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Le berceau du livre imprimé : autour des incunables
8:CIG:9IJ9:HHJEG>:JG:H9:A6G:C6>HH6C8: Université François-Rabelais de Tours - Centre National de la Recherche Scientifique
Collection « Études Renaissantes » dirigée par Marie-Luce D:BDC:I
Titres parus Frédérique Lemerle La Renaissance et les antiquités de la Gaule, 2005 Jean-Pierre Bordier & André Lascombes (éds.) Dieu et les dieux dans le théâtre de la Renaissance, 2006
Titres à paraître Maurice Brock, Francesco Furlan & Frank La Brasca (éds.) La Bibliothèque de Pétrarque. Livres et auteurs autour d’un humaniste
Textes réunis et édités par Pierre Aquilon & Thierry Claerr
LE BE RCE AU DU LIVRE IMP RIMÉ AUTOUR DES INCUNAB LES Actes des « Rencontres Marie Pellechet » 22-24 septembre 197 et des Journées d’étude des 29 et 30 septembre 2005
BREPOLS
Mise en page Nora Helweg et Mickaël Robert © 2010 Brepols Publishers n.v., Turnhout, 2 0 1 0 Belgium ISBN 978-2-503-52575-4 D/2010/0095/881 All rights reserved. No part of this publication may be reproduced or stored in a retrieval system, or transmitted, in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise, whithout the prior permission of the publisher. Printed in the E.U. on acid-free paper
PRÉSENTATION Pierre Aquilon & Thierry Claerr
e 7 février 1897 Marie Pellechet signait la préface du premier volume de son Catalogue général des incunables des bibliothèques publiques de France. La responsabilité de cet inventaire – le premier qui ait eu pour objet le recensement exhaustif de collections nationales – lui avait été confiée une dizaine d’années plus tôt par le Ministère de l’Instruction publique. Elle s’éteignit le 11 décembre 1900 sans avoir vu paraître la suite de son travail que Louis-Marie Polain conduisit jusqu’à la lettre G (Gregorius Magnus) sur laquelle s’achève le troisième volume, publié en 1909. Pour le reste, leurs fiches respectives demeurèrent à l’état de manuscrits. À l’occasion du centenaire de cette publication le Centre d’études supérieures de la Renaissance (CESR) et la Direction du livre et de la lecture (DLL) organisèrent en 1997 un colloque de trois jours consacré à la vie et aux travaux de Marie Pellechet, à la genèse des Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France dont le premier volume parut en 1980, à l’identification d’éditions inconnues mises au jour par les rédacteurs au cours de leurs recherches ainsi qu’à l’émergence des figures nouvelles de lecteurs et de collectionneurs du xv# au xx# siècle. Au terme de ces rencontres, il fut décidé que les communications qui concernaient Marie Pellechet pourraient faire l’objet d’une publication séparée. En raison des difficultés auxquelles étaient alors confrontés les Catalogues régionaux et des incertitudes concernant la poursuite même de la collection nous avons été heureux d’apprendre que le comité de rédaction du Bulletin du bibliophile acceptait d’accueillir pour le premier numéro de 2004 une version développée des communications d’Ursula Baurmeister, « Marie Pellechet ou l’“odyssée bibliothécaresque” », de Lotte Hellinga, « Four letters from Marie Pellechet to Robert Proctor » et d’Hélène Richard, « Marie Pellechet et Auguste Castan. Le catalogue des incunables de la bibliothèque de Besançon ».
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À l’occasion de la reprise en 2005 de la collection des Catalogues régionaux avec le volume XVII consacré à la Haute-Normandie sous le triple patronage du CESR, de la DLL et de l’École pratique des hautes études (EPHE), il apparut nécessaire de faire le point sur l’état d’avancement de ce projet et de susciter éventuellement des vocations. C’est ainsi qu’une vingtaine d’intervenants – rédactrices et rédacteurs des catalogues régionaux, historiens du livre, français et étrangers, spécialistes des xv# et xvi# siècles – auxquels se joignirent une trentaine d’auditeurs, furent invités les et septembre à se pencher à nouveau sur le berceau du livre imprimé. Dans son propos d’ouverture Benoît Yvert, directeur du livre et de la lecture, rappelant que le livre demeure un objet paradoxal, fragile et multiple, universellement répandu et souvent mal connu de ses utilisateurs mêmes, mit l’accent sur la nécessité de sa conservation et de la constitution des bibliothèques virtuelles grâce auxquels les documents les plus précieux seront sans réserve accessibles à tous ; Michel Yvon (DLL) souligna ensuite l’importance du recensement et de la valorisation des collections patrimoniales dans le Plan d’action pour le patrimoine écrit (PAPE) lancé en avril par la DLL ; il revint à Frédéric Barbier (EPHECNRS) d’animer la table-ronde réunissant les « chargés de catalogues ». Ces journées d’étude ont été l’occasion de rendre hommage à celles et ceux qui, comme l’écrivait Brigitte Moreau, bibliographe et historienne du livre parisien à la Renaissance trop tôt disparue, « le plus souvent dans un anonymat quasi total, construisent, pierre après pierre, ces cathédrales du Savoir que sont [les grands catalogues nationaux] ». Au terme de ces rencontres, il nous est apparu souhaitable de réunir dans le même volume d’actes les communications présentées en et celles dont les auteurs avaient patiemment attendu la publication promise depuis plus de dix ans. Elles ont été regroupées en fonction de leurs contenus respectifs en quatre sections. La première est consacrée à la genèse et au développement des inventaires régionaux et nationaux. Jean-Marie Arnoult évoque son activité pionnière en Champagne-Ardenne dans les années , Emmanuelle Toulet présente l’expérience de signalement des incunables et des livres du xvi# s. menée en Picardie avec le concours de PICASCO, l’agence de coopération régionale, et Malcolm Walsby la bibliographie des livres en français imprimés avant réalisée par les chercheurs de l’Université de St Andrews, accessible en ligne et sur papier ; Geneviève Guilleminot-Chrétien et Magali Vène rappellent combien les travaux de Philippe Renouard à partir desquels s’élaborent aujourd’hui l’inventaire chronologique des livres imprimés à Paris au xvi# s. demeurent une source essentielle pour les bibliographes. La seconde réunit les communications concernant la mise en texte des savoirs. Au terme d’une analyse quantitative et formelle de quelques signes spécifiques, Ezio Ornato, prenant pour corpus un incunable sorti des presses de Günther Zainer en , met en lumière la division du travail et les pratiques de composition dans cet atelier d’Augsbourg. Après en avoir analysé le contenu textuel et le matériel typographique, Valérie Neveu attribue à un petit atelier de l’Ouest de la France les deux unica qu’elle a découverts à la Bibliothèque municipale
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de Rouen et, suivant la même procédure, Annie Taurant-Boulicaut attribue à la production scolaire parisienne deux autres unica conservés dans le fonds André-Desguine à Nanterre. À partir des exemplaires conservés des éditions incunables connues du Manipulus curatorum, Pierre Aquilon tente de rendre compte du succès de ce manuel à l’échelle de l’Europe et d’évaluer sa diffusion en France. La place de Colard Mansion comme imprimeur, éditeur, traducteur et homme d’affaires est réévaluée, sur fond de vie culturelle brugeoise, par Ludo Vandamme dans la contribution qu’il consacre à l’activité de son compatriote. En faisant dialoguer histoire du livre et bibliographie, Thierry Claerr présente, sur la longue durée (), l’activité éditoriale de l’une des grandes firmes parisiennes, celle des Kerver. La troisième section a pour objet l’étude des exemplaires et de leurs particularités. Guy Lanoë étudie l’apport des reliures à l’histoire des bibliothèques, particulièrement sous le rapport de la conservation des collections, en prenant pour base les recensements réalisés à Vendôme, Orléans et Reims. Diverses collections d’incunables ont fait l’objet des communications suivantes : celles d’Yves Jocteur Montrozier qui, prenant pour base le catalogue d’Edmond Maignien et les inventaires anciens, traite des incunables de la Grande-Chartreuse, et d’Yvonne Fernillot où sont analysées chronologiquement les provenances des exemplaires décrits dans les deux Catalogues régionaux dont elle a eu la responsabilité, le XII# consacré pour l’essentiel aux volumes conservés à la Sorbonne et le XV# à ceux des grands établissements scientifiques de la capitale ; celles de Karine Rebmeister-Klein qui, traitant des incunables ayant appartenu à la bibliothèque du collège des Cholets, met l’accent sur l’importance des marques de possession et de leur datation et de Marie-Claire Waille où sont commentées quelques-unes des mentions manuscrites les plus intéressantes – notamment quand elles précisent les circonstances dans lesquelles fut acquis l’ouvrage – transmises par les incunables de Besançon ; celles aussi de Xavier Lavagne qui présente quelques-unes des grandes figures de bibliophiles dans la Provence du xviii# s., entre autres le marquis de Méjanes, et de Martine Lefèvre où l’on suit au fil des ventes les acquisitions du marquis de Paulmy, et découvre, par la lecture du Livre du relieur, l’attention que le fondateur de la Bibliothèque de l’Arsenal portait à l’apparence de ses incunables ; celles enfin de Yann Sordet qui retrace, parallèlement à la naissance du mot incunabulum, la genèse du statut particulier dont les livres imprimés au xv# siècle vont progressivement faire l’objet entre la fin du xvi# et la fin du xviii# siècle, lorsqu’ils obtiennent leur complète « singularisation catalographique » en bénéficiant généralement d’égards particuliers quant aux signes extérieurs de leur ancienneté et de Dominique Frasson-Cochet où l’on assiste à la constitution des trois exemplaires composites aujourd’hui connus des Coutumes de Bourbonnais imprimées à Lyon en . La quatrième et dernière section de ces actes rassemble les communications concernant les perspectives nouvelles offertes à la recherche par l’informatisation des catalogues d’incunables et le traitement numérique de leurs données. L’un des thèmes proposés aux intervenants de l’automne était en effet de mesurer l’apport des nouvelles technologies à la connaissance des imprimés anciens. Présentée par Lauriane Firoben et Nicolas Petit, la base Icono a
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pour fin un inventaire et une description codifiée des gravures contenues dans les incunables français ; diverses interrogations fictives illustrées par des captures d’écran, permettent d’en imaginer les richesses potentielles. Les ressources en ligne dans le domaine allemand font l’objet de la communication de Bettina Wagner : elle y rappelle l’accroissement considérable du nombre de catalogues aujourd’hui numérisés, dont celui de la Bayerische Staatsbibliothek, les facilités offertes par le site INKA grâce auquel on accède à d’entre eux et la mise en place de liens toujours plus nombreux entre les notices et les exemplaires numérisés de l’édition concernée. Enfin avec les cartes réalisées par Philippe Nieto pour mettre en lumière les diverses phases de la diffusion de l’imprimerie au xv# s. en prenant pour base les chiffres de l’ISTC, les historiens du livre prendront la mesure des possibilités qui s’offrent à eux de rendre visibles dans l’espace les migrations des typographes, les chiffres de la production imprimée et un jour sans doute la localisation première des exemplaires conservés. On trouvera, à la fin de ces actes, la liste complète des Catalogues régionaux publiés, de ceux qui sont en cours de rédaction ainsi que de ceux qui attendent encore leurs responsables… Ces journées d’étude furent pour tous, intervenants et auditeurs, l’occasion d’échanges fructueux et amicaux autour d’un projet commun ; quant aux organisateurs, ils ont été récompensés bien au-delà de leurs efforts, en constatant que l’enthousiasme qui animait les promoteurs de cette aventure se retrouvait tout aussi vif chez les nouvelles recrues de la petite troupe à laquelle en incombe maintenant la poursuite. Paris, Tours le mai
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Allocution de Monsieur Benoît Yvert, Directeur du Livre et de la Lecture, lors de l’ouverture du colloque « Le berceau du livre imprimé. Autour des incunables », le septembre
Mesdames, Messieurs, chers collègues, e titre du colloque que j’ai le plaisir d’ouvrir devant vous, nous invite à nous pencher sur le berceau du livre imprimé, sur les « incunables », qui sont intimement mêlés à l’histoire du livre et à l’apparition de l’imprimerie dite « à caractères mobiles ». Les bouleversements provoqués par ce que nous appellerions aujourd’hui une « nouvelle technologie » de diffusion de l’écrit eurent les conséquences prodigieuses que l’on sait. En mettant à la portée de tous non seulement le Livre des livres, mais aussi, potentiellement, tous les livres, c’est-à-dire tous les savoirs, anciens et modernes, et toutes les mémoires, d’ici et d’ailleurs, l’imprimerie allait rendre possible la Réforme, le développement des langues nationales, la littérature et, somme toute, à travers elle l’émergence de l’Europe moderne. Cinq siècles ont passé, mais la permanence des questions soulevées par la naissance des premiers livres imprimés, les incunables, justifiait l’organisation de ce colloque à l’occasion de la reprise de la collection des Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques de France. Depuis , la Direction du livre et de la lecture a en effet entrepris de publier la série de ces Catalogues régionaux destinée à constituer le « pendant » du Catalogue des incunables de la Bibliothèque nationale de France. Tout comme le Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, il prend en compte toutes les bibliothèques publiques, quel que soit leur ressort ministériel, ainsi que les bibliothèques religieuses et d’association, à condition qu’elles soient accessibles aux chercheurs. À ce jour, catalogues (comprenant notices au total) ont été publiés. Il en reste encore une quinzaine à paraître. Ces journées d’études
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benoît yvert
correspondent donc à un bilan de mi-parcours de cette grande entreprise de catalogage qui s’inscrit pleinement dans le Plan d’action pour le patrimoine écrit que le Ministère de la culture et de la communication a lancé en avril . Ce plan d’action nous invite à la fois à réduire la double ignorance du passé et du présent des collections conservées dans nos institutions publiques et à établir des passerelles entre le passé et l’avenir. Il nous encourage à connaître, à protéger et à diffuser le patrimoine écrit, dont la signification a pu être oblitérée par le temps. Tel est le paradoxe du patrimoine écrit. À l’évidence porteur de la mémoire collective et clef d’accès à la plupart des autres formes de patrimoine, il est, du fait de sa fragilité, du fait aussi de sa masse et de son inépuisable richesse, sans doute le plus mal connu. Le lien puissant qui existe entre la connaissance et la protection est à cet égard éclatant. Étudier l’histoire du manuscrit, du livre, des sources musicales ou de la cartographie ne revient-il pas d’abord à prendre la mesure des déprédations, destructions et censures dont tous ces documents ont pu pâtir au fil du temps et à cerner au plus près possible le contour des lacunes de notre mémoire collective ? Grâce aux informations accessibles par ses index, la collection des Catalogues régionaux des incunables permet précisément d’étudier les provenances diverses et successives de chacun des exemplaires conservés. Ce sont les conditions même de la production et de la diffusion du savoir au seuil de l’époque moderne et, au-delà l’histoire des bibliothèques, qui peuvent être ainsi reconstituées grâce à ces informations. Mais ce programme est aussi intéressant pour deux autres raisons : il est, depuis 1993, le fruit d’une collaboration réussie entre le Ministère de la culture et de la communication, les universités et le CNRS. J’insiste sur ce point : le patrimoine que nous conservons ne doit pas être gardé sous le boisseau. Il importe que les universitaires participent, chaque fois que c’est possible, à son exploitation scientifique, afin que les étudiants d’aujourd’hui et de demain ouvrent de nouveaux champs de recherche. Me félicitant de cette coopération fructueuse avec le Centre d’études supérieures de la Renaissance, je tiens à rendre hommage à Monsieur Pierre Aquilon, bien connu de la plupart d’entre vous, qui est à la fois le directeur scientifique du programme et plus encore sa cheville ouvrière aux compétences unanimement appréciées. Il sait mieux que nul autre, rendre vivant ce qu’il connaît des auteurs, des imprimeurs et des livres de la Renaissance française. En quelques phrases, Brigitte Moreau, spécialiste des éditions parisiennes du xvi# siècle et bibliographe trop tôt disparue, décrivit avec justesse le travail de rédacteur de catalogues de livres anciens. Il me paraît qu’il est grand temps de rendre hommage aux rédacteurs de catalogues, chargés d’inventorier, de classer, de décrire, de coter et de conserver des centaines, des milliers de livres. Le plus souvent dans un anonymat quasi total, tels les bâtisseurs du Moyen Âge, ils construisent, pierre après pierre, ces cathédrales du Savoir que sont [les grands catalo-
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allocution d’ouverture
gues nationaux] ou tel répertoire spécialisé consacré aux manuscrits, aux incunables, aux reliures anciennes… Pour ce faire, ils ont renoncé, trop souvent, à publier leurs travaux personnels, il leur revient seulement de résumer dans une courte note, dans une attribution nouvelle ou une date restituée, les recherches patiemment menées pendant des heures, des années parfois.
À côté de la publication des Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France qui constitue une de mes priorités dans le domaine du patrimoine écrit, je tiens à saluer la mise en place par le CESR du projet de « Bibliothèques virtuelles humanistes » qui prévoit d’aboutir en quatre ans à la numérisation et à la mise en ligne, avec indexation, de 2000 imprimés du xv# au xvii# siècle conservés dans les bibliothèques et les archives de la région Centre. Ce programme a permis de relancer la dynamique au niveau régional dans le domaine du patrimoine écrit : il nous reste à trouver l’articulation entre ce projet et un programme national de numérisation des incunables, qui reste en grande partie à définir, en lien notamment avec la Bibliothèque nationale de France. Le programme « Bibliothèques virtuelles humanistes » met dès à présent en lumière l’intérêt régional des fonds conservés et les perspectives qu’ouvre la mise en valeur des fonds pour la recherche universitaire. Je me réjouis lorsque les collections locales acceptent d’y participer, comme dans d’autres régions intéressées par l’enrichissement et la mise en valeur du patrimoine de leurs bibliothèques. D’autres partenariats entre l’État et les collectivités locales restent à établir pour mettre en place une réelle coopération régionale. Mesdames, Messieurs, vous connaissez tous, pour l’avoir en commun, cet amour particulier que l’on porte aux fonds anciens. À travers nos réalisations et nos projets, nous l’entretenons pour le faire partager, pour que ce passé ait un avenir et continue à entretenir la recherche et irriguer la pensée. Permettez-moi, pour conclure, d’adresser un court message aux chargés de catalogues régionaux des incunables. Votre mission, je ne l’ignore pas, est exigeante, dévoreuse de temps et d’énergie, parfois risquée, mais ils font de vous les artisans de découvertes et de rencontres sans cesse renouvelées et je vous en remercie vivement. Même si mon emploi du temps ne me permet pas, et je le regrette bien vivement, d’être à vos côtés tout au long de ces deux journées, je suivrai avec l’intérêt du collectionneur et du passionné la suite de vos travaux.
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GENÈSE ET ÉVOLUTION DES CATALOGUES BIBLIOGRAPHIES ET INVENTAIRES RÉGIONAUX ET NATIONAUX
LE CATALOGUE DES INCUNABLES DES BIBLIOTHÈQUES DE LA RÉGION CHAMPAGNE-ARDENNE Jean-Marie Arnoult
ors de mon arrivée à la Bibliothèque municipale de Châlons-sur-Marne (Châlons-en-Champagne aujourd’hui) en décembre , je reçus comme programme de travail le traitement des fonds anciens, plus particulièrement la préparation du catalogage du fonds révolutionnaire – dont l’inventaire avait été achevé quelques années auparavant –, ainsi que le catalogage des fonds locaux et régionaux, du fonds Peiresc, des réserves et du fonds des incunables. Le catalogue de ce dernier fonds se composait alors d’un modeste cahier datant de la fin du M>M# siècle dans lequel avaient été enregistrés, sous forme d’un simple inventaire sommaire, les éléments d’identification des exemplaires constituant le fonds châlonnais. Ayant eu l’occasion, d’abord au cours de mes études universitaires puis au cours de ma n École nationale supéscolarité à l’ENSB (aujourd’hui l’ENSSIB)n, de m’intéresser aux premiers rieure des sciences de l’intemps de l’imprimerie, j’avais une connaissance sommaire du fonds de formation et des bibliothèChâlons que j’avais consulté pour diverses recherches de simple curioques. sité. L’élaboration d’un véritable catalogue pour remplacer ce modeste cahier ne posait pas vraiment de problèmes : le fonds n’était pas très important, une centaine d’exemplaires dont certains étaient connus par ailleurs ; le travail devait durer au plus quelques semaines, le plus long étant d’identifier ces exemplaires dans les ouvrages de référence traditionnels, Gesamtkatalog der Wiegendrucke et autres (la bibliothèque de Châlons ne disposait que du seul Hain, sans Copinger). Dès le printemps , avec l’accord du directeur de la bibliothèque de Châlons, Gérard Herzhaft, je fis plusieurs visites à la Réserve des imprimés de la Bibliothèque nationale où je pus compléter ma documentation. Je profitai également de ces visites pour approfondir mes connaissances sur l’histoire du papier, les archives communales de Châlons (alors sous la
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responsabilité de la Bibliothèque municipale) conservant des registres des MK# et MK># siècles fort intéressants pour l’histoire du papier en Champagne. Au cours de ces visites, je rencontrais régulièrement des collègues qui m’initiaient aux incunables certes, mais aussi et surtout à la nécessité de confronter les informations et à l’intérêt de pratiquer la pluridisciplinarité. Outre Jeanne Veyrin-Forrer qui fut l’initiatrice heureuse de nombreux jeunes historiens du livre, Brigitte Moreau, Ghislaine Elliott-Loose (auteur du premier catalogue français « moderne » d’incunables), Erwana Brin, Jean Toulet, et d’autres autour du séminaire d’Henri-Jean Martin à l’École pratique des hautes études, tous apportaient, chacun à son tour, les « trucs » de chercheur tout autant que les méthodes d’investigation dont je faisais mon miel en rentrant le soir à Châlons. Le printemps fut riche de leçons. La pluridisciplinarité fut le véritable déclic qui permit de transformer un travail de simple catalogage en une entreprise intellectuelle directement liée au travail professionnel quotidien. Ayant, parallèlement aux incunables, à travailler sur le fonds régional, j’eus la possibilité de retrouver au travers des publications sur l’histoire de la région des informations que je découvrais sur les pages de garde de certains incunables : possesseurs anciens, bibliothèques religieuses et autres de Champagne ou des Ardennes. Mes dossiers sur chacun des exemplaires augmentaient à mesure que mes connaissances des livres, des bibliothèques et des possesseurs – collectionneurs ou non – des siècles passés s’affinaient. Toujours au cours de ce même printemps, alors que mes responsabilités professionnelles se limitaient à travailler sur le fonds d’étude et sur les fonds anciens, je profitai aussi de réunions professionnelles pour visiter la Bibliothèque municipale de Troyes où officiaient alors Françoise Bibolet et Alfred Morin. L’une et l’autre me donnèrent le second déclic en me mettant en contact physiquement avec la réalité de la bibliothèque de Clairvaux : j’y retrouvais des exemplaires « doubles » de ceux de Châlons, pour confronter mes informations, mais j’y retrouvais aussi des possesseurs déjà connus qui m’apportaient une lumière nouvelle sur leurs goûts ou leurs activités, d’autres dont je n’avais que le nom mais que la présence sur d’autres volumes m’aidait à définir plus précisément. Démarches naïves sans doute, liées aux découvertes faites sans véritables méthodes, au hasard des feuilletages de volumes sur les rayons, complétés par des discussions avec des collègues dont la science et les connaissances m’enrichissaient véritablement. Mon catalogue des incunables châlonnais grossissait, moins par les exemplaires que par leur histoire et celle de leurs possesseurs, leurs voyages dans le temps et dans l’espace. Mes visites troyennes plusieurs fois répétées à l’occasion de recherches sur les imprimeurs locaux du MK># siècle, me donnèrent à voir et à comprendre le fonds de Clairvaux où je visitais des reliures que Denise Gid m’expliquait, où je découvrais avec intérêt le catalogue manuscrit des incunables de Troyes rédigé plusieurs décennies auparavant par l’un des grands bibliothécaires du MM# siècle, Maurice Piquart. Lorsque j’eus la chance de le rencontrer quelques années plus tard, à l’approche de sa retraite, il était empreint d’une grande sagesse érudite et d’une hauteur professionnelle qui m’impressionnèrent ; il fit preuve aussi d’une grande
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les collections d’incunables en champagne-ardenne
indulgence à l’égard d’un jeune bibliothécaire trop timide pour se considérer comme son collègue, mais que la même admiration pour Henri Vendel réunissait. Pour compléter mes notes et mes dossiers plus aisément, à plusieurs reprises je quittai Troyes avec des photocopies de ce catalogue (photocopies thermiques qui se sont éteintes depuis bien longtemps hélas) sur lesquelles on voyait l’écriture fluide, nette, rigoureuse de Piquart, celle un peu gracile de Germaine Jeulin qui, en , fit ses premières armes professionnelles à Troyes avant de venir à Châlons remplacer Henri Vendel. Le cercle des relations et des fils qui se tissaient me fascinait et me construisait, contre mon gré, un autre catalogue, différent de celui qui ne devait être qu’un simple exercice professionnel et qui ne pouvait plus se clore comme je le pensais, sur l’amélioration d’une liste des incunables châlonnais, celle que j’avais trouvée à mon arrivée en décembre . Il m’amenait aussi à chercher une méthodologie pour faire fructifier toutes ces informations rassemblées et pour les rendre accessibles. Gérard Herzhaft me conseilla de mettre en forme le catalogue et de le publier. Mais une liste d’une centaine de titres ne constitue pas un matériau facile à publier sauf sous la forme d’une plaquette ou d’un article dans une revue. Cherchant une ouverture du côté de la société savante locale, la Société d’agriculture, commerce, sciences et arts de la Marne, dont le volume annuel de Mémoires se nourrissait souvent des matériaux tirés des collections de la bibliothèque municipale, je ne réussis pas à être convaincant auprès du responsable de la publication qui aurait certes bien accepté un article rédigé, mais pas un catalogue. Ma relative jeunesse, des compétences encore incertaines jouèrent sans doute beaucoup dans sa décision (quelques années plus tard il acceptera cependant le catalogue du fonds Peiresc, tout aussi indigeste, mais j’avais quelques années de plus qui renforçaient à ses yeux ma crédibilité scientifique). Je renonçai donc à chercher une revue pour héberger mon catalogue. Poursuivant mes visites régulières à la Réserve des imprimés de la Bibliothèque nationale pour le Répertoire bibliographique des livres imprimés en France au MK># siècle, le hasard des conversations, l’émulation entre catalogueurs, la réédition en fac-similé des notes de Pellechet-Polain venant nourrir mes réflexions, des travaux sur l’histoire de la région Champagne-Ardenne, des réunions professionnelles au sein du groupe régional de l’Association des bibliothécaires français (ABF) reconstitué par F. Bibolet et G. Herzhaft, m’entraînèrent progressivement sur la pente régionale. À la fin de l’année , mon plan de travail était arrêté. Après une enquête dans les bibliothèques de la région, et grâce aux contacts directs au sein des réunions de l’Association des bibliothécaires français, un bilan des collections d’incunables existant officiellement dans la région, avec l’accord de G. Herzhaft et l’assentiment de F. Bibolet qui m’assurait de sa collaboration pour la partie troyenne, je décidai de donner une dimension régionale à mon petit catalogue châlonnais. Le calendrier devait être très serré dans la mesure où G. Herzhaft de plus en plus absorbé par des tâches d’enseignement professionnel, devait quitter Châlons en , me laissant d’abord l’intérim puis sa succession à la direction de la bibliothèque. À dire vrai, la publication de ce catalogue n’était qu’une hypothèse lointaine : je préférais m’acquitter
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d’abord de la partie rédactionnelle dont je ne maîtrisais pas la durée avant de penser à une publication produite en région (comme plus tard la bibliographie régionale ChampagneArdenne qui fut publiée par la Bibliothèque municipale de Châlons sous les auspices de l’ABF). La conclusion était donc, de manière réaliste mais assez peu ambitieuse j’en conviens, de faire d’abord le catalogue et de réfléchir ensuite à sa publication. Mon idée initiale était de constituer un premier catalogue à partir des notices châlonnaises auxquelles viendraient s’ajouter les notices du catalogue troyen, de loin le plus riche de toute la région, et de lui agréger les notices récupérées dans les autres bibliothèques. La photocopie des divers catalogues et listes recensés, manuscrits ou non, devait m’éviter des déplacements trop nombreux : c’était ce que j’avais imaginé, fort des assurances données par les collègues de m’apporter toute leur aide en complément des incertitudes patentes de ces listes pour la plupart anciennes. Très vite, je révisai ma méthode, non pas pour souligner une coopération timide ou les négligences de mes collègues, mais la méthode ne permettait pas d’aller au bout des détails que j’attendais. M’étant imposé un rythme de travail régulier, je ne pouvais attendre longtemps des compléments d’information sur la ligne du feuillet [C] rº par exemple, qui devaient me permettre de différencier deux exemplaires. Étant naturellement soucieux de préserver la qualité physique de ces exemplaires, je n’en sollicitais pas de photocopies, mais j’avoue que j’en rêvais la nuit… Après quelques semaines, j’avais un nombre incalculable de dossiers ouverts qui ne se fermaient que très lentement, trop lentement à mon gré, en fonction des correspondances et parfois des coups de téléphone. Je mesurai vite l’inefficacité de cette méthode, les risques d’erreurs, les imprécisions ; je compris aussi que les collègues attendaient autre chose de moi. Avant la lettre, et avant la naissance des agences de coopération, ils attendaient que ce catalogue collectif auquel ils adhéraient sans réserves fût pris en charge totalement par la bibliothèque de Châlons. Après en avoir discuté avec G. Herzhaft, j’acceptai cette nouvelle dimension qui me contraignait à étaler dans le temps la rédaction du catalogue soumis à une triple contrainte : le temps que les responsabilités de la bibliothèque de Châlons pouvaient me laisser, l’organisation de déplacements dans les villes de la région, et les inévitables déplacements à Paris, à la Réserve des imprimés de la Bibliothèque nationale pour les indispensables recherches sur les exemplaires incomplets difficiles à identifier avec les seuls répertoires dont je disposais à Châlons (le plus important étant le catalogue du British Museum, achat énorme supporté entièrement par la bibliothèque de Châlons avec quelques autres catalogues et répertoires dont le Typenrepertorium de K. Haebler ; le Copinger me fut généreusement prêté sans restrictions par la bibliothèque de Troyes ; le GW de la Bibliothèque municipale de Reims me fut prêté par intervalles pour de trop courtes périodes). Quant à la partie financière de ce programme elle ne fut même pas esquissée : la bibliothèque de Châlons prit tacitement à sa charge le temps de travail d’un conservateur pour un catalogue de dimension régionale ; la Ville de Châlons fut informée pour la forme de l’entreprise, mais je n’ai pas souvenir que la Direction des bibliothèques et de la lecture publique eut
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été informée officiellement. Seul Jean Bleton, inspecteur général de la zone, eut une idée du travail que je faisais hors des murs de la bibliothèque de Châlons où j’étais censé me trouver en permanence. Il eut l’occasion d’appuyer officiellement mon travail auprès du député-maire de Charleville pour annoncer ma visite. Pour le reste, comme la bibliothèque ne disposait pas de crédits pour les déplacements, qu’il était impossible de demander à la Ville de Châlons de supporter de tels frais, comme il n’existait pas de plate-forme coopérative susceptible d’assurer une prise en charge financière, c’est le catalogueur qui prit à sa charge ses propres frais de déplacements, et les autres. Ce fut le début d’une période fastueuse, j’en conviens aujourd’hui avec une délectation certaine. À peine nanti d’une autorisation d’absence, armé d’un appareil photo, d’une bouteille d’eau et d’une savonnette, de chiffons, d’un réveil, d’une pile électrique, d’un gros gilet même en été, et enfin d’un sandwich, j’ai sillonné les routes de la Champagne et des Ardennes, de la Haute-Marne et de la Brie, à la recherche des incunables, bénissant d’abord l’Ancien Régime d’avoir choisi Châlons comme siège de l’Intendance, puis les Révolutionnaires de l’avoir choisie pour chef-lieu de département : c’était vraiment la ville la plus centrale parmi toutes. Partant très tôt le matin, rentrant tard le soir, je ne restais jamais plus d’une journée à la fois dans une bibliothèque : pour limiter les coûts et pour ne pas être éloigné de la bibliothèque de Châlons plus de heures. Cela me conduisait à jongler avec les horaires des bibliothèques dans lesquelles je me considérais comme un lecteur basique, pestant parfois contre les employés négligents qui arrivaient en retard le matin, et les trop zélés qui, pour faire comme à la Bibliothèque nationale, commençaient à fermer les magasins une heure avant la fermeture de la bibliothèque au public. Je pus cependant bénéficier, dans la plupart des bibliothèques, de toute l’aisance de mouvement que je pouvais espérer, disposant de l’accès illimité aux magasins, restant souvent seul entre midi et deux heures. En contrepartie, je n’ai jamais pu échapper aux conversations protocolaires mais toujours amicales, ce devoir de courtoisie bien agréable qui grevait mon emploi du temps, qui m’obligeait à travailler plus rapidement encore sur ces fichus bouquins. Mais jamais je n’ai regretté d’avoir distrait quelques instants à enrichir mes connaissances des bibliothèques, de leurs collections, et de leur vie quotidienne. En conséquence, mes listes des exemplaires à voir ou à revoir, préparées à l’avance, ne revenaient jamais complètement cochées, toujours il restait un blanc, un livre que je n’avais pas pu voir faute de temps, ou que je n’avais pas trouvé sur les rayons, autant de raisons pour revenir une fois encore ; que de graines de cauchemars notées sur mes fiches qui portent encore les traces de mes doigts sales de poussières que mon épouse qualifiait de séculaires et dont l’odeur m’est restée dans un recoin de la mémoire… Les trajets en voiture, surtout en automne et en hiver, dans le petit jour, sur les routes boueuses de la Haute-Marne, ou sur les routes enneigées des Ardennes, étaient l’occasion de faire mentalement le point sur le travail prévu, le travail fait et sur ce qui resterait à faire. Les retours tardifs étaient en général une parenthèse de sérénité, au contraire des allers faits dans
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la crainte de ce qui m’attendait, de ce que j’allais trouver, du temps qui allait me manquer, dans le trac parfois de situations que je pressentais difficiles. Le soir même, dès le retour à la maison, je développais les pellicules contenant les photos prises dans la journée afin qu’elles fussent prêtes dès le lendemain soir. Dans la journée qui suivait, je mettais au net mes notes, je faisais le point sur chacun des dossiers, et le soir venu, je commençais, sous l’agrandisseur, les tirages sur papier, armé de mes notes et d’une règle pour mesurer la hauteur des caractères et des pages, et faire des tirages sur papier aussi exacts que possible dans leurs dimensions. Je cherchais patiemment, dans l’obscurité de la salle de bain transformée en chambre noire, les traces des éléments pertinents pour identifier une édition, retrouver les éléments importants d’un exemplaire, et parfois je pestais contre mon incompétence photographique qui avait pour résultat une mauvaise photo là où justement j’aurais eu besoin d’un détail. Ne disposant que du matériel le plus simple qu’on puisse imaginer – à l’exception d’un bon, rustique et fidèle appareil photo - je n’avais pas de pied, pas d’éclairage artificiel. En hiver, dans certaines bibliothèques, je me dépêchais de faire toutes les photos le matin, devant une fenêtre, les livres posés à même le sol, car l’après-midi la lumière était insuffisante. C’est ainsi que j’ai pu photographier environ exemplaires (à raison d’une dizaine de photos par exemplaire). À défaut d’avoir réussi des photos dignes d’un grand preneur de vue, j’avais des instruments de travail irremplaçables. Le décembre enfin, assuré de la réalité d’une partie non négligeable du catalogue dans ses dimensions régionales, voyant un peu plus clair dans mon emploi du temps, j’informai Louis Desgraves, inspecteur général des bibliothèques, de mon travail et lui demandai conseil pour son édition éventuelle. Il n’était certes pas l’inspecteur de la région Champagne-Ardenne, mais il avait des liens étroits avec la Société des bibliophiles de Guyenne et avec la Revue française d’histoire du livre qui avait publié deux catalogues d’incunables, celui de Dominique Coq (Bibliothèque municipale de Bordeaux) et celui de Ghislaine Elliott-Loose (Incunables néerlandais de la Bibliothèque nationale). Au cours de mes conversations à la Réserve avec des collègues, j’avais retenu l’hypothèse de cette solution : publier le catalogue des incunables Champagne-Ardenne comme # numéro de cette collection qui n’en était pas encore une réellement. Dans sa réponse du janvier , L. Desgraves acquiesçait aimablement et prudemment à ma sollicitation, évoquant une éventuelle publication en par la Revue française d’histoire du livre. Je pris néanmoins sa réponse comme un accord de principe, ce qu’elle devint très vite grâce aux premiers contacts avec les dirigeants de la revue qui avaient obligeamment accueilli un premier article sur la bibliothèque de Peiresc que je leur avais proposé. Commence alors une période faite d’une alternance d’espoirs et d’impatiences, de désespoirs et d’abnégation rentrée. Le volume comptant plus de notices, le coût de la publication prenait des proportions inquiétantes que la Revue française d’histoire du livre et la Société des bibliophiles de Guyenne son éditrice, ne souhaitaient pas assumer seules. Ne perdant pas courage, je continuai mes voyages au travers de la région, un peu plus compliqués par la direction de la bibliothèque de Châlons que je devais assurer dans le même temps, l’élaboration
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d’un dossier de construction d’une nouvelle bibliothèque qui devait bien m’occuper jusqu’en , en vain d’ailleurs puisque le projet fut abandonné lors du changement de municipalité aux élections de mars. Je profitai aussi de cette période incertaine pour trouver une solution au problème posé par la collection d’incunables de la Société historique et archéologique de Langres pour laquelle le président, fort légitimement mais avec un art consommé de la négociation, souhaitait un traitement particulier qui valorisât la collection d’impressions de Nicolas Jenson, l’enfant du pays. Faute de quoi il me fermerait les portes des armoires, ce dont je ne doutais pas un seul instant. À ce stade de mon récit, et pour décrire le lent processus de décision qui conduisit à la publication du catalogue, je ne dispose que de mes propres archives ; je n’ai sans doute qu’un aspect incomplet du déroulement des diverses négociations menées pour trouver le financement de l’opération. Mais une longue et riche correspondance avec le président de la Société des bibliophiles de Guyenne, Raymond Darricau, et son secrétaire général Charles Teisseyre, m’autorise néanmoins à décrire rapidement ces quelques années décisives pour la suite de la collection. Dans l’impossibilité de financer seule la publication d’un volume estimé à pages à longues lignes (solution technique pour laquelle je militais), ou à pages sur colonnes d’impression (solution plus économique qui fut retenue) pour un coût de francs, la Société des bibliophiles de Guyenne explora plusieurs hypothèses : sollicitation du conseil général de la Gironde, puis approche des conseils généraux de la région Champagne-Ardenne en octobre . Aucune de ces solutions n’eut de succès. Après les sessions des assemblées départementales de février-mars , les réponses parvinrent, toutes négatives. Le recours à la Bibliothèque nationale fut également évoqué, sur le principe de la coédition réalisée pour la publication du catalogue des incunables néerlandais. Cette solution ne me sembla pas la mieux adaptée. La Bibliothèque nationale n’avait guère d’intérêt à publier un catalogue de collections de bibliothèques publiques qui ne relevaient pas de son autorité. Le janvier , je suggérai à la Société des bibliophiles de Guyenne de rechercher du côté du ministère de la Culture une aide à la publication, la Société souhaitant toujours pour sa part conserver la maîtrise d’ouvrage de l’opération. Ma suggestion, même si elle n’avait rien de bien original, correspondait à une hypothèse latente qui eut le mérite de déclencher une concertation rendue nécessaire par les échecs des tentatives départementales et par l’obligation de trouver enfin une solution. Après années de travail, j’aspirais à voir enfin le résultat tangible de mes pérégrinations. Au cours du premier semestre , grâce à Louis Desgraves, des Aujourd’hui le Centre national contacts furent établis avec la direction du Livre et la Caisse nationale du livre. des lettreso. En septembre, une subvention de cette dernière fut acquise, à hauteur d’environ francs, confirmée en octobre à hauteur de francs. Dans le même temps, et pour affirmer le caractère provincial et régional de l’entreprise, on me chargea de solliciter officiellement deux préfaces, l’une du préfet de la région Marcel Turon et l’autre du président du conseil régional Jacques Sourdille, demandes qui furent acceptées
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avec un empressement qui me surprit et qui montrait la curiosité et la sympathie des autorités régionales pour le projet. C’est alors que la direction du Livre et la Société des bibliophiles de Guyenne élaborèrent une solution résolument ambitieuse, qui mettait la publication du catalogue ChampagneArdenne en tête d’une collection identique, dans son économie générale, à celle du Catalogue général des manuscrits, la maîtrise d’œuvre de l’opération étant confiée à la Société des bibliophiles de Guyenne, la maîtrise d’ouvrage revenant à la direction du Livre. Cette proposition reçut très vite l’accord des partenaires avant même de savoir dans quelles conditions d’autres catalogues régionaux pourraient voir le jour. Mais l’enthousiasme aidant, la collection fut créée. La conséquence fut la disparition malheureuse des préfaces demandées avec insistance aux autorités régionales et accordées avec beaucoup de gentillesse ; l’esprit de la décentralisation n’avait pas encore soufflé. Elles furent remplacées par les préfaces obligées et convenues des deux partenaires, le directeur du Livre et le président de la Société des bibliophiles de Guyenne qui signaient ainsi leur accord. C’était certes de bien bons auspices, mais ils me semblaient surtout témoigner d’une évolution sensible de la situation. Alors que j’avais toujours eu la maîtrise de « mon » catalogue au nom des collègues de la région qui m’avaient fait confiance et à qui je devais des comptes, je sentais qu’on me demandait de passer le témoin, ce que je fis autant par lassitude que par souci de voir le volume enfin paraître sans créer d’autres obstacles inutiles. Une convention fut mise à l’étude pour dessiner le programme de travail de la collection ; elle connut les péripéties propres à ce genre d’exercice. En mai sur le point d’être signée, un nouveau retard en repoussa la signature définitive, en principe, au mois de décembre. Mais c’est finalement le février qu’elle fut signée par le ministre de la Culture et de la Communication. La subvention promise n’ayant été versée qu’au mois de mai, la Société des bibliophiles de Guyenne, prudente, ne donna le feu vert à l’imprimeur pour commencer la composition et l’impression qu’au moment de la réception effective de l’argent sur le compte de la Société. Et le catalogue sortit enfin des presses en mars-avril (portant cependant un achevé d’imprimer fictif du décembre pour des raisons administratives), soit neuf ans après les premières explorations dans les fonds des bibliothèques de la région ChampagneArdenne. La première partie de l’histoire des catalogues régionaux d’incunables s’achevait enfin.
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LES COLLECTIONS D’INCUNABLES ET D’ÉDITIONS DU XVI# SIÈCLE DE LA RÉGION PICARDIE Emmanuelle Toulet
’agence régionale du livre de Picardie, Picasco, vient d’achever la réalisation d’un catalogue collectif des livres imprimés aux xv# et xvi# siècles conservés en Picardie.
Présentation de Picasco Picasco est l’association de services et de coopération des bibliothèques, des métiers du livre, de la lecture, de la documentation, créée en avec le soutien de l’État et de la Direction régionale des Affaires culturelles de Picardie. L’association regroupe des bibliothèques (municipales, départementales de prêt, universitaires), des archives départementales, des associations (sociétés savantes, associations de lecture publique en milieu rural, associations de lutte contre l’illettrisme, de lecture en milieu carcéral, groupements de maisons d’écrivains ou d’écrivains régionalistes), des professionnels du livre et des particuliers – éditeurs, libraires, écrivains. Ses missions, très diverses, ont trait à la lecture publique (Picasco organise des manifestations thématiques collectives), à l’économie du livre (Picasco participe à des salons du livre, à Paris et en région), à la formation des professionnels, au patrimoine. Cette diversité n’a pas été sans incidence sur la conception du catalogue dont je vous entretiens aujourd’hui.
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Picasco et le patrimoine écrit en Picardie L’intérêt pour le patrimoine est apparu très tôt dans les missions de Picasco. Il s’est d’abord manifesté par des expositions, une exposition généraliste, La plume et le plomb : trésors des bibliothèques de Picardie, qui s’est tenue au château de Pierrefonds, en , accompagnée d’un catalogue ; quatre ans plus tard, une deuxième exposition sur un sujet plus précis, Les Maîtres muets : Livres imprimés du xvi siècle en Picardie, qui s’est tenue à Noyon en , réalisée par Albert Labarre, accompagnée également d’un catalogue et d’une exposition itinérante sur panneaux.
Genèse du projet de catalogue collectif des livres imprimés au xv# et au xvi#siècle Ces deux expositions, qui avaient exigé une première exploration des fonds anciens, ont fait ressentir la lacune et le besoin d’un recensement des fonds anciens conservés en Picardie. L’idée de départ a été de cataloguer les livres du xvi# siècle, plus précisément ceux des petites et des moyennes bibliothèques municipales de la région, qui n’avaient ni le temps ni les compétences nécessaires pour leur traitement. Le projet excluait en particulier la bibliothèque municipale classée d’Amiens (qui était censée avoir les moyens de mener à bien ce travail par ses ressources propres), la bibliothèque du château de Chantilly, qui dépend de l’Institut de France, exclue en raison de son statut et de ses caractéristiques particulières, et qui, de surcroît, n’était alors pas adhérente de Picasco. L’idée initiale de ce projet était celle d’une assistance apportée par Picasco, et non pas d’un catalogue collectif tendant à l’exhaustivité dans un cadre régional. Dans un second temps, le projet a été étendu aux livres du xv# siècle pour plusieurs raisons : d’abord, pour ne pas avoir à revenir sur ces fonds lors d’une deuxième opération similaire pour les incunables ; ensuite, en raison des problèmes soulevés par les ouvrages dont la datation demeurait imprécise, à la charnière des deux siècles. Dans un troisième temps, le projet a été étendu à l’ensemble des fonds de livres imprimés des xv# et xvi# siècles conservés en Picardie, en prenant en compte les ouvrages conservés par les archives départementales, les sociétés savantes et les bibliothèques diocésaines. Puis, non sans réticence, car c’était un changement majeur, le projet a été étendu aux livres de la bibliothèque municipale d’Amiens et enfin à ceux de la bibliothèque du château de Chantilly.
Organisation du projet Le projet a été placé sous la responsabilité d’une des commissions de Picasco, la commission du patrimoine, créée de façon plus formelle en . Un ou deux responsables ont été chargés de son suivi, et cinq personnes se sont succédé à cette fonction : Philippe Villain (BM de Senlis), Alain Pecquet (BM de Saint-Quentin), Jean Vilbas (BM d’Amiens), Jean Vilbas et
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moi-même (à partir de ), moi seule après le départ de Jean Vilbas pour la BM de Cambrai en , puis avec la collaboration d’Anne-Bérangère Rothenburger, qui a succédé à Jean Vilbas comme responsable des fonds patrimoniaux à la BM d’Amiens. Un catalogueur itinérant a été recruté. Un ordinateur portable a été acquis. Le logiciel de gestion de bibliothèque Orphée, qui expérimentait alors un nouveau module de catalogage des livres anciens et qui était très présent dans les bibliothèques de lecture publique de Picardie, a été fourni gracieusement par cette société. L’organisation financière était la suivante : Picasco rémunérait le catalogueur et ses déplacements, grâce à un financement de l’État par la DRAC ; les villes fournissaient éventuellement une restauration en collectivité et un logement.
Durée du projet La réalisation du catalogue a duré un peu plus de sept ans, de à . Cinq catalogueurs itinérants se sont succédé. Ces changements de personnes s’expliquent par la fin de leur contrat à durée déterminée, ou par l’obtention d’un concours ou d’un nouvel emploi. Compte tenu des interruptions entre les catalogueurs, le travail a représenté mois de travail, soit un peu moins de six années pleines.
Méthodologie La méthode de catalogage a évolué au cours de ces sept ans. Il nous faut signaler que les catalogueurs recrutés n’étaient pas réellement formés au préalable au livre ancien, et du moins sans expérience pratique. De plus, ils n’étaient pas tous latinistes, alors que % des livres qu’ils avaient à traiter étaient en latin. Il a été décidé de travailler en Unimarc, puisque les notices étaient destinées à aider les bibliothèques, et donc à leur offrir la possibilité de les intégrer dans le catalogue informatisé de leurs fonds. Il n’y a pas eu de rédaction d’un cadre de catalogage fixant les usages retenus. Cette lacune n’a été comblée qu’en , suite à une réunion à Chantilly avec Pierre Aquilon et Dominique Coq. Les usages ont donc beaucoup varié : titres longs ou courts, formes de l’adresse, collation ou non, niveau et règles de description des reliures, etc. Tous ces éléments n’ont pas pu être uniformisés dans la phase finale de réalisation du catalogue. Il en résulte une grande disparité entre les notices, que l’on ne peut que constater. Les spécificités et la complexité du catalogage des livres anciens ont sans doute été mal évaluées. Par exemple, dans les premières années, on a souhaité créer une notice par édition, en rattachant à cette notice les différents exemplaires de cette même édition conservés dans les différents fonds picards. Il en a résulté un mélange des cotes et des particularités d’exemplaires que nous avons eu le plus grand mal à dénouer en fin de travail. Dans un deuxième temps, il a été décidé de créer une notice par exemplaire, c’est ce qui figure dans la base aujourd’hui. L’inconvénient d’une telle procédure est de ne pas permettre
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à l’utilisateur de repérer facilement quels sont les livres conservés en exemplaires multiples, sauf par une recherche spécifique portant sur un même ouvrage. Autre choix, lié également aux possibilités du logiciel employé : il a été décidé de faire une notice par unité bibliographique et non par unité matérielle. En effet, le logiciel ne permet pas de faire des notices analytiques qui détailleraient le contenu des différentes pièces reliées ensemble dans un volume. Il ne permet pas non plus de faire des liens informatisés entre ces pièces. Aussi, l’insertion d’un ouvrage dans un recueil factice est-elle simplement signalée en note. Par conséquent, le nombre des notices présentes dans la base est plus grand que celui des volumes conservés.
Organisation du travail Le travail a été organisé selon trois méthodes différentes, correspondant à trois phases successives de sa réalisation : Ë )# méthode : travail directement avec le livre, le catalogue de la bibliothèque, certaines bibliographies de référence, dont la sélection a pu varier. Au cours de cette phase, le rythme de travail des catalogueurs s’est échelonné de à livres par mois, selon leur méticulosité. Ë # méthode : travail d’enrichissement de notices rétroconverties existant dans le logiciel propre de la bibliothèque, avec le livre en main et contrôle dans des ouvrages de référence. Cette deuxième méthode a été employée pour les livres de la BM d’Amiens qui avaient déjà fait l’objet d’une rétroconversion. Environ ouvrages qui n’étaient pas présents dans les catalogues rétroconvertis ont été ajoutés. Les notices ont ensuite été exportées du logiciel de la BM d’Amiens (GEAC) dans le logiciel du catalogue collectif, Orphée. Cette opération d’exportation, malgré l’emploi du format Unimarc dans les deux cas, n’a pu être faite sans l’intervention à de multiples reprises de la société GEAC et a rencontré de nombreux problèmes : blocage de la base, champs absents, erreurs de transferts, etc. Au cours de cette deuxième phase, livres ont été catalogués en mois, soit livres par mois. Ë # méthode : le travail a été organisé par la récupération de notices à partir du cédérom de la conversion rétrospective du catalogue général de la BnF, suivie par le contrôle et l’enrichissement de ces notices avec le livre en main et le catalogue de la bibliothèque. Cette troisième méthode a été employée pour les livres de Chantilly, qui n’avaient pas été inclus dans le projet initial. Même si tous les ouvrages n’étaient pas présents dans le catalogue général de la BnF, elle a effectivement produit un rythme de travail beaucoup plus soutenu qui a permis de mener l’opération à son terme dans les délais qui lui étaient impartis. Au cours de cette phase, livres ont été catalogués en mois, soit livres par mois. Cette méthode par récu-
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pération et enrichissement des notices s’est donc avérée plus de trois fois plus rapide que le catalogage classique. Ces trois phases ont été complétées par une phase finale, qui a duré onze mois, de relecture transversale, d’harmonisation des autorités et des listes de termes indexés, de corrections. Enfin, chaque institution concernée par ce catalogue a reçu une extraction de la base comprenant les notices de ses fonds et a disposé d’un temps de relecture et de vérification. Ses corrections ont alors été intégrées dans le catalogue.
Finalité de la base La finalité de la base est une question qui n’a été réellement abordée qu’assez tardivement en cours de projet. L’idée de départ, je vous le rappelle, était simplement de donner à chaque bibliothèque un catalogue informatisé en Unimarc de ses livres des xv# et xvi# siècles, ou même un listing. À charge pour la bibliothèque de faire l’usage qu’elle voulait de ce catalogue, à elle de décider si elle souhaitait le mettre à la disposition du public. Ce n’est qu’en cours de projet que l’ambition de faire un catalogue collectif de ces livres conservés en Picardie a vu le jour. Mais sous quelle forme ? L’idée d’un catalogue publié sur papier a été évoquée puis repoussée, en raison de l’ampleur prise par la base, de la disparité des notices, de l’allongement de la durée du travail et de l’augmentation du coût du produit final, de la limitation des points d’accès. Dans un troisième temps, vers , l’idée d’une mise en ligne sur Internet de ce catalogue, qui était bien devenu un véritable catalogue collectif régional, a été retenue.
Mise sur Internet Parallèlement, Picasco se dotait alors d’un site Internet (adresse http ://www.picasco.org), toujours en cours de développement. En cliquant sur la rubrique Patrimoine, on accède à la consultation du catalogue disponible depuis début . Mais, si le logiciel Orphée offrait un OPAC Web, celui-ci n’était pas spécifique au livre ancien. Si vous interrogez le catalogue, vous ne pourrez que constater qu’il est loin d’être satisfaisant, et que la version actuelle de son module de recherche doit encore évoluer.
Présentation des fonds décrits dans le catalogue collectif Le catalogue collectif recense notices d’ouvrages des xv# et xvi# siècles. Si le projet avait gardé sa délimitation initiale, c’est-à-dire sans les collections de la BM d’Amiens et de la bibliothèque du château de Chantilly, il aurait contenu notices au lieu de , soit presque deux tiers en moins.
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Ces ouvrages sont conservés dans institutions picardes (bibliothèques municipales, archives départementales, musées, fondation de l’Institut de France). En voici la répartition topographique, par ordre d’importance numérique des fonds conservés : BM d’Amiens ( notices, soit % de l’ensemble) ; bibliothèque du château de Chantilly ( notices, soit % de l’ensemble) ; BM d’Abbeville ( notices, soit % de l’ensemble), BM de Saint-Quentin ( notices, soit % de l’ensemble), BM de Senlis ( notices, soit % de l’ensemble) ; BM de Laon ( notices, soit % de l’ensemble) ; BM de Soissons ( notices, soit % de l’ensemble), AD de la Somme ( notices, soit % de l’ensemble) ; BM de Noyon ( notices, soit % de l’ensemble) ; BM de Compiègne ( notices, soit % de l’ensemble) ; musée Jean Calvin de Noyon ( notices, soit % de l’ensemble) ; BM de Clermont ( notices soit % de l’ensemble) ; BM de Beauvais ( notices soit , % de l’ensemble) ; AD de l’Oise ( notices, soit , % de l’ensemble) ; Société des antiquaires de Picardie au musée de Picardie ( notices, soit , % de l’ensemble) ; bibliothèque intercommunale d’Oisemont ( notices, soit , % de l’ensemble). C’est là le premier intérêt d’un tel catalogue collectif : affirmer la présence dans la région d’un patrimoine important de livres anciens, et, pour la première fois, informer de façon globale et précise sur sa localisation et sa répartition topographique. Il permet également d’apprécier la disparité entre les départements puisque % de ces ouvrages sont conservés dans la Somme, % dans l’Oise, % dans l’Aisne, comme entre les bibliothèques, puisque, à elles seules, les trois bibliothèques d’Amiens, de Chantilly et d’Abbeville conservent % de ces ouvrages.
Analyse de la composition des fonds recensés Concernant la répartition chronologique des ouvrages recensés, % sont des livres imprimés au xvi# siècle, % sont des incunables. Pour le xvi# siècle, comme on peut s’y attendre, plus on avance dans le siècle, plus les livres sont nombreux : près des deux tiers des livres recensés ont été imprimés après . Les livres non datés ne représentent que % de cet ensemble.
Analyse thématique Sur un total de livres ont fait l’objet d’une indexation thématique selon la classification Brunet-Parguez qui permet de connaître les domaines du savoir concernés : BellesLettres : % ; Histoire : % ; Religion : % ; Sciences et Arts : % ; Droit / Jurisprudence : %. Une telle présentation n’a pas grand sens dans sa globalité et a besoin d’être explicitée par l’histoire des provenances des fonds concernés. Il est sûr que la prise en compte des livres de la bibliothèque du château de Chantilly augmente de façon significative la part de ceux qui
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appartiennent aux domaines des Belles-Lettres et de l’Histoire, et que, sans Chantilly, les livres de Théologie seraient prédominants : % des livres de Théologie sont conservés à la BM d’Amiens, % à Abbeville, seulement % à Chantilly. Tandis que % des livres de Belles-Lettres sont conservés à Chantilly, % à Amiens, % à Abbeville. Les livres d’Histoire sont conservés pour % à Amiens, pour % à Chantilly, et pour % d’entre eux à Abbeville. La collection de Chantilly présente en effet une physionomie très particulière, liée à l’histoire de sa constitution. Il s’agit d’une collection privée, formée par un seul homme, le duc d’Aumale, durant toute la seconde moitié du xix# siècle. D’une façon générale, les critères de sélection des ouvrages correspondent aux choix personnels de ce grand bibliophile, et présentent une composition thématique très différente de celle des fonds des bibliothèques municipales, nés principalement des confiscations révolutionnaires : Belles-Lettres : % de l’ensemble ; Histoire : % ; Sciences et Arts : % ; Théologie : , % ; Droit / Jurisprudence : , %. Il faut signaler à la BM d’Amiens l’existence de deux collections particulières qui contribuent également à en personnaliser les fonds : la collection Masson (qui comprend incunables), et la collection L’Escalopier. Pour l’ensemble des fonds recensés, les trois auteurs les plus représentés sont Cicéron ( ouvrages, dont un quart à Chantilly), Aristote ( ouvrages, dont un quart à Amiens), Calvin ( ouvrages, dont la moitié au musée Jean Calvin de Noyon).
Répartition linguistique des ouvrages recensés La répartition linguistique est la suivante : % des textes sont en latin, % en français, % en grec, % en italien. Signalons à cette occasion l’absence de translittération des titres en grec, remplacés, comme dans la plupart des catalogues informatisés, par une @.
Répartition par lieux d’édition Si l’édition parisienne domine largement, les origines géographiques des éditions demeurent très variées. Elles proviennent de villes françaises et villes étrangères. On peut signaler livres imprimés en Picardie, dont à Amiens et à Abbeville. Mais lieux d’édition demeurent non identifiés. Le catalogue recense noms d’imprimeurs. Les dynasties d’imprimeurs les plus représentés sont les Estienne ( notices, soit % du total des imprimeurs), la firme plantinienne ( notices, soit %), les Manuce, Alde et Paul ( notices, soit %).
Livres illustrés Les livres illustrés représentent % de l’ensemble des fonds. Mais il faut préciser que près de la moitié de ces livres illustrés ( notices) appartiennent à la collection du château de Chantilly.
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Présentation des fonds d’incunables Les incunables représentent % des ouvrages recensés dans cette base, soit . Si l’on tient aux seuls incunables, l’analyse de la composition des fonds recensés présente des différences notables : le nombre d’institutions qui en conservent passe de à : Ë Aisne : deux BM, Laon et Saint-Quentin. Pas d’incunables à Soissons. Ë Oise : deux BM : Compiègne et Noyon ; les Archives départementales ; le Musée Jean Calvin (Noyon) ; le château de Chantilly. Pas d’incunables à Beauvais, Clermont, Senlis. Ë Somme : deux BM : Abbeville et Amiens ; les Archives départementales. Pas d’incunables au Musée de Picardie, qui conserve la bibliothèque de la Société des antiquaires de Picardie, ni à la BM d’Oisemont. La répartition topographique par ordre d’importance numérique des fonds révèle une grande disparité : % des incunables sont conservés à Chantilly (soit ouvrages, environ les /# de l’ensemble) ; % à la BM d’Amiens (soit ouvrages, environ les /# de l’ensemble) ; , % à la BM d’Abbeville ( ouvrages) ; , % à la BM de Laon ( ouvrages). Les autres établissements conservent moins de incunables : à la BM de SaintQuentin, aux AD de la Somme (Amiens), aux AD de l’Oise (Beauvais), à la BM de Compiègne, à la BM de Noyon, au Musée Jean Calvin (Noyon). À elles seules, les deux bibliothèques de Chantilly et d’Amiens conservent % des incunables de Picardie, soit ouvrages sur . Si ce projet n’avait pas pris en compte ces deux bibliothèques, comme cela était prévu à l’origine, il n’aurait recensé que incunables, dont une petite moitié () à Abbeville. La base ne signale pas les incunables d’une façon distinctive, ce qui peut être regrettable dans la perspective d’un catalogue régional des incunables conservés en Picardie.
Avenir et valorisation du catalogue collectif des livres des xv# et xvi# siècles conservés en Picardie L’expérience de ce catalogue nous incite à formuler un certain nombre de remarques : Ë Le projet a sans doute été trop long et trop lourd pour être porté par une structure telle que Picasco, qui a connu durant cette même période cinq présidents successifs, cinq responsables du projet et cinq catalogueurs pour le mener à bien. Il a représenté un investissement financier important : € de salaires, € de frais de déplacement et d’hébergement, € de matériel et maintenance informatique. La fourniture gratuite du logiciel et de sa mise en ligne a pourtant représenté de substantielles économies. Cependant, le coût total du projet est de €, sur sept ans, rappelons-le, ce qui représente donc un budget annuel d’environ €. Ce coût financier a été pris en charge par l’État, secondé par la région à partir de .
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Le projet a été pénalisé par l’isolement dans lequel il a été conçu et mené à bien. Il a certainement manqué au départ de règles de catalogage strictes et d’un choix ferme du niveau de catalogage entre notices longues et détaillées ou notices de type STC. Par exemple, si le catalogue comporte pour une partie de ses notices des collations, ces collations n’ont pas été faites d’après les volumes eux-mêmes, mais recopiées d’après certains des ouvrages de références consultés. Ë La finalité de sa mise sur Internet induit, en raison des modes d’interrogation, des choix de catalogage spécifiques. Par exemple, les champs interrogeables pour l’adresse – ville d’édition, éditeur, date – ne sont pas les champs matières correspondants indexés sous une forme normalisée, mais directement les champs de l’adresse elle-même (champs ). Aussi a-t-on choisi de modifier ces champs en normalisant les formes retenues : nom de la ville non plus sous sa forme inscrite dans l’ouvrage, au locatif latin ou précédé d’une préposition, mais dans la langue vernaculaire ; nom d’éditeur sous la forme d’autorité : nom, prénom, également dans la langue vernaculaire, en supprimant toutes les indications préliminaires introduites par des prépositions (« chez », « apud », etc.) ; date convertie en chiffres arabes, en rejetant après l’année tous les éléments précisant cette date (mois, jour, ante, post, circa, etc.) En interrogeant la base, on peut se rendre compte que de nombreux champs remplis dans une volonté de respect des normes de catalogage informatisé en Unimarc ne sont pas disponibles pour la recherche. Était-il alors bien utile de les remplir, d’autant que, dans le cadre de notre projet, ils ne seront pas non plus retenus par le catalogue propre de la bibliothèque ? D’une façon générale, il nous faut constater que les logiciels de gestion de bibliothèques de moyenne importance, même dotés d’un module de catalogage des livres anciens, n’offrent pas de modules de recherche qui leur soient adaptés, notamment par lieu d’édition, éditeur, date, langue, particularités d’exemplaires. Par exemple, le logiciel ne considère pas les parenthèses et les crochets comme des signes non significatifs : aussi ceux-ci perturbent-ils l’interrogation par date. Obtenir une adaptation de ce module standard nécessite la puissance de persuasion d’un client important, ce qui n’était pas le cas de Picasco qui a obtenu ce logiciel gratuitement, et n’était donc pas en position de force pour négocier avec le développeur. Les logiciels de gestion en Unimarc se présentent plus comme des outils de travail satisfaisants pour les bibliothécaires que comme des interfaces d’interrogation qui répondent aux attentes des utilisateurs et des chercheurs. Ë Parmi les aspects les plus positifs du catalogue, les particularités d’exemplaires ont été mentionnées sous une forme qui demanderait souvent à être précisée, mais qui a le mérite d’exister et d’apporter des informations nouvelles sur l’histoire des ouvrages et des collections anciennes. Puisque tous les ouvrages ont été examinés, les ex-libris ont été systématiquement relevés et, s’ils ont pu être identifiés, indexés. Si certaines descriptions de reliures font défaut, si elles peuvent manquer, pour certains fonds, de cohérence, elles sont parfois fournies avec précision, en particulier pour les ouvrages de la bibliothèque du château de Chantilly, et nous Ë
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emmanuelle toulet
offrent des renseignements précieux sur la condition de ces ouvrages, renseignements absents du seul catalogue disponible jusqu’à présent, le Catalogue des livres imprimés avant établi par Léopold Delisle au début du xx# siècle. Ë Il reste encore à prendre conscience qu’un catalogue mis en ligne sur Internet ne peut être un objet clos. Il implique une maintenance, une veille intellectuelle, des améliorations, des corrections. Avec quels moyens financiers et humains celles-ci seront-elles assumées ? Quels que soient ses défauts, et ils sont nombreux, la base a rempli sa mission principale : faire un recensement signalétique de ces fonds et les rendre accessibles aux utilisateurs ; attirer l’attention sur l’existence d’un patrimoine important de livres des xv# et xvi# siècles en Picardie ; susciter et stimuler des opérations de valorisation de ces fonds, en particulier par la numérisation et par des expositions. Pour l’instant, deux projets de valorisation sont à l’étude : Ë un projet d’exposition itinérante d’une sélection de ces ouvrages à travers les bibliothèques de Picardie a été évoqué. Il permettrait de faire connaître l’existence de ce catalogue auprès du public picard. Ë un projet de rattachement aux notices présentes dans la base de toutes les illustrations existantes concernant ces ouvrages, qu’elles soient déjà numérisées ou qu’elles soient à numériser. En particulier, les illustrations contenues sur un cédérom réalisé par Picasco en , intitulé Images de l’homme, devraient être versées dans cette base. Cependant, les problèmes techniques posés par les liens entre images et notices n’ont pas encore été étudiés. Il nous semble qu’au travers de ce projet, Picasco a pleinement rempli sa mission de coopération entre les bibliothèques et plus largement entre les diverses institutions ayant en charge un patrimoine écrit de cette nature dans la région. Si le catalogue collectif demeure de la responsabilité de Picasco, l’avenir de ces fonds et leur mise en valeur relèvent de la responsabilité des différentes bibliothèques qui les conservent. À elles désormais de s’en emparer, de les corriger, de les enrichir, de les diffuser sur leur site Internet ou dans le Catalogue collectif de France. Si Picasco doit désormais, nous semble-t-il, se consacrer à d’autres projets patrimoniaux, ce catalogue collectif favorise certainement la mise en route d’un catalogue régional des incunables conservés en Picardie, puisque l’évaluation globale est faite et que les notices actuelles fourniront la base des futures notices, même si ce catalogue implique nécessairement de revenir aux livres eux-mêmes. Si la concentration des incunables de la région Picardie dans deux bibliothèques, celle du château de Chantilly et la BM d’Amiens, en fait un projet moins fédérateur pour l’agence régionale du livre de Picardie, cette expérience, que je viens d’évoquer, sera profitable et des conditions propices sont désormais réunies pour la réalisation d’un catalogue régional des incunables en Picardie.
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IMPRIMEURS ET LIBRAIRES PARISIENS DU XVI e SIÈCLE LES MANUSCRITS DE PHILIPPE RENOUARD À L’ÉPREUVE DES RESSOURCES EN LIGNE Geneviève Guilleminot-Chrétien & Magali Vène
ors du XXVIII# Colloque international d’études humanistes de Tours, tenu en et consacré au Livre dans l’Europe de la Renaissance, un hommage avait été rendu au bibliographe Philippe Renouard (-). À cette occasion avaient été présentés les travaux réalisés à partir de ses n Imprimeurs et libraires paripapiers manuscrits consacrés à l’édition parisienne au siens du xvi siècle, t. I-V : Abada-Bonamy, Paris, - ; xvi# siècle, que la Réserve des livres rares de la Bibliothèque nationale vol. Loys, Paris, ; fasc. Breyer, conserve depuis . Le but en était le recensement et la description Paris, Bibliothèque nationale, de tous les livres imprimés à Paris au xvi# siècle et l’établissement de ; fasc. Brumen, Paris, Bibliothèque nationale, ; fasc. monographies de libraires et imprimeurs parisiens. Dans sa séance du Cavellat, Paris, Bibliothèque mars , la Commission des travaux historiques de la Ville de Paris nationale, . Inventaire chronologique des éditions parisiennes avait adopté le principe de la publication de ces travaux, qui devaient du xvi siècle…, t. I-V : être rédigés avec le concours du CNRS et de la Bibliothèque nationale. , Paris, Service des travaux historiques de la Ville de Paris, Plusieurs volumes ont été publiés par la Ville de Paris et la Bibliothèque -. Le vol. V a été rédigé nationale, sous la forme d’une série par ordre alphabétique de noms de par Monica Breazu et Geneviève Guilleminot-Chrétien, avec libraires et d’imprimeurs et d’une série chronologiquen. la collaboration de Stéphanie Cette nouvelle rencontre à Tours est l’occasion de faire le point sur ces Öhlund-Rambaud et Marietravaux et de poser des questions que nous ne supposions pas en . Josèphe Beaud-Gambier. L’Inventaire chronologique des éditions parisiennes du xvi siècle était rédigé par Brigitte Moreau, de l’Institut d’histoire moderne et contemporaine (CNRS). Elle disparut accidentellement
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en mars , peu après la parution du volume consacré aux années -. Le CNRS, qui s’était déjà dégagé de la série alphabétique, ne réaffecta pas de personnel à ce projet. La Bibliothèque nationale de France, pour qui le Renouard est une source essentielle d’informations, tant pour les acquisitions de livres anciens que pour l’aide aux lecteurs ou la préparation des expositions, décida en d’assurer la suite de la rédaction du volume couvrant les années -. La remise en route fut longue. Les deux nouvelles rédactrices de la Bibliothèque nationale de France étaient sollicitées par les différentes opérations de grande ampleur qu’entraînaient le déménagement des livres imprimés de la Bibliothèque nationale de France sur son nouveau site de Tolbiac et l’informatisation de ses catalogues. Il fallut se plonger dans les notes rassemblées par Brigitte Moreau. Si celle-ci offrait avec une totale générosité le résultat de ses recherches et répondait minutieusement à toute demande, elle n’avait jamais expliqué le classement de ses dossiers ni sa manière d’établir les notices qu’elle remettait manuscrites à l’imprimeur. Il apparut vite qu’elle ne constituait pas de dossiers de travail proprement dits, mais travaillait avec des repères de type mnémotechnique qui suffisaient à sa mémoire prodigieuse. Ses notes, difficiles à déchiffrer, nous restaient souvent incompréhensibles. Nous dûmes donc établir une méthode de travail (usage de l’informatique, collaboration entre rédacteurs, création de dossiers documentaires). Le volume V de l’Inventaire chronologique des éditions parisiennes du xvi siècle (années -), dont la rédaction a été achevée en , est finalement paru en . Le volume VI (années -) pourra paraître en . Le bilan des monographies de libraires et imprimeurs est plus difficile à établir. La série strictement alphabétique, dite « Grand Renouard » s’est arrêtée avec le départ à la retraite de ses dernières rédactrices. Seuls restent en cours des projets menés à titre privé, issus de thèses de l’École des chartes. Un nouveau volume, rédigé par Magali Vène, consacré aux libraires Corrozet (et à Gilles Corrozet auteur) va paraître en , toujours publié par la Ville de Paris. Thierry Claerr poursuit sa thèse sur la famille Kerver. Geneviève Guilleminot-Chrétien continue à préparer une bibliographie des libraires-imprimeurs Chrétien et André Wechel. Tous s’accordent à souligner l’extrême richesse d’informations qu’apporte la confrontation des sources d’archives et des descriptions d’éditions. Mais la méthode de travail consistant à analyser précisément le contenu des éditions afin de reconstituer le milieu social et culturel dans lequel travaillait le libraire et à examiner un nombre suffisant d’exemplaires pour traquer les problèmes bibliographiques se révèle extrêmement longue. Les délais de publication mettent donc en péril de telles entreprises. Que les projets avancent de façon chronologique ou par libraire, le rédacteur se trouve aujourd’hui confronté à la même difficulté, celle de tirer parti des nombreux catalogues automatisés, individuels ou collectifs, accessibles maintenant en ligne. Les nombreuses références réunies par Renouard ont toujours été complétées par les dépouillements de catalogues sur papier et de bibliographies. Le National Union Catalogue avait ainsi été une source considérable de nouvelles informations. Des trouvailles inattendues se produisent encore de cette façon : telle cette édition des Tabulæ in artis componendorum versuum rudimenta de Johannes
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Murmellius imprimée par Chrétien Wechel en , signalée dans les Annales typographici de Maittaire en , dont un exemplaire figure dans le catalogue du fonds ancien de la bibliothèque du Conservatoire de Saint-Pétersbourg, paru en . Mais la plus grande partie des nouveaux apports se font sur écran et obligent à revoir sans cesse les notices de nos bibliographies déjà rédigées. De nombreuses localisations supplémentaires sont apportées, des éditions partagées révélées, des exemplaires, qui n’étaient connus que par des catalogues de vente ou de librairie parfois très anciens, retrouvés. Face à cette richesse infinie, le bibliographe doit cependant plus que jamais garder un esprit critique et une vigilance extrême. Certains pièges s’apprennent vite, même si l’on y retombe fréquemment : confusion entre microfilms ou fac-similés et éditions anciennes, disparitions des crochets qui indiquent une date ou un nom restitué lors du versement d’une notice dans un catalogue collectif. Dans les catalogues collectifs, des localisations ne se raccrochent pas toujours à la bonne notice bibliographique. Un travail énorme de vérification s’impose donc, sous peine de créer de nombreuses éditions fantômes, et plus que jamais le bibliographe dépend de l’aide que les bibliothécaires à travers le monde lui apportent en répondant à ses nombreuses questions. Les réservoirs de notices que sont les catalogues collectifs sont donc un outil de plus à l’usage du bibliographe, mais ne se substituent pas au travail bibliographique En ce qui concerne l’édition parisienne, nous arrivons à la conclusion que, si importantes que soient ces informations nouvelles, elles ne transforment pas fondamentalement nos connaissances sur ces années de production éditoriale : aucun texte inconnu, au moins dans le domaine littéraire, n’est apparu, seulement des rééditions. Les datations d’exercice de libraires et d’imprimeurs établies par Philippe Renouard ne sont pas modifiées. Ses notes manuscrites constituent donc toujours l’ossature de toute bibliographie consacrée à l’édition parisienne, notamment grâce au soin qu’il a apporté à établir les éditions partagées et à repérer les réemplois de feuilles, et à la qualité de ses collations. Servi lui aussi par une exceptionnelle mémoire visuelle, il laisse souvent des pistes permettant l’identification de matériel typographique. Philippe Renouard avait vu un nombre considérable d’exemplaires, dans les bibliothèques parisiennes, mais aussi au cours de voyages bibliographiques, dont certains ont d’ailleurs disparu pendant les guerres du xx# siècle. L’augmentation du nombre de notices entre le volume consacré aux années - ( notices) et celui couvrant les années - ( notices), tandis que les années - vont atteindre près de notices, s’explique donc plus par la croissance constante de l’activité des presses parisiennes que par l’élargissement de nos sources. Enfin nous tenons à rappeler que, au-delà des travaux évoqués ici , les papiers de Philippe Renouard continuent à être la base d’échanges nourris avec des chercheurs (recherches sur les livres d’emblèmes menées par Stephen Rawles, de Glasgow University, sur la typographie parisienne avec Hermann Vervliet d’Anvers et William Kemp de Montréal, aides à la localisation d’exemplaires pour la préparation d’éditions critiques de textes du xvi# siècle). Des élèves de l’École des chartes et du Centre d’études supérieures de la Renaissance de Tours ont égale-
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ment souvent accès aux dossiers nécessaires à leur thèse. C’est en collaborant avec l’équipe du Renouard que Lyse Schwarzfuchs, de la Bibliothèque nationale et universitaire de Jérusalem, a rédigé son ouvrage, Le Livre hébreu à Paris au xvi siècle : Inventaire chronologique, publié par la Bibliothèque nationale de France en . Nous espérons que de telles rencontres se poursuivront à la Réserve des livres rares.
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LES PREMIERS TEMPS DE L’IMPRIMÉ VERNACULAIRE FRANÇAIS Malcolm Walsby
epuis bientôt dix ans, des chercheurs de l’Université de St Andrews, sous la direction d’Andrew Pettegree, travaillent sur un projet bibliographique d’ampleur : établir une bibliographie critique de tous les livres en français imprimés avant n Ce travail a été entrepris pour combler une lacune dans notre connaissance du monde imprimé européen. Alors que d’autres pays d’Europe tels que le Royaume-Uni, l’Allemagne et les Pays-Bas ont déjà publié les résultats de travaux bibliographiques nationaux sur les imprimés des xv# et xvi# siècles, l’approche française a été différenteo Les travaux du Président Baudrier sur les imprimeurs lyonnais à la fin du xix# siècle, bien qu’inachevés, donnèrent le tonp Ainsi les différents centres d’imprimerie ont-ils été analysés par des bibliographes différents. Les recherches entreprises par Renouard, et plus tardivement mises en lumière et augmentées par Brigitte Moreau puis plus récemment par Geneviève Guilleminot, dévoilent l’ampleur des richesses de la production des presses parisiennes au début du xvi# siècleq La série connue sous le nom de Répertoire bibliographique des livres imprimés avant a tenté de combler les lacunes pour les autres villes de Francer À ces bibliographies se concentrant sur les villes de la France contemporaine s’ajoutent les travaux entrepris sur les presses genevoises.
n Pour une description des origines du projet et son développement voir l’article du directeur du projet, A. Pettegree, « Nouveau regard sur l’imprimerie française des xv# et xvi#siècles. La base bibliographique de SaintAndrews », Bulletin du Bibliophile (), p. -. o A.W. Pollard, G.R. Redgrave, A Short-title catalogue of books printed in England, Scotland and Ireland, and of English books printed abroad 1475-1640, Londres, B. Quaritch, ; Verzeichnis der im deutschen Sprachbereich erschienenen Drucke des XVI. Jahrhunderts, VD , Stuttgart, Anton Hiersemann, ; P. Valkema Blouw, Typographia batava 1541-1600 : repertorium van boeken gedrukt in Nederland tussen en , Nieuwkoop, De Graaf, . p H.-L. et J. Baudrier (éds.), Bibliographie lyonnaise. Recherches sur les imprimeurs, libraires, relieurs et fondeurs de lettres de Lyon au xvisiècle, Lyon, L. Brun ; Paris, A. Picard, -. q B. Moreau, G. Guilleminot, Inventaire chronologique des éditions parisiennes du xvisiècle, Paris, Service des travaux historiques de la Ville de Paris, -. Pour l’instant la période - est couverte par ce répertoire. Voir aussi les imprimeurs du volume Imprimeurs et libraires parisiens du xvisiècle dans la même collection et surtout l’article de G. Guilleminot et M. Vène dans ce présent volume. r Répertoire bibliographique des livres imprimés en France au seizième siècle, Baden-Baden, Heitz puis V. Koerner, -. s
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Les recherches impressionnantes menées par Jean-François Gilmont dans un premier temps sur Calvin puis maintenant d’une manière plus globale sur les imprimeurs de Genève, nous apportent une connaissance inégalée de l’évolution de l’imprimerie dans la ville principale de la Réforme calvinistes Malgré tous ces travaux fort utiles, nos connaissances globales de s J.-F. Gilmont, R. Peter, l’imprimé vernaculaire francophone restent tout à fait approximatives. Bibliotheca Calviniana. Les œuvres de Jean Calvin publiées Baudrier n’a pas eu le temps d’inclure certains des imprimeurs les plus au xvi siècle, Genève, Droz, prolifiques tels que Thibaud Ancelin ou Guichard Jullieron. Les recher- ; J.-F. Gilmont, Jean Calvin et le livre imprimé, Genève, ches de Sybille von Gültlingen commencent à pallier ces carences mais Droz, . Voir aussi son article, il reste encore beaucoup de volumes à faire paraîtret Par ailleurs, le « La Fabrication du livre dans la Genève de Calvin », dans J.-D. Répertoire bibliographique reste incomplet : après Paris et Lyon, la ville Candaux, B. Lescaze (éds.), Cinq la plus importante pour le développement des presses dans le royaume siècles d’imprimerie genevoise, Actes du colloque international sur l’hisde France était Rouen. Or, cette ville cruciale pour notre compréhentoire de l’imprimerie et du livre à sion du rôle, de l’équilibre et de la répartition des presses régionales n’est Genève, avril , Genève, qu’assez sommairement traitée dans cette série. C’est une carence du reste Société d'histoire et d'archéologie, , I, p. -. fort compréhensible. À dire vrai, la tâche dépassait de loin l’envergure du t S. von Gültlingen (éd.), Répertoire bibliographique et mériterait une étude bibliographique spéBibliographie des livres imprimés à Lyon au seizième siècle, Badencifique de plus longue haleineu Il faut aussi noter que la qualité de ces Baden, V. Koerner, -. recherches pionnières varie considérablement de ville en ville en fonction Voir aussi les travaux dans le cadre du projet de St-Andrews de Matt de la personne qui avait entrepris le travail. Ainsi certaines listes profiHall qui ont donné lieu à une tent-elles de recherches de grande qualité sur les manuscrits des archives thèse : Lyon Publishing in the age of Catholic Revival, , Unidépartementales et municipales et d’une connaissance profonde de l’apversité de St Andrews, thèse souteparition des presses au niveau régional. En revanche, à l’autre extrême, nue en . certains volumes n’incluent pas les ouvrages pourtant conservés dans la u Pour un récapitulatif sur l’imprimerie rouennaise, voir D. bibliothèque municipale de la ville analysée ou des fonds pourtant bien Reid, « Renaissance Printing and connus de la Bibliothèque nationale. De plus, cette série souffre malProvincial Culture in SixteenthCentury Rouen », University of heureusement d’une approche curieuse et anachronique, choisissant de Toronto Quarterly, lxxiii, , regarder le livre imprimé dans le cadre des frontières de la France telles p. -. qu’elles se dessinaient dans la seconde moitié du xx# siècle. Ainsi Douai et Lille sont inclus mais pas certains des centres principaux de la production imprimée de langue française telle qu’Anvers, alors qu’ils appartenaient tous trois au comté de Flandres. Plus bizarre encore est l’incorporation de villes de l’empire germanique telles Benfeld, Colmar et Sélestat, villes où pas une seule œuvre en français ne fut imprimée au xvi# siècle. Alors que cette approche peut être justifiée pour l’analyse de collections – tel que le fait la série des Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France – elle est incohérente lorsque l’on désire examiner un phénomène contemporain tel que la distribution et l’activité des presses. Force est de constater que l’histoire du livre dans le monde francophone au cours du premier siècle de l’imprimerie reste somme toute assez méconnue. Et ce constat est l’une des
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les premiers temps de l’imprimé vernaculaire français
raisons d’être du projet entrepris il y a de cela presque une décennie par les chercheurs de l’Université de St Andrews. Dans une année où la francophonie est à l’honneur, il me semble particulièrement adapté que l’on s’attarde quelque peu sur certaines des conclusions issues de ce travail bibliographique sur les premiers temps du livre imprimé en français. Le projet de l’Université de St Andrews vise à faire une bibliographie critique de tous les livres imprimés avant en langue vernaculaire. Nous incluons donc dans nos recherches non seulement les livres en français mais aussi ceux qui sont écrits dans des langues régionales telles que le provençal, le basque ou le breton. Ce sont là de petites catégories si on les compare à la masse numériquement importante des livres en français, mais leur intégration est importante pour étudier le phénomène de l’imprimerie vernaculaire et le rôle des langues que l’on pourrait nommer non-scientifiques, c’est-à-dire excluant le latin, le grec et l’hébreu. Se pose alors la question de l’inclusion de livres multilingues dont une partie seulement était en français. Après quelques hésitations, il nous a finalement semblé important pour la cohérence de nos travaux d’inclure ces œuvres puisque leur grand nombre est la preuve de la vitalité des échanges entre langues. Ainsi donc, nous analysons les ouvrages dont le titre est en latin mais contenant des équivalences françaises, telle que la série extrêmement populaire des textes à but pédagogique de Charles Estienne. Nous avons aussi décidé d’inclure tous les dictionnaires, même si leur public originel n’était pas naturellement francophone. Le Dictionarium hexaglosson cum colloquiis aliquot sex linguarum Germanice, Gallice, Belgice, Latine, Hispanice et Italice imprimé par Wilhelm von Leutzenkirchen à Cologne en est inclus comme l’est la presque interminable série d’éditions du dictionnaire du lexicographe Ambrogio v Dictionarium hexaglosson Calepino dont beaucoup contiennent du françaisv cum colloquiis aliquot sex linIl est aussi important d’indiquer que nos recherches comprennent guarum Germanice, Gallice, Belgice, Latine, Hispanice et Italice, tous les imprimés quels que soient leur format ou leur utilisation. Dans Cologne, Wilhelm von Leutnotre base de données, les grands tomes in-folio côtoient les pamphlets zenkirchen, (Augsburg SB, Spw ). Sur les éditions du éphémères ou même les placards dont la survie doit bien souvent plus dictionnaire, voir A. Labarre, au hasard qu’aux efforts des contemporains. Pour la plupart, ces feuilles Bibliographie du « Dictionarium » d’Ambrogio Calepino : , avaient une durée de vie très courte, destinées à une utilisation ponctuelle Baden-Baden, V. Koerner, . pour informer la population d’un événement particulier ou d’un édit nm De par le Roy et messieurs les singulièrement important. Parfois ces imprimés annonçaient des faits si commissaires ordonnez et depputez par la Majesté en ceste partie…, secondaires que l’on est surpris que l’on ait fait appel aux services d’un [Le Mans ?], (AD Sarthe, imprimeur. C’est le cas par exemple pour cette feuille volante annonçant J ). le « partaige et division du boys de Tresfunds appelle Minclou, assis pres Roese [Roézé-sur-Sarthe] et la Suse [Suze-sur-Sarthe] » dans le Haut-Maine qui devait avoir lieu au début du mois de juillet nm L’utilisation de caractères gothiques pour cette impression à une époque où le roman et l’italique dominaient clairement la production imprimée est un exemple intéressant de la réutilisation tardive de matériel ; cela souligne d’ailleurs la nature secondaire de l’entreprise. De tels ouvrages survivaient rarement plus de quelques mois et
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l’intérêt des exemplaires qui ont trompé cinq siècles d’inattention est d’autant plus grand. En incluant ces œuvres ultra-éphémères dans notre base, nous approfondissons singulièrement notre compréhension du monde imprimé régional. Pour ces recherches bibliographiques, nous utilisons une base de données spécifiquement créée pour répondre aux besoins fort particuliers de l’analyse des livres des premiers temps de l’imprimerie. Le projet de l’Université de St Andrews est la première entreprise bibliographique à échelle nationale à avoir été conçue et développée dans l’ère digitale. Jean-François Gilmont, dans son livre récent sur la Réforme et l’imprimerie, a souligné l’utilité du travail bibliographique et il me semble important de décrire la base de données et son fonctionnementnn. La base de données du projet est en format Access et elle est consti nn J.-F. Gilmont, Le Livre tuée par une série de formulaires décrivant les spécificités de chaque réformé au xvisiècle, Paris, BnF, . ouvrage consulté. Ainsi, pour chaque exemplaire, on note la bibliothèque où il se trouve, sa cote, sa taille réelle et des détails sur la provenance et ses caractéristiques les plus notables (exemplaire incomplet, cahiers mal reliés…). Une fois ces détails sur l’exemplaire notés, nous passons à une description de l’unité bibliographique. Dans le premier formulaire, nous inscrivons la date, le format, la typographie utilisée, le colophon, la collation et la pagination ou foliotation de l’ouvrage. C’est aussi ici que toutes les informations spécifiques au contenu de l’œuvre sont enregistrées telles que le lieu et la date de signature d’un édit ainsi que des détails sur l’impression : présence de lettres ornées, localisation éventuelle de l’errata et des marques de l’imprimeur ou du libraire. Le second formulaire est dédié à la page de titre de l’ouvrage que nous transcrivons fidèlement en respectant les conventions de saisie de « titres diplomatiques » et que nous augmentons d’un titre générique qui permet une recherche plus aisée. Les auteurs, traducteurs et éditeurs du texte (donnés ou inférés) sont notés ainsi que la langue d’origine de l’œuvre et la langue à partir de laquelle la traduction a été accomplie. Le lieu d’impression et les données sur l’imprimeur et les libraires sont décrits dans un autre formulaire. On différencie dans cette zone les lieux d’impressions et les noms d’imprimeurs explicitement donnés et ceux identifiés par le bibliographe grâce au matériel utilisé dans l’impression de l’ouvrage. On prend soin aussi d’inscrire les indications fournies par la page de titre et le colophon qui nous permettent de comprendre le rôle de chacun dans la production et la mise en vente de l’imprimé. En plus de ces formulaires assez classiques qui procurent une vision matérielle de chaque unité bibliographique, la base comprend aussi des données sur les éléments para-textuels de l’édition. Des formulaires sont consacrés au privilège, à l’approbation et à la dédicace. Dans chaque cas, on note le plus de détails possibles : dates, lieux mais aussi des informations plus spécifiques. Ainsi on inscrit la pénalité prévue pour la contrefaçon d’une œuvre. Cela varie de la formule consacrée de « confiscation et amende arbitraire » à des sommes précises et la répartition de l’argent reçu entre le détenteur du privilège, les autorités et les autres protagonistes. La menace, dans certaines régions, de peines corporelles et les variations entre les peines, sans parler de l’identité du détenteur du privilège, fournissent une image plus précise
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les premiers temps de l’imprimé vernaculaire français
du fonctionnement du monde de l’imprimé vernaculaire. L’approbation, qu’elle soit décernée par des autorités ecclésiastiques ou municipales, enrichit d’autant plus cette vision. Cette description précise de l’unité bibliographique est parachevée par un formulaire qui regroupe références bibliographiques et classification thématique. Il est important de pouvoir renvoyer le chercheur à des ouvrages plus spécialisés sur des collections particulières, sur des auteurs ou à d’autres travaux bibliographiques qui pourraient l’intéresser. Par conséquent, nous avons sélectionné quelque deux cents titres avec des références bibliographiques de qualité et avons inséré un renvoi pour chaque édition mentionnée. C’est aussi une façon de reconnaître la dette du projet envers les travaux antérieurs. La classification thématique, quant à elle, permet une analyse de la base en regroupant les éditions par sujet. Pour éviter les querelles entre écoles de système de classification, nous avons opté pour une série d’une trentaine de catégories qui répondent aux besoins des livres en français imprimés aux xv# et xvi# siècles. Les groupes couvrent ainsi toutes les éventualités, allant de catégories numériquement importantes, tel que « Livres d’histoire et chroniques », à des ensembles beaucoup plus petits comme les livres sur les jeux. Avant de donner quelques chiffres et d’analyser plus en profondeur les premiers temps de l’imprimerie de langue française, il convient d’expliquer que dans la base de données nous notons séparément toutes les unités bibliographiques distinctes. C’est-à-dire que nous ne tentons pas de regrouper les divers états d’une même édition. Lorsqu’il y a la moindre différence entre deux exemplaires résultant du processus imprimé, nous enregistrons le livre sous un autre identifiant. Par exemple, toutes les versions des pamphlets imprimés par Éloi Gibier à Orléans au début des années sont séparées dans notre base de donnéesno Les raisons no Sur ces tracts protesscientifiques de ce choix sont le résultat d’une réflexion visant à adopter la tants imprimés pour le prince solution la plus utile aux chercheurs. Établir ce qui constitue réellement de Condé voir l’article de J.-F. Gilmont, « La première diffuune édition est un travail de fond dont la complexité dépasse souvent le sion des “Mémoires de Condé” cadre d’une étude bibliographique d’ensemble tel que celui que nous avons par Éloi Gibier en - », dans P. Aquilon, H.-J. Martin entrepris. Chaque œuvre imprimée pouvait faire l’objet de corrections lors (éds.), Le livre dans l’Europe de l’impression ou recevoir une nouvelle page d’errata lorsque les erreurs de la Renaissance, Actes du XXVIII# colloque international étaient identifiées après que les pages étaient déjà imprimées. À ces chand’études humanistes de Tours, gements s’ajoutent ceux de bois cassés lors de l’impression, de l’usure de Paris, Promodis, , p. -. lettres ornées, et de lettres replacées à la suite d’une fausse manipulation. Toutes ces différences n’équivalent pas à des éditions différentes, mais ce sont souvent ces changements de mise en page et de bois qui aident le bibliographe à différencier entre émissions, états et éditions et dans un tel contexte il faudrait comparer de près chaque texte dans son ensemble. Comment être sûr que tel changement fut effectué au cours d’une seule et unique impression et que tel autre fut le résultat de corrections apportées avant l’impression d’une seconde version au cours de la même année et dont la mise en page aurait été calquée sur la précédente ? Seule une étude de fond sur chaque ouvrage pouvait nous permettre de déceler les signes qui nous permettraient de tirer des conclusions exactes. Force est de reconnaître que nous ne pouvions
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entreprendre une tâche d’une telle ampleur et que, dans ce cas, la seule façon de procéder était de reconnaître et d’indiquer les différences observées entre chaque unité bibliographique. Ainsi définie, la base de données du projet regroupe pour le moment quelque unités et des informations sur environ exemplaires conservés à travers le monde dans plus de collections publiques et privées. En moyenne chaque unité survit donc en un peu plus de trois exemplaires, ce qui signifie que pour un grand nombre d’éditions il n’existe aujourd’hui plus qu’un seul exemplaire connu. Cela accentue l’utilité d’inclure dans toute recherche bibliographique d’imprimés anciens autant de collections que possible. Dans de telles circonstances, l’analyse des fonds des nombreuses bibliothèques municipales avec de petits fonds peu connus et les travaux sur les collections privées et catalogues de vente revêtent une importance toute particulière. La dispersion des imprimés vernaculaires français des xv# et xvi# siècles est l’une des richesses culturelles françaises et souligne l’intérêt de mener des recherches aussi exhaustives que possible. Dans le cadre de cet article, la période que je vais considérer d’un peu plus près est celle que l’on dit souvent être la période incunable et post-incunable, c’est-à-dire de l’invention de l’imprimerie jusqu’en . C’est une période suffisamment longue pour que nous puissions prendre un peu de recul par rapport aux tout premiers essais d’imprimeurs cherchant à s’adapter voire à créer un marché nouveau pour le livre. C’est aussi une période qui a une certaine cohérence par rapport à l’histoire du livre en France, cohérence rendue très visuelle par la domination de la gothique française, dite bâtarde, conçue pour imiter au plus près l’écriture des secrétaires de la fin du xv# siècle. Le tout premier livre en français imprimé avec des caractères romains fut publié en , mais ce fut grâce à l’influence de la presse des Estienne que se répandit l’utilisation de ces caractères qui se propagea au cours des années np Très rapidement l’âge d’un livre prend une grande importance dans np A. Charon-Parent, Les Métiers sa valeur marchande. Si, comme nous le montre Yann Sordet, l’incunadu livre à Paris au xvisiècle : , Genève, Droz, , p. ble devient un objet recherché et classifié dans une catégorie propre dès nq Yann Sordet a analysé ce phéla fin du xvii# siècle, le livre du début du seizième devient lui aussi plus nomène lors de son intervention au colloque : voir son article dans le recherchénq La volonté de vieillir artificiellement un livre est démontré présent volume. par les tentatives de changements subtils de la date sur la page de titre. Ainsi remarque-t-on bien des exemplaires d’ouvrages dont la date a été effacée en partie pour en accroître la valeur. Ces tentatives sont bien illustrées par l’exemple que nous donnent les deux photos du livre ci-contre. Il s’agit ici de l’une des très nombreuses éditions de L’institution de la femme chrétienne de l’écrivain et humaniste espagnol Juan Luis Vivès dont la popularité fit l’une des figures de proue de l’humanisme catholique dans la première moitié du seizième siècle. La page de titre semble indiquer que l’œuvre était imprimée par Jacques Kerver en – ce qui ferait de ce volume l’ouvrage vernaculaire français en caractères romains le plus ancien connu. En fait, si cette date était correcte, l’ouvrage serait tout à fait surprenant puisqu’à cette date l’auteur n’avait pas encore
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Fig. – Juan Luis Vivès, L’institution de la femme chrestienne tant en son enfance, que mariage, et viduité. Avec l’office du mary. Paris : Michel Fezandat pour Jacques Kerver, , (. Titre – Collection de l’auteur
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Fig. – Juan Luis Vivès, L’institution de la femme chrestienne tant en son enfance, que mariage, et viduité. Avec l’office du mary. Paris : Michel Fezandat pour Jacques Kerver, , (. Colophon – Collection de l’auteur
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écrit l’œuvre. Pour vieillir l’ouvrage, on a soigneusement effacé les barres diagonale et horizontale du chiffre quatre de la date réelle de cette édition – . Cette supercherie est d’ailleurs entretenue par le colophon dont les indications ont pareillement été modifiées pour confirmer les dires de la page de titre. On voit d’ailleurs grâce au second quatre du colophon nr J.L. Vivès, L’institution de la comment on put effectuer cette transformationnr. femme chrestienne tant en enfance, Si l’âge du livre en accroît la désirabilité, c’est en partie à cause de que mariage, et viduité. Avec l’office du mary, Paris, Jacques Kerla rareté des éditions vernaculaires imprimées entre et . Numéver, (collection de l’auteur). riquement, cette période ne constitue en effet qu’une petite partie de la Sur cette œuvre, voir : B. Vadier, base de données que nous avons créée. Avec quelque unités biblioUn Moraliste du xvisiècle : JeanLouis Vives et son livre de l’édugraphiques identifiées, les six premières décennies du livre vernaculaire cation de la femme chrétienne, ne représentent en fait que % de la base. Cet état de fait n’est guère Genève, I. Soullier, . ns Selon la base de données de surprenant lorsque l’on considère l’expansion de l’imprimerie dans la l’ISTC il y aurait imprimés seconde partie du seizième siècle et lorsque l’on tient compte de la place en latin et en français imprimés dans les pays francophones relative du latin et du français. En effet, pendant la période incunable, dans l’ère incunable. le livre en français ne représente qu’un tiers de la production imprimée nt H.-J. Martin, The French Book. Religion, Absolutism, and dans les pays francophonesns Cette primauté du latin demeure au cours Readership, , Baltimore, du premier tiers du seizième siècle. Il est d’ailleurs manifeste que le latin Johns Hopkins University Press, domine largement le français en termes de nombre d’éditions si l’on (livre tiré des cours donnés à l’Université Johns Hopkins en feuillette les volumes de l’Inventaire chronologique des éditions parisiennes ). du xvisiècle dont nous avons parlé précédemment. Cependant, cette nu Le projet bibliographique de l’Université de St Andrews a été tendance s’inversa au cours des dernières décennies du siècle – les recherachevé à l’automne mais ches menées sous la direction de Henri-Jean Martin suggèrent que ce fut ces statistiques datent de septembre , date à laquelle eut lieu le aux alentours de nt Étudier le livre vernaculaire imprimé entre colloque de Tours, « Le berceau du et , c’est donc analyser un phénomène minoritaire appelé à grandir livre imprimé : autour des incunables ». Voir infra, note . progressivement avec la vulgarisation du livre. Dans ce contexte, il est particulièrement intéressant de regarder l’évolution quantitative de l’imprimé en français pendant ces soixante années – même si pour l’instant il s’agit encore de statistiques provisoiresnu Le premier graphique nous donne le décompte d’unités bibliographiques identifiées année par année (Fig. ). La première chose à noter est que les incunables et post-incunables n’ont souvent aucune indication de la date à laquelle ils furent imprimés. Il en résulte qu’une bonne partie des dates qui ont servi à l’élaboration des statistiques sur lesquelles le graphique est basé sont en fait inférées. Ceci a deux conséquences principales pour l’analyse quantitative des premiers temps de l’imprimerie. Tout d’abord nous notons que, parce que les dates sont en général attribuées avec une précision qui reste tout à fait relative, on a tendance à arrondir à la « cinquaine » la plus proche. Ceci déforme évidemment les statistiques – il est peu probable que l’activité des presses ait été beaucoup plus grande en qu’en ou mais on dénombre néanmoins presque autant d’unités imprimées en qu’en et pris ensemble. Ce phénomène est d’ailleurs encore plus marqué pour les décennies de la période post-incunable.
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Fig. – Évolution de l’imprimé vernaculaire français Unités Bibliographiques
À ce problème, il faut aussi ajouter le cas particulier de . Le statut privilégié de l’incunable existe depuis plusieurs siècles. Pendant ce temps, beaucoup de bibliothécaires, d’universitaires et de bibliophiles ont travaillé sur le livre au quinzième siècle et la tentation a souvent été grande d’attribuer des livres gothiques sans date à l’année – maximisant ainsi le nombre d’incunables dans une collection. Les travaux les plus récents ont tenté de rectifier le tir. Ainsi, les dates suggérées par l’ISTC (Incunabla Short Title Catalogue) conçu nv Ce projet fut initialement par la British Librarynv et, pour la France, l’excellente série des Cataloconçu par Lotte Hellinga en . Pour de plus amples informations gues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France sontvoir le site du projet : www.bl.uk/ elles bien plus dignes de confianceom Mais ces nouvelles attributions de catalogues/istc/index.html. om Les volumes parus de la dates ne peuvent se faire qu’avec preuves à l’appui et donc lorsque l’on série des Catalogues régionaux des consulte le graphique, on note que, malgré toutes ces corrections, l’anincunables des bibliothèques publiques de France ont été publiés née aurait été la plus prolifique de toute la période -. depuis sous l’égide de la Pour contrer ces distorsions, le meilleur moyen est de chercher une Direction du Livre et de la Lecture du ministère de la Culture. Voir le vision plus globale de l’évolution de l’imprimé vernaculaire. Ainsi le détail infra p. . second graphique présente le nombre moyen d’unités bibliographiques on L. Febvre, H.-J. Martin, identifiées pour une période de cinq ans (Fig. ). Cette représentation L’apparition du Livre, réédition, Paris, Albin Michel, , p. . quinquennale dévoile un phénomène intéressant. Alors que l’on a pu écrire qu’entre l’invention de l’imprimerie et la fin du seizième siècle l’imprimerie européenne connut une expansion continue, les statistiques qui proviennent de nos travaux montrent qu’il n’en est pas ainsi pour le livre vernaculaire françaison Si la période incunable est en effet mar-
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Fig. – Évolution de l’imprimé vernaculaire français
Unités Bibliographiques (moyenne)
quée par une progression constante du nombre d’imprimés vernaculaires sortant des presses, la période post-incunable voit au contraire une stagnation. Cette stagnation est d’autant plus intéressante que pendant cette période, l’imprimé vernaculaire demeure quand même un phénomène d’importance toute relative. Si l’on compare l’année où nous recensons le plus d’unités bibliographiques, , avec les chiffres que l’on a trois décennies plus tard, le gouffre est évident. Si en cette année on compte plus de unités, en on dépassait les mille unités imprimées dans l’année – démontrant l’évolution rapide du livre vernaculaire au cours du deuxième tiers du seizième siècle. Les conclusions suggérées par cette accalmie statistique sont d’ailleurs appuyées par l’analyse de la propagation géographique de l’imprimerie dans les provinces françaises. Cette tendance est particulièrement évidente lorsque l’on se penche sur un cas particulier. Les presses étaient apparues très tôt en Bretagne. Le duché bénéficiait de liens économiques importants avec les Flandres grâce notamment à la production de la toile provenant de villes telles que Quintin ou Vitré. Et c’est logiquement par le biais d’un matériel typographique provenant de Flandres que les premières œuvres furent imprimées en Bretagne dans les années et cela dans trois centres différents – Rennes, Bréhan-Loudéac et Tréguieroo Ces centres furent suivis en par celui de Lantenac et en par oo Voir notamment A. Le Moyne de La Borderie, L’iml’implantation à Nantes de l’imprimeur et typographe Étienne Larprimerie en Bretagne au xvsiècher. Mais ce premier souffle n’eut pas les effets escomptés. L’implancle. Étude sur les incunables bretons avec fac-simile contenant la tation de ces centres était précaire et l’expansion initiale ne dura guère. reproduction intégrale de la plus ancienne impression bretonne, Nantes, Société des bibliophiles bretons, ; G. Lepreux, Gallia Typographica ou Répertoire biographique et chronologique de tous les imprimeurs de France depuis les origines jusqu’à la Révolution – t. IV Bretagne, Paris, Champion, , (réimprimé à Rennes, BM, ).
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Si au cours de la période incunable on peut recenser plusieurs dizaines d’œuvres imprimées en français, latin et breton, l’imprimerie vernaculaire disparut totalement du duché pendant les deux premières décennies du seizième siècle. On importa à la place des ouvrages imprimés à Rouen, Paris ou Angers pour subvenir aux besoins du marché bretonop op Voir en particulier le rôle joué Ce ne fut qu’avec l’impression par Jean Baudouyn d’un Liber Marbodi par les imprimeurs et libraires de en que l’on retrouve la trace d’un typographe à Rennes. Il fallut Normandie : M. Duval, « Les libraires normands en Bretagne d’ailleurs attendre l’installation de Thomas Mestrard à Rennes pour que au xvi# siècle », Nouvelle revue de la ville retrouve des presses vraiment actives. Ce ne fut qu’en que Bretagne, , , p. - et « Le l’on put enfin confier à un typographe de la ville la tâche pourtant livre et sa diffusion en Bretagne dans la première moitié du xvi#», simple d’imprimer des textes administratifs tels que les Ordonnances Mémoires de la Société d’Histoire et nouvellement faictes par le Roy nostre sire sur le faict de guectz et capitained’Archéologie de Bretagne, , , p. -. ries de ce pays et duche de Bretaigne et d’autres ordonnances similairesoq oq Ordonnances nouvellement Ainsi donc après une première période foisonnante des presses faictes par le Roy nostre sire sur le faict de guectz et capitaineries de (-) pendant laquelle la nouvelle science se propagea rapidement ce pays et duche de Bretaigne, Renà travers la France et au cours de laquelle de nombreux ouvrages vernes, Thomas Mestrard, / (Bibliothèque Sainte Geneviève, naculaires virent le jour, il y eut une seconde période de consolidation o F inv. [] Rés.). (-). De fait, la réalité du marché rattrapa l’enthousiasme des tout or Livres vernaculaires français. premiers temps. Livres imprimés en français avant , éd. par A. Pettegree, M. Walsby, A. Wilkinson, Leiden/ Boston, Brill, .
Le projet que nous avons entrepris vise à faire une bibliographie vernaculaire française des livres imprimés avant , et la première étape de ce processus a été la publication en novembre de deux tomes qui présentent un « shorttitle catalogue » de toutes les unités bibliographiques identifiées par les chercheurs de l’Université de St Andrewsor C’est un nouvel outil pour les historiens, les théologiens et les études littéraires. Mais au-delà de son utilité comme ouvrage de référence, cela nous permet aussi d’avoir une nouvelle vision de l’évolution de l’imprimé en France. La base fournira toute une série de statistiques sur les éditions ainsi que sur les rouages de l’imprimerie grâce aux approbations, dédicaces et privilèges. La bibliographie dévoilera en plus de nouveaux textes et des imprimeurs jusqu’alors inconnus. Malgré ces apports considérables, cet ouvrage n’est pas, bien sûr, une œuvre finie : il constitue surtout un point de départ qui permettra des échanges avec d’autres chercheurs pour continuellement rectifier la base, nous permettant simultanément d’affiner notre compréhension des premiers temps de l’imprimé vernaculaire français.
