Le double accusatif en grec 9068311948, 9789068311945


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Le double accusatif en grec
 9068311948, 9789068311945

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LE DOUBLEACCUSATIF EN GREC

BIBLIOTHÈQUE DES CAHIERS DE L'INSTITUT DE LINGUISTIQUE DE LOUVAIN - 50

LE DOUBLE ACCUSATIF EN GREC

p PEETERS LOUVAIN-LA-NEUVE

1989

ISBN 90-8831-194-8

0/1989/0802/62

©

PEETERS Bondgenotenlaan 153 8-3000 Leuven

et

Publications Linguistiques de Louvain Place Blaise Pascal 1, 8-1348 LOUVAIN-LA-NEUVE

Printcd in Bclgium Tous droits de reproduction, d'adaptation ou de traduction, par quelque procédé que ce soit, réservés pour tous pays sans l'autorisation écrite de l'éditeur ou de ses ayants droits.

INTRODUCTION• L'intérêt du sujet De plusieurs points de vue, le double accusatif est une construction importante et intéressante en grec ancien. Elle est importante d'abord pour sa fréquence. De toutes les langues indo-européennes anciennes, c'est le grec, semble-t-il, qui produit le plus grand nombre d'exemples. Il y en a des centaines chez Homère, des centaines aussi dans le théâtre attique, plus d'une centaine chez le seul Hérodote. Cette construction est importante parce qu'elle concerne un très grand nombre de verbes et elle est intéressante parce qu'elle recouvre des types assez variés. Et ces divers types posent un difficile problème de classement. Il suffit pour s'en convaincre de consulter les tables des matières des syntaxes et de constater les écarts entre les regroupements qu'elles proposent. Parfois même, elles divergent sur la liste des types à admettre. L'ace. (=accusatif) nous fait pénétrer au cœur des problèmes de la syntaxe de la proposition; ceux-ci portent sur des notions qui, pour nous être familières, ne sont pas pour autant claires (transitivité, complément d'objet, objet interne, etc.). Et le double ace. oblige à analyser des faits syntaxiques qui ne trouvent pas dans les grammaires du grec la place qu'ils méritent (expression de la sphère de la personne, expression de la causativité, coalescence dans les locutions, etc.). En outre, cette construction a une histoire. Homère et la prose attique n'en font pas le même usage. Il convient de distinguer plusieurs états de langue (selon la date et selon le dialecte). Ces divergences sont d'autant plus intéressantes que les langues "poétiques" sont en grec des langues artificielles qui se définissent par leurs emprunts et par leurs refus. Le double ace. est un témoin de l'évolution et de la diversité de la langue grecque, et un moyen (parmi d'autres) d'apprécier des styles. Or ce fait, important par sa fréquence et sa vitalité à l'époque classique, par sa valeur historique et par ses implications linguistiques, n'a pas suscité beaucoup de recherches. Aucune monographie ne lui est consacrée. En dehors de quelques types bien admis, il est souvent senti comme une anomalie, et les éditeurs tendent à l'éliminer des textes. Etablir le corpus des exemples de doubles ace. est une tâche urgente. • Je tiens d remercier les nombreuses personnes qui par leurs compétences m'ont personnellement aidt dans l'élaboration de cet ouvrage; je ne peux les nommer toutes; je me dois de citer Mmes et MM y. Ancher (Univ. de Ulle Ill), F. Bader (E.P.H.E.), M. Casevitz (Univ. de Lyon Il), AM. Chanet (Univ. de Tours), A. Cheyns (Univ. de Louvain), J. Haudry (Univ. de Lyon /li), J. lrigoin (Collige de France), F. Jouan (Univ. de Paris-X Nante"e), M. Keller (Univ. de Na.nus), Oie Young Lee (chercheur), P. Monteil (Univ. de Dijon), lsalw Nagalaua (Univ. de Nanzan, Japon), JL. Perpillou (Univ. de Rouen), G. Roux (Univ. de Lyon li). J'ai une grande reconnaissance envers les institutions qui m'ont accueilli et fait profiter de leur bibliothlque, notamment l'Ecole Normale Supérieure de la rue d'Ulm, l'Institut Courby (Lyon), Les Fontaines (Chantilly) et la Sorbonne. Mais j'ai une dette toute particuliùe envers Monsieur J. Taillardal, qui a éveülé en moi le golù pour la linguistique grecque et qui a toujours suivi mes travaux avec la plus grande sollicitude.

Introduction

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Le double ace. est présenté tantôt comme une anomalie, tantôt comme une preuve de l'absence de syntaxe dans les états archaîques de la langue. Aucune de ces attitudes n'est admissible. En outre, tous les ouvrages partent d'une définition (étroite ou lâche) de l'ace., qu'ils tâchent d'appliquer au double ace. Or c'est la démarche inverse qui s'impose, car, d'une part, les fonctions de l'ace. dans les doubles constructions sont à prendre en compte dans les descriptions de ce cas et, d'autre part, les constructions complexes sont beaucoup plus claires que les constructions simples. C'est dans les cas de cooccurrences que se manifestent le mieux les différences entre des fonctions proches. Une étude du double ace. est un préalable à toute étude sur l'ace., ce cas dont on n'est pas parvenu à donner une définition satisfaisante.

Les limites du sujet Il n'y a aucune raison scientifique de limiter le sujet dans le temps, sauf pour le mycénien: les tablettes ont une syntaxe très pauvre et ne fournissent, en l'état actuel de nos connaissances, aucun double ace. L'existence en grec moderne d'un double ace. avec µa8aivm (=µav8avm) qui prend alors le sens de 6t6ao,cm, est très instructive; il faudrait aller d'Homère au grec moderne. La limitation dans le temps repose sur des raisons matérielles. Il y a peu de relevés des doubles ace. auxquels on puisse se fier. Il est impossible de travailler à partir des lexiques et des index: aucun verbe n'est à rejeter a priori et il faudrait voir toutes les attestations de tous les verbes; dans ces conditions, mieux vaut tout lire. Cette lecture doit être attentive et porter non seulement sur le texte, mais aussi sur l'apparat critique. Certains éditeurs ont une fâcheuse tendance à éliminer les doubles ace. d'un type rare ou un peu audacieux. Enfin, il est utile de donner le corpus des doubles ace. avec les discussions philologiques. Ces contraintes matérielles imposent de limiter le sujet à une époque assez restreinte. Plusieurs raisons plaident en faveur de la période qui va d'Homère à la fin du Ve siècle. Ecrire l'histoire conduit inévitablement à remonter dans le temps; de plus, comme il s'agit dans presque tous les cas de tours hérités, il est intéressant de se rapprocher le plus possible de l'indo-européen; enfin, Homère présente un grand nombre et une grande variété de doubles ace. et la poésie postérieure se définit par rapport à lui. Les œuvres conservées de cette époque sont bien réparties et représentent plusieurs des genres littéraires les plus caractéristiques de l'an grec: épopée, poésie lyrique, tragédie, comédie, prose des historiens et des orateurs; Hérodote fournit l'occasion de comparer la prose ionienne et la prose attique du IVe siècle. Exception faite de Platon, la prose attique du Ne siècle ne se distingue guère de celle du Ve dans l'emploi du double ace., tandis que l'écart est important entre Homère et Thucydide. Sauf précisions contraires, les corpus seront présentés par genre littéraire, dans l'ordre chronologique de leur apparition (poésie dactylique, poésie lyrique, tragédie, comédie, prose ionie~ et attique). L'enquête a été limitée aux œuvres bien conservées: Homère, Hésiode, Hymnes homériques, Pindare, Eschyle, Sophocle, Euripide, Aristophane,

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lntrodllction

Hérodote, Thucydide, Antiphon et Andocide. Les fragments isolés et les textes épigraphiques n'ont pas été retenus. Une description synchronique et une comparaison diachronique exigent des textes d'une certaine étendue. Une absence n'est significative que dans un corpus important et cohérent de textes réellement analysables, assez longs, qui ne répètent pas des fonnules et dont le sujet ne limite pas l'auteur à un petit nombre d'idées. Une seule entorse a été faite à cette limitation à des œuvres entières: pour la poésie lyrique, Pindare a été complété par les fragments des poètes de l'époque considérée. "Double accusatif' est entendu dans un sens assez large (il n'est pas limité à celui de "double objet"), qui est ordinairement celui des grammaires. Mais, comme la liste des types varie d'un ouvrage à l'autre, il faut justifier nos choix. Ne sont étudiés que les cas où les deux ace. sont à la fois dépendants du verbe et dans une indépendance au moins partielle l'un vis-à-vis de l'autre; sont éliminés les cas où l'un des ace. n'est pas dtl à une rection verbale, par exemple l'ace. d'extension temporelle et ceux dans lesquels les deux syntagmes à l'ace. sont étroitement liés, comme l'attribut de l'objet et le complément de l'objet. Cette dernière construction est parfois appelée double accusatif, mais, dans la transformation passive, les deux ace. passent au nominatif, ce qui la distingue de tous les autres cas de double ace. Il y a là un fait d'accord entre deux groupes nominaux, accord qui ne relève pas par lui-même de la rection verbale.

Le plan de l'ouvrage Le classement est fait par type syntaxique de double ace. et l'on va de la construction la moins liée au verbe (la figure du tout et de la partie) à celle qui en dépend le plus (le verbe avec deux objets externes). A chaque chapitre se trouve associé un problème de linguistique générale. Chaque partie contient généralement une présentation du type, un corpus, un rappel des faits indo-européens, un historique du tour d'Homère à la fin du Ve siècle avant J-C et quelques réflexions linguistiques.

1. LE DOUBLE ACCUSATIF DU TOUT ET DE LA PARTIE ET L'EXPRESSION DE LA SPHERE DE LA PERSONNE 1.1. PRESENTATION

DU DOUBLE ACCUSA TIF DU TOUT ET DE

LA PARTIE Comme son nom l'indique, le double ace. du tout et de la partie, qui est aussi appelé axi\µa 1ea8• oÂov 1eai µépoç, est la coexistence de deux compléments verbaux à l'ace., dont l'un représente un tout et l'autre une partie de ce touL La dénomination est pertinente et cette construction a été commentée dès l'antiquité. Pourtant, elle n'a jamais reçu une description fonctionnelle satisfaisante. Les auteurs modernes qui ont étudié le double ace. du tout et de la partie l'ont fait de deux façons: ou bien ils dressent une liste des exemples sans rechercher la place originale du tour, ou bien ils font une étude diachronique pour rendre compte de la coexistence toujours surprenante de deux «objets directs» auprès d'un seul verbe, mais cela ne constitue pas une interprétation synchronique de ce axfiµa. Les grammairiens modernes divergent dans le classement de ce double ace. Comme nous le verrons plus loin, la grammaire de Schwyzer-Debrunner ne le range pas dans le même chapitre que celle de KühnerGerth. Quant aux commentaires des grammairiens anciens, s'ils relèvent ce tour chez Homère (ou chez les poètes qui l'imitent), ce n'est pas pour lui-même, mais c'est pour le confronter à la norme de la prose attique, c'est-à-dire à un autre état de langue. Il reste donc à faire une description syntaxique et surtout-à mener une réflexion sur le domaine d'emploi de ce tour. Auparavant, il faut bien distinguer ce double ace. de constructions qui sont parfois confondues avec lui.

1.1.1. Double accusatif et apposition partitive Le double ace. du tout et de la partie est parfois appelé «apposition partitive», et, à ce titre, il est classé avec des appositions fondamentalement différentes. Or il faut bien se garder de confondre l'apposition partitive ou plutôt distributive qui décompose une pluralité en sous-ensembles (o µèv ... b 6t ...; oi µèv ... ol 6t ...; ëxaatoç; è1eattpoç;xâç) et le axf\µa 1ea8'oÀov 1ea1. µtpoç1, les 1. R. Kllhncr-B. Genh, AusfürlicM Gramnuuik der Gr~chiscMn Sprache, Munich, 1898-1904 (=K.-0.), 1, p.286-90. E. Littmann a signal~ à l'attention des comparatistes («Parallelen zu der 'Verbindung von Ganzem und Teil'», IF. 35 (1915), p.244-6) que les grammairiens arabes distinguent plusieurs typeS de badals (=substitutions). Ils classent ensemble l'apposition distributive du type «Il vient chez moi, le peuple de la ville, grands et gens modestes» et la simple apposition du type «2.aiâ, ton pà'c, vient chez moi» ou «je viens pù de lui, Zaïd»; mais ils rangent dans une autre catégorie la substitution d'une partie ~te à un tout du type «embrasse-lui la main•(mot à mot: «embrasse-le, la main») ou la substitutiond'une qualité paniculière à une entité, ca:m:œdans «je fus ~ d'~IDMCmentpar la culture de Zaïd» (mot à mot «Zaïd, sa culture»).

1. Doubleaccusatif

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les deux tours pouvant se combiner dans une proposition, sans que jamais personne ait songé à y voir un triple ace.1. En Y44 Tpéixxç6è 'tp6µoç aivoç ÙJrr1Â.u8t yuîa Ëx:ao'tov,le double ace. (Tpéoaç... yuîa) ne se confond pas avec l'apposition distributive (Ëx:ao'tov). L'apposition distributive, à la différence du double ace. du tout et de la partie, exige que le tout soit, grammaticalement ou pour le sens, un pluriel; de plus, elle fonctionne au nominatif, comme, par exemple, en Hl 75 oi 6è 1eÂ.ftpov ÈOT1J1T1VŒV'to Ë1eao'toç:«Ils firent chacun une marque sur leur jeton de sort». Or le axftµa 1ea8' oÂ.ov1ealµépoç proprement dit ne fonctionne pas au nominatif. Enfin, l'apposition distributive existe dansla prose attique, qui ignore le double ace. du tout et de la partie.

1.1.2. Le corpus initial Une des particularités du axftµa 1ea8' oÂ.ov1eal µépoç est d'être, au dire même des anciens, un tour propre à la langue épique, qui ensuite a été repris par les poètes. Cette originalité conduit à scinder le corpus et les descriptions en deux parties. La description proprement dite du tour sera faite sur les seuls exemples homériques, afin de travailler sur une coupe synchronique. Elle servira de baseà l'étude des emplois chez les poètes qui perpétuent cette syntaxe: ont-ils conservé le système primitif? Ont-ils étendu ou restreint le champ d'emploi de ce tour? Vu la date de la composition et la similitude de la langue, les doubles ace. relevés chez Hésiode devraient être inclus dans ce premier corpus, mêlés à ceux d'Homère; mais ils fournissent un corpus trop restreint pour être utile à la description et se trouveraient noyés dans la masse des exemples homériques. Ils seront donc présentés, eux-aussi, dans la seconde partie

1.1.3. La raison d'étudier seulement les ax-ftt1aia à l'accusatif Pourquoi s'en tenir aux tours à l'ace. alors que, de l'Antiquité à nos jours, on s'accorde à reconnaître des doubles génitifs et des doubles datifs du tout et de la partie? C'est que le génitif ou le datif du tout peut toujours être interprété comme un génitif ou un datif de possession. Il s'y ajoute pour le datif la possibilité d'être un datif à valeur locative. Comme il est impensable de fonder une description sur des faits dont aucun n'est assuré, force est de s'en tenir, au départ, à ce cas privilégié qu'est le double ace. du tout et de la partie, et à étendre les résultats obtenus aux autres cas. L'analyse des doubles ace. doit même pennettre d'identifier les véritables doubles génitifs et doubles datifs. Le rôle du double ace. est donc important, car c'est lui qui prouve l'existence du oxftµa 1ea8'oÂ.ov1ea1.µ.époç, existence qu'on ne saurait inférer en grec à partir des seuls exemples au génitif ou au datif.

1. Cette remarquevautpour des combinaisons de troisdatifs, comme Al 1-2 'Axa1oîo1v 6i Jl,éra o8évoç"1P«l· imatcp / icap6{îl. On doit distinguer là d'une part un double datif ( 'Axa1oîalV mp6{!1) et d'autre part une apposition distributive ('Axa1oûnv - bcciatcp).

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et splttre tü la personne

1.2. LE CORPUS HOMERIQUE 1.2.1. Problèmes et méthode 1.2.1.1. Méthode de classement Il existe deux listes des doubles ace. du tout et de la partie chez Horœre (elles ne concordent pas complètement). Celle de J. La Roche 1 pr6sente tous les verbes, tandis que celle de E.A. Hahn2 ne concerne que les verbes signifiant «frapper, atteindre, blesser». Comment classer? Les critères de 1"6partitionqui se presentent concernent soit le sujet du verbe à la fonne active (ou moyenne), soit le sens du verbe regissant, soit le tout, soit la partie. Le sujet du verbe, le plus souvent une personne, parfois une abstraction, éventuellement une chose Oes paroles par exemple), ne paraît pas caractériser ce tour. La conception générale de son ouvrage et peut-être aussi la repartition statistique des exemples du double ace. du tout et de la partie ont incité J. La Roche à le classer d'après les verbes auprès desquels on le rencontre, travail qui selon lui ne présente aucune difficulté 3• Certes, il y a un groupe bien constitué avec les verbes signifiant «atteindre, frapper, blesser». Mais le paragraphe suivant de J. La Roche (B. Die Verba des Kommens, Befallens, Fassen) n'est guère cohérent et, surtout, il faut un troisième paragraphe pour les verbes divers (C. Verschiedene Verba). dans lequel le nombre des références est comparable à celui du groupe précédent. Aucune idée claire du fonctionnement du double ace. ne se dégage de ce classement. Dans ces conditions, on peut se demander si le critère est bien choisi et si cette division ne masque pas le fait fondamental: la limitation sémantique de chacun des deux ace. du axi\µa.L'ace. du tout, presque toujours une personne, ne se prête pas à un classement; la solution qui s'impose est une répartition d'après les noms qui désignent la partie, c'est-à-dire: les parties du corps, les sièges des sentiments et les autres noms de la partie.

1.2.1.2. Les difficultés Le nombre des doubles ace. du tout et de la partie chez Homère n'est pas facile à détenniner. Cet inventaire se heurte à des difficultés diverses: -il existe des variantes; -les formes pronominales élidées peuvent recouvrir un datif aussi bien qu'un ace.; -lorsqu'un verbe et un participe coexistent dans une proposition, auquel de ces deux mots faut-il rattacher les divers compléments? -quelle extension donner au mot «partie»? Le casque, qui est assurément une partie de l'armure, est-il une partie du guerrier? -selon que tel morphème est analysé comme preposition ou comme adverbe, il y a ou non double ace. -la liste même des verbes qui sont accompagnés d'un double ace. varie selon que 1. HomerischeStudien,Der Accusaâvim Homer (=H.S.), Vienne, 1861, p.224-31. 2. «Partitive Apposition in Homer and the Greck Accusative», T .A.Ph.A.,Lancaster, 85 (1954) (ci~ Partitive Apposition), p.211-2. 1. La Roche, H.S., p.225: «Die Verba, bei denen sich diese Construction ftndet. lassen sich ohne Schwierigkcitin gewisse Kategorien eintheilen..

1. Doubleaccusatif

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tel morphème est ou n'est pas classé comme préverbe.

1.2.1.3. Ellipse d'un élément Ces problèmes seront abordés au fur et à mesure. Auparavant, il faut prendre une décision sur un point important: dans certains cas, le complément représentant le tout n'est pas exprimé, parce qu'il est clairement donné par ce qui précède; faut-il compter ces passages lorsque, selon toute probabilité, le tout serait à l'ace. s'il était présent? Il est de bonne méthode de ne pas les recenser; il suffit qu'il existe un exemple où le tout est au génitif, ce qui se rencontre en 0523 Kpo{aµou ati\8oç µlaov o'ÜtaaE.

1.2.1.4. Les variantes Une autre réflexion préliminaire est nécessaire: lorsqu'il y a des variantes, il est parfois impossible d'aboutir à une certitude. Mais, étant donné que ce double ace. a été senti comme agrammatical par au moins une partie de ceux qui ont transmis les textes, il faut accorder un préjugé favorable aux variantes qui admettent le double ace., même auprès de verbes qui ne le connaissent que de façon exceptionnelle. Les deux épopées homériques n'ont jamais eu la forme remarquablement fixe du Véda, par exemple. Plusieurs leçons peuvent non seulement être anciennes, mais même appartenir à la Vulgate et faire partie, à titre égal, de la tradition. Si on se hasarde à donner un nombre, il doit donc déborder celui des cas sdrs et englober des exemples qui présentent des variantes.

1.2.1.5. Le problème du digamma Il est, de plus, probable que certains doubles ace. ont disparu lors de l'amuïssement du digamma, celui-ci pouvant représenter le pronom •FE de 3e pers. élidé devant la voyelle initiale du mot suivant. «En quelques passages la métrique et la construction grammaticale font penser qu'un pronom (F) 's'est 1• perdu. En '2 183, on lit&; a' µovdans le texte) qui proposent d'introduire une préposition dans un double ace. Ce procédé constitue la deuxième des trois 8EpaxEiat d'Eustathe destinées à faire disparaître le double ace. (xp60Â.11v1c; xpo8ioEcoc;) et la préposition proposée est 1ea'ta. Mais ce que nous aimerions savoir, c'est le sentiment de celui qui composait les poèmes homériques. Ka'tâ et 1tp6c; sont à distinguer de txi, xapa, uxip et ux6 qui entrent dans des groupes prépositionnels aidant à situer la partie atteinte, comme en M204 1e6vE yàp aù'tov qov'ta 1ea'tà O'ttl8oc; xapà 6E1p11v(«car le serpent frappa à la poitrine, près du cou, l'aigle qui le tenait»). La poitrine est la partie affectée (1ea'tà 1tov(voir 1.2.2.17). La Roche omet aussi sous P«Uav CZ,166µ1v 1rilxuv bt1ypaJJ6T}v P«M, parce qu'il le classe sous è1t1ypâq,E1v, considérant Ëfl:1ypâP6'rlv~ comme une variante de aÉ'ypa'lfe. Pour les autres exemples, voir 1.2.4.2. ciµcpi~ Enfin, il y a une incertitude en K535 ïncov µ.' CÔ1CU1t66mv oüata PcUl,E1. 'Aµ.q,{n'est pas une p~sition, mais il est sans intéret de~ oüata àµcp113cUl,E1, comme le fait Pierron; c'est un adverbe signifiant «des deux côtés» 1 : «Le bruit des chevaux rapides me frappe les deux oreilles.» La vraie difficulté est le cas du pronom élidé: est-cc un ace. ou un datifl Un datif de possession se rapportant à oüata n'a rien d'impossible, mais la fréquence du double ace. auprès de PcUl,E1v incite à y voir un ace. 2• Après cette liste de doubles ace., il faut signaler les passages qui contiennent 1eatâ ou Kp6ç; on trouve: avec 1eatâ: E65-6, 72-3, 392-4; 881-3, 302-3; A108 (si l'on suit la majorité des manuscrits, dont le Venetus A); N185-6; 0419-20; Il411-2; Il465 (vu plus haut, avec en plus ÀÛaÂ.11v tE 1ea1.ciµcpcocpaea 1eaÂ.a. Vers fonnulaire repris en p39 et xl5-6.

1.2.2.14. Aa11Pâve,v Les variantes sont nombreuses; en deux passages seulement le double ace. est absolument stlr: A229-30 µiv/ yuîa MPn 1CCÎJ1.Qtoç. 0170 tov 6è tpoµ.oç llla~e yuîa. Avec 1eata, signalons a192 µiv 1eâµatoç 1eatà yuîa MPnaiv, dont le parallélisme avec A229-30 est frappant. Ailleurs, le jeu des variantes est assez complexe. En S506, toùç 6' cipa 11:avtaç u,rè, tp6µoç tÂ.Â.apeyuîa est le texte admis par toutes les éditions. Cependant une scholie signale, PQUr le second hémistiche, une leçon entièrement différente (xÂ.copov 6Éoç etÂ.Ev)qui fait disparaître le double ace. Une variante (très minoritaire) avec e\Mto au lieu de ruape ne modifie pas la construction. En S475 Tpéi>aç6' cixoç ruape 8uµ6v, la leçon la mieux attestée est 8uµ6v, mais on trouve aussi pour ce mot le datif ou le génitif. Reste 088 tov 6' µ.âÀ.Â.ov tp6µoç fUape yuîa, qui est le plus

m

u,ro

1. En proposant le g6ütif à la place de l'ace.: àvtl 'tOÛyuvcxtKOÇ µcxt6v·'()µ11purov8è 'tOl8oç. 2. Leeuwcn; A.H.C.; Leaf; La Roche.H.S.• p.230, l'admet sans discussion.

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etspl,b'edelapeno,,,,e

est le plus incertain. Les témoignages se répartissent entre deux verbes, nl.al3e et 11Â.u8E,et se pose un problème de la construction. En effet, t6v n'est fourni que par un manuscrit, tous les autres ont le datif (avec le datif, le seul autre exemple pour ce verbe est 8452). Ainsi donc, le bilan relève de l'appréciation personnelle autant que de critères objectifs. L'idée que plusieurs leçons relèvent également de la tradition (Eustathe, pour S475, cite 8uµ6v en 93 et 8uµip en 998) et le principe de la lectio dijficilior invitent à admettre tous les cas signalés.

1.2.2.15. Ae{se1v y 406 éoçèipa t6v y, lpuy6vta Â.l1t oatia I

&uµ.oç CXY11VO>p «Il a rugi de

même celui dont la noble vie a abandonné les os».

1.2.2.16. N{Ce1v t356 va. Le problème du participe se retrouve 6• en A467-9 où, malgré i&ov, il peut y avoir un double ace. avec 0Üt110'E On a 1eata. devant la partie atteinte en 263-4, A338-9, E446-7, 493, 516-7, 1. SJ.G. 282, Il, 20, Pri~nc (333 avantJ.C.). 2. E. Risch, Wortbildung der homerischen Sprache, 2e 61., Berlin, 1974, p.115, se demandesi ce n'est pas un substitut JMtriquede µl:tamov.

3. Voir Leaf.

4. Scholie V UV'tl'tOÛeiaac; opEÇ«µntoc; ai: w:poc; 'tOiuval. S. H.S., p.106. 6. La Roche, H.S., p.227. Mais on ne retiendra ni 0311-2 ni 0399-400, probablement un «aeeusatif de relation» à rattacher à yuµvco8évta.

car cnépvov est

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et sphlre de la personne

Y472-3 et t452. On a 11:poçen 1.299-301.

1.2.2.20. Il1âte\V 4)268-9 tO'lf'. 4)180 yaatépa yap µ.1.vn>'lft, (cas exceptionnel où la partie préœde le tout) est proche de P312-3 Cl)6p1CUva.. ./ ... µ.écrriv xatà yaatépa n>'lft:, qui contient 1Cata.

1.2.2.23. 'Ysipxeo8a\

(iw:épxeo8at)

A deux reprises, en H215 et en Y44, à la leçon Tpéi>aç 6È tp6µ.oç aivoç u7t11Â.u8t: yuîa Ëxacstov, donnée par une très forte majorité de mss, s'oppose la variante t1tT1Â:u8c,mais la répartition n'est pas la même. Ainsi, le Venetu.r A donne i11:11Â.u8t: en Y44, mais U1tf1Â.u8t:en H215. Quelle que soit l'attitude adoptée vis-à-vis de ces divergences, le double ace. est assuré dans les deux cas.

1.2.2.24. tbe'6ye\v. Dans les huit exemples de m>î6v at: &oc;cp{ryevËplCOÇ o66vtcov (4350, :::83, a64, y230, t:22, t492, cpl68, '1'70), le groupe Ëpxoç o66vtcov désigne clairement une partie du corps et constitue avec est: un axiiµa xa8' oÂ.ov 1ea1. µépoç.

1.2.2.25. G-6panv

xcv..ax cpupaco/ aïµatoç

a21-2 µit \lC:'lfEf3a8eîav.

1.2.4. La partie n'est ni une partie du corps ni le siège de sentiments 1.2.4.1. 'A11,ii1tl\V n 124 ntVµ.ÈV1tpuµ.v11v ,rup c'iµ.q,aEV,dont le sens est clair («le feu en enveloppa la poupe»), présente, dans l'analyse détaillée, quelques difficultés: le mot 1tpuµ.v11v est-il un nom ou un adjectifl Comment est-il accentué? T11vest-il un article ou un pronom démonstratif! On s'accorde sur l'analyse de 't'llV, qui, étant donné la rareté de l'article chez Homère, est très certainement un pronom démonstratif. Les deux autres questions sont liées, puisque le grec a opposé par l'accent, à l'adjectif 1tpuµv6c;,«qui est à l'extrémité», le substantif 1tpuµv11«la poupe» 2• La question de l'accentuation homérique de ces mots est complexe, mais ce problème n'est pas aussi important qu'il le paraît, car l'accent révèle les analyses des savants alexandrins plus qu'il ne transmet le point de vue des aèdes; force est donc de prendre position sur la syntaxe, sans s'occuper de l'accent, faute d'une tradition solide. Avons-nous le tour summa arbor ('t'llV,pronom = vi\a et 1tpuµv11v,adjectif) ou le double ace. ('t'llV- xpuµv11v):«le feu lui enveloppa la poupe»? La première analyse se trouve chez certains auteurs modernes; La Roche relève cet exemple avec les constructions qui n'ont qu'un acc.3; Ebeling le classe aussi avec les tours simples, sous la rubrique n:puµ.v6c;. Cette analyse est probablement celle des éditeurs qui accentuent 1tpuµv'Jlv;parmi eux figurent Leaf et Mazon. Deux choses invitent à prendre en considération l'autre analyse. D'abord les anciens voyaient dans 1tpuµ.v11vun substantif: en témoigne une 1. Sur K139, voir Leaf, qui doMe des parall~les avec Ktp{ adverbeou JnVerbe.Voir surtout l'analyse ttès nuancée de Chantraine, Gr. hom., Il, p.126. 2. Voir J. La Roche, HomerischeTextlcritikin Altenhum, Leipzig, 1866, p. 346-7. 3. H.S., p.108 (où il accentue xpu11VT1v; ensuite, dans le livre ci~ dans la note pr6œdente, il a dtfendu la fonnc oxytone, qu'il adopte naturellement dans son 6dition de l'Iliade).

