151 64 36MB
French Pages [221] Year 2013
BAR S2458 2013
Le Gravettien final de l’abri Le Gravettien final de l’abri Pataud Pataud (Dordogne, France)
NESPOULET, CHIOTTI & HENRY-GAMBIER (Eds)
(Dordogne, France)
Fouilles et études 2005-2009 Fouilles et études 2005-2009 Sous la direction de Sous la direction de
Roland Nespoulet Roland Nespoulet, Chiotti Laurent Chiotti, Laurent Dominique Henry-Gambier Dominique Henry-Gambier
LE GRAVETTIEN FINAL DE L’ABRI PATAUD
B A R
BAR International BAR InternationalSeries Series 2458 2012 2013
Le Gravettien final de l’abri Pataud (Dordogne, France) Fouilles et études 2005-2009 Sous la direction de
Roland Nespoulet Laurent Chiotti Dominique Henry-Gambier
BAR International Series 2458 2013
ISBN 9781407310664 paperback ISBN 9781407340388 e-format DOI https://doi.org/10.30861/9781407310664 A catalogue record for this book is available from the British Library
BAR
PUBLISHING
Remerciements
Nous remercions le Service régional d’archéologie à la Direction régionale des affaires culturelles d’Aquitaine, la Commission interrégionale d’archéologie Sud-Ouest et le Muséum national d’histoire naturelle pour avoir soutenu notre projet scientifique. Nous souhaitons remercier sincèrement ceux sans qui le projet n’aurait pu voir le jour : Bertrand-Pierre Galey, Directeur général du Muséum national d’histoi-re naturelle, François Sémah, Directeur du département de Préhistoire, Danny Barraud, Conservateur général du Patrimoine et Chef du Service régional d’archéo-logie à la Direction régionale des affaires culturelles d’Aquitaine, Serge Maury, Chef du service dépar-temental d’archéologie au Conseil général de la Dordogne L’opération archéologique programmée « L'occupation humaine de l'abri Pataud il y a 22000 ans (Les Eyzies-deTayac, Dordogne) » a bénéficié du soutien financier du Service régional d’archéologie d’Aquitaine, du Conseil général de la Dordogne, de l’UMR 7194 « Histoire naturelle de l’homme préhistorique », du département de Préhistoire du Muséum national d’histoire naturelle, des programmes financés par l’ANR « MADAPCA » (coordination Patrick Paillet), « GUEROPE » (coordination Luc Baray) et « ArBoCo » (coordination Ina Reiche), du CNRS, et du Musée national de Préhistoire. Nous remercions l’équipe des collections d’anthropologie du Muséum national d’histoire naturelle (Musée de l’Homme) qui nous a accueilli lors de la révision des vestiges humains de l’abri Pataud (collection H. L. Movius), en particulier son responsable scientifique Alain Froment, ainsi que Philippe Mennecier et Aurélie Fort. Nous remercions également Jean-Jacques Cleyet-Merle,
Directeur du Musée national de préhistoire, ainsi que Vincent Mistrot, Attaché de conservation du patrimoine, Responsable de la section Préhistoire-Protohistoire au Musée d’Aquitaine, pour les autorisations d’études qu’ils nous ont accordées. L’UMR 5199 PACEA, Université Bordeaux 1, a mis à notre disposition une salle à la maison Bordes pour les tris de matériel osseux et les séances de remontages, nous la remercions tout particulièrement. Nous sommes très reconnaissants à Jacqueline Angot-Westin, Respon-sable du centre de documentation du Musée national de préhistoire, sans qui nous n’aurions probablement pas retrouvé une partie des archives des fouilles H. L. Movius que nous croyions perdues depuis les années soixante ! Plusieurs analyses physico-chimiques ont été financées dans le cadre des projets ANR « ArBoCo » (2007-2010, ANR-07-JCJCC-0149 et « MADAPCA » (2008-2011, ANR-07-BLAN-0011) ainsi que par le program-me européen FP7/2007-2013, 226716. Pour la réalisation de ces analyses, nous tenons à remercier l’équipe AGLAE du C2RMF Andreas Staude, Heinrich Riesemeier, BAM Berlin ainsi que l’équipe du synchrotron BESSY II/HZB à Berlin pour les temps d’expériences accordés (Projet BESSY 2008.1.70139 et 2010.2.100069). Par l’intérêt qu’ils ont porté à nos recherches, de nombreux collègues ont contribué à la réussite de ce projet. Nous ne pouvons les remercier tous et nous nous excusons par avance auprès de ceux qui ne figureraient pas ici : Elena Man-Estier, Katharina Müller, Ina Reiche, Thierry Aubry, Pierre Bodu, Pierre Catelain, Nicholas David, Brigitte et Gilles Delluc, Sylvain Grégoire et Denis Vialou. Nous n’oublions pas bien sûr tous les stagiaires qui nous ont accompagnés pendant quatre années sur le terrain : pas de fouilles sans fouilleurs ! Nous les remercions
chaleureusement pour leur participation et leur enthousiasme. Nous espérons qu’ils ne nous en voudront pas de ne pas les citer nominativement. Ils savent combien nous leur devons. Catherine Hoare a assuré le secrétariat d’édition, ainsi que la maquette et la mise en page de cet ouvrage, sans elle, il n’aurait pas pu être finalisé dans d’aussi bonnes conditions : merci Catherine !
Marie-Claude Bonnefoy a accepté d’assurer bénévolement la relecture finale du texte. Nous lui en sommes très reconnaissants. Enfin, nous remercions tout particulièrement les deux préfaciers de cet ouvrage, Harvey M. Bricker et Pierre Noiret, pour avoir répondu positivement à notre sollicitation et avoir apporté leur point de vue sur le bilan 2005-2009 de l’opération archéologique programmée « L'occupation humaine de l'abri Pataud il y a 22000 ans (Les Eyzies-de-Tayac, Dordogne) ».
Table des matières
Chapitre
1
1.1 1.2 1.3 Chapitre
2
2.1 2.2 2.3 Chapitre
3
3.1 3.2 3.3 3.4 Chapitre
4
4.1 4.2 4.3 4.4 Chapitre
5
5.1 5.2
Remerciements
1
Table des matières
3
Préfaces
5
Introduction
9
Une nouvelle fouille à l’abri Pataud
13
L’abri Pataud Les fouilles 2005-2008 Remarques à propos de la numérotation des objets
14 18 19
Vers une nouvelle lecture archéologique de la couche 2
23
Unités texturales et unités archéologiques Raccords et remontages : aspects taphonomiques En conclusion
24 24 31
Étude géoarchéologique de la couche 2 : implications sur la préservation des nappes de vestiges
33
Formation de la couche 2 : âge et mécanismes de mise en place Les hypothèses de modifications synsédimentaires des nappes de vestiges Résultats de l’étude de taphonomie archéologique Discussion
34 35 37 41
Datations
43
Les dates de la couche 2 : résultats 1960-1987 De nouvelles datations Paléoenvironnements contemporains des occupations préhistoriques Conclusion
44 44 47 50
Étude archéobotanique : charbons et microcharbons
51
Introduction Méthodologie
52 53
5.3 5.4 5.5 Chapitre
6
6.1 6.2 6.3 6.4 6.5 6.6 Chapitre
7
7.1 7.2 7.3 7.4 7.5 7.6 7.7 7.8 7.9
54 56
Données archéozoologiques des grands mammifères
63
Introduction Matériel et méthodes Dénombrement et spectre faunique Taphonomie Étude palethnographique Synthèse et discussion
64 64 64 70 76 84
Les objets en matières dures d’origine animale
89
60
Matières premières Pièces en bois de renne Pièces en os Pièces en ivoire Pièces en bois de renne ou ivoire Pièces en bois de renne ou en os Premiers éléments technologiques Répartition spatiale et par unité archéologique Conclusion
90 91 98 103 105 106 106 107 108
Données typo-technologiques de l’industrie lithique
111
Caractérisation typologique de l’assemblage Les caractéristiques technologiques de l’assemblage Lithologie du matériel siliceux Les données techno-économiques du matériel lithique Répartition du matériel lithique par unité archéologique Conclusion
112 113 113 120 123 126
Les écailles ornées
127
9.1 9.2 9.3 9.4 9.5
Les écailles colorées en rouge Des écailles colorées en noir ? Répartition des écailles Contemporanéité du décor avec l’occupation du Gravettien final Conclusion
128 128 128 132 134
10
Les vestiges humains : un assemblage original
135
Introduction Présentation de l’assemblage de vestiges humains Répartition planimétrique et stratigraphique Données biologiques Position des os de chaque individu Approche taphonomique Essai d’interprétation Quelle signification ?
136 136 138 146 163 164 170 176
Synthèse
179
Références bibliographiques
187
Résumés
201
Conclusion and abstracts
205
Crédits
217
Chapitre
8
8.1 8.2 8.3 8.4 8.5 8.6 Chapitre
Chapitre
Répartition spatiale des vestiges de la combustion du niveau 2 Remarques sur la conservation des structures de combustions à l’abri Pataud et dans les sites contemporains du Gravettien final en France Conclusion
9
10.1 10.2 10.3 10.4 10.5 10.6 10.7 10.8
Préface Harvey M. BRICKER
Professor Emeritus of Anthropology, Tulane University Courtesy Professor of Anthropology, University of Florida Research Associate, Florida Museum of Natural History
Movius's investigations at Pataud, I worked with Berle Clay in the preparation of his contribution to that volume, based on his earlier doctoral dissertation. It is the case, therefore, that although I never excavated in Level 2, I was closely associated with its study and publication for several decades. I have a keen interest in the new studies and the new interpretations that have resulted. The publications of Professor Movius make it clear that the excavation of Level 2 in 1958, across a width of 12 meters(!), was a learning experience, and although lessons learned greatly improved the quality of work on underlying levels in future seasons, the stratigraphy of Level 2 remained poorly understood, even after the much better information acquired in 1963. One of the most informative results of the 21st-century work has been the identification of the combined effects of solifluction and cryoturbation in bringing about extreme post-depositional disturbance of the sediments and archaeological remains. Aspects of the archaeology that were very puzzling and perhaps unknowable in the 1950s and 1960s have become comprehensible as a result of the recent work. In this as in other fields of science, a half-century makes a difference! The fact that the old Movius excavation grid (pipes suspended from the cliff face) was still in place made it possible for the new work to tie seamlessly into the previous work, and it is to the credit of the 21st-century excavators that they made use of this opportunity. Even though the techniques of excavation had changed greatly in 50 years, the high degree of data comparability meant that much of the earlier information, incomplete and flawed as it was, could be used to support newer and better interpretations of the context of the occupation. Nowhere is this more relevant than for the reinterpretation of the human skeletal material as the much disturbed remains of primary interments, probably associated with mortuary goods, a re-interpretation made
I was greatly honored to be asked to provide a few prefatory remarks for this volume reporting the new work on Level 2, Final Gravettian, at the abri Pataud. This opportunity takes me back half a century, to the very beginning of my career as a Palaeolithic archaeologist. I had not yet joined the Pataud group in 1958, when the most extensive excavations of Level 2 took place. By the summer of 1963, however, when those explorations continued, I was present as an excavator, but my special responsibilities were with an earlier Gravettian level, not with Level 2. From the autumn of 1963 through the summer of 1971, as assistant to Professor Hallam L. Movius, I had close and frequent involvement with the materials from Level 2. I assisted with the cataloging of the artifacts and the preliminary description of the human skeletal material from that summer's excavations (I was surprised to see in a recent publication of Roland Nespoulet and Laurent Chiotti a photograph of a catalog record in my handwriting of the human remains found in Trench VII, Square G, with their Cartesian coordinates). During this same period, I worked with the professional draftsman in the preparation of the stratigraphic sections and plans eventually published by Professor Movius in 1977. This task involved my working with the 1958 excavation notes, apparently missing for several years but now happily rediscovered in National Museum of Prehistory Library in Les Eyzies-de-Tayac. My study of the lithic industry of level 2 was limited to an examination of the backed and truncated bladelets (lamelles à dos tronquées) in order to compare them with similar tools in the Level 3 assemblage at Pataud, the subject of a monograph co-authored with Nicholas David. The continuity of such pieces from Level 3 to Level 2 provides strong support for the redesignation of the latter as "Final Gravettian". My last involvement with the Level 2 materials occurred between 1983 and 1986 when, as editor of the 1995 French-language summary of Professor
5
possible by the recognition of solifluction and cryoturbation in the site-formation processes. What was a sort of puzzling footnote to the list of Upper Palaeolithic human remains from Western Europe becomes now an extremely valuable example of Gravettian mortuary behavior.
I congratulate the authors of this book and their coworkers for the excellent research they have carried out on Level 2 at the abri Pataud. It is deeply satisfying to me personally to see how some old information that I had a small part in producing has been refurbished, corrected when necessary, and greatly expanded after half a century. New Orleans, Louisiana, 28 February 2012
6
Préface Pierre NOIRET Maître de conférences Service de Préhistoire, Université de Liège 7 place du XX août bât. A1, B-4000 Liège
Au début des années 1990, ma première visite à l’abri Pataud eut lieu dans le cadre d’un voyage d’étudiants de l’Université de Liège. Le site venait d’être aménagé, le bouquetin était visible au plafond de la voûte et Brigitte et Gilles Delluc nous avaient fait la visite. Surtout, de magnifiques coupes se laissaient admirer. Je dis bien admirer et nous étions plein d’envie pour les éventuels archéologues qui, un jour peut-être, auraient l’occasion de les fouiller. Les dépôts montraient des silex, des os, sans doute également des outils pensions-nous, pourquoi pas de l’art mobilier… Nous rêvions d’être ces fouilleurs. Vous le savez, ces fouilleurs existent, ils travaillent depuis 2005 dans ce magnifique site. Vous les avez rencontrés dans des colloques, croisés lors de rencontres scientifiques, vous connaissez sans doute certains de leurs articles, et voici le fruit de leur travail, l’ensemble des résultats des premières années de fouille pour le Gravettien final. Les circonstances dans lesquelles ce projet est né et la façon dont il a été mené sont exposées dans les pages suivantes, avec les résultats des études géologique, faunique, lithique, etc. Résultats « préliminaires » nous disent les auteurs, bien timides en cela car, vous vous en rendrez compte, ils rencontrent et approfondissent considérablement une série de questions posées récemment. En effet, après l’Aurignacien c’est désormais au Gravettien de faire l’objet d’études renouvelées. Trois colloques ont récemment touché au sujet, aux Eyzies-deTayac en juillet 2004, à Aix-en-Provence en octobre 2008 et à Altamira en octobre 2011. Depuis longtemps, le site est mentionné, par une multitude d’auteurs, assez régulièrement dès qu’un sujet touche au début du Paléolithique supérieur en Europe occidentale. Il constitue en France une référence importante de l’évolution de l’Aurignacien et, me semble-t-il, la référence principale de l’évolution du
Gravettien. Jusqu’il y a peu, ce que l’on savait de la façon dont les industries de ces deux cultures se sont articulées dans le temps tient en grande partie aux résultats obtenus par H. L. Movius, son équipe, puis les chercheurs qui se sont penchés sur le matériel archéologique découvert entre 1958 et 1964. Le site fut d’ailleurs très tôt daté par la méthode du 14C, fournissant l’une des principales séquences chrono-culturelles pour la première moitié du Paléolithique supérieur en Europe. Depuis les années 1960, il a gardé ce statut de référence. Un exemple parmi d’autres : sur les 27 contributions que l’on trouve dans la publication des actes du colloque d’Aix-Provence, 16 mentionnent Pataud, et 10 sur 12 dans le volume de celui des Eyzies consacré à l’Europe occidentale. Vous constaterez, avec les travaux actuels, que le site n’est guère près de perdre sa réputation. La reprise des travaux de terrain a permis aux fouilleurs d’évaluer le degré de précision ou de résolution des fouilles de Movius et, donc, la cohérence du matériel qui en est issu. Cette première publication l’illustre d’emblée : d’après Movius le matériel du Gravettien final a été découvert au sein de 7 niveaux (lenses) et éboulis, mais le fouilleur a cependant considéré ce matériel sous la forme d’une unique couche, la couche 2 ; les fouilles récentes ont mené à la description de 37 unités « texturales » et de 13 unités archéologiques. Grâce entre autre aux raccords et aux remontages, les principales nappes de vestiges lithiques peuvent être réunies en deux grandes phases d’occupation durant le Gravettien final. Les contributions portent sur la géo-archéologie, les datations, le matériel faunique et anthracologique, l’industrie osseuse et l’industrie lithique, les vestiges humains, etc. Elles fournissent de nouveaux résultats, confirmant ou complétant les anciens, mais elles détaillent aussi les bases méthodologiques adoptées par
7
l’équipe actuelle. En phase avec les exigences de notre époque, on note, au hasard, la fouille par quart de m², l’enregistrement en trois dimensions des objets à la station totale, le tamisage systématique à l’eau, le travail conjoint des archéologues et des géologues, la prise en compte des processus de formation et de déformation des sédiments. Bien entendu, il s’agit du b-a-ba de ce que l’on enseigne aujourd’hui aux étudiants en archéologie, et plus personne n’envisage de fouiller autrement, mais la confrontation des résultats nouveaux et des données anciennes permet d’apprécier ce que ces méthodes et procédures actuelles apportent réellement. Un exemple parmi d’autres : vous aurez noté comme moi que, depuis peu, le Paléolithique supérieur est devenu l’âge de la lamelle (et plus tellement celui de la lame) ; eh bien, ces travaux montrent que la forte présence de microlithes à dos semble fondamentale dans le Gravettien final (et que leur absence dans d’autres sites de la même phase pourrait être un biais méthodologique). Le chapitre
consacré aux vestiges humains livre peut-être les informations les moins attendues, attestant de pratiques funéraires originales et de comportements que l’on peut qualifier de rituels, passés longtemps inaperçus. Modestes, les auteurs indiquent à plusieurs reprises que beaucoup de nouvelles pistes restent à explorer lors des prochaines fouilles de cette couche 2 mais, qu’ils le sachent, leur travail nous a déjà beaucoup appris. Et à l’issue de la lecture du volume, on se prend à espérer un travail similaire dans l’un ou l’autre site connu (La Gravette…) et on attend le moment où les nouveaux travaux de terrain atteindront les couches plus profondes, contenant le Gravettien moyen (le Noaillien, si fondamental !), le Gravettien ancien (et ses fléchettes ; dans quelles proportions sont-elles présentes ?), l’Aurignacien récent (aurait-il un éventuel lien avec le précédent ?). Toutes ces questions attendent des réponses et l’abri Pataud pourra peut-être un jour les apporter.
8
Introduction Roland NESPOULET Dominique HENRY-GAMBIER Laurent CHIOTTI
9
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ÉTUDES 2005-2009
Le Gravettien, attribué à Homo sapiens sapiens est classiquement défini comme l’une des premières cultures qui se développent à travers toute l’Europe entre 28000 BP et 22000 BP (Otte, 1985 ; Montet-White et al., 1996 ; Djindjian et al., 1999 ; Joris, Weninger, 2004 ; Svoboda, Sedlácková, 2004 ; etc). Les études récentes (collectif, 2007 ; 2008 ; Simonet, 2009a ; 2009b ; Klaric, 2010 ; Goutas et al., 2011 ; etc.) montrent cependant que ce techno-complexe regroupe en réalité une mosaïque d’expressions culturelles. En France, l’une de ses ultimes expressions a été identifiée sous le terme de Protomagdalénien dans quatre sites : Le Blot en Haute-Loire (Delporte, 1972a ; 1976 ; 1980), Les Peyrugues dans le Lot (Allard, 2009), LaugerieHaute-Est (Peyrony, Peyrony, 1938 ; Bordes, 1978) et l’abri Pataud en Dordogne (Movius, 1975 ; 1977). A l’abri Pataud, le Protomagdalénien fut identifié par H. L. Movius au cours de fouilles réalisées dans les années soixante dans le niveau 2 qui clôture une séquence livrant de l’Aurignacien et du Gravettien ancien, moyen et récent. Ce niveau se caractérise par une grande abondance en matériel archéologique associant des vestiges culturels et leurs artisans. L’abri Pataud est en effet le seul site protomagdalénien où des vestiges humains significatifs (plus de 300 restes) ont été mis au jour. Les fouilles de l’équipe de H. L. Movius entre 1958 et 1964 à l’abri Pataud ont largement contribué à enrichir nos connaissances sur la première moitié du Paléolithique supérieur français (Aurignacien et Gravettien), en se plaçant au carrefour de plusieurs approches innovantes pour l’époque : fouilles systématiques avec un carroyage, études pluridisciplinaires incluant les données paléoenvironnementales, nombreuses datations 14C, etc. (Chiotti, Nespoulet, 2007). Ces fouilles s’inscrivaient totalement dans les préoccupations de l’époque, avec comme enjeu majeur l’établissement d’une chronologie culturelle « fiable » et « objective » alors que les filiations culturelles aurignaciennes et périgordiennes étaient débattues. On peut d’ailleurs noter que tout en s’inscrivant, pour partie, dans la tradition de la méthode typologique développée par D. de Sonneville-Bordes et J. Perrot (Sonneville-Bordes, 1954 ; Sonneville-Bordes, Perrot, 1953 ; 1954 ; 1955 ; 1956a ; 1956b), les méthodes d’étude des industries lithiques par analyses d’attributs (Movius et al., 1968 ; Movius, Brooks, 1971) et les conclusions des collaborateurs de H. L. Movius n’ont pas toujours été en accord avec celles de l’école française. Pour ne prendre qu’un exemple, le terme de Noaillien proposé par N. David (1985) pour les industries du niveau 4 qui contredisait le modèle du Périgordien Vc et caractérisait un faciès culturel sud-européen, original et clairement détaché de la « tradition » périgordienne, fut assez vivement contesté. En outre, dès 1958, l’industrie du niveau 2 fut qualifiée de « protomagdalénienne » par H. L. Movius. Ce terme, choisi par D. Peyrony pour signifier une filiation avec le Magdalénien, sera repris dans toutes les publications de H. L. Movius et de ses collaborateurs, alors que dans le même temps, D. de Sonneville-Bordes défendait la filiation périgordienne de ce faciès, sous le nom de « Périgordien VII » (Bordes, Sonneville-Bordes, 1966).
Sans revenir en détail sur le débat scientifique de l’époque à propos de la tradition périgordienne, et de la sériation culturelle du Gravettien en France qui en découlait (Klaric, 2003 ; 2010 par exemple), il faut néanmoins reconnaître que le(s) modèle(s) proposé(s) par Movius et ses collaborateurs à l’abri Pataud portai(en)t déjà en germe les prémisses de la définition actuelle des différents stades du Gravettien français. En effet, la variabilité des techno-complexes successifs telle qu’elle est perçue aujourd’hui, remet en question une simple filiation typologique. Au sein de la culture gravettienne, prudemment décrite désormais sous la forme d’une « chronologie d’attente » en 4 stades (Gravettien ancien, moyen, récent, final), s’expriment de fortes originalités techniques et comportementales qui donnent une image plus complexe et plus diversifiée que celle classiquement proposée d’une grande culture « paneuropéenne » (cf. colloque des Eyzies-de-Tayac en 2004, sous la direction de J.-P. Rigaud (collectif, 2007 ; 2008) et table ronde d’Aix-en-Provence en 2008, sous la direction de N. Goutas, P. Guillermin L. Klaric, D. Pesesse (Goutas et al., 2011)). Ceci ne remet pas en question l’existence d’une identité gravettienne, s’exprimant à travers la culture matérielle. D’une part, les traits communs observés sur une durée de plus de 6000 ans, comme par exemple les objectifs de production des armatures de projectiles pour la chasse, transcendent en effet les particularismes régionaux. D’autre part, dans toutes les sphères culturelles, les groupes gravettiens « marquent leur différence » par rapport aux groupes aurignaciens et solutréens. En ce qui concerne l’abri Pataud, les nombreuses publications montrent que les études et les analyses menées à l’époque sur le niveau 2 n’ont pas porté sur la totalité de la documentation disponible à l’issue des fouilles. Le matériel étudié a été sélectionné et des choix interprétatifs ont été opérés. Cet aspect qui a sans doute limité l’apport des fouilles de H. L. Movius a été déterminant dans la naissance de notre projet d’étude de ce niveau. En effet, une vision globale du matériel archéologique, des archives de fouilles et des publications montrait clairement que de nombreuses questions restaient en suspens, notamment la signification des vestiges humains, et que les collections comme les archives présentaient un important potentiel documentaire. Une collection riche, des archives importantes et exploitables, la préservation d’un témoin offraient la perspective de revisiter le niveau 2 de l’abri Pataud selon les nouvelles méthodologies, en intégrant les acquis les plus récents sur le Gravettien. Le premier bilan de ces études montre qu’elles apportent une contribution essentielle à une meilleure connaissance du niveau 2 et au-delà, du Protomagdalénien dont l’origine, la spécificité et le devenir restent encore discutés (Djinjian et al., 1999 ; Rigaud, 2008 ; Surmely et al., 2008 ; Guillermin, 2011 ; etc.). Cet ouvrage présente la problématique et les résultats des recherches réalisées de 2005 à 2009 sur le niveau 2 de l’abri Pataud par une équipe pluridisciplinaire dirigée par
10
R. NESPOULET, D. HENRY-GAMBIER, L. CHIOTTI : INTRODUCTION
R. Nespoulet et L. Chiotti. Ces recherches s’inscrivent dans le mouvement général de reprise des grands sites préhistoriques classiques et de leurs collections, dont l’apport au renouvellement des connaissances sur les populations paléolithiques n’est plus à démontrer. Conjointement à la fouille du témoin laissé par H. L. Movius et à l’étude du matériel qui en provient, l’équipe a développé une approche pluridisciplinaire et interdisciplinaire intégrant une réévaluation du matériel
(en particulier des vestiges humains) découvert par H. L. Movius et une analyse des archives de fouille. Il s’agit de résultats partiels, les études étant toujours en cours, mais d’ores et déjà il est apparu que ces premiers résultats modifiaient notre interprétation du niveau 2 ainsi que notre perception des comportements des populations du Gravettien final et débouchaient sur de nouvelles interrogations.
11
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ÉTUDES 2005-2009
12
1
Chapitre
Une nouvelle fouille à l’abri Pataud
Laurent CHIOTTI Roland NESPOULET Dominique HENRY‐GAMBIER
13
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ETUDES 2005-2009
1.1
et l’autre concernant la stratigraphie du site (Movius, 1977). À partir de 1964, le site fermé, subira diverses dégradations dont un pillage clandestin dans les années 80, dans le secteur nord de la fouille (environ 4 m², zone F/GVIII). En 1985, l’étude et l’aménagement du site sont repris par l’équipe du Laboratoire de Préhistoire du Muséum national d'histoire naturelle, sous l'impulsion du Professeur H. de Lumley. La rénovation et l’agrandissement de l’ancienne maison Pataud pour accueillir les collections sont entrepris. En 1986 et en 1988, des fouilles de sauvetage limitées sont menées par le MNHN et la DRAP (Direction régionale des affaires préhistoriques ; Rigaud, 1986) : la première à l’occasion de l’agrandissement de la maison d’habitation de la ferme, la seconde dans le site lors de la réalisation des fondations de l’actuel mur façade (Perpère, Delluc, 1996). C’est au cours de ces aménagements que sera découvert un bouquetin sculpté en bas-relief sur la voûte de l’abri Movius (Delluc, Delluc, 1986) abritant actuellement le musée. De 1989 à 1991, trois campagnes de fouilles programmées sont consacrées au nettoyage et à la remise en état du site dans la perspective de son ouverture au public. Ces interventions limitées permettront le relevé systématique des coupes stratigraphiques et une série de prélèvements pour les analyses géologiques et palynologiques (Delluc, 1989, 1990, 1991) ainsi que le tri des déblais abandonnés lors de la fouille clandestine dans la partie supérieure du niveau 2. Ces travaux s’accompagneront d’un réexamen des collections et de la réalisation d’une quinzaine de thèses de doctorat (El Mansouri, 1995 ; Fellag, 1996 ; Nespoulet, 1996 ; Kong-Cho, 1997 ; Cho, 1998 ; Sekhr, 1998 ; Théry-Parisot 1998 ; Chiotti, 1999 ; Vannoorenberghe, 2004 ; Vercoutère, 2004 ; Pottier, 2005 ; Leoz, 2007 ; Agsous, 2008 ; Marquer, 2009).
L’abri Pataud
1.1.1 Localisation L’abri Pataud est situé au cœur du village des Eyzies-deTayac en Dordogne, au pied d’un abrupt rocheux d’une trentaine de mètres de hauteur. Il s’inscrit dans la bordure nord-est du bassin aquitain, qui géologiquement correspond aux dépôts essentiellement calcaires du Secondaire, à seulement quelques dizaines de kilomètres des terrains cristallins des premiers contreforts du Massif central (fig. 1). L’abri ouvert à l’ouest domine d’une vingtaine de mètres le fond de vallée, et se développe à la base de la barre coniacienne qui forme les falaises dans lesquelles s’encastre la moyenne vallée de la Vézère (fig. 2). Cette situation remarquable, qui a favorisé une sédimentation rapide, se traduit par une stratigraphie de 9,25 m de puissance, couvrant la fin du stade isotopique 3. 1.1.2 Historique des fouilles Le site de l'abri Pataud a été découvert à la fin du XIXe siècle. Il est mentionné pour la première fois dans la littérature par le Dr. E. Rivière en 1901 sous le nom d'abri-sous-roche de Morsodou ou Croze de Tayac (Rivière, 1901). La fouille effectuée en 1899 concerne environ 1 m3 et livra de très nombreux ossements et silex taillés. D. Peyrony le baptisera « abri Pataud » du nom de son propriétaire et fera connaître le site dont il présentera une première stratigraphie au congrès de l'A.F.A.S. de Lille en 1909 (Peyrony, 1909). Seules quelques petites fouilles limitées, dans le talus, toucheront le site dans la première moitié du XXe siècle. On peut citer notamment celle pratiquée dans le talus entre l’abri Pataud et Vignaud à la fin des années quarante par S. Blanc qui livra, associée à une industrie gravettienne, une écaille de calcaire ornée d’une tête de cervidé (Delluc, Delluc, 1987 ; 1991).
Il faut souligner l’importance de la séquence mise en évidence pour le Paléolithique supérieur européen, la richesse du matériel recueilli, le nombre remarquable de datations 14C ainsi que le caractère novateur des fouilles et des études pour l’époque, avec en particulier l’installation d’un carroyage et la tenue d’archives qui aujourd’hui constituent un fonds documentaire exceptionnel (Chiotti, Nespoulet, 2007). La totalité du matériel archéologique sera recueillie et conservée, néanmoins, tous les objets ne seront pas systématiquement coordonnés.
