L'administration publique au Tchad à l'ère de la décentralisation 2343181829, 9782343181820

La gestion de l'Administration publique reste une question d'actualité compte tenu de ses mutations incessante

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French Pages 352 [339] Year 2019

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L'administration publique au Tchad à l'ère de la décentralisation
 2343181829, 9782343181820

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Patrick DJIMASSAL est doctorant Ph. D en Droit public et titulaire d’une Maitrise professionnelle en Sciences et Techniques de Gestion Foncière de l’Université de N’Djaména, en collaboration avec l’Observatoire du Foncier au Tchad. Il est par ailleurs Assistant à la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’Université de N’Djaména et à l’École Nationale d’Administration (ENA) du Tchad.

Etudes africaines Série Administration Illustration de couverture de l’auteur. ISBN : 978-2-343-18182-0

36 €

Patrick Djimassal

L’administration publique au Tchad à l’ère de la décentralisation

La gestion de l’Administration publique reste une question d’actualité compte tenu de ses mutations incessantes liées à son adaptabilité aux réalités quotidiennes, induites par les conjonctures socioéconomiques et culturelles. Il en est ainsi de la place qu’occupe l’évolution technologique dans les sociétés actuelles. En outre, la nouvelle confi guration du paysage des services publics au Tchad, marquée par la création de nouveaux Établissements et Entreprises publics, la restructuration, la scission voire la suppression d’anciens a fourni à ce secteur une nouvelle structuration tant spatiale que juridique. De surcroît, la mise en place des structures décentralisées, accompagnée de transferts de services assez importants aux collectivités locales, suivie des réformes institutionnelles intervenues en 2018, remodelant l’architecture de l’organisation administrative de la République du Tchad, ne sauraient laisser indifférent le juriste publiciste. Ces transformations assez notables sont dues au fait que l’État, partie d’une société en perpétuelle mutation, a également vu ses repères bouger du fait des changements économiques et sociaux que celle-ci traverse. Ouvrage de Droit public, ce document est consacré purement à l’activité administrative des personnes morales de droit public. Document pédagogique, il traite des Institutions administratives ou de l’Organisation administrative de la République du Tchad, sous une approche conciliant l’histoire du droit, le droit positif et le droit prospectif. Il traite en même temps du Droit des services publics et du Droit administratif applicables en République du Tchad. Il s’adresse aux étudiants des facultés des Sciences juridiques et politiques, aux élèves des Écoles d’Administration et de Magistrature, aux administrateurs et auxiliaires de l’Administration, aux praticiens du Droit sans écarter les usagers des services publics et tous ceux qui manifestent une attention particulière vis-à-vis de l’Administration publique.

Etudes africaines

Série Administration

Patrick Djimassal

L’administration publique au Tchad à l’ère de la décentralisation Préface du Dr ALLAH-ADOUMBEYE DJIMADOUMNGAR

L’ADMINISTRATION PUBLIQUE AU TCHAD À L’ÈRE DE LA DÉCENTRALISATION

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Patrick Djimassal

L’ADMINISTRATION PUBLIQUE AU TCHAD À L’ÈRE DE LA DÉCENTRALISATION

Préface du Dr ALLAH-ADOUMBEYE DJIMADOUMNGAR

© L’Harmattan, 2019 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com ISBN: 978-2-343- EAN: 9782343

« Dans tous les pays du monde, l’Administration envahit de plus en plus presque toute la vie et parfois même l’intimité des citoyens. En effet, par sa généralité et la puissance de son intervention, l’organisation administrative intéresse au plus haut point toutes les catégories de citoyens, puisqu’elle se lie intimement à tous les actes de leur vie publique et privée ».

Samson DOSSOUMON, « Réflexions sur le contrôle juridictionnel de l’Administration dans les pays en voie de développement d’Afrique Francophone », Revue Béninoise de Sciences Juridiques et administratives, (RBSJA), n°5, juin 1985, p. 2.

NB : le présent ouvrage traite de l’Organisation administrative de la République du Tchad et du Droit des services publics applicable au Tchad.

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REMERCIEMENTS La réalisation du présent ouvrage a été rendue possible grâce à la contribution multiforme de plusieurs personnes. Les lister nommément laissera sans doute des oubliés et fera par conséquent de mécontents. A cet effet, que tous ceux et toutes celles qui ont participé d’une manière ou d’une autre à la réalisation de ce document trouvent ici l’expression de ma plus profonde gratitude.

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PREFACE Mener une réflexion sur l’Administration publique tchadienne à l’ère de sa IVème République, me semble-t-il, pose plus d’interrogation que de réponses, et inspire mon appréhension qui est évidemment celle d’un regard scientifique et précisément juridique sur la mutation du droit public tchadien qui tente de se décloisonner. Ce purisme de pensée ne semble pas être la logique des auteurs du nouveau constitutionnalisme tchadien. Ce qu’ils dénomment « Régime présidentiel intégral » est, d’un point de vue juridique, un système et non un régime même si le Tchad est à la recherche de son propre modèle pour rompre avec le mimétisme juridique largement décrit par les grands auteurs contemporains. Au Tchad comme ce fut le cas de tous les pays africains qui ont accédé à l'indépendance politique après avoir été soumis au régime colonial, l'Administration publique (de type occidental) est une création récente. On ne peut pas dire que l'Administration publique est issue d'une longue évolution des institutions, des idées politiques et des comportements sociaux des milieux autochtones. On peut en déduire qu'au départ l'Administration publique fut un corps étranger dans le milieu social où on a essayé de l'implanter. Cette Administration publique tchadienne a connu une véritable mutation et transformation. Dans un langage soutenu, l’auteur montre que la gestion de l’Administration publique reste une préoccupation quotidienne. La question d’adaptabilité des institutions publiques tchadiennes à la réalité face aux conjonctures de l’heure sont mises en lumière. De même, la mise en place des structures décentralisées, accompagnée de transferts de services assez importants aux collectivités locales comme mode de gestion de services publics locaux n’a pas échappé à l’analyse de l’auteur. Cependant, la réflexion d’ensemble et les développements de cet ouvrage démontrent à suffisance qu’il y a un défi à relever. « Sur le papier c'est génial, mais bien sûr ceux qui ont noircit ce papier sont bien au chaud dans leurs pantoufles » précise Peter HYAMS. Allah-Adoumbeye Djimadoumngar Maitre-Assistant de droit public

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PRINCIPAUX SIGLES ET ABREVIATIONS AAI : Autorité Administrative Indépendante AEF : Afrique Equatoriale Française AJDA : Actualité Juridique de Droit Administratif ANIF : Agence Nationale d’Investigation Financière ARMP : Autorité de Régulation des Marchés Publics AUSCGIE : Acte Uniforme relatif au droit des Sociétés Commerciales et du Groupement d’Intérêt Economique BM : Banque Mondiale CCSRP : Collège de Contrôle et de Surveillance des Ressources Pétrolières CE : Conseil d’Etat CEFOD : Centre d’Etude et de Formation pour le Développement CEMAC : Communauté Economique et Monétaire d’Afrique Centrale CENI : Commission Electorale Nationale Indépendante CNDH : Commission Nationale des Droits de l’Homme CESC : Conseil Economique, Social et Culturel CNOU : Centre National des Œuvres Universitaires CNS : Conférence Nationale Souveraine CRIEF : Cour de Répression des Infractions Economiques et Financières CS/CA : Chambre Administrative de la Cour Suprême CTD : Collectivité Territoriale Décentralisée DPD : Document de Politique de Décentralisation DUDH : Déclaration Universelle des Droits de l’Homme EPA : Etablissement Public à caractère Administratif EPCI : Etablissement Public de Coopération Intercommunale EPIC : Etablissement Public à caractère Industriel et Commercial FMI : Fonds Monétaire International HAMA : Haute Autorité des Médias et de l’Audiovisuel HCC : Haut Conseil de la Communication HCCACT : Haut Conseil des Collectivités Autonomes et des Chefferies Traditionnelles HCD : Haut Comité de Décentralisation HCJ : Haute Cour de Justice IGE : Inspection Général d’Etat J.O : Journal Officiel LGDJ : Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence MOI : Mesure d’Ordre Intérieur OCDE : Organisation pour la Coopération et le Développement Economique OCMP : Organe de Contrôle des Marchés Publics

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ONG : Organisation Non Gouvernementale PND : Programme National de Développement PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement PUF : Presse Universitaire de France RBSJA : Revue Béninoise de Sciences Juridiques et Administratives RDP : Revue de Droit Public REMALD : Revue Marocaine d’Administration Locale et de Développement SDD : Schéma Directeur de Décentralisation SEM : Société d’Économie Mixte SEML : Société d’Économie Mixte Locale SPA : Service Public Administratif SPIC : Service Public Industriel et Commercial SIVOM : Syndicat Intercommunal à Vocation Multiple SIVU : Syndicat Intercommunal à Vocation Unique TC : Tribunal des Conflits TGI : Tribunal de Grande Instance TPI : Tribunal de Première Instance

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Avant-propos La recherche scientifique est passionnante. Elle l’est d’autant pour le juriste, lorsqu’il est question de voyager dans un univers normatif pour rendre compte d’un ensemble de règlementations applicables à un domaine ou à une activité quelconque. L’envie jusque-là non étanchée de mettre à nue l’organisation administrative au Tchad, organisation qui prend en compte l’ensemble des services rendus aux citoyens par les structures publiques, ne saurait s’estomper par ce modeste ouvrage. Néanmoins, le traiter en vaut la peine. Il en vaut la peine car connaître l’organisation et le fonctionnement de l’appareil administratif de l’Etat et ses démembrements permet à l’administré ou au citoyen et se défaire de la peur des autorités et d’exercer un contrôle, inorganisé1 soit-il, sur ces dernières car, « dans ces pays (d’Afrique noire francophone), on peut remarquer un certain absentéisme Fé à l’analphabétisme juridique et à la peur diffuse qu’inspirent certaines autorités politico-administratives qui n’hésitent pas parfois à manier la terreur psychologique et même physique afin d’obtenir des administrés qu’ils constituent une foule disciplinée et obéissante »2. Et comme l’a aussi relevé le Professeur Georges BURDEAU, « l’arbitraire administratif est souvent plus redoutable que l’arbitraire politique ; plus secret, plus quotidien, plus individualisé dans ses effets, il se prête moins à ses vastes mouvements de protestation qui parviennent parfois à arrêter le législateur »3. Ainsi, connaissant l’Administration tchadienne à l’heure actuelle, nous n’en dirons pas autrement mais peut être autant. En effet, il ne fait aucun doute que la gestion de l’Administration publique reste une question d’actualité compte tenu de ses mutations incessantes liées à son adaptabilité aux réalités quotidiennes, induites par les conjonctures socioéconomiques et culturelles. Il en est ainsi de la place qu’occupe l’évolution technologique dans les sociétés actuelles. C’est ainsi que la nouvelle configuration du paysage des services publics au Tchad, 1

Le contrôle inorganisé est, selon le Professeur Alain BOCKEL, le contrôle de l’opinion publique qui s’exerce soit directement, soit par l’intermédiaire d’organes d’expression de cette opinion tels que la presse, les partis politiques et les groupes de pression. C’est un contrôle de portée variable selon l’état de conscience collective et des libertés publiques. Il dépend pour l’essentiel, du degré de participation des citoyens au processus national de développement (Alain BOKEL cité par SIETCHOUA DJUITCHOKO (C), Cours de Droit des nouveaux contrôles administratifs et financiers au Cameroun, Université de Dschang, Master II Droit public, Année 2015-2016, p. 18). 2 DOSSOUMON (S), « Réflexions sur le contrôle juridictionnel de l’Administration dans les pays en voie de développement d’Afrique Francophone », Revue Béninoise de Sciences Juridiques et administratives (RBSJA), n°5, juin 1985, p. 3. 3 BURDEAU (G), cité par Samson DOSSOUMON, « Réflexions sur le contrôle juridictionnel de l’Administration dans les pays en voie de développement d’Afrique Francophone » op. cit, p.2.

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marquée par la création de nouveaux Etablissements et Entreprises publics, la restructuration, la scission voire la suppression d’anciens a fourni à ce secteur une nouvelle structuration tant spatiale que juridique. De surcroît, la mise en place des structures décentralisées, accompagnée de transferts de services assez importants aux collectivités locales, suivie des réformes institutionnelles intervenues en 2018, remodelant l’architecture de l’organisation administrative de la République du Tchad, ne sauraient laisser indifférent le juriste publiciste. Ces transformations assez notables sont dues au fait que l’Etat, partie d’une société en perpétuelle mutation a également vu ses repères bougés du fait des changements économiques et sociales que celle-ci traverse. Toutefois, compte tenu l’ineffectivité fonctionnelle de certaines collectivités locales, notamment les Régions, les Départements, les Communautés rurales (dont certains ont disparu et d’autres ont subi des innovations avec l’avènement des réformes institutionnelles de 2018), voire une grande partie des Communes – puisque l’opérationnalisation de la décentralisation ne s’est matérialisée qu’avec les premières élections locales de 2012 dotant quelques Communes d’organes élus –, le présent ouvrage met plus l’accent sur le cadre juridique.

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INTRODUCTION GENERALE Administrer, créer les services publics et assurer leur fonctionnement ; telles sont les principales missions assignées aux personnes publiques que sont l’État, les Collectivités Territoriales Décentralisées et leurs Établissements Publics, dans l’accomplissement de l’intérêt général. L’exercice de cette activité impose la mise en place des structures appelées services publics, gérées par des agents publics qui sont des fonctionnaires ou des contractuels, voire des personnes privées, délégataires de ces services – dans le cadre de la délégation de service public. Le Professeur Christian JOIN-LAMBERT ne s’interrogeait-il pas déjà en 1994, sur le nouveau contexte d’Administration française que « la décentralisation et la déconcentration, irréversibles parce que leur objet correspond à l’évolution récente de la société, conduisent cependant à d’autres interrogations, paradoxales précisément au regard des exigences de démocratie et d’efficacité dans le service public qui les ont inspirées à l’origine »4. Cette combinaison à double facette de l’Administration (déconcentration et décentralisation) traduit aussi le système administratif tchadien. En effet, l’Administration publique au Tchad est mise en place progressivement depuis les périodes coloniale et postcoloniale. Ce pays était un territoire militaire sous l’obédience coloniale française. Après son accession à l’indépendance, le Tchad, comme la plupart des Etats d’Afrique noire d’influence politico-juridique française, a opté pour un système d’organisation territoriale centralisée sous la forme de déconcentration administrative. On relevait à cette époque l’omniprésence de l’Administration centrale, organisée autour de quelques ministères et entités locales. Dans cette configuration, l’autorité centrale exerçait un pouvoir direct sur toute l’étendue du territoire par l’entremise des autorités déconcentrées qu’elle nomme. Cependant, à partir de 1990, période marquant l’engagement du pays dans le processus de démocratisation, on assiste à de réformes institutionnelles et socio-économiques soutenues par les partenaires au développement. En outre, depuis la Conférence Nationale Souveraine(CNS) tenue à N’Djamena du 15 Janvier au 07 Avril 1993, les forces vives de la nation (mais aussi sous l’influence des bailleurs de fonds internationaux notamment la BM et le FMI) ont opté de faire du Tchad un Etat unitaire fortement décentralisé. Cette nouvelle vision de l’organisation territoriale fut transposée dans la Constitution de la République du Tchad de 1996 révisée par la loi Constitutionnelle n°08/PR/2005 du 15 juillet 20055,

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JOIN-LAMBRT (C), (Dir.), L’Etat moderne et l’administration, Paris, L.G.D.J, 1994, p. 13. Cette organisation territoriale fortement décentralisée est restée comme telle avec la révision constitutionnelle de 2013 et reprise par la Constitution de la IVème République adoptée par

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notamment en ses articles 2 ; 202 et suivants. Elle est reprise par la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 portant statuts des collectivités territoriales décentralisées au Titre I, article 1er et la loi organique n°019/PR/2010 du 13 octobre 2010 déterminant les principes fondamentaux de l'organisation administrative du territoire de la République du Tchad en son article 2ème. Le Tchad se voit dorénavant doté d’une structure administrative de type décentralisé à quatre niveaux dont les Communautés rurales, les Communes, les Départements et les Régions. Et depuis cette date, on assiste à un foisonnement de l’arsenal juridique en matière de décentralisation émanant aussi bien du législateur que de l’exécutif, jusqu’à ce que soient initiées en 2016 puis concrétisées en 2018, des réformes institutionnelles6 qui ramènent à deux (2) le nombre de collectivités locales, dites « Collectivités Autonomes », à savoir les Provinces et les Communes. L’Etat et les collectivités locales, à différents niveaux, assurent la gestion des services dont ils ont la charge pour le bien-être des citoyens, et ceci dans le cadre d’une répartition des compétences bien définie par le législateur. Ces entités s’occupent d’une part – par la mise en place de différentes structures – de tout ce qui relève de l’activité publique désintéressée, notamment le bon ordre ou l’ordre public pour lequel elles interviennent par voie réglementaire ou en posant des actes matériels. D’autre part, elles se comportent tel un industriel ou un commerçant réalisant des bénéfices. Ils créent donc des services publics dans l’intérêt des populations car, « le besoin d’intérêt général est satisfait grâce à l’activité du service public (…) »7. Ces différentes activités parsemées et gérées par les différentes personnes publiques, nécessitent pour le bénéfice d’une cohérence, une certaine coordination. Cette coordination se noue entre les services relevant de l’Etat et ceux des collectivités locales. Mais aussi, peuvent survenir des relations de type conflictuel pour lesquelles les modes de résolution semblent attirer la curiosité. En effet, Administration publique et services publics sont soumis à certains principes quant à leur organisation et leur fonctionnement. Ils obéissent à des règles qui les définissent. Conformément au principe de légalité, mieux encore, celui de juridicité qui signifie que l’Etat ou l’Administration de manière générale est soumise aux règles de droit, l’activité administrative est susceptible de contestation devant le juge lorsqu’elle est préjudiciable aux usagers ou aux tiers. Cette contestation peut provenir des dérives de l’autorité administrative, vues les prérogatives dont elle jouit pour rendre efficace son activité. Dans ce cas, « l’administration l’Assemblée Nationale le 30 Avril 2018 et promulguée par la Loi constitutionnelle du 04 mai 2018. 6 Pour en savoir plus sur les réformes institutionnelles de 2018, voir la note en bas de page n°143 ci-dessous. 7 RICHER (L), Droit de contrats administratifs, Paris, Lextenso Edition, 6ème édition, 2008, p.78.

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doit être efficace sans écraser les citoyens qui devraient être bénéficiaires de ses activités »8 car, « dans tous les pays du monde, l’Administration envahit de plus en plus presque toute la vie et parfois même l’intimité des citoyens »9. L’Administration publique ainsi que les services publics au Tchad ont considérablement évolué dans leurs objets, leurs structures, leur structuration ainsi que dans leurs modes de gestion, du fait de la nouvelle approche décentralisatrice instituée par les pouvoirs publics. Il serait donc d’un intérêt capital de comprendre la manière dont ces activités sont structurées et gérées à l’ère actuelle sans faire fi des failles qu’elles comportent. Au demeurant, « il n’y a pour l’exposé d’une matière qu’un bon plan : celui dans lequel chaque chapitre s’appuie sur les connaissances acquises dans les chapitres antérieurs, et n’anticipe pas sur les développements suivants. Il est malheureusement impossible de présenter le droit administratif selon cette méthode : l’allusion à ce qui sera analysé que plus tard y est, dès le début, fréquente et inévitable »10 remarquait le Professeur RIVERO. Le Professeur LACHAUME, se situant dans cette logique écrit quant à lui que « … le plan en apparence le plus logique n’est pas forcément le meilleur, le plus dynamique… De toute façon le plan idéal n’existant pas… »11. C’est donc en considération de ces affirmations et sachant qu’il ne pût avoir de plan standard en Droit, insusceptible de critiques, nous avons trouvé logique de scinder la présente étude en trois (3) parties principales. La première (tenant compte du principe du général au particulier, du plus grand au plus petit ou encore du plus vaste au plus restreint) traite de l’Administration de l’Etat. La deuxième partie, suivant la même logique de démonstration, s’attèle à l’étude de l’administration locale, c’est-à-dire les collectivités locales et leurs services publics, sachant que ceux-ci constituent des entités infra-étatiques comprises dans cette Administration générale pilotée par l’Etat. La troisième partie enfin, traite des relations entre ces différentes Administrations au sein de l’Etat; le tout chapeauté par un chapitre introductif consacré aux généralités sur l’Administration publique et les services publics.

8 DOSSOUMON (S), « Réflexions sur le contrôle juridictionnel de l’Administration dans les pays en voie de développement d’Afrique Francophone » op. cit, p. 2. 9 Ibidem. 10 RIVERO, Précis Dalloz de droit administratif, 14è éd. en collaboration avec Jean WALINE, P.1. 11 LACAUME (J-F), L’administration communale, Paris, L.G.D.J, 1994, p. 51.

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CHAPITRE INTRODUCTIF : GENERALITES SUR L’ADMINISTRATION PUBLIQUE ET LE SERVICE PUBLIC Traiter des généralités sur l’Administration publique et le service public serait une aventure difficilement réalisable. Puisque l’Administration, c’est tout un ensemble de détails. Néanmoins, cerner certains de ces détails et les traiter est possible. C’est à cet effet que le présent chapitre introductif traitera d’abord de la notion de l’Administration, en lui consacrant des définitions, en étudiant ses caractères, actes et les différents contrôles auxquels elle est soumise. Ensuite, sera étudiée la notion de service public à travers ses éléments de définition et ses grands principes. Sera étudiée également le lien entre l’Administration publique et le service public. Enfin, nous terminerons par la notion de décentralisation en la définissant puis en faisant un bref historique de son avènement en Afrique noire francophone et sa consécration au Tchad à l’ère actuelle. SECTION 1 : la notion de l’Administration La notion d’« Administration » nécessite pour son appréhension, une définition, la connaissance de ses caractères, la nature des actes qu’elle accomplit ainsi que les contrôles multiformes dont elle est l’objet. En effet, cette notion d’« Administration » a fait l’objet de débats doctrinaux, surtout au cours du 20ème siècle. Avant que l’on ne retienne son acception actuelle par le droit positif, il importe de s’arrêter un tant soit peu sur ces débats ne serait-ce pour aborder les trois (3) théories phares dégagées par Raymond CARRE DE MALBERG12. Il ressort des études faites par CARRE DE MALBERG qu’un premier courant soutenu par JELLINEK, George MEYER, Maurice HAURIOU et M. ARTHUR conçoit l’Administration à partir de ses fonctions c’est-à-dire le rôle joué par l’Administration. Raison pour laquelle M. ARTHUR argue qu’ « administrer consiste à pourvoir par des actes immédiats, incessants à l’organisation et au fonctionnement des services publics »13. Un deuxième courant avec pour figure de proue LABAND définit l’Administration par opposition à la législation. Pour lui, l’Administration est « l’action de l’Etat » alors que la législation est l’expression de sa pensée. 12

CARRE DE MALBERG(R), Dictionnaire de droit administratif, p. 19. ARTHUR (M), cité par CARRE DE MALBERG(R), Dictionnaire de droit administratif, op. cit, p. 19.

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Un troisième courant aborde l’Administration sous la forme d’une fonction d’exécution des lois. MONTESQUIEU et ROUSSEAU sont les défenseurs de cette approche. ROUSSEAU affirme que dans l’activité du corps social, les actes de volonté sont ceux qui relèvent du législatif et des actes physiques permettant de réaliser la volonté de l’Administration14. Somme toute, l’on retient de ces débats que l’Administration est une activité. Il s’agit de l’approche fonctionnelle ou matérielle de la notion. Cependant, en plus de cette approche, l’Administration est aussi une institution, un ensemble de moyens comprenant notamment les moyens humains et matériels. Il s’agit dans ce cas-là de l’approche organique. Paragraphe 1 : la définition de l’Administration ‘‘publique’’ De son origine latine administrare qui veut dire servir, le terme « Administration » désigne au sens du droit administratif et du droit constitutionnel, une fonction de l’Etat qui consiste, sous l’autorité du gouvernement, à assurer l’exécution des lois et le fonctionnement continu des services publics. C’est aussi un ensemble de services et d’agents groupés sous l’autorité des ministres (on parle en ce sens de l’Administration d’un pays) ou plus spécifiquement ceux placés sous une même direction pour l’exécution d’une tâche administrative déterminée (ainsi parle-t-on de l’administration de l’éducation ou de l’administration de l’équipement)15. Le Doyen Georges VEDEL en donne une définition selon laquelle « l’administration est l’ensemble des activités qui, sous l’autorité ou le contrôle du gouvernement, tendent au maintien de l’ordre public et à la satisfaction des besoins d’intérêt général »16. L’Administration renvoie tout d’abord à une activité. Une activité qui consiste à poser des actes. Ces actes, selon la nécessité du service peuvent être des actes juridiques à caractère unilatéral (c’est-à-dire des décisions prises par l’autorité administrative et qui s’imposent aux tiers sans leur consentement et ayant un caractère exécutoire) ou des actes contractuels (lorsque l’autorité administrative s’entend avec une personne physique ou morale pour l’exécution d’un service). Il peut aussi s’agir d’actes matériels pour lesquels l’accomplissement nécessite le déploiement des agents de l’administration sur le terrain. Tel est le cas d’une intervention de la police ; de la construction d’un ouvrage ou encore d’une opération de lotissement. L’Administration renvoie donc à une activité mais exercée sous l’autorité ou le contrôle du gouvernement. Ainsi, les activités des personnes privées – à moins qu’elles soient investies de la puissance publique ou des activités d’utilité publique – ne sont pas des activités administratives au sens du droit administratif. L’épithète « publique » vient 14

ROUSSEAU (J.J,) Du contrat social, livre III chap. I CORNU (G) (Dir.), Vocabulaire juridique, Paris, Quadrige/PUF, 2ème édition 2001, p.29. 16 VEDEL (G) cité par BECHET (J-M), Les institutions administratives, Paris, Economica, 3ème édition, 1992, p. 1. 15

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donc renforcer la clarification sur cet aspect. Mais il faut aussi noter que toute activité exercée sous l’autorité ou le contrôle du gouvernement ne relève pas de l’Administration publique. Tel est le cas des actes relatifs à la fonction législative, des actes relevant de la diplomatie, des actes relatifs à l’exercice de la fonction juridictionnelle et les actes dits de gouvernement. De surcroit, il faut retenir que les actes des partis politiques n’entrent pas dans le cadre de l’activité administrative. L’Administration renvoi alors à une activité exercée sous l’autorité ou le contrôle du gouvernement mais ayant pour but le maintien de l’ordre public la satisfaction de l’intérêt général. Ce dernier signifie les besoins et intérêts individuels et collectifs de tous les citoyens. « Cela (Intérêt général) peut exprimer les besoins d’une collectivité. Cela peut aussi ne désigner que les besoins d’une partie de la collectivité (mesures en faveur des étudiants, des handicapés etc.). On doit donc avoir une approche non plus quantitative, mais qualitative de l’intérêt général »17. L’ordre public et la satisfaction de l’intérêt général sont donc les finalités de l’administration publique. Prise sous l’angle organique, l’Administration publique est un ensemble de personnes physiques et/ou morales participant à l’organisation administrative, en même temps que les moyens matériels mise en œuvre à cette fin. L’Administration est en fin de compte l’ensemble des personnes, structures et activités, en tant que services publics généraux relevant de l’Etat ou d’une collectivité territoriale ou exercées en leurs noms(ou pour leurs comptes). Ainsi, l’Administration publique renvoi tout simplement à la gestion des affaires publiques ; gestion qui peut être assurée par les agents de l’Administration elle-même ou déléguée à des personnes privées qui doivent agir pour son compte dans le but de satisfaire les besoins de la communauté concernée. C’est dans cette optique qu’on s’accorde avec Christophe GUETTIER que l’Administration est une structure générale qui regroupe des personnes de droit public et de droit privé pour gérer les affaires publiques18. Elle a deux (2) fonctions essentielles : une fonction de réglementation (l’ordre public) qui peut être autonome ou liée à l’exécution des lois et une fonction de prestation (satisfaction de l’intérêt général) qu’elle accomplit par le biais des services dont elle assure la gestion. Paragraphe 2: les caractères et actes de l’Administration publique Les caractères de l’Administration se lisent à travers ses actes. De ce fait, l’Administration a d’abord un caractère écrit. Cependant, certains de ses actes peuvent être verbaux. Et dans beaucoup de cas, le silence de l’Administration peut constituer un acte tacite d’acceptation ou de rejet faisant naître des droits et obligations. 17 18

Droit administratif, en ligne, www.cours-univ.fr, p. 3, (consulté le 12 mars 2017). Lire GUETTIER (C), Institutions administratives, Dalloz, 1999.

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A - le caractère écrit L’Administration a en principe un caractère écrit. Ceci voudrait dire que les actes pris dans l’exercice de la fonction administrative sont en principe écrits. L’intérêt d’un tel caractère se justifie par le souci de traçabilité et de clarté qui commande les actions des personnes publiques. Il se justifie aussi par le fait que les actes de l’Administration sont pour la plupart créateurs de droits et obligations à l’égard des administrés ou encore modifient l’ordonnancement juridique (surtout s’agissant des décisions exécutoires susceptibles de contestation devant le juge administratif). L’acte écrit reste donc un élément essentiel pour une bonne administration. Le caractère écrit de l’Administration s’exprime à travers les actes administratifs unilatéraux, qu’ils aient un caractère décisoire, exécutoire ou non et à travers les actes contractuels qu’elle signe avec ses cocontractants, qu’ils soient des personnes privées ou publiques. Il s’agit en l’occurrence des décrets, arrêtés, décisions et leurs documents explicatifs, interprétatifs ou complémentaires, pour les actes unilatéraux et des documents contractuels s’agissant des contrats. Relativement aux actes unilatéraux, actes décisoires ou exécutoires, ils obéissent à des exigences de formes et délais pour être exécutoires et sont soumis à la légalité qui s’impose à tout acte émanant de l’Administration. Les actes sont dits décisoires ou exécutoires lorsqu’ils s’imposent à leurs destinataires sans leur consentement et que ceux-ci ne peuvent s’en soustraire, c’est-à-dire s’y opposer, sauf à pouvoir les contester devant le juge administratif. L’Administration, lorsqu’elle prend un acte exécutoire n’a pas à demander au juge la légalité de son acte avant de le faire appliquer. Elle bénéficie donc de ce que le droit appelle le privilège du préalable présumant la légalité desdits actes. Ceci voudrait dire que ces actes sont supposés être conformes à la loi qui leur sert de fondement. L’avantage d’une telle prérogative n’est pas à contester car si l’Administration doit s’adresser au juge en amont toutes les fois qu’elle doit décider, son activité serait sous une paralysie la rendant ipso facto inefficace. Une telle éventualité s’avérerait embarrassante lorsqu’elle est emmenée à agir à certains égards dans des situations d’urgence. Même s’il faut s’inquiéter un tant soit peu des abus auxquels les administrés sont exposés, le recours pour excès de pouvoir ou de pleine juridiction reste suspendu comme une épée de Damoclès au-dessus de l’Administration. Celle-ci est tenue d’être logique dans ses actes sous peine de subir les châtiments du juge. Il existe néanmoins des actes émanant de l’Administration mais insusceptibles de recours, soit en raison de leur faible portée, soit du fait qu’ils ne font pas grief. A la liste des décisions administratives exemptées de recours, du moins dont les recours s’avèrent limités, figurent les mesures d’ordre intérieur, décisions de faible

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portée dont l’objet est l’organisation interne d’un service public19, les décisions confirmatives et explicatives ou interprétatives et les actes préparatoires d’une décision. Certaines autorités administratives dotées de pouvoirs politiques (le Président de la République, le Premier Ministre et les ministres notamment) prennent des actes de nature particulière dans l’accomplissement de ces pouvoirs. Ces actes sont qualifiés d’actes de gouvernement, actes politiques insusceptibles de recours devant le juge administratif. Ces actes ne seront pas étudiés amplement dans cet ouvrage en raison de son objet purement administratif. Les plus importants des actes écrits faisant grief ou récognitifs (ne modifiant pas l’ordonnancement juridique mais quand même exécutoires) sont entre autres : -le décret : c’est un acte exécutoire émanant de l’exécutif. Dans son acception juridique la plus usuelle, le décret est un acte à caractère réglementaire ou individuel 20 pris soit par le Président de la République, soit par le Premier Ministre, soit par les deux en vertu du pouvoir réglementaire dont ils sont dépositaires. Sous la Constitution de 1996 révisée où l’exécutif était bicéphale, les décrets du Président de la République sont généralement moins administratifs que politiques. Ils touchent à la sphère administrative lorsqu’ils concernent l’organisation et le fonctionnement des services publics, la nomination des hauts fonctionnaires civils de l’Etat21, la nomination du Premier ministre et des autres membres du gouvernement 22 selon l’article 79 de la Constitution23 etc. Cependant, le décret du Président de la République se détache de son caractère administratif pour revêtir un

19 Notamment la discipline dans les établissements pénitentiaires et de formations ; voir la jurisprudence française, CE, Ass. 27 jan. 1984, Alain Caillol, CE Ass. 17 fév. 1995, MARIE ; CE. Ass 17 fév. 1995 Hardouin : recours contre les mesures d’ordre intérieur. 20 Le décret est un acte réglementaire lorsqu’il a une portée générale et impersonnelle. Il est un acte individuel lorsqu’il concerne un individu ou un groupe d’individus bien identifiés. 21Article 84 al. 2 de la Constitution de la République du Tchad de 1996 révisée ; article 99 al 1 et 2 de la Constitution du 04 mai 2018. 22 Il sied de préciser qu’à ce niveau, le décret devient un acte à la fois politique et administratif car, en nommant les membres du gouvernement, le Président de la République agit d’abord sous l’angle politique. Mais du fait que le gouvernement dispose de l’Administration, cet acte impute directement sur l’activité administrative, les ministres étant des autorités administratives. La compétence du Président de la République pour nommer les membres du gouvernement est prévue à l’article 79 de la Constitution de 1996 révisée et à l’article 107 de la Constitution du 04 mai 2018. 23Article 79 de la Constitution de 1996 révisée. Il est à signaler ici que les dispositions constitutionnelles citées dans le présent document sont celles de la Constitution de la République du Tchad de 1996 révisée par la loi Constitutionnelle n°08/PR/2005 du 15 juillet 2005 et celles de la Constitution du 04 mai 2018..

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caractère politique lorsqu’il concerne les domaines énumérés à l’article 91 de la Constitution de 1996 révisée24. Il s’agit notamment de : - la nomination du Premier ministre ; - la dissolution de l’Assemblée Nationale ; - recours au référendum ; - l’exercice des pouvoirs exceptionnels ; - messages adressés par lui à l’Assemblée Nationale ; - la saisine du Conseil Constitutionnel ; - la nomination des membres du Conseil Constitutionnel, de la Cour Suprême, du Haut Conseil de la Communication, de la Haute Cour de Justice et du Conseil Economique, Social et Culturel ; - droit de grâce… En plus des cas susmentionnés, les décrets du Président de la République non couverts d’administrativité concernent les décrets relatifs à promulgation des lois25, les décrets relatifs à la mise en œuvre de l’article 82 de la Constitution26, à la ratification des traités et accords internationaux, à l’accréditation des ambassadeurs et envoyés extraordinaires auprès des Etats et des organisations internationales27. Ces actes qui n’ont pas la qualité d’actes administratifs sont insusceptibles de recours devant la juridiction administrative, c’est-à-dire qu’un administré ne peut demander au juge leur annulation pour quel que motif que ce soit28. Ces actes sont également appelés actes de gouvernement. Les décrets présidentiels sont soit pris en Conseil des ministres et qualifiés de « décrets en conseil des ministres » soit en dehors du conseil des ministres et qualifiés de « décrets simples ». 24 Exemptés les décrets simples cités à l’article 91 qui peuvent avoir le caractère d’actes administratifs (Constitution de 1996 révisée). La Constitution du 04 mai 2018 quant à elle, en son article 101, les répertorie dans les domaines suivants : la dissolution de l’Assemblée Nationale ; le recours au référendum ; l’exercice des pouvoirs exceptionnels ; le Message adressé par lui à l’Assemblée Nationale ; la saisine de la Cour Suprême ; la nomination des membres de la Cour Suprême, de la Haute Autorité de l’Audiovisuelle et des Médias, de la Commission Nationale des Droits de l’Homme, et certains membres du Haut Conseil des Collectivités Autonomes et des Chefferies Traditionnelles dont la désignation est laissée à sa discrétion ; au droit de grâce, etc. 25 Article 81 de la Constitution de la République du Tchad de 1996 révisée. 26 Il s’agit de l’article 82 de la Constitution de 1996 révisée en 2005 mais de l’article 89 de la Constitution du 04 mai 2018. 27 Article 85 de la Constitution de 1996 révisée ; article 93 de la Constitution du 04 mai 2018. 28 Pour d’amples informations sur le recours contre les actes insusceptibles de recours devant le juge administratif, lire la Thèse de M. Wencesclas BUSANE RUHANA MIRINDI, Le contrôle du pouvoir discrétionnaire de l’administration par le juge administratif congolais, Thèse de Doctorat en Sciences Juridiques, Université catholique de Louvain, juillet 2010, 485 pages.

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Les décrets du Premier ministre sont ceux qui ne sont pas pris en Conseil des ministres, à la limite discutés en Conseil de cabinet29. En vertu des larges pouvoirs qui lui sont conférés par la Constitution, le premier ministre prend des décrets pour assurer l’exécution des lois30, le bon fonctionnement des services publics31, la sécurité publique et le maintien de l’ordre32 car c’est lui qui dispose de l’administration33. A cette fin, lorsque son décret concerne un département ministériel, il est contresigné par le ou les ministre (s) chargé (s) de son exécution. Le décret peut avoir une portée générale lorsqu’il crée une règle de droit, par exemple lorsqu’il détermine les critères et conditions d’accès à la fonction publique, aux marchés publics etc. Il peut avoir une portée individuelle lorsqu’il concerne une seule personne ou un groupe de personne bien identifié. C’est l’exemple d’un décret portant nomination ou avancement d’un fonctionnaire ou encore d’un décret allouant des avantages et titres spécifiques de personnes en vertu de leurs actes. Les décrets les plus importants sont ceux pris en Conseil des ministres car ils concernent les domaines les plus importants de la vie administrative et sont signés par le Chef de l’Etat. Toutefois, il convient de rappeler que les décrets du Premier ministre et les décrets simples ne sont pas aussi des moindres et constituent le mode le plus fréquent d’exercice du pouvoir réglementaire. Compte tenu de leur motif d’édiction, les décrets peuvent revêtir plusieurs formes. Ainsi, l’on peut citer les : x Décrets autonomes qui ne relèvent pas du domaine de la loi et créent eux-mêmes une situation juridique ; x Décrets d’application d’une loi ou d’une ordonnance qui précisent les modalités et conditions d’application de la loi ou de l’ordonnance concernée ; x Décrets de répartition qui, après le vote des lois de finances, repartissent les crédits budgétaires alloués aux différents départements ministériels. Les décrets sont publiés au J.O et font l’objet d’une publication dans les presses officielles. Les plus nombreux et faisant plus de publicité au Tchad sont ceux portant nomination à des postes de responsabilités. Il est à déplorer que certains décrets très importants pour la vie administrative ne sont pas diffusés par voie de presse pour informer un grand public.

29 Le Conseil de cabinet est une formation du gouvernement regroupant juste le Premier ministre, les ministres et les Secrétaires d’Etat. 30 Article 94 de la Constitution de la République du Tchad. 31 Article 98 al.3 de la même Constitution. 32 Article 99 de la même Constitution de la Constitution de 1996 révisée. 33 Article 98 al.2 de la même Constitution.

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-l’arrêté : c’est un acte émanant d’une autorité administrative autre que le Président de la République et le Premier ministre34. Il peut s’agir des ministres35, des préfets, des maires, des présidents des conseils régionaux et départementaux, etc. Ce sont des actes administratifs unilatéraux créateurs de droits et obligations à l’endroit de leurs destinataires, soumis au respect de la légalité et susceptibles de contestation devant le juge administratif. Il existe des arrêtés signés conjointement par deux ou plusieurs autorités, notamment les arrêtés interministériels lorsqu’ils interviennent dans les domaines de deux ou plusieurs ministres. Il existe aussi des arrêtés signés par plusieurs préfets s’ils concernent différents départements. Comme le décret, l’arrêté est soumis à des visas qui citent ou rappellent les textes qui les fondent, les textes dont ils puisent leur légalité. Ensuite vient le dispositif précisant le contenu de l’acte et ses effets juridiques. A l’instar du décret, l’arrêté peut être règlementaire ou individuel. Il est inférieur au décret dans la hiérarchie des normes juridiques dont il vient juste après. Ainsi, on parle de l’arrêté ministériel lorsqu’il émane du ministre, de l’arrêté interministériel lorsqu’il est décidé par deux ou plusieurs ministres, de l’arrêté préfectoral lorsqu’il émane du préfet, de l’arrêté municipal lorsqu’il émane du maire, de l’arrêté du président du conseil départemental ou régional etc. L’arrêté permet aux exécutifs locaux d’exécuter les délibérations de leurs organes délibérants. Quant au ministre, il lui permet d’exécuter un décret ou une ordonnance. Sous peine de nullité, les décrets et arrêtés sont visés par le Secrétaire Général du service concerné et dûment signés par leurs auteurs. Pour la plupart, ils doivent être motivés, surtout lorsqu’ils sont défavorables aux destinataires afin de donner les raisons ayant conduit leurs auteurs à les édicter. A côté de ces actes décisoires existent encore d’autres actes non décisoires donnant à l’administration le caractère écrit. Ils se distinguent des premiers par le fait qu’ils n’ont pas vocation à créer ou modifier une situation juridique. Il s’agit des actes non créateurs de droits et obligations vis-à-vis des administrés car ne faisant pas grief. Pour cette raison, ils ne sont pas susceptibles de recours juridictionnels, à moins qu’exceptionnellement, ils dérogent à leur caractère normal pour imposer de charges ou conférer des droits à l’égard des administrés. Aussi, s’ils portent manifestement atteinte aux libertés individuelles36 ou encore du fait de la

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Toutefois, ces derniers peuvent recourir aux arrêtés pour organiser leurs différents services internes par exemple. 35 Dans leur fonction administrative bien entendu. 36 Lire la jurisprudence française : CE, 17 fév. 1995, Hardouin, relatif aux sanctions infligées par l’administration militaire : M. Hardouin, maître timonier est puni pour état d’ivresse lors d’une escalade aux Canries. Le CE a estimé que les punitions frappant M. Hardouin pouvaient faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir en raison de « ses effets directs sur la liberté d’aller

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gravité de la mesure37. Leur rôle consiste à assurer le bon fonctionnement interne des administrations. Ils sont constitués de trois principaux actes notamment les circulaires, les directives, les mesures d’ordre intérieur, auxquels il convient de rajouter les actes préparatoires notamment les avis, les consultations, les recommandations, les propositions, etc. - Une circulaire, appelée aussi note de service ou instruction est une communication par laquelle un supérieur hiérarchique fait comprendre à ses subordonnés ses intentions sur un point relatif à l’exécution du service ou à l’interprétation d’une loi ou d’un règlement. Elle permet à une autorité administrative de commenter un texte législatif ou réglementaire déjà en vigueur, de l’interpréter et de déterminer la façon dont elle entend en faire application. Elles sont de deux types : il y a les circulaires interprétatives et les circulaires règlementaires38. Les premières sont des actes non décisoires et venir du militaire, en dehors du service » et « ses conséquences sur l’avancement ou le renouvèlement des contrats d’engagement ». 37 Lire à ce sujet, CE 17 fév. 1995, Marie, relatif aux sanctions infligées par l’administration pénitentiaire : M. Marie est puni par l’administration pénitentiaire pour s’être plaint au chef du service de l’inspection générale des affaires sociales d’un refus de soin dentaire. Le CE a fait droit au recours pour excès de pouvoir « eu égard à la gravité de cette mesure ». 38 Au Cameroun, la distinction entre circulaire interprétative insusceptible de recours contentieux et circulaire réglementaire, véritable acte administratif faisant grief, voir CS/CA, jugement n°29 du 27 décembre 1979, HAYATOU SOUAIBOU : « attendu…qu’en effet, dans l’activité administrative, il est important de distinguer, du point de vue de l’étendue des effets, les actes qui intéressent directement les particuliers et ceux dont les effets juridiques se limitent à l’intérieur de l’institution administrative ; que ces derniers constituent une catégorie à part à laquelle on donne le nom de mesure d’ordre intérieur ; que l’exemple typique est celui des circulaires par lesquelles le supérieur hiérarchique donne des directives aux subordonnés, en ce qui concerne l’interprétation des lois et règlements qu’ils ont à appliquer ; ces directives ne constituent pas un acte administratif s’imposant aux administrés, elles ne sont pas elles-mêmes susceptibles d’être attaquées par voie de recours pour excès de pouvoir » et CS/CA, jugement n°43 du 7 avril 1983, KOUOH Emmanuel Christian : « attendu qu’il appert que pareille circulaire qui fait manifestement grief est susceptible de recours pour excès de pouvoir ; qu’il s’ensuit que le recours de KOUOH Emmanuel Christian est recevable en la forme ». Dans le même sens, V. CS/CA, jugement n°14/CS-CA du 15 novembre 1984, PANKA Paul et ZEBAZE Simon. D’une manière générale, le juge administratif camerounais a toujours déclaré irrecevable tout recours contentieux formé contre un acte qualifié de préparatoire. En ce sens, V. CS-CA jugement n°42 du 30.04.1981, Dame MBOCK MOUSSONGO Jeannette et SOP MOTE Joseph contre Etat du Cameroun et OMGBA ZING Martin. Abandonnant la distinction traditionnelle entre circulaires interprétatives et circulaires réglementaires issue de la jurisprudence Institution NOTRE DAME DU KREISKER (CE, Ass., 29 janvier 1954) le Conseil d’Etat français a fixé, dans sa décision Mme DUVIGNERES (CE, Sect. 18 décembre 2002), un nouveau critère de recevabilité du recours pour excès de pouvoir dirigé contre une circulaire. Ce critère réside dans le caractère impératif des dispositions de la circulaire. Désormais, lorsque l’interprétation que l’ autorité administrative donne, par voie de circulaires ou d’instructions, des lois et règlements qu’elle a pour mission de mettre en œuvre est dotée de caractère impératif, cette interprétation est considérée comme faisant grief et est, par la suite, susceptible d’être déférée au juge de l’excès de pouvoir. En revanche, les dispositions dénuées de caractère impératif d’une circulaire ou d’une instruction ne font pas grief et les concluions dirigées contre elles sont irrecevables (KEUTCHA

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et obéissent aux critères propres aux actes non décisoires. Les secondes par contre sont des véritables actes décisoires car elles modifient l’ordonnancement juridique en créant des droits et obligations à l’égard des administrés. Pour cette raison, elles sont susceptibles de recours devant le juge administratif39. Cette catégorie a subi des controverses40 car elle dépouille la circulaire de son acception originelle. Certaines autorités administratives en abusent pour prendre de véritables actes administratifs. Et même pour ce qui concerne les circulaires interprétatives, le Conseil d’Etat français permet le recours à leur encontre lorsqu’elles ont un caractère impératif car faisant grief41. Les circulaires sont couramment utilisées par les ministres pour l’organisation et le fonctionnement de leurs services. - Une directive est « un document d’orientation » qui permet à une autorité investie d’un pouvoir discrétionnaire de faire connaître les critères généraux auxquels elle entend subordonner ses décisions. Elle a un caractère général et impersonnel et permet à un ministre, un chef de service etc. de fixer une ligne de conduite dans un domaine où il dispose d’un pouvoir discrétionnaire. - Une mesure d’ordre intérieur (MOI) est un acte non décisoire compte tenu de la faible importance des préjudices qu’elle cause aux administrés. Elle concerne exclusivement la vie intérieure d’un service ou d’une administration. Exemple : la répartition des étudiants en groupes de travaux, ou le transfert d’un détenu d’une cellule à une autre ou encore l’attribution d’une unité d’enseignement à un enseignant du supérieur etc. Du fait de leur portée insignifiante, le juge ne s’en occupe pas : « De minimis non « le juge ne s’occupe pas des causes curatpraetor »42 insignifiantes ».Cependant, il ne faut pas perdre de vue les contours généralement flous et ambiguës de ces actes non décisoires qui tantôt sont susceptibles de recours, tantôt insusceptibles de recours selon l’appréciation souveraine du juge. A côté de ces actes il faut noter ceux qui permettent à une autorité administrative de préparer la prise d’une décision administrative. Il s’agit des actes préparatoires. TCHAPNGA Célestin, Précis de contentieux administratif au Cameroun, Aspects de l’évolution récente, l’Harmattan, 2013, pp. 57-58, note infrapaginale n°62). 39 Confer encore la jurisprudence française du CE, 29 Janvier 1954, Institution ND du Kreisker. 40 Lire la note infrapaginale n°42 ci-dessus. 41 CE, 18 décembre 2002, « Duvignère ». 42 En droit administratif français, cet adage justifie la position du juge administratif qui refuse d’accueillir les recours pour excès de pouvoir portant sur des actes administratifs de faible portée. C’était le cas par exemple des mesures d’ordre intérieur. Cependant, le champ de ces mesures s’est considérablement réduit avec l’arrêt du CE 1995 Hardouin et Marie, mais n’a pas totalement disparu (ainsi, la décision d’affecter un élève dans une classe plutôt que dans une autre n’est toujours pas susceptible de recours devant le juge administratif, de même que le refus d’accorder un rendez-vous), document en ligne sur fr.wikipedia.org/wiki/De_minimis, (consulté le 24 février 2018).

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Les actes préparatoires43 émanent de l’administration mais ne sont pas des actes administratifs stricto sensu. Ils comprennent entre autres : - Les avis : au sens du droit administratif, l’avis est un acte préparatoire d’une décision administrative qui permet ou oblige l’autorité administrative à demander à une autre ou à un organe déterminé44 son point de vue avant toute décision administrative. L’avis est dit « conforme » lorsque l’autorité administrative n’a pas d’autres choix que de s’y conformer lorsqu’il tient à édicter l’acte. C’est le cas prévu à l’article 148 de la Constitution de la République du Tchad s’agissant de la nomination des magistrats. Un avis conforme est avant tout un avis obligatoire. Il est dit « obligatoire » lorsque l’autorité administrative est tenue de solliciter l’avis mais peut ne pas s’y conformer. L’avis est aussi dit « facultatif » lorsque l’autorité administrative est libre de demander ou non le point de vue d’un organe. L’avis est donc le résultat d’une consultation, qu’elle soit obligatoire ou facultative, diligentée par une autorité administrative. - Les recommandations : le terme recommandation est plus utilisé en droit communautaire, où il est bien défini, qu’en droit administratif. En droit administratif dont il est question ici, il renvoie à un acte par lequel une autorité ou un organe fait des suggestions à un autre pour l’emmener à une prise de décision ou à mener une action. Elles renvoient aussi à des propositions. - Les consultations : le terme renvoie à des avis verbaux ou écrits que l’autorité administrative est censée recueillir quelquefois avant une prise de décision. Il s’agit d’un sondage. Ce procédé est de plus en plus encouragé dans la pratique administrative actuelle orientée vers la bonne gouvernance car, il permet de recueillir les points de vue des administrés avant la prise de décision. Elles permettent donc d’impliquer l’administré dans la prise de décisions. L’écrit est aussi constaté dans les actes contractuels de l’administration. La plupart des contrats, sinon les plus importants, sont en forme écrite. Les contrats de l’administration, qu’ils soient privés ou administratifs, notamment les marchés publics, les délégations de services publics (concession, gérance, régie intéressée, affermage, etc.), les subventions, les garanties, le bail, les marchés ordinaires etc. comportent un cahier des

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Pour d’amples précisions à propos des actes préparatoires, lire KEUTCHA TCHAPNGA Célestin « L’irrecevabilité du recours pour excès de pouvoir contre les actes préparatoires au Cameroun : à propos de quelques décisions jurisprudentielles » Revue Marocaine d’Administration Locale et de Développement (R.E.M.A.L.D) n°26, Rabat, janvier-février-mars 1999, pp. 65-76. 44 Tel le Gouvernement qui doit recueillir l’avis de la chambre administrative de la Cour Suprême avant la prise des actes à caractère réglementaire ou celui du CESC pour toute question d’ordre économique, social, culturel, etc.

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charges, document écrit qui détermine les conditions dans lesquelles le contrat doit être exécuté. Néanmoins, malgré la pléthore des actes écrits de l’administration, il existe des cas où cette dernière agit par actes verbaux. B - les actes verbaux L’Administration peut agir par voie verbale c’est-à-dire sur parole et celle-ci peut produire des effets juridiques. Les actes verbaux renvoient essentiellement à la parole. On peut se poser par exemple la question de savoir si un communiqué radiodiffusé par lequel le service des cadastres demande à un particulier de se présenter à ses services est un acte verbal ou écrit ? Même si le support du communiqué est écrit, le communiqué luimême peut s’avérer acte verbal car l’autorité administrative emprunte la voix du journaliste pour s’adresser au destinataire du communiqué. L’acte verbal se constate dans les activités quotidiennes des autorités administratives. Il n’est pas soumis à un quelconque formalisme, pourvu qu’il produise des effets de droit. Tel est par exemple le cas d’un chef de service qui demande à son secrétaire d’accomplir un service, ou encore de manière générale, un ordre verbal donné à un agent par son supérieur hiérarchique pour l’accomplissement d’une tâche. C’est ainsi que par exemple un chef de service n’a pas besoin d’un décret ou d’un arrêté, sinon d’aucun document écrit pour demander à son planton d’aller retirer ou déposer un courrier dans un autre service. Les actes verbaux sont très fréquents dans la pratique contractuelle de l’Administration. L’achat d’objets de faible montant par exemple entre dans cette catégorie. Et même pour certains contrats importants, l’acte verbal n’est pas forcément illégal ou irrégulier45. Tel est le cas dans la jurisprudence du Conseil d’Etat français du 20 Avril 1956, « Epoux Bertin », d’un contrat par lequel l’Administration confie verbalement aux époux Bertin le service public d’hébergement et d’alimentation des réfugiés soviétiques en instance de rapatriement en URSS. La haute juridiction administrative française reconnait le caractère verbal d’un tel contrat et le qualifie d’administratif car portant sur « l’exécution même du service public », ceci lui permettant de produire tous les effets d’un contrat administratif. Et même s’agissant des actes administratifs unilatéraux, l’acte verbal n’est pas exclu, même s’il s’avère inapproprié. Pour s’en convaincre, lors de la cérémonie de prestation de serment du tout premier gouvernement de la IVème République du Tchad, le Président IDRISS DEBY ITNO a nommé verbalement et sur place M. MAHAMAT TAHIR AROZI ministre de l’Aviation Civile et de la Météorologie Nationale46 alors que de telles 45

Néanmoins, il doit y avoir des factures. La nomination de M. MAHAMAT TAHIR AROZI comme ministre de l’Aviation civile est intervenue dans un contexte tout particulier. En effet, alors que ce dernier était Général, Chef d’Etat-major particulier du Président de la République, celui-ci le nomma ministre de l’Aviation 46

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nominations relevaient traditionnellement d’un acte écrit publié au J.O, le décret en l’occurrence. A côté de l’acte purement verbal, certains actes gestuels peuvent avoir le caractère de décision administrative produisant des effets juridiques. C’est le cas par exemple du signe fait par un policier demandant à un motocycliste de s’arrêter ou encore d’un carton donné par un arbitre au terrain de football (surtout lorsque cet arbitre est un agent de l’Administration). Le silence de l’administration est lui aussi aujourd’hui plus que jamais considéré comme acte de l’administration produisant des effets juridiques sous certaines conditions. C - le silence de l’Administration L’Administration publique, en tant que personne morale ne peut agir qu’en prenant des actes, terme qui renvoie à l’action, à agir47. Cette action revêt la forme juridique lorsqu’il s’agit d’actes sous forme écrite, caractérisés par les actes unilatéraux et contractuels vus ci-haut, ou dans la mesure du possible, par des actes verbaux qui consistent pour l’Administration, à accepter, refuser ou ordonner une action. Cet acte peut aussi être matériel lorsque l’Administration, par l’entremise de ses agents procède à la réalisation d’une activité quelconque. Mais à côté de ces actes écrits, verbaux et matériels, lorsque l’Administration se réserve de poser un acte juridique ou matériel, ce refus peut être interprété comme une décision valant acceptation ou refus selon le cas. Le silence de l’Administration est donc une décision implicite, même s’il est considéré comme une simple fiction juridique48. Le juge camerounais par exemple reconnaissait la valeur juridique du silence de l’Administration lorsqu’il allègue que « les actes administratifs peuvent être constitués en de simples abstentions ou retards…pourvu qu’ils portent préjudice »49. Cependant, le silence de l’Administration ne renvoie pas systématiquement à une décision administrative. Il ne l’est qu’en vertu d’une prescription légale ou règlementaire comme le martèle le professeur René CHAPUS : « il y’a décision implicite au terme du délai que si la loi ou le règlement a expressément disposé que l’expiration du délai vaudra (en l’absence d’une

Civile lors de la cérémonie solennelle de prestation de serment des ministres du premier gouvernement de la de la IVème République, à la place de Mme DJIBERGUI Rosine AMANE, prévue à ce poste et ayant refusé de se présenter à la dite cérémonie de prestation de serment en raison de ses convictions religieuses. La prise de position de la ministre DJIBERGUI a suscité de tollés au sein de l’opinion tchadienne. Néanmoins, sur le plan juridique, cette nomination a permis d’introduire dans le sillage des actes administratifs unilatéraux jusque-là caractérisés par un écrit, un acte administratif unilatéral verbal, qui ne sera formalisé que plus tard par un écrit. 47 EISSENMANN (C), Cours de droit administratif, Paris, LGDJ, P. 82. 48 CHAPUS (R), Droit administratif général, Paris, Montchrestien, 4ème édition, tome 1, 1988, p. 322 ; COSTA (D), les fictions juridiques en droit administratif, Paris, LGDJ, 2000. 49 Voir le Jugement n°5/CS-CA/79-80 du 29 novembre 1979, Tchungui Charles c/Etat du Cameroun.

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décision expresse) décision implicite »50. C’est donc dans des cas bien déterminés et sous certaines conditions que le silence de l’Administration est constitutif d’acte normateur implicite ayant valeur positive ou négative c’està-dire valant décision tacite d’acceptation ou de rejet51. Bien que recouvrant des définitions variées selon les dictionnaires, Le vocabulaire juridique de l’Association Henri CAPITANT52 définit le silence de l’Administration comme l’absence de réponse de l’Administration à une requête dont elle a été saisie. Cette attitude peut parfois être assimilée à une décision dite tacite ou implicite et qui peut être positive ou négative. Mais de l’autre côté, même en cas d’absence de demande d’un administré, lorsque l’administration devrait, dans l’intérêt d’une bonne administration ou du service public, prendre un acte, mais qu’elle ne le fait pas, cette attitude serait qualifiée de vide juridique. Et cela, que cette attitude soit intentionnelle ou non, du fait de cette absence d’acte écrit ou expresse. Le silence de l’Administration est donc significatif au regard du droit car produisant des effets. Lorsqu’il est prévu des conditions dans lesquelles le silence de l’Administration vaut acte, l’Administration peut donc manifester son intention en l’usitant. Cependant, le Droit tchadien ne définit pas expressément le silence de l’Administration, sinon il y fait référence dans certains textes en interprétant la volonté de l’Administration lorsqu’elle en fait usage. Il est donc permis à l’Administration, tout comme à l’administré de se prévaloir du silence de l’Administration lorsqu’il obéit aux conditions prévues par la réglementation. Aux termes de la loi française du 12 avril 2000, en réponse à la demande d’un administré, le silence conservé par l’Administration pendant deux mois équivaut à une décision de rejet. Au Tchad, « le silence gardé par une autorité publique pendant une durée de quatre mois sur une réclamation vaut décision implicite de rejet de cette réclamation »53. Les juridictions administratives ne peuvent être saisies que par voie de recours contre une décision explicite ou implicite d'une autorité publique, y compris en matière de recours indemnitaire. Ainsi, la lecture de l’article 22 de la loi n°012/PR/2013 ci-haut citée laisse comprendre que le silence de l’Administration est un fait faisant grief et donc susceptible de contestation. Cette disposition offre en réalité une possibilité à l’administré de considérer le silence de l’Administration comme un véritable acte. Parce qu’au lieu de 50

CHAPUS (R), cité par GNIMPIEBA JIOGO (A), Le silence de l’administration en droit administratif camerounais, Mémoire de Master en Droit Public, Université de Dschang, année 2013- 2014, p. 3. 51 Sur toute la question, lire GNIMPIEBA JIOGO (A), Le silence de l’administration en droit administratif camerounais, op. cit. 52 GERARD (C) (Dir.), Le vocabulaire juridique, 7ème édition, 2005, p. 853. 53 Article 22 de la loi n°012/PR/2013 portant organisation et fonctionnement des Juridictions statuant en matière de contentieux administratif.

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laisser l’administré dans le doute d’une éventuelle réponse à sa demande, il lui permet d’interpréter le silence de l’Administration, provoquer l’action de celle-ci et faire valoir ses droits. Pour être valable et produire un effet, la demande de l’administré doit être adressée à l’autorité compétente c’est-à-dire l’autorité administrative habilitée à examiner sa demande. En France, lorsque la demande n’est pas adressée à l’autorité compétente, le destinataire non compétent et saisi par erreur ou à tort doit la transmettre à l’autorité compétente54. Mais à ce niveau aussi il faut que la demande formulée ne soit pas incomplète55. Le délai du silence de l’Administration ne compte qu’à partir de la date de réception de la demande complète par l’autorité compétente. Dans la plupart des cas, le silence de l’Administration vaut une décision implicite de rejet. Cette attitude se justifie par une ancienne loi française du 17 juillet 1900 qui pose le principe général selon lequel « dans les affaires contentieuses qui ne peuvent être introduites devant le Conseil d’Etat que sous la forme d’un recours contre une décision administrative, lorsqu’un délai de plus de quatre mois s’est écoulé sans qu’il soit intervenu aucune décision, les parties intéressées pourront considérer leur demande comme rejetée et se pourvoir devant le Conseil d’Etat ». La loi française du 12 Avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, à la suite de celle du 17 juillet 1900 pose le principe selon lequel la décision implicite équivaut à un rejet. Le silence équivaut dans une certaine mesure à « une acceptation tacite » dans « le souci de simplifier et d’accélérer les procédures et la volonté de respecter davantage les droits des particuliers »56. Il s’agit donc in fine de fait de l’Administration dont le droit en tire conséquence. Cependant, il faut éviter toute confusion entre le silence de l’Administration et les notions connexes notamment la précaution, l’inertie administrative, la renonciation par l’Administration à l’exercice d’un droit, les tolérances administratives etc. que l’on s’abstient de développer dans le présent ouvrage qui n’a pas pour objet principal que l’étude des actes administratifs. Paragraphe 3 : le contrôle de l’Administration publique Le contrôle de l’Administration est le signe, en même temps que la conséquence, de l’Etat de droit57. En effet, c’est sous la Restauration en France (1814-1870) que le contrôle de l’Administration publique a connu une consécration véritable. C’est au cours de cette période que l’on a vu 54 Voir le décret français du 28 novembre 1983 et la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. 55 Voir le décret français du 6 juin 2001. 56 PAUTI (M), « Les décisions implicites d’acceptation et la jurisprudence administrative », RDP 1975, pp. 136- 137. 57 KEUTCHA TCHAPNGA (C), Précis de contentieux administratif au Cameroun, Aspects de l’évolution récente, op. cit, P. 19.

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l’émergence du contrôle de l’activité administrative avec le développement des procédures d’inspection et l’apparition des nouveaux corps de contrôle. C’est surtout en matière des finances que le contrôle s’est cristallisé, notamment avec l’Inspection des Finances créée en 1816 sur les décombres de l’Inspection du Trésor58. Au demeurant, c’est dans le souci de protéger les administrés et certains agents de l’Administration contre les abus des autorités administratives en vue d’une bonne administration que celle-ci est soumise à un certain nombre de contrôles tant internes qu’externes. Autrefois destiné à soumettre tout acte de l’Administration à la légalité et aux objectifs politiques qui lui sont assignés, le contrôle de l’Administration qui renvoie à la surveillance, à l’inspection, à l’investigation, etc. se tourne de plus en plus vers la recherche de sa performance. Ainsi, comme le relève Christophe MAGDANLIJNS, le contrôle de l’action administrative est l’ensemble des actes et comportements portant examen et appréciation de l’action administrative en rapport à des risques que l’on souhaite maitriser. Les différents contrôles exercés sur l’Administration portent sur le personnel, les actes unilatéraux, matériels et contractuels ainsi que sur la gestion des deniers qui lui sont alloués. Raison pour laquelle plusieurs autorités interviennent dans ce contrôle. Il s’agit entre autres du contrôle administratif, du contrôle des autorités administratives extérieures et du contrôle juridictionnel. A- le contrôle administratif interne C’est un contrôle exercé par les autorités administratives elles-mêmes. Il comprend principalement le contrôle hiérarchique et le contrôle de tutelle. - Le contrôle hiérarchique est celui qui s’exerce à l’intérieur d’une Administration entre ses propres agents. C’est le contrôle exercé par un supérieur hiérarchique sur ses subordonnés ou sur leurs actes. S’agissant d’un ministère par exemple, il permet au ministre de contrôler les agents placés sous sa hiérarchie ainsi que leurs actes. Le contrôle hiérarchique permet au supérieur hiérarchique d’annuler ou de réformer les actes émanant de ses subordonnés dans le respect de la légalité. C’est en même temps un contrôle de légalité – qui consiste à vérifier la conformité de l’acte du subordonné à la loi – et un contrôle d’opportunité – qui consiste à juger les raisons et motifs justifiant l’acte en lien avec le temps. Et plus loin encore, il permet au supérieur de noter ou même de sanctionner les agents placés sous sa responsabilité. Le contrôle hiérarchique, au-delà du contrôle entre agents d’une Administration, permet aussi à un organe supérieur de contrôler un organe lui étant soumis. Par exemple, le Conseil municipal exerce un contrôle hiérarchique sur tous les services municipaux et le Conseil des ministres sur tous les ministères.

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THOMAS (Y), Histoire de l’administration, Paris, édition La Découverte, 1995, p. 45.

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- La tutelle administrative est quant à elle qualifiée de contrôle de tutelle par certains auteurs. C’est en effet « l’ensemble des contrôles qui s’exercent soit sur une personne administrative décentralisée, soit même, exceptionnellement sur une personne privée »59 ou encore « (…) l’ensemble des contrôles exercés sur l’activité d’une personne publique décentralisée ou de ses agents. Ce contrôle peut également s’étendre à certaines personnes privées collaborant à l’exécution d’une tâche d’intérêt général »60. Même si ces définitions classiques ne font pas mention de l’organe ou de l’autorité habilitée à exercer ce contrôle, elles semblent offrir la possibilité de déceler sur qui s’exerce la tutelle administrative. Le contrôle de tutelle s’exerce donc sur les collectivités locales et sur les personnes publiques et privées ayant la charge d’un service public. Il faut donc retenir que c’est un contrôle exercé par une autorité administrative sur une autre, sur une entité décentralisée ou sur personne privée exerçant une activité de service public. Il impose que certains actes des collectivités locales soient soumis à l’approbation de l’autorité de tutelle, notamment le représentant de l’Etat, qu’il s’agisse de délibérations, de décisions exécutoires ou de contrats. Si dans le contrôle hiérarchique, le supérieur contrôle ses subordonnés ainsi que leurs actes, dans la tutelle administrative a contrario, c’est plutôt une autorité de contrôle, un contrôleur appelé autorité de tutelle qui exerce son contrôle sur les autorités ou organes déterminés. Ainsi, « Il faut donc que l’administration contrôlée soit décentralisée et que l’autorité de contrôle soit de niveau gouvernemental »61. On comprend donc aisément que la tutelle administrative est ce contrôle qu’exerce le centre sur les périphéries, en d’autres termes, l’Etat sur ses démembrements. La tutelle a pour objet les actes et même les agents décentralisés. Elle s’exerce également sur certaines personnes privées délégataires de services publics tels que les concessionnaires, les gérants de services publics etc. car, « la tutelle administrative nous parait consister dans le droit de regard des autorités gouvernementales ou paragouvernementales sur les activités des administrations décentralisées et exceptionnellement sur les activités de personnes privées collaborant à l’exécution de taches d’intérêt général »62. Dans la tutelle administrative les administrations concernées par le rapport de tutelle sont non pas subordonnées l’une par rapport à l’autre, mais superposées. La tutelle administrative se distingue du contrôle hiérarchique où l’on retrouve strictement la relation de supérieur à inférieur63. Aussi, contrairement au contrôle hiérarchique qui s’exerce de plein droit sur les 59

WALINE (J), Traité de droit administratif, Paris, Sirey, 9ème éd., 1963, n°698. Répertoire Dalloz, « Droit administratif, à l’expression tutelle administrative », éd. 1959, p. 1015. 61 GARANT (P), Droit administratif, Les éditions YVON BLAIS INC., 4ème édition, 1996, P. 608. 62 Ibidem. 63 Idem, P. 609. 60

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agents inférieurs et sur leurs actes, la tutelle ne peut s’exercer que dans des conditions déterminées par les textes. On s’accorde donc avec le Professeur RIVERO qu’ « (…) un texte doit en poser le principe, désigner l’autorité qui l’exerce au nom de l’Etat, en fixer l’étendue (légalité ou opportunité), les procédés. En dehors ou au-delà des prescriptions légales, la tutelle s’arrête, et la liberté reprend son empire ; d’où les formules classiques ‘‘pas de tutelle sans texte, pas de tutelle au-delà des textes’’ »64. La tutelle signifie approbation des actes – légalement énumérés – des entités décentralisées par l’autorité gouvernementale ou son représentant. L’intérêt de ce contrôle est à reconnaitre à certains égards. En effet, « ce contrôle des administrations décentralisées est nécessaire à la fois dans l’intérêt de l’Etat lui-même qui doit sauvegarder son unité politique et veiller au respect des lois, dans l’intérêt des administrations décentralisées elles-mêmes qui seraient les premières victimes d’une mauvaise gestion de leurs agents et dans l’intérêt des administrés qui peuvent avoir besoin d’une protection efficace et rapide contre l’autorité décentralisée elle-même »65. Le contrôle de tutelle porte sur la régularité et/ou la légalité des actes ou activités des entités contrôlées. Mais il peut porter également – et c’est d’ailleurs sa spécificité – sur l’opportunité de l’acte ou de l’activité envisagée, c’est-à-dire en quoi l’acte est utile ou bénéfique. Comme inconvénient, lorsque ce contrôle est trop poussé ou lorsque la tutelle implique nombre de contrôles d’opportunité, les administrateurs locaux risquent de perdre tout esprit d’initiative66. Il nuit de ce fait au principe de l’autonomie des collectivités locales, à la libre administration des collectivités locales lorsque le détenteur en abuse. Ces motivations ont conduit donc au tempérament de la tutelle sur les collectivités locales avec les lois de la décentralisation de 1982 et 1983 en France, supplantant ainsi le contrôle d’opportunité par le contrôle de légalité qui interpelle le représentant de l’Etat à s’adresser toujours au juge administratif, seul habilité à annuler les actes des collectivités locales. C’est dans cette posture de contrôle de légalité a postériori – malgré qu’on recense dans les textes sur la décentralisation des cas de contrôle d’opportunité – que se trouvent les collectivités locales au Tchad, les communes notamment, depuis la loi de la décentralisation de 2000 donc l’effectivité est assurée à partir de 42 Communes issues des élections de 2012. B- le contrôle administratif externe Ce contrôle est exercé par des organes extérieurs à l’Administration soumise au contrôle mais ne relève pas des autorités juridictionnelles. Il a pour but de contraindre l’administration contrôlée au respect de la légalité, de la déontologie, de l’éthique administrative etc. en conférant un pouvoir de 64

RIVERO (M), Droit administratif, Paris, Dalloz, 8ème édition, 1977, n° 325. RIVERO, note 12, n° 313 cité par GARANT(P), Droit administratif, op cit. P. 611. 66 LESCUYER (G), Le contrôle de l’Etat sur les entreprises nationalisées, Paris, LGDJ, 1982. P. 55. 65

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contrôle à des corps ou autorités qui lui sont étrangères. Les principaux sont ceux exercés par le parlement, les corps d’inspection, les commissions et missions interministérielles et les autorités administratives indépendantes. -Les corps d’inspection : c’est un ensemble des agents de l’Etat ayant pour mission de contrôler d’autres Administrations. Ces agents sont chargés de contrôler les services externes des ministères mais aussi certains organismes privés ou publics bénéficiant du concours de l’Etat ou de sa garantie. On recense ainsi entre autre l’inspection de l’enseignement primaire et secondaire, l’inspection du travail, l’inspection des finances ou des impôts etc. ayant pour tâche de contrôler le fonctionnement des administrations susvisées et de produire des rapports qui seront déposés devant les instances supérieures ayant compétence décisionnelle. - Les autorités administratives indépendantes : elles ont pour rôle de réguler et/ou de surveiller, d’évaluer les activités entrant dans leur champ de contrôle. Leur existence est marquée par la volonté d’affirmer l’indépendance de certaines entités infra étatiques vis-à-vis tant de la hiérarchie administrative que du pouvoir politique. Certains ont même compétence de définir les grandes orientations relatives aux secteurs soumis à leur intervention. Elles sont dites indépendantes car n’étant pas soumises formellement à l’autorité gouvernementale, encore moins au parlement ou à l’autorité judiciaire. Cependant, elles sont soumises à l’obligation de fournir des rapports qu’elles peuvent rendre public ou soumettre aux pouvoirs publics. On peut citer par exemple le Collège de Contrôle et de Surveillance des Revenus Pétroliers qui veille à l’usage des revenus pétroliers et qui doit être consulté en cas d’engagement d’une dépense imputée sur les ressources pétrolières ; l’Office Tchadien de Régulation des Télécommunications qui régule et surveille l’activité des opérateurs de téléphonie, le Haut Conseil de la Communication qui régule et surveille les activités relevant de l’information, en l’occurrence la presse, la Médiateur de la République qui est l’interlocuteur entre l’Administration est les administrés, et dernièrement, la Commission Nationale des Droits de l’Homme, qui est compétente pour connaitre de toutes les questions relavant des droits de l’Homme, y compris les relations entre l’Administration et les administrés, etc. - Les organes consultatifs : ce sont des organes chargés de donner des avis avant la prise de certaines décisions administratives. L’avis ici n’est généralement pas un avis conforme, c’est-à-dire celui dont l’Administration est tenu de suivre scrupuleusement. Cependant, l’importance de tels avis n’est pas à ignorer car les organes consultatifs sont généralement constitués de techniciens et de personnes ayant des expériences dans le domaine précis. Il permet donc aux experts de donner leur point de vue afin d’éclairer le décideur dans sa prise de décision. Les organes consultatifs relèvent soit de la primature (défunte), soit d’un ou de plusieurs ministères et peuvent avoir des dénominations variables (Comités, Conseils, Commissions etc.). Ils peuvent être permanents,

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temporaires ou ad hoc. D’autres peuvent être des Autorités Administratives Indépendantes. On peut citer par exemple l’Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMP), la Haut Conseil des Collectivités Autonomes et des Chefferies Traditionnelles, la CNDH67, le CESC etc. La Chambre administrative de la Cour Suprême, équivalent du Conseil d’Etat français, a aussi une fonction consultative car il est conseiller du gouvernement. -Le contrôle parlementaire : le contrôle parlementaire de l’activité administrative est celui exercé par les représentants du peuple que sont les députés sur les autorités administratives. Il permet aux députés de demander à ces dernières des comptes de la gestion des services qui leurs sont confiés. Ce contrôle est dans la pratique beaucoup plus regardant sur l’emploi des deniers publics. Il concerne en l’occurrence les ministres en leurs qualités de chefs d’administrations. Le contrôle parlementaire exercé sur les ministres prend la forme de questions orales et écrites qui leurs sont adressées, des interpellations ainsi que les commissions et missions chargées de contrôler les faits sur pièce et sur place en pénétrant les locaux des administrations. Ainsi, les ministres sont entendus par l’Assemblée Nationale soit à la demande d’un député, soit à la demande d’une commission sur un point précis68. - Les commissions et missions ministérielles ou interministérielles : le Tchad n’est pas en marge des Etats concernés par l’assainissement de l’Administration publique. Pour cet objectif, loin d’être atteint jusqu’ici, les départements ministériels sont impliqués dans le contrôle de leurs propres activités. On constate alors des missions et commissions interministérielles sous dénominations variables se vouer à cet exercice de contrôle. Les missions interministérielles impliquent fréquemment les services de la primature, du ministère de la Justice, de Finances, de l’administration du territoire, du Secrétariat Général du Gouvernement etc. Toutefois, les commissions ou comités interministériels n’ont pas pour unique vocation de contrôler l’Administration. Certains ont pour but d’orienter ou de définir l’action de l’Administration, celle du gouvernement en l’occurrence, vers un objectif bien défini. Tel le Comité interministériel de définition du programme de formation des jeunes institué par l’arrêté n°3268/PR/PM/2016 du 09 août 2016, placé sous l’autorité du Premier ministre chef de Gouvernement et ayant pour mission de définir un programme de formation des jeunes et de proposer les mesures concrètes pour sa mise en œuvre. Il est composé des personnalités relevant de la Primature, du Ministère de l’éducation nationale, du Ministère de l’enseignement supérieur, du 67

Le Haut Conseil des Collectivités Autonomes et des Chefferies Traditionnelles et la CNDH sont des institutions nouvelles. Ils sont apparus avec les réformes institutionnelles de 2018 et trouvent leur fondement juridique dans les articles 165 à 166 (pour le HCCACT) et 170 à 173 (pour la CNDH) de la Constitution du 04 mai 2018. 68 Article 126 de la Constitution de la République du Tchad de 1996 révisée.

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Secrétariat général du gouvernement, du Ministère de la fonction publique, du Ministère de la jeunesse et des sports, du Ministère du plan, du Ministère des finances, du Ministère de la culture, du Président de la Commission Education de l’Assemblée nationale. Il en est de même pour le Comité technique interministériel chargé de déterminer les conditions de création d’entreprise pour les activités réglementées, créé par l’arrêté n°2566/PR/PM/2016 du 20 juillet 2016. Ce comité est composé des autorités ministérielles, des membres d’organismes de contrôle de l’Etat ainsi que des professionnels du monde libéral. En outre, depuis la création du Ministère chargé de la moralisation et de l’assainissement public, qui est tantôt autonome, tantôt en fusion avec celui de la Justice, le contrôle de l’Administration portant sur les deniers publics ou la moralité administrative lui est confié. Ses opérations concernent des domaines divers avec des résultats quelquefois controversés comme l’opération dite « COBRA » qui ne s’est contentée que du contrôle de quelques services. Aussi, la commission dite « SYGASPE » conduite par ce ministère a permis de nettoyer un peu soit-il la fonction publique au Tchad en débarrassant d’elle certains agents fictifs et certains agents dits doublons. En plus de ces différents contrôles, il y a l’Inspection Général d’Etat qui exerce un contrôle multidimensionnel sur toute l’Administration de l’Etat. Aussi, certains contrôles spécifiques viennent renforcer le dispositif, notamment le contrôle de l’ANIF par exemple, qui opère dans toute structure publique ou parapublique sur des questions financières. Il faut noter cependant que tous ces contrôles administratifs externes sont assortis de rapports ou conclusions qui selon les cas débouchent ou pas sur la table du juge. C- le contrôle du juge L’Administration est assujettie au contrôle du juge car, « en disant le droit, le juge tranche les litiges, en profite pour contrôler l’action de l’administration (…) »69. A cet effet, il est à reconnaitre que « l’organisation juridictionnelle est considérée comme le meilleur moyen d’assurer ce contrôle (de l’administration), quelles que soient par ailleurs les formes et les modalités qu’elle peut revêtir »70. Ce contrôle concerne toutes ses activités, à l’exception d’actes de gouvernement et des actes qui, par leur nature sont insusceptibles de recours (v. supra). Selon la nature des actes, ils peuvent être soumis soit au juge administratif, au juge financier, ou au juge judiciaire. - le juge administratif : Le professeur Yves GAUDEMET remarquait que « l’Etat de droit signifie que l’administration, dans ses interventions, est 69

DEMBA SY, « Droit administratif et communicabilité en Afrique », document en ligne, Google, consulté le 28 février 2018, p. 11. 70 KEUTCHA TCHAPNGA (C), Précis de contentieux administratif au Cameroun, Aspects de l’évolution récente, op. cit, p. 19.

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tenue au respect de la règle de droit, comme le sont les particuliers », et « la juridiction administrative est le produit de cette conviction » ; car « elle est un système de contrôle juridictionnel qui, d’une part assure la sanction des méconnaissances du droit par l’administration, et d’autre part, peu à peu, par sa jurisprudence, élabore le droit »71. Ainsi, le juge administratif est saisi lorsque l’activité administrative est préjudiciable ou susceptible de porter préjudice à un administré. L’activité administrative préjudiciable peut porter sur un acte administratif unilatéral (décret, arrêté, décision, délibération, etc.), un contrat ou sur un fait matériel (par exemple démolition d’une habitation ou accident sur un chantier ayant causé dommage à un tiers). Le recours devant le juge administratif a généralement pour objet l’annulation d’un acte illégal suivi ou non d’une indemnisation. Lorsque le recours a pour objet l’annulation d’un acte unilatéral tout court, il est qualifié de recours pour excès de pouvoir et le juge habilité à en connaitre est le juge de l’excès de pouvoir ou encore Juge de la légalité. La conséquence d’un tel contrôle, lorsque l’acte est reconnu illégal et annulé, est que les effets qu’il a produits seront appelés à disparaitre. S’agissant des contrats administratifs, le recours pour excès de pouvoir concerne généralement les actes détachables, c’est-à-dire les dispositions réglementaires incluses dans le document contractuel. Le recours contre ces dispositions se fait de la même manière que celui contre un acte unilatéral ordinaire avec les mêmes effets. Pour ce qui concerne les clauses contractuelles, le recours est formé toujours devant la juridiction administrative mais le juge change de dénomination pour être appelé Juge du contrat. Lorsque ce dernier constate que le contrat passé par l’Administration est conclu en violation des normes en vigueur, notamment l’absence de publicité et de mise en concurrence, l’indisponibilité de crédits alloués au contrat par exemple, il décide d’annuler le contrat litigieux. Mais certains contrats de l’administration font plutôt l’objet de recours devant le juge judiciaire (voir infra). Le juge administratif est aussi habilité à statuer en plein contentieux. Le plein contentieux est aussi un procès mettant en cause une autorité administrative devant le juge administratif. Devant cette instance, le justiciable se plaint des dommages ou préjudices subis et réclame de la part de l’Administration une réparation. Ce dommage ou préjudice peut résulter soit d’un acte administratif unilatéral (sanctions disciplinaire fondée sur l’inexactitude des faits ou l’erreur de droit), d’un acte contractuel (retard de paiement des factures par exemple) ou d’un acte matériel. Par ailleurs, le représentant de l’Etat a aussi compétence pour déférer devant le juge administratif statuant en excès de pouvoir, toute délibération

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GAUDEMET (Y), « L’avenir de la juridiction administrative », Gazette du Palais, 1979, Doctrine, p. 511.

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d’un conseil local ou de ses établissements publics qu’il estime illégale. On parle dans cette hypothèse du déféré préfectoral. - le juge financier : il est compétent pour contrôler l’activité de l’Administration en rapport avec le maniement des deniers publics. En droit français, ce juge présente une triple facette : la Cour des comptes, les Chambres régionales des comptes et la Cour de disciplines budgétaire et financière. Les juridictions financières connaissent du droit public financier car elles sont chargées de l’application des règles de droit budgétaire et du droit de la comptabilité publique. Le droit budgétaire est définit brièvement comme l’ensemble des règles concernant l’établissement du budget, son adoption, son exécution et son contrôle. Le droit de la comptabilité publique quant à lui est l’ensemble des règles juridiques et techniques applicables à l’exécution, à la description et au contrôle des opérations financières des organismes publics72 ou encore, il est « la partie du droit financier qui définit les règles d’exécution des opérations de dépenses et de recettes de l’Etat et des autres personnes publiques »73. La mission de la Cour des comptes est de juger les comptes des comptables publics de l’Etat et des établissements publics nationaux. Elle connait en appel des jugements rendus par les Chambres régionales des comptes sur les comptes des comptables publics des collectivités territoriales décentralisées et de leurs établissements publics. En outre, le juge financier, en dehors du contrôle des comptes des comptables publics, rend des décisions de nature juridictionnelle en tant que Cour de Discipline Budgétaire et Financière. Cette Cour a pour compétence de juger les fautes de gestion commises par les gestionnaires publics que sont les ordonnateurs et comptables, de même que les contrôleurs financiers74. Les fonctionnaires ou agents publics justiciables devant la Cour de discipline budgétaire et financière sont passibles de sanctions pour des infractions aux règles relatives à l’exécution des recettes et des dépenses pour avoir procuré ou tenté de procurer « à autrui un avantage injustifié, pécuniaire ou en nature, entraînant un préjudice pour le Trésor, la collectivité ou l’organisme intéressé »75. Aussi, pour toute personne chargée de responsabilités dans une entreprise publique, d’avoir « causé un préjudice grave à cet organisme, par des agissements manifestement incompatibles avec les intérêts de celui-ci, par des carences graves dans les contrôles qui lui incombaient, ou par des

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MAGNET (J), Eléments de comptabilité publique, Paris, LGDJ, 5ème édition, 2001, p. 9. CATHELINEAU (J), Finances publiques, Politique budgétaire et droit financier, Paris, LGDJ, 1975, p. 159. 74 BARILARI, « vers la réforme de la responsabilité des gestionnaires publics », AJDA, 2005, P.696. 75 Article L. 313-6 du Code des juridictions financières (France). 73

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omissions ou négligences répétées dans son rôle de direction »76. Il est aussi reconnu au juge financier des attributions non-juridictionnelles77. Au Tchad, la juridiction financière a été exercée pendant longtemps par la Cour Suprême, à travers la Chambre des Comptes, avant d’être érigée en Cour des Comptes, juridiction indépendante et autonome, puis ramenée à sa position initiale de Chambre des Comptes de la Cour Suprême suite aux réformes institutionnelles de 201878. En effet, c’est la loi organique n°017/PR/2014portant organisation, attributions, fonctionnement et règles de procédure devant la Cour des Comptes, qui régit et définit les mécanismes d’action de cette juridiction. En effet, selon l’article 2 de ladite loi, la Cour des Comptes79 est la plus haute juridiction de la République en matière de contrôle des finances publiques. A cet effet, elle a pour missions essentielles de : - assister l’Assemblée Nationale dans le contrôle de l’exécution des lois de finances ; - certifier la sincérité et la fidélité du compte général de l’Etat ; - juger les ordonnateurs, les contrôleurs financiers et les comptables publics dans les conditions prévus par la loi ; - contrôler la légalité financière et la conformité budgétaire de toutes les opérations de dépenses et de recettes de l’Etat. A ce titre, elle contrôle les irrégularités et fautes de gestion commises par les agents publics et fixe, le cas échéant, le montant du préjudice qui en résulterait pour l’Etat. Elle peut en outre prononcer des sanctions ; et - évaluer l’économie, l’efficacité et l’efficience de l’emploi des fonds publics au regard des objectifs fixés, des moyens utilisés et des résultats obtenus, ainsi que la pertinence et la fiabilité des méthodes, indicateurs et données permettant de mesurer la performance des politiques et administrations publiques. Elle peut, à la demande du Gouvernement et de l’Assemblée Nationale, procéder à des enquêtes et analyses sur toute question budgétaire, comptable et financière. 76

Article L 313-7-1 du même Code. Sur la question, v. Aline KUREK, Le juge financier, juge administratif, Thèse de doctorat Droit Public, Université de Lille2, décembre 2010. 78 Lire la Synthèse des travaux du Forum national inclusif, p.5. C’est à ce titre que l’article 137 al.9 de la Constitution du 04 mai 2018 dispose que « la Chambre des comptes de la Cour Suprême assiste le gouvernement et l’Assemblée nationale dans le contrôle de l’exécution des lois de finances ». 79 Il est à préciser toutefois qu’avec le projet des réformes institutionnelles, la Cour des Comptes (désormais Chambre des comptes de la Cour Suprême) voit ses attributions élargies puisque suite à la suppression du CCSRP, les attributions de ce dernier lui seraient dévolues. Ainsi, il a été proposé de créer une Chambre au sein de la Cour des Comptes pour contrôler la gestion des revenus pétroliers directs, indirects et ceux issus des industries extractives. Voir à ce sujet, le Rapport final du Comité technique interministériel d’appui au Haut comité chargé réformes institutionnelles, p. 39 et l’article 170 al. 5 de l’Avant-projet de Constitution annexé au Rapport final du Comité technique. 77

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Pour l’accomplissement de ces missions, le législateur lui assure une indépendance vis-à-vis du Gouvernement et de l’Assemblée Nationale, de même qu’une autonomie par rapport à toutes autres juridictions. A ce titre, elle décide seule de la publication de ses avis, décisions et rapports. Aussi, dans l’exercice de ses missions, il est permis à la Cour des Comptes, au besoin, de solliciter l’assistance de la Cour des Comptes de la CEMAC. En plus de ces missions qualifiées d’essentielles par le législateur, celuici donne, en vertu de l’article 32 de ladite loi organique 017/PR/2014, à la Cour des Compte la charge du contrôle des finances publiques. Elle assure à ce titre le contrôle juridictionnel des opérations budgétaires et comptables des administrations publiques. Ainsi : - elle juge les comptes des comptables publics ; - elle déclare et apure les gestions de fait ; - elle vérifie la régularité des recettes et des dépenses publiques ; - elle sanctionne les gestions de fait et les fautes de gestion ; - elle assure le contrôle de l’exécution des lois des finances et en informe l’Assemblée Nationale et le Gouvernement ; - elle vérifie la régularité des recettes et des dépenses décrites dans les comptabilités publiques et s’assure, à partir de ces dernières, du bon emploi des crédits, des fonds et des valeurs gérés par les services de l’Etat ou par les autres personnes de droit public ; - elle assure la vérification des Comptes et de la gestion des établissements publics de l’Etat à caractère industriel et commercial, des entreprises nationales, des sociétés d’économie mixte ou des sociétés anonymes dans lesquelles l’Etat possède la majorité du capital social ; - elle s’assure de l’effectivité du recouvrement des ressources publiques ; - elle assure la vérification des services publics concédés, investis d’une mission de service public ou d’intérêt général ; - elle vérifie les comptes et la gestion des autres établissements, organismes publics, quel que soit leur statut juridique, qui exercent une activité industrielle ou commerciale ; - elle vérifie les comptes de gestion des filiales, des organismes visés aux deux (2) alinéas précédents lorsque ces organismes détiennent dans lesdites filiales séparément, ensemble ou conjointement avec l’Etat, plus de la moitié du capital ou des voix dans les organes délibérants ; - elle contrôle tout organisme qui bénéficie d’un concours financier de l’Etat ou d’une autre personne morale de droit public ainsi que de tout organisme bénéficiaire d’un concours financier des entreprises publiques et de leurs filiales ; - elle s’assure en outre que les Administrations centrales, les services déconcentrés de l’Etat, les sociétés nationales, les

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établissements publics et les collectivités locales sont en règle avec les contributions et cotisations dont ils sont redevables envers les organismes ; - elle contrôle les comptes d’emploi des ressources collectées auprès du public, dans le cadre des campagnes menées à l’échelon national par tout organisme public ou privé faisant appel à la générosité publique ; - elle contrôle tout organisme crée par l’Etat pour résoudre un problème d’intérêt général, quelle que soit l’origine des fonds mis à la disposition de cet organisme ; et - elle sanctionne les fautes de gestion commises envers l’Etat, les collectivités locales et les organismes soumis à son contrôle. En outre, si dans l’accomplissement de ses missions de contrôle, des irrégularités graves sont constatées, la Cour des Comptes est habilitée à prendre des mesures conservatoires. Ces mesures sont entre autres : - la proposition de suspension de fonction ; - le blocage des comptes bancaires ; - l’interdiction de sortie du territoire national et obligation de se tenir à la disposition de la Cour des Comptes jusqu’à la clôture du dossier ; - l’interdiction d’accomplir certains actes de gestion ; et - la proposition de nomination d’un conseil de gestion provisoire. De même, la Cour des Comptes est compétente pour examiner pour avis, les projets de lois, d’ordonnances et de décrets portant sur l’organisation et le fonctionnement des services financiers de l’Etat, des Collectivités et organismes publics. Elle peut procéder à des enquêtes et formuler des avis à la demande du Chef de l’Etat, du Gouvernement, de l’Assemblée Nationale ou toute autre personne morale de droit public sur toutes questions d’ordre financier et comptable relevant de sa compétence. Elle peut en outre suggérer toutes orientations politiques de l’Etat en matière d’investissement. Les comptes d’emploi de crédits alloués aux pouvoirs publics constitutionnels dotés d’un comptable public ou d’un agent tenant lieu de comptable sont transmis après clôture de chaque exercice au Président de la Cour des Comptes en vue de la vérification dans le respect de l’autonomie financière de la Présidence de la République et de l’Assemblée Nationale. Toutes ces compétences sont exercées de plein droit par la Cour des Comptes. Selon l’article 3 de la loi organique n°017/PR/2014 sus citée, la compétence de la Cour des Comptes s’étend sur l’ensemble du territoire national et que des Chambres régionales des comptes peuvent être créées en tant que de besoin. S’agissant de son organisation, la Cour des Comptes est composée du Siège, du Parquet Général, du Secrétariat Général, du Greffe et des Chambres Régionales. Il compte trente-un (31) membres dont un (1)

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Président et trente (30) Conseillers, auxquels s’ajoutent quinze (15) Conseillers référendaires, des Auditeurs et des Assistants. La Cour des Comptes du Tchad est structurée autour de deux (2) formations (dont l’audience plénière solennelle et les Chambres réunies) et de cinq (5) Chambres, notamment la Chambre de discipline budgétaire, la Chambre des affaires budgétaires et financières chargée du contrôle des lois de règlement, la Chambre de contrôle et d’audit chargée du contrôle des comptes des services de l’Etat, des collectivités territoriales décentralisées et des entreprises publiques, la Chambre juridictionnelle pour le jugement des comptes publics et enfin la Chambre consultative chargée de conseiller le Gouvernement et l’Assemblée Nationale. En outre, dans chaque Chambre peuvent être créées des Sections par ordonnance du Président de la Cour. La Cour des Comptes dispose également d’un Ministère public, le Parquet Général, composé du Procureur Général et de trois (3) Avocats Généraux nommés par décret du Président de la République, sur proposition du Ministre de la Justice, garde des sceaux. Pour assurer ces attributions, il est défini des mécanismes de saisine. A cet effet, en matière juridictionnelle, la Cour ne peut pas se saisir d’office, sauf en cas de production et de jugement des comptes. En matière non juridictionnelle, elle exerce sa mission d’audit et de contrôle selon un programme annuel qu’elle définit ou sur demande particulière du Gouvernement ou de l’Assemblée Nationale. En matière de discipline budgétaire et financière, ont qualité de saisir la Cour des Comptes sur les faits relevés à la charges des fonctionnaires et agents placés sous leur autorité : - le Chef de l’Etat ; - le Président de l’Assemblée Nationale ; - le Premier ministre ; - le Président du Conseil Constitutionnel ; - le Président de la Cour des Comptes ; - le Président de la Cour Suprême ; - le Président du Conseil Economique, Social et Culturel ; - le Président du Haut Conseil de la Communication ; et - les Représentants des Collectivités Territoriales Décentralisées et entités publiques. Elle peut aussi être saisie en vue de contrôle ou pour avis par les organes institutionnels de l’Etat, les organismes de contrôle, les représentants légaux des administrations publiques et privées ainsi que par toute personne morale de droit public. Quant aux Chambres régionales des Comptes, elles sont créées en cas de besoin et leur ressort territorial est défini par décret, sur proposition du Ministre en charge de la justice, après avis du Bureau de la Cour des Comptes. Ceci explique leur nature facultative, variant en fonction des nécessités. Chacune des Chambres régionales des Comptes compte vingt-un

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(21) membres dont un (1) Président et vingt (20) Conseillers choisis par le Président de la République et le Président d l’Assemblée Nationale. Les Chambres régionales des Comptes exercent dans les limites de leur ressort territorial, les attributions dévolues à la Cour des Comptes80. Les règles de fonctionnement et d’organisation des services administratifs et financiers des Chambres régionales des Comptes sont celles prévues par le Règlement intérieur de la Cour des Comptes. Les décisions rendues par les Chambres régionales de la Cour des Comptes sont susceptibles d’appel devant la Cour des Compte à N’Djaména. Et sous peine d’irrecevabilité, l’appel doit être introduit dans les formes et délais prescrits par le Code de procédure civile. Ainsi, si telle est l’importance du juge financier dans le contrôle de l’Administration, le juge judiciaire lui aussi n’est pas resté en marge de ce contrôle. - le juge judiciaire : le juge judiciaire est aussi compétent pour connaitre certains faits ou actes émanant de l’Administration. C’est ce qui fait dire le Professeur KEUTCHA TCHAPNGA (C) qu’une partie importante du contentieux de l’Administration relève du juge judiciaire. Les litiges dans lesquels l’Administration est partie peuvent être tranchés par les juridictions ordinaires, celles qui connaissent des différends entre particuliers81. Ainsi, en tant que garant des libertés et droits fondamentaux et gardien de la propriété privée, il est saisi lorsque l’activité administrative porte atteinte aux libertés publiques. Il est aussi compétent lorsque le fait de l’Administration est constitutif de voie de fait (atteintes aux droits et libertés individuels notamment) ou d’emprise (atteintes au droit de propriété comme l’expropriation par exemple). La compétence du juge judiciaire est par ailleurs étendue à l’activité des SPIC, à la gestion du domaine privé des personnes publiques, aux contrats privés de l’Administration etc. Et même pour ce qui concerne les contrats administratifs, les marchés publics en l’occurrence, la compétence du juge judiciaire n’est pas écartée82. En outre, il est aussi à relever que les réformes institutionnelles ont également introduit dans leur sillage, la création d’une juridiction spéciale, chargée de punir les agents publics reconnus coupables de malversations financières ainsi que leurs complices. Les raisons étaient que certaines infractions économiques et financières, du fait de leurs spécificités et de leur ampleur, ne sont pas suffisamment prises en compte par les tribunaux de droit commun. Il s’agit en l’occurrence de créer une Cour de Répression des 80 Article 28 loi organique n°017/PR/2014portant organisation, attributions, fonctionnement et règles de procédure devant la Cour des Comptes. 81 KEUTCHA TCHAPNGA (C), Précis de contentieux administratif au Cameroun, Aspects de l’évolution récente, op. cit, pp. 20-21. 82 Voir à ce sujet la jurisprudence tchadienne : TGI de N’Djaména, REP N°125/AL/2015 DU 27/04/2015, Affaire Les Sociétés Groupe KMTD et OMNUIM c/ Ministère de transport et de l’aviation civile et TPI de Sarh, REP N°127/2012 DU 02/05/2012, Affaire ALI MIRESSIL et BABIKIR OUSMAN c/ Etat tchadien.

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Infractions Economiques et Financières (CRIEF)83, compétente pour connaitre les infractions de corruption, de détournement des deniers publics, de blanchiment d’argent, d’enrichissement illicite ainsi que les infractions connexes ou assimilées. D’après le Rapport final du Comité technique interministériel d’appui au Haut comité chargé des réformes institutionnelles, « sont assujettis à la CRIEF, les titulaires de mandats publics, électifs ou d’une fonction gouvernementale, tout magistrat, agent civil ou militaire de l’Etat ou d’une collectivité publique, toute personne revêtue d’un mandat public, tout dépositaire de pouvoir public, tout officier public ou ministériel, tout dirigeant ou agent d’établissements publics ou des sociétés nationales, ou des sociétés d’économie mixte soumises de plein droit au contrôle de l’Etat, ou des personnes morales de droit privé bénéficiant du concours financier de l’Etat, des ordres professionnels, des organismes privés chargés de l’exécution d’un service public, et des associations ou fondations reconnues d’utilité publique »84. Ainsi, si telle peut être étudiée la notion de l’Administration, il serait aussi indispensable d’étudier la notion de service public qui lui est très connexe. SECTION 2 : la notion de Service public Née d’une ancienne jurisprudence française (TC, 8 février 1873, ‘‘Blanco’’, concl. David – « …l’arrêt Blanco fut…considéré par la doctrine comme l’acte de naissance de la théorie du service public »85–, la notion de service public a considérablement évolué dans le temps. Ce qui n’est pas sans conséquences sur sa définition. Le service public de par sa définition regorge des éléments qui tantôt le renvoient à une activité, tantôt à une structure ou une institution caractérisée par un certain nombre de principes qu’il se doit d’obéir. Paragraphe 1 : les éléments de définition du service public Notion aux contours souvent indéterminés, variant d’une activité à une autre et subissant les conséquences de l’évolution socioéconomique, la définition du service public n’a pas fait l’unanimité. La notion de service public issue du droit français86 comme relevé ci-dessus, souffre d’un manque de définition standard. Ni le législateur ni le gouvernement n’en donnent une définition appropriée, voire pas du tout, lorsqu’ils les instituent. C’est d’ailleurs le constat fait par les Professeurs Jean-François LACHUME, Claudie BOITEAU, Hélène PAULIAT pour lesquels, « dans le domaine du service public, comme d’ailleurs dans bien d’autres du droit administratif, ni 83

Lire la synthèse des travaux du forum national inclusif, p.6. Lire le Rapport final du Comité technique d’appui au Haut comité chargé des réformes institutionnelles, p.57 et la Proposition de décision n°23. 85 DEBBASCH (Ch.), Contentieux administratif, Paris, Précis Dalloz, 2ème édition 1978, p.37. 86 Certains auteurs diront même que la notion de service public est plus politique et idéologique que juridique ; VAN LANG (A), GONDOUIN (G), INSERGUET- BRISSET (V), Dictionnaire de droit administratif, op. cit, p.439. 84

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le législateur, ni le titulaire du pouvoir réglementaire, se sont vraiment préoccupés de définir la notion de service public. On rencontre ici une attitude classique d’abstention des pouvoirs publics en matière de définition des notions de base du droit administratif, mais qui se comprend aisément si l’on songe que cette notion, qui est perçue comme l’un des principaux fondements de notre droit administratif et de notre droit public (…), est difficile à enfermer dans une définition qui rende compte de ses différents aspects »87. Cette difficulté définitionnelle relevée par les auteurs ci-haut cités fait dire certains auteurs comme LINOTTE et ROMI que la définition du service public est introuvable88, alors que pour d’autres comme le Professeur TRUCHET, cette définition impossible et que le service publique ne constituant en définitive qu’un label accordé à une activité où se trouvent les éléments suivants : intérêt général, intervention directe ou indirecte d’une personne publique, régime pour partie exorbitant du droit privé89. C’est en effet la jurisprudence qui se contenta de déterminer quelques éléments caractéristiques d’identification d’un tel service. Néanmoins, la doctrine a fourni d’efforts considérables pour tenter de lui donner une définition. Cependant, là aussi le défaut d’unanimité est patent. Pour les doctrinaires du début du 20èmesiècle, notamment l’Ecole de Bordeaux ou l’Ecole de Service Public (avec à sa tête le doyen Léon DUGUIT), le service public est le critère d’application du droit administratif et de répartition des compétences entre juge administratif et juge judiciaire. Le doyen Léon DUGUIT attache à cette notion une importance particulière au point d’affirmer que, l’Etat lui-même n’est qu’« une coopération de services publics organisés et contrôlés par des gouvernants » et que le service public constitue « le fondement et la limite du pouvoir gouvernemental »90. Pour cette doctrine, la notion de service public désigne une activité d’intérêt général, gérée par une personne publique et soumise au droit administratif et à la compétence du juge administratif. Cependant, cette notion va subir des évolutions avec la jurisprudence contemporaine qui définit les nouvelles approches du service public, remettant en cause sur certains aspects la théorie de l’Ecole de Bordeaux, reposant sur le monopole du droit public. C’est l’arrêt Narcy du Conseil d’Etat français91 qui détermine trois (3) caractéristiques faisant d’une activité un service public : 87

LACHUME (J-F), BOITEAU (C), PAULIAT (H), Droit des services publics, Paris, Armand Colin, 3ème édition, 2004, p.5. 88 LINOTTE et ROMI, Services publics et droit public économique, Litec, 2004 cité par LACHUME (J-F), BOITEAU (C), PAULIAT (H), Droit des services publics, op. cit, p.9. 89 TRUCHET (D), « Nouvelles récentes d’un illustre vieillard. Label de service public et statut de service public » AJDA 1982, 427, cité par LACHUME (J-F), BOITEAU (C), PAULIAT (H), Droit des services publics, op. cit, p.9. 90 DUGUIT (L), Traité de droit constitutionnel, 3ème édition, 1928, t. II, p 59 et p 62. 91 CE Section, 28 juin 1963.