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DE L’« OUVROUER » DU TYPOGRAPHE AUX « FENESTRES » DES LIBRAIRES : LES SAVOIRS MIS EN TEXTE
DIVISION DU TRAVAIL ET PRATIQUES DE COMPOSITION DANS L’ATELIER DE GÜNTHER ZAINER (Augsbourg, 1469) Ezio Ornato
Les enjeux de l’enquête e qu’on appelle « bibliographie matérielle » est une manière d’observer le livre qui est trop souvent méconnue et délaissée – quand elle n’est pas regardée avec un certain dédain – du fait même de l’humilité de la démarche : l’examen minutieux et répétitif page par page, ligne par ligne, caractère par caractère, de la totalité d’un livre imprimé. On doit bien reconnaître, de surcroît, que cette méthode d’observation a été jusqu’à présent confinée dans un horizon étroit : dans la plupart des cas, la connaissance approfondie des modalités de fabrication d’un livre est subordonnée aux objectifs de l’histoire des textes ; et encore, dans ce contexte, s’agit-il le plus fréquemment d’œuvres célèbres dont on analyse des éditions uniques ou originales. Cette connaissance peut aussi servir, bien évidemment, à l’historien du livre, mais celui-ci aura alors tendance à privilégier l’étude d’un prototype illustre, tel que la Bible de Gutenberg. En réalité, la bibliographie matérielle est l’instrument de choix qui permet à l’historien du livre et de la culture écrite de poursuivre avec succès une triple finalité : premièrement, approfondir la connaissance de l’organisation du travail et des pratiques de composition dans les ateliers typographiques à l’époque de l’imprimerie naissante ; deuxièmement, la reconstitution de ce qui a été appelé avec bonheur la « grammaire de la lisibilité » ; troisièmement, l’analyse de ce qui pourrait être appelé la « grammaire de l’élégance ». Approfondir notre connaissance des pratiques d’atelier revient à faire revivre la rencontre entre un projet culturel et la réalité quotidienne, avec tout son cortège de difficultés : pour s’en tenir au seul domaine technique – mais nous savons que le facteur économique est là aussi s
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omniprésent – la contradiction entre la nécessité de produire des livres de bonne qualité et, en face, la mauvaise qualité du support ou l’usure progressive des caractères mobiles, voire les délais imposés par les bailleurs de fonds et par la concurrence ; les problèmes de synchronisation entre la productivité de la composition typographique et celle de la presse, et ainsi de suite. La « grammaire de la lisibilité » n’est autre que l’ensemble des dispositifs que d’abord les copistes, puis les compositeurs typographiques, devaient appliquer à la mise en page, à la mise en texte et aux caractéristiques périgraphiques de la transcription afin de faciliter au maximum les diverses manières de lire un ouvrage et d’accroître le confort du lecteur sans pour autant compromettre, dans la mesure du possible, la vitesse et l’ergonomie du travail. Ces dispositifs sont en fait l’expression concrète d’un ensemble de règles qui, étant transmises par le verbe et l’exemple dans le secret des ateliers, n’étaient presque jamais formulées par écrit. Or, si certaines de ces « règles » ont une portée universelle et sont visibles au premier coup d’œil – donc connues de tous ceux qui pratiquent la lecture – d’autres, au contraire, font partie de ce qu’on pourrait appeler « la face cachée du livre » et s’abritent derrière le faciès apparemment homogène, et donc rassurant pour le lecteur, de la page écrite. Autrement dit : pour mettre en œuvre cette démarche, il faut non seulement vérifier que les règles connues de tout le monde étaient appliquées avec diligence, mais encore, et surtout, il faut essayer de déceler, au sein de pratiques qui semblent relever du pur hasard et de l’arbitraire le plus capricieux, les comportements qui n’attirent pas l’attention et dont personne ne soupçonne l’existence. La « grammaire de l’élégance » est la somme des savoir-faire qui transforme une panoplie de signes graphiques isolés et juxtaposables en un tracé continu et presque « naturel » où les signes s’agencent harmonieusement sur la ligne et s’adaptent les uns aux autres comme s’ils étaient faits pour se côtoyer. Ces deux « grammaires » sont interdépendantes et peuvent même entrer en contradiction : l’exemple de la textualis d’apparat, couramment employée dans les manuscrits liturgiques, est là pour nous rappeler que la perfection formelle des signes ne va pas nécessairement de pair avec l’intelligibilité du tracé. Mais il est vrai, aussi, qu’une contiguïté trop étroite ou, au contraire, des hiatus excessifs entre les signes sont susceptibles de créer des ambiguïtés et de dérouter le lecteur. Pour décrypter les règles de l’art qui nous demeurent cachées, il n’y a pas d’autre solution que de procéder à une véritable « autopsie » de la page écrite. Certes, l’examen ligne par ligne des particularités d’une réalisation graphique est horriblement long et ennuyeux, mais il est malheureusement nécessaire. Cet examen gagne souvent, dans une première phase, à être mené « en aveugle ». En effet, si dans certains cas l’imagination et l’expérience acquise peuvent permettre de formuler a priori des questions potentiellement fécondes, dans d’autres, en revanche, seule l’analyse lettre par lettre du tracé pourra mettre en lumière des phénomènes qu’il était absolument impossible de prévoir. C’est pourquoi le concept même d’autopsie d’un document écrit présuppose que, dans la manière même dont les signes font leur apparition dans la ligne, l’on arrive à percevoir des régularités et des irrégularités pouvant être interprétées
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en termes de règle et de transgression ; que l’on formule des hypothèses en conséquence et que l’on définisse des situations discriminantes qui permettent d’en vérifier la pertinence ; que l’on applique des méthodes rigoureuses de validation de l’hypothèse retenue ; que l’on explique, enfin, les motivations et les finalités de tel ou tel comportement artisanal. Dans cette perspective, également, travailler à la fois sur le manuscrit et l’imprimé ne constitue pas un vœu pieux ni un parti pris aussi vain que radical, mais une véritable condition sine qua non. Non seulement, bien sûr, parce que la plupart des pratiques de lisibilité mises en œuvre dans le livre imprimé avaient déjà cours dans le manuscrit, mais aussi, inversement, parce que le caractère fondamentalement différent des deux techniques de reproduction, voire des deux systèmes de production du livre, change le contexte dans lequel ces pratiques émergent, se maintiennent, se développent, se généralisent ou au contraire sont abandonnées. En effet, le substrat technique et économique entièrement nouveau peut en changer le champ et les modalités d’application, le pouvoir coercitif et même, parfois, la signification. Dès lors, l’opposition entre la règle et la transgression peut demeurer apparemment identique dans les deux cas tout en étant dans les faits profondément bouleversée : des règles qui étaient fonctionnelles à l’époque du manuscrit – et donc appliquées à bon escient, voire spontanément parce qu’elles étaient nées précisément pour faciliter le geste – deviennent de pures conventions ; elles ne sont plus rentables en termes d’ergonomie et ne peuvent être maintenues qu’au nom de la tradition ou des principes esthétiques. Il arrive aussi que les règles auparavant en vigueur deviennent plus contraignantes et parviennent à se généraliser précisément parce qu’elles sont plus faciles à appliquer dans le nouveau contexte. Mais bien plus souvent le type particulier de contrainte que subit le typographe peut rendre beaucoup plus difficile l’application des règles traditionnelles, si bien que leur portée finit par se restreindre comme peau de chagrin. Ces mutations sont intéressantes à étudier parce qu’elles jettent quelque lumière sur la manière dont la réalité matérielle interagit avec les exigences culturelles prises au sens large. On voit donc que, pour l’historien des aspects matériels de la culture écrite, l’incunable possède deux qualités irremplaçables : en premier lieu, le fait que le procédé de duplication mécanique manipule uniquement, dans sa première phase, des objets concrets et discrets au sens mathématique du terme dont la juxtaposition relève d’un acte non spontané et réfléchi. En deuxième lieu, le caractère très aigu des contradictions matérielles que doit affronter le typographe : qu’il s’agisse de la contrainte imposée par la justification des lignes, des limites quantitatives de la fonte ou des barrières engendrées par la rupture de la séquence naturelle du texten elles sont bien autrement redoutables que celles qui gênaient auparavant le copiste. Dès lors, les capa n On sait que, dès le moment cités professionnelles du scripteur sont poussées dans leurs retranchements où la presse à deux coups est les plus extrêmes et c’est alors, précisément, que l’on peut avantageusement adoptée par les imprimeurs, il n’est plus possible de composer observer la manière dont le système s’organise et fonctionne.
les pages en séquence « naturelle » (celle qui correspond à l’ordre du texte) : en effet, la première et la dernière page du cahier doivent être imprimées simultanément, et les caractères mobiles sont en nombre insuffisant pour pouvoir composer d’une seule traite la totalité du cahier.
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Ces deux caractéristiques rendent beaucoup plus aisée et performante l’analyse de l’univers normatif sous-jacent à la transcription des textes. Mais qu’est-ce qu’on appelle « règle » dans l’univers du livre médiéval ? En fait, nous avons affaire à un système complexe, à un ensemble indissociable constitué par des modalités de prescription – qui ne sont pas toujours des diktats – et des modalités de transgression qui ne sont pas toujours et nécessairement des erreurs. Il y a des règles qui ne peuvent jamais, dans le cadre d’une pratique déterminée, être appliquées à %, et l’on doit alors raisonner en termes de marge de tolérance ; d’autres sont rendues tout à coup inapplicables par une contingence imprévue ; il faut savoir, dans ce cas, comment pallier les inconvénients et, si la règle ne peut être appliquée intégralement, il faut décider de ce que l’on privilégie et de ce que l’on sacrifie : on essaye, bien sûr, de maintenir le navire à flot mais, quand on fait naufrage, on sait que ce sont les femmes et les enfants qu’il convient de sauver d’abord. L’analyse de l’opposition règle / transgression se révèle très précieuse quand il s’agit de construire l’histoire de la « grammaire de la lisibilité » et de la « grammaire de l’élégance », car non seulement les règles évoluent, mais, du fait de l’émergence de contingences nouvelles, évolue aussi la manière de les transgresser selon une dialectique qui permet de mieux éclairer l’interprétation des motivations et des finalités des artisans du livre. Mais cette analyse est précieuse, aussi, lorsqu’il s’agit de reconstituer les modalités de fabrication d’une édition imprimée dans la mesure, plus précisément, où elle est susceptible de nous dévoiler la segmentation du travail de composition en plusieurs sections et la chronologie relative de l’ensemble. Mais alors que, pour l’histoire de la lisibilité, l’étape essentielle de la démarche est constituée par l’identification de la règle, la poursuite de ce deuxième objectif repose, en revanche, sur l’analyse de la transgression. Ce type de finalité présente finalement bien des analogies avec la critique textuelle : le respect unanime et sans défaillance d’une règle quelconque – de même que de la bonne leçon par l’ensemble des copistes – ne revêt strictement aucun intérêt. À côté de la liste des transgressions, il faudra naturellement ajouter celle des pratiques neutres, c’est-à-dire les diverses manières d’occuper les rares niches de liberté offertes à la pratique artisanale. Il y aurait beaucoup à dire – et surtout beaucoup à définir – sur les deux notions de « règle » et de « transgression », et tout d’abord sur la relativité du concept dans les conditions d’observation qui sont les nôtres. En l’absence de toute norme explicitement formulée, nous devons nécessairement extrapoler l’existence d’une règle à partir de la fréquence d’une pratique et de sa stabilité dans diverses situations. Cet exercice est évidemment d’autant plus difficile que le rayon de diffusion de la « règle présumée » est restreint, que la contrainte qu’elle exerce est faible et que sa stabilité au sein d’un document graphique, ou d’un corpus de documents, est peu assurée. Quant à la transgression, il n’est pas facile, ni d’établir qu’il s’agit d’une véritable transgression, ni, dans ce cas, d’en déceler les circonstances atténuantes ou aggravantes. Chacun sait qu’un écart par rapport à la pratique dominante se prête souvent à plusieurs interprétations et que ses connotations sont polyvalentes. Il peut s’agir, avant tout, non pas d’une transgression,
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mais des premières manifestations d’une innovation délibérée, en rupture avec les pratiques précédentes ; il peut s’agir, également, d’une exception non seulement admise, mais préalablement codifiée en prévision de telle ou telle éventualité, et pouvant même, de ce fait, avoir force d’obligation. S’il y a vraiment transgression, nous pouvons avoir affaire non pas à une faute, mais à une dérogation consciente, tolérée comme un pis-aller dans certaines circonstances, lorsqu’il est impossible de faire autrement. S’il y a faute, elle peut être due à la fatalité, lorsque la responsabilité de la transgression se trouve ailleurs que chez l’opérateur direct ; à l’environnement, lorsque les conditions de travail viennent contrecarrer la bonne volonté de l’opérateur ; à la négligence, lorsque ce dernier ne fait pas preuve de bonne volonté ; à un malentendu, lorsque les modalités d’application de la règle ont été mal comprises ; à l’ignorance, lorsqu’on ne connaît même pas l’existence de la règle.
Écriture manuelle et écriture « artificielle » Il est très difficile d’aborder une opération aussi pointue que l’autopsie d’un incunable sans essayer de cerner les aspects fondamentaux de la problématique des écritures manuelles et artificielles et de construire pas à pas un arsenal terminologique efficace, à savoir non seulement précis et cohérent, mais aussi « aisément maniable par le spécialiste et o Mais que faire devant une compris sans effort par le lecteur ». Il ne s’agit pas, bien sûr, d’élaborer je pléthore de termes qui désignent une même entité dans des ne sais quel « lexique de la prototypographie » à l’usage universel des trop contextes et des langues différenrares spécialistes de la discipline. Ce qui est nécessaire, c’est essentiellement tes ? Les typographes appellent « corps » d’une police ce que les de forger de manière pragmatique un outillage lexical limité, mais malgré paléographes appellent bien à tout performant, au fur et à mesure que le besoin s’en fait sentir. Cela prétort « module » d’une écriture (le terme « module » étant de plus suppose avant tout que l’on donne corps à des concepts, notions et situaen plus employé pour désigner tions qui, n’ayant pas fait jusqu’ici l’objet d’un intérêt spécifique, n’ont les éléments de base simples de pas été clairement circonscrits, formulés et nommés par les historiens du toute construction complexe) ; les paléographes français appellivre. En fait, comme il arrive le plus souvent, l’étiquetage lexical n’est que lent « corps des lettres » ce que l’aboutissement d’une réélaboration conceptuelle du champ de recherche ; leurs homologues italiens appellent « nucleo » et les typogradémarche indispensable à la conduite de la recherche elle-même et dont il phes « œil » ; sans compter que serait illusoire, par conséquent, de vouloir faire l’économie. la « hauteur en papier » chez les imprimeurs n’a rien à voir avec Les nombreux néologismes qui émaillent ce travail constituent donc ce que les paléographes entenmoins des propositions adressées à la communauté scientifique pour dent par « hauteur des lettres » ou « module de l’écriture ». Par qu’elles soient universellement appliquées que des diktats purs et simples ailleurs, il faut souligner que le imposés au lecteur à l’occasion du présent exposé. Il serait absurde, en vocabulaire des imprimeurs, très effet, de brasser à tout bout de champ des locutions savantes là où le riche, précis et détaillé lorsqu’il s’applique aux caractères typolangage de tous les jours fait fort bien l’affaire ou de substituer sans raigraphiques et à l’outillage du son un jargon aux relents helléniques à la spontanéité du bon sens et au métier, s’appauvrit considérablement dès qu’il s’agit de définir les vocabulaire technique couramment employé par les professionnels de la propriétés de la page imprimée paléographie et de la typographie, lorsqu’il existeo ou de la casse.
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Aussi, le terme banal « caractère » demeure-t-il assurément le bienvenu tant qu’il ne sera pas dommageable de ranger dans un même sac les « particules élémentaires » d’un texte écrit considérées dans l’abstrait, les lettres tracées à la main par les copistes et les unités constitutives de la composition typographique, et qu’il ne sera pas nécessaire de faire la distinction, à l’intérieur du territoire même de l’imprimerie, entre le poinçon, la matrice, le caractère mobile et l’empreinte de ce dernier visible sur le papier. Dans un terrain annexe, le même raisonnement pourrait être appliqué à la notion quelque peu nébuleuse d’« abréviation » ; terme dont l’usage est dans la plupart des cas sans danger, mais qui amène à confondre allègrement le signe abréviatif proprement dit, l’ensemble formé par le signe et la lettre qu’il connote, l’acte d’abréger et la manière d’abréger… et l’on pourrait citer bien d’autres exemples. Toute réflexion portant sur des champs « pointus » ne peut mal p Mais, bien sûr, rien n’emheureusement faire abstraction de quelques considérations d’ordre très pêche de les compliquer à loisir. Ainsi, on pourrait parler de chirogénéral qui paraîtront inévitablement aussi banales et réductrices que gramme pour désigner d’un seul prétentieuses. Commençons donc par le début. mot un texte écrit à la main, et de typogramme pour désigner un Sans trop vouloir compliquer les chosesp, on peut considérer que texte écrit au moyen de caractères l’écriture – concrétisation sur un support d’un message cohérent appelé mobiles. Les termes manuscrit et imprimé sont tous deux inappro« texte » – est la juxtaposition ordonnée d’un certain nombre de signes priés car, dans l’usage quotidien, ou unités de base que, pour ma part, j’appellerais volontiers graphèmes. ils ne permettent pas de faire la distinction entre le texte et l’obCe terme, bien qu’il présente aujourd’hui plusieurs connotations, peut jet qui le contient ; sans compter très bien être employé pour désigner tout élément signifiant dans la réaqu’un texte peut être imprimé lisation écrite d’une séquence textuelle : représentation d’un ou plusieurs par d’autres procédés que la typographie. De même, on devrait phonèmes (lettres), représentation synthétique de deux ou plusieurs graappeler respectivement chirophèmes (signes abréviatifs), représentation de nombres (chiffres), balises graphes (bien que ce terme ait acquis un sens très précis dans grammaticales (capitales) ou syntaxiques (signes de ponctuation). Une d’autres domaines) et typographes succession de graphèmes associée à une séquence textuelle quelconque les acteurs de l’écriture manuelle et ceux de l’écriture mécanique, constitue un « écrit » qui, dans le cas du codex, est nécessairement partile terme scripteur étant employé tionné en pages et segmenté en lignes. pour désigner l’acteur d’un écrit indépendamment de la techniOn pourrait appeler séquence graphiqueq la succession des divers graque d’écriture. Lorsque la clarté phèmes dans tout ou partie d’un écrit, abstraction faite de leur nature ; l’exige, il faudrait par ailleurs réplique, chaque réapparition du même graphème dans un écrit ; duplet, éviter l’emploi de copiste pour désigner le chirographe, dans la triplet… n-pletr une suite quelconque de deux, trois…, N graphèmes mesure où tant le chirographe consécutifs, indépendamment de leur mode de reproduction – manuelle que le typographe produisent des copies. Pour des raisons analoou mécanique – et, dans ce deuxième cas, de leur réalité matérielle, et
gues, on pourrait éviter de confondre le typographe – terme qui désignera ici uniquement le « compositeur », ouvrier qualifié qui aligne les caractères mobiles sur le composteur – avec l’imprimeur qui, abstraction faite de son éventuel rôle d’entrepreneur commercial et financier, était en tout cas le véritable maître d’œuvre de la totalité du processus de fabrication. q Les italiques accompagnent la première apparition, dans ce travail, tant d’un néologisme que d’un terme usité dont l’acception habituelle a été restreinte au domaine du livre ou de l’écriture. Par la suite, ils ne seront conservés que pour cette deuxième catégorie. r Ces n-plets sont bien entendu consécutifs et orientés (le duplet « ta » est différent de « at »), ce qui les distingue de n-grammes : assemblage dans une disposition quelconque de N graphèmes, en dehors du contexte de la séquence textuelle. Les n-plets sont donc un sous-ensemble des n-grammes.
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configuration graphique un segment de texte quelconque où l’on peut prendre en considération des duplets, des triplets, des n-plets. Enfin, la distribution de fréquence des graphèmes et des n-plets au sein de la séquence graphique pourrait être appelée profil graphique. Le profil graphique est corrélé premièrement à la langue et secondement à la nature (contenu et propriétés stylistiques) du texte. Comme pour tout phénomène aléatoire, ses variations sont d’autant plus importantes que la fréquence des graphèmes et de leurs cooccurrences est faible et que l’échantillonnage du texte est limité. Il est évident, cependant, que la séquence graphique ne peut être entièrement réduite à un processus aléatoire. Ainsi, la corrélation avec la langue fait en sorte que certains n-plets se rencontrent beaucoup plus fréquemment que d’autres, ce qui n’est pas sans impact sur l’évolution des écritures manuelles ni même, bien sûr, sur la pratique de l’art typographique. Par ailleurs, la corrélation avec le contenu et la nature du texte est susceptible d’engendrer des variations systématiques, localement importantes, du profil graphique dont la soudaineté et l’imprévisibilité peuvent représenter une gêne non négligeable pour le typographe. Nous y reviendrons. Dans les écritures dites alphabétiques, la plupart des graphèmes sont la représentation conventionnelle, matérialisée sur un support, d’un ou plusieurs phonèmess. Un alphabet général est la collection exhaustive des graphèmes considérés comme nécessaires et suffisants pour écrire tous les textes possibles dans une langue ou s Bien entendu, dans les alphabets conventionnels, la corresgroupe de langues quelconque. On parlera donc d’alphabet latin, grec, pondance « un graphème = un cyrillique, etc.t L’alphabet utilisé dans une langue déterminée est le plus phonème » est tout à fait illusoire souvent un sous-ensemble plus ou moins riche de l’alphabet général. et, pour un même alphabet, peut différer dans chaque langue. Si l’alphabet est une collection exhaustive de graphèmes, le gra t » Alphabet latin » (malphème est lui-même une entité complexe. Chaque graphème est en effet heureusement on ne voit pas comment remplacer l’adjeccomposé d’un certain nombre de traits élémentaires – que l’on pourtif « latin » – historiquement rait appeler protèmes (contraction de protographème) – qui peuvent être exact – par un terme plus pertinent) est préférable à « écriture communs à plusieurs graphèmes du même alphabetu (ou même d’alphalatine ». Le terme « écriture » est bets différentsv), mais dont le nombre, la disposition et la combinaison en effet fortement amphibologique et, même dans l’acception définissent implicitement un « patron morphologique invariant » – une qui nous intéresse ici, il n’est pas quintessence [graphique], en quelque sorte – associée de manière immésynonyme d’« alphabet ». D’une diate et univoque à l’un des graphèmes de l’alphabet, et à lui seul. part, il a une portée plus vaste – car il s’applique également aux écritures non alphabétiques – de l’autre il est différemment connoté : la notion d’« alphabet » renvoie à une collection idéale de graphèmes tous différents, celle d’écriture à une succession réelle de graphèmes tracés sur un support ; graphèmes dont la fréquence varie en fonction du profil graphique du texte. u Un cas extrême et particulièrement représentatif de l’existence et de l’utilisation de protèmes relève d’une situation où l’état de la technologie impose des solutions drastiquement simplificatrices. Il s’agit de l’alphabet numérique de nos calculettes : un seul protème modulaire, placé verticalement ou horizontalement, variable en nombre de un à sept et différemment combiné, permet de représenter les dix chiffres de la numérotation arabe (et également la presque totalité de l’alphabet latin, si l’on accepte le mélange des capitales et des minuscules). D’autres cas tout aussi « spectaculaires », bien que (ou plutôt parce que) destinés à des perceptions autres que visuelles, sont l’alphabet Braille et l’alphabet Morse qui partagent d’ailleurs, dans des contextes tout à fait différents, un même protème : le point. v Les graphèmes communs peuvent représenter le même phonème (ainsi le A, commun aux alphabets grec et latin) ou des phonèmes différents (le P dans ces mêmes alphabets).
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On peut donner une définition générale et bêtement pragmatique de cette quintessence : c’est en fait la description explicite dont il faudrait faire part à un analphabète éloigné – ou plus simplement à un enfant qui apprend à lire – pour lui permettre d’identifier un graphème en toutes circonstances. Ainsi, la présence simultanée de deux segments joints par leur partie supérieure et d’une barre transversale constituent la quintessence du A (non du a) dans l’alphabet latin, et ce, quelle que soit l’orientation des segments et de la barre qui les traverse, leur morphologie (rectiligne, curviligne ou ondulée), leur épaisseur etc. ; quelles que soient, par conséquent, les propriétés accessoires des protèmes. La quintessence est donc une propriété fondamentale qui caractérise chaque graphème appartenant à un même alphabet, et lui seul ; elle est donc sous-jacente aux innombrables « habillages »nm dont les protèmes peuvent être affublésnn Puisqu’elle nm Les « branchés » de l’informacaractérise individuellement chaque graphème, la quintessence est une tique dans le monde anglo-saxon utilisent le mot « skin » pour désipropriété disjonctive : c’est cette information, et elle seule, qui confère à gner les changements d’apparence un écrit son intelligibilité. d’une interface dont les fonctionnalités demeurent cependant Les divers « habillages » des protèmes – ou stylèmes – ont en revanidentiques. che une valeur conjonctive : la présence des mêmes stylèmes caractérise nn Par un hasard heureux, le en effet, chaque fois d’une manière différente, tous les « avatars canoniterme « protème » renvoie simultanément à protòs et à Protée. sés » de l’alphabet d’une langue ou groupe de langues, l’alphabet étant dès lors considéré non plus dans l’abstrait en tant qu’unité d’information, mais, d’un point de vue pragmatique, sous la forme qu’il revêt dans la pratique quotidienne de l’écriture et de la lecture. On pourrait dès lors appeler application l’opération qui consiste à affecter un ou plusieurs stylèmes à tous les graphèmes d’un alphabet, et déclinaison [graphique] l’avatar canonisé qui en constitue le résultat. Ces déclinaisons peuvent donc être considérées comme des alphabets-modèles « prêts à l’emploi » dont tous les graphèmes, dans la mesure où ils possèdent au moins un stylème en commun, sont destinés à cohabiter au sein de la même séquence graphique. On pourrait appeler réalisation [graphique] chaque utilisation d’une même déclinaison dans un écrit. Le terme déclinaison n’est utilisé ni par les typographes ni par les paléographes. Ces derniers parlent en général de « systèmes graphiques » ou de « types d’écriture » dont ils essaient d’établir la genèse et les interrelations et qu’ils s’efforcent également de classifier et de nommer avec beaucoup de prudence, voire de réticence, bien conscients qu’ils sont de l’instabilité évolutive des types, de la variété foisonnante des hybrides et, aussi, du manque de consensus qui caractérise le plus souvent ce genre de tentative périlleux. Les incunabulistes, eux, n’ont pas trop de soucis à se faire, car ils se contentent, dans leurs descriptions, de partager les déclinaisons de l’alphabet latin en trois grandes catégories – caractères romains, gothiques et, en guise de fourre-tout, demi-gothiques – à l’intérieur desquelles la classification des sous-types se heurte aux mêmes difficultés que chez les paléographes tout en suscitant moins de polémiques : la typologie des écritures est évidemment un enjeu scientifique moins important dans le domaine du livre imprimé. Toutefois, au fur et à mesure
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que, au fil des années, l’élaboration et l’application de stylèmes communs deviennent le fruit d’initiatives ciblées délibérément entreprises par des opérateurs connus, et que les diverses déclinaisons de l’alphabet assument le statut d’une marchandise dont on acquiert la propriété ou l’usufruit, la terminologie se clarifie et l’on peut dès lors parler de polices qui, étant clairement labellisées, peuvent être identifiées et nommées sans crainte de no Au sein de ce processus, confusionno deux stylèmes ont acquis proSi l’on appelle couramment police une collection de graphèmes gressivement un statut d’universalité – qu’ils conservent à pourvus de stylèmes communs matérialisée sur des poinçons, prédispoprésent – jusqu’à constituer en sée pour l’impression d’un texte et pouvant être réutilisée autant de fois quelque sorte une déclinaison commune à toutes les polices que l’on veut, pourquoi n’extrapolerait-on pas le même terme à l’univers livresques : le gras et l’italique. de l’écriture manuelle pour désigner telle ou telle déclinaison de l’alphaIl faut cependant souligner que bet latin ? Parce qu’aucune réalisation manuscrite d’une déclinaison ne l’application de ces stylèmes à une police ne doit en aucun cas possède la fixité d’une réalisation imprimée découlant d’une police. Dès être comprise comme une simple lors, il ne servirait à rien d’appeler « police » les patrons calligraphiquesnp transformation homothétique de cette dernière (inclinaison à qui, sous différentes formes, constituaient au Moyen Âge l’outil d’apdroite des graphèmes ou épaisprentissage de l’écriture, car ce terme n’aurait aucune valeur opératoire : sissement uniforme des traits). Dans certaines polices, comme le le rattachement, de toute manière impossible, d’un certains nombre de Palatino ou le Times new Roman, réalisations à un même patron calligraphique serait toujours trop imprél’italique participe en fait d’une « philosophie » qui a peu de cis pour fournir des informations utilisables à des fins heuristiques. C’est choses à voir avec celle qui inspourquoi, d’ailleurs le paléotypiste fonde son expertise sur le repérage pire leurs homologues romains : de stylèmes communs permettant de rattacher une réalisation anonyme un « redressement » de l’italique ne permettrait en aucun cas de à une police connue – ce qui conduit immédiatement à l’identification retrouver telle quelle la police d’un imprimeur et/ou à la datation d’une édition – alors que le paléogranormale, et même la quintessence varie dans un cas (« a » et « a »). phe, lui, fonde au contraire son expertise des « mains » sur le repérage de L’homothétie est beaucoup plus dérogations systématiques aux stéréotypes stylistiques communs à toutes poussée dans d’autres polices, telles que l’Arial ; mais l’on remarles réalisations d’une déclinaison donnée. quera, dans le mot transformation Bien sûr, polices et patrons calligraphiques relèvent d’une finalité par exemple, que l’inclinaison du trait vertical du « a » est moins commune. Il s’agit, dans les deux univers, d’élaborations paradigmatiprononcée que dans le « n » qui ques mûrement réfléchies qui visent explicitement le même but : garantir lui succède. la permanence et la stabilité des qualités fonctionnelles et esthétiques de np Inutile de préciser que ce terme est lui aussi absent de la l’écrit. Il faut faire en sorte, en substance, que toutes les répliques d’un terminologie paléographique. même graphème reflètent clairement et immédiatement sa quintessence, ce qui permet la lecture correcte et sans accrocs du texte ; il est nécessaire, aussi, de préserver l’homogénéité des stylèmes qui, elle, donne aux pages de chaque livre et aux lignes de chaque page l’uniformité d’aspect qui doit être la règle. Mais les analogies s’arrêtent là. Dans l’atelier typographique, les deux objectifs sont atteints grâce à des procédés de duplication mécanique : le graphème-modèle destiné à la composition typographique – qu’on pourrait appeler génériquement et dans l’abstrait typème – est d’abord taillé sur un poinçon (cette première matérialisation métallique du typème pourrait
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être dénommée androtype) ; l’androtype est ensuite gravé sur une matrice rectangulaire (cette nouvelle matérialisation du graphème pourrait être désignée par le terme gynotype) qui génèrera à son tour, par fusion dans un moule conçu ad hoc, une quantité préétablie de caractères mobiles : j’appellerai typon le graphème apparaissant en relief sur un caractère mobile, et homotypons le typons issus d’un même gynotypenq. La pression sur le nq Et non pas les typons qui support de la face encrée du typon génère enfin une empreinte qui pourreprésentent le même graphème. Il s’agit ici d’une filiation matérielle. rait être appelée « contreface »nr Seule la contreface s’offre au regard du nr Le terme anglo-saxon correslecteur (ce qui est heureux), mais c’est aussi (ce qui est en revanche fort pondant est typeface. Par analogie, on pourrait appeler homofaces les regrettable) le seul témoignage directement observable dont dispose empreintes des homotypons. l’historien du livre. ns L’emploi de ces néologismes tout à fait éphémères ne sert ici Dans le processus de copie manuelle en revanche, – que l’on pourqu’à marquer à la fois l’analorait appeler chirographique en opposition avec le processus typographigie et l’opposition par rapport à que – la stabilité des qualités fonctionnelles et esthétiques de l’écrit n’est « typème » et « typon ». Des amis paléographes m’ont déjà fait part jamais garantie à priori, car il n’existe aucun lien matériel, et pour ainsi de leurs réticences à l’égard de dire automatique, entre le graphème-modèle – que par analogie l’on cette terminologie. Ils ont tout à fait raison… tant qu’on n’a pas pourrait appeler chirème – et ses diverses réalisations sur un support que, besoin d’étudier simultanément par analogie avec les typons, on pourrait appeler chironsns. Le lien existe, l’écriture « naturelle » et l’écriture artificielle ; ce qui est hélas la bien sûr, mais il est purement mental : le chirème est d’abord mémorisé au règle. moment de l’apprentissage de l’écriture, puis il est chaque fois récréé par nt Sans qu’il y ait nécessairement une correspondance terme à terme le cerveau qui s’efforce de le reproduire à l’identique ou, le cas échéant, entre les deux. de s’en éloigner avec discernement et sans qu’on s’en aperçoive. Le chirème est en fait une entité conceptuellement beaucoup plus élaborée que le typème : en effet, un chirème « efficace » ne saurait se réduire au dessin d’un graphème, exposé dans un abécédaire ou tracé « à la volée » par le maître pour servir d’exemple à l’apprenti. Il s’agit d’un outil pédagogique destiné, comme on l’a dit, à être d’abord mémorisé puis imité, et c’est pour cette raison que le simple dessin du graphème n’a guère de valeur opératoire. Le chirème ne peut en effet jouer pleinement son rôle que s’il est accompagné de son « algorithme de reproduction » : décomposition en protèmes, transposition éventuelle des protèmes en « traits de plume »nt ordre d’exécution de ces derniers et ductus de chacun d’entre eux. Cependant, entre la représentation mémorisée du chirème et le chiron – donc entre le cerveau et l’écrit – il y a la main, la plume, l’encre, le support ; sans oublier ce que, dans les chaînes de montage de nos usines, on appelle le « respect des cadences » et donc, dans notre cas, la vitesse du processus de copie. Les interactions entre tous ces facteurs engendrent des « tensions » qui viennent inévitablement affecter la fidélité du chiron à l’image du chirème : ainsi, même dans les meilleures conditions, le chiron ne saurait être qu’une approximation plus ou moins réussie de son archétype graphique ; dans les pires – lorsque le chirographe est particulièrement pressé et/ou malhabile – la quintessence des graphèmes peut être elle-même perturbée, provoquant l’apparition de « grapho-chimères » – graphèmes inexistants dans l’alphabet – mais aussi, et beaucoup plus souvent, celle de « grapho-sosies » suite à l’uniformi-
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sation des protèmes qu’engendre nécessairement l’obéissance aveugle et nu L’apparition de « graphososies » est un phénomène qui incontrôlée à la loi du moindre effortnu affecte également – fait paraTout en étant la source d’un « bruit » gênant pour le lecteur, ces doxal – les écritures d’apparat du Moyen Âge tardif. Ainsi, dans la facteurs de contradictions constituent dans les faits l’un des moteurs de textualis formata, le nombre de l’évolution des écritures manuelles, en liaison avec les particularités de ce protèmes différents est réduit au minimum et la quintessence que nous avons appelé « profil graphique ». La distribution des duplets des graphèmes est constamment et des triplets dans une langue étant loin d’être uniforme, la répétition sacrifiée à l’omniprésence et à la régularité de stylèmes extrêmetrès fréquente dans le texte des combinaisons les plus fréquentes reprément figés. sente une sorte de « ligne de force » qui tend irrésistiblement à prendre nv Bien entendu, ce phénole contrôle de la plume ; invitation sournoise mais omniprésente à amémène n’est pas la seule cause de l’évolution des écritures. En tout liorer la rapidité et l’ergonomie du geste. Tôt ou tard, les déformations cas, dès que la contrainte gestuelle systématiques des graphèmes induites par ces points de passage obligés disparaît, l’écriture cesse d’évoluer par ce biais et les paléografiniront tout naturellement par être acceptées comme des stylèmes pertiphes cessent de s’y intéresser ; ce nents et seront intégrées dans une nouvelle déclinaison de l’alphabetnv en quoi ils ont doublement tort. om Voir, à ce sujet, l’analyse Cela dit, si cette conception quelque peu « platonicienne » de la minutieuse et exemplaire effeccopie manuelle comme matérialisation nécessairement imparfaite d’un tuée sur l’évangéliaire d’Henri le Lion : F. M. Bischoff, « Le modèle graphique idéal – et partant comme une manifestation inévitarythme du scribe. Analyse sérielle ble et permanente d’impuissance face à la perfection hors d’atteinte des de la densité de l’écriture dans archétypes – rend évidemment compte de l’activité du chirographe, elle les évangiles d’Henri le Lion », Histoire & Mesure, (), ne saurait à elle seule la résumer. En effet, même en l’absence de toute p. - [= « Zyklischer Schreibercursivité, le tracé manuscrit ne saurait être assimilé à un alignement rythmus. Zeitreiheanalytische Untersuchungen zur Schreibrigoureux de graphèmes immuables et figés : le chirographe pourrait-il dichte im Evangeliar Heinrichs reproduire les chirèmes à l’identique qu’il éviterait soigneusement de le des Löwen », dans Methoden der Schriftbeschreibung, hrsg. von faire. Pourquoi ? P. Rück, Stuttgart, Jan ThorParce que l’écriture manuelle, par son essence même, ne peut être becke Verlag, , s. -]. on Ce terme ne désigne ici, en autre chose qu’une suite incessante de micro-ajustements spontanés et contre-emploi par rapport à l’acpeu apparents, suggérés, voire imposées, par les configurations locaception habituelle, que les traits les du profil graphique. Dans cet univers perpétuellement changeant, qui relient artificiellement deux duplets. les archétypes graphiques n’ont pas à être reproduits dans les moindres détails, mais ils doivent être adaptés aux diverses circonstances. On sait, par exemple, que l’adoption de modules différents sur des pages plus grandes ou plus petites n’entraîne pas un agrandissement ou une réduction homothétiques des graphèmes ; de même, sur une même page, en fonction des exigences de la gestion de la ligne et de l’espace « scriptible », le chirographe est amené à dilater ou à comprimer le tracé, en jouant sur la distance entre les mots et/ou les graphèmes, ainsi que sur l’encombrement horizontal de ces derniersom Mais il y a plus : indépendamment de tout autre facteur, la morphologie d’un graphème doit chaque fois s’adapter à la position qu’il occupe dans le mot et, aussi, à la nature du triplet dans lequel il est inscrit. Ce phénomène est sensible, en particulier, dans les déclinaisons « gothiques » de l’alphabet latin : présence de ligatureson fusion de protèmes identi-
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ques adjacentsoo, rajout de traits d’attaque et de fuite, recours systématique à l’allographie : deux ou plusieurs graphèmes sont employés en alternance pour la transcription d’un même phonème, ou deux ou plusieurs variantes graphiques sont employées en alternance dans les diverses répliques d’un même graphème. Ce dernier phénomène constituera l’un des axes principaux de ce travail et nous y reviendrons donc très largement. En substance, toute l’habileté du chirographe consiste, en quelque sorte, à « insuffler de la vie » dans la succession impersonnelle et mécanique des graphèmes, jusqu’à les fondre dans une chaîne graphique fluide et harmonieuse où la fixité des formes et l’uniformité dimensionnelle peuvent être sacrifiées, le cas échéant, à l’impression d’élégance visuelle dont se satisfait le regard. Cela doit se faire en évitant tout changement et toute inégalité trop brusques et voyants, mais aussi, inversement, en veillant à ce que l’œil ne soit pas « endormi » par un excès de monotonie. Bref, les chirons doivent être une interprétation intelligente – et non une quelconque reproduction diligente – des archétypes dont ils sont l’émanation : plus que de chirons, il s’agit en fait de véritables « chiroplastes ». Ce comportement dialectique est favorisé par trois facteurs : . l’absence de rigidité qui caractérisait le processus de reproduction des oo Comme dans œ pour le textes dans le passé. De nos jours, un apogramme doit être la reproduction duplet . op Ces termes désignent uniquetout à fait conforme de son antigrammeop Tout ce que l’on admet de ment un texte-modèle et sa copie pouvoir changer de l’un à l’autre, ce sont la mise en page du texte, les directe (en droite ligne) et immédiate (sans intermédiaire), alors dimensions des graphèmes et la nature des stylèmes, à savoir la police qu’antigraphe et apographe désiutilisée. Ce principe vaut bien sûr également à l’intérieur du même gnent des témoins se succédant en texte : la réécriture de toutes les répliques d’un mot implique toujours, à ligne directe dans une tradition et mélangent donc les concepts de conditions égales, une interchangeabilité absolueoq texte et de livre. Au Moyen Âge, au contraire, la conformité d’un apogramme à son oq Cette exigence admet néanmoins quelques nuances. Ainsi, la modèle était strictement limitée au contenu du message, et la liberté « liberté de corps » et de mise en s’exerçait à plusieurs niveaux : les éditeurs de textes savent pertinemment page implique qu’un mot puisse se trouver en fin de ligne et qu’il soit qu’il est tout à fait irréaliste de vouloir tenir compte de la ponctuation donc coupé, alors qu’il ne l’était des témoins médiévaux, tant est flagrante l’absence de tout consensus pas dans l’antigramme ou dans une occurrence précédente. en ce qui concerne aussi bien la quantité que la morphologie et la or Vu l’ambiguïté du terme valeur des signes. Par ailleurs, les oscillations orthographiques ne sont « abréviation », dans la suite de cet pas rares, même dans un contexte aussi figé que celui de la langue latine. exposé nous utiliserons brachigraphie pour désigner le phénomène L’utilisation du système abréviatif permet quant à elle, bien qu’il ne en général. Indépendamment de sa s’agisse pas de sa finalité première, de modifier le profil graphique dans genèse et de sa morphologie, nous appellerons tachème un graphème de très larges proportions en fonction des besoinsor Enfin, on ne doit constituant à lui seul un signe pas oublier l’omniprésence de l’allographie. C’est pourquoi on peut abréviatif (par exemple, & pour la conjonction et) ; brachème un être certain, si l’on tient compte de toutes ces causes de perturbation, ensemble composé d’un graphème que les apogrammes médiévaux, même s’ils sont issus du même antiet d’un modulateur tachygraphique (par exemple : o¯). gramme, présentent toujours des différences importantes sur le plan
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os Un exemple saisissant de ce graphiqueos Autre conséquence : à l’intérieur d’un texte, l’habillage phénomène est représenté par la graphique de chaque mot est pratiquement imprévisibleot Bis in double composition de certaines idem transcriptum non descendimus. pages dans une même édition. Il s’agit pourtant d’apogrammes . La panoplie graphique constitue un continuum illimité. En d’autres très proches dans le temps et, termes, le chirographe peut produire un nombre infini de répliques peut-être, produits par le même typographe. tendanciellement identiques d’un chirème, sans se heurter à des pro ot Ce terme désigne l’ensemble blèmes d’approvisionnement. des diverses transcriptions théoriquement possibles (nombre et . Le tracé est virtuellement élastique. Le chirographe peut moduler nature des graphèmes) d’un mot autant qu’il le veut le « pas » des micro-variations morphologiques à l’intérieur d’un contexte chirographique ou typographique et dimensionnelles qu’il estime nécessaire d’introduire à tel ou tel donné. endroit de la chaîne graphique. ou Ce terme désigne, dans le . L’espace dévolu à l’écriture est perméable. Aucun graphème n’est jargon typographique, l’encombrement horizontal d’un caracentouré de frontières inviolables, ce qui permet de régler à loisir tère mobile. l’interrelation entre les signes, de partager l’espace interlinéaire entre les hastes et les hampes, de « globaliser » la portée d’un modulateur tachygraphique (tilde) en l’étendant sur la totalité d’un mot, et ainsi de suite.
Ainsi, dans l’écriture manuelle, la régularité et l’uniformité constituent une gageure presque impossible à tenir, alors que la souplesse relève d’un comportement spontané. Dans la typographie, en revanche, la situation est inversée : le typographe n’est pas du tout logé à la même enseigne car, au lieu de créer sans cesse des « chiroplastes », il manipule des « typostats » préfabriqués qui, aux yeux d’un lecteur, auront l’avantage d’apparaître pratiquement identiques. Mais, s’il dispose à l’égard de son antigramme d’autant de liberté que le chirographe, sa panoplie graphique est en revanche rigide, discrète – au sens mathématique du terme – strictement finie et sévèrement limitée. Le typographe est en effet obligé de gérer une fonte qui représente une « matérialisation rationnelle » de sa police. Le terme « rationnel » rend compte du fait que la duplication des typèmes n’obéit pas, pour des raisons évidentes, à une loi uniforme : la sorte (terme utilisé par les typographes pour désigner la quantité de caractères fondus pour chaque typème) varie en fonction de la fréquence d’utilisation des divers graphèmes et constitue donc une estimation – un sondage en quelque sorte – du profil graphique « normal » de la langue du texte. Lorsque l’estimation est imparfaite, ou le profil graphique d’un texte présente de fortes anomalies, le typographe doit faire face à une situation difficile. Nous reviendrons sur ce point qui représente (et tant pis pour le typographe !) un atout non négligeable pour l’historien du livre. Ajoutons, pour souligner davantage la « détresse » du typographe, que l’espace dévolu à l’écriture est imperméable : chaque typon est inscrit dans un rectangle matériel invisible sur le papier, (que l’on pourrait appeler aire métallique, le terme aire graphique désignant, en revanche, le rectangle strictement circonscrit au gabarit du graphème) de chasseou variable qui n’admet ni chevauchements ni superpositions.
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En substance, la régularité et l’uniformité constituent le résultat automatique du travail typographiqueov alors que la souplesse représente un objectif délibérément et péniblement poursuivi ; la tortue d’Achille, en quelque sorte. Pour la rattraper, rien ne sert de simuler le mouvement en le décomposant à l’infini : il suffit de courir… mais, précisément, il est difficile de courir avec des chaussures de plomb. Dans ces conditions, pourquoi ne pas renoncer d’emblée et définitivement à l’idéal de plasticité qui fait toute l’élégance de l’écriture manuelle ? Parce que, pendant une assez longue période – celle de l’« imprimé concurrent » où une bonne partie de la production s’adresse à un lectorat traditionnellement acquis au manuscritpm – le faciès de la page imprimée doit reproduire le plus fidèlement possible celui de la page manuscrite. Le nouveau procédé doit démontrer sa supériorité sur l’ancien non seulement du point de vue de la régularité – objectif facile dont les imprimeurs ne manquent jamais de se vanter – que de celui de l’élégance et de la fluidité sur lequel, en revanche, ils se montrent beaucoup plus discrets. Les problèmes les plus épineux ne proviennent pas de l’abondance des ligatures, des fusions, des traits d’attaque et de fuite, mais de ce que l’on pourrait appeler l’« approche apparente » : l’œil perçoit différemment la distance entre deux graphèmes en fonction de leur morphologie respective. Pour éviter cet inconvénient, le chirographe tend à ajuster insensiblement les approches réelles afin d’égaliser, ou du moins d’harmoniser, les approches apparentes. Ce type d’intervention est bien entendu interdit au typographe. Pour pouvoir le simuler de manière avantageuse, il devrait prendre en considération tous les triplets virtuels (dont la fréquence serait d’ailleurs différente pour chaque langue) et les matérialiser d’avance en créant expressément des typons utilisables à bon escient. Cette opération – déjà inimaginable dans la pratique à cause de la très grande quantité de triplets théoriquement envisageablespn – ne pourrait donner que des résultats imparfaits à cause de la nature discrète des caractères mobiles : ainsi, dans le mot sacrum, l’approche entre c et r, lorsqu’ils appartiendraient à deux typons différents – sac et rum – ne serait pas nécessairement satisfaisante, alors qu’elle le serait s’il existait un typon acr ou cru ; ce qui ne ferait que déplacer le problème, car l’approche entre s et a serait alors défaillante. Une autre « solution » consisterait alors à fondre, pour chaque graphème, des typons différents en prévision de tous les graphèmes qui pourraient le suivre ; ou alors, comme il adviendra par la suite, on fabriquera des polices qui seront insensibles, autant que possible, à ce type d’inconvénient. Ce sera la fin des écritures « gothiques » s’inspirant des pratiques de la copie manuellepo Cela dit, les imprimeurs de la fin du Moyen Âge étaient bien conscients de ce handicap « congénital » et s’efforçaient d’y remédier dans la mesure du possible. Ainsi, le tailleur de poinçons s’évertuait-il à simuler les ligatures et les fusions, en matérialisant sur un même
ov Sauf, bien entendu, lorsqu’il s’agit de justifier le texte en régularisant la longueur des lignes. pm Cette période s’achève vers la fin de la décennie -, au moment où la production se diversifie et où les crises imposent aux imprimeurs des politiques éditoriales moins ambitieuses sur le plan de la qualité. pn Si l’on ajoute aux graphèmes alphabétiques les trois tachèmes couramment utilisés dans l’écriture médiévale ([con], [us], [rum]), on dépasse allègrement combinaisons. Même si toutes n’ont pas d’existence réelle dans la langue, le total des triplets effectivement nécessaires serait de toute manière très élevé. po La Fraktur constituera précisément une réponse « gothique » à ce problème.
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androtype deux (duplème) ou trois (triplème) typèmes qui, une fois coulés dans un gynotype et transposés sur un caractère, donnaient lieu à des duplons ou triplons. Ces situations sont aisément reconnaissables au niveau des contrefaces visibles sur le papier car, bien que la quintessence des deux graphèmes demeure aisément reconnaissable, leur morphologie trahit sans équivoque ce type de traitement particulier : on voit bien, en effet, qu’il y a interférence entre leurs aires graphiques. De la même manière, il était possible de tailler des poinçons différents pour deux ou plusieurs variantes stylistiques d’un graphème (par exemple, avec ou sans trait d’attaque et/ou de fuite) pour qu’on puisse respecter en toutes circonstances les règles de juxtaposition en vigueur dans la déclinaison graphique utilisée. Cependant, une bonne partie du travail d’ajustement et d’optimisation des approches se faisait au niveau des matrices. Cette opération – appelée « justification » (à ne pas confondre avec la régularisation des lignes dans la forme destinée à l’impression) était l’apanage d’artisans qualifiéspp Néanmoins, quelle que fût la précision de pp Cf. H. Carter, A View of Early Typography up to About ce travail, la justification des matrices ne suffisait pas pour résoudre tous , Oxford, Clarendon Press, les cas à problème ; aussi avait-on recours à des dispositifs ad hoc. , p. : « The work is known Le principal d’entre eux est un perfectionnement apporté au moule in the trade as “justifying”, and it is difficult and laborious. On its dans lequel étaient fondus les caractères. Ce moule était en fait ajustable proper performance depends the en largeur au moyen d’un registre, si bien qu’il était possible, dans cerregular and even impression and generally the pleasing appearance taines limites, de moduler la « marge » des matrices et, par là, la chasse of the face […]. It is not a matdes caractèrespq Puisque l’ajustement pouvait se faire sur l’un des deux ter of mere mechanical accuracy, because it has to compensate for côtés latéraux ou sur les deux à la fois, on était à même de produire de optical delusions ». cette façon, à partir d’un même gynotype, au moins quatre typons justi pq Ibid., : « So he [Gutenberg] was faced by a problem of fiés différemment. On pourrait appeler conjugaisons les typons obtenus making letters uniform in two par ce procédé, dans la mesure où ils constituent des avatars d’un seul et dimensions and varying in the même androtype. third, or as a typefounders say, of the same body and height-toEn jouant sur ce dispositif, il semblerait que les imprimeurs aient paper but different in thickness. eu d’assez bonne heure l’idée de placer ensemble dans le moule deux ou The solution to the problem is the mould made of separate trois matrices pour produire un typon unique à partir de deux ou trois halves such that when they are typèmes. On pourrait appeler combinaisonspr ces typons issus de la juxput together they will slide parallel one against another. The casttaposition de deux ou trois gynotypes différentsps er’s grip close the aperture as far Il n’est pas exclu, par ailleurs, que les matrices donnant lieu à ces as the matrix allows. The width given to the matrix determines combinaisons aient été juxtaposées, dans certains cas, de manière plus the thickness of the casting. » élaborée. La question se pose, notamment, pour un certain nombre de pr Ce terme est calqué sur l’anglais « combination ». ps Ibid., p. - : « Grouped letters […] produced in this way are found in early printing, especially if the style of typography imitated an informal script. If the groups were made from single punches and matrices, they could not vary ; but variations of them in what is essentially the same typeface can be accounted for by different combinations of the matrices producing one piece of type. For exemple, the first typeface used at Oxford correspond exactly in all but six of the single lower-case letters and five of its combinations with one used by Ten Raem at Cologne, and yet pages set by the two printers have a different look. I think it is because Ten Raem used some combinations that the Oxford printer did not, and the Oxford man had about that were peculiar to him, and this affects the interval between letters and makes them look unlike. But there need have been only one set of matrices for both. »
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duplets – le plus souvent un graphème haut (comme le s en forme de crosse) suivi d’un graphème bas – qui s’emboîtent virtuellement l’un dans l’autre et semblent ainsi partager leurs aires métalliques. Puisque la simple juxtaposition des graphèmes aurait produit une approche apparente disproportionnée par rapport à la norme, et par conséquent disgracieuse, il n’y avait pas d’autre possibilité que de tailler sur les poinçons un androtype spécifique pour chacun des duplets de ce type envisageables dans la langue, ou alors de graver séparément deux androtypes sur des matrices emboîtables (crénage). Ce genre de solution – dont le résultat pourrait être appelé crénon – demeure hypothétique, mais il pourrait rendre compte de certaines fluctuations que l’on observe parfois dans l’approche de ces duplets ; fluctuations qui, s’il ne s’agit pas de « mirages » produits par l’interaction caractère/presse/papier, seraient dues, dans ce cas, à l’« élasticité » de la justification permise par le moule à registre. Notons cependant que la technique du crénage implique que l’on fonde deux typons pour chaque graphème pouvant être créné avec un graphème antérieur. L’ensemble de nature incertaine formé par les combinaisons et les crénons présumés sera désigné par les termes duploïde ou triploïde. Matériellement, aussi bien les duplons que les duploïdes représentent un seul et unique caractère dont la genèse est toutefois différente : taille d’un androtype rassemblant d’emblée les deux graphèmes dans le premier cas ; fusion d’un seul caractère à partir de deux gynotypes différents, dans le deuxième ; ou encore, en voie hypothétique, emboîtement de deux caractères dont l’aire métallique a été expressément taillée pour une adaptation réciproque. Comment distinguer ces différentes situations ? Puisque les caractères ont été perdus, l’examen des contrefaces ne permet la décision que lorsque l’unité des deux graphèmes est matérialisée par une ligature. S’il n’existe pas de ligature, tout duplet où la projection verticale des extrémités latérales des contrefaces se chevauchent peut être présumé comme étant un duploïde, sans qu’il soit possible – du moins en l’état actuel des observations – s’il s’agit de combinaisons ou de crénons. pt Il s’agit ici des réapparitions Quoi qu’il en soit, le degré d’usure des typons et leur interaction des mêmes typons, et non du même caractère mobile pris indiavec la presse, l’encre et le papier rendent souvent malaisée la reconsviduellement (que le cas échéant titution de la réalité métallique sous-jacente à l’apparence des contreon pourrait appeler clonofaces). Par définition, les répliques contenues faces : suite à des phénomènes de capillarité, l’encre se répand à partir dans une même page ne peuvent des arêtes émoussées et, en occupant les interstices entre les typons, fait être des clonofaces). pu Dans la suite de cet exposé, apparaître des continuités inexistantes. De plus, suivant les impuretés du sera notée s-t (ou tout autre grapapier et sa plus ou moins grande capacité d’absorption, elle se diffuse de phème) la succession de deux gramanière irrégulière et chaque fois imprévisible, au détriment de la netphèmes indépendamment de leur nature matérielle ; s+t le duplet teté de l’empreinte. Ainsi, il n’est pas rare que les nombreuses répliquespt formé par la juxtaposition de deux du même typème – qui sont en réalité des homofaces issues d’homotytypons portés par deux caractères séparés ; st le duplon issu d’un pons – acquièrent aux yeux de l’observateur un statut énigmatique et même gynotype ; s/t le duploïde risquent d’apparaître à première vue comme des réalisations légèrement dont la nature et la genèse sont incertaines (mais qui n’est sûremais délibérément différentes qui viendraient à tort enrichir – ou plutôt ment pas s+t). compliquer ultérieurement – la casse du typographepu s
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Quelques notions d’allographie L’ allographie est le phénomène grâce auquel deux séquences graphiques qui diffèrent par la nature et/ou le style des graphèmes peuvent néanmoins être interchangeables sur le plan de l’intelligibilité (mais pas nécessairement, bien entendu, sur le plan de la lisibilité ou de la réussite esthétique). Ce qui, dans ce phénomène, nous intéresse ici, ce ne sont pas les avatars que l’on observe habituellement dans plusieurs manuscrits ou éditions différentes, mais la plasticité graphique qui caractérise la chaîne textuelle à l’intérieur du même manuscrit ou de la même édition. Cette plasticité peut se manifester de plusieurs façons : Ë deux ou plusieurs graphèmes sont remplacés par un brachème (abréviation)pv Ë d eux ou plusieurs graphèmes de quintessence différente sont pv Le brachème est un ensememployés pour représenter le même phonème ble abréviatif, à savoir l’associaË d eux ou plusieurs variantes stylistiques d’un même graphème coexistion d’une ou plusieurs lettres avec un ou plusieurs tachèmes : tent dans la séquence graphique ainsi, €s, = quoque est un braË deux ou trois graphèmes consécutifs sont fusionnés dans un grachème formé par la lettre « q » et les tachèmes «°» et « Ó ». Dans les phème unique tout en gardant leur quintessence spécifique. fontes « gothiques », il est souOn appellera allographes, en général, les graphèmes ou groupes de vent constitué d’un seul typon. graphèmes pouvant être employés concurremment avec un ou plusieurs autres ; allogroupe l’ensemble des alternatives disponibles pour une configuration graphique donnée ; allème chaque élément concurrent au sein d’un même allogroupe. Par ailleurs, les allographes peuvent être classés en fonction de leur statut d’interchangeabilité. En d’autres termes, ils peuvent être libres ou ciblés. Ils sont libres lorsqu’ils coexistent sans obéir à une règle d’usage ; ils sont ciblés dans le cas contraire. Fort bien… mais comment fait-on pour distinguer les deux cas ? La réponse est simple. On reconnaît qu’un allème est ciblé lorsque sa fréquence d’apparition varie de manière cohérente et significative en fonction de telle ou telle situation : place dans la ligne, place dans le mot, nature des graphèmes environnants, gestion de l’espace disponible. En revanche, on ne peut jamais affirmer en toute sécurité qu’un allème est libre, car on ne peut jamais être sûr d’avoir testé sa fréquence d’apparition en fonction de toutes les situations théoriquement envisageables. On devra donc se borner à le considérer comme « apparemment libre », eu égard à toutes les situations qui ont pu faire l’objet d’un test. À tout allème reconnu comme ciblé correspond nécessairement un territoire d’habitation – sa niche – et un territoire d’exclusion, constitué par la niche des allèmes concurrents. Par ailleurs, on appellera cible chaque occurrence de la situation où l’allème devrait, ou aurait dû, être utilisé. Cependant, le degré d’occupation des niches – et donc le degré de contrainte de la règle – est variable : les allèmes peuvent être disjoints : chacun occupe exclusivement sa niche et ne jouit pas d’un droit d’inclusion dans la niche de ces concurrents ; emboîtés : l’un des allèmes – l’allème dominant – jouit d’un droit d’exclusion et, parallèlement, d’un
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droit d’inclusion dans la niche d’un ou plusieurs de ses concurrents ; sécants : les niches des allèmes s’interpénètrent mutuellement. Notons que les cas de figure peuvent être nombreux : un allème dominé, en ce sens qu’il est « envahi » par un concurrent, peut être majoritaire ou minoritaire dans sa niche ; inversement, un allème dominant, étant « envahisseur », n’est pas nécessairement majoritaire, même dans sa niche. Enfin, deux allèmes peuvent être à la fois ciblés, car ils possèdent bien une niche, et libres du fait qu’ils peuvent être affectés à la même niche et être interchangeables à l’intérieur de celle-ci. Quelle que soit leur finalité, le fait d’avoir affaire à des allèmes ciblés implique dans tous les cas l’existence d’une norme à laquelle le scripteur s’efforce d’obéir et c’est pourquoi l’analyse de l’allographie est très précieuse pour repérer l’existence des règles, telles qu’elles ont été définies plus haut. L’existence d’allèmes libres, elle, est plus difficile à expliquer : on peut songer, dans bien des cas, à une intersection provisoire entre deux stades stylistiques de la fonte : deux avatars d’un même graphème demeurent simultanément disponibles pendant un certain temps. L’avatar le plus ancien n’est plus fondu lorsque les caractères sont rendus inutilisables par l’usure et finit donc par disparaître. Mais cette explication n’est pas toujours valable. Notons que, dans l’univers de la typographie, l’existence d’allèmes ciblés présuppose un choix conscient de la part de l’opérateur ; il est donc nécessaire qu’ils soient contenus dans des cassetins différents, alors que les allèmes libres peuvent ou non être mélangés sans inconvénient. Cette exigence peut soulever des difficultés lorsque les allèmes sont peu différenciés, car la distribution des caractères après le passage des pages sous la presse peut en être sensiblement gênée. C’est pourquoi, à court terme, on peut assister à une contamination de la casseqm et, à long terme à une simplification tendancielle des fontes. Il qm Un cas typique est représenté s’agit de deux phénomènes que l’on aurait intérêt à analyser de manière par la coexistence d’i pointés et non pointés, les premiers étant utilisés systématique. avant ou après les lettres à jambages La problématique de l’allographie est particulièrement complexe et afin de faciliter la lecture. riche d’implications dans le domaine de la typographie. Pourquoi ? Parce que, d’après ce qui a été dit précédemment, il est clair que la fabrication d’allotypes constitue le moyen privilégié dont dispose le typographe, autant pour venir à bout des contraintes structurelles et conjoncturelles qu’il subit que pour simuler la fluidité de l’écriture manuelle. Considéré sous cet angle, le concept d’allotypie est davantage opératoire que celui d’allographie défini sur le plan général : en effet, du fait de leur plasticité morphologique, les chirons ne se prêtent pas autant que les typons à être distribués en classes parfaitement disjointes pourvues de propriétés spécifiques et suffisamment stables. Mais il y a plus : il s’avère, en effet, que du fait de la division poussée du travail qui, pour des raisons aussi bien technologiques qu’économiques, caractérise l’imprimé du xv# siècle, la fréquence de certains allèmes varie de manière systématique et significative non seulement en fonction de la configuration graphique, mais également selon la structure matérielle du livre. Cette particularité peut dès lors être exploitée pour reconstituer, dans la mesure du possible, l’organisation du travail et les stratégies de composition en usage dans tel ou tel atelier typographique. Malheureusement, les variations
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systématiques de fréquence que l’on pourrait observer d’une section de livre à une autre ne sont pas toujours faciles à interpréter : ainsi, l’absence de tel ou tel allème sur une page peut renvoyer aussi bien à une casse lacunaire qu’à un abandon délibéré de la part du typographe. Dans l’écriture manuelle, les seuls allographes ciblés reconnaissables sans équivoque comme tels ne peuvent être que les variantes figées et progressivement canonisées qui caractérisent les déclinaisons graphiques usitées dans la production livresque du Moyen Âge occidental : dans le groupe « gothique », il s’agit essentiellement du s long [S] en forme de crosse et du s rond ; du r droit et du r rond en forme de [x] ; du v et du u qui peuvent tous deux désigner les phonèmes u et v ; des brachèmes &et & pour représenter le duplet et ; le m habituel et le m en forme de [Ó] ; le d oncial et le d droit qui ne coexistent, cependant, que dans les sousgroupes graphiques apparentés de manière plus ou moins éloignée à la rotunda, couramment employée dans les manuscrits juridiques italiens. Tous ces allographes se retrouvent bien entendu dans les fontes typographiques, dans la mesure où les imprimeurs héritent tout naturellement du bagage graphique de la koinè culturelle européenne. Cependant, toute fonte peut également s’enrichir de duplons et de duploïdes spécifiques conçus ad hoc qui, tout en se rapportant à un même graphème, représentent des entités matériellement différentes. Il n’est donc pas étonnant que le phénomène de l’allographie soit beaucoup plus fréquent et répandu dans la typographie que dans l’écriture manuelle et ce, surtout dans la période primitive, où le livre imprimé veut s’affirmer comme une amélioration décisive par rapport à son prédécesseur et où les stratégies d’organisation du travail sont encore nombreuses et changeantes. En voici une illustration flagrante qui met en évidence les nombreux avatars typographiques d’un même mot : Ces cinq répliques du mot sacerdos se retrouvent à quelques pages, voire à quelques lignes
d’intervalle dans une édition dont il va être abondamment question dans les pages qui suivent. On y remarque, de gauche à droite : Ë l’emploi, classique et figé dans les écritures gothiques du xv# siècle, des deux allèmes disjoints s long et s rond, ce dernier ayant sa niche exclusive en fin de mot Ë l’emploi de deux allèmes de a, le deuxième ayant l’extrémité supérieure bouclée, dont on ignore a priori le statut Ë l’emploi de deux duploïdes différents pour sa, correspondant aux deux allèmes de a. Les aires métalliques du s et du a semblent s’interpénétrer, ce qui, bien entendu, est matériellement impossible
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Ë
l’emploi des deux allèmes du r – r droit et r rond [x]– ce dernier ayant sa niche habituelle après une lettre à panse (et qui d’ailleurs, pour cette raison, ne devrait normalement pas être utilisé après e) Ë l’emploi de deux allèmes différents pour le d oncial dont on ignore également le statut Ë l’emploi de deux types de finale os, dont deux (dans les images et ) représentent un duploïde, et les deux autres la juxtaposition normale de deux typons. On notera, par ailleurs, que la chasse est légèrement moindre dans les trois premières images : on voit bien que l’allographie peut être également un moyen non négligeable d’ajustement apte à faciliter la justification des lignes.
Le terrain de l’enquête Puisque l’observation analytique de la chaîne graphique a été comparée à une véritable « autopsie », il est temps de parler du cadavre qui a été soumis à cette opération. Ce cadavre, n’est pas celui d’une personnalité livresque célèbre et hypermédiatisée, mais celui de M. Tout le monde ; et c’est là, précisément, que réside son intérêt. Le volume, qui porte l’identificateur ia dans l’ISTC et le nº dans le Gesamtkatalog der Wiegendrucke (GW), contient le Summa de auditione confessionis et de sacramentis de Johannes Aurbach, publié à Augsbourg par Günther Zainer en . Il s’agit d’un in-folio de feuillets de - lignes à la page. Les six cahiers qui le composent ne portent pas de signatures : le premier contient feuillets, les cinq autres . Le texte est écrit en caractères gothiques dont lignes occupent mm. L’ouvrage est un manuel à l’usage des curés dont l’ISTC recense exemplaires survivants. Deux d’entre eux se trouvent à la Bibliothèque nationale de France, et c’est l’un d’entre eux qui a servi de « cadavre ». Cette impression ne présente aucune caractéristique saillante par rapport aux impressions contemporaines ; par ailleurs, à l’intérieur de l’édition, le faciès de la page écrite ne présente pas de rupture remarquable : de ce point de vue, toutes les pages sont strictement interchangeables, à l’exception de celles qui présentent une accumulation excessive d’abréviations et qui, pour cette raison, frappent immédiatement le regard. Mais, précisément, ces pages-là aussi sont interchangeables entre elles, en ce sens que, contrairement à d’autres cas qui ont permis dans le passé, de déceler, grâce à ce moyen, la séquence de composition du texte, leur apparition dans le volume ou à l’intérieur du cahier ne correspond pas qn Cf. D. CDF, E. OGC6ID, à une disposition systématiquement significativeqn Cette situation n’est « Les séquences de composition pas anormale : nous sommes, en effet, en , et comme à cette époque du texte dans la typographie du xv# siècle : une méthode quantitala presse à deux coups n’avait pas encore été inventée, la composition tive d’identification », Histoire & et l’impression se faisaient page par page en séquence naturelle. Cela mesure, (.), p. -. ne signifie pas, cependant, que le nombre d’abréviations ne fluctue pas d’une page à l’autre. Des fluctuations, même importantes et brutales, sont en fait parfaitement perceptibles, mais elles ne se laissent pas reconduire à une quelconque régularité :
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elles découlent vraisemblablement de contingences spécifiques, des « catastrophes » aléatoires pourrait-on dire, dont la nature nous demeure pour l’instant mystérieuse. Il ne serait cependant pas très honnête de passer sous silence un détail très important : la dernière page du cahier « c » – le troisième, qui correspond à peu près au milieu du texte – est blanche. Cet indice suggère, bien entendu, que l’ouvrage a été divisé en deux parties, mais à strictement parler il ne prouve pas que la composition des deux parties ait été abordée simultanément et en complète indépendance par deux équipes différentes. Tout ce que l’on peut savoir a priori, c’est que la composition de la première page du cahier « d » a été commencée avant que ne soit terminée celle du cahier « c », et que la première partie a été mal calibrée par excès. À cette réserve près, il s’agit néanmoins d’un indice précieux qui a été utilisé en tant qu’« hypothèse étalon » : ainsi, chaque élément graphique et périgraphique retenu a été systématiquement testé en fonction de son éventuel caractère dichotomique ; en d’autres termes, on a déterminé si son « comportement » évoluait de manière significative et systématique d’une moitié à l’autre du volume. Le matériel graphique utilisé par Zainer – qui sera repris deux ou trois ans plus tard par son confrère et concitoyen Johann Schlusser – est un ensemble somptueux de caractères mobiles ; en quelque sorte, la Mercedes de cette culture graphique que l’on appelle « gothique ». L’ensemble a été prévu pour pouvoir s’adapter à toutes les situations : il présente, en effet, de nombreux allogroupes. À cette panoplie il faut ajouter un jeu très étendu d’abréviations – qui permettent a priori de faire face à toutes les exigences, même les plus impérieuses et imprévisibles, engendrées par les problèmes de régulation de l’espace – ainsi qu’un nombre conséquent de ligatures. Mais la fonte présente aussi un certain nombre de typons qui semblent être des « scories ». Il s’agit d’allèmes libres qui à première vue – mais ce n’est pas nécessairement le cas – ne semblent être autres que de simples variantes morphologiques étant de fait interchangeables : dans le bas de casse, deux a, deux d oncial, deux g, deux v angulaires ; dans les capitales, deux A, deux B, deux E, deux M, deux N et deux S. En première instance, la genèse et la raison d’être de ces allèmes qui – fait étonnant – seront conservés plus tard dans la fonte de Schlusser, demeurent obscures.
Méthode d’analyse On trouvera en annexe un tableau avec la liste des faits graphiques et périgraphiques dont l’analyse a donné lieu à un résultat positif. Il faut entendre par là à la fois les cas où la fréquence observée s’écarte sans conteste d’un comportement aléatoire – ce qui suggère, comme on l’a dit, l’application d’une règle – et ceux où la répartition des fréquences diffère de manière significative et systématique d’une section à l’autre de l’ouvrage, ce qui contribue, à son tour, à tracer les contours d’une segmentation cohérente du texte en fonction de l’organisation du travail au sein de l’atelier. Bien des situations, d’ailleurs, relèvent de l’un et de l’autre phénomène. En principe, ont été retenus tous les « comportements » saillants, à condition
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que la fréquence de l’effectif fût suffisamment élevée pour atténuer les effets des fluctuations aléatoires. Il ne faut pas oublier, en effet, que la traduction en nombre des caractéristiques graphiques et périgraphiques d’une séquence graphique souffre largement d’un inconvénient majeur : il s’agit du bruit qu’engendrent les variations du contenu même du texte ; phénomène redoutable plus que tout autre parce qu’il s’agit non pas d’un bruit de fond continu et de bas niveau, mais de variations majeures : chacun sait – et les typographes du xv# siècle en premier lieu, dans la mesure où ils en faisaient souvent les frais – que la répartition des mots, et par conséquent celle des graphèmes, dans un texte littéraire, est loin d’être uniforme et se caractérise essentiellement par l’alternance entre des « rafales » d’apparitions rapprochées et des plages de texte d’où les occurrences recherchées sont obstinément absentes. Si le nombre d’occurrences des lettres les plus fréquentes – notamment des voyelles – converge très rapidement vers la moyenne de la langue du texte, il n’en va pas de même pour les duplets, et surtout les triplets. Ces particularités structurelles du discours écrit entraînent la nécessité de regrouper les observations en segments d’une certaine longueur afin d’être assuré, d’une part que la fréquence du phénomène observé atteint le niveau minimal pour être justiciable des méthodes statistiques, de l’autre que ses modalités d’apparition sont suffisamment stables pour faire fi des fluctuations aléatoires. On voit donc où se trouve le risque : si les segments de regroupement sont trop courts, ce but ne pourra être atteint ; s’ils sont trop longs, on risque, au contraire, d’englober à l’intérieur de ces unités factices les véritables frontières entre les sections du livre qui correspondent à la segmentation de l’organisation du travail, et d’empêcher par conséquent l’identification de ces dernières. La solution adoptée consiste, bien évidemment, à conserver au départ une « unité de comptage » de longueur très restreinte, pour garder la possibilité de procéder à des vérifications fines ; dans notre cas, l’unité de comptage est constituée par une page de lignes de texte. À partir de cette unité de base, il a été immédiatement opéré un premier regroupement en feuillets, en considérant comme improbable, même si c’est loin d’être impossible, que des changements radicaux dans l’organisation du travail puissent se produire au beau milieu d’une page ou entre un recto et un verso. Cela présuppose – ce qui a été préalablement vérifié – que la composition typographique ne procède pas par faces (recto-recto, verso-verso), comme c’était la règle, à la même époque, dans certains ateliers de presseqo L’étape suivante de la procédure a abouti à l’identification des points qo C’était le cas, notamment, de rupture entre deux feuillets consécutifs. En simplifiant beaucoup l’expour les in-quarto imprimés par Ulrich Zell à Cologne (cf. F. plication, il suffit de préciser qu’a été calculé, pour chaque phénomène Jenkinson, « Ulrich Zell’s Early observé, l’écart de sa fréquence entre un feuillet donné et le feuillet préQuartos », The Library, # série, (), p. - : -). Dans la même ville, la même technique était adoptée dans les in-folio de Johann Koelhoff le vieux (cf. par exemple Cicero, Pseudo-. Rhetorica ad Herennium. [Köln, Johannes Koelhoff der Ältere, ca -.] ; H (GW ). Cf. D. CDF, E. OGC6ID, « Les séquences de composition », art. cit., p. .
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cédent. La somme de tous les écarts en valeur absolueqp a fourni un qp C’est-à-dire abstraction faite du signe de la variation, faute de coefficient de rupture inter-feuillets. Les résultats sont représentés dans le quoi les écarts auraient fini par se graphique où sur l’abscisse sont portés les feuillets et, en ordonnée, la compenser. qq Pour éliminer l’impact des valeur « standardisée » de l’écartqq Ainsi, les pics correspondent grosso différences d’échelle, toutes les modo aux cas où l’écart entre deux feuillets consécutifs est supérieur à la fréquences ont été préalablement centrées par rapport à leur moyenne générale, les creux à la situation contraire. valeur moyenne dans l’incunaSi l’on regarde ce graphique, on observe aisément que la presque ble en question et réduites en les divisant par l’écart-type. C’est totalité des pics se trouve en correspondance de la frontière entre deux ce procédé que les statisticiens « demi-cahiers », donc soit entre les pages vº d’un cahier-rº du cahier appellent « standardisation ». suivant, soit entre les pages vº-rº du même cahier, puisque nous avons affaire à des quaternions. Les exceptions sont fort peu nombreuses, et il convient en tout cas de souligner qu’une seule frontière entre deux « demi-cahiers » coïncide avec un coefficient de rupture inférieur à la moyenne. Cette caractéristique systématique suggère une hypothèse de départ : le texte, après avoir fait l’objet d’une division en deux grandes sections, a été traité par demi-cahiers, deux demi-cahiers successifs ayant presque toujours été composés dans des conditions différentes ; ce qui signifie « avec du matériel différent et/ou par des ouvriers différents ». Il faut préciser tout de suite que cette hypothèse n’implique pas que ces demi-cahiers constituent des blocs absolument monolithiques : même si le travail a été préprogrammé en fonction de ce type d’organisation, il est plus que probable que cela n’a pu se faire sans un certain nombre d’ajustements et d’adaptations, imposés par des facteurs inconnus. Cela étant, pour faciliter la compréhension de l’exposé, dans tous les graphiques qui vont être montrés l’axe de l’abscisse sera subdivisé en demi-cahiers se succédant dans l’ordre du texte.
Pratiques de composition La « gestion » de la ligne et la structure du texte Certains parmi les phénomènes analysés – en vérité peu nombreux – peuvent être interprétés sans ambiguïté comme l’expression de comportements individuels, et non comme la conséquence de contraintes matérielles. Ainsi, le graphique présente la manière dont ont été traités, dans notre incunable, trois phénomènes dont l’un commence à peine à être connu et les deux autres paraissent, jusqu’à plus ample informé, avoir été complètement ignorés jusqu’à présent. Le premier est la fréquence des mots coupés en fin de ligne. Comment peut-on savoir s’il y a ou non une tendance à limiter le nombre de coupures ? Une enquête menée sur ce phénomène – qui sera ici désigné d’une manière plus concise par le terme lexitomie – nous livre entre autres une approche théorique sur le plan quantitatif : on peut démontrer en effet, grâce à une procédure de simulation, que si l’on est dépourvu de toute sensibilité face à la
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lexitomie et qu’on se soucie uniquement de respecter les lois de la syllabation, le taux attendu de coupures est d’environ %qr L’édition de Günther Zainer se maintient bien au-dessous de ce seuil, puisque la moyenne observée est de % environ et que l’on compte même % de pages où le nombre de coupures est nul. La limitation de la lexitomie est une règle qui traverse les grandes civilisations graphiques, car on sait maintenant qu’elle est observée dans le monde byzantin dès le ix# siècle ; on soupçonne qu’elle était respectée en Occident dès l’époque carolingienne, et en tout cas déjà au début du xi# siècle, tant dans le nord que dans le sud de l’Italie. On constate qu’elle était pratiquée, toujours en Italie, aux xiv# et xv# siècles, aussi bien dans la tradition du manuscrit gothique que dans les tout nouveaux manuscrits écrits en humanistiqueqs « Respecter » ; « observer » ou « pratiquer » cette règle, ce sont là des mots bien forts, car il s’agit, par la force des choses, beaucoup plus de l’expression d’un acte de volonté que d’une règle impérative. Cette pratique peut cependant être intégralement appliquée lorsqu’il s’agit de ne pas couper les mots entre deux pages : même là où le nombre de lexitomies en situation « normale » se maintient au niveau prescrit par les lois du hasard, on observe presque toujours un déficit, voire une absence, en fin de page. Qu’en est-il, en général, dans le livre imprimé ? Il est difficile, pour l’instant, faute d’études systématiques, de donner un aperçu général de la situation : bien qu’on ne dispose pas encore d’une étude systématique de corpus, dans beaucoup d’incunables de la « première génération », aux alentours de , la coupure en fin de page est purement et simplement interdite et la tendance à limiter de toute manière le taux de lexitomie est à peu près générale. C’est que nous sommes à l’époque que j’appellerais volontiers, pour ma part, de l’« imprimé séduisant » qui précède celle de l’« imprimé conquérant » ; c’est l’époque où les imprimeurs doivent prouver aux lecteurs que la nouvelle technique permet d’offrir un produit aussi performant et presque aussi luxueux que le manuscrit, mais sans délais d’attente et à un prix bien inférieur. Notre édition s’inscrit tout à fait dans ce contexte : non seulement il n’y a pas de coupure en fin de page, mais le taux de lexitomie en situation « normale » est l’un des plus bas qu’il m’ait été donné de constater dans les quelques incunables contemporains que j’ai examinés. On sait cependant, grâce à une enquête collective menée il y a une dizaine d’années, que cette situation privilégiée est loin d’être généralisée, et surtout qu’elle ne se prolonge guère dans le tempsqt L’« imprimé conquérant », après avoir été « séduisant », devient, du moins de ce point de vue, l’« imprimé décevant ». Le manque de soin dans ce domaine deviendra assez
qr Pour une réflexion globale sur ce phénomène, accompagnée d’une enquête détaillée portant sur les manuscrits byzantins, cf. M. Maniaci, « Alla fine della riga. Divisione delle parole e continuità del testo nel manoscritto bizantino », Scriptorium, (), p. -. qs Il est certain qu’au xi# siècle on évitait la lexitomie en fin de page dans toutes les aires graphiques italiennes (caroline, bénéventaine, italo-grecque). Données non publiées relevées sur plus de manuscrits. Sur cette enquête, cf. F. Bianchi, P. Canart, C. Federici, D. Muzerelle, E. Ornato, G. Prato, « La structure matérielle du codex dans les principales aires culturelles de l’Italie du xi# siècle », dans Ancient and Medieval Book Materials and Techniques, (Erice, september ), ed. by M. Maniaci - P. F. Munafò, Città del Vaticano, , vol., I, p. -). Pour les manuscrits italiens du Moyen Âge tardif, cf. M. A. Casagrande Mazzoli, E. Ornato, « Elementi per la tipologia del manoscritto quattrocentesco dell’Italia centrosettentrionale », dans La fabbrica del codice, Rome, Éditions Viella, , p. -. qt On trouve, par exemple, % de lexitomies dans l’imprimé français de la fin du xv# siècle (cf. C. Bozzolo, D. Coq, D. Muzerelle, E. Ornato, « Page savante, page vulgaire : étude comparative de la mise en page des livres en latin et en français écrits ou imprimés en France au xv# siècle », dans La présentation du livre, Actes du Colloque de Paris X-Nanterre, décembre , présentés par E. Baumgartner et N. Boulestreau, Nanterre, , p. , notamment p. ).
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rapidement la pratique dominante, et cela s’explique aisément : la technique des caractères mobiles augmente la capacité théorique de limiter de manière drastique le taux de lexitomie, puisqu’il est possible de recomposer la ligne jusqu’à l’obtention du résultat souhaité. Malheureusement, elle alourdit d’autant le coût de l’opération, puisque le respect de la ligne de justification devient un impératif universel. Il en va de même pour un autre aspect du phénomène « lexitomie », à savoir son marquage par un signe distinctif : lorsque l’imprimerie fait ses débuts, ce dispositif – destiné, dans la théorie, à faciliter la tâche du lecteur – qui était déjà présent depuis longtemps dans le manuscrit, devient un élément qui n’a plus rien à voir avec le confort de lecture et relève en fait de ce qu’on pourrait appeler « confort de composition » : la coupure est matérialisée ou elle ne l’est pas, selon que la présence d’une marque qu On pourrait penser que l’utilisation sporadique du marreprésente une aide ou, au contraire, une gêne pour la justification de quage est due à l’insuffisance de la lignequ Il est évident que ce mode d’emploi « à usage interne » du « tirets » disponibles dans la casse. Même s’il en était ainsi, cela ne marquage non seulement ne profite plus guère au lecteur, mais risque ferait que déplacer le problème à fort de le dérouter : que dirions-nous d’un passage à niveau qui tantôt se un stade antérieur du processus : ferme à l’arrivée du train, tantôt demeure ouvert, et ce de manière tout à le nombre de caractère fondus était systématiquement inférieur fait aléatoire ? Rien, sans doute, puisque nous serions déjà tous morts… aux besoins, pourquoi ? Soulignons, cependant, que dans notre incunable le taux de marquage est qv C’est ce qu’a constaté E. Cottereau, qui a étudié la très proche de % (pour cette raison, cette variable s’est révélée tout gestion de la ligne dans un corpus à fait inutilisable à nos fins). C’est un choix extrêmement rare, même à de manuscrits français des M>K#et MK#siècle (La copie et les copistes cette époque, que l’on retrouve d’ailleurs dans la Bible de Gutenberg. français de manuscrits aux xivet Les deux autres phénomènes représentés dans le graphique s’inxvsiècles. Étude sociologique et codicologique, thèse de doctorat sèrent, de manière cependant plus détournée, dans le même contexte en histoire de l’université Paris I que la limitation des lexitomies : rendre plus fluide le parcours du texte [déc. ], sous la direction de par les yeux et le cerveau du lecteur. Il peut paraître absurde, a priori, de Claude Gauvard). Dans cette opération, elle a utilisé une gaspiller quelques heures pour compter combien de fois la conjonction et « machine » à mettre en lignes apparaît en première ou en dernière position sur la ligne, tant on est sûr des textes fictifs conçue pour l’occasion par Denis Muzerelle. de retrouver, conformément à la loi des probabilités, une répartition très proche de % (niveau matérialisé dans le graphique par une double flèche horizontale). Voilà une partie de pile ou face bien stupide et, de plus, très chèrement payée en termes d’ennui, dirait-on assurément. Ces manifestations de scepticisme ne tiennent pas compte du niveau de professionnalisme qui caractérise, au Moyen Âge tardif, l’univers de la transcription des textes. Les résultats du comptage – qui englobe toutes les représentations graphiques de et (en toutes lettres, & ou « perluette », &tachygraphique) – sont en effet éloquents : au lieu des et occurrences attendues pour chacune des deux situations, nous en avons dénombré en tête de ligne contre à la fin. Le rapport entre les deux valeurs vaut donc ,. Ce résultat est d’autant plus remarquable qu’une enquête récente a montré que, pour des raisons purement mécaniques, la fréquence des mots courts (dont et fait évidemment partie) en fin de ligne est supérieure à la normaleqv. La
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motivation du déséquilibre observé ne semble pouvoir être que la suivante : il ne faut pas qu’il y ait d’hiatus entre la conjonction de coordination et l’élément final de la chaîne ; et, en tant qu’outil conjonctif, s’accommoderait donc mal de n’être pas être immédiatement suivi de son complément. Il a paru utile d’approfondir ultérieurement cette analyse en différenciant les diverses fonction du et : coordination entre lexèmes ou entre propositions. Si l’écart des fréquences entre le début et la fin de la ligne était réellement dû à un souci de lisibilité, on devrait observer que le décalage est plus accentué lorsque le rôle de et est syntaxique. Or, c’est effectivement ce que l’on observe : le rapport entre les deux fréquences vaut , lorsque et coordonne deux substantifs ou adjectifs, mais , lorsqu’il coordonne deux propositions. Ce résultat est important pour l’évaluation du statut culturel des typographes qui s’attelaient à la transcription des textes latins, et indirectement de celui de leurs prédécesseurs qui s’attelaient à la copie des manuscrits : ou bien ils étaient à même de comprendre les grandes lignes de la structure grammaticale et syntaxique du texte et pouvaient donc moduler leur comportement de manière élaborée, ou bien il ne la comprenaient pas et devaient se borner à l’application de recettes simples et faciles à retenir, telles que, précisément, « évite, si tu le peux, de finir la ligne par et ». Le résultat obtenu montre que la première hypothèse est la bonne : les ouvriers compositeurs étaient un personnel hautement qualifié, et non pas de simples « manœuvres » de la transcription. La troisième courbe du graphique vient à son tour confirmer ce résultat. Elle montre que les occurrences d’un mot avec l’initiale en capitale (il ne s’agit pas, bien entendu, de noms propres qui, du reste, ne débutent jamais par une capitale dans l’édition analysée) sont plus nombreuses quand il s’agit du premier mot de la ligne que quand il s’agit du dernier. L’inspiration de cette « règle » est en principe la même que celle de la règle précédente : il vaut mieux faire terminer la ligne sur une phrase de sens accompli plutôt que de faire débuter une phrase sur le dernier mot. C’est peut-être cette règle-là que nous avons transformée inconsciemment en critère esthétique, puisque certains d’entre nous sont gênés de voir débuter une phrase trop près de la fin de la ligne et que les manuels de typographie interdisent la présence d’une ligne trop courte avant un alinéa. On notera, cependant, que l’écart entre les deux situations est moins important que lorsqu’il s’agit de et et que, si le phénomène observé est très net dans la première moitié de l’ouvrage (rapport entre capitale sur premier et capitale sur dernier mot = ,), il est beaucoup moins accentué dans la seconde (rapport = ,). En fait, il n’y a rien, dans cette constatation, qui doive nous étonner, car la marge de manœuvre de l’opérateur était plus faible : en effet, alors qu’il n’est pas difficile de renvoyer à la ligne suivante un mot de deux lettres tel que et, la chose devient pratiquement impossible lorsqu’une phrase commence par un mot relativement long. On voit donc que l’analyse mériterait d’être menée plus loin : compte tenu du caractère très rudimentaire du protocole d’observation qui a été adopté, c’est presque un miracle que d’avoir pu faire ressortir une information utile en présence d’un bruit de fond aussi puissant. En réalité, pour mettre davantage
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en lumière le phénomène, il eût été judicieux de mettre en œuvre une procédure plus articulée qui aurait pris en compte la longueur du mot initial de la phrase. À ces deux aspects de la pratique des typographes, il faut en ajouter un troisième qui, pour éviter de trop surcharger le graphique, n’a pas été représenté : le traitement de la ponctuation avant un début de phrase, ce dernier étant signalé, comme dans le cas précédent, par la présence d’une capitale. L’édition de la Summa présente trois signes de ponctuation : le point, la virgule et un point situé à mi-hauteur de la ligne. Ces trois signes apparaissent tous, plus ou moins fréquemment, devant une capitale, mais il y a aussi un certain nombre de cas où la capitale n’est précédée d’aucun signe de ponctuation. La situation la plus attestée – qu’il faudra donc considérer comme « normale » – est celle où la capitale est précédée d’un point. Or, cette situation est significativement plus fréquente dans la première moitié du volume (% contre %). Un décalage analogue, mais en sens inverse, apparaît lorsqu’on a affaire au comportement le plus négligent, celui où la capitale n’est précédée d’aucun signe. Une fois épuisée l’analyse des pratiques périgraphiques, le même graphique peut maintenant être interprété en fonction de l’organisation du travail dans l’atelier de Günther Zainer. On notera ainsi que le respect des trois règles est moins assuré dans la seconde moitié de l’ouvrage que dans la première. Le phénomène est particulièrement évident pour la lexitomie : le pourcentage de mots coupés, bien que significativement moindre que ne le voudrait le hasard, est tout de même deux fois plus élevé dans la deuxième section de l’édition, si bien que les meilleures valeurs pour les cahiers d-f sont moins bonnes que les plus mauvaises des cahiers a-c. Pour le et la situation est plus nuancée, mais on remarque tout de même que l’excellent comportement des demi-cahiers a et c n’a pas de correspondant dans la seconde moitié de l’ouvrage. En ce qui concerne les capitales, on constate que la situation se dégrade assez nettement à partir du demi-cahier e . On observe, par ailleurs, que, surtout dans la deuxième section de l’édition, l’application des trois règles suit une allure cyclique : les demi-cahiers d , e et f sont moins soignés, de ce point de vue, que d , e et f . Les trois phénomènes dont il vient d’être question présentent un intérêt tout particulier du fait que l’application de ces règles est sans conteste indépendante de l’équipement matériel de l’atelier : limiter les lexitomies, renvoyer le et et les débuts de phrase à la ligne suivante, tout cela relève uniquement de la bonne volonté et du savoir-faire du typographe. La composition de la casse ne joue aucun rôle dans ces phénomènes ; dès lors, quand on observe des différences marquées et systématiques entre les divers segments identifiés dans un livre, c’est que les pages qui leur correspondent n’ont pas été composées par la même personne.
Le d oncial et le d droit La même certitude ne saurait être acquise pour ce qui est des deux règles graphiques qui ont trait, elles, à la morphologie du tracé, à savoir l’allographie d oncial/d droit et l’utilisation de la ligature st. s
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Dans la tradition graphique que l’on appelle communément et grossièrement « gothique », certains alphabets – notamment la rotunda utilisée aux xiii# et xiv# siècles dans les manuscrits juridiques de Bologne – prévoient l’emploi raisonné de deux d de morphologie différente. Le d droit, conservé d’après la tradition caroline, est employé devant les lettres à jambages, le d oncial, dérivé de l’écriture du même nom, devant toutes les autres. Cette règle est dite « règle de Meyer » d’après le nom du paléographe allemand qui en a découvert l’existence au xix# sièclerm Le graphique représente le diagramme d’utilisation du d devant rm W. Meyer, Die Buchstabenune lettre à jambages dans notre incunable. Une première particularité Verbindungen der sogenannten saute aux yeux avec la plus grande évidence : le contingent de d droits gothischen Schrift, Berlin, . rn C’est l’édition citée plus haut n’est jamais suffisant pour remplir totalement la niche graphique qui a à la n. . été affectée à ce typon. Autrement dit, la présence du d oncial à contreemploi (courbe en continu) n’est jamais nulle. La cause immédiate de ce phénomène est assurément une pénurie permanente de d droits dans les casses. On remarque d’ailleurs – et cette constatation n’est pas neutre lorsqu’on souhaite reconstituer les modalités d’organisation du travail – que la pénurie n’est pas uniforme : dans deux demi-cahiers, en effet, c et e , l’emploi du d droit dans sa niche est plus fréquent que celui de son antagoniste, tandis que dans deux autres (b et c ) cet emploi est pratiquement nul. Il est très probable que cela arrive parce que dans un cas il y avait surabondance relative du d droit dans la casse, alors que dans l’autre la pénurie était à peu près totale. Je pense, sans pouvoir pour l’instant le démontrer, que cette surabondance et cette pénurie sont en réalité liées. Pourquoi n’y avait-il jamais assez de d droits dans la casse ? La réponse la plus simple voit dans cette situation un accident de parcours, une indisponibilité provisoire, dans la fonte de Zainer, de ce typon qui, pour des raisons qui nous échappent, n’avait pas été fondu en quantité suffisante. Or, cette hypothèse est démentie à la fois par des considérations historiques et par le comportement du ou des compositeurs. Étrangement, à une bonne distance de la ville d’Augsbourg, à Cologne, on observe le même phénomène chez l’imprimeur Johann Koelhoff l’Ancien : dans une édition de la Rhétorique de Cicéron de -rn les rectos des feuillets sont composés avec une casse qui contient un petit nombre de d droits, employés conformément à la règle de Meyer, alors que les versos le sont avec une casse qui en est totalement dépourvue. Le d droit va d’ailleurs disparaître rapidement de la fonte de cet imprimeur et – fait troublant – il sera également abandonné par Johann Schlusser lorsqu’il réutilisera, lui aussi en , la fonte de Zainer. De pareils événements ne sont pas fortuits : de toute évidence, le statut du d droit dans ce type de fonte n’était pas suffisamment assuré. Pourquoi ? Deux explications concurrentes viennent à l’esprit. La première fait appel à la cohérence stylistique : l’intrusion d’un signe incontestablement étranger au « génie du gothique » était susceptible de troubler la rigueur monolithique d’un esprit profondément étranger à la culture graphique italienne. L’autre est de nature fonctionnelle : la forme du d droit avait une fâcheuse tendance à ressembler
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au duplet c-l dont les composantes, dans ce type de fonte, se présentent ro Cf. le tableau en annexe, étroitement accoléesro C’est sans doute pour cette raison, d’ailleurs, que nº d. Du reste, c’est encore le la haste du d droit est pourvue d’un long empattement à gauche, entorse cas aujourd’hui dans certaines fontes sans empattements. remarquable à la « philosophie de la haste nue » qui caractérise, une fois encore, ces fontes allemandes. Il faudra donc croire que la pénurie permanente de cet allème dans la fonte de notre incunable n’est pas un accident, mais le fruit d’un choix délibéré, et la pratique commune à tous ceux qui ont contribué au travail de composition vient confirmer cette hypothèse. Il faut souligner que cette pratique se différencie nettement de celle qui serait normalement suscitée par ce que l’on pourrait, pour traduire l’anglais shortage, appeler une « crise de manque ». Lorsqu’il y a crise de manque, les dérogations à la règle interviennent subitement et se succèdent, pour ainsi dire, en rafale, jusqu’à ce que la casse ait été réapprovisionnée. Toutefois, l’existence de ces rafales ne permet pas de conclure à elle seule qu’il s’agit réellement d’une crise de manque : le même phénomène pourrait aussi être engendré par le fait qu’un compositeur est brusquement remplacé par un autre dont les habitudes graphiques sont différentes. Comme on le verra, la preuve décisive de la « crise de manque » ne peut être que d’ordre mathématique. L’utilisation des d droits, telle qu’on la voit sur la page, ne corrobore en rien l’hypothèse de la « crise de manque » : leur remplacement par le d oncial ne se fait pas en rafales et, surtout, il n’obéit pas aux lois statistiques qui régissent ce genre de phénomène. On trouve le d droit plus ou moins fréquemment, mais toujours parsemé sur la page. Il faut dès lors se rendre à l’évidence : nous avons affaire à deux allèmes emboîtés dont la règle d’application se formule ainsi : non pas « chaque fois qu’un d précède une lettre à jambages tu utiliseras l’allographe droit », mais « si tu dois placer un d droit, attends d’être devant une lettre à jambages ». Bref, la formulation même de la règle comporte une conséquence paradoxale : son application est nécessairement sporadique. Mais nous n’en avons pas encore terminé avec nos deux types de d. On observe, en effet, une augmentation de % de l’emploi du d droit entre les deux sections de notre édition de la Summa. Comme le nombre de cibles potentielles de l’allème n’augmente que de %, on en déduit que la ou les casses ont été renforcées en d droits de manière plus que proportionnelle par rapport à cet accroissement. Ce qui est remarquable, c’est que l’augmentation globale des cibles du d droit n’est pas uniformément répartie : alors que les occurrences à l’intérieur du mot diminuent de %, les cibles en position initiale augmentent, elles, de %. Dans ces conditions, il serait normal, dans la mesure où, comme on l’a vu, les typographes parsemaient apparemment leur d droits au hasard sur la page, que l’augmentation de l’allème dans la casse se répartisse entre les deux situations au prorata de leur nouvelle fréquence. Or il n’en est rien : il suffit de regarder le graphique pour s’apercevoir que l’augmentation profite surtout au d droit à l’intérieur du mot ; sa fréquence dans cette situation augmente d’environ un tiers, alors qu’en position initiale le pourcentage demeure stationnaire. Le phé-
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nomène est très visible sur les demi-cahiers de la seconde section d , e et f dont l’attitude correspond à celle que l’on observe en c dans la première partie ; en revanche, les demi-cahiers d, e et f adoptent une attitude équilibrée. Encore une fois, donc, on observe un phénomène cyclique qui oppose deux demi-cahiers consécutifs. Cela, bien sûr, n’est pas sans signification, d’autant que, si la fréquence globale du d droit dépend vraisemblablement de son effectif dans les casses, la manière de répartir les caractères disponibles dépend, elle, uniquement de la volonté du typographe. La particularité observée vient donc corroborer l’hypothèse selon laquelle la nature cyclique des variations relèverait tout aussi bien de la variabilité de la casse que de l’intervention d’individualités différentes. Il reste à savoir pourquoi un ou plusieurs compositeurs de notre édition placent de préférence leurs d droits à l’intérieur du mot plutôt qu’au début. La réponse réside, selon toute vraisemblance, dans le fait qu’il existait une deuxième règle de répartition entre les deux allèmes de d. Cette règle – qui sera d’ailleurs reprise dans toutes les fontes s’inspirant plus ou moins fidèlement de la rotunda et qui se substituera assez rapidement à la véritable règle de Meyer – prescrit que le d oncial doit être utilisé en ouverture et en fermeture du mot, et le d droit à l’intérieur. Il est clair que dans les demi-cahiers c , d , e et f on assiste à une contamination de deux règles : « On peut utiliser le d droit lorsque le d est suivi d’une lettre à jambages, et on le fera de préférence lorsque le d se trouve à l’intérieur du mot ». Cela dit, que se passe-t-il à l’intérieur du d oncial ? L’examen du tracé typographique fait apparaître l’existence de trois allèmes : un d bas, un d haut et un duplon d haut + e (cf. tableau annexe, a, b et c). Si l’on considère la totalité des cibles indépendamment de la configuration graphique et de la segmentation de l’édition, on constate que le d oncial bas est toujours majoritaire (en moyenne, % des occurrences, % si l’on fait abstraction du duplet de, cible du duplon correspondant) par rapport aux autres formes. Cette prépondérance affecte toutes les situations, quelle que soit la voyelle qui suit le d. Si l’on ne considère que le duplet d+e, on observe avant tout (Tableau ) que le duplon de ne sature jamais sa niche : dans le meilleur des cas, il reste tout de même % de cas où il n’a pas été employé (ou ne pouvait pas l’être). Sans doute n’avait-on pas fondu une quantité de caractères suffisante. Mais on notera surtout une différence marquée de la fréquence d’emploi du duplon de entre les deux sections : % dans la première contre % dans la seconde. On voit là le première indice – il y en aura d’autres – soit d’un « privilège de casse » accordé à l’équipe I, soit d’un comportement plus élaboré de la part des ouvriers qui la composent. De plus, le tableau fait apparaître que la baisse de fréquence n’est pas uniforme : elle affecte beaucoup moins les demi-cahiers e et f (en gras dans le tableau).
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Tableau Section
Demi-cahier a a
I
II
d bas + e % %
d haut + e % %
duplon de % %
b
%
%
%
b c c d d e e f f
% , % , % , % , % , % , % , % , %
% , % , % , % , % , % , % , % , %
% , % , % , % , % % , % % , %
Que se passe-t-il lorsque la cible d-e n’est pas occupée par le duplon correspondant ? Le transfert se fait toujours au profit du typon d bas, de toute manière majoritaire, et non en « simulant » le duplon par le duplet d haut + e. Toutefois, la préférence est moindre pour les demi-cahiers c , e et f . En substance, le graphème d comporte deux allèmes strictement ciblés : le d droit et le duplon de. Le d droit est un allème dominé, étant même, à deux exceptions près, minoritaire dans sa propre niche. Le duplon de est lui aussi dominé, en ce sens qu’il peut être remplacé par d bas + e ou d haut + e, mais, du moins dans la section I, il est majoritaire dans sa niche.
Le duplet s-t Après le cas du d droit, le cas du duplet s-t fournit un éclairage supplémentaire sur la complexité des pratiques typographiques et sur l’organisation du travail dans l’atelier. Dans la tradition de l’aire graphique dite « gothique », le duplet s-t – où le s a la forme longue en crosse de bâton [S] – possède un statut dépourvu de toute incertitude : la partie supérieure de la crosse est unie par un trait à la partie supérieure du t qui la suit. Les copistes traitent donc constamment ce duplet comme une ligature, simulée, dans le monde de l’imprimerie, par un duplon. Malheureusement – ou heureusement – cette belle unanimité n’est pas respectée dans notre incunable. Une première exception est constituée par les cas où le duplet est précédé d’une lettre « à panse » – à savoir le b, mais surtout le o. Lorsque cet événement se produit, le duplet S-t est presque toujours représenté par deux typons distincts (cf. tableau annexe, d). Nous avons donc affaire à une exception bien établie que rien a priori ne semble justifier : l’infraction devient la règle et la règle théoriquement impérative se transforme en infraction. Pourquoi cela ? La réponse à cette question fait bien ressortir toute l’importance que la bonne typographie de la fin du Moyen Âge accordait à la perfection de la réalisation graphi-
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que. Si l’on examine de près les rares triplets o-S -t où le duplon f est malgré tout employé (cf. tableau annexe, b), on constate que le o et le S présentent un défaut d’approche : la panse du o est étroitement accolée à la hampe du S jusqu’à se confondre pratiquement avec elle. Dans le contexte de ce qu’on pourrait appeler le « génie du gothique », cette promiscuité entre une courbe et une hampe constitue une réelle hérésie et doit donc être évitée. Cette hypothèse est corroborée par une coïncidence significative : dans la fonte qui sera par la suite réutilisée par Schlusser, l’approche entre les lettres « à panse » et la ligature f a été corrigée, de sorte que la distance entre les lettres est redevenue normale ; bien entendu, dans cette nouvelle situation, l’usage de la ligature ne souffre plus aucune exception. Sur le plan méthodologique, ce phénomène est exemplaire, car cette dérogation systématique est en fait une sous-règle ad hoc qui s’oppose à une règle universelle et qui dès lors ne saurait guère trouver place dans un protocole d’observation conçu préalablement. Elle est en effet le produit d’une pure contingence qui se manifeste dans une seule fonte, échappant ainsi à toute prévision. Mais il faut également noter que, comme toujours, cette contre-règle inattendue n’a pas été respectée à %. L’existence des rares cas de triplets b (ou o) + duplon f montre avec évidence que le typographe tendait spontanément à préserver la ligature : dans son esprit, le duplet S-t était une entité unique. Il est également intéressant d’observer que ces dérogations sont plus fréquentes dans la première partie de l’édition ; c’est un indice de plus en faveur de l’hypothèse d’une organisation dichotomique du travail d’édition. Qu’en est-il du duplet S-t en dehors de cette situation particulière ? Le graphique fait apparaître une situation anormale : la seconde moitié de l’incunable présente un nombre relativement élevé de f non représentés par le duplon. Il ne peut s’agir, en l’occurrence, de négligences, d’une part parce que le pourcentage d’infraction atteint %, de l’autre parce que, comme on l’a vu, la spontanéité jouait plutôt à l’avantage de l’emploi du duplon. L’hypothèse qui vient alors à l’esprit est celle d’une « crise de manque » qui aurait affecté la ou les casses utilisées dans la seconde partie de l’édition. Toutefois, l’analyse des occurrences du duplet S-t suscite quelque perplexité. Normalement, comme on l’a dit, lorsqu’il y a « crise de manque », les infractions à la règle surviennent brusquement et concernent un certain nombre d’occurrences consécutives. Ici, le déficit de f ne se manifeste pas « en rafales », mais il est vrai que ses modalités ne sont pas non plus tout à fait aléatoires, comme c’était le cas pour le d droit : de temps en temps, brusquement, la règle cesse d’être appliquée à % et un nombre variable de cas ou S et t sont séparés apparaît ici et là. L’hypothèse d’une « crise de manque » est pourtant statistiquement prouvée par l’examen du graphique . Ce graphique comporte en effet une double échelle : sur la première a été porté le nombre total de duplets S-t présents dans un demi-cahier, tandis que sur la seconde figure le pourcentage de S+t séparés. On voit que les deux courbes – compte tenu, cela va de soi, de la différence d’échelle – se superposent presque parfaitement, ce qui signifie que le pourcentage (et non le nombre, ce qui serait banal) d’infractions augmente lorsqu’il y a beaucoup de S-t dans
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p r at i qu e s d e c o m p o s i t i o n c h e z g ü n t h e r z a i n e r
le texte. Il ne s’agit donc pas d’infractions dues à l’ignorance ou à la négligence, mais d’une véritable contrainte imposée par le nombre insuffisant de pièces contenues dans le cassetin. Comment concilier l’accord presque parfait entre les deux courbes et le caractère somme toute assez capricieux des dérogations ? L’énigme est résolue lorsqu’on comptabilise séparément les occurrences du duplet S-t en fonction de la lettre qui suit : lettres à jambages, « blanc », voyelles a, e, o. Le graphique reproduit les résultats de ce comptage. Si l’on compare ces résultats avec la courbe de fréquence de S-t, on arrive à reconstituer à peu près ce qui s’est passé dans notre incunable. Au départ, il n’y a eu aucune maladresse. La « sorte » de duplons f – c’est-à-dire la quantité totale de caractères fondus – a été à peu près également répartie entre les deux moitiés de l’ouvrage. D’après les résultats, on peut présumer que les deux moitiés ainsi divisées permettaient de remplir environ - cibles de la niche sur un demi-cahier. En effet, on ne remarque guère de problème tant que la fréquence du groupe se maintient à l’intérieur de cette fourchette. Malheureusement, les caprices du texte – imprévisibles à ce niveau – en ont décidé autrement : dans la seconde moitié de l’ouvrage, la fréquence de S-t a augmenté en moyenne de %, atteignant des pointes de occurrences par demi-cahier. Face à la situation de manque qui s’en est suivie, les typographes ont réagi de manière sélective : ils ont abandonné le duplon lorsque S-t était suivi d’une lettre à jambages et ils l’ont conservé avec acharnement lorsqu’il était suivi de a, e, o. Lorsqu’il se trouvait en fin de mot (dans le mot ef), ils ont réagi de manière ambivalente. Bien entendu, ces choix ne sont pas fortuits. L’abandon du duplon devant une lettre à jambages est dû au fait que les triplets S-t-i, S-t-u pouvaient être remplacés par un pis-aller : S + les duplons ti ou tu qui, étant conformes au « génie du gothique », étaient bien représentés dans la casse. Ainsi, dans le premier cas, la tendance du gothique à sacrifier l’espace « intergraphèmes » au profit de l’espace « interlexèmes » était partiellement satisfaite. Dans les triplets S-t-a, e, o, l’absence du duplon st aurait entraîné au contraire une dislocation complète de la chaîne graphique. Pour ce qui est de S-t en position finale, les résultats laissent à penser que le typographe, libre de son choix, hésitait entre les deux solutions opposées. Ainsi, une fois de plus, nous voyons émerger une règle de comportement particulière, imposée, non pas, comme nous l’avons vu pour les triplets b-S-t, o-S-t, par un défaut de conception de la fonte, mais par l’interaction entre un état particulier de la casse – la sorte de f avait sans doute été trop chichement calculée – et une caractéristique conjoncturelle du texte. Il va de soi que, lorsque la fonte sera réutilisée par Schlusser, le duplet S-t sera toujours traité selon la règle dominante. La manière dont a été fixée en toute hâte une stratégie pour faire face à un phénomène imprévu est révélatrice des priorités mentales des acteurs de la page écrite médiévale et du fait que, même lorsque les contraintes propres à l’écriture manuelle avaient disparu, elles continuaient, grâce à la tradition, à demeurer bien opérantes dans les têtes. Notons également que l’application de cette règle a nécessité une grande habilité professionnelle : avant même que
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l’on se trouve en situation de manque, il fallait commencer à moduler l’emploi du duplon en fonction des diverses modalités d’apparition de st. Ces variations systématiques de comportement prouvent l’existence d’une stratégie délibérée, mais sans doute improvisée, de la part d’un maître d’œuvre amené à faire face à des circonstances imprévues. Est-ce que, en l’occurrence, cette stratégie a été appliquée partout avec soin et sans hésitations ? Le doute est permis à ce sujet. Si l’on revient au graphique , on observe quelques fluctuations systématiques en correspondance, encore une fois, avec les demi-cahiers. Un principe directeur a été respecté partout : privilégier le duplon f devant a, e, o. Mais pour le reste, dans les cahiers d , e , f , on a jugé qu’il fallait répartir équitablement la pénurie entre S-t devant lettre à jambages et S-t en fin de mot, alors que, dans d, e, f on a estimé que, en cas de pénurie, il fallait tout de même accorder une certaine préférence au duplon lorsque S-t apparaît en fin de mot.
Les allèmes du r L’édition de la Summa magistri nous offre une panoplie de trois r : un r rond en forme de [x] et deux r droit, l’un avec trait d’attaque et l’autre sans (cf. tableau annexe, a-c). Ce dernier est toujours employé après c, e, f et t. Selon les usages en vigueur dans l’écriture « gothique », le r rond est utilisé lorsque le r est précédé d’une lettre à panse (o, p, b). Cependant, dans notre édition, on observe une quarantaine d’exemples d’emploi du r rond après e. Malgré les apparences, ces exceptions ne relèvent pas de l’étourderie. La grande majorité d’entre elles se produit dans le mot « ergo ». Or, le triplet « e-r sans trait d’attaque-g » provoque un défaut d’approche (cf. tableau annexe, f ) qui est éliminé par l’emploi du r rond (g). Cet expédient est davantage utilisé dans la première moitié de l’édition ( % contre %). Les trois allèmes du r sont donc ciblés, mais la situation est moins simple qu’il ne paraît. En effet, la fréquence d’emploi du r rond dépend de la nature de la lettre à panse qui le précède (Tableau ) : Tableau graphème précédent
r rond
r droit
o
, %
, %
p
, %
, %
On remarque tout de suite que la règle est bien davantage suivie après o qu’après prp, où l’allème r rond est finalement très minoritaire. La motivation de ce décalage rp Il en est de même pour b, mais les occurrences du duplet b-r est difficile à déterminer. Est-ce qu’il reflète une certaine négligence de la sont trop peu nombreuses dans part des typographes ? Rien n’est moins sûr. En fait, l’explication du phél’édition pour que la statistique nomène pourrait bien être d’ordre esthétique : on constate, en effet, que soit fiable.