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et spl,lrede lapenoMtt

scholie (&n o\hcoc;EÏP111CE fllV µ.ÈvKJ>UJI.VllV civd wû 'ti\c;µ.Èv fllV 11:p'ÔJ1.V11V); ensuite et surtout, leur analyse est corroborée par v84 'ti\c;KJ>UJI.Vll àdpE'to «la poupe du navire pointait»; au nominatif, où il n'y a pas de tour du tout et de la partie, le tout (tfic;) est au génitif. Il est donc possible de voir en n 124 tTlV...1tpuµ.v11vla transposition à l'ace. du 'ti\c; 1tpuµv11de v84; un double ace. n'est donc pas exclu icil; cette analyse a été celle d'une partie des Grecs de !'Antiquité et pourrait remonter au moins jusqu'à l'époque de la constitution de l'Odyssée. 1.2.4.2. BaÂÂE\V La partie est une partie de l'armement On recense quatre exemples simples de double ace.

A459 =Z9 t6v p• Ëf3au ,i:péi>toc; x6pu8oc;cpcUov. M400-l Tov .../ f3Ef3À.T)1Ct\ tû.aµ.éi>va. Y288-9 "Ev8â lCEVAivdac; µ.èv È1tEaauµ.evovl3ciÀ.E 11:i:tpép/ i\ x6pu8' 11è aâxoc; (où il est légitime de suivre la majorité des mss sans prendre en compte la variantebtEOGUJI.EVOc;µEtà A111tovopµ.118évta/Ptf3À.T11CE1 8mP111ea xatà atfi8oç 11:apà µa~ôv. E98-9 xai l3ciÀ.'b:a{aaovta tuxmv xatà 6El;1ov mµ.ov/ 8mP111eoc; yôaÂ.ov.Dans ces exemples, xatci est certainement une préposition (voir aussi N586-7). Le tout n'est pas une persoMe

Un passage présente l'ace. du bouclier pour le tout, mais la partie du bouclier atteinte est introduite par xatci: H 245-6 l3«Â.EV... acixoc; .. ./ à1ep6tatov xatà xaÀ.x6v.

1.2.4.3. N'6aa1nv Ebeling omet de mentionner un cas indiscutable: A563-5 Aiavta ../ ..J vûaaovtEÇ l;uatoîm µ.œov aamc;ailv &ovto. Aucun ace. ne peut se rattacher au verbe principal; Ajax et son bouclier fonnent donc un double ace. du tout et de la partie auprès du participe vuaaovteç.

1. Euswhc voit un axi\µam8' oÂov ml µépoçdansle memc couple navirc-eoupc en K570vril 6' M 1tpuµvfl,en quoiil prolongel'cnseipemcnt de la ICholicA civil toû vecbç1tf7Ul1Y\l•

1. Doubleaccusatif

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1.3. DESCRIPTION SEMANTIQUE ET COMPLEMENT DU CORPUS 1.3.1. La possession inaliénable 1.3.1.1. Première approche de la notion de possession inaliénable Le classement des doubles ace. du tout et de la partie en fonction de la partie a mis en évidence ceci: non seulement les cas où le tout est une personne et où la partie est une partie du corps ou bien le siège de sentiments sont de loin majoritaires, mais encore les autres cas sont en si petit nombre que nous pouvons provisoirement les laisser de côté; toutefois nous verrons plus loin que ce résidu n'est pas hétérogène; au contraire, il se range facilement dans la notion que nous allons dégager à partir des cas les plus fréquents. Dans ceux-ci, Jes substantifs qui désignent la partie sont caractérisés par le fait qu'ils appartiennent nécessairement à quelqu'un; un arbre peut être sans possesseur, il n'en va pas de marne de la main ou de l'esprit. La lance peut se ficher dans le sol, qu'il ait ou non un propriétaire; mais si elle pénètre dans une épaule, c'est toujours l'épaule de quelqu'un. De plus, ce possesseur ne peut changer: il s'agit d'une relation très particulière entre le tout et la partie qu'il est traditionnel d'appeller relation de

possessioninaliénable.

1.3.1.2. Les recherches sur la possession inaliénable Cette notion a d'abord été étudiée dans les langues non indo-européennes. Lévy-Bruhl a rassemblé des faits concernant cette notion dans l'Expression de la possession dans les langues mélanésiennes•.L'article est ancien, mais l'idée s'est révélée féconde 2 et elle a été constamment reprise à propos des langues les plus diverses3. Les études de M. Leenhardt sur les langues mélanésiennes ont confirmé la justesse de cette interprétation linguistique4. Dans une analyse très fine, il a rendu compte des apparentes anomalies dans la distribution entre les deux classes de substantif (aliénable/ inaliénable) et défini le contenu précis de cette notion dans la mentalité canaques. Il va de soi que cette analyse n'est pas intégralement transposable dans la mentalité homérique. Dès 1926, Ch. Ball y, dans un article plein d'intuition et d'idées seulement

1. M.SL. 19 (1916), p.96-104. La ~se soutenue par L. Uvy-Bruhl dans ses premiers ouvrages sur la rncntali~ primitive a é~ vivement contestœ, notamment par O. Leroy, La Raisonprimitive. Essai de rtfutaJionde la théoriedu prélogisTM,Paris, 1927;par R. Allier, Le non-civilisl et nous. Différence irréductible ou identitl fonciire, Paris, 1927; et plus tard, par H. Bergson, Les dem sources de la morale et de la religion,Paris, 1932; et lui-meme l'a par la suite fortement atœnu6c (notamment dans ses Carnets posthumes, Paris, 1949). Mais les objections dont elle a~~ l'objet et que nous reprenons à notre compte n'infirment pas les faits que nous lui empruntons. Nous allons dans le sens de ces critiques en doMant des parall~lcs dans des langues modernes appartenant à diverses civilisations, y compris la nôtre. 2. Uvy-Bruhl opposait à «propriét~ ali~nable» diverses expressions. Le couple antith~tique alilnable / inaliénable est d0 à C.C. Uhlenbeck («vervreemdbaar»/ «onvervreemdbaar»)dans «Hct idcntificccrcnd karalctcrder possessive flcxic in talcn van Noord-Amcrika», Verslagen en Mededeelingender Kon. Alcad.van wetensch.,Amsterdam, 1916, p. 345-371. dites possessives: 3. On trouvera une bonne bibliographie dans D. Creissels, Les constrUCtion.s Paris IV, 1979. E. Benveniste étude de linguistiquegénérale et de typologie linguistique,~. avait fait une communication sur ce sujet: cf. B.SL. 48 (1952), p. XX:lll-XXIV. 4. Langues et dialectesde l'Austro-Mélanlsie,Paris, 1946,pJCXVI-XXIX. S. Do lcamo.La personne et le mythe dans le monde rnélanbien, Paris, 1947, p.21-25.

r,

et sphùe de la penonM

esquissées 1, cherche comment les langues indo-curopœnnes expriment l'idée de «sphère personnelle», cc que Uvy-Brubl appelait les «appartenances» ou «extensions de l'individualité»2 et il fait une allusion au double ace. du tout et de la partie. Il note que dansl'ensemble suivant:

A) Je me suis cassé le pied B) J'ai cassé monpied B) peut à la rigueur être l'équivalent de A), mais aussi couvrir des sens exclus par A) (c'est ainsi que s'exprime le photographe qui a cam le pied de son appareil photographique). En revanche, A) n'est possible que si le pied est une partie du corps. En effet, j'ai cassé mon marteau ne peut se dire •je me suis cassé le marteau. De même, je lave ma voiture n'est pas susceptible de se transformer en •je me lave la voiture, tandis que je lave mes mains se dit beaucoup plus habituellement je me lave les mains3. Bally notait avec humour: «Il ne lui (à un français) viendrait pas à l'esprit de dire "J'ai cas~ ma jambe" au lieu de "Je me suis cas~ la jambe", à moins qu'il ne s'agisse d'une jambe de bois»4 • H. Frei, dans un article intitulé Sylvie est jolie des yeuxs, a relevé une autre différence de traitement entre les deux catégories de l'aliénable et de l'inaliénable: «Je puis dire de Sylvie qu'elle est belle de taille, noire de cht!veux ( ...): pourquoi ma conscience linguistique se cabre-t-ellc devant belle de gants, noire de chaussures( ...)?» Sa réponse paraît excellente: «Au contraire de la taille, des cheveux ( ... ), qui font partie intégrante de Sylvie, les gants, la chaussure ( ...) sont extérieurs à sa personne»6. Autrement dit, dansle premier cas seulement, les substantifs entrent dans une relation de possession inaliénable. Les langues mélanésiennes et micronésiennes (sauf une) distinguent les noms de possession inaliénable, qui prennent un pronom suffixé, des autres noms, qui ne le prennent pas7; les procédés varient pour la seconde catégorie, mais comme les Mélanésiens ne nomment pas un objet sans mention d'un possesseur, l'opposition entre les deux catégories de substantifs est une donnée fondamentale de leur langue8. Ch. J. Fillmore a repris ces idées dans son article intitulé The Case for case9, où il regroupe des procédés fort variés qui relèvent de cette distinction et qu'il emprunte à des langues très différentes. Puisque les noms de possession inaliénable créent dans de nombreuses langues un sys~me syntaxique d'où sont exclus les noms de possession aliénable, il faut expliquer en grec ancien le double ace. du tout et de la partie non à partir d'une règle générale, mais en formulant 1. «L'expression des idhs de sphàe personnelle et de solidarit~ dans les langues indocurophnncs» (=Sphirepersonnelle),FestschriftL. Gauchat,Aarau, 1926,p.68-78. 2. L'Ame primitive, Paris, 19rT, p.132-50. 3. Le système imscnœ ici est celui de la langue mite, et aussi celui de la langue par16cdu nordde la France; dans la langue famili~ du Midi, Je ~ lave la voiture n'est pas agrammatical, mais il s'agit d'un systànc tout autre, dont l'existence autonomene contredit pas l'analyse propos6c.Il est intéressant de noter qu'on dit parfois (sans s'en rendre compte!) Tu laves ta mmns à un tout jeune enfant: la raison en est la volonœ non consciente de simplifier la syntaxe en n'employant pas la construction propre à l'expression de la possession inali~nablc, et en ne conservant que la construction qui est commune à la possessioninali6nablcet à la possession alimablc. 4. Sphire personnelle,p.68. S. Ml/anges de linguistique offerts d Ch. Bally, ~vc, 1939, p.185-92 (=Sylvie). 6. Sylvie, p.188. H. Frei rel~c un in~sant parall~lc dans la description de la Vertu par X~nophon: cf. 1.4.2.3. 7. R.H. Codrington, The MelanesianLanguagu, Oxford, 1885, p.142-3. 8. M. Lccnhardt, Langueset dialectesde L'Austro-MllaMs~. p.xxvI. 9.Universalsin Unguistic T/teory,6d. E. Bach- R.T. Hanns, New-York. 1968, p.1-88.

1. Doubleaccusad/

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une règle qui leur soit propre. Auparavant, il faut examiner les cas recens& en 1.2.4., qui ont été provisoirement laiss& de côté (armement, partie d'un objet).

1.3.1.3. Possession inaliénable et armement Le problème est celui des limites de la personne;la notion semble évidente, elle est, en fait, des plus variables. L'ethnologie ne peut rien prouver en ce qui concerne la mentalité sous-jacente aux textes homériques, mais elle nous débarrasse de l'idée simpliste que la personne a nécessairement pour limite la peau du corps. Un exemple amusant est en Arapaho, où les poux sont considér& comme inaliénables•. Dans cette langue amérindienne, à une classe de substantifs pour lesquels la dépendance n'est pas obligatoirement notée s'oppose une catégorie de noms qui n'apparaissent que dans un syntagme exprimant la possession: cette deuxième catégorie, fort peu étendue, comprend les parties du corps, des liens sociaux étroits et les poux. On ne peut s'empêcher de rapprocher ce trait linguistique d'une coutume correspondante, malgré l'éloignement géographique: «Il arrive souvent qu'un Cafre rend aimablement à un autre le service de lui chercher ses poux; auquel cas il garde ces spécimens entomologiques, et les rend scrupuleusement à la personne à qui ils appartenaient. En effet, comme ils se sont nourris du sang de lbomme sur lequel ils ont été pris, on suppose que s'ils étaient tués par quelqu'un d'autre, celui-ci aurait en sa possession le sang de son voisin, et aurait ainsi entre ses mains le pouvoir d'exercer sur lui une influence magique»2. L'ethnologie a souvent relevé le lien étroit entre le guerrier et ses armes; dans certains pays, il est interdit de toucher aux armes d'un guerrier: «C'est littéralement toucher à lui-même, et risquer de s'attirer sa colère»3. Dans un groupe ethnique de l'Assam, une personne qui vend son poignard en détache un copeau du manche4; les Eskimos font de même lorsqu'ils se séparent de leur engin de chasses. L'individu conserve ainsi symboliquement la propriété de ce qu'il a donné. Ces coutumes s'expliquent souvent par un phénomène général: ce qui a été en contact intime et fréquent avec l'individu devient comme une extension de sa personne. Chez les Bantous, on distingue deux catégories panni les différentes choses ayant appartenu à un mort. Parmi celles qui sont enterrées avec lui figure le manche de sa sagaie, qui a été en contact fréquent avec sa main, tandis que le fer pourra être donné à ses héritiers6. Or l'armure épouse le corps; elle a une poitrine, des bras, des jambières; elle est comme un double du corps et le bouclier est une seconde peau. Il n'y a pas de difficulté à admettre que dans une mentalité épique ou guerrière l'armure fuse partie de la personne au même titre que les parties du corps. Peut-on se risquer à invoquer, en dehors de la syntaxe, des faits qui corroborent cette union de lbomme et de ses armes? On songe alors à la longueur et à la précision de certaines descriptions (celle du bouclier devient un 1. ZdenèkSalzmann, «Arapaho VI: noun», International Journal of Amerlcan Ungui.stics, 31 (1965), p.139. 2. Uvy-Bruhl, L'ArM primirive, p.141. 3. Uvy-Bruhl, L'ArM primirive, p.139. 4. J.P. Mills, The Ao Nagas, Londres, 1926, p.104. 5. Uvy-Bruhl, L'ArM primirive, p.140. 6. H.A. Junod, Maurs et coununu da Bantous.La vie d'une tribu sud-(VricaiM, 1, Paris, 1936, p.135-6: «Le manche est lui, le fer n'est pas lui».

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et spltb'ede la personne

genre litt&aire ). On pense à l'importance que prennent dans le r6cit homérique les combats autour des armes des héros tués. Et puis, pourquoi Patrocle tiendraitil tant à revetir les annes d'Achille si avec elles il n'emmenait pas un peu de sa

personne? 1.3.1.4. La possession lnaliênable et les objets Nous avons en Ill24 (1.2.4.1) un double ace. dans lequel le tout est un objet, et non une personne. La difficulté tient seulement à l'appellation «possession inaliénable» qui est trop juridique; cet exemple appartient sans conteste au même domaine que les autres doubles ace. (cf. 1.4), puisqu'il y a identité de substance entre le tout et la partie. Frei avait relevé en français des expressions comme «un rideau passé de ton» ou «des couloirs spacieux et bas de plafond» du même type que «Sylvie est jolie des yeux» 1• Dans les langues mélanésiennes, les parties d'une chose prement le même suffixe que les mots qui désignent les membres du corps2; cette catégorie de la possession inaliénable a aussi été reconnue dans d'autres langues, dont le hongrois, le copte et lbébreu3. Il n'y a donc qu'un problème de terminologie; l'étiquette «possession inaliénable» n'est pas sans inconvénient, mais elle a été employée dans un trop grand nombre d'études pour qu'il soit judicieux d'en changer. En conclusion, tous les exemples qui sont traditionnellement classés comme doubles ace. du tout et de la partie sont à étudier dans le cadre de la notion de «possesion inaliénable» 4•

1.3.2. Les verbes signifiant «laver» La théorie proposée n'exclut aucun des exemples traditionnels. Voyons s'il existe d'autres doubles ace. qui relèveraient de la possession inaliénable sans etre généralement classés avec les doubles ace. du tout et de la partie. Inventaire fait de tous les doubles ace. chez Homère, il faut examiner les verbes signifiant «laver» et les verbes signifiant «couper».

1.3.2.1. Les constructions des verbes «laver» Les verbes «laver», c'est-à-dire ÂoÛttv et le couple v{,nv / vunew (ainsi que leurs composés) auxquels s'ajoutent 1ea8a{ptlV et à1toÂ.lXµ.âv (1 ex.), occupent dans les doubles ace. une situation originale; on la méconnaît complètement si, comme La Roche, on les considère comme un simple sousgroupe des verbes «ôter-5. Cette place particulière est due à la variété des types de double ace. qu'ils provoquent et au rôle de l'opposition actif / moyen dans la construction, alors que la diathèse moyenne ne semble pas avoir d'effet syntaxique sur les verbes «ôter». Il faut distinguer trois types d'ace.: 1. Sylvie, p.188. 2. R.H.Codrington,The MelanuianLanguagu,p.128. 1907, p.UiO; 3. Z. Simonyi,Die ungarischeSprache. Geschichleund Charaberistik, Strasbourg, O. Steindorff, Koptische Grammatik, 2c ~-. Berlin, 1904, §84 et 166. H.B. Rosén, «Sur quelques ca~gories à expression adnominaleen htbrcu isratlien», B.SL., 53 (1957-8), p.316-44. 4. Pour une descriptionproprementsyntaxique,voir B. Jacquinod,«Analysesyntaxiquede la mise au mêmecas du compltmcntdu tout et du compltmcntde la partie en grecancien»,ln thefootstepS of Raphael Kilhner. Proceedingsof the lnrernationalColloquiumin Commemorarionefthe 150th OMiversaryof the publication of R. KiJJuler'sAusft»,rlicheGrammatik der grlechische11Spraclte, Il, Theil: Syntau, Amsterdam, 1986. 5. La Roche, H.S., p.237.

1. Double accusatif

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-celui de la personne (ou chose) lavée (1) -celui de la partie lavée (2) -celui de la souillure ôtée (3). Toutes les combinaisons binaires de ces ace. sont r&lisées: -type I : (1) + (2) t356 OE1e66aç v{vtt cho pp6wv ulµat6wtu -type Il : (1) + (3) I345 Ilatpox:Àov Â.o\>aEUXv -type ID: (2) + (3) t224-5 xpoo v{ttto .. J ÜÂfl.flv. Il se peut que la combinaison ternaire (1) + (2) + (3} existe avec le seul emploi homérique de &1eoÂ.ixµâv:cl»l22-3 oï a' cinttÂ.TtV/utµ' cixoÂ.lXJl'flGOVmt. Mais, à la différence des types ci-dessus, l'exemple est rendu douteux par des variantes et par la forme élidée du pronom, dont le cas n'est pas s6r.

1.3.2.2. Le type I: ace. de la personne et ace. de la partie L'opposition de l'actif et du moyen est sémantiquement claire; Nausicaa emploie l'actif lorsqu'elle ordonne à ses servantes de s'occuper d'Ulysse (t210), mais Ulysse se sert du moyen pour répondre qu'il ne se lavera pas en sa présence (t221); le moyen marque que dans le second cas le sujet est le siège du proœs, alors qu'il n'en est que l'agent avec la forme active du verbe. En dehors de &1toÂ.ixµâv de sens éloigné et dont l'actif n'est pas attesté avant Denys d'Halicarnasse, tous les passages vérifient cette répartition. Cette opposition sémantique a ici une conséquence syntaxique: la présence ou l'absence de l'ace. de la personne lavée respectivement avec l'actif et le moyen. Avec le couple vitEw / vÎflEtV, qui est spécialisé dans la toilette des mains et des pieds, l'opposition de voix est intéressante, car elle correspond aux usages. On trouve le moyen avec le complément XEÎpuc; (Il230, ~261, x:182, µ336): le plus souvent, on se lave les mains soi-même et seule cette action est décrite chez Homère. L'emploi de uùt6c; en Il230 v{vuto 6' uùtoc; XEÎpcxc;est quelque peu redondant: c'est le moyen qui indique le rapport intime entre XEÎpuc; et le sujet, moyen qui s'oppose à l'actif du vers précédent, Il229 Ë1tEltU 6' ËvtVE, où le complément non repris est une coupe. En revanche, on trouve l'actif pour la toilette des pieds: t387 tep 1t66uc; ~u1eévitEV: «(Euryclée apporte le chaudron) avec lequel elle lavait les pieds». Dans la société aristocratique de l'Odyssée, c'est une servante qui lave les pieds du maître ou de lbôte. En somme, v{ttiv apparaît au moyen lorsqu'il y a une relation de «possession inaliénable» entre le sujet et la chose lavée, et à l'actif dans le cas contraire (voir toutefois l.4.2.4). Comment les doubles ace. t356 aE x66cxc;Vl'lfElet t376 aE m&xçv{vm avec un verbe à la forme active s'intègrent-ils à cet ensemble'? A la différence de 1t66uç eçuxévitEV (t387) où l'imparfait marque lbabitude dans le passé et où très naturellement les «possesseurs» des pieds restent indéterminés, t356 (ace.), «la sueur»: K574-5 riµa 8aMa ,coWv/ Vl'lfEVà,cè, XPCMOÇ et K572 i6péi> ,co').JJ,v mœviÇovto8«Moon. Les deux passages dkrivent le meme fait; le changement de diathèse est corrélatif du changement de sujet, mais l6pâ> n'en est pas aff~. Tandis que la souillure est toujoun à l'ace., il y a deux marques pour exprimer ce qui en est ~barrassé. Il y a d'abord le génitif, comme en K574-5; il y a aussi l'ace. Sont à considérer les doubles ace. qui sont soit du type Il 1, comme I345 (Ilatp01CM>V ÂOÛOElŒVaxo pp6tov alµat6EV'ta), soit du type m. comme Ç224-5 (xp6a viÇE'to 6îoç •œuaaebçl lU.µ11v). Un double ace. du type II se rencontre auprès de 1ea8a{petv: Il667-8 1CEÂv r.1e peUcov Iap1t1166va «Va loin des traits et lave le sang noir de Sarpédon» 2• De ces deux constructions, la première est claire: le génitif y a une valeur ablative, la toilette est en quelque sorte une séparation, ce que souligne

cix6. Comment interpréter les doubles ace.? Les ranger avec les verbes signifiant «ôter»3 n'est pas une solution satisfaisante. Dans Partitive Apposition in Homer, E.A. Hahn a montré la différence de sens entre les deux catégories de verbes: «The person who is deprived of some one or something and the person or thing of which be is deprived, have always been completely separate entities, with no internai connection between them; the separation does not involve the removal of a substance which until such separation bas physically adhered to the person» 4 • Beaucoup plus nette est la différence syntaxique; alors que dans A 182 éoçëµ • cicpatpEÎ'tat Xpuoîpoç 'Ax6Umv on ne peut supprimer le mot qui représente ce qui est enlevé sans changer complétement le sens de la proposition, au contraire, le sens général demeure si l'on fait disparaître la mention du sang en l:345 Ila'tpo1eÂov ÂoÛO'Etavlixo pp6tov alµat6evta. Le tour avec le seul ace. de celui qui est lavé est bien attesté. Alors, peut-on voir dans les types Il et III de double ace. une autre forme du double ace. du tout et de la partie? A première vue, il paraît surprenant de considérer la saleté comme une partie intégrante de la personne. Pourtant l'idée avait été avancée par AmeisS, même pour Ç224 où il dit que le sel «ais feste Kruste für einem KHrpertheil angesehen wird.» Mais elle a été critiquée par La Roche 6 qui lui préfère l'interprétation de Faesi7 et elle a disparu de l'édition 1. La Roche classe parmi les doubles ace. '1'41 n11Ad611v A.oûoao8a1 cixo pp6tov aiµat6tvta. Le contexte, me scmblc-t-il, impose au contraire d'analyser n11Ad&,v comme le sujet du verbe à la voix moyeMe. 2. Sur les probl~mcsque pose cc passage, voir Lcaf. 3. Ccst le classement adopt~par La Roche, H .S., p.237 et par Chantraine, Gr. hom., Il, p.43. 4. Partitive Apposition,p.238. S. Voir H.S., p.238. 6. H.S., p.238. 7. «N(tno mit doppcltem Akkusativ wie cixoÂ.OÛt1v nvà ppoiov (I34S), eincm das Blut abwuchcn, analog mit i1e6ûoaî nva x11mva».

1. Doubleaccusatif

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d'Ameis-Hentze revue par Cauer 1• Il est à noter qu'il s'agit deux fois du sang (non compris l'exemple discutable de àxoÀ1xi,1âa8a1), c'est-à-dire d'une substance organique et une fois de la pellicule de sel à peine visible qui recouvre tout le corps après un séjour dans la mer, un peu à la manière de la sueur. Avant de conclure à une figure de style (cc qui est tentant surtout pour le sel), il est de bonne méthode de se demander si le sang de la blessure (ou le sel laissé par le bain) est susceptible d'être consid6re comme une partie de la personne dans la mentalité d'un groupe social et pas seulement dans l'expression recherchée d'un poète épique. Bally a rappelé aux linguistes combien les limites de la personne, loin d'aller de soi, dépendent largement du contexte socio-culturel2. L'ethnologie fournit une multitude de faits surprenants qui concernent l'étendue de la personne et qui, sans rien prouver bien sOr, font paraître vraisemblable un double ace. du tout et de la partie dans les types Il et m de double ace. auprès des verbes signifiant «laver». Les ethnologues ont constaté que cc qu'ils appelaientla «mentalité primitive» englobe «avecle corps lui-même, ce qui croît sur lui, et cc qui en sort, les sécrétions et les excrétions: cheveux, poils, ongles, lannes, urine, excréments, spenne, sueur, etc.»3. Divers rites, dans des régions très éloignées, supposent que les rognures d'ongles et les cheveux coupés sont l'équivalent de la personne. Ainsi, chez les Ba-Kaoundé, au lieu de jeter à la rivière un enfant qui perce ses incisives d'en haut avant celles d'en bas (un tel enfant porte malheur), «on peut autoriser la mère à mettre dans une calebasse, et à conserver, toutes les dents de lait de l'enfant au fur et à mesure qu'elles tombent, tous ses ongles qui se détachent, toutes ses rognures d'ongles, et tous les cheveux qu'on lui coupe» 4 • La mère jettera la calebasse dans la rivière. Point n'est besoin d'aller chercher des exemples aux antipodes. En France, aujourd'hui, des gens font disparaître soigneusement les rognures d'ongless. Les peuples de langue indo-européenne ont connu de telles pratiques. Dans l'A vesta, on prescrit de placer les débris de cheveux ou d'ongles dans des trous séparés6 et Aulu-Gelle rapporte que le flamen dialis doit enterrer ses rognures d'ongles au pied d'un arbor fe/ix1. Parfois les offrandes de cheveux impliquent qu'ils représentent la personne. Chez Euripide, /.T.820-1, Iphigénie rappelle qu'elle a envoyé à sa mère ses cheveux pour qu'ils soient enterrés à sa place. Chez les peuples qui croient à la résurrection, coupures d'ongles, 1. «N{~tto mit doppeltcm Ak.kusativ wic andere verba des Reinigens, nach Analogie der Vcrba des Wegnehmens». 2. Ch. Bally, Sphlre personnelle, p.68-9: «La notion de sphère personnelle est purement subjective; rien n'empêche l'imagination collective d'attribuer au moi des choses ayant leur existence propre, ou inversement , de ditacher ce qui ne peut réellement en etre ~ (cf. anglais 'I have broken my leg'). L'extension de la sphèreest ~nœ par les id6es traditionnelles de chaque groupe linguistique; ces limites peuvent varier de langue à langue, varier aussi dansune meme langue au cours de son ivolution». 3. Lévy-Bruhl, L'Ame primitive, p.133. 4. Uvy-Bruhl, L'Ame primitive, p.147. 5. Le (ait m'a ~t~ signali à Lyon. Citait aussi une pratique dans les Vosges d'aims L.F. Sa~ Lefolk-lore des Hautes Vosges, Paris, 1889, p.170. 6. Vendidad, Fargard 17,7; pour une ttaduction, voir J. Darmesteter, Le Zend-Avesta, LI (=Annales du Musit Guimet, t.XXI), Paris, 1892, p.238. 7. X, 15, 15 «Unguium Dialis et capilli scgmina subtc:r arbomn felicem terra operiuntur». Sur la notion d'arbor fe/b:, voir J. André, «Arbor felix, arbor infelix», Hommage d J. Bayet (-Lalonuu, LXX), 1964, p.35-46.