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que l’activité en cause soit assurée en vue de la satisfaction d’un intérêt général ; que l’organisme en cause soit contrôlé par une personne publique, ce qui montre que l’adéquation service public – personne publique, si elle a été fortement atténuée, n’a pas totalement disparue ; que, pour l’accomplissement de sa mission, l’organisme en cause soit doté des prérogatives de puissance publique : par exemple, monopole, pouvoir d’édicter des actes administratifs unilatéraux, etc.92 Sur ce troisième critère, il convient de relever que de nos jours, de plus en plus, les SPIC93 sont gérés à la même manière des entreprises privées subissant les lois du marché. Au demeurant, le service public désigne usuellement aussi bien une activité destinée à satisfaire un besoin d’intérêt général que l’organisme chargé de la gestion d’une telle activité. On dira également de l’enseignement et d’une université que ce sont des services publics. La définition de l’Association Henri-Capitant donne une vision précise du service public. Pour cette dernière, le service public est l’un des concepts fondamentaux du droit administratif dont il contribue à justifier la spécificité et à déterminer le champ d’application. Cette notion résulte de la combinaison de deux éléments qui se trouvent à l’origine des acceptions usuelles de l’expression (voir supra), et son contenu a évolué en fonction de la place respective faite dans cette combinaison à chacun d’entre eux. A la prédominance de l’élément organique – gestion par une personne publique – qui ne correspondait plus à l’existence de nombreux services publics gérés par des personnes privées, a succédé la prédominance de l’élément matériel – caractère d’intérêt général de l’activité poursuivie – qui, s’il avait toujours fait partie de la notion, en est devenu la composante déterminante. C’est à ce caractère d’intérêt général de l’activité, déterminé non pas à partir de la nature objective de celle-ci mais en fonction de la reconnaissance que lui ont accordée les autorités publiques que se rattachent plusieurs principes de fonctionnement communs à tous les services publics. Ce sont les principes de continuité, d’adaptabilité, de neutralité et d’égalité. En revanche, la soumission à un régime exorbitant du droit commun incorporé à la notion comme sa conséquence inhérente a pu en être exclue. La notion de service public n’impliquant plus inévitablement cette soumission mais s’accommodant désormais d’une diversité de régimes dans lesquels, si le droit public n’est jamais tout à fait absent, le droit privé peut tenir la place 92

CARBAJO (J), Droit des services publics, Paris, MEMENOS DALLOZ, 1990, p.7 et p. 14. A ce niveau déjà il faut retenir que les SPA se distinguent des SPIC par leur objet, l’origine de leurs ressources et leurs modalités d’organisation et de fonctionnement (CE, ass. 16 nov. 1956, Union Synd. des industries aéronautiques, Rec. 434). 93

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principale. Dès lors, la relation que l’on avait pu établir entre service public, champ d’application du droit administratif et compétence du juge administratif est devenue relative à proportion de la relativité d’une notion qui, de ce fait, ne peut plus constituer qu’un critère principal mais non exclusif94. Ale service public est une activité Le service public est une activité d’intérêt général créée et gérée par une personne publique ou sous son contrôle. Une activité d’intérêt général La satisfaction de l’intérêt général est le critère majeur d’identification du service public. L’intérêt général, notion aussi vaste que complexe, exprime la satisfaction des besoins de l’ensemble de la population (distribution d’eau potable, enlèvement des ordures ménagères, mesures de police tendant à maintenir le bon ordre…) ou des besoins d’une partie de la population (mesure en faveur d’une catégorie de la population : la bourse octroyée aux étudiants par exemple). L’intérêt général caractérisant et justifiant l’érection des services publics est la satisfaction des besoins collectifs de l’ensemble de la population car, le service public ne peut être crée au nom de tel ou tel individu. Toutefois, même s’il est fondamentalement crée en vue de la satisfaction des intérêts de la population, le service public satisfait en même temps l’intérêt des personnes publiques car, comme l’on souligné les Professeur LACHUME, BOITEAU et PAULIAT, « l’intérêt général dans le service public n’est donc pas politiquement innocent, les services publics sont utilisés par les personnes publiques et, au premier chef, par l’Etat, pour réaliser leurs missions »95. Néanmoins, malgré que la puissance publique y trouve son compte, l’intérêt général dans le service public est fondamentalement celui des populations car, « l’intérêt général, but du service public, recherché dans les besoins collectifs de la population doit être mis en évidence car c’est lui que souligne la sagesse populaire quand elle estime que la raison d’être des services publics est de rendre des services au public. L’aspect majeur de l’intérêt général dans les services publics doit donc être recherché dans l’importance, dans l’utilité – reconnue par la puissance publique – que présente une activité de prestation donnée pour la satisfaction des besoins de la population. Dans cette perspective, l’intérêt général reçoit satisfaction lorsque l’eau coule au robinet, l’électricité arrive au compteur, le courrier est distribué, le train ou l’autobus part et arrive à l’heure, les ordures ménagères sont enlevées et traitées, etc. »96. Pour certains auteurs à l’instar de CHEVALLIER, l’intérêt 94

Lire CORNU (G) (Dir), Vocabulaire juridique, op.cit, pp.807-808. LACHUME (J-F), BOITEAU (C), PAULIAT (H), Droit des services publics op. cit, pp. 19 - 36. 96 Sur le service public comme activité d’intérêt général, lire LACHUME (J-F), BOITEAU (C), PAULIAT (H), Droit des services publics op. cit, pp. 19 - 36. 95

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général revêt une importance particulière au point d’être « un système de légitimation » de l’appareil d’Etat et de la puissance publique en générale97. Une activité créée et gérée par une personne publique ou sous son contrôle Le deuxième critère est la présence d’une personne publique dans l’activité. Cette présence peut s’avérer directe ; c’est le cas de la régie où l’Administration gère elle-même par l’entremise de ses agents le service public. Mais avec les évolutions qu’a connues le droit public, l’Administration peut confier la gestion, l’exécution ou l’exploitation du service public à des particuliers, personnes morales ou physiques qu’elle contrôle. On parle alors de la délégation de service public. Le rendez-vous de la théorie du « mandat » se situe à ce niveau98. Toutefois, comme le constatent les Professeurs LACHUME, BOITEAU, PAULIAT, « quoi qu’il en soit, et si l’on met à part les quelques rares hypothèses précitées, lorsqu’une personne publique prend en charge une activité c’est en considérant qu’elle correspond à la satisfaction d’un intérêt général caractérisé justifiant qu’elle soit érigée en véritable service public »99. La soumission du service public à un régime juridique particulier, celui de droit public, a été à une certaine époque le troisième critère d’identification du service public. Ce critère exige que pour l’accomplissement de cette mission, l’Administration, l’organisme ou la personne mandatée, soit doté des pouvoirs ou prérogatives de puissance publique. Il s’agit là des privilèges ou de pouvoirs dont seules les personnes publiques disposent en vertu d’assumer l’objectif d’intérêt général qu’elles poursuivent. Le pouvoir d’expropriation pour cause d’utilité publique ou le pouvoir de décision unilatérale par exemple sont l’archétype du pouvoir ou prérogative exorbitante de droit commun (ce terme équivaut à pouvoirs ou prérogatives de puissance publique). Ce critère entraine comme conséquence la compétence du juge administratif en cas de litige. Cette condition prônée par les classiques (Duguit (L), Jèze (G), Bonnard (R), etc.) n’est pas totalement obsolète en dépit du fait que notre droit positif permet aux personnes publiques de gérer certains services publics à la manière des particuliers, comme le cas de la gestion du domaine privé, de la gestion des services publics à caractère industriel et commercial ou de la délégation de service public. Pour ces services, la compétence contentieuse en matière de gestion est reconnue au juge judiciaire. En définitive, la soumission du service public au régime de droit public et à la compétence du juge administratif n’est plus un critère déterminant mais relatif, dépendant du mode d’exploitation du service concerné. 97

CHEVALLIER (J), La science administrative, Paris, PUF, 1988, p. 542. Voir les modes de gestion de services publics infra, IIème partie, chapitre 5. 99 LACHAUME (J-F), BOITEAU (C), PAULIAT (H), Droit des services publics op. cit, p.28. 98

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Le service public est donc une activité mais il est aussi appréhendé comme une institution, une organisation, une structure. Ble service public est une institution Le service public que nous venons d’étudier comme activité peut aussi être assimilé à une structure, une institution, un organe ou un organisme renfermant un ensemble de moyens humains, matériels voire financiers. Le service public en tant que structure assure le fonctionnement du service public en tant qu’activité. Lorsqu’il est appréhendé sous la forme d’une structure, d’une organisation bénéficiant d’une autonomie administrative et financière, le service public prend l’appellation d’ « Etablissement public ». Celui-ci peut être purement administratif ou industriel et commercial selon la nature de l’activité qu’il mène. Mais les démembrements de l’Administration centrale sont aussi des services publics (administratifs). Ainsi, si le service public en tant qu’activité renvoie à une définition au sens fonctionnel ou matériel, le service public en tant que structure ou organisation renvoie quant à lui à une définition au sens organique. Des exemples légions peuvent illustrer cette approche bidimensionnelle : - si l’enseignement supérieur public qui consiste à dispenser les cours dans une université est un service public en tant qu’activité, l’université qui est une structure, un Etablissement public au sein duquel on rencontre le personnel (enseignants, personnels administratif et technique, etc.), les bâtiments et autres meubles est un service public en tant qu’institution ; - de même, si l’octroi des bourses d’études aux étudiants est un service public en tant qu’activité d’intérêt général, le Centre National des Œuvres Universitaires (CNOU), qui comprend personnels, bâtiments et meubles est aussi un service public en tant que structure de l’administration publique ; - aussi, si les soins administrés aux patients à l’Hôpital Général de Référence Nationale de N’Djaména sont une activité de service public, l’Hôpital Général de Référence Nationale de N’Djaména est quant à lui un service public en tant que structure ou Etablissement public composé du personnel (médecins, infirmiers, personnels d’appui, etc.), des bâtiments (salles de soins, laboratoires, bloc opératoire, etc.) et autres biens meubles. Ainsi, c’est dans cette optique que l’on épouse l’approche selon laquelle, « dans son sens large, le service public exprime l’ensemble des entreprises gérées par l’administration (d’Etat ou locale) pour satisfaire les besoins collectifs du public »100. Le service public, pour le définir, nécessite donc un regard sur ces deux aspects notamment l’aspect matériel (activité d’intérêt général) et l’aspect organique (structure ou Etablissement public chargé de cette activité).

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TROTABAS (L) et ISOART (P), Droit public, Paris, LGDJ, MANUEL, 21ème édition, 1988, p. 307.

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Paragraphe 2 : les grands principes du service public Les services publics sont assujettis à certains principes fondamentaux, qualifiés de lois du service public par le Professeur Philipe FOILLARD ou de lois de Rolland (du nom du professeur Rolland)101. Il s’agit des principes qui donnent au service public son originalité par rapport aux services relevant des personnes privées. Ces principes sont entre autres le principe de continuité, le principe d’égalité, le principe d’adaptabilité et le principe de neutralité. Ale principe de continuité La continuité ou la permanence est une caractéristique fondamentale de fonctionnement du service public. Le législateur tchadien, s’agissant du service public de la justice, prévoit que « la permanence et la continuité du service de la justice demeurent toujours assurées »102. De même, dans les attributions des membres du Gouvernement, le ministre Secrétaire Général du Gouvernement se voit confier la responsabilité de veiller à la continuité de l’administration (donc du service public). En effet, le principe de continuité voudrait dire que le service public ne doit pas être interrompu ou suspendu. Les besoins des administrés à satisfaire étant fréquents et croissants, l’administration ou la personne privée investie du service public doit veiller à ce que son activité soit permanente, quotidienne, sauf en cas de circonstances exceptionnelles légalement constatées. Cependant, il a été donné de constater que l’exercice du droit de grève des agents publics remet en cause ce principe. Pour pallier cette situation, il a été reconnu l’exercice d’un « service minimum » en temps de grève. C’est à cet effet que le chapitre V de la loi n°32/PR/2016 du 30 décembre 2016, portant modification de la loi n°008/PR/2007 du 09 mai 2007 portant réglementation de l’exercice du droit de la grève dans les services publics au Tchad, intitulé « du service minimum obligatoire », prévoit que « sont considérés comme essentiels, les services publics suivants : - les services qui concourent à la circulation aérienne ; - les services de gestion des survols officiels du Ministère en charge des affaires étrangères ; - les services hospitaliers ; - les services d’eau et d’électricité ; - les services des pompiers ; - les services des télécommunications ; - les services des télévisions et de radio diffusion ; et

101

FOILLARD (P), Droit administratif, Paris, Paradigme, Publications Universitaires, CPU, 2003/2004, Manuel, 8ème édition, p.250. 102 Article 3 de la loi n°011/PR/2013 portant Code de l’organisation judiciaire en République du Tchad.

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- les services des régies financières »103. Autrement dit, dans tous ces services publics cités ci-haut, un minimum de service doit être assuré par les agents quelle qu’en soit la situation de la grève ; ceci en raison de leur nécessité impérieuse ou de la catastrophe que causerait la cessation totale d’activités. Toujours dans le même souci de continuité du service public (mais aussi pour le maintien de l’ordre public), certaines catégories d’agents publics ne bénéficient pas de ce droit constitutionnellement reconnu. Il s’agit notamment des policiers, des militaires, de certains hauts cadres de l’administration et chefs de services etc. Le Conseil Constitutionnel français a érigé le principe de continuité en un principe à valeur constitutionnelle par une décision du 25 juillet 1979 ; position réaffirmée par celle du Conseil d’Etat du 27 janvier 1994. La haute juridiction administrative française emboitant la décision du Conseil Constitutionnel l’a qualifié « principe fondamental » dans son arrêt 13 juin 1980104. Cependant, pour lever l’équivoque, il ne faut pas avoir à l’esprit que le service public doit être ouvrable ou fonctionnel 24H/24H et 7jours/7jours (à l’exception de quelques services relevant de la santé, de la défense et de sécurité notamment). Raison pour laquelle lorsque les agents du service public vont en pause ou que les heures de service sont fixées de 8h à 15h, certains jours sont non ouvrables ou déclarés fériés, ceci ne constitue pas pour autant une violation du principe de continuité. Bien au contraire, ces aménagements permettent le bon fonctionnement du service en allégeant la tâche des agents. Mais lorsque les agents abusent par exemple des heures de pause, ou du retard, ceci est constitutif d’une faute impactant sur le bon fonctionnement du service public. Cette situation criarde dans l’administration tchadienne est à corriger. Ble principe d’adaptabilité ou de mutabilité L’adaptabilité, la mutabilité ou l’adaptabilité aux mutations constantes constitue un des principes cardinaux du service public. Ce principe signifie que le service public n’est ni inerte, ni immuable, mais peut quand même être stable. L’Administration peut donc, si l’intérêt général ou l’intérêt du service l’exige, décider de changer les conditions de fonctionnement du service pour l’adapter ou le conformer aux besoins du public et aux évolutions technologiques. Raison pour laquelle on lui reconnait la possibilité d’apporter des modifications dans la gestion ou le fonctionnement du service public, de le supprimer ou de créer des structures nouvelles se rattachant au service. Ceci donne à admettre que les usagers ou agents de l’Administration n’ont pas un droit acquis au maintien du service public. Cependant, lorsque ces suppressions ou ces modifications sont purement fantaisistes ou dépourvues de justifications objectives, les usagers ou les 103 104

Article 19 de la loi n°32/PR/2016 du 30 décembre 2016 ci-haut citée. CE 13 juin 1980, Bonjean.

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agents peuvent s’en plaindre et attaquer les actes devant le juge pour annulation. S’agissant des contrats, lorsqu’ils sont en cours d’exécution, l’Administration peut toujours modifier le service par les théories du fait de prince et de l’imprévision, sauf à pouvoir indemniser le cocontractant. Excepté le cas de la concession de service public où l’Administration ne saurait exiger à son cocontractant un nouveau mode de gestion du service public ou de créer un autre. Cle principe d’égalité C’est un principe prôné par la DUDH. Selon l’article 2 de cet instrument juridique, tous les individus ont, sans distinction aucune, de race ou de naissance, de religion, de classe sociale ou de fortune, ni, de sexe, la même vocation juridique au régime, charges et droits que la loi établit. Les exemples sont légion : égalité devant la loi civile, pénale, administrative comportant notamment l’égalité devant les charges publiques (impôt, service national..), l’égalité des justiciables et des usagers devant la justice et les autres services publics, l’égale admissibilité aux fonctions publiques, égalité dans le suffrage ‘‘universel’’ (on parle d’égalité juridique, abstraite,)105. Il s’oppose à l’inégalité, à la discrimination. Pris dans le cadre du service public, ce principe stipule que toutes personnes bénéficient du même traitement devant un service public, à moins que ces personnes ne soient pas dans une situation identique. Le Conseil Constitutionnel français lui reconnait un principe à valeur constitutionnelle alors que le Conseil d’Etat en fait un Principe Général de Droit. Ce principe s’applique tant aux agents du service public qu’aux usagers. Pour les premiers c’est-à- dire les agents publics, il leur est reconnu l’égalité d’accès à un emploi, l’égalité dans l’avancement et de traitement etc. à la seule condition qu’ils soient dans une situation identique. Pour les usagers, ils ont droit sans discrimination ni faveur aux avantages que procure le service public et supportent les mêmes charges. Néanmoins, l’Administration peut établir des discriminations (positives), à condition de pouvoir les justifier, lorsque les personnes sont dans des situations différentes ou pour une raison d’intérêt général. Il en est ainsi des cas sociaux notamment, les couches vulnérables dont les personnes âgées, les handicapés ou chômeurs. Il est admis des discriminations en faveur de ces personnes. Dans l’état actuel des choses, on admet beaucoup de discriminations en faveur des femmes. Dle principe de neutralité Le terme est lui-même dérivé du latin « neutralis », « neuter » qui signifie ni l’un, ni l’autre, qualité de ce qui est neutre. La neutralité est elle aussi reconnue comme principe du service public. Elle découle du principe

105

CORNU (G) (Dir.), Vocabulaire juridique, op. cit, p. 324.

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d’égalité devant le service public dont il en est le « corollaire »106. Mais à la différence du principe d’égalité, le principe de neutralité à une dimension réduite. Il concerne en l’occurrence les considérations politiques et religieuses. Ceci vaudrait dire que devant un service public, on ne saurait concéder ou refuser un avantage quelconque, ni accorder un traitement de faveur ou négatif à un usager ou un agent en raison de ses convictions politiques ou religieuses. Dans la fonction publique par exemple (même s’il faut déplorer les cas existants), un fonctionnaire ne doit ni se faire refuser, ni accéder à un poste du fait de son appartenance à une formation politique ou à une confession religieuse. Le principe de neutralité trouve aussi sa vigueur dans l’enseignement public en raison de la laïcité de l’Etat strictement transposé dans ce service. Dans l’enseignement privé, il peut être admis à une certaine limite. Les élèves et étudiants de l’enseignement public doivent s’y conformer. A la suite de ces principes, les notions comme la gratuité du service public sont invoquées par certains auteurs. Néanmoins, ni la loi ni aucune instance juridictionnelle ne fait de la gratuité un principe du service public et ceci pour quelques raisons : d’abord tous les services publics ne sont pas gratuits, le cas des SPIC en est une illustration du fait de leurs activités onéreuses. Et même pour les SPA, ils ne sont pas tous gratuits : les services de santé publique, de l’enseignement public107 et de formation et certains services sociaux par exemple sont payants (même si le coût est moins élevé), à moins qu’un texte les déclare exceptionnellement gratuits. C’est ainsi que le Professeur René CHAPUS dira que « d’une façon générale, la gratuité n’est certainement pas au nombre des lois du service public »108. En revanche, la responsabilité doit également figurer parmi les principes du service public car, dès lors que le service public porte préjudice, il est astreint d’en répondre devant le juge, qu’il soit administratif ou judiciaire selon la nature de l’activité. En effet, la responsabilité est ici l’obligation de répondre d’un dommage devant la justice et d’en assumer les conséquences civiles, pénales, disciplinaires etc. soit envers la victime, soit envers ses ayants droits, soit envers la société. Elle traduit l’imputabilité, le fait de répondre de ses actes. C’est ainsi que l’Administration ou toute personne chargée d’un service public est tenue de répondre civilement ou contractuellement du fait des services publics qu’elle gère. Elle peut répondre civilement lorsque sa responsabilité délictuelle ou contractuelle est 106

V. en ce sens la décision du Conseil Constitutionnel français du 18 septembre 1986, Service public de l’Audiovisuel. 107 S’agissant de l’enseignement public, le constituant tchadien de 2018 à prescrit solennellement sa gratuité (article 38 de la Constitution du 04 mai 2018). Néanmoins, dans les faits, des frais sont toujours versés à titre d’inscription et de certains examens scolaires. 108 CHAPUS (R), Droit administratif général, t. 1, n°793, cité par LOMBARD (M), NICINSKI (S) et GLASER (E), « Actualité du droit de la concurrence et de la régulation », AJDA, n°12/2013 du 1er avril 2013, p. 677.

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engagée du fait des dommages causés aux usagers, agents ou tiers qu’elle est tenue réparer en nature ou en équivalent(en versant une indemnité). Elle est contractuellement responsable lorsqu’elle ne remplit pas, en tout, partie ou à temps utile une des obligations que le contrat mettait à sa charge. Elle est emmenée dans ce cas à réparer en nature ou en argent le dommage causé à l’autre partie en raison de l’inexécution totale ou partielle, de l’exécution tardive ou mauvaise de son engagement. Ainsi, étant entendu que de plus en plus l’Administration est mise en cause devant le juge du fait de ses services, la responsabilité est en droit d’être érigée en principe de service public car elle ne souffre d’aucune absence de critère. A côté de ces grands principes, il faut ajouter le principe de spécialité et le contrôle de tutelle qui sous-tendent le service public, notamment lorsqu’il est exploité sous la forme d’un Etablissement public autonome. SECTION 3 : l’Administration publique et le Service public Le présent ouvrage n’a pas pour dessein de faire une étude comparative entre l’Administration publique et le Service public. Il a pour vocation d’étudier les différentes structures administratives, centrales et locales, qui créent et gèrent les services publics. Mais il sied de remarquer qu’il est mis en exergue ici deux concepts fondamentaux du droit administratif aux contours glissants, surtout lorsqu’on aborde la notion de service public (v. supra). Dans le souci de dissiper toute ambigüité, un distinguo, sinon une nuance mérite d’être faite entre Administration publique et Service public. A cet effet, l’on se réfère aux conclusions du Commissaire du gouvernement français Jean ROMIEU selon lesquelles «Tout ce qui concerne l’organisation et le fonctionnement des services publics proprement dits, généraux ou locaux (…), constitue une opération administrative qui est, par sa nature, du domaine de la juridiction administrative(…) Toutes les actions entre les personnes publiques et les tiers ou entre ces personnes publiques elles-mêmes, et fondées sur l’exécution, l’inexécution ou la mauvaise exécution d’un service public sont de la compétence administrative(…) Il demeure entendu qu’il faut réserver, pour les départements et les communes comme pour l’Etat, les circonstances où l’administration doit être réputée agir dans les mêmes conditions qu’un simple particulier et se trouve soumise aux mêmes règles comme aux mêmes juridictions »109. Il ressort de ce raisonnement que le domaine de l’Administration ne porte que sur le service public ; que l’Administration est intrinsèquement liée au service public. Autrement dit, on ne saurait parler de l’Administration publique en l’absence du service public. Il y a donc une dépendance de l’Administration vis-à-vis du service public. Pas de service public, pas d’Administration publique. Et vice versa, le service public est une activité administrative, donc une activité des personnes publiques visant l’intérêt général. Le lien est aussi fort qu’à 109

ROMIEU (J), Conclusions sous TC, 6 février 1903, Terrier.

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peine d’amalgames, on renvoi systématiquement Administration publique à Service public et vice versa. Il faut donc, pour lever l’équivoque car l’état actuel de la diversité des services publics le justifie, adjoindre à cette analyse l’idée selon laquelle le service public renvoi à l’activité administrative que lorsque cette dernière est exercée dans les conditions de droit public. Il s’agit surtout des services publics administratifs. Mais dès lors que l’Administration souhaite exécuter le service public selon les procédés des particuliers, l’activité n’entre pas dans le giron de l’activité administrative stricto sensu. Autrement dit, lorsque le service public est administratif, il n’existe pas de différence fondamentale avec l’Administration publique. Il lui est assimilable car, Administration publique et service public administratif renvoient à une même définition et sont soumis aux mêmes règles : intérêt général, régime juridique exorbitant du droit commun, compétence contentieuse de principe reconnue au juge administratif. C’est de ce service public administratif que souligne un commissaire du gouvernement français en 1963 en ces termes : « la mission de service public est assurée par l’administration seule, qui l’exerce en prenant des mesures réglementaires ou en passant des contrats »110. De ce fait, il est à reconnaitre que par principe, c’est l’autorité administrative qui gère l’Administration publique et donc le SPA. Et s’il faut se référer à l’article 1er de la loi française du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, qui dispose que « sont considérés comme autorités administratives au sens de la présente loi les administrations de l’Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics à caractère administratifs, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés de la gestion d’un service public administratif », les SPA – au sens organique – sont des véritables autorités administratives alors que les SPIC sont écartées. A cet effet, une nuance est établie entre Administration publique et Service public lorsque le service public est industriel et commercial. Des nuances ressortent dans leurs régimes juridiques et leurs modes de gestion. Le service public ne renvoie donc pas à l’Administration publique lorsqu’il a le caractère industriel et commercial ou lorsqu’il porte sur la gestion du domaine privé d’une personne publique. Alors que l’Administration publique est dans son principe soumise à un régime de droit public et à la compétence du juge administratif, le SPIC est géré à la manière des particuliers donc soumis au droit privé et à la compétence du juge judiciaire. Une autre nuance est établie entre Administration publique et Service public lorsque ce dernier, qu’il soit administratif ou industriel et commercial, est géré par une personne privée, même en dehors de toute délégation. C’est 110

Conclusions de BRAIBANT sous CE 10 mai 1963, Soc. Coopérative La Prospérité fermière, RDP 1963, p. 589.

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la position des Professeurs VAN LANG GONDOUIN et INSERGUETBRISSET, pour lesquels « (…) existent des services publics à gestion privée. Le lien qui unissait service public et personne publique – donc Administration publique – est lui aussi rompu, lorsque l’arrêt Caisse primaire «Aide et protection » admet qu’une personne morale de droit privé peut, indépendamment de la concession, gérer un service public, même administratif (solution annoncée par CE 20 déc. 1935, Ets Vézia, Rec. 1212). Cette possibilité, qui a été reconnue dans les domaines les plus divers (sanitaire et social, agricole, loisir, sport, enseignement…), pose le délicat problème de l’identification de la mission de service public dans les activités des personnes privées (…)»111. Il apparait donc clairement que le service public n’est pas que l’apanage de l’Administration publique, moins encore son synonyme car des personnes privées peuvent se voir confier la gestion du service public. SECTION 4 : la notion de décentralisation La notion de la décentralisation intéresse le présent ouvrage non seulement pour sa définition mais aussi pour comprendre les raisons de son avènement en Afrique noire francophone ainsi que sa mise en place au Tchad à l’ère actuelle. Paragraphe 1 : la définition de la décentralisation La décentralisation est un mode d’aménagement des structures de l’Administration d’un Etat dans lequel la personnalité juridique ayant été reconnue à des communautés d’intérêt ou à des activités de service public, le pouvoir de décision est exercé par des organes propres à ces personnes agissant librement sous un contrôle de légalité. Il se comprend à travers deux acceptions : la décentralisation technique ou par service et la décentralisation administrative territoriale. - La décentralisation technique ou par service est celle qui consiste, dans le cadre d’une collectivité publique territoriale (Etat, Région, Département, Commune etc.), à conférer une certaine autonomie à tel ou tel service public en confiant la gestion à une personne administrative spécialisée. Exemples : Universités, Centres Hospitaliers, Lycées etc. En effet, la décentralisation par service ou fonctionnelle, répond à des raisons d’ordre techniques et financiers. Le facteur politique importe peu. Ses inspirations apparaissent diverses. Elle consiste à conférer la personnalité juridique et l’autonomie de gestion à des groupements d’individus unis par une communauté d’intérêt professionnels ou économique et sociaux (universités, chambres professionnelles) ; des

111

VAN LANG (A), GONDOUIN (G), INSERGUET- BRISSET (V), Dictionnaire de droit administratif, op. cit, p.440.

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services administratifs sont érigés en organes autonomes en raison de leur spécialité ou afin de favoriser leur fonctionnement112. - La décentralisation administrative territoriale est celle qui, fondée sur la notion d’intérêt local, donne naissance à des collectivités publiques distinctes de l’Etat (Région, Département, Commune, Communautés rurales ; actuellement Province et Commune) dont l’existence et la libre administration par des conseils élus prévues par la Constitution, sont garanties par la loi. Dotées de la personnalité juridique, de l’autonomie financière, d’organes délibérants et exécutifs propres et élus, ces collectivités ont en charge, sous le contrôle des tribunaux administratifs et des chambres régionales des comptes, la gestion des biens et des services distincts de ceux de l’Etat113. Cette double facette de la décentralisation (administrative et technique) se résume dans la définition selon laquelle la décentralisation est un « système d’administration consistant à permettre à une collectivité humaine (décentralisation territoriale) ou à un service (décentralisation technique), de s’administrer eux-mêmes, sous le contrôle de tutelle de l’Etat, en les dotant de personnalité juridique, d’autorités propres et de ressources »114. En outre, pour définir la décentralisation, Charles NACH MBACK115 part d’une approche relationnelle entre l’Etat et les collectivités locales. Pour lui, les relations entre l’Etat et les collectivités locales sont une illustration des tensions permanentes entre le principe de l’autorité et le principe de liberté. Au nom de la décentralisation, ces relations postulent la responsabilisation d’entités particulières, au sein de l’Etat, par rapport à des données compétentielles ou territoriales précises, et sous le contrôle de celui-ci. Chaque collectivité locale exerce ses compétences, à travers des autorités désignées par sa population : c’est la décentralisation administrative. Une notion qui, selon Charles ROÏG, correspondrait à trois traits fondamentaux : il y a d’abord l’intérêt traduit dans la notion d’affaires locales. Cette conception est fort ancienne (…). La décentralisation administrative se caractérise ensuite par la reconnaissance d’une personnalité juridique et d’une autonomie financière au profit des collectivités locales. La première légalise une solidarité locale spécifique de la solidarité nationale. La personnalité juridique est le critère de la décentralisation prise comme technique juridique d’administration territoriale de l’Etat. Elle permet, à la collectivité locale de disposer d’un patrimoine propre d’où l’autonomie financière. Celle-ci s’analyse en un droit accordé à la collectivité, d’élaborer et de disposer d’un budget propre traçant, périodiquement, ses opérations de 112

ROUAULT (M-C), L’essentiel de l’organisation administrative, Paris, Gualino éditeur, 2006, p.29. 113 Lire CORNU (G) (Dir), Vocabulaire juridique, op.cit, p.249. 114 GUILLIEN (R) et VINCENT (J), Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 1981. 115 NACH MBACK (Ch.), Démocratie et décentralisation, genèse et dynamique comparées des processus de décentralisation en Afrique subsaharienne op. cit, pp.28 -29.

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finances publiques. A ceci s’ajoute l’élection des administrateurs locaux. Le Doyen Maurice HAURIOU en fait un critère majeur d’identification de tout système de décentralisation, par-delà même la consistance des compétences locales. La désignation des agents doit, soutient- il, être du ressort du corps local116. La décentralisation est intimement liée, ou même si l’on ose croire, est le corollaire même de la démocratie comme le martèle le Doyen Georges VEDEL selon lequel, elle « a une valeur démocratique puisqu’elle ramène à faire gérer le maximum d’affaires par les intéressés eux-mêmes ou par leurs représentants»117. L’on retient donc que la décentralisation est une technique d’administration territoriale au sein de l’Etat, par laquelle celui-ci transfert par voie législative ou même constitutionnelle des compétences aux collectivités locales dotées d’une personnalité juridique et d’une autonomie financière et dirigées par des représentants élus par les populations locales. C’est ainsi que le Docteur NAHOUNNGAR BELEMGOTO BEKOUTOU, affirme que la décentralisation est un autre aménagement de l’Etat unitaire qui repose sur la disparition du lien hiérarchique entre autorités administratives locales décentralisées et autorités centrales118. Ces collectivités autonomes que sont la Région, le Département, la Commune et la Communauté rurale ont chacune des compétences propres reparties selon le « bloc de compétences ». Ainsi, à la région, actuelle province, revient le leadership concernant le développement économique. Pour l’aménagement, on a vu se développer un partenariat entre Etat et collectivités locales, mais il relève surtout des départements s’agissant de l’aménagement rural, des communes s’agissant de l’aménagement urbain119. Quant aux équipements collectifs, la charge revient actuellement pour trois quart aux communes et aux départements120. Mais, il faut noter que ces compétences citées sont transmises selon le principe de « subsidiarité », principe selon lequel l’Etat transfert aux collectivités locales des compétences dont il s’assure que celles-ci soient à mesure d’assumer.

116

ROIG (C) et HAURIOU (M), cités par NACH MBACK (Ch.), Démocratie et décentralisation, genèse et dynamique comparées des processus de décentralisation en Afrique subsaharienne op. cit, pp.28 -29 117 VEDEL (G), Droit administratif, Paris, PUF, 1961, p. 460. 118 NAHOUNNGAR BELEMGOTO BEKOUTOU, « Une déconcentration dynamique pour la mise en œuvre d’une décentralisation harmonieuse », Revue Juridique et Politique des Etats francophones, n°1, Janvier – Mars 2013, p.31. 119 Toutefois, il faut relever qu’avec les réformes institutionnelles de 2018, l’aménagement rural appartient aux communes rurales et l’aménagement urbain aux communes urbaines. 120 Les collectivités territoriales, CAHIER FRANÇAIS n°239 janvier- février 1989, LA DOCUMENTATION FRANCAISE, P. 38.

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Les collectivités territoriales sont gérées par des organes élus. Ces organes élus sont constitués d’organes délibérants – Conseils ruraux, municipaux, départementaux et régionaux dont les membres sont élus au suffrage universel direct par leurs populations respectives – et exécutifs – Maires et leurs adjoints pour les communes, Présidents des conseils régionaux, départementaux et ruraux pour les régions, départements et communautés rurales respectivement, qui sont élus quant à eux au suffrage indirect, c’est-à-dire par les membres des différents conseils – qui gèrent les affaires locales. Paragraphe 2 : un bref historique de la décentralisation en Afrique noire francophone et au Tchad L’internalisation du système de la décentralisation en Afrique noire francophone s’est manifestée dans un mouvement d’ensemble à partir des années 1980. En effet, le 20ème siècle s’est achevé par un engagement de ces Etats d’Afrique noire francophone en faveur des politiques de décentralisation, pilier important des réformes institutionnelles. En tant que telle, la décentralisation prend sa place dans les exigences de restructuration et de modernisation des administrations publiques121. Ce sont en réalité les conjonctures socioéconomiques sévères qu’a connues l’Afrique subsaharienne durant cette période qui ont suscité le recours à ce système d’Administration. En fait, comme le soulève JeanClaude FAURE122, ce sont les crises économiques, sociales et politiques des Etats africains qui amenèrent les agences de coopération et d’aide au développement à axer leurs réflexions sur deux (02) préoccupations majeures. La première se rapporte à l’instauration d’un bon gouvernement. Elle concerne l’Etat, et plus particulièrement son appareil qui doit recentrer son action sur les taches essentielles. Ce qui voudrait dire que certaines tâches devraient être confiées à des entités autres que l’Etat. La seconde préoccupation insiste sur la notion de développement durable. Dans son rapport publié en 1989, la Banque Mondiale estime la pérennisation des actions de développement nécessaire à l’approbation – « l’internalisation » – des technologies importées et une participation active des populations à la conception et à la réalisation des projets. L’OCDE quant à elle utilise le concept de « développement participatif ». Il est question de l’implication étroite des populations locales dans la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques. Il permet de cerner les priorités de ces populations en vue d’une réponse concertée. Il s’agit d’une « nouvelle » démarche dans la lutte contre le sousdéveloppement. La Banque Mondiale privilégie la participation des

121

NACH MBACK (Ch), Démocratie et décentralisation, genèse et dynamique comparées des processus de décentralisation en Afrique subsaharienne op. cit. P.27. 122 Lire FAURE (J-C), Coopération et développement démocratique op cit.

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organisations et des compétences locales pour porter l’aide au développement vers ses ayants-droits123. Le Professeur Célestin KEUTCHA TCHAPNGA124, dans ses notes de cours de Droit de la coopération décentralisée, affirme qu’en Afrique subsaharienne, le pouvoir de l’Etat a longtemps été, en droit et en fait, le pouvoir des institutions centrales. Cette centralisation excessive qui s’accompagnait d’une concentration du pouvoir tant politique qu’économique dans la capitale est, depuis la fin du XXème siècle, en train de céder la place à une nouvelle formule de décentralisation. Laquelle multiplie les lieux de décision et accroît les pouvoirs installés dans la périphérie par rapport à ceux du centre. Ce nouveau mode d’organisation du pouvoir est donc une issue de sortie du cercle infernal du sousdéveloppement dans lequel croupissent les pays du tiers monde. Ainsi, dans la nouvelle conception de la coopération au développement, la décentralisation est une voie de sortie du sous-développement. Cette vision abonde dans le sens des revendications sociopolitiques des mouvements africains. Syndicats, associations de défense des Droits de l’Homme, partis politiques, toutes tendances confondues inscrivent selon des modalités diverses, la décentralisation dans leurs projets de société. Cette convergence de vues vers la fin des années 80, entre la communauté internationale et les mouvements internes tenaille l’Etat africain. Mais ce dernier a tôt fait de proclamer, lui aussi, sa profession de foi décentralisatrice. Une décennie plus tard, la décentralisation n’a ainsi plus d’adversaire sérieux en Afrique125. L’avènement du système de décentralisation en Afrique subsaharienne est donc la résultante d’un mouvement à double sens: du haut, les instances internationales, du moins les organismes et institutions d’aide au développement avec comme figure de proue la BM et le FMI, imposent à l’Etat africain la décentralisation, seule issue de sortie des crises politiques et économiques qu’elle traverse et condition unique d’octroi de l’aide126. Du bas, les forces vives représentées par les syndicats, les associations de la société civile et les partis politiques revendiquent la décentralisation du pouvoir, seul mécanisme de partage du pouvoir sinon d’implication des différentes sensibilités à son exercice. Comme telle, elle participe au

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Voir aussi NACH MBACK (Ch.), Démocratie et décentralisation, genèse et dynamique comparées des processus de décentralisation en Afrique subsaharienne op. cit. p. 27. 124 Lire aussi, KEUTCHA TCHAPNGA (C), « Désétatisation et nouvelles configurations du pouvoir en Afrique subsaharienne », La Revue du CERDIP, vol. 3, n°5, janvier – juin 2007, pp. 35 – 77. 125 Lire Charles NACH MBACK, Démocratie et décentralisation, genèse et dynamique comparées des processus de décentralisation en Afrique subsaharienne op. cit. p.28. 126 La démocratisation en général en est aussi une car, d’après le discours du Président français François MITTERAND du 20 juin 1990 dit « discours de la Baule », la «démocratie comme préalable à l’Aide publique pour le développement de la France aux pays africains ».

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développement. Face à cette double pression, l’élite africaine n’a pas d’autres options que de céder. Le Tchad, à l’instar de ses pairs n’a pas échappé à ce vent de décentralisation administrative. Il a dû adopter ce système lors de la Conférence Nationale Souveraine (CNS) tenue à N’Djaména du 15 janvier au 07 avril 1993, l’instaurant dans sa Constitution de 1996 révisée en 2005 et en 2013, puis repris dans plusieurs textes législatifs et réglementaires à partir des années 2000. Néanmoins, la décentralisation administrative territoriale s’est matérialisée partiellement pour la première fois (et d’ailleurs ce n’est que la première phase) qu’en 2012 avec les premières élections municipales. C’est à partir de cette date que l’on note la consécration de la décentralisation à l’ère actuelle. Décentralisation qu’il convient de reconnaitre comme étant encore un processus et dont la poursuite s’est réaffirmée avec les réformes institutionnelles de 2018 dont la mise en œuvre se poursuit lentement jusqu’à ce jour. Paragraphe 3 : la consécration du système de la décentralisation au Tchad à l’ère actuelle Il faut d’entrée de jeu, faire une ébauche synoptique de l’histoire de l’administration territoriale au Tchad, marquée par de longues mutations. Même s’il faut reconnaitre que l’institutionnalisation de l’Etat en Afrique est un legs de la colonisation127, l’histoire du peuplement tchadien a montré que le Tchad n’était pas un territoire inorganisé, moins encore marqué par l’anarchie. En effet, à la suite de l’incursion française dans ce territoire situé au centre du continent africain, les organisations traditionnelles autrefois représentées au Nord du pays par les royaumes du Ouaddaï, du Kanem, au centre par le royaume du Baguirmi et les grandes civilisations du Sud marquées par les Royautés de Bédaya, de Fianga, de Léré pour ne citer que ceux-là, le colonisateur ayant fragilisé la structure et le fonctionnement de ces organisations a mis en place un système de type occidental sur lequel il exerçait une autorité directe. Ainsi, le Tchad devient, comme les autres pays de l’AEF, un Territoire d’Outre-mer, une partie intégrante de la République française. Cette dernière s’arrogeant désormais seule la compétence de déterminer les règles qui doivent lui être appliquées. C’est dans cette lancée que sont nées des structures administratives avec des dénominations variées en fonction de leurs dimensions : les Villages, les Cantons, les PostesAdministratifs, les Arrondissements, les Sous-préfectures et les Préfectures. A son accession à l’indépendance le 11 août 1960, le premier régime mis en place n’a pas rompu avec cette œuvre coloniale. On assiste donc à un territoire divisé en Préfectures, Sous-préfectures, Postes-Administratifs, Arrondissements, Cantons et Villages. Cette structuration demeure jusqu’en 127

John Richard KEUDJEU DE KEUDJEU, « La gestion des grandes cités en Afrique subsaharienne francophone : le cas des agglomérations urbaines à statut particulier du Burkina-Faso, du Cameroun, du Congo, du Mali et du Sénégal », (document électronique), p.1.

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1993 où les différentes sensibilités du pays ont décidé lors de la CNS de faire du Tchad un Etat unitaire fortement décentralisé128. Transposée dans la Constitution du 31 mars 1996 révisée par les lois constitutionnelles n°008/PR/2005 du 15 juillet 2005 et n°013/PR/2013 du 03 juillet 2013, la décentralisation au Tchad a vu sa consécration législative par la loi organique n° 002/PR/2000 du 16 février 2000 portant statut des CTD. On assiste donc à un découpage du territoire national en Régions, Départements, Communes et Communautés rurales129, personnes morales de droit public bénéficiant de l’autonomie administrative et financière. Celles-ci cohabitent avec les anciennes circonscriptions administratives que sont les Préfectures, les Sous-préfectures les Postes-Administratifs (avec suppression des Préfectures et Postes-Administratifs) dépourvus de personnalité juridique. Les préfectures d’antan sont érigées en régions et certaines donnant lieu à plus d’une région : exemple, la préfecture du Moyen-Chari subdivisée en Région du Moyen-Chari et Région du Mandoul ; celle du Mayo-Kebbi en Région du Mayo-Kebbi Est et Mayo-Kebbi Ouest ; la préfecture du BET en trois régions à savoir la Région du Borkou, la Région de l’Ennedi et la Région de Tibesti ; la préfecture du Kanem divisée en Région du Kanem et Région du Lac, etc. Ce mouvement de découpage administratif s’est accompagné de plusieurs restructurations successives. D’abord, l’Ordonnance n°001/PR/03 du 6 septembre 2003 portant création des CTD découpe le territoire en 17 Régions, 47 Départements et 199 Communes. Ensuite, l’Ordonnance n°003/PR/2004 du 26 mars 2004 portant restructuration de certaines CTD érige le Département de Barh-El-Gazal en région et le subdivise en trois (3) départements et neuf (9) communes, la Région du Batha est subdivisée en trois (3) départements et onze (11) communes, la Région de l’Ennedi-Est en deux (2) départements et sept (7) communes, la Région de l’Ennedi-Ouest en deux (2) départements et sept (7) communes, la Région du Mayo-Kebbi Ouest en trois (3) départements et douze (12) communes, la région de la 128

Aux termes de l’alinéa 6 du Préambule de la Constitution du 4 mai 2018, « (…) la Conférence Nationale Souveraine tenue du 15 Janvier au 7 avril 1993 à l’initiative du Président de la République et ayant réuni les Partis politiques, les associations de la société civile, les corps de l’Etat, les autorités traditionnelles et religieuses, les représentants du monde rural et les personnalités ressources, a redonné confiance au Peuple Tchadien et permis l’avènement d’une ère nouvelle ». Mais s’agissant de la forte décentralisation du Tchad retenue lors de ces assises, le Comité technique interministériel d’appui au Haut comité chargé des réformes institutionnelles remarquait, constat que nous partageons d’ailleurs, que cette forte décentralisation recommandée par la CNS n’a pas permis de consolider suffisamment l’unité nationale, moins encore d’amorcer un développement socioéconomique. Elle n’a non plus permis une participation effective des populations à la gestion efficiente de la chose publique, (lire le Rapport final du Comité technique d’appui au Haut comité chargé des réformes institutionnelles, p.14). 129 Il est à signaler néanmoins que jusqu’à leur suppression, les limites des communautés rurales n’ont pas établies.

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Tandjilé en trois (3) départements et quatorze (14) communes, le Département de Wadi Fira est érigé en région et subdivisée en quatre (4) départements et dix-huit (18) communes. Une ordonnance n°002/PR/08 du 19 février 2008 portant restructuration de certaines CTD subdivise la Région du BET en trois (3) Régions distinctes, six (6) départements et vingt-une (21) communes ; la Région du Barh-El-Gazal perd un département pour ne conserver que deux (2) et sept (7) communes ; la Région du Kanem est subdivisée en trois (3) départements et huit (8) communes ; le département de Sila devient région avec deux (2) départements et dix (10) communes130. Une autre ordonnance n° 006/PR/08 du 21 février 2008 portant restructuration de certaines CTD subdivise : - la Région du Guéra en quatre (4) départements et douze (12) communes ; - la Région du Logone Occidental en quatre (4) départements et vingt- une (21) communes ; - la Région du Logone Oriental en six (6) départements et vingt-trois (23) communes ; - la Région du Mayo-Kebbi Est en quatre (4) départements et dix-neuf (19) communes ; - la Région du Mandoul en trois (3) départements et quinze (15) communes ; et - la Région de la Tandjilé en deux (2) départements et quinze (15) communes. Ensuite, par une ordonnance n°005/PR/2011 du 10 février 2011 portant création des communes d’arrondissement de la ville de N’Djaména, celle-ci s’est vue subdivisée en dix (10) communes d’arrondissements dont la commune du 1er arrondissement avec onze (11) quartiers ; la commune du 2ème arrondissement avec cinq (5) quartiers ; la commune du 3ème arrondissement avec six (6) quartiers ; la commune du 4ème arrondissement avec quatre (4) quartiers ; la commune du 5ème arrondissement avec trois (3) quartiers ; la commune du 6ème arrondissement avec deux (2) quartiers ; la commune du 7ème arrondissement avec douze (12) quartiers ; la commune du 8ème arrondissement avec six (6) quartiers ; la commune du 9ème arrondissement avec sept (7) quartiers et enfin la commune du 10ème arrondissement avec neuf (9) quartiers auxquelles s’ajoute la commune de la ville de N’Djaména composée de toutes ces communes d’arrondissements sus- citées. Le décret n°516/PR/PM/MAT/2016 du 10 août 2016, portant érection de nouveaux quartiers dans certaines communes d’arrondissement de la ville de N’Djaména compète cette structuration en créant huit (8) nouveaux quartiers dans la commune du 1er arrondissement, un (1) dans la 130

Article 1er de l’ordonnance n°002/PR/08 du 19 février 2008 portant restructuration de certaines CTD.

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commune du 2ème arrondissement, cinq (5) dans la commune du 7ème arrondissement, quatre (4) dans la commune 8ème arrondissement, un (1) dans la commune du 9ème arrondissement et un (1) dans la commune du 10ème arrondissement. En outre, aux termes du décret n°530/PR/PM/MCD/11 du 01 Juin 2011 fixant le nombre des conseillers municipaux des communes chefs-lieux des régions et des départements, le Tchad compte vingt-une (21) régions et soixante-un (61) départements. Jusqu’à l’entrée en vigueur de l’Ordonnance n°038/PR/208 du 10 aout 2018 portant création des Unités Administratives et des Collectivités Autonomes, on dénombrait au total vingt-trois (23) régions (y compris la ville de N’Djaména avec statut de région), soixante-six (66) départements et deux-cent-quatre-vingt-deux (282) communes131 au Tchad. Par ailleurs, le nombre des communautés rurales quant à lui n’a jamais été arrêté. De toutes ces gymnastiques normatives, ni les 23 régions, ni les 66 départements n’ont matériellement la qualité de CTD au sens de la décentralisation. Pour ce qui est des communes, seules quarante-deux (42) d’entre elles (dont la commune de la Ville de N’Djaména et ses dix communes d’arrondissements) sont des CTD car dotées d’organes élus assurant la gestion des affaires communales132. En somme, de quatorze préfectures, le Tchad est passé à 23 régions, chacune dirigées par un gouverneur de région nommé discrétionnairement par le Président de la République. Ces régions sont subdivisées à leur tour en départements. Les départements, au nombre de soixante-neuf (69) sont placés sous la responsabilité d’un préfet de département qui lui aussi, à l’instar du gouverneur de la région, est discrétionnairement nommé par le chef de l’Etat. Les départements à leur tour sont fragmentés en sous-préfectures, qui sont au nombre de deux-centsoixante-quinze (275) au total, d’après le Rapport final du Comité technique d’appui aux réformes institutionnelles de novembre 2017133. Ces dernières sont dirigées par des Sous-préfets nommés toujours discrétionnairement par le Chef de l’Etat.

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Y compris les 10 communes d’arrondissement de la ville de N’Djaména ; cf. annexe du Recueil de textes sur la décentralisation au Tchad, CEFOD, édition de décembre 2014. 132 Et même pour ces 42 communes issues des élections de 2012, la gestion n’a pas été facile. Plusieurs difficultés sont constatées sur le terrain. Il s’agit entre autres de l’incompétence des Maires, de la méconnaissance par les Conseillers municipaux de leurs rôles d’élus, de la réticence des autorités déconcentrées, des abus dans l’exercice de la tutelle, de l’insuffisance des moyens financiers, matériels et humains, du manque de volonté politique, etc. Tous ces facteurs réunis n’ont pas permis aux populations de bénéficier des résultats escomptés, (lire le Rapport final du Comité technique d’appui aux réformes institutionnelles, p.9). 133 Rapport final du Comité technique d’appui au Haut comité chargé des réformes institutionnelles, p. 20.

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Avec les lois de la décentralisation en vigueur avant l’Ordonnance n°038/PR/2018 du 10 aout 2018 portant création des Unités Administratives et des Collectivités Autonomes, tous les Chefs-lieux des Sous-préfectures, des Départements et des Régions avaient le statut de communes. Mais la plus grande partie des Communes du Tchad était dirigée par des comités de gestion issus de l’Ordonnance n°017/PR/1985 du 24 juillet 1985 portant organisation des communes de moyen exercice. Dans chaque Commune, il est affecté un représentant de l’Etat, le Préfet ou le Sous-préfet, qui agit au nom de l’Etat dans la circonscription et sous l’autorité duquel sont placés tous les services déconcentrés de l’Etat. En effet, le processus de décentralisation tel qu’entamé, est prescrit par un dispositif constitutionnel, législatif et règlementaire, dont la substance vient d’être dégagée. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue le cadre institutionnel et les mécanismes de pilotage prévus pour opérationnaliser ce processus. Mais avant de décrire ce cadre institutionnel et les mécanismes de pilotage, il sied d’annoncer qu’il existe un cadre d’orientation définit dans deux (2) documents importants, à savoir le Schéma Directeur de la Décentralisation au Tchad (SDD) et la lettre de Politique Générale de la Décentralisation au Tchad à l’horizon 2006 – 2011. En réalité, c’est l’adoption par le Haut Comté de Décentralisation (HCD) du SDD le 20 septembre 2006 qui a permis l’élaboration du Document de Politique de Décentralisation (DPD), appelé la lettre de politique générale de la décentralisation au Tchad à l’horizon 2006 – 2011. Ce document dont la signature date du 24 octobre 2006 donne la vision et les orientations stratégiques du processus : « la vision d’un Tchad décentralisé et celle d’un Etat démocratique doté d’institutions viables et adaptées au contexte socioéconomique, de structures fonctionnelles, d’organes délibérants et exécutifs élus par la population pour assurer le développement humain durable du pays et rendre plus accessibles les services de première nécessité à la population jusqu’au niveau local ». Mais d’emblée, que dire du SDD ? Selon le « Manuel d’information et de sensibilisation sur la décentralisation au Tchad », mis en place par le Ministère chargé de la décentralisation, c’est à la demande du Gouvernement de la République du Tchad et avec l’appui du PNUD qu’une étude sur la décentralisation au Tchad a identifié les acquis et les contraintes de la réforme et proposé l’élaboration d’un SDD, document d’orientation devant contenir les grandes lignes directrices de la mise en œuvre effective de la décentralisation. Les orientations stratégiques de ce SDD sont : - renforcer le pilotage administratif, technique et politique du processus de décentralisation ; - informer, sensibiliser et former les acteurs de la décentralisation avec l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie de communication pour la décentralisation ; - construire la décentralisation dans un cadre partenarial ; et

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- mobiliser les ressources financières pour le développement régional et local. Chacune de ces orientations stratégiques comporte des axes d’intervention et des programmes d’actions. Ces orientations sont reprises comme telles dans la lettre de Politique Générale de la Décentralisation au Tchad à l’horizon 2006 – 2011. En effet, si telles sont les visions décentralisatrices de la République du Tchad, celles-ci ne sauraient être atteintes sans institutions chargées de les accompagner. En réalité, si les structures et les organes de gestion de la décentralisation que sont la Présidence de la République, la Primature, le Ministère chargé de la décentralisation, le Ministère de l’Administration du territoire et la Commission Electorale Nationale Indépendante, etc. sont bien présents et mettent déjà en mouvement le processus, il faut aussi marteler la présence des mécanismes institutionnels de pilotage qui jouent un rôle déterminant. Il s’agit des institutions de pilotage qui sont constitués du Haut Comité de la Décentralisation (HCD), le Comité Technique d’Analyse et d’Elaboration des Instruments de la Décentralisation, l’Unité de Coordination, le Cadre Consultatif de la Société Civile, des Autorités Traditionnelles et Coutumières et du Secteur privé, le Cadre de Concertation des Donateurs134. Mais la curiosité nous conduit à nous interroger sur l’importance de cette floraison normative qui manque de traduction dans la pratique. A la vérité, la décentralisation est un exercice et se pratique, se vit. Créer, modifier, restructurer les CTD qui n’existent que sur papier ne sert à rien quant à l’apprentissage de la démocratie à la base, un des objectifs recherchés par la décentralisation. Il ne faut pas perdre de vue que la décentralisation est en effet ce système qui permet de libérer les énergies locales afin de participer activement au développement de la collectivité nationale. Dès lors qu’elle n’est pas vécue, on peut dire qu’il n y a jamais eu de décentralisation effective. Revenant aux autres structures administratives existantes au Tchad, l’on relève qu’après les préfectures et sous-préfectures, il y a les cantons qui, quant à eux sont restés jusque-là intacts en tant que chefferies traditionnelles relevant de l’autorité administrative135. Les Cantons sont créés par Décret du

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Voir. Ministère chargé de la décentralisation, ‘‘A l’Ecole de la Décentralisation’’, Manuel d’information et de sensibilisation sur la Décentralisation au Tchad’’, 2ème édition, Décembre 2010’’. 135 Le Rapport final du Comité technique d’appui au Haut comité chargé des réformes institutionnelles, renseigne qu’il y a 11 Sultanats et 644 Cantons à l’ère actuelle au Tchad (Rapport final du Comité technique d’appui au Haut comité chargé des réformes institutionnelles, p.20). Sous la IVème République, les Autorités traditionnelles et coutumières trouvent leur fondement juridique aux articles 214 à 2017 de la Constitution du 04 mai 2018.

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Président de la République, contresigné par le Premier ministre136 et le ministre de l’intérieur ; leur ressort territorial est déterminé par arrêté du ministre en charge de l’intérieur et de la sécurité publique137. La désignation des chefs de cantons se fait par succession héréditaire et est toujours entérinée par un décret du chef de l’Etat. Ces cantons regorgent des villages dont le nombre n’est pas généralement maitrisable. Les villages, en tant que plus petites structures de l’action administrative, sont dirigés par des chefs de villages, généralement héritiers du pouvoir filial. Cependant, on constate de nos jours l’effritement de cette règle engendrant des conflits aux issues malheureuses dans certains villages. Les chefs de villages en tant qu’autorités traditionnelles sont installés par le chef de canton. A côté de ces autorités administratives cohabitent des autorités coutumières dont les pouvoirs et rôles dans leurs communautés ne sont pas des moindres. En tant que guides spirituels, détenteurs de pouvoirs mystiques et sacrés, elles assurent aux côtés de l’autorité administrative une véritable autorité. Elles sont collaboratrices de l’Administration, garantes des us et coutumes et concourent à l’encadrement des populations en appuyant l’action des CTD138. Sont considérés comme autorités traditionnelles et coutumières, les Sultans, les Chefs de cantons et les Chefs de tribus, les Chefs de groupements, les Chefs de villages et les Chefs de ferrick139. Au sens de l’article 2 de la loi organique n°013/PR/2010 du 25 août 2010 portant statuts et attributions des autorités traditionnelles et coutumières, celles-ci sont placées sous l'autorité et le contrôle des chefs des unités administratives de leur ressort. Elles servent de relais entre l'Administration et les administrés. Leurs attributions et compétences sont définies aux articles 4 à 11 de cette loi. La structure administrative au Tchad est susceptible de confusions pour ceux des administrés n’ayant pas de connaissances approfondies en matière de décentralisation. Et comme élément de justification, la région et le département (on peut ainsi dire aujourd’hui de la Province s’agissant de l’Ordonnance n°038/PR/208 du 10 aout 2018 portant création des Unités Administratives et des Collectivités Autonomes) sont en même temps des collectivités territoriales décentralisées et des unités administratives. La 136

Mais avec la suppression de la Primature, le contreseing du Ministre de l’intérieur seul suffirait. 137 Cf. par exemple le décret n°293/PR/PM/MISP/2013 du 25 avril 2013 portant création du Canton Lila. 138 Voir les articles 213, 214 et 215 de la Constitution de la République du Tchad de 1996 révisée et les articles 214 à 217 de la Constitution du 04 mai 2018. 139 Titre II, article 3 de la loi organique n°013/PR/2010 du 25 août 2010 portant statuts et attributions des autorités traditionnelles et coutumières.

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Constitution de la République du Tchad de 1996 révisée140 qualifiait de CTD les régions, les départements, les communes et les communautés rurales alors qu’en même temps, la loi organique n°019/PR/2010 du 13 octobre 2010 déterminant les principes fondamentaux de l'organisation administrative du territoire de la République du Tchad qualifiait la région, le département et la sous-préfecture d’unités administratives141. De surcroît, il y a coïncidence avec risque de confusion car, la région et le département en tant que CTD et la région et le département en tant qu’unités administratives sont imbriqués dans une même délimitation territoriale ; ils ont le même territoire. Toutefois, les réformes institutionnelles de 2018 sont venues supprimer le Département, collectivité territoriale décentralisée. Ce qui signifie que dorénavant, on ne parle de Département qu’en désignant une unité administrative. En revanche, la région et le département en tant que CTD sont ceux définis aux articles 3 et 28 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 portant statuts des collectivités territoriales décentralisées. Ils sont considérés comme unités administratives lorsqu’ils relèvent de l’article 6 de la loi organique n°019/PR/2010 précitée. Lorsque le législateur qualifie la région et le département de CTD, il s’agit d’une circonscription dotées d’organes élus chargés de la gestion des affaires locales, que ce soit au niveau régional ou départemental. Lorsqu’il les qualifie d’unités administratives, allusion est faite à une circonscription abritant les services déconcentrés de l’Etat et placés sous la responsabilité du représentant nommé de l’Etat (Gouverneur pour la région et Préfet pour le département) ; celui-ci assure la tutelle de l’Etat sur les CTD142. Puis, sans expérimenter les trois (3) autres niveaux de décentralisation, ni chercher à renforcer véritablement l’expérience en la matière, on arrive à des réformes institutionnelles143 qui ne limiteront qu’à deux (2) niveaux de 140

Article 202 précisément. Titre III, article 6 de la loi organique n°019/PR/2010 du 13 octobre 2010 déterminant les principes fondamentaux de l'organisation administrative du territoire de la République du Tchad. 142 Article 207 de la Constitution de la République du Tchad de 1996 révisée. 143 Les réformes institutionnelles qui ont lieu autour du Forum dit « national et inclusif » tenu du 19 au 27 Mars 2018 au Palais du 15 Janvier à N’Djaména ont fait l’objet de sérieuses polémiques et controverses de la part de différents acteurs de la vie sociopolitique au Tchad. Elles sont intervenues dans un contexte où plusieurs contestations et grognes sociales sont nées du fait de la crise économique et sociale que traverse le pays depuis fin 2014, suivie de certaines mesures d’austérité impopulaires prises par les plus hautes autorités de l’Etat. Et d’ailleurs, doiton croire, c’est cette crise qui serait à la base de ces réformes et pour la juguler, il fallait balayer certaines institutions jugées improductives et réaliser des économies en vue de la soutenabilité budgétaire car, pour le Président IDRISS DEBY ITNO, il faut « concilier la nécessité de faire évoluer notre modèle organisationnel actuel avec les impératifs d’amélioration et d’efficience de l’action publique, dans un contexte de raréfaction des ressources que nous devons gérer de façon rigoureuse et intelligente ». D’autre part aussi, ces réformes sont intervenues du fait que « face à l’échec de l’opérationnalisation de la décentralisation, combiné à d’autres insuffisances que la pratique institutionnelle à mises à jours, le candidat IDRISS DEBY ITNO, par ailleurs 141

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collectivités locales, et ravageant à leur sillage un nombre important G¶,QVWLWXWLRQVQDWLRQDOHV$YHFFHVUpIRUPHVLQVWLWXWLRQQHOOHVRQDGpVRUPDLV Chef de l’Etat sortant, s’est engagé, durant la campagne électorale de 2016 et s’il était réélu, à réformer profondément le cadre institutionnel du pays, dans l’optique de raffermir la démocratie et l’Etat de droit, d’accroître l’efficacité de l’Etat et d’amplifier l’autonomie des Collectivités Locales ».S’agissant particulièrement du volet de la consolidation de la paix, l’unité nationale, la stabilité, l’Etat de droit, et la Bonne gouvernance, inclus dans ces réformes, le Comité Technique Interministériel d’Appui au Haut Comité chargé des Réformes Institutionnelles souligne, dans son Rapport final, que « l’un des objectifs majeurs des réformes institutionnelles est de déceler les éventuels obstacles dont l’élimination pourrait contribuer à la consolidation de la paix, de l’unité nationale, de la stabilité, de l’Etat de droit et de la Bonne gouvernance. La vocation première des institutions est de garantir la réalisation des objectifs (ci-haut énumérés), desquels dépend la viabilité de toute Communauté Nationale », (lire le Rapport final du Comité technique interministériel d’appui au Haut comité chargé des réformes institutionnelles, p.9 et 52). Toutefois, pour beaucoup d’observateurs et analystes, de même qu’une partie importante des partis politiques et regroupements de la société civile, ce forum n’est qu’un folklore du Mouvement Patriotique du Salut (MPS), parti au pouvoir qui, au lieu de concentrer l’attention sur des questions sociales brûlantes, s’obstine à organiser un tel forum dont l’issue n’apportera pas grand-chose au problème que connait le Tchad ; même si pour les organisateurs, le Comité technique a reçu plusieurs dizaines de contributions spontanées suite à l’appel public lancé pour susciter les contributions citoyennes au processus des réformes. Le Comité, dit-il, a organisé également des forums de consultation dans les 23 régions du pays, afin de recenser les attentes et de recueillir les opinions de tous les compatriotes des provinces. Pour le Comité, ces assises ont connu un succès indéniable en touchant la quasi-totalité des acteurs locaux des différents bords politiques et sociaux. Il dit également avoir organisé des rencontres de consultation avec les partis politiques (Majorité/Opposition), les religieux, les organisations représentatives des jeunes et des femmes, les Associations de Défense des Droits de l’Homme, les Syndicats, les personnes vulnérables et le Cadre National de Dialogue Politique. 89 organisations politiques et socioprofessionnelles auraient été consultées par le Comité technique, de même que quelques compatriotes de la diaspora, dans des pays bien ciblés. Cependant, l’organisation du Forum ne s’est pas faite de manière inclusive comme prévu : boycotte du forum par le « noyau dur » de l’opposition démocratique, une partie de la presse privée et une partie des organisations de la société civile. Plusieurs aspects juridiques ont été touchés lors de ce forum : la forme de l’Etat, le réaménagement des grandes Institutions de la République, le régime des parlementaires, des réformes en vue de la consolidation de la paix, de l’unité nationale, de la stabilité, de l’Etat de droit et de la bonne gouvernance, une réforme judiciaire, la promotion de la femme et de la jeunesse, un Avant-projet de Constitution et un chronogramme de mise en œuvre suivi du budget prévisionnel des réformes. Les termes de ce projet des réformes, validé au forum et soumis à l’Assemblée Nationale pour adoption, sont définis par un Haut Comité chargé des Réformes Institutionnelles, mis sur pied le 25 Octobre 2016 par le décret n°681/PR/PM/2016, et d’un Comité Technique Interministériel d’Appui au Haut Comité Chargé des Réformes Institutionnelles, crée par l’arrêté n°188/PR/PM/2017 du 08 Janvier 2017. C’est donc ce Comité qui a mis sur pied un Rapport final dit « Consolider la démocratie et renforcer l’efficacité de l’Etat ». Ce Rapport a servi de canevas au Forum. Ce dernier a regroupé 1169 participants venus des 23 Régions du Tchad et des pays étrangers, d’après la Synthèse des Travaux du Forum National Inclusif. En ce qui concerne le financement, il ressort du Rapport final du Comité technique interministériel d’appui au Haut comité chargé des réformes institutionnelles que celles-ci sont financées, lors de la Table ronde sur le PND tenue du 06 au 08 Septembre 2017 à Paris, par les Partenaires à hauteur de trois cent milliards de F CFA (300 000 000 000 F CFA). Il est à noter enfin que ces réformes institutionnelles ont marqué l’avènement de la IVème République au Tchad.

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au Tchad comme collectivités locales que la Province (ancienne Région) et la Commune. Les collectivités territoriales décentralisées prennent désormais l’appellation de « Collectivités Autonomes »144. L’Ordonnance n° 038/PR/2018 du 10 aout 2018 portant création des Unités Administratives et des Collectivités Autonomes fixe le nombre des Provinces à vingt-trois (23), et celui des Communes à trois cent soixante-dix-sept (377)145. En outre, une Ordonnance n°036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statut des Collectivités Autonomes a été ratifiée par l’Assemblée Nationale le 21 juin 2019. C’est désormais cette Ordonnance qui régit les collectivités locales au Tchad. A la suite de cette étude de concepts, il convient dans un premier temps de présenter l’Administration de l’Etat (Ière Partie). Dans un deuxième temps, il sera abordé l’Administration locale (IIème Partie). Puis dans un troisième temps enfin, seront présentées les relations entre les différentes administrations au sein de l’Etat (IIIème Partie).

144

Lire la Synthèse des travaux du Forum national inclusif, p. 3. Toutefois, il nous semble que le constituant du 04 mai 2018 n’a pas complètement rompu avec l’expression « Collectivité Territoriale Décentralisée », malgré qu’il ait été consacré le terme « Collectivité Autonomes ». C’est ainsi qu’on peut lire par exemple à l’article 208 de la Constitution du 04 mai 2018 : « les ressources des Collectivités Autonomes sont constituées notamment par : x Le produit des impôts et taxes votés par les Assemblées des Collectivités Territoriales Décentralisées et perçus directement par elles ». 145 Ceci est contraire aux recommandations du forum national inclusif qui prévoyait plutôt dixsept (17) Provinces, et que toutes les Sous-préfectures actuelles soient érigées en Communes, soit deux cent soixante-quinze (275) Communes.

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PREMIERE PARTIE : L’ADMINISTRATION DE L’ETAT Dans les organisations étatiques contemporaines, l’Administration publique et les services publics sont repartis entre l’Etat et ses collectivités locales, qu’il s’agisse d’un Etat unitaire décentralisé (CTD) ou d’un Etat fédéral (Etats fédérés). Ceci voudrait dire que dans tout système étatique où il y a partage de pouvoir entre le centre et la périphérie, on assiste à une administration centrale et des administrations locales – traduction de la séparation verticale de pouvoir – chacune ayant le pouvoir de création et de gestion des services publics. En effet, l’Administration centrale est celle qui relève de l’Etat, du pouvoir central. Elle est concentrée dans la capitale et dispose des structures déconcentrées dans les périphéries. Elle est formée à partir d’une sédimentation des structures administratives composées des services de la Présidence de la République, des services de la Primature (pendant qu’elle existait), des différents services ministériels, des autorités administratives indépendantes, des corps d’inspection, des organes de consultation etc. dont les activités ont une portée nationale. L’administration centrale assure le maintien de l’ordre public et diverses autres prestations à travers le service public. Elle créée et gère des services publics nationaux ou étatiques pour la satisfaction des besoins de la communauté nationale dans son ensemble. Ce faisant, il importe d’abord d’appréhender la structuration de l’administration centrale et son fonctionnement (chapitre 1er), ensuite d’étudier les différents services déconcentrés qui s’y rattachent (chapitre 2ème) avant de se pencher enfin sur l’étude des Etablissements publics qu’elle crée et gère (chapitre 3ème).

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CHAPITRE 1 : L’ADMINISTRATION CENTRALE Le terme administration centrale est employé par opposition à l’administration locale. En effet, «l’administration centrale est l’ensemble des services de l’Etat constituant l’organisation des ministères et dont la compétence s’étend à la totalité du territoire où elle se prolonge par les services extérieurs (échelons territoriaux des administrations d’Etat) ; administrations civiles de l’Etat auxquelles sont confiées les seules missions qui présentent un caractère national ou dont l’exécution, en vertu de la loi, ne peut être déléguée à un échelon territorial. Ce sont des services à compétence nationale »146. Cette définition est reprise en partie par la Professeur Marie-Christine ROUAULT pour qui, au sens large, l’administration centrale désigne l’ensemble des organes administratifs centraux de l’Etat ; au sens étroit, les services centraux des différents départements ministériels. Au-dessus des différents départements ministériels, se trouvent la Présidence de la République et la Primature qui sont de véritables administrations centrales car, « le Président de la République et a fortiori le premier ministre restent des autorités administratives…, ce pourquoi leurs actes peuvent en principe être contrôlés par le juge administratif »147. En effet, dans un pays engagé dans un processus de décentralisation relativement lent à l’instar du Tchad, l’administration territoriale est composée, pour l’essentiel, des structures administratives relevant de l’Etat. On parle de l’administration centrale par référence aux structures étatiques dont les compétences et les actes ont une connotation nationale. L’administration centrale est composée des structures étatiques ou nationales ayant leur siège dans la capitale148 avec des ramifications dans les périphéries149. Cependant, alors qu’il en est ainsi dans la pratique, le concept de l’administration centrale n’est pas intrinsèquement lié à la capitale, comme le soulève le Professeur Christophe GUETTIER selon lequel « (…) le caractère central d’un service n’est pas nécessairement lié à sa localisation dans la capitale. En effet, ce qui est déterminant du caractère central, c’est l’existence, à partir d’un lieu donné, d’une compétence 146

CORNU (G) (Dir.), Vocabulaire juridique, op.cit, p.29. ROUAULT (M-C), L’essentiel de l’organisation administrative, op. cit, p.16 et p. 64. 148 Puisque la Capitale d’un Etat est le siège des institutions nationales a-t-on coutume de dire. 149 C’est les structures déconcentrées de l’Etat auxquelles l’on fait allusion ici. 147

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s’exerçant directement sur l’ensemble du territoire »150. L’analyse de cette notion amène à comprendre que l’administration centrale n’est rien d’autre que l’ensemble des institutions publiques gérées par des autorités étatiques et dont les actes ont une portée nationale. Quitte à ces dernières d’implanter ces structures autant que de besoins dans la capitale ou dans les provinces. L’administration centrale regorge une pléthore de services rattachés à la Présidence de la République, à la Primature, aux différents départements ministériels ; bref elle est l’assemblage des services centraux de l’Exécutif. Mais il est aussi de constat qu’au-delà des services de l’Exécutif stricto sensu, l’administration centrale de l’Etat sort de ce carcan pour prendre en compte des organes spécialisés situés à équidistance entre l’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire. Il s’agit en l’occurrence des AAI qui peuvent être en même temps des organes de consultation et de régulation dont les activités ont une portée nationale. Les AAI sont en effet des « Services à compétence nationale : administrations civiles de l’Etat qui partagent avec les administrations centrales le monopole des missions qui présentent un caractère national ou dont l’exécution ne peut, en vertu de la loi, être déléguée à un échelon territorial, par opposition aux services déconcentrés »151. Il s’agit en fait des structures administratives mais indépendantes de la hiérarchie administrative et dotées de pouvoirs règlementaires autonomes. Cependant, ce pouvoir règlementaire dont ils disposent s’applique à un domaine précis et est définis par des textes : exemple, l’ARMP est habilitée à réguler le domaine des marchés publics. Ses compétences sont définies par décret du Président de la République. Il s’agit en l’occurrence du décret n°2418/PR/PM/2015 du 17 Décembre 2015 portant organisation et fonctionnement de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics. En outre, dans le souci de clarté, il faut relever que l’Assemblée Nationale peut exercer également des attributions en matière d’administration publique lorsqu’elle intervient par exemple pour créer, et éventuellement supprimer les services publics, voter les budgets à allouer aux différentes administrations etc. Elle constitue en elle-même une administration152 en ce sens que pour sa gestion, des agents publics y sont affectés pour l’exercice des fonctions purement administratives. En revanche, dans les pays de tradition (ou d’origine) centristes à l’instar du Tchad, la structure administrative, enseigne-t-on, est fondée sur les principes suivants :

150

GUETTIER (C), Institutions Administratives, Paris, Dalloz, 1999, p.182. CORNU (G), Vocabulaire juridique, op. cit, pp.806-807. 152 L’organisation des services administratifs de l’Assemblée Nationale est déterminée par son propre Règlement Intérieur (article 115 al. 5 de la Constitution de la République du Tchad de 1996 révisée ; article 122 de la Constitution du 04 mai 2018). 151

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- distinction entre organes de direction suprême (Chef de l’Etat, Premier ministre, ministres) et organes de préparation et d’exécution (« l’administration ») ; et - principe de l’organisation ministérielle : sauf exception de certains services rattachés directement au Premier ministre, tous les services assurant la satisfaction de besoins dans un secteur, sont regroupés dans un même département ministériel, sous l’autorité d’un chef hiérarchique unique, le ministre ; même les services décentralisés (établissement publics nationaux) sont rattachés à un ministère de tutelle, chaque département ministériel comprend d’une part une administration centrale (organes placés auprès du ministre pour la préparation de ses décisions), et d’autre part des services extérieurs (ou services déconcentrés) répartis sur l’ensemble du territoire153. Il serait donc judicieux de décliner la présente partie par une étude des services de la Présidence de la République (Section 1), ceux de la défunte Primature (Section 2), ceux des différents ministères (Section 3), la coordination entre ces services d’émanation exécutive (Section 4), pour enfin clore par les services théoriquement indépendants du gouvernement (section 5). SECTION 1 : la Présidence de la République et ses services centraux Bien que l’Administration au Tchad, sous la Constitution de 1996 révisée, soit placée sous la responsabilité du Premier ministre chef du gouvernement, l’autre figure de l’Exécutif dispose lui aussi d’un appareil administratif propre. Mais les réformes institutionnelles de 2018 qui marquent l’avènement de la IVème République consacrent dorénavant le Président de la République comme seule figure de l’Exécutif154. Néanmoins, depuis la Constitution de 1996 révisée, le Président de la République est une autorité chargée de compétences générales. A cette fin, il se voit doté d’un appareil administratif en raison des missions et attributions dont il est dépositaire. C’est ainsi qu’à l’exemple de son homologue français depuis la Constitution de la Vème République, il peut influencer l’action administrative du gouvernement, car « (…) en période de coïncidence des majorités présidentielles et parlementaires (ce qui a toujours été le cas au Tchad), la pratique de la Vème République a conduit le Président de la République à orienter l’action administrative du gouvernement, au besoin par le moyen de lettres-directive adressées au Premier Ministre, alors que ce dernier s’est trouvé cantonné plutôt dans la charge qui consiste à assurer la coordination

153

Lire ROUX (J-C) (Dir.), Organisation administrative, décentralisation et administration territoriale au Tchad et en France, mars 1999, p.19. 154 Puisque qu’il s’agit désormais d’un régime présidentiel, (lire la Synthèse des travaux du Forum national inclusif, p. 5). C’est ainsi que la Constitution d 04 mai 2018 dispose en son article 65 que « le pouvoir exécutif est exercé par le Président de la République » ; et l’article 85 de poursuivre que «le Président de la République est le détenteur du pouvoir exécutif. Il est le Chef du gouvernement et de l’Administration… » .

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interministérielle et à opérer éventuellement les arbitrages nécessaires en cas de concurrence entre plusieurs ministres »155. En effet, il faut rappeler que le Président de la République du Tchad tient de la Constitution le pouvoir de nomination des hauts fonctionnaires156 et le pouvoir réglementaire157. Ces pouvoirs lui permettent de prendre par voie de décrets délibérés en Conseil des ministres, toutes les mesures individuelles et générales nécessaires pour assurer le fonctionnement des services publics. Ils permettent aussi au Président de la République de signer des décrets dits « présidentiels », non délibérés en Conseil des ministres, mais qu’il juge indispensables pour l’exécution de son programme158. En tant qu’autorité administrative, sa compétence lui permet donc de : - assurer l’exécution des lois par le biais de décrets ; - nommer les hauts fonctionnaires159 ; et - d’accroître ses pouvoirs en temps de circonstances exceptionnelles notamment en matière de police administrative. La nature exceptionnelle de ces actes administratifs d’une importance particulière fait dire Jean-Charles ROUX que le Président exerce son autorité à l’égard des questions administratives touchant à la haute politique160. Ainsi, pour l’exercice de ces missions, qui sont d’ailleurs moins administratives que politiques, le Président de la République s’entoure d’une administration assez structurée. Raison pour laquelle le Professeur François DREYFUS s’interrogeait en ces termes : « si le Président de la République est la clé de voûte du système institutionnel de la Cinquième République (dont le système tchadien est resté calqué pendant longtemps), si son mode d’élection lui assure la légitimité nécessaire pour remplir le rôle que lui confère la Constitution, de quels moyens matériels et humains dispose-t-il pour accomplir sa mission ? »161. Ces moyens matériels et humains sont en revanche un ensemble de services placés auprès de la Présidence de la République et dont la structuration dépend du bon vouloir du Président. En France, « aucune règle de droit positif ne prévoit l’organisation de la Présidence. Le Président de la République choisit en toute liberté la structure et les hommes. Cette personnalisation ne porte en fait que sur les 155

GUETTIER (C), Institutions Administratives, op. cit., p.184. Néanmoins, cette pratique a déjà cessé au Tchad avec la promulgation de la Constitution de la IVème République faisait du Président de la République le seul maitre du pouvoir exécutif. 156 Article 84 al.2 de la Constitution de la République du Tchad de 1996 révisée ; article 99 al 2 et 3 de la Constitution du 04 mai 2018. 157 Article 84 al.1er de la Constitution de la République du Tchad de 1996 révisée ; article 99 al 1er de la Constitution du 04 mai 2018. 158 Lire TROTABAS (L) et ISOART (P), Droit public, op. cit, p. 134- 135. 159 Autrefois, il avait aussi compétence pour nommer le Premier ministre par voie de décret. 160 ROUX (J-C) (Dir.), Organisation administrative, décentralisation et administration territoriale au Tchad et en France, op. cit, p. 19. 161 DREYFUS (F), Les institutions politiques et administratives de la France, Paris, Economica, 1993, page 101.

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proches collaborateurs du chef de l’Etat soit 20 à 60 personnes selon les Présidents, alors que l’ensemble du personnel de l’Elysée (sécurité, intendance, courrier, transmissions, etc.) représente environ cinq cents personnes »162. Au Tchad, pour l’année 2016 par exemple, c’est le décret n°657/PR/2016 du 06 octobre 2016 portant restructuration des services de la Présidence de la République, qui définit les différentes structures composant les services de la Présidence de la République ainsi que leurs attributions. Cette structuration est restée comme telle avec le Décret n°030/PR/2018 du 15 janvier 2018, portant organigramme de la Présidence de la République, modifiée par le Décret n°272/PR/2018 du 13 février 2018, portant modification du décret n°030/PR/2018 du 15 janvier 2018, portant organigramme de la Présidence de la République. En effet, aux termes desdits décrets, les services de la Présidence de la République comprennent : - le Secrétariat Général de la Présidence ; - le Cabinet civil ; - un Etat-major Particulier ; - le Secrétariat Particulier ; et - les Structures sous tutelle. Cette structuration, qui peut être modifiée à tout moment, est aussi retenue par le décret n°054/PR/2017 du 10 février 2017 portant restructuration des services de la Présidence de la République163. Paragraphe 1 : le Secrétariat Général de la Présidence de la République La Présidence de la République est dotée d’un organe appelé Secrétariat Général de la Présidence de la République. C’est l’appareil administratif essentiel du Président de la République car, « le Secrétariat général joue un rôle fondamental dans la mesure où il constitue la passerelle avec le gouvernement et les ministères (…) ; c’est par son intermédiaire que passe l’information transmise au Président, ainsi que les dossiers préparés en vue des conseils qu’il préside et les textes mis à sa signature»164. Il est, contrairement au Cabinet, « une courroie de transmission entre le Président et l’appareil d’Etat. Il comprend un Secrétaire général et son adjoint, ainsi que des conseillers techniques spécialisés, qui suivent les affaires des différents ministères, tandis que des chargés de mission ont des tâches plus ponctuelles »165. Au Tchad, c’est un organe de conception technique, de coordination et d’animation de l’ensemble des services de la Présidence de la République. Il est régi par le décret n°657/PR/2016 du 06 octobre 2016 précité166. Dans sa 162

GUETTIER (C), Institutions Administratives, op. cit., p.184. Voir précisément l’article 2 du décret n°054/PR/2017 du 10 février 2017 précité. 164 DREYFUS (F), Les institutions politiques et administratives de la France, op cit, p. 102. 165 GUETTIER (C), Institutions Administratives, op. cit, p.191. 166 Lire aussi l’article 4 du décret n°030/PR/2018 du 15 janvier 2018, précité. 163

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structuration, le Secrétariat Général de la Présidence de la République est composé de : - Conseillers techniques ; - la Direction des Archives, de la Documentation et du Courrier ; - la Direction du Système Informatique et des Télécommunications ; - la Direction des ressources humaines167 ; - le Secrétariat Administratif du Conseil Supérieur de la Magistrature ; - les Structures sous tutelle. Il est dirigé par le Secrétaire Général de la Présidence ayant, lui et son Adjoint, rang et avantages de Ministre. Ce dernier est au sein de la Présidence de la République, l’interlocuteur de tous les ministères et services de l’Etat. Il est à cette fin assisté de Conseillers techniques du Président de la République. Il assure sa mission en coordination avec le Directeur de Cabinet civil et le Chef d’Etat-major Particulier du Président de la République. Il a pour mission de : - préparer les décisions du Président de la République par la mise à disposition de celui-ci d’une information régulière et complète sur l’action du gouvernement et sur la marche de l’Administration ; - coordonner et animer les services placés sous sa responsabilité ; - instruire les dossiers qui lui parviennent des ministères et des services de l’Etat, ainsi que ceux qui lui sont confiés par le Président de la République ; - vérifier la conformité des actes et documents soumis à la signature du Président de la République ; - veiller à l’application des décisions et instructions du Président de la République ; - suggérer des mesures propres à assurer l’efficacité dans l’organisation et le fonctionnement des services de l’Etat en général et ceux de la Présidence de la République en particulier ; et - suivre la gestion des ressources humaines de la Présidence de la République. Le Secrétaire Général de la Présidence de la République gère l’ensemble des services relevant de ses compétences à travers un Bureau168 et des Conseillers techniques du Président de la République. Ceux-ci ont rang et avantages des membres du Gouvernement et sont chargés, sous la responsabilité et la supervision du Secrétaire Général de la Présidence, de l’étude, de l’instruction, du traitement et du suivi des dossiers techniques 167

Il faut signaler à ce niveau que le décret n°030/PR/2018 du 15 janvier 2018, précité vient supprimer la Direction des ressources humaines. 168 Selon l’article 6 du décret n°030/PR/2018 du 15 janvier 2018, précité, le Bureau est composé de deux (2) Assistants auprès du Secrétariat Général et d’un Pool de Secrétaires.

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dans leurs domaines. Ils sont consultés sur les dossiers ayant un rapport avec leurs domaines respectifs de compétence, émanant de tout ministère, organisation nationale ou internationale. Ils sont nommés par le Président de la République. Leurs attributions sont prévues par les textes qui les instituent. Sans que la liste ne soit figée, le décret n°657/PR/2016 du 06 octobre 2016, précité par exemple prévoit entre autre : - Conseiller diplomatique ; - Conseiller juridique ; - Conseiller en charge de la vision du Président, de la planification du développement et des grands projets présidentiels ; - Conseiller à l’administration du territoire et à la sécurité ; - Conseiller économique et financier ; - Conseiller aux infrastructures, des technologies de l’information et des transports ; - Conseiller à la sécurité alimentaire et au développement rural ; - Conseiller au développement du capital humain ; - Conseiller à la promotion de l’industrie, du secteur privé et de l’emploi ; - Conseiller à l’égalité du genre et à la promotion des jeunes ; - Conseiller au pétrole, énergie et mines ; - Conseiller technique à l’aménagement du territoire, l’habitat, aux affaires foncières et domaniales ; - Conseiller à l’eau et à l’environnement, etc. Cette nomenclature sera modifiée, notamment en terme de dénominations, par le décret n°030/PR/2018 du 15 janvier 2018, précité comme suit : 1. le Conseiller aux Affaires Etrangères et à la Coopération ; 2. le Conseiller aux Affaires Juridiques, aux droits de l’Homme et à l’Administration du Territoire ; 3. le Conseiller à la Défense et à la Sécurité ; 4. le Conseiller aux Affaires Economiques, Financières et Budgétaires ; 5. le Conseiller aux Infrastructures, au Désenclavement et à l’Aviation Civile ; 6. le Conseiller à l’Agriculture, à l’Elevage, à l’Hydraulique et à l’Environnement ; 7. le Conseiller à la Santé Publique et Aux Affaires Sociales ; 8. le Conseiller à l’Education Nationale, à l’Enseignement Supérieur et à la Recherche Scientifique ; 9. le Conseiller aux Postes et à la Technologie de l’Information ; 10. le Conseiller à l’Aménagement du Territoire, à l’Habitat, aux Affaires Foncières et Domaniales ;

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11. le Conseiller à l’Energie, aux Mines et à la Recherche Géologique ; 12. le Conseiller à la Fonction Publique, au Travail et à l’Emploi ; 13. le Conseiller à la Culture, au Tourisme, à la Jeunesse et aux Sports ; 14. le Conseiller aux Médias. Ces Conseillers Techniques peuvent être assistés dans leurs tâches spécifiques d’un ou de plusieurs Assistants ayant les profils requis et chargés d’élaborer et assurer le suivi du tableau de bord du Secrétariat Général, du Conseiller Technique ou du Directeur de Cabinet ; d’assister aux réunions du Secrétaire Général pour établir les comptes rendus et de traiter les dossiers spécifiques qui leur sont confiés169. Paragraphe 2 : le Cabinet Civil du Président de la République Indispensable à tout système politique, il constitue un service particulier du Président de la République. C’est le service en charge de l’agenda du Président de la République et de la préparation des décisions. Il est placé sous la responsabilité du Directeur de cabinet et est chargé de veiller à la mise en œuvre de toute action ou de toute activité nécessaire pour l’accomplissement des attributions du Président de la République. C’est lui qui « organise la vie quotidienne et l’activité de représentation du Président (courrier, réception, voyage officiels) »170. Au Tchad, les compétences et attributions du Cabinet du Président de la République sont aussi définies par le décret n°657/PR/2016 du 06 octobre 2016 précité171. Placé sous la responsabilité d’un Directeur de cabinet civil qui peut être assisté d’un Adjoint, il comprend entre autre : - des Conseillers spéciaux172 ; - des Conseillers chargés de mission ; - des Ambassadeurs itinérants ; - une Direction du protocole; - une Direction générale de la communication ; - une Direction des affaires administratives, financières et du matériel ; - une Direction de l’interprétariat et des traductions ; - une Direction de gestion du domaine immobilier de la Présidence ; - une Direction d’exploitation et du suivi de la Flotte présidentielle173. 169

Articles 7 et 8 du décret n°030/PR/2018 du 15 janvier 2018, précité GUETTIER (C), Institutions Administratives, op. cit, p.191. 171 Il est à noter toutefois que ce décret peut être modifié toutes les fois que le Président de la République juge utile. 172 Aux termes de l’article 72 al. 2 du décret n°030/PR/2018 du 15 janvier 2018, précité, les Conseillers spéciaux ont rang et avantages des membres du Gouvernement. 170

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Chaque poste ci-prévus bénéficie des attributions précises prévues par le texte qui l’institue. Le Directeur de cabinet civil, chef de cette administration est chargé de : - assister directement le Président de la République dans l’accomplissement de sa mission ; - coordonner les activités des services placés sous sa responsabilité ; - répercuter et suivre les instructions du Président de la République ; et - veiller au Protocole et à la communication du Président de la République. Le Directeur de cabinet peut se voir confier des attributions particulières par le Président de la République. Il dispose d’un bureau composé d’un Assistant et d’un Pool de Secrétaires. Le Directeur de cabinet civil du Président de la République et son Adjoint on rang et avantages de Ministre. Paragraphe 3 : l’Etat-Major Particulier du Président de la République Qu’il soit civil ou militaire en position de disponibilité, le Président de la République du Tchad est le Chef Suprême des Armées. Il préside les Conseils et Comités Supérieurs de la défense nationale174. A cette fin, il doit disposer d’une administration composée des officiers et spécialistes du domaine qui doivent l’assister dans la direction et le suivi des opérations relevant de la Défense nationale. C’est dans cette optique que le décret n°657/PR/2016 du 06 octobre 2016 précité, de même que le décret n°030/PR/2018 du 15 janvier 2018, précité, instituent au rang des services de la Présidence, un Etat-Major Particulier du Chef de l’Etat. Celui-ci est dirigé par le Chef d’Etat-Major Particulier du Président de la République et son Adjoint, tous deux ayant rang et avantages de Ministre. Dans ses fonctions, le Chef d’Etat-Major Particulier du Président de la République, est chargé de : - suivre les dossiers relatifs à la Défense Nationale et à la Sécurité publique ; - traiter les dossiers militaires et de sécurité qui lui sont confiés par le Président de la République ; - vérifier la conformité des Projets d’actes avec la législation et la réglementation en vigueur ; - faire les études prospectives sur la situation sécuritaire aux plans international et national au profit du Président de la République ; 173

Cette structuration est reprise comme telle par le décret n°030/PR/2018 du 15 janvier 2018, précité. 174 Article 86 de la Constitution de la République du Tchad de 1996 révisée ; Article 94 de la Constitution du 04 mai 2018.

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- assurer la Sécurité du Palais et des Résidences Officielles du Président de la République ; - suivre l’exécution des directives du Président de la République en matière de coopération internationale175 ; et - gérer les transmissions de la Présidence de la République. Par ailleurs, le Chef d’Etat-Major collabore étroitement avec le Ministère en charge de la Défense Nationale, le Ministère en charge de la Sécurité Publique et de l’Immigration et les autres Institutions concernées par les questions militaires et de sécurité. Néanmoins, l’organisation et les attributions de l’Etat-Major Particulier du Président de la République sont régies par des textes spécifiques176. En outre, il est également prévu des services qui lui sont rattachés. Ainsi, sont rattachés à l’Etat-Major Particulier du Président de la République, les services suivants : - la Direction Générale des Réserves Stratégiques (DGRS); - la Direction Générale du Renseignement Militaire (DGRM) ; - le Contrôle Général des Armées (CGA) ; et - le Conseiller Air. Paragraphe 4 : le Secrétariat Particulier du Président de la République Le Secrétariat Particulier du Président de la République est aussi prévu par les décrets n°657/PR/2016 du 06 octobre 2016 et n°030/PR/2018 du 15 janvier 2018, précités. Il est chargé de la gestion des affaires réservées du Chef de l’Etat. Il a sous son autorité : - le Médecin Personnel du Chef de l’Etat177 ; - la Direction de l’Hôtellerie178

175

Nous estimons qu’il s’agit ici des coopérations en matière de Défense et de Sécurité. Article 58 du décret n°657/PR/2016 du 06 octobre 2016 portant restructuration des services de la Présidence de la République ; articles 64 à 66 du décret n°030/PR/2018 du 15 janvier 2018, précité. Ceci vaut également pour les autres services, notamment l’organisation, le fonctionnement et les attributions des services et des directions relevant du Secrétariat Général, du Cabinet Civil et du Secrétariat Particulier qui sont définis par arrêté du Président de la République (article 71 du décret n°030/PR/2018 du 15 janvier 2018, précité). 177 Le Médecin personnel du Président de la République veille à la santé et au bien-être du Président de la République et de sa famille. Il a rang et avantages de Conseiller Technique, celuici ayant rang et avantages de membre du Gouvernement. 178 Placée sous l’autorité d’un Directeur assisté d’un Adjoint et composée du Service de restauration, du Service cuisine, du Service blanchisserie et du Service conteneur, la Direction de l’Hôtellerie est chargée de : gérer les services hôteliers du Palais et des résidences officielles relevant de la Présidence de la République ; organiser de concert avec la Direction du protocole les réceptions officielles auxquelles assiste le Président de la République ; assurer les services privés du Président de la République ; et assurer les services des Hôtes officiels du Chef de l’Etat. 176

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Il est placé sous la direction du Secrétaire Particulier du Président de la République. Ce dernier est assisté d’un Adjoint. Au rang des services de la Présidence de la République, figurait la Direction des Grands Travaux Présidentiels. Cependant, ce service décrié pour sa gestion opaque est supprimé par un Décret présidentiel de 2017. La crise pétrolière qu’a connue le Tchad à partir de l’année 2015 serait la cause. Ses attributions sont transférées au Ministère en charge des infrastructures. Paragraphe 5 : les services rattachés à la Présidence de la République Il s’agit des structures sous tutelle de la Présidence de la République. Ils sont prévus à l’article 63 du décret n°657/PR/2016 du 06 octobre 2016 portant restructuration des services de la Présidence de la République. Ils comprennent entre autre : - l’Ecole Nationale d’Administration (ENA) ; - l’Agence Nationale de Sécurité (ANS); - le Mécanisme Africain d’Evaluation par les Pairs (MAEP) ; - l’Inspection Générale d’Etat (IGE) ; - l’Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMP) ; - la Société des Hydrocarbures du Tchad (conformément à l’article 1er du décret n°307/PR/2017 portant Statuts de la SHT), etc. Ces structures sous tutelles sont régies par leurs textes propres. D’autres peuvent s’ajouter à cette liste pour des raisons propres aux autorités gouvernementales. Cependant, il faut retenir que même qualifiés d’administrations, ces services dont s’entoure le Président de la République présentent une réalité bien souvent différente comparés à d’autres administrations. La désignation du personnel, leur fonctionnement du fait de leur connexité avec les fonctions politiques sèment le doute quant à leur rangement dans la catégorie des services purement administratifs. Les analyses faites par le Professeur François DREYFUS suffisent pour s’en convaincre : « les rôles et l’influence de ceux qui composent cet « entourage » présidentiel ne peuvent être analysés de manière formelle, aussi bien dans les rapports qu’ils entretiennent avec le chef de l’Etat qu’avec le monde extérieur, et plus spécifiquement avec les autres organes politiques et administratifs. L’étendue de leur pouvoir tient à des facteurs divers : liens personnels forgés dans un compagnonage politique de longue date, compétence technique, appartenance partisane, relation d’amitié. Toutefois, quelles que soient les raisons qui déterminent le choix des collaborateurs et quelle que soit leur situation hiérarchique dans l’organigramme élyséen, une constatation s’impose : la majorité de l’entourage est issue de la fonction publique et plus particulièrement de la haute fonction publique. Ce phénomène n’est pas propre à la présidence de la République et on observe également pour les cabinets du Premier Ministre et des membres du gouvernement. Une raison de ce phénomène tient à la faiblesse du budget

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propre de fonctionnement qui ne permet pas de rémunérer les membres de l’entourage : dès lors qu’ils sont fonctionnaires, l’administration dont ils dépendent et qui les met à la disposition de la présidence leur verse leur traitement et lorsque leur fonction prend fin – quand un nouveau président est élu ou pour toute autre raison – ils retrouvent leur emploi au sein de l’administration »179. On s’aperçoit que la désignation du personnel et le fonctionnement de ces appareils traduisent des réalités constatées au Tchad qu’ailleurs, en France en l’occurrence. La différence résiderait sur l’aspect « une raison de ce phénomène tient à la faiblesse du budget propre de fonctionnement qui ne permet pas de rémunérer les membres de l’entourage ». En effet, l’entourage présidentiel au Tchad est l’incarnation de l’opulence. Les personnes qui entourent le Président de la République ne sont pas de ceux qui se plaignent de la faible rémunération ; et l’une des raisons de cette opulence réside même dans l’opacité des fonds alloués à l’institution présidentielle. SECTION 2 : de la Primature et ses services centraux à sa suppression A l’instar de la Présidence de la République, la primature engrangeait un certain nombre de services administratifs placés sous la responsabilité du Premier ministre depuis sa création jusqu’à sa suppression par la Le premier ministre, promulgation de la Constitution du 04 mai 2018180. dans ses tâches administratives, assurait l’exercice normal et quotidien de la direction de l’Administration dont il est le responsable en vertu de l’article 98 de la Constitution de 1996 révisée. A ce titre, il serait convenable de cerner tout d’abord l’étendue des attributions et compétences dévolues au Premier ministre tchadien, tant sur le plan administratif que politique. En effet, en plus des prescriptions constitutionnelles, on retrouve les attributions du Premier ministre dans tous les décrets portant structure générale du gouvernement et attributions de ses membres. Tel le décret n°622/PR/PM/2016 du 16 septembre 2016, portant structure générale du gouvernement et attributions de ses membres. Aux termes de ce décret, le Premier ministre est chargé de la direction, de la coordination et de

179 DREYFUS (F), Les institutions politiques et administratives de la France, op cit, p. 103104. 180 Néanmoins, il faut rappeler une fois de plus que l’avènement des réformes institutionnelles de 2018 qui instaure la IVème République consacre un régime dit « présidentiel intégral». Ce qui entraine la suppression du poste de Premier ministre (lire la Synthèse des travaux du Forum national inclusif, p. 5) ; le Président de la République devenant dorénavant la seule figure de l’Exécutif. Cependant, étudier la Primature dans le présent ouvrage n’est pas superflu car, même si avec l’adoption de la Constitution de la IVème République cette institution est supprimée, cette étude sera indispensable à la connaissance de l’histoire des institutions administratives de la République du Tchad afin de saisir leur évolution et leurs différentes mutations.