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l’approche est plus ajustée pour le duplet « p-r droit » (tableau annexe, d) que pour le duplet « o-r droit » (e), où les deux lettres sont davantage espacées ; or, le « génie » de l’écriture gothique impose d’éviter toute discontinuité graphique à l’intérieur d’un mot. Cependant, cette explication ne fonctionne qu’à moitié, car elle ne nous dit pas pourquoi les typographes n’ont pas simplement employé le r rond partout où il le fallait, ce qui aurait éliminé le problème. Il se peut que, si les typographes n’ont pas agi ainsi, ce soit parce que la quantité de r ronds fondue était insuffisante. Aussi, lorsqu’ils ont dû s’adapter à la nécessité d’utiliser malgré tout le r droit, ont-ils privilégié les situations où l’effet visuel du duplet « lettre à panse-r rond » était le moins choquant. Cette interprétation n’est pas démentie par les faits. L’analyse des configurations graphiques où l’emploi du r rond était nécessaire, ou en tout cas fortement conseillé, montre en effet que le nombre d’occurrences de l’allème est pratiquement le même dans les deux sections de l’édition ( contre ). Cependant, la « demande » globale de r ronds, elle, a augmenté : dans la première moitié, il en fallait en moyenne par page ; dans la seconde, il en aurait fallu dont après o (contre ) et après p (contre ). Dès lors, si l’on souhaitait éviter la gêne esthétique découlant de l’approche peu élégante entre le o et le r droit en maintenant le même pourcentage de r rond que dans la première moitié, il fallait nécessairement diminuer le recours à cet allème dans les autres configurations ; et c’est bien ce qui se passe, du moins au niveau global. Toutefois, tout comme pour le d droit, cette reconstitution ne permet pas de répondre à la question de fond : pourquoi a-t-on fondu moins de r ronds qu’il ne le fallait ? On peut songer à une pré-évaluation qui aurait péché par défaut. Mais il se pourrait également que l’éventualité d’un certain nombre de dérogations ait été admise a priori ; en d’autres termes, il était acquis que le r rond est un allème dominé par le r droit qui pouvait envahir sa niche dans un nombre variable de cas, en tenant compte de la lettre qui précède le r. Cela signifie que l’utilisation du couple d’allèmes était modulée en fonction de priorités préétablies, et que, dans l’allogroupe r droit/r rond, il était de toute évidence plus grave d’utiliser le r rond quand il ne fallait pas que l’inverse. Est-ce la bonne explication ? Pour y voir plus clair, il serait nécessaire d’observer des pages manuscrites du xv# siècle écrites par un professionnel de la copie ; là, précisément, où l’urne où l’on « pêche » les graphèmes est immatérielle et virtuellement infinie. Si l’on observait des comportements analogues dans le manuscrit et dans l’imprimé, il faudrait en conclure que la plus ou moins grande rigidité de la règle ne doit rien à la quantité nécessairement finie des caractères disponibles : ce serait au contraire le constat de pratiques assez lâches dans la copie manuelle qui, pour des raisons d’économie, conduirait à fondre un nombre inégal de caractères pour les deux allèmes. Notons enfin que la hiérarchisation couvre uniformément les deux moitiés de l’édition, sauf dans le demi-cahier a (Tableau ). Cela dit, les écarts sont importants entre les demicahiers : les secondes moitiés des cahiers montrent systématiquement un plus grand nombre de dérogations ; le phénomène est davantage visible dans la section II.
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Tableau lettre précédente
lettre précédente
Fréquence r rond
o
, %
p
, %
a a b b c c d d e e f f
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p
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o
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p
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L’excellent résultat du demi-cahier a s’explique par le fait que le « maître d’atelier », à qui on avait vraisemblablement confié la composition des pages d’ouverture, fait montre d’un meilleur savoir-faire que ses acolytes ; ou plutôt – ce qui revient pratiquement au même – il s’était réservé une casse dont l’assortiment était le mieux équilibré en fonction des exigences de l’art. En substance, là encore la deuxième équipe est systématiquement défavorisée par rapport à la première et, à l’intérieur de cette hiérarchie, ceux qui se chargent de la composition des deuxièmes demi-cahiers semblent l’être davantage, quelle qu’en soit la raison.
Les complications du a Dans la fonte de Zainer, le graphème a est représenté par deux allèmes : dans le premier, la partie supérieure se termine par une boucle, alors qu’elle comporte une simple courbe dans
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p r at i qu e s d e c o m p o s i t i o n c h e z g ü n t h e r z a i n e r
le second (cf. tableau annexe, a, b). La répartition des deux allèmes est très inégale dans l’édition : le a non bouclé est uniformément majoritaire – presque % de l’effectif dénombré – mais à deux exceptions près : lorsqu’il est précédé de r droit (a non bouclé = %), de t (= %) et, en moindre mesure, de g (= %). Ce renversement de tendance, qui couvre uniformément les deux cahiers qui seuls ont été analysés (a et d), est carrément inexplicable, puisqu’il est impossible de départager, sur le plan de la réussite esthétique, les deux duplets r-a (cf. tableau annexe, d et e). Le fait est d’autant plus surprenant que la fonte présente également un duploïde r/a fondu expressément et dont le a, contrairement à l’option exceptionnellement la plus fréquente pour le duplet, n’est pas bouclé (tableau annexe, c ; cf. cidessous). Malgré l’absence d’explication, il est clair que les deux allèmes de a ne sont pas libres, comme on aurait pu le penser au premier abord, mais ciblés, du moment que leur répartition varie de manière significative en fonction du graphème qui précède la voyelle.
Le duploïde r/a Quant au duploïde r/a – dont on dénombre une centaine d’apparitions dans la totalité de l’édition – il s’agit, là encore, d’un allème ciblé, car il est employé dans des configurations graphiques bien définies. Le tableau est assez complexe : le duploïde apparaît surtout en début de mot et après une lettre à panse (b, o, p et d oncial), mais il n’est pas suivi de n’importe quel graphème : dans % des cas, r-a est suivi de t ou se trouve en fin de mot. Ainsi, le duploïde est essentiellement ciblé sur les triplets r-a-t et p-r-a, respectivement en début et en fin de mot, ainsi que sur les quadruplets o-r-a-t, p-r-a-t et b-r-a-t. L’ensemble de ces configurations monopolise à lui seul % de ses occurrences. Il est difficile de savoir laquelle des configurations – début de mot, lettre à panse en amont, t en aval – était la plus favorable à l’emploi du duploïde : c’est en tout cas en présence des quadruplets b, o, p-rat qu’il atteint son maximum par rapport à la fréquence du duplet r-a ( %). Mais l’on doit également noter un fait important : il n’y a aucune occurrence du duploïde avant ou après une lettre à jambages (cas qui se produit environ fois dans le texte). Dès lors, il est certain que, à côté de situations qui lui étaient tendanciellement favorables, il existait une véritable règle d’interdiction le concernant dont la raison, encore une fois, nous échappe : en effet, l’absence de toute occurrence de la configuration interdite nous empêche d’en évaluer les éventuels inconvénients sur le plan technique et esthétique. Tout ce que l’on peut dire, c’est que la coexistence d’un trait de fuite dans la lettre à jambages et d’un trait d’attaque du r, particulièrement développé dans le duploïde r/a, aurait pu provoquer un défaut d’approche, gênant pour l’unité graphique du lexème, qui, en revanche, n’affecte pas la succession après une lettre à panse. Un témoignage de ce que le trait d’attaque du r pouvait constituer un problème dans certains cas, est le fait que, dans le duplet e-r, on préfère employer un typon dépourvu de trait d’attaque (cf. tableau annexe, c).
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Le duplet a-m en fin de mot Une autre configuration allographique concernant le a est celle où l’on rencontre le duplet a-m en position finale. Dans cette situation, l’édition de la Summa magistri nous offre six avatars différents (cf. tableau annexe, a-f ) dont un n’apparaît qu’une fois (b) ; trois autres – qui auraient dû logiquement compléter le tableau – n’ont pas été observés : il s’agit du duplet « a non bouclé-Ó » et du brachème « a bouclé avec tilde » qui devraient faire pendant à leurs homologues où le a n’est pas bouclé. L’emploi dans la chaîne graphique des brachèmes « a avec tilde » ne doit rien ni à la volonté du typographe, ni à la composition de la casse. Il dépend de facteurs contingents (le plus souvent un défaut de calibrage) qui déterminent à leur tour les variations du nombre d’abréviations ; c’est pourquoi l’analyse de l’emploi de ces formes n’a pas sa place ici, si ce n’est pour relever que le brachème « a non bouclé avec tilde » comporte en fait deux allèmes, l’un avec tilde décalé vers la droite, l’autre avec tilde en position centrale (c, d). Même en l’absence d’une observation détaillée page par page, on peut affirmer que le premier est de loin majoritaire, sans que l’on sache pourquoirq. Le duplon aÓ, peut être considéré comme un « duplon d’agré rq Une explication possible du ment », sans aucun doute plus élégant que la simple juxtaposition de décalage à droite du tilde serait la possibilité de créer un duploïde a et Ó. Bien que la chasse du duplon soit moindre que celle du duplet avec un graphème haut qui précèen toutes lettres a+m, il ne semble pas que l’on doive chercher là la derait le a. Les éléments recueillis sont malheureusement insuffisants motivation de son existence, car sa fréquence en fin de ligne n’est pas pour tester cette hypothèse. significativement plus élevée que dans les autres positions. Sans doute l’existence d’un duplon s (= que) qui, lui, est en concurrence avec le duplet q + Ó (cf. tableau annexe, a, b), relève-t-elle du même souci d’élégance. Quelle que soit la genèse de ces formes, il importe de souligner que le duplon aÓ est minoritaire dans sa niche ; mais surtout, sa fréquence par rapport aux allèmes concurrents est significativement supérieure dans la première section de l’édition : % contre %. Seul un petit nombre de duplons a donc été fondu, et la casse d’ouverture a été privilégiée dans le partage. Le duplon s, en revanche, apparaît hégémonique par rapport au duplet q + Ó, à une exception près, à savoir lorsqu’il est précédé de s long. L’explication du phénomène est immédiate : dans le triplet S-q-Ó, les règles de l’art imposent de donner la priorité au duploïde S/q, et non au duplon s, faute de quoi l’œil serait désagréablement frappé par un défaut d’approche entre le S et le q. La preuve : dans les rares cas où la règle n’est pas respectée, le typographe utilise délibérément un S dont la crosse a été volontairement réduite. Cet expédient permet de normaliser l’approche, tout en engendrant un deuxième inconvénient auquel l’œil est cependant beaucoup moins sensible (cf. tableau annexe, a). La forme raccourcie du S est également utilisée dans le duplet S-m ( % contre %), mais sa fréquence est de loin supérieure dans la seconde moitié de l’édition ( % contre %). Puisque le duplet S-m y apparaît fois contre dans la première, l’explication probable du
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décalage réside dans le fait que, comme pour le duplon f, le nombre de caractères fondus était insuffisant pour faire face à une anomalie prononcée de la configuration graphique.
Le duploïde s/a Alors que le duploïde r/a, les brachèmes a avec tilde et le duplon aÓ emploient sans exception le a non bouclé, le duploïde S/a se présente sous les deux formes : le a bouclé apparaît à peu près avec la même fréquence que lorsque les deux graphèmes apparaissent isolés ( % environ). Là encore, la fréquence d’apparition présente des fluctuations importantes en fonction des diverses configurations graphiques : lorsque le duploïde S/a est suivi d’une lettre à jambages ou de r, celle du a bouclé monte à % et plus et ce, dans les deux sections de l’édition, alors qu’elle descend à %- % lorsqu’il précède t ou c. Puisqu’il ne peut s’agir d’un hasard, on en déduira que les deux allèmes sont ciblés, sans que l’on sache pourquoi.
Le triplet b-u-s Cette configuration présente trois avatars différents : un triplet b+u+s en toutes lettres, un duplon « b tachème ٨ » – différent du tachème nemployé pour abréger les triplets c-o-m et c-o-n – et le duplet « b + le tachème º », ce dernier remplaçant normalement le duplet u-s (cf. tableau annexe, a-c). Lorsque le duplet u-s est abrégé, l’allème employé devrait être normalement le duplon expressément fondu à cet effet. Or, il y a des exceptions. Celles-ci sont plus nombreuses dans la seconde moitié de l’édition ( % des formes abrégées contre %). On remarque en outre que leur pourcentage varie systématiquement en fonction de la dichotomie de la composition par demi-cahiers : ainsi, les demi-cahiers b et c dans la première partie, d , e , f dans la seconde, n’utilisent que le duplon. Les écarts constatés ne sauraient découler uniquement du faible nombre de caractères fondus, car la fréquence du triplet b-u-s est moindre dans la section qui présente le plus d’exceptions. Par ailleurs, l’examen des occurrences page par page ne montre pas non plus de lien entre le nombre d’occurrences du triplet et les dérogations à la règle. On doit donc en déduire que les dérogations observées relèvent de comportements individuels, ce qui laisse supposer que le passage d’un demi-cahier au suivant coïncide non seulement avec un changement de casse, mais également avec l’intervention d’un typographe différent.
Les allèmes du g La fonte de Zainer comporte deux types bien reconnaissables de g : une forme avec la queue ouverte à gauche et une autre avec la queue ouverte à droite (cf. tableau annexe, a, b). La seconde, très minoritaire ( %), est uniformément distribuée dans les deux sections de l’édition mais sa fréquence varie en fonction de la lettre qui la suit : ainsi, elle n’est pratiquement pas
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employée devant a et o, et ses très rares apparitions devant o se situent toutes dans la seconde partie de l’édition. S’il est impossible de rendre compte de son absence devant a, une partie du déficit devant o découle sans doute de l’existence d’un duploïde g/o (tableau annexe d), plus élégant que le duplet « ordinaire » où les deux graphèmes sont un peu trop éloignés. Le duploïde g/o remplace le duplet dans % des cas, mais ce pourcentage est trompeur, car il y a un décalage important entre les deux moitiés du volume : en réalité, dans la première moitié, le pourcentage est de %, et seulement de % dans la seconde. L’écart est entièrement dû au fait que le duploïde n’apparaît pas dans les demi-cahiers d , e et f . On voit bien, donc, que son existence constitue un raffinement qui n’était pas à la disposition de la totalité des typographes.
Le duplet i-i La succession de phonèmes qui aujourd’hui est couramment représentée par le duplet ii apparaît fois à l’intérieur d’un mot dans l’édition de la Summa magistri et comporte trois allèmes : un duplon ij – largement majoritaire – un duplet i+j et un duplet i+i (cf. tableau annexe, a-c). La fréquence des trois allèmes est à peu près uniforme dans les deux moitiés de l’édition, mais l’on observe des écarts marqués dans la répartition par demi-cahiers. Ainsi, le duplet i+j n’est jamais utilisé dans les demi-cahiers a et b , d , e et f , alors que le duplet i+i ne l’est pas dans les demi-cahiers d , e et f . rr Et plus particulièrement, La situation est toute différente si l’on considère les occurrences dans le nombre ii et tous les nombres qui se terminent par ii ( du duplet non plus à l’intérieur des mots, mais en tant qu’élément des occurrences). nombres écrits en chiffres romainsrr : Tableau situation
ij
i-j
i-i
dans les nombres
, %
, %
, %
dans les mots
, %
, %
, %
Le duplon ij, majoritaire à l’intérieur des mots, apparaît globalement minoritaire à l’intérieur des nombres. Dans ce dernier domaine, on observe également des comportements tranchés, qui cependant ne sont pas toujours les mêmes que dans le cas précédent. Qu’on en juge : dans les demi-cahiers b , c , e , f , le duplon ij, très bien représenté dans les mots, est absent dans les nombres. Dans les demi-cahiers b et c , le duplet i+i, minoritaire dans les mots, est hégémonique dans les nombres. Dans les demi-cahiers e et f , le duplet i+j, minoritaire dans les mots, devient lui aussi presque hégémonique dans les nombres. On assiste aussi à des convergences : dans les demi-cahiers d , e et f , le duplet i+j, est pratiquement absent dans les deux cas. En dehors de ce cas, où l’on pourrait songer à l’absence du graphème j dans la
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casse, les variations correspondent plutôt à des stratégies différentes, souvent récurrentes par demi-cahiers alternés.
Le duplet o-s Ce duplet présente trois allèmes lorsqu’il se trouve en fin de mot (cf. tableau annexe, a-c) : un duplon « d’agrément » (c) dont l’apparition est trop sporadique pour être justiciable d’une analyse statistique ; une variante qui est vraisemblablement un rs Quelle que soit sa nature, duploïders (a) et le duplet « normal » o+s (b). Le duploïde, à première cette variante est clairement difvue, est globalement dominé dans sa niche par le duplet « normal » (fréférente, sur le plan morphologiquence %). On remarque, cependant, qu’il n’est presque pas représenté que, du duplet « normal ». rt À l’intérieur de ce paragradans la seconde moitié de l’édition ( cas sur ) ; aussi, son taux d’utiphe, r désigne toujours l’allème lisation réel – c’est-à-dire là où il est présent dans la casse – est-il d’envir droit. ru Le phénomène est beaucoup ron %. On constate également des fluctuations de fréquence entre les plus sensible pour le duploïde r/e, demi-cahiers de la première moitié : dans les deux demi-cahiers a et c , car l’effectif de r/o est globalement très faible. la fréquence est anormalement faible (respectivement % et %). Si la niche exclusive du duploïde est la dernière syllabe du mot, la distribution des fréquences en fonction du graphème précédent fait apparaître en filigrane des choix préférentiels : ainsi, la fréquence est nulle après r et t, tout comme après les duplets c-t, s-o, s-t qui sont habituellement représentés par un duplon ou un duploïde ; elle est maximale, en revanche, après e et les lettres à jambages.
Les duplets « r droit-e », « r droit-o », t-e et t-o De la même manière qu’elle comporte un duploïde r/art, la fonte de Zainer est également pourvue de duploïdes r/e et r/o. Le duploïde r/e est de loin le plus fréquent en termes absolus ( occurrences, à savoir , %), devant r/a ( occurrences, à savoir , %) et r/o ( occurrences, à savoir , %) ; en termes relatifs, cependant, r/o remplit sa niche davantage que r/a (cf. tableau annexe a, a, a). Alors que r/a est uniformément représenté dans les deux moitiés de l’édition, les deux autres duploïdes sont beaucoup plus fréquents, comme c’est souvent le cas, dans la première : % contre % pour r/e ; % contre % pour r/o. Il semblerait donc que les duploïdes r/e et r/o, fondus en quantités très différentes pour tenir compte de leur fréquence respective dans le texte, aient été répartis inégalement, mais de la même manière, entre les deux équipes. De plus, dans la deuxième moitié de l’édition, on observe un déficit presque total dans les demi-cahiers d , e et f . L’analyse sur t/e et t/o n’a été effectuée que pour deux cahiers : a et e (cf. tableau annexe ). La fréquence du duplon te est de % dans le premier et de % dans le second. Il apparaît de préférence après une lettre capitale et o, tandis qu’il est très rare derrière les lettres
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à jambages. Le duplon to a une fréquence globale de % dans le cahier a et de % dans le cahier e. Le décalage est dû à l’absence totale de cet allème dans le demi-cahier e . Comme on le voit, cette analyse partielle confirme une fois de plus la division du travail en deux équipes, celle de la première moitié jouissant d’une indiscutable primautérv. rv On notera également que certaines anomalies rares n’apparaissent que dans la seconde partie de l’édition : ainsi, quelques ut au lieu de vt et des ct sans ligature ; tout cela sans que l’on puisse invoquer une quelconque nécessité de déroger à la règle.
Combien de « qui » ont fait quoi ?
La liste des phénomènes étudiés pourrait sans aucun doute s’enrichir ultérieurement. Si toutes les variations macroscopiques ont été – me semblet-il – dûment enregistrées, quelques oscillations certes moins apparentes, mais portant sur des graphèmes très fréquents dans la langue latine, pourraient faire l’objet d’un examen systématique, au moins dans deux cahiers appartenant à chacune des deux moitiés du volume. Il s’agit, notamment, des divers avatars des lettres à jambages – qui peuvent ou non être pourvues d’un trait d’attaque et/ou de fuite en fonction des lettres environnantes – et du i en particulier, dont le point peut être placé soit au dessus du sommet de la lettre, soit décalé vers la gauche ou la droite, ou même être absent. Cela dit, les résultats obtenus ne laissent pas de place au doute : l’analyse ligne par ligne du tracé permet à elle seule d’établir que le travail de composition a été d’emblée confié à deux équipes travaillant avec des casses différentes. La première – celle qui était sans doute dirigée par le prote – était la mieux armée à tous point de vue : elle pouvait disposer d’une fonte plus riche, aussi bien qualitativement que quantitativement : en effet, certains allèmes sont absents dans la seconde moitié de l’édition, ou en tout cas moins bien représentés que dans la première. L’équipe principale était composée, vraisemblablement, de professionnels plus aguerris, comme en témoignent le traitement des lexitomies, la gestion grammaticale et syntaxique de la ligne (proportion de et, ainsi que des commencements de phrase, en fin de ligne) et le traitement de la ponctuation en fin de phrase. Cette stratégie n’est guère étonnante : les typographes profitaient là d’un phénomène que nous constatons souvent de manière empirique, notamment dans les textes glosés et les marginalia : ce qu’on pourrait appeler « taux d’utilisation » d’un ouvrage – et donc de visualisation des pages – décroît inéluctablement du début à la fin de celui-ci. Le phénomène devait être encore plus marqué dans un ouvrage tel que la Summa de sacramentis dont la première partie (et ce n’est pas un hasard) est consacrée à la pénitence ; sacrement qui, comme on le sait, soulevait le plus fréquemment les problèmes les plus épineux. Au sein de cette première division du travail, une dichotomie à l’intérieur des cahiers apparaît avec évidence du fait que, pour une bonne partie des situations analysées, on peut observer un brusque changement dès que l’on aborde la seconde moitié d’un quaternion. Cependant, cette constatation n’est pas suffisante pour y voir clair, car en théorie – même si l’hypothèse n’est pas la plus probable – le travail de composition aurait pu être confié à douze ouvriers différents disposant chacun de son propre matériel.
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Si tel était le cas, on ne devrait pas constater de récurrence, à savoir la réapparition des mêmes comportements dans deux ou plusieurs unités de composition. Pour tester cette hypothèse, il est donc nécessaire de tester le degré de ressemblance entre les douze demi-cahiers qui ont été à la base de l’analyse effectuée. Une bonne mesure du degré de ressemblance est fournie par le coefficient de corrélation linéaire, bien que la destination première de ce paramètre soit tout autresm. Les résultats du calcul sont présentés dans le Tableau . Tableau a1 a1
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La partie du tableau en haut et à gauche contient les coefficients entre les six demi-cahiers de la première moitié de l’édition. La partie en haut et à droite, les coefficients entre les demicahiers de la première moitié et ceux de la seconde. La partie en bas et à droite, les coefficients entre les demi-cahiers de la seconde moitiésn. sm Le coefficient de corrélation On observe, en général, que indépendamment de la nature des mesure en fait le degré d’interdépendance (mais non le sens de la demi-cahiers (première ou seconde moitié du quaternion) les coefficients dépendance, s’il y en a un) entre internes à la première section de l’édition sont supérieurs à ceux qui metdeux variables, c’est-à-dire si les tent en relation les deux sections. Les coefficients internes à la seconde valeurs de deux séries de données évoluent dans le même sens (coefmoitié, quant à eux, présentent une situation intermédiaire : la moyenne ficient = ), en sens contraire (coefvaut ,. La raison en est simple : les valeurs des cellules en grisé – qui ficient = -), ou bien sans aucune cohérence (coefficient = ). représentent les deux meilleurs coefficients de chaque ligne – sont sys sn La partie en bas et à gauche a tématiquement supérieures à celles des autres cellules. Or, ces valeurs été laissée vide car elle aurait contenu les mêmes coefficients que correspondent à la corrélation entre les demi-cahiers homologues : d , e , la partie en haut et à droite. f d’un côté, et d , e , f de l’autre. C’est pourquoi les cellules en grisé sont disposées en échiquier dans la partie correspondante du tableau. Cette disposition est en revanche perturbée dans la première moitié de l’édition : la corrélation est bonne entre les demi-cahiers a , b et c , mais elle ne l’est pas entre a , b et c . Il se peut que certains demi-
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cahiers de la première partie n’aient pas fait l’objet d’un processus de composition entièrement homogène, mais il est impossible de s’engager plus loin sur le terrain des hypothèses. Il serait intéressant de savoir à quoi correspond, sur le plan matériel, la segmentation de l’édition en demi-cahiers ; d’établir, en d’autres termes, si chaque équipe de travail était composée d’un seul ou bien d’au moins deux typographes qui disposaient d’une même casse ou de plusieurs. Malheureusement, il est très difficile de répondre à cette question, car les variations de fréquence d’un allème peuvent relever aussi bien du nombre de caractères contenus dans chaque cassetin que des choix individuels qui conduisaient à piocher plus ou moins fréquemment dans tel ou tel cassetin. Les paramètres qui ne dépendent pas du contenu de la casse sont fort peu nombreux et leur analyse ne donne pas lieu à des résultats indiscutables. Ce problème ne peut être envisagé indépendamment d’une deuxième question : la segmentation en demi-cahiers étant admise, quelle en était la motivation et quel était l’« algorithme » du processus de composition ? Si les données matérielles (une page et demie blanche à la fin de la première partie) permettent de conclure à un calibrage par excès, et donc d’affirmer avec certitude que les deux sections principales ont été composées simultanément, et donc par des typographes différents. Cette hypothèse est indirectement confirmée par les valeurs des coefficients de corrélation : on n’observe pas, en effet, de corrélations significativement et systématiquement plus importantes entre certains demi-cahiers de la première section et ceux de la seconde. En revanche, aucune difficulté de jonction n’est visible lorsqu’on change de cahier ou de demi-cahier. Le taux d’abréviations, notamment, n’évolue pas de manière systématique et significative au milieu ou à la fin des cahiers. Cette particularité exclut que la composition de la deuxième moitié du cahier ait commencé en même temps que la première, ou du moins pendant que celle de la première était en cours : à l’intérieur des deux sections principales, la composition a tout l’air d’avoir été réalisée dans l’ordre naturel du texte, comme c’était le cas presque partout à la même époque. Cela suggère que le souci de gagner du temps n’était pas à la source de cette étrange façon de faire, et qu’il faut donc en chercher la source dans les impératifs techniques qui présidaient au cycle de fabrication : composition, impression, nettoyage de la forme imprimée et distribution des caractères. Dans ce cas, plus que de gagner du temps, il s’agissait vraisemblablement de ne pas trop en perdre. Le fait que nous ignorons presque tout de ce qui concerne la capacité d’une casse, la productivité de la composition typographique et celle de la presse nous interdit d’entrer dans les détails. Il est néanmoins évident que la capacité d’une casse ne pouvait être inférieure à deux pages de texte, faute de quoi le typographe serait resté inactif pendant que la forme composée passait sous la presse avant qu’elle ne soit lavée et que les caractères soient distribués dans la casse. Par ailleurs, il est invraisemblable de supposer qu’une casse possédait suffisamment de caractères pour qu’on puisse composer huit pages d’affilée, soit, dans notre cas, un demicahier : pour cela, le cassetin des a aurait dû contenir à lui seul caractères ; c’est beaucoup, et encore, le a n’est pas la lettre la plus fréquente dans la langue latine.
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La seule reconstitution qui ne se heurte pas à des obstacles insurmontables est la suivante : le typographe utilisait une casse de capacité inconnue qui était régulièrement réalimentée par l’aval au cours du cycle de fabrication. Cependant, lorsque la composition atteignait le milieu du cahier, la casse devait être « restructurée » intégralement et, pour que le travail ne soit pas interrompu, on faisait appel à une deuxième casse déjà prête ; la plupart du temps celle qui avait servi pour la même moitié du cahier précédent et qui avait été préalablement « restructurée » à son tour. Pourquoi fallait-il « restructurer » la casse ? Pour proposer une piste d’interprétation, il faut nécessairement s’aventurer en terrain inconnu. Il faut songer à l’extrême complexité de cette fonte gothique, riche d’un grand nombre d’avatars souvent très peu différenciés mais qui, malgré tout, devaient être employés à bon escient ; à la difficulté de les distribuer correctement et à grande vitesse dans les cassetins respectifs et, par conséquent, au risque très élevé de « pollution » qui en découlait. Même si le typographe ne travaillait pas à l’aveuglette, il devait tout de même redoubler d’attention et cela ne pouvait qu’accroître la difficulté de sa tâche et ralentir de manière considérable la composition du texte. Un exemple assez évident de « pollution » de la (ou des) casse(s) nous est fourni par une édition romaine des Elegantiæ de Lorenzo Valla publié par Filippo La Legname en so. Dans cette édition, imprimée en caractères romains, il existe deux allèmes du so ISTC iv. i, l’un pointé et l’autre non, le premier devant être utilisé à proximité des lettres à jambages. Or, si la règle est assez bien suivie dans certains cahiers, dans d’autres les cas d’invasion croisée des niches respectives sont beaucoup plus nombreux. Puisqu’il est difficile de supposer l’intervention de typographes de plus en plus négligents dans l’application de la règle, l’hypothèse la plus plausible est celle d’une pollution périodique des cassetins dédiés à chacun des deux allèmes. Plus que de négligence, il s’agirait alors d’une manifestation de paresse : le typographe ne faisait pas toujours l’effort d’examiner avec soin le caractère qu’il venait de piocher et ce, d’autant plus qu’il avait affaire à une règle somme toute peu contraignante. Quoi qu’il en soit, la conception qui faisait de la page imprimée une imitation aussi fidèle que possible de la page chirographiée engendrait beaucoup trop de complications. C’est pourquoi elle ne pouvait tenir longtemps le haut du pavé face aux impératifs d’économie imposés par l’existence d’un marché âprement concurrentiel. Un processus de simplification des fontes devait donc nécessairement s’instaurer dont nous ignorons encore, pour l’instant, les étapes et les modalités. Certes, sur le plan de la stricte rationalité, les caractères « romains » (autrement dit l’écriture humanistique) avaient plus d’une longueur d’avance, mais ils avaient contre eux le défaut de nécessiter davantage d’espace – et donc de papier – et de cibler une partie restreinte du lectorat potentiel. Le développement de l’imprimerie naissante baigne dans ce genre de contradictions complexes dont l’étude, manifestement, ne suscite que très peu d’intérêt. Il est bien sûr plus passionnant de retracer une fois de plus la genèse du prototype de Gutenberg ou de célébrer le génie éditorial d’Alde Manuce. Après tout, à quoi bon s’en plaindre ?
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Graphique – GW . Écart entre deux feuillets consécutifs calculé sur la totalité des variables observées.
Graphique – GW . Pratique des typographes.
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Graphique – GW . Utilisation des allographes affectés d romain et d gothique.
Graphique – GW . Utilisation du d romain selon la place du d dans le mot.
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Graphique – GW . Pourcentage de St réalisés sans ligature.
Graphique – GW . Pourcentage de St sans ligature en diverses situations.
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LA VITA CHRISTI DU PSEUDO-BONAVENTURE ET UN LECTIONNAIRE EN FRANÇAIS : DEUX UNICA DE LA BIBLIOTHÈQUE MUNICIPALE DE ROUEN Valérie Neveu
a bibliothèque municipale de Rouen conserve à la cote Inc mm un volume constitué au MK>># siècle qui regroupe trois ouvrages (un post-incunable et deux incunables) d’une grande rareté Ce sont les deuxième et troisième pièces de ce recueil, remarquables à tout point de vue, qui constitueront l’objet de la présente étude*. *Il m’est agréable de remercier ici toutes les personnes qui m’ont La première pièce mérite également d’être signalée brièvement. Il apporté leur concours pour ce tras’agit d’une édition d’Antoine Vérard, l’Ordinaire des chrétiens, ouvrage vail qui se trouve ainsi être, pour une large part, le résultat d’une reen français (imprimé en bâtarde) et illustré. Le texte lui-même est bien cherche collective. Je signalerai, au connu, puisqu’il en existe de nombreuses éditions à Paris, dont rien que long de cet article, au moment apchez Vérard selon la bibliographie de Macfarlane complétée par Mary Beth proprié, les contributions de chacun. Je remercierai tout d’abord Winnn(quatre de à une vers et deux avant le octobre pour leur aide Mmes Denise Hillard ), ainsi qu’à Rouen. Mais notre édition est inconnue de Macfarlane. et Ursula Baurmeister, qui ont accepté de participer à mes recherNous avons affaire à une huitième réédition qui n’a été signalée à ce jour ches avec une grande générosité, que par le catalogue Pellechet manuscrit ( [])o. Elle est non datée, ainsi que M. Jean Letrouit, qui a bien voulu effectuer des recherches mais l’adresse figurant au colophon (« à Paris en la rue saint Jacques près bibliographiques à ma place, étant Petit Pont ») et l’état de la marque permettent de la dater de environ. donné que je n’ai pu me rendre à Paris aussi souvent qu’il aurait été L’édition est illustrée de planchesp qui sont des réemplois : la plupart souhaitable. nJ. Macfarlane, Antoine Vérard, Londres, M.B. Winn, Anthoine Vérard, Parisian Publisher , Genève, Droz, 1997. Appendix VII, Verard editions not cited by Macfarlane, p. . o Pell ms () ≠ Polain . La notice de M.B. Winn, Appendix O- est à corriger. p Ou , si on compte les deux blocs représentant les apôtres comme une seule planche.
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qReproductions dans A. Claudin, Histoire de l’imprimerie en France au xv et au xvi siècle, Paris, Imprimerie nationale, , t. II, p. -. rLes éditions de et , n( et de Macfarlane, ne sont pas illustrées. Le n( , attribué à Vérard vers , ne contient qu’une planche. sM.B Winn, Anthoine Vérard…, op. cit., Appendix VII, O-, O-. Polain signale des planches, avec la scène de dédicace au f. a4 comme dans l’exemplaire de Rouen ; IBE signale gravures. tLe champ est d’azur, représenté par des lignes horizontales sur les ex-libris gravés de Nicolas de La Place. L’intérieur des molettes est laissé en blanc, et non pointillé. C’est pourquoi le chanoine G.-A. Simon, dans son article « Nicolas de La Place, abbé du Val-Richer et ses ex-libris », Bulletin de la société historique de Lisieux, , p. -, lit « d’azur à trois molettes d’argent » (ce qui serait une variante des armes de la famille). Toutefois, dans la première moitié du MK>># siècle, la représentation des couleurs héraldiques au moyen de hachures conventionnelles n’est pas encore rigoureusement codifiée (d’après M. Pastoureau, Traité d’héraldique, Paris, Picard, , p. , le système est « d’usage courant en France dès les années »). Par conséquent il n’est pas sûr que « blanc » doive se lire ici « d’argent ».
sortent de l’Art de bien vivre et de bien mourir (première édition en ) ou du Traicté des Joyes de Paradis ( octobre )q. Toutes les éditions de ce titre parues après 1492 ne contiennent pas ce jeu de planchesr. Notre édition de l’Ordinaire des chrétiens semble reprendre l’illustration des deux éditions antérieures (avant le 25 X 1499) citées par Mary Beth Winns. Les deux ouvrages qui suivent l’Ordinaire des chrétiens (c’est-à-dire les pièces et du recueil) sont de facture tout à fait différente. Imprimés en caractères gothiques (et non en bâtarde), ils sortent de toute évidence tous deux des mêmes presses et doivent être étudiés ensemble. Il s’agit de deux textes en français traduits du latin, publiés sans aucune indication d’imprimeur ou de date : le premier est une Vie du Christ traduite des Meditationes vitæ Christi du pseudo-Bonaventure ; le deuxième a pour titre Épîtres et Évangiles. Il s’agit de la traduction d’un Lectionnaire (et plus précisément un lectionnaire de la messe), c’est-à-dire un ouvrage de type liturgique regroupant les extraits des épîtres et des évangiles lus au cours des différentes messes de l’année. La tradition allemande préfère la dénomination « Plenarium », terme qui a été retenu comme entrée de catalogue par le GW et le BMC. Ces deux ouvrages forment un ensemble réunissant tous les critères de rareté : tout d’abord, ce sont des exemplaires uniques. Les textes eux-mêmes présentent un intérêt certain puisqu’on n’en connaît pas d’autre édition imprimée en dehors de notre incunable. Enfin, en ce qui concerne l’impression, le caractère employé est inconnu en dehors de ces deux pièces, de sorte que l’anonymat de l’imprimeur n’a pu être levé.
Avant d’aborder le problème de l’imprimeur ainsi que la présentation plus détaillée de ces deux textes contenus dans l’ouvrage, intéressonsnous à l’histoire de l’exemplaire pour laquelle on dispose d’éléments d’information précis. En effet, on connaît, grâce à un ex-libris gravé et à une note manuscrite, le nom du personnage qui a permis la conservation de l’ouvrage ainsi que les circonstances dans lesquelles il est entré en sa possession, au cours de l’année . Les armoiries gravées du possesseur de l’exemplaire sont collées en deux endroits au début du volume. Elles se lisent « d’azur à trois molettes d’or » (ou d’argent ?)t. La mitre et la crosse qui les surmontent indiquent un amateur ecclésiastique. Voici le texte de la note inscrite sur la page de garde du début du volume : « J’ay trouvé ces deux vieux livres à Rouën au mois de juin et les ay fait relier. Ilz estoient dans les maculatures. Et les ay fait relier pour honorer leur antiquité ». Au départ, l’identification de ce personnage a posé quelques difficultés, car son exlibris n’est pas l’un de ceux qui se rencontrent habituellement dans le fonds de la Bibliothèque
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municipale de Rouen. En fait, on ne l’y retrouve que dans un seul autre ouvrage : un Missale Rothomagense, Paris : François Regnault, et Rouen : Guillaume Bavent et Jean Mallart, , ( (cote BMR : Inc g ). Par chance, à l’intérieur de ce volume figure également un ex-libris manuscrit du MK># siècle qui a fourni l’indice décisif pour résoudre l’énigme : « Pour Delaplace, conseiller et chanoyne de Rouen ». Les de La Place étaient une grande famille de parlementaires rouennais, dont sont issus de nombreux conseillers et chanoines aux uLa généalogie de cette MK># et MK>># sièclesu. Les armes de la branche principale de cette famille famille figure dans H. de sont « d’azur à trois molettes d’or », ce qui correspond effectivement à l’exFrondeville, Les conseillers du libris gravé dont il fallait percer l’anonymat. Dans l’exemplaire Inc g , Parlement de Normandie au seizième siècle (-), Rouen, le « Delaplace » peut être identifié, par la datation de l’écriture et par le A. Lestringant, Paris, Picard, qualificatif qu’il se donne de « conseiller et chanoine de Rouen », comme , t. , p. -. vIbidem, p. . Pierre de La Place, chanoine de la cathédrale Notre-Dame et conseiller au nmMort le septembre Parlement de Rouen de à v, fils de Nicolas II. L’ouvrage, resté dans d’après la Gallia Christiana. Frondeville, Les conseillers du la famille après la mort du chanoine Pierre, se trouvait donc au MK>># siècle Parlement de Normandie, op. cit., dans les mains d’un autre De La Place qui y apposa son ex-libris gravé, p. , indique par erreur . nnSimon ne dit pas d’où procelui-là même qui entra en possession de notre incunable. Dès lors, il viennent ces ex-libris, apparemne restait plus qu’à déterminer quel membre de la famille correspondait ment isolés (s’agissait-il de sa aux éléments suivants : un abbé, vivant vers d’après la note de l’incollection personnelle ?), G.A. Simon, « Nicolas de La Place cunable. À cette date, il pouvait s’agir de deux personnages : Nicolas VI abbé du Val-Richer et ses ex-li(arrière-arrière-petit-fils de Nicolas II, né vers / , mort en nm) bris », op. cit., p. . noIbid., p. -. et son neveu Jean-Baptiste (vers -). Tous les deux furent abbés commendataires : Nicolas fut abbé de Notre-Dame d’Eu (abbaye de chanoines réguliers), et, pendant un temps, de l’abbaye cistercienne du Val-Richer (Calvados). Quant à Jean-Baptiste, il succéda à son oncle dans la commende de l’abbaye du Val-Richer (-). Je dois ici remercier M. Jean-Marie Lebeurier, des Archives départementales du Calvados, qui m’a permis de résoudre ce problème en me mettant en contact avec Mme Élisabeth Richard-Rossignol qui travaille sur l’histoire de l’abbaye du Val-Richer. C’est ainsi que j’ai pris connaissance de l’article du chanoine G.-A. Simon dans lequel sont publiés deux ex-libris gravés de Nicolas de La Place, dûment identifiésnn. J’ai pu alors constater que l’ex-libris porté sur nos exemplaires est identique au deuxième type publié par Simon. Toutefois, une importante différence est à noter. À l’origine, l’ex-libris est un feuillet de par cm, avec les armes de l’abbé et dans le tiers inférieur son nom (« Ad nobilissimum reverendissimumque D.D. Nicolaum de La Place Sancto Stephanum, abbatem Augensem et Val-Richer, etc. »no). Or dans nos exemplaires rouennais le nom de l’abbé manque (dans deux cas, le feuillet est découpé au ras de la gravure, dans le troisième cas le feuillet présente un espace blanc au-dessous de l’écu). Peut-être a-t-il éliminé la partie inférieure de ses ex-libris en , après avoir résigné son bénéfice du Val-Richer en faveur de son neveu. Revenons à présent sur ce que l’on peut savoir de Nicolas de La Place. Ce personnage mena une carrière ecclésiastique brillante. Dignitaire bien en cour (conseiller du roi, aumônier de Marie de Médicis), il se trouva pourvu de plusieurs charges et bénéfices : vicaire de
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l’archevêque de Rouen, prieur de Saint-Thibault-des-Vignes (Seine-etMarne), abbé de Notre-Dame d’Eu (de à sa mort) et abbé du ValRicher (-)np. Les historiens jugent sévèrement son abbatiat au Val-Richernq. Ils signalent avant tout l’état de décadence du monastère à son époque, sur le plan de la vie monastique. De l’action de Nicolas de La Place, on ne rapporte qu’un concordat en portant sur les revenus du temporel. Cette même année, Denis L’Argentier, abbé de Clairvaux, fit une visite au monastère qu’il trouva dans un état déplorable. De La Place semble donc avoir été un abbé commendataire typique, peu soucieux de l’état spirituel de son monastère. Son intention, en résignant son bénéfice en faveur de son neveu Jean-Baptiste, un jeune homme de ans, était d’ailleurs de « lui donner de la considération à la cour »nr. Par la suite le jeune abbé devait aller à l’encontre des projets de son oncle, puisqu’il renonça à la vie mondaine et introduisit la réforme de l’Étroite observance dans son monastère. En ce qui concerne l’abbaye d’Eu, l’opinion des historiens est plus favorable : de La Place semble en effet avoir été un administrateur consciencieux. Dès la première année de son abbatiat, il restaura les études en envoyant les novices chez les jésuites d’Eu. Il s’efforça de réformer l’établissement, malgré la réticence de ses chanoines, en faisant appel tout d’abord à la congrégation de Saint-Victor (-). Finalement l’abbaye fut intégrée à la congrégation de Sainte-Geneviève (-)ns. C’est dans son abbaye d’Eu que Nicolas de La Place mourut le septembre , et c’est dans l’église abbatiale, placée sous le vocable de Notre-Dame et Saint-Laurent, qu’il fut enterré. Le chanoine Georges-Abel Simon avait tenté, à travers l’étude des deux ex-libris de Nicolas de La Place, de mettre au jour certains traits de la personnalité d’un homme sur lequel on sait finalement fort peu de choses. « Ces curieux petits documents, écrit-il, témoignent sans aucun doute des tendances et des goûts du personnage ». Dans le premier, le blason crossé, entouré de fruits et de grappes de raisin, est supporté par quatre angelots. Au-dessus figure une devise grecque : Mh; camaipethvı (« ne tombe pas à terre »), au-dessous le nom de l’abbé « Nicolaus De La Place Sancto Stephanas abbas » (il tenait de son père le fief de Saint-Etiennedu-Rouvray). Le second (celui qui figure sur les exemplaires rouennais) est plus austère dans la représentation des armoiries : le blason crossé et mitré est encadré d’une palme et d’une branche de laurier ; au-dessous, on lit le nom et le titre de l’abbé de La Place (il se dit abbé d’Eu et du Val-Richer, l’ex-libris a donc été gravé entre et ). Il a fait ajouter au bas du feuillet sous son nom un anagramme et un distique élégiaque en latin, coquetterie bien dans le goût des beaux esprits du temps, qui révèle aussi une certaine satisfaction de soi-même : « Nicolaus de La Place, A Pallade inlucesco »nt. L’abbé se place ainsi sous l’invocation de Pallas, déesse de la sagesse et protectrice des arts. C’est donc un homme cultivé, nourri de lettres grecques
npVoir les éléments de bibliographie sur le Val-Richer au MK>># siècle dans « Dom Dominique Georges et l’abbaye du Val-Richer », Le Pays d’Auge, n( spécial mars . nqLes archives du Val-Richer ayant été brûlées à la Révolution, on doit s’en remettre aux témoignages anciens pour juger son œuvre. nrC. Buffier (S.J.), La vie de M. l’abbé du Val Richer [Dominique Georges], restaurateur de la discipline régulière de ce monastère, Paris, Boudot, , p. . nsDictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques, article Eu, fasc. , col. . Les sources sur l’action de N. de La Place se trouvent aux Arch. mun. d’Eu. ntEt voici le distique qui suit : « Ter geminum ut sidus lucesco a Pallade terris / A virtute super sidera clarus ero » (« Comme l’astre trois fois double c’est par Pallas que je brille sur terre. Par la vertu, je brillerai au dessus des astres »). Simon, « Nicolas de La Place abbé du Val-Richer et ses ex-libris », op. cit., p. .
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et latines. Nous retrouvons d’ailleurs de La Place, en , « prince des nuA.-G. Ballin, Notice historique sur l’Académie des Palinods, palinods » de Rouennu, c’est-à-dire organisateur et mécène du concours Rouen, N. Périaux, , p. . de poésie mariale qui se tenait chaque année sous l’égide de l’Académie nvMadame Meyer-Noirel, présidente de l’Association frandes Palinods (également appelée de l’Immaculée Conception de Notreçaise pour la connaissance de Dame), auquel se devaient de participer les Rouennais amateurs de bell’ex-libris, me signale deux exemplaires du type passés en vente les-lettres. Le chanoine Simon l’imagine « vivant entouré de livres qu’il publique : Vente Lormier, et soignait et lisait sans nul doute ». À vrai dire, on dispose de peu de sources avril , n( et vente Lebelin de Dionne, et mars , pour nous renseigner sur cette bibliothèque que G.-A. Simon suppon( . sait si importante. Les deux exemplaires rouennais semblent en être les omTerme attesté en , seuls éléments identifiés à ce jour. On connaît par ailleurs des ex-libris d’après le Grand Robert de la langue française. conservés dans des collections, donc détachés des livres sur lesquels ils onCf. la description du cométaient apposésnv. Notre incunable, grâce à sa note manuscrite, apporte merce des « vieux livres » au début du MK>># siècle par Jean Viardot, un nouvel élément au tableau esquissé par G.-A. Simon : Nicolas de la « Livres rares et pratiques biblioPlace fut non seulement un homme cultivé, détenteur d’une bibliothèque philiques », Histoire de l’édition française, t. , p. : « Négligés, conforme aux goûts de « l’honnête homme » de son temps, mais aussi un rejetés, détruits, selon des moamateur de livres anciens. Certes, il n’a pas laissé son nom dans l’histoire dalités presque totalement ignorées, beaucoup de livres en tant que grand collectionneur ou bibliophile de premier plan. Mais au disparurent. Les autres, achetés moins peut-on dire qu’il fut un curieux en matière de livres, conscient de presque toujours en bloc par des l’intérêt historique des ouvrages remontant aux premiers temps de l’imfripiers ou des brocanteurs de livres, s’offrent dans des locaux primerie. Pour lui, un livre vaut du fait de son ancienneté seule, en dehors misérables, des étals à tous vents de toute considération sur son contenu. Il est du nombre de ces amateurs ou des boîtes portatives, à des chalands qu’on aimerait mieux qui, dès la première moitié du MK>># siècle, ont compris la nécessité de colconnaître… Cependant de rares lectionner les éditions gothiques et les anciens textes en langue française, témoignages permettent de soupçonner qu’autour de ces amas alors même qu’un grand nombre d’éditions avaient déjà disparu, tombées d’objets, apparemment sans hors d’usage du fait de leur langue et de leur typographie archaïques. objet, commencent à s’affairer des fouineurs, des fouilleurs, des Il faut imaginer notre ecclésiastique découvrant au cours d’un séjour chercheurs plus sagaces ». rouennais, un jour de juin , nos trois incunables : « deux vieux livres », dit-il, en comptant la Vie du Christ et les Épîtres et Évangiles comme un seul ouvrage. Les livres « estoient dans les maculatures », comme dit la note manuscrite. Ce terme d’imprimerie signifie « feuille salie ou barbouillée d’encre »om, et par extension papier grossier servant à envelopper les rames ou les épreuves. Sans doute faut-il comprendre qu’ils étaient proposés à la vente par un libraire-imprimeur, déreliés et simplement empaquetés, et de ce fait menacés d’une prochaine destructionon. La Vie du Christ et les Épîtres et Évangiles étaient particulièrement abimés, puisque le premier texte a perdu tout le cahier a et que le deuxième texte a eu un feuillet brûlé, sans compter plusieurs feuillets manquants pour les deux ouvrages. C’est alors que l’abbé décide de les acquérir et de les sauver en les faisant relier « pour honorer leur antiquité ». La couvrure est de parchemin sur carton rigide, ornée très sobrement d’un triple filet à froid traçant sur les plats un encadrement dans lequel s’inscrit un losange. Il s’agit d’une reliure simple mais robuste. On peut remarquer que l’abbé de La Place ne s’est pas contenté
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de faire relier les ouvrages, ils les a également fait soigneusement restaurer. Cela apparaît nettement pour la Vie du Christ et les Épîtres et Évangiles, où les petites déchirures des marges ont été systématiquement réparées en y collant des languettes de papier. Ce volume, ainsi constitué, pose un problème : il est certain que la Vie du Christ et les Épîtres et Évangiles ont toujours formé un ensemble ; mais ces deux ouvrages, d’une part, et l’Ordinaire des chrétiens, d’autre part, étaient-ils déjà réunis en recueil, ou est-ce l’acquéreur qui les a fait relier ensemble ? Je pense plutôt qu’il s’agissait d’ouvrages séparés. En effet, si la Vie du Christ s’était trouvée en deuxième position d’un recueil déjà formé, sans doute n’auraitelle pas perdu le début de son texte. La disparition du cahier a suggère plutôt que l’ouvrage est resté assez longtemps en volume isolé, avec une reliure défectueuse, voire dérelié, ce qui a occasionné la perte des premiers feuillets. Il se trouve que l’Ordinaire des chrétiens porte au verso de la page de titre trois marques anciennes de possesseurs, que Nicolas de La Place avait recouvertes de son ex-libris. La lecture en a été possible une fois cette feuille décollée. Le livre a appartenu successivement à Robert Le Fevre, de la rue de Notre-Dame (faut-il restituer « de Rouen » ?), à Nicolas Blachier ( ?) de la paroisse Saint-Éloi de Rouen, et enfin à Léon Sadoc de la rue Ecuyère à Rouen, en . Cette succession de marques de provenance du MK># siècle indique que l’Ordinaire des Chrétiens se trouvait à Rouen peu de temps après sa publication. Mais ces ex-libris ne peuvent pas s’appliquer aux deuxième et troisième pièces. De ce fait, on n’a pas d’indications sur les premiers possesseurs de la Vie du Christ et des Épîtres et Évangiles. Aucune indication sur le volume ne permet de savoir quel a été le sort de notre incunable après la mort de l’abbé et au cours du MK>>># siècle. On peut affirmer, grâce au premier catalogue d’incunables de la bibliothèque de Rouen (rédigé en ), que notre exemplaire faisait partie des collections primitives de la bibliothèque, et donc des saisies révolutionnaires. Deux hypothèses peuvent expliquer la présence de ce volume dans les fonds rouennais. On peut suivre d’abord la piste d’un héritage familial : l’ouvrage a pu revenir, à la mort de l’abbé, dans sa famille rouennaise, et de là passer entre les mains de divers particuliers avant d’entrer dans une des collections saisies à la Révolution. D’autre part, peut-être de La Place a-t-il tout simplement légué ou donné ses livres à l’établissement dont il était abbé, comme le faisaient couramment de nombreux hommes d’Église. Dans ce cas, l’ouvrage aurait fait partie du fonds de Notre-Dame d’Eu, du ressort du district de Dieppe, mais dont un certain nombre de pièces sont passées à la bibliothèque de Rouen (et non à Dieppe). Cette hypothèse paraît probable, mais il est impossible de la prouver, car notre volume ne porte pas la marque de possession habituelle de l’abbaye « Ex libris B.M. de Augo ». Il est à noter que l’autre ouvrage de la bibliothèque de Rouen où figurent les ex-libris des de La Place (Inc g ), également sans autre indication de possesseur, est une acquisition du M>M# siècle dont nous ignorons absolument l’origine.
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Vie du Christ en français Cette édition, décrite seulement dans Pell ms. () sous la vedette « Vie de Jésus-Christ », n’avait pas été correctement identifiée jusqu’à une date récente, notamment parce que le premier cahier manque. Aussi l’édition n’était-elle pas distinguée des autres « vies du Christ » anonymes publiées au MK# siècle. La réponse à ce problème a été donnée ooJe remercie Monsieur par M#%%# Masami Okuboooqui a reconnu notre texte comme étant une Dominique Coq, que j’avais traduction française du pseudo-Bonaventure, très exactement la « trasollicité au début de mes recherduction anonyme I ». Selon la notice qu’elle a établie, il existe trois traches, d’avoir contacté pour moi Madame Geneviève Hasenohr, ductions françaises des Meditationes Vitæ Christi pour le MK# siècle : la qui a soumis mon problème traduction de Jean de Galopes, chapelain de Henri V et doyen de Saintd’identification à Mademoiselle Okubo. Louis de La Saussaye, rédigée vers - et dédiée au roi d’Angleterre, opVoir Dictionnaire de spirituaet deux traductions anonymes du MK# siècle, dont la nôtre. lité, Paris, Beauchesne, , t. I, article « Bonaventure » , col. Une fois la traduction identifiée, il est apparu que notre édition était , par Columban Fischer ; C. la seule existante de cette version des MVC en françaisop. Fischer, « Die “Meditationes vitæ Christi”. Ihre handschriftliche Überlieferung und die Verfasserfrage », Archivium franciscanum historicum, , t. p. -, -, -, -. oqB. Distelbrink, Bonaventuræ scripta authentica dubia vel spuria critice recensita, Roma, Istituto storico Cappucini, (Subsidia scientifica franciscalia, ), notice .
La question de l’auteur du texte reste encore controversée. Les catalogues d’incunables récents ont retenu la vedette « Pseudo Bonaventura », pour des raisons qu’il convient d’expliquer brièvement. L’attribution à saint Bonaventure, qui se trouve dans les incunables latins, est toutefois loin d’être générale dans les manuscrits, dont la majorité est anonyme d’après C. Fischer (et notamment les plus anciens). Très vite, les érudits ont cherché à identifier l’auteur, une fois récusée l’attribution médiévale à Bonaventure. On a établi, par la critique interne du texte dans sa version la plus complète, les grandes lignes de la personnalité de l’auteur. C’est un franciscain, qui écrit pour une clarisse (appelée « dilecta filia », mais beaucoup de manuscrits ont masculinisé le texte). C’est un italien, d’après une allusion à la géographie de la Toscane. Au MK>>># siècle, Benedetto Bonelli, éditeur des œuvres de saint Bonaventure, avait découvert un franciscain du nom de « Johannes de Caulibus de sancto Geminiano » dont il avait fait l’auteur des MVC. Cette attribution ayant été rejetée par les critiques modernes Fischer et Distelbrinkoq, il est prudent de ranger ce texte sous la vedette traditionnelle Bonaventura (pseudo).
Les MVC sont un récit de la vie du Christ écrit à partir des Évangiles, des pères de l’Église (saint Jérôme) et des commentateurs médiévaux (saint Bernard, Histoire scholastique, etc.) L’intention de l’auteur est de proposer des sujets à méditer. Pour cela, le lecteur est invité à suivre en pensée la vie et la Passion du Christ, dans une succession de tableaux émouvants. Le lecteur doit même se transporter, par son imagination, au milieu des personnages de l’Évangile, et ainsi revivre les épisodes marquants de la vie du Christ. Ainsi la narration est toujours liée à une profonde réflexion spirituelle, d’où le terme de « méditations » qui a donné au traité du
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pseudo-Bonaventure le titre sous lequel on le désigne généralement. L’apport de la tradition ecclésiastique et de la légende permettent à l’auteur d’enrichir les épisodes relatés par les évangiles, et de compléter les « trous » dans la vie du Christ et de son entourage. Cela est particulièrement net pour le personnage de la Vierge, que l’auteur fait intervenir dans de nombreuses circonstances de la vie publique de Jésus, comme pour suppléer à sa discrétion étonnante (eu égard au développement du culte marial) dans le texte original des Évangiles. L’auteur insiste sur son inquiétude et ses souffrances de mère, il invente des entrevues et des orPar exemple (incunable, conversations entre la mère et le fils aux moments cruciaux de sa vieor. f dv() : « En ce lieu icy peult estre racomptee une moult devote Au récit se mêlent des réflexions spirituelles et des appels directs à la senchose de laquelle l’escripture ne sibilité du lecteur, qui est invité à s’imaginer en compagnie du Christ, sur parle point, c’est assavoir comment Noustre Seigneur souppa un ton tour à tour attendri et pathétique, proche du style du prédicateur. le mercredi avec ses disciples en Cette œuvre a connu un très grand succès, tant en latin qu’en langues la maison de Marthe et de la Magdelene ». vulgaires (français, italien, anglais). Le texte a été particulièrement popu osDans l’incunable, f cv( : laire en France, où l’on a recensé plusieurs traductions ou adaptations, « Mais tu dois sçavoir que par cestes deulx seurs doibt estre complètes ou partielles. Par la suite ce texte a été quelque peu supplanentendue la vie active et la vie té par des textes en partie dérivés de lui (par exemple la Vita Christi de contemplative si comme dient les Ludolphe le Chartreux). saints docteurs ». La traduction française anonyme I peut être considérée également comme une adaptation, dans la mesure où le traducteur a choisi d’alléger le texte latin (à moins, bien sûr, qu’il faille attribuer les coupes à la copie latine qu’il a utilisée). Le texte français n’est pas une traduction complète des chapitres de la version latine (ce que Fischer appelle le « grand texte »), mais une version abrégée. Selon les manuscrits, l’état du texte peut présenter des variantes assez sensibles, dans la disposition et le titre des chapitres ainsi que dans les coupes, alors qu’il s’agit pourtant d’une même traduction. Néanmoins ils ont en commun, par rapport à l’original latin, les différences suivantes, qui se retrouvent également dans notre incunable. Ë
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es chapitres « distinctio contemplationum », « de impedimentis contemplationis L et que vita alteri preferatur » manquent. Ils forment dans la version longue latine un texte à part, constitué surtout de citations de saint Bernard. Ce Tractatus contemplationis a un traitement divers selon les manuscrits (déplacé, résumé…). Dans la version française il est expédié en une phrase à la fin du § sur Marthe et Marieos. La parabole des ouvriers de la vigne et le repas chez Zachée sont généralement contractés en un chapitre (+ ), les chapitres et étant supprimés. Le chapitre « de maledictione ficus » manque. Les chapitres et (« de muliere in adulterio deprehensa » et « de conspiratione Judeorum contra Dominum ») sont inversés. Et enfin le chapitre « De Passione in generali », qui introduit les méditations sur la Passion, a été supprimé.
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Le traducteur a travaillé sur un texte rendu neutre par la suppression des détails « personnels » (ceux où l’auteur invoque le témoignage de ses frères), et des passages « franciscains ». De même on ne peut dire s’il s’adresse à un homme ou une femme. Du long passage sur la vie contemplative, il ne reste qu’une allusion aux vœux de pauvreté (chap. ). De façon générale, la traduction allège les digressions et supprime les nombreuses citations de saint Bernard glissées dans le corps du texte (à quelques exceptions près). Le but de ces modifications est très certainement de gommer les traits typiquement monastiques de l’œuvre pour la rendre accessible à un plus large public. Ont également disparu les passages « toscans », nécessairement inadaptés à un public français. Dans le cadre de cette adaptation, les « méditations », qui forment, pour reprendre l’expression de G. Hasenohr, la substance de l’œuvre du Pseudo-Bonaventure, ont évidemment subi des remaniements. Un certain nombre d’entre elles sont supprimées dans le texte français, sans qu’on voie clairement pourquoi les unes ont été éliminées et les autres non. D’ailleurs le traducteur n’a pas retenu le terme même de otÀ la différence de la traduction de Jean de Galopes qui « méditation » dans sa version française. Le titre donné par les manuss’intitule « Livre doré des medicrits est La vie de Notre Seigneur Jésus Christ, ou La vie et Passion de Notre tacions de la vie Nostre Seigneur Seigneur Jésus Christot. De même, le récit de la Passion, organisé dans J.C. ». ouPar exemple, la « Meditatio la version latine en « méditations » suivant les heures canoniques, a été passionis in hora matutinali » deremanié. La traduction a redécoupé ces grands chapitres en de nombreux vient dans l’incunable de Rouen « Comment Nostre Seigneur petits paragraphes aux titres purement descriptifsou. prya a Dieu le Pere qu’il ne On peut donc conclure que notre texte français ne restitue pas mourust point » + « Comment Judas trahit Nostre Seigneur en toute la profondeur spirituelle du texte original. Toutefois, le traducbaisant » + « Comment Nostre teur n’en arrive jamais à réduire le texte à une simple trame narrative, à Dame se mist en oraison pour son filz » (f d-d). un simple « roman » de la vie du Christ. En cela, il respecte l’esprit de ovComme le sont les mss de l’œuvre du pseudo-Bonaventure et conserve une certaine qualité littéla bibliothèque Mazarine et de la raire et spirituelle. BM de Rennes. Le texte de notre incunable est conforme à la majorité des manuscrits conservés, compte tenu de l’état assez mouvant du texte français. Mais il est un point où notre imprimé diffère complètement des manuscrits : c’est la fin. Le traducteur, tout en allégeant le texte latin, est allé dans sa traduction jusqu’au bout du texte original (§ , correspondant à la mission des apôtres), puisque tous les manuscrits vont jusqu’à ce # chapitre (sauf accident matériel.) Or, l’explicit de l’incunable se situe dans le cours du chapitre (« Ce fut signifiance de ceste joye car tous ceulx qui adoncques estoient en paradis se esjoyssoient. Deo gracias » = texte latin « quodcumque gaudium illud significet »). Cette coupe ne doit pas être volontaire : le texte imprimé a dû être composé à partir d’un manuscrit défectueux, incomplet de la finov. Notre édition prend place dans la série des « Vies du Christ » en français (anonymes ou non) dont plusieurs ont été répertoriées par les incunabulistes à ce jour. Un premier texte com-
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pmCIBN V- à , CRI() , CRI() . pnCf. G. Hasenohr, « A propos de la Vie de nostre benoit saulveur Jhesus Crist », Romania, , t. , p. -. poLe catalogue de la BnF en recense éditions incunables et du MK># siècle. ppC. Knowles propose de l’identifier avec Vignats (Calvados), en latin Vinacum ou Vinacium. pq) Végèce, de re militari : De la chose de chevalerie – ) Vincent de Beauvais, Speculum historiale : Miroir historial – ) Épîtres et Évangiles – ) Jacques de Voragine, Legenda aurea : Légende dorée – ) Directorium ad passagium faciendum : Directoire à faire le passage de Terre Sainte – ) Odoric de Pordenone, Merveilles de la terre d’oultremer – ) Jacques de Cessoles, Ludus scaccarum : Le jeu des échecs moralisé – ) Hugues de Saint-Cher, Speculum ecclesiæ : Miroir de l’Eglise – ) Gervais de Tilbury, Otia imperialia : Oisivetez des Emperieres – ) Enseignements de Théodore Paléologue – ) Chronique de Primat ou Chronique de Saint Louis et Philippe III – Un # titre, Histoire d’Alexandre, est perdu. Il figurait dans la bibliothèque de Charles V.
mençant par « Au nom de la benoite et sainte Trinité » a été édité à plusieurs reprisespm. On connaît également une Vie de nostre benoit sauveur J.-C. (incipit « Cy commence une mout belle et moult devote matiere »), compilation hétérogène qui puise entre autres dans les MVC pn (deux éditions à la BnF). C’est surtout la traduction, par Guillaume Lemenand, de la Vita Christi de Ludolphe le Chartreux, qui a connu le plus grand succès éditorial (à partir de )po. Notre incunable rouennais reste à ce jour le seul de son espèce, puisque les répertoires d’incunables et d’impressions du MK># siècle ne connaissent aucune autre édition de cette traduction des MVC. Il semble donc que ce texte n’ait connu qu’un succès médiocre. Pourtant cette traduction ne manque pas d’intérêt : ni simpliste comme les versions populaires illustrées, ni encombrée de légendes extravagantes comme la version « Cy commence… », ni surchargée de commentaires et digressions comme la Vie de Ludolphe, elle se lit agréablement et traduit bien le style plein d’imagination et de sensibilité du pseudo-Bonaventure.
Le Lectionnaire en français
Le texte nous est donné par l’incunable sous le titre « Epistres et Euvangilles ». Notre traduction est celle de Jean de (ou du) Vignay, composée en . Christine Knowles, dans son article « Jean de Vignay, un traducteur du M>K# siècle », Romania, LXXV, , p. -, a fait la synthèse des connaissances sur le personnage de Jean de Vignay et son œuvre. Jean de (ou du) Vignay était de naissance normande. La forme de son nom est flottante selon les manuscrits, on ne connaît d’ailleurs pas de lieu en Normandie s’appelant « Vignay » ou « le Vignay »pp. Né vers -, il fréquenta l’école du Molay Bacon, près de Bayeux. Il vint plus tard à Paris, et est qualifié dans la plupart de ses manuscrits d’« hospitalier de l’ordre de Saint Jacques du Haut-Pas », un ordre d’origine italienne installé à Paris sous Philippe Le Bel. On ignore la date de sa mort. Sa dernière traduction datée est de , mais il a pu écrire jusque vers d’après C. Knowles. Comme auteur, il se consacra entièrement à la traduction de textes latins, religieux ou profanes. On connaît onze textes traduits par ses soinspq. Les auteurs traduits sont médiévaux, à l’exception de Végèce. D’après les dédicaces de ses œuvres, Jean de Vignay travailla pour la cour des Valois (la reine Jeanne et le roi Philippe VI), répondant ainsi au désir, de plus en plus affirmé parmi les grands personnages du temps, de pouvoir accéder en langue française aux textes classiques du savoir médiéval. Les Épîtres et Évangiles font partie de cet ensemble de traductions
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demandées par la cour : trois des manuscritspr comportent un colophon qui nous expose les circonstances dans lesquelles a été rédigé l’ouvrage : exécuté « à la requête de madame la reine de Bourgogne », c’est-à-dire Jeanne de Bourgogne, femme de Philippe VI de Valois, il a été achevé le mai . Ce traducteur polyvalent, qualifié de médiocre par les critiques modernes, jouit d’une grande popularité pendant presque deux siècles, du premier tiers du M>K# siècle jusqu’au début du MK># siècle. Des onze œuvres qui ont été traduites par de Vignay, les trois les plus diffusées ont été : la Légende dorée de Jacques de Voragine, le Jeu des Échecs moralisé de Jacques de Cessoles, et le Miroir historial de Vincent de Beauvais. En témoignent le grand nombre de manuscrits qui ont été conservés et les éditions imprimées qui en ont été tirées. La Légende dorée a connu un remarquable succès éditorial aux MK# et MK># siècle : C. Knowles en a dénombré pas moins de quarante éditions jusqu’en . Le Miroir historial a été édité par Antoine Vérard ( IX - V ). En encore, on retrouve la même œuvre imprimée par Nicolas Couteau. Enfin, le Jeu des échecs moralisé a été édité par Vérard et Michel le Noir, en et . Jean de Vignay a même été retraduit en anglais grâce à Caxton qui publia deux de ses œuvres, la Légende dorée, le Jeu des échecs, ainsi que le Livre des faits d’armes de Christine de Pisan, adaptation de Végèce qui puise largement dans la traduction de Jean de Vignay .
prBnF fr. , BM Tours (prov. Marmoutier), BM Roanne (prov. N.-D. de Loos). psMarie Pellechet a vu l’exemplaire de Rouen, puisqu’elle a catalogué le Pseudo-Bonaventure. Pourtant, on ne retrouve pas de fiche pour les Épîtres et Évangiles dans le catalogue Pellechet manuscrit (éd. en fac-sim. par Kraus). ptC. Knowles, reprenant la thèse de Samuel Berger (La Bible française du Moyen Âge, étude sur les plus anciennes versions de la bible écrites en prose de langue d’oïl, Paris, Imprimerie nationale, , p. -) admet que Jean de Vignay s’est inspiré d’un modèle antérieur. S. Berger, remarquant la ressemblance entre la traduction de Jean de Vignay et celle d’un évangéliaire de Cambrai (BnF fr. , M>K# siècle), avait supposé que les deux évangéliaires dérivaient d’une source commune, ellemême apparentée à une Bible française du M>>># siècle. Cette hypothèse reste, à mon sens, non démontrée, car le latin des Évangiles est assez simple pour que plusieurs traducteurs indépendants arrivent à des résultats proches. Si l’on compare le texte de Jean de Vignay avec les mss Mazarine () et BnF fr. , traductions des Épîtres et Évangiles accompagnées d’un commentaire, on constatera également de larges similitudes.
Les autres œuvres ont été moins diffusées. Parmi elles, les Épîtres et Évangiles, sans égaler le groupe des trois traductions mentionnées cidessus, ont connu un succès relatif si l’on en juge par les six manuscrits conservés. Toutefois, aucune édition imprimée n’en était connue jusqu’à présentps, ce qui fait l’intérêt de notre exemplaire. C. Knowles porte un jugement sévère sur les talents de traducteur de Jean de Vignay : latiniste médiocre, il ignore le sens de certains mots, et est incapable de redresser les erreurs des manuscrits latins qu’il utilise. Son français manque absolument d’élégance ; « d’une fidélité pénible », il calque le latin jusqu’au faux sens. Enfin, il ne revoit pas ses traductions et ne se corrige pas. En résumé, il n’est bon traducteur que lorsqu’il part d’un latin simple. C’est justement le cas des Épîtres et Évangiles. Rédigé dans une langue facile, ce texte liturgique se prête à une traduction fidèle et linéairept. Sur le plan linguistique, on peut remarquer que ce texte est le seul, avec le Végèce, dont les manuscrits comportent une survivance de la déclinaison (nous retrouverons ce trait dans l’imprimé).
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L’état du texte, tel qu’il est reproduit par l’imprimé, nous donne quelques indications sur le manuscrit source (aujourd’hui perdu). Le titre de l’incunable est libellé d’une manière inhabituelle, que je n’ai pas retrouvée dans les manuscrits que j’ai vus : « cy commencent les epistres et euvangilles, les lessons, les quatre passions, les faiz des apoustres et le commun des saincts translatees de latin en françoys selon l’ordonnance du messel par ung venerable docteur en theologie de Paris ». Dans les manuscrits, le nom de Jean de Vignay n’est donné que par ceux qui recopient le colophon de . Les autres sont anonymes, et on n’y trouve jamais cette mention d’un « docteur en théologie », titre qui ne peut d’ailleurs s’appliquer à Jean de Vignay. Cette attribution, sans doute propre au manuscrit qu’a utilisé l’imprimeur, reste donc inexpliquée. Sur le plan linguistique, je n’ai pas découvert de trait dialectal particulier. En revanche, la langue contient des traits assez archaïques, comme la survivance sporadique de la déclinaison (notamment avec le mot « homs »)pu. L’examen des manuscrits puQuelques exemples : « Nulz montre que le seul manuscrit du M>K# siècle existantpv contient un assez homs qui est mis en la chevalerie » (f. > §) ; « Beneuré est ly homs » grand nombre de cas sujets. Les manuscrits du MK# siècle ont en général (m) ; « Ungs homs voult aller », « modernisé » le texte, mais certains cas sujets ont été conservés ça et là « Ung homs noble » (mv(, §-) ; « Nul homs ne alume » (m, §) ; par les copistes. Il n’est donc pas besoin d’imaginer que l’imprimeur a « Celui homs » (n §). utilisé un manuscrit très ancien pour expliquer les cas sujets de notre pvBnF NAF . Le manuscrit de dédicace à Jeanne de incunable. Le compositeur a très certainement eu à sa disposition un Bourgogne est perdu (les manusmanuscrit du MK# siècle, et a lui aussi recopié machinalement les quelcrits qui ont recopié le colophon de sont du MK# siècle). ques formes archaïques qu’il y a rencontrées. qmLa comparaison de l’incunable avec un Missel de Rouen, par exemple, montre que, dans la majorité des offices que les deux ouvrages ont en commun, les épîtres et évangiles sont identiques.
Le lectionnaire de Jean de Vignay est, d’après les manuscrits, à l’usage de Paris. Cela ne signifie pas pour autant que notre incunable a été édité à Paris, ni destiné exclusivement à des Parisiens. En effet, bien qu’il existe, en principe, différents usages selon les diocèses, dans la pratique il y a une grande similitude d’un diocèse à l’autre car le choix des textes, pour le temporal, a été fixé dès l’époque carolingienne. Les différences se situent surtout dans le sanctoral, en fonction des cultes locaux propres aux diverses églises. Or précisément, le sanctoral de notre texte ne comporte pas d’office vraiment caractéristique : il s’en tient aux principaux saints et aux grandes fêtes célébrés partout. C’est pourquoi cette traduction pouvait convenir aux fidèles de toute la France, en dépit de certaines divergences ponctuellesqm. Par ailleurs, on ne peut mettre les Épîtres et Évangiles sur le même plan qu’un Bréviaire ou un Missel, ouvrage liturgique strictement utilitaire dont la diffusion est limitée à un diocèse. Évidemment, nos Épîtres et Évangiles en français n’ont rien à voir avec la célébration du culte, même si le texte latin qu’ils traduisent est à l’origine un ouvrage liturgique. Par conséquent, le fait que la traduction soit basée sur le missel à l’usage de Paris ne fournit pas d’indice vraiment concluant quant au lieu d’impression. La singularité de notre incunable m’a amenée à me poser des questions sur la tradition manuscrite et imprimée du Lectionnaire en français. Il existe assez peu de traductions des
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Épîtres et Évangiles en forme de lectionnaire. On trouve, d’une part, des traductions partielles (comme l’Évangéliaire de Cambrai, M>K# siècle, ms. BnF Fr cité par Berger : trad. anonyme). D’autre part, il existe des manuscrits qui traduisent le texte avec un commentaire. Ainsi, la première traduction connue, du M>>># siècle, est en fait la traduction de « l’esposicion Haimon », c’est-à-dire les homélies de, ou attribuées à, Aimon de Halberstadt (Arsenal ). Le ms. Mazarine et le ms. BnF Fr. (MK# siècle) joignent eux aussi un commentaire ou une série d’exempla au texte liturgique. De sorte que la traduction de Jean de Vignay est la seule que j’ai pu voir qui se limite strictement au texte liturgique. En étudiant la tradition imprimée au MK# siècle des Épîtres et Évangiles, j’ai remarqué une singularité française que je ne peux que constater, sans pouvoir pour l’instant en proposer d’explication. Il apparaît que le lectionnaire « pur » (c’est-à-dire la traduction des extraits des messes, sans aucun commentaire) est très peu représenté en France. Au contraire, les lectionnaires traduits en langues vulgaires abondent dans l’aire germanique ainsi qu’en Italie. L’Allemagne est en tête, avec éditions en langue allemande, auxquelles il faut ajouter les Ewangelien und Episteln qui suivent plusieurs éditions du Spiegel menschlicher Behaltnis (), et éditions en bas-allemand. Les Pays-Bas suivent, avec éditions en néerlandais selon l’IDL. Au troisième rang vient l’Italie, presque au niveau des Pays-Bas avec éditions répertoriées dans l’IGIqn. Ce type de texte paraît être un qnIl n’y a pas lieu de retenir ici les traductions espagnole et domaine presque réservé aux langues vulgaires, puisque je n’ai trouvé portugaise, car il s’agit, selon le mention que de éditions en latin, parues à Zwolle et Deventer. Or Catàlogo de incunàbulos de la Biblioteca nacional de Portugal, la France reste presque totalement absente de ce tableau, que ce soit en de versions des Postilles de langue française ou en langue latine. Les Épîtres et Évangiles en français Guillermus. Cf. infra. qoRééditée fois, la dernière ne sont représentés que par l’exemplaire de Rouen (seul de son espèce par E. Dolet en . Cf. C. dans les fiches des rédacteurs du GW). Certes, d’autres éditions en franLongeon, Bibliographie des œuvres d’Étienne Dolet, Genève, çais ont pu disparaître totalement, mais cela ne saurait expliquer la disDroz, (coll. « Travaux proportion des chiffres entre la France et les autres pays. d’humanisme et Renaissance », Il faut descendre ensuite à environ pour retrouver une nouvelle CLXXIV), n( . traduction française, issue de l’entourage de Jacques Lefèvre d’Étaplesqo. Il existe, en revanche, en France, des publications dérivées du lectionnaire, c’est-à-dire, comme on l’a vu pour les manuscrits, le texte accompagné d’un commentaire ou un sermon, ou même paraphrasé. On connaît, par exemple, une « exposition » de Maurice de Sully : « les exposicions des evangilles en romant » (publié à Chambéry et Chablis en et ). D’autre part, à la suite de la publication en latin de nombreuses « postilles » et expositions (par le frère « Guillermus », Nicolas de Lyre et Nicolas de Gorran, Hugues de Saint-Cher, Postilla super epistolas et evangelia), Pierre Desrey, polygraphe actif à la fin du MK# siècle et dans les premières années du MK>#, donna une traduction faisant la synthèse des différents commentateurs. Cette œuvre intitulée Postilles et expositions des Epistres et Evangiles dominicales connut un grand succès à en juger par ses nombreuses rééditions ()# éd. datée , rééd. au moins jusqu’en ).
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Pour mieux comprendre la singularité de la France comparée aux autres grands centres de l’imprimerie européenne en ce qui concerne la diffusion des Épîtres et Évangiles, il faudrait en savoir plus sur les pratiques de lecture de ce texte. Quoique le lectionnaire soit à l’origine un livre liturgique, il n’est plus en usage pour le culte à cette date : on n’imprime aucun lectionnaire pour les diocèses, mais seulement des missels qui regroupent en un volume unique les différentes parties de la messe. Dès lors les Épîtres et Évangiles que l’on publie activement dans la zone germanique et en Italie ne doivent pas s’adresser aux officiants, mais bien à un public laïc, d’autant plus qu’ils sont presque toujours en langue vulgaire. Le rôle joué par la lecture du lectionnaire dans la dévotion privée n’a pas été, à ma connaissance, étudié. Peutêtre faut-il rechercher, dans la divergence des pratiques de lecture pieuse en Europe, la clé de l’insuccès de ce texte en France. À la quasi-inexistance du lectionnaire français, on peut opposer l’extraordinaire production de livres d’heures, spécialité parisienne. Les deux phénomènes seraient-ils liés, et le livre d’heures aurait-il pris en France, dans la piété des laïcs, la place qui a pu revenir, ailleurs, à la lecture des Épîtres et Évangiles ? Le cadre limité de cette étude ne me permet pas de vérifier cette hypothèse que je n’avance qu’avec réserve.
L’imprimeur et les caractéristiques typographiques Les deux textes sont imprimés dans un seul caractère gothique (G ), sur deux colonnes, à lignes. L’ouvrage est un petit in-folio, signé mais non folioté. La Vie du Christ est signée b-e, f. Le cahier a manque, ainsi que le f. e, soit un total de ff. conservés. Si l’on restitue un cahier a, l’ouvrage complet devrait compter ff. Les Épîtres et Évangiles sont signés a-i, l, m, n, soit un total théorique de ff. (seuls sont conservés). Malheureusement, je n’ai pu parvenir à identifier l’imprimeur anonyme de notre incunable car il a utilisé un caractère (/ mm sur l.) que je n’ai trouvé répertorié ou reproduit dans aucun catalogue d’incunables ou recueil de fac-similés. La recherche dans les tables de Haebler à partir du M (qui est le M) n’a donné aucun résultat. En France, ce M est attesté à Paris, Lyon, Besançon, Poitiers, Orléans, Caen, mais le reste des caractères ne correspond pas à notre incunable, ni pour la mesure sur lignes, ni pour la forme des caractères. Les lettres les plus caractéristiques de l’alphabet employé par notre imprimeur inconnu sont une série de majuscules (C, O, Q) avec une sorte de petite virgule ou petit crochet inscrit dans le cercle de la lettre, en haut à gauche. On remarque chez plusieurs imprimeurs utilisant le M ce même type de dédoublement dans les lettres à base circulaire. Toutefois, chez eux, le E majuscule est dédoublé de la même façon, tandis que chez notre imprimeur le E n’entre pas dans cette série : il présente un tracé rond, mais simple. Toutes les autres lettres sont simples et dépourvues de points ou tirets à l’intérieur des panses, ce qui les différencie des autres polices avec M dont on a publié des fac-similés.
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L’alphabet paraît assez rudimentaire. L’imprimeur ne dispose pas de la lettre k minuscule (qui est sautée dans la série des signatures)qp. Il existe un certain nombre de signes supplémentaires : le groupe f lié, le & valant et, et un petit jeu d’abréviations : la série des voyelles tildées, le º valant us, le π (per). L’imprimeur ne connaît pas d’autre signe de ponctuation que le point, employé d’ailleurs de façon irrégulière et avec parcimonie. La pause, faible ou forte, est traduite le plus souvent par un espace blanc supplémentaire et l’emploi d’une capitale en tête du membre de phrase suivant. On ne rencontre ni tirets, ni doubles tirets, ni deux points, ni points d’interrogation, ni pieds de mouches dans le texte.
qpEn outre, comme cela arrive fréquemment, on ne peut établir la série complète des majuscules. Il manque K, X, Y, Z. qqÉpîtres et Évangiles, f b : l. , … qui est ap / pareillie ; ev : l. , … mene a mort / comme vne brebis ; lv : l. , … phares / et aram. qrÉpîtres et Évangiles, f e5v : l. ,… du nouvel testa / ment ; f5v : l. ,… misericordes de / david ve[cy, f f] ; g5v : l. ,… auxi comme de feu / et se assist sur chas[cun, f g] ; etc. qsCRI(), pl. XXIV-XXV. qtCRI(), pl. XX et CRI(), pl. VI. quA. Claudin, Origines et débuts de l’imprimerie à Poitiers, Paris, A. Claudin, . U. Baurmeister, « Un missel inconnu du MK# siècle à l’usage du Mans » (CRI() ), La Province du Maine, juillet-sept. , p. -.
En ce qui concerne la composition typographique, le texte est disposé en deux colonnes correctement justifiées avec un nombre de lignes régulier, sauf quelques pages dont l’une des colonnes est plus courte que l’autre. Quelques endroits trahissent un problème de calibrage : le ou les derniers mots de la colonne de droite débordent de la # ligne (obligeant l’imprimeur à placer la fin du mot sous la ligne)qq ou au contraire ne suffisent pas à la remplir (la # ligne comporte ainsi un grand espace blanc disgracieux)qr. La composition n’est donc pas impeccable. Le texte est découpé en paragraphes aérés qui commencent par un espace réservé pour l’initiale à inscrire par le rubricateur (en général sur lignes de hauteur). L’usage des lettres d’attente est inconnu. L’espace est resté vierge, car notre exemplaire n’a jamais reçu les ajouts manuscrits prévus. Ces éléments ne permettent pas de proposer une datation précise. L’impression étant d’aspect assez archaïque, on serait tenté de lui assigner une date assez haute, plutôt -. Cependant de petits ateliers, ou des ateliers provinciaux, ont pu maintenir longtemps des pratiques de mise en page plus anciennes.
L’aspect visuel de notre incunable évoque dans une certaine mesure les productions d’imprimeurs comme celui du Livre des Prêtres, [Poitiers]qs, ou du Breviarium Rothomagense [Paris (ou Rouen?)]qt, mais sans que l’on puisse aller au-delà de ce rapprochement formel. La localisation de ces imprimeurs éponymes demeure elle-même incertaine : par exemple, avant d’attribuer le Breviarium Bajocense à l’imprimeur du Breviarium Rothomagense (CRI() bis, voir p. ), on l’a d’abord rangé parmi les impressions de Jean Bouyer de Poitiers (BMC). Le GW propose même pour cet ouvrage [Paris, Louis Martineau( ?)]. Autrement dit, cette famille de caractères appartient à un groupe de facture parisienne qui a pu se diffuser dans la France de l’Ouestqu. Peut-être faudrait-il assigner une localisation de ce type, aussi vague paraisse-t-elle, à notre incunable.
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Il me faut encore signaler une piste que j’ai explorée, malheureusement sans succès. J’espérais pouvoir tirer une information plus précise de la disposition des signatures qui est assez inhabituelle et atteste de pratiques d’atelier originales. Trop originales même, car je n’ai pas été en mesure d’en retrouver l’équivalent chez d’autres imprimeurs. Les signatures présentent deux caractéristiques : a) l’alternance de chiffres romains et arabes ; b) l’utilisation de lettres minuscules en guise de chiffres arabes. Pour un cahier de ff., les signatures sont libellées comme suit : ai aii az (qui vaut – ce qui se rencontre ailleurs) aq (qui vaut – cette utilisation particulière de la lettre q me semble en revanche peu courante) + ff. non signés. Ce système est absolument régulier dans les deux textes, Vie du Christ et Épîtres et Évangiles. Il ne s’agit donc pas d’une fantaisie mais d’un choix délibéré du compositeur. Le plus curieux est que l’imprimeur ne dispose visiblement pas d’une série de chiffres arabes, mais tient néanmoins à les employer, ce qui l’oblige à utiliser un z en guise de et un q en guise de , alors que rien ne l’empêchait de signer aiii et aiiii. J’ai essayé, sans succès, comme je l’ai dit, de faire des rapprochements avec d’autres ateliers. Malheureusement, il n’existe pas actuellement d’étude comparative sur les diverses façons de signer selon qvChez Pierre Levet ( [Cato] les lieux ou les imprimeurs. À défaut, je me suis livrée à des sondages, Disticha de moribus VII ) et plus tard chez Félix Baligault en m’intéressant plus particulièrement aux ateliers provinciaux ou mal(a a a aiiii, Ludolphus de connus. De cette enquête (non exhaustive), il ressort que la plupart des Saxonia, Vita Christi, V ; A. Datus, Elegantiolæ, c. ). imprimeurs ont recours au système ordinaire a(i) aii aiii aiiii (toujours rmG. Piccard, Wasserzeichen : pour un cahier de ff.), ou en chiffres arabes : a( ) a a a. Les autres Lilie, Stuttgart, Kohlkammer, . systèmes de signatures sont beaucoup moins fréquents. Le mélange des chiffres romains et arabes, en particulier, semble rare. À Paris, je n’ai rencontré un tel mélange que sporadiquementqv. Du côté des ateliers provinciaux, j’ai remarqué un système approchant chez l’imprimeur du Livre des Prêtres. Dans son Manipulus curatorum de Guido de Monte Rochen (daté approximativement d’avant ), on trouve la disposition suivante, par exemple pour le cahier B de ff. : Bi Br (vaut B) Bz (vaut B) Biiii Bh (le h représentant la forme archaïque du chiffre arabe ) + ff. Cette méthode de signature n’est pas sans rappeler la nôtre, surtout dans la façon de substituer des lettres à des chiffres arabes que l’on ne possède pas. Ceci dit, il serait hasardeux de vouloir rapprocher les deux imprimeurs sur ce critère. Tout ce qu’on peut dire avec sûreté, c’est qu’ils ont en commun la pénurie de chiffres arabes. Après avoir essayé vainement d’identifier les caractères, il me restait une dernière possibilité pour tenter de localiser l’édition : l’examen des filigranes. Malheureusement, ils se sont avérés être d’un type banal. Un seul filigrane est employé, de type armorial : une fleur de lis sommée d’un lambel surmontée de la croix de la Passion. Ce type, très courant, est à rapprocher plus particulièrement des n( - de Briquet. Gerhard Piccard dans Wasserzeichen : Lilierm répertorie ce type au n( -, dans le vaste ensemble -, localisé en « (Mittel)Frankreich ». Si Briquet évoque une origine orléanaise pour ce type (à cause du lambel et de la fleur de lis empruntés aux armes d’Orléans), il constate que ce filigrane se banalise très vite. Dès lors
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on trouve des localisations un peu partout en France (avec peut-être une préférence pour le Centre-Ouest), et même quelques occurrences à l’étranger. L’indice du papier ne permet donc pas de se prononcer sur la localisation de l’impression. En revanche, du fait qu’un seul filigrane est employé dans les deux textes, on peut conclure que l’imprimeur a utilisé un lot homogène de papier, ce qui laisse penser que les deux textes ont été publiés en même temps, et peut-être destinés à être réunis, ce qui explique qu’ils soient demeurés ensemble jusqu’à aujourd’hui. Leur rapprochement n’est sans doute pas fortuit. L’imprimeur a pu vouloir constituer un ensemble autour du Nouveau Testament : d’abord, une Vie du Christ sous forme de récit suivi, et ensuite les extraits du texte authentique de la Bible. Cette rnA. Vaccari, « Le Meditazioni combinaison n’est pas un exemple unique : on peut remarquer en effet della vita di Cristo in volgare », que les éditions de la Vita Christi de Ludolphe se terminent par une table dans Scritti di erudizione e di filologia. I. : Filologia biblica e pades évangiles des dimanches indiquant pour chaque messe l’extrait qui y tristica, Rome, Edizioni di storia est lu. Vaccari signale également un manuscrit italien des MVC se termie letteratura, 1952, p. 341-378 nant par une table des évangilesrn. [p. ]
Au terme de cette étude, nous aurons apporté, avec nos unica rouennais, deux pièces intéressantes tant pour l’histoire de l’imprimerie en France que pour la diffusion des textes en langue vulgaire. En ce qui concerne les textes, nos incunables enrichissent la bibliographie des premières éditions en langue française, puisqu’on ne connaissait pas, jusqu’à ce jour, de version imprimée de la « traduction anonyme I » des MVC ni du Lectionnaire de Jean de Vignay. Ainsi voit-on ces deux textes médiévaux terminer leur carrière avec ces éditions imprimées, que l’on peut considérer comme uniques dans l’état actuel des connaissances. Nos incunables ajoutent également un nouvel imprimeur éponyme à la liste des ateliers français du MK# siècle. Sa localisation reste douteuse, car le rapprochement que nous avons tenté avec certains types parisiens ou avec ceux des ateliers de l’Ouest de la France ne saurait être concluant, faute d’indices réellement probants. L’aspect de la typographie suggère une date assez haute (c. - ?). Ces impressions évoquent le travail d’un petit atelier, dont les productions, de faible diffusion, n’ont pas été copiées par d’autres. Pour parvenir à une identification plus précise, il ne reste plus qu’à espérer que l’avenir nous apporte d’autres découvertes, peut-être dans les régions dont les catalogues d’incunables sont en cours.
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Fig. – L’Ordinaire des chrestiens. Paris : pour Antoine Vérard, [circa ], º. Titre – Rouen, Bibliothèque municipale (Inc mm a)
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Fig. – L’Ordinaire des chrestiens. Paris : pour Antoine Vérard, [circa ], º. F. arº – Rouen, Bibliothèque municipale (Inc mm a)
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Fig. – L’Ordinaire des chrestiens. Paris : pour Antoine Vérard, [circa ], º. F. arº – Rouen, Bibliothèque municipale (Inc mm a)
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Fig. – Pseudo-Bonaventure [Meditationes vitæ Christi. Français]. [Paris ou Ouest de la France, circa -], º. – Caractères : G /. #) feuillet conservé [b]rº – Rouen, Bibliothèque municipale (Inc mm b)
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Fig. – [Lectionnaire. Français :] Epistres et Evangilles. [Paris ou Ouest de la France, circa -], º. – Caractères : G /. F. brº – Rouen, Bibliothèque municipale (Inc mm b)
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Fig. – [Lectionnaire. Français :] Epistres et Evangilles. [Paris ou Ouest de la France, circa -], º. – Caractères : G /. Rouen, Bibliothèque municipale (Inc mm c)
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Fig. – Ex-libris gravé de Nicolas de La Place. Bibliothèque municipale de Rouen
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À PROPOS DE DEUX ÉDITIONS SCOLAIRES PARISIENNES Annie Taurant-Boulicaut
a bibliothèque André-Desguine, conservée aux Archives départementales des Hauts-de-Seine et issue du don d’une collection particulière, se compose d’un fonds de ouvrages dont éditions anciennes, parmi lesquelnArchives Départementales les incunablesn. des Hauts-de-Seine. A. TaurantSur les quelques unica ou éditions extrêmement Boulicaut, La Bibliothèque rares de ce fonds d’incunables, on remarque la présence de deux petites André-Desguine : guide, Nanterre, Arch. dép., , p., ill ; id., éditions scolaires parisiennes. Les Incunables : catalogue, NanÀ la fin du MK# siècle, la production universitaire est importante. terre, Arch. dép., , p., ill. Une soixantaine de collèges jalonnent la Montagne Sainte-Geneviève et le quartier de la Sorbonne, à proximité desquels de nombreux libraires et imprimeurs se sont installés. Cependant, il ne reste souvent que peu d’exemplaires de ces éditions scolaires, rendues fragiles du fait de leur usage, et que l’intérêt limité des textes souvent réimprimés et la médiocrité de leur forme ont fait, parfois, passer inaperçues. Il est apparu opportun de rapprocher ces deux plaquettes, apparemment de facture similaire, et toutes deux fort rares, réunies (et depuis combien de temps ?) sur les rayons de notre bibliothèque.
Description des exemplaires Il s’agit de deux impressions de classiques latins, sans commentaire, petits in-quarto imprimés tous deux dans une bâtarde de hauteur - mm, caractère typiquement parisien utilisé dans plusieurs ateliers. L’impression de textes classiques dans ce caractère est si peu courante que l’on peut se demander légitimement si cette proximité est uniquement le fruit du hasard. s
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Le premier ouvrage est une édition des Epistolæ d’Horace : fnc. rº : Quinti Horatii Flacci epifolarum liber primus / Quintus Horatius Flaccus Mecenati. S. / [P]rima dicte michi Somma dicende camena / Spectatum Satis et donatum iam rude queris / – fnc. rº l. : / Rideat et pulSet laSciua decentius etas. / Finis Epifolarum Horatii. / – fnc. vº blanc. In-quarto, ff. (sig. a-du es), lignes de texte (cahiers a-c) et lignes (f. vº et cahiers d-e) ; bâtarde de hauteur -, interligné - ; lettres d’attente irrégulièrement. La reliure, en maroquin rouge, est anglaise et signée « Bound by Rivière and son »o. £
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Le second est une édition du De Remedio amoris d’Ovide : fnc. rº sig. A : Publii naSonis ouidii pelignenSis de remedio / amoris liber incipit. / [L]egerat huius amox titulu nomenqÓ / libelli / Bella michi video bella parantur ait. / fnc. vº l. : / Carmine Sanati femina virqÓ meo / [l. explicit :] Ouidii naSonis publii de remedio / amoris illiciti liber finit feliciter. / coxrectus et a viciis Scriptorum im=/peritia releuatus per magifru Jo=/hannem vincentii in artibus magi/frum. in Sacra pagina licenciatum / et in decretis baccalarium. In-quarto, ff. (sig. A-Bu), lignes de texte non interligné (sauf f. vº = l.), bâtarde de hauteur - ; lettres d’attente. Le dernier feuillet (blanc ?) est absent. L’ouvrage contient de nombreuses notes ms. de l’époque ou du début du xvi#siècle. La reliure (maroquin bleu) est signée Godillotp. £
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Aucun des deux ne comporte d’éléments immédiats d’identification
oLe relieur anglais Robert (marque, colophon) ou de bois caractéristiques. Dans les deux cas, le Riviere (mort en ) exerce de à à Londres et Bath ; son texte commence au recto du premier feuillet. La consultation des granpetit-fils lui succède sous le nom des bibliographies et catalogues de bibliothèques n’offre pas le secours de « Rivière and son » de à , période pendant laquelle attendu. Le catalogue Goff (H-) signale bien une édition des Epistolæ nous pouvons dater notre reliure. de ff. et l. de texte, sans date et qu’il attribue à Pierre Levet, mais Voir M. Packer, Bookbinders of Victorian London, The British il s’agit vraisemblablement de celle signalée par le British Museum, difLibrary, . férente de la nôtreq. En revanche, le catalogue Pellechet mentionne une pIl s’agit de Marcel Godillot, né édition en tout point similaire, attribuée de façon dubitative à Pierre en à Alfortville, qui s’établit en et exerce jusqu’en , Levet en et localisée à la Bibliothèque municipale de Grenobler. après avoir été ouvrier chez SaulIl s’agit strictement de la même édition, comportant les mêmes défauts nier (), Marot-Bodde (), Bernasconi () et Klein (). d’impression. Si l’attribution à Pierre Levet reste plausible, la date paraît Voir J. Flety, Dictionnaire des improbable : aucun livre attribué de façon certaine à cet imprimeur et relieurs français ayant exercé de 1800 à nos jours, Paris, Technorama, . qLe BMC VIII indique comme caractère une gothique de mm, et le texte des Epistolæ présente quelques différences (abréviations) ; les signatures sont données en minuscules (Goff les donne en capitales certainement par erreur). rPell () ; E. Maignien, Catalogue des incunables de la bibliothèque municipale de Grenoble, nº [cote I. (p)], Mâcon, Protat frères, .
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sLibrairie Rousseau-Girard imprimé dans cette bâtarde n’a été répertorié après . Il est possible (rue de la Bourse, Paris) du que Pierre Levet ait cédé ses fontes à un autre atelier après cette date. #) février , auprès de qui le L’exemplaire d’Ovide contient, collé sur un des contreplats, un collectionneur André Desguine l’a acquis. extrait de catalogue de libraires qui décrit notre exemplaire ; la notice précise qu’il s’agit du seul exemplaire connu, signalé par Stillwell (réf. O ) ; le catalogue des incunables américains de Goff , qui mentionne en annexe les suppressions par rapport au second recensement de , fait figurer cette référence, donnant l’ouvrage comme venant de la bibliothèque O.H.F. Vollbehrt aux États-Unis, passé ensuite à John Francis Neylan et enfin, vendu par Sotheby’s le mai . La notice attribue cette impression à Philippe Pigouchet entre -, élément sur lequel nous reviendrons.
Étude des caractères Si l’on examine ce type de bâtarde dans les ateliers parisiens, on le rencontre avec quelques infimes différences chez Philippe Pigouchet, Jean Du Pré, Antoine Vérard, Pierre Levet et Antoine Caillaut. La proximité géographique de leurs ateliers avec les collèges de la rue SaintJacques, l’utilisation fréquente des mêmes fontes (voire le mélange des fontes) et, pour partie, la ressemblance de leur catalogue – impressions de manuels scolaires – rendent l’identification délicate. La sécheresse des textes imprimés et la présentation en vers réduisent d’autant plus l’exploitation des particularités (abréviations, tirets…). La reproduction la plus fidèle de l’alphabet de cette bâtarde est celle donnée par Claudin dans le chapitre consacré à Du Pré (I ), que nous reproduisons ci-dessous et que l’on retrouve avec quelques différences légères chez Levet (I ).
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Particularités et position des caractères utilisés dans nos deux éditions :
Aspect général
impression meilleure chez Ovide que chez Horace, les car. sont moins usés, l’encrage est meilleur et plus contrasté (moins baveux)
Capitales
impr. sous la ligne sans excès à l’exception du I, U, B, M, S, T (et parfois le D) plus nettement au-dessous
A
aligné
E
presque aligné, base horizontale
G
axe penché à droite
L
plongeant sans excès, presqu’aligné
M
large, type M de Haebler, axe penché à gauche
N
légèrement sous la ligne
O
axe vertical
Q
axe penché à gauche, barres non parallèles
T
large
d
avec boucle
Tirets
doubles, assez courts, penchés, hauts (dépassant le haut de la minuscule), parfois irréguliers et « collés »
Ovide seulement
Point
sur la ligne ou légèrement au-dessus
de façon générale, ponctuation haute sauf « accident »
Deux-points
au-dessus de la ligne (idem pour point d’interrogation)
(= « us »)
grand et descendant assez bas (Claudin I )
Parenthèses Barre oblique
chez Horace, parfois légèrement incliné sur la droite ou la gauche barre supérieure un peu plus étirée sur la droite chez Ovide
Horace seulement
plus courtes et arrondies que celles reproduites par Ovide seulement Claudin aucune barre oblique utilisée comme séparateur ou virgule
Quelques variantes typographiques ainsi que l’examen détaillé de leurs pratiques font que l’attribution à Jean Du Pré ou Philippe Pigouchet est peu envisageable. tT>IJHLivius, [Historiæ romanæ decades. Fr.] Decades. – Paris : [Jean Du Pré], XI - VI . – º, ill. – Pell . GW . BMC VIII . CIBN L- ; le CRI() (Mazarine) attribue cette édition à Antoine Caillaut et Jean Du Pré.
Jean Du Pré utilise plusieurs bâtardes, dont une très proche de la nôtre mais sensiblement plus grande ( mm) et qui ne se rencontre que dans des livres d’heures. Il imprime de nombreux missels, livres d’heures, ouvrages illustrés en français. Il s’agit pour la moitié de folios et on ne rencontre pas d’ouvrages interlignés et pas (ou très peu) d’auteurs classiques à l’exception d’un Tite-Live en français imprimé avec Antoine Caillautt. L’impression de ces deux petites plaquettes semble bien loin de ses préoccupations et de ses pratiques.
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Si on examine le catalogue de Philippe Pigouchet, on constate qu’il a effectivement imprimé des éditions de classiques (voir Annexe I), pour certaines interlignées, mais toujours dans une gothique de mm, ainsi que de petits traités de théologie à l’adresse des étudiants également imprimés dans une gothique de mm. Il réserve l’utilisation de la bâtarde, comme d’autres imprimeurs, aux livres d’heures et ouvrages en langue vernaculaire. D’autre part, la bâtarde de mm utilisée par Pigouchet présente un certain nombre de différences : il utilise un tiret double, long et penché, très bas puisque le trait inférieur dépasse sous la ligne ; on le retrouve par exemple dans ses impressions de comme Horæ ad usum Parisiensem du xii (CIBN H-) dans laquelle il mélange plusieurs fontes. On uReproduits tous deux dans le y rencontre aussi deux sortes de Uu : l’un semblable au nôtre, le second fac-similé du car. B , catalogue beaucoup plus rond, large et aligné que l’on retrouvera dans ses éditions du British Museum (BMC VIII pl. XIV). ultérieures ; la hauteur des caractères oscille entre et mm. Le BMC précise qu’à partir de , le tiret se raccourcit et devient presque horizontal : effectivement, on le retrouve dès lors dans les Horæ ad usum Romanum du viii (CIBN H-) ; à partir de cette date, certains caractères se distinguent nettement des nôtres : le U est plus souvent rond, large et aligné, le d n’a pas de boucle, les deux-points sont alignés, le point également et même parfois légèrement sous la ligne, le [« us »] est plus court, le O est imprimé nettement au-dessous de la ligne, les tirets sont de deux sortes. Par la suite, on retrouve les mêmes caractéristiques dans Horæ ad usum Romanum du ix (à l’exception du U que l’on rencontre à nouveau sous deux formes et de l’emploi exclusif des tirets courts) et dans Les Cent histoires de Troyes de Christine de Pisan imprimé vers (BMC VIII ) avec U rond et large. On remarque donc un certain nombre de différences récurrentes : les tirets qui, sous aucune des deux formes, ne sont identiques aux nôtres, le U majuscule, la place très basse de la ponctuation.
Caillaut ou Levet ? En revanche, Pierre Levet et Antoine Caillaut utilisent des caractères si proches qu’il est parfois hasardeux de vouloir les distinguer. La réduction, en effet, du caractère de Pierre Levet de à mm à partir de , et à l’inverse les différents états de la bâtarde d’Antoine Caillaut font que nous ne pouvons les distinguer par la hauteur ; le tiret est un élément déterminant : celui de Caillaut est double, court et très penché, souvent assez au-dessus de la ligne et les deux traits sont très fréquemment inégaux ; au contraire, dans toutes les éditions signées de Levet qu’il a été permis de consulter, il ne se rencontre qu’un tiret simple, long, très fin et penché. On rencontre encore une autre différence : la ponctuation chez Levet est de façon générale plus basse, les deux-points alignés et le point sous la ligne. Comme pour Pigouchet, on ne relève pas chez Pierre Levet d’impression de classiques dans cette bâtarde (voir Annexes II et III), à l’exception d’un Virgile signalé et reproduit par
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Claudin (I -). Claudin en effet attribue à Pierre Levet une petite édition des Georgica en caractères B interligné lignes et qu’il dit avoir échappé aux bibliographes (effectivement, non repérée dans les catalogues). Cette édition ressemble très vLe bois figurant sur un des fortement dans sa facture à notre édition d’Horacev. Or, la recherche de feuillets, reproduit par Claudin cette édition a permis d’en rencontrer une autre, signalée dans le volume (I ) est dit par Macfarlane (pl. région Champagne-Ardenne des Catalogues régionaux des incunablesnm. LXXVIII) avoir été utilisé comme marque dans les publications reliIl s’agit d’une autre édition des Georgica, dans le même type de bâtarde, gieuses de Vérard. interligné - pour lignes, datée du juillet , avec, au titre, nmJ.-M. Arnoult, Catalogues régionaux des incunables la marque de Pierre Levet. Mais, on remarque des différences par rapport des bibliothèques publiques de à notre édition d’Horace : de façon générale, les capitales, mais princiFrance, vol. I : Région Champagne-Ardenne, Bordeaux, . palement le T et le M, sont plus hautes, parfois même au-dessus de la Virgile. Georgica. [Paris] : Pierre ligne, la ponctuation plus basse, l’usage du tiret comme séparateur au Levet, [s.d.], º, f. Car. B , interligné - pour l. – C sein d’une ligne est fréquent (absent dans notre édition), le E davantage . Pell b et d. CRI() sous la ligne. Ces caractères sont très proches de ceux qu’on rencontre . dans Le Blason des fausses amours d’Alexis imprimé par Levet en nn . nnAlexis. Le blason de fausses amours. Paris : Levet, XI , Chez Caillaut, on rencontre plusieurs états de ce caractère, d’une º. Car. B . – Pell . GW hauteur oscillant entre et mm, qui l’a fait confondre en particulier . CIBN A-. Tchemerzine I . par le catalogue des incunables du British Museum avec les caractères B et B † utilisé pour les impressions d’Antoine Vérard. Effectivement, les caractères d’Ovide en particulier sont en tous points semblables à ceux rencontrés dans La Somme rurale de Boutillier attribué par la Bibliothèque nationale à Caillaut en et imprimés avec ces caractères B †.
Ouvrages imprimés dans cette bâtarde et pouvant être attribués à Caillaut, avec essai de classification par similitude de caractères : Caractères B 100 † (BMC VIII pl. IX) : – Albertanus Causidicus Brixiensis. De Arte loquendi et tacendi. [Paris, Antoine Caillaut, ca -]. – º. Même filigrane que dans Gaguin. C (s.n.). Pell (Pigouchet ?). GW (id., non ante ). CRI Bordeaux a- (id.). CRI(i) (Caillaut, ca -).
– Boutillier, Jean. La Somme rural. Paris, [Antoine Caillaut], . – º. HC (add.) (Levet). Pell (id.). GW (id.). Polain (Levet ou Vérard ?). Goff B- (s.n.). BMC VIII (Vérard ?). CIBN B- (Caillaut ?). Claudin I - (Levet).
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– Gaguin, Robert. Decertatio adversus Vincentium de Castronovo. Paris, [Antoine Caillaut], [II ?] . – º, interligné mm. HC (Caillaut, ) = (Caillaut, ). C (Levet, ) = = (). Pell (Levet). GW (id., º). Goff G- (Vérard ?). BMC VIII (id.). CRI VI (Caillaut). Daunou, Catalogue des incunables de la Bibliothèque Sainte-Geneviève, (Caillaut, ).
Caractères B 98 (100) de Caillaut ou B 100 † – Traité des eaux artificielles [Paris, Antoine Caillaut, ca ?]. – º. Tirets un peu plus courts et réguliers que dans le B † Pell . GW . BMC VIII (Caillaut ?, ca ). Goff E- (id.). CRI IV (ca ). Claudin I -. P. Needham, dans Hellinga Festschrift, p. nº C-.
Caractères B 100 (BMC VIII pl. IX), avec N très nettement sous la ligne : – Les Proverbes communs [Paris, Antoine Caillaut ?, ca ?]. – º. C . Pell () (Levet). CIBN P- (Caillaut). P. Needham, dans Hellinga Festschrift, p. nº C-.
– Articuli fidei [Paris : Antoine Caillaut ?, ca ?]. – º ; car. hauteur mm, identiques à ceux des Proverbes communs à l’exception des deux points qui sont plus bas ; doubles tirets identiques à ceux du B (celui du bas plus long) ; impression différente de celle de Levet vers - (CIBN A-). Pell (Levet, ca ). GW (id., ca -). CIBN A- (id., ca -).
Caractères B 98/100, avec N presque aligné : Identiques aux caractères B † à l’exception des tirets également irréguliers mais plus bas, et du U très nettement plus bas que les autres capitales. – Cæsar (Caius Julius). [Commentarii de bello Gallico. Français :] Les Commentaires sur le fait de la conqueste de la terre de Gaule. [Paris, Antoine Caillaut, non ante ]. – º, car. hauteur mm. Même filigrane que dans Boutillier (écu de France à trois fleurs de lis surmonté d’une couronne, avec initiale F = Briquet ). Texte daté de .
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HC (Vérard). Pell (Levet). GW (id.). CRI VI (Caillaut). Daunou. Catalogue des incunables de la Bibliothèque Sainte-Geneviève, (Vérard). Macfarlane . Claudin I - (Levet). P. Needham dans Hellinga Festschrift, p. nº l-.
– Æsopus. Fabulæ cum commento (commentaire « in principio » attribué à Johannes Vincentius Metulinus). [Paris, Antoine Caillaut, non post ]. – º, car. hauteur mm. Pell (Pigouchet). GW (id.). CIBN A- (Caillaut).