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et,pltlrtM/apeno,u,e

morceaux de cheveux et dents arrach6es sont parfois ruaemb~s en un seul lieu; ce rite se retrouve en Twquie, en A.rlœnie, chez les Maœdoniens, au Maroc, en Esthonie, dans les Vosges et en Irlandel. Interrogés à cc sujet, les Incas répondent: « Sache que toutes les personnes qui sont œes reviennent à la vie, et que les Amesdoivent se lever de la tombe avec tout ce qui appartient à leur corps. Aussi, ne voulant pas avoir à chercher nos cheveux et nos ongles à un moment où la précipitation et la confusion seront grandes, nous les plaçons en un seul endroit, de façon qu'on puisse les rassembler facilement; toutes les fois que c'est possible, nous ne crachons aussi qu'en un seul endroit»2. Les rites et les interdits concernant le sang sont beaucoup plus nombreux; leur raison et leur signification sont complexes. Un flamen dialis ne doit ni toucher de la viande crue ni même en prononcer le nom3; à certaines 6poqucs, un brahmane ne doit ni regarder de la viande crue ni du sang'. De la riche collection de faits concernant le sang rassemblée par Frazer, je ne retiens que l'existence chez les Betsiléos de Madagascar d'une catégorie d'hommes appelés ramanga : «Leur tâche consiste à manger toutes les rognures d'ongles et à lécher tout le sang des nobles qui a été versé. Quand les nobles se coupent les ongles, ces ramangas en ramassent les rognures et les avalent. Si elles sont trop grosses, ils les hachent en petits morceaux et les ingurgitent ainsi plus facilement. Et si un noble se blesse, en se coupant les ongles ou en marchant, le ramanga lèche son sang aussi rapidement que possible. Les nobles de rang élevé ne vont nulle part sans être accompagnés par ces humbles serviteurs; si pourtant aucun d'eux ne se trouve présent, on recueille scrupuleusement les ongles coupés et le sang versé, et le ramanga avalera le tout plus tard»5. N'est-ce pas l'idée que le sang, même sucé par les poux, est partie de la personne, qui expliquent la coutume des Cafres signalée en 1.3.1.2? Le sang entrait dans les échanges de serment chez les Mèdes au dire d'Hérodote (1,74). Certes, chez les Grecs, les prescriptions relatives au sang sont peu nombreuses6 et relèvent surtout de rites de purification. Mais le sang, c'est plus qu'une partie de l'individu; il est souvent considéré comme la vie même, du moins comme la contenant. Cest ce qui explique de nombreux rites alimentaires, par exemple chez les Juifs. Aussi n'y a-t-il aucune difficulté à considérer comme appartenant à la personne le sang de la blessure, même s'il a séché sur la plaie. Peut-on en faire autant pour le sel que la mer laisse sur la peau après un bain? Il apparaît que tout ce qui a été en contact avec l'individu peut être considéré comme faisant partie de sa personne et le dépôt de beaucoup d'objets usuels dans les tombes s'expliquent par le désir d'enterrer la totalité de l'individu. A propos des doubles ace. avec une partie de l'annure, il a été signalé que «chez les Thonga, le manche de la sagaie d'un guerrier est une 'appartenance', mais non pas la lame» 7 • Lévy-Bruhl cite, avec les références reproduites en notes, deux 1. Pour les ~6'ences, voir Frazer,Tabous, notes997 à 1004. 2. Garcilasso de la Vega, Histoire da Yncas, rois dMPirou, livre Il, chap.7, trad J. Baudoin, Amsterdam, 1704, LI, p.142. Mais la traductionretenueici est celle de Frazer,Tabous, p.233. 3. Aulu-Gelle, X, 15, 12 et Plutarque, Quaest. Rom., 110. 4. The Grihya S(Jlras,trad. H. Oldenbcrg = The sacred boolc.sof the East, XXIV, Oxford, 1886, Ll, p.81 et 141. S. Fru.er, Tabous, p.206 et note 819. 6. L Moulinier, Le pur et l'impur dans la sensibilitédes Grecsjusqu'tl la fin dM/Ve sUcle avant J.C., Paris, 1950, p.63-4. 7. Uvy-Bruhl, L'Ame primitive, p.140.

1. Double accusatif

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faits du même ordre. Les Zoulous ne mangent pas la viande d'un bœuf qui a ~ monté par un homme, à cause de cc contact avec cet homme• et, chez les Palaungs de Birmanie, «quand un enfant commence à marcher, une des premières choses qu'on lui apprend est qu'il ne doit jamais s'amuser à revêtir les habits d'une autre personne ... Si un homme a l'habitude de mentir, et que quelqu'un mette son chapeau par mégarde, il peut attraper l'infection du mensonge»2. Les empreintes laissées par le corps sur le sol ou sur un siège, et les traces de pas, qui nous paraissent dénuées de substance, donc incapables d'être possédées, sont chez certains peuples des «appartenances de l'individu»3. «Quand ils s'assoient par terre, les Hébridais ont bien soin en s'en allant d'effacer avec le pied la photographie que leur postérieur a laissé dans la poussière, et ce par crainte des sortilèges»4. L'identité entre les traces de pas et l'individu est admise dans des contrées aussi éloignées que la Nouvelle-Guinée (où on décoche des flèches dans les traces de pas pour blesser quelqu'un5), l'Afrique équatoriale (où on se venge d'un voleur en jetant la trace de ses pas dans la fosse d'aisance d'un lépreux pour qu'il attrape la lèpre6) et la Guinée (où, dans un conte, une mère cherche à brûler l'assassin de son enfant en brOlant les empreintes du pied de l'homme, mais elle est irrésistiblement attirée par le feu parce que quelqu'un a remplacé l'empreinte de l'assassin par la trace des pas de la mère7). La consubstantialité entre l'individu et ce qu'il mange est étendue par les «primitifs» aux restes des aliments. Un missionnaire rapporte qu'au Nouveau-Mecklembourg, un indigène en voyage emporte ses épluchures de bananes et le bétel qu'il a fini de mâcher, car, pour lui, «les restes d'aliments et l'homme sont, pour ainsi dire, un même être. C'est pourquoi il dit di te ru iau (on m'a ramassé) et non pas di te ru ra subanagu (on a ramassé les restes de mon repas»8. Ulysse vient de passer deux jours et deux nuits dans la mer depuis son naufrage. Même en cas de bain moins prolongé, le sel est bien plus étroitement solidaire du corps qu'une peau de banane qu'on a vite fait d'ôter! Pourtant, cc contact avec une peau de banane a une traduction linguistique. Or les Grecs admettaient que le passage de quelqu'un laissait une trace. La prêtresse Théonœ (Eur., Hel. 868-9) ordonne qu'on purifie le chemin qu'elle va emprunter, qui pourrait avoir été souillé par un pied profane. Dans la Grèce archaîque aussi on effaçait les traces du corps sur le sol; la preuve en est dans les Nuées d'Aristophane (975-6) où il est rappelé qu'autrefois, chez le maître de gymnastique, «on devait.en se relevant, aplanir le sable et veiller à ne pas laisser aux amoureux une empreinte de sa virilité»: le geste, qui est en train de tomber en désuétude, est réinterprété, sans doute parce qu'il n'est plus compris 9• 1. F. Speckmann, Die HermannsburgerMissionin Afriko.,Hennannsburg, 1876, p.106. 2. Lcslie Milne, The homeof an easternclan,p.37-8. 3. Les cinq réf~rcnces suivantes sont empruntœs à Uvy-Bruhl, L'Ame primirive, p.134-6. 4. J.Bt. Suas, «Notes ethnographiques sur les indigines des Nouvellcs-H~brides», Antlvopos, IX, 1914, p.763. S. G. Landtrnan, The folk-tales of the Kiwai Papuans,Helsingfors, p.418. 6. G. Tessmann, «SprichwOrtcrder Pangwe. West Afrika», Anthropos, vm, 1913, p.405. 7. W.E. Roth, «An Inquiry into the animism and folklore of the Guiana Indians», E.B., XXX, p.128. 8. P.G. Pcckel, Religion und Zauberel au/37-8;la scholie T le rapproche de 058 yuvaî1ea tE 9ftcrato µ.a~6v. L'opinion des anciens confirme l'évidence: ce sont des doubles ace. du tout et de la partie. Ces deux exemples relèvent-ils de la possession inaliénable alors que le tout est un objet? La question a déjà été examinée pour le bouclier et ses parties traces de pas dans le sable. lntcrrog6c sur la raison de cet interdit, elle alliga le risque d'une contagion au cas où le marcheur serait malade et aurait le pied ~orchi. C'~tait là une Rintcrpritation postpastcuriennc d'un componcmcnt hiriti , dont l'origine est la croyance au transfertpar simple contact et à la présencede la pcnoMc dans sonCJtllnÏntc. L'cxistcncc de ceae aoyancc dans l'Antiquité est ancst6c par un passage de Lucien (Dialogue des Cowtisanes, 288), où une femme confie à une amie comment elle faisait oublier une rivale: «Cétait d'observer sa trace quand clic en laisserait une, et de l'effacer en posant mon pied droit là où clic avait ~ son pied gauche, et mon pied gauche là où elle avait~ son pied droit. et de dire en mânc temps: 'Je marche sur toi, je suis au dessus de toi'» (trad. Flaccli~rc). Le principe sup~ par cette dcmià'e pratique est à l'origine des p~autions canaques, dont Melle Dardclin m'a rapport~ l'exemple cidessus dans un entretien privé. 1. La Roche, H.S. p.237: «taµve ist cbcnso wic ëÀt"l'tY cin Vcrbum des Wcgnchmens». A.H.C., sur 4>37-8: «mit doppcltcm Akk., wic A236 ).ao, und die Vcrba des Wcgnchmcns». 2. Eustathc 93, p.147, 1.1-5. C'est aussi l'opinion de Leaf, qui reconnaît en 4>37-8 «a 'wboleand-part' figure, rarely found cxccpt of penons. But A236». Voir aussi Hahn, Partitit1e Apposition, p.236- 7.

1. Doubk

aausati/

36

(1.3.1.4). La difficulté naît du carac~re juridique de l'expression cpossession inaliénable», et non de la r&lité linguistique qu'elle recouvre. L'appellation n'est pas bonne, mais elle est commode et, surtout, elle est consaaœ par l'usage; je la conserve donc comme on maintient le nom des cas sans se soucier de la pertinence de l'étiquette; mais il sera œcessaire de réflkhir sur le contenu de cette expression devenue traditionnelle: ce sera l'objet de la partie suivante (1.4.1). Pour l'instant, contentons-nous de rappeler que Rosén, qui a rassemblé les notions signalées comme relevant de la cpossession inaliénable» fait figurer en deuxième position la partie et la totalité, inuœdiatement ap~s les noms de partie du corps et cite, comme langue où le fait a été signalé, le hongrois, le rœlanésien, le copte et l~breu-israélienl. Ainsi, non seulement ce domaine de la cpouession inaliénable» est bien connu, mais encore il n'est pas réservé à la mentalité dite «primitive», comme pourrait le laisser croire les travaux de Lévy-Bruhl. Frei note qu'en français «la différence entre anirœ et inanimé n'entre pas en ligne de compte»2. Il cite des tours du type Sylvie est jolie des yeux avec un cpossesseur inanimé» comme «un rideau passl de ton» ou «un couloir bas de plafond».

1.4. REFLEXION SUR LA NOTION DE POSSESSION INALIENABLE 1.4.1. Les relations exprimées par le double ace. du tout et de la partie Il est temps de souligner la grande cohérence des quatre types de relation qui donnent naissance à des doubles ace. du tout et de la partie chez Homère (relation des parties du corps à l'individu, du siège des sentiments à l'individu, d'une partie d'un objet à l'objet, de la cuirasse ou du bouclier au guerrier). Cela est d'autant plus nécessaire que le nombre des publications sur la «possession inaliénable» croît rapidement et que, par conséquent, suivant un principe bien connu, la notion perd en netteté ce qu'elle gagne en extension. Il y a quelque excès à distinguer radicalement les parties du corps et les sièges des sentiments et des idées. Ces derniers sont representés par 8uµ6v, 1epa6{11v,cppéva ou cppévaç. Le premier est le plus abstrait, les composés homériques 8uµo~6poç «qui dévore le cœur», épithète de l'lp1ç, 8uµo6ar'1ç, épithète de la parole, pouvant être des images. Cependant le 8uµ6ç est clairement localisé dans la poitrine (par ex. E:316 ). K pa6 {11 désigne un organe et secondairement le point de départ de sentiments. L'identification de cppitv(pl fréquent cppéveç)est délicate; le mot a dQ désigner plusieurs sortes de membranes au cours de l'histoire; peu importe pour notre propos la localisation exacte: c'est 1. H.B. Ro~n. «Die Ausdrucksfonn für 'veraüsserlichen' und 'unverlusserlichen Besitz' im Frilhgriechischen (Das Funktionsfeld von homer. cpiloç), Lingua, 8, 1959, p.268-9 (ci~ Ausdrucksform).

2. Sylvie, p.188.

37

et spltln de la [JO'IOIUtt

une partie du corps qui est aussi s~ge de l'lme et de certains sentiments. Les deux premien types de relation font donc intervenir presque exclusivement des parties du corps, en tout cas des parties de la penonne. Ces deux types fonnent un ensemble cohérent avec le troisième: la relation d'une partie d'un objet à cet objet dans son ensemble; dans tous les cas, il s'agit d'une partie intégrante d'une réalit6 sentie comme un entier, comme un objet unique. Plus que de possession inaliénable, il s'agit de partie constitutive. La seule extension est constituée par la cuirasse et le bouclier, qui ne sont pas des parties de l'homme, de l'civ8pcoxoç, mais qui ont été sentis dans la poésie épique comme des parties intégrantes de l'àV'llP au sens de «guerrier», d'«homme au combat». Sous le nom de cpossession inaliénable», les linguistes rangent beaucoup d'autres choses qui n'apparaissent pas dans le double ace. H.B. Ros6nregroupe sous six rubriques les notions que divenes études avaient mis en rapport avec la cpossession inaliénable»•: 1- parties du corps 2- expression de la partie ou de l'ensemble 3- relations spatiales comme 'droite' ou 'gauche' 4- noms de parenté 5- nourriture et boisson 6- vêtements et meubles. Le regroupement de toutes ces notions sous une m&ne ~omination est fond6 sur des faits linguistiques: ainsi, en mélanésien, le pronom penonnel suffixé recouvre les groupes 1, 2, 3, 4 et 6; l'adjonction du groupe 5 est due à l'algonquin qui traite la nourriture et la boisson comme les noms de parenté2. Mais l'extension des procédés linguistiques visés est très variable; notre premier devoir est de situer l'étendue d'un tour par rapport à cette liste. Le double ace. du tout et de la partie en grec ancien ne fonctionne que pour les groupes 1 et 2. Jamais, par exemple, le contact avec la nourriture et la boisson n'est suffisant pour que ces choses deviennent une partie de la penonne ayant une traduction linguistique équivalente à celle d'une partie du corps. Bien que la liste de Rosén soit justifiée, elle rassemble des réalités bien différentes et la syntaxe homérique impose une répartition entre deux notions distinctes. D'ailleun, il est surprenant pour un francophone d'entendre dire que les indications spatiales comme gauche ou droite sont à ranger dans la «possession inaliénable»; personne n'est propriétaire de ce qui est à sa gauche ou sa droite. La présence de ces notions dans certains faits de syntaxe reliés à la «possession inaliénable» ne se comprend que parce que la gauche et la droite se définissent par rapport à un individu et ne valent pas pour qui est en face ou ailleun; ces mots n'ont de sens que par rapport à un repère, repère sans lequel la notion perd toute signification spatiale. Il en va de même pour «à côté de», «au-dessus de», «près de», «loin de», qui prennent en mélanésien le même pronom suffixé que les noms de partie du corps. La même remarque s'applique aux noms de parenté; une personne est père, fils, frère, etc, ou mère, fille, sœur, etc.: tout dépend du 1. Ausdrud.sform, p.268-9. Une liste ~s procheest fournie parA. Thalheimer, Beitrag %NT Kenntis ckr Pronomina personalia MNIpossessiva ckr Sprache11MelaMsie111, p.52-7, ci~ par Uvy-Bruhl, L'AIM primitive, p.79. 2. W. Havers, «Zum Kapitel: 'Syntax und_primitive Kultur'», WiJrter und Saclae11. KulturhJstorlsche'Zeitschrlft/(JrSprach-MNISaclforschung, Heidelberg,XD, 1929,p.169.

1. DoubleOCCIISllli/

38

repère choisi•. Comme pour la gauche et la droite, l'affirmation n'a de sens que par rapport à quelqu'un. La liste de Rosén mêle donc la notion de partie constitutive, ce que j'ai jusqu'ici appelé «p0ssession inaliénable» et le domaine de ce qui ne se définit que par rapport à quelque chose (domaine du relatif). A mon avis, c'est ce second domaine qui correspond à ce que Denys le Thrace appelleles ov6µata 1tpoçn ëxovta (noms relatifs à quelque chose), sans les définir2; la preuve en est la liste qui est jointe à titre d'exemple et qui se limite aux noms du père, du fils, de l'ami et de la droite. Une autre confirmation est fournie par Aristote dont nous avons conservé les analyses sur le domaine du relatif3. Contrairement à ce que pense Rosén 4 , cette subdivision proposée par Denys le Thrace ne recouvre pas la notion de cpossession inaliénable», car, s'il en était ainsi, le grammairien grec eût cenainement cité dans sa liste d'exemples tenant lieu de définition au moins un nom de partie du corps. Nous constatons au contraire que le double ace. du tout et de la partie, qui ne s'applique jamais aux relations spatiales ni aux relations de parenté, exclut les 6v6µata xp6ç tt lxovta; et il les exclut précisément parce qu'il se limite à la possession inaliénable au sens étroit de partie intégrante. Il ne recouvre pas tout le domaine de la sphère personnelle (cf. l'absence des vêtements et des meubles) et il ne concerne pas les idées de solidarité (cf. plus loin). Finalement, son extension d'emploi est plus proche de celle du tour français avec de (carré d'épaules, large d'idées, bas de plafond) que celle du pronom suffixé dans les langues mélanésiennes.

1.4.2. Les autres expressions homériques de la sphère de la personne Bally a bien montré la variété des moyens linguistiques qui entrent en jeu pour marquer la sphère personnelle. Nous venons de comparer le domaine du double ace. du tout et de la partie chez Homère à celui de tours existant dans des langues éloignées. Nous devons maintenant comparer le champ d'application de ce double ace. à celui d'autres faits de la syntaxe homérique qui expriment aussi la sphère de la personne ou auxquels on a prêté cette fonction.

1.4.2.1. Le domaine d'emploi de ,pa.La strophe utilisée a une structure obscure. Il semblerait qu'au vers 8 il manque une syllabe brève après M{vm,mais le texte transmis n'a pas toujours le même nombre de syllabes à cette placel. Jebb propose de lire M{vmïà cause du mètre, mais un ace. M{vma non contracte, comme on l'attend à cette date en éolien, irait tout aussi bien2.

1. Jebb, p.115. se ttouveen N450. La fonnc eschyl6cnned'ace. contracte, Mivm,est peu probable chez 2. M{vCDCl Bacchylidc.

et splttn M la peno,tM

49

1.5.3.2. Cléoboulinè

1Cpo'6atv.3 (West) 1cviu111tvapoç

avoc; µe 1eepaa'6pon

oooç lxpooaev «un

ine mort me frappe l'oreille avec l'os de sa patte». Le tibia de l'âne était prifér6 à celui du faon pour la confection d'une fldte.

1.5.3.3. Hipponax 4âxvatv. 28 (West) i\v autov ch:cpu; tCOV'tllCVTIJllOV 001C'lll«si un serpent le mord au tibia».

1.5.3.4. Mimnerme Ta{petv. 1,7 aid JllV cpptv~ àµ.cpt 1ea1ea1tdpouat

µ.éptµ.vat «toujours les

cruels soucis lui accablent l'esprit».

1.5.3.5. Pindare Pindare emploie le double ace. du tout et de la partie pour décrire la baroe naissante qui envahit le menton d'un jeune homme: 01. 1,68 Mxvat vtv µil.av yÉVetov Ëpecpov,ou la chevelure (Ë8etpa) du vainqueur ceinte de couronnes: lsth. V,8-9 lCÂ.ÉoÇ lxpa;ev ovnv' â8pool atbpa.vov xepat VllCO:Oavt' ÛVWTIOUV Ë8etpav. On trouve chez Pindare le retournement passif, par exemple en Pyth. Il, 74, Nem. IX, 26 ou Elog. 4, 61.

1.5.3.6. Sapho

A trois reprises, une fome élidée pourrait être un ace. du tout: fr. 1,3-4 (Lobel-Page) M11 µ.' c'iaatat Jl.116'oviatat Mµ.va/ ... &ûµ.ov. «ne laisse pas ... dégo6ts ou chagrins affliger mon âme» (Reinach). Fr. 31,5-6(Lobel-Page) t6 µ.' ~ µh.v/ 1eap6{av ... bn6ataev «qui, je le !ure, a fait fondre mon cœur» (Reinach). Fr. 160b,3 (C.U.F.) awcoç lCEVoind a' itxev onat' «la honte ne te voilerait pas les yeux» (conjecture de Scaliger-Edmonds pour 1eevae ou1eamétrique).

1.5.3. 7. Tbéognis tv aÂ:yeal &uµ.ov opivnç «Ne 'Op{vetv. 11,1295 "O xai, JI.TlJlE lCUlCOÎOlV plonge pas, jeune homme, mon cœur dans de cruels tourments» (Carrière). Il est difficile de porter un jugement sur l'ensemble de l'œuvre des lyriques, trop d'auteurs nous ont été transmis seulement par des fragments. Le corpus fournit pour la partie soit une partie du corps, soit le siège de sentiments. Les verbes employés sont plus variés que dans les Hymnes. Certains étaient déjà chez Homère (voir aipâv chez Bacehylide X,85); d'autres sont nouveaux dans cet emploi: 6oveîv chez Bacchylide, tpéq,ew et âva6eiv chez Pindare, etc. La fr6quence du tour ne peut être appréciée que chez Pindare; là, elle est très basse; rien n'indique que le renseignement vaille pour les autres lyriques. Apparemment, Pindare a peu utilisé ce tour senti comme poétique, mais peut-être 1. Un double ace. est possible en Non.VU, 72, si on accepte la leçon de Bergk, reprise par Christ au lieu de ~ ..., ou celle de Bury ôç liea• tltq.L'll't.Ce n'est pas le lieu d'~luciderce passagecxtremcmc:ntdifficile et auquel de nombreusespages ont ~té consacrées, car, m&neavec oeuc leçon, les ace. cri>xivaet o8év~ qui seraient la panic, sont plus probablement des ace.de relation~• de ci3iavwv «qui n'a pas~». attribut de a'.

oCJ' ~q.LYE

1. Double accusad/

50

trop li6 à la langue épique et banal à l'in~rieur de cette langue.

1.5.4. Eschyle Eum. 17-8 tqvttc; 6é viv âùc; lv8mv ma~ fPpÉva/ïÇtt titapiov t6v6t µ.avttv Èv 8p6vote; «Et Zeus, lui emplissant le cœur de divine science, l'assied sur ce siège, quatrième prophète.» (Mazon). Le scholiaste indique que xtiaac; a le sens de «faire, rendre»l: Ëv8tov est donc attribut de l'objet et téxv11c;est complément de ëv8tov. Plusieurs analysessont possibles; vtv peut être l'objet du participe et ëv8œv se rapporter à lui, auquel cas fPpÉvasoit constitue avec lui un double ace., soit simplement est un ace. de relation de Ëv8tov; cppéva entre fréquemment dans ces deux types de construction; les critères manquent pour choisir; certains commentateurssemblent admettre là un double ace. et renvoient au vers 88 de la même pièce. Eum. 88 Méµv11ao,µ11q,6Jioc;at vtxatm fPPÉv~ (cf. Suppl. 379). Eum. 843-4 et 875-6 tiç µ' 'Ù1to6ut't'at1tÂ.tupac;,(ne;) ooova/ 8uµ6v «quelle souffrance entre dans mon côté, dans mon cœur». On voit qu'il n'y a pas solution de continuité entre partie du corps et siège de sentiments. Pers. 161 xa{ µE 1eap6iav à.µuv «Mais les coursiers, de leurs sabots, lui empourprèrent de sang les talons» (C.U.F.). Tr. 408 Ei µ.11a' 'A1t6llcov içtjiaqEutv q,pévac;. Il y a sOrement un double ace. du tout et de la partie en /.A. 1080-1 aÈ 6' bd 1eapa atbi,oual 1eaUucôµ.av/ 11:Â.c>1eaµ.ov 'Apyeiol, qu'on peut rendre en français par «Les Argiens vont couronner les belles tresses de ta tête». La question est plutôt de savoir si cette figure joue deux fois comme le propose Carstens, bd étant adverbe ou p~verbe avec tmèse. Sans doute est-ce pour éviter de choisir entre un triple ace. et un syntagme prépositionnel ixt x:apa, surprenant à côté de itÂ.c>Kaµ.ovobjet, que plusieurs philologues ont proposé de corriger, ce qui n'est pas indispensable. Reste donc le choix entre bti adverbe ou préposition. Je ne vois pas d'obstacle à un triple ace., ou plutôt à deux ox11µ.ata 1ea8' OMV1eal µ.Époç: aÀ11v «ordonner à Aristagoras de lui raser les cheveux et d'examiner sa t!te». Tàc; 'tPÎX~ est à construire avec le participe et la place de µ1v invite à reconnaître là un double ace. avec le participe3. Reste à décrire la construction; les cheveux sont une partie de l'individu, mais cela n'est pas suffisant pour y voir un axflµa1ea8' oAov 1eal µépoc;; cet exemple est isolé alors que l'œuvre d'Hérodote a beaucoup d'ampleur; les grammaires n'en font pas un double ace. du tout et de la partie4. S'il n'est pas absolument impossible que, d'un point de vue diachronique, ce double ace. soit un reste en terre ionienne du double ace. du tout et de la partie, dans la synchronie d1Iérodote en tout cas, il ne peut qu'être rattaché aux verbes signifiant «ôter» (en l'absence d'un double ace. attesté avec des verbes signifiant «laver» qui, notamment en cc qui concerne le rôle du moyen, seraient plus proche). Mais cette analyse n'est pas acceptable pour àxoçupitoaç, même si l'on accepte de voir 1. Tain~ 17 ex. de retournement passif, dont un avec panic de l'objet: Ach. 459 1COtuÂt«Les trésors, en revanche, que j'ai pu amener d'Argos dans ma demeure» (Mazon). Sur l'origine de 6éi'>ont é~ avancées des hypothèses divergentes -nom I.E. de la maison ou particule lativet. Ce qui est sûr, c'est que ce mot fonctionne en grec archaîque comme un substantif; des indices indiscutables montrent que cette interprétation remonte à l'époque de la confection de l'lliade 2; H 363 présente donc, dès l'époque archaîque, un double ace. Pour Cl>40-1, voir sous xepâv. En général, cc double ace. se rencontre avec une forme à préverbe.

'Axcry21v. 0705-6

i\ Tip(l)'ttci6a yâv f1Â.1t1aac;a;E1v «tu comptes me conduire vers ce sol troyen que j'abhorre» (Mazon).

'Y,ccry21v.Dans !'Antigone, deux mss donnent le texte suivant: 351-2 ÏKxov «;Etat ... Çuyov/ 0Üpn6v t' a1CJ111ta mûpov «il mettra sous le joug ... le cheval et l'infatigable taureau des montagnes». Ces deux vers tenninent une antistrophe; au vers 351, il manque une syllabe brève après le premier mot pour que le vers soit métriquement identique au vers correspondant de la strophe. Aussi Brunck at-il proposé de lire i>xa;eta1, en souvenir des constructions homériques vues plus haut. Il est suivi, entre autres, par Mazon. Cette conjecture est refusée par certains à cause du futur; mais à ce vers répond le vers 362 avec le même temps; aussi la proposition de Brunck est-elle satisfaisante et le double ace. très probable. 'B,opt1,âv. Aj. 1143 vautac; ècpopµ11aavta XElJ1ù>VOÇ to 7tÂ.EÎV«qui poussait les marins à naviguer par mauvais temps». Le second ace. exprime le but (sur le rôle de la causativité, voir 5.4.2.).

Dit1,s21v. O.C. 1769-70 e,,~aç 6' T1µâc;/tàç ciryuy(ouç xéµvov. 0.T. 761 aypouç GcpE Jtql'lfŒ\1CŒ7t\ 1to1µv{mv voµaç «le renvoyerà ses champs,à la garde de ses bêtes» (Mazon). Les deux compléments sont coordonnés et le second est introduit par une préposition. Il est possible que la préposition vaille pour les deux, bien qu'elle n'apparaisse qu'avec le second, mais àypouç peut aussi bien être seul; il s'agirait de la conservation d'une syntaxe ancienne dans une expression fréquente.

Iiille1v. O.T. 434 axoÂ:fi a' âv oi1eouç toùç èµoùç èatE1Â.aµT1v. Un autre exemple figure dans la phrase étudiée au paragraphe suivant. 'E1eacf>t21v. Ph. 494-6 IloÀÂ.à yàp toîç iyµévo1c;/ ËatEÀÂ.Ovaùtov hcEafouç xéµxmv Â.1taçJ aùt6atoÂ.ov xéµvavtâ µ' bcaéi'>oa1 66µouç. Il y a plusieurs façon de construire ce passage. Voici ce que je propose. IloÂ.Àa doit être un adverbe signifiant «souvent» et non un objet; toîç iyµévo1ç est un complément de moyen: «en me servant de ceux qui sont venus ici»; 1tɵ1tmvaurait le sens de «par des envoyés mandatés à cet effet» 1, et le double ace. serait ËatEÀÂ.ov aùtov i1eEafouç ... Â.1taç. Au vers suivant, il faut préférer 66µouç à 66µ01ç. Mais aùt6atoÂ.ov à côté de xéµvavta n'est pas clair et il y a plusieurs solutions. Peut-être faut-il comprendre: «en envoyant un de ses propres bateaux». Il resterait un double ace. µ' è1eaéi'>aa166µouç, proche de Eur. Hf. 1222 è;éamaaç µ' f.ç cpâoç avec préposition. Le mot 66µouç conserverait-il un illatif

ot'

1. Pour le parall~lisme, comparer avec Ant. 164-5 11:oµxoîcnv ..J roulÂ.' licm8cnoù, pour les et où l'infinitif est donn~ directement au lieu d'!trc introduit rôles, xoiaoîolv équivaut à 1tq.ut0>v parÂ.l't~

71

et

accusali/ d WJ1a,, ,patW,

sans p~ition plus facilement que d'autres mots, comme le latin domum? Li~ralement, le passage signifierait: «car souvent, en me servant de ceux qui sont venus ici, je lui ai envoyé, par des messagers, des appels suppliants, afin que, envoyant un de ses propres bateaux, il me sauvit en me renvoyant à la maison».

