet, le gouvernement omettait de prendre ce décret, que devrait décider le Conseil constitutionnel ? Il semble que la perte de la nationalité résultant du seul décret, la validation s'imposerait. E n tout état de cause, l'individu qui, titulaire d'une double nationalité, a effectué un service 1. El. Benjamin C O N S T A N T , C D 15 mai 1842, opinion du rapporteur M A R T I G N A C . 2. El. Emile D E G I R A R D I N , précitée. 3. El. du Nord, AL 30 mai 1849. 4. Art. 87 à 97 (modifié par l'Ordonnance du 2 février 1961) du C. de la nationalité : perte. La déchéance ne frappe que les personnes ayant « acquis » la nationalité française {art. 98 à 100 du C. de la nationalité). 5 . El. Léo D E S I E Y È S , C D 1 2 janvier 1 8 4 4 ; él. du prince de L U C I N G E - F A U C I G N Y , C D 2 9 mai 1 8 7 6 ; él. G L U S E R E T , C D 4 février 1 8 8 9 . S I E Y È S avait pris du service sans autorisation du gouvernement, mais il était alors mineur et avait démissionné plutôt que d'accéder à un grade entraînant l'acquisition de la nationalité du pays étranger. 6 . El. Louis-Napoléon B O N A P A R T E , AN 1 8 4 8 : capitaine d'artillerie du canton de Turgovie, le prétendant avait résisté à la demande d'expulsion formulée par le gouvernement français, en excipant de la nationalité suisse : la violation de l'art. 21 était donc certaine !
APTITUDE
DU
349
CANDIDAT
militaire dans une armée étrangère, puis dans l'armée française, est certainement éligible 1 .
3 2 6 . — Mode
cTappréciation
de la nationalité,
condition
d'éligibilité.
L a jurisprudence électorale en matière de nationalité est donc très libérale : aussi bien quant à l'appréciation des conditions restrictives imposées aux naturalisés que dans les modes de preuve (théorie des pièces équipollentes). Elle scrute même la psychologie de l'élu afin de déterminer s'il a entendu perdre la qualité de français. Cette jurisprudence pourra-t-elle se maintenir ? Sans doute, deux facteurs militent en faveur d'un certain affermissement de la jurisprudence : les dispositions du C. de la nationalité de 1945, qui, réglementant plus que les textes précédents la matière, sont d'application plus brutale 2 ; et la remise du contentieux des élections parlementaires au Conseil constitutionnel, organe destiné à juger en droit. Il semble cependant que les considérations d'opportunité politique et de bienveillance ne seront pas totalement absentes de ses décisions : la solution adoptée à propos des candidats de statut local en Algérie ( i n f r a 3 5 7 ) suffirait à le prouver.
§ II. — S E R V I C E
327. —
MILITAIRE.
Textes.
Servir dans l'armée demeure comme à Rome un honneur. E t il serait peu séant de briguer un mandat pour se soustraire aux obligations d'activité. Or, en 1893, un insoumis qui avait échappé à toute condamnation, avait été élu : il était légalement éligible et la Chambre soucieuse de ne pas faire rétroagir une cause d'inéligibilité, le valida, mais adopta une loi du 16 août 1893 frappant d'inégibilité les individus ne justifiant pas « avoir satisfait » aux obligations de la loi du 15 juillet 1889 sur le recrutement. Un incident 3 fit adopter la loi du 20 juillet 1895, frappant d'inéligibilité tous ceux qui n'auraient pas satisfait 1 . E l . DUCHOUD, A N 9 m a i 1 9 5 1 .
2. L a quasi totalité de la jurisprudence parlementaire est antérieure au Code de la nationalité. 3. MIRMAN n'ayant effectué qu'un an de service, comme ayant souscrit un engagement de 10 ans dans l'enseignement public (dispensé conditionnel, loi de 1889), fut élu député et rompit cet engagement; il fut validé (él. MIRMAN, (Reims LRE), CD rap. HUBBARD 5 décembre 1893, déb. 9 décembre 1893), car il était éligible le jour de son élection, ayant jusqu'à présent « satisfait» aux obligations imposées par la loi sur le recrutement, en bénéficiant delà dispense accordée aux membres de l'enseignement. Mais ayant opté pour son mandat de député, il perdait sa précédente qualité : obligé de compléter sa durée de service, il fut incorporé; et, chasseur d e 2 e classe, interpella le ministre de la Guerre. On sentit le besoin de restaurer la discipline.
350
LE SUFFRAGE
POLITIQUE
EN
FRANCE
« définitivement aux prescriptions légales concernant le service actif » \ L e texte actuellement en vigueur est l'art. L. 45 du C. élec. 2 . L'inéligibilité absolue édictée à l'encontre des militaires de carrière, en activité de service, sous la III e République a été supprimée en 1945 et remplacée par une simple incompatibilité (art. 3 de l'Ord. du 17 août 1945 : art. L. 47 et L.O. 142 du C. élec.) ou une inéligibilité relative (art. 4 de l'Ordonnance précitée : art. 59 ancien du C. élec., remplacé par l'art. L.O. 135, 5° du C. élec., infru 3 6 0 n ) . Une seule invalidation a été, à notre connaissance, prononcée de ce chef. Mais deux séries de difficultés ont surgi : notion de service actif « définitivement » accompli ; date d'appréciation de l'éligibilité. 3 2 8 . — 1°) Notion de service « définitivement
»
accompli.
Il faut être libéré de toute obligation d'activité : ainsi, sous l'empire de la loi de 1889 modifiée par les lois de 1893 et 1895, les bénéficiaires de dispenses conditionnelles devenaient éligibles lorsque la condition exemptant d'une partie de la durée du service était définitivement remplie 3 . Les périodes effectuées au titre des réserves ne mettent pas obstacle à l'éligibilité. Peu importe que le service actif n'ait pas été effectivement accompli, pourvu que ce soit en conformité des lois en vigueur 4 . Seule la réforme définitive d'un conscrit le rend éligible 5 . Peut-être cette notion de service actif « définitivement accompli » devra-t-elle être assouplie, sous peine d'entraîner certaines injustices, du fait que l'art. 30 de l'Ord. n° 59-147 du 7 janvier 1959 portant organisation de la défense nationale prévoit la possibilité d'un « service différencié et sélectif » : « les obligations d'activité du service militaire seraient fractionnées en périodes qui s'exécutent pendant la disponibilité et la réserve... ». Du fait aussi que la loi du 21 décembre 1963 autorise, sous certaines conditions, les recrues à accomplir les obligations imposées par la loi sur le recrutement dans une formation militaire non armée ou une formation civile assurant un travail d'intérêt général. 3 2 9 . — 2 ° ) Date
d'appréciation.
L a jurisprudence était très libérale, tout au moins s'agissant de cas où, l'obligation légale étant presque accomplie, et aucune indi1. Prescriptions contenues essentiellement dans la loi sur le recrutement du 31 mars 1928 et l'Ord. n° 59-147 du 7 janvier 1959 portant organisation général de la défense. 2. L'art. 51 ancien du C. élec. (texte de l'art. 7, § 1 e r de la loi du 31 mars 1928) reprenait la teneur de la loi de 1893. L'art. 3 de l'Ord. n° 58-998 du 24 octobre 1958 (comme l'art. 151 ancien du C. élec., art. 23 de la loi du 6 janvier 1950 sur l'organisation des pouvoirs publics, abrogé par l'art. 12 de l'Ord. n° 58-1100 du 17 novembre 1958 portant loi organique sur le fonctionnement des assemblées parlementaires) reprend la teneur de la loi de 1895. 3 . El. A R C H I M B A U D , C D 2 9 décembre 1 9 0 7 ; él. P Y T H O N , C D 2 juin 1 9 1 0 . 4. El. B O N C A V E L , A U F rap. 23 mars 1954, Doc. n° 83. 5. El. BINET, C D
1908.
APTITUDE DU CANDIDAT
351
gnité n'étant reprochable à l'élu, une invalidation aurait été inopportune ; l'éligibilité était appréciée non pas comme en matière d'âge, au jour de la prise de séance (supra 3 1 4 ) , mais au jour de la vérification, qui était volontairement repoussée 1 . Cette manière de procéder était, certes, illégale, mais se justifiait par des considérations pratiques : éviter les frais et l'agitation d'une campagne électorale alors que la réélection était certaine.
§ III. —
A. —
330. -—
CONDITIONS
ABOLIES.
APPARTENANCE A UNE FAMILLE AYANT RÉGNÉ SUR LA FRANCE.
Textes.
Chaque nouveau régime écarta des fonctions publiques (et parfois, même, bannit) les membres de la famille régnante qui venait d'être renversée, et qui, par leur activité, ou leur présence symbolique, auraient pu troubler, sinon l'ordre public, tout au moins la stabilité du nouveau régime 2 . Ainsi furent prononcées l'expulsion et l'inéligibilité des Bonaparte (loi du 10 janvier 1816), des Bourbons et des Bonaparte (loi du 10 janvier 1832), des Orléans (loi du 26 mai 1848) ; l'inéligibilité des membres des familles ayant régné sur la France à la présidence de la République (art. 2 de la loi constitutionnelle du 14 août 1884), au Sénat (art. 4, § 2 de la loi organique du 9 décembre 1884), à la Chambre des députés (art. 4 de la loi du 16 juin 1885), à toute fonction élective (art. 4 de la loi du 22 juin 1886), à la présidence de la République (art. 44 de la Const. de 1946). Ces divers textes peuvent être actuellement considérés comme abrogés, soit d'une façon expresse (loi de 1 8 8 6 3 ) , soit du fait des changements constitutionnels (lois de 1884). Cependant, l'art. 4 de la loi du 16 juin 1885 (art. 153 ancien du C. élec.) doit-il être considéré comme étant implicitement abrogé (ainsi que le déclare la table de concordance du C. élec.), l'Ord. du 24 octobre 1958 affirmant le principe de l'éligibilité « sous les seules réserves prévues aux articles suivants » ? Certes, les textes comme les précédents semblent militer en faveur de cette abrogation. E n effet, on peut soutenir que, du fait de l'art. 25 de la Const. de 1958, qui réserve à une loi organique toute la matière des inégibilités parlementaires, seules les inéligibilités prévues par l'Ord. du 24 octobre 1958 sont de droit positif. La lettre même de celte 1. El. Binet, précitée (élection partielle) ; él. Python, précitée (élections générales) : la Chambre ajourna la validation jusqu'à la soutenance d'une thèse de doctorat en droit, qui dispensait défi' nitivement des obligations d'activité. 2. Les personnalités marquantes du régime défunt sont aussi, tout au moins temporairement, frappées ou menacées d'inéligibilité : infra 341 et s., 350. 3. Cette loi (adoptée en riposte au mariage de la princesse Amélie, fille du comte de Paris, avec l'Infant du Portugal et qui interdisait également l'accès à toute fonction publique, et l'entrée du territoire national au chef de famille et à ses héritiers directs) a été abrogée parla loi du 24 juin 1950 ; le gouvernement conserve le droit d'interdire l'entrée du territoire aux membres de ces familles.
352
LE SUFFRAGE POLITIQUE EN
FRANCE
ordonnance appuie cette solution 1 , de même que le principe généial selon lequel les incapacités sont de droit étroit. 331. —
Discussion.
La jurisprudence en la matière est aussi célèbre que rare, et milite aussi en faveur de la suppression de l'inéligibilité : validations de quatre Bonaparte en 1848, de deux Orléans en 1871, validations qui survinrent lors d'un changement de régime, dans les assemblées constituantes 2 . Les assemblées admirent que le seul fait de l'élection par le peuple (ou plus exactement, par un collège, simple fraction du souverain) suffisait à abroger implicitement les lois d'exception, d'inspiration politique, anti-égalitaire et anti-démocratique (1848) ; ou, du moins, à inciter la Chambre à les abroger préalablement, avant de procéder à la validation (1871). Ces lois étaient d'ailleurs matériellement des mesures individuelles qu'une assemblée unique et constituante pouvait se croire en droit de rejeter par une autre décision individuelle : la validation : argument juridiquement faux. Les assemblées ont aussi fait preuve d'une extrême libéralité en appréciant l'éligibilité au jour de la validation (1871). Mais la tradition républicaine s'était fixée, depuis les lois de 1884-1886, dans le sens de l'inéligibilité des membres des familles ayant régné sur la France : or la jurisprudence citée est antérieure à l'établissement de cette tradition. Pourrait-on considérer, comme en matière d'élection présidentielle, où l'art. 44 de la Const. de 1946 édictant l'inéligibilité n'a pas été reconduit expressément en 1958, afin d'éviter une inutile brimade, mais a peut-être gardé une valeur égale (infra 7 3 3 ) , que l'art. 153 ancien du C. élec. conserve valeur de droit positif 3 ? Le doute demeure permis. Peut-être a-t-on voulu réserver une perspective politique. Mais une telle imprécision n'est pas sans danger. Si l'on admet que l'inéligibilité subsiste, il semble qu'il faille l'appliquer au Sénat, puisque les causes d'inéligibilité sont les mêmes pour les deux assemblées (art. L.O. 296 du C. élec.) et que c'est d'abord le Sénat qui fut interdit aux membres des familles régnantes par la III e République.
1. L ' a r t . 1 e r de cette loi o r g a n i q u e dispose q u e « t o u t citoyen... p e u t être élu... s o u s les seules réserves énoncées a u x articles s u i v a n t s », et l ' a r t . 7 interdit « l ' e n r e g i s t r e m e n t d e l a c a n d i d a t u r e d ' u n e personne inéligible en v e r t u d e s d i s p o s i t i o n s des articles p r é c é d e n t s » (art. L . O . 1 2 7 , L . O . 1 6 0 e t L . O . 304 du C. élec.). 2. V. C H A R N A Y ( J e a n - P a u l ) , Les scrutins politiques en France de 1 8 1 5 à 1962, consiesiations et annulations, Cahiers de l a F o n d a t i o n n a t i o n a l e des Sciences Politiques, P a r i s 1 9 6 5 , A . Colin. 3. Il f a u t c e p e n d a n t relever u n e difficulté t e c h n i q u e : d u f a i t de s a n o n - r e c o n d u c t i o n , l ' a r t . 44 de l a Const. de 1946 se d é g r a d e : d e v a l e u r constitutionnelle, il a c q u i e r t u n e v a l e u r l é g a l e . A u contraire, peut-on a d m e t t r e q u e l ' a r t . 153 ancien d u C. élec. d e v a l e u r légale, a c q u i e r t , p a r reflet de l ' a r t . 25 d e l a Const. de 1958, v a l e u r d e loi o r g a n i q u e ?
APTITUDE DU CANDIDAT
332. —
B. —
353
C E N S D'ÉLIGIBILITÉ.
Cette condition, conférant l'éligibilité aux seules personnes payant un certain taux de contributions 1 , devait permettre de recruter les députés parmi les classes conservatrices ; mais elle avait aussi pour but d'assurer leur indépendance. Elle fut définitivement abolie en 1843 (cf. art. L. 2 du C. élec.). Les chambres, composées de membres assez désireux, au fond, de conserver leur privilège, et remplies d'excellents juristes respectueux du droit, appliquèrent avec une certaine rigueur cette cause d'inéligibilité : de 1815 à 1848, dix élus furent invalidés pour ce motif (2 réélections). Il suffira de rappeler les principes généraux de la jurisprudence : la Chambre ne renvoyait pas l'affaire devant les tribunaux normalement compétents, en cas de questions préjudicielles 2 , ne s'estimait liée par les décisions d'aucune autorité, judiciaire ou administrative, mais calculait elle-même le cens sur les données fournies par l'élu, sans se préoccuper de ce que le fisc réclamait ou touchait effectivement. En revanche, la décision prise par la Chambre n'entraînait aucune modification des rôles des contributions directes. Il y avait donc là une affirmation particulièrement brutale de l'indépendances de la Chambre en matière de vérification. L'exigence du dépôt d'un cautionnement lors de la déclaration de candidature valable ressuscite dans une faible mesure le cens d'éligibilité ( i n f r a 3 9 8 ) .
333. —
C. —
RACE.
L a loi de Vichy du 3 octobre 1940 portant statut des juifs disait à ceux-ci l'accès de toute assemblée issue de l'élection. disposition déclarait se fonder sur « l'insuffisante assimilation lsraëlites à la communauté nationale 3 . Sur l'accession progressive des populations autochtones au de suffrage : supra, 6 4 à 6 9 .
interCette » des droit
1. Prévue par la Const. de 1791 (art. 2 et 3, Section II, chap. I, titre I ; et art. 2 et 3, Section III), par l'art. 38 de la Charte de 1814 (1 000 frs ; mode de calcul : art. 2, loi du 5 lévrier 1817) : «oit 16.000 éligibles seulement en 1817, réduits à 12.000 en 1828 du fait des dégrèvements fiscaux. Puis parles art. 59 et 60 de la loi électorale du 19 avril 1831 (500 frs). Ces taux étaient en pratique relevés du fait de la suppression de l'indemnité parlementaire. 2. Ainsi, la Chambre tranchait les incidents de propriété immobilière, sans renvoi devant les tribunaux civils. 3. La nullité de cette loi fut constatée par l'Ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental. 12
354
LE SUFFRAGE POLITIQUE
SCXJS-SECTION I I . —
CONDITIONS
EN
FRANCE
D'HONORABILITE.
Elles sont, en principe, limitativement énumérées par la loi ; mais parfois a été posé le problème de savoir si l'on ne pouvait exiger des élus une honorabilité plus grande, d'ailleurs appréciée en fonction de la moralité politique ambiante, donc d'une façon variable.
§ I. — ENUMERATION DES CAS LEGAUX D'INELIGIBILITE (Art. L.O. 129 et L.O. 130 du C. élec.). L'inéligibilité, en général, ne dérive que médiatement de la loi : prévue comme sanction à telle situation ou telle condamnation, elle n'apparaît que lorsque la situation a été constatée (faillite), ou la condamnation (économique ou pénale) prononcée par la juridiction compétente. Cependant, en périodes d'exception, certaines catégories de citoyens, trop marqués politiquement, ont été frappées d'inéligibilité directement par la loi, à titre personnel.
A. —
INÉLIGIBILITÉ RÉSULTANT D'UNE CONSTATATION OU D'UNE CONDAMNATION JURIDICTIONNELLE.
334. — 1°) Faillis. Ils sont automatiquement frappés d'inéligibilité 1 du seul fait du jugement du tribunal de commerce constatant leur état (les faillis sont également privés du droit de vote), quelle que soit la bonne f o i 2 . Seul un second jugement du tribunal déclarant le jugement de faillite nul et non avenu y ferait échapper 3 . Mais les chambres, semble-t-il, ne se reconnaissaient pas le droit d'apprécier elles-mêmes l'état de faillite 4 , contrairement aux tribunaux répressifs désireux d'appliquer les peines sanctionnant la banqueroute 6 . Cepen1. Pour les faillis : art. L. 5,5° du C. élec. Les débiteurs admis au règlement judiciaire (art. 36 du décret du 20 mai 1955 relatif à la faillite (devenu l'art. 472 nouveau du C. de commerce en vertu de l'Ord. du 23 décembre 1958) étaient inéligibles dans le régime de l'art. 56 ancien du C. élec. 2. El. GERMAIN-SARRUT, AL 2 juin 1849. L'élu faisait remarquer que la faillite n'avait pas été prononcée personnellement contre lui (la bonne foi à l'égard des créanciers personnels était certaine), mais en tant que gérant de société : la Chambre refusa de distinguer, et invalida. 3. El. de la Martinique, AL 23 juillet 1849. 4. El. de la Martinique précitée; él. MARY-RAYNAUD (Saint-Flour, Cantal), CD 10 novembre 1890. 5. Crim. 10 août 1878, S 79. 1. 481, note VILLEY ; en sens contraire : Crim. 9 mai 1902, S 1902, 1. 602. La question est aujourd'hui tranchée par l'art. 11 du décret du 20 mai 1955 (art. 447 nouveau du C. de com.) qui permet l'emploi de la théorie de la faillite de fait (ou virtuelle) sur le plan pénal.
APTITUDE
355
DU CANDIDAT
dant, la Chambre a prononcé, à l'unanimité (après avoir refusé d'accepter la démission) l'invalidation alors que l'élu (ex-agent de change) n'avait échappé à la banqueroute frauduleuse ou à la faillite que par l'aide de sa compagnie. Mais ces précédents ne sont pas probants, car la Chambre tint également compte des manœuvres électorales frauduleuses 1 . L a jurisprudence refuse tout ajournement de la vérification, qui permettrait d'attendre la réhabilitation ; elle apprécie l'inéligibililé au jour de l'élection 2 (ainsi, les chambres n'appliquaient pas la même solution qu'en matière d'âge ou de service militaire : car l'élu n'était pas alors digne de commisération). La réhabilitation fait cesser l'inéligibilité (art. 35 du décret du 20 mai 1955 : art. 471 nouveau du C. de com.) 3 .
3 3 5 . — 2 ° ) Officiers
ministériels
destitués.
Les notaires et certains officiers ministériels (avoués près les Cours d'appel, avoués près les tribunaux de grande instance, huissiers, commissaires-priseurs) destitués ne peuvent être inscrits sur les listes électorales (art. 4 de l'Ord. du 28 juin 1946 remplaçant l'art. 15 § 8 du DO de 1852 modifié par la loi du 10 mars 1898).
3°)
Individus frappés économiques.
3 3 6 . — a ) Condamnations
de
certaines
pénales
condamnations,
de droit
pénales
ou
commun.
La liste, assez nombreuse, souvent modifiée, est actuellement fixée par les art. L.O. 129 et L.O. 130 du C. élec. qui renvoient aux art. L. 5 à L. 8 du C. élec. 4 ; ces articles privent les individus condamnés pour 1. El. MARION, Cl 22 décembre 1869 ; él. baron DOYEN. CD 20 juin 1881. 2. El. G E R M A I N - S A R R U T , précitée. 3. L a réhabilitation résultant de l'écoulement d'un délai de 10 ans est supprimée. Seules demeurent la réhabilitation de plein droit résultant du paiement intégral des créanciers, et la réhabilitation judiciaire résultant du consentement unanime des créanciers ou de l'exécution du concordat (en cas de règlement judiciaire, puisque la faillite étant exclusive de tout concordat rend l'union obligatoire). 4. Art. 15 à 17 du DO de 1852, repris et modifié par l'Ord. du 14 août 1945 modifiée par les lois des 9 mai 1951 (art. 4 et 5) et 30 mars 1955, et l'Ord. du 23 décembre 1958 (art. 36)modifiant certains articles du C. pénal. Ne doivent plus être inscrits sur les listes électorales : 1) Les individus condamnés pour délit à une peine de prison sans sursis, ou à une peine d'emprisonnement avec sursis d'une durée supérieure à un mois pour vol, escroquerie, abus de confiance (ou pour délits punis des peines prévues pour ces trois infractions), soustraction commise par les dépositaires de deniers publics, faux en écriture privée, de commerce ou de banque prévu par les art. 150 et 151 du C. pén., faux témoignage, faux certificat prévu par l'art. 161 du C. pén., corrup-
356
LE SUFFRAGE
POLITIQUE
EN FRANCE
crime, en tous les cas, et pour délit correctionnel à un certain temps de prison, ou à certains taux d'amende 1 , du droit de se faire inscrire sur les listes électorales, définitivement (en ce cas, l'inéligibilité est définitive), ou temporairement (en ce cas la durée de l'inéligibilité est double de celle de la privation du droit de vote). D'autre part, lorsque la loi les y autorise, les tribunaux peuvent appliquer l'interdiction prévue par l'art. 42 du C. pén. 2 , ou prononcer la privation de l'éligibilité. 3 3 7 . — b ) Condamnation
pénale
intervenue
en matière
électorale.
L'individu condamné pour corruption électorale, individuelle ou collective, pour contrainte morale (art. 1 à 3 de la loi du 31 mars 1914, réprimant la corruption électorale) était inéligible durant un délai de deux ans à compter de la condamnation (art. 9 de ladite loi). S'il s'agissait de l'élu invalidé, le délai courait à partir du jour de l'invalidation (ce qui interdisait à l'invalidé de se présenter à l'élection partielle, si celle-ci intervenait avant que la condamnation ne soit définitive (art. 6 de la loi de 1914). Cette disposition a été implicitement abrogée en matière d'élections parlementaires, mais non en matière d'élections locales, par l'Ord. du 24 octobre 1958 : il y a donc lieu désormais de se référer aux textes généraux (supra 336). Les art. L. 113 et L. 116 du C. élec. prévoient que tout individu peut être privé de ses droits civiques pour une durée de 2 à 5 ans en cas de condamnation pour violation ou tentative de violation du secret ou de la sincérité du vote. 3 3 8 . — c) Individus
du C. élec.).
en état
de contumace
(art. L . 5, 4 ° et L . 129
tion et trafic d'influence prévus par les art. 177, 178 et 179 du C. pén., ou attentats aux mœurs prévus par les art. 330, 331, 334 et 334 bis du C. pén. 2) Les individus condamnés à plus de trois mois d'emprisonnement sans sursis, ou six mois avec sursis, pour tous les autres délits (sauf les cas de délit par imprudence (hors le cas de délit de fuite concomitant) et des délits contraventionnels exclusifs de la mauvaise foi, et qui ne sont passibles que d'une amende (hors les infractions à la loi du 24 juilletl867 sur les sociétés). Les individus de cette deuxième catégorie sont simplement privés du droit de se faire inscrire sur les listes électorales pendant une durée de 5 ans à compter de la condamnation définitive, lorsqu'ils n'ont été condamnés qu'à une peine de 1 à 3 mois de prison sans sursis, ou de 3 à 6 mois avec sursis, ou à une amende sans sursis supérieure à 3 000 F. Le tribunal, en prononçant la condamnation, peut relever les individus de cette deuxième catégorie de la privation temporaire du droit de vote et d'élection. 3) Ne peuvent être inscrits durant 5 ans sur la liste les individus condamnés aune peine déplus de 6 jours de prison en application des art. 119à 126 du décret du29 juilletl939 (Code de la famille et de la natalité). L a limitation à 5 ans n'est pas applicable en cas de récidive. 1. Auparavant, l'inéligibilité était déterminée non automatiquement par le montant de la peine, mais par l'infraction réprimée : par la qualification du délit; les tribunaux répressifs jouissaient donc d'un plus grand pouvoir. 2. Par exemple, en matière d'abandon de famille : art. 4 de la loi du 23 juillet 1942.
APTITUDE
DU
357
CANDIDAT
3 3 9 . — d) Individus frappés d?une amende (ou déclarés solidaires pour le paiement 1 ) par les Comités départementaux de confiscation des profits illicites2. Art. 18 de l'Ord. du 21 avril 1944, modifié par l'art. 2 de la loi du 6 avril 1945 et l'art. 15 de la loi du 6 août 1953. Ces textes ont été implicitement abrogés en matière d'élections parlementaires, mais non d'élections locales, par l'Ord. du 24 octobre 1958 : il y a donc lieu désormais de se référer, en cas de condamnation, aux textes généraux ( supra 3 3 6 ) . 3 4 0 . — 4 ° ) Condamnations tion.
prononcées
par des juridictions
d'excep-
Après les changements de régime les plus violents, les nouveaux gouvernants créent parfois des juridictions d'exception qui, grâce à une procédure expéditive, édictent, à l'encontre de leurs adversaires politiques (alors assimilés à des adversaires de la patrie) de nombreuses condamnations entraînant l'inéligibilité 3 : cours prévôtales au début de la Restauration 4 ; répression des journées de juin 1848 ; nombreuses condamnations et transportation de républicains (plus de dix mille : les « cadres ») après le 2 décembre par les commissions administratives spéciales ; répression de la Commune par les Conseils de guerre en 1871 ; en 1944, chambres civiques et cours de justice susceptibles de prononcer la peine de la dégradation nationale à l'encontre des personnes reconnues coupables du crime d'indignité nationale 5 : l'inéligibilité subsistait alors même que l'intéressé était relevé de son indignité (loi du 4 octobre 1946). C'était conférer à un crime un caractère contraventionnel 6 . Plus de 6 000 condamnations à mort (dont les deux tiers par contumace), cent mille peines privatives de liberté, quarante-huit mille condamnations à la dégradation nationale furent ainsi prononcées à la Libération. Des lois d'amnistie intervinrent peu à peu pour rétablir ces individus dans l'exercice de leurs droits civiques. (V. la loi d'amnistie du 6 août 1953, et l'ordonnance portant amnistie du 31 janvier 1959). 1. El. André M O R I C E , 2 e AC, rap. M O N T E I L 12 juin 1946, déb. 13 juin 1946 : la validation fut adoptée, A. M O R I C E ayant été déchargé du paiement solidaire de l'amende par jugement du Conseil supérieur de confiscation du 3 mai 1946. 2. Ord. du 18 octobre 1944, modifiée par l'ord. du 6 janvier 1945 : confiscation des profits illicites. 3. La règle est quasi générale: après la révolution turque du général GUR SEL en 1960, une Haute Cour de Justice prononce des peines de mort et de prison contre les principaux dirigeants démocrates, frappant d'indignité nationale à vie cinq cents politiciens. 4. Ord. du 24 juillet 1815, complétée par une loi du 10 janvier 1816, ordonnant un certain nombre de poursuites et de proscriptions ; loi du 9 novembre 1815 créant de nouveaux délits en matière de cris, discours ou écrits séditieux ; loi de décembre 1815 : établissement des cours prévôtales. 5. Cours de justice : Ord. du 28 novembre 1944 ; indignité nationale et chambres civiques : Ord. du 26 décembre 1944. 6. Cass. 28 mai 1948, G A I L L A R D , D1948. J . 409 ; Conseil de Préfecture d'Orléans, 7 janvier 1948, D 1948. Som. 12.
LE SUFFRAGE POLITIQUE EN FRANCE
358
B.
—
INÉLIGIBILITÉS
ÉDICTÉES DIRECTEMENT PAR U N E
LÉGISLATION
D'EXCEPTION.
En cas de crise politique très grave (guerre ou révolution) c'est parfois la loi elle-même qui frappe directement d'inéligibilité les « suspects » taxés « d'incivisme » qui, trop compromis avec le régime précédent, ou incapables de s'adapter au nouveau, sont mis en dehors de la communauté nationale 1 .
341. — 1°) Anciens
cas.
Ainsi les émigrés, leurs proches parents et alliés, les prêtres réfractaires sous la Révolution 2 . La loi du 3 brumaire an IV frappait aussi d'inéligibilité les individus ayant provoqué ou signé des mesures séditieuses contraires aux lois, c'est-à-dire, en pratique, ceux qui s'étaient opposés au décret des deux tiers ; et la loi du 14 frimaire an V étendait cette inéligibilité aux montagnards poursuivis après l'échec des journées des 12 germinal et 1 er prairial an III. Au contraire, le gouvernement de Paris, en 1871, s'opposa à l'inéligibilité (préconisée par Gambetta) des hommes .politiques et hauts-fonctionnaires du Second Empire. Les rares élus bonapartistes ne furent d'ailleurs pas contestés. Ce n'est qu'en 1874, alors que des mesures d'exception eussent été impardonnables, qu'éclata à propos de l'élection du baron de Bourgoing dans la Nièvre, l'affaire du Comité de l'Appel au peuple.
342. — 2°) Législation
adoptée à la
Libération.
Les souffrances endurées durant l'occupation entraînèrent de telles mesures à la Libération : les partis et organisations convaincus de 1. L'instauration des démocraties populaires s'accompagne souvent de telles mesures prises soit à titre collectif (en URSS, exclusion hors du corps électoral, de 1918 à 1936, des propriétaires fonciers, des Koulaks, des prêtres, des fonctionnaires du régime tsariste), soit à titre individuel (suppression du droit de suffrage pour toute personne ayant des « idées fascistes » (loi bulgare de 1943) ou « ennemis de la démocratie » (loi yougoslave de 1945). 2. Loi du 25 brumaire an III constituant des listes d'émigrés ; loi du 1 e r fructidor an III privant les personnes inscrites sur les listes d'émigrés des droits de citoyen ; loi du 18 fructidor an III les bannissant hors de France. Loi du 3 brumaire an IV frappant d'inéligibilité les parents et alliés d'émigrés. Loi du 9 frimaire an VI n'accordant l'exercice des droits de citoyen qu'aux ci-devant nobles et anoblis réunissant les conditions exigées pour la naturalisation, le gouvernement s'étant réservé la possibilité de dispenser de ces conditions les individus ayant donné les gages de fidélité à la République. 120.000 personnes furent inscrites sur les listes.
APTITUDE
DU
359
CANDIDAT
collaboration furent dissous ; une véritable mosaïque de textes 1 frappait d'inéligibilité et interdisait parfois la candidature de certaines catégories d'individus : membres du gouvernement de Vichy, du Conseil national, des assemblées locales ; personnes soumises à l'épuration dans la fonction publique ou leur profession ; individus condamnés pour profits illicites ; parlementaires ayant voté les pleins pouvoirs du 10 juillet 1940 2 . Certains des exclus protestèrent sans succès devant la juridiction administrative : Reibel, Pébellier, Mallarmé. Cependant, certains élus, éligibles, furent attaqués lors de la vérification des pouvoirs pour cause de collaboration (2e AC : Frédéric-Dupont ; CR : Chambriard, Sisbane Cher if ), et deux d'entre eux furent même invalidés (l r e AC : Laurens ; A U F : Dupont-Teissier). Ces mesures d'exception restreignaient à la fois la liberté d'expression du corps électoral et le droit d'appréciation de la Chambre ; mais, d'un autre côté, il est indéniable qu'ont ainsi été évitées de pénibles controverses, aussi bien lors des campagnes électorales que lors des débats de vérification. D'autant plus que la Chambre, alors d'idéologie résistante, face à un certain nombre d'élus accusés, à tort ou à raison, de faits de collaboration, aurait sans doute invalidé pour simple cause d'indignité morale, créant ainsi une suite de précédents très fâcheux. Si, comme le rappelait Clemenceau à propos de l'élection Blanqui, la vérification des pouvoirs peut corriger ultérieurement les effets d'une législation créant abusivement des cas d'inéligibilité, un tel moyen de correction est illégal et dangereux, parce que flou. Ces divers cas d'inéligibilité, encore en vigueur lors des élections de 1951 3 furent supprimés par l'art. 19 de la loi d'amnistie du 6 août 1953.
3°) Résurgences
lors de la guerre
d'Algérie.
Le régime électoral établi en 1958 précise que l'enregistrement de la déclaration de candidature émanant de toute personne inéligible devra être refusé par l'autorité compétente ( i n f r a 3 8 5 ) . Il suffit donc d'interdite à cette autorité l'enregistrement de telle catégorie de citoyens, pour les frapper, en fait, d'inéligibilité. Ce procédé a été utilisé par le gouvernement en Algérie, depuis 1958, d'abord à l'encontre des « rebelles », puis des « émeutiers » européens du 24 janvier 1960. 1. Art. 18 de l'Ord. du 21 avril 1944, modifié et complété par l'art. 2 de l'Ord. du 6 avril 1945 (art. 18 bis et 18 ter : création d'un jury d'honneur composé du vice-président du Conseil d'État, du Chancelier de l'Ordre de la Libération et du Président du Conseil National de la Résistance (ou de leurs remplaçants), habilité à relever certaines personnes de leur inéligibilité en raison de leur participation à la lutte contre l'ennemi ou l'usurpateur) ; à nouveau modifié par une ordonnance du 13 septembre 1945 (art. 18 ter : jury d'honneur ; art. 18 quater : interdiction du dépôt de candidature) ; rendu applicable par la loi du 26 avril 1946 aux élections aux assemblées que prévoyait le projet de constitution d'avril 1946 (qui n'eurent pas lieu) et effectivement appliqué par la loi du 8 octobre 1940 aux élections des assemblées prévues par la Constitution de 1946. 2. Ce qui, a-t-on dit, réalisait une atteinte aux principes de la séparation des pouvoirs et de l'irresponsabilité parlementaire. 3. Avis du Conseil d'Etat du 18 mai 1951.
LE SUFFRAGE POLITIQUE EN FRANCE
360
3 4 3 . — a) L'exclusion
des « rebelles
».
Le 9 octobre 1958, le général de Gaulle, président du Conseil, envoyait au général Salan, Délégué général du gouvernement en Algérie, des instructions 1 à l'occasion des élections législatives : seraient seuls « exclus (de la candidature) les individus qui participent à l'action terroriste et tombent de ce fait sous une inculpation pénale » : ce qui revenait, en fait, à frapper, sous le couvert des circonstances, de simples inculpés, et même des individus non encore inculpés, mais susceptibles de l'être ; et cela en se basant non sur la nature ou la catégorie de l'infraction qui aurait pu être commise, mais sur le but recherché par celle-ci : ce qui élargissait la latitude d'interprétation ainsi ménagée aux autorités chargées de recevoir le dépôt des candidatures 2 . D'ailleurs, invoquant la nécessité du maintien de l'ordre public, le secrétaire général pour les Affaires Algériennes, Brouillet, précisa que « les opinions (soutenues) devraient se situer dans le respect des institutions sans que les candidats puissent se réclamer de la rébellion ». 3 4 4 . — b ) L'exclusion
des chefs
des « émeutiers
» du 24 janvier
1960.
Cette exclusion fut décidée afin d'interdire aux « émeutiers d'Alger » du 24 janvier 1960 de se faire « plébisciter » dans les départements algériens : en effet, un décret n° 60-455 du 12 mai 1960, pris à l'occasion des élections cantonales du 29 mai 1960, et visant plus spécialement les chefs de l'insurrection (Pierre Lagaillarde, député d'Alger-ville, O r t i z 3 ) ou leurs « supporters » (Alain de Sérigny...) interdit, dans ces départements, l'enregistrement des déclarations de candidature des personnes inculpées « d'un crime ou délit contre la sûreté de l ' E t a t 4 ou poursuivies du chef de complicité d'un tel crime ou délit ». L'interdiction se répercute même, en cas de scrutin de liste, sur les autres candidats de la liste. Ce décret, pris en vertu d'une loi du 16 mars 1956 accordant au gouvernement « les pouvoirs les plus étendus pour prendre toutes mesures exceptionnelles commandées par les circonstances en vue du rétablissement de l'ordre, de la protection des personnes et des biens, et la sauvegarde du territoire » (art. 5 ) , fut attaqué devant le Conseil d'Etat. Celui-ci 5 , après avoir repoussé l'accusation de détournement de 1. Celles-ci devaient être ultérieurement précisées par les instructions adressées à l'ambassadeur HOFFENOT, président de la Commission centrale de contrôle. 2. Mesure reconduite lors des élections municipales d'avril 1959, et cantonales de mai 1960 par les instructions de Michel DEBRÉ, Premier ministre, à l'encontre des «individus a y a n t effectivement participé à la rébellion ou à l'action terroriste ». 3 . Mais Mme L A G A I L L A R D E fut candidate et élue. 4. Art. 70 et s. nouveaux du C. pénal .V. aussi art. 24 du C. de pr. pén., et chap. I I du titre I du livre I I I de la 3 e partie (décret) du C. pénal. L'ancienne distinction entre atteinte à la sûreté intérieure ou extérieure de l ' E t a t est supprimée, et des peines politiques s'appliquent. 5 . C E L A G A I L L A R D E , 2 7 mai 1 9 6 0 , RPDA, 1 9 6 0 , n° 2 3 6 .
APTITUDE
DU
CANDIDAT
361
pouvoir formulée à l'encontre d'une mesure qui parut à beaucoup comme un moyen facile d'évincer un adversaire politique, a admis, eu égard à la généralité des termes de l'art. 5 de la loi de 1956, que le gouvernement avait le pouvoir d'édicter, par le biais de la déclaration de candidature, un nouveau cas d'inéligibilité. Sans doute, les raisons invoquées par le Conseil d'Etat (outre les arguments de pure procédure) ne manquent point de force : raisons de fait, raisons politiques, constamment utilisées, depuis 150 ans, pour justifier les mesure exceptionnelles aussi bien en matière d'organisation électorale que de vérification des pouvoirs : « Considérant que l'enregistrement dans les départements algériens de la déclaration de candidature ou la proclamation dans ces départements de l'élection d'un candidat ou d'une liste sur laquelle figure un candidat inculpé d'un crime ou délit contre la sûreté de l'Etat, ou poursuivi du chef de complicité d'un tel crime ou délit, pourrait, dans les circonstances où des consultations électorales doivent avoir lieu en Algérie, être de nature à constituer une menace pour l'ordre public... » Il en résulte, selon le Conseil d'Etat, qu'il suffit que le décret soit régulièrement pris en vertu de la procédure indiquée par la loi d'habilitation pour qu'il puisse déroger aux « dispositions légales ou réglementaires en vigueur, ainsi qu'à certains principes du droit ». Cette extension du pouvoir gouvernemental, lors même qu'elle est, au moins implicitement, prévue par la loi d'habilitation, appelle de sérieuses réserves à un double point de vue. Au point de vue juridique, le Conseil d'Etat fait état des dérogations apportées aux dispositions « législatives » ou « réglementaires » , ou à « certains principes généraux du droit » : mais en l'espèce, la dérogation ne vise pas seulement certains principes généraux du droit (d'ailleurs émanés de l'esprit des textes : liberté de candidature : infra 379-381), mais aussi un texte précis : l'art. 9 de la Déclaration des Droits de l'homme de 1789, réaffirmé par les Préambules des Constitutions de 1946 et de 1958 : « Tout homme est présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable » (supra 3 3 ) . Au point de vue politique, on mesure le danger qu'un tel précédent peut créer. Aussi, régulièrement depuis 150 ans, à chaque crise, les mesures discriminatoires reparaissent, et les nécessités politiques — ou les désirs des partis dominants — l'emportent chaque fois sur la tolérance. Et la simple constatation que « la lutte est une loi de l'espèce » est une affirmation, vraie très certainement, mais peut-être un peu trop résignée...