– [Sidrac :] La Fontaine de toute science. Paris, [Antoine Caillaut ? pour] Antoine Vérard [et Nicole Gilles], II / . – º. – Même L (lettre ornée au titre) que dans César (Claudin I ). HC . Pell (Levet). Goff S- (id.). CIBN S- (s.n. pour Vérard). Claudin I - (Levet).
Claudin et Macfarlane associent à Sidrac, par la similitude des caractères, deux autres éditions (non vues), qu’ils attribuent à Pierre Levet pour Vérard : – Crescentis, Petrus de. [Liber ruralium commodorum. Français] Le livre des proufitz champestres et ruraux. Paris : [s.n.] pour Antoine Vérard, VII . – º. H (s.n.). GW . Polain (Suppl.) (Levet). Macfarlane (id.). Claudin I - (id.).
– Cent nouvelles nouvelles. Paris : [s.n. pour] Antoine Vérard, XII . – º. Pell . (Levet). Goff N- (id.). Claudin I - (id.). Macfarlane (id.).
Incertains : – Gerson, Jean. Opus tripartitum. [Paris : Antoine Caillaut (?), ca ]. – º. Car. hauteur / mm, attribuables à Caillaut ; doubles tirets assez semblables à ceux du B † mais parfois plus bas. Pell (Levet). GW (Pigouchet, ca )
– Horæ ad usum Romanum. Latin et Français Paris : [Antoine Caillaut (?)] pour Antoine Vérard, II / . – º. Très proche du car. B () de Caillaut (hauteur mm).
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Pell () (Jean Jehannot ?). CIBN H- (Pierre Le Rouge ?). Lacombe . Bohatta . Claudin II . Macfarlane . Monceaux. Les Le Rouge de Chablis., I -.
Singularités et défauts À l’explicit du De remedio amoris, il est fait mention d’un certain Jean Vincent comme éditeur du texte. Il est tentant de le rapprocher du Jean Vincent dit « Metulinus » (de Melle, dans les Deux-Sèvres), professeur à l’Université de Poitiers, que l’on retrouve dans noÉsope. Fabulæ cum complusieurs éditions de Caillaut. Le GW et le CIBN attribuent à ce Jean mento. – [Paris, Antoine Caillaut, non post ]. – º, car. B Vincent le commentaire « in principio » d’Ésope que l’on ne retrouve . – Pell (Pigouchet). GW que dans des éditions françaises et imprimé à la fois par Antoine Caillaut (id.). CIBN A-. Ésope. Fabulæ cum commento. – Paris : avec ces mêmes caractères et par Pierre Levetno ; on le retrouve également Pierre Levet pour Michel Le comme commentateur d’Évrard de Béthune, imprimé chez Pierre Levet Noir, IX . – º, car. G en (GW ) ; il est surtout connu pour être l’éditeur des Auctores et G . – Pell . GW . npL’ouvrage de M. Fournier octo imprimés à Lyon chez Mathias Huss vers (GW ) : ces (continué par L. Dorez) : La auteurs ont presque tous été imprimés séparément et « cum commento » Faculté de Decret de l’Université de Paris auMKsiècle (Paris, (sans précision) aussi bien par Levet que par Caillaut ; or, dans toutes Imprimerie nationale, -) les éditions rencontrées, Jean Vincent est présenté comme Aquitain et qui donne le nom de tous les bacheliers et licenciés en droit ne régent à l’Université de Poitiers (« Aquitanus » et « in florente et fructifera mentionne pas ce Jean Vincent, pictavensi in universitate regentis »). Le nôtre est nommé maître ès arts, ce qui peut laisser supposer qu’il n’est pas parisien. licencié en théologie et bachelier en droit (« in artibus magistrum, in sacra nq[Paris. Diocèse. Chapitre pagina licentiatum et in decretis baccalarium ») ; rien ne permet d’affirmer cathédral] Appelatio decani et qu’il s’agisse du mêmenp. De plus, on rencontre un autre Jean Vincent, capituli ecclesiæ Parisiensis de impositione decimæ fructuum beneficioprocureur du doyen et du chapitre de l’Église de Paris, dans une édition rum. – [Paris : Antoine Caillaut ?, attribuée tantôt à Vérard tantôt à Caillaut en nq. post IX ]. – º. [Contient (II) : Jean Vincent. Eiusdem appeUn autre détail est curieux : l’auteur y est mentionné de façon incorlationis Tristando de Salazar, Senorecte « Publii nasonis ovidii », le surnom Naso n’étant pas rejeté après le nensi archiepiscopo, notificatio ( IX )]. – H (s.n.). Pell nom, comme c’est l’usage. Après vérification d’un très grand nombre (Caillaut). GW . (Vérard). d’éditions d’Ovide dans les bibliographies à descriptions longues, cette CIBN A- (Vérard ?). CRI X (Vérard). erreur n’a été relevée que dans trois éditions italiennes. La même erreur syntaxique a été également recherchée sur Vergilius Maro sans rien donner. L’éloignement géographique et le peu d’occurrences laissent donc à penser qu’il ne s’agit pas là d’un usage ou d’une erreur récurrente à un atelier qui eût permis un éclairage nouveau sur notre exemplaire, mais simplement d’une erreur de copie ponctuelle liée à la rapidité d’exécution. Enfin, ces éditions sont assez imparfaites techniquement. Dans Horace, l’encrage est souvent trop gras, les lignes en fin de page sont souvent très nettement montantes, l’utilisation des lettres d’attente tout à fait aléatoire est peut-être due à la division du travail de composition, l’édition est jalonnée de coquilles et de lettres imprimées à l’envers. Le verso du
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feuillet contient vers au lieu de , certainement pour rééquilibrer l’erreur commise au cahier suivant où le texte sur deux vers Oderunt peccare boni virtutis amore | Tu nihil admittes in te formidine pœnæ devient en trois vers Oderunt peccare boni virtutis amore | Oderunt peccare mali formidine pœnæ | Tu nihil admittes in te formidine pœnæ. Ovide contient pour sa part de très nombreuses erreurs de copie, en particulier vers déplacés en bloc à un endroit erroné du texte dans la feuille encartée du premier cahier ; l’étudiant qui a annoté le texte s’en est aperçu et le signale en marge, avec néanmoins une erreur de cinq vers. Or ces vers correspondent à deux pages d’une édition en lignes ; on peut imaginer simplement que le compositeur a commis une erreur de copie ; ou bien qu’il avait sous les yeux non pas une copie manuscrite, mais une édition antérieure comportant elle une erreur d’imposition ; on peut aussi penser qu’il composait à partir d’un exemplaire imprimé non relié, recopiant cahier par cahier à partir de feuilles dépliées. Il est alors possible que cet exemplaire ait comporté une page de titre et que le texte ait commencé au second feuillet, ce qui pour le compositeur obligeait à un décalage de deux pages et à recalculer l’imposition. Sur la copie, les vers en question se trouvaient alors au verso du f. et au recto du f. comme ils le sont exactement dans notre édition. Le compositeur qui a tenu compte jusque-là du décalage a oublié et s’est contenté de reproduire à l’identique une partie de la feuille qu’il avait en main (les vers auraient dû être imposés au verso du f. et au recto du f. ) récupérant ensuite l’erreur. Cette impression n’a pas fait l’objet d’un travail sérieux de correction ni de tirage d’épreuves ; on peut penser que l’imprimeur laissait peut-être ce type de petite publication à un compositeur moins aguerri.
Les filigranes Les deux filigranes très proches relevés dans notre édition d’Ovide sont d’un type assez courant (fleur de lis sommée d’un lambel à trois pendants surmontée de la croix de la passion) ; on les retrouve cependant exactement tous les deux ensemble dans le Confessionale de Mathieu de Cracovie imprimé par Caillaut (CIBN M-, non post 1492). Bien que l’attribution du Horace reste plus délicate à établir pour les raisons énoncées plus haut, l’examen des filigranes est intéressant : on relève ici filigranes différents pour cette plaquette de ff., réalisée avec des reliquats de papier : deux formes de cimaises, trois formes de « p » gothique avec jambage divisé (en forme de pince de homard) chargé d’un trait, un cœur surmonté d’une couronne (proche de Briquet ) et, plus rare, deux sortes de petits navires ; ces filigranes, dont aucun ne se trouve reproduit à l’identique dans Briquet, sont vraisemblablement d’origine champenoise à l’exception des navires plus sûrement de la région d’Angoulême. L’exemplaire de la bibliothèque municipale de Grenoble porte les mêmes filigranes et à une exception près aux mêmes endroits. L’examen de l’exemplaire de la BnF de la Somme rural de Boutillier, cité ci-dessus, permet de retrouver deux de ces filigranes (cœur couronné et un des « p » gothiques)
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ainsi qu’un filigrane « au navire », certes différent ; mais la présence de ce type de motif très rare permet de le rapprocher encore une fois de notre édition ; ce filigrane « au navire » trouvé dans Boutillier se rencontre aussi dans Le livre des politiques d’Aristote imprimé par Antoine Caillaut et Guy Marchant pour Antoine Vérard le viii (CIBN A-).
L’édition selon Caillaut Les éléments précédents fondent la présomption selon laquelle ces plaquettes peuvent être l’œuvre d’Antoine Caillaut. De plus, l’examen des pratiques de cet imprimeur montre qu’elles entrent totalement dans son type de production. L’étude de ces deux exemplaires a été l’occasion d’établir une radioscopie de la production de Caillaut, et de mettre l’accent sur quelques différences de métier entre lui et Pierre Levet. Sur éditions consultées ou étudiées dans les répertoires à descriptions longues, il a été possible d’établir les constantes suivantes :
– format Quatre-vingt-douze pour cent des ouvrages imprimés par Caillaut sont des in-quarto. Sur éditions, on rencontre in-octavo (soit %) : à l’exception d’une impression en français, toutes sont imprimées en latin dans une petite gothique G et G ou G () ; toutes comportent un titre ; sur portent l’adresse de Caillaut. Sept éditions (dont pour Vérard) sont des in-folio, imprimées en français et en bâtarde ; toutes sauf une sont datées.
– majorité de plaquettes Soixante-treize pour cent de sa production est constituée de plaquettes de ou moins de feuillets (et un quart de moins de ff.), la plupart à l’adresse des écoliers, classiques ou traités de théologie morale ; l’atelier de Caillaut se situait quelques maisons au-dessus de celui de Pierre Levet, au coin de la rue Saint-Jacques et de la rue des Mathurins, en face du Collège de Cambray et à proximité de la Sorbonne et du Collège d’Harcourt (sur l’emplacement de l’actuel lycée Saint-Louis).
CAILLAUT (sur éd.) % % %
Marque seule Adresse seule Marque + adresse Adresse Caillaut ou Levet + marque autre impr. TOTAL
%
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LEVET (sur éd.) % % % % %
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– éléments d’identification Cinquante-quatre pour cent de la production attribuable à Caillaut de façon certaine ne porte ni marque, ni adresse au colophon et % n’a pas de date (chez Pierre Levet, pour cent sont datées).
– variété des caractères Grande variété des caractères utilisés : le BMC ne recense pas moins de caractères différents (alors que Levet imprime % de ses ouvrages en G ou G ). Le caractère B () est peu représenté dans sa production (environ % alors qu’il est de % chez Levet).
– page de titre Utilisation très aléatoire de la page de titre (%), contrairement à Pierre Levet chez qui elle est constante.
– étendue du catalogue Antoine Caillaut, à la fois libraire et imprimeur, imprime de tout, pour lui ou pour les autres : théologie en latin ou traductions, classiques latins et grecs, ouvrages scolaires, littérature populaire, poésie française, livres d’heures… Levet est également assez éclectique.
– économie du papier En ce qui concerne ce genre d’impressions mineures, Caillaut est beaucoup moins soigné que Levet : il est surtout beaucoup plus chiche en papier, le nombre de filigranes rencontrés pour une édition en quelques feuillets en est la preuve. On peut penser par exemple que l’absence de page de titre est liée à ce problème. Notre édition d’Horace aurait pu nrVoir les notes du CIBN être imprimée en ff. ( cahiers de ff.) comme celle attribuée à Levet H- et Pell pour édition de Caillaut, et de Pell pour édipar le BMC viii citée plus haut ce qui lui eût permis de rajouter titre tion de Levet. et marque ; pour citer un autre exemplenr, Caillaut reprend mot pour mot une édition des Hymni du XII imprimée précédemment par Levet, mais en resserrant le texte dans les deux derniers cahiers de façon à faire l’économie des trois pages blanches qui figurent à la fin de l’édition de Levet, et de finir par un cahier de ff. au lieu de .
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Caillaut est en effet très regardant sur le papier : on remarque que % de sa production présente une demi-feuille encartée dans le dernier (ou les deux derniers) cahier. Si on compare avec Levet, imprimeur très proche dans les pratiques, cette proportion n’est plus que de %. C’est sans doute pour cette même raison que les deux derniers cahiers d’Horace contiennent lignes de texte au lieu de pour les autres, le compositeur ayant refait en cours d’impression le calibrage afin de gagner un ou deux feuillets sur la fin.
Conclusion L’examen des caractères et des pratiques d’Antoine Caillaut permet de lui attribuer de façon quasi certaine cette plaquette d’Ovide. En revanche, l’édition d’Horace pourrait être aussi bien attribuée à Pierre Levet. Néanmoins, plusieurs éléments sont gênants : les quelques différences avec les deux seuls textes interlignés dans ce caractèrens, l’absence de page de titre, le fait que Levet a imprimé ce même texte sans commentaire, interligné mais avec un caractère et une mise en page différents ; on ne voit pas bien pourquoi, avant ou après, il l’aurait imprimé d’une autre façon.
nsVirgile. Georgica. [Paris] : Pierre Levet, [s.d.], º, f. Car. B , interligné - pour l. – C . Pell b et d. CRI() . Pœniteas cito. [Paris : Levet, ca -], º. Car. B interlignés . – Pell -, CIBN P-. ntP. Needham, « Two Unrecorded French Language Incunabula », dans Hellinga Festschrift, Amsterdam, N. Israel, , p. -.
L’étude de ces ouvrages fournit l’occasion de témoigner de la fréquente ambiguïté typographique de ces petites plaquettes scolaires, réalisées à la hâte, avec un souci d’économie manifeste (reliquats de papier, sécheresse du texte réduit à son minimum…), réimpressions à la demande de textes souvent publiés et auxquelles les imprimeurs n’attachaient sans doute qu’une importance relative, ne signant pas toujours leur production. Les ateliers travaillaient en grande proximité, dans l’ombre de la Sorbonne et des nombreux collèges de la Montagne Sainte-Geneviève, se repassant les fontes, s’échangeant les copies, et parfois, peut-on l’imaginer, puisant dans la même réserve de papier. L’examen exclusif des caractères, s’il fournit un élément d’appréciation, peut être illusoire. Les imprimeurs faisaient circuler le matériel, mais, comme le fait remarquer Paul Needham à propos de Caillaut et des éditions d’Angoulêment, étaient-ce les caractères (réformés ou non) ou les matrices qui circulaient ? Ces imprimeurs étaient-ils aussi fondeurs de caractères ? Comment remplaçaient-ils les caractères usés ou manquants ? Où puisaient-ils pour alimenter leur casse lorsqu’il s’agissait d’impressions volumineuses qui mobilisaient davantage de caractères ? C’est ainsi qu’un certain nombre d’impressions ont été attribuées sans doute trop hâtivement à Pierre Levet, Philippe Pigouchet ou Guy Marchant alors qu’elles semblaient davantage relever des pratiques d’Antoine Caillaut. Les indices sont ténus et ne permettent pas toujours de relever le défi de l’identification. Dans ce cas, même si l’attribution d’une édition à l’un ou à l’autre peut paraître anecdotique, l’examen des constantes éditoriales, qui à lui seul ne ferait pas force de preuve, permet peut-être de lever l’ambiguïté lorsque l’« autopsie » de l’exemplaire se révèle insuffisante. s
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Les annexes qui suivent ne constituent qu’un premier état des éditions de ces imprimeurs, établi à partir des principaux catalogues.
Annexe I Impressions des classiques par Philippe Pigouchet Calpurnius Siculus. Bucolica. – [Paris : Pigouchet, ca ]. – º, car. G interligné. H . C . Pell . GW . BMC VIII . IGI . CRI IV (BM Caen).
Cicero. Paradoxa. Stoicorum. – [Paris] : Pigouchet, [ca ]. – º, car. G interligné. Pell . GW . BMC VIII . CRI i (BM Troyes).
Datus. Elegantiolæ. – [Paris : Pigouchet, ca ]. – º, car. G . CRI i (BM Chaumont).
Datus. Elegantiolæ. – Paris : Pigouchet, XI . – º, car. G . Pell .
Hesiodus. Opera et dies. – [Paris] : Pigouchet, [inter et ]. – º, car. G interligné. Pell ( ). CRI i (BM Charleville, BM Chaumont).
Horatius Flaccus. Epistolæ. – [Paris : Pigouchet ?, s.d.]. – º. Goff H-.
Ovidius Naso. De Remedio amoris, cum commento. – Paris: Pigouchet, [s.d.]. – º, car. G . H . Pell ().
Vergilius Maro. Georgica, cum commento. – [Paris] : Pigouchet, [s.d.]. – º, car. G et G . BMC VIII
Annexe II Impressions de Pierre Levet avec le caractère B (et B / ) Alexis. Le Blason de fausses amours . – Paris : Levet, XI . – º, car. B . Pell . GW . CIBN A-. Tchemerzine I .
Alexis. Le Blason de fausses amours – Paris : Levet, X . – º, car. B . HC . GW . CIBN A-. Tchemerzine I .
[Articuli fidei :] Liber penitentialis. – [Paris : Levet, ca -]. – º, car. B () Pell . GW (ca -). Polain . CIBN A-.
Articuli fidei. – [Paris : Levet, inter et ]. – º. C . Pell . GW . CRI i (BM Troyes).
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Cordiale quattuor novissimorum. – [Paris : Levet ?, ante ]. – º Pell . CIBN VIII (car. G ). BN d(q). .
[Coutumes :] Coutumes d’Anjou et du Maine. – Paris : Levet [pour J. Alexandre à Angers], V . – º, car. B . C . Goff (+ Suppl.) C-. BMC VIII . CRI V (Angers, U. Cathol. de l’Ouest)
[Desbarres :] Le Testament de M. Desbarres. – [Paris : Levet ?, Post VII ]. – º, car. B (). C . Pell ms . GW . CRI V (BM Nantes). Claudin I .
Gerson. [Opus tripartitum. Fr.] Le traité des dix commandements. – Paris : Levet, VII . – º, car. B . Pell . Claudin I . CRI I .
Modus legendi abbreviaturas – Paris : Levet, X . – º, car. B (= mm ) Pell (). BMC VIII . CIBN M-. CRI IV (BM Caen).
Modus legendi abbreviaturas. – Paris : Levet, I /. – º, car. B () C . Pell (). BMC VIII . IGI . CRI XI (BM Lyon).
Modus legendi abbreviaturas. – Paris : Levet, V . – º, car. B () BMC VIII .
Montfiquet. L’Exposition de l’Oraison dominicale. – Paris : Levet, XI . – º, car. B . C II . Polain . Claudin I .
Montfiquet. L’Exposition de l’Oraison dominicale. – Paris : Levet, I / . – º, car. B (= mm ). C . Pell (). CIBN M-. Claudin I -.
[Pathelin :] Maître Pierre Pathelin. – Paris : Levet, [inter I et VI ]. – º. C . Pell (). CIBN P-. Claudin I . Tchemerzine IX .
[Pœnitas cito :] Penitentiarius magistri Joannis Galandia. – [Paris : Levet, ca -]. – º, interligné -. Pell (). CIBN P-.
Speculum radicalis primæ cognitionis. – Gui (Petrus de). Janua artis Raymundi Lulli. – Paris : [Levet, inter et ]. – º, car. () = mm. C . Pell . BMC VIII . CIBN S-. CRI XI (ca ) .
Villon. Le Grand testament. Codicille. Ballades. Le Petit testament. – Paris : Levet, . – º, car. B (). H = C . Pell . BMC VIII . CIBN V-. Claudin I -. Tchemerzine X .
Annexe III Impressions des classiques par Pierre Levet Æsopus. Æsopus moralisatus, cum commento. – Paris : Levet pour Le Noir, IX . – º, car. G et G . C . Pell . GW . Polain . BMC VIII . Claudin II -. CRI VI (Mazarine). Cato. Disticha de moribus. Paris : Levet, VII . – º, car. G (et G ). H . Pell . GW . Goff C-. CRI I (BM Troyes).
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Cato. Disticha de moribus. [Paris : Levet, ca ]. – º, car. G (et G ). CRI V (BM Laval). Cicero. Paradoxa. – [Paris] : Levet, [ca ]. – º, car. G interligné. GW . BMC VIII . Donatus. – Quæstiones. – Paris : Levet, XII . – º, car. G (et G ). BMC VIII . Hesiodus. Opera et dies. – Paris : Levet,[ca ]. – º, car. G interligné. BMC VIII -. Horatius Flaccus. Epistolæ. – [Paris : Levet, ca ?]. – º, car. G interligné. BMC VIII (= Goff H- ?). Ovidius Naso. Epistolæ heroides. – Paris : Levet, [ca ]. – º, car. G (et G ). CIBN O-. Vergilius Maro. Georgica. – Paris : Levet, VII . – º, car. B interligné. C . Pell ms . CRI I (BM Troyes). Castan (Besançon) .
Annexe IV Impressions des classiques par Antoine Caillaut Æsopus. Fabulæ, cum commento « In principio ». [Paris : Caillaut, non post ]. – º, car. B (et G , B ). Pell (Pigouchet, ca -). GW (id.). CIBN A-.
Aristoteles. [Ethica ad Nicomachum. Fr.] Les Éthiques en françois. – Paris : [Caillaut et Marchant] pour Vérard, IX . – º, car. B / G . HC . GW . Pell . Goff A-. BMC VIII . CIBN A-. Macfarlane . P. Needham, in Hellinga Festschrift p. nº C et p. -.
Aristoteles. [Politica. Fr.] Le livre des politiques. – Paris : [Caillaut et Marchant] pour Vérard, VIII . – º, car. B / G . HC . GW . Pell . Goff A-. BMC VIII . CIBN A-. Macfarlane . Claudin II . P. Needham, in Helliga Festschrift p. nº C et p. -.
Aristoteles, Pseudo-. [Secreta secretorum. Fr.] Le secret des secrets. – [Paris : Caillaut, ca ?]. – º. C . Pell . GW .
Calpurnius Siculus. Bucolica. – [Paris]: Caillaut, [ca -]. – º, car. G . C . Pell . GW . CRI VI (Mazarine).
Cato. [Disticha. Fr.] Cathon en françois. – [Paris] : Caillaut, [s.d.]. – º, car. B . Polain . Claudin I .
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Caesar. [Commentarii de bello Gallico. Fr.] Les commentaires sur le fait de la conquête de la terre de Gaule. – [Paris : Caillaut, non ante ]. – º, car. B (= BMC VIII pl. XI) HC . Pell (Levet). GW (id.). Polain (id.) IGI (suppl.) (id.). Claudin l -. (id.) Macfarlane . CRI VI (Mazarine).
Hesiodus. Opera et dies. – [Paris] : Caillaut, [ca ]. – º, car. G () interligné. Goff H-. CRI I (BM Chaumont).
Horatius Flaccus. Ars poetica. – [Paris : Caillaut, ca ]. – º. Goff H-. IGI .
Horatius Flaccus. Ars poetica. – [Paris : Caillaut, non post ]. – º. Goff H-.
Livius, Titus. [Historiæ romanæ decades. Fr.] La première [-tierce] décade. – Paris : [Caillaut et Du Pré], XI - VI . – º, car. B / G . HC . Pell . GW . Polain . Goff B-. BMC VIII . CIBN L-. CRI VI (Mazarine).
Persius. Satyræ. – [Paris : Caillaut, ca ?]. – º, car. G (). CIBN P-.
Persius. Satyræ. – [Paris] : Caillaut, [ca ]. – º, car. G interligné. CRI I (BM Troyes).
Prudentius. De Conflictu virtutum et vitiorum. – [Paris] : Caillaut, [ca ]. – º, car. B et G interligné. Pell (). Claudin I , II -. CRI VI (Mazarine). Seneca. Proverbia. De Moribus. – [Paris] : Caillaut, [ca ?]. – º, car. G ? Pell ms . Goff (+ suppl.) S-. CRI V (BM Nantes).
Seneca, Pseudo-. De Quattuor virtutibus cardinalis. – [Paris : Caillaut, ca -]. – º, car. G interligné. Pell . IGI . CIBN S-.
Seneca, Pseudo-. De Quattuor virtutibus cardinalis. – [Paris : Caillaut, ca ]. – º, car. G interligné. CRI V (BM Nantes).
Vergilius Maro. Bucolica, cum commento [comment. H. Torrentinus]. – Paris : Caillaut, [ca -]. – º, car. G et G . CRI I (BM Troyes).
Vergilius Maro. Georgica, cum commento. – Paris : Caillaut, VI . – º, car. G et G C . Pell . Goff V-. CIBN V-. Claudin I . C, Virgiliana .
Liste des sigles et des catalogues cités BMC
Catalogue of Books Printed in the XV th Century Now in the British Museum [British Library]. Parts I-XIII. London, The Netherlands, -, vol., ill. (Réimpression des vol. I-IX à partir de l’exemplaire de travail de la British Library).
Bohatta
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deux éditions scol aires parisiennes
Fig. – Ovide. De Remedio amoris. [Paris : Antoine Caillaut, circa -]. º. Caractères : B†. – F. Arº : incipit. Nanterre. Archives départementales des Hauts-de-Seine Bibliothèque André-Desguine
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Fig. – Ovide. De Remedio amoris. [Paris : Antoine Caillaut, circa -]. º. Caractères : B† – F. [A]rº. Nanterre. Archives départementales des Hauts-de-Seine Bibliothèque André-Desguine
Fig. – Ovide. De Remedio amoris. [Paris : Antoine Caillaut, circa -]. º. Caractères : B† – F. [A]vº : explicit. Nanterre. Archives départementales des Hauts-de-Seine Bibliothèque André-Desguine
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deux éditions scol aires parisiennes
Fig. – Horace. Epistolæ. Liber Ius. [Paris : Antoine Caillaut, circa -]. º. Caractères : B interligné - – F. [a]rº : incipit. Nanterre. Archives départementales des Hauts-de-Seine – Bibliothèque André-Desguine
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Fig. – Horace. Epistolæ. Liber Ius. [Paris : Antoine Caillaut, circa -]. º. Caractères : B interligné - – F. [b]vº.
Fig. – Horace. Epistolæ. Liber Ius. [Paris : Antoine Caillaut, circa -]. º. Caractères : B interligné - – F. [b]rº.
Fig. – Horace. Epistolæ. Liber Ius. [Paris : Antoine Caillaut, circa -]. º. Caractères : B interligné - – F. [e]rº : explicit. Nanterre. Archives départementales des Hauts-de-Seine Bibliothèque André-Desguine
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deux éditions scol aires parisiennes
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Lieux d’édition du Manipulus Curatorum au xv# siècle. Le chiffre entre parenthèses représente le nombre d’éditions connues ; son absence signifie qu’il n’en existe qu’une seule.
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UN TÉMOIN EXEMPLAIRE DE L’ÉDITION AU XV e SIÈCLE : LE MANIPULUS CURATORUM DE GUY DE MONT-ROCHER Pierre Aquilon
ormis le fait qu’au commencement des années il séjournait à Teruel, la ville aragonaise d’où il dédia son Manipulus curatorum à l’évêque de Valence, on ne sait à peu près rien de Guy de Mont-Rochern. n J’ai adopté, conformément au L’examen de l’ouvrage, permet seulement d’avancer que choix de P. Michaud-Quantin l’auteur possédait à fond le droit canonique et connaispour son article du Dictionnaire de spiritualité, () col. sait bien les Pères et les théologiens scolastiques. Destiné aux prêtres et et s., la forme francisée « Guy de plus spécialement aux curés néophytes, ce manuel de théologie morale et Mont-Rocher » ; GW en suivant pastorale colorée de droit canon est divisé en trois parties : les éditions italiennes incunables, l’a entré sous celle de « Guido de Monte Rochen » ; dans les autres éditions du Manipulus imprimées au xv# s. il apparaît sous le nom de « Guido de Monte Rocheri(i) » ou de « Guido de Monte Rotheri(i) ». L’édition bilingue (lat.-fr.) donnée à Orléans par Mathieu Vivian le nomme « Guy de Mont du Rocher » (GW ). Dans l’article du Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastique, () col. , il apparaît sous l’entrée « Guy de Monte Roterio » ; après avoir rappelé les autres formes de son nom : Guy de Montrocher ; Guido de Mont-Rocheri, Rotheri(i), Rocheri(i), Rothari, Rothori, Rocherium, Rochen, l’auteur ajoute qu’il n’existe aucune raison « de préférer une graphie à l’autre » ; sur l’œuvre de Guy de Mont-Rocher, voir : H. Santiago Otero, « Guido de Monte Roterio y el Manipulus curatorum » in Proceedings of the Fifth International Congress of Medieval Canon Law, Salamanca - September , ed. by S. Kuttner and K. Pennington, Città del Vaticano, , p. - (Monumenta iuris canonici. Ser. C : Subsidia. ).
– la première traite des sacrements, à l’exception de la pénitence ; à elle seule l’eucharistie en occupe près de la moitié et cette section comporte un directoire pratique de la célébration de la messe – la deuxième a pour objet la pénitence : après une analyse détaillée de la contrition, de la confession et de la satisfaction, un long chapitre indique les questions que doit poser le confesseur et constitue un véritable examen de conscience ; l’avant-dernier, assez copieux, a pour objet la hiérarchie des œuvres – la troisième, sensiblement plus courte, est un résumé de l’instruction chrétienne : explication du Symbole, du Notre Père et des Dix commandements.
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Le succès de ce manuel pendant plus de deux cent cinquante ans est attesté pat les manuscrits conservés, les éditions incunables dont il va être question, et la cinquantaine d’éditions imprimées au xvi# siècle. Les chiffres en caractères gras entre accolades renvoient au numéro de l’édition dans l’annexe
Les auteurs du GW ont distingué onze versions différentes du Mc qui ne présentent toutefois entre elles que des différences mineures. Aux éditions qu’ils ont décrites, il faut en ajouter trois, d’origine française, que leur matériel permet d’attribuer o Il s’agit d’une édition {} au xv# siècleo. On ne connaît qu’une édition en langue vulgaire, celle attribuée à l’atelier de Pierre donnée par l’imprimeur orléanais Mathieu Vivian en . Alain et André Cauvin, actifs à Le Mc apparaît comme un observatoire privilégié de l’édition au Angoulême entre et , et connue par quatre feuillets (o1/8 xv# s. à la fois par le nombre important d’éditions connues, la diversité o4/5) conservés à la BnF (Rés. des lieux d’impression et, pour quelques-uns d’entre eux (Paris, Lyon), mQ ()) et aux Archives du département de la Charente (voir : des ateliers où elles ont vu le jour, mais aussi en raison du peu d’intérêt Paul de Fleury, « Recherches sur que les bibliophiles ont généralement manifesté pour ce livre, abandonles origines et le développement de l’imprimerie à Angoulême », nant la plupart des exemplaires à leur dernier espace d’usage, et offrant Bulletin et Mémoires de la Société ainsi aux historiens la possibilité d’en localiser un nombre très significatif, archéologique et historique de la Charente, (# série, t. X), voire la totalité, grâce au croisement des données fournies par le GW, p. - et, pour ce texte, p. et l’ISTC, les CRI , les catalogues collectifs nationaux, et ponctuellement s. avec facsimilé), ainsi que de par BMC et BodLC . deux éditions normandes que leur matériel a permis d’attribuer L’état actuel des recherches ne permet pas de savoir si l’édition non au xv# s. : {}CRI() , {} datée attribuée à l’atelier de Cristoforo de’ Beggiami et Johann Glim à CRI() . p GW : Gesamtkatalog der WiegSavigliano {} est antérieure à celle que Gering, Crantz et Friburger ont endrucke. Hrsg. von der Kommisachevé d’imprimer à Paris le mai {} : elles appartiennent à des sion für den Gesamtkatalog der Wiegendrucke. Bd - : Leipzig, versions différentes et ne dépendent en aucune façon l’une de l’autre. K.W. Hiersemann, - Quant à l’édition attribuée aux presses de Conrad Manczr et antérieure (réimpr. avec additions et corrections, Stuttgart, A. Hiersemann, New York, H.P. Kraus, ) ; Bd : Stuttgart, A. Hiersemann, Berlin, Akademie-Verlag, New-York, H.P. Kraus, ; Bd : Stuttgart, (en ligne : ) ; ISTC : Illustrated Incunabula Short-Title Catalogue : banque de données illustrée contenant le recensement des livres et placards imprimés au xv# s. : la version en ligne est accessible à l’adresse suivante : ; CRI : Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques de France : voir le détail à l’annexe p. 359-362. q BMC : Catalogue of Books Printed in the XV th Century Now in the British Museum [British Library]. Parts I-XIII. London, The Trustees of the British Museum ; The Netherlands, Hes & De Graaf, -, vol., ill. (Les parties I-IX ont fait l’objet d’une réimpression anastatique à partir des exemplaires de travail appartenant à la British Library) ; BodLC : A. Coates, K. Jensen, C. Dondi , B. Wagner and H. Dixon with the assistance of C. White and E. Mathew. Blockbooks, woodcut and metalcut single sheets by N. F. Palmer ; an inventory of Hebrew incunabula by S. Schaeper, A Catalogue of Books Printed in the Fifteenth Century Now in the Bodleian Library, Oxford, University Press, , vol. r Sur l’attribution de {} à l’atelier de Conrad Mancz, actif à Blaubeuren, voir : P. Amelung, Der Früdruck im deutschen Südwesten - : eine Ausstellung der württembergischen Landesbibliothek Stuttgart, Stuttgart, Württembergische Landesbibliothek, , p. xvii. Le nom sous lequel on désigne généralement cet atelier est celui de « l’imprimeur du Lotharius, (i.e. Lotharius de Conti, pape sous le nom d’Innocent III), De Miseria humanæ conditionis » ; on notera que les six titres de sa production, où l’on trouve deux éd. du Modus confitendi d’Andreas de Escobar et deux des Postilla super epistolas et evangelia, constituent à peu de choses près, la bibliothèque attendue d’un desservant.
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au mois de mars {}, elle s’inscrit dans une autre tradition encore. Cependant au-delà des incertitudes autour de l’édition princeps, on constate que, si le Mc a mis près de vingt ans pour trouver sa place sur le marché du livre imprimé, il y devient en peu de temps l’un des titres les plus constamment réédités. De à on compte éditions et c’est à ce même rythme qu’elles vont se succéder jusqu’à la fin du siècle : de à : de à , de à et de à . L’ampleur « européenne » de la demande est perceptible aussi à travers la diversité des lieux de production : ainsi, entre et , de Paris à Barcelone et de Rome à Cologne, quinze villes ont produit une édition au moins du manuel de Guy de Mont-Rocher.
Géographie des éditions du Manipulus curatorum Les soixante-douze éditions qui ont vu le jour dans l’ensemble des régions formant la France actuelle, diminuée de l’Alsace et augmentée de la Suisse romande, se répartissent entre Paris (), Lyon (/), Rouen () et neuf autres villes d’imprimerie : au total elles représentent % des éditions connues. À Paris, douze ateliers différents ont produit vingt-quatre éditions du Mc. Entre et , six {, , , , , } sont sorties des premières officines parisiennes. Cette demande soutenue ne se relâchera pas au cours des décennies suivantes. Quelques libraires, notamment ceux qui se consacrent à la production des manuels de théologie pratique, vont remettre périodiquement ce titre sous presse. Le matériel d’Antoine Caillaut est associé à cinq d’entre elles {, , , , }, celui de Pierre Levet à quatre {, , , } et ceux s En se fondant sur la localisade Pierre Le Dru {, } et Georg Mittelhus {, } à deux. tion des trois ex. connus (Amiens À Lyon, où l’on compte vingt, peut-être vingt et une éditionss, le BM, Beaune BM et Londres BrL, filon est exploité par Nicolaus Philippi et Marcus Reinhart dès / : celui-ci contenant des mentions mss d’une main française), Vicle rythme de leurs réimpressions, quatre en quatre ans {, , , }, tor Scholderer a émis l’hypothèse auxquelles il faut en ajouter une {}, attribuée à Philippi seul, confirme que l’édition {} donnée dans le GW comme imprimée à Bâle la vigueur de la demande dans une géographie dont j’essaierai de détervers , l’aurait été en France, miner plus loin l’étendue. Parmi les huit autres officines concernées par peut-être à Lyon ; cette attribution est confortée par le fait la publication du Mc, on trouve celles de Guillaume Le Roy {, , , qu’elle contient la version du }, et de l’imprimeur éponyme des Casus longi, {, , }. À la diffétexte, exclusivement transmise par des éditions françaises. Sur la rence de ce qui se produit à Paris où c’est toujours la même version du carrière de Wenssler en France, Mc [] qui est remise sous presse, à Lyon, un même atelier offre parfois cf. F. Geldner, Die deutschen des versions différentes : Philippi et Reinhart [ et ] et Le Roy [ et ]. Inkunabeldrucker. Ein Handbuch der deutschen Buchdrucker des XV. Les autres officines lyonnaises auxquelles on attribue l’édition du Mc sont Jahrhunderts Bd. II : Die fremden celles d’Engelhard Schultis {, }, Michel Topié {, }, Jean Du Pré Sprachgebiete, Stuttgart, Hiersemann, , p. , et s. {}, Hémon David {}, et Jean de Vingle {}. À l’exception du Mc, les catalogues des imprimeurs parisiens et lyonnais qui viennent d’être cités ne présentent que peu de titres communs.
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Le nombre d’éditions du Mc publiées à Rouen, treize entre et la fin du xv# s., mais surtout leur fréquence font alors de la métropole normande, qui à l’instar de Lyon n’était pas une ville universitaire, l’émule et la rivale de Paris. On sait que la clientèle cléricale était le débouché principal de ses presses, et notre titre le confirme clairement. Ainsi la seule année voit-elle paraître, de mai à décembre, trois éditions, dont deux sortent des presses de Jean Le Bourgeois {, }, qui en avait déjà publié une en juin {}, et en donnera trois autres encore {, , }. Ses confrères Martin Morin {, , , }, et Jacques Le Forestier {, , }, se partagent une demande soutenue. Bien qu’ils soient peu nombreux, les ateliers rouennais font ici la preuve d’un dynamisme qui ne se démentira pas au siècle suivantt. Sans concerner toutes les autres villes du domaine français où t A. Girard, « Les incunables la typographie fut active au xv# s., le Mc est sorti des presses de neuf rouennais : imprimerie et culture d’entre elles : Poitiers {, , }, Genève {, ,}, Angers {, }, au xv# siècle », Revue française d’histoire du livre, (), Albi {}, Angoulême {}, Toulouse {}, Tours {}, Vienne {}, et p. -. Orléans {}, et la précocité de cette diffusion décentralisée confirme u En ce qui concerne {} j’ai retenu l’attribution donnée par l’intérêt dont cet usuel des presbytères fit rapidement l’objet à travers ISTC (ig) : Bâle, Mil’ensemble du royaume ainsi qu’à Genève. chael Wenssler, au lieu de « Strasbourg : imprimeur des Vitas Avec vingt et une éditions (,% du total), le monde germanique Patrum » selon GW , que se situe assez loin des chiffres de son voisin occidental. L’axe rhénan, où conserve P. Van der Haegen, Basler Wiegendrucke. Verzeichnis Mayence n’apparaît pas, en a produit dix-huit : huit à Cologne, où le der in Basel gedruckten Inkunabeln Mc figure trois fois {, , }, dans l’abondant catalogue ( items) mit ausführlicher Beschreibung der de Heinrich Quentell, deux fois à Bâle {, }, sept à Strasbourg {, in der Universitätsbibliothek Basel vohandenden Exemplare, Basel, , , , , , }u où ce titre tard venu () sera réimprimé à Schwabe & Co, , p. . quatre reprises par Martin Flach. Les autres lieux de production – chacun v Alors que celle de ses confrères augsbourgeois s’adresse plutôt n’étant représenté que par une seule édition – appartiennent aux provinaux amateurs de livres illustrés ces méridionales de l’espace germanique : Urach {}, Blaubeuren {}, en langue allemande, la très modeste production de Chritsmann Augsbourg {}v et Vienne {}. Comme pour une partie du domaine Heyny ( titres entre et ) français, cette production « périphérique » laisse percevoir quelques-uns est destinée à la même clientèle que celle de Mancz. des besoins immédiats des curés et de leurs vicaires. nm Comme le Mc, les quatre Les vingt et une éditions du Mc (, % du total) publiées en Italie autres titres sortis des presses témoignent d’un succès beaucoup plus modeste si on le rapporte à de Beggiami et Glim pouvaient trouver leur clientèle dans une l’ensemble de la production de ses principales métropoles typographiaire géographique relativement ques. L’édition piémontaise de Savigliano vers / {}, petite ville limitée. nn Le n( {} est donné par GW d’imprimerie éphémèrenm, appartient à la même famille que celles des à un atelier d’Ingolstadt presses « de proximité » déjà rencontrées. Les autres sont issues d’ateliers alors que l’ISTC (ig) attribue cette édition à Giovanni actifs à Rome {, , , , , , , }, Venise {, , , , , , Antonio d’Onate, imprimeur , }, Milan {, }, et Bologne {}. Certains éditeurs comme milanais, responsable de titres de nature variée. Ce qui conforte Silber ( éd.) et Plannck ( éd.) à Rome, spécialistes des ouvrages de petit cette dernière attribution, reprise format et d’un débit facile, ou, à Milan, Pachel et Scinzenzeler ( éd.) tout des notes inédites de L.A. Shepcomme Giovanni Antonio di Onatenn ont intégré le Mc à une producpard, et retenue également par
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tion abondante s’étendant sur plusieurs décennies ; pour les autres, il s’agit d’une édition isolée que le peu de succès du manuel n’a pas incité à remettre sous presse ; à moins que la brièveté de leur exercice, – Johannes de Nördlingen {} ou Massimo Butrici {} par exemple – ne leur en ait pas donné le temps. Que les huit éditions vénitiennes, assez tardives puisque la première date de , sont toutes issues d’officines différentes s’explique en partie au moins pour l’une ou l’autre de ces raisons. Aux Pays-Bas (, %), en Espagne (, %) et en Angleterre (, %) le Mc n’a pas eu le même succès : deux éditions à Louvain {, } et une à Anvers {} ont vu le jour au milieu des années ; trois en Espagne, la première à Saragosse dès {}, les suivantes à Barcelone en {} et à Tarragone en {} ; deux enfin à Londres {, }, dont les imprimeurs feront modestement franchir au Mc les frontières bien arbitraires du xv# siècle.
Les formats des éditions du Manipulus curatorum imprimées au xv# siècle
les auteurs de BodLC G-, c’est que d’une part cette version du Mc [] est propre aux éditions italiennes, que d’autre part les annotations mss appartiennent à une main italienne contemporaine et qu’enfin les possesseurs connus de cet unicum, jusqu’à Leo Samuel Olchski au début du xx# siècle, sont tous italiens. no L’édition du Soufflet vert {} a été étudiée par J. VeyrinForrer, « Les premiers ateliers typographiques parisiens : quelques aspects techniques », Villes d’imprimerie et moulins à papier du xiv au xvisiècle, aspects économiques et sociaux : Colloque international, Spa, - IX . Bruxelles, Crédit communal de Belgique, , p. - (Repris dans : La lettre et le texte, Paris, , p. -), qui a établi que l’usage de signatures dément la date du colophon « mai » qui reproduit celui de l’édition précédente qui a servi de modèle aux compositeurs.
L’in-folio est le format de vingt-et-une éditions du Mc , dont cinq seulement sont postérieures à . À compter de cette date en effet, l’in-quarto, déjà exclusivement utilisé par les Lyonnais dès , devient le format habituel du Mc : soixante-quatorze éditions avant la fin du siècle ; l’in-octavo, qui apparaît autour de -, sera utilisé pour vingt-cinq seulement. C’est à Rouen en chez Le Bourgeois et à Londres, chez Richard Pynson en , qu’ont été imprimées les deux seules éditions in-seize connues : elles confirment le statut de livre de poche que l’in-octavo assurait déjà à ce livre d’usage auquel les desservants devaient pouvoir se reporter loin de leur « estude ». L’évolution des formats n’est pas uniforme dans l’ensemble de l’espace européen : l’infolio est celui qui est le plus fréquemment utilisé dans le monde germanique (/), le passage à l’in-quarto (/) ne s’y faisant qu’autour de . L’in-octavo y reste inconnu, alors qu’il est majoritairement utilisé à Rouen (/) et dans une moindre mesure à Paris (/)no et à Lyon (/) où l’in-quarto demeure le format des dix-neuf autres éditions. Celui-ci est également dominant en Italie (/) et aux Pays-Bas. (/) ; les trois in-folio espagnols s’expliquent sans doute par leur précocité et les origines de leurs typographes. L’utilisation de ces petits formats est évidemment destinée à réduire le coût de fabrication, le papier entrant pour une part importante dans le prix de revient des imprimés. Les cinquante-huit éditions de la version [] du Mc constituent un bon exemple de ce mouvement. Les in-folio des débuts demandent entre {} et {} feuilles mais, si les premiers in-quarto sont encore exigeants f. pour {} et même f. pour {}, les chiffres baissent
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sensiblement à partir de où ils oscillent entre et f. ; une nouvelle réduction s’opère en où Pierre Levet, moyennant la multiplication des ligatures et l’augmentation du nombre de lignes (/), réduit à f. l’épaisseur de l’une des deux éditions {} portant la date du juinnp. Jean Le Bourgeois est le premier à avoir mis np On ne peut décider s’il s’agit de deux éditions exactement en œuvre l’imposition in-octavo, ramenant à f. ¾ son édition de contemporaines ou de deux édi{}. Celles qui se succèdent alors sous ce format oscilleront généralement tions séparées dans le temps, avec duplication du colophon. Des entre et feuilles. Nouvelle et ultime avancée vers la « miniaturisaexemples de ces « négligences » tion », les in-seize de Jean Le Bourgeois {} et de Richard Pynson {} sont clairement établis. On notera qu’avec l’édition du /I/, qui, respectivement, n’en exigent plus que ¼ et . Levet revient à f. ½ . S’il est difficile de déterminer avec exactitude pour cette époque la nq Il est d’environ % du coût total de fabrication du Breviarium part du papier dans le prix de revient d’un volume et par conséquent Camaldulense in-quarto imprimé le pourcentage précis du gain obtenu par la réduction progressive des par Antonio di Bartolommeo formatsnq, il est évident que celle-ci va de pair avec un allègement du coût Miscomini en à Florence (GW ) et tiré à exemplaide la main d’œuvre. On ne connaît avec précision le rythme du travail res ; mais il s’agit ici d’un travail des presses qu’à travers les contrats des années , soit pour un ouvrage complexe, du fait notamment de l’impression en rouge et noir, sans difficultés particulières comme le Mc, la composition et le tirage pour laquelle la composition et le d’une « forme » et demie par jour ; en se fondant donc avec prudence sur tirage doublent pour le moins le coût de la main d’œuvre ; cf. W. ces chiffres, on voit que ce qui, vers , exigeait plus de journées de A. Pettas, « The Cost of Printravail pour un in-folio, n’en demande guère qu’une vingtaine pour l’inting a Florentine Incunable », La Bibliofilia , (lxxv), p. -. quarto des années et moins de quinze lorsqu’il s’agit des in-octavo nr (a) {, , , , , , , de la décennie suivante. } ; (b) {, , , , , } ; (c) {, , , , , , } ; (d) {, , , , , -, -, , , , , , , , , , , } ; (e) {, , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , } ; (f ) {, -, , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , -, -, , , } ; (g) {, , , , , , , , , }.
Dénombrer et localiser les exemplaires
En prenant pour base les exemplaires connus des éditions du Mc, et les marques de possession anciennes qu’ils peuvent avoir conserver, j’essaierai ici de mesurer quelle a pu être la diffusion et la réception de ce manuel dans l’Europe à la fin du xv# s. en ne prenant en compte ici que la production du domaine français. Un premier constat s’impose : d’une édition à l’autre le nombre d’exemplaires conservés, selon mes relevés, varie considérablement : (a) huit éditions sont représentées par plus de exemplaires, celle de Martin Flach à Strasbourg {} atteignant le chiffre de ; (b) six se situent entre et ; (c) sept entre et ; (d) vingt-deux entre et ; (e) vingt-deux entre et ; (f ) quarante-sept entre et et (g) dix par des unicanr. Ces taux de conservation dépendent de différentes variables : – le format : les in-folio ( ex./ éd., soit ex. en moyenne) se sont proportionnellement mieux conservés que les in-quarto ( ex./ éd., ex.), les in-octavo et les in-seize ( ex./ ed., ex.).
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– la date de publication qui va, dans le domaine français, de pair avec la diminution des formats – les lieux d’édition, de diffusion et de conservation ; ainsi s’explique le fort « taux de survie » des éditions (a) toutes d’origine germanique et dont la plupart des exemplaires appartiennent à l’espace catholique de l’Europe centrale et orientale – le tirage enfin dont le chiffre demeure inconnu dans tous les cas.
S’il est manifeste que le succès du Mc se mesure, dans le domaine germanique, au nombre d’exemplaires conservés, c’est, dans le domaine français, le nombre des éditions qui en donne la tonalité : les soixante-douze éditions qui y ont vu le jour ne sont représentées aujourd’hui, tous formats confondus, que par témoins, – soit la moyenne très faible de exemplaires par édition – dont seulement sont encore conservés dans des collections publiques françaises. Les causes de cette raréfaction sont diverses : – on pense d’abord à des tirages réduits, un choix qui semble avoir été celui des ateliers parisiens les plus productifs, ceux-ci préférant un retour rapide sur investissement et une recomposition ligne à ligne prenant pour modèle une édition antérieure, selon une méthode que les mêmes imprimeurs ont mise en œuvre pour la plupart des traités, manuels, livres d’usage et ouvrages de dévotion qui constituaient l’essentiel de leurs cataloguesns – on sait les pillages dont furent victimes de nombreuses bibliothèques au ns F. Barbier (dir.), Paris capicours des guerres de religion, – ce dont semblent témoigner l’extrême rareté, tale des livres. Le monde des livres et voire l’absence de tout exemplaire Mc dans la France d’oc –, et, à Paris de la presse à Paris, du Moyen Âge notamment, pendant la Ligue et la Fronde, ainsi qu’au peu de soin apporté au xx siècle, Paris, Paris Bibliothèques, PUF, , p. -. à la conservation des livres dans les bibliothèques des universités et de leurs nt J. Artier, « Les bibliocollèges au cours des xvi# et xvii# s.nt ; deux siècles plus tard enfin, l’aversion thèques des universités et de des commissaires révolutionnaires chargés de constituer les dépôts littéraires leurs collèges », in Histoire des à l’égard de ces livres « gothiques » et de leur cortège de « superstitions » aura bibliothèques françaises. Les bisans nul doute raison d’un bon nombre de ceux qui avaient échappé aux bliothèques sous l’Ancien Régime malheurs des siècles précédents - , Paris, Promodis, , – il faut également rappeler que les éditions du Mc publiées au xvi#siècle p. -. et les nouveaux manuels destinés à guider les prêtres dans l’exercice de leur ministère qui arrivaient sur le marché du livre post-tridentin, contribuèrent à la disparition de ces livres « de poche » dont la lisibilité devenait de plus en plus problématique pour les nouvelles générations d’étudiants habitués aux belles impressions d’Estienne et de Colines.
En dépit du faible nombre des témoins, j’essayerai de déterminer quelles ont été les aires de commercialisation des éditions recensées. Les Catalogues régionaux et les autres répertoires accessibles vont confirmer ce que le contenu, les formats et l’origine typographique des éditions du Mc laissaient déjà supposer : un livre d’usage destiné à une clientèle prochaine.
La clientèle des éditions parisiennes du Manipulus curatorum La vigueur de l’édition parisienne et la diversité de sa clientèle universitaire ont permis au Mc d’atteindre des provinces relativement éloignées, sans que l’on puisse déterminer jusqu’où
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nu {} Paris BnF (Rés elle concurrençait les presses régionales, notamment dans un espace (Z Don ()) « Amedeus rhône-alpin largement entendu, celles des imprimeurs lyonnais. En Communalius [Amédée Communal] burgensis et causidicus voici quelques témoins, chez un avocat d’Annecy {}, dans le Comtat Annessici » xv#/xvi# s. ; {} {}nu, en Bourgogne, Franche-Comté, Champagne, où les éditions Avignon BM (Inc /,) ; {} Avignon BM (Inc /-) . parisiennes deviennent plus nombreuses. Parmi les titres acquis nv Besançon BM (Inc. ) entre et pour lui-même ou pour son couvent de Gray par Castan (+) ; sur ce cordelier voir Castan n( , p. n. Odet Tronchet, franciscain et docteur en théologie († ), figure un et p. n. ; les précisions que exemplaire de {} dont l’ex-libris daté de février (n.s.) suggère qu’il Tronchet donne sur les circonsn’en était pas le premier possesseurnv. Le septembre , Jacques tances dans lesquelles il a acheté ces volumes à Paris et pour l’un de Metz, curé de Licey[sur-Vingeanne] dans le Bassigny, offrait à un d’eux à Besançon (Castan ), personnage demeuré anonyme un exemplaire de {} qu’un procureur de intéressent l’histoire de la circulation des livres à cette époque ; Langres, vers , reconnaissait utiliser encore à l’occasionom ; toujours l’ex-libris est ainsi rédigé : « fraen Champagne, chez des laïcs comme l’avocat Charles Perrin et sur les tri odeto truncheti ordinis fratrum minorum prouincie sancti rayons des bibliothèques conventuelles, les carmes de Reims, l’abbaye bonauenture pertinet liber iste de Clairvaux, il existait des éditions parisiennes du Mcon. Celles que emptus parisius . februarii anni ». l’on rencontre chez les célestins de Sens, {} et {}, témoignent du soin om Castan ; l’ex-dono porte qu’au xv# et au xvi# s. ces religieux apportèrent à l’accroissement de leurs « Jacobus de Metis » ; « M# Denis bibliothèques par l’acquisition de livres imprimésoo. Thibault, procureur demeurant a Lengres me possede et de moy À Paris, comme partout ailleurs, c’est aux bibliothèques des quelzques fois s’aide » ; voir aussi couvents et des collèges que ces volumes ont dû leur conservation : celles Castan {} et {}. on {} Reims BM : carmes de des croisiers de la rue de la Bretonnerie, bien connus pour avoir donné Reims, CRI() ; {} Chauasile aux premiers imprimés mayençais, des célestins, des bénédictins de mont BM : Charles Perrin, avocat, xvi# s., puis abbaye de MonS+-Germain-des-Prés, des carmes de la place Maubert, des collèges de tier-en-Der ; {} Troyes BM : Sorbonne et de Navarre. En l’absence de fichiers numériques cumulatifs « messire Anthoine Lasne », xvi# s., CRI() ; {} Troyes où seraient enregistrés écoliers et étudiants de l’Université de Paris et des BM : abbaye de Clairvaux, autres universités françaises depuis leurs origines médiévales jusqu’à la fin CRI() . de l’Ancien régime, l’identité de leurs propriétaires antérieurs demeure oo {} Paris, BS+#-Geneviève (oe xv ) célestins de Sens ; encore quasi inaccessibleop. Quelques exemplaires portent encore des {} Paris BArsenal ((T ) « Celestinorum Senonensium signatus per » xv# s. ; voir aussi Montpellier BIU, J {} Nicolas de La Pinte de Livry (-), abbé de Sainte-Colombe-les-Sens, puis séminaire de Sens (CRI() . op {} Londres BrL (IA ) : « Ex bibliotheca s. Crucis Parisiensis » ; {} Paris BArsenal (( T ) recueil constitué en deux temps : « De bonis domini Jo. Poupet presbyteri » puis « Celestinorum beate Marie de Parisius signatus » xv#-xvi# s. ; {} Paris BMazarine : abbaye de Saint-Germain-des-Prés à Paris, CRI() ; {} Paris BArsenal ((T ) : « Hieron. Parent Parisin. doctor et socius Sorbon. legavit et decemb. obiit », puis collège de Sorbonne ; {} Paris BMazarine : Guillaume Perrin, puis collège de Sorbonne CRI() ; l’ex. de {} conservé à la BArsenal (( T ) n’a sans doute jamais séjourné bien loin de Paris : « Guillaume Gillet » xv# s., puis « Liber pertinet mihi Joanne (sic) Duval de Paririo » xvi# s., puis Oratoire St-Magloire, non plus que {} Paris BnF (Rés D ) : « Iste liber pertinet Dionisio Mauduyt, presbytero [avec sa signature] xv# s. ; abbé Jacques Boileau soc. Sorbon. chanoine de la S+#-Chapelle () ; {} Paris BArsenal ((T ) : « ex bibliotheca Cardinalitia » xvii# s. Il est difficile de savoir à quoi correspond la mention : « per magistrum Nicolaum de barra in vico Sancti Iacobi ad intersignium lilii coronati », qui désigne bien l’adresse de Nicole de La Barre de à , figurant à la suite du colophon de {} Paris BnF (Rés D ) ; {} Bruxelles BR (inc A [RP]) : « Ex Bibliotheca Carmelitarum Parisiensium Maioris Conuentus. F ». L’exemplaire de de {} Paris BnF (Rés D ), provenant des capucins de Montluçon, est peut être entré chez les franciscains de cette ville avec les livres d’anciens étudiants parisiens ; cf. CRI() p. .
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oq {} Paris BMazarine : Pierre Bachelier, de Chambly (auj. dans l’Oise près de l’IsleAdam) CRI() ; {} Paris BArsenal ((T ) : sur les p. bl. en queue, d’une main du xv# s. : « Tabula dominicarum secundum usum Carnotensem pro quolibet anno, secundum litteras feriales » ; les mentions ultérieures nous ramènent à Paris « ex bibl. S+# Crucis Parisiensis. » ; {} Paris BMazarine : Jean Cavelier, prêtre d’Ouerre au diocèse de Chartres, puis Jean Bourcier CRI() . or {} Paris BSorbonne : « Iste liber qui dicitur Manipulus curatorum pertinet Georgio Hominis presbytero parrochie de Goeys [Gouvets, auj. dpt de la Manche] Constanciensis dyocesis oriundo » xvi# s. CRI() ; voir encore {} et {} : CRI() et . os {} Tours BM (Rés. /) : recueil de quatre pièces CRI() . ot Bâle BU Dpt des mss (Aleph D V ) ; son départ se situe probablement peu après le octobre , date à laquelle il rend à la Sorbonne les volumes qu’il a empruntés, ainsi que les clefs de la bibliothèque ; cf. J. Monfrin, « Les lectures de Guillaume Fichet et de Jean Heynlin d’après le RegisLe marché du livre lyonnais n’est pas moins robuste à la fin du xv# que tre de prêt de la bibliothèque de la celui de son rival parisien et, même si le Mc n’appartient pas au regisSorbonne », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, XVII (), tre le plus commun de ses éditeurs, ceux-ci n’ont pas laissé échapper, p. -, et J. Vieillard (éd.), comme nous l’avons vu, un titre fort demandé. Les exemplaires isolés et Le Registre de prêt de la bibliothèque du Collège de Sorbonne ( lointains, ceux de {} qui appartenait à l’abbaye S+-Aubert de Cambrai ), Paris, CNRS, , p. ; et de {} aux capucins du Havreou, celui de {} qui, dès la fin du xv# s. le catalogue des incunables de la Bibliothèque publique et univerpeut-être, est entre des mains d’un franciscain de Toursov, témoignent sitaire de Bâle, est accessible en sans doute davantage de la mobilité de leurs utilisateurs qu’ils ne nous ligne : et il est possible de l’interroger sur les provenances. ou {} Cambrai BM (A-/) : « Sum Chrisostomi Pocquelini religiosi diui Auberti » (xv#/xvi#) puis « Hic liber est ecclesiE S+$ Auberti » (xv#/xvi#) conservé sous sa reliure originelle ; {} Le Havre BM (ri () : CRI() . ov {} Paris BnF (Rés. D ) est passé de Mathieu Menoust, cordelier du couvent de Tours, à Mathieu Nobileau avant d’entrer dans les collections de l’Oratoire Saint-Magloire à Paris ; {} Tours BM, exemplaire ayant appartenu au couvent des minimes de Tours, détruit en ; voir également : {} CRI() ; {} D. Coq, Catalogue des incunables de la Bibliothèque municipale de Bordeaux, Bordeaux, Société des Bibliophiles de Guyenne, , G-.
traces de leur usage en Île-de-France et dans le diocèse de Chartresoq. À l’ouest du royaume aussi, les éditions parisiennes ont pu entrer de bonne heure en concurrence avec les productions locales, à preuve peut-être cet exemplaire de {} ayant appartenu à Georges Lhomme (ou Delhomme), originaire du diocèse de Coutances et curé de Gouvetsor. Il est possible que les solidarités provinciales aient joué leur rôle dans cette diffusion, même si rien ne prouve que c’est aux origines tourangelles d’Antoine Caillaut que l’on doit la présence tardive de {} dans la bibliothèque de l’abbaye de Marmoutieros. Faute d’indications explicites, au demeurant rarissimes, il est impossible de déterminer dans quelles circonstances exactes les exemplaires dont il est fait état ici ont été acquis par leurs premiers utilisateurs. Lorsqu’elles existent, elles incitent à la prudence : ainsi, loin d’avoir été acheté à Bâle où il est conservé aujourd’hui, l’exemplaire de {} que possédait Johannes Heynlin, docteur en théologie de Paris et co-fondateur avec Guillaume Fichet en de l’atelier typographique de la Sorbonne, figurait parmi les livres qu’il emporta avec lui lors de son retour vers la Suisse à l’automne , quelques mois seulement après qu’eut été achevé d’imprimer ce volume sur les presses à l’activité desquelles il avait été si étroitement associé au cours des trois années précédentesot.
La clientèle des éditions lyonnaises et genevoises du Manipulus curatorum
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renseignent sur le rayon d’action de leurs imprimeurs. Il en va différemment lorsque l’on se rapproche de Lyon : l’espace dans lequel le Mc paraît avoir rencontré l’essentiel de sa clientèle s’étend du Massif Central à la Lorraine d’une part et de la Franche-Comté aux Alpes et au couloir rhodanien de l’autre. Il y a ainsi des éditions lyonnaises {} chez les carmes d’Aurillac, {} à la collégiale de S+-Bonnet-le-Château, {} chez les augustins de S+-Pierre-le-Moûtier et {} à Clairvaux où Jean de Voivre, prieur de à et connu pour le soin qu’il a apporté à l’accroissement de la bibliothèque de l’abbaye, acquiert dès un exemplaire de l’édition sortie des presses de Guillaume Le Roy l’année précédentepm. pm {} Aurillac BM (Inc. ) Le Lyonnais et surtout la Bourgogne méridionale en ont évidemment exemplaire venu d’un prêtre de La Roquebrou (auj. dpt du Cantal) ; conservé plusieurs exemplaires : {, } se trouvaient chez les capucins, « Ce present livre est à moy… {} chez les minimes de Beaunepn, {} chez Pancrace Arpinod, prêtre Johan Molelu, prestre de Roquebrou » (xvi# s.), et passé chez de Mâcon au xvi# s. et dans la bibliothèque du chapitre de Tournus et, les carmes d’Aurillac (xvii# s.) en , à Lyon chez Claude Mommeno, vicaire de S+-Marcel {}po. CRI() ; {} Moulins BM (Inc (()) : augustins de Parmi ceux qui se trouvaient en Lorraine et en Franche-Comté, voici Saint-Pierre-le-Moûtier CRI() celui des capucins de S+-Mihiel {} et, plus intéressant pour être certai ; {} collégiale de St-Bonnement parvenu très tôt dans la région, celui de {} qui, avant d’entrer net-le-Château CRI() ; {} Troyes BM CRI() , chez les jésuites de Salins (), avait appartenu à divers particuliers : onze incunables conservés à dont les patronymes renvoient vers les cantons du Jura oriental, et les Troyes, quatre à Montpellier BU (cf. CRI() p. et CRI(), , mains autour de pour les plus anciennespp. Si l’on considère cet , , ) portent la signatuautre espace du commerce lyonnais, la vallée du Rhône et les Alpes, voici re de Jean de Voivre (Johannes de Vepria) et pour certains, comme en Avignon l’exemplaire de {} que les célestins avaient acquis à la fin celui-ci, une date. du xvi# s., celui de {} en Provence et, vers les Alpes ceux de {} jadis pn {, , } Beaune BM (Inc , , ), et un exempropriété de l’évêque Jean de Caulet († ) et de {} qui appartenait plaire de {} avec l’ex-libris à la bibliothèque de la Grande Chartreusepq. Les éditions lyonnaises ont « Egidius Virily » (Inc. ). également passé les monts, vers l’Allemagne du sud, celles d’Engelhard po {} Lyon BM (Inc ) passé ensuite aux carmes déchaux Schultis et de Janon Carcain dont deux témoins appartenaient, l’un de Lyon ; {} Tournus BM ex. {}, au bénédictins de Metten, et l’autre {}, aux chanoines réguliers sans doute légué à son chapitre par Emmanuel Théodore Mide Diessenpr ; vers l’Italie du nord, comme les exemplaires de {}, {} toud, prêtre et chanoine de S+et {} aujourd’hui à Aoste et Ivrée en conservent la traceps. Philibert (xviii# s.) ; {} Lyon BM (Inc ) CRI() . pp {}S+-Mihiel BM (H /) ; {} Paris BnF (Rés. D /) « V. Paigne » ; « Longchampt » « Sum Stephani Baigneri [i.e. Baignier] Vilariensis [Villers-Farlay, Villers-les-Bois ?] », « Petrus Semen / Petrus Semoy » (xv#-xvi#s.) ; « Domus probatorum Saliniensis Soc. Jesu, catalogo inscriptus ». pq {} Avignon BM (Inc. ) « Nomen possessoris Anthonius vere amoris in suo cognomine Yssartellus [Antoine Yssartel] dicitur »; « Celestinorum Avenionis cathalogo inscriptus » ; {}: Apt BM (H /) ; {} Grenoble BM (I. Rés.) Maignien ; {} Grenoble BM (I. Rés.) Maignien . pr {} Munich SB ( Inc.s.a. c) les origines germaniques de Schultis, même si elles ne sont pas exactement connues, expliquent la présence de ce volume dans la bibliothèque de cette abbaye bavaroise du diocèse de Ratisbonne (BSB-Ink G-) ; sur l’activité de Schultis, cf. Geldner, Inkunabeldrucker, op. cit. II, p. ; {} Munich BSB ( Inc.s.a. ) relié avant : Jacobus de Gruytrode, Lavacrum conscientiæ, Augsburg : Anton Sorg, , ((HC * ; ISTC il) ; reliure germanique contemporaine : peau de truie sur ais (BSB-Ink G-/) : BSB-Ink online. Inkunabelkatalog der Bayerischen Staatsbibliothek München . ps Indice generale degli incunaboli delle bibliotheche d’Italia, compilato de T. M. GJ6GC6H8=:AA>, E. Valenziani, E. Cerulli, A. Tinto, Roma, La Libreria dello Stato, , vol., n(* , , .
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pt {} Aurillac BM (Inc. Les deux imprimeurs genevois présentent un profil contrasté : d’un ) CRI() (cordeliers côté Louis Cruse dont les deux éditions sont représentées par deux {}pt d’Aurillac) ; Paris BArsenal (( T ) ex-libris ms. de Jean Loysel et sept {} exemplaires dont les localisations ne renseignent que médio(xv#/xvi# s.). crement sur la clientèle de cet atelier, et de l’autre Adam Steinschaber pu Épinal BM (arp ) « J[?] de Spinala » passé ensuite chez dont il subsiste encore dix-huit exemplaires de l’édition in-quarto du les minimes d’Épinal ; il en existe mars {} inscrits dans une géographie recoupant celle des imprideux exemplaires à la Médiathèque de Metz (Inc. , abbaye meurs lyonnais contemporains. Si l’on se fonde sur les témoins qui y S+-Clément, et Inc. ) ; sont conservés, c’est en Dauphiné, en Lorraine, en Franche-Comté, Besançon BM (Inc. ) Castan et jusque dans l’Orléanais que cette édition aurait rencontré l’essentiel ; Paris BnF (Rés. D ) « Ad usum domini Jacobi curati de de son public. J’ai relevé, pour l’ancienneté des marques de possession Commiseyo [signé :] Azouard » « locales » qu’ils ont conservées, celui qu’un clerc d’Épinal possédait en (xv#-xvi# s.) ; j’ignore où a commencé à être utilisé l’exemplaire , cet autre entre les mains de Jacques Azouard curé de Commissey, conservé à la BM d’Orléans, proparoisse bourguigonne des environs de Tonnerre, vers peut-être, et priété de plusieurs prêtres, avant d’arriver, au début du xvii# s. à cet autre, le plus intéressant de tous, que Guillaume d’Auxon, curé de la cure de S+-Martin-de-Bouzy S+-Loup déclare avoir acheté dans la cathédrale de Besançon le mai (auj. Loiret), puis à Fleury-SaintBenoît où le trouvera la main de , soit six semaines seulement après sa publicationpu. la Nation : CRI() . À quels facteurs faut-il attribuer le taux de conservation relativement pv À titre de comparaison l’édiélevé de cette édition ? Il est possible que le choix d’une large gothique tion parisienne publiée le mois suivant à Paris par Gering et Mayde somme (G ) sur vingt-trois lignes seulement par page pour une nial {} ne compte que f. mise en page qui l’inscrit dans la série des nombreux in-quarto de la version []pv, ainsi qu’un usage modéré des abréviations, qui en font un épais volume de f., facile à lire et à annoter grâce à des marges confortables, aient eu leur part dans la survie de ces exemplaires. Parallèlement, compte tenu du coût de la main d’œuvre et sutout de la matière première, Steinschaber aurait alors opté pour un tirage élevé, préférable dans ce cas à ceux, faibles et vite épuisés, dont le renouvellement était assuré par une réimpression serrée, ligne à ligne, sur un petit nombre de feuilles.
Le Manipulus curatorum dans les provinces de l’Ouest Les treize éditions normandes du Mc ne sont plus représentées que par un nombre infime de témoins. La cause principale en est sans doute la faiblesse des tirages, comme pour les productions parisienne et lyonnaise, et un coefficient de « pertes » plus élevé encore pour le livre d’usage issu d’ateliers provinciaux qu’il ne l’est pour ses homologues parisiens ou lyonnais. À défaut d’exemplaires porteurs de marques de possession anciennes précisément localisées, l’association entre imprimeurs rouennais et libraires installés dans des villes universitaires comme Caen ou Angers indique clairement que leurs in-octavo étaient destinés aux clercs des diocèses du grand ouest. Libraire à Caen, Pierre Regnault fit travailler à la fois des ateliers parisiens et des ateliers rouennais pour imprimer des livres de liturgie, des heures et
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des manuels scolaires à l’usage des étudiants de l’université : c’est ainsi qu’il s’adressera par deux fois, en et , à Jean Le Bourgeois pour l’impression de {} et {}. Lorsque l’on voit Martin Morin s’associer en pour l’édition du Mc {}, avec Charles Debougne, libraire angevin dont la boutique, à l’enseigne de S+-Nicolas, s’ouvrait sur la chaussée S+-Pierre non loin des Grandes écoles, et, l’année suivante, le même Debougne partager avec son voisin Jean Alexandre les frais d’une nouvelle édition imprimée cette fois à Angers chez leur confrère Jean de Latour {}, on mesure l’attention intéressée que ces hommes du livre apportaient à répondre aux sollicitations des hommes d’Église qui exerçaient leur ministère dans une large zone s’étendant de la Normandie au pays de Retzqm. Sachant qu’à compter des années et durant trois décennies au qm Cf. É. Pasquier et V. Daumoins, une part non négligeable des ouvrages de liturgie et des livres phin, Imprimeurs et libraires de l’Anjou, Angers, Éditions d’heures à l’usage des diocèses d’Angleterre a été imprimée à Rouenqn, de l’Ouest, , p. - il n’est pas impossible que dans le même temps quelques spécimens du (J. Alexandre) et p. - (C. Debougne), {} Le Mans Mc aient été joints à ces commandes. Il faudrait plus d’informations BM (CRI() ). que celles dont je dispose aujourd’hui pour confirmer l’arrivée sur le sol qn A Short-Title Catalogue of Books Printed in England, Scotanglais, avant la fin du xv# s. d’éditions du Mc d’origine normande, partiland and Ireland and of English culièrement ceux de {} et de {}qo. Enfin malgré le petit nombre Books Printed Abroad - . d’indices, il ne faut pas négliger une autre aire commerciale probable de First compiled by A. W. Pollard and G. R. Redgrave, '" l’édition rouennaise, celle qui, à l’est de la Seine, s’étend de la Picardie au edition revised and enlarged, Hainaut et à la Champagneqp. C’est à la qualité de leur reliure sans doute London, The Bibliographical Society, -, vol., cf. index que certains exemplaires doivent d’être parvenus jusqu’à nous : le décor des imprimeurs s.n. Le Talleur, de plaques historiées issues d’ateliers normands qui apparaissent sur trois Morin, Olivier. qo {} voir : M. S. G. Macd’entre eux au moins {, , } tempèrent l’impression que donnent Leod, K. I. James, D. J. Shaw, généralement ces modestes volumes de n’avoir pas été pas l’objet d’une The Cathedral Library Catalogue : Books Printed before in the Liattention particulière de la part de leurs utilisateursqq. braries of the Anglican Cathedrals La clientèle des autres éditions provinciales appartenait probableof England and Wales, London, ment à un espace régional proche. La rareté des témoins et les inforBritish Library, Bibliographical Society, -, v. en t., mations de certains autres incitent toutefois à la prudence : si les deux G-, York, Minster ; {} voir seuls que l’on connaisse de l’édition tourangelle {} de Latheron sont les localisations dans GW . qp Cf. cet ex-dono de l’exemencore conservés dans les limites des évêchés suffragants de Toursqr, l’un
plaire de {} conservé à Londres BrL (IA. ) BMC VIII : « Ex dono D. Ludovici Bernier canonici Lutosani [Leuze-en-Hainaut] », cf. H. Hasquin (dir.), Communes de Belgique ; dictionnaire d’histoire et de géographie administrative . Wallonie, Bruxelles, La Renaissance du Livre, , p. - ; puis carmes déchaux de Mons ; {} Namur, Séminaire ; {} Bruxelles BR (inc A (RP) ; {} Chaumont BM, ex-libris de Jean Poissenet, xvi# s., puis des récollets d’Arc-en-Barrois (CRI() ) ; quant au premier acquéreur de l’ex. de {} conservé à Oxford, il était probablement d’origine germanique si l’on en juge par son nom « iure emptionis S. Ios. Hitzler » (BodLC G-). qq Les références des plaques renvoient à D. Gid et M.-P. Laffitte, Les reliures à plaques françaises, Turnhout, Brepols, ; certaines sont également reproduites dans L.-M. Michon, « Reliures normandes du début du xvi# siècle », Trésors des bibliothèques de France, (V), p. - : {} Paris BnF (Rés. pD ) : $* Crucifixion, $* Pentecôte ; {} Londres BrL (IA ) BMC VIII : saint Georges, saint Sébastien (Michon, art. cit. pl. xlvii/,) ; {} Paris BnF (Rés. D ) plaques au nom de iehan huvin : Crucifixion, saint Michel et saint Nicolas (Michon, art. cit. pl. xlvi/). qr {} Rennes BM et Solesmes, Abbaye S+-Pierre.
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des exemplaires de celle de Johann Schilling {}, actif à Vienne entre et , porte un ex-libris ancien de l’abbaye de Pontlevoy, située alors dans le diocèse de Tours et l’autre est conservé en Champagneqs. Seul témoin connu de l’édition attribuée aux presses poitevines de Jean Bouyer {}qt, l’exemplaire que possédait Pierre Hennier († ), qs {} Paris BnF (Rés D ) chanoine de la cathédrale du Mans et éditeur de plusieurs livres liturgiabbaye de Pontlevoy ; Châlonsques à l’usage de son église, s’inscrit dans un modèle de circulation interen-Champagne BM (CRI() régionale du livre qui tend à satisfaire une partie de la demande locale ). qt Le Mans (BM H () sans recourir aux ateliers parisiens ou lyonnais. {} (CRI() ) ; sur l’activité Le foisonnement de la production française du Mc a eu pour corolliturgique de Pierre Hennier, voir U. Baurmeister, « Un Missel laire une étanchéité quasi-absolue de l’espace français à toutes les éditions inconnu du xv# siècle “à l’usage foraines de ce manuel : je compte comme une exception cet exemplaire du Mans” », La Province du Maine, () p. -, et de l’édition strasbourgeoise de Martin Flach {} conservé à Avignonqu.
Le Manipulus curatorum entre livrets de dévotion et opuscules de théologie pratique
CRI() qui décrit un volume lui ayant appartenu ; voir aussi CRI() / {}. qu Avignon BM (Inc. ). qv Sur Hugues de Saint-Cher, voir l’article de J. Longère dans le Dictionnaire des lettres françaises : le Moyen Âge, Paris, , p. -.
Dans plusieurs séries d’éditions, quelques textes additionnels forment une seule unité bibliographique avec le Mc : le Speculum ecclesie du dominicain Hugues de Saint-Cher († )qv {} auquel {} ajoute le Speculum sacerdotum apocryphe ; les versions - ( éd.) donnent en appendice le De conditionibus requisitis in sumente eucharistiae sacramentum et les Casus episcopales versifiés ; d’autres {, , , }, un extrait de la Summa confessorum de Jean de Fribourg († ), le Speculum artis bene moriendi attribué à Nicolas de Dinckesbühl († ) et le De arte praedicandi de Jacobus de Fusignano († 1333). Mais c’est surtout à travers de très nombreux recueils factices que l’on trouve le Mc au cœur d’une bibliothèque minimale dans laquelle, sous une même reliure, des prêtres de toutes origines ont réuni sermonaires, manuels de piété, opuscules de dévotion et de droit canonique, aide-mémoire de toute sorte, nécessaires à l’exercice de leur sacerdoce. J’ai donné dans l’annexe à partir des catalogues publiés, le contenu de quelques-uns de ces recueils de façon que l’on puisse en mesurer la diversité et les constantes : la célébration de la messe, la confession, demeurent les préoccupations centrales de ceux qui les ont constitués.
Bilan provisoire et perspectives Dans les statuts synodaux qu’il publia peu après , François de Metz, évêque de Genève, après avoir déploré, comme nombre de ses contemporains, l’ignorance des curés et de leurs vicaires quant aux fondements mêmes de la religion, enjoint à tous les desservants de se procurer un manuel traitant de l’administration des sacrements et leur recommande, avec le
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rm F. Morenzoni, « La Légende dorée d’un curé du xv# siècle du diocèse de Genève », Schweizerische Zeitschrift für Religionsund Kulturgeschichte, (), p. -. rn V. Angelo, Les curés de Paris au xvi siècle, Paris, Les Éditions du Cerf, , p. - ; le Mc n’apparaît dans aucune des huit bibliothèques analysées par l’auteur (p. -) ; mais il est possible qu’un exemplaire ait fait partie des paquets regroupant les petits ouvrages de peu de valeur prisés en bloc ; sur l’Opus tripertitum, voir G. Ouy, Gerson bilingue. Les deux rédactions, latine et française de quelques œuvres du chancelier parisien, Paris, Honoré Champion, .
Dialogus de septem sacramentis attribué à Guillaume Baufet, évêque de Paris († ), le Manipulus curatorumrm. Ces recommandations ne sont pas restées lettre morte et, comme nous l’avons constaté, l’imprimerie a puissamment relayé les ateliers de copistes en mettant sur le marché de vingt à trente mille exemplaires au moins du Mc en moins de trois décennies. Celui-ci n’était pas le seul ouvrage accessible dans ce registre ; le plus populaire de ses rivaux fut l’Opus tripertitum de Jean Gerson dont les dimensions plus modestes et le contenu plus accessible aux « simples », qu’ils aient été « curez prestres » ou laïcs, le fit recommander aux ecclésiastiques de son diocèse par l’évêque de Paris, Étienne Poncher, dans ses statuts synodaux de , en même temps qu’un Manuale curatorum qui représente vraisemblablement le manuel de Guy de Mont-Rocherrn. Le succès de celui-ci s’est prolongé bien avant dans le xvi# s. : on le mesure non seulement au nombre des rééditions du texte latin et des quelques traductions en italien et en espagnol, plus de cinquante au total, mais aussi à la durée d’usage des éditions incunables. De cette longévité dont j’ai donné quelques exemples à travers le domaine français, la suite de cette étude consacrée à la fortune du Mc hors du royaume nous apportera la confirmation. Si j’ai pu tenter de comptabiliser tous les exemplaires aujourd’hui connus des cent vingtdeux éditions du Mc imprimées avant , le nombre de ceux dont j’ai été en mesure d’analyser les mentions de possession ou d’utilisation est resté dérisoirement faible. C’est pourquoi à toutes celles et ceux auquels incombe aujourd’hui la rédaction ou la révision de catalogues de fonds anciens, je demande d’apporter au relevé des marques de provenance et, puisqu’ils sont en général les mieux placés pour le faire, à l’identification de leurs auteurs, l’attention la plus vigilante. L’histoire de la circulation du livre imprimé y trouvera la matière de nouvelles approches. Il ne peut donc s’agir pour l’instant que de jeter les bases d’une recherche aux progrès de laquelle les seuls supports traditionnels ne sont plus appropriés. Une banque de données qui, au fil du temps, s’enrichirait de toutes les informations publiées ou inédites concernant ce best-seller des années pionnières de la typographie européenne que fut le Manipulus curatorum, viendra, je l’espère, préciser et compléter mais aussi corriger cette première ébauche.
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Annexe 1
éditions du manipulus curatorum imprimées au xv# siècle Le premier chiffre, entre crochets, qui suit la référence au GW représente la version à laquelle appartient l’édition citée ; le second, entre parenthèses, le nombre d’exemplaires conservés. 1 – [Savigliano :] Christoforo de’ Beggiami et Johann Glim, [circa -], º. GW [] () – Paris : Ulrich Gering, Martin Crantz et Michael Friburger, V , º. GW [] () – [Blaubeuren : imprimeur d’Innocentius III, De Miseria humanæ conditionis (H ) (= Conrad Mancz ( ?), ante III ], º. GW [] () – Paris : Petrus Caesaris, III / n.s., º. GW [] () – Zaragoza : Matthaeus Flander, X , º. GW [] () – [Albi : imprimeur de Pius II, Epistola de remedio amoris (H ), circa ], º. GW [] () – [Roma :] Johann Reinhard, II , º. GW [] () – Köln : Bartolomaeus de Unkel, IV , º. GW [] () – [Paris : Atelier du Soufflet vert], V , º. GW [] () – [Lyon : Nicolaus Philippi et Marcus Reinhart, circa -], º. GW [] () – [Lyon : Nicolaus Philippi et Marcus Reinhart, circa -], º. GW [] () – Angers : Jean de Latour et Jean Morel, IX , º. GW [] () – Roma : In casa di Francesco Cinquini, XII , º. GW [] () – [Basel : Martin Flach, circa ], º. GW [] () – [Urach : Conrad Fyner, inter et ], º. GW [] () – [Vienne : Johann Schilling, circa -], º GW [] () – Köln : Conrad Winters, IV , º. GW [] () – Paris : Ulrich Gering, VI , º. GW [] () – [Roma :] Johann Bulle, XI , º. GW [] () – Paris : Atelier du Soufflet vert, “ V ” [i. e. circa ], º. GW [] () – [Poitiers : Jean Bouyer, -], º. GW [] () – Barcelona : Nicolaus Spindeler, VII , º. GW [] () – [Lyon : Nicolaus Philippi et Marcus Reinhart, circa ], º. GW [] () – Genève : Adam Steinschaber, III , º. GW [] () s
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– [Bologna :] Johannes de Nördlingen, IV , º. GW [] () – Paris : Ulrich Gering et Guillaume Maynial, IV , º. GW [] () – [Lyon :] Nicolaus Philippi et Marcus Reinhart, VIII , º. GW [] () – [Köln : Conrad Winters, circa ], º. GW [] () – [Augsburg :] Christmann Heyny, “[]” [i.e. ], º. GW [] () – Milano : Leonhard Pachel et Ulrich Scinzenzeler, I , º. GW [] () – Köln : [Johann Guldenschaff, non post VII ], º. GW [] () – Roma : [Eucharius Silber], XI , º. GW [] () – Wien : [imprimeur du Vocabolista (Stephan Koblinger ?) (C )], º. GW [] () – Paris : [Antoine Caillaut], IX , º. GW [] () – Lyon : Guillaume Le Roy, [], º. GW [] () – Lyon : Guillaume Le Roy, , º. GW [] () – [Leuven : Johannes de Westfalia, circa ], º. GW [] () – Paris : [Guy Marchant], “” [i.e. ], º. GW [] () – Venezia : Andrea Bonetti, III , º. GW [] () – Strasbourg : [imprimeur de Jacobus de Voragine, Legenda aurea, (C )], VIII , º. GW [] () – [Toulouse : Heinrich Mayer], , º. GW [] () – [Leuven : Johannes de Westfalia, circa ], º. GW [] () – [Roma : Stephan Plannck], I , º. GW [] () – Tarragona : Nicolaus Spindeler, VIII , º. GW [] () – Köln : Heinrich Quentell, [circa ], º. GW [] () – [France (Lyon ?) : imprimeur de Guido de Monte Rochen, Manipulus curatorum (GW ), circa ], º. GW [] () – [Basel : Michael Wenssler, circa ], º. GW [] () – [Poitiers : imprimeur du Livre des prestres, circa -], º. GW [] () – Roma : [Eucharius Silber], XI , º. GW [] () – Venezia : Marin Sarrazin, IX , º. GW [] () – [Lyon : Guillaume Le Roy, circa ], º GW [] () – [Genève : Louis Cruse, circa ], º. GW [] () – [Lyon : Guillaume Le Roy, circa ], º. GW [] () – [Lyon : imprimeur de Guido de Cumis, Casus longi (GW ), circa ], º. GW [] () – [Genève : Louis Cruse, circa ], º. GW [] () – [Antwerpen ( ?) : imprimeur de la Mensa philosophica, (H ), non post IV ], º. GW [] () – Köln : Johannes Koelhoff der Ältere, IV , º. GW [] ()
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é d i t i o n s d u m a n i p u lu s c u r ato ru m
– Paris : Pierre Levet, V , º. GW [] () – Strasbourg : [Martin Flach], V , º. GW [] () – [Lyon : imprimeur de Guido de Cumis, Casus longi (GW ), circa ], º. GW [] () – [Lyon : Nicolaus Philippi, circa ], º. GW [] () – [Lyon : imprimeur de Guido de Cumis, Casus longi (GW ), non post ], º. GW [] () – [Milano : Giovanni Antonio d’Onate, circa -], º. GW [] () – [Paris : Antoine Caillaut, circa -], º. GW [] () – Paris : Pierre Levet, VI , º GW [] () – Paris : Pierre Levet, VI , º. GW [] () – Strasbourg : Martin Flach, II , º. GW [] () – Venezia : Guglielmo Anima Mia, VIII , º. GW [] () – Paris : Philippe Pigouchet, pour Antoine Caillaut, IX , º. GW [] () – Paris : Pierre Levet, I / n.s., º. GW [] () – Roma : Stephan Plannck, IX , º. GW [] () – Lyon : Jean Du Pré, X , º. GW [] () – [Strasbourg : imprimeur de Jordanus de Quedlinburg, Postillæ (H ) (= Georg Husner ?)], XI , º. GW [] () – [Lyon : Engelhard Schultis, circa ], º. GW [] () – [Paris : Antoine Caillaut, circa ], º. GW [] () – Orléans : Mathieu Vivian, III /n.s., º. GW [lat-fr.] () – Venezia : Massimo Butrici, V , º. GW [] () – Paris : Philippe Pigouchet, XII , º. GW [] () – [Lyon : Engelhard Schultis, circa ], º. GW [] () – Milano : Leonhard Pachel et Ulrich Scinzenzeler, II , º. GW [] () – Köln : [Heinrich Quentell], IX , º. GW [] () – [Angoulême : Pierre Alain et André Cauvin, circa /], º. [] () – Strasbourg : [imprimeur de Michael de Dalen, Casus breves Decretalium (H ) (= Georg Husner ?)], , º. GW [] () – Strasbourg : [Martin Flach], . º. GW [] () – Rouen : Jean Le Bourgeois, pour Pierre Regnault [à Caen], VI , º. GW [] () – Paris : Félix Baligault, VI , º. GW [] () – Venezia : [Damiano da Gorgonzola], XI , º. GW [] () – [Paris : Antoine Caillaut, circa ], º. GW [] () – Rouen : Jean Le Bourgeois, V , º. GW [] ()
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pierre aquilon
– Paris : Pierre Le Dru, pour Denis Roce, VII , º. GW [] () – Rouen : Martin Morin, pour lui-même et pour Charles Debougne à Angers, VIII , º. GW [] () – Paris : Georg Mittelhus, X , º. GW [] () – Rouen : Jean Le Bourgeois, XII , °. GW [] () – Rouen : Martin Morin, [circa -], º. CRI() [] () – [Lyon : Janon Carcain, circa -], º. GW [] () – [Poitiers : Jean Bouyer et Guillaume Bouchet], VI , º. GW [] () – Angers : Jean de Latour, pour Jean Alexandre et Charles Debougne, VIII , º. GW [] () – Rouen : Martin Morin, VIII , º. GW [] () – Venezia : Simone Bevilacqua, XII , º. GW [] () – Rouen : Jacques Le Forestier, I / n.s., º. GW [] () – [Lyon : Hémon David, circa -], º. GW [] () – Roma : Stephan Plannck, V , º. GW [] () – Paris : [Pierre Le Dru], pour Jean Petit et Durand Gerlier, IX , º. GW [] () – Rouen : Martin Morin, pour Jean Richard, IX , º. GW [] () – Paris : Michel Le Noir, IX , º. GW [] () – Rouen : Jean Le Bourgeois, pour Pierre Regnault [à Caen], IV , º. GW [] () – Tours : Mathieu Latheron, VIII , º. GW [] () – Paris : [Étienne Jehannot], pour Denis Roce XII , º. GW [] () – Köln : Heinrich Quentell, , º. GW [] () – [London :] Richard Pynson, [circa ], °. GW [] () – Rouen : Jacques Le Forestier, I / n.s., º. GW [] () – [Lyon : Michel Topié ( ?)], III / n.s., º. GW [] () – Venezia : [Cristoforo de’ Pensi], III , º. GW [] () – Rouen : Jacques Le Forestier, [circa /], º. CRI() [] () – Strasbourg : [Martin Flach], , º. GW [] () – Rouen : Jean Le Bourgeois, III / n.s., º. GW [] () – Rouen : Jean Le Bourgeois, IV , º. GW [] () – [Lyon : Michel Topié ( ?)], IV , º. GW [] () – [London :] Richard Pynson, IV , º. GW [] () – Lyon : [Jean de Vingle ( ?)], VIII , º. GW [] () – Venezia : Giovanni Battista Sessa, X , º. GW [] () – Paris : [Georg Mittelhus ( ?)], II / n.s., º. GW [] ()
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Annexe 2
choix de recueils factices comprenant une édition du manipulus curatorum Aarau KB et al. {} à la suite de : Bartholomæus de Chaimis, Confessionale, [Basel : Martin Flach, circa ]. (, sous une reliure sans doute bâloise en partie contemporaine (Dahm (+). {} à la suite de : Stör (Nicolaus), Expositio officii missae sacrique canonis, [imprimeur de Henricus Ariminensis, De iv virtutibus (H ) (= Georg Reyser ?), non post ], (. (Dahm (+). {} entre : Reinerus, Fagifacetus, siue de moribus et facetiis mensae (lat. et all.), [Basel : Michael Furter, post IV ], ( ; Floretus cum commento, [Köln : Heinrich Quentell, circa ], (, et :Cordiale quattuor nouissimorum cum exemplis, Köln : Heinrich Quentell, , ( ; Theodulus, Ecloga, Köln : Heinrich Quentell, IX , (. (Dahm ++++) ; {} avant : Vocabularius gemma gemmarum, Augsburg : Johann Schönsperger, , (. (Dahm ). Metz BM {} (Inc. (,)) à la suite de : Antoninus Florentinus, s., Confessionale, [Roma : In Domo Francisci de Cinquinis, non post ], (. {}(Inc (,)) avant : Johannes de Verdena, Sermones “Dormi secure” de tempore et de sanctis, [Köln : Konrad Winters, ante IX ?], (. Nancy Grand séminaire {} ( (,)) à la suite de : Antoninus Florentinus, s., Confessionale, [Roma : Eucharius Silber], V , (. Oxford Bodleian Libr. {} avant : Johannes Marchesinus, Mammotrectus super Bibliam, Köln : Johannes Koelhoff der Ältere, X . (. (BodLC G-). {} entre : Poeniteas cito, Antwerpen : Gerard Leeu, I , (, et : Bindus de Senis, Aureum Bibliae repertorium siue Aurea Biblia, [Köln : Ludwig von Renchen, circa ], (. (BodLC B-E, G-, P-). {} entre : Epistola de miseria curatorum, Paris : Pierre Poulhac pour Denis Roce, [circa -], ( et : Confessionale, Interrogationes et doctrinæ, Paris : Pierre Poulhac pour Denis Roce, [circa ], (. (BodLC E-, C-, G-). {} entre : Albertus Magnus, Compendium theologicae veritatis, Venezia : Piero Quarengi, VII , (, et : Confessionale, Interrogationes et doctrinae [Ulm : Johann Zainer, circa ], ( ; Bonaventura, s., Meditationes vitae Christi, [Augsburg : Johann Schönsperger, circa -], ( ; la reliure de ce recueil, peut-être originellement constitué par Jakob Murer, (fl. ?) curé d’Ummendorf, près de Biberach en Bavière, a été réalisée dans l’abbaye de Weissenau. (BodLC A-, G-, C-, B-). s
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pierre aquilon
{} fait partie d’un recueil de pièces dont les annotations trahissent une main anglaise de la fin du xv# ou du début du xvi# s. : avant : Thomas de Chabham, Liber poenitentialis, Köln : Peter Therhoernen, , (, et : Bernardus de Parentinis. Expositio officii missæ, Köln : Johann Guldenschaff, V , (. (BodLC G-, T-, P-).
Paderborn Erzbischöfliche Akademische Bibliothek {} à la suite de : Gregorius I, pape, Homiliae super Evangeliis et al., [Köln : Bartolomaeus de Unkel], XII , º. {} à la suite de : Guillelmus de Gouda, Expositio mysteriorum missae et versus modus rite celebrandi, Köln : [Ulrich Zell, circa ], (. {} à la suite de : Pseudo-Albertus Magnus, Sermones de eucharistiae sacramento, Köln : [Retro Minores (= Martin von Werden ?), pour] Heinrich Quentell, , (. Paris BArsenal {} (( T ) à la suite de : Antoninus Florentinus, s., Confessionale, [Roma : Stephan Plannck], II , ( (GW ). Paris BMazarine {} (Inc.) relié avant : Ricardus, archevêque d’Armagh, Defensorium curatorum contra eos qui privilegiatos se dicunt et al., [Paris : Antoine Caillaut, circa ], ( ; Innocentius III, (Lotharius de Conti) pape, [De Miseria humanae conditionis :] Liber de vilitate conditionis humanae, Paris : Antoine Caillaut et Louis Martineau, VIII , ( ; Pseudo-Bonaventura, De Castitate et munditia sacerdotum, [Paris : Antoine Caillaut, circa ], ( ; Bonaventura, s., [Soliloquium :] Dialogus, Paris : Guy Marchant, X , ( ; Pseudo-Bernardus Claravallensis, s., Meditationes de interiori homine, [Paris : Antoine Caillaut, circa ], ( ; Ars moriendi et al., Paris : [Guy Marchant], XII , (. (CRI() , , , , , , ). {} (Inc.) entre : Guillermus Baufet, episcopus Parisiensis, Dialogus de septem sacramentis, Paris : Georg Mittelhus, IX , ( ; Stella clericorum, [Paris : Georg Mittelhus, non post ], ( ; Bonaventura, s., De Praeparatione ad missam et al., [Paris : Georg Mittelhus, non post ], ( ; Articuli fidei, [Paris : Georg Mittelhus, non post ], ( ; [Poeniteas cito, cum commento :] Libellus de modo confitendi et poenitendi, [Paris :] Antoine Caillaut [circa ], ( ; Andreas de Escobar, Modus confitendi, [Paris : Georg Mittelhus, non post ], ( ; Dozoli (Laurentius) et Buyer (Jacques), Tractatus corporis Christi, siue Lectura decretalis et al., Paris : Georg Mittelhus, [non post ], (, et : Andreae (Johannes), [Summa de sponsalibus et matrimoniis :] Summa super quarto libro Decretalium, Paris : Georg Mittelhus, V , ( ; Rolewinck (Werner), De Venerabili sacramento et valore missarum, [Paris : Ulrich Gering, inter et ], ( ; Pseudo-Bernardus Claravallensis, s., Meditationes de interiori homine, [Paris : Antoine Caillaut, circa ], ( ; Innocentius III, (Lotharius de Conti) pape, [De Miseria humanae conditionis :] Liber de vilitate conditionis humanae et al., Paris : [Antoine Caillaut], VIII , ( ; Cordiale quattuor nouissimorum, [Paris : Philippe Pigouchet, circa ], (. (CRI() , , , , , , , , , , , , ). PlzeC˘ Franciscains {} (élément d’un recueil factice comprenant deux autres livrets, dont Lochmaier, (Michael), Parochiale curatorum, Hagenau : Heinrich Gran pour Johannes Rynman, VIII , ( (ISTC : il) Porrentruy BCJ {} (Inc. , -) entre : Matthaeus de Cracovia, Confessionale siue de Modo confitendi et puritate conscientiae, Paris : Georg Mittelhuss, [circa ], (, et : Heynlin (Johannes), Resolutorium
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l e m a n i p u lu s c u r ato ru m d a n s d e s re c u e i l s fac t i c e s
dubiorum circa celebrationem missarum, [Paris : Pierre Poulhac, circa -], ( ; Ambrosius de Woestine, Tractatus metricus iuris canonici, Paris : Nicole de la Barre, pour lui-même, Jean Nicolas et Jean Richard, IV /, ( (CIBN W-) ; ce recueil a été relié à Paris peu de temps après l’impression de la # pièce ; la couvrure est ornée d’une plaque représentant saint Roch (Gid et Laffitte n( ) (Jurot , , , ).
Rouen BM {} (Inc m ) avec : Datus (Augustinus), Elegantiolae, Paris : Félix Baligault, [circa -], (, et : Catholicum parvum, Paris : Jean Maurand pour Jean Petit, II /, (, ill. (CRI() , , ). Saint-Mihiel BM {} (H (-) entre : Adam de Aldersbach, Summula cum glossa et cum commento, Köln : [Retro Minores (= Martin von Werden ?), pour] Heinrich Quentell, VII , ( et : Heynlin (Johannes), Resolutorium dubiorum circa celebrationem missarum, Köln : Heinrich Quentell, , ( ; Sixtus IV (Francesco della Rovere), pape, Bulla “Illius qui pro dominici salvatione” [De Reformatione Hospitalis S. Spiritus, III ], [Roma : Eucharius Silber, circa -], (.
Strasbourg BM {} (CRI() )à la suite de : Nicolaus de Błony, De Sacramentis, Strasbourg : Martin Flach, V , (. (CRI() ). Strasbourg BNU {} (CRI() ) entre : Guillermus Parisiensis, O. P. [= Johannes Herolt], Postilla super Epistolas et Evangelia, Strasbourg : [imprimeur de Jordanus de Quedlinburg, Postillæ (H *) (= Georg Husner ?)], I , ( (CRI() ) et : Pseudo-Augustinus, Canones juxta triplicem regulam, Strasbourg : Martin Schott, , (, ill. (CRI() ). {} (CRI() ) à la suite de : Nicolaus de Błony, De Sacramentis, Strasbourg : Martin Flach, , (. (CRI() ). Strasbourg Grand séminaire {} (CRI() ) avant : Pseudo-Thomas de Aquino, De Arte prædicandi, [Strasbourg : imprimeur de l’Aderlaßbüchlein (GW ), circa ], (. (CRI() ), et : Guillermus Parisiensis, O. P. [= Johannes Herolt], Postilla super Epistolas et Evangelia, [Reutlingen : Michael Greyff, non ante ], (. (CRI() ).
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COLARD MANSION ET LE MONDE DU LIVRE À BRUGES Ludo Vandamme
e fonds historique de la Bibliothèque municipale de Bruges conserve une collection modeste d’incunables. Il s’agit de éditions, dont quelques-unes en double exemplaire, soit incunables au total. La genèse de la Bibliothèque municipale de Bruges ressemble à celle de beaucoup d’autres dans les capitales provinciales et départementales en Belgique et en France. À Bruges, l’une des conséquences de la confiscation des propriétés religieuses dans les années suivant la Révolution française à la fin du xviii# siècle, fut la centralisation du contenu des bibliothèques d’églises et d’abbayes dans la ville. À Bruges, c’est dans les collections de l’École centrale que la Bibliothèque municipale actuelle prit son originen n L. Van Biervliet, L. VanD’anciennes marques de possession nous permettent de reconstruire damme (éds.), A. Van den Abeele, The Founding Fathers : het biblioen partie ces bibliothèques religieuses, ce qui crée parfois des surprises. La theeklandschap in Brugge omstreeks collection extrêmement riche de manuscrits que conserve la Bibliothèque , Bruges, Stad Brugge, ; P.J. Laude, Catalogue méthodique municipale de Bruges, renvoie presque exclusivement aux bibliothèques de la bibliothèque publique de de Ter Doest et Ten Duinen, deux abbayes cisterciennes créées dans le Bruges, Bruges, Alphonse Bogaert, comté de Flandre au Moyen Âge. Dans les incunables les marques de ; J. Vandamme, Het bibliotheekwezen in Brugge vóór , propriété sont plus variées. Les plus beaux livres, par exemple le Liber Bruges, Raaklÿn, . Chronicarum de Hartmann Schedel, un atlas colorié de Ptolémée (publié o M.-L. Polain, Catalogue des livres imprimés au quinzième sièà Ulm en ), et une Bible d’Amerbach enluminée (Bâle, ), apparcle des bibliothèques de Belgique, tenaient à une modeste abbaye de chanoines réguliers à Zonnebeke, près Bruxelles, -, nrs. ., ., . Cf. A. De Poord’Ypres en Flandreo ter, « Liste des incunables de la bibliothèque publique de la ville de Bruges », Annales de la Société d’Émulation de Bruges, LXIV (), p. - ; L. Vandamme, « De herkomst van het Brugse incunabelbezit », dans Schatten uit de Biekorf-bibliotheek : incunabels, éd. par W. Le Loup et L. Vandamme, Brugge, Stad Brugge, , p. -. Concernant l’abbaye de Zonnebeke : N. Huyghebaert, « Abbaye de Notre-Dame de Zonnebeke », dans Monasticon belge, tome III : Province de Flandre occidentale, Liège, Centre National de Recherches d'Histoire Religieuse, , p. -. s
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ludo vandamme
Cependant, les incunables les plus importants nous sont parvenus par un chemin tout à fait différent. Il s’agit de dix titres, soit quinze volumes, imprimés par Colard Mansion, actif à Bruges entre et environ. Dans cette collection se trouvent ses ouvrages emblématiques, chacun en deux volumes : le Livre de la ruyne des nobles hommes et femmes de Boccace (ILC ), la Consolation de phylosophye, de Boèce (ILC ), et les Métamorphoses d’Ovide (ILC )p C’est aux légations de Joseph Van p ILC = G. van Thienen et J. Goldfinch, Incunabula printed Praet, conservateur des livres imprimés à la Bibliothèque nationale à in the Low Countries : a census, Paris au début du xix# siècle, que nous devons la quasi-totalité de notre Nieuwkoop, De Graaf, (Bibliotheca Bibliographica Neerlandica, collection Mansion. Serait-ce une coïncidence si à l’heure actuelle ces XXXVI). anciens livres imprimés sont conservés à Bruges, à l’endroit même où q J. Van Praet, Notice sur Colard Mansion, libraire et imprimeur de son père et homonyme Joseph Van Praet exploitait une librairie-imprila ville de Bruges en Flandre dans merie dans la deuxième moitié du xviii# siècle ? le quinzième siècle, Paris, De Bure frères, . Cf. L. Van Biervliet, La Bibliothèque municipale n’a plus acquis d’incunables au cours « De boekenas Brugge-Parijs : des cent cinquante dernières années. Vu la rareté de ces livres imprimés Joseph-Basile van Praet (on peut supposer que la situation restera inchangée dans le futurq ), bibliothecaris in Parijs en weldoener van de openbare biblioNotre collection Mansion nous est chère parce qu’elle se rapporte à theek Brugge », dans The Founla période de l’histoire médiévale de notre ville, pendant laquelle Bruges ding Fathers, op. cit., p. - ; D. Varry, « Joseph van Praët », dans se trouvait être, pour ainsi dire, le nombril du monde. Dès le xiii# siècle Histoire des bibliothèques françailes pays méditerranéens et les pays de l’Europe septentrionale se renconses : les bibliothèques de la Révolution et du xix siècle , traient à Bruges. C’est ainsi que la ville devint un centre du commerce Paris, Promodis, , p. - ; international tant pour les négociants locaux que pour les maisons de L. Vandamme, « De verzameling Mansion-drukken van de stadsbicommerce étrangères qui, selon les cas, avaient une succursale permabliotheek Brugge », dans Jaarboek nente à Bruges. Le commerce monétaire y était prospère et les marvan het Nederlands genootschap voor chands brugeois développèrent à leur tour une activité internationale. bibliofielen, , Amsterdam, De Buitenkant, , p. -. De plus, au xv# siècle, Bruges se transforma en ville bourguignonne. La présence des ducs de Bourgogne et de leur entourage favorisait la « bourgognisation » de la culture dans de larges milieux de l’aristocratie et de la bourgeoisie. Ces deux évolutions, c’est-à-dire la présence de la vie de cour bourguignonne d’une part, et le commerce international d’autre part, stimulèrent l’existence à Bruges d’une industrie de produits de luxe très variés, destinés surtout à l’exportation. C’est d’ailleurs par la diversité des emplois dans de nombreux métiers de haute qualité que Bruges s’est distinguée rapidement des autres villes de Flandre. L’enseigne la plus prestigieuse de cette industrie de luxe fut la peinture sur bois, mais n’oublions cependant pas celles du diamant et de l’ivoire, l’orfèvrerie, la tapisserie, etc. C’est ainsi, qu’au xv# siècle, Bruges fut aussi un centre international pour la production de livres. Des dizaines d’entrepreneurs et d’ouvriers, libraires, copistes, enlumineurs, relieurs, imprimeurs et parcheminiers, tous rassemblés dans la guilde de Saint-Jean, y trouvaient un emploi. Dans la deuxième moitié du xv# siècle, Colard Mansion y occupa le premier rang. Il est intéressant de considérer Colard Mansion de ce point
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colard mansion et le monde du livre à bruges
de vue : celui d’un entrepreneur accédant au monde du livre dans une ville cosmopoliter
Un entrepreneur Colard Mansion était un homme considéré, un intellectuel, qui avait une position sociale à défendres Il avait du flair pour les nouveaux textes, quantité d’éditions princeps sont sorties de sa presse ; il faisait des traductions du latin, et probablement du néerlandais en français, et paraphrasait amplement des textes existants. Au sein de la guilde il se fit connaître comme un membre généreux quand il s’agissait de la décoration de la chapelle de la guilde dans l’abbaye Eeckhout à Bruges ; il avança de l’argent et recruta probablement de nouveaux membres. De à il n’y eut aucun membre de la guilde qui ait engagé plus de compagnons et d’apprentis que Colard Mansiont. Où Colard Mansion vivait-il à Bruges ? Déjà en Henri Michel démontrait que l’abbé Charles Carton s’était trompé en situant la maison de Mansion derrière le couvent des Carmélites. En au plus tard Mansion ouvrit un commerce et un comptoir voisins de l’église SaintDonatien à la place du Bourg, le cœur battant du monde du livre à Bruges, où des livres s’écrivaient et se vendaient déjà au xiv# siècleu. Il s’agissait d’une boutique et d’une arrière-boutique exploitées auparavant par Morissis de Haec, l’un des principaux agents du monde du livre à Bruges, ce qui nous donne une idée de l’importance de la place du Bourg dans ce domaine. En tant qu’entrepreneur, prospectant le marché et coordonnant l’exécution des ordres, Mansion domina une grande partie de la production des livres. Il fut l’intermédiaire entre la clientèle et les producteurs : copistes, enlumineurs, relieurs. Il est probable que Mansion fit appel à un groupe permanent de collaborateurs pour les différentes phases de la production des livres. En ce qui concerne l’enluminure, il semble avoir coopéré étroitement avec l’atelier du Maître du Livre d’heures de Dresde. Cet artiste fut actif à Bruges entre et , mais il partit pour Tournai et ensuite pour Amiens, chassé par les conflits entre les villes de Flandre et l’empereur Maximilien d’Autriche. Tout cela fournit matière nouvelle à l’hypothèse de H. Michel, selon laquelle Mansion quitta Bruges en et continua ses activités en Picardiev
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r A. Vandewalle, « Un centre commercial à dimension européenne, - », et N. Geirnaert, « La culture, l’Église et la vie intellectuelle au Moyen Âge », dans Bruges : l’histoire d’une ville européenne, éd. par M. Ryckaert, A. Vandewalle, J. D’Hondt, N. Geirnaert et L. Vandamme, Tielt, Lanno, , p. -, -. s G. Colin et C. Lemaire, « Colard Mansion », dans Le cinquième centenaire de l’imprimerie dans les anciens Pays-Bas : catalogue, Bruxelles, Bibliothèque royale Albert I, , p. -, et W. et L. Hellinga, The FifteenthCentury Printing Types of the Low Countries, Amsterdam, Menno Hertzberger, , p. -, restent le point de départ de chaque investigation sur Colard Mansion. Cf. S. Edmunds, « From Schoeffer to Vérard : concerning the scribes who became printers », dans Printing the written word : the social history of books circa , éd. par S. Hindman, Ithaca, Cornell University Press, , p. -. t Les noms des apprentis dans les comptes de la guilde des libraires : Bruges, Arch. municipales, Oud Archief : « librariërs en schoolmeesters », comptes ; L. Gilliodts-van Severen, « L’œuvre de Jean Brito, prototypographe brugeois », Annales de la Société d’Émulation de Bruges, (), p. -. Cf. A. Vandewalle, « Het librariërsgilde te Brugge in zijn vroege periode », dans Vlaamse kunst op perkament : handschriften en miniaturen te Brugge van de tot de eeuw, [catalogue d’exposition], Brugge, , p. -. u H. Michel, L’imprimeur Colard Mansion et le Boccace de la bibliothèque d’Amiens, Paris, Picard, , p. -. v B. Brinkmann, Die Flämische Buchmalerei am Ende des Burgunderreiches. Der Meister Dresdener Gebetsbuch und die Miniaturisten seiner Zeit, Turnhout, Brepols, .
ludo vandamme
En ce qui concerne la calligraphie, c’est la main de Colard Mansion lui-même qui servit de modèle. Au sujet de la production des illustrations en taille-douce, nous oserions suggérer une collaboration avec Marc Le Bongeteur. Nous en dirons quelques mots plus tard. Quant à l’impression des livres, rien ne permet de supposer que Colard lui-même actionnait la presse. Dans la deuxième moitié du xv# siècle, la production des livres à Bruges concernait surtout le livre manuscrit. Mansion réunissait de nombreuses commandes dans ce domaine. Les manuscrits de luxe bourguignons traduisaient la fierté de l’industrie du livre à Bruges, dans laquelle Mansion prit une place éminente. Nous connaissons les demandes de copie ou de traduction passées par des clients tels que Philippe le Bon (manuscrit de Romuléon, ), Philippe de Crèvecœur, Philippe de Hornes et, bien entendu, Louis de Bruges, seigneur de Gruuthuse, un bibliophile de réputation européenne appartenant à l’entourage de la cour bourguignonne à Bruges. Quelques ordres de copie moins connus complètent le portrait de Mansion et de ses clients. L’archiviste municipal de Bruges, Noël Geirnaert, vient de mettre au jour un contrat par lequel Jan Crabbe commandait un manuscrit de luxe auprès de Mansion. Jan Crabbe était l’abbé de la prestigieuse abbaye des Dunes ; il éprouvait un intérêt marqué pour l’humanisme et entretenait des contacts avec des scriptoria italiens à Brugesnm nm N. Geirnaert, Vlaamse Pour le compte de l’abbaye Saint-Hubert dans les Ardennes, Mansion cisterciënzers en Europese stadscultuur : abt Johannes Crabbe en het écrivit ou fit écrire un manuscrit richement décoré contenant la Vie culturele leven in de Duinenabdij de saint Hubert, rédigé par Hubert Le Prévost de Lille. Le manuscrit a tijdens zijns bestuur ( ) (thèse de doctorat à publier), disparu dans l’incendie de l’abbaye Saint-Hubert en . Sous toutes Louvain, , p. -. Il s’agit réserves De Rooy suppose que Mansion traduisit le texte latin de Le du manuscrit : Valerius Maximus, Facta et dicta memorabilia, vol., Prevost en françaisnn ca. (Bruges, Bibliothèque du Tout à fait inconnues jusqu’ici étaient les commandes passées chez Grand Séminaire, mss. / ; / ; / ; Malibu, J. Paul Mansion par les institutions locales. Nous ne connaissons pas de livraisons Getty Museum, ms. ). Cf. à la municipalité de Bruges. Bien que la municipalité plaçât ou sous-traitât Le vaste monde à livres ouverts : nombre de commandes – probablement aussi à Mansion –, les comptes manuscrits médiévaux en dialogue avec l’art contemporain, [catalogue municipaux n’indiquent que peu de noms. Entre et , son cold’exposition], éd. par L. Busine et lègue Morissis de Haec fut payé à plusieurs reprises pour la livraison de L. Vandamme, Tielt, Lanno, , p. (notice de N. Geirnaert). livres. En Colard Mansion reprit la boutique de De Haec, et aussi nn F. C. De Rooy, La vie de – on peut le supposer – sa clientèle. Saint Hubert dite d’Hubert Le Prevost, Zwolle, . Cf. R. Vander En tout cas, dès , Colard Mansion fut payé par le Franc Plaetse, « Brugse librije, : Colard de Bruges pour des « boucken die hy scryft ten oorbore van den lande » Mansion », Biekorf, (), p. -. (pour des livres qu’il écrit au compte du Franc). Le Franc de Bruges représentait la campagne fertile et riche tout autour de la ville, dont le siège administratif se trouvait également sur la place du Bourg, au centre de Bruges. En un autre paiement eut lieu, pour que Mansion enlumine le nouveau cartulaire, rédige un index, soigne les marges, le décore à l’or battu et le fasse relier avec des plats de bois. Ici aussi Mansion joua le rôle de coordinateur : il veillait à ce que le cartulaire fût soigneusement préparé et mis en
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colard mansion et le monde du livre à bruges
ordre. Il s’agit probablement du Roodenbouck, un cartulaire excellemment décoré d’initiales ornementales et d’une vignette sublime qui renvoie aux ateliers d’enluminure brugeois des années . Le cartulaire est aujourd’hui conservé aux Archives de no Bruges, Archives de l’État, l’État à Brugesno Brugse Vrije, registers, compte -, f. vº : « Betaelt On s’adressait à Colard Mansion non seulement pour les commanColaert Mansion van boucken des importantes, mais également pour des travaux plus modestes, telles die hi scryft tern oorbore van den lande » ; compte -, f. , que la composition et la transcription des six affiches contenant le texte . Une description du Roodendes nouvelles ordonnances promulguées par le gouvernement du Franc bouck : E. Vandenbussche, Invende Bruges. Les affiches furent placardées dans six villages et petites villes taire des archives de l’État à Bruges, section première, Franc de Bruges, de la campagne brugeoise. Ces données nouvelles, résultant de récentes Bruges, Daveluy, , II, - recherches d’archives, ajoutent un nouvel aspect à l’entreprise de Colard np M. Lowry, « The arrival and use of continental printed books Mansion, c’est-à-dire celui d’exécuteur des commandes du pouvoir in Yorkist England », dans Le public. livre dans l’Europe de la Renaissance : actes du XXVIII Colloque international d’études humanistes de Tours, éd. par P. Aquilon et H.-J. Martin, [Paris], Promodis, , p. ; F. Edler, « Per la storia dell’arte della stampa in Italia : come furono stampati a Venezia tre dei primi libri in italiano », Bibliofilia, LV (), -. nq M. Goris, Boëthius in het Nederlands : studie naar een tekstuitgave van de Gentse Boethius ( ), boek II, Hilversum, Verloren, , p. -.