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l’animation de l’action gouvernementale181. Il dispose de toute l’administration182. A ce titre, il a la responsabilité des actions suivantes : - mise en œuvre du pouvoir réglementaire ; - élaboration du programme politique du Gouvernement ; - engagement devant l’Assemblée Nationale de la responsabilité du Gouvernent sur son programme et déclaration de politique générale ; - engagement devant l’Assemblée Nationale sur le vote des textes après délibération du Conseil des ministres ; - présidence du Conseil de cabinet et des Hauts comités interministériels ; - suppléance du Président de la République dans la présidence du Conseil des ministres sur un ordre du jour déterminé ; - arbitrage dans le cadre des Comités interministériels ; - interface entre le Président de la République et les différents départements ministériels ; - contreseing des actes du Président de la République autres que ceux prévus à l’article 91 de la Constitution ; - suppléance du Président de la République dans la présidence des Conseils et des Comités de défense ; - demande de convocation de l’Assemblée Nationale en session extraordinaire ; - proposition de nomination et de révocation des ministres ; - préparation de la démission du Gouvernement ; - contrôle des procédures de passation des marchés publics ; et - visa et enregistrement des contrats de marchés publics passés au nom de l’Etat par les départements ministériels et autres institutions publiques. Afin d’assumer toutes ces attributions, le Premier ministre forme autour de lui une administration spécifique chargée à cet effet. Dans les colonnes de ces services, on compte le Secrétariat Général, la Direction de Cabinet et autrefois le Secrétariat Général du Gouvernement. Ainsi, les services de la primature sont organisés par le décret n°1143/PR/PM/2013 du 20 décembre 2013 portant restructuration des services de la Primature. Ce décret est complété par celui n°1169/PR/PM/2013 portant additif au décret n°1143/PR/PM/2013 du 20 décembre 2013 portant restructuration des services de la primature. Un arrêté, celui n°1032/PR/PM/2013 du 16 avril 2013 portant organisation et attributions des services de la primature

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Article 8 du décret n°622/PR/PM/2016 du 16 septembre 2016 précité. Sous la IVème République, cette responsabilité est plutôt dévolue au Président de la République en vertu de l’article 85 de la Constitution qui dispose que « le Président de la République est le détenteur du pouvoir exécutif. Il est le Chef du gouvernement et de l’Administration et à ce titre, il détermine et conduit la politique de la nation. Il exerce le pouvoir règlementaire. Il dispose de l’administr ation (…) ». 182

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détermine les attributions de chaque service relevant de la Primature. Aux termes dudit arrêté, la primature est organisée en : - Services du Secrétariat Général ; et - Services de la Direction de Cabinet183. Paragraphe 1 : les Services du Secrétariat Général Le Secrétariat Général de la Primature est un organe essentiel au service du Premier ministre. Il est composé du Secrétariat du Secrétaire Général et du Secrétariat des Conseillers Techniques. Le Secrétariat du Secrétaire Général, décomposé en Direction du Courrier et de la Documentation, comprend le Service Courrier Arrivé, chargé de la réception, de l’enregistrement, du tri et de la ventilation de tous les courriers de la Primature et le Service Courrier Départ, chargé de l’expédition du Courrier de la Primature aux destinataires. Le service Documentation et Archives est quant à lui chargé d’assurer la reproduction, l’archivage et le classement de tous les documents de la primature ainsi que l’acquisition de divers documents. Un autre service, celui de l’informatique et Base de données est chargé de la gestion du parc informatique de la Primature et de la conservation des données. Il faut noter en outre que le Secrétariat du Secrétaire Général est dirigé par un Assistant chargé de coordonner les activités du Secrétariat et d’accomplir toutes les tâches à lui confiées. Le Secrétariat des Conseillers Techniques est constitué de trois pools de secrétaires. Les Conseillers Techniques sont assistés chacun par des Assistants dont le nombre est arrêté en fonction du volume des activités du secteur concerné. Le décret n°1169/PR/PM/2013 précité, par exemple, crée deux postes de Conseillers spéciaux à la Primature. Ceux-ci sont à la disposition exclusive du Premier ministre et peuvent exécuter des missions et suivre et/ou exploiter des dossiers à eux confiés par le Premier ministre184. De même, selon les dispositions du décret n°006/PR/PM/2016 du 12 janvier 2017 précité, est supprimé le poste de Conseiller Point Focal chargé du suivi de la mise en œuvre des Diplômes d’Etudes Spécialisées en Sciences de Santé. Ses attributions sont dévolues au Conseiller à la Santé Publique et aux Affaires Sociales. En outre, il est créé par le même décret, un nouveau poste de Conseiller aux Affaires Religieuses et à la Cohabitation Pacifique. Ce dernier est chargé du traitement de toutes les questions liées aux cultes, à la cohabitation pacifique et à la cohésion sociale. Il formule des avis et conseils relatifs aux questions religieuses et conflits communautaires. Les Assistants, chargés d’appuyer les Conseillers Techniques dans l’accomplissement de leur mission, ont pour tâche de : - collecter des informations sur différents sujets demandés par les Conseillers Techniques ; 183 184

Article 1er de l’arrêté n°1032/PR/PM/2013 du 16 avril 2013 ci-haut cité. Article 2 du décret n°1169/PR/PM/2013 précité.

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- être en contact régulier avec les services techniques des départements ministériels pour s’informer et suivre leurs activités ; - faire des synthèses et des réflexions demandées par les Conseillers Techniques ; - préparer les courriers et les fiches indiquées par les Conseillers Techniques ; - représenter les Conseillers Techniques dans les réunions organisées par les départements ministériels ou autres organismes ; et - accomplir toutes autres tâches techniques confiées par les Conseillers Techniques. Paragraphe 2 : le Cabinet du Premier ministre Le Cabinet du Premier ministre est composé de personnes n’ayant pour mission rien que d’assister ce dernier dans ses fonctions. En France par exemple, « le Premier Ministre est assisté d’un cabinet constitué à sa convenance et composé d’un directeur de cabinet, des conseillers techniques et de chargés de missions ; le cabinet peut également comporter des chargés de missions placés directement auprès du Premier ministre, échappant ainsi à l’autorité hiérarchique du directeur de cabinet. Comme à la Présidence de la République, les conseillers techniques « suivent » chacun l’activité d’un ou plusieurs ministères. En particulier, ils président les réunions interministérielles (ou y assistent lorsque le directeur de cabinet les préside), réunions auxquelles participent tous les ministères concernés en vue de discuter les textes législatifs ou réglementaires en préparation. Le cabinet du Premier ministre assure la liaison avec tous les ministères, et permet au chef du gouvernement de remplir sa fonction de direction et de coordination. Il prépare les dossiers pour les comités interministériels présidés par le Premier ministre. Il assure l’information en direction des ministères. Organe politique, lié à la personne du Premier ministre, le cabinet comme celui des ministres, change lorsque les fonctions du gouvernement prennent fin »185. Au Tchad, la Direction de Cabinet du Premier ministre est composée du Secrétariat particulier du Premier ministre et du Secrétariat de la Direction de cabinet. Le Secrétariat particulier du Premier ministre est dirigé par deux Secrétaires particuliers186. Il est chargé des affaires réservées du Premier ministre. Le Secrétariat de la Direction de cabinet quant à lui est dirigé par un Assistant chargé de coordonner les activités du Secrétariat et d’accomplir toutes les tâches à lui confiées. En outre, dans l’organisation des services de la Direction de cabinet, on note les services ci-après : - la direction du protocole comprenant le service d’accueil, le service cérémonial, le service des documents protocolaires et un secrétariat ; 185

DREYFUS (F), Les institutions politiques et administratives de la France, op cit, p.109. Arrêté n°1032/PR/PM/2013 du 16 avril 2013 portant organisation et attributions des services de la primature. 186

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- la direction de l’hôtellerie comprenant le service restauration, le service des hôtes, le service entretien domestique et le service Economat ; - la direction de la communication comprenant le service presse, le service audio-visuel, le service site web et le service traduction et interprétariat ; - la direction des affaires administratives, financières et du matériel comprenant le service du budget et de la comptabilité, le service gestion des ressources humaines, le service matériels et bâtiments, le service parc automobile ; - la coordination des services de sécurité comprenant le service de sécurité en tenue et le service de sécurité rapprochée. Les attributions des différents services ci-dessus sont prévues par l’arrêté n°1032/PR/PM/2013 du 16 avril 2013 précité187. En outre, aux termes de cet arrêté, d’autres services peuvent être crées par arrêté en cas de besoin188. Chaque service est dirigé par un chef de service assisté d’un adjoint. Autrefois, le Secrétariat Général du Gouvernement était un organe interne de la Primature au Tchad. Comme en France, c’est un organe administratif. S’agissant de ses attributions, le Professeur François DREYFUS écrit qu’il s’agit d’un organe administratif remplissant des fonctions nombreuses sous la direction du Secrétaire Général du Gouvernement. Il prépare et convoque les réunions interministérielles et rédige les relevés de décisions qui y sont prises. Il prépare le Conseil des ministres ainsi que le programme de travail gouvernemental semestriel – dans les deux cas en collaboration avec le Secrétaire Général de la Présidence de la République. Il a un rôle juridique important, notamment dans les phases d’élaboration et de signature des textes mais surtout en tant que passage obligé pour faire procéder à la publication au Journal Officiel. Son rôle de régulation des procédures entre les organes de l’Etat est essentiel au bon fonctionnement de la machine gouvernementale (…). Bien que la fonction soit plutôt considérée comme administrative, on peut s’interroger sur l’influence du Secrétaire Général du Gouvernement dans la prise des décisions politiques189. Au Tchad, le Secrétariat Général du Gouvernement, en tant qu’organe interne de la Primature, donnait au premier ministre les moyens d’assurer sa mission de direction suprême, de coordination, notamment en matière de rédaction des décrets, de préparation des réunions du Conseil des ministres, de relation avec le Parlement dans le cadre de l’action législative du gouvernement (préparation des projets de lois)190. Aujourd’hui, le Secrétariat Général du 187

Ces attributions figurent notamment aux articles 12 à 33 de l’arrêté n°1032/PR/PM/2013 du 16 avril 2013 ci-haut cité. 188 Article 34 de l’arrêté n°1032/PR/PM/2013 du 16 avril 2013 précité. 189 DREYFUS (F), Les institutions politiques et administratives de la France, op cit, p.110. 190 ROUX (J-C) (Dir.), Organisation administrative, décentralisation et administration territoriale au Tchad et en France, op. cit, p.20.

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Gouvernement est au Tchad un portefeuille ministériel autonome, chargé des réformes et des relations avec les Institutions de la République. Il est chargé d’assurer l’efficacité et la continuité de l’Administration. En outre, à côté des services de la primature, il existe des organismes ou institutions sous tutelle, tel le cas de l’OCMP, chargé du contrôle des Marchés publics. SECTION 3 : les différents départements ministériels Les ministères au Tchad ont une configuration trop instable et leur nombre varie en fonction des conjonctures socio-politiques voire économiques191. En en effet, le foisonnement des départements ministériels au Tchad est lié à des motifs plutôt politiques que techniques, même s’il faut reconnaitre par endroit une tendance – ce qui devrait être la logique nous osons croire – à leur augmentation en raison du développement des missions prises en charge par l’Etat interventionniste. Raison pour laquelle on assiste à un éclatement des départements ministériels à l’aube et au lendemain des élections présidentielles, avec des remaniements intempestifs. S’il faut les définir, les départements ministériels sont l’ensemble des services administratifs placés sous l’autorité d’un ministre.192. Ce sont des organes spécialisés dans la direction d’un ensemble de services. Il s’agit en effet des structures dépourvues de personnalité juridique distincte de celle de l’Etat et placées sous l’autorité d’un ministre nommé par décret du Président de la République. Les ministères sont chargés de transformer la politique gouvernementale en action administrative, étant entendu que c’est par l’action administrative que s’assoit la vision politique. Leur structuration est déterminée par décret du Président de la République tandis que leur organisation et leur fonctionnement interne relèvent de la compétence du ministre en charge qui en détermine par arrêté. En effet, les ministres ont une activité administrative qui s’exerce par voie d’arrêtés – pour les décisions – et par voie d’instructions et de circulaires pour les directives données aux différents services dépendants des départements ministériels qu’ils dirigent. Ils sont, de ce fait, les chefs de la hiérarchie administrative qui subordonne les agents publics à leur autorité. Il 191

Le Comité technique interministériel d’appui au Haut comité chargé des réformes institutionnelles n’a pas perdu de vue cet aspect. Dans son Rapport final, il constate que « (…) la Structure Générale du Gouvernement et les attributions de ses membres varie à chaque nouveau Gouvernement. Cette instabilité dans la structure et le nombre des membres du gouvernement ainsi que la localisation physique des Ministères participe grandement au dysfonctionnement de l’administration publique et nuit à l’efficacité de la politique gouvernementale. Aussi, est-il souhaitable de figer la Structure Générale du Gouvernement, quitte à créer des Secrétariats d’Etat en fonction des conjonctures. C’est le seul moyen d’éviter que les remaniements du Gouvernement n’aient des répercutions préjudiciables sur la gestion de l’administration et d’assurer la nécessaire stabilité des politiques sectorielles », (lire le Rapport final du Comité technique d’appui au Haut comité chargé des réformes institutionnelles, p.64 et la Proposition de décision n°25 ; lire aussi la synthèse des travaux du forum national inclusif, p.7). 192 CORNU (G) (Dir), Vocabulaire juridique, op. cit, p.275.

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s’agit de personnalités politico-administratives ayant sous leur responsabilité un ensemble de services. Certains sont autonomes, d’autres sont rattachés soit au premier ministre, soit à un ministre ou encore délégués à la Présidence de la République. Sous leur autorité, la direction technique des services est assurée par les bureaux du ministère, qui centralisent toute l’administration193. Les ministères, différents des administrations déconcentrées de l’Etat et de celles décentralisées, sont subdivisés inéquitablement en Secrétariats généraux, Directions de cabinet, Administrations centrales (directions, sousdirections, services et bureaux, etc.), Inspections générales, Services déconcentrés, Organismes sous tutelle etc. en fonction de leurs missions. C’est d’ailleurs ce qui ressort clairement des termes du décret n°427/PR/2016 du 17 juin 2016 portant structure générale du gouvernement et attribution de ses membres selon lequel, « les ministres disposent pour l’exercice de leurs fonctions : - d’un cabinet ; - d’une administration centrale ; - des services déconcentrés ; - des organismes sous tutelle »194. La composition et les attributions des Cabinets ministériels sont fixées par le décret n°333/PR/PM/2002 du 26 juillet 2002 et des textes modificatifs subséquents. Toutefois, il ressort des constats que les directions de cabinet et les administrations centrales semblent omniprésentes dans tous les départements ministériels. Les directions techniques sont placées sous la responsabilité des directeurs qui sont nommés et révoqués discrétionnairement par décrets pris en Conseil des ministres. Leur fonction se situant à la charnière du politique et de l’administratif, cette situation justifie l’exigence d’une fidélité sans faille à l’égard de la politique gouvernementale195. Les autres personnels et cadres sont soit des fonctionnaires relevant du statut de la fonction publique donc astreints à ce statut, soit des contractuels de l’administration soumis au régime juridique dont ils relèvent, notamment le droit de travail et les conventions collectives. Les directions de cabinet et secrétariats généraux des ministères, comme ceux du Président de la République et du Premier ministre, ont pour missions d’assister le ministre dans ses fonctions, qu’elles soient politiques ou administratives. La configuration des services ministériels au Tchad est longtemps calquée sur le modèle français actuel avec quelques particularités – mimétisme dont il ne faut perdre de vue – au sujet duquel se plaint le 193

Lire TROTABAS (L) et ISOART (P), Droit public, op.cit, p. 134- 13. Article 3 du décret n°427/PR/2016 du 17 juin 2016 ci-haut cité. 195 Lire GUETTIER (C), Institutions Administratives, op cit. p.196. 194

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Professeur Christophe GUETTIER en ces termes : « aujourd’hui, l’administration française a perdu sa belle ordonnance classique et simple pour devenir progressivement un ensemble baroque et complexe. En effet, les structures administratives ont proliféré. Ainsi au niveau national, l’organisation du gouvernement est désormais plus brouillée. Entre les ministres et les directeurs se sont interposés des cabinets ministériels de plus en plus étoffés. Il en résulte un enchevêtrement des compétences, certaines lourdeurs et même des rivalités. En outre, aux directions classiques des ministères se sont ajoutées des « missions » ou des « délégations », parfois interministérielles, temporaires ou permanentes, qui rendent plus difficile la coordination entre les services et la recherche de l’interlocuteur valable »196. Il faut donc retenir que l’on est en face d’une structure touffue avec des attributions difficilement extirpables par moments. Cette situation est d’autant plus vexante dans la mesure où même les administrateurs placés dans ces hautes sphères administratives brillent par des confusions dans leurs actions. Qu’à cela ne tienne, il serait opportun de visiter ces différents départements ministériels en fonction de leurs natures. Paragraphe 1 : les ministères régaliens ou ministères de souveraineté Certains départements ministériels sont dits régaliens ou de souveraineté en raison de la place qui leur revient au sein de l’appareil d’Etat, a fortiori au sein de l’appareil gouvernemental. Ils sont reconnus comme tels eu égard aux services dont ils ont la charge ; services pérennes dans tout Etat moderne et qui ne sauraient faire l’objet de privatisation, de concession, de transfert ou d’une délégation quelconque. Ils sont omniprésents ; leur place au sein de la structure gouvernementale est quasiment obligatoire. Ils sont considérés comme tels non pas en fonction de leur importance budgétaire mais bien plus du fait qu’ils répondent aux fonctions régaliennes de l’Etat197. Ces ministères sont entre autres :

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Idem, p.4. M. YVES GUITON dira qu’à l’occasion du remaniement les journalistes utilisent fréquemment le terme (Ministère régalien), notamment à propos de Michèle Alliot Marie qui avait « enchainé » successivement trois (3) ministères régaliens (Défense, Justice et Affaires étrangères). Intuitivement le lecteur imagine que ce sont des ministères « importants ». Et pourtant non, ce n’est pas ce critère-là qui est en jeu : le ministère de l’éducation nationale, qui est le plus important sur le plan budgétaire et qui comprend le plus grand nombre de fonctionnaires, n’est pas régalien. Ce n’est pas non plus les ministères où on se régale. Régalien : c’est ce qui appartient au roi…c’est donc le cœur de l’Etat, qui ne peut pas être délégué car c’est ce qui fonde la souveraineté : l’Armée, la Diplomatie, la Justice (on dit encore le Garde des Sceaux, comme sous l’Ancien Régime), l’Ordre public. Les autres ministères résultent d’une extension progressive du rôle de l’Etat. Par exemple l’Education ou la Santé ont longtemps été de la responsabilité de l’église. Il existe encore des pays (Etats-Unis par exemple) où beaucoup de gens considèrent que l’éducation est une affaire privée et ne concerne pas l’Etat (YVES GUITON, en ligne, Google, consulté le 11 février 2018). 197

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- le Ministère en charge de la Défense dont la dénomination varie en fonction des services qui lui sont affectés198. Le Ministère de la défense est tantôt autonome, tantôt rattaché à la Présidence de la République. Il a pour mission l’ensemble des services relevant de la Défense Nationale. Celle-ci est assurée par l’Armée Nationale Tchadienne199, la Gendarmerie Nationale et la Garde nationale et nomade200. Selon l’article 20 du décret n°427/PR/2016 du 17 juin 2016, ce ministère est chargé de la défense de l’intégrité du territoire et de l’unité nationale, de la garantie de l’indépendance nationale et de la sécurité du pays ainsi que des intérêts des anciens combattants et des victimes de guerre. Il assure la participation de l’Armée Nationale aux tâches de développement économique et social ainsi qu’aux opérations humanitaires. C’est lui qui s’occupe de l’organisation des forces de défense et de la mobilisation de l’ensemble des forces de défense et de sécurité pour la défense de l’intégrité territoriale. Il dispose d’un rôle important en matière judiciaire car c’est lui qui assure la mise en place et le suivi du fonctionnement des tribunaux militaires. Elle peut aussi se voir confier d’autres missions en dehors de celle-là par une loi. La Gendarmerie Nationale assure la protection des personnes et des biens, le maintien et le rétablissement de l’ordre public, le respect des lois et règlements. Il lui est aussi reconnu d’exécuter les taches de police judiciaire et de police administrative sur l’ensemble du territoire national dans le respect des

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Ministère de la Défense Nationale, Ministère de la Défense Nationale et des Anciens Combattants, Ministère Délégué à la Présidence de la République Chargé des Anciens Combattants et des victimes de guerre etc. 199 L’on ne saurait parler de l’Armée Nationale au Tchad sans relever ses dérives et son désorganisation. Cette armée est sujette à de vives critiques de la part des populations du fait des conduites reprochables des militaires. C’est ce qui ressort d’ailleurs des constats du Rapport final du Comité Technique qui, en proposant la poursuite de son assainissement, remarquait que « dans un Etat de droit, les forces de défense et de sécurité sont soumises au pouvoir civil et à la légalité républicaine. Mais, il arrive que des dérapages incompatibles avec les missions de l’Armée soient relevés. Cette situation crée une méfiance entre les Hommes en tenues et la population civile. La mise en œuvre des pertinentes résolutions issues des états généraux de l’Armée redonnera confiance à la population et limitera en conséquence, certains abus ayant cours au sein de nos forces de défense et de sécurité. Aussi, la poursuite des efforts de professionnalisation de l’armée renforcera le prestige et l’efficacité opérationnelle de celle-ci, dans un contexte où la donne sécuritaire régionale est des plus précaires. Les retombées actuelles du travail fourni depuis 2011 doivent encourager l’Autorité suprême à parachever l’œuvre de construction d’une Armée Nationale, efficace et protectrice des intérêts nationaux », (Rapport final du Comité technique interministériel d’appui au Haut comité chargé des réformes institutionnelles, p. 55 et la Proposition de décision n°24 ; lire aussi la synthèse des travaux du forum national inclusif, p.6). C’est donc pour pallier ces dérives qu’il est institué par la Constitution du 04 mai 2018 (articles 174 à 177), une Justice militaire comprenant un Tribunal militaire et une Haute Cour militaire chargés de juger les militaires auteurs de certaines infractions. 200 Article 187 de la Constitution du 04 mai 2018.

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libertés et des droits de l’Homme201. Néanmoins, il faut noter cependant que ces services sont quasiment entre les mains du Président de la République, non pas seulement en vertu des prérogatives qu’il tire de la Constitution202 mais aussi pour des raisons quasi personnelles. - le Ministère en charge de la Justice : il est aussi sujet à de dénominations variées en fonction des services qui lui sont affectés. Généralement, il s’occupe du traditionnel service public de la justice mais se voit aussi attribuer les services relevant des droits de l’Homme et de la gouvernance. Raison pour laquelle il prend tantôt la dénomination de Ministère de la Justice ; Ministère de la Justice et des Droits de l’Homme ; Ministère de Justice, des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales ; Ministère de la Justice, des Droits de l’Homme et de la Promotion de Bonne Gouvernance, etc. Il s’assure de l’organisation et du fonctionnement régulier des Cours, Tribunaux et Justices de paix, comme le prévoit par exemple le décret n°0011/PR/PM/MJCDH/2017 portant organigramme du ministère de la justice, chargé des Droit Humains, qui dispose que : « le ministère de la justice, chargé des droits humains assure la responsabilité de la gestion des Services Judiciaires ci – après : - Cours d’Appel ; - Tribunaux de grande Instance ; - Tribunaux de travail ; - Tribunaux de commerce ; - Justices de Paix »203. En outre, aux termes du décret n°427/PR/2016 du 17 juin 2016, ce ministère est chargé de la conception, de la coordination, de la mise en œuvre et du suivi de la politique du gouvernement en matière de justice et des droits de l’homme204. A cet effet, le ministre de la justice assure le pouvoir hiérarchique sur les magistrats du parquet (les Procureurs et leurs substituts) et suit le fonctionnement du Conseil Supérieur de la Magistrature dont il est de droit le Premier Vice-président205, sans exercer sur ce dernier la tutelle car, les magistrats de siège ne sont soumis qu’à l’autorité de la loi206 ; tout en tenant compte du fait que ce Haut Conseil est présidé par le Président de la République207.

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Voir les articles 191 à 196 de la Constitution de la République du Tchad de 1996 révisée et les articles 183 à 192 de la Constitution du 04 mai 2018. 202 Article 86 de la même Constitution. 203 Article 25 du décret n°0011/PR/PM/MJCDH/2017 portant organigramme du ministère de la justice, chargé des Droit Humains. 204 Article 15 du décret n°427/PR/2016 du 17 juin 2016 précité. 205 Article 146 de la Constitution de la République du Tchad de 1996 révisée. 206 Article 150 de la même Constitution ; article 156 de la Constitution du 04 mai 2018. 207 Article 146 de la Constitution de 1996 révisée ; article 152 de la Constitution du 04 mai 2018.

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- le Ministère en charge des Affaires Etrangères : ce ministère est aussi sujet à dénominations variables208. Il s’occupe de la diplomatie tchadienne, c’est-à-dire les rapports entre le Tchad et les pays étrangers et organisations internationales. Il est chargé donc de la conception, de la coordination, de la mise en œuvre et du suivi de la politique du gouvernement en matière de relations extérieures, d’intégration africaine et de la coopération internationale. Il a la responsabilité des engagements du Tchad à l’extérieur et veille sur les ressortissants tchadiens et leurs biens au-delà des frontières nationales par l’entremise des ambassadeurs, qu’ils soient des missions spéciales ou des missions permanentes ainsi que des Consuls (honoraires ou généraux). - le Ministère en charge de l’économie, des finances et du budget : Ministère de l’Economie et du Plan ; Ministère de l’Economie, des Finances et du Budget ; Ministère de l’Economie et de la Coopération internationale, telles sont les différentes dénominations attribuées à ce ministère en fonction des missions qui lui sont assignées. Ce département ministériel est en charge des questions relevant des ressources et dépenses de l’Etat ; de ce qui relève de la coopération en matière économique (en concertation avec celui des affaires étrangères). En tant que département en charge des finances et du budget, il est chargé de la conception, de la coordination, de la mise en œuvre et du suivi de la politique du gouvernement en matière monétaire, financière, budgétaire et de microcrédits. Lorsqu’il a la charge de l’économie et du commerce, il assure la conception, la coordination, la mise en œuvre et le suivi de la politique du gouvernement en matière d’économie et du commerce. - Le ministère de la sécurité publique : Ministère de la sécurité publique ; Ministère de l’intérieur et de la sécurité publique ; Ministère de la sécurité publique et de l’immigration etc., c’est le département en charge des questions sécuritaires. A cet effet, il est chargé de la conception, de la coordination, de la mise en œuvre et du suivi de la politique du gouvernement en matière de sécurité publique, d’émigration et d’immigration. Il s’assure du maintien de l’ordre et de la sécurité publique, la surveillance du territoire, le suivi et le contrôle du séjour des étrangers sur le territoire national, la maîtrise du flux migratoire, etc. Il participe aussi à la mise en œuvre de la police économique et financière, à la mise en œuvre de la police des stupéfiants et lutte contre la criminalité organisée, à la grande délinquance et la drogue, à la mise en œuvre de la police judiciaire et de la coopération Interpol. Il assure également la police générale et l’autorisation d’achat d’armes et de munitions, la détention et le port d’armes, la collecte des renseignements généraux nécessaires à l’information du gouvernement, la délivrance de la carte nationale d’identité, de passeports 208

Ministère des Relations Extérieures, Ministère des Affaires Etrangères et de l’Intégration Africaine, etc.

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ordinaires, des visas ordinaires d’entrée et de sortie, des cartes de séjour. Il contrôle la circulation intérieure et transfrontalière des personnes. Au demeurant, si telle est la configuration des ministères régaliens au Tchad, il faut noter que ces ministères à eux seuls ne suffisent pas pour répondre aux besoins des populations. Il va falloir créer d’autres avec des tâches et missions bien définies. Paragraphe 2 : les autres départements ministériels Ils sont nombreux et leur nombre varie en fonction des conjonctures politiques et socio-économiques comme évoqué ci-haut. Certains n’ont pas une place de plein droit dans l’appareil gouvernemental : tel le ministère des microcrédits qui n’a eu qu’une existence éphémère. D’autres sont de création nouvelle ; l’exemple du ministère de la femme et de la petite enfance en est une illustration. Certains sont d’administration générale, d’autre sont techniques. En effet, bien que variant en fonction des conjonctures socio-politiques et économiques, nous prenons le gouvernement du 14 août 2016 à titre illustratif pour étayer notre étude. A ce titre, le décret n°518/PR/PM/2016 du 14 août 2016 portant nomination des membres du gouvernement, institue entre autre : - le Ministère des affaires étrangères, de l’intégration Africaine et de la coopération internationale ; - le Ministère de l’administration du territoire et de la gouvernance locale ; - le Ministère des infrastructures et du désenclavement ; - le Ministère de la sécurité publique et de l’immigration ; - le Ministère des finances et du budget ; - le Ministère de l’économie et de la planification du développement ; - le Ministère de la production, de l’irrigation et des équipements agricoles ; - le Ministère de la Justice, garde des sceaux, chargé des Droits Humains ; - le Ministère délégué à la Présidence de la République chargé de la défense nationale, des anciens combattants et des victimes de guerre ; - le Ministère de l’éducation nationale et de la promotion civique ; - le Ministère de la communication, porte-parole du gouvernement ; - le Ministère de la santé publique ; - le Ministère de l’élevage et des productions animales ; - le Ministère des mines, de la géologie et des carrières ; - le Ministère de l’eau et de l’assainissement ; - le Ministère de l’aménagement du territoire, du développement de l’habitat et de l’urbanisme ; - le Ministère des postes et des nouvelles technologies de l’information ;

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- le Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ; - le Ministère de la femme, de la famille et de la solidarité nationale ; - le Ministère du pétrole, de l’énergie, chargé de la promotion des énergies renouvelables ; - le Ministère du développement aéronautique et de la météorologie nationale ; - le Ministère de la fonction publique, de l’emploi, chargé du dialogue social ; - le Ministère du développement touristique, de la culture et de l’artisanat ; - le Ministère de l’environnement et des pêches ; - le Ministère du développement industriel, commercial et de la promotion du secteur privé ; - le Ministère de la jeunesse, des sports et des loisirs ; - le Ministère de la formation professionnelle et de la promotion des métiers ; - le Ministère Secrétariat Général du Gouvernement, chargé des réformes et des relations avec les institutions de la République. Un décret de 2017 les réduit à vingt-quatre (24) alors que le décret du 18 juin 2018 (IVème République) institue un gouvernement de vingt-cinq (25) ministres et quatre (4) Secrétaires d’Etat. Chacun de ces départements ministériels assume des tâches qui lui sont propres en fonction des attributions qui lui sont dévolues par des actes réglementaires. C’est le cas du décret n°622/PR/PM/2016 du 16 septembre 2016, portant structure générale du gouvernement et attributions de ses membres, qui passe en revue tous les départements ministériels avec leurs attributions respectives. Pour ce qui concerne la structuration de leurs administrations, elle est presque la même comme ci-haut décrite : Direction de Cabinet, Secrétariat général, Inspection générale, Administration centrale (constituée de directions, sous-directions, bureaux), Structures déconcentrées et des Organismes sous tutelle. Ainsi, chaque département ministériel dispose d’un organigramme propre. Cet organigramme est défini par décret du Président de la République, contresigné par le Premier ministre (autrefois) et le ministre en charge du département (sur proposition de ce dernier). Quelques cas de figures suffisent pour illustrer. Si l’on prend pour exemple le ministère de l’éducation nationale et de la promotion civique, on retrouve la structuration suivante : - une Direction de cabinet ; - une Inspection générale ; - une administration centrale ; - des services déconcentrés ;

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- des organismes sous tutelle ; - des organes consultatifs209. Il en est de même pour le ministère de la production, de l’irrigation et des équipements agricoles dont l’organigramme, prévu par le décret n° 717/PR/PM/MPI/2016 du 07 décembre 2016, comprend une Direction de cabinet, une Inspection générale, une Administration centrale, des Services déconcentrés et des Organismes sous tutelle. Le décret n°718/PR/PM/MESRI/2016 portant organigramme du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, prévoit quant à lui un organigramme comprenant une Direction de cabinet, une Inspection générale, des services déconcentrés, des Etablissements d’enseignement supérieur et de la recherche, des Organismes sous tutelle et des Organes consultatifs et de contrôle. Chacun des organes prévus dans l’organigramme peut avoir sa structuration interne. Pour le Ministère de l’eau et de l’assainissement, prévu par le décret n°716/PR/PM/MEA/2016 par exemple, l’Administration centrale comprend un Secrétariat général, une Direction générale de l’hydraulique et de l’assainissement, une Direction générale des ressources en eau, des études et de la planification. Ces derniers sont quant à eux subdivisés en directions, sous-directions, bureaux et services. Les organismes sous tutelle quant à eux sont soit des Etablissements publics (EPA et EPIC), soit des entreprises publiques. Pour ce qui concerne le ministère de l’économie et du commerce, prévu par le décret n°464/PR/PM/MEC/2016 du 1er août 2016, par exemple, les Etablissements et organismes sous tutelle sont entre autre : - la Chambre de Commerce, d’Industrie, d’Agriculture, des Mines et d’Artisanat (CCIAMA); - la Société Cotonnière du Tchad – Société Nouvelle « COTONTCHAD – SN» ; - la Nouvelle Société Textile du Tchad (NSTT) ; - la Société Jus de Fruit de Doba ; - le Secrétariat Permanent de Désengagement de l’Etat des Entreprises (SPDEE); - l’Unité de Mise en Œuvre du Cadre Intégré Renforcé (UMOCIR). Chacun de ces Etablissements publics et organismes sous tutelle est régi par ses textes propres ; tout en tenant compte du fait que les ministères auxquels ils sont rattachés exercent sur eux le pouvoir de tutelle prévu par les mécanismes de la décentralisation technique ou par service. En outre, sans qu’aucun texte n’établisse expressément une hiérarchie entre ces différentes structures ministérielles, l’on constate à travers le 209

Article 1er du décret n°714/PR/PM/MENPC/2016 du 07 décembre 2016 portant organigramme du ministère de l’éducation nationale et de la promotion civique.

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mécanisme de la préséance ou de l’ordre protocolaire, un certain rang entre les différents ministres soit en raison du poids de leurs portefeuilles, soit en raison de leur proximité personnelle avec le chef de l’Etat, etc. Aussi, il faut noter qu’il existe des qualifications propres aux ministres en fonction de leurs missions ou en considération de leurs personnalités. C’est ainsi qu’on rencontre des Ministres d’Etat, des Ministres, des Ministres délégués et des Secrétaires d’Etat. Paragraphe 3 : les Secrétariats d’Etat Les Secrétariats d’Etat constituent avec les départements ministériels l’équipe gouvernementale. Leur nombre croît ou décroît en fonction des missions accordées aux ministères dont ils sont rattachés. C’est ainsi qu’on dénombre aux termes du décret n°518/PR/PM/2016 du 14 août 2016 portant nomination des membres du gouvernement, le Secrétariat d’Etat aux affaires étrangères ; le Secrétariat d’Etat à l’administration du territoire et à la gouvernance locale ; le Secrétariat d’Etat à l’économie et à la planification du développement ; le Secrétariat d’Etat aux finances et au budget ; le Secrétariat d’Etat aux infrastructures et au désenclavement ; le Secrétariat d’Etat à la production, à l’irrigation et aux équipements agricoles ; le Secrétariat d’Etat à la santé publique ; le Secrétariat d’Etat à l’éducation nationale et à la promotion civique ; le Secrétariat d’Etat à l’enseignement supérieur, à la recherche et à l’innovation ; le Secrétariat Général du Gouvernement adjoint. En effet, les Secrétaires d’Etat sans portefeuille n’ont pas d’attributions propres210. Les ministres titulaires peuvent leur déléguer par un acte formel, certaines de leurs attributions. Toutefois, ils assurent d’office, l’intérim en cas d’absence des ministres. Ils disposent pour l’exercice de leurs fonctions d’un Cabinet dont la composition et les attributions sont celles définies par le décret n°333/PR/PM/2002 du 26 Juillet 2002 précité, excepté des Attachés de Presse et Relations publiques, nommés au titre des départements. Ils assistent à certains conseils ou réunions dirigés par le premier ministre mais n’assistent aux Conseils des ministres que lorsque sont à l’ordre du jour des questions touchant à leur domaine. SECTION 4 : la coordination de l’Exécutif Nous avons préféré le terme coordination de l’Exécutif pour rendre compte des relations qu’entretiennent les services de la Présidence de la République et l’équipe gouvernementale (paragraphe 1), en même temps que les relations entre la primature et les différents services des départements ministériels (paragraphe 2), tout en précisant au passage qu’au Tchad, aucun texte ne prévoit de manière expresse les relations qu’entretiennent ces différentes structures sous la IIIème République, moins encore à ce début de la IVème République.

210

Voir l’article 38 du décret n°427/PR/2016 du 17 juin 2016 précité.

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Paragraphe 1 : la coordination des services de la Présidence de la République et l’équipe gouvernementale Dans les relations entre les services de la Présidence de la République, de la Primature et des différents départements ministériels sous la IIIème République dont il est question ici, l’on constate une coordination. Cette coordination se déroule sous la houlette du Président de la République. Elle voit la participation de ce dernier, du Premier ministre, des chefs de départements ministériels et dans une certaine mesure, des Secrétaires d’Etat. L’instance appropriée pour cette coordination est le Conseil des ministres, qui est non seulement une réunion mais une instance, un organe à compétence décisionnelle. D’ailleurs, beaucoup des décrets du Président de la République – les plus importants pour la vie administrative –sont pris à ce niveau et on parle de « décrets en Conseil des ministres ». En effet, s’il faut se pencher sur le contexte français, le Conseil des ministres est la seule formation qui a un pouvoir de décision. Le Conseil des ministres symbolise la solidarité ministérielle, les décisions se prennent en commun. Ils sont convoqués sur un ordre du jour et à l’issue du Conseil, un communiqué est publié, exposant les sujets évoqués et annonçant les décisions prises ; ce document est rédigé à l’avance en collaboration avec les départements ministériels intéressés, les services du Premier ministre et ceux de l’Élysée211. Au Tchad, ils se tiennent tous les jeudis212 au Palais Rose, sous la présidence du Présidence de la République. A l’issu de ce Conseil, c’est le ministre porte-parole du gouvernement qui fait généralement le compte rendu. Ainsi, lors de cette assise, les différentes structures de l’exécutif convergent leur vision et nouent une certaine solidarité. De ce fait, « Comme le relève le président Sarkozy (23 mars 2011), « un ministre…est tenu a un devoir de solidarité dans l’expression collective…un ministre n’a pas à avoir de position personnelle lorsqu’une ligne a été définie »213. Dans cette relation de collaboration entre les services de la Présidence de la République, de la Primature et des différents départements ministériels, un organe de la Présidence de la République joue un rôle très déterminant. Il s’agit du Secrétariat général de la Présidence de la République. En effet, « le Secrétariat général joue un rôle fondamental dans la mesure où il constitue la passerelle avec le gouvernement et les ministères (…) ; c’est par son intermédiaire que passe l’information transmise au Président, ainsi que les dossiers préparés en vue des conseils qu’il préside et les textes mis à sa

211 ARDANT (Ph.) et BERTRAND (M), Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, LGDJ, 27è édition, 2015, 574pages, p. 461. 212 Mais il peut y avoir également de Conseils extraordinaires des ministres. C’est le cas de celui du Mardi 10 avril 2018 au cours duquel le gouvernement a adopté le projet de Constitution de la IVème République et l’a soumis à l’Assemblée Nationale pour adoption. 213 ARDANT (Ph.) et BERTRAND (M), Droit constitutionnel et institutions politiques, op. cit, p. 461.

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signature»214. Le Professeur Christophe GUETTIER dira aussi de son côté que Secrétariat général de la Présidence de la République constitue « une courroie de transmission entre le Président et l’appareil d’Etat. Il comprend un Secrétaire général et son adjoint, ainsi que des conseillers techniques spécialisés, qui suivent les affaires des différents ministères, tandis que des chargés de mission ont des tâches plus ponctuelles »215. Au Tchad, le Secrétariat Général est dirigé par le Secrétaire Général de la Présidence de la République. Aux termes du décret n°657/PR/2016 du 06 octobre 2016 portant restructuration des services de la Présidence de la République, ce dernier est au sein de la Présidence de la République, l’interlocuteur de tous les ministères et services de l’Etat. Toutefois, il ne faut pas se réserver de constater que dans cette relation où le Président de la République coordonne les activités relevant de ceux de ses services en même tant que les activités gouvernementales, l’on constate une subordination du Premier ministre, et partant, des autres ministres, au Président de la République. Certaines considérations peuvent justifier une telle subordination. Primo, depuis un temps, on assiste au Tchad à une période de concordance où la majorité parlementaire dans laquelle est issue le premier ministre (et la quasi-totalité des ministres) est la majorité présidentielle. Secundo, le premier ministre, du fait de sa nomination par le Président de la République se voit obligé vis-à-vis de ce dernier. Ceci conduit le Président de la République à lui dicter des conduites à tenir. A cet effet, « celui – ci (le Président de la République) se considère comme le véritable chef du gouvernement, le premier ministre n’est que « le premier des ministres »216. En outre, il faut préciser également l’existence des Comités interministériels. Fréquemment sont tenus des Comités et Conseils interministériels où ne siègent que les ministres intéressés par une question et éventuellement des Secrétaires d’Etat. Très souvent aussi, des hauts fonctionnaires sont invités à y participer. Ils sont présidés par le Président de la République. Certains sont permanents alors que d’autres, périodiques, se réunissent lorsque les circonstances les justifient. « S’ils font peu de cas de la solidarité ministérielle, leur existence est une obligation de simplification et d’efficacité en face de la multiplication des tâches gouvernementales, c’est là qu’a lieu un débat, que s’effectue le véritable travail gouvernemental. Les décisions qui y sont prises sont ensuite ratifiées en Conseil des ministres »217.

214

DREYFUS (F), Les institutions politiques et administratives de la France, op cit, p. 102 GUETTIER (C), Institutions Administratives, op. cit, p.191. 216 Lire ARDANT (Ph.) et BERTRAND (M), Droit constitutionnel et institutions politiques, op. cit, pp. 461- 463. 217 Sur l’ensemble de la question, lire ARDANT (Ph.) et BERTRAND (M), Droit constitutionnel et institutions politiques, op. cit, pp. 461- 463. 215

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Paragraphe 2 : la coordination interministérielle Sous la IIIème République au Tchad, le gouvernement constitue un organe collégial dont le Premier ministre en est le chef. Ainsi, à côté de la coordination des services de la Présidence de la République et l’équipe gouvernementale, symbolisé par le Conseil des ministres, existent des relations ou des collaborations au sien même du gouvernement. Ces relations se tissent sous le contrôle du Premier ministre, Chef du gouvernement. Il s’agit dans la plupart des cas des Comités interministériels et des réunions interministérielles. Les Comités interministériels, comme nous l’avons évoqué dans le chapitre introductif, réunit les services de la primature et ceux des ministères intéressés par un problème quelconque. Il en est ainsi, du Comité interministériel de définition du programme de formation des jeunes institué par l’arrêté n°3268/PR/PM/2016 du 09 août 2016, placé sous l’autorité du Premier ministre chef de Gouvernement et ayant pour mission de définir un programme de formation des jeunes et de proposer les mesures concrètes pour sa mise en œuvre. Il est composé des personnalités relevant de la Primature, du Ministère de l’éducation nationale, du Ministère de l’enseignement supérieur, du Secrétariat général du gouvernement, du Ministère de la fonction publique, du Ministère de la jeunesse et des sports, du Ministère du plan, du Ministère des finances, du Ministère de la culture, du Président de la Commission Education de l’Assemblée nationale. Il en est de même pour le Comité technique interministériel chargé de déterminer les conditions de création d’entreprise pour les activités réglementées, créé par l’arrêté n°2566/PR/PM/2016 du 20 juillet 2016. Ce comité est composé des autorités ministérielles, des membres d’organismes de contrôle de l’Etat ainsi que des professionnels du monde libéral. En France, les « comités interministériels » se réunissent à Matignon sous la présidence du Premier ministre et les « réunions interministérielles » sont organisées sous la présidence des collaborateurs du Premier ministre, où ne siègent pas les ministres mais les membres de leur cabinet ainsi que les représentants des Administrations218. Toujours dans cette collaboration entre la primature et les différents départements ministériels, à l’instar du Secrétariat général de la Présidence de la République, le Secrétariat général de la primature, composé d’Assistants et de Conseillers techniques, joue un rôle capital. C’est ce que relève le Professeur François DREYFUS pour lequel, « comme à la Présidence de la République, les conseillers techniques « suivent » chacun l’activité d’un ou plusieurs ministères. En particulier, ils président les réunions interministérielles (ou y assistent lorsque le directeur de cabinet les préside), réunions auxquelles participent tous les ministères concernés en vue de discuter les textes législatifs ou réglementaires en préparation ». Et 218

ARDANT (Ph.) et BERTRAND (M), Droit constitutionnel et institutions politiques, op. cit, p. 461.

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s’agissant du rôle du cabinet du Premier ministre dans le travail gouvernemental, celui-ci « (…) assure la liaison avec tous les ministères, et permet au chef du gouvernement de remplir sa fonction de direction et de coordination. Il prépare les dossiers pour les comités interministériels présidés par le Premier ministre. Il assure l’information en direction des ministères »219. SECTION 5 : les organes de consultation, de régulation, de contrôle et d’inspection et les Autorités Administratives Indépendantes Dans leur fonction administrative, ces organes ont pour mission principale, d’accompagner l’administration active dans l’accomplissement de ses tâches via des avis et recommandations, voire des décisions pour certains. Ils ont, selon les cas, un fondement constitutionnel, législatif ou réglementaire. Certains de ces organes peuvent combiner plusieurs fonctions à la fois. Ils peuvent en même temps être des organes de consultation, de régulation et des Autorités Administratives Indépendantes. Paragraphe 1 : les organes de consultation Les organes de consultation ont pour mission d’éclairer l’Administration ou le gouvernement dans la prise de décisions. Ils sont assez nombreux au Tchad. Certains ont une relative autonomie vis-à-vis du gouvernement tandis que d’autres sont rattachés à des départements ministériels. Cependant, seront étudiés dans la présente déclinaison, la Chambre administrative de la Cour Suprême, le Conseil Economique, Social et Culturel, le Comité Consultatif de la Fonction Publique, le Conseil Médical et de la Commission d’Equivalence des Diplômes à titre d’illustration. A- la Chambre administrative de la Cour Suprême Cet organe joue le rôle du Conseil d’Etat français avec une formation administrative ou consultative et une formation contentieuse. Au Tchad, elle est divisée en section contentieuse et section consultative. S’agissant de la formation administrative ou consultative – qui intéresse le présent travail –, il est reconnu à cet organe le rôle de Conseiller du Gouvernement. Cependant, ce rôle que joue le Conseil d’Etat français est-il le même que celui joué par la Chambre administrative de la Cour Suprême au Tchad ? Tandis que cette fonction revêt une base constitutionnelle en France220 conférant au Conseil d’Etat le rôle de conseiller du gouvernement sur tout projet de loi, d’ordonnance221 et certains actes réglementaires, elle n’est pas du tout mimétisme au Tchad. Sur le plan organisationnel, la structuration de la section administrative du Conseil d’Etat français lui permet de jouer pleinement ce rôle (cinq (5) sections administratives notamment la section de l’intérieur, la section des finances, la section des

219

DREYFUS (F), Les institutions politiques et administratives de la France, op cit, p.109. Article 39 al. 2 de la Constitution française. 221 Article 38 de la même Constitution. 220

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travaux publics, la section sociale et la section du rapport et des études)222. Au Tchad, la Chambre administrative dans sa formation consultative participe à la conception des lois, ordonnances et règlements. Elle peut être saisie par le gouvernement des projets et propose les amendements qu’elle juge nécessaires. Elle peut également être consultée par un ministre sur toute difficulté en matière administrative. B- le Conseil Economique, Social et Culturel223 Il est institué par la Constitution révisée en 2005 en lieu et place du Sénat224 recommandé par la CNS de 1993 et prescrit par la Constitution de 1996225. En effet, il ressort des dispositions de la Constitution de la 222

Voir sur cet aspect, GUETTIER (C), Institutions Administratives, op. cit. pp. 199-204. Dans le cadre des réformes institutionnelles, la suppression du CESC était à l’ordre des réaménagements des grandes Institutions de la République. En effet, le Comité technique d’appui au Haut comité chargé des réformes institutionnelles qui a proposé cette suppression avance les raisons suivantes : « depuis sa création, aucun avis ne lui a été demandé sur un projet ou un programme à caractère économique, social et culturel. Bien plus, malgré des précieux efforts des membres de cette Institution, ses avis émis sur la base de son pouvoir d’auto-saisine n’ont jamais été pris en considération. Cela étant, il serait superflu de maintenir une institution dont l’impact sur l’action gouvernementale, notamment en termes d’efficacité et de la valeur ajoutée, n’est ni visible, ni pertinent ». Il propose (Proposition de décision n°9) de « supprimer le Conseil Economique, Social et Culturel compte tenu de l’absence de résultats probants de cette institution », (lire le Rapport final du Comité technique d’appui au Haut comité chargé des réformes institutionnelles, pp. 37 et 40). Mais le Président en exercice de cette Institution a, lors du forum, exprimer son opposition à cette suppression et proposé plutôt la création d’un mécanisme de saisine obligatoire. A cet effet, nous avons estimé que cette proposition de suppression, si elle est motivée par des soucis budgétaires, pourrait constituer un recul démocratique. Le CESC devrait exister – puisque le Sénat, supposé bénéficié de ses compétences n’a pas pu être validé lors du Forum – à la condition de rendre perceptible l’impact de ses actions. Elle ne devrait plus se limiter à ses sessions ordinaires mais davantage, mener des études d’envergure dont les rapports serviraient de guide ou d’orientation, non seulement pour les décideurs mais aussi pour tout citoyen. C’est ainsi que la Constitution du 04 mai 2018 a reconduit le CESC, mais a juste conservé ses compétences et moyens d’action d’entant. 224 Supprimé lors de la révision constitutionnelle de 2005, le Sénat a eu la proposition d’être réhabilitée par le Comité technique interministériel d’appui au Haut comité chargé des réformes institutionnelles dans son Rapport final de Novembre 2017. Cependant, la proposition de la restauration du Sénat sera remise en cause lors du Forum National tenu du 19 au 27 Mars de 2018. Ainsi, il est maintenu le Parlement monocamérale composé de la seule Assemblée Nationale. 225 Toutefois, il faut préciser que l’histoire du CESC ne remonte pas qu’en 2005 car, déjà, la Constitution de la Communauté et de la République de 1958 qui régissait les quatre pays membres de l’ex AEF précisait en son article 69 que « Le Conseil Economique et Social, saisi par le gouvernement, donne son avis sur les projets de loi, d’ordonnance ou de décret ainsi que sur les propositions de lois qui lui sont soumis ». Et l’article 70 de poursuivre que « Le Conseil Economique et Social peut être également consulté par le gouvernement sur tout problème à caractère économique ou social intéressant la République ou la Communauté ». Ces dispositions sont réitérées en de termes plus ou moins approximatifs par les articles 48 de la Constitution de 1959, l’article 51 de la Constitution de 1960, l’article 57 de la Constitution de 1962, la Charte Fondamentale de la République de 1978, l’Acte Fondamental de la République de 1982, la Constitution de 1989. Néanmoins, de tous ces conseils économique et social, seul celui de 1962 a été quelque peu opérationnel. (Pour plus de précisions, lire NGARMADJAL 223

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République du Tchad de 1996 révisée qu’ il est institué un organe consultatif dénommé Conseil Economique, Social et Culturel chargé de donner son avis sur les questions à caractère économique, social ou culturel portées à son examen par le Président de la République ou l’Assemblée Nationale. Il lui est aussi reconnu d’être consulté (il peut être consulté) sur tout projet de plan ou de programme à caractère économique, social ou culturel et peut aussi procéder à l’analyse de tout problème de développement économique et social auxquels il soumet les conclusions au Président de la République226. A l’analyse des différentes dispositions constitutionnelles consacrant le CESC, il est donné de constater qu’il s’agit d’avis facultatifs car ces dispositions ne contraignent pas en soi le gouvernement de le saisir. En outre, le CESC est régit par la loi n°019/PR/2006 du 04 mai 2006, portant attributions, composition et fonctionnement du CESC et le Décret n°561/PR/2007 du 30 juillet 2007 portant approbation du Règlement Intérieur du CESC. Le CESC est comme une assemblée consultative représentant les principales activités économiques, sociales et culturelles du gouvernement227. Il favorise la collaboration entre les différentes activités et catégories socioprofessionnelles, et entre les différentes régions tout en facilitant leur participation à la politique économique, sociale et culturelle du gouvernement. La loi n°019/PR/2006 du 14 mai 2006, reprenant les dispositions constitutionnelles, précise quant à elle que le CESC est chargé de donner son avis sur les questions à caractère économique, social et culturel portées à son examen par le Président de la République, le Gouvernement ou l’Assemblée Nationale228. Il peut, de sa propre initiative, analyser tout problème de développement économique, social et culturel et attirer l’attention du gouvernement sur des réformes qu’il juge nécessaires et utiles à mettre en œuvre dans l’intérêt du pays229. Sa composition est définie à l’article 5 de la loi précitée qui prévoit que le CESC est composé de 31 membres choisis parmi les personnalités qui, par leurs compétences, leurs expériences et leurs activités concourent efficacement au développement économique, social, scientifique ou culturel du pays. Ils sont désignés par décret. Une dizaine de groupements socioprofessionnels sont répertoriés pour présenter un nombre variable de représentants au CESC. Les membres ont un mandat de six (6) ans renouvelable.

GAMI et ASDJIM MADJADOUMBE, « Le rôle du Conseil Economique, Social et Culturel » in Synthèse des ateliers sur le rôle et les fonctions des Grandes Institutions de la République, CEFOD, 2012, pp. 19 – 23). 226 Article 178 et 179 al. 1, 2 et 3 de la Constitution de la République du Tchad de 1996 révisée ; article 167 al.3 de la Constitution du 04 mai 2018. 227 Article 2 de la loi n°019/PR/2006 du 14 mai 2006, portant attributions, composition et fonctionnement du CESC. 228 Article 3 de loi n°019/PR/2006 du 14 mai 2006 précitée. 229 Article 4 de la même loi.

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S’agissant de ses organes, le CESC comprend une Assemblée plénière – instance suprême qui élit le Bureau du Conseil, approuve la composition des commissions et délibère sur les documents du conseil –, Un Bureau et des commissions techniques permanentes230. Le Bureau est élu pour un mandat de trois (3) ans renouvelables et est composé de : - un(e) Président ; - un (e) Vice-président ; - un (e) Questeur - quatre Rapporteurs. Les commissions techniques permanentes sont prévues à l’article 14 de la loi de la loi n°019/PR/2006 du 14 mai 2006. Leur configuration et leurs attributions sont définies par le Règlement Intérieur du CESC. Le Règlement Intérieur de 2012 par exemple prévoit en son article 31 quatre (4) commissions à savoir : la commission chargée de l’orientation économique et des finances, la commission chargée du développement durable, la commission chargée de l’éducation, de la culture, de la jeunesse et des sports, la commission chargée des affaires sociales. Le Bureau de chaque commission est composé d’un Président et d’un Rapporteur. Revenant sur son rôle consultatif qui nous intéresse ici, les études faites par les Conseillers NGARMADJAL GAMI et ASDJIM 231 MADJADOUMBE font état d’une situation assez déplorable. Il résulte de ces études que depuis sa création à nos jours, l’avis du Conseil n’a été demandé par aucune des hautes autorités, notamment le Président de la République, le Gouvernement ou l’Assemblée Nationale concernant un projet ou un programme à caractère économique, social et culturel, tel que prévus par les textes. La conséquence de cette situation est que le CESC s’est vu limiter à appliquer l’article 4 de la loi organique n°019/PR/2006 qui dispose que le CESC peut, de sa propre initiative, analyser tout problème de développement économique, social et culturel et attirer l’attention du gouvernement sur des réformes qu’il juge nécessaires et utiles à mettre en œuvre dans l’intérêt du pays. Donc, tous les avis à ce jour émis relèvent de l’auto saisine par le Conseil, comme par exemple les thèmes : - opportunités et défis du quinquennat social du Chef de l’Etat en 2007 ; - la promotion de la culture au Tchad, en septembre 2008 ; - déguerpissement et crise de l’énergie domestique en février 2009 ; - le dialogue social, support d’un Tchad réconcilié et pacifique, en février 2011 ;

230

Article 10 de la même loi. NGARMADJAL GAMI et ASDJIM MADJADOUMBE, « Le rôle du Conseil Economique, Social et Culturel », op. cit. 231

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- impact de la violence en milieu scolaire sur le système éducatif tchadien en janvier 2012. Pour ces Conseillers, il n’est jamais donné suite aux avis du CESC, bien que l’article 18 de la loi organique n°019/PR/2006 fasse obligation au Premier ministre de faire connaitre, chaque année, la suite donnée à l’avis du CESC. Or, sous d’autres cieux, cette structure qui renferme les différentes couches sociales notamment les producteurs, consommateurs et techniciens joue pleinement le rôle à lui assigné et sa composition gagne en crédibilité : « le CES est une assemblée consultative placée auprès des pouvoirs publics. Représentant des « forces vives de la nation», ses 231 membres sont nommés pour un mandat de cinq ans après avoir été désignés par les organisations socioprofessionnelles les plus représentées de la société civile, les associations et par le gouvernement (il compte actuellement 69 représentants des salariés désignés par les organisations syndicales contre 72 des entreprises, 25 des exploitants agricoles, 17 des activités sociales, 10 des artisans et 10 des représentants de la Mutualité, de la coopération et du crédit agricole, 9 représentants des activités économiques et sociales de l’outre-mer, 5 des coopératives non agricoles, 4 de la mutualité non agricole, 3 des professions libérales et 2 français de l’étranger ; s’y ajoutent 40 personnalités qualifiées dans le domaine économique, social, scientifique ou culturel désignées par décret en conseil des ministre »232. Loin de faire l’apologie des institutions françaises, il faut reconnaitre qu’une telle configuration gagnerait en crédibilité lorsqu’il s’agit pour l’institution de se pencher sur des questions économiques et sociales, car composée des acteurs et techniciens de la question. Cette institution copiée au Tchad ne bénéficie ni de cette configuration, ni de compétences réelles perceptibles. Et c’est d’ailleurs le problème du mimétisme au Tchad qui consiste à copier les institutions étrangères et au lieu de bien les approprier, on les dénature dans la pratique et à force de les galvauder on finit toujours par les émousser. La réalité montre que le CESC au Tchad n’est pas la chambre des acteurs de la vie économique, sociale et culturelle, moins encore celle des techniciens en la matière. Sinon, pourquoi refuser de le consulter ? C’est en revanche une institution hautement politisée qui sert de ‘‘garage’’ aux politiciens. Elle se prononce rarement sur les questions d’ordre économique en temps opportun, même les plus brulantes (comme pour exemple, la règlementation en matière de transport public en 2014 entrainant une hausse du tarif de transport, la régulation des prix des denrées de première nécessité, etc.) pour n’attendre que ses sessions ordinaires. L’organe renferme militaires, ex-ministres, ex-députés etc. qui connaissent approximativement les problèmes économique, social ou culturel. On peut se 232

GUETTIER (C), Institutions Administratives, op cit. p. 204 ; v. aussi en ce sens l’histoire du CESC français aux pages 204-205.

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permettre même d’affirmer sans ambages que le CESC au Tchad n’est que le prolongement naturel de la majorité parlementaire cantonné dans une autre institution. C- le Comité Consultatif de la Fonction Publique Prévu par la loi n°017/PR/2001 du 31 Décembre 2001 portant statut général de la fonction publique233, le Comité Consultatif de la Fonction Publique est un organe à compétence générale en matière de la fonction publique. A cet effet, il émet des avis obligatoires en matière de politique de recrutement, d’emploi, de formation, de rémunération du personnel ainsi que d’organisation des services. Son avis doit être préalablement recueilli avant l’adoption de tout texte relatif aux statuts général et particulier ainsi qu’à la rémunération des agents de la fonction publique. Aussi, importante est son rôle obligatoire dans l’examen de tout projet de texte portant organisation et fonctionnement des services de l’Administration ainsi que des projets de cadres organiques. C’est à ce niveau qu’il sied de constater l’existence d’un organe – bien que rattaché à un département ministériel – jouissant de compétences larges sur l’ensemble de l’appareil administratif de l’Etat. En effet, placé auprès du ministre en charge de la fonction publique, le Comité Consultatif de la Fonction Publique est composé de membres, pour partie choisis par ledit ministre parmi des personnalités et des experts reconnus pour leur compétence en la matière, pour partie désignés par les différentes administration concernées, et pour partie désignés par les organisations représentatives du personnel. Sa composition, son fonctionnement et le mode de désignation de ses membres sont déterminés par un décret pris en Conseil des ministres sur proposition du ministre en charge de la fonction publique. D- les Commissions Administratives Paritaires Il faut aussi noter l’existence de commissions administratives paritaires qui sont des organes institués dans chaque département ministériel et où sont représentées toutes les catégories. Ce sont des organes consultatifs. Elles sont consultées sur toutes les questions concernant les fonctionnaires en matière de notation, de titularisation, d’avancement, de discipline et de réforme des fonctionnaires. Aux termes de la loi n°017/PR/2001 précitée, la composition des commissions administratives paritaires, lorsqu’elles fonctionnent comme des commissions d’avancement ou de discipline, sera modifiée de telle sorte qu’en aucun cas un fonctionnaire d’une catégorie donnée ne soit appelé à formuler des propositions relatives à l’avancement et à la discipline d’un fonctionnaire d’une catégorie hiérarchiquement supérieure234. Sa composition, les modalités de désignation de ses membres,

233

Précisément aux articles 28 et 29 de la loi n°017/PR/2001 du 31 Décembre 2001 portant statut général de la fonction publique. 234 Article 3 de la loi n°017/PR/2001 ci-haut citée.

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son organisation et son fonctionnement sont définis par décret pris en Conseil des ministres. E- le Conseil Médical et la Commission d’Equivalence des Diplômes Il est aussi à souligner la place du Conseil Médical et de la Commission d’Equivalence des Diplômes comme organes consultatifs. Le premier est placé auprès du ministre de la santé publique. Il est saisi obligatoirement par le ministre chargé de la fonction publique sur tous les problèmes d’hygiène et de salubrité dans les lieux de travail et les problèmes médicaux concernant le fonctionnaire. Le second est quant à lui est institué auprès du ministre chargé de la fonction publique. Il est saisi pour l’appréciation de tout diplôme présenté par un candidat à l’accès à la fonction publique ou à une formation entraînant reclassement dans un corps et une classe des fonctionnaires, et ne figurant pas sur la liste des titres explicitement prévus pour l’accès aux corps et classes par les statuts particuliers. Les équivalences prononcées par la commission engagent l’Administration qui est tenue de procéder à la prise en compte de la candidature au recrutement ou du reclassement de l’intéressé, conformément au titre de référence auquel le diplôme présenté a été reconnu équivalent. Il s’agit donc d’un avis obligatoire. F- la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH) Organe de consultation en même temps qu’une AAI, la CNDH est de création récente au Tchad. Elle trouve son origine dans les réformes institutionnelles de 2018 et se voit attribuée une large part des compétences de la défunte Médiature de la République. Aux termes de la Constitution du 04 mai 2018, la CNDH est une AAI. Elle a pour mission de : ¾ Formuler des avis au gouvernement sur les questions relatives aux droits de l’Homme, y compris la condition de la femme, les droits de l’enfant et des handicapés ; ¾ Assister le gouvernement et les autres institutions nationales et internationales pour toutes les questions relatives aux droits de l’Homme au Tchad en conformité avec la Charte des droits de l’Homme et des libertés ; ¾ Participer à la révision de la législation en vigueur et à l’élaboration de nouvelles normes relatives aux droits de l’Homme, en vue de la construction de l’Etat de Droit et du renforcement de la démocratie ; ¾ Procéder à des enquêtes, études, publications relatives aux Droits de l’Homme ; ¾ Aviser le gouvernement sur la ratification des instruments juridiques internationaux relatifs à la torture, au traitement inhumain et dégradant ;

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¾ Apporter une assistance aux citoyens pour faire valoir leurs droits et faire face à leurs devoirs ; ¾ Recevoir et instruire les réclamations provenant des personnes physiques et morales, relatives au fonctionnement de l’Etat, des CTD, des EP et de tout organisme investi d’une mission de service public ; ¾ Faire des suggestions en vue du règlement rapide et à l’amiable des litiges entre l’administration publique et les administrés ; ¾ Participer à toute action tendant à l’amélioration des services publics et à toute activité de conciliation entre l’administration publique et les forces sociales professionnelles ; ¾ Suggérer des modifications des textes législatifs, règlementaires et administratifs dans l’intérêt général. S’agissant des modalités de ses interventions, la Constitution prévoit que la CNDH est autonome quant au choix des questions qu’elle examine par auto-saisine. Elle est également entièrement libre de ses avis qu’elle transmet au Président de la République et dont elle assure la diffusion auprès de l’opinion publique235. Néanmoins, nous restons sceptiques quant à sa saisine par le Gouvernement et la prise en compte de ses avis par ce dernier, vues les expériences du CESC. Les autorités tchadiennes prennent rarement en compte les avis des organes techniques érigés à cet effet. G- le Haut Conseil des Collectivités Autonomes et des Chefferies Traditionnelles A l’instar de la CNDH, cette institution est créée suite aux réformes institutionnelles de 2018. Aux termes de la Constitution du 04 mai 2018236 qui l’institue, le HCCACT est une assemblée consultative. Il donne des avis motivés sur la politique de décentralisation, d’aménagement du territoire, des questions relatives aux Chefferies Traditionnelles et participe au règlement non juridictionnel des conflits. Cependant, nous réitérons à l’égard du HCCACT le même scepticisme que pour la CNDH quant à sa consultation et à la prise en compte de ses avis. Paragraphe 2 : les organes de régulation Les organes de régulation sont, pour certains, de par les textes qui les consacrent, des Autorités Administratives Indépendantes et ayant une base constitutionnelle ou législative, pour d’autres des autorités d’Etat institués par des textes législatifs ou réglementaires. Les plus importants des organes de régulation sont les AAI. En effet, « (…) à côté des ministères ont été créés depuis la fin des années 1970 des autorités administratives dites « indépendantes ». Inspirée des « agencies » américaines, cette formule permet principalement soit d’assurer un rôle de protection des libertés, qui se situe entre l’administration et la justice et complète leur action (…), soit

235 236

Sur la CNDH, voir les articles 170 à 173 de la Constitution du 04 mai 2018. Voir les articles 165 et 166 de la Constitution du 04 mai 2018.

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de contribuer à la régulation des marchés, (….) »237. Ces autorités administratives indépendantes se caractérisent par la capacité qui leur est reconnue d’exercer des compétences juridiques leur donnant la possibilité de modifier l’ordonnancement juridique et/ou des situations individuelles (car n’émettent pas seulement des avis), alors même que dépourvues de personnalité juridique propre (pour certaines), elles sont entièrement soustraites au pouvoir hiérarchique. Il est vrai, de telles caractéristiques se retrouvent déjà à propos de certaines institutions administratives traditionnelles comme par exemple les jurys d’examen et de concours ou les commissions d’adjudication238. Dans un rapport (1984), le Conseil d’Etat français a défini leurs caractères essentiels : D’abord ce sont des institutions administratives. Elles sont créées par une initiative publique. Elles sont alimentées par des deniers publics. Le droit public régit leur fonctionnement. Ensuite, ce sont des autorités, dans la mesure où elles sont dotées d’un pouvoir autonome de décision dans un secteur déterminé. Enfin, elles sont indépendantes puisqu’elles échappent à toute forme de subordination hiérarchique, de contrôle ou de tutelle. Toutefois, estimant que ces « autorités administratives indépendantes » sont des démembrements du pouvoir Exécutif, le Conseil d’Etat français les soumet au contrôle du juge administratif239. Au Tchad, sans que la liste ne soit exhaustive, ces organes de régulation sont entre autre : A- du Haut Conseil de la Communication (HCC) à la Haute Autorité des Médias et de l’Audiovisuel (HAMA)240 Le HCC est institué par la Constitution en ces termes : « il est institué un Haut Conseil de la Communication. Le Haut Conseil de la Communication est une autorité administrative indépendante »241 . Composé de neuf (9) membres242, le Haut Conseil de la Communication a pour mission de : 237

GUETTIER (C), Institutions Administratives, op. cit, p.5. Lire aussi GUETTIER (C), Idem, p.62. 239 TROTABAS (L) et ISOART (P), Droit public, op. cit, p. 134- 135. 240 C’est avec les réformes institutionnelles de 2018 que le Haut Conseil de la Communication a changé de dénomination. Il sera appelé désormais « Haute Autorité des Médias et de l’Audiovisuel (HAMA) ». La HAMA est instituée par la Constitution du 04 mai 2018, aux articles 178 à 182 à titre d’une AAI. Elle sera opérationnalisée à travers une Ordonnance du 31 mai 2018. Cependant, cette Ordonnance fera l’objet de critiques de la part des professionnels du monde des médias du fait des pouvoirs conférés à cette autorité de suspendre les Directeurs des médias et d’infliger des amendes aux médias ayant violé la règlementation. 241 Article 182 al. 1et 2 de la Constitution de la République du Tchad de 1996 révisée. 242 Les neufs membres sont repartis comme suit : - deux (02) personnalités désignées par le Président de la République ; - deux (02) personnalités désignées par le Président de l’Assemblée Nationale ; - trois (03) professionnels de la communication audiovisuelle et de la presse écrite désignés par leurs pairs ; - un (01) magistrat désigné par le Président de la Cour Suprême ; - une (01) personnalité du monde de la culture, des arts et lettres désignée par ses pairs (article 183 de la Constitution de 1996 révisée). 238

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- veiller au respect des règles de déontologie en matière d’information et de communication ; - garantir la liberté de la presse et l’expression pluraliste des opinions ; - réguler les rapports de communication entre les pouvoirs publics ; - assurer aux partis politiques l’égal accès aux médias publics ; et - donner des avis techniques, des recommandations sur les questions touchant au domaine de l’information243. En effet, selon le Conseiller et Rapporteur Général du HCC, NGUEREBAYE ADOUM SALEH244, l’idée de la création du HCC est née de la CNS de 1993, en vue de créer une institution pour réguler la presse tchadienne. C’est la loi n°012/PR/1994 qui concrétisera cette ambition. Le HCC fut la 1ère des grandes institutions de la République à voir le jour. Ainsi, à la suite de la Constitution, des textes législatifs et règlementaires ont été édictés et servent de bases juridiques au HCC245. En effet, aux termes de l’article 1er de la loi 019/PR/2003, « le HCC est une Autorité Administrative Indépendante chargée de garantir la liberté de l’information et de la communication ». L’article 3 de ladite loi précise de manière détaillée le rôle du HCC. En tant qu’autorité régulatrice, le HCC donne son avis pour la nomination des directeurs des organes d’information publique. Il fait des recommandations et approuve le contenu et la diffusion des programmes d’informations publics. Il veille au respect et à la qualité de la prestation en général. S’agissant de la presse privée, le HCC délivre les autorisations d’exploiter aux services privés de radio diffusion, de télévision ou toute autre communication audio-visuelle privée246. Il définit les conditions des cahiers des charges. Pour assurer la mission à lui assignée, la loi n°019/PR/2003 précitée lui donne un pouvoir de contrainte sur les organismes qui lui sont soumis, qu’ils soient publics ou privés, lorsqu’il dispose qu’ « en cas d’inobservation par les moyens de communication publics de la mise en demeure, le HCC peut décider de l’insertion d’un communiqué et demander au ministre chargé de l’information, la suspension de ses fonction du Directeur de l’organe d’information concerné et l’ouverture d’une procédure disciplinaire à l’encontre des auteurs du manquement »247 et qu’ « en cas d’inobservation 243

Article 185 de la Constitution de 1996 révisée. NGUEREBAYE ADOUM SALEH, « Rôle et fonctions du Haut Conseil de la Communication » in Synthèse des ateliers sur le rôle et les fonctions des Grandes Institutions de la République, op cit, p. 24. 245 On peut citer la loi n°019/PR/2003 portant composition, attribution et fonctionnement du HCC, le décret n°450/PR/MC/95 portant organisation et fonctionnement du HCC, le décret n°414/PR/MC/99 portant mise en œuvre du Fonds d’Aide à la Presse et le règlement intérieur etc. 246 Article 5 de la loi n°019/PR/2003 portant composition, attribution et fonctionnement du HCC. 247 Article 11 al. 1er de la loi n°019/PR/2003 ci-haut citée. 244

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par un moyen de communication privé de la mise en demeure, le HCC peut décider l’insertion d’un communiqué à l’antenne : - la suspension de l’autorisation ou d’une partie du programme ; - la réduction de la durée de l’autorisation dans la limite d’une année ; - une amande ; - le retrait de l’autorisation »248. Aussi, selon la loi et le code électoral, la supervision de la campagne médiatique des élections incombe au HCC. Toutefois, en tant qu’autorité administrative dotée des prérogatives de puissance publique, les sanctions du HCC sont susceptibles de recours devant la juridiction compétente. Mais le HCC peut aussi saisir le procureur de la République de toute infraction aux dispositions de la loi selon les termes de l’article 15 de la n°019/PR/2003 précitée. Le fonctionnement du HCC est assuré par un bureau élu comprenant un Président, un Vice-président, un Rapporteur général et un Rapporteur général adjoint. La durée de leur mandat est de trois (3) ans renouvelable une seule fois. En outre, le HCC fonctionne en commissions, comme dans sa configuration de 2012 où l’on recense : - une commission presse écrite ; - une commission médias sonore et visuelle ; - une commission juridique ; - une commission technique et nouvelles technologies ; et - une commission valorisation de la culture nationale dans le média. Il est prévu des démembrements du HCC en provinces, appelés encore correspondants HCC. Tels sont les missions et la structuration du HCC, même si des aspects comme l’égal accès aux médias publics aux partis politiques, la liberté de presse restent très théoriques. Cependant, cette institution fera également l’objet de propositions de réaménagement touchant les Institutions de la République, suite au projet des réformes institutionnelles. Pour le HCC, il est prévu la révision de ses missions et pouvoirs249. 248

Article 11 al. 2 de la même loi. Pour proposer les réaménagements du HCC, le Comité technique interministériel d’appui au Haut comité chargé des réformes institutionnelles constate que « le Haut Conseil de la Communication, bien qu’il ne soit pas réaménagé, ses missions et pouvoirs doivent nécessairement évoluer compte tenu des mutations technologiques et des failles relevées par la pratique. Certes, les différents textes constitutifs du HCC actuellement en vigueur et relatifs à la gouvernance intégrale du secteur de communication découlent des recommandations de la Conférence Nationale Souveraine (CNS) tenue du 15 janvier au 07 avril 1993, qu’il s’agisse du régime juridique de la Presse, de la communication audiovisuelle ainsi que de l’organisation et du fonctionnement du HCC. Au regard de l’évolution technologique sans cesse croissante, une réforme des différents textes régissant le secteur de la communication devient un impératif majeur. De même, les aléas des nouveaux acteurs de l’information et de la communication et la résolution de l’Union Internationale des Télécommunication (UIT) relative au passage 249

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B- l’Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMPP) Organe en charge de la question des marchés publics, cette autorité de régulation est instituée par le décret n°2418/PR/PM/2015 du 17 Décembre 2015 portant organisation et fonctionnement de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics, qui le place sous la tutelle de la Présidence de la République250. En effet, « l’ARMP a pour mission, conformément à l’article 49 du code des marchés publics, d’assurer la régulation du système de passation des marchés publics et des conventions de délégation de service public »251. Ses attributions principales concernent la régulation des marchés publics, l’information et la formation des acteurs des marchés publics. En matière de régulation des marchés publics, le rôle de l’ARMP consiste à conduire des réformes et la modernisation des règles, procédures et outils de passation des marchés publics et des délégations de service public. Elle a la responsabilité de promouvoir la mise en œuvre, pour l’ensemble des acteurs du système, de dispositifs d’éthique et de pactes d’intégrité visant à proscrire la corruption et veiller, par des avis et recommandations, à l’application de la réglementation et du respect des procédures relatives à la passation des marchés publics et délégations de service public. Elle contribue à la promotion d’un environnement transparent favorable au jeu de la saine concurrence et au développement des entreprises et de compétences nationales stables et performantes. L’ARMP élabore et diffuse les documents-types, manuels de procédure et progiciels dont elle assure une mise à jour régulière, reçoit et statue sur les recours relatifs à l’attribution des marchés, aux conditions de publication des avis d’appels d’offres, à la participation des candidats, aux capacités et garanties exigées de ceux-ci, au choix du mode de passation du marché et à la procédure de sélection retenue, à la conformité des documents d’appel d’offres, à la réglementation et aux spécifications techniques retenues, ainsi que sur les litiges relatifs aux obligatoire au numérique exigent une relecture de tous les textes existants en vue de les réadapter aux nouvelles normes qui gouvernent le secteur. Bref, la réforme des textes régissant le secteur de la communication visent en effet, les deux objectifs fondamentaux que sont : - combler les lacunes et insuffisances des textes actuels (il n’existe au Tchad aucun texte sur la publicité par exemple) ; - renforcer le cadre juridique de manière générale, et celui de l’organe en charge de la régulation du secteur en particulier. Cette réforme du HCC va de pair avec celle de la loi n°17/PR/2010 relative au régime de la presse au Tchad ». Il est donc proposé (Proposition de décision n°11) d’« étendre et de renforcer le pouvoir de contrôle et de sanction du Haut Conseil de la Communication, tout en adaptant les textes à l’évolution des nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC) », (lire le Rapport final du Comité technique d’appui au Haut comité chargé des réformes institutionnelles, p. 39 – 40). 250 Article 1er al. 2 du décret n°2418/PR/PM/2015 du 17 Décembre 2015 portant organisation et fonctionnement de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics. 251 Article 2 du décret n°2418/PR/PM/2015 du 17 Décembre 2015 ci-haut cité.

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critères d’évaluation. Elle se prononce également sur le refus d’approbation du marché par l’autorité compétente, initie toute investigation relative à des irrégularités ou violations à la réglementation commises en matière de marchés publics et délégations de service public et saisit les autorités compétentes de toute infraction constatée. Elle peut ester en justice dans le cadre de sa mission visant à s’assurer du respect de la réglementation en matière de marchés publics et délégations de service public par l’ensemble des acteurs du système, en vue de proscrire la corruption et peut aussi saisir ou assister, en tant qu’organe de liaison, les organisations internationales et régionales, dans le cadre de la surveillance des procédures de passation des marchés publics, ou de délégations de service public. Elle réalise ou fait réaliser des audits techniques et/ou financiers en vue de contrôler la mise en œuvre de la réglementation en matière de passation, d’exécution et de contrôle des marchés publics et conventions de délégations de service public. De même, l’ARMP peut commander, à la fin de chaque exercice budgétaire, un audit indépendant sur un échantillon aléatoire de marchés publics et délégations de service public et établir des rapports périodiques et circonstanciés sur l’exécution des marchés publics et délégations de service public sur la base des enquêtes et audits réalisés et dont elle assure la publication et la transmission aux autorités compétentes. Elle participe à l’élaboration de la réglementation générale de la certification, à l’élaboration des normes, spécifications techniques, système de management de la qualité applicables aux marchés publics et délégations de service public en adéquation avec les règles d’harmonisation communautaire adoptées au sein des organisations régionales auxquelles le Tchad fait partie. Au titre des sanctions, elle est chargée notamment de prononcer des sanctions administratives à l’encontre de tout candidat ou soumissionnaire ayant violé la réglementation applicable en matière de passation et d’exécution des marchés publics et délégations de service public conformément aux dispositions du code des marchés publics notamment les articles 203 à 207. En matière d’information des acteurs des marchés publics, son rôle consiste à : - diffuser l’ensemble de la législation et de la réglementation relatives aux marchés publics et délégations de service public ; - promouvoir la transparence du système des marchés publics et des délégations de service public, des procédures de passation, de contrôle et d’audit par l’édition et la publication d’une revue périodique ayant pour objet d’informer le public des activités des marchés publics ; - de mettre en place et gérer, dans l’intérêt du public, un site internet dédié à la publication de l’information pertinente sur la réglementation et la pratique de passation des marchés publics et délégations de service public ;

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- de garantir l’information des opérateurs économiques sur les procédures de passation des marchés publics et délégations de service public, en publiant, dans ses propres supports d’information, les plans de passation des marchés et délégations de service public, les avis d’appel d’offres, les procès-verbaux d’ouverture des plis et d’attribution provisoire et définitive des marchés, les recours et les conclusions relatives au traitement de ces derniers, les marchés publics et délégation des service public approuvés ; et - de procéder à la collecte et à la centralisation de toute la documentation et toutes les données pertinentes relatives à l’attribution, l’exécution et au contrôle des marchés publics et délégations de service public, en vue de la constitution d’une banque de données dont elle assure la tenue ainsi que la conservation par un système d’archivage adéquat. Au titre de formation et du renforcement des capacités des acteurs des marchés publics, l’ARMP est chargée de programmer et d’organiser la formation initiale et continue des acteurs du système de passation des marchés publics et délégations de service public en se mettant en relation avec les centres ou écoles de formation mis en place , au niveau national, sous régional ou international, spécialisés dans le domaine de la pratique des marchés publics et délégations de service public. En outre, l’ARMP est organisée autour de : Le Conseil de Régulation qui est l’organe de Conception, d’orientation, de contrôle et de décision. Il dispose des pouvoirs les plus étendus pour définir et orienter la politique générale de l’ARMP et évaluer sa gestion dans les limites fixées par ses missions et attributions ; La Direction Générale qui est l’organe de gestion de l’ARMP. Elle est assurée par un Directeur Général recruté par le Conseil de Régulation sur appel à candidature, sur la base des critères d’intégrité morale, de qualification technique et d’expérience professionnelle dans les domaines juridique, technique, économique ou de gestion des marchés publics et délégations de service public. La Direction générale est assistée par trois (3) directions techniques (la Direction de la Régulation, la Direction des Statistiques et de la Communication et la Direction de la Formation) auxquelles s’ajoutent le Secrétariat particulier et le service administratif et financier. Le Comité de Règlement des Différends qui siège, en fonction des litiges dont il est saisi, soit sous forme d’une commission des litiges, soit sous forme d’une commission disciplinaire. Il est présidé par un des membres252 élu par ses pairs. Il est chargé de recevoir les dénonciations et irrégularités constatées par les parties intéressées ou celles connues de toute autre personne avant, pendant et après la passation ou l’exécution des marchés 252

Le Comité de Règlement des Différends est composé de quatre (04) membres.

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publics et délégations de service public avec possibilité de saisir les juridictions compétentes en cas d’infraction. Elle reçoit, enregistre et examine les recours exercés par les candidats et soumissionnaires aux marchés publics et délégations de service public qui n’ont pas connu un aboutissement satisfaisant auprès des maîtres d’ouvrages ou des maîtres d’ouvrages délégués. C- du Collège de Contrôle et de Surveillance des Ressources pétrolières (CCSRP) à sa suppression La création du CCSRP est liée à l’exploitation des ressources pétrolières. Selon les travaux menés par M. NDOUBAHIDI SAMADINGAR 253, l’objectif principal ayant conduit à la création du CCSRP est l’assurance voulue par le gouvernement que les revenus pétroliers du Tchad soient utilisés pour la lutte contre la pauvreté. Ainsi, l’objectif du CCSRP est de garantir la transparence et la bonne utilisation des revenus pétroliers directs et par la même occasion, d’apporter sa contribution au vaste chantier de lutte contre la pauvreté. A cet effet, le collège doit veiller à la transparence en ce qui concerne la gestion des revenus pétroliers dans le seul but de réduire la pauvreté des populations tchadiennes. Beaucoup de textes servent de bases juridiques au CCSRP. Sans que la liste ne soit complète, nous recensons entre autre : - loi n°001/PR/1999, portant gestion des revenus pétroliers (origine du CCRP) ; - loi n°016/PR/2000, portant modification de la loi n°001/PR/1999 du 11 janvier 1999 portant gestion des revenus pétroliers ; - décret n°579/PR/2000 du 14 décembre 2000, portant liste des membres du CCSRP ; - décret n°240/PR/MEF/2003 du 1er juillet 2003, portant organisation, fonctionnement et conditions du contrôle et de surveillance du CCSRP ; - décret n°095/PR/MEF/2004 du 18 mars 2004 portant modalités transitoires de gestion des redevances pétrolières affectées à la région productrice ; - décret n°096/PR/MEF/2004 du 18 mars 2004, portant modalités de gestion du Fonds pour le Générations Futures (FGF) ; - Loi n°002/PR/2006, portant amendement de la loi n°001/PR/1999 du 11 janvier 1999 portant gestion des revenus pétroliers et la loi n°016/PR/2000 du 18 août 2000; - Décret n°533/PR/PM/MFI/2007 du 13 juillet 2007 portant réorganisation du Comité Provisoire de gestion de 5% des ressources pétrolières affectées à la région productrice etc. Ces textes et bien d’autres, visent à éviter des dérives dans la gouvernance des revenus pétroliers. 253

NDOUBAHIDI SAMADINGAR, « Rôle et les fonctions du CCSRP » in Synthèse des ateliers sur le rôle et les fonctions des Grandes Institutions de la République op cit, p. 43.

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Au demeurant, aux termes de la loi n°001/PR/1999 et du décret n°240/PR/MEF/2003 portant organisation, fonctionnement et conditions du contrôle et de surveillance, le CCSRP a pour mission de : - vérifier la conformité des engagements sur les comptes spéciaux du Trésor avec la loi des finances ; - autoriser et contrôler les décaissements des comptes spéciaux et l’affectation des fonds ; - accessoirement, pour jouer les rôles ci-dessus, le CCSRP effectue des missions sur les sites pour vérifier l’effectivité des réalisations des projets financés. Selon les articles 21 et 22 du décret n°240, le contrôle du CCSRP s’exerce sur les ressources pétrolières. Il vérifie la mobilisation des revenus pétroliers directs et indirects aussi bien que leur utilisation. Il joue aussi des rôles assez importants dans les principales étapes de la préparation du budget254. Le CCSRP joue aussi un rôle dans le contrôle de l’exécution du budget. A ce titre, les marchés des ministères prioritaires sont envoyés au Collège pour non objection conformément au plan annuel de passation de marché élaboré par lesdits ministères et de commun accord avec le CCSRP. Ses contrôles s’exercent a priori et a posteriori. A priori, les contrôles et vérifications des dossiers reçus des ministères en charge des secteurs prioritaires sont effectués par les services techniques du Collège, puis soumis aux membres de l’institution qui décident collégialement de l’avis favorable ou non du Collège. Les engagements et décaissements sont effectués conformément aux procédures de gestion des finances publiques. En ce qui concerne les contrôles a posteriori, le CCSPR effectue des missions sur les sites des investissements. Celles-ci se soldent par des recommandations. Quant au contrôle de livraison et de réception, le Collège ne participe pas systématiquement à toutes les réceptions mais choisit de le faire de manière ponctuelle et inopinée en fonction de l’importance du dossier. Lorsqu’il assiste, le Collège s’assure que : - le cahier de charges a été respecté ; - les garanties décennales ont été accordées en matière de construction ; - les garanties nécessaires ont été accordées s’agissant de l’achat de matériels spécialisés ; - le matériel livré est en bon état et correspond bien aux spécifications techniques. S’agissant de sa composition, le CCSRP, organe indépendant, est composé de neuf (9) membres dont un (1) magistrat, membre de la Cour Suprême, un (1) député, un (1) membre du CESC, le Directeur Général du Trésor, le Directeur National de la BEAC, un (1) représentant des ONG 254

Article 26 du décret n°240/PR/MEF/2003 portant organisation, fonctionnement et conditions du contrôle et de surveillance.

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nationales, un (1) représentant des syndicats, un (1) représentant des associations de défense des Droits de l’Homme, un (1) représentant des confessions religieuses. Tous les membres du Collège sont élus par leurs pairs à l’exception du représentant du Trésor (le D.G) et du représentant de la BEAC (Directeur National) qui siègent ès qualité. Comme toute institution, le CCSRP est dirigé par un Bureau. Ce dernier est composé de : - un (e) Président ; - un (e) Vice-président ; - un (e) Rapporteur général. Les membres du Bureau sont élus au scrutin secret majoritaire à un tour par leurs pairs pour un mandat de 18 mois. Ils sont assistés de cinq (5) techniciens cadres : - un (e) Responsable de suivi budgétaire ; - un (e) Responsable de passation des marchés publics ; - un (e) Gestionnaire comptable ; - un (e) Responsable du service des études ; - un (e) Responsable des paiements. Comme pour les autres organes de régulation, le CCRSP lui aussi rencontre de difficultés dans ses missions. Il ressort des études de l’orateur ci-haut mentionné que les recommandations du Collège ne sont pas systématiquement appliquées par les ministères concernés. De surcroît, les rapports du Collège ne sont pas souvent exploités par le Gouvernement car il n’a jamais donné suite255. Ceci va conduire les réformateurs de 2018 à proposer sa suppression du rang des Institutions de la République, avec transfert de ses compétences à la Cour des Comptes256, désormais Chambre des Comptes de la Cour Suprême.

255

NDOUBAHIDI SAMADINGAR, « Rôle et les fonctions du CCSRP », op. cit, pp. 44 – 52. Lire la Synthèse des travaux du Forum national inclusif, p. 5. En effet, la proposition de supprimer le CCSRP avec transfert de ses compétences à la Cour des Comptes émane du Comité technique d’appui au Haut comité chargé des réformes institutionnelles, qui l’a évoqué dans son Rapport final de Novembre 2017. Pour le Comité technique, « en tant qu’organe administratif de contrôle, le CCSRP a accompli tant bien que mal sa mission, avec les contraintes de moyens limités et l’absence de pouvoir de sanction. Ses recommandations sans cesse, reprises dans ses rapports d’activités annuels, sont restées sans suite. Compte tenu de la baisse de revenus pétroliers et de la faiblesse des investissements sur la base de ces revenus, ainsi que la nécessité de réduire les charges publiques, il parait normal de se poser la question du maintien du CCSRP dans sa configuration actuelle. De par les attributions de la Cour des Comptes, le maintien du CCSRP devient superflu et les missions de celui-ci peuvent lui être simplement transférées. Ceci justifie d’autant plus que la mission de la Cour consiste également à contrôler l’utilisation des deniers publics et ce, conformément à la déclaration de Lima sur les lignes directrices du contrôle des finances publiques conférant aux Institutions supérieures les contrôles a posteriori ». Il propose (Proposition n°12) de « supprimer le Collège de Contrôle et de Surveillance des Revenus Pétroliers et transférer ses attributions de contrôle à la Cour des Comptes au sein de laquelle sera créée une chambre 256

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L’étude des organes de régulation au Tchad ne saurait être exhaustive par les quelques-uns pris à titre illustratif. Les études sur l’Office Tchadien de Régulation des Télécommunications, la Commission d’Accès aux Documents Administratifs, la Commission Electorale Nationale Indépendante etc. permettra de voir de manière plus ou moins approfondie ces organes. Mais nous nous limiterons à ceux ci-haut étudiés ne serait-ce que pour avoir une idée de leur intervention dans l’échiquier administratif. En outre, l’on ne saurait passer sous silence une institution d’une importance particulière, chargée de l’observation et du suivi des activités de l’administration publique, à savoir la Médiature de la République. D- de la Médiature de la République à sa suppression Elle est née au Tchad suite aux troubles politico-militaires qu’a connus le régime dit « démocratique » de 1990. Le décret n°380/PR/93 du 29 Juillet 1993 a créé trois (3) postes de Médiateurs nationaux qui avaient pour mission le retour à la légalité des politico-militaires. Ledit décret fut abrogé pour créer un seul poste de Médiateur national par le décret n°340/PR/97 du 12 août 1997. La Médiature fut transformée en une AAI à travers la loi n°031/PR/2009 du 11décembre 2009 portant création de la Médiature de la République257. C’est un organe intercesseur entre l’administration publique spécialement dédiée à cette nouvelle mission qui sera étendue à l’ensemble des revenus pétroliers et ceux issues des industries extractives ». En outre, le Comité technique renseigne aussi que d’après ses consultations, plusieurs autres Institutions ont reçu la proposition de suppression pour des raisons variées : « par ailleurs, lors des différentes consultations menées, le Comité a noté les préoccupations de la base en ce qui concerne d’autres structures de l’Etat. Aussi, il a été suggéré de supprimer l’Inspection Générale d’Etat, la Cour des Comptes et la Direction des Grands Travaux et Projets Présidentiels. Les raisons principales évoquées pour la suppression de ses institutions tiennent, selon les cas : - au chevauchement de leurs compétences ; - à leur inefficacité ; - au détournement de leurs missions ; et - à leur caractère budgétivore. Toutefois, le Comité Technique a écarté ces suggestions pour des raisons liées essentiellement à la nature spécifique de ces structures », (lire le Rapport final du Comité technique d’appui au Haut comité chargé des réformes institutionnelles, pp. 38-39). 257 On ne s’empêchera pas de souligner la suppression de la Médiature de la République lors des réformes institutionnelles de 2018 (lire la Synthèse des travaux du Forum national inclusif, p. 5). C’est le Comité technique interministériel d’appui au Haut comité chargé des réformes institutionnelles qui, dans son Rapport final de novembre 2017 (Proposition de décision n°10), entérinée par le forum national, a proposé cette suppression qui sera suivie du transfert de ses compétences à l’Exécutif, à la CNDH et aux instances locales. Les raisons de cette suppression étaient qu’ « avec le retour de la paix, la mission du Médiateur telle que conçue au départ est vidée en grande partie de son contenu. L’intervention des parlementaires dans les conflits intercommunautaires aux côtés des autorités territoriales a, pour ainsi dire, relégué au second plan les activités de cette institution ; ce qui pose la question de son maintien. Aussi, compte tenu de la conjoncture économique et financière du pays et de la nouvelle forme de l’Etat à venir, il apparait judicieux de supprimer la Médiature et de transférer ses attributions à l’exécutif, à la CNDH et aux instances locales ». Toutefois, lorsqu’elle existe, il lui est reconnu

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et les administrés. Dans ses fonctions, la Médiature de la République reçoit dans les conditions fixées par la loi, les réclamations concernant le fonctionnement des administrations de l’Etat, des CTD, des EP et de tout organisme investi d’une mission de service public. Il est dirigé par une personnalité ayant une expérience et une connaissance approfondie de la société tchadienne et des rouages de l’administration publique, appelée Médiateur de la République. Ce dernier, nommé par décret en conseil des ministres, est assisté dans ses fonctions par des conseillers, eux aussi nommés par décret. Il est également assisté par des services spécialisés. Les attributions du Médiateur de la République, précisées dans la loi cihaut sont entre autres : - apporter une assistance aux citoyens pour faire valoir leurs droits et faire face à leurs devoirs ; - recevoir et instruire les réclamations provenant des personnes physiques et morales, relatives au fonctionnement des administrations de l’Etat, des CTD, des EP et de tout autre organisme investi d’une mission de service public ; - faire des suggestions en vue du règlement rapide et à l’amiable des litiges entre l’administration publique et les administrés ; - suggérer au premier ministre des modifications des textes législatifs, réglementaires et administratifs dans l’intérêt général ; - participer à toute action tendant à l’amélioration des services publics et à toute activité de conciliation entre l’administration publique et les forces sociales et professionnelles. En outre, le Médiateur de la République peut mener toute action que peut lui confier le Président de la République ou le Premier ministre. Toutefois, il faut préciser que le Médiateur de la République n’est pas compétent pour connaitre des conflits ou litiges opposant les personnes physiques entre elles ; une personne physique et une personne morale de droit privé ; une personne physique à une personne morale ou une représentation jouissant du régime immunitaire international (représentation diplomatique ou consulaire, organismes internationaux, etc.). Aussi, en tant qu’organe conciliateur, le Médiateur de la République ne peut ni imposer une décision à l’administration ni annuler ou reformer une décision administrative, moins encore condamner l’administration à indemniser un administré. Il est astreint à produire un rapport d’activités chaque année et le transmet au Président de la République et au Premier ministre. Ce rapport est publié et inséré au J.O de la République. Quant aux procédures de saisine et les modalités d’action

des compétences assez importantes telles que développées ci-haut. A cet effet, la dévolution des compétences de la Médiature à ces institutions ou organes ci-haut énumérés doit se faire avec beaucoup de tact, au risque d’enchevêtrer les compétences des institutions et organes bénéficiaires du transfert de ses compétences.

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du Médiateur de la République, elles sont prévues aux articles 12 à 22 de la loi n°031/PR/2009 ci – haut mentionnée. Paragraphe 3 : les organes internes de contrôle de l’Administration et les corps d’inspection Il s’agit des organes administratifs de contrôle de l’administration258. Ces organes exercent un contrôle d’une nécessité avérée, comme le martèle le Professeur Jean-Marie BRETTON selon lequel « il intéresse en premier lieu et à titre principal les services administratifs de l’Etat, au sens large, ainsi que les organes, autonomes ou rattachés, qui sont les instruments de leurs interventions. Ici cette expression est comprise dans son acception organique, dans la mesure où elle désigne les contrôles qui sont exercés à la diligence et sous la responsabilité d’institutions (contrôles externes) ou de services (contrôle interne) qui revêtent un caractère administratif, et dont les interventions aboutissent soit à la seule information de l’autorité au profit de laquelle ils agissent soit au prononcé de sanctions revêtant la forme d’actes administratifs (pouvoir réglementaire, pouvoir disciplinaire (…) »259. Ces organes de contrôle permettent à l’administration de prétendre à une performance et assurer sa bonne marche. Internes à la hiérarchie administrative, ils ont le pouvoir de contraindre l’autorité administrative au respect de la déontologie administrative et à la règle de droit dans ses actions. Certains sont anciens, d’autres relativement nouveaux. Certains sont de portée générale et se prononcent sur toute activité relevant de l’administration publique, d’autres sont spécifiques à une activité ou un secteur bien défini. Au Tchad, quelques exemples suffisent pour illustrer leur existence. C’est le cas de : A- L’Inspection Général d’Etat (IGE) Elle est créée par le décret n°2069/PR/2015 du 01 octobre 2015 portant création, attributions, composition et fonctionnement d’une Inspection Générale d’Etat. Ses structures sont définies par l’arrêté n°009/PR/2015 du 24 décembre 2015 portant structure de l’IGE et attributions de ses départements et services, alors que le décret n°217/PR/IGE/2016 définit les modalités, procédures et conditions d’exécution des missions effectuées par l’IGE. Aux termes du décret n°2069/PR/2015 du 01 octobre 2015, l’IGE est l’organe supérieur de contrôle d’Etat et relève de l’autorité directe du Président de la République à qui il soumet le programme et le budget. L’IGE a pour mission de veiller à la bonne gouvernance générale du pays, de lutter contre la corruption et les détournements des deniers publics. Elle est investie d’une mission permanente de contrôle, d’investigation et d’étude visant à faire assurer le respect de la règlementation et de la légalité, de 258

A cet effet, les contrôles juridictionnel et politique sont écartés. BRETTON (J-M), cité par SIETCHOUA DJUITCHOKO (C), Cours de Droit des nouveaux contrôles administratifs et financiers au Cameroun, op. cit, p. 2.

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l’éthique administrative et déontologique, de la gestion saine et transparente des finances publiques, et de veiller à la bonne performance : - des administrations publiques ; - des collectivités territoriales ; - des entreprises du secteur public et parapublic ; - des projets financés sur ressources extérieures et sur le budget de l’Etat ; - de toute entreprise privée d’utilité publique et/ou d’intérêt stratégique pour le pays. Pour mener à bien ses attributions, un ensemble de moyens d’actions sont mis à sa disposition 260. A cet effet, l’IGE peut mettre en place un système d’information moderne et efficace261. Ceci lui permet de recevoir de tout citoyen, toute information relative à des actes de corruption, de détournement des fonds publics, des délinquances économiques et financières en général. Dans ce cas, elle doit veiller à protéger l’identité et l’anonymat de toute personne qui le souhaite. Toutefois, toute dénonciation calomnieuse et malveillante sera sanctionnée par la loi. En outre, l’Inspecteur Général d’Etat, personnalité ayant rang et prérogatives de membre de gouvernement et placé à la tête de cette institution, peut être également saisi par les membres du gouvernement, les présidents des grandes institutions de la République, les représentants des établissements publics ayant reçu délégation expresse de leur autorité de tutelle et les gouverneurs des régions. Mais dans ce dernier cas, le déclenchement de toute action par l’Inspecteur Général d’Etat est soumis à l’approbation préalable du Président de la République. Le décret n°217/PR/IGE/2016 prévoit que dans le cadre de la mission générale et permanente de contrôle, les missions d’inspection, de contrôle ou d’audit, ainsi que les contrôles ponctuels et inopinés s’effectuent sur la base d’un programme annuel approuvé par le Président de la République ou sur ses directives et instructions262. Ces contrôles s’effectuent sur place et sur pièce selon une procédure contradictoire. L’inspection effectue également des missions spéciales relatives aux plaintes et dénonciations, des missions d’études thématiques sur les politiques publiques, des mandats de vérification de l’optimisation et de la qualité des ressources humaines, des missions horizontales regroupant une ou plusieurs entités dans les unités administratives, des missions de vérification sectorielle d’activités dont la gestion relève d’une seule entité ou de plusieurs entités d’un même secteur, des missions relatives à l’organisation et à la qualité du contrôle interne des 260

Ces moyens d’action sont prévus à l’article 5 du décret n°2069/PR/2015 du 01 octobre 2015 portant création, attributions, composition et fonctionnement d’une Inspection Générale d’Etat. 261 Article 6 du décret n°2069/PR/2015 du 01 octobre 2015 précité. 262 Article 4 du décret n°217/PR/IGE/2016 relatif aux modalités, procédures et conditions d’exécution des missions effectuées par l’IGE

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départements ministériels, des missions sur la gouvernance et la qualité de direction et sur les systèmes et pratiques de saine gestion, des missions d’audit sur l’atteinte des résultats et le degré de la performance des projets et programmes. Ces différents contrôles sont effectués par les Inspecteurs d’Etat et les Contrôleurs sous l’autorité de l’Inspecteur Général d’Etat. Mais lorsque les nécessités de la mission de contrôle l’exigent, le chef de mission peut réquisitionner tout agent de l’Etat pouvant l’aider dans l’accomplissement de ses tâches, avec l’accord de sa hiérarchie. Les règles relatives aux conditions d’exercice des missions, aux nominations, aux droits et obligations des membres des missions d’inspection, de contrôle et d’audit, aux droits et obligations des personnes contrôlées, aux procédures d’exécution des missions d’inspection, de contrôle et d’audit, à la composition des équipes de missions, au déroulement des missions sont toutes prévues par le décret n°217/PR/IGE/2016 portant modalités, procédures et conditions d’exécution des missions effectuées par l’IGE. Les missions du contrôle d’Etat sont sanctionnées par des rapports des Inspecteurs d’Etat ou autres Contrôleurs qui les transmettent à l’Inspecteur Général d’Etat. Ce dernier adresse un exemplaire de chaque rapport, accompagné de sa synthèse au président de la République. Celui-ci peut autoriser la publication de ces rapports de mission. En outre, l’Inspecteur Général d’Etat soumet au Président de la République un rapport annuel portant sur la situation administrative et financière des entités contrôlées et l’évolution des procédures judiciaires engagées à l’issue des missions de contrôle ou d’inspection. Le rapport annuel est publié sur instruction de l’Inspecteur Général, après avis préalable du Président de la République. Pour s’assurer des issues de ses contrôles, l’Inspecteur Général d’Etat adresse les recommandations issues de la mission d’inspection, de contrôle ou d’audit au ministre de tutelle du service ou organisme contrôlé aux fins de leur application, après instruction du Président de la République. Six (6) mois après la transmission de ces recommandations, le chef de département, assisté du chef de mission et à défaut d’un membre de la mission vérifient l’effectivité de leur application et rendent compte par écrit à l’Inspecteur Général d’Etat des résultats de leur vérification dans un délai n’excédant pas un (1) mois. L’Inspecteur Général d’Etat adresse sans délai une copie des conclusions de la mission suivie des recommandations au Président de la République. De surcroît, lorsque le rapport de mission d’inspection, de contrôle et d’audit relève des irrégularités graves et manifestes, l’Inspecteur Général d’Etat, sur instruction du Président de la République, transmet sans délai ce rapport au Département des Etudes, de la Législation et du Contentieux, de l’Ethique et de la Déontologie aux fins de saisine de la juridiction compétente. A cet effet, ce département examine le rapport, relève les faits susceptibles de poursuites pénales ou civiles et établit la plaine ou la requête à la signature de l’Inspecteur Général d’Etat et assure le suivi de ces procédures tout au long de leur déroulement.