§ II. —
APPLICATION
DE
L'INELIGIBILITE.
A quel moment l'inéligibilité est-elle réputée exister ? L'application de l'inéligibilité est-elle automatique ? Telles sont les deux questions qui se posent.
LE SUFFRAGE POLITIQUE EN FRANCE
362
345. —
A. —
EXISTENCE DE L'INÉLIGIBILITÉ.
L'inéligibilié n'existe que lorsque la décision juridictionnelle 1 est devenue définitive : les poursuites simplement engagées ne sauraient faire obstacle à la validation 2 ; si l'inéligibilité survient ensuite, ce sera une question de déchéance que les chambres, actuellement le Conseil constitutionnel 3 , devront résoudre. Parfois, cependant, la Chambre ajournait sa décision lorsque des poursuites susceptibles d'entraîner l'inéligibilité étaient en cours 4 , sauf si le verdict tardait trop : la validation était alors adoptée 5 . Au contraire, si la condamnation avait acquis un caractère définitif après l'élection, mais avant la vérification, la Chambre invalidait 6 . Le Conseil constitutionnel pourrait, à la rigueur, s'il était saisi d'une contestation électorale, adopter la même jurisprudence, si l'on admet que la « révélation » de l'éligibilité consiste, non en son existence définitive, mais en sa possibilité, lorsqu'une instance pendante a été signalée au Conseil : ce qui lui éviterait la validation d'un élu dont l'inéligibilité serait, parfois, presque certaine, et le danger qui en résulterait si aucune des autorités chargées de requérir la déchéance ne le faisait. E n ce dernier cas, le Conseil n'a aucun pouvoir d'appréciation : si la condamnation entraînant 1. La décision doit en principe émaner d'un tribunal français. Cependant, l'art. L. 5,5° du C. élec. dispose que la faillite prononcée par jugement étranger, exécutoire en France, interdit l'inscription sur les listes électorales. A contrario, il faut déduire que les condamnation prononcées contre un Français à l'étranger n'entraînent pas la privation de l'électorat ou de l'éligibilité (Cass. 14 avril 1868) : il serait inopportun, en effet, de permettre à des jugements étrangers de réagir sur l'attribution des droits civiques. Mais les jugements français de condamnation ou de déclaration de faillite prononcés à l'encontre d'étrangers les frappent de la privation des droits civiques, s'ils deviennent français (par ex. par annexion du territoire dont ils possèdent la nationalité : Cass. 1 e r décembre 1874). Enfin, ona parfois admis que les condamnations étrangères prononcées à l'encontre d'étrangers entraînent, s'ils deviennent français, la privation des droits civiques, si les infractions commises entraînent cette privation selon le droit français. 2. El. R I C K L I N et él. R O S S É , CD 18 juin 1928; él. P A N T A L O N I , AN rap. 21 janvier 1947, déb. 30 janvier 1947 ; la Chambre se prononçait sur le réquisitoire tendant à obtenir l'autorisation de continuer les poursuites (él. R A S P A I L , AL 6 septembre 1849). Cette autorisation devrait encore actuellement être demandée, non au Conseil constitutionnel, mais à la Chambre (art. 26 de la Const. de 1958, relatif à l'immunité parlementaire ; art. 80 du R. AN). Parfois l'élu démissionnait aussitôt après sa validation : él. V E R N I E R S , CD 17 décembre 1919 : V E R N I E R S était en instance de traduction devant un Conseil de guerre. 3. Art. L . 0 . 1 3 6 du C. élec. : la déchéance est constatée par le Conseil constitutionnel à la requête du bureau de la Chambre, du Garde des sceaux ou du ministère public près la juridiction qui a prononcé la condamnation, à l'encontre de l'élu dont « l'inéligibilité se révélera après la proclamation de l'élection et l'expiration du délai pendant lequel elle peut être contestée ». 4 . El. P A N T A L O N I , 2 E A C , 8 août 1 9 4 6 : nomination d'une commission d'enquête, afin d'attendre le verdict de la juridiction compétente. 5. El. P A N T A L O N I , AN rap. 21 janvier 1947, déb. 30 janvier 1947. 6. El. M É N É T R I E R , CD rap. 23 novembre 1928, déb. 29 décembre 1928 : condamné en appel, mais s'étant pourvu en cassation (effet suspensif en matière pénale) M É N É T R I E R était donc éligible au jour de l'élection (22-29 avril 1928) ; l'arrêt de cassation rendant l'inéligibilité définitive intervint avant la séance de rentrée de la Chambre. En dépit des efforts de F R O T et B E R T H O N , selon lesquels la validation (suivie de déchéance) s'imposait, car l'éligibilité doit s'apprécier au jour de l'élection, la Chambre suivit son rapporteur (qui invoquait la jurisprudence relative à l'âge : appréciation au jour de la vérification : supra 314), et prononça l'invalidation.
APTITUDE
DU
363
CANDIDAT
l'inéligibilité est définitive, il ne peut que constater la déchéance 1 . (Sur la procédure de déchéance : infra 3 7 7 , n ) .
B. —
A P P R É C I A T I O N DE L ' I N É L I G I B I L I T É .
En principe, la jurisprudence respecte strictement la légalité ; parfois, cependant, elle a apprécié les circonstances de fait susceptibles d'entraîner l'inéligibilité.
1°) Le principe : la simple constatation de l'existence de la décision de condamnation définitive entraîne Fapplication de Vinêligibilité. 3 4 6 . — a) L'invalidation
est
automatique.
La simple constatation de l'existence de l'inéligibilité entraîne automatiquement l'invalidation : él. Blanqui en 1879 ; él. Dillon en 1889 (comme en matière de déchéance 2 ) : 6 invalidations en tout furent prononcées de ce chef (une faillite, 4 condamnations pénales — dont 2 pour crime ou délit d'ordre politique —, une inégibilité édictée directement par une loi d'exception). L'existence de la décision entraînant l'inéligibilité est démontrée par la production d'un extrait de casier judiciaire 3 . Lorsque l'éligibilité n'est pas contestée, l'absence de condamnation peut se prouver par la notoriété publique 4 . E n cas de doute sur l'existence des condamnations prononcées et leur application à l'élu, l'organe vérificateur demande au Garde des sceaux de faire procéder à une instruction par l'autorité judiciaire 5 . Inversement, s'appliquent automatiquement les cas légaux de cessation de l'inéligibilité : levée d'inéligibilité par le jury d'honneur 6 ; réhabilitation judiciaire 7 ou légale (art. 782 à 799 du C. de proc. pén.) ; 1 . Déchéance P O U V A N A A T E T U A A P A , dit O O P A , député de la Polynésie, C C 1 2 mai 1960,Rec. ; déchéance L A G A I L L A R D E , CC 1 8 juillet 1 9 6 1 , H E C . 6 3 ; déchéance L E N O R M A N D , CC 1 7 mars 1 9 6 4 , JO 2 6 mars 1 9 6 4 , p. 2 7 4 5 . 2. Lorsque la constatation de la déchéance était effectuée par les chambres, son caractère automatique fut parfois contesté au nom du principe de la séparation des pouvoirs (CD 4 mai 1901). 3. El. VERGÉS, AN rap. 19 et 20 janvier 1956. L'art. 3,2° du R. AN (IV e République), adopté lors de l'affaire T A C N E T - D U C R E U X , rendit obligatoire la production d'un extraitdu casier judiciaire et d'un acte de naissance dans les dossiers de vérification des pouvoirs: Jacques DUCREIJX, député radical des Vosges, conseiller général et maire de Wissembourg, se tuait en auto en 1952 : l'enquête découvrait qu'il s'agissait de J a c q u e s TACNET, déserteur et ancien agent d'une organisation de propagande nazie. L a légèreté avec laquelle il était procédé à la vérification des pouvoirs souleva une émotion considérable. L'art. L.O. 179 du C. élec. reconduit cette disposition. 4. El. P L E V E N , Jules M O C H , B U R O N , B R U Y N E E I . , etc..., AN 1956. 5. El. de la 4 e circ. d'Algérie, CC 5 mai 1959, Rec. 224. 6. El. Chérif SISBANE, CR 12 décembre 1948. 43
7. E l . TIROLIEN, A N 27 j u i l l e t 1 9 5 1 .
364
LE SUFFRAGE POLITIQUE
EN
FRANCE
amnistie 1 (textes) 2. Mais la Chambre a validé à tort un condamné ayant fait l'objet d'une mesure de grâce 3. 347. — b) L'inégalité demeure personnelle par personnes interposées,
: validité des
candidatures
La condamnation prononcée contre un individu ne réagit pas sur ses proches ou ses affidés : l'élection de ceux-ci devrait donc être validée (infra 3 8 6 ) .
2°) L'exception : Fappréciation9 par Forgone vérificateur, des circonstances de fait susceptibles d'entraîner FinéUgibilité. Deux cas peuvent se présenter : validation d'inéligibles, ou invalidation d'éligibles. 348. — a) Validation dPinéligibles. Les chambres ont, certes, validé quelques inéligibles. Parfois la question de l'éligibilité n'avait pas été soulevée à dessein, ou par ignorance 4 — ce qui d'ailleurs, eu égard au fait que, avant 1958, 1. El. Mohammed K H I D E R , AN rap. 5 décembre 1946. L'application de la loi d'amnistie était d'ailleurs douteuse, car elle visait les événements survenus en Algérie du 1 e r au 8 mai 1945 (révolte de Sétif) ; or la condamnation avait été prononcée par le tribunal militaire permanent d'Alger en 1941. Mais la Chambre estima, sans rechercher au fond si l'aministie s'appliquait, que la condamnation émanant d'une instance frappée de nullité (puisque ayant jugé au nom du gouvernemens de Vichy) devait être inopérante. V. aussi él. T I R O L I E N , précitée. Les juridictions judiciaires interprètent restrictivement les lois d'amnistie (Crim. 7 mars 1958, JCP 1958. II. 10613). 2. Il est de tradition que l'amnistie efface aussi les peines accessoires et complémentaires. Principaux textes portant amnistie : loi du 6 août 1953 ; ord. n° 59-199 du 31 janvier 1959 ; loi n° 59-940 du 31 juillet 1959 (v. art. 17), rectification au JO du 15 septembre 1959, p. 9010 et circulaire interprétative du Garde des sceaux du 15 septembre 1959 (JCP 1959. III. 24990 bis); le décret n° 60-523 du 1 e r juin 1960 étend à l'Algérie l'ordonnance du 31 janvier 1959 et la loi du 31 juillet 1959 ; décret du 22 mars 1962 et cinq ordonnances du 14 avril 1962 : sur le domaine d'application de ces derniers textes : v. Jean M I C H A U D , JCP 1962. I. 1690; Juge d'instruction de Versailles, Ordonnance du 30 avril 1962, JCP 1962. II. 12631 ; Crim. 10 mai 1962, D O V E C A R et P I E G T S , JCP 1962. I I . 12736, note Jean M I C H A U D ; Rennes (Chambre des mises en accusation), 4 juillet 1962, JCP 1962. II. 12817, note Jean M I C H A U D ; Crim. 27 juin 1963. Loi du 23 décembre 1964. 3 . El. D E D O U V I L L E - M A I L L E F E U , CD 6 avril 1 8 7 6 : condamné à 2 ans de prison pour avoir giflé un sous-préfet, et gracié par T H I E R S . Or, la grâce dispense de l'exécution de la peine principale, non des peines accessoires : elle ne fait pas disparaître la condamnation (Crim. 8 novembre 1960, D 1 9 6 1 . 3 9 ) . G A M B E T T A persuada une majorité favorable que, «en matière politique,S la grâce doit également dispenser de celles-ci... 4. Un condamné pour faits politiques, notoirement inéligible, est présenté et élu : lors même que sa validation n'est pas acceptée, le gouvernement sera moralement forcé d'amnistier un homme désigné par le suffrage universel : B L A N Q U I en 1 8 7 9 ; André M A R T Y en 1 9 1 9 (élections au Conseil municipal de Paris) ; R O C H E F O R T en 1 8 6 9 ; L A F A R G U E (gendre et traducteur de M A R X ) , condamné pour l'incident sanglant de Fourmy, en 1 8 9 1 ; G É R A U L T - R I C H A R D , condamné pour injures envers le chef de l'Etat (au cours de la campagne qui amena C A S I M I R - P É R I E R à quitter la présidence de la République), en 1895. Ces trois derniers furent même validés, ce qui entraîna la dispense de l'accomplissement de la peine. Parfois, le gouvernement suspend l'exécution delà peine afin que le condamné puisse effectuer sa campagne électorale (candidature R O C H E , non élu, condamné après les incidents de Decazeville en 1 8 8 6 ) . B O U L A N G E R et D i L L O N n e bénéficièrent pasdecette tolérance.
APTITUDE
DU
CANDIDAT
365
toutes les élections étaient vérifiées, ne constituait pas une justification. Elles ont parfois distingué entre les inéligibilités, selon qu'elles résultaient d'une condamnation intervenue en matière politique, ou en matière de droit commun. Dans le premier cas, une tendance libérale — d'ailleurs parallèle à l'évolution du droit pénal •— s'était formée, refusant d'appliquer au condamné politique la peine accessoire de l'inéligibilité. Tendance très floue, vu la difficulté de définir d'une façon précise l'infraction de nature politique. Aussi les décisions des chambres en la matière sont des cas d'espèce, dont il serait hasardeux de vouloir tirer une règle sûre. Ce n'est donc que très rarement que la Chambre a validé un inéligible en toute connaissance de cause 1 ; cette hypothèse s'est réalisée deux fois dans la chambre du Front populaire, au profit d'élus communistes 2 : les arguments avancés en faveur de la validation furent d'ordre juridique et pratique. Arguments juridiques assez faibles : liberté pour la Chambre de qualifier le fait reconnu délictueux par le tribunal répressif ; la Chambre se comporterait comme un nouveau degré de juridiction, qui n'aurait pas à respecter l'autorité •— pourtant absolue — de la chose jugée au criminel. Caractère soi-disant non automatique des inéligibilités ; les textes qui les édictent 3 ne décidant jamais que l'invalidation sera prononcée de plein droit : mais si la sanction de l'inéligibilité n'est plus qu'une possibilité d'invalider, en fonction des circonstances, la barrière qu'elle représente sera vite renversée. Aussi sont-ce surtout les arguments juridico-politiques qui déterminèrent la majorité du Front populaire : d'abord l'argument classique (invoqué lors des élections des Bonaparte en 1848, des Orléans en 1871, de Blanqui en 1879, de Boulanger en 1889), du respect dû aux décisions du suffrage universel : l'élu était en constante progression au cours des élections successives (municipales, cantonales, législatives), et aurait sans doute été réélu 4. Et les circonstances assez déplaisantes dans lesquelles était intervenue la condamnation, qui motivèrent les protestations communistes contre cette « justice de classe » 5. Le Conseil constitutionnel appliquera sans doute rigoureusement les inéligibilités. Les rares fois où les chambres n'ont pas agi de même, des considérations d'opportunité, que le Conseil pourra moins facilement prendre en considération, les avaient déterminées. 1. El. FAUCHER (Calvados) à l'Assemblée législative de 1791. El. de DOUVILLE-MAILLEFEU, CD 6 avril 1876, supra 346 il. 2. El. VALAT, CD rap. 21 janvier 1937, déb. 18 février 1937; él. GUYOT, CD 25 janvier 1938 : dans cette élection partielle le rapporteur se borna à dire que, eu égard à la décision prise par le suffrage universel, l'inéligibilité n'avait pas à être appréciée. 3. Alors le DO de 1852. 4. L a simple inéligibilité ne constituait pas alors un motif de refus d'enregistrement de la déclaration de candidature. 5. Maire d'Alès, VALAT avait été traduit en Cour d'assises pour détournement d'essence des services municipaux ; en fait, il remplissait le réservoir de son automobile avec l'essence municipale (ce qui était normal lorsqu'il exerçait ses fonctions de maire), mais "l'utilisait également lorsqu'il se servait de sa voiture pour son usage personnel ou la propagande de son parti. Aussi le jury, estimant qu'il ne pouvait vidanger son réservoir chaque fois qu'il changeait d'activités, avec la même facilité que Maître Jacques modifiait sa tenue, l'acquitta. VALAT fut alors renvoyé pour des faits connexes devant le tribunal correctionnel quile condamna. Ce renvoi pour faits connexes, qui auraient pu être dès l'abord déférés à la Cour d'assises, f u t critiqué par la gauche.
366
LE
b)
Invalidation
SUFFRAGE
POLITIQUE
EN
FRANCE
DE RAINNEVILLE (Loire, Roanne), CD 26 août 1846), une profession de foi (él. DURIEU, A L 23 mai 1851) ; él. CARRÉ DE KÉRISOUET (Côtes-du-Nord 5 E ) CL 10 décembre 1869. 4. El. GAMBETTA, « l'esclave de Belleville » (programme démocratique-radical) selon le mot de Paul DE CASSAGNAC, CL 1869 ; él. Victor H u c o , AN 1871 (HUGO avait souscrit un « mandat contractuel ») ; él. des Bouches-du-Rhône, du 7 janvier 1872. 5. Rapporteur de la première Commission des Trente, BATBIE avait déclaré : « Ce n'est pas une interdiction (la nullité du mandat impératif) purement morale et dépourvue de sanction, car la Chambre annulerait l'élection en cas d'infraction grave. C'est ce qui arriverait si le candidat avait signé un programme imposé, et surtout si les commettants avaient obtenu du candidat la promesse qu'il donnerait sa démission de député à leur première réquisition... Notre intention a été de laisser & la Chambre, qui vérifiera les pouvoirs, le soin d'apprécier si la gravité de l'infraction mérite l'annulation ». Mais la seconde Commission des Trente, qui rédigea le texte définitif de l'art. 13, repoussa l'invalidation en t a n t que sanction (observations DELORME, AN 10 novembre 1875).
RELATIONS ENTRE ELECTEURS ET ELUS
387
électeurs mais de lui permettre de leur désobéir \ quelle que soit la façon dont le mandat impératif a été souscrit (démission en blanc, promesse de démission orale ou écrite).
370. — Existence de fait. En pratique, signés ou non, les engagements pris par le député conservent une force, non juridique, mais morale, très grande ; et ils se multiplient : envers les comités électoraux sous la III e République 2 , envers les groupes de pression 3, envers les partis 4 de nos jours. Certaines conceptions du mandat présidentiel se fondent sur la conclusion d'un « contrat » (envisagé plus en tant qu'objectifs à atteindre qu'en tant que programme délimité) entre le chef de l'état et l'électorat (supra, 20, 3 0 ) . En pratique, aucune élection n'est plus contestée depuis longtemps pour cause de mandat impératif 6 . Au surplus, par le biais de la discipline de vote des groupes parlementaires 6, dont le non-respect peut être sanctionné par l'exclusion du parti (exclusion 7 que ne craindront pas les seules personnalités 1. El. B K I A L O U (Lyon 2 e ), CD 21 novembre 1893. 2. A.
ESMEIN
CD
13 février 1883 ; ¿1.
CLUSERKT, C D
4 février 1889 ; él.
AVEZ,
parlait d'un mandat « semi-impératif ».
3. Les engagements pris demeurent en général cachés [supra, 226) : ils sont parfois signés et publiés : engagement de défendre les PME en 1951 ; le Mouvement européen en 1956 ; l'école libre en 1951 et 1956. 4. Engagement d'honneur, écrit, de démissionner si l'élu socialiste quitte son parti (art. 16 des Statuts de la SFIO de 1905) ; 11 e des 21 conditions posées en 1920 par la I I I e Internationale pour admettre le Parti socialiste français, et qui conduisit à son éclatement et à la création du Parti communiste : « Soumettre les parlementaires non en parole, mais en fait, au Comité central du parti, exiger de tout député communiste la subordination de toute son activité aux intérêts véritables de la propagande révolutionnaire et de l'agitation s. Déclaration sur l'honneur signée par les candidats R P F en 1951. Engagement par lequel les élus Poujadiste9 acceptaient de subir « les châtiments réservés aux traîtres sur leur personne physique et morale », s'ils s'écartaient de la ligne fixée par le centre directeur national, en 1956 : DEMARQUET, élu poujadiste, faisait remarquer (AN 3 février 1956) que ce serment n'entravait pas la liberté du parlementaire, mais l'obligeait à démissionner en cas do désaccord — sans préciser s'il s'agissait d'une démission du parti ou de l'assemblée ; le mandat impératif poujadiste s'analysait en une double construction : d'abord, les électeurs, groupés par professions et intérêts, déléguaient à Pierre P O U J A D E leurs pouvoirs, qu'il délègue à son tour aux parlementaires de l'UDCA, sous le contrôle de comités de surveillance. Engagements pris par les élus Communistes (d'ailleurs partisans du mandat impératif) envers leur parti. P. L A G A I L L A R D E , député d'Alger-ville, en 1958, faisait serment de démissionner 7 mois après son élection si « l'intégration » de l'Algérie n'était pas réalisée (serment non suivi d'effet, l'élu ayant déclaré conserver son mandat comme une arme plus efficace). Serment écrit du député UNR en 1958, et en 1962, par lequel il s'engage à la discipline de vote et à la fidélité. 5. Cependant, des propositions tendant à frapper de nullité l'élection où un mandat impératif a été souscrit, sont déposées de temps à autre : proposition G R U E T , L Y A U T E Y , M È G E , CD 20 février 1934 ; proposition BARDOUX, AN 28 janvier 1947, Doc. n° 394. 6. Tous les partis se préoccupent de la discipline de vote : son irrespect ayant été l'une des causes de l'échec du R P F en 1951, le serment du député UNR la rappelle expressément. La Fédération Radicale de la Seine adoptait le 27 février 1957 la motion suivante : « Si le congrès (du parti) n'a pas qualité pour retirer à ses élus le mandat qu'ils tiennent du corps électoral, l'adhésion au parti et l'investiture donnée par les militants comportent l'obligation formelle de respecter le programme politique et les engagements électoraux », d'où la nécessité de renforcer la discipline de vote. 7. Exclusion qui entraînera un refus d'investiture.
LE SUFFRAGE POLITIQUE EN FRANCE
388
importantes J ) , est réintroduit, en fait, le mandat impératif, que toute une partie de la gauche réclame expressément 2 . Car, en dépit de l'art. 27, le Parlement n'est plus un creuset où des hommes indépendants progressent ensemble vers la vérité, mais le lieu où s'affrontent arithmétiquement les divers intérêts et idéologies qui coexistent, juxtaposés, mais non confondus, dans la volonté nationale. E n ce sens, la discipline de vote établit une sorte de « séparation des pouvoirs » entre les diverses forces antagonistes.
B. —
L A RÉÉLECTION DU PARLEMENTAIRE.
La réélection du parlementaire doit être examinée à deux points de vue : à la fin du mandat, en cours de mandat.
3 7 1 . — 1°) L'éligibilité
du- parlementaire
en fin de
mandat.
Dans le but d'écarter les surenchères électorales en fin de législature, et afin d'assurer une « circulation » démocratique des élites et d'éviter une coupure entre la profession parlementaire et la nation, les parlementaires ayant terminé leur mandat ont parfois été frappés d'inéligibilité 3 . Cette mesure fut préconisée en 1958 4 , mais n'a pas été adoptée, car elle prive les assemblées de l'expérience des sortants 5
1. Eclatement du parti Radical et Radical-socialiste en 1956 ; de la SFIO en 1958 ; exclusion FAURE, BASTID du p a r t i R a d i c a l , MOCH d e l a S F I O . . .
2. Le corollaire du mandat impératif est la possibilité, pour les électeurs, de révoquer l'élu. Notre droit public l'a, jusqu'à présent, toujours refusée. En pratique, bien des influences se font jour : de nombreuses démissions ont été exigées par les comités électoraux, par le parti (él. AURIN, élu communiste, en 1928). Une démission est parfois due à un trafic d'influence (en 1957, M. BLOCHDABSAULT, candidat battu aux élections législatives de 1956, provoque la démission d'un sénateur de l'Oise, et se fait élire à sa place (CR 16 mai 1957). A la Libération, on proposa à la l r e Assemblée Constituante (11 décembre 1945) que le pouvoir de révoquer les élus soit confié, non au corps électoral, mais à leurs partis : système inspiré moins par notre tradition jacobine, que par certains exemples d'Europe centrale, après 1919 [cf. loi tchécoslovaque de 1920 : la démission ou l'exclusion du parti entraînait la prononciation de la déchéance du mandat par le Tribunal électoral). Le» démocraties populaires ont organisé la révocation de l'élu. 3. Fort généreusement, l'Assemblée constituante de 1789 décida qu'aucun de ses membres ne siégerait à l'Assemblée législative. Les Constitutions de 1791, (art. 6, sect. III, chap. I, titre III) et de l'an I I I (art. 54 et 55) permettaient aux députés de n'être élus qu'à deux législatures successives : un intervalle était ensuite nécessaire. Système voisin pour la Const. de l'an V I I I (art. 32). La Const. de 1848 (art. 33) admettait la réélection immédiate. 4. PIETTRE (André), « L'article premier de la Constitution : la non réélection » in Le Monde 27-28 juillet 1958. 5. V. en particulier l'art. 3 de l'Ord. n° 58-1255 du 19 décembre 1958 : le mandat de délégué au Sénat de la Communauté est renouvelable.
RELATIONS
2°)
389
ENTRE ELECTEURS ET ELUS
L'inéligibilité
du
parlementaire
en cours
3 7 2 . — a) L'élection du parlementaire en exercice le rmn-cumul des mandats parlementaires.
de
mandat.
à Vautre chambre
:
Si le cumul « vertical » des mandats, expression normale du cursus honorum, n'a jamais été interdit, il n'en va pas de même du cumul « horizontal » : un même individu ne peut faire partie, à la fois, de deux ou plusieurs assemblées similaires 1 . Mais il a toujours été admis que le membre d'une chambre pouvait briguer un siège à l'autre chambre en cours de mandat. Et depuis les précédents de Walewski en 1866 2 et Thiers en 1876 3 , les exemples en sont innombrables. Le nouvel élu était validé, avant même de s'être démis du mandat qu'il exerçait précédemment. Un incident donna naissance à la loi du 12 juillet 1927 4 , édictant le principe du non-cumul entre les mandats parlementaires, et l'obligation d'opter dans le mois suivant la validation : il suffisait donc que la validation soit retardée pour que la loi soit tournée. Aussi, les art. L.O. 137 et L.O. 297 du C. élec. décident que tout député élu sénateur, ou inversement, « cesse, de ce fait même, d'appartenir à la première assemblée » ; en cas de contestation, c'est la validation qui produit cet effet automatique 8 . De même, les art. L.O. 138 et L.O. 297 du C. élec. décident que tout remplaçant élu membre titulaire d'une chambre perd aussitôt cette qualité. Au contraire, les délégués au Sénat de la Communauté étaient élus, en leur sein, par les assemblées législatives (art. 83 de la Const. de 1958). Mais le Sénat de la Communauté n'était pas une véritable assemblée parlementaire.
1. D E B E Y R E (Guy), < Le cumul des mandata », Revue internationale des doctrines et des institutions, 1938, p. 444. 2 . El. W A L E W S K I (Landes 2 e ), CL janvier 1866 : sénateur, W A L E W S K I se fit élire au Corps législatif : la question était assez délicate à trancher, car les sénateurs étaient alors nommés par l'Empereur. 3. T H I E R S fut élu sénateur du Haut-Rhin le 20 janvier, député de la Seine le 20 février 1876. 4. En 1927, lors du débat sur la réforme électorale (retour au scrutin uninominal), neuf députés furent élus sénateurs et validés. Mais ils continuèrent à voter à la Chambre, ce qui risquait d'y incliner la majorité ; en effet, l'usage du bureau de la Chambre était de n'interdire le vote aux députés élus sénateurs que lorsque ceux-ci avaient envoyé leur démission, ou participé à un scrutin au Sénat (mais la participation à un scrutin du Sénat n'entraînait pas la démission d'office : cas M I L L I O N , CD 12 janvier 1900), ce dont ils s'étaient bien gardés. Devant les protestations, le Parlement adopta la loi du 12 juillet 1927 (reprise par le titre II de la loi du 6 janvier 1950 : art. 162, 383 et 458 du C. élec. abrogés) fixant un délai d'option d'un mois à compter de la validation ; à défaut d'option dans ce délai, le parlementaire était censé s'être démis de son premier mandat. 5. Lorsqu'il n'y a pas de contestation, l'élu ne peut plus prendre part aux travaux de la chambre dont il faisait partie dés la communication du résultat à celle-ci ; mais la vacance du siège n'est proclamée qu'à l'expiration des délais de contestation.
LE SUFFRAGE POLITIQUE EN FRANCE
390
373. — b) chambre.
L'élection
du
parlementaire
en
exercice
à la
même
Un député membre «l'une chambre peut-il se présenter avant la fin de son mandat dans une autre circonscription ? Le cas se présenta en 1820 1 : en dépit du rapporteur La Bourdonnaye rappelant que les causes d'inéligibilité étaient limitativement énumérées, la Chambre invalida, car elle estima qu'une « sorte de contrat » se formait entre l'élu et ses électeurs, qu'aucune des deux parties n'avait la faculté de rompre. Cette solution, qui concordait avec la conception du mandat alors dominante (le député n'est pas le représentant de la nation entière, mais le « représentant du département », et un organe prévu par la Charte pour collaborer à la confection des lois), était cependant critiquable, car elle aurait entraîné, à la limite, l'interdiction pour le député de donner sa démission, sauf en cas de force majeure. Aussi, dès la renaissance du principe de souveraineté nationale, la Chambre modifia sa jurisprudence, et valida 2 . Il semble que, par analogie, les art. L.O. 137 et L.O. 297 devraient s'appliquer, afin qu'un retard de démission ne lèse pas le droit qu'ont les électeurs de la circonscription abandonnée d'être représentés. (Sur l'impossibilité pour un parlementaire ou un remplaçant de se présenter comme remplaçant : supra. 367). Sous-§ II. — L'INDEPENDANCE DE L'ELU A L'ENCONTRE DU GOUVERNEMENT ET DES PUISSANCES ECONOMIQUES : LES INCOMPATIBILITES. 3 7 4 . — Fondement
et cas
d'incompatibilité.
Toute collusion entre l'élu et le gouvernement doit être évitée. Les Monarchies parlementaires permettaient à de nombreux fonctionnaires d'être élus, et au gouvernement d'avoir une majorité docile 3. Un argument cependant militait en faveur de l'admission des fonctionnaires à la Chambre : le cens d'éligibilité restreignait fort le nombre des éligibles, et le partage égalitaire des successions risquait de le réduire encore. Aussi, dès la suppression du cens d'éligibilité, les cas d'inéligibilité de fonctionnaires furent accrus. De plus, on évitera, pour les fonctionnaires encore éligibles, toute tentation de s'inféoder 1. M. de S A I N T - C B I C Q , député de Seine-et-Marne, se présenta dans les Basses-Pyrénées, et fut élu, CD 22 décembre 1820. 2. El. L A R R A B U R E , C L 29 janvier 1866 ; él. M E S S I M Y , CD 5 et 7 mars 1912. 3. Casimir PÉRIER, dans l'opposition, observait en 1823 : « Avec des fonctionnaires, le ministre fait des électeurs ; avec des électeurs et des fonctionnaires, il fait des députés ; avec des députés en grande partie fonctionnaires, il fait des lois ; avec des lois ainsi faites, et à l'aide de distinction de mots sur les articles de notre pacte fondamental, il renverse ce pacte de fond en comble ». Les fonctionnaires candidats essayaient de se défendre en distinguant les fonctionnaires amovibles, soumis au bon plaisir du gouvernement, des inamovibles, qui affirmaient leur « indépendance ».
RELATIONS ENTRE ELECTEURS ET ELUS
391
— ou de faire pression — sur le gouvernement, en édictant le principe de l'incompatibilité de l'exercice d'un mandat parlementaire avec les {onctions publiques rétribuées (art. 28 de la Const. de 1848, art. 85 et s. de la loi du 15 mars 1849). Les textes actuels édictent (application du principe de la séparation des pouvoirs) l'incompatibilité entre un mandat parlementaire et les fonctions publiques non électives 1 (sauf exceptions : art. L.O. 142 à L.O. 144, et L.O. 297 du C. élec.) ; l'appartenance à un autre organe constitutionnel ; fonctions de membres du Conseil économique et social ; fonctions de membre d'un Conseil de gouvernement d'un Territoire d'Outre-mer (art. L.O. 139 et L.O. 297 du C. élec.) ; fonctions de membre du gouvernement 2 (art. 23 de la Const. de 1958, et Ord. n° 58-1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l'application de l'art. 23 de la Const. : art. L.O. 153 du C. élec.) ; fonctions de membre du Conseil constitutionnel (art. 57 de la Const. et art. 4 de l'Ord. n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : art. L.O. 152 du C. élec.). Le mandat parlementaire est également incompatible avec certaines professions privées, les fonctions de présidence ou de direction dans les entreprises ou sociétés nationalisées, aidées par les finances publiques, ou faisant appel à l'épargne publique (sauf exceptions) : art. L.O. 145 à L.O. 150, et L.O. 297 du C. élec. : infra 5 4 3 . 3 7 5 . — Sanctions de F incompatibilité. L'incompatibilité n'entraîne pas l'inéligibilité (art. L.O. 151 in fine et L.O. 297 du C. élec.) : en cas de contestation relative à une incompatibilité, l'organe vérificateur doit valider l'élection, si elle n'est pas attaquée pour un autre motif 3 . Mais, dans les quinze 1. Par exemple : membre du Conseil d'Etat, art. 3 du décret n° 63-767 du 30 juillet 1963. 2. Disposition déjà très critiquée (en vain) par MIRABEAU (AN 7 novembre 1789), qui y voyait une injuste exclusion, elle lut édictée (selon des modalités diverses) par la Constitution de 1791 (art. 36 et 93), le projet girondin de l'an III, la Constitution montagnarde de l'an I I I (art. 47 et 136), le projet de constitution du 29 juin 1815 (art. 69). Destinée à l'origine à assurer l'indépendance de l'assemblée envers le roi et ses agents et justifiée sur le plan logique par l'application du principe de la séparation des pouvoirs, elle tend en pratique à combattre la « parlementarisation » du régime : aussi fut-elle relancée par TARDIEU, soutenue par les droites sous la III E République. Mais elle tend également à restituer à l'exécutif sa solidité en freinant la « course aux portefeuilles » : elle devint donc une idée gaulliste (René CAPITANT, Léon NOËL) sous la IV E République. La conjonction de ces deux influences entraîna son insertion dans la Constitution de 1958. Le Comité consultatif constitutionnel préconisa simplement la « mise en congé » par l'Assemblée intéressée du parlementaire accédant aux fonctions gouvernementales, pour éviter que la crainte de perdre son siège n'éloigne du ministère les principaux leaders — ce qui entraînerait, en cas de chute du gouvernement ou de sortie personnelle du ministère, leur éviction de la vie politique ; d'où l'appel à de hauts fonctionnaires, avec comme conséquence la politisation de la haute administration. Mais le général DE GAULLE, appuyé, il faut le reconnaître, par une très large portion de l'opinion publique, maintint l'incompatibilité. 3. El. DE L'ESPÉE (Meurthe, Lunéville) CD 11 avril 1839 ; él. PAYER (Ardennes), AL 9 juin 1849 ; él. DASSAULT (AN, Oisel"), CCP 6 janvier 1959, Rec. 132: sans doute, la Commission constitutionnelle provisoire se déclara incompétente au motif que l'art. 57 de l'Ord. du 7 novembre 1958 (et l'art. 91 de la Const.) ne lui accordait qu'une compétence d'attribution en matière de validation, et non toutes les compétences du Conseil constitutionnel. Mais elle a pris soin de rappeler les condition* particulières de saisine du Conseil en la matière, qui enlèvent à celui-ci la possibilité de décider de l'incompatibilité à l'occasion d'une contestation électorale. V. aussi él. de la 22 e circ. du Nord, (AN) CCP 23 décembre 1958, Rec. 89.
LE SUFFRAGE
392
POLITIQUE
EN
FRANCE
jours S soit de la proclamation, soit de la décision du Conseil s'il y a eu contestation, l'élu doit ou démissionner de son mandat parlementaire, ou se démettre de ses fonctions 2 . Sinon la Chambre (ancien art. 160 du C. élec.), le Conseil constitutionnel actuellement (art. L.O. 151 et art. L.O. 297 du C. élec.) 3 prononcerait la démission d'office 4. Mais ce dernier ne peut être saisi que par requête du bureau de la Chambre, du Garde des sceaux ou du parlementaire lui-même, et non par requête de contestation électorale formulée par un particulier. Aussi, hors le cas où l'incompatibilité est notoire, elle n'est pas dénoncée... CONCLUSION : L E S RÈGLES DE LA DÉTERMINATION DE L ' I N É L I G I B I L I T É .
Il faut, pour terminer, examiner comment l'inégilibilité est déterminée : à quel moment son existence est exigée ; l'effet d'une modification intervenant dans le régime des inéligibilités ; en quelles personnes elle est sanctionnée.
376.
—
A.
—
DATE
D'APPRÉCIATION
DE
L'ÉLIGIBILITÉ.
Les chambres ne respectaient pas une jurisprudence fixe, mais s'inspiraient des circonstances de fait : lorsque l'intéressé était digne d'être pris en considération (membres des familles ayant régné sur la France, individus non encore complètement libérés des obligations militaires), l'inéligibilité était appréciée au jour de la validation de l'élection ; et celle-ci était parfois ajournée pour que l'éligibilité apparaisse. En matière d'âge surtout, la jurisprudence a été très fluctuante : jours de l'élection, de la validation, de l'entrée en séance ont été successivement retenus : celui-ci semble pouvoir être adopté comme dénominateur commun. Au contraire, lorsque l'inéligibilité résultait d'une condamnation ou de la constatation de la faillite, les chambres appréciaient au jour de l'élection lorsque l'inéligibilité était certaine à cette date (refus d'ajournement qui aurait permis d'atteindre la réhabili1. Le parlementaire nommé à une fonction ministérielle demeure membre du Parlement un mois après sa nomination (mais il ne peut prendre part aux scrutins). Il garde donc son siège s'il démissionne, ou si le gouvernement démissionne durant le mois. Le cas inverse (élection parlementaire d'un ministre) n'est pas expressément prévu par les textes : lors des élections sénatoriales de 1959, trois ministres furent élus : MICHELET, BERTHOIN, HOUDET : dans le mois de leur élection, les deux derniers démissionnèrent du gouvernement, le premier manifesta son intention d'y demeurer (v. le JO du 29 mai 1959). Cette procédure, pour illogique qu'elle soit (l'option aurait dû se faire en sens inverse : démission du mandat parlementaire, d'où aurait automatiquement découlé la continuation des fonctions ministérielles) est typique du nouveau régime : séparation des pouvoirs se résolvant en une suprématie de l'exécutif. 2. S'il est titulaire d'un emploi public, demander à être placé dans la position spéciale prévue par son statut. 3. CC 22 décembre 1961, D 1963. J . 59, note HAMON. 4. En cas de doute, le Conseil dit d'abord s'il y a incompatibilité. Dans l'affirmative le parlementaire a 15 jours pour régulariser sa situation. S'il ne le fait pas, le Conseil prononce la démission d'office.
RELATIONS
ENTRE
ELECTEURS
ET
ELUS
393
tation en matière de faillite) ; au jour de la validation lorsque l'inéligibilité, encore conditionnelle lors de l'élection, était définitivement confirmée lors de la validation. Le Conseil constitutionnel devra toujours apprécier l'inéligibilité au jour de l'élection, et cela pour deux raisons : d'une part, la formule des textes (v. les art. L.O. 127 à L.O. 133 du C. élec.) : « Ne peuvent être élus... », ou « Sont inéligibles... » ; d'autre part le fait que l'élection seule confère la qualité de parlementaire, et tous les droits et prérogatives qui y sont attachés
3 7 7 . — B . — MODIFICATION DU RÉGIME DES INÉLIGIBILITÉS. L A DÉCHÉANCE.