En 1953, H. L. Movius entreprend un sondage dans le talus sous la forme de deux tranchées orthogonales. Il découvre alors une succession de niveaux aurignaciens, gravettiens et solutréens (Movius, 1953, 1954, 1955). Convaincu de l'importance du site, H. L. Movius décide d’entreprendre une fouille de grande ampleur. Il sera à l’origine de l’achat de la propriété en 1957, au profit du Muséum national d’histoire naturelle (Paris), grâce notamment à un financement de la National Science Foundation. L’abri Pataud sera classé au titre des monuments historiques en 1958 (arrêté du 5 mai 1958). La fouille débute en 1958, sur une surface de 12 m sur 12 m. De 1958 à 1964, quatorze niveaux principaux d’occupation couvrant la première moitié du Paléolithique supérieur seront mis au jour lors de six campagnes estivales. Les résultats de ces fouilles seront présentés dans deux publications princeps (complétées par de nombreuses autres publications et notes) : l’une regroupant les études pluridisciplinaires (Movius, 1975)
1.1.3 La couche 2 La couche 2, attribuée au Gravettien final (encore appelé Protomagdalénien ou Périgordien VII ; cf. Bordes, Sonneville-Bordes, 1966), fut la première couche fouillée entre mai et septembre 1958. Dans un premier temps, elle sera fouillée sur 12 m de large, des Trenches I à VI, principalement dans le fond de l'abri (Squares E à G) (fig. 3). En 1963, la fouille de ce niveau sera étendue de 2 m vers le nord (Trench VII).
14
L. CHIOTTI, R. NESPOULET, D. HENRY-GAMBIER : UNE NOUVELLE FOUILLE A L’ABRI PATAUD
Figure 1. Carte de localisation de l’abri Pataud (source IGN).
Figure 2. Profil de la moitié est de la vallée de la Vézère à l’aplomb de l’abri Pataud.
15
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ETUDES 2005-2009
Figure 3. Plan de localisation des secteurs de la couche 2 en 1958, 1963, 2005-2008.
tableau 1), considérant la Lens 3 comme un épisode très bref (Movius, 1977 : 29).
D’après les fouilles de 1958 et 1963, la couche 2 s’étendait sur environ 60 m², principalement dans la partie arrière de la pente d'un talus s'orientant ouest-est vers le fond de l'abri. Au sud, mis à part quelques objets isolés, la nappe de vestiges archéologiques ne dépassait pas la limite entre la Trench II et la Trench I. À l’ouest, elle n’allait pas au-delà de l’alignement de blocs d’effondrements dont l’axe nord-sud était situé entre les Squares E et F. Ainsi, pour les Trenches II à V, la couche 2 correspondait à une bande de 3 m de large parallèle au fond de l’abri. Dans les Trenches VI et VII, elle s’étendait vers l’ouest, jusque dans le Square C (fig. 4).C’est dans cette zone que la densité archéologique était la plus importante, suggérant une extension du niveau vers le nord, au-delà de la zone fouillée en 1963 (Movius, 1977).
Tableau 1. Subdivisions de la couche 2, d’après Movius, 1977.
H. L. Movius définira plusieurs sous-niveaux dénommés Lenses, intercalés dans des Eboulis plus ou moins stériles (tabl. 1). Quatre Lenses furent individualisées et interprétées comme des occupations successives. Toutefois, H. L. Movius ne retiendra finalement que trois occupations principales (en caractères gras dans le
Qualifiées d’occupations saisonnières, de la fin du printemps au début de l'automne, elles seront attribuées à un même groupe humain revenant occuper l’abri (Movius, Vallois, 1959). Toutefois, la complexité de la stratigraphie et les difficultés à établir des corrélations entre secteurs conduiront finalement H. L. Movius à
Subdivisions Eboulis a Lens 2 (Upper), Lens 1 (Upper and Lower) Eboulis between Lens 1 (Upper) and Lens 1 (Lower) Lens 1 (Lower) Eboulis between Lens 1 and Lens 2 Lens 2 and Lens 2c Lens 3
16
L. CHIOTTI, R. NESPOULET, D. HENRY-GAMBIER : UNE NOUVELLE FOUILLE A L’ABRI PATAUD
Figure 4. Plan de la couche 2, d’après Movius 1977
17
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ETUDES 2005-2009
traiter le matériel archéologique comme appartenant à un seul ensemble : « for study purpose all artifacts from the Proto-Magdalenian horizon have been treated as thought they came from single living floor » (Movius, 1977 : 29). En d’autres termes, ces subdivisions ne seront pas caractérisées archéologiquement. Ainsi, les études de la faune (Bouchud, 1975) et de l’industrie lithique (Clay, 1968 ; Valensi, 1960), traiteront la couche 2 dans son ensemble.
16 sous-carrés de 0,25 m². Le plan 0 de référence de Movius a été conservé. Chaque carré de 1 m de côté, dénommé par une lettre et un chiffre, est lui-même subdivisé en 4 sous-carrés de 50 cm de côté identifiés par 4 lettres majuscules A, B, C et D progressant dans le sens des aiguilles d'une montre, selon la norme suivante : A = quart nord-ouest, B = quart nord-est, C = quart sud-est, D = quart sud-ouest. 1.2.3 Extension de la fouille 2005‐2008
1.2
La fouille menée entre 1958 et 1964 à l'abri Pataud avait atteint différentes profondeurs. Dans la partie centrale, elle avait atteint le substratum rocheux, mais latéralement, un certain nombre de niveaux restaient accessibles sous la forme de banquettes (fig. 6). Ainsi, dans la partie nord du site, la couche 2 était directement accessible sur une largeur de deux mètres (Trench VIII), se prolongeant ensuite vers le nord, mais sous une épaisseur de sédiments supérieure au mètre. La fouille débutée en 2005 se situe dans les bandes Q à X, selon l’axe des X et dans les bandes 75 à 77 selon l’axe des Y. Dès l’implantation de la fouille en 2005, deux zones distinctes ont été ouvertes dans la Trench VIII (fig. 7). Le premier secteur, dénommé « coupe sagittale » correspond à un ravivage, sur 4 m de longueur (sens estouest) et sur 50 cm de largeur (sens nord-sud), de la coupe est-ouest à 75 m laissée en place par H. L. Movius à la fin de la fouille de 1963. Il comprend les sous-carrés Q75C, R75C, R75D, S75C, S75D, T75C, T75D, U75C et U75D (ces deux derniers sous-carrés étant communs avec le deuxième secteur). Il se situe sur la partie du dépôt présentant un pendage ouest-est vers le fond de l’abri. Le second secteur, dénommé « fond de l'abri » correspond à la partie arrière, plane, du dépôt du niveau 2. Il s’étend sur une longueur maximale de 3,5 m (sens estouest) et une largeur d’un peu plus de 2 m (sens nordsud), correspondant aux carrés U75 (A, B, C, D), U76 (A, B, C, D), U77 (C, D), V75 (A, B, C, D), V76 (A, B, C, D), V77 (C, D), W75 (A, B, C, D), W76 (A, B, C, D), W77 (C, D), X75 (A, B, C, D), X76 (D). Ce secteur inclut la zone de la fouille clandestine qui n’a été réellement abordée par la fouille qu’en 2008.
Les fouilles 2005‐2008
1.2.1 Problématique et objectifs L’un des objectifs majeurs de la fouille du témoin laissé par H. L. Movius était la réalisation d’une étude géoarchéologique permettant de caractériser l’origine et les processus de mise en place des dépôts et d’évaluer le rôle des agents naturels dans la formation et l’évolution des nappes des vestiges. Cette approche apparaissait en effet primordiale pour réinsérer l’abri Pataud dans le contexte régional, tester l’intégrité des Lenses identifiées par H. L. Movius, comprendre la signification des assemblages d’os humains et leurs éventuelles relations avec les autres vestiges. Un second objectif était de compléter la documentation sur les industries lithiques et sur les matières dures animales, ainsi que sur les assemblages faunique et humain. Enfin nous souhaitions procéder à un échantillonnage pour obtenir de nouvelles datations 14C. 1.2.2 Le Carroyage Le carroyage installé par H. L. Movius (fig. 5) consistant en une construction pérenne en tubes métalliques fixés à la paroi, est encore en place actuellement. Le plan 0 de référence, défini en 1958 dans le prolongement horizontal du carroyage, est matérialisé par un méplat du tube métallique fixé à la paroi rocheuse, à l'angle nord-est de la zone Movius EVI. Il est situé à une altitude de 75,82 m NGF (données du nivellement général corrigées par l'IGN en 1969).
1.2.4 Méthodes
En 1997, un carroyage général avec un maillage de 1 m, couvrant l’ensemble de la propriété Pataud, sera superposé au carroyage Movius, et aligné sur ce dernier. Ce nouveau carroyage est orienté vers le nord théorique de la fouille Movius, proche du nord géographique. Vu en plan, l'axe des X (désigné par des lettres majuscules) croît de l'ouest vers l'est, et l'axe des Y (désigné par des chiffres arabes) croît du sud vers le nord. Ce carroyage n’est pas matérialisé sur le terrain1.
Dès le début de l’opération archéologique à l’abri Pataud, en 2005, nous avons opté pour une fouille assistée par ordinateur. L'acquisition des données de terrain se fait par l'intermédiaire d'un théodolite à système de mesure de distance électronique (station totale ou EDM : Electronic Distance Measurement) qui enregistre simultanément les trois coordonnées d'un objet en place. Ces données sont transférées dans un ordinateur avec lequel l'opérateur saisit divers éléments permettant l'identification de
Pour les nouvelles fouilles, nous avons décidé de travailler en zones de 0,25 m². Nous avons donc subdivisé chacun des carrés Movius en 4 carrés de 1 m² et
1. Une série de 10 points de référence, ou datum, a toutefois été positionnée et matérialisée dans la zone de fouille.
18
L. CHIOTTI, R. NESPOULET, D. HENRY-GAMBIER : UNE NOUVELLE FOUILLE A L’ABRI PATAUD
Figure 5. Vue générale de la fouille en 1958 montrant le carroyage (cliché H. L. Movius).
l'objet, qui est numéroté automatiquement.
1.3
Sur le terrain, la station totale est pilotée à l’aide des logiciels développés par H. L. Dibble et S. P. McPherron (Dibble, 1987 ; Dibble, McPherron, 1987 ; 1988 ; 2001 ; Dibble et al., 1999). Ces logiciels, conçus par des préhistoriens de terrain offrent un système souple, s'adaptant aux spécificités du site. Ils sont notamment fonctionnels pour un site en abrisous-roche et nous avons pu facilement les adapter à notre propre protocole de fouille. Le système d’acquisition stocke directement les données dans une base de données Ms Access©.
Remarques à propos de la numérotation des objets
1.3.1 Numérotation des objets de la fouille 2005‐2008 Lors de la reprise des fouilles en 2005, nous avons adopté une numérotation des pièces par sous-carré : dans chaque sous-carré, les objets archéologiques sont numérotés de 1 à n, le numéro unique permettant d’identifier chaque pièce étant constitué par l’association entre le nom du sous-carré (nommé UNIT) et le numéro à l’intérieur du sous-carré (nommé ID) ; par exemple : W76C-12. Les seaux de sédiments sont numérotés dans la même séquence que les objets archéologiques, et coordonnés au
19
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ETUDES 2005-2009
l’intérieur du niveau 2 (Lens ou Eboulis). Lors de son étude de la faune, J. Bouchud (1975) a numéroté chaque sac de 1 à n pour l’ensemble de la fouille. Ce numéro a parfois été reporté sur certaines pièces extraites de leur sac d’origine. Il figure alors sous la forme d’un simple numéro inscrit au marqueur rouge ou noir directement sur l’os. Dans ce système, plusieurs pièces extraites d’un même sac portent le même numéro.
centre de la zone fouillée. Ils sont donc également identifiés par un couple UNIT-ID. Le numéro complet marqué sur la pièce est constitué des initiales du site, suivies de l’année de fouille et du couple UNIT-ID ; par exemple : AP/07-W76C-12.
c) Lors de la nouvelle étude de la faune de la couche 2 (Cho, 1998), chaque pièce déterminée a reçu un numéro unique marqué sur la pièce. Cette numérotation est constituée du numéro de la couche, suivi de la lettre F (pour Faune) et du numéro de la pièce ; par exemple l’os de mammouth 2F1353. Quelques vestiges humains, pièces d’industrie en matières dures d’origine animale et éléments de parure, retrouvés par T.-S. Cho dans la faune de la collection Movius portent aussi ce type de numérotation. d) Contrairement à ceux de 1963, les vestiges humains découverts en 1958 n’ont pas été numérotés dans la séquence générale du matériel archéologique de la couche 2. Certains d’entre eux ont reçu un numéro de 1 à n qui n’est pas marqué sur les pièces et figure sur les fiches de terrain et dans les publications (Billy, 1975 ; Legoux, 1975 ; Movius, 1977) sous la forme d’un simple numéro précédé du suffixe N°. ; par exemple l’humérus N°. 1. D’autres ne portent aucun numéro et sont simplement attribués au complexe 22 (cf. infra), terme qui désigne alors tous les os de ce complexe.
Figure 6. Plan de la fouille de H. L. Movius à l’abri Pataud d’après Movius 1977.
e) Pour la majorité des vestiges humains issus des fouilles de 1958 et 1963, conservés au Musée de l’Homme (Muséum national d’histoire naturelle, Paris), se surimpose le numéro d’inventaire du Musée de l’Homme sous la forme MH/26225 qui, dans certains cas, désigne une série d’ossements, et non un vestige unique ; par exemple le numéro MH/26226 désigne un lot de 12 côtes, déjà numérotées dans la série H. L. Movius (AP/63-21311 ; 1312 ; 1365 ; 1367 ; 1373 ; 1377 ; 1379 ; 1384 ; 1405 ; 1459 ; 1511 et 1514).
Dans certains cas les refus de tamis livrent des objets dont l’intérêt archéologique justifie de les isoler. Ces objets sont identifiés par une numérotation différente constituée du couple UNIT-ID du seau d’origine, suivi de la lettre T (pour Tamis) et d’un numéro de 1 à n pour l’ensemble de la fouille ; par exemple : la perle AP/10W75C-103-T1074. 1.3.2 Numérotation des objets de la fouille de H. L. Movius
f) En 1989, lors du nettoyage des déblais de la fouille clandestine située dans la zone F/GVIII (cf. supra), certaines pièces (ossements déterminables, industrie en matières dures d’origine animale, éléments de parure, outils lithiques, vestiges humains) ont reçu une numérotation spécifique à ces travaux de nettoyage. Cette numérotation est constituée par les initiales du site, suivies de l’année du nettoyage, de la zone (Square et Trench), du numéro de la couche et du numéro de pièce ; par exemple le burin AP/89.F/G.VIII.C2/17.
Pour le matériel issu de la fouille de H. L. Movius, le système de numérotation a évolué au fil de l’histoire de la collection. Certains objets peuvent avoir été numérotés dans plusieurs systèmes, et donc porter plusieurs numéros ; c’est en particulier le cas de certains vestiges humains. a) Les pièces coordonnées lors de la fouille de H. L. Movius portent un numéro de 1 à n pour l’ensemble de la couche 2. Le numéro inscrit sur la pièce est constitué des initiales du site, suivies de l’année de fouille, du numéro de couche et du numéro de la pièce ; par exemple : le bois de renne perforé AP/63-2-1280.
g) En 2003, lors de la réalisation d’un inventaire des écailles ornées recueillies lors de la fouille de H. L. Movius, une numérotation spécifique a été adoptée pour identifier ces pièces (Nivelle, 2003). Cette numérotation, effectuée en continu et sans distinction de couche, est constituée des initiales du site suivies des lettres EC (pour
b) Lors de la fouille, les restes fauniques n’étaient pas coordonnés. Ils étaient récoltés dans des sacs en toile, par carré (2 m x 2 m) et par subdivision stratigraphique à
20
L. CHIOTTI, R. NESPOULET, D. HENRY-GAMBIER : UNE NOUVELLE FOUILLE A L’ABRI PATAUD
Figure 7. Plan des zones de la couche 2 fouillées entre 2005 et 2008.
écaille) et du numéro de la pièce ; par exemple l’écaille AP-EC-203.
les vestiges humains de la fouille de 1958 et les pièces issues du nettoyage de la fouille clandestine.
h) Lorsque les pièces n’étaient pas numérotées, nous avons choisi d’utiliser la même numérotation que H. L. Movius, à savoir un marquage comprenant les initiales du site, suivies de l’année de fouille, du numéro de la couche et du numéro de l’objet. De manière à éviter tout doublon, nous avons fait débuter notre numérotation à partir de 20000, soit bien au-delà du dernier numéro attribué par H. L. Movius. Par exemple le galet utilisé comme enclume AP/63-2-36907. Sont concernés par cette numérotation l’ensemble du matériel lithique non coordonné, les galets et autres roches particulières, des pièces extraites de la faune non déterminée (ivoire, industrie en matières dures d’origine animale, éléments de parure, vestiges humains…), tous
1.3.3 Vers un inventaire exhaustif des objets de la couche 2 À l’issue de cette fastidieuse mais nécessaire mise au point, une base de données unique a été constituée afin de prendre en compte la totalité de la collection archéologique de la couche 2. Cette base de données regroupe des objets de nature différente (faune, vestiges humains, matériel lithique, etc.) et intègre les différentes numérotations successivement utilisées. L’information associée à chaque pièce varie évidemment selon la période de fouille. Ainsi, nous disposons pour la première fois, d’un inventaire aussi exhaustif que possible du matériel archéologique de la couche 2.
21
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ÉTUDES 2005-2009
22
2
Chapitre
Vers une nouvelle lecture archéologique de la couche 2
Laurent CHIOTTI Roland NESPOULET
23
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ETUDES 2005-2009
H. L. Movius avait présenté les objets archéologiques provenant de la couche 2 comme faisant partie d’un seul ensemble « single living floor » (Movius, 1977 : 29), bien que, dans le même temps, il décrivait des subdivisions stratigraphiques à l’intérieur de la couche 2 et leur donnait une valeur chronologique (Movius, 1977). Cette présentation avait été reprise et commentée par H. M. Bricker dans la synthèse en langue française des fouilles Movius (Bricker, 1995). L’auteur y présentait les différentes subdivisons de la couche 2 comme des occupations « répétitives et diversifiées » et développait l’hypothèse « de la découverte initiale de l’abri par un petit groupe […] suivie par une utilisation plus intensive de l’abri, peut-être par le groupe local tout entier », tout en précisant que « toute interprétation des subdivisions internes du niveau 2 [était] purement spéculative » (Bricker, 1995 : 24).
regroupements de certaines U.A. appartenant en réalité à une même nappe de vestiges ont été effectués. Ainsi, les unités A, B et C ont été regroupées sous le nom d’U.A. A et les unités E, F et I ont été regroupées sous le nom d’U.A. E.
Les études de l’origine des matières premières (Valensi, 1960) et de l’industrie lithique (Clay, 1968 ; 1995), ainsi que celle de la faune (Spiess, 1979), apportaient des informations complémentaires. A. E. Spiess confirmait et précisait l’attribution proposée par J. Bouchud (Bouchud, 1975) d’une occupation de l’abri durant la mauvaise saison : d’octobre à mars (Spiess, 1979 : 194). Dans cette interprétation de la saisonnalité, la série faunique était considérée dans sa totalité sans tenir compte des différentes subdivisions. En outre aucune analyse spatiale, en termes d’aires d’activités, n’a été effectuée dans la couche 2, contrairement à ce qui sera fait pour d’autres couches gravettiennes de l’abri Pataud. La fouille du témoin offrait donc la possibilité de reprendre cette question dont les implications archéologiques sont importantes.
Le tableau 4 présente une première tentative de corrélation entre les unités texturales regroupées en grandes entités (coulées de solifluxion pour la coupe sagittale et fond de l’abri) et les unités archéologiques. On peut tout d’abord observer que certaines unités archéologiques sont totalement incluses dans l’une des coulées de solifluxion ou dans la zone cryoturbée. C’est le cas des U.A. H, J, et K toutes trois comprises dans la coulée inférieure ; des U.A. G, L, et « L Clande » limitées à la zone cryoturbée du fond de l’abri ; ainsi que de l’U.A. D, quasi exclusivement située dans la zone cryoturbée du fond de l’abri. L’U.A. A (qui regroupe également les U.A. B et C) s’insère dans deux coulées de solifluxion : environ 2/3 dans la coulée supérieure et 1/3 dans la coulée médiane. L’U.A. E est un cas particulier. Un peu moins de la moitié du matériel archéologique de cette unité se trouve dans la coulée médiane. Le reste du matériel (58 %) est dans l’U.T. 19 / U.T. 37, qui correspond à un pavage de coulée. Or dans une coulée de solifluxion un tel pavage est présent au sommet de la coulée mais également à la base. L’U.T. 19 / U.T. 37 correspond donc à un mélange entre le pavage de base de la coulée médiane (plutôt l’U.T. 19) et le pavage du sommet de la coulée inférieure (plutôt l’U.T. 37). Ces deux pavages étant en grande partie mélangés, il est impossible d’attribuer avec certitude le matériel à l’une ou l’autre de ces deux coulées.
2.1 Unités texturales et unités archéologiques
2.2 Raccords et remontages : aspects taphonomiques
Les objectifs de la fouille impliquaient d’enregistrer simultanément et indépendamment les observations géologiques et archéologiques. Dans ce but, un protocole spécifique a été mis en place dès 2005. Des unités texturales (U.T.) pour l’enregistrement géologique (Lenoble, Agsous, ce vol.) et des unités archéologiques (U.A.) pour l’enregistrement archéologique ont été définies. Les U.T. sont des subdivisions basées sur la texture des sédiments, les U.A. correspondent à des nappes de vestiges archéologiques, définies par le contenu archéologique, et notamment par la présence ou l’absence de vestiges dans les sédiments. Entre 2005 et 2008, 37 unités texturales ont été définies sur les différents secteurs fouillés (tabl. 2).
2.2.1 Méthode et objectifs En mars 2007, nous avons réalisé une recherche systématique de raccords sur l’industrie lithique laminaire et lamellaire de l’ensemble du niveau 2 (toutes périodes de fouilles confondues), incluant les pièces entières, et les fragments proximaux, mésiaux et distaux (Nespoulet et al., 2011)2. Seuls les fragments de très petites dimensions n’ont pas été retenus. Les raccords et remontages réalisés à cette occasion sont venus s’ajouter à un échantillon existant qui avait été constitué en plusieurs étapes : des raccords et remontages faits par l’équipe Movius avant 1964, et d’autres par nous-mêmes sur les collections des fouilles H. L. Movius et sur les collections des fouilles récentes. L’objectif était double : 1) tester la validité des subdivisions de H. L. Movius et de nos propres unités archéologiques, et 2) mettre en relation les nappes de
Dans le même temps, 13 unités archéologiques correspondant à 9 nappes de vestiges ont été distinguées. (tabl. 3 ; fig. 8 et 9). Lors de l’avancement de la fouille, des
2. Cette recherche a été effectuée par L. Chiotti, P. Guillermin, A. Morala et R. Nespoulet en 2007. Seul le matériel des fouilles 2005-2007 a donc pu être pris en compte pour la fouille récente, contrairement au reste de l’ouvrage qui traite des fouilles 20052008.
24
L. CHIOTTI, R. NESPOULET : VERS UNE NOUVELLE LECTURE ARCHEOLOGIQUE DE LA COUCHE 2
Unité U.T. morphologique Première coulée Sommet Cœur U.T. 1 U.T. 3
2005 2005
Sables fins jaune pâle, nombreux granules et nombreux cailloux Lit de granules à structure ouverte
S75C/D, T75C/D S75C/D, T75C/D
U.T. 4
2005
Lit caillouteux à structure ouverte
S75C/D, T75C/D
U.T. 9
2005
Lit à plus gros cailloux, en amont et en continuité avec l’U.T. 4 et l’U.T. 10
R75C, S75D, S75C
U.T. 5
2005
Poche à petits cailloux à structure semi-ouverte
U.T. 2
2005
Sables fins jaune pâle, nombreux granules et nombreux cailloux
U.T. 6
2005
Blocs et cailloux (l’U.T. 7 et l’U.T. 8 sont incluses dans l’U.T. 6, ainsi que l’U.T. 17)
T75C/D U75, U76, U77C/D, V76A/B T75C, U75, U76, U77C-D, V76A-B
Lit caillouteux
S75C/D, T75C/D
U.T. 12 2005
Sables jaunes à brun clair, quelques cailloux hétérométriques
S75C/D, T75D
U.T. 15 2005
Sables jaunes à brun clair légèrement plus foncés que dans l’U.T. 12, S75C/D quelques cailloux hétérométriques, plus riches en granules
U.T. 16 2005
Comme l’U.T. 15, mais de couleur noirâtre
S75C/D, T75D
U.T. 19 2005
Lit caillouteux noir, à structure semi-ouverte à fermée.
R75C/D, T75C/D
U.T. 13 2005
Poche à petits cailloux
T75D
Base Avant front Front
Définie en
Description
Localisation
Deuxième coulée
Sommet
Cœur
Base Avant front
Front
U.T. 10 2005
S75C/D,
U.T. 14 2005
Poche à gros cailloux
T75D
U.T. 21 2005
Poche à très gros cailloux (l’U.T. 11 est comprise dans l’U.T. 21)
T75C, U75C/D
U.T. 20 2005
Lentille à gros cailloux
U75C/D
U.T. 23 2005
Blocs et cailloux (situés entre l’U.T. 21 et l’U.T. 20)
T75C, U75D
U.T. 24 2005
Sables très limoneux à granules se trouvant à la base de l’U.T. 21 (semelle T75C limoneuse à la base du front)
U.T. 37 2005
Lentille de cailloux et petits blocs à structure semi-ouverte correspondant au pavage supérieur de la coulée. Elle constitue la base de l’U.T. 19 (l’U.T. 30 est comprise dans l’U.T. 19/U.T. 37 en T75C) et passe latéralement à l’U.T. R75C/D, T75C/D 31. Appelée abusivement (en 2008) U.T. 22 N sur la banquette de la coupe sagittale. L’U.T. 22 N a été renommée U.T. 37 à la fin de la campagne 2008.
U.T. 25 2006
Lit à petits cailloux colmaté de sables et granules brun noirâtre
Troisième coulée
Sommet
U.T. 26 2006 U.T. 32 2006 Cœur
Base
U.T. 27 2006 U.T. 28 2006 U.T. 33 2006
R75C/D, T75D
S75C/D,
S75C/D,
Très fines lentilles discontinues de sables, brun clair à noirâtre, riches en S75C/D, T75C petits cailloux et en matériel archéologique Apparaît en R75C Sables limoneux jaune-beige riches en granules et en petits cailloux mal et s’étend vers triés l’amont Sables limoneux jaune-beige à cailloux
R75C/D, T75C/D
S75C/D,
Lit caillouteux à structure semi-ouverte à ouverte et présentant un granoclassement normal (l’U.T. 31 correspond au sommet de l’U.T. 28 en T75C, U75C/D U75C : petits cailloux à structure semi-ouverte à colmatés par une matrice gris-brun) T75C, U75C/D Pavage à gros cailloux présent sous l’U.T. 28
Fond d’abri
U.T. 18 2005 U.T. 22 2005
U75, U76A/C/D Sables bruns chargés de cailloux de taille moyenne et petite Sables limoneux bruns chargés de cailloux de taille moyenne et petite, sous U75A/B, U75C/D, U76D l’U.T. 18
Zone de la fouille clandestine et pied de paroi
U.T. 29 2006 Accumulation gravitaire de U.T. 34 2007 pied de paroi U.T. 35 2007 Paroi débitée in U.T. 36 2007 situ par le gel
Dépôts gravitaires situés près de la paroi : cailloux et plaquettes d’orientation quelconque. Passe latéralement à l’U.T. 35 Lit de plaquettes à supports clastiques, disposées horizontalement et couvrant l’U.T. 35 Cailloux sub-anguleux fortement imbriqués, de taille variable, à structure semi-ouverte et d’orientation quelconque Séries de plaquettes sub-verticales adossées à la paroi et à faces de fractures conformes
Bande V X75, W76 et 77 X75, W76 et 77 X75
Tableau 2. Unités texturales distinguées à la fouille, regroupées par zone et par coulée de solifluxion, d’après A. Lenoble et S. Agsous.
25
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ETUDES 2005-2009
Définie en
Fouillée en
Carré(s) concerné(s)
Caractéristiques principales
A
2005
2005 2006
Q75C, R75C, R75D, S75C, S75D, T75C, T75D, U75A, U75B, U75C, U75D, U76A, U76A, U76B, U76C, U76D, V76A, V76B, V76D, U77C, U77D, V77C, V77D
Matériel archéologique dispersé, situé au-dessus du niveau archéologique proprement dit
B
2005
2005
S75C, T75D
Lentille plus sombre, riche en manganèse, pratiquement stérile archéologiquement, incluse dans l’U.A. A
C
2005
2005
T75C, T75D, U75D
Nappe de vestiges plus dense, au sein de l’U.A. A
Première nappe de vestiges significative observée dans le fond de l’abri après l’enlèvement de l’U.A. A
Forte densité archéologique, associée à une plus grande densité de pierres brûlées et noircies
U.A.
D
2005
2005 2006 2007
T75C, U75A, U75B, U75C, U75D, U76A, U76B, U76C, U76D, U77C, U77D, V76A, V76B, V76D, V77C, V77D, W75B, W75C, W76A, W76B, W76C, W76D, W77C, W77D, X75A, X75D, X76A, X76D
E
2005
2005 2006
Q75C, R75D, R75C, S75D, T75C, T75D
F
2005
2005 2006
T75C, T75D, U75D
Faible densité archéologique. Il s’agit d’une U.A. temporaire définie dans une zone perturbée et complexe
G
2006
2006 2007 2008
T75C, U75A, U75B, 75C, U75D, U76A, U76B, U76C, U76D, U77C, U77D, V76A, V76B, V76D, V77C, V77D, W75B, W75C, W76A, W76B, W76C, W76D, W77D
Plus faible densité archéologique que l’U.A. D sus-jacente
H
2006
2006 2008
R75C, R75D, S75C, S75D, T75C, T75D
Plus faible densité archéologique que l’U.A. E sus-jacente
I
2006
2006
Q75C, R75C, R75D
Première nappe de vestiges significative observée sur la coupe sagittale après l’enlèvement de l’U.A. A. Il s’agit d’une U.A. temporaire
J
2006
2006 2007
U75C, U75D
Nappe de vestiges située en bordure de la fouille clandestine, difficile à rattacher aux autres U.A. présentes latéralement. Il s’agit d’une U.A. temporaire
K
2008
2008
S75C, S75D, T75C, T75D
Unité quasiment stérile située dans la coupe sagittale, sous l’U.A. H
L
2008
2008
U76A, U76B, U76C, U76D, U77C, U77D, V76A, V76B, V76D, V77C, V77D, W75B, W75C, W76A, W76B, W76C, W76D
Nappe de vestige à très forte densité archéologique, notamment en ossements de grands herbivores et en os brûlés
« L Clande »
2008
2008
W75B, W75C
Partie superficielle perturbée, de la fouille clandestine, correspondant altimétriquement à l’U.A. L
S75C,
Tableau 3. Synthèse des unités archéologiques définies depuis 2005.
vestiges découvertes lors des différentes périodes de fouille. Nous présentons ici les résultats d’une approche taphonomique préliminaire, les aspects technologiques étant en cours d’étude. L’échantillon est constitué de 700 pièces ou fragments raccordés, formant 291 remontages (tabl. 5).
toutes les informations sont présentes, et tous les cas de figure intermédiaires sont observés. C’est incontestablement pour la fouille de 1958 que l’information est la plus lacunaire, ce qui nous a amenés dans certains cas à restreindre l’échantillon des fouilles de H. L. Movius à la seule série de 1963.