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Aussi, pour lui permettre d’accomplir efficacement sa mission, l’Inspecteur Général d’Etat est tenu régulièrement informé des actes pris dans tous les secteurs de la vie publique. Il est à cet effet destinataire de toutes les notes circulaires, notes d’instruction, contrats de bail public, procès-verbaux de vente aux enchères publiques, conventions de financement et d’établissement, décrets, arrêtés et décisions de nomination ou de relève des agents de l’Etat, des rapports d’inspection des différents départements ministériels, et plus généralement de tout autre texte à incidence financière qui régit les services publics. A cet effet, même s’il est prévu que les missions de l’IGE ne font pas obstacle au contrôle hiérarchique et de tutelle, aux contrôles internes des départements ministériels et autres entités publiques, aux contrôles juridictionnels et parlementaires, l’étendue des contrôles de l’IGE lui permet, lorsqu’ils sont menés selon les règles de l’art, de faire en sorte qu’aucun autre contrôle ne soit véritablement utile car, ils touchent à tous les aspects de la vie administrative. Cependant, il ressort des études de la règlementation que cette institution est tellement inféodée à la Présidence de la République, au point où l’on s’interroge de la suite de ses actions qui dépendent du bon vouloir de ce dernier. B- Les autres organes internes de contrôle de l’Administration et les corps d’inspection Tous les autres contrôles administratifs viennent après l’Inspection Général d’Etat car, les missions de contrôle de l’Inspection Générale d’Etat ont préséance sur l’ensemble des organes administratifs de contrôle. Elles ont accès en priorité à tout autre organe administratif de contrôle. D’autres corps d’inspection et de contrôle sont quant à eux composés de fonctionnaires ou agents publics, qui, pour le compte d’un ministre, ont pour mission d’inspecter ou de contrôler les services déconcentrés ou les Etablissements Publics sous tutelle, du point de vue soit technique soit financier. Il n’existe pas en réalité de différence majeure entre les organes administratifs internes de contrôle et les corps d’inspection, nu été le fait que certains organes de contrôle (ANIF par exemple) sont orientés vers un aspect particulier de contrôle de la vie administrative. Au demeurant, les corps d’inspection sont des organes de contrôle mais leur domaine d’intervention ne se limite pas qu’au contrôle stricto sensu. Au-delà du contrôle, ils assurent une fonction d’audit, de conseil, d’évaluation, etc. Au titre d’activité de contrôle, ils mènent des investigations souvent pointues « sur pièce et sur place » a posteriori dans les services concernés. Ces investigations peuvent être trimestrielles, semestrielles ou annuelles selon les cas. Le contrôle a pour objectif de « déceler les erreurs de gestion ou de confondre les fonctionnaires indélicats ». En tant qu’auditeurs, les corps d’inspection font un état des lieux, une analyse de l’existant afin de vérifier que les résultats obtenus correspondent à l’objectif fixé. Ils vérifient que les prescriptions juridiques, financières et techniques sont bien

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respectées, que les moyens consacrés l’ont été de façon optimale, évaluent les points forts, les points faibles, les risques de l’organisation et dégagent les recommandations pour améliorer le dispositif d’ensemble. En tant que Conseils, les corps d’inspection interviennent pour suggérer des solutions sur l’aspect organisationnel ou en termes de personnels que rencontrent certains services ou administrations déconcentrées. Pour le Professeur Christophe GUETTIER, dans ce cas, « il ne s’agit pas de prendre en faute un agent ou un service, mais de coopérer avec lui, de rechercher une solution à ses difficultés sans s’attarder à souligner les faiblesses des hommes ou du système ». Leur fonction d’évaluation est essentiellement fondée sur l’impact de la politique évaluée sur les usagers et les citoyens. Les missions d’évaluation des politiques publiques sont destinées, soit à encadrer la mise en place d’un dispositif nouveau souhaité par l’autorité publique soit à corriger une politique en place263. Les corps d’inspection sont des inspections généraux (avec des délégations au niveau local) et sont rattachés à la quasi-totalité des départements ministériels : intérieur, administration territoriale, santé, éducation, affaires sociales, culture et sport, finances, sécurité, fonction publique etc. Il ne leur est pas reconnu de pouvoirs de décision expresse dans leur fonction. Ils se suffisent aux rapports dans lesquels ils font l’état des lieux des services inspectés et proposent des recommandations ou suggestions, quitte à l’autorité compétente de recevoir ces rapports et de donner suite. Partie intégrante de l’administration ministérielle, leur étude dans cette partie du travail témoigne du rôle qu’ils jouent dans l’organisation administrative. Cependant, la difficulté majeure des corps d’inspection – c’est d’ailleurs le cas de la grande partie des organes administratifs de contrôle de l’administration – réside dans le fait que leur recommandations sont très peu prises en compte, ce qui les amène à refaire le même travail avec les mêmes constats et recommandations durant des années consécutives.

263

Sur toute la question, lire GUETTIER (C), Institutions Administratives, op. cit, p. 212 – 216.

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CHAPITRE 2 : L’ADMINISTRATION DECONCENTREE Étant entendu que le Président de la République et les ministres ne peuvent à eux seuls prendre des décisions administratives au nom de l’Etat, en raison du fait qu’ils ont tous leurs offices dans la capitale et donc éloignés des réalités locales (mais pour bien d’autres raisons aussi), la technique de la déconcentration administrative permet à certaines autorités administratives de décider et d’agir au nom de l’Etat dans leurs ressorts territoriaux. Ils sont distincts des autorités centrales et des autorités décentralisées avec lesquelles leurs compétences ne s’entremêlent pas. L’administration déconcentrée de l’État est administrée par les autorités déconcentrées. En effet, la déconcentration est un mode d’aménagement des structures de l’Administration caractérisée, au sein d’une même personne publique, par la remise du pouvoir de décision ou par la délégation de celui-ci à des organes appartenant à la hiérarchie administrative et qui lui demeurent assujettis ; appliquée à l’administration de l’Etat sur le territoire, la déconcentration se traduit par une distinction entre services centraux et services extérieurs. Exemple, le préfet, commissaire de la République est dans le cadre du département ou de la région une autorité déconcentrée264. Elle désigne aussi un mode d’organisation et d’aménagement des structures de l’administration de l’Etat sur le territoire et une des modalités de répartition des compétences entre l’Etat central et les administrations extérieures265. « La déconcentration consiste donc en une redistribution des compétences et pouvoirs au sein même de l’Etat unitaire »266. La déconcentration caractérise un système administratif dans lequel le pouvoir central délègue certaines de ses compétences à des agents locaux de l’Etat placés soit à la tête de services extérieurs, soit à la tête d’une circonscription administrative267. A cet effet, elle consiste à attribuer des 264

CORNU (G) (Dir.), Vocabulaire juridique, op.cit, p.255. Expression employée par Léon AUCOC en 1865 quand il fut maître des requêtes au Conseil d’Etat français et reprise par NAHOUNNGAR BELEMGOTO BEKOUTOU, « Une déconcentration dynamique pour la mise en œuvre d’une décentralisation harmonieuse », op. cit, note en bas de page n°2. 266 NAHOUNNGAR BELEMGOTO BEKOUTOU, « Une déconcentration dynamique pour la mise en œuvre d’une décentralisation harmonieuse », op. cit, p. 34. 267 Au Tchad, le Comité technique interministériel d’appui au Haut comité chargé des réformes institutionnelles constate, dans son Rapport final, que la déconcentration qui permet une représentation de l’Etat auprès des collectivités territoriales décentralisées n’a pas favorisé un réel rapprochement des services de l’Etat et des administrés. Par ailleurs, au Tchad, l’on note un certain décalage numérique entre les circonscriptions administratives (trois (3) : Région, Département et Sous-préfecture sous la Constitution de 1996 révisée ; trois (3) : Province, Département et Commune, sous la 265

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compétences propres à des délégués du Gouvernement central, le Chef de l’Etat ou de Gouvernement ne pouvant matériellement produire lui-même toutes les décisions administratives. C’est une simple modalité d’exercice de l’autorité, des pouvoirs de décision sont transférés du centre à la périphérie, à des autorités dépendant étroitement du pouvoir central. Deux techniques d’aménagement du pouvoir administratif sont envisageables : - soit permettre au Chef de l’Exécutif de déléguer son pouvoir de décision à ses subordonnés, au moins dans certaines matières ou pour les mesures les moins importantes ; - soit faire attribuer aux subordonnés certaines compétences par des textes législatifs ou réglementaires. En France, le Décret du 1er Juillet 1992 portant Charte de la déconcentration met en œuvre les principes de la loi du 6 février 1992 sur l’administration territoriale de la République : seules les missions à caractère national doivent revenir aux administrations centrales, le reste est pris en charge par les services déconcentrés, organisés dans le cadre des circonscriptions régionales, départementales et des arrondissements. Aussi, toutes les autorités administratives, à l’exception des plus hautes, qui sont à la fois des autorités politiques et des autorités administratives, sont soit déconcentrées, soit décentralisées268. La décision est toujours prise par l’Etat mais par l’intermédiaire d’une autorité déconcentrée qui demeure soumise au contrôle du pouvoir central269. La déconcentration maintient la centralisation, mais elle atténue ses rigueurs en confiant certaines attributions du pouvoir central à ses agents locaux, qui administrent désormais sur place, au lieu d’exécuter les décisions du ministre. Les autorités administratives locales restent soumises au pouvoir hiérarchique qui se manifeste, comme le pouvoir de tutelle, par l’annulation, la suspension et l’approbation. Il comporte en outre la réformation des actes, au lieu de la substitution d’action, et il peut généralement s’exercer pour tout motif, c’est-à-dire pour simple opportunité 270. La déconcentration administrative consiste donc en un découpage du territoire de l’Etat en des circonscriptions administratives ; celles-ci correspondant plus généralement aux territoires des CTD. En outre, l’objectif global de la déconcentration administrative est d’assurer tout d’abord l’unité d’application des politiques publiques décidées par les administrations centrales (ou ministérielles). Il y a donc :

Constitution de 2018) et les collectivités locales (quatre (4) : Région, Département, Commune et Communauté rurale) sous la Constitution de 1996 révisée ; deux (2) : Province et Commune, sous la Constitution de 2018). 268 Lire ROUAULT (M-C), L’essentiel de l’organisation administrative, op. cit, pp.31 – 32. 269 GRANDGUILLOT (D), les collectivités territoriales en France, Paris, Gualino lextenso édition, 2013/2014, p.5. 270 TROTABAS (L) et ISOART (P), Droit public, op. cit, p. 127.

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- Unité d’interprétation des politiques et directives émanant du pouvoir central, et - Unité de mise en œuvre des politiques publiques par les responsables territoriaux sans distinction des régions271. En effet, c’est dans les structures déconcentrées que se trouvent aussi les services déconcentrés des différents ministères. Le décret n°714/PR/PM/MENPC/2016 du 07 décembre 2016, portant organigramme du ministère de l’éducation nationale et de la promotion civique, par exemple prévoit que les services déconcentrés dudit ministère sont les académies de l’éducation nationale, les délégations régionales communes, les inspections départementales de l’éducation nationale et de la promotion civique (IDENPC), les inspections pédagogiques272. De toute évidence, il faut rappeler qu’au Tchad, dans leur ensemble, les services déconcentrés des ministères sont organisées par un acte unique, le décret n°609/PR/PM/SGG/2016 du 31 août 2016, portant création et organisation des délégations régionales des départements ministériels en l’occurrence. Au Tchad, depuis les premières lois de la décentralisation issues de la Constitution de 1996 révisée, les structures déconcentrées étaient la Région avec à sa tête un Gouverneur de la Région, le Département avec à sa tête un Préfet du Département et la Sous-préfecture avec à sa tête un Sous-préfet. Avec l’avènement des réformes institutionnelles de 2018, les structure déconcentrées sont désormais la Province (ancienne Région), avec à sa tête un Gouverneur de Province et le Département avec à sa tête un Préfet de Département273. Ces différentes autorités ont, dans leurs différents ressorts, « la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ». Ce sont eux aussi qui assurent la tutelle sur les CTD, dans le respect de la hiérarchie administrative. A cet effet, selon NAHOUNNGAR BELEMGOTO BEKOUTOU, « la hiérarchie administrative est constituée des structures pyramidales liées les unes aux autres par le sentiment d’appartenir au même corps : les agents sont reliés les uns aux autres par des hiérarchies stratifiées comme décrites ci-après : - au sommet, le pouvoir central : Président de la République, gouvernement, secrétariat général, directions techniques et services ; - aux échelons intermédiaires : gouverneurs, préfets et sous-préfets ;

271 NAHOUNNGAR BELEMGOTO BEKOUTOU, « Une déconcentration dynamique pour la mise en œuvre d’une décentralisation harmonieuse », op. cit, p. 37. 272 Article 35 du décret n°714/PR/PM/MENPC/2016 du 07 décembre 2016 ci-haut cité. 273 Lire la Synthèse des Travaux du forum national inclusif, p. 3 et l’article 4 l’Ordonnance n°038/PR/2018 du 10 aout 2018 portant création des Unités administratives et des Collectivités Autonomes.

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- aux bas de l’échelle : les agents des services déconcentrés (chefs de services déconcentrés de l’Etat) »274. Ces structures se présent ainsi qu’il suit : SECTION 1 : de la Région, circonscription administrative, structure déconcentrée de l’Etat à la Province La région275 est au Tchad en même temps une circonscription administrative276 de l’Etat et une collectivité territoriale décentralisée. Mais en revanche, à quoi renvoi le terme circonscription administrative ? Il s’agit d’une division du territoire national, délimitée par des limites géographiques précises, qui ne possède pas la personnalité juridique et qui correspond à une zone de compétence générale de l’ensemble des services de l’Etat, à la tête de laquelle est nommé un représentant de l’Etat. C’est le cadre de l’action déconcentrée du pouvoir central. A cet effet, le territoire national est divisé en circonscriptions administratives, hiérarchisées, dont chacune correspond à la sphère de compétence territoriale d’un agent local du pouvoir central, responsable des services de l’Etat. La circonscription est une subdivision géographique, un simple cadre pour l’exercice de l’administration d’Etat. Elle est privée de toute vie juridique autonome, ne possède pas de véritable statut. Ces subdivisions sont assemblées selon un principe d’organisation hiérarchique, les subdivisions inférieures étant englobées par la subdivision supérieure. Elle est l’expression de la politique de déconcentration277. La circonscription administrative peut être soit d’administration générale278, soit d’administration spéciale279.

274 NAHOUNNGAR BELEMGOTO BEKOUTOU, « Une déconcentration dynamique pour la mise en œuvre d’une décentralisation harmonieuse », op cit. p. 40 . 275 Nous avons signalé plus haut qu’avec les réformes institutionnelles de 2018, les Régions deviennent dorénavant des Provinces et leur nombre est maintenu à vingt-trois (23). Cependant, ce changement d’appellation n’emporte aucune conséquence juridique ; ce qui signifie que l’étude de la Région renvoie à l’étude de la Province. 276 La Région, en tant que circonscription administrative doit être délimitée. Et s’agissant de la délimitation des circonscriptions administratives au Tchad, le Rapport final du Comité technique interministériel d’appui au Haut comité chargé des réformes institutionnelles révèle une situation qui, si elle est vérifiée, serait assez déplorable. En effet, selon le Rapport, « au Tchad, le découpage des unités administratives donnant naissance aux premières collectivités territoriales décentralisées, s’est fait sans étude préalable et est de ce fait, source de nombreuses tensions et de difficultés de cohabitation. Aussi, la situation a empiré avec la création des nouvelles structures administratives pour lesquelles des frontières identifiées n’ont pas été tracées», (lire le Rapport final du Comité technique d’appui au Haut comité chargé des réformes institutionnelles, p.68). 277 Lire ROUX (J-C) (Dir.) Organisation administrative, décentralisation et administration territoriale au Tchad et en France, op. cit, p.14. 278 C’est le cas la Région, du Département, de la Sous-préfecture sous les premières lois de la décentralisation. 279 L’on rencontre dans ce cas les régions militaires, le ressort d’une cour d’Appel ou d’un tribunal administratif, etc.

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Au demeurant, si les régions sont de création assez récente au Tchad, leur histoire remonte à la France où elles étaient d’abord de circonscriptions administratives avant d’être érigées en établissements publics territoriaux à partir des circonscriptions d’action régionale par la loi du 5 juillet 1972, pour enfin revêtir le statut d’une collectivité territoriale à partir des lois de la décentralisation de 1982. En tant que circonscription administrative, la région est au Tchad un cadre de représentation territoriale de l’Etat car, « les unités administratives sont des cadres de représentation territoriale de l’Etat »280. Il revient à la loi organique n°019/PR/2010 du 13 octobre 2010 déterminant les principes fondamentaux de l’organisation administrative du territoire de la République du Tchad de lister ces unités en ces termes : « les unités administratives sont : les Régions, les Départements, les Souspréfectures »281. Ainsi, en vertu de la même loi, « la Région est le cadre de représentation de l’Etat auprès de la collectivité territoriale décentralisée à l’échelon régional. Elle est l’unité administrative d’échelon supérieur à la disposition directe du pouvoir central où s’exerce l’autorité publique de conception, de coordination, d’animation, et de contrôle des services publics déconcentrés»282. Le contenu des attributions de la région, unité administrative, se trouve dans cette dernière disposition. En effet, l’analyse de cette disposition fait ressortir trois (3) caractéristiques de la région en tant que circonscription administrative de l’Etat : Primo : la région est le cadre de représentation de l’Etat auprès de la collectivité territoriale décentralisée à l’échelon régional. Mais ceci voudrait dire que c’est à travers la région, perçue comme unité administrative de l’Etat, que ce dernier assure sa représentation auprès de la région collectivité territoriale décentralisée. Ceci ne traduit pas de facto que la circonscription administrative régionale n’existe que pour représenter l’Etat auprès de la région, collectivité territoriale. Elle peut exister sans que cette dernière n’existe. C’est d’ailleurs le cas actuel au Tchad. Cependant, lorsqu’il existe, c’est par elle que l’Etat est représenté via le Gouverneur de Région auprès du Conseil régional. Secundo : elle est l’unité administrative d’échelon supérieur à la disposition directe du pouvoir central. On comprend par-là que de toutes les unités administratives existantes, la région est la plus grande. Elle est la plus grande et est gérée directement par l’Etat, qui nomme à sa tête une autorité étatique qui agit en lieu et place en son nom et pour son compte. Les décisions du Gouverneur de Région engagent la responsabilité de l’Etat dont il est le commis.

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Article 3 de la loi organique n°019/PR/2010 du 13 octobre 2010 déterminant les principes fondamentaux de l’organisation administrative du territoire de la République du Tchad. 281 Article 6 de la loi organique n°019/PR/2010 du 13 octobre 2010 ci-haut citée. 282 Article 7de la même loi.

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Tertio : c’est dans cette unité administrative que s’exerce l’autorité publique de conception, de coordination, d’animation, et de contrôle des services publics déconcentrés. Autrement dit, la région est le lieu de concentration des services déconcentrés de l’Etat. C’est à ce niveau que sont coordonnés et animé les services territoriaux de l’Etat. C’est aussi à ce niveau que les grandes décisions concernant l’administration déconcentrée de l’Etat sont prises. Cette posture lui permet d’être le siège des institutions nationales à l’échelon territorial. L’on recense en son sein toutes les délégations des départements ministériels si ces dernières sont prévues. En effet, les délégations ministérielles, régionales ou départementales au Tchad sont prévues par le décret n°609/PR/PM/SGG/2016 du 31 août 2016, portant création et organisation des délégations régionales et départementales ministérielles. Un autre arrêté, celui n°1006/PR/PM/2017, portant organisation et fonctionnement des délégations régionales des départements ministériels, prévoit expressément que « les délégations régionales sont des services déconcentrés des ministères »283. Elles sont placées sous la tutelle conjointe des ministères dont elles relèvent. Toutefois, elles sont coordonnées par des Délégués. Selon l’arrêté ci-haut cité, les délégations régionales sont regroupées par secteur de compétence. Elles se présentent comme suit : - Délégation aux finances et à l’économie ; - Délégation aux infrastructures ; - Délégation à l’enseignement et à la jeunesse ; - Délégation à la Santé et aux Affaires sociales ; - Délégation au développement rural ; - Délégation à l’emploi, aux marchés publics et aux droits de l’Homme ; et - Délégation à la Sécurité284. Revenant à la Région, structure déconcentrée de l’Etat, sa gestion est assurée par le Gouverneur de Région qui est le chef de cette unité administrative. En effet, le Gouverneur de Région tient ses attributions du décret n°154/PR/MISD/2001 portant attributions des Chefs des Unités administratives. Aux termes de ce décret, le Gouverneur de Région est placé sous le contrôle hiérarchique du Ministère de l’intérieur, de la sécurité et de la décentralisation285. Il est dans les limites de sa circonscription, le représentant du Gouvernement. Ce qui lui confère le privilège d’être le dépositaire des pouvoirs de la République. Il veille donc à l’exécution des lois et règlements. En outre, sous la supervision du Premier ministre et sous 283

Article 2 de l’arrêté n°1006/PR/PM/2017 ci-haut cité. Article 4 du même arrêté. 285 Toutefois, il sied de préciser que le ministère en charge de la décentralisation étant détaché, le Gouverneur de Région est sous la hiérarchie du ministère en charge de l’administration du territoire qui peut être combiné ou non avec celui de l’intérieur et de la sécurité. 284

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le contrôle des ministres, le Gouverneur assure, dans sa circonscription, la coordination de tous les services publics régionaux. Il coordonne et contrôle les activités des services publics et parapublics déconcentrés installés dans sa circonscription. Il reçoit copie des correspondances adressées aux administrations centrales et rend compte du fonctionnement régulier des services publics. Il donne aussi son avis sur des problèmes qui se posent dans sa circonscription. En tant que premier responsable de l’administration déconcentrée, le Gouverneur de Région exerce le pouvoir hiérarchique sur les autorités administratives et les services déconcentrés régionaux de sa circonscription. A cet effet, le Préfet de Département est tenu de lui rendre compte de toutes les situations survenues dans sa circonscription. Son titre lui permet de veiller à la bonne gestion des chefferies traditionnelles et les affaires religieuses et coutumières. Aussi, en tant que supérieur hiérarchique de tous les fonctionnaires affectés dans la région, le Gouverneur apprécie et note une fois par an les fonctionnaires et agents des services régionaux. Il adresse, chaque fin d’année aux ministres, une appréciation générale sur la manière de servir des Chefs de services déconcentrés placés sous ses ordres. En outre, il peut affecter ou muter à l’intérieur de sa circonscription, le personnel de l’administration générale mis à sa disposition et, à la demande des chefs de services, les fonctionnaires dans les services déconcentrés régionaux. Il exerce la tutelle administrative et financière sur le Conseil régional, le contrôle de légalité sur ses actes et veille à l’exécution de ses délibérations (pour ce qui est des rapports entre le Gouverneur de Région et les autorités décentralisées, voir le représentant de l’Etat dans la région (infra, IIème partie). Le Gouverneur de Région joue aussi un rôle assez important dans le développement de sa circonscription (rôle que jouent d’ailleurs tous les chefs d’unités administratives). Ces rôles, prévus à l’article 10 du décret n°154/PR/MISD/2001, ci-haut cité consistent à : - veiller à la préparation et à l’exécution du plan de développement régional en cohérence avec le plan national de développement ; - fournir au Gouvernement tous les renseignements nécessaires en vue de l’élaboration et de la réalisation du plan national ; - présider les commissions et autres réunions à caractère économique et social ; - contrôler les activités des entreprises et la qualité de leurs produits soumis à la consommation des citoyens ; et - prendre des mesures d’urgence qui s’imposent en cas de calamités naturelles et en rendre compte au gouvernement. En plus de ces attributions, le Gouverneur de Région se voit dépositaire des pouvoirs de police dans sa circonscription. A cette fin, il veille à l’ordre public et à la sécurité des personnes et des biens et peut prendre des règlements de police. Les forces chargées du maintien de l’ordre et de

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sécurité implantées dans la région relèvent de son autorité. Il peut enfin bénéficier des délégations de certaines attributions de la part des membres du gouvernement. Tel est ce que pourrait dire de la région, circonscription administrative. Quid du Département ? SECTION 2 : le Département, circonscription administrative, structure déconcentrée de l’Etat Il sied de préciser de prime abord que le statut des Départements, circonscriptions administratives, structures déconcentrées de l’Etat, n’a pas subi de métamorphoses suite aux réformes institutionnelles de 2018. Néanmoins, ils sont consacrés comme seules circonscriptions électorales pour les élections législatives, leurs délimitations seront redéfinies et leur nombre s’est accru suite à ces réformes286. Comme la région, le département287 tire son fondement de l’article 202 de la Constitution de 1996 révisée. En effet, « le département est une structure de l’administration territoriale, ayant la double qualité de collectivité locale et de circonscription de l’Etat »288. Son histoire remonte à un décret français du 22 décembre 1789, découpant le territoire français en départements et est réalisée par la loi du 26 février 1790. Au début, le département fut considéré comme une simple circonscription administrative avant d’être érigé en collectivité territoriale par la loi du 10 août 1871. Son autonomie était non exhaustive car l’exécution des délibérations de son organe délibérant, le conseil général, relevait du préfet, agent déconcentré nommé par le pouvoir central. C’est l’article 87 de la Constitution de 1946 qui instaure le président du Conseil général, nouvel Exécutif départemental289. Le département est au Tchad une circonscription administrative de l’Etat290 en même temps qu’une collectivité territoriale décentralisée291. Cependant, les réformes institutionnelles de 2018 maintiennent le département, circonscription administrative de l’Etat et suppriment le département, collectivité territoriale décentralisée292 car, les seules CTD devant exister dorénavant au Tchad sont la Province (actuelle Région) et la 286

Leur nombre passe de soixante-neuf (69) à cent sept (107) ; article 2 de l’Ordonnance n°038/PR/2018 du 10 aout 2018, précitée. 287 Il est à rappeler que les réformes institutionnelles de 2018 conservent le département en tant que circonscription administrative de l’Etat, mais suppriment plutôt le département en tant que Collectivité territoriale décentralisée (lire la Synthèse des travaux du forum national inclusif, p. 2). 288 CORNU (G) (Dir.), Vocabulaire juridique, op.cit, p.274. 289 TROTABAS (L) et ISOART (P), Droit public, op. cit, p. 135. 290 Article 6 de la loi n°019/PR/2010 du 13 octobre 2010 déterminant les principes fondamentaux de l’organisation administrative du territoire de la République du Tchad. 291 Article 1er de la loi organique n°002/PR/2000 portant Statut des CTD. 292 Lire la synthèse des travaux du forum national inclusif, p.3. En outre, avec l’avènement des réformes institutionnelles, le Département sera aussi désormais la circonscription électorale pour les élections législatives, (lire la synthèse des travaux du forum national inclusif, p. 5).

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Commune. Toutefois, à l’heure actuelle, c’est aux termes de la loi n°019/PR/2010 du 13 octobre 2010 précitée que le département est conçu comme l’unité administrative où s’exerce l’autorité publique de coordination, d’animation et de gestion293. Il est le cadre de représentation de l’Etat auprès de la collectivité territoriale décentralisée à l’échelon départemental. Il se compose de plusieurs sous-préfectures. En tant qu’unité administrative, le département est placé sous la responsabilité du Préfet de département, agent de l’Etat, nommé par décret en Conseil des ministres, qui assure la coordination de tous les services déconcentrés de l’Etat dans la circonscription et dont il est le chef. Il est secondé par le Secrétaire Général du département, agent de l’Etat qui assure lui aussi des fonctions administratives. Le département au Tchad est dirigé par un Préfet de département. Ce dernier était autrefois Préfet dans une Préfecture. En effet, c’est le Décret n°267/PR/INT du 02/11/1972 fixant les attributions des Préfets qui définissait le rôle du Préfet au Tchad294. Selon ledit décret, le Préfet est placé sous l’autorité du Président de la République et sous le contrôle général du Ministre de l’intérieur. A cet effet, il est, dans les limites de sa circonscription, le représentant du gouvernement et donc dépositaire des pouvoirs de la République. Dans son ressort, il veille à l’exécution des lois, règlements et autres décisions gouvernementales. Chef de sa circonscription administrative, le Préfet assure la direction de tous les services publics et parapublics installés dans sa circonscription, sous le contrôle des ministres compétents. Ce titre lui confère l’habilitation à contrôler les activités administratives de ces services. Il rend compte de leur fonctionnement au gouvernement et donne son avis sur les problèmes qui se posent dans sa circonscription. Par ce titre aussi, le Préfet se voit le supérieur hiérarchique des Sous-préfets et autres agents affectés dans le département. Ce qui emporte pour conséquence son habilitation à les noter annuellement. En outre, en vertu du décret n°267/PR/INT du 02/11/1972 précité, le Préfet peut affecter ou muter à l’intérieur de sa circonscription le personnel de l’administration générale mis à sa disposition et, à la demande des chefs de services préfectoraux, les fonctionnaires et agents des services techniques295. Il reçoit obligatoirement copies des décisions d’affectation, de mutation ou de congés concernant les personnels de l’Administration dans sa circonscription. Il peut, dans sa circonscription, prendre des règlements de police car il veille à l’ordre public et à la sécurité des personnes et des biens, en application de l’article 9 du décret n°267/PR/INT du 02/11/1972 précité. L’article 10 quant à lui prévoit que le Président de la République peut par 293

Article 8 de la loi n°019/PR/2010 du 13 octobre 2010 ci-haut citée. A cette époque, on parlait du Préfet de Préfecture et non du Préfet de Département. La Préfecture étant le plus grand échelon territorial. 295 Article 4 du décret n°267/PR/INT du 02/11/1972 ci-haut cité. 294

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arrêté, déléguer certains de ses pouvoirs aux Préfets en général ou à tel préfet en particulier. Sous les lois de la décentralisation qui sont apparues à partir de l’année 2000, le Préfet de Préfecture deviendra Préfet de département. Et c’est le décret n°154/PR/MISD/2001 portant attributions des Chefs des Unités administratives, qui détermine ses attributions. Sans pour autant innover en profondeur les attributions du Préfet de Préfecture définies par le décret n°267/PR/INT du 02/11/1972, le décret n°154/PR/MISD/2001 ci-haut cité place le Préfet de département sous le contrôle général du Ministère de l’Intérieur et sous l’autorité du Gouverneur de région. Il est, dans la limite de sa circonscription le Chef de l’Administration. Ce qui lui permet d’être le dépositaire des pouvoirs de la République. Comme le Gouverneur de région, le Préfet de département veille à l’exécution des lois et règlements. Et sous la supervision du Ministre de l’intérieur, il assure la coordination de tous les services publics départementaux. Il contrôle les activités des services publics et parapublics déconcentrés installés dans sa circonscription, reçoit copie des correspondances adressées aux administrations centrales et régionales, exerce le pouvoir hiérarchique sur les Sous-préfets et Chefs de services déconcentrés départementaux. A ce titre, le Sous-préfet est tenu de lui rendre compte de toutes les situations survenues dans sa circonscription. Toujours à l’instar du Gouverneur de région, le Préfet de département veille à la bonne gestion des chefferies traditionnelles et coutumières, apprécie et note une fois par an les fonctionnaires et agents des services départementaux. Il adresse aussi chaque fin d’année aux ministres une appréciation générale sur la manière de servir des Chefs de services déconcentrés placés sous ses ordres. En outre, le Préfet peut affecter ou muter à l’intérieur de sa circonscription le personnel de l’administration générale mis à sa disposition et sur proposition des Chefs de services, les fonctionnaires et agents des services déconcentrés départementaux. Il assure dans sa circonscription, la tutelle administrative et financière sur les Conseils départemental et municipal installés dans le Chef-lieu du département. Ce qui lui autorise à exercer le contrôle de légalité sur leurs actes et veiller à l’exécution de leurs délibérations. En matière de développement économique et social, le Préfet de département est, dans sa circonscription, chargé de : - veiller à la préparation et à l’exécution du plan de développement départemental en cohérence avec le plan régional et national de développement ; - fournir au gouvernement tous les renseignements nécessaires en vue de l’élaboration et de la réalisation du plan régional et national ; - présider les commissions et autres réunions départementales à caractère économique et social ; - contrôler les activités des entreprises et la qualité de leurs produits soumis à la consommation des citoyens ; et

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- prendre des mesures qui s’imposent en cas de calamités naturelles et rendre compte au Gouverneur de Région. Dans sa circonscription administrative, le Préfet veille à l’ordre public et à la sécurité des personnes et des biens. Il peut, à cette fin, prendre des règlements de police. A cette fin aussi, les forces de l’ordre et de sécurité implantées dans le département relèvent de son autorité. Il dispose du droit de réquisition conformément à la règlementation en vigueur. Outre ces attributions, les membres du gouvernement peuvent déléguer certaines de leurs attributions au Préfet de département. Pour ce qui est des rapports entre le préfet du département et les autorités décentralisées, voir le représentant de l’Etat dans le département (infra, IIème partie) SECTION 3 : de la Sous-préfecture, circonscription administrative, structure déconcentrée de l’Etat à sa suppression Les Sous-préfectures296 au Tchad ont une existence relativement ancienne par rapport aux régions et aux départements. Ils sont de véritables circonscriptions administratives de l’Etat. Ils trouvent leur fondement à l’article 6 de la loi organique n°019/PR/2010, précitée297. Aux termes de ladite loi, la Sous-préfecture est l’unité administrative de gestion298. Elle est le cadre de représentation de l’Etat auprès des communes et des communautés rurales. A cet effet, il appartient au Sous-préfet d’exercer la tutelle sur ces dernières299. C’est le Sous-préfet qui est l’autorité principale en charge de la Souspréfecture. En effet, aux termes du décret n°154/PR/MISD/2001 portant attributions des Chefs des Unités administratives, le Sous-préfet est placé sous l’autorité hiérarchique du Préfet de département. Il est dans le ressort de sa circonscription, le dépositaire des pouvoirs de la République. Il veille à cet effet au maintien de l’ordre et de la sécurité. Ainsi, les forces chargées du maintien de l’ordre installées dans sa circonscription relèvent exclusivement de son autorité. Aussi, sous l’autorité hiérarchique du Préfet de département, le Sous-préfet exerce une tutelle administrative et financière sur les communes et communautés rurales relevant de sa circonscription. A ce titre, il exerce le contrôle de légalité sur leurs actes et veille à l’exécution de leurs délibérations. En outre, sous l’autorité hiérarchique du Préfet de département et dans le ressort de sa circonscription, le Sous-préfet exerce les mêmes

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Les Sous-préfectures ont disparu avec les réformes institutionnelles de 2018. Elles feront désormais place aux Communes, conformément aux résolutions du Forum national sur les réformes institutionnelles de 2018. 297 Toutefois, d’origine ancienne, elles trouvent aussi leur existence dans des textes biens anciens. 298 Article 9 la loi organique n°019/PR/2010 ci-haut citée. 299 Sur cet aspect, voir en infra le représentant de l’Etat auprès de la commune et de la communauté rurale, IIème partie.

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attributions que le Préfet300. Ceci lui permet aussi de gérer les chefferies traditionnelles et coutumières. Enfin, contrairement au Gouverneurs de régions et Préfets de départements qui décident par Arrêtés (arrêtés régionaux et arrêtés départementaux), les actes pris par les Sous-préfets sont des « décisions sous-préfectorales ». En somme, l’étude des unités administratives, structures déconcentrées de l’Etat, démontre que l’organisation administrative au Tchad est semblable à une pyramide. Cette dernière est subdivisée en plusieurs degrés. On y rencontre des Régions, au sein desquelles se trouvent des Départements et au sein de ces derniers l’on trouve des Sous-préfectures. Il s’agit là de leur structuration. Quant à leur fonctionnement, il apparait que les différentes autorités administratives chargées de leur gestion ont quasiment les mêmes attributions dans leurs circonscriptions respectives : le Sous-préfet a, dans la Sous-préfecture, presque les mêmes attributions du Préfet de Département, ce dernier ayant dans le Département, la quasi-totalité des attributions du Gouverneur de Région dans la circonscription régionale. Néanmoins, le respect de la hiérarchie administrative impose une subordination et oblige l’autorité hiérarchiquement inférieure à agir sous le contrôle de l’autorité hiérarchiquement supérieure et ainsi de suite. Ce qui donne pour résultat le contrôle du Gouverneur de Région sur les Préfets de Départements. Ceux-ci exercent à leurs tours des contrôles sur les Sous-préfets de leurs circonscriptions. Toutefois, toutes ces autorités exercent des contrôles sur les fonctionnaires et autres agents publics déconcentrés exerçant dans leurs ressorts territoriaux, excepté certains corps à l’instar des magistrats, des militaires, etc. Néanmoins, rien ne leur empêche de rendre compte du fonctionnement des services publics dont relèvent ces agents à leurs ministères d’origine.

300

Article 36 du décret n°154/PR/MISD/2001, précité.

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CHAPITRE 3 LES ETABLISSEMENTS PUBLICS ETATIQUES

C’est l’Etablissement public en tant service public personnifié qui sera traité ici car, la notion de service public dans son ensemble a été largement traité dans le chapitre introductif. En effet, le droit public applicable au Tchad, compte tenu de ses emprunt au droit français301, connait une décentralisation à double facette : la décentralisation administrative territoriale, caractérisée par la mise en place d’entités infra étatiques appelées collectivités territoriales décentralisées, autonomes mais non indépendants de l’Etat unitaire auquel elles trouvent leur existence et la décentralisation technique ou par service qui institue des Etablissements publics, personnes morales de droit public, autonomes et ayant une activité de service public. C’est cette deuxième forme de décentralisation qui sera mis en relief dans le présent chapitre. L’Etablissement public est une structure chargée d’un service public et qui, de par son caractère intrinsèque de rattachement, est placé sous la tutelle d’une collectivité territoriale (Etat ou CTD). Il est soumis à la règle de spécialité, ce qui le distingue des deux autres personnes morales de droit public. L’établissement public est la matérialisation de la décentralisation technique ou par service. Il se situe donc au centre de la notion du service public. Les Etablissements publics peuvent être locaux ou nationaux. Locaux c’est-à-dire rattachés à aux CTD ; nationaux c’est-à-dire rattachés à l’Etat. Ces derniers exercent sur eux la tutelle. En outre, les Etablissement Publics 301

L’avant – propos du support pédagogique de préparation à la décentralisation, intitulé « Organisation administrative, décentralisation et administration territoriale au Tchad et en France », produit par l’Association des Communes du Tchad en mars 1999, sous la direction de ROUX (J-C), reconnait d’ailleurs cet emprunt au droit français lorsqu’il souligne que « ce document ne veut pas imposer un modèle, ni même donner d’exemples à suivre. S’il fait référence à la décentralisation française, c’est parce que l’organisation administrative actuelle du Tchad puise ses sources dans le système français et que le processus en cours au Tchad trouve, pour une part, son inspiration dans les lois « Defferre » de décentralisation, qui ont transformé radicalement l’organisation administrative du territoire français à partir de 1982 ». S’agissant particulièrement du droit administratif, le Professeur DEMBA SY dira même que « lorsqu’on observe les expériences nationales, on pourrait soutenir que le droit administratif d’un pays africain ne présente aucune originalité par rapport à celui d’un autre pays africain ni par rapport au droit français. On pourrait même douter de l’existence d’un droit administratif en Afrique francophone en raison de sa grande fidélité au droit français » (DEMBA SY, « Droit administratif et communicabilité en Afrique », document en ligne, Google, op. cit; p.1).

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ont une certaine diversité catégorielle. En plus d’être nationaux ou locaux, ils peuvent être administratifs ou industriels et commerciaux etc. et peuvent intervenir dans les domaines social, culturel, économique, financier, scientifique, technique ou sanitaire etc. L’Etat, représenté par son administration publique que nous venons d’étudier, utilise dans une large mesure l’Etablissement public pour parvenir à ses fins de service public. Autrement dit, le service public qui est en même temps une activité qu’une structure est le principal moyen d’action de l’administration. C’est par lui que l’Etat assure la mise en œuvre de ses missions. C’est aussi par lui que les autorités administratives voire politiques assoient leurs politiques publiques, leurs ambitions. L’établissement public est donc d’une importance majeure pour l’administration de l’Etat qui ne peut s’en passer. Il est défini « … traditionnellement comme un ensemble de moyens affectés à un service public spécialisé, doté de la personnalité morale de droit public »302. En effet, la notion d’Etablissement public est liée à la notion de décentralisation qui confie la direction de certaines affaires administratives « à des pouvoirs locaux ou à des organes spécialisés »303. Lorsque ces affaires administratives sont confiées aux pouvoirs locaux c’est-à-dire les collectivités locales, il s’agit de la décentralisation administrative territoriale car les collectivités locales que sont les régions, les départements, les communes et les communautés rurales sont dotées d’une assise territoriale dans laquelle elles gèrent les affaires relevant de leurs compétences. Lorsque par contre, ces pouvoirs sont confiés à des entités spécialisées dans une activité précise appelées établissements publics, il s’agit là de la décentralisation technique ou par service. Ces entités n’ont pas en principe une compétence territoriale304. Des pouvoir leur sont dévolus dans un dessein bien précis car, comme le constate la Professeur Marie-Christine ROUAULT, « les personnes morales de droit public ont été créées afin de satisfaire deux types de besoins : reconnaitre une capacité juridique à des regroupements naturels de personnes (communes, départements …) ou créer une personne afin de gérer un service public bien défini, sous le contrôle de la collectivité qui l’a créé (établissement public). Un groupement d’individus peut ressentir le besoin de disposer d’un patrimoine et d’accomplir les actes de la vie juridique, afin de réaliser certains buts d’intérêt commun. La personne morale sera propriétaire de ce patrimoine et accomplira ces actes juridiques, par l’intermédiaire de personne physiques, qui agiront en son nom. Répondent à ce souci les collectivités territoriales. Elles même peuvent 302

ROUAULT (M-C), L’essentiel de l’organisation administrative, op. cit, p.18. TROTABAS (L) et ISOART (P), Droit public, op. cit, p. 18. 304 Néanmoins, il est à relever que certains établissements publics ont une assise territoriale. C’est le cas des Communautés urbaines dans certains pays qui se définissent tant par leurs activités que par leurs délimitations territoriales. 303

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ressentir le besoin d’individualiser la gestion d’un de leurs services publics et créer un établissement public»305. L’Etablissement public est qualifié d’administratif ou de service public administratif lorsqu’il vise la satisfaction des besoins d’intérêt général, sans pour autant se rémunérer principalement par ses activités. Il n’a pas un but lucratif et ses ressources ne proviennent pas pour l’essentiel des retombés de ses activités. L’établissement public est dit industriel et commercial lorsqu’il vise la satisfaction des besoins d’intérêt général tout en exerçant des activités de même nature qu’un entrepreneur privé. Ces activités sont de nature industrielle ou commerciale en ce que la personne publique réalise des plusvalues. Ses ressources émanent donc pour l’essentiel des retombés de ses activités. Sur le plan juridique, les Etablissements Publics Administratifs sont soumis au droit public, quant à leurs organisations, leurs fonctionnements, leurs modes de gestion, leurs actes et leur contentieux revient au juge administratif. Les Etablissement Publics Industriels et Commerciaux par contre sont organisés selon les règles de droit public. Néanmoins, leurs fonctionnements, leurs modes de gestion, leurs personnels306, leurs actes sont soumis aux règles de droit privé ; ce qui entraine la compétence de principe du juge judiciaire en cas de litige. Aux côtés de ces deux grandes catégories cohabite une troisième catégorie de services publics – sans ignorer qu’il y avait aussi une autre catégorie disparue dite « service publics sociaux » que nous ne traiterons pas ici – qui sont pas exclusivement des EPA ni des EPIC de par leurs modes de gestion, les règles de leurs fonctionnements, la qualité de leurs usagers, la provenance de leurs ressources etc. Ce sont des services publics hybrides ou mixtes, qualifiés de services publics transfuges par les Professeurs LACHAUME, BOITEAU et PAULIAT307. Leur régime juridique se rapporte tantôt à celui des SPIC, tantôt à celui des SPA. Leur caractère transfuge tient du fait qu’ils peuvent être des SPA dans une commune et des SPIC dans une autre. En tant que personne morale distincte, l’établissement public dispose de la personnalité morale ou juridique et de l’autonomie de gestion. Cette personnalité lui permet d’être titulaire de droits ou tenu d’obligations, de disposer d’un patrimoine et d’ester en justice. C’est un organisme public non soumis de manière très directe à l’autorité administrative comme les services généraux des ministères. Il possède une organisation propre avec des organes

305

ROUAULT (M-C), L’essentiel de l’organisation administrative, op. cit, p.16. Exceptés le Directeur Général et le Comptable s’il a la qualité de comptable public. 307 LACHUME (J-F), BOITEAU (C), PAULIAT (H), Droit des services publics, op. cit, p.77 -79. 306

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délibérants, exécutifs et possède un personnel propre. Il peut recruter ses propres agents dans le respect de la règlementation en vigueur. Sans ignorer l’existence d’autres catégories d’Etablissements publics, le présent chapitre traitera séparément les deux principales catégories de services publics sous leurs différents aspects, c’est-à-dire leurs modes de création et de gestion, leurs ressources ainsi que leurs organes. SECTION 1 : les Etablissements publics administratifs Selon le Vocabulaire juridique de l’Association Henri CAPITANT, le service public est dit administratif lorsqu’il s’agit de la catégorie de services publics, dits aussi « proprement administratifs », constituée résiduellement par ceux de ces services n’ayant pas un caractère industriel et commercial et dont le régime est essentiellement constitué des règles du droit public308. En effet, il s’agit des structures publiques, distinctes des départements ministériels, des structures déconcentrés et des collectivités territoriales décentralisées. Toutefois, leur mode de création, de gestion et leur autonomie se rapportent à ceux de ces dernières avec quelques nuances près ; puisqu’on est en face dans les deux cas, des structures décentralisées. Les EPA interviennent dans des domaines assez divers où le besoin de service public s’exprime : formation, recherche, culture, médias, santé et action sociale, tourisme, transport, développement rural etc. Pour la plupart d’entre eux, ils ont leur siège dans la capitale avec des antennes dans les provinces. Sans avoir la prétention d’étudier tous les établissements publics administratifs de l’Etat au Tchad, les études faites sur l’Office National de Promotion du Tourisme, de l’Artisanat et des Arts (ONPTA), l’Office National de Radiodiffusion et de Télévision du Tchad (ONRTV), la Maison des Patrimoines Culturels du Tchad (MPCT), l’Office National d’Appui à la Jeunesse et aux Sports (ONAJES), l’Agence Nationale d’Appui au Développement Rural (ANADER), l’Hôpital Moderne (HM), l’Office National des Examens et Concours du Supérieur (ONECS), le Bureau National de Fret Terrestre (BNFT) etc. nous permettent d’avoir une vue assez éclairée sur les EPA au Tchad. Paragraphe 1 : les modes de création des EPA Au Tchad, la Constitution de 1996 révisée tout comme celle du 04 mai 2018309 donnent compétence au législateur de créer les catégories d’établissements publics. Il ressort donc des études que tous les EPA ci – haut cités sont créés par acte législatif. Cette habilitation législative est pour les Professeurs TROTABAS et ISOART logique et justifié puisque l’établissement public est un service public personnifié310. Cette idée selon 308

CORNU (G) (Dir.), Vocabulaire juridique, op.cit, p. 808. Article 121 – 9 de la Constitution de la République du Tchad de 1996 révisée ; article 128 – 12 de la Constitution du 04 mai 2018. 310 TROTABAS (L) et ISOART (P), Droit public, op. cit, p. 313. 309

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laquelle la création du service public est « matière réservée au législateur » s’explique d’ailleurs sans difficulté. En effet, le service public va nécessiter l’appui des finances publiques, entrainer des atteintes à la propriété privée et des contraintes à l’égard des administrés, il implique l’intervention des autorités publiques avec toutes leurs prérogatives. Tout cela ne peut se faire sans une habilitation de la loi, et la légalité donne ainsi au service public sa force, tout en fixant ses limites. Le pouvoir règlementaire, le décret du Président de la République en l’occurrence, n’entérine que pour préciser l’organisation et le fonctionnement. Lorsqu’il a été institué conformément aux dispositions légales, le service public devient affaire administrative, c’est-à-dire que c’est à l’autorité administrative qu’il appartient d’en assurer l’organisation par voie réglementaire. Et pour de nombreux cas encore, c’est par ordonnance – ce qui est toujours du domaine de la loi – que le Président de la République créé les EPA, quitte au législateur de les ratifier par la suite. A cet effet, il faut se servir de quelques illustrations pour saisir cette réalité. Ainsi, l’ONPTA est créé par l’ordonnance n°002/PR/2016 du 15 septembre 2016 portant création d’un Office National de Promotion du Tourisme, de l’Artisanat et des Arts et ratifié par la loi n°022/PR/2016 du 07 décembre 2016. L’ONRTV est lui aussi créé par l’ordonnance n°003/PR/2016 du 15 septembre 2016 portant abrogation de la loi n°007/PR/2006 du 27 février 2006 portant création de l’Office National de Radiodiffusion et de Télévision du Tchad (ONRTV) et ratifié par la loi n°25/PR/2016 du 07 décembre 2016. De même, la MPCT est institué par l’ordonnance n°004/PR/2016 du 15 septembre 2016 portant création d’une Maison des Patrimoines Culturels du Tchad (MPCT) et ratifié par la loi n°23/PR/2016 du 07 décembre 2016. Aux termes de l’article 2 de ladite ordonnance, le MPCT est un établissement public à caractère administratif et à vocation technique et scientifique, doté de la personnalité morale et de l’autonomie de gestion. A cette liste d’EPA créés par voie d’ordonnances et ratifié par la loi, l’on note aussi, l’ONAJES qui est lui est créé par l’ordonnance n°005/PR/2016 portant création d’un Office National d’Appui à la Jeunesse et aux Sports (ONAJES) et ratifié par la loi n°024/PR/2016 du 07 décembre 2016. C’est toujours un établissement public à caractère administratif doté de la personnalité morale et de l’autonomie de gestion311. Quant aux EPA créés directement par la loi, l’on dénombre l’ANADER, créée par la loi n°035/PR/2016 du 31 décembre 2016 portant création d’une Agence Nationale d’Appui au Développement Rural. Aux termes de ladite loi, l’ANADER est un établissement public à caractère administratif et

311

Article 2 de l’ordonnance n°005/PR/2016 portant création d’un Office National d’Appui à la Jeunesse et aux Sports (ONAJES).

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technique doté de la personnalité morale et de l’autonomie de gestion312. Dans le même ordre, l’HM est lui aussi créé par la loi n°030/PR/2010 du 27 décembre 2010 portant création de l’Hôpital Moderne. Son organisation et son fonctionnement sont définis par le Décret n°755/PR/PM/MSP/2016 du 27 décembre 2016 portant organisation et fonctionnement de l’Hôpital Moderne. Selon ce décret, l’Hôpital moderne est un établissement public à caractère administratif, doté de la personnalité morale et de l’autonomie de gestion313. L’ONECS quant à lui est institué par la loi n°32/PR/2006 du 11 décembre 2006 portant création de l’Office National des Examens et Concours du Supérieur. Son organisation et les modes de fonctionnement sont précisés par le décret n°457/PR/PM/MESRS/2016 portant organisation et fonctionnement de l’ONECS. Ledit décret fait de l’ONECS un établissement public à caractère administratif, doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière314. Le BNFT enfin, est créé par la loi n°08/PR/2016 du 15 juillet 2016, portant création d’un Bureau National de Fret Terrestre et le décret n°705/PR/PM/MID/2016 du 24 novembre 2016 portant organisation et fonctionnement du BNFT détermine l’organisation et les modes de fonctionnement. Le BNFT est un établissement public à caractère administratif, doté de la personnalité morale et de l’autonomie de gestion315. Il ressort donc du constat que les textes qui instituent ces établissements précisent en même tant leur caractère administratif. Au demeurant, s’il est avéré que les SPA sont créés par acte législatif, de quels organes sont-ils dotés pour assurer leur fonctionnement ? Paragraphe 2 : les organes de gestion des EPA Comme toute entité décentralisée, les EPA disposent des deux organes fondamentaux ; un organe délibérant et un organe exécutif chargé de l’exécution des délibérations du premier. Les organes délibérants prennent l’appellation de Conseil d’administration, de Comité de gestion ou de pilotage etc. Les organes exécutifs prennent l’appellation de Direction générale, de Coordination générale etc. en fonction des spécificités de chaque établissement. Ce sont ces organes qui assurent leur fonctionnement. Pour les EPA que nous avons choisi comme échantillon, les textes qui les instituent et qui déterminent leur organisation et fonctionnement ne sont pas muets quant à la détermination de leurs organes. C’est ainsi que l’ordonnance n°004/PR/2016 du 15 septembre 2016 portant création d’une Maison des Patrimoines Culturels du Tchad (MPCT), prévoit explicitement 312 Article 1er de la loi n°035/PR/2016 du 31 décembre 2016 portant création d’une Agence Nationale d’Appui au Développement Rural (ANADER). 313 Article 2 du décret n°755/PR/PM/MSP/2016 du 27 décembre 2016 portant organisation et fonctionnement de l’Hôpital Moderne. 314 L’article 2 décret n°457/PR/PM/MESRS/2016 portant organisation et fonctionnement de l’ONECS. 315 Article 2 du décret n°705/PR/PM/MID/2016 du 24 novembre 2016 portant organisation et fonctionnement du BNFT.

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que la MPCT est administrée par un Conseil d’Administration et une l’ordonnance Coordination Générale316. Il en est de même de n°002/PR/2016 du 15 septembre 2016 portant création d’un Office National de Promotion du Tourisme, de l’Artisanat et des Arts qui prévoit un Conseil d’Administration et une Coordination Générale317. Pour ce qui concerne l’Hôpital Moderne, le décret n°755/PR/PM/MSP/2016 du 27 décembre 2016 portant organisation et fonctionnement de l’Hôpital Moderne prévoit un Comité de Pilotage et une Direction Générale318. Il faut relever aussi que ces organes agissent en tenant compte de la tutelle à qui ils sont soumis. Les textes qui instituent les établissements publics en font bien mention. A cet effet, l’Hôpital Moderne par exemple est placé sous la tutelle du Ministère de la santé publique, le BNFT sous la tutelle du Ministre en charge du transport routier, l’ONECS sous la tutelle du Ministère en charge de l’enseignement supérieur, l’ANADER sous la tutelle du Ministère en charge de l’agriculture etc. L’exercice de ce pouvoir de tutelle se fait à travers l’approbation de certaines délibérations avant leur publication, la transmission des procès-verbaux des délibérations et résolutions etc. à l’autorité de tutelle. Ce dernier a l’habilitation de demander à l’organe délibérant une nouvelle délibération. Le décret n°755/PR/PM/MSP/2016, par exemple impose au Président du Comité de Pilotage de de l’Hôpital Moderne de s’assurer de la transmission au Ministère de tutelle ou à tout autre organe habilité de l’Etat, des comptes administratifs et financiers de l’exercice écoulé après approbation par le Comité de Pilotage319. En outre, pour leur fonctionnement, les EPA ont recours à des personnels qui sont soit des fonctionnaires soumis au statut de la fonction publique soit des contractuels régis par le droit de travail et les conventions collectives. Paragraphe 3 : les ressources des EPA Les EPA disposent de ressources humaines, matérielles et financières. Toutefois, comme nous l’avons évoqué ci-haut, ils n’ont pas un dessein lucratif, même si par endroit, ils peuvent bénéficier des redevances en contrepartie de leurs prestations320. Ces redevances ne servent qu’à leur fonctionnement ou à l’organisation de certaines activités. Pour la plupart, les ressources proviennent des subventions de l’Etat, des dons et legs mais aussi 316 Article 6 de l’ordonnance n°004/PR/2016 du 15 septembre 2016 portant création d’une Maison des Patrimoines Culturels du Tchad (MPCT). 317 Article 6 de l’ordonnance n°002/PR/2016 du 15 septembre 2016 portant création d’un Office National de Promotion du Tourisme, de l’Artisanat et des Arts. 318 Article 4 du Décret n°755/PR/PM/MSP/2016 du 27 décembre 2016 portant organisation et fonctionnement de l’Hôpital Moderne. 319 Article 8 du décret n°755/PR/PM/MSP/2016 ci-haut cité. 320 Par exemple, l’ONECS bénéficie des cautions de concours, des frais d’authentification des diplômes etc. ; l’Hôpital Moderne bénéficie des frais d’hospitalisation, de soins, d’analyses ou d’examens, etc.

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des ressources propres. Au titre des ressources propres, certains EPA peuvent bénéficier de certaines taxes. On peut lire ainsi par exemple : Les ressources de l’ONPTA proviennent de : - recette de la taxe de développement touristique ; - redevances sur les marchés publics passés en République du Tchad ; - recette de la taxe artisanale ; - produit des participations aux manifestations touristiques, artisanales et artistiques ; - produit de prestations de services ponctuels assurés par l’ONPTA ; et - subventions et apports de l’Etat ; - toutes autres ressources affectées par la loi des finances. En ce qui concerne son patrimoine, les actifs et passifs de l’Office Tchadien du Tourisme (OTT), du Fonds National d’Appui aux Artistes (FONAT), de l’Agence Nationale de Développement de l’Artisanat (ANDAT) lui sont transférés321. Les ressources de la MPCT proviennent de : - subvention de l’Etat ; - ressources propres (redevances et produits de prestations diverses) ; - dons et legs ; et - toutes autres ressources affectées par la loi des finances. Pour son fonctionnement, les actifs et passifs de la Bibliothèque Nationale du Tchad (BNT), du Musée National Tchadien (MNT), du Bureau Tchadien des Droits d’Auteurs (BUTDRA), du Centre National de Lecture Publique et d’Animation Culturelle (CENALPAC) lui sont transférés. Les conditions de reversement à la MPCT du personnel des organismes ci-dessus seront précisées par décret en conseil des ministres. Les ressources de l’ONAJES proviennent de : - subventions de l’Etat ; - ressources propres ; - le produit du prélèvement de 1F CFA par appel téléphonique cellulaire de tous les opérateurs implantés sur le territoire national quelle qu’en soit la durée ; - le produit du prélèvement de 10 F CFA par paquet de tabac ; - le produit du prélèvement de 10F CFA par bouteille d’alcool ; - le produit du prélèvement de 20 pour cent sur les sommes engagées aux paris mutuels urbains ; - contributions des partenaires (personnes morales privées, nationales ou internationales) ; - le fonds d’emprunt ; - dons et legs ; et 321

Article 5 de l’ordonnance n°002/PR/2016 du 15 septembre 2016 précitée.

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- toute autre ressource affectée par la loi des finances. Le personnel et les actifs du Fonds National de Développement du Sport (FNDS), du Fonds National d’Appui à la Jeunesse (FONAJ), de l’Office National des Sports (ONASPORTS) sont transférés à l’ONAJES. Les ressources financières de l’ANADER provienne de : - subventions et autres apports de l’Etat ; - rémunérations dues aux prestations des services ; - toutes autres ressources provenant d’organismes nationaux ou internationaux ; et - dons et legs. Un décret pris en conseil des ministres détermine les modalités d’organisation et de fonctionnement de l’ANADER ainsi que les mécanismes et conditions de transfert à l’ANADER des personnels, des actifs et passifs des entités ci-après : - la Société de Développement des polders de la région du LacTchad (SODELAC); - l’Office National de Développement Rural (ONDR) ; et - le Programme National de Sécurité Alimentaire (PNSA). Le budget de fonctionnement de l’Hôpital Moderne comprend en recettes : - la subvention de l’Etat ; - les recettes propres ; - les aides, dons et legs. Enfin, les ressources du BNFT proviennent de fonds perçus en contrepartie des prestations effectuées et de toutes autres ressources qui viendraient à lui être affectées par la loi des finances. Il est aussi prévu que les ressources financières des EPA servent à couvrir les dépenses de fonctionnement, les dépenses de personnels et les dépenses d’investissement. En revanche, l’état des lieux de ces ressources permet de comprendre la diversité des ressources affectées aux EPA. Pour ce qui concerne les biens matériels et les personnels, il appert que dans beaucoup de cas, les EPA bénéficient des actifs d’autres EPA ou organismes défunts. SECTION 2 : les Etablissements publics à caractère industriel et commercial et les entreprises publiques étatiques Ils constituent la catégorie de services publics assimilables à des entreprises privées à la fois par l’objet de leurs activités, par les modalités de leur organisation et de leur fonctionnement et par leurs ressources, principalement tirées de redevances payées par les usagers. Ces services sont soumis à un régime mixte où se combinent des règles de droit public inhérentes à leur qualité de service public, et des règles de droit privé appropriées à la nature de leurs activités322. Un autre problème est celui de 322

CORNU (G) (Dir.), Vocabulaire juridique, op.cit, p. 808.

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la frontière entre les EPIC et les entreprises publiques. Il n’existe pas de différences fortes entre ces deux entités. Si l’on s’en tient à l’analyse de la Professeur Marie-Christine ROUAULT selon laquelle « tous les établissements publics sont rattachés à une collectivité territoriale et ont une spécialité fonctionnelle plus ou moins précisément définie. Certains sont, en outre, des entreprises publiques, industrielle ou commerciales dont le capital est entièrement public »323, on peut se rendre compte de la confusion, ou du moins de l’assimilation des EPIC aux Entreprises publiques. Dans la présente étude, les termes EPIC et Entreprises publiques s’équivalent. En effet, les EPIC et les Entreprises publiques peuvent être gérés en régie ou faire l’objet d’une convention de délégation de service public. Cette dernière s’analysant comme, d’après le commissaire du gouvernement CHARDENET dans ses conclusions sur l’arrêt Gaz de Bordeaux, « (…) un contrat qui charge un particulier ou une société d’exécuter un ouvrage public ou d’assurer un service public à ses frais, avec ou sans subvention, avec ou sans garantie d’intérêt et que l’on rémunère en lui confiant l’exploitation de l’ouvrage public ou l’exécution du service public avec le droit de percevoir des redevances sur les usagers de l’ouvrage ou sur ceux qui bénéficient du service public »324. Au Tchad, c’est la loi n°99/016 du 22 Décembre 1999 portant statut général des établissements publics et des entreprises du secteur public et parapublic qui définit le régime juridique des EPIC et entreprises publiques. Ainsi, on rencontre un nombre assez important d’EPIC et d’Entreprises publiques étatiques au Tchad, comme par exemple la SHT, l’ADER–Tchad, la SONEXHO, le LNE, la SNE, la STE, la Chambre de Commerce, d’Industrie, d’Agriculture, des Mines et d’Artisanat (CCIAMA), la Société Cotonnière du Tchad – Société Nouvelle « COTONTCHAD – SN», la Nouvelle Société Textile du Tchad (NSTT), la Société Jus de Fruit de Doba etc. Néanmoins, les exemples à partir de la SHT, de l’ADER – Tchad, de la SONEXHO et du LNE nous servirons de substrats suffisants pour l’étude des EPIC et Entreprises publiques de l’Etat au Tchad. Cette étude, comme pour les EPA vus ci-haut, s’articulera autour des modes de création, des organes de gestion et des ressources. Paragraphe 1 : les modes de création des EPIC et Entreprises publiques Les EPIC et les Entreprises publiques sont créés par acte d’autorité publique ; par actes législatifs en l’occurrence. Ils peuvent aussi être créés par ordonnance puis ratifiés par une loi. C’est ainsi que le Laboratoire National des Eaux (LNE) est créé par la loi n°006/PR/2013 du 22 avril 2013 323

ROUAULT (M-C), L’essentiel de l’organisation administrative, op. cit, p.18. CE, 30 mars 1916, Compagnie générale d’éclairage de Bordeaux, Rec. CE, p. 125 ; RDP, 1916, p. 206, note JEZE, GAJA, n° 33, p. 184.

324

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portant création du Laboratoire National des Eaux (LNE). Selon l’article 1er de ladite loi, il est créé un Etablissement Public dénommé Laboratoire National des Eaux, en abrégé LNE. Le LNE est un Etablissement Public à caractère scientifique, industriel et commercial, doté de la personnalité morale, juridique et jouissant d’une autonomie de gestion325. Il est placé sous la tutelle du ministère en charge de l’eau et son siège est basé à N’Djaména. En effet, le LNE a pour mission principale de mettre en œuvre la stratégie du gouvernement en matière d’études fondamentales et appliquées pour la caractérisation des eaux de surface et souterraines, l’analyse, le contrôle et le suivi de la qualité des eaux suivant les normes requises pour tous les différents usagers (agricole, pastoral, industriel, eau potable etc.). Quant à l’ADER – Tchad, il est créé par l’ordonnance n°009/PR/2013 du 19 août 2013 portant création d’une Agence pour le Développement des Energies Renouvelables au Tchad (ADER – Tchad). En effet, « l’ADER – Tchad est un Etablissement Public à caractère industriel et commercial doté de la personnalité juridique et de l’autonomie de gestion »326. Le siège de l’ADER – Tchad est fixé à N’Djaména. Il est placé sous la tutelle du ministère en charge de l’énergie. Les missions de l’ADER – Tchad, consistant à promouvoir le développement des énergies renouvelables, sont prévues à l’article 4 de l’ordonnance. En ce qui concerne la Société Nationale d’Exploitation Hôtelière (SONEXHO), c’est l’ordonnance n°005/PR/2017 portant création d’une Société Nationale d’Exploitation Hôtelière (SONEXHO) qui l’institut. Cette ordonnance abroge toute disposition contraire de la loi n°046/PR/2014 du 31 décembre 2014 portant création d’une Société Nationale d’Exploitation Hôtelière. Comme l’ADER– TCHAD, « la SONEXHO est un Etablissement Public à caractère industriel et commercial, doté de la personnalité morale et de l’autonomie de gestion. Elle est placée sous l’autorité du ministère en charge du Tourisme »327. Elle a pour mission d’établir et de suivre au nom de l’Etat, les contrats de gestion ou de location – gérance avec les partenaires qualifiés ; de gérer à titre transitoire, pour le compte de l’Etat les différents hôtels construits par ce dernier, leurs annexes et leurs dépendances ; d’assurer ou participer au développement des infrastructures hôtelières de l’Etat ; d’exécuter toutes autres missions qui viendraient à lui être confiées par les pouvoirs publics dans son domaine d’activité. Son siège social est aussi fixé à N’Djaména. Le cas de la SHT est une illustration d’un EPIC qui deviendra par la suite une Société Anonyme à capitaux publics, donc une entreprise publique. En effet, la SHT est créée par la loi n°27/PR/2006 du 23 août 2006 en tant qu’EPIC. Cette loi sera modifiée par l’ordonnance n°001/PR/2017 du 10 mars 2017 portant modification de la loi n°27/PR/2006 du 23 août 2006 325

Article 2 de la loi n°006/PR/2013 du 22 avril 2013 précitée. Article 2 de l’ordonnance n°009/PR/2013 du 19 août 2013 précitée. 327 Article 2 de l’ordonnance n°005/PR/2017 ci-haut citée. 326

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portant création d’une Société des Hydrocarbures du Tchad (S.H.T)328, qui lui confère le statut d’une Société Anonyme à capitaux publics, dont l’Etat tchadien est l’unique actionnaire. Cette ordonnance est ratifiée par la loi n°008/PR/2017 portant ratification de l’ordonnance n°001/PR/2017 du 10 mars 2017 portant modification de la loi n°27/PR/2006 du 23 août 2006 portant création d’une Société des Hydrocarbures du Tchad (SHT). En effet, aux termes de l’article 1er de la loi de 2006 ci – haut mentionnée, il est créé un établissement public à caractère industriel et commercial, dénommé la Société des Hydrocarbures du Tchad en abrégé la S.H.T. Le nouvel article 1er modificatif de l’ordonnance quant à lui dispose qu’ « il est créé une Société Anonyme à capitaux publics, dénommée la Société des Hydrocarbures du Tchad, en abrégé SHT ». Le décret n°307/PR/2017 portant statuts de la SHT auquel renvoie l’ordonnance prévoit aussi que « la SHT est une Société à capitaux public à caractère industriel et commercial dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière de gestion »329. La durée de vie de la SHT est de 99 ans à compter de son enregistrement au Registre de Commerce, sauf les cas de dissolution ou de prorogation prévus par les statuts330. Son régime juridique est assez complexe. En outre, il est aussi prévu que « l’actionnaire unique fait à la société, un apport pour un montant global égale à celui du Capital social, ci-après énoncé. Le capital social est fixé à : 1.500.000.000 FCFA. Il est divisé en 150.000 actions de 10.000 FCFA chacune, numérotées de 1 à 150.000, entièrement souscrites et libérées par l’Etat tchadien »331. Toutefois, en dépit du fait que l’Etat soit l’actionnaire unique, « les modifications du capital, la libération, la forme, la cession et la transmission des actions se font conformément aux dispositions de l’Acte Uniforme OHADA »332. Le siège social est établi à N’Djaména au Tchad. Il pourra être transféré en toute autre ville de la République du Tchad en vertu d’une décision de l’Assemblée Générale extraordinaire. Paragraphe 2 : les organes de gestion des EPIC Comme toutes entités décentralisées, les EPIC, comme les EPA, sont gérés par deux organes principaux (délibérants et exécutifs). Ces organes sont dans la plupart des cas constitués du Conseil d’administration et d’une Direction Générale. Pour ce qui concerne l’ADER–Tchad par exemple, 328

La transformation de la SHT de l’EPIC en une Société Anonyme à capitaux publics emporte pour conséquence, la modification de l’article 5 de la loi de 2006. Le nouvel article 5 de l’ordonnance dispose qu’ « un décret pris en Conseil des ministres fixe les statuts de la SHT. La SHT est administrée conformément à ses statuts ainsi qu’aux dispositions de l’Acte Uniforme OHADA relatif au Droit des Sociétés Commerciales et au GIE et à l’Acte Uniforme OHADA relatif au Droit Comptable ». 329 Article 1er al. 1er du décret n°307/PR/2017 ci-haut cité. 330 Article 4 du même décret. 331 Article 6 du décret n°307/PR/2017 ci-haut cité. . 332 Article 7 du même Décret.

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l’ordonnance n°009/PR/2013 du 19 août 2013, prévoit que « les organes d’administration et de gestion de l’ADER–Tchad sont : un Conseil d’Administration et une Direction Générale »333. De même, pour ce qui est de la SONEXHO, l’ordonnance n°05/PR/2017 du 30 aout 2017 dispose que « la Société Nationale d’Exploitation Hôtelière est structurée comme suit : - un Conseil d’administration ; et - une Direction Générale »334. Le cas de la SHT, en tant que Société Anonyme, est toujours un peu différent. L’étude des dispositions textuelles régissant la SHT fait ressortir comme organes de gestion, l’Assemblée Générale, le Conseil d’Administration et la Direction Générale – avec des services opérationnels bien évidement. En outre, comme dans sa gestion, une entreprise peut créer des succursales ou des agences en tant que de besoin, « la SHT peut créer des filiales, s’associer aux sociétés nationales ou aux compagnies pétrolières étrangères dans l’exercice de ses activités »335. Le décret n°307/PR/2017 précité, prévoit encore que « la Société pourra avoir en outre des bureaux, agences ou succursales partout où le Conseil d’administration jugera utile, y compris hors du Tchad, sur proposition de la Direction Générale »336. Pour ce qui concerne la composition de ses organes, le décret n°307/PR/2017, prévoit que les attributions relevant des Assemblées Générales ordinaires et extraordinaires sont dévolues à l’Actionnaire Unique représenté pour le besoins de l’Assemblée Générale par les personnalités ciaprès : - le Secrétaire Général à la Présidence de la République ; - le ministre en charge des hydrocarbures ; - le ministre en charge des finances ; - le ministre Secrétaire Général du Gouvernement ; - le Directeur Général de la SHT337. La Présidence de l’Assemblée Générale est assurée par le Président du Conseil d’administration, conformément à l’article 480 de l’AUSCGIE. En ce qui concerne le Conseil d’administration, l’article 15 du décret prévoit sa composition comme suit : - le Secrétaire Général de la Présidence de la République338 ; - le Directeur Général de la SHT ; - un représentant du ministre en charge des hydrocarbures ; - un représentant du ministre des finances et du budget ; 333

Article 5 de l’ordonnance n°009/PR/2013 du 19 août 2013 ci-haut citée. Article 5 de l’ordonnance n°05/PR/2017 du 30 aout 2017 ci-haut citée. 335 Article 6 de l’ordonnance n°001/PR/2017 du 10 mars 2017, précitée. 336 Article 5 alinéa 2 décret n°307/PR/2017 précité. 337 Article 8 du même décret. 338 Le Secrétaire Général de la Présidence de la République est le Président du Conseil d’administration. A ce titre, c’est lui qui convoque et préside les réunions. 334

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- un représentant du Secrétaire Général du Gouvernement ; et - trois (3) personnalités désignées intuitu personae en raison de leurs compétences professionnelles. Les règles de fonctionnement du Conseil d’Administration sont celles définies par l’AUSCGIE. Quant à la Direction Générale, c’est le Titre 6 du décret ci-haut cité qui le prévoit et prescrit un Directeur Général, un Directeur Général Adjoint et un Commissaire aux comptes. Paragraphe 3 : les ressources des EPIC Comme évoqué précédemment, la différence fondamentale entre les EPIC ou Entreprises publiques et les entreprises privées se rapporte pour partie à l’origine de leurs ressources, surtout financières. Les EPIC ou Entreprises publiques ont un capital social entièrement public. Si une partie importante du capital privé venait à être incluse, on songera d’ores et déjà à des Sociétés d’Economie Mixte (SEM). S’agissant de la SHT par exemple, la loi n°27/PR/2006 du 23 août 2006 dispose que « les ressources de la SHT sont constituées notamment par : - les produits des différentes prestations de services ; - les produits perçus au titre de ses activités ; - les intérêts bancaires ; - les produits des emprunts ; - les subventions de l’Etat »339. Le nouvel article 4 de l’ordonnance rectificative quant à lui dispose que « les ressources de la SHT sont constituées notamment par : - les produits des différentes prestations de services ; - les dividendes provenant de ses participations ; - les produits perçus au titre de ses activités340 ; 339

Article 4 de la loi n°27/PR/2006 du 23 août 2006 ci-haut citée. Selon l’article 2 de la loi n°27/PR/2006 du 23 août 2006, « la SHT exerce ses activités dans le secteur des hydrocarbures, notamment : - la prospection, la recherche, le développement, la production et le transport des hydrocarbures liquides et gazeux ; - le raffinage, le transport, le stockage et la distribution des produits finis (produits pétroliers) ; - la commercialisation des hydrocarbures liquides et gazeux et des produits finis ; - la réalisation des études en rapport avec ses activités ; - la formation et la promotion de son personnel national nécessaire à la maîtrise de tous les aspects du secteur des hydrocarbures ». Le nouvel article 3 de l’ordonnance rectificative quant à lui dispose que « la SHT exerce ses activités dans le secteur des hydrocarbures, notamment : - la prospection, la recherche, le développement, la production et le transport des hydrocarbures liquides et gazeux ; - le raffinage, le transport, le stockage et la distribution des produits finis (produits pétroliers) ; - la commercialisation des hydrocarbures liquides/gazeux et des produits finis ; - la prise de participation dans des sociétés et dans des consortiums de sociétés ; - la création de fonds d’investissement ; 340

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- les intérêts bancaires ; - les produits des prêts ; - les emprunts ; - les subventions de l’Etat ; - toutes autres ressources provenant de ses activités ou qui viendraient à lui être affectées par la loi des finances ». Pour ce qui est du Laboratoire National des Eaux, la loi n°006/PR/2013 du 22 avril 2013 dispose que « les ressources du Laboratoire National des Eaux sont constituées de : - subventions ; - recettes des analyses d’eau réalisée ; - prestations aux tiers ; - produits des emprunts ; - dons et legs de diverses natures »341. De même, en ce qui concerne l’ADER – Tchad, l’ordonnance n°009/PR/2013 du 19 août 2013, portant création d’une Agence pour le Développement des Energies Renouvelables au Tchad, dispose que « les ressources de l’ADER – Tchad sont constituées de : - subventions de l’Etat ; - revenus provenant des activités de l’Agence ; - subventions ou contributions des Organisations Internationales, des Organisations Non Gouvernementales, des Collectivités locales ou de toute autre forme de personne morale de droit public ou privé, au titre des missions et programmes de l’Agence ; - emprunts et avances autorisés par le Conseil d’administration ; - quotte – part des droits annuels d’exploitation des installations de production d’énergie électrique à partir de sources d’énergies renouvelables ; - dons et legs ; - toutes autres ressources qui pourraient lui être affectées (taxe sur les énergies fossiles »342. Mais d’emblée, l’article 6 de ladite ordonnance prévoit que les ressources financières de l’ADER – Tchad sont des deniers publics. Elles sont gérées selon les normes et règles de la comptabilité publique. Quant aux ressources de la SONEXHO, l’ordonnance n°005/PR/2017 portant création d’une Société Nationale d’Exploitation Hôtelière prévoit que « les ressources de la Société Nationale d’Exploitation Hôtelière sont constituées de : - subventions et apports de l’Etat ou de ses démembrements ; - la réalisation des études en rapport avec ses activités ; - la formation et promotion du personnel national nécessaire à la maîtrise de tous les aspects du secteur des hydrocarbures dans la mesure de ses capacités ». 341 Article 7 de la loi n°006/PR/2013 du 22 avril 2013 ci-haut citée. 342 Article 7 de l’ordonnance n°009/PR/2013 du 19 août 2013, portant création d’une Agence pour le Développement des Energies Renouvelables au Tchad.

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- dons et legs ; - produits de ses prestations ; - toutes autres ressources affectées par la loi des finances »343. L’article 7 de l’ordonnance dispose en outre que « les modalités d’apport de l’État à la SONEXHO sont définies par le décret visé à l’article 6 ci – dessus ». En effet, comme énoncé ci – haut, à côté des EPA et des EPIC ou Entreprises publiques, existent des SEM pour lesquelles les personnes privées participent au financement. C’est le cas par exemple de l’AGER, créé par la loi n°003/PR/2010 du 07 janvier 2010, portant création d’une Agence d’Entretien Routier (AGER). Selon son article 1er, « la présente loi porte création d’une société d’économie mixte, dénommée Agence d’Entretien Routier, en abrégé AGER ». Le capital social de l’AGER est constitué des apports de l’Etat et des partenaires privés, personnes physiques ou morales344. L’AGER est placée sous la tutelle du ministère en charge de la gestion et de l’entretien routier national et son siège est à N’Djaména. L’AGER a pour mission la mise en œuvre des programmes d’entretien routier de l’Etat par le biais des conventions de délégation de maîtrise d’ouvrage. Les conventions de délégation de maîtrise d’ouvrage conclues par l’Agence d’Entretien Routier sont soumises à des règles et procédures spécifiques de passation et de gestion de contrats et marchés publics qui seront fixées par décret. L’AGER est administré par un Conseil d’Administration composé des membres représentants de l’Etat et les partenaires privés prenant part au capital social. Ses ressources sont constituées : - des produits de ses prestations ; - des subventions de l’Etat ; et - des dons et legs. Elles sont affectées à la prise en charge des dépenses de l’Agence, notamment les dépenses de fonctionnement et d’investissement, et au remboursement des emprunts. L’organisation et les modalités de fonctionnement de l’AGER sont déterminées par ses statuts. L’étude des Établissements publics menée à partir de leurs modes de création, leurs organes de gestion et leurs ressources n’est pas anodine. Elle permet de ressortir sur la base de la législation tchadienne, quelques caractéristiques essentielles pour l’identification de ces établissements. A cet effet, l’on retrouve comme premier élément, la création par un acte d’autorité publique. Ceci permet de les distinguer des entreprises privées et autres établissements d’utilité publique. L’on constate en outre la 343

Article 4 de l’ordonnance n°005/PR/2017 portant création d’une Société Nationale d’Exploitation Hôtelière. 344 Article 2 de la loi n°003/PR/2010 du 07 janvier 2010, portant création d’une Agence d’Entretien Routier (AGER).

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qualification de ces Etablissements par les textes qui les instituent. Ces textes qui sont des lois et ordonnances prévoient généralement la catégorie de l’établissement en précisant qu’il est administratif, industriel ou commercial ou une société anonyme. Vient aussi la tutelle. Tous les textes qui prévoient ces établissements prennent le soin de les placer sous la tutelle d’un ministère, de la primature ou de la Présidence de la République, puisqu’il s’agit des EP nationaux. Ils sont également dirigés par des organes de gestion qui leurs sont propres. Ceux-ci sont constitués des organes délibérants et exécutifs. Enfin, il y a l’origine des fonds. Tous ces EP sont créés par des fonds publics. Aussi, dans leur fonctionnement, ils bénéficient des subventions de l’Etat. Il convient de noter également que pour les EPIC en l’occurrence, ils fonctionnent grâce aux revenus de leurs activités.

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CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE L’étude menée sur l’Administration publique et les services publics de l’Etat nous a permis de voir le contour des différentes interventions des autorités administratives tant au niveau central que local. Cependant, il est de bonne raison d’admettre avec M. Christian JOIN-LAMBERT, lorsqu’il affirme dans le contexte français, qu’ « on peut faire sans risque d’erreur l’hypothèse que l’Etat en fait trop dans certains secteurs et qu’ailleurs il manque à ses devoirs (…)»345. Cette réalité est la même au Tchad. Elle est justifiée par la prise en compte des politiques sectorielles, ce qui nous semblerait convaincant à la condition que cette prise en compte se veut réelle et ses effets perceptibles. Des secteurs telles que la santé, l’éducation, formation, les infrastructures etc. doivent retenir l’attention des pouvoir publics, contrairement à d’autres secteurs qui bénéficient d’investissements publics colossaux avec un impact socio-économique très marginal, telle l’armée et certaines festivités. Certains secteurs économiques ne bénéficient pas d’une attention soutenue de la part des autorités étatiques. Les entreprises publiques et EPIC ne satisfont presque toujours pas aux attentes des populations, alors qu’ils sont créés pour pallier la carence de l’initiative privée. Pour peu qu’ils soient, ils sombrent dans la gangrène de corruption et de mal gouvernance que connaissent les administrations et services publics au Tchad. Ceci nous conduira à visiter ce que font les acteurs de la vie publique au niveau local.

345

JOIN-LAMBERT (C), L’Etat moderne et l’administration, op. cit, p.11.

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DEUXIEME PARTIE L’ADMINISTRATION LOCALE Il est à signaler de prime abord que la présente étude sur l’administration locale met en exergue en même temps la législation sur la décentralisation au Tchad depuis la Constitution de 1996 révisée et celle issue de la Constitution du 04 mai 2018. A cet effet, la configuration du système d’administration territoriale actuel au Tchad lui confère une Administration stratifiée en administration de l’Etat (centrale et déconcentrée) et administration locale. C’est à cet effet qu’il est prescrit que la République du Tchad est organisée en circonscriptions administratives et en collectivités territoriales dont l’autonomie est garantie par la Constitution346. L’administration locale ou décentralisée – qu’il ne faut pas confondre ici avec l’administration déconcentrée de l’Etat – est celle gérée par les collectivités locales. Ces dernières tirent des textes les instituant une personnalité juridique distincte de l’Etat et se caractérisent par le principe de libre administration auquel celui de l’autonomie financière est intrinsèquement lié. En effet, les collectivités locales s’administrent librement par leurs organes élus. Cette libre administration leur offre la possibilité de constituer leurs propres services internes avec des missions et attributions propres. Elle leur permet également de créer des services publics, qu’ils soient purement administratifs ou industriels et commerciaux, dans leurs ressorts territoriaux pour fournir des prestations inhérentes à la satisfaction des besoins des communautés locales concernées. Raison pour laquelle il est important de faire comprendre aux citoyens, qu’entre autorité étatique et autorité locale, qui décide de quoi et qui doit agir dans tel domaine. Pour une cohérence dans la description, il serait de bon aloi de décrire les différentes entités locales ainsi que leurs organes administratifs (Chapitre 4) avant de s’appesantir sur les différents services qu’elles créent et gèrent (Chapitre 5).

346

Voir l’article 2 de la Constitution du 04 mai 2018.

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CHAPITRE 1 LES COLLECTIVITES LOCALES La Constitution de la République du Tchad du 31 mars 1996 ainsi que les différents textes législatifs et réglementaires subséquents347 ont institué une décentralisation à quatre (4) niveaux348. Du plus grand échelon au plus petit, on cite la Région, le Département, la Commune et la Communauté rurale. La Constitution du 04 mai 2018 et ses textes subséquents, l’Ordonnance n°038/PR/2018 du 10 aout 2018 et l’Ordonnance n°036/PR/2018 du 06 août 2018 en l’occurrence, instituent une décentralisation à deux (2) niveaux dont la Province et la Commune349. L’ancienne appellation « Collectivité 347

Cette précision mérite d’être faite puisqu’avec les réformes institutionnelles de 2018, un nouvel arsenal législatif encadrant les collectivités locales sera produit. Cependant, l’Avantprojet de Constitution annexé au Rapport final du Comité technique précise en son article 262 que, « la législation actuellement en vigueur au Tchad reste applicable, sauf intervention de textes nouveaux, en ce qu’elle n’a rien de contraire à la présente Constitution ». Cette disposition a été reprise par la Constitution du 04 mai 2018 en son article 227 : « la législation actuellement en vigueur au Tchad reste applicable, sauf intervention de textes nouveaux, en ce qu’elle n’a rien de contraire à la présente Constitution ». L’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des collectivités autonomes en renchérit en ces termes : « en attendant la mise en place des collectivités autonomes, les collectivités territoriales décentralisées et les comités de gestion continuent d’exercer leurs compétences et attributions conformément aux lois et règlements en vigueur », (article 186). Ceci signifie qu’on n’a pas totalement rompu avec l’ancienne législation sur la décentralisation au Tchad, sauf à extraire les dispositions contraires. 348 Les réformes institutionnelles opérées en 2018 ont réduit à deux (2), le nombre des collectivités locales, dites « Collectivités Autonomes ». En effet, c’est le Rapport final du Comité technique d’appui au Haut comité chargé des réformes institutionnelles qui propose cette réduction du nombre des collectivités locales. Pour les réformistes, « le découpages administratif envisagé découle d’un souci de redimensionnement du territoire en adéquation avec les nouvelles orientations du pays en matière de développement. Il s’inscrit aussi dans une logique d’aménagement du territoire qui combine et met en cohérence divers critères, notamment géographiques, historiques, démographiques, économiques, environnementaux et culturels ; l’objectif étant de faire vivre ensemble durablement et harmonieusement des hommes et des femmes qui partagent des valeurs communes. Ce choix prend également en compte le souci de simplification, d’économie et d’efficacité. Il est envisagé de ne retenir que deux (2) niveaux d’entités administratives : les provinces et les Communes. Ces deux entités s’appelleront ‘‘Collectivités Autonomes en remplacement des Collectivités Territoriales Décentralisées’’. Celles-ci sont créées sur l’ensemble du territoire, en tenant compte du niveau de développement leur permettant d’assurer par leurs ressources propres, leurs dépenses obligatoire », (lire le Rapport final du Comité technique d’appui au Haut comité chargé des réformes institutionnelles, p. 21. Lire aussi la Synthèse des travaux du Forum national inclusif, p. 3). Ce redimensionnement du territoire en deux (2) niveaux de collectivités a été transcrit dans la Constitution du 04 mai 2018 en ses articles 198 à 2013. 349 Voir aussi l’article 4 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant Statuts des Collectivités Autonomes qui dispose : « les Collectivités Autonomes de la République du Tchad sont :

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Territoriale Décentralisée » devient « Collectivité Autonome ». Néanmoins, nous estimons que ce changement de dénomination n’est que fantaisiste, purement formel, en ce qu’il n’innove rien de particulier en ce qui concerne l’autonomie locale. Elle n’emporte aucune conséquence juridique particulière non plus. L’innovation ne porte que sur la suppression des deux (2) niveaux de collectivités à savoir le Département et la Communauté rurale. Ce qui a fait que le nombre des Provinces ainsi que leurs limites territoriales correspondent à ceux des anciennes Régions, et le législateur tchadien, en légiférant sur les Statuts des Collectivités Autonomes, n’a fait que transférer aux Provinces purement et simplement les compétences et attributions de la Région, et aux Communes leurs anciennes compétences et attributions350. La légère innovation porte sur la Commune car, désormais son périmètre s’étendra sur tout le périmètre des anciennes Sous-préfectures et les Commune d’arrondissements qui ont perdu leur personnalité juridique au profit de la Commune de la Ville de N’Djaména. Ce qui voudrait dire que la Région étudiée dans la présente déclinaison renverrait à la Province, et la Commune, à la Commune collectivité autonome avec éventuellement quelques nuances près. Au demeurant, étudier les collectivités locales revient tout d’abord à comprendre la notion de la décentralisation territoriale. Le Professeur JeanFrançois LACHAUME affirme – sans pour autant reprendre intégralement les cinq (5) piliers de son raisonnement – que « … la décentralisation territoriale exige que l’administration des affaires locales soit confiée par la loi à des personnes morales de droit public, c’est-à-dire à des sujets de droit dotés de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Il n’y a pas décentralisation lorsque la gestion des affaires administratives est remise à des organes dépourvus d’existence juridique autonome par rapport à l’Etat, il y a simplement, et au plus, déconcentration »351. Aussi, si l’on s’en tient aux définitions données par le Vocabulaire juridique de l’Association Henri CAPITAN, « La collectivité (à laquelle renvoie la décentralisation territoriale) désigne une institution administrative à base territoriale qui, par opposition aux simples circonscriptions, est dotée de la personnalité juridique et jouit d’une compétence générale de gestion contrairement aux établissements publics territoriaux. Ce vocable est couramment employé dans les expressions « collectivités territoriales » ou « collectivités locales » pour désigner communes, départements… - territoriale ou locale pour désigner l’ensemble d’habitants d’une même partie du territoire ayant des - les Provinces ; - les Communes ». 350 Ceci est d’ailleurs confirmé par l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes qui n’a fait que transférer aux Provinces les anciennes attributions des régions et aux Communes leurs anciennes attributions issues de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 portant statut des CTD. 351 LACHAUME (J-F), L’administration communale, op. cit, p.18.

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intérêts communs gérés par des organes administratifs qui lui sont propres. Créées comme telles par la Constitution ou les lois (…) »352. Bien que dotées de la personnalité juridique et disposant de territoires sur lesquels vivent leurs populations – ce qui est aussi le cas pour les Etats – les collectivités locales sont des structures infra étatiques c’est-à-dire se trouvant engloutis dans un Etat dont ils ne sont que des démembrements. Pour ce fait, elles ne sont pas souveraines donc n’ont pas « la compétence de leurs compétences ». Leurs statuts, leurs compétences et leurs ressources sont définis par les organes centraux de l’Etat, notamment le constituant353 et le législateur354. Raison pour laquelle le Professeur Christophe GUETTIER affirme que « les collectivités locales ne sont pas souveraines. Elles ne peuvent donc pas choisir leur organisation administrative, leur domaine de compétence, leurs ressources ou leur régime électoral parce qu’elles ne possèdent pas de pouvoir législatif autonome et encore moins de constituant. Ces responsabilités-là appartiennent au seul législateur national, sous le contrôle du Conseil Constitutionnel. Celui-ci, lorsqu’il est saisi, apprécie la qualité de l’équilibre réalisé entre les prérogatives de l’Etat et la libre administration locale »355. Cette dépendance des collectivités locales vis-àvis du pouvoir central amène la Professeur Marie-Christine ROUAULT à reconnaitre le bien-fondé du système de décentralisation mais qui doit évoluer de pair avec la déconcentration : « la décentralisation répond à des raisons pratiques. Elle permet de tenir compte de la variété des besoins locaux tout en maintenant une suffisante unité de vues dans la gestion administrative par un certain contrôle du pouvoir central, de décongestionner l’administration centrale et de fournir à l’administration une meilleure connaissance des problèmes locaux. Mais ces raisons ne suffisent pas à écarter la centralisation, qui peut être tempérée par la déconcentration. La décentralisation est une conséquence directe du principe de la démocratie représentative étendue de l’organisation constitutionnelle à l’organisation administrative. Elle a une signification politique »356. Aussi, pour certains auteurs357, les collectivités locales n’ont pas un pouvoir normatif propre358, en ce sens qu’il ne leur ait pas reconnu l’aptitude 352

CORNU (G) (Dir.), Vocabulaire juridique, op.cit, pp.159-160. Articles 202 à 212 de la Constitution de la République du Tchad de 1996 révisée ; article 200 de la Constitution du 04 mai 2018. 354 Articles 121 al.20 et 212 de la Constitution de 1996 révisée ; article 128 – 25 et 139 al. 2 de la Constitution du 04 mai 2018. 355 GUETTIER (C), Institutions Administratives, op cit, p.22. 356 ROUAULT (M-C), L’essentiel de l’organisation administrative, op. cit, p.27. 357 GREWE (C) en l’occurrence. 358 Mais faut signaler que les collectivités locales peuvent se voir doter d’un pouvoir règlementaire autonome dans leurs domaines de compétence et qu’ils l’exercent dans leurs ressorts territoriaux. C’est à cet effet que l’article 200 al. 3 de la Constitution du 04 mai 2018 dispose : « les Collectivités Autonomes disposent, dans leurs domaines de compétence respectifs 353

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juridique d’édiction des normes. L’une des raisons, et voire la principale, est que « L’indivisibilité interdit (…) d’attribuer un pouvoir normatif autonome aux entités décentralisées, car l’existence d’un tel pouvoir intercalerait un écran entre le citoyen et la République, un corps intermédiaire, qui non seulement affecterait l’unité de la souveraineté, mais également l’égalité indivise des citoyens »359. Néanmoins, il est reconnu à leurs organes élus certaines prérogatives, en matière de police administrative notamment, traduisant un pouvoir réglementaire360 réduit, de portée générale et impersonnelle ou individuelle. Ces pouvoirs sont moins étendus comparés à ceux du Premier ministre ou du Président de la République car limités au périmètre de chaque collectivité : les pouvoirs de la province, de commune et ceux de leurs établissements publics. Cependant, dans le souci d’éviter toute confusion, il faut rappeler une fois de plus que la structuration de l’administration territoriale du Tchad le subdivise en plusieurs circonscriptions à la fois administratives et électorales, dont certaines sont rurales et d’autres urbaines. En milieu urbain on recense des carrés, quartiers, arrondissements, communes (communes urbaines), sous-préfectures (supprimées). En milieu rural, on dénombre des villages, cantons, les communautés rurales (supprimées), les souspréfectures (supprimées), les communes (communes rurales) ; le tout renfermé dans des départements et régions (aujourd’hui Provinces). Selon les lois de la décentralisation, seuls les communautés rurales, les communes, les départements et les régions (aujourd’hui Provinces et Communes) constituent des collectivités territoriales décentralisées, au profit desquelles la loi reconnait la libre administration, l’autonomie financière et toutes autres prérogatives dévolues aux collectivités locales. Ces dernières correspondent, en termes de limite territoriale, aux unités administratives, structures déconcentrées de l’Etat361 étudiées dans la première partie. Il est reconnu aux collectivités locales le principe de libre administration362 qui, aux termes de la décision Conseil Constitutionnel français du 8 août 1985, voudrait dire que toute collectivité locale « doit disposer d’un conseil élu doté d’attributions effectives »363. On observe donc deux règles posées par ce principe : primo l’élection des autorités locales et secundo l’attribution des compétences réelles en matière de prise de

et dans leur ressort territorial, d’un pouvoir règlementaire pour l’exercice de leurs attributions ». 359 GREWE (C) ‘‘L’unité de l’Etat : entre indivisibilité et pluralisme’’ RD publ. 1998, p. 1353, cité par GUETTIER (C), Institutions Administratives, op cit, p. 32. 360 Voir l’article 200 al. 3 de la Constitution du 04 mai 2018. 361 Article 2 al. 3 de la loi organique n°019/PR/2010 du 13 octobre 2010 précitée. 362 Article 201 de la Constitution du 04 mai 2018. 363 CC, décision n°85-196 DC du 8 août 1985, Evolution de la Nouvelle-Calédonie, Rec., p. 63.

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décision. Ce principe est reconnu par la Constitution de la République du Tchad364 qui donne compétence au législateur de déterminer le contenu365. Cette libre administration des collectivités locales est constitutionnellement garantie, mais a des limites. En effet, si la Constitution de 1996 révisée en 2005 et 2013 dispose que « les Collectivités Territoriales Décentralisées s’administrent librement par des Assemblées élues qui règlent par leurs délibérations les affaires qui leur sont dévolues par la Constitution et par la loi »366, la limite à ce principe se trouve aux termes d’une décision du conseil constitutionnel français de 1985 selon laquelle « si le principe de libre administration des collectivités territoriales a valeur constitutionnelle, il ne saurait conduire à ce que les conditions essentielles d’application d’une loi organisant l’exercice d’une liberté publique dépendent de décisions des collectivités territoriales et, ainsi, puissent ne pas être le même sur l’ensemble du territoire »367. Ceci voudrait dire que la libre administration des collectivités territoriales, bien que consacrée principe à valeur constitutionnelle, ne saurait faire obstruction à l’application d’une loi relative à l’exercice d’une liberté ou d’un droit fondamental, ceuxci relèvent exclusivement du domaine de l’Etat368. Ce principe ne saurait également porter atteinte à l’intégrité territoriale et à l’unité nationale car, « la création et l’organisation des Collectivités Autonomes ne doivent porter atteinte, ni à l’unité de la nation, ni à la laïcité de l’Etat, ni à l’intégrité du territoire »369. L’autre aspect de cette limite, même n’étant pas défini comme telle par les textes, est la tutelle de l’Etat sur les collectivités territoriales décentralisées, traduite par l’envoi de ses représentants auprès de chaque collectivité370. Par l’entremise de ces agents, l’Etat contrôle l’action des

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Article 204 de la Constitution de la République du Tchad de 1996 révisée. Article 121 al. 20 de la même Constitution. 366 Article 204 de la même Constitution ; article 201 de la Constitution du 04 mai 2018. 367 CC, décision n°84- 185 DC du 18 janv. 1985, Loi Chevènement, Rec., p.36. 368 Article 121 al. 3 ; 13 de la Constitution de la République du Tchad de 1996 révisée. 369 Article 4 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes ; Article de 1er de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 précitée. 370 Dans ce rapport entre l’Etat (représenté par ses agents déconcentrés) et les collectivités locales, les réformistes de 2018 ont constaté des abus de tutelle et ont proposé dans leur projet des réformes, que soient attribués aux élus locaux, de nouveaux rôles, tout en modifiant les rapports du centre et de la périphérie, (lire le Rapport final du Comité technique d’appui au Haut comité technique chargé des réformes institutionnelles, p.14). Toutefois, la Constitution du 04 mai 2018 a réitéré la tutelle de l’Etat sur les Collectivités locales en son article 204 : « l’Etat assure la tutelle des Collectivités Autonomes. Aucune Collectivité Autonome ne peut exercer une tutelle sur une autre. L’Etat est représenté auprès des Collectivités Autonomes par des Chefs des unités administratives déconcentrés chargés de défendre les intérêts nationaux et de faire respecter les lois et règlements ». Et l’article 205 de clarifier davantage qu’ « auprès des Collectivités Autonomes, les Gouverneurs de provinces et les Administrateurs délégués des Communes représentent le pouvoir central ». 365

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collectivités locales, que ce soit sur le plan politique, administratif ou financier. Ce représentant incarne les institutions nationales car, « dans les collectivités territoriales, le représentant de l’Etat, représentant de chacun des membres du gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois »371. Le contrôle exercé par le représentant de l’Etat dans la collectivité est un contrôle administratif372 et financier373. Il est reconnu dans ce cas au représentant de l’Etat un pouvoir de substitution. Il peut aussi saisir la chambre régionale des comptes (encore non effective au Tchad) pour observations lorsque jusqu’au 31 mars le budget n’est pas voté ; lorsqu’il est en déséquilibre ou ne compte pas de dépenses obligatoires. Les collectivités locales sont gérées via des organes administratifs composés de personnalités élues par les populations de leurs circonscriptions. Elles sont appelées « élus locaux ». Le mode de participation des élus locaux aux élections, qui se fait sous la bannière des partis politiques (même si les candidatures indépendantes sont possibles), fait d’eux des personnalités politiques. C’est ce qu’affirme Jean-Marie ROUSSINGOL pour lequel, « un élu local est d’abord un politique ; mais on attend d’un élu local qu’il soit un gestionnaire capable de concevoir un programme d’action réaliste, de diriger une équipe administrative ou technique et de gérer un budget dans le respect de la loi »374. L’élu local a droit à une indemnité dans l’exercice de ses fonctions dont le montant est fixé au prorata du revenu de sa circonscription et à la nature du mandat ou de la fonction qu’il exerce. La création des Collectivités Territoriales Décentralisées ou Collectivités Autonomes permet aux populations locales de gérer elles-mêmes leurs affaires. « La collectivité territoriale gère les affaires locales, elle poursuit la satisfaction de l’intérêt local »375 martelait la Professeur Marie–Christine ROUAULT. Ce faisant, elles sont le lieu privilégié de l’apprentissage de la démocratie à la base. Pour le Professeur Dominique GRANDGUILLOT, « Elles (CTD) constituent le cadre institutionnel de la participation des citoyens à la vie locale et garantissent l’expression de sa diversité »376. Cette participation à la vie locale dont parle le Professeur GRANDGUILLOT est C’est ainsi que sous la IVème République, la tutelle des Provinces sera assurée par le Gouverneur de Province et celle de la Commune par le Préfet de Département (lire Synthèse des travaux du Forum National Inclusif, p. 3). 371 GRANDGUILLOT (D), les collectivités territoriales en France, op.cit, p.8. 372 Il s’agit du contrôle des délibérations du Conseil local, prises comme actes administratifs obéissant à la légalité ou à la juridicité. 373 Le représentant de l’Etat veuille à la régularité de l’élaboration et de l’exécution du budget local. 374 Jean-Marie ROUSSINGOL, cité par Jean-Pierre KUATE, Les élections locales au Cameroun, Douala, MACACOS, mai 2002, page II. 375 ROUAULT (M-C), L’essentiel de l’organisation administrative, op. cit, p.27. 376 GRANDGUILLOT (D), les collectivités territoriales en France, op. cit, p.5.

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orientée vers le développement car, « le développement ne peut avoir, contrairement à ce que l’on pense souvent, dans la plupart de ces pays (d’Afrique noire francophone), comme unique moteur l’Etat et son administration. La base de tout processus de développement est la confiance, car seule la confiance permet une participation active de tous à l’œuvre de développement ; participation sans laquelle rien de durable et d’efficace ne peut être entrepris »377. Cette participation se manifeste via les élections locales qui permettent à la population locale concernée de choisir en son sein ses représentants ou ses gestionnaires ainsi que par des référendums locaux et droits de pétition qui permettent à cette population d’être consultée et de se prononcer sur une affaire concernant son cadre de vie. La reconnaissance de telles prérogatives à la population (l’autogestion) qu’elle exerce à travers ses élus témoigne du fait que le développement socioéconomique, sanitaire, environnemental, culturel etc. n’est plus la seule affaire de l’Etat, en ce sens que « les collectivités territoriales décentralisées concourent avec l’Etat à l’administration et à l’aménagement du territoire, au développement économique, socio-éducatif, sanitaire, culturel et scientifique ainsi qu’à la protection et à la mise en valeur de l’environnement et à la protection du cadre de vie »378. Raison suffisante pour les pouvoirs publics de procéder à l’implication des énergies créatrices locales au développement national par la répartition des compétences entre les collectivités locales et l’Etat. De la libre administration des Collectivités locales s’en suit naturellement l’autonomie financière marquée par l’affectation des ressources379 inhérentes à l’accomplissement des compétences ainsi dévolues 380. Pour ce faire, le législateur a défini clairement que « les transferts de compétences doivent 377

DOSSOUMON (S), « Réflexions sur le contrôle juridictionnel de l’Administration dans les pays en voie de développement d’Afrique Francophone », op. cit, p. 8. 378 Article 2 de la loi n°033/PR/2006 du 11 décembre 2006 portant répartition des compétences entre l’Etat et les CTD. 379 Voir les articles 208 et 209 de la Constitution du 04 mai 2018. 380 A ce sujet, il faut souligner que les réformistes de 2018 ont voulu constitutionnaliser le partages de ressources et de compétences entre l’Etat et les CTD, dites ‘‘Collectivités Autonomes’’, lorsqu’ils proposent que « la nouvelle organisation sera basée sur un partage constitutionnel des compétences et des ressources entre l’Etat et les collectivités décentralisées qui sont désormais limitées à deux niveaux » (Rapport final du Comité technique d’appui aux réformes institutionnelles, p.20). Cette proposition a été validée comme telle par le Forum national inclusif. C’est ainsi que l’article 208 de la Constitution du 04 mai 2018 fournit une liste des ressources des Collectivités Autonomes et renvoi à une loi d’en déterminer les conditions. Néanmoins, il a été résolu de créer une Agence chargée de gérer les ressources des collectivités locales, (Lire la Synthèse des travaux du Forum national inclusif, p. 3). Ce qui nous semble suspect car, cela conduira à un contrôle total de l’Etat sur les ressources des collectivités autonomes. Ce qui ne sera pas aussi sans conséquences sur leur autonomie car, le terme « gérer » semble accorder de larges manœuvres aux autorités étatiques. Un contrôle a posteriori sur la gestion des ressources des collectivités locales aurait suffi.