2.2.1.6. Euripide •Aynv. El. 1020-1 Ktivoç 6È ,mi6a tTIV qa.11v'Ax~ À.értpotG\ ,ce{a~ q,xe-t' be 66µcova:ycovlxpuµvoûxov AiÀ1v «Mais lui, trompant ma fille par la promesse d'un mariage avec Achille, l'a emmenée avec lui, loin du palais, à Aulis où sont retenus les vaisseaux». L'objet de la personne vaut pour les deux participes. I.T. 1123-4 Kai aÈ ... 'Airrew.J 1ŒVtT11C6vto~ ot1eov Tr. 188-9 1 • T{ç µ' 'Apye{cov i\ 4,81.CO'tâv/i\ VTIG«iavµ' ii;et xœpav;

a;n.

B{oâye1v. Ale. 1112 ai>t11veiaay', tl 6o1eeî,66µou~2.Hee. 1148-9 µ.' eiaayev 66~. Ph. 36S-6 ij µ' brfryaye/ tElVl 21:atpépa. 1!sa{pav. Or. 286 oançµ' bta~ lirrov civomœtatov «qui, m'ayant poussé à wi forfait abominable» (Méridier). Certains ont mis en doute la possibilité d'une telle construction, à tort me semble-t-il, car le verbe connaît ailleurs des permutent normalement avec l'ace. de but, en particulier The. constructions IV,108,3 È2t1l aav l.ç to VEC1>tep{Çe1v3.

J;::

Biaflftoav et e{alli\oa1. Le sens impose de rétablir à l'ace. le complément de la personne dans les deux passages suivants, car, dans les formes ci-dessous, ce 8cü..aµov Èal311oa.ç tpÉq>c.o; «ou verbe est transitif: Ale. 1055 "H 'tllOT1l~Jla', adoptée par Parmentier. Le double ace. est encore possible sans le ae (q>{Â.aV est suffisant pour qu'il y ait un double ace., avec tâ6' proposé par Kirchhoff et accepté par Weil), ou en maintenant q>{Âal,comme apposition au sujet. Naturellement, cet exemple reste conjectural. B{oJJcilletv. /.T. 261 J3oûc;;ÜÂ.ocpoppoùc;; x6vtov daepâlloµev. DepipciUa.v. Dans le seul manuscrit qui nous transmette la fin des Bacchantes,

m

nous lisons: 1020-3 "18' BâqE, 811paypota Baqâv/ yEÂ.Ô>vnxpoaJtq> 1tep{l3au Pp6xov/ èxl 8avâalµov ciyf>..av xea6v/ta tàv µalVâ6œv. Au v. 1022, à cause du mètre, on déplace la préposition et la plupart des éditeurs adoptent la conjecture 8avâalµov ux'. Le manuscrit donne un double ace.: ,cep{paÂ.e J}p6xov ... xea6vta, «emprisonner dans un filet celui qui est tombé ...». Reste 9-rtpayp6ta. Renvoyons pour la fonne du thème de ce mot aux diverses éditions commentées; pour le cas, la plupart des éditeurs adoptent le datif et du coup corrigent xea6vta en xea6vn. Il n'y a aucune raison de modifier le paypeutav. Mais le double ace. ne participe; il vaut mieux lire, au v. l 020, &rt s'explique pas par une locution. Que xepiJ3aÀ.€pp6xov soit ici sémantiquement équivalant à aïpel n'entraîne pas que l'ace. de la personne soit l'objet d'une périphrase 1tep{'3aÀ.€J}poxov. Le double ace., s'il existe, s'explique comme chez Hérodote (voir plus loin) qui a le double ace. avec le même verbe, et comme les autres doubles ace. avec une autre fonne préverbée du même verbe (voir 2.3.2). Le sens doit être: «Va, Bacchus, et, le sourire aux lèvres, emprisonne de ton filet de mort le chasseur des Bacchantes, tombé panni la troupe des Ménades» (C.U.F.).

B{a8q208at. dae6é~a't' personnelle.

Suppl. 875-6 Cl>iÂ.oov 6è xpuaov 1toÂ.Â.â1etc;; 6copouµévcov/ où1e oÎKov. Xpua6v est objet et du participe et du verbe à la forme

'Bye{peiv. En Rh. 543-4 et 562-3, il faut construire AuK{ouç xɵ1et11v cpuÂa1CJlV ... èydpetv: «réveiller les Lyciens pour la cinquième garde».

Ka81a1:âvat. Rh. 485-7 ciU' EÏtE Â.atov eite 6e~tov 1eÉpaç/ EÏt' èv µÉooun auµµâxotç xâpœd ao1' 2tÉÂ.t11v èpeîaal 1ea1.1eataatftaal a'tpat6v «Allons, soit à l'aile gauche, soit à l'aile droite, soit au milieu des alliés, tu peux placer ton bouclier et ranger ton année». A un déplacement vers les ailes exprimé par un

73

et

accusali/ d l'Olew'spatiale

ace. s'oppose une installation au centre exprimée par un «locatif»; l'idh d'installation est conçue à partir du centre, elle est donc tantôt lative, tantôt locative. Les ace. du v.485 sont dans ce contexte des ace. à valeur spatiale, comme en témoigne iv µioo1a1 au vers suivant qui est le troisième terme du choix, et non des ace. d'objet interne, cœune le croit Paley.

Kot1{t11v.Tr. 1092-8 µ' 'Axa10l mµi/Çoucn ..J ii Icwxµîv' iq>àv/ ii 6{11:opov mpu~/ '1a8µ1ov. Après cet exemple sftr de double ace., il faut signaler deux exemples possibles. Dans le premier, la correction de Lenting, 1eoµ{~na' pour voµiÇnç du mss Lest paléographiquement satisfaisante: Ion 1562 àU' chç1eoµ{~n a' oÎKov eùyevÉatatov. Dans le second, pour lequel la tradition donne le texte suivant: /.T. 1014 Koµiaat µ' èiyaµa 8tâç 1t6Â.1aµ'Eiç IIaUa6oç «que je transporte la statue de la déesse dans la ville de Pallas», Elmsley a corrigé x6Â.1µ' dç en 11:6Â.1aµa,ce qui crée un double ace.; mais cette correction n'est pas indispensable: la loi de Porson n'est pas violée, puisqu'il s'agit d'un monosyllabe (âç).

Kpvs'tl\V. Hipp. 1290-1 Iléoç oux 'UJtOyi\ç tciptapa

1CpUX'tE1ç/ 6iµaç aicrxuv8Eiç;. Les commentateurs et les traducteurs construisent en général yi\ç taptapa: «sous le Tartare»; les commentateurs s'appuient sur Hés. Th. 841 taptapa ya{Ttç.Mais, ici, le sens obtenu est étrange: «Que ne vas-tu te cacher, honteux, sous le Tartare de la terre?», car le Tartare est conçu comme le fond de l'abîme. L'expression yi\ç taptapa n'est pas fréquente; cette construction représenterait une expression volontairement excessive, ce qui en soi n'est pas impossible, mais ne convient pas du tout au passage: Artémis n'est pas hostile à Thésée, à qui elle s'adresse. Il faut donc séparer ùxo yiiç et taptapa, ce que fait d'ailleurs Méridier qui traduit: «Sous la terre, au fond du Tartare, que ne vas-tu cacher ta honte?» (avec double ace. tciptapa 1ep{ntteiç6ɵaç).

uxo

B{aot1dteiv. Ion 839-41 d xap' eùyevoûr/ f1TltP6ç,11:18ôwat .../ iacpaa' oÏKouç. «s'il t'eftt persuadée ... d'admettre en ta demeure un héritier issu d'une mère honorable» (C.U.F.). L'ace. de la personne installée n'est représenté que par une détermination: xap' EÜyevoûçJ.1.Tttp6ç. Ili1,LKE1.V.Ale. 456-7 Auva{µav 6t

at 1tɵ'1'at/q,aoç. Ale. 479-80 dxÈ XPEÎvàit' oixa>v/ xaxovuµcpotatav lSvaow. Le v.757 est souvent décrit comme une apposition et le vers aux vers précédents. En réalité, le v.756 indique cc que quittait~ suivant cc vers quoi elle voguait, en l'occurrence le mariage malheureux décrit par ironie comme un profit. "Ovao1v n'est pas un objet interne, comme le croit Barrett (il ne reprend pas l'action énoncée par le verbe), mais un complément de but, comme dans l'exemple suivant. Il faut donc comprendre: «(qui) transportas ma souveraine, loin d'une maison heureuse, vers le profit d'un hymen fimeste». Tr. 1085-7 èµè 6è 1t6vnov cncaq>oç/ •••1tOpEUoet./... "Ap-yoç.

Ti-rre1v.Le mss L, seule source ancienne et indépendante pour cette pièce, donne le texte suivant: /.T. 403-6 Ëv8a tcoupa/ 61atéyytl./ l3a>µoùc;1ea1.1ttp1. xfovac;/ vaoû atµa l3p6tt1ov. Il faut cenainement adopter la correction d'Elmsley: 1ttp11efovac; vaouc;. Il faut probablement lire 6ia tér,t1 (double spondée; cf. v.418 de l'antistrophe). Il y aurait donc un double ace.: 1e0upa tÉ:yyn l3a>µouc;atµa «la jeune fille mouille de sang les autels», qui est accepté par Dindorf, Trawinskil et Carstens2. C'est grammaticalement possible; dans la perspective de J. Haudry, ce serait un modèle 1 (voir 2.3.2), avec instrumental de l'objet avec lequel on mouille (atµa) et ace. de l'objet arrosé (PIDµouc;),cet objet étant l'objet visé. La réinterprétation de atµa par un ace. notant l'objet fait passer le verbe du sens de «mouiller» à «faire couler» (pour ce sens, cf. Pind. N.10, 75 tér,IDv 6atcpua; Soph. Tr. 849). Le maintien du sens ancien est assuré par une construction du modèle 2, comme Eschyle, Pers. 539-40 6â1epuo1 1e6À1touc;/ téyyouo •. Ce qui pourrait faire accepter la correction supplémentaire d'Elmsley (xoup~ 6{~). c'est qu'Artémis n'égorge pas elle-même ses victimes: on fait couler le sang pour elle3; mais puisqu'elle exige ce sang, le poète a le droit de dire que c'est elle qui mouille les autels de sang; le double ace. demande moins de corrections et pourrait expliquer la corruption du passage, car c'est un tour exceptionnel. On lira Ëv8a tcoupaJ 6ia tér,tl/ J}IDµoùç1eai 1tep1tciovac;/vaoùç atµa l3p6tt1ov «où la fille de Zeus mouille de sang humain les autels et les temples entourés de colonnes».

Eia-rt8iva\. Hel. 1566 taûpov q,épovtéç t' Eioé8tvto o&µata.

Le taureau est

soulevé et c'est lui qu'on porte sur le pont.

~épetv. /.T. 1239-44 q,épel/ vw .. ./ tèxv .. ./ Tiapvâotov 1eopuq,âv «le porte au sommet du Parnasse».

Eiacpipe1v.Il est nécessaire de corriger le texte du manuscrit en Ion 1434 iiv xpéot' 'A8âvaç ox6xû.ov Elv o6ov ayayEÎV. Antiphon 'Asâyeiv. En V ,26 le contexte impose de sous-entendre aùt6v avec àJtayovn µa1epàv o66v.

2.2.2.2. Avec l'accusatif de la région traversée (Ilb) Sophocle Ilope-61,v. Tr. 559-60 ôc; tov f3a8uppouv xotaµov Eü11vov f3potoùç/ µ1a8oû 1t6pEUE.

Euripide Auha,. Les mss transmettent avec un double ace. Ph. 1397-8 otépva

IloÂ.uvEi1eouc;'3{9'61i\1CEMnriv «(il) enfonça avec violence sa lance dans la poitrine de Polynice». Il y a presque autant de conjectures que d'éditeurs. Les difficultés de sens et de syntaxe me semblent illusoires et le texte doit être conservé.

A,asdpe,v. Ph. 26 ocpupéi>v01611pâ 1eévtpa 61a1tdpac; µéoov «après avoir transpercé le milieu de ses chevilles par des pointes de fer». Ce vers, condamné par Dindorf et Valckenaer me paraît défendable, ainsi que la leçon µÉoov, dollllée par les meilleurs mss; moins attendu que µéacov, µéaov est à conserver. Resteà savoir si ce mot est ici adverbe, ainsi qu'on l'a proposé, Il405 fournissant un parallèle (~hà 6' aùtoû xeîpev o66vtcov, avec génitif de la partie transpercée, ce qui permet la construction acpupéi>v6ta1tdpac;.) D'un autre côté, Euripide connaît des constructions du type acpupéi>v µéaov (Hec. 559 et 1150) et 1tdpe1v se construit aussi avec l'ace. de la chose traversée. Il n'est pas impossible de construire acpupéi>v µéaov et de voir ici un double ace.; il est difficile de raisonner sur ce verbe qui, en attique, n'est pas attesté sous cette forme préverbée avant Euripide; c'est donc un cas incertain de double ace. Comme 1tdpe1v et 61a1tdpe1v signifient «traverser» et «transpercer», la construction relève aussi du mécanisme causatif ( 5.4.2).

A,asepûv. Ph. 1394 xv11µ11vtE 61e1tépaaev 'Ap-yeîov 66pu «et de sa lance argienne lui traversa la jambe» (Méridier). Voir aussi 5.4.2.

Iloprie,v. Ale. 442-4 yuvaî1e' .../ Â.{µvav 'Axepovt{av 1topEU/oac;.

77

et

OCCMSllli/ d WJleurspatiale

Hérodot~

A,ap-61,v. VII,24 tov ia8µov tàç véaç 6u:\puaal

«traîner les vaisseaux à

traven l'isthme».

Thucydide

A-.épav.

vm,8,3 6twpépav 6è wv io0µov tàc; 11µ\CJEUXÇ téàv vtiiJv ,i;péotov.

·v11:ap,ip&\V.m,81,1 ÙKEPEVtyK6VtEÇtOV Aeu1ea6{c.ovio0µov tàç vaûç. (retournement passif IV,8,2 ù,i;epEVEX8Eîaat tov A. ia8µ.6v). VIII,7 ùupe;vq1C6vtEÇ tàç vaûç tov io0µ6v.

2.2.2.3. Avec l'accusatif de la distance d'un point à un autre (Ile) Hérodote

•Avciye1v.VII,100 Tàc; 6è véaç oi vauaPXO\ àvayay6vtEÇ êSoov tE tÉCJCJEpa 1tU8pa à1to toû ai'YlaM>Û àvacoxeuov «Les capitaines avaient conduit les bateaux au large, à environ quatre plèthres du rivage et les avaient mis à l'ancre en ligne». Les bateaux sont aussi complément du participe. Le double ace. se rapporte aussi au verbe personnel. AU11COJL(Cav. 1,31 (fameux ~pisode de Oéobis et de Biton)

m 'ri\ç aµa;11ç

6i 11 µitt11P, ata6iouç 6è KÉvtE 1eal tECJCJEpa.1eovta6\a1eoµ{aavtEÇ CJfl>t è.çto lp6v. Il faut sous-entendre titv µ11tépa avec le participe. à1t11COVto

mxmo

2.3. DESCRIPTIONS 2.3.1. Extension dans les langues indo-européennes Il est difficile de connaître l'extension du cumul de l'ace. d'objet direct et d'un ace. à valeur spatiale dans les diverses langues indo-européennes. car certaines syntaxes négligent de le mentionner. Brugmann ne déclare-t-il pas qu'il ne présente aucun intérêt 1? Il est cependant signalé en gennanique 2 et en iranien 3, et ce sont des listes abondantes que nous fournissent les grammaires pour le sanscrit4 et pour le latioS.

1. Gnwlriss, p.(i(): «bat keinbcsondcrcrsIntcrcsse». 2. H. Krahe, Grundzüge der vergleichenden Syntax der indog. Sprachen, Innsbruck, 1972, p.67, le signale en gcnnaniquc pour le but et pour l'extension. 3. Mcillet-Bcnvenistc, Grammaire du vieux-perse, Paris, 1931, p.207, donnent Wl exemple pour le but; H. Reichelt, Awestisches Elementarbuch, Heidelberg, 1909(=Awest. El.), p.229, en signale l'existence en avcstique. 4. C. Gacdicke, Der Accusativ im Veda, p.2(i()-l; en revanche, J.S. Speijer, Sanskrit Syntax, Leyde, 1886, p.30, se contente de le signaler. L. Renou fait de même dans sa Grammaire de la langue vidique, Paris-Lyon, 1952, p.345. 5. C.F.W.Millier, Syntax des Nominativs und Aklcusazivsim Lateinischen, Leipzig, 1908, p.1434; Leumann, Lat. Gram., II, p.44-5. Bennett, Syntax of early latin, II, ne traite à pan que les doubles ace. ~ndants d'un verbe ~~ (p.251 ).

2. DoubleOCCllSllli/

78

2.3.2. La théorie des cas de J. Baudry Il ne serait peut~tre pas inutile de rappeller quelques-unes des ~ses de J. Haudry. Sa théorie sur les cas est en partie un retour à la théorie localiste, puisqu'il considère l'ace. comme un latif; l'instrumentai est le cas de la possession et, en tant que tel, il exprime qu'un objet est en contact avec le sujet. Avec trois actants, on aboutissait donc à une construction à laquelle Haudry donne le nom de modèle 1, soit, avec un verbe «lancer»: (nominatif) instrumental accusatif (la personne qui lance) l'objet lancé la penonne visée l3aUE1v A{8cp nvci L'instrumentai, dans ce tour, est l'objet premier: «jeter une pierre à qqn». Mais une évolution a conduit l'ace. à assumer à son tour le rôle d'objet premier: «jeter une pierre» devient alors Jicill.e1v A{8ov et la personne visée ou atteinte est au datif, ce qui constitue un modèle 2: pciUE1v A{8ov nv{ En outre, Haudry pense que les fonnes de nominatif-accusatif des neutres ont connu jadis des emplois d'instrumental, si tant est qu'on puisse utiliser les termes d'un système pour en décrire un autre, fût-il son prédécesseur. Le grec garde des traces nombreuses de ces emplois, tout comme le latin où id gaudeo alterne avec

ea re gaudeo. En E290-l, BÉÂ.o ... 1eatatÉtµtttat tÙÇ ô6oùç i8œç «la ville ... est cou~ de rues étroites». L'exemple est notable, car l'ace. ne représente pas une portion de la ville, mais des rues. Les rues délimitent des espaces urbains.

2.4.2.2. En attique au Ve siècle (Aristophane) Ce double ace. ne se rencontre pas chez Thucydide, alors que les grammaires citent des exemples de Xénophon, Platon et Démosthène. Il est absent de la tragédie attique, comme il l'est de la poésie pindarique (tpixa en O. VII,75 est probablement un adverbe à cette date). Euripide ne présente que le retournement passif, par ex. en Hel. 409-10. Mais le double ace. apparaît chez Aristophane dans de pittoresques expressions populaires (avec 6épetv et

1eatatéµvetv). Aépe1v (3dp21v). Eq. 370 AepÔ>oe 8t'>Â.ax:ov 1CM>1t11Ç «je ferai de ta peau un sac à vol». Nub. 440-2 'tOU'tl. touµàv oÔ>µ'autoîow/ xapqco. TU7tt€\V, xetvilv, 6tvi\v J auxµeîv. pt'yÔ>v,aox:àv 6eipetv «je leur livre mon corps à battre, affamer, assoiffer, salir, geler, écorcher pour en faire une outre» (van Dacie). Toutl touµàv oÔ>µ.aest objet de tous les infinitifs: il faut donc construire toutl touµàv oâ>µ.aa01Cov6eipetv. .:Dans toutes les langues, les mauvais traitements et les coups sont l'occasion d'innombrables images familières ou vulgaires» t. Les expressions sont empruntées aux activités les plus diverses, notamment aux métiers. Le travail du cuir en fournit un lot, dont, avec un double ace., les deux exemples ci-dessus et l'exemple qui suit. Ka"CatéJLVE\V. Ach. 300-1 ôv/ 1CŒ'tateµro 'tOÎG\V1.1t1t€ÛO\ 1Cattuµata «dont je taillerai la peau en semelles pour les Cavaliers» (trad. Taillardat, Images, p.348). C'est ainsi que l'on restitue d'ordinaire ce vers. Notons, en ce qui nous concerne, que certains mss ont lç devant 1eattuµata. La même métaphore est naturelle dans la bouche du Paphlagonien, qui est tanneur: Eq. 768 1eatatµtt8dttv te ÂÉ1ta6va «et que je sois découpé en lanières». C'est le retournement passif de l'expression relevée dans les Acharniens et ce passage justifie que le texte sans préposition soit retenu par les éditeurs 2• Blaydes a donné quelques parallèles. ~ati6a teµaXTt1eatateµrov Chez le comique Ephippos (Athen. 286e), on lit t11V .:ayant coupé la raie en tranches» et chez un autre comique, Alexis (324c) tà 6è aÂÀo aÔ>µa x:atateµci>v1tolloùç ri>~ouç. Cet exemple montre quelle est la transition entre les doubles ace. avec les verbes .:partager» (avec ace. des parties obtenues) et les expressions familières de la comédie (avec ace. du .:produit obtenu» après découpage ou dépeçage).

1. J. Taillardat, Les images d'Aristophane; Inules de langue et de style, Paris, 1962 (=Images), p.341. 2. Le scholiaste6;rlt qu'il manque une prépositionen Eq. 168; c'est une glose sur le sens, non une correction.

3. DOUBLE ACCUSATIF ET LOCUTION 3.1. PRELIMINAIRES Dans ce chapitre est étudiée la construction clanslaquelle un ace. est analysé comme objet d'une locution comprenant elle-même un verbe et un complément à l'ace. Il faut donc préciser ce qu'est une locution et tout d'abord ce qui la distingue de la périphrase. La périphrase est une figure qui consiste à exprimer en plusieurs mots ce qui peut être exprimé en un seul. Le terme prend surtout en considération le nombre de mots employés et fait référence à une autre façon de dire jugée équivalente clansla même langue, parfois aussi dans une autre langue (fr. j'ai fait /laLfeci). Il ne s'intéresse donc pas à la cohésion du groupe et s'applique tantôt à des faits relevant de la langue (le parfait périphrastique), tantôt à des faits relevant de la parole, au sens saussurien du terme (la périphrase poétique). Par locution, on entend l'union de plusieurs mots en une sorte d'unité lexicologique. Une locution est très souvent une périphrase, il suffit qu'il existe une expression sémantiquement équivalente de volume moindre (la locution avoir peur de est une périphrase par rapport à craindre). Mais, d'une part, à une locution ne correspond pas nécessairement une expression plus simple (il n'y a pas en français de verbe simple pour dire avoir faim); d'autre part et surtout, beaucoup de périphrases ne sont pas des locutions; c'est le cas pour les périphrases poétiques. Locution s'applique à quelque chose de plus ou moins figé. F. Brunot, qui y voit des «juxtaposés immuables»I, a décrit les éléments de la locution comme «inséparables»2. On a parlé de «groupes figés»3, d' «union intime» 4 , de «fusion sémiématique»S, etc., et, pour la locution verbale (celle qui équivaut à un verne simple et que d'aucuns nomment locution verbo-nominale), on a parlé de «complexe verbal» et d'«unité syntagmatique verbale»6. Ces expressions décrivent plus la notion de locution que les locutions elles-mêmes, car la cohésion de ces syntagmes est rarement complète; il y a une multitude de situations intermédiaires entre l'expression libre qui relève entièrement de la parole et l'expression parfaitement figée qui relève du lexique, et donc de la langue 7. On ajoutera qu'à la différence de la notion d'«expression», qui ne s'intéresse qu'à la fixité du groupe, la notion de locution comporte la possibilité 1. Histoire de la languefrançaise des originesd nosjours, Paris, 1905, II, p.394. 2.1..apensle et la langue, 3e 61., Paris, 1953, p.221: «Il faut que les idées expritœes par les mots qui la constituent soient devenuesinséparables et forment un tout unique». 3. Dictionnairede linguistique. 4. J. Damourette-E. Pichon, Essaide grammairede la languefrançaise, Paris, 1911, I, p.122. 5. Ibid. m, p.388. 6. L Guilbert. la créativitélexicale, Paris, 1975, p.261. 7. L'idœ que les locutions relèvent de la langue est déjà chez de Saussure, Cours de linguistique ginirale, Paris, 1969, p.173, et se retrouve souvent reprise. M~me idée chez N. Chomsky, Aspects of the theory of syntax, Cambridge, Mass., 1965, p.190.

3. Doubleaccusadf

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de faits syntaxiques inhabituels. Une locution peut fournir un modèle à d'autres locutions qui ne sont pas des expressions courantes, mais qui connaissent les mêmes faits syntaxiques que leur modèlel. La mise en évidence des locutions se fait par la statistique et par des tests grammaticaux. La statistique donne des fréquences qui indiquent le dep de fixité; Gougenheim a, par exemple, établi que, dans le français courant, on rencontre 68 fois avoir besoin pour 80 occurrences de besoin et 31 fois/ aire altention pour 50 occurrences de attention, et, pour prendre les choses autrement. que craindre est presque trois fois moins fréquent que avoir peur2. La statistique vaut pour la prose, mais le poète est libre de créer des locutions sur le modèle des locutions existantes, et alon la statistique est sans valeur. Le rôle de la sémantique est ambigu. La périphrase suppose par définition un critère sémantique, puisqu'elle suppose une équivalence au moins approximative avec une expression plus simple3. Le phénomène se retrouve accidentellement avec les locutions, puisque celles-ci sont souvent des périphrases. Mais le critère sémantique peut intervenir autrement. Il arrive en français qu'une locution verbale ne produise plus le même sens que ses éléments en syntagme libre, par exemple dans il.fit/eu/ il.fit le/eu, tenir tête/ tenir la tête, demander raison d'une offense/ demander la raison d'une offense. Il manque une étude systématique sur ce sujet en grec ancien. Passons à la morphologie au sens large. En grec ancien comme en français, beaucoup de locutions sont construites à l'aide de verbes «généraux» ou «quasiauxiliaires»: faire et avoir tiennent largement la tête en français 4 ; en grec, ce sont fxe1v, xo1eîa8a1, n8ea8a1. Selon L.O. Grundt, le verbe locutionnel est «à peu près vidé de sa substance sémantique»S. Cela n'est qu'un cas extrême, celui de faire, par exemple, qui n'aurait, selon Damourette et Pichon, qu'un rôle syntaxique et pas de rôle sémantique6. Encore faudrait-il définir le rôle de avoir en face de celui de faire (avoir peur / faire peur). En réalité, en français, nombreux sont les verbes qui entrent dans des locutions7; et ils ne se vident pas de leur substance sémantique: conter fleurette, rebrousser chemin, chercher refuge, tirer profit, tenter fortune/ faire fortune, etc. Nous devrons nous en souvenir à propos des locutions du théâtre attique; les poètes renouvellent les locutions, en particulier en y introduisant des verbes sémantiquement riches. D'ailleurs le français connaît toutes sortes de combinaisons8; par exemple, le verbe peut être général ou spécifique, le nom abstrait ou concret. Cette variété, nous la retrouvons en grec ancien. C'est la syntaxe qui permet le mieux de reconnaître les locutions; mais, en 1. Voir L Curat, la locution verbale en.français moderne,Laval. 1982, p.12. 2. «Une caœgorie lexico-grammaticale: les locutions verbales», Etudes de linguistique appliq"'e. Hommage d R. Michla, Paris. 1971, p.56-64. 3. Il se peut que l'&J.uivalence ne soit pas parfaite; voir A. Lombard. Les consm,ctions nominalu dans le français moderne. Etl.UksynlaXiq~ et stylistique, Uppsala-Stockholm., 1930, p.221-3. O. et R. Le Bidois font à tort de cette &J.uivalence une définition de la locution. ce qui les l des parallèles avec des verbes étrangers, par ex. avoir faim et lat. esurlre (Syntaxe du français moderne, Paris, 1971, p.48). 4. S. Bjôrkman, Le type avoir besoin. Etude sur la coalescence verbo-nominale en français, Uppsala, 1978 (=Avoir besoin), p.25. S. Etudes sur l'adjectifinvaril enfrançais, Bergen, 1972, p.119-120.

arœne

6. 0.c. Il, §968.