La loi durcissant le régime des inéligibilités doit-elle s'appliquer automatiquement ? La jurisprudence des chambres était singulièrement fluctuante. La modification intervenue avant l'ouverture du délai de dépôt des candidatures doit s'appliquer immédiatement 1 ; cependant, la jurisprudence refusait de faire rétroagir les conditions plus dures mises à l'éligibilité du naturalisé. Au contraire, elle sembla admettre que la prolongation du délai d'inéligibilité frappant les fonctionnaires devait s'appliquer aussitôt (cf la jurisprudence refusant de prendre en considération la démission du fonctionnaire, donc son intention de se présenter, lorsque la date des élections est avancée). Lorsque la modification intervenait entre le dépôt des candidatures et la validation, la jurisprudence appliquait aussitôt la mesure plus douce (membres des familles ayant régné sur la France), non la mesure plus dure (fonctionnaires). D'ailleurs, les chambres reconnaissaient qu'elles ne pouvaient créer un nouveau cas d'inéligibilité en cours de débats. Enfin, lorsque la modification intervient après que l'élection soit devenue définitive (sous la V e République : absence de contestation dans le délai prévu, ou validation par le Conseil constitutionnel), il ne peut plus se poser qu'un problème de déchéance 2 . La plupart des 1. Cf. la formule employée par le Conseil constitutionnel (¿1. PIGEOT (AN, Saoura), CC 5 mai 1959, Rec. 222) : « Considérant que .... lesdites fonctions (entraînant l'inéligibilité) ont pris fin... plus d'un an avant les élections pour lesquelles (l'élu) a fait acte de candidature ». Exemples : art. 21 et 22 de l'Ord. du 24 octobre 1958 frappant d'inéligibilité certains fonctionnaires et militaires lors des élections législatives en Algérie du 30 novembre 1958 ; décret n° 60-455 du 12 mai 1960 frappant d'inéligibilité dans les départements algériens les inculpés de crimes ou délits contre la sûreté de l'État, et leurs complices. 2. La déchéance, qui était auparavant prononcée par la cbambre intéressée, est maintenant acquise de plein droit : elle est constatée par le Conseil constitutionnel (art. L. O. 136 du C. élec.) qui ne peut être saisi que sur requête du bureau de la Chambre, du Garde des sceaux (ou, en matière de condamnation, du ministère public près la juridiction qui l'a prononcée : supra 345).
LE SUFFRAGE POLITIQUE EN FRANCE
394
auteurs 1 et de nombreux précédents 2 militent en faveur de l'application des inéligibilités nouvelles aux parlementaires en exercice. Cependant Pierre 3 objecte que si leur application est admise, la Chambre risquera de se décimer : argument de pure opportunité. I l est probable que le Conseil constitutionnel appliquera aussitôt, sauf disposition expresse, les textes modifiant le régime des inéligibilités (cf. les art. L . 0 . 1 3 6 du C. élec. et 45 de l'Ord. n° 58-1067 du 7 novembre 1958 (art. L.O. 189 du C. élec.) : toute inéligibilité qui se « révèle » ultérieurement doit être sanctionnée).
378.
— ÊTRE
C.
D É T E R M I N A T I O N DES P E R S O N N E S
DONT L ' I N É L I C I B I L I T É
PEUT
APPRÉCIÉE.
L'éligibilité n'entraîne pas de droits acquis : elle n'est qu'un droit virtuel à être élu. Aussi, en principe, l'organe vérificateur n'est compétent pour examiner l'éligibilité que du seul élu, et, dans le système de 1958, celle de son remplaçant 4 (art. 45 de l'Ord. n° 58-1067 du 7 novembre 1958 (art. L.O. 189 du C. élec.), si elles sont contestées. L'organe vérificateur ne connaît donc pas de l'inéligibilité de nonélus 5 . La règle souffre deux exceptions. D'une part, lorsque la candidature d'un non-élu aurait été de diversion, et aurait constitué une manœuvre frauduleuse 6 . D'autre part, le Conseil constitutionnel sera, en vertu des art. L.O. 160 et L.O. 304 du C. élec., saisi d'un recours contre la décision d'un tribunal administratif relative à un refus d'enregistrement de déclaration de candidature par le préfet 7 pour cause d'inéligibilité ; il pourra être amené à statuer sur l'éligibilité d'un non-élu (ou de son suppléant) qui n'aura peut-être pas même été admis à faire sa déclaration de candidature 8 . Mais il est probable que, comme dans le cas précédent, il n'annulerait l'élection que si la présence de la candidature indue, ou l'absence de candidature régulière, avait pu déterminer une modification du résultat de l'élection.
1. DUGUIT, Traité de droit constitutionnel, 1911, t. II p. 268 : le parlementaire étant dans une situation de droit objectif, tel un fonctionnaire, doit être soumis aux nouvelles causes d'inéligibilité, dès qu'elles existent. 2. Décret du 5 nivôse an II ; loi du 3 brumaire an I I I (il s'agit d'ailleurs de textes de circonstances) ; lois des 17 novembre 1897 et 8 juillet 1898 édictant de nouvelles incompatibilités. 3. Traité. n° 320. 4. El. de Sétif (AN, Algérie 17 e ), CCP 17 janvier 1959, Rec. 149. 5. CD rap. DENIS, 11 juin 1898 ; il. de la l r e circ. de Chateaulin, CD 6 juin 1906. 6 . C D r a p . MORLOT, 6 j u i n 1 8 9 8 ; é l . L A B R O U S S E , A N r a p . 1 9 j u i l l e t 1 9 5 1 .
7. Sur le pouvoir d'appréciation de l'inéligibilité par le préfet : infra 385, 413. 8. El. LOSTE (AN, Wallis et Futuna), CC 10 juillet 1962, Rec. 39 ; él. CBÎRASSE (AN, SeinaMaritime 4«), CC 22 janvier 1963, Rec. 82.
TITRE n
LA MANIFESTATION DE VOLONTE DES CANDIDATS LA DECLARATION DE CANDIDATURE 3 7 9 . — Historique
: absence de formalité
préalable...
L'application logique du système représentatif supposerait une liberté de candidature absolue ; ou même, plus exactement, une absence de candidature : tout électeur doit pouvoir voter pour n'importe quel citoyen ; n'importe quel citoyen, désigné par les électeurs, même sans l'avoir sollicité, doit pouvoir exercer le mandat électoral à lui confié. Les constitutions révolutionnaires ne s'y trompèrent point, qui firent preuve de sévérité à l'encontre des actes de candidature 1 . Mais l'absence de candidature supposerait un corps électoral parfaitement fluide, atomistique, et assez restreint pour que ses membres puissent se connaître entre eux : conditions évidemment irréalisables. Aussi, la loi se borna, après 1814, à assurer la liberté des candidatures : celles-ci se firent connaître d'abord par des visites personnelles, des démarches d'amis, puis au cours de réunions électorales, au moyen d'affiches ou par la voie de la presse. L a liberté de candidature était d'ailleurs entravée, en fait, par la pratique de la candidature officielle, en droit, par l'obligation faite aux électeurs, lors du troisième tour de scrutin, d'effectuer leur choix entre les deux candidats ayant obtenu le plus de voix au second tour (art. 5 de la loi du 5 février 1817) : disposition actuellement en vigueur pour le second tour de l'élection présidentielle ( i n f r a 7 3 5 ) . 3 8 0 . — ... la déclaration,
moyen de défense du
régime...
Mais le Sénatus-consulte du 17 février 1858 institua le serment 1. Loi du 25 fructidor an I I I instituant les listes de candidatures, supprimée par la loi du 24 pluviôse an VI.
396
LE SUFFRAGE POLITIQUE
EN
FRANCE
préalable, destiné à faire échec aux républicains qui, une fois élus, refusaient d'engager leur fidélité envers l'Empereur. Pour la première fois, un acte administratif antérieur à la présentation de candidatures était exigé : chaque candidat devait déposer à la préfecture un écrit signé contenant la formule du serment de loyauté envers l'Empereur et la constitution. La sanction du défaut de prestation de serment était double : interdiction de la publication de la candidature et de la distribution des documents électoraux ; nullité de principe des bulletins de vote émis au) nom du candidat : ceux-ci n'entraient plus en ligne de compte dans le dépouillement du scrutin ; ce qui empêchait l'opposition républicaine de totaliser ses voix. A la chute de l'Empire, toute formalité préalable disparut. Mais les élections partielles à caractère plébiscitaire auxquelles Boulanger se livra à partir de 1887 firent craindre que celui-ci, se présentant aux élections générales en de multiples circonscriptions, ne totalise alors le nombre des suffrages obtenus, et n'apparaisse comme un « sauveur » obligé. La loi du 17 juillet 1889 interdit donc à tout individu d'être candidat en plus d'une circonscription ; une déclaration de candidature, destinée à contrôler cette prohibition, serait effectuée à la préfecture. La sanction était double : interdiction, sous peine d'amende, de se livrer à aucun acte de candidature ; refus de tenir compte, dans le dépouillement du scrutin, des bulletins au nom du « citoyen » dont la candidature était posée en violation de la loi. Cette loi de circonstance f u t reconduite, avec quelques modifications, p a r les diverses lois électorales, jusqu'à la fin de la III 0 R é p u b l i q u e 1 .
381. — ...la déclaration,
mode de régulation du
scrutin.
Les ordonnances du 17 août 1945 organisant les élections à l'Assemblée constituante reprirent l'interdiction des candidatures multiples, donc la nécessité d'une déclaration de candidature. Mais une nouvelle formalité préalable était créée : dépôt d'un cautionnement, destiné, l'Etat prenant à sa charge une partie des dépenses électorales, à écarter les candidats fantaisistes ; à défaut, le contingent de papier attribué à chaque liste de candidats n'était pas envoyé à l'imprimeur. Ce système f u t repris, quelque peu modifié, par la loi du 5 octobre 1946 (Assemblée Nationale) et appliqué aux élections du Conseil de la République (sauf le cautionnement) par la loi du 27 octobre 1946 (art. 8 et 9). En 1951, la déclaration d'apparentement pouvait s'ajouter, pour les élections législatives, aux formalités préalables existantes 2 . 1. Art. 4 de la loi du 12 juillet 1919 et loi du 15 mars 1924 (scrutin de liste) ; loi du 12 juillet 1927 (scrutin uninominal). La déclaration de candidature ne fut jamais exigée, sous la III e République, pour les élections sénatoriales : ainsi furent validés POINCARÉ, qui n'avait pas fait acte de candidature, en 1920 ; et LAVAL, élu en 1935, dans la Seine et le Puy-de-Dôme, pour lequel il opta. 2. Textes en vigueur à la fin de la IV e République et abrogés par nouveau systémd électoral : élections à l'Assemblée nationale en métropole : art. 5 à 7 de la loi du 9 mai 1951 (art. 163 à 168
DECLARATION
DE
CANDIDATURE
397
Sous la V e République, le retour au scrutin unominal a entraîné la suppression de l'apparentement ; mais la déclaration de candidature et le dépôt d'un cautionnement demeurent indispensables. D'autre part, pour la première fois, le représentant du gouvernement (préfet) a, d'une manière générale, le droit de rejeter la candidature d'un inéligible. Ainsi, la liberté de candidature est, de plus en plus, réduite par les pouvoirs donnés aux autorités pour en apprécier la recevabilité. Les formalités préalables répondent maintenant à des nécessités techniques : assurer, par la publicité des candidatures, un choix éclairé du corps électoral. Par contre, candidats inéligibles, mais populaires, candidats fantaisistes dont on ignore s'ils n'auraient pas obtenu un succès d' « outsiders », « utilités » des grands partis figurant en queue de liste sont, en pratique, mis hors de la course dès avant le départ. On examinera en trois chapitres successifs : les conditions de recevabilité de la déclaration de candidature ; les autorités habilitées à apprécier ces conditions ; enfin le3 effets et sanctions de la déclaration de candidature.
anciens du C. éleo. : déclarations de candidature et d'apparentement) ; art. 29 de la loi du 5 octobre 1946, modifié par la loi de 1951 (cautionnement) ; décret d'application du 12 mai 1951 ; décret du 21 septembre 1953 sur les élections partielles. Outre-Mer : art. 12 de la loi du 23 mai 1951. Elections au Conseil de la République : art. 21 et 22 de la loi du 23 septembre 1948 (art. 384 à 386 anciens du C. élec.) et art. 25 à 29 et 57 à 61 du décret d'application du 24 septembre 1948. Pour les élections à l'Assemblée de l'Union Française, divers textes précisaient les modalités de la déclaration de candidature ; celle-ci était d'ailleurs — théoriquement — interdite devant les assemblées parlementaires (art. 445 ancien du C. élec.).
CHAPITRE I
CONDITIONS DE RECEVABILITE DE LA DECLARATION DE CANDIDATURE Il existe des conditions de fond et de forme. La nature juridique de la déclaration de candidature en pourra être déduite.
CONDITIONS CANDIDATURE.
SECTION I . —
DE
DE FOND DE LA
DECLARATION
Ces conditions sont relatives à la personne du candidat, et aux rapports de forces politiques. Enfin, des conditions particulières sont parfois exigées lors du second tour de scrutin. § I. — CONDITIONS DE FOND RELATIVES A LA PERSONNE DU CANDIDAT. Le candidat doit manifester clairement son intention de se présenter ; il ne doit pas être inéligible ; il ne peut être candidat en plusieurs circonscriptions.
382. —
A. —
I N T E N T I O N DE F A I R E ACTE DE CANDIDATURE.
Nul ne saurait être candidat, ou remplaçant, contre son gré 1 . La candidature doit résulter d'une libre manifestation de volonté. Aussi, 1. Les tribunaux judiciaires condamnent à des dommages-intérêts les individus qui, au cours de la campagne électorale, font de la propagande en faveur d'une personne désireuse de ne pas être candidate (Cour de Rouen, 27 décembre 1879; Tribunal de Tours, 11 juin 1884; Tribunal de Lunéville, 11 août 1892 ; Cour d'Aix, 7 décembre 1893, S 1894. 2. 113 ; Cour de Paris, 24 janvier 1906). En revanche, en matière électorale, la propagande effectuée en faveur d'une candidature,
400
LE SUFFRAGE
POLITIQUE EN
FRANCE
toute déclaration de candidature doit être signée du (ou des) candidats, en cas de scrutin de liste 1 , et être obligatoirement accompagnée du consentement exprès (acceptation écrite) du (ou des) remplaçants 2 . Lorsque la déclaration de candidature est déposée par un mandataire, celui-ci doit être muni d'une procuration signée 3 ; la déclaration collective de candidature peut, en ce cas, lors de son dépôt, ne pas contenir les signatures de tous les candidats ; mais elle ne sera définitivement reçue que si elle est complétée dans les délais (infra, 3 9 9 ) par les déclarations individuelles revêtues des signatures manquantes 4. Lorsqu'une déclaration, par son aspect douteux (ratures, pièces détachées) laisserait supposer un défaut de volonté de la part de l'un des candidats présumés, l'autorité chargée de la recevoir devrait provoquer des éclaircissements et, le cas échéant, en refuser le dépôt 5 . De même si une personne a été déclarée candidate ou suppléante à son insu 6 . Enfin, nul ne doit empêcher un candidat de se présenter s'il en a l'intention, ni par pression physique ou contrainte morale. D'ailleurs, pression physique ou contrainte morale devront avoir été assez fortes pour entraîner le candidat à modifier sa volonté 7 : ni des conversations librement acceptées, même prolongées tard dans la nuit avec des interlocuteurs hostiles, ni la crainte d'une campagne susceptible de révéler certains faits ne seraient retenues 8 . Le Conseil constitutionnel a estimé que, eu égard aux conditions dans lesquelles se déroule la lutte électorale et politique, et les arguments ad hominem si souvent utilisés entre candidats, seule devait être prise en considéretirée n'est prise en considération que si elle a pu exercer une influence sur le résultat du scrutin : él. Pic (Drôme 2 e ), CCP 6 janvier 1959, Rec. 124 (jurisprudence identique du Conseil d'Etat : 15 janvier 1897). 1. Art. L. 154 du C. élec. (AN, métropole) ; art. 6 de l'Ord. n° 59-227 du 4 février 1959 et art. 5 du décret n° 59-394 du 11 mars 1959 (AN, TOM) ; art. L. 298 et L. 300 du C. élec. (Sénat, métropole) ; art. 3 de l'Ord. n° 59-260 du 4 février 1959 et art. 21 du décret n° 59-393 du 11 mars 1959 (Sénat TOM). 2. Art. L. 155 du C. élec. (AN, métropole) ; art. 5 du décret n° 59-394 du 11 mars 1959, modifié par le décret n° 60-435 du 26 avril 1960 (AN, TOM) ; art. L. 299 du C. élec. (Sénat, métropole) ; art. 3 de l'Ord. n° 59-260 du 4 février 1959 et art. 21 du décret n° 59-393 du 11 mars 1959 (Sénat, TOM). 3. La procuration est annexée au premier exemplaire de la déclaration dans les TOM : art. 6 du décret n° 59-394 modifié par le décret n° 60-435 du 26 avril 1960. 4. Cf. art. 5 du décret du 11 mars 1959 (AN, TOM) ; art. 23 du décret du 13 mars 1959 (art. R . * 151 du C. élec.) (Sénat, métropole et TOM). 5. Commission de contrôle de Médéa, él. législatives de 1958 (liste Fraternité et Action pour la paix en Algérie) : la liste ne fut reçue qu'après remplacement du co-listier musulman dont l'accord n'avait pas été donné. 6. Trib. adm. de Limoges, Préfet de la Haute-Vienne/ROQUES, él. légis. de 1958. 7. L'arrestation d'un suppléant, puis sa mise en liberté avant l'expiration du délai fixé pour le dépôt des candidatures, n'est pas un incident susceptible d'avoir modifié la volonté du candidat éventuel : él. de Bône (AN, Algérie 16 e ), CC 5 mai 1959, Rec. 226. 8. El. de la 3 e circ. de l'Aube, CCP 6 février 1959, Rec. 184. En l'espèce, l'intéressé soutenait que son retrait de candidature lui avait été arraché à la suite d'une séance de quasi séquestration. Les adversaires rétorquaient que seuls les arguments avancés l'avai e n t convaincu. L'impossibilité de prouver ces allégations, et surtout le fait que l'intéressé avait lui-même exprimé sa volonté au préfet de retirer sa candidature, déterminèrent la Commission provisoire à n'en pas tenir compte El. M A C N B (AN, Allier 3 e ), CC 22 janvier 1963, Rec. 78.
DECLARATION
DE
401
CANDIDATURE
ration la contrainte morale capable d'agir, non sur un homme raisonnable, mais sur un vir fortissimus (l'art. 1111 du C. civ. dispose que la violence doit être appréciée en fonction de la condition des personnes). Il s'agit donc là d'une appréciation de pur fait, appréciation qui doit être effectuée assez rigoureusement. Mais les tribunaux judicaires se reconnaissent le droit, au cas où un subordonné a été l'objet de sanctions professionnelles de la part de son employeur mécontent de sa candidature, de lui accorder réparation 1 . En pratique, les conditions économiques et salariales doivent dissuader bon nombre de citoyens de tenter l'aventure électorale...
B.
1°)
—
L'ÉLIGIBILITÉ.
Historique.
383. — Théorie
des inéligibUités
notoires.
Traditionnellement, toute candidature était admise, le contrôle de l'éligibilité étant réservé à l'organe vérificateur lui-même : l'inéligibilité, même patente, n'empêchait ni le candidat de faire campagne, ni les bulletins à son nom d'être comptés 2 . Mais, après la loi du 17 juillet 1889 se développa la théorie des « inéligibilités notoires », rendant irrecevable la candidature. Cette loi avait été adoptée pour empêcher Boulanger et ses acolytes, condamnés à la dégradation civique, d'être élus. Sans doute, leur invalidation, en ce cas, n'eut point fait de doute, mais le gouvernement préférait que leurs candidatures ne soient point déposées. Aussi, dès le 15 juillet, le rapporteur de la loi, Humbert, remarquait que l'art. 2 exigeait deux conditions : unicité de candidature, qualité de citoyen : 1. Trib. d'instance de Besançon, D 1963.J.753, note G. LYON-CAEN. Le tribunal a invoqué, outre le principe de liberté de candidature (supra 33, 379, infra 432) les circonstances de fait : le salarié — journaliste — se présentait avec l'investiture d'un parti dont les opinions étaient voisines de celles du journal et celui-ci avait informé ses lecteurs qu'il ne soutenait pas la candidature de son collaborateur. Ainsi est affirmé le principe selon lequel la fidélité du salarié est limitée au temps et aux tâches qu'il consacre à son employeur (v. D E S P A X (M.), « La vie extraprofessionnelle du salarié et ses incidences sur le contrat de travail », JCP 1963.1.1776). Cependant, la Cour de Besançon (17 décembre 1963, JCP 1964.11.13530) a nuancé cette décision en précisant que, s'agissant d'un journaliste, bénéficiant de certains droits en cas de changement d'orientation du journal, ce dernier peut en contrepartie légitimement faire grief à un collaborateur d'effectuer publiquement une prise de position politique de nature à nuire à ses intérêts : la rupture de contrat relève bien du fait de l'employeur, mais n'est pas abusive : il n'y a donc lieu qu'aux indemnités normales, non aux dommages-intérêts. La Cour cite analogiquement l'art. 10 de l'Ord. du 22 décembre 1958, interdisant aux magistrats de manifester contre le principe ou la forme du gouvernement de la République, ou de manifester leurs sentiments politiques au-delà des réserves qui s'imposent à leurs fonctions : elle fait ainsi écho au mouvement de pensée selon lequel l'information devrait être organisée en service public géré comme un ordre (supra 184). 2. E l . JUBELIN, C D 2 0 a v r i l 1 8 4 7 .
402
LE SUFFRAGE POLITIQUE EN FRANCE
la déclaration des personnes privées de cette qualité (femme, m i n e u r 1 , étranger, inéligible par décision de justice) ne serait donc pas recevable ; ce qui était facile à contrôler, car en ces cas, l'inéligibilité apparaît immédiatement dès la production d'un seul acte (acte de naissance, de naturalisation, décision de justice passée en force de chose jugée). D'ailleurs, le droit de la Chambre d'apprécier l'inéligibilité restait entier, puisque les bulletins au nom d'un individu tombant sous le coup d'un de ces chefs d'inéligibilité seraient transmis à la Chambre qui pourrait effectuer les rectifications nécessaires 2 . Ainsi était créée une distinction entre inéligibilités « notoires », interdisant le dépôt de la candidature, et inéligibilités ordinaires (catégories ne correspondant pas aux notions d'inéligibilités absolues et relatives). Les inéligibilités notoires étaient en fait restreintes à deux hypothèses : sexe féminin et condamnation à la dégradation civique, qui interdit l'exercice des droits civils et politiques 3 . Les circulaires ministérielles rappelèrent cette théorie, qui fut appliquée au long de la III e République 4 . E n conséquence, un préfet refusa à bon droit, sans commettre d'excès de pouvoir, la déclaration de candidature d'une femme 5 : le Conseil d'Etat, en rejetant le recours, n'esquivait pas sa compétence par le désir de ne pas entrer en conflit avec la Chambre, mais appliquait, lui aussi, la théorie de l'inéligibilité notoire, admise par le gouvernement et la majorité de la Chambre. Dans tous les autres cas, le préfet recevait la déclaration de candidature 6 . 1. E t non, bien entendu, défaut d'âge d'éligibilité. 2. Ce droit fut contesté par BUFFET, qui estimait que le préfet statuerait en dernier ressort ; mais, à propos de l'él. D I L L O N à Lorient ( C D 19 et 26 novembre 1889) la Chambre annula l'élection, alors que le préfet avait reçu la déclaration de candidature de D I L L O N . 3. Georges LEYGUES, ministre intérimaire de l'Intérieur, y rangeait aussi (CD 24 et 25 mars 1902, discussion de la proposition de loi G A U T H I E R (de Clagny) tendant à l'abrogation de la loi du 17 juillet 1889) les membres des familles ayant régné sur la France. E t A. ESMEIN, le mineur de 21 ans et le contumax. 4. L a circulaire du ministre de l'Intérieur C O N S T A N T du 29 août 1889 rappelle aux préfets qu'ils ne sont « pas juges des questions d'éligibilité d'ordre divers., et qui appartiennent à la Chambre des députés... Toutefois, ils refuseraient, le cas échéant, de recevoir les déclarations de candidature faites ou visées par les contumax que la Haute-Cour de justice a condamnés par arrêt en date du 19 août 1889. Cette condamnation emporte, en effet, la dégradation civique, et les condamnés sont en état d'interdiction légale absolue » : le préfet de la Seine refusa la candidature BOULANGER, ce qui permit de ne point compter les bulletins émis à son nom et assura la proclamation de son adversaire J O F F R I N (CD 17 décembre 1889), mais le préfet du Morbihan reçut la déclaration de D I L L O N (précitée). En 1902 (él. VILLAULT-DUCHESNOIS, CD 17 février 1902), WALDECK-ROUSSEAU, président du Conseil, maintint cette distinction contre V I V I A N I qui proposait la résolution suivante : « L a Chambre, seul juge de la souveraineté en matière de vérification des pouvoirs, décide qu'elle a seule qualité pour apprécier, au point de vue juridique, les candidatures et les élections législatives > ; KLOTZ, rapporteur de la commission du suffrage universel, avait déjà fait remarquer (CD 24 décembre 1901) que cette formule n'ajoutait rien à l'art. 10 de la loi du 16 juillet 1875. V . de même, circulaire du ministre de l'Intérieur du 30 octobre 1919. 5. CE Dame D U R A N D , 26 janvier 1912, S 1912. 3. 89, note H A U R I O U : « Considérant que les dispositions législatives qui régissent la composition de la Chambre, sont dans leur ensemble sanB application au regard des personnes du sexe féminin... que dès lors, le préfet n'a pas statué sur une question d'éligibilité dont la solution aurait appartenu à la Chambre des députés elle-même... > 6. Fonctionnaire frappé d'inéligibilité relative (él. VILLAULT-DUCHESNOIS, CD 17 février 1902) ; individu non en règle avec la loi sur le recrutement de l'armée (él. de la l r e circ. de Chateaulin, CD rap. 6 juin 1906) ; condamné de droit commun frappé d'inéligibilité (él. MARY-RAYNAUD, CD 10 novembre 1890 ; él. générales de 1902 ; él. VALAT, CD rap. 21 janvier 1936) ; individu n'ayant pas atteint l'âge de l'éligibilité (él. Z É V A È S , CD 2 0 juin 1 8 9 8 ) .
DECLARATION
DE
CANDIDATURE
403
Cette théorie fut diversement appréciée par la doctrine. Elle fut approuvée par Hauriou 1 , par Barthélémy et Duez 2 qui estimaient que le préfet devait refuser les candidatures des personnes placées en dehors de la législation électorale (femmes 3 , défaut de jouissance du droit de vote). Ces auteurs faisaient ainsi appel à la théorie de l'inexistence selon laquelle, lorsque le défaut de l'acte est évident, il n'est pas nécessaire de le sanctionner par un acte juridictionnel pour que l'on n'en tienne nul compte. Cette théorie fut vigoureusement condamnée par Duguit 4 et Sibert, car contraire à la compétence générale de la Chambre et à la nature juridique de la déclaration, simple formalité administrative insusceptible d'entraîner un contrôle au fond.
3 8 4 . — Dégradation
de la
théorie.
A la Libération, la théorie des inéligibilités notoires était dépassée par les textes : d'une part, les femmes devenaient éligibles, d'autre part, l'enregistrement des candidatures était interdit en un certain nombre de cas limitativement énumérés par la loi, visant des personnes ayant collaboré 5 , et frappées d'indignité. « On peut se demander » écrivit R. Pinto 6 , « si cette règle constitutionnelle (l'art. 8 de la Const. de 1946) n'interdit pas au législateur ordinaire de confier même pour partie à l'autorité préfectorale et au bureau de vote le soin de vérifier directement ou indirectement, l'éligibilité des candidats au Parlement ». Les amnisties résorbèrent la seconde hypothèse. Mais l'interdiction de l'enregistrement des candidatures subsista en trois cas, d'application assez rare : un d'inéligibilité absolue et deux d'inéligibilité relative 7 , résultant de situations complexes où fait et droit étaient intimement mêlés. A contrario, et puisque le fondement du refus d'enregistrement évoluait de la qualité de citoyen à une idée d'abord de blâme (textes de la Libération), puis de protection de 1. Note sous CE Dame D U R A N D , précité. 2. Manuel de Droit constitutionnel, p. 406. 3. Cass. 6 mars 1885 : « Aucune disposition constitutionnelle ou légale n'ayant conféré aux femmes la jouissance des droits politiques, elles ne peuvent être inscrites sur les listes électorales ». Le Conseil d'Etat reconnaissait aux bureaux de vote, dans les élections locales (donc non soumises à la déclaration de candidature), le droit de considérer comme blancs les bulletins émis au nom d'une femme : CE élections municipales de Paris, quartier Necker, 28 juillet 1926, D 1927. 3. 33, note D E V A U X . 4. Traité de Droit constitutionnel, t. IV, p. 129. 5. Art. 4 de l'Ord. du 13 septembre 1945 insérant un art. 18 quater dans l'Ord. modifiée du 21 avril 1944. 6. Eléments de Droit constitutionnel, 2 e éd., 1952, p. 423. 7. Art. 58 ancien du C. élec. (condamnés pour profits illicites) ; art. 412 ancien du C. élec. (préfet et sous-préfet dans les départements d'Outre-Mer) ; art. 1 e r de la loi du 31 août 1951 (hautscommissaires de la République, gouverneurs généraux et gouverneurs dans les Territoires d'OutreMer). Dans les autres cas, et en dépit de la formule employée (« Nul ne peut être candidat... » : art. 10 et 11 de la loi du 23 mai 1953 ; cf. aussi art. 150 du C. élec. texte primitif sur la nationalité) : la déclaration de candidature devait être reçue (contra : observations R O S E N F E L D , él. de la HauteVolta, AUF 16 février 1954). En pratique, le préfet enregistrait la candidature, mais mentionnait sur le récépissé définitif le motif d'inéligibilité parvenu à sa connaissance
404
LE SUFFRAGE POLITIQUE EN FRANCE
la liberté des collèges électoraux (inéligibilité relative), la déclaration semblait devoir être reçue dans toutes tes autres hypothèses 1 ; cependant, une résurgence de la théorie des inéligibilités notoires se fit jour dans la jurisprudence parlementaire La jurisprudence administrative était elle aussi désorientée : ne pouvant plus appliquer la théorie des inéligibilités notoires, elle reculait à son tour : en deux arrêts % le Conseil d'Etat ne se reconnut pas le droit « d'apprécier la légalité de la décision par laquelle le préfet... a refusé d'enregistrer la déclaration de candidature » des requérants, en invoquant la compétence exclusive de la Chambre sur l'éligibilité de ses membres. En revanche, le Conseil, dans l'arrêt Mallarmé, a statué au fond sur la légalité de l'art. 29, § 2, du décret du 24 septembre 1948, qui étendait aux élections au Conseil de la République les inéligibilités prévues par l'art. 18 complété de l'Ord. du 21 avril 1944. Ainsi, la « reculade » du Conseil d'Etat par rapport à l'arrêt Dame Durand a peut-être été moins grande qu'on ne l'a affirmé : s'il ne lui était plus possible d'apprécier lui-même les cas d'inéligibilités « notoires » (qui, par définition, s'imposent automatiquement à tous), puisque les cas d'inéligibilités où la candidature ne devait pas être enregistrée étaient alors fondés sur la conduite politique de l'intéressé depuis la défaite, il n'hésitait pas cependant à prendre parti sur l'applicabilité de l'inéligibilité, en dénonçant la légalité contestable du décret du 24 septembre. Le Conseil d'Etat refusait donc d'appliquer le droit, mais il acceptait de le dire : et, ce faisant, il risquait de se mettre en contradiction avec les chambres *. Cependant, le Conseil d'Etat, dans l'arrêt d'Aillières, a apprécié les circonstances de fait qui avaient conduit le jury d'honneur à refuser de relever un individu de son inéligibilité 5 , alors que le risque de contrariété de décisions avec les chambres était bien moindre e . 1. Déclaration reçue en matière d'inéligibilité relative (él. MARESCAUD, CR rap. 13 janvier 1949; ¿1. LABROUSSE, AN rap. 19 juillet 1951 ; él. RASTEL, AN rap. 29 août 1951) ; en matière de faillite (candidatures René LANIEL lors des élections partielles de la Seine l r c , 13-20 janvier 1957 ; Rhône 23-30 mai 1958) ; en matière de défaut d'âge d'éligibilité (él. BOULANGER, CR rap. sup. 19 juin 1947). 2. L'Assemblée nationale admit qu'un préfet avait valablement refusé la candidature d'un condamné de droit commun (él. d'Oran 2 E collège, AN 31 juillet 1947 : il est vrai qu'il s'agissait d'élections « à l'algérienne » !) ; le bureau de validation du Conseil de la République déplore (él. SOUBBIAH, CR rap. sup. 19 juin 1947) que l'autorité administrative n'ait pas rejeté la déclaration d'un étranger. 3. C E
PÉBELLIER, 26 juillet 1 9 4 6 , S 1 9 4 7 . 3. 11
; JCP
1949.
II.
5 0 5 4 n o t e LAVAU ; C E
MALLARMÉ, 9 juin 1950, Rec. p. 352. Il s'agissait de deux parlementaires que le vote de la loi du 10 juillet 1940 rendait d'office inéligibles. 4. D'autant plus que, dans l'arrêt MALLARMÉ, le requérant attaquait la légalité du texte réglementaire étendant les cas de refus d'enregistrement mais ne niait pas, si ce texte était reconnu légal, que ce refus dût lui être personnellement appliqué. 5 . C E D ' A I L L I È R E S , 7 f é v r i e r 1 9 4 7 , RDP1947. 3 5 0 9 , n o t e MORANGE.
6 8 , c o n c l . ODENT e t n o t e WALINE ; J C P 1 9 4 7 . J .
6. Il n'y avait pas de risque de chevauchement de compétence entre les chambres et le Conseil d'Etat, puisque le jury d'honneur relevait le condamné de son inéligibilité, non à l'occasion d'une élection déterminée, mais pour toutes les élections futures, locales ou parlementaires. Mais le risque de contrariété de décision subsistait au cas où une chambre, saisie d'une élection, aurait statué en sens contraire du jury d'honneur (ou du Conseil d'Etat). Hypothèse qui ne s'est pas réalisée, puisque
DECLARATION
DE
405
CANDIDATURE
Ainsi donc, dans l'arrêt Durand, comme dans l'arrêt Mallarmé, le Conseil d'Etat refusait d'empiéter sur la compétence certaine de la Chambre ; mais il se reconnaissait le pouvoir de dire en quels cas le droit positif permettait aux préfets de refuser l'enregistrement de la déclaration 1 . Mais, jusqu'en 1958, le principe fut l'admission des candidatures sans contrôle de l'éligibilité.
3 8 5 . — 2 ° ) Droit positif d'un inéligible.
: refus
d'enregistrement
de la
déchuation
L'art. 7 de l'Ord. du 24 octobre 1958 (art. L.O. 160 et L.O. 304 du C. élec.) établit le principe contraire : il interdit « l'enregistrement de la candidature d'une personne inéligible en vertu des dispositions des articles précédents ». D'autre part, les remplaçants doivent remplir les mêmes conditions d'éligibilité que les candidats titulaires. Quelques candidats ont ainsi été écartés pour défaut d'âge 2 . De simples poursuites, même assorties d'un internement, ou d'une assignation à résidence (mesure administrative) ne sauraient faire obstacle à la déclaration de candidature, tant qu'une condamnation judiciaire entraînant l'inéligibilité n'est pas intervenue 3 . Mais une difficulté surgit : lorsque l'inéligibilité ne résulte pas d'un des « articles précédents » (texte de l'Ord. du 24 octobre 1958), et que l'interdiction d'enregistrement n'est pas expressément (comme dans le cas du décret du 12 mai 1960, supra 344) ordonnée par le texte qui établit cette inéligibilité, le dépôt de la candidature doit-il être refusé ? En pratique, ce problème se pose en deux cas 4 : inéligibilité frappant le suppléant d'un parlementaire appelé à une fonction gouvernementale ( supra, 367) ; et inéligibilité visant les membres des familles ayant régné sur la France (si l'on admet que cette cause d'inéligibilité subsiste) (supra, 331). Il semble que le refus de l'enregistrement de la candidature s'imposerait, du fait de divers arguments. La considération des buts recherchés par ces dispositions d'abord ; l'inéligibilité temporaire et localisée du suppléant à l'encontre de son les chambres ont appliqué les décisions du jury d'honneur (él. S I S B A N E Chérif, CR 12 décembre 1948) ; d'ailleurs, cette contradiction aurait été peu grave, car, d'une part, les décisions des chambres n'étaient pas motivées, et d'autre part, un pourvoi en révision devant le jury d'honneur pour fait nouveau était prévu. 1. Dans le mâme sens : avis du Conseil d'Etat du 18 tera 1951 sur l'enregistrement des candidatures. 2. Commission de contrôle de Mascara, él. législatives de 1958, liste « Union gaulliste pour le maintien de l'Algérie française » (liste d'ailleurs composée de « péripatéticiennes »). Tribunal administratif, 1959, Bône, él. sénatoriales de 1959, liste « Union républicaine pour la Paix et la Fraternité » ; él. C H E R A S S E (AN, Seine-Maritime 4 e ), C C 22 janvier 1963, Rec. 82 ; v. aussi él. L O S T E (AN, Wallis et Futuna), CC 10 juillet 1962, Rec. 39. 3. El. sén. de Sétif-Batra, CC 11 décembre 1959, Rec. 253. Principe qui a subi une atteinte temporaire par le décret du 12 mai 1960 (supra 344). 4. Outre le cas, aujourd'hui aboli, de l'inéligibilité relative au statut personnel des candidats en Algérie (supra 357).
406
LE SUFFRAGE POLITIQUE EN
FRANCE
ancien chef de file a été édictée dans l'intention de protéger celui-ci : protection qui ne serait pas réalisée si l'on comptait les voix de celui-là. Un argument de texte ensuite : les art. L. 0 . 160 et L. O. 304 du C. élec. ne distinguent plus entre les diverses causes d'inéligibilité. Et l'art. 38 du décret n° 59-394 du 11 mars 1959 (él. des TOM à l'AN) précise bien que les candidatures déposées en violation des textes légaux ou réglementaires sont irrecevables ; or, ce texte a été édicté pour pallier certaines difficultés qui s'étaient élevées relativement à l'enregistrement de candidatures et a pour but de ne permettre que les candidatures respectant les textes : on peut donc lui accorder une valeur générale et non pas restreinte aux seules élections des Territoires d'Outre-Mer. Enfin, un argument de principe : sous l'empire de la législation de 1958-1959, les candidatures d'inéligibles ne sont pas permises. L'inéligibilité d'un seul candidat ou suppléant entraîne l'irrecevabilité de la déclaration de candidature des co-listiers ou du candidat titulaire, tant que l'inéligible n'est pas remplacé. 3 8 6 . — Candidature
par « personne
interposée
».
L'inéligibilité est considérée comme une incapacité rigoureusement personnelle. Aussi les candidatures « par personnes interposées » sont-elles recevables : il arrive en effet qu'un individu frappé d'inéligibilité présente une personne de sa famille, et la fasse élire. En un pareil cas, la validation s'impose, bien qu'il y ait, en une certaine mesure, fraude à la loi : les incapacités sont de droit étroit 1 . D'ailleurs, l'interposition de personne n'est sanctionnée par la nullité de l'acte en droit privé qu'en des cas limitativement 1 énumérés (art. 911 et 1100 du C. civ.).
387. —
C. —
I N T E R D I C T I O N DES CANDIDATURES
MULTIPLES.
Etablie à l'encontre de Boulanger, par la loi du 17 juillet 1889 (supra, 380) pour la chambre basse, étendue depuis à toutes les élections parlementaires 2 , cette interdiction frappe actuellement candi1. El. ARCHIMBAUD père, CD 1906 (ARCHIMBAUD jeune venait dêtre invalidé pour inaccomplissement du service militaire) ; él. PÉBELLIER père, puis frère (Haute-Loire), 2 E AC 1946 ; candidature de Mme YBARNÉGARAY dans les Basses-Pyrénées ; Mme POLUT dans la Nièvre (individus inéligibles pour appui donné au régime de Vichy) ; PÉBELLIER père, doyen d'âge de l'Assemblée, critiqua les inéligibilités pour faits politiques dans son discours d'ouverture ; candidature de Mme LEFORT, Philippeville, AN 1958 (son mari, colonel du 2 E étranger parachutiste, était inéligible en vertu des dispositions transitoires (art. 21 de l'Ord. du 24 octobre 1958) ; él. Marcel POUVANAA-OOPA, en 1960, en Polynésie, après la déchéance frappant le précédent député, son père ; cf. aussi l'élection de Mme LAGAILLARDE aux élections cantonales d'Alger en 1960, après que le décret du 12 mai 1960 eût frappé Pierre LAGAILLARDE d'inéligibilité. 2. IV e République : art. 165 (texte originaire) du C. élec. pour l'Assemblée nationale ; art. 384 et 385 (texte originaire) du C. élec. pour le Conseil de la République ; et nombreux décrets pour l'Assemblée de l'Union française ; art. 7 du décret du 6 septembre 1947 (TOM) ; art. 5 du décret du 30 septembre 1947 (TOM) ; art. 5 du décret du 30 septembre 1947 (Département d'Outre-Mer) ; art. 2 du décret du 15 novembre 1947 (Algérie) ; art. 4 du décret du 27 septembre 1948 (Assemblée algérienne).