Le livre imprimé
Il est évident qu’à Bruges les livres imprimés ont circulé dès l’aube de la typographie : les premières bibles imprimées à Mayence y furent enluminées, le plus ancien livre conservé en Angleterre fut vendu à Bruges en , et la famille Strozzi transporta, via Bruges, sur des galères italiennes, des cargaisons de livres vers le nord-ouest de l’Europenp En tant qu’entrepreneur dans le monde du livre, Colard Mansion reconnut rapidement les possibilités de la typographie. Dès il se consacra à l’imprimerie, dans le sillage du tandem William Caxton - Jan Veldener. La reconstitution de son fonds compte aujourd’hui éditions. La reproduction mécanique de textes fut incorporée dans les autres phases de la production qui, en attendant, restaient non-mécanisées. Chez Mansion, la décision de faire imprimer un texte dépendait de l’état du marché. Parmi les six textes qu’il traduisit et éventuellement paraphrasa lui-même, c’est-à-dire la Pénitence d’Adam, le Dialogue des créatures, la Consolation de la philosophie de Boècenq, l’Ovide moralisé, le Donat spirituel de Jean Gerson et la Vie de saint Hubert d’Hubert Le Prévost, il n’y en a que trois qu’il prit le risque de mettre sous presse. Peu de temps après Mansion, ou même dès la fin de sa carrière à Bruges, le marché se montra prêt à accueillir une version imprimée des autres, par exemple, le Dyaloge des creatures moraligie imprimé par Gerard Leeu à Gouda en (ILC ). Vers la fin du Moyen Âge déjà, on appliquait dans les scriptoria une division rationnelle du travail, surtout pour l’illustration. Mansion, lui, faisait un pas de plus : en il publia le premier livre illustré en taille-douce. Il s’agit du De casibus virorum illustrium de Boccace, dans la traduction française de Laurent de Premierfait. À Bruges, un savoir-faire et une expérience considérables étaient disponibles dans les ateliers monétaires et les bureaux de change.
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En , au moment où l’atelier typographique de Caxton prit son essor, probablement avec la coopération de Mansion, un certain Marc Le Bongeteur réapparut en tant qu’orfèvre, mais surtout en tant que responsable de l’atelier monétaire de la ville. Serait-il le chalcographe anonyme sur lequel Mansion pouvait s’appuyer ? En tout cas, plusieurs jetons extrêmement figuratifs de sa main ont été conservés ; à l’avers il se représente lui-même de profil et, au revers, on voit un lion ailé appuyant sa patte sur la bible. Le Bongeteur mourut à Bruges vers la fin de l’année . Son fils Colard reprit l’atelier de son père, mais partit pour Gand deux années plus tard, de sorte qu’avec lui disparaissait pour Mansion un maillon important de la chaîne de production des livres. Dans le seul ouvrage que Mansion publia après cette année, l’Ovide moralisé en , il recourut à la xylographie. Ici aussi il fit imprimer texte et illustration par des tirages séparésnr. Marc Le Bongeteur était, probablement comme Colard Mansion, un nr C. Kok, De houtsneden in de Artésien, originaire d’Hesdin, bourgeois de Bruges en , où il exploita incunabelen van de Lage Landen, dix ans après l’un des quatre bureaux de change. Il résida à Louvain de , Amsterdam, Universiteit van Amsterdam, ; M.D. à en tant qu’essayeur général des monnaies de Charles le TéméHenkel, De houtsneden van Manraire. L’année suivante il était chef de l’atelier monétaire à Bruges. sion’s Ovide Moralisé, Bruges , En tout cas, Marc Le Bongeteur entretenait de bonnes relations Amsterdam, P.N. van Kampen en Zoon, . avec le monde du livre dans la métropole. Le registre de la guilde des ns A. De Witte, « Marc Le Bonlibraires, conservé aux archives municipales à Bruges, nous apprend qu’il geteur, changeur, orfèvre et maître de la Monnaie de Bruges, fut affilié à la corporation dès , l’année initiale du registre, et cela », Revue belge de numismatisans interruption et jusqu’à sa mort. Le registre mentionne aussi le neveu que, (), p. -. « Marc Le Bongeteur dans une groupe de de Marc, peut-être Clais Le Bongeteur qui, en ou reçut de personnes qui figuraient dans le la part de la cour ducale de Bourgogne une commande à exécuter en commerce du livre » (Morissis de Haec, Willem Vrelant, Passchier coopération avec Colard Mansionns vanden Weghe) : Bruges, Archives Pour l’illustration de son Boccace, Mansion avait recours à plusieurs de l’État, Brugse Vrije, registers, techniques. De cette impression quatre états sont connus. Dans quelques compte -, f. ( avril ). Son rôle dans la librairie : volumes les gravures ont été imprimées, dans d’autres elles ont été colBruges, Archives de l’État, Brugse lées comme des images séparées. Dans la plupart des exemplaires, ceux Vrije, registers, compte -, f. vº : « Marck le Bungeteur, par exemple conservés à la Bibliothèque municipale de Bruges, l’espace poorter ende wisselaer, te Brughe réservé aux gravures est resté blanc. À en croire Joseph van Praet, il aurait van eenen boucke inhoudende Onsen Vrauwe ghetyden, ende eu entre ses mains des exemplaires avec des miniatures peintes. Tout cela anderen godtsdienst met guldenen porte à croire que Mansion s’adapta très souplement aux circonstances, en zilveren lettren gheschreven in zwart parchemyne… ». en remaniant les pages du prologue ou en abrégeant même le texte, afin nt S. McKendrick, dans Illumid’avoir un fonds plus varié à vendrent nating the Renaissance : the triumph La décoration peinte des livres imprimés se fit selon le goût et les of Flemish manuscript painting in Europe, [catalogue d’exposition], désirs du client. éd. par T. Kren et S. McKendrick, Los Angeles/London, The J.P. Getty Museum, , p. - ; L. Hellinga, « Illustration of fifteenth-century books : a bird’s-eye view of changes and techniques », Bulletin du bibliophile, ; Id., « Reading and engraving : William Caxton’s dedication to Margaret of York, Duchess of Burgundy », dans Across the Narrow Seas : studies in the history and bibliography of Britain and the Low Countries Presented to Anna E.C. Simoni, éd. par S. Roach, London, British Library, , p. et (note ) ; P. Jean-Richard, Graveurs en taille-douce des Anciens Pays-Bas, Paris, Réunion des musées nationaux, , p. -.
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Bruges était toutefois bien outillée pour ce genre de commandes. Les exemplaires de Bruges et de Paris de l’Ovide moralisé avec leurs vignettes soignées et leurs initiales ornées proviennent de deux ateliers différents. À l’atelier où l’exemplaire de Paris fut décoré, on peut également attribuer le décor peint d’une Biblia latina d’Amerbach, acquise par les chanoines réguliers de Zonnebeke, à cinquante kilomètres environ au sud de Bruges, et conservée aujourd’hui à la Bibliothèque municipale de Bruges, ainsi que celui d’une impression de Lorenzo Valla (Louvain, Jan Veldener, ) : Elegantarium linguæ nu A. Arnould, dans Splenlatinæ libri sex, pourvue en outre d’une reliure contemporaine brugeoise, dours of Flanders [catalogue d’exestampée à froidnu Un inventaire des décors qui ornent les impressions position], éd. par A. Arnould et de Mansion permettrait d’établir s’il laissait ou non à ses clients et à eux J. M. Masing, Cambridge, Cambridge University Press, , : seuls l’exclusivité des choix décoratifs des livres qu’il leur vendait.
Bruges, Bibliothèque municipale, (Biblia) ; Paris, BnF, Rés. g.Y.c (Ovide) ; Cambridge, University Library (Valla). nv P. Saenger, « Colard Mansion and the evolution of the printed book », Library Quarterly, (), p. -. Sur Louis de Gruuthuse : M. Martens, « De librije van Lodewijk van Gruuthuse », dans Id., Lodewijk van Gruuthuse : mecenas en Europees diplomaat ca. , Stad Brugge, , p. -. om Bruges, Bibliothèque municipale, . Cet exemplaire a été numerisé : . on Concernant Karel van Croy : H. Cools, Mannen met macht : edellieden en de Moderne Staat in de Bourgondisch-Habsburgse landen , Zutphen, Walburg, , - (nº ).
La noblesse bourguignonne
Colard Mansion s’inscrit dans la culture de la cour ducale de Bourgogne. Il dédia ses traductions et ses manuscrits à une aristocratie francophone qui s’inspirait du rayonnement culturel et du style de vie des ducs. Une partie importante de son fonds imprimé l’orientait aussi vers ce milieu. On a constaté par exemple qu’un tiers des titres publiés par Mansion se trouvait sous forme de manuscrits dans la bibliothèque de Louis de Bruges, seigneur de Gruuthusenv Sur tout cela, on manque de données plus précises. L’Ovide moralisé joliment enluminé que possède notre Bibliothèque municipale, porte en bas de la première page du texte la marque de possession de Charles de Croy : Ce livre d’ovide de metamorfose en franchois appertient a monseigneur Charles de Croy, seigneur d’Avesnes, Wavrin, Lillers Saint-Vernant etc., et le signe de son nomom La signature a disparu lors d’un massicotage du corps d’ouvrage. Cet exemplaire, sorti d’un atelier brugeois de décoration de manuscrits aussi bien que de livres imprimés, apparaît comme un produit caractéristique destiné à un bibliophile aristocrate « bourgognomane ». La première a été ornée d’un encadrement somptueux. Charles de Croy, aussi et surtout prince de Chimay, était l’un des soutiens les plus solides de la politique de l’empereur Maximilien d’Autriche. En le souverain de Habsbourg l’admit dans l’Ordre de la Toison d’Or. Son exemplaire du Livre des statuts de l’Ordre, enluminé dans le style « brugeo-gantois » a été conservé. Au cours de cette période Charles de Croy réunit une bibliothèque extrêmement prestigieuseon Non seulement l’aristocratie, mais la bourgeoisie urbaine aussi témoignaient de l’intérêt pour ces textes tout particulièrement lorsqu’ils étaient proposés en édition de luxe. Nos sources actuelles ne nous permettent pas d’avoir une idée des bibliothèques privées qui existaient dans les villes de Flandre à la fin du xv# et au début du xvi# siècle. En ce qui concerne
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Amiens, capitale de la Picardie, où de nombreux inventaires après décès détaillés ont été conservés, Albert Labarre y a relevé quatre exemplaires de l’Ovide moralisé présents, entre autres, chez Antoine de Cocquerel (), Simon Pilate () et Pierre Le Riche (), trois juristes dont les deux premiers avaient été procureurs au bailliage et le troisième, notaire en la cour spirituelle de l’évêque. Beaucoup plus connu, est l’exemplaire du Boccace illustré en taille-douce en possession de Charles de Wascoussains. Le seul exemplaire conservé du Boèce avec miniatures peintes (aujourd’hui à la Cambridge University Library) eut comme premier propriétaire le médecin brugeois Rogier Willeronoo Il y avait donc un très large marché pour l’Ovide et il semble qu’ici oo A. Labarre, Le livre dans la vie amiènoise du seizième siècle : aussi Mansion en a bien pris la mesure. Ce sont sans doute des considél’enseignement des inventaires après rations commerciales qui l’ont poussé à risquer une deuxième édition. décès , Paris-Louvain, Il faudrait examiner comment cela s’est passé. En tout cas, environ la Nauwelaerts, ; H. Michel, L’imprimeur Colard Mansion, moitié de ce livre volumineux fut rééditée sur des papiers d’origine difop. cit., p. - ; A. Arnould et férente et avec des remaniements significatifsop J.M. Massing, Splendours of Flanders, op. cit, p. . Mansion ayant surtout produit des ouvrages en français, on tend op C. Lemaire et M. Goetinck, à oublier qu’il en imprima aussi en latin. En probablement, il dans Le cinquième centenaire de l’imprimerie dans les anciens édita les œuvres du Pseudo-Denys l’Aréopagite, contenant des lettres, Pays-Bas : catalogue, Bruxelles, mais aussi des traités sur les noms des dieux, la hiérarchie des anges, etc. Bibliothèque royale Albert I, , p. -. Cf. J.-C. Moisan, S. (ILC ). Cet auteur anonyme, qui vivait vers , essaya de combiner Vervacke, « Les Métamorphoses le christianisme et la philosophie néoplatonicienne. Il avait pris pour d’Ovide et le monde de l’imprimé : nom d’auteur celui de l’Athénien Denys, qui s’était converti au chrisla Bible des poëtes, Bruges, Colard Mansion, 1484 », dans Lectures tianisme après avoir entendu les prédications de saint Paul. d’Ovide, publiées à la mémoire de Ce texte moderne aux accents humanistes avait été traduit du grec Jean-Pierre Néraudau, éd. par E. Bury, Paris, , p. -. en latin en par le moine italien Ambrogio Traversari. Il a été retrouvé oq Mansions Pseudo-Dionyse dans les bibliothèques des savants et des ermites, tels que les couvents des exporté en Angleterre : P. Needham, « Continental printed books célestins de Metz et d’Amiens, selon des indications figurant dans des sold in Oxford, c. - : two trade exemplaires conservés. Au cours des décennies suivantes, le mysticisme records », dans Incunabula : Studies in Fifteenth-Century Printed Books chrétien du Pseudo-Denys allait agiter les milieux humanistes de l’UniPresented to Lotte Hellinga, éd. par versité de Paris. En Jacques Lefèvre d’Étaples publia à son tour une M. Davies, London, The British nouvelle édition de la traduction de Traversarioq Library, , p. -. À travers ses productions, Colard Mansion visait surtout l’aristocratie bourguignonne francophone, mais aussi un plus ample public de lecteurs dans les régions francophones des Pays-Bas et de Bourgogne, comme nous le révèlent quelques marques de possession. Ajoutons qu’au xv# siècle, l’exemplaire de la Somme rural de Boutillier (ILC ) appartenait à Jehan de Guy, entrepreneur à Dijon. Il est évident que Mansion s’employa à rechercher des textes en français à mettre sous ses presses. Il fit d’abord traduire des œuvres déjà accessibles en néerlandais. Le cas du Jardin de dévotion (ILC ) en donne un bon exemple. Ce traité de piété fait de considérations
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allégoriques sur une phrase du Cantique des cantiques est attribué à juste titre à Pierre d’Ailly, qui l’avait écrit en français. Un examen minutieux démontre toutefois que le texte édité par Mansion est plus étendu. Il comprend non seulement les seize chapitres de Pierre d’Ailly, mais encore deux autres : un dialogue sur la nécessité de la souffrance, et des recommandations pour assister à la messe. Chacun des deux derniers textes se base sur un manuscrit original en néerlandais, dont Mansion ne se servit pas : il se contenta de la traduction française pour une impression conforme à son programme éditorial. Cette analyse de texte prouve une fois encore que la relation entre Colard Mansion et la bibliothèque de Louis de Bruges est plus complexe que l’on n’avait cru en général. Dans la bibliothèque du seigneur de Gruuthuse se trouvait en effet un manuscrit du Jardin de dévotion de Pierre d’Ailly mais sans les deux chapitres supplémentaires qui apparaissent dans l’édition imprimée. Le commerçant que fut avant tout Colard Mansion, veillait à créer un fonds varié. En il publia une Pronostication en français (ILC )or et, en éditant les Disticha du Pseudo-Caton (ILC ), il visait les milieux enseignants. D’autres textes or L. et W. Hellinga, « A progà tendance bourguignonne pouvaient intéresser également un public plus nostication printed by Colard général. Les Évangiles des quenouilles (ILC ) se situent sans doute dans Mansion (CA ) », GutenbergJahrbuch, , p. -. le cadre de la culture bourguignonne. Les deux manuscrits conservés os D. Callewaert, Die Evande ce texte sont des exemplaires de luxe. L’un d’entre eux appartenait à gelien van den Spinrocke : een verboden volksboek « zo waar als Marie de Luxembourg, veuve de Louis de Luxembourg, comte de Saintevangelie » (ca. ), Kapellen, Pol, disgracié par Louis XI et décapité à Paris en os. DNB, ; M. Jeay (éd.), Les Évangiles des Quenouilles : édition Il en est de même pour la Danse des aveugles de Pierre Michault, critique, introduction et notes, secrétaire de Charles le Téméraire (ILC ), dont le seul exemplaire Paris, Vrin, . connu de l’édition de Mansion fut découvert il y a une vingtaine d’années ot G. van Thienen, « Pierre Michault’s Danse des aveugles : par Gerard van Thienen dans la Bibliothèque nationale d’Autricheot een onbekende Brugse incunabel La destination de ces deux livres nous semble toutefois être le public van Colard Mansion in de Osterreichische Nationalbibliothek », francophone ordinaire qui pouvait accepter ce genre de lecture sans prodans Opstellen over de koninklijke blèmes. Il s’agit d’opuscules à prix réduit, de vingt à trente pages, et sans Bibliotheek en andere studies : bundel samengesteld door medewerkes illustration, contrairement aux éditions contemporaines des concurrents an dr. C. Reedijk ter gelegenheid de Mansion. La diffusion des Évangiles des quenouilles parmi le peuple van zijn aftreden als bibliothecaris, Hilversum, Verloren, , p. suscita les admonestations du prédicateur Olivier Maillard du haut de . sa chaire. ou G. Collin et R. RobMansion s’absenta définitivement de Bruges en . Nombreux brecht, « Notes sur l’origine et la disparition de Colard Mansont ceux qui ont essayé d’expliquer ce qui s’est passé précisément, et sion », De Gulden Passer, beaucoup de plumes se sont déjà usées à ce sujetou Il importe de savoir (), p. -. que Mansion fut la victime de la crise politique et économique des années quatre-vingts. Les deux évolutions qui avaient rendu possible le succès de Mansion à Bruges, avaient disparu, c’est-à-dire l’industrie des produits de luxe destinés à l’exportation et la « bourgognisation » de la vie sociale et culturelle. Ce furent surtout les discordes entre les
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villes de Flandre et l’empereur Maximilien d’Autriche après la mort de son épouse Marie de Bourgogne qui rendirent la vie commerciale dans la ville impossible. La ville de Bruges ainsi que Louis de Bruges menaient une politique plutôt française. En l’Artois fut perdu par la France. Mansion, qui s’était montré peu favorable à la dynastie française dans le passé, se retrouva entre deux chaises, pour ainsi dire. D’autre part, les canaux de distribution commerciaux, qui constituent quand même l’aorte de toute entreprise de librairie, déclinèrent et la clientèle internationale fondit comme neige au soleil. Maximilien d’Autriche misa tout sur Anvers. Par conséquent, les négociants étrangers qui s’étaient établis à Bruges depuis si longtemps déjà, partirent pour la nouvelle métropole, et les entrepreneurs brugeois eux-mêmes optèrent pour le marché anversois. Des imprimeurs-éditeurs tels que Gerard Leeu se laissèrent attirer par Anvers, le nouvel Eldorado de l’imprimerie, tout comme Colard Mansion s’était installé à Bruges trente années plus tôt. Il en résulta un commerce florissant de livres à partir de . Colard Mansion, avec son fonds français, n’y pouvait rien faire. Bien sûr, on mit ses textes sous presse à Anvers aussi, mais en traduction néerlandaise. Un bel exemple est de nouveau le Jardin de dévotion, primum opus impressum per Colardum mansion Brugis Laudetur omnipotens », pour reprendre les termes du colophon, dont Gerard Leeu publia une traduction néerlandaise intitulée Het Hofken van devocien (ILC ) à Anvers ov A. Ampe, « Het “Hoefken van en . Un examen minutieux révéla que cette édition en néerlandais devocien” », Ons Geestelijk Erf, est basée sur celle de Mansion. Le texte lui-même est gâté par quelques (), p. - ; Id., « Kanttekeningen bij de “Evangelische passages très obscurs dus à la traduction nonchalante d’un traducteur Peerle” », IV : nog eens het « Hoefindolent qui s’est rendu coupable de la reprise de mots hybrides du ken van devocien », Ons Geestelijk françaisov Tel fut l’héritage d’une période définitivement révolue. Erf, (), p. -.
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LES MONOGRAPHIES D’IMPRIMEURS ET DE LIBRAIRES PARISIENS DES XV# ET XVI# SIÈCLES Thierry Claerr
our bien cerner le contexte de la naissance du livre imprimé, suivre les parcours socio-professionnel, intellectuel et spirituel de ses promoteurs se révèle riche d’enseignements. La présente étude souhaite donner un aperçu des sources autres que les catalogues d’éditionsn permettant n Par exemple, Bibliotheca bid’appréhender le monde des imprimeurs et des libraires bliographica aureliana. Répertoire bibliographique des livres impriparisiens aux xv# et xvi# siècles, secteur encore peu exploré de l’histoire més en France au seizième siècle, du livre. La famille Kervero apparaît comme une intéressante illustration Baden-Baden, V. Koerner, , fascicules. à cet essai de typologie des sources, ainsi qu’aux perspectives de recherche o T. Claerr, Imprimerie et qui s’offrent alors dans ce domainep. réussite sociale à la fin du Moyen Âge : Thielman Kerver, imprimeurlibraire de à
, ENSSIB, mémoire d’étude, , vol. p Une présentation similaire pourrait être menée pour Lyon à partir de H. Baudrier, BiblioEn parallèle au relevé exhaustif de la production des ateliers typogragraphie lyonnaise. Recherches sur les imprimeurs, libraires, relieurs phiques parisiens au xvi# siècle – estimée à éditions –, Philippe et fondeurs de lettres de Lyon au Renouardq avait jugé important de chercher à en mieux connaître les xvi siècle publiées et continuées par Julien Baudrier, Lyon, L. acteurs, comme le montrent son Répertoire alphabétique des libraires et Brun, Paris, A. Picard, -. imprimeurs du xvi siècle 5 et son intérêt pour la famille Petits. q Ph. Renouard (-) mena avec minutie un travail colossal, en établissant la Liste chronologique des éditions parisiennes au xvi siècle, au nombre de , ainsi que le Répertoire alphabétique des libraires et imprimeurs du xvi siècle. Chaque volume de la collection du « Grand Renouard » contient des informations biographiques de l’imprimeur-libraire. r Ph. Renouard, Répertoire des imprimeurs parisiens, libraires, fondeurs de caractères et correcteurs d’imprimerie depuis l’introduction de l’imprimerie à Paris ( ) jusqu’à la fin du xvi siècle, Paris, , e éd. avec avertissement et tables par B. Moreau et J. Veyrin-Forrer. s Ph. Renouard, « Quelques documents sur les Petit, libraires parisiens et leur famille », Bulletin de la Société de l’histoire de Paris et de l’Ile-de-France, t. , , p. -.
Brève historiographie des imprimeurs et libraires parisiens
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Outre Philippe Renouardt, Anatole Claudinu et Georges Lepreuxv t Ph. Renouard, Documents sur les imprimeurs, libraires, caront constitué d’importants corpus et lancé de grands dépouillements tiers, graveurs, fondeurs de lettres, de sources dans le domaine de l’histoire du livre : ils ont édité des docurelieurs, doreurs de livres, faiseurs de fermoirs, enlumineurs, parchements d’archives, décrit des familles d’imprimeurs-libraires et analysé la miniers et papetiers ayant exercé à production de certains ateliers. Paris de à , recueillis aux Archives nationales et au déparPlus spécialement, depuis la fin du xix# siècle, des imprimeurs et tement des manuscrits de la BN, libraires ont fait l’objet d’études où la bibliographie tient la première Paris, Champion, . u A. Claudin, Histoire de place. C’est le cas des travaux sur Josse Bade et Simon de Colines par l’imprimerie en France aux xv Philippe Renouardnm, sur Antoine Augereau par Jeanne Veyrin-Forrernn, et xvi siècles, Paris, Imprimerie sur Robert Estienne par Elisabeth Armstrongno et plus récemment sur Nationale, -. On peut également citer J. Pichon et G. Antoine Vérard par Mary Beth Winnnp. Vicaire, Documents pour servir à Le champ reste encore largement ouvert aux investigations : jusqu’à l’histoire des libraires de Paris , Paris, Libr. Techener, . présent, à part quelques exceptions, ce sont les libraires ou imprimeurs v G. Lepreux, Gallia typograhumanistes de la première moitié du xvi# siècle qui ont principalement phica : ou répertoire bibliographique et chronologique de tous les intéressé les spécialistes. imprimeurs de France depuis les origines de l’imprimerie jusqu’à la Révolution. Série parisienne, Paris, Présentation d’une famille Champion, et Gallia typograe siècle : les Kerver d’imprimeurs-libraires parisiens au phica… Série départementale : province de Normandie, Paris, Champion, , t. en vol. Depuis l’arrivée de Thielman Kerver dans la capitale à la fin du xv# siècle nm Ph. Renouard, Bibliographie et jusqu’à la vente du fonds familial en , moyennant écus d’or, des impressions et des œuvres de Josse Badius Ascensius, Paris, E. Paul et à Sébastien Nivelle, Thomas Brunen, Michel Sonnius, Guillaume Chaufils et Guillemin, , vol., et Bidière et Guillaume de La Nouenq, les Kerver furent une véritable dynasbliographie des éditions de Simon de Colines ( - ), Paris, E. Paul, tie d’imprimeurs-libraires parisiens. Ils eurent principalement pignon L. Huard et Guillemin, . sur la rue Saint-Jacques et toujours la licorne pour enseigne. nn J. Veyrin-Forrer, « Antoine Augereau, graveur de lettres, Il importe de s’arrêter sur trois membres de cette famille, et en preimprimeur et libraire parisien mier lieu sur Thielman Kerver. Cet homme, originaire de Coblence au (mort en ) », dans La lettre et cœur de la région rhénane, berceau de l’imprimerie, exerça à Paris son le texte : trente années de recherches sur l’histoire du livre, Paris, ENS, activité d’imprimeur et de libraire-juré de l’Université entre et . , p. -. Artisan qualifié, il se lança dans le commerce lucratif du livre religieux, no E. Armstrong, Robert Estienne ( - ), a royal printer, se dota d’une succursale à Lyon, développa les contacts avec les libraires Cambridge, Cambridge Universiprovinciaux, et s’inséra dans des réseaux en Angleterre, en Espagne et ty Press, . Peuvent également être cités S. P. J. Rawles, Denys aux Pays-Bas. Il fut si bien avisé et organisé qu’il acquit un patrimoine Janot, Parisian Printer and Bookfoncier et immobilier considérable, au point de devenir l’un des plus seller ( - ) : a bibliographical Study, Warwick, , thèse non riches libraires parisiens de son temps. publiée ; A. Jaulme, « François Regnault (-) », Positions des thèses de l’École nationale des chartes, , p. - et C. du Bus, « Michel Vascosan (-) », Positions de thèses de l’École nationale des chartes, , p. -. np M. B. Winn, Anthoine Vérard, Parisian Publisher ( - ) : Prologues, Poems and Presentations, Genève, Droz, (coll. « Travaux d’Humanisme et Renaissance », ). nq Arch. nat., Minutier central, LXXIII , janvier .
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Fig. – Marque de l’imprimeur Thielman Kerver.
Sa veuve, Yolande Bonhomme, est la deuxième figure de cette série de portraits. Veuve dès , elle demeura jusqu’en , soit pendant ans, à la tête de l’officine familiale. Petite-fille de Pasquier Bonhomme, l’un des premiers libraires-jurés de l’Université, elle fut une femme pleine de force et de détermination, qui non seulement dirigea une entreprise complexe mais qui poursuivit également avec énergie ses créanciers, prit des risques, fit de l’argent et en investit. La réussite professionnelle de Yolande Bonhomme est bien marquée par l’évolution des qualificatifs qui la désignent : appelée en , « veuve Kerver », elle est en nr A. Charon-Parent, « As « marchande libraire » et en « bourgeoise de Paris »nr. Dans les sociations dans la librairie pacontrats, la mention d’imprimer « à la Tilmande » apparaît comme gage risienne au xvi# siècle », dans L’Europe et le livre. Réseaux et de qualiténs. Cette matriarche à forte personnalité, dotée d’une acuité pratiques du négoce de librairie, aux affaires et d’une habileté exceptionnelle, fut intéressée par l’art et la xvi-xix siècles, dir. par F. Barbier, S. Juratic et D. Varry, religion. Paris, Klincksieck, . Jacques Kerver naquit des précédents vers . Nul ne s’étonnera ns E. Coyecque, Recueil d’actes notariés relatifs à l’histoire de que ce fils de libraire-juré de l’Université, petit-fils et neveu de libraire, Paris et de ses environs au xvi# sièembrassât le même métier, de à nt. Son attachement à la religion cle, Paris, Impr. nat., -, nº . nt F. Marin lui a consacré en sa thèse d’École des chartes, « Jacques Kerver, libraire parisien du xvi# siècle (-) et sa veuve, Blanche Marentin (-) », Positions des thèses de l’École nationale des chartes, , p. -.
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catholique s’explique par l’éducation de sa mère et par l’influence exercée sur lui par un oncle prêtre. Tout comme Alde Manuce, Robert Estienne, Jean Froben et Jean de Tournes, Jacques Kerver est avant tout connu en tant qu’éditeur, et c’est lui qui édita notamment le Songe de Poliphile en . Sa vie fut marquée par deux grandes périodes, celle du beau xvi# siècle, à l’apogée du livre, de à , et celle de temps difficiles, de à , à l’heure de la Contre-Réforme et des guerres de Religion. En , Jacques Kerver apparaît comme le libraire le plus fortuné de la capitale, avec Sébastien Nivelle. Éditeur du Concile de Trente, il fut en outre le fournisseur attitré de diverses autorités ecclésiastiques, parmi lesquelles le général des prémontrés.
Essai de typologie des sources utiles aux monographies d’imprimeurs et de libraires parisiens au xvie siècle La documentation manuscrite et imprimée que l’on peut réunir sur ce sujet, si lacunaire soitelle, permet de dresser un premier tableau, sujet à bien des retouches, de la présence et de l’activité des imprimeurs et des libraires dans la capitale au xvi# siècle. nu E. Coyecque, Recueil d’actes Pour l’histoire du livre à Paris, les sources notariales (c’est-à-dire le notariés relatifs à l’histoire de Paris Minutier central des notaires parisiens) sont fondamentales, comme l’a et de ses environs au xvi siècle, t. , -, t. II, -, Paris, révélé l’important travail de dépouillement et de signalement d’Ernest Impr. nat., - et Inventaire Coyecquenu et de ses successeurs (Catherine Grodeckinv et Madeleine de la collection Anisson sur l’histoire de l’imprimerie et de la librairie Jurgensom). Elles comprennent des inventaires après décès, testaments, principalement à Paris, Paris, E. divers contrats dont ceux de mariages et d’éditions, voire d’éditions Leroux, , vol. partagées, contrats passés entre imprimeurs, libraires et auteurs, per nv C. Grodecki, Documents du Minutier central des notaires de mettant notamment de reconstruire les étapes de composition du livre. Paris : histoire de l’art au xvi siècle La richesse de ces sources est cependant très variable d’un individu à ( - ). Tome : Architecturevitrerie-menuiserie-tapisserie-jarl’autre : plus abondantes pour Yolande Bonhomme, avec plus de dins, Paris, Arch. nat., .
contrats recensés par Beatrice Beechon, et pour Jacques Kerveroo, que om M. Jurgens, Documents du Minutier central des notaires de pour Thielman. Cette disparité s’explique par l’accroissement considéParis : inventaires après décès. Tome rable des archives notariales au cours du xvi# siècle. : - , Paris, Arch. nat., . Les sources judiciaires (sous-série XnA du Parlement de Paris et on B. Beech, « Yolande Bonsérie Y consacrée au Châtelet et à la prévôté d’Ile-de-Franceop) permethomme : a Renaissance Printer », tent d’étudier les procès soutenus par les imprimeurs et les libraires, les Medieval Prosopography, vol. , , p. - ; « Women Printsujets d’ordre judiciaire constituant une documentation non négligeable ers in Paris in the sixteenth Century », Medieval Prosopography, vol. , , p. -. oo François Marin a regretté de n’avoir pas retrouvé d’inventaire après décès pour Jacques Kerver permettant de mieux connaître les fonds de librairie et les relations commerciales, comme cela a été le cas pour Guillaume Godard, Oudin Petit et Galiot Du Pré. op E. Campardon et A. Tuetey, Inventaire des registres des insinuations du Châtelet de Paris : règnes de François I$ et d’Henri II, Paris, Impr. nat., . oq Par exemple, le procès du novembre (Arch. nat., XnA , f. et suiv.) étudié par F. Marin, Jacques Kerver…, op. cit., p. .
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Fig. – Leon Battista Alberti. L’Architecture & art de bien bastir. Paris : (Robert Masselin), pour Jacques Kerver, (viii) . º. Titre. Tours, Centre d’études supérieures de la Renaissance (SR b)
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or Catalogue des actes de François I$, Paris, Impr. nat., , vol. et Catalogue des actes de Henri II, Paris, Impr. nat. puis CNRS Édition, - . os Catalogue des actes de Henri II, t. V (), nº . ot Registres des délibérations du Bureau de la ville de Paris, t. VI, -, Paris, Impr. nat., ; t. VII, -, Paris, Impr. nat., ; t. VIII, -, Paris, Impr. nat., . ou G.B. Castelli, Correspondance du nonce en France Giovanni Battista Castelli ( - ), éd. par R. Toupin, Rome-Paris, Presses de l'Université grégorienne, E. de Boccard, (Acta Nuntiaturæ Gallicæ) ; A. Dandino, Correspondance du nonce en France Anselmo Dandino ( - ), éd. par I. Cloulas, Rome-Paris, Presses de l'Université grégorienne, E. de Boccard, (Acta Nuntiaturæ Gallicæ) ; A. M. Salviati, Correspondance du nonce en France Antonio Maria Salviati ( - ), éd. par P. Hurtubise et R. Toupin, Rome-Paris, Université pontificale grégorienne, École française de Rome, E. de Boccard, (Acta Nuntiaturæ Gallicæ). ov Le janvier , Charles IX avait accordé à Jacques Kerver le privilège d’imprimer tous les bréviaires, missels et autres livres d’Église, réformés selon les décisions du Concile de Trente, ce qui fit de Jacques Kerver l’un des premiers libraires de Paris. pm Chantilly, Musée Condé, série CA (Comté de Dammartin), carton , liasse .
dans les métiers du livre. Par exemple, Jacques Kerver eut bien souvent maille à partir avec ses collègues imprimeurs ou éditeursoq Pour les sources législatives, la consultation du catalogue des actes des rois de France au xvi# siècle (actuellement disponible sous forme imprimée pour les règnes de François I#) et de Henri II)or se révèle bien souvent instructive, ne serait-ce que pour relever les privilèges obtenus. L’historien du livre y trouvera ainsi les références de privilèges d’imprimer émis par le roi. Par exemple, le septembre , un privilège est octroyé pour six ans à Jacques Kerver, marchand libraire juré en l’Université de Paris, pour l’impression de la traduction du latin en français, par Jean Martin, secrétaire du cardinal de Lenoncourt, de l’Architecture d’Albertios. La consultation des sources administratives permet de connaître les responsabilités prises au sein de la Cité par les imprimeurs-libraires : Jacques Kerver devint ainsi quartenier dès et il est le seul libraire du xvi# siècle à être élu échevin en , d’après le Registre des délibérations du Bureau de la ville de Parisot. Lorsqu’elles existent, les correspondances se révèlent fort instructives. Ainsi, celle des nonces en Franceou permet de préciser le rôle de Jacques Kerver comme libraire au service de la Réforme catholique après qu’il eut reçu du roi le privilège enviable d’éditer tous les livres d’Église issus des décisions du Concile de Trenteov. Ce monopole d’impression des « usages » fut confirmé par les papes successifs. Sous l’expression « sources domaniales » sont à classer les registres et archives de gestion domaniale, les contrats de fermage, les aveux et dénombrements, les fois et hommages, dans la mesure où les imprimeurs et libraires parisiens étaient parfois d’importants propriétaires immobiliers et fonciers en région parisienne. Ainsi, le Musée Condé à Chantilly conserve, dans la série CA du Cabinet des titres, l’acte de foi et hommage que Thielman Kerver rendit en au comte de Dammartin pour deux fiefs, dont celui de Mory-en-Francepm.
Différents aspects du monde parisien du livre aux xve et xvie siècles ainsi révélés Les études récentes sur les imprimeurs et les libraires du xv# et surtout du xvi# siècle ont permis de renouveler de façon originale et érudite le genre de la biographie d’imprimeurlibraire, en étudiant les rapports avec les auteurs et les traducteurs, le fonctionnement de l’atelier et en rassemblant les témoignages sur la mentalité de ces hommes.
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Fig. – Johann Tritheim, Polygraphie et universelle escriture cabalistique. Paris : pour Jacques Kerver, . º. Titre. – Tours, Centre d’études supérieures de la Renaissance (SR b)
Fig. – Johann Tritheim. Polygraphie et universelle escriture cabalistique. Paris : pour Jacques Kerver, º. – F. vº : marque typographique. Tours, Centre d’études supérieures de la Renaissance (SR b)
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Dresser la biographie d’un imprimeur-libraire en s’appuyant sur le dépouillement de sources permet bien souvent de mieux cerner le portrait d’un homme (ses origines, sa famille, les principaux événements de sa vie, sa personnalité), sa fortune et sa position sociale, de le suivre dans l’exercice de son métier (les étapes de sa vie professionnelle, sa carrière, mais aussi ses relations cordiales ou orageuses avec ses confrères et les partenariats noués), enfin d’étudier les conditions de production pn Bibliothèque de la Sorbonne, Archives de l’Université de Paris, (matériel et illustration du livre) et les aspects financiers de l’édition. registre . Archives de la nation Ainsi pour la famille Kerver, l’intégration de Thielman dans le allemande « Liber receptoris nationis Alemanie (-) » : à la monde du livre à Paris à la fin du xv# siècle trouve une explication dans mort de Georges Wolf en , le soutien de maître Georges Wolf pn, imprimeur originaire du pays de Thielman Kerver était bien conscient de l’aide considérable que Bade, dans les commandes de la famille Petit et dans le mariage avec lui avait apportée Georges Wolf : Yolande Bonhomme, petite-fille de Pasquier Bonhomme. le novembre , il donnait dix francs à la Nation allemande L’étude des alliances familiales est particulièrement importante, en mémoire de son maître défunt, comme le prouvent les destinées contrastées mais liées des familles Petit qui, par son parrainage, a de toute et Kerver sur un demi-siècle : d’employés des Petit, les Kerver devinrent évidence facilité l’intégration de Kerver dans le milieu du livre paleurs partenaires et au moins leurs égaux comme en témoigne le mariage risien, par son expérience et son de Jacques Kerver avec Katherine Maraispo, veuve du libraire Jean II influence. po Arch. nat., Minutier central, Petit et mère d’Oudin Petit. LXXIII , mai : contrat de L’analyse des sources donne également un éclairage nouveau sur mariage. pp Les veuves ont toute capala situation de la femme, voire de la veuve dans le cas de Yolande Boncité – du moins juridique – pour homme, dans les métiers du livrepp, mais aussi sur la personnalité des exercer pleinement le métier. Elles peuvent le transmettre et engager imprimeurs-libraires : alors que Thielman apparaît comme un chrétien des apprentis. Cf. A. Charonactif et un marguillier diligent, Yolande, fière de son métier, est égaleParent, « À propos des femmes et ment intéressée par l’art. Mais ses commandes religieuses pour orner les des métiers du livre dans le Paris de la Renaissance », dans Des feméglises du quartier (tapisserie, vitrail, mise au tombeau…) manifestent mes et des livres : France et Espagne, également la réussite de la famille Kerverpq. xiv-xvii siècle, actes de la journée d’étude (Paris, avril ), Annie Charon-Parentpr a montré que le patrimoine des impriParis, École des chartes, et meurs-libraires comprenait des maisons à Paris où ils habitaient et B. Beech, « Charlotte Guillard, a Sixteenth-Century Woman », stockaient les marchandises, des propriétés rurales autour de la capiRenaissance Quarterly, vol. , tale, qu’ils louaient à des fermiers contre redevances en nature ou des automne , p. -. pq Soucieuse d’assurer le repos loyers en argent, des rentes qui constituaient une sorte d’investissement, de son âme et de montrer la réusenfin un fonds de librairie qui représentait l’essentiel de leur fortune. site de sa famille, elle commande La consultation des sources notariales pour la famille Kerver donne des un certain nombre d’œuvres d’art destinées à orner les églises du informations pittoresques à la fois sur le patrimoine et le train de vie de quartier : une tapisserie (Arch. nat., Yolande : à côté de la description de la maison de la Licorne, un contrat MC, LXXIII , décembre ), une pièce de cuivre, comprenant de fermage indique que Yolande demanda en paiement des rentes, des une crosse et quatre piliers garnis d’anges (LXXIII , novembre ), un sépulcre de terre (LXXIII , septembre ) et une verrière pour l’église des Filles-Dieu, représentant notamment « les marques de la maison de lad. Bonhomme » (LXXIII , mai ). pr A. Charon-Parent, Les métiers du livre à Paris au xvi siècle ( - ), Genève, Droz, . ps Arch. nat., MC, LXXIII , octobre .
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pt R. Mandrou, Introduction pigeons, des oies, des poulets, du bon fromage, ainsi que la mise à dispoà la France moderne, essai de psysition, quatre fois dans l’année, d’une pièce avec écurie pour ses chevaux chologie historique, Paris, Albin et ses voitures, ainsi qu’une garde-robeps. Michel, , # édition. pu Il faut également saluer la déD’un point de vue professionnel, les actes notariés fournissent de marche entreprise dans l’ouvrage nombreux renseignements sur les associations dans la librairie pariLa France des humanistes. Henri II Estienne, éditeur et écrivain, sienne, que ce soient « les solidarités fondamentales » définies par Turnhout, Brepols, , coll. Robert Mandroupt ou les éditions partagées, qui sont la manifestation « Europa Humanistica », pour « réunir toutes les préfaces et épîla plus visible des relations entre libraires, mais aussi sur les tensions tres dédicatoires que [Henri II avec les confrères, dues, dans le cas de Jacques Kerver, non seulement Estienne] a fait imprimer en tête de ses nombreuses éditions et au privilège exclusif obtenu du roi et du pape sur l’édition des usages d’en donner une édition critique du Concile de Trente, mais aussi aux poursuites qu’il engagea contre les qui nous servirait de source origilibraires jugés hérétiques. nale », objectif fixé dans les actes du colloque sur Henri Estienne Ces sources notariales décrivent également les conditions de travail : en publié dans Cahiers V.L. ainsi Yolande possédait cinq presses, employait sans doute entre quinze et Saulnier, , Paris, ENS, . vingt-cinq travailleurs et apprentis, dont certains peuvent être identifiés par les contrats, pour une moyenne de titres par an, sur un ensemble de titres publiés entre et .
En conclusion de cette courte étude, il est important de rappeler l’importance du dialogue entre deux domaines complémentaires : l’histoire du livre, ici la recherche sur le monde de l’imprimerie et de la librairie, et la bibliographie, c’est-à-dire le relevé exhaustif de la production de tous les ateliers typographiques et de la description bibliographique des éditions. Dans un souci de pluridisciplinarité, que ce soit l’histoire des textes, des sciences ou du livre, il est en effet essentiel de croiser les sources pour mieux cerner la personnalité, les convictions, les influences, la carrière et les conditions de travail des imprimeurs-libraires, pour mieux comprendre leur production imprimée. Il faut également rappeler le rôle des dépouillements archivistiques et de l’édition des sources pour renouveler la recherche, d’autant plus que les nouvelles technologies (bases de données, édition électronique, annotations collaboratives…) le permettent. Des découvertes restent en effet à faire dans des sources encore inédites, par exemple dans les archives de l’Université de Paris conservées dans la Réserve de la bibliothèque de la Sorbonne, notamment les registres de l’Université et les documents relatifs aux vingt-quatre libraires-jurés de l’Université, élite de la profession. Le recoupement et l’exploitation de toutes ces données n’ont probablement pas encore livré tous leurs secrets. Ainsi histoire du livre et bibliographie dialoguent et se complètentpu. La mise en évidence des alliances familiales et des associations de métiers peut éclairer le mécanisme de l’édition partagée ; les renseignements d’ordre technique, notamment concernant le matériel utilisé, peuvent être précieux pour les recherches de bibliographie matérielle (codicologues
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et autres spécialistes de l’archéologie du livre). Cet angle de vue est complémentaire et constitue un éclairage utile pour les bibliographes qui, par la comparaison des différentes éditions conservées, tentent de restituer les caractéristiques du texte de l’édition originale. Il faut poursuivre dans ce sens les travaux déjà entamés par Henri-Jean Martinpv et Annie Charon-Parentqm, et surtout travailler en transversalité, dans la diversité des compétences : historien du livre, des textes, bibliographe… Il convient de ne pas oublier cette dimension pluridisciplinaire.
pv Introduction d’H.-J. Martin, Livre, pouvoirs et société à Paris au xvii siècle ( ), Genève, Droz, , # édition. qm A. Charon-Parent, op. cit., p. .
DE L’« ESTUDE » DU CLERC AU CABINET DU BIBLIOPHILE : LES INCUNABLES AU FIL DES SIÈCLES
L’APPORT DE L’ANALYSE DES RELIURES (1470-1530) À L’HISTOIRE DES BIBLIOTHÈQUES Guy Lanoë
’ analyse des reliures est quelque peu négligée des catalogueurs de manuscrits et d’incunables et, pourtant, une observation attentive peut apporter beaucoup à l’étude des grands ensembles. Qui ne s’est trouvé confronté à des fonds importants qu’il convenait de décrire, voire de cataloguer ? Or il faut bien avouer que l’analyse des reliures déroute les catalogueurs, qui trop souvent la maltraitent. C’est pourquoi je voudrais montrer que, à défaut d’une analyse circonstanciée, une observation attentive des reliures peut apporter beaucoup à l’étude d’un fonds. Nos histoires des bibliothèques se contentent encore trop souvent, notamment pour les hautes époques (je pense bien sûr à la période médiévale), d’enregistrer l’accroissement du nombre des livres ; or, pendant le Moyen Âge comme aujourd’hui, les bibliothèques sont gérées par des bibliothécaires qui doivent affronter les problèmes de gestion que tout le monde connaît : il s’agit pour eux de conserver leur fonds en bon état, donc de restaurer les ouvrages qui souffrent, de réécrire les feuillets que l’usure du temps ou un usage intensif a rendu illisibles, de remanier les volumes en fonction des retraits ou des ajouts de cahiers, de remplacer ce qui est devenu irrécupérable. Mon propos consiste à faire une esquisse du travail accompli en matière de reliure dans quelques bibliothèques entre et , et notamment au début du xvi# siècle. La date de peut être discutée mais, en matière de reliure, la fin du Moyen Âge (donc de l’emploi de techniques médiévales) est très variable selon les régions et selon les besoins ; si l’archaïsme médiéval est dépassé dans les grands centres de production du livre, qui ne sont donc pas ici concernés, il n’en va pas de même ailleurs. Enfin, il ne sera question que des reliures que j’ai pu voir et analyser avec mes collaborateurs du Catalogue des reliures médiévales des bibliothèques de s
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n Trois fascicules ont, à ce jour, été publiés : J.-L. Alexandre et C. Maître, Reliures médiévales des bibliothèques de France, I : Catalogue des reliures médiévales conservées à la bibliothèque municipale d’Autun ainsi qu’à la Société éduenne, Turnhout, Brepols, ; J.-L. Alexandre, G. Grand et G. Lanoë, ibid., II : Bibliothèque municipale de Vendôme, Turnhout, Brepols, ; J.-L. Alexandre et G. Lanoë avec la collaboration d’A. Bosc-Lauby et G. Grand, ibid., III : Médiathèque d’Orléans, Turnhout, Brepols, . La publication du catalogue des reliures médiévales conservées à la bibliothèque municipale de Reims est en préparation. o Les reliures orfévrées sont relativement bien connues, quant aux reliures estampées, elles ont été cataloguées par F.A. SchmidtKünsemüller, Die abendländischen romanischen Blindstempeleinbände, Stuttgart, Hiersemann, , et Id., Corpus der gotischen Lederschnitteinbände aus dem deutschen Sprachgebiet, Stuttgart, Hiersemann, . Voir aussi la bibliographie du même, Bibliographie zur Geschite der Einbandkunst von den Anfängen bis , Wiesbaden, Reichert, . p La connaissance des techniques anciennes peut apporter dès maintenant une contribution importante – pour ne pas dire incontournable – à la restauration des volumes endommagés. L’entreprise de catalogue des Reliures médiévales des bibliothèques de France a une ambition patrimoniale affichée. q H. Omont a catalogué les sept manuscrits de cette bibliothèque entrés à la bibliothèque municipale d’Alençon à la suite des saisies révolutionnaires (Catalogue général des manuscrits des bibliothèques de France, t. II, Paris, Plon, Nourrit et C$#, ). Les quinze manuscrits entrés à la BM d’Alençon en et les vingt-trois conservés aux Archives diocésaines de Sées n’ont jamais été catalogués. Le signataire de ces lignes s’y est attelé (publication prévue).
France, à Vendôme, Orléans, Reims, Sées ; nous laisserons donc de côté pour des raisons diverses les reliures d’Autun (vue partielle), de Laon (reliures de Vauclair, xii#-xiii# siècle) et Évreux (vue trop partielle)n Le propos de cette vaste entreprise de catalogage des reliures médiévales des bibliothèques de France est, sans pour autant négliger les reliures décorées de cuir estampé et d’orfèvrerie, véritables œuvres d’art (et étudiées comme telles)o, de s’intéresser à la reliure commune sur l’ensemble d’un fonds, donc à la technique mise en œuvre par les relieurs à toutes les époquesp Au-delà, cette campagne, qui porte plus sur le nombre que sur la qualité individuelle, apporte des renseignements irremplaçables sur l’histoire de certaines collections ; elle met en évidence des séries ou trains de reliures, et la migration de certains volumes. Dans un premier temps, cinq illustrations permettent d’éclairer mon propos : ËReims, BM : Le Rationale de Guillaume Durand (Rouen ?, déb. xiv# siècle) [Fig. ] ËOrléans, BM : Un commentaire sur l’évangile de Jean (Saint-Benoîtsur-Loire, xiii# siècle) [Fig. ] Ë Sées, AD : Une Histoire ecclésiastique d’Eusèbe de Césarée dans une trad. de Rufin (Saint-Martin de Sées, xii# siècle) [Fig. ] Ë Vendôme, BM : Les Petits prophètes avec la glose ordinaire (fin xiii# siècle) [Fig. ] Ë Vendôme, BM : Des Homélies de saint Augustin (xi# siècle) [Fig. ] Ces cinq reliures sont presque contemporaines, elles ont en commun la date de leur exécution, entre et . On y retrouve des cuirs tannés décorés d’un bel estampage à froid et de simples peaux de mouton mégissées ; certaines de ces reliures ont été exécutées avec des matériaux neufs, quand d’autres réemploient des matériaux parfois très anciens.
L’observation des reliures des manuscrits de Saint-Martin de Sées met en évidence : L’existence d’un train de reliures effectué au début du xvi# siècle et qui concerne tous les manuscrits de la bibliothèque (les incunables et imprimés ne semblent pas avoir été intégrés à ce train de reliures), soit une quarantaine des manuscrits conservés à la BM d’Alençon et aux Archives diocésaines de Séesq Ne semblent pas non plus concernés les livres manuscrits conservés aux archives de l’abbaye (les cartulai-
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res) et à la sacristie (les missels). Le catalogue dressé au xvii# siècle par dom Bellaise et édité par Montfaucon dans la Bibliotheca bibliothecarumr recense manuscrits. Le pourcentage de reliures refaites alors est donc considérable. Ces reliures, que l’on peut dater des années , ont été exécutées selon une technique très médiévale : ais de bois, nerfs plats en peau mégissée passant sur le chant ; mais couvrure en basane avec estampage à froid dit « aux angelots ». La préparation du travail pour le relieur est encore visible. Les bifeuillets de chaque manuscrit ont été chiffrés (une lettre désignant le cahier, un chiffre désignant la place du bifeuillet dans le cahier) ; c’est un élément important qui livre un renseignement essentiel sur l’état du volume au moment de la reliure. L’apposition d’un ex-libris au verso du dernier feuillet (et parfois au recto du premier), sans doute au moment où le volume a réintégré la bibliothèque. La même main porte parfois le titre ou le nom de l’auteur. On notera que cet ex-libris peut figurer aussi sur les livres impriméss. Une marque – signature ? marque de récolement ? – est portée, on ne sait quand, en haut de la marge extérieure au verso du dernier feuillet. Tous les éléments ici rassemblés – les reliures, comme les marques portées par le relieur et le bibliothécaire (ex-libris, titres) – présentent les caractères d’une entreprise concertée de grande envergure. Elle touche plus de % des manuscrits conservés.
r Bernard de Montfaucon, Bibliotheca bibliothecarum manuscriptorum nova, Paris, , t. II, p. -, d’après des notes de dom Bellaise, conservées aujourd’hui à Paris, BnF, lat. , f. -. Cf. Bibliothèques de manuscrits médiévaux en France. Relevé des inventaires du viii au xviii siècle établi par A.M. Genevois, J.-F. Genest et A. Chalandon, Paris, CNRS Éditions, , n° . s Ainsi, vu chez un libraire parisien à l’automne : D. Jacobi Perez de Valentia Christopolitani episcopi dignissimi et ordinis divi Augustini observantissimi ac theologi ut doctissimi ita pietissimi divine plane expositiones in CL psalmos Davidicos… Rursus maioribus chartis characteribus accuratione & iudicio impressa venundantur Parrhisiis ab Ponceto le Preux, sub signo Lupi. Hoc uberrimum opus Davidicum In florentissima Parrhisiorum Universitate fuit Impressum Anno ab incarnatione salvatoris M.CCCCCXVIII. Kalendis Iulii IX. – Cet imprimé porte les trois types d’ex-libris que l’on retrouve sur les manuscrits : « Ex monasterio Sancti Martini Sagiensis Sti [Mauri, in catalogo] inscriptus C » (f. [], xviii# siècle) ; « Liber sancti Martini Sagiensis » (f. aa ii, xvi# siècle) ; « Liber La recherche de l’origine des reliures, l’identification des filigranes des papiers sancti Martini Sagiensis » (dernier f., xvi# siècle, avec la marque de et la lecture des annotations portées sur les gardes ont permis de mettre en récolement habituelle). évidence un ensemble de manuscrits médicaux, d’origine italienne, prove t Théodore Guaynier est né nant de la bibliothèque d’un médecin lui-même d’origine italienne, Théoà Pavie ; il est le fils d’un éminent médecin de Padoue, qui dore Guaynier (-)t, au service des rois Charles VIII (-) et enseigna la médecine à Pavie et Louis XII (-) : cet ensemble comporte volumesu (Vendôme, BM fut au service du duc de Savoie Amédée VIII (ca ). Voir E. : Burlaeus, Commentarius in Isagogen Porphyrii, etc. xv# siècle) [Fig. ]. Wickersheimer, Dictionnaire Deux trains de reliure ont été effectués entre et . L’un se bibliographique des médecins en France au Moyen Âge, Paris, , caractérise par une couvrure en basane estampée à froid de filets et de p. - ; voir aussi Id., ibid., roulettes dites « de Vendôme » ; l’autre par une simple couvrure en Supplément par D. Jacquart, Genève, Droz, , p. . u Il s’agit des manuscrits de Vendôme, BM , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , . Sur l’ensemble de la question, voir Alexandre, Grand et Lanoë, Bibliothèque municipale de Vendôme, op. cit., p. -.
L’observation des reliures de Vendôme autorise l’obtention de deuxrésultats importants, et suggère une question :
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peau mégissée. L’un et l’autre se caractérisent surtout par l’usage de techniques archaïques : des ais de bois, des attaches aux ais par des nerfs doubles en peau mégissée ou en cuir passant sur le mors, les tenons de fermoirs sont identiques, les tranchefiles sont en peau mégissée tressées sur bâti. L’un et l’autre remploient dans les gardes et contre-gardes des feuillets de parchemin provenant du démembrement des mêmes manuscrits juridiques ( feuillets provenant des deux trains sont extraits du même manuscrit italien du xiii# siècle)v. v Sur les gardes des manuscrits Mêmes matériaux, même technique : nous sommes en réalité, en dépit de la Sainte-Trinité de Vendôme conservés à Vendôme, voir ibid., de leur différence d’apparence, devant un train de reliures unique, qui p. -. touche volumes. nm Sur Clément Alexandre († ca / ) et son monogramme On peut donc, d’ores et déjà, attribuer ce train de reliures à un (serpent enlaçant une croix de même atelier. Peut-on le situer ? On remarquera que la roulette de VenBaugé et, de part et d’autre, les lettres initiales « C » et « A »), dôme la plus utilisée se trouve associée sur un imprimé de la bibliovoir E. Pasquier et V. Dauphin, thèque municipale de Vendôme au monogramme du libraire-éditeurImprimeurs et libraires de l’Anjou, Angers, Éditions de l'Ouest, , relieur d’Angers, Clément Alexandrenm (Vendôme, BM Impr. Fd : une p. -. édition parisienne, datée de ) [Fig. ]. Cela introduit un début de réponse à deux questions : la Sainte-Trinité de Vendôme disposait-elle à cette époque d’un atelier de reliure animé par un relieur ? Ou bien avait-on alors recours aux services d’un relieur itinérant ? Seule la poursuite de cette enquête dans l’ouest de la France pourrait apporter une réponse définitive à la question : aucun élément de réponse n’a pu encore être trouvé au Mans et à Angers. Mais on ne peut, pour le moment, que privilégier l’hypothèse du relieur itinérant, le transport de % de la bibliothèque de la Sainte-Trinité de Vendôme à Angers au début du xvi# siècle ne pouvant être sérieusement envisagé. Il importe surtout de souligner ici, à la Sainte-Trinité de Vendôme comme à Saint-Martin de Sées, l’existence d’une campagne de remise en état des livres, manuscrits et imprimés. Elle touche à Vendôme % des manuscrits aujourd’hui conservés. Elle concerne les formats in-folio et une partie des in-quarto : on peut donc raisonnablement penser qu’il s’agit d’une campagne qui n’a pas été menée à son terme.
L’observation des reliures d’Orléans à la lueur des résultats obtenus à Vendôme : Un important train de reliures a été exécuté à Saint-Benoît-sur-Loire au début du xvi# siècle. Il concerne au moins reliures. Ses principaux caractères sont les suivants : Ë les ais sont en chêne : % sont des remplois de matériaux datant du ix# au xiv# siècle Ë les passages des nerfs sont effectués à la gouge ou à la tarière Ë les tranchefiles sont effectuées sur des âmes en peau mégissée chevillées sur le plat Ë la couture est effectuée sur des nerfs fendus Ë les couvrures sont en peau mégissée de remploi dans % des cas Ë les gardes neuves ne représentent que %.
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On trouve dans les gardes et contre-gardes des manuscrits d’Orléans des vestiges de la bibliothèque primitive de l’abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire (Orléans, BM , Grégoire le Grand, Homiliæ in Ezechielem, Saint-Benoît-sur-Loire, ca - ; les ais, conservés à part, contiennent un fragment des Prophetæ, Italie, vi# siècle) [Fig. ]. Ces feuillets de garde semblent avoir été montés lors de l’exécution du train de reliures dont nous venons de parler, soit au début du xvi# siècle. Il s’agit là d’un des vestiges de quelque manuscrits du v# et vi# siècles, d’origine italienne pour la plupart, mais dont certains provenaient nn Comment cet ensemble de aussi probablement d’Afrique du Nordnn, démembrés pour l’exécution de manuscrits, pour la plupart écrit travaux de reliure. Ces feuillets ont été rassemblés au xviii# siècle dans des en onciales, a-t-il pu arriver sur les bords de la Loire ? Fleury fut recueils (Orléans, BM et )no. D’autres feuillets n’existent plus que par fondé en ; en une expéles décharges d’encre laissées aux contre-plats. dition fut commanditée par les évêques d’Orléans et du Mans, Le plus remarquable du travail effectué alors à Saint-Benoît-surpour aller au Mont-Cassin, abanLoire est l’utilisation de moyens très rudimentaires, voire complètement donné depuis les incursions lombardes, chercher les reliques de archaïques. Les solutions trouvées à la résolution de certains problèmes saint Benoît et de sa sœur, sainte techniques relèvent du bricolage d’amateur : l’appel a des professionnels Scholastique. L’expédition pourétant exclu, on peut raisonnablement penser que ce travail a été effectué rait avoir rapporté aussi quelques manuscrits qui auraient constipar les moines de la communauté. À la différence de ce qui s’est passé à tué l’amorce de la bibliothèque Saint-Martin de Sées et à la Sainte-Trinité de Vendôme, l’ambition n’est du nouveau monastère. Voir L. Bethmann et G. Waitz, Pauli pas la remise en état de l’ensemble de la bibliothèque : il s’agit de la restauhistoria Langobardorum, dans ration ou la réfection des volumes les plus abîmés. On ne peut en estimer MGH. Scriptores rerum Langobardicarum et Italicarum sæc. VI-IX, l’importance en pourcentage, une partie trop importante des manuscrits Hanovre, Hahn, , p. -. de Fleury étant passée en Suisse, au Vatican ou en Hollandenp Il demeure no Cette sage précaution a été prise vers par dom Chazal. que cette entreprise concerne au moins des volumes conservés à la Un facsimilé de chaque fragmédiathèque d’Orléans, soit environ % de l’ensemble. ment est donné par Lowe, CLA,
L’observation des reliures de la bibliothèque capitulaire de Reims :
nº -, -. np Pierre Daniel (-) a été désigné comme le responsable de la dispersion des manuscrits de Saint-Benoît-sur-Loire (E. Martène et U. Durand, Voyage littéraire de deux religieux bénédictins de la Congrégation de Saint-Maur, )#partie [Paris, ], p. -), ce qui mérite d’être beaucoup nuancé (Cf. J.-L. Alexandre et G. Lanoë avec la collaboration d’A. Bosc-Lauby et G. Grand, Médiathèque d’Orléans, op. cit., p. -).
À la bibliothèque capitulaire de Reims aussi, un train de reliure très important fut effectué pendant le premier quart du xvi# siècle. Là aussi les relieurs remployèrent largement des matériaux anciens. Si la technique reste très archaïque, le travail proprement dit est beaucoup plus habile qu’à Orléans (la retaille des ais, par exemple, l’atteste). Il est manifestement le fait de gens compétents. Ces gens compétents n’hésitent pas à peindre au second plat les armes de Guy de Roye, archevêque de Reims (-), et cela pose problème (Reims, BM : Pierre de Poitiers, Distinctiones super Psalterium Petri Lombardi, xiii# siècle) [Fig. ]. Guy de Roye lègue à sa mort une bibliothèque de volumes à la bibliothèque capitulaire de Reims,
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et son inventaire après décès nous est conservénq. Cela offre à l’historien la possibilité de vérifier systématiquement la véracité de cette provenance, en recourant à l’inventaire bien sûr, mais aussi aux notes portées sur le volume même, le plus souvent au verso du dernier feuillet, par le chanoine Gilles d’Aspremont qui, aux mois de mai et de juin , puis aux mois d’octobre et de novembre de la même année, a fait un récolement de la bibliothèque capitulaire où il indique, entre autres, la provenance des manuscrits. On négligera la signature que l’archevêque est censé avoir porté sur les gardes, et qui pourrait être de la main du même Gilles d’Aspremont et avoir été portée à la réception du fonds à la bibliothèque capitulaire. En revanche, dernière cartouche, nous disposons d’un excellent inventaire des livres de la bibliothèque capitulaire, rédigé en , vérifié en et complété en et , où les noms des donateurs figurentnr. Ces vérifications faites, on se rendra compte qu’un certain nombre des manuscrits portant sur leur reliure les armes de Guy de Roye ne lui ont jamais appartenu (par exemple Reims, BM : Moralia de Grégoire le Grand, xi# siècle, don au chapitre du prévôt Odalric [† ]). La fin de l’inventaire de Reims est particulièrement intéressante. Dans la section de l’inventaire datée de , les manuscrits sont classés par pupitre ; à la fin, les catalogueurs donnent la liste des « livres de peu de valeur » (au nombre de ) qui sont conservés dans des armoires, et qui n’ont pas été inventoriés avec les livres enchaînés enregistrés au-dessus. Suivent aussi volumes enregistrés en , et dont la reliure – mention exceptionnelle – est décrite. On ajoute enfin, en , volumes. Ces derniers volumes ont été numérotés en chiffres romains dans la marge après de « I » à « LI ». Cette cote numérique correspond à la cote que l’on retrouve parfois au second plat de certaines reliures sur une petite étiquette en papier (Reims, BM : Ps-Turpin, Geste de Charlemagne, xiii# siècle = cote ancienne : « XVII »)ns[Fig. ]. Elle ne surprendra que par son ancienneté. En revanche on la retrouve aussi sur la reliure d’incunables : quelques-uns ont en effet été introduits dans cet inventaire parmi les manuscrits à partir de (Reims, BM Inc : S. Gregorius Magnus, Pastorale, sive Regula pastoralis. – Cologne, Ulrich Zell, non post = cote ancienne : « XLIIII »)nt[Fig. ]. Au-delà, nous avons la certitude de nous trouver devant une reliure qui n’a subi aucun remaniement depuis la fin du xv# siècle. Il est impossible de faire une estimation chiffrée de l’importance des travaux de restauration entrepris à la bibliothèque capitulaire de Reims au début du xvi# siècle. Si la rédaction des notices de notre catalogue est pratiquement achevée, l’indexation n’en a pas été faite. Mais on peut affirmer sans crainte : ) qu’une campagne de restauration et de réfection des reliures eut lieu pendant le er quart du xvi# siècle, ) que les reliures du début du xvi# siècle sont très majoritaires parmi les manuscrits médiévaux de la bibliothèque capitulaire.
nq Il a été édité par J. Le Braz, « La bibliothèque de Guy de Roye, archevêque de Reims (-) », Bulletin d’information de l’Institut de recherche et d’histoire des textes, nº , [paru ], p. -. nr Reims, BM . C. Jeudy et moi-même en préparons l’édition. ns « – Parvulus liber rubeo coopertus, qui dicitur De disciplina et arte, extractatus de libro Ethimologiarum Ysidori, incipiens secundo folio || res elegit, et finiens in penultimo : caritas edificat ||. » (= Reims, BM , f. -vº). Ce volume est encore aujourd’hui conservé dans sa couvrure rouge. nt « – Regule pastoralis Gregorii molate incipientes in º folio || nequeunt, et finientes in penultimo folio || hinc rursum dicitur. Ex dono Th. de Gersonio. » (= Reims, BM Inc ).
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Pour conclure, il a été question ici de manuscrits, d’incunables et, occasionnellement, d’imprimés du début du xvi# siècle. Truisme ? Pour la période qui nous intéresse (-), il s’agit de livres : un point, c’est tout ! Mais notre propos était surtout de montrer ici que l’observation des reliures pendant cette période laisse percevoir une intense activité de restauration, de remaniement, de réfection des livres. Troisième point : la méthode de remise en état des reliures reste extrêmement archaïque, archaïsme renforcé, si besoin est, par l’usage intensif des remplois : tous les matériaux sont réutilisés et, s’ils sont en mauvais état, ils sont réparés (ais retaillés, couvrures recousues, etc.). Quatrième point : les exemples de la Trinité de Vendôme et de Saint-Martin de Sées tendent à montrer que l’appel à des artisans extérieurs – voire itinérants –, s’il n’est systématique, reste dans certains cas probable. Cinquième point (mais j’enfonce ici des portes ouvertes) : toutes les indications figurant sur les cahiers, sur les gardes, sur la reliure proprement dite participent à l’histoire du volume et, au-delà, à l’histoire de la gestion du fonds. Il n’est pas inutile de rappeler enfin que l’intense activité concernant nu La plupart des sommaires portés en tête des livres manusles bibliothèques ne se limite pas aux traces ou marques portées par le crits ont été rédigés lors de vastes livrenu ; elle va souvent de pair avec la rédaction d’inventaires, voire avec campagnes de remise en état des bibliothèques. la construction d’une nouvelle bibliothèque, comme cela se vérifie au chapitre de Reims.
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Fig. – Sées, AD : reliure du début du xvi# siècle.
Fig. – Orléans, BM : reliure du début du xvi# siècle.
Fig. – Reims, BM : reliure du début du xvi# siècle. s
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Fig. – Vendôme, BM : F reliure r du début du xvi# siècle.
Fig. – Vendôme, BM : reliure du début du xvi# siècle.
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Fig. – Vendôme, BM : reliure italienne (xv# siècle).
Fig. – Vendôme, BM Fd : reliuree de Clément Alexandre (peu après )..
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Fig. – Orléans, BM (fin x# déb. xi# siècle) : décharge d’une ancienne garde provenant d’un ms italien (vi# siècle).
Fig. – Reims, BM, Inc (av. ) : cote numérique de la bibliothèque capitulaire (fin xv# siècle).
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Fig. – Reims, BM (xiii# siècle) : armes de l’archevêque Guy de Roye (-) portées lors de la fabrication de la reliure (xvi# siècle).
Fig. – Reims, BM (milieu xv# siècle) : cote numérique de la bibliothèque capitulaire (fin xv# siècle).
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DE L’INVENTAIRE AU CATALOGUE LE DESTIN DES INCUNABLES DE LA GRANDE-CHARTREUSE Yves Jocteur Montrozier
’amour des livres a toujours été profond chez les chartreux. Les premiers statuts de l’ordre nomment les livres : « Un aliment perpétuel pour nos âmes », et les « coutumes » rédigées en par Guigues, le cinquième prieur, recommandent aux religieux la pratique quotidienne de la lecture. Ce prieur luimême donna durant sa vie l’exemple de l’étude et de la critique des textes de l’Antiquité grecque. L’idéal cartusien mêle étroitement l’effort intellectuel et l’édification morale. Pour des hommes faits, éloignés du monde, la culture intellectuelle aurait pu être secondaire. En fait elle était admise à condition qu’elle fût orientée dans un but de perfectionnement de la vie chrétienne. Les connaissances des moines devant surtout leur servir dans leur ascension vers la perfection, on favorisait les Écritures saintes, la patristique, les vies des saints, la théologie dogmatique. C’était somme toute un idéal assez équilibré où la culture intellectuelle n’était pas négligée, mais où elle ne s’appliquait pas à tous les pans du savoir humain. Malgré la pauvreté du monastère, la bibliothèque devint donc assez riche en manuscrits au point de faire, vers , l’admiration de Guibert de Nogent et plus tard d’Hugues de Lincoln. Cependant cette bibliothèque bien pourvue, remarquablement organisée, qui permettait au moine de recevoir deux livres à la fois, renouvelables chaque dimanche, fut très tôt la proie de catastrophes naturelles et humaines. En effet, au milieu de la solitude des forêts, les moines utilisèrent pour la construction un matériau qui s’offrait en abondance, mais propice aux incendies : le bois.
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La bibliothèque de la Chartreuse subit huit incendies en quatre siècles. En , le feu s’étant déclaré brusquement les bâtiments furent soumis à une destruction complète. En , un nouvel incendie ravagea le monastère dont les toitures étaient faites d’« essandoles » ou de bardeaux. Dom Guillaume de Raynaud, alors Prieur général, se souvenant de la perte de la bibliothèque dans l’incendie précédent, organisa le sauvetage des livres en criant « ad libros, ad libros ! ». En , des muletiers mirent par mégarde le feu à la cheminée de leur salle ; les flammes ravagèrent la Chartreuse sans même qu’on puisse comme cent ans plus tôt sauver les livres. La reconstruction ayant pu se faire grâce aux dons des chartreuses d’Europe, du roi de France et de Marguerite d’York, veuve de Charles le Téméraire, le nouveau couvent brûle en . Il faut aussi évoquer l’incendie, cette fois volontaire, de où les troupes du baron des Adrets firent une expédition contre le monastère. Les pères n’eurent que le temps de fuir dans la montagne. Les soldats se livrèrent en leur absence à un pillage en règle avant de mettre le feu aux bâtiments. Tout fut perdu y compris les livres et les archives. Les moines ne reviendront qu’un an après. Enfin, le avril , un jour de grand vent, on brûle chez le Père Prieur des vieilles lettres. Des papiers enflammés retombent sur la toiture. Les pères au risque de leur vie essayent de sauver livres et manuscrits. Cette fois Dom Le Masson, Père Prieur, tira les conséquences des catastrophes successives et réussit à reconstruire en dix ans le monastère : Après tant de ruines, de peines, de travaux, d’inquiétudes et de dépenses, instruits par l’expérience des dommages qui en ont résulté, nous avons jugé indispensable puisque nous devions de toute nécessité rebâtir la maison, de la couvrir de tuiles incombustibles.n n Disciplina Ordinis Cartusiensis, ed. de Montreuil, , p. . o Cf. P. Fournier, « Notice sur la Bibliothèque de la Grande-Chartreuse au Moyen Âge », Bulletin de l’Académie Delphinale, année , Grenoble, Allier, .
L’état actuel des manuscrits et des incunables conservés ne peut donc donner qu’une idée imparfaite de la bibliothèque du xv# siècle.
Premier inventaire
Rescapé des catastrophes, un catalogue dressé dans la seconde moitié du xv# siècle est conservé à la bibliothèque de Grenoble sous la cote Y. , il fournit des renseignements précieux sur la composition de la bibliothèque de la Chartreuse à cette époque. Une mention manuscrite de Dom Le Coulteux, moine deux siècles plus tard, indique que cet inventaire a été fait « du temps et par l’ordre de nostre R.P. François Dupuis parce qu’il y a quelques livres qui, au commencement ou à la fin, sont marquez avoir ete acheptez par luy devant qu’il fut chartreux »o. Curieusement, il semble que de nombreux manuscrits et incunables donnés par François Du Puy, official de Valence, prieur général de à , ne soient pas inscrits dans ce catalogue. N’y figurent pas non plus les livres apportés par Laurent Blumenau, autre donateur prestigieux de la Grande-Chartreuse, et qui ont dû entrer à la Chartreuse entre et .
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Fig. – Repertorium librorum domus cartusie. Ista sunt volumina beati Augustini. Inventaire partiel des livres et manuscrits du monastère de la Grande-Chartreuse. Seconde moitié du xv# siècle. – BM de Grenoble, Y. Rés., f. .
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Ce catalogue rédigé avec soin, sur papier, divisé en rubriques, paraît incomplet car on n’y trouve pas d’ouvrages de grammaire dont on sait qu’il s’en trouvait alors à la GrandeChartreuse ; on n’y trouve pas non plus d’autres ouvrages qui entre et composaient la bibliothèque cartusienne. Comme la tradition de la Chartreuse est précise, on peut penser, avec Dom Lecoulteux, qu’il s’agit là de l’inventaire d’une des bibliothèques de la Chartreuse et que des ouvrages pouvaient être conservés dans d’autres parties du bâtiment ou bien, autre hypothèse, ce catalogue des livres de la bibliothèque aurait été rédigé à l’occasion des déménagements imposés par l’incendie de , ce qui expliquerait le manque de précision dans les notices descriptives dû à la rapidité d’exécution. Ce « Repertorium librorum domus cartusiæ » comporte plus de ouvrages. Malheureusement pour nous, il ne fait aucune différence entre manuscritsp et imprimés et les descriptions sont si sommaires qu’elles ne permettent pas de faire une comparaison avec les ouvrages actuels. À partir du f. , une mention est faite régulièrement du support, parchemin ou papier. On y trouve de nombreux textes sur papier notamment dans le domaine profane. Donatella Nebbiai-Dalla Guarda a noté que les grandes bibliothèques monastiques, constituées anciennement, ont rejeté les ouvrages sur papier en choisissant de les classer dans des sections récentes ou dans des fonds ad hoc. Ainsi dans ce catalogue, le fonds ancien est décrit dans les premières sections alors que les dernières ont été réservées aux œuvres récentes, on y trouve alors beaucoup plus de livres sur papier. On peut penser que la structure de cet inventaire reproduisait la répartition matérielle des livres en dépôts séparésq L’abondance des rubriques nous renseigne tout de même sur la composition générale et nous montre dans quel sens les chartreux orientaient leur bibliothèque, bien différemment des cisterciens par exemple : une collection importante de bibles, des commentaires des pères de l’Église, des ouvrages de théologie (Duns Scot, François de Mayronnes et Ubertino de Casale), des livres de spiritualité (saint Augustin), et surtout des mystiques chrétiens : saint Anselme, saint Bernard, Hugues et Richard de Saint-Victor, saint Bonaventure, Gerson qui entretint des rapports épistolaires avec les moines de la Grande-Chartreuse, mais aussi Gerardus de Monte († ), Lorenzo Giustiniani († ) et Gilles L’Orfèvre. Viennent ensuite les ouvrages liturgiques suivis d’un riche ensemble sur le droit canonique et même le droit civil ; une section regroupe les œuvres de divers auteurs. La preuve est faite que si les chartreux se sont préparés à l’ascétisme par l’étude de l’écriture sainte et de la théologie, ils n’ont pas dédaigné de porter leur attention à la jurisprudence, à la grammaire, aux auteurs des lettres profanes. La connaissance du droit leur était indispensable, celle des belles-lettres ne l’était pas moins pour un ordre qui a donné plusieurs écrivains.
p D. de Becdelièvre a tenté d’identifier parmi les notices du catalogue les volumes de manuscrits actuellement conservés à Grenoble. Avec prudence, elle en répertorie une trentaine dont dix-neuf de présence certaine. Cf. Prêcher en silence, Saint-Étienne, CERCOR-Université de SaintÉtienne-Jean Monnet, coll. « Travaux et Recherche XVII », , p. - q D. Nebbiai-Dalla Guarda, « La Description du livre au xv# siècle : pratiques et modèles », dans Pratiques de la culture écrite en France au xv siècle, Actes du colloque du CNRS, Paris, CNRS, , Louvain-la-Neuve, Fédération internationale des instituts d'études médiévales, , p.
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Les deux dons de Laurent Blumenau et de François Du Puy de la fin du xv# et du début du xvi# siècle n’étant pas pris en compte, on peut considérer que ce document constitue « un état du fonds “médiéval” du monastère »r. r Ibidem, p. Les deux « oubliés » méritent une mention particulière puisqu’ils sont à la base de la bibliothèque actuelle. Dom Laurent Blumenau, éminent juriste allemand, longtemps au service des chevaliers teutoniques, puis chanoine du diocèse d’Ermelan, conseiller de princes allemands (duc de Tyrol), en se retirant à la Grande-Chartreuse, lui fit don de précieux ouvrages.
Fig. – B6A7JH, Johannes, Summa quae vocatur Catholicon, Mayence, (. Cet ouvrage rarissime sorti de l’atelier de Gutenberg a été apporté à la GrandeChartreuse par Laurent Blumenau. La reliure germanique en cuir ciselé sort d’un atelier de Nuremberg entre et . BM de Grenoble, I. 33 Rés.
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Comme la plupart des hommes de son temps, Blumenau se piquait de littérature : ses voyages en Allemagne et en Italie l’avaient mis en relation avec beaucoup d’érudits. Il entretint des relations d’amitié avec un bibliophile connu comme le médecin Hermann Schedel, d’Augsbourg, oncle d’Hartmann Schedel, le célèbre humaniste, et échangea avec lui livres et manuscrits. Blumenau réunit en Italie et en Allemagne de nombreux ouvrages d’histoire et essaya vers d’écrire les annales de l’ordre teutonique. Au soir de sa vie en , désabusé, il vint frapper à la porte de la Chartreuse et devint un moine fervent. Mais il fut appelé à la direction de la Chartreuse d’Avignon dont il fut nommé prieur. Il fut aussi visiteur de la province cartusienne de Provence. On reconnaît ses ouvrages à son ex-libris, la mention « Liber Magistri Laurentii Doctoris » avec son blason : « un écu d’argent à la bande de sable, accompagné de deux têtes de maures ». Sont encore conservés actuellement, provenant de cette bibliothèque, un superbe Catholicon de Giovanni Balbi imprimé en et dont la reliure ciselée provient d’un atelier de Nuremberg, et une belle édition des œuvres de Bartole imprimée à Venise par Johannes de Colonia entre et . Sur la dernière page se trouve une note écrite de la main du donateur : Ego frater Laurencius Blumenaw qui propter emendatam operum impressionem carere nolui impressis in posteris et matri ordinis nostri cartusiensis decem volumina Bartoli quorum illud primum est, dono dedi et ut pro me et meis orent queso humiliter.
Autre donateur que nous avons mentionné plus haut, François Du Puy. Official au diocèse de Valence puis official et vicaire général du diocèse de Grenoble, celui-ci fut « un administrateur attentif et l’homme d’un effort pastoral énergique »s. Il rentra tardivement à la Grande-Chartreuse, comme le recommande la coutume, c’est-à-dire aux environs de s P. Paravy, « Les incunables la cinquantaine, et y déploya une grande énergie. de François Dupuy », dans Les Chartreux, le désert et le monde, Il fut pendant dix-huit ans (-), en tant que prieur général, , Catalogue de l’exposiun guide à la fois dans le domaine spirituel et administratif. Humaniste, tion, Grenoble, Ville de GrenobleMusée dauphinois, , p. il écrivit une vie de saint Bruno et entretint une vaste correspondance. t « D’argent à trois cœurs d’or Les incunables encore conservés à Grenoble portent sa signature posés deux et un, au chef d’azur ou son blasont et parfois des notes de lecture. Leur étude a été entreprise chargé de trois couronnes d’or ». u P. Paravy, De la chrétienté par Pierrette Paravyu alors professeur à l’Université Stendhal de Grenoromaine à la Réforme en Dauphiné, ble, qui a montré les centres d’intérêt du religieux et de l’humaniste. Rome, École Française de Rome, p. - Le droit est représenté avec plus de titres (le quart du fonds) qui concernent les grands commentateurs du droit civil : Azon, Bartole, Balde, les commentateurs du droit canon à travers Nicolaus de Tudeschis, archevêque de Palerme, et Giovanni d’Andrea. Il faut y ajouter les instruments de travail tels que vocabulaires, répertoires, dictionnaires. Le domaine religieux est comme il se doit prépondérant : titres (% du fonds) avec une riche documentation théologique. L’homme s’intéresse visiblement à la tradition thomiste à travers ses commentateurs : Capreolus, Gille de Rome, Pierre de La Palu et à la tradition franciscaine : Alexandre de Halès, saint Bonaventure, Duns Scot, Guillaume d’Ockham. s
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Les traités de morale, les recueils de sermons montrent un intérêt pour les problèmes pastoraux. Enfin l’humanisme de Du Puy est frappant : % de la collection lui est consacré. On y trouve les grands historiens grecs et romains car il aimait l’Antiquité, les maîtres italiens : Dante, Alberti, Lorenzo Valla et les humanistes contemporains : rhénans (Brant, Wimpheling) et les néoplatoniciens florentins : Marsile Ficin dont les éditions lui permettent d’accéder à Platon et Plotin. Homme de culture médiévale dans ses bases juridiques et doctrinales, mais aussi la plus résolument ouverte aux courants de sensibilité du présent, François Du Puy, humaniste chrétien fut surtout l’homme d’une recherche d’intériorisation profonde dont sa vocation cartusienne constitue l’épanouissement.v
Le rôle d’une bibliothèque comme celle de la Grande-Chartreuse, sans cesse alimentée et sans cesse reconstituée après les désastres, était bien celui d’un centre d’échanges intellectuels et spirituels, même si sa pratique quotidienne se faisait dans le silence et la solitude. Hugues de Lincoln n’affirmait-il pas : Les livres sont nos délices et nos richesses en temps de paix, nos armes offensives et défensives en temps de guerre, notre nourriture dans la faim, notre médecine dans la maladie.nm
Deuxième inventaire Passons trois siècles pour étudier un autre inventaire, celui qui fut élaboré ou plutôt tenté pendant la Révolution. Dès novembre , André Amar, président du Directoire du district de Grenoble, fait l’inventaire de la bibliothèque. Il trouve imprimés et manuscrits mais ce n’est pas la totalité de la bibliothèque. Le P. Ducros, bibliothécaire de la bibliothèque publique, chargé de l’inventaire et du tri, est malade et débordé par la tâche. Il semble montrer peu d’enthousiasme. En outre, le tri de livres qu’il exécute est critiqué : Nous aimons à croire que le citoyen Ducros, votre commissaire bibliographe en faisant le triage des livres nationaux de votre district n’a mis au rebut que quelques bouquins insignifiants et que parmi ceux qui ont été vendus, les lettres n’ont rien de plus précieux à regretter […]. Nous avons encore à nous plaindre du peu d’activité que l’on met dans votre district à la confection des catalogues en cartes qui doivent nous être envoyés. Ces catalogues au terme de la loy devaient être terminées il y a plus de mois ( mars ).nn
À la même époque, on constate la disparition de livres de valeur et de manuscrits rassemblés dans la cellule du Prieur général. Les autorités ne semblent pas émues pour autant. v Ibid., p. nm Cité par A. Bondéelle, « Trésor des moines. Les Chartreux, les Cisterciens et leurs livres », dans Les Bibliothèques médiévales du vi siècle à , Paris, Promodis-Cercle de la Librairie, , p. nn BMG. R. . Paris, lettre du ventôse an III.
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En date du juillet , une lettre au directeur de l’École Centrale de l’Isère propose à celui-ci, à partir de deux répertoires (livres imprimés et manuscrits) de choisir les livres qui devront être déposés à la bibliothèque publique ou à l’École Centrale. Un arrêté, trois mois plus tard, intime l’ordre de transporter livres et manuscrits à la bibliothèque. Le avril , il est fait obligation d’en préparer un choix et d’incorporer à la Bibliothèque publique ceux qui y manquent. Les livres sont transportés, fin mai, mais ils sont entassés dans l’ancienne chapelle du collège des jésuites où ils souffrent de l’humidité et de la poussière. Deux demandes sont alors adressées au Préfet de l’Isère ( mai et juillet ) pour qu’il en autorise le transfert à la Bibliothèque publique voisine. Conscient de la gravité de la situation, le préfet Jean-Baptiste Fourier ordonne par un arrêté du messidor au XI le transfert immédiat : Considérant que tous les livres et manuscrits provenant de la Grande-Chartreuse sont arrivés et qu’ils ne peuvent rester plus longtemps déposés dans la salle au-dessous du musée sans éprouver des dommages considérables […] arrête que tous les livres et manuscrits provenant de la Grande-Chartreuse et qui se trouvent actuellement dans la ci-devant Eglise du collège devront être transportés à la Bibliothèque publique de Grenoble pour y rester en dépôt et qu’il en sera fait un inventaire.no no Arch. Dép. de l’Isère. L. np Cité par P. Hamon, « La Bibliothèque de la Grande-Chartreuse », dans Les Chartreux, le désert et le monde, op. cit., p.
Le août , la commission de la Bibliothèque constate l’arrivée des livres. Leur recensement réalisé le août permet de constater que le fonds comprend volumes, dont in-folio, in-quarto, inoctavo et in º :
Dans un rapport du avril , le P. Ducros signalait que lors « de la destruction des ordres religieux la plupart des livres qui se trouvaient dans les couvents furent à différentes époques, apportés à la bibliothèque. Quoique parmi les livres, il y en ait fort peu de bons, il conviendrait d’en faire un choix et d’y incorporer à la bibliothèque ceux qui y manquent ; les doubles seraient échangés ou vendus à l’enchère […] on pourra tirer le même parti d’une bibliothèque qui se trouve à la Grande-Chartreuse ».np
Le chanoine Ducros se met à l’ouvrage et tente tout de même de dresser un catalogue de la bibliothèque des chartreux. Ce recueil (R. ) conservé à la Bibliothèque de Grenoble est malheureusement informe et ne permet pas d’avoir une juste idée de cet ensemble de livres, ni d’en connaître le nombre exact car il semble incomplet, avec des redites et des erreurs de description. Les ouvrages sont groupés en grandes catégories qui permettent de montrer que la bibliothèque de la Chartreuse avait évolué d’une manière encyclopédique. Un choix est fait entre les « utiles » à conserver et les « inutiles » à échanger ou à vendre à des particuliers Dans cette seconde catégorie, on trouve les doubles ou les livres à caractère religieux même s’il s’agit d’incunables : par exemple un deuxième exemplaire du Catholicon de Giovanni Balbi (), d’une Bible de , de la Vita Christi () et d’autres. En revanche, on conservera les incunables de François Du Puy, comme les Comédies de Plaute (), la
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Divine comédie de Dante, les Silvæ morales de Josse Bade (), les Commentaria grammatica de orthographia de Giovanni Tortelli (), la Géographie de Strabon (), un Tite-Live de et beaucoup d’ouvrages du xvi# siècle. Les ouvrages non vendus sont donnés à des établissements comme le lycée de Grenoble ( volumes), ou au séminaire ( volumes) suite à une demande de l’évêque de Grenoble, Mgr Claude Simon. Ce dernier don comportait des bibles, des œuvres des Pères de l’Église, des vies de saints. En , il restait encore des manuscrits et des incunables à la Grande-Chartreuse. C’est le successeur du chanoine Ducros, Jacques-Joseph Champollion-Figeac, qui doit se rendre deux fois au monastère. En , il rapporte un certain nombre de manuscrits, d’ouvrages de littérature profane ou de controverses théologiques qui se trouvaient « dans la bibliothèque secrète de la GrandeChartreuse » réservée à l’usage particulier du Prieur général. Enfin en , sur ordre de l’Empereur, il accomplit un dernier voyage, tout à fait fructueux qui enrichit la bibliothèque d’une collection de manuscrits et d’éditions du xv# siècle de volumes environ. L’inventaire de ne donne que incunables, on peut donc penser qu’il est incomplet puisqu’un inventaire fut dressé par Champollion-Figeac en . Champollion-Figeac a rédigé pendant l’été le catalogue des éditions du xv# siècle que possède la bibliothèque. Il a communiqué les premiers numéros à M. Van Praet, conservateur à la Bibliothèque Impériale à Paris.nq
Ce chiffre est confirmé un an après par Louis-Aubin Millin qui écrit dans une lettre à Boulard que « les éditions du xv# siècle s’y trouvent au nombre de plus de deux-cents »nr
nq Préface d’E. Maignien au Catalogue des incunables de la Bibliothèque municipale de Grenoble, Mâcon, Protat frères, imprimeurs, , p. V. L’inventaire de Champollion-Figeac, resté dans ses papiers personnels, fut vendu aux enchères à Lyon en nr Ibid.
Troisième catalogue En , Amédée Ducoin, nouveau bibliothécaire, dresse un catalogue qui indique numéros, auquel son successeur rajoute ouvrages trouvés dans le fonds général et ouvrages donnés. En , un nouveau bibliothécaire, Edmond Maignien, âgé de ans, déjà auteur d’un important travail sur les imprimeurs grenoblois du xv# au xix# siècle, reprend les fiches existantes. Passionné, il entreprend très vite d’éditer un véritable catalogue méthodique des incunables. Son catalogue paraît terminé en avril car, à la suite d’une lettre à en-tête du Ministère de l’Instruction publique qui fait état d’une visite prochaine de Marie Pellechet, chargée de la rédaction du catalogue général des incunables, où celle-ci manifeste « l’intention de se rendre
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à Grenoble pour y faire le relevé des volumes imprimés au xv# siècle conservés dans la bibliothèque publique »ns Maignien répond que la visite est inutile, puisqu’il a entièrement achevé l’inventaire détaillé des incunables et que le travail peut être livré immédiatement à l’impression. Devant cette information, M%%# Pellechet préfère attendre la publication, afin d’y puiser les renseignements qui lui sont nécessaires pour l’achèvement de son travail. Après avoir obtenu de la municipalité de Grenoble une subvention pour l’impression de son catalogue ( décembre ), Maignien travaille d’abord avec une imprimerie locale (Rajon) qui se révèle incapable de fournir un travail correct et qui du reste n’a pas tous les types de caractères souhaités. Finalement, avec accord du Maire, le bibliothécaire s’adresse à Protat, imprimeur à Mâcon, qui a récemment imprimé le catalogue des incunables de la Bibliothèque Mazarine. Commencé en octobre , le travail d’impression lui-même s’effectue en deux ans à raison de deux feuilles livrées par semaine. La facture mentionne heures « de corrections d’auteur et de remaniements » et un surcoût pour les différentes tables. L’ensemble tiré à exemplaires sort des presses le septembre . Depuis le début de l’année, Marie Pellechet d’accord avec Maignien s’est fait livrer la majorité des feuilles à la fois pour compléter rapidement son catalogue général des incunables, et sans doute pour jouer son rôle de « machine à vérifier », comme elle s’intitule plaisamment elle-même. Au vu de la préface incluse dans l’exemplaire relié que le bibliothécaire lui envoie, elle souligne
ns BMG R . Dossier de correspondance reçue par E. Maignien (-). On y trouve quelques lettres de Marie Pellechet et une lettre émouvante de la sœur de la bibliographe, une semaine avant la mort de celle-ci : « Je viens vous accuser réception de votre lettre contenant les petits feuillets gothiques que je remettrai à ma sœur dès qu’elle sera remise de la terrible maladie qui la retient au lit depuis quatre semaines. Elle a une grippe infectieuse aux symptômes typhiques qui nous donne de grandes inquiétudes ». nt Ibid.
Vous avez très bien su mettre en valeur vos raretés et le soin que vous avez pris de faire plusieurs listes spéciales prouvera que vous avez non seulement très bien décrit vos incunables mais aussi recherché dans les bibliographies spéciales quels étaient les exemplaires uniques que vous possédiez.
Elle commente avec retenue la dédicace jointe à l’envoi : Je n’ai qu’un reproche à vous faire. C’est la trop grande place que vous m’avez faite dans votre souvenir. Heureusement que vous avez pu vaincre la modestie de votre correcteur qui a bien mérité de la patrie.nt
La générosité de Marie Pellechet s’est d’ailleurs manifestée entre autres par des dons en argent qui ont permis l’acquisition de documents précieux pour la Bibliothèque notamment à la vente du Marquis de Béranger. Elle a offert cinq incunables (respectivement les nº* , , ,, du Catalogue Maignien). Pour la première fois, enfin, un inventaire scientifique permettait de déterminer la part des incunables de la Grande-Chartreuse dans l’enrichissement des collections de la bibliothèque municipale. Edmond Maignien met effectivement en valeur les incunables de la Char-
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treuse que l’on peut aisément retrouver grâce à l’index des provenances et des ex-libris. Il souligne les apports magistraux de Laurent Blumenau et de François Du Puy. On trouve unica provenant de la Chartreuse : ËLa Danse macabre [Paris : Guy Marchant, septembre ] ËLes Faintises du monde de Guillaume Alexis [Lyon : Maréchal et Chaussard, s.d.] ËLes rues et les églises de Paris [P. Le Caron, ] ËLe sacre du roy trescrestien (Louis XII) fait a Reins lan [Paris, ] nu Les incunables de François ËL’épitaphe du roy Charles huytiesme [ Paris : Pierre Le Caron, ] du Puy portent tous son ex-libris. ËLa Vraie ordonnance faicte par Messire Pierre Durse (d’Urfé) pour l’enter Les plats sont en bois, recouvert de veau estampé, souvent orné rement du bon roy Charles huytiesme [P. Le Caron, ] Le fonds de la Chartreuse représente numéros sur un ensemble de du fonds général des incunables. L’apport des livres de Du Puy est considérable, avec numérosnu. Il donne sa structure même au fonds.
des pièces du blason du donateur : cœurs et couronnes. Les gardes sont en général formées de fragments d’actes manuscrits sur parchemin relatifs aux chartreux.
Fig. – Ex-libris manuscrit de François Du Puy sur un incunable lui ayant appartenu. « Iste liber pertinet mihi Francisco deputeo juris utriusque doctori vicario et officiali Gracianopolis. F Deputeo prefatus ». Bonaventura, S., Perlustratio in IV libros Sententiarum Petri Lombardi. [Nuremberg :] Anton Koberger, [post III ], ( BM de Grenoble, I. Rés., f.
Pour en revenir au monastère de la Grande-Chartreuse, les moines de retour en , s’efforcèrent une fois de plus de reconstituer la bibliothèque avec des manuscrits et des livres précieux. D’après dom Luc, le bibliothécaire actuel, lors des expulsions à la suite de la séparation de l’Église et de l’État (-), toutes les bibliothèques des chartreuses françaises se trouvèrent groupées à la Chartreuse de Lucques en Toscane où résidait la communauté de la Grande-Chartreuse :
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Il s’y trouvait tant de livres qu’il fut impossible d’en dresser un catalogue. Quand vint le retour – après la Grande-guerre et après – on procéda à une nouvelle distribution des bibliothèques, les anciennes maisons n’ayant pas toutes été rouvertes. Les incunables furent réunis à la Grande-Chartreuse. C’est ce qui explique nv Cf. Lettre de dom Luc Fauchon du septembre pourquoi certains ouvrages s’y trouvent en plusieurs exemplaires.nv
Le catalogue actuel qui comprend numéros est divisé en deux rubriques : incunables cartusiens où l’on retrouve les auteurs chartreux, Rolewinck, Jacques de Paradis, Ludolphe de Saxe et Denys le Chartreux dans des éditions variées, françaises, allemandes, vénitiennes ( numéros). Les incunables non cartusiens comprennent : bibles (Nicolas de Lyre), légendes dorées, œuvres de saint Augustin, saint Bernard, Albert-le-Grand et des livres de spiritualité (Thomas a Kempis). Bien que ces ouvrages soient peu accessibles étant donné la stricte clôture de la GrandeChartreuse, leur inventaire nous montre la permanence, à côté de la riche bibliothèque de volumes modernes, de la part de ces précieux premiers imprimés qui, nous l’avons vu, furent très tôt introduits dans le monastère par des moines cultivés. De plus, il souligne le rôle du livre et de la lecture chez les chartreux. En effet la lecture reste une constante de la règle si équilibrée des chartreux, « nunquam reformata, quia nunquam deformata ».
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MENTIONS DE PROVENANCE DES CATALOGUES RÉGIONAUX D’INCUNABLES XII ET XV Yvonne Fernillot
l est regrettable que la plupart des catalogues collectifs d’incunables n’aient pu relever les mentions de n Sauf toutefois Oates, BMC, BSB-Ink, CIBN et, bien sûr, provenancesn La tâche, il est vrai, est lente et malaisée l’ensemble des Catalogues régioet le déchiffrement des mentions manuscrites, souvent naux. o CRI() et CRI() ; voir, fragmentaires, reste bien incertain. en appendice, la liste des cataEt cependant, grâce à ces relevés, apparaît toute la vie de l’incunable, logues publiés et en préparation. p Voir Histoire des bibliothèques souvent depuis ses origines. J’espère pouvoir en donner quelque idée, françaises : . Les Bibliothèques grâce à un éventail assez large, constitué au cours de la rédaction de deux médiévales, du vi siècle à , dir. par A. Vernet, vol. . Les Bibliocatalogueso. Il y a bien unité de lieu, car il s’agit de bibliothèques parisienthèques sous l’Ancien Régime ( nes, mais qui ont recueilli aussi des ouvrages venus de toute la France et ), dir. C. Jolly, vol. . Les de l’Europe, surtout de l’Allemagne, de l’Italie et des Pays-Bas. Bibliothèques de la Révolution et du xix siècle ( - ), dir. Ces collections d’incunables se présentent de la façon suivante : par D. Varry, Paris, Promodis, en premier lieu les bibliothèques de l’Université de Paris, souvent de fon-; Alfred Franklin, Les Anciennes bibliothèques de Paris : dation ancienne (remontant pour certaines au xv# siècle), comme celles églises, monastères, colléges etc., de Médecine ( incunables) et de Pharmacie ( incunables) ; quant à la Paris, Imprimerie impériale, -, vol., ill. bibliothèque de la Sorbonne, rappelons qu’elle n’est pas celle de l’ancien collège fondé par Robert de Sorbon, mais – sous le nom de bibliothèque de l’Université de France – celle qui fut créée en et installée dans le collège des jésuites, Louis-le-Grand, après leur expulsion en p. Transférée au début du xix# siècle dans les locaux de la Sorbonne, elle en prit graduellement le nom ( incunables).
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Viennent ensuite les bibliothèques des corps savants et des grandes écoles : Académie de médecine, fondée en ( incunables), Observatoire de Paris, en ( incunables), Muséum national d’histoire naturelle, en ( incunables), École nationale des chartes, Institut national de recherche pédagogique, Institut national des langues et civilisations orientales, École des Ponts et chaussées, École des Arts et métiers, École polytechnique, Imprimerie nationale, Service de santé des armées, Sénat. Tous ces établissements doivent leurs richesses à l’apport de donations ou d’acquisition de collections privées. Trois d’entre elles présentent un caractère exceptionnel : celles de Victor Cousin et de Joseph-Victor Le Clerc à la Sorbonne et celle de Charles-Victor Daremberg à l’Académie de médecine. en faisant l’histoire de ces origines, nous allons remonter le temps à partir du deuxième tiers du xix# siècle. La très belle bibliothèque de Victor Cousin (-), philosophe et ministre de l’Instruction publique, composée à la fois d’ouvrages de philosophie et de livres anciens de grande valeur (dont incunables), fut léguée à l’Université de Paris en et, tout en étant maintenue dans un local distinct, rattachée à la bibliothèque de la Sorbonne. Excellent connaisseur de la philosophie allemande, Cousin eut le mérite, rare en son temps, de s’intéresser à la philosophie médiévale, bien représentée parmi les incunables lui ayant appartenu. Ceux-ci proviennent essentiellement d’abbayes allemandes, surtout bavaroises, que nous retrouverons en étudiant les marques de possession manuscrites du xvi# siècle. Cousin fit également des achats dans les bibliothèques vendues de son temps : celles du baron Gérando (-) et de Jean-Baptiste Huard (-), tous deux membres de l’Institut, celles du comte italien Ercole Biandrate Silva (-), bibliophile milanais dont la collection fut vendue en et d’Augustus Frederik, duc de Sussex, fils du roi Georges III (-), dispersée en . Signalons aussi la présence de reliures armoriées, telles que celles de Colbert, de JacquesAuguste de Thou et des Rohan-Soubise. Jointe au fonds Victor Cousin, la donation Richelieu faite en à la Sorbonne par le dernier duc, en mémoire du Cardinal, nous apporte deux incunables. Une autre donation, quoique plus restreinte, mérite l’attention : celle que Joseph-Victor Le Clerc (-), doyen de la Faculté des lettres de l’Université de Paris de à sa mort, fit à la bibliothèque de la Sorbonne : ses livres provenaient de diverses bibliothèques privées connues, entre autres celles du comte Dimitri Petrovitch Boutourlin (-), vendue en , du Dr Georg Kloss, de Francfort-sur-le-Main (-) dispersée à Londres en et du bibliophile Camille Falconnet (-). Troisième collection remarquable, celle du Dr Charles-Victor Daremberg (-), médecin et philosophe, professeur au Collège de France, acquise par l’Académie de médecine à la mort de son propriétaire, et riche de incunables. Le Muséum a reçu les dons du naturaliste Charles-Lucien Bonaparte, prince de Canino (-) et d’Eugène Chevreul, de l’Académie des sciences (-). À la bibliothèque de l’Observatoire, Michel Chasles, également de l’Académie des sciences (-), mieux inspiré dans le choix de ses incunables que dans celui de ses autographes, a légué ouvrages
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avec son ex-libris gravé. Signalons encore Gaspard Monge (-), le comte italien Paolo Vimercati Sozzi (-), le prince Marcantonio Borghèse et Antoine Van Bellingen, d’Anvers, dont la vente eut lieu en . Mais, avec le siècle s’achève cette riche moisson. Quelques donateurs isolés à la bibliothèque de la Sorbonne se manifesteront encore : Madame Georges Duplessis, veuve de l’historien d’art, avec des œuvres de Savonarole, les professeurs Émile Egger, Louis-Marie Quicherat, René Sturel. Plus important fut le don de incunables à la bibliothèque de l’École des chartes par Casati de Casatis (-), juriste et historien d’art. À quelques rares exceptions près, au xx# siècle dans nos bibliothèques, la source des acquisitions d’incunables par donations et legs est désormais tarie. Mentionnons encore au xix# siècle, la présence d’étiquettes de grands libraires : à Paris, Klincksieck, à Florence, Olchski. Les estampilles de bibliothèques publiques, Florence et Berlin, seraient plus surprenantes si l’on oubliait qu’à l’époque ces bibliothèques ne furent pas les seules à mettre leurs doubles en vente. Mais comment les bibliophiles de la première moitié du xix# siècle ont-ils pu constituer d’aussi riches collections ? Tournons-nous maintenant vers les xvii# et xviii# siècles. Tout remonte, pour la France, aux confiscations révolutionnaires qui ont frappé les bibliothèques des couvents parisiens. Les mentions manuscrites, les ex-libris, les reliures même témoignent de cette origine : qu’il s’agisse des bernardins feuillants de St-Honoré, des minimes, ou Bonshommes, de Passy, des prémontrés réformés, des célestins, des capucins et des dominicains de la rue St-Jacques et de la rue St-Honoré, des augustins, grands, petits ou déchaux, des pénitents de Nazareth, des oratoriens, de l’Hospice des incurables et d’autres encore. La bibliothèque de St-Victor, si importante, est peu représentée ( titres), alors que celle de St-Germaindes-Prés, tout aussi célèbre nous a laissé une dizaine de titres avec les ex-libris de légataires tels que le géographe Michel-Antoine Baudrand (-) et son frère, de l’orientaliste Eusèbe Renaudot (-), petit-fils du fondateur de la Gazette de France, de Jean d’Estrées, archevêque de Cambrai (-). À l’exception des capucins de Montluçon, rares sont les provenances d’autres couvents français. À la fin du xix# siècle, ce fonds en perdition fut versé à la Bibliothèque nationale, les doubles et incomplets étant remis à la bibliothèque de la Sorbonne ( titres), avec des reliures et des mentions manuscrites du xv# et du xvi# siècles fort intéressantes. Quelques-uns de nos ouvrages viennent des capucins d’Armentières (par J.-B. Huzard), q Commune du département des oratoriens d’Avignon, des célestins de Colombier-le-Cardinalq, de l’Ardèche. dont la bibliothèque fut dispersée en . Plus important, l’apport de r CRI() , , , , , , St-Antoine d’Issenheim, une dizaine de titres entrés à la bibliothèque , , , . s CRI() , . de l’Académie de médecine grâce à la collection Darembergr. Quant au monastère des récollets, sur le petit îlot de Césambre, détruit par les Anglais en , il nous est signalé à travers les noms des frères Guillaume Brehauld († ), Alain Choesmyn et Jean Tourtiers.