7. Voir Bjôrkman, Avoir besoin, p.28-29, p.78-81 et p.130-231. 8. Bjôrkman, Avoir besoin, p.37.

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et locudons

français, aucun trait syntaxique n'en couvre l'ensemble; aussi celles-ci se tépartissent-ellcs en de nombreux sous-groupes, en fonction des traits syntaxiques respectésou non. Aussi emploierai-je volontiers le mot coalescer,ce pour désigner la soudure des éléments de la locution, car le mot contient, par le suffixe -se-, l'idée d'une action en cours et qui progresse, et ne désigne pas nécessairement, à mon sens du moins, un fait achevé t. C. Rober a étudié 8 tests syntaxiques pour identifier les locutions verbo-nominales en français2. Le fait le plus fréquent est l'absence d'article, mais nombreuses sont les locutions qui ne répondent pas à ce critère: on dit prendre naissance, mais prendre le large. Certaines peuvent comporter l'article, d'autres ne le supportent pas. Un autre test important est l'absence de retournement passif; mais un certain nombre de locutions se rencontrent au passif, en particulier dans le domaine juridique3. Lorsqu'elle est constante, cette absence est intéressante, car elle révèle que le substantif de la locution verbale a perdu son statut d'objet. Beaucoup de linguistes modernes renoncent à utiliser la transfonnation passive comme test de l'objet direct (As-tu ton billet? n'est pas passivable) et lui préfèrent le critère de la reprise par le pronom personnel. Pour les locutions, ce test va dans le même sens que le précédent. On peut répondre Oui, je l'ai à la question As-tu ton billet?, mais non à la question As-tu peur?. La cohésion du syntagme ôte au substantif complément certaines de ses caractéristiques de substantif et d'objet. En revanche, il en acquiert qui l'éloignent de sa catégorie, comme l'admission d'adverbes en principe exclus avec un substantif (on dit souvent il a très peur, il a tant besoin). Venons-en au trait syntaxique qui nous concerne le plus directement. Bjôrlcman a ajouté aux critères de Rober, celui de l'impossibilité de la transitivité "externen directe4, «une seconde transitivité directe paraissant normalement impossible»5. On cite néanmoins deux exceptions; l'une est admise dans la langue la plus relevée, car elle peut être analysée par une apposition: c'est l'expression avoir nom Paul Gauguin; l'autre se limite à la langue vulgaire ou à la transcription écrite de la langue vulgaire; Colette met dans la bouche de PetiteChose: «C'est les deux jolis, de l'autre soir, qui me les ont fait cadeau»6; et, avec une relative qui facilite la construction directe, Céline fait dire à un de ses personnages: «Du foin! ... voilà tout ce qu'on a droit!»?. Damourette et Pichon ont entendu quelqu'un dire: «Vous n'avez jamais fait pipi du sang?»8. Mais il est notable -et cela se retrouve en prose grecque- qu'une transitivité se crée plus facilement avec des subordonnées complétives: avoir hâte que, avoir peur que, donner ordre que, prendre garde que, etc. Ce qui est paradoxal, c'est le point de vue de Bjtsrkman, qui voit dans l'absence d'objet «externe» un critère de la 1. Damourctteet Pichonemploient ce tenne sans s'intéresser à cette nuance 6tymologique. 2. D~ Wortzusammensetzung im modernen Franzosich, Tübingen, 1967, p.187-92. Ces tests sont: l'absence d'article. l'absence de de dans la négation, l'impossibilité de changer le nombre du

nom.l'impossibilité

de reprendre le nom par un pronom, l'impossibilité d'avoir plus d'un nom. de mettre au passif, l'impossibilité d'ajouter une subordonn~ relative et fimpossibilité de qualifio- le nom par un adjectif. 3. Liste dans BjOrkman,Avoir besoin, p.42. 4. A\/Oir besoin, p.39. S. Avoir besoin, p.45. 6. Mitsou, Paris, 1948. p.33. 1. Nord, Paris (Gallimard, coll. Folio), 1960, p.289. 8. O.c. Ill. §962. M. J. Taillardat m'a fait remarquer ici le rôle de la pudeur (éviter le verbe l'impossibilité

«pisser»).

3. Doubleaccusali/

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locution; c'est bien au contraire la présence de cet objet «externe» qui révèle une grande cohésion du syntagme; sur ce point, les grammaires du grec ancien sont d'accord, ainsi que les commentateurs, pour voir dans le double ace. que nous étudions dans ce chapitre le résultat d'une coalescence. La constitution du corpus est extrêmement difficile; aussi commenceronsnous par les textes des historiens, dans lesquels la proportion d'exemples s6rs est la plus élevée, afin de bien établir la réalité de ce type de double ace. Les pœtes seront ensuite traités par ordre chronologique: Homère, Pindare, les tragiques.

3.2. LE CORPUS 3.2.1. Dans la prose des historiens• 3.2.1.1. Thucydide VIIl,41,2 1CC11. 'tflV XCJ>PŒV 1Cata8poµaîc; Àe{av t1tOtEÎtO (Â.e{av txOtEÎtO = tÀ.fl{teto}. VIII,62,2 xai atpatép; on trouve ici un parallèle à The. VIII,41,2 si l'on reprend le groupe initial à l'ace.avec Â.fllflV 1toteuµevoc;: «avec ses troupes, il fit des incursions dans toute la plaine du Méandre et la pilla». Mais lorsque, au lieu de la région pillée, apparaît un mot qui représente ce qui constitue le butin, Hérodote se sert de t{8ea8at (IV, 20 voir plus loin}. Schaeffer, Blittcher et Keelhoff citent aussi 1,127 ÀT18T1v ,i:01euµevoçta µ1v Mpyu «sans se rappeler ce qu'il lui avait fait» (Legrand)4. Le cas est remarquable, car la construction équivalente est Â.av8avea8a{ nvoc; 1. Les orateursattiquesmtent ce double ace. Chez Antiphon, en VI, 48 d µ116èvallo µ11n eÙtov µ11n:cix~va µ11n:µaptupw; mpeax6µ11V,le double ace. µ116èvallo ... µapropw; aapEaxôµ11v est dO à l'insertion des autres verbes entre les deux groupes; ailleurs.il y a le gatitif, ainsi dans la formule fréquente TooiCDY 6' ܵîv (-ioùc;)µapropaç xap~OJI.CXl. 2. Der Ace., p.159. 3. Schaeffer, Ace. Her., p.14; BOttchcr, Casus Her., p.15; K-0, I, p.322; Schwyz.cr,Gr. Gr. Il,

p.80. 4. Schaeffer, Ace. Her., p.14; BOttchcr, Casus Her., p.15; J. Keclhoff, Rev. lnstr. publ. Belg., 36 (1893), p.74.

87

et locutions

avec Jecomplément au génitifl. Cc double ace. est probablement dû à la présence d'une relative à la place du second ace. L'existence de la construction attributive avec 1tOltîa8al «considérer comme» rend parfois l'analyse incertaine; on est en droit d'hésiter devant 8éoµa miria8at + ace.: 1,68 nryxaveu; 8éoJ1ŒxotEÛJœVOÇrltv èpyaoi11v toû m6,\pou «tu t'étonnes du travail du fer». VIll,74 8éoJ,lŒxoieûµevol rltv Eùpul3ux6eco cij»uÂ.{flv «s'étonnant de la folle imprudence d'Eurybiade». S'agit-il de doubles ace. (=8mµaÇetv) ou de constructions attributives («regarder comme un sujet d'étonnement»)? Dans la première hypothèse, la phrase décrit un sentiment, une réaction: «Tu es plein d'étonnement devant le travail du fer», dans la deuxième 1Dl jugement: «Tu tiens pour un sujet d'étonnement le travail du fer». Le contexte oriente vers un double ace. dans le premier exemple, ce qu'admettent les principaux ouvrages qui traitent de ce problème de syntaxe2. La périphrase y est une variante stylistique de l' ffic.oµaÇeç déjà employé dans la même phrase, c'est une simple insistance. Cest aussi le sens de «contempler avec étonnement» qui s'impose en VIll,743. De plus, la construction attributive ne s'accorde pas avec les tours qui ont, à la place du second ace., un complément au génitif ou un complément circonstanciel (111,23). En outre, on constate que la locution 8éoµ.a mtna0at a les mêmes constructions que le verbe 8auµ.aÇew: -génitif de la personne, notamment avec un participe: cf. Hdt. Vll,99 et Plat. Crit.SOc. -génitif de la personne et ace. de la chose dont on s'étonne: Hdt. IX,58 'Ap'tal3aÇou 6è 8éi>µa xat µ.âÂ.Â.ov È1toltuµ11v to xat 1eatappro6i\oa\ Aa1ee&uµoviouç ... «Mais, de la part d'Artabaze, j'étais beaucoup plus surpris qu'il prit peur des Lacédémoniens ... », qui constitue un troisième exemple de double ace. avec la locution 8éi>J,lŒ 1tOltîa8at (même construction avec le verbe simple en Plat. Théét. 161b). Enfin, Sophocle présente la locution avec ëxelV (El.897). Cela confirme l'existence de doubles ace.4. Le même problème se pose avec ouµ.cpP11V 1tOltîa8al. Il serait à première vue plus simple de traiter comme une construction attributive V,35 ouµcpop11v JCO\E'l>JlEVOÇJlE"fOP11V È1tottûvto toùç Â.6youç, car le passage oppose les ennemis d'Artémise qui se réjouissaient (ÈtÉpxovto) et ses amis qui craignaient que ses paroles ne soient l'occasion d'une disgrâce: ces derniers «s'affligeaient de ce qu'elle disait» (Legrand).Dans la synchronie d'Hérodote, il est peu économique de traduire ouµ.cpop'flv1toltîa8cxt par «considérer comme un 1. On a le g6titif avec la mame périphrase en vm,79. 2. Matthiae,§421 R4; Schaeffer, Ace. Her., p.14; Bôttcher, Casu.sHer., p.15; K-G, I, p.322;

Scbwyr.er,II, p.80.

3. Matthiac. §421 R4; Schaeffer, Ace. Her.,p.14; Bôttchcr, Ca.susHer., p.15.

4. La répartition ace. de la chose / g~nitif de la personne avec la locution n'est pas probante à cause du petit nombre d'exemples; avec le verbe, cette r~partition est une tendance qui n'est pas pleinementrespectœ; notons cependant que dans Plat. Crit. 50c aùtéi'IV(=pers.) 8auµâÇ01.µe;v est imm6diatementsuivi de J.LTI 8aUµaÇeià Â.ey6µtva.

3. DoubleaccusaJif

88

malheur». D'une part, il y a des emplois absolus comme 1,83, et seule une pétition de principe poumit imposer de restituer chaque fois un objet dont auµcpop;,v serait l'attribut. D'autre part, l'expression est aussi accompagnée du génitif (VII,117) ou d'un tour prépositionnel (VIII, 100). Ces faits s'accordent mal avec une construction attributive; la locution semble au contraire proche de Â.uxeiaOa1.Il y a certainementtrois doubles ace. avec auµcpopîlv1to1EiaOa1. Schaeffer relève aussi comme double ace. V,30 v, tout en renouvelant l'expression, d'où tiva - 6cooE\Vµ6pov. Le latin tardif a des locutions transitives avec dare (cf. 3.3.1, n.16). entièrement de cons~rer une reprise propositions plupart des

'Op8oûv. Du sens du mot c'imtoç dépend l'analyse de O. m,3-4 e,;pmvoç '01uµ1nov{1eav üµvov op8c.i>aalçà1eaµavto1t66mv/ Ï1t1t0>vc'imtov. Les et le dictionnaire de Bailly traduit c'imtovpar Miteurs ponctuent après op8c.i>aaiç «chant»: dans ces conditions, le groupe à1eaµ.avtox66mv/Ï1t1t0>v c'imtovapparaît comme une apposition. Est-ce une réalit6 ou une apparence? "Amtoçsignifie «le flocon» et n'a désigné la laine que par l'intennédiaire du syntagme oièx;li~. Aussi a-t-il pu s'appliquer chez Homère à un tissu de lin (1,661). Les emplois imagés sont issus du sens premier «flocon», d'où «chose très fine»5, et ils rappellent l'usage que nous faisons de l'expression la fine fleur de. Ces emplois sont fréquents chez Pindare avec un génitif. L'équipage de Jason est appelé vautâv c'imtoç«l'élite des marins» (P. IV,188). La valeur d'Eaque attire à lui c'imtol(N. Vlli,9). Pindare nomme ses meilleures «la fleur des héros»: flp0>0>v odes c'imtoç ܵvmv (P. X,53) et les vainqueurs remportent les meilleures couronnes crtopavCIJVc'icot0l(0. V,l, IX,19; /. VI,14). Mais le mot est doté d'autres acceptions par les dictionnaires: celui de Lidell-Scott prétend qu'il signifie «ce qui procure honneur et gloire» dans notre passage et en O. Vlll,75. Or cette acception ne s'impose nulle part. Dans la 1. Les memcs raisons font douta d'une valem dative de v1v; voir cependant E. des Places, Le pronom cMz Pindare, Paris, 1947, p.23. 2. Histoire du tale de Pindare, Paris, 1952.

3. Fricsc, De casuum,p.28-30. 4. Buttmann, Luilogus, Londres, 1861, p.182. Buttmann pense que le mot est anciennement masculin. S. On s'ttonnc que J. Duchcminparte du sens de toison (Pindare, poète et prophtte, Paris,1955, p.235-6) et s'appuie sur la ltgende des Argonautes.Ce mot ne désigne jamais la Toison d'or chez Pindare, ni celle de l'agneau des Atrides chez Euripide. Cet emploi est alexandrin, et tout à fait occasionnel: Apollonios de Rhodes ne l'utilise qu'une fois; ailleurs, il se sen de iaiatov signifie simplement «montrer l'exploit de tes bras,., Finalement, le seul passage où cette acception semblerait utile, c'est précisément O. m,4.Mais elle est liée à l'analyse de aO>tov cormnc apposition à üµvov et elle disparaît dès qu'est reconnu ici un double ace.: ܵ.vov op80>CJ«lÇ- à1eaµ.avtox66cov ïxxœv ÜO>tov «célébrer - l'exploit des chevaux aux jambes infatigables,., .,Aœtov est l'objet de la locution üµvov op8coaalç, équivalent de uµvriv ou de 1eEÂ.a6tiv,mais le participe introduit une image architecturale: Pindare bâtit son poème comme on bâtit un monument de pierre, le dresse comme on érige une stèlel. 'Opv-6vat. Les mss contiennent un double ace. en N. IX,8-9 'AU' àvà µ.ÈV ppoµ.{av cp6pµlyy', àvà 6' aù)..ov è,c' aùtov opaoµev/ ixx{œv àé0Â.cov 1eopucpâv. De l'avis unanime, àvâ est un préverbe ou un adverbe. Le texte des mss impose de voir dans àvà ... cp6pµlyy' ... opaoµev et àvà 6' aÙÂ.Ov... opaoµ.ev des équivalents de uµveiv: «mais en faisant résonner vers lui la phorminx sonore et la flûte, louons le plus haut des ~rix équestres,., Naturellement, le texte des mss est refusé. G.Morel a corrigé a' aùt6v en èx' aùtav et il est suivi par tous les éditeurs (sauf Bury a' aùtéi'>v). Pourtant, la faute des copistes est malaisée à expliquer et autav n'a pas grand intérêL Au contnire, a' aùt6v rappelle le destinataire de ce chœur, Chromios, qui au v.10 donne le signal du chant. Cette construction se compose d'éléments syntaxiques prochesde ceux de l'exemple précédent: ܵvov op8cooa~ ïxxoov ClO>tOV auÂ.Ov OpCJOJlEV utJt\(l)VàiOÂ.ca>v mpuq,âv. Elle rappelle aussi O. VIII,74-5 cppaaat/ XElpéàvU(l)tOV BÂ.EVla&uç bt{vucov, où le datif joue le même rôle que èx' aùt6v. Ce dernier exemple relève plutôt de l'objet interne, car b{v\1eov est omissible; il précise les modalités du procèsverbal, tandis qu'ici, le procès n'est pas défini par le verbe seul; opaoµev lCOpucpav n'aurait aucun lien avec aÙÂ.ov opaoµev lCOpucpav. L'audace syntaxique de Pindare jouant sur un modèle de double ace. avec objet interne et sur un modèle de double ace. avec locution crée des tours où tend à s'abolir la distinction entre les deux types.

'Ava-rpqetv. Trois mss présentent un double ace. en O. VIII,54 Ei 6' l:yoo Mû.T1a{a èl; àyevdoov/ n6oç àvé6paµov ܵvov; mais la plupart ont ܵvoo, quelques uns ܵ.vcp ( texte le plus souvent adopté par les éditeurs ), d'autres üµ.vc.ov. Les variantes ne correspondent pas au regroupement des mss de J. Irigoin (Histoire du texte de Pindare): une même forme se retrouve dans plusieurs familles de mss. Comment expliquer l'ensemble de ces formes? La leçon üµ.vc.o peut représenter un datif sans iota souscrit, mais, si le datif est originel, comment rendre compte du reste? Au contraire, si la forme üµvc.o est une mauvaise lecture de üµvov, elle a pu être refaite en ܵvcp et ܵvoov. Or ܵ.vov, à un cas inattendu, est sans doute une lectio difficilior à conserver. On est en droit de se demander si àvé6paµov üµvov ne serait pas un équivalent imagé 1. Sur les images tim:s de l'architecture pour décrire l'activi~ du pœte,voir J. Duchemin, o.c., p.259-60 (image du ~ delphique) et p.280 (image de la ~le funmire).

3. DoubleOCCIISalif

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de uµveîv. Pindare cherche à varier beaucoup les métaphores par lesquelles il décrit son activité de chantre des vainqueurs. Et quoi de plus naturel qu'une idée de mouvement? Kû6oc; dépendrait donc, non du verbe, mais de la locution en bloc. Quelle est exactement l'image? Ce peut être celle de la course, Pindare aimant les images sportives. Parnell y voit, lui, un emploi causatif correspondant à l'emploi simple de I56 o 6' àvé6paµev ëpvel Îaoc; «il a grandi pareil à une jeune pousse» (Mazon); le sens serait: «Si j'ai fait grandir l'hymne qui chante la gloire qu'ont value à Mélésias les concours d'adolescents». Cette image a des parallèles, par ex. en N. IX,8-9 étudié ci-dessus et en P. IV ,3 aü~nc; oipov üµvmv t. Si Pindare a réellement écrit ܵvov -ce qui n'est pas sûr-, c'est qu'il a voulu mêler dans un riche «verbe complexe» l'idée de mouvement ou de croissance et celle de chant. Un tel noyau peut régir l'ace. La leçon üµvov me semble résoudre le problème syntaxique et le problème philologique: on conçoit que des copistes aient eu du mal à conserver un double ace. auprès d'un verbe habituellement intransitif.

3.2.4. Dans la tragédie attique2 3.2.4.1. Les locutions constituées à l'aide d'un «quasi-auxiliaire»3 "Ex11v. Chez Eschyle, aucun exemple n'a été finalement retenu, tous les exemples possibles s'interprétant aisément par une construction attributive. La situation est la même chez Sophocle, à ceci près qu'il semble y avoir chez lui, comme chez Euripide, une sorte de renversement de ce type de construction, retournement qui sera étudié plus loin. Chez Euripide, ËXtlV entre dans la constitution de deux exemples reconnus et souvent cités de périphrases fonctionnant comme un verbe simple et régissant l'ace.: Hf. 1CIJ x~v ae µ.e-tpimc;,1ed 1epa'teîç, .,;,ou~. Mais est-ce là un critère valable pour juger de l'authenticité d'un passage d'&chyle? F.noutre, que la transposition dansnos langues d'une tournure du grec ancien soit légèrement surprenante n'implique pas qu'elle n'ait pu exister; et enfin, «voter dans une urne» n'a rien de choquant. Il n'y a pas d'argument assez fort pour corriger ce double ace. qui, en lui-même, est d'un type banal. Si c'est bien un ace. qui figurait au v .814, les auditeurs du Ve siècle ne pouvaient pas mal interpréter vftq,ouç l8tvto: ils y voyaient automatiquement une locution.

Sophocle L'existence du tour qui vient d'être examiné chez Eschyle a été mise en doute chez Sophocle; avons-nous un double ace. en Tr. 996 oïav µ' exp' l801> A.côpav «Comme tu m'outrages»? Oui, si l'on suit les grammaires de KühnerGcrth et de Schwyzer2, les études de Trawinski, Bôttger, Âzelius, Serça3 et un très grand nombre d'éditeurs. Mais c'est une construction avec un attribut de l'objet que préfère Mazon -et, après lui, Kamerbeek- qui traduit: «Quel objet d'opprobre as-tu fait[ ... ] de moi?». Héraklès juge que Zeus le récompense bien mal de sa piété. Les deux sens sont acceptables danscette situation. En proie aux cruelles souffrances que provoque la tunique envoyée par Déjanire, Héraklès a subi un outrage, mais il est vrai aussi qu'il a honte de pleurer comme une jeune fille (v.1070) et qu'il voudrait se cacher (v.800). Et les deux sens sont possibles à cause de l'étendue d'emploi de Â.00~11.qui, chez Homère déjà, correspond à «outrage» et à «objet de honte». Le contexte proche n'élimine à coup silr aucune des deux constructions; toutefois, Héraklès demande à être délivré de cette CXfllV, c'est-à-dire d'une calamité, et non d'une honte. Aro~ri ne signifie pas «objet de honte• chez Sophocle, mais l'argument n'est pas décisü, car ce sens apparaît chez Euripide. Il y a donc seulement une assez forte probabilité en faveur du double

ace. L'existence d'un double ace. est impossible à prouver dans cette question d'Antigone à sa sœur: Ant. 7-8 1eal vûv ti toût' a-o q,acn xav611µcp1'6Â.r.t/ lC'Tlpuyµa8tîvat tov atpafllyov àpticoç «Aujourd'hui même, qu'est-ce encore 1. N()blmme~t Buttmann; §131, Matthiac, §421 R4; Trawinski, De ace. usu, p.25; Escher, Der Ace., p.159; Bôttger, De singulari, p.12; J. Keclhoff, Rev. instr publ. belg 36 (1893), p.74; K.O. 1, p.322; Schwyzer, Gr. Gr. II, p.80. Cest le seul exemple retenu par Th. Simcnschy, La constnletion. p.17 4. 2. Respectivement1, p.322 et Il, p.80. 3. Rcspc:ctivement De ace. usu, p.21, De singulari, p.14, De assimilatione, p.SO et Pallas, 17 (1970), p.8-9.

3. Doubleaccusatl/

98

que cette défense que le Chef a tout à lbeure proclaiœe au pays en armes?» (Mazon). Faut-il faire de 'tOÛ'toun adjectif se rapportant à ICTIPU'YµŒ («faire cette annonce») ou un pronom complément de la locution lCTIPuyµŒ 8nvat («annoncer cela•)? Le sens est le même, donc le contexte ne permet pas de trancher. En faveur d'une locution, on peut noter que 1CTI puyµa 8Eîvat est repris par 1CT1p,>aam dans la tirade d'Antigone qui suit (v.Tl et 34) et plus loin dans la pi«e 8Eivat (v.447, 450, 461). On est en droit de considérer que 'tOÛ'to - ICTIP'\>'YJ.LŒ du v .450. En outre, ICTIPU'YJ.lŒ 8Eivat est très est superposable à 'ta6E - lCTIP'UÇŒÇ xotEia8at, qui est suivi chez Hérodote d'une proposition proche de ICTIPU'YJ.LŒ infinitive (Ill,52) et chez Thucydide d'une interrogation indirecte (VIl,82, 1), propositions qui occupent la place d'un second ace. Or les tragiques préfèrent les périphrases avec d8Ea8at, alors que la prose emploie plus volontiers 1totria8at dans les locutions. Finalement, si rien ne prouve l'existence ici d'un double ace., il y a des indices en sa faveur; la traduction de Mazon, de façon probablement fortuite, montre qu'elle est envisageable.

Euripide Deux exemples sQrs: Or. 1037-8 Iû vûv µ •. à6û.q,é, µ11 'ttÇ 'Apydmv navn/ ÜJiptaµa 8éµEVOÇ'tOV 'Ayaµéµvovoç y{,vov «Toi, mon frère, tue-moi, de peur qu'un Argien n'infli,e cet outrage à la lignée d'Agamcmnon» (Méridicr). Déjà le scholiaste donnait uppiaaç pour un équivalent de üJiptaµa 8éµEVoç. Or. 1121 r6ouç (v.l. y6otç) 11:poçaÙ'tT\V°'1a6µE8' â xaaxoJ.LEV«Devant elle, nous gémirons sur notre sort» (Méridier). "A xaaxoµEv est objet de y6ouç &îla6µt8a, équivalant à yo11a6µt8a. D'autres passages sont moins certains. Dans les Bacchantes, Dionysos s'est emparé de Penthée l'incrédule et dit aux ménades: 1080-1 aym 'tOVuµâç mµÈ tàµa 't Opyta/ yf).,mv n8éµEVOV«je vous amène celui qui se raille de vous, de moi et de mes rites». réA.coç a deux acceptions, «rire» et «objet de risée», si bien qu'on peut envisager aussi bien une construction attributive («faire de qqn un sujet de rire») qu'une locution (yél.O>v d8Ea8at = «se moquer de»). La seconde est préférable; yÉÂ.coçest un nom d'action (comme les lamentations de l'exemple précédent) et «rire» est de beaucoup l'acception la plus fréquente de yéÀcoç.En faveur du double ace., il y a la diathèse moyenne t et le parallèle latin, Plaute Capt. 519 te lu.dosf acil, qui est analysé comme un double acc.2. Il y a aussi le déroulement de la pièce: Penthée se moque du nouveau dieu et de ses adeptes, mais il est isolé, il ne fait rire personne et oc convainc personne du ridicule de cette religion. Le double sens de acpa"(lov ( «victime pour un sacrifice» / «sacrifice») rend incertaine la construction des deux passages suivants: Hec. 108-9 Â.É:yEtat~at aitv 1tai6' 'Axwi/ acpa"(lov 8éa8at «on dit que l'assemblée a décidé de sacrifier ta fille à Achille»; Or. 842 acpa"flOVë8tto µatépa «il immola sa mère». Au v.658 de la même pièce, Oreste dit: "A 6' AùA.lç napt acpa"fl' eJlll/µ.oA,tcxv,OÜ mv autàv/ oÏav

1t0tè

6il/

..J ... ll;iiPXOV8t0Ûc; «fentonnerai, moi, une chanson, ce ne sera pas celle que jadis ... j'entonnais pour célébrer les dieux». La locution µoÂJtàv ll;iiPXOV,qui régit 8roûc;, rassemble les deux idées de «commencer» et de «chanten.2; dans les faits, ces deux procès se réalisent dans une action unique, et c'est ce que rend la locution. Sophocle semble avoir employé la même construction (El. 556-7).

lta-rciPXaa8a1.Or. 960-2 Kat«PXOl,LŒ\ atEVayµ.ov, .. ./ n8eîaa

Â2u1eov lSvuxa 6tà 1taP11{6œv/aiµ.afllpov litav. Que représentent les deux mots du v.962? Depuis l'Antiquité, on a voulu voir en eux une apposition au ven précédent. Mais se labourer les joues est un signe de deuil habituel et ne constitue pas une Œfll. "Afllv représente plutôt un malheur, en l'occurrence la nécessité où se trouvent Oreste et sa sœur de s'égorger (v.947-8) et, à moins qu'il ne s'agisse d'une exclamation, at11v est l'objet de 1eatapxoµa\ vuxàv talCOµ.ÉYa/ 60>µ.CltO>V 1tatpÎ0>V cpuya~. 4>,ry~ peut-être soit un nominatif sg. «exilée» se rapportant au sujet, soit l'ace. pl. de cpu'YTI;Je a est bref dans le premier cas, long dans le second. Le mètre impose-t-il une analyse? Le vers 209 est un glyconien qui appartient à une antistrophe, et on a soutenu qu'il devait ici se terminer par une longue, étant à l'intérieur d'un syst~me. S'il est exact que le mètre impose une longue, alors cpuyac; est un ace. pl. qui doit être l'objet de l'expression 'f'uxàv ta1eoµ.éva, littéralement «liquéfiant mon âme» = «pleurant» t. Euripide emploie cpuYTl au pluriel et le construit avec le génitif de ce dont on est éloigné. Il faudrait comprendre: «Et moi, j'habite une demeure d'ouvrier, consumant ma vie à pleurer sur l'exil loin du toit paternel». La m!me Electre dira plus simplement la même chose à propos de son frère: v .505 i\ t~ 'Opéatou tÂ.11µ.ov~ ~ atÉYElÇ;. Cette locution diffère dans sa constitution de celle que Sophocle a conçue avec le même verbe en El. 122-5. Elle est syntaxiquement possible, mais certains pensent que cpuyac; avec a bref est admissible.

3.2.4.4. Le rôle de s 6 3 a Les poètes -surtout les tragiques- remplacent l'appellation de la personne par un mot désignant le corps (6éµ.ac;), la tête (1ea:pa, 1CEcpaÂ.11) etc. Matthiae précise que «les tragiques font un semblable usage de XEÎP et de 1toûc;»2 .Cela entraîne parfois un double ace. Euripide 'Yse~ayetv. Euripide emploie x66a avec des verbes de déplacement, l'expression étant souvent l'équivalent d'un moyen. Cette remarque permet d'interpréter convenablement les paroles d'Hécube, qui supplie Agamemnon. Elle est à genoux (v .787); elle interrompt ses efforts de supplication pour s'écrier: Hec. 812 Otµ.ol, taÂcuva, xoi µ.• ùx~CXyElÇxMa;. Cette construction, où jadis Porson voyait un double ace. du tout et de la partie, est maintenant interprétée par une locution régissant l'ace. (Ü1tE;ayEw 1t66a (= cpEuyElV)+ µ.E). Il faut renoncer à comprendre: «Hélas, malheureuse, où conduis-tu mes pas?», car rien 1. Hmnann, Adnotationes, p.899. 2. Granrmain, §430.

107

etloclllionl

n'indique qu'Agamemnon cherche à entrainer la captive. En revanche, Hécube doute visiblement de ses dons de persuasion (cf. v.816). On imagine fort bien Agamemnon tâchant de se sortir d'embarras en partant. Hécube, à genoux, voit ses pieds qui cherchent à fuir: «Vers quel lieu vont tes pas, qui t'éloignent de moi?»l.