DECLARATION
DE
CANDIDATURE
407
dats et suppléants : nul ne peut être candidat en plus d'une circonscription 1 , ni, en cas de scrutin de liste, être candidat sur plusieurs listes dans la même circonscription 2 . Nul ne peut être à la fois candidat et remplaçant ; nul ne peut figurer en qualité de remplaçant sur plusieurs déclarations de candidatures 3 . Lorsque l'une de ces hypothèses se réalise, la solution traditionnelle (prévue par l'art. 2 de la loi de 1889, et rappelée par une circulaire ministérielle du 15 mai 1951) est que seule la déclaration effectuée la première en date est valable : la seconde est nulle ; si plusieurs déclarations sont effectuées le même jour, toutes sont nulles (sur les sanctions, infra, 4 2 9 ) . Cette interdiction doit s'appliquer à toute élection parlementaire générale, aux renouvellements triennaux du Sénat, même si, pour des raisons pratiques, le jour du scrutin était reculé en quelques circonscriptions 4 , et aux élections complémentaires. Dans les élections partielles, la solution semble plus douteuse : si elles se suivent, même à faible intervalle, l'interdiction ne paraît pas devoir jouer, car il ne s'agit pas là de candidatures concomitantes, mais successives. En cas d'élections partielles simultanées, elle devrait sans doute s'appliquer. Lors d'un scrutin à deux tours, un candidat qui s'était présenté au premier tour dans une circonscription pouvait se présenter au second tour dans une autre circonscription 5 . Cette façon de procéder est désormais interdite pour les élections à l'Assemblée nationale, où l'on ne peut être candidat au second tour si on ne l'a pas été au premier (infra, 3 9 4 ) ; mais elle semble encore praticable dans les élections sénatoriales, où il est possible de ne faire acte de candidature qu'au second tour.
1. Art. L . 156 du C. élec. (AN métropole). 2. Art. 9 de l'Ord. du 16 octobre 1958 (AN Algérie) ; art. L . 302 du C. élec. (Sénat). 3. Art. L . 155 et L. 299 du C. élec. 4. Hypothèse fréquente pour les élections d'Outre-Mer : v. l'art. 16 de l'Ord. du 4 février 1958 (AN, TOM). Cependant, l'Assemblée de l'Union française avait validé un élu (él. CHIANFARANI, A U F rap. 25 mars 1953) qui, candidat malheureux devant le Conseil général de Constantine le 10 octobre 1953, avait triomphé le 4 novembre suivant devant l'Assemblée algérienne, alors que les élections avaient été reportées à cette dernière date pour une pure raison matérielle : permettre aux conseillers généraux membres de l'Assemblée algérienne de prendre part au vote dans chacun des collèges électoraux (Conseil général, puis Assemblée algérienne, au titre de la zone territoriale de l'Algérie) auxquels ils appartenaient. L a validation fut fondée sur la considération des butB de la loi de 1889 et des textes subséquents : 1) Eviter toute tentative de plébiscite : or un candidat battu qui se représente en une autre circonscription ne tente pas de se faire plébisciter ; 2) empêcher tel candidat certain du succès en telle circonscription de se présenter dans une autre circonscription, au risque de provoquer par son option une élection partielle ; 3) empêcher, lorsque le remplacement par le suivant de liste est prévu, un candidat populaire de conquérir plusieurs sièges, et de les distribuer ensuite à ses seconds. Mais aucun de ces arguments n'était, à notre sens, probant : 1) L a notion de plébiscite (addition des voix obtenues) ne concorde pas avec celle de succès électoral : si une importante minorité, en chaque circonscription, se porte sur un seul nom, le risque de plébiscite demeure ; 2) la crainte de provoquer une élection partielle ne peut être retenue, puisque tout parlementaire peut briguer un autre siège ; 3) le remplacement par le suivant de liste (et depuis 1958, par le suppléant) n'est utilisé qu'en des cas limités de vacance du siège : or, on ne peut restreindre l'interdiction des candidatures multiples à ces quelques cas ! Ayant voulu faire triompher l'esprit de la loi sur sa lettre, l'Assemblée de l'Union française a, en vérité, violé la loi. 5. El. BRISSON, en
1902.
408
LE SUFFRAGE POLITIQUE
EN
FRANCE
§ IL CONDITIONS DE FOND DESTINEES A REGULARISER LES FORCES EN PRESENCE. D'une part, la loi exige la présentation d'autant de candidats qu'il y a de sièges à pourvoir dans la circonscription, et d'autant de suppléants qu'il est prévu. D'autre part, la loi édicté certaines règles relatives à l'investiture des candidats par les partis.
A.
—
LA
DÉCLARATION
DE CANDIDATURE
DOIT, L E
PLUS
CONTENIR CANDIDATS ET SUPPLÉANTS E N NOMBRE
SOUVENT,
SUFFISANT.
Dans les cas où subsiste le scrutin de liste, se pose le problème de savoir si la liste doit comprendre autant de noms qu'il y a de sièges à pourvoir. Mais la présence des suppléants aggrave, sous une forme voilée, en dépit du retour au scrutin uninominal, la nécessité de présenter des listes complètes.
3 8 8 . — 1 ° ) L'obligation plus qu'en certains
de présenter des listes complètes cas. L'ordre de présentation.
ne
subsiste
Pour les élections à l'Assemblée nationale, elle subsiste dans tous les cas où ne s'applique pas le scrutin uninominal, mais un scrutin de liste majoritaire à un tour, afin d'obtenir des réponses claires et rapides dans des territoires où les opérations électorales sont difficiles à organiser, eu égard à l'état des populations et aux passions ambiantes. Ainsi, ne sont recevables aux Comores 1 que des listes complètes, comportant autant de noms qu'il y a de sièges à pourvoir. Pour les élections sénatoriales, l'obligation de présenter des listes complètes ne subsiste plus qu'en cas de scrutin à la RP 2 : la déclaration doit alors indiquer le titre de la liste, et l'ordre de présentation des candidats 3 . La liste qui ne contiendrait pas autant de noms qu'il y a de sièges à pourvoir ne serait pas recevable 4 . Pour les élections des délégués et suppléants municipaux : supra, 94. 1. Art. 3 de l'Ord. n° 59-227 du 4 février 1959. L'art. 4 du décret n» 59-394 du 11 mars 1959 dispose que la déclaration de candidature doit déterminer l'ordre de présentation des candidats : on s'explique mal cette disposition, puisque tout panachage, toute adjonction ou radiation étant interdits, la liste élue passe obligatoirement en entier. 2. L a logique de la R P appelle le système des listes complètes : le système des listes incomplètes, permises par la loi du 12 juillet 1919, fut supprimé par la loi du 15 mars 1924. Sous la IV e République, les art. 165, 2°, et 384 anciens du C. élec. imposaient le système des listes complètes. 3. Art. L. 300 du C. élec. : circonscriptions où 5 sièges au moins sont à pourvoir. 4. Système identique dans les départements algériens et sahariens de 1958 à l'indépendance.
DECLARATION DE CANDIDATURE
409
Au contraire, en cas de scrutin plurinominal majoritaire à deux tours, les déclarations de candidatures de listes incomplètes, et même les candidatures isolées, sont autorisées Aussi, les règles édictées en matière de scrutin à la RP (indication du titre de la liste, de l'ordre de présentation, interdiction du panachage et du vote préférentiel) ne s'appliquent pas : serait acceptée une liste se présentant au second tour avec un titre nouveau, liste composée d'individus, candidats au premier tour sur des listes différentes, alors qu'est respectée la seule obligation légale de l'unicité de candidature z. Sur la modification d'une liste complète après sa déclaration de candidature, par suite de décès {infra, 4 1 0 ) .
3 8 9 . — 2°) Nécessité d'un
suppléant.
Par contre, dans toutes les élections parlementaires (sauf les élections sénatoriales à la RP, où le remplacement du sénateur s'effectue par le suivant de liste), la déclaration du candidat doit être accompagnée de la désignation du suppléant 3 éligible (supra, 3 8 5 ) . Sinon, elle est irrecevable, ont estimé les tribunaux administratifs optant pour l'interprétation stricte du texte 4 , laquelle répondait, sans aucun doute, à la volonté du constituant. E t les art. 6 de l'Ord. n° 58-694 du 16 octobre 1958 (AN, Algérie) et 38 du décret n° 59394 du 11 mars 1959 (AN, TOM) précisèrent que la désignation du suppléant devait avoir lieu à peine d'irrecevabilité. D'autre part, la décision du suppléant de se retirer ou de ne pas se présenter au second tour entraîne la caducité de la candidature du titulaire, d'autant plus que « nul ne peut présenter pour le second 1. Art. L. 299 du C. élec. : circonscription où moins de 5 sièges sont à pourvoir ; art. R . * 150 du C. élec. 2. El. de la Haute-Garonne, CR rap. 2 décembre 1948, à propos de l'art. 27 du décret d'application du 24 septembre 1948. Sur la possibilité de présenter au second tour une liste panachée sous un nouveau titre, v. aussi él. du Nord, CD rap. COTY, 13 juillet 1924. 3. Un suppléant pour chaque candidat dans le scrutin de liste bloquée des Comores (art. 4 du décret n° 59-394 du 11 mars 1959) des élections à l'Âssemblée nationale. Egalement un suppléant par candidat dans le scrutin plurinominal majoritaire des élections sénatoriales, et la présentation des sénateurs représentants les Français établis hors de France (art. 14 de l'Ord. n° 59-260 du 4 février 1959). 4. Trib. Adm. de Limoges, préfet de la Haute-Vienne/RoQUE s ; Trib. Adm. de la Seine, préfet de la Seine / DEBOVE, 31 octobre 1958, D 1958. 708. La décision du Tribunal de la Seine, très peu motivée, se borne à remarquer que l'absence de suppléant est en contradiction avec les termes exprès de l'art. 8 de l'Ord. n° 58-945 du 13 octobre 1958 (art. L. 155 du C. élec.). DEBOVE, désireux de se présenter sans suppléant, arguait que le retour au scrutin « uninominal », prévu par l'art. 1 e r , disposition de nature a priori législative (mode de scrutin), excluait l'application de l'art. 8, de nature simplement réglementaire (formalités de la déclaration de candidature : supra 37), article prévoyant la désignation de deux personnes. Le commissaire du gouvernement rétorqua que l'art. 25 de la Const. renvoyant à une loi organisque le soin de fixer « les conditions dans lesquelles sont élus » les remplaçants, l'art. 8 avait la même valeur que l'art. 1 e r . Il faut d'ailleurs remarquer que la loi organique (Ord. n° 58-1065 du 7 novembre 1958 sur la composition de l'Assemblée nationale ; Ord. n° 58-1099 du 17 novembre 1958 sur l'incompatibilité entre les fonctions parlementaires et gouvernementales) ne traite que des cas où le remplacement a lieu ; les conditions dans lesquelles les remplaçants sont élus étant prévues par des ordonnances ayant valeur de loi ordinaire, on pourrait mettre en doute la constitutionnalité du mode d'élection des suppléants.
410
LE SUFFRAGE POLITIQUE EN FRANCE
tour de scrutin, un remplaçant autre que celui qui avait été désigné au premier tour » 1 . Cette disposition donne donc barre au suppléant sur le titulaire, et il est à craindre que certaines pressions ne s'exercent, entre les deux tours, sur celui-là, pour obtenir son retrait ; aux élections législatives de 1958, certains candidats ne purent se présenter au second tour du fait de la défaillance volontaire de leur suppléant 2 . (En cas de décès, infra, 4 0 2 ) .
390. — 3°) Condition spéciale à certaines circonscriptions politaines.
extra-métro-
Dans les Territoires d'Outre-Mer, désignation d'un mandataire parmi les personnes inscrites sur les listes électorales de la circonscription et présentes dans le Territoire lors du dépôt de la déclaration (art. 3 du décret n° 59-227 du 4 février 1959).
B . — L A DÉCLARATION DE CANDIDATURE DOIT É C L A I R E R L E S É L E C T E U R S SUR
LA
COLORATION
P O L I T I Q U E DU
CANDIDAT
:
L'ÉTIQUETTE
DU CANDIDAT.
Deux principes régissent cette matière : liberté du choix de l'étiquette, non-nécessité théorique d'une étiquette.
391. — 1°) La liberté de choix de
l'étiquette.
En principe, chaque candidat est libre de choisir l'étiquette qu'il désire, sauf reprendre le sigle d'un parti ou d'une organisation déclaré illégal et dissous. L'utilisation par un candidat, pour son étiquette, du sigle exact d'un parti, est donc fonction de son investiture par ce parti ; mais si l'investiture, relation entre le candidat et le parti, peut avoir une influence sur la sincérité de l'élection, elle ne constitue pas une condition de recevabilité de la déclaration de candidature.
1. Art. L . 162 du C. élec. (AN) ; art. L. 299 du C. élec. (Sénat). 2. M. G U I L L A I N D E B O I S S I E U , frère du gendre du général D E G A U L L E , et suppléant, se retire au 2 e tour sur l'ordre de l'UNR (Eure-et-Loir). En Saône-et-Loire l r c , un suppléant se retire parce qu'il lui déplait que son candidat ait obtenu l'investiture du Centre de Réforme Républicaine.
DECLARATION DE CANDIDATURE
3 9 2 . — 2°) La noiunécessité
d'une étiquette et ses
411
exceptions.
Ce principe (inverse de celui de la IV e République) résulte de l'adoption du scrutin uninominal. Un candidat peut faire enregistrer sa candidature sans étiquette, et n'en prendre une qu'au cours de la campagne électorale 1 ; ou la modifier entre les deux tours de scrutin, pourvu que cette modification n'induise pas les électeurs en e r r e u r 2 ou n'utiliser aucune étiquette indiquant sa coloration politique, même sur les bulletins de vote, puisqu'aucun texte n'impose cette obligation 3 . Mais, en pratique, rares sont les candidats qui se présentent sans indiquer, dans leur déclaration de candidature, cette coloration. Cependant, dans les élections sénatoriales se déroulant à la R P , chaque liste doit mentionner, dans la déclaration de candidature, son titre (art. L. 300 du C. élec.). Survivance du système généralisé sous la IV e République 4 , encore que ne soit pas reprise la disposition selon laquelle « plusieurs listes ne peuvent avoir, dans les mêmes circonscriptions, le même titre ou le même signe, ni être rattachées au même parti ou à la même organisation ». Il en résultait une interdiction formelle : interdiction pour deux listes d'avoir le même titre ; conséquence d'une interdiction de fond : plusieurs listes, dans la même circonscription, ne peuvent se rattacher à une même organisation politique 5 . Mais, il était évidemment possible pour une liste de ne se rattacher à aucun parti ! 1. El. J u n o t (Seine 2 e ), CCP 16 février 1959, Rec. 195.
2. El. Privât (Bouches-du-Rhône 11E), CCP 12 décembre 1958, Rec. 86; él. Houhel (AN,
Rhône 6 E ), CC 15 janvier 1963, Rec. 69. 3. El. P i c (Drôme 2 e ), CCP 6 janvier 1959, Rec. 124. 4. Art. 6 de la loi du 5 octobre 1946, modifié p a r l a loi du 9 mai 1951 (art. 165, 1 e r ancien du C. élec.) et art. 13 de la loi du 23 mai 1951 pour l'Assemblée nationale ; art. 25 du décret du 24 septembre 1948 pour le Conseil de la République. 5. E n droit public français, les partis ou organisations politiques n'ont pas à être constitués en personne juridique ( i n f r a 446). Aussi la jurisprudence électorale, pour apprécier le rattachement prohibé de plusieurs candidats dans la même circonscription à un seul parti ou organisation politique, utilise des éléments de fait : identité de programmes, démontrée par la communauté d'inspiration des documents électoraux ; communauté de mandataires effectuant des déclarations de candidatures et le dépôt des cautionnements ; de délégué à la commission de radiodiffusion et télévision ; d'orateurs a u x émissions accordées;de délégués a u x commissions de propagande ; réunions électorales communes ; libellé identique des bulletins de vote (V. les rapports sur les élections poujadistes en 1956, et particulièrement él. d'Indre-et-Loire, A N , rap. sup. 27 janvier 1956 et él. de Haute-Garonne, AN, rap. sup. 31 janvier 1956. L ' U D C A n'avait d'ailleurs jamais caché son intention de présenter plusieurs listes par circonscription : V. Fraternité française des 10 décembre 1955 et 7 janvier 1956). Une seule de ces circonstances ne saurait à elle seule démontrer que plusieurs candidats se rattachent au même parti. Lorsque l'organisation politique se confond avec l'action d'un seul homme, personne physique, celle-là prime celui-ci (en 1956, les Poujadistes prétendirent que leurs candidats se rattachaient non à une organisation politique, mais à la personne physique de Pierre P o u j a d e , et ne devaient donc pas tomber sous le coup de la prohibition de l'art. 165, $ 4 ancien du C. élec. L'argument ne serait valable que lorsque la personne en question n'aurait créé et dirigé aucune organisation). Q u a n t à l'autorité administrative, qui reçoit la déclaration de candi dature, ses pouvoirs d'appréciation sont limités en la matière : lorsque plusieurs listes, sous des titres différents, camouflent leur rattachement à un même parti, elle ne peut rechercher les liens, j uridiques ou de fait, susceptibles d'exister entre ces diverses listes, mais seulement interpréter « strictement » la notion de titre ou d'étiquette (circulaire du 15 mai 1951 ; lettre du 18 avril 1956 du ministre de l'Intérieur a u président du Premier bureau de l'Assemblée nationale. Contra l'interprétation des Poujadistes
412
LE SUFFRAGE POLITIQUE
EN
FRANCE
Cette interdiction, restrictive de la liberté de candidature, ne peut être étendue hors des cas prévus limitativement par les textes 1 : les contestations qui pourraient s'élever à cet égard ne viseraient que la sincérité de l'élection (à quel candidat bénéficierait, en vérité, l'investiture), mais non la recevabilité de la déclaration de candidature.
393. — § III. — CONDITIONS D E FOND R E L A T I V E S AU SECOND TOUR. Traditionnellement, lorsqu'il est nécessaire de procéder à uii second tour (élections législatives en métropole et dans les départements d'Outre-Mer, élections sénatoriales dans les départements ayant droit à moins de 5 sièges), aucune condition supplémentaire n'est exigée des candidats au second tour. Mais la nouvelle législation impose, dans un but de moralisation, et pour évitei certaines tractations trop dégradantes entre les deux tours, trois conditions restrictives à la liberté de candidature : deux positives, ne s'appliquant qu'aux élections législatives, et une négative, s'appliquant à toutes les élections parlementaires.
A.
—
CONDITIONS
POSITIVES
NE
S'APPLIQUANT
QU'AUX
ÉLECTIONS
LÉGISLATIVES.
L'art. L. 162 du C. élec. dispose en effet : « Nul ne peut être candidat au deuxième tour s'il ne s'est présenté au premier tour, et s'il n'a obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés ». 394. — Avoir été candidat
au premier
tour.
La première condition : avoir été candidat au premier tour (sur le décès, infra, 4 0 2 ) , soulève peu de difficultés : le candidat doit avoir effectué une déclaration de candidature reconnue valable lors du premier tour. Au contraire, l'art. L. 305 du C. élec. prévoit expressément que, lors des élections sénatoriales, les candidatures présentées entre les deux tours de scrutin sont recevables. prétendant que l'enregistrement par le préfet entraînait la présomption irréfragable de validité de leurs candidatures et apparentements : ce qui était restreindre indûment les pouvoirs de la Chambre organe vérificateur) ; elle doit, en cas de doute, saisir le Tribunal administratif (injra 413 et s.). Sur la compétence des tribunaux judiciaires : infra 462. 1. Ainsi, sous la IV e République, où cette interdiction était la règle générale, les chambres ne l'ont pas appliquée lorsqu'elle n'était pas précisée expressément : él. de Madagascar l r e , AN rap. 19 juillet 1951 : scrutin uninominal, art. 13 de la loi du 23 mai 1951 ; él. du Sénégal, CR rap. 10 juin
DECLARATION
DE
CANDIDATURE
395. — Avoir obtenu, frages exprimés.
lors du premier
413 tour, 5 % au moins des suf-
La licéité de la seconde condition : avoir obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés, qui vise à éliminer les candidats fantaisistes, et à éviter l'éparpillement des voix, a d'abord été contestée : en effet, a-t-il été dit, l'art. 20 de l'Ord. du 13 octobre 1958 (art. L. 158 du C. élec.) disposant que le cautionnement est remboursé aux candidats qui ont obtenu « à l'un des deux tours » 5 % des suffrages exprimés, l'art. 14 ne pouvait interdire à un candidat de se présenter au second tour : argument repoussé à juste titre 1 , car l'art. 14 (art. L. 162 du C. élec.) vise le mécanisme du scrutin, dont l'application « loin de constituer une irrégularité de nature à vicier » le second tour, est d'ordre public, et l'art. 20 une disposition accessoire et individuelle. Le calcul du pourcentage doit; se faire en fonction de deux nombres : celui des suffrages exprimés, obtenu en retranchant du nombre de votants les bulletins blancs ou nuls 2 (infra, 682 et s.), et celui des suffrages valablement attribués à l'intéressé. Enfin, l'annulation de l'élection, semble-t-il, s'imposerait si manœuvres ou irrégularités avaient empêché un candidat d'obtenir 5 % des voix, donc de se présenter au second tour. Mais l'organe vérificateur devrait apprécier rigoureusement l'influence que ces manœuvres et irrégularités auraient pu avoir sur le corps électoral, car il est peu probable que l'absence au second tour du candidat n'ayant pas atteint, pour quelque cause que ce soit, ce pourcentage lors du premier tour, ait pu modifier le résultat de la compétition. Aussi le Conseil examine-t-il l'écart des voix obtenues par les divers candidats 3 , et refuserait-il l'annulation de l'élection si elle n'était demandée qu'en vue d'obtenir le remboursement du cautionnement et des frais de candidature ( i n f r a , 542).
396. — B. — CONDITION NÉGATIVE S'APPLIQUANT A TOUTES LES ÉLECTIONS PARLEMENTAIRES.
Afin d'éviter tout marchandage, il est interdit de changer de suppléant entre lesi deux tours de scrutin. 1952 : scrutin de liste à la RP : sans doute, l'art. 79 du décret du 24 septembre 1948 renvoyait pour les points non réglés par ce décret aux textes en vigueur pour les élections des Territoires d'OutreMer à l'Assemblée nationale, mais l'art. 60 dudit décret, qui réglait les conditions de recevabilité des déclarations de candidature, ne reprenant pas cette interdiction, celle-ci ne pouvait s'appliquer. L'interdiction fut reprise pour les élections législatives dans les départements algériens (art. 9 de l'Ord. n° 58-964 du 16 octobre 1958). 1. Tribunal administratif de Grenoble, 26 novembre 1958, Préfet de l'Isère / MAZEREAU ; él. FULCHIRON (AN, Rhône 5E) CCP 6 janvier 1959, Rec. 116. 2. El. JUNOT (AN, Seine 2e) CCP 16 février 1959, 2 e et 3 e considérants, Rec. 195. 3. El. JUNOT, précitée, 4° considérant ; él. EBKARD (AN, Basses-Pyrénées 2E), CCP 6 février 1959, Rec. 177.
LE SUFFRAGE POLITIQUE EN FRANCE
414
SECTION II. — CONDITIONS DE FORME DE LA TION DE CANDIDATURE.
§ I. — CONDITIONS RELATIVES SCRUTIN.
AU PREMIER
DECLARA-
TOUR
DE
Les conditions de forme sont destinées à écarter les candidatures irrégulières ou fantaisistes, et à éclairer le corps électoral.
397. —
A. —
CONTENU
L A DÉCLARATION PROPREMENT DITE (ÉTAT
: INSTRUMENTUM ET
CIVIL).
Elle est rédigée sur papier libre, en double exemplaire 1 , et doit contenir un certain nombre de mentions 2 : signature3, nom 4 , date et lieu de naissance, domicile et profession 5 ; elle doit aussi contenir, en certains cas (supra 3 9 2 ) l'indication du titre de la liste, et l'ordre de présentation des candidats. Les décrets d'application exigent quelques autres renseignements : listes électorales sur lesquelles le candidat est inscrit, date de sa naturalisation s'il est naturalisé, couleur ou signe attribué au candidat dans les Territoires d'Outre-Mer, Territoire 1. Art. L. 157 et R.* 99 du C. élec. (AN) ; art. R . * 149 du C. élec. (Sénat). Une circulaire disposait, sous la III E République, que la déclaration de candidature pouvait être expédiée par la poste ; mais, s'agissant d'une disposition non légale, les chambres appréciaient rigoureusement les candidatures ainsi produites : en particulier, les préfets devaient rejeter les candidatures arrivées après la fin des délais de candidature (él. de Périgueux, CD 25 novembre 1893 ; él. d'Autun, 26 avril 1914). Cette jurisprudence fut tarie sous la IV E République, car les déclarations ne pouvaient être déposées qu* « en personne ou par mandataire ». Cependant, en cas de force majeure, une déclaration par voie télégraphique est admise, à condition qu'une déclaration complète ait été remise à l'autorité publique française la plus proche : él. L e Myre de V i l l e r s , CD 12 décembre 1889 ; él. Césaire et Bissol, AN, rap. 18 mars 1947 (en l'espèce, commandant du navire sur lequel les candidats avaient pris place, et qui avait été retardé). 2. Art. L. 154 du C. élec. (AN métropole) ; art. L. 298 du C. élec. (Sénat). 3. Sur l'obligation (supprimée par le décret du 26 septembre 1953) de faire légaliser les signatures (par le maire de la commune, les commissaires de police de la ville de Paris, ou pour les députés sortant, par la questure de la Chambre ), v. él. de Beltort, AN rap. 9 août 1951, déb. 23 août 1951. 4. La déclaration de candidature doit contenir le nom patronymique véritable du candidat. Mais elle peut également mentionner le pseudonyme sous lequel il est connu : él. Ancier (Seine-etOise), CR rap. 5 juin 1952 ; él. Habib-Deloncle (AN, Seine 20 E ), CCP 5 janvier 1959, Rec. 105 ; él. Mekki (AN, Oran-Ville, Algérie 7 E ), CCP 27 janvier 1959, Rec. 173 ; pseudonyme qui pourra être seul utilisé lors de la campagne électorale et sur les bulletins de vote s'il n'y a aucun risque de confusion pour les électeurs ( i n f r a 638). Cependant, si ce pseudonyme était manifestement faux, le préfet pourrait rejeter la déclaration (arrêt du préfet de l'Ardèche du 7 septembre 1892 annulant la candidature d'un individu qui s'affublait du nom de Lazare Carnot). 5. Art. 5 de l'Ord. n° 58-964 du 16 octobre 1958 (AN, Algérie, él. générales) ; art. 6 du décret n° 59-703 du 10 juin 1959 (AN, Algérie, él. partielles) ; art. 38 de l'Ord. n° 58-1098 du 15 novembre 1958 (Sénat).
DECLARATION DE CANDIDATURE
415
d'Outre-Mer au titre duquel la candidature est déposée 1 . Les suppléants, outre leur acceptation écrite (supra 3 8 2 ) , doivent fournir les mêmes indications 2 . Mais ces derniers renseignements ne sont pas exigés à peine d'irrecevabilité de la déclaration, alors surtout que, dans les circonstances de l'espèce, l'éligibilité des candidats est de notoriété publique (par exemple : exercice d'une fonction publique). Le Conseil, reprenant la vieille théorie des preuves équipollentes (supra 3 1 6 ) a ainsi décidé que la non-indication des listes électorales n'annulait pas la déclaration de candidature 3 , sauf, bien entendu, s'il y avait absence d'inscription pour défaut de capacité 4 . En pratique, les candidats et leurs suppléants déposent aussi un extrait de casier judiciaire.
3 9 8 . — B . — L E CAUTIONNEMENT.
Le cautionnement est destiné à empêcher les candidatures fantaisistes, à éviter l'éparpillement des voix, et le gaspillage des deniers de l'Etat, qui supporte certains frais électoraux (infra 5 4 2 ) ; il est donc aussi un mode de financement des opérations électorales, renforçant l'aspect de « service public » (financement par les usagers et utilisation des services de la commission de propagande, infra 4 8 1 ) , que l'organisation de ces opérations tend à acquérir. Véritable condition de recevabilité (formalité substantielle) de la déclaration de candidature pour les élections à l'Assemblée nationale 5 , le cautionnement (1000 F par candidat) doit être déposé chez le trésorierpayeur général dans les 48 h de la déclaration de candidature 6, qui n'est enregistrée qu'au vu du récépissé délivré par celui-ci (art. L. 161 du C. élec.). Au contraire, le cautionnement, pour les élections sénatoriales 1. Date de la naturalisation, et indication des listes électorales : art. R . * 9 9 du C. élec. (AN, métropole) ; art. 2 du décret n° 59-394 du 11 mars 1959 (AN, TOM) ; art. 21 du décret n° 59-415 du 13 mars 1959 (art. R.* 149 du C. élec.) (Sénat, métropole et TOM). Couleur ou signe choisi par le candidat : art. 9 de l'Ord. n° 59-227 du 4 février 1959 (AN, TOM) ; en cas de contestation entre les candidats, le chef du Territoire détermine la couleur ou le signe de chacun d'eux ; sa décision, rendue après avis d'une commission composée des mandataires des candidats, peut être frappée d'un recours par le candidat intéressé ou son mandataire, devant le Conseil du Contentieux administratif : art. 7 du décret n° 59-394 du 11 mars 1959. Indication du Territoire d'Outre-Mer au titre duquel la candidature est déposée : art. 2 du décret n° 59-394 du 11 mars 1959 (AN, TOM). Signature du déposant sur la déclaration même, à laquelle sont annexées la procuration du mandataire déposant et les expéditions des actes de naissance des candidats et de leurs remplaçants (art. 5 du décret n° 59-394 du 11 mars 1959, modifié par le décret n" 60-435 du 26 avril 1960). Mentions spéciales pour les candidats à un siège de sénateur représentant les Français établis hors de France : art. 13 et 14 du décret du 10 mars 1959 portant statut du Conseil supérieur des Français de l'étranger ; et mention de la section au titre de laquelle la candidature est déposée (arrêté ministériel du 10 mars 1959). 2. Art. L. 155 du C. élec. (AN) ; art. L. 299 du C. élec. (Sénat). 3. El. sén. de Tizi-Ouzou, CC 11 décembre 1959, Rec. 256. 4. El. L O S T E (AN, Wallis et Futuna), CC 10 juillet 1962, Rec. 39. 5. El. B É C H A R D (AN, Gard 4 e ), CC 22 janvier 1963, Rec. 74. 6. Art. L. 158 du C. élec. ; art. 6 du décret n° 59-394 du 11 mars 1959 (AN, TOM). Aucun cautionnement n'était exigé pour les élections législatives en Algérie, afin de faciliter les candidatures...
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LE SUFFRAGE POLITIQUE
EN
FRANCE
(200 F ) , loin d'être une condition de recevabilité, est versé par les seuls candidats désireux de bénéficier des services de la commission de propagande, qui ne sont que facultatifs 1 . Le cautionnement est remboursé en cas de retrait de candidature 2 effectué dans les délais prévus ( i n f r a 4 0 4 ; en cas de retrait ou de désistement de fait : supra 2 8 5 ) , ou lorsque le candidat a obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés à l'un quelconque des deux tours de scrutin 3 . Sur le mode de calcul des 5 % : supra 395. Le Conseil constitutionnel se déclare incompétent s'il est saisi, non de l'annulation de l'élection elle-même, mais du remboursement du cautionnement et des frais électoraux ( i n f r a 5 4 2 ) .
3 9 9 . — C . — D É L A I DANS L E Q U E L LA CANDIDATURE DOIT Ê T R E DÉPOSÉE.
Ce délai est d'une semaine pour les élections législatives, de deux semaines pour les élections sénatoriales. L e dies a quo est, pour les élections législatives, le quatrième lundi qui précède le jour de l'élection *. Pour les élections sénatoriales, les candidatures peuvent être déposées dès le lundi suivant les élections des délégués municipaux, soit le troisième lundi précédant le jour de l'élection sénatoriale. Le dies ad quem, est, pour les élections législatives, le vingt-etunième j o u r 5 , et, pour les élections sénatoriales, le huitième jour 1. Art. 28 du décret n° 59-415 du 13 mars 1959 (art. R . * 159 du C. élec.) (Sénat, métropole, et TOM). Les candidatures présentées pour la première fois au second tour n'ont donc certainement pas à le payer. 2. Art. R . * 100 du C. élec. (AN) ; art. 8 du décret n° 59-394 du 11 mars 1959 (AN, TOM). 3. Art. L. 158 du C. élec. Pour le Sénat : 5 % en cas de scrutin proportionnel, 10 % en cas de scrutin majoritaire (art. R.* 160 du C. élec. renvoyant à l'art. L. 308 du C. élec.) Les cautionnements non réclamés dans le délai d'un an à compter de leur dépôt sont prescrits au profit du Trésor Public. 4. Art. R . * 98 du C. élec. (AN, métropole) ; art. 1 e r du décret n» 59-394 du 11 mars 1959 (AN, TOM). Les décrets de convocation des collèges électoraux fixent les jours et heures de dépôt. 5. Art. L. 157 du C. élec. ; art. 6 de l'Ord. n° 59-227 du 4 février 1959 (modifié par la loi n° 59-959 du 31 juillet 1959 et la loi n° 61-819 du 29 juillet 1961) et art. 1 « du décret n» 59-394 du 11 mars 1959 (modifié par le décret n° 60-435 du 26 avril 1960) (TOM, délai spécial pour la Polynésie et les Iles Wallis et Futuna) ; la clôture du délai, pour les TOM,a lieu au plus tard à 12 h. la veille du dies ad quem, lorsque la déclaration est déposée, non dans les bureaux désignés par arrêté du délégué du gouvernement, mais dans ceux du ministre chargé des territoires d'Outremer. En Algérie, en 1958, ce délai (art. 7 de l'Ord. n 0 58-964 du 16 octobre 1958) avait été prolongé par l'Ord. n° 58-1063 du 14 novembre 1958, afin de permettre le remplacement des candidat! ou suppléants inéligibles des listes déposées dans le délai légal. La lettre de ce texte exceptionnel a été strictement appliquée : d'une part, seuls les candidats, ou suppléants inéligibles purent être remplacés (él. d'Alger-Ville (AN, Algérie 1 " ) , CCP 16 janvier 1959, Rec. 139), cette mesure ne devant pas permettre le remaniement d'une liste ; et d'autre part, cette possibilité était restreinte aux listes ayant effectué une déclaration, non aux candidats qui n'avaient pas fait acte de candidature (Trib. adm. d'Oran, 22 novembre 1958, VOITURIER, BENAISSA RABAH et autres). N'était-il pas paradoxal qu'une liste ayant présenté des candidats inéligibles ait la faculté de se réformer, tandis que les candidats scrupuleux n'ayant pas déposé de déclaration du fait que l'un d'entre eux était inéligible, ne le puissent? Mais le Conseil constitutionnel a refusé de connaître de l'exception d'inconstitutionnalité soulevée contre l'Ordonnance du 14 novembre 1958 (él. de Batna (AN, Algérie 15E), CC 5 mai 1959, Rec. 215).
DECLARATION
DE
CANDIDATURE
417
précédant celui du scrutin 1 . Les déclarations de candidatures ne sont pas acceptées avant l'ouverture du délai légal ; le dernier jour, elles sont reçues jusqu'à minuit, mais non le lendemain, car, en matière électorale, les délais ne sont pas francs 2. Sur la possibilité d'une candidature tardive en cas de force majeure : supra, 3 9 7 n.
400.
—
D. —
ENREGISTREMENT ET PUBLICATION DE LA CANDIDATURE.
La déclaration de candidature doit être déposée à la préfecture \ Un reçu provisoire est délivré aux candidats, qui est remplacé dans les quatre jours du dépôt par un récépissé définitif 4 , si le préfet estime que la candidature est recevable : ce délai permet notamment de centraliser les candidatures au ministère de l'Intérieur, afin d'éviter les candidatures multiples. Le préfet publie par arrêté la liste des candidats, et de leurs suppléants, dont la déclaration est définitivement enregistrée 5 . Sur la conséquence de cette publication quant à la validité des bulletins : infra 6 4 6 . La publication de cette liste destinée à éclairer les électeurs sur l'éventail politique des candidats en présence, doit être considérée comme excluant tout autre mode de publicité : le préfet ne pourrait communiquer aux tiers les originaux des déclarations de candidature 6 , ou le registre des inscriptions de candidature, document d'ordre intérieur 7 . Mais les autres candidats sont-ils véritablement des « tiers » ? Ainsi, c'est une autorité administrative, soumise au gouvernement, qui rend la déclaration de candidature efficace. Ce qui pourrait être très dangereux (infra 4 1 9 et s. : pouvoirs d'appréciation du préfet 1. Art. L. 301 et R.* 149 du C. élec. (métropole) ; art. 10 de l'Ord. n° 59-260 du 4 février 1959 (modifié par l'art. 1 e r de la loi n" 61-818 du 29 juillet 1961) et art. 21 du décret n° 59-393 du 11 mars 1959 (TOM : délai spécial au cas où la candidature est déposée dans les bureaux du ministre chargé des territoires d'Outre-Mer). 2. El. de l'Aisne, CD rap. 3 juillet 1914. 3. Exceptions : les candidatures aux élections législatives ou sénatoriales dans les Territoires d'Outre-Mer peuvent être effectuées soit dans les bureaux désignés par le chef du Territoire, soit dans ceux du ministre chargé des Territoires d'Outre-Mer. Elles doivent être déposées auprès du ministre des Affaires Etrangères qui les transmet au président de Conseil supérieur des Français de l'étranger pour les sénateurs représentant les Français établis hors de France (art. 16 de l'Ord. n» 59-260 du 4 février 1959 et art. 13 du décret n° 59-389 du 10 mars 1959). 4. Art. L. 157 et L. 161 du C. élec. ; art. 1 e r et 6 du décret n° 59-394 du 11 mars 1959 modifié par le décret n° 60-435 du 26 avril 1960 (AN, TOM) ; art. L. 301 du C. élec. (Sénat). La nonremise, par simple oubli, du récépissé définitif par le préfet, ne saurait vicier l'élection (CD rap. 29 novembre 1900). 5. La publication doit intervenir au plus tard 2 semaines avant le scrutin pour les élections législatives : art. R.* 101 du C. élec. (métropole) et art. 9 du décret n° 59-394 du 11 mars 1959 (TOM ; pour la Polynésie : V. art. 3 du décret n° 60-435 du 26 avril 1960, complétant cet art. 9) ; le lendemain de la date limite du dépôt des candidatures pour le second tour ; la liste des candidatures enregistrées est transmise par le préfet aux maires deux jours avant le scrutin. Pour les élections sénatoriales, la publication doit avoir lieu 4 jours au plus tard avant le scrutin (entre les deux tours de scrutin pour le second tour : infra 401). 6. El. de la 2 e circ. du Nord, AN 31 juillet 1951. 7. Le Tribunal administratif ne peut ordonner cette communication, car, d'une part, il ne saurait adresser des injonctions à l'Administration ; d'autre part, il ne peut être saisi que par le préfet lui-même : Tribunal administratif de Toulouse, BYÉ / Préfet de l'Ariège, 28 novembre 1958. 14
418
LE SUFFRAGE POLITIQUE
EN
FRANCE
sur les conditions de recevabilité — fond et forme — de la déclaration de candidature, et les voies de recours ouvertes contre la décision du préfet).
4 0 1 . — § II. — CONDITIONS RELATIVES AU SECOND TOUR DE SCRUTIN. Les conditions de forme sont, en principe, les mêmes ; une nouvelle déclaration de candidature est exigée des candidats aux élections législatives qui désirent se maintenir au second tour. Elle est reçue à partir de la proclamation des résultats du premier tour, et jusqu'au mardi minuit (mercredi minuit en cas de retard dû à la force m a j e u r e dans le recensement des votes), suivant le premier t o u r 1 . La question est plus complexe pour les élections sénatoriales : sans doute, les candidats qui se présentent pour la première fois au second tour doivent déposer à la préfecture une déclaration contenant les indications exigées avant l'heure fixée pour l'ouverture du scrutin. Et la liste arrêtée par le préfet, des candidatures, est affichée dans la salle de vote, mais celles-ci n'ont pas fait l'objet d'un enregistrement 2 . Mais les candidats présents au premier tour et qui se maintiennent au second tour doivent-ils renouveler leur candidature ? Si l'art. L. 305 du C. élec. ne vise que les nouvelles candidatures, les décrets d'application semblent imposer une déclaration à toutes les candidatures du second tour 3 . Selon la jurisprudence établie par le Conseil de la République) en une situation semblable 4 , une nouvelle déclaration n'est pas nécessaire. Les circulaires ministérielles 5 ont adopté la même solution. Le Conseil constitutionnel, saisi de cette difficulté, s'est borné à constater que le 'grand écart des voix obtenues par les candidats en présence rendait inutile la recherche d'une solution juridique du problème c , appliquant ainsi le principe de l'économie des moyens.