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Passons maintenant à deux sources qui complètent celles des établissements religieux. Il y a peu à dire, aux xvii# et xviii# siècles, sur les collèges du Quartier latin, fondés du xiii# au xv# siècle : sauf ceux de la Sorbonne et de Navarre, ils étaient tombés dans un profond déclin. Mais nous les retrouverons en étudiant le xvi# sièclet. Au xvii# et surtout au xviii# siècle eurent lieu en revanche des créat M.-M. Compère, Les Collèges tions originales dans le domaine des sciences et notamment de la médefrançais, - s. Répertoire : Paris, Paris, Institut National de cine. L’Académie de chirurgie fut fondée en , avec la collaboration Recherche Pédagogique, . de Georges Mareschal (-), par François Gigot de La Peyronie u CRI() avec ex-libris armorié (Baron), (Brun), , (-), de Montpellier, premier chirurgien du Roi. Celui-ci pré, (Moreau), (Sanches), sida cette institution à laquelle il légua ses livres ; son ex-libris est joint (Audirac), (Lassus), (Ehrhart). à celui de l’Académie. À l’Observatoire de Paris, fondé en , furent v CRI() et pl. xxx. déposées les collections du Bureau des longitudes et du Dépôt de la nm CRI() : Joseph Ros indique que cette Biblia latina Marine. Ce dernier établissement, dont les ouvrages sont couverts d’une (Venise, ) lui avait été donreliure avec emblème et estampille, reçut un don de l’abbé de La Caille, née par son oncle, Narcisso Ros astronome (-). en ; ce volume est entré à la bibliothèque de la SorDes médecins, curieux de l’histoire de leur art, s’intéressent aux incubonne en par le don de E.S. nables : à Paris, Théodore Baron, doyen de la Faculté de médecine (Dogson. nn CRI() (Foliot), , ), Brun, membre de l’Académie de médecine, à laquelle il fit un et (Orcin), (Villiers), don en , René Moreau, P. Sanches et J.-J. Audirac, médecins, Pierre (O. de Lyon) Lassus, chirurgien ; à Strasbourg, Joseph Ehrart, médecin, en u. L’ex-libris gravé le plus important, au moins pour ses dimensions, est au xvii# siècle, celui de Philippe Despont, chapelain et bienfaiteur de l’Hospice des incurables à Parisv. Parmi les autres, signalons ceux, armoriés, de l’abbaye des prémontrés de Weissenau, au diocèse de Constance () et du comte Joachim von und zu Windhag, conseiller d’Empire (). Parmi les mentions manuscrites, relevons celles qui concernent les Lamart, d’Auxonne (Côte-d’Or) – Thomas, au xvi# siècle et Ignace, prêtre, pour le siècle suivant –, P. Michiroux, don fait par sa mère au collège Jochsten, à Liège en , et nos deux prêtres catalans Bartholomé Nadal, de la paroisse d’Aiguaviva del Gironès (xvii# siècle), puis Joseph Ros, curé de Ste-Marguerite de Quart, en Catalognenm Ces mentions et ces ex-libris des xvii# et xviii# siècles ne font cependant que nous introduire dans le monde du xv# siècle finissant et du xvi# siècle, où ces ouvrages avaient une valeur d’actualité. Au début de la Renaissance les collèges de la Montagne Ste-Geneviève sont encore florissants, surtout le collège de Navarre qui s’illustra encore au xvii# siècle grâce à l’un de ses élèves, Jacques Bossuet. Curieusement, on trouve des mentions de ce collège dans des incunables provenant des capucins de Montluçon : Pierre Foliot, maître en théologie en , Jean Orcin, maître ès arts et théologien en , Jérôme de Villiers, boursier en théologie en ainsi que la liste des douze auditeurs d’Olivier de Lyon, sous-maître de grammaire en -nn
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Autre collège remarquable, celui des Grassins, fondé en par deux frères de ce nom, Pierre et Thierry, originaires de Malay-le-Grand aux environs de Sens (Yonne) et avocats au Parlement de Paris. Le nom de Pierre Grassin apparaît, à côté de celui de P. Hodoart, sur la page de titre d’un Regimen senum du Pseudo-Arnaud de Villeneuve. Le même Pierre procède à un échange avec Adam Sequart, maître en théologie du collège de Navarre. Quatorze mentions concernent Pierre et cinq son frère Thierryno. no CRI() pl. xxv ; ibid. . Autres donateurs à d’autres collèges : Raoul de Montfiquet, théonp CRI() voir pl. xxvii (N. logien, vers , au collège fondé par maître Gervais, médecin de Parmentier). nq CRI() , et CRI Charles V, Jean Aubery au collège du Trésorier dont il était proviseur () . (xvi# siècle), tout comme Jean Lohier qui avait légué à ce même établisnr CRI() . ns CRI() , (Raitensement, en ( n.s.), une Legenda aurea de Jacques de Voragine. haslach), (Salzbourg), (ArnApparaissent également les ex-libris des bibliothèques elles-mêmes : ceux stein). nt CRI() ; CRI() . de Laon ( titres), de Montaigu( titres) et surtout des Cholets ( titres) nu CRI() (Wettingen), avec Nicolas Parmentier ( titres), régent du collège de Navarrenp. (Ossendrecht), (Val-StLes universités sont représentées par celles d’Ingolstadt en Bavière, Martin). fondée en : sur un Duns Scot (Nuremberg, ) et un Mésué (Venise, ), les paraphes de Johann Altenbeck, notaire de l’Université et du bedeau Johann Stain, également notaire, attestent que ces volume appartenaient à la Faculté des arts de cette universiténq. Ingolstadt apparaît encore avec un universitaire et humaniste de premier plan, Johannes Alexander Köl, dit Brassicanus, professeur de grec dans cette université en , puis de droit civil à Vienne, qui possédait un exemplaire de l’Aristote aldin (-) du fonds Richelieu. Pour clore la liste de ces quelques mentions d’universitaires, citons encore un certain Jacques de Moyenneville, Picard et étudiant en droit à Orléans en /, qui note sur un Digestum vetus (Lyon, ) le prix de sa pension chez une dame de la villenr Nous avons parlé des établissements religieux français, larges pourvoyeurs de nos fonds, mais Victor Cousin a surtout réuni des incunables provenant d’abbayes et de couvents allemands, en majorité bavarois : ceux des cisterciens de Notre-Dame de Raitenhaslach, bénédictins de Scheyern, des chanoines augustins de Baumburg, des franciscains de Schrobenhausen, d’Ingolstadt et de Salzbourg, ici avec un ex-dono de Christophe Rellinger, conseiller de l’archevêché, qui leur fit don d’une centaine d’ouvrages en , mais aussi d’Allemagne septentrionale comme les prémontrés d’Arnsteinns Ces mentions sont moins nombreuses ailleurs, de même que les incunables eux-mêmes : on notera, en Italie, les franciscains d’Arezzo, en Toscane et de Palombara Sabina dans le Latium, en Suisse, les ex-dono de Christophorus Sebastianus à l’abbaye cistercienne de Wettingen « Maris Stella » au diocèse de Constance, de Philippe de Mera, curé d’Ossendrecht, près de Breda aux dominicains de Bois-le-Ducnt et la mention d’appartenance des Sermones de Pierre d’Ailly à l’abbaye des chanoines augustins du Val-St-Martin de Louvainnu. Nous trouvons aussi des notes plus détaillées remontant au xvi#, voire au xv# siècle : Johannes Frumenti d’Überlingen précise, vers , qu’il a acheté un Duns Scot non relié et
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qu’il l’a fait ensuite couvrir d’une reliure qui, hélas, a disparu sans doute lorsque l’ouvrage est entré dans la bibliothèque de Charles de Rohan-Soubise. Le #) mars , Guillaume Pellicier, évêque de Maguelonne, a acquis pour sols tournois à maître Durand de Grangia, libraire à Montpellier, les Silvae morales de Josse Badenv. Un Disticha de moribus nv CRI() et pl. xxviii. du Pseudo-Caton porte les noms de Jean de Lenoncourt, chanoine et om CRI() . on CRI() index et pl. xxvi ; trésorier de l’église de Tours, acquis à la vente des biens de feu Jean Le Antoine Feydeau et d’autres memFuzelier le novembre , puis de Jean Beaufilz, nouvel acquéreur bres de cette famille bourbonnaise figurent également dans l’index le février ( n.s.), et enfin de Nicolas Papillon, comme eux des provenances de CRI() chanoine de Tours, en février . On ne peut évidemment citer les Auvergne. oo CRI() (Preuhomme) ; centaines de noms contenus à travers les pages de ces volumes, on menCRI() (Pibart), (Fourtionnera toutefois ceux du poète Lodovico Carbone de Ferrare (c. ment), (Oliverii), (Pascalis), (Berreau), (Trinquet), ) figurant, avec armoiries peintes et notes manuscrites, sur un De (médecin d’Eichstätt). conservatione sanitatis de saint Benoît de Nursie, de frère Nicolaus Ignaop Reproduite en frontispice tius de Cassonia, régent à Sienne, rappelant en tête de son exemplaire dans CRI(). du Clypeus Thomistarum de Petrus Niger (Venise ), qu’il a soutenu en sur le « Campo regio » les « conclusiones » dont il donne ensuite la transcriptionom. Mais dans nos deux catalogues, à côté des hommes d’Église, les médecins, les chirurgiens, les apothicaires sont nombreux à avoir laissé la trace de leurs lectures : le plus notable est sans doute Antoine Feydeau, médecin du duc de Bourbon, avec sa devise « Dies diem docet » ; son nom apparaît sur une quinzaine de titres et on le sait à Lyon le septembre et le juin avec deux membres de sa familleon ; citons également, Preudhomme, lieutenant des chirurgiens de Bourges (c. ), Étienne Pibart, « aromatarius Parisiensis », Jacques Fourment, de Laon, docteur en médecine, Georgius Olyverius, « Romanorum regis phisicus », actif à Mayence entre et , Andreas Pascalis, médecin à Florence vers , P. Berreau, docteur en médecine dont les annotations marginales de son Ptolémée (-) révèlent les origines poitevines, Johannes Laureaulus, alias Trinquet, chirurgien et barbier, sans doute à Provins (-), et ce médecin d’Eichstätt, malheureusement anonyme, dont les notes manuscrites en marge des Opera de Galien (Venise ) portent un témoignage concret très intéressant sur son expérience professionnelle dans les dernières années du xv# siècle. Enfin, sachant l’intérêt que Jean Budé, le père de Guillaume, portait à la médecine et aux sciences naturelles, mentionnons ici son exemplaire enluminé de l’édition parisienne du Regimen sanitatis donnée par Ulrich Gering en /oo. Nous avons parlé, à propos de Victor Cousin, des reliures armoriées qui complètent, elles aussi, les renseignements qu’apportent ces diverses mentions. Les plus nombreuses sont, à la Sorbonne, celles des Condé, mais la plus belle est celle qui offre, poussé à chaud, le portrait d’Otto Heinrich, électeur palatin avec la date de op. Nous avons laissé de côté un sujet fort important, celui des notes manuscrites et des textes transcrits sur les pages de garde : le testament de Roger Decretot, prêtre parisien, en ,
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l’action de Nicolas Billard, prêtre, contre Thomas du Rivatz, écuyer, ou la relation d’un voyage en Terre sainte de trois marchands toulousains en , les notes de cours des étudiants du studium generale des dominicains de la rue St-Jacques dans les marges d’un commentaire de la Philosophia naturalis d’Aristoteoq. Dans ce désordre foisonnant, où nous avons essayé, avec peine, de trouver quelques fils directeurs, se dessine le destin intellectuel de l’incunable, de ses origines à nos jours. À cela s’ajoutent, depuis le xvii# siècle, les témoignages de l’intérêt, jamais démenti, que les bibliophiles, nombreux et éclairés, manifestent pour le berceau de l’imprimerie.
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oq CRI() (Decretot) ; (Billard) ; CRI() (marchands de Toulouse) ; : la note de Michel Chasles attribuant à Copernic les mentions manuscrites d’un exemplaire de la Sphaera mundi de J. de Sacrobosco (Leipzig, c. ) ne semble guère acceptable ; si la main est bien contemporaine de l’édition, elle diffère nettement de celle de l’astronome que l’on connaît à travers ses autographes avérés.
LES MARQUES DE POSSESSION UNE APPROCHE DE L’HISTOIRE DES BIBLIOTHÈQUES Karine Rebmeister-Klein
’interviens ici moins en tant que conservateur à la bibliothèque municipale de Besançon qu’en tant que doctorante en histoire médiévale : je soutiens dans une semaine une thèse de doctorat sur les bibliothèques médiévales des collèges parisiens à la fin du Moyen Âgen, travail qui fait n K. Rebmeister-Klein, Les suite à ma thèse de l’École nationale des chartes consalivres des petits collèges à Paris aux xiv et xv siècles, dir. par J.-P. crée à la bibliothèque médiévale du collège des Cholets (-)o. J’ai Genet (Paris I), thèse soutenue le eu l’occasion, lors d’un passage de Pierre Aquilon à Besançon, d’évo novembre , à paraître. quer avec lui l’importance des marques de possession pour l’histoire des o K. Rebmeister-Klein, La bibliothèque médiévale du collège livres et des bibliothèques – nous nous étions rendu compte, au cours de des Cholets, thèse pour le dipl. nos discussions, que nous avions eu tous deux affaire au cours de nos d’archiviste-paléographe, ; résumé dans École nationale des recherches respectives à un même possesseur de livres parisien du xv# sièchartes, positions des thèses, , cle, Nicolas Parmentier, qui suscitait chez nous la même curiosité et les p. -. p Nicolas Parmentier, maître mêmes interrogationsp. Je dois sans doute au souvenir de cette journée ès arts, recteur de l’Université de l’invitation de M. Aquilon à participer autour du thème des marques de Paris en , docteur en théologie en . Pour les incunables possession à ces journées d’études et je l’en remercie. qu’il a possédés, voir entre autres Il n’est sans doute pas besoin de préciser devant vous pourquoi un Y. Fernillot, Bibliothèque de la historien des bibliothèques médiévales s’intéresse aux incunables. Certes, Sorbonne - Bibliothèque Victor Cousin et al. (Catalogues régionaux mes recherches ont porté à % sur des manuscrits, mais l’histoire des des incunables, t. XII). bibliothèques est un domaine où, comme dans bien d’autres, la coupure entre Moyen Âge et Époque moderne est infiniment plus subtile que ne l’établit, par commodité, l’histoire officielle. L’histoire des bibliothèques médiévales déborde très largement sur le xvi# siècle. Pour ma part, je me suis arrêtée en , ayant rencontré jusqu’à cette date des tra-
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ces d’achats, vente ou copie de manuscrits dans des sources diverses. Il se trouve que cette date est aussi celle à laquelle les auteurs de l’Histoire des bibliothèques françaises ont choisi de clore le premier volume de la série consacré à la période médiévale, cette date correspondant à l’époque où « le pourcentage de manuscrits dans les fonds des bibliothèques q Histoire des bibliothèques franfrançaises savantes ne dépasse guère pour »q. Cependant, et c’est çaises, t. I : Les bibliothèques médiéle plus important pour notre sujet, le seul critère manuscrits / imprimés vales du vi siècle à , Paris, , p. XVIII, Chronologie. ne suffit plus à différencier bibliothèques médiévales et bibliothèques de r Ont été légués au collège des l’Époque moderne dès lors que l’on s’intéresse à des périodes aussi tardiCholets par Michel Mauvoisin, boursier du collège vers , deux ves. La bibliothèque des années - est une bibliothèque multiple manuscrits et un incunable et par composée, à l’image des fonds anciens de nos bibliothèques actuelles, à Nicolas Parmentier (voir ci-dessus la fois de manuscrits et d’imprimés. Il m’a donc semblé artificiel de ne n. ), boursier du collège en , au moins deux manuscrits et dixrechercher que les manuscrits pour ces décennies de la fin du Moyen Âge, neuf incunables. Voir K. Rebd’autant que la plupart des sources de cette époque mêlent sans y prêter meister-Klein, La bibliothèque médiévale du collège des Cholets…, attention les deux supportsr. Bien que n’étant pas spécialiste des incunaop. cit., p. et . bles, je m’y suis donc intéressée par ce biais, un peu en dilettante, certes, s Pour mes bibliothèques de collèges parisiens, j’ai surtout eu car ils ne constituaient pas le sujet principal de mon travail, mais avec recours au t. XII rédigé par Yvonne un souci d’exhaustivité qui m’a conduite à recourir fréquemment aux Fernillot, voir ci-dessus n. . t La question de permettre dans différents catalogues régionaux des incunables déjà parus à la recherche les catalogues informatisés de de provenancess. Ceci explique une part de l’intérêt que j’ai pu porter bibliothèques une interrogation sur aux mentions de possession présentes sur les volumes subsistants. les possesseurs des livres (les fameuses « données d’exemplaires ») est à Cette intervention est en effet pour moi l’occasion de mettre l’accent elle seule problématique, tous les sur l’importance des mentions de possession et plus particulièrement, la logiciels n’autorisant pas encore le même type de recherches (recherche journée d’hier ayant été consacrée aux catalogues, sur la nécessité de les dans tous les champs de la notice faire figurer dans les notices de livres anciens et d’en rendre l’interrogapar exemple). tion possiblet. Je sais par expérience, et c’est ici le conservateur de fonds patrimoniaux qui parle, que ce n’est pas une chose aisée à réaliser. Les catalogues informatisés de livres anciens sont aujourd’hui pour leur grande majorité le résultat de vastes opérations de rétroconversion de catalogues dactylographiés ou sur fiches des siècles passés qui, pour beaucoup, ne contenaient pas ces informations. Malgré les lacunes des notices ainsi récupérées, il est difficile de concevoir l’organisation de campagnes d’amélioration et de complétude de ces dernières : imaginons ce que cela représenterait pour la seule bibliothèque municipale de Besançon qui possède plus de livres anciens… En revanche, il est toujours possible d’intervenir au cas par cas sur une notice donnée en profitant de ce qu’un ouvrage, pour une raison ou pour une autre, passe entre nos mains. Or, par manque de temps ou par facilité, nous n’en prenons pas toujours le temps. Avoir conscience de l’enjeu que cela représente pour le chercheur est, peut-être, une incitation plus vive à faire cette démarche. C’est en tout cas la prise de conscience que j’aimerais susciter. Pourquoi donc les marques de possession sont-elles si importantes pour l’histoire des bibliothèques anciennes ? C’est avant tout parce qu’elles sont parfois le seul indice que l’on
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ait pour rattacher un volume subsistant au fonds d’une bibliothèque donnée. Il s’agit sans doute là d’une évidence, et je risque d’en rappeler quelques-unes au cours de mon exposé ; ces problématiques, en outre, ne sont pas uniquement valables pour les incunables mais se posent aussi pour tous les autres types de livres, imprimés comme manuscrits. Ce qui, toutefois, m’a intéressée dans la question, et particulièrement dans le fait qu’elle soit posée au cours de journées d’étude consacrées aux incunables, c’est que pour moi ces marques de possession ont constitué la seule approche des incunables que j’ai pu avoir pour ma thèse d’École des chartes, et la principale approche de ceux-ci pour ma thèse de doctorat. Elles ont donc revêtu beaucoup plus d’importance pour les incunables que pour les autres types de livres : j’avais, pour ces derniers, d’innombrables sources qui se recoupaient, quand je n’avais souvent pour les incunables que les seules mentions de possession sur lesquelles m’appuyer. Je vais tâcher de montrer pourquoi. De quelles sources dispose-t-on pour reconstituer l’histoire d’une bibliothèque médiévale et en particulier son contenu ? Il existe deux grands types de sources, qu’il s’agit ensuite de croiser entre elles : les sources d’archives (catalogues de bibliothèques, comptes…) et les volumes subsistants. Chacune pose des problèmes d’interprétation qui lui sont propres. Les sources d’archives susceptibles de fournir des titres de livresu u Je ne tiens pas compte ici sont principalement : les inventaires de bibliothèques, les obituaires, les des autres aspects de l’histoire des bibliothèques que sont leur testaments et les comptes. Ces quatre types de documents différent plus gestion financière, leur fonctionpar la quantité de livres qu’ils énumèrent – à ce titre, les inventaires resnement au quotidien, leur organisation spatiale, etc. tent les plus intéressants car ils donnent l’état complet d’une bibliothèque v Pour des références précises, je donnée à un moment précis dans le temps – que par leur manière de me permettrai de renvoyer au t. II de ma thèse de doctorat (consultadécrire les ouvrages. Du moins l’hétérogénéité que l’on constate à la lecble sous sa forme dactylographiée ture des descriptions n’est-elle pas due à la nature du document (invenà l’IRHT, section de codicologie) : taire ou testament) mais plutôt à d’autres facteurs tels que, par exemple, Édition des sources. nm Liste des livres de la succesun rédacteur plus ou moins consciencieux ou un cas d’héritage contesté sion de Guillaume Baron assignés nécessitant une description très précise des ouvragesv. Pour l’ensemble de au collège de Maître Gervais, juillet (Archives nationaces documents, inventaires, testaments, comptes, obituaires, la problémales, M , nº ) : « [art. ] Item tique est donc la même et réside dans la façon dont les livres sont décrits. Archidiaconus cum postibus sine corio ». Pour identifier un titre, pour éventuellement retrouver le livre s’il subsiste nn Inventaire après décès toujours, il faut que la description présente un minimum de détails, ce de Nicolas de Gondrecourt, juin ; livres légués au qui est loin d’être toujours le cas. Il n’est ainsi pas rare de rencontrer collège de La Marche (Archives des mentions lapidaires telles que : « Archidiaconus » – de quel livre de nationales, M , nº ) : « [art. l’archidiacre de Bologne, Guido de Baysio, s’agit-il ?nm – ou, plus sibyllin ] Item, ung livre : C. ad, prisé deux solz par ». encore : « ung livre : C. ad »nn, formules qu’il est souvent impossible de décrypter. Dans ce contexte, la distinction entre livres manuscrits et livres imprimés est, elle aussi, ardue à établir. Dans les documents antérieurs à -, la question ne se pose pas : on a pratiquement toujours affaire à des manuscrits. De même, dans les inventaires des xvii# et
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xviii# siècles, les livres sont presque tous des imprimés et les manuscrits no Les documents des xvii# et sont signalés comme telsno. Mais que décider dans le cas de documents xviii# siècles, bien que tardifs, de la fin du Moyen Âge, rédigés entre et np ? Rares sont ceux peuvent être pris en compte pour qui prennent le soin de signaler si le livre qu’ils décrivent est un manuscrit l’étude d’une bibliothèque médiévale dans la mesure où ils évoquent ou un imprimé. Ils emploient dans ce cas le terme de « impression » : des livres qui ont fait partie de la « en papier et lectre d’impression », « en papier et impression »nq « [Misbibliothèque au Moyen Âge… le tout étant d’arriver à déterminer si sel] de impression en papier à usaige de Paris »nr. Toutefois, on peut tel a bien été le cas, ce qui est le plus trouver dans le même document des imprimés dûment signalés comme difficile et vaut pour n’importe quel type de livre – manuscrit, incunatels et d’autres livres mentionnés sans aucune indicationns. Il est dans ble, livre imprimé avant . ce cas difficile de savoir s’il s’agit ou non d’imprimés. Les documents np Sur le choix de cette date, voir ci-dessus n. . postérieurs à posent en outre la question de la distinction entre nq Exemples tirés de l’inventaire les incunables et l’ensemble plus vaste des imprimés auxquels ils apparaprès décès de Nicolas Warin, tiennent. Avant le xvii# siècle, mais encore après cette date dans certains principal du collège de La Marche, juin (Archives nationales, documents, la date d’édition n’est pas forcément indiquée et là encore M , nº ) : « [art. ] « Item, Artirien ne permet de trancher entre plusieurs hypothèses. Ainsi un compte zela, en papier et lectre d’impression, relié entre deux ays, couvert du collège de Fortet de fait état de l’achat d’une quarantaine de de vert… », « [art. ] Item, Boece livres par le collège à cette date. La liste qui en est donnée est très somDe consolacion [sic], relyé entre deux ays, en papier et impression, maire ; il s’agit d’une simple énumération des auteurs et des titres des couvert de cuir gris… ». On trouve ouvrages avec leurs prix : « Opera Johannis Gerson : l. t., Guabriel [sic] une formulation différente pour un livre de cet inventaire : « [art. Super Sententias : s. t., Summa sancti Thome : l. t., etc. »nt. Seule ] Item, le traité De quatuor virla date de l’achat laisse penser qu’il s’agit d’imprimés et non de manustutibus et (blanc), relyé entre deux crits et rien ne permet de savoir si ces livres ont été imprimés avant ou ays, escriptz tant a la main que en moule, couvert de vert… ». après , donc si nous avons ou non affaire à des incunables. La ques nr Comptes du collège de Dortion se pose en particulier pour les titres dont il subsiste aujourd’hui à mans-Beauvais, - (Archives nationales, Hp nt, compte la fois des éditions incunables et des éditions comprises dans les années de -) : « [Missel] de - : c’est le cas dans ce compte du collège de Fortet d’un certain impression en papier à usaige de Paris auquel le canon est imprimé nombre de livres, notamment les ouvrages d’auteurs « humanistes » ou en parchemin » (cité par E. Pelles « classiques latins »nu. legrin, « La bibliothèque de l’ancien collège de Dormans-Beauvais à Paris », dans Bulletin philologique et Un deuxième type de sources vient compléter les informations données historique du Comité des travaux hispar les documents d’archives : les livres eux-mêmes, quand ils subsistent toriques et scientifiques, -, p. -, à la p. ; réimpr. dans encore aujourd’hui. Retrouver les volumes subsistants d’une bibliothèid., Bibliothèques retrouvées : manusque médiévale reste le moyen le plus sûr d’en appréhender le contenu ; crits, bibliothèques et bibliophiles du Moyen Âge et de la Renaissance, c’est aussi l’approche la plus concrète que l’on puisse en avoir, à pluParis, Éditions du CNRS, , p. -, à la p. ). ns Inventaire après décès de Nicolas Warin, juin (voir ci-dessus n. ) : « [art. ] Et premierement, ung quart de Lescot, relyé entre deux ays, couvert de violet… » (Archives nationales, M , nº ). nt Archives nationales, M , nº (liste de livres à la fin du cahier de feuillets constituant le compte pour l’année ). nu Compte de du collège de Fortet (Archives nationales, M , nº , cf. note précédente) : « [art. ] Silius Italicus, s. t. » : auteur des Punica, éd. Rome, , Venise, , Lyon, … ; « [art. ] Ovidius De tristibus, s. t. » : éd. Venise, , , Vienne, , Strasbourg, … ; etc.
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sieurs siècles de distance. Cela n’est toutefois pas aussi évident que l’on pourrait le croire. De nombreux volumes ont pu être perdus et ce qui nous est conservé aujourd’hui n’est parfois qu’une infime partie de la bibliothèque d’originenv. Il faut surtout réussir nv Même s’ils n’y sont peut-être à retrouver ces volumes, les repérer, s’assurer qu’ils ont bien fait partie du pas tous pour les raisons qui sont fonds de la bibliothèque qui nous intéresse. Le seul moyen d’y parvenir évoquées dans les paragraphes qui suivent, voici un ordre de granest de recourir à ce que l’on sait de l’histoire de la bibliothèque et d’interdeur : pour collèges étudiés roger les catalogues et bases de données de livres anciens, qu’ils soient sur sur plus de deux siècles et demi dans ma thèse de doctorat, je n’ai papier ou en ligne. La connaissance de l’histoire de la bibliothèque a une retrouvé que manuscrits (sans double fonction. La première est d’orienter vers les sources d’archives qui les imprimés) subsistants. om J’en ai rencontré de nomfournissent un ensemble de renseignements sur le fonds, en particulier, breux exemples dans ma thèse au travers des inventaires et catalogues, des descriptions de livres. Il est de doctorat. On sait ainsi que cependant très difficile de retrouver un volume subsistant uniquement à les mss , , et de l’actuelle bibliothèque de la Sorpartir des sources d’archives. Nous avons vu combien la description des bonne étaient dès au collège livres y est souvent sommaire. L’historien des manuscrits médiévaux est du Trésorier uniquement parce qu’ils figurent dans l’inventaire de toutefois plus avantagé à ce genre d’exercice que son collègue incunabula bibliothèque du collège effecliste ou seiziémiste et même plus largement que quiconque travaille sur tué à cette date (identification certifiée par les mots-repères). des imprimés. La plupart des inventaires médiévaux s’intéressent en effet on Voir C. Beaulieux, Cataloau livre d’abord en tant qu’objet et non pour son contenu intellectuel : si gue des manuscrits de l’Université de Paris, Paris, (Catalogue généla description classique « auteur-titre » y est donc sommaire, en revanche ral des manuscrits des bibliothèques la description de l’objet-livre y est souvent très précise. Le livre est un publiques de France). On repérera bien d’une valeur marchande importante et il est nécessaire que l’on ne les manuscrits uniquement attribués à Louis-le-Grand dans la puisse pas confondre un volume avec un autre. Ceci explique l’indicatable, à : « Paris / Collèges / Louistion, que l’on trouve fréquemment dans les inventaires médiévaux, des le-Grand / Livres ayant appartenu à ce Collège » (p. ). mots-repères que constituent les premiers mots (incipit) du deuxième feuillet et les derniers mots (explicit) de l’avant-dernier feuillet d’un manuscrit – les premiers et derniers feuillets étant trop sujets à disparaître ou à être arrachés pour être pris en compte. Ce sont là des éléments de repérage sans équivoque, encore très utiles aujourd’hui. En général ils permettent de rattacher des volumes subsistants déjà connus par ailleurs pour avoir fait partie des collections d’un établissement donné à tel ou tel article d’un catalogue et de préciser ainsi la date de leur entrée dans la bibliothèqueom. On pourrait cependant imaginer qu’ils servent à repérer des volumes dont l’appartenance à une bibliothèque était jusqu’alors insoupçonnée. Il y a ainsi dans le fonds de la bibliothèque de la Sorbonne un grand nombre de manuscrits provenant « de l’ancien collège Louis-le-Grand »on qui, j’en suis persuadée, pourraient être attribués à des bibliothèques médiévales de collèges parisiens si l’on prenait la peine de comparer chacun de leurs mots-repères avec ceux que nous fournissent les documents d’archives. Ceci n’est pas fait la plupart du temps (moi-même ne m’y suis pas attelée) parce qu’il s’agit d’un travail énorme et que personne n’a ni le temps ni les moyens d’aller vérifier les mots-repères de tous les manuscrits du monde, mais c’est intellectuellement envisageable. La vraie limite est que ce type d’investigation ne vaut que pour les manuscrits médiévaux et
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ne peut pas être envisagé pour un imprimé. D’abord il est rare que des mots-repères soient indiqués pour des imprimés, ensuite quand tel est le cas nous sommes renvoyés non pas à un exemplaire précis mais à une édition donnée, ce qui est bien différent et oo On trouvera des exemples de mots-repères indiqués pour ne permet pas d’identifier de façon univoque l’exemplaire recherchéoo. des livres imprimés dans l’invenL’autre intérêt qu’il y a à connaître l’histoire d’une bibliothèque taire après décès de Nicolas Warin en faveur du collège de La Marche pour en retrouver les volumes subsistants est sans doute le plus évident : en (cité ci-dessus n. ; éd. cette connaissance permet de déterminer les emplacements successifs dans ma thèse de doctorat, op. cit., t. II, p. -). qu’a connus la bibliothèque et donc le lieu où la plupart des livres qui op J. Artier, « Aux origines de en proviennent est susceptible de se trouver aujourd’hui. Ainsi, la majola bibliothèque de la Sorbonne : rité des volumes subsistants des collèges médiévaux de Paris est conservée la création de la bibliothèque de l’Université de Paris, - », dans l’actuelle bibliothèque de la Sorbonne, héritière de la bibliothèque dans Mélanges de la bibliothèque de de l’Université de Paris qui elle-même récupéra en bloc après la Révola Sorbonne, t. , , p. - et La bibliothèque de la Sorbonne, dir. lution le fonds de l’ancien collège Louis-le-Grand, auquel la plupart de par C. Jolly, Paris, [p. -, ces collèges avaient été rattachés à la fin du xviii# siècleop. chap. I, « La bibliothèque de à », par C. Jolly]. Cependant, que l’on cherche dans un dépôt précis ou que l’on parte oq Ex-libris de la fin du xv# siècle un peu à l’aveuglette à la recherche des volumes subsistants qui peuvent ou du début du xvi# siècle présent dans manuscrits subsistants du se trouver dispersés dans le monde entier, la façon de procéder reste la collège (bibliothèque de la Sormême : on traque, dans les catalogues papier ou en ligne, le nom de la bonne, mss , , , , , bibliothèque qui nous intéresse ou le nom de personnages qui pourraient et ). or Bibliothèque nationale de avoir donné ou légué leurs livres à la bibliothèque. Pour cela, le signaleFrance, ms. latin , f. , ment dans ces mêmes catalogues des marques de possession portées sur ex-libris du collège de DormansBeauvais daté des xiv#-xv# siècles les volumes subsistants est essentiel. C’est souvent le seul endroit, sur un (l’ex-libris complet est : « Iste glose volume subsistant, où figure le nom des possesseurs successifs du livre, Juvenalis sunt de libraria scolarium de Dormano, alias de Belvaco » ; donc éventuellement d’une bibliothèque. Passer cette information sous sur d’autres manuscrits la formule silence revient donc à écarter définitivement un livre d’un corpus et à pridébute par « Iste liber est de libraria […] » mais est incomplète). On ver l’histoire des bibliothèques de ce témoin ; or, nous l’avons vu, ceux-ci trouve aussi des formes beaucoup ne sont pas si nombreux que l’on puisse sans dommage s’en priver. plus développées d’ex-libris, par exemple : « Iste liber qui intitulatur de philosophico auditu philosophoLes marques de possession sont faciles à repérer : elles sont en général rum preclarissimi domini Alberti placées en-tête ou à la fin des livres, sur les pages de garde ou sur les magistri ordinis sacri Predicatorum pertinet collegio Lombardorum premiers feuillets. D’une main différente de celle du copiste pour les Parisius » (BnF, ms. lat. , manuscrits ; manuscrites le plus souvent, donc faciles à distinguer du f. , ex-libris du xv# siècle du collège des Lombards). corps du texte pour les imprimés, elles sont aisées à identifier. Certes, os À quoi s’ajoute un type de elles sont parfois difficile à déchiffrer mais elles sont en général précises notation extrêmement intéressant mais qui échappe au strict et sans ambiguïté : « Du college des Chollés a Paris »oq, « De libraria champ des marques de possession scolarium de Dormano, alias de Belvaco »or. Pour les collèges parisiens, et concerne avant tout les manuselles sont de trois typesos : ex-libris des collèges, ex-dono en faveur des crits : les colophons indiquant que le livre a été copié dans tel ou tel collège. Il existait en effet une activité de copie au sein même des collèges, par les étudiants. On trouve des mentions semblables, plus rares, dans certains imprimés, indiquant qu’ils ont été justement imprimés dans un collège – on pense en particulier à l’exemple du collège de Sorbonne mais il semble ne pas avoir été le seul. C’est toutefois un autre sujet.
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collèges, ex-libris de personnages liés aux collèges (anciens maîtres, anciens élèves) dont on sait par ailleurs qu’ils ont légué tout ou partie de leur bibliothèque aux collèges. Les ex-libris et les ex-dono sont apposés par les établissements eux-mêmes et sont à ce titre particulièrement intéressants pour ce qu’ils révèlent des méthodes de gestion utilisées dans les collèges (soin plus ou moins grand apporté à leur rédaction, utilisation systématique ou non…). Il n’est pas rare qu’un même livre porte plusieurs ex-libris de personnes différentes ou d’une même institution mais d’époques différentes. Les marques de possession ont en effet vocation à être renouvelées à chaque changement de possesseur, barrées, corrigées, réécrites. L’ex-libris (et dans une moindre mesure l’ex-dono) peut ainsi non seulement aider à retracer l’histoire d’un exemplaire donné, mais il peut aussi renseigner sur les différentes périodes auxquelles, par exemple, un collège a effectué des récolements, qui correspondent en général à des périodes clefs de son histoire politique. Pour les besoins de ma thèse j’ai effectué un travail sur les ex-libris du collège des Cholets qui a très nettement mis cela en évidence. Le collège a utilisé au moins cinq sortes d’ex-libris différents au cours de son histoire : un premier ex-libris en latin, vers la fin du xiv# siècle (« Iste liber est de domo de scolarium de Choletis »ot), ot Ex-libris de la fin du xiv# siècle environ, présent par un deuxième, toujours en latin, au xv# siècle (« De collegio Choletorum exemple sur les mss et de Parisius »ou), un troisième en français au tournant des xv# et xvi# siècles la bibliothèque de la Sorbonne. ou Ex-libris de la fin du xv# siècle (« Du college des Chollés a Paris »ov) et deux autres à l’époque moderne, environ, présent sur de nombreux au xvii# et au xviii# siècle (« Ex bibliotheca collegii Choleteorum » et manuscrits : bibliothèque de la « Ex bibliotheca domus Choleteæ »pm). D’après ce que nous savons de Sorbonne, mss , , , , , … Cet ex-libris est placé l’histoire de ce collège, ces dates coïncident avec des changements dans en tête des volumes. la vie et dans l’organisation de la bibliothèque : nouveau bibliothécaire ov Voir la n. ci-dessus. Cet ex-libris est placé à la fin des et décisions du collège d’effectuer un inventaire généralisé de l’ensemble volumes. de ses bienspn. La plupart des volumes subsistants porte les ex-libris de pm Le premier ex-libris date du xvii# siècle, le second du l’Époque moderne qui correspondent aux derniers recensements effecxviii# siècle. Tous deux se retroutués avant la Révolution. Les tout premiers volumes à être entrés dans les vent sur plusieurs volumes subsistants du collège : voir par exemple collections du collège, c’est-à-dire dès le Moyen Âge, portent également à la bibliothèque de la Sorbonne au moins un ex-libris médiéval, même s’il existe un certain nombre de les incunables , , , , , contre-exemples (ouvrages absents au moment des récolements, en prêt et et les manuscrits et . ou oubliés…). Les marques de possession peuvent comme cela aider à pn C’est surtout pour l’Époque préciser la date d’entrée (ou de sortie) d’un volume dans une collection. moderne qu’il existe des correspondances significatives entre Ainsi, l’on sait que certains livres, manuscrits, incunables ou imprimés des événements signalés par les des premières années du xvi# siècle, ont fait partie de la bibliothèque documents d’archives et les exlibris portés sur les manuscrits. d’un collège au xiv#, au xv# ou au début du xvi# siècle uniquement parce Le cas le plus remarquable est que l’on date de cette époque l’ex-libris qui leur a été apposé. Il s’agit alors celui de l’ex-libris du xviii# siècle, apposé vers à une époque où, menacé de dissolution (le collège fut effectivement réuni à celui de Louis-le-Grand en ), le collège prit soin de revendiquer haut et fort son patrimoine. Ce changement se traduit explicitement dans les ex-libris par la substitution systématique du mot « domus » au mot « collegii » qui figurait dans l’ex-libris du xvii# siècle.
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d’une date minimale : les livres étaient peut-être déjà là antérieurement, ce qui est sûr, c’est qu’ils étaient au moins là à ces dates. De la même façon, un ouvrage du collège des Cholets qui ne porte que l’un des trois premiers ex-libris a toutes les chances d’être sorti des collections avant le xvii# siècle. C’est le cas par exemple de deux manuscrits subsistants de ce collège qui, très logiquement, ne se trouvent pas aujourd’hui à la bibliothèque de la Sorbonne avec l’ensemble des volumes réunis à Louis-le-Grand en mais sont conservés à la Bibliothèque nationale de Francepo. Il y a donc une logique des marques de possession très précise, et bien concrète, qui peut permettre de retracer assez finement les pérégrinations d’un livre. Les ex-dono peuvent aussi jouer ce rôle. Ils sont même plus précis po BnF, mss lat. et . Le que les ex-libris car ils donnent non pas une date minimale de présence premier fit partie de la bibliothèque de Pierre de Carcavi, que ce mais la date d’entrée du volume dans les collectionspp. Ils manifestent dernier céda au roi en (cf. S. également la mémoire conservée par un établissement de ses principaux Solente, « Nouveaux détails sur la vie et les manuscrits de Pierre donateurs (étant souvent apposés par les établissements eux-mêmespq) de Carcavi », dans Bibliothèque de et, pour l’historien des bibliothèques, fournissent un corpus de noms l’École des chartes, t. , , p. , [p. -]) et le second fut qu’il est particulièrement intéressant de confronter aux éléments déjà vendu par le collège des Cholets, connus par ailleurs par les documents d’archives. L’ensemble de ces donà une date inconnue, au collège de nées permet ensuite de se livrer à tout un ensemble de recherches d’ordre Sorbonne (voir note du bibliothécaire du collège de Sorbonne au prosopographique (les donateurs sont-ils plutôt d’anciens boursiers de xviii# siècle, sur le manuscrit luicollège ou pas, y a-t-il une catégorie sociale privilégiée, etc. ?). Toutemême). pp Avec plus ou moins de préfois, les ex-dono ne remplacent pas les ex-libris mais les complètent cision car l’année même de la plutôt. Tant qu’un livre reste dans le même établissement, il n’y aura donation est rarement précisée. La forme la plus courante est celle que pas de changement dans son ex-dono initial tandis que, nous l’avons l’on trouve dans les deux exemples vu, plusieurs ex-libris peuvent lui être apposés entre-temps. Par ailleurs, suivants : « Ex dono viri venerabilis et providi, magistri Guillelmi ex-dono et ex-libris ne sont pas les seules marques figurant sur les livres Aubery, hujus domus provisoà prendre en compte pour étudier la gestion qu’a pu faire un collège ris » (bibliothèque municipale de de sa bibliothèque. Les cotes mises sur les volumes sont, par exemple, Berne, ms. , f. vº, ex-dono de la fin du xv# siècle pour le coltout aussi importantes et elles apparaissent dès le Moyen Âge, mais nous lège de Justice), « De dono magissommes là en marge du sujet des marques de possession. tri Petri Delonda, bursarii hujus collegii » (bibliothèque de la SorLes dernières marques de possession pouvant intéresser l’histoire bonne, ms. , f. vº, ex-dono du des bibliothèques de collèges sont celles de personnages ayant légué à xv# siècle pour le collège de Maître Gervais). On trouve également un collège tout ou partie de leur bibliothèque. On connaît dans ces fréquemment des formes mixtes cas-là l’existence de tels legs par d’autres sources que les volumes subsisentre ex-libris et ex-dono : « Pro collegio Choletorum ex legato tants : testaments, inventaires après décès, actes de donation… Quand defuncti magistri Jacobi de Bosco, la marque de possession n’est pas accompagnée d’un ex-libris du collège dum viveret in theologia magistri, decani ecclesie Attrebatensis » (bibliothèque de la Sorbonne, ms. , f. , mention de la fin du xv# siècle, collège des Cholets) ; « Iste liber est de libraria colegii Haricurie, quem legavit eidem collegio vir bone memorie magister Thomas Troucel, doctor in theologia et penitenciarius et canonicus Parisiensis, cujus anima requiescat in pace » (bibliothèque Mazarine, ms. , f. [], mention du xv# siècle, collège d’Harcourt). pq C’est le cas de la plupart des ex-dono. Voir l’exemple donné pour le collège d’Harcourt à la note précédente : il s’agit sans ambiguïté d’une mention écrite par le collège après la mort du donateur.
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marques de possession et histoire des bibliothèques
concerné, ou qu’aucun autre élément ne permet de confirmer que le volume a bien appartenu à la bibliothèque de ce collège, l’attribution de l’ouvrage à l’établissement est toutefois sujette à caution. Elle ne peut être présentée au mieux que comme une hypothèse plus ou moins probable. Néanmoins, il n’est jamais inutile de recenser de telles marques, ne serait-ce que pour proposer des pistes qu’il appartiendra peut-être ensuite à d’autres, sur la foi de documents nouveaux, de confirmer ou d’infirmer un jour. D’une manière plus générale, il peut être intéressant de repérer les livres qui ont appartenu à des membres de collèges, même si ceux-ci, à notre connaissance, ne leur ont pas fait don de leur collection. Ce sont des volumes qui ont fait partie de la « sphère intellectuelle » d’un collège, y ont peut-être séjourné. C’est le cas en particulier des volumes dont on sait qu’ils ont appartenu à une personne pendant le temps de ses études au collège. La question se pose de façon très claire au travers des marques de possession : plusieurs personnages se présentent en effet dans leurs ex-libris comme membres de tel ou tel collègepr. Ce qui fait que, lorsque l’on cherche dans un index ou dans une pr J’ai repéré plus d’une vingtaine d’ex-libris de ce type, sur base de données le nom d’un collège précis, l’on obtient ces ex-libris-là le modèle des quelques exemples dans la liste des résultats. Les volumes sur lesquels ils figurent n’ont sans qui suivent : « Iste liber est de Durando Dandoni, de collegio doute jamais appartenu en propre aux établissements dont se réclament Eduensi […] » (bibliothèque leurs possesseurs mais il est remarquable que ces derniers se définissent municipale de Troyes, ms. , f. vº, mention du xv# siècle, justement par leur appartenance aux collèges. La liste de ces volumes collège d’Autun) ; « Pro Sulpicio peut apporter un éclairage utile sur les lectures des étudiants des collèges, Morel, religioso, collegium Cardinalis Monachi (in)habitante » en-dehors des bibliothèques institutionnellesps. (bibliothèque municipale de Il ne faut pas oublier enfin les marques de possession qui n’ont (a Douai, ms. , premier feuillet priori ou de façon certaine) rien à voir avec la bibliothèque sur laquelle de garde, mention du xv#xvi# siècle, collège du Cardinal on travaille. Elles peuvent elles aussi servir à déterminer à quelle date un Lemoine) ; « Ista Soma est pro volume a quitté une collection donnée, ou à quelle date il n’en faisait pas magistro Guillelmo Masculi, in collegio Lexoviensi commoranti » encore partie, et servent, de façon plus générale, à affiner ce que l’on sait (bibliothèque Mazarine, ms. , de l’histoire d’un livre : en il était entre les mains d’un personnage recto du plat inférieur, mention du xv# siècle, collège de Lisieux). inconnu, en dans les fonds du collège, en à nouveau chez un ps Pour une étude rapide de ces particulierpt. lectures à partir des témoignages des manuscrits subsistants, cf. ma thèse de doctorat, op. cit., t. I, première partie. pt Cet exemple est factice. Ceci n’est pas propre aux seuls volumes subsistants de collèges parisiens et l’on en rencontre de nombreux exemples dans tous les fonds anciens de bibliothèques.
Les marques de possession sont donc d’une grande importance pour l’histoire des bibliothèques, elles sont le premier indice sur lequel on se fonde pour rattacher un volume subsistant à une bibliothèque donnée à une époque donnée. Or, dans le cas précis des bibliothèques médiévales de collèges parisiens, ce n’est pratiquement que par les volumes subsistants que je suis parvenue à identifier les incunables ayant appartenu aux collèges. En effet, si j’ai pu m’appuyer sur l’existence de documents d’archives pour connaître le fonds de manuscrits, la tâche a été beaucoup moins aisée pour les incunables. Ces derniers, nous l’avons vu, sont tout d’abord mal identifiés dans les documents d’archives, en particulier
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les inventaires de livres ou les catalogues de bibliothèques. Seuls les inventaires les plus tardifs (xvii# -xviii# siècles) précisent la date d’édition des livres, et encore pas toujours, et même alors rien ne permet de déterminer la date d’entrée de ces volumes dans les collections (avant ou après ). Les documents plus anciens susceptibles de décrire des incunables (à partir de la seconde moitié du xv# siècle) distinguent rarement et de manière très inégale, y compris au sein d’un même document, les manuscrits des imprimés et encore moins les incunables des autres imprimés. Il existe par ailleurs avec le système des mots-repères indiqués dans les inventaires anciens un élément d’identification précise d’un manuscrit subsistant qui est sans équivalent du côté du livre imprimé. Tout cela contribue à souligner l’importance des marques de possession et, par suite, l’importance qu’il y a à les signaler dans nos catalogues actuels. C’est l’une des conditions de la progression de la recherche dans le domaine de l’histoire des bibliothèques.
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Fig. – BnF, ms. lat. , f. , xv# siècle, Collège des Lombards (cité à la note ).
Fig. – BnF, ms. lat. , f. , xiv#-xv# siècle, Collège de DormansBeauvais (cité dans le texte, références données à la note ).
Fig. – Bibliothèque Mazarine, ms. , f. [], xv# siècle, Collège d’Harcourt (cité à la note ).
Fig. – Bibliothèque de la Sorbonne, ms. , f. , xiv# siècle, Collège des Cholets (cité dans le texte, références données à la note ).
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Fig. – Bibliothèque de la Sorbonne, ms. , f. , xv# siècle, Collège des Cholets (type d’ex-libris cité dans le texte avec références à la note ).
Fig. – Bibliothèque de la Sorbonne, ms. , f. v( xv# siècle, Collège des Cholets (type d’ex-libris cité dans le texte avec références à la note ).
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Fig. – Bibliothèque de la Sorbonne, ms. , f. , xv# siècle, Collège des Cholets (cité dans le texte, références données à la note ).
Fig. – Bibliothèque de la Sorbonne, ms. , f. , xv# siècle, Collège des Cholets (cité dans le texte, références données à la note ).
Fig. – Bibliothèque de la Sorbonne, ms. , f. , xviii# siècle, Collège des Cholets (cité dans le texte, références données à la note ).
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LES INCUNABLES DE LA BIBLIOTHÈQUE MUNICIPALE DE BESANÇON. CATALOGUE, PROVENANCES, MARQUES DE POSSESSION : QUELQUES PISTES Marie-Claire Waille
Ceste Jourdain soit doné a mes très chierz amyes, mère vicaire seur Anthoine de Rougement et seur Marguerite Fornié, de par celle que de bon cuer vous ame, seur Marie Chevaillete, que par grant amour le vous envoie, et s’elle vous povoit faire plus grant cherité de bon cuer le feroit ; en vous priant que me mandés especiallement se vous l’avés receu car je seroie bien désolée s’il estoit perdus. Ex-dono de 1503 sur les Meditationes de Jordanus de Quedlinburg, imprimé à Anvers en 1498 : le livre est envoyé par Marie Chevailler, une des disciples de sainte Colette en Franche-Comté, à l’abbesse des clarisses de Besançon.
e fonds ancien de la bibliothèque municipale de Besançon conserve environ imprimés ; le catalogue est entièrement réalisé et accessible en ligne sur le site de la ville de Besançonn. Il est bien identifié, n Adresse exacte du catalogue : connu des chercheurs, mais encore peu mis en valeur ; adresse du site de la ville : toujours des locaux anciens ; en revanche, les perspectives d’une biblio. thèque numérique se font jour pour - : une politique de numé o Ainsi les dessins du xviii#siècle légués par l’archirisation s’est mise en place depuis trois ans, centrée d’abord sur les fonds tecte Pierre-Adrien Pâris en artistiqueso et les manuscrits. à sa ville natale. Dans ce fonds ancien d’imprimés, les incunables occupent une place p Le fonds d’incunables de Besançon se caractérise entre relativement importante : unités bibliographiques, pour édiautres par le nombre très élevé de tions et volumesp. recueils factices. s
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L’état actuel du catalogue des incunables de Besançon Si certains incunables sont signalés dans les catalogues imprimés thématiques du xix#siècleq c’est le catalogue rédigé par Auguste Castanr de à qui donne une description complète de la collection de Besançon ; il a été publié un an après la mort de son auteur en , par les soins de la Société d’émulation du Doubs. Dans sa communication lors des journées consacrées à Marie Pellechet en , Hélène Richard a rappelé l’extraordinaire originalité intellectuelle de ce catalogue, en avance sur son temps (Castan choisit de relever systématiquement les provenances, ainsi que les filigranes), ainsi que la quantité énorme d’informations qui y est accumulée, tout en signalant qu’il comporte nombre d’imperfections et d’inexactitudes, du fait qu’il n’a pas été relu par son auteur. Mais jusqu’à aujourd’hui cette somme reste irremplaçable. Il est à noter que le catalogue de Castan ne comprend pas la totalité des incunables conservés à la bibliothèque municipale. Quelques incunables qui figuraient dans le fonds général n’avaient pas encore été repérés par Auguste Castans ; il y a eu par ailleurs les entrées postérieures à sa mort, à l’extrême fin du xix#siècle et au xx#siècle surtout : entrées, dont lors des saisies de , dons, un achat, ainsi que de provenance inconnue. Mais surtout, le catalogue Castan, tôt paru en France et extrêmement bien fait, a entraîné à l’instigation de Léopold Delisle des échanges de « doubles » entre la Bibliothèque nationale et la bibliothèque de Besançon : au total incunables de Besançon sont partis à Paris et Besançon a reçu incunables peut-être « pas aussi intéressants que ce que les successeurs de Castan auraient été en droit d’attendre » (je cite Hélène Richard). Le catalogue Castan, qui compte unités bibliographiques, a bénéficié en - de la conversion rétrospective et est accessible en ligne sur le site de la ville de Besançon, ainsi que dans le Catalogue collectif de France. Le choix a été fait de notices courtes, avec une identification rapide des éditions (sans les indications des catalogues de références) et la mention simplifiée des provenances. Les autres éditions entrées à la bibliothèque après la parution du catalogue Castan, dont le catalogage avait été commencé par Hélène Richard, figurent également dans le catalogue en ligne ; elles ont été réalisées suivant les normes adoptées par les Catalogues régionaux d’incunables. Il reste à compléter les notices issues de la rétroconversion. Reprenant celles du catalogue Castan, elles manquent très souvent de précision quant à l’identification de l’éditiont et reflètent l’état des connaissances quant à l’imprimerie au xv#siècle à la date où Auguste Castan les
q Catalogue des livres imprimés de la bibliothèque de la ville de Besançon :Théologie (), Histoire (), Belles-lettres (), Sciences et arts (). r A. Castan, Catalogue des incunables de la bibliothèque publique de Besançon, Besançon : impr. Dodivers, , xx- p. s Un nombre infime : Boèce, De Consolatione philosophiæ, Strasbourg, Johann Prüss, ante III ; éditions de Filippo Beroaldo, dont par Thielman Kerver pour Jean Petit (Declamatio an orator sit philosopho et medico anteponendus, IV ; De Felicitate, III ; De Optimo statu et principe, IV ) et Declamatio an orator sit philosopho et medico anteponendus, Bologna, Benedetto Faelli, XII ; un Dialogus linguæ et ventris, Paris, Étienne Jehannot, circa ; Sandeus (Felinus), Epitoma de regno Apuliæ et Siciliæ, Rome, Johannes Besicken et Sigismund Mayer, post IV . t Parmi elles portent simplement comme indication de date : xv# s.
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a rédigées (nombre de noms d’imprimeurs sont à ajouter, corriger ou préciser ; pour les textes, il s’agit surtout de précisions). Les indications de provenance, quant à elles, sont avant tout à harmoniser et à normaliser. Ce travail sur les notices informatisées va être couplé avec la rédaction du Catalogue régional des incunables de Franche-Comtéu qui doit être achevé fin .
Les provenances des incunables de la bibliothèque municipale de Besançon
u Évaluation fin : notices d’incunables. éditions différentes sont conservées à la bibliothèque de Besançon pour exemplaires. Dans les autres bibliothèques de FrancheComté, sont conservés volumes à la bibliothèque de Dole, à celle de Vesoul, environ respectivement à Salins et à Montbéliard ; pour les autres bibliothèques – Gray, Lons-leSaunier, Saint-Claude, Pontarlier, Arbois, le Service commun de documentation de FrancheComté, la bibliothèque diocésaine de Besançon, la bibliothèque privée de Montmirey –, le nombre d’incunables se situe entre et ). v Editio princeps d’Aristote, - ; Epistolæ diversorum philosophorum, oratorum, rhetorum sex et vingenti, ; Theodore Gaza, Grammatica introductiva, ; les œuvres d’Ange Politien, ; ou le Thesaurus cornucopiæ de . nm Celles de Besançon avant tout (dans l’ordre de l’importance des collections : cordeliers, capucins, dominicains, bénédictins, Grands carmes, carmes déchaux, minimes, oratoriens, antonins et clarisses) et quelquesunes de Franche-Comté (mission diocésaine de Beaupré, carmes déchaux de Saint-Claude). nn L’ordre des Avocats de Besançon dépose en ses collections, avant saisie en somme, où se trouvent incunables.
Les incunables sont entrés à la bibliothèque en trois phases différentes. Dès la création de la bibliothèque publique à la fin du xvii#siècle, suite au legs de l’abbé Jean-Baptiste Boisot en , des incunables figurent dans les collections : ceux de Boisot lui-même () et ceux qu’il a pu racheter aux héritiers de Nicolas et Antoine de Granvelle (), ces derniers bien reconnaissables à la marque gravée que le cardinal Antoine de Granvelle fait apposer à la fin des volumes et aux reliures en maroquin de diverses couleurs réalisées à Venise au xvi#siècle. Si la plupart des incunables Granvelle sont italiens, avec notamment plusieurs éditions aldinesv, les Granvelle se montrent aussi intéressés par les premières impressions incunables (le Catholicon de – GW – imprimé sur parchemin) ; Boisot aussi recherche les éditions aldines (il possède le Dioscoride de et le Firmicus Maternus de la même année), ainsi que d’autres éditions italiennes, au total. Ce premier fonds sera complété au cours du xviii#siècle, alors que la bibliothèque publique, complètement distincte de celle des moines, fonctionne dans l’abbaye bénédictine de Saint-Vincent , par autres entrées (dons et legs). DiM pour cent du fonds actuel date donc d’avant . La Révolution fera entrer à la bibliothèque les collections saisies auprès des communautés religieusesnm, des émigrés comme les Chifflet ou de corporationsnn. Au total, cela représente % du fonds actuel. Le xix#siècle se distingue par une remarquable politique d’acquisition des conservateurs – qui sont restés longtemps en poste : Charles Weiss ans de à et Auguste Castan de à . Ainsi, % des incunables bisontins sont-ils entrés à la bibliothèque entre et . C’est surtout Charles Weiss qui achète, échange et suscite des dons ou legs pour rassembler dans le bâtiment de la bibliothèque que la ville construit de à un ensemble représentatif des premiers temps de l’imprimerie. Il s’agit de compléter le fonds initial, soit
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par des incunables italiens ( % du fonds actuellement), soit par les premières impressions de l’art typographique ou des éditions célèbres qui manquaient, afin de constituer à Besançon une collection de référence. En puis en , entrent par achat de la bibliothèque de l’oncle (l’érudit et bibliophile Nicolas Antoine Labbey de Billy) et par legs du neveu (Aymonet de Contréglise) une soixantaine d’incunables italiens, plusieurs provenant de la bibliothèque des dominicains de Prato. Weiss profite aussi des échanges plus ou moins imposés par la no Das buch vnd leben des hochville entre la bibliothèque publique de Besançon et celle de Montbéliard berumten fabeldichters Esopi, ed. et (en -) pour faire entrer des incunables allemands : un Ésopeno trad. Heinrich Steinhöwel, Strasbourg, Heinrich Knoblochtzer, et une Bible en allemand, l’édition de Mayence () et la Peregri, (, ill. natio in Terram Sanctam de Bernhard von Breidenbach, par exemple. np Pierre François Percy (Montagney, Haute-Saône, – Paris, Il achète auprès de libraires parisiens certains incunables provenant de ), chirurgien militaire, nommé collections prestigieuses (ainsi le Bessarion imprimé à Rome en par baron d’Empire en , qui mit en place un service efficace de Konrad Sweynheym et Arnold Pannartz, et qui a appartenu à Loménie soins d’urgence sur les champs de de Brienne) ; il suscite des dons : en , le baron Percynp lui remet bataille. six incunables, qu’il a vraisemblablement « acquis » lors des campagnes napoléoniennes en Allemagne, dont le premier livre imprimé dans le royaume de France, l’édition des Epistolæ de Gasparino Barzizza, en par Gering, Crantz et Friburger ; en , la descendante d’une grande famille bisontine lègue à la bibliothèque des Heures de Vérard, imprimées sur parchemin et entièrement enluminées, où le calendrier a été remplacé par feuillets manuscrits ornés d’un décor peint d’une grande finesse. C’est à cette politique de Charles Weiss que Besançon doit ses deux éditions de la Commedia de Dante : celle de Nicolò di Lorenzo (), avec les deux gravures sur cuivre attribuées à Balcio Baldini d’après Sandro Botticelli, achetée à la vente Labbey de Billy en ; celle de Venise par Ottaviano Scoto () et celle du Convivio de Florence par Francesco Bonaccorsi (), achetées toutes les deux en .
Marques de possession Au-delà de la question de la constitution du fonds bisontin actuel, la plupart des incunables de Besançon portent au contreplat supérieur, sur les feuillets de garde, au titre, des ex-libris, paraphes, mentions de rubrication…, que Castan a si soigneusement relevés pour son catalogue, et qui permettent de retracer l’histoire de certains d’entre eux. Je citerai simplement quelques exemples, qui laissent apercevoir les utilisateurs de ces ouvrages à des dates proches ou relativement proches de leur parution, et permettent éventuellement de dater une impression ou de donner des indications sur l’économie du livre au xv#siècle.
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Le fonds de Besançon comporte une seule mention de rubrication explicitement contemporaine de l’édition : dans les Décrétales de Grégoire IX imprimées en par Anton Koberger, qui appartenaient au xviii#siècle aux Grands carmes, figure une indication datée de : « Rubricatum per me uldaricum hueber licenciatum juris canonici et pupillum in trago so anno Domini 8ij », mais cet étudiant Ulrich Huber reste pour le moment inconnu. Les anathèmes et menaces face à l’éventualité d’un vol sont inexistants ; apparaît à plusieurs reprises en revanche au xvi#siècle la promesse nq Sur : Pseudo-Hieronymus, Vitæ sanctorum Patrum, d’un paiement en vin si le livre est rendu : « Ce present livre appertenant Venise, Ottaviano Scoto, au convent des freres prescheurs de Besançon qui le retrouverat sy le II /. nr Sur : Cordiale quattuor novisrende et je payra le vin a la mesure de Jacobins »nq ; « Ces presentes livre simorum, Genève, Louis Cruse, est a moy Denis Rigauld de Dompre filz de Anathoile Rigauld je prie que circa . ns Sous la date d’impression, ceuz ou celle qui le treuveront qui les me rende et je luy paieray son vain « Eodem anno empta et bisuncii a la mesure des jacopin [jacobins]»nr. apportata per me S. Boulet », avec ses armes parlantes (trois Certains ex-libris et diverses mentions permettent de retracer le paschampignons bolets). sage d’un ouvrage de main en main : la bibliothèque a acheté en l’édition d’Avicenne donnée par Pierre Maufer à Venise en ; l’exemplaire est imprimé sur parchemin et enluminé. Il comporte une mention manuscrite de la capture de François I#) à Pavie, ce qui atteste sa présence en mains comtoises dès la fin des années , car ce sont des Comtois au service de Charles Quint qui ont capturé le roi de France. Puis de la fin du xvi#siècle jusqu’au milieu du xviii#siècle, se succèdent les ex-libris qui illustrent la transmission familiale régionale de cet incunable : Antoine Dumolin de Pontarlier le donne en à son gendre Jean Robinet qui le transmet en au médecin Vuillemin de Nozeroy ; celui-ci en fait don à son gendre Jacques Domet d’Arbois ; l’ouvrage reste dans la famille Domet, puisqu’en un Domet l’offre à Pierre Étienne Bergeret, auquel un médecin de Besançon, Joseph François Gros, l’achètera en . Sur un Malleus maleficarum d’Institoris et Sprenger, imprimé par Peter Drach à Spire vers , figure au titre, à l’encre rouge, cet ex-libris : « Istum librum habui ego Guillermus grevillardi presbiter ab uxore mychælis furter impressoris basiliensis precio quinque solidorum anno quo studebam ibidem et parum ante subdiaconatum et ante magisterium in juribus » ; ses feuillets de garde sont formés de feuillets d’épreuves d’imprimerie de la fin du xv#siècle, certains avec des corrections. Si l’on peut retenir, comme le fait Castan, l’indication que l’épouse de l’imprimeur bâlois Michael Furter tenait boutique de libraire, il reste à identifier ces feuillets isolés : production de Furter ou d’un autre imprimeur ? Deux Bisontins firent à la fin du xv#siècle le voyage d’Italie et en rapportèrent des livres. Étienne Boulet, chanoine régulier à l’abbaye Saint-Paul où il est vestiarius, achète à Rome l’année même où elle est mise en vente, en , une Bible vénitienne imprimée par Leonhard Wild pour Nicolaus de Franckfordians. En , il se procure à Besançon les Sermones quadragesimales de poenitentia de Roberto Caracciolo, imprimé l’année précédente à Lyon par Nicolaus Philippi et Marcus Reinhart. Boulet utilisera cet exemplaire pendant plu-
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sieurs années pour y consigner en latin divers événements historiques, datés de (f. , sur des désordres climatiques et une épidémie en Franche-Comté), de (f. -, sur l’expédition d’Italie de Charles VIII) et de (f. , sur l’incendie de Lons-le-Saunier). On peut suivre ensuite le don du livre au cordelier Jean du Port en à l’occasion de sa première messent, puis sa transmission à d’autres religieux du même couvent (Jean d’Arguel ; en Gaspardus Regis, originaire de Bruges ; Lobet) avant qu’il ne soit définitivement inscrit au xvii#siècle au catalogue de la bibliothèque des cordeliers. Un autre Bisontin du xv#siècle se révèle fort intéressantnu : Claude Loys, fils d’un notaire originaire de Port-sur-Saône, installé à Besançon, est né vers - ; il fait des études de droit canon et de droit romain en Italie, à Pavie puis à Rome, de à . Revenu à Besançon vers , il sera conseiller au Parlement de Dole, co-gouverneur de la cité de Besançon et mourra en . Ses devises (« Virtuti fortuna comes » et « En passant temps »), son paraphe ou ses armes (un chevron chargé en cime d’une étoile), ainsi que les dates d’achat figurent sur les quinze impressions incunables qu’il possède, réunies en six volumes. On peut distinguer deux phases dans ses acquisitions. Tout d’abord les livres qu’il achète alors qu’il est étudiant en Italie. Il s’agit d’éditions d’auteurs contemporains ou disparus depuis peu, imprimés pour la plupart à Rome, de livres qu’on qualifierait aujourd’hui de brochures ( à feuillets), de format in-octavo, livres peu onéreux qu’un étudiant peut s’offrir. Il les annote abondamment et les réunit en un recueil factice de pièces. On y trouve deux éditions d’Enea Silvio Piccolomini, l’Epistola de curialium miserianv et le De Duobus amantibus Euryalo et Lucretia suivi de l’Epistola de remedio amoris (Rome, Stephan Plannck, ) ; le De Duobus amantibus de Leonardo Bruni (-) dont l’imprimeur, Ulrich Han, peut être identifié grâce aux deux distiques latins que Loys écrit au recto du dernier feuillet blanc ; le De Poetica virtute d’Antonio Mancinelli (-), attribué à Andreas Fritag et là aussi daté grâce à la mention d’achat de ; le De Memoria de Mattiolo Mattioli (mort vers ), qui est imprimé par Bartholomaeus Guldinbeck vers -om ; les Exercitatiunculæ de Francesco Filelfo (-) dont Christoph Valdarfer achève l’impression à Milan le septembre (Loys l’achète à Pavie le juin ). Seule acquisition d’un prix sans doute plus élevé : l’achat en de l’édition donnée par Giovanni Filippo La Legname en de l’Italia illustrata de Flavius Blondus. De retour à Besançon, alors qu’il devient un notable, il se tourne logiquement vers la production lyonnaise et germanique, plus accessible dans sa cité natale, et achète désormais des in-quarto et des in-folio, conformes à son statut : une Bible latine en volumes imprimée par Petri et Froben à Bâle en , acquise en ; les Epistolæ de Carolus Manneken imprimées
nt « Hoc venerabile opus et volumen non abutendo sed gratis et pro deo in elemosiman obtuli paupero religioso fratri Johanni de Portu in celebratione prime sue misse in suo conventu fratrum Minorum bisuntinorum die dominica de Judica me anno domini millesimo quingentesimo decimo sexto s. boulet. Orate pro me frater », « Istud volumen est ad usum fratris Johannis de portu quod de beneplacito domini Stephani Boullet vestarii et religiosi monasterii sancti pauli sibi colato in celebratione sue prime misse videlicet dominica de passione que fuit xxix marcii anno domini millesimo quingentesimo xvii# ». nu Je remercie Marie-Elisabeth Boutroue pour une discussion très stimulante sur ce personnage. nv La mention d’achat en à Rome dans l’exemplaire de Besançon, ajoutée à celle de l’exemplaire du Wellesley College (Massachusetts) qui porte une mention d’achat du mai , permet de dater cette impression de Bartholomaeus Guldinbeck. om Loys l’achète le décembre (ce qui donne un terminus ante quem) et l’annote jusqu’en mars .
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à Lyon en ; le Trentenarius de Grégoire I#) (édition lyonnaise de ) où il ajoute dans le calendrier diverses mentions qui tiennent du livre de raison (obit de sa mère, de son père, dates relatives à la liturgie bisontine…) ; et surtout il achète à Besançon en , ans seulement après sa parution, un exemplaire du prestigieux Liber chronicarum de Schedel, imprimé par Koberger en à Nurembergon. on Ex-libris : « C. Ludovico juris utriusque doctori civi Bisuntini La bibliothèque de Claude Loys est dispersée après sa mort ; une parsuisque posteris pleno jure spectat. tie se retrouve dans celle de la famille Chifflet de Besançon, l’autre dans Virtuti fortuna comes. vigilia S. Symonis et Jude apostolorum les collections de divers ordres religieux. Un autre incunable lui ayant precio s. in civitate Bisuntina appartenu vient d’être repéré à la bibliothèque municipale de Vesouloo. a pageoti mihi comparavi ». La Franche-Comté conserve, repérés à l’heure actuelle, exemplaires de cet incunable : de l’édition latine ( à Besançon, à Vesoul qui provient de l’abbaye bénédictine Saint-Pierre de Luxeuil), de l’édition allemande, à la bibliothèque municipale de Montbéliard. oo Le Summa casuum conscientiæ de Baptista de Salis (Novi, Nicolò Girardengo, ), que l’on retrouve acheté en par l’abbaye de Faverney en Haute-Saône.
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COLLECTIONS & COLLECTIONNEURS D’INCUNABLES EN PROVENCE-ALPES-CÔTE D’AZUR Xavier Lavagne
e volume consacré aux incunables conservés dans les bibliothèques de Corse et de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur ne sera sans doute pas publié avant la fin de cette année, mais on peut néanmoins avoir dès maintenant une idée sur les collections et les collectionneurs d’incunables de la région administrative actuelle PACA. Les principaux « dépôts » actuels, comme on s’en doute, sont les bibliothèques municipales classées : Avignon (livrée Ceccano) annonce plus de incunables, la Méjanes à Aix environ , Nice environ , l’Inguimbertine à Carpentras , Marseille . On tombe alors à de « petits » fonds de incunables ou moins, conservés dans des établissements semi-publics comme l’abbaye de Ganagobie ( unités), le Musée Arbaud à Aix (), le Château de Lourmarin ( incunables, dont deux exemplaires du Breydenbach de Spire, ). On trouve un ouvrage isolé à Gap (Archives départementales), à Tarascon (Archives municipales, dernier survivant d’une collection qui atteignait la douzaine à la fin du siècle dernier), à Sisteron (Bibliothèque municipale), à Vence (Trésor de l’ancienne cathédrale). Abrégeons… Dans la plupart des cas, il s’agit de livres qui proviennent de confiscations révolutionnaires. On ne s’étonnera donc pas de trouver parmi les possesseurs anciens de ces incunables, des monastères, des communautés religieuses diverses, et, mais à un moindre degré, des possesseurs privés. En tête de ces bibliothèques monastiques, les plus riches sont les dominicains d’Avignon, les célestins de Saint-Pierre de Luxembourg dans la même ville, les célestins de Saint-Martial de Gentilly à Sorgues (livrée Ceccano d’Avignon). Viennent ensuite, à Nice, les dominicains
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encore, puis les franciscains. À Marseille, les oratoriens avaient une assez belle collection, et, à Aix, les minimes (ceux-ci grâce au legs de Pierre-Joseph de Haitze). Il faudrait continuer l’énumération en citant un certain nombre de couvents arlésiens, tarasconnais (une partie de ceux-ci a abouti à la BM de Marseille), toulonnais. Et l’on s’étonnera, bien sûr, de la pauvreté d’abbayes célèbres (un incunable provenant de Lérins, trois provenant de Montmajour). Parmi les particuliers, possesseurs de tels livres, on trouve trois « grands » noms : un Barbarus appartint en à Beatus Rhenanus (la Méjanes à Aix ; on ignore comment il y est parvenu) ; un autre Barbarus fut, lui, à Grolier (Marseille) ; un Perottus fut, sans doute, à Nostradamus (Toulon). Signalons la manière dont la Méjanes s’est enrichie au début de ce siècle. Un diplomate, Auguste Pécoul, donna plus de trente incunables (la plupart d’origine italienne), avec des milliers d’ouvrages plus récents mais non moins rares. Parmi les collections de possesseurs anciens, celle du marquis de Méjanes est difficile à évaluer car ici, contrairement à son habitude, ce bibliophile averti n’a pas toujours écrit à la garde de l’ouvrage la provenance et le prix du livre : seulement, sur l’ensemble des incunables de la bibliothèque municipale classée d’Aix, portent de telles mentions. Monsieur de Méjanes craignait-il que son épouse lui reprochât les sommes qu’il engloutissait dans de tels achats ? N’a-t-il pas eu la possibilité d’écrire la moindre note ? Ses « outils bibliographiques de base » lui faisaient-ils défaut ? Il nous reste de lui des indications précieuses… et d’autres qui nous prouvent que la bibliographie des incunables a fait des progrès depuis deux siècles : à propos d’un Cordiale quatuor novissimorum (Poitiers, Jean Bouyer, circa ), il note, d’une manière désinvolte : « jay une autre édition du même ouvrage conforme a celle-ci par les caractères gothiques et par le défaut de date et d’indication de lieu mais les pages ne se répondent pas ce qui prouve incontestablement la différence des deux éditions… ». Mieux encore : ce bibliophile averti, qui a sous la main beaucoup de catalogues de ventes sur lesquels il a reporté les prix, écrit froidement à la garde d’un Etymologicum magnum Græcum, édition vénitienne de , une phrase qui nous étonne : « Édition originale et très rare… », mais Pellechet en signale exemplaires en France, et Goff (third census) en connaît aux États-Unis ! On en dirait autant du Politianus, sorti en des presses d’Alde Manuce, qui figure aussi à l’Inguimbertine et à Nice, dont Pellechet signale exemplaires à Paris, dont Goff recense exemplaires aux États-Unis et IDL, aux Pays-Bas. Méjanes écrit à son sujet : « acheté de M. Bailli libraire (à Paris) en £ s. Très rare… ». La collection de Mgr d’Inguimbert, on s’en doute, provient en grande partie d’Italie, mais pas uniquement : ce prélat, pendant le quart de siècle qu’il passa outre-monts (-), avait pu voir bien des merveilles bibliophiliques, et en acquérir beaucoup. Certains des ouvrages de sa collection, sont des exemplaires de dédicace, avec un très beau décor, et parfois les armoiries du dédicataire (tel le Bessarion qui fut à l’évêque Sacrati au milieu du xvi# siècle). Mais d’Inguimbert avait aussi beaucoup acheté, après son arrivée dans le Comtat, et en particulier la collection des présidents Thomassin de Mazaugues, père et fils, qui avaient l’habitude d’inscrire le lieu de leur achat (souvent à Grenoble d’ailleurs), à la fin de l’ouvrage.
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collectionneurs d’incunables en provence
Certains incunables présentent une belle généalogie de possesseurs, et les mentions manuscrites qui nous renseignent sur ces possesseurs, nous donnent aussi des indications sur les « circuits » du livre, les circuits officiels et les circuits parallèles. Le marquis de Méjanes a acheté au moins incunables du marquis d’Aubaïs au libraire de Grenoble, Brett, qui était chargé de la vente de cette belle bibliothèque ; mais sur un autre des incunables provenant de Charles de Baschi, il indique qu’il l’a acheté à M. Seguier, de Nîmes… Et les incunables deviennent objets de troc. Citons seulement ce que Méjanes écrit sur les Argonautica d’Apollonius de Rhodes, édition florentine de : « Exemplaire de la bibliothèque Turretine acheté sur le pied de £ ayant donné en échange le de Thou édition de Londres v folio relié en veau, en décembre , de Mrs les frères de Tournes à Geneue. Edition originale et de la plus grande rareté. Elle a été vendue £ à la vente de M. Askew en … » Quatorze, au moins, des incunables sur lesquels Méjanes a inscrit une mention, proviennent de La Vallière, et celui-ci, on le sait, avait lui-même acheté beaucoup dans de grandes ventes. C’est sans doute ainsi que le fameux Michault, Doctrinal du temps présent, qui fut au comte de Lauragais, est arrivé à Arles chez Méjanes, puis à Aix. Et ce Doctrinal conduit bien sûr à parler des reliures de ces incunables conservés en Provence. Car il est pourvu d’une magnifique reliure mosaïquée, dont Louis-Marie Michon faisait grand cas. Mais ces livres, dans leur ensemble, ont des reliures assez courantes. Il reste encore, bien sûr, à l’Inguimbertine de Carpentras et ailleurs, quelques incunables dans une reliure qui l’est sans doute elle aussi, avec des coiffes très débordantes, des tranches et coupes à ras. C’est le cas, en particulier, de l’Etymologicum magnum Græcum de la Méjanes, déjà cité. Rappelons qu’à Marseille il y a un « vrai » Grolier (sur le Barbarus, Rome, /). Quant aux « matières », ce sont assurément les livres qui relèveraient de la classe « théologie » qui sont, et de loin, les plus nombreux, au moins la moitié de l’ensemble. Parmi les livres liturgiques, signalons quelques raretés, comme le Bréviaire d’Aix (à la Méjanes), celui d’Autun (à Marseille), le Missel de Lyon, et plus encore celui de Salisbury, imprimé à Venise en , (à l’Inguimbertine). En rangs serrés, l’on trouve partout les Pères de l’Église, surtout Augustin (pas moins de six éditions différentes du De Civitate Dei) et Grégoire le Grand. Et l’on trouve également tous les auteurs ecclésiastiques, connus, moins connus, voire méconnus, de Pierre Lombard (avec nombre de commentateurs) à Antoninus Florentinus et quelques autres prélats et religieux ! Nice présente un très grand nombre d’Orationes (sorties le plus souvent des presses de Stephan Plannck), prononcées devant les papes ou les membres de la curie romaine, dans les quinze dernières années du xv# siècle. Avignon et Nice ont beaucoup de livres de cette classe : Théologie. La Méjanes et l’Inguimbertine ont, elles, plus de livres de littérature de l’Antiquité classique ou post-classique : César, Cicéron, Sénèque, Suétone, Valère-Maxime, etc., sont là, dans les belles éditions romaines de Sweynheym et Pannartz, et dans d’autres postérieures.
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Les ouvrages en langues populaires sont moins nombreux : peu en français (Bouvet, dit Bonnet ou Bonnor, Meschinot Les lunettes des princes, Millet La destruction de Troie), moins encore en italien. Signalons, en italien, le magnifique Portolano conservé à Marseille ; en catalan, le très curieux Llibre de les dones () de Franciscus Ximenes appartenant à la même bibliothèque, avec au titre la gravure sur bois montrant l’auteur dictant, face à son public féminin ; ou le Bernardus de Gordonio, Lilium medicinae, en castillan malgré son titre latin, édition sévillane de qui est un des fleurons de la collection de l’Inguimbertine ; Nice conserve une impression turinoise de , qui est le premier livre en nissard : Francesco Pellos, Compendio de lo abaco. On verra bien quelles surprises nous apportera le catalogage des derniers incunables d’Avignon et de Carpentras !
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LES INCUNABLES DU MARQUIS DE PAULMY Martine Lefèvre
a collection d’incunables de la Bibliothèque de l’Arsenal a une double origine : d’une part, la bibliothèque constituée dans la seconde moitié du xviii#siècle par le marquis de Paulmy, d’autre part les confiscations révolutionnaires. L’abondance des sources concernant la collection de Paulmy a conduit à centrer cette étude sur le fondateur de la bibliothèque de l’Arsenal. Un nombre appréciable de documents est en effet parvenu jusqu’à nous : au premier rang d’entre eux, le catalogue, en volumes in-folio, enrichi de nombreuses notes du collectionneur et de ses bibliothécairesn. La correspondance échangée entre Paulmy et son n Ms. à . secrétaire, le registre des ouvrages envoyés à la reliure offrent également de précieux témoignages sur la vie de la collection. Enfin, il ne faut pas négliger les livres euxmêmes, qui par leur cote ancienne ou leurs annotations signalent leur appartenance au fonds primitif de l’Arsenal. Avant d’étudier les incunables du marquis de Paulmy, il convient de dire quelques mots de la personnalité du collectionneur. Celui-ci, de taille médiocre, doté d’un visage ingrat, semble bien avoir mérité le sobriquet de « Petite Horreur » que lui avaient donné ses contemporains. Né en , il était le fils du marquis d’Argenson, ami de Voltaire et ministre des affaires étrangères de à . Il poursuivit parallèlement une carrière littéraire et une carrière politique. Passionné de théâtre et de musique, il écrivit quelques pièces en collaboration avec Favart, composa des vers, fut élu à l’Académie française en . En même temps, il mena une carrière publique, fut d’abord ambassadeur en Suisse de à avant de succéder à son oncle le comte d’Argenson comme ministre de la guerre en ; de à , il fut
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ambassadeur en Pologne, puis après à Venise. En , il rentra définitivement à Paris et se consacra entièrement à sa bibliothèque jusqu’à sa mort en . Le noyau de la collection fut formé par un legs de mille livres fait par le comte d’Argenson à son neveu. Paulmy choisit les manuscrits les plus précieux, dont certains, tels Renaut de Montauban, étaient prisés livres. Mais il jeta également son dévolu sur quelques incunables, comme une Légende dorée in folio de o, o Fol. H Rés. p Fol. H ou fol. H . Ms prisée livres, ou un Denys d’Halicarnasse, in folio, relié en maro, f. v(. quin, prisé livresp. q N(. Le marquis accrut sa collection grâce aux ventes aux enchères. La correspondance qui lui est adressée en -, alors qu’il est ambassadeur à Venise, donne une idée des prix atteints en vente publique par les incunables. Le janvier , le secrétaire Soyer écrit au marquis : j’ay l’honneur d’envoyer à Monseigneur la liste des livres que je luy ay acquis dans cette troisième semaine de la vente de M. le Duc de La Vallière. Il n’y en a que deux que je n’ay pas pu avoir […] [Le deuxième] était les commentaires de Servius Maurus sur Virgile, édition princeps sans datte. Mon oncle l’avoit estimée ll. et il a été vendu ll. s. Je serai peut-être plus heureux dans la semaine où nous allons entrer […].
Et le février , il poursuit : Voicy la note de ce que j’ay acquis dans cette cinquième semaine à la vente de M. le duc de La Vallière. Les choses continuent à s’y vendre à un prix fou. La Destruction de Troyes par personnages de a été vendue et tant de livres. Je n’ay pas excédé mon prix de ll. parce que cela ne valoit pas davantage.
Mais c’est un prix exorbitant – livres – qui est atteint par la Bible de Mayence, désignant l’édition donnée par Fust et Schöffer en . À titre indicatif, à la fin du xviii#siècle, un journalier gagnait une livre par jour tandis qu’un travailleur qualifié pouvait atteindre un salaire de quinze livres dans une bonne semaine. Le octobre , Soyer avait donné une commission à livres pour acquérir la Bible de Mayence dans une vente publique de Leyde. En même temps, il tentait vainement d’acquérir un autre exemplaire à la vente du duc de La Vallière. Le janvier , il écrit : Dans tout ce qui étoit sur le catalogue, il n’y a eu que la Bible de Mayence que je n’ay point eue. Mon oncle l’avoit portée à ll. parce qu’elle étoit sur papier. Cependant, il s’est trouvé là un M. Girardot de Préfonds qui l’a payée ll. Il avoit pour concurrent un homme chargé d’une commission pour un évêque portugais qui luy a fait payer ce prix. Quelle folie ! M. de La Vallière gagne sur cet article ll. parce qu’on m’a dit qu’il ne l’avoit payée que ll. aux Jésuites. M. Girardot de Préfonds vient d’hériter de livres. Il est dangereux qu’il veuille un livre qu’on désire.
Cette somme de livres ne constituait cependant pas l’enchère la plus élevée pour cette édition puisque le catalogue publié par De Bure en indique que le duc de La Vallière avait acheté son exemplaire livres à la vente de Gaignatq.
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Un autre témoignage du prix élevé des éditions du xv#siècle est donné par une note du catalogue concernant le Missel mozarabe, publié à Tolède le janvier r : Le missel et le bréviaire mozarabe sont très rares, mais le bréviaire surtout. Ils ont été estimés mil écus à la vente de M. de Boze et de Bure le jeune a offert cette somme de ces deux volumes-cy ; effectivement, à la vente de la bibliothèque Colbert, ils ont été vendus ll.s
r HC . s Ms. f. v(. t Ms. f. v(. u Bulletin du bibliophile, , , p. -.
Paulmy procéda également à des acquisitions auprès de particuliers ou de communautés religieuses. Ainsi, il avait acheté une édition du De Re militari de Valturius auprès d’un certain sieur de La Chapelle, qui consulte la bibliothèque en t. De même, son exemplaire de la Bible publiée en par Gering, Crantz et Friburger provient du couvent des célestins de Paris. Le marquis eut le souci de la bonne conservation des incunables qu’il avait acquis et confia un bon nombre d’entre eux au relieur. Sur incunables reliés entre les années et , sont recouverts de maroquin. Il s’agit d’éditions publiées entre et . Les incunables reliés en veau – veau fauve, veau marbré ou veau écaille –, parfois dorés sur tranche, ont des dates postérieures à . Cinq ouvrages, principalement des sermons, sont recouverts de demi-reliures, tandis que pour éditions la matière de couvrure n’est pas précisée. Le tissu, qui semble réservé aux manuscrits, n’est jamais employé. La seule restauration qui soit mentionnée dans le Livre du relieur concerne la Bible de Mayence. Le mémoire indique lettres rétablies et d’autres petites réparations pour un montant de livres ; l’intervention du restaurateur du xviii#siècle, quoique discrète, reste visible dans l’exemplaire coté Fol. T . En revanche, la plupart des incunables conservés dans le fonds ancien de l’Arsenal présentent une pièce de titre portant la date d’édition, signe d’une attention particulière du collectionneur à l’histoire de la typographie. Mais le marquis de Paulmy ne fit pas systématiquement relier les éditions qu’il avait acquises. Contrairement au duc de La Vallière qui brisa nombre de reliures anciennes, Paulmy respecta les recueils, ce qui ne facilitait pas le classement méthodique quand les différentes éditions traitaient de sujets différents. Il conserva plusieurs reliures quand celles-ci étaient en bon état. L’article que Sabrina Le Bris a consacré au Livre du relieuru montre que les moyens du marquis n’étaient pas illimités et que le collectionneur eut surtout le souci d’assurer une protection solide et simple à ses nouvelles acquisitions. Le Livre du relieur mentionne beaucoup d’éditions latines, qu’il s’agisse de classiques de l’Antiquité, de textes sacrés, de Pères de l’Église, ou de grammaires. Les textes français, qui apparaissent en , peut-être à la suite de l’achat de la bibliothèque du baron d’Heiss, restent rares, puisqu’on en dénombre seulement huit. Mais le meilleur moyen d’apprécier le contenu de la collection reste le catalogue de la bibliothèque, disposé selon les cinq grandes classes des libraires parisiens. Celui-ci recense incunables datés, soit en Théologie, en Jurisprudence, en Sciences et arts, en
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Belles-Lettres et en Histoire. À ces chiffres, il conviendrait d’ajouter tous les incunables ne portant pas de date d’édition, qu’il est difficile d’évaluer faute de catalogue. Un sondage réalisé en magasin montre que pour la seule Théologie, le chiffre passe de à , en incluant les sans date, et à , en ajoutant les ouvrages achetés à la cinquième vente du duc de La Vallière, recensés par le libraire Nyon, et acquis en bloc par Paulmy en . La théologie n’était certes pas le domaine qui intéressait le plus un grand seigneur du xviii#siècle, et Paulmy s’en explique dans la préface de son catalogue : en réduisant à ou volumes la première portion [Théologie] d’une bibliothèque d’environ volumes, on conserve ainsi les douzièmes pour la partie la plus analogue à l’état et au goût du propriétaire.
Le collectionneur s’attache avant tout à réaliser une « véritable bibliographie instructive sur toutes sortes de matières ». Et c’est en bibliographe que le marquis décrit les bibles latines, les missels, les heures et les bréviaires ; il confronte ses exemplaires aux descriptions données par les libraires, classe les éditions, signale leur rareté, apprécie la beauté des illustrations ou des caractères ; peu importe le contenu du livre, qui fait v HC . nm Fol. T , sur papier, fol. T parfois l’objet d’un jugement négatif, tel le Mammotrectus de Johannes sur vélin et peut-être fol. T sur Marchesinus, Venise, Jenson, v : « l’ouvrage est assez mauvais en vélin, vendu par l’abbaye de Gladlui-même, l’ancienneté de l’éditon fait son mérite ». bach en . L’ancienneté de l’édition est en effet ce qui intéresse le collectionneur au plus haut point. La Bible de Mayence est l’objet d’un immense engouement à cette époque. Déjà, dans le catalogue de la vente du marquis de Ménars, publié à La Haye en , le libraire avertit le public que l’édition de sera vendue à part, immédiatement après les manuscrits de théologie in-folio. Paulmy possédait au moins deux exemplaires, sinon trois de cette biblenm. Il place cette édition en tête des bibles latines, en se référant à la description donnée par le Père Jacques Le Long dans la Bibliotheca sacra, publiée pour la première fois en : Hæc est prima et extans omnium Bibliorum impressorum editio quæ licet rarissima est, attamen novem ejus exemplaria in membranis excusa […]. Referuntur a variis scriptoribus editiones aliæ Moguntinæ vetustiores, nempe Latine annorum , , et Germanice , , , . Has omnes tanquam spurias nec æram temporis designatam habentes penitus omisi.
Dans sa Bibliographie instructive publiée en , Guillaume-François de Bure consacre six pages à la description de la Bible de Mayence : l’on connoit assez, dans la République des Lettres, cette fameuse production de l’art de l’imprimerie, ouvrage célèbre de Jean Fust et de Pierre Schoyffer, connu parmi nous sous le nom de Bible de Mayence. Sa rareté est considérable et les prix exorbitans auxquels les curieux en font acquisition, en sont des preuves assez sensibles. Son exécution, qui est en lettres gothiques, est fort belle, et pour être une des premières productions de l’art naissant de l’imprimerie, elle ne laisse pas d’avoir des beautés particulières, qui se font aisément remarquer par les gens de l’art.
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Contrairement à Le Long, De Bure ne considère donc pas cette édition comme la première bible imprimée. En effet, il recense sous le nº la Bible de Gutenberg conservée à la Bibliothèque Mazarine, qu’il décrit en ces termes : editio primæ vetustatis, æneis caracteribus, absque loci et anni nota, sed typis Moguntinis Johannis Fust evulgata : opus longe rarissimum, cujus Parisiis adservatur Exemplar in Bibliotheca Mazarinea. vol in fol. Le pur hazard nous a fait découvrir cette précieuse édition de la Bible, que nous annonçons au public, sous ce titre ; et nous ne balançons pas un seul moment à lui accorder le premier rang, non seulement sur toutes les bibles, mais encore sur toutes les éditions des livres. Nos recherches nous ayant conduits dans la Bibliothèque Mazarine ou du Collège des Quatre Nations, nous n’avons pas peu été surpris d’y trouver cette première et célèbre production de l’imprimerie, qu’un simple mouvement de curiosité nous fit ouvrir. L’on sait les disputes qui se sont élevées depuis longtemps parmi les bibliographes les plus célèbres, au sujet d’une édition de la Bible, imprimée entre les années et , qui a été regardée par les uns comme effective, et par les autres comme une chimère, puisqu’il n’en existoit aucune preuve […]. M. Chevillier a remarqué que, quoiqu’il ne restât plus aucun vestige de cette Bible, on devoit pourtant (si réellement elle eût existé), lui accorder le premier rang entre toutes les Bibles et M. Prosper Marchand, dans son Histoire de l’imprimerie a été plus loin encore, ayant ajouté qu’on devroit la regarder comme le premier livre imprimé. L’exemplaire que nous indiquons peut servir de preuve à ces faits avancés.
Paulmy, quant à lui, ne prend pas parti, pas plus qu’il ne se prononce sur la ville qui a vu naître l’art typographique. Dans la section de son catalogue consacrée à l’histoire de l’imprimerie, il mentionne le débat opposant les partisans de Haarlem à ceux de Mayence. Lotte Hellinga a retracé les péripéties de cette querellenn, qui se prolonge en nn Die Coster-Frage, dans Der plein xviii#siècle avec l’ouvrage de Gerard Meerman, Origines typograGegenwärtige Stand der Gutenphicæ, La Haye, . berg-Forschung, Stuttgart, Hiersemann, , p. -. Sans doute la primauté accordée à la Bible de tient-elle au fait qu’elle est datée. Face aux éditions sans lieu ni date, Paulmy tente d’identifier la ville et l’imprimeur en observant le papier et la forme des caractères. Ces tentatives restent limitées et prudentes si on les compare aux notices rédigées par le libraire Nyon, datant avec un bel entrain la plupart des éditions sans date du duc de La Vallière « circa ». L’attention portée aux débuts de la typographie se traduit encore par les mentions notées en marge des incunables : « vetus editio », « editio antiqua », « editio primaria », « editio princeps » ou encore « édition gothique » lorsque le caractère le justifie. D’ailleurs, cette dernière dénomination concerne également des ouvrages bien postérieurs à l’année . À la suite de la notice, un commentaire souvent très approfondi permet de connaître l’appréciation du collectionneur. Avant tout, Paulmy confronte son exemplaire aux descriptions données par les bibliographies ; parmi celles-ci, la Bibliographie instructive du libraire De Bure s’impose comme la bible des collectionneurs de la seconde moitié du xviii#siècle. Mais le marquis ne suit pas toujours les avis de la bibliographie, à propos de laquelle il écrit : « [ce livre] sert […] d’oracle pour les libraires pour vendre cher et aux curieux pour désirer les livres qu’il a mis à la mode ».
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Outre la Bibliothèque du Père Lelong déjà citée, Paulmy se réfère encore à l’Histoire de l’imprimerie de Chevillier, aux Annales typographiques de Michel Maittaire publiées à La Haye en , à la Bibliotheca Græca de Fabricius, aux répertoires de La Croix Du Maine ou de l’abbé Goujet. Cependant, le collectionneur ne s’intéresse pas aux incunables uniquement du point de vue de l’histoire de l’imprimerie. Quelques annotations montrent que Paulmy est sensible à la beauté de la typographie ; à propos d’une édition vénitienne de no, il écrit : « cet ouvrage est magnifiquement bien imprimé tout en grec. Les caractères sont très nets, le papier beau, les marges larges sont chargées de quelques scholies manuscrites bien no Ms. , f. r( n(. écrites ». Parfois, il apprécie les gravures sur bois, parfois il les juge gros np Dialogus creaturarum, Anvers, . sières, voire très ridiculesnp. Ses appréciations, tant sur la typographie que sur la gravure, se réfèrent à une notion de progrès, comme semble l’indiquer la mention « ouvrage bien imprimé pour son temps ». Il en va de même pour les manuscrits ; à propos d’une Apocalypse de saint Jean du xiii#siècle, Paulmy écrit : « les miniatures sont très ridicules et mal faites, preuve de l’antiquité du manuscrit ». Tout en partageant le goût de son époque pour les incunables et la littérature médiévale, Paulmy ne se conduisit jamais en bibliophile. Rares sont les mentions de provenance ou les reliures qui retiennent son intérêt ; il en va de même pour les exemplaires tirés sur vélin. Il se réfère à de Bure, mais sait prendre ses distances avec les jugements de la Bibliographie instructive et ne se range jamais parmi les « curieux ». Cependant, le catalogue du xviii#siècle ne donne qu’un aperçu sommaire de la collection. Il ne recense pas, en particulier, les livres de la cinquième vente La Vallière. Les incunables de l’Arsenal restent donc en grande partie une « terra incognita », difficilement accessible. Souhaitons qu’un catalogue voie rapidement le jour, afin de faire connaître une collection si riche et si attachante.
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Fig. – Incipit du Livre de Job, f. n. chiffré, signé (ms) x iiijr(, initiale peinte « V » (xv# siècle). Arsenal, fol. T ().
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Fig. – Incipit du Psaume : « Dominus illuminatio mea… », f. n. chiffré, signé (ms) [y7]r(, initiale peinte « D » (xviii# siècle). Arsenal, fol. T ().
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Fig. – Registre du relieur, f. 187r(. Arsenal, ms. 5278.
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LES INCUNABLES CHEZ QUELQUES COLLECTIONNEURS FRANÇAIS DES XVII# ET XVIII# SIÈCLES : ÉLECTION, DISTINCTION, MANIPULATIONS Yann Sordet
n se propose d’examiner la place des incunables dans les bibliothèques d’amateurs et dans le monde de la curiosité en France sous un angle particulier : celui de la distinction croissante dont ces imprimés font l’objet, jusqu’à constituer une classe particulière. Ce mouvement s’observe sur une période bien encadrée, en gros depuis leur singularisation historiographique au tournant des xvi# et xvii# siècles, jusqu’à la validation de cette distinction par l’institution bibliothécaire à la fin du xviii# : en en effet, Joseph Van Praet prend l’initiative, à la Bibliothèque nationale, de soustraire un certain nombre d’ouvrages précieux, dont les incunables, à l’ensemble des collections soumises au classement méthodique de Nicolas Clément. Claude-François Daunou introduit à sa suite une mutation comparable à la Bibliothèque du Panthéon (aujourd’hui Sainte-Geneviève) dont il est nommé administrateur en : au sein d’une collection encyclopédique organisée selon un système également inspiré de Clément, il isole quatre ensembles documentaires qui reçoivent une cotation spécifique renvoyant non plus à leur contenu disciplinaire mais à une particularité typographique ou éditoriale : il s’agit des éditions aldines (OEa), des ouvrages publiés par les Elzevier (OEe), des éditions cum notis variorum (OEv), ainsi que des incunables (OExv). Distinction qui fut le prélude pour l’un et l’autre établissements à la création d’un département spécifique, la Réserve, respectivement en et en n. n Sur les circonstances de cette initiative à la Bibliothèque nationale, L’évolution et la confirmation de cette distinction peuvent être on lira J. Veyrin-Forrer, « Les suivies sur le marché du livre (par l’observation des prix et du traiteréserves (livres imprimés) », dans La lettre et le texte, Paris, École normale ment dont les incunables font l’objet dans les catalogues de vente), supérieure de jeunes filles, , sur le plan des pratiques bibliographiques ou encore dans l’économie p. , et A. Coron, « La Réserve, essai d’histoire », Art et métiers du bibliothécaire des collectionneurs. Cette distinction dans l’appréhenlivre, , , p. -. sion a-t-elle une incidence sur les interventions matérielles que connaiss
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sent les incunables de la part des collectionneurs ? Autrement dit, les premières productions de l’imprimerie font-elles l’objet, dans ce contexte particulier, de manipulations ou de soins spécifiques ? Nous sommes là devant une des catégories de l’« usage o Pour reprendre la formule tardif » de l’incunableo. Il est évident que parmi les différentes rairécemment utilisée par P. Needsons – liturgique, philologique, pratique – qui expliquent du xvii# au ham, « The late use of incunables xix# siècle le maintien de l’incunable ou de certains incunables dans and the paths of book survival », Wolfenbütteler Notizen zur Buchla catégorie du livre « utile » et partant, surtout en mains privées, leur geschichte, , , p. -. survivance, il convient de considérer également cette utilité – ou plus p Voir principalement F. Geldner, Inkunabelkunde : eine Einexactement cette pertinence – de type archéologique ou bibliophilique, führung in die Welt des frühesten qui a la particularité d’isoler l’incunable dans le champ du livre et qui, Buchdrucks, Wiesbaden, Reichert, , p. , qui évoque la naissance elle aussi, peut se traduire par la présence de signes d’usage spécifiques et la diffusion du terme en attrisur les exemplaires. Cette question des interventions postérieures, qui buant à Mallinckrodt l’initiative linguistique. Attribution et datapeut concerner divers éléments de l’exemplaire (le texte, la rubrication, tion largement reprises, notaml’enluminure, la reliure) renvoie à des intentions diversement appréciament par P. Needham, « The late bles (mise à jour ou mise au goût du jour, restitution, restauration ou use… », art. cit., p. , ou encore D. Hillard, entrée « Incunable », pastiche, correction, parachèvement, etc.). Parfois décisive pour évaluer dans Dictionnaire encyclopédique du la cohérence et restituer l’histoire individuelle de l’objet, elle ne saurait livre, t. II, Paris, Éditions du Cercle de la Librairie, , p. . laisser indifférent le bibliographe. Le substantif pluriel « incunabula » est la source étymologique, via le néologisme « incunabulum », de notre terme « incunable ». On avance généralement qu’il a été pour la première fois utilisé dans le domaine du livre imprimé par Bernhard von Mallinckrodt ( ), doyen du chapitre cathédral de Münster, dans la De ortu ac progressu artis typographicæ dissertatio historica qu’il publie en à Cologne. Dans le contexte de la commémoration du # anniversaire de l’invention de l’imprimerie, et de la concurrence érudite qui se livre alors depuis un demi-siècle pour la détermination du premier berceau de l’art typographique, Mallinckrodt démontre la légitimité de la candidature de Mayence, et le rôle de Fust, contre les défenseurs de Haarlem et de Laurens Janszoon Coster. Il aurait alors non seulement fixé durablement le périmètre chronologique de l’objet qui nous intéresse (« ante annum secularem », p. ), mais également, en recourant au terme « incunabula » (p. ), suggéré à la postérité d’opérer l’extrapolation néologique destinée à le désigner sans concurrence. Cette double contribution est fréquemment rappelée par les historiens du livre et les incunabulistesp. Or la datation de cette initiative linguistique doit aujourd’hui être révisée, et son mérite retiré à Mallinckrodt. Nous nous proposons de revenir ailleurs sur ce point de lexicographie historique ; précisons seulement ici que le premier usage attesté du terme « incunabula » dans un contexte bibliographique doit être anticipé de plus d’un demi-siècle, et daté de la naissance même de cette grande controverse d’histoire du livre, parmi les premières du genre, dans laquelle prit place le traité de Mallinckrodt. Ce dernier en effet a directement emprunté la « formule » au médecin et philologue hollandais Hadrianus Junius († ), et plus précisément à sa célèbre Batavia, publiée après sa mort à Leyde en . On sait que Junius a consacré
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quelques pages de son traité à la cité de Haarlem, qu’il désigne comme le berceau de l’art typographique en attribuant l’honneur de l’invention à Coster. Il recourt alors à une métaphore bien attestée en latin classique, pour qualifier cette première époque du livre imprimé : « […] inter prima artis [typographicæ] incunabula […] ». La formulation remonte au plus tard à , date de la copie manuscrite la plus ancienne qui puisse être repérée du texte de Juniusq. En , Mallinckrodt passe donc en revue les différents auteurs qui ont soutenu la thèse de Haarlem : il cite directement et assez fidèlement Junius, le premier d’entre eux, et notamment le passage fondamental de la Batavia que nous venons d’évoquerr. C’est donc directement au premier partisan de Coster que Mallinckrodt emprunte cet usage spécifique du terme « incunabula », appliqué au premier demi-siècle du livre imprimé. Emprunt déjà fructueux puisqu’il emploie le terme ailleurs dans son traité, sous sa propre plume cette fois, et quasi exclusivement dans un contexte typographique (cinq occurrences sur six). À la vérité Mallinckrodt ne limite pas strictement au xv# siècle son étude du développement de la typographie ; il évoque largement des ateliers appartenant tout entiers au siècle suivant (Estienne ou Simon de Colines à Paris, Jean Oporin à Bâle, Christophe Plantin à Anvers). Mais l’une des ambitions de l’ouvrage est clairement de déterminer les frontières géographiques et chronologiques d’un objet historique nouvellement distingué, ainsi que d’en donner des éléments d’identification, notamment visuels. À cette fin l’auteur consacre un chapitre, le #, à une « Comparatio primitivæ & hodiernæ typographiæ », dans laquelle il détaille en les numérotant les principaux critères pouvant servir une discrimination entre l’incunable et l’imprimé « moderne ». On retiendra parmi eux : l’aspect grossier, rude, des premiers caractères typographiques ; leur imitation de la lettre manuscrite ; le nombre des abréviations dont les textes sont embarrassés (« crebris & continuis q Den Haag, Koninklijke Bibliotheek, ms. H, f. r(. compendiis & abbreviaturis impeditæ ») ; l’absence d’ornementation typoDans l’édition imprimée posgraphique, la rubrication et la réalisation des initiales ornées étant laissées thume : Hadrianus junius, Batavia. In qua præter gentis & à la main des peintres, et manquant parfois ; l’absence fréquente d’adresse insulæ antiquitatem… declaratur typographique ; le faible nombre d’exemplaires des éditions ; l’absence quæ fuerit vetus Batavia, Leiden, Officina Plantiniana, , in-(, d’alternance typographique (susceptible de servir l’élégance de la mise en p. . page comme la distinction des différents registres textuels) etc. r Bernhard von MallincRevenons rapidement sur les jalons qui marquent l’affirmation de krodt, De Ortu ac progressu artis typographicæ dissertatio hiscette spécialité nouvelle dans la littérature bibliographique. Qu’observetorica…, Köln, Johann Kinckius, t-on dans la Nova bibliotheca manuscriptorum librorum que le jésuite Phi, in-(, p. . s Philippe Labbe, Nova bibliolippe Labbe publie en et ? Parmi les divers suppléments qu’il theca manuscriptorum librorum, a donnés à son traité (Manuscrits grecs inédits de l’Escurial, éditions sive specimen antiquarum lectionum latinarum et græcarum, de la Propaganda Fide, etc.), figure un Veterum editionum ante annum Paris, Jean Henault, -, Christi MD breviarium. Labbe, qui présente le xv# siècle comme celui in-(, p. -. Le théologien et bibliothécaire Johann Saubert des « typographiæ incunabula », donne ici l’un des premiers répertoires avait quelques années auparad’incunables proprement dits, sur la base des exemplaires examinés dans vant donné, en appendice à une la bibliothèque royale de Pariss. Son point de vue est celui du philologue : monographie sur la bibliothèque
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de Nuremberg, un répertoire chronologique d’éditions incunables, annoncé au titre même de son traité : Historia bibliothecæ reip. Noribergensis… Accessit… Catalogus librorum proximis ab inventione annis usque ad A. C. editorum, Nürnberg, Wolfgang Endter, , in-, p. -. t C. Van Beughem, Incunabula typographiæ sive Catalogus librorum son propos n’est pas directement de distinguer les incunables de la masse scriptorumque proximis ab invendes imprimés, mais de les signaler, en annexe à son catalogue de manustione typographiæ annis, usque ad annum Christi M.D. inclusive… crits, au nom de l’intérêt qu’ils peuvent présenter pour la connaissance opusculum, Amsterdam, Johann d’un auteur ancien, afin de suppléer à des manuscrits perdus ou à la Wolters, , in-. u A. Chevillier, L’origine de correction douteuse. Ce savoir spécifique progresse ensuite, à la faveur l’imprimerie de Paris : Dissertation de contributions catalographiques ou d’études consacrées à un centre historique et critique, Paris, Jean typographique particulier. Cornelius van Beughem, prolixe libraire à Delaulne, , in-(. v Voir par exemple, pour les Emmerich, aux confins du duché prussien de Clèves et des Provinceslivrets xylographiques, U. BaurUnies, donne en sous le titre Incunabula typographiæ un répertoire meister, « Livrets xylographiques et collectionneurs », dans Associades éditions connues, de format portatif et aux descriptions souvent très tion internationale de bibliophilie, élémentairest ; le bibliothécaire de la Sorbonne André Chevillier consaXVII congrès, Paris, septembre , Actes éd. par A. Coron, Paris, cre une première étude importante à la prototypographie parisienne A.I.B, , p. -. en u, quelques années avant que ne débute, en , la parution des nm Cité par P. Needham, « The late use… », art. cit., p. , d’après Annales typographici ab artis inventæ origine ad annum MD de Michel John Dee’s Library Catalogue, éd. Maittaire, somme appelée à constituer pendant plus d’un siècle, soit par J. Roberts et A.G. Watson, jusqu’au début de la publication du répertoire de Ludwig Hain en , London, The Bibliographical Society, . le socle fondamental du travail des bibliographes incunabulistes, de
Guillaume-François Debure à Claude-François Daunou en passant par le Père Laire et bien sûr Georg Wolfgang Panzer. Dès le milieu du xvii# siècle l’incunable est donc un objet clairement identifié dans le champ de l’érudition bibliothécaire et historique. Un intérêt nouveau, et croissant, s’attache désormais à lui de la part des amateurs, selon le schéma connu d’intégration, dans le monde de la curiosité, de spécialités mises en lumière par des controverses érudites et soutenues par des publications savantesv. Deux traits semblent caractériser ce nouvel intérêt des collectionneurs : il est de toute évidence plus discret que pour d’autres objets de convoitise bibliophilique comme les éditions elzévieriennes ; il semble, à suivre certains indices, affirmé dès la seconde moitié du xvii# siècle, et donc précéder les orientations rétrospectives de la bibliophilie largement perceptibles à partir des années seulement. Les mentions de possesseurs, sur les exemplaires ou dans leurs catalogues domestiques, constituent une des sources les plus directes pour mesurer ce phénomène. Il arrive en effet que, dans la manière dont leurs possesseurs les signalent ou les décrivent, les incunables bénéficient de formulations particulières voire fassent l’objet d’un traitement privilégié. Les formes de cette distinction peuvent être très ténues, et délicates à interpréter : dans le catalogue que le mathématicien John Dee (-) a dressé de sa bibliothèque en , on trouve environ incunables, à reprises désignés comme « vetusti »nm, sans que l’on puisse apprécier exactement la valeur de la précision ni soutenir qu’elle témoigne d’une
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satisfaction. Vetus, vetustus, vetustissimus, antiquus : rappelons seulement que ces adjectifs, pour être courants, n’en disposent pas moins alors d’une connotation favorable marquée dans un contexte philologique qui exerce sans doute une certaine « contamination » positive : ils sont récurrents sous la plume des humanistes qui, dans leurs préfaces aux éditions des classiques, correspondances et notes de collation, désignent ainsi les manuscrits dont le caractère vénérable est un gage a priori de fiabiliténn. D’autres mentions en revanche sont sans ambiguïté : l’une d’elles a été portée par une main encore anonyme, dans le dernier tiers du xvii# siècle, au fil de notes bibliographiques relatives aux origines de l’im nn Parmi d’innombrables exemprimerie et à l’identité des premiers imprimés connus, sur un feuillet de ples : « Collatio huius libri facta est garde d’un exemplaire de la Bible in-octavo imprimée par Froben en , ad veterem MS. codicem bibliothece cenobii Mal[mesburensis] » première dans ce petit formatno : « La bible de Mayence est la première (notice d’une collation manusqui aye paru, de , en volumes sur du vélin. Jacob, père jacobin, crite de Tertullien effectuée peu après d’après un codex prodans son traité des bibliothèq. [] avoit soutenu qu’il n’y en avoit eu venant de Malmesbury, et dont se que . J’en scay : le Roi, les Carmes, les pères de Sainte-Croix, Mr. Colservit Jacques de Pamèle pour son édition de , cf. P. Petitmengin bert, Cotteblanche, Mr de Lamoignon. M. le Président [i.e. Lamoignon] et J. P. Carley, « Malmesburyl’achetast en . Mr de Ménars en a eu une des idiots Coelestins de Sélestat-Malines : les tribulations d’un manuscrit de Tertullien au Mantes : il leur a donné Concilia du Louvre en troq, pauvres ignares ». milieu du xvi# siècle », Les Amis Ce troc, particulièrement avisé aux yeux de ce collectionneur comme aux de la Bibliothèque humaniste de nôtres, aurait été fait avec les célestins de la Sainte-Trinité de Limay (dioSélestat, , p. ) ; « Erant in vetustissimo nobilissimoque cèse de Rouen), près de Mantes, avec pour monnaie d’échange vraisemvolumine… » (Pietro Vettori, blablement les volumes de la Collectio regia conciliorum omnium dondans l’avis au lecteur de son édition d’Eschyle, [Genève], Henri née par l’imprimerie royale en . La mention est forcément antérieure Estienne, , f. a, à propos d’un à la fin du xvii#, peut-être même à l’année d’après les différentes codex en sa possession contenant une partie de l’Agamemnon et des allusions à ces heureux possesseurs. Elle est révélatrice d’une révérence, Choéphores). d’abord de la part de son auteur, mais également des collectionneurs no Basel : Johannes Froben, vi ; ( (HC , GW cités, dont pour certains on ne connaît pas forcément aujourd’hui le , ISTC ib). Precontenu de la bibliothèque : il y a bien sûr le président au Parlement de mière Bible imprimée en petit Paris Chrétien-François Lamoignon (-), chez qui le P. Lelong format, après l’essai de composition in-( exécuté en à confirme en la présence de l’exemplairenp ; mais aussi Jean-Jacques Piacenza par Giovanni Pietro de’ Charron de Ménars, le beau-frère de Colbert, qui a acquis en une Ferrati. L’exemplaire ici signalé est conservé à la Bibliothèque partie de la bibliothèque des de Thou, et dont les livres seront vendus au Sainte-Geneviève, OEXV . cardinal de Rohan-Soubise en ; il y a aussi le financier Cotteblanche, np Jacques Lelong, Bibliotheca sacra seu Syllabus omnium ferme amateur de peinture (il possédait plusieurs tableaux de Poussin), qui dut sacræ scripturæ editionum ac vervraisemblablement se défaire de sa bibliothèque avant du fait d’un sionum, Paris, André Pralard, , in-(, t. I, p. . revers de fortunenq. nq Ses collections, y compris sa Charles-Maurice Le Tellier, appelé au siège épiscopal de Reims « fort belle bibliothèque », sont en , possédait lui aussi un exemplaire de la célèbre Bible à lignes, en effet présentées comme déjà dispersées dans la première édition du guide de Germain Brice, Description nouvelle de ce qu’il y a de plus remarquable dans la ville de Paris, Paris, Nicolas Le Gras, , in-, t. I p. .