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être accompagnés de transferts de ressources. Dans le cas où l’insuffisance des ressources des Collectivités Territoriales Décentralisées risque de compromettre l’exercice des compétences, l’Etat peut intervenir par des dotations spéciales aux collectivités concernées »381. Ces ressources, inégalement réparties entre les différents niveaux des collectivités sont composées de ressources propres et de ressources externes pour chaque collectivité. Mais étant donné que la richesse, qu’elle soit matérielle ou humaine, naturelle ou artificielle, est inégalement répartie sur le territoire national créant ainsi des collectivités riches et des collectivités pauvres, la décentralisation a introduit un mécanisme appelé « péréquation » consistant à favoriser l’égalité des CTD en corrigeant les inégalités naturelles par l’octroi de dotations dites « dotations de péréquation » aux collectivités les moins nanties leur permettant de supporter les charges imposées par la décentralisation. Toutefois, malgré ces différentes subventions, les CTD doivent avoir à leur disposition des ressources propres suffisantes car, celles–ci traduisent l’affirmation de leur autonomie. Ainsi, il faut reconnaitre donc qu’« une institution ne saurait être véritablement autonome si l’essentiel de ses ressources consiste dans une subvention de l’Etat »382. En outre, il est aussi permis à une collectivité territoriale de déléguer à une autre collectivité territoriale relevant d’une autre catégorie ou à un établissement public de coopération intercommunal à fiscalité propre une compétence dont elle est titulaire, qu’il s’agisse d’une compétence exclusive ou d’une compétence partagée. Les Collectivités locales peuvent être créées, modifiées et supprimées par la loi383. Les traits communs des collectivités territoriales ainsi dégagés, il importe de décrire les caractéristiques propres à chaque collectivité en commençant par la Région, actuelle Province (Section 1), le Département qui fera l’objet d’une suppression (Section 2), la Commune (Section 3) et la Communauté Rurale qui elle aussi sera supprimée (Section 4). SECTION 1 : de la Région, collectivité territoriale décentralisée à la Province, Collectivité Autonome Jusqu’à son passage à la Province, la région384 en tant que collectivité territoriale décentralisée n’a pas été une réalité au Tchad, car elle n’a existé 381

Article 5 la loi article 2 de la loi n°033/PR/2006 ci-haut citée. ROUAULT (M-C), L’essentiel de l’organisation administrative, op. cit, p.28. 383 Article 2 de loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 précitée ; article 5 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes. 384 Le Rapport final du Comité technique d’appui aux réformes institutionnelles de novembre 2017 a prévu, à la place des Régions, des Provinces qui au nombre de 12, joueront le rôle assigné aux Régions, avec un accroissement de leurs compétences. Cependant, au forum national et inclusif tenu du 19 au 27 Mars 2018, les forumistes ont résolu de créer plutôt 17 Provinces, c’est à dire le retour au 14 anciennes Préfectures avec l’éclatement du BET en 3 Provinces et N’Djaména avec un statut particulier, (lire la Synthèse des travaux du forum national inclusif, p.3). Mais l’Ordonnance n°038/PR/2018 du 10 aout 2018 portant création des Unités administratives et des Collectivités Autonomes (article 2) a plutôt retenu vingt-trois (23) 382

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que sur papier. Cette ineffectivité est due au défaut d’organes de gestion élus. Celle qui a été opérationnalisée est une circonscription administrative de l’Etat étudiée dans la première partie de ce document. La région est instituée comme collectivité territoriale décentralisée au Tchad par la Constitution du 31 mars 1996 révisée, qui dispose que « les Collectivités Territoriales Décentralisées de la République du Tchad sont : - les Communautés Rurales ; - les Communes ; - les Départements ; - les Régions »385. Au nombre de 23386, leurs structure, organe, fonctionnement, compétences et attributions sont définis par une série des dispositions Comme évoqué plus haut, la région législatives et réglementaires387. tient de l’article 202 de la Constitution son statut de Collectivité territoriale décentralisée. Par ce statut, « la Région constitue l’échelon de conception et de planification régionale de l’action économique et sociale de l’Etat. Elle assure la coordination, le soutien et le contrôle de l’ensemble des services du Conseil régional ainsi que la réalisation des tâches d’intérêt régional. La région comprend plusieurs Départements constituant un même espace économique, social et culturel et un cadre adéquat d’aménagement du

Provinces en lieu et place des anciennes Régions. Ce qui voudrait dire que le gouvernement n’est pas tenu par les résolutions du Forum. Une raison de plus pour douter de la légitimité de ces assises. 385 Article 202 de la Constitution de la République du Tchad de 1996 révisée. La Constitution du 04 mai 2018, en réduisant le nombre des Collectivités locales à deux (2), dispose quant à elle, en son article 198 que «les Collectivités Autonomes de la République du Tchad sont : x les Provinces ; x les Communes ». 386 Il y a 22 Régions auxquelles s’ajoute la ville de N’Djaména qui bénéficie de ce statut. 387 Il s’agit notamment la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 portant statut des Collectivités Territoriales Décentralisées ; la loi organique n°024/PR/2003 du 10 décembre 2003 portant ratification de l’Ordonnance n°001/PR/2003 du 08 septembre 2003 portant création des Collectivités Territoriales Décentralisées ; la loi n° 011/PR/2004 du 7 juin 2004 portant régime fiscal des Collectivités Territoriales Décentralisées ; la loi n°012/PR/2004 du 07 juin 2004 portant régime comptable des Collectivités Territoriales Décentralisées ; la loi n°033/PR/2006 du 11 décembre 2006 portant répartition des compétences entre l’Etat et les Collectivités Territoriales Décentralisées ; la loi organique n°019/PR/2010 du 13 novembre 2010 déterminant les principes fondamentaux de l’organisation administrative du territoire de la République du Tchad ; le décret n°528/PR/PM/2011 du 1er mai 2011 portant conditions et modalités de mise à la disposition des Collectivités Territoriales Décentralisées des services déconcentrés de l’Etat ; le décret n°529/PR/PM/MCD/2011 du 1er juin 2011 portant création et attributions des services des Collectivités Territoriales Décentralisées ; le Décret n° 532/PR/PM/ MCD/2011 du 10 juin 2011 fixant les modalités d’élection des membres des bureaux des conseils des Collectivités Territoriales Décentralisées, Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes, etc.

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territoire »388. En tant que collectivité territoriale décentralisée, elle est une personne morale de droit public dotée de la personnalité juridique, bénéficiant de la libre administration et de l’autonomie financière. La collectivité territoriale régionale se voit reconnaitre des compétences et attributions propres qu’elle exerce par l’entremise des organes de gestion ; compétences qui sont suivies d’un transfert de ressources et d’un patrimoine. Aux termes de la loi n°033/PR/2006 du 11 décembre 2006 portant répartition des compétences entre l’Etat et les CTD, les compétences de la Région sont les suivantes : En matière d’éducation : - la participation à l’établissement de la tranche régionale de la carte scolaire nationale ; - la participation à l’équipement, à l’entretien et à la maintenance des lycées publics ; - le recrutement et la prise en charge du personnel d’appui des lycées ; - la participation à l’acquisition des manuels et des fournitures scolaires ; - la participation à la gestion et à l’administration des lycées publics avec le concours des structures de dialogue et de concertation ; - la conception et l’organisation matérielle des examens et concours, conformément aux textes en vigueur. En matière d’alphabétisation : - l’élaboration et la coordination du schéma régional et des cartes d’alphabétisation ; - le recrutement d’alphabétiseurs ; - la formation des formateurs et alphabétiseurs ; - la conception et la production de matériel didactique ; - l’autorisation d’exercer comme opérateur ; - la construction d’infrastructures et d’équipements éducatifs ; - le suivi et l’évaluation des plans d’alphabétisation ; - la mobilisation des ressources ; - l’équipement et l’entretien des structures éducatives. En matière de promotion des langues nationales : - l’identification des besoins en matière de promotion des langues nationales ; - la promotion, la diffusion des langues nationales et l’élaboration de la carte linguistique ; - la participation à la collecte et à la traduction des éléments de la tradition orale en vue de faciliter la publication ; 388

Article 3 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 portant statut des CTD. C’est la même attribution reconnue à la Province aux termes de l’article 9 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes.

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- la participation à la promotion d’un environnement lettré par le développement de l’édition en langues nationales ; - la participation à la mise à jour d’un catalogue des éditeurs, auteurs et œuvres en langues nationales ; - l’organisation des concours en langues nationales ; - la participation aux infrastructures et équipements ; - la mobilisation des ressources. En matière de formation professionnelle et technique : - le recensement exhaustif des métiers régionaux et l’élaboration d’un répertoire des formations professionnelles existantes avec l’indication des aptitudes requises, des curricula et des cursus de formation ; - l’élaboration d’un schéma régional d’insertion professionnelle des jeunes en concertation avec les départements, les communes et les communautés rurales ; - l’identification et l’exécution des contrats d’entreprenariat Ecole/Entreprise pour une réelle formation en alternance en concertation avec les départements, les communes et les communautés rurales. En matière de santé : - la participation à la gestion et à l’entretien des hôpitaux régionaux ; - le recrutement et la gestion du personnel d’appui ; - l’application de la réglementation en matière d’hygiène publique ; - la participation à l’élaboration de la carte régionale de santé. En matière d’action sociale : - la participation à l’entretien et à la gestion des structures de promotion et de réinsertion sociale ; - la prise en charge de l’ensemble des prestations légales d’aide sociale ; - le recrutement et la gestion du personnel d’appui. En matière de la culture, de la jeunesse, des sports et loisirs : - l’identification des besoins en matière culturelle, sportive et de loisir ; - la promotion, l’organisation et l’animation des manifestations culturelles et sportives régionales ; - la construction, l’équipement et la gestion des infrastructures culturelles et sportives ; - la création, l’organisation et le fonctionnement des musées nationaux ; - la création, la gestion et l’entretien des centres d’activités artistiques ; - l’octroi des subventions aux associations culturelles et sportives ; - la protection du patrimoine culturel régional ; - la gestion du personnel mis à sa disposition. En matière d’agriculture et d’élevage :

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- la définition et la localisation des couloirs de transhumance en concertation avec les départements et les communautés rurales ; - la reconnaissance des groupements villageois pré-coopératifs à caractère Sylvio-agro-pastoral en concertation avec les départements, communes et communautés rurales ; - l’approbation des projets de développement rural ; - l’encadrement des activités de développement rural. En matière d’environnement et des ressources naturelles : - la création, la gestion, la protection et l’entretien des forêts, des parcs et autres aires protégées ainsi que des sites naturels d’intérêt régional ; - la participation à la mise en défens et autres mesures locales de protection de la nature ; - la participation à la protection de la faune et de la flore ; - la participation à la protection et à la gestion des ressources en eaux souterraine et de superficielle ; - l’élaboration des plans de lutte contre les feux de brousse et leur contrôle en concertation avec les départements, les communes et les communautés rurales ; - la répartition des quotas régionaux d’exploitation forestière entre les départements ; - l’élaboration, le suivi et l’évaluation du schéma régional d’action pour l’environnement. En matière d’urbanisme et d’habitat : - l’avis sur les Plans Urbains de Référence (PUR) et des Schémas Directeurs d’Aménagements et d’Urbanisme (SDAU) ; - l’établissement des priorités de la région en matière d’urbanisme et d’habitat en concertation avec les départements, les communes et les communautés rurales ; - l’acquisition et l’aliénation des biens immobiliers et fonciers. En matière de planification, de développement économique et d’aménagement du territoire : - l’élaboration en cohérence avec les politiques sectorielles, le suivi et l’évaluation du schéma régional d’aménagement du territoire en concertation avec les départements, les communes et les communautés rurales ; - la participation à l’élaboration du schéma national du développement socioéconomique ; - la constitution des banques des données nécessaires à toute planification en concertation avec les départements, les communes et les communautés rurales ; - la conception et l’exécution d’un programme régional de développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique ; En matière de commerce, d’industrie, d’artisanat et de tourisme :

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- la participation à l’élaboration des politiques sectorielles en concertation avec les départements, les communes et les communautés rurales ; - l’élaboration, le suivi et l’évaluation du schéma régional en concertation avec les départements, les communes et les communautés rurales ; - la création et l’organisation des établissements publics à caractère industriel, commercial et touristique ; - la promotion des activités commerciales, industrielles, artisanales et touristiques ; En matière des transports : - l’élaboration et le suivi du schéma régional des transports en concertation avec les départements, les communes et les communautés rurales ; - la participation à l’élaboration du schéma national des transports ; En matière de protection civile, d’assistance et de secours : - la coordination et la mise en œuvre des opérations de secours élaborées au niveau national ; En matière d’électricité- d’eau et d’assainissement : - la réalisation et l’entretien des bassins de rétention d’eau ; - la participation à l’élaboration des schémas directeurs d’eau et d’électricité en collaboration avec les départements, les communes et les communautés rurales; En matière de police et d’état-civil : - la publication et l’exécution des lois et règlements. Paragraphe 1 : les organes de gestion de la Région La région est gérée par des organes élus. Ces organes sont constitués du Conseil régional et du Bureau du Conseil régional dont la composition, le fonctionnement et les attributions sont définis aux articles 5 à 20 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 portant statut des CTD. A- l’organe délibérant : le Conseil régional Le Conseil régional, actuellement Conseil provincial, est l’assemblée délibérante de la région ou de la province. Comme nous l’avions souligné cihaut, il suffit juste de remplacer le terme région par province. Sa composition, son fonctionnement et ses attributions se déclinent comme suit : aComposition Deux critères fondamentaux ressortent des textes définissant la composition du Conseil régional. Le premier critère est d’ordre géographique : le Conseil régional est composé des membres élus par département. En d’autres termes, seuls les départements sont habilités à

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envoyer des représentants au Conseil régional389. Il s’agit bien évidemment des départements constituant la région. Le deuxième critère de composition est exclusivement démographique : le nombre des Conseillers régionaux est déterminé au prorata de la population. C’est ce qui ressort des termes de la loi organique n°002 du 16 février 2000 selon lequel, « il est constitué dans chaque Région un conseil régional composé des membres élus par Département, dont le nombre sera déterminé au prorata de la population »390. Ceci signifie que les Conseils régionaux sont pourvus inéquitablement en conseillers, et ceci non pas en fonction de l’étendue de leurs territoires mais du point de vue de la densité humaine. Ainsi, en fonction de la population de chaque région, le nombre des conseillers régionaux est fixé ainsi qu’il suit391 : Nombre de Conseillers régionaux Nombre d’habitants par région 11 60.000 15 60.001 à 100. 000 21 100.001 à 200.000 25 31 35 39

200.001 à 300.000 300.001 à 400.000 400.001 à 500.000 500.001 et plus

Leur mode d’élection et leur condition d’éligibilité sont aussi définis par le législateur. 1Election et éligibilité L’élection s’entend ici par un mode de désignation populaire consistant pour les citoyens à choisir des élus en vue de la gestion des affaires publiques. L’éligibilité quant à elle renvoi aux critères à remplir pour être candidat à une élection ou encore l’aptitude à être élu, soumise à des conditions diverses. Ainsi, pour la désignation des conseillers régionaux, le législateur a défini des règles qui encadrent tant leur mode de désignation que des critères s’appliquant aux élus. Ce mode de désignation est défini aux

389

Toutefois, cette prescription n’est plus la même avec la suppression des départements comme collectivités locales. 390 Article 5 de la loi organique n°002 du 16 février 2000 précitée. 391 A ce niveau il faut relever quand même une modification. L’article 12 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statut des Collectivités Autonomes prévoit ceci : - 11 membres pour les provinces de moins de 100. 000 habitants ; - 15 membres pour les provinces de 100.001 à 200.000 habitants ; - 21 membres pour les provinces de 200.001 à 300. 000 habitants ; - 25 membres pour les provinces de300. 001 à 400.000 habitants ; - 31 membres pour les provinces de 400. 001 à 500. 000 habitants ; - 39 membres pour les provinces de 500. 000 à plus.

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articles 7 à 11 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 et par le Code électoral. En effet, les conseillers régionaux sont élus au suffrage universel direct pour un mandat de six (6) ans renouvelable392. C’est ce qui ressort des dispositions de la loi n°003/PR/2009 du 7 janvier 2009 portant Code électoral (dispositions relatives aux CTD) aux termes duquel « les conseillers régionaux, départementaux, municipaux et ruraux sont élus au suffrage universel direct et sur la base de scrutin de listes bloquées pour un mandat de six (6) ans renouvelable »393. Il n’y avait à cet effet aucune limitation du nombre de mandat des conseillers régionaux, à l’instar des autres élus locaux, jusqu’à ce qu’une loi organique viennent limiter ce mandat à deux (2) conformément aux dispositions de l’article 202 de la Constitution du 04 mai 2018394. Le système électoral retenu combine à la fois le système majoritaire et la représentation proportionnelle au plus fort reste. Si une liste obtient une majorité absolue des suffrages exprimés, elle se voit attribuer la totalité des sièges à pourvoir395. Si aucune liste n’obtient la majorité absolue, la répartition des sièges s’effectue proportionnellement au nombre de voix obtenues par chaque liste. Le restant des sièges est réparti selon le système du plus fort reste. Aussi, un candidat à une élection régionale ne saurait prétendre à aucune autre élection locale. Pour être élu au Conseil régional, le candidat doit remplir les conditions suivantes : - avoir vingt-cinq (25) ans révolus sans distinction de sexe ; - être inscrit sur une liste électorale, - jouir de ses droits civiques et politiques ; et - être résidant depuis au moins un (1) an sur le territoire de la collectivité régionale ou avoir des attaches notoires avec la région où il représente. Par rapport à la deuxième condition, l’article 174 de la loi précitée permet une dérogation en admettant l’éligibilité des citoyens tchadiens qui justifient 392

Toutefois, le Comité technique interministériel d’appui au Haut comité chargé des réformes institutionnelles introduit une limitation du nombre de mandat, en proposant dans son Rapport final (Proposition de décision n°30) que le mandat des Conseillers locaux (désormais provinciaux et communaux), ne soit renouvelable que deux (2) fois. Mais au Forum sur les réformes institutionnelles du 19 au 27 Mars 2018, il a été résolu que le mandat des élus locaux soit limité à six (6) ans renouvelable une seule fois, (lire la Synthèse des travaux du forum national inclusif, p.7). Cette limitation sera reprise comme telle par la Constitution de la IVème République (article 202) et par les dispositifs législatifs et règlementaire à élaborer. 393 Article 171 de la loi n°003/PR/2009 du 7 janvier 2009 portant Code électoral. 394 Mais dore et déjà, l’article 13 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes vient matérialiser cette prescription constitutionnelle. Cette Ordonnance qui est ratifiée par l’Assemblée Nationale le 21 juin 2019 fait office de loi organique dont renvoie la Constitution ici. 395 Ce qui constitue un obstacle à l’expression pluraliste à notre avis.

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qu’ils devraient être inscrits sur une liste électorale avant le jour du scrutin et par rapport à la quatrième condition, il est permis de dérogations à ceux qui sans être domiciliés dans la région, sont inscrits au rôle des contributions directes au 1er janvier de l’année dans laquelle se déroule l’élection ou qui justifient qu’ils devraient y être ce jour, ou ont hérité depuis la même époque d’une propriété foncière. La même loi détermine également les inéligibilités en excluant de cette course électorale certaines personnalités, notamment : - le ministre chargé de l’Administration du territoire, les Secrétaires généraux, les inspecteurs d’administration du territoire et les directeurs dudit ministère ; - le Gouverneur de la région ; - le Secrétaire général de la région - les magistrats ; - les autorités traditionnelles et coutumières ; - le trésorier régional ; - les membres des forces publiques à savoir les membres de l’Armée Nationale, de la Gendarmerie Nationale ; de la Garde Nationale et Nomade; de la Police, en activité ; - les agents employés et rémunérés sur le budget de la région ; - les citoyens frappés d’incapacité électorale ; - les débités admis à la liquidation judiciaire ; et - les naturalisés depuis moins de deux (2) ans. Toutefois, des dérogations sont accordées aux personnes dont les fonctions sont incompatibles avec le mandat électif de se décharger de leurs fonctions au moins six (6) mois avant le jour du scrutin pour pouvoir se présenter auxdites élections. Les déclarations de candidature sont formulées par les partis politiques sous forme de listes complètes. Les candidats doivent savoir lire le français et l’arabe. Chaque liste doit comporter un nombre correspondant au nombre de sièges à pourvoir. Les listes des candidatures doivent être déposées en double exemplaire à la Sous-préfecture au plus tard trente (30) jours avant la date de l’ouverture de la campagne électorale. Les listes doivent préciser : - la dénomination de la liste ; - l’ordre de présentation, les noms, prénoms et date de naissance, domicile, profession des candidats, et le numéro d’inscription sur la liste électorale ; et - la couleur et le symbole choisis par les bulletins de vote qui doivent être ceux de l’emblème du parti du candidat. En cas de coalition des partis, ceux-ci doivent s’entendre sur la couleur et leur logo; Les listes doivent être accompagnées de déclaration de candidature et revêtues de signature de chaque candidat, ou à défaut être accompagnées d’une procuration. Il est aussitôt remis au mandataire de la liste un récépissé provisoire. Le mandataire de la liste doit avoir déposé au trésor public un cautionnement dont le montant est fixé à cinquante-mille francs (50.000)

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CFA par liste. Le cautionnement est remboursé si la liste obtient au moins cinq pour cent (5%) des suffrages exprimés. Dans le cas contraire il reste acquis à l’Etat. La déclaration de candidature doit être accompagnée des pièces suivantes : - un certificat de nationalité ; - un extrait d’acte de naissance ; - un certificat médical datant de moins de trois (3) mois ; - un récépissé de versement de cautionnement ; - une attestation par laquelle le parti politique légalement constitué ou une coalition de partis politiques déclare avoir investi l’intéressé en qualité de candidat à l’élection régionale ; - un certificat attestant que le candidat réside depuis au moins un (1) an sur le territoire national ; et - une déclaration sur l’honneur que le candidat remplit les conditions d’éligibilité requises. Dès la réception des listes de candidature transmises par les autorités sous-préfectorales, la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) se prononce sur l’éligibilité des candidats, arrête et publie les listes de candidature. Elle délivre au mandataire un récépissé définitif sur présentation du reçu du cautionnement prévu ci-haut. Après présentation des listes aucun retrait de candidature n’est admis. En cas d’inéligibilité ou de décès d’un candidat intervenu avant la date du scrutin, le responsable de la liste doit le remplacer par un autre candidat. Ce remplacement fait l’objet d’une déclaration complémentaire. Le candidat qui s’est vu opposé un refus d’enregistrement dispose de quarante-huit (48) heures pour saisir le Tribunal de 1ère Instance qui statue dans les trois (3) jours. Si le Tribunal n’arrive pas à statuer dans ce délai, la candidature doit être enregistrée. Tout électeur, candidat, tout parti ou coalition de parti a le droit d’intenter une action en nullité des opérations électorales. La Cour Suprême en tant que Juge des élections locales statue dans les quinze (15) jours qui suivent sa saisine. En cas d’annulation globale des opérations électorales, il est procédé dans les trois (3) mois qui suivent, à de nouvelles élections dans les conditions prévues par le code électoral. Tout électeur ou tout candidat de la circonscription électorale a le droit de contester une inscription sur les listes des candidatures dès leur publication. Les réclamations sont adressées au Président du Tribunal du siège de la circonscription. Lorsqu’il est constaté qu’un candidat est inéligible, il est procédé à son remplacement conformément aux dispositions de l’article 18 du Code électoral. La constatation de l’inéligibilité d’un candidat est la cause d’invalidation de son élection. Le candidat invalidé ne pourra pas participer à l’élection qui suit. En outre, pour ce qui concerne le contentieux des élections régionales toujours, et locales en général, la loi n°012/PR/2013 portant organisation et fonctionnement des Juridictions statuant en matière de contentieux administratif donne compétence à la Chambre administrative de la Cour

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Suprême d’en connaître : « (…) la chambre administrative de la Cour suprême est compétente pour connaître, en premier et dernier ressort : - des recours relatifs à l'élection des membres des Assemblées des collectivités territoriales »396. Aussi, à partir de l’article 44 de ladite loi, l’on peut déceler la qualité du requérant : « le recours déposé par le ministre de l'intérieur, par tout électeur, par tout candidat ou par tout parti ou coalition de partis tendant à l'annulation de l'élection des membres de l'assemblée d'une collectivité locale est déposé au greffe de la chambre administrative de la Cour suprême dans un délai de quinze jours suivant la proclamation des résultats du scrutin ». Cependant, l’on ne saurait procéder sans signaler au passage les modifications apportées au Code électoral compte tenu de l’avènement de la loi de 2013 relative à la justice administrative. Ainsi, l’article 57 de cette loi innove le code électoral, notamment lorsqu’il précise que « la loi n°003/PR/2009 du 7 janvier 2009 portant code électoral est ainsi modifiée : L'article 187 est ainsi rédigé : «Les recours dirigés contre les élections locales sont portés devant la Cour Suprême dans les conditions et selon les modalités prévues par la loi relative à l'organisation des juridictions administratives ; L'article 188 est abrogé ». 2Statut du Conseiller régional Le Conseiller régional représente au conseil toute la région, et aujourd’hui, toute la province. Son mandat est gratuit. Toutefois, des indemnités peuvent lui être accordées selon des modalités fixées par délibération du Conseil régional397. Il appert ici que le titre de Conseiller régional ou provincial ne confère à l’intéressé ni la qualité d’un fonctionnaire de l’Etat ni celui d’un fonctionnaire local bénéficiant d’un salaire mensuel. Il est le représentant de la population et ne peut se contenter que des indemnités dont le montant varie d’une région à une autre en fonction de ses ressources. En effet, tout candidat perd son statut lorsque postérieurement à son élection, il se trouve dans des cas d’inéligibilité ou se trouve frappé de l’une des incapacités qui font perdre la qualité d’électeur. Il est dans ce cas démis par le Conseil d’office sur réclamation ou à sa propre initiative. Le statut de Conseiller régional est incompatible avec les fonctions d’employé de bureau 396

Article 12 al. 2 de la loi n°012/PR/2013 portant organisation et fonctionnement des Juridictions statuant en matière de contentieux administratif. 397 C’est ce que prévoit également l’article 17 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statut des Collectivités Autonomes. Toutefois, dans cette nouvelle législation, il est prévu que les conditions d’octroi et le taux des indemnités de déplacement et de session des Conseillers provinciaux est fixé par un arrêté conjoint du Ministre des finances et du ministre en charge des Collectivités Autonomes après avis du Haut Comité des Collectivités Autonomes et des Chefferies Traditionnelles.

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et généralement de tous les agents salariés ou subventionnés sur les fonds de la région. bFonctionnement Le conseil régional siège au Chef-lieu de la Région398 où il tient chaque année deux sessions ordinaires sur convocation de son président399. Des sessions extraordinaires peuvent être convoquées soit à la demande écrite des 2/3 de ses membres soit par l’autorité de tutelle400. Après son élection, le conseil régional nouvellement élu est convoqué par le Gouverneur de la Région. Cette rencontre est convoquée en vue de la désignation du bureau du Conseil. Le Conseil régional élit au scrutin secret et à la majorité des 2/3 des voix, un Président, un Vice-Président, un Secrétaire pour un mandat de trois (3) ans401. Il est permis à la Région de recruter un Secrétaire et un Secrétaire adjoint qui ne sont pas des élus. Le Conseil régional règle par ses délibérations les affaires de la Région402. Ces délibérations sont prises à la majorité absolue des membres présents. Elles sont valables que lorsque la moitié plus un des membres du conseil est présente. Lorsque le Conseil régional se trouve réduit au troisquarts (¾) de ses membres, il est procédé à des élections partielles dans un délai d’un mois après le constat du Gouverneur de Région sur rapport motivé du Président du Conseil régional. Aussi, lorsqu’un membre du Conseil régional aura manqué au cours de son mandat, à la totalité des séances des deux sessions sans excuse légitime, il sera démis d’office par le Président du Conseil régional après vote à la majorité absolue des membres dudit Conseil403. Le Conseil régional peut initier la modification des recettes et des dépenses avec l’approbation du Gouverneur de Région. cCompétences et attributions

398 A ce niveau, le législateur devrait prévoir à notre avis, qu’en cas de force majeure ou de tout événement rendant impossible la tenue des sessions dans le chef-lieu de la région, le Conseil régional peut siéger dans un autre endroit mais du ressort de la région. 399Voir l’article 22 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes. 400 Voir l’article 22 al. 4 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 précitée, en ce qui concerne la province. 401 Pour ce qui concerne la Province, il est prévu un Président, un Vice-président et des Secrétaires des séances. 402 Il en est ainsi du Conseil provincial. Voir encore les articles 19 et 26 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes précité en ce qui concerne la nouvelle législation. 403 C’est ce que prévoit aussi la nouvelle législation à travers l’article 16 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes. Néanmoins, il y a une légère innovation en ce sens que cette nouvelle législation prévoit qu’un conseiller ne peut être démis qu’après avis du Haut Comité des Collectivités Autonomes et des Chefferies Traditionnelles.

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Il est reconnu au Conseil régional404 des compétences énumérées à l’article 19 de la loi n°002/PR/2000 du 16 février 2000. Il s’agit entre autre de : - la détermination du taux des taxes et contributions spéciales ; - aliénation, location, échanges des biens immobiliers acquis sur le budget de la région ; - acquisition, location des biens immobiliers sur le budget de la région ; - programme d’équipement et de développement économique et social à réaliser sur le budget de l’Etat ; - choix du mode d’exploitation des ouvrages publics de la région et du mode d’exploitation des travaux financés par la région ; - manifestations économiques notamment : marchés, foires, expositions, commerces etc. - dons et legs ; - emprunts ; - protection de l’environnement. Les compétences ci-dessus mentionnées sont exercées par des délibérations dont certaines concernent le vote du budget. Cependant, certaines délibérations du Conseil régional peuvent faire l’objet d’un sursis à exécution devant le juge administratif, à la demande de l’autorité de tutelle lorsqu’elles portent notamment sur : - le budget de la région et les comptes administratifs et de gestion ; - aliénation et échanges des biens immobiliers de la région ; - marché d’un montant supérieur au seuil fixé par le code national des marchés publics ; - subventions, secours et emprunts ; - dons et legs ; - gestion des ressources naturelles ; - plans régionaux de développement ; - convention de coopération internationale décentralisée. Bl’Exécutif régional : le Bureau du Conseil régional Le Conseil régional est doté d’un organe exécutif. L’appareil exécutif de la Région est un Bureau composé d’un Président, d’un Vice-président et d’un Secrétaire. La lecture de la loi organique n°002/PR/2000 semble limiter le nombre des membres du Bureau, quel qu’en soit l’étendue territoriale, le poids économique ou démographique de la Région car, elle dispose que « le 404

Pour ce qui concerne la nouvelle législation, c’est l’article 19 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018, précitée qui prévoit les domaines dans lesquels le Conseil provincial a compétence pour délibérer.

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conseil élit au scrutin secret et à la majorité des 2/3 des voix, un Président, un Vice-président et un Secrétaire pour un mandat de 3 ans »405. C’est donc les Présidents et le secrétaire406 qui composent le Bureau du Conseil régional. Les tâches sont reparties entre les Présidents et le Secrétaire. En effet, le Président coordonne les activités des services administratifs, financiers et techniques du Conseil régional. Il préside les réunions et les sessions. Il prépare et exécute le budget régional dont il est l’ordonnateur407. Il prépare aussi les projets des délibérations et les exécute après leur approbation par le Conseil et l’autorité de tutelle en certaines matières. Il présente le compte administratif et financier et le soumet aux délibérations du Conseil. Le Secrétaire quant à lui assure la pérennité des services de l’administration du Conseil régional. En outre, il est aussi permis à la Région de recruter un Secrétaire général et un secrétaire général adjoint qui ne sont pas des élus. Les modalités d’élection des membres du Bureau du Conseil régional sont définies par le décret n°532/PR/PM/MCD/2011 du 1er juin 2011 fixant les modalités d’élection des membres des Bureaux des Conseils des CTD. Aux termes de ce décret, l’élection des membres du bureau se déroule à la première réunion du conseil présidé par le Conseiller le plus âgé408. Il est mis à cet effet un comité ad hoc composé d’un Président, d’un Vice-président et d’un Rapporteur. Les membres du Bureau sont élus au scrutin secret et à la majorité des 2/3 des voix. Ces élections sont sanctionnées par un procèsverbal dûment signé par les membres du comité ad hoc dont une copie est transmise à l’autorité de tutelle. Cle représentant de l’Etat : le Gouverneur de la Région409 L’Etat est représenté auprès du Conseil régional par le Gouverneur de Région qui en assure la tutelle. Ce dernier est assisté du Secrétaire général. 405

Article 13 de la loi organique n°002/PR/2000 précitée. Cette disposition est reprise comme telle dans la nouvelle législation, à travers l’article 25 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes précité. Néanmoins, cette dernière prévoit des secrétaires des séances dont le nombre varie entre 2 à 4 et non un seul secrétaire. De surcroit, elle prévoit entre 3 à 6 Vice-présidents provinciaux au prorata de la population de chaque province. 406 La nouvelle législation prévoit à l’article 25 al. 4 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018, précitée que la province peut recruter un Secrétaire Général et un Secrétaire Adjoint qui ne sont pas des élus. Les Secrétaires Généraux assurent la pérennité de l’administration provinciale autonome. 407 Lire en ce sens l’article 84 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes précité pour s’imprégner de la nouvelle législation. 408 C’est que prévoit également la nouvelle législation à travers l’article 53 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes précité. Toutefois, celle-ci ajoute une légère innovation en prévoyant que le Conseiller le plus âgé est assisté de deux (2) conseillers les plus jeunes. 409 Toutefois, puisqu’il a été prévu par les réformes institutionnelles de 2018 de remplacer la Région par la Province, le Gouverneur de Région est désormais appelé Gouverneur de Province.

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C’est un agent de l’Etat, nommé discrétionnairement par décret en conseil des ministres. A ce titre, il est le délégué permanent du gouvernement auprès de la Région. Le Gouverneur de la Région ou son représentant assiste de droit aux séances du Conseil régional où il peut y prendre la parole410. Il exerce un contrôle de légalité sur les actes du Conseil régional et veille à l’exécution des délibérations411. Il a compétence pour demander l’annulation d’une délibération du Conseil régional lorsqu’il l’estime illégal car, « tout acte, toute délibération du conseil régional qui n’est pas légalement compris dans ses attributions ou entaché d’une illégalité quelconque est nul et de nul effet. La nullité sera prononcée par le juge administratif à la demande de l’autorité de tutelle ou d’un tiers qui a intérêt à agir »412. En outre, si avant le 1er jour de l’année civile, le Conseil ne se réuni pas ou se sépare sans avoir voté le budget ou sans l’avoir voté en équilibre réel, le Gouverneur de la Région l’établit provisoirement d’office par décision en prenant pour base le budget de l’année précédente. Il est habilité de recevoir une copie du procès-verbal de l’élection des membres du Bureau du Conseil. Quant aux mesures relatives à la dissolution du Conseil régional, l’article 17 de la loi organique n°002/PR/2000 précitée donne seule compétence au gouvernement qui le prononce après constatation de son fonctionnement impossible par décret motivé pris en conseil des ministres413. A côté du Gouverneur de la Région, représentant de l’Etat, se trouve un Comptable public assurant la fonction de receveur de la Région dont le compte est soumis au contrôle de la Chambre des comptes de la Cour Suprême. Paragraphe 2 : les ressources de la Région La région dispose des ressources qui sont inscrites dans son projet de budget et présentés par le Président du Conseil régional lors de la deuxième session ordinaire de l’année. Ce projet fait l’objet d’un vote à cette circonstance. Pour l’essentiel, les ressources de la région sont composées de414 : - le produit des impôts et taxes votés par le Conseil régional et perçu directement par lui ; 410

Voir aussi pour la nouvelle législation, l’article 34 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes précitée. 411 Article 103 al. 4 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 ci-haut citée. 412 Article 15 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 ci-haut citée ; article 33 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes précitée. 413 Pour ce qui concerne la nouvelle législation, voir l’article 38 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes précitée. 414 Il est à signaler ici que la nouvelle législation ne reprend pas intégralement les ressources ici mentionnées. L’article 80 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes précité, consacré au budget et ressources de la province, ne reconduit pas certaines ressources prévues par l’ancienne législation.

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- la part qui lui revient de droit sur le produit des impôts et taxes perçus au profit du budget de l’Etat ; - la taxe additionnelle sur vignette ; - la part des impôts et taxes affectés à la région par l’Etat ; - la taxe civique ; - la taxe sur les services publics ; - la taxe superficielle ; - la taxe sur les jeux ; - la taxe sur la valeur locative des locaux professionnels (T.V.L.P) ; - la taxe sur la valeur ajoutée (T.V.A) ; - la patente ; - la licence ; - la taxe sur le foncier bâti et non-bâti ; - les amendes forfaitaires ; - les dotations et subventions attribuées par l’Etat ; - le produit des emprunts contractés par la région, soit sur le marché intérieur, soit sur le marché extérieur après accord des autorités monétaires nationales avec ou sans la garantie de l’Etat ; - les revenus de son patrimoine ; - les pourcentages sur le produit des ressources du sol et du sous-sol exploité sur son territoire ; - les dons et legs ; - les revenus divers. Ces ressources inscrites au budget permettent à la Région de supporter des dépenses budgétaires notamment : Les dépenses obligatoires comprenant : - la rémunération du personnel ; - les indemnités aux membres du Conseil régional ; - les frais de perception des impôts et taxes ; - les travaux d’entretien des immeubles et ouvrages édifiés, les travaux d’entretien des routes ; - les fonds d’action sanitaire et sociale ; - les dettes et arrérages des emprunts souscrits par la région ; - les contributions, participations, fonds de concours au profit de l’Etat ; - les frais de transport des membres du Conseil régional ; - les frais d’impression ; Elles servent également à supporter les dépenses facultatives qui sont toutes dépenses n’entrant pas dans la catégorie précitée. Elles comprennent notamment les travaux neufs, les achats des matériels, matériaux et outillages, les bourses, secours et subventions. Paragraphe 3 : le patrimoine de la Région Comme toute personne morale dotée de la personnalité juridique, la Région dispose d’un patrimoine ; ce dernier étant défini comme un ensemble

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des biens et des obligations d’une personne envisagé comme une universalité de droit. Il se compose des actifs et des passifs de la personne. Cependant, le législateur tchadien en déterminant le patrimoine de la Région n’a pris en compte que le composant actif. En effet, c’est l’article 4 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 qui détermine le patrimoine de la Région. Aux termes dudit article, le patrimoine de la Région est composé de son domaine public et de son domaine privé. A ce titre, le patrimoine de la Région comprend : - les bâtiments administratifs concédés par l’Etat et ceux construits par la Région ; - les routes d’intérêt régional non pris en compte par un autre budget ; - les matériels, matériaux et autres outillages achetés par la région ; et - tout autre bien nécessaire à l’accomplissement de sa mission415. A l’échelon inférieur à la Région se trouve une autre collectivité territoriale décentralisée ; le Département. SECTION 2 : du Département, collectivité territoriale décentralisée à sa suppression Au Tchad, le département était une CTD avant d’être supprimé suite aux réformes institutionnelles de 2018. En effet, c’est l’article 1er de la loi n°002/PR/2000 du 16 février 2000 portant statut des CTD416, qui fait du Département une CTD en application de l’article 202 de la Constitution de 1996 révisée. L’article 28 de la même loi le définit en ces termes : «le département est une collectivité décentralisée qui constitue l’échelon de relais entre les communes et les communautés rurales qui le composent d’une part et la région d’autre part. Les fonctions de coordination, de soutient, de contrôle ainsi que celles de gestion qui requièrent d’être accomplies au bénéfice des communes sont dévolues au département ». C’est une collectivité qui secondait la région de par son importance et son emprise territoriale. Le département apparait comme le principal acteur de l’action sociale et sanitaire au niveau local. La loi n°033/PR/2006 du 11 décembre 2006 précitée lui accorde une gamme d’attributions notamment, en matière d’éducation, d’alphabétisation, de promotion des langues nationales, de formation professionnelle et technique, de santé, d’action 415

Cette attribution est reconnue comme telle à la Province sans modification aucune ; voir l’article 10 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes. 416 A la suite de la Constitution de 1996 révisée, article 202. Mais il sied de rappeler que c’est avec l’avènement de la IVème République, matérialisée par la Constitution du 04 mai 2018, que le Département en tant que collectivité territoriale décentralisée a été supprimé. Son étude ici est importante pour la connaissance de l’histoire du droit ou de l’histoire des institutions administratives.

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sociale, de la jeunesse, de la culture, des sports et loisirs, d’agriculture et d’élevage, d’environnement et des ressources naturelles, d’urbanisme et d’habitat, de planification, du développement économique et d’aménagement du territoire, de commerce, d’industrie, d’artisanat et de tourisme, des transports, de protection civile, d’assistance et des secours, des pompes funèbres et des cimetières, d’électricité- d’eau et d’assainissement, de police et d’état-civil etc. Pour l’exécution de ces compétences, il doit créer des services dont il assure le financement. Aussi, pour l’accomplissement de ces missions ainsi dévolues, il se voit doter des organes de gestion élus qui assurent son fonctionnement. Le Département dispose également des ressources. Paragraphe 1 : les organes de gestion du Département Le Département est géré par des organes élus, notamment le Conseil départemental et le Bureau du Conseil départemental, auprès desquels est affecté un représentant de l’Etat, le Préfet du Département qui en assure la tutelle. Al’organe délibérant : le Conseil départemental Le Conseil départemental est l’organe délibérant du Département. Il présidé par le Président du Conseil. Sa composition, son fonctionnement et ses attributions sont définis par la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 portant statut des CTD et autres textes subséquents417. aComposition Le Conseil départemental est composé des membres élus par les Communes et par les Communautés Rurales au suffrage universel direct pour un mandat de six (6) ans renouvelable. Le nombre des Conseillers départementaux varie en fonction de la démographie de chaque Département. Il est fixé comme suit : Nombre de Conseillers Nombre d’habitants départementaux 11 10.000 15 10.001 à 50.000 21 50.001 à 100.000 25 31 35 39

100.001 à 150.000 150.001 à 250.000 250.001 à 350.000 350.000 à plus

Pour l’élection des Conseillers départementaux, il est défini un régime électoral avec des critères d’éligibilité.

417

Voir à cet effet, Recueil de textes sur la décentralisation au Tchad, CEFOD, décembre 2014.

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1Election et éligibilité Comme tous les élus locaux, les Conseillers départementaux sont élus au vote populaire, conformément à la loi n°003/PR/2009 du 7 janvier 2009 portant Code électoral (dispositions relatives aux CTD), aux termes duquel « les conseillers régionaux, départementaux, municipaux et ruraux sont élus au suffrage universel direct et sur la base de scrutin de listes bloquées pour un mandat de six (6) ans renouvelables »418. Les règles relatives aux éligibilités, aux inéligibilités, aux incompétences, à la déclaration de candidatures, aux campagnes électorales, aux opérations électorales, au recensement de vote et au contentieux électoral sont celles du Conseil régional étudié supra. 2Statut du conseiller départemental A l’instar du Conseiller régional, le Conseiller départemental n’est ni agent de l’Etat, ni agent local. Il a un statut particulier, celui de l’élu local. Le mandat des membres du Conseil départemental est gratuit. Toutefois des indemnités peuvent leur être accordées selon les modalités fixées par le Conseil départemental. Ils ne sont donc pas salariés. Ils sont élus au scrutin secret à la majorité des 2/3 des voix. bFonctionnement Il est institué dans chaque Département un Conseil départemental présidé par un Président du Conseil. Le Conseil départemental règle par ses délibérations les affaires du Département. Il élit en son sein un Président, un Vice-président et un Secrétaire. Les premières réunions des Conseillers départementaux sont convoquées et présidées par l’autorité de tutelle, en la personne du Préfet de Département. Elles se tiennent dans un lieu public. C’est lors de cette réunion que se tient l’élection du Bureau, présidé par le Conseiller le plus âgé. Son fonctionnement est le même que celui du Conseil régional419. cAttributions, compétences et pouvoirs Il est reconnu au Conseil départemental des attributions tant actives que consultatives. Il reçoit de la loi n°002/PR/2000 du 16 février 2000 les attributions suivantes : - arrêter le programme de développement socio-économique départemental ; - voter le budget relatif au fonctionnement et aux investissements du département ; et - statuer sur les dons et legs consentis pour la réalisation du programme de développement socio-économique. En tant qu’organe consultatif, le Conseil départemental est habilité à donner son avis sur toutes les questions qui lui sont soumises soit en

418 419

Article171 de la loi n°003/PR/2009 du 7 janvier 2009 ci-haut citée. Article 33 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 portant statut des CTD.

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application des lois et règlements soit à la demande de l’autorité administrative. Il peut être consulté notamment sur : - les objectifs du département compris dans le programme régional de développement ; - les priorités et les moyens de réalisation de ce programme au niveau du département ainsi que le résultat de son exécution ; - le projet de schéma d’aménagement du territoire au niveau du département. Les compétences du Conseil départemental déterminent les matières dans lesquelles il est autorisé à intervenir à travers ses délibérations : il a compétence sur les matières d’intérêt départemental420. Aussi, lorsque l’initiative privée est absente ou défaillante, le département peut encore intervenir pour assurer le maintien des services nécessaires à la satisfaction des besoins de la population, surtout en milieu rural. Ses pouvoirs déterminent la force exécutoire de ses délibérations : les actes des autorités départementales, tout comme ceux des autorités régionales, communales et rurales sont exécutoires de plein droit. Leur exécution ne dépend plus de l’approbation de l’autorité préfectorale ou ministérielle. Mais il faut réunir deux conditions pour que ces actes soient exécutoires : primo, ces actes doivent être publiés ou notifiés ; secundo ces actes, du moins pour certains d’entre eux, doivent faire l’objet d’une transmission au représentant de l’Etat. Il s’agit notamment des : - délibérations du conseil départemental ; - actes budgétaires ; - décisions prises par habilitation de l’organe délibérant ; - décisions prises par le président du conseil départemental dans l’exercice des pouvoirs de police afférents à la gestion du domaine public départemental ; - des actes réglementaires pris par les autorités départementales dans tous les domaines de leur compétence ; - des conventions relatives aux marchés, aux emprunts, aux concessions ou d’affermage de SPIC ; - des décisions individuelles relatives à la nomination et à la carrière des agents publics du département etc. Cependant, il faut aussi relever qu’il existe des actes qui ne sont pas soumis à l’obligation de transmission. Ces actes comprennent entre autres, les actes pris au nom de l’Etat, ceux relevant du droit privé, de l’administration interne, les actes de gestion courante ou d’administration quotidienne et les contrats non énumérés par la loi. Le défaut de transmission prive l’acte d’effets juridiques lorsqu’elle s’avère obligatoire. 420

Le Conseil départemental possède sur ce terrain des compétences de droit commun, c’est-àdire que cette compétence n’a pas besoin de lui être attribuée par un texte spécifique.

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B-

l’Exécutif départemental : le Bureau du Conseil départemental Le Conseil départemental élit en son sein un Président, un Vice-président et un Secrétaire. Ceux-ci forment le Bureau du Conseil départemental. En effet, le Bureau du Conseil a pour mission d’exécuter les délibérations du Conseil. Il est permanent et assure la gestion quotidienne des services départementaux. Il assure aussi la hiérarchie des agents départementaux. Cle représentant de l’Etat : le Préfet de Département L’Etat est représenté auprès du Département par le Préfet de Département. Ce dernier assure la tutelle du Conseil départemental. Il est assisté d’un Secrétaire Général du Département. Le Préfet de Département est le dépositaire de l’autorité de l’Etat dans le Département. A ce titre, il est le représentant du gouvernement dans le Département. Comme le gouverneur dans la Région, le législateur tchadien reconnait au Préfet de Département la compétence pour exercer le contrôle de légalité sur les actes du Conseil départemental421. Il veille à l’exécution des délibérations des Conseil départemental et municipal et exerce le contrôle de légalité sur leurs actes. Il coordonne les actions de développement économique et social dans sa circonscription. Dans ses fonctions de contrôle, le contrôle de la légalité des actes de l’autorité départementale consiste à : - assurer le respect de toute règle de droit opposable aux autorités locales, notamment celles qui ont pour objet « la sauvegarde des intérêts nationaux » ainsi que des engagements internationaux ; - assurer le respect de la légalité dans toutes ses dimensions : légalité externe (incompétence, vice de forme, etc.) et légalité interne (détournement de pouvoir, erreur de droit, inexactitude des motifs, etc.). En outre, après la transmission de l’acte au Préfet, celui-ci, après l’avoir examiné peut : - s’il estime que l’acte unilatéral ou contractuel qui lui est transmis est conforme à la loi, il peut, à la demande de l’auteur de l’acte, délivrer un « certificat de non recours », certificat qui ne vaut pas reconnaissance de la légalité ni de renonciation de toute action contentieuse ultérieure. Le représentant de l’Etat peut reconsidérer sa position spontanément ou agir sur saisine d’une personne lésée par l’acte. - s’il estime que l’acte unilatéral ou contractuel n’est pas conforme à la loi, il informe son auteur des illégalités constatées et lui indique les correctifs nécessaires. En cas de refus par l’auteur de l’acte, il défère l’acte litigieux devant le Tribunal administratif par le biais du « déféré préfectoral ». Le représentant de l’Etat peut aussi par ce même procédé, saisir le Tribunal

421

Article 104 al. 3 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 précitée.

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administratif sur demande d’une personne lésée, même si l’acte contesté n’est pas soumis à une obligation de transmission. Le délai de recours est le même que celui du recours pour excès de pouvoir compter de la publication de l’acte422, délai qui varie selon la nature de l’acte : acte soumis à l’obligation de transmission (date de réception de l’acte par le Préfet, celui-ci peut agir spontanément ou à la demande d’une personne lésée), acte non soumis à l’obligation de transmission (date de publication de l’acte si le Préfet souhaite agir spontanément ou date de la saisine du Préfet par la personne lésée). Pour ces actes non soumis à l’obligation de transmission, le Préfet n’utilise pas la voie du déféré préfectoral. Dans ce cas, selon le Conseil d’Etat français, le représentant de l’Etat ne peut utiliser que le Recours pour Excès de Pouvoir pour contester les actes des collectivités locales. Le déféré préfectoral peut être assorti d’une demande de sursis à exécution de l’acte contesté. A cet effet, il est fait droit à cette demande que lorsque les moyens ou l’un des moyens invoqués par la requête est sérieux, donc susceptible d’entrainer l’annulation de l’acte. En outre, lorsque l’acte attaqué est de nature à compromettre l’exercice d’une liberté fondamentale, la juridiction administrative peut prononcer le sursis, à la suite d’une procédure d’urgence. En revanche, lorsque le Préfet forme un recours contre un acte non soumis à l’obligation de transmission, le sursis à exécution ne peut être accordé que si, outre le caractère sérieux du moyen, l’exécution peut entraîner un préjudice difficilement réparable selon les règles de droit commun. Le Préfet peut faire appel du jugement rejetant la demande du sursis ou refusant l’annulation de l’acte. Cette situation ainsi décrite s’applique à toutes les collectivités locales dans leurs relations avec l’autorité de tutelle. Paragraphe 2 : les ressources du Département Les ressources du Département sont déterminées dans son budget. Les règles budgétaires applicables au Département sont celles applicables à la Région423. En effet, aux termes de la loi n°011/PR/2004 du 7 juin 2004 portant régime financier et fiscal des collectivités territoriales décentralisées, les ressources du Département comprennent entre autre : - le produit des impôts et taxes votés par le conseil départemental et perçus directement par lui ; - la part des impôts et taxes affectés au département par l’Etat : taxe civiques, taxe additionnelle sur vignette, taxe sur les services publics, taxe superficielle, taxe sur les jeux, taxe sur la valeur locative des locaux professionnels (T.V.L.P), taxe sur la valeur ajoutée (T.V.A), patente, taxe sur le foncier bâti et non bâti, amendes forfaitaires ; 422 423

Article 23 de la loi n°012/PR/2013 précitée. Article 33 de la loi organique n°002/PR/2000 précitée.

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- les dotations et subventions attribuées par l’Etat ; - le produit des emprunts contractés par la région sur le marché intérieur ou extérieur, après accord des autorités monétaires nationales avec ou sans garantie de l’Etat ; - les dons et legs ; - les revenus de son patrimoine ; - le pourcentage sur le produit des ressources du sol et du sous-sol exploités sur son territoire ; et - les revenus divers. Il est également habilité à fixer des taxes sur les matières énumérées à l’article 8 de la loi n°002/PR/2000 ainsi que sur d’autres taxes qui lui seront attribués par le législateur. Cependant, contrairement à la Région, aucune disposition ne fixe le patrimoine du Département. De ce mutisme résulte une difficulté car, le Département est censé puiser aussi des revenus sur son patrimoine. En outre, les ressources assujettissent le département à l’élaboration d’un budget dont les règles sont définies par la loi n°012/PR/2004 du 07 juin 2004 portant régime comptable des CTD. SECTION 3 : de la Commune, collectivité territoriale décentralisée à la Commune, Collectivité Autonome Les études historiques ont montré que la création des communes n’est pas un phénomène trop nouveau en Afrique. La création des toutes premières remonte à la moitié du 19ème et au début du 20ème siècle424. En France, le mouvement vers la décentralisation s’est achevé sous la IIIème République, avec l’élection du maire en 1882, puis avec la loi municipale du 5 avril 1884, dont la tendance décentralisatrice a été encore développée par les décretslois de 1926425. En effet, la commune désigne une subdivision administrative du territoire ayant le double caractère de circonscription de l’administration de l’Etat et de collectivité locale. Elle se caractérise par un nom, un territoire géographiquement délimité, une population vivant sur ce territoire et un statut juridique qui lui confère celui d’une CTD. Pour les sieurs TROTABAS et ISOART, « l’organisation communale présente les 424

En 1854, une loi du 5 Avril institue des communes de plein exercice dans la colonie du Sénégal, siège du Gouvernement de l’Afrique Occidentale Française. Au Congo Brazzaville, la première institution communale voit le jour en 1911 avec la commune de Brazzaville. En 1918, le Mali a vu la création des communes du Soudan français de Bamako et de Kayes, celles de Segou et Mopti en 1952 puis celle de Sikasso en 1954. Au Cameroun, c’est en 1941 que la communisation fut amorcée (John Richard KEUDJEU DE KEUDJEU, « La gestion des grandes cités en Afrique subsaharienne francophone : le cas des agglomérations urbaines à statut particulier du Burkina-Faso, du Cameroun, du Congo, du Mali et du Sénégal », op. cit, p. 1-2). 425 TROTABAS (L) et ISOART (P), Droit public, op. cit, p. 148.

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caractères généraux de notre organisation administrative : c’est une circonscription territoriale, où l’on retrouve le mélange des compétences locales et des compétences générales ; elle comporte un organe exécutif et un organe délibérant, également élus »426. Au Tchad, les Communes427, appelées encore Mairies, existaient avant les lois de la décentralisation de 2000, même s’il faut relever que leurs modes d’organisation et de fonctionnement ont subi une profonde métamorphose. Selon les études, les communes urbaines, communes de plein exercice, dont le Conseil municipal et le Maire sont élus, ont été régies par une loi française du 5 avril 1884 qui en fixait l’organisation et le fonctionnement. S’en est suivi après l’indépendance, la loi n°15-62 du 22 mai 1962 portant organisation municipale au Tchad, dite « loi municipale ». Cette loi prévoyait des communes de plein exercice dont N’Djaména, Doba, Sarh, Moundou, Bongor, Pala, Abéché, Koumra428. Les Conseillers municipaux étaient élus pour un mandat de six (6) ans au suffrage universel direct et au scrutin de liste proportionnel ; le Maire et les adjoints étaient élus par les Conseillers municipaux. En même temps, les communes de moyen exercice étaient celles dont les Maires et les adjoints étaient des fonctionnaires nommés par décret. Ensuite, une ordonnance n°39 du 22 octobre 1962 portant statut particulier de la ville de N’Djaména, prévoyait que la responsabilité de l’administration de la commune serait partagée entre le Conseil municipal et un Délégué Général du Gouvernement nommé par décret. Ce dernier détenait les attributions principales : exécution des délibérations, préparation du budget, organisation des services et nomination aux emplois communaux, représentation de la commune, pouvoir de police etc. Ces communes urbaines du Tchad ont connu un début de fonctionnement jusqu’en 1975. A cette date, un décret n°229/PR/CSM/SEC/ADG du 22 septembre 1975 fait dissoudre toutes les communes du Tchad et leurs Conseils, avec transfert de leurs biens à l’Etat. Sont apparus par la suite les ordonnances n°22 et 23 du 22 septembre 1975 qui donnèrent à la ville de N’Djaména une nouvelle organisation avec des structures administratives et un statut particulier. Puis, 426

Idem, p. 149. La Commune est le niveau de collectivité locale à ne pas subir de réformes profondes suite aux réformes institutionnelles de 2018. Les aspects ayant subis des innovations est l’extension du périmètre communal qui correspond désormais à celui des anciennes Sous-préfectures, englobant ainsi les Communautés rurales et l’augmentation de leur nombre. On passe de 275 à 377 Communes. 428 Toutefois, avant cette loi de 1962, le Rapport final du Comité technique interministériel d’appui au Haut comité chargé des réformes institutionnelles de novembre 2017 renseigne que le Tchad comptait en 1960, sept (7) Communes de moyen exercice, c’est-à-dire les Villes de FortLamy ‘‘actuel N’Djaména’’, Moundou, Abéché, Koumra, Doba, Bongor et Fort-Archambault ‘‘actuel Sarh’’. Le régime de ces communes combinait deux principes juridiques : l’élection des Conseillers au suffrage universel direct et la nomination par le pouvoir central, des Administrateurs-Maires qui sont devenus par la suite, des Maires délégués, (lire le Rapport final du Comité technique d’appui aux réformes institutionnelles, p.15). 427

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arrive l’ordonnance n°17 du 24 juillet 1985 (applicable jusqu’aujourd’hui) qui redonne vie aux communes de moyen exercice429. Ce ne qu’à partir de la loi n°002/PR/2000 du 16 février 2000 portant statut des CTD, qu’on arrive à une véritable consécration législative du statut des communes au Tchad. Comme toute personne morale, la commune dispose de la personnalité juridique430. C’est donc un être juridique qui bénéficie des droits et qui peut être tenue par des obligations. Ce statut lui permet de posséder des biens ; toute commune peut être propriétaire et posséder un patrimoine : le domaine public et le domaine privé. Au Tchad – comme partout ailleurs – les communes ne sont pas tout à fait uniformes du fait qu’elles n’ont ni les mêmes caractères (superficies, populations, ressources, etc.) ni les mêmes besoins, moins encore les mêmes moyens en fonction de leur statut rural ou urbain431. Elles regroupent des individus unis par un lien de solidarité et d’intérêts communs. La commune est réputée être une collectivité de proximité vue ses rapports avec les citoyens. De surcroît, les communes du Tchad ne sont pas des unités administratives, si l’on s’en tient aux dispositions de la loi organique n°019/PR/2010 du 13 octobre 2010. Les unités administratives ne comprennent que la Région, le Département et la Sous-préfecture432. La Commune tient de l’article 202 de la Constitution de 1996 révisée, son statut de collectivité territoriale décentralisée. Aux termes de la loi n°002/PR/2000 du 16 février 2000 portant statut des CTD, la commune est une collectivité territoriale dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière433. Elle peut être divisée en arrondissements, quartiers et carrées. Ont le statut de commune, les agglomérations urbaines suivantes : - les Chefs-lieux des Régions ; - les Chefs-lieux des Départements434 ; et - les Chefs-lieux des Sous-préfectures435.

429 ROUX (J-C) (Dir.) Organisation administrative, décentralisation et administration territoriale au Tchad et en France, op. cit, p.16 et 30. 430 Voir à titre d’exemple l’article 87 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes précitée. 431 Selon l’article 87 al. 2 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes précitée, la Commune peut être urbaine ou rurale. 432 Article 6 de la loi n°019/PR/2010 précitée. Aujourd’hui, avec la suppression de la souspréfecture, les unités administratives sont la province et le département. 433 Article 34 de la loi n°002/PR/2000 du 16 février 2000 précitée. 434 Aux termes de la nouvelle législation, les Chefs-lieux des provinces et des départements ont le statut de communes urbaines. 435 Alors que la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 prévoyait que tous les chefslieux des Sous-préfectures sont des Communes, les réformes institutionnelles de 2018 viennent élargir ce périmètre communal qui ne se résume plus qu’au Chef-lieu mais s’étend sur tout le périmètre de la Sous-préfecture, (lire le Rapport final du Comité technique d’appui aux réformes institutionnelles, p. 31, Proposition de décision n°1). C’est à cet effet que toutes les anciennes Sous-préfectures sont transformées en Communes rurales (voir l’article 89 du projet

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Cependant, il se pose une conditionnalité se rapportant aux ressources car, ne peuvent être érigées ou maintenues en communes que les localités ayant un niveau de développement leur permettant de disposer des ressources financières nécessaires à l’équilibre de leur budget. Certaines communes peuvent bénéficier d’un statut particulier dans les conditions fixées par la loi ; tel le cas de la commune de N’Djaména. Les communes ne peuvent être créées et supprimées que par la loi. Compte tenu de la nature disparate des communes tchadiennes, leur étude impose leur classification en quatre (4) blocs, du fait même que chaque bloc est soumis à un régime juridique particulier436, sans pour autant ignorer que ces communes ont un dénominateur commun. Il y a donc : - les communes de plein exercice dotées d’organes élus, issues des élections locales de 2012437 ; - la commune de N’Djaména, commune de plein exercice avec des organes élus et bénéficiant d’un statut particulier438 ; - les communes d’arrondissement de la Ville de N’Djaména439 ; - les communes de moyen exercice dirigées par des comités de gestion nommés440. Paragraphe 1 : les Communes de plein exercice A- Compétences et attributions Il est reconnu à la commune des compétences et attributions dont elle exerce par l’entremise de ses organes élus. Ces attributions sont définies par la loi n°033/PR/2006 du 11 décembre 2006 portant répartition des compétences entre l’Etat et les CTD citée ci-haut. Il s’agit d’une kyrielle d’attributions s’étendant sur un nombre assez important de domaines :

d’ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes précité). 436 C’est d’ailleurs en considération de la diversité de régimes juridiques applicables aux communes que le Professeur LACHAUME, se prononçant notamment sur le cas français, constatait que « …s’il existe pour toutes les communes françaises un fond commun important quant au droit de l’administration communale, l’on rencontre, au sein de ce droit, liées dans la quasi-totalité des cas à des seuils démographiques, des différences telles qu’il semble plus juste aujourd’hui de faire référence aux droits communaux qu’au droit communal. Il s’agit d’une simple constatation et non pas de l’expression d’un regret, car un droit unique ne saurait efficacement régir des réalités par trop disparates » (LACHAUME (J-F), L’administration communale, op. cit, p. 50). 437 Loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 portant statut des CTD. 438 Loi n°009/PR/2005 portant statut particulier de la ville de N’Djaména. 439 Loi n°009/PR/2005 portant statut particulier de la ville de N’Djaména et Ordonnance n°005/PR/2011 du 10 février 2011 portant création des communes d’arrondissement de la ville de N’Djaména. 440 Ordonnance n°017/PR/1985 du 24 Juillet 1985 portant organisation des communes de moyen exercice.

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En matière d’éducation : - la participation à l’entretien et à la maintenance des écoles élémentaires et des établissements préscolaires publics ; - le recrutement et la prise en charge du personnel d’appui des écoles et établissements préscolaires publics ; - la participation à l’acquisition des manuels et des fournitures scolaires ; - la participation à la gestion et à l’administration des écoles et établissements préscolaires publics avec le concours des structures et de dialogue et de concertation ; En matière d’alphabétisation : - l’élaboration et l’exécution du plan communal d’alphabétisation ; - le recrutement d’alphabétiseurs ; - la construction d’infrastructures et d’équipements éducatifs ; - la mobilisation des ressources ; - l’entretien des infrastructures et d’équipements éducatifs. En matière de promotion des langues nationales : - la participation à la collecte et à la traduction des éléments de tradition orale en vue d’en faciliter la publication ; - la participation à la promotion d’un environnement lettré par le développement de l’édition des langues nationales ; - la participation à la mise en place d’infrastructures et d’équipements ; - la mobilisation des ressources. En matière de formation professionnelle et technique : - l’élaboration d’un plan prévisionnel de formation visant des secteurs de métiers adaptés à la commune ; - l’entretien et la maintenance des structures de formation professionnelle et technique ; - la participation au recrutement et à la prise en charge du personnel d’appui des structures de formation professionnelle et technique ; - la participation à l’acquisition du matériel nécessaire à la formation professionnelle et technique ; - la participation à la gestion et à l’administration des structures de formation avec le concours des structures de dialogue et de concertation ; - l’appui à des microprojets visant à créer des petites unités d’ateliers professionnels et techniques ; - l’élaboration d’un plan communal d’insertion professionnelle des jeunes ; - l’aide à l’identification et l’établissement des contrats de partenariat école/entreprise par une meilleure formation en alternance ; En matière de santé :

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- la construction, l’équipement, la gestion et l’entretien des dispensaires ; - le recrutement et la gestion du personnel d’appui ; - l’application de la réglementation en matière d’hygiène et d’assainissement ; - la participation aux actions nationales et à la mise en œuvre d’initiatives locales de protection maternelle et infantile ; - la participation à l’élaboration de la carte de santé. En matière d’action sociale : - la participation à l’entretien et à la gestion des structures de promotion et de réinsertion sociale ; - l’organisation et la gestion des secours au profit des personnes démunies ; - l’identification, le suivi et l’évaluation des microprojets productifs au profit des personnes démunies. En matière de culture, de la jeunesse, des sports et des loisirs : - l’identification des besoins en matière culturelle, sportive et de loisir ; - la promotion, l’organisation et l’animation des manifestations culturelles sportives communales ; - la construction, l’équipement et la gestion des infrastructures culturelles sportives ; - la création, l’organisation, le fonctionnement des musées communaux ; - l’octroi des subventions aux associations culturelles et sportives ; - la participation à l’équipement des associations culturelles et sportives. En matière d’agriculture et d’élevage441 : - l’approbation des projets de développement urbain ; - l’encadrement des projets de développement urbain. En matière d’environnement et de ressources naturelles : - la création, la gestion, la protection et l’entretien des forêts, des parcs et autres aires protégées ainsi que des sites naturels d’intérêt communal ; - la participation à la protection de la faune et de la flore ; - la participation à la protection et à la gestion des ressources en eaux souterraines et de surface ; 441

Sur ces deux attributions dévolues à la commune par le législateur (article 20 de la loi n° 033/PR/2006 portant répartition des compétences entre l’Etat et les CTD), nous prétendons voir en cela une attribution vide de contenu ; à moins que le législateur ait pu faire le lien entre activités agropastorales et développement urbain. Cette compétence aurait dû, par principe, être réservée aux communautés rurales. Mais avec les réformes institutionnelles qui prévoient l’élargissement du périmètre communal aux zones rurales, cette situation serait désormais tempérée.

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- l’élaboration et l’exécution du plan communal pour l’environnement ; - la délivrance d’autorisation préalable de toute coupe à l’intérieur du périmètre communal ; - la lutte contre la divagation des animaux domestiques ; - la compétence consultative sur l’installation des industries ; - la gestion des déchets, la lutte contre l’insalubrité, les pollutions et les nuisances. En matière d’urbanisme et d’habitat : - l’élaboration des plans urbains de référence (PUR), des schémas directeurs d’aménagement et d’urbanisme (SDAU) et des plans d’urbanisme de détail; - la délivrance des permis de construire ; - l’attribution des parcelles ; - la délivrance des autorisations d’occupation du domaine public ; - l’application de la réglementation en vigueur pour des installations produisant des nuisances ; - l’acquisition et l’aliénation des biens immobiliers et fonciers ; - l’acquisition et la dénomination des rues. En matière de planification, du développement économique et d’aménagement du territoire : - l’élaboration et l’exécution des plans d’investissement communaux (PIC); - l’élaboration et l’exécution des chartes intercommunales de développement ; - la conception et l’exécution d’un programme communal de développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique. En matière de commerce, d’industrie, d’artisanat et de tourisme : - l’exécution du schéma régional ; - la création et l’organisation des établissements publics à caractère industriel, commercial et touristique ; - la création de tout équipement urbain marchand ; - la promotion des activités commerciales, industrielles, artisanales et touristiques ; En matière des transports : - l’élaboration et l’exécution du plan communal des transports ; - la construction des voiries urbaines ; - la construction et l’entretien des gares routières ; - la réglementation des transports urbains ; En matière de protection civile, d’assistance et de secours : - l’élaboration de la réglementation en matière d’assistance et de secours ; - l’assistance aux personnes démunies. En matière de pompes funèbres et de cimetières :

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- le pouvoir réglementaire ; - la gestion des cimetières ; - le contrôle du respect des textes en vigueur ; En matière d’électricité – d’eau et d’assainissement : - la réalisation et l’entretien des bornes fontaines, forages et puits ; - la réalisation de réseaux d’eau et d’électricité ; - la définition du régime et des modalités d’accès et d’utilisation des points d’eau de toute nature ; En matière de police et d’état civil : - la participation au maintien de l’ordre et de la sécurité des biens et des personnes ; - la police administrative ; - l’élaboration et l’application de la réglementation particulière ; - la délivrance des actes d’état civil et la célébration des cérémonies officielles ; - la publication et l’exécution des lois et règlements ; En sus de ces compétences ainsi énumérées, d’autres sont susceptibles d’être transférées par la loi. B- les organes de gestion de la Commune La gestion de la collectivité communale est confiée à des organes élus, notamment le Conseil municipal, organe délibérant et le Maire et ses adjoints, organe exécutif, auprès desquels est placé un représentant de l’Etat qui assure la tutelle. a- l’organe délibérant : le Conseil municipal ou communal L’organe délibérant au niveau communal est le Conseil municipal. Il est responsable de l’organisation de l’administration communale. Sa composition, son fonctionnement, ses compétences et attributions sont définis par les textes sur la décentralisation. 1- Composition La composition du Conseil municipal varie en fonction de la population de chaque commune. Ainsi, de la commune démographiquement la plus faible à la plus grande, le nombre des conseillers municipaux est fixé comme suit442 :

442

A l’instar de la province, la nouvelle législation change la composition en nombre du conseil municipal comme suit : - 13 membres pour les communes de moins de 10.000 habitants ; - 15 membres pour les communes de 10.001 à 20. 000 habitants ; - 17 membres pour les communes de 20.001 à 30. 000 habitants ; - 21 membres pour les communes de 30.001 à 40. 000 habitants ; - 23 membres pour les communes de 40. 001 à 50. 000 habitants ; - 31 membres pour les communes de 50. 001 à 100. 000 habitants ; - 35 membres pour les communes de plus de 100. 000 habitants.

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Nombre municipaux

de

conseillers

Nombre commune

11 13 15 17 21 23 31

de

population

par

500 à 5000 5001 à 10.000 10.001 à 20.000 20.001 à 30.000 30.001 à 40.000 40.001 à 50.000 50.001 et plus

Ce tableau permet de constater que l’effectif du Conseil municipal est toujours en nombre impair est déterminé en fonction du nombre d’habitants. La composition de cet organe est la résultante d’une opération électorale pendant laquelle un régime électoral et des règles d’éligibilité sont définis et mis en œuvre. 2- Election et éligibilité Pour l’élection des Conseillers municipaux, la circonscription électorale est la commune. Les Conseillers municipaux sont élus au suffrage universel direct pour un mandat de six (6) ans renouvelable443. En outre, comme pour le Département, les règles relatives aux éligibilités, aux inéligibilités, aux incompétences, à la déclaration de candidatures, aux campagnes électorales, aux opérations électorales, au recensement de vote et au contentieux électoral sont celles du Conseil régional étudié supra. 3- Statut du conseiller municipal Les Conseillers municipaux sont des élus locaux avec un statut particulier et ne sont pas des agents salariés de la commune, a fortiori de l’Etat. Leur mandat est gratuit. Toutefois, des rémunérations peuvent leur être accordées selon des modalités définies par délibération du Conseil municipal444. Leur fonction commence à partir de leur élection et prend fin soit à l’échéance du mandat, soit par la démission. La démission d’un membre du Conseil municipal est adressée à l’autorité de tutelle. Cette démission ne peut être définitive qu’à partir de l’accusé de réception de l’autorité de tutelle et, à défaut de cet accusé de réception, un mois après un nouvel envoi de la 443

Il est à rappeler une fois de plus que le nombre de mandat des élus locaux dans leur ensemble n’est pas limité sous l’ancienne législation issue de la Constitution de 1996 révisée. Cependant, avec les réformes institutionnelles de 2018, il est prévu de limiter le mandat des élus locaux à six (6) ans renouvelable une seule fois (voir la synthèse des travaux du forum national inclusif, p.7) ; article 202 de la Constitution du 04 mai 2018 et article 91 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes. 444 Néanmoins, comme pour la province, la nouvelle législation, prévoit que les conditions d’octroi et le taux des indemnités de déplacement et de session des Conseillers municipaux est fixé par un arrêté conjoint du Ministre des finances et du ministre en charge des Collectivités Autonomes après avis du Haut Comité des Collectivités Autonomes et des Chefferies Traditionnelles.

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démission constatée par lettre recommandée. Peut être démis d’office par le Président du Conseil municipal, par arrêté motivé suite à un vote à la majorité absolue des membres tout Conseiller municipal : - qui, régulièrement convoqué, n’a pas pris part aux sessions ordinaires ou à plus de la moitié des séances tenues dans l’année ; - qui, pour une cause survenue postérieurement à son élection se trouve dans un des cas d’inéligibilité prévus par le régime électoral des collectivités territoriales décentralisées ; - qui, sans excuse reconnue valable par le conseil municipal, a refusé de remplir une des fonctions qui lui sont dévolues par la loi. Le refus résulte soit d’une déclaration expresse de l’autorité de tutelle, ou rendu public par l’auteur, soit de l’abstention persistante après avertissement de l’autorité de tutelle ; - qui aura gravement manqué aux devoirs de sa charge ou se sera rendu coupable des actes passibles ou non des sanctions judiciaires. 4- Fonctionnement Le Conseil municipal n’est pas une assemblée permanente. Il se réunit en sessions. Celles –ci sont ordinaires ou extraordinaires. Il se réunit en session ordinaire deux (2) fois par an, soit une session par semestre, sur convocation du Maire. La durée de chaque session est de quinze (15) jours445. La session pendant laquelle le budget est discuté peut durer trente (30) jours. Le Maire peut aussi réunir le Conseil municipal chaque fois qu’il l’estime utile ou à la demande des 2/3 des Conseillers municipaux. Le Conseil municipal ne peut délibérer valablement que lorsque la majorité de ses membres en exercice assiste à la séance. Si après deux convocations le quorum n’est pas atteint, le Conseil délibère valablement. Seuls les Conseillers présents physiquement sont pris en compte, les procurations n’étant pas valables. Le quorum doit être atteint non seulement à l’ouverture de la session mais aussi lors de la mise à discussion des questions soumises à délibération. La réunion du Conseil municipal est présidée par le Maire ou, en cas d’absence ou d’empêchement, par un adjoint suivant l’ordre de préséance. Les séances du Conseil municipal sont publiques. Néanmoins il peut siéger à huit clos à la demande du Maire ou d’ 1/3 de ses membres. Le Conseil municipal peut constituer des commissions chargées d’étudier des questions qui lui sont soumises sur un sujet déterminé soit à l’initiative de l’administration soit à l’initiative de ses membres. Il ne peut être dissout que par décret motivé en Conseil des ministres et publié au Journal Officiel. En cas d’urgence, il peut être provisoirement suspendu par arrêté motivé du

445

A ce niveau, la nouvelle législation vient ajouter une nouveauté en prévoyant que la durée de la session peut être prorogée de 5 jours au plus ; article 112 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018, précitée.

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représentant de l’Etat dans le Département. La durée de la suspension ne peut excéder un (1) mois. 5- Compétences et pouvoirs Le Conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune446. Il programme les actions de développement économique, social et culturel de la commune447. Il est associé aux travaux de préparation des activités de développement économique. Il donne obligatoirement son avis sur : - les dispositions du plan national de développement intéressant la commune ; - le schéma directeur d’aménagement urbain à l’occasion de son établissement ou de sa révision ; - le plan d’occupation du sol ; - les projets d’alignement et de nivellement de la grande voirie ; - le changement d’affectation d’un immeuble domanial bâti ou non bâti ; - l’attribution des secours et des subventions quelconques. Cependant, les délibérations du Conseil municipal portant sur des matières ci-dessous énumérées peuvent faire l’objet d’un sursis à exécution suite à un recours introduit devant le juge des référés par l’autorité de tutelle : - la création, la modification, la suppression des marchés et foires ; - l’acceptation des dons et legs grevés des charges ou conditions ; - le budget communal et ses modifications en cours d’exercice ; - le compte de gestion financière ; - la création, les taux et les modalités de perception des impôts, droits et taxes ; - le montant, la durée, la garantie et les modalités de remboursement des emprunts ; - les aliénations et les acquisitions d’immeubles domaniaux ; - les constructions, les reconstructions et les dépenses devant faire l’objet d’un marché ; - la création, la transformation des services ou emplois entraînant une aggravation des charges budgétaires ; et - l’intervention des communes dans les domaines économique et social par voie d’exploitation directe, simple participation financière,

446

Formule empruntée de la loi française de 1884 et transposée dans toutes les législations communales au Tchad. 447 A ces programmes de développement économique, social et culturel, la nouvelle législation ajoute le développement environnemental, véritable préoccupation mondiale à l’ère actuelle ; voir l’article 107 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018, précitée.

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exécution des travaux publics communaux à caractère industriel, commercial et social448. Pour ce qui est des délibérations non soumises à approbation, elles deviennent exécutoires dès leur adoption et leur publication. Certaines délibérations du Conseil municipal sont nulles de plein droit lorsque : - elles portent sur un objet contraire à leurs attributions ou ayant eu lieu en dehors de sa réunion légale ; et - sont prises en violation des textes législatifs et réglementaires. Cette nullité de droit est prononcée par arrêté du ministre chargé de l’administration du territoire sur avis du préfet. Sont aussi annulables les délibérations auxquelles auraient pris part les membres du Conseil municipal intéressés par l’affaire qui en fait l’objet. En outre, la nouvelle législation prévoit que les délibérations portant sur les matières ci-après doivent obligatoirement requérir l’avis des Conseils de village, de fraction et/ou de quartiers concernés : - la voirie, les collecteurs de drainage et d’égouts ; - le transport public ; - l’occupation privative du domaine public de la collectivité ; - le cadastre ; - l’organisation des activités rurales, de production agricole et d’élevage ; - la création et l’entretien des puits et points d’eau ; - les plans d’occupation du sol et les opérations d’aménagement de l’espace communal ; - la gestion des domaines public et privé communaux ; - l’implantation et la gestion des équipements collectifs ; - etc.449 Enfin, le Conseil municipal est aussi habilité à créer des services et emplois nouveaux ou supprimer ceux existants. Il est comme l’autorité communale de droit commun. Cependant, il n’a pas des attributions de police ni la responsabilité de l’ordre public qui relèvent de la compétence du Maire. b- l’Exécutif communal : la municipalité L’exécutif communal, appelé aussi municipalité, est composé du Maire et des Maires adjoints450. A l’instar du Conseil, l’exécutif municipal est un 448

La quasi-totalité de ces attributions est reprise par la nouvelle législation, notamment à l’article 107 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes, précitée. 449 La quasi-totalité de ces attributions est reprise par la nouvelle législation, notamment à l’article 107 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes, précitée. 450 La nouvelle législation apporte une innovation en ajoutant au Maire et ses adjoints, les Secrétaires de séance qui constituent le bureau communal ; article 119 de

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organe élu avec des attributions propres. Au Maire et ses adjoints, s’ajoute le Secrétaire général qui, bien que nommé par le Maire parmi les fonctionnaires de la catégorie A de la fonction publique – donc n’est pas un élu local – joue un rôle catalyseur dans la gestion de la commune. 1Election et déchéance Chaque Conseil municipal élit un Maire et un ou plusieurs adjoints au scrutin secret à la majorité absolue parmi ses membres. Si après deux tours aucun candidat n’a obtenu la majorité absolue, il est procédé à un troisième tour et l’élection a lieu à la majorité relative. En ce qui concerne les adjoints, leur nombre est fixé au prorata de la démographie de chaque commune. Ainsi : - les communes de moins de 50.000 habitants ont droit à deux (2) Maires adjoints ; et - les communes de plus de 50.000 habitants ont droit à trois (3) Maires adjoints451. L’exécutif municipal dont le Maire est le chef est élu pour un mandat de trois (3) ans renouvelable. Les Maires et leurs adjoints sont susceptibles d’être suspendus, démis ou destitués de leurs fonctions. A cet effet, la démission volontaire du Maire et de ses adjoints est adressée à l’autorité de tutelle. Elle ne peut être définitive qu’à partir de l’acceptation par cette autorité. Ils continuent néanmoins leurs fonctions jusqu’à l’installation de leurs successeurs et, ce dans un délai de quinze (15) jours à compter de l’acceptation de la démission. Aussi, le Maire ou l’adjoint nommé dans une fonction incompatible avec son mandat municipal est tenu de faire une déclaration d’option dans un délai de quinze (15) jours. Passé ce délai, il est démis de ses fonctions de Maire ou d’adjoint par le Conseil municipal convoqué en session extraordinaire par l’autorité de tutelle. Le Maire ou l’adjoint qui, postérieurement à son élection, ne remplit plus les conditions requises pour être Maire ou adjoint, qui se trouve dans l’une des incompatibilités ou d’inéligibilités doit cesser immédiatement ses fonctions. Au cas contraire, il est suspendu par arrêté motivé de l’autorité de tutelle. La destitution du Maire ou de l’adjoint à lieu à l’issue d’un vote à la majorité des 2/3 des Conseillers municipaux. En cas d’absence, de démission, de suspension, de destitution ou de tout autre empêchement dûment constaté, le Maire est provisoirement remplacé dans la plénitude de ses fonctions par un adjoint dans l’ordre d’élection. En l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes, précitée. 451 A ce niveau aussi, la nouvelle législation prévoit plutôt entre 3 à 5 Maires adjoints au prorata de la population de chaque commune ; voir l’article 145 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes, précitée. En outre, la nouvelle législation a prévu les attributions des Maires adjoints à l’article 146 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes, précitée.

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cas de démission ou de destitution, le Conseil municipal est immédiatement convoqué par le Préfet pour élire un autre Maire. Les fautes suivantes (sans que la liste ne soit exhaustive) peuvent entraîner la suspension ou la destitution du maire : - détournement de fonds publics ; - concussion et corruption ; - prêts effectués sur les fonds de la commune ; - faux en écriture publique ; - faux commis dans les documents administratifs ; - endettement de la commune provoquant un déséquilibre budgétaire lorsqu’il résulte d’une faute de gestion ou d’un acte de mauvaise foi ; - refus de signer et de transmettre à l’autorité de tutelle une délibération du conseil municipal ; et - refus de congédier un employé municipal coupable d’une faute lourde. 2Statut et Attributions Le Maire de la ville est en même temps un élu local et agent de l’administration de l’Etat, en raison de sa double casquette ou encore de son dédoublement fonctionnel. Le Maire et ses adjoints sont des officiers publics. C’est ce qui fait du Maire un officier d’état civil, fonction qu’il peut déléguer à un de ses adjoints. Les fonctions de Maire et de Maire adjoint sont gratuites. Toutefois, des indemnités inhérentes à ces fonctions peuvent leur être accordées selon des modalités fixées par délibération du Conseil municipal. Les fonctions du Maire lui confèrent des attributions assez importantes. Pour autant, le Maire est chargé de l’administration communale. A ce titre, il assure la publication et l’exécution des lois et règlements. Toutefois, il peut, par arrêté spécial, déléguer une partie de ses fonctions à un ou plusieurs adjoints. Il est chargé, sous le contrôle du Conseil municipal et des autorités de tutelle de : - conserver et administrer les propriétés de la commune ; - gérer les revenus communaux ; - préparer et présenter le budget, ordonner les dépenses ; - passer les actes de vente, échange, partage, acceptation des dons et legs, acquisitions, transactions autorisées par la loi ; - pourvoir au mesures relatives à la voirie municipale ; - représenter la commune à la justice ; - veiller à la protection de l’environnement ; - souscrire aux marchés, passer les baux relatifs aux biens et adjudications des travaux communaux ; - pourvoir aux emplois communaux ; et

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- délivrer des permis de construire (après avis de la commission technique d’urbanisme)452. Le Maire peut aussi désigner des agents habilités à exercer des fonctions dans les centres d’état civil secondaires rattachés à sa commune, considérée comme centre principal. Ces centres secondaires d’état civil sont créés par arrêté de l’autorité de tutelle sur proposition du maire. Le Maire est en outre l’autorité de police municipale. A ce titre, il est responsable du maintien de l’ordre, de la sûreté, de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publique. Il est chargé de l’exécution des actes de l’autorité de tutelle qui y sont relatifs ainsi qu’à l’exécution des règlements de police municipale pris par le Conseil municipal dans les limites de ses attributions. La police municipale – police administrative – est chargée de : - la sécurité et la commodité de la circulation dans les rues, places et voies publiques (nettoyage, éclairage, enlèvement des encombrements) ; - la répression des atteintes à la tranquillité publique (bruits, émeutes, attroupements, disputes, bruits et rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants) ; - du maintien du bon ordre dans les endroits de rassemblement tels que les foires, marchés, fêtes, spectacles, débits de boissons, jeux, édifices de culte; - du mode de transport des personnes décédées, les inhumations et les exhumations, le maintien du bon ordre et de la décence dans les cimetières ; - le contrôle de conformité des instruments de mesure et de la qualité des produits consommables exposés à la vente ; - la prévention et la réparation des calamités (inondations, incendies, épidémies etc.) ; - des mesures à prendre contre les aliénés dont l’état pourra compromettre la morale publique, la sécurité des personnes ou la conservation des propriétés ; - des mesures à prendre en matière de divagation des animaux ; - de la prévention et de la réparation des dommages qui pourraient être occasionnés par la divagation des animaux453 ; A cet effet, même dans les communes où la police est étatisée, le Maire reste investi de ces pouvoirs. Le Maire exerce aussi le pouvoir de police des routes à l’intérieur du périmètre communal dans les limites des règlements en matière de circulation routière. Il peut aussi, moyennant le paiement de droits sur la base d’un tarif dûment établi, délivrer des permis de 452

Voir l’article 132 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes, pour ce qui est des nouvelles attributions du Maire sous la IVème République. 453 Les compétences du Maire en matière de police administrative sont prévues à l’article 136 du projet de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes, pour ce qui concerne la nouvelle législation.

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stationnement ou de dépôts temporaires sur la voie publique et d’autres lieux publics, sous réserve qu’il soit reconnu que cette attribution peut avoir lieu sans gêner la circulation sur la voie publique et ne porter atteinte à la liberté de commerce et d’industrie. Il doit prescrire aux propriétaires, usufruitiers, fermiers ou toute autre personne exploitant d’entourer d’une clôture suffisante, les puits, les immeubles et les excavations présentant un danger pour la santé publique. A cet effet, il a à sa disposition les services de l’Etat en matière de police nationale ou de sécurité nationale pour l’exécution des mesures de police municipale. Dans ce cas, les dépenses afférentes aux activités de police nationale sont à la charge de l’Etat, même si les communes peuvent être appelées à participer aux dépenses de fonctionnement de la police nationale dans la mesure de leurs possibilités budgétaires. c- le représentant de l’Etat Le représentant de l’Etat auprès de la commune est le Sous-préfet ou le Préfet454. Avant les réformes institutionnelles de 2018, le Sous-préfet était par principe, l’autorité de tutelle au niveau communal. Il nommé par décret en Conseil des ministres. Il est assisté dans ses fonctions de contrôle de légalité des actes des autorités communales par un adjoint455. Dans ses fonctions, l’autorité de tutelle a compétence pour suspendre ou annuler soit d’office soit à la requête de tout intéressé, les délibérations, décisions et règlements présentant un intérêt personnel pour l’une ou l’autre des autorités y ayant participé. Il peut aussi se substituer à l’autorité municipale et prendre à cette fin des mesures utiles, en cas d’inexécution par cette dernière des mesures prescrites par les lois et règlements ou en vertu de ceux-ci, après mise en demeure. Il procède lui-même ou par l’intermédiaire de son représentant, au moins une fois par an, à l’inspection des communes et propose des mesures à prendre. Cette inspection fait l’objet d’un rapport dont la copie est adressée au Maire qui le communique au Conseil municipal 454 Sous réserve du cas particulier de la commune de la Ville de N’Djaména où l’Etat est représenté par le Délégué du Gouvernement auprès de la Ville, et auprès des communes d’arrondissements par des Administrateurs civils ayant rangs et prérogatives de Sous-préfet. Mais le forum sur les réformes institutionnelles de 2018 a décidé que l’Etat sera dorénavant représenté auprès des Communes par les seuls Préfets, (lire la Synthèse des travaux du Forum national inclusif, p. 3). Toutefois, la Constitution du 04 mai 2018 a prévu en son article 205 qu’« auprès des Collectivités Autonomes, les Gouverneurs de provinces et les Administrateurs délégués des communes représentent le pouvoir central ». Ce qui signifie qu’auprès des Communes, la représentation de l’Etat ne se fait pas à travers les Préfets mais plutôt les Administrateurs délégués des communes. Mais l’alinéa 3 du même article sème une ambigüité lorsqu’il dispose que « les Gouverneurs des provinces, et les Administrateurs délégués, assistent les Présidents des Conseils provinciaux et le Maire de la Capital, dans la mise en œuvre des plans et des programmes de développement ». La lecture de cet alinéa laisse comprendre que les Administrateurs délégués n’assistent que le Maire de la Capitale au détriment des autres maires. Il va falloir qu’un texte de loi vienne expliciter davantage cette disposition. 455 Il sied toutefois de préciser que le poste de Sous-préfet adjoint a été supprimé puis celui de Sous-préfet titulaire ensuite.

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et propose des mesures à prendre. Sur proposition du Maire, il peut par arrêté, créé dans la commune des centres secondaires d’état civil rattachés au centre principal. L’ampliation des arrêtés de création de ces centres secondaires d’état civil et de désignation des agents est faite au Procureur de la République près de la juridiction du ressort de la commune intéressée. Aussi, l’autorité de tutelle peut prendre dans les cas où il n’a pas été pourvu par les autorités municipales, toute mesure relative au maintien de l’ordre, à la sécurité et à la tranquillité publique. Ce pouvoir ne peut être exercé par l’autorité de tutelle qu’après mise en demeure adressée au Maire restée sans résultat. Il reçoit les démissions volontaires du Maire et ses adjoints et son acceptation les rend définitives. Il peut suspendre et le maire et/ou ses adjoints par arrêté motivé456. Il est habilité à convoquer le Conseil municipal pour l’élection d’un nouveau Maire à la suite de la démission ou de la destitution de celui en poste. C- les ressources de la Commune Comme toute collectivité territoriale personne morale, la Commune dispose des ressources inhérentes à son fonctionnement. Ces ressources sont d’ordre humain, matériel et financier. Pour ce qui est des ressources humaines, il est question des élus locaux composant le Conseil municipal et la municipalité, mais aussi les agents locaux pris en charge par le budget communal pour le fonctionnement de ses services. Les ressources matérielles sont composées des tous les biens matériels, mobiliers et immobiliers, appartenant à la commune, qu’ils soient achetés par la commune elle-même ou concédés par l’Etat. Les ressources financières, pour l’essentiel composées des droits, taxes et autres redevances sont presqu’exhaustivement déterminés par le législateur, notamment par la loi organique n°002/PR/2000 portant statut des CTD, complétée par la loi n°011/PR/2004 du 7 juin 2004 portant régime financier et fiscal des CTD. Ainsi, les ressources financières de la commune comportent entre autre : - les produits des impôts et taxes votés par le Conseil municipal et perçus directement par elle ; - la part qui lui revient de droit sur le produit des impôts et taxes perçus au profit du budget de l’Etat (centimes additionnels) ; - les produits des dotations et les subventions attribuées par l’Etat ; - le produit des emprunts contractés soit sur la marché intérieur, soit sur le marché extérieur, après accord des autorités monétaires nationales, avec ou sans garantie de l’Etat ; 456

A ce niveau, la nouvelle législation prévoit que la copie de l’acte de suspension doit être transmise au Haut Conseil des Collectivités Autonomes et des Chefferies Traditionnelles (article 93 al. 3 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes).

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- les dons et legs ; - les revenus de son patrimoine ; - les pourcentages sur le produit des ressources du sol et du sous-sol exploités sur son territoire. Aussi, il existe des impôts de l’Etat dont le produit est attribué aux communes. Il s’agit notamment de : - la taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties457 ; - la taxe sur la valeur locative des locaux professionnels (T.V.L.P); - la taxe superficielle ; - la contribution des patentes ; - la contribution des licences ; - la taxe civique ; - la taxe sur la valeur ajoutée (T.V.A) ; - la taxe sur les jeux ; - la taxe additionnelle sur la vignette ; - la taxe sur les services publics ; - l’impôt général libératoire (I.G.L); - les amandes forfaitaires ; - les taxes diverses. Pour ce qui est des impôts, le taux et les modalités de recouvrement sont fixées par la loi des finances. De ce fait, le Conseil municipal ne peut instituer les taxes et impôts qu’après avoir été préalablement crées par la loi des finances. Et lorsque le Conseil municipal institue une taxe, il doit par cette même délibération en fixer le taux. Il existe des taxes communales perçues par voie de rôle et des taxes sur titres de recettes. Pour ce qui est des taxes perçues par voie de rôle, l’on dénombre : - la taxe sur le revenu net des propriétés bâties ; - la taxe de la voirie et d’hygiène ; - la taxe des petits commerçants et artisans ; - la taxe sur les locaux loués en garni. Les taxes sur titres de recettes comprennent : - La taxe communale d’équipement458 ; - la taxe sur les transactions immobilières ; - la taxe aéroportuaire communale ; - la taxe sur les pompes distributrices de carburant ; 457

Sur cet aspect, les communes peuvent majorer, dans une limite maximale de 25%, la taxe sur la valeur locative des propriétés non bâties afin d’encourager la libération des terrains constructibles (article 7 de la loi n°011/PR/2004 portant régime financier et fiscal des CTD). 458 Cette taxe est perçue à l’occasion de la délivrance du permis de construire en deux phases : un premier versement au moment de la délivrance du permis de construire et assis sur les 2/3 de la valeur déclarée de la construction et un deuxième versement au moment de la délivrance du certificat d’habitabilité, assis sur le reliquat du coût de la construction actualisé à cette date (article 18 de la loi n°011/PR/2004 précitée).

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- la taxe sur les taxis ; - la taxe sur les véhicules à bras ; - la taxe sur la publicité ; - la taxe sur les entrées payantes aux manifestations sportives ; - la taxe sur la location ou l’exploitation des terrains et installations de sport ; - la taxe sur les spectacles cinématographiques ; - la taxe sur les spectacles et galas ; - la taxe sur les établissements de nuit ; - la taxe sur l’électricité ; - la taxe sur les pylônes supportant les lignes électriques ; - la taxe sur les pylônes supportant les équipements ; - la taxe de séjour à l’hôtel ; - la taxe de développement touristique ; - la taxe sur les cycles ; - la taxe sur les motocycles non immatriculées ; - la taxe sur les pirogues ; - la taxe sur le transport urbain ; - la taxe sur les vendeurs d’eau ; - la taxe sur les cérémonies ; - la taxe d’habitation ; - la taxe sur la circulation du bétail destiné à la vente. Ces taxes sont recouvrées par le receveur municipal conformément au code des impôts. La commune peut aussi instituer des redevances pour rémunérer un service rendu à l’avantage général ou exclusif des usagers. Ces redevances comprennent notamment : - les droits de place sur les marchés ; - la taxe de circulation de bétail ; - la taxe d’enlèvement des ordures ménagères ; - la taxe d’assainissement et d’hygiène ; - la taxe d’abattage ; - les droits de concessions dans les cimetières. Ces droits et taxes font l’objet de perception journalière, mensuelle ou forfaitaire par service rendu sur la base d’un taux fixé par le Conseil municipal. S’agissant de la dotation globale de fonctionnement, elle est inscrite annuellement dans la loi des finances et son montant peut varier selon les conjonctures de chaque année. Elle est calculée et fixée conformément aux modalités déterminées par décret en Conseil des ministres. Elle se compose de la partie minimale ayant pour objet d’assurer à chaque commune un minimum de ressources par habitant et d’une partie complémentaire destinée à contribuer, compte tenu des inégalités de situation des communes, aux charges particulièrement lourdes supportées par certaines d’entre elles.

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Aussi, en cas de nécessité et à titre exceptionnel, l’Etat peut allouer aux communes des subventions d’équilibre financier. Ces subventions ne sont accordées que si l’équilibre est impossible à réaliser soit par réduction ou suppression de certaines dépenses soit par inscription des recettes supplémentaires réalisables. Des subventions d’équipement peuvent être accordées aux communes pour les aider à réaliser certaines opérations de leur programme de développement. Aussi, les communes peuvent contracter des emprunts destinés à couvrir certaines dépenses d’investissement prévues au budget après approbation par l’autorité de tutelle. Elles peuvent aussi accepter des recettes provenant des fonds de concours, des aides extérieures, des dons et legs. Ces ressources servent à satisfaire des dépenses dont certaines se révèlent des charges obligatoires. Ces dernières concernent : - les rémunérations, les indemnités, les charges légales ou réglementaires du personnel ; - les charges contractuelles de prestations ; - les primes d’assurances obligatoires ; - les frais d’entretien des bureaux de l’administration communale ; - les frais d’entretien du patrimoine de la commune ; - les loyers et frais d’entretien des bâtiments pris en location ; - les frais d’entretien de la voirie communale ; - les dépenses d’éclairage public communal ; - les dépenses relatives à la protection civile et à la lutte contre les incendies ; - les dépenses relatives à l’hygiène et à la salubrité publique ; - les dépenses afférentes aux installations et services permettant d’enlever, d’évacuer et de traiter les ordures ménagères et les déchets ainsi que les dépenses de nettoiement de la voirie, des marchés, des installations et des jardins publics ; - les dépenses de clôture et d’entretien des cimetières ; - les dépenses d’inhumation des indigents ; - les dépenses d’assistance sociale au bénéfice des indigents ; - les intérêts et l’amortissement des emprunts ; - les autres dettes, liquides et exigibles de la commune et celles résultant des condamnations judiciaires à sa charge. Paragraphe 2 : la Commune de la Ville de N’Djaména La Commune de Ville de N’Djaména459, capitale politique, bénéficie d’un statut particulier en raison de ses spécificités notamment 459

Le Comité technique interministériel d’appui au Haut comité chargé des réformes institutionnelles propose dans son Rapport final qu’il faut « redéfinir le statut de la Ville de N’Djaména en lui conservant l’exclusivité de la personnalité juridique ». Ceci qui implique que les Communes d’arrondissement perdront d’office la personnalité juridique dont elles jouissent.

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démographique et territoriale. Elle est administrée par un Conseil municipal et une municipalité et dispose des ressources propres pour son fonctionnement. Ales organes de gestion de la Commune de la Ville de N’Djaména La commune de Ville de N’Djaména est gérée par un Conseil municipal et un Maire et ses adjoints élus. al’organe délibérant : le Conseil municipal de la Ville Il est responsable de l’organisation de l’administration municipale. Son régime électoral et son fonctionnement sont ceux applicables aux communes, définis par la loi organique n°002/PR/2000 et la loi n°003/PR/2000 portant régime électoral des CTD, vus ci-haut. Il est l’organe délibérant et est composé de Conseillers dont le nombre est déterminé proportionnellement à la population de chacune des communes d’arrondissements de la manière suivante pour chaque arrondissement : - deux (2) Conseillers pour la tranche de 1 à 50.000 habitants ; et - un (1) Conseiller en plus pour la tranche supplémentaire de 30.000 habitants. En outre, il est reconnu des attributions au Conseil municipal de la Ville. Celui-ci règle par ses délibérations les matières relevant de la compétence de la commune et présentant un intérêt pour l’ensemble de l’agglomération de N’Djaména telles qu’énumérées ci-après : - les programmes et les projets de développement de la commune ; - les budgets et comptes de la commune ; - le schéma d’aménagement et d’urbanisme ; - la protection de l’environnement ; - la réalisation et l’entretien des infrastructures de voirie et d’assainissement dont la gestion est transférée à la commune ; - l’acceptation, le refus des dons et legs à la commune ; - la création et le mode de gestion des services et organismes professionnalisés de la commune, la gestion du personnel ;

C’est ainsi qu’il ressort du Rapport que, « dans la perspective de faire de N’Djaména une province, il est envisagé de revoir son statut particulier. Cette révision sera opérée dans l’optique d’instaurer une bonne collaboration entre la Commune de la Ville et les Communes d’arrondissement, par l’octroi de la personnalité morale à la seule ‘‘Commune de la Ville de N’Djaména’’. Par ailleurs, en considération de la nouvelle donne, le périmètre de la province de N’Djaména doit être étendu sur la base d’une proposition à faire par une équipe pluridisciplinaire ». Ainsi, le Comité technique propose (Proposition de décision n°7) d’ « étendre le territoire de la Ville de N’Djaména sur la base d’un schéma directeur à élaborer », (lire le Rapport final du Comité technique d’appui au Haut comité chargé des réformes institutionnelles, pp.29 et 33 et la Synthèse des travaux du Forum national inclusif, p.4).