L’analyse et l’interprétation des résultats obtenus ont été limitées par l’hétérogénéité des informations associées à chaque pièce. En effet, si nous disposons de toutes les informations pour les séries découvertes à partir de 2005 (localisation dans le carroyage, coordonnées en X, Y, Z et attribution stratigraphique), ce n’est pas le cas pour celles provenant des fouilles antérieures. Dans certains cas, seule existe la mention « Couche 2 », dans d’autres,
2.2.2 Relations stratigraphiques Les nappes de vestiges de la fouille de H. L. Movius (Lenses) et celles de la fouille 2005-2008 (Unités Archéologiques) ont été regroupées pour la partie avant de l’abri3 en deux grands ensembles : l’ensemble 1 correspondant à l’U.A. A, l’Eboulis a, la Lens 1a et la Lens 1b et l’ensemble 2 correspondant à l’U.A. E, la
3. Seul le secteur de la coupe sagittale, en avant de l’abri, qui présente des dépôts stratifiés, a été retenu ici. Le secteur du fond de l’abri, qui ne présente pas de stratification nette du fait de la cryoturbation (cf. Lenoble, Agsous, ce vol.) a été écarté.
26
Figure 9. Projection verticale des objets coordonnés selon les différentes unités archéologiques (dessin L. Chiotti).
Figure 8. Coupe schématique de répartition des différentes unités archéologiques (dessin L. Chiotti).
L. CHIOTTI, R. NESPOULET : VERS UNE NOUVELLE LECTURE ARCHEOLOGIQUE DE LA COUCHE 2
27
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ETUDES 2005-2009
A
D
Coulée supérieure
71 %
1%
Coulée médiane
29 %
1%
Coulée médiane/supérieure (U.T. 19 / U.T. 37)
E
G
H
K
L
« L Clande »
Total 7%
42 %
11 %
58 %
Coulée inférieure
100 %
Fond de l'abri
98 %
Total
J
100 %
100 %
100 %
100 %
100 % 100 %
100 %
100 %
100 %
100 %
20 % 100 %
100 %
62 %
100 %
100 %
100 %
Tableau 4. Essai de corrélation entre les unités archéologiques et les unités texturales définies de 2005 à 2008. Les proportions sont calculées sur la totalité du matériel archéologique (calcaire brûlé, reste humain, os, os brûlé, dent, industrie osseuse, parure, écaille ornée, minéral, silex, indéterminé) auquel s’ajoutent les pierres attribuées à une unité archéologique et une unité texturale (n = 6881).
Lens1 et la Lens 1c (tabl. 6).
Concernant les raccords, au nombre de 135, les déplacements à courte distance sont surtout situés dans la partie avant de l’abri, dans la banquette de la coupe sagittale fouillée depuis 2005. Seize cas montrent des déplacements supérieurs à 1 m, avec un maximum de 9 m. Les 3 plus importants mettent clairement en relation les zones nord et sud du site (fig. 11).
La bonne préservation des deux principales nappes de vestiges individualisées dans la partie avant de l’abri entre 2005 et 2007 (l’U.A. A et l’U.A. E) est attestée par le fait que la majorité des raccords se font à l’intérieur des nappes de vestiges (tabl. 7 ; fig. 10). Seul 1 remontage sur 67 met en relation ces deux U.A. La même observation peut être faite concernant la fouille de 1963, où seuls 2 raccords sur 51 mettent en relation les ensembles 1 et 2 (tabl. 7). Les 8 raccords qui mettent en relation les séries 20052007 et 1963 dans la partie avant de l’abri sont plus difficiles à interpréter (tabl. 7). L’échantillon semble en effet trop restreint pour proposer des corrélations définitives entre les stratigraphies des deux périodes de fouilles. Sachant que le niveau 2 n’est pas encore entièrement fouillé, de nouveaux remontages devraient permettre de préciser ce point. Il faut rappeler ici que l’altimétrie relative de ces deux séries a été vérifiée, en prenant en compte l’ensemble des pièces coordonnées.
Deux remarques peuvent être faites : - Aussi bien pour les remontages que pour les raccords, les déplacements mis en évidence ne semblent pas correspondre à une redistribution naturelle des vestiges liée à la solifluxion et à la cryoturbation. - Les figures 10 et 11 montrent des déplacements plus importants pour les raccords que pour les remontages, alors que l’inverse était attendu. En effet, les remontages impliquent directement une action humaine, alors qu’un grand nombre de cassures est d’origine naturelle et postdépositionnelle. Il semble donc que l’on puisse imputer à l’activité humaine plusieurs déplacements illustrés par des raccords, les plus intéressants s’effectuant dans le fond de l’abri, entre les zones nord et sud. En effet, ceuxci mettent en relation les deux principales zones ayant livré des concentrations de vestiges humains (HenryGambier et al., ce vol.). Il faudra toutefois différencier les raccords de cassure naturelle et les raccords de débitage pour mieux comprendre la signification de cette observation.
2.2 .3. Relations planimétriques L’échantillon des objets coordonnés est constitué de 223 pièces. Les remontages, au nombre de 97, sont principalement situés dans la zone nord (n = 88). Ils indiquent des déplacements centimétriques, essentiellement dans la partie avant de l’abri. Seuls 13 cas montrent des déplacements supérieurs à 1 m, avec un maximum de 5 m. Ils ne présentent pas d’orientation préférentielle (fig. 11).
Type de matériel
Fouille 2005-2007
Écaille ornée
15
Minéral ou calcaire
6
En élargissant l’échantillon à l’ensemble des pièces coordonnées et non coordonnées, les proportions de raccords les plus importantes s’observent à l’intérieur de chaque secteur de fouille (1958, 1963 et 2005-2007 ; tabl. 8).
Fouille 1958-1963
2
Total
Nb. de Remontages
15
3
8
3
Os
2
0
2
1
Parure
2
0
2
1
Silex
149
524
673
283
Total
174
526
700
291
Tableau 5. Inventaire des raccords et remontages effectués dans le niveau 2.
28
L. CHIOTTI, R. NESPOULET : VERS UNE NOUVELLE LECTURE ARCHEOLOGIQUE DE LA COUCHE 2
Regroupements archéostratigraphiques
Subdivisions, fouille 1963
Unités archéologiques, fouille 2005-2007
Ensemble 1
Eboulis a ; Lens 1a ; Lens 1b
U.A. A (incluant les U.A. B et C)
Ensemble 2
Lens 1 ; Lens 1c
U.A. E (incluant les U.A. F et I)
Ensemble 3
Eboulis between Lens 1 and Lens 2
(Non fouillé en 2007)
Ensemble 4
Lens 2 ; Eboulis b
(Non fouillé en 2007)
Ensemble 5
Below Lens 2
(Non fouillé en 2007)
Ensemble 6
General ; non attribué ; fond de l’abri
UA D ; UA G ; UA J
Tableau 6. Regroupements archéostratigraphiques entre les différentes périodes de fouilles.
Fouille 2005-2007
Regroupements
Fouille 2005-2007 + Fouille 1963
Fouille 1963
Total
Nb.
%
Nb.
%
Nb.
%
Nb.
%
14
10,7
1
0,8
5
3,8
20
15,3
Ensembles 1+2
1
0,8
2
1,5
2
1,5
5
3,8
Ensemble 2
36
27,5
5
3,8
25
19,1
66
50,4
Ensemble 3
-
-
-
-
3
2,3
3
2,3
Ensemble 1
Ensemble 4
-
-
-
-
2
1,5
2
1,5
Ensemble 6
16
12,2
5
3,8
14
10,7
35
26,7
Total
67
51,2
13
9,9
51
38,9
131
100,0
Tableau 7. Répartition des raccords et des remontages par ensemble archéostratigraphique (les pièces provenant de la fouille de 1958 ne sont pas prises en compte).
Secteur de fouille (non attribué) Fouille 2005-2007 Fouille 1963 Fouille 1958 Fouille 2005-2007+1963 Fouille 2005-2007+1958 Fouille 1963+1958 Fouille 2005-2007+1963+1958 Total
Raccords et remontages Nb.
%
43 82 46 85 14 6 11 4 291
14,8 28,2 15,8 29,2 4,8 2,1 3,8 1,4 100,0
Raccords et remontages Nb.
%
82 46 85 14 6 11 4 248
33,1 18,6 34,3 5,7 2,4 4,4 1,6 100,0
Tableau 8. Répartition des raccords et des remontages par secteur planimétrique.
Si l’on exclut les pièces qui ne sont pas attribuées planimétriquement, on remarque toutefois que 24 raccords (soit près de 10 % de l’échantillon) mettent en relation la fouille 2005-2007 avec les deux autres secteurs de la fouille Movius. En outre, 142 raccords (soit plus de 57 %) concernent la zone nord, archéologiquement la plus dense (secteurs fouillés en 1963 et en 2005-2007).
2) de valider l’hypothèse d’une bonne conservation des nappes de vestiges archéologiques, aussi bien d’un point de vue stratigraphique que planimétrique. Cette validation des subdivisions stratigraphiques de la fouille Movius de 1963, et la corrélation de ces subdivisions avec nos propres unités archéologiques impliquent une redistribution limitée des nappes de vestiges et semblent pouvoir se concilier avec le modèle géoarchéologique pour les dépôts stratifiés de la partie avant de l’abri (Lenoble, Agsous, ce vol.).
2.2 .4 Perspectives Les résultats obtenus avec les raccords et les remontages permettent : 1) d’estimer la perte d’information pour le matériel des fouilles anciennes grâce aux données de la série 20052007 ;
Cela devrait permettre de proposer des interprétations sur la chronologie des occupations correspondant aux différentes subdivisions du niveau 2, et peut-être de statuer
29
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ETUDES 2005-2009
Figure 10. Projection verticale montrant la répartition des raccords et des remontages des pièces coordonnées issues de la fouille 2005-2008, dans le secteur de la coupe sagittale (dessin R. Nespoulet et L. Chiotti).
Figure 11. Plan du niveau 2 montrant la répartition des raccords et des remontages des pièces coordonnées issues de la fouille de H. L. Movius et de la fouille 2005-2008 (dessin R. Nespoulet et L. Chiotti).
sur le synchronisme ou le non synchronisme des zones nord et sud du site. Une telle interprétation des occupations successives du niveau 2 ne sera possible que pour les séries correspondant à la zone nord du site où la densité archéologique
est la plus élevée, et essentiellement dans la partie avant stratifiée. Elle sera certainement plus délicate au fond de l’abri, affecté par la cryoturbation. Concernant la répartition planimétrique des remontages, les résultats préliminaires semblent indiquer que les
30
L. CHIOTTI, R. NESPOULET : VERS UNE NOUVELLE LECTURE ARCHEOLOGIQUE DE LA COUCHE 2
nappes de vestiges : 1) Les raccords et les remontages montrent d’une part que la majorité des déplacements d’objets sont très courts, et d’autre part que la redistribution verticale est très limitée. 2) Le bon (à très bon) état de conservation du matériel archéologique, au premier rang duquel les faunes et les vestiges humains, semble indiquer un enfouissement rapide. 3) L’étude géoarchéologique montre que dans la partie avant affectée par la solifluxion, les mouvements d’objets ont sans doute été relativement limités, en particulier dans les deux coulées inférieures contenant la majorité des dépôts de la couche 2 (Lenoble, Agsous, ce vol.).
déplacements sont principalement d’origine anthropique. Les données technologiques devront toutefois être précisées et prises en compte afin de distinguer les déplacements naturels de ceux imputables à l’homme. L’étude des ressources minérales et la caractérisation typo-technologique de l’industrie lithique pourront ainsi être replacées dans une interprétation renouvelée des dépôts du niveau 2.
2.3 En conclusion L’enregistrement simultané et indépendant des observations géologiques et archéologiques développé depuis 2005 a permis d’identifier différentes nappes de vestiges et de les confronter au modèle géoarchéologique (Lenoble, Agsous, ce vol.).
En conclusion, il apparaît que l’étude du matériel archéologique en fonction des unités archéologiques est pertinente, même si une certaine prudence doit être de mise. La répartition par unité archéologique sera abordée dans la suite de cet ouvrage, chaque fois que le matériel le permet.
Cette confrontation, ainsi que les différentes études menées sur le matériel archéologique, fournissent plusieurs arguments en faveur d’une bonne préservation des
31
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ÉTUDES 2005-2009
32
Chapitre
3
Étude géoarchéologique de la couche 2.
Implications sur la préservation des nappes de vestiges Arnaud LENOBLE Safia AGSOUS
33
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ETUDES 2005-2009
3.1
dans la séquence, renouvelle la compréhension des mécanismes de mise en place des dépôts et, par voie de conséquence, celle des paléoenvironnements ayant présidé à la genèse du site.
Formation de la couche 2 : âge et mécanismes de mise en place
Une première approche de la lithostratigraphie de l’abri Pataud a été réalisée par W. R. Farrand (1975, 1995), à la suite des fouilles Movius. L’étude de la sédimentogenèse du site a été reprise récemment par S. Agsous dans le cadre de sa thèse (Agsous, 2008). La méthode retenue privilégie l’analyse de la structure et de la géométrie des dépôts de comblement de l’abri. Ce travail a conduit à proposer une nouvelle lecture stratigraphique (Agsous et al., 2006). Huit unités stratigraphiques ont ainsi été distinguées (fig. 12). La comparaison du ou des lithofaciès caractérisant chaque unité avec ceux de dépôts documentés en milieu naturel a permis une détermination fine des agents de sédimentation. Cette détermination, complétée par la prise en compte des paléosols intercalés
Ce nouveau découpage stratigraphique place les vestiges de la couche archéologique 2 dans l’unité lithostratigraphique III et, en particulier, au sein des dépôts à lithofaciès d’éboulis bien stratifiés formant la partie supérieure de cette unité. Les dépôts de cette unité stratigraphique se caractérisent par l’abondance en cailloux et en plaquettes détachés des parois. Cette caractéristique désigne la roche encaissante comme principale source de sédiments. Des apports éoliens existent, comme en témoigne la présence de minéraux issus des alluvions de la Vézère, tels la hornblende ou le grenat dans le cortège de minéraux
Figure 12. Coupe synthétique nord de l’abri Pataud. L’ensemble lithostratigraphique I n’est pas visible sur cette coupe : dans cette zone, il a été détruit lors de la construction de la ferme Pataud.
34
A. LENOBLE, S. AGSOUS : ÉTUDE GEOARCHEOLOGIQUE DE LA COUCHE 2
lourds. Mais cette contribution éolienne reste très modérée (Agsous, 2008).
fins lessivés depuis le talus. Le mauvais drainage et la faible pente de ce secteur y ont favorisé les phénomènes de cryoturbation.
Dans la partie supérieure de l’unité qui contient le niveau archéologique, les caractéristiques de la stratification (alternance de lits caillouteux et de lits riches en matrice, granoclassements normaux, inverses ou doubles, dérive granulométrique longitudinale) permettent de reconnaître des dépôts de solifluxion à front pierreux (Francou, 1989 ; Bertran et al., 1995). Ces dépôts stratifiés surmontent des sédiments à stratification rudimentaire constituant la base de l’unité lithostratigraphique III, ces derniers étant interprétés comme des dépôts de solifluxion sous pelouse (Agsous, 2008). Cette évolution de la dynamique sédimentaire exprime un contrôle environnemental qui, en relation avec les datations radiocarbones, permet de placer l’édification de la base de l’unité au cours de l’interstadiaire groenlandais 3 (GI 3), daté de 27600 à 27800 ans avant l’actuel selon le modèle chronologique groenlandais (Andersen et al., 2006). Les éboulis bien stratifiés contenant le niveau archéologique 2 peuvent, quant à eux, être mis en relation avec le stadiaire groenlandais 3 (GS 3), daté de 27600 à ~23000 ans avant le présent selon le même modèle (Andersen et al., op. cit). L’occupation prend ainsi place lors du dernier Maximum Glaciaire, sensu Svensson et al. (2006).
Une détermination plus fine des événements de dépôt a pu être réalisée au cours de la fouille de la couche 2. La zone concernée par la reprise des travaux apparaît ainsi formée de trois coulées superposées (fig. 13a). Les vestiges archéologiques se concentrent sur les interfaces entre les coulées. Ils se marquent par une plus grande abondance en pièces archéologiques ainsi que par la teinte noirâtre des sédiments. Les nappes de vestiges qui en résultent forment autant de subdivisions de la couche 2. Elles ont été appelées lenses par H. L. Movius au cours de sa fouille, et forment les unités archéologiques (U.A.) de la fouille actuelle.
3.2
Les hypothèses de modifications synsédimentaires des nappes de vestiges
La reconnaissance de la solifluxion à front pierreux comme principal agent d’édification des dépôts indique que la redistribution des débris sur le talus interne du site a primé sur la production d’éboulis dans l’enfouissement des vestiges archéologiques. Par ailleurs, les observations de terrain et l’examen des microfaciès ne font apparaître aucune transformation des sédiments imputable à une altération postérieure à l’édification des dépôts (bioturbation, altération chimique, etc.).
Dans le fond de l’abri, les éboulis bien stratifiés sont relayés par un dépôt non organisé de sables limoneux riches en cailloux où les éléments grossiers sont disposés selon toutes les directions et dans lequel on reconnaît des sédiments cryoturbés. La proportion importante de sédiments fins observée dans ce secteur est imputée à l’accumulation de la fraction fine lessivée depuis les éboulis stratifiés, ce dont témoigne les très nombreuses figures d’éluviation observées en lames minces (plages lavées, coiffes matricielles). La transition entre la zone de dépôts stratifiés et le secteur cryoturbé prend la forme d'un amas caillouteux où la stratification se perd progressivement par épaississement des lits de cailloux, d'une part, et amincissement (biseautage) des lits matriciels, d'autre part. La taille importante des blocs et l’orientation à contre-pente des cailloux conduisent à y reconnaître les fronts caillouteux des différentes coulées superposés en pied de talus (Bertran et al., 1995).
L’hypothèse d’une modification naturelle des nappes de vestiges archéologiques à prendre en considération est donc double : cryoturbation dans le fond de l’abri et déformation sous l’action de la progression des coulées de solifluxion sur le talus. Le type de solifluxion reconnue, à savoir la solifluxion à front pierreux, se rencontre spécifiquement dans les milieux périglaciaires semi-désertiques à désertiques. Il s’agit d’une lente reptation qui affecte le sol sur quelques dizaines de centimètres d’épaisseur et qui s’accompagne d’une redistribution superficielle des cailloux (Bertran, 2004). Le déplacement des débris sur la pente prend la forme de coulées qui progressent sur le versant (pente supérieure à 3-4°) à une vitesse de un à quelques centimètres par an. La vitesse de progression des coulées n’est pas homogène. Le déplacement est plus rapide au niveau de la surface du sol, ce qui provoque une avancée des lobes par retournement des fronts. Les modifications induites par la progression des coulées à front pierreux conjuguent le déplacement individuel des objets au dos des coulées et un déplacement en masse des pièces contenues dans la coulée (Texier et al., 1998 ; Lenoble et al., 2009). Une ségrégation granulométrique est induite par l’expulsion des éléments grossiers, naturels ou archéologiques, venant former les pavages de dos de coulée. En outre, l’enfouissement de la surface du sol lié à la progression des lobes est susceptible d’induire une pseudo-stratification par dédoublement des niveaux
Cette succession latérale de faciès reflète l’action conjuguée d’agents sédimentaires variant selon la paléotopographie (Nespoulet et al., 2008 ; fig. 13). L’entrée de l’abri est la zone de départ des coulées de solifluxion. L’accrétion sédimentaire y est faible, l’essentiel des sédiments étant remobilisé sur la pente ; le faciès résultant est celui d’un dépôt massif à figures de cryoturbation : cailloux redressés, fauchages. Sur un talus se développant sur une étendue de quatre à cinq mètres de l’entrée vers le fond de l’abri, se développent les éboulis stratifiés édifiés par la progression des coulées. Dans la zone plane qui prolonge le talus en pied de paroi, la sédimentation est liée à l’accumulation des produits de dégradation du rocher et à l’accumulation de sédiments
35
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ETUDES 2005-2009
archéologiques (Texier, 2009). Dans le cas de la cryoturbation, les modifications attendues associent une cryoexpulsion des objets à une déformation plastique du sédiment (de type « involution ») par gonflement différentiel à l’engel (Van Vliet-Lanoë, 2005).
est celle de la confrontation au référentiel géoarchéologique (Lenoble, 2005) : les caractéristiques des vestiges archéologiques sont comparées à celles que produit la solifluxion sur les débris naturels, de façon à reconnaître dans l’organisation des vestiges archéologiques les critères diagnostiques d’une modification par solifluxion. Les caractéristiques prises en compte sont les orga-
La démarche retenue pour caractériser ces modifications
Figure 13. a : reconstitution du fonctionnement sédimentaire de l’abri au cours de l’édification des dépôts bien stratifiés de l’unité lithostratigraphique III. 1) partie amont du talus, 2) dépôts stratifiés générés par la progression des coulées, 3) accumulation de blocs indiquant la zone d’immobilisation des coulées, 4) zone cryoturbée de fond d’abri ; b : vue partielle du témoin concerné par les nouvelles fouilles (carrés Q à T) avant la reprise des travaux. On y distingue l’empilement de trois coulées de solifluxion. Ls : lit sableux correspondant au cœur d’une coulée, Lc : lit caillouteux représentant un pavage, Ac : accumulation de cailloux et de blocs au front de la coulée médiane.
36
A. LENOBLE, S. AGSOUS : ÉTUDE GEOARCHEOLOGIQUE DE LA COUCHE 2
nisations remarquables, la fabrique des pièces archéologiques (Bertran, Lenoble, 2002), leur tri dimensionnel (Bertran et al., 2006) et la distribution spatiale des objets (Lenoble et al., 2003). Les liaisons entre pièces réalisées par raccord ou remontage sont également considérées.
3.3
comme telles à la fouille. La première est une imbrication entre une lame de silex et un fragment de diaphyse de grand herbivore observé dans le secteur de fond d’abri (carré U76). La lame entame l’arête de l’os. Il en résulte une encoche de cette dernière. Les deux objets sont subverticaux. On reconnaît dans cet agencement particulier une figure de cryoturbation où la pression développée dans les sédiments a provoqué l’imbrication des pièces. Cette figure peut être comparée aux imbrications de silex décrites par L. Vallin et al. (2005) dans des dépôts également cryoturbés. La seconde est une figure de tri qui a été mise au jour par le décapage du sommet de la coulée inférieure (carrés
Résultats de l’étude de taphonomie archéologique
Les organisations remarquables sont, par définition, des signatures sédimentaires mettant en jeu des pièces archéologiques (Lenoble, 2005). Deux ont été reconnues
Figure 14. a : distribution des pièces recueillies à la base de la coulée médiane et au sommet de la coulée inférieure. b : évolution latérale des textures en relation avec le contact entre les deux coulées. c : distribution des mêmes pièces exprimée en courbes d’égales concentrations.
37
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ETUDES 2005-2009
R75 et S75). La fouille du pavage fait apparaître une étendue de petits cailloux développée dans la partie amont du talus et relayée par un pavage de cailloux moyens, puis grossiers au bas de la pente. Outre l’imbrication entre vestiges archéologiques et cailloux que l’on relève dans le pavage, le décapage produit par la fouille met en évidence une analogie de taille entre la fraction naturelle et archéologique (silex de petites tailles bloqués entre les granules et petits cailloux et éclats et lames de grandes tailles dans le pavage caillouteux). Cette figure témoigne donc d’un tri, au moins local, des vestiges archéologiques. La distribution spatiale des pièces a été établie pour la nappe de vestiges dans laquelle a été observée cette figure de tri, à savoir le niveau archéologique se superposant au lit caillouteux formant la base de la coulée médiane et le sommet de la coulée inférieure (fig. 14).Le plan de vestiges ainsi établi (fig. 14a et c) peut être mis en regard de la texture des sédiments (fig. 14b). Il en ressort que la distribution des pièces se corrèle à la texture de la fraction naturelle : les objets archéologiques ne sont pas uniformément répartis mais ils se concentrent au pied du talus, dans le secteur d’arrêt des lobes. Cette accumulation en pied de talus et la figure de tri désignent une redistribution des pièces archéologiques. La recherche d’un tri granulométrique du matériel
Série
>2
archéologique a été menée sur le matériel de l’ensemble de la fouille, années 2005 à 2007, selon le protocole proposé par P. Bertran et al. (2006). En outre, et de façon à pouvoir mettre en évidence un tri des vestiges archéologiques conforme à celui de la fraction naturelle, les séries ont été constituées en regroupant les pièces par niveau et par composante morphologique des coulées. Les séries ainsi constituées associent des pièces recueillies dans des sédiments de même texture. Par exemple, les pièces contenues dans le lit de petits cailloux de la base de la coulée inférieure ont été distinguées de celles recueillies au sein du lit sableux formant le cœur du lobe. Pour chaque série ainsi constituée, la largeur des objets recueillis à la fouille et au tamisage a été mesurée et les pièces ont été affectées à une des trois classes dimensionnelles distinguées par P. Bertran et al. (2006) : petits objets (largeur comprise dans l’intervalle 2,44,8 mm), objets de taille moyenne (largeur comprise dans l’intervalle 4,8-14,1 mm) et gros objets (largeur supérieure à 14,1 mm). Les résultats sont portés dans le tableau 9. Ils sont confrontés au référentiel expérimental des séries archéologiques triées par l’intermédiaire du triangle des classes dimensionnelles (fig. 15).
>4
>10
N
Unité morphologique
Texture
coulée supérieure Csg
65,6
27,0
7,4
270
cœur
sables à granules et cailloux
Fc
53,7
35,0
11,3
380
avant front
poche de petits cailloux non colmatés
Fg
59,3
34,1
6,6
317
front
sables à granules et cailloux
Fcb
66,8
29,3
3,9
280
front
blocs et cailloux
PIg
45,5
39,4
15,2
66
base
granules
PIc
60,0
30,0
10,0
30
pavage
cailloux
CRsc
47,5
36,3
16,2
882
fond d’abri
sables à cailloux
coulée médiane Cs
65,9
26,4
7,7
584
cœur
sables, quelques cailloux
Csc
60,9
32,1
6,9
1295
cœur
sables, quelques granules et cailloux
Fc
43,1
35,3
21,6
102
avant front
cailloux
Fcb
67,7
22,6
9,7
62
front
gros cailloux et blocs
Fg
44,4
33,3
22,2
72
semelle front
sables à granules
PIc
64,4
26,6
9,0
1784
pavage
cailloux
CRsc
62,3
29,2
8,5
753
fond d’abri
sables à cailloux
coulée inférieure PSg
61,1
28,7
10,2
108
sommet
petits cailloux
Csc
73,3
23,3
3,3
90
cœur
sables à cailloux
PIc
71,4
26,8
1,8
671
pavage
petits cailloux
PIcb
60,6
33,9
5,5
109
pavage
gros cailloux et blocs
Tableau 9. Proportion des vestiges lithiques par classe dimensionnelle et par unité texturale. Les classes dimensionnelles sont exprimées en largeur de maille de tamis. N = nombre de vestiges pris en compte (fouille et tamisage). Les séries sont dénommées d’après l’unité morphologique dont elles proviennent (PS : pavage supérieur, C : cœur, F : front, PI : pavage inférieur, CR : secteur cryoturbé) et la texture dominante des sédiments (s : sables, g : granules, c : cailloux, b : blocs).
38
A. LENOBLE, S. AGSOUS : ÉTUDE GEOARCHEOLOGIQUE DE LA COUCHE 2
Figure 15. Triangle des classes dimensionnelles. La courbe-enveloppe des proportions d’ensembles expérimentaux et les différents types de tri observés expérimentalement sont portés en bas à droite (d’après Bertran et al., 2006). a : séries de la coulée supérieure ; b : séries de la coulée médiane ; c : séries de la coulée inférieure. Les dénominations des séries suivent celles du tableau 9.
Comme le montre cette figure, peu de séries présentent un tri granulométrique. En outre, les tris mis en évidence sont peu marqués. Enfin, aucun tri n’est mis en évidence dans le cas des vestiges enfouis par la coulée inférieure. Ces tris, peu nombreux et modérés, indiquent donc que si redistribution des pièces il y a eu, il n’en résulte pas une ségrégation significative des pièces selon leur taille. Ces tris suggèrent également que les modifications ont pu être d’une intensité variable selon les différentes coulées, en ce sens que les nappes de vestiges contenues dans les coulées médiane et supérieure pourraient avoir été affectées plus intensément par les agents naturels que celle enfouie par la coulée inférieure.
années de fouilles. Ce nombre important de mesures a permis de sérier les objets selon les composantes morphologiques des différentes coulées. La caractérisation statistique de chaque série est réalisée en établissant le taux d’orientation préférentiel L de J. R. Curray (1956), ainsi que la probabilité associée que cette valeur puisse être celle d’une série d’objets orientés aléatoirement. Cette première caractérisation est complétée par l’établissement des indices d’élongation et d’isotropie, basé sur le calcul des vecteurs propres normalisés (Benn, 1994). Les résultats sont portés dans le tableau 10. En outre, les indices établis permettent de reporter la fabrique de chaque série sur un diagramme triangulaire où elle peut être confrontée à la fabrique de dépôts actuels (fig. 16). La confrontation de ces fabriques au référentiel actualiste des dynamiques de versant fait ressortir une triple
La fabrique des vestiges complète cette caractérisation du niveau archéologique. L’orientation et l’inclinaison de 304 objets allongés ont été mesurées au cours des quatre
39
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ETUDES 2005-2009
information : 1) la fabrique des vestiges recueillis dans le fond de l’abri présente une forte isotropie (IS > 0,3), ce qui confirme que ces objets ont été affectés par les mouvements de cryoturbation reconnus à la lecture des coupes ; 2) une partie des vestiges, ceux du front de la coulée supérieure, présente une orientation préférentielle, ce qui signe une redistribution par solifluxion ; 3) la fabrique des objets contenus dans les coulées médiane et inférieure n’est pas caractéristique de vestiges déplacés par solifluxion. Cette fabrique peut être celle
Coulées coulée sup.
coulée méd.
coulée inf.