I.T. 1145-6 1tapà 1t66' eU.iaaouaa cp{Â.Clç/ µatpoc; ~Â{1e0>v 8uiaouc;. Regrouper Kapà 1t66aµ«'tp6c; («dansant au pied de ma mère•) ne B\1{aaetv.

fournit pas un sens intéressant. L'interprétation de Seidler ( «xapà x66a significal coram») n'est pas plus satisfaisante. D'autres, comme Platnauer ou Weil, ont su reconnaître que ,c66' eiliaaouaa fonne une unité, ayant valeur d'un verbe de mouvement, avec le point de départ, µatp6ç, annoncé par 1tapu, et le point d'arrivée, ~Âi1e0>v 81uaouc;: «la danse sinueuse entraînait mon pied d'a~ de ma mère jusqu'aux tbiases de mes compagnes».

Sophocle 1Cp6rretv. 0 .C. 113-4 µ' é~ b6oû,r,6&,J x:puvov x:at' ÜÂaoç;. Une dizaine de corrections ont été proposées pour x66a. Keck voyait dans ~ b6oû x66a une glose d'un texte mo6cbv o6oû, commenté mate i~ o6oû ,c66a q,Épro8a1. Ces trouvailles sont un hommage à l'ingéniosité et à l'imagination humaines, mais servent-elles bien la philologie? Le rapport entre les deux mots à l'ace. a incité certains chercheurs ou éditeurs à reconnaître là un double ace. du tout et de la partie 2 • Mais, comme on l'a fait remarquer3, une telle analyse conduit à un sens plutôt ridicule: «Cache mon pied». L'idée de «cacher» contient un sème «déplacer»; celui-ci est actualisé par ,c66a, qui joue un rôle comparable à celui qu'il tient chez Euripide en Hec. 812 et chez Sophocle en dehors du double ace. Me est donc un objet de la locution ,r,66a x:puvov et, conjointement avec é~ b6oû, met en avant l'idée de «cacher». Il faut donc comprendre: «guide mon pied hors de la route pour me cacher dans le bois»4, sans qu'il soit besoin de sous-entendre un participe comme èiyouaa.

3.2.4.5. Les locutions inverses avec lxetv Il se produit avec qew un phénomène remarquable et dont l'originalité est généralement passée sous silences. Dans les exemples que nous avons étudiés jusqu'ici dans cette partie, il y a seulement remplacement du verbe par une locution, les autres actants gardant leur fonction syntaxique. La construction de Eur. Or. 1069 "Ev µÈv ,cp&tu 001 µoµcp11vëxroest la même que celle de Hdt. KOUt\ 'Aµucr1: J.lOJ.lCl)llV fxroremplace µÉµcpoµa1 sans que cela m,4 J.lEJ.lq>()J.lEVOÇ entraîne de changement ni dans le sujet ni dans l'objet du tour simple, et c'est le nom abstrait qui fournit l'ace. sueplémentaire. On doit souligner la différence qui op8éi'>ç, toûto x:èiµ' qet ,r,68oç;«Et ce qu'à apparaît dans Eur. Ion 572 o 6'

n;ac;

1. Sontfavorablesà cette analyse Hermann, Pflugk. Trawinski, De ace. usu, p.29, Weil, Paley, Carstcne,De ace.et Wecklein. 2. Reisig, Comment. crit. in Soph. Oed. Col., p.96 et Âzelius, De assimilatione, p.20. 3. Keck.,Disputatiuncula, p.19 (qui voit dans È~ o6oû xooa une glose). 4. Wannowski, Syntaxeosanomalae,p.248; Campbell,lntroductory essay, p.23. 5. Voir cependant Hoogevcen, ad F. Vigier, De praecipui.sgraecaedictionisidiotismi.s,Leipzig, 1813, p.253.

J. Double aa:u.sad/

108

bon droit tu souhaites ardemment, cela moi aussi je le ~ire». Grammairiem et commentateurs glosent xiiµ' qtt x68oc;par xaycb xo8& pour justifier l'ace. toûto, sans décrire le renversement de construction. D'après le type étudi6 précédemment, on attendrait •toûto fxm x68ov:par rapport à cette tournure, il y a interversion du sujet et de l'objet, et c'est le nom abstrait qui devient sujet. Il va de soi qu'une telle description est purement synchronique. En Soph. Tr. 350 phi yàp é;dP11xac;ayvo{a µ' fxtt «Je comprends assez mal ce que tu me dis» (Mazon), la relative joue le rôle du second ace. Quelques passages relèvent de cette structure et n'ont pas toujours ét6 correctement analysés. -Esch. Pers.150-l xéi'>c; m6' où v6aoc;w,evilv/ t?xtxai3' qwv;. Tâa' a beaucoup embarrassé les éditeurs. Les uns, à la suite d'Estienne, ponctuent après ce mot, d'autres corrigent xéi'>ç, d'autres ta6 '. Certains cherchent à expliquer ce passage par des analyses compliquées. Mais si toû,:o xiiµ' qet 1t68oc;est l'équivalent de tOÛ'l:O xaym xo8éà>, pourquoi ,:a6' 0'1>v6aoç cpptvéi'>v ciXEKUÎOO ne serait-il pas l'équivalent de ta6' oi> voatî 1taîç ɵ6ç, construction que nous lisons par exemple chez Eur. Or. 401 cl)avtaaµatmv 6è m6t voaeîç xo{mv üxo;? Mazoo respecte cette construction et rend ,:a6' par l'adverbe là: «Peut-on nier qu'un vrai mal de l'esprit ne tînt là mon enfant?». -Soph. Ph. 686 T66e 8aûµa fxet µt: aux problèmes de syntaxe s'ajoutent des difficultés pour faire coîncider la métrique de cette strophe avec celle de l'antistrophe. Il faut probablement insérer une syllabe longue après T66el et admettre la correction d'Erfurdt µ' fxn (Kamerbeek: 1:66e6' a~ 8aûµa µ' fxtt). Les uns voient dans le démonstratif un adjectif au nominatif, se rapportant à 8aûµa2, les autres, comme Schneidewin, un pronom à l'ace. régi par 8aûµa p.' fxtt = 8auµa~m. Rien dans ce qui précède n'annonce ce 8aûµa. T66e pourrait bien être un pronom annonçant la proposition qui suit (introduite par xéi>ç).Je crois à un double ace. et je souscris à la traduction de Mazon: «Et voici encore qui m'étonne». lax' XEtpoç -Soph. Ph. 1116-8 U6tµoc; at 6atp.6vmv/ ta6 ', oi>6èaé ye 66'>.DrJ qaâç. Ce passage pose un problème œtrique. On admet depuis Erfurdt qu'il faut redoubler le premier mot. Si tel est bien le texte, la première proposition peut contenir un double ace. Le sens général est clair: «ce sort-là, ce sont les dieux qui te l'ont fait, ce n'est pas une fourberie dont j'aurais été l'instrument» (Mazon), mais le détail de l'analyse est difficile. Faire de ta6' un sujet dont x6tµoç serait une apposition ou un attribut ne satisfait pas3. Faut-il reprendre Ëaxe dans la première proposition ou sous-entendre un autre verbe 4? La première de ces deux dernières solutions me semble préférable, mais n'entraîne-t-elle pas à reprendre ta6E dans la seconde proposition? Le plus simple est de reconnaître ici deux fois la structure d'Esch. Pers. 150 ci-dessus avec x6tµoç et 66)..oç à la place de

a

1. Wecklein. An Sophoclu OMndandi, 1869, a~ Blaydes a sugg~ &1.Scyffen Wl. 2. BOttger,De singulari, p.23.

6'

œù,acœpœparDain et Kamert,œk;

3. Cette solution est cependant fr6quemment accept6e,parex. par Schncidewin-Nauck,Jebb, Websteret Kamerbeek. 4. Ceruin1 sous-entendent un verbe «faire» (par ex. Tournier).

109

et locudons

v6aoc; 1. Reste cependant l'incertitude sur la lacune dans le premier vers.

3.3. DESCRIPTIONS 3.3.1. Aperçu sur l'indo-europfen Le Grundriss ne s'intéresse pas au double ace. résultant d'une locution. Quelques rares exemp_les apparaissent dans un chapitre traitant des ~riphrasea transitives du type t;apvoç dp.{ n2 ou à propos de l'ace. régi par un nom d'action3. Beaucoup de manuels de syntaxe des langues indo-européennes n'en parlent pas, ce qui ne prouve pas que ce double ace. n'existe pas, mais indique qu'il est rare dans ces langues. Ce double ace. est attesté en sanscrit, par exemple dans mrtak.am alinganam lcaroti: «elle embrasse le mort» («elle fait (lcarotl) embrassement (alinganam) le mort (mrtakam)»)4. Si l'on excepte les tours «faire du mal (ou du bien) à qqn», qui seuls semblent anciens5, un tel double ace. est exceptionnel en védique. Le tour est mieux représenté en iranien; il apparaît d~s l'avestique6; en Y. 9,28 «brise son esprit» est dit «fais brisure son esprit». A. Vaillant signale ce double ace. avec une locution signifiant «avoir foi» (qui régit habituellement le datif), avec une autre signifiant «faire des reproches» et en serbo-croate ancien pour dire «vouloir du mal (ou du bien) à qqn»7. On cite un certain nombre d'exemples en latin, mais en mêlant souvent le double ace. dû à une locution et le double ace. réinterprété par une locution (par ex. te manum iniciam = te comprehendam)8. J. Svennung donne une liste relativement importante9, dont la répartition est frappante; on passe d'exemples archaîques comme Plaute Capt. 519 te ludos facit ou Caton Agr. 55 radices in acervo sub dio metas facito «empiler (litt. faire des piles) les souches en tas dehors» à des exemples tardifs, souvent tirés de textes scientifiques, comme Rufus Pod. 24 ventriculum oleo apobregmata facere (apobregmata facere = àxoppqelV), mais qui se trouvent aussi hors des expressions techniques: gratias agere aliquidlO, mentionem facere aliquidll, etc.12. Fait notable, le double ace. du latin est souvent une création, on ne le retrouve pas toujours dans l'original grec. Ainsi, là où le texte d'Oribase a 6uxcpoptî + ace. (Syn. Vll,14), la traduction ). De même, dans les latine donne diaforisin facit + ace. (diaforisin = 6tacp6P11cnv Didascaliae apostolorum, 19,11, le latin non enim opus habent hii qui sani sunt 1. Voir Aulius, De assimilatione,p.53. 2. 2. Il. p.619. 3. 2. Il. p.637. 4. Ciœpar Simenschy,Constructions,p.174. 5. Haudry,Cas, p.159. Ces cas sont ~tudi~ au chapitre6. 6. Reichelt.Awest. El., p.228, lui consacre un paragraphe. 1. Gr: comp. ~slaves, ~IV, p.36. 8. V0tr E. Loef t, Syntacnca, p.251-3. 9. Untersuchungen,p.202-3, n. l et 4. 10. On lit gratias agat panem dansla Traditionis apostolicae versio latina, 14, 5, cd. Tidner, Berlin, 1963. p.132. 11. E. Loefstedt, Vennischte Studien zur lateinischen Sprachkunde und Syntax, Lund, 1968(7), p.152. 12. Voir Leumann-Hoffmann,Lat. Gr. II, p.46. Pour ~ntem habere alqd. cf. CJL. IX, 3473.

3. Double accusad/

110

nudicum, avec deux ace., est une traduction de Matth. 9, 12 qui a le génitif du nom du médecin 1• Ces exemples indiquent que le tour est populaire et ancien et qu'il était éliminé de la langue classique, sans que cela prouve qu'il ait jamais ~ d'exister2. Cette situation rappelle celle de la rection transitive des locutions en français.

3.3.2. Description du corp111 3.3.2.1. Rôle du nom d'action

Nous avons admis que chez The. Vlli,41,2, 1eal tTtV xmpav 1CUt®poJLC1iç xœpav («second ace.») était complément de la périphrase Miav btottîto, tTtV Miav btottîto. Une autre analyse a été proposée, du moins pour certains des exemples du corpus; elle consiste à voir dans le «second» objet un ace. régi directement par le nom d'action, nom d'action qui se comporterait comme un verbe. Chez Plaute, Amph. 519 quid tibi hanc curam curatiost rem?, hanc rem est régi par curatio. Cette construction est attestée en sanscrit3. Aussi certains ont-ils pensé retrouver en grec cette construction dans certains doubles ace. Cette théorie est surtout présentée pour les cas qui nous surprennent le plus, comme Esch. Sept. 289-90 µÉptµ.vat Ccmrupoûcn tappoc; tov ... ÀEÔ>v,où tov Â.œJv est décrit comme objet de tap(3oç4. Ce point de vue serait parfaitement acceptable s'il y avait une continuité historique. Mais la rection transitive d'un nom d'action est inconnue et d'Homère et d'Hésiode; elle n'est pas attestée dansce qui nous reste de la poésie lyrique; au Ve siècle, aucun exemple ne prouve ce fait de syntaxe, tous les cas proposés pouvant se ramener à des locutions régissant l'ace. Un argument décisif en faveur de la rection transitive d'un nom d'action serait un exemple où le nom d'action serait au nominatif. Ceci se présente pour les noms d'agents, jamais pour les noms d'action. Les syntaxes qui plaident en faveur de cette thèse s'appuient sur deux exemples de Démosthène: le Phil. 45 oi 6è oûµ.µ.axot tt8vâcn tep 6Étt toùç axoot6Âouç6 «et nos alliés meurent de peur à l'approche de nos vaisseaux» (Croiset) et Amb. 81 6ouÂEÛnv ml tt8vavat tep cp6pcp &rt~iouç «Ils sont esclaves et meurent de peur devant les Thébains» (Matthieu). Ces exemples sont d'un secours bien faible en faveur de l'idée pour laquelle on les cite, car, si l'ace. dépendait du seul nom de la peur, ces phrases signifieraient «ils meurent par le fait qu'ils craignent qqn», ce qui n'est pas du tout le sens du texte: il n'est pas question de mort ici; Démosthène emploie des expressions qui correspondent au français mourir de peur, locution qui est une sorte de superlatif de craindre. Dans les deux exemples de Démosthène, l'ace. est complément de l'ensemble de la locution «mourir de peur» qui régit un ace. comme le ferait un simple verbe «craindre». On ne peut affirmer qu'il y ait là un héritage indo-européen. Ni la langue populaire, d'après ce que nous livre 1. Voir E. Tidncr, SprachlicherKommentarzur lateinischenDidascaliaeApostolorum, SIOCkholm,

1938, p.138-9. 2. Voir aussi D. Norberg,SyntaktischeForschungen,p.129-30. 3. Delbrllck,Alt. Synt., p.181-3. 4. Schwyz.cr,Gr. Gr. II, p.74. 5. K.-O. I, p.296 et Schwyzer, Gr. Gr. II, p.73. 6. Schwyzer, ibid .• cite l'ttude de Keelhoff sur ce passage (Rev. instr. publ. Belg. 36 (1893), p.73-6). Mais celui-ci distinguece passagedes doubles ace. dus à une locutionet, en fait, voit ici IUl ace.de détennination,type dont, selon Keelhoff,l'origineserait paratactique.Cette analyseCSI cnon6e,car elle ignoreles limites de l'ace.de détermination.

111

e,locudo,u

cc que nous livre Aristophane, ni la langue si riche en arcbaîsmcs de l'q,opœ n'en fournissent d'exemple. Si, de nos jours, la langue populaire peut dire (ils) me les ont fait cadeau, comme l'a bien not6 Colette, cc n'est pas par archaîsmc, mais par une assimilation de la périphrase verbo-nominale à un verbe simple; de même, en grec, le double ace. résulte de la coaJcscencc entre le nom et le verbe, et noo d'une rection du nom d'action, même si celle-ci a exist6 en indo-europhn. Considl!rons un instant le cas des historiens; notre description par la périphrase devenue une locution correspond à ce que nous constatons de leur langue: alors qu'ils ignorent la rection transitive des noms d'action, en revanche, les périphrases du type de celles qui engendrent des doubles ace. sont légions. Il y aurait quelque inconséquenceà s'appuyer sur un fait inexistant pour en rejeter un autre attest6à des centaines d'exemplaires. Donc des consid6rations tant historiques que synchroniques plaident en faveur d'un double ace. résultant de la coh&ion de la locution. Le choix de cette description a une cons6quence importante sur notre corpus: il est ouvert aussi bien aux locutions comportant un nom d'action qu'aux autres. Les exemples français cil& (ils me les ont fait cadeau - Vous n'avez jamais fait pipi du sang?) montrent que le nom d'action n'est nullement indispensable à la rection transitive d'une locution verbo-nominale; il est statistiquement plus fréquent, en grec comme en français, qu'une telle locution contienne un nom d'action, ce n'est nullement obligatoire. Avec un auxiliaire signifiant «faire», la locution remplace un verbe d'action: faire cadeau = donner, Âdav xou:ia8at = «piller». Et des auxiliaires comme avoir fournissent des locutions équivalant à des verbes d'état: avoir peur = craindre, fxEtV µft'tprua.a =«mesurer» au sens de «avoir telle mesure• (mais le rôle de qnv est ambigu, cf. 3.3.2.4).

3.3.2.2. Historique Homère La langue des pœtesde l'époque archaîque ne présente pas de formation morphologique régulière génératrice de locutions susceptibles d'engendrer des doubles ace. Les exemples de doubles ace. rencontrés chez Homère sont des cas particuliers. Le syntagme op1eta taµVE\V (4155) est devenu une locution pour des raisons de civilisation (fréquence et importance du rite), sans y être prédestiné par sa constitution morphologique; le caractère formulaire de ce syntagme est bien connu et a ét6 récemment rappellé par J. Taillardatl. La fréquence de l'emploi explique le glissement de sens qui seul peut rendre compte du double ace. (passage de «couper les op1e1a» à «conclure un pacte•). Au contraire, cri\µa n8dç (8171) est une expression qui dès le départ équivaut à 01)µ.a{vcav;elle contient les mêmes éléments que le latin significare, mais elle n'a aucun caractère formulaire; sa rection accusative manifeste l'étendue des ressources de la syntaxe du poète; il préfère ai\µa n8dç à a 11µa {v mv, métriquement équivalent, pour son caratère plus concret, mais construit la périphrase comme le verbe simple correspondant. Enfin les divers éléments d'un procès peuvent être répartis entre un verbe et un substantif à l'ace.: I 115 vtü6oç 1ea'ttÀE;aç =«mentir» // «énumérer» + temps passé + mode indicatif + 2e pers. sg., les deux mots constituant le noyau prédicatif qui, en bloc, régit un ace., à 1. 44tÂAmlç.~ et/oedus, R.E.G.95 (1982),notamment p.3-4.

3. Double accmalif

112

l'instar d'un verbe simple. On peut donc diœ que, chez Homàe, Je m6caoïsmedu double ace. dil à une locution est en place; il fonctionne d'une façœ imprévisible; c'est un moyen syntaxique dont le poète use pour produire divers effets.

Pindare Avec Pindare, la syntaxe est davantage mise au service de la poésie. Un seul des exemples étudiés contient un de ces verbes qui fournissent habituellement des périphrases en grec ancien, c'est 1epucpov n8éval (0. II, 107). Mais ici l'expression «faire une cachette» décrit des conduites et des paroles, et la poésie réside dans cet emploi d'une image concrète pour des choses qui ne le sont pu. Le double ace. avec 6l66val (N. I, 64-6), que les règles de la philologie imposent de conserver, a tellement surpris les éditeurs qu'aucun ne l'a gardé, alors que toute la tradition l'atteste. D'un point de vue linguistique, est-il si surprenant qu'une périphrase signifiant «donner la mort» soit construite comme un verbe «tuer»? Par cette construction, Pindare rend sa formulation plus saisissante, plus brutale. Il est à noter que les trois autres exemples décrivent l'activité du poète; les locutions en enrichissent la description en introduisant des images variées au cœur même de l'expression du procès: image architecturale avec op8cooal~ (0. 3), progrès et vie avec avé6paµ.ov (O. VIII, 54), naissance et élan avec opvuval (N. IX, 8). Le poète pousse jusqu'à leurs limites les possibilités de la syntaxe pour donner plus de force et de vigueur à la présentation de son activ~ de poète.

m.

Les historiens Le système morphologique le plus simple et le meilleur producteur de doubles ace. est celui que nous trouvons chez les historiens avec la structure [KOlEîa8al + article 0 + nom d'action à l'ace.] + ace. Le double ace. apparaît dans des expressions militaires, décrivant le pillage et la razzia, donc dans une langue technique. La seule périphrase qui fournisse un double ace. et à Hérodote et à Thucydide, c'est Àl:Îav (À''lÎT)v)1tOlEicr8al. Là est peut-être la clé de HdL I, 160 o'ÜtE oùAàç 1epl8écov 1tp6xucrw i1tolÉEto, car il s'agit d'un rite d'offrande aux dieux: la langue religieuse, comme la langue militaire, a ses particularités, qui envahissent éventuellement tout type de discours. Cela rappelle le latin, où ce double ace. apparaît dans la langue parlée (archaïque et tardive) et dans les traités techniques, la langue classique se caractérisant par le refus de ce tour. La langue des historiens s'oppose à la prose judiciaire et à la prose d'apparat en ce qu'elle admet des tours consacrés par leur emploi dans des domaines importants de la vie sociale. Notons aussi l'étrange Çépaypavaµ.Evo~ 11:âoav t11v Çeû~lVd'HdL IV ,88, qui oriente la réflexion vers les rapports entre les locutions et les

compoa.

LA tragédie attiqlU! La tragédie s'écarte à la fois de la poésie épique, de la prose des manifestations publiques et de la langue des historiens. L'abondance de ce type de double ace. contraste avec son refus systématique dans la langue du barreau. Cc qui est notable, c'est l'étendue des registres dans lesquels puisent les dramaturges pour forger cette langue originale qui est le sceau de ce lieu particulier de parole et de poésie qu'est le théâtre.

113

etlOCllliolu

Les tragiquesne rejettent pas l'emploi des verbesque nous avonsappel6s cquasi-auxiliaires•;le grand Eschyle lui-m!me ne cMdaigne pas de dire 'Il.{ou

.a«,pàc; 'lfllcpouc; l8tvto pour ÈV11cp{aavto (Ag. 814-6); il est vrai que l'expression décrit le geste et complète la force évocatrice de la phrase qui contient déjà ëç aiµ.antpov tcûxoc; «dans l'urne sanglante»; ce complément conserve à la périphrase sa valeur concrète. Un second groupe de locutions est constitué avec des verbes proches des quasi-auxiliaires, qu'il s'agisse de la fonne préverbée (wcatÉXE\V)ou redoublée (iaxe\v) d'un verbe fréquent dans les locutions, ou qu'il s'agisse d'un verbe moins fréquent dans les périphrases (iantJ.Ll

~oitv). Registre de la prose, registre aussi de la grande poésie. Comme chez Pindare, une grande variété de verbes entre dans la constitution d'une périphrase verbo-nominale construite transitivement pour en mieux souder les éléments. Une syntaxe hardie est mise au service de la vigueur de l'expression; les locutions ne procèdent pas d'une tendance à l'expression analytique; appartenant au domaine de la création personnelle, chaque tour a sa justification stylistique propre. En Esch. Ag. 174, l'ace. de la locution È1t\V\1C\a indique le procès (une glorification) tandis que le verbe 1eÀ.aÇcovajoute une indication sur le volume sonore de ces louanges. Une semblable répartition des sèmes préside à l'élaboration de Suppl. 532-4 to yÉvoc; vÉcoaov E'Ücppov'aîvov «glorifie à nouveau avec bienveillance notre race»; le substantif aîvov décrit l'élément fondamental du procès (la louange) et le verbe en fait connaître une modalité Oe renouvellement). A la différence de ce qui se passe avec l'objet interne, le substantif ne précise pas une modalité du procès, mais devient porteur de l'essentiel de ce procès, et c'est le verbe qui ajoute une précision pouvant relever de l'aspect (idée de commencement, de développement, de renouvellement) ou qui apporte une coloration. Le théâtrep~te une catégorie qui lui est propre, un double ace. dQ à l'emploi d'un nom d'une partie du corps ou d'un nom du corps pour désigner l'individu. Il s'ensuit un groupe verbe de mouvement + 1t6~a pour décrire une action, groupe qui est parfois accompagné d'un «second» ace. L'ensemble des quatre catégories représente environ 25 ex. qui peuvent être tenus pour certains et une douzaine qui sont envisageables; quelques uns enfin sont des candidats douteux. A cela s'ajoute un groupe de doubles ace. avec qt\V qui comprend les memes éléments que les exemples précédents, mais avec des rôles syntaxiques différents; àyvo{a µ.' qt\ + ace. est, en synchronie, à mettre en relation avec qco cryvo{av + ace. et en présente le renversement. La mise en relation de ces deux constructions a probablement favorisé le double ace. du type ciyvo{a µ' fxa.

3.3.2.3. Le r61e de l'accusatif dans ces constructions Chacun des ace. de ce double ace. appelle une étude. A première vue, le plua frappant des deux, c'est celui que nous avons appelé le «second», c'est-à-dire celui qui est régi par la locution. Mais, à la réflexion, l'emploi n'est pas réellement surprenant, ce n'est que l'extension de la fonction objet, fonction dont l'expression vivante (ou non marquée) en grec ancien était précisément l'ace. La surprise serait plutôt les limites de cet emploi. Les réticences s'expliquent probablement par la présence d'un «premier» ace. ayant déjà la fonction d'objet La langue la plus réfléchie, celle qui s'étudie, c'est-à-dire celle des orateurs,

J. Doubleaccu.rad/

114

rejette ce tour. Les historiens, qui sont sobres sans être puristes, acceptent les exemples qui étaient les plus courants. Les pœtcsjonglent au contraire avec une possibilité de la syntaxe qui devait avoir plus d'existence dans la conversation que dans la prose écrite. Notons toutefois que ce tour n'est pas passivable, alors qu'il contient deux ace. d'objet hiérarchiquement différents, comme si la complexité de cette situation avait bloqué le mécanisme de la transfonnation passive. Le «premier» ace. paraît ne poser aucun problme, étant habituellement un objet direct d'un verbe transitif. Rappelons qu'il n'est pas nécessaire à la constitution d'une locution transitive: on peut rencontrer une telle locution bâtie avec un substantif au génitif, au datif, éventuellement avec préposition t. Parfois, pourtant, il semble que l'ace. n'ait d'autre justification que de ~r une locution. Il en va un peu de même pour le «second» ace.: on trouve à sa place un génitif ou un datif, voire un complément prépositionnel, lorsque le verbe simple synonyme se construit habituellement avec le génitif ou le datif ou un tour prépositionnel, par ex. cruyyvâ>µ11v qt1v nvi. Toutefois, en tant que cas non marqué de l'objet direct, l'ace. apparaît lorsque les autres cas n'ont pas de raison particulière de se présenter. Il se crée ainsi deux nouvelles fonctions de l'ace., celle de constituer avec un verbe une locution et celle d'être l'«objet» d'une locution verbonominale. La seconde est illustrée par de nombreux exemples de Pindare et du théâtre attique, exemples danslesquels la locution est trop riche pour se ramener à un verbe simple.

3.3.2.4. Le rôle du verbe dans la locution Le rôle et le choix du verbe dans les locutions est une question importante qui exigerait de longues recherches; l'étude ne peut en être faite que sur le corpus entier des locutions et, par conséquent, ne peut être menée à partir du seul relevé des doubles ace. En attendant la publication d'un travail sur le sujet, voici quelques remarques. L. Guilbert décrit le verbe de la locution comme un «opérateur de la verbalisation syntagmatique»2. L'idée est souvent émise que les locutions sont analytiques, parce que, dit-on, elles répartissent les constituants du verbe simple sur deux mots: le nom qui indique le procès et le verbe qui n'exprimerait plus que les caégories grammaticales (temps, mode, personne, nombre). En tout état de cause, une telle analyse ne saurait s'appliquer à autre chose qu'aux locutions les plus usuelles, qui sont bâties avec un verbe «quasi-auxiliaire»; mais même dans ce cas-là, le rôle du verbe ne se limite pas à celui de porteur des marques flexionnelles. Car, par son radical, le verbe indique la «voix» de la locution: ).rlav Éxo1EÎ'to«ils pillaient», et non «ils étaient pillés». De même, en français, le verbe faire n'a pas pour seul rôle de constituer une locution, il a aussi une valeur sémantique puisque faire peur s'oppose à avoir peur. no1tîa8a1 et 't18ta8a1 donnent des locutions correspondant à une diathèse active, diathèse qui n'est pas 1. Avec un datif: voir Eur. And. 1198-9, ci~ en 3.2.4.3 sous ,ccxtcipxm8c:u.Avec syntagme prq,ositionnel: voir F. Vigier, De praecipuisgraecaedictiomsidiotimùs, Leipzig, 1813, p.282 (aou:îa8cxt iv oPîftnvcx; aussi p.287) et surtout les notes de H. Hoogeveen (aott:îv iv cxiaxuvu, 1'0lEîa8«l ÈY cxhi~. JtOlEÎVcivro O'lfOU,1'0\EÎVà1to oyuoç, etc.). En Soph. Ant. 961, tov 8e6v est compl~ment de -.«umv iv JCq>toµfou;yÀcOOacxtç = JCEptoµâ,v.Le ~me verbe constitue probablement une locution avec un g~nitif aux v.857-8 "E'lfJryour.j t~fipxec;, l'idée de commencement est notée par la racine du verbe, d'où la possibili~ d'un thème duratif (imparfait) que le contexte fait interpréter comme un imparfait de répétition. Inversement, le verbe peut se charger d'exprimer de ).jyyov, c'est la façon nette la durée; en Soph. 0 .C. 1120 tro' Ei ... JlT11CUVXOU KEÂ.a6Tja6µE9a ppov'tav «en chantant l'hymne dont le nom rappelle la fière victoire, nous célébrerons le tonnerre» (Puech) un renouvellement du tour üµvov uµvriv nva (ou n). C'est ainsi que l'entendaient les Anciens, si l'on en croit le scholiaste.

xaç cix6pEmov «Oui, il est terrible, pour cette maison, et cruel dans sesrancunes,le Génie que tu viens de rappeler. Ah! rappel douloureux d'un sort insatiable d'horreurs». Cette traduction de Mazon cherche à garder l'ordre des mots; syntaxiquement, la construction est clairement 6a{µova aive~ atvov, avec objet inteme2. Cet objet interne est très ~offé (xaxov atvov cifllpcxçn>xaç cix6pta'tov).