1. Art. L. 162 et R * 98 du C. élec. 2. Art. L. 305, R.* 151, R.* 153 et R.* 170 du C. élec. (métropole) ; art. 22 du décret n° 59-393 du 11 mars 1959 (TOM). 3. V. aussi art. R.* 170 du C. élec. et art. 37 du décret du 22 avril 1959 édictant la nullité des bulletins « au nom d'un candidat ou d'une liste de candidats ne figurant pas sur la liste arrêtée par le préfet avant chaque tour de scrutin ». 4. El. de la Haute-Garonne, CR rap. 2 décembre 1948, à propos de l'art. 22, § 3 de la loi du 23 septembre 1948 (art. 385 du C. élec., texte primitif). 5. Circulaires du ministre de l'Intérieur n° 164 du 27 mars 1959, et n° 196 du 15 avril 1959. 6. El. du Loir-et-Cher (Sénat), CC 28 mai 1959, Rec. 235.
DECLARATION
DE
CANDIDATURE
419
§ m . — MODIFICATIONS INTERVENANT DANS LES CANDIDATURES APRES LE DEPOT DE LA DECLARATION. Ces modifications peuvent intervenir à la suite d'un décès d'un candidat ou d'un suppléant, ou d'un retrait. Le législateur s'est montré bienveillant dans le premier cas, dû à la force majeure, mais rigoureux dans le second, afin d'éviter des marchandages : achat de retrait de candidature. Enfin, des modifications peuvent intervenir dans l'ordre de présentation des candidats.
402.
—
A. —
D É C È S D'UN CANDIDAT OU D'UN
SUPPLÉANT.
Lorsque le décès d'un candidat ou d'un suppléant intervient avant l'expiration du délai prévu pour le dépôt des déclarations, la candidature tombe, mais peut être refaite avec d'autres partenaires. Aussi, le législateur ne vise-t-il (en des textes d'ailleurs mal rédigés) que le cas où le décès survient après l'expiration de ce délai : la candidature subsiste : si le candidat décède, le remplaçant devient candidat et « peut » désigner un autre remplaçant ; de même en cas de décès du remplaçant, le candidat « peut » en désigner un autre 1 . Il s'agit d'une simple faculté, eu égard au caractère exceptionnel du suppléant, et aux cas limitalivement énumérés où il est appelé à occuper le siège du candidat titulaire. Ce n'était une obligation que pour les élections législatives en Algérie 2.
403.
—
B.
—
R E T R A I T DE
CANDIDATURE.
La liberté du retrait de candidature (et sa projection sur le plan de la tactique électorale : le désistement en faveur d'un autre 1. Art. L. 163 du C. élec. (AN) : la modification doit être notifiée au préfet qui l'enregistrera et la publiera au plus tard 5 jours avant le scrutin en métropole (art. R . * 102 du C. élec. : AN métropole ; mais que décider si le décès survient moins de 5 jours avant le scrutin ? Sans doute, comme le remplacement n'est qu'une faculté, la candidature subsiste-t-elle en dépit de l'absence de suppléant) ; la veille du scrutin dans les Territoires d'Outre-Mer (art. 10 du décret n° 59-394 du 11 mars 1959). Les remplacements, pour les élections sénatoriales, ne sont prévus, interminis, que pour les candidats, non les suppléants, et dans le cas où les candidatures ont été déposées par liste : il est alors possible de modifier l'ordre de présentation en plaçant le nouveau candidat à un rang autre que celui occupé par le défunt : art. L. 300 du C. élec. (scrutin à la RP) ; art. R . * 150 du C. élec. (scrutin plurinominal majoritaire) ; le remplacement « peut s avoir lieu jusqu'à la veille de l'ouverture du scrutin : effectuer le remplacement est donc une simple faculté, non une obligation (solution identique au régime électoral de la I V e République : art. 165, § 11 et 384, § 5 du C. élec., texte primitif). 2. Art. 8 de l'Ord. n° 58-964 du 16 octobre 1958 : le texte ne prévoyait que le cas du décès d'un candidat : le suppléant prenait sa place et faisait connaître le nom de la personne de même statut appelée & le remplacer.
LE SUFFRAGE POLITIQUE EN FRANCE
420
candidat : supra 2 8 5 ) est fonction de l'existence de la déclaration de candidature : le retrait fut effectué sans formalité tant que celle-ci ne fut pas imposée ; puis, par application du principe du contrarius actus, par les mêmes formalités que la déclaration elle-même, une fois celle-ci instituée 1 . Mais l'obligation de présenter des listes complètes entraîne la suppression du retrait de candidature 2 . Certes, les restrictions apportées au retrait de candidature, donc à la liberté de candidature, demeurent de droit étroit 3 . Mais, afin d'éviter qu'un candidat ne disparaisse subitement de la scène électorale, après des tractations, et au risque de désorienter les électeurs, la loi limite la possibilité de retirer une candidature quant au moment, et quant aux personnes pouvant l'effectuer.
1°) Conditions 4 0 4 . — a) Moment
du
retrait.
du
retrait.
Le retrait de candidature peut être effectué jusqu'à la date limite du dépôt des candidatures 4 , soit minuit le dernier jour 5 . La règle ne souffre pas d'exception % sauf peut-être pour les élections sénatoriales 7 ; un candidat ne pourrait ensuite se retirer, une fois sa décla1. El. de la Lozère, CD 25 juillet 1893 ; CD 30 novembre 1893 : la loi de 1889 n'avait pas prévu le retrait de candidature : la Chambre estima qu'il pouvait s'effectuer par une déclaration à la préfecture. 2. L'art. 7 de la loi électorale du 12 juillet 1919 (permettant les listes incomplètes) réglait les modalités du retrait ; cet article fut abrogé par la loi du 15 mars 1924 instituant le système des listes complètes. De même sous la IV e République, les anciens art. 165, § 3 (pour les élections législatives) et 384, § 4 (pour les élections sénatoriales) du C. élec. interdisaient les retraits après le dépôt de la déclaration. 3. Avis du Conseil d'Etat communiqué en 1954 au ministre de l'Intérieur sur le problème du retrait de candidature : le Conseil a estimé, contrairement à certaines tendances (cf. observations MORO-GIAFFERI, in él. BAYROU AN 25 février 1947) que l'interdiction du retrait, bien que s'appliquant alors à la plupart des élections parlementaires qui avaient lieu au scrutin de liste à la R P , ne pouvait être étendu « en l'absence d'une manifestation expresse de la volonté du législateur » en cas de scrutin majoritaire (à propos du décret du 21 septembre 1951, sur les élections partielles à l'Assemblée nationale). 4. Art. R.* 100 du C. élec. (AN, métropole) ; art. 8 du décret n° 59-394 du 11 mars 1959 (AN, TOM) ; él. Pic (AN, Drôme 2E), CCP 6 janvier 1959, Rec. 124 ; él. VASCHETTI (AN, Seine 23»), CCP 6 février 1959, Rec. 187 ; él. MAGNE (AN, Allier 3E), CC 22 janvier 1963, Rec. 78 ; él. DENIAU (AN, Loiret 4E), CC 22 janvier 1963, Rec. 86 ; él. GUÊNA (AN, Dordogne 1 " ) , CC 12 février 1963, Rec. 111 ; él. DURLOT (AN, Aube 3E), CC 12 février 1963, Rec. 115. 5. El. DURLOT (AN, Aube 3 e ), CCP 6 février 1959, Rec. 184. 6. Dans les départements algériens et sahariens, tout retrait était interdit dès le dépôt de la candidature : art. 8 de l'Ord. n° 58-964 du 16 octobre 1958 (Algérie) ; art. 20 de l'Ord. n° 58-965 du 16 octobre 1958 (Sahara). C'était le système utilisé sous la IV e République. 7. Art. L. 300 du C. élec. (Sénat, él. à la RP). Le retrait est également possible dans les élections sénatoriales au scrutin majoritaire, puisqu'aucun texte ne l'interdit ; cependant, il ne semble pas, eu égard à l'esprit du système électoral mis en vigueur en 1958, que ce retrait puisse intervenir même après la date limite de dépôt des candidatures ; on pourrait cependant rappeler l'avis précité rendu à une époque où les textes en vigueur interdisaient le retrait dès le dépôt de la déclaration : le Conseil d'État a estimé que le retrait, dans un cas où il n'était pas expressément interdit, était possible jusqu'à l'ouverture du scrutin. Cependant, le Conseil constitutionnel a admis la validité d'un retrait effectué après l'ouverture du second tour de scrutin, mais sans rechercher si une déclaration de candidature devait alors être faite : él. du Loir-et-Cher (Sénat), CC 28 mai 1959, Rec. 235.
DECLARATION DE CANDIDATURE
421
ration régulièrement enregistrée, même en invoquant son erreur 1 : le point de vue formaliste l'emporte, afin de respecter l'esprit des dispositions instituant le mode de suffrage. b) Par qui le retrait peut-il être effectué ? 4 0 5 . — 1. — Scrutin
uninominal.
E n principe, la décision de retrait est personnelle ; mais l'institution du suppléant conduit à examiner si le retrait ne peut se faire qu'avec l'accord du candidat titulaire et du suppléant, ou si la candidature tombe dès que l'un des deux effectue le retrait dans le délai voulu : il a été décidé que le retrait dd candidature était valable si émanant du seul candidat, sans l'accord préalable de son suppléant, aucun texte n'exigeant cet accord, l'art. L. 155 du C. élec. visant seulement le dépôt de candidature 2 . A l'inverse, la décision prise par le suppléant de se retirer entraîne d'office le retrait du candidat à titre principal, car, dans l'esprit du législateur, tout candidat, sauf en cas de décès, doit être accompagné d'un suppléant 3 ; mais il est possible de procéder à son remplacement si le délai fixé pour le dépôt des candidatures 1 n'est pas écoulé. 4 0 6 . — 2. — Scrutin
plurinominal.
Bien que les textes soient muets, les solutions précédentes doivent être adoptées. D'ailleurs, lorsque les candidats se sont présentés sur une liste commune, le retrait de l'un d'entre eux n'entraîne pas celui des autres candidats de la liste, puisque la présentation par liste n'est qu'une faculté, et que les candidatures demeurent, en quelque sorte, individuelles. 4 0 7 . — 3. — Scrutin de liste complète et
bloquée.
Le retrait pourrait émaner soit de l'un des candidats, soit de la liste entière. L'interdiction du retrait vise chaque membre, pris individuellement, de la liste 4 , car elle a « pour objet d'exclure les modifications qui, contrairement à l'esprit des dispositions instituant le mode de suffrage dont il s'agit, seraient, postérieurement à la date prévue par le législateur, apportées par voie individuelle à des listes constituées » 5 . 1. El. de la 2 e circ. du Nord, AN, rap. 17 juillet 1951, déb. 31 juillet 1951:1e candidat invoquait l'erreur qu'il avait, affirmait-il, commise sur la coloration politique d'une liste apparentée. 2. El. D U R L O T (Aube 3 e ), CCP 6 février 1959, Rec. 184. 3. Cf. art. 8 du décret n° 59-394 du 11 mars 1959 (TOM). 4. El. de la 2 e circ. du Nord, AN rap. 17 juillet 1951, déb. 31 juillet 1951. Bien entendu, un retrait individuel demeure possible j usqu'à l'expiration du délai fixé pour le dépôt des candidatures. 5. Avis du Conseil d'Etat de 1954, précité.
422
LE SUFFRAGE POLITIQUE EN FRANCE
Mais le retrait d'une liste entière est-il possible ? La jurisprudence, estimant que toute entrave à la liberté de candidature doit être restrictivement interprétée, et, en tout état de cause, que l'acte de candidature demeurait juridiquement distinct de la constitution de la liste ( i n f r a , 4 1 1 ) , décida que le retrait global d'une liste était autorisé La solution adoptée se justifie également en opportunité : elle permet à une liste d'effectuer son retrait afin de chasser un membre de son sein, et de le remplacer par un autre candidat avant la fin du délai de dépôt de candidature 2 : ensuite, la liste ne pouvait que disparaître totalement 3 . Mais elle est très hardie, car elle va, en invoquant l'esprit du texte, très au-delà de sa lettre. Il semble cependant que cette solution ne puisse plus être retenue actuellement, pour les élections sénatoriales se déroulant à la RP, bien que le système de scrutin soit demeuré le même que sous la IV e République, car le texte prévoit que le retrait est interdit, non plus à partir du dépôt de la candidature, mais à partir de l'expiration du délai prévu pour les dépôts de candidatures : libéralisation qui limite à cette date la possibilité de tout retrait, individuel ou collectif. Le même raisonnement peut être fait pour les élections aux Comores 4 . 4 0 8 . — c) Formes
du
retrait.
Le retrait doit, lorsqu'il est permis, dans les élections à l'Assemblée nationale, être effectué par une déclaration enregistrée comme la déclaration de candidature elle-même (textes précités) ; il est délivré un accusé de réception du retrait de candidature. Le candidat qui a signé son retrait, puis, se ravisant, refuse de prendre ce récépissé, ne figurera pas au second tour. Mais aucune forme n'est prévue pour les retraits aux élections sénatoriales (situation identique sous la IV e République). La jurisprudence parlementaire a admis que le dépôt de candidature d'une liste modifiée, effectué dans le délai, même par un mandataire, annule implicitement la déclaration de la liste originaire 5 . Solution audacieuse, car c'est faire bon marché de la volonté du membre que la liste expulse, et l'on pourrait aussi se demander si les candidats maintenus dans la seconde déclaration, ne tombent pas sous le coup de l'interdiction de se présenter sur plusieurs listes dans la même circonscription : or, en pareille hypothèse, seule la déclaration effectuée la première est valable, la seconde étant considérée comme nulle (supra, 387). Mais on a estimé que le défaut de protestation du candi1. Avis du Conseil d'Etat précité. Solution d'autant plus hardie que,sous la IV e République, les retraits de candidature étaient interdits dès leur dépôt : supra 404 n. 2. El. de Seine-et-Oise, CR rap. 5 juin 1952, déb. 3 juillet 1952. 3. El. de la Corrèze, AN rap. 20 janvier 1956, déb. 12 février 1956. 4. Art. S du décret n° 59-394 du 11 mars 1959 : le retrait d'un candidat ou d'un suppléant entraîne retrait de toute la liste. 5. El. de Seine-et-Oise, CR rap. 5 juin 1952, déb. 3 juillet 1952.
DECLARATION
DE
CANDIDATURE
423
dat évincé valait acceptation tacite de son retrait de candidature : « qui ne dit mot, consent »... Cette solution est excellente sur le plan de l'opportunité, car elle permet d'écarter un co-listier qui se révélerait indigne, ou exclu de son parti. Elle a moins d'intérêt maintenant que le retrait d'un candidat, qui fait tomber la candidature de toute la liste, est expressément prévu : le retrait peut donc s'effectuer par une déclaration contraire.
409. — 2°) Conséquences du retrait. Le retrait effectué régulièrement entraîne la disparition de la candidature : les documents électoraux ne sont pas distribués, la propagande ne peut pas être effectuée, les suffrages émis en sa faveur sont nuls ( i n f r a , 6 4 8 ) , le cautionnement est remboursé. Au contraire, lorsque le retrait, du fait de l'écoulement du délai fixé pour le dépôt des candidatures, est devenu impossible, un candidat ou un suppléant ne peut plus se retirer de la compétition : ses bulletins sont mis à la disposition des électeurs, les suffrages exprimés en son nom sont valables, le cautionnement ne sera remboursé que si le pourcentage minimum de voix est atteint. Mais il est permis à tout candidat qui ne peut plus effectuer un retrait officiel, de n'utiliser aucun des moyens de propagande mis à sa disposition, et d'annoncer qu'il se désiste ; et même de retirer ses bulletins des bureaux de vote ( supra, 2 8 5 ) .
410.
— DES
C. —
MODIFICATIONS
APPORTÉES A L ' O R D R E DE
PRÉSENTATION
CANDIDATS.
L'ordre de présentation ne joue actuellement de rôle, et son indication n'est d'ailleurs exigée que dans le cas d'un scrutin à la R P (élections sénatoriales dans les départements ayant cinq sièges au moins à pourvoir) 1 . La modification n'est expressément prévue que dans le cas du décès d'un candidat (supra, 4 0 2 ) . Mais elle n'est formellement prohibée par aucun texte. Aussi le Conseil d'Etat 2 l'estima possible, même après l'expiration du délai prévu pour la déclaration des candidatures, car elle constitue une modification purement matérielle, d'ordre intérieur, de la liste. A l'inverse, pour la jurisprudence parlementaire, une telle modification équivalait au dépôt d'une nouvelle liste, donc n'était permise que jusqu'à l'expiration du délai 1. Lorsque, dans les autres départements, plusieurs candidats se présentent sur une liste, ils ont, en principe, des chances égales, puisque les sièges sont attribués au scrutin majoritaire plurinominal : peu importe donc, semble-t-il, l'ordre de présentation. Cependant, celui-ci influence les électeurs : les mêmes solutions qu'en matière de scrutin à la RP, doivent donc s'appliquer. 2. Avis au ministre de l'Intérieur du 17 décembre 1955.
424
LE SUFFRAGE POLITIQUE
EN
FRANCE
de dépôt des déclarations 1 . Plus respectueuse de la liberté de candidature est la solution préconisée par le Conseil d'Etat.
411.
—
L A NATURE JURIDIQUE DE LA DÉCLARATION DE CANDIDATURE.
La déclaration de candidature consiste d'abord en une manifestation de volonté : une pollicitation dirigée vers le corps électoral, qui sera libre d'y répondre ou non. Mais la désignation du député — ou, plus exactement, les liens qui existent entre électeurs et élus — ne s'analyse pas en u n simple contrat 2 (supra, 16-20). Aussi, en dépit de l'affirmation de certains parlementaires, le recours à la notion de pollicitation, s'il rend compte en une certaine mesure de la réalité psychologique de l'élection, ne saurait constituer une explication juridique. En effet, la manifestation de volonté du candidat, qui lui confère, non u n « status » protecteur, mais certains droits (faire campagne, voir les bulletins émis à son nom tenus pour valables), n'est autorisée que sous certaines conditions et entourée de certaines formalités qui en font u n acte juridique de droit public. D'ailleurs, l'obligation de se présenter, soit avec suppléant, soit sur une liste complète, transforme cette manifestation d'acte individuel en acte plurilatéral. Cependant, selon le Conseil d'Etat, bien que « la déclaration de candidature [doive] nécessairement être effectuée collectivement... l'acte de candidature n'en demeure pas moins u n acte essentiellement individuel, sans doute nécessaire pour la constitution des listes, mais juridiquement distinct » 3 . Opinion contestable, car, d'une part, elle transfère un sentiment subjectif sur le plan juridique : or, si, psychologiquement, l'intention de se porter candidat est bien une décision individuelle, il n'en reste pas moins que cette décision ne peut acquérir une existence juridique que par la concordance des volontés du suppléant ou des co-listiers. D'autre part, tant que le retrait est permis, une seule volonté défaillante fait tomber les candidatures des partenaires, qui, juridiquement sont censées n'avoir jamais existées ; seul le décès, cas de force majeure, n'empêche pas une liste incomplète, ou un candidat sans suppléant, d'aller à la bataille. Ainsi, acte de candidature et accord des volontés sont intimement liés. La déclaration de candidature est donc, dans le régime électoral en vigueur, u n acte juridique plurilatéral de droit p u b l i c 4 : ce qui conditionne les pouvoirs d'appréciation affectés à certaines autorités sur sa validité. 1. El. de la Corrèze, AN, rap. 20 janvier 1956, déb. 2 février 1956 (la Chambre n'avait pas été insensible aux implications politiques du problème). 2. Observations M O R O - G I A F F E H I , in él. B A Y R O U (Gabon-Moyen-Congo, collège des citoyens de statut civil), AN, 25 février 1947. 3. Avis du Conseil d'Etat de 1955 sur le retrait, précité. Cette opinion permettait d'ailleurs au Conseil de restreindre la prohibition du retrait aux retraits individuels, non au retrait global d'une liste. 4. La suppression du remplaçant et le maintien du scrutin uninominal la transformerait en acte individuel, sauf dans les cas où le scrutin de liste complète serait maintenu.
CHAPITRE II AUTORITES
CHARGEES
LA LA
VALIDITE
DECLARATION
DE
D'APPRECIER DE CANDIDATURE
412. — Autorités chargées d'enregistrer la déclaration de
candidature.
Le représentant du gouvernement (préfet, et, dans les Territoires d'Outre-Mer, chef du territoire), par l'enregistrement, donne à la déclaration de candidature son efficacité. Or, loin d'être obligé de recevoir toute déclaration, sans apprécier sa régularité, le préfet a été progressivement chargé d'examiner si les conditions de forme, et même de fond, étaient remplies, afin d'éviter que la lutte électorale ne s'engage entre des candidats dont certains, s'ils étaient élus, devraient être invalidés. Cette mesure préventive (qui restreint l'étendue du contrôle de l'organe vérificateur), ne va pas sans risques : le préfet est trop inféodé au gouvernement pour ne pas lui obéir, si celui-ci désire exclure, ou permettre, telle candidature : chaque renouvellement de législature offre de tels exemples 1 . Aussi a-t-on organisé une voie de recours contre la décision du préfet. Mais ce recours assure insuffisamment la protection de la liberté de candidature : en pratique, le rejet immotivé d'une candidature risque fort de demeurer sans sanction.
413. —
SECTION
I.
—
POUVOIR D'APPRECIATION
DU
PREFET.
En principe, le préfet doit rejeter toute déclaration qui émane d'un candidat ou d'un suppléant inéligible, ou qui n'est pas conforme aux prescriptions des lois en vigueur 2 . Mais l'art. 38 du décret 1. El. du Territoire de Belfort, A N rap. 9 août 1951, déb. 23 août 1951 ; il. de la Corrèze, A N rap. 20 janvier 1956, déb. 12 février 1956 ; él. de la l r e cire, de l'Ariège, A N , CCP 6 févrierl959, Rec. 181 ; él. MAGNE (AN, Allier 3 e ), CC 22 janvier 1963, Rec. 78 ; él. FEUILLARD (AN, Guadeloupe 3 e ), CC 12 février 1963, Rec. 118. 2. Art. L . 161 du C. élec. (AN, métropole) ; art. L . 301 du C. élec. (Sénat).
426
LE SUFFRAGE POLITIQUE
EN
FRANCE
n° 59-395 du 11 mars 1959 (AN, TOM), dispose également que seront irrecevables les candidatures présentées en violation des dispositions législatives « ou réglementaires » : cette addition ne vise d'ailleurs que certaines mentions (supra 397). En matière de conditions de forme, il est relativement facile pour le préfet de rejeter les candidatures ne contenant pas les mentions exigées par les lois ou les règlements (encore que l'omission de celles d'entre elles, prévues par un simple décret, ne devrait pas entraîner le rejet de la candidature, sauf dans le cas précité de l'art. 38 du décret du 11 mars 1959), ou ne respectant pas les délais prévus. Et l'organe vérificateur rejette alors la contestation du candidat évincé, quelle que soit sa bonne foi 1 . En revanche, l'inobservation des formalités prévues par une circulaire ministérielle aux préfets n'entraîne pas la nullité de la déclaration (supra 4 7 ) . Mais le principe de la séparation des pouvoirs s'opposant à ce que la Chambre puisse sanctionner elle-même le préfet négligent, le dossier était renvoyé au ministre de l'Intérieur 2 : en pratique, le ministre engage le préfet dans la lutte électorale, puis le couvre... Certaines conditions de fond ne sont pas d'application automatique, mais nécessitent au contraire un certain pouvoir d'appréciation (en particulier, les difficultés susceptibles de s'élever à propos de l'intention de faire acte de candidature, de l'éligibilité, de l'appartenance à un même parti) (supra 392). La loi a, semble-t-il, voulu interdire tout pouvoir discrétionnaire du préfet en décidant que toute déclaration non conforme aux prescriptions en vigueur devait donner lieu à un recours devant le tribunal administratif. Le préfet doit donc se borner à rechercher si les conditions de recevabilité, fond et forme, existent. En cas de doute, il n'a pas à effectuer lui-même d'investigation.
SECTION
414. —
II. — RECOURS ORGANISE DU PREFET.
CONTRE
LA
DECISION
Historique.
Jusqu'en 1939, la Chambre seule, lors de la vérification des pouvoirs, appréciait la régularité de la décision du préfet 3 . Situation dangereuse, car un candidat repoussé à tort ne disposait d'aucun moyen pour faire admettre sa candidature. Aussi, à la Libération, alors 1. El. de Périgueux, CD 25 novembre 1893 ; él. d'Autun, CD 2 juin 1914 ; él. de l'Aisne, CD rap. 3 juillet 1924 ; él. du Tarn-et-Garonne, AN 1951 ; él. partielle des Hautes-Alpes, AN 1951, candidature TEXIER. 2. El. de Belfort, AN 23 août 1951. 3. El. PALUEL, CL 29 avril 1862, à propos de la réception du serment de candidature par le préfet.
DECLARATION
DE
CANDIDATURE
427
que la prise en charge de certains frais électoraux par l'Etat et le scrutin à la R P auraient pratiquement interdit au plaignant de faire la preuve que son éviction avait été de nature à modifier les résultats du scrutin, fut créé un recours devant la juridiction administrative locale 1 . Le principe en a été reconduit sous la Ve République, mais l'organisation de ce recours a subi d'importantes modifications, la compétence de principe attribuée aux tribunaux administratifs dans le contentieux de l'annulation entraînant corrélativement l'incompétence des autres juridictions : Conseil d'Etat ou tribunaux judiciaires (Ch. I) ; cependant que le contentieux de la réparation demeure inorganisé (Ch. II).
§ I. — CONTENTIEUX DE L'ANNULATION. Ce contentieux est confié aux tribunaux administratifs ; mais d'autres organes peuvent-ils connaître de la déclaration de candidature ?
A. —
L E R E C O U R S DEVANT L E TRIBUNAL ADMINISTRATIF
415. — Textes. Ce recours est prévu par les art. L. 159 et L. 162 du C. élec. (1er et 2e tour pour les élections législatives en métropole) ; et l'art. L. 303 du C. élec. (élections sénatoriales). Le recours est porté devant le Conseil du contentieux administratif dans les Territoires d'OutreMer 2 .
416. — 1°) Titulaires du recours. Destiné à protéger le candidat évincé, le recours n'est ouvert qu'à un nombre limité de personnes : sous la IV e République, seuls le ou les candidats repoussés par le préfet pouvaient saisir le tribunal : les concurrents ne pouvaient attaquer les déclarations acceptées par 1. Art. 6 in fine de la loi du 5 octobre'1946 (art. 165 ancien du G. élec.) AN, métropole ; art. 29 et 61 du décret du 24 septembre 1948 pour le Conseil de la République : la création d'un tel recours par un simple décret f u t parfois contestée, supra 37, infra, 424. 2. Art. 7 de l'Ord. n° 59-227 du 4 février 1959 (élections législatives) ; art. 11 de l'Ord. n° 59-260 du 4 février 1959 (élections sénatoriales).
428
LE SUFFRAGE POLITIQUE
EN
FRANCE
le p r é f e t 1 : disposition qui avait pour but d'empêcher des contestations exagérées, et permettait au tribunal administratif de réintroduire un candidat dans la lutte électorale. Cette solution a deux inconvénients : elle empêche les concurrents d'attaquer l'enregistrement d'une candidature effectuée par complaisance, ou sur ordres supérieurs ; elle entraîne d'irritants débats devant l'organe vérificateur lorsque celui-ci est obligé de sanctionner des déclarations d e candidatures illégales, mais que le préfet avait acceptées par ignorance, et que le corps électoral avait cru valables : élections poujadistes. Les textes de la V e République ont essayé d'obvier à ces inconvénients : en effet, le droit de saisir le tribunal administratif, lorsqu'une condition de recevabilité semble faire défaut, est réservé (sauf aux élections législatives en Algérie 2, et en un cas unique d'ouverture dans les T O M 3 ) au seul préfet 4 (le chef du territoire dans les Territoires d'Outre-Mer), qui pourra, le cas échéant, être averti des irrégularités d'une candidature par les concurrents : mais ceux-ci ne pourront intenter de recours abusifs. E n contrepartie, il semble bien que le préfet ne puisse, de lui-même, repousser une candidature : s'il lui apparaît que l'irrégularité est fondée, il a l'obligation de saisir Je tribunal, qui statuera : ce qui doit donner toute garantie au candidat refusé. Mais cette obligation n'est pas sanctionnée. Aussi, d'une part le préfet peut accepter, sans effectuer de recours, des candidatures irrégulières ; d'autre part, il pourrait même refuser d'enregistrer une candidature sans saisir le tribunal : alors le candidat est évincé de la compétition électorale, puisque les bulletins émis au nom d'un candidat dont la déclaration de candidature n'a pas été définitivement enregistrée, sont considérés comme nuls (infra 6 4 6 ) . Sans doute, pourra-t-il se plaindre devant le Conseil constitutionnel : mais, écarté 1. Les juridictions administratives ont appliqué restrictivement cette disposition (Conseil de préfecture de Bordeaux, BRUSSET, 28 mai 1951 ; Conseil de préfecture de Lyon, CHARON dit Jean NOCHER, 4 juin 1951 ; GP 1951.1.2.41). Cette attitude a été critiquée, et l'on a invoqué par analogie la jurisprudence du Conseil d'Etat qui étend le droit de saisir le tribunal administratif à toutes les parties même si la loi réserve ce droit à une seule partie (en matière de fonctionnaires locaux : CE 17 février 1936, LAFAIN, S 1937.3.1, note ALIBERT ; CE 21 octobre 1938, DUBY et VERNAUD, S 1940.3.3 ; et en matière d'immeubles menaçant ruine : CE 24 mars 1934, Veuve FLEURIER, S 1934.3.48 ; CE 27 février 1935, Héritiers BERTHOMMIEU, Rec. p. 254), sans cependant lui permettre de statuer ultra petita (CE 22 février 1957, D 1957. 197, conclusions TRICOT). Argument dont la pertinence juridique n'est sans faille que si l'on accepte de voir dans la décision du tribunal administratif en matière de déclaration de candidature une décision de nature juridictionnelle. D'ailleurs, il semble que les tribunaux administratifs évoluaient vers cette solution (Tribunal administratif du Mans, 23 décembre 1956 : C. PINEAU, tête de liste SF10, obtint que la liste R G R ne puisse conclure un apparentement) sans d'ailleurs que le Conseil d'Etat, dans l'arrêt DREYFUS-SCHMITT du 8 juin 1951 leur en ait indiqué le chemin : infra 424. 2. Art. 10 de 1'Ord. n° 58-964 du 16 octobre 1958 : le candidat dont la déclaration n'est pas acceptée peut saisir par requête le tribunal administratif ( T A d'Alger, 22 novembre 1958, PRADINES ; T A d ' O r a n , 22 n o v e m b r e 1958, V O I T U R I E Z ) .
3. Art. 7 du décret n° 59-394 du 11 mars 1959 : en matière d'attribution par le chef du territoire des couleurs et signes entre les candidats, chaque candidat (ou son mandataire) peut saisir le Conseil du contentieux administratif. Disposition reprise de l'art. 2 du décret du 24 mai 1951. Sur la légalité de cette disposition : supra 37, infra 424. 4. Tribunal adm. de Toulouse, BYÉ / préfet de l'Ariège, 28 novembre 1958. Au contraire, affirmant que la décision qu'il doit rendre en la matière est de nature non-juridictionnelle (infra 424), le Tribunal administratif de Montpellier (9 novembre 1962) avait admis le recours du candidat évincé : le Conseil constitutionnel, lié par les textes, refusa cette extension : él. BÉCHARD ( A N , Gard 4«), CC 22 janvier 1963, Rec. 74.
DECLARATION
DE
429
CANDIDATURE
de la campagne électorale, il aura le plus souvent réuni trop peu de suffrages (formellement nuls) pour que cet organe accepte de prononcer l'annulation de l'élection. Annulation qui n'obligerait que moralement le préfet à enregistrer la candidature du requérant lors de l'élection partielle.
417. — 2°) Cas Couverture
du
recours.
Là encore, les juridictions administratives n'admettaient que restrictivement leur compétence 1 . Celle-ci est maintenant très étendue, puisque le recours est possible dans tous les cas où la candidature pourrait être refusée comme non conforme aux prescriptions en vigueur, c'est-à-dire, en cas de manquements à l'une quelconque des conditions de recevabilité. Et en particulier, en cas de refus d'enregistrement pour inéligibilité (art. L.O. 160 et L.O. 304 du C. élec.). Celle question, très controversée sous la IVa République 2, alors que le préfet n'avait le droit de repousser une candidature pour inéligibilité qu'en des cas limitativement énumérés, est résolue nettement dans le sens de l'affirmative 3. En pratique, les préfets refusent de saisir le tribunal administratif lorsque le candidat n'a pas, par sa faute, rempli les conditions de forme de la déclaration 4 ; ou lorsqu'un adversaire lui signale une irrégularité, non dans la déclaration elle-même, mais dans la campagne électorale 5 . 1. Sous la IV e République, seules les conditions relatives aux déclarations de candidature et d'apparentement étaient susceptibles d'un tel recours ; mais non le défaut de publicité d'un apparentement (Conseil de préfecture de Bordeaux, 26 mai 1951), ni l'inéligibilité d'un candidat (Conseil du contentieux administratif de Madagascar, 16 juin 1951). 2. Les juridictions administratives, respectant la lettre du texte, refusaient de connaître des recours portant sur l'inéligibilité. Il paraît d'ailleurs douteux—-quoique certains auteurs (SALOMON, « Les opérations préparant les élections devant le juge de l'excès de pouvoir », RDP 1957, 605) l'aient affirmé — que, dans l'arrêt MALI ARMÉ (CE 9 juin 1950, Rec. 352), le Conseil d'Etat, en repoussant le recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision de rejet du préfet, au motif que là Chambre était seule compétente en matière d'inéligibilité, et sans faire allusion à la compétence, prévue par l'art. 29, § 1ER du décret du 24 septembre 1948, de la juridiction administrative, avait tacitement, mais certainement repoussé celle-ci. Car, d'une part, le Conseil d'Etat s'est borné à constater que « le Conseil de la République... est seul compétent, à moins d'un texte « législatif » contraire...» : or le recours était organisé par un simple décret d'application, dont la légalité était contestable (supra 37 et 43/ ; d'autre part, le Conseil d'Etat a préféré ne pas prendre parti sur un point que le demandeur n'avait pas expressément soulevé ; enfin, le Conseil d'Etat ne s'est sans doute pas cru autorisé à faire état d'un recours qui n'est que facultatif : car il est possible de n'attaquer le refus d'enregistrement que devant l'organe vérificateur {infra 423). Approuvée par les magistrats (cf. rapport du conseiller PÉPY, SOUS Crim. REIBEL/GÉNEBRIER, 26 avril 1951, D 1951. 601), cette attitude restrictive de la jurisprudence administrative fut déplorée par la doctrine (note LAVAU sous l'arrêt PÉBELLIER, CE 26 juillet 1946 et REIBEL, Crim. 24 mars 1949, JCP 1949.11.5054 ; n o t e WALINE s o u s l ' a r r ê t REIBEL, C E 2 8 m a r s 1952, RDP
1952, 7 6 1 ; SALOMON,
article précité). 3. El. LOSTE (AN, Wallis et Futuna), CC 10 juillet 1962, Rec. 39 ; él. CHERASSE (AN, SeineMaritime 4E), CC 22 janvier 1963, Rec. 82. 4. El. BÉCHARD (AN, Gard 4E), CC 22 janvier 1963, Rec. 74 : non-paiement du cautionnement ; él. FEUILLARD (AN, Guadeloupe 3E), CC 12 février 1963, Rec. 118 : déclaration hors délai. 5. En 1962, le préfet de la Haute-Garonne refuse de déférer devant le tribunal administratif de Toulouse la candidature du ministre de la Construction, J . MAZIOL, dont un adversaire dénonçait le caractère a officiel ».
430
LE
4 1 8 . — 3°) Délais du
SUFFRAGE
POLITIQUE
EN
FRANCE
recours.
Le préfet doit saisir le tribunal administratif dans les 24 heures du dépôt de la candidature. Le tribunal doit rendre sa décision dans les trois jours (dans les 24 heures pour le second tour des élections législatives). Lorsque ces délais n'ont pas été respectés, l'enregistrement de la candidature s'impose.
4°)
Voies de recours administratif.
ouvertes
contre la décision
du
tribunal
La question, très controversée sous la IV e République, a toujours été résolue négativement par le Conseil d'Etat, qui a refusé obstinément de recevoir tout pourvoi dirigé à l'encontre de la décision du tribunal administratif. Les textes de la IV e République disposent que cette décision « ne peut être contestée que devant le Conseil constitutionnel saisi de l'élection ». Formule qui a une double portée négative : la décision du tribunal n'est susceptible ni d'un recours autonome devant le Conseil constitutionnel, ni d'un recours devant le Conseil d'Etat. 4 1 9 . — a) La décision du tribunal administratif d'un recours autonome devant le Conseil
n'est pas susceptible constitutionnel.
Le Conseil constitutionnel n'est pas une juridiction d'appel. En effet, le texte indique que la décision du tribunal ne peut être portée devant le Conseil constitutionnel que si l'élection elle-même est attaquée. Point n'est besoin qu'il y ait d'autres motifs : elle peut être contestée pour le mal-jugé de la décision elle-même. E n conséquence, le recours dirigé contre la seule décision du tribunal serait irrecevable si l'annulation de l'élection n'était pas demandée 1 . Le recours est donc soumis aux règles ordinaires du contentieux électoral, notamment du délai de saisine 2 . Mais en cas de non-conformité de la décision du tribunal aux textes en vigueur, le Conseil constitutionnel se reconnaît le droit de l'annuler, alors même qu'il ne prononce pas l'invalidation de l'élection 3 .
1. Jurisprudence identique en matière de contentieux de l'élection des délégués sénatoriaux : supra 116. 2. El. P H I L I P P E (AN, Haute-Savoie 3 e ), CCP 6 janvier 1959, Rec. 133. 3. El. B É C H A R D (AN, Gard 4 e ), CC 22 janvier 1963, Rec. 74.
DECLARATION
DE
431
CANDIDATURE
4 2 0 . — b ) La décision du tribunal administratif , ne pouvait plus être décrétée par le président de la République qu'après décision du Conseil des ministres. Mais elle n'était susceptible d'intervenir que si, dans une même période de 18 mois, deux crises ministérielles avaient éclaté par rejet de la question de confiance ou adoption d'une motion de censure à la majorité absolue des membres composant l'Assemblée. D'autre part, les élections devaient avoir lieu vingt jours au moins, trente jours au plus, après la dissolution. Enfin le gouvernement ne restait pas en fonction : le président de l'Assemblée nationale était nommé président du Conseil. Cette dernière mesure fut supprimée par la loi constitutionnelle du 7 décembre 1954. L e gouvernement FAURE resta donc en fonction en 1956. Dans la Const. de 1958, l'art. 7 dispose qu'en cas de vacance ou d'empêchement constaté par le Conseil constitutionnel, les fonctions de président de la République sont exercées par le président du Sénat ; mais celui-ci ne peut pas procéder à la dissolution de l'Assemblée ; quant au référendum : supra 28 n. 1. Art. 12 de la Const. de 1958. 2. Tactique constante sous les Monarchies parlementaires, et encore utilisée en 1956 par E d g a r FAURE contre ses ennemis politiques, et plus particulièrement contre P. MENDÈS-FRANCB, qui tentait alors une refonte du parti radical. M. DEBRÉ dans une réponse (20 janvier 1961) à Paul REYNAUD, partisan de la dissolution automatique (gouvernement de législature destiné à entraver l'instabilité ministérielle), justifie précisément le système de la dissolution « souple » par la possibilité de choisir le meilleur moment pour les nouvelles élections (soit empêcher, en cours de législature, une dislocation de majorité ; soit en fin de législature, choisir le moment le plus favorable). 3. En 1830, Charles X retarde les élections de la Seine et de 19 départements libéraux. 4. L'art. 2 de la loi du 24 décembre 1914 ajournait toute élection législative ; l'art. 3 de la loi du 31 décembre 1917 prorogeait les pouvoirs des membres de la Chambre des députés ; ces lois prorogeaient respectivement les pouvoirs des membres des séries B et C du Sénat. L e décret-loi du 29 juillet 1939 prorogea les pouvoirs de la Chambre des députés jusqu'au I e r juillet 1942, et décida qu'il n'y aurait lieu à élection partielle qu'en cas de vacance due au décès, élection au Sénat ou survenance d'une cause d'incompatibilité, mais non à démission ou déchéance. L a loi du 27 mai 1958 prorogea les mandats des sénateurs algériens de la série B. L'ordonnance du 29 juillet 1958 prorogea de six mois les pouvoirs des sénateurs de la série B représentant les citoyens français
498 utilisée par un gouvernement docile 1 .