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obtenu en juillet des chartreux de Rouennr. Il apparaît comme un précoce amateur d’incunables. Dans le catalogue de sa bibliothèque que le chanoine Philippe Dubois a dressé et publié en , il ne se trouve pas encore d’index distinct pour les incunables (le dispositif apparaîtra dans les catalogues de vente au xviii# siècle), mais on y observe quelques indices de la conscience d’une « classe » spécifique : dans un grand nombre de sections de cet inventaire méthodiquens, les incunables sont rassemblés en tête ; et lorsqu’une de ces éditions n’est pas datée, on note une attention expresse à la désigner comme incunable, signe d’une frontière chronologique clairement admise comme d’un intérêt établi. Ainsi à propos d’un Nouveau Testament français aujourd’hui daté vers nt : « imprimé à Lyon par [i.e. pour] Barthélemy Buyer avant l’an ». Une attention catalographique toute particulière peut être observée un peu plus tard chez Pierre Adamoli, un collectionneur lyonnais qui constitue ex nihilo entre et une bibliothèque dont les catalogues domestiques sont conservésnu. Cette collection de titres en volumes comprend incunables. Dans son catalogue, les notices d’incunables ont eu la particularité de croître, d’être régulièrement reprises, mises à jour, augmentées lorsque la place manquait par des paperolles épinglées ou collées, ou des cahiers interfoliés. Ces notes venues compléter la notice initiale devinrent de véritables dissertations bibliographiques jusqu’à pour certaines s’émanciper du catalogue et être transcrites sur des cahiers séparés. C’est le cas pour une Dissertation historique sur l’ancienneté la plus reculée, prez de l’origine de l’imprimerie, d’une édition de la Légende dorée des saints … le tout précédé d’une description de ce livre extrêmement rare dont on ne connaît que deux exemplaires en Europe à ce jour . Il s’agit d’abord d’une simple entrée dans le catalogue, dont le texte croît et qui doit ainsi être transcrite sur feuillets truffant l’exemplaire, puis faire l’objet d’une transcription séparée qui se trouve aujourd’hui dans les manuscrits de travail du bibliophilenv. Mêmes développements catalographiques pour une édition de Strabon ([Venezia :] Wendelinus de Spira, , in-fol.), de Térence (Strasbourg : Johann Grüninger, xi , in-fol.) et d’Horace (Ibid., iii , in-fol.), où Adamoli examine plus particulièrement la mobilité et le réemploi des bois. Même attention encore pour la première édition de la Légende dorée en français (Lyon : Guillaume Leroy pour Barthélemy Buyer, iv , in-fol.), incunable qu’Adamoli identifie non sans orgueil comme antérieur à celui qui était alors considéré comme le premier monument de la typographie lyonnaise, à savoir le Speculum vitæ humanæ achevé par le même imprimeur le janvier om, dont il possédait du reste aussi un exemplaire : la notice s’étend, puis s’émancipe du catalogue et devient un petit opuscule, resté manuscrit sous
nr D’après l’ex-dono figurant sur l’exemplaire BSG OEXV -. ns Inspiré de celui mis au point pour la bibliothèque du Roi par Nicolas Clément, à qui la rédaction de la Telleriana a parfois été attribuée. Bibliotheca Telleriana, Paris, Imprimerie royale, , in-fol. nt Texte de la version donnée par Julien Macho et Pierre Farget, Lyon, [Guillaume Leroy pour] Barthélemy Buyer, [vers ], infol. (H , ISTC ib). Exemplaire aujourd’hui BSG OEXV . nuLyon, BM, mss PA , , (-). Nous nous permettons de renvoyer, pour toutes les citations données de ce collectionneur, à Y. Sordet, L’amour des livres au Siècle des Lumières : Pierre Adamoli et ses collections, Paris, École des chartes, . nv Jacobus de Voragine, Legenda aurea, [Basel : Michael Wenssler, non post ], in-fol. (ISTC ij). Exemplaire auj. conservé à Lyon, BM, inc. (CRI()). om « Édition […] recommandable, parce que c’est le premier livre qui ait été imprimé à Lyon », écrit encore en GuillaumeFrançois Debure de ce Speculum de , avant d’en transcrire le colophon, dans le catalogue de vente de la collection de Girardot de Préfond, Catalogue des livres du cabinet de Mr G. D. P., Paris, Debure, , p. XVIII. On rappellera que le Compendium breve du pape Innocent III, achevé d’imprimé par Leroy pour Buyer le septembre , est aujourd’hui considéré comme le premier incunable lyonnais.
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le titre Observations en forme de dissertation sur le premier livre imprimé à Lyon l’an . On trouve bien sûr des notes abondantes et croissantes relatives à d’autres ouvrages précieux de la collection ; mais seuls des incunables donnent lieu à ces dissertations séparées. Autre signe de distinction bibliophilique, la présence, parmi les catalogues domestiques conservés, de rubriques, listes ou simplement d’index séparés expressément réservés aux incunables. Chez les bibliophiles qui entretiennent ou font dresser le catalogue de leur collection, cette pratique concerne à vrai dire moins fréquemment l’incunable que les manuscrits, la production des Elzevier, les éditions ad usum Delphini et cum notis variorum, ou encore une discipline particulièrement prisée. On la rencontre cependant, comme en témoigne le manuscrit d’une Description exacte des livres imprimés dans le xv siècle et qui se trouvent dans la bibliothèque de M. de S.on Le catalogue de vente publique devient rapidement, à partir des on BnF, n. a. fr . Henri Omont a suggéré pour ce cataannées et surtout de quelques ventes remarquées comme celle de logue une attribution à Carlos Cisternay Du Fay en , un des principaux marqueurs du marché de la Antonio de La Serna Santander (-), bibliophile et l’un collection de livres, à la fois outil et modèle bibliophiliqueoo. C’est lui qui des grands incunabulistes de la en quelque sorte valide la singularisation de certains ensembles bibliografin du siècle, qui fut conservateur de la bibliothèque de Bruxelles et phiques, en les affranchissant progressivement du système méthodique donna un Dictionnaire bibliogradit des libraires de Paris alors très largement utilisé, et donc en relativisant phique choisi du quinzième siècle, ou Description par ordre alphabésa cohérence et sa vocation universelle. En effet les premiers index spétique des éditions les plus rares et cifiques ou rubriques séparées qui apparaissent désignent des ensembles les plus recherchées du quinzième de livres ainsi « sortis » des cinq classes traditionnelles, en les rapprosiècle, Bruxelles et Paris, Impr. de J. Tarte, -, vol. in-(. chant en quelque sorte des objets « extravagants » que sont estampes, Bibliothèque nationale, Catalotableaux, médailles, objets astronomiques ou curiosités naturelles pargue général des manuscrits français : nouvelles acquisitions françaises, fois catalogués, toujours en marge des livres. La première liste distincte II : -, Paris, E. Leroux, consacrée aux Elzevier semble apparaître en dans le catalogue de la , p. . oo Sur la vente Du Fay, voir bibliothèque provenant de Louis-Emery Bigot (mort en ) ; parmi les J. Viardot, « Livres rares et prapremières ventes à distinguer les éditions ad usum Delphini, se trouvent tiques bibliophiliques », dans Histoire de l’édition française, dir. en celles de la collection de Charles Cisternay Du Fay et de l’avocat H.-J. Martin et R. Chartier, Gilles Macé, toutes deux préparées par le libraire Gabriel Martin. Une t. II : Le livre triomphant, rubrique spécifique pour les aldines apparaît en dans le catalogue , Paris, Promodis, , rééd. Paris, Fayard ; Cercle de la Libraides livres de Jean-Baptiste Dodart, le médecin de Louis XV, également rie, , p. . Voir aussi sur le dressé par Gabriel Martin. Qu’en est-il des incunables ? Il ne paraît pas sujet Les ventes de livres et leurs catalogues (xvii-xx siècle), éd. que les incunables, dans les catalogues et la littérature prescriptive en A. Charon et É. Parinet, Paris, matière bibliophilique, aient disposé de rubriques ou d’index propres École des chartes, . op Sur Gros de Boze, voir avant . Mais d’autres signes attestent de leur élection. Claude Gros T. Sarmant, La République des de Boze (-), trésorier de France, secrétaire perpétuel de l’Académédailles : numismates et collections numismatiques à Paris du mie des inscriptions en et garde du cabinet des antiques et médailles Grand siècle au Siècle des Lumièdu roi à partir de , s’est par ses responsabilités et publications attiré res, Paris, Champion, , pasune notoriété essentiellement numismatique et archéologiqueop. Or il sim et notamment p. -.
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est sans doute à considérer parmi les premiers grands collectionneurs d’incunables en France, près d’un demi-siècle avant Loménie de Brienne. On dispose du catalogue de sa bibliothèque, dressé par Gabriel Martin en , en partie d’après un catalogue domestique de oq. Sur articles, cette bibliothèque compte environ incunables, soit oq Ce catalogue devait servir à près de % des volumes : pas de liste distincte, mais de nombreuses la conduite d’une vente publique, mais la collection fut acquise en notes et commentaires bibliographiques ajoutés aux notices, en caractèbloc par le président au parlement res plus petits, qui relèvent les particularités et la valeur typographique Jean-François de Cotte et le maître des requêtes Boutin, qui n’en de la Bible de , ou d’un exemplaire du Psautier de Mayence de . mirent finalement en vente qu’une Lorsqu’on feuillette le catalogue de Boze, c’est très souvent en faveur partie, après avoir cédé des incunables à Louis-Jean Gaignat. Sur d’un incunable que l’œil est attiré par cette alternance typographique : le catalogue de Boze, Y. Sordet, sur notices bénéficiant d’un tel développement, sont consacrées « Une approche des catalogues domestiques de bibliothèques prià des incunables et développent ainsi, au-delà ou en nécessaire comvées (xvii#-xviii# siècle), Bulletin plément du sec signalement catalographique, la citation du colophon, du Bibliophile, , n(, p. n. la description d’un type, des considérations sur les lettres ornées, des or Il s’agit de la vente de la première bibliothèque constituée par éléments à l’appui d’une datation, une discussion des autorités biblioGirardot de Préfond ; la seconde, graphiques et notamment de Maittaire. Les ouvrages restant réunis rapidement constituée après la dispersion de la première, sera à cet ensemble incunable sont des unica, des exemplaires annotés, des vendue au comte Justin de Macmanuscrits exceptionnels (la Guirlande de Julie calligraphiée par Nicolas Carthy Reagh sous la pression des créanciers du bibliophile. Jarry) ou des reliures de provenance remarquable (Grolier). Le ratio est os HC , GW , éloquent : les incunables représentent % de la collection, mais % ISTC ib. Alors considérée comme imprimée par Fust de ses phares affichés. et Schoeffer en , parfois par Dispositif différent, mais comparable et tout aussi significatif dans la suite attribuée à Johann Gutenle catalogue de Girardot de Préfond, dressé par Guillaume-François berg, puis prudemment rapportée à l’anonyme « imprimeur du Debure en or. Sur articles signalés, font l’objet d’« éclairCatholicon ». L’analyse des trois cissements » en tête. Quinze pour cent de ce petit ensemble ainsi sinétats connus de cette édition donne lieu, comme on le sait, depuis les gularisé sont consacrés à des incunables, ce qui est nettement supérieur années , à deux hypothèses : à leur représentation dans l’ensemble de la collection. Citons notamcelle de trois émissions distinctes (, et vers ) ; celle ment, à propos d’un exemplaire de la première et mystérieuse édition d’une édition effectuée vers . de Mayence du Catholicon de Johannes Balbus, cette mention particuPour la citation, Guillaume-François Debure, Catalogue des livres du lièrement indigente sur le plan bibliographique, mais significative dans cabinet de Mr. G… D…P…, Paris, sa formulation pléonastique et pour sa rhétorique bibliophilique : « L’on Debure, , in-(, p. xxvi. connoît le mérite de la rare édition qui existe ici de cet ouvrage, qui est ot On lira, sur la vente des livres du cardinal bibliophile, la contriune des premières productions de l’imprimerie, & dont il ne nous reste bution récente d’A. Charon, « Un que très peu d’exemplaires »os. N’oublions pas le contexte déterminant amateur russe à la vente Loménie de Brienne (-) : Doubrovski », de la vente publique : la qualité d’incunable est un mérite en soi, à même Le Siècle des Lumières, I : Espace de susciter convoitise et concurrence. culturel de l’Europe à l’époque de Catherine II, Moscou, Naouka, Une forme d’aboutissement de cette singularisation catalographi, p. -. que à destination du marché de la curiosité s’observe à la fin du siècle lors de la dispersion de la bibliothèque du cardinal Loménie de Brienne, au printemps ot : les
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incunables ont alors fait l’objet d’un catalogue particulier, imprimé l’année précédente, dressé par le P. François-Xavier Laire (-), bibliothécaire et redoutable rabatteur du cardinal. Les exemplaires s’y trouvent décrits par ordre chronologique des éditions, et occupent près de pages réparties en deux volumes. Un troisième volume, rédigé et publié l’année suivante par Guillaume Debure l’aîné, rassemble en une centaine de pages ( articles) tout le reste de la bibliothèque, organisé cette fois selon le système méthodique des cinq classes. On observera que cette même année , le libraire Jean-Baptiste Delamolière, qui prépare la dispersion de la bibliothèque de l’abbé Perrichon, distingue pour la première fois les incunables dans un catalogue de vente lyonnaisou. ou Cité par D. Varry, « Les Un autre indice significatif est celui du prix de l’incunable, témoin ventes publiques de livres à Lyon qu’on suppose fiable d’une distinction par la convoitise. Une enquête aux xvii#-xviii# siècles », dans Les ventes de livres et leurs catalosur les prix d’adjudication de livres au xviii# siècle, conduite sur lots gues…, op. cit., p. . (soit pris dans chacune des cinq classes), donne un prix moyen de ov Moyenne calculée d’après les « cotes » compilées par l’abbé livres pour l’imprimé du xviii# siècle, de pour celui du xvii# siècle, Duclos et le jeune Jacques-Charde pour celui du xvi# et de pour l’incunableov. En « remontant » les Brunet dans leur Dictionnaire bibliographique, historique et critidu xviii# au xvi# siècle, on constate donc un effet « bouquin » : la cote que des livres rares, précieux, sinmoyenne de l’imprimé décroît avec son âge ; il n’y a pas de prime généguliers, curieux, estimés et recherrale à l’ancienneté. Mais cette tendance s’inverse de manière évidente dès chés… avec leur valeur… suivant les prix auxquels ils ont été portés qu’on passe l’année . dans les ventes publiques, depuis la Un amateur comme Pierre Adamoli a laissé un autre moyen d’apfin du xvii siècle jusqu’à présent, Paris, Cailleau et fils, Delalain ; précier, en utilisant le critère des prix, les élections et préférences relatives Gênes, Gravier, -, vol. de la curiosité. Dans le catalogue de sa bibliothèque, il a indiqué pour un in-(. Cf. M. Marion, Collections et collectionneurs de livres tiers des livres (soit sur un total de ouvrages) à la fois le prix réel au xviii siècle, Paris, Champion, de leur acquisition, le cas échéant augmenté de frais de reliure, et un prix , p. . pm Indice de pour les incud’estimation, basé en général sur les valeurs atteintes en vente publique, nables acquis pour un prix inféet souvent corrigées à la baisse ou à la hausse en fonction de la condition rieur à livres, et de , pour les de l’exemplaire et d’une appréciation personnelle. Si cette estimation est incunables payés entre et livres. Cf. Y. Sordet, L’amour des bien souvent ainsi « décrochée » de la réalité du marché, sa dimension livres…, op. cit., p. . subjective la rend tout à fait pertinente pour mesurer la hiérarchie des préférences et des distinctions bibliophiliques. On peut appeler « indice de surestimation » le rapport entre prix estimé et prix d’achat, et voir en fonction de quels critères il varie. Les résultats sont éloquents chez Adamoli : ce sont les incunables, devant les manuscrits médiévaux, qui bénéficient de l’indice moyen de surestimation le plus élevépm. Les distinctions de mise en page dont bénéficie l’incunable dans le catalogue de vente attirent l’œil et guident celui qui le consulte sur ce qui est le plus convoité, et sur ce qui apparaît comme le plus légitimement convoitable. C’est donc un témoin qui permet en quelque sorte de mesurer, avec un léger décalage chronologique sans doute, l’affirmation de la convoitise en matière d’incunables. Cette distinction pérennise par ailleurs des habitudes bibliographiques, tant il est vrai que le travail des libraires du livre rare, de Gabriel Martin à Jacques-Charles
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Brunet, a eu une influence déterminante sur les pratiques bibliographiques et bibliothécaires. En témoigne la Bibliographie instructive de Guillaume-François Debure (-), qui en matière bibliophilique est à la fois révélateur, bible et viatique : en , à la fin du septième et dernier tome, Debure publie les annexes qu’on s’attend depuis les années à trouver dans les catalogues de vente (trois pages consacrées aux Elzevier, cinq aux éditions cum notis variorum, deux aux éditions ad usum Delphini), mais il les fait précéder d’une Notice des livres imprimés dans le xv siècle, de pages, par ordre topographique de lieu d’impression, d’Abbeville à Ulmpn. Après Maittaire qui organisait pn Dans les observations préliminaires au tome I (), Debure principalement sa matière par ordre chronologique, la nouveauté de ce écrit qu’il y a deux genres de livres, choix n’est pas anodine : non seulement la liste est distincte, mais elle et donc deux genres de savoirs bibliographiques : celui « qui a le obéit à un autre classement. Dès le milieu du xviii# siècle, la conscience plus de cours, renferme les livres d’une classe spécifique est acquise. Citons encore Adamoli : « il n’a point ordinaires, & généralement tous les bons ouvrages […] qui ont d’autre mérite que celuy d’avoir été imprimé dans les premiers temps de paru dans toutes les classes de la l’origine de l’imprimerie »po. Ou plus explicitement, à propos de la prelittérature » ; « les livres rares, les livres d’idée ou de fantaisie formière édition de Macrobe () : « edition tres rare et difficile à trouver, ment le second genre, auquel on dans la classe des livres imprimés près de l’origine de l’imprimerie »pp. rapporte les éditions primitives & Observe-t-on, parallèlement, les formes d’une distinction de l’insingulières de l’imprimerie naissante, & généralement tous les cunable dans les pratiques elles-mêmes, dans les interventions dont livres dont le mérite principal est les exemplaires peuvent faire l’objet ? Dans les catalogues de vente, les la rareté […] ». L’incunable figure au premier rang des livres rares et rubriques spécifiques apparues dans le premier quart du xviii# siècle curieux. consacrent la singularité de petits ensembles investis déjà depuis quel po À propos de Johannes Nider, Præceptorium divinæ legis, ques années d’une grande valeur bibliophilique marquant les exemplaisive Expositio Decalogi, Paris, res. Chez certains amateurs par exemple, les collections elzéviriennes, Ulrich Gering, vi , in-( (HC , ISTC in), puis les éditions ad usum Delphini, dès la fin du xvii# siècle avaient fait cit. Lyon, BM, ms. PA (). l’objet d’un traitement de faveur, tout spécialement de programmes de L’exemplaire cité par Adamoli est reliures uniformes, sobres par leur décor (construit sur le principe du aujourd’hui conservé à la British Library, IA . décor à la Du Seuil) et luxueuses par le matériau (le maroquin), parfois pp Venezia, Nicolas Jendoubléespq. On n’observe pas, appliqués aux incunables, de programson, , in-fol. (HCR , ISTC im), cit. Lyon, mes de reliure homogène comparable, en tous les cas renvoyant à une BM, ms. PA (). esthétique contemporaine du collectionneur. Bien au contraire, dès le pq Pour une description précise de la condition choisie pour dernier quart du xvii# siècle, sont ponctuellement attestées une nouvelle ces ensembles, et l’évocation des et croissante attention à « l’antiquité » de la condition des exemplaires, bibliothèques privées illustrant ce phénomène, voir J.-M. Chatepuis des interventions témoignant d’une sensibilité à la valeur archéolain, La bibliothèque de l’honnête logique de l’objet. homme : livres, lecture et collections Charles-Maurice Le Tellier (-) par exemple, toucha relatien France à l’âge classique, Paris, BnF, , p. -. vement peu aux reliures de ses incunables, contrairement aux imprimés des xvi# et xvii# siècles de sa collection pour lesquels il conçut plusieurs programmes de reliure à neuf systématique, en veau marbré ou en maroquin rouge à ses armes, souvent à l’intérieur d’un décor à la Du Seuil. Sur les livres qui par voie de legs rejoignent à sa mort l’ab-
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baye Sainte-Geneviève, se trouvent incunables. Quarante-trois d’entre eux ont fait l’objet d’une nouvelle reliure après , sans que l’on puisse connaître aujourd’hui en toute certitude la condition de l’exemplaire au moment du legs. L’examen des volumes restants laisse voir que pour volumes seulement Le Tellier a expressément fait exécuter une luxueuse reliure de maroquin rougepr ; autres volumes ont reçu une reliure de parchemin pr Il s’agit de la Bible à lignes souple à la hollandaise qui pourrait avoir été faite à sa demande ; les de , en volumes (BSG volumes restants, soit % de cet ensemble, ont conservé une reliure OEMK -), du Missel mozarabe de Tolède, Peter Hagembach de toute évidence antérieure à l’acquisition par Le Tellier, à laquelle il n’a pour Melchior Gorricio, i pas touché quelle qu’elle fût : des pleines ou demi-reliures estampées à (OEMK ), et de la collection froid sur ais de bois contemporaines de l’impression, aux réalisations plus hagiographique de Bonino Mombrizio, Sanctuarium sive Vitæ modestes ou plus tardives. Cette retenue est exceptionnelle dans les choix sanctorum, [Milan, vers ], effectués par Le Tellier pour l’ensemble de sa bibliothèque. volumes (OEMK -). ps Notamment à propos des Dans la bibliothèque de Claude Gros de Boze, les incunables, on l’a trois livrets xylographiques que dit particulièrement nombreux, étaient également appréciés pour l’anpossède le numismate bibliophile : une Biblia pauperum, cienneté de leur condition. Une condition qui, lorsqu’elle a été respectée, une Apocalypse et un Speculum est bien mise en exergue dans le catalogue de par une formule récurhumanæ salvationis : Catalogue des livres du cabinet de M. de Boze…, rente : « voll. dans leur ancienne reliûre », « dans sa reliûre antique »ps. p. -, n°s , et . Cette C’est à regret que Pierre Adamoli, pour sa part, fait exécuter une noucondition dont l’intérêt archéovelle reliure sur un manuscrit médiéval ou un incunable. Il justifie alors logique est noté en , mais dont on ignore la nature exacte, son intervention par des considérations d’ordre conservatoire. Les obserne sera pas également appréciée vations qui émaillent son catalogue en témoignent, ainsi à propos d’un au cours des pérégrinations de ces rarissimes exemplaires : les manuscrit de la fin du xiii# siècle contenant une chanson de la geste de trois xylographes, en passant en Charlemagne, le Roman d’Anséïs de Carthage : « j’ay achepté ce manuscrit au Président de Cotte puis à Louis-Jean Gaignat, perdent leur dans sa reliure antique, en tres mauvais ordre, avec des planches de bois « reliure antique » dès avant . couvertes du [sic pour d’une] mauvaise peau blanche rongée de vers ; j’ay Debure les dit en effet à cette date chacun reliés en maroquin rouge été obligé de le faire relier à neuf… »pt. Quand l’opération de reliure est (Supplément à la Bibliographie indispensable, il importe alors de conserver certains éléments de l’ancienne instructive ou Catalogue des livres condition, et de la faire exécuter dans un souci de fidélité. Des consignes de feu M. Louis Jean Gaignat, Paris, , I, p. -, n(* , bien précises ont ainsi accompagné la « restauration » de son exemplaire et ). La condition actuelle du de la Généalogie des Dieux de Boccace, dans la belle traduction française Speculum, une reliure à la dentelle sur une couvrure du même matéillustrée imprimée pour Antoine Vérard en ou : « j’avertis que riau (Bodleian Library, Arch. G le faisant relier en veau en , j’ay fais laisser l’ancienne couverture des d.), serait elle-même le fruit d’une seconde reliure à neuf de deux planches en bois à l’usage du vieux tems, au lieu de deux cartons peu postérieure, si l’on admet que l’on met aujourd’huy, uniquement par curiosité et de transmettre à la qu’elle a été faite par Derome le jeune pour Girardot de Prépostérité la méthode du quinzième siècle ou le carton n’étoit pas encore fond (cf. Bod-inc. S-), lequel commun »pu. Par ailleurs, un ensemble de livres principalement constitué acquiert justement le livret lors de la vente de . pt Aujourd’hui Lyon, BM, ms. PA , xiii-xiv# siècle. Cité ibid., ms PA (). pu ii / (HC , GW , ISTC ib). Exemplaire aujourd’hui conservé à Lyon, BM, Inc. . Cité ibid., ms PA ().
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d’incunables et de quelques éditions du xvi# siècle a fait sur sa demande l’objet d’un type de reliure particulier, réunissant deux caractéristiques : le souci d’une condition « à l’antique », et son exécution dans une intention conservatoire. Il s’agit d’une reliure volontairement sobre, dans une couvrure d’un vélin très blanc, à nerfs apparents, appliquée tout spécialement sur les volumes dont le collectionneur remarquait la curiosité d’une condition ancienne qu’il ne pouvait conserver telle quelle étant donné son état. La date d’impression de l’incunable est en général rappelée au dos, dorée sur une seconde pièce de titre. Ce choix, le goût et les principes qu’il manifeste, ainsi que ses conséquences formelles sur la bibliothèque sont suffisamment déterminants pour que le collectionneur l’expose dans la préface manuscrite de son catalogue, évoquant ces « reliures […] en beau parchemin façon de vélin, goût ancien mais solide que j’ai fait renaître »pv. Nombre d’incunables ont donc reçu de telles reliures, pv P. Adamoli, Préface ou avertisdont la réalisation était confiée à un relieur lyonnais, Jean II ou Nicolas sement fait pour être mis à la tête du catalogue de mes livres, Lyon, BM, de La Mollière (Fig. ). Ils ressortissent à des textes ou des répertoires ms. PA (), f. -v(. éditoriaux singulièrement différents, confirmation que ce n’est pas sur qm Traduction et commentaires de Nicolas Oresme, Paris, [Antoine une cohérence philologique ou littéraire que repose l’unité du corpus : Caillaut et Guy Marchant pour] il rassemble en effet la traduction de la Politique d’Aristote publiée par Antoine Vérard, viii , in-fol. (ISTC ia), aujourd’hui Antoine Vérard en qm, des impressions du premier atelier lyonnais, BnF, Rés. *E. (CIBN A-) : des éditions latines comme vernaculaires d’hagiographies et de traités voir Fig. . de dévotion : le Speculum humanæ salvationis de Rodericus Zamorensis qn ISTC ir et ir. Exemplaires y figure par exemple dans les deux éditions imprimées par Guillaume aujourd’hui conservés, respectiveLeroy pour Barthelémy Buyer en : la latine datée du janvier, et la ment, à Lyon, BM, inc. , et à Paris, BnF, Rés R (Fig. ). traduction française de Julien Macho publiée à la date du juilletqn. qo Voir U. Baurmeister, « Livrets Loménie de Brienne, dont la collection considérable d’incunables xylographiques… », op. cit., p. . qp Sur François-Xavier Laire, en fait sans doute, à la génération qui suit celle de Claude Gros de appelé à devenir conservateur de la Boze, le plus grand amateur français, semble avoir également manifesté bibliothèque d’Auxerre à la Révolution, voir A.-M. Turcan-Verkerk, un attachement certain à la condition ancienne de ses livres. Même si Les Manuscrits de La Charité, Chece goût connaît quelques exceptions, remarquables mais très localisées minon et Montier-en-Argonne, Paris, puisqu’il s’agit de deux de ses trois livrets xylographiques, qu’un relieur CNRS, (Documents, études et répertoires publiés par l’Institut de de Brienne recouvre de maroquin vert et pare de gardes de tabis roseqo. recherche et d’histoire des textes, ), On ne saurait bien sûr ignorer le rôle que put tenir auprès de lui, en cette p. et seq. et M. Vernus, Une vie dans l’univers du livre : François matière comme en toute affaire bibliophilique, le Père François-Xavier Xavier Laire (1738-1801), Lons-leLaire, entré à son service en qualité de bibliothécaire en qp. C’est du Saunier, Les Bibliophiles comtois, . reste par le xv# siècle que Laire est entré en bibliographie. Installé à Rome en , il fut bientôt employé par le prince Louis de Salm-Salm pour accroître sa bibliothèque, tout en travaillant essentiellement à une histoire des origines de la typographie romaine, fruit de ses enquêtes dans les fonds incunables des grandes bibliothèques. L’ouvrage fut publié en (Specimen historicum typographiæ Romanæ XV. sæculi, Rome, V. Monaldini, , in-°), année de son retour en France. On sait, grâce à l’enquête menée par Anne-Marie Turcan, qu’avant son séjour à Rome, Laire avait « collecté » des manuscrits médiévaux dans les
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abbayes cisterciennes champenoises de Cheminon et Montier-en-Argonne, et dans celle de La Charité au diocèse de Besançon, sélectionnant des codices des xiii# et xiv# tout spécialement dans des reliures anciennes, dont la caractéristique « médiévale » n’était vraisemblablement pas indifférente au montant de la transaction envisagée. Sur certains d’entre eux, notamment ceux revendus à la Biblioteca Casanatense en , Laire n’a pas hésité à intervenir, restituant incipit ou initiales vacantes. Passant au service de Loménie de Brienne, il mit au service du cardinal et tout spécialement de sa collection d’incunables quatre talents particuliers : une habileté de prospecteur, une connaissance de l’imprimerie au xv# siècle, un goût pour la reliure ancienne qui reposait aussi sur la perception de sa valeur marchande, une certaine propension à intervenir sur les volumes. Dans la correspondance entre les deux hommes, apparaît ainsi une certaine Mademoiselle de Laitre, qui semble spécialement qq « J’ai remis dix volumes… employée à restituer à la main des initiales absentes ou anciennement au relieur et je suis actuellement découpéesqq. On a d’autres attestations documentées de cette pratique a faire rajuster par M%%# de Laid’enluminure ou tout du moins de rubrication tardive dans des incunatre les majuscules coupées dans quelques autres […] », Lettre de bles. Ainsi en , un exemplaire du Speculum humanæ vitæ imprimé par François-Xavier Laire à Loméle premier atelier typographique parisien (Paris : Gering, Krantz et Frinie de Brienne, janvier , Besançon, BM, ms. , f. , burger, pas après le avril , in-fol.), resté pendant trois siècles vierge cit. par A.-M. Turcan-Verkerk, de toute intervention manuscrite, a été confié à un rubricateur moderne Les Manuscrits…, op. cit., p. . qr BnF, Rés. R . Cit. Lyon, par son propriétaire, Pierre Adamoli (Fig. ). Le geste est documenté par BM, ms PA (), f. v(. une source externe, le catalogue domestique du collectionneur : « j’ay qs HC . ISTC il. BSG OEMK . fait ajouter en a cet exemplaire les lettres initiales peintes en rouge et en bleuf, parfaitement imitées dans le gout gothique, les plans étant restés blanc, par un jeune comis de chez Mrs de Tournes libraires, jeune homme fort adroit et intelligent »qr. On connaît l’identité de cet homme, intervenu sur plusieurs volumes : Étienne Piètre, futur libraire qui se trouve en relation avec l’antiquaire nîmois Jean-François Séguier, et qu’Adamoli a par ailleurs chargé par voie testamentaire de veiller au projet, jamais abouti, d’impression du catalogue de sa bibliothèque. Ses initiales filigranées et émanchées, pieds de mouche et crochets alinéaires pourraient aujourd’hui n’éveiller aucun soupçon particulier, si ce n’était l’aspect du bleu qui, sans doute originellement d’un azur vif assez proche de ses modèles du xv# siècle, n’avait depuis viré au violet. Le pastiche et le caractère tardif de la lettre peuvent être d’autant moins évidents sur le plan graphique que la rubrication retient traditionnellement moins l’attention, notamment du catalogueur, qu’une décoration peinte. Si dans certains cas d’exécution habile l’encre utilisée au xvii# ou au xviii# siècle, de composition différente de celle employée au xv#, a évolué ou viré de teinte en « se trahissant », ce n’est sans doute pas le cas pour tous les exemplaires tardivement retouchés. On observera ainsi un exemplaire du Tite-Live imprimé à Rome par Ulrich Han en , aujourd’hui conservé à la Bibliothèque Sainte-Genevièveqs. Les trois parties que comprend l’édition (décades I, III et IV) se trouvent reliées en un volume, qui présente à première vue une décoration manuscrite continue et homogène réduite aux feuillets
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de départ des décades et aux grandes initiales des débuts de livres. Mais un examen plus attentif montre qu’il s’agit en fait de la réunion tardive de deux exemplaires. La première décade a fait l’objet d’une décoration vraisemblablement romaine dès le xv# siècle, composée, pour le feuillet de départ du texte, d’un encadrement de bianchi girari sur fond bleu, vert et rose, et intégrant une couronne laurée destinée à recevoir des armes peintes ; les initiales de , , ou lignes laissées vacantes par la typographie ont été peintes à l’or dans un cadre de bianchi girari identiques, avec court prolongement marginal. Les décades III et IV ont reçu un décor similaire, mais effectué par une autre main, non pas simplement fidèle à ce schéma décoratif en soi très typé, mais exécuté directement par copie de la première décade (ill. et ). On notera une légère différence dans le tracé et l’encre brune des rinceaux, des caulicules, ainsi que des barbules qui rayonnent autour des besants dorés (trait plus large et plus sombre) ; le bleu utilisé pour les décades III et IV, peut-être moins stable, apparaît aujourd’hui plus éclairci, presque « lavé » par endroits. Les interruptions des galeries de vrillettes entre les décades I d’une part, III et IV de l’autre, confirment cette constitution (ou reconstitution) tardive de l’exemplaire. Une telle « extension » du décor de la première décade aux décades III et IV est sans doute contemporaine de leur rapprochement ; peut-être doit-elle même être datée d’après la luxueuse reliure qui les a réunies, après puisqu’elle a été exécutée pour GiovanniAngelo Braschi après son élection à la Papauté sous le nom de Pie VI. Le phénomène ne saurait manquer d’inspirer une prudence renouvelée à qui se penche sur le décor manuscrit – tout spécialement sur ses formes les plus modestes – de l’incunable, comme sur l’histoire longue de l’exemplaire, de son usage et de ses manipulations. Nombreux sont finalement les modes de rubrication singuliers des initiales dont, à défaut de documentation externe ou de rapprochement avec d’autres réalisations comparables, on ne sait si la singularité ressortit à une idiosyncrasie originelle ou à un pastiche tardif. On peut donc noter, dès la fin du xvii# siècle, quelques formes d’une approche purement bibliophilique de l’incunable, qui le distingue des autres collectibles imprimés. Loin d’être universelle, elle semble faite de retenue dans les interventions de reliure (scrupule à faire relier de neuf, absence relative de programmes de reliure uniforme sur l’ensemble « incunable », préférence explicite pour une condition ancienne), et d’un attachement aux éléments de rubrication et de décor manuscrits, en raison même de leur valeur archéologique. Ce souci de type conservatoire peut impliquer – non contradictoirement – pastiche ou tout au moins restitution partielle d’une condition ancienne en cas d’absence, d’incomplétude ou de mauvais état. Quand on ne dispose « que » de l’exemplaire, ces interventions de « bibliophilie rétrospective » sont généralement évidentes en ce qui concerne la reliure, sans doute moins pour la rubrication, certaines formes modestes de décor, ou la réglure. Les sources externes (correspondance ou catalogues domestiques par exemple) s’avèreront dans certains cas décisives ; elles invitent en tout cas à associer étroitement les identifications de provenance avec la description de la condition des exemplaires.
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Fig. – Reliures de vélin blanc exécutées à Lyon vers pour Pierre Adamoli sur : Rodericus Zamorensis, Le miroir de vie humaine, Lyon : [Guillaume Le Roy] pour Barthélemy Buyer, vii et Aristote, Le livre de politiques, trad. et com. Nicolas Oresme, Paris : Antoine Vérard, 8 viii (BnF, Rés R et E ). Cliché BnF.
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Fig. – Initiale émanchée et pied-de-mouche rubriqués en à la demande de Pierre Adamoli sur son exemplaire de Rodericus Zamorensis, Speculum vitæ humanæ, [Paris :] U. Gering, M. Crantz et M. Friburger, [non post iv ], in-fol. (BnF, Rés. R ). Cliché BnF.
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Fig. – Tite-Live, Historiæ Romanæ decades I, III et IV, [Roma :] Ulrich Han, avant le viii , in-fol. BSG OExv . Initiale dorée et encadrement de bianchi girari en tête de la première partie (décade I), f. [a]2. Rome, fin du xv# siècle. Cliché BSG.
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Fig. – Initiale dorée et encadrement de bianchi girari en tête de la troisième partie (décade IV), f. [M]1. Décoration effectuée postérieurement et d’après celle de la première partie (Fig. ). Cliché BSG.
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les incunables chez quelques collectionneurs français
Fig. – Initiale dorée « I » pour la première partie (décade I, début du livre I), f. [a]2 verso, Rome, fin du xv# siècle. Cliché BSG.
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Fig. – Initiale dorée « I » pour la deuxième partie (décade III, début du livre XXII), f. [x]5 verso. Décoration effectuée postérieurement et d’après celle de la première partie (Fig. ). Cliché BSG.
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LES COUTUMES DU BOURBONNAIS DE 1498 : SUR 3 EXEMPLAIRES COMPOSITES Dominique Frasson-Cochet
e vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser le caractère essentiellement anecdotique et férocement régionaliste des propos qui vont suivre. J’ai comme alibi la faiblesse de penser qu’une certaine priorité doit être accordée aux sujets relevant de l’histoire de l’édition en Auvergne. À part quelques tentatives isolées (à Clermont, à Moulins, au Puy-en-Velay), cette histoire reste à écrire. Cette communication intervient dans le contexte de la rédaction du Catalogue régional des incunables des bibliothèques d’Auvergne et du Bourbonnais, CRI(), dont j’ai eu la charge. L’Auvergne administrative prise en considération par ce catalogue regroupe quatre départements : l’Allier, le Cantal, la Haute-Loire et le Puy-de-Dôme. J’y ai visité huit bibliothèques municipales (dont la Bibliothèque municipale et interuniversitaire de Clermont-Ferrand) quatre services d’Archives départementales, deux bibliothèques de séminaires, une bibliothèque diocésaine, un musée, une bibliothèque de société savante. Le bilan de la collecte est mince : références – dont de nombreux fragments – mais il faut tenir compte de deux faits : l’absence d’une bibliothèque, celle du Grand Séminaire du Puy qui n’a pas souhaité participer au recensement et nous prive d’une vingtaine de références (pourtant citées pour certaines dans le GW), et le départ au début du xx# siècle de volumes destinés à enrichir les bibliothèques parisiennes. Aussi, en tenant compte des présents, des absents et des disparus, on arrive au total d’environ références ce qui n’est pas si mal pour une région pauvre, rurale, peu urbanisée, sans tradition universitaire et d’où, enfin des bibliothèques entières ont disparu sans laisser de traces : celles des jésuites de Billom et de Mauriac, celle des bénédictins de La Chaise-Dieu entre autres.
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dominique frasson-cochet
Le projet, en tous points passionnant, m’a permis de visiter de superbes bibliothèques, dans le décor naturel somptueux de l’Auvergne et ce dans des conditions de travail parfois proches de la réalité médiévale : à la bibliothèque du Séminaire de St-Flour par exemple, non encore électrifiée lors de mon passage. Ce périple, qui tenait parfois à l’expédition, et pour lequel j’étais peu préparé (je dirigeais auparavant une bibliothèque publique) a été vécu avec l’émerveillement naïf de l’amateur : mais c’est sans doute le préalable nécessaire pour se lancer dans une telle aventure. J’ai eu le plaisir de retrouver – parmi d’autres splendides éditions – deux ouvrages concernant directement notre région même si ce n’est que sous forme de fragments : Ë le Missel de Clermont de dans son édition in-( (Lyon, Michel Topié, nov.). À ne pas confondre avec l’édition in-( de la même année (Venise, Giovanni-Antonio Beretta, sept.). Cette édition « fantôme » a trompé de nombreux bibliographes qui n’ont pas voulu croire à l’existence de l’impression vénitienne, absente des bibliothèques auvergnates mais conservée à l’Arsenal, à la Mazarine et à la Bibliothèque municipale de Lyon. Ë les Coutumes du Bourbonnais de dont un exemplaire est conservé à la Bibliothèque municipale de Montluçon. C’est de ce dernier ouvrage que je vais parler maintenant et le mérite – fort mince – de mon propos tiendra uniquement à la compilation des sources publiées et à la confrontation des exemplaires présents aujourd’hui dans notre région. En novembre les Archives du bibliophile, catalogue de la librairie ancienne Anatole Claudin, proposent à la vente, sous la référence , entre autres incunables, un exemplaire inconnu des Coutumes du Bourbonnais, imprimées à Lyon le décembre pour Eustache Marion, libraire à Moulins. L’ouvrage, un petit in-( de feuillets, est proposé pour francs (or). La notice habituelle est suivie de ce commentaire pour le moins curieux, que je ne résiste pas à citer in-extenso : Édition absolument inconnue de la coutume du Bourbonnais. La première édition connue de cette coutume ne remonte pas au-delà de et a été imprimée à Paris (voir Brunet). Celle-ci présente un texte entièrement différent qui est celui d’un manuscrit de la Bibliothèque Nationale, original signé par les rédacteurs et commissaires de la dite ancienne coutume promulguée en seulement. L’imprimé est donc antérieur au manuscrit de plus d’une année. Cette édition de Lyon dont nous avons identifié les caractères pour être ceux de Jacques Arnollet, natif d’Aubinges, aux environs de Bourges, a dû être détruite et mise au pilon. Elle a été exhumée de la couverture d’un vieux livre trouvé en Savoie auquel les feuillets épars et collés l’un sur l’autre servaient de carton. Presqu’en même temps, M. Léopold Delisle en découvrait d’autres fragments sans titre et sans fin, également enfouis dans une couverture de livre, à la Bibliothèque Nationale. – Ces fragments de sources différentes et rapprochés l’un de l’autre ont permis de reconstituer
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les coutumes du bourbonnais de 1498 deux exemplaires du texte complet de cette édition qui avait disparu ; l’un est entré dans les collections de la Bibliothèque Nationale, l’autre est celui-ci que nous présentons en vente. Les feuillets qui le composent sont en partie mutilés comme dans celui de la Bibliothèque.
Tout est dit… ou presque. L’édition est ensuite dûment répertoriée par la littérature savante, qui cite l’exemplaire de la Bibliothèque nationale de France, considéré comme un unicum : Ë Marie Pellechet, dans son Catalogue général sous le n( , avec ce commentaire succinct : « BN, F (mutilé, provenant d’une reliure) » ; Ë Anatole Claudin, dans son Histoire de l’imprimerie en France (vol. IV, p. -) dans le chapitre consacré à l’atelier de Jacques Arnollet et Claude Dayne, où il donne la reproduction de l’achevé d’imprimer et de la page de titre, accompagnée de ce commentaire sobre et modeste : « Cette édition, la première de toutes, que nous avons découverte récemment, était inconnue. Elle se trouve actuellement à la Bibliothèque Nationale. » Ë Le Président Baudrier enfin, dans sa Bibliographie lyonnaise (vol. X, p. ), avec transcription du catalogue de la librairie Claudin déja cité. L’exemplaire décrit, toujours le même – celui de la BnF –, est complet de ses feuillets mais leur mutilation est évidente. L’identification proposée par Claudin : [Lyon : Jacques Arnollet] pour Eustache Marion à Moulins ne semble pas devoir être mise en doute. C’est, pour la région, la première mention d’édition qui la concerne. On retrouvera Eustache Marion comme éditeur-libraire d’une autre édition des Coutumes du Bourbonnais imprimées à Lyon par Claude Davost en n. La présence à la Bibliothèque municipale de Montluçon d’un troi n Répertoire bibliographique des livres imprimés en France au sième exemplaire des Coutumes du Bourbonnais de , à ce jour non seizième siècle. # livraison par recensé, incomplet ( ff. seulement) et fragmentaire mais « farci » de L. D:H# de Levi Légende : Armée aux portes d’une cité ; Lévites dans le Temple Descripteurs : arbre, architecture, arme, armée, armure, autel, bouclier, casque, cité, coiffe, colonne, fleuve, fortifications, lance, rocher, soldat, statue, architecture, clergé, croix de procession, codex, colonne, Lévites, statue, Temple Dimensions : 98x171 mm Inscriptions : Note : Auteur : Titre normalisé : [Rudimentum novitiorum] Titre de l’édition : La mer des hystoires Langue : Français Lieu d’impression : Paris Imprimeur-libraire : Pierre Le Rouge pour Vincent Commin Date d’impression : VII 1488 Format : 2º Nombre de pages : 524 Marque typographique : Notice du catalogue : CIBN R-221
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Notice / Image seule / Plein écran / Reproduire Rés. G. 688, fol. s5, bois nº 2408, Armée aux portes d’une cité ; Lévites dans le Temple
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Notice de l’image Notice 5 / 6
Cote : Rés. Ye. 306
Folio : b2 Nº identifiant : 2408-A Rubrique : Comment Rouen fut prins par les Angloys Légende : Anglais aux portes de Rouen Descripteurs : Anglais, arbre, architecture, arme, armée, armure, autel, bouclier, casque, cité, coiffe, colonne, fleuve, fortifications, lance, rocher, Rouen, Seine, soldat, statue Dimensions : 98x108 mm Inscriptions : Note :
Auteur : MARTIAL d’AUVERGNE Titre normalisé : Les Vigilles de la mort de Charles VII Titre de l’édition : Les Vigilles de la mort de Charles VII Langue : Français Lieu d’impression : Paris Imprimeur-libraire : Jean Du Pré Date d’impression : 18 V 1493 Format : 4º Nombre de pages : 231 Marque typographique : Jean Du Pré Notice du catalogue : CIBN N-156
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Notice / Image seule / Plein écran / Reproduire Rés. Ye. 306, fol. b2, bois nº 2408-A, Anglais aux portes de Rouen
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Rés. J. 845 a1, 3998, Suicide de Thisbé
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Rés. J. 845 r5, 4007, Suicide d’Ajax
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Rés. g. Yc. 312 m2, 874, Combat d’Enée et Turnus et suicide d’Amata
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Rés. g. Yc. 426 e3, 3998, Suicide de Thisbé
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Rés. g. Yc. 426 t5, 4007, Suicide d’Ajax
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Rés. m. Ye. 22 g6, 1924, Suicide d’une femme
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Rés. m. Ye. 22 i5v, 1924, Suicide de Lucrèce
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Rés. Ye. 11 f6v, 1924, Suicide d’une femme
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Rés. Ye. 11 h5, 1924, Suicide de Lucrèce s
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Notice / Légendes / Chemin de fer / Image seule / Planche contact / Plein écran / Reproduction ≈
6 : Rés. m. Ye. 22, fol. g6, bois nº 1924, Suicide d’une femme
5 : Rés. g. Yc. 426, fol. t5, bois nº 4007, Suicide d’Ajax
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6 : Rés. m. Ye. 22, fol. g6, bois nº 1924, Suicide d’une femme
7 : Rés. m. Ye. 22, fol. i5v, bois nº 1924, Suicide de Lucrèce
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Notice / Légendes / Chemin de fer / Image seule / Planche contact / Plein écran / Reproduction ≈
Notice de l’image Cote : Rés. m. Ye. 22 Folio : g6 Nº identifiant : 1924 Rubrique : Comment l’emperiere Neron se tua devant deux garçons en ung iardin ou se bouta pource que son peuple doubta Légende : Suicide d’une femme Descripteurs : arme, coiffe, épée, suicide Dimensions : 67x59 mm Inscriptions : Note : Décalage iconographique entre la rubrique (suicide de Néron) et l’image (suicide d’une femme) dû au remploi abusif d’un bois
5 : Rés. g. Yc. 426, fol. t5, bois nº 4007, Suicide d’Ajax
—
6 : Rés. m. Ye. 22, fol. g6, bois nº 1924, Suicide d’une femme
7 : Rés. m. Ye. 22, fol. i5v, bois nº 1924, Suicide de Lucrèce
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Auteur : GUILLAUME de LORRIS, JEAN de MEUNG Titre normalisé : Roman de la Rose Titre de l’édition : Roman de la Rose Langue : Français Lieu d’impression : Paris Imprimeur-libraire : [Le Petit Laurens pour] Antoine Vérard et Jean Petit Date d’impression : vers 1497 Format : 2º Nombre de pages : 281 Marque typographique : Jehan Petit Notice du catalogue : GW 11860
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Mss, Rotschild I. 5. 7 a3, 2910, Prophète ; Annonciation ; Saint Luc (bordure)
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Vélins 1630 n6v, 1544, Annonciation
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Vélins 1630 A8v, 1544, Annonciation
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Vélins 2808 B4v, 1544, Annonciation
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Vélins 2912 d6v, 6727, Annonciation ; Reproche de saint Joseph à la Vierge ; Songe de saint Joseph
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Vélins 2912 f4, 6727, Annonciation ; Reproche de saint Joseph à la Vierge ; Songe de saint Joseph
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Vélins 2912 c1, 6727, Annonciation ; Reproche de saint Joseph à la Vierge ; Songe de saint Joseph
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Notice de l’édition Images Légendes
Cote : Rés. m. Yc. 308 Auteur : BADIUS (Jodocus) Titre normalisé : Stultiferae naves Titre de l’édition : Stultiferae naves Langue : Latin Lieu d’impression : [Paris] Imprimeur-libraire : Thielman Kerver pour Enguilbert [Jean et Geoffroy] de Marnef Date d’impression : [18 II 1500] Format : 4º Nombre de pages : 39 Marque typographique : Thielman Kerver ; Enguilbert, Jean et Geoffroy de Marnef Notice du catalogue : CIBN B-4
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Liste des légendes Notices Résultat : 8 légendes Cote : Rés. m. Yc. 308 Auteur : BADIUS (Jodocus) Titre normalisé : Stultiferae naves Titre de l’édition : Stultiferae naves Langue : Latin Lieu d’impression : [Paris] Imprimeur-libraire : Thielman Kerver pour Enguilbert [Jean et Geoffroy] de Marnef Date d’impression : [18 II 1500] Format : 4º Nombre de pages : 39 Marque typographique : Thielman Kerver ; Enguilbert, Jean et Geoffroy de Marnef Notice du catalogue : CIBN B-4
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a1, 2717, Marque typographique d’Enguilbert, Jean et Geoffroy de Marnef
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a3, 2718, Nef des fous et péché originel
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a5, 2719, Nef des folles et coquette se mirant
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blv, 2720, Nef des folles musiciennes
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b5, 2721, Fou entraînant une folle dans la nef
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b6v, 2722, Festin dans la nef des folles
7
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c2v, 2723, Couples de fous s’embrassant dans la nef des folles
8
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c6, 2715, Marque typographique de Thielman Kerver
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Images
Notice / Légendes / Chemin de fer / Image seule / / Planche contact / Plein écran / Reproduction
Rés. m. Yc. 308, fol. al, bois nº 2717, Marque typographique d’Enguilbert, Jean et Geoffroy de Marnef
Rés. m. Yc. 308, fol. b5, bois nº 2721, Fou entraînant une folle dans la nef
Rés. m. Yc. 308, fol. a5, bois nº 2719, Nef des folles et coquette se mirant
Rés. m. Yc. 308, fol. blv, bois nº 2720, Nef des folles musiciennes
Rés. m. Yc. 308, fol. c2v, bois nº 2723, Couples de fous s’embrassant dans la nef des folles
Rés. m. Yc. 308, fol. c6, bois nº 2715, Marque typographique de Thielman Kerver
Rés. m. Yc. 308, fol. a3, bois nº 2718, Nef des fous et péché originel
Rés. m. Yc. 308, fol. b6v, bois nº 2722, Festin dans la nef des folles
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Notice / Légendes / Chemin de fer / Image seule / Planche contact / Plein écran / Reproduction Image 4/8 Rés. m. Yc. 308, fol. blv, bois nº 2720, Nef des folles musiciennes 1 : Rés. m. Yc. 308, fol. al, bois nº 2717, Marque typographique d’Enguilbert, Jean et Geoffroy de Marnef 2 : Rés. m. Yc. 308, fol. a3, bois nº 2718, Nef des fous et péché originel 3 : Rés. m. Yc. 308, fol. a5, bois nº 2719, Nef des folles et coquette se mirant
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4 : Rés. m. Yc. 308, fol. blv, bois nº 2720, Nef des folles musiciennes 5 : Rés. m. Yc. 308, fol. b5, bois nº 2721, Fou entraînant une folle dans la nef 6 : Rés. m. Yc. 308, fol. b6v, bois nº 2722, Festin dans la nef des folles 7 : Rés. m. Yc. 308, fol. c2v, bois nº 2723, Couples de fous s’embrassant dans la nef des folles 8 : Rés. m. Yc. 308, fol. c6, bois nº 2715, Marque typographique de Thielman Kerver
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Rés. m. Yc. 308, fol. b6v, bois nº 2722, Festin dans la nef des folles
4 : Rés. m. Yc. 308, fol. blv, bois nº 2720, Nef des folles musiciennes
5 : Rés. m. Yc. 308, fol. b5, bois nº 2721, Fou entraînant une folle dans la nef
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6 : Rés. m. Yc. 308, fol. b6v, bois nº 2722, Festin dans la nef des folles
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Cote : Rés. m. Ye. 308 Folio :a3 Nº identifiant : 2718 Rubrique : Légende : Nef des fous et péché originel Descripteurs : Adam, ancre, arbre, bateau, bannière, cité, dragon, Eve, fou, fruit, hybride, masque, nudité, paysage, péché originel, rame, Satan Dimensions : 79x112 mm Inscriptions : Note : Auteur : Badius (Jodocus) Titre normalisé : Stultiferae naves Titre de l’édition : Stultiferae naves Langue : Latin Lieu d’impression : Paris Imprimeur-libraire : Thielman Kerver pour Enguilbert [Jean et Geoffroy] de Marnef Date d’impression : [18 II 1500] Format : 4º Nombre de pages : 39 Marque typographique : Thielman Kerver ; Enguilbert, Jean et Geoffroy de Marnef Notice du catalogue : CIBN B-4
1 : Rés. m. Yc. 308, fol. a1, bois nº 2717, Marque typographique d’Enguilbert, Jean et Geoffroy de Marnef
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Notice de l’mage
2 : Rés. m. Yc. 308, fol. a3, bois nº 2718, Nef des fous et péché originel
3 : Rés. m. Yc. 308, fol. a5, bois nº 2719, Nef des folles et coquette se mirant
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INKUNABELN IM INTERNET ONLINE-PROJEKTE ZUR KATALOGISIERUNG UND DIGITALISIERUNG IN DEUTSCHLAND Bettina Wagner
m vergangenen Jahrzehnt hat sich die Situation der Inkunabelkatalogisierung in Deutschland grundlegend verändert. Mehr und mehr Kataloge und andere Ressourcen sind in elektronischer Form verfügbar gemacht worden, und viele von ihnen enthalten digitale Abbildungen von Inkunabeln. Für den Inkunabelkatalogisierer ist dadurch nun erheblich leichter, zu bestimmen, zu welcher Ausgabe ein vorhandenes Exemplar gehört. Zugleich sind die Ergebnisse der Katalogisierungsarbeit sehr viel schneller einem breiten Publikum zugänglich : neben gedruckte Inkunabelkataloge treten zunehmend Datenbanken, die eine zeitnahe Verbreitung neuer Nachweise und Erkenntnisse ermöglichen. Inkunabeln werden damit zunehmend nicht nur für ein bibliographisch versiertes Fachpublikum verfügbar, sondern können von Wissenschaftlern der unterschiedlichsten historischen und philologischen Disziplinen, aber auch von interessierten Laien benutzt werden. Auf die Bedürfnisse dieser neuen Nutzerkreise müssen Inkunabelkataloge reagieren, wenn sie ihre « Relevanz » als langwierige und aufwendige bibliothekarische Detailarbeit in Zeiten hart umkämpfter Fördermittel und kurzlebiger Projekte bewahren wollen. Damit gewinnen die Bewahrer von Inkunabelbeständen zugleich neue Chancen, wenn sie die Faszination für sich nutzbar machen, welche die ältesten Drucke aufgrund der technischen Innovationen ihrer Herstellung, aufgrund der Vielfalt ihrer Text- und Bildüberlieferung und nicht zuletzt aufgrund ihrer Seltenheit bis heute auf Leser ausüben. Deutsche Bibliotheken engagieren sich seit langem für die Erschließung der in ihnen vorhandenen Inkunabelbestände. Seit der Gründung der Kommission für den Gesamtkatalog der Wiegendrucke (GW) am Anfang des . Jahrhunderts entstanden in der Berliner Arbeitsstelle Inkunabelbeschreibungen von höchstem bibliographischem Niveau ; zwei Weltkriege und die deutsche Teilung erschwerten allerdings den Fortgang der Arbeit. Seit dem
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Ende der er Jahre bemühte sich daher daneben der Inkunabelcensus Deutschland, die deutsche Arbeitsstelle des Incunabula Short Title Catalogue (ISTC) der British Library, um einen Gesamtnachweis der in Deutschland vorhandenen Inkunabeln. Er fungierte zunehmend als Grundlage für Bestandskataloge einzelner Inkunabelsammlungen, die in Anreicherung der ISTC-Titelaufnahmen erstellt wurden. Im Inkunabelkatalog deutscher Bibliotheken (INKA) sind viele von ihnen nun im Internet zugänglich. Neue Maßstäbe im Hinblick auf die Beschreibungstiefe setzte der Inkunabelkatalog der Bayerischen Staatsbibliothek München (BSB-Ink), die über die größte deutsche Inkunabelsammlung verfügt. Die Internetversion des Katalogs ermöglicht nun seine Anreicherung um digitale Images von Inkunabeln, die zusätzliche Erschließungsaufgaben stellen. In großer Zahl sind Wiegendrucke bereits in der Verteilten digitalen Inkunabelbibliothek (VdIb) im Internet verfügbar ; auch hier werden neue Wege der Erschließung beschritten. Die genannten Projekte sollen im folgenden näher vorgestellt werden. Sie alle haben verschiedene Entstehungsgeschichten, sind aber inzwischen in elektronischer Form zugänglich und werden zunehmend miteinander vernetzt. Diese Vernetzung erlaubt es, die Zielsetzungen und Charakteristika der einzelnen Projekte zu bewahren, aber dennoch den Benutzer von einer Ressource zur anderen zu leiten. Damit ergänzen sich die Projekte gegenseitig, ohne daß eine Nivellierung unterschiedlicher Erschließungstiefen und Datenmengen erforderlich ist. Die digitalen Images können – unabhängig vom ursprünglichen Anlaß ihrer Erstellung – von verschiedenen Projekten nachgenutzt werden. Die unterschiedlichen Recherchefunktionalitäten der Internetressourcen erlauben vielfältige neue Zugriffe auf die Datenbestände, setzen aber beim Benutzer eine genaue Kenntnis der Datenbankinhalte und kreative Suchstrategien voraus. Die Vermittlung dieser Informationen und Fähigkeiten wird zunehmend zu den Aufgaben von Altbestandsbibliothekaren gehören.
Inkunabelbibliographien Gesamtkatalog der Wiegendrucke (GW) http ://www.gesamtkatalogderwiegendrucke.de/ n Derzeit gültig ist die « Anleitung zur ausführlichen Beschreibung der Wiegendrucke für den Gesamtkatalog » im . Band des GW, S. *-*. o Ein bibliographisches Verzeichnis hrsg. von der Kommission für den Gesamtkatalog der Wiegendrucke. Halle a.S., Karras, (Sammlung bibliothekswissenschaftlicher Arbeiten ).
Als der Gesamtkatalog der Wiegendrucke als nationales Unternehmen der deutschen Bibliotheken gegründet wurde, wurden bis heute gültige Richtlinien für die Anlage von Inkunabelbeschreibungenn erarbeitet, die zunächst in den « Nachträgen zu Hain’ s Repertorium bibliographicum und seinen Fortsetzungen als Probe des Gesamtkatalogs der Wiegendrucke » (Leipzig ) und vier Jahre später in den « Einblattdrucken des XV. Jahrhunderts »o Anwendung fanden. Als Vorarbeit für den GW sichtete man die Inkunabelbestände deutscher Bibliotheken
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inkunabeln im internet
systematisch und erstellte Bestandslisten, die in den folgenden Jahrzehnten vielfach als Grundlage für lokale Bestandskataloge genutzt wurden. In der Berliner Arbeitsstelle entstand das « GW-Manuskript » – ein umfangreicher Zettelkatalog aller nachgewiesenen Ausgaben des . Jahrhunderts mit bibliographischen Beschreibungen und Bestandsnachweisen aus der ganzen Welt, der bis heute als Basis der im gedruckten GW publizierten Katalogisate fungiert. Nachdem die ersten sieben Bände des GW zwischen und erschienen waren, unterbrach der Zweite Weltkrieg den Fortgang der Arbeit ; die deutsche Teilung erschwerte ihn weiter. Erst konnte der Druck wiederaufgenommen werden. Jahre nach dem Erscheinen des ersten Bandes enthält der GW nun Beschreibungen von p Zuletzt erschienen : Band , . Inkunabelausgabenp – etwa ein Drittel aller Titelaufnahmen des Lieferung (Stuttgart, HierseGW-Manuskripts und weniger als die Hälfte aller erhalten gebliebenen mann, ). q Vgl. K. Dachs und W. Wiegendruckeq Schmidt, « Wieviele InkunabelSeit August sind sowohl die gedruckten Inkunabelbeschreiausgaben gibt es wirklich ? », in Bibliotheksforum Bayern, , bungen des GW als auch die handschriftlichen Entwürfe des GW-ManuHeft , S. -. skripts im Internet zugänglichr Die Datenbank enthält derzeit Einträge r Vgl. auch N. Suckow, W. zu . Personen (d.h. Namen von Autoren, Herausgebern, Druckern, Klarkowski, « Die Datenbank “Gesamtkatalog der WiegendruVerlegern u.a. an den Ausgaben beteiligten Personen), . Werkkatacke” », Zeitschrift für Bibliotheksloge (Übersichten über die von einem Autor oder unter einem anonymen wesen und Bibliographie , , Heft , S. -. Sachtitel im . Jahrhundert gedruckten Werke), . Werke und . Werktitel, Offizinen, . Ausgabenbeschreibungen und Bestandsnachweise aus . Inkunabelsammlungen. Die Beschreibungen sind jedoch noch sehr heterogen : moderne Titelaufnahmen nach den GW-Richtlinien finden sich nur für diejenigen Inkunabeln, von denen bereits in den gedruckten Bänden des GW Beschreibungen vorliegen. Die Titelaufnahmen der ersten neun Bände sind dabei vorläufig nur in verkürzter Form zugänglich, werden aber kontinuierlich erweitert. Vollständige Beschreibungen einschließlich der exakten Transkription von Schlüsselseiten finden sich für Ausgaben aus Band des GW (GW -), der im Jahr erschien. Die Titelaufnahmen der seitdem erschienenen Lieferungen können gemäß einer Vereinbarung mit dem Hiersemann-Verlag erst zwei Jahre nach der Druckpublikation vollständig im Internet zugänglich gemacht werden. Für die noch unbearbeiteten Inkunabelausgaben enthält die Internet-Datenbank lediglich Kurzaufnahmen, die um Images der Zettelkartei des GW-Manuskripts ergänzt sind. Die dort verfügbaren Angaben sind – je nach der herangezogenen Quelle – von sehr unterschiedlicher Qualität ; vielfach sind jedoch schon sehr detaillierte, in Autopsie erstellte Druckbeschreibungen vorhanden. Bei der Benutzung des GW online ist dieser historisch bedingte unterschiedliche Datenstand immer zu berücksichtigen, da er Auswirkungen darauf hat, welche Informationen recherchierbar sind. Die Suchfunktionalitäten werden kontinuierlich erweitert und ermöglichen inzwischen auch eine Suche nach satztechnischen und typographischen Charakteristika. Die mit hohem Aufwand erstellten und nachbearbeiteten Indizes erlauben einen sehr benutzerfreundlichen Zugang zu den wichtigsten Informationskategorien.
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Inkunabelcensus Deutschland (ISTC) http ://www.bl.uk/catalogues/istc/index.html http ://www.bsb-muenchen.de/Inkunabel-Census_fuer_die_Bund. .html Das Projekt des Incunabula Short Title Catalogue (ISTC) wurde durch Dr. Lotte Hellinga an der British Library London zu einem Zeitpunkt initiiert, als die Arbeit am GW nur sehr langsam voranschritt. Im Gegensatz zum GW, der von einer einzigen zentralen Arbeitsstelle in Berlin getragen wird, war ISTC von Anfang an als kooperatives Projekt mehrerer Länder angelegt, dessen Fortgang von der Londoner Zentrale koordiniert wird. Dort wird die zentrale ISTC-Datenbank gepflegt, in die zunächst Inkunabelbeschreibungen aus Goffs Verzeichnis der Wiegendrucke in amerikanischen Bibliothekens aufgenommen s F. R. Goff, Incunabula in wurden. Die nationale Arbeitsstelle für Deutschland wurde an der American Libraries. A Third Census of Fifteenth-Century Books RecorBayerischen Staatsbibliothek München eingerichtet und seitdem von ded in North American Collections, der Deutschen Forschungsgemeinschaft gefördert. Eine Arbeitsstelle New York, Bibliographical Society of America, (reprint ). für Österreich existiert seit an der Österreichischen Nationalbibli t Zugänglich über die Website othek Wient Die nationalen Arbeitsstellen sammeln und prüfen Inkuder Österreichischen Nationalbibliothek : http ://aleph.onb.ac.at/ nabelnachweise, die ihnen von Bibliotheken und anderen Inkunabelsammlungen des jeweiligen Landes geliefert oder in gedruckten Katalogen publiziert werden, und arbeiten die Bestände in die ISTC-Datenbank ein. Nach Abschluß der Bearbeitung einer Sammlung werden die ISTC-Titelaufnahmen daneben der besitzenden Bibliothek in elektronischer Form zur Verfügung gestellt, um so als Grundlage für einen lokalen Bestandskatalog genutzt werden zu können. Da Ende der er Jahre noch keine Möglichkeit zum Zugriff aus der Ferne (« remote access ») auf eine zentrale Datenbank bestand, konnten Änderungen an den ISTC-Daten, die von den nationalen Redaktionen durchgeführt wurden, nur mittels regelmäßiger Uploads in die Datenbank überführt werden. Da diese Updates nur teilweise automatisch erfolgen konnten, entstanden z.T. erhebliche Verzögerungen bei der Aktualisierung der Daten. Durch Datenlieferungen an die besitzenden Bibliotheken, die ihrerseits ISTC-Titelaufnahmen modifizierten und korrigierten, kam es zu einer weiteren Auseinanderentwicklung zwischen der zentralen Datenbank und ihren nationalen oder lokalen Derivaten, die nur durch manuellen Abgleich wieder vereinheitlicht werden konnte. Dieser unbefriedigende Zustand kann nun mit Hilfe des Internets überwunden werden. Eine neugeschaffene Internetoberfläche der ISTC-Datenbank erlaubt die Recherche im Datenpool und kann in Zukunft auch über einen passwortgeschützten Zugang als Eingabemaske für die nationalen Arbeitsstellen fungieren. Im Gegensatz zur bisherigen CD-ROM-Ausgabe des « Illustrated incunabula short title catalogue » (zuletzt . Version von ) enthält sie jedoch aus urheberechtlichen Gründen keine Digitalisate von Schlüsselseiten. Statt dessen wird auf frei verfügbare Inkunabeldigitalisate im Internet verlinkt, soweit ein langfristiger Zugriff auf diese Images über eindeutige und persistente URLs gesichert ist.
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inkunabeln im internet
Derzeit enthält die lokale Datenbank des Inkunabelcensus Deutschland . Titelaufnahmen (davon . mit Erscheinungsjahren vor ) mit einer Gesamtzahl von etwa . Inkunabelexemplaren in deutschen Sammlungen. Von den . Institutionen in Deutschland, in deren Besitz sich Wiegendrucke befinden oder befunden haben, sind derzeit über mit Beständen im ISTC erfaßt.
Bestandskataloge Während GW und ISTC vollständige bibliographische Verzeichnisse aller Drucke des . Jahrhunderts darstellen, sind INKA und BSB-Ink Bestandsverzeichnisse der Inkunabelsammlungen verschiedener deutscher Bibliotheken. Im Gegensatz zu GW und ISTC weisen sie daher die vorhandenen Exemplare von Inkunabeln nicht nur mit einer kurzen Standortangabe (dem Bibliotheksnamen und der Zahl und evtl. Vollständigkeit der dort vorhandenen Exemplare) nach, sondern reichern die Exemplarbeschreibungen um zusätzliche Informationen an. Das Mindestlevel der Exemplarbeschreibung umfaßt die Signatur des jeweiligen Exemplars ; hinzu kommen je nach Stand der Katalogisierung mehr oder weniger detaillierte Informationen zur Vollständigkeit und zum Zustand, zur Ausstattung und Provenienz sowie zum Einband. Sowohl INKA als auch BSB-Ink gingen aus gedruckten Inkunabelkatalogen großer Sammlungen (in Freiburg und München) hervor, die für die Internetpublikation retrokonvertiert und in eine Datenbank-Feldstruktur überführt worden. Die Netzpublikationen bieten aber zahlreiche zusätzliche Funktionalitäten gegenüber dem gedruckten Katalog : Informationen, die normalerweise nicht in gedruckte Register aufgenommen werden, können recherchiert und mit anderen Suchbegriffen kombiniert werden ; Beschreibungen können jederzeit korrigiert und aktualisiert werden ; Bibliographien und Kataloge verschiedener Sammlungen können verlinkt werden, um dem Benutzer schnellen Zugriff auf unterschiedliche Informationssysteme zu gewähren ; und schließlich können Beschreibungen um digitale Reproduktionen von Inkunabeln angereichert werden, um dem Katalogbenutzer direkten Zugang zu den Texten, Bildern und exemplarspezifischen Merkmale der Wiegendrucke zu ermöglichen.
INKA http ://www.inka.uni-tuebingen.de/ Der « Inkunabelkatalog deutscher Bibliotheken » ist ein gemeinsamer Katalog der Inkunabelbestände mehrerer deutscher Bibliotheken, der seit im Internet zugänglich istu Die Datenbank hat ihren Ursprung im
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u Vgl. U. Mehringer, A. Schlechter, « Der InkunabelKatalog deutscher Bibliotheken (INKA) », B.I.T.-online , , Nr. , S. -.
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Freiburger Inkunabelkatalog von Vera Sackv, der aufgrund seines Umfangs und Qualität retrokonvertiert wurde, um die Titelaufnahmen für die Katalogisierung anderer Inkunabelsammlungen, vor allem solcher in Baden-Württemberg, nachnutzen zu können. Für Inkunabeln, die in Freiburg nicht vorhanden waren, wurden neue Beschreibungen auf der Grundlage der im deutschen Inkunabelcensus (ISTC) erfaßten Kurzbeschreibungen angefertigt. Bereits vor der Veröffentlichung eines gedruckten Bestandskatalogs können in INKA Informationen zu in Bearbeitung befindlichen Sammlungen im Internet zugänglich gemacht werden, wobei die Inkunabelbeschreibungen allerdings je nach Bearbeitungsstand der einzelnen Sammlung unterschiedlich ausführlich und in unterschiedlichem Maß vereinheitlicht sind. Während beim Freiburger Katalog zunächst auf die Konversion der Exemplarbeschreibungen verzichtet worden war, da für die Nachnutzung durch andere Bibliotheken nur die Titelaufnahmen relevant waren, bieten viele der in INKA recherchierbaren Kataloge anderer Sammlungen bereits sehr ausführliche Exemplarbeschreibungen. Gerade die Möglichkeit zur bestandsübergreifenden Suche in Exemplardaten wie Provenienzen und Einbandbeschreibungen hat sich als ein erheblicher Mehrwert der in INKA zusammengeführten Kataloge erwiesen, weshalb mittlerweile auch Beschreibungen der Freiburger Exemplare nachträglich in die Datenbank eingespielt werden. Derzeit sind in INKA Inkunabelbeschreibungen aus deutschen Bibliotheken recherchierbar. Die Zahl der enthaltenen Ausgabenbeschreibungen beläuft sich auf , die der Exemplare auf , jeweils allerdings einschließlich des umfangreichen Bestandes der Bayerischen Staatsbibliothek München von Ausgaben in ca. Exemplaren. Daneben sind die folgenden Bestände aufgenommen :
v V. Sack, Die Inkunabeln der Universitätsbibliothek und anderer öffentlicher Sammlungen in Freiburg im Breisgau und Umgebung, Teil -, Wiesbaden, Harrassowitz, (Kataloge der Universitätsbibliothek Freiburg im Breisgau , -). Online zugänglich unter http ://www. manuscripta-mediaevalia.de/hs/kataloge/HSK.htm
Stuttgart WLB
Freiburg UB
München UB
Wolfenbüttel Herzog August Bibliothek
Tübingen UB
Heidelberg UB
Mainz Gutenberg-Museum
Nürnberg Stadtbibliothek
Karlsruhe BLB
Bonn ULB
Göttingen SUB
Dresden SLUB
Greifswald UB
Rostock UB u.a.
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inkunabeln im internet
Rottenburg Diözese
Weimar Herzogin Anna Amalia Bibliothek
Überlingen Leopold-Sophien-Bibliothek
Hamburg SUB
Konstanz UB
Sigmaringen Hofbibliothek
Rastatt Histor. Bibliothek
Mannheim UB
Tübingen Evangelisches Stift
Die Beschreibungen lassen sich nach der Erschließungstiefe in drei verschiedene Gruppen einteilen : Ë Basiserschließung (Titelaufnahmen aus ISTC, teilweise noch in englischer Sprache ; Exemplarbeschreibungen nur mit Bestandsnachweis oder Signatur) : Bonn, Dresden, Hamburg, Mainz, München UB, Nürnberg, Wolfenbüttel Ë mittlere Erschließungstiefe (Titelaufnahmen aus retrokonvertierten älteren Katalogen, z.T. abweichend von ISTC ; in INKA meist nur knappe Exemplarbescheibungen ohne recherchierbare Normdaten z.B. von Provenienzeinträgen) : Freiburg, München BSB Ë vollständige Beschreibung (Titelaufnahmen und Exemplarbeschreibungen in Autopsie, mit Normierungen, aus laufendem oder vor kurzem abgeschlossenen Katalogisierungsprojekt) : Göttingen, Greifswald, Heidelberg, Karlsruhe, Konstanz, Mannheim, Rastatt, Rostock, Rottenburg, Sigmaringen, Stuttgart, Tübingen, Überlingen, Weimar. Wenn für die gleiche Ausgabe Titelaufnahmen unterschiedlicher Qualität vorliegen, wird die vollständigste und aktuellste Beschreibung angezeigt. Die Beschreibungen aller für eine Ausgabe in der Datenbank enthaltenen Exemplare werden unter dieser Titelaufnahme aufgelistet. Sind für ein Exemplar bereits digitale Abbildungen vorhanden (derzeit bei Titeln mit Exemplaren, vorwiegend aus der Herzog August Bibliothek Wolfenbüttel und der Bayerischen Staatsbibliothek München), so werden diese beim jeweiligen Exemplar verlinkt. Nach Exemplaren mit digitalen Abbildungen kann gezielt gesucht werden (« nur mit Digitalisaten »). In den Ausgabenbeschreibungen kann nach Personennamen (Verfassern), Titeln, Druckorten, Druckern / Verlegern, Erscheinungsjahren und bibliographischen Nachweisen gesucht werden. Ebenfalls recherchierbar sind die Felder Buchbinder (sowie Nummern in den einbandkundlichen Handbüchern von Ernst Kyriss und Konrad Haebler), Provenienz, Signaturen und Katalognummern. Darüber hinaus ist eine Freitextsuche verfügbar. Suchbegriffe können beliebig kombiniert werden.
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BSB-Ink http ://www.bsb-muenchen.de/Inkunabeln. html http ://mdz .bib-bvb.de/cocoon/bsbink/sucheEin.html Die Bayerische Staatsbibliothek München (BSB) besitzt die größte Inkunabelsammlung in Deutschland und liegt weltweit an zweiter Stelle hinter der British Library London, die mit ihren etwa . Exemplaren von . Ausgaben den Münchener Bestand zwar an Ausgaben, aber nicht an Exemplaren übertrifftnm Von den insgesamt etwa nm Vgl. http ://www.bl.uk/col. Exemplaren von . Ausgaben im Bestand der Bayerischen lections/hoinc.html nn Bayerische Staatsbibliothek : Staatsbibliothek sind . Exemplare von . Ausgaben im gedruckInkunabelkatalog (BSB-Ink), ten Inkunabelkatalog beschriebennn Dort fehlen jedoch Beschreibungen Bände und Registerband, Wiesbaden, Reichert Verlag, -. von seit erworbenen Inkunabeln sowie von sogenannten « Inkunabeldubletten », etwa Bänden von mehrfach vorhandenen Inkunabeln, die bisher aufgrund von konservatorischen Problemen nicht katalogisiert wurden. Diese Exemplare werden derzeit inventarisiert. Angesichts der Größe des Bestands war seine Katalogisierung außerordentlich langwierig. Mit Förderung der Deutschen Forschungsgemeinschaft (DFG) wurde von bis der gedruckte Katalog erstellt. Nach den fünf Katalogbänden erschien ein erster Registerband mit dem Druckerregister und Konkordanzen ; ein zweiter mit Registern der literarischen Beiträger, Provenienzen und Einbände ist in Vorbereitung. Um die Erstellung der Register zu erleichtern und beschleunigen, wurde der gedruckte Katalog in eine Datenbank überführt, die mit Zustimmung des Reichert Verlags frei im Internet zugänglich gemacht wurde. Die Internetdatenbank erlaubt eine differenzierte Recherche in den sehr detaillierten Ausgabenund Exemplarbeschreibungen. So kann in den Titelaufnahmen nach allen Verfassernamen und Werktiteln gesucht werden, die in den umfangreichen Inhaltsangaben zu den Drucken verzeichnet sind. Bei den Exemplarbeschreibungen ist eine Stichwortsuche in der Beschreibung der Ausstattung (Buchmalerei, handschriftliche Annotationen), der Einbände und Provenienzen möglich ; auch nach beigebundenen Handschriften oder Drucken kann recherchiert werden. Eine « verknüpfte Suche » ermöglicht die Kombination von Suchbegriffen. Die Daten werden kontinuierlich erweitert und aktualisiert. Schon wurde mit Förderung durch die DFG ein Digitalisierungsprojekt für Holzschnitt-Illustrationen in Inkunabeln durchgeführt, bei dem auch eine ikonographische Erschließung von etwa Bildseiten aus Ausgaben mit dem Klassifikationssystem Iconclass geleistet wurde. Diese Erschließungsdaten sind in den Inkunabelkatalog integriert und können unter der Funktion « Bildsuche » abgerufen werden. Die digitalen Reproduktionen selbst sind mit den Exemplarbeschreibungen verknüpft. Auch die Ergebnisse anderer Digitalisierungsprojekte zu Wiegendrucken werden in der Katalogdatenbank nachgewiesen. So wurden die etwa Einblattdrucke des . Jahrhunderts, die in der BSB vorhanden sind (der größte Bestand an Inkunabel-Einblattdrucken weltweit) im Rahmen eines Projekts zum Aufbau einer Einblattdruckdatenbank
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inkunabeln im internet
vollständig digitalisiertno Der Zugang zu diesen Reproduktionen ist nun no http ://www.bsb-muenchen. de/Einblattdrucke...html auch vom Inkunabelkatalog aus möglich. Zudem werden die Exemplar np Recherchierbar über den beschreibungen sukzessiv mit digitalen Aufnahmen vollständiger InkuSuchbegriff « erworben » im Feld « Provenienz ». nabeln verlinkt, wenn diese aufgrund von Benutzerbestellungen ange nq http ://www.zfms.unifertigt werden. koeln.de/veranstaltungen/inkunabeln-workshop.php Die Inkunabel-Datenbank wird derzeit um Nachweise der bisher unkatalogisierten « Dubletten » angereichert ; eine Freigabe im Internet wird allerdings erst nach Abschluß des ersten Inventarisierungs-Durchlaufs erfolgen. Bereits abgeschlossen ist die retrospektive Katalogisierung der von bis erworbenen Wiegendrucke ; die Beschreibungen sind schon im Internet zugänglichnp Punktuell werden darüber hinaus neue Erkenntnisse zu Inkunabeln eingearbeitet, die aufgrund von Benutzeranfragen oder wissenschaftlichen Publikationen bekannt werden. Der online-Katalog wird also mehr und mehr einen aktuelleren Datenstand als der gedruckte Katalog aufweisen und diesen als ReferenzInstrument ersetzen.
Digitalisierungsprojekte : Die Verteilte digitale Inkunabelbibliothek (VdIB) http ://inkunabeln.ub.uni-koeln.de/ Als erstes Projekt zur Massendigitalisierung von Inkunabeln nahm im Jahre das von der Deutschen Forschungsgemeinschaft finanzierte Projekt der Universitäts- und Stadtbibliothek Köln und der Herzog August Bibliothek Wolfenbüttel die Arbeit auf ; die Ergebnisse sind bereit im Internet zugänglich. Ein Evaluationsworkshop wurde im November veranstaltetnq Im Rahmen des Projekts sollen etwa Inkunabeln aus den Kölner und Wolfenbütteler Sammlungen digitalisiert werden, wobei in Köln Drucke mit den Erscheinungsjahren -, in Wolfenbüttel aus den Jahren - ausgewählt werden, um Überschneidungen zu vermeiden. Digitalisiert werden vor allem Drucke in lateinischer Sprache aus deutschen Druckorten. Die Inkunabeln sind mit ISTC-Kurztitelaufnahmen erschlossen, darüber hinaus erfolgt durch die Projektbearbeiter eine Erschließung von bestimmten Informationen zum Text (Schlagwörter, Verweise, Verzeichnisse, Kommentare) und auf Seitenebene (Titelblatt / Incipit, Titelillustration, Illustration, Schmuckinitiale, Noten, Annotation, Kolophon / Explizit, Drucker / Verleger, Provenienz). Wenn eines dieser Merkmale vorhanden ist, wird im Katalogisat eine Markierung gesetzt ; zusätzlich werden fallweise Textteile wie Text- oder Kapitelanfänge transkribiert oder Stichwörter erfaßt, um eine Navigation im Druck zu ermöglichen. In der digitalen Sammlung kann geblättert werden, wobei als BlätterReihenfolge entweder das Alphabet der Verfassernamen bzw. der Titel, das Erscheinungsjahr des Drucks oder die Nummern im ISTC, GW oder BSB-Ink gewählt werden können.
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Suchmasken ermöglichen eine einfache Suche, die Suche über Indizes oder die Verknüpfung mehrerer Suchbegriffe in einem Formular. Im Ergebnisfeld wird auf der linken Spalte die Liste der Titel, in der rechten Spalte das ausgewählte Digitalisat angezeigt. Die Wolfenbütteler Exemplare sind in einer eigenen von der Herzog August Bibliothek entwickelten Präsentationsform zugänglich. Die Digitalisate wurden in vier verschiedenen Auflösungen farbig erstellt und erlauben mehrere Zoom-Funktionen, so daß auch kleinste Details des Originals (individuelle Drucklettern, handschriftliche Einträge, farbige Buchmalerei) exakt wiedergegeben und in maximaler Vergrößerung dargestellt werden können. Zur Schonung der Originale, die aufgrund der historischen Einbände teilweise nur in einem Winkel von weniger als ° aufgeschlagen werden können, wurden für die Erstellung der Digitalfotos eine spezielle Buchwiege sowie ein Aufnahmespiegel eingesetzt. Auch leere Seiten und Bucheinbände wurden mitdigitalisiert.
Zur Integration der existierenden elektronischen Ressourcen In den letzten Jahren wurde von deutschen Bibliotheken viel unternommen, um Inkunabelsammlungen im Internet zugänglich zu machen – sei es durch die Konversion gedruckter Kataloge und Bibliographien in Datenbanken oder durch die Digitalisierung von Originalen. Obwohl zunehmend das Bemühen erkennbar ist, die existierenden elektronischen Ressourcen miteinander zu vernetzen und dem Inkunabelforscher so ein « Weiterklicken » von der Bibliographie zum Bestandskatalog und zum digitalen Bild zu ermöglichen, sind immer noch einige Defizite zu überwinden. In der online-Datenbank des ISTC sind die Bestandsnachweise deutscher Sammlungen auf veraltetem Stand ; eine Aktualisierung ist im Rahmen der Zusammenführung der Londoner und Münchener Datenbanken zum Jahresende geplant. Eine Verlinkung der bibliographischen Nachweise im ISTC auf die elektronischen Bestandskataloge ist ebenfalls in Arbeit. Umgekehrt soll von den elektronischen Bestandskatalogen aus durch die Erfassung der ISTC-Nummer die Möglichkeit geschaffen werden, bei der Recherche im Bestand einer Bibliothek direkt auf den Gesamtnachweis aller Exemplare dieses Drucks zuzugreifen. Ähnliche Funktionalitäten wären auch in der online-Datenbank des GW erforderlich. Aus technischen Gründen ist aber eine Verlinkung des GW zu anderen elektronischen Ressourcen derzeit noch nicht möglich. Hier besteht noch Entwicklungsbedarf. Ein kontinuierlicher Ausbau der Inkunabel-Digitalisierung ist ebenfalls wünschenswert. Hier ist eine Zusammenarbeit der Bibliotheken mit Inkunabelsammlungen notwendig. Denkbar wäre z.B. eine Schwerpunktsetzung in Bereichen, für die einzelne Bibliotheken besonders umfangreiche oder relevante Bestände besitzen : so hat die BSB München als Besitzerin der größten Sammlung von Inkunabel-Einblattdrucken bereits diesen Bestand vollständig digitalisiert ; für die nächste Digitalisierungsphase sind die deutschsprachigen Inkunabeln
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inkunabeln im internet
vorgesehen, von denen sich ebenfalls die größte geschlossene Sammlung in München befindet. Auch aus Gründen der Bestandssicherung und –dokumentation ist die Digitalisierung von nur in einem Exemplar erhaltenen Ausgaben (Unikaten) von vordringlicher Bedeutung. Denkbar wäre auch, primär Drucke zu digitalisieren, die im gedruckten GW noch nicht verzeichnet sind, um die direkte Einsichtnahme in diese Ausgaben zu ermöglichen – ob für Philologen, deren Interesse den Texten gilt, für Kunsthistoriker, die Inkunabelillustrationen untersuchen, oder für Buchhistoriker, die sich mit den benutzten Typen oder Besonderheiten der Satzgestaltung befassen. Grundsätzlich sollten nach Möglichkeit in den einzelnen Ländern Europas zunächst die dort erschienenen Ausgaben digitalisiert werden, um so zeitaufwendige länderübergreifende Abstimmungsprozesse zu vermeiden. In dem Maße, in dem zunehmend Inkunabeln in elektronischer Form verfügbar werden, gewinnt ein zentraler Nachweis entscheidende Bedeutung zur Vermeidung von Doppeldigitalisierung – auch wenn eine Digitalisierung mehrerer Exemplare der gleichen Ausgabe durchaus in Einzelfällen (z.B. bei prominenten Objekten wie der Gutenberg-Bibel und der Schedelschen Weltchronik) sinnvoll sein kann, da in der Inkunabelzeit individuelle Besonderheiten der Druckexemplare wie Satzvarianten und individueller Buchschmuck in noch größerem Umfang forschungsrelevant sind als in späteren Jahrhunderten. Dennoch sollte aus Effizienzgründen in der Regel nur ein Exemplar jeder Ausgabe digitalisiert werden. Bereits jetzt sind im ISTC Digitalisate nachgewiesen, sofern sie auf frei zugänglichen Webseiten mit persistenten URLs gehalten werden. Der Zugriff auf Digitalisate, die nur in lokalen Systemen (OPACs, Verbundkatalogen) verzeichnet sind, ist demgegenüber erheblich schwieriger. Hier müssen vielfach erst von den Anbietern der entsprechenden Datenbanken die notwendigen technischen Funktionalitäten (z.B. OAI-Schnittstellen) eingerichtet werden. Ein grundsätzliches Problem der Inkunabelbeschreibung ist die Heterogenität. Im Verlaufe der langen Geschichte der Inkunabelkatalogisierung, die in ihren Anfängen bis ins . Jahrhundert zurückreicht, haben sich die Katalogisierungsstandards und die Ansichten über eine optimale Erschließungstiefe immer wieder verändert, zudem hat der kontinuierliche Erkenntnisgewinn in Bezug auf Fragen der Autorschaft, der Druckerzuschreibung und der Datierung dazu geführt, daß in vielen Fällen unterschiedliche Titelaufnahmen für die gleiche Ausgabe existieren, die im ISTC nur insoweit dokumentiert werden, als sie sich auf die Angaben zum Impressum beziehen. Da die Inkunabelkunde eine sehr internationale Wissenschaft ist, sind zudem die Kataloge in unterschiedlichen Sprachen verfaßt und Verfasser, Druckorte und Drucker demgemäß unterschiedlich angesetzt. Nur Normdateien mit einer Vielzahl von Verweisungen in unterschiedlichen Sprachen (wie z.B. der nr http ://www.cerl.org/theCERL-Thesaurus des Consortium of European Research Librariesnr) saur/ können hier Abhilfe schaffen. Derartige Normdateien sind nicht nur für ns Vgl. hierzu die deutsche « Einbanddatenbank » unter die genannten ausgabenspezifischen Informationen, sondern auch für http ://www.hist-einband.de/ die Erfassung von und Recherche nach exemplarspezifischen Details wie Auch hier sind Vernetzungen möglich : Soweit die dortigen Provenienzen, Einbändenns und Buchmalerei außerordentlich hilfreich.
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Sie könnten in ein « Inkunabelportal » integriert werden, das eine übergreifende Suche in allen elektronischen Ressourcen ermöglicht, soweit diese einen Zugriff über OAI-Schnittstellen erlauben. Auch wenn manche diese Überlegungen erst mittelfristig greifbare Ergebnisse zeitigen werden, so gibt doch die Entwicklung des vergangenen Jahrzehnts Anlaß zum Optimismus. Die vollständige Digitalisierung aller etwa . Druckausgaben des . Jahrhunderts könnte bei entsprechender Koordination lokaler und nationaler Projekte durchaus innerhalb der nächsten Jahre geleistet werden. Die bessere Vernetzung der Inkunabel-Datenbanken ist ein Ziel, das in noch kürzerer Frist erreichbar wäre. Voraussetzung hierBeschreibungen auf Inkunabelfür ist vor allem auch eine intensivere Kommunikation über Inkunaexemplaren der BSB basieren, sind belprojekte zwischen Bibliothekaren, aber auch mit Wissenschaftlern, die Nachweise bereits mit BSB-Ink online verlinkt. in deren Forschungsvorhaben eine größere Menge von Wiegendrucken nt http ://www.buchwiss.uni-eranalysiert werden, wie z.B. im Erlanger Projekt zur Erforschung der langen.de/Projekte/Titelblatt/ProjektbeschreibungTitelblatt.htm Geschichte des Inkunabel-Titelblattsnt Über der Euphorie für die Möglichkeiten des neuen Mediums Internet darf jedoch nicht vergessen werden, daß erst die Dokumentation von Erkenntnissen in Katalogen diese für andere Nutzer zugänglich macht, da Informationen nur in Textform, nicht aber als Bilder recherchierbar sind. Gerade weil ein Abschluß des GW als des umfassendsten bibliographischen Unternehmens im Inkunabelbereich derzeit nicht abzusehen ist, kommt den Erkenntnissen, die in dezentralen Projekten gewonnen werden, große Bedeutung zu. Erst wenn die Ausgabenbeschreibungen des GW in Zusammenhang mit ikonographischer Erschließung von Inkunabel-Holzschnitten, mit Strukturdaten und mit exemplarspezifischen Informationen gestellt werden, besteht die Chance, unser Wissen über die Buchkultur im . Jahrhundert auf eine gänzlich neue, quellenbasierte Grundlage zu stellen.
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CARTOGRAPHIE DE L’IMPRIMERIE AU XV# SIÈCLE UN EXEMPLE D’APPLICATION DE LA BASE BIBLIOGRAPHIQUE ISTC À LA RECHERCHE EN HISTOIRE DU LIVRE
Philippe Nieto
l est de notoriété que l’informatique a considérablement bousculé les pratiques et frappé d’une brutale obsolescence certains outils bibliographiques. Dans les bibliothèques, les fiches de bristol, enchaînées, pardon, tringlées à leur tiroir, parfois rognées et empesées par des années de manipulation, ont disparu, les lourds in-quarto, reliés en demi-peau ou dans une toile rugueuse, qu’il fallait lire à la loupe, ont été relégués sur les étagères les plus hautes ou dans les fonds des magasins. Mais l’informatique n’a pas seulement remplacé un support n Les ISBD (International par un autre, le papier et le carton par la lumière d’un écran, elle a surtout Standard Bibliographic Descriptransformé la méthode même d’interrogation des catalogues. Pour multion) sont issus d’une résolution tiplier les points d’accès aux notices, il était autrefois nécessaire, soit de de la Conférence internationale des experts en catalogage, réunie dupliquer les fichiers, par auteur, par titre, par matière, avec des risques en par l’IFLA à Copenhad’erreur de copie, soit de rallonger les catalogues imprimés par des index, gue, qui demandait la création de normes pour harmoniser la selon les mêmes critères. On devait alors obligatoirement distinguer hiéforme et le contenu des descriprarchiquement les informations, en mettant en relief des « vedettes », des tions bibliographiques établies dans les différents pays afin de « vedettes secondaires », etc., et proposer un corps de notice rédigé dans faciliter le partage et l’échange un ordre plutôt strict. La norme ISBDn apparaît comme la forme la plus international de l’information bibliographique. achevée de cette pratique.
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Aujourd’hui, même si les formats de type MARCo ont gardé, en partie, une organisation hiérarchisée héritée de l’ISBD, comme la distinction entre « auteur principal », et « auteurs secondaires », par exemple, nous disposons de catalogues uniques, auxquels on accède par des critères qui, du point de vue de l’interrogation, sont, en fin de compte, au même niveau hiérarchique, la recherche pouvant s’effectuer simultanément sur plusieurs « points-d’accès » : auteur, titre, date, matière, etc. Les moteurs de recherche de type Web nous ont, aujourd’hui, habitué à effectuer des requêtes en alignant, dans le désordre, un nom d’auteur, un mot du titre, un nom d’éditeur… Il s’agit là, cependant, d’une utilisation paresseuse de ces nouveaux outils ; le lecteur averti sait qu’il est aussi possible, et préférable, dans tous les catalogues informatisés, de choisir des modes d’interrogation structurés, présentés sous des qualificatifs divers : recherche « avancée », « experte », etc. Quant au professionnel, il sait aussi que ces catalogues sont, en fait, d’immenses bases de données gérées par un « calculateur », et qu’il est donc enfantin pour ce calculateur d’effectuer en continu un certain nombre de calculs. On perçoit donc deux niveaux d’interrogation d’un catalogue informatisé. Dans le premier, on recherche une notice, qui indique la cote, c’est-à-dire la localisation, d’un ouvrage que l’on désire consulter sous sa forme imprimée, ou renvoie à un texte numérisé, ou numérique natif – c’est-à-dire écrit directement pour un support informatique. Au second niveau, l’accès au document n’est pas le but poursuivi, ce qui importe c’est la mesure et la statistique. Ainsi, un bon SIGBp peut aussi bien orienter le lecteur vers les ouvrages qui l’intéressent, que renseigner le bibliothécaire sur les flux de communication ou de prêts de ces mêmes ouvrages. Si l’on remplace le catalogue d’une bibliothèque unique, aurait-t-elle des collections aussi étendues que la Bibliothèque nationale de France, par le produit d’un réseau documentaire, on peut imaginer des utilisations statistiques bien plus riches que la simple gestion rationalisée d’un fonds par des professionnels de bibliothèque. A fortiori si ce produit bibliographique a été conçu dans une logique universaliste et chronologique, comme c’est le cas de l’ISTC. L’ISTC, ou Incunabula Short-Title Catalogue, est une base de données internationale lancée en par la British Library, qui recense, à ce jour, environ % des éditions du xv# siècle qui ont survécu, avec toutes les localisations signalées – soit notices. L’ISTC est consultable, sur abonnement, et sur le site de la British Library. Une édition illustrée, contenant également des reproductions en mode « image » de quelques pages d’incunables, l’IISTC (Illustrated Incunabula Short-Title Catalogue) existe également sur CD-Romq.
o MARC est l’acronyme de MAchine-Readable Cataloging. Il désigne un format de données permettant d’informatiser les catalogues de bibliothèques. Il se présente à l’écran comme une succession de champs de données de longueur variable portant chacun une étiquette (un nombre de chiffres). Les champs sont divisés en sous-champs affectés d’un diagramme commençant par un dollar ($). p C’est-à-dire un Système Intégré de Gestion de Bibliothèque, un progiciel destiné à la gestion informatique des différentes tâches d’une bibliothèque sur ses collections : catalogage, consultation du catalogue, sur place ou à distance, gestion courante des entrées, des prêts aux lecteurs, de la facturation, comptage et statistiques. q The Illustrated ISTC. Reading : Primary Source Media. CD-Rom.
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cartographie de l’imprimerie au xv# siècle
Décrire l’extension de l’imprimerie À l’origine de ce travail nous avions simplement pour objectif de réaliser une nouvelle cartographie pour accompagner l’histoire des débuts de l’imprimerie. On ne disposait alors que de trois séries de cartes. Celles qui accompagnent les volumes successifs du British Museum Catalogue ne sont que des cartes de localisation des lieux d’impression, qui n’offrent, de plus, aucune vue synthétique de la situation européenne puisque chacune d’entre elles ne représente que l’aire géographique du volume concerné : les impressions allemandes dans le volume III (), par exemple, l’Italie dans le volume VII (). r L. Febvre, H.-J. Martin, L’Apparition du livre, Paris, Albin La représentation géographique la plus connue du monde, ou plutôt Michel, , coll. « L’Évolution de l’Europe des incunables, reste celle qui figure dans L’Apparition du livre, de l’Humanité », nouv. éd., Paris, Albin Michel, . l’ouvrage fondateur de Lucien Febvre et Henri-Jean Martinr. Ces deux s Voir par exemple l’illutracartes, souvent reprises par la suites, sont d’un format pratique, ni trop tion du livre d’E.L. Eisenstein, grandes ni trop petites, et donnent une image assez parlante de la diffusion The Printing Revolution in Early Modern Europe, Cambridge, de l’imprimerie. Hélas, elles manquent de lisibilité. La distinction chroCambridge Univ. Press, nologique par points noirs et points blancs n’est pas très convaincante, le (trad. fr. : La Révolution de l’imprimé dans l’Europe des premiers dessin des fleuves et de leurs affluents, les zones grisées figurant les massifs temps modernes, Paris, La Découmontagneux brouillent la compréhension, et les cartes ne contiennent pas verte, coll. « Textes à l’appui »). le nom des lieux représentés. t « Der Wiegendruck im KarUne troisième carte très fiable, et plus sobre que celle de Febvre tenbild », Bibliothek und Wissenschaft, I, , p. -. et Martin, a été proposée par Robert Teichl dans un article de la revue allemande Bibliothek und Wissenschaftt. La diffusion de l’imprimerie y est suggérée par la juxtaposition, sur la même carte, de points de couleur différente, chaque couleur représentant une tranche chronologique – au nombre de quatre : la première couvrant des origines à , les trois suivantes chacune une période de dix ans. Pour suggérer l’extension de l’imprimerie, nous avons vu que Lucien Febvre et HenriJean Martin, puis Robert Teichl, avaient choisi d’opposer le noir au blanc ou de changer la couleur des points localisant les lieux d’impression, sans parvenir à une formule convaincante. Pour simplifier le code graphique, nous avons opté pour une échelle d’intensité du gris au noir. La solution la plus simple était de faire évoluer les points figurant les lieux soit du noir au gris, soit, à l’inverse du gris au noir, en attribuant à chaque niveau de gris une tranche chronologique. Mais il a fallu rapidement renoncer. Il était d’abord difficile de tout placer sur une seule carte sans nuire à la lisibilité de l’information. Même en retenant malgré tout cette option, en agrandissant la carte par exemple, la variation du niveau de gris des points entrait en conflit avec l’objectif des cartes : mettre en valeur par un noir opaque les premiers lieux d’apparition de l’imprimerie, suggérait plutôt une « dégradation » puisque les nouveaux lieux étaient figurés en gris plus clair ; faire l’inverse revenait à survaloriser les dernières implantations de l’imprimerie, au détriment des lieux les plus anciens, et pour la plupart les plus féconds. De
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plus, même si l’on retenait malgré tout cette option, il était presque impossible de réaliser quatre nuances de gris suffisamment différentiables à l’œil. Repoussant la solution de la carte unique, nous avons choisi de conserver les quatre tranches chronologiques déjà utilisées, mais en figurant chaque période par une carte. Sur chacune de ces quatre cartes, les nouveaux lieux d’impression ont été marqués par un point noir plein, les lieux figurant sur la carte précédente par un point grisé. La succession des cartes donne une idée assez claire de l’expansion de l’imprimerie au xv# siècle (Fig. ). Pour compléter le dispositif, chaque point a été identifié par un code sur trois lettres renvoyant à une liste de lieux. Ce code a été choisi à partir des lettres formant le toponyme pour le rendre le plus évident possible, au besoin sans recours à la liste. Par ailleurs, afin de faciliter la traduction éventuelle des cartes, avec leur légende, dans une autre langue, sans avoir à les redessiner ou à établir de nouvelles listes de codes, nous avons décidé d’utiliser comme base le nom du lieu en latinu. Cependant, si cette première formule graphique montre bien la u Pour la transcription du nom diffusion du nouveau procédé dans toute l’Europe, elle surestime l’imdu lieu en latin, voir le chapeau de l’annexe, à la fin de cet article. plantation réelle de l’imprimerie à l’époque. La ville de Venise [vnt]v, par v Les mentions entre crochets exemple, qui aligne éditions entre et – et au cours de carrés renvoient aux « codes de lieux » utilisés dans les cartes – voir la seule année – est représentée par un point, tout comme Verceil Annexe. [vrc] où l’on ne connaît qu’une seule édition incunable en , due à l’imprimeur « grand voyageur » Jacobus Suigus de Suico. Nous avons donc dessiné quatre nouvelles cartes, conçues plutôt comme des « photographies » de la production imprimée à une date précise, soit, en reprenant le découpage chronologique précédent : , , et (Fig. ). Elles donnent une idée plus juste du caractère « instable » de nombreux ateliers et de cette expansion qui est faite également d’échec d’implantation de l’imprimerie. Au premier âge, le marché du livre imprimé est entièrement à créer. Souvent, l’installation d’un imprimeur répond à une demande très vite comblée – par exemple l’édition d’un missel spécifique à l’usage d’un diocèse. Ailleurs, comme à Colle di Val d’Elsa [cll], c’est l’existence d’une industrie en lien avec le livre, le papier en l’occurrence, qui détermine l’arrivée de l’imprimerie. Ce peut être aussi la politique volontariste de certains notables, tels ceux de Fivizzano [fvz] qui font venir de Venise, en , un certain Jacobus qui retourne ensuite à Venise où il imprime en . De ces ateliers sortent quelques livres, parfois un seul. Puis l’imprimeur reprend son matériel et va chercher fortune ailleurs. D’une manière générale, seuls les lieux d’impression intégrés dans un marché suffisamment important, capitales politiques ou religieuses, villes universitaires, ou cités commerciales – ayant ce que l’on appellerait aujourd’hui un réseau efficace de diffusion-distribution – ont des chances de perdurer. C’est pourquoi il nous a semblé très utile de comparer la carte récapitulative, contenant tous les lieux ayant abrité au moins un atelier entre et avec la dernière carte « photographiant » la production à une date précise (Fig. et ).