Séries
d’ensembles non perturbés par solifluxion et légèrement décalés sur le diagramme du fait d’une légère cryoturbation post-dépositionnelle. Elle peut également refléter une non-acquisition d’une orientation préférentielle du fait des nombreuses imbrications des objets archéologiques contenus dans les lits caillouteux. La fabrique des pièces archéologiques témoigne donc d’un réagencement par cryoturbation et par solifluxion, mais de façon variable selon les coulées. On remarque à ce sujet que l’on ne retrouve pas dans l’orientation des
Test de Curray
Valeurs propres
Indices de Benn
N
L
p
E1
E2
E3
EL
IS
front
15
45,7
0,043
0,62
0,28
0,10
0,55
0,15
coulée
66
4,1
0,9
0,47
0,43
0,10
0,09
0,21
cœur de coulée
40
16,8
0,32
0,51
0,39
0,10
0,23
0,20
pavage
26
14,8
0,58
0,50
0,43
0,07
0,14
0,14
front
49
20,3
0,132
0,53
0,36
0,11
0,32
0,20
fond d'abri
70
8,2
0,63
0,46
0,40
0,14
0,14
0,31
fond d'abri
63
9,8
0,55
0,494
0,403
0,10
0,18
0,21
Tableau 10. Caractérisation statistique des fabriques des vestiges archéologiques regroupées par coulées et, au sein de ces dernières, par composante morphologique. N : nombre de mesures, L : taux d’orientation préférentielle et p : probabilité associée que la valeur obtenue soit issue d’une population à distribution aléatoire des orientations. E1, E2 et E3 sont les vecteurs propres normalisés ; EL et IS sont respectivement les indices d’élongation et d’isotropie.
Figure 16. Report de la fabrique des vestiges archéologiques de la couche 2 sur diagramme de Benn. Les courbes enveloppes d’éléments redistribués pour différents agents naturels sont reprises à P. Bertran et A. Lenoble (2002).
40
A. LENOBLE, S. AGSOUS : ÉTUDE GEOARCHEOLOGIQUE DE LA COUCHE 2
et al., 1997). Cette particularité rend compte non seulement des fabriques obtenues dans les zones de front, mais également aux interfaces entre coulées. En effet, les lits caillouteux formant ces interfaces ont été nourris plus par l’enfouissement du lobe lors de la progression de la coulée que par le recouvrement du pavage sous-jacent. L'orientation préférentielle des pièces contenues dans ces lits caillouteux est en conséquence médiocre, à l'image des orientations mesurées dans les fronts.
vestiges la signature de la redistribution dont témoignent les indices de redistribution (figure de tri et accumulation en pied de talus). Les raccords et remontages ont été recherchés au sein et entre les différentes nappes de vestiges pour l’ensemble des pièces recueillies au cours des quatre années de fouille. Cent onze raccords ou remontages ont été réalisés, qui mettent en jeu un total de 313 pièces. L’information qu’apportent ces liaisons est double. Tout d’abord le taux de remontage est important pour une industrie recueillie en abri-sous-roche : plus de 10 % des silex taillés peuvent être raccordés ou remontés. Ensuite, les pièces enfouies sur le talus par les différentes coulées ne se raccordent pas d’une unité archéologique à l’autre (fig. 10). En ce sens, les raccords réalisés ne permettent pas de retenir l’hypothèse que la stratification des nappes de vestiges n’ait qu’une origine naturelle, c’est-à-dire une pseudo-stratification générée par la progression des coulées de solifluxion depuis une unique nappe de vestiges abandonnés par les hommes préhistoriques. Au contraire, cette distribution des raccords s’accorde avec l’hypothèse d’une succession d’occupations à l’origine des différentes unités archéologiques composant la couche 2.
3.4
Discussion
Les différentes données retenues pour caractériser l’impact des agents naturels ne convergent ni pour montrer l’absence de modifications naturelles ni, à l’inverse, pour attester d’une perte complète d’information archéologique. La préservation du niveau archéologique 2 est donc celle d’un état intermédiaire entre ces deux pôles. Les dégradations avérées sont le fait d’une redistribution des vestiges sur le talus. L’orientation préférentielle des pièces allongées est, de ce point de vue, un bon critère pour apprécier l’occurrence de déplacements, dans la mesure où l’acquisition d’une telle orientation est rapide. Les expérimentations menées en milieu actif indiquent, en effet, qu’une progression des lobes pendant une à quelques décennies est suffisante pour que les pièces disposées au dos des coulées acquièrent une orientation préférentielle (Lenoble et al., 2009). La fabrique des pièces enfouies par la coulée supérieure présente ainsi une orientation conforme à la plus grande pente, qui témoigne de la remobilisation des vestiges lors de la progression des coulées. Les objets contenus dans les coulées sous-jacentes ne présentent pas cette orientation préférentielle et il y a plusieurs raisons à cela. L’hypothèse que les pièces archéologiques contenues dans ces coulées aient seulement été enfouies et non pas déplacées, ne peut être retenue. La figure de tri et les nombreuses imbrications observées à la fouille témoignent en effet d’un déplacement des vestiges dans ces niveaux également. Cette absence d’orientation appelle une autre explication, qui est la médiocre orientation des pièces dans les fronts de coulées (Bertran
Figure 17. Interprétation des redistributions de pièces archéologiques accompagnant la progression des coulées. a, b, c et d sont quatre stades de progression de la coulée enfouissant les vestiges d’une occupation préhistorique. Les redistributions conjuguent le déplacement par cryoreptation individuelle des pièces et le déplacement en masse des coulées.
Au final, il résulte de ces remobilisations de pièces une concentration des objets archéologiques dans la zone d’immobilisation des fronts, ce qui ressort bien des plans de distribution établis. À l’inverse, les remontages réalisés attestent d’une information stratigraphique préservée, à savoir que les ensembles distingués sur le talus peuvent être reconnus comme autant de périodes d’occupation de l’abri par les hommes préhistoriques. Les choses sont plus complexes dans le fond de l’abri où la cryoturbation a retouché l’organisation originelle des vestiges, ce dont témoigne la forte isotropie de la fabrique des pièces. Dans ce secteur, l’absence de niveau stérile entre les unités archéologiques, la déformation de la disposition primaire des sédiments par cryoturbation et l’homogénéité de texture des dépôts rendent beaucoup plus difficile la distinction des différentes nappes de vestiges. Enfin, les proportions de vestiges selon leur taille ne font
41
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ETUDES 2005-2009
pas apparaître de tri significatif. Les déplacements de pièces ne se sont donc pas accompagnés d’un réagencement des objets selon leur taille, et les séries recueillies à la fouille sont à considérer comme non biaisées. De ce point de vue, la fraction archéologique se distingue de la fraction naturelle dont le tri est à l’origine de la stratification des dépôts. On impute cette différence au temps d’exposition moindre des pièces archéo-logiques : les objets ont été abandonnés alors que les lobes étaient déjà formés et enfouis peu de temps à la suite. Eu égard aux vitesses de progression des coulées documentées à l’actuel (cf. supra), on peut estimer que ce temps d’exposition est de l’ordre du siècle.
l’accumulation de pièces dans les fronts de lobes. L’absence de pseudo-stratification est à mettre au compte de la mobilité des pièces sur les coulées, d’une part, et à la faible étendue du talus, quelques mètres, d’autre part. En effet, cette extension limitée rend peu probable le déplacement synchrone de plusieurs lobes. Cette caractéristique autorise l’enfouissement des vestiges d'une même occupation sous une même coulée et, par voie de conséquence, dans une même strate. À l’issue de ces quatre années de fouille, un point reste à établir. Les conclusions obtenues s’appliquent au témoin nord du niveau archéologique 2 où la fouille a été menée. Question se pose de pouvoir étendre ces résultats à l’ensemble de la couche 2. Cela ne concerne pas la nature des processus, qui reste la même d’un bout à l’autre du gisement, comme l’atteste l’identité de faciès sédimentaires documentés par les différents témoins laissés par H. L. Movius. En revanche, la prise en compte des archives de fouille devrait permettre de discuter l’étendue des différentes zones distinguées (talus versus fond d’abri), d’une part, et l’intensité des modifications en relation avec les variations topographiques, d’autre part.
Nous proposons un schéma qui rend compte de l’ensemble de ces remarques (fig. 17). La redistribution des pièces résulte de la progression de la coulée et d’un déplacement individuel par reptation. Cette action conjuguée caractérise en effet les transformations par solifluxion à front pierreux où l’absence de végétation favorise la mobilité individuelle des pièces sur les pavages (Lenoble et al., 2009). Une pseudo-stratification peut marquer un stade transitoire de déplacement de la coulée mais, au final, la modification qui prime est
42
4
Chapitre
Datations
Dominique HENRY‐GAMBIER Roland NESPOULET Laurent CHIOTTI Dorothée DRUCKER Arnaud LENOBLE
43
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ETUDES 2005-2009
couplées à des analyses isotopiques réalisées au Laboratoire d’Archéologie de l’Université de Tübingen en Allemagne (Drucker et al., étude en cours). Nous livrons ici les premiers résultats obtenus.
4.1 Les dates de la couche 2 : résultats 1960‐ 1987 Onze datations ont été effectuées sur le matériel recueilli par H. L. Movius dans la couche 2 (tabl. 11 ; fig. 20). Les plus récentes (ca 19500 BP) furent rejetées (Movius, 1960 ; 1963b ; 1972 ; 1977) parce qu’elles ne correspondaient pas aux résultats attendus, la présence de contaminants organiques non éliminés lors des traitements en laboratoire expliquant, selon les auteurs, le rajeunissement constaté (Mellars, Bricker, 1986 ; Gowlett et al., 1987 ; Mellars et al., 1987 ; Bricker, Mellars, 1987). La date GrN-1862 : 21940 ± 250 BP constituait pour Movius la meilleure évaluation de l’ancienneté du niveau 2 (Movius, 1960 ; 1963b ; 1972 ; 1977), d’autant qu’elle apparaissait très proche de l’unique date du niveau Protomagdalénien de Laugerie-Haute Est, soit GrN-1876 : 21980 ± 250 BP (tabl. 15). La date en SMA, OxA-162 : 22000 ± 600 BP (Mellars, Bricker, 1986 ; Mellars et al., 1987), confirma cette évaluation. Finalement, une ancienneté d’environ 22000 ans BP sera retenue (Bricker, 1995), la date calibrée OxA-162 plaçant alors le niveau 2 de l’abri Pataud dans l’intervalle 28000 24900 cal. BP (tabl. 11), celle de la couche 36 de Laugerie-Haute Est, GrN-1876, se plaçant entre 27500 27200 cal. BP.
4.2.1 Datation des vestiges humains Les os humains de la collection Movius ayant subi des traitements post-fouille (restaurations à la cire, application de vernis et de consolidant) ne se prêtaient pas à un échantillonnage pour datation. Un fragment de vertèbre thoracique (AP/89-2-288), non consolidé (fig. 18), provenant des déblais de la fouille clandestine (F/GVIII) a donc été sélectionné. Cette vertèbre, préalablement photographiée et décrite, appartient à l’individu adulte P1 dont une partie des os avait été mise au jour dans la Trench VII en 1963 (Henry-Gambier et al., ce vol.). L’échantillon a été scindé en deux : un premier fragment étant destiné à l’extraction du collagène pour les analyses isotopiques et un second à la datation au laboratoire de Groningen. La date obtenue GrA-37873 : 18040 ± 80 BP, est trop jeune au regard du contexte archéologique et des dates connues pour les trois autres sites du Gravettien final (tabl. 11, 12 et 15). Aucune explication n’a été proposée par le laboratoire de Groningen concernant un éventuel rajeunissement, excepté le fait que la quantité de carbone du collagène n’était pas optimale (18 %). Pour mémoire, le collagène d’un os frais non contaminé présente des quantités moyennes de carbone et d’azote de 42 à 44 % et 14 à 16 % respectivement (Ambrose, 1990).
4.2 De nouvelles datations Compte tenu de l’évolution des méthodes de datation et de la problématique scientifique développée dans le cadre des fouilles programmées du niveau 2, de nouvelles datations 14C en SMA sur le matériel recueilli de 1958 à 1963 ainsi que sur celui des fouilles récentes ont été réalisées à Groningen aux Pays-Bas. Elles ont été
Devant ce résultat, une canine humaine permanente inférieure gauche (AP/89-2-70), découverte dans les déblais de la fouille clandestine a été sélectionnée pour
Référence du laboratoire
Date BP
Sigma
os brûlé, fraction de résidu
GrN-1885
19300
170
22462
23508
Vogel, Waterbolk, 1963
os non brûlé, extrait de collagène
GrN-3255
19650
300
22570
24227
Vogel, Waterbolk, 1967
os non brûlé, extrait de collagène
GrN-2123
19780
170
23112
24208
Vogel, Waterbolk, 1963
os non brûlé, extrait de collagène
GrN-2115
20340
200
23786
24883
Vogel, Waterbolk, 1963
os non brûlé, fraction de résidu
GrN-2081
20540
140
24106
24988
Vogel, Waterbolk, 1963
os brûlé, extrait ou fraction d'os
GrN-1861
20780
170
24315
25224
Vogel, Waterbolk, 1963
os non brûlé, extrait de collagène
GrN-4230
20810
170
24342
25295
Vogel, Waterbolk, 1967
os brûlé
GrN-1857
20960
220
24419
25690
Type d’échantillon
CAL BP 2 CAL BP 2 sigmas sigmas
os non brûlé, extrait de collagène
GrN-4231
21380
340
24578
26366
os non brûlé, fraction de résidu
GrN-1862
21940
250
27257
27523
os non brûlé, acides aminés (SMA)
OxA-162
22000
600
24915
28009
14
Références bibliographiques
Vogel, Waterbolk, 1963 Vogel, Waterbolk, 1967 ; Movius, 1977 Vogel, Waterbolk, 1963 ; Movius, 1977 Mellars, Bricker, 1986 ; Gowlett et al., 1987 ; Mellars et al., 1987 ; Bricker, Mellars, 1987
Tableau 11. Récapitulatif des dates C de la couche 2 (d’après Bricker, 1995). Dates non calibrées et calibrées (Calibration Intcal09.14c, Reimer et al., 2009, CALIB 6.01).
44
D. HENRY-GAMBIER, R NESPOULET, L. CHIOTTI, D. DRUCKER, A. LENOBLE : DATATIONS
Numéro d’échantillon
Zone
Référence du laboratoire
Date BP
Sigma
%C
CAL BP 2 sigmas
CAL BP 2 sigmas
AP/89-2-288
GVIII
GrA-37873
18040
80
18,0
21238
21939
14
Tableau 12. Date C en SMA de la vertèbre humaine AP/89-2-288 (Calibration - Intcal09.14c, Reimer et al., 2009, CALIB 6.01).
N° Labo
N° d’échantillon
Espèce
Os
Localisation
%N
%C
Conservation collagène
PAT 4
AP/58-B64-2
Rangifer tarandus métacarpe G
Near human humerus [AP/58-2-37805(n°1)], donc Trench II ou III
2
8,3
XX
PAT 5
AP/58-B64-1
Rangifer tarandus tibia
Near human humerus [AP/58-2-37805(n°1)], donc Trench II ou III
1,4
7
X
PAT 6
AP/58-B64-3
Rangifer tarandus radius/métacarpe
Near human humerus [AP/58-2-37805(n°1)], donc Trench II ou III
1
5,9
X
PAT 7
AP/58-B59-5
Rangifer tarandus métacarpe G
Immediate vicinity of skull donc Trench V-VI
2,2
8,7
XX
PAT 18
AP/06-2-V76A-126
Boviné
U.A. D
0,7
4,3
fémur G
Tableau 13. Résultats des analyses élémentaires en azote et carbone des cinq os sélectionnés pour datation et analyse des isotopes stables.
Figure 19. Canine permanente inférieure gauche AP/89-2-70 dont la racine a été prélevée pour datation, avant et après prélèvement (clichés L. Chiotti).
Figure 18. Fragment de vertèbre AP/89-2-288 de l’individu P1, provenant des déblais abandonnés par les fouilleurs clandestins dans la zone F/GVIII (cliché R. Nespoulet).
collagène, nous n’avons pour l’instant pas tenté d’autres datations sur os humain. En revanche, nous avons sélectionné parmi les vestiges de faune découverts entre 1958 et 1963 des os trouvés dans le voisinage immédiat des vestiges humains. Leur localisation était mentionnée sur les étiquettes des sacs de faune sous la forme : « near skull », « immediate vicinity of skull », ou encore « near human humerus ». Trente échantillons osseux issus des fouilles Movius, ainsi que des os de Bovinés de la fouille 2005-2008 ont été sélectionnés pour tester la richesse en collagène avant
une nouvelle tentative de datation (fig. 19). La racine de cette dent appartenant à l’individu P1 (Henry-Gambier et al., ce vol.) a été prélevée. Les analyses réalisées par D. Drucker ont révélé que le collagène n’était pas préservé, interdisant toute datation. 4.2.2 Datation sur os de faune Dans un souci de préservation des vestiges humains, et face à ces résultats peu encourageants sur la présence de
45
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ETUDES 2005-2009
N° Labo
PAT 4 PAT 5 PAT 7 PAT 18
N° d’échantillon AP/58-B64-2 (near human humerus) AP/58-B64-1 (near human humerus) AP/58-B59-5 (Immediate vicinity of skull) AP/06-2-V76A126
Zone
Subdivision (Lens / U.A.)
Z (cm)
Référence du laboratoire
Date BP
sigma
C/N Atomique
%N
%C
CAL BP 2 sigmas
CAL BP 2 sigmas
FII/III
Eboulis Zone a
177
GrA-45013
21800
90
3,3
16,2
45,7
25845
26692
FII/III
Eboulis Zone a
177
GrA-45133
21910
90
3,3
16,3
45,9
25951
26760
FV/VI
Eboulis Zone a
231
GrA-45132
22360
90
3,4
15,5
44,7
26293
27689
FVIII
U.A. D
259
GrA-45016
22470
90
3,5
13,3
40,4
26694
27737
14
Tableau 14. Datations C en SMA de quatre échantillons d’os de faune situés à proximité des vestiges humains (Calibration Intcal09.14c, Reimer et al., 2009, CALIB 6.01).
niveau 2.
datation selon la méthode développée par H. Bocherens et al. (2005). Les résultats qui seront présentés en détail ultérieurement (Drucker et al., étude en cours) montrent que la préservation du collagène est très variable, ce que laissaient déjà supposer les séries de datations anciennes et les tentatives faites sur les vestiges humains. Afin de sélectionner les ossements les plus favorables à l’obtention d’un collagène bien conservé, trois échantillons provenant des zones nord (Trenches V/VI) et sud (Trenches II/III) ont été sélectionnés pour datation car ils contenaient au moins 1 % d’azote.
1) Les trois dates obtenues sur des échantillons de faune provenant des fouilles de H. L. Movius et du sommet de la couche 2 sont cohérentes. Les deux premières (GrA45013 et GrA-45133) qui correspondent à la zone sud se situent dans l’intervalle 26760-25845 cal. BP. La troisième (GrA-45132) qui correspond à la zone nord, se place dans l’intervalle 27689-26293 cal. BP. Cet intervalle recouvre en partie celui calculé pour les deux premiers échantillons. 2) La quatrième date (GrA-45016) sur un échantillon de faune issu des fouilles récentes (U.A. D) se place dans l’intervalle 27737-26694 cal. BP. Elle se superpose à l’autre date de la zone nord (GrA-45132).
Un quatrième échantillon, AP/06-2-V76A-126, extrait du matériel de la fouille récente et proche de la concentration nord de vestiges humains, a été soumis pour datation en dépit du faible pourcentage en azote de moins de 1 % (pour mémoire, un os frais contient environ 4 % d’azote). Ces quatre échantillons proviennent tous du sommet du niveau 2. Dans tous les cas, la composition chimique du collagène a été examinée afin de vérifier la fiabilité des datations obtenues. En effet, la proportion de carbone et d’azote (Ccoll et Ncoll) est quasi constante d’une espèce à l’autre. En premier lieu, le rapport atomique C/Ncoll doit être compris entre 2,9 et 3,6 pour garantir la fiabilité géochimique du collagène (DeNiro, 1985). Les quantités de carbone et d’azote sont elles-mêmes indicatrices de la conservation qualitative du collagène. Des teneurs de Ccoll et Ncoll inférieures à 8% et 3% respectivement indiquent une altération chimique du collagène (Ambrose, 1990). Ces critères basés sur les proportions de carbone et d’azote du collagène permettent une estimation objective de la fiabilité des résultats de datation 14C. Tous les collagènes datés présentent des caractéristiques chimiques dans la gamme de celles de collagènes d’os frais. Ils répondent donc aux critères de fiabilité des analyses isotopiques, notamment de 14C pour datation.
3) Ces quatre dates placent le sommet du niveau 2 de l’abri Pataud dans l’intervalle 27800-25900 cal. BP. Rappelons que les dates obtenues pour les trois autres gisements du Gravettien final se situent dans l’intervalle 28119-24400 cal. BP (tabl. 15). 4) La date 14C (GrA-37873 : 18040 ± 80 BP ; 2193921238 cal. BP), obtenue sur le fragment de vertèbre humaine de la zone nord, pose la question de la contemporanéité des vestiges humains et de l’occupation du Gravettien final qui se situe selon les nouvelles datations entre 27800 et 25900 cal. BP. Elle suggère que ces vestiges humains pourraient être intrusifs dans le niveau 2. Outre, la mauvaise préservation du collagène, plusieurs éléments permettent de réfuter définitivement cette hypothèse et de mettre en cause la fiabilité de cette datation. La datation est en dehors de l’intervalle calculé pour la seule date (Gowlett et al., 1987) du niveau solutréen (couche 1) de l’abri Pataud (OxA-373 : 25607-23278 cal. BP). Elle est également en dehors de l’intervalle calculé pour les sites solutréens de Laugerie-Haute, de CombeSaunière en Dordogne, du Placard en Charente, des Peyrugues et du Cuzoul dans le Lot (Dujardin, Tymula, 2005 ; Renard, 2010). Elle s’inscrit dans une fourchette compatible avec la culture Badegoulienne qui se développe entre 24000 cal. BP et 18000 cal. BP sur les sites des
4.2.3 Discussion Les résultats (tabl. 14) appellent plusieurs remarques. Les trois premières concernent l’ancienneté du niveau 2 et la quatrième la contemporanéité des vestiges humains et du
46
D. HENRY-GAMBIER, R NESPOULET, L. CHIOTTI, D. DRUCKER, A. LENOBLE : DATATIONS
Site LaugerieHaute Est
Couche
Type de date 14C
36
classique
Le Blot
JM
classique
Le Blot
Type d’échantillon
Référence du laboratoire
Date BP
Sigma
CAL BP 2 sigmas
CAL BP 2 sigmas
os brûlé
GrN-1876
21980
250
25638
27566
Vogel, Waterbolk, 1963
Ly-564
21700
1200
23002
28894
Evin et al., 1973 .
Ly-565
21500
700
24105
27772
Evin et al., 1973 .
sédiment charbonneux sédiment charbonneux
Références bibliographiques
GJ
classique
Le Blot
Phase 2
SMA
Ly-1647
20810
140
24400
25176
Surmely, Hays, 2011 Surmely, Hays, 2011
Le Blot
Phase 2 >
Surmely, Hays, 2011
SMA
Ly-1646
22190
220
26058
27639
Le Blot
SMA
Ly-1644
21510
220
25004
26531
Surmely, Hays, 2011
Le Blot
Phase 3
SMA
Ly-1643
21330
210
24948
26104
Surmely, Hays, 2011
Le Blot
Phase 3
SMA
Ly-1645
22030
230
25839
27533
Surmely, Hays, 2011
18
SMA
os
GifA-92169
22400
280
26184
27851
Allard, 2009
Les Peyrugues Les Peyrugues
18
SMA
charbon
GifA-92224
22750
250
26694
28119
Allard, 2009
Les Peyrugues
18
SMA
humus
GifA-962304
24590
700
28014
30747
Allard, 2009
14
Tableau 15. Datations C des sites du Gravettien final de Laugerie-Haute Est, du Blot et des Peyrugues (Calibration - Intcal09.14c ,Reimer et al., 2009, CALIB 6.01).
effondrements de la voûte qui viennent sceller les dépôts. En outre, le lien qu’établit la répartition de l’enfant P6 entre les deux concentrations ainsi que les caractéristiques taphonomiques des os humains de la zone sud permettent de rattacher les deux concentrations à un même ensemble (Henry-Gambier et al., ce vol.). Dernier point, la cohérence des trois nouvelles dates (tabl. 14) obtenues sur des os de faune situés à proximité immédiate de vestiges humains cotés des zones nord et sud (GrA-45132, GrA-45013 et GrA-45133) plaide également en faveur d’une appartenance à un même ensemble.
Peyrugues et du Placard par exemple (Allard, 2009 ; Dujardin, Tymula, 2005). Or, d’une part aucun vestige de cette culture n’est connu à l’abri Pataud. Quelques objets provenant du sommet du remplissage (couche 1) au nord de l’abri indiquent clairement que les Solutréens en sont les derniers occupants paléolithiques (Movius, 1977 ; Bricker, 1995 ; Nespoulet, 1993). D’ailleurs, ils n’occupent sans doute le site que de manière très brève, si l’on se base sur le peu de vestiges rapportables à cette culture. La quasi-totalité de l’abri est alors comblée et inhabitable en raison de l’effondrement de la voûte survenu après l’occupation du Gravettien final (Clay, 1995). D’autre part, toutes les informations (archives de fouille, publications) indiquent que les vestiges humains de la concentration nord, les plus hauts altimétriquement, se trouvaient à la base de l’Eboulis 1/2 qui sépare le niveau 2 du niveau 1 et dont le sommet est stérile (Movius, 1977 : fig. 7). L’hypothèse que l’âge de cette vertèbre implique le creusement d’une fosse sépulcrale badegoulienne est en contradiction avec les caractéristiques sédimentologiques du dépôt et le colmatage définitif de l’abri par un effondrement de la voûte, après le passage des Solutréens. Enfin, un lot de plusieurs dizaines de perles ocrées en ivoire était étroitement associé aux vestiges humains de la concentration nord (Movius, 1977 ; Chiotti et al., 2009). Ces perles que l’on trouve aussi au Blot (Chauvière, Fontana, 2005) et aux Peyrugues (Allard et al., 1997) sont en France spécifiques du Gravettien final. Ces faits archéologiques constituent des indices forts en faveur d’une attribution des vestiges humains de la concentration nord au Gravettien final. Pour les os de la concentration sud, nous avons signalé des incertitudes sur leur position stratigraphique à l’intérieur du niveau 2 (Henry-Gambier et al., ce vol.). Mais, là aussi, ils ne peuvent être postérieurs à l’Eboulis 1/2 du fait des
Il en découle que la date de 18040 ± 80 BP (GrA-37873) pour les vestiges humains ne peut correspondre qu’à un terminus ante quem comme le laissait prévoir la quantité trop faible (18 %) de carbone du collagène.
4.3 Paléoenvironnements contemporains des occupations préhistoriques Le niveau archéologique 2 est contenu dans l’unité lithostratigraphique III du gisement (Agsous, 2008). Cette dernière unité associe plusieurs lithofaciès. Dans la partie supérieure de l’unité contenant les vestiges préhistoriques, les caractéristiques de la stratification (alternance de lits caillouteux et matriciels, granoclassements normaux, inverses ou doubles, dérive granulométrique longitudinale) permettent de reconnaître des dépôts de solifluxion à front caillouteux. Ces éboulis stratifiés surmontent des sédiments à stratification rudimentaire constituant la base de l’unité lithostratigraphique III, ces derniers étant interprétés comme des dépôts de solifluxion sous pelouse (Agsous, 2008). Cette dynamique sédimentaire exprime un contrôle environnemental qui, en relation avec les datations radiocar-
4. Selon M. Allard (2009), cette date (GifA-96230), sur humus serait moins fiable en raison de la nature même de l’échantillon.
47
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ETUDES 2005-2009
14
Figure 20. Comparaison entre les anciennes et nouvelles dates C du niveau 2 de l’abri Pataud et l’événement de Heinrich 2 (Calibration - Intcal 9, Reimer et al., 2009, CALIB 6.01).
48
D. HENRY-GAMBIER, R NESPOULET, L. CHIOTTI, D. DRUCKER, A. LENOBLE : DATATIONS
bones, permet de placer l’édification de la base de l’unité au cours de l’interstadiaire 3 et les éboulis bien stratifiés contenant le niveau archéologique 2, en relation avec le stadiaire 3 du dernier cycle glaciaire tel que ce dernier est connu dans les enregistrements de glaces groenlandaises. Cette position place donc le niveau archéologique en partie initiale du dernier maximum glaciaire sensu Svensonn et al. (2006).
récemment proposées pour l’événement de Heinrich 2. La figure 20 qui présente ces confrontations appelle plusieurs commentaires : 1) Les datations réalisées anciennement s’accordent avec l’hypothèse d’une contemporanéité entre l’événement de Heinrich 2 et l’occupation du Gravettien final du site. Seule la date produite par Oxford (OxA-162) est un peu plus vieille. Mais son écart type important conduit à la créditer de peu de fiabilité.
Cette période, qui se caractérise par une extension maximale des inlandsis, n’est cependant pas constante du point de vue climatique. On connaît ainsi un épisode de débâcle des calottes glaciaires ayant provoqué un refroidissement des eaux océaniques de surface et une interruption de la circulation marine profonde ayant eu pour conséquence un refroidissement sévère des conditions climatiques en Europe occidentale (événement de Heinrich 2). On sait régionalement que cet événement a provoqué une phase d’extension du pergélisol et qu’il représente l’un des moments les plus rigoureux auxquels aient été confronté les hommes préhistoriques (Température moyenne annuelle estimée entre -1 et -5°C à la latitude de Bordeaux ; Lenoble et al. 20105). Auteur Naughton et al., 2009 Sanchez-Goni, Harrison, 2010
2) Parmi les dates réalisées récemment, une date est réellement « hors-jeu ». Il s’agit de la datation d’un élément de squelette humain des fouilles anciennes (GrA37873). Les raisons pour lesquelles cette date est incohérente sont explicitées ci-avant. Il faut donc voir dans cette date un outlier lié à des problèmes de fiabilité de l’échantillon (cf. supra). 3) Les dates réalisées récemment (en rose sur le graphique) sont globalement plus anciennes que les premières dates réalisées sur le site. On voit dans cette évolution le reflet des progrès réalisés dans la préparation des échantillons par les laboratoires de datation. Cette interprétation fait d’autant plus sens que les vestiges datés sont issus de la partie supérieure de la couche 2 (tabl. 14). La lecture géoarchéologique du site conclut à la possibilité d’appliquer le principe de superposition aux différents niveaux composant la couche 2, (cf. supra, § 3.4). Aussi, la datation de nouveaux échantillons issus de la couche 2 est susceptible de donner des dates comparables ou plus anciennes, mais non pas plus jeunes. Le décalage observé entre les différentes générations de dates ne peut donc pas être imputé à un effet d’échantillonnage. En effet, les trois dates GrA-45013, GrA-45133 et GrA-45132 proviennent d'échantillons qui, du fait de leur association certaine avec des vestiges humains dont nous connaissons la position altimétrique et du fait de leur position stratigraphique au sein des subdivisions de H. L. Movius (cf. infra, § 10.3), se placent dans la partie supérieure de la couche 2 (Eboulis a de H. L. Movius). De même l'échantillon GrA-45016 provient de l'U.A. D, l'une des premières rencontrées lors de nos propres fouilles.