O!mtan.V. Eum. 512-4 'tUÛ'tCl'tlÇ 'tClX'âv KUTflp/i\ 'tElCOÛaaveoxa&i,ç/ otnov oimaa1'to «Cette plainte gémissante, ceux qui la gmriront peut-&re, ce seront un père, une mère, victimes d'un sort inouï» (Mazon). Taû'ta renvoie aux paroles contenues dans les deux ven préœdents; il n'est pas nécessaire d'en faire un adverbe, ni de corriger oÎx'tov en oix'tp6v. Aussi Escher voit-il là, avec raison semble-t-il, un double acc.3.

Il{vav. Ch. 578 c'ixpa'tov atµa 21:{E'ta1 'tptfllV 21:6a1v«(Erinys) boira pur ce sang comme trois~me boisson». Certes le sang constitue la boisson, ce qui ferait penser à une apposition, mais, pour un Grec, il y avait identité de racine dans 2ttE'ta1et x6a1v, qui devait apparaître immMiatement comme un objet interne.

'Yµveiv. Ag. 1191-2 uµ.voûa1 6' üµ.vov 600µ.aa1vxpoaitµeval/ xpoot«PXOV ciniv «Attachées à cette demeure, elles y chantent le chant qui dit le crime initial» (Mazon). Certains ont remplacé l'ace. liniv par un génitif4; d'autres en ont fait une apposition à ܵvovs. Or la correction est sans fondement et l'apposition est indéfendable: Œfll, «aveuglement fatal» ou «crime qui résulte de cet égarement», ne désigne pas un chant. Il faut revenir à cette réalité première: on chante un chant ou on chante un crime comme on perce un trou ou on perce wi mur, mais le crime n'est pas plus un chant que le mur n'est un trou. Il y a là deux compléments renvoyant à deux référents distincts, donc un double acc.6.

1. Friese, De CMIIMm. p.46-7. 2. K-0, I. p.320. 3. Der Ace., p.146. 4. Thomson attribue ceueconjecturel Mauset l'adopte. 5. Cette analyte est explicite chez Denniston-Page. 6. Escher, Der Ace., p.146.

4. Doubleaccusatif

122

4.2.3.2. Avec un objet interne sur une racine différente de celle du verbe Ilpoa3ipxea9at. Pr. 902-3 µfl6È 1epEtaa6vmv 8efiJv/ Ëpcoç acpurtov l>µµa 1tpoo6pa1eot µEt «Que l'amour de l'un des grands dieux ne jette pas sur moi un de ces regards auxquels on ne se dérobe pas» (Mazon)2.

'I6tetv. Suppl. 808-9 "IuÇEU 6' oµcpàv oùpavta/

µéÂ.fl Â.ttavà 8t:oîot. Les problèmes philologiques posés par cet extrait d'un chœur sont inextricables; le texte a été corrigé de façons très diverses dès les premières éditions, et le découpage de la strophe est incertain. Les éditeurs s'accordent seulement pour corriger le premier mot en "IuÇe3. Il serait trop long d'examiner tous les problèmes de ce passage. Proposonsmodestement une solution pour le début de la phrase. Il n'est pas sOr qu'il faille, comme Mazon, accepter la suppression d'oµcpav; ce mot peut être un objet interne et la phrase contiendrait un double ace. iuÇt: - oµcpàv - µéÂ.fl. Si l'on admet la correction où paviav (pour n'envisager qu'une solution), le passage pourrait signifier: «Crie, d'une voix qui va jusqu'au ciel, des chants de prière aux dieux ... ».

Ka8op&v. Suppl. 1058-9 Ti 6È µéÂ.Â.O> cppéva lliav/ 1ea8opâv oviv èil3uooov; «Puis-je prétendre contempler la pensée de Zeus en plongeant ma vue dans l'abîme?». Mazon, comme beaucoup d'autres éditeurs, place une virgule après 1ea8opâv, ce qui indique que le second groupe à l'ace. est analysé comme une apposition. Or cppéva 1ea8opâv oviv a la structure des doubles ace. décrits ici. "O'lftv lif3uooov est bien la reprise par un substantif du procès décrit par le verbe. Comportant comme objet interne un nom d'action bien caractérisé (oviv), fonné sur une racine qui, par supplétisme, participe à la conjugaison de ce verbe, cet exemple est plus typique encore que oµµa 1tpoo6pa1eot µE cité par KühnerGerth et Schwyzer4. N.B. Avec 1tÂ.fl'Y1lV, exprimé ou sous-entendu, le retournement passif atteste indirectement la possibilité d'un double ace. avec les verbes 1tÂ.Ttv, ou plutôt 'Axaiouç, qu'il faut tirer de 'Axaiéi>v et qui est antéœdent de o'i.

Ao6av. Ant. l 199-1201 Kal -rOv.. J..J M'Ûaav'ttc; àyvàv Aou-rpov(voir Arist Lys. 469).

4.2.4.2. Avec un objet Interne sur une racine différente de celle du verbe Boéiv. En Tr. 210-3, de bons commentateun ont proposé de voir dans 1ta1âva un complément commun aux deux impératifs civâye-r' et ~oâ-ret, et donc un double ace. dans 1ta1âva ... ~'te tàv .,Ap-rtµlV: «entonnez le péan, faites-le retentir en l'honneur d'Artémis».

ro&v.Tr. 49-51

1tou.à µév a' r:ym! xateî6ov i\6"'xav6âxput' o6upµata/ ll;o6ov yo0>µÉv11v«je t'ai vue déjà bien des fois pousser en gémissant des plaintes éplorées sur cette absence d'Héraclès» (Mazon).

't'l'IV'Hpâxuiov

8pT1veiv. El. 94-S oaa -rov 6uCffllvov èµOv 8PT1vÔ>/Katépa. "Oaa a pour qui équivaut à 'tàç KavVux{ooç. antécédent tà 6l: 1UXVVUX{6cov, Ko1âte\V. Quand on quitte le critère formel de la figure étymologique, les limites de l'objet interne deviennent floues. Les syntaxes de Kühner-Gerth et de Schwyzer 2 groupent avec les exemples précédents Aj. 1107-8 tà aéµv' a11/ mMl;' bcdvouç. Beaucoup de commentateurs et de grammairiens reconnaissent dans ë1t11 un ace. d'objet interne, malgré l'écart sémantique avec le verbe; l'adjectif aeµvâ comble en partie cet écart. Néanmoins l'expression est inattendue et c'est la construction qui impose de considérer tà aéµv' t1t11 comme la description de l'action présentée par le verbe. Ce tour pourrait être aussi considéré comme un renouvellement audacieux du double ace. auprès des verbes «parler»,ce qui revient au même (cf. 4.3.2). Mazon traduit: «adresse-leur, à eux, tes sévères remontrances». Voir aussi 7.4.1.

Ilu{av. Ant. 1308-9 t\ µ' oûx civtaiav / &a1aév t1ç;. Avec civtaiav,

il faut

sous-entendre 1tÂ.T1"f'lV (voir pour Eschyle N.B. en fin de 4.2.3.2).

'Anll,âteiv. Ce qui a été écrit sous 1eoMÇe1v à propos de Ë1t11vaut aussi pour O.T. 339-40 &:ri/xÂ.ucov vûv CJÙ'tT)V6,cinl,LQÇElÇ1t6Â.1v;«en entendant les paroles méprisantes que tu prononces en ce moment sur la ville». Mais Ë1tT1 n'étant pas qualifié ici, c'est surtout le double ace. avec les verbes «dire» qui a

a

1. H. Seemann, De asyndeto sophocleo quaationa, Diss., Breslau, 1882, p.50: «rcetc Seidlc:rus, Hermannus,Wunderu1et civayut et Pousc impure•. Toutefois, la fréquence chez Euripide de yaµov yaµeîv et du sens de «mariage» pour -ya~ cmpeche d'exclure un double aa:.:«carhl savaisque hl avaispris en mariaae uneimpure».

125

et objetUlla'M

mSme double ace.: 6é;tv at 6qE08at. Le vers 1182 est blti comme Bacch. 95S (voir sous 1Cp,>fft\V).

Bvpmav. Ion 1518 -z>îAovµh, oiv a' WP1lJI.Cl,µi\'ttp, T1Üpoµ.tV. Kp6flav (passif). Bacch. 95S Kpuvnaù Kp,>'l'tVi\v at 1epucp&iivatxptô>v. Ac,zriav. Ion 921-2 lv8a Aoxwµa'ta aéµv' ë.Aoxwaa'to/ Aa'tco Aîotat at 1eapxoîc;. Av1.udvav. Hel. 1099 "AÀtç 6è ÀuµT1c; i\v µ' lÂ1>JlT1V0> 11:apoç.

N11eâv.Suppl. 1060 Nt1eéi>aaVÎKTIV nva; «qui donc vaincras-tu?» (Grégoire). Nvp..e'6e,v (passif). I.T. 364-S vuµcpeuoµav VUJl(pt'UJI.Cl't' aiaxpâ.

t-rfila.v. Bacch. 827-8

-'Eyco a'tû.éo 6coµa'tcov eiaco µoMi>v

-Tîva moÀT1v; «-Entrons dans le palais: je t'habillerai moi-même. -De quel habit?» (Roux). Tîva G'tOÂTlV,s.e. mû.tic; µe. La construction pourrait aussi s'expliquer par le double ace. avec les verbes «vêtir».

4.2.5.2. Avec un ace. d'objet Interne sur une racine différente de celle du verbe 'Ayâ11ea9c11. Bacch. 1S1 dha 'tov eihov àyaWµtvat 8e6v. J. Roux traduit: «régalant d'évohés le dieu de l'évohé» et commente ainsi: «Le verbe cryaÂÂ.ta8at, normalement intransitif au moyen, est ici construit transitivement De même racine que ayaÀµa,il exprime l'action que l'on accomplit (ici crier l'évoh6) pour réjouir le dieu; tÜta: accusatif de l'objet interne, construit comme 'trt voµta8ÉV'ta, v.72».

'Ae{8e,.v.I.T. 1091 wyov oÎ'tov àeî6nç. Il n'est nul besoin de corriger le texte, comme l'ont fait beaucoup d'éditeurs 1 ou de faire de ËÂeyov un adjectif (Schneidewind); le double ace. fournit un sens acceptable: «Tu chantes ton sort comme on chante un deuil-2.

Alp.âaae,v ~CIVU21.V.

(passif). El. S13-4 ÛÙÂT\V1tap' ocppuv, ;\v .. ./ ... nµaxO,,.

H/. 1271-3 xoîouc; 11:0't' i\ ÂloV'tŒÇi\ 'tptacoµa'tOUç/ Tucpéovac;i\

fîyav'taç i\ 'tt'tpaa1eeÀeîç/ 1Ctv'taupo1tÀT18i\x6Àeµov oÙK è~Tlvuaa;. Le passage est très embarrassant. On ne peut exclure à coup sûr la leçon du manuscrit et la présence d'un double ace.: «De combien de lions, de Typhons aux trois corps, de géants, de quadrupèdes, en une guerre pleine de Centaures, ne suis-je venu à bout?». 1. Bunes corrige oltov en oiK'tpov;il est suivi par Weil, Nauck, SchônekOckly, Wecklein. 2. ld6c da'endue par Seidler, et admise par d'autres 6liteurs et grammairiens(Carstens, De ace., p.76). Voir B. Jacquinod. «Sur l'accusatif d'objet interne», p.66.

126

Boéiv. Med. 205-6 Alyupà 6' èixea µ.oyEpà ~ tov èv Â.qEl 11:po&Stav xmc6vuµ.cpov «elle crie sa douleur aigüe et affreuse contre l'époux traître à son lit»l. Tr. 335-7 Boâte2 tov 'Yµ.évalOV, ll,J..J •..vûµq,av «Chantez 'Hyménée, ô' pour l'épouse». La construction paraissait incorrecte à Musgrave: «Deest enim verbum, a quo pendcat vox vûµ.q>av», mais d'autres ont su voir là un double ace. (Seidler), le premier ace. précisant le contenu du procès, le second son

dcstinataire3. 'BinPoéiv. Med. 168-9 K)..ûE8' ota Àq'El 1ecm.13oâtat/ 8quv EÙxtaiav Zi\va

8'. ota

vaut ici pour les deux vemes4.

raµ.2îv. Tr. 41-4 i\v 6è Kap8évov/ µ.E8i\x' 'Aff.6'U.o>v6poµ.a6a Kaaâv6pav Â.qoç. La traduction de la C.U.F. èiva~J ..J yaµ.Ei f3la{~ ax6nov 'Ayaµ.ɵ.vOJY («et la vierge que l'auguste Apollon a livrée aux élans du délire, Cassandre, voici qu'... Agamemnon va faire d'elle par force son épouse secrète») inciterait à voir dans ax6ttov Â.qoç une apposition à «la vierge Cassandre», qui sert aussi d'objet à yaµ.Ei. Rien n'impose de chercher un sens spécial pour Â.qoç, alors que le sens habituel de «couche, union» est parfaitement satisfaisant: «Agamemnon va l'épouser en une union secrète». En outre, Ion 1484 fournit un bon parallèle (voir sous EÙvaÇn). A\O'ICIÎV

(passiO. Ion 1268 o8ev 11:Etpaiov a.Â.µ.a 6lG1CT1Eh1GEtŒl «d'où elle

sera lancée en une chute du rocher-5.

'B1{tt11v (passiO. I.T. 442-4 aµ.cpl xatav.Andr. 1159 1eoµ{toµÉVv,v aol 1eato,µ.6>9i, ,oo~(var. y6ouc;). N,v, objet du verbe personnel,est à reprendreavec l'infinitif. r6oc; indique comme oiµ.cotE,v un gémissement, mais en général accompagné de larmes. Le mot apporte une précision sur le procès. Il est au datif pl. dans plusieurs mss fondamentaux, et à l'ace. pl. dans le seul Parisinus 2712. Les éditeurs choisissent la leçon la plus fréquemment attestée. Les deux leçons étant correctes et sensées, c'est une solution acceptable. Vue la tendance à éliminer les doubles ace., on peut néanmoins se demander si le Parisinus ne transmet pas le texte authentique.

'Op.v'6va\et 1eawµ.v6va\. En Suppl. 1188-9 1tpéi>tovM~' èSp1eov · t6v62 6 • oµ.vuva, r.pr.mv/ "A6paaiov, on hésite entre faire de t6v6E un pronom qui reprend op1eov ou un adjectif accord6 avec "A6paatov. La seconde solution est d'ordinaire retenue. Sur Hel. 835 avec 1eatoµvuva,, voir 7 .2.

'Op&v.Une discussion s'est instaurée sur la valeur de nom d'action de 8éa, 8éaµa,O'lfl.c; et xp6aov,c;•.Lobeck est surtout sensible à l'évolution vers Je sens de «chose vue»; mais cette possibilité d'évolution ne supprime pas la valeur de nom d'action; les deux coexistent souvent, et la délimitation entre les deux emplois est délicate. On s'accorde à voir un double ace. dans Or. 1020-1 liSça' i6oûa. tv oµµaaw/ 1tavuataT11V 1tp600'lf\V «à te voir de mes yeux pour la dernière fois» (Méridier)2. En revanche, c'est une apposition que l'on reconnaît en Hf. 323-4 et Or. 125, ainsi qu'avec Aciaanv en Bacch. 12323.

Dpoos{ne\V. Ph. 293 yovu1tr.tEîc; l6pac; xpoaxi-rvco a' «Je me prosterne à genoux devant toi» (Méridier). "E6pa peut désigner la position du suppliant (Soph. O.R. 13). Valckenaer a proposé bien inutilement de corriger en yovuxr.ir.î

a• Ë6p~. Les éditeurs conservent le texte des mss. et les commentateurs reconnaissent là un double ace.

Il 1>pO e6 e \V. Hel. 1126-8 1tOÂ.Â.0Ùc;6è xu par.uaac;/

cpÂ.oyEpov aéÀac; aµcptputav (mss aµcpl putàv)/ EÜ~O\UV r.tÂ.' 'Axa,éi>v. Grégoire croit «avoir amélioré le texte en écrivant au v.1127 [ ... ] E{Â.'qcov [ ... ]»; il fait d'Eül301av le complément de lr.cov: «le maître de l'Eubéc». Cette correction est inutile, car, contrairement à ce que prétend Grégoire, le passage est compréhensible; le participe xupaEuaac; est accompagné d'un double ace. aéMXc;(objet interne) 1. Lobeck. Paralipomena,p.511-2,Trawinsld,De ace. usu, p.12, Oucnther,De obj. int., p.35 et

Carstens, De ace., p.75. 2. Oœ par K-0, 1, p.320. 3. Autresexemplesdans Canens, De ace.,p.75.

129

et objetintente

EüPouxv: «et, en signalant l'île d'Eubœ d'un feu brillant, il a fait périr beaucoup d' Acbœns»l.

:t-il:vav. Or. 1383-S li>«je veux lui tresser une couronne de chants qui célébreront ses travaux». Certains éditeurs voient dans a-recpavmµa µ6z8mv une apposition, qu'ils l'indiquent en note ou qu'ils placent ce groupe entre virgules (Hennann, Fix). Von Wilamowitz-Moellendorff a une note qui rappelle celle de Bury sur Pind. /. m,7: «Hier is sehr deutlich dass O''t.µ. apposition zu ܵvoç ist, d.h. dem im verbum latentem object». Je me demande s'il ne faut pas faire l'économie de ce détour. Il y a un certain nombre de doubles ace. de ce genre avec ce verbe2; il y a une assez forte probabilité pour que cette pièce en contienne deux3. En revanche, il faut reconnaître sans hésiter un double ace. en Bacch. 101 'tà voµta8év/'ta yàp aiEl At6vuaov ùµvqam.

~8e{patv (passif). Hel. 774 liAtov icp8e{pou 1eMvov; «Vas-tu à ta perte en une errance marine?».

Xpmteiv (passif). Hec. 911-3 xatà

6' ai8aAou/ 1CT1Âî6'oix:tpotatav xqpm/aat «Et, de haut en bas, tu as été noircie de la souillure la plus pitoyable, celle de la cendre».

4.2.6.Arlstophane 4.2.6.1.A vec figure étymologique

'Apµ6iiea8at. 'Apµ6'ttEtv (ou app.6teiv) s'emploie au moyen lorsqu'il s'agit d'accorder un instrument (ixpµo't't6µevoç Aupav, PlaL Resp. 349e) ou de choisir un mode musical. Outre le nom de l'instrument à l'ace., on trouve chez Platon 11pµoaµévoç, où l'objet interne apµov{av: Lach. 188d apµov{av lCUÂÂ\O''t'flV Âupav ... wJJi ... 't0V Piov ... 6mptan «mettre la plus belle harmonie, non dans sa lyre, mais dans sa vie, sur le mode dorien». Cest cette construction que nous lisons en Eq. 989-90 fllV 6mptO''tt µ6v11v (âv) ap/µo't'tta8at 8aµà fllV Âupav «jouer souvent de la lyre sur le seul mode dorien». Après ntv 6mptad suivi du verbe apµ6't'tt0'8at, il était évident pour un Grec qu'il fallait suppléer apµov{av.

Bâfletv. Ach. 112 ïva JI.Tlae ~vm ~µp.a tapa1avuc6v «arm que je n'aie pas à te teindre en pourpre de Sardes» (van Daele). Le retournement passif se trouve en Pax 1176 PéPa.x'tat ~µp.a 1CUtt1C11Vtx6v «il se teint lui-même en une teinture de Cyzique»· (Willems). L'essentiel de l'information et la saveur de 1. Les deux analyses sont inscntœs par Wilamowitz-Moellendorffet parBond.qui penchepour la premim et qui a ton de voir dans la secondeun double ace. avec locution. 2. 8. Jacquinod. «Sur l'accusatif d'objet intcmc,., p. 67-9. 3. Voir Bond surl'appartenancede OffiPCXVOJlŒ au champ ~tique de üµvetv.

131

et objetinterne

l'expression résident dans les objets internes. Le bainde Sardes était connu pour teindre en rouge; aussi, «plonger dans un bain de Sardes» signifiait-il «battre jusqu'au sang»l. A cette expression courante, Aristophane substitue «le bain de Cyzique» par un jeu de mots qui se doublait sans doute d'un calembour; c'est à la peur qu'il est dès lors fait allusion.

rpû,21v. Vesp. 907-8 Ti\ç µhi ypaqri\ç 1l1COUE\Vèc;tà 1toîµv1a tpoCl)TlV nva toiitv6t. Il est nécessaire de reprendre xai8îa avec l'infinitif: «il donna deux nouveau-nés à un berger pour que, dans ses troupeaux, il les élève de la façon suivante». L'objet interne peut être implicite, seules ses déterminations étant exprimées; il poumit constituer une figure étymologiqe s'il était lui-m!me exprimé avec &Ée\v et 1eata8Éetv en 111,119 auÂ.Â.af3cbv8é acproç U11at t'flV ai. 8avatcp «et quand il les eut arrêtés, il leur mit les liens des condamnés à mort» et V,72 Toùc; 8È ciU.ouc; 'A811vaîot 1eatia11aav t'flV ai. 8avatcp «Aux

1. Dans ce passage, marins et soldats se plaignent de devoir chaque jour et tout au long de la joum6efairedesexerciœs p6nibles.

135

et objet inlmle

autres, les Atb6niens mirent les liens des condamn6s à mort». L'article introduit probablement un objet interne; on a propo~ de sous-entendre 6écnv 1• Avec un objet interne sur une racine différente: 80\véiv 1,129 6eîKVov 't6 µiv bceîvoc; aapl;l 'tOÛ 1ta16oç è8oiv11ae «le repas où il lui avait offert la chair de son fils».

Restentdeuxcas intéressants: -'B•11cv1ia8c1tµâanyt. VII,35 'tov 'E~U:'101tov'tov É1eéMuae 'tp1111eoaîac; m1eia8a1 µaanyt 1tÂ.1fYac; «il ordonna de fouetter l'Hellespont de trois cents coups». Le groupe bt11ero8a1 µaanyt, de l'avis général, équivaut à µaanyCDCJat et se construit comme 1tÂ.i\aae1v (1tÂ.T1rrlV'ttva). L'objet interne permet de préciser le nombre de coups; un multiplicatif n'aurait pas le même sens. -Ka-raslâaa11v. IV,75 'tO lCŒ'tŒcpeÂ.T}vaunxij> -i1611 vauµaxîac;, fllV 6' be toû ei1e6'toc;vûv VtlCTlµ11\IU'tft 'tTIV 6coprov adoooav (sur le verbe «donner» avec un objet interne, voir W. Euler, «D6nom do-». Eine figura etymologica der Sprachen Altitaliens, Innsbruck, 1982 et le compte-rendude P. Flobcn, R.EL. 60 (1982), p.340). Mais comme l'objet donœ est un don, le mot qui exprime le don peut etrc analyst comme un attribut. et donc aucun exemple n'est sQr. Aussi ce type n'a-t-il pasttt retenu, bien que rien ne prouve qu'il n'y ait paslà aussi des doubles ace. 2. «Recte et vera loquere: l'adverbe compltment de verbe en latin archaïque», Lalies, 2 (=Actes des sessions de linguistique et de littlrature de Thessalonique, 1980, p.41-56.

4. DoubleOCCIIStlli/

140

Tesni~re ne propose pas de graphique pour l'objet interne, mais, vu ce qu'il fait pour les ~i~tes et les adverbes,on attend chez lui le schéma suivant: qGcs(pe

iy• d q8oç Un tel schéma ne r6sout rien (le trait qui relie les mots matérialise en fait des relations diverses) il donnerait à penser que q8oç est un actant au même titre que c, •. Je propose d'admettre une valence interne distincte des valences externes et le schéma suivant:

iyè

d

Le meme prob~me se pose aux grammaires génératives qui, à ma connaissance du moins, ne l'ont pas r6solu. Ces remarques trouveront un petit prolongement en 4.8.

4.4. LE DOUBLE ACCUSATIF AVEC LES VERBES «NOMMER» 4.4.1. Situation particulière des tours avec avop.a, etc. L'originalité, la variété et l'ambigu~ des tours qui servent à présenter le nom de quelqu'un ou de quelque chose tient à la situation de communication beaucoup plus qu'à la syntaxe au sens étroit du terme. Une personne et son nom sont en soi deux r6ali~ différentes, mais dans le discours, elles sont souvent confondues. N'est-ce pas la fonction du nom propre que de représenter la personne dans la parole et dans l'écrit? Celui qui lit Caesar pontem fecit comprend immédiatement que c'est l'homme, et non le nom de l'homme, qui a fait faire le pont. Mais, lorsque la phrase est destinée à faire connai"tre le nom. ce qui est d'ordinaire confondu est alors distingué. Dans Arist. Av.814 I1tŒP't1lV lSvoµ.a 1eaMi>µEV aÙT11V,I1tŒPfllV, c'est le nom (lSvoµa), alors qu'ailleurs, c'est l'objet nommé (ici repr6senté par aÙT11V ). Caesar est en général mis pour is cui nomen est Caesar(i), l'hésitation entre le nominatü et le datif reflétant bien le fait que ce signifiant a deux référents possibles. Le discours se contente donc d'ordinaire de Caesar pour les trois notions is - nomen - Caesar. En revanche, lorsque le message informe sur le nom, il faut désigner séparément l'objet et son nom. Le troisième signifiant, le «nom», n'est pas indispensable; il est absent en Z402-3 T6v p' "Elct(l)p 1CUÂ.tttî1CtI1eaµav6plOV, aùtàp oi aÂ.Â.Ol/ 'Amuava1et', où sont pourtant apposés le nom et le surnom. Mais s'il est présent. le tour complet comprend trois éléments. Cela se produit aussi bien avec un ou plusieurs nominatifs (skr. M. Bh. 350 asld raja Nalo ruima «il était un roi nommé Nala» - gr.xotaµè,ç Ku6voç ovoµa) qu'avec des tours avec trois ace. comme

141

et objet inlmte

dans l'exemple d'Aristophane ci-dessus. Les tours avec deux éléments comportant lSvoµa ou un 6quivalent sont à considérer comme des réductions du tour avec trois éléments.

4.4.2. Corp•• avec les verbes signifiant «nommer» 4.4.2.1. Corpu, de la langue archaïque (xulaiv / x1.x11tax21.v) -avec trois accusatifs: 8138-9 tov É1tÎ1CÂ.1lGtV 1eopuV'fl't11V/ liv6pE~ 1e{1eÂ.11G1eov xaU{~0>vo{ tE yuvaî1e~. I487 = t:273 "Ap1C't6v 8 ', i\v xai "Aµal;av bt{xÂ.11Gtv xaÂ.éoucnv. X29 ov (=liG'tTIP)tE riv' 'Op{c.ov~tKÎ1eÂ.11aw ICUÂ.œucnv. Theog. 207-8 Toùc;6è KŒfllPTtn\vac; b:{x:Â.11atv 1CUÂ.Éea1CE / ,i;aîooç. Il est difficile de savoir si btcovuµ.ovest un adjectif ou substantif en 1561-2 Titv 'AÂ.1eu6v11v 1CUÂ.ÉE01COV 6è t6t' Èv µ.qapOlGl 1tŒfl1P1CU\1t6'tVlU µ.11't11PI btcovuµov. É11:covuµov et en Hh.Ap. I, 372-3 oi 6è èivax:ta/ nu8tov 1CaÂ.ÉoUEc; È1tÎx:Â.11otv x:aUouGtv. Il s'est produit une condensation sur le relatif de l'objet et de l'attribut de l'objet; c'est un fait de parole3. Pindare ne présentant que le tour passif (0. VI, 56-7), nous passons directement au théâtreattique. 4.4.2.2. Le corpus dans le théitre attique

1Cu1eiv -avec trois accusatifs: Arist. Av. 814 t1tap't'llv ovoµa xaÂ.éoµEVaùt11v. -avec deux accusatifs: . dans une question: Eur. Ion 259 ovoµ.a tî GE1CUÂ.EÎV 11µ.âc; XPECOV; . dansle discours indirect: Eur. Cycl. 548 Eixè toüvoµ.' on v61,1a~tv ÀEÔ>ç;.Ion 800 "Ovoµa 6è xoîov aÙ'tov ovo1,1c:i~r.1 mntp; . . avec démonstratif et renouvellement de l'objet interne: Eur. Hel. 1193 't66 • ovo1,1c:iÇco a· &:oç et avec le seul démonstratif Arist. Nub. 847 où 'tOÛ'tOV ovoµaÇr.tç;.

n

4.4.2.3. En prose Seulement le retournement passif (Hdt. 1.14. The. 1,122.4; 11,37,1; IV, 64,3; VI,4,5). 4.4.3. Description du double accusatif avec les verbes signifiant «nommer» Un important débat a eu lieu sur le cas d'ovoµa et des équivalents dans les diverses langues I.E. Il a souvent porté sur le type astd rlljti Nalo nllma, mais le résultat de ces réflexions n'est pas sans incidence sur les tours avec des ace. Pour certains, nama est un ace., pour d'autres, c'est un nominatifl. Ainsi, dans la première édition du Grundriss, Delbrück opte pour la première hypothèse2, mais Brugmann soutient la seconde dans la deuxième édition du même ouvrage. Au siècle dernier, Gaedicke soutenait que ntima est un ace. dans la phrase citée et que l'origine de l'expression est dans des tours avec un verbe «avoir» ou «donneri.3. Delbrück supposait aussi un ace., par passage au passif d'une construction avec apposition à un objet4. E. Kieckers, de son côté, partait d'un objet interne auprès d'un verbe «appeleri.5. Les tenants du nominatif ont aussi plusieurs explications. En 1900, L. Gray proposa de voir dans nama une apposition à Nalo6. En 1910, 1. Blümel,o.c.•p. 27. proposede voir dans ces tours un ~eloppemcnt propreà chaque langue. 2. VergleichendeSyntax tkr indg. Sprachen.1900 (=VergleichendeSyntax).p. 387-9. 3. Der Accusativ im Veda. p.216. Sur l'existenced'un syntagme •NOM+ dheH1en I.E., voir G. Pinault, «L'exprc~ion indo-européennede la nomination•. Etudes indo-europiennes,3 (1982). p.22-9. 4. Vergleic~ntk Syntax. m (=GrundrissV). p.388. 5. «Zum Accusativuslimitationisim Gricchischen•./ F. 30 ( 1912).p.361-6. indogcrmanischenSyntax von •naman•, / F. 11 (1900), p.307-13. Cet article fut attaqu6 6. «zur l'annu suivante par W. Foy. «Zur Syntax von ai. nâma. av. n~ma. ap. ndmdusw•. IF. 12 (1901). p.172-8.