LE SUFFRAGE
POLITIQUE
EN
qui désire conserver une
FRANCE
majorité
4 7 4 . — § II. — L E S ELECTIONS P A R T I E L L E S . L E SUPPLEANT. Elles doivent avoir lieu, dans les rares cas où elles subsistent, dans les trois mois suivant la vacance du siège 2 . Leur suppression peut être motivée par diverses raisons : soit lorsque les circonstances exceptionnelles ne permettent pas de procéder à des élections (supra 4 7 3 n ) , soit lorsque le croyance en la R P est absolue : le suivant de liste est appelé au siège vacant 3 , soit — cas le plus fréquent — lorsque le parti au pouvoir désire mettre fin à une série d'échecs 4 . résidant en Tunisie, Laos, Cambodge, Viet-Nara. Après le 13 mai» aucun collège ne f u t convoqué pour une élection partielle législative (art. 4 in fine de l'Ord. du 18 octobre 1958 relative au fonctionnement des pouvoirs publics) ou sénatoriale (art. 10 de l'Ord. n° 58-1097 du 15 novembre 1958). 1. Premier Empire ; loi du 9 juin 1824 ; prorogation de six mois en 1897 par le ministère MÊLINE. V. JEZE (Gaston), « L a désinvestiture par expiration du terme du mandat », RDP 1929, p.
422-429.
2. En cas d'option pour incompatibilité : supra. 375. En cas d'accession d'un parlementaire à une fonction ministérielle, ce délai de trois mois court après l'écoulement du mois dans lequel l'option est permise et pendant lequel le nouveau ministre fait encore partie de sa chambre (art. 1 e r et 2 de l'Ord. n° 58-1099 du 17 novembre 1958 (art. L.O. 135 et L.O. 153 du C. élec.), supra 367). L a démission ne devient effective qu'après avoir été portée à la connaissance de l'Assemblée par son président, qui la notifie au gouvernement (art. 6 du Rég. AN). En conséquence, si la lettre de démission est adressée hors session au président, le délai de trois mois ne courra qu'à partir de l'ouverture de la prochaine session, ordinaire ou extraordinaire : ce qui peut retarder considérablement l'élection partielle. Ainsi, en décembre 1960, MOATTI, député du I X E arrondissement de Paris, envoie sa démission pour protester contre le référendum du 8 janvier 1961, et en faire, en quelque sorte, appel par une élection partielle ; mais, sa démission, envoyée après la clôture de la session, ne devenait effective qu'au début de la session d'avril (art. 28 de la Const.) et l'élection était fixée au 4 juin, ce qui en amortissait considérablement le sens : battu, MOATTI se retirait avant le second tour. En cas de survenance, en cours de mandat, d'une cause d'inéligibilité, la déchéance est constatée par le Conseil constitutionnel, à la requête, en cas de condamnation, du ministère public près la juridiction qui a prononcé cette condamnation. Mais seule peut entraîner la déchéance une condamnation définitive : elle prend effet à ce jour : le pourvoi en cassation est donc suspensif. Mais le délai de trois mois court du jour où l'Assemblée a reçu notification de la décision du Conseil constitutionnel constatant la déchéance. De même, en cas d'invalidation : v. él. de la Réunion (S), CC 28 mai 1959, Rec. 237. 3. Art. 13 de l'Ord. du 17 août 1945 ; art. 17 de la loi du 5 octobre 1946 ; cf. aussi les systèmes employés au Conseil de la République et à l'Assemblée de l'Union française : il n'y avait lieu à élection partielle que lorsque le mode de scrutin de la circonscription était majoritaire, ou lorsque tous les sièges de la circonscription étaient vacants. L e cas le plus typique, mais transitoire, qui institutionnalisait le rôle des partis, f u t celui de la loi du 5 avril 1947 relative au remplacement des conseillers de la République décédés, démissionnaires ou invalidés : le siège vacant était attribué au suivant de liste ; mais lorsque cela était impossible, ou lorsque le département n'avait qu'un siège à pourvoir, l'Assemblée devait « proclamer élu le délégué au collège électoral du département désigné par le parti intéressé » ; il ne devait y avoir lieu à élections partielles qu'en cas de nonappartenance du conseiller défaillant à aucun des groupes ou partis du Conseil de la République. 4. Ainsi en 1868 : le plaidoyer DELESCLUZE sur l'érection d'un monument à BAUDIN (14 novembre 1868) ayant brusquement assuré la popularité de GAMBETTA, les électeurs de Marseille lui offrirent de remplacer BERRYER, décédé. L e gouvernement impérial (prit motif de la proximité des élections générales pour supprimer les élections partielles. E n 1875, devant les succès républicains, en 1889 (loi du 13 février 1889, art. 4) devant les succès boulangistes ; loi du 20 février 1920, devant le succès des gauches ; enfin, au début de 1957, M R P et socialistes (ceux-ci surtout, déchirés d'avoir à se prononcer au second tour entre la gauche (le PC) et la droite) devant le succès indépendant, proposèrent la suppression des élections partielles, rétablies pour l'Assemblée nationale en 1951 : mais cette proposition n'aboutit pas.
499
CONVOCATION DES COLLEGES
Mais, la réaction anti-parlementaire de 1958, le désir de ne pas favoriser le jeu politique, parlementaire et gouvernemental, par le grossissement de résultats partiels qui donnent une image déformée de l'opinion publique (argument très contestable 1 ) déterminèrent le constituant de 1958 à édicter le principe de leur suppression( art. 25 de la Const.) et l'institution d'un suppléant qui, élu en même temps que le parlementaire en titre, serait appelé automatiquement à remplir son siège s'il devenait libre. C'était reprendre une institution inutilisée depuis 1848 (supra 3 6 7 n.). Les textes d'application, sous la poussée, hostile, de l'opinion publique 2, restreignaient ce principe. Il n'y a lieu à remplacement automatique par le suppléant qu'en cas de décès, d'accession à un poste ministériel (du fait de l'incompatibilité édictée par l'art. 23 de la Const. de 1958, entre un mandat parlementaire et les fonctions gouvernementales) de nomination au Conseil constitutionnel, de prolongation au-delà de 6 mois d'une mission temporaire confiée par le gouvernement (art. L.O. 176 du C. élec. : AN ; art. L.O. 319 du C. élec. : Sénat). En cas de scrutin à la R P (circonscriptions les plus importantes aux élections sénatoriales) le remplaçant est le suivant de liste : il n'y a pas de suppléant (art. L.O. 320 du C. élec.). Donc, il y a lieu à élection partielle en cas d'annulation d'élections (sauf dans le cas précité de scrutin à la R P ) , de non-proclamation du fait de l'application des dispositions prohibant les candidatures multiples (supra 4 3 0 ) de démission, de démission d'office (incompatibilité), de déchéance (survenance d'une inéligibilité), et en cas d'indisponibilité du suppléant (qui peut, sous réserve d'un cas d'inéligibilité : supra 3 6 7 , se faire élire au parlement : art. L.O. 138 et L.O. 297, L.O. 178 et L.O. 322 du C. élec.) ; et, dans le cas d'élections sénatoriales se déroulant à la RP, lorsque la liste à laquelle devrait revenir le 6iège vacant est épuisée (sur le mode de scrutin : art. L. 324 du C. élec., infra 7 0 4 et 7 0 9 ) . D'autre part, mesure normale, aucune élection partielle ne peut être effectuée dans l'année qui précède le renouvellement d'une chambre (art. L.O. 178 et L.O. 322 du C. élec.). Enfin, lorsqu'il y a eu lieu à un remplacement pour un sénateur, la loi organique n° 62-807 du 18 juillet 1962 modifiant l'art. 8 de l'Ord. n° 58-1097 du 15 novembre 1958 (art. L.O. 323 du C. élec.), dispose que le mandat du remplaçant expire, non plus comme dans le texte de 1958, au plus proche renouvellement triennal, mais à la date où le titulaire initial lui-même aurait été soumis à renouvellement (supra 3 6 7 n) : ainsi est adopté, comme pour l'Assemblée nationale, le principe selon lequel le rem1. L'élection partielle, hors les cas, les plus nombreux, de simple routine, peut être considérée comme le signe d'une évolution politique en profondeur (élection de L E D R U - R O L L I N au Mans en 1 8 4 1 , en remplacement de G A R N I E R - P A G È S décédé ; suppression des élections partielles en 1 8 6 9 , pour éviter l'élection de G A M B E T T A à Marseille) : une revanche (élection du communiste R E N A U D J E A N dans le Lot-et-Garonne en 1920 : lors des élections au Reichstag de novembre 1934, les nazis perdent 34 sièges et 2 millions de voix : leur recul parait s'amorcer, mais G O E B B E L S « travaille > à fond l'élection partielle de Lippe-Detmold (150 000 habitants !), triomphe et assure ainsi la reprise du parti National-Socialiste) ; ou un appel (démission M O A T T I précitée). I I est donc indéniable que 'élection partielle peut avoir des conséquences hors de proportion avec son importance réelle 2. V .
l'art, de
P. VIANSSON-PONTÉ
,Le Monde,
14
octobre
1958,
sur les • damoiseaux >.
500
LE SUFFRAGE POLITIQUE
EN FRANCE
plaçant détient un mandat d'une durée équivalente à celle qui restait à courir pour l'élu remplacé 1 .
475. — § n i . — LE JOUR DE L'ELECTION. C'est un dimanche, en principe (art. L. 55 du C. élec.) afin de ne pas entraver la productivité 2. Pour les élections à l'Assemblée nationale, le scrutin de ballottage a automatiquement lieu, si besoin est, le dimanche suivant (intervalle de deux semaines sous la III e République et pour l'élection présidentielle : infra 7 4 4 ) . Telles sont les règles légales que doit respecter le gouvernement, auteur de l'acte de convocation. Mais ces règles sont susceptibles de certains assouplissements.
SECTION II. — APPRECIATION DE CONVOCATION.
DE LA VALIDITE
DE
L'ACTE
Acte générateur déclenchant la mise en œuvre des règles abstraites qui décrivent le mécanisme des opérations électorales, le décret de convocation est un acte sans lequel l'élection n'existerait pas, mais qui, en revanche, n'existe qu'en fonction de telle élection. Aussi le contrôle de la validité du décret de convocation est-il de la compétence de l'organe vérificateur.
1. CC 10 juillet 1962, D 1963.J.45, note Léo HAMON. 2. Le cinquième dimanche qui suit la publication du décret de convocation pour les élections législatives (art. L. 173 du C. élec. ; art. 4 de l'Ord. du 4 février 1959 (TOM), complété par l'art. 1 " de la loi du 31 juillet 1959 et art. 2 de la loi n° 61-819 du 29 juillet 1961 : septième dimanche pour la Polynésie et les Iles Wallis et Futuna). Pour les scrutins globaux, en Algérie, les préfets pouvaient, compte tenu des nécessités, étaler le scrutin sur 3 jours : les vendredi, samedi et dimanche ; le premier jour, le bled vote ; le second, les petites localités ; le dernier, les villes. La protection du scrutin était ainsi assurée par regroupement progressif des forces de l'ordre : décret du 20 août 1958 référendum de 1958) ; décret n° 58-999 du 24 octobre 1958 (art. 2) : élections de 1958 ; décret n° 60-1324 du 13 décembre 1960 (référendum de 1961). Le second tour en métropole a lieu huit jours après le premier (art. L. 56 du C. élec.). Le septième dimanche pour les élections sénatoriales (art. L. 283 et L. 311 du C. élec.) : en effet le décret de convocation doit également indiquer le jour où les conseils municipaux désigneront leurs délégués, soit trois semaines au moins avant les élections sénatoriales elles-mêmes.
CONVOCATION DES
COLLEGES
501
4 7 6 . — § I. — APPRECIATION DE L'ACTE DE CONVOCATION PAR L'ORGANE VERIFICATEUR. ASSOUPLISSEMENT
DES
REGLES LEGALES. La violation des délais par le décret de convocation entraîne l'annulation de l'élection, quand cette violation a pu servir de base à une manœuvre 1 . Au contraire, si la sincérité du scrutin n'a pu en être altérée, eu égard aux circonstances de fait, le non-respect de certaines formalités 2 n'entraîne pas la nullité de l'élection 3 . La rigoureuse observance des délais n'est pas non plus considérée comme une formalité substantielle devant entraîner d'office la nullité de l'élection. L'organe vérificateur a toujours reconnu au gouvernement une certaine latitude pour faire varier la date du scrutin 4 , soit en raison d'une circonstance particulière 5, soit du maintien de l'ordre public 6 . A la limite, une ou plusieurs élections peuvent être ajournées 7 , ou supprimées, en cas de circonstances exceptionnelles, soit par une loi 8 , soit par le président de la République, si l'art. 16 de la Const. est en vigueur, soit même par l'autorité compétente (chef de l'Etat ou Premier ministre), selon deux procédés : ou édicter, par décret, que les élections seront renvoyées 9 ; ou se borner à ne pas 1. El. D A B E A U X (Aude 2 e ) CL, 7 avril 1861, Mon. Off. 1861, p. 219 : l a convocation tardive par le gouvernement avait eu pour but de permettre au candidat officiel d'échapper, par l'écoulement du délai, à l'inéligibilité relative qui le frappait. 2. El. CHAMPANHET, CD 1 e r août 1834 ; él. de Calvi, CD rap. 21 juin 1904, déb. 7 et 11 juillet 1904 : la publicité donnée par dépêche au décret de convocation, dépêche respectant les délais, supplée au défaut de publication causé par le retard de l'arrivée du JO (supra 50). 3. El. MAGNE, CD 28 décembre 1843 ; él. du Tarn, AN 12 décembre 1848 ; él. de Madagascar, A U F , avis de la Com. d'Inst., 1 e r décembre 1949, Doc. n° 299 ; él. de la Martinique, A U F , avis de la Com. d'Inst., 16 mars 1954, Doc. n° 82. 4. E n 1877, le cabinet D E B R O G L I E adopta l'interprétation suivante : il allongea le délai de convocation de la durée de la période électorale en affirmant que la a convocation des collèges » (art. 5 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875) s'entendait, non du jour du vote, mais de la fixation de la date du scrutin — ce qui était torturer le texte, mais donnait plus de temps pour « préparer » les élections. 5. Les élections législatives de 1956 devaient avoir lieu, en vertu de l'art. 52 de la Constitution de 1946, au plus tard trente jours après la dissolution du 2 décembre 1955. Mais l'art. 4 de la loi électorale de 1946-1951 décidait que les élections se dérouleraient le cinquième dimanche suivant a publication du décret de convocation : la combinaison des deux textes aboutissait à fixer les élections le premier janvier : d'où la crainte de trop nombreuses abstentions. Aussi le gouvernement les renvoya au lundi 2 janvier (qu'il déclara jour chômé et payé), sur avis du Conseil d ' E t a t qui estima que devait prévaloir le texte constitutionnel accordant au gouvernement un délai de 30 jours sur le texte légal décidant que le scrutin devait être fixé un dimanche. 6. Scrutins étalés sur trois jours en Algérie, de 1958 à 1961 (supra 4 7 5 n.). 7. Ord. du 4 février 1959 pour les élections sénatoriales en Algérie. 8. Prorogation des mandats parlementaires en 1914 ; loi du 27 mai 1958 (sénateurs d'Algérie) ; Ord. du 29 juillet 1958 (sénateurs représentant les Français établis dans les anciens protectorats, Conseillers de l'Union française représentant la métropole) ; art. 3 de l'Ord. n° 59-259 du 4 février 1959 et art. 23 de l'Ord. n° 59-260 du 4 février 1959 pour les élections sénatoriales en Algérie. Suppression pure et simple de l'élection : art. 4 de la loi du 7 août 1955. 9. Décret du 12 décembre 1955 renvoyant sine die les élections législatives générales en Algérie. Cf. aussi : art. 1 e r du décret n° 62-315 du 20 mars 1962 décidant que les opérations de référendum n'auraient pas lieu en Algérie.
502
LE SUFFRAGE POLITIQUE EN FRANCE
émettre le décret de convocation pour l'élection 9 . D'ailleurs, la proclamation de l'état de siège ou de l'état d'urgence ne fait pas, en principe, obstacle au déroulement des élections, sauf en cas d'élections partielles 2 . La non-représentation de quelques circonscriptions ne saurait empêcher la constitution de l'Assemblée nouvelle ; car dans notre droit public, chaque député est censé représenter la nation tout entière ; et il était de tradition qu'une chambre puisse valablement délibérer dès que la moitié plus un des membres composant son effectif étaient validés. A plus forte raison sous la Y 8 République, où seules les élections contestées sont jugées. Ainsi, les règles légales sont assouplies afin de permettre au pouvoir exécutif de concilier le principe du suffrage universel avec les nécessités politiques. Assouplissement indispensable parfois, mais qui risquerait, s'il n'était contenu en d'étroites limites, de conduire à l'arbitraire. Une nouvelle étape a été franchie, en 1961, à propos des élections cantonales : désireux de profiter de la vague des « oui » obtenus lors du référendum du 8 janvier, le gouvernement décida par décret (du 18 mars 1961) d'avancer d'octobre (art. 214 et 215 anciens du C. élec.) à juin le renouvellement de la moitié des conseillers généraux. Or, l'art. 34 de la Const. décide que le régime électoral des assemblées parlementaires et locales relève de la loi. Cependant le Conseil d'Etat (avis du 16 mars 1961) estima que la fixation de la date des élections peut être dissociée du régime électoral proprement dit, alors que le régime des sessions des assemblées intéressées n'en est pas modifié, ni le mandat des élus sortants abrégé quant à son exercice effectif, l'avancement des élections n'empiétant pas sur la durée d'une session ordinaire : argument inopérant d'ailleurs, car ne tenant pas compte de la possibilité de la convocation des Conseils généraux en vue d'une session extraordinaire 3. Il a parfois été soutenu (Observations Le PEN, él. d'Indre-et-Loire, AN 21 février 1956) que seule une loi peut autoriser le gouvernement à ajourner une élection ; mais cette précaution, contraire à la tradition, serait souvent inopérante, car l'ajournement a lieu précisément en cas de circonstances exceptionnelles. 1. 2 E circonscription de la Martinique, après l'éruption volcanique de 1902 ; Etablissements français de l'Inde en 1956 : cession purement administrative de territoire, non ratifiéeconstitutionnellement ; décision du gouvernement de GAULLE de juin 1958 de ne pas faire procéder aux élections législatives partielles. Art. 17 de l'Ord. n° 58-974 du 17 octobre 1958 sur le fonctionnement provisoire des pouvoirs publics, décidant que les élections dans les TOM auraient lieu à une date particulière fixée par décret. Ainsi l'élection législative de la Polynésie n'eut lieu que le 26 juin 1960 : le député sortant, POUVAANA OOPA, étant sous le coup de poursuites susceptibles d'entraîner son inéligibilité, le gouvernement attendit, pour clarifier la situation, qu'une décision définitive soit intervenue. 2. Art. 4 de la loi du 7 août 1955 : suspension des élections partielles (mais non générales) dans les circonscriptions où l'état d'urgence a été déclaré : en fait, le gouvernement a convoqué le* collèges électoraux lorsqu'il estimait que sa politique en serait renforcée, et que l'ordre public ne serait pas troublé (él. ROTH à Philippeville le 12 juillet 1959, en remplacement de MOREL élu sénateur ; él. KASPEREIT, les 4 et 11 juin 1961 dans le I X E arrondissement de Paris après la démission de MOATTI, opposé à la politique algérienne du général de GAULLE). Dans le cas inverse, le corps électoral n'était pas convoqué : démission de Pierre LAFFONT, député d'Oran-Campagne, et déchéance de Pierre LAGAILLARDE, en 1961. 3. Aussi, saisi d'un recours contentieux, le Conseil d'Etat aurait alors manifesté l'intention, suivant son commissaire du gouvernement, et contrairement à son avis antérieur, d'annuler le décret du 18 mars 1961 : mais le vice-président du Conseil d'Etat, PARODI, raya l'affaire des rAlei
CONVOCATION
DES COLLEGES
503
477. — § IL — INCOMPETENCE DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE. Le Conseil d'Etat s'est toujours déclaré incompétent pour connaître des recours en excès de pouvoir dirigés contre un acte de convocation 1 . Sur quels arguments le juge administratif fonde-t-il son incompétence ? L'arrêt Maître affirmait que le décret en question « ne rentrait pas dans la catégorie des actes susceptibles d'être déférés au Conseil d'Etat par application de l'art. 9 de la loi du 24 mai 1872 » ; c'est donc à cause de sa nature que ce décret ne pouvait être déféré au Conseil d'Etat : aussi toute la doctrine vit-elle là une application de la théorie des actes de gouvernement. Il semble cependant que ce ne soit pas le seul fondement invoqué, car l'arrêt déclare aussi que « les assemblées législatives, à qui appartiennent la vérification des pouvoirs de leurs membres, sont seules compétentes, à moins de texte contraire, pour apprécier la légalité des actes qui constituent le préliminaire des opérations électorales ». Aussi préfigure-t-il les arrêts Nainsouta et Hirchowitz qui se fondent uniquement sur l'existence d'un juge concurrent : l'assemblée parlementaire elle-même. Et l'arrêt Alaoui Ali, statuant au contentieux en 1958 2 , reprenait les deux arguments de l'arrêt Maître : nature du décret, compétence exclusive de la Chambre. A l'inverse, dans l'arrêt Brocas, en 1962 (infra 717-718), le Conseil d'Etat, constatant que, par le recours au référendum, le président de la ^République enlève au Parlement le pouvoir d'adopter la loi, a invoqué la théorie de l'acte de gouvernement : situation spéciale que l'on ne retrouve pas en matière électorale. C'est donc par l'exception de recours parallèle que (comme en matière de déclaration d'enregistrement ou d'apparentement, ou de textes réglementant les élections, et sauf pour le référendum), le Conseil d'Etat repousse les demandes concernant les actes de convocation. Motif juridiquement plausible : la condition, en effet, mise d u Conseil en vertu de son pouvoir discrétionnaire: la raison d ' E t a t l ' e m p o r t a i t s u r le respect du droit... (v. le Monde du 20 m a i 1961). L'affaire rebondit lorsquele Tribunal administratif de Caen annula (14 juillet 1961, i l . du canton de Creuilly) une élection cantonale en se fondant sur l'illégalité du décret. Pour éviter une v a ^ u e de contestations, le gouvernement fit voter la loi du 19 novembre 1963 qui « validait» rétroactivement, donc « légalisait » en pratique le décret du 18 m a r s 1961... 1. C E MAÎTRE, 6 août 1912, D 1914.3.41, date de l'élection des délégués sénatoriaux et des sénateurs eux-mêmes ; C E NAINSOUTA et autres, 13 janvier 1947, Rec. 259, Réf. Jur. et pol. de l'UF, 1948, p. 83, note COLLIARD (arrêté gubernatorial pour la désignation du délégué de la Guadeloupe à l'Assemblée consultative) ; C E HIRCHOWITZ, 8 janvier 1951, D 1951. 529 note F . M. ; S 1951.3.74, concl. DELVOLVÉ. De même, le Tribunal administratif de la Seine s'est déclaré incompétent en 1956 sur le recours en annulation effectué p a r le député poujadiste, PRIVÂT, à l'encontre d u décret de convocation du 3 décembre 1955, comme a y a n t été pris p a r un président d u Conseil mis en minorité (argument très contestable, puisque le décret de dissolution émane d u président de la République) ; le commissaire du gouvernement a rappelé la compétence de la Chambre ; m a i s le tribunal devait se péclarer incompétent, l'art. 2 § 1 e r du décret d u 30 septembre 1953 réservant à la compétence d u Conseil d ' É t a t les recours en excès de pouvoir formés contre les décrets. 2. C E 1 e r octobre 1958, ALAOUI ALI, RPDA 1958, J . n ° 361.
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LE SUFFRAGE POLITIQUE EN FRANCE
à l'application de l'exception de. recours parallèle par la jurisprudence du Conseil d'Etat, à savoir l'équivalence des résultats, ne fait plus défaut. Sans doute n'est-ce pas l'acte de convocation lui-même qui est annulé par l'organe vérificateur ; mais une telle annulation n'est pas nécessaire, puisque l'acte tombe automatiquement du fait de celle de l'élection. Certes, il subsiste si l'élection est validée : mais en ce cas, il n'y a pas besoin d'un autre acte de convocation ; car celui-ci n'est pas un acte autonome, ayant en soi une valeur intrinsèque : il n'est qu'un des « moments » de l'élection : sa validité doit donc être appréciée par rapport à celle de l'élection, et non in abstracto. Aussi bien, les auteurs partisans de la compétence du Conseil d'Etat en la matière 1 ne niaient-ils pas que juridiquement l'exception de recours parallèle ne soit fondée ; mais ils affirmaient que, en pratique, l'appréciation par la Chambre, parfois partisane, n'équivalait pas à celle du Conseil d'Etat 2 . Cette vue résolument pessimiste de la manière dont les chambres procédaient à la vérification des pouvoirs était excessive. A plus forte raison maintenant que la vérification a été confiée au Conseil constitutionnel. D'ailleurs, le contrôle du Conseil d'Etat serait inopportun : si l'annulation de l'acte de convocation était prononcée avant l'élection, il faudrait en reporter la date : les frais investis par l'Etat et les candidats seraient perdus ; la campagne électorale se prolongerait, s'aigrirait, les formalités préalables de candidatures déjà effectuées devraient-elles être recommencées, leurs délais prolongés ? On entre dans un taillis inextricable de difficultés ! Si, au contraire, l'annulation n'a eu lieu qu'après l'élection 3 , en faudra-t-il déduire la nullité de celles-ci ? et dans l'affirmative, serait-il concevable que, par un seul arrêt, le Conseil d'Etat annule, par exemple, les élections générales de l'Assemblée nationale ? Cependant, il est indéniable qu'un écueil subsiste : puisque le Conseil constitutionnel ne se reconnaît le droit d'examiner que le résultat de l'élection, il est, en principe tout au moins, dangereux de reconnaître au gouvernement le droit de ne pas organiser les élections en une ou plusieurs circonscriptions, car sa carence injustifiée ne pourra être attaquée ni devant le Conseil constitutionnel, ni le Conseil d'Etat : tout recours juridique est impossible. Seule sa responsabilité politique devant le Parlement pourrait être mise en jeu : système bien lourd et incertain. 1. Le Conseil d'Etat se reconnaît, en effet, compétent pour connaître de l'acte de convocation dans les élections locales (CE PÈLERIN et SUBRA, 18 octobre 1929, Bec. 911). Mais, sur le plan juridique, on reste dans le même ordre de juridiction ; et sur le plan de l'opportunité, l'enjeu et l'agitation de l'opinion publique sont bien moindres que lors des élections parlementaires. D'ailleurs, le gouvernement a bloqué le recours dirigé contre le décret de convocation pour les élections cantonales en 1961 ( supra 476 n.) : signe des temps, sous la V e République, le Conseil d'Etat recule, non plus devant le Parlement, mais devant le gouvernement... 2. G. VEDEL, n o t e a u JCP
1952.11.6810 ; J . SALOMON, « L e s o p é r a t i o n s p r é p a r a n t les élections
devant le juge de l'excès de pouvoir », RDP 1957, pp. 605-661. 3. A moins bien entendu, que le Conseil d'Etat estime alors qu'il n'y a plus lieu de juger : mais logiquement, il ne pourrait adopter cette position qu'après la fin des opérations de vérification des pouvoirs.
CHAPITRE II
LA
478. —
CAMPAGNE
ELECTORALE
Historique.
La période électorale est la période durant laquelle les candidats bénéficient, à l'effet de soutenir leur candidature par la propagande, de dispositions plus libérales que celles du droit commun, et même dé la prise en charge par l'Etat d'une partie de leurs dépenses électorales. En contre-partie, ils sont soumis à certaines limitations, destinées à assurer entre eux une certaine égalité dans la propagande et la sincérité du scrutin. Jusqu'en 1945, la loi se bornait à interdire aux candidats favorisés par la fortune ou une situation exceptionnelle dans la circonscription, non d'user de moyens trop puissants, mais d'étouffer complètement la voix de leurs adversaires : ainsi, la législation relative à la presse, aux réunions publiques, à l'affichage, au colportage — législation plus ou moins restrictive selon les régimes — se doublait de dispositions répressives 1 . Mais, l'idée apparut qu'il ne suffisait pas seulement de permettre aux candidats défavorisés de se faire entendre, mais aussi de les mettre à égalité avec leurs compétiteurs : ainsi la loi du 20 mars 1914 (modifiée en 1932 et 1936) sur l'affichage électoral, interditelle tout affichage en dehors de certains emplacements limitativement énumérés, proportionnels au nombre des électeurs dans la commune, et égaux quant à la surface réservée à chaque candidat. De même, une loi du 20 octobre 1919 (remplacée par des lois du 20 mars 1924 et 21 juillet 1927) organisa une commission, dans le cadre du département, présidée par un magistrat, composée de fonctionnaires et de mandataires des candidats, et chargée d'assurer (si le candidat le désirait) l'impression et la distribution des bulletins de vote et des circulaires. Mais le principe de la limitation des moyens de propagande joue au profit des partis, des candidats anciens et bien connus. En 1945, une nouvelle étape f u t franchie, en vue d'assurer l'égalité entre 1. Par exemple : art. 17 de la loi du 29 juillet 1881, en cas d'enlèvement, lacération ou recouvrement d'affiche par un adversaire.
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LE SUFFRAGE POLITIQUE EN FRANCE
les différents candidats, par rapport aux divers moyens de propagande dont ils pouvaient disposer : le principe de la gratuité de ces moyens fut adopté, l'Etat prenant en charge certaines dépenses (ordonnance du 17 octobre 1 9 4 5 1 et loi du 5 octobre 1946). Mais le principe de la gratuite suppose une plus stricte limitation des moyens de propagande, sans laquelle l'égalité serait violée. Pour réaliser cette limitation, deux conditions semblent s'imposer : d'une part la création d'organismes publics mettant gratuitement et également à la disposition des candidats les divers moyens de propagande autorisés par la loi, d'autre part, la création d'un contrôle effectif de l'action du personnel politique et des dépenses électorales. Or, si la première condition n'est encore qu'imparfaitement remplie (Section I : Les différents moyens de propagande), la seconde est à peu près inexistante (Section I I : L'animation de la campagne électorale).
SECTION I. —
LES DIFFERENTS MOYENS DE PROPAGANDE.
479. — Durée de la campagne. La campagne électorale s'ouvre à partir du vingtième j o u r précédant le scrutin pour les élections législatives 2 (c'est-à-dire, après l'expiration du délai de dépôt des candidatures), et du jour de la publication du décret de convocation pour les élections sénatoriales 3 . E n fait, la campagne sénatoriale ne « démarre » vraiment qu'après l'élection des délégués, soit trois semaines avant au moins ; mais une élection sénatoriale se prépare longtemps à l'avance, en gagnant notables municipaux et grands électeurs, plus que par une offensive de dernière heure « à l'américaine ». Pour le début de la campagne, les tribunaux ont admis que les intéressés pouvaient faire acte de candidature dès la réception du reçu provisoire 4 , sous réserve des limitations qui sont apportées à propos de chaque moyen de propagande. L a fin de la campagne varie en fonction du moyen de propagande utilisé.
1. Cf. aussi le « Compte rendu analytique des Séances de la Commission de la Constitution» de la première Assemblée constituante {S 6 décembre 1945, p. 51) : le principe de l'égalité des partis dans la campagne électorale fut adopté par 28 voix contre 12, nonobstant l'opposition des communistes, qui faisaient remarquer que, avant la période électorale, les forces capitalistes pourront dépenser sans compter, tandis que, durant la campagne elle-même, les partis dont les membres s'imposent de lourds sacrifices n'en pourront profiter. 2. Art. L . 164 du C. élec. (métropole) ; art. 8 de l'Ord. n° 59-227 du 4 février 1959, modifié par la loi du 31 juillet 1959 et l'art. 5 de la loi n° 61-819 du 29 juillet 1961 (TOM, délai porté pour la Polynésie et les lies Wallis et Futuna à 34 jours). 3. V. art. 387 du C. élec., texte primitif. 4. Cour de Montpellier, 8 mars 1890 ,Cass. 29 mars 1 8 9 0 , S 1890. 2. 88.
507
PROPAGANDE
480. — Principes
de la
jurisprudence.
L'art. 171 ancien du C. élec. (art. 24 de la loi du 5 octobre 1946) 1 se référait expressément au principe de l'égalité à assurer entre candidats 2 . Cet article est maintenant abrogé 3 (infra, 5 4 1 ) . Au contraire, le principe d'égalité est fortement affirmé pour l'élection présidentielle quant aux facilités offertes par l'Etat aux candidats (infra, 7 3 8 à 7 4 2 ) . Aussi, en matière d'élections parlementaires, le Conseil constitutionnel a, dans la mesure du possible, évité de faire appel au principe décidant que tout ce qui n'était pas expressément interdit aux candidats leur était permis. Cependant, l'application restrictive des textes limitatifs aurait parfois trop avantagé les candidas les plus puissants : d'où une certaine gêne et même quelques contrariétés dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, que l'on retrouve aussi bien dans les décisions relatives aux moyens de propagande dont l'utilisation est limitée (Sous-Section I ) , que dans celles relatives aux moyens laissés à la disposition entière des candidats, sous réserve d'un simple contrôle répressif (Sous-Section I I ) . Enfin, on examinera l'influence des divers modes de propagande (Sous-Section III).
SOUS-SECTION I. — MOYENS PLOI EST LIMITE.
DE PROPAGANDE
DONT
L'EM-
Deux sortes de moyens de propagande sont limités : documents électoraux, radiodiffusion.
§ I. L E S DOCUMENTS ELECTORAUX. 481. — La commission de
propagande.
Certains moyens de propagande ont, depuis longtemps, paru trop dangereux pour être laissés à la discrétion des candidats : car les plus fortunés auraient pu submerger la circonscription sous les affiches, 1. V. aussi l'art. 261 ancien du G. élec. en matière d'élections municipales (abrogé par l'Ord. n° 59-230 du 4 février 1959). 2. L a Chambre retint, comme motif d'annulation des apparentements poujadistes, la violation du principe de l'égalité du fait de la triple campagne électorale qu'ils avaient pu mener grâce à leurs trois séries de listes (él. de la Haute-Garonne, AN rap. sup. Chouan, 31 janvier 1956; él. de la 2 e circ. des Bouches-du-Rhône, AN 3 février 1956, observations Gouin). Cette solution avait déjà été préconisée, sans être appliquée, en 1951 : él. de la Haute-Saône, AN 23 août 1951; v. aussi él. de la Manche, AN rap. sup. 25 janvier 1956, déb. 25 avril 1956. 3. L'art. 13 du décret du 30 octobre 1958 (relatif à la propagande dans les élections législatives) a expressément abrogé les art. 169 à 180 de l'ancien C. élec., et les décrets d'application n° 51-537 du 12 mai 1951 et 51-1111 du 29 septembre 1951. Le décret du 30 octobre 1958 a été à son tour remplacé par le décret n° 64-66 du 25 janvier 1964 (art. R. 26 à R. 39 du C. élec.).
508
LE SUFFRAGE POLITIQUE EN FRANCE
les circulaires envoyées aux électeurs, les tracts distribués. Ils auraient pu également perpétrer des manœuvres destinées à empêcher leurs adversaires de disposer de bulletins de vote valables, ou lancer, en dernière heure, des allégations que l'adversaire n'aurait pu démentir. Aussi a-t-on réglementé le nombre et l'usage de certains documents de propagande électorale : affiches, circulaires, bulletins de vote. I l a même été créé, pour veiller au respect de cette réglementation, un organe spécial : la commission de propagande, composée de mandataires des candidats sous la présidence du président du Tribunal civil, chargée, à titre facultatif, d'assurer la distribution des documents électoraux (loi du 20 octobre 1919). Depuis la Libération, cette commission composée de fonctionnaires a vu ses attributions s'accroître et devenir en partie obligatoires, pour les élections législatives tout au m o i n s 1 et l'élection présidentielle (infra, 7 3 8 , 7 3 9 ) . La commission de propagande est actuellement créée par arrêté préfectoral vingt j o u r s 2 au plus tard avant la date des élections législatives (trois semaines pour les sénatoriales) ; son président détermine en accord avec le préfet l'endroit où elle siégera 3 ; elle peut être commune à plusieurs circonscriptions. Elle est composée d'un magistrat président désigné par le premier président de la Cour d'appel et de trois fonctionnaires départementaux 4 . Les candidats ou leurs mandataires peuvent participer à ses travaux avec voix consultative 5 , et doivent, pour bénéficier de ses services, en faire la demande à son président avant chaque tour de scrutin, dans un délai fixé par arrêté préfectoral. La mission de la commission de propagande consiste à assurer (en concours avec les administrations préfectorale ou municipale, qui ont un certain rôle purificateur) « l'envoi et la distribution de tous les documents de propagande électorale » (art. L. 166 du C. élec.) En fait, ses pouvoirs assez restreints laissent aux candidats une « honnête liberté » — dont ceux-ci se servent malheureusement pour enfreindre les limitations édictées par la loi : à peu près respectées de 1945 à 1951, ces limitatios ont été violées dans presque toutes les circonscriptions en 1956, et surtout en 1958 et en 1962, où le nombre 1. V. Ord. n° 45-1838 du 17 août 1945 ; loi du 5 octobre 1945 modifiée en 1951. Pour les élections sénatoriales : art. R . * 159 et R . * 161 du C. élec. 2. 34 jours pour la Polynésie et les Iles Wallis et Futuna ; art. 15 du décret n° 59-394 du 11 mars 1959, modifié par l'art. 4 du décret n° 60-435 du 26 avril 1960 ; art. 8 de l'Ord. n° 59-227 du 4 février 1959 complété par l'art. 5 de la loi n° 61-819 du 29 juillet 1961. 3. Dans les tribunaux, pour les élections sénatoriales. 4. Respectivement désignés par le préfet, le trésorier-payeur général et le directeur départemental des P. et T. Un autre fonctionnaire assure le secrétariat (art. R . 31 et R. 32 du C. élec. ; art. 15 du décret n" 59-394 du 11 mars 1959 (AN, TOM) ; art. R . * 158 du C. élec. (Sénat). Les membres de la commission sont remboursés de leurs frais de déplacement (art. R . 33 du C. élec. (métropole), et art. 17 et 18 du décret du 11 mars 1959 (TOM). 5. Plusieurs candidats peuvent avoir le même mandataire (él. de l'Ardèche, AN 21 février 1956). Cependant, lors des invalidations poujadistes de 1956, il a été fait état de cette circonstance pour prouver que différentes listes de candidats se rattachaient à un même parti. 6. Les diverses tâches de la commission sont énumérées par les art. R . 34 du C. élec. (AN, métropole), 16 du décret du 11 mars 1959 (AN, TOM) et R . * 157 du C. élec. (Sénat, métropole). L'engagement des dépenses nécessitées par son fonctionnement est approuvé par le préfet (art. R . 36 du C. élec.
509
PROPAGANDE
des contestations fondées sur le débordement de la propagande et été anormalement élevé. On étudiera successivement les règles édictées pour tenir dans les limites légales la propagande par documents électoraux, puis le contrôle que les divers organes (administratif, judiciaire, vérificateur) peuvent exercer sur le contenu des documents électoraux.
Sous-§ I. — L E S L I M I T A T I O N S A P P O R T E E S A
L'EMPLOI
DES DOCUMENTS ELECTORAUX. E n matière de référendum et d'élection République (infra 7 2 3 , 7 3 8 ) .
A. —
ELECTIONS
4 8 2 . — Enumération
du Président
de
la
LÉGISLATIVES.
des
documents.
Chaque candidat (ou liste de candidats) n'a droit qu'à un nombre restreint de documents électoraux, nombre calculé en fonction de l'étendue de la circonscription et du nombre d'électeurs qui y sont inscrits : à chaque tour de scrutin, deux affiches électorales indiquant le programme du candidat, et deux affiches annonçant les réunions électorales par endroit où l'affichage électoral est autorisé ; une circulaire envoyée à chaque électeur ; un nombre de bulletins de vote qui ne peut être supérieur de plus de 20 % à deux fois celui des électeurs inscrits dans la c i r c o n s c r i p t i o n L ' i m p r e s s i o n ou l'emploi de tout document, en surnombre, ou autre, est interdit (art. L. 165 du C. élec.) et passible de sanctions pénales (amende et prison : art. L. 168 du C. élec.). 4 8 3 . — Appréciation
des limitations
par les juridictions
répressives.