Age proposé 14
C
calibré
20,46 – 22,13 kyr
24,53 – 25,97 kyr
20,4 – 22,1 kyr
24,3 – 26,5 kyr
Tableau 16. Datations récentes de l’événement de Heinrich 2.
Du point de vue archéologique, cette période, qui se situe entre 24000 et 260006 ans avant l’actuel (tabl. 16), peut être mise en relation avec la fin de la culture gravettienne. C’est ce qui ressort des dates faites jusqu’ici à l’abri Pataud. Cette hypothèse, si elle s’avère exacte, a plusieurs implications sur le mode de vie des occupants de la couche 2. Un tel environnement est par exemple peu compatible avec une occupation permanente du territoire. Outre l’obtention de résultats récents montrant la rigueur de l’expression régionale de cet événement, plusieurs données récentes permettent de réévaluer cette hypothèse. Ce sont : 1) la publication d’une nouvelle courbe de calibration des dates 14C conduisant à une mise en parallèle plus précise entre événements climatiques et cultures préhistoriques (Reimer et al., 2009) et, 2) la possibilité d’obtention de dates 14C par la technique de l’ultracentrifugation ou l’ultrapurification conduisant à minimiser les possibilités d’une contamination du matériau daté par des éléments plus jeunes. Pour évaluer cette hypothèse, nous avons ainsi confronté les datations anciennes du niveau gravettien final de l’abri Pataud (Movius, 1977 ; Bricker, Mellars, 1987 ; Bricker, 1995) aux datations réalisées dans le cadre de la reprise de fouille et comparé l’ensemble aux datations
4) Ces nouvelles dates s’accordent difficilement avec l’hypothèse d’une contemporanéité avec l’événement de Heinrich 2. Les deux datations reportées de l’événement de Heinrich 2 font apparaître les incertitudes dans l’âge exact de cet événement (fig. 20). Toutefois et malgré ces incertitudes, seules les plus récentes des quatre nouvelles dates s’accordent avec l’hypothèse d’une contemporanéité avec cet événement climatique exceptionnel, et encore, pour partie seulement. Dans la mesure où les derniers éléments concernant l’impact régional font apparaître un événement bref d’une durée de l’ordre du
5. Communication lors de la 23ème Réunion des Sciences de la Terre, Bordeaux : LENOBLE A., BERTRAN P., MERCIER N., SITZIA L., TEXIER J.-P. 2010 – Extension et chronologie des incursions du Pergélisol dans le Sud-Ouest de la France au Pléistocène supérieur, état de la question. 6. Il s’agit ici d’âges calendaires qui doivent être comparés aux dates 14C calibrées et non pas brutes.
49
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ETUDES 2005-2009
millénaire (Lenoble et al., 20105), on est conduit à privilégier la datation de l’événement proposée par Naughton et al. (2009) et, ainsi, l’interprétation selon laquelle les occupations du Gravettien final de l’abri Pataud précèdent de peu cet événement climatique.
paléoenvironnementales documentées par les enregistrements marins ou glaciaires. Dans le même temps, cette réflexion fait apparaître la possibilité de distinguer par les datations les différents horizons composant le niveau archéologique, les différentes occupations et, par là même, d’approcher une estimation de la durée de fréquentation du gisement. Il apparaît toutefois que la mise à l’épreuve de cette hypothèse implique la mise en œuvre d’une stratégie de sélection des échantillons qui tienne compte autant de la position des prélèvements dans la stratigraphie interne à la couche 2 que de leur positionnement spatial.
5) Les quatre dates les plus anciennes ne se recouvrent que très partiellement. La probabilité qu’elles reflètent toutes une même occupation du gisement est donc faible. L’hypothèse alternative est que ces datations correspondent à deux occupations distinctes dont l’une prendrait part dans l’intervalle 26500-26000 cal. BP et l’autre dans l’intervalle 27500-26500 cal. BP. Cette hypothèse a contre elle la localisation semblable des pièces au sein du niveau archéologique, à savoir en partie supérieure de la nappe de vestiges (tabl. 14). Cette position similaire des vestiges plaide en faveur d’une même occupation. Mais il faut aussi relever que parmi les quatre nouvelles dates obtenues, les deux plus récentes l’ont été à partir de vestiges issus du secteur sud du site (GrA-45013 et GrA-45133) tandis que les deux plus anciennes correspondent à des ossements recueillis dans le secteur nord (GrA-45132 et GrA-45016 ; tabl. 14). Cette corrélation entre l’âge obtenu et la situation spatiale des pièces datées, même si elle n’est obtenue que sur la base d’un effectif limité, pose la question d’une dérive chronologique latérale au sein d’une même nappe de vestiges. Selon cette hypothèse, au sein même de la nappe de vestiges supérieure de la couche 2 correspondant à la période la plus récente d’occupation de l’abri, la partie sud du gisement aurait pu être occupée alors même que la partie nord ne l’était plus.
C’est pourquoi il nous semble particulièrement important, à l’avenir, de définir une stratégie de datation qui permette de vérifier les inférences qui ressortent de cette première approche.
4.4 Conclusion Les nouvelles datations obtenues sur le matériel des fouilles de H. L. Movius permettent de situer le niveau 2 dans un intervalle de 28000-26000 cal. BP cohérent avec la chronologie des autres sites du Gravettien final. La date GrA-37873 sur vertèbre humaine ne peut être retenue. Elle permet seulement d’entériner l’appartenance de ce fossile à une période chronologique antérieure au dernier maximum glaciaire. Toutefois, la confrontation des données archéologiques et stratigraphiques permet d’attribuer l’ensemble des vestiges humains au Gravettien final et très probablement à la dernière phase d’occupation du site. Il est prévu de poursuivre les datations du niveau 2 à partir d’échantillons prélevés au nord dans les différentes subdivisions du niveau mises en évidence lors des fouilles 2005-2008 et de réaliser des datations dans le secteur sud à partir d’échantillons sélectionnés parmi les restes fauniques et humains recueillis par H. L. Movius.
Cette révision de la corrélation entre occupations préhistoriques et paléoclimats montre donc que l’occupation du Gravettien final prend place à l’aube du dernier Pléniglaciaire (LGM), qui n’est toutefois pas le moment le plus rigoureux auquel ont été confrontés les hommes préhistoriques. Les dernières datations obtenues apparaissent, de ce point de vue, plus précises et plus fiables que les dates réalisées antérieurement pour situer les occupations préhistoriques dans le cadre des variations
50
Chapitre
5
Étude archéobotanique.
Charbons et micro‐charbons
Laurent MARQUER
51
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ÉTUDES 2005-2009
Movius ont été déterminés. Quatre taxons ont pu être identifiés : Pinus sylvestris, Rhamnus alpina, Juniperus, et Salix (Théry-Parisot, 1998). Les fouilles de 2005-2008 du niveau 2, offrent l’opportunité d’étudier le matériel anthracologique selon des modalités d’échantillonnage conformes aux méthodes de la discipline (tamisage systématique des sédiments bruts, répartition spatiale homogène des prélèvements). Ces échantillons supplémentaires sont actuellement en cours d’analyse (Théry-Parisot, CEPAM, Université de Nice-Sophia Antipolis, étude en cours). La détermination taxinomique couplée à l’étude des signatures anatomiques permettra de caractériser l’environnement ligneux et de discuter de la gestion des combustibles. Les nouvelles données paléoenvironnementales seront confrontées aux informations déjà connues par l’anthracologie, la géoarchéologie, la sédimentologie et la palynologie (Bouchud, 1975 ; Donner, 1975 ; Farrand, 1975 ; 1995 ; Cho, 1998 ; Théry-Parisot, 1998 ; Agsous, 2008). Les tests palynologiques effectués sur l’ensemble du niveau 2 se sont révélés difficiles à interpréter. Les pollens fossiles sont en effet absents de ce niveau, seuls des « pollens actuels » dus à une récente contamination qui ne peut être datée ont été observés (Marquer, 2006).
5.1. Introduction 5.1.1 Données paléoenvironnementales à partir des charbons de bois Des foyers structurés ont été observés dans l’ensemble des niveaux d’occupations de l’abri Pataud à l’exception des niveaux 2 et 13 (Movius, 1977 ; Nespoulet, 1996 ; Chiotti, 2005). Les descriptions de ces foyers sont consultables à partir des carnets de fouille, de publications de H. L. Movius (1965a ; 1965b ; 1966) et d’une synthèse réalisée par L. Chiotti (2005). Les échantillonnages réalisés par H. L. Movius dans les années soixante ne répondent pas aux exigences d’une étude anthracologique rigoureuse, ce qui rend difficile l’évaluation de l’abondance réelle des éléments issus de la combustion au sein des niveaux archéologiques. En conséquence, les analyses anthracologiques effectuées n’ont pris en compte qu’une partie des charbons préservés dans les foyers et les niveaux archéologiques. Les principaux résultats révèlent une présence plus importante en charbons de bois dans les niveaux 2 et 7 (tabl. 17). Les autres niveaux ayant livré des charbons de bois (3, 3/4, 4, 5 et 8) ne contiennent jamais plus de 105 restes. Les plus anciens foyers (niveaux 11 à 14) sont caractérisés par d’importantes proportions d’ossements Niveau archéologique 1
Culture préhistorique Solutréen
Nombre de charbons de bois étudiés 0
2
Gravettien
259
3
Gravettien
86
Eboulis 3/4
Gravettien
59
4
Gravettien
73
5
Gravettien
100
6
Aurignacien
0
7
Aurignacien
426
8
Aurignacien
105
5.1.2 Approche taphonomique
Taxons végétaux identifiés
Les charbons de bois et les os brûlés correspondent à des vestiges issus de combustion au sein de structures ou zones de combustion : les « foyers ». Les foyers paléolithiques sont généralement observés sous la forme de concentrations de charbons de bois, d’ossements brûlés, de pierres brûlées et de sédiments cendreux. Cependant, dans le cas du niveau 2 de l’abri Pataud, aucune structure, ni aucune concentration de ce type témoignant d’activités de combustion in situ, n’ont été mises en évidence, que ce soit au cours des fouilles de H. L. Movius ou des fouilles 2005-2008. L’ensemble du niveau est caractérisé par un sédiment de couleur sombre, parfois cendreux, une abondance d’ossements brûlés et des charbons de bois dispersés (Bricker, 1995 ; Movius, 1975 ; 1977). Des niveaux archéologiques caractérisés par une abondance de ce type de résidus, en l’absence de structure de combustion, sont fréquemment observés au sein de divers contextes préhistoriques (Théry-Parisot, 1998 ; Goldberg, 2000 ; Goldberg et al., 2001 ; Karkanas et al., 2002 ; 2007 ; Albert et al., 2003 ; Balter, 2004 ; Sergant et al., 2006). L’absence des foyers peut être liée à une surface de fouille trop limitée ou à des processus taphonomiques (Marquer et al., 2010a). La représentativité de la surface fouillée peut être considérée comme un élément aléatoire. Cependant, à l’exception des niveaux archéologiques 13 et 2, tous les niveaux de l’abri Pataud contiennent un nombre important de structures de combustion. La surface fouillée dans le niveau 2 n’est pas plus restreinte que celles fouillées dans les autres niveaux archéologiques. En conséquence, l’absence de foyer dans ce niveau est vraisemblablement liée soit à des dépôts particuliers (Chiotti et al., 2009), soit à des processus taphonomiques.
/ Pinus sylvestris, Rhamnus alpina, Juniperus, Salix Pinus sylvestris, Juniperus, Rhamnus alpina Juniperus, Pinus sylvestris Juniperus, Pinus sylvestris Juniperus, Pinus sylvestris, Salix / Juniperus, Rhamnus alpina, Salix Juniperus, Rhamnus alpina, Salix
9
Aurignacien
0
/
10
Aurignacien
0
/
11
Aurignacien
0
/
12
Aurignacien
20
Pinus sylvestris, Betula, Salix
13
Aurignacien
0
/
14
Aurignacien
0
/
Tableau 17. Synthèse des études anthracologiques menées à partir du matériel issu des fouilles Movius (d’après Théry-Parisot, 1998).
brûlés et de très rares charbons de bois (Théry-Parisot, 2001 ; 2002 ; Marquer, 2009 ; Marquer et al., 2010b). Le détail par couche du décompte exhaustif de tous les charbons de bois issus des fouilles de H. L. Movius est présenté dans le tableau 17. Deux cent cinquante-neuf charbons de bois collectés au cours des fouilles de H. L.
52
L. MARQUER : ÉTUDE ARCHÉOBOTANIQUE. CHARBONS ET MICRO-CHARBONS
puis les charbons de bois et les ossements brûlés présents dans le tamis ont été triés et extraits. Une série de prélèvements de sédiment brut le long de la coupe sagittale a également été réalisée tous les 5 cm de l’avant vers le fond de l’abri. Un échantillon de sédiment brut correspond à un volume compris entre 100 et 200 cm3.
La dynamique sédimentaire et le contexte taphonomique du niveau 2 ont été appréhendés par l’étude géoarchéologique (Agsous et al., 2006 ; Nespoulet et al., 2008 ; Lenoble, Agsous, ce vol.). Afin de mieux évaluer la dispersion des résidus de combustion, les signaux charbons de bois et os brûlés ont été quantifiés au sein des diverses fractions sédimentaires, de l’échelle macroscopique (> 0,5 mm) à l’échelle microscopique (environ 20 µm). Ils permettent d’obtenir une répartition spatiale des vestiges végétaux et animaux brûlés et de tester le modèle interprétatif géoarchéologique.
5.2.2 Tamisage des sédiments bruts Les échantillons de sédiments bruts sont traités dans une colonne de tamisage à l’eau (fig. 21). Les mailles de tamisage utilisées sont 500 µm (limite inférieure d’identification des taxons végétaux) et 160 µm (limite supérieure de l’observation des microcharbons). Une solution d’hexametaphosphate de sodium (Na6O18P6) est utilisée afin de faciliter la séparation des fragments et particules des vestiges de combustion de la matrice sédimentaire.
5.2 Méthodologie L’approche méthodologique développée pour quantifier les éléments végétaux brûlés et les ossements brûlés, ayant été publiée précédemment (Marquer 2009 ; 2010 ; Marquer et al., 2010a ; 2010b ; 2011 ; 2012), seul un rappel des protocoles méthodologiques est proposé ici.
5.2.3 Observation, discrimination et quantification des fragments et des particules
5.2.1 Échantillonnage
La fraction macroscopique (> 500 µm) a été observée sous une loupe binoculaire (grossissement x20 et x40) alors que les fractions mésoscopiques (500-160 µm) et microscopiques (< 160 µm) sont respectivement observées au microscope à lumière réfléchie (grossissement x400 et x1000) et au microscope à lumière transmise (grossissement x400 et x1000). Dans le cas de la fraction microscopique, un protocole physico-chimique a été
Lors des fouilles du niveau 2 menées entre 2005 et 2008, une importante dispersion des résidus de combustion a été observée sur l’ensemble du niveau. Tous les charbons de bois et les ossements brûlés à l’échelle macroscopique ont été coordonnés lors de la fouille. Les sédiments résiduels issus de la fouille de chaque quart de mètre carré ont été tamisés avec une maille de tamis de 1 mm,
Figure 21. Synthèse du protocole d’analyse des vestiges de la combustion, éléments végétaux brûlés et ossements brûlés (Marquer et al., 2010a).
53
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ÉTUDES 2005-2009
utilisé afin d’extraire et de dissocier les particules végétales brûlées de la matrice sédimentaire (Marquer, 2009 ; Marquer et al., 2011). Dans cette fraction sédimentaire, les traitements chimiques employés peuvent être à l’origine de biais en ce qui concerne la quantification des particules d’ossements brûlés, en particulier, par l’intermédiaire de la digestion de ces micro-éléments par les acides utilisés. En conséquence seuls les microcharbons végétaux sont considérés dans la fraction microscopique.
surface ne l’est pas. Ces mesures offrent aussi l’opportunité de comparer les différentes fractions sédimentaires les unes par rapport aux autres avec une unité de mesure équivalente. Les quantifications ont donc été appliquées aux trois échelles sédimentaires : macroscopie, mésoscopie et microscopie. La méthode d’analyse d’image employée pour quantifier les microparticules végétales en paléoécologie a été développée et adaptée au contexte archéologique pour l’étude des structures de combustion (Marquer et al., 2008 ; 2010b ; Marquer, 2010). Nous avons utilisé ce protocole pour quantifier les vestiges issus de la combustion au sein du niveau 2 (sédiments bruts prélevés le long de la coupe sagittale est/ouest). Nous pouvons ainsi calculer, pour chaque échantillon, la surface moyenne des fragments et des particules (cm2, mm2, ou µm2, en fonction de la fraction sédimentaire analysée), et les concentrations (cm2.cm-3) pour chacune des fractions sédimentaires. Dans le cas des fragments macroscopiques coordonnés et triés au cours de la fouille du niveau 2, les quantifications des fragments de charbons de bois et d’os brûlés sont exprimées en nombre et en surface totale de macro-fragments par quart de carré fouillé.
Les principaux caractères discriminants des fragments et des particules d’éléments végétaux brûlés et d’ossements brûlés ont été définis précédemment (Marquer, 2009 ; 2010 ; Marquer et al., 2010b). On peut cependant rappeler que les paramètres pris en compte pour la discrimination des différents éléments sont colorimétriques, morphologiques et physiques (tabl. 18). Il est important de préciser que les éléments mésoscopiques et microscopiques sont produits au cours des différentes phases de la combustion, mais résultent aussi de processus de fragmentations secondaires des fragments macroscopiques. Le nombre de restes retrouvés en contexte archéologique représente un état de fragmentation final. Les charbons de bois n’échappent pas à cette règle ; cependant la représentativité paléoécologique des assemblages de charbon n’en est pas affectée (Chabal, 1992 ; 1997 ; Chabal et al., 1999). Dans le cadre de notre étude quantitative, afin de contourner cette difficulté, nous avons réalisé des quantifications sous la forme de concentration d’éléments végétaux et d’ossements brûlés par volume de sédiment traité (cm2.cm-3) (Marquer, 2010 ; Marquer et al., 2010b). Cette unité de mesure ne prend pas en compte la fragmentation, au contraire, elle l’ignore (Marquer, 2010). En effet, le nombre est dépendant de la fragmentation alors que le calcul de
5.3 Répartition spatiale des vestiges de la combustion du niveau 2 5.3.1 Les macrofragments de charbons de bois et d’ossements brûlés coordonnés au cours des fouilles 2005‐2008 et extraits des sédiments résiduels Présents sur l’ensemble de la surface fouillée, les charbons de bois et les ossements brûlés macroscopiques coordonnés sont néanmoins plus nombreux dans le fond de l’abri (sous-carrés U76A, U76B, V76A, V76B et V77D) (fig. 22). En revanche, si l’on prend en compte le
Principaux paramètres discriminants Éléments végétaux brûlés
Macrofragments (> 500 μm) Loupe binoculaire
Mesofragments (500-160 μm) Microscope à lumière réfléchie
Microparticules (< 160 μm) Microscope à lumière transmise
Éléments osseux brûlés
Fragments noirs avec une faible résistance mécanique. Les cellules végétales s'observent facilement.
Les fragments peuvent avoir une couleur allant du beige au blanc en passant par le noir. Ils ont une structure compacte ou spongieuse en fonction de la partie anatomique considérée.
Fragments noirs avec une faible résistance mécanique qui réfléchissent la lumière. Les cellules végétales sont toujours facilement observables.
Les fragments ont des couleurs variées selon les mêmes gradients que dans la fraction macroscopique. Ils ont une structure essentiellement compacte ce qui leur confère une haute résistance mécanique en comparaison avec les structures poreuses des éléments végétaux brûlés.
Particules noires et opaques de formes angulaires. Parfois, il est possible d'identifier des éléments cellulaires selon un des plans anatomiques du bois ou d'autres organes végétaux.
Particules de couleurs claires, sombres ou noires, mais jamais complètement opaques. Elles ont en général des formes équantes.
Tableau 18. Synthèse des principaux paramètres discriminants concernant les éléments végétaux et osseux brûlés au sein de chacune des fractions macroscopiques, mésoscopiques et microscopiques (d’après Marquer et al., 2010b; 2012).
54
L. MARQUER : ÉTUDE ARCHÉOBOTANIQUE. CHARBONS ET MICRO-CHARBONS
nombre et la surface totale des macro-fragments extraits des sédiments, il apparaît non seulement que les charbons de bois et les os brûlés ont des tailles très réduites, mais aussi qu’ils présentent une répartition spatiale différente. En effet, ces macro-fragments indiquent cette fois-ci une zone d’accumulation dans le secteur de la coupe sagittale (sous-carrés S75D, S75C, T75D et T75C) (fig. 23). Si l’on considère ces faits, les concentrations les plus abondantes en macro-fragments issus de la combustion sont alors observées plus à l’avant de l’abri, avec une augmentation progressive vers la partie médiane (souscarrés S75D, T75D et T75C). Conformément à ce qui est classiquement mis en évidence par l’anthracologie (Chabal, 1992, 1997, 1999), nous avons donc deux informations différentes apportées par les macrofragments coordonnés (information issue directement de la fouille), et par les macrofragments extraits des sédiments résiduels. Ces données révèlent également l’intérêt de tenir compte des fractions plus fines de sédiments lors de la spatialisation des données.
5.3.2 Les sédiments bruts prélevés le long de la coupe sagittale Les échantillons de sédiments bruts prélevés le long de la coupe sagittale permettent d’obtenir une résolution plus fine sur la répartition spatiale des vestiges de la combustion dans la partie avant de l’abri, par rapport aux dénombrements et surfaces des macrofragments (cf. supra). Ainsi, des fragments de charbons de bois, des particules végétales brûlées, et des fragments et microfragments d’ossements brûlés ont été enregistrés dans tous les échantillons et au sein des trois échelles sédimentaires (fig. 24). L’analyse des données a permis de définir trois zones, de l’avant vers l’arrière de l’abri : zone A (Q75C, R75D, R75C), zone B (S75D, S75C, T75D, T75C), et zone C (U75D, U75C). La zone A est caractérisée par de faibles concentrations de charbons au sein des trois fractions sédimentaires, ainsi que des tailles réduites des macrofragments de charbons par rapport à l’ensemble des échantillons
Figure 22. Répartition spatiale des macrofragments de charbons de bois et d’ossements brûlés sur la surface de la fouille 20052008, dans le niveau 2 : dénombrement.
55
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ÉTUDES 2005-2009
processus sédimentaires de type périglaciaire, tels ceux proposés dans le modèle géoarchéologique ; même s’il est difficile d’éliminer totalement l’hypothèse d’une zone d’occupation plus intense se situant dans la partie médiane de l’abri. Nos résultats sont compatibles avec l’action des processus naturels observés par A. Lenoble et S. Agsous, et en particulier avec la solifluxion à front pierreux dans la partie avant de l’abri (Agsous et al., 2006 ; Nespoulet et al., 2008 ; Lenoble, Agsous, ce vol.). La décroissance du nombre d’objets archéologiques en U75D et U75C pourrait alors correspondre au front des coulées de solifluxion. D’autres types de processus naturels, tels que le ruissellement (Bertran, Texier, 1995 ; Lenoble, 2005 ; Texier et al., 2006) ont également pu accentuer la dispersion des vestiges de la combustion. Les actions cumulées des processus post-dépositionnels, tels que la solifluxion et le ruissellement pourraient alors partiellement expliquer l’apparente absence de foyers dans ce niveau archéologique et la présence abondante des vestiges de la combustion. Ainsi, des zones de combustion pourraient avoir été présentes, mais peut-être plus vers l’avant de la cavité. Les coulées successives de solifluxion à front pierreux dispersant ensuite les fragments et particules plus vers le fond de l’abri, en stoppant leur dispersion dans la partie médiane.
prélevés. Des tailles plus importantes de fragments et de particules sont enregistrées dans les fractions mésoscopiques et microscopiques. Dans cette zone, les concentrations de fragments d’os brûlés sont faibles, puis augmentent à partir du sous-carré R75C, dans les fractions macroscopique et mésoscopique. Les tailles des macrofragments sont réduites et homogènes. Elles sont plus variables dans la fraction mésoscopique. La zone B est définie par une augmentation du signal charbon, avec un pic en T75D que l’on retrouve dans les trois fractions sédimentaires. Les concentrations s’accroissent par rapport à la zone précédente. Les tailles des macrofragments augmentent, en particulier à partir de T75D, alors qu’elles diminuent dans la mésoscopie. Enfin, les tailles des microparticules de charbons sont globalement plus faibles, avec cependant une valeur importante en T75D. Le signal ossements brûlés croît dans la première partie de la zone, avant de décroître dans la seconde partie. Les tailles des macrofragments d’os brûlés sont plus importantes que dans la zone A, alors qu’elles sont constantes entre les deux zones dans la fraction mésoscopique. La zone C se caractérise par une diminution importante des concentrations des charbons au sein des trois échelles sédimentaires. Les tailles des macrofragments et des mésoparticules sont élevées, alors qu’elles sont plus faibles dans la fraction microscopique. Les concentrations et les tailles des os brûlés suivent les mêmes tendances.
5.4 Remarques sur la conservation des structures de combustions à l’abri Pataud et dans les sites contemporains du Gravettien final en France
5.3.3 Confrontation des données taphonomiques sur les vestiges de la combustion avec le modèle interprétatif proposé par l’étude géoarchéologique
La principale hypothèse retenue pour la couche 2 de l’abri Pataud, à partir des données sur les charbons et les os brûlés est celle d’une dispersion des particules dans le sens de la pente à partir d’une source (les foyers en place) soit non fouillée, soit aujourd’hui détruite (avant de l’abri). La possibilité d’une destruction des structures de combustion par des phénomènes naturels (principalement par la solifluxion) dans la zone fouillée de la couche 2 n’est donc pas retenue, en estimant que l’intensité de ces phénomènes n’a pas été assez importante. En confrontant les arguments géoarchéologiques et taphonomiques aux données archéologiques, plusieurs remarques peuvent être faites.
La confrontation de la répartition spatiale des signaux issus de la combustion avec celle des autres assemblages archéologiques (lithique, faune et pierres brûlées) (fig. 25 et 26) permet d’appréhender l’origine de la dispersion des signaux de combustion. Sur l’ensemble de la surface fouillée, seules les données obtenues le long de la coupe sagittale montrent une distribution plus ou moins ordonnée, avec une augmentation du nombre de vestiges (pierres brûlées, matériel lithique et faunique) vers la partie médiane (fig. 25). La partie fouillée à l’avant de l’abri (Q75C et R75D) est caractérisée par une faible quantité d’objets archéologiques. La quantité d’os brûlés, de matériel lithique et faunique augmente ensuite à partir de R75C, alors que le signal charbon et les pierres brûlées s’accroissent après S75C. Enfin, les valeurs pour ces catégories restent élevées et atteignent leurs maxima en T75D et T75C, avant de diminuer en U75D et U75C. Ces données révèlent donc une augmentation des objets archéologiques de l’avant de l’abri vers le fond, jusqu’en T75C. De nombreux processus anthropiques et naturels peuvent influencer la dispersion et l’altération des vestiges de la combustion (voir Théry-Parisot et al., 2010 ; Marquer et al., 2010b, 2012), ainsi que celle de l’ensemble des artefacts archéologiques. La dispersion horizontale vers le fond de l’abri des signaux de la combustion, mais aussi de l’ensemble des vestiges archéologiques pourrait avoir été favorisée par des
5.4.1 À l’abri Pataud Comme c’est le cas dans la couche 2, dans les couches aurignaciennes 12, 13 et dans une moindre mesure 14, l’hypothèse de dépôts stratifiés par solifluxion à front pierreux est retenue (Agsous, 2008). Plusieurs foyers bien conservés sont connus dans ces couches aurignaciennes (Chiotti, 2005) : - Quatre foyers en cuvette P, Q, R et S dans la couche 12, dont certains, comme le foyer R (diamètre supérieur à 70 cm et profondeur maximale 24 cm), étaient très bien conservés. - Cinq foyers T, U, V, W et W', eux aussi en cuvette, de dimensions variables, mais parfois supérieure à 1 m de
56
L. MARQUER : ÉTUDE ARCHÉOBOTANIQUE. CHARBONS ET MICRO-CHARBONS
diamètre (foyer U). Nous avons donc là plusieurs exemples de foyers conservés dans des dépôts stratifiés dont la mise en place et l’évolution en liaison avec des processus postdépositionnels peuvent être comparées à ceux de la couche 2.
l’auteur désignant la couche 36 comme une « riche couche noire » (Bordes, 1958 : 230), puis comme une « couche noire et grasse » (Bordes, 1978 : 502). Nous ne disposons donc d’aucun élément permettant de statuer sur la présence ou non de structures de combustion conservées dans le Gravettien final de Laugerie-Haute.
5.4.2 Dans les sites du Gravettien final en France
Le site du Blot (Cerzat, Haute-Loire) a livré plusieurs niveaux de Gravettien final : niveaux 23 à 34. Plusieurs foyers ont été identifiés, mais non décrits précisément, dans les niveaux 23, 27 et 29 (Delporte, 1972a). L’auteur y décrit notamment la présence de plusieurs petits foyers superposés dans le niveau 23, et parle d’un foyer important dans le niveau 27 (Delporte 1972a : 193). Une structure d’habitat complexe, constituée d’une cabane limitée par un « muret » en arc de cercle réalisé à partir de prismes basaltiques (Delporte, 1976 ; 1980 ; Bosselin, 1997) est par ailleurs décrite dans ce même niveau. Les auteurs parlent d’une aire ou zone de foyers située à l’intérieur de cette cabane, dans la partie ouest (Delporte,
Les informations disponibles sur les structures de combustion existant dans les autres occupations du Gravettien final sont très disparates. Pour le site de Laugerie-Haute Est (Les Eyzies-de-Tayac, Dordogne), D. et E. Peyrony (1938) ne décrivent aucun foyer ou autres traces de combustion dans la couche F. F. Bordes parle pour sa part d’un « foyer noir » pour décrire la couche 36 (F8) (Bordes, 1958 : 212), mais il semble plus s’agir d’un terme employé pour désigner l’ensemble de la couche, comme cela se confirme par la suite,
Figure 23. Répartition spatiale des macro-fragments de charbons de bois et d’ossements brûlés sur la surface de la fouille 20052008, dans le niveau 2 : calcul de surface.
57
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ÉTUDES 2005-2009
Figure 24. Résultats des quantifications des fragments et particules de charbons et d’ossements brûlés au sein des trois fractions sédimentaires, >500 µm, 500-160 µm, et 20 mm ; N = 9). Les outils confectionnés sur les grandes lames sont exclusivement des burins et des lames retouchées, alors que l’outillage réalisé sur les lames de petit module est un peu plus varié (burin, lame retouchée, lame appointée, bec). Les supports laminaires en silex du Sénonien sont composés d’autant de petites lames (N = 16) que de grandes lames (N = 20). On retrouve la même variabilité de l’outillage, dans les deux gabarits de lames. La seule différence notable est la quantité de burins nettement plus importante sur les grandes lames.