216

- la gestion du domaine public et privé de la commune ; - la réalisation et l’entretien des équipements d’intérêt communal notamment les lycées, et les instituts de niveau secondaire, les musées, les hôpitaux ; - la détermination du taux des impôts et taxes de la commune et l’institution des taxes rémunératoires ; - la coopération et le jumelage avec d’autres collectivités ; - la règlementation en matière de police administrative ; - la dénomination des voies classées dans le domaine communal ; - les emprunts et les garanties d’emprunt ou avals. Les autres matières d’intérêt local sont de la compétence des communes d’arrondissements. Celles-ci peuvent toutefois convenir du transfert, au Conseil communal et avec l’accord du Conseil communal, de la gestion des matières de leur compétence pour lesquelles l’intervention du conseil Communal s’avère appropriée. Aussi, certaines délibérations du Conseil communal ne sont exécutoires qu’après approbation de l’autorité de tutelle lorsqu’elles concernent les matières suivantes : - le programme de développement économique et social ; - les budgets et les comptes ; - les dons et legs assortis des conditions ; - la création et les modes de gestion des services et organismes personnalisés ; - les opérations d’aménagement et d’urbanisme ; - les projets de jumelage et de coopération avec d’autres collectivités ; - la fixation des taux des impôts et des taxes dans les limites des maximas fixés par la loi ; - la règlementation en matière de police administrative ; - les emprunts et les garanties d’emprunt ou avals ; - la prise de participation et toute intervention impliquant des biens et des ressources de la commune. bl’Exécutif communal : le Maire de N’Djaména et ses adjoints Ils sont désignés par le Conseil municipal en son sein et comprennent un (1) Maire et trois (3) Maires adjoints. Les modalités de leur élection, leurs attributions et le régime disciplinaire sont ceux définies par la loi n°002/PR/2000 relatifs aux communes vue supra. Le Maire et ses adjoints sont assistés d’un Secrétaire général, agent de la fonction publique nommé par le Maire en dehors du Conseil municipal et après avis de celui-ci. Ce sont ces derniers qui assurent la gestion quotidienne de la commune. cle représentant de l’Etat auprès de la commune de la Ville de N’Djaména

217

La représentation de l’Etat auprès de la commune de ville de N’Djaména est assurée par le Délégué Général du Gouvernement460 nommé par décret en Conseil des ministres. Ce dernier à toutes les attributions du Sous-préfet vis à vis de la commune. Il est le dépositaire de l’autorité de l’Etat dans la commune. C’est à lui que revient la coordination des activités de développement économique et social selon les modalités définies par les Gouverneurs des Régions. A ce titre, il a rang, prérogatives et avantages de Gouverneur de le Région. Il est assisté d’un Secrétaire Général nommé dans les mêmes conditions et ayant les mêmes avantages que le Secrétaire Général de la Région. Le Délégué Général du Gouvernement assure directement la tutelle du Conseil municipal et par l’intermédiaire des Administrateurs délégués, la tutelle des Conseils d’arrondissements. Cette tutelle consiste en un contrôle de légalité sur les actes des organes délibérants et exécutifs municipaux. Il exerce aussi un pouvoir hiérarchique sur les Administrateurs délégués placés auprès de chaque commune d’arrondissement et nommés par décret. Paragraphe 3 : les Communes d’arrondissement de la Ville de N’Djaména Le territoire de la Ville de N’Djaména est structuré en communes d’arrondissements. Au nombre de dix (10) à l’heure actuelle, elles partagent avec la Ville de N’Djaména certaines compétences. Ces communes sont créées par l’ordonnance n°005/PR/2011 du 10 février 2011 portant création des communes d’arrondissements de la ville de N’Djaména. Elles ont amorcé leur fonctionnement à partir des élections locales de février 2012. Les communes d’arrondissements sont dotées des organes de gestion composées de Conseils d’arrondissements et des exécutifs. Ces communes disposent également des ressources propres. A – les organes de gestion des Communes d’arrondissements a- l’organe délibérant : le Conseil d’arrondissement En fonction de la population de chaque arrondissement, le Conseil d’arrondissement est composé de la manière suivante : - 23 membres pour les arrondissements de moins de 50.001 habitants ; - 29 membres pour les arrondissements de 50.001 à 80.000 habitants ; et - 35 membres pour les arrondissements de plus de 80.000 habitants. Le régime électoral et le fonctionnement des Conseils d’arrondissements sont les mêmes applicables aux communes définies par les lois organiques

460

Néanmoins, il est à préciser que la Constitution du 04 mai 2018 vient remplacer le Délégué Général du Gouvernement auprès de la Ville de N’Djaména par l’Administrateur Délégué, comme le prévoit l’article 205 de ladite Constitution : « Auprès des Collectivités Autonomes, les Gouverneurs de Provinces et les Administrateurs délégués des Communes représentent le pouvoir central (…). Les Gouverneurs des Provinces, et les Administrateurs délégués, assistent les Conseillers provinciaux et le Maire de la Capitale, dans la mise en œuvre des plans et des programmes de développement ».

218

n°002/PR/2000 portant statut des CTD et n°003/PR/2000 portant régime électoral des CTD. Dans leurs attributions, les Conseils d’arrondissements sont tenus de mettre en place un minimum de services de base à même de satisfaire les besoins fondamentaux de la population. Ils doivent œuvrer à la promotion et à l’amélioration du cadre de vie des populations. Pour ce faire, ils exercent les attributions suivantes : - l’entretien des rues et caniveaux ; - la gestion des marchés des quartiers ; - l’embellissement de la commune ; - l’aménagement et la gestion des services sociaux ; - les crèches, les jardins d’enfants et les écoles primaires ; - les maisons de la jeunesse et de la culture ; - les terrains de jeux et d’éducation physique ; - Les stades de quartiers à l’exemple de stade municipal et des stades confiés par des particuliers à la ville ; - les espaces verts ; - les équipements destinés aux habitants de l’arrondissement sous réserve de ceux gérés par la ville. Le Conseil d’arrondissement est aussi saisi pour avis, dans les délais fixés par le Maire de la Ville, des affaires dont l’exécution est prévue en tout ou partie dans les limites de l’arrondissement. Il est aussi consulté sur les conditions générales d’admission dans les crèches, les écoles maternelles, les services sociaux gérés par la commune de Ville. b- l’Exécutif d’arrondissement : le Maire d’arrondissement et ses adjoints Chaque Conseil d’arrondissement élit en son sein un Maire et des adjoints dont le nombre est fixé à un (1) adjoint pour les arrondissements de moins de 50.000 habitants et à deux (2) pour les arrondissements de plus de 50.000 habitants. Les modalités d’élection et le régime disciplinaire sont ceux définis aux statuts des collectivités territoriales décentralisées en ce qui concerne les communes. L’administration de chaque commune d’arrondissement dispose d’un Secrétariat général tenu par un agent de fonction publique nommé par le Maire après avis du Conseil d’arrondissement. Pour l’exécution des compétences dévolues à la commune d’arrondissement, les Maires d’arrondissement entretiennent des rapports de collaboration et non de pouvoir hiérarchique avec le Maire de la Ville. Ce qui signifie que le Maire de Ville de N’Djaména n’est pas le supérieur hiérarchique des Maires d’arrondissements car, il n’y a ni tutelle ni hiérarchie entre les collectivités territoriales décentralisées. Dans l’exercice de leur fonction, les Maires d’arrondissements sont consultés sur :

219

- toute autorisation d’occupation du sol dans l’arrondissement délivrée par le Maire de la Ville; - tout changement d’affectation d’un immeuble communal situé dans l’arrondissement ; - l’exercice de tout droit de préemption. Ils sont aussi informés par le Maire de la Ville des conditions générales de réalisation des projets d’équipement dont l’exécution est prévue en tout ou partie dans les limites de l’arrondissement. c- le représentant de l’Etat auprès de la Commune d’arrondissement Comme pour toute commune, auprès de chaque commune d’arrondissement est affecté un représentant de l’Etat. En effet, les représentants de l’Etat auprès des communes d’arrondissements sont des administrateurs délégués ayant rang, prérogatives et avantages de souspréfet. Ils exercent, sous le contrôle du délégué général du gouvernement, la tutelle de l’Etat sur les conseils et les maires d’arrondissements. Bles ressources de la Commune de N’Djaména C’est le décret n°421/PR/PM/MASTSP/2014 fixant les clés de répartition des ressources financières entre la Commune de Ville de N’Djaména et les Communes d’arrondissement qui en détermine les ressources financières des communes d’arrondissements. Il s’agit des recettes dont la part revenant à chacune des communes s’exprime en pourcentage comme suit : N

01 02 03 04 05 06 07 08 01 02

Nature des recettes Commune de la ville Aproduits domaniaux et d’exploitation du domaine Expédition des actes administratifs 100% et d’état civil Taxe de circulation du bétail 60% Droits d’entrée aux forêts 55% Taxe sur la publicité, enseigne et 60% publi-reportage Droit de stationnement et de 60% déchargement Autorisation de circuler 100% Location de matériel 100% Droit de place sur les marchés de 60% référence B- Produits financiers divers ------------------------------Produits des services concédés 50% Amendes et contraventions de 50% simple police

220

03

06 07

Autres recettes 60% C- Recettes fiscales et -----------------------------------parafiscales Taxe sur les mobylettes non 40% immatriculées Taxe sur les voitures à bras 20% Taxe sur les transports urbains 30% Taxe de prestation de service 70% Taxe sur les pylônes supportant des 60% équipements Taxe aéroportuaire communale 70% Taxe sur l’électricité 60%

08

Taxe de développement touristique

65%

09

Taxe sur la protection de l’environnement Taxe sur les pirogues Taxe de séjour à l’hôtel Taxe sur les pylônes supportant les lignes électriques Taxe sur les entrées payantes aux manifestations sportives dans les stades de référence

40%

Taxe sur la location et l’exploitation des terrains et installations sportives dans les stades de référence

80%

01 02 03 04 05

10 11 12 13

14

01 02

80% 40% 70% 80%

DProduits exceptionnels ------------------------------Prestation des services techniques 55% municipaux Recettes exceptionnelles 80%

221

Recettes recouvrées par les communes d’arrondissements dont un pourcentage est rétrocédé à la commune de Ville de N’Djaména : N Nature des recettes Commune Commune de Ville d’arrondissement Aproduits domaniaux et d’exploitation du domaine 01 Expédition des actes 00% 100% administratifs et d’état civil 02 Produit des services d’hygiène 00% 100% 03 Travaux et services divers 00% 100% 04 Droit de place sur les marchés 100% de quartiers 00% 05 Exploitation des carrières en 80% périmètre urbain 20% 06 Taxe communale d’équipement 30% 70% 07 Location de corbillard 00% 100% 08 Droit d’entrée à la fourrière 20% 80% municipale BRecettes fiscales et parafiscales 01 Taxe sur la vente d’eau 00% 100% 02 Taxe sur les établissements de 100% nuit et dancing 00% 03 Taxe de séjour à l’auberge 60% 40% 04 Taxe sur les transactions 65% immobilières 35% 05 Taxe sur les spectacles 100% cinématographiques 00% 06 Taxe sur l’enlèvement des 100% ordures ménagères 00% 07 Droit de cabaret 00% 100% 08 Taxe sur les stations de lavage 00% 100% 09 Taxe sur les pompes 80% distributrices de carburant 20% 110 Taxe sur les moulins et huileries 100% artisanales 00% 111 Taxe sur les cérémonies 00% 100% 112 Taxe sur les boulangeries 20% 80% 113 Taxe sur les entrées payantes 80% aux manifestations sportives 20% dans les stades de quartier

222

114

115 116 117 01

Taxe sur la location l’exploitation des terrains installations sportives dans stades de quartiers Taxe sur la fabrication glaces Taxe d’habitation urbaine

et et 20% les

80%

des

70%

Taxe sur les aires d’abattages CProduits exceptionnels Prestation de bornage

30% 70% 30% 00% ---------15%

100% -----------------85%

Aussi, existe-il des recettes recouvrées par l’Etat, à travers le Trésor public et rétrocédées à la commune de Ville de N’Djaména et aux Communes d’arrondissements en fonction de la clé de répartition suivante : N Nature de recettes Commune Commune de Ville d’arrondissement AImpôts et taxes aux communes 01 Taxe sur la valeur ajoutée à 60% 40% l’importation (TVAI) 02 Taxe additionnelle à la taxe de 70% 30% circulation 03 Impôts sur fonciers bâtis et non 60% 40% bâtis 04 Amendes forfaitaires de police 60% 40% urbaine 05 Taxes diverses 60% 40% 06 Taxe civique 00% 100% 07 Patente, Licence, IGL 20% 80% 08 Taxe de service public 20% 80% 09 Taxe sur la valeur locative des 20% 80% locaux professionnels (T.V.L.P) 110 Taxe sur les jeux 00% 100% 111 Taxe forfaitaires des petits 00% 100% commerçants et artisans 112 Taxe sur les locaux loués en 20% 80% garni 113 Taxe superficielle 00% 100% BProduits exceptionnels --------------------------------0 Dotation globale de PM PM fonctionnement

223

S’agissant des ressources humaines et matérielles, c’est un arrêté interministériel n°003/PR/PM/MISP/SE/DGAT/DTC/2013 du 17 Juillet 2013 portant répartition des ressources matérielles, humaines et financières entre la commune de ville de N’Djaména et les Communes d’arrondissements détermine. Aux termes de cet arrêté, les ressources matérielles, humaines et financières de l’ancienne commune de ville de N’Djaména sont réparties entre onze (11) communes issues des élections locales de février 2012. Ainsi : ales ressources humaines Le personnel communal déjà en activité dans les communes d’arrondissements exerce leurs activités au nom de ces dernières. Celles – ci doivent les prendre en charge à compter du 1er juillet 2013. Les fonctionnaires détachés auprès de la commune de N’Djaména seront remis à leur service d’origine. Chaque commune d’arrondissement doit être renforcée par un personnel administratif, financier, technique, temporaire, des sapeurs-pompiers et des policiers municipaux suivant ses besoins. Aucune commune ne doit procéder à des nouveaux recrutements. Bien qu’autonomes, les communes d’arrondissement voient la gestion de la carrière de leurs personnels assurée par la Commune de Ville de N’Djaména461. bles ressources matérielles Pour les matériels dont le nombre est supérieur ou égal à 10, tels que les bennes à ordures ménagères, véhicules de service incendie, véhicules de fonctions des Maires etc., la répartition actuelle est maintenue. L’achat des produits d’incendie, en l’occurrence le liquide émulseur est à la charge de la commune de Ville de N’Djaména. Les matériels dont le nombre est inférieur à 10 tels que les bennes de travaux publics, les autres engins lourds etc. restent la propriété des 11 communes. L’utilisation de ces matériels doit se faire de manière rotative sous la supervision du Délégué Général du Gouvernement auprès de la commune de Ville de N’Djaména, selon les besoins de chaque commune. L’entretien et la réparation de ces engins incombent à la commune de Ville de N’Djaména. Les matériels en mauvais état et réparables peuvent être répartis équitablement entre les communes. Le parc municipal doit servir d’espace de stationnement de l’ensemble de matériels des 11 communes. Quant au patrimoine domanial de l’ancienne commune, la Commune de Ville de N’Daména doit procéder à son identification et à son immatriculation. Le patrimoine domanial identifié et immatriculé par la commune de la Ville de N’Djaména peut être affecté aux communes d’arrondissements en fonction des besoins exprimés par chaque commune. Les travaux de construction des locaux pouvant abriter les bureaux des 461

Article 1er de l’arrêté interministériel n°003/PR/PM/MISP/SE/SG/DGAT/DTC/2013 du 17 juillet 2013 précitée.

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communes d’arrondissements doivent être achevés par la commune de Ville de N’Djaména conformément aux contrats en cours d’exécution. Paragraphe 4 : les Communes de moyen exercice Parler des communes de moyen exercice emmène tout d’abord à s’interroger autour des questions suivantes : qu’est-ce qu’une commune de moyen exercice et quels sont ses critères d’identification ? Aucune disposition législative ou règlementaire ne donne de réponses précises à ce questionnement. Néanmoins, la lecture des différentes règlementations laisse comprendre qu’il ne s’agit que des communes non dotés d’organes élus. Cette situation leur empêche de jouir donc de toutes les compétences et attributions dévolues aux communes de plein exercice dirigées par des organes délibérants et exécutifs issues des consultations électorales locales. Les communes de moyen exercice sont qualifiées comme telles par l’Ordonnance n°17/PR/1985 portant organisation des communes de moyen exercice. En effet, selon l’article 1er de ladite ordonnance, les communes de moyen exercice sont créées par décret pris en conseil des ministres sur position du ministre de l’intérieur. Elles sont dissoutes dans la même forme. Le texte clarifie en son deuxième article que ne peuvent être érigées en communes de moyen exercice que les villes qui ont des potentialités économiques pouvant leur permettre de couvrir, par leurs ressources propres, les dépenses prévues comme dépenses obligatoires des communes. Il appert à ce niveau que le poids démographique, moins encore l’immensité du territoire ne sauraient lui conférer de facto le statut de commune de moyen exercice, si cette dernière ne peut couvrir ses charges obligatoires. Ce qui, autrement, voudrait dire qu’une commune de moyen exercice ne saurait dépendre que des subventions de l’Etat pour équilibrer son budget ordinaire. A - Organisation et fonctionnement Les communes de moyen exercice sont administrées par des Comités de gestion. Ceux-ci sont des organes délibérants. Les membres des Comités de gestion sont choisis ès qualité et nommés par décret en Conseil de ministres sur proposition du ministre de l’intérieur, contrairement aux conseils et exécutifs des communes de plein exercice qui sont élus. Les membres des comités de gestion sont des personnalités désignées dans les villes de leur ressort. L’article 5 de l’ordonnance n°17/PR/1985 fournit la composition des membres de la manière suivante : - le Commissaire de police ; - le Chef de service de cadastre ; - le Chef de centre médical ; - le Chef de service des T.P ; - le receveur de PTT ; - le Chef d’exploitation de la STEE462 ; 462

Il est à souligner que la STEE est aujourd’hui scindée en deux sociétés autonomes, la STE et la SNE.

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- l’Inspecteur de l’enseignement élémentaire ; - un Représentant des commerçants ; - le Chef de C.S.O ; - les Chefs de quartiers avec voix consultative ; - 2 à 4 personnes choisies intuitu personae par le ministère de l’intérieur. Les fonctions des membres du comité de gestion sont gratuites463. Le comité de gestion est dirigé par un Président nommé par décret en conseil de ministres, sur proposition du ministre de l’intérieur. Il bénéficie des mêmes rangs, avantages et prérogatives d’un Sous-préfet. Il est assisté d’un Secrétaire Général, ayant rang, prérogatives et avantages d’un Sous-préfet adjoint et d’un Receveur municipal. Alors que le premier est nommé dans les mêmes conditions que le Président, le second est quant à lui nommé par arrêté conjoint du ministre des finances et celui de l’intérieur. Ils sont révoqués dans la même forme. Les comités de gestion sont dirigés par des organes exécutifs. Ceux-ci sont donc constitués d’un Président, d’un Secrétaire général et d’un Receveur municipal. Le président du comité de gestion préside les réunions et les sessions du Comité. Il assure la représentation de la commune et nomme sur proposition du comité de gestion aux emplois communaux pour lesquels les textes en vigueur ne fixent pas un droit spécial de nomination. Il suspend et révoque les employés, à charge pour lui d’en rendre compte au Préfet et au ministre de l’intérieur. Il assure la police des réunions du Comité. Il peut faire expulser de l’auditoire ou arrêter tout individu qui trouble l’ordre. A cet effet, c’est à lui que revient la responsabilité de dresser le P.V et de saisir le Procureur de la République en cas de crime ou délit. Il expédie dans une huitaine de jours toute délibération du Comité de gestion au Préfet qui la transmet au ministre de l’intérieur avec avis motivé. En cas de création de Commissions techniques chargées d’étudier des questions soumises au Comité, le Président du Comité de gestion est de droit président de ces commissions, celles-ci ayant le droit de désigner à la première réunion un vice-président chargé de convoquer et présider leurs rencontres ultérieures. En plus de ces attributions ainsi brièvement énumérées, le Président dispose des attributions assez larges définies aux articles 22 à 31 de l’Ordonnance n°17/PR/1985 du 24 juillet 1985. Le Secrétaire Général du Comité de gestion assure le secrétariat des réunions et sessions du Comité. Il supplée le Président en cas d’absence ou 463

Cette fonction est gratuite telle que prévue à l’article 16 de l’Ordonnance n°17/PR/1985. Cependant, il faut relever une certaine ambigüité lorsque l’article 8 de la même ordonnance prévoit que le Président et le Secrétaire Général, par ailleurs membres du comité de gestion, bénéficient respectivement des mêmes avantages que le Préfet et le Sous-préfet. Ces avantages supposent également des avantages pécuniaires. Et par voie de conséquence, les fonctions de ces dernières ne sauraient être gratuites. Même hypothèse pour le receveur municipal qui perçoit une indemnité prévue à l’article 36 al. 2 de l’Ordonnance n°17/PR/1985 du 24 juillet 1985.

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d’empêchement. Il assure sous l’autorité directe du Président du Comité de gestion la fonction de chef de l’administration municipale. A cet titre ; il est chargé de : - centraliser et ventiler le courrier et après vérification, le soumettre à la lecture ou à la signature du Président du Comité de gestion ; - préparer le budget de la commune, les aménagements budgétaires et veiller à leur exécution ; - préparer les sessions du comité de gestion et d’en dresser l’ordre du jour ; - assumer le secrétariat du Comité de gestion, rédiger les P.V des séances et des délibérations ; - préparer les textes réglementaires. En outre, c’est aussi au Secrétaire Général que revient la charge de la discipline et du contrôle du personnel. Il soumet à l’approbation du président du comité de gestion tout ce qui a trait à la gestion du personnel et assure la diffusion des avis et communiqués à la presse écrite et parlée ou par tout autre moyen d’information. Le Receveur municipal quant à lui doit être un comptable public. A ce titre il assiste à toutes les réunions et délibérations du Comité de gestion à incidence financière. C’est à lui qu’appartient la tâche de poursuivre le recouvrement de tous les revenus de la commune et de toutes les sommes qui lui sont dues, d’assurer la liquidation des dépenses ordonnancées par le Président du Comité de gestion. Dans son fonctionnement, il est permis au comité de gestion de se réunir deux (2) fois par an en séance ordinaire. Il peut se réunir en séance extraordinaire à la demande du Préfet, de son Président ou des deux tiers (2/3) de ses membres. Le ministre de l’intérieur est avisé de la tenue de la réunion et de son objet. La convocation se fait à personne et par écrit, au bureau ou à domicile. Pour les sessions ordinaires, la convocation doit être lancée dix (10) jours avant la réunion. Elle indique le lieu, le jour, l’heure et l’objet précis de la séance. Les réunions du Comité de gestion se tiennent à l’Hôtel de Ville464. En outre, le Comité de gestion ne peut valablement délibérer que lorsqu’il réunit au moins les trois –quarts (¾) de ses membres, non comptés le Président465 et les Chefs de quartiers. Les délibérations sont prises à la majorité des votants et en cas de partage, celle du Président est 464 L’ordonnance n°17/PR/1985 n’ouvre aucune possibilité de réunion du Comité de gestion en dehors de l’Hôtel de Ville. Toute réunion du Comité en dehors de ce cadre est donc réputée illégale. 465 L’exclusion faite au Président est en réalité sans justification valable du fait que ce dernier a une voix délibérative, contrairement aux Chefs de quartiers n’ayant qu’une voix consultative. Cette contradiction se constate à l’alinéa 3 du même article (article 11), lorsque ce dernier donne une voix prépondérante au Président en cas de partage de voix.

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prépondérante. Exceptionnellement, lorsqu’après deux (2) réunions successives à cinq (5) jours d’intervalle les membres du Comité de gestion ne sont pas réunis en nombre suffisant, la délibération est valable quel que soit le nombre des présents. B - Attributions Le Comité de gestion règle par ses délibérations les affaires de la Commune. Ces délibérations ne sont exécutoires qu’après approbation des ministres des finances et de l’intérieur. Elles portent sur : - les aliénations, locations et échanges des propriétés communales ; - le changement d’affectation d’une propriété communale déjà affecté à un service public ; - le prolongement, l’élargissement, la suppression, la dénomination des rues et places publiques, l’établissement et la modification des plans d’alignement des voies publiques municipales ; - l’intervention de la commune par voie d’exploitation directe ou par simple participation financière dans les entreprises ayant pour objet le fonctionnement des services d’assistance, d’hygiène et de prévoyance sociale ou la réalisation d’amélioration urbaine. - les tarifs des droits et taxes divers à percevoir par la commune ; - le budget ordinaire et le budget d’équipement, en général toutes les dépenses et les recettes ; - les crédits supplémentaires ; - les contributions extraordinaires et les emprunts ; - les dons et legs ; - les comptes administratifs de la commune. Ces délibérations sont exécutoires dans un délai d’un (1) mois à compter de la date de leur transmission aux ministres de l’intérieur et des finances, si ces derniers ne se sont pas prononcés. C - le représentant de l’Etat Les membres du Comité de gestion sont nommés par l’autorité centrale. Néanmoins, l’Etat exerce sur ceux-ci une tutelle en nommant à leurs côtés ses représentants. Ceux-ci sont soit le Préfet soit le Sous-préfet, en fonction de la situation ou de la position de chaque commune. C’est ainsi qu’au cas où le Président du comité de gestion refuserait ou négligerait de faire un des actes qui lui sont prescrits par la loi, le Préfet peut, ou le Sous-préfet le cas échéant, après l’avoir requis, y procéder d’office, par lui-même ou par un délégué spécial, à charge d’un compte rendu immédiat au ministre de l’intérieur. En outre, tous les actes du Président du comité de gestion prévus aux articles 26 et 27 de l’Ordonnance n°17/PR/1985 du 24 juillet 1985, sont soumis à l’approbation et au contrôle du Préfet ou du Sous-préfet.

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D - les ressources Les ressources de la Commune de moyen exercice proviennent pour l’essentiel des recettes prévues dans son budget. Ces recettes se subdivisent en recettes ordinaires et recettes extraordinaires. Les recettes ordinaires sont composées de produits des impôts et taxes obligatoires suivants: - contributions foncières des propriétés bâties et non bâties ; - contributions des patentes et des licences ; - taxes additionnelles aux chiffres d’affaires intérieures ; - taxes sur la valeur locative des locaux professionnels ; - taxes des services publics ; - taxes communes sur les chiffres d’affaires à l’importation. Les recettes ordinaires des produits des taxes facultatives suivantes : - taxes sur les produits dont la règle d’assiette et de recouvrement sont du ressort exclusif de la commune ; - produits des droits de place perçus dans les halls, foires, marchés et abattoirs ; - produits de permis de stationnement et de location sur la voie publique ou les rivières, quais fluviaux et autres lieux publics ; - revenus des terrains communaux affectés aux inhumations et concessions dans les cimetières ; - produits des services concédés ; - produits des expéditions des actes administratifs et des actes d’état civil ; - revenus des biens communaux ; - taxes sur la publicité faite soit à l’aide de panneaux, réclames, soit d’affichages, soit d’enseignes lumineuses ; - taxe d’abattage lorsque l’abatage a lieu dans un abattoir dont l’entretien et le fonctionnement sont assurés par la commune ; - taxes sur les véhicules et moyens de transport dans la mesure où ils ne sont pas soumis à un impôt de l’Etat ; - taxe de séjour ; - droits de redevance pour services rendus par la commune ; Les tarifs et taux de ces différentes taxes sont arrêtés par délibérations du Comité de gestion. Les recettes extraordinaires quant à elles comprennent : - les recettes temporaires et accidentelles ; - les produits des emprunts autorisés par décret pris sur le rapport du ministre de l’intérieur et du ministre des finances ; - les crédits alloués par le budget de l’Etat sous forme de fonds de concours pour grands travaux d’urbanisme et dépenses d’équipements suivant les devis et plans de campagne et délibérés par le comité de gestion et approuvés par le ministre de l’intérieur et le ministre de finances ;

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- les dons et aides divers. A ces ressources fiscales greffent d’importantes ressources matérielles, meubles et immeubles, ainsi que des ressources humaines. Les ressources ou recettes fiscales servent à couvrir tout une panoplie de dépenses obligatoires et facultatives prévues aux articles 39 à 43 de l’ordonnance n°17/PR/1985 du 24 juillet 1985. En tout état de cause, l’on ne saurait étudier les communes de moyen exercice, relevant de l’ordonnance n°17/PR/1985 précitée sans préciser que ces entités ne sont pas des collectivités décentralisées au plein sens du terme du fait qu’elles sont dirigées par des comités de gestion, organes nommés. Or, la nomination des membres des organes d’une collectivité locale fait obstacle à l’autonomie de cette dernière vis-à-vis de l’Etat, tel que le constate le Professeur Jean-François LACHAUME pour qui, « on peut concevoir une administration locale investie d’une compétence importante en matière d’affaires locales, dotée de la personnalité morale et d’organes bénéficiant sur ces affaires d’un pouvoir de décision, elle ne répondrait pas aux exigences de la décentralisation territoriale si ces organes ne procédaient pas de l’élection mais de la nomination par une autorité de l’Etat. Une telle nomination fait obstacle à ce que les organes locaux soient considérés comme disposant d’une autonomie suffisante par rapport à l’Etat et sans laquelle il n’y a pas de décentralisation »466. Or, les communes de moyen exercice ne sont pas épargnées de cette réalité. Le principe de libre administration reconnu aux collectivités territoriales suppose, il faut toujours le rappeler, que ces dernières disposent, « dans les conditions qu’il appartient à la loi de prévoir… d’un conseil élu doté d’attributions effectives… »467. Ainsi, l’on ne saurait terminer l’étude des communes de moyen exercice sans se poser la question – pertinente à notre avis – suivante : les communes de moyen exercice sont-elles des CTD ? Certaines remarques nous imposent une réponse négative. Promo, l’article 2 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 portant statut des CTD, prévoit que les collectivités territoriales décentralisées sont créées, supprimées et modifiées par la loi. Or, l’Ordonnance n°017/PR/1985 du 24 juillet 1985 portant organisation des communes de moyen exercice, prévoit que dans la République du Tchad, les communes de moyen exercice sont créées par décret pris en Conseil des ministres sur proposition du ministre de l’intérieur468. A cet effet, des différences sont constatées au niveau du détenteur du pouvoir de création. Dans le premier cas, il est question du législateur et dans le second cas, il s’agit de l’autorité règlementaire. Secundo, et nous l’avons déjà relevé ci-haut, les collectivités territoriales décentralisées, dont la commune, sont administrées par des organes exécutifs 466

LACHAUME (J-F), L’administration communale, op. cit, p. 20. CC français, 85-196- DC du 8 août 1985, évolution de la Nouvelle-Calédonie, GDCC, 620. 468 Article 1er de l’Ordonnance n°017/PR/1985 du 24 juillet 1985 précitée. 467

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et délibérants élus. Or, s’agissant des communes de moyen exercice, elles sont administrées par des comités de gestion nommés. Ainsi, à l’analyse de ces points différentiels, qui ne sont d’ailleurs ni exhaustifs, ni des moindres, la préoccupation consiste à savoir si, les communes de moyen exercice, n’étant pas des CTD au plein sens du terme, sont-elles des unités administratives de l’Etat ? La réponse serait encore négative car ces structures empruntent tantôt les caractéristiques de CTD (dotées d’organes exécutifs et délibérants, soumis à la tutelle de l’Etat, bénéficient de la quasitotalité des attributions des communes de plein exercice dans leur gestion etc.) tantôt celles des circonscriptions administratives de l’Etat (nomination des organes de gestion etc.). La curiosité emmènera à étudier d’avantage cette structure hybride. En somme, les communes au Tchad, qu’elles soient de pleine ou de moyen exercice, constituent le niveau de collectivité locale le plus opérationnel. Malgré leurs disparités géographiques, économiques et démographiques, auxquelles s’ajoute la précarité financière dans laquelle baigne la plus grande partie, elles s’attèlent à offrir à leurs populations respectives les services, minimums soient-ils, qui leurs incombent. Cependant, elles ne constituent pas le dernier échelon local. En dessous du classement se situent les Communautés rurales. SECTION 4 : de la Communauté rurale, collectivité territoriale décentralisée à sa suppression La Communauté rurale était le quatrième niveau de collectivité locale au Tchad sous la Constitution de 1996 révisée. Elle sera supprimée avec l’avènement des réformes institutionnelles de 2018. Toutefois, comme le Département, son étude n’est pas superflue car elle permet de mieux comprendre l’histoire de l’Organisation administrative au Tchad. En effet, selon les études de Jean-Charles ROUX469, les communautés rurales étaient dès le départ, des collectivités territoriales dotées de la personnalité morale. Elles étaient régies par l’ordonnance n°4 du 13 février 1960 modifiée en 1970. Ces communautés organisent démocratiquement un ensemble de villages. Elles devraient élire au suffrage universel un Conseil composé de 5 à 12 membres élus pour six (6) ans. Ces derniers éliraient à leur tour un Maire parmi les membres. Le conseil devrait gérer les intérêts de la collectivité sous le contrôle d’une autorité et disposer d’un budget. La Communauté rurale était investie du pouvoir de concilier les parties et pouvait s’organiser pour réaliser des opérations économiques ou sociales470. Les communautés rurales n’ont connu qu’un début de fonctionnement dans certaines régions. La principale raison de leur échec tient à l’article 12 de 469

ROUX (J-C) (Dir.), Organisation administrative, décentralisation et administration territoriale au Tchad et en France, op. cit, p. 16. 470 Il s’agissait concrètement de la commercialisation des productions agricoles, du groupement d’achat d’outillage, de la construction d’écoles, de dispensaires, etc.

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l’ordonnance n°4 modifiée, qui dispose que lorsque la chefferie traditionnelle devient vacante, il est procédé automatiquement à la mise en place d’une communauté rurale fondée sur les principes démocratiques. La chefferie traditionnelle a fait obstacle à l’application de l’ordonnance471. A la suite de ces contestations, même aujourd’hui, l’institution de la Communauté rurale, comme un niveau de collectivité locale, n’a pas fait l’unanimité au sein des analystes des questions de la décentralisation au Tchad. Elle n’a pas reçu bon écho chez certains472. Cependant, la création de la Communauté rurale en tant que collectivité territoriale n’est pas sans intérêt, sous réserve pour nous d’opiner plutôt que cette instance de participation citoyenne ne soit pas qu’une instance symbolique ou fictive. La démocratie locale ou la démocratie à la base dit-on, ne doit pas être que l’apanage des « hommes de villes », du fait que les textes disposent clairement que seuls les chefs-lieux des Sous-préfectures, Départements et Régions ont le statut de Communes473. Or, on est sans ignoré que la démocratie, faudrait-il qu’elle atteigne le plus bas peuple, doit passer par des structures permettant à ce dernier de choisir lui-même des représentants chargés de gérer et de défendre ses intérêts car, les chefs de cantons et villages ne sont des collaborateurs nommés de l’administration. Pour ce faire, la structure indiquée ne peut être que la Communauté rurale. La deuxième raison fondamentale à notre analyse est celle qui consiste à amener les entités locales, les villages et cantons notamment, à se réunir autour d’une entité dotée d’une personnalité juridique au nom de laquelle des projets de développement local peuvent être initiés. La communauté rurale est donc une structure fiable et capable de porter des projets pour le bienêtre des populations hors zone urbaine, vues ses attributions. Ce qui voudrait signifier que dès lors qu’elle est effective ou opérationnalisée, la Communauté rurale peut être un véritable atout pour le monde rural. La seule condition est d’établir la frontière entre les compétences et attributions

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Le Rapport final du Comité technique d’appui au Haut comité chargé des réformes institutionnelles de novembre 2017 fait également état de cette opposition au fonctionnement de la communauté rurale sur des bases démocratiques. Cette opposition émanait des chefferies traditionnelles qui ne pouvaient accepter le principe selon lequel, « lorsqu’à la suite d’une vacance de chefferie, d’une destitution ou révocation, la réorganisation d’une zone suivant les principes démocratiques s’impose », (lire le Rapport final du Comité technique d’appui aux réformes institutionnelles, p.15). 472 Voir par exemple Yves DJOFANG KAMGA, Préface du « Recueil de textes sur la décentralisation au Tchad », CEFOD, décembre 2014, P.9. 473 Toutefois, l’avènement des réformes institutionnelles de 2018 qui vient élargir le périmètre communal, couvrant désormais toute la superficie des Sous-préfectures actuelles (allant au-delà des seuls chefs-lieux), semble tempérer cette donne car, en étendant le périmètre communal aux zones rurales, on pourrait se faire l’idée que dorénavant, les habitants des zones rurales pourraient être associées aux élections communales et par voie de conséquence, participer à la démocratie locale.

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des Communautés rurales avec celles des autorités traditionnelles et coutumières. En effet, comme les autres collectivités locales tchadiennes, la Communauté rurale tire aussi son fondement des articles 202 de la Constitution et 2 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 portant statuts des CTD. Cependant, elle a bénéficié d’une législation spéciale, la Loi n°007/PR/2002 du 5 juin 2002 portant statuts des Communautés rurales. Les Communautés rurales sont des collectivités territoriales, personnes morales de droit public, dotées de l’autonomie administrative, financière, patrimoniale, culturelle et sociale, organisant démocratiquement des ensembles d’une zone géographiquement déterminée. Elles sont constituées d’un village, d’un groupement de villages, d’un canton ou d’un groupement de cantons. Elles sont créées, modifiées et supprimées par la loi. Néanmoins, la législation se doit de préciser si cette création par regroupement de villages et/ou de cantons doit être l’initiative des populations concernées entérinée par le législateur ou c’est à ce dernier que revient la charge de les mettre ensembles, comme le cas de la création des Communes, Départements et Régions. En outre, les Communautés rurales sont dotées des organes de gestion. Elles disposent aussi des attributions bien définis par le législateur. Paragraphe 1 : les organes de gestion de la Communauté rurale La gestion de la Communauté rurale est confiée à deux organes principaux : le Conseil rural et le Bureau du Conseil rural sur lesquels l’Etat exerce la tutelle par le biais de son représentant qu’est le Sous-préfet. Al’organe délibérant : le Conseil rural aComposition Le Conseil rural est l’organe délibérant de la Communauté rurale. C’est elle qui se prononce sur la vie de cette dernière. Sa composition varie en fonction de la démographie de chacune d’elle. Le nombre des conseillers ruraux est fixé comme suit : Nombre de conseillers ruraux 07 11 15 21

Nombre d’habitant par Communauté Rurale 500- 2000 2001- 5000 5001 – 10.000 10001 à plus

bEligibilité Les règles applicables aux opérations électorales des CTD sont prévues par la loi n°003/PR/2009 du 07 janvier 2009 portant Code électoral. Mais il n’en demeure pas moins que la loi n°007/PR/2002 du 5 juin 2002 portant

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statut des communautés rurales en détermine celles applicables à ces dernières. En effet, sont éligibles au Conseil rural les tchadiens des deux (2) sexes âgés de dix-huit (18) ans révolus, régulièrement inscrits sur la liste électorale de la communauté rurale et n’étant dans aucun des cas d’incapacité prévus par la loi. Pour l’inscription sur la liste électorale de la communauté rurale, la résidence à titre principal dans ladite communauté est obligatoire. Ne peuvent être conseillers ruraux : - les individus privés du droit électoral ; - ceux qui sont pourvus d’un conseil judiciaire ; - les individus ayant fait l’objet d’une condamnation criminelle ; et, - sauf dispositions contraires prévues par les conventions internationales, les étrangers naturalisés pendant un délai de dix (10) ans à compter de la date du décret de naturalisation. Ne sont éligibles pendant la durée de leur service et dans les circonscriptions où ils exercent : - les fonctionnaires et agents de l’Etat, des collectivités locales et des établissements publics ; - les magistrats des cours, tribunaux et juges de paix ; et - les entrepreneurs ou concessionnaires lorsqu’ils sont liés par une convention les plaçant de façon permanente dans une situation de dépendance ou d’intérêt vis-à-vis de la communauté rurale. Ces personnes inéligibles, s’ils désirent se présenter comme candidats doivent présenter au préalable leur démission six (6) mois à l’avance. En outre, nul ne peut être candidat à plusieurs conseils ruraux. Les membres du conseil rural sont appelés les Conseillers ruraux. Ils sont élus au suffrage universel direct et au scrutin de liste combinant le système majoritaire et représentation proportionnelle pour un mandat de six (6) ans renouvelable. Si une liste obtient la majorité absolue des suffrages exprimés, elle se voit attribuer la totalité des sièges à pourvoir. Ce qui est susceptible de constituer un frein à l’expression pluraliste comme évoqué supra. Si aucune liste n’a obtenu la majorité absolue, la répartition des sièges s’effectue proportionnellement au nombre des voies obtenues par chaque liste. Le restant de siège est reparti selon le système du plus fort reste. En cas d’annulation des opérations électorales, de décès ou d’empêchement définitif du tiers des membres du conseil, il est procédé à des élections partielles dans les six (6) mois qui suivent l’annulation ou la dernière vacance. Dans l’année qui précède le renouvèlement intégral, des élections partielles ne peuvent être organisées qu’au cas où le conseil rural a perdu la moitié de ses membres. Le conseiller rural nouvellement élu est convoqué et installé par le Sous-préfet. cAttributions Comme tout organe délibérant, le conseil rural règle par ses délibérations les affaires de la communauté rurale. Il programme des actions allant dans le sens de développement économique, social et culturel de la communauté. Il

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est associé aux travaux préparatoires des activités de développement économique concernant la région ou le département dans lequel il se situe. En outre, le Conseil rural décide de toutes mesures nécessaires à l’exploitation des ressources naturelles et à la protection des biens, telle que définie par la loi n°007/PR/2002 du 5 juin 2002 portant statuts des communautés rurales474. Cependant, à ce niveau l’on peut s’inquiéter – et c’est là l’enjeu et le débat autour de l’institution de la communauté rurale – du risque de conflits d’attributions et de compétence avec les autorités coutumières et traditionnelles, pour ce qui concerne en l’occurrence le régime des jachères collectives, le défrichement et l’aménagement de l’exercice de la pêche. En outre, le conseil rural délibère aussi sur les actions à intenter ou à soutenir au nom de la communauté rurale. Il est tenu de donner obligatoirement son avis sur : - les dispositions du plan national de développement intéressant la communauté rurale ; - le schéma directeur d’aménagement à l’occasion de son établissement ou de sa révision ; - les projets d’alignement et de nivellement de grande voirie ; - le changement d’affectation d’un immeuble domanial bâti ou non bâti ; et - l’attribution des secours et des subventions quelconques. Le conseil rural donne aussi son avis sur tous les projets de développement concernant tout ou partie de la communauté rurale. Il est informé de la tenue des audiences foraines. Il veille au développement et à la promotion des activités des services et des établissements qui concourent directement à la satisfaction des besoins de la collectivité. La législation lui recommande d’aider les familles à élever et à éduquer les enfants dans les meilleures conditions. Il apporte également sa contribution à l’amélioration du domaine de l’habitat. Il veille à la propriété et à l’aménagement des villages constituant la communauté rurale et prend toutes dispositions en vue d’assurer l’exécution des mesures de salubrité, de tranquillité et de sécurité publiques. Les délibérations du conseil rural sont exécutoires de plein droit dès leur publication, hormis celles se rapportant aux matières énumérées à l’article 24 de la loi n°007/PR/2002 du 05 juin 2002 qui sont susceptibles de faire l’objet de sursis à exécution suite à un recours introduit par l’autorité de tutelle devant le juge de référé475. Il désigne également ses membres qui sont appelés à siéger dans tous les comités et organismes au sein desquels la 474

Article 18 de la loi n°007/PR/2002 du 5 juin 2002 portant statuts des communautés rurales. Cette limitation ne doit non seulement se limiter à l’autorité de tutelle via le déféré mais elle devrait aussi permettre aux administrés lésés ou susceptibles de l’être de saisir le juge des référés. Le législateur doit donc songer aux deux possibilités et non fermer la saisine au niveau du Sous-préfet. 475

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représentation de la communauté rurale est prévue par les lois et règlements. Il convient de préciser aussi que les délibérations du conseil rural sont prises au niveau de chef-lieu de la communauté rurale ; toute délibération prise en dehors de ce cadre étant nulle. La nullité des délibérations du conseil rural peut être prononcée par le juge administratif, à la demande de l’autorité de tutelle ou à la demande de toute personne intéressée. Le mandat des membres du conseil rural est gratuit. Toutefois, des indemnités peuvent leur être accordées selon les modalités fixées par délibération du conseil rural. Le conseil rural peut suspendre ou révoquer le président et/ou les viceprésidents en session extraordinaire convoquée à cet effet, après les avoir entendu ou invité à fournir des explications écrites sur les faits qui leur seraient reprochés. Mais ces derniers ont aussi la possibilité de se pourvoir en annulation contre ces délibérations. Pour légaliser ce recours, la loi n°007/PR/2002 du 05Juin 2002 renvoi à son article 29. Or, ledit article prévoit plutôt le recours contre les actes de l’autorité de tutelle et non ceux du Conseil. Il s’agit alors d’une erreur qu’il sied de rectifier. dFonctionnement Le conseil rural siège au chef-lieu de la communauté rurale. Il est convoqué en session ordinaire par son président tous les trois (3) mois pour une durée maximale de trois (3) jours. Il peut également convoquer des sessions extraordinaires à la demande de un-tiers (1/3) de ses membres ou en cas de nécessité, sur un ordre du jour précis. Dans tous les cas, la convocation doit être adressée au moins cinq (5) jours avant la tenue de la réunion. A cet effet, le Conseil rural ne peut délibérer que lorsque la majorité de ses membres en exercice est présente à la séance. Toutefois, si à la suite de deux (2) convocations successives, régulièrement adressées, le quorum n’est pas atteint, le conseil peut valablement délibérer après la troisième convocation quel que soit le nombre de présents. Les réunions du conseil rural sont publiques et présidées par son président. Tout membre de la communauté rurale a le droit de consulter le registre des procès-verbaux de délibérations. Au début de chaque année budgétaire, le Conseil rural nomme soit un de ses membres, soit un agent de l’Etat pour remplir les fonctions de secrétaire, étant entendu qu’il n’est pas prévu le poste de secrétariat dans l’exécutif rural. Les raisons de cette omission sont méconnues. Cet agent de l’Etat désigné en qualité de secrétaire assiste aux séances mais ne participe ni aux débats ni aux votes. Chaque délibération, avis ou vœu est consigné au procès-verbal de délibération et signé par les membres présents. Une copie de la délibération devant être adressée par le président du conseil au souspréfet dans un délai de deux (2) mois. Le conseil rural peut déléguer ses attributions. Il peut également former des commissions pour l’étude des questions relevant de ses attributions et peut charger un ou plusieurs de ses membres d’arbitrer les litiges en matière domaniale et lui rendre compte. La loi n°007/PR/2002 du 5juin 2002 fait

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obligation aux employeurs d’autoriser les employés de leurs entreprises ou services, membres du conseil rural, à participer aux séances plénières de ce conseil ou à des commissions qui en dépendent. En dépit de ses attributions, il n’en demeure pas moins que le conseil rural soit enclin à la démission, à la suspension ou à la dissolution si les circonstances obligent. Il en est de même pour les membres qui peuvent, à titre individuel, faire l’objet de démission ou de suspension. En effet, tout membre du conseil rural qui, sans motifs valables reconnus par le conseil, a manqué à six (6) convocations successives, peut être déclaré démissionnaire par le Président du conseil après vote à la majorité absolue des membres dudit conseil. Idem pour tout membre qui, sans excuse valable, refuse de remplir une des fonctions qui lui sont dévolues par la loi, sauf à pouvoir intenter un recours dans un délai de deux (2) mois de la notification de la décision devant la juridiction administrative. Avant d’être contraint à la démission, le Conseiller rural a droit à présenter sa défense. La démission volontaire quant à elle est adressée au Président du conseil qui peut les accepter ou les refuser après délibération du conseil. Cependant, l’on s’interroge sur les moyens de contrainte pour obliger le démissionnaire volontaire à continuer sa fonction en cas de refus de la démission par le conseil. Il est cependant permis aux conseillers déclarés démissionnaires de déposer leur candidature aux élections pour le renouvèlement intégral du conseil suivant la date de leur démission d’office. Quant à la dissolution du Conseil, elle est prononcée par arrêté motivé du Ministre en charge de l’administration du territoire. En cas d’urgence, le conseil rural peut être provisoirement suspendu par arrêté motivé du préfet de département qui en informe immédiatement l’autorité supérieure. La durée de cette suspension ne peut excéder un (1) mois. A l’issue de ce délai, le conseil est soit réhabilité soit un nouveau conseil est mis en place. Ce qui semble peu commode car susceptible d’arbitraire de la part de l’autorité préfectorale. La notion d’urgence en cette circonstance nécessite elle-même de précisions. Les motifs d’une telle suspension devant être explicitement déterminées et l’on devait aussi songer prévoir des mesures permettant au conseil de faire valoir sa défense. En outre, une délégation spéciale est mise en place pour remplir les fonctions du conseil rural lorsque cette dernière est soit dissoute soit tous ses membres en exercice ont démissionné soit lorsqu’elle ne peut être constituée. Cette délégation spéciale est constituée par arrêté du Ministre chargé de l’administration du territoire dans un délai de huit (8) jours qui suivent la dissolution ou l’acceptation de la démission. Cette commission est composée d’un président, d’un vice-président et des membres dont le nombre est imprécis. Elle gère les affaires de la communauté en attendant des nouvelles élections qui doivent être organisées au plus tard trois (3) mois. Dès lors que le conseil est reconstitué, la commission spéciale cesse ses fonctions de plein droit.

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B-

l’organe exécutif : le Bureau du Conseil rural aComposition Le Bureau du conseil rural est l’exécutif rural. Il est composé fondamentalement d’un Président et de deux (2) Vice-présidents, quelle que soit le poids démographique de la Communauté rurale. Ces derniers sont élus par les conseillers ruraux en leur sein. bElection et éligibilité Les modalités d’élection des membres des bureaux des CTD sont définies par la loi n°532/PR/2011 du 01 juin 2011. La loi portant statut des communautés rurales en détermine elle aussi les modalités concernant celles de ces dernières, sans pour autant qu’il y ait conflit ; la première précisant et complétant la seconde. A cet effet, le Président du conseil rural est élu à la majorité absolue et au scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Si au premier tour aucun candidat n’a obtenu la majorité absolue, il est procédé à un deuxième tour. Est élu président le candidat ayant obtenu la majorité simple. En cas de partage de suffrage, le candidat le plus âgé est déclaré élu. Les Vice-présidents sont élus dans les mêmes conditions. Les opérations de vote du Président et des Vice-présidents sont présidées par le plus âgé des membres du conseil rural. Le Sous-préfet ou son délégué assiste obligatoirement à ladite séance. Il en informe à l’autorité supérieure – le Préfet. Le résultat de l’élection est rendu public dans les vingt-quatre (24) heures qui suivent le scrutin. Le président et les vice-présidents sont élus pour un mandat de trois (3) ans renouvelable. Leur élection peut être frappée de nullité dans les conditions, formes et délais prescrits, suite aux réclamations faites par tout électeur. Lorsque l’élection est annulée ou que, pour toute autre cause, le Président ou les Vice-présidents ont cessé leurs fonctions, le conseil est convoqué pour procéder à des nouvelles élections dans un délai de trente (30) jours. Le Bureau du conseil rural est responsable devant le Conseil rural. cAttributions Les attributions du Bureau du conseil rural reposent quasi-totalement sur le Président du conseil. C’est lui qui est chargé de l’administration de la communauté rurale. Il la représente justice. Il peut cependant déléguer une partie de ses attributions aux vice-présidents et à des membres du conseil rural. Ces délégations cessent de plein droit dès lors que le Président de qui elles émanent est suspendu ou déclaré démissionnaire. En tant qu’exécutant des délibérations du conseil rural et sous le contrôle du Sous-préfet, le Président a pour tâche : - la publication et l’exécution des lois et règlements ; - l’exécution des mesures de maintien de l’ordre et de la sécurité publique ; et - les fonctions spéciales qui lui sont attribuées par les lois. Lorsque le président du conseil est démis ou suspendu de ses fonctions ou en cas d’absence ou de tout autre empêchement, il est remplacé

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provisoirement par l’un des vice-présidents. Ce dernier exerce la plénitude de ses fonctions en cas de démission ou de suspension. L’exercice de ces fonctions se résume uniquement à la liquidation des affaires courantes en cas d’absence ou d’empêchement n’excédant pas quinze (15) jours. Une panoplie de fautes prévues à l’article 56 de la loi n°007/PR/2002 du 5 juin 2002 est susceptible d’entrainer la démission du président, avec possibilité de poursuites judiciaires. Il s’agit de : - détournement de deniers publics ; - prêts effectués sur les recettes de la communauté rurale ; - faux en écritures publiques ; - concussion et corruption ; - refus de signer ou de transmettre à l’autorité de tutelle une délibération du conseil rural ; - spéculation sur les terres du domaine rural ; - endettement de la communauté rurale provoquant un déséquilibre budgétaire lorsqu’il résulte d’une faute de gestion ou d’un acte de mauvaise foi ; et - faux commis dans les documents administratifs. La liste de ces fautes, constituées en grande partie d’infractions pénales, n’est pas exhaustive. Néanmoins, la révocation du président ou les poursuites judiciaires engagées à son encontre du fait des prêts effectués sur les recettes de la communauté rurale devraient être précisées davantage. Nous voulons dire par là que dès lors que ces prêts sont autorisés par le conseil rural, son président devrait être exempté de toute sanction. Cle représentant de l’Etat C’est le Sous-préfet. Il reçoit la transmission des avis du Conseil rural et les décisions de son président prises en application des délibérations du Conseil dans un délai n’excédant pas deux (2) mois. Il peut déférer devant le juge administratif toute délibération du conseil rural qu’il estime illégale ou irrégulière. Il peut aussi suspendre ou annuler soit d’office soit à la requête de tout intéressé, les délibérations, décisions et règlements présentant un intérêt personnel pour l’une ou l’autre des autorités y ayant participé. Cependant, il faut aussi préciser que le Conseil rural ou toute personne intéressée peut se pourvoir en annulation pour excès de pouvoir devant le juge contre les décisions explicites ou implicites de l’autorité de tutelle. En outre, celle-ci procède au moins une fois dans l’année à l’inspection des communautés rurales et propose des mesures à prendre. Cette inspection fait l’objet d’un rapport dont la copie est adressée au Président du Conseil rural qui le communique au Conseil en vue d’une éventuelle décision. Aussi, en cas d’inexécution par l’autorité de la communauté rurale des mesures prescrites, des lois et règlements ou en vertu de ceux-ci, le sous-préfet peut, après mise en demeure, peut se substituer à elle et prendre à cette fin toutes mesures utiles. Il peut suspendre le président ou le vice-président qui, pour une cause postérieure à son élection, ne remplit plus les conditions requises

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pour être élu ou qui se trouve dans un des cas d’incompatibilités ou d’inéligibilité et qui ne cesse pas ses fonctions. Il reçoit également les démissions volontaires de ces derniers et les transmet à l’autorité supérieure. Paragraphe 2 : les compétences et attributions de la Communauté rurale La loi n°007/PR/2002 portant statuts des communautés rurales au Tchad détermine l’ensemble des règles applicables aux communautés rurales mais ne détermine pas pour autant ses attributions. Elle se limite aux attributions des organes de la communauté rurale. En revanche, c’est la loi n°033/PR/2006 portant répartition des compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales décentralisées qui fournit une liste assez complète des attributions et compétences de la communauté rurale. Ainsi, ladite loi accorde les compétences à la communauté rurale dans les matières entre autres : l’éducation nationale, la santé et l’action sociale, la culture, la jeunesse, les sports et les loisirs, l’agriculture et l’élevage, l’environnement et les ressources naturelles, l’urbanisme et l’habitat, la planification, de développement économique et l’aménagement du territoire, le commerce, l’industrie, l’artisanat et le tourisme, les transports, la protection civile, l’assistance et le secours, les pompes funèbres et les cimetières, l’électricité, l’eau et l’assainissement, la police et d’état civil, etc. Au demeurant, comment assurer ou mettre en œuvre les compétences et attributions ainsi dévolues à la communauté rurale? C’est la question du transfert des ressources qui accompagnent le transfert des compétences en décentralisation. Paragraphe 3 : les ressources de la communauté rurale Les ressources de la communauté rurale comprennent les ressources humaines, matérielles, et financières. A- les ressources humaines Les ressources humaines de la communauté rurale sont composées de l’ensemble de personnes physiques affectées à ses services. Il s’agit en l’occurrence des conseillers ruraux, du président du conseil rural et de ses vice-présidents ainsi que du personnel permanent ou temporel affectés aux services ruraux. B - les ressources matérielles Les ressources matérielles de la communauté rurale comprennent l’ensemble de ses biens meubles et immeubles. Il s’agit des terres, bâtiments, locaux, bureaux, véhicules etc. acquis sur ses recettes ainsi que ceux affectés, légués ou gratifiés. C - les ressources financières Il s’agit ici des finances des communautés rurales comprenant les recettes qui, une fois recouvrées, servent à juguler un certain nombre de dépenses obligatoires et facultatives. Ces recettes proviennent notamment de : - produits des impôts et taxes votés par le conseil rural et perçus directement par lui;

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- la part qui lui revient de droit sur le produit des impôts et taxes perçus au profit du budget de l’Etat (centimes additionnels) ; - les produits des dotations et les subventions attribuées par l’Etat ; - le produit des emprunts contractés par les collectivités territoriales décentralisées476 soit sur le marché intérieur soit sur le marché extérieur après accord des autorités monétaires, avec ou sans garantie de l’Etat ; - les dons et legs ; - les revenus de leurs patrimoines ; - le pourcentage sur le produit des ressources du sol et du sous-sol exploitées sur leurs territoires. Ces ressources ne peuvent être recouvrées que par le biais des taxes, impôts et redevances. Les impôts et taxes ne peuvent être institués par la communauté rurale que lorsqu’elles sont créées au préalable par la loi des finances. Le conseil rural institue la taxe et en fixe le taux. Par ailleurs, l’Etat attribue certains produits de ses impôts aux communautés rurales. Il s’agit de : - la taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties ; - la taxe sur la valeur locative des locaux professionnels ; - la taxe superficielle ; - la contribution des patentes ; - la contribution des licences ; - la taxe civique. Mais la communauté rurale perçoit aussi des taxes qui lui sont propres. On parle de taxes perçues par voie de rôle. Ces taxes comprennent : - la taxe sur le revenu net des propriétés bâties ; - la taxe de la voirie et d’hygiène ; - la taxe forfaitaire des petits commerçants et artisans ; - la taxe sur les locaux loués en garnis. Elle peut aussi instituer des taxes sur titre de recette sur les activités suivantes : - la taxe d’équipement ; - la taxe sur les transactions immobilières ; - la taxe aéroportuaire ; - la taxe sur les pompes distributrices de carburant ; - la taxe sur les taxis ; - la taxe sur les véhicules à bras ; - la taxe sur la publicité ; - la taxe sur les entrées payantes des manifestations sportives ; - la taxe sur les spectacles cinématographiques ; - la taxe sur les spectacles et galas ; 476 A ce niveau, le législateur aurait dû préciser qu’il s’agit des produits des emprunts contractés par la communauté rurale. Le produit des emprunts contractés par toute CTD ne devant pas de facto bénéficier à la communauté rurale si cette dernière n’est pas partie prenante.

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- la taxe sur les établissements de nuits ; - la taxe sur l’électricité ; - la taxe sur les pylônes supportant les lignes électriques ; - la taxe de séjour à l’hôtel. Ces taxes sont recouvrées par le receveur municipal conformément aux dispositions du code des Impôts. Hormis ces taxes, le conseil rural peut instituer des redevances pour rémunérer un service rendu par l’administration de la communauté rurale à l’avantage général ou exclusif des usagers. Ces redevances concernent : - les droits des places sur les marchés ; - la redevance de circulation de bétails ; - la redevance d’enlèvement d’ordures ménagères ; - la redevance d’assainissement et d’hygiène ; - la redevance d’abattage ; - les droits de terrains dans les cimetières. Les ressources de la communauté rurale devraient être complétées ou reprécisées par un texte supplémentaire, notamment la loi n° 011/PR/2004 du 07 Juin 2004 portant régime financier et fiscal des CTD, qui en son article 1er rappelle les ressources des CTD. Mais l’article 67 qui doit déterminer celles de la communauté rurale renvoi plutôt à une loi ultérieure jusque-là non promulguée. Néanmoins, ces droits et redevances, lorsqu’ils sont institués, font l’objet d’une perception journalière, mensuelle ou forfaitaire par service rendu sur la base d’un taux fixé par le conseil rural. Pour ce qui est de la dotation globale de fonctionnement, source financière assez importante pour la communauté rurale, elle est annuellement inscrite dans la loi des finances. C’est un secours apporté par l’Etat au fonctionnement des collectivités locales. Relativement à la communauté rurale, le taux de cette dotation est calculé et fixé conformément aux modalités déterminées par décret pris en conseil des ministres. Elle se compose généralement d’une partie minimale qui consiste à assurer à chaque communauté rurale un minimum de ressource par habitant et d’une partie complémentaire destinée à contribuer aux charges particulièrement lourdes supportées par certaines d’entre elles, vues les inégalités entre les communautés rurales. Aussi, et à titre exceptionnel, les communautés rurales peuvent bénéficier de la part de l’Etat des subventions d’équilibre financier. Elles ne sont accordées que si l’équilibre est impossible à réaliser, soit par réduction ou suppression de certaines dépenses, soit par inscription des recettes supplémentaires réalisables. Des subventions d’équipement peuvent aussi être accordées aux communautés rurales pour les aider à réaliser certaines opérations de leur programme de développement. Elles peuvent contracter des emprunts destinés à couvrir certaines dépenses d’investissement prévues au budget après approbation par l’autorité de tutelle. Elles peuvent enfin accepter des recettes provenant des fonds de concours, des aides extérieures, dons et legs.

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Toutes ces ressources de provenance diversifiée servent à couvrir des dépenses dont certaines se veulent obligatoires et d’autres facultatives. La loi n°007/PR/2002 du 5 juin 2002 précise les dépenses ou charges obligatoires des communautés rurales comme suit : - les rémunérations, les indemnités, les charges légales ou réglementaires du personnel ; - les charges contractuelles de prestations ; - les primes d’assurance obligatoires ; - les frais d’entretien des bureaux de l’administration de la communauté rurale ; - les frais d’entretien du patrimoine de la communauté rurale ; - les loyers et frais d’entretien des bâtiments pris en location ; - les frais d’entretien de la voirie de la communauté rurale ; - les dépenses d’éclairage public de la communauté rurale477 ; - les dépenses relatives à la protection civile et la lutte contre les incendies ; - les dépenses relatives à l’hygiène et à la salubrité publique ; - les dépenses afférentes aux installations et services permettant d’enlever, d’évacuer et de traiter les ordures ménagères et les déchets ainsi que les dépenses de nettoiement de la voirie, des marchés, des installations et jardins publics ; - les dépenses de clôture et d’entretien des cimetières ; - les dépenses d’inhumation d’indigents ; - les dépenses d’assistance sociale au bénéfice des indigents478 ; - les intérêts, l’amortissement des emprunts ; - les autres dettes, liquides et exigibles de la communauté rurale et celles résultant d’une condamnation judiciaire à sa charge479. En somme, et pour clore le chapitre, il faut retenir que la dévolution des compétences aux CTD de manière générale tire son fondement de la Constitution elle-même qui dispose que « les collectivités territoriales décentralisées assurent dans les limites de leur ressort territorial et avec le concours de l’Etat : - la sécurité publique ; - l’administration et l’aménagement du territoire ; - le développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique ; - la protection de l’environnement »480. 477

Si ces éclairages existent bien évidement. En réalité ces dépenses ne doivent pas être obligatoires. Les priorités de la Communauté rurale ne sont pas fortement liées à l’assistance aux indigents. Ceci peut être pris en compte par des organisations caritatives. La communauté rurale ne peut intervenir qu’à titre facultatif en fonction de ses ressources disponibles. 479 Article 71 de la loi n°007/PR/2002 du 5 juin 2002 ci-haut citée. 480 Article 209 de la Constitution de la République du Tchad de 1996 révisée. 478

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Ce faisant, le constat démontre que les compétences et attributions dévolues aux collectivités se rejoignent par endroit. En d’autres termes, des mêmes compétences sont attribuées en même temps aux régions, aux départements, aux communes et aux communautés rurales ; tels l’application des lois et règlements, la création et la gestion des services publics, les pouvoirs en matière de police administrative, les taxes sur les marchés et abattoirs pour ne citer que ceux- là. Néanmoins, à voir de près, même si les compétences s’empiètent, il n’en demeure pas moins que chacune des collectivités l’exerce dans son ressort territorial ; et c’est là la différence fondamentale. L’article 209 de la constitution suscité en précise d’ailleurs. Le reste de compétences est sans conteste du domaine de l’Etat, tel qu’on peut le lire à travers la loi n°033/PR/2006 du 11 décembre 2006 : « les compétences qui n’ont pas fait l’objet de transfert par la présente loi relèvent du domaine de l’Etat. Elle pourront être transférées ultérieurement Le par la loi »481. Il en va de même pour les ressources. recouvrement des ressources, les conditions dans lesquelles sont exécutées les opérations financières et les normes selon lesquelles elles sont retracées dans leur comptabilité sont prévues par la loi n°012/PR/04 du 07 juin 2004 portant régime comptable des collectivités territoriales décentralisées. Il est aussi à remarquer qu’à tous les niveaux, il y a affectation de représentants de l’Etat. Ceux-ci obéissent à une hiérarchie entre eux. Il convient aussi de préciser que les collectivités territoriales décentralisées, en tant que personnes morales ne sont pas exemptées de condamnations civiles lorsque leur responsabilité est établie. Les articles 110 à 113 de la loi n°002/PR/2000 du 16 février 2000 font bien mention de cette responsabilité. En effet, la responsabilité des CTD peut être engagée pour fautes de services de leurs conseils respectifs, des présidents de leurs Conseils, de leurs organes ou de leurs agents. Elles sont en outre civilement responsables des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis à force ouverte ou par violences collectives, par des attroupements et rassemblements armés ou non, soit envers des personnes soit contre des propriétés publiques ou privées sur leur territoire. Cette responsabilité est partagée avec l’Etat en cas d’intervention d’autres autorités de police. Cependant, dans la pratique, l’engagement d’une telle responsabilité n’est pas fréquent. Mais il est aussi prévu que l’Etat ou les collectivités territoriales décentralisées déclarées responsables peuvent exercer un recours contre les acteurs du désordre et leurs complices.

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Article 57 de la loi n°033/PR/2006 du 11 décembre 2006 précitée.

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CHAPITRE 2 LES SERVICES PUBLICS LOCAUX Comme pour l’administration centrale, on ne saurait parler de l’administration locale sans pour autant rendre compte des services qu’elle rend à la population. Sinon à quoi servirait-elle ? Cette utilité du service public entre dans le cadre définitionnel même de l’administration publique : une activité d’intérêt général, une activité en vue de la satisfaction des intérêts de tous, une activité d’utilité publique, etc. – outre la fonction de bon ordre qui constitue la seconde manche. Le service public est l’essence de l’administration publique. Et partant, la gestion des services publics reste le leitmotiv et la légitimité de l’existence de toute collectivité territoriale ; cette dernière ne fonctionnant que pour le bien-être ou la satisfaction des besoins de ceux qui l’habitent. La gestion des affaires locales dévolue aux conseils et exécutifs locaux ne peut s’accomplir que par la création et la gestion des services publics locaux. En effet, les collectivités locales que nous venons d’étudier sont des personnes morales de droit public dont les activités principales ont pour finalités le maintien de l’ordre public et la satisfaction de l’intérêt général dans leurs ressorts territoriaux. Des pouvoirs et compétences leur sont dévolus par des lois et actes règlementaires. Ainsi, si à l’ordre public correspond les pouvoirs de police, aux besoins d’intérêt général correspondent les services publics. Relativement aux services publics, les textes sur la décentralisation au Tchad parlent non seulement des EPA et EPIC mais aussi des EP à caractère social, artisanal et touristique482. Ces textes donnent compétence aux CTD de les créer. Les services publics locaux sont de même type et partagent presque les mêmes caractéristiques avec les services publics de l’Etat vus ci-haut. La différence fondamentale tient du fait que les services publics de l’Etat ont une dimension nationale ; ils peuvent être créés par l’Etat où il veut alors que les services publics locaux sont confinés dans les territoires des entités locales qui les créent. Aussi, les services publics de l’Etat sont créés par le législateur, le pouvoir règlementaire n’a compétence que pour préciser l’organisation et le fonctionnement. Les services publics locaux quant à eux sont créés par délibérations des assemblées locales et non par des actes émanant de leurs exécutifs. 482

Voir à titre d’exemple les articles 34 al. 3 ; 35 al. 2 ; 36 al. 2 et 37 al. 2 de la loi n°033/PR/2006 du 11 décembre 2006 portant répartition des compétences entre l’Etat et les CTD.

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Au vu de ce qu’est le service public, il sied de faire une étude des services publics locaux au Tchad en abordant d’abord les services publics administratifs locaux (Section 1) ; ensuite, les services publics industriels et commerciaux locaux (Section 2) ; et enfin, les services publics locaux artisanaux et touristiques (Section 3). Toutefois, comme l’on a déjà traité dans la première partie les services publics au sens organique (EP nationaux), l’on traitera ici des services publics au sens fonctionnel. SECTION 1 : les services publics administratifs locaux A l’exemple des services publics administratifs nationaux, les services publics administratifs locaux constituent aussi la catégorie de services publics dits « proprement administratifs ». Ils sont constitués des services n’ayant pas primordialement ou fondamentalement un but industriel et commercial, donc à but désintéressé. Leur régime juridique est essentiellement constitué des règles du droit public. La différence avec ceux de l’Etat s’explique par le fait que les services publics locaux émanent des autorités locales. Ils sont gérés par ces dernières. En outre, pour dissiper toute confusion, il importe de préciser la notion d’autorité locale. Celle-ci est un qualificatif attribué aux autorités ayant la charge d’une collectivité locale (Région, Département, Commune et Communauté rurale ou encore Provinces et Communes pour tenir compte des réformes actuelles). Il s’agit ici d’une autorité administrative dotée d’une habilitation d’agir et de prendre des décisions au nom d’une collectivité locale. Ce sont des personnes soit collectivement484. physiques agissant soit individuellement483 Contrairement à l’idée selon laquelle l’autorité locale est celle qui vit en campagne ou en province d’où elle exerce son pouvoir, l’autorité locale peut être dans la capitale ou en province, en ville ou en milieu rural. Pour d’exemples concrets, le Maire de la ville de N’Djaména, bien qu’ayant sa circonscription dans la capitale est une autorité locale, y compris tous les Maires des dix (10) arrondissements que compte la capitale. Le terme autorité locale exprime simplement l’idée de décentralisation pour l’opposer à l’autorité nationale ou centrale. Les services publics locaux sont donc crées par les autorités locales. Au demeurant, seront étudiés ici, la création (Paragraphe 1) et le fonctionnement des différents SPA locaux (Paragraphe 2). Paragraphe 1 : la création des SPA locaux La création des services publics locaux, qu’ils soient administratifs, industriels et/ou commerciaux, artisanaux et touristiques, est de la compétence des CTD concernées. C’est dire autre manière que lorsqu’il s’agit de services publics à assurer par les collectivités locales et sous leur responsabilité, la création de ces services par la loi est incommode, pour tenir compte de la liberté des collectivités locales ; de leur libre 483 484

C’est le cas du Maire, du Président du conseil rural, départemental, régional, etc. C’est aussi le cas du Conseil municipal, rural, départemental, régional, etc.

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administration considérée comme principe cardinal de la décentralisation administrative. Pour ce faire, s’il appartient aux conseils locaux de régler les affaires locales, et par voie de conséquence de créer des services publics, ils ne sont pourtant pas libres de créer à leur gré tout service. Le conseil municipal par exemple ne possède pas une liberté absolue pour la création ou non des services municipaux. Certains services sont obligatoires (police, instruction primaire, état civil …). Cette obligation est sanctionnée par un pouvoir de substitution d’action exercé par l’autorité de tutelle. De surcroît, ces services ne peuvent être assurés que par la collectivité elle-même comme le rappelle l’avis du Conseil d’Etat français du 7 octobre 1986 : « ne peut être confiée à des personnes privées la gestion des services à caractère administratif qui par leur nature ou par la volonté du législateur ne peuvent être assurés que par la collectivité elle-même »485. D’autres services par contre sont interdits car ils doivent rester aux mains de l’initiative privée, sauf si celle-ci, par sa défaillance ou son insuffisance, est incapable de satisfaire aux besoins des administrés. C’est ce qu’enseigne d’ailleurs le Professeur Jean-François LACHAUME lorsqu’il écrit : « dans l’érection en services publics communaux d’activités susceptibles de concurrencer les activités commerciales, industrielles, libérales, privées, le conseil municipal doit s’assurer, pour éviter que son intervention soit jugée illégale, qu’il existe bien en la matière un besoin de la population et que celui-ci n’est pas, ou est mal, satisfait par l’initiative privée »486. C’est aussi l’idée avancée par Christian JOIN-LAMBERT selon lequel « l’intervention publique n’est nécessaire que là où le marché est défaillant, par nature ou en raison des circonstances ; et, réciproquement, le marché n’a pas à être hypostasié (…) »487. Toutefois, en France par exemple, des anciens textes tranchent ces deux positions extrêmes. Il y a principalement les décrets du 5 novembre et du 28 décembre 1926 qui ont permis au Conseil municipal de réaliser toute amélioration urbaine par les formes de l’économie mixte. Ce qui comporte pour la commune une collaboration avec une entreprise privée ou une régie municipale488. D’autres services relèvent quant à eux de la compétence exclusive de l’Etat : armée, enseignement supérieur, justice etc. C’est entre ces limites qu’évolue la liberté des CTD pour la création des services publics. Pour des raisons de précision et de clarté, il sera vu la création des services publics au niveau régional, départemental, communal et rural. Néanmoins, la lecture de l’encadrement des structures décentralisées au Tchad permet de ressortir un faisceau d’indices permettant de distinguer les 485

V. circ. 7 aout 1987, J.O. 20 déc. 1987. LACHAUME (J-F), L’administration communale, op. cit, p. 40. 487JOIN-LAMBERT (C), L’Etat moderne et l’administration, op. cit, p. 11. 488Décret du 30 octobre 1935. 486

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services internes des CTD de leurs services publics (sinon des services publics locaux). Il faut donc avant tout établir la distinction entre les services internes de l’administration locale et les services publics à caractère administratif locaux. La distinction principale se rattache à l’autorité qui les crée. En fonction de ce critère, il ressort que les services internes des CTD sont créés par le pouvoir central, notamment par décret en conseil des ministres489, alors que les services publics locaux sont créés par délibérations des conseils locaux490. C’est ce qui ressort de la loi n°009/PR/2005 du 15 juillet 2005 portant statut particulier de la Ville de N’Djaména, qui précise que « Le conseil municipal règle par délibérations les matières relevant de la compétence de la commune et présentant un intérêt pour l’ensemble de l’agglomération de N’Djaména telles qu’énumérées ci-après : - la création et le mode de gestion des services et organismes personnalisés de la commune (….) »491. ALa création des services publics administratifs régionaux Il faut d’abord connaitre qui peut créer un SPA local au niveau de la région et quels sont les différents services internes affectés par le pouvoir central à la région. aL’habilitation L’habilitation pour la création des services publics administratifs locaux régionaux appartient de plein droit au Conseil régional qui l’exerce à travers ses délibérations. C’est lorsqu’il les créé qu’il revient au Bureau du conseil régional d’assurer la gestion par l’entremise des agents qu’il désigne. bLes services administratifs internes de la région Il s’agit des services internes de l’administration régionale et non des services publics régionaux à caractère administratif. Ceux-ci sont incorporés à la collectivité régionale et non lui sont rattachés. Il en va de même pour les services administratifs internes de toutes les CTD. En effet, les services internes sont prioritairement affectés à l’usage du personnel administratif alors que les services publics administratifs sont prioritairement affectés à l’usage du public. C’est le décret n°529/PR/PM/MCD/2011 portant création et attribution des services des collectivités territoriales décentralisées qui crée les services internes de chaque collectivité locale au Tchad. Ledit décret détermine pour chaque collectivité, les services qui composent son administration. L’article 75 de cet instrument juridique permet aux conseils locaux de créer des 489Le décret n°529/PR/PM/MCD/2011 du 1er Juin 2011 portant création et attribution des services des CTD. 490Article 46 – 9 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 portant Statut des CTD ; article 24 – 15 de la loi n°007/PR/2002 portant statut des communautés rurales, etc. 491 Article 8 de la loi n°009/PR/2005 du 15 juillet 2005 portant Statut particulier de la Ville de N’Djaména.

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commissions spécialisées en tant que de besoin. Pour ces services, il s’agit en réalité des directions ou des bureaux chargés de coordonner et d’assurer le fonctionnement de la collectivité locale concernée. Au niveau de la région, ces servies sont entre autre : -Le cabinet du président du conseil régional : dirigé par le chef de cabinet et placé sous l’autorité directe du Président du conseil régional, c’est le service chargé de préparer les audiences, d’assurer le protocole, de la tenue du courrier et du suivi des affaires réservées. - le secrétariat général : il est assuré par un Secrétaire général placé sous l’autorité directe du Président du conseil régional, chargé de l’organisation générale des services régionaux. Il veille à l’exécution des directives du président du conseil régional par l’ensemble des services de la région dont il coordonne les activités. Il est chargé en outre d’instruire les dossiers relatifs à la naturalisation. Le Secrétaire général n’est pas le secrétaire du conseil régional. Cependant, il peut assister ce dernier à préparer les sessions du conseil, à arrêter l’ordre du jour, à assurer le secrétariat du conseil et à rédiger les délibérations du conseil. Il peut être assisté d’un secrétaire général adjoint. - le service de communication et presse : c’est le service responsable des informations à destination des médias publics et privés. A cet effet, il assure la diffusion et la vulgarisation des programmes d’éducation civique, élabore et met en œuvre le plan de communication et en assure le suivi. - le service des études, de la planification et de l’aménagement du territoire : il fait des études d’ensemble susceptibles d’améliorer la gestion et le fonctionnement de la région. Il tient les statistiques et veille au respect de la légalité dans le cadre des attributions du conseil régional. Il donne des avis techniques sur les dossiers qui lui sont soumis par le président du conseil régional, élabore le plan d’action de développement régional, participe à l’élaboration du schéma régional et à l’aménagement du territoire. Il approuve et suit les projets financés par les ONG. - le service du contentieux : il étudie et instruit les affaires à caractère litigieux concernant la région. En plus, il tient un fichier des dossiers litigieux. - le service de protection civile : il assure la coordination d’assistance aux personnes sinistrées, la protection des personnes et des biens en cas de crise et de catastrophe. Il élabore et met en place des plans de secours d’urgence. Il s’occupe également de l’application de la réglementation en matière de sécurité civile et assure la sensibilisation de la population sur les risques de catastrophes. Il appui la formation en matière de secourisme et les ONG nationales et internationales qui s’intéressent au domaine de la protection civile et au sauvetage. - le service de transports et du génie civil : il gère les transports régionaux ; organise, régule et règle les circulations régionales et interrégionales. Il participe à la construction et à l’entretien des routes

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régionales ; fait une étude technique et de programmation ; suit et réceptionne les travaux et ouvrages entrepris par la région. Il s’assure aussi de l’exécution des travaux d’entretien et de signalisation routière. Il accorde la permission de voirie ; assure le fonctionnement et l’entretien des stations de pompage et de relevage. - le service des archives et documentation : c’est à lui que revient la tâche de conserver les correspondances et documents. Il assure aussi les abonnements aux journaux, recueils, périodiques et recherche les informations. Il publie et vulgarise les textes législatifs et règlementaires. - le service des ressources humaines et de la formation : c’est lui qui planifie les besoins en personnel et gère ce dernier. Il s’occupe de la formation, du recyclage et du perfectionnement du personnel. - le service des activités socio-éducatives : il assure la gestion de l’assistance aux indigents ; s’occupe de la prévention et la lutte contre la délinquance et assure l’entretien et l’équipement des établissements scolaires et sanitaires. Il assure aussi la collaboration avec les associations à caractère social et caritatif ainsi que le suivi des affaires culturelles et sportives. - le service financier et du matériel : c’est lui qui prépare et assure l’exécution des budgets. Il gère les appels d’offres et les marchés en même tant que l’entretien du matériel et des locaux, les acquisitions et baux. - le service des licences et des autorisations diverses : il instruit les dossiers relatifs à l’exploitation des débits de boissons et autres établissements similaires. Il émet des avis sur les demandes des autorisations administratives diverses. - le service du garage : il gère le parc automobile, entretient et répare le matériel roulant ; assure le fonctionnement et l’administration de ses services. - le service de l’urbanisme et des affaires domaniales : à lui revient la gestion du domaine public de la région (diverses autorisations, alignements). Il suit les documents d’urbanisme relatifs au domaine régional et étudie la procédure, les modalités de déguerpissement et d’expropriation. Il assure le suivi administratif et technique des dossiers intéressant des services de plusieurs collectivités territoriales décentralisées et/ou l’Etat. Il instruit les dossiers relatifs aux autorisations d’occupation des sols, suit les affaires foncières, assure la collaboration avec les services de cadastre et le tirage des plans divers. Il élabore les plans directeurs, les schémas des secteurs et les plans d’occupation des sols. Egalement, il émet des avis en cas d’établissement des priorités et sur la répartition des subventions de l’Etat affectées à la région. Il instruit, délivre et contrôle les différentes autorisations d’occupation des sols. Il établit aussi des relations avec les partenaires locaux et anime les structures de conception. - le service de l’environnement : il a la charge de protéger l’équilibre de la nature. Il participe à la protection des espèces en voie de disparition et veille à l’application de la réglementation sur la pêche. Il protège et gère

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l’environnement. Il élabore le plan départemental de gestion des déchets ménagers, assure la répartition des quotas départementaux d’exploitation forestière entre les communes et les communautés rurales et instruit les demandes d’autorisation d’amodiation de chasse après avis du conseil rural. Il crée des brigades volontaires pour la lutte contre les calamités naturelles, les feux de brousse et le braconnage. Il délivre les autorisations de défrichement après avis du conseil rural. Par des mesures restrictives, il décourage la destruction du bois et de la forêt. Il participe à la définition et la localisation des couloirs de transhumance. - le service des affaires économiques : enfin, c’est le service en charge de l’encadrement des activités commerciales et industrielles. Il traite toutes les questions relatives aux aides et subventions à accorder aux entreprises œuvrant sur le ressort territorial de la région, accorde des facilités pour l’implantation des entreprises et des sociétés d’économie mixte locales dans la région. Il fait la promotion des activités génératrices de revenus. B - La création des services publics administratifs départementaux De même que pour la région, il convient d’étudier l’habilitation à créer ces services avant de parcourir les services administratifs internes départementaux. aL’habilitation L’habilitation pour créer les services publics administratifs locaux départementaux revient également à l’organe délibérant départemental, en l’occurrence le Conseil départemental. Ce dernier les créé et laisse la gestion au Bureau du Conseil départemental qui en assure à travers des agents. b- Les services administratifs internes du département Ils sont soumis aux mêmes règles applicables à la région. C’est donc le décret n°529/PR/PM/MCD/2011 portant création et attribution des services des collectivités territoriales décentralisées qui crée aussi les services internes du département. Ces services comprennent entre autre : - le service du Cabinet du Président du conseil départemental : il est placé sous l’autorité du Président du conseil départemental et est dirigé par un chef de cabinet. Ce service est chargé de préparer les audiences, d’assurer le protocole, de tenir le courrier personnel et confidentiel et de suivre les affaires réservées. - le Service de Secrétariat général : le Secrétariat général, dirigé par un Secrétaire général et placé sous l’autorité du Président du conseil départemental, a pour mission l’organisation générale des services départementaux. Le Secrétaire général qui le dirige veille à l’exécution des directives du Président du conseil départemental par l’ensemble des services du département dont il coordonne les activités. Il peut assister le Secrétaire du conseil départemental à préparer les sessions du conseil et à arrêter l’ordre du jour. Il peut assurer le secrétariat du conseil et rédiger les délibérations du conseil. Le Secrétaire général peut être assisté d’un Secrétaire général adjoint.

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- le service des études, de la planification et de l’aménagement : il fait des études d’ensemble susceptibles d’améliorer la gestion et le fonctionnement du département. Il mène des études relatives aux travaux neufs d’entretien, tient les statistiques, prépare et suit l’exécution du plan de développement départemental. Il prépare et conclut les contrats entre les départements et les partenaires pour la mise en œuvre du plan départemental. Il appui les services sociaux de base en milieu rural. - le service du contentieux : il a la charge d’étudier, d’instruire les affaires à caractère litigieux concernant le département et tient un fichier des dossiers litigieux. - le service de protection civile : il coordonne l’assistance aux personnes sinistrées et assure la protection des personnes et des biens en cas de crise et de catastrophe. Il élabore et met en place des plans de secours d’urgence ; applique la règlementation en matière de sécurité civile ; assure la sensibilisation de la population sur les risques des catastrophes. Il assure aussi la formation en matière de secourisme et appui les ONG nationales et internationales qui s’intéressent au domaine de la protection civile et du sauvetage. - le service des archives et de documentation : il assure la conservation des correspondances et des documents. Il assure également l’abonnement aux journaux, recueils et périodiques. - le service des ressources humaines et de la formation : il est chargé de la planification des besoins en personnel, de la gestion de ce dernier, de sa formation, de son recyclage et de son perfectionnement. - le service de communication et presse : c’est le service responsable des informations à destination des médias publics et privés. Il assure la diffusion et la vulgarisation des programmes d’éducation civique ainsi que la publication et la vulgarisation des textes législatifs et réglementaires. - le service des activités socio-éducatives : il a la charge d’identifier et d’assister les indigents. Il participe à la lutte contre la délinquance, crée et entretient les camps d’aliénés mentaux et les centres sociaux. Il assure la protection maternelle et infantile ; entretient des relations avec des associations à caractère social et caritatif. Il gère l’aide sociale, crée des logements et foyers pour personnes âgées sans ressources, entretient et gère des gymnases et autres terrains d’installations sportives. Il assure l’animation sportive et entretient des relations avec les partenaires sportifs. Il crée et entretient les centres de loisirs. - le service de développement rural : il est chargé de sauvegarder l’équilibre de la nature. Il participe à la protection des espèces en voie de disparition et applique la réglementation sur la pêche. Il protège et gère l’environnement, assure la répartition des quotas départementaux d’exploitation forestière, instruit les demandes d’autorisation et d’amodiation de chasse après avis du conseil rural. Il crée des brigades de volontaires pour la lutte contre les calamités naturelles, le feu de brousse et

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le braconnage. Il délivre les autorisations de défrichement après avis du conseil rural et décourage la destruction du bois et de la forêt par des mesures restrictives. Il participe à la définition et localisation des couloirs de transhumance. - le service de santé, hygiène et assainissement : ce service participe à la gestion des hôpitaux départementaux. Il assure la réglementation des bornes fontaines, l’hygiène et la salubrité publique. Il crée et entretient les centres hospitaliers, assure la pulvérisation des maisons, la lutte imagocide et anti larvaire (destruction des moustiques). Il assure le contrôle du service concédé d’enlèvement des ordures ménagères et industrielles ; l’entretien et le nettoyage des marchés ; l’enlèvement et la destruction des cadavres d’animaux. Il protège l’environnement humain, enlève les épaves et les débris encombrant les lieux et voies publiques. - le service financier et du matériel : il prépare et assure l’exécution des budgets et gère les investissements. Il prépare les appels d’offres et les marchés, gère le matériel et les locaux, les acquisitions et baux. Il suit et réceptionne les travaux entrepris par le département. - le service des affaires économiques, des licences et autorisations diverses : il instruit les dossiers relatifs à l’exploitation des débits de boissons et autres établissements similaires. Aussi, il émet des avis sur les demandes de diverses autorisations administratives et encadre les activités commerciales et industrielles. - le service du génie civil et de transports : il est chargé de faire des études techniques et de programmation. Il suit et réceptionne les travaux et ouvrages entrepris par le département, s’assure de l’exécution des travaux d’entretien et de signalisation routière. Il accorde la permission de voirie, assure le fonctionnement et l’entretien des stations de pompage et de relevage. Il gère les transports départementaux et règle les circulations départementales et interdépartementales. - le service du garage : il gère le parc automobile, assure l’entretien et la répartition du matériel roulant ainsi que le fonctionnement de ses services. - le service de l’urbanisme et des affaires domaniales : il gère le domaine public départemental. Il suit les documents d’urbanisme relatifs au domaine départemental, étudie les procédures et les modalités d’expropriation, assure le tirage des plans divers. Il participe à l’élaboration des plans directeurs, des schémas des secteurs et des plans d’occupation des sols. Il attribue des parcelles hors commune et gère le domaine public (autorisations diverses, alignements). Il délivre aussi des autorisations d’occupation et de construire du domaine public hors commune. Il émet des avis en cas d’établissement des priorités et sur la répartition des subventions de l’Etat affectée aux départements. Il instruit, délivre et contrôle les différentes autorisations d’occupation des sols. Il établit des relations avec les partenaires locaux, anime des structures de conception, assure le suivi administratif et technique des dossiers intéressant les services de plusieurs

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collectivités territoriales décentralisées et/ou de l’Etat. Il gère les affaires foncières et assure la collaboration avec le service du cadastre. - le service de secours et incendie : il assure quant à lui les opérations de secours en cas d’incendie, noyade et autres calamités ainsi que la formation des sapeurs-pompiers et l’entretien du matériel. C- La création des services publics administratifs communaux L’on traitera toujours de l’habilitation à créer les services publics administratifs locaux, mais au niveau communal cette fois-ci, ainsi que des services administratifs internes prévus pour la commune. aL’habilitation L’organe compétent pour créer les SPA au niveau communal est le Conseil municipal. On peut se rendre compte d’une telle habilitation à l’article 46 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000, lorsqu’il dispose que « les délibérations du conseil municipal portant sur les matières ci-dessous peuvent faire l’objet d’un sursis à exécution suite au recours introduit devant le juge de référé par l’autorité de tutelle : - la création, la transformation des services ou des emplois entrainant une aggravation des charges budgétaires ;». La loi n°009/PR/2005 du 15 juillet 2005 portant statut particulier de la Ville de N’Djaména, en son article 8 précité précise davantage que « le conseil municipal règle par délibérations les matières relevant de la compétence de la commune et présentant un intérêt pour l’ensemble de l’agglomération de N’Djaména telles qu’énumérées ci-après : - la création et le mode de gestion des services et organismes personnalisés de la commune, (…) ». Ainsi, si les conseils municipaux ont compétence pour créer des SPA, qu’en est-il des communes de moyen exercice dirigées par des comités de gestion non élus? A cet effet, l’article 20 – 4 de l’Ordonnance n°017/PR/1985 du 24 Juillet 1985, portant organisation des communes de moyenne exercice dispose : « Ne sont exécutoires qu’après approbation des ministres des finances et de l’intérieur, les délibérations suivantes : - l’intervention de la commune par voie d’exploitation directe ou par simple participation financière dans les entreprises ayant pour objet le fonctionnement des services d’assistance d’hygiène et de prévoyance sociale ou la réalisation d’amélioration urbaine ». Ce qui voudrait signifier qu’il appartient toujours à l’organe délibérant, le Comité de gestion, l’habilitation à créer les services publics (d’hygiène, de prévoyance sociale et d’amélioration urbaine notamment), à la condition que ces délibérations soient soumises à l’approbation des ministres ci-haut désignés. bLes services administratifs internes de la commune Si les services publics communaux sont créés par délibérations du conseil municipal, les services administratifs internes quant à eux, à l’instar des

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services internes régionaux et départementaux, sont créés par décret du gouvernement. En effet, parler de services administratifs de la commune, que ces services soient administratifs internes, publics administratifs, industriels et commerciaux, sociaux, artistiques ou touristiques, nécessite le rappel des deux (2) fonctions primordiales de toute administration communale : le maintien de l’ordre public et la satisfaction de l’intérêt général, cette dernière étant mise en œuvre par la création des services publics. En France, le Professeur Jean-François LACHAUME n’en dit pas autrement lorsqu’il écrit que « dans une première approche, l’administration communale évoque l’organisation et la mise en œuvre, par et dans la commune, des activités nécessaires à la satisfaction de l’intérêt général, étant entendu qu’en droit administratif français, ces activités sont généralement regroupées sous deux grandes rubriques : celles tendant au maintien de l’ordre public sans lequel il n y a pas de vie sociale possible et qui constituent la police administrative, celles visant à l’octroi aux usagers (publics et privés) de prestations que l’initiative privée (commerçants, professions libérales etc.) ne peut pas ou ne veut pas prendre en charge et qui constituent les services publics »492. Mais avant d’étudier les services publics communaux, il sied tout d’abord de jeter un regard sur l’organisation de ses différents services administratifs internes prévus par le décret n°529/PR/PM/MCD/2011 portant création et attribution des services des collectivités territoriales décentralisées. Ces services internes sont constitués entre autre de : - le service de cabinet du Maire : placé sous l’autorité directe du Maire, il prépare les audiences, assure le protocole, tient le courrier personnel et confidentiel, suit les affaires réservées, informe les médias publics et privés, assure la diffusion et la vulgarisation des programmes d’éducation civique. - le service du Secrétariat général de la commune : placé sous l’autorité du Maire, il est assuré par un secrétaire général qui a pour tâche l’organisation générale et la coordination des services municipaux, la préparation du budget de la commune, les aménagements budgétaires et veille à leur exécution. Il prépare aussi les textes réglementaires. Il peut assister le secrétaire du conseil municipal à tenir un fichier des dossiers litigieux, à préparer les sessions du conseil, à arrêter l’ordre du jour, à assurer le secrétariat du conseil et à rédiger les délibérations du conseil. Il est assisté d’un secrétaire général adjoint. - le service de police municipale : lui aussi est placé sous l’autorité du Maire. Il est chargé d’assurer la sécurité et la commodité de la circulation dans les rues, places et voies publiques. Il assure également le respect de la législation et au besoin sanctionner les atteintes à la tranquillité publique ; le maintien de l’ordre et de la sécurité dans le périmètre urbain. Il doit prendre des mesures en matière de divagation d’animaux. L’article 71 de la loi 492

LACHAUME (J – F), L’administration communale, op. cit, p.13.

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organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 portant statut des collectivités territoriales décentralisées prévoit que les services compétents de l’Etat en matière de police nationale ou de sécurité sont à la disposition du Maire pour l’exécution des mesures de police municipale. Dans ce cas, les dépenses de police nationale sont à la charge de l’Etat. - le service des études, de la planification et de l’aménagement du territoire : il fait des études d’ensemble susceptibles d’améliorer la gestion et le fonctionnement de la commune. Il veille au respect des textes dans le cadre des attributions de la commune et donne des avis techniques sur les dossiers qui lui sont soumis par le Maire. Il programme le plan d’action de développement communal et participe à l’élaboration du schéma directeur urbain. - le service des ressources humaines, de la formation et du contentieux : il étudie et instruit les affaires à caractère litigieux concernant la commune. Il tient le fichier des dossiers litigieux, assure la gestion du personnel et la planification des besoins en personnel. Il assure enfin la formation, le recyclage et le perfectionnement du personnel. - le service de l’état civil, des archives et de la documentation : c’est lui qui instruit les dossiers relatifs aux actes de l’état civil à soumettre à la signature du Maire. Il assure le recensement de la population, la conservation des correspondances et des documents. Il gère les abonnements aux journaux, recueils et périodiques. Il assure la publication et la vulgarisation des textes législatifs et réglementaires. Pour ce qui concerne les services d’état civil particulièrement, l’autorité de tutelle peut créer des centres secondaires d’état civil rattachés au centre principal sur proposition du Maire. Ces centres secondaires sont gérés par des agents désignés par le Maire, tel qu’il ressort de l’article 66 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 portant statut des CTD. - le service des pompes funèbres et des cimetières : il assure l’entretien et la gestion des cimetières. Il étudie aussi les dossiers d’inhumation et d’exhumation des restes mortels et assure l’enterrement des indigents. - le service des activités socio-éducatives et de la protection civile : c’est lui qui assure la gestion de l’assistance aux indigents et l’alimentation des malades hospitalisés. Il assure l’accueil et le suivi des personnes sinistrées ; crée et entretient les centres d’accueil pour aliénés mentaux. Il s’occupe de la lutte contre la délinquance, gère et entretient les crèches, jardins d’enfants et écoles communales. Il assure la gestion des bibliothèques et musées. C’est aussi lui qui s’occupe de la relation avec les associations à caractère social et caritatif. Il s’occupe enfin du suivi des affaires culturelles et sportives. - le service d’hygiène, de santé et d’assainissement : il gère et entretient les centres de santé municipaux. Il assure la réglementation des bornes fontaines, l’hygiène et la salubrité publique, la pulvérisation des maisons, la lutte imagocide, et anti-larvaire ; le contrôle du service concédé

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d’enlèvement des ordures ménagères et industrielles. Il enlève et procède à la destruction des cadavres d’animaux ; assure le contrôle de la qualité des produits consommables et exposés à la vente. Il enlève aussi les épaves et les débris encombrant les lieux et voies publiques ; enlève et traite les ordures ménagères et industrielles et assure le traitement des eaux usées. - le service financier et du matériel : c’est lui qui prépare et assure l’exécution des budgets ; prépare les appels d’offres et les marchés. Il assure la gestion du matériel et des locaux, les acquisitions et baux. - le service des licences, autorisations et transports urbains : il instruit et élabore les projets de décisions relatives à l’ouverture, au transfert et à la fermeture des débits de boissons de 5ème classe et autres établissements similaires. Il émet des avis sur les demandes de diverses autorisations administratives, gère et réglemente les transports urbains. - le service de voirie urbaine et de génie civil : il a la charge de faire des études techniques et d’assurer la programmation des travaux neufs et d’entretien. Il assure la signalisation routière, l’implantation, le suivi et la surveillance des chantiers ainsi que la réception des travaux. Il assure en outre l’éclairage public, le pavoisement, le curage des caniveaux et évacuation des eaux usées et des eaux de pluie. Il entretient des espaces verts, instruit des demandes d’autorisation d’occupation du domaine public urbain et les permissions de voirie. Il assure la gestion et l’entretien des stations de pompage d’eau. Il gère les objets et animaux égarés ou perdus confiés à la commune. En outre, le service de voirie et du génie civil est associé à l’exécution des plans d’alignement et de lotissement, plans directeurs d’urbanisme, travaux d’embellissement de la ville et de tous les travaux réalisés à l’intérieur du périmètre urbain qu’ils soient ou non financés par le budget communal. -le service du garage municipal : il assure l’entretien et la réparation du matériel roulant. - le service de l’urbanisme et des affaires domaniales : c’est à lui que revient la gestion du domaine public et privé municipal (autorisations diverses, alignements). Il élabore et gère les documents d’urbanisme (plan d’occupation du sol et schémas directeurs, etc.). Il assure aussi le suivi administratif et technique des dossiers intéressant la commune et les autres CTD. Il instruit, délivre et contrôle les différentes autorisations d’occupation des sols ; crée les banques des données urbaines et foncières ainsi que l’adressage de la ville. - le service de secours et incendie : il assure les opérations de secours en cas de sinistre ainsi que l’entretien et la formation des sapeurs-pompiers. - le service de l’assiette fiscale : il recense le potentiel fiscal, assure le recouvrement de taxes locales et l’encadrement des activités commerciales et industrielles.

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- le service de la protection de l’environnement : il assure la protection et la gestion de l’environnement. Il crée, entretient les espaces verts et élabore un plan de reboisement. D- La création des services publics administratifs ruraux Dans la même démarche de présentation, il sera fait mention ici de l’habilitation à créer les SPA ruraux ainsi que les différents services administratifs internes prévus pour la communauté rurale. aL’habilitation L’article 24 de la loi n°007/PR/2002 du 5 juin 2002 portant statuts des communautés rurales portant statut des communautés rurales dispose : « les délibérations du conseil rural sont exécutoires de plein droit. Toutefois, celles concernant sur les matières ci-dessous énumérées peuvent faire l’objet d’un sursis à exécution suite au recours introduit devant le juge de référé par l’autorité de tutelle : - la création, la transformation des services ou emplois entrainant une aggravation des charges budgétaires ;». La lecture de cette disposition juridique laisse comprendre que l’habilitation à créer les SPA ruraux relève de la compétence du conseil rural, organe délibérant. b- Les services administratifs internes - Le service du secrétariat général : il est placé sous l’autorité du président du conseil rural et est assuré par un Secrétaire général. Ce dernier est chargé de tenir le courrier, préparer les sessions du conseil rural et arrêter l’ordre du jour. Il assure le secrétariat des séances, rédige les procès-verbaux de la délibération du conseil rural. Il applique et fait respecter les règles de disciplines administratives. Il gère les services généraux et organise le protocole en cas de besoin. Il informe les médias publics et privés, fait des études et programmations, diffuse et vulgarise le programme d’éducation civique. - le service de la garde rurale : c’est une sorte de police au niveau de la communauté rurale. Il a pour rôle de maintenir l’ordre au sein de la communauté rurale et réprime les atteintes à la tranquillité publique et aux bonnes mœurs. Il se charge de la capture et la garde des animaux errants et de la lutte contre le braconnage. Il agit en collaboration avec les autorités traditionnelles. - le service des études et programmation : il fait des études d’ensemble susceptibles d’améliorer la gestion et le fonctionnement de la communauté rurale et veille au respect des textes dans le cadre des attributions de la communauté rurale. Il donne des avis techniques sur les dossiers qui lui sont soumis par le président du conseil rural. C’est aussi lui qui programme les plans de développement. - le service des ressources humaines, de la formation et du contentieux : il est chargé d’examiner les affaires à caractère litigieux,

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assure la gestion du personnel, la formation, le recyclage et le perfectionnement du personnel. - le service de l’état civil et population : il instruit les dossiers relatifs aux actes d’état civil à soumettre à la signature du président du conseil rural et assure le recensement de la population. - le service des archives et documentation : il est en charge de la conservation des correspondances et documents, l’abonnement de la communauté rurale aux journaux, recueils et périodiques ainsi que la publication des textes. - le service des activités socio-éducatives et de protection civile : ce service assure l’accueil et l’assistance aux indigents et personnes sinistrées ainsi que lutte contre la délinquance. Il crée et entretient des centres d’accueil d’aliénés mentaux, les crèches et les écoles rurales. - le service de santé, d’hygiène et d’assainissement : c’est lui qui crée et gère les infirmeries rurales. Il assure aussi l’hygiène et la salubrité publique, la lutte imagocide et anti-larvaire, le contrôle du service concédé d’enlèvement des ordures ménagères et industrielles. Il s’occupe de l’enlèvement et la destruction des cadavres d’animaux ; entretient et nettoie les marchés et assure la distribution d’eau potable. Il assure le forage des puits, crée, entretient et gère les cimetières. Il enlève les épaves et les débris encombrant les lieux et voies publics. - le service financier et du matériel : c’est le service chargé d’assurer l’entretien du matériel de bureau. Mais il élabore aussi les rapports financiers, prépare et assure l’exécution du budget. - le service des licences, des autorisations et transports : il instruit les dossiers relatifs à l’ouverture, au transfert et à la fermeture des débits de boisson et autres établissements similaires et/ou autres autorisations administratives. Il gère et réglemente le transport. - le service de voirie et de génie rural : il fait une étude technique ainsi que la programmation des travaux neufs. Il s’assure de l’exécution des travaux d’entretien et de signalisation routière, construit et entretient les pistes rurales. Il fait curer les caniveaux et l’évacuation des eaux usées et des eaux de pluie. Il délivre également les autorisations d’occupation du domaine public rural, donne la permission de voirie et réalise le pavoisement en milieu rural. Il fait fonctionner et entretient le stationnement de pompage et de relevage. En outre, il est associé à l’exécution du plan d’alignement et de lotissement du plan directeur d’urbanisme, des travaux d’embellissement et de tous les travaux à l’intérieur de la communauté rurale. - le service des affaires domaniales et de l’habitat : c’est le service qui s’occupe de la réalisation des équipements collectifs. Il attribue les parcelles, participe à l’élaboration des plans directeurs, de schémas des secteurs et des plans d’occupation des sols. Il gère les domaines publics, délivre les autorisations d’occupation du domaine public et collabore à l’établissement du plan d’élimination des déchets toxiques et leur enfouissement.