Les juridictions répressives essaient de faire strictement respecter ces limitations : elles accordent l'exercice de l'action civile à tout 1. Art. R. 26, R. 29 et R. 30 du C. élec. ; art. 12 et 13 du décret du 11 mars 1959 (TOM). Les « limitations » permettent un véritable gaspillage de documents : en 1956, 420 millions de circulaires : chaque électeur d'une même famille les reçoit (sous la IV e République, chaque liste avait droit à deux circulaires, la première consacrée en général à l'exposé de son programme, la seconde à la présentation de ses personnalités ; mais, comme actuellement il y a un scrutin de ballottage dans la plupart des cas, la situation n'est pas, à cet égard, modifiée) ; et 700 millions de bulletins de vote : or, sur 70 millions de bulletins chacun, le MRP obtint 2 362 000 suffrages, et la SFIO 3 229 000 ; avec 110 millions de bulletins, l'UDCA obtint 2 482 000 suffrages. D'où une fâcheuse répercussion sur les finances publiques. Le nombre des bulletins de vote a, à son tour, été diminué par le décret du 24 juillet 1961 (art. 1 e r ) : il était auparavant de trois fois le nombre des inscrits.
510
LE SUFFRAGE
POLITIQUE
EN
FRANCE
candidat qui a un « intérêt moral » à ce que ses adversaires respectent la réglementation de la propagande électorale 1 , même si l'attaque n'a pas été dirigée contre lui, et qu'il n'a pas perdu de voix. D'autre part, la notion de document électoral (affiche, circulaire : infra 487, 488, 493) est largement interprétée ; celle de l'emplacement réservé à l'affichage, et de délai de diffusion ( i n f r a 490-491) l'est restrictivement. Enfin, les tribunaux répressifs, repoussant l'excuse de bonne foi, donnent à ces infractions un caractère contraventionnel : ni la généralisation du procédé (contrairement à la jurisprudence électorale : infra 4 9 9 et s.), ni le fait que les documents en surnombre n'émanent pas directement du candidat, mais de son parti (car le candidat est censé confirmer les directives de son parti) n'entraînent l'acquittement du prévenu 2 . Cependant, le fait de se borner à répondre, par lettres privées, à une manœuvre par circulaires en surnombre d'un colistier, pourrait n'être pas sanctionné 3.
4 8 4 . — I o ) On a abord essayé d'obtenir au stade même de F impression :
le respect
de cette
limitation
L'impression des documents électoraux se fait, sur autorisation du président de la commission de propagande, lorsque le candidat (ou eon mandataire) a justifié avoir versé le cautionnement ; il lui est indiqué le nombre maximum de documents auxquels il a droit et la liste des imprimeurs agréés par la commission 4 . Au point de vue répressif, l'impression de toute autre publication électorale entraîne la responsabilité de l'imprimeur, qui est susceptible de poursuites e . Sur l'obligation du dépôt légal, infra 496.
prescriptions 2 ° ) D'autres rent selon qu'il s'agit
étayent cette limitation : elles de circulaires ou tfaffiches.
a ) Circulaires
de
et bulletins
diffè-
vote.
D'une part, l'envoi et la distribution des circulaires sont réglementés, d'autre part, la jurisprudence électorale interprète extensivement la notion de circulaire, ce qui lui permet de sanctionner des publications analogues. 1. Trib. corr. de Lille, 27 novembre 1958, ROYER/DELBECQUE et LIÊVIN, GP 24-26 décembre
1958.
2. Cour de Pau, 27 juillet 1951 (2 arrêts), GP 1951.2.231 ; Trib. corr. de Lille, précité. 3. Cour de Paris, 22 juin 1958, PRIOU-VALJEAN/HIRSCH, en matière d'élections municipales. 4. Art. R. 34 et R. 38 du C. élec. (métropole). Art. 11 et 19 du décret du 11 mars 1959 dan» les TOM. L'administration délivre directement la quantité de papier nécessaire. 5. Trib. corr. de Lille, précité.
511
PROPAGANDE
1. — Envoi
et distribution
4 8 5 . — Le principe de vote par la
des
circulaires.
: envoi et distribution commission.
des circulaires
et
bulletins
En effet, le soin d'envoyer les circulaires de chaque candidat aux électeurs est, en principe, confiée à la commission de propagande 1 ; elle y joint, sous enveloppe fermée, en franchise postale, un bulletin de vote. Cet envoi doit être effectué au plus tard le mercredi précédant le premier tour, et en cas de scrutin de ballottage, au plus tard le jeudi précédent (sur les votes par correspondance, infra 6 1 3 ) . D'autre part, la commission envoie aux maires de la circonscription le mercredi au plus tard avant le premier tour de scrutin (avant le jeudi pour le second tour), un nombre de bulletins égal au moins au nombre des électeurs inscrits. Le candidat doit donc remettre ses circulaires et un nombre de bulletins suffisant avant la date fixée, pour chaque tour de scrutin, par arrêté préfectoral. Car la commission n'est pas tenue d'envoyer les circulaires et bulletins qui lui seraient parvenus après l'écoulement des délais précités 2 . D'ailleurs le retard ou le défaut de distribution qui résulterait de l'imprimeur, d'une erreur de la commission, ou de la surcharge des services postaux 3 ne saurait motiver une protestation, s'il n'en est pas résulté d'influence sur le résultat. 4 8 6 . — Exceptions
: envoi
et distribution
par
le
candidat.
L'envoi et la distribution des circulaires et bulletins de vote ne sont pas effectués par la commission 4 : si le candidat a gardé par devers lui un certain nombre de bulletins de vote 5 (qui peut être au plus égal au nombre des électeurs inscrits) ; ou si le candidat n'a pas remis circulaires et bulletins à la date exigée à la commission. L'envoi ou la distribution peut alors être effectué par le candidat 1. Art. L. 166 et R. 34 du C. élec. (AN) ; art. 16 et 22 du décret du 11 mars 1959 (TOM). L a commission se procure les enveloppes nécessaires et envoie à chaque électeur une circulaire et un bulletin de chaque candidat. 2. Art. R. 38 du C. élec. El. F O R E S T (AN, Nord 22»), CCP 23 décembre 1958, Rec. 89. 3. El. Aimé G R O S , C L 23 novembre 1863 ; él. de Saint-Flour, C D rap. 10 juillet 1906 ; él. H A L B O U T (AN, Orne 3 e ), C C P 6 janvier 1959, Rec. 115 ; él. de la 15« circ. d'Algérie (AN, Aurès, Batna), C C 5 mai 1959, Rec. 215. V . aussi él. F U L C H I R O N (AN, Rhône 5 e ), C C P 6 janvier 1959, Rec. 116, courrier de propagande retardé à la questure de l'Assemblée Nationale. 4. Pour les élections sénatoriales : art. R . * 159 et R . * 161 du C. élec. 5. Il peut les déposer dans les salles de scrutin : art. L. 58 du C. élec. (loi du 8 juin 1923). Bien entendu, serait rejetée d'office la protestation d'un candidat qui se plaindrait que ses documents électoraux n'ont pas été remis aux électeurs, par suite de perte ou vol, alors qu'il aurait refusé de les confier à la commission de propagande (él. de la L circ. de Laon, CD rap. V A L E N S I , 7 juillet 1935). 6. Le candidat peut faire assurer le dépôt de ses bulletins par le maire, en les lui remettant au plus tard à midi la veille du scrutin (art. R. 55 du C. élec.). Seuls les documents envoyés parla commission bénéficient des tarifs postaux préférentiels (art. R. 35 et R. 38 in fine du C. élec.). RE
512
LE SUFFRAGE POLITIQUE EN FRANCE
mais sous deux restrictions, l'une relative aux personnes, l'autre à l'époque. En principe, le candidat peut charger toute personne, même ne jouissant pas de ses droits civils et politiques, de distribuer ses documents 1 ; mais l'art. L. 50 du C. élec. (texte de l'art. 3, § 3 de la loi du 30 novembre 1875) l'interdit, sous réserve de sanctions pénales (art. R. 94 du C. élec.) à tout agent de l'autorité publique ou municipale 2 . Une violation isolée de cette disposition ne serait d'ailleurs pas retenue 3 , et la jurisprudence apprécie restrictivement les catégories de personnes frappées par cette interdiction Quant à l'époque de la distribution, l'art. L. 49 du C. élec. 5 interdit, sous réserves de sanctions pénales (art. L. 89 du C. élec.), la distribution, « le jour du scrutin, des bulletins, circulaires et autres documents », afin d'éviter des allégations fausses que l'adversaire n'aurait plus le temps de réfuter. Mais la jurisprudence électorale refuserait d'annuler si le résultat n'a pu en être modifié 6 . En cas de retrait de fait, l'Administration ne peut faire retirer les bulletins des bureaux de vote : seul le candidat en a le droit 7 .
2. —
Notion
de circulaire
électorale.
La jurisprudence applique rigoureusement, en vertu de l'art. L. 165 du C. élec. la limitation du nombre des circulaires électorales, ce qui lui fait adopter une interprétation extensive de la notion de circulaire électorale : elle y assimile les lettres missives, les tracts, les journaux distribués gratuitement. 4 8 7 . — a. — Lettres
missives.
Le candidat (son suppléant ou ses amis) envoie souvent des lettres personnelles, parfois même autographes, par la voie postale 1. El. du X V e ar. de Paris (2 e circ.), CD rap. 28 novembre 1902 : art. 20 de la loi du 21 juillet 1881 : colportage et distribution accidentels sur la voie publique sont libres. Mais si le candidat utilise la poste, il ne bénéficiera d'aucun tarif préférentiel. 2. Y compris le maire lui-même (Trib. de Montpellier, 1 ER avril 1878, DP 1878.2204). En conséquence, la mise à la disposition d'un candidat de l'adressographe de la municipalité constituerait une irrégularité : él. GRENIER (AN, Seine 40 E ), CCP 12 décembre 1958, Rec. 84. 3 . E 1 . D E GRAMMONT, A L 6 a o û t 1 8 4 9 ; él. DE LA H I T T E , A L 1 8 n o v e m b r e 1 8 5 0 ; él. D R É O L L E ,
CL 8 décembre 1869 ; él. de la Haute-Saône, CD 19 novembre 1885 ; él. de la 2 e circ. de Narbonne, CD 6 juin 1906. 4. CD 8 novembre 1881 ; él. législatives de la 2 e circ. d'Algérie (Alger-banlieue), CC 5 mai 1959, Rec. 219 : le Conseil constitutionnel refuse de se prononcer sur le caractère illicite d'une distribution effectuée par des militaires (élection de Mlle SID CARA, Secrétaire d'État). 5. Loi du 8 juin 1923 reprenant à titre permanent les dispositions temporaires édictées par l'art. 7 de la loi du 20 octobre 1919 ; él. MIRGUET (AN, Moselle 2 E ), CCP 16 janvier 1959, Rec. 137. 6. El. de la l r e circ. de Laon, CD 3 juillet 1935 (jet de tracts par avion, auto) ; él. de Mulhouse, CD rap. TIXIER-VIGNANCOUR, 23 mai 1939. Voir aussi él. de la Martinique, S 23 décembre 1883 ; él. de Mascara (AN, Algérie 11 E ), CCP 16 février 1959, Rec. 202 ; él. de Médéa (AN, Algérie 4 E ), C C 5 mai 1 9 5 9 , Rec. 2 2 4 . 7. El. DURLOT (AN, Aube 3 e ), CC 12 février 1963, Rec. 115, supra 285, 409.
PROPAGANDE
513
au tarif ordinaire, ou p a r remise au domicile, à u n e catégorie déterminée, mais très limitée, d'électeurs : la jurisprudence électorale se borne, sans p r e n d r e nettement p a r t i sur la licéité du procédé (car, logiquement, la reconnaissance du caractère de circulaire à u n e lettre personnelle conduirait à soumettre le candidat à u n e interdiction de correspondre, incontrôlable et intempestive), à déclarer qu'il n'y a pas là moyen de propagande « de n a t u r e à fausser la régularité de la consultation électorale » 1 . Il n e f a u t pas interdire les contacts h u m a i n s entre candidats et électeurs. De même, l'utilisation de papier à en-tête relatif à u n e fonction élective (parlement, conseil général...) n e constitue pas, en soi, u n e m a n œ u v r e 2 . Mais la m a n œ u v r e serait patente, si le candidat, ministre, utilisait le papier à en-tête de son département ministériel 3 (pouvoir exécutif) : il devrait en aller de m ê m e p o u r toute fonction d'autorité (supra
206-208).
A u contraire, l'envoi, m ê m e p a r voie postale au tarif ordinaire de lettres ronéotypées à telle catégorie sociale ou professionnelle d'électeurs (à plus forte raison si on inondait la circonscription) est u n e irrégularité susceptible d'entraîner l'annulation de l'élection si, eu égard à sa diffusion et aux allégations contenues, elle avait eu une influence sur le résultat du scrutin. La jurisprudence électorale se base sur le contenu et le m o d e d'impression, non sur le mode d'envoi 4 . Bien entendu, l'irrégularité serait appréciée avec u n e plus grande sévérité si les envois de lettres ou de tracts avaient eu lieu de façon à leur conférer u n certain caractère officiel : enveloppes p o r t a n t extérieurement mention de l'élection, affranchissement irrégulier 5 . Dans le cas inverse, l'organe vérificateur constaterait l'irrégularité, mais n ' a n n u l e r a i t pas 6 .
1. El. André MARIE (AN, Seine-Maritime 4E), CCP 5 janvier 1959, Ree. 109 (nombre limité d'artisans) ; él. BALLANGER (AN, Seine-et-Oise 9E), CCP 16 janvier 1959, Ree. 136 (abstentionnistes du premier tour) ; él. DELESALLE (AN, Pas-de-Calais 4E), CCP 27 janvier 1959, Ree. 169 (maires, ministres des cultes) ; él. FEIX (AN, Seine-et-Oise LRE), CC 5 février 1963, Ree. 101. 2. El. COULON (AN, Allier 4 e ), CCP 12 décembre 1958, Ree. 8 2 ; él. PALMERO (AN, AlpesMaritimes 4 e ), CCP 17 janvier 1959, Ree. 114. 3. El. de la Seine (Sénat, MICHELET), CC 16 juin 1959, Ree. 240. 4. EL. DURAND (AN, Drôme 3E), CCP 5 janvier 1959, Ree. 108 : le suppléant de l'élu, président local des Poujadistes, avait envoyé une lettre & tous les poujadiates les mettant en garde contre les opinions politiques et économiques du plaignant, bien que celui-ci ait également été poujadiste. 5. El. SINSOUT (S, Dordogne), CC 9 juillet 1959, Ree. 246. 6. Troublée par une circulaire interministérielle du 15 novembre 1958, qui semblait permettre l'envoi de lettres missives, la Commission constitutionnelle provisoire s'est d'abord, comme en matière de lettres personnelles, bornée à constater qu'il n'y avait pas de manœuvre suffisante contre la régularité du scrutin : él. COULON (AN, Allier 4E), CCP 12 décembre 1958, Ree. 82 ; él. DUTHEIL (AN, Aveyron 3E), CCP 20 janvier 1959, Ree. 158 ; puis elle a constaté l'irrégularité : él. TRÉMOLET DE VILLERS ( A N , L o z è r e 2 E ), C C P 6 f é v r i e r 1959, Ree. 1 8 5 ; él. MÉHAIGNERIE ( A N ,
Ille-et-Vilaine 3E), CC 22 janvier 1963, Ree. 81 ; él. FOUET (AN, Sarthe 3°), CC 29 janvier 1963,Ree.
87 ; él. LAMARQUE-CANDO ( A N , L a n d e s L I E ), CC 2 9 j a n v i e r 1 9 6 3 , Ree. 9 1 ; él. WALDECK-L'HUILLIER
(AN, Seine 36E), CC 29 janvier 1963, Ree, 94 ; él. BARBET (AN, Seine 33E), CC 5 mars 1963, Ree. 133. 17
LE SUFFRAGE
514
4 8 8 . — b. — Tracts,
brochures,
POLITIQUE
EN
FRANCE
dépliants.
L'envoi ou la distribution gratuite de tout tract, lettre ouverte, brochure, dépliant, l i v r e e t c . , de tout écrit non p é r i o d i q u e destiné à influer sur les électeurs, constitue évidemment une irrégularité. Pourtant, le procédé est très employé. Aussi, si, eu égard à l'écart des voix, à la diffusion et a u contenu du document incriminé, il apparaît que l'irrégularité n'a p a s constitué u n e m a n œ u v r e ayant atteint la sincérité d u scrutin, l'élection est v a l i d é e 2 . (Exemplaires ou suppléments de j o u r n a u x distribués gratuitement : infra 5 2 4 ) .
b)
Affiches.
E n matière d'affiches électorales, les pouvoirs de la commission de p r o p a g a n d e disparaissent presque entièrement.
1. — Envoi
489. —
et affichage
en matière
électorale.
Envoi.
L e s candidats, b i e n q u e les textes ne le prévoient p l u s 3 , peuvent confier à la commission de p r o p a g a n d e le soin d'envoyer leurs affiches aux maires ; sinon, ils peuvent les f a i r e colporter librement ou les envoyer eux-mêmes p a r l a voie postale 4 , mais un r e t a r d dans l'acheminement d u courrier, n'intéressant qu'un n o m b r e restreint de 1. Cette forme de propagande, plus lourde, est beaucoup plus rare. Elle n'est guère utilisée que lorsqu'une même plateforme électorale intéresse l'ensemble de la nation : les conservateurs, par exemple, l'utilisèrent lors des discussions sur la séparation des églises et de l'état. P. MENDÊSFRANCE lance son livre, La République moderne (Gallimard) en 1962, a v a n t le référendum d'octobre et les élections de novembre (il f u t battu). 2 . E l . B O I S D É ( A N , C h e r 1 " ) , C C P 2 3 d é c e m b r e 1 9 5 8 , Rec.
9 8 ; él. MOTTE ( A N , N o r d L R E ) ,
CCP 5 janvier 1959, Rec. 104 ; él. QUINSON (AN, Seine 46 E ), CCP 6 janvier 1959, Rec. 121; él, DUTHEIL (AN, Aveyron 3 E ), précitée ; él. DURIOT (AN, Aube 3 E ), CCP 6 février 1959, Rec. 184. él. VASCHETTI (AN, Seine 23«), CCP 6 février 1959, Rec. 187 ; él. de Philippeville (AN, Algérie 14 E ); CCP 16 février 1959, Rec. 199 ; él. BÉCHARD (AN, Gard 4 E ), CCP 16 février 1959, Rec. 201 ; él. L A M P S ( A N , S o m m e 1 « ) , C C 2 2 j a n v i e r 1 9 6 3 , Rec.
7 9 ; é l . POIRIER ( A N , S e i n e - e t - O i s e 1 6 E ) ,
CC
5 mars 1963, Rec. 135. 3. L'art. 174 g du C. élec. ancien (addition de la loi du 9 mai 1951) prévoyait que le candidat pouvait confier aux soins de la commission de propagande l'envoi des affiches électorales a u x maires qui devaient assurer leur affichage aussitôt. Cette disposition n'a pas été reconduite en 1958 : art. R . 34 du C. élec. 4. Commettrait une voie de fait, donc serait de la compétence des tribunaux judiciaires, l'ordre donné par le préfet au receveur des postes (même sur instruction du ministre de l'Intérieur) de retarder jusqu'au jour suivant l'élection la distribution d'affiches électorales, motif pris de l'illégalité de leur contenu : un tel agissement est considéré comme atteinte à la liberté et au secret des correspondances (Trib. confl. 10 décembre 1956, RANDON, JCP 1958.11. 10350,
c o n c l . GUIONIN).
515
PROPAGANDE
communes, ne aérait pas considéré comme une manœuvre dirigée contre le requérant L'affichage en matière électorale est soumis à des conditions restrictives. D'autre part, la violation des affiches électorales constitue une irrégularité. a. — Dispositions
restrictives
en matière
d'affichage
électoral.
« Une âme, en quelque sorte, fut soufflée aux édifices ; les pierres se couvrirent d'idées, et les murailles parlèrent », s'écriait emphatiquement Louis Blanc dans son Histoire de la Révolution. Mais, pour éviter qu'elles ne parlent à tort et à travers, des limitations relatives au lieu et à l'époque de l'affichage ont été édictées.
4 9 0 . — Limitations
relatives
au lieu de
Faffichage.
L a loi du 29 juillet 1881 édictait après bien des avatars le principe de la liberté de l'affichage 2 . Ce principe fut restreint 3 , puis l'art. 1 e r de la loi du 20 mars 1914 (depuis modifié : art. L. 51 du C. élec.) 4 , établit, en matière électorale, le principe inverse : l'apposition d'affiches électorales n'est permise pour chaque candidat (ou liste de candidats), qu'aux emplacements désignés par le maire. En cas de carence du maire (art. L. 52 du C. élec.), le préfet suppléé à l'arrêté municipal (ainsi qu'aux décisions individuelles d'attribution à chaque candidat) 5 . Il en découle deux obligations : d'abord, le candidat doit utiliser l'emplacement qui lui a été assigné : sinon, il doit rembourser à la commune les frais d'établissement (art. R. 28 du C. élec.) ; et la jurisprudence électorale exige la production de faits susceptibles d'avoir modifié le résultat du scrutin pour accueillir la protestation d'un candidat mécontent de ses p a n n e a u x 6 ou affirmant qu'un adversaire a bénéficié d'un casier administratif 7 . 1. El. D U T H E I L (AN, Aveyron 3 e ), CCP 20 janvier 1959, Bec. 158. 2. Affichage permis sur tous les édifices publics, réserve faite des emplacements réservés aux actes officiels et des édifices consacrés aux cultes : art. 16. 3. Loi du 27 janvier 1902 permettant aux maires et aux préfets d'interdire l'affichage sur les édifices à caractère artistique. 4. Dans les TOM, la loi du 20 mars 1936 ne s'applique pas : art. 23 et 40 du décret du 11 mars 1959. 5. A chaque emplacement sont situés des panneaux, de surface égale, attribués respectivement aux divers candidats en présence, selon l'ordre d'arrivée de leur demande, qui doit être adressée au préfet au plus tard le mardi précédant le scrutin du premier tour (le mercredi pour le second tour) : art. L. 51 et R. 28 du C. élec. Outre les emplacements situés prés de chaque bureau de vote, les maires peuvent prévoir au plus cinq autres emplacements dans les communes de moins de 500 électeurs, et dans les autres, dix, plus un par 3 000 électeurs ou fraction supérieure à 2 000 dans les communes ayant plus de 5 000 électeurs (art. R. 28 du C. élec.). 6. El. de la 2 e circ. du X V e arr. de Paris, CD rap. 4 juin 1914 ; él. du Nord (2 e circ.), AN rap. 17 juillet 1951. 7. El. de l'Aube, AL 31 mai 1849 ; él. du IV e arr. de Paris, CD rap. 28 juin 1932.
516
LE SUFFRAGE POLITIQUE EN FRANCE
B i e n entendu, le candidat n'est pas obligé de défendre sa candidature : il peut prêcher l'abstention ou recommander de voter pour un autre candidat ! Mais lui seul peut apposer des affiches sur les panneaux qui lui ont été attribués : l'art. L. 90 du C. élec. interdit le trafic des emplacements \ et la jurisprudence électorale considère comme une irrégularité, assez bénigne, il est vrai, le fait de mettre ses panneaux à la disposition d'un autre candidat 2 . Plus grave serait le fait d'utiliser les panneaux d'un autre candidat sans son aveu exprès, et surtout en laissant supposer que ce dernier est l'auteur de l'affiche apposée 3 . D'autre part (seconde obligation), le candidat ne peut procéder à un affichage en dehors des emplacements réservés. Obligation très peu respectée, mais dont la jurisprudence électorale se borne à constater la violation, en ajoutant que le nombre d'affiches ainsi placées hors des panneaux n'avait pas eu une influence de nature à modifier le résultat du scrutin 4 , alors surtout que, le plus souvent, l'irrégularité a été commise par les principaux candidats en présence. La jurisprudence répressive décide que l'interdiction de l'affichage hors des panneaux électoraux s'applique non seulement aux candidats et à leurs comités électoraux, mais encore aux tiers (personnes ou groupements) recommandant expressément tel candidat ou tel groupe de candidats, ou même se contentant de préconiser tel programme ou telle réforme 5 : ceci afin d'interdire aux candidats de tourner la limitation. De même, les tribunaux répressifs interprètent restrictivement la notion d'emplacement réservé à l'affichage électoral 6 .
1. Sinon, il y aurait une floraison de candidats qui s'empresseraient de revendre leurs panneaux aux candidats sérieux. 2. El. VASCHETTI (AN, Seine 23 E ), CCP 6 février 1959, Ree. 187 : un candidat se désiste en faveur d'un autre et permet à ce dernier d'utiliser ses panneaux. Sur le point de savoir si un suppléant, dont le candidat titulaire s'est retiré après le premier tour, peut afficher pour le second tour une lettre indiquant le sens à donner à ce désistement : v. él. JUNOT (AN, Seine 2 E ), CCP 16 février 1959, Ree. 195. 3. El. LEGARET (AN, Seine 1 " ) , CCP 17 janvier 1959, Ree. 146. 4. El. GRENIER (AN, Seine 40 E ), CCP 12 décembre 1958, Ree. 84 : trois affiches ; él. ROULLAND (AN, Seine 32 E ), CCP 23 décembre 1958, Ree. 94 ; él. DE BROGLIE (AN, Eure LRE), CCP 23 décembre 1958, Ree. 99; él. DELBECQUE (AN, Nord 3 E ), CCP 23 décembre 1958, Ree. 102 ; él. MOTTE (AN, Nord L LE ), CCP 5 janvier 1959, Ree. 104 ; él. Maurice SIMONNET (AN, Drôme 1 " ) , CCP 5 j a n vier 1959, Ree. 107 ; él. RIPERT (AN, Bouches-du-Rhône 5 E ), CCP 6 janvier 1959, Ree. 120 ; él. FANTON (AN, Seine 9 E ), CCP 6 janvier 1959, Ree. 127 ; él. MIRGUET (AN, Moselle 2 E ), CCP 16 janvier 1959, Ree. 137 ; él. DUTHEIL (AN, Aveyron 3 E ), CCP 20 janvier 1959, Ree. 158 ; él. R o u x (AN, Seine 19 E ), CCP 20 janvier 1959, Ree. 162 ; él. DURROUX (AN, Ariège l R E ),CCP 6 février 1959, Ree. 181 ; él. VASCHETTI (AN, Seine 23 E ), CCP 6 février 1959, Ree. 187 ; él. d'Alger-Banlieue (AN, Algérie 2 E ), CCP 5 mai 1959, Ree. 219 ; él. LAMPS (AN, Somme LRE), CC 22 janvier 1963, Ree. 79 ; é l . W A L D E C K - L ' H U I L L I E R ( A N , S e i n e 3 6 E ) , C C 2 9 j a n v i e r 1 9 6 3 , Ree.
Corse 3 E ), CC 9 juillet 1963, Ree. 147. 5. Trib. de Toulouse, 23 mai 1914, Gazette des Tribunaux
9 4 ; él. de ROCCA-SERRA
du Midi,
(AN,
19 juillet 1914.
6. Trib. corr. de Louviers, 22 janvier 1935, GP 1935.1.371 : le candidat s'était transformé en n homme-sandwich ». De même, la circulation de véhicules portant des affiches électorales serait irrégulière : él. ROULLAND (AN, Seine 32 E ), précitée. — E n conséquence, serait illégale la pratique américaine, suivie par les Anglais, du petit insigne portant un slogan électoral : « I like Ike > ; « I'H back Mac », ou « I'am a Mac man » (en faveur de Mac MILLAN, Premier ministre conservateur, lors des élections aux Communes en 1959).
517
PROPAGANDE
4 9 1 . — Limitations
relatives à l'époque
de
Faffichage.
L'apposition des affiches électorales n'est permise qu'entre le jour de l'ouverture de la campagne (vingt jours avant le scrutin : art. L. 164 du C. élec.) et le jeudi (inclus) précédant le jour du premier tour (le vendredi pour le second tour) 1 . Ceci afin d'éviter des allégations, des manœuvres de dernière heure auxquelles les adversaires ne pourraient plus répondre. Cette limitation ne s'applique qu'aux affiches exposant le programme du candidat, non à celles indiquant les jours et heures de réunion électorale. La violation de cette disposition est également fréquente, mais, le plus souvent, la jurisprudence électorale refuse de la sanctionner 2 .
4 9 2 . — b. — Protection des affiches
électorales.
Souvent aussi, les candidats lacèrent ou recouvrent (parfois de leur propre nom !) les affiches de leurs adversaires. Ce fait constitue un délit 3 ou un quasi-délit 4 . Aussi l'autorité administrative permetelle aux victimes de rétablir leurs affiches, même après le délai d'affichage 5 . D'autre part, l'enlèvement sur son ordre d'affiches irrégulières ne pourrait être retenu comme grief 6 . De même, la violation isolée, ou réciproque, de certaines affiches, par un adversaire, ne saurait être considérée comme ayant modifié le résultat du scrutin 7 , surtout si elles sont demeurées placardées un certain temps 8 . Au contraire,
1. Art. R. 26 du C. élec. (AN, métropole) ; art. 12 du décret du 11 mars 1959 (AN, TOM). 2. El. de la Drôme, AN rap. 6 juillet 1951 ; él. de la Dordogne, CR rap. 5 février 1957 ; élFULCHIRON (AN, Rhône 5 E ), CCP 6 janvier 1959, Rec. 116 ; él. MEHAIGNERIE (AN, Ille-et-Vilaine 3 E ), CC 22 janvier 1963, Rec. 81. Le Conseil d'État considère parfois l'apposition tardive d'une affiche comme une manœuvre et prononce l'annulation (CE 17 février 1930, él. de SaintChristophe ; 27 février 1951, él. de Malo-les-Bains ; 8 décembre 1954, él. de Beaumette-les-Pins 5 él. cantonales de Vesoul, 1961). 3. Art. 17 de la loi du 29 juillet 1881. Lacération et recouvrement ne sont permis qu'aux propriétaires des emplacements irréguliers sur lesquels les affiches ont été apposées, ou lorsque l'affiche ne peut plus avoir d'effet : après l'élection. 4. Le candidat peut demander réparation, en vertu de l'art. 1382 du C. civ., des préjudices, matériels et moraux qu'il a subis (Cour d'Amiens, 4 février 1905). 5. El. CLERGET (AN, Haute-Saône 2 e ), CCP 6 janvier 1959, Rec. 114 ; él. QUINSON (AN, Seine 46 e ) CCP 6 janvier 1959, Rec. 121. 6 . E1.DE GRAMMONT, A L 6 j u i n 1 8 4 9 ; él. DE CLARY, A L 2 6 j u i l l e t 1 8 4 9 ; él. de 1 8 6 3 , C L 1 3 ,
18, 20 et 23 novembre 1863 ; él. DELTHEIL, CL 22 novembre 1869 ; él. de la Haute-Saône, CD 19 novembre 1885 ; él. de Sarlat, CD 18 novembre 1889 ; él. de Figeac, CD 25 novembre 1893. 7. El. de la 1 " cire, de Marseille, CD rap. 3 juin 1910. Affiches recouvertes : él. CLERGET (AN, Haute-Saône 2 E ),précitée ; él. DELESALLE (AN, Pas-de-Calais 4 E ), CCP 27 janvier 1959, Rec. 1 6 9 ; él. VASCHETTI (AN, Seine 23 E ), CCP 6 février 1959, Rec. 187 ; él. POIRIER (AN, Seine 16 E ), CC 5 ma™ 1963, Rec. 135. Affiches lacérées : él. COULON (AN, Allier 4 E ), CCP 5 janvier 1959, Rec. 112 ; éL QUINSON ( A N , S e i n e 4 6 E ) , C C P 6 j a n v i e r 1 9 5 9 , Rec.
1 2 1 ; él. VASCHETTI, p r é c i t é e ; él. WALDECK-
L'HUILLIER (AN, Seine 36 E ), CC 29 janvier 1963, Rec. 79 ; él. FEIX (AN, Seine-et-Oise, l I e ) , CC 5 février 1963, Rec. 101. 8 . Cf. C E 3 0 n o v e m b r e 1 8 8 8 , MANZIAT ; C E 1 E R j u i n 1 8 8 9 , DOUILLY.
518
LE SUFFRAGE
POLITIQUE
EN
FRANCE
si la violation des affiches s'étendait à l'ensemble de la circonscription, et constituait en même temps une manœuvre caractérisée (remplacement systématique, sur des affiches annonçant un désistement, du nom du candidat en faveur duquel ce désistement était effectué par le nom de l'élu, alors surtout que l'examen du transfert des voix prouvait que la bonne foi des électeurs avait été surprise), l'annulation serait prononcée 4 9 3 . — 2. — Notion
cF affiche
électorale.
L'ancien critère de l'affiche électorale : contenir au moins le nom du candidat (mais sa signature n'était pas nécessaire : art. 3 de la loi du 11 mai 1868) était trop restrictif. Une proposition de loi discutée par la Chambre (CD 18 mars 1902) et non adoptée définitivement, définissait ainsi l'affiche électorale : affiche par laquelle « on engage les électeurs à voter ou à ne pas voter pour un candidat désigné ». Ce critère est strict, mais insuffisant : ce n'est plus seulement la désignation du candidat (énonciation du nom ou autre désignation précise) qui devrait entraîner le caractère électoral, mais également l'indication d'un parti, peut-être même d'une tendance politique ou économique, dès lors que ce parti ou cette tendance participe à la lutte électorale dans la circonscription envisagée 2 . Les affiches de désistement, et même de remerciement, sont considérées comme des affiches électorales (art. L. 90 du C. élec.). De même que la notion de circulaire, celle d'affiche électorale est extensivement interprétée aussi bien par les tribunaux répressifs 3 que par la jurisprudence électorale, car les art. L. 51 et L. 165 du C. élec. sont rédigés en termes très généraux. En conséquence affiches ne respectant pas le format réglementaire, banderoles, papillons, inscriptions et graffitis sur les murs, la chaussée 4 , apposition de journaux, circulaires, affiches lumineuses 5 , éclairage au néon, projections lumineuses nocturnes dans le ciel, et même, peut-être, émission de fumée par avion, sont, en principe, interdits, dès lors qu'ils ne satisfont pas aux conditions restrictives de nombre et de lieu d'apposition. De même est interdite l'apposition de toute affiche, même timbrée, en dehors des panneaux (l'art. L. 51 ; du C. élec. dispense du timbre les affiches électorales) 6 . En revanche, il semble que 1. El. de L A C O S T E - L A R E Y M O N D I E ( A N , Charente-Maritime 1 " ) , CCP 6 janvier 1959, Ree. 122. 2. Ainsi a-t-on pu s'interroger, lors des élections de 1958, sur la légalité des affiches de l'UNK: « U N R : Faites respecter votre oui ». Formellement, ne contenant ni le nom du candidat, ni le mot « voter » {pour le parti), elles demeuraient légales. Matériellement, leur caractère purement électoral ne faisait aucun doute. 3. Cour de Pau, 27 juillet 1951, GP 1951.2.231, 1 « arrêt ; Trib. corr. de Lille, 27 novembre 1958, R O Y E R / D E L B E C Q U E et L I É V I N , GP 24-26 décembre 1958. V . aussi supra 490. 4 . El. M O T T E (AN, Nord 1 " ) , C C P 5 janvier 1 9 5 9 , Ree. 1 0 4 . 5. L a Cour de cassation assimile les affiches lumineuses aux affiches ordinaires : Casa., Req. 4 novembre 1946, JCP 1947.11.3589 ; Cass., Civ. 3 juillet 1947, JCP 1948.11.4140. 6. En principe, les affiches de remerciement, même apposées sur les panneaux électoraux, doivent être timbrées. Mais une certaine tolérance règne à cet égard.
519
PROPAGANDE
le procédé utilisé en Angleterre pour ou contre le protectionnisme : location de boutiques ou de vitrines, où seraient exposés des produits, ou des diagrammes, etc..., illustrant le bien ou le mal-fondé de telle politique, ne serait pas interdit. Les agissements irréguliers, très fréquents, ne sont pas, le plus souvent, retenus par l'organe vérificateur, comme n'ayant pas été de nature à modifier le résultat du scrutin 1 .
494. —
B. —
ELECTIONS
SÉNATORIALES.
Les candidats jouissent d'une bien plus grande latitude en matière de documents électoraux. La composition et les fonctions de la commission de propagande sont les mêmes que pour les élections législatives, mais son rôle est facultatif : les candidats ne peuvent utiliser ses services pour l'envoi des documents que s'ils ont accepté de verser le cautionnement ( supra 3 9 8 ) . Les candidats n'ont droit qu'à une circulaire, et à un nombre de bulletins de vote qui ne peut être supérieur de plus de 20 % à deux fois celui des membres du collège électoral 2 . Mais, en l'absence d'une disposition restreignant le nombre et la nature des documents électoraux, tel l'art. L. 165 du C. élec., le Conseil constitutionnel a adopté une interprétation très large de l'art. 25 du décret du 13 mars 1959 (art. R.* 155 du C. élec.), en estimant que ce text» se borne à énumérer les documents dont les frais d'impression et de distribution sont mis à la charge de l'état, non à en limiter le nombre : en conséquence, lettres missives, dépliants, brochures 3 , affiches 4 sont permis, mais doivent être postés au tarif normal, sous enveloppe ordinaire, sans mention de l'élection 5 . Les candidats jouissent de la liberté de colportage et distribution accidentels prévus par l'art. 20 de la loi du' 29 juillet 1881.
1. El. MIRGUET (AN, Moselle 2E), CCP 16 janvier 1959, Ree. 137. La jurisprudence administrative est parfois plus sévère : v. CE, él. de Deauville, 23 juillet 1936 ; CE, él. de VilleneuveSaint-Georges, 20 février 1957. 2. Art. 25 à 30 du décret du 13 mars 1959 (modifié par l'art. 7 du décret du 24 juillet 1961) (art. R . * 155 à R . * 161 du C. élec.). Les documents doivent être remis à la commission 6 jours avant le scrutin : art. 24 du décret n° 59-393 du 11 mars 1959 (TOM). 3. El. sén. du Loir-et-Cher, CC 28 mai 1959, Ree. 235 ; él. sén. de la Seine, CC 16 juin 1959, Ree. 240 ; él. de Sétif-Batna (S), CC 11 décembre 1959, Ree. 253. Dans la première décision, le Conseil avait refusé de prendre parti sur la licéité du dépassement du nombre des documents électoraux (qui avaient d'ailleurs été publiés alors que le premier tour de scrutin allait s'ouvrir). Au contraire, dans la seconde décision (contestation de l'élection du Garde des sceaux MICHELET, qui avait envoyé une lettre photocopiée à en-tête du ministère de la Justice) le Conseil en a expressément admis la licéité, tout en blâmant le fait de pression officielle (supra 206). Cf. les élections aux Communes, où, traditionnellement, la campagne électorale débute par la publication d'un manifeste et d'une brochure émanant de chacun des trois partis et exposant le programme général de celui-ci. 4. El. CBÉMIEUX (S, Gard), CC 4 décembre 1962, Ree. 42. 5. El. sén. de la Dordogne (SINSOUT), CC 9 juillet 1959, Ree. 246.
LE SUFFRAGE POLITIQUE EN FRANCE
520
Sous-§ II. — C O N T R O L E D E L A F O R M E E T DU C O N T E N U DES DOCUMENTS ELECTORAUX. En principe, les candidats sont libres, une fois respectées les conditions de format et de nombre, de déterminer à leur guise le contenu de leurs documents électoraux. Cependant, la législation impose certaines conditions relatives à la forme des documents électoraux.
495.
A.
CONTROLE DE LA FORME DES DOCUMENTS ÉLECTORAUX.
Les documents électoraux (tout au moins ceux prévus par les textes : affiches, circulaires, bulletins de vote) doivent respecter certaines conditions de forme : format % couleur (interdiction des affiches blanches ou tricolores, afin d'éviter le reproche de candidature officielle ( s u p r a 2 1 5 ) 2 — il est licite d'utiliser des affiches phosphorescentes — attribution des couleurs aux candidats dans les départements d'Oulre-mer et les Territoires d'Outre-mer 3 . En cas de non-conformité des documents électoraux avec ces conditions, quelle autorité pourrait les sanctionner ? D'abord, le président de la commission de propagande devrait refuser de les faire distribuer 4 . E t l'autorité administrative pourrait donner l'ordre de lacérer les affiches blanches, tricolores ou apposées hors des panneaux. L a jurisprudence électorale s'est toujours montrée peu rigoureuse quant à la violation de ces conditions de forme (infra 6 2 4 , le format des bulletins).
1. Affiche contenant le programme : f o r m a t colombier a u m a x i m u m (60 X 80) ; affiche indiquant les réunions électorales : f o r m a t 1 /6 colombier (20 X 40) ; circulaire : 21 X 27 ; bulletin de vote : 7 X 9 pour une candidature isolée, 13,5 X 10,5 pour les bulletins c o m p o r t a n t deux noms ; et pour le S é n a t : 20 X 12 pour les listes et 8,5 X 6,5 pour les candidats isolés. 2. L'imprimeur est responsable de ce délit contraventionnel. Art. 44 de la loi de finance du 30 mars 1902 (art. R. 27, R . 95 et R . * 156 du C. élec.). L'affichage de j o u r n a u x , ou de circulaires, imprimés normalement sur papier blanc, bien que constituant, en soi, une irrégularité de propagande, n'est p a s considéré comme acte de candidature officielle (él. de Saint-Étienne, CD 4 novembre 1881 ; él. de Rocroi, CD 6 juin 1898) ; de même, la combinaison des trois couleurs dans une affiche : él. POIRIER (AN, Seine-et-Oise 1 " ) , CC 5 m a r s 1963, Bec. 135. 3. V. supra 416 n ; art. L . 332 du C. élec. pour les départements d'Outre-mer ; art. 14 d u décret du 13 m a r s 1959 (TOM). 4. Art. R . 30 et R . 38 du C. élec. (AN) ; art. R . * 155 et R . * 159 du C. élec. (Sénat, métropole).