Le rôle du silex du Bergeracois
Hormis quelques burins, il n’y a pas d’outils élaborés réalisés sur éclat. Quelle que soit la matière première, on ne trouve que des encoches ou des éclats retouchés. Les éclats en silex du Sénonien utilisés comme supports d’outils sont au nombre de 23, pour seulement 4 éclats en silex du Bergeracois.
Les données de la couche 2 semblent contredire l’hypothèse d’expéditions dans le Bergeracois à la recherche de matière première durant l’occupation du site. En effet, les hommes ont pris la peine de rechercher des blocs de silex locaux de grandes dimensions, relativement rares, ce qui, au contraire, semble attester d’une volonté d’évoluer dans un secteur limité autour de l’abri, lors de cette occupation. En revanche, l’hypothèse selon laquelle les hommes auraient pu arriver, lors de leur installation dans l’abri, avec des supports en silex du Bergeracois déjà débités,
Les supports lamellaires utilisés dans l’outillage ont essentiellement été transformés en lamelles à dos. Sur 284 microlithes décomptés, la grande majorité, soit 276 (97,2 %), sont en silex du Sénonien et seuls 8 (2,8 %) sont en silex du Bergeracois.
122
L. CHIOTTI, R. NESPOULET, A. MORALA, P. GUILLERMIN : DONNEES TYPO-TECHNOLOGIQUES DE L’INDUSTRIE LITHIQUE
notamment dans les Pyrénées, le bassin de Brive, ainsi que vers les littoraux atlantique et méditerranéen (Demars, 1980 ; Morala, 1989 ; Langlais, Sacchi, 2006).
ainsi qu’avec une petite réserve de ce matériau, par la suite exploité dans l’abri (voire emporté lors de leur départ), semble plus plausible. Toutefois, des échanges résultant de contacts entre groupes ne peuvent être exclus.
La présence dans la couche 2 de l’abri Pataud des matériaux bergeracois, corréziens et lot-et-garonnais témoignerait donc de relations intergroupes étroites, mais également de relations interrégionales. Elle vient renforcer l’idée d’une grande mobilité des groupes gravettiens (Morala, 2011 ; voir aussi Villotte, 2009 ; 2011). Idée encore plus forte si l’on tient compte de la présence, comme nous l’avons vu, de quelques matériaux pouvant avoir une origine beaucoup plus lointaine dans la série Movius.
Le silex du Bergeracois ne semble donc pas avoir eu ici le statut si particulier qu’on lui prête souvent ; le comportement des hommes face à cette matière n’étant finalement pas très différent de celui observé avec les silex du Sénonien locaux (principalement du Santonien). Comme pour ces derniers, les supports recherchés sont en majorité des lamelles, puis des petites lames. De plus, à l’instar des autres types de produits, c’est le silex du Sénonien qui domine largement parmi les grandes lames caractéristiques du Gravettien final. Le silex du Bergeracois a été introduit au moins en partie sous la forme de produits déjà débités (notamment pour les grandes lames). Mais est-ce réellement une particularité de ce matériau ? Qu’en est-il des grandes lames en silex du Sénonien ? Ont-elles toutes été produites sur le site ? L’absence de nucléus de grandes dimensions pouvant correspondre à cette production s’oppose à cette hypothèse. Ceux-ci auraient-ils été réduits jusqu’à ne plus être identifiables ? Ou auraient-ils pu être exportés ? Nous n’en avons aucun témoin convaincant. Il semble donc que l’objectif de produire de grands supports laminaires ait primé sur le choix de la matière première elle-même. Même s’il n’était probablement pas aisé de trouver des nodules de silex du Sénonien local adaptés à ce type de production, c’est pourtant bien dans ce matériau qu’a été produite la majorité des grandes lames.
8.5
Répartition du matériel lithique par unité archéologique
Le décompte par unité archéologique (U.A.) des pièces lithiques recueillies entre 2005 et 2008 (tabl. 36) montre que l’U.A. E est la plus riche, avec près de 30 % du matériel lithique. Viennent ensuite les U.A. L, G et D, avec respectivement des proportions de 13,7 %, 13,4 % et 12 %.
Unité archéologique
Les autres matériaux importés La présence des silex jaspoïdes de Corrèze et des silex du Fumélois, pourrait s'expliquer soit par des échanges intergroupes, soit par des déplacements non motivés par l’acquisition, dans la mesure où leur faible représentation permet d'écarter une réelle importance économique de ces matériaux. L’hypothèse d’un matériau transporté naturellement par la Vézère n’est pas recevable pour les silex jaspoïdes jurassiques de Corrèze. En effet, le cortex est rare sur ce matériau mais lorsqu’il est présent, il est épais, peu altéré et conservé malgré sa faible compacité. Nous n’avons observé aucune trace de néocortex. D’autre part, les supports en silex jaspoïdes sont normalisés et de dimensions supérieures à celles des supports habituellement produits dans des nodules de provenance alluviale. Nous plaiderons donc en faveur d'un transport anthropique plutôt que naturel. Le silex turonien du Fumélois n’est représenté que par quelques lames et un éclat laminaire (à cortex frais sur un bord) portant un burin multiple mixte. Ce matériau qui, jusqu’à ce jour, n’a été reconnu que dans les formations du Turonien du Haut-Agenais (Morala, 1980, 1984), a fait l’objet durant tout le Paléolithique supérieur de déplacements, dont certains sur de très longues distances,
Nb
%
Hors U.A.
182
7,4
A
178
7,2
D
294
12,0
E
736
29,9
G
330
13,4
H
222
9,0
J
60
2,4
K
58
2,4
L
337
13,7
« L Clande »
62
2,5
2459
100,00
Total
Tableau 36. Répartition du nombre de pièces lithiques de la fouille 2005-2008 par unité archéologique.
8.5.1 Caractérisation typologique des unités archéologiques La répartition des types d’outils par unité archéologique (tabl. 37) confirme l’existence de différences entre les unités archéologiques. Les pourcentages de microlithes diffèrent fortement suivant les unités. L’U.A. D est l’ensemble où ces éléments sont le moins représentés (58,3 % des outils). Les U.A. G et L ont des proportions similaires avec respectivement 67,2 % et 61,7 %. L’U.A. E se caractérise quant à elle par une très forte proportion de microlithes, avec 88,7 %. Les U.A. K, H et J montrent également des proportions très élevées, mais leur effectif est trop faible pour être significatif.
123
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ETUDES 2005-2009
Hors U.A.
A
D
E
G
H
J
K
L
«L Clande »
Total
Grattoir
1
0
0
0
1
0
0
0
1
1
4
Bec
0
0
1
0
0
1
0
0
0
0
2
Burin
1
6
4
4
6
0
1
0
6
0
28
Liste des outils
Lame retouchée
0
0
1
0
3
0
0
1
11
0
16
Microlithe
50
4
21
86
39
23
11
8
37
5
284
Encoche
0
0
2
1
6
0
0
0
2
1
12
Pic
0
0
1
0
0
0
0
0
0
0
1
Pièce esquillée
0
0
0
1
0
0
0
0
0
0
1
Troncature
0
0
2
0
2
0
0
0
3
0
7
Ēclat retouché
0
0
3
4
0
1
0
0
0
0
8
Fragment d'outil Burin-bec
1 0
0 0
1 0
1 0
0 1
1 0
0 0
1 0
0 0
0 0
5 1
Total
53
10
36
97
58
26
12
10
60
7
369
Tableau 37. Répartition du nombre d’outils et des types d’outils par unité archéologique.
Ēclat
Hors U.A. 38
111
106
245
88
76
8
11
64
«L Clande » 10
Lame
28
10
69
96
76
35
5
10
95
12
436
Lamelle
96
38
72
318
108
75
35
29
118
27
916
Chute de burin
17
3
34
44
40
23
11
5
44
7
228
Bloc Débris / cupule thermique / indéterminé Total
1
2
1
9
5
2
0
0
6
0
26
2
14
12
24
13
11
1
3
10
6
96
182
178
294
736
330
222
60
58
337
62
2459
Catégorie technologique
A
D
E
G
H
J
K
L
Total 757
Tableau 38. Répartition des supports par unité archéologique.
peu représentées dans cet assemblage (6 %), ce qui est en accord avec la faible proportion de burins observée dans l’outillage.
D’un point de vue typologique, le contraste entre l’U.A. D et l’U.A. E est très marqué. L’U.A. E, dont les outils représentent la part la plus importante de l’ensemble de l’outillage de la série 2005-2008 (26,3 %) est, comme nous venons de le voir, largement dominée par les microlithes, les autres outils étant toujours très faiblement représentés. L’U.A. D présente une répartition un peu plus équilibrée, mais qui reste quand même largement dominée par les microlithes. Les U.A. G et L présentent des proportions de microlithes similaires, en dépit de différences pour le reste de l'outillage, notamment une proportion de lames retouchées nettement plus importante dans l’U.A. L (18,3 %) que dans l’U.A. G (5,2 %).
L’U.A. H est assez proche de l’U.A. E sur l’ensemble de ses composantes. Les seules différences se situant au niveau de la production lamellaire un peu plus faible (33,8 %), et de la fréquence des chutes de burins un peu plus importante (10,4 %). Les supports de l’U.A. D révèlent une production nettement plus équilibrée entre lames (23,5 %) et lamelles (24,5 %). Cela est cohérent avec les proportions de microlithes, cette unité étant celle où ces derniers sont les moins représentés. Les chutes de burins sont assez nombreuses, avec 11,6 %.
8.5.2 Caractérisation technologique des unités archéologiques
Les U.A. G et L montrent des proportions relativement similaires pour toutes les catégories de supports. Bien que dominées par les lamelles (32,7 % et 35 %), c’est dans ces deux unités que les lames sont les mieux représentées avec 23 % et 28,2 %. Il s’agit également des deux unités qui présentent le moins d’éclats (26,7 % et 19 %). Ce sont les U.A. G et L qui montrent la plus forte proportion de chutes de burin avec 12,1 % et 13,1 %, ce qui correspond à la répartition des burins qui sont en plus grand nombre dans ces deux unités.
En accord avec la forte prépondérance des microlithes dans l’outillage, les supports de l’U.A. E sont très nettement dominés par les fragments de lamelles (43,2 %), les lames ne représentant que 13 % (tabl. 38). L’ensemble des éléments observés dans cette unité archéologique témoigne d’une production de lamelles à partir de blocs de silex d’origine locale, orientée vers la réalisation de microlithes. Au contraire, les chutes de burins sont très
124
L. CHIOTTI, R. NESPOULET, A. MORALA, P. GUILLERMIN : DONNEES TYPO-TECHNOLOGIQUES DE L’INDUSTRIE LITHIQUE
Hors U.A. 158
A
D
E
G
H
J
K
L
153
266
724
260
206
51
52
294
«L Clande » 55
Bergeracois Autre (argilite, fumélois, silex jaspoïde …) Indéterminé
22
13
22
6
65
15
8
6
37
7
201
2
12
6
6
4
0
1
0
6
0
37
0
0
0
0
1
1
0
0
0
0
2
Total
182
178
294
736
330
222
60
58
337
62
2459
Matière première Sénonien
Total 2219
20
Tableau 39. Répartition des matières premières par unité archéologique .
L’U.A. A présente un spectre complètement différent de celui des autres unités archéologiques. En effet, cet assemblage est très nettement dominé par les éclats, avec 62,4 %, alors que ces derniers sont compris entre 37 et 19 % dans les autres unités. Les proportions de produits lamino-lamellaires sont par conséquent très basses, en particulier pour les lames qui ne dépassent pas 5,6 %. Avec 21,3 %, les lamelles restent assez bien représentées. Les chutes de burins sont quant à elles quasiment absentes, avec seulement 1,7 %. En définitive, l’ensemble lithique de l’U.A. A est fortement caractérisé par la présence d’un débitage d’éclats réalisé sur des blocs de silex du Sénonien apportés bruts sur le site.
similaires aient pris place au même endroit lors d’occupations successives. - L’U.A. D montre une tendance moins lamellaire, et des outils plus diversifiés. L’ensemble des éléments examinés présentant des valeurs moyennes par rapport à l’ensemble de la couche 2. - Les U.A. G et L sont celles qui montrent les plus fortes proportions de produits laminaires, associées à une fréquence importante de burins et de chutes de burins, et à une bonne représentation du silex du Bergeracois. Les microlithes, comme d’ailleurs l’ensemble des produits lamellaires, montrent des valeurs moyennes par rapport à l’ensemble du niveau 2. Ces deux unités étant immédiatement superposées et situées dans la zone de cryoturbation, il n’est pas surprenant d’y trouver de fortes similitudes. Il s’agit probablement là d’un même épisode d’occupation, ou de mélanges liés à la cryoturbation.
Le détail de l’exploitation du silex du Bergeracois par unités archéologiques (tabl. 39) révèle des variations importantes. Ce matériau est quasi inexistant au sein de l’U.A. E (0,8 %), plus présent dans les U.A. D, A et H (avec respectivement 7,5 %, 7,3 % et 6,8 %), nettement plus significatif dans l’U.A. L (11 %) et très bien représenté dans l’U.A. G (19,7 %).
- L’U.A. A apparaît quant à elle comme très particulière. Elle est de loin la moins marquée par le phénomène lamellaire et est en revanche très nettement orientée vers une production d’éclats, essentiellement à partir de petits blocs de silex du Sénonien local. La position stratigraphique de cette unité, clairement audessus des épisodes majeurs d’occupation de la couche 2 (fig. 8 et 9) invite à la réflexion. Est-on en présence d’un épisode faisant partie intégrante de la couche 2 ou, au contraire, les différences observées témoignent-elles d’un épisode bien distinct ? Nous ne sommes pas en mesure, pour l’instant, d’interpréter ces différences en termes de culture matérielle.
8.5.3 Conclusion Il est donc possible d’observer des différences nettes selon les unités archéologiques. - L’U.A. E est celle où l’objectif d’une production de supports lamellaires à partir de blocs en silex du Sénonien local en vue du façonnage de lamelles à dos est le plus nettement marqué. Toutes les séquences de la chaîne opératoire sont bien représentées, depuis l’entame du bloc, jusqu'aux lamelles à dos partiel, témoins du façonnage sur place des lamelles à dos qui représentent une part prépondérante de l’outillage. Le silex du Bergeracois y est quasiment absent.
Comment interpréter les différences observées entre les unités archéologiques ? Tout d’abord les U.A. A et E, incluses dans les coulées de solifluxion, n’ont pas subi les mêmes perturbations ou processus d’accumulation que les U.A. D, G ou L, situées en aval du front de ces coulées. Ces paramètres doivent être évalués pour pouvoir ensuite aborder la question de l’interprétation de la répartition spatiale des vestiges. Quoi qu’il en soit, au vu de la comparaison des ensembles lithiques, il semble clair que la distinction de ces différentes unités est fondée.
- L’U.A. H est très proche de l’U.A. E, malgré une production lamellaire un peu moins importante et la présence plus forte des silex du Bergeracois. Ces deux unités étant directement superposées, sur la banquette fouillée le long de la coupe sagittale (fig. 8 et 9), il est donc possible d’envisager qu’il s’agisse d’un même épisode d’occupation, ou alors que des activités
20. Nous avons intégré dans le décompte des éléments en silex du Bergeracois les pièces dont l’attribution n’était pas certaine, mais présumée par A. Morala.
125
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ETUDES 2005-2009
microlithes (essentiellement des lamelles à dos et des lamelles à dos tronquées) a été très fortement augmentée par rapport à la série Movius, avec notamment une fraction de lamelles à dos de très petites dimensions inconnue jusqu’alors, conséquence directe du tamisage fin. Cette observation rapproche fortement l’industrie du Gravettien final de l’abri Pataud de celle du Blot, connue pour sa richesse en microlithes (Bosselin, 1992), ainsi que de celle des Peyrugues (Klaric et al., 2009). La faiblesse des microlithes dans l’industrie de LaugerieHaute Est pourrait alors être considérée comme un artefact de fouille.
La comparaison avec la collection Movius est elle aussi prématurée, et les remarques ci-dessus nous incitent à la prudence. Notons néanmoins l’apport du tamisage qui augmente considérablement le pourcentage de microlithes. Quelques remarques préliminaires peuvent être faites. Si nous comparons l’échantillon recueilli au cours des quatre années de fouille à la collection Movius, le pourcentage de microlithes passe de 43,9 % (Clay, 1995) à 77 %. Le manque en microlithes lié à la fouille est-il à ce point important au sein de la collection Movius ? Ou bien l’U.A. E représente-t-elle une aire d’activité spécifique, faisant écho à des concentrations de lamelles à dos décrites par H. L. Movius (1977) ?
8.6
Les études précédentes sur le matériel lithique issu des fouilles de H. L. Movius n’avaient pu prendre en compte la succession des différentes occupations constituant la couche 2 (Movius, 1977). La reprise de la fouille a permis de différencier des nappes de vestiges archéologiques, qui ont pu être validées par la lecture géoarchéologique et la réalisation de remontages.
Conclusion
L’un des objectifs de la reprise de la fouille de la couche 2 était de constituer un corpus lithique adapté aux exigences d’une étude techno-typologique actuelle, grâce à un protocole de fouille minutieux, et notamment le tamisage fin systématique. Cela nous permettait d’une part de mener une étude approfondie de la lithologie et des territoires d’approvisionnement et d’autre part de mieux cerner la variabilité de la production lithique du Gravettien final de l’abri Pataud.
Les unités archéologiques distinguées à la fouille montrent des différences dans la composition du matériel lithique. Les variations sont fortes, notamment pour les lamelles à dos qui atteignent jusqu’à 88,7 % dans l’U.A. E, alors qu’elles ne représentent que 58,3 % de l’outillage de l’U.A. D, qui malgré une dominance assez nette de ces dernières présente un outillage plus équilibré. Les fragments lamellaires dominent dans l’U.A. E, en rapport direct avec la dominance des lamelles à dos, alors que l’U.A. D montre un équilibre entre supports laminaires et lamellaires. L’U.A. A diffère assez nettement des autres occupations de la couche 2. Elle est orientée vers une production d’éclats, ce qui pose question, au regard de sa position stratigraphique, au-dessus des épisodes majeurs d’occupation de ce niveau.
Ainsi, pour les matières premières lithiques, il a été possible de mettre en évidence des sources d’approvisionnement locales très largement majoritaires, au sein desquelles une grande partie est très proche du site. Cela n’excluant pas l’apport de silex du Bergeracois, voire de sources plus éloignées. Une variabilité importante a pu être mise en évidence dans l’utilisation du silex du Bergeracois, avec une production de grandes lames qui était déjà bien documentée, mais également une production de petit laminaire (qui a parfois eu lieu sur le site), et la présence de lamelles en quantité non négligeable. La proportion de
Ces différentes observations restent cependant préliminaires et devront être précisées lors de la poursuite de la fouille.
126
Chapitre
9
Les écailles ornées
Mélanie VEREZ Laurent CHIOTTI Dominique HENRY‐GAMBIER Lucile BECK Matthieu LEBON
127
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ETUDES 2005-2009
coloration intentionnelle et non d’une coloration accidentelle par contact avec le sédiment. De surcroît, la coloration est interrompue par les fractures et n’affecte qu’une face de la pièce. Ajoutons que les fouilles montrent que le sédiment n’est pas particulièrement riche en colorant. Aucun indice n’évoque des représentations figuratives, la densité plus élevée de la couleur observée à la périphérie de la plage colorée sur de rares écailles pouvant aussi bien correspondre à une section de trait qu’à la limite de la plage colorée (fig. 71). Actuellement, les données suggèrent plutôt une simple coloration de la paroi et/ou de la voûte de l’abri.
La découverte d’écailles ornées lors des fouilles 20052008 confirme la présence d’un décor pariétal de l’abri déjà suggéré par de rares pièces dans la collection Movius. Ceci constitue un aspect important du comportement des occupants de l’abri au Gravettien final. Nous livrons ici un premier bilan de l’étude des écailles découvertes dans la couche 2. Ces écailles ornées sont des fragments de desquamation du calcaire de la paroi et de la voûte de l’abri. De dimensions variées, ces écailles ont une section sensiblement rectangulaire ou triangulaire. Les arêtes, à l’origine anguleuses, sont souvent émoussées, vraisemblablement par divers processus postdépositionnels. Elles comprennent une face généralement colorée en rouge, opposée à une face d’éclatement non colorée. L’application du colorant a été faite sur une pellicule dure le « calcin ». Il s’agit d’un « encroûtement calcaire d’origine physico-chimique lié à des périodes de gel car la glace contient moins de sel dissous que l’eau » (Foucault, Raoult, 1992 : 54). Ici, ce calcin constitue une surface lisse qui a pu faciliter la pose du colorant en offrant une surface plus régulière et imperméable évitant l’« effet de buvard » L’observation des cassures montre que le pigment est resté en surface et n’a jamais pénétré au cœur de la roche.
9.2 Des écailles colorées en noir ? Quatorze écailles ont une face colorée en noir. Neuf proviennent du nettoyage de la fouille clandestine en 1989 et cinq de la fouille 2005-2008. Ce sont de petits fragments (généralement de moins de 5 cm de longueur) de calcaire brûlé, rosi dans la masse, dont l’une des faces est en totalité ou partiellement noircie. Le pigment noir a un aspect très gras. Il apparaît très pulvérulent (fig. 71). Il a été analysé par spectrométrie Raman sur deux écailles par S. Grégoire et I. Reiche au Centre de recherche et de restauration des Musées de France dans le cadre du projet ANR MADAPCA21. L’analyse révèle qu’il est constitué de carbone graphite, provenant certainement de charbon de bois. Bien que ces pièces soient pour l’instant comptabilisées avec les écailles ornées, les analyses ne sont pas assez avancées pour confirmer le caractère intentionnel de cette coloration noire.
9.1 Les écailles colorées en rouge La série d’écailles colorées découverte est importante. Elles sont de tailles et de formes très diverses, allant de fragments relativement plats, de dimensions décimétriques, à des éléments de quelques millimètres. Deux cent trente-neuf ont été cotées lors de la fouille. Les fragments trouvés au tamisage sont également très nombreux. Ils n’ont pas été étudiés pour l’instant. Le degré de conservation des plages de colorant varie. Sur certaines écailles, l’éclatement du calcin lié à des processus d’altération ainsi que la présence de concrétions sont à l’origine de la destruction partielle de cellesci. Certains des plus petits fragments coordonnés résultent de l’éclatement ou de l’effritement du calcin. Deux cent trente-quatre des écailles cotées présentent des aplats rouge foncé ; cinq montrent une coloration noire. Sur les écailles colorées en rouge, la couleur n’est pas homogène. La majorité d’entre elles présente des nappes diffuses de pigment rouge foncé, (fig. 68). Certaines dont le calcin est bien conservé, offrent une coloration plus foncée avec une tonalité orangée (fig. 69). Une vingtaine d’écailles porte une coloration rouge violacé (fig. 70) qui parfois semble se superposer à la coloration rouge foncé.
9.3 Répartition des écailles 9.3.1 Répartition planimétrique La quasi-totalité des écailles ornées découvertes lors de la fouille 2005-2008 (94,6 %, soit 226 pièces) provient du « fond de l’abri », dont près de 50 % (118 pièces) dans le carré V76 et plus de 22 % (54 pièces) dans le carré U76 (fig. 71). Pour certaines, l’observation sur le terrain, la réalisation de remontages, la fraîcheur de la plupart des zones d’éclatement, indiquent qu’il s’agit d’écailles de dimensions plus grandes vraisemblablement éclatées et effritées sur place lors de l’impact sur le sol. D’un point de vue taphonomique, cela implique une faible dispersion du matériel archéologique en dépit de la cryoturbation identifiée dans ce secteur (Lenoble, Agsous, ce vol.). Le nettoyage des déblais de la fouille clandestine en 1989 (zones FVIII ou GVIII) a également livré quatre écailles ornées. Elles sont similaires à celles de la fouille 20052008.
Ces vestiges de décor semblent correspondre à un ensemble techniquement homogène limité à des aplats de couleur rouge foncé plus ou moins denses. Cette homogénéité technique, l’intensité de la couleur et le nombre d’écailles découvertes plaident en faveur d’une
21. Projet ANR intitulé Micro-analyses et datations de l'art préhistorique dans son contexte archéologique, coordonné par P. Paillet.
128
M. VEREZ, L. CHIOTTI, D. HENRY-GAMBIER, L. BECK, M. LEBON : LES ECAILLES ORNEES
Figure 68. Ēcailles ornées AP/07-V76D-42, AP/07-U76C-129 et AP/07-V76A-166, présentant des nappes rouge foncé diffuses, représentatives de la majorité des écailles de la couche 2 (cliché M. Verez).
Figure 69. Ēcaille ornée AP/05-T75C-105, présentant une nappe rouge foncé très dense (cliché M. Verez).
129
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ETUDES 2005-2009
Unité archéologique
Nb.
A
12
4,8
4,7
D
118
47,4
10,5 0,2
E
3
1,2
G
42
16,9
4,7
H
2
0,8
0,6
J
4
1,6
3,3
K
0
0,0
0,0
L
66
26,5
4,6
2
0,8
1,2
249
100
4,7
« L Clande » Total
Les seuls éléments signalés par H. L. Movius proviennent du secteur nord. - En 1958, 2 écailles sont signalées dans la zone GVI (carnet Trench VI, pages 8 et 9, archives Movius – Musée national de Préhistoire). - En 1963, une grande dalle peinte (30 x 40 x 10 cm) et une seconde écaille plus petite (10 x 10 x 5 cm) sont annoncées (fiches du 22 juillet 1963, archives Movius – abri Pataud, MNHN) dans l’Eboulis 1/2, zone FVIII. Ces quatre pièces n’ont pas été retrouvées.
Proportion d'écailles ornées / nombre total de vestiges archéologiques
%
En résumé, les seules traces d’un décor peint de la paroi et/ou de la voûte attestées par les différentes fouilles de la couche 2 proviennent toutes du nord de l’abri. Il est cependant impossible d’affirmer que l’absence ou la rareté des écailles ornées au sud de l’abri signifie que la coloration ne s’étendait pas vers le sud au-delà de la bande VI, d’autant que H. L. Movius n’a probablement pas accordé une grande attention à ce type de vestiges.
Tableau 40. Répartition par unité archéologique des écailles ornées découvertes lors des fouilles 2005-2008.
Ces données confirment que lors de l’occupation de l’abri au Gravettien final, la voûte et/ou la paroi de la zone nord de l’abri était en partie colorée en rouge. Nous n’avons pas d’éléments permettant de statuer sur l’extension vers le sud de cette mise en couleur. H. L. Movius ne mentionne pas d’écaille ornée dans la partie sud de l’abri. La seule pièce trouvée en 1958 dans la zone FII (AP-EC1351), classée parmi les écailles ornées, est en réalité un bloc de calcaire érodé et brûlé portant peut-être une gravure.
N° d’échantillon C2RMF
N° de pièce PATAUD
9.3.2 Répartition par unité archéologique Plus de 90 % de ces écailles se répartissent dans les trois principales unités archéologiques du fond de l’abri : D, G et L (tabl. 41). L’unité archéologique D est nettement plus riche et concentre près de la moitié des écailles mises au jour (47,4 %). Si l’on se réfère à l’ensemble du matériel archéologique, les unités archéologiques D, G et
Couche
Type de pièce
AP1
AP/05-2-U76C-55
Couche 2
écaille rouge
AP2
AP/06-2-U76B-39
Couche 2
écaille rouge
AP3
AP/06-2-U76C-92
Couche 2
écaille rouge
AP4
AP/07-2-V76B-200
Couche 2
écaille rouge
AP5
AP/06-2-R75C-91
Couche 2
écaille ? noire
AP6
AP/07-2-U77D-3
Couche 2
écaille ? noire
AP7
AP-EC-88
Eboulis 2/3
écaille rouge
AP8
AP-EC-86
Eboulis 2/3
écaille rouge
AP9
AP/58-3-933
Couche 3
« crayon » ? noir, Mn ?
AP10
AP/58-3-1140
Couche 3
« crayon » d’hématite
AP11
AP/58-3-1138
Couche 3
« crayon » d’ocre
AP12
AP/58-3-1459
Couche 3
« crayon » d’hématite, surface noircie
AP13
AP/58-2-36951
Couche 2
pigment en poudre (jaune)
AP14
AP/58-2-36958
Couche 2
pigment en poudre (jaune)
AP15
AP/58-2-36962
Couche 2
pigment en poudre (rouge)
AP16
C3/FIII, pas de numéro
Couche 3
concrétion détachée d’un gros galet (« mortier »)
Tableau 41. Ēchantillons de pigments analysés par le Centre de recherche et de restauration des musées de France dans le cadre du programme ANR MADAPCA.
130
M. VEREZ, L. CHIOTTI, D. HENRY-GAMBIER, L. BECK, M. LEBON : LES ECAILLES ORNEES
Figure 70. Ēcaille ornée AP/06-V76A-108, présentant une coloration rouge violacé qui semble dessiner un trait plus ou moins continu (cliché M. Verez).
Figure 71. Fragment de calcaire brûlé AP/07-U77D-37, portant du pigment noir sur l’une de ses faces (= écaille ornée ?) (cliché L. Chiotti)
131
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ETUDES 2005-2009
Figure 72. Plan de répartition des écailles ornées coordonnées dans le niveau 2 lors de la fouille 2005-2008.
L’Eboulis 2/3, a livré des écailles portant des plages de pigments rouge et blanc, associées à du piquetage, du martelage et du raclage évoquant un travail de sculpture. (Verez, 2006 : 80). Dans la couche 4, des écailles portant des dessins au trait ont été observées. V. Nivelle (2003) signale dans la couche 5 des fragments de calcaire, portant des traits généralement noirs associés à des aplats de couleur rouge. Les fragments de décor provenant de l’Eboulis 2/3 ne peuvent provenir, vu leur position stratigraphique, que de l’effondrement d’un décor antérieur au Gravettien final, en place lors de l’occupation du niveau 3. Les vestiges de décor trouvés dans la couche 2 ont donc deux origines possibles. Ils témoignent soit de la poursuite de l’effondrement d’un décor antérieur au Gravettien final, soit de l’effondrement d’un nouveau décor réalisé par les occupants du niveau 2. En dépit de quelques différences (cf. supra), le niveau 2, l’Eboulis 2/3 et la couche 3 livrent tous des écailles avec des aplats rouges. Il est donc impossible à partir de ces seules données de déterminer l’ancienneté du décor
L sont parmi les plus riches, tous types de vestiges confondus. Cependant, si on rapporte les proportions d’écailles colorées au nombre total de vestiges archéologiques (tabl. 41), la richesse de l’unité archéologique D est confirmée, les écailles représentant 10,5 % du matériel archéologique de cette unité, alors que dans les unités archéologiques G et L, le pourcentage est de 5 %.