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- le service des secours et incendie : il assure les opérations de secours en cas d’incendie et autres calamités. Il coordonne les activités des brigades de lutte contre les feux de brousse et entretient le matériel. - le service de l’environnement et du développement rural : il se charge de la protection et de la gestion de l’environnement. Il assure la gestion des forêts classées, délivre les autorisations préalables de toute coupe à l’intérieur du périmètre de la communauté rurale. Il met en place des comités de vigilance en vue de la lutte contre les feux de brousse, la coupe de bois, la pêche et la chasse des espèces protégées. Il donne des avis sur la délivrance par le conseil régional et départemental d’autorisation de défrichement. Il donne aussi des avis sur la délivrance par le président du conseil départemental d’autorisations d’amodiation des zones de chasses. Il gère les sites naturels d’intérêts locaux, crée des bois et aires protégées. Il crée et entretient les mares artificielles et les retenues collinaires à des fins agricoles et autres. Il gère les déchets industriels, assure l’exploitation de la végétation arborée ainsi que le renouvellement des ressources naturelles. - le service de l’assiette fiscale : il fait le recensement du potentiel fiscal, assure le recouvrement des taxes locales ainsi que l’encadrement des activités commerciales et industrielles. En somme, il ressort de l’étude que tous les services administratifs internes des collectivités locales précitées présentent quasiment la même structuration avec les mêmes attributions. A quelques nuances près, d’aucuns n’existent pas dans certaines collectivités, telle l’absence du service de cabinet dans la communauté rurale ou l’inexistence des services de police, de secours incendie etc. dans les régions et départements. Cependant, lorsqu’il s’agit de services publics administratifs locaux stricto sensu, il ne sera question que de ceux relevant de la commune, telle que justifiée dans la déclinaison ci-dessous. Paragraphe 2 : le fonctionnement des SPA locaux Puisque les services publics régionaux, départementaux et ruraux n’existent pas matériellement, il sera quasiment impossible d’étudier leur fonctionnement. A ce titre, le fonctionnement des services publics administratifs locaux ne sera étudié que dans le cadre de la commune développée infra. SECTION 2 : les services publics communaux Parler des services publics locaux – dans le contexte de la décentralisation – au Tchad à l’heure où l’on rédige ces lignes revient à parler exclusivement des services publics communaux, du fait que les trois autres niveaux de collectivités sont encore inopérants. Pour s’en convaincre, l’on doit se poser à juste titre la question suivante : si les services publics locaux sont créés par des organes délibérants locaux auxquels ils demeurent rattachés, peut-on parler de services publics régionaux, départementaux et ruraux, lorsque ces entités, en tant que collectivités locales n’ont pas une existence réelle ? Autrement dit, peut-on parler des services publics

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régionaux, départementaux ou ruraux lorsque ces derniers, en tant que CTD n’ont qu’une existence formelle ? L’étude de deux (2) des critères d’identification d’un service public local, pris sous l’angle d’Etablissement Public nous permet de dire qu’il n’y a pas encore au Tchad, à l’ère actuelle, de services publics locaux régionaux, départementaux et ruraux. Le premier critère est celui du rattachement et de la tutelle. En effet, tout service public local est créé par un organe délibérant local. Que cet organe délibérant le crée à lui seul ou en association avec un autre (dans le cadre de coopération décentralisée). Lorsque par exemple la Région, le Département, la Commune ou la Communauté rurale crée un service public, c’est à lui que ce dernier est rattaché. Il exerce donc une tutelle sur ledit service. S’il faut le dire autrement, un service public local ne peut être créé par l’Etat au profit d’une collectivité locale ; cette compétence étant transférée à cette dernière par voie législative telle que nous l’avons étudié plus haut, dans le cadre de la libre administration des CTD. Résultat de la démonstration : il n’existe aucun organe délibérant régional, départemental et rural au Tchad pour créer et assurer la tutelle sur un service public local régional, départemental et rural. Le deuxième critère est celui de la spécialisation. Les services administratifs internes des collectivités locales que nous avons visitées cihaut sont incorporés dans leurs administrations internes. Il s’agit en réalité des directions chargées chacune des tâches spécifiques, mais ceci ne voudrait pas signifier pour autant qu’ils sont des services publics spécialisés. C’est d’ailleurs ce que le législateur voudrait signifier implicitement lorsqu’il prévoit au décret n°529/PR/PM/MCD/2011 du 1er juin 2011 portant création et attribution des services des collectivités territoriales décentralisée, qu’ « en fonction du volume de leurs activités et de leurs potentialités économiques, les services des collectivités territoriales décentralisées peuvent être érigés en directions techniques ou regroupés après avis de leurs conseils respectifs »493. S’ils pourraient exister, les services publics locaux seraient les hôpitaux, les établissements d’enseignements, les bibliothèques, les stades, les maisons et centres de cultures, les musées, les centres sociaux, etc. crées par les conseils locaux respectifs et ayant des buts bien spécifiés. Ainsi, l’issue de ce constat nous conduit à ne traiter que des services publics administratifs communaux, lorsqu’il est question des services publics locaux au Tchad. Là encore – intéressant serait de lever l’équivoque – il s’agit particulièrement des communes issues des élections municipales de février 2012 car, les autres, dirigées par des comités de gestion nommés, ne remplissent pas les critères des CTD au plein sens du terme ; et par voie de conséquence, ne sont pas fondamentalement prises en compte dans la présente étude.

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Article 76 décret n°529/PR/PM/MCD/2011 du 1er juin 2011 ci-haut cité.

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La présentation des différents services publics administratifs locaux municipaux commande de recenser ceux-ci, du moins, ceux qui sont prévues et/ou existent, avant de déboucher sur leurs modes de gestion. Paragraphe 1 : les services publics administratifs communaux L’habilitation pour la création des services publics communaux vient en réponse aux charges qui sont attribuées par le législateur aux communes. Ainsi en est-il lorsqu’on lit déjà dans la loi n°033/PR/2006 du 11 Décembre 2006 portant répartition des compétences entre l’Etat et les CTD que « les collectivités territoriales décentralisées concourent avec l’Etat à l’administration et à l’aménagement du territoire, au développement économique, socio-éducatif, sanitaire, culturel et scientifique ainsi qu’à la protection et à la mise en valeur de l’environnement et à l’amélioration du cadre de vie »494. C’est ce qui conduit au constat selon lequel, toutes les attributions des services publics communaux sont en rapport avec les matières énumérées dans cette disposition, quelle que soit la dénomination accordée à chaque service. En effet, le législateur tchadien a accordé aux communes des attributions dans des domaines assez variés du fait que la commune, en tant que collectivité territoriale, dispose de compétences générales. Néanmoins, par souci de précision et de risque d’empiétement sur les compétences des autres CTD, voire sur celles de l’Etat, ce dernier a pris le soin d’indiquer presque limitativement les services dont les organes de gestion des communes ont l’habilitation de créer et de gérer. Pour ce faire, l’identification des secteurs d’intervention des services publics administratifs communaux n’est possible que par le recensement des textes applicables aux communes. Il ressort donc des différentes législations que les services communaux se rattachent aux différents secteurs de la vie sociale, notamment le domaine purement administratif (services d’état civil par exemple), culturel (Maisons de quartier, bibliothèques, Musées, etc.), sportifs (stades omnisports), médico-social (Centres de soins et centres sociaux), sécuritaire (postes de police municipaux), etc. Ces services sont institués dans le respect des compétences réservées ou exclusives de la commune – mais dont d’autres collectivités peuvent quand bien même se voir aussi attributaires dans leurs ressorts territoriaux. En réalité, les services publics administratifs communaux se rapprochent des services internes dont ils sont peu ou prou liés. Mais l’étude appropriée des services publics communaux permet de connaitre d’avantage ce que c’est la commune, à travers ses prestations. Aussi, il apparaît que les SPA communaux sont plus ou moins autonomes de la commune qui en assure la tutelle, contrairement aux services administratifs internes qui sont incorporés à cette dernière. Etant entendu que les services internes ne sont que des directions de l’administration communale. Ainsi, l’administration communale, en tant que démocratie locale et services publics de proximité, selon les termes du 494

Article 2 de la loi n°033/PR/2006 du 11 Décembre 2006 ci-haut citée.

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Professeur Jean-François LACHAUME495, reçoit au Tchad, la compétence pour créer des services publics administratifs dans les domaines entre autres énumérés ci-dessous : A- le domaine de police, de la lutte contre les calamités et de l’état civil Le service public confié aux communes du Tchad dans les domaines de la police, de la lutte contre les calamités et de l’état civil sont visibles et leurs impacts perceptibles dans plusieurs d’entre elles. Ces attributions trouvent leur fondement par exemple, aux articles 55 (en ce qui concerne la police et l’état civil) et 44 (pour ce qui est de la lutte contre les calamités) de la loi n°033/PR/2006 portant répartition des compétences entre l’Etat et les CTD – sans préjudice d’autres dispositions législatives et réglementaires. Relativement à ce qui concerne la police, il s’agit ici de la police municipale, une police administrative qui poursuit la traditionnelle trilogie : sécurité, salubrité et tranquillité publiques. Et à cette traditionnelle trilogie, il faut ajouter la protection de la moralité publique, la protection ou la sauvegarde de l’environnement496, l’aménagement du cadre de vie,497 etc. 495

LACHAUME (J-F), L’administration communale, op. cit, p. 14. La protection de l’environnement à l’ère de développement durable est, au-delà d’une simple nécessité, une obligation pour les communes. C’est dans cette optique que l’article 63 al. 7 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 portant statut des CTD dispose clairement que « le maire est chargé, sous le contrôle du conseil municipal et sous la surveillance des autorités de tutelle : de veiller à la protection de l’environnement ». Et l’article 8 de la loi n°009/PR/2005 du 15 juillet 2005 portant statut particulier de la Ville de N’Djaména, de renchérir que « le conseil municipal règle par délibérations les matières relevant de la compétence de la commune et présentant un intérêt pour l’ensemble de l’agglomération de N’Djaména telles qu’énumérées ci-après : la protection de l’environnement, (etc.)». Voir aussi l’article 24 de la loi n° la loi n°033/PR/2006 du 11 Décembre 2006 portant répartition des compétences entre l’Etat et les CTD, en ce qui concerne le rôle de la commune en matière d’environnement et de ressources naturelles. De même, la Constitution du 04 mai 2018 a consacré un certain nombre de dispositions à la protection de l’environnement : article 51 « Toute personne a droit à un environnement sain » ; article 52 « l’Etat et les Collectivités Autonomes doivent veiller à la protection de l’environnement. Les conditions de stockage, de manipulation et d’évacuation des déchets toxiques ou polluants provenant d’activités nationales sont déterminées par la loi. Le transit, l’importation, le stockage, l’enfouissement, le déversement sur le territoire national des déchets toxiques ou polluants étrangers sont interdits ». 497 Pour ce qui est de l’aménagement du cadre de vie, l’article 16 de la loi n°009/PR/2005 du 15 juillet 2005 portant statut particulier de la Ville de N’Djaména, par exemple, précise que « chaque conseil d’arrondissement œuvre à la promotion et à l’amélioration du cadre de vie des populations par : - l’entretien des rues et des caniveaux ; - la gestion des marchés de quartiers ; - l’embellissement de la commune ; - l’aménagement et la gestion des services sociaux ; 496

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C’est ainsi que la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 précitée, définit indirectement les composantes de la police administrative municipale : « le Maire est l’autorité de police municipale. A ce titre, il est responsable de l’ordre, de la sûreté, de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publique (…)»498. La même loi met à la charge du Maire, l’exécution des actes de l’autorité de tutelle qui s’y rapportent, ainsi que l’exécution des règlements de police municipale pris par le Conseil municipal dans la limite de ses attributions. En outre, le législateur tchadien va un peu plus loin en précisant les missions de la police municipale, et par ricochet le contenu de cette dernière : « la police municipale est notamment chargée de : - la sécurité et la commodité de la circulation dans les rues, places, voies publiques (nettoiement, éclairage, enlèvement des encombrements) ; - la répression des atteintes à la tranquillité publique (les bruits, émeutes, attroupements, disputes, bruits et rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants)499 ; - du maintien du bon ordre dans les endroits de rassemblement tels que les foires, marchés, fêtes, spectacles, débits de boissons, jeux, édifices de cultes ; - du mode de transport des personnes décédées, les inhumations, les exhumations, le maintien du bon ordre et de la décence dans les cimetières ; - le contrôle de la conformité des instruments de mesure et de la qualité des produits consommables exposés à la vente ; - la prévention et la réparation des calamités (incendies, inondations, épidémies etc.) et des accidents ; - les mesures à prendre contre les aliénés dont l’état pourrait compromettre la moralité publique, la sécurité des personnes ou la conservation des propriétés ; - les crèches, les jardins d’enfants et les écoles primaires ; - les maisons de la jeunesse et de la culture ; - les terrains de jeux et d’éducation physique ; - les stades de quartiers à l’exemple de stade municipal et des stades confiés à la ville par des particuliers ; - les espaces verts ; - les équipements destinés aux habitants de l’arrondissement sous réserve de ceux gérés par la ville». 498 Article 67 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 ci-haut citée. 499 C’est à ce niveau qu’on se rend à l’évidence que la police municipale est non seulement administrative mais aussi judiciaire. Alors que la police administrative, fondamentalement préventive, se borne à l’édiction des normes (autorisations et interdictions) et mesures se rapportant aux actes de police (encadrement des manifestations, réunions etc.), la police judiciaire est répressive. Et c’est l’aspect répressif, caractéristique de la police judiciaire dont il est fait mention ici.

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- les mesures à prendre en matière de divagation des animaux ; - de la préservation et de la réparation des dommages qui pourraient être occasionnés par la divagation des animaux »500. L’ordonnance n°017/PR/1985 du 24 juillet 1985, portant organisation des communes de moyen exercice détermine le même contenu501 ; de même que le décret n°529/PR/PM/MCD/2011 du 1er juin 2011 portant création et attribution des services des CTD502. Cela traduit une uniformité normative quant à la détermination du contenu de la police municipale au Tchad. Au demeurant, la police municipale dont l’activité consiste à assurer sur le territoire communal le bon ordre, la sûreté et la sécurité publique est comme telle, une police administrative, celle-ci étant « l’ensemble des interventions de l’administration qui tendent à imposer à la libre action des particuliers la discipline exigée par la vie en société »503. La mission la police administrative consiste donc en la prévention des troubles à l’ordre public (telle la régulation de la circulation, du stationnement, etc.) et la mise en œuvre des actes réglementaires et individuels. Néanmoins, les textes sur la décentralisation au Tchad, bien qu’attribuant le pouvoir de police administrative à la commune et précisant son contenu, ne définissent pas pour autant cette notion dans toute sa dimension. En effet, la police administrative, bicéphale, est en même temps générale, lorsqu’elle intervient dans tout secteur et spéciale, lorsqu’elle est orientée sur une activité bien indiquée. C’est dans ce dernier cas qu’on recense la police des cimetières, la police des cinémas, etc. Il faut aussi relever le cas des communes, surtout urbaines, où la police est étatisée. Dans ce cas, la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 précitée prévoit que « les services compétents de l’Etat en matière de police nationale ou de sécurité sont à la disposition du Maire pour l’exécution des mesures de police municipale. Les dépenses de police nationale sont à la charge de l’Etat »504. Cette intervention de la police étatique se justifie par le fait que dans ces communes, le Maire à lui seul avec sa police municipale ne saurait parvenir à bout de la mission de l’ordre public à lui assignée. C’est pourquoi dans les grandes villes du Tchad, la police de la circulation routière par exemple est assurée par les agents de la police nationale ; la Brigade de Circulation Routière (B.C.R) en l’occurrence. Mais dans tous les cas, c’est le Maire, détenteur du pouvoir de police administrative qui doit l’exercer pour mettre en œuvre une mesure édictée à l’échelon national, régional ou départemental ; mais aussi pour l’exécution des délibérations municipales ; étant entendu que le pouvoir de police municipale appartient au conseil 500

Article 67 al.3 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 ci-haut citée. Article 29 de l’ordonnance n°017/PR/1985 du 24 juillet 1985 ci-haut citée. 502 Article 45 du décret n°529/PR/PM/MCD/2011 du 1er juin 2011 ci-haut citée. 503 RIVERO (M) et WALINE (J), Précis Dalloz de droit administratif, cité par LACHAUME (J-F), L’Administration communale, op. cit, p. 56. 504 Article 71 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 ci-haut citée. 501

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municipal qui le délègue au Maire pour exécution. A cet effet, pour le cas de la Ville de N’Djaména, la loi n°009/PR/2005 du 15 juillet 2005 portant statut particulier de la Ville de N’Djaména, précise que « le conseil municipal règle par délibérations les matières relevant de la compétence de la commune et présentant un intérêt pour l’ensemble de l’agglomération de N’Djaména telles qu’énumérées ci-après : - la règlementation en matière de police administrative (…)»505. Ceci sans perdre de vue que le législateur tchadien a prévu à l’article 9 de la même loi que les délibérations du conseil municipal se rapportant à la règlementation en matière de police administrative ne sont exécutoire qu’après leur approbation par l’autorité de tutelle. Toutefois, le Maire peut aussi exercer ce pouvoir par lui-même, pour prendre les décisions nécessaires au maintien de l’ordre public dans sa commune. Selon la jurisprudence du Conseil d’Etat français, le refus de prendre ces mesures constitue une illégalité en cas de péril grave « résultant d’une situation particulièrement dangereuse pour le bon ordre, la sécurité ou la salubrité publique »506. Et lorsque le Maire ne prend pas la mesure de police qui aurait permis d’éviter la réalisation d’un dommage, la responsabilité de la commune peut être recherchée sur la base de la faute simple, devant le juge administratif507. En outre, le pouvoir de police administrative, police de prévention, consiste non seulement à édicter des normes mais est aussi matérielle. Ce dernier aspect est davantage renforcé avec les menaces terroristes qui pèsent ces dernières années sur le Tchad. Le constat est simple : fouilles systématiques aux entrées et dans les marchés, les institutions et les lieux rassemblements publics etc. Mais au regard de cette conjoncture, qu’en est-il de la responsabilité si le Maire, malgré tout effort est débordé par l’ampleur de la situation ? De toutes les manières, les Maires doivent, dans l’exercice de leur fonction de police administrative, faire montre de prudence et d’habilité autour de deux aspects : éviter de trop limiter ou de trop interdire et éviter de ne pas limiter ou de ne pas interdire. Les droits et libertés, lorsqu’ils sont constitutionnalisés, font l’objet d’une protection stricte par le juge qui ne cessera de sanctionner l’acte du Maire qui leur porte atteinte. On pourrait citer en exemple, la mesure impopulaire, susceptible de recours pour excès de pouvoir à notre avis, par laquelle le Maire de la ville de N’Djaména interdisait en 2010 et en 2014 la circulation des vendeurs ambulants dans certains quartiers de la Ville. Cette mesure constitue une violation des libertés publiques, notamment celle de la liberté de commerce sur la voie publique. Aussi, la mesure prise dans l’exercice du 505

Article 8 de la loi n°009/PR/2005 du 15 juillet 2005 ci-haut citée. CE, 23 octobre 1959, Doublet, R, 540, RDP, 1959, 1235, concl. Bernard, RDP 1960, 802, note Waline. 507 CE, 10 juillet 1981, Commune de Bagnères-de-Bigorre, R. 639 ; CAA Nantes, 21 mars 1990, Mme Olivier et Marchetti, R, 426, CE, 4 juillet 1980, Chevrier, R. 304 ; v. aussi LACHAUME (J-F), L’administration communale, op. cit, pp. 60-61. 506

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pouvoir de police ne doit pas non plus être disproportionnée à l’atteinte à l’ordre public. De surcroit, le Maire doit aussi être vigilent car, n’étant pas l’unique autorité investie des pouvoirs de police administrative, d’empiéter sur les compétences en la matière des autres autorités. Il ne faut cependant pas confondre la police administrative considérée comme une activité relevant notamment de la commune et le personnel de police chargé de mettre en œuvre et de faire respecter les arrêtés réglementaires et individuels édictés par le Maire au titre de cette activité. Ce personnel peut relever de l’Etat508. Mais en général, les communes d’une certaine importance recrutent des fonctionnaires territoriaux affectés à des missions matérielles d’exécution relevant de la police municipale. Ces fonctionnaires sont recrutés par le Maire qui est leur supérieur hiérarchique. C’est à ce titre que l’arrêté interministériel n°003/PR/PM/MISP/SE/SG/DGAT/DTC/2013 du 17 juillet 2013, portant répartition des ressources matérielles, humaines et financières entre la commune de N’Djaména et les communes d’arrondissement précise que chaque commune d’arrondissement doit être renforcée des policiers municipaux selon ses besoins. Mais comme le relève le Professeur JeanFrançois LACHAUME, les problèmes à régler dans le cadre d’un statut de ces personnels municipaux sont ceux de leurs missions (mission distinctes de la police de l’Etat mais aussi collaboration avec elle), du port d’arme, de l’uniforme etc.509 Ainsi, il est à constater que dans la quasi-totalité des communes, chef lieux des régions et des départements du Tchad où la police est étatisée, cohabitent des personnels de la police nationale et des personnels de la police municipale. Leurs missions sont séparées, mais en cas de nécessité, la police municipale peut intervenir dans les compétences de la police nationale, ne serait-ce que pour des fonctions limitées ou temporaires. Tel est le cas à N’Djaména en 2015 où la police municipale est intervenue pour réguler la circulation routière pendant la suspension des agents de la police nationale par le Ministre de la sécurité publique. Au demeurant, dans chaque cas d’espèce où on assiste à des communes dans lesquelles la police est étatisée, le Maire demeure investi des pouvoirs de police municipale, tel que le dispose l’article 64 al. 4 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 précitée. S’agissant de la lutte contre les fléaux, celle-ci se manifeste dans de nombreux cas à travers les services de sapeurs-pompiers qui interviennent en cas d’incendie, d’inondation, de noyade etc. La loi n°002/PR/2000 du 16 février 2000 précitée, en précisant l’objet de la police municipale, souligne que cette dernière est aussi chargée de « (…) la prévention et la réparation 508

Comme nous l’avions évoqué pour les Communes dans lesquelles la police est étatisée, le personnel est celui de la police nationale et/ou de la gendarmerie nationale pour les zones urbaines et de la gendarmerie nationale pour les zones rurales. 509 LACHAUME (J-F), L’Administration communale, op. cit, p. 64.

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des calamités (incendies, inondations, épidémies etc.) (…) »510. La loi n°033/PR/2006 du 11 Décembre 2006 portant répartition des compétences entre l’Etat et les CTD511 parle tout simplement d’assistance et de secours, sans pour autant préciser le contenu de ces notions. On serait emmené à conclure qu’il s’agit en même temps du secours aux personnes démunies que du secours aux victimes de sinistres ou de catastrophes. A la question de savoir si ce secours intervient avant (mesures de prévention), pendant ou après le sinistre, l’on trouve de réponses dans l’ordonnance n°017/PR/1985 du 24 juillet 1985 portant organisation des communes de moyen exercice, qui dispose que « (…) La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sécurité et la salubrité publique. Elle comprend notamment (…): - le soin de prévenir et de faire cesser les accidents et fléaux calamiteux tels que les incendies, les inondations, les maladies épidémiques, les épizooties en provoquant, s’il y a lieu, l’intervention des autorités supérieures »512. Pour ce qui est des services de la lutte contre l’incendie et le service des pompiers, l’historien MOMSEN, cité par le Doyen Hauriou513, pense que la lutte contre l’incendie est le premier service public qui soit imposé dans les agglomérations naissantes, notamment à Rome, mais aussi la commune qui, tout naturellement, a servi de cadre juridique pour l’organisation et le développement de ce service public. Le législateur tchadien a quant à lui fait des dépenses de lutte contre l’incendie, des dépenses obligatoires pour la commune514. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que le problème qui se pose à ce service est celui du coût financier du fait que les communes du Tchad, du moins beaucoup d’entre elles, n’ont pas la capacité de se doter de matériels assez importants et performants pour assumer ce service, malgré que l’article 91 de la loi organique n°002/PR/2000, fait des dépenses de la lutte contre les incendies des charges obligatoires de la commune. C’est pourquoi, en France, il a été pensé plutôt à la départementalisation de ce service ; les départements s’en occupent au bénéfice des communes de leurs ressorts. Celles-ci ayant l’obligation de participer aux charges y relatives515. A dire vrai, la fonction de la police administrative et de lutte contre les calamités exercée par la commune ne vise que la protection. Cette protection est bien évidement celle des personnes et de leurs biens. La protection au sens large du terme, des personnes et des biens, disait le Professeur Jean510

L’article 67 al.3 de la loi n°002/PR/2000 du 16 février 2000 ci-haut citée. Voir précisément l’article 44 relatif à la Commune. 512 Article 29 de l’ordonnance n°017/PR/1985 du 24 juillet 1985 ci-haut citée. 513 Note sous CE, 24 octobre 1909, commune de la Bassée, Sirey, 1910, III, 49. 514 Article 91 – 9 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 et article 40 de l’ordonnance n°017/PR/1985 du 24 juillet 1985. 515 Pour plus de précisions sur cet aspect, v. LACHAUME (J-F), L’Administration communale, op. cit, p. 65. 511

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François LACHAUME516, constitue historiquement l’une des premières missions assumées par les personnes publiques et l’une des justifications majeures de l’existence de ces personnes et des prérogatives qui leurs sont reconnues. Pour lui, si l’on ajoute que l’administration communale est celle qui est la plus proche des administrés, la plus apte donc à appréhender leurs problèmes et à les résoudre rapidement, on comprend aisément que les textes et la jurisprudence reconnaissent à cette administration plusieurs titres d’intervention dans le secteur de la protection. Par le biais du service public administratif de la police et de la lutte contre les calamités, les communes se forcent de venir à terme, du moins d’atténuer certains problèmes sociaux, tels que celui de la délinquance urbaine, de l’urbanisation sauvage etc. Ainsi, en vertu de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000, l’autorité de tutelle peut prendre, dans tous les cas où il n’a pas été pourvu par les autorités municipales, après mise en demeure de celles-ci restée sans suite, toutes mesures relatives au maintien de l’ordre, à la sécurité et à la tranquillité publique517. Pour ce qui est du service de l’état civil, celui-ci est confié à toutes les communes, qu’elles soient de pleine ou de moyen exercice car, le Maire est officier d’état civil518. C’est ce qui lui donne – mais aussi à ses adjoints, à qui il peut déléguer ce pouvoir – l’habilitation de délirer dans son ressort territorial et au nom de l’Etat519, les actes d’état civil notamment, les actes de naissance, de mariage, de décès, de résidence etc. ainsi que la célébration des cérémonies officielles. L’établissement de ces actes se fait par une contrepartie financière versée à la commune. Aussi, et pour conclure, la loi n°002/PR/2000 précitée offre la possibilité pour la création dans certaines communes des centres d’état civil secondaires rattachés au centre principal520. Cependant, en vertu de la même disposition, le pouvoir de création de ces centres d’état civil secondaires ne relève pas des autorités communales mais de l’autorité de tutelle. Au Maire, revient l’habilitation de désigner les agents chargés de gérer lesdits centres. L’arrêté portant création de ces centres secondaires ainsi que celui portant désignation des agents desdits centres doit faire l’objet d’une ampliation au Procureur de la République près de la juridiction du ressort de la commune intéressée. A ce titre, l’ordonnance n°017/PR/1985 du 24 juillet 1985 portant organisation des communes de moyen exercice, fait des frais de registre de l’état civil, des livrets de famille et tous les frais annexes à la centralisation

516

LACHAUME (J-F), L’administration communale, op. cit ; p. 56. Article 68 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 ci-haut citée. 518 Article 65 de la même loi. 519 Il s’agit ici de la théorie de la double casquette du Maire ou encore du mécanisme de dédoublement fonctionnel. 520 Article 66 de la loi n°002/PR/2000 précitée. 517

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et à la conservation des J.O de la République des dépenses obligatoires de la commune521. B- le domaine de l’éducation, de l’alphabétisation, de la promotion des langues nationales, de la formation technique et professionnelle Le domaine de la formation humaine de manière générale est un grand défi pour le Tchad, tant au niveau infrastructurel qu’au niveau des ressources humaines. Le service public institué dans ce domaine est réparti entre l’Etat qui s’occupe de l’enseignement supérieur, la région qui s’occupe des lycées, le département qui s’occupe des collèges, la commune et à la communauté rurale à qui reviennent l’éducation élémentaire et maternelle ou préscolaire522. La formation professionnelle est quant à elle confiée à toutes ces collectivités locales. En effet, l’intervention de la commune dans le domaine de l’éducation, de l’alphabétisation, de la promotion des langues nationales, de la formation technique et professionnelle se manifeste dans une première mesure par la construction d’infrastructures et équipements scolaires et dans une seconde mesure, par la prise en charge du personnel, avec l’appui de l’Etat qui y affecte des instituteurs-fonctionnaires. C’est dans ce sens que le législateur tchadien a pris le soin, à travers la loi n°033/PR/2006 du 11 Décembre 2006523, de précisé le domaine d’intervention de la commune en la matière524. Dans le même ordre d’idée, loi n°009/PR/2005 du 15 juillet 2005 portant statut particulier de la Ville de N’Djaména, a précédé celle de 2006 en précisant que « le conseil municipal règle par délibérations les matières relevant de la compétence de la commune et présentant un intérêt pour l’ensemble de l’agglomération de N’Djaména telles qu’énumérées ci-après : - la réalisation et l’entretien des équipements d’intérêt communal, notamment les lycées525 et les instituts de niveau secondaire… »526. Le nombre d’écoles maternelles et primaires communales au Tchad témoignent d’une telle responsabilité. Toutefois, l’Etat a seule la compétence pour l’élaboration des programmes scolaires, l’organisation des examens officiels (concours d’entrée en 6ème aboli en 2015 et le CEP/T), la délivrance des diplômes, etc. 521

Article 40 de l’ordonnance n°017/PR/1985 du 24 juillet 1985 ci-haut citée. La prise en charge de l’éducation par l’Etat et les collectivités territoriales est prévue à l’article 40 de la Constitution du 04 mai2018 qui dispose que « l’Etat et les Collectivités Autonomes créent les conditions et les institutions qui assurent et garantissent l’éducation des enfants, la promotion du genre et des personnes handicapées ». 523 Article 8 de loi n°033/PR/2006 du 11 Décembre 2006 précitée. 524 Confer compétences et attributions des communes développées supra. 525 A ce niveau il se pose un amalgame du fait que la création d’un lycée n’est pas de la compétence de la commune mais de la région. A moins que l’on veule nous dire que c’est parce qu’il s’agit du cas particulier de la Ville de N’Djaména. 526 Article 8 de la loi n°009/PR/2005 du 15 juillet 2005 portant statut particulier de la Ville de N’Djaména. 522

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En ce qui concerne la formation professionnelle et l’apprentissage, la commune a l’habilitation pour créer des centres de formation et d’apprentissage (centres de formation en couture, coiffure etc. dans les maisons de quartier de N’Djaména par exemple). La création de ces centres peut se faire en partenariat avec l’Etat, les autres CTD ou les partenaires privés. Leur création prend en compte non seulement l’aspect socioéducatif mais aussi socioculturel. C- le domaine de la santé et de l’action sociale En raison de sa proximité avec la population, l’administration communale à compétence pour intervenir dans le domaine socio-sanitaire. Cette compétence reconnue à la commune trouve son fondement juridique dans la loi n°033/PR/2006 du 11 Décembre 2006, selon lequel, en matière de santé et d’action sociale, « la commune reçoit les compétences suivantes : a) Santé : - la construction, l’équipement, la gestion et l’entretien des dispensaires ; - le recrutement et la gestion du personnel d’appui ; - l’application de la réglementation en matière d’hygiène et d’assainissement ; - la participation aux actions nationales et à la mise en œuvre d’initiatives locales de protection maternelle et infantile ; - la participation à l’élaboration de la carte de santé. b) Action sociale : - la participation à l’entretien et à la gestion des structures de promotion et de réinsertion sociale ; - l’organisation et la gestion des secours au profit des personnes démunies ; - l’identification, le suivi et l’évaluation des microprojets productifs au profit des personnes démunies »527. C’est à ce titre que la participation des communes aux dépenses d’aide sociale constitue une dépense obligatoire. Relativement à ce qui concerne l’intervention de la commune dans le domaine sanitaire, la loi n°009/PR/2005 du 15 juillet 2005 portant statut particulier de la Ville de N’Djaména, précise davantage que « le conseil municipal règle par délibérations les matières relevant de la compétence de la commune et présentant un intérêt pour l’ensemble de l’agglomération de N’Djaména telles qu’énumérées ci-après : - la réalisation et l’entretien des équipements d’intérêt communal, notamment (…) les hôpitaux»528. Cependant, en accordant à la commune la compétence pour la création et l’entretien des hôpitaux, le législateur tchadien semble ne pas fournir de 527 528

Article 12 de la loi n°033/PR/2006 du 11 Décembre 2006 ci-haut citée. Article 8 de la loi n°009/PR/2005 du 15 juillet 2005 ci-haut citée.

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distinctions entre ceux-ci et les autres formations sanitaires, notamment les dispensaires, les centres de soins, les centres médicaux, les districts sanitaires etc. en fonction de leur importance. Il les assimile. Or, la loi 033/PR/2006 du 11 décembre 2006 portant répartition des compétences entre l’Etat et les CTD, quant à lui reconnait à la commune plutôt la compétence pour la création et la gestion des dispensaires, tel qu’on peut le lire ainsi : « la commune reçoit les compétences suivantes : - la construction, l’équipement, la gestion et l’entretien des dispensaires ; - le recrutement et la gestion du personnel d’appui »529. Au demeurant, l’on recense dans les communes du Tchad, des centres de santé, des districts sanitaires, des dispensaires etc. dont elles assurent directement la gestion par l’entremise des personnels nommés par le Maire ou le Président du comité de gestion. Le nombre de ces formations sanitaires dépend de l’importance de chaque commune. Toujours dans le domaine sanitaire, la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 précitée, exige des autorités communales, « (…) le contrôle de la qualité des produits consommables exposés à la vente (…)»530. C’est un exemple de l’intervention à titre préventif afin de garantir la santé des consommateurs. En ce qui concerne le domaine de l’action sociale, il est reconnu à la commune la participation à la création des logements sociaux et la gestion des centres sociaux, en fonction de leurs ressources. Ce service est institué pour assister les personnes vulnérables, les personnes nécessiteuses et les personnes en situation de sinistre. Cependant, les logements sociaux communaux ne sont pas effectifs au Tchad – si ce ne sont que des maisons en tentes ou en paille construites occasionnellement pour les sinistrés, les réfugiés, les déplacés etc. Le cas des victimes d’inondation de Walia en 2013, logés sur le site de Toukra dans la commune du 9ème arrondissement de la Ville de N’Djaména est une illustration. Néanmoins, quelques centres sociaux sont opérationnels. On rencontre par exemple dans presque toutes les communes, chef-lieu de région et de département, des centres sociaux, dont le nombre est aussi variable. Pour la ville de N’Djaména, ces centres existaient avant la création de communes d’arrondissement mais sont rétrocédés à ces derniers à partir de l’année 2012, date de fonctionnement desdites communes. C’est dans ces centres que se déroulent des actes ou actions d’assistance sociale et des œuvres caritatives, tels que l’accueil des réfugiés531 et indigents, la distribution des vivres, couchages, moustiquaires

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Article 12 a) de loi 033/PR/2006 du 11 décembre 2006 précitée. Article 67 al. 3 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 précitée. 531 Le cas illustratif est celui des retournés de la République centrafricaine logés dans ces centres au cours de l’année 2013. 530

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etc. aux personnes nécessiteuses et, dans une certaine mesure, leur hébergement. En plus de ces aspects ainsi énumérés, la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 portant statut des CTD, exige des communes la protection des personnes aliénées en leur imposant « des mesures à prendre contre les aliénés dont l’état pourrait compromettre la moralité publique, la sécurité des personnes ou la conservation des propriétés (…) »532. Par cette prescription, le législateur fait obligation à la commune de protéger non seulement les citoyens contre les agissements des personnes aliénées mais aussi de veiller sur celles-ci. Aussi, l’importance des services sociaux a conduit le législateur tchadien à prescrire à l’article 91 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 précitée, comme charge obligatoire de la commune, les dépenses d’assistance sociale au bénéfice des indigents. La loi n°033/PR/2006 du 11 Décembre 2006, parle en termes de protection civile, d’assistance et de secours et met à la charge de la commune, à travers l’article 44, les compétences pour l’élaboration de la réglementation en matière d’assistance et de secours et l’assistance aux personnes démunies. Et la liste n’est pas exhaustive car, l’ordonnance n°017/PR/1985 du 24 juillet 1985, fixe elle aussi, en son article 40, comme dépenses obligatoires pour la commune, les dépenses afférentes à l’hospitalisation des indigents. D- le domaine de la culture, de la jeunesse, des sports et des loisirs La création, l’organisation et le financement de certains services publics relevant du domaine de la culture, de la jeunesse, des loisirs et du sport entrent dans le champ de compétence de la commune. D’ailleurs, c’est la Constitution elle-même qui prévoit que « l’Etat et les Collectivités Territoriales Décentralisées créent les conditions pour l’épanouissement et le bien-être de la jeunesse »533. C’est ainsi que pour les musées communaux par exemple, la loi n°009/PR/2005 du 15 juillet 2005 portant statut particulier de la Ville de N’Djaména, précise que « le conseil municipal règle par délibérations les matières relevant de la compétence de la commune et présentant un intérêt pour l’ensemble de l’agglomération de N’Djaména telles qu’énumérées ci-après : - la réalisation et l’entretien des équipements d’intérêt communal, notamment (…) les musées (…) »534. En effet, c’est de la loi n°033/PR/2006 précitée, que la commune tire le fondement de son intervention dans le domaine de la culture, de la jeunesse, des sports et des loisirs. Ladite loi dispose qu’en matière de la culture, de la

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Article 67 al. 3 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 précitée. Article 39 de la Constitution de la République du Tchad de 1996 révisée. 534 Article 8 de la loi n°009/PR/2005 du 15 juillet 2005 ci-haut citée. 533

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jeunesse, des sports et loisirs, « la commune reçoit les compétences suivantes : - l’identification des besoins en matière culturelle, sportive et de loisirs ; - la promotion, l’organisation et l’animation des manifestations culturelles sportives communales ; - la construction, l’équipement et la gestion des infrastructures culturelles sportives ; - la création, l’organisation, le fonctionnement des musées communaux ; - l’octroi des subventions aux associations culturelles et sportives ; - la participation à l’équipement des associations sportives et culturelles »535. La loi n°009/PR/2005 du 15 juillet 2005 portant statut particulier de la Ville de N’Djaména précise aussi clairement que « chaque conseil d’arrondissement œuvre à la promotion et à l’amélioration du cadre de vie des populations par : - (…) les maisons de culture et de jeunesse ; - les terrains de jeux et d’éducation physique ; - les stades de quartier à l’exemple de stade municipal et des stades confiés à la ville par des particuliers »536. C’est ainsi qu’on recense aujourd’hui dans plusieurs villes du Tchad, des bibliothèques et musées communaux, des centres d’apprentissage de musique, de danse, de théâtre, d’arts plastiques etc. Toutefois, comme dans d’autres domaines, l’exercice de ces compétences tient compte de certaines limites. Les mêmes services sont aussi dévolues à d’autres CTD. Toutefois, à ce titre, la commune, dans la promotion des activités culturelles et sportives peut subventionner les associations, construire les équipements nécessaires, tels que les stades omnisports, les cinémas et salles de jeux etc. Enfin, il ne faut pas perdre de vue l’intervention des communes dans la protection des sites et patrimoines à caractère culturel. E- le domaine de l’urbanisme et de l’habitat L’intervention dans le domaine de l’urbanisme et de l’habitat est l’une des attributions essentielles de l’administration communale. Puisque la problématique de la politique de l’urbanisme est elle-même un enjeu réel au Tchad, la commune a une lourde tâche en la matière. Étant entendu que le droit de l’urbanisme lui-même est le régime juridique applicable à l’utilisation du sol, en milieu urbain surtout. A cet effet, la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000, dispose : « le conseil municipal donne obligatoirement son avis sur :

535 536

Article 14 de la loi n°033/PR/2006 ci-haut citée. Article 16 de loi n°009/PR/2005 du 15 juillet 2005 précitée.

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- le schéma directeur d’aménagement urbain à l’occasion de son établissement ou de sa révision ; - le plan d’occupation du sol ; - les projets d’alignement et de nivellement de la grande voirie ; (etc.) »537. A la suite de cette loi organique, la loi n°033/PR/2006, reconnait à la commune assez de compétences en la matière lorsqu’il précise qu’en matière d’urbanisme et d’habitat, « la commune reçoit les compétences suivantes : - l’élaboration des plans urbains de référence (PUR) et des schémas directeurs d’aménagement et d’urbanisme (SDAU) et des plans d’urbanisme de détail; - la délivrance des permis de construire ; - l’attribution des parcelles ; - la délivrance des autorisations d’occupation du domaine public ; - l’application de la réglementation en vigueur pour des installations produisant des nuisances ; - l’acquisition et l’aliénation des biens immobiliers et fonciers ; - l’acquisition et la dénomination des rues »538. Cette habilitation est réitérée par la loi n°009/PR/2005 du 15 juillet 2005 portant statut particulier de la Ville de N’Djaména, selon lequel, « le conseil municipal règle par délibérations les matières relevant de la compétence de la commune et présentant un intérêt pour l’ensemble de l’agglomération de N’Djaména telles qu’énumérées ci-après : - le schéma d’aménagement et d’urbanisme (...) »539. Néanmoins, l’article 9 de la même loi soumet les délibérations du conseil municipal se rapportant aux opérations d’aménagement et d’urbanisme, dont le Schéma d’Aménagement et d’Urbanisme (SAU), à l’approbation de l’autorité de tutelle avant leur exécution. Aussi, pour ce qui concerne la ville de N’Djaména toujours, le Maire de la commune d’arrondissement est consulté sur toute autorisation d’occupation du sol dans l’arrondissement délivré par le Maire de la Ville540. Au demeurant, puisque les règles gouvernant le droit de l’urbanisme en elles-mêmes visent l’aménagement du cadre de vie, à assurer sans discrimination aux populations résidentes et futures des conditions d’habitat, d’emploi, de service et de transport répondant à la diversité du territoire et de ses ressources, gérer le sol de façon économe, assurer la protection des milieux naturels et des paysages, ainsi que la sécurité et la salubrité publique, promouvoir l’équilibre entre les populations résidentes dans les zones rurales et urbaines, l’autorité communale, détentrice de la police 537

Article 45 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 ci-haut citée. Article 28 de la loi n°033/PR/2006 ci-haut citée. 539 Article 8 de la loi n°009/PR/2005 du 15 juillet 2005 ci-haut citée. 540 Article 23 de la même loi. 538

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administrative, à l’obligation de prendre en compte tous ces aspects énumérés et ne saurait déroger à ses obligations relevant de l’urbanisme. C’est donc à juste titre que le Prof. Jean-François LACHAUME541 reconnaissait qu’aménagement et urbanisme sont inséparables. Cette intervention se manifeste par l’édiction et/ou la délivrance des documents d’aménagement et d’urbanisme. Ainsi, c’est à la commune que revient l’initiative de l’élaboration et de la révision des schémas directeurs ou de secteurs. C’est aussi elle qui détient la compétence de l’élaboration du POS, etc. La commune délivre les permis de construire542, les diverses autorisations d’occupation du sol et tout autre document y relatif, exception faite aux communes non dotées du POS dans lesquelles cette compétence revient à l’Etat, le Maire intervenant en tant qu’agent de ce dernier. Les diverses autorisations délivrées par la Commune au Tchad au titre de documents d’urbanisme concernent notamment le certificat d’urbanisme, le permis de construire, le certificat de conformité d’une construction avec un permis de construire, les autorisations et actes relatifs au lotissement etc. En tout état de cause, les documents du Maire relatifs aux domaines de l’urbanisme, en tant qu’Actes Administratifs Unilatéraux, sont susceptibles de Recours pour Excès de Pouvoir car, agissant en tant qu’autorité administrative. Pour ce qui concerne l’habitat en l’occurrence, l’on constate un sérieux problème dans les communes du Tchad, caractérisées dans la plupart des cas par des habitations anarchiques. Ceci est la conséquence du déficit d’urbanisme, car l’urbanisation de la plupart des villes tchadiennes intervient après l’occupation spatiale. Les quartiers périphériques étant toujours l’objet d’opérations de restructuration, mettant à chaque fois les populations dans des situations de désarroi. F- le domaine de transport et de la circulation routière Il s’agit de la réglementation sur les transports publics dans le périmètre communale. Parler du transport urbain dans cette étude de service public ne revient pas à dire que la commune l’assume directement en mettant à la disposition des habitants les moyens de transports. Mais, en vertu des pouvoirs de police dont il dispose, le Maire a compétence pour réglementer la circulation des taxis, via les autorisations de stationnement ainsi que la délimitation des itinéraires de parcours et des parcs de stationnement. C’est à ce titre que la loi n°011/PR/2004 du 07 juin 2004 portant régime financier et fiscal des CTD, subordonne l’exploitation de taxis à l’autorisation délivrée par le Maire543. Cette exploitation donne lieu à une déclaration trimestrielle à l’occasion de laquelle est perçue une taxe forfaitaire fixée par délibération. 541

LACHAUME (J-F), L’Administration communale, op. cit, p. 95. L’article 63 al. 10 de la loi n°002/PR/2000 précitée donne la compétence au Maire, après avis de la commission technique d’urbanisme. 543 Article 25 de la loi n°011/PR/2004 du 07 juin 2004 ci-haut citée. 542

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Ceci est dû au fait que le Maire exerce la police des routes à l’intérieur du périmètre communal dans les limites des règlements en matière de circulation routière544. Dans certaines villes comme N’Djaména, la gestion du transport urbain et péri-urbain est très proche de la cacophonie : les itinéraires n’étant pas clairement définis, la question du contrôle des tarifs de transport ainsi que l’état des véhicules de transport est encore sujet à débat. Or, en matière de transports, la commune reçoit des attributions assez importantes, comme indiqué à la loi n°033/PR/2006 du 11 Décembre 2006, en vertu duquel, « la commune reçoit les compétences suivantes : - l’élaboration et l’exécution du plan communal des transports ; - la construction des voiries urbaines ; - la construction et l’entretien des gares routières ; - la réglementation des transports urbains »545. Aussi – même si cet aspect ne relève pas directement du transport urbain, mais bien plus de la circulation routière qui lui est intimement liée – en vertu de l’article 69 al. 2 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000, le Maire peut, moyennant le paiement de droits sur la base d’un tarif dûment établi, délivrer des permis de stationnement ou de dépôts temporaires sur la voie publique et d’autres lieux publics, sous réserve qu’il ait été reconnu que cette attribution peut avoir lieu sans gêner la circulation sur la voie publique et ne porter atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie. A ceci, il faut ajouter les autorisations de circuler, les taxes sur les transports urbains etc. Dans le même ordre, l’ordonnance n°017/PR/1985 du 24 juillet 1985, portant organisation des communes de moyen exercice institue des taxes sur les véhicules et moyens de transport dans la mesure où ils ne sont pas soumis à un impôt de l’Etat546. Un autre aspect très important se rattachant au transport urbain est la création et la gestion de la voirie municipale dont les frais d’entretien constituent une charge obligatoire pour la commune547. Le Maire ou le Président du comité de gestion à l’obligation d’assurer l’entretien courant de la voirie548. Néanmoins, il faut relever que cette question soulève celle du déficit d’infrastructures routières dans son ensemble et l’on se réserve de l’aborder profondément dans ce document. Pour les communes de moyen exercice, communes les plus nombreuses au Tchad, l’ordonnance n°017/PR/1985 du 24 juillet 1985 précitée, précise que les délibérations du Conseil municipal se rapportant au prolongement, l’élargissement, la suppression, la dénomination des rues et places publiques, l’établissement et la modification des plans d’alignement des voies publiques 544

Article 69 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 ci-haut citée. Article 40 de la loi n°033/PR/2006 du 11 Décembre 2006 ci-haut citée. 546 Article 38-A de l’ordonnance n°017/PR/1985 du 24 juillet 1985 ci-haut citée. 547 Article 91 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 précitée. 548 Article 26 de l’ordonnance n°017/PR/1985 du 24 juillet 1985 précitée. 545

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municipales etc. ne sont exécutoires qu’après approbation des ministres des finances et de l’intérieur549. Dans ces communes, le législateur a accordé au Président du comité de gestion le pouvoir en ce qui concerne la police routière comme o peut le lire ainsi : « le président du comité de gestion a dans l’intérieur du périmètre urbain, police des routes traversant la commune, mais seulement en ce qui concerne la circulation sur les dites voies. Il peut, moyennant le paiement de droits fixer par un tarif dûment établi, donner des permis de stationnement ou de dépôt temporaires sur la voie publique (…) » 550. Toutefois, en contrepartie des charges qui lui incombent dans la gestion du transport urbain et de la circulation routière, la commune doit percevoir, au titre de recettes ordinaires, les produits de permis de stationnement et de location sur la voie publique551. Ceci du fait que, par cette même ordonnance, le législateur fait des dépenses d’entretien de la voirie municipale, urbaine et des places publiques situées sur le territoire de la commune et n’ayant pas fait l’objet d’un arrêté de classement à la charge d’autres budgets, des dépenses obligatoires552. G- le domaine de pompes funèbres et de cimetières Selon le Professeur Jean-François LACHAUME, le service des pompes funèbres est un service traditionnellement confié à l’administration communale, tant pour des raisons d’hygiène que pour le respect des morts553. On comprend alors pourquoi le législateur tchadien a imposé que les Présidents des comités de gestion soient tenus d’urgence à ce que toute personne décédée soit ensevelie décemment sans distinction de culte ni de croyance554. C’est peut-être aussi pour cette raison que la loi n°002/PR/2000 du 16 février 2000, fait des dépenses de clôture et d’entretien des cimetières, ainsi que les dépenses d’inhumation des indigents, des charges obligatoires pour les communes555. A cet effet, les communes doivent s’assurer des conditions d’inhumation dans les cimetières, notamment la délimitation des espaces entre les fosses, les heures d’inhumation, c’est-à-dire les heures d’ouverture et de fermeture des cimetières ; et pourquoi pas la profondeur des fosses, puisqu’un corps enterré moins profondément est un risque pour la santé des riverains et usagers des cimetières. Le législateur tchadien a précisé la compétence de la commune en matière de pompes funèbres et de cimetières, lorsqu’il précise les missions de la police municipale à travers la loi organique n°002/PR/2000 précitée, selon lequel la police municipale est chargée « (…) du mode de transport des personnes décédées, les 549

Article 20 de la même ordonnance. Article 31 de la même ordonnance. 551 Voir l’article 38 de la même ordonnance. 552 Article 40 de l’ordonnance n°017/PR/1985 du 24 juillet 1985, précitée. 553 LACHAUME (J-F), L’Administration communale, op. cit, p. 73. 554 Article 28 de l’Ordonnance n°017/PR/1985 du 24 juillet 1985 précitée. 555 Article 91 de la loi n°002/PR/2000 du 16 février 2000 ci-haut citée. 550

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inhumations, les exhumations, le maintien du bon ordre et de la décence dans les cimetières(…) »556. Outre cette disposition, la loi n°033/PR/2006 du 11 Décembre 2006, dispose qu’en matière de pompes funèbres et de cimetières, « la commune reçoit les compétences suivantes : - le pouvoir réglementaire ; - la gestion des cimetières ; - le contrôle du respect des textes en vigueur »557. En plus de ces aspects et en fonction de leurs moyens, les communes mettent à la disposition de leurs populations des corbillards pour l’acheminement des dépouilles mortelles. Et en ce qui concerne les indigents et les corps délaissés, la commune à l’obligation de s’en occuper, comme évoqué précédemment. S’agissant des cimetières en l’occurrence, qui sont des terrains spécialement consacrés par la commune à l’inhumation des morts, le Prof Jean-François LACHAUME souligne que, le monopole communal n’a pas été remis en cause, sauf à réserver son transfert à un organisme de coopération intercommunale558. La jurisprudence française par exemple les intègre dans le domaine public communal en considérant, qu’étant la propriété d’une personne publique, les cimetières se trouvent affectés à l’usage direct du public559. Ainsi, les cimetières sont affectés au service public d’inhumation. Leur nombre est variable dans chaque commune au Tchad. La commune peut ainsi décider de fermer un cimetière et d’ouvrir un autre pour des raisons d’intérêt public. C’est ainsi qu’à N’Djaména par exemple, plusieurs cimetières ont été supprimés pour ne consacrer que trois (3) : celui de Toukra dans le 9ème arrondissement, celui de Lamadji dans le 10ème arrondissement et celui de Farcha dans le 1er arrondissement. Toutefois, bien qu’étant dans les ressorts territoriaux des arrondissements suscités, toutes personnes décédées peuvent y être inhumées, sans besoin d’être résidentes ou domiciliées dans la commune. En contrepartie du service rendu au titre d’entretien des cimetières, la loi n°011/PR/2004 du 07 juin 2004 portant régime financier et fiscal des CTD, prévoit que « le droit de concession dans le cimetière constitue une redevance obligatoire. Elle est perçue pour chaque tombeau, caveau ou monument »560. C’est aussi le sens de l’article 38-A de l’ordonnance n°017/PR/1985 du 24 juillet 1985 portant organisation des communes de moyen exercice.

556

Article 67 al. 3 de la même loi. Article 47 de la loi n°033/PR/2006 du 11 Décembre 2006 ci-haut citée. 558 LACHAUME (J-F), L’Administration communale, op. cit, p.76. 559 CE, 28 juin 1935, Marécar, R, 734 ; GDJDA, 383. 560 Article 64 de la loi n°011/PR/2004 du 07 juin 2004 ci-haut citée. 557

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H- le domaine d’hygiène et d’assainissement C’est le domaine dans lequel l’intervention de la commune ne doit souffrir d’aucun laxisme ni faille. La Constitution de la République du Tchad précise expressément que « toute personne a droit à un environnement sain »561. L’environnement sain renvoi sans doute aux conditions d’hygiène et de salubrité. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la grande partie du budget communal est consacrée à l’assainissement et l’hygiène. Pour cette raison aussi, la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000, fait des dépenses relatives à l’hygiène et à la salubrité publique, des dépenses afférentes aux installations et services permettant d’enlever, d’évacuer et de traiter les ordures ménagères et les déchets, ainsi que des dépenses de nettoiement de la voirie, des marchés, des installations et des jardins publics, des charges obligatoires pour la commune562. Dépenses auxquels il faut ajouter la pulvérisation des maisons, l’enlèvement et la destruction des cadavres d’animaux etc. La loi n°009/PR/2005 du 15 juillet 2005 portant statut particulier de la Ville de N’Djaména, vient entériner cette prescription en précisant que « le conseil municipal règle par délibérations les matières relevant de la compétence de la commune et présentant un intérêt pour l’ensemble de l’agglomération de N’Djaména telles qu’énumérées ci-après : - la réalisation et l’entretien des infrastructures de voirie et d’assainissement dont la gestion est transférée à la commune (etc.) »563. C’est pourquoi les populations sont trop regardantes dans ce domaine car, la santé et le cadre de vie en dépendent fortement. Le domaine d’hygiène et d’assainissement est vaste et englobe entre autres, la gestion des eaux usées et ordures ménagères, la collecte et l’élimination des déchets en même temps que la protection de l’environnement : on a droit à un environnement sain que lorsque les services d’hygiène et d’assainissement sont assurés. Le domaine d’hygiène et d’assainissement fait partie de la salubrité publique, domaine de la police administrative confié au Maire. Cependant, les services communaux qui y relèvent connaissent des limites récurrentes et les défis se posent dans toutes les communes. Aucune commune au Tchad ne peut clamer d’avoir assuré pleinement à sa population les services d’hygiène et d’assainissement. Or, il s’agit d’un service public de premier plan pour les communes. Ils constituent pour ces dernières une charge obligatoire. A cet effet, les communes doivent mettre en place – et elles le font tant bien que mal – des services de curage des égouts, de nettoyage des marchés, voiries et autres places publiques. Elles ont l’obligation de créer des poubelles publiques et des sacs à ordures, 561

Article 47 de la Constitution de la République du Tchad de 1996 révisée, article 51 de la Constitution du 04 mai 2018. 562 Article 91 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 ci-haut citée. 563 Article 8 de loi n°009/PR/2005 du 15 juillet 2005 ci-haut citée.

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des services d’élimination des déchets et d’ordures ménagères. Aussi, la création et l’entretien des latrines publiques par les communes est une illustration de leur intervention dans ce domaine. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que ces services sont gérés comme des SPIC car, la commune perçoit des redevances en contrepartie du service rendu. L’assimilation des services d’hygiène et d’assainissement au SPIC se traduit par le fait que la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000, prévoit que le Conseil municipal peut instaurer des redevances pour rémunérer un service rendu à l’avantage général ou exclusif des usagers par l’administration communale564. Ces redevances sont constituées de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, de la taxe d’assainissement et d’hygiène etc. Ainsi, la loi n°011/PR/2004 du 07 juin 2004 portant régime financier et fiscal des CTD, dispose que « la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, lorsqu’elle est instituée par le conseil municipal pour rémunérer l’enlèvement et l’élimination des ordures ménagères, est assise sur le coût global du service rendu »565. Il en est de même pour le service d’assainissement lorsque la même loi précise que « la taxe d’assainissement est assise sur la consommation d’eau prélevée par l’usager du service sur le réseau public de distribution d’eau ou sur toute autre source »566. C’est pourquoi, l’ordonnance n°017/PR/1985 du 24 juillet 1985, portant organisation des communes de moyen exercice, fait des dépenses concernant l’hygiène et la salubrité publique des dépenses obligatoires pour les communes567. Toutefois, le législateur laisse à la commune le choisir entre la taxe d’enlèvement des ordures ménagères et la redevance d’enlèvement des ordures ménagères. C’est le sens de la loi n°011/PR/2004 du 07 juin 2004 portant régime financier et fiscal des CTD, qui dispose que « la redevance d’enlèvement des ordures ménagères peut être instituée par le conseil municipal en lieu et place de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères avec laquelle elle est incompatible. Elle doit être calculée sur la base des coûts réels »568. Cependant, il est important de préciser que pour ce qui concerne les communes de moyen exercice, l’ordonnance n°017/PR/1985 du 24 juillet 1985 précitée, dispose que « ne sont exécutoires qu’après approbation des ministres des finances et de l’intérieur, les délibérations suivantes : - (…) l’intervention de la commune par voie d’exploitation directe ou simple participation financière dans les entreprises ayant pour objet le fonctionnement des services d’assistance d’hygiène et de prévoyance sociale ou la réalisation d’amélioration urbaine »569. 564

Article 83 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 ci-haut citée. Article 59 de la loi n°011/PR/2004 du 07 juin 2004 ci-haut citée. 566 Article 61 de la même loi. 567 Article 40 l’ordonnance n°017/PR/1985 du 24 juillet 1985 ci-haut citée. . 568 Article 65 de la loi n°011/PR/2004 du 07 juin 2004 ci-haut citée. 569 Article 20 l’ordonnance n°017/PR/1985 du 24 juillet 1985 ci-haut citée. 565

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Mais le constat montre qu’il subsiste une réelle difficulté pour les petites communes à assumer ces services du fait des moyens qu’ils nécessitent. Le service d’hygiène est en revanche un service public administratif car, il vise la protection générale de la santé publique, l’hygiène des immeubles, de l’alimentation, le contrôle des eaux, des piscines, des baignades, de la qualité de l’air, des bruits etc. A cela s’ajoute le service de la collecte et d’élimination des déchets qui se rattache quant à lui, à la mission de police administrative de la salubrité publique et constitue une tâche obligatoire. En outre, il est très convenable d’ajouter aux services d’hygiène et d’assainissement, la compétence de la commune en matière d’eau et d’électricité car, il faut souligner que cette dernière jouit en la matière de quelques compétences inclues dans le service de l’assainissement. C’est ce qui ressort des termes de la loi n°033/PR/2006 du 11 Décembre 2006, selon lequel, en matière d’électricité, d’eau et d’assainissement, « la commune reçoit les compétences suivantes : - la réalisation et l’entretien des bornes fontaines, forages et puits ; - la réalisation de réseaux d’eau et d’électricité ; - la définition du régime et des modalités d’accès et d’utilisation des points d’eau de toute nature »570. Au vu de l’intervention de la commune en matière d’hygiène et d’assainissement, il faut affirmer que c’est à juste titre que le législateur exige, à travers l’ordonnance n°017/PR/1985 du 24 juillet 1985, au Président du comité de gestion, l’établissement chaque année, en accord avec le chef de la circonscription médicale, un plan de campagne pour les travaux d’hygiène et de prophylaxie571. Ainsi dégagé le kaléidoscope des services publics administratifs locaux municipaux, bien que la liste ne soit pas exhaustive. Quid des services publics industriels et commerciaux municipaux ? Paragraphe 2 : les services publics industriels et commerciaux communaux Les communes ont l’habilitation pour intervenir dans le domaine économique, notamment par la création et la gestion des SPIC ; comme par exemple les abattoirs, les marchés, les foires, les boulangeries, les pâtisseries, les poissonneries, les parkings etc. C’est l’interprétation que l’on fait de la lecture de l’article 46 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000, selon lequel, les délibérations du conseil municipal portant sur la création, la modification ou la suspension des marchés et foires peuvent faire l’objet d’un sursis à exécution suite au recours introduit devant le juge de référé par l’autorité de tutelle. Le même article (al.10) prévoit l’intervention des communes dans le domaine économique et social, par voie d’exploitation directe, simple participation financière, exécution des travaux 570 571

Article 51 de la loi n°033/PR/2006 du 11 Décembre 2006 ci-haut citée. Article 27 de l’ordonnance n°017/PR/1985 du 24 juillet 1985 ci-haut citée.

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d’intérêt public, création et organisation des services publics communaux à caractère industriel, commercial et social. Au demeurant, si les interventions de l’administration communale énumérées au paragraphe précédent concernent les activités à but désintéressé, il n’en demeure pas moins que la commune, à certaines circonstances et sous certaines conditions, se comporte comme un commerçant ou un industriel, réalisant des bénéfices572. Ces circonstances constituent à cet effet le leitmotiv de son intervention dans le secteur économique, en plus des différentes aides apportées aux entreprises en difficultés, ainsi que toutes autres subventions et garanties. La commune intervient dans le domaine économique en créant des SPIC communaux, sous la forme d’EPIC. Le Professeur Jean-François LACHAUME soulignait pour le cas français que dès le début du XXème siècle, les communes sont intervenues dans le domaine économique, ne serait-ce que par leurs initiatives visant à créer, au profit de leurs habitants, un service public ayant un objet commercial (boulangerie, alimentation, boucherie communale, etc.) et c’est afin de pourvoir à leurs besoins compte tenu de l’absence ou de l’insuffisance des initiatives purement privées en la matière573. Le juge administratif, réservé à l’égard de ces interventions relevant du socialisme municipal, posa deux conditions pour reconnaître la légalité de celles-ci : un besoin de la population et une carence ou une insuffisance de l’initiative privée, la conjonction des deux faisant l’intérêt public local justifiant l’intervention. Dans le même ordre d’idée, le législateur tchadien a reconnu la nécessité d’impliquer les communes dans le développement des activités industrielles et commerciales. C’est pourquoi il prescrit à travers la loi n°033/PR/2006 du 11 Décembre 2006, qu’en matière de commerce et d’industrie, « la commune reçoit les compétences suivantes : - (…) la création et l’organisation des établissements publics à caractère industriel, commercial et touristique ; - la création de tout équipement urbain marchand ; - la promotion des activités commerciales, industrielles, (…) »574. Mais avant cette législation de 2006, la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000, prévoyait déjà que « les délibérations du conseil municipal portant sur les matières ci-dessous peuvent faire l’objet d’un sursis à exécution suite au recours introduit devant le juge de référé par l’autorité de tutelle : - la création, la transformation des services ou des emplois entrainant une aggravation des charges budgétaires ; 572

Même s’il faut reconnaitre que celles-ci ne constituent pas la finalité première recherchée par ma commune. 573 LACHAUME (J-F), L’Administration communale, op. cit, P. 98. 574 Article 36 de la loi n°033/PR/2006 du 11 Décembre 2006 ci-haut citée.

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- l’intervention des communes dans le domaine économique par voie d’exploitation directe, simple participation financière, exécution des travaux d’intérêt public, création et organisation des services publics communaux à caractère industriel et commercial »575. En effet, les SPIC diffèrent fondamentalement des SPA étudiés précédemment sur trois (3) points : d’abord, le régime financier de leur exploitation doit ressortir un équilibre du budget, sans subvention du budget communal. Ensuite, le droit applicable aux relations individuelles entre eux et leurs usagers est le droit privé. De même, leurs agents sont régis par le droit privé, hormis le Directeur Général et le Comptable, s’il a la qualité de Comptable public. De cette relation naît enfin le 3ème critère qu’est celui de la compétence du juge judiciaire en cas de litige. C’est à cet effet que la jurisprudence du Conseil d’Etat français détermine l’équilibre entre le respect de la liberté du commerce et de l’industrie (qui s’oppose à l’intervention des collectivités locales en matière économique) et les circonstances particulières de temps et de lieu, qui peuvent faire apparaitre l’intérêt public de ces activités (et qui justifient alors ces interventions). La loi du 2 mars 1982- 213 a, comme pour le département, étendu les possibilités d’intervention de la commune en matière économique et sociale. En outre, la loi du 7 juillet 1983- 597 a déterminé le régime juridique des Sociétés d’Economie Mixte Locales (SEML). Elles peuvent être créées pour réaliser des opérations d’aménagement et de construction, pour exploiter des SPIC ou pour toute autre activité générale, sous réserve du respect de la liberté de commerce et de l’industrie et sous le contrôle du juge administratif. La SEML doit prendre la forme d’une société anonyme et les collectivités territoriales détenir plus de la moitié du capital et des voix dans les organes576. Dans la présentation qui suit, les termes SPIC et EPIC s’équivalent. Toutefois, l’on pourra employer SPIC pour désigner le service public en tant qu’activité (critère fonctionnel ou matériel) et EPIC pour désigner l’organisme en charge de ce service public (critère organique). Aussi, n’ayant pas la prétention d’étudier tous les services publics industriels et commerciaux communaux au Tchad, nous jugerons mieux étudier ici quelques-uns, à titre d’exemple. Les caractéristiques de ceux étudiés ici sont, nous estimons, analogues à celles de ceux qui échapperaient ou seraient perdus de vue dans la présente étude. A cet effet, nous recensons les SPIC communaux entre autres : Ales Abattoirs municipaux : Ils sont des SPIC car les différentes taxes instituées sur l’abattage d’animaux dans le périmètre communal montrent que les abattoirs municipaux remplissent les critères propres à de tels services. Tel est le cas 575 576

Article 46 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 ci-haut citée. V. circ. 16 juil. 1985, J.O, 24 aout 1985, p. 9785.

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de l’article 83 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 précitée, qui prévoit que le Conseil municipal peut instaurer des redevances pour rémunérer un service rendu à l’avantage général ou exclusif des usagers par l’administration communale. Parmi ces redevances figure la taxe d’abattage. C’est aussi le sens de l’article 63 de la loi n°011/PR/2004 du 07 juin 2004 portant régime financier et fiscal des CTD, qui dispose que « la taxe d’abattage est perçue par animal abattu dans l’enceinte de l’abattoir situé dans le périmètre communal et entretenu par la commune selon le taux fixé par la loi de finance (…) ». L’article 38, A de l’ordonnance n°017/PR/1985 du 24 juillet 1985, précise le même contenu. Ainsi, la lecture des différences réglementations sus énumérées prête à comprendre que la commune bénéficie sans nul doute de l’habilitation pour la création et la gestion d’un abattoir municipal, considéré comme un EPIC local. Pour cette raison, des abattoirs sont aménagés dans toutes les communes du Tchad. Ils doivent permettre l’abattage des animaux dans des conditions descentes et hygiéniques. Le Tchad étant un pays d’élevage, on ne pourrait concevoir qu’il puisse exister une ville ou une commune ne disposant pas de ce service. Bles places de marchés : Les marchés dont il est question ici sont des structures bien délimitées et circonscrits, servant de plateformes d’échanges de marchandises. Il ne faut donc pas les confondre avec les marchés publics, en tant que contrats administratifs par lesquels une personne publique ou son mandant, charge une personne privée de la réalisation des travaux, la fourniture des biens mobiliers ou la prestation des services. En effet, les marchés sont des EPIC communaux, du fait que, pour leur fonctionnement, la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 précité, prévoit que le Conseil municipal peut instaurer des redevances pour rémunérer un service rendu à l’avantage général ou exclusif des usagers par l’administration communale577. De ces redevances il est prévu des droits de place sur les marchés. La loi n°011/PR/2004 du 07 juin 2004 portant régime financier et fiscal des CTD, fixe des taxes rémunératoires constituant des droits de place sur les marchés et qui font l’objet de paiement quotidien, hebdomadaire ou mensuel578. C’est aussi ce que prévoit l’article 38 l’ordonnance n°017/PR/1985 du 24 juillet 1985. Au demeurant, la création des marchés est l’un des services minimum que doit assurer la commune à ses habitants. C’est donc à juste titre que la loi n°009/PR/2005 du 15 juillet 2005 portant statut particulier de la ville de N’Djaména, prévoit à la charge des communes d’arrondissements, que chaque Conseil d’arrondissement doit mettre en place un minimum de service de base à même de satisfaire les besoins fondamentaux des populations. Chaque Conseil d’arrondissement œuvre donc pour la 577 578

Article 83 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 ci-haut citée. Article 56 de loi n°011/PR/2004 du 07 juin 2004 ci-haut citée.

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promotion et l’amélioration du cadre de vie des populations par un certain nombre de services dont la gestion des marchés de quartiers579. Ainsi, dans chaque commune du Tchad, on rencontre des marchés. Certaines communes, en fonction de leur importance démographique, ne comptent qu’en seul. D’autres par contre renferment plusieurs, par arrondissement voire par quartiers. Il serait difficile de préciser ici le nombre exact des marchés communaux au Tchad. Mais pour ce qui concerne les marchés de quartiers, on constate qu’il n’est généralement pas prévu des endroits appropriés et prévus d’avance. Dans la plupart des cas, ils occupent des rues et des espaces réservés à d’autres fins. Cles foires : Etudier les foires au rang des services publics industriels et commerciaux semble peu perplexe, mais non incongru à la vérité. Les foires, entendues comme des expositions, des salons ou encore des grands marchés ouverts au public où l’on vend en général plusieurs sortes de marchandises et qui ont lieu à des dates et en un lieu fixés (généralement en milieu rural), peuvent être organisées par les communes. Celles-ci les organisent généralement en prélude ou à l’occasion des grandes fêtes, telle que celle de la SENAFET et du 8 Mars. L’on se souvient encore de celle organisée par la commune de Danamadji en Mars 2003 à l’occasion de la SENAFET de la même année. En effet, la foire rassemble quasiment toutes les caractéristiques d’un SPIC, à l’instar des marchés étudiés ci-haut, où la commune, en rendant ce service public d’échanges de biens et de services à sa population, tire aussi des dividendes en instaurant des taxes et redevances. La distinction réside au niveau de son caractère temporaire ou périodique ; mais cette situation peut être tempérée par le fait qu’il existe aussi dans certaines communes – surtout rurales – des marchés hebdomadaires et donc périodiques. La foire est un SPIC et le législateur tchadien à travers la loi n°011/PR/2004 du 07 juin 2004 portant régime financier et fiscal des CTD, fixant les taxes rémunératoires des CTD, précise que les taxes rémunératoires constituant les droits de place sur les foires peuvent faire l’objet, selon le cas, de paiement quotidien, hebdomadaire ou mensuel580. De même, l’ordonnance n°017/PR/1985 du 24 juillet 1985, prévoit, en ce qui concerne les recettes ordinaires, que les produits des droits de place perçus dans les foires constituent les produits des impôts et taxes obligatoires581. La création des foires et marchés par les communes a préoccupé le législateur tchadien au point de soumettre l’habilitation au seul Conseil municipal ; cette création étant susceptible de recours devant le juge administratif par l’autorité de tutelle. C’est ainsi que la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000, dispose que « les délibérations du 579

Articles 15 et 16 de la loi n°009/PR/2005 du 15 juillet 2005 ci-haut citée. Article 56 de la loi n°011/PR/2004 du 07 juin 2004 ci-haut citée. 581 Article 38 de l’ordonnance n°017/PR/1985 du 24 juillet 1985 ci-haut citée. 580

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conseil municipal portant sur les matières ci-dessous énumérées peuvent faire l’objet d’un sursis à exécution suite au recours introduit devant le juge de référé par l’autorité de tutelle : - la création, la modification ou la suppression des marchés et foires »582. A cet effet, le Maire, à travers ses attributions en matière de police municipale, à l’obligation d’assurer le maintien du bon ordre dans les foires, lorsque celles-ci sont instituées par le Conseil municipal. Dles parkings : Le parking, définit comme un endroit aménagé pour le stationnement et le gardiennage des engins, a le caractère d’un EPIC, s’il est créé par la commune qui en assure la gestion. Il va de soi qu’une telle gestion nécessite des redevances au profit de la commune en contrepartie du service rendu. Toutefois, il faut souligner que la prise en compte des parkings n’intervient qu’à des rares cas dans la législation sur la décentralisation au Tchad. Néanmoins, le législateur ne l’a pas totalement perdu de vue. C’est ainsi qu’on peut lire dans la loi n°011/PR/2004 du 07 juin 2004 portant régime financier et fiscal des CTD, qui, en prévoyant des taxes rémunératoires et des redevances au profit des CTD, dispose que « le tarif ou le taux de la taxe rémunératoire ou de la redevance, dont le produit ne peut excéder globalement le coût raisonnablement estimé du service qu’elle rétribue, est déterminé en tenant compte, à l’exclusion de toute marge bénéficiaire : - de l’amortissement normal des équipements et installations y compris, le cas échéant, les accès immédiats et parkings aménagés au bénéfice des usagers »583. C’est la seule disposition qui prévoit, d’après nos recherches, « des parkings aménagés au bénéfice des usagers ». A cet effet, l’habilitation de la commune pour la création des parkings est donc sans conteste. Néanmoins, il se pose un souci en ce qui concerne l’organe habilité à les créer, du fait du mutisme juridique sur la question. Mais puisqu’il s’agit d’un service public local, nous estimons que c’est à l’organe délibérant, le Conseil municipal, que revient ce pouvoir de création. Cependant, le constat démontre que ce service est au Tchad, quasiment entre les mains de l’initiative privée. C’est généralement les particuliers et les associations qui créent les parkings pour le stationnement et le gardiennage des engins autours des lieux publics (marché, stades, formations sanitaires, cinémas, Institutions publiques etc.). Toutefois, la commune ne perd pas totalement le contrôle de cette activité car, c’est elle qui délivre les autorisations de fonctionnement. Elle fixe à cet effet des taxes sur leur exploitation.

582 583

Article 46 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 ci-haut citée. Article 9 la loi n°011/PR/2004 du 07 juin 2004 ci-haut citée.

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En somme, les communes ont l’habilitation pour créer des pharmacies, des restaurants, des stations de lavages d’engins, des alimentations, des supers marchés, des hôtels et auberges, des usines de fabrication de glace, des boulangeries, des pompes distributrices de carburant, etc. en tant qu’EPIC, en fonction de leurs ressources et aux seules conditions, comme évoqué ci-dessus, qu’il y ait un réel besoin pour la population et une absence, une carence ou une insuffisance de l’initiative privée. Paragraphe 3 : les services publics sociaux et touristiques communaux Les services publics sociaux et touristiques constituent la 3ème catégorie de services publics prévue par le législateur tchadien, après les services publics administratifs et industriels et commerciaux. En effet, regrouper certaines activités de l’administration communale dans cette rubrique n’est pas fortuit. La justification tient du fait que ces services ont une nature hybride car, ils empruntent tantôt les caractéristiques propres aux SPA, tantôt celles propres aux SPIC. Pour ce fait, il serait incohérent de les inclure totalement dans l’une ou l’autre des deux catégories. En effet, les services publics sociaux se rapprochent plus des SPA que des SPIC, lorsqu’on s’en tient au but désintéressé qu’ils poursuivent. Mais lorsqu’on se tourne du côté de leur mode gestion, il ressort qu’ils sont proches des SPIC, vues les règles de droit privé qui gouvernent leurs rapports avec les usagers et les agents. Toutefois, pour beaucoup d’auteurs, les services publics sociaux sont une catégorie de service public disparu. Les services publics touristiques quant à eux sont proches des SPIC, que ce soit sur l’aspect pécuniaire – même si ceci n’est pas forcément le premier but recherché – ou sur le mode de gestion. A titre d’exemple, l’entrée sur tout site touristique est généralement payante. En effet, les communes développent ou encouragent des activités touristiques, dans le dessein d’attirer des touristes, et par voie de conséquences, réaliser des économies à travers les diverses taxes et redevances. Pour ce qui concerne leur mode de gestion, celui-ci relève du droit privé et donc assimilable aux SPIC car, le régime juridique régissant les rapports entre ces services et les usagers et agents relèvent du droit privé. Les services publics sociaux ne seront pas traités dans la présente partie. Nous les avons déjà abordés dans le domaine socio-sanitaire, lorsque nous présentions les SPA communaux. Il s’agit en réalité des services se rapportant au domaine de l’action sociale, telle que la participation de la commune à la création des logements sociaux et la gestion des centres sociaux, l’assistance aux personnes vulnérables, aux personnes nécessiteuses et aux personnes en situation de sinistre, tel que déjà étudiés ci-haut. La clarification de leur rapprochement, tantôt avec les SPA, tantôt avec les SPIC, permettait juste de souligner leur mode de gestion. Pour ce qui concerne les services publics touristiques en revanche, il s’agit des activités se rapportant au développement touristique, comme nous

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l’avions déjà mentionné. La loi n°033/PR/2006 du 11 Décembre 2006 portant répartition des compétences entre l’Etat et les CTD, prévoit que la commune reçoit la compétence pour la promotion des activités touristiques584. C’est ainsi que le décret n°421/PR/PM/MASTSP/2014 du 20 juin 2014 fixant les clés de répartition des ressources financières entre la commune de la Ville de N’Djaména et les communes d’arrondissements prévoit au bénéfice de la commune de la Ville de N’Djaména (65%) et des communes d’arrondissement (35%) des recettes fiscales et parafiscales sur les taxes de développement touristique585. Dans le même ordre, la loi n°011/PR/2004 du 11 février 2004 portant régime financier et fiscal des CTD prévoit aussi que les communes peuvent instituer selon des modalités bien définies, la taxe de développement touristique586. Ce qui signifie que le service public touristique n’est pas perdu de vue par les textes sur la décentralisation au Tchad. Le service public touristique entre dans le cadre des activités à visée économique de la commune. Les parcs, les forêts classées, les aires de chasse, les réserves fauniques, les cases zoologiques etc. sont créés par les communes qui en ont la possibilité, non seulement pour améliorer le cadre de vie de leurs populations mais aussi, pour attirer des personnes susceptibles de participer à l’économie locale. En outre, si les communes ne créent pas directement tous les services en lien avec les activités touristiques, tels que les hôtels, les auberges etc., elles prennent le soin d’y assurer l’hygiène, la sécurité et la salubrité ; étant entendu que ce sont ces structures qui accueillent les touristes. La commune perçoit à ce titre la taxe de séjour qui est assise sur le nombre réel des nuitées pour les hôtels sur un tarif journalier forfaitaire par chambre pour les auberges situées dans le périmètre communal. Cette taxe est perçue selon un tarif établi par délibération du Conseil municipal et est versée périodiquement à la recette communale. A cet effet, la taxe de développement touristique est perçue dans les conditions et modalités fixées par la loi n°001/PR/2002 du 07 janvier 2002 et l’article 9 de la loi n°007/PR/2004 du 11 février 2004. Cependant, l’on constate dans le domaine touristique l’initiative privée qui ne saurait être passée sous silence. Des personnes privées créent dans les périmètres de certaines communes des centres touristiques, telle que la Case Zoologique de Koundoul (CaZoK) dans la commune de Koundoul. L’exploitation de tels centres est subordonnée à l’autorisation préalable de l’autorité municipale qui en instaure une taxe. Ce qui fait aussi que l’exploitant fixe en contrepartie des redevances au titre de chaque visite.

584

Article 36 de la loi n°033/PR/2006 du 11 Décembre 2006 ci-haut citée. Article 3 du décret n°421/PR/PM/MASTSP/2014 du 20 juin 2014 ci-haut cité. 586 Article 16 – 17 de la loi n°011/PR/2004 du 11 février 2004 ci-haut citée. 585

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En somme, les communes peuvent créer des services publics administratifs, industriels, commerciaux, sociaux, touristiques, etc. dans le dessein de répondre directement ou indirectement aux besoins de leurs populations. Les études faites jusque-là démontrent une telle habilitation. Quid de leurs modes de gestion ? Paragraphe 4 : les modes de gestion des services publics communaux Les textes organisant la décentralisation au Tchad confient aux CTD la gestion des services publics, sans pour autant préciser explicitement les modes. A titre d’illustration, la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 portant statuts des CTD, prévoit que le Conseil municipal peut délibérer sur la création et l’organisation des services publics communaux à caractère industriel, commercial et social ; lesdites délibérations pouvant faire l’objet d’un sursis à exécution suite au recours introduit devant le juge de référé par l’autorité de tutelle587. De même, la loi n°009/PR/2005 du 15 juillet 2005 portant statut particulier de la Ville de N’Djaména, précise que « le conseil municipal règle par délibérations les matières relevant de la compétence de la commune et présentant un intérêt pour l’ensemble de l’agglomération de N’Djaména telles qu’énumérées ci-après : - la création et le mode de gestion des services et organismes personnalisés de la commune, la gestion du personnel (etc.) »588. La lecture de cette dernière disposition laisse comprendre qu’il appartient à l’organe délibérant communal de déterminer les modes de gestion de ces services. L’article 9 de la même loi réitère le pouvoir de création et de gestion desdits services par le Conseil municipal, tout en précisant que les délibérations se rapportant à cette matière ne deviennent exécutoires qu’après approbation par l’autorité de tutelle. C’est à ce niveau qu’on constate un contrôle d’opportunité à priori car, si en cette matière – et dans bien d’autres, prévues par le même article – le législateur soumet l’exécution des délibérations municipales à l’approbation préalable de l’autorité de tutelle, ceci voudrait tacitement reconnaitre le pouvoir d’appréciation de l’opportunité des actes des collectivités locales par cette autorité. Or, la logique de la décentralisation, et même la Constitution en son article 204 al. 2 prévoit que « les délibérations des Assemblées locales sont exécutoires de plein droit ». Le législateur pose une dérogation à ce principe, en prévoyant à l’article 47 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 que les délibérations du Conseil municipal exécutoires de plein droit ne concernent que celles qui sont non soumises à approbation. En principe, l’on doit préconiser plutôt le contrôle de légalité a posteriori, peu importe l’acte en cause. Par ce contrôle, l’autorité de tutelle ne pourra que demander au juge administratif d’annuler de telles délibérations (ou saisir directement l’autorité municipale et lui faire comprendre son intention de faire annuler 587 588

Article 46 – 10 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 ci-haut citée. Article 8 de la loi n°009/PR/2005 du 15 juillet 2005 ci-haut citée.

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l’acte par le juge administratif) et non les apprécier lui-même. Sinon, en disposant ainsi, le législateur créé un frein à la libre administration des communes. Au demeurant, on entend ici par mode de gestion d’un service public, la manière dont un service public est assuré. Elle renferme les règles prévues pour cette gestion, en même tant que les pratiques. Ces règles concernent l’organisation du service, son fonctionnement, la gestion des ressources humaines, matérielles et financières ainsi que ses relations avec les usagers, agents et autres services etc. De ce fait, les modes de gestion varient lorsqu’il s’agit d’un SPA, d’un SPIC ou des services publics sociaux et touristiques. Et même à l’intérieur de chaque catégorie, l’organe responsable du service peut décider des modes de gestion différents. Les modes de gestion des services publics communaux, qu’ils soient administratifs, commerciaux, industriels, sociaux ou touristiques sont variables. Toutefois, l’on se limite ici à la régie, à l’établissement public et à la délégation de service public avec ses différentes composantes. ALa régie Tiré du latin « regere » qui signifie diriger, la régie est un mode de gestion d’un service public, soit par la personne publique responsable dudit service (régie directe) soit par une autre personne, publique ou privée, extérieure à la personne publique responsable (régie intéressée). En effet, on parle de régie directe lorsque le service public est directement assuré par la personne publique dont il dépend. Le service public est assuré par cette personne publique à travers ses propres moyens matériels, humains et financiers. Dans le cadre communal dont il est question ici, il s’agit des services publics assurés par l’autorité municipale à travers son personnel, ses équipements, ses matériels, ses ouvrages589 et ses fonds. On parle de la régie municipale, pour désigner le mode de gestion directe d’un service public communal à caractère industriel et commercial doté de l’autonomie financière (et parfois de la personnalité juridique). En revanche, la quasi-totalité des SPA communaux sont gérés en régie directe. Les exemples sont légion : les commissariats de police municipale, les services de voirie, les services d’état civil etc. Néanmoins, certains SPA communaux peuvent être régis de manière intéressée en fonction des nécessités. La régie intéressée quant à elle est le mode de gestion d’un service public qui consiste à confier ledit service à un régisseur, personne privée généralement, qui n’assure ni les frais d’établissement et ne supporte ni les risques mais, est intéressé financièrement aux résultats de l’exploitation. Autrement dit, c’est un contrat par lequel une entreprise est chargée de gérer un service public pour le compte d’une collectivité publique, moyennant une 589

Néanmoins, la commune peut gérer ses services publics en régie directe tout en louant ces équipements, matériels et ouvrages.

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rémunération versée par la collectivité et indexée sur le chiffre d’affaire réalisé590. C’est une forme de délégation de service public. Dans la plupart des cas, les SPIC communaux sont gérés par le mode de la régie intéressée.591 BL’établissement public L’établissement public peut être propre à une commune ou un organisme de coopération. Propre à une commune c’est-à-dire créé par cette dernière. Un organisme de coopération c’est-à-dire né de la coopération décentralisée (établissement public de coopération intercommunale – EPCI592), créé par plusieurs communes. En effet, l’établissement public est une personne morale spécialisée, rattachée à une ou plusieurs collectivités territoriales (établissements nationaux ou locaux). Soumis au principe dit de spécialité, l’établissement public assure la gestion d’un service public ou d’une activité incombant à l’administration. Il est soumis à des règles diverses qui varient en fonction de ses différentes catégories. On rencontre quelque fois des prérogatives de puissance publique dans ses actions. L’établissement public peut être administratif, industriel ou commercial, scientifique et culturel, touristique, social etc. L’établissement public administratif est une catégorie d’établissement public gérant un service ou une activité de caractère administratif et soumis à un régime de droit public. Exemple : les bibliothèques municipales, les écoles primaires, maternelles et garderies municipales, etc. L’établissement public industriel et commercial est la catégorie d’établissement public qui, gérant un service ou une activité à caractère économique, est principalement soumis à un régime de droit privé593. On peut citer à titre d’illustration, les abattoirs municipaux, les parkings municipaux etc. 590

ROUAULT (M-C), L’essentiel de l’organisation administrative, op. cit, p. 23. Toutefois, il faut distinguer la régie en matière de service public de la mise en régie qui est une sanction du droit des marchés publics, appelé encore réadjudication à la folle enchère, qui consiste à substituer à l’entrepreneur coupable d’une faute dans l’exécution du marché, un régisseur choisi par l’administration qui poursuit cette exécution aux frais et risques de cet entrepreneur. Il faut également le distinguer de la régie dans la comptabilité publique qui est un mécanisme dérogatoire à la règle de la séparation des ordonnateurs et des comptables et qui permet à un agent de l’administration (le régisseur), soit de régler directement une dépense au moyen d’une avance qui lui est consentie par le comptable (régie d’avance) soit de percevoir et de détenir temporairement une recette en attendant de la reverser au comptable (régie de recette). Voir pour plus de détails, CORNU (G) (Dir.), Le vocabulaire juridique, op. cit, p. 876 – 877. 592 L’établissement de coopération intercommunale (généralement dans le cadre de l’intercommunalité) est un établissement public à fiscalité propre correspondant à une communauté intercommunale (communauté d’agglomération, communauté urbaine…) qui est administré par le conseil de la communauté et un président, et qui, dans l’espace de solidarité, exerce de plein droit, au lieu et place des communes membres, les compétences que détermine la loi en matière de développement, d’aménagement, de logement, de service collectifs, etc. 593 Pour d’amples éclaircissements sur la définition de l’établissement public, voir CORNU (G) (Dir.), Le vocabulaire juridique, op. cit, p. 417 – 418. 591

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CLa délégation de service public La délégation de service public consiste, pour une personne morale de droit public, à confier par contrat, à une personne publique ou privée appelée délégataire, la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité. La rémunération du délégataire est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d’acquérir des biens nécessaires au service. Il faudrait que la rémunération « propre » du délégataire (sous forme de redevances perçues directement sur les usagers du service) ait une influence suffisante sur l’équilibre financier du contrat. Autrement dit, le délégataire doit assumer un véritable risque économique et financier594. On distingue plusieurs types de délégations de services publics dont : - La concession595 par laquelle le concessionnaire se voit confier la réalisation d’un équipement public et la gestion du service public qui s’y attache (exemple : concession d’autoroute). La concession est l’archétype du contrat octroyant le droit d’exploiter un service ou un ouvrage596. Le concessionnaire est chargé d’exploiter le service et supporte les dépenses de premier établissement, travaux et investissements nécessaires à l’exploitation du service597. L’ordonnance n°017/PR/1985 du 24 juillet 1985, portant organisation des communes 594

Voir C.E, 30 juin 1999, SMITOM : le Conseil d’Etat français a estimé qu’un service d’enlèvement des ordures ménagères était bien une délégation de service public alors que la rémunération propre du cocontractant n’était que de 30% de sa rémunération globale, les 70% restant étant versés par la collectivité. Voir aussi, VANLANG (A), GONDOUIN (G) et INSERGUET-BRISSET (V), Dictionnaire de droit administratif, Paris, Sirey, 7ème édition, 2015, p 160. 595 Il sied tout d’abord de préciser qu’il existe trois (3) types de concessions en Droit administratif : Le premier désigne la convention consistant à confier à un particulier, une société notamment, l’exécution des travaux ou ouvrages (voies ferrées, ouvrage de production et de distribution de gaz et d’électricité, réseau d’adduction d’eau, les concessions d’autoroute etc.) et la gestion du service public qui en résulte. Le deuxième renvoi à la concession de voirie qui permet une occupation privative prolongée du domaine public : concessions funéraires, concessions de place dans les halls et les marchés communaux etc. Il s’agit des contrats n’ayant d’autres buts que l’occupation du domaine public dans des conditions plus ou moins favorables à l’occupant selon la conformité ou la compatibilité avec l’affectation domaniale. Ce sont de contrats à contenu plus complexe car comportant une obligation de service public (concession de plage par exemple). Le troisième enfin, désigne les concessions d’aménagement qui sont des contrats passés par une personne publique avec un aménageur public ou privé afin que celui-ci assure la maîtrise d’ouvrage des travaux et équipements relatifs à l’opération d’aménagement, réalise les études et la commercialisation des biens situés sur le périmètre de la convention. Le concessionnaire peut également être chargé d’acquérir les terrains nécessaires par l’expropriation ou la préemption. Pour les différentes définitions, voir VANLANG (A), GONDOUIN (G) et INSERGUETBRISSET (V), Dictionnaire de droit administratif, op. cit, p. 99 – 102. 596 MORALES (M), « Le prix négatif dans les marchés publics », AJDA, 3 août 2015, p. 1530. 597 ROUAULT (M-C), L’essentiel de l’organisation administrative, op. cit, p. 23.

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de moyen exercice, prévoit au titre des recettes ordinaires, les produits des services concédés598. Le Décret N°529/PR/PM/MCD/2011 du 1er juin 2011 portant création et attributions des services des CTD, prévoit aussi la concession du service d’enlèvement des ordures dans le cadre départemental lorsqu’il dispose que le service de santé, hygiène et assainissement est chargé d’assurer le contrôle du service concédé d’enlèvement des ordures ménagères et industrielles599. - L’affermage aux termes duquel la personne publique, après avoir réalisé elle-même les investissements et les travaux nécessaires, confie au « fermier » l’exploitation du service public (exemple : affermage de la distribution d’eau potable). En contrepartie, ce dernier perçoit une rémunération tirée des recettes de l’exploitation. L’affermage, proche de la concession, s’en distingue dans la mesure où le fermier n’a pas à financer les dépenses de premier établissement. Les ouvrages qu’il utilise lui sont remis par la collectivité affermante pour l’exploitation du service et il doit, en contrepartie, reverser une partie des sommes perçues sur les usagers du service à cette collectivité publique, de manière à couvrir les investissements qu’elle a réalisé600 ; - Les contrats de régie intéressée601, de gérance et de mandat pour lesquels le cocontractant perçoit un intéressement lié aux résultats de l’exploitation du service602. Ce sont des contrats par lesquels une entreprise est chargée de gérer un service public pour le compte d’une collectivité publique, moyennant une rémunération versée par la collectivité et indexée sur le chiffre d’affaire réalisé603. En effet, lorsque la commune décide de confier des services à des établissements publics ou à des personnes privées via a délégation de service public, sur lesquelles elle exerce des contrôles sur l’organisation et le 598

Article 38 de l’ordonnance n°017/PR/1985 du 24 juillet 1985 ci-haut citée. L’article 35 – 7 du décret N°529/PR/PM/MCD/2011 du 1er juin 2011 ci-haut cité. 600 ROUAULT (M-C), L’essentiel de l’organisation administrative, op. cit, p. 23. 601 La régie intéressée est une modalité de délégation contractuelle du service public. Au régisseur, personne privée le plus souvent, est confiée la gestion quotidienne du service tandis que la collectivité conserve la responsabilité générale de ce dernier. Le régisseur n’est pas rémunéré par les usagers, mais essentiellement par la collectivité. Sa rémunération est liée aux résultats de sa gestion : amélioration de la qualité du service, économie réalisées dans la gestion, gains en productivité… VANLANG (A), GONDOUIN (G) et INSERGUET-BRISSET (V), Dictionnaire de droit administratif, op. cit, p. 406. 602 Mais dans la plupart des cas, sa rémunération est essentiellement forfaitaire (fixée à l’avance et versée par la collectivité). Or, lorsque la rémunération du cocontractant n’est pas substantiellement liée aux résultats de l’exploitation, il n’y a pas de délégation de service public. En outre, « les contrats de régie intéressée et de gérance sont généralement conclus pour la gestion des services publics peu « rentables » voire déficitaires ». Ils sont en tout état de cause, soumis à la procédure de publicité et de mise en concurrence; voir C.E, 16 Avril 1996, Commune de Lambesc ; C.E, 30 Juin 1999, SMITOM et LLORENS (F), « Typologie des contrats de la commande publique », op. cit. 603 ROUAULT (M-C), L’essentiel de l’organisation administrative, op. cit, p.23. 599

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fonctionnement, elle doit néanmoins tenir compte de l’autonomie de gestion reconnue à ses partenaires (EP pour les premiers et SEML, Associations, sociétés commerciales pour les second) dans l’exercice de leurs activités. Le législateur tchadien est aussi regardant sur la compatibilité du statut des concessionnaires (ou des délégataires de services publics en général) avec le mandat électif local. C’est ainsi qu’on peut lire par exemple à l’article 15 de la loi n°007/PR/2002 du 05 juin 2002 portant statuts des communautés rurales : « ne sont pas éligibles pendant la durée de leur service et dans les circonscriptions où ils exercent : - les entrepreneurs ou concessionnaires lorsqu’ils sont liés par une convention les plaçant de façon permanente dans une situation de dépendance ou d’intérêt vis-à-vis de la communauté rurale ». Cette règle est tacitement, nous le pensons, étendue autres niveaux de collectivités locales. En somme, si l’on s’est limité à l’étude des services publics ci-hauts dégagés, il ne faut pas prétendre avoir épuisé la diversité et les divers contours des services publics communaux, étant entendu que cette démonstration se fie plus aux prescriptions textuelles, donc normative. La réalité sur le terrain peut révéler des aspects plus ou moins différents. La commune, en fonction des attributions qui lui sont reconnues, peut créer d’autres services publics, pourvu qu’ils entrent dans les catégories déjà précisées. Aussi, la création de ces services doit obéir aux conditions financières car, comme le prescrit la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 précitée, « toute création de service ou d’emploi nouveau ne peut être opérée qu’après ouverture préalable d’un crédit au chapitre correspondant du budget »604. Toutefois, même dans le cas où la loi ne le prévoit pas expressément, la commune peut toujours créer un service public, si l’intérêt local le recommande, et ceci n’est pas pour autant une illégalité. La théorie générale du droit de la décentralisation offre à la commune, comme à toute collectivité locale, la possibilité de créer des services publics locaux en tant que de besoins. En effet, la réalité de la multiplicité des services publics communaux corrobore la thèse du Professeur Jean-François LACHAUME, lorsqu’il constatait déjà en 1994 en France, qu’« à vouloir en dresser une liste exhaustive, ce qui n’est guère possible d’ailleurs, on n’échappe pas à un inventaire à la Prévert compte tenu de la diversité de l’objet de ces services, ce qui permet, par là-même, de souligner leur importance dans la vie quotidienne des habitants »605. Ainsi, l’analyse des compétences dévolues et exercées par les communes du Tchad dans le domaine du service public démontre à suffisance le caractère polyvalent de ces derniers dont parle cet auteur. La commune, contrairement aux Établissements publics ayant des 604 605

Article 53 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 ci-haut citée. LACHAUME (J-F), l’Administration communale, op. cit, p.15.

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attributions spécialisées, telles que vu plus haut, intervient dans presque tous les domaines. Néanmoins, il sied encore de préciser que tous ces services ne relèvent pas dans leur ensemble d’une essence communale. Certains sont en réalité des services créés par l’Etat mais rétrocédés aux communes. Cet aspect sera abordé dans la troisième partie de l’ouvrage consacrée aux relations entre l’Etat et les CTD. Il faut souligner enfin que la création des services publics dans les communes ne se fait pas de manière uniforme. Autrement dit, toutes les communes ne sont pas obligées de créer les mêmes services publics (surtout ceux entrant dans le domaine économique). Il se pose à ce niveau la question d’adaptation des services publics aux réalités locales. Un service public en bonne marche dans une commune ne saurait forcement l’être dans une autre, compte tenu des disparités environnementales, écologiques, économiques et des potentialités en ressources humaines de chacune d’elles.

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CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE L’étude des structures décentralisées, telle que nous l’avons mené, démontre à suffisance la pertinence d’un tel système de gouvernance. Pour dire objectivement, la décentralisation est un système d’aménagement du pouvoir et de gouvernance propice pour un pays en construction comme le Tchad – comparé au système fédéral – lorsqu’elle est suivie d’une volonté politique réelle, nous voulons dire une décentralisation pratiquée selon les règles de l’art. Les raisons de l’internalisation de ce système se situent non seulement sous l’angle administratif, mais bien plus, sous les angles politiques, économiques et sociaux. Nous soulignons avec le doyen Maurice HAURIOU que « les raisons… de la décentralisation (territoriale) ne sont point d’ordre administratif, mais bien d’ordre constitutionnel. S’il ne s’agissait que du point de vue administratif, la centralisation (autrement dit, la déconcentration) assurerait au pays une administration plus habile, plus impartiale, plus intègre et plus économe que la décentralisation. Mais, les pays modernes n’ont pas besoin seulement d’une bonne administration, ils ont besoin aussi de la liberté politique »606. C’est aussi à juste titre que le doyen Georges VEDEL affirmait que « la décentralisation a une valeur démocratique puisqu’elle se ramène à faire gérer le maximum d’affaires par les intéressés eux-mêmes ou par leurs représentants »607. La reconnaissance de ce système d’administration est donc avérée car, « si l’on gouverne bien que de loin, l’on administre bien que de près »608. M. Alexis DE TOCQUEVILLE reconnaissait en ce système et en ses institutions, une certaine liberté du peuple, lorsqu’il affirme que « c’est dans la commune que réside la force des peuples libres. Les institutions communales sont à la liberté ce que les écoles primaires sont à la science ; elles la mettent à la portée du peuple ; elles lui en font gouter l’usage paisible et l’habituent à s’en servir. Sans institutions communales, une nation peut se donner un gouvernement libre, mais elle n’a pas l’esprit de la liberté »609. A ces idées s’ajoute celles du Professeur Marie-Christine ROUAULT pour qui « cette décentralisation (territoriale) répond à des raisons d’ordre pratique et politique. D’un point de vue pratique, elle constitue une recette pour assurer la diversité dans l’unité, en tenant compte de la variété des besoins locaux tout en maintenant une suffisante unité de vues dans la gestion administrative, par un certain contrôle du pouvoir central ; un moyen de 606

HAURIOU (M), Précis de droit administratif, 12ème édition, p.80, cité par ROUAULT (MC), L’essentiel de l’organisation administrative, op. cit, p. 30. 607 VEDEL (G), Droit administratif, Paris, PUF, 2e édition, 1961, p.460. 608 Décret français du 25 mars 1852 sur la décentralisation administrative. 609 DE TOCQUEVILLE (A), De la démocratie en Amérique, 1ère partie, chapitre 5, 1835, p.1.

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décongestionner l’administration centrale qui a été de plus en plus chargée au fur et à mesure que le rôle de l’entreprise administrative augmente sous l’influence des idées interventionnistes et socialistes ; elle permet à l’administration d’avoir une meilleure connaissance des problèmes administratifs locaux et de mieux statuer sur eux. D’un point de vue politique, la décentralisation apparaît comme une conséquence directe du principe de la démocratie représentative, étendue de l’organisation constitutionnelle à l’organisation administrative. Dans un Etat construit sur la base de la démocratie représentative, le peuple se gouverne lui- même ; il choisit ses gouvernants par voie de l’élection. Cette solution se transpose dans le domaine de l’administration locale »610. Ceci est d’autant plus réel car, « la décentralisation est aussi un moyen de concilier les impératifs de l’unité nationale avec le respect de l’identité des diverses communautés qui la composent »611. Raisons suffisantes pour les pouvoirs publics au Tchad qui ne doivent pas seulement se limiter à légiférer sur la décentralisation mais bien plus la pratiquer, la vulgariser et l’enseigner car, nous sommes convaincus que le droit, lorsqu’il n’est pas vulgarisé, semble ne pas exister. Il est donc grand temps pour ceux-ci, de traduire en des actions concrètes, les objectifs généraux fixées par la politique de décentralisation administrative territoriale afin d’adapter la gouvernance locale aux réalités endogènes car, une bonne gouvernance est celle qui est assise sur la confiance de la population, enseigne-t-on. Les autorités tchadiennes doivent se démener pour tenir la promesse faite lors les assises du 15 Janvier au 07 Avril 1993 au Palais de 15 Janvier à N’Djaména. En réalité, si depuis 1993 la décentralisation était déjà mise en œuvre au Tchad, nous pourrions déjà proposer de passer à une étape plus a avancée de cette décentralisation, c’està-dire proposer que le Tchad passe de l’Etat unitaire décentralisé à un Etat régional compte tenu de ses diversités socioculturelles. Toutefois, la consécration de la décentralisation ne passe pas sans contribution citoyenne, nous voulons dire, sans une prise de conscience collective. Pour cela, l’attachement à la chose publique doit être fort vivace. Cet attachement doit se traduire non seulement par la protection de biens matériels, mais aussi par la dénonciation des manquements constatés dans tous les secteurs de la gouvernance publique, et donc au niveau local. L’Etat, ses partenaires, de même que les citoyens, doivent œuvrer pour la responsabilisation des pouvoirs locaux afin que le développement local soit une réalité perceptible.

610

ROUAULT (M-C), L’essentiel de l’organisation administrative, op. cit, pp. 30 – 31. ROUX (J-C) (Dir.), Organisation administrative, décentralisation et administration territoriale au Tchad et en France, op. cit, p. 11.