143

et objet lntmte

Brogmann publia son copieux article sur l'ace. de relation: il attn'bue à namaou à lSvoµa une valeur prédicative et voit dans une proposition comme Xen. An. 1,2,23 61à µÉmie;6è 'ti\c;mÂ.Ecoc; pii1tO'taµoc;Koovoc;ovoµa une phrase verbale et une phrase nominale: «à travers la ville coule un fleuve, Kydnos (est) le (=son) nom» 1• Cette thèse a eu une grande audience; elle a été reprise en particulier par Meillet2, Schwyzer3, Humbert4et Chantraine5,et a été complétée par R. Blümel6. Dans son ouvrage posthume (Naming-constructions in some indoeuropean languages, 1969), Hahn prône une apposition partitive; à l'ori_gine, 6' lSvoµ' T)CJŒV lSvoµa aurait été un nominatif en Theog. 144 K{ncÂ.C1>1tEc; 21uôvuµov, apposé à K{ncÂ.C1>1tEc;, et un ace. en Av. 814 I1tapt11v ovoµa 1eaÂ.éi>µEv au't'Îlv, où il est apposé à ai>t11v. Haudry récuse les termes dans lesquels on posait le problème. Le compte-rendu qu'il fit de l'ouvrage de Hahn annonçait un des points forts de sa thèse: «il nous paraît difficile d'opérer avec les tenues de nominatif, d'accusatif, d'instrumental au niveau de l'indo-européen comme avec des données; en particulier, dans le cas d'un neutre comme •nomn-, quelle réalité recouvre la distinction entre les deux premiers? On peut même estimer que •nomn- représente à ce niveau un statut syntaxique plus proche de l'instrumentai historique que de celui du nominatif et de l'accusatif, cf. laL id gaudeo = ea re gaudeo. Les emplois du type latin (est) homo nomine Julius ne sont peut-être pas aussi loin que le pense l'auteur du modèle primitif. Le maintien de la fonne extérieure de l'expression n'est pas toujours la preuve du maintien de la structure, pas plus d'ailleurs que la modification de la forme extérieure n'est l'indice d'un changement de construction»7. Pour lui, ovoµa continue sous une forme accusative la fonction que nous dirions instrumentale pour le latin nomine.

4.4.3.2. Description des constructions en grec ancien Pour lever l'ambiguîté du cas de lSvoµa, il faut voir ce qui dans la syntaxegrecque permettait au locuteur une interprétation ou constater à quel cas apparaît le nom de genre animé qui remplace ovoµa. "Ovoµa était certainement un nominatif en 1366Oonc;iµoi y' ovoµa: le syntagme d'appartenance avec le possesseur au datif et la chose possédée au nominatif est un tour courant; ici la chose possédée, c'est le nom. En revanche, les anciens Grecs n'ont pu interpréter Theog. 144 KûxÂ.cmtu;6' ovoµ' ~aav i11:cÎ>vuµov par un double nominatif, car, à la différence de l'apposition distributive, l'«apposition partitive», en principe, ne fonctionne pas au nominatif en grec ancien (cf. 1.1.1). "Ovoµa a dl1être pour les Grecs un ace. Venons-en maintenant à ce qui nous concerne directement, les doubles ace. En 8550 EÏX'lSvoµ' omCJE1œî81 mÂ.mv. le relatif est certainement analysé 1. «Der sog. Akk. der Bezichungim Arischen,Griechischcn,Lateinischcn,Germanischcn»,/ F., 27 (1910), p.144. Voir aussi Grundriss, 11,2, p.641 et Brugmann-Thumb, Griechische GrammatiJ::, 1913, p.437. 2. ln1roductiond l'irudl! comparativeda languu indo~uroplennes,7c 6d., Paris, 1934, p.344-5. 3. Die Parenthne im engernund im weiternSinne,Berlin, 1939 et Gr. Gr., Il, p.86. 4. Syntau grecque,p.261 R. 5. Gr. hom., Il, p.8. 6. «zum Bcœichs- oder Beziehungsakkusativ»,IF. 44 (1927), p.249-63. 1. B.S.L. 66 (1971), fasc. 2, p.56-9. Voir aussi CL Tchckhoff, «Autour de l'crgatif: ttflcxions m6tbodologiqucs», B.SL. 75 (1980), p.69-93.

4. DOflble

acauati/

144

comme un ace. ~ 1'6poque horœrique, car, l sa place, apparaît mdTtcnv. Mais les avis divergent sur l'identification de l'emploi. Matthiac (§420 R2b) l'explique par une constnaction attributive, La Roche par un ace. de relation 1 et Olantraine par un objet inteme2. Rien n'interdit de penser que plusieurs analyses aient ~ vraies, selon les contextes ou selon les époques. Les doubles et les triples ace. ~ultent dans une large mesure de l' «encbJssement» d'une proposition du type Theog. 144 KuxÂ.o>Keça' ovoµ' ~aav ùvuµ.ov; puisque l'analyse par une apposition partitive n'a pu être durable, et que ovoµa est ici ce que nous appellerons faute de mieux un «ace. de relation•, ce même ovoµa (représenté par o-m en 8S50) et h{dflalv doivent avoir cette m!me fonction. Chantraine afïume que le tour Ku6voç ovoµa n'est pas attesté chez Hom~re3. Il y a pourtant quelque chose de proche en n 17S-7 ôv tÉlCE .. . IloÀu&opriJ IitEPXElcpcimµavn ..J aù'tàp bridTtfOPOK

4. Doubleacauatl/

148

4.5.2.4. Pindare Af:p.1v.Avec Pindare apparaît un double ace. avec une forme verbale bltie sur la racine tty- 1: Elog. m,10 8auµa~m. µe U~oVt\ 'Ia8µoû / 6tmt6'tat. Le contexte, bien que très réduit, suggère que Pindare redoute un blime: «je me demande ce que vont me dire les maîtres de l'isthme». Le double ace. sert à exprimer l'idée de reproche, mieux que ne le ferait une autreconstruction, par ex. avec le datif de la personne. Ma1eup{ta1v. Ce type de double ace. si mal attesté chez Pindare, mais n6cessairement bien connu de lui, explique peut~tre l'étrange double ace. de Nem. XI,11-2 "Av6pa 6' i:yà>µaxap{~m p,h, 11:ati.p' 'AyœUav/ xal 'tà 8mtwv 8q.Lru;citptµiav tt awyovov. La paraphrase du scholiaste suppose que civ6pa est Agésilas, le père du vainqueur; il est peu vraisemblable que Pindare fasse à cette place un éloge du père du héros, sans référence à Aristagoras, le fils. La plupart des traducteurs et commentateurs font du père la personne déclar6e heureuse, mais de civ6pa le fils; cette solution pose un redoutable problème syntaxique; sous diverses expressions, les commentateurs admettent une absence de construction et le v.12 est en l'air. Puisque le but de l'ode est de célébrer le vainqueur, ne vaudrait-il pas mieux faire de av6pa (=le fils) la personne louée? Et ce vainqueur serait dit bienheureux à cause de sa lignée et à cause de ses qualités personnelles physiques et morales. On pourrait envisager, malgr6 l'audace du tour, un double ace. av6pa - µu1eap{Çœ - 11:atÉpa xal 6i.µ.uç citpeµ{av tt «Cet homme, je le dis bienheureux pour son père Agésilas, pour son corps admirable et son intrépidité héréditaire». Comme nous le verrons en 4.7.1.5, le double ace. se trouve avec ce verbe chez Aristophane avec un neutre. Si l'explication proposée est exacte, Pindare serait allé beaucoup plus loin et le ~le serait surtout les tours signülBDt«dire du bien».

n

4.5.2.5. Eschyle

At,av. Il semble qu'il y ait un double ace. avec le présent Uyœ: Ch. 1040 Ta6' 'ApyEiouç Uyœ, mais le passage est trop corrompu pour que l'analyse soit certaine. Ilapuµu8aia8u\. Pr. 1063-4 "A'>J..on '6>vtt 1eal 11:upaµu8oû J.L'/ èS't\ xal 11:tiatiç avec une relative à la place du compl6ment de la chose dite. Ilpoa,mvaiv. Frag. 278 (Mette) xa{ f.1.E 11:poacpcoveî ta62. ÉVzp6vcp µoi xavtaç

4.5.2.6. Sophocle 'Av'rav3éivn'est attesté que dans ce passage énigmatique de Sophocle: El. 1478 ~éovtoîç 8avoûaiv oüva' civtau6~ iaa. Les éditeurs, à peu d'exceptions près, adoptent la correction de Tyrwhitt: Çrovtaç. Egisthe vient de découvrir que le cadavre qu'on lui a présenté n'est pas celui d'Oreste, mais celui de Clytemnestre. Ces mots d'Oreste lui font comprendre que c'est Oreste qui lui parle (cf. v.147980). Avec cette correction, le sens me paraît être 4v «C'est là ce que partout on dira de nous» (Mazon). Ici, le sens est manifestement «parler de», alors que dans le premier exemple, il y a seulement polarisation ( «insulter» )3. Ilpoa-. O.T. 1071-2 'lou, 'lou, 6uOOl'tl.EV avat µouamtO\OÇèv ~cp «Que poum bien écrire de toi un pœte sur ton tombeau?». La construction est isolœ, mais ce n'est pas une raison pour corriger cette intéressante trouvaille pœtique3.

rpcife,v. Tr. 1188-9 T{

m{

'Bv,osaiv. Suppl. 435-6 "Ea't\v 3' èviaxetv 'toîaiv àa8tvemÉpotç/

'tov t'ÙTUXOÛVta 'taü8' «Il est possible aux faibles de dire du fort la m&ne chose».

'Bvvae,v. Hf. 963-4 VtV/ Ehymv... èvv&:et ta3e. Le double ace. est ~s probable4.

'Hs-61,v. Or. 1253 T{ 6i µe t63e xpmç àrit1.Ç;.Certains groupent T{ t63e

n

xpœç, ce qui signifierait «pourquoi?.S. Il est possible aussi de séparer et 't63e xpioç: «Pourquoi me donner cet office?» (Méridier). T63e xpmç renvoie alors à la raison des ordres surprenants donnés par Electre aux v.1251-2. Il y a ainsi un double ace.

1. Double ace. pourMâidier: cf. sa note. Barrctt croit que le texte est corrompu; les ditrlCUltés qu'il voit sont-elles r6ellcs7 Est-il impossible que le second 't{va reprenne le premier?Aayoç ne pourrait pas signifier«parole»,«mot»: Fournier,Dire,p.223, affirme le contraire. 2. Page, «The chorus of Alcman's Panhencion», Cl. Quater/y, 31 (1937), p.96, pense que socnv doit etre le sujet d'un infinitif: il propose de lire toÂ.µâv au v.698, faute envisageable en onciale (TOAMAN - T AAMON), encore que le O fasse remonter bien loin dans le temps. Mais une correctioncst-clk nœcssairc? 3. Dobr6eCJCÎ>l,Bruges aot, ~ par Murray.Double ace. pourPaley. 4. Double ace. pour Cantens. De ace. , p.79; K-0, I. p.322; Bond. D'autres rattachent v,v au seul

fhlU)V.

5. Musgravc, Paley, Weil.

151

Aua1e1t1v. Andr. 671 totaûta

etobjetlntmte

Mcnce1ç toùç civa'Yl'a{ouç «ptÂ.ouç(cf.

yqo>YEÎV) 1•

oonç

Aiyetv. Ale. 954 'EpEÎ 6é µ.', èx9poç 11,vlCUpEÎ,ta6e «Voici ce qu'ils diront de moi, ceux qui m'ont en haine». Cest sans chercher à se faire entendre d'elle que les Thessaliens critiqueront Admète (cf. 1elr166vav.959). Nous savons par le contexte qu'Oreste n'est pas là quand on dit /.T. 340 8auµ.aot' ll.t;aç tbv µ.avév8' «Tu as dit des choses étonnantes de cet homme en proie à la folie». Cest aussi en l'absence de sa maîtresse que le gouverneur de Médée s'exclame: Med. 61 •n µ.éi>poç -cl XPTI 6ro11:6taçd11:nvt66E «Pauvre folle! -s'il faut parler ainsi des maîtres» (Méridier). Mais le double ace. sert aussi pour des paroles adressées à celui dont on parle, ainsi dans la bouche d'Electre qui soulage sa haine devant le cadavre d'Egisthe: El. 913 bcnv' at Çéi>vt'i;8û.ov Â.É;at 1ea1ea.Elle tutoie le cadavre comme un vivant C'est un Jason bien présent que Médée injurie en Med. 465-6 •n 1tŒ'Y1Cv;ou lorsqu'on parle d'une chose: Med. 429-30 Ma1epoç6' aicbv l:x,et./xoÂ.Ààµ.èv àµ.etépav av6pii>v te µ.oîpav d1teiv. Mais le plus souvent, la personne à l'ace. est chez Euripide celle dont on parle. Cela est à prendre en considération lors de l'établissement du texte en Ph. 200-1 T16ov116é ttç/ yuva1;1. µ.116èvU"f\ÈÇ àU:riAaç (var.-atç) Àéyttv. Les témoignages se répartissent entre les deux leçons. Porson soutient qu'avec le datif, le sens est dicunt inter se, et, avec l'ace., dicunt altera de altera. Dans cette tirade contre les femmes, le propos est général: «c'est un plaisir pour les femmes de ne rien dire de bon les unes des autres» (Méridier). Aussi les éditeurs préfèrent-ils le double acc.3. Enfin, il n'est pas exclu que l'ace. représente seulement la personne à qui on s'adresse. En Med. 168-9 KÀue8' ota ÀéyEt1eà1nl3oâtat./8éµ.w EÙ1etaiav Zttva 8' (où 8éµ.w et Zttva valent pour les deux verbes), Médée s'adresse à deux divinités, mais ne parle pas d'elles. 'E~eixdv. El. 901 tiv' civ8pcmt0iaivèo>pyn -soit par la fabrication d'une forme à redoublement et à augment bref à un moment où l'ancien augment est pris pour un redoublement: ------>civ8peô1touc;

ÉECl>pyn. Il est donc fort probable qu'il y ait eu ici, à l'origine, un double ace.

Mfl3ea8al, 11.11decr8a\. Le double ace. se trouve 4 fois avec µ116ro8ai (K52, X395 ='1'24, 0>426)et une fois avec µ11nea8ai(a27). 4.6.2.2. Hésiode '1!p3eiv. Op.327 oç'tE ~EÎVOV 1Ca1C'.OVËp~n.708 Jl'llfJ.\V ••• lCaKOV l~nc;. 70910 Ei 6è aé y' c'iPXnl ~ n &oc;ti1tcbvcim8uµ.1ov 11è1ealË~ac; (avec association de EÙtEÎvà fp6nv). 4.6.2.3. Les Hymnes homériques (lp3elv) H.Ap. 302-3 et 355 (Humbert supprime ce vers sans raison suffisante). 1. Conjecture de Bcntlcy, signalœavec point d'interrogation par Clumttainc, Gr. hom., I, p.135. 2. Chantraine, Gr. lwm., 1, p.480. Sur l'augment long, voir aussi Badcr, Particule, pronominales,p.34 et n.24. 3. Gr. hom.• 1, p.517 (addenda). 4. 'Bci,pyn.chez ~hius, est plaœ à un endroit où alp~tiqucmcnt il faut lire umpyn. 5. Van Lccuwen admet dans son texte ùv8pcoK()UÇ fft.fOP"fî.LR. Dawes, Mi.scellaMacritica. 2e M, Londres, 1827, p.324, propose ft.fopytl.

161

et objet Interne

4.6.2.4. Eschyle Apâv. Sept. 1066-7 Apatco (n) 11:ôl.iç xal

11'1 6patco/ toùc; xMovtac; Uol.uvd1e11. Les deux restaurations les plus fréquentes du v.1066 sont les suivantes: ceux qui rejettent le v.1067 adoptent Apatco tE; ceux qui le conseivent Jrifèrent Apatco n et donc acceptent un double ace.: «Que la ville frappe ou non ceux qui pleurent Polynice» (Mazon). "'Bp3e1v.Eum. 467; Pers. 236; Sept. 923-4 ioc;t~at11v 11:ol.l.à ph, 11:ol.haçJ ~ÉvcovtE 1tavtcov onxaç: les éditeurs p~~rent xol.itac; à œl.{tatç, car les mss. donnent onxaç au vers suivant, et non le datif. 'Bpycit2a8a1. Frag. 618 (Mette) ~ xol.l.a y' Ëv 66µototv eipyaotat 1ea1ea. Porson a proposé 11' pour y', ce qui introduit un double ace. Il est difficile de se prononcer, car le fragment n'a que trois vers.

4.6.2.S. Sophocle .,Bp821.v.Plaignant l'infortune de Philoctète, qu'il vient d'opposer à Ixion, qui, lui, avait cherché à séduire Héra, le chœur dit: Ph. 682 ôc; OÜtEl~aç nv' OÜtE voaq,{oaç «qui, sans avoir fait aucun mal à quelqu'un ni lésé personne». Le sens du vers ne fait aucun doute et l'on se demande seulement si l'ace. de la chose peut manquer. Cet ace. est d'ailleurs toujours exprimé et Eustathe donne la leçon oÜtE n n pi;aç; comme Eustathe veut illustrer l'emploi homérique de tl pour 1ea1c:6v, ne peut manquerl. Ce texte a donc existé pour Eustathe; est-ce celui de Sophocle? A ce v.682 de la strophe correspond dans l'antistrophe le v.699, lui aussi composé de cinq iambes. Si l'on adopte le texte d'Eustathe ou un autre texte avec un ace. de la chose, il faut aussi corriger le v.699, ce que fait Jackson 2 • Des solutions acceptables ont été proposées (voir Kamerbeek), mais il est gênant de corriger en même temps ces deux vers qui se correspondent parfaitement. Si l'on conseive le texte, comme le fait Mazon, il faut admettre un emploi de ëp6Ew avec le seul ace. de la personne, emploi qui serait exceptionnel, mais qui ne serait pas réellement surprenant, dans la mesure où ce verbe a perdu en grec toute possibilité de signifier «créer qqn» (comme en avestique) et où Ë~E\V nva ne peut être interprété que comme une fonne incomplète d'ëp6Etv ttva tt. Cette élimination occasionnelle den serait due à ce qu'il n'apporte aucune information sémantique. Toutefois, Kamerbeek pense que l'autorité d'Eustathe l'emporte ici sur les difficultés métriques et admet oÜtE n pi;aç. Apâv. Aj. 1324, 1325; Ant. 927-83; O.C. 853-4, 1189-91; O.T. 639-45 KP. "Oµat11E, 6Eiva µ' Oi6{1touç,

o µa1tâta1-ro pq8iv. Paley a ton de d61uircde la fin de ce texte que 'tl manque:ce qui n'est pas dit, c'est le contenude 'tL 2. Marginaliascaenica,p.110-3,oà il propose ôc;oÜ'tl p~ac; OÜ-riv',OÜ'tlvoocp{a~ pour 682 et à la fin du v.699. ajoute 1to86vavec un seul ace. Il y a deux façons de '; ~ q,ovciaoµ.ev; (=2ace.) et Ti 61\ta ponctuer El. 967: Ti 6~ta 6péi>µevJlT'ltÉp 6péi>µev;µ.ritép' ~ cpovciaoµev; (=lace.). Il est difficile de trancher, car, pour le contenu, les deux questions reviennent au même; Denniston fournit, à l'appui de la seconde façon de construire, un parallèle (Esch. Ch. 899); puis il rappelle que la postposition de~ est très rare, mais signale un déplacement identique de µ.é.ov au v.963. Aussi Diggle, dans la collection d'Oxford, revenant sur la décision de 1. Le mss La la dmc constructionau v.1211 tallaµ' 1.pyaaat.Les &fiteurspréfèrent la leçon du mss A : y'. La leçon du L est sans doute duc au v.1203. 2. Au v.1076, les 6liteurs ~fhcnt avec raison la leçon t{ 8paonc; l la variante 8pcioua' donnœ par un seul mss. 3. Il n'y a probablement pas de double ace. aux v.371-2,mal~ Cars1ens,De ace.,p.79.

n

et objetillterne

163

son prédkesseur Murray qui ponctue après µ11tép' (id. C.U.F.), coupe-t-il la phrase après 6pci>µev.De fait, le double ace. est loin de s'imposer. Med. 578 6ox:Eic;,cpo6oùc; IJpotéi>v: «de l'acte double ace. en Eur. Cycl. 28S 8roû to xpâyµ.a 1,1116iv' d'un dieu n'accuse aucun mortel»? La construction est d'ordinaire le génitif du 1. Taillardat, Images,p.63. 2. Images, p.61. 3. La Roche, H.S., p.37-82, a donn~ un corpus pour H~re. Pour Sophocle, voir Bodsch. Quaestionu sophocleae, Berlin, 1885, p.4-9. Dans les deux cas, ces doubles ace. ne sont pas sq,arts des autres types. 4. La leçon des mss Let P en /.A. 1138 d µ' 116i1C11aa1: 1tOlEÎV , 'tlVCl,cette construction rappelle celle d'EÙÂoyeivpar rapport à roÂl:yE\v nva.

ICE1a'6eiv.A286 acpéi>1 ... oü n 1eû.euco.Y87. 8153

n µ.e taûta

1eû.euete;. 8350. Cette construction se retrouve dans un vers fonnulaire: H68 =349 =369 =86 =11187=827 =p469 =a352 = cp276=Hés.Th. 645 ~P' d1tcota µ.eOu~ btl Cffl18eam1eEÂEon: faut-il, comme certains le proposent, sous-entendre mEiv'? Ce n'est pas nécessaire, la langue n'étant pas obligée d'expliciter tous les procès supposés par une action. Cet exemple est du m!mc type que les quatre précédents. Le neutre remplace un infinitif, voire un infmitif et son objeL On le constate encore en Hdt. m,62 m111aaç tà crûµ.e bcO-.eutc;. Notons que chez Hérodote et au IVe s., le sujet du passif est aussi bien la chose (111,63)que la personne (IX,82).Voir toutefois 6.1.3.8.

1Cepto11,eiv Eur. Hel. 619-20 Oi>1eëéi>ae 1eeptoµ.eiv/-qµfu;t66' aù81ç «Je ne te pennettrai pas de nous jouer une seconde fois un tour pareil» (Grégoire). Grégoire a établi le sens de cc passage: t66e fait allusion à la disparition du fantôme d'Hélène que possédait Pâris, et n'annonce pas le ci>Ç qui suitl. Avec le préverbe 1eata-, Hdt. 11,135.

Aav8cive1v. Eur. Ion 1028 Kal a6v ye Â.T)CJElÇ fl:00'\Va ae axeu6e1 Â.al3eiv. Les éditeurs acceptent presque tous la correction d'Estienne )..a8eiv pour )..al3eiv. Le passage est difficile. On peut comprendre ainsi: le vieillard croit, à cause de l'oracle, que Xanthos a trompé sa femme, et il sait que celle-ci a eu un enfant d'Apollon; la mort du mari empêchera qu'il apprenne l'infidélité de son épouse; comme le vieillard est persuadé que le mari a été infidèle, il dit: «Et tu laisseras ignoré de ton mari cc que, lui, cherche à te laisser ignorer». Le neutre li représente le fait d'être infidèle.

Ao13opeiv.Eur. Hel. 1171. Arist. Pax 655-6. Notons Plat. Theaet. 174c nhov qe1 où6ho où6éva Â.o16opeiv«il n'a, contre personne, d'insulte appropriée à lancer» (Diès).

AuE1v.Soph. El. 1005-6 Aue1 yàp -qµâç où6ho où6' œcocpû.ei/ 13c; èit01t6v t{ J.U)\ m8oc;impi\v 1ea{ne; ciitEhlc;1epâm.ç «Mais, à dire vrai, je ressentis quelque chose d'indéfinissable, un iœlange inouI». Cette distinction de trois niveaux se retrouve sous diverses fonncs chez un certain nombre de linguistes2. Où situer la fonction de 1ea1e&c; en Soph. Aj. 1154 µit 6pâ 'toùc; te8v111e6tac; 1ea1eâ>c; par rapport à ces trois niveaux? Deux méthodes s'offrent à la réflexion: l'une consiste à comparer deux expressions apparemment constituœs des mêmes éléments, mais produisant des sens différents; l'autre fait intervenir une phrase cumulant deux adverbes. Les deux se complètent. Comparons les deux axavtoc; ~ Â.qn «qui soit exemples suivants de Sophocle: O.C. 807 oonc; apte à bien parler pour n'importe quelle cause» (Mazon) et Ant. 1053 Où jJouÂ.oµai tov µQV't\Vcivttuttîv 1ea1eâ>c; «je ne veux pas répondre en outrageant un devin». Dans le premier passage, Et>n'est certainement pas un adverbe d'énonciation (il ne signifie pas «pour bien dire»), ni un adverbe portant sur tout l'énoncé (la relative n'est pas paraphrasable par «qui parle de tout, et c'est bien»): c'est un adverbe de constituant qui porte sur le prédicat (adverbe de manière). Le 1ea1e&c;du second passage apparaît comme plus central encore, puisqu'il décrit non la façon dont le procès s'applique à l'objet, mais le contenu m!me de ce procès. On serait tenté de parenthétiser ainsi: ( [ ÂÉ(E\ ] È;ŒJtŒV'tOÇ)EÙ 1[1ea1eâ>c; civtnxtîv] tov µavnv). Il y a des arguments syntaxiques en faveur de cette idée d'un adverbe plus central que l'adverbe de manière. Constatons d'abord qu'civttixeîv n'est pas transitif; c'est donc 1ea1e&c;àvttuttîv qui l'est ici; le fait est plus net avec les verbes 6i ad 'AJ:yco 1ea1eci,c; «faire» (cf plus loin). Ensuite, en Soph. El. 523-4 1ea1e&c; di>ouoa xpoc; ai8EV 8aµa «si je te dis des mots pénibles, c'est que sans cesse j'en entends de pareils de toi» (Mazon), la reprise de 1ea1e&c;avec 1eÂ.uouoa

è;

1. «Modalitts et cattgories grammaticales en grec ancien Oogique, ~tique et morphosyntaxe)», IAlies, 2 (1980), p.28-9. 2. Pinkstcr, On Latin Adverbs, p.96-101, constate lui aussi que certains adverbes n'appartiennent ni au nucleus, ni à la périphérie,mais dominent cet ensemble (cf. le breviter de Pl. Nat.3, 31, que le Thesaurusglose par ut breviterdicam). A l'adverbe d'tnonciation, on peut faire correspondre la œgation cpoltmique» de O. Ducrot, La preuve et k dire, Paris, 1973, p.123-4, qui est un IC1ICde paroleconsistant l œfuterun monœ positif et nonl affinra IDl contmun6plif.

183

etobjetinla'ne

interdit d'interpréter ce mot comme un adverbe de manière signifiant «d'une manière méchante». Rappelons aussi la coalescence dans les compos6s du type laL maledicere, benedicere ou gr. E'ÙÂ.oyEÎV. Enfm, le cumul des deux adverbes impose, me semble-t-il, de reconnaître deux rôles distincts pour ces adverbes. Nous lisons en Eur. / Â. 378 Po{>Àoµ.a1 a' meiv xmcéi>c; t'fi.Les deux adverbes ne sont pas sur le même plan et le contexte indique clairement que Ei porte sur d1ttîv xaxéi>c;:«je veux te faire des reproches, mais avec savoir-vivre». Le rapprochement des deux adverbes antonymes crée un puissant effet stylistique, mais la syntaxe est banale: la t; iaou construction ne diffère pas de celle d'Arist. Eq. 1160 Ïva a' ti 1to1éi>µ.EV «afm que nous luttions, pour te bien traiter, à égalité de chances» (van Daele). Le d d'Euripide est, comme le~ iaou d'Aristophane, un complément de manière qui porte sur le groupe comprenant le verbe et le premier adverbe (et vraisemblablement l'objet): 1[1ea1eéi>c; ti1ttîv] a' ) d 1[E'fi1to1éi>µ.EV] a· ) Ë; iaou. Jouan fait remarquer qu'Euripiclecrée un jeu de mots très voisin en Hipp. 693-4 •0-.ouç/... µ.it xa)Joc; EUEP'YE'tEÎv «rendre à des amis de coupables services». Les constructions sont très proches et se supefP