9.4 Contemporanéité du décor avec l’occupation du Gravettien final L’existence de ces écailles peintes dans le niveau 2 conduit à poser une question majeure : le décor dont elles témoignent est-il antérieur au niveau 2 ou a-t-il été réalisé par les hommes du Gravettien final ? La documentation apportée par les fouilles de H. L. Movius montre que durant les occupations antérieures au Gravettien final, l’abri était également orné. Les niveaux 3, 4 et 5 ainsi que les Eboulis 2/3 et 3/4 ont en effet livré des écailles colorées (Nivelle, 2003 ; Verez, 2006).
132
M. VEREZ, L. CHIOTTI, D. HENRY-GAMBIER, L. BECK, M. LEBON : LES ECAILLES ORNEES
représenté par les écailles peintes découvertes dans le niveau 2. Pour tenter de statuer sur l’ancienneté de la réalisation de ce décor des analyses chimiques des pigments utilisés ont été réalisées par le Centre de recherche et de restauration des musées de France dans le cadre du programme ANR MADAPCA (Beck et al., 2011 ; Lebon et al., souspresse). Ces analyses ont porté d’une part sur les pigments des écailles ornées du niveau 2 (échantillons AP1-4) et de l’Eboulis 2/3 (échantillons AP7-8) et d’autre part sur des pigments bruts découverts par H. L. Movius dans les niveaux 2 (AP13, AP15) et 3 (AP10-12) (tabl. 42). Ces derniers se présentent soit sous forme d’amas (poudres), soit sous forme de blocs facettés (« crayons »). Du pigment présent en couche assez épaisse à la surface d’un galet mis au jour dans le niveau 3 a également été analysé (AP16).
(As), le zinc (Zn), ainsi que le vanadium (V) et le magnésium (Mg), était corrélée à celle du fer (Fe). Ces éléments faisant partie intégrante de la phase minérale des oxydes de fer ont donc été sélectionnés afin de tenter de discriminer les échantillons. Il s’avère tout d’abord que la composition des pigments recouvrant les écailles provenant du niveau 2 est assez homogène d’une pièce à l’autre, ce qui indique que la mise en couleur a été faite avec le même pigment ou avec un pigment ayant une même origine géologique (fig. 73). La même constatation s’applique aux échantillons de l’Eboulis 2/3 (AP7 et AP8). Cependant, la composition des pigments à la surface des écailles issues de ces deux niveaux diffère légèrement, notamment par les teneurs en manganèse et en arsenic. Les pigments recouvrant les écailles de chaque niveau auraient ainsi une origine géologique différente. En ce qui concerne les pigments bruts, les échantillons du niveau 3 (AP10-12) présentent une composition homogène très différente de celle des pigments recouvrant les écailles et de celle des autres pigments bruts analysés. Le pigment identifié sur les écailles de l’Eboulis 2/3 n’a donc pas été retrouvé parmi les échantillons de pigments bruts de la couche 3. Les échantillons du niveau 2 (AP13 et AP16) se distinguent par des concentrations en manganèse respectivement plus faibles (AP13) et plus importantes (AP16) que celles du reste du corpus. En revanche, l’échantillon AP15, provenant également du niveau 2, montre une composition très similaire à celle des pigments colorant les écailles de ce même niveau.
La composition élémentaire des pigments de chacun de ces échantillons a été déterminée par analyse PIXE (Particule Induced X-ray Spectrometry). Cette technique est non invasive et les analyses ont pu être réalisées directement sur la surface des objets sans aucune préparation préalable. Ces analyses ont révélé que les pigments de ces deux niveaux archéologiques correspondent à un mélange d’oxyde de fer associé à des minéraux tels que des argiles ou du quartz en proportion variable. Les analyses élémentaires ont montré que la concentration en éléments mineurs ou traces tels que le manganèse (Mn), l’arsenic
Figure 73. Rapports de concentration élémentaire Zn/Fe et As/Fe comparés au rapport Mn/Fe. Les cercles en pointillés soulignent l’homogénéité de la composition des pigments recouvrant les écailles du niveau 2, et la similarité de leur composition avec celle de l’échantillon de pigment brut AP15 provenant du même niveau.
133
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ETUDES 2005-2009
Ces premiers résultats d’analyse montrent que le pigment présent sur les écailles de la couche 2 est homogène. La mise en couleur a donc été faite avec le même pigment ou avec un pigment ayant une origine géologique identique. Quant aux écailles de l’Eboulis 2/3, elles ont aussi été peintes avec un même pigment mais ce dernier a une composition chimique différente de celle du pigment des écailles de la couche 2. Enfin, le pigment identifié sur les écailles de l’Eboulis 2/3 n’a pas été retrouvé parmi les échantillons de pigments de la couche 3. Au contraire, le pigment présent sur les écailles de la couche 2 concorde chimiquement avec l’un des échantillons de pigment de la couche 2. D’autres analyses sont nécessaires, mais ce résultat constitue un premier indice en faveur d’un décor réalisé par les occupants de la couche 2.
de décors plus sophistiqués est connue à différentes périodes du Paléolithique supérieur et notamment à l’abri Pataud (voir par exemple Roussot, 1972 ; Delluc, Delluc, 1991 ; 2004 ; Nivelle, 2003 ; Bourdier, 2010 ; etc.). De ce point de vue, les derniers Gravettiens de Pataud ne témoignent pas d’un comportement singulier. En revanche, les analyses en cours semblant confirmer la contemporanéité de la réalisation du décor et de l’occupation du Gravettien final, il faudra s’interroger sur les possibles liens entre ce décor et les vestiges humains. Rappelons en effet que ces deux faits, dépôt intentionnel de défunts et décor pariétal, constituent une originalité du Gravettien final de l’abri Pataud, aucun décor et aucun vestige humain n’ayant été signalés dans les trois autres sites contemporains de Laugerie-Haute Est en Dordogne, du Blot en Haute-Loire et des Peyrugues dans le Lot (Peyrony, Peyrony, 1938 ; Bordes, 1958 ; 1978 ; Delporte, 1972a ; 1976 ; 1980 ; Allard, 2009).
9.5 Conclusion En Dordogne, la mise en couleur d’abri voir la création
134
10
Chapitre
Les vestiges humains : un assemblage original Dominique HENRY‐GAMBIER Sébastien VILLOTTE Cédric BEAUVAL Jaroslav BRUZEK Dominique GRIMAUD‐HERVÉ
135
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ETUDES 2005-2009
ont bien sûr été abordés à partir de la faune, de l’industrie, de la géologie et de la topographie de l’abri, mais les vestiges humains n’ont pas été pris en compte dans les interprétations. Aucune nouvelle étude de ces vestiges et de leur contexte n’a été entreprise depuis 1970. Pourtant, ils représentent la seule série connue pour le Gravettien final (Protomagdalénien) européen. Les particularités de cet assemblage suscitent plusieurs interrogations : S’agit-il de dépôts intentionnels ? Si oui, est-on en présence de dépôts multiples ou d’un dépôt collectif ? Y a-t-il eu remaniement par des agents naturels ou par l’homme ? Correspondent-ils à des gestes funéraires ou à d’autres comportements ? Afin de répondre à ces questions, la révision de cet ensemble s’est déroulée selon une triple approche biologique, taphonomique et historiographique.
10.1 Introduction Les premières découvertes de vestiges humains sur le site remontent à 1958, alors que débutaient les opérations de fouille. Le 2 juillet 1958, la mise au jour d’un crâne et d’une mandibule dans le niveau 2 est qualifiée de « trouvaille la plus remarquable et la plus significative de ce niveau » (Movius, 1958 : 5). D’autres vestiges humains découverts au cours de la campagne seront à peine mentionnés et H. L. Movius conclura « il serait prématuré de spéculer sur leur signification possible » (Movius, 1958 : 5). Dans la publication préliminaire, les restes humains de 1958 sont présentés comme un seul ensemble totalement déconnecté des autres documents archéologiques (Movius, Vallois, 1959). Leur localisation précise n’est pas évoquée et seuls le crâne et la mandibule sont décrits. Les fouilles de 1963 livreront un second lot de vestiges humains. Le compte rendu est limité à un inventaire sommaire avec quelques indications de distribution spatiale (Movius, 1963a : 9-11). La note publiée en 1971 par G. Billy est consacrée à la description du crâne. Les autres vestiges sont évoqués rapidement : « Ont ainsi été recueillis, près de l’entrée de l’abri, côté sud, les squelettes incomplets et intimement mélangés d’une femme d’une vingtaine d’années et d’un enfant de 6 mois ; en arrière, la partie supérieure d’un squelette post-crânien masculin et des fragments crâniens d’un enfant de 7 ans environ, puis au fond de l’abri, les restes d’un nouveauné et d’un squelette féminin incomplet, comprenant une tête osseuse intacte. C’est précisément cette tête osseuse, appartenant à une très jeune femme de 16 à 18 ans tout au plus, qui présente le plus d’intérêt » (Billy, 1971 : 1). Dans cette note et dans la publication détaillée des vestiges humains (Billy, 1975 ; Legoux, 1971 ; 1972 ; 1974 ; 1975), les données sur la répartition des os humains et leur relation avec les autres vestiges archéologiques sont succinctes voire inexactes, témoignant d’une méconnaissance de la topographie de l’abri et du contexte archéologique. En 1977, H. L. Movius présente les vestiges humains et leur localisation spatiale et stratigraphique, mais il reprend avec des erreurs les conclusions des anthropologues sur le dénombrement, l’âge au décès et le sexe. Des objets remarquables (perles, crânes complets de cerf, objets d’art mobilier, etc.) ainsi que des plages d’ocre sont signalés dans le niveau 2 mais aucun essai de mise en relation avec les vestiges humains n’est tenté. L’hypothèse de pratiques funéraires associant peut-être des pratiques cannibales est rapidement évoquée (Movius, 1977 ; fiche du 4 septembre 1963, archives Movius – abri Pataud, MNHN). Si l’importance des vestiges humains n’a pas échappé à leurs inventeurs et aux anthropologues, seule la morphologie des adultes a fait l’objet d’une étude approfondie conforme aux problématiques anthropologiques du moment (Movius, Vallois, 1959 ; Billy, 1975 ; Legoux, 1971 ; 1972). Le potentiel de ces documents anthropologiques pour approcher les comportements, les conditions et les modes de vie des Gravettiens, n’a guère été perçu et exploité. Fonction du site, comportement et mode de vie
10.2 Présentation de l’assemblage de vestiges humains 10.2.1 Généralités L’inventaire des os conservés au Muséum national d’histoire naturelle (Collections anthropologiques du Musée de l’Homme) que nous avons réalisé, diffère de celui effectué par G. Billy (1975) et P. Legoux (1975) : des déterminations anatomiques ont été modifiées en particulier pour les enfants, des os ont été déterminés comme non humains et basculés dans la faune. D’autres os non signalés ont été ajoutés et quelques-uns n’ont pas été retrouvés. Actuellement le nombre de restes osseux examinés dans les collections anthropologiques du Musée de l’Homme est de 363. Le tri de la faune (y compris les os brûlés) des fouilles Movius et celui des déblais de la fouille clandestine effectué en 1998 par T.-S. Cho et repris en 2006-2008 par trois d’entre nous (D. Henry-Gambier, C. Beauval et S. Villotte) ont permis d’ajouter 57 vestiges. Enfin les fouilles récentes ont livré une dent déciduale et une vertèbre lombaire d’un jeune enfant. Actuellement, l’échantillon comprend donc 429 restes osseux et dentaires (tabl. 42). Une base de données intégrant les informations réunies sur chaque reste osseux ou dentaire a été créée. Origine Fouilles 1958-1963
Nb. 363
Fouilles 1958-1963, vestiges non vus
7
Tri de la faune Movius
22
Tri des déblais des fouilles clandestines
35
Fouilles 2005-2008 Total
2 429
Tableau 42. Nombre de vestiges humains (dents isolées et restes osseux). Inventaire 2009, D. HenryGambier, C. Beauval et S. Villotte.
136
D. HENRY-GAMBIER, S. VILLOTTE, C. BEAUVAL, J. BRUZEK, D. GRIMAUD-HERVE : LES VESTIGES HUMAINS
a Type de vestiges
b
total
a
Adultes
b
total
S. juvéniles
Crâne
1
2
3
112
0
112
Mandibule
1
0
1
2
0
2
Dents en place et isolées
29
11
40
12
3
15
Clavicule
3
2
5
2
0
2
Scapula
1
1
2
0
1
1
Humérus
5
0
5
1
1
2
Radius
3
0
3
0
0
0
Ulna
2
0
2
0
0
0
Carpien
18
2
20
0
0
0
Métacarpien
10
3
13
1
0
1
Phalange main
36
3
39
0
0
0
Os coxal
3
0
3
1
1
2
Fémur
0
1
1
1
1
2
Patella
2
0
2
0
0
0
Tibia
0
0
0
1
1
2
Fibula
3
0
3
0
0
0
Tarsien
11
0
11
0
0
0
Métatarsien
9
3
12
2
0
2
Phalange pied
12
0
12
0
0
0
Sacrum
0
0
0
0
0
0
Vertèbre
14
14
28
46
3
49
Sternum
2
0
2
1
0
1
Côte
14
5
19
35
0
35
Tableau 43. Catégories de vestiges humains représentées. a = collection Musée de l’Homme ; b = tri de la faune Movius, fouilles clandestines et fouilles récentes.
Les vestiges conservés au Muséum national d’histoire naturelle comprennent des éléments de la tête osseuse et du squelette infracrânien (tabl. 43). G. Billy (1975) avait dénombré trois adultes et trois sujets juvéniles. Ces chiffres, nous le verrons, restent valables, mais la répartition des os par individu change. Dans toutes les classes d’âge, existe une sous-représentation de certains os pourtant réputés pour leur résistance. Les catégories d’os extraits de la faune, des déblais de la fouille clandestine ou découverts au cours des fouilles récentes ne modifient guère la composition de l’échantillon initial (tabl. 43) : l’ensemble des déficits persiste. Enfin les os présents sont remarquablement bien conservés.
trent que la nappe nord de restes humains débordait en GVIII, car deux nouveaux restes y ont été découverts. En outre, le niveau 2 s’étend au-delà de la Trench VIII en dehors du périmètre protégé par le toit. 2) Dans les années 80, une fouille clandestine a perturbé les zones F/GVIII sur une hauteur de 10 à 40 cm et sur une surface d’environ 4 m2. Les restes humains trouvés dans les déblais de cette fouille clandestine confirment l’extension de la nappe de vestiges en F/GVIII. Il est difficile d’évaluer le potentiel en vestiges humains du témoin et la nature comme la quantité de matériel détruit ou prélevé par les clandestins. La fouille en cours de la zone nord-est apportera peut-être des éléments de réponse. D’ores et déjà, il semble que la couche 2 n’a pas été bouleversée sur toute son épaisseur.
10.2.2 Un échantillon biaisé ? En l’état actuel de la documentation, nous savons que divers facteurs ont contribué à introduire des biais, notamment en ce qui concerne la représentation, avec les conséquences que l’on peut supposer pour l’interprétation.
3) Les fouilles de H. L. Movius n’ont pas toujours été très fines. Deux époques sont à distinguer. La moins attentive correspond à l’ouverture du chantier en 1958, alors que des ouvriers locaux non formés à la fouille étaient employés (fiche du 20 juillet 1958, archives Movius – abri Pataud, MNHN). Le tamisage n’a pas été systématique et aucun anthropologue n’assurait le suivi des observations sur le terrain. Des petits os, des dents, voire des fragments d’os plus volumineux, ont pu être oubliés dans les déblais. La série de restes osseux extraits de la
1) Le site n’a pas été fouillé en totalité. H. L. Movius a laissé un témoin d’au moins 14 m2 (zones CVIII à GVIII). Situé au nord du secteur ayant livré une partie des vestiges humains, il représente 23 % de la surface fouillée du niveau 2. Les fouilles 2005-2008 de ce témoin mon-
137
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ETUDES 2005-2009
archives de fouille et les publications. Elles découlent probablement du fait que le travail sur le terrain était suivi par des « chefs de chantier » alors que les synthèses ont été finalisées par H. L. Movius. La répartition planimétrique et altimétrique que nous avons retenue repose sur l’analyse des fiches de fouille, des plans, des coupes réalisées sur le terrain par les chefs de chantier, des publications et des données des fouilles 2005-2008 dans le secteur nord. Lorsque des contradictions existaient nous avons privilégié les documents de terrain.
faune confirme cette possibilité. Toutefois, les informations disponibles démontrent que la fouille n’a pas été « violente » au point de faire disparaître par exemple toute trace des six tibias et des cinq fémurs d’adulte manquants. 4) Dans un niveau paléolithique, l’identification des os humains parmi les os de faune n’est jamais simple, en particulier pour les plus fragmentaires. Ainsi, H. L. Movius a exhumé du niveau 2 plus de 68000 restes osseux de faune dont seulement 3563 déterminables (Cho, 1998). On imagine aisément la difficulté et l’ampleur de la tâche pour reconnaître parmi les 65000 restants (dont 95 % ne dépassent pas 5 cm) des fragments humains. La tentative a été faite, et des os ont été retrouvés, mais d’autres, réduits à l’état d’esquilles non identifiables, y sont peut-être encore. Dans ce cas, ils sont perdus pour l’analyse.
Pour les os extraits de la faune des fouilles de H. L. Movius et des déblais de la fouille clandestine, ainsi que pour certains vestiges anthropologiques de la collection Movius seule la localisation par Square ou Trench est connue. Pour les autres vestiges de la collection Movius, le degré de précision varie. Par exemple : - la profondeur des vestiges de la zone GVII et des Trenches V et VI (plans E393, E394, E404 et E406, archives Movius – abri Pataud, MNHN) a pu être déterminée, les altitudes par rapport au plan 0 étant indiquées soit sur les plans soit sur les fiches de terrain. Dans certains cas, la profondeur n’est pas indiquée mais l’appartenance à une subdivision stratigraphique (par exemple Lens) est précisée. - en revanche, les vestiges du complexe 22 sensu stricto (membres supérieurs d’adulte en connexion et crâne d’un sujet immature de la zone FII), ainsi que ceux qui étaient à proximité, n’ont pas été coordonnés individuellement. Ceux du complexe 22 sensu stricto s’inscrivent dans un triangle dont seuls les sommets ont été coordonnés (plan E404, archives Movius – abri Pataud, MNHN). Nous avons choisi d’étendre aux os du squelette infracrânien de l’enfant la profondeur de l’extrémité distale de l’humérus gauche d’adulte situé à quelques centimètres de ceux-ci.
En outre, ne doivent pas être oubliés d’autres facteurs de biais (conservation différentielle, rôle des carnivores) qui dans de nombreux sites creusent l’écart entre assemblage initial et assemblage collecté, et que nous aborderons ultérieurement. D’emblée, on peut dire que leur rôle a été secondaire.
10.3 Répartition planimétrique et stratigraphique 10.3.1 Remarques préliminaires Tous les vestiges n’ont pas été coordonnés et nous venons de le dire, les techniques de fouille n’ont pas eu un degré de précision constant. La perte d’informations concerne surtout les vestiges humains découverts en 1958 et ceux retrouvés dans la faune et les déblais des clandestins. De plus, des contradictions existent entre les
Figure 74. Répartition des restes osseux coordonnés (NR) par Trench (le nombre élevé de restes dans la Trench II est lié à l’extrême fragmentation d’un crâne de sujet immature).
138
D. HENRY-GAMBIER, S. VILLOTTE, C. BEAUVAL, J. BRUZEK, D. GRIMAUD-HERVE : LES VESTIGES HUMAINS
Figure 75. Relevé de la concentration nord de vestiges humains, dans la zone GVII (plan E394, archives Movius – abri Pataud, MNHN).
10.3.2 Répartition planimétrique
La limite sud se situait à 1,50 m du fond de l’abri. Sa plus
La figure 74 montre deux concentrations de vestiges humains, l’une au nord (Trenches VII/VIII) et l’autre au sud (Trench II), éloignées d’environ 10 mètres. Des os et des dents isolées étaient dispersés entre ces deux concentrations. La concentration nord correspond essentiellement aux os trouvés en 1963 dans la zone GVII. Un relevé après décapage (fig. 75 et 76 ; plan E394, archives Movius – abri Pataud, MNHN) indique qu’elle s’étendait sur une plage ovale à grand axe nord-ouest/sud-est. La limite est de cette concentration était à 0,56 m de la paroi de l’abri. La nappe de vestiges n’atteignait pas la zone des « Rear Eboulis »22.
grande extension vers le sud était à 1,40 m de la ligne est/ouest des 14 m (fig. 76). Les os identifiés dans les déblais de la fouille clandestine (dents, vertèbres, phalanges des mains, métacarpiens et métatarsiens très endommagés, …) et lors des fouilles récentes prouvent que cette plage se prolongeait vers le nord-ouest dans la zone GVIII. La concentration sud individualisée par H. L. Movius sous les termes « complexes 22 et 23 » a été découverte en 1958 en F/GII (plans E404, E412 et E426, archives Movius – abri Pataud, MNHN ; Movius, 1977 : fig. 9, hors texte23 (fig. 4)).Cet ensemble (fig. 78, 79, 80) situé à l’est de la ligne de blocs d’effondrement antérieurs au
22. “The term Rear Eboulis […] refers to a zone of horizontally bedded, heavily weathered, reddish or reddish brown eboulis, normally ca. 50 cm. wide, between the maximum eastward extension of a given subdivision of Level 2 and the “Back Eboulis” in front of the rear wall of the shelter” (Movius, 1977: 14). 2 3 . Sur la figure 9 de la publication de H. L. Movius (1977) des erreurs d’identification des os existent : les n°14 (Trench IV) et n°11 (Trench III) sont des os d’immatures et non d’adultes ; le frontal de GII appartient à l’enfant le plus âgé et non à un fœtus.
139
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ETUDES 2005-2009
Figure 76. Relevé de la concentration nord de vestiges humains, dans la zone GVII d’après le plan E394 (dessin D. Henry-Gambier).
quart nord-ouest de la zone GII comprend une clavicule gauche, une côte, un sternum d’adulte, quelques fragments de côtes (et peut-être une dent visible sur la photographie mais non retrouvée) ainsi qu’un frontal d’enfant.
niveau 2, est très proche du fond de l’abri, au plus 80 cm (zones FII et GII). Le relevé des os (fig. 79) n’est pas associé à des fiches de terrain explicites ; les numéros desos sont illisibles et le dessin n’est pas à une échelle permettant d’identifier précisément chaque os immature. Il y a donc une perte d’information importante que comblent en partie la photographie (fig. 80) publiée par H. L. Movius (1977 : 23, pl. 15) et une photographie d’archive (archives Movius – Peabody Museum).
Le complexe 23 composé d’os d’un très jeune enfant, est représenté à l’est du complexe 22, à cheval sur les zones GII et FII, sur les plans E404, E412 (fig. 77 et 78) et sur la figure 9 publiée par H. L. Movius (1977). La photographie prise avant le prélèvement des vestiges humains démontre que l’amas d’os du squelette infracrânien d’un enfant était en réalité très proche de l’extrémité distale de l’humérus gauche du complexe 22 (fig. 80). En fait, le complexe 23 correspond au relevé de la première phase de décapage, dessiné à l’écart, sur la
Le complexe 22 est formé de deux groupes de vestiges. Le premier occupe une surface triangulaire dans le quart nord-est de la zone FII. Il est constitué d’un membre supérieur gauche complet, de la scapula, de la clavicule et de l’humérus droits d’un adulte ainsi que du squelette partiel d’un enfant. Le second ensemble situé dans le
140
D. HENRY-GAMBIER, S. VILLOTTE, C. BEAUVAL, J. BRUZEK, D. GRIMAUD-HERVE : LES VESTIGES HUMAINS
Figure 77. Répartition schématique des vestiges humains des Trenches I à VI (plan E412, archives Movius – abri Pataud, MNHN).
141
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ETUDES 2005-2009
Figure 78. Relevé des vestiges archéologiques des Trenches I à VI. En rouge les vestiges humains (plan E 404, archives Movius – abri Pataud, MNHN).
base définis par H. L. Movius comme « a transitional zone between the overlying Eboulis 1/2 and Level 2 prosper below » (Movius, 1977 :14). L’altitude du crâne et de la mandibule était légèrement plus élevée que celle des autres vestiges. Sur la coupe synthétique de la figure d (Movius, 1977 : 21), le crâne est représenté dans l’Eboulis 1/2 au-dessus de l’Eboulis a. Sur la coupe originale (plan E406, archives Movius – abri Pataud, MNHN), il repose « calé » entre plusieurs blocs de taille variable sur un niveau figuré en gris et libellé « Hearth 2a ».
même feuille. Une erreur d’interprétation lors de la mise en page du relevé de terrain est donc à l’origine de l’individualisation topographique du complexe 23 lors de la publication (Movius, 1977 : fig. 9). Des vestiges osseux et dentaires trouvés isolés en 1958 se répartissent dans les Trenches II à VI (fig. 77 à 79 ; tabl. 44). 10.3.3 Répartition stratigraphique Il n’est pas aisé de suivre les différentes appellations de sous-niveaux rencontrées dans les archives ou dans les publications. Le vocabulaire varie, témoignant de la complexité de la stratigraphie et des diverses tentatives d’en rendre compte, ainsi que des changements dans les méthodes de fouille, dans la restitution des observations de terrain et dans les interprétations. La comparaison des plans, des notes de terrain et des publications met en évidence des contradictions parfois insurmontables, en particulier pour la fouille du secteur sud en 195824.
Les données altimétriques sont compatibles avec cette attribution stratigraphique (fig. 82, 83 et 84). Les analyses géoarchéologiques (Lenoble, Agsous, ce vol.) et les remontages du secteur nord fouillé récemment (Chiotti, Nespoulet, ce vol.) indiquent que les sous-niveaux peuvent être reconnus comme autant de moments d’occupations par les préhistoriques. La situation paraît cependant plus complexe au fond de l’abri, à proximité de la paroi où les sédiments sont cryoturbés. Quoi qu’il en soit, les archives comme les données des fouilles récentes ne permettent pas de discuter les attributions stratigraphiques retenues par H. L. Movius.
Secteur nord Les vestiges des Trenches VI, VII et VIII étaient au sommet du niveau 2 : Lens 1 et Eboulis a/Eboulis 1/2
24. Cela corrobore les observations faites lors de l’étude des remontages et raccords lithiques, pour laquelle les données de la fouille de 1958 sont également très peu exploitables aujourd’hui (cf. supra, § 2.2).
142
D. HENRY-GAMBIER, S. VILLOTTE, C. BEAUVAL, J. BRUZEK, D. GRIMAUD-HERVE : LES VESTIGES HUMAINS
37813
Fouille Movius
Numéro Movius ou Bouchud 7
37820
Fouille Movius
12
II
37817
Fouille Movius
8
II
37814
Fouille Movius
7
II
37805
Fouille Movius
1
II/III
37812
Fouille Movius
6
III
37818
Fouille Movius
11
III
37819
Fouille Movius
11
III
37954
Tri faune 2006
B-62
37963
Tri faune 2006
B-62
37966
Tri faune 2006
B-94
III ou IV
37821
Fouille Movius
14
IV
37981
Fouille Movius
13
IV
37964
Tri faune 2006
B-66
IV
F1026A
Tri faune 1998
F1026B
Tri faune 1998
37822
Fouille Movius
37823
Fouille Movius
37955
Numéro actuel
Origine
Trench
Couche (plans et fiches Movius, Bouchud, Tae Sop (1)
Sqr.
II
Coord.
Os/dent
Eboulis a (Pl. 412)
A
Lens 3 (Pl. 412)
C
Dent isolée
Lens 3 (Pl. 412)
A
Fibula
Eboulis a (Pl. 412)
A
Radius
Sur Bloc Ebl. Zone a (Pl. 412)
C
Humérus
Eboulis Lens 1/Lens 2 ou 3
A
Temporal
F
Lens 2 (Pl. 412)
C
Zygomatique
F
Lens 2 (Pl. 412)
C
Molaire isolée
III
Top of the Proto-Magdalenian
A
Zygomatique
III
Top of the Proto-Magdalenian
A
Temporal
Lens 2 (Red) ou Eboulis b
A
G
Lens 3 (Pl. 412)
C
F
A A
MTC
IV
Lens 1 ? (Pl. 412) Top of the Proto-Magdalenian Eboulis zone A Eboulis 1/2 in front of abri
Axis Maxillaire : DM1, DM2, I2, C, P4 D Phalange proximale
A
Clavicule
IV
Eboulis 1/2 in front of abri
A
Clavicule
15
V
Lens 2 (Pl. 412)
A
Dent isolée
16
V
Eboulis a (Pl. 412)
A
Fibula
Tri faune 2006
B-108
V
Lens 2
A
37806
Fouille Movius
2
V/VI
F
Eboulis a (Pl. 412)
C
37807
Fouille Movius
2
V/VI
F
Eboulis a (Pl. 412)
C
37952
Tri faune 2006
B-135 (C)
V+VI
PM - Eboulis Zone B+C
A
Humérus Crâne : P1, P2 G, M1, M2, M3 D et G Mandibule : P1, M1, M2, M3 D et G Scapula
37956
Tri faune 2006
B-135 (A)
V+VI
Eboulis Zone B+C
A
Atlas
37957
Tri faune 2006
B-135 (B)
V+VI
Eboulis Zone B+C
A
Axis
37958
Tri faune 2006
B-135
V+VI
PM - Zone B+C
A
VTH
37959
Tri faune 2006
B-135 (D)
V+VI
37808
Fouille Movius
3
VI
37825
Fouille Movius
18
VI
37826
Fouille Movius
19
VI
37824
Fouille Movius
17
VI
37827
Fouille Movius
20
F2283
Tri faune 1998
F1011
Tri faune 1998
F592
Tri faune 1998
F
F
Ulna
Eboulis Zone B+C
A
Clavicule
Eboulis a (Pl. 412)
C
Coxal
Lens 1 (Pl. 412)
A
Fibula
Eboulis a (Pl. 412)
A
Phalange médiane
Lens 2 (Pl. 412)
A
Phalange médiane
VI
Eboulis a (Pl. 412)
A
Phalange proximale
VI
Lens 2 In front of abri under the rock 1-2 meters In front of abri
A
Dent isolée
A
Fémur
A
Scapula
G F
Tableau 44. Vestiges isolés des Trenches II à VI d’après les plans, les fiches Movius et les notes de J. Bouchud et T.-S. Cho). A = données manquantes ; C = coordonnées calculées d’après les plans et les fiches de terrain ; B-n°= numéro du sac de faune d’origine.
des secteurs nord et sud. Sur la coupe de terrain E410 la Lens 2 n’atteint pas la Trench II (fig. 84), et une Lens 4 est représentée dans les Trenches IV et V. Dans la publication (Movius, 1977 : fig. 6), la Lens 2 s’étend dans les Trenches II à VI et la Lens 3 est figurée dans les Trenches IV à V où elle prend la place de la Lens 4 ! En outre, quelques vestiges (par exemple radius et ulna AP/58-2-37813(n°7) et AP/58-2-37814) de la Trench II proviendraient aussi de l’Eboulis a, situé au sommet de la
Secteur sud Le complexe 22/23 (Trench II) proviendrait de la Lens 2 (Movius, 1977). Mais d’après les figures 78 et 84, (archives Movius – abri Pataud, MNHN), il est au sommet de la Lens 3, subdivision la plus ancienne du niveau 2. La comparaison de la figure 84 avec celle publiée par H. L. Movius (1977 : fig. 6) montre que la seconde est une interprétation qui établit une corrélation a posteriori
143
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ETUDES 2005-2009
Figure 79 Secteur sud, relevé du complexe 22 (plan E426, archives Movius – abri Pataud, MNHN).
plus à l’ouest et les plus éloignés du fond de l’abri (soit environ à 3 mètres pour le crâne et la mandibule et à 2,5 mètres pour l’humérus AP/58-2-37805). Quelques vestiges étiquetés « in front of the abri », mais non cotés, proviennent de la zone située à la limite de la ligne de blocs d’effondrement ou juste en avant de celle-ci. Altimétriquement, les vestiges de la concentration nord sont légèrement plus bas (-269 cm sous le plan 0 pour les plus bas) que ceux de la concentration sud (-238 cm sous le plan 0 pour les plus bas), ce qui est conforme à l’existence d’un pendage sud-nord de cinq des sousniveaux (fig. 84). Ainsi, les vestiges des Trenches VI, VII et VIII se trouvaient au sommet du niveau 2 tandis que la majorité de ceux de la Trench II pourraient avoir été en relation avec les Lenses les plus anciennes (fig. 84).
stratigraphie (fig. 78 ; tabl. 44). Ces contradictions montrent que la stratigraphie de ce secteur n’a pas été totalement maîtrisée. Il est donc impossible d’attribuer les vestiges sud à une subdivision stratigraphique plutôt qu’à une autre. Les vestiges des Trenches III, IV et V se répartiraient d’après les archives et les publications entre le sommet du niveau 2 et les Lenses les plus inférieures (tabl. 44). 10.3.4 Conclusion Les vestiges humains identifiés de 1958 à 1963 se situaient dans les zones F/GII à F/GVIII, au fond de l’abri. Le crâne, la mandibule d’adulte et un humérus AP/58-2-37805(n°1) représentent les vestiges cotés les
144
D. HENRY-GAMBIER, S. VILLOTTE, C. BEAUVAL, J. BRUZEK, D. GRIMAUD-HERVE : LES VESTIGES HUMAINS
Figure 80. Secteur sud, photographie du complexe 22 (individus P3 et P4) en cours de dégagement (Cliché H. L. Movius, archives Movius – abri Pataud, MNHN).