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Décrire des déplacements d’imprimeurs nm P. Dupont, Histoire de l’imLes premiers imprimeurs ont la réputation d’être très mobiles. En , primerie, Paris, impression de Paul dans son Histoire de l’imprimerie, Paul Dupontnm, habitué aux envolées Dupont, t. , p. et t. #), lyriques, après avoir célébré le « rare mérite des premiers imprimeurs », p. . nn M. Audin, Histoire de l’imdont la « cause en était encore dans les habitudes modestes et probes des primerie par l’image. Tome , l’hisimprimeurs et des libraires, et dans les relations élevées qu’ils avaient les toire et la technique, Paris, Henri Jonquières, , p. . uns et les autres », ajoutant qu’« il en était d’eux comme des orateurs dont no F. Dupuigrenet-Desrousparle Quintilien, lesquels étaient éloquents parce qu’ils étaient honnêtes » silles, « La France dans l’économie du savoir », intervention et que « c’est aussi de leur honnêteté que les imprimeurs tiraient une à l’École normale supérieure, grande partie de leur considération », décrit assez sobrement la migra mai . Texte disponible sur Internet : . np Ibidem. plus dithyrambique. « À ce moment, c’étaient des nomades, allant de ville en ville, leur balle sur l’épaule ou la faisant charrier à dos de mulet », écrit Marius Audin en nn. Plus près de nous, un spécialiste contemporain n’hésitait pas à évoquer encore, dans une prestation orale, « la période héroïque des premiers imprimeurs itinérants »no. Une illustration du siècle dernier condense tous les éléments de cet émouvant archétype (Fig. ). Ce beau et touchant tableau est à nuancer. En mettant sous forme graphique les informations contenues dans l’ISTC, on parvient à une image bien plus statique du petit monde des imprimeurs (Fig. ). On est loin des « environ » imprimeurs nomades évoquésnp au xv# siècle. Mais qu’a-t-on exactement mesuré pour en arriver à ces graphiques ? Reprenons depuis le début. L’expansion de l’invention de Gutenberg et Fust depuis l’épicentre de Mayence n’a pu se faire que par des déplacements, et d’abord par l’exil des premiers imprimeurs mayençais. On ne saurait se lasser de remercier les lansquenets de Rodolphe de Nassau qui ont provoqué brutalement leur départ en ravageant la ville. Pour modérer cet hommage à la soldatesque, il faut reconnaître que cette expansion aurait quand même eu lieu, juste un peu plus tard peut-être, car le fruit de l’invention de la technique de l’imprimerie, parvenu à maturité, aurait fini de toute façon par exploser pour répandre ses graines dans toute l’Europe. Que s’est-il passé exactement ? Il faut d’abord distinguer deux modèles de déplacements. Dans le premier, il s’agit de mouvements d’imprimeurs, déjà formés dans leur art, qui changent de lieu pour leur activité. Dans le second, c’est le départ vers des centres d’impression de jeunes gens attirés par de nouveaux débouchés professionnels – il n’est pas rare que certains, ayant appris la technique de l’imprimerie en se frottant aux maîtres dans une ville réputée retournent ensuite, « pleins d’usage et raison » exercer dans leur ville d’origine, comme Ugo Ruggeri, natif de Reggio d’Émilie, actif à Bologne, puis à Pise, dans la bourgade de San Cesario, qui revient imprimer dans sa ville natale à la fin du siècle.
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Il n’est pas toujours aisé de repérer les déplacements, ni pour le premier modèle, ni pour le second. La leçon des documents d’archive est trop fragmentée, et inégale, pour donner des indications générales et statistiques. Il faut donc combiner les sources. Le nom des imprimeurs est souvent un bon indicateur de leur lieu de naissance, ou d’origine au sens plus large, c’est-à-dire de l’endroit d’où il étaient réputés venir au moment où ils ont été nommés. Il faut se méfier parfois des appellations équivoques : Johann Neumeister, par exemple, né à Treysa, au sud de Kassel, formé à Mayence, ayant déjà exercé à Foligno et à Mayence a été parfois nommé par les Lyonnais « Jean d’Albi », tout simplement parce qu’il venait directement d’Albi lorsqu’il est arrivé à Lyon. Mais, le plus souvent, le patronyme est transparent, soit que le nom d’une ville y apparaisse – Jacobus de Breda, Johannes de Coblenz, Johannes de Colonia (Cologne), Leonardus Achates de Basilea (Bâle)… – soit que le pays d’origine y soit mentionné – Johannes de Reno (Jean du Rhin), Johannes Parix de Alemania (d’Allemagne), Statius Gallicus (de France)… à condition d’être prudent, et d’effectuer des recoupements avec les sources connues – Michael Friburger, par exemple, vient de Colmar, non de Fribourg. Visualiser le déplacement d’un imprimeur « actif » est, paradoxalement, plus difficile. L’impression d’un livre fait appel à plusieurs hommes de l’art, dont les fonctions sont déjà différenciées : compositeur, pressier, encreur, et, en amont, graveur et fondeur de caractères. Mais il est vraisemblable que ces fonctions sont, dans les premiers temps, relativement interchangeables. Il faut aussi faire entrer dans l’entreprise un autre acteur important, le financeur de l’impression. Or l’une des seules sources que nous possédons, pour une investigation à l’échelle européenne, est la mention du nom d’un imprimeur sur l’ouvrage imprimé lui-même : au xv# siècle, elle figure, quand elle figure, dans le colophon, à la suite du texte imprimé. C’est, assurément, bien limité, et il est impossible de repérer l’ensemble des ouvriers ayant participé à une édition. Il n’est pas rare qu’un imprimeur s’identifie dans un livre paru dans une ville X, puis que son nom réapparaisse des années après dans un autre livre édité dans la ville Y. Qu’a-t-il fait entre temps ? À l’évidence, il a travaillé anonymement pour un autre. Quel autre ville a-t-il traversé entre X et Y ? Cela restera un mystère. Pour l’analyse de l’activité, et des déplacements d’imprimeurs, l’ISTC permet d’obtenir rapidement, et avec beaucoup d’efficacité, des réponses, pour peu que l’on sache utiliser les bonnes requêtes. D’un point de vue pratique, cependant, il était assez malaisé de passer directement de l’interrogation de l’ISTC à la confection de représentations géographiques et statistiques. Nous avons donc, dans un premier temps, bâti une base de données recensant, par imprimeur identifié, un certain nombre d’informations : noms sous lesquels il est connu, origine, lieux successifs où il a exercé, nombre d’éditions lui ayant été attribuées, au total et par format… Nous avons ajouté certains champs, spécialement conçus pour rendre plus aisés calculs et statistiques – indice de mobilité, code du pays d’origine, code de, ou des régions d’activité, type de fonction exercée… Au final, cette nouvelle base de données recense imprimeurs, dont restés anonymes sont connus sous un nom fictif et ont tous été
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baptisés du substantif latin typographusnq suivi, soit du titre de l’un des ouvrages qui le distinguent – typographus Bibliæ Bohemicæ, typographus « Champion des Dames »… – soit plus rarement, d’un autre nom sanctionné par l’usage, toujours sous une forme latine – typographus Trium Papaverum, c’est-à-dire l’imprimeur à la marque des « trois pavots », à Lübeck, par exemple. La base gère également les renvois à partir des formes du nom rejetées. L’ensemble forme un tableau de colonnes (champs) sur lignes (enregistrements). Que mesure-t-on ainsi ? Seulement les traces laissées par le déplacement des imprimeurs connus, soit par un patronyme revendiqué avec nq Le latin classique restant lequel ils ont « signé » leurs impressions, soit par les caractéristiques matémuet, et pour cause, sur la transcription du mot « imprimeur », rielles originales et identifiables de leur production – dans le cas des anoil a fallu choisir et trancher. nymes. Ces traces tantôt appartiennent au domaine de la bibliographie Typographus s’est imposé, de même que dans l’ouvrage de G. matérielle – colophons, marques d’imprimeurs, typographie particulière, Lycoppe et F. Derædt, Vocabulettrines et ornements… – tantôt dérivent des archives et/ou des études laire latin d’aujourd’hui, Bruxelhistoriques antérieures et de l’érudition bibliophilique. les, Les Éditions du musée de la Maison d’Érasme, . En utilisant et en combinant toutes les informations à notre nr Citons, en plus des grands portéenr – nous avons pu dresser des représentations graphiques variées catalogues d’incunables (Gesamtkatalog, Pellechet, Polain, Goff, (Fig. à ). Même en tenant compte des lacunes et des points aveuetc.) : pour l’Europe entière, gles de notre recensement, il faut réellement minorer le « nomadisme » le Dictionnaire de géographie ancienne et moderne à l’usage du des imprimeurs au siècle des incunables. Les quelques figures de « grands libraire et de l’amateur de livres… voyageurs » – Johann Neumeister, Jacobinus Suigus de Suico, Henricus de P. Deschamps, Paris, Firmin Didot Frères, fils et Cie, . de Colonia…. – ne sont pas représentatifs d’une profession plutôt casaPour l’Italie, le Lexicon typogranière. La grande majorité des imprimeurs, sans doute à l’issue d’un prephicum Italiæ. Dictionnaire géomier déplacement de jeunesse, se fixe assez aisément dans une seule ville. graphique d’Italie pour servir à l’histoire de l’imprimerie de ce pays, Nous avons tenté de mesurer la proportion d’imprimeurs connus par des de G. Fumagalli, Florence, Leo éditions dans plusieurs villes. La part de ceux qui produisent des livres S. Olschki, ; ou encore le Biographical and bibliographical dans plus d’un lieu est de %, et, parmi ces imprimeurs « voyageurs », dictionary of the Italian printers seuls publient dans plus de quatre endroits (Fig. ). Pour désigner ce and of foreign printers in Italy, de M. E. Cosenza, Boston, G. K. type d’imprimeur, nous avons créé un néologisme, « multi-localisé », qui Hall and Co, . Pour l’Allea l’avantage de rester purement descriptif sans se charger d’un arrière-plan magne, Die deutschen Drucker der fünfzehnten Jahrhunderts, de lourdement symbolique, comme « nomade » ou « itinérant »ns. E. Voulliéme, Berlin, ReichsUne autre voie pour mesurer les déplacements dans le petit monde druckerei, (# édition). des imprimeurs au xv# siècle est celle qui consiste à relever leur origine. Pour la Belgique, Dictionnaire des imprimeurs, libraires et édiNous avons vu qu’en regroupant les informations connues, par les architeurs des xv et xvi siècles dans ves et le travail historique, et en y ajoutant les indications fournies par les les limites géographiques de la Belgique actuelle, par A. Rouzet, Nieuwkoop, B. de Graaf, . Pour la ville de Paris, le Répertoire des imprimeurs parisiens […], de P. Renouard, Paris, M. J. Minard, Lettres modernes, . Pour la ville de Lyon, l’article de Guillaume Fau, Sarah Saksik, Marie Smouts et Sylvie Tisserand, paru dans les Mélanges Aquilon, et surtout le « Dictionnaire des imprimeurs et libraires lyonnais du xv# siècle » qui le suit : Le berceau du livre. Autour des incunables. Revue française d’histoire du livre n(* -, année , p. - (paru en ). ns Voir notre article, « Géographie européenne des incunables lyonnais, deux approches cartographiques », Histoire et civilisation du livre, n( , (paru en ).
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patronymes – quand elles sont fiables – on peut disposer d’un effectif suffisant pour dresser quelques statistiques – origines certaines, si l’on y ajoute les quasi certaines, sur imprimeurs-éditeurs connus avec patronyme. Comme on l’attend, les Allemands – au sens large, c’est-à-dire les germanophones de naissance – représentent presque la moitié de l’effectif, suivis des Italiens et des Français (Fig. ). La place des Allemands varie selon les aires culturelles, mais ce sont les seuls à représenter une part importante des imprimeurs dans chacune de ces aires – de % en France, à % dans la péninsule ibérique (Fig. ). Le nombre des imprimeurs « multi-localisés » étant limité, il est tout à fait envisageable de représenter leurs déplacements sur des cartes. Nous avons testé plusieurs solutions graphiques (Fig. à ). L’utilisation de flèches, ou de segments, aboutit assez rapidement à une carte surchargée, voire illisible (Fig. et ). En réemployant une carte des nt Fond de carte tiré de l’Encyprincipales voies commerciales à la fin du Moyen Âgent, nous avons fait clopædia Britannica, Macropædia, varier l’épaisseur du trait représentant, par convention, les routes terresà l’article : « Middle Ages ». nu « Sur la notion de Pays-Bas tres ou maritimes, en fonction du nombre de passages d’un imprimeur au xv# siècle », dans Le cinquième d’une ville à une autre – un aller-retour correspondant à deux voyages centenaire de l’imprimerie dans les anciens pays-Bas, Bruxelles, Biblio(voir détail, Fig. ). Il va de soi qu’il s’agit d’une convention : rien ne thèque Albert I#), . p. xviiprouve que notre imprimeur ait emprunté le plus court chemin, ou la xxiii. route la plus fréquentée pour se rendre d’un point à un autre. La confrontation de la méthode {a}, segments courbes, et la méthode {b}, variation de l’épaisseur du trait, sur une carte de l’Italie, par exemple, montre clairement la supériorité de la méthode {b} en matière de lisibilité (Fig. , et ). L’accumulation des segments courbes aboutit rapidement à un dessin surchargé et confus. De plus, si la méthode {a} matérialise assez bien la présence de « nœuds » dans les déplacements d’imprimeurs – Venise, Bologne, Brescia, Naples –, la solution {b} donne plus d’informations, et met en relief, notamment, la présence de « couloirs » très fréquentés dans lesquels s’agglutinent la majorité des villes d’impression. À regarder la carte, il semble même évident que ces villes intermédiaires dans le parcours identifié d’un imprimeur d’un lieu x à un lieu y, ont, sans doute, représenté des étapes professionnelles de son voyage. Parfois, peut-être, a-t-il lui-même apporté son savoirfaire anonymement pour réaliser une édition ? Peut-être est-il simplement entré en contact avec d’autres imprimeurs ? En cumulant les passages de plusieurs imprimeurs sur une carte de l’Europe entière apparaissent très nettement les grands axes de diffusion de l’imprimerie (Fig. ) : la vallée du Pô, l’axe helvético-rhénan. On distingue aisément trois régions bien irriguées par une ramification dense de déplacements à courte distance : l’Italie du nord, puis une zone englobant le sud de l’Allemagne, la Suisse et se prolongeant jusqu’à Lyon, et, enfin, les « anciens PaysBas », selon la terminologie de Pierre Cockshawnu. En Espagne, le réseau est, évidemment, beaucoup plus distendu, à l’image de l’implantation lâche des grandes cités séparées par un pays aride. Le reste de l’Europe attire moins les imprimeurs-voyageurs que seuls les confins paraissent séduire.
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cartographie de l’imprimerie au xv# siècle
Cette méthode de représentation permet aussi de construire d’intéressantes cartes comparatives entre deux grands centres d’impression, comme Lyon et Paris, par exemplenv (Fig. ). Les imprimeurs lyonnais apparaissent en relation plus étroite avec les nv Carte extraite de notre artigrands mouvements européens. La ville trouve en effet sa place idéale à cle, « Géographie européenne des la rencontre de l’axe helvético-rhénan et du boulevard padano-alpin. Il incunables lyonnais, deux approches cartographiques », Histoire reste à étendre cette analyse aux autres nœuds de l’extension de l’impriet civilisation du livre, n( , merie au xv# siècle, Venise, Bâle, Barcelone, ou de comprendre la place (paru en ). réelle de villes comme Leipzig ou Deventer, parmi les premiers centres d’impression à la fin du siècle (Fig. à ).
Faire apparaître des hiérarchies et des différences Il est plutôt simple de montrer graphiquement l’importance des villes d’édition en jouant sur des variations de taille pour les points représentant conventionnellement ces villes (Fig. , et ). La confrontation entre le rang des dix premiers centres d’impression en nombre d’éditions cumulées (Fig. ) et la hiérarchie des villes d’impression telle qu’elle apparaît dans les dernières années du siècle (Fig. ) permet de bien jauger l’évolution de l’imprimerie. Paris devient la première ville pour l’édition, supplantant Venise. Quant à Rome, Strasbourg, Cologne… elles sont détrônées par Leipzig et Deventer. En comparant cette dernière carte à celle des lieux ayant abrité au moins un atelier au cours de la période (Fig. ), on peut ébaucher un début d’explication. Il est manifeste que l’activité éditoriale se concentre dans un large arc central, qui court des Pays-Bas à l’Italie du Nord, en passant par l’Allemagne rhénane, comme une préfiguration de la fameuse « banane bleue » de l’Europe contemporaine chère aux géographes de l’école du GIP Reclus. Les quatre plus grands centres d’impression à la fin du siècle se développent aux limites de cette zone de forte densité qu’ils encadrent : Paris, Venise, Leipzig et Lyon. Tout se passe comme si, à l’intérieur de cette zone, la concurrence ne permet pas à une ville de prendre un net avantage sur une autre. Sur les marges, le commerce avec le reste de l’Europe dope le développement de l’imprimerie. Cette idée mériterait d’être confirmée par une étude plus précise de ces quatre grands pôles. La production éditoriale des villes au xv# siècle se caractérise aussi par certaines particularités locales : édition parisienne dominée par le livre universitaire, imprimerie lyonnaise penchant vers le livre illustré, presses vénitiennes riches en belles éditions de grand format, etc. Notre base de données nous autorise à dresser assez facilement des cartes qui distinguent, ou pondèrent la production par format (Fig. à ), ou la distribuent par langue du texte (Fig. et ). Ces deux variables, aisément identifiables dans notre base de données issue de l’ISTC peuvent servir de source à une réflexion féconde. En ce qui concerne la question du format, les deux premières représentations cartographiques permettent de constater immédiatement des différences. Par aire géographique
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(Fig. ), nous voyons avec évidence que la part des in-quarto et des in-octavo représente plus des trois-quarts de la production, tandis que les in-folio composent le tiers des impressions allemandes et italiennes. Une répartition par ville – se limitant aux premiers centres d’impression, pour des raisons de lisibilité et de validité statistiqueom (Fig. ) – nuance la distribution par grandes aires. La production de Rome, de Florence ou om Lorsque le nombre d’édide Leipzig se rapproche, en termes de formats, de celle de Paris, tandis tions, pour une ville, est inférieur à , un pourcentage ne signifie que Venise, et Lyon, conservent une large part à l’édition d’in-folio. évidemment rien. Une édition in-folio aboutit à un ouvrage plus luxueux, plus cher. on Voir notre article, « Géographie des impressions européenL’in-quarto, et l’in-octavo, moins répandu au xv# siècle que dans les nes », Le berceau du livre. Autour siècles suivants, sont le support des productions à caractère plus utilides incunables. Revue française d’histoire du livre n(* -, , taires – livres universitaires, bréviaires, livres d’heures, almanachs – ou p. -. plus bourgeoises et moins prestigieuses. En se fondant sur la quantité de papier utilisée pour les différents formats, nous avons imaginé une carte donnant une représentation proportionnelle du nombre d’éditions – un in-octavo est égal à une unité, un in-quarto à deux unités, un in-folio à quatre. La carte qui en résulte conserve le même rang hiérarchique pour les dix premiers centres d’impression – à l’exception de Milan et Strasbourg qui permutent – mais Venise, Cologne et Lyon gagnent en importance (Fig. et ). En ce qui concerne les langues, on sait que le latin domine largement l’édition à l’époque des incunables. Mais ce qui est vrai pour les plus grandes villes d’impressionon n’est pas généralisable à l’ensemble des villes. Deux régions ont attiré notre attention. Dans les Pays-Bas (Fig. ), où, globalement, le livre en latin est majoritaire, on distingue aisément un contraste entre une zone côtière – Bruges, Anvers, la Hollande de Schoonhoven à Haarlem – où domine le livre en langue vernaculaire et une zone intérieure – Louvain, Bruxelles, Alost, Bois-le-Duc, Utrecht, Zwolle et Deventer – qui se rapproche davantage du standard européen d’une production majoritaire en latin. En Espagne (Fig. ), l’édition en langue commune – castillan, catalan – l’emporte sur l’ensemble de l’aire géographique, mais certaines villes proposent une forte proportion d’impressions en latin, comme Salamanque – ville universitaire –, Pampelune, ou les villes catalanes. Dans ce dernier cas, faut-il invoquer la vigueur commerciale de ces cités ? En effet, globalement, on remarque que les villes qui conjuguent forte production et relations commerciales étendues éditent plutôt des textes en latin, en partie destinés à l’exportation. Quant aux villes à production plus modeste, elles desservent un marché local qui n’est pas pris en compte par le commerce à longue distance. Le cas des Pays-Bas a valeur de démonstration (Fig ).
Plaidoyer pour une approche cartographique Ces quelques exemples, qui ne sont que les linéaments d’un travail plus approfondi, attestent de l’intérêt d’une approche graphique des phénomènes historiques.
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cartographie de l’imprimerie au xv# siècle
Nous nous étions fixé pour objectif, non seulement de localiser les centres d’impression du xv# siècle, ce qui a déjà été fait, les quelques rarissimes erreurs existant sur les cartes ne justifiant pas un nouveau travail, mais aussi d’optimiser la représentation graphique du phénomène de l’extension de l’imprimerie. Nous voulions des cartes « narratives » et démonstratives, qui seraient moins des illustrations à partir d’un texte que des éléments même d’une structure globale mêlant texte et image. Un ensemble dans lequel cartes et texte seraient un jeu de questions et de réponses, une carte venant appuyer une démonstration, une seconde apportant la solution d’un problème, une troisième relançant le texte en faisant apparaître une nouvelle problématique, etc. Pour faire une incursion dans un autre sujet, pour les besoins de la démonstration, nous avions déjà utilisé ce type d’approche cartographique auparavant, en complément d’une analyse historique plus classique. Dans un article sur la symbolique politique oo « Sadi Carnot, un président sous la III# Républiqueoo, par exemple, nous avions, incidemment, desvoyageur », dans Un cérémonial siné une carte reprenant département par département le taux de réponpolitique : les voyages officiels des chefs d’État, dir. J. Dereymez, O. ses à l’invitation au banquet des maires de France donné en l’honneur Ihl et G. Sabatier, Paris, L’Hardu centenaire de la Révolution, croyant y trouver une logique politimattan, . p. -. op Ibid., p. . que. Alors que la simple liste des maires ayant répondu, même triée par oq L’invitation émanait du département, ne fournissait aucune indication permettant d’expliquer le conseil municipal de Paris, dirigé par Émile Chautemps, et avait, silence de certains, la carte établie donnait immédiatement la clé. Nous de ce fait, une forte coloration avions alors montré que le taux de réponses variait en fonction d’un seul radicale. critère principal : l’éloignement de Parisop – ce critère étant renforcé par la moindre accessibilité des montagnes. La carte montrait avec évidence aussi deux exceptions – le Var et les Bouches-du-Rhône – ce qui s’expliquait par la forte coloration « rouge » de ces régions à l’époqueoq. Cet exemple développé montre la fécondité d’une approche cartographique que les nouveaux outils à notre disposition devraient permettre de rendre systématique dans un sujet à caractère historique. D’une part, nous allons disposer de sources informatisées de plus en plus complètes et, d’autre part, il est de plus en plus aisé de produire des représentations graphiques, et de traiter les images, tout cela avec des outils informatiques de plus en plus performants et faciles à manier. L’avenir est donc à un mélange interactif et intelligent de texte et d’images.
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Index des abréviations utilisées dans les cartes pour les noms de lieux Sur toutes les cartes les toponymes ont été abrégés sur trois lettres, ou sur quatre lorsqu’il s’agit de régions, à partir de leur nom en latin – lorsqu’il est attesté – ou, à défaut leur nom actuel, en attribuant à chacun une combinaison unique distincte. Pour chacun des lieux, l’abréviation choisie figure en gras ; la forme latine est en romain ; la forme actuelle dans la langue vernaculaire est transcrite en italique ; lorsque le nom du lieu possède également une traduction en français, ou lorsqu’il existe une variante de ce nom très usitée dans une autre langue – le cas est fréquent pour les villes des anciens territoires sous domination germanique de Bohème, de Moravie etc. – le nom est mentionné en italique et entre parenthèses. Afin de faciliter le repérage de certains lieux sur les cartes, nous avons parfois ajouté, entre crochets, une mention, en français, de pays ou de région, dans ses limites actuelles. Le nom latin de référence a été choisi en privilégiant la forme choisie par Deschamps dans son Dictionnaire de géographie ancienne et moderne à l’usage du libraire et de l’amateur de livres. Lorsqu’un lieu ne figure pas dans cet ouvrage, nous avons eu recours à l’Orbis Latinus de Graesse, le Lexicon typographicum Italiæ de Giuseppe Fumagalli ou encore au Dictionnaire géographique portatif de Vosgien (édition de ). abb abg abv adg aes ags agt ais alb alc ald alis all alm als alt amg anv aph aqæ aqu arr asc aug aur
avn avr bcd bch bcm bcn bdc bgi bgl bgt bjn blb bmb bnd bnn bph bpt brc brd brg bri brit brm brn bru brx
Abbatis Villa, Abbeville Aubinges [dpt Cher] Albani Villa, St Albans Andegava, Angers Aesi, Iesi Augusta Suessonum, Soissons Argentoratum, Strasbourg Aichstadium, Eischtätt Albia, Albi Alata Castra, Edinburgh (Edimbourg) Aldenarda, Oudenaarde (Audenarde) Alisatia, Alsace Allenstenium, Olsztyn (all. Allenstein) [Pologne] Almeria, Almería Alostum, Alost Alta Villa, Eltville Almagrum, Almagro Antverpia, Antwerpen (Anvers) Amphiochia, Orense Aquæ, Baden-Baden Aquila in Vestinis, Aquila Arriaca, Guadalajara Ascolum Picenum, Ascoli Piceno Augusta Vindelicorum, Augsburg (Augsbourg) Aurelia, Orléans
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Avenione, Avignon Avaricum, Bourges Bacodurum, Passau Bracharaugusta, Braga Barcum, Barco Bancona, Oppenheim Buscoduca, ‘s Hertogenbosch (Bois-le-Duc) Burgi, Burgos Burdigala, Bordeaux Brigantium, La Coruña (La Corogne) Bajona, Bayonne Blabira, Blaubeuren Bamberga, Bamberg Bondicus, Bondeno Bononia, Bologna (Bologne) Bartpha, Bardejov (all. Bartfeld) [Slovaquie] Bipontium, Zweibrücken Barcinona, Barcelona (Barcelone) Burgdorfium, Burgdorf Brugae, Brugge (Bruges) Barium, Bari Britannia, Angleterre Brema, Bremen (Brême) Berona, Beromünster Bruna , Brno (all. Brünn) Brixia, Brescia
cartographie de l’imprimerie au xv# siècle
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Bensheim [Hesse] Basilea, Basel (Bâle ) Bostonium, Boston Batavia, Wroclaw (all. Breslau) Bottwar [Wurtemberg] Buda, Buda (auj. Budapest) Bruxella, Brussel, Bruxelles Byzantium, Constantinople Caieta, Gaeta (Gaète) Cale, Porto Campania, Champagne Capua, Capua (Capoue) Cauria, Coria Catalaunia, Catalunya (Catalogne) Cabelia, Chablis Crucenacum, Bad-Kreuznach [Rhénanie] Cadomum, Caen Castrum Forojuliense, Cividale Confluentes, Koblentz (Coblence) Colmaria, Colmar Culemburgum, Kuilenburg (Culemborg) Cliniacum, Cluny Claudia, Klagenfurt Calium, Cagli Collis, Colle di Val d’Elsa Culma, Chelmno Colonia Agrippina, Köln (Cologne) Calaris, Cagliari Caletum, Calais Clavasium, Chivasso Camberiacum, Chambéry Curia Major, Cortemaggiore Conca, Cuenca Cusentia, Cosenza Complutum, Alcalá de Henares Cracovia, Kraków (Cracovie) Cremona, Cremona (Crémone) Carnuti, Chartres Constantia, Konstanz (Constance) Caesaraugustae, Zaragoza (Saragosse) Casella, Caselle Torinese (Caselle) Casale Majus, Casalmaggiore Cesina, Cesena (Césène) Caesari Civitas, San Cesario Castanum, Castano Casale Sancti Evasii, Casal di San Vaso Centronum Civitas, Moûtiers Cetinia, Cetinje Catalaunum, Châlons-en-Champagne
flb flg flq flr flv fnf frb frf frl frm frr frs fvt fvz gda gdn gnd gnu gnv gpl grd grm grn grp grt hdb hfn
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Cutna, Kutna Ora ( all. Kuttenberg) Cestria, Chester Corcyra, Kvjovrkura, (Corfou) Delphis, Delft Dillinga, Dillingen Dola, Dole Dertosa, Tortosa Divodurum, Metz Divio, Dijon Daventriae, Deventer Ebredunum, Embrun Ebroica, Évreux Engolisma, Angoulême Erfordia, Erfurt Eslinga, Esslingen Farus, Faro Friburgum, Freibourg im Breisgau (Fribourgen-Brisgau) Flaviobriga, Bilbao Fulginium, Foligno Flaviae Aquae, Chaves Florentia, Firenze (Florence) Flavionia, Santiago de Compostella (St-Jacquesde-Compostelle) Fanum Fortunae, Fano Freiberga, Freiberg Francofurtum ad Oderam, Frankfurt an der Oder (Francfort-sur-l’Oder) Forum Livii, Forli Francofurtum ad Moenum, Frankfurt am Main (Francfort-sur-le-Main) Ferrara, Ferrara (Ferrare) Frisinga, Freising Faventia, Faenza Fivizanum, Fivizzano Gouda, Gouda Gedanum (Dantiscum), Gdansk (all. Dantzig) Ganda, Ghent (Gand) Genua, Genova (Gênes) Geneva, Genève Goupillières Granada, Granada (Grenade) Germani Civitas, San Germano Gerunda, Gerona (catal. Girona) (Gérone) Gripsholmia, Gripsholm Gratianopolis, Grenoble Heidelberga, Heidelberg Hafnia, København (Copenhague)
philippe nieto
hgc hgn hlm hmb hrb hrl hsp hss ilr ing iri ixr jlb krh ksn lbc ldc leo ler lgb lgd lgg lmn lmv lnb lnd loth lps lsn ltn ltt luc lvn mch mdl mgb mgt mkg mlc mmg mnd mnt mrb mrc mrg mrt msb msl msn msr
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Messina, Messina (Messine) Monasterium, Münster [Westphalie] Matisco, Mâcon Matilica, Matelica Mutina, Modena (Modène) Mons Vici, Mondovi Monasterium ZZena, Zinna [abbaye] Narbo Martius, Narbonne Noviomagus, Nijmegen (Nimègue) Namnetus Portus, Nantes Normania, Normandie Novi, Novi Neapolis, Nápoli (Naples) Norimberga, Nürnberg (Nuremberg) Norlingiacum, Nördlingen [Bavière] Nonantula, Nonantola Novocomum, Como (Côme) Noviodunum, Nevers Novi, Neuvy-Sautour [dpt Yonne] Nozanum, Nozzano Obernacum, Obernai (all. Ober-Ehenheim) [dpt Bas-Rhin] ocl Ocellodurum, Zamora ofb Offenburgum, Offenburg olm Olmutium, Olomouc (all. Olmütz ) ols Olissipo, Lisboa (Lisbonne) opt Julia Opta, Huete oth Othania, Odense oxn Oxonia, Oxford par Parisius, Paris pbs Plebisacum, Piove di Sacco phc Phorca, Pforzheim pict Pictavia, Poitou pis Pisa, Pisa (Pise) plc Placentia, Piacenza(Plaisance) plm Palma, Palma de Mallorca pln Pilona, Plzen (Pilsen ) plr Pollianum Rus, Pojano pmp Pampalona, Pamplona (Pampelune) pmt Promontorium, Promenthoux pnm Panormus, Palermo (Palerme) pnr Pinarolium, Pinerolo (Pignerol) pnt Pintia, Valladolid ppa Papia, Pavia (Pavie) prg Praga, Praha (Prague) prm Parma, Parma (Parme) prp Perpenianum, Perpignan prs Perusia, Perugia (Pérouse ) prv Provinum, Provins psc Piscia, Pescia
Haga Comitis, Den Haag (La Haye) Hagenoa, Haguenau Holmia, Stockholm Hamburgum, Hamburg (Hambourg) Herbipolis, Würzburg (Wurtzbourg) Harlemum, Haarlem Hispalis, Sevilla (Séville) Hasseltum, Hasselt Ilerda, LLeida (Lérida) Ingolstadium, Ingolstadt Iria,Voghera Ixarium, Hijar Juliobriga, Logroño Kirchaina, Kirchheim [Bas-Rhin] Kosinj Lubeca, Lübeck Lodeacum, Bréhan-Loudéac Leodicum, Liège Leiria, Leiria Lugdunum Batavorum, Leiden (Leyde) Lugdunum, Lyon Lauginga, Lauingen Limonum, Poitiers Lemovicum, Limoges Luneburgium, Lüneburg Londinium, London (Londres) Lotharingia, Lorraine Lipsia, Leipzig Lausanna, Lausanne Lanteniacum, Lantenac [abbaye] Lutter [Basse-Saxe] Luca, Lucca (Lucques) Lovania, Leuven (Louvain) Monachium, München (Munich) Mediolanum, Milano (Milan) Magdeburgum, Magdeburg (Magdebourg) Mogontiacum, Mainz (Mayence) Markgröningen [Wurtemberg] Malaca, Málaga Memminga, Memmingen Mindonia, Mondoñedo Mantua, Mantova (Mantoue) Mariaeburgum, Marienburg Murcia, Murcia (Murcie) Mons Regalis, Monterrei Martini Monasterium, Sint Maartensdijk Marsiburgum, Merseburg Massilia, Marseille Misna, Meissen Mons Serratus, Montserrat [abbaye]
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cartographie de l’imprimerie au xv# siècle
psn psr ptc pts ptv pyr rbm rdn rga rgm rgs rhg rip rmc rmg rmn rmt rom rst rtb rtl sbc sbs sbt scd scn sdn sebu sen sgr sgv shd shh slm sln slt slv snj spr std stg sth
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Posonium, Bratislava (Presbourg) (hongr. Poszony, all. Pressburg) Pisaurum, Pesaro Petricordium, Périgueux Portesium, Portese Patavium, Padua (Padoue) Bad Pyrmont [Basse-Saxe] Rubeus Mons, Rougemont [abbaye] Redones, Rennes Riga, Riga Regium Lepidi, Reggio nell’ Emilia (Reggio d’Émilie) Ragusa, Dubrovnik (anc. Raguse) Rhegium, Reggio di Calabria (Reggio de Calabre) Ripa, Ribe Remorum civitas, Reims Rotomagus, Rouen Romano Canavese [Piémont] Regiomontum, Kaliningrad (Königsberg) Roma, Roma (Rome) Rostochium, Rostock Ratisbona (Augusta Tiberii), Regensburg (Ratisbonne) Ruotlinga, Reutlingen Sublacum, Subiaco Suebissena, Swiebodzin (all. Schwiebus) [Pologne] Sabate, Savona (Savone) Scandianum, Scandiano Soncinum, Soncino Sedunum, Sion Sebusianus ager, Bresse (la) Senia, Senj Saint-Germain-Varreville [dpt Manche] Segovia, Segovia (Ségovie) Schiedamum, Schiedam Schoonhovia, Schoonhoven Salmantica, Salamanca (Salamanque) Salinis, Salins Salutiae (Augusta Vagiennorum), Saluzzo (Saluces) Slesvicum, Schleswig Sena Julia, Siena (Sienne) Spira Nemetum (Augusta Nemetum), Speyer (Spire) Stendalia, Stendal Stutgardia, Stuttgart Sorethum, Schussenried
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Stein [Suisse, Saint-Gall] Sanctus Ursinus, St’Orso Suria, Sursee Savilianum, Savigliano Syracusae, Siracusa (Syracuse) Tubinga, Tübingen Torrebelvicino Trecora, Tréguier Tigurum, Zurich Tolosa, Toulouse Toletum, Toledo (Tolède) Tornacum Nerviorum, Tournai Treba, Trevi Trecae, Troyes Tridentum, Trento (Trente) Trajectum Inferius, Utrecht Taurinum (Augusta Taurinorum), Torino (Turin) Tarraco, Tarragona (Tarragone) Treysa [Hesse] Treverica Urbs, Trier (Trèves) Tusculanum, Toscolano Turonum, Tours Touraine Tarvisium, Treviso (Trévise) Ucetia, Uzès Ulma, Ulm Ura, Urach Urbinum, Urbino (Urbin) Utinum, Udine Valentia, Valence [France] Vinterberga, Vimperk (all. Winterberg) Vicentia, Vicenza (Vicence) Vindobona, Wien (Vienne [Autriche]) Valldemussa ou Valldemossa Vadstenium,Vadstena Valentiana, Valenciennes Valentia, Valencia (Valence [Espagne]) Vienna, Vienne [France] Venetia, Venezia (Venise) Vercellae, Vercelli (Verceil) Verona, Verona (Vérone) Vesalia, Wesel [Westphalie] Vallis Sancte Marie, Marienthal Vesontio, Besançon Viterbium, Viterbo (Viterbe) Vautsberg (Burg), auj. Burg Rheinstein Westmonasterium, Westminster Zwolla, Zwolle
philippe nieto
Aux quatre cartes qui constituent respectivement les fig. et , il faut ajouter les lieux suivants dans lesquels un atelier d’imprimerie a été actif de manière permanente ou momentanée au cours du MK# siècle. Atelier actif entre et
Atelier actif entre et
Ascoli Piceno (It.) Budapest (Hon.) Cividale (It.) Cosenza (It.) Cracovie (Pol.) Guadalajara (Esp.) Iesi (It.) Messine (It.) Naples (It.) Palerme (It.) Pilsen (Rép. Tch.) Prague (Rép. Tch.) Reggio de Calabre (It.) Ségovie (Esp.) Séville (Esp.) Wroclaw (Pol.)
Aquila (It.) Brno (Rép. Tch.) Burgos (Esp.) Capoue (It.) Chaves (Port.) Copenhague (Dan.) Coria (Esp.) Faro (Port.) Gaète (It.) Kosinj (Croatie) Kutna Ora (Rép. Tch.) Lisbonne (Port.) Odense (Dan.) Ribe (Dan.) Salamanque (Esp.) Schleswig (All.) Tolède (Esp.) Udine (It.) Valladolid (Esp.) Vienne (Autr.) Vimperk (Rép. Tch.) Zamora (Esp.)
Atelier actif entre et Braga (Port.) Cetinje (Monténégro) Constantinople (Tur.) Gdansk (Pol.) Grenade (Esp.) Gripsholm (Suède) Leiria (Port.) Marienburg (Pol.) Mondoñedo (Esp.) Monterrey (Esp.) Olomouc (Rép. Tch.) Porto (Port.) Senj (Croatie) Vadstena (Suède)
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cartographie de l’imprimerie au xv# siècle Fig.
b - Villes ayant eu au moins un atelier entre et
a - Villes ayant eu au moins un atelier avant
d - Villes ayant eu au moins un atelier entre et
c - Villes ayant eu au moins un atelier entre et
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philippe nieto Fig.
b - Villes ayant un atelier actif en
a - Villes ayant un atelier actif en
c - Villes ayant un atelier actif en
d - Villes ayant un atelier actif en
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cartographie de l’imprimerie au xv# siècle
Fig. .
Lieux ayant eu au moins un atelier avant
Villes ayant eu au moins un atelier actif en
Fig.
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Proportion d’imprimeurs « multilocalisés » par aire d’impression Fig. a
Nombre de lieux d’impressions par imprimeurs « multilocalisés » Fig. b
Fig. Un imprimeur « nomade » au xv# siècle. Gravure non identifiée, reproduite dans M. Audin, Histoire de l’imprimerie par l’image…, Paris, Henri Jonquières,
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cartographie de l’imprimerie au xv# siècle
Fig. Origine des imprimeurs par aire culturelle.
Fig. Origine des imprimeurs (sur le nombre total des imprimeurs dont l’origine a pu être identifiée). s
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Fig. Deux méthodes de représentation des déplacements d’imprimeurs.
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Fig. ^Les grandes routes commerciales au xv# siècle
cartographie de l’imprimerie au xv# siècle
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Fig. ^La mobilité des imprimeurs au xv# siècle
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cartographie de l’imprimerie au xv# siècle
Fig.
La mobilité des imprimeurs en Italie – méthode {a}
La mobilité des imprimeurs en Italie – méthode {b} Fig.
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Mobilité comparée des imprimeurs lyonnais et parisiens
Fig.
Les dix premiers centres d'impression au xv# siècle (nombre total d'éditions)
Fig.
Les dix premiers centres d'impression à la fin du xv# siècle ( )
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Fig.
cartographie de l’imprimerie au xv# siècle
Fig.
Répartition des éditions par aire géographique et par format
Légende
Fig.
Répartition des éditions par format dans les premiers centres d'impression*
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Les premiers centres d'impression au xv# siècle (nombre total d'éditions)
Les premiers centres d'impression au xv# siècle (nombre total d'éditions) Représentation proportionnelle par format*
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Fig.
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cartographie de l’imprimerie au xv# siècle
Proportion d'éditions par langue dans les « Anciens Pays-bas »
Légende de la Fig. .
Légende de la Fig. .
Fig.
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Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France
Lorsqu’il n’existe encore qu’un dénombrement des incunables bibliothèque par bibliothèque, le chiffre donné entre parenthèses résulte de l’addition des exemplaires : ceux-ci ont été désignés par items, de façon à les différencier des entrées qui comptabilisent les éditions. 1 – Arnoult (Jean-Marie). Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France. Vol. I. Bibliothèques de la région Champagne-Ardenne (1526 entrées). – Bordeaux : Société des Bibliophiles de Guyenne, 1979. – xi-493 p., xxx pl. : ill. 2 – Lefèvre (Martine). Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France. Vol. II. Bibliothèques de la Région Languedoc-Roussillon (507 entrées). – Bordeaux : Société des Bibliophiles de Guyenne, 1981. – viii-233 p., xx pl. : ill. 3 – Péligry (Christian). Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France. Vol. III. Bibliothèques de la Région Midi-Pyrénées (813 entrées). – Bordeaux : Société des Bibliophiles de Guyenne, 1982. – 355 p., xxxi pl. : ill. 4 – Girard (Alain). Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France. Vol. IV. Bibliothèques de la Région Basse-Normandie (447 entrées). – Bordeaux : Société des Bibliophiles de Guyenne, 1984. – 213 p., xxi pl. : ill. 5 – Torchet (Louis). Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France. Vol. V. Bibliothèques de la Région Pays de la Loire (948 entrées). – Bordeaux : Société des Bibliophiles de Guyenne, 1987. – 417 p., xxxvi pl. : ill. 6 – Hillard (Denise). Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France. Vol. VI. Paris : Bibliothèque Mazarine (2110 entreés). – Paris : Aux Amateurs de livres ; Bordeaux : Société des Bibliophiles de Guyenne, 1989. – 703 p. ; xiv pl. : ill. 7 – Jammes (Bruno). Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France. Vol. VII. Paris : Bibliothèque de l’Institut de France. Bibliothèque Thiers (180 entrées). – Paris : Aux Amateurs de livres ; (Bordeaux : Société des Bibliophiles de Guyenne), 1990. – 105 p. xviii pl. : ill. 8 – Buffévent (Béatrix de). Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France. Vol. VIII. Paris : Ville de Paris, Institut catholique, Faculté de Théologie protestante, Communautés religieuses et établissements ecclésiastiques parisiens (323 entrées). – Paris : Aux Amateurs de livres, 1993. – 323 p., xxiv pl. : ill.
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pierre aquilon
9 – Barbier (Frédéric) et Aquilon (Pierre). Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France. Vol. IX. Bibliothèques de la région Nord–Pas-de-Calais (± 1332 entrées). Parution : été . 10 – Aquilon (Pierre). Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France. Vol. X. Bibliothèques de la région Centre (691 entrées). – Paris : Aux Amateurs de livres (Bordeaux : Société des Bibliophiles de Guyenne), 1992. – 419 p., viii pl. coul., xxv pl. n. et bl. : ill. 11 – Parguez (Guy). Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France. Vol. XI. Bibliothèques de la région Rhône-Alpes (I) : Ain, Ardèche, Loire, Rhône (1044 entrées). – Paris : Aux Amateurs de livres (Bordeaux : Société des Bibliophiles de Guyenne), 1991. – 381 p., xxx pl. : ill. Les volumes suivants ont été publiés avec le concours scientifique du Centre d’Études Supérieures de la Renaissance (UMR du CNRS) Université François-Rabelais – Tours 12 – Fernillot (Yvonne). Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France. Vol. XII. Paris : Université de Paris-Sorbonne, Victor-Cousin, École nationale des chartes, Institut national de recherche pédagogique, Institut national de langues et civilisations orientales, Imprimerie nationale (592 entrées). – Paris : Klincksieck, 1995. – 357 p., xxx pl. n. et bl., ii pl. coul. h.-t. : ill. 13 – Zehnacker (Françoise). Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France. Vol. XIII. Bibliothèques de la région Alsace I (Bas-Rhin) (2443 entrées). – Paris : Klincksieck, 1998, 2 vol. – 1112 p., lxv pl. : ill. 14 – Richard (Hélène), avec la collaboration de Pierre Campagne. Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France. Vol. XIV. Bibliothèques de la Région Poitou-Charentes. – Bibliothèques de la Région Limousin (514 entrées). – Paris : Klincksieck, 1996. – 341 p. vii pl. coul., xliv pl. n. et bl., ill. Les volumes suivants sont publiés avec le concours scientifique du Centre d’Études Supérieures de la Renaissance (UMR du CNRS) dans la collection « Histoire et Civilisation du Livre » de l’École pratique des Hautes Études. 15 – Fernillot (Yvonne), avec la collaboration de Pierre Aquilon. Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France. Vol. XV. Paris : Académie de médecine, Bibliothèque interuniversitaire de médecine (Université Paris-V « René-Descartes »), Bibliothèque interuniversitaire de pharmacie, Muséum national d’histoire naturelle, Observatoire de Paris, Conservatoire national des Arts et métiers, École nationale polytechnique, École nationale des Ponts et chaussées, Service de santé des armées (Val-de-Grâce), Sénat (270 entrées). Sous presse : parution novembre 16 – Frasson-Cochet (Dominique) avec la collaboration de Pierre Aquilon. Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France. Vol. XVI. Bibliothèques de la région Auvergne, (286 entrées). – Genève : Droz, 2006. – 408 p., xvi pl. coul., xxvi pl. n. et bl., viii pl. h.-t. n. et bl. : ill. 17 – Neveu (Valérie). Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France. Vol. XVII. Bibliothèques de la région Haute-Normandie (613 entrées). – Genève : Droz, 2005. – 486 p., xv pl. coul., xvii pl. n. et bl. : ill.
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c ata lo g u e s r é g i o n au x d e s i n c u n a b l e s
Volumes en préparation 18 – Taurant-Boulicaut (Annie). Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France. Vol. XVIII : Bibliothèques de la Région Île-de-France (483 entrées [513 items]). 19 – Lavagne (Xavier). Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France. Vol. XIX : Bibliothèques de la région Provence-Côte d’Azur, avec la collaboration de Dominique Jacobi, Françoise de Forbin, Isabelle Battez et Roland Giraud, Bibliothèques de la région Corse (1150 entrées). 20 – Waille (Marie-Claire) et al. Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France. Vol. XX : Bibliothèques de la région Franche-Comté (1254 entrées). 21 – Torchet (Louis). Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France. Vol. XXI : Bibliothèques de la région Aquitaine (448 items). 22 – Keller (Hélène), avec le concours d’Anne Cahierre. Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France. Vol. XXII : Région Lorraine (1309 entrées). 23 – Creff-Walravens (Christelle) et Chagrot (Fabienne). Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France Vol. XXIII : Bibliothèques de la région Alsace II (Haut-Rhin), avec le concours de Francis Gueth et Louis Demézières (2500 items). 24 – Torchet (Louis). Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France. Vol. XXIV : Bibliothèques de la région Bourgogne (1130 items). 25 – Sordet (Yann). Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France. Vol. XXV : Paris : Bibliothèque Sainte-Geneviève (1450 entrées). 26 – Toulet (Emmanuelle) et al. Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France. Vol. XXVI : Bibliothèques de la région Picardie (1086 items). 27 – Toulouse (Sarah). Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France. Vol. XXVII : Bibliothèques de la région Bretagne (230 items). 28 – N… Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France. Vol. XXVIII : Bibliothèques de la région Rhône-Alpes (II) Drôme, Isère, Savoie, Haute-Savoie (790 items). 29 – Coq (Dominique) et al. Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France. Vol. XXIX. Paris : Institut national d’histoire de l’art. Bibliothèque de l’Assemblée nationale. Bibliothèque de la Cour de cassation. Séminaire israélite de France. Collège de France. Musée national du Moyen Âge - Thermes de Cluny. Bibliothèque Cujas. Archives nationales. 30 – Conihout (Isabelle de), Coq (Dominique) et al. Catalogues régionaux des incunables des bibliothèques publiques de France. Vol. XXX. Paris : Bibliothèque de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts.
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Index général
Le millésime, figurant entre parenthèses à la suite du nom de certaines localités, correspond à l’année au cours de laquelle y fut installé pour la première fois un atelier typographique. Pour quelques-unes d’entre elles cette date demeure conjecturale.
A Aalst voir Alost Aarau, bibliothèque cantonale Abbeville [Somme] () -, , , c, , Achates, Leonardus Adam de Aldersbach Adamoli, Pierre , -, Adrets, baron des Afrique du Nord Aiguaviva del Gironès [Catalogne] Ailly, Pierre d’ , Aimon de Halberstadt Aisne , Aix-en-Provence - – bibliothèque Méjanes - Ajax , Alain, Pierre , Albert le Grand, saint Albert le Grand, pseudo Albertanus Causidicus Alberti, Leon Battista , , , Albi [Tarn] () , , , , , b, b, , , , Alcalá de Henares [Madrid] ,
Alençon [Orne] Alexandre de Halès Alexandre, Clément , Alexandre, Jean , Alexis, Guillaume , , Alfortville [Val-de-Marne] Allemagne , , , , , , , , -, , Almagro [Castille-La Manche] , Almería [Andalousie] , Alost [Belgique] () , , b, bc, , , Alpes Alsace , Altenbeck, Johann Amar, André Amata, épouse du roi Latinus Ambrosius de Woestine Amédée VIII, duc de Savoie Amerbach, Johann , Amiens [Somme] -, , , , Amsterdam , , , , Ancelin, Thibaud Andrea, Giovanni d’ , André-Desguine, bibliothèque, voir Nanterre
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Angers [Maine-et-Loire] () , , , , , , , , , , b, bc, , , – Chaussée Saint-Pierre – Grandes écoles Angleterre , , , , , , Angoulême [Charente] () , , , , , , d, d, Anima Mia, Guglielmo Annecy [Haute-Savoie] Anselme, saint Antonin de Florence, saint , , Antwerpen voir Anvers Anvers [Belgique] () , , , , , , , , , , , , c, cd, , , Aoste [Vallée d’Aoste] Apocalypse de Jean , Apollonius de Rhodes Aquila [Abruzzes] () , , , . Aquilon, Pierre , , , , , , , Arbois [Jura] – bibliothèque municipale
le berceau du livre imprimé
Arc-en-Barrois [Haute-Marne – récollets Ardennes , , Arezzo [Toscane] franciscains Argenson, Marc Pierre de Voyer, comte d’ , Argenson, René Louis de Voyer de Paulmy, marquis d’ Argenson, Antoine René de Voyer de Paulmy, marquis d’ - Arguel, Jean d’ Aristote , , , , , , , Arles [Bouches-du-Rhône] Armentières [Nord] capucins Armstrong, Elisabeth Arnaud de Villeneuve, pseudo- Arnollet, Jacques , Arnoult, Jean-Marie , , , Arnstein [Bavière] prémontrés Arpinod, Pancrace Ars moriendi Art de bien vivre et de bien mourir Articella Articuli fidei , , Artois Ascoli Piceno [Marches] () , , Askew, vente () Aspremont, Gilles d’ Atelier du Soufflet vert , Aubaïs, marquis d’ Aubery, Guillaume Aubery, Jean Aubinges [Cher] , , Auctores octo Audenarde [Belgique] () , b, b, , , Audin, Marius Audirac, J.-J. Augereau, Antoine Augsbourg [Bavière] () , , , , , , , , , , , a, a-d, Augsburg voir Augsbourg Augustin, saint , , , Augustin, pseudo Aumale, Henri d’Orléans, duc d’ Aurillac [Cantal] – carmes – franciscains
Autun [Saône-et-Loire] , , Auxonne [Côte-d’Or] Avicenne Avignon [Vaucluse] () , , , , , , , , d, d, , – célestins – chartreux – oratoriens Aymonet de Contréglise Azon Azouard, Jacques
B Bachelier, Pierre Bacon-Molay (Le) [Calvados] Bad Pyrmont [Basse-Saxe] , Bade, Josse , , , , , , Baden-Baden , Bade-Wurtemberg Bad-Kreuznach [Rhénanie-Palatinat] , Baignier, Étienne Bailli, libraire Balbi, Giovanni , , Balde Baldini, Balcio Bâle () , , , , , , , , , , , , , , , a, a-d, , Baligault, Félix , Balkans Bamberg [Bavière] () , a, a-d, , Barbaro, Ermolao , Barbier, Frédéric , , Barcelona voir Barcelone Barcelone () , , , , , , b, b-d, Barco [Lombardie] () , d, Bardejov [Slovaquie] , Bari [Pouilles] , Baron, Guillaume Baron, Théodore Bartholomaeus de Chaimis Bartole Bartolomaeus de Unkel , Barzizza, Gasparino
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Baschi, Charles de Basel voir Bâle Bassigny Bath [Somerset] Battez, Isabelle Baudouyn, Jean Baudrand, Michel-Antoine Baudrier, Henri-Louis , , Baudrier, Julien , Baufet, Guillaume , Baumburg [Bavière] chanoines augustins Baurmeister, Ursula , , , , Bavent, Guillaume Bavière Bayerische Staatsbibliothek Inkunabelkatalog , Bayeux [Calvados] Bayonne [Pyrénées-Atlantiques] , Beaufilz, Jean Beaune [Côte-d’Or] – capucins – minimes Beauvais [Oise] , Beech, Beatrice , Beggiami, Christoforo de’ , , Bellaise, dom Benfeld [Haut-Rhin] Benoît de Nursie, saint Bensheim [Hesse] , Béranger, marquis de Beretta, Giovanni-Antonio Bergeret, Pierre Étienne Berlin – Kommission für den Gesamtkatalog der Wiegendrucke ,, Bernard de Clairvaux, saint -, , Bernard de Clairvaux, pseudo- Bernard de Gordon Bernardus de Parentinis Bernasconi, relieur Bernier, Louis Beroaldo, Filippo Beromünster [Suisse] () , a, a, , Berreau, P.
index général
Besançon [Doubs] () , , , , -, , , c, , – établissements religieux abbaye S&-Paul abbaye S&-Victor capucins carmes déchaux Grands carmes , clarisses , cordeliers , dominicains , minimes oratoriens église S&-Loup – bibliothèques bibliothèque des avocats bibliothèque diocésaine bibliothèque municipale , , service commun de documentation Besicken, Johannes Bessarion, Johannes , Beughem, Cornelius van Bevilacqua, Simone Biberach [Bavière] Bible de Souvigny (ms. lat. xii# s.) Bible en français (ms. xiii# s.) Bible en allemand () Bible latine [ lignes] (c. ) , , , , Bible latine [ lignes] () -, , , Bible latine () Bible latine () Bible latine () , Bible latine () Bible latine () Bible latine () Bible latine () Biblia pauperum Bibolet, Françoise , Bigot, Louis-Emery Bilbao [Pays-Basque] , Billard, Nicolas Billom [Puy-de-Dôme] collège des jésuites Bindus de Senis Blachier, Nicolas Blaubeuren [Bade-Wurtemberg] () , , , , , b, Bleton, Jean Blondus, Flavius
Blumenau, Laurentius , , Boccace , , , , , Boèce , Bohème Boileau, Jacques Bois-le-Duc [Pays-Bas] () , , c, , , , – dominicains Boisot, Jean-Baptiste Bologna voir Bologne Bologne () , , , , , , , b, b-d, - Bonaccorsi, Francesco Bonaparte, Charles-Lucien, prince de Canino Bonaventure, saint , , , Bonaventure, pseudo- -, , - , , , Bondeno [Émilie-Romagne] , a Bonelli, Benedetto Bonetti, Andrea Bonhomme, Pasquier , Bonhomme, Yolande , , Bonn [Rhénanie-du-Nord-Westphalie] Universitäts- und Landes-bibliothek , Bordeaux [Gironde] , , Borghèse, Marcantonio prince Bosco, Jacobus de Bossuet, Jacques Boston [Lincolnshire] , Botticelli, Sandro Bottwar [Wurtemberg] , Bouches-du-Rhône Bouchet, Guillaume Boulard Boulet, Étienne , Bourbon, Anne de Bourbon, ducs de Bourbon, Pierre de Bourcier, Jean Bourges [Cher] , , Bourgogne , , Bourgogne, ducs de , , Boutillier, Jean , , Boutin Boutourlin, comte Dimitri Petrovitch Boutroue, Marie-Elisabeth Bouvet, Honoré
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Bouyer, Jean , , , , Braga [Portugal] () , , , Brant, Sebastian , , Braschi, Giovanni-Angelo Brassicanus voir Köl Bratislava [Slovaquie] , Breda [Pays-Bas] Bréhan-Loudéac [Morbihan] () , , c, , Brehauld, Guillaume Brême , Bremen voir Brême Brescia [Lombardie] () , , b, b-d, - Breslau voir Wrocław Bresse Bretagne , , Brett, libraire à Grenoble Bréviaire des camaldules Bréviaire d’Aix Bréviaire de Bayeux Bréviaire de Rouen Breydenbach, Bernhard von , Brice, Germain Brienne, Loménie de , , , Brin, Erwana Brito, Jean Brno [Rép. tchèque] () , , , Bruges () -, , , , b, b, , , – bibliothèque du Grand séminaire – École centrale – église S&-Donatien – place du Bourg , Bruges, Louis de, seigneur de Gruuthuse , , , Brugge voir Bruges Brumen, Thomas Brun, médecin Brunet, Jacques-Charles , , Bruni, Leonardo Brünn voir Brno Bruno, saint Brussel voir Bruxelles Bruxelles () , , b, b, ,
le berceau du livre imprimé
Budapest () , , Budé, Guillaume Budé, Jean Buffévent, Béatrix de Bulle, Johann Bure, de voir Debure Burg Rheinstein [RhénaniePalatinat] () , c Burgdorf [Suisse] () , b, Burgos [Castille-et-León] () , , , , Burlaeus, Gualtherus Butrici, Massimo , Buyer, Barthélemy , Buyer, Jacques
C Caen [Calvados] () , , , , , , , b, b, Caesaris, Petrus Cagli [Marches] () , b, Cagliari () , c, Cahierre, Anne Caillaut, Antoine -, , , -, , , , , , Calais [Pas-de-Calais] , Calepino, Ambrogio Calpurnius Siculus , Calvin, Jean -, Cambrai [Nord] , , , – abbaye S&-Aubert Cambridge, University Library Campagne, Pierre Capoue [Campanie] () , , Capreolus, Helias Capua voir Capoue Caracciolo, Roberto Carbone, Lodovico Carcain, Janon , Carcavi, Pierre de Carnot, Sadi Carpentras [Vaucluse] bibliothèque Inguimbertine - Carter, Harry Carton, Charles Casal di San Vaso [Piémont] () , c Casale Monferrato voir Casal di
San Vaso Casalmaggiore [Lombardie] () , c, Casati de Casatis Caselle [Piémont] () , b, , Cassonia, Nicolaus Ignatius de Castan, Auguste , , , , , - Castano Primo [Lombardie] () , c, Castelli, Giovanni Battista Casus episcopales Catalogne Catalogue des incunables de la Bibliothèque nationale de France Catholicon () Catholicum parvum Caton, pseudo, , Caulet, Jean de Cauvin, André , Cavelier, Jean Caxton, William , , Cent nouvelles nouvelles (Les) Césambre [Ille-et-Vilaine] récollets César , , , , , Cesena voir Césène Césène [Émilie-Romagne] () , d, , Cessoles, Jacques de , Cetinje [Monténégro] () , , Chablis [Yonne] () , , , b, b, , , Chagrot, Fabienne Chaise-Dieu (La) [Haute-Loire], bénédictins Châlons-en-Champagne () -, , d, d Chambéry [Savoie] () , , c, Chambly [Oise] Champagne , , , , Champagne-Ardenne , , , , , Champollion-Figeac, Jacques-Joseph Chantilly, Musée Condé -, Charité (La) [Haute-Saône] abbaye , Charles le Téméraire , ,
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Charles Quint, empereur Charles V, roi de France Charles VIII, roi de France , Charleville [Ardennes] , Charon-Parent, Annie , , , Charron de Ménars, Jean-Jacques Chartier, Roger Chartres [Eure-et-Loir] () , c, , – diocèse Chartreuse voir GrandeChartreuse Chasles, Michel , Chaudière, Guillaume Chaussard, Barnabé Chautemps, Émile Chaves [Portugal] () , , Chazal, dom Chelmno [Pologne] ( ?) , Cheminon [Marne] abbaye , Chester [Cheshire] , Chevailler, Marie Chevillier, André , , Chevreul, Eugène Chifflet, famille , Chivasso [Piémont] () , c, , , Choesmyn, Alain Chossat-Fondeville, Sylvie Chronique de Primat (La) Cicéron , , Cinquini, Francesco , Cisternay du Fay, Charles Cividale [Frioul] () , , , Claerr, Thierry , , , Clairvaux [Aube] abbaye , , , Claudin, Anatole , , , , -, -, , -, , Clément, Nicolas , Clermont-en-Beauvaisis [Oise] Clermont-Ferrand , , Cluny [Saône-et-Loire] () abbaye , d, , , Clypeus Thomistarum Coblence [Rhénanie-Palatinat] , , , Cockshaw, Pierre Colbert, Jean-Baptiste , ,
index général
Colines, Simon de , , Colle di Val d’Elsa [Toscane] () , , b, Colmar [Haut-Rhin] , , , Cologne () , , , , , , -, , , , , , , , , a, a-d, , , - – Universitäts- und Stadtbibliothek Colombier-le-Cardinal [Ardèche] célestins Côme [Lombardie] () , b, Commin, Vincent , Commissey [Yonne] Communal, Amédée Como voir Côme Compiègne [Oise] , Comtat Venaissin Condé, famille Conditionibus requisitis in sumente eucharistiae sacramentum (De) Conihout, Isabelle de Conservatione sanitatis (De) Consortium of European Research Libraries Constance [Bade-Wurtemberg] ( ?) , b, , – Universitätsbibliothek Constantinople () Copenhague () , , , Copernic, Nicolas Coq, Dominique , , , , , Coquerel, Antoine de Cordiale quatuor novissimorum , , , , Corfou , Coria [Andalousie] () , , , Corogne (La) [Galice] , Corrozet, Gilles Cortemaggiore [Émilie-Romagne] , Coruña, A voir La Corogne Cosenza [Calabre] () , , Coster, Laurens Janszoon , Cotte, Jean-François de , Cotteblanche
Cousin, Victor , , Coutances, diocèse Couteau, Nicolas Coutumes d’Anjou et du Maine () Coutumes du Bourbonnais () , - Coyecque, Ernest , Crabbe, Jan Cracovie () , , , Crantz [Krantz] Martin , , , , , Creff-Walravens, Christelle Cremona voir Crémone Crémone [Lombardie] () , b, Crescentiis, Petrus de Crèvecœur, Philippe de Croy, Charles de Cruse, Louis , , Cuenca [Castille-La Manche] , Culemborg [Pays-Bas] () , c,
D Damiano da Gorgonzola Dammartin, comte de Dandino, Anselmo Dandoni, Durandus Daniel, Pierre Danse macabre (La) Dante Alighieri , , Dantzig voir Gdansk Daremberg, Charles-Victor , Darricau, Raymond Dati, Agostino , Daunou, Claude-François , Dauphiné David, roi David, Hémon , Davost, Claude Debougne, Charles , Debure, Guillaume-François , -, , , - Decretot, Roger , Dee, John Delamolière, Jean-Baptiste Delaulne, Jean Delft [Pays-Bas] () , b,
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b-d,, , Delhomme, Georges voir Hominis Delisle, Léopold , , , Delonda, Petrus Demézières, Louis Den Haag voir Haye (La) Denys l’Aréopagite, pseudo Denys le Chartreux Denys d’Halicarnasse Derome, le Jeune Desgraves, Louis , Despont, Philippe Desrey, Pierre Destruction de Troyes par personnages (La) , Deventer [Pays-Bas] () , , , b, b-d, , , , Dialogus creaturarum Dialogus de septem sacramentis Dialogus linguæ et ventris Dias de Escobar, Andres , Dictionarium hexaglosson Dieppe [Seine-Maritime] Diessen [Pays-Bas] chanoines réguliers de S&-Augustin Digestum vetus Dijon () , d, , Dillingen [Bavière] ( , c, , Dioscoride Directorium ad passagium faciendum Distelbrink, Balduinus Dodart, Jean-Baptiste Dole [Jura] () , , c, c, , – bibliothèque municipale Dolet, Étienne Domet, Jacques Donat Douai [Nord] – bibliothèque municipale Doubrovski, bibliophile russe Dozoli, Laurentius Drach, Peter Dresde, Sächische Landesbibliothek – Staats- und Universitätsbibliothek , Dubois, Philippe Dubrovnik [Croatie] , ,
le berceau du livre imprimé
Duclos, abbé Ducoin, Amédée Ducros, chanoine P. - Dumolin, Antoine Dunes (Les) abbaye, voir Ten Duinen Duns Scot , , Duplessis, Georges Dupont, Paul Duport, Jean Du Pré, Galiot Du Pré, Jean, impr. à Lyon , Du Pré, Jean, impr. à Paris , , Du Puy, dom François , -, Durand, Guillaume , Du Rivatz, Thomas Du Seuil, relieur Duval, Jean Dyaloge des creatures moraligie (Le)
E Edimbourg , Edinburgh voir Edimbourg Eeckhout [Belgique] abbaye Egger, Émile Ehrart, Joseph, méddecin Eichstätt [Bavière] () , , c, c, Elliott-Loose, Ghislaine , Eltville [Hesse] () , a, ab, Elzevier, famille , , Embrun [Hautes-Alpes] () , c, Emmerich [Rhénanie du Nord Westphalie] Endter, Wolfgang Énée Épinal [Vosges] Epistola de miseria curatorum Epistolæ diversorum philosophorum Épîtres et Évangiles , , , - Erfurt [Thuringe] () , b, b-d, , , Erlangen [Bavière] Universitätsbibliothek Ermeland, diocèse Eschyle
Ésope , , , , Espagne , , , , ,, , Esslingen [Bade-Wurtemberg]() , b, , Estienne, famille , , , Estienne, Charles Estienne, Henri II , Estienne, Robert I , , Estrées, Jean d’ Etymologicum magnum Græcum , Eu [Seine-Maritime] – abbaye Notre-Dame , , – collège des jésuites Europe , , , , , , , , , -, , , , , , -, - Eusèbe de Césarée Évangiles des quenouilles (Les) Ève Évrard de Béthune Évreux [Eure] , Ewangelien und Episteln
F Fabricius Faelli, Benedetto Faenza [Émilie-Romagne] () , b, Falconnet, Camille Fano [Marches] Farget, Pierre Faro [Portugal] () , , Fautsberg-Rheinstein voir Burg Rheinstein Favart, Charles-Simon Faverney [Haute-Saône] abbaye Febvre, Lucien Fernillot, Yvonne , , Ferrara voir Ferrare Ferrare [Émilie-Romagne] () , , b, b-d,, Ferrariis, Albertus de Ferrati, Giovanni Pietro de’ Feydeau, Antoine Fezandat, Michel Fichet, Guillaume Ficin, Marsile
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Filelfo, Francesco Firenze voir Florence Firmicus Maternus Firoben, Lauriane , Fischer, Columban , Fivizzano [Toscane] () , , b, b, Flach, Martin , , , , -, Flandre , , -, , Fleury-St-Benoît, abbaye Florence () , , , , , , b, b-d, , , , Floretus cum commento Foligno [Ombrie] () , , a, a, , , Foliot, Pierre Forbin, Françoise de Forli [Émilie-Romagne] () , d, , Fornié, Marguerite Fourier, Jean-Baptiste Fourment, Jacques France , , , , , , -, , , , , , , , , , , , , , , , , , , Francfort-sur-l’Oder , Francfort-sur-le-Main , Franche-Comté , , François de Metz François I#)roi de France , , Frankfurt am Main voir Francfort-sur-le-Main Frankfurt an der Oder voir Francfort-sur-Oder Frasson-Cochet, Dominique , , Frédéric de Bohême Freiberg in Sachsen () , d, , Freibourg im Breisgau voir Fribourg-en-Brisgau Freising [Bavière] () , c, , Fribourg-en-Brisgau () , , d, , , – Universitätsbibliothek - Friburger, Michael , , , , , ,
index général
Fritag, Andreas Froben, Johannes , , Frumenti, Johannes Furter, Michael Fust, Johannes , , , , Fyner, Conrad
G Gaeta voir Gaète Gaète [Latium] () , , , Gaguin, Robert Gaignat, Louis-Jean , Galien, Claude Galopes, Jean de , Ganagobie [Alpes-de-Haute-Provence] Gand () , , c, , , Gap [Hautes-Alpes] Gaza, Théodore Gdansk () , , , Geirnaert, Noël Gênes [Ligurie] () , b, bc, , Genève () , , , -, , , , , b, b-d, , Genova voir Gênes Georges III, roi d’Angleterre Georges, Dominique Georges, saint Gérando, Joseph Marie baron Gering, Ulrich , , , , , , , , , , Gerlier, Durand Germaniques, pays Gerona voir Gérone Gérone [Catalogne] () , c, c, , Gerson, Jean , , , , , Gersonius, Th. de Gesamtkatalog der Wiegendrucke , , , , , Ghent voir Gand Gibier, Éloi Gid, Denise , , Gigot de La Peyronie, François Gilles de Rome Gilles, Nicole
Gillet, Guillaume Gilmont, Jean-François , , Girard, Alain Girardengo, Niccolò Girardot de Préfond , , , Giraud, Roland Girona voir Gérone Gironde Giustiniani, Lorenzo Gladbach [Rhénanie-Palatinat] Glim, Johann , , Godard, Guillaume Godillot, Marcel, relieur Goff, Frederick R. Goliath Gondrecourt, Nicolas de Gorran, Nicolas de Gorricio, Melchior Göttingen, Niedersächsische Staatsund Universitätsbibliothek , Gouda [Pays-Bas] () , , b, b-d, , , Goujet, Claude-Pierre, abbé Goupillères [Eure] () , d, Gouvets [Manche] Gran, Heinrich Granada voir Grenade Grande-Chartreuse , -, - Grangia, Durand de Granvelle, Antoine de Granvelle, Nicolas de Grassin, Pierre Grassin, Thierry Gray, bibliothèque municipale Grégoire I#), saint , , , , , , Gregoire IX, pape Greifswald [MecklembourgPoméranie-Occidentale] Universitätsbibliothek , Grenade [Andalousie] () , , , Grenoble [Isère] () , , , , c, c, , , – bibliothèque municipale , , , , – lycée Champollion Grevillard, Guillaume
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Greyff, Michael Gripsholm [Suède] abbaye () , Grodecki, Catherine Grolier, Jean , , Gros de Boze, Claude , , , , Gros, Joseph François Gruel, Léon, relieur Grüninger, Johann Guadalajara [Castille-La Manche] () , , , Guaynier, Théodore Gueth, Francis Guibert de Nogent Guido de Baysio Guido de Monte Rochen, Rocheri(i), Roterio, Rotheri(i) voir Guy de Mont-Rocher Guigues, prieur Guillard, Charlotte Guillaume d’Auxon Guillaume de Paris, O.P. , , voir aussi Herolt, Johannes Guillelmus de Gouda Guilleminot-Chrétien, Geneviève , Guillermus, frater Guirlande de Julie (La) Guldenschaff, Johann , Guldinbeck, Bartholomaeus Gültlingen, Sybille von Gutenberg, Johannes Gensfleisch, dit , , , , , , , , Guy de Mont-Rocher , - Guy de Roye , , Guy, Jean de Guyenne -, , ,
H Haarlem [Pays-Bas] () , , , , , c, , Haebler, Konrad Haec, Morisis de , , Hagembach, Peter Haguenau [Bas-Rhin] () , , c, cd, , Hain, Ludwig , , , Hainaut
le berceau du livre imprimé
Haitze, Pierre-Joseph de Hambourg () , c, c, – Stadt- und Universitätsbibliothek Hamburg voir Hambourg Han, Ulrich , Hasenohr, Geneviève , , Hasselt [Belgique] () , b, b-d Haute-Marne Haute-Normandie , Havre (Le) [Seine-Maritime] capucins Haye (La) [Pays-Bas] -, , Hébreux Heidelberg () , c, cd, – Universitätsbibliothek , Heiss, baron d’ Hellinga, Lotte , , , Henault, Jean Hennier, Pierre Henri II, roi de France Henri V, roi d’Angleterre Henricus de Colonia Herolt, Johannes Herzhaft, Gérard , , Hesdin [Pas-de-Calais] Hésiode , , Heynlin, Johannes , , Heyny, Christmann , Hieronymus voir Jérôme, saint Hijar [Aragon] () , c, c, , Hillard, Denise , , Histoire d’Alexandre (L’) Hitzler, Ios. Hodoart, P. Hofken van devocien (Het) Hollande , Hominis, Georgius Hongrie Horace, poète latin , , , , , -, , , -, Horæ ad usum Parisiensem () Horæ ad usum Romanum (/) Horæ ad usum Romanum () Horæ ad usum Romanum () Hornes, Philippes de Huard, Jean-Baptiste Huber, Ulrich
Huete [Castille-La Manche] () , c, c, , , Hugues de Lincoln , Hugues de Saint-Cher , , , Husner, Georg , Huss, Mathias Huvin, Jean Huzard, Jean-Baptiste Hymni ()
Isle-Adam (L’) [Val d’Oise] Issenheim [Haut-Rhin] abbaye S&-Antoine Italie , , , , , , , , , , , , Ivrea voir Ivrée Ivrée [Piémont]
I
Jacob, père Louys Jacobi, Dominique Jacobus de Breda Jacobus de Gruytrode Jacques de Fusignano Jacques de Metz Jacques de Paradis Jacques de Voragine , , , , Jammes, Bruno Janot, Denys Jardin de dévotion (Le) Jarry, Nicolas Jean d’Albi voir Neumeister, Johann Jean de Coblence voir Johannes Confluentinus Jean de Fribourg Jean, saint Jeanne de Bourgogne - Jehannot, Étienne , Jenson, Nicolas , , Jéricho , Jérôme, saint Jérôme, pseudo Jérusalem, temple Jesi [Marches] () , , , Jésus Christ -, Jeulin, Germaine Jocteur Montrozier, Yves , Johannes Confluentinus Johannes de Colonia , Johannes de Nördlingen , Johannes de Reno Johannes de Vepria voir Voivre, Jean de Johannes de Verdena Johannes de Westfalia Jordanus de Quedlinburg Joseph, saint Jullieron, Guichard Junius, Hadrianus ,
Île-de-France Illustrated Incunabula Short Title Catalogue (ISTC) , , Imprimeur de l’Aderlaßbüchlein (GW ) Imprimeur d’Innocentius III, De Miseria humanæ conditionis Imprimeur de Guido de Cumis, Casus longi (GW ) , , Imprimeur de Guido de Monte Rochen, Manipulus curatorum Imprimeur de Henricus Ariminensis, De iv virtutibus (H ) Imprimeur de Jacobus de Voragine, Legenda aurea Imprimeur de Jordanus de Quedlinburg, Postillæ (H *) , Imprimeur du Livre des prestres Imprimeur de la Mensa philosophica Imprimeur de Michael de Dalen, Casus breves Decretalium Imprimeur de Pius II, Epistola de remedio amoris Imprimeur des Vitas Patrum Imprimeur du Vocabolista Ingolstadt [Bavière] () , , c, cd, , – franciscains – Université Inguimbert, Joseph-Dominique d’ évêque de Carpentras Innocent III, Lotharius de Conti, pape sous le nom de , , Institoris, Henricus Interrogationes et doctrinae Isère, École centrale Isidore de Séville
s
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J
index général
Jurgens, Madeleine Juvénal
K Kaliningrad , Karlsruhe, Badische Landesbibliothek , Kassel [Hesse] Keller, Hélène Kemp, William Kempis, Thomas a Kerver, famille , , , , , Kerver, Jacques , - Kerver, Thielman -, , , , - Kinckius, Johann Kirchheim [Bas-Rhin] () , c, c, , , Klagenfurt [Autriche] , Klein, relieur Klincksieck, libraire Kloss, Georg Knoblochtzer, Heinrich Knowles, Christine , København voir Copenhague Koberger, Anton , , Koblinger, Stephan Koelhoff l’Ancien, Johann , Köl, Johannes Alexander, dit Brassicanus Köln voir Cologne Konstanz voir Constance Kórkyra voir Corfou Kosinj [Croatie] () , , Kraków voir Cracovie Kuilenburg voir Culemborg Kutna Ora [Rép. tchèque] () , , Kuttenberg voir Kutna Ora Kyriß, Ernst
L Labarre, Albert , , La Barre, Nicole de , Labbe, Philippe Labbey de Billy, Nicolas Antoine La Caille, abbé Nicolas Louis de La Chapelle, le sieur de
La Croix du Maine Laire, François-Xavier , , , Laitre, Mademoiselle de La Legname, Giovanni Lamart, Ignace Lamart, Thomas Lamoignon, Chrétien-François La Mollière, Nicolas de Langres [Haute-Marne] Lanoë, Guy , - La Noue, Guillaume de Lantenac [Côtes-d’Armor] abbaye () , , c, c, , Laon [Aisne] , , , , La Palu, Pierre de La Pinte de Livry, Nicolas de La Place, Nicolas de -, , La Place, Pierre de La Place, Jean-Baptiste de Larcher, Étienne L’Argentier, Denis La Serna Santander, Carlos Antonio de Lasne, Anthoine Lassus, Pierre Latheron, Mathieu , Latour, Jean de , , Lauingen [Bavière] () , b, Lauragais, comte de Laureaulus, Johannes alias Trinquet Lausanne () , d, Lavagne, Xavier , La Vallière, duc de , -, Lebeurier, Jean-Marie Le Bongeteur, Clais Le Bongeteur, Colard Le Bongeteur, Marc , Le Bourgeois, Jean -, , , Le Bris, Sabrina Le Caron, Pierre Le Clerc, Joseph-Victor Le Coulteux, Dom , Lectionnaire , , , , , , Le Dru, Pierre , Leeu, Gerard , ,
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Lefèvre, Martine , , , Lefèvre d’Étaples, Jacques , Le Fevre, Robert Le Forestier, Jacques , Le Fuzelier, Jean Légende dorée (La) , , , , Le Gras, Nicolas Leiden voir Leyde Leipzig [Saxe] () , , , ,c, cd, , , , Leiria [Portugal] () , , Le Long, Jacques , , , Le Masson, Dom Lemenand, Guillaume Le Noir, Michel , , , Lenoncourt, cardinal de Lenoncourt, Jean de Lepreux, Georges , Le Preux, Poncet Le Prevost, Hubert , Le Riche, Pierre Lérida [Catalogne] () , b, bc, , , Lérins [Alpes-Maritimes] abbaye Le Rouge, Pierre , Le Roy, Guillaume , , , , L’Escalopier, Charles de Le Talleur, Guillaume , Le Tellier, Charles-Maurice , , Letrouit, Jean Leutzenkirchen, Wilhelm von Leuven voir Louvain Leuze-en-Hainaut [Belgique] Levet, Pierre , , , , , , , , , , , , Leyde [Pays-Bas] () , , , , , c, cd, , Lhomme, Georges voir Hominis Licey-sur-Vingeanne [Côte-d’Or] Liège [Belgique] , – collège Jochsten Lille [Nord] , , Lillers [Pas-de-Calais] Limay [Yvelines] Limoges [Haute-Vienne] () , d, d,
le berceau du livre imprimé
Lisboa voir Lisbonne Lisbonne () , , , Livre des Prêtres (Le) , Livre des statuts de l’ordre de la Toison d’Or (Le) Lleida voir Lérida Lobet Lochmaier, Michael Logroño [Rioja] , Lohier, Jean Lombard, Pierre Loménie de Brienne London voir Londres Londres () , , , , , , , b, b-d, , , – British Library , , , , , , Longchampt Lons-le-Saunier [Jura] – bibliothèque municipale Loos [Nord] abbaye Notre-Dame L’Orfèvre, Gilles Lorraine , , Lotharius de Conti voir Innocent III, pape Louis d’Orléans , Louis de Luxembourg, comte de Saint-Pol Louis XI, roi de France Louis XII, roi de France , Lourmarin [Vaucluse] Louvain [Belgique] () , , , , , , , b, b-d, , , – chanoines augustins du Val-S&-Martin Loys, Claude , Loysel, Jean Lübeck [Schleswig-Holstein] () , b, b-d, , Luc, dom, bibliothécaire de la GrandeChartreuse Luc, saint Lucca voir Lucques Lucques [Toscane] () , b, bc, , – chartreux Lucrèce, héroïne romaine , , Ludolphe le Chartreux , , ,
Ludwig von Renchen Lünebourg [Basse-Saxe] () , c, c, Lutter [Basse-Saxe] , Luxeuil, abbaye S&-Pierre Lyon () , , , , , , , -, , -, , , , , , , , , , , , , , , -, , b, b-d, , , , – carmes déchaux – église S&-Marcel – Institut national de recherche pédagogique Lyon, Olivier de
M Mac-Carthy Reagh, Justin de Macé, Gilles Macfarlane, John , , , , , , Macho, Julien , Mâcon [Saône-et-Loire] () , , , d, , , Macrobe Magdebourg [Saxe-Anhalt] () , b, b, , Magdeburg voir Magdebourg Maguelonne [Bouches-du-Rhône] Maignien, Edmond , , , , , Maillard, Olivier Maine Mainz voir Mayence Maître du Livre d’heures de Dresde Maittaire, Michel , , , , Málaga [Andalousie] , Malay-le-Grand [Yonne] Malbork voir Marienburg Malibu, J. Paul Getty Museum Malines [Anvers] Mallart, Jean Mallinckrodt, Bernhard von , Malmesbury [Wiltshire] Mancinelli, Antonio Mancz, Conrad , , Mandragore : base des mss enluminés
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Mandrou, Robert Manneken, Carolus Mannheim [Bade-Wurtemberg] – Universitätsbibliothek Mans (Le) [Sarthe] , Mansion, Colard , - Mantes [Yvelines] Mantoue [Lombardie] () , b, bc, Mantova voir Mantoue Manuce, Alde , , , Manuce, Paul Marais, Katherine Marchand, Prosper Marchant, Guy , , , , , , Marchesinus, Johannes , Marentin, Blanche Mareschal, Georges Mareschal, Pierre Marguerite d’York, duchesse de Bourgogne Marie, Vierge , , Marie de Bourgogne Marie de Luxembourg Marie-Madeleine, sainte Marienburg [Pologne] () , , Marienthal im Rheingau [Hesse] () , b, Marion, Eustache , Markgröningen [Wurtemberg] Marmoutier [Indre-et-Loire] abbaye , Marne Marnef, Enguilbert de - Marnef, Geoffroy de - Marnef, Jean de - Marne-la-Vallée, École nationale des Ponts et chaussées Marot-Bodde, relieur Marseille -, , Marthe, sainte Martin von Werden , Martin, Gabriel , , Martin, Henri-Jean , , , , , , Martin, Jean Martineau, Louis ,
index général
Masculi, Guillelmus Massif Central Masson, Jean Matelica [Macerata] () , b Mathieu de Cracovie , Matthaeus Flander Mattioli, Mattiolo Mauduyt, Denis Maufer, Pierre Maurand, Jean Mauriac [Cantal], collège des jésuites Mauvosin, Michel Maximilien d’Autriche, empereur , , Mayence [Rhénanie-Palatinat] () , , , , , -, , , , , , , a, a-d, , , – Gutenberg-Museum , Mayer, Heinrich Mayer, Sigismund Maynial, Guillaume , Mayronnes, François de Mazaugues, Thomassin de Médicis, Marie de Meerman, Gerard Meissen [Saxe] () , c, Méjanes, marquis de , , Memmingen [Bavière] () , b, b, , Ménars, marquis de , Menoust, Mathieu Mer des histoires (La) , Mera, Philippe de Mersebourg [Saxe-Anhalt] () , b, b, , Meschinot, Jean Messaga voir Toscolano Messina voir Messine Messine [Sicile] () , , , Mestrard, Thomas Mésué Metten [Bavière] abbaye Metz [Moselle] () , c, cd, , – abbaye S&-Clément – célestins – médiathèque de Pontiffroy
Michault, Pierre , Michel, Henri Michiroux, P. Michon, Louis-Marie , Milan [Lombardie] () 148, , , , , , , , , a, a-d, , , - Milano voir Milan Millet, Jacques Millin, Louis-Aubin Minclou [Sarthe] Miscomini, Antonio di Bartolommeo Missel de Clermont () Missel de Lyon Missel de Paris Missel de Rouen () , Missel mozarabe () Mitoud, Emmanuel Théodore Mittelhus, Georg , , Modena voir Modène Modène [Émilie-Romagne] () , b, b-d, , Modo confitendi (De) Modus legendi abbreviaturas in utroque jure Molelu, Jehan Mombrizio, Bonino Mommeno, Claude Mondoñedo [Galice] (c. ?) Mondovi [Piémont] () , b, bc, , Monge, Gaspard Mons [Belgique], carmes déchaux Montbéliard [Doubs] bibliothèque municipale , , Mont-Cassin [Campanie] abbaye Mont-Rocher, Monte Rochen, Rocheri(i), Roterio, Rotheri(i) voir Guy de Mont-Rocher Monte, Gerardus de Monterrey [Galice] () , , , Montfaucon, Bernard de Montfiquet, Raoul de , Montier-en-Argonne [Marne] abbaye , Montier-en-Der [Haute-Marne] abbaye
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Montluçon [Allier] – bibliothèque municipale - – capucins , , – franciscains Montmajour [Bouches-du-Rhône] abbaye Montmirey [Jura] Montpellier [Hérault] Montserrat [Catalogne], abbaye () , d, d, , , Moreau, Brigitte , , , , , , , Moreau, René Morel, Jean Morel, Sulpice Morin, Alfred Morin, Martin , , Mory-en-France [Oise] Moulins [Allier] - Moûtiers [Savoie] () , c, Moyenneville, Jacques de München voir Munich Munich () , , c, cd, – Bayerische Staatsbibliothek , , , , -, , – Universitätsbibliothek , Münster in Westfalen () , c, , , Murcia voir Murcie Murcie () , c, , Murer, Jakob Murmellius, Johannes
N Nadal, Bartholomé Nancy [Meurthe-et-Moselle], Grand séminaire Nanterre, Archives des Hauts-deSeine, bibliothèque André-Desguine , - Nantes [Loire-Atlantique] () , , , d, Naples () , , , - Napoléon Ier Nápoli voir Naples Narbonne [Aude] () , d, Nassau, Rodolphe de
le berceau du livre imprimé
Nebbiai-Dalla Guarda, Donatella Needham, Paul Néron , Neumeister, Johann , . Neuvy-Sautour [Yonne] , Nevers [Nièvre] , Neveu, Valérie , , Neylan, John Francis Nice [Alpes-Maritimes] - Nicolas de Blony Nicolas de Dinckesbühl Nicolas de Lyre , Nicolas, Jean Nicolaus de Franckfordia Nicolò di Lorenzo Nider, Johannes Nieto, Philippe , Nijmegen voir Nimègue Nimègue [Pays-Bas] () , b, , Nivelle, Sébastien , Nobileau, Mathieu Nonantola [Émilie-Romagne] () , a, b, , Nördlingen [Bavière] , Normandie , , , , , Nostradamus Nouveau Testament (Le) Novi Ligure [Piémont] () , , c, , Noyon [Oise] , - Nozeroy [Jura] Nozzano [Toscane] () , d, , Nuremberg () , , , , , , , , , a, a-d, , – Stadtbibliothek Nürnberg voir Nuremberg Nyon, libraires ,
O Obernai [Bas-Rhin] , Ockham, Guillaume d’ Odalric Odense [Danemark] () , , , Odoric de Pordenone Ofen voir Budapest
Offenburg in Baden () , d, , Oise, département , , Oisemont [Somme] , Okubo, Masami Olchski, libraire Olivier, Pierre Olmütz voir Olomouc Olomouc [Rép. tchèque] () , , , Olsztyn [Pologne] , Olyverius, Georgius Onate, Giovanni Antonio d’ , Oporin, Jean Oppenheim [Rhénanie-Palatinat]() , d, Orcin, Jean Ordinaire des chrétiens (L’) , , , - Orense [Galice] , , Oresme, Nicolas , Orléanais Orléans [Loiret] () , , , , , , , , , , , , , , , , c, c, Ornato, Ezio , , , , Ossendrecht [Pays-Bas] Otto Heinrich, électeur palatin Oudenaarde voir Audenarde Ouerre [Eure-et-Loir] Ovide moralisé , , Ovide -, , , , , , ,, , , , Oxford () , b, bc, – bibliothèque Bodléienne
P Pachel, Leonhard , , Paderborn, Erzbischöfliche Akademische Bibliothek Padoue () b, bc, Padua voir Padoue Paigne, V. Palaiseau [Essonne] École polytechnique Palerme () , , , Palermo voir Palerme Pallas
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Palma de Majorque () , c, c, , Palma de Mallorca voir Palma de Majorque Palombara Sabina [Latium] franciscains Pamèle, Jacques de Pampelune [Navarre] () , , c, cd, , , Pamplona voir Pampelune Pannartz, Arnold , Panzer, Georg Wolfgang Papillon, Nicolas Paravy, Pierrette Parent, Annie voir Charon-Parent Parent, Jérôme Parguez, Guy , Paris () , , , , -, , , , , , -, , -, -, , -, -, , , -, , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , -, , a, a-d, , , , – Quartiers, rues Montagne Sainte-Geneviève , rue de Mathurins rue Saint-Jacques – Bibliothèques Bibliothèque nationale de France Arsenal , , , , , , , , -, , Mazarine , , , , -, , , , , , , , , , Sainte-Geneviève , , , , , Sorbonne -, , , – Université et collèges collège d’Autun collège de Cambray collège du Cardinal Lemoine collège des Cholets , , , , -, - collège de Dormans-Beauvais , , collège de Fortet
index général
collège des Grassins collège d’Harcourt , , collège de Justice collège de La Marche , , collège de Laon collège de Lisieux collège des Lombards , collège Louis-le-Grand , , collège de Maître Gervais , , collège de Montaigu collège de Navarre , , collège des Quatre Nations collège de Sorbonne , , , , collège du Trésorier , Université de France , – Abbayes, couvents, hôpitaux S&-Geneviève S&-Germain-des-Prés , S&-Victor augustins déchaux Grands augustins Petits augustins capucins carmes célestins croisiers , , dominicains de la rue S&-Honoré dominicains de la rue S&-Jacques , feuillants de la rue S&-Honoré minimes, ou Bonshommes, à Passy oratoriens oratoire S&-Magloire , pénitents de Nazareth prémontrés réformés hospice des incurables , – Académies, institutions d’Ancien Régime Dépôt de la Marine Académie de chirurgie Académie de médecine – Institutions contemporaines Bureau des longitudes Conservatoire national des Arts et métiers École nationale des chartes , Imprimerie nationale Institut national des langues et civilisations orientales Muséum national d’histoire naturelle
Observatoire de Paris , Sénat Val-de-Grâce - Service de santé des armées Paris, voir aussi Marne-la-Vallée, Palaiseau Pâris, Pierre-Adrien Parix, Johannes Parma voir Parme Parme [Émilie-Romagne] () , b, b-d, , Parmentier, Nicolas , , Parochiale curatorum Pascalis, Andreas Passau [Bavière] () , b, b-d, , Pastoureau, Michel Pathelin Paulmy, marquis de , - Pavia voir Pavie Pavie [Lombardie] () , , b, b-d, , Pays-Bas , , , , , , , , , , -, , , Pécoul, Auguste Pecquet, Alain Peiresc, Nicolas-Claude Fabri de , , Pellechet, Marie , , , , , , , , , , , , Pellicier, Guillaume Péligry, Christian Pénitence d’Adam (La) Pensi, Cristoforo de’ Percy, Pierre François, baron Perez de Valentia, Jacobus Périgueux [Dordogne] () , d, Perotti, Niccolò Pérouse [Ombrie] () , b, bd, , Perpignan [Pyrénées-Orientales] () , d, d, , Perrichon, abbé Perrin, Charles Perrin, Guillaume Perse, poète latin Perugia voir Pérouse Pesaro [Marches]
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Pescia [Toscane] () , c, cd Petit Laurens (Le) Petit, famille , Petit, Jean I , , Petit, Jean II , Petit, Nicolas , Petit, Oudin , Petri, Johannes Pettegree, Andrew , Pforzheim [Bade-Wurtemberg]() , d, , Philippe IV le Bel, roi de France Philippe VI de Valois, roi de France , Philippe III le Bon, duc de Bourgogne Philippi, Nicolaus , -, , Piacenza voir Plaisance Pibart, Étienne Picardie , , , -, , , , , Piccard, Gerhard Piccolomini, Enea Silvio, voir Pie II Pie II, Enea Silvio Piccolomini, pape sous le nom de Pierre de Poitiers Pierrefonds [Oise] Piètre, Étienne Pignerol [Piémont] () , b, b, Pigouchet, Philippe -, , , Pilate, Simon Pilsen voir Plzen˘ Pinerolo voir Pignerol Piove di Sacco [Vénétie] () , b, Piquart, Maurice , Pisa voir Pise Pisan, Christine de , Pise [Toscane] () , , c, c, Plaisance [Émilie-Romagne] () , , b, b, , Plannck, Stephan , -, , , Plantin, Christophe , Platon Plenarium
le berceau du livre imprimé
Plotin Plzen ˘ [Rép. tchèque] () , , b, bc, – franciscains Pô, vallée du Pocquelin, Chrisostome Poeniteas cito , , , Poissenet, Jean Poitiers [Vienne] () , , , , , , , , , , , b, b-d, , , Poitou Pojano [Vénétie] () , b, Polain, Louis-Marie , , , , , -, , , Politien, Ange , Pologne Poncher, Étienne Pontarlier [Doubs] – bibliothèque municipale Pontlevoy [Loir-et-Cher] abbaye Porrentruy [Suisse], bibliothèque cantonale jurassienne Port, Jean du Portese [Lombardie] () , c c Porto [Portugal] () , , Portolano, i.e. portulan Port-sur-Saône [Haute-Saône] Portugal Poszony voir Presbourg Poulhac, Pierre , Poupet, Jean Poussin, Nicolas Prague () , , Praha voir Prague Pralard, André Prato [Toscane] dominicains Premierfait, Laurent de Presbourg, Pressburg voir Bratislava Preudhomme Prevost, Benoist Proctor, Robert Promenthoux [Suisse] () , c, Pronostication Protat, imprimeur Protée Provence , , , , , Proverbes communs (Les)
Provins [Seine-et-Marne] () , , d, d, Prudence, poète latin Prüss, Johann Psautier de Mayence Ptolémée , Puy-en-Velay (Le) [Haute-Loire] Pynson, Richard , ,
Q Quarengi, Piero Quart [Catalogne] église S&-Marguerite Quentell, Heinrich , - Quicherat, Louis-Marie Quintin [Côtes-d’Armor] Quirielle, Roger de ,
R Raguse voir Dubrovnik Raitenhaslach [diocèse de Passau] abbaye cistercienne Notre-Dame Rastatt [Bade-Wurtemberg] Historische Bibliothek Ratisbonne [Bavière] () , c, c, , – diocèse Rawles, Stephen , Raynaud, Guillaume de Rebmeister-Klein, Karine , , Regensburg voir Ratisbonne Reggio d’Émilie () , , b, b-d , , Reggio de Calabre () , , Reggio di Calabria voir Reggio de Calabre Reggio nell’Emilia voir Reggio d’Émilie Regimen sanitatis Regis, Gaspardus Regnault, François , Regnault, Pierre , , Reims [Marne] , , , , , – carmes Reinerus Reinhard, Johann Reinhart, Marcus , , , ,
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Rellinger, Christophe Renaudot, Eusèbe Renaut de Montauban Rennes [Ille-et-Vilaine] () , , , , , c, , Renouard, Philippe , , , -, , , Repertorium librorum domus Cartusiae Retz, pays de Reutlingen [Bade-Wurtemberg] () , , bd, , Reyser, Georg Rhenanus, Beatus Rhin, vallée du Rhône, vallée du Ribe [Danemark] , , Richard de Saint-Victor Richard, archevêque d’Armagh Richard, Hélène , , Richard, Jean , Richard-Rossignol, Élisabeth Richelieu, famille , Riga [Lettonie] Rigauld, Antoine Rigauld, Denis Riviere, Robert Robinet, Jean Roce, Denis , Roch, saint Roche-les-Beaupré [Doubs] mission diocésaine Rodericus Zamorensis , , Roézé-sur-Sarthe Rohan-Soubise, Charles de Rohan-Soubise, famille , , Rolewinck, Werner , Roma voir Rome Roman d’Anséïs de Carthage (Le) Roman de la rose (Le) , Romano Canavese [Piémont] Rome () , a a-d, , , , Romuléon (Le) Rondreux, Gilbert Roodenbouck [cartulaire du Franc de Bruges] Roquebrou (La) [Cantal] Ros, Joseph
index général
Ros, Narcisso Rostock [Mecklembourg-Poméranie Occidentale] () , b, bd, – Universitätsbibliothek u. a. , Rothenburger, Anne-Bérangère Rottenburg [Bade-Wurtemberg] Bibliothek des Diözese Rouen [Seine-Maritime] () , , , -, , -, , , , -, , , , , , , , -, , , c, cd, – bibliothèque municipale Rougemont [Suisse, Vaud] () abbaye , c, , Rougemont, Antoine de Rousseau-Girard, libraire Royaume-Uni Rufin Ruggeri, Ugo Rynman, Johannes
S Sack, Vera Sacrati, évêque Sacrobosco, Johannes de Sadoc, Léon Saint-Benoît-sur-Loire [Loiret] , , Saint-Bonnet-le-Château [Loire] collégiale Saint-Claude [Jura] – bibliothèque municipale – carmes déchaux Saint-Étienne-du-Rouvray [Seine-Maritime] Saint-Flour [Cantal] Saint-Germain-Varreville [Manche] , Saint-Hubert [Belgique] abbaye Saint-Jacques-de-Compostelle [Galice] , Saint-Martin-de-Bouzy [Loiret] Saint-Mihiel [Meuse] – bibliothèque municipale – capucins Saint-Pétersbourg Saint-Pierre-le-Moûtier [Nièvre] augustins
Saint-Quentin [Aisne] , , Saint-Thibault-des-Vignes [Seineet-Marne] Sainte-Colombe-les-Sens, abbaye Salamanca voir Salamanque Salamanque [Castille-et-León] () , , , , , Salazar, Tristan de Salins-les-Bains [Jura] () , c, , , – bibliothèque municipale – maison professe des jésuites Salis, Baptista de Salisbury [Wiltshire] Salm Salm, Louis de Saluces [Piémont] () , c, , Saluzzo voir Saluces Salviati, Antonio Maria Salzbourg, franciscains San Cesario [Émilie-Romagne]() , , d, Sanches, P. San Cugat del Valles voir Saragosse Sandeus, Felinus San Germano [Piémont] () , c, , , Sansy, Danièle Santiago de Compostella voir Saint-Jacques-de-Compostelle Sant’ Orso [Vénétie] () , b, , Saragosse [Aragon] () , , , , b, b-d, , , Sarrazin, Marin Saubert, Johann Saulnier Saussaye (La) [Eure] église Saint-Louis Savigliano [Piémont] () , , , , , b, Savona voir Savone Savonarole, Girolamo Savone [Ligurie] () , b, , Scandiano [Émilie-Romagne] () , d, d, , Scandinavie Schedel, Hartmann , , ,
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Schedel, Hermann Scheyern [Bavière] abbaye Schiedam [Pays-Bas] () , d, d, Schilling, Johann , Schleswig () , , , Schmitt, Jean-Claude Schoeffer, Johann Schöffer [Schoyffer, Schoeffer], Peter , , , Schönsperger, Johann l’Ancien Schönsperger, Johann le Jeune Schoonhoven [Pays-Bas] () , , d, d, , Schott, Martin Schrobenhausen [Bavière] – franciscains Schultis, Engelhard , , Schussenried [Bade-Wurtemberg] () , b, , Schwarzfuchs, Lyse Scinzenzeler, Ulrich , , Scoto, Ottaviano , Sebastianus, Christophorus Sébastien, saint Sées [Orne] , , , – abbaye Saint-Martin -, Segovia voir Ségovie Ségovie [Castille-et-León] () , , , , Seguier Séguier, Jean-François Seine, fleuve Sélestat [Bas-Rhin] , Semen, Petrus ou Semoy, Pierre Sénèque Sénèque, pseudo– Senj [Croatie] () , , Senlis [Oise] , , Sens [Yonne] célestins – séminaire Sequart, Adam Sessa, Giovanni Battista Sevilla voir Séville Séville () , , , , ‘s-Gravenhage, voir Haye (La) ‘s Hertogenbosch voir Bois-le-Duc Sidrac Siena voir Sienne Sienne [Toscane] () , c, cd, ,
le berceau du livre imprimé
Sigmaringen [Bade-Wurtemberg] Hofbibliothek Silber, Eucharius , , , Silius Italicus Silva, Ercole, comte de Biandrate Simon, Claude Simon, Georges-Abel - SintMaartensdijk [Pays-Bas] () , b, Sion [Suisse] () , c Siracusa voir Syracuse Sisteron [Alpes-de-Haute-Provence] Sixte IV (Francesco della Rovere), pape Soissons [Aisne] , , , Somme , Soncino [Lombardie] () , c, cd, , Songe de Poliphile (Le) Sonnius, Michel Sorbon, Robert de Sordet, Yann , , , , , Sorg, Anton Sorgues [Vaucluse] Sotheby’s, ventes Sourdille, Jacques Soyer, Pierre Antoine Speculum artis bene moriendi Speculum ecclesie Speculum humanæ salvationis , Speculum radicalis humanæ cognitionis Speculum sacerdotum , Speculum vitæ humanæ , , Speyer voir Spire Spiegel menschlicher Behaltnis Spindeler, Nicolaus , Spire [Rhénanie-Palatinat] () , , , b, b-d, , Sprenger, Jacobus Stain, Johann St Albans [Hertfordshire] () , b, St Andrews [Écosse] Université , -, , Statius Gallicus Stein [Suisse] , Steinhöwel, Heinrich Steinschaber, Adam , Stella clericorum
Stendal [Saxe-Anhalt] () , c, , Stockholm () , Stör, Nicolaus Strabon , Strasbourg [Bas-Rhin] () , , , -, , , , , , , , , , , , a, a-d, , , - – bibliothèque municipale – bibliothèque nationale et universitaire – Grand séminaire Strozzi, famille Sturel, René Stuttgart () , c, – Württembergische Landesbibliothek , Subiaco [Latium] abbaye () , a, , Suétone Suigo, Jacobino , Suisse , , , Sully, Maurice de Sursee [Suisse] () , d, d, Sussex, Augustus Frederik, duc de Suze-sur-Sarthe (La) Sweynheym, Konrad , Swiebodzin [Pologne] , Syracuse [Sicile]
T Tarascon [Bouches-du-Rhône] Tarragona voir Tarragone Tarragone [Catalogne] () , , , , , c, c-d, , Taurant-Boulicaut, Annie , , Teisseyre, Charles Ten Duinen [Belgique] abbaye Ter Doest [Belgique] abbaye Térence Tertullien Teruel [Aragon] Testament de Monsieur Desbarres Theodulus Therhoernen, Peter Thesaurus cornucopiæ Thibault, Denis Thisbé
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Thomas d’Aquin, saint Thomas d’Aquin, pseudo Thomas de Chabham Thonnié, Jean-Baptiste , Thou, Jacques-Auguste de , , Tilbury, Gervais de Tite-Live , , , Tolède [Castille-La Manche] () , , , , , , Toledo voir Tolède Tonnerre [Yonne] Topié, Michel , , Torchet, Louis , Torino voir Turin Torrebelvicino [Vénétie] () , b, Tortelli, Giovanni Tortosa [Catalogne] () , b, , Toscolano [Lombardie] () , b, b, Toulet, Emmanuelle , , Toulon [Var] Toulouse () , , , , , b, b-d, , , , Toulouse, Sarah Touraine Tournai [Belgique] , , Tournes, famille de , Tournes, Jean de Tournus [Saône-et-Loire] chapitre S&-Philibert Tours [Indre-et-Loire] (), , , , , , d, d, , – chapitre cathédral – cordeliers Tourtier, Jean Traicté des joyes de Paradis (Le) Traité des eaux artificielles (Le) Traversari, Ambrogio Tréguier [Côtes-d’Armor] () , , , c, c Trente () , , b, b, , Trento voir Trente Tresfunds [Sarthe] bois de Trèves [Rhénanie-Palatinat] () , c, Trevi [Ombrie] () , a, a,
index général
Trévise [Vénétie] () , b, b, , Treviso voir Trévise Treysa [Hesse] , , Trier voir Trèves Trinquet voir Laureaulus Trithemius, Johann Tronchet, Odet Troucel, Thomas Troyes [Aube] () -, , , , , , , , , , c, cd, , , Tübingen [Bade-Wurtemberg] () , d, d, , – Evangelisches Stift - Bibliothek – Universitätsbibliothek Tudeschis, Nicolaus de Turcan-Verkerk, Anne-Marie , Turin [Piémont] () , b, b-d, , , Turnus Turon, Marcel Turpin, pseudo Turrettini, bibliothèque Tyrol, duc de
U Überlingen [Bade-Wurtemberg] – Leopold-Sophien-Bibliothek Ubertino de Casale Udine [Frioul-Vénétie] () , , , Ulm [Bade-Wurtemberg] () , , , , b, b-d, , Ummendorf [Bavière] Urach [Bade-Wurtemberg] () , , , , b, b Urbin [Marches] () , d, , Urbino voir Urbin Urfé, Pierre d’ Utrecht [Pays-Bas] () , , b, b, , , Uzès [Gard] () , d, , ,
V Vaccari, Alberto Vadstena [Suède] abbaye () ,
Valdarfer, Christoph Valence [Espagne] () , , b, b-d, , , Valence [France] , , d, , Valencia voir Valence Valenciennes [Nord] () , d, d, , Valère Maxime , Valla, Lorenzo , Valladolid [Castille-et-León] () , , , , Valldemossa voir Palma de Majorque Val-Richer (Le) [Calvados] abbaye - Van Bellingen, Antoine , - Vandamme, Ludo Vanden Weghe, Passchier Van Praet, Joseph, fils , , , Van Praet, Joseph, père Van Thienen, Gerard Var Vascosan, Michel Vatican, bibliothèque Vauclair [Aisne] abbaye Végèce , Veldener, Jan , Vence [Alpes-Maritimes] Vendel, Henri Vendôme [Loir-et-Cher] , -, , , – abbaye de la Sainte-Trinité , , Vène, Magali , , , Venezia voir Venise Venise () , , -, , , -, , -, , , , , , , , -, , a, a-d, - Vérard, Antoine , , , , -, , , , , , , , , , Verceil [Piémont] () , , c, , Vercelli voir Verceil Verona voir Vérone Vérone () , b, bc, , , Vervliet, Hermann
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Vesoul, bibliothèque municipale , Vettori, Pietro Veyrin-Forrer, Jeanne , , , , Vicence [Vénétie] () , b, b, c, , Vicenza voir Vicence Vie du Christ (La) , , , , , Vienne [Autriche] () , , , , , , , , – Österreichische Nationalbibliothek , Vienne [Isère] () , , , , , b, b, , , Vigiles de Charles VII (Les) , Vignats [Calvados] Vignay, Jean de - Vilbas, Jean , Villain, Philippe Villers-Farlay [Doubs] Villers-les-Bois [Doubs] Villiers, Jérôme de Villon, François Vimercati-Sozzi, comte Paolo Vimperk [Rép. tchèque] () , , , Vincent de Beauvais , Vincent, Jean (de Melle), régent de l’Université de Poitiers Vincent, Jean, procureur du chapitre de l’Église de Paris Vingle, Jean de , Virgile , , , ,, , , Virily, Egidius Viterbe [Latium] () , bc, Viterbo voir Viterbe Vitré [Ille-et-Vilaine] Vivès, Juan Luis , Vivian, Mathieu , , Vocabularius gemma gemmarum Voghera [Lombardie] () , c, , Voivre, Jean de Vollbehrt, O.H.F. Voltaire Vrelant, Willem Vuillemin, médecin
le berceau du livre imprimé
W Wadstena voir Vadstena Wagner, Bettina , , Waille, Marie-Claire , , Walsby, Malcom , Warin, Nicolas , Wascoussains, Charles de Wechel, André Wechel, Chrétien , Weimar [Thuringe], Herzogin Anna Amalia Bibliothek Weiss, Charles , Weissenau [Bade-Wurtemberg] abbaye , Wellesley (MA) Wellesley College Wendelinus de Spira Wenssler, Michael , , , Wesel [Rhénanie-du-Nord-Westphalie] , Westminster, abbaye () , b, b-d, , , Wettingen [Suisse] abbaye « Maris Stella » Wien voir Vienne Wild, Leonhard Willeron, Rogier Wimpheling, Jakob Windhag, Joachim von und zu Winn, Mary Beth , ,
Winterberg voir Vimperk Winters, Conrad , , Wolf, Georg Wolfenbüttel, [Basse-Saxe] HerzogAugust Bibliothek , , , Wolters, Johann Wrocław [Pologne] () , , , Würtzburg [Bavière] () , b, b-d, ,
Y , , ,
Ypres [Belgique] Yssartel, Antoine Yvert, Benoît Yvon, Michel
Z Zachée Zainer, Günther , , , , , , , , Zainer, Johann Zamora [Castille-et-León] () , , , , Zaragoza voir Saragosse Zehnacker, Françoise Zell, Ulrich ,
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Zengg voir Senj Zinna [Saxe] () abbaye d, Zonnebeke [Belgique] abbaye Notre-Dame Zurich () , b, b, , Zweibrücken [Rhénanie-Palatinat] () , d, , Zwolle [Pays-Bas] () , , , , b, b-d, , ,