521
PROPAGANDE
B. —
CONTROLE DU CONTENU DES DOCUMENTS ÉLECTORAUX.
4 9 6 . — 1°)
Mentions.
Les documents électoraux ne peuvent être distribués que s'ils contiennent le visa du candidat, les mentions prévues 1 et notamment le nom de l'imprimeur une fois le dépôt légal effectué 2 . Seuls les bulletins de vote échappent à ces obligations. La loi n'exige comme mentions électorales sur les bulletins, que le nom du suppléant (ou remplaçant) avec indication de cette qualité, imprimé en caractères plus petits que celui du candidat 3 , faute de quoi la commission de propagande les refuserait 4 . D'autre part, les affiches annonçant les réunions électorales ne doivent contenir que les jours, heures, lieux et orateurs inscrits. Enfin, les art. L. 169 à L. 171 du C. élec. (loi du 17 juillet 1889) font à la commission de propagande et à l'administration l'obligation de saisir et détruire les documents électoraux émis en faveur d'un candidat « multiple » et frappent de sanctions pénales les personnes qui procéderaient à leur diffusion. Hors ces cas (outre l'hypothèse du maintien de l'ordre public) 5 l'administration ne pourrait s'opposer à la diffusion des documents électoraux, donc en contrôler le contenu. 2°) Contenu proprement
dit.
Il existe cependant à cette liberté de principe certaines exceptions, destinées à ne pas créer d'équivoque dans l'esprit des électeurs, et à moraliser la lutte électorale.
1. Art. 1 e r du décret du 21 juin 1943 : noms de l'imprimeur et du producteur, lieu de sa résidence, mois et millésime de l'année, ces mots « dépôt légal », avec l'indication de l'année et du trimestre, numéro d'ordre dans la série des travaux de la maison d'édition. Art. 2 de la loi du 29 juillet 1881 : des peines contraventionnelles sont prévues en cas d'inexécution, à l'encontre de l'imprimeur et du distributeur. 2. Art. 2 de la loi du 21 juin 1943 (art. R. 30 et R.* 155 in fine du C. élec.). Le dépôt légal doit être effectué, en 2 exemplaires, aux bibliothèques habilitées à cet effet. 11 a été jugé que le dépôt devait être, non antérieur, mais simplement concomitant, à la distribution (Cour de Besançon, 19 mars 1879, S 80.2.166) et qu'il pouvait être effectué de nuit, afin de ne pas retarder la campagne électorale du candidat (Cour de Poitiers, 19 février 1886, S 86.1.126 ; Cass. 3 juillet 1886, S 86.1.487.) Sinon, la saisie et la confiscation peuvent être ordonnées, et des poursuites pénales sont prévues. 3. Mais sur une profession de foi, le nom du remplaçant peut précéder celui du candidat : il. LAMARQUE-CANDO (AN, Landes LRE), CC 29 janvier 1963, BEC. 91. 4. Art. R. 30 et R. 38 du C. élec. (AN, métropole) ; art. 13 du décret du 11 mars 1959 (AN, TOM). De même devaient être refusés, sous la IV e République, les bulletins ne portant pas mention de l'apparentement : art. 175 ancien du C. élec. 5. Trib. Confl. 10 décembre 1956, RANÇON, JCP 1958.11.10350, concl. GUIONIN : affiche» électorales protestant contre les inéligibilités infligées à certains parlementaires (supra 342).
522
LE SUFFRAGE
4 9 7 . — a ) Contrôle
effectué
en vue d'éviter
POLITIQUE
les
EN
FRANCE
équivoques.
Un candidat ne peut faire état dans ses documents électoraux que des appuis qu'il a réellement reçus ; en particulier, pour les sigles des partis. La juridiction des référés se reconnaît compétente pour interdire l'emploi abusif de tels sigles, et pourrait, semble-t-il, si l'équivoque était très sérieuse, et si le parti lésé n'avait plus la possibilité d'éclairer le corps électoral, permettre la saisie des documents électoraux incriminés 1 . Cette forme de fraude peut prendre un visage plus insidieux : certains candidats essaient, par la présentation typographique de leurs documents électoraux, d'amener le lecteur hâtif à croire qu'il a l'investiture de tel parti en vogue ou l'appui de tel homme populaire dans la circonscription 2 . En dépit du désir de quelques rapporteurs, la jurisprudence électorale a, avec raison, car c'eût été lui donner un trop grand pouvoir d'appréciation, refusé à la commission de propagande le droit de repousser de tels documents 3 . L'organe vérificateur estime assez l'intelligence de l'électeur moyen pour penser que celui-ci ait pu se laisser prendre à l'équivoque 4 . b ) Contrôle
effectué
en vue de moraliser
la lutte
électorale.
Ce contrôle peut porter soit sur l'origine même du document électoral, soit sur les allégations qu'il contient, mais non sur les opinions soutenues.
1. Trib. civil de Lille (référés), 12 novembre 1958, DEFOUX/BASTARD, GP 3-5 décembre 1958. Supra 462. 2. En 1958, pour le second tour de scrutin, des candidats non investis par l'Union pour la Nouvelle République (UNR) mirent en grosses initiales sur leurs documents électoraux : U R N (Union... pour la République Nouvelle) : él. BOISDÉ (AN, Cher 1 " ) , CCP 23 décembre 1958, Rec. 98, ou même U N R (Union Nationale Républicaine) : él. SOURBET (AN, Gironde 8 E ), CCP 6 février 1959, Rec. 191. Dans l'Oise 4 e , le bulletin de vote du candidat élu contenait le nom du suppléant ainsi libellé : R. HERSANT, au lieu de P. HERSANT, afin de créer une confusion avec le célèbre député de la L RE circ. de l'Oise, le directeur de VAuto-journal, (Robert) HERSANT. E n Algérie, certains candidats utilisèrent des moyens visuels dans des tracts pour persuader les électeurs illettrés que le « oui » au référendum, la « confiance » en DE GAULLE et le fait de voter avec les bulletins à leurs couleurs étaient même chose. 3. El. de la Loire, AN, 31 juillet 1951. 4. El. de la Loire, précitée ; él. de Seine-et-Oise (2 E circ.) ; Rhône (2E circ.), Isère, A N 1951 ; él. B O I S D É ( A N , C h e r 1 " ) , p r é c i t é e ; él. S O U R B E T ( A N , G i r o n d e 8 e ) , p r é c i t é e ; él. L A M A R Q U E CANDO ( A N , L a n d e s 1 " ) , C C 2 9 j a n v i e r 1 9 6 3 , Rec. 9 1 ; él. F E I X ( A N , S e i n e - e t - O i s e 1 " ) , C C 5 f é -
vrier 1963, Rec. 101.
PROPAGANDE
523
1. — Contrôle 4 9 8 . — Documents
de l'origine
émanant
du
des
documents.
candidat.
Seule peut être effectuée la propagande en faveur des candidats dont la déclaration de candidature a été enregistrée. La propagande en faveur d'un candidat se présentant en plusieurs circonscriptions (supra 4 2 9 ) est frappée de sanctions particulières 1. Le document électoral doit émaner du candidat lui-même ; s'il ne l'a pas rédigé, il en supporte la paternité 2 . Bien entendu, le candidat peut y citer, in terminis, des écrits émanant d'un parti ou d'un tiers s , même doté d'une fonction ministérielle, pourvu qu'il agisse à titre personnel P a r contre, si le texte cité était supposé ou dévié du sens qu'il a dans son contexte, il y aurait là une manoeuvre dont il faudrait rechercher l'influence sur le résultat de l'élection 5 (sur les agissements de l'adversaire : supra 2 9 7 ) .
4 9 9 . — Documents
émanant de tiers.
Mais d'autres personnes peuvent-elles, par lettres, circulaires ou affiches, appuyer une candidature ? Il faut distinguer : en principe, les simples communiqués, les lettres personnelles émanant d'un colistier 6 , du suppléant peuvent être cités par le candidat ou ses concurrents 1. D'autres sanctions, déjà prévues par le Sénatus-consulte de 1858, sont édictées par la loi du 17 juillet 1889 : sanctions administratives (enlèvement ou saisie des affiches, profession de foi, circulaires : art. L. 170 du C. élec.) et sanctions pénales : (amende contre le candidat« multiple » et les personnes diffusant ses documents électoraux : art. L. 169 et L. 171 du C. élec.) ; l'infraction est considérée comme ayant un caractère contraventionnel, exclusif de toute bonne foi ; peu importe le nombre de documents diffusés : un seul suffit à établir l'infraction (Cour d'Appel de Bordeaux, 20 avril 1894, S 1894.2.213 ; Cass. 3 août 1894, Pandecles françaises, 1895.1.275). La preuve incombe au ministère public si le prévenu affirme que les bulletins ont été envoyés à son insu (Cass. 3 avril 1890, Pandectes françaises 1890.7.58) ; la loi ne prévoyant pas de prescription, on applique la prescription de droit commun en matière correctionnelle (3 ans) (Cass. 13 juin 1890, Pandectes françaises 1890). Mais au point de vue électoral, l'affichage effectué par un candidat dont la déclaration a été refusée, et dont toutes les affiches n'avaient pas été arrachées, ne saurait être invoqué comme une cause ayant induit les électeurs en erreur, et susceptible d'entraîner l'annulation de l'élection de l'adversaire du candidat repoussé (él. JOFFRIN, CD 5 et 9 décembre 1889). 2. Un parti pourrait prévoir un texte commun pour tous ses candidats, ou lors d'un référendum ; en pratique, la propagande est nuancée selon les régions. 3. El. B O S C H E R (AN, Seine-et-Oise 14 e ), CCP 6 janvier 1959, Rec. 130 ; él. L E G A R E T (AN, Seine 1 " ) , CCP 17 janvier 1959, Rec. 146 ; él. J U N O T (AN, Seine 2 e ), CCP 16 février 1959, Rec. 195. 4. El. F U L C H I R O N (AN, Rhône 5 e ), CCP 6 janvier 1959, Rec. 116 : appel d'un membre du gouvernement en faveur du candidat ; la simple manifestation de sympathie d'un membre du gouvernement, lors même qu'elle est publiée, ne constitue pas une irrégularité : él. de Sétif-Batna (S), CC 11 décembre 1959, Rec. 253. Sur la pression officielle : supra 205 et s. 5. El. D E M A C K A U (Orne 2 e ), CL 7 février 1866 ; él. M I R G U E T (Moselle 2 e ), CCP 16 janvier 1959, Rec. 137 ; él. R A D I O S (AN, Bas-Rhin l r e ) , CCP 20 janvier 1959, Rec. 155 ; él. L E G A R E T (AN, Seine 1 " ) précitée. 6. Un co-listier en mauvaise position manœuvrera parfois contre sa tête de liste en recommandant aux électeurs, par des circulaires en surnombre, ou des lettres ronéotypées, de marquer son
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LE SUFFRAGE POLITIQUE EN FRANCE
dans leurs propres documents électoraux, ou livrés à la p u b l i c i t é 1 . P a r contre, la diffusion de tout tract, circulaire, lettre ronéotypée, affiche en surnombre, même envoyés par la voie postale normale, émanant d'un co-listier ou du suppléant 2 , du comité électoral 3 ou du p a r t i 4 serait irrégulière (sauf pour les élections sénatoriales), et de nature à entraîner l'annulation de l'élection si l'amplitude de cette diffusion et l'impossibilité pour l'adversaire de répondre aux allégations contenues avaient été de nature à modifier le résultat du scrutin 2 . Le candidat ne pourrait pas, devant la juridiction pénale, alléguer de son ignorance ou de sa bonne foi : car « le fait d'appartenir à un parti politique implique que chaque candidat obéit à ses directives, et notamment fait siens les procédés de propagande lorsqu'il s'agit de sa propre candidature » 5 . Mais la jurisprudence est plus libérale si la circulaire (et a fortiori, la lettre missive ou autographe) émane hors de toute inspiration du candidat d'un tiers simple particulier, ou titulaire d'une fonction élective 6 , d'une association à but social ou confessionnel % ou d'un organisme professionnel 8 (à condition que celui-ci ne soit pas doté de prérogatives de puissance p u b l i q u e 9 ) et est adressée à une catégorie nettement déterminée, assez restreinte, d'électeurs 1 0 , et non à tous l l . Quant à l'affiche, même émanant d'un tiers, elle est en principe interdite. Cependant, certains candidats apposent sur leurs panneaux électoraux, en plus de leurs affiches réglementaires, une simple étiquette émanant d'une organisation sociale l z , et se bornent à authentifier l'investiture reçue. Cette pratique serait régulière si l'affiche elle-même portait la mention de cette investiture. Son adjonction après coup ne peut donc, a priori, être considérée comme illicite : elle ne le serait certainement que si nom d'un signe préférentiel : on apprécie alors l'influence de la manœuvre eu égard a u x termes employés, au nombre d'électeurs touchés, etc.,. 1. El. JUNOT (AN, Seine 2 e ) , CCP 16 février 1959, Rec. 195. 2. El. DURAND (AN, Drôme 3 e ), CCP 5 janvier 1959, Rec. 108. 3. El. LACAZE (AN, Charente-Maritime 5 e ) , CCP 6 janvier 1959, Rec. 126. 4. E l . COULON (AN, Allier 4 E ), CCP 5 janvier 1959, Rec. 112. 5. Trib. corr. de Lille, 27 novembre 1958, ROYER/DELBECQCE, GP 24-26 décembre 1958. 6. El. de la Haute-Marne, A L 29 et 30 mai 1 8 4 9 ; él. BRIENS (Manche, Coutances), CD rap. 5 juin 1883, déb. 23 juin 1883 : maire (mais lorsque les maires étaient nommés, leur intervention était susceptible d'entraîner l'invalidation : él. du Nord, AN 15 juillet 1871, et surtout él. DEGNAUHECOURT (Nord) AN 7 janvier 1872) ; él. DUTHEIL (AN, Aveyron 3 E ), CCP 20 janvier 1959, Rec. 158 ; él. DELASALLH (AN, Pas-de-Calais 4 E ), CCP 27 janvier 1959, Rec. 169 (conseillers généraux) ; él. D U R R O U X ( A N , A r i è g e L R E ) , C C P 6 f é v r i e r 1 9 5 9 , R e c . 1 8 1 ( s é n a t e u r ) ; él. T R É M O L E T D E V I L L E R S ( A N ,
Lozère 2 E ), CCP 6 février 1959, Rec. 185 (député) ; él. ORIOL (Saint-Etienne L RE ), CD rap. 7 décembre 1893 (président du tribunal de commerce). Mais un corps élu ne pourrait, e n t a n t que tel, recommander une candidature (supra 207). 7. E l . Maurice SIMONKT (AN, Drôme 1 « ) , CCP 5 j a n v i e r 1959,Rec. 107 ; él. CLERGET (AN, HauteSaône 2 E ), CCP 6 janvier 1959, Rec. 114 ; él. TRÉMOLET DE VILLERS, précitée. 8. El. SOURBET (AN, Gironde 8 e ), CCP 6 février 1959, Rec. 191. 9. El. sén. de la Dordogne (SINSOUT), CC 9 juillet 1959, Rec. 246. 10. Maires, ministres des cultes, directeurs d'écoles, A P E L de la circonscription ; adhérents de tel organisme professionnel, etc... 11. El. sén. de la Dordogne, précitée. 12. E n 1956, Mouvement des Sans-Logis de l'abbé Pierre.
PROPAGANDE
525
l'étiquette était apposée après le délai d'affichage. Au contraire, une affiche proprement dite, même émanant du parti du candidat investi, apposée ou non sur les emplacements légaux, serait illicite (supra 490) \
500. — Doute sur F origine des
documents.
Enfin, assez souvent, sont diffusés, au cours de la campagne électorale (et parfois par des moyens expéditifs : automobiles, avions), affiches, tracts, circulaires, brochures anonymes. Ce procédé est parfaitement illégal. Mais l'organe vérificateur hésite, le plus souvent, au risque d'inciter les candidats à l'utiliser, à le sanctionner, dans la crainte qu'un candidat, se sachant perdu, n'inonde la circonscription de tracts injurieux ou calomnieux à son propre égard, et n'obtienne ainsi l'annulation de l'élection de son concurrent. En pratique, l'organe vérificateur se retranche derrière deux raisons : le doute qui subsiste souvent sur l'origine du document incriminé 2 . Et aussi, lorsque les circonstances de fait ou les allégations contenues permettent de déterminer son inspiration, la constatation que, eu égard soit aux mises en garde qui ont pu être adressées en temps utile aux électeurs, soit (raison en définitive toujours invoquée) à l'écart des voix obtenues par les candidats en présence, le résultat du scrutin n'a pu en être modifié 3 . Mais si l'ampleur de la diffusion avait atteint tous les électeurs de la circonscription, l'annulation pourrait être prononcée *.
501. — 2. — Contrôle des allégations relatives aux
personnes.
En principe, le candidat est libre dans la rédaction de ses documents électoraux : il peut, soit exposer sa « profession de foi », soit attaquer un concurrent 5 , soit, au contraire, plaider en faveur d'un autre candidat, à condition, toutefois, que celui-ci ne dispose pas directement des panneaux d'affichage ou de la circulaire 6. 1. El. COULON (AN, Allier 4 E ), CCP 5 janvier 1959, Ree. 112. 2. El. MARCENET (AN, Seine 31E), CCP 23 décembre 1958, Ree. 96; él. LE ROY LADURIE (AN, Calvados 5 E ), CCP 6 janvier 1959, Ree. 128 ; él. LEBAS (AN, Manche 3E), CCP 6 février 1959, Ree. 179 ; él. SALAGNAC (AN, Seine 55«), CC 5 février 1963, Ree. 110 ; él. POIRIER (AN, Seine-et-Oise 16«), CC 5 mars 1963, Ree. 135. 3. El. du Jura, CD 13 novembre 1885 ; él. de Mantes, CD rap. 22 juin 1906 ; él. de la 2 e circ. de Nancy, CD 10 juillet 1906 ; él. MASCLANIS (Condom-Lectoure), CD rap. 21 juin 1928; él. de la Drôme, AN rap. 6 juillet 1951 ; él. COULON (AN, Allier 4 e ) précitée; él. BOISDÉ (AN, Cher l r e ) , CCP 23 décembre 1958, Ree. 98 ; él. LARUE (AN, Seine-Maritime 2 e ), CCP 20 janvier 1959, Ree. 164 ; él. VASCHETTI (AN, Seine 23 e ), CCP 6 février 1959, Ree. 187 ; él. légis. d'Algérie (Alger-banlieue), CC 5 mai 1959, Ree. 219 ; él. sénat, du Bas-Rhin, CC 28 mai 1959, Ree. 233. 4. El. sénat, de Dordogne (SINSOUT), CC 9 juillet 1959, Ree. 246. 5 . E l . TRÉMOLET DE VILLERS ( A N , L o z è r e 2 E ) , C C P 6 f é v r i e r 1 9 5 9 , Ree.
(AN, Seine 23E), CCP 6 février 1959, Ree. 187, 10E considérant. 6. EL. VASCHETTI (AN, Seine 23E), précitée, 12 E considérant.
185
él. VASCHETTI
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Mais les allégations ne doivent, en aucun cas, avoir un caractère diffamatoire, calomnieux ou injurieux : des poursuites pénales accélérées sont prévues ( s u p r a 3 0 5 ) , puisque aucun texte n'étend aux écrits publiés au cours de la campagne électorale l'immunité parlementaire ; et la jurisprudence électorale sanctionnerait, le cas échéant, cette manœuvre qui serait d'ailleurs appréciée d'une façon plus indulgente si l'allégation émanait d'un tiers candidat 1 .
5 0 2 . — 3. — Contrôle
des opinions
politiques
soutenues.
E n principe, toutes les opinions sont permises, et l'on ne saurait ouvrir un procès d'intention à l'encontre d'un élu 2 . Le candidat peut modifier à tout moment (et même entre les deux tours de scrutin) le sens qu'il entend donner à sa candidature, pourvu qu'il n'en résulte aucune confusion pour les électeurs 3 . Cependant, un candidat ne pourrait se référer expressément à un parti ou une organisation dissoute, ou déclarée illégale. Mais rien ne l'empêcherait de reprendre à son compte tout ou partie de son programme (sous réserve des poursuites pénales que pourrait lui valoir le soutien de certaines opinions de nature à troubler l'ordre public, à susciter la haine entre les citoyens (par exemple : inégalité raciale...) 4 . Ce principe a d'ailleurs, eu égard aux circonstances, souffert une exception lors des élections en Algérie en 1958 5 . 1. El. LAURELLI (AN, Saint-Pierre et Miquelon), CC 9 juillet 1959, liée. 249. 2. El. AVEZ, CD 21 novembre 1893; él. THOMSON (Constantine) CD 1885, CD 8 novembre 1898 et 3 mars 1899 (citoyenneté des israëlites) ; él. AUBRY (Constantine), CD 1902 (id.) ; él. ISORNI, AN 19 juillet 1951. L'art. 89 in fine de la Constitution de 1958 (qui reprend l'art. 95 de la Constitution de 1946) interdit de remettre en cause, par proposition de révision constitutionnelle, la forme du gouvernement. Cette disposition n'existait pas dans les lois de 1875, et des parlementaires, sous la III E République, furent élus grâce à un programme où ils réclamaient l'abolition de la République. D'ailleurs, ce texte semble ne viser que la proposition de révision constitutionnelle, non l'exposition d'un programme. 3 . E l . PRIVÂT ( A N , B o u c h e s - d u - R h ô n e 1 1 e ) , C C P 1 2 d é c e m b r e 1 9 5 8 , Rec.
8 6 ; él. H O U E L
(AN,
Rhône 6 e ), CC 15 janvier 1963, Rec. 69. 4. Sont réprimées pénalement, et en conséquence interdites, toutes provocation suivies d'éffèt à n'importe quel crime ou délit, toute provocation, même non suivie d'effet, aux meurtres, vols, pillages, incendies, atteintes à la sûreté intérieure ou extérieure de l'Etat, incitation à la désobéissance des militaires ; toute publication ou diffusion de fausses nouvelles ou de pièces fausses susceptibles de troubler l'ordre public, ou de nature à ébranler la discipline ou le moral des armées ; toute offense au président de la République (art. 23 à 27 de la loi du 29 juillet 1881) ; toute provocation, même non suivie d'effet, à discuter sur la voie publique ou apporter une pétition à la barre des Assemblées parlementaires (art. 4 de l'Ord. n° 58-1100 du 17 novembre 1958) ; tout outrage aux bonnes mœurs (art. 119 du décret-loi du 29 juillet 1939, relatif à la famille ; v. aussi les art. 283 à 290 du C. pén. modifiés par la loi du 15 mars 1957). En conséquence, sont permises les attaques contre la constitution, les lois et les droits qu'elles ont consacrés (par exemple: droit de la propriété, liberté des cultes), le gouvernement, les religions, les diverses classes sociales ou économiques. 5. Les instructions envoyées le 9 octobre 1958 au général SALAN, délégué général, et celles données à l'ambassadeur HOPPENOT, président de la Commission centrale de contrôle, prévoyaient que « seuls seront exclus les individus qui participent à l'action terroriste et tombent de ce fait sous une inculpation pénale », mais que toutes les opinions pourraient se faire entendre, quelles que soient leurs conceptions sur le destin politique de l'Algérie. Cependant, le secrétaire général pour les Affaires algériennes, BROUILLET précisa que « les organisations ou partis politiques alors interdits en Algérie, le demeuraient » — ce qui était juridiquement fondé —, mais aussi que « les opi-
PROPAGANDE
503. —
527
CONCLUSION DU § I . — N A T U R E DE LA COMMISSION DE PROPAGANDE.
Un arrêt du Conseil d'Etat, du 18 janvier 1924, Ceccaldi 1 , a décidé que les oublis ou les négligences de la commission de propagande dans la distribution des documents électoraux, n'étaient pas de nature à engager la responsabilité pécuniaire de l'Etat envers les candidats victimes de ses fautes, eu égard d'une part à la composition de cette commission, et d'autre part au fait qu'aucune faute n'avait été relevée à la charge des services publics. Mais cet arrêt a été rendu sous l'empire de la loi du 20 octobre 1919, qui n'organisait encore que très faiblement la composition et les attributions (facultatives) de cette commission, simple « organisme centralisateur auquel on pouvait confier l'impression et la distribution des bulletins de façon à atteindre le but par un envoi collectif et avec une économie de temps et d'argent » 2 . D'autre part, l'Etat ne participait pas au financement des dépenses électorales, que les candidats supportaient, augmentées d'une rémunération pour le greffier, secrétaire de la commission 3 . Celte commission devait alléger, par leur mise en commun, les frais électoraux 4 , plus qu'assurer une véritable égalité dans la propagande. Au contraire, le recours aux services de la commission de propagande actuelle est mieux organisé 5 . Sans doute a-t-elle essentiellement pour mission d'assurer l'exécution d'actes matériels : contrôle du nombre de documents électoraux présentés par chaque candidat, afin que l'égalité soit respectée ; envoi de ses documents, etc. Elle est aussi amenée à accomplir des actes juridiques : elle jouit d'un certain pouvoir d'appréciation sur la conformité légale et réglementaire des documents qui passent par son canal : le refus, par exemple, d'envoyer des bulletins de vote irréguliers priverait en fait la liste de recueillir des suffrages, puisqu'il s'agit en quelque sorte d'une annulation préventive de bulletins 6 . Mais elle ne pourrait ordonner nions (des candidats) devraient se situer dans le respect des institutions sans que les candidats puissent se réclamer de la rébellion ». Cependant, l'art. 4 du décret n° 58-738 du 20 août 1958 relatif à l'organisation du référendum, qui permettait au Délégué général de refuser l'utilisation des moyens de propagande à telle ou telle tendance politique, n'avait pas été reconduit pour les élections législatives. Le refus du F L N de participer aux élections enleva d'ailleurs tout intérêt à ces mesures. 1. Bec. 71. 2. Réponse de Henry CHÉRON, rapporteur de la loi, Sénat 17 octobre 1919 ; él. de la l r e circ. de Laon, CD rap. 7 mars 1935, déb. 14 mars 1935. 3. Art. 4 de la loi du 20 octobre 1919, 4 de la loi du 20 mars 1924, 11 de la loi du 21 juillet 1927. 4. Note interprétative du Garde des sceaux du 20 octobre 1919. 5. Sauf pour les élections au Sénat, et pour l'envoi des affiches lors des élections à l'Assemblée nationale. 6. La commission de propagande ne prépare plus, comme sous la I V e République (art. 172 et 177 anciens du C. élec.) les décisions du préfet (mandatement ou refus) en matière de remboursement de frais électoraux.
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a u préfet de retirer lea bulletins d'un candidat effectuant u n retrait d e f a i t (supra 2 8 5 ) \ Enfin, l'arrêt précité se f o n d a i t sur la composition de la commission p o u r lui dénier le caractère de service public : en effet, celle-ci était composée de m a n d a t a i r e s des candidats en présence, sous la présidence du président du T r i b u n a l civil, assisté d u greffier en chef, secrétaire : en q u e l q u e sorte, la loi systématisait u n e organisation privée, u n e sorte de « mutuelle » des candidats, pour l'impression et la distribution des bulletins, dont ne faisaient p a r t i e q u e ceux qui le voulaient bien. L a commission actuelle est composée de hauts fonctionnaires départementaux, désignés pour leur impartialité et leur compétence ; et s'y ajoutent, m a i s avec voix consultative seulement (la situation est changée du tout au tout) les m a n d a t a i r e s des candidats. Ainsi la commission, m a l g r é son caractère temporaire, m a i s eu égard à sa composition et à ses attributions, a maintenant le caractère d'organe d'un service public (infra 7 4 9 et s.).
§ II. — R A D I O D I F F U S I O N E T 5 0 4 . — Caractère
de F
TELEVISION.
institution.
L a r a d i o d i f f u s i o n dès avant-guerre (Tardieu, président du Conseil, l'utilisait en matière électorale pour la première fois en 1932), la télévision depuis la Libération, comptent p a r m i les plus puissants moyens d'information et de p r o p a g a n d e . E t peut-être sont-elles maintenant — p o u r reprendre la vieille expression de l'article 17 de la Déclaration de 1789 — les modes p r i m o r d i a u x de « la libre communication des pensées et des opinions », laquelle constitue « un des droits les plus précieux de l ' h o m m e ». Pourtant, en F r a n c e , elles sont monopole d ' é t a t 2 , soumises à un contrôle du gouvernement, et organisées en établissement p u b l i c à caractère industriel et commercial 3 . 1. El. D U R L O T (AN, Aube 3 e ), CC 12 février 1963, Ree. 115. 2. Art. 85 de la loi du 30 juin 1923 (et loi du 1 e r octobre 1941) consacré par l'Ord. du 23 mars 1945. Le principe est repris par l'Ord. du 4 février 1959 relative à la R. T. F. Aussi une loi du 27 juin 1964 (et décrets du 22 juillet 1964) a créé et doté d'un statut l'Office de Radiodiffusion-Télévision française (ORTF) : cet Office, placé sous la simple tutelle du ministre de l'Information, est administré par un conseil d'administration de 16 membres, nommés par décret, dont la moitié représente l'État, et l'autre les usagers, la presse et le personnel, mais dirigé par un directeur nommé par le gouvernement ; le Conseil délibère le budget, qui est approuvé par le ministre des Finances ; le contrôle économique et financier est celui prévu pour les entreprises publiques nationalisées. Le monopole ne couvre plus la production. Bouissou, Statut de l'O.R.T.F, RDP 1964, 1099. 3. Une loi de Vichy, du 7 novembre 1942 dotait la Radiodiffusion d'un statut organique provisoire : administration publique, à budget annexe, placée sous la tutelle du ministre de l'Industrie et du Commerce. L'ordonnance n° 59-273 du 4 février 1959 plaçait le nouvel établissement public sous l'autorité du ministre chargé de l'Information et soumettait, en pratique, sa gestion financière au contrôle du ministère des Finances ; le directeur général de la R. T. F. ne bénéficiait d'aucune garantie de fonction. Ce contrôle direct de l'État était fréquemment dénoncé et l'on a préconisé l'adoption d'un système voisin de la B B C : conseil de gouverneurs nommés pour plusieurs années et s'interposant entre la direction et les ministres.
529
PROPAGANDE
Deux principes opposés, dont la conciliation, difficile, n'est pas encore, en France, réalisée, apparaissent en la matière : le devoir et le droit, pour le gouvernement — le parti au pouvoir — d'expliquer constamment à l'opinion les raisons de ses décisions, de sa politique (supra 1 9 4 ) 1 . Mais aussi, le respect des principes démocratiques dela liberté d'expression et de l'objectivité de l'information.
A. —
PRINCIPE
D'UTILISATION.
Donc, lors des grandes consultations populaires, un équilibre devrait être institué entre les formations gouvernementales et les formations d'opposition. On a tenté de réaliser cet équilibre par deux procédés : neutralisation, compensation. 505. —
Neutralisation.
L a neutralisation consiste à éliminer des programmes, durant la. période électorale, par décision du directeur général de la R T F , tous les propos ou allusions, toutes émissions concernant les scrutins 2 . Mais en octobre 1962, certains journalistes ont invoqué la « clause de conscience » pour protester contre un reportage monté en forme — selon eux — de propagande électorale « camouflée » 3 . Cette neutralisation impose aussi une impartialité absolue 4 dans les bulletins d'information du Journal parlé ou télévisé 5 : impartialité qui laisse parfois à désirer. En octobre 1962, l'opposition se plaint de la faible place accordée à ses propos dans l'enceinte du Parlement, ou aux congrès de ses formations politiques, alors que les paroles des ministres les attaquant sont abondamment citées 6 . Sur le plan local de la tactique électorale, les informations erronées (appartenance politique du candidat, retrait, désistement) qui auraient pu être diffusées au cours des bulletins d'information, sont en général considérées comme incapables d'avoir influé sur le résultat 1. Cf. les allocutions de P. MENDÈS-FRANCE, président du Conseil, en 1953. 2. Cette règle est plus ou moins bien observée. E n octobre 1962, suppression de plusieurs émissions (dont une sur L e Corbusier), dans laquelle apparaissaient des candidats ( U N R ou non). 3. V. Le Monde, 19 octobre et 4-5 novembre 1962. 4. L e directeur du Journal parlé est, en principe, sous l'autorité du ministre de l'Information {décret du 20 décembre 1945, abrogé par un décret du 9 mars 1946, et rétabli par un décret du e r 1 juin 1950). Mais le statut du 27 juin 1964 prévoit que le conseil d'administration veille à l'objectivité des informations, et que les déclarations gouvernementales doivent être annoncées commetelles. L a retransmission des débats parlementaires s'effectue sous le contrôle du bureau de chaque assemblée. 5. V. Les protestations relatives à l'élection partielle du 28 février 1954 (Seine-et-Oise 2 e ) : appui' en faveur de Germaine P E Y R O L L E S ( M R P ) , afin de décider le candidat R E I B E L , dont le maintien aurait < fait le jeu des communistes », à se désister (AN, 20 mai 1954, et question orale n° 437). Depuis 1958, le ton, parfois dithyrambique, employé pour exposer les faits et gestes du régime, n'ai pu qu'inciter les électeurs à voter pour les candidats qui se réclamaient de celui-ci. 6. A N 5 octobre 1962.
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530
du scrutin, surtout si une rectification a eu lieu en temps utile 1 . De même, ne serait pas considérée comme une intervention officielle la publicité faite aux prises de position d'élus locaux 2. 506. — Compensation entre partis « nationaux ». La compensation consiste à permettre aux partis d'utiliser gratuitement, durant un temps déterminé, les antennes de la Radiodiffusion et de la Télévision. Un décret, pris pour les besoins de la cause, en réglemente l'usage pour chacune des grandes consultations populaires •— élections ou référendums — depuis 1946 3, car aucun texte d'application générale n'établit le principe de cette compensation, dont le bénéfice demeure limité aux partis « nationaux », c'est-à-dire aux partis ou formations présentant, lors des élections législatives, plus de 75 candidats ; et lors des référendums, aux partis représentés par un groupe à l'Assemblée nationale ou au Sénat (supra 444). Ces obligations ont parfois poussé certaines petites formations à se regrouper avant les élections : par exemple, le RGR sous la IV e République. Neutralisation et compensation ont été organisées de façon permanente mais spécifique en matière d'élection présidentielle, de même que la procédure d'accès aux ondes (supra 444, infra 740).
B.
—
PROCÉDURE
D'ACCÈS
A
LA
RADIODIFFUSION-TÉLÉVISION.
507. — Etablissement de la liste des partis autorisés à utiliser la RTF. La commission de la radiodiffusion et de la télévision. Lors des élections, les partis centralisent les attestations des candidats se réclamant d'eux, et les adressent, avant une date limite, au président d'une commission siégeant au ministère de l'Intérieur, et composée de hauts fonctionnaires (un conseiller d'Etat, président, un représentant du ministre de l'Intérieur, un représentant du ministre chargé de l'Information, nommés par arrêté conjoint des ministres 1. El. COULON ( A N , Allier 4 e ), CCP 5 janvier 1959, Ree. 112 ; ¿1. QUINSON (AN,Seine 46 e ), CCP 6 janvier 1959, Ree. 121 ; él. PADOVANI (AN, Bouchîs-du-Rhône 10 e ), CCP 20 janvier 1959, Ree. 157 ; él. TEARIKI (AN, Polynésie française), CC 12 mars 1963, Ree. 139. 2. El. Valére CLÉMENT (AN, La Réunion 2 e ), CC 27 novembre 1959 (4 e considérant), Ree. 251. 3. Décret des 3 et 25 octobre 1946 ; décret du 16 mai 1951 ; décret du 8 décembre 1955. Référendum de 1958: décret n° 58-741 du 20 août 1958. Elections de 1958: décret n° 58-1020 du 30 octobre 1958, modifié par le décret du 4 novembre 1958 (métropole), et décret n° 58-1091 du 13 novembre 1958. Référendum de 1961 : art. 3 du décret n° 60-1319 du 12 décembre 1960 ; arrêté du 20 décembre 1960. Référendum d'avril 1962 : décret n° 62-317 du 20 mars 1962, deux arrêtés du 23 mars 1962. Référendum d'octobre 1962 : décret n° 62-1147 du 6 octobre 1962 ; deux arrêtés du 13 octobre 1962. Elections de 1962 : décret n° 62-1253 du 27 octobre 1962. Pour les départements d'Outre-mer : décret n° 62-313 du 20 mars 1962 ; décret n° 62-1153 du 8 octobre 1962, modifié par le décret n° 62-1162 du 9 octobre 1962. Pour les Territoires d'Outremer : décret n° 62-312 du 20 mars 1962 ; décret n° 62-1154 du 8 octobre 1962 : la demande des partis est adressée au préfet ou au chef de territoire.
531
PROPAGANDE
de l'Intérieur et de l'Information), auxquels peuvent s'adjoindre des représentants des partis lors du tirage au sort des dates et heures d'émissions. Cette commission, chargée d'établir la liste des partis ou groupements autorisés à utiliser les postes nationaux, est compétente pour « statuer sur tous les différends pouvant surgir à l'occasion de l'application du présent décret ». Sous la IV e République, elle connaissait seulement des différends surgis à propos de la répartition des émissions 1 . Aussi refoulait-elle, faute de texte exprès, des contestations relatives à la personne des orateurs désignés par les formations 2 , ou au caractère de parti national : elle se bornait à constater que le parti était bien inscrit sur la liste arrêtée par le ministre de l'Intérieur 3 . Il semble qu'actuellement, pour établir la liste, la commission doive se fonder sur un critère formel : l'attestation remise par le candidat à son parti, en recherchant non la véracité de l'investiture, ou du soutien effectif, mais seulement la réalité de la déclaration de candidature et l'authenticité de l'attestation. Lors des référendums, la liste des partis est prise par le gouvernement, soumise pour observations au Conseil constitutionnel, et définitivement établie par arrêté ministériel. La commission (à laquelle se joint alors le directeur général de la R T F ou son représentant) ne procède qu'aux tirages au sort des dates et heures d'émission. La liste est publiée au Journal Officiel. La nature juridique de la commission de radiodiffusion et télévision est la même que celle de la commission de propagande (supra 5 0 3 ) : l'aspect « service public » du déroulement de l'opération électorale s'en trouve renforcé (infra 7 4 9 et s.). 508. —
Recours.
Aucun recours n'est prévu, en matière d'élection, contre l'établissement de la liste, hors la contestation devant le Conseil constitutionnel « saisi de l'élection ». En cas de référendum, le Conseil constitutionnel ne se reconnaît le droit d'en connaître qu'après le déroulement des opérations de scrutin ; mais peut-être le Conseil d'Etat affirmera-t-il, s'il peut statuer en temps utile, sa compétence ( i n f r a 7 2 2 ) . 5 0 9 . — La pratique
à
FO.R.T.F.
Or, le risque que le gouvernement ne reconnaisse trop facilement un caractère national à certains groupements fantomatiques, mais qui 1. Sous la I V e République, la liste des partis nationaux (présentant des candidats en t r e n t e départements au moins), qui donnait également le droit de contracter des apparentements, était établie par arrêté du ministre de l'Intérieur, sans recours possible. 2. El. de 1956 : désignation de P. POUJADE pour les trois formations politiques créées par lui. 3. Observations GRENIER, AN, 21 février 1956.
532
LE SUFFRAGE
POLITIQUE
EN
FRANCE
appuieront sa politique, ou ne repousse certains groupes d'opposition, n'est pas vain. Le nombre des partis autorisés à utiliser les moyens officiels de propagande est, depuis la Ve République, stationnaire 1 . Le temps accordé à chaque parti est assez restreint : deux émissions, de cinq à dix minutes 2 chacune, l'une à la Radiodiffusion, l'autre à la Télévision (les formations peuvent désigner un orateur •différent). Les émissions se succèdent rapidement : trois à la file par soirée (infra 531)... A l'inverse, depuis la Libération, toutes les oppositions ont protesté contre « l'utilisation abusive » de la R.T.F. par le gouvernement. Actuellement le chef de l'Etat est présenté sur l'écran dans l'appareil officiel ( drapeau, Marseilllaise), et certains ministres prononcent également des allocutions 3 . L'opposition crie au « détournement du pouvoir d'information », d'autant plus que ses leaders, lors même qu'ils fassent partie des pouvoirs constitutionnels, ne sont pas admis ès-qualités devant les micros et les caméras 4 : solution juridiquement admissible car, hors des textes pris pour les consultations, il n'est expressément prévu ni « droit d'antenne », ni « droit de réponse ».
•510. — La compensation
par les postes
périphériques.
Aussi chercha-t-on à équilibrer cette supériorité gouvernementale :