De ceci il découle :
proximité immédiate du crâne (Trench V/VI) et de l’humérus AP/58-2-37805 (Trench II/III) tendent à plaider en faveur d’une contemporanéité d’au moins une partie des vestiges de la zone sud avec ceux de la zone nord, les contradictions d’ordre stratigraphique et le manque d’informations évoqués à propos des fouilles de 1958, empêchent de statuer définitivement sur la chronologie relative des dépôts de vestiges humains nord et sud : appartiennent-ils à un ou à plusieurs épisodes successifs de fréquentation du site ? D’autres arguments doivent être recherchés pour répondre à cette question.
1) qu’il n’y a pas de raison sérieuse de remettre en cause l’appartenance de l’ensemble des vestiges humains au niveau 2 scellé par un niveau d’éboulis stériles puis par un effondrement massif de la voûte qui a empêché une occupation ultérieure du fond de l’abri (Henry-Gambier et al., ce vol.). 2) Bien que les datations récentes (GrA-45013, GrA45133, GrA-45132) faites sur des os de faune situés à
145
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ETUDES 2005-2009
Figure 81. Crâne et mandibule en place. (plan E406, archives Movius – abri Pataud, MNHN).
justifie l’application de ces méthodes aux vestiges du Paléolithique supérieur (Henry-Gambier et al., 2002 ; 2006 ; 2007 ; Villotte et al., 2007 ; Villotte, 2009).
10.4 Données biologiques La description morphométrique des os d’adultes et des dents par G. Billy (1975) et P. Legoux (1975) reste pertinente dans ses grandes lignes. L’étude détaillée des vestiges d’enfants (fouilles 1958-1963) et des os retrouvés dans la faune, dans les déblais de la fouille clandestine ou lors des fouilles 2005-2008 est en cours. Dans cet article sont essentiellement présentées la révision des paramètres démographiques (sexe et âge au décès) et la répartition des os par individu qui en découle.
Diagnose primaire du sexe La méthode morphoscopique (Bruzek, 2002) a été appliquée à l’os coxal AP/58-2-37808(n°3) de la Trench VI (fig. 85). Les caractéristiques morphologiques de cet os dont le pubis manque indiquent une femme avec une probabilité de 95 % (tabl. 45). Ce résultat est confirmé par la méthode de la diagnose probabiliste du sexe (DSP ; Murail et al., 2005) avec une probabilité égale à 0,998 (PM = 0,002) pour les dimensions listées dans le tableau 46. Ces deux méthodes n’ont pu être appliquées au fragment de crête iliaque gauche (AP/58-2-26235) et au pubis droit (AP/63-2-1464). Toutefois, la morphologie du pubis droit AP/63-2-1464 (GVII) serait compatible avec celle d’une femme.
10.4.1 Sexe et âge au décès des adultes « Les méthodes de détermination de l’âge au décès et du sexe des adultes Homo sapiens sapiens permettent aujourd’hui de proposer des diagnoses dont la fiabilité est très supérieure à celle des études anciennes » (Schmitt, 2001 ; 2005 ; Bruzek, 2002 ; Murail et al., 2005) ; ce qui
146
D. HENRY-GAMBIER, S. VILLOTTE, C. BEAUVAL, J. BRUZEK, D. GRIMAUD-HERVE : LES VESTIGES HUMAINS
Diagnose secondaire du sexe
mésolithique de référence (Villotte, 2009).
La diagnose secondaire du sexe repose ici sur trois fonctions discriminantes utilisant trois dimensions de l’humérus (tabl. 47) et un échantillon d’individus du Paléolithique supérieur et du Mésolithique sexés par la méthode de la DSP (Villotte et al., 2007 ; Villotte, 2009). La méthode a été appliquée aux humérus AP/58-237805(n°1) (II/III), AP/58-2-37863(C22) et AP/58-237862(C22). Les deux humérus du complexe C22 appartiennent à une femme, le troisième à un homme (tabl. 48). L’attribution du sexe lorsque la probabilité a posteriori d’au moins deux analyses dépassait le seuil de 95 % permet de minimiser l’effet d’hétérogénéité probable du dimorphisme sexuel de l’échantillon paléolithique et
Les fragments distal d’humérus (AP/63-2-1519) et proximal d’humérus (AP/?-2-37951) d’adultes n’ont pu être « sexés » en raison de leur mauvais état de conservation. Âge au décès des adultes Os coxal AP/58-2-37808(n°3) – (GVI). L’âge au décès a été déterminé à partir des stades de modifications de la surface sacro-pelvienne iliaque (fig. 85) selon la méthode d’A. Schmitt (2001 ; 2005). Des scores ont été attribués à quatre caractères (tabl. 49). Ils indiquent une appartenance à la classe d’âge 20-29 ans avec une probabilité de 0,88 (tabl. 50).
Caractéristiques morphologiques Région préauriculaire
Dépression ouverte sans tubercule mais présence de rugosités (f-i-i)
Ēchancrure sciatique
Ouverte symétrique, sans rétroversion (f-f-f)
Arc composé
Double (F)
Tableau 45. Caractéristiques morphologiques de l’os coxal AP/58-2-37808(n°3).
Dimensions (mm)
Dcox
Scox
Veac
Sis
Iimt
Sa
Ss
Ismm
(203)
155
53,6
(31)
50
83
69
101,3
Tableau 46. Dimensions de l’os coxal AP/58-2-37808(n°3). Dcox = hauteur de l’os coxal ; Scox = largeur de l’os coxal ; Veac = diamètre vertical de l’acétabulum (M 22) ; Sis = largeur acétabuloischiatique (M 14. 1) ; Iimt = largeur de la grande incisure ischiatique (M 15. 1) ; Sa = distance spino-auriculaire ; Ss = distance spino-ischiatique ; Ismm = longueur de l'ischium post-acétabulaire maximale (Murail et al., 2005). Les mesures entre parenthèses sont estimées.
Mesures H1
Largeur de l'épiphyse distale, M4a
H2
Périmètre minimum de la diaphyse, M7
H3
Diamètre antéro-postérieur maximum au niveau de la tubérosité deltoïdienne
Tableau 47. Dimensions de l’humérus utilisées dans les fonctions discriminantes.
Diagnose secondaire
AD 1
AD 2
AD 3
Humérus AP/58-2-37863(C22) et AP/58-237862(C22)
F
0,05
0,05
0,05
Humérus AP/58-2-37805(n°1)
M
0,86
0,98
0,99
Tableau 48. Probabilité a posteriori d'appartenir au sexe masculin (AD = analyse discriminante).
Surface auriculaire Organisation transverse SSPIA
Scores 1
Modification de la surface articulaire SSPIB
1
Modification apicale SSPIC
1
Modification tubérosité iliaque SSPID
1
Classes (années) Probabilité
Tableau 49. Scores de la sénescence de la surface sacro pelvienne d’après Schmitt, 2005.
20-29
30-39
40-49
50-59
> 60
0,88
0,09
0,02
0,01
0,00
Tableau 50. Classe d’âge et probabilité d’y appartenir d’après Schmitt, 2005.
147
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ETUDES 2005-2009
Figure 82. Concentration de vestiges humains du secteur nord : projection des vestiges osseux selon un axe nord-sud.
Figure 83. Concentration de vestiges humains du secteur nord : projection des vestiges osseux selon un axe est-ouest.
Figure 84. Coupe stratigraphique des Trenches II à VI (coupe E410, archives Movius – abri Pataud, MNHN).
148
D. HENRY-GAMBIER, S. VILLOTTE, C. BEAUVAL, J. BRUZEK, D. GRIMAUD-HERVE : LES VESTIGES HUMAINS
corps est totalement ossifié vers 2 ans. La fusion des cornes au corps est très variable. Elle peut être tardive et l’absence de fusion n’est pas exceptionnelle. Aussi, elle ne constitue pas un bon indicateur d’âge. Les dimensions du corps augmentent au cours de la croissance pour atteindre leurs valeurs définitives à la fin de l’adolescence (Scheuer, Black, 2000). M. H. Reed (1993) donne une hauteur maximale du corps de 9,7 +/- 2,4 mm autour de 15 ans. Les dimensions de l’os AP/89-2-37968, se situent parmi les valeurs les plus basses d’un échantillon d’hommes et de femmes modernes (tabl. 51). Il serait donc compatible avec celui d’un sujet subadulte. Adultes Hommes modernes N = 45 (1)
Adultes Femmes modernes N = 15 (1)
Hauteur maximale
12,3 +/- 1,4
10,1 +/- 1,0
8,9-15,7
7,9-11,5
Diamètre transverse
23,2 +/- 2,2
19,6 +/- 2,3
18,6-30,6
16,6-24,2
Ēpaisseur antéropostérieure
8,9 +/- 1,1
7,8 +/- 1,6
6,9-11,1
5,4-11
Dimension
Figure 85. AP/58-2-37808(n°3), os coxal gauche, individu P1 (cliché D. Henry-Gambier).
AP/89-237968
9,7 18,4 4,0
Tableau 51. Dimensions (en mm) du corps de l’os hyoïde. (1) : d’après Martinez et al., 2008.
Dents permanentes isolées AP/63-2-1715, 2087, 2088, 2089, AP/89-2-61 à 67)25 – (Trenches VII et VIII). Il s’agit de 15 dents totalement calcifiées à couronnes usées. Onze d’entre elles ont été retrouvées dans les déblais de la fouille clandestine (fig. 88). Cette série (tabl. 52) ne comporte aucun doublon et appartient à un individu adulte.
Crâne AP/58-2-37806(n°2) et mandibule AP/58-237807 – (FV/VI). Sur la base de l’usure dentaire de la seconde molaire permanente et du stade de calcification et d’éruption des dents, P. Legoux (1975) attribuait ce crâne et cette mandibule (fig. 86) à un sujet d’au plus 1415 ans. G. Billy (1975) proposait un âge de 16 à 18 ans à partir de l’état de synostose de la suture sphéno-occipitale et du stade d’éruption de la troisième molaire permanente. L’examen du crâne confirme que la synchondrose sphéno-occipitale n’est pas totalement oblitérée (fig. 86c) et confirme par conséquent l’attribution à un sujet jeune, l’oblitération se faisant entre 11 et 18 ans (Scheuer, Black, 2000) ou 25 ans (Kamina, 1983). La seconde molaire permanente entièrement calcifiée dont l’éruption est achevée est en faveur d’un sujet ayant dépassé l’âge de 12 ans. Les autres dents ont aussi un apex fermé. L’éruption incomplète de la troisième molaire supérieure semble plutôt en relation avec un problème mécanique et non un indice d’âge. L’apex fermé de la M3 plaide plutôt en faveur d’un jeune adulte de 20-25 ans (AlQahtani et al., 2010). L’usure très faible des molaires supérieures et inférieures est compatible avec cette conclusion.
Clavicule droite AP/63-2-1513 – (GVII). Le point d’ossification de l’extrémité sternale est encore visible indiquant un sujet de 20-29 ans (Scheuer, Black, 2000). Sternum AP/58-2-37891 et 37892 – (GII). Il comprend le manubrium et deux sternèbres fusionnées (ligne de fusion visible). Le développement de cet ensemble est compatible avec un adulte jeune. Autres os d’adultes. Il n’existe pas d’indice permettant de préciser l’âge des autres os d’adultes. Les épiphyses sont synostosées et les lignes de jonction sont effacées (parfois masquées par de la cire). 10.4.2 Sexe et âge des sujets juvéniles Sexe En dépit des recherches sur la détermination du sexe des sujets immatures à partir du squelette, il n’existe pas de méthode fiable (Tillier, 1999 ; Majo, 1992 ; Majo et al.,1993 ; Henry-Gambier, 2001 ; Coqueugniot et al.,
Os Hyoïde AP/89-2-37968 – (F/GVIII). Cet élément correspond au corps totalement ossifié (fig. 87). Les grandes cornes n’étaient pas soudées. L’ossification de l’os hyoïde commence très tôt après la naissance et le
25. Deux dents isolées signalées par H. L. Movius – AP/58-2-37820 et AP/58-2-37822 en FII et dans la Trench V n’ont pas été retrouvées ; nous ignorons leur état de développement et par conséquent l’âge du sujet auquel elles appartiennent.
149
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ETUDES 2005-2009
Figure 86. AP/58-2-37806(n°2), crâne et AP/58-2-37807, mandibule, individu P1 (clichés D. Henry-Gambier). a : vue faciale du crâne ; b : vue antérieure de la mandibule ; c : région sphéno-occipitale ; d : région latérale du maxillaire avec dent surnuméraire.
2002 ; Cardoso, 2008 ; Vlak et al., 2008).
orbitaires droit et gauche, des portions d’écaille frontale et des os pariétaux droit et gauche, une partie de l’écaille occipitale, les pars basilaris et lateralis, deux fragments des os temporaux droit et gauche et un fragment de sphénoïde. À ces éléments, s’ajoutent plusieurs dizaines de fragments de très petite taille (inférieurs ou égaux à 1 cm2) appartenant à la voûte et à la base du crâne. Les os zygomatiques et maxillaires n’ont pas été identifiés. Les fragments de frontal (AP/58-2-37833(C22) à 37837 (C22)), de pariétal (AP/58-2-37842(C22) à 37846(C22)) ont une épaisseur (1 à 2 mm), une texture et un aspect des sutures (par exemple les sutures coronale ou lambdoïde) qui indiquent un sujet très jeune. Aucune information sur l’état de la fontanelle antérieure et de la suture métopique n’a pu être relevée.
Âge au décès La détermination de l’âge dentaire a été faite en référence aux standards de S. J. AlQahtani et al. (2010) et l’évaluation de l’âge osseux à partir du degré de maturation osseuse en référence aux données publiées par L. Scheuer et S. Black (2000). À titre indicatif, ont été rappelées les dimensions relevées sur des os d’enfants du Paléolithique supérieur âgés de 1 à 7 ans (Henry-Gambier, 2001). Éléments du crâne et de la mandibule
Crâne AP/58-2-37833(C22) à 37856(C22) – (FII). C’est un crâne presque complet mais non reconstituable en raison de la forte fragmentation et des déformations. Les éléments les plus significatifs sont deux bords sus-
150
D. HENRY-GAMBIER, S. VILLOTTE, C. BEAUVAL, J. BRUZEK, D. GRIMAUD-HERVE : LES VESTIGES HUMAINS
Os temporaux droit AP/58-2-37850(C22) et gauche AP/58-2-37851(C22) – (FII). Ils sont limités aux portions pétreuses incomplètes ; l’os droit est mieux conservé (dimensions maximales 57 x 37 mm) que le gauche (34 x 19 mm). Le processus mastoïdien est faiblement développé. L’anneau tympanique droit est ouvert en haut ce qui correspond à un enfant d’environ 6 mois (Scheuer, Black, 2000). Os sphénoïde AP/58-2-37848(C22) et 37849(C22) – (FII). Il est partiel mais ses divers constituants (corps, grandes ailes) sont soudés indiquant un enfant ayant dépassé le terme (Scheuer, Black, 2000). La face postérieure du corps s’adapte parfaitement à la pars basilaris AP/58-2-37841(C22).
Figure 87. AP/89-2-37968, corps de l’os hyoïde, individu P1 (cliché L. Chiotti).
L’occipital est représenté par l’écaille AP/58-2-37838 (C22), la pars basilaris AP/58-2-37841(C22) et les pars lateralis AP/58-2-37839(C22) et 37840(C22) incomplètes et non soudées. La suture intra-occipitale postérieure se ferme entre 1 et 3 ans (Scheuer, Black, 2000).
Frontal AP/58-2-37857 et 37858 – (GII). Ce frontal est associé à un fragment de pariétal droit (fig. 89a). Le format, l’épaisseur et la morphologie (reliefs susorbitaires à peine esquissés) sont compatibles avec un jeune enfant. La pneumatisation est limitée à quelques cellules ethmoïdales. La suture métopique qui se ferme entre 2 et 4 ans, est totalement synostosée suggérant un enfant ayant au moins 2 ans voir plus âgé. Os zygomatique droit AP/58-2-37818 – (FIII). Cet os est complet et ses dimensions sont compatibles avec celles du frontal précédent (fig. 89c). Os temporal gauche AP/58-2-37812 – (Trench III). Cet os est limité à la partie pétreuse et à la région mastoïdienne en partie reconstituée avec de la cire (fig. 89d et 90b). La suture squamo-mastoïdienne est encore visible. Sa fusion intervient au cours de la première
Figure 88. Dents permanentes supérieures et inférieures provenant des déblais de la fouille clandestine, individu P1 (clichés L. Chiotti). a et e : canines permanentes supérieures droite et gauche ; b : incisive permanente supérieure latérale droite ; c et d : incisives permanentes supérieures centrales droite et gauche ; f et k : secondes prémolaires permanentes inférieures droite et gauche ; g et j : canines permanentes inférieures droite et gauche, h et i : incisives permanentes inférieures.
Sur la pars basilaris AP/58-2-37841(C22), la synchondrose sphéno-occipitale a un aspect métaphysaire et le tubercule pharyngien identifiable dans la 2ème ou 3ème année (Scheuer, Black, 2000) est absent. En outre, les proportions de la pars basilaris (tabl. 53) sont en faveur d’un sujet âgé de plusieurs mois (la largeur vers 6 mois après la naissance dépasserait la longueur) et ses dimensions sont proches de celles de sujets ayant dépassé l’âge de 5 mois après la naissance (Scheuer, Black, 2000). Sur la pars lateralis droite (AP58-2-37839(C22)), l’individualisation du canal hypoglosse n’est pas achevée. La jonction entre parties jugulaire et condylaire se ferait vers 1 an (Scheuer, Black, 2000).
Figure 89. Ēléments crâniens de l’enfant P6 (clichés D. HenryGambier). a : AP/58-2-37858, frontal et fragment de pariétal droit ; b : AP/58-2-37857, frontal ; c : AP/58-2-37818, os zygomatique droit ; d : AP/58-2-37812, os temporal gauche ; e : AP/58-2-37821, fragment de maxillaire droit et AP/58-237819, première molaire permanente supérieure droite.
151
LE GRAVETTIEN FINAL DE L'ABRI PATAUD (DORDOGNE, FRANCE). FOUILLES ET ETUDES 2005-2009
Numéro
Découverte
Dent
Latéralisation
RG
>/
0.5 mm) and microscopic (< 0.16 mm) analyses were thus conducted in order to extract the two most abundant combustion signals: charcoal and burnt bones. Studies of the macroscopic fragments of charcoal are in progress in order to obtain information on the palaeoenvironmental context and the gathering modes of the last Gravettians from the Pataud rock-shelter. Image analysis of the spatial distribution of combustion products compared to the geoarchaeological and archaeological data, suggests that hearths existed and must have been in front of the rock-shelter; combustion fragments and particles would then have been dispersed by natural processes in the back of the shelter.
6
Archaeozoological data from large mammals from layer 2
Ten taxa were identified in the material issued from the 2005-2008 excavations. The reindeer is largely dominant, followed by the bison, the aurochs and, to a lesser degree, the red deer and the horse. All the species brought back to the site were exploited primarily as alimentary resources. The reindeer is represented by six animals (three young and three pregnant adult females), which were brought back to the site whole and entirely processed on site. The bovines were processed according to the same modalities as the reindeer. The other species (red deer, horse or small bovids) appear to
Dates
Between 1960 and 1987, eleven radiocarbon dates were carried out on material collected by H. L. Movius in
214
ABSTRACTS
1) The microlithic component of the lithic industry from layer 2 of the Pataud rock-shelter had been underestimated, both from a quantitative and a qualitative viewpoint. Fine meshed wet sieving made it possible to retrieve very small pieces, mostly backed bladelets, thus emphasizing the dominance of microlithic pieces (77 %), and making this industry comparable to those from Le Blot and Les Peyrugues. 2) The production of large blades is not imputable to the importation of Bergerac flint as most of them are in local flint.
have been quartered after more occasional hunting episodes. In addition, three species were also processed for technical or symbolic purposes: the reindeer, the bovines and the red deer. The reindeer is the most sought after species for tool and weapon production from its bones and antlers. The discovery of several ochred bovine scapulae suggests that the bones from these taxa were also used by the Gravettians as media for mobile art (a choice linked to scapula morphology or the special status of the animal?). The red deer, not generally exploited for alimentary purposes, also seems to have had particular significance, as suggested by the presence of whole skulls which could be linked to human remain deposits.
7
The different archaeological units in layer 2 can present considerable variability: - The lithic composition of the most recent sheet of remains (A.U. A), is very original in that the whole “chaîne opératoire” concerns the production of flakes in local flint. This is very different to the rest of the lithic industry in layer 2. - In the front of the rock-shelter, the A.U. E and H are characterized by a preponderance of microlithic tools (backed bladelets and truncated backed bladelets), to the detriment of transformed laminar pieces. The “chaînes opératoires”, in local flint, are complete and geared towards the production of bladelets for making microliths. - At the back of the rock-shelter, A.U. G and L are characterized by more fractional “chaînes opératoires” (particularly for the laminar debitage), with more Bergerac flint. The toolkit is more diversified.
Objects in hard animal materials
The 2005-2008 excavations yielded 68 objects in hard animal materials. The analysis of these objects confirms the results obtained from studying the Movius collections. In both corpora, most of the raw materials (antler and bone) used for tool manufacture come from the reindeer, whereas mammoth ivory is reserved for decorative elements. These objects are mostly spread out at the back of the rock-shelter and most of the pieces are related to domestic activities that took place within the habitat. However, some objects, notably the rectangular beads, bear other connotations, because of their association with the human remains. In addition, the 2005-2008 excavations brought to light hitherto unknown pieces: a « pièce esquillée » and bone flakes. The comparison of this material with that of the Movius collection leads to a better understanding of the technical methods used and highlights the importance of fracturing techniques in antler and bone processing.
9
The new excavation yielded more than 250 chips decorated with red paint issued from rock-shelter wall desquamation. There is no evidence of figurative decoration but this discovery indicates that the northern zone was decorated during the Final Gravettian occupation. As H. L. Movius did not make reference to any decorated chips in layer 2, we do not know if this decoration continued towards the south. Physical-chemical analyses carried out at C2RMF on pigments discovered in stratigraphic context in layer 2 and on decorated chips indicate that some of the pigments from level 2 have the same chemical composition as those on the chips. This demonstrates that theses pigments, or pigments from the same geological source, were used on the rock-shelter walls. These results imply that the rock-shelter decoration and the Final Gravettian habitat are contemporary and raise the question of a possible link between the decoration of the walls and vault and the use of the rock-shelter as a funerary chamber.
The comparison of the two corpora from the Pataud rock-shelter with those from Laugerie-Haute Est and, to a lesser degree, from Le Blot and Les Peyrugues, indicates a certain homogeneity in Final Gravettian bone production, both in terms of the raw materials used and the categories of objects and techniques used to process them. This study thus points towards new strategies for the characterization of the Final Gravettian, although caution must be employed as the number of pieces in hard animal materials is limited.
8
The decorated chips
Techno‐typological data from the lithic industry
The 2005-2008 excavations made it possible to reevaluate certain typo-technological characteristics of the Final Gravettian from the Pataud rock-shelter, and the variability within the different archaeological units.
10 The human remains: an original assemblage
Two particularly noteworthy points emerge from this reevaluation:
The biological and taphonomic revision of the human
215
THE FINAL GRAVETTIAN OF THE PATAUD ROCK-SHELTER (DORDOGNE, FRANCE). EXCAVATIONS AND STUDIES 2005-2009
remains discovered in 1958 and 1963 by H. L. Movius in level 2 have led to the identification of at least six individuals: three adults (two women and a man) and three children (two of 0 and 6 months old and one of 4-7 years old). The 2005-2008 excavations combined with the sorting of the fauna from the Movius collection and the spoil abandoned by clandestine digging allowed us to complete the initial assemblage. This series of human remains is unique for the Final Gravettian, and is also one of the most important for the whole of the French Gravettian. The study of these remains, in parallel with data from the excavation of the remaining archaeological section and the analysis of the H. L. Movius archives, brings to light new elements concerning this assemblage and the treatment of the deceased. The bones were disposed in
two concentrations at the back of the rock-shelter in a zone ill-adapted to occupation. They are located at the summit of level 2 and were deposited at the end of the occupation of the rock-shelter. Anthropological and contextual data show that these are primary funerary deposits, from which some bones were removed and to which some secondary deposits were added. Only the adults were concerned by these manipulations which took place at different stages of decomposition of the corpses. Ochre, ornaments and personal items were associated with the remains in the north concentration. The hypothesis favoured here is that of original funerary behaviour, different to funerary rituals known for the Gravettian elsewhere in Europe, where primary burials are widespread.
216
Directeurs de publication
Crédits
Roland NESPOULET Maître de conférences Muséum national d’histoire naturelle
Dessins Jean AIRVAUX : Fig. 46, 52, 53, 54, 55, 57. Laurent CHIOTTI : Fig. 61, 62. André MORALA : Fig. 64. Archives Hallam L. MOVIUS : Fig. 75, 77, 78, 79, 81, 84. Carole VERCOUTÈRE : Fig. 45, 48, 51, 55.
Laurent CHIOTTI Assistant de recherche Muséum national d’histoire naturelle
DAO Laurent CHIOTTI : 1ère de couverture, Fig. 1, 2, 3, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 22, 23, 25, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 39, 40, 41, 42, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 51, 52, 53, 54, 55, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 64, 65, 66, 67, 69, 72, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 87, 100, 101, 102, 104, 105, 106. Laurent CRÉPIN : Fig. 38, 43. Dominique HENRY-GAMBIER : Fig. 74, 76, 80, 86, 88, 89, 90, 91, 92, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 102, 103. Mathieu LEBON : Fig. 73. Arnaud LENOBLE : Fig. 12, 13, 14, 15, 16, 17, 20. Laurent MARQUER : Fig. 21, 22, 23, 24, 25, 26. André MORALA : Fig. 63, 64. Hallam L. MOVIUS : Fig. 4. Roland NESPOULET : Fig. 10, 11. IGN : Fig. 1.
Dominique HENRY-GAMBIER Directrice de Recherche au CNRS PACEA, Université Bordeaux 1
Auteurs Safia AGSOUS Post-doctorante Muséum national d’histoire naturelle Lucile BECK Chef de laboratoire Commissariat à l’énergie atomique Cédric BEAUVAL Directeur Archéosphère
Photos D’après Ginette BILLY (1975) : 1ère de couverture. Laurent CHIOTTI : 1ère de couverture, Fig. 19, 46, 47, 49, 50, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 71, 87, 93. Laurent CRÉPIN : Fig. 43. Dominique HENRY-GAMBIER : Fig. 85, 86, 88, 89, 90, 91, 92, 102, 103. Arnaud LENOBLE : Fig. 13. Laurent MARQUER : Fig. 21. André MORALA : Fig. 63. Hallam L. MOVIUS : Fig. 5, 80. Roland NESPOULET : Fig. 18. Mélanie VEREZ ; Fig. 68, 69, 70.
Jaroslav BRUZEK Directeur de Recherche au CNRS PACEA, Université Bordeaux 1 Laurent CRÉPIN Post-doctorant Muséum national d’histoire naturelle Dorothée DRUCKER Assistante de recherche University of Tübingen (Allemagne) Dominique GRIMAUD-HERVÉ Professeur, Muséum national d’histoire naturelle Patricia GUILLERMIN Conservateur du patrimoine Grotte et Musée régional de Préhistoire de l’Aven d'Orgnac Matthieu LEBON Post-doctorant Muséum national d’histoire naturelle Arnaud LENOBLE Chargé de Recherches au CNRS PACEA, Université Bordeaux 1
Comité de Lecture Cédric BEAUVAL Hervé BOCHERENS Patrice COURTAUD Catherine CRETIN Patrick PAILLET Cristina SAN JUAN-FOUCHER Jean-Pierre TEXIER Isabelle THÉRY-PARISOT
Laurent MARQUER Post-doctorant Linnaeus University (Suède) André MORALA Ingénieur, PACEA Musée national de Préhistoire Carole VERCOUTÈRE Maître de conférences Muséum national d’histoire naturelle
Traductions
Mélanie VEREZ Chercheur libre
Secrétariat d’édition
Sébastien VILLOTTE Lecturer Bradford University (Royaume Uni)
Mise en page
Louise BYRNE
Catherine HOARE
Catherine HOARE
217