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TROISIEME PARTIE LES RELATIONS ENTRE LES DIFFERENTES ADMINISTRATIONS AU SEIN DE L’ETAT

Les administrations centrale, déconcentrée et décentralisée, ainsi que les services publics qu’ils créent n’évoluent pas en vase clos. Il existe une perméabilité entre eux. En d’autres termes, il existe des relations de nature variée que ces entités entretiennent. L’Etat et ses services publics collaborent avec les collectivités locales et leurs services. Les collectivités locales collaborent entre elles dans plusieurs domaines, de même que les services publics qu’elles créent. La collaboration entre les collectivités locales se fait sous le contrôle de l’Etat car, « l’Etat garantit et organise la solidarité entre les collectivités territoriales décentralisées (…) »612. Au demeurant, les relations entre ces structures publiques sont encadrées par la législation sur la décentralisation. Pour ce faire, le législateur tchadien s’est attelé pour prévoir, ne serait-ce que pour l’essentiel, les types de rapports que les collectivités territoriales (l’Etat y compris) entretiennent les unes avec les autres. Ces relations s’inscrivent en grande partie dans le cadre de collaborations, d’assistance, d’appui et de complémentarité. Néanmoins, comme toute activité sociale, il peut survenir dans ces rapports des relations de type conflictuel dont les modes de gestion peuvent s’avérer amiables, juridictionnels ou non. Il serait donc commode d’étudier dans un premier temps, les relations entre l’administration de l’Etat et les administrations locales (Chapitre 6), puis dans un second temps, les relations entre les administrations locales (Chapitre 7).

612

Article 107 de la loi n°002/PR/2000 du 16 février 2000 précitée.

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CHAPITRE 1 LES RELATIONS ENTRE L’ADMINISTRATION CENTRALE ET LES ADMINISTRATIONS LOCALES

Les relations renvoient ici à l’ensemble des méthodes et techniques utilisées par les différentes administrations en vue de soutenir leurs activités et d’en favoriser le développement. Elles traduisent aussi les situations dans lesquelles ces administrations sont susceptibles d’agir mutuellement les unes sur les autres, en créant de liens de dépendance ou d’influence. Ainsi, l’Etat, y compris ses structures déconcentrées et ses services publics, agissent en interaction avec les collectivités territoriales décentralisées et leurs services publics. Et même si dans les faits il peut naître des désaccords, l’objectif premier de ces relations consiste à mettre en œuvre des actions pouvant assurer aux uns et aux autres des intérêts réciproques. Toutefois, l’Etat, luimême géniteur des collectivités locales qui en dépendent, doit se comporter en tant que parrain dans ces relations. Raison pour laquelle les CTD lui affichent une certaine dépendance613, en dépit du fait qu’il est reconnu à ces entités une autonomie de gestion. Les relations entre l’Etat et les CTD sont prévues par le législateur tchadien, à l’exemple de la loi organique n°002/PR/2000, qui dispose en son article 101 que « l’Etat entretient avec les collectivités territoriales décentralisées des relations contractuelles, d’assistance, de conseil et de contrôle »614. Et l’article 106 de la même loi de renchérir que « l’Etat soutient et facilite le développement des collectivités territoriales décentralisées par une assistance financière, matérielle et technique ». Au vu de ce qui précède, il sera mis en relief dans le présent chapitre, les relations de partenariat entre l’Etat et les collectivités locales (section1) et le contrôle de l’Etat sur les collectivités locales (section2). SECTION 1 : les relations de partenariat entre l’Etat et les collectivités locales L’Etat et les collectivités locales qui le constituent sont d’abord des partenaires. C’est d’ailleurs ce qui ressort du point 3 des orientations stratégiques du SDD qui préconise de construire la décentralisation dans un cadre partenarial. Cette relation de partenariat que nouent ces derniers sont définis en tenant compte des intérêts nationaux et locaux. Elles se traduisent généralement par des projets Etat-collectivités locales et la gestion commune des services publics. Mais dans une autre mesure, on assiste aux cas où l’Etat 613

Les différentes dotations et subventions accordées à ces dernières témoignent cette dépendance. 614 Cette disposition est reprise comme telle à l’article 171 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes, précitée.

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transfère ou rétrocède des services publics aux CTD. A cet effet, il est pertinent d’étudier chacun de ces types de relations afin d’en saisir leur quintessence. Paragraphe 1 : les projets Etat-collectivités locales Les collectivités locales, en tant que personnes morales de droit public, dépositaires de l’autonomie administrative, financière, patrimoniale et économique, ont l’aptitude de concevoir et gérer des projets en commun avec l’Etat. Les projets dont il est question ici sont un ensemble d’activités ou d’opérations réfléchis et mis en œuvre pour atteindre des objectifs bien définis. Le législateur tchadien parle en termes de contrat lorsqu’il fait allusion aux projets Etat-CTD. C’est dans ce sens qu’il a prévu à travers la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000, que « l’Etat et les collectivités territoriales décentralisées peuvent définir par contrat leurs interventions communes dans tous les domaines d’intérêt public local »615. Ces contrats s’inscrivent dans le cadre des actions de développement, comme le prévoit l’article 109 de ladite loi. Paragraphe 2 : la gestion commune des services publics Les communautés rurales, les communes, les départements et les régions « concourent » avec l’Etat à l’administration du territoire et au développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique. Les services publics sont ceux que nous avons d’étudier dans la première et la deuxième partie du présent ouvrage. Ainsi, c’est la Constitution elle-même qui pose les bases de la gestion commune des services publics par l’Etat et les CTD. Il en est ainsi lorsqu’elle dispose en son article 209 que « les collectivités territoriales décentralisées assurent dans les limites de leur ressort territorial et avec le concours de l’Etat : - la sécurité publique ; - l’administration et l’aménagement du territoire ; - le développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique ; - la protection de l’environnement ». On peut lire davantage une telle prescription à travers la loi n°033/PR/2006 du 11 décembre 2006, selon lequel, « les collectivités territoriales décentralisées concourent avec l’Etat à l’administration et à l’aménagement du territoire, au développement économique, socio-éducatif, sanitaire, culturel et scientifique ainsi qu’à la protection et à la mise en valeur de l’environnement et à l’amélioration du cadre de vie »616. Toutes les activités énumérées par les deux textes constitutionnel et législatif sont des services publics. Certains sont purement administratifs, d’autres sont 615

Article 108 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 ci-haut citée ; article 177 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes, précitée. 616 Article 2 de la loi n°033/PR/2006 du 11 décembre 2006 ci-haut citée.

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industriels et commerciaux, sociaux etc. Par les expressions « avec le concours de l’Etat » et « concourent avec l’Etat », le constituant crée une relation de collaboration entre l’Etat et les CTD dans leur gestion. Ainsi, vice versa, soit c’est l’Etat qui intervient à la rescousse des CTD soit ce sont ces dernières qui interviennent à la rescousse de l’Etat dans cette gestion. Un exemple patent de la gestion commune des services publics entre l’Etat et les CTD se rencontre au niveau du service de la police. A ce niveau, la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 précitée, prévoit que « les services compétents de l’Etat en matière de police nationale ou de sécurité sont à la disposition du maire pour l’exécution des mesures de police nationale. Les dépenses de police nationale sont à la charge de l’Etat. Les communes peuvent être appelées à participer aux dépenses de fonctionnement de la police nationale dans la mesure de leur possibilités budgétaires»617. C’est à cette fin que l’on observe dans les communes urbaines, des agents de la police nationale au service des autorités municipales, soit dans la régulation de la circulation soit dans la lutte contre la délinquance urbaine, etc. Par ailleurs, il faut aussi préciser que pour ce qui concerne la mobilisation des impôts de l’Etat dont le produit est attribué aux communes, la détermination de l’assiette et l’émission des impositions sur rôle sont de la responsabilité de l’agent de l’Etat au service des impôts en fonction dans le ressort de la commune618. Un autre trait caractéristique de la gestion commune des services publics entre l’Etat et les CTD consiste en l’affectation à ces dernières des personnels de l’Etat, étant entendu que les personnels de l’Etat sont chargés d’une mission de service public. A cet effet, le décret n°528/PR/PM/MCD/11 du 1er Mai 2011 portant Conditions et modalités de mise à la disposition des collectivités territoriales décentralisées des services déconcentrés de l’Etat, dispose que « la mise à disposition consiste en la fourniture de prestation à une collectivité territoriale décentralisée »619. Il renchérit davantage que « les services déconcentrés de l’Etat outre leur mission traditionnelle ont vocation à conseiller, appuyer et soutenir les collectivités territoriales décentralisées »620. A cet effet, le même décret précise encore que pour accomplir sa mission, chaque CTD peut solliciter les prestations des services déconcentrés de l’Etat implantés dans le ressort territorial de la collectivité concernée621. Cette mise à la disposition des services déconcentrés de l’Etat est assurée par le représentant de l’Etat dans la collectivité, poursuit l’article 4 dudit décret.

617

Article 71 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 ci-haut citée. Articles 6 et 7 de la loi n°011/PR/2004 du 7 juin 2004 portant régime financier et fiscal des CTD. 619 Article 1er al. 2 du décret n°528/PR/PM/MCD/11 du 1er Mai 2011 ci-haut cité. 620 Article 2 du même décret. 621 Article 3 du décret n°528/PR/PM/MCD/11 du 1er Mai 2011 ci-haut cité. 618

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Néanmoins, la mise à la disposition des CTD des services déconcentrés de l’Etat obéit à certaines règles de forme et de fond. Ainsi, toute CTD sollicitant les prestations d’un service déconcentré de l’Etat doit introduire auprès du représentant de l’Etat une requête de mise à disposition accompagnée du programme annuel d’activités à réaliser. La requête de mise à disposition doit comporter les mentions suivantes : l’indication du service sollicité, la nature et l’objet ainsi que la durée de la mise à disposition. Chaque année, l’autorité de tutelle réunit les représentants des CTD sollicitant une mise à disposition de services déconcentrés de l’Etat et les chefs des services techniques déconcentrés concernés en vue de statuer sur les requêtes de mise à disposition. A l’issue de cette réunion annuelle de programmation, il est dressé un calendrier annuel d’intervention des différents services techniques déconcentrés de l’Etat dans les collectivités territoriales décentralisées. Chaque requête de mise à disposition fait l’objet d’une convention entre le représentant de l’Etat et le Président de l’organe exécutif de la CTD concernée. Cette convention fixe la nature, la durée de la mise à disposition, le détail des moyens et des ressources nécessaires, le calendrier d’exécution des missions ou travaux et d’une manière générale, toutes les obligations des parties. Et lorsque les circonstances l’exigent, le représentant de l’Etat peut, après avis ou à la demande des autorités décentralisées, réaménager le calendrier annuel de mise à disposition des services déconcentrés de l’Etat. Dans ce cas, le représentant de l’Etat en informe immédiatement les collectivités dont les programmes en exécution subissent des modifications de calendrier. Aussi, en cas de force majeure ou de nécessité urgente, le représentant de l’Etat peut suspendre provisoirement l’exécution d’une convention de mise à disposition, et en informer l’autorité décentralisée concernée. Néanmoins, la mise à disposition ne modifie ni le statut du service ni celui de son personnel. Toutefois, pour l’exécution correcte des prestations sollicitées, l’autorité décentralisée dispose d’un pouvoir d’instruction et de contrôle sur les moyens mobilisés dans le cadre de la convention de mise à disposition. En outre, pendant la mise à disposition, les dépenses de fonctionnement autres que les salaires du personnel sont à la charge de la CTD bénéficiaire conformément à l’évaluation précise et détaillée annexée à la convention de mise à disposition. En cas de litige ou de conflits nés à l’occasion de l’exécution d’une convention de mise à disposition entre un service déconcentré de l’Etat et une CTD, chacune des parties peut soumettre le différend à l’autorité de tutelle pour une tentative de conciliation. A défaut de conciliation, la partie qui le désire peut soumettre le litige au tribunal administratif622. Ainsi, si telle est prescrite la gestion commune des services publics entre l’Etat et les CTD, quid du transfert desdits services ?

622

Articles 5 à 12 du Décret n°528/PR/PM/MCD/11 du 1er mai 2011précitée.

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Paragraphe 3 : le transfert des services de l’Etat aux collectivités locales Dans la logique de sa politique de décentralisation, le législateur tchadien a procédé à une répartition de compétences entre l’Etat et les différentes collectivités locales. Cette répartition de compétences est faite sur la base de loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 portant statuts des CTD ; la loi n°007/PR/2002 du 05 juin 2002 portant statuts des communautés rurales; la loi n°009/PR/2005 du 15 juillet 2005 portant statut particulier de la Ville de N’Djaména ; la loi n°033/PR/2006 du 11 décembre 2006 portant répartition des compétences entre l’Etat et les CTD ; de l’ordonnance n°017/PR/1985 du 24 juillet 1985 portant organisation des communes de moyen exercice, pour ne citer que celles-ci. Le système de répartition des compétences est sous-tendu par des principes. Ainsi, à l’Etat reviennent les affaires d’intérêt national et aux CTD les affaires d’intérêt local623. C’est à cette fin qu’il est traditionnellement reconnu aux Conseils élus des CTD d’assurer la gestion des « affaires locales ». Ceci les autorise à régler « les affaires de leurs compétences » ; étant entendu que les notions d’affaires locales, d’affaires d’intérêt local et d’affaires de leurs compétences (en parlant des CTD) renvoient à une même signification. En effet, la répartition des compétences est effectuée par le législateur selon le principe du « bloc de compétences » ou de « close de compétence générale ». Ce dernier a pour objet d’affecter un ensemble de compétences à une seule collectivité pour éviter les financements croisés et assurer les partages des responsabilités, mais aussi pour éviter d’éventuels

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Notion simple a priori qui renvoie aux fondements de la décentralisation territoriale, la reconnaissance juridique de l’existence de collectivités étant liées à celle d’intérêt locaux et au principe de spécialité des personnes morales, en l’espèce les collectivités territoriales. Formulation reconnue, ensuite retenue pour chaque conseil : le conseil municipal règle les affaires de la commune, le conseil départemental les affaires du département et le conseil régional celles de la région, c’est ce que l’on appelle souvent la clause de compétence générale. Nombreux sont les auteurs à souligner que le critère des affaires locales est introuvable. Sur le plan juridique, faute de trouver un critère acceptable, on admet que les affaires locales sont celles pour lesquelles compétence est reconnues aux collectivités locales, étant entendu que les affaires en question ont un lien avec le territoire de la collectivité ; le législateur a toujours été convaincu qu’il existait des affaires locales qui s’opposaient aux affaires nationales et qu’il ne faisait que prendre acte de ce fait ; le législateur souhaite, puisque les compétences sont enchevêtrées, que leur répartition entre collectivités et Etat s’effectue en distinguant celles qui sont mises à la charge de l’Etat et celles dévolues aux communes, départements, régions, de telle sorte que chaque domaine de compétence ainsi que les ressources correspondantes soient affectés en totalité soit à l’Etat, soit aux communes, soit aux départements, soit aux régions ; il revient au juge administratif, dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir ou d’un déféré préfectoral, de déterminer si l’intervention de la collectivité présente un caractère d’intérêt communal, départemental ou régional selon les cas, en bref, si elle relève bien de sa compétence… (VAN LANG (A), GONDOUIN (G), INSERGUET- BRISSET (V), Dictionnaire de droit administratif, op. cit ; pp. 25-27).

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empiètements. Toutefois, le législateur n’a pas pu cependant éviter des chevauchements. Le transfert de compétences permet le transfert des services. Ce dernier est mis en point par des conventions passées entre le représentant de l’Etat et les exécutifs locaux. Selon « le principe de compensation », à chaque compétence transférée par l’Etat, c’est-à-dire à chaque charge financière nouvelle, correspond le transfert d’une ressource destinée à l’assumer. Ainsi, les services publics étant des charges, l’Etat, en les transférant aux CTD met à la charge de ces dernières des charges financières. Et à titre de compensation, il permet à ces collectivités locales d’instituer diverses taxes et redevances en contrepartie. Parfois, et fréquemment d’ailleurs, il est obligé de venir au secours des collectivités locales par diverses subventions et dotations : dotations de décentralisation, de fonctionnement, d’équipement, etc. Le transfert des services de l’Etat aux collectivités locales peut être suivi du transfert d’une partie du patrimoine de l’Etat à ces dernières. C’est l’exemple de la région où l’article 4 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000, prévoit que l’Etat peut concéder des bâtiments administratifs à la région. Par conséquent, il faut aussi relever que les CTD bénéficient dans une certaine mesure des taxes sur les services de l’Etat. Il s’agit de la part qui leur revient de droit sur le produit des impôts et taxes perçus au profit du budget de l’Etat appelés centimes additionnelles. Certaines taxes de l’Etat sont carrément rétribuées aux CTD. C’est le cas de l’article 79 de la loi organique n°002/PR/2000 précitée qui dispose que « les impôts de l’Etat dont le produit est attribué aux communes sont : - la taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties ; - la taxe sur la valeur locative des locaux professionnels ; - la taxe superficielle ; - la contribution des patentes ; - la contribution des licences ; - la taxe civique ». En outre, en cas de nécessité et à titre exceptionnel, l’Etat peut allouer aux communes des subventions d’équilibre financier624. Le terme transfert de services apparait aussi à l’article 8 de la loi n°009/PR/2005 du 15 juillet 2005 portant statut particulier de la ville de N’Djaména selon lequel, « le conseil municipal règle par délibérations les matières relevant de la compétence de la commune et présentant un intérêt pour l’ensemble de l’agglomération de N’Djaména telles qu’énumérées ciaprès : - la réalisation et l’entretien des infrastructures de voirie et d’assainissement dont la gestion est transférée à la commune (…) ». 624

Article 87 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 précitée.

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Aussi, en parcourant la loi n°033/PR/2006 du 11 décembre 2006 portant répartition des compétences entre l’Etat et les CTD, l’expression « la participation à …» revient de manière récurrente. Et si toutes ces collectivités « participent à… », cela laisse croire qu’il s’agisse sans doute de la participation aux côtés de l’Etat. Et même si les CTD peuvent participer aux côtés de personnes privées, dans le cas prévu par la loi cidessus, il s’agit bien évidement de l’Etat. Cette supposition trouve une légitimation à l’article 57 de cette loi qui prévoit que « les compétences qui n’ont pas fait l’objet de transfert par la présente loi relèvent du domaine de l’Etat. Elles pourront être transférées ultérieurement par la loi ». Enfin, bien qu’il ne s’agisse pas du transfert de services au plein sens du terme, l’article 45 de l’Ordonnance n°017/PR/1985 du 24 juillet 1985 portant organisation des communes de moyen exercice dispose que « sous réserve des dispositions des textes particuliers, tous les biens, travaux et établissement des anciennes sous-préfectures urbaines deviennent propriétés des communes de moyen exercice ». Ainsi, il appert clairement que dans les relations de partenariat Etat – collectivités locales, le transfert de services, des compétences et autres ressources ou charges à ces dernières ne souffre pas de contestations. Aussi, l’on a ressorti les relations de projet Etat-collectivités locales ainsi que la gestion commune des services par ces deux entités. Que dire maintenant du contrôle de l’Etat sur les CTD ? SECTION 2 : le contrôle de l’Etat sur les collectivités locales L’Etat, en tant que garant de la souveraineté nationale, de l’intégrité territoriale, de la cohésion et de la solidarité nationales, doit assurer des contrôles sur les collectivités territoriales décentralisées, afin d’éviter d’éventuels éclatements ou scission et parvenir au développement inclusif de toute la communauté nationale. A cette fin aussi, il assure la coordination de toutes les activités menées par celles-ci. Pour ces raisons, il institue des contrôles multiformes sur les CTD, tant sur leurs organes que sur les actions menées par ces derniers. Toutefois, ce contrôle doit tenir compte du principe de la libre administration des collectivités locales prévu par les législations sur la décentralisation au Tchad. A cet effet, il ressort des études de la législation qu’il est prévu des types de contrôles que l’Etat exerce par l’entremise de ses agents sur les CTD d’une part, et les autorités habilitées à exercer ces contrôle dans des conditions bien définies par la règlementation, d’autre part. Paragraphe 1 : les types de contrôles de l’Etat sur les collectivités locales L’Etat exerce un certain nombre de contrôles sur les collectivités locales. Ces contrôles sont prévues par la règlementation en vigueur car, « il existe des lois qui attribuent au gouvernement central même de l’Etat une autorité générale qui lui donne le droit d’étendre son bras sur diverses parties du pays, de se substituer plus ou moins aux pouvoirs locaux, de s’interposer

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dans l’exercice des compétences locales en soumettant la nation à une direction unique, partant du centre jusqu’aux périphéries »625. A cet effet, il sera mis en exergue ici le contrôle de légalité a postériori et le pouvoir d’approbation des actes des autorités locales prévus par le régime juridique des collectivités locales en vigueur. Néanmoins, le contrôle d’opportunité a priori étant applicable par endroit, il sera abordé de manière superficielle à l’entame du contrôle de légalité a posteriori. Ale contrôle de légalité a posteriori Avant les grandes réformes de la décentralisation intervenues en France en 1982 et 1983, l’Etat exerçait sur les collectivités locales un contrôle très rigoureux qualifié de contrôle « a priori » ou de contrôle « d’opportunité ». Le contrôle a priori est mise en œuvre par le jeu de la tutelle administrative. Celle-ci signifie que le pouvoir central conserve un droit de regard sur les collectivités locales en même temps que des possibilités d’action. Ces dernières apparaissent sous les aspects suivants : 1- l’annulation : l’organe décentralisé prend des décisions mais celles-ci peuvent être annulées par l’autorité de tutelle ; 2- la suspension : l’exécution des décisions prises par l’organe décentralisé peut être suspendue par l’autorité de tutelle ; 3- l’approbation : l’application des décisions prises par l’organe décentralisé est subordonnée à l’accord express ou tacite de l’autorité de tutelle. 4- la substitution d’action : si les organes décentralisés n’agissent pas, l’autorité de tutelle rend à leur place les décisions626. Néanmoins, à voir au claire, si les pouvoirs d’annulation reconnus autrefois à l’autorité de tutelle ont été supprimés, les pouvoirs de suspension, d’approbation et de de substitution d’action par contre sont quant à eux toujours applicables dans beaucoup de cas, dans le système de décentralisation au Tchad. Le contrôle d’opportunité a priori a été aboli en France avec les reformes de la décentralisation intervenues aux sillages des législations de 1982 et 1983 pour faire place à un système de contrôle nouveau, le « contrôle de légalité a posteriori ». Le Tchad, comme nous ne cessons de marteler son mimétisme du système politico-administratif français, a institué ce nouveau contrôle dans sa législation en matière de décentralisation à partir de l’année 2000, notamment à travers la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 portant statuts des CTD. C’est à cet effet qu’il est prévu dans les législations tchadiennes « le contrôle a posteriori ». Celui-ci se pratique 625 NAHOUNNGAR BELEMGOTO BEKOUTOU, « Une déconcentration dynamique pour la mise en œuvre d’une décentralisation harmonieuse », op. cit, p. 34. 626 Voir TROTABAS (L) et ISOART (P), Droit public, op. cit, p.126-127.

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devant les juridictions administratives qui, sur saisine du représentant de l’Etat ou de toute personne lésée, jugent la légalité de tous les actes administratifs des collectivités territoriales. Un tel contrôle est prévu par la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 précitée, qui dispose que « tout acte, toute délibération du conseil régional qui n’est pas légalement compris dans ses attributions ou entaché d’une illégalité quelconque est nul et de nul effet. La nullité sera prononcée par le juge administratif à la demande de l’autorité de tutelle ou d’un tiers qui a intérêt à agir »627. Extension est ainsi faite à toutes les CTD. Il en est de même pour les matières énumérées à l’article 20 de la même loi qui peuvent faire l’objet d’un sursis à exécution décidé par le juge de référé à la demande de l’autorité de tutelle. Ble pouvoir d’approbation de l’autorité de tutelle En dépit de l’instauration du contrôle de légalité a posteriori, qui sousentend la prééminence de la libre administration des CTD, il n’en demeure pas moins que certains actes des organes locaux soient soumis à l’approbation de l’autorité de tutelle avant de recevoir un caractère exécutoire. Tel est le cas prévu par la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 selon lequel, « l’initiative de modification de recettes et de dépenses appartient au conseil régional et doit requérir l’approbation du gouverneur »628. En effet, il s’agit d’un système de contrôle par lequel le représentant de l’Etat dispose des pouvoirs assez importants sur les actes des collectivités locales. Il voudrait dire que si le représentant de l’Etat auprès d’une collectivité locale n’approuve pas ou n’acquiesce pas un acte, une délibération, celui-ci ou celle-ci ne pourrait revêtir le caractère exécutoire, donc ne saurait s’appliquer. L’exemple de l’approbation par l’autorité de tutelle des contrats d’emprunt est également un cas illustratif. C’est ainsi que la loi n°007/PR/2002 du 05 juin 2002 portant statut des communautés rurales dispose que « les communautés rurales peuvent contracter des emprunts destinés à couvrir certaines dépenses d’investissement prévues au budget après approbation de l’autorité de tutelle »629. Il en est de même pour une panoplie de délibérations portant sur des matières énumérées par la loi n°009/PR/2005 du 15 juillet 2005 portant statut particulier de la ville de N’Djaména. Il s’agit notamment des délibérations portant sur : le programme de développement économique et social ; les budgets et les comptes ; les dons et les legs assortis de conditions ; 627

Article 15 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 portant statuts des CTD ; article 33 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes, précitée. 628 Article 23 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 ci-haut citée. 629 Article 69 de la loi n°007/PR/2002 du 05 juin 2002 ci-haut citée.

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la création et le mode de gestion des services et organismes personnalisés ; les opérations d’aménagement et d’urbanisme ; les projets de jumelage et de coopération avec d’autres collectivités ; la fixation des taux des impôts et des taxes dans les limites des maxima fixés par la loi ; la règlementation en matière de police administrative ; les emprunts et les garanties d’emprunt ou avals ; la prise de participations et toute intervention impliquant des biens et des ressources de la commune630. Ce pouvoir d’approbation concerne également les délibérations sur matières prévues aux articles 20 et 21 de l’ordonnance n°017/PR/1985 du 24 juillet 1985 portant organisation des communes de moyen exercice. Toutefois, il sied de préciser que pour ce cas, l’approbation relève de la compétence des ministres de l’intérieur et des finances. Au demeurant, il ne faut pas perdre de vue que par cette tacite reconnaissance d’un pouvoir de contrôle a priori, les actes des autorités locales sont susceptibles d’être laminés voire interrompus par l’autorité de tutelle ; même s’il faut admettre que la tutelle a pour fonction de contenir d’éventuels errements ou dérapages de la part des CTD. Paragraphe 2 : les autorités habilitées à exercer le contrôle au nom de l’Etat Il faut toujours rappeler que les CTD sont soumis au contrôle de l’Etat car, « la libre administration n’est pas un principe constitutionnel de portée absolue. Les collectivités territoriales ne sont pas pleinement autonomes. Elles supportent un contrôle de légalité sur leurs actes et un contrôle budgétaire sur leurs décisions financières »631. Le contrôle exercé au nom de l’Etat sur les CTD revient prioritairement aux autorités de tutelles installées auprès de chacune d’elles. C’est d’ailleurs à cette fonction que renvoie la tutelle. Néanmoins, dans certaines circonstances, d’autres autorités, centrales en l’occurrence, se voient intervenir dans l’exercice de ce contrôle. Ales autorités de tutelle L’article 207 de la Constitution de la République du Tchad dispose : « l’Etat assure la tutelle des collectivités territoriales décentralisées. Il est représenté auprès de celles-ci par les chefs des unités administratives déconcentrées chargés de défendre les intérêts nationaux et de faire respecter les lois et règlements ». La loi n°002/PR/2000 du 16 février 2000 précitée, entérine cette disposition constitutionnelle en précisant que « l’Etat est représenté auprès des collectivités territoriales décentralisées par les autorités administratives que sont les gouverneurs de région, les préfets et 630 631

Article 9 de la loi n°009/PR/2005 du 15 juillet 2005 ci-haut citée. ROUAULT (M-C), L’essentiel de l’organisation administrative, op. cit, p.53.

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les sous-préfets »632. La tutelle ainsi instituée permet au représentant de l’Etat auprès de la collectivité locale d’avoir un regard ou d’être informé de tout ce qui est entrepris par les organes locaux. Il s’analyse en un véritable contrôle du représentant de l’Etat sur les différentes CTD. A cette fin, les autorités de tutelle sont installées au niveau de toutes les collectivités locales : régional, départemental, communal et rural. aau niveau régional633 : L’Etat est représenté au niveau de la région par le gouverneur de région. C’est ce qui ressort de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000, selon lequel, « la représentation de l’Etat est assurée dans la région par un gouverneur de région, assisté d’un secrétaire général. Le gouverneur est le dépositaire de l’autorité de l’Etat dans la région. A ce titre, il est le délégué permanent du gouvernement. Il assure la tutelle du conseil régional, exerce le contrôle de légalité sur les actes et veille à l’exécution des délibérations »634. En outre, la loi organique n°019/PR/2010 du 13 octobre 2010 déterminant les principes fondamentaux de l’organisation administrative du territoire de la République du Tchad, prévoit que « la région est le cadre de représentation de l’Etat auprès de la collectivité territoriale décentralisée à l’échelon régional (…) »635. Etant entendu que c’est la région qui assure la coordination, le soutien et le contrôle de l’ensemble des services du conseil régional ainsi que la réalisation des tâches d’intérêt régional, il est tout à fait logique que le gouverneur de région, en qualité de premier responsable de cette structure, assure la tutelle du Conseil régional. L’exercice du pouvoir de tutelle autorise dans une certaine mesure le gouverneur de région à se substituer au conseil régional, tel que nous avons vu plus haut en ce qui concerne les types de contrôles exercés au nom de l’Etat. Il en est ainsi par exemple pour les délibérations se rapportant au budget. En effet, si avant le premier jour de l’année civile, le conseil ne se réunit pas ou se sépare sans avoir voté le budget ou sans l’avoir voté en équilibre réel, le gouverneur de région l’établit provisoirement d’office par décision en prenant pour base le budget de l’année précédente. Le conseil est convoqué dans les quinze (15) jours en session extraordinaire pour 632

Article 102 de loi n°002/PR/2000 du 16 février 2000 ci-haut citée. Toutefois, les Sous-préfectures étant supprimées, la nouvelle législation prévoit que « l’Etat est représenté auprès des collectivités autonomes par les autorités administratives que sont les gouverneurs de provinces, les préfets de département et les administrateurs délégués auprès des communes », article 172 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes, précitée. 633 Le contrôle au niveau régional sera désormais exercé à titre de contrôle de l’autorité provinciale du fait du changement d’appellation. Il sera donc exercé par le Gouverneur de Province conformément à l’article 205 de la Constitution du 04 mai 2018. 634 Article 103 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 ci-haut citée ; article 173 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes, précitée. 635 Article 7 de la loi organique n°019/PR/2010 du 13 octobre 2010 ci-haut citée.

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adopter le budget636. Aussi, c’est au gouverneur, représentant de l’Etat dans la région, qu’il appartient de convoquer les premières réunions du conseil élu de la région. C’est aussi lui qui installe les membres du bureau des conseils nouvellement élus dans les soixante-douze (72) heures qui suivent leur élection. bau niveau départemental637 : L’article 8 al. 2 de la loi organique n°019/PR/2010 du 13 octobre 2010 déterminant les principes fondamentaux de l’organisation administrative du territoire de la République du Tchad, dispose : « le département est le cadre de représentation de l’Etat auprès de la collectivité territoriale décentralisée à l’échelon départemental ». Quant à la représentation de l’Etat auprès des organes de la collectivité départementale, il est prévu par la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 précitée, que « la représentation de l’Etat dans le département est assurée par le préfet de département assisté d’un secrétaire général. Le préfet de département est le dépositaire de l’autorité de l’Etat dans le département. A ce titre, il est le représentant du gouvernement. Dans les conditions fixées par la loi, le préfet de département exerce le contrôle de légalité sur les actes des collectivités territoriales décentralisées. Il veille à l’exécution des délibérations des conseils départemental et municipal et exerce le contrôle de légalité sur leurs actes »638. La clarté de cette disposition législative permet de comprendre plus aisément les prérogatives reconnues au préfet de département en qualité d’autorité de tutelle ; tutelle qu’il exerce tant sur les organes délibérant et exécutif départementaux que sur leurs actes. Néanmoins, le texte précise aussi qu’il exerce cette tutelle sur les conseils départemental et municipal. Ce dernier cas de figure sera étudié plus amplement dans la présentation qui suit. cau niveau communal : Aux termes de la loi organique n°019/PR/2010 du 13 octobre 2010 précitée, « la sous-préfecture est l’unité administrative de gestion. Elle est le cadre de représentation de l’Etat auprès des communes et des communautés rurales »639. Mais la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 précitée a prévu d’emblée qu’ « auprès de la commune, la représentation de l’Etat est assurée par le sous-préfet. Le sous-préfet est assisté, dans ses fonctions de contrôle de légalité des actes de collectivités territoriales décentralisées par son adjoint »640. Néanmoins, il sied de préciser à ce 636

Article 24 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 précitée. Il est à rappeler qu’avec la suppression du Département, ce contrôle n’existe plus. Il est étudié ici juste à titre d’information sur l’histoire de l’organisation administrative au Tchad. 638 Article 104 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 ci-haut citée. 639 Article 9 de la même loi. 640 Article 105 de la même loi. Toutefois, la nouvelle législation a Rectifié le tir en prévoyant que dans les communes, la tutelle est assurée par le préfet de département assisté d’un Secrétaire général et des Administrateurs 637

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niveau que le poste de sous-préfet adjoint n’existe plus. Aussi, faut-il préciser que les communes sous tutelle du Sous-préfet ne sont pas des communes chefs-lieux de départements. Sur celles-ci, c’est le préfet de département qui exerce la tutelle. Et si tel n’est pas le cas, l’on se contente de constater un conflit de compétence crée par le législateur qui prévoit à travers la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 précitée, que « (…) Dans les conditions fixées par la loi, le préfet de département exerce le contrôle de légalité sur les actes des collectivités territoriales décentralisées. Il veille à l’exécution des délibérations des conseils départemental et municipal et exerce le contrôle de légalité sur leurs actes »641. L’exercice de la tutelle sur la commune par le préfet du département lui permet, en cas d’urgence, de suspendre provisoirement le conseil municipal par arrêté motivé, pendant une durée n’excédant pas un (1) mois. Ceci lui permet également de recevoir les démissions volontaires des membres du conseil municipal ; ces démissions devenant définitives après accusé de réception de l’autorité de tutelle ou à défaut de cet accusé de réception, un mois après un nouvel envoi de la démission constatée par lettre recommandée642. Au demeurant, l’autorité de tutelle auprès de la commune, qu’elle soit préfet ou sous-préfet, peut suspendre ou annuler soit d’office soit à la requête de tout intéressé, les délibérations, décisions et règlements présentant un intérêt personnel pour l’une ou l’autre des autorités y ayant participé. C’est à ce niveau que l’on redoute qu’une telle arme entre les mains de l’autorité administrative lui servirait à d’autres fins. De même, dans l’exercice des fonctions de tutelle, et en cas d’inexécution par l’autorité municipale des mesures prescrites par les lois et règlements ou en vertu de ceux-ci, le préfet ou le sous-préfet peut, après mise en demeure, se substituer à elle et prendre à cette fin toutes mesures utiles643. Ce pouvoir de substitution est, dans le cas des communes de moyen exercice, conditionné par un compte rendu immédiat au ministre de l’intérieur. En matière de police par exemple, l’autorité de tutelle peut prendre dans tous les cas où il n’a pas été pourvu par les autorités municipales et après mise en demeure, toutes mesures relatives au maintien de l’ordre, à la sécurité et à la tranquillité publique. Ce pouvoir de tutelle lui permet aussi de procéder directement ou par l’entremise de son représentant, à l’inspection de la commune une fois par an au moins. Il peut à cet effet proposer des mesures à prendre.

délégués (article 174 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes). 641 Article 104 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 précitée. 642 Articles 40 al. 2 et 42 de la même loi. 643 Articles 50 et 51 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 précitée.

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L’autorité de tutelle peut convoquer en session extraordinaire le conseil municipal en vue de la destitution du Maire ou du Maire adjoint nommé à une fonction incompatible avec son mandat. Ceci peut intervenir après un délai de quinze (15) jours si ces derniers n’ont pas par eux-mêmes fait une déclaration d’option dans les quinze (15) jours. Il peut aussi suspendre par arrêté motivé, le Maire ou l’adjoint qui, pour une cause postérieure à son élection, ne remplit plus les conditions requises pour être Maire ou adjoint ; qui se trouve dans un des cas d’incompatibilité ou d’inéligibilité et n’ayant pas cessé immédiatement ses fonctions. Le préfet est tenu de convoquer immédiatement le conseil municipal, en cas de démission ou de destitution d’un Maire, pour élire son successeur. Pour ce qui concerne le cas particulier de la Ville de N’Djaména, la représentation de l’Etat auprès de cette dernière est assurée par le Délégué général du gouvernement auprès de la Ville de N’Djaména, nommé par décret en conseil des ministres. Il est le dépositaire de l’autorité de l’Etat dans la commune. Il a rang, prérogatives et avantages de gouverneur de région. Il est assisté dans ses tâches d’un secrétaire général nommé dans les mêmes conditions que lui et ayant les mêmes avantages qu’un secrétaire général d’une région. Le délégué général du gouvernement auprès de la Ville de N’Djaména exerce un pouvoir hiérarchique sur les administrateurs délégués placés auprès de chaque commune d’arrondissement. Ces derniers sont nommés par décret. Il assure directement la tutelle du conseil municipal de la ville et par l’intermédiaire des administrateurs délégués, la tutelle des conseils d’arrondissements. Cette tutelle consiste, faut-il le rappeler, en un contrôle de légalité sur les actes des organes délibérants et des exécutifs municipaux. Elle peut lui permettre aussi de suspendre ces derniers. C’est ce pouvoir de tutelle qui a donc permis au Délégué du gouvernement de suspendre en janvier 2018, la municipalité de la commune de Ville de N’Djaména, dirigée par Mme MARIAM DJIMET IBET, suite à une correspondance adressée à lui par l’IGE. Néanmoins, elle fut réhabilitée le même mois suite à une autre correspondance de l’IGE. Au niveau des communes d’arrondissements, la représentation de l’Etat est assurée par les administrateurs délégués ayant rang, prérogatives et avantages de sous-préfets. Ils exercent pour le compte du Délégué général du gouvernement, la tutelle de l’Etat sur les Conseils et les Maires d’arrondissements. En ce qui concerne les communes de moyen exercice, c’est le préfet ou le sous-préfet selon le cas, qui exerce la tutelle644. Toutefois, c’est le Préfet qui reçoit les procès-verbaux des réunions du comité de gestion et expédition de toute délibération de la part du Président du comité de gestion. Il les transmet à son tour au ministre de l’intérieur avec avis motivé.

644

Articles 23, 26 et 27 de l’Ordonnance n°017/PR/1985 du 24 juillet 1985 ci-haut citée.

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dau niveau rural645 : C’est le sous-préfet, représentant de l’Etat, qui exerce la tutelle sur les organes de la communauté rurale. A cet effet, il est tenu d’assister lui-même ou se faire représenter aux opérations de vote du président et des viceprésidents du conseil rural. Il peut, de sa propre initiative ou à la demande de toute personne, déférer devant le juge administratif tout acte et toute délibération du conseil rural susceptible de nullité. Inversement, le conseil rural peut aussi se pourvoir en annulation pour excès de pouvoir contre toute décision explicite ou implicite de cette autorité de tutelle. Le sous-préfet reçoit la transmission des décisions du président du conseil rural en application des délibérations dans un délai n’excédant pas deux (2) mois. Il procède au moins une fois par an, à l’inspection des communautés rurales et propose des mesures à prendre. Cette inspection fait l’objet d’un rapport dont la copie certifiée est adressée au président du conseil rural. Ce dernier est tenu de le communiquer au conseil rural. Le Sous-préfet reçoit en outre du président du conseil rural les copies des procès-verbaux de chaque délibération, chaque avis, chaque vœu. C’est ainsi que la loi n°007/PR/2002 du 05 juin 2002 portant statuts des communautés rurales, prescrit que le refus de transmettre à l’autorité de tutelle une délibération du conseil rural constitue une faute pouvant entrainer la démission d’office du président du conseil rural646. La tutelle confère aussi au sous-préfet le pouvoir de substitution car, en cas d’inexécution par l’autorité rurale des mesures prescrites, des lois et règlements ou en vertu de ceux-ci, le sous-préfet peut se substituer à elle, après mise en demeure et prendre à cette fin toutes mesures utiles. Il reçoit les démissions volontaires des présidents et vice-présidents des conseils ruraux qui ne deviennent définitives qu’à partir de leur acceptation. Il peut suspendre le président du conseil rural ou les vice-présidents qui pour une cause postérieure à leur élection ne remplissent plus les conditions requises pour être élus ou qui se trouvent dans un des cas d’incompatibilité ou d’inéligibilité et qui ne cessent pas leurs fonctions. Toutefois, le sous-préfet n’a pas tout pouvoir sur le conseil rural ; tel le cas de la suspension moins encore de la dissolution. En effet, sauf en cas d’urgence, le conseil rural peut être suspendu provisoirement par arrêté motivé du Préfet de département qui en informe l’autorité supérieure, c’est-à-dire le gouverneur de région. La dissolution quant à elle relève du pouvoir central. Bles autres autorités étatiques Outre les représentants déconcentrés de l’Etat qui exercent directement la tutelle sur les CTD, les autorités centrales, le gouvernement notamment, peut 645

Comme pour le Département, le contrôle de tutelle au niveau rural est étudié juste à titre de connaissance sur l’Organisation administrative au Tchad car, la Communauté rurale a été supprimée. 646 Article 56 de la loi n°007/PR/2002 du 05 juin 2002 précitée.

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lui aussi dans une certaine mesure, agir directement sur les organes locaux. C’est par exemple ce qui ressort de la lecture de l’article 17 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 portant statut des CTD, aux termes duquel : « lorsque le fonctionnement du conseil régional se révèle impossible, le gouvernement peut prononcer sa dissolution par décret motivé pris en conseil de ministres ; il en informe le parlement dans un délai n’excédant pas soixante-douze (72) heures »647. Il en est aussi ainsi pour le Conseil municipal qui ne peut être dissout que par décret motivé pris en conseil des ministres et publié au J.O648. En outre, la loi ci-dessus prévoit qu’en cas de démission ou de dissolution du conseil municipal ou d’annulation d’opérations électorales, une délégation spéciale composée de 3 à 7 membres est nommée par décret du Premier ministre dans les quinze jours qui suivent la démission ou la dissolution649. Spécialement, le Ministre chargé de l’administration du territoire est aussi habilité à exercer le contrôle sur les actes des collectivités locales. C’est le sens de l’article 48 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 précitée, qui dispose : « sont nulles de plein droit : - les délibérations du conseil municipal portant sur un objet contraire à ses attributions ou ayant eu lieu en dehors de sa réunion légale; - les délibérations prises en violation des textes législatifs ou réglementaires. La nullité de droit est prononcée par arrêté du Ministre chargé de l’administration du territoire sur avis du préfet ». Pareil pour la loi n°007/PR/2002 du 05 juin 2002 portant statuts des communautés rurales qui prévoit que la dissolution du Conseil rural est prononcée par arrêté motivé du Ministre chargé de l’administration du territoire650. Pour ce qui concerne particulièrement les communes de moyen exercice, le Ministre de l’intérieur651 reçoit de la part du préfet, la transmission des délibérations du comité de gestion avec avis motivé. En outre, précisant les structures et les organes de gestion de la décentralisation, le « Manuel d’information et de sensibilisation sur la décentralisation au Tchad », produit par le Ministère chargé de la décentralisation précité mentionne que sous couvert de la Direction de la tutelle des collectivités locales, le Ministère de l’Administration du territoire assure au niveau 647

La nouvelle législation prévoit exactement et en des mêmes termes ce type de pouvoir du gouvernement sur le Conseil provincial ; voir les articles 35 et 93 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes précitée. 648 Article 40 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 précitée. 649 Article 41 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 précitée. 650 Article 46 de la loi n°007/PR/2002 du 05 juin 2002 ci-haut citée. 651 Celui-ci peut être dans certains cas chargé de l’administration du territoire en fonction des gouvernements.

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central la coordination de la tutelle652. Il veille, à travers le contrôle au bon fonctionnement des CTD et le transmet, pour approbation au Ministère des finances. Les autorités centrales sont aussi compétentes pour l’approbation des actes des collectivités locales, du moins, de ceux des communes de moyen exercice. Tel est le sens de l’article 20 de l’Ordonnance n°017/PR/1985 du 24 juillet 1985, selon lequel, « Ne sont exécutoires qu’après approbation des ministres des finances et de l’intérieur, les délibérations suivantes : - les aliénations, locations et échanges des propriétés communales ; - le changement d’affectation d’une propriété communale affectée à un service public ; - le prolongement, l’élargissement, la suppression, la dénomination des rues et places publiques, l’établissement et la modification des plans d’alignement des voies publiques municipales ; - l’intervention de la commune par voie d’exploitation directe ou par simple participation financière dans les entreprises ayant pour objet le fonctionnement des services d’assistance d’hygiène et de prévoyance sociale ou la réalisation d’amélioration urbaine ». Au demeurant, s’il tel sont prévues les relations Etat – CTD, il n’en demeure pas moins que les collectivités locales nouent des relations entre elles.

652

Ministère chargé de la décentralisation, ‘‘A l’Ecole de la Décentralisation’’, Manuel d’information et de sensibilisation sur la Décentralisation au Tchad’’, op. cit, p. 33.

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CHAPITRE 2 LES RELATIONS ENTRE LES COLLECTIVITES LOCALES Dans un système de décentralisation, les relations entre les personnes publiques ne se limitent pas qu’aux rapports Etats-Collectivités locales. Les différentes structures issues de ce système, à savoir les CTD et leurs établissements publics, sont aussi conviés à établir des relations multiformes entre eux tant sur le territoire national que sur le plan international. Nous estimons que par l’expression « construire la décentralisation dans un cadre partenarial » contenu dans le SDD, les pouvoirs publics au Tchad cherchent à établir des relations de partenariat entre l’Etat et les CTD en même temps qu’entre ces dernières. Ces derniers types de relations prennent la dénomination de « coopération décentralisée ». En effet, au Tchad avec la Constitution de 1996 révisée, la coopération décentralisée n’a pas trouvé pas un fondement express dans le texte constitutionnel653. C’est le législateur qui, à travers la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 portant statuts des CTD, prévoit une telle coopération. Cette législation qui sera entérinée par bien d’autres, a consacré deux (2) chapitres, les chapitres 13 et 14, à la coopération décentralisée. Le chapitre 13 titré « De la coopération et des ententes inter-collectivités territoriales décentralisées » est consacré aux types de coopérations entre les collectivités locales au niveau national. Le chapitre 14, intitulé « De la coopération internationale » est quant à lui consacré aux différents accords de coopération que les collectivités locales tchadiennes sont habilitées à signer avec celles des autres Etats. Néanmoins, il ne faut pas perdre de vue que les relations entre les collectivités locales se limitent aux rapports de coopération décentralisée. Il arrive par endroit des relations de nature conflictuelle entre ces collectivités. A cet effet, le présent chapitre déclinera dans un premier temps, la collaboration entre les collectivités locales, tant sur le plan interne que sur le plan international (Section 1). Dans un second temps, l’on se consacrera dans la mesure du possible, à l’étude des relations conflictuelles entre ces entités locales (Section 2).

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S’agissant de coopération décentralisée au niveau national, c’est récemment que l’article 211 de la Constitution du 04 mai 2018 a prévu que « lorsque le concours de plusieurs Collectivités Autonomes est nécessaire à la réalisation d’un projet, les collectivités concernées conviennent des modalités de leur coopération » ; et l’article 2012 du même document de poursuivre que « les Collectivités Autonomes peuvent constituer des groupements en vue de la mutualisation des moyens et des programmes ».

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SECTION 1 : la collaboration entre les collectivités locales La collaboration entre les collectivités locales, telle que nous faisons allusion ici s’inscrit dans une large mesure dans le cadre de la coopération décentralisée. Cette coopération décentralisée s’établit sur les plans national et international. Mais dans une autre mesure aussi, les collectivités locales peuvent collaborer pour atteindre un autre objectif. Tel le cas de groupements de commandes auxquels nous consacrerons un paragraphe. Paragraphe 1 : la collaboration au niveau national Les collectivités locales dont l’ensemble constitue le territoire de l’Etat sont obligées de collaborer afin d’arriver à bout de certaines contraintes. Plusieurs raisons imposent de telles collaborations : proximité et difficultés communes ; incapacité pour certaines collectivités locales de résoudre elles seules les tâches qui leurs incombent ; précarité économique et financière, etc. Généralement limitées par les moyens financiers, matériels, techniques et humains, les collectivités locales se voient incapables de mener singulièrement à bien les fonctions qui leurs sont assignées. C’est dans cette optique qu’elles nouent des relations d’entraide, d’assistances multiformes ou de partenariat entre elles afin de répondre aux impératifs qui se dressent à eux, même si « …l’addition de misères n’a jamais produit de la richesse »654. On qualifie traditionnellement cette forme de relation de « Coopération décentralisée » lorsqu’elle lie les Collectivités des pays différents. Mais nous aurions préféré le terme « coopération décentralisée au niveau national » pour parler de la coopération entre les collectivités d’un même Etat. Cette coopération, généralement traduite dans une convention655, peut prendre de dénominations très variées656. Ainsi, « la coopération décentralisée, définie comme l’action internationale des collectivités locales, est étroitement liée au processus de décentralisation. (…) Elle consiste à mettre directement en relation des villes issues de pays différents dans le cadre de ce qui est appelé, en d’autres termes, aujourd’hui, « coopération ville à ville »657. 654

LACHAUME (J-F), L’administration communale, op. cit, .28. Il faut noter que la convention entre collectivités décentralisées n’est pas une convention internationale au sens du droit international. C’est d’ailleurs ce que relève la section de l’intérieur du Conseil d’Etat français, dans un avis du 25 octobre 1994. Le CE a, par cet avis, confirmé que les conventions de coopération décentralisée prévues par l’article 131 de la loi n° 92- 125 du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République « qui ne constituent pas des engagements internationaux au sens du Titre VI de la Constitution, ne sauraient déroger aux règles de légalité interne ». 656 Jumelage, intercommunalité etc. 657 KEUTCHA TCHAPNGA (C), « Désétatisation et nouvelles configurations du pouvoir en Afrique subsaharienne » op. cit, p.54. Toutefois, nous voudrions nuancer cette définition car dans la plupart des contextes africains actuels, et tchadien en l’occurrence, la coopération décentralisée s’inscrit non seulement dans le cadre de relations entre les collectivités locales issues des pays différents mais aussi les collectivités locales d’un même pays. 655

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A la lecture de la législation tchadienne, la collaboration entre les collectivités locales du Tchad se matérialise presqu’exclusivement par la mise en place des cadres de concertation prévoyant qu’à titre marginal la création des structures permanentes aux activités matérielles – les établissements publics, telles que les communautés urbaines. Elle prévoit la concertation entre les collectivités locales par échelle. Ainsi, il existe la concertation à l’échelle régionale, départementale, communale et rurale658. A – la collaboration à l’échelle interrégionale et interdépartementale Il faut rappeler qu’il s’agit ici de la « coopération décentralisée au niveau national ». Le législateur tchadien n’a prévu pour la région et le département que des cadres de concertation appelés les « ententes interrégionales », pour les concertations entre les régions et les «ententes interdépartementales », pour les concertations entre les départements. A cet effet, la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 portant statuts des CTD, prévoit que : « la coopération et les ententes interdépartementales et interrégionales se réalisent sous la forme de : - Conseil national des régions pour le développement (CNRD)659 ; - Conseil interdépartemental pour le développement (CIDD)660 ; - Conseil interrégional pour le développement (CIRD) »661. En vertu de l’article 97 de la même loi, ces cadres qui ne sont en réalité que des conseils, sont composés, selon les niveaux, des gouverneurs des régions, des préfets, des présidents des conseils régionaux et départementaux, des représentants des ministères, des partenaires au développement et des opérateurs économiques. La composition de ces cadres de concertation gagne en crédibilité car elle permet aux différentes autorités et instances dirigeantes au niveau régional et départemental, de même que les représentants du pouvoir central de trouver un cadre propice pour débattre des questions majeures au niveau local. A cet effet, les conseils interdépartemental et interrégional ont pour mission de : - étudier et proposer au gouvernement les moyens à mettre en œuvre pour promouvoir le développement des CTD ; - échanger des expériences de gestion ; - encourager les projets de développement socio-économique et culturel des CTD662.

658

Toutefois, puisque le Département et la Communauté rurale sont supprimés, on ne parlera plus dorénavant de la collaboration au niveau départemental et rural. 659 Avec la nouvelle législation, le CNRD devient le CNPD, c’est-à-dire le Conseil National des Provinces pour le Développement (CNPD). 660 Le CIDD n’existe plus du fait de la suppression du département en tant que collectivité locale. 661 Article 96 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 ci-haut citée. Toutefois, avec la nouvelle législation, le CIRD devient le CIPD, c’est-à-dire le Conseil Inter Province pour le Développement.

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Toutefois, nous estimons que de telles plates-formes ne sont que de cadres de concertation. Ce qui voudrait dire en d’autres termes que la législation tchadienne ne précise pas la coopération décentralisée proprement dite au niveau interrégional et interdépartemental. B- la collaboration intercommunale Au niveau des communes également, il est prévu par le législateur tchadien des cadres de concertation et des cadres de coopération. En effet, la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 portant Statuts des CTD, dispose : « la coopération et les ententes intercommunales se réalisent sous forme de : - Conseil national pour le développement des communes (CNDC) ; - Conférence intercommunale au plan national (CICN) ; - Jumelage des communes tchadiennes avec les communes étrangères ; - Regroupement des communes d’un même département pour obtenir des emprunts garantis par l’Etat »663. En revanche, le législateur aurait dû orienter le jumelage des communes tchadiennes avec les communes étrangères à la coopération internationale. Qu’à cela ne tienne, le Conseil National pour le Développement des Communes est une plateforme constituée des maires, des représentants de l’Etat, des représentants des services communaux et des partenaires au développement. Il est chargé de : - donner des avis sur la législation et la réglementation concernant les CTD ; - étudier et proposer au gouvernement les moyens à mettre en œuvre pour promouvoir le développement et le bon fonctionnement des CTD ; et - suivre toutes les questions se rattachant aux libertés communales. Les Conférences intercommunales quant à elles sont des réunions des maires de toutes les communes et ont pour but : - d’échanger les expériences de gestion ; et - de faire des recommandations à l’autorité de tutelle en vue d’une amélioration du fonctionnement des organes communaux. Dans la même logique, la loi n°009/PR/2005 du 15 juillet 2005 portant Statut particulier de la ville de N’Djaména, précise la compétence de la commune pour signer des accords de coopération décentralisée lorsqu’il dispose : « le conseil municipal règle par délibérations les matières relevant

662

Pour ce qui concerne la nouvelle législation, voir l’article 166 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes précitée. 663 Article 92 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 ci-haut citée. Cette disposition est reprise comme telle à l’article 166 de l’Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant statuts des Collectivités Autonomes précitée.

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de la compétence de la commune et présentant un intérêt pour l’ensemble de l’agglomération de N’Djaména telles qu’énumérées ci-après : - la coopération et le jumelage avec d’autres collectivités (…) »664. Une autre forme de coopération décentralisée se rencontre toujours dans le cadre des relations entre la commune de Ville de N’Djaména et ses communes d’arrondissement. C’est à cet effet que l’article 8 al. 3 de la loi n°009/PR/2005 du 15 juillet 2005 précitée prévoit que les communes d’arrondissements pourront convenir du transfert, au conseil communal et avec l’accord de ce dernier, de la gestion des matières de leur compétence pour lesquelles l’intervention du conseil communal s’avère appropriée. Par cet accord, la commune de la Ville de N’Djaména peut se voir confier l’exécution des tâches relevant du domaine des communes d’arrondissement, dans l’intérêt de chacune des parties. C – la collaboration à l’échelle rurale C’est le titre VI de la loi n°007/PR/2002 du 05 Juin 2002 portant Statuts des communautés rurales, qui détermine la coopération décentralisée au niveau rural au Tchad. En effet, l’article 72 de ladite loi dispose que « plusieurs communautés rurales peuvent constituer entre elles un groupement d’intérêt communautaire ayant pour objet la gestion ou l’exploitation des terres du domaine national, des biens d’équipement, d’infrastructures, de ressources ou toute autre activité intéressant plusieurs communautés rurales. Le groupement rural peut être créé pour l’exploitation des forages, des parcs de vaccination de bétail, de zones de pêche, de casiers d’irrigation ». L’article 73 de renchérir que « la coopération entre plusieurs communautés rurales se réalise sous forme d’entente inter communautés rurales en vue d’entreprendre ensemble des actions de développement. Cette coopération doit être acceptée par les conseils ruraux respectifs ». La coopération inter communautés rurales au niveau national est une véritable coopération décentralisée car, elle permet à ces entités d’assoir une véritable structure, un établissement public ; le groupement d’intérêt communautaire en l’occurrence, afin de répondre à leurs besoins communs. En revanche, l’étude de la législation sur la décentralisation au Tchad ne précise pas de façon détaillée les formes de coopération décentralisée telles que consacrées par la théorie de droit administratif, du moins, celle de droit des collectivités locales. Elle ne prend pas en compte plusieurs aspects. Elle se limite au jumelage et au groupement d’intérêt communautaire. Nous estimons qu’il ne faille pas trop rétorquer sur cet aspect car, compte tenu de sa vision politique, de la jeunesse de son système de décentralisation et de ses moyens, l’autorité tchadienne a dû s’en tenir à l’essentiel.

664

Article 8 de la loi n°009/PR/2005 du 15 juillet 2005 ci-haut citée.

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En outre, il faut réitérer que la collaboration entre les collectivités territoriales décentralisées ne saurait permettre à une collectivité d’exercer la tutelle sur une autre. Pour ce faire, même entre la commune de Ville de N’Djaména et ses communes d’arrondissements il n’y a ni tutelle ni hiérarchie. C’est d’ailleurs ce qui ressort de la lecture de la loi n°033/PR/2006 du 11 décembre 2006 portant répartition des compétences entre l’Etat et les CTD, selon lequel, « les transferts de compétences ne peuvent autoriser une quelconque collectivité territoriale décentralisée à établir ou exercer une tutelle sous quelque forme que ce soit sur une autre »665. Au demeurant, si nous ne nous sommes pas attardé sur les théories et littératures autours des formes de coopération entre les entités locales, nous nous sommes tenus à l’essentiel en nous appuyant sur le cadre normatif en vigueur. Toutefois, pour plus de précision, l’on retient que la coopération décentralisée est l’expression de la volonté des collectivités territoriales d’un même Etat ou de différents Etats à nouer des relations entre elles, allant même au-delà des relations de simple amitié marquées par le jumelage. Elle a pour objet la gestion commune des services publics, les projets de développement socioéconomique, la solidarité, etc. Ces relations prennent des formes variables. Certaines se présentent comme de simples plateformes d’échanges et de partages, d’autres en revanche sont des structures bien précises, avec des statuts et une personnalité juridique. Une étude en comparaison avec le droit français permet de mieux comprendre ce mécanisme qui a une histoire relativement lointaine dans cet Etat. En effet, lorsque les CTD décident de coopérer en créant un organisme de coopération, tel un EP, ce dernier exerce aux lieu et place des collectivités l’ayant créé les compétences qui lui sont transférées ; ces collectivités ne peuvent plus exercer les compétences ainsi transférées666, sous réserve que cet organisme ne se limite qu’à l’exercice des seules compétences transférées667. Au vu de ce qui précède, il faut retenir aussi que la coopération décentralisée peut revêtir des formes variables : - la coopération intercommunale : bien qu’autonomes, les communes ont des intérêts qui les rapprochent. De surcroît, les mouvements démographiques suivis du développement des services publics municipaux, ont conduit à la création d’organismes intercommunaux, palliatif au particularisme et à l’uniformité des communes. C’est dans ce sens qu’on parle de l’intercommunalité. Le regroupement de communes, sous quelle forme que ce soit est un mécanisme juridique qui, tout en préservant l’existence des communes, les amène à collaborer en vue de réaliser en 665

Article 4 de la loi n°033/PR/2006 du 11 décembre 2006 ci-haut citée. CE, Ass, 16 octobre 1970, Commune de Saint-Vallier, R, 583. 667 CE, 04 mai 1984, ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de la décentralisation c/ Commune des Aubiers, Table 1975-1984, T. II, p. 1304. 666

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association ce que chacune d’entre elle ne peut faire à titre individuel. Il en existe plusieurs types : les SIVU, les SIVOM, les districts urbains, les communautés urbaines ou communautés de villes, etc. Ce sont les ententes et les conférences intercommunales qui ont accouché ses structures. Elles se constituent lorsque deux ou plusieurs conseils municipaux veulent entreprendre ou conserver à frais commun des ouvrages ou des institutions d’utilité commune. Chaque conseil municipal désigne alors une commission spéciale et la réunion de ces conseils constitue la conférence. - le groupement des départements : en dehors des conférences interdépartementales, simples réunions de délégués de conseils généraux dépourvues de pouvoir de décision ; le groupement de départements a été autorisé sous la forme de syndicats interdépartementaux668, puis d’ententes et institutions interdépartementales669. Ces groupements, de même type que le syndicat de communes sont créés par délibérations conformes des conseils généraux intéressés. Le décret-loi de 1935 permet aux départements de s’unir à des communes et à des établissements publics. Depuis 1955, ces groupements sont devenus les syndicats mixtes, autorisés par décret en Conseil d’Etat. Il faut rappeler que l’article 32 de la loi du 2 mars 1982-213 prévoit la possibilité pour le département, les communes et les établissements publics intercommunaux de créer entre eux un établissement public appelé « agence départementale ». Tel est brièvement le mécanisme de coopération décentralisée du système français. Paragraphe 2 : la coopération décentralisée Les collectivités locales peuvent également coopérer, soit avec celles d’autres Etats670, soit avec les organisations internationales ou ONG œuvrant dans le cadre du développement car, la coopération décentralisée apparait « comme l’expression de l’affirmation d’une identité et d’une personnalité locales distinctes de l’Etat, au-delà des frontières nationales »671. Toutefois, ces engagements sont subordonnés à l’accord de l’Etat qui, par l’entremise de l’autorité de tutelle, veille à la légalité et au respect des engagements internationaux des Etats dont les collectivités ressortissantes s’engagent. Ainsi, « si les Etats restent toujours garants des engagements internationaux, ils reconnaissent néanmoins la compétence de leurs collectivités infra-étatiques pour agir à l’international et encouragent leur liberté d’action comme un engagement nécessaire et complémentaire à celui de leur diplomatie. Cette liberté d’action est issue du principe de la libre administration des collectivités territoriales, reconnu par les constitutions, 668

Décret français du 5 novembre 1926. Loi française du 9 janvier 1930. 670 C’est l’exemple de la coopération décentralisée entre les villes françaises et tchadiennes notamment Toulouse et N’Djaména ; Poitiers et Moundou ; Cherbourg-Octe-ville et Sarh etc. 671 ZEH ZEH (J), La politique de soutien à la coopération décentralisée menée par le FEICOM, (Exposé sur le thème), Ouverture des Assises de la Coopération décentralisée France-Cameroun, Yaoundé 30 novembre 2003, inédit, 10 pages, p.2. 669

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les lois et les règlements des Etats ». En outre, « (…) le concept « la coopération décentralisée » est un mode ancien issu des jumelages entre villes d’Europe occidentale. Plus particulièrement, elle est le produit de l’histoire, celle de deux peuples, allemand et français, qui, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, veulent se réconcilier. Au-delà du continent européen, la coopération décentralisée est, de nos jours, considérée comme un moyen de rapprochement et de meilleure compréhension entre les peuples appartenant aux entités différentes. Par son élan, cette coopération s’est très vite répandue en Afrique subsaharienne dans un contexte général d’aide au développement et permet d’accompagner les réformes politiques par l’appui institutionnel »672. En effet, la coopération décentralisée au niveau international n’est pas un phénomène nouveau au Tchad673. Lorsqu’elle est envisagée, c’est par délibération que les conseils locaux décident de signer les accords de coopération décentralisée. Au niveau de la région par exemple, la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 portant statuts des CTD, cite parmi les délibérations du conseil régional pouvant faire l’objet de sursis à exécution décidé par le juge de référé à la demande de l’autorité de tutelle, les conventions de coopération internationale décentralisée674. La coopération décentralisée au niveau international est prévue au chapitre 14 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 portant statuts des CTD. L’article 99 de ladite loi dispose : « les collectivités territoriales décentralisées tchadiennes peuvent conclure des accords de jumelage avec d’autres collectivités étrangères dans les domaines socioéconomique et culturel. Elles peuvent adhérer à des organisations internationales œuvrant pour le développement socio-économique et culturel ou entretenir des relations de coopération avec les partenaires de développement ». L’article 74 de la loi n°007/PR/2002 du 05 Juin 2002 portant statuts des communautés rurales précise également cette coopération selon les mêmes termes pour ce qui concerne les communautés rurales.

672

YEMINGAR YEDJIBAYE, La coopération décentralisée comme facteur d’intégration communautaire : l’approche française, source d’inspiration des pays francophones des sousrégions CEMAC et CEDEAO, Thèse de doctorat en droit, Université de Poitiers, juin 2010, pp.13 – 14. 673 Voir par exemple les accords de jumelage entre les anciennes villes tchadiennes avec celles de l’ancienne métropole qui ont posé les jalons de la coopération décentralisée au niveau international. En effet, « dans le cadre de la coopération décentralisée, le jumelage est une relation établie entre deux villes de pays différents, relation qui se concrétise par des échanges socio-culturels. Le jumelage des villes est une réalité dans l’Europe actuelle et aussi en Afrique, puisqu’un grand nombre de communes sont reliées les unes aux autres par le biais d’un accord de jumelage officiel » (YEMINGAR YEDJIBAYE, La coopération décentralisée comme facteur d’intégration communautaire : l’approche française, source d’inspiration des pays francophones des sous – régions CEMAC et CEDEAO, op cit, note en bas de page n°4). 674 Article 20 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 précitée.

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Le chapitre 14 de la loi n°002/PR/2000 du 16 février 2000 précité, chapitre à article unique, prévoit de manière trop laconique le cadre de coopération internationale des régions, départements et communes du Tchad avec des structures semblables dans des Etats étrangers. Néanmoins, la lecture de cette disposition laisse à notre portée deux (2) remarques fondamentales : Primo : la coopération décentralisée au niveau international ne peut s’établir qu’entre les collectivités locales issues des structures décentralisées. Une collectivité locale tchadienne ne saurait signer un accord de coopération décentralisée avec un Etat souverain. Elle peut néanmoins être membre de certaines organisations internationales avec lesquelles elle signe des accords. Secundo : les accords de coopération décentralisée visent des objectifs bien précis : le développement socio-économique et culturel. Ce qui sousentend que les CTD tchadiennes n’ont pas l’habilitation d’aller au-delà de ces objectifs lorsqu’elles signent les accords de coopération décentralisée. Elles ne peuvent pas par exemple signer des accords relatifs à la défense, des accords monétaires, etc. Toutefois, au-delà de ces précisions, nous estimons que par cette disposition, le législateur tchadien n’a retenu qu’une seule forme de coopération décentralisée au niveau international : le jumelage. Or, celui-ci, dans son sens étroit ne renvoie qu’à une relation d’amitié entre les CTD, alors que la coopération décentralisée est bien importante que cela. Au demeurant, en plus de la coopération décentralisée stricto sensu, le législateur tchadien permet également aux collectivités locales de s’entendre afin de parvenir à d’autres fins ; tel le cas des groupements de commandes qui seront étudiés ci-après. Paragraphe 3 : les autres formes de collaboration : le cas des achats groupés Les groupements de commandes ou achats groupés sont des modalités qui consistent, pour des organes ou entités différentes, de se mettre ensemble pour procéder à des achats. Pour ce qui est des marchés de l’Etat, le décret n°2417/PR/PM/2015 portant Code des marchés publics au Tchad, dispose que « sur proposition du ministre chargé du budget, en relation avec les départements ministériels intéressés et après avis de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics, il peut être crée par l’Autorité chargée des marchés, une Commission Interministérielle chargée de coordonner certaines commandes de l’Etat et des établissements publics en vue de favoriser le développement de procédures d’achats groupés »675. Néanmoins, si au niveau de l’Etat, peuvent être coordonnées des achats pour le compte de différents départements ministériels, c’est parce que les marchés de tous les ministères dépendent du budget général de l’Etat. Mais qu’en est – il des collectivités locales qui ont des budgets différents ? À cette 675

Article 36 du décret n°2417/PR/PM/2015 portant Code des marchés publics au Tchad.

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question, le Code des marchés publics précise explicitement que « les collectivités locales peuvent, en cas de besoin, avoir recours à cette procédure de centralisation des achats dans les conditions prévues par le présent Code, sur la coordination des représentants de l’Etat »676. Ainsi, les collectivités locales sont habilitées à se mettre ensemble et envisager des projets communs677, tels les achats groupés, sans pour autant que ceux-ci n’entrent dans le cadre de la coopération décentralisée stricto sensu. D’ailleurs, cette possibilité qui ne doit souffrir d’aucune contestation entre dans le cadre de la libre administration des collectivités locales. Ils s’inscrivent aussi dans le cadre des ententes inter-collectivités que prescrivent les lois de la décentralisation au Tchad. Ainsi, la libre administration doit permettre aux organes délibérants des collectivités locales qui le désirent, de procéder par délibération à des achats groupés car, selon la loi n°002/PR/2000 du 16 février 2000 précitée, c’est aux conseils locaux qu’il appartient de se prononcer sur le programme d’équipement et de développement économique et social à réaliser sur le budget local. Toutefois, comme tout projet local, les achats groupés au niveau local se déroulent sous le contrôle des autorités de tutelle placées auprès des collectivités contractantes. En outre, s’il appartient aux organes délibérants d’avaliser cette procédure, c’est à l’exécutif local qu’il revient d’engager la collectivité car, pour ce qui est de la commune par exemple, « le maire est chargé, sous le contrôle du conseil municipal et sous la surveillance des autorités de tutelle : - de souscrire aux marchés (…) »678. De surcroit, le chapitre 17 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 précitée, intitulé « Des contrats », prévoit que « les collectivités territoriales décentralisées peuvent, dans le cadre de leur action de développement, passer des contrats avec des personnes physiques ou morales de droit public ou de droit privé »679. Ainsi, si la législation prévoit la possibilité aux collectivités locales de passer des contrats avec des personnes morales de droit public dans leurs actions de développement, ces personnes publiques peuvent aussi être d’autres collectivités locales. A cet effet, parmi ces contrats figurent des contrats portants sur des achats groupés. SECTION 2 : les conflits entre les collectivités locales Comme dans tout rapport entre personnes physiques ou morales, les relations entre les collectivités locales n’échappent pas aux conflits, puisqu’il 676

Article 36 (3) du même code. Désormais avec la Constitution du 04 mai 2018, la mise en œuvre des projets communs par les collectivités locales peut aller au-delà des simples achats groupés car l’article 212 de ladite Constitution prévoit expressément que « les Collectivités Autonomes peuvent constituer des groupements en vue de mutualiser des moyens et des programmes ». 678 Article 63 – 8 de la loi n°002/PR/2000 du 16 février 2000 précitée. 679 Article 109 de la même loi. 677

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s’agit des structures gérées par des humains. La plupart des conflits opposant les CTD sont liés à l’exercice des compétences qui leurs sont transférées. En effet, la lecture de la législation laisse comprendre que le transfert de compétences aux différentes CTD ne doit pas faire apparaitre dans leur application la tutelle d’une collectivité sur une autre. De même, aucune collectivité locale ne doit délibérément exercer les compétences « rationae materiae », « rationae temporus » ou « rationae loci » dévouées à une autre. Malheureusement, il n’est pas certain que ce but recherché soit atteint. Généralement, on se rend compte qu’il y a enchevêtrement de compétences des collectivités locales entre elles d’une part et entre ces dernières et les autorités traditionnelles et coutumières d’autre part. Dans certaines hypothèses, l’on constate que certaines collectivités locales voient leurs compétences empiétées par d’autres etc. Il serait judicieux dans la présente approche de dégager ces conflits, et dans la mesure du possible, jeter un regard sur les mécanismes prévus par la règlementation en vue de leur gestion. En effet, parmi les conflits qui opposent les collectivités locales, il peut y avoir des conflits de compétences. Ceux-ci peuvent être liés à des enchevêtrements dus au fait du législateur lui-même qui peut confier aux différents échelons locaux les mêmes compétences. Il peut aussi s’agir des empiétements de compétences. Ceux-ci sont récurrents. Les empiètements de compétences consistent pour une collectivité locale à exercer délibérément ou non, les compétences attribuées à une autre. En plus de ces conflits d’enchevêtrement et d’empiètement de compétences, l’on note ceux liés aux délimitations territoriales et aux prélèvements des impôts et taxes. La Commune de Ville de N’Djaména et ses communes d’Arrondissement connaissent généralement ce problème. Un des cas illustratifs est le conflit opposant la Commune du 3ème arrondissement à celle du 6ème arrondissement en février 2018, par rapport au Carré 21 du Quartier Moursal, abritant le prestigieux Hôtel Hilton680. En outre, il faut aussi préciser qu’il existe des conflits entre les autorités en charge de ces entités, mais ceux-ci n’entrent pas dans la présente étude. S’agissant des mécanismes de leur résolution, la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000, prévoit d’emblée que la mise en jeu de la 680

En effet, c’est la commune du 6ème arrondissement de la Ville de N’Djaména qui percevait des taxes (96.000.000 par an, soit 8.000.000 par mois, dont retient 40% et verse 60% à la commune de Ville de N’Djaména pour l’Hôtel Hilton) sur les habitants et activités exercées dans le Carré 21 du Quartier Moursal. Mais par arrêté Arreté n°005 du 07 février 2018 portant « confirmation de la limite administrative entre la commune du 3ème arrondissement et 6ème arrondissement, dans la zone litigieuse entre les quartiers Sabangzli et Moursal », le Délégué du gouvernement auprès de la Ville de N’Djaména classe ledit carré dans la Commune du 3ème arrondissement. Ceci a provoqué de vives polémiques entre les exécutifs des communes du 3ème et du 6ème arrondissement ; pour plus de précisions, lire le journal Abba Garde n°193 du 20 au 28 février 2018, p.2.

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responsabilité des CTD relève des mêmes règles de compétence que pour celles de la responsabilité de l’Etat681. Les mécanismes de résolution des conflits entre CTD peuvent être amiables, juridictionnels et non juridictionnels. A cet effet, lorsqu’une collectivité locale prend un acte qui ne relève pas de ses attributions, cet acte susceptible ou non de créer un conflit de compétence, sera frappé d’une nullité absolue. C’est d’ailleurs ce que la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 portant statut des CTD, prévoit en ces termes, pour ce qui concerne la région : « tout acte, toute délibération du conseil régional qui n’est pas légalement compris dans ses attributions ou entaché d’une illégalité quelconque est nul et de nul effet. La nullité sera prononcée par le juge administratif à la demande de l’autorité de tutelle ou d’un tiers qui a intérêt à agir »682. Il en est de même pour les délibérations du conseil municipal portant sur un objet contraire à ses attributions, prévues à l’article 48 de la même loi. Toutefois, pour ce dernier cas, la nullité est prononcée par le Ministre chargé de l’administration du territoire sur avis du préfet683.

681

Article 110 de la loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 ci-haut citée. Article 15 de la même loi. 683 Article 48 al. 2 de loi organique n°002/PR/2000 du 16 février 2000 ci-haut citée. 682

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CONCLUSION DE LA TROISIEME PARTIE Les relations entre les différentes administrations au sein de l’Etat sont marquées par des rapports multiformes entre l’administration centrale et les administrations locales, de même que par des rapports entre les différentes administrations locales. En substance, et telles que prévues par les textes, ces relations sont axées sur des rapports de coopération et de complémentarité ; l’Etat se voyant comme le véritable moteur et garant de ces relations car, qu’il s’agisse des actions internes ou internationales des structures infra étatiques que sont les collectivités locales, l’Etat doit les suivre d’un regard clairvoyant. Dans les faits, ce droit de regard est parfois détourné en une arme pour surveiller de manière abusive voire contrecarrer l’action des collectivités locales, et ceci constitue un véritable fardeau pour l’émancipation de ces dernières. S’agissant de la coopération décentralisée, le législateur tchadien doit encore consentir des efforts pour définir clairement des mécanismes efficaces permettant aux collectivités locales de coopérer dans le but d’assoir des véritables services publics locaux. De même, le soutien de l’action internationale des collectivités locales serait un véritable atout pour le développement local. Pour ce qui est des conflits inter collectivités locales, il doit être mis en place des plates-formes permettant à ces dernières de juguler en des termes raisonnables leurs contentieux. A cet effet, il est à conclure qu’une véritable politique de décentralisation ne peut être mise en œuvre que lorsque la coopération entre les administrations centrale et locale est assurée et en bonne marche.

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CONCLUSION GENERALE : L’étude que nous avons menée démontre que sur le plan de l’encadrement juridique, l’Organisation administrative au Tchad, telle qu’esquissée depuis la Constitution de 1996 est assez structurée. Les entités centrales et locales prévues sont dotées d’attributions et de compétences essentielles pour répondre aux besoins des populations684. Néanmoins, la mise en place des structures administratives au Tchad reste un processus encore inachevé et nécessite pour ce faire une accélération. Comme l’a affirmé le Professeur Christian JOIN-LAMBERT dans l’ouvrage précité, « (…) à un moment où services territoriaux de l’Etat et collectivités décentralisées sont appelés à un effort de longue haleine pour bâtir ensemble le service public, il faut vérifier que la démocratie n’est pas laissée de côté, et qu’on ne renonce pas à ce que le droit à l’initiative et l’adaptation aux lieux et aux milieux aillent de pair ». Pour reprendre à notre compte cette analyse, la problématique d’une appréhension par la population, qu’elle soit rurale, périurbaine ou urbaine, des questions de l’action administrative, de la gestion des services publics ainsi que de la décentralisation doit nécessairement passer par l’appréhension de la structuration et de l’organisation de cette administration sur toute l’étendue du territoire. Ceci permet de soulever aussi un pan de voile sur les aspects difficultueux qu’elle couve et nécessite les contributions, analyses et expertises pluridisciplinaires dont juristes, économistes, géographes, anthropologues et sociologues sont les plus sollicités. Nous demeurons toujours convaincus par l’analyse du Professeur Christian JOIN-LAMBERT selon laquelle « la meilleure connaissance des réalités de la société et de l’économie et la prise en compte de certaines nécessités de la gestion, passent par le développement de l’expertise et du professionnalisme dans l’administration ». Ainsi, les pouvoirs publics au Tchad, s’ils veulent atteindre les objectifs par eux définis, doivent se défaire de l’amateurisme 684

Le Rapport final du Comité Technique Interministériel d’Appui au Haut Comité chargé des Réformes Institutionnelles, bien que sollicitant un renforcement des mécanismes juridiques et institutionnelles par des innovations audacieuses en proposant que soient prises des mesures constitutionnelles, législatives et réglementaires, constate néanmoins que « le Tchad s’est engagé dans cette voie (de l’Etat de droit) en édictant de bonnes règles de droit et en mettant sur pied des institutions pouvant en assurer l’application. Malgré ce dispositif, notre système demeure perfectible pour éradiquer certaines insuffisances constatées », (lire le Rapport final du Comité technique d’appui au Haut comité chargé des réformes institutionnelles, p.52). Ceci étant, même si le Comité Technique n’indique pas clairement que le problème que rencontrent les institutions publiques tchadiennes est celui des compétences, il semble tacitement l’admettre. Et ceci conforte notre position dans la présente conclusion.

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ambiant dans lequel se complait l’administration publique; ces objectifs devant être l’efficacité, la transparence, la bonne gouvernance et le développement. Terme doit être mis au clientélisme tous azimuts qui caractérise le recrutement des agents publics, même si d’aucuns y voient une utopie pure et simple. Le véritable problème de gouvernance au Tchad est en réalité au niveau de compétences, la qualité des gouvernants685. Les institutions en place, si elles étaient gérées de manière professionnelle et rationnelle pourraient déjà booster le Tchad au rang des pays émergents. Toutefois, puisque des réformes institutionnelles sont initiées et en train d’être mises progressivement œuvre, nous ne nous empêcherions pas de revenir sur la thématique de « l’Administration publique et les services publics au Tchad » en mettant en relief les différentes réformes opérées et leurs impacts.

685

Et c’est là d’ailleurs toute la problématique de la gouvernance au Tchad. Lorsqu’il y a une pléthore d’incompétents dans l’Administration, il y a sans doute mal gouvernance. Le Comité technique interministériel d’appui au Haut comité chargé des réformes institutionnelles a soulevé à juste titre cette préoccupation dans son Rapport final de Novembre 2017, lorsqu’il constate que « les différentes évolutions montrent que la bonne gouvernance reste à améliorer dans l’administration tchadienne. L’actualité et les consultations menées auprès des acteurs nationaux et régionaux placent cette problématique en tête des préoccupations. Des efforts doivent en conséquence être déployés dans toutes les directions, afin d’enraciner la bonne gouvernance sans laquelle une société n’a pas d’avenir. Dans le souci de garantir une meilleure gestion des ressources publiques et favoriser l’efficience de l’action publique, des mesures innovantes s’imposent tant en termes d’obligations des agents publics que de réaménagement du modèle administratif », (lire le Rapport final du Comité technique d’appui au Haut comité chargé des réformes institutionnelles, p.56).

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- Loi n°033/PR/2006 du 11 décembre 2006 portant répartition des compétences entre l’Etat et les Collectivités Territoriales Décentralisées ; - Loi n°003/PR/2009 du 7 janvier 2009 portant Code électoral ; - Loi n°011/PR/2004 du 7 juin 2004 portant régime financier et fiscal des Collectivités Territoriales Décentralisées ; - Loi n°012/PR/2004 du 07 juin 2004 portant régime comptable des Collectivités Territoriales Décentralisées ; - Loi n°009/PR/2005 portant statut particulier de la ville de N’Djaména ; - Loi n°011/PR/2013 portant Code de l’organisation judiciaire ; - Loi n°011/PR/2013 portant organisation et fonctionnement des juridictions statuant en matière de contentieux administratif ; - Loi n°32/PR/2016 du 30 décembre 2016, portant modification de la loi n°008/PR/2007 du 09 mai 2007 portant réglementation de l’exercice du droit de la grève dans les services publics au Tchad ; - Loi n°019/PR/2003 portant composition, attribution et fonctionnement du Haut Conseil de la Communication ; - Loi n°001/PR/1999 portant gestion des revenus pétroliers ; - Loi n°016/PR/2000 portant modification de la loi n°001/PR/1999 du 11 janvier 1999 portant gestion des revenus pétroliers ; - Loi n°017/PR/2001 du 31 décembre 2001 portant statut général de la fonction publique ; - Loi n°019/PR/2006 du 14 mai 2006, portant attributions, composition et fonctionnement du Conseil Economique, Social et Culturel (CESC) ; - Loi n°031/PR/2009 du 11décembre 2009 portant création de la Médiature de la République ; - Loi n°022/PR/2016 du 07 décembre 2016 portant ratification de Ordonnance n°002/PR/2016 du 15 septembre 2016 portant création d’un Office National de Promotion du Tourisme, de l’Artisanat et des Arts (ONPTAA); - Loi n°25/PR/2016 du 07 décembre 2016 portant ratification de l’Ordonnance n°003/PR/2016 du 15 septembre 2016 portant abrogation de la loi n°007/PR/2006 du 27 février 2006 portant création de l’Office National de Radiodiffusion et de Télévision du Tchad (ONRTV) ; - Loi n°23/PR/2016 du 07 décembre 2016 portant ratification de l’Ordonnance n°004/PR/2016 du 15 septembre 2016 portant création d’une Maison des Patrimoines Culturels du Tchad (MPCT) ; - Loi n°024/PR/2016 du 07 décembre 2016 portant ratification de l’Ordonnance n°005/PR/2016 portant création d’un Office National d’Appui à la Jeunesse et aux Sports (ONAJES) ; - Loi n°035/PR/2016 du 31 décembre 2016 portant création d’une Agence Nationale d’Appui au Développement Rural (ANADER) ;

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- Loi n°030/PR/2010 du 27 décembre 2010 portant création de l’Hôpital Moderne (HM) ; - Loi n°32/PR/2006 du 11 décembre 2006 portant création de l’Office National des Examens et Concours du Supérieur (ONECS) ; - Loi n°08/PR/2016 du 15 juillet 2016, portant création d’un Bureau National de Fret Terrestre (BNFT) ; - Loi n°006/PR/2013 du 22 avril 2013 portant création du Laboratoire National des Eaux (LNE) ; - Loi n°27/PR/2006 du 23 août 2006 portant création d’une Société des Hydrocarbures du Tchad (S.H.T) ; - Loi n°003/PR/2010 du 07 janvier 2010, portant création d’une Agence d’Entretien Routier (AGER) ; - Loi française du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ; - Ordonnance n°0036/PR/2018 du 06 août 2018 portant Statut des Collectivités Autonomes ; - Ordonnance n°002/PR/2016 du 15 septembre 2016 portant création d’un Office National de Promotion du Tourisme, de l’Artisanat et des Arts ; - Ordonnance n°003/PR/2016 du 15 septembre ; - Ordonnance n°004/PR/2016 du 15 septembre 2016 portant création d’une Maison des Patrimoines Culturels du Tchad (MPCT) ; - Ordonnance n°005/PR/2011 du 10 février 2011 portant création des communes d’arrondissement de la ville de N’Djaména ; - Ordonnance n°017/PR/1985 du 24 Juillet 1985 portant organisation des communes de moyen exercice ; - Ordonnance n°037/PR/2018 du 07 Aout 2018, portant création des Unités Administratives et des Collectivités Autonomes ; - Ordonnance n°038/PR/2018 du 10 Aout 2018, portant création des Unités Administratives et des Collectivités Autonomes ; - Ordonnance n°005/PR/2016 portant création d’un Office National d’Appui à la Jeunesse et aux Sports (ONAJES) ; - Ordonnance n°009/PR/2013 du 19 août 2013 portant création d’une Agence pour le Développement des Energies Renouvelables au Tchad (ADER – Tchad) ; - Ordonnance n°005/PR/2017 portant création d’une Société Nationale d’Exploitation Hôtelière (SONEXHO) ; - Ordonnance n°001/PR/2017 du 10 mars 2017 portant modification de la loi n°27/PR/2006 du 23 août 2006 portant création d’une Société des Hydrocarbures du Tchad (S.H.T) ; - Décret n°532/PR/PM/MCD/2011 du 1er juin 2011 fixant les modalités d’élection des membres des Bureaux des Conseils des CTD ;

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- Décret n°421/PR/PM/MASTSP/2014 fixant les clés de répartition des ressources financières entre la Commune de Ville de N’Djaména et les Communes d’arrondissement ; - Décret n°529/PR/PM/MCD/2011 du 1er Juin 2011 portant création et attribution des services des CTD ; - Décret n°528/PR/PM/MCD/11 du 1er Mai 2011 portant conditions et modalités de mise à la disposition des collectivités territoriales décentralisées des services déconcentrés de l’Etat ; - Décret n°516/PR/PM/MAT/2016 du 10 août 2016, portant érection de nouveaux quartiers dans certaines communes d’arrondissement de la ville de N’Djaména ; - Décret n°530/PR/PM/MCD/11 du 01 Juin 2011 fixant le nombre des conseillers municipaux des communes chefs-lieux des régions et des départements ; - Décret n°2418/PR/PM/2015 du 17 Décembre 2015 portant organisation et fonctionnement de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics. - Décret n°657/PR/2016 du 06 octobre 2016 portant restructuration des services de la Présidence de la République ; - Décret n°054/PR/2017 du 10 février 2017 portant restructuration des services de la Présidence de la République ; - Décret n°622/PR/PM/2016 du 16 septembre 2016, portant structure générale du gouvernement et attributions de ses membres ; - Décret n°1143/PR/PM/2013 du 20 décembre 2013 portant restructuration des services de la primature ; - Décret n°1169/PR/PM/2013 portant additif au décret n°1143/PR/PM/2013 du 20 décembre 2013 portant restructuration des services de la primature ; - Décret n°030/PR/2018 du 15 janvier 2018, portant organigramme de la Présidence de la République ; - Décret n°272/PR/2018 du 13 février 2018 portant modification du Décret n°030/PR/2018 du 15 janvier 2018, portant organigramme de la Présidence de la République ; - Décret n°561/PR/2007 du 30 juillet 2007 portant approbation du Règlement Intérieur du Conseil Economique, Social et Culturel ; - Décret n°450/PR/MC/95 portant organisation et fonctionnement du Haut Conseil de la Communication ; - Décret n°579/PR/2000 du 14 décembre 2000, portant liste des membres du Collège de Contrôle et de Surveillance des Revenus Pétroliers (CCSRP) ; - Décret n°240/PR/MEF/2003 du 1er juillet 2003, portant organisation, fonctionnement et conditions du contrôle et de surveillance du CCSRP ;

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- Décret n°2069/PR/2015 du 01 octobre 2015 portant création, attributions, composition et fonctionnement d’une Inspection Générale d’Etat (IGE) ; - Décret n°217/PR/IGE/2016 définit les modalités, procédures et conditions d’exécution des missions effectuées par l’IGE ; - Décret n°609/PR/PM/SGG/2016 du 31 août 2016, portant création et organisation des délégations régionales des départements ministériels. - Décret n°1006/PR/PM/2017, portant organisation et fonctionnement des délégations régionales des départements ministériels ; - Décret n°154/PR/MISD/2001 portant attributions des Chefs des Unités administratives ; - Décret n°267/PR/INT du 02/11/1972 fixant les attributions des Préfets ; - Décret n°755/PR/PM/MSP/2016 du 27 décembre 2016 portant organisation et fonctionnement de l’Hôpital Moderne ; - Décret n°457/PR/PM/MESRS/2016 portant organisation et fonctionnement de l’Office National des Examens et Concours du Supérieur (ONECS) ; - Décret n°705/PR/PM/MID/2016 du 24 novembre 2016 portant organisation et fonctionnement du Bureau National des Frets Terrestre ; - Décret n°503/PR/PM/SGG/2003 portant Code des marchés publics en République du Tchad ; - Arrêté interministériel n°003/PR/PM/MISP/SE/DGAT/DTC/2013 du 17 Juillet 2013 portant répartition des ressources matérielles, humaines et financières entre la commune de ville de N’Djaména et les Communes d’arrondissements ; - Arrêté, celui n°1032/PR/PM/2013 du 16 avril 2013 portant organisation et attributions des services de la primature ; - Arrêté n°009/PR/2015 du 24 décembre 2015 portant structure de l’IGE et attributions de ses départements et services ; - Recueil de textes sur la décentralisation au Tchad, CEFOD, décembre 2014 ;

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Table des matières PREFACE ........................................................................................... 11 PRINCIPAUX SIGLES ET ABREVIATIONS.................................... 13 AVANT-PROPOS ............................................................................... 15 INTRODUCTION GENERALE ......................................................... 17 CHAPITRE INTRODUCTIF : GENERALITES SUR L’ADMINISTRATION PUBLIQUE ET LE SERVICE PUBLIC ....... 21 SECTION 1 : la notion de l’Administration ................................... 21 Paragraphe 1 : la définition de l’Administration ‘‘publique’’ ........... 22 Paragraphe 2: les caractères et actes de l’Administration publique .. 23 A - le caractère écrit ................................................................. 24 B - les actes verbaux ................................................................ 32 C - le silence de l’Administration.............................................. 33 Paragraphe 3 : le contrôle de l’Administration publique .................. 35 A- le contrôle administratif interne ........................................... 36 B- le contrôle administratif externe ........................................... 38 C- le contrôle du juge............................................................... 41 SECTION 2 : la notion de Service public........................................ 49 Paragraphe 1 : les éléments de définition du service public ............. 49 A-le service public est une activité ............................................ 52 B-le service public est une institution ........................................ 54 Paragraphe 2 : les grands principes du service public ...................... 55 A-le principe de continuité ....................................................... 55 B-le principe d’adaptabilité ou de mutabilité.............................. 56 C-le principe d’égalité.............................................................. 57 D-le principe de neutralité ........................................................ 57 SECTION 3 : l’Administration publique et le Service public.......... 59 SECTION 4 : la notion de décentralisation ..................................... 61 Paragraphe 1 : la définition de la décentralisation ........................... 61 Paragraphe 2 : un bref historique de la décentralisation en Afrique noire francophone et au Tchad ................................................... 64 Paragraphe 3 : la consécration du système de la décentralisation au Tchad à l’ère actuelle................................................................. 66

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PREMIERE PARTIE : L’ADMINISTRATION DE L’ETAT CHAPITRE 1 : L’ADMINISTRATION CENTRALE ........................ 79 SECTION 1 : la Présidence de la République et ses services centraux81 Paragraphe 1 : le Secrétariat Général de la Présidence de la République ............................................................................... 83 Paragraphe 2 : le Cabinet Civil du Président de la République ......... 86 Paragraphe 3 : l’Etat-Major Particulier du Président de la République87 Paragraphe 4 : le Secrétariat Particulier du Président de la République88 Paragraphe 5 : les services rattachés à la Présidence de la République89 SECTION 2 : de la Primature et ses services centraux à sa suppression .................................................................................. 90 Paragraphe 1 : les Services du Secrétariat Général .......................... 92 Paragraphe 2 : le Cabinet du Premier ministre ................................ 93 SECTION 3 : les différents départements ministériels.................... 95 Paragraphe 1 : les ministères régaliens ou ministères de souveraineté97 Paragraphe 2 : les autres départements ministériels....................... 101 Paragraphe 3 : les Secrétariats d’Etat ........................................... 104 SECTION 4 : la coordination de l’Exécutif .................................. 104 Paragraphe 1 : la coordination des services de la Présidence de la République et l’équipe gouvernementale................................... 105 Paragraphe 2 : la coordination interministérielle ........................... 107 SECTION 5 : les organes de consultation, de régulation, de contrôle et d’inspection et les Autorités Administratives Indépendantes .. 108 Paragraphe 1 : les organes de consultation ................................... 108 A-la Chambre administrative de la Cour Suprême .................... 108 B-le Conseil Economique, Social et Culturel ........................... 109 C-le Comité Consultatif de la Fonction Publique...................... 113 D-les Commissions Administratives Paritaires ......................... 113 E-le Conseil Médical et la Commission d’Equivalence des Diplômes ..................................................................... 114 F-la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH) ... 114 G-le Haut Conseil des Collectivités Autonomes et des Chefferies Traditionnelles ................................................... 115 Paragraphe 2 : les organes de régulation ...................................... 115 A-du Haut Conseil de la Communication (HCC) à la Haute Autorité des Médias et de l’Audiovisuel (HAMA) ................ 116 B-l’Autorité de Régulation des Marchés Publics (ARMPP) ...... 119

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C-du Collège de Contrôle et de Surveillance des Ressources pétrolières (CCSRP) à sa suppression .................................. 122 D-de la Médiature de la République à sa suppression ............... 125 Paragraphe 3 : les organes internes de contrôle de l’Administration et les corps d’inspection .............................................................. 127 A-l’Inspection Général d’Etat (IGE) ....................................... 127 B-Les autres organes internes de contrôle de l’Administration et les corps d’inspection ...................................................... 130 CHAPITRE 2 : L’ADMINISTRATION DECONCENTREE ............ 133 SECTION 1 : de la Région, circonscription administrative, structure déconcentrée de l’Etat à la Province........................................... 136 SECTION 2 : le Département, circonscription administrative, structure déconcentrée de l’Etat ................................................ 140 SECTION 3 : de la Sous-préfecture, circonscription administrative, structure déconcentrée de l’Etat à sa suppression ...................... 143 CHAPITRE 3 : LES ETABLISSEMENTS PUBLICS ETATIQUES 145 SECTION 1 : les Etablissements publics administratifs................ 148 Paragraphe 1 : les modes de création des EPA.............................. 148 Paragraphe 2 : les organes de gestion des EPA ............................. 150 Paragraphe 3 : les ressources des EPA ......................................... 151 SECTION 2 : les Etablissements publics à caractère industriel et commercial et les entreprises publiques étatiques ...................... 153 Paragraphe 1 : les modes de création des EPIC et Entreprises publiques ................................................................................ 154 Paragraphe 2 : les organes de gestion des EPIC ............................ 156 Paragraphe 3 : les ressources des EPIC ........................................ 158 CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE .................................. 163 DEUXIEME PARTIE L’ADMINISTRATION LOCALE CHAPITRE 1 : LES COLLECTIVITES LOCALES ........................ 167 SECTION 1 : de la Région, collectivité territoriale décentralisée à la Province, Collectivité Autonome ................................................ 174 Paragraphe 1 : les organes de gestion de la Région ....................... 179 A-l’organe délibérant : le Conseil régional .............................. 179 a-Composition ................................................................. 179

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1-Election et éligibilité .................................................. 180 2-Statut du Conseiller régional ....................................... 184 b-Fonctionnement............................................................ 185 c-Compétences et attributions ......................................... 185 B-l’Exécutif régional : le Bureau du Conseil régional ............... 186 C-le représentant de l’Etat : le Gouverneur de la Région ........... 187 Paragraphe 2 : les ressources de la Région ................................... 188 Paragraphe 3 : le patrimoine de la Région .................................... 189 SECTION 2 : du Département, collectivité territoriale décentralisée à sa suppression ......................................................................... 190 Paragraphe 1 : les organes de gestion du Département .................. 191 A-l’organe délibérant : le Conseil départemental...................... 191 a-Composition ................................................................. 191 1-Election et éligibilité .................................................. 192 2-Statut du conseiller départemental ............................... 192 b-Fonctionnement............................................................ 192 c-Attributions, compétences et pouvoirs .......................... 192 B-l’Exécutif départemental : le Bureau du Conseil départemental194 C-le représentant de l’Etat : le Préfet de Département ............... 194 Paragraphe 2 : les ressources du Département .............................. 195 SECTION 3 : de la Commune, collectivité territoriale décentralisée à la Commune, Collectivité Autonome .......................................... 196 Paragraphe 1 : les Communes de plein exercice ........................... 199 A-Compétences et attributions ................................................ 199 B-les organes de gestion de la Commune................................. 203 a-l’organe délibérant : le Conseil municipal ou communal203 1-Composition .............................................................. 203 2-Election et éligibilité .................................................. 204 3-Statut du conseiller municipal ..................................... 204 4-Fonctionnement ......................................................... 205 5-Compétences et pouvoirs ............................................ 206 b-l’Exécutif communal : la municipalité .......................... 207 1-Election et déchéance ................................................. 208 2-Statut et Attributions .................................................. 209 c-le représentant de l’Etat ............................................... 211 C-les ressources de la Commune............................................. 212 Paragraphe 2 : la Commune de la Ville de N’Djaména ................. 215 A-les organes de gestion de la Commune de la Ville de N’Djaména .................................................................... 216 a-l’organe délibérant : le Conseil municipal de la Ville .... 216

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b-l’Exécutif communal : le Maire de N’Djaména et ses adjoints…… ................................................................. 217 c-le représentant de l’Etat auprès de la commune de la Ville de N’Djaména .............................................................. 217 Paragraphe 3 : les Communes d’arrondissement de la Ville de N’Djaména ............................................................................. 218 A – les organes de gestion des Communes d’arrondissements ... 218 a-l’organe délibérant : le Conseil d’arrondissement ........ 218 b-l’Exécutif d’arrondissement : le Maire d’arrondissement et ses adjoints ............................................................... 219 c-le représentant de l’Etat auprès de la Commune d’arrondissement ......................................................... 220 B-les ressources de la Commune de N’Djaména ...................... 220 a-les ressources humaines ................................................ 224 b-les ressources matérielles .............................................. 224 Paragraphe 4 : les Communes de moyen exercice ......................... 225 A - Organisation et fonctionnement ........................................ 225 B - Attributions ..................................................................... 228 C - le représentant de l’Etat .................................................... 228 D - les ressources ................................................................... 229 SECTION 4 : de la Communauté rurale, collectivité territoriale décentralisée à sa suppression .................................................... 231 Paragraphe 1 : les organes de gestion de la Communauté rurale .... 233 A-l’organe délibérant : le Conseil rural ................................... 233 a-Composition ................................................................. 233 b-Eligibilité ...................................................................... 233 c-Attributions .................................................................. 234 d-Fonctionnement............................................................ 236 B-l’organe exécutif : le Bureau du Conseil rural ...................... 238 a-Composition ................................................................. 238 b-Election et éligibilité ..................................................... 238 c-Attributions .................................................................. 238 C-le représentant de l’Etat ...................................................... 239 Paragraphe 2 : les compétences et attributions de la Communauté rurale...................................................................................... 240 Paragraphe 3 : les ressources de la communauté rurale ................. 240 A- les ressources humaines..................................................... 240 B - les ressources matérielles .................................................. 240 C - les ressources financières .................................................. 240

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CHAPITRE 2: LES SERVICES PUBLICS LOCAUX ...................... 245 SECTION 1 : les services publics administratifs locaux ................ 246 Paragraphe 1 : la création des SPA locaux .................................. 246 A-La création des services publics administratifs régionaux ..... 248 a-L’habilitation ............................................................... 248 b-Les services administratifs internes de la région ........... 248 B - La création des services publics administratifs départementaux251 a-L’habilitation ............................................................... 251 b- Les services administratifs internes du département ... 251 C- La création des services publics administratifs communaux . 254 a-L’habilitation ............................................................... 254 b-Les services administratifs internes de la commune ..... 254 D- La création des services publics administratifs ruraux .......... 258 a-L’habilitation ............................................................... 258 b- Les services administratifs internes ............................. 258 Paragraphe 2 : le fonctionnement des SPA locaux ........................ 260 SECTION 2 : les services publics communaux ............................. 260 Paragraphe 1 : les services publics administratifs communaux ...... 262 A-le domaine de police, de la lutte contre les calamités et de l’état civil ..................................................................... 263 B-le domaine de l’éducation, de l’alphabétisation, de la promotion des langues nationales, de la formation technique et professionnelle ......................................... 270 C-le domaine de la santé et de l’action sociale.................. 271 D- le domaine de la culture, de la jeunesse, des sports et des loisirs……… ................................................................ 273 E-le domaine de l’urbanisme et de l’habitat .................... 274 F-le domaine de transport et de la circulation routière .... 276 G-le domaine de pompes funèbres et de cimetières .......... 278 H-le domaine d’hygiène et d’assainissement .................... 280 Paragraphe 2 : les services publics industriels et commerciaux communaux ............................................................................ 282 A-les Abattoirs municipaux : .................................................. 284 B-les places de marchés : ....................................................... 285 C-les foires :.......................................................................... 286 D-les parkings : ..................................................................... 287 Paragraphe 3 : les services publics sociaux et touristiques communaux ............................................................................ 288 Paragraphe 4 : les modes de gestion des services publics communaux ............................................................................ 290 A-La régie............................................................................. 291

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B-L’établissement public ....................................................... 292 C-La délégation de service public ........................................... 293 CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE............................. 297 TROISIEME PARTIE LES RELATIONS ENTRE LES DIFFERENTES ADMINISTRATIONS AU SEIN DE L’ETAT CHAPITRE 1 : LES RELATIONS ENTRE L’ADMINISTRATION CENTRALE ET LES ADMINISTRATIONS LOCALES ................. 301 SECTION 1 : les relations de partenariat entre l’Etat et les collectivités locales ..................................................................... 301 Paragraphe 1 : les projets Etat-collectivités locales ....................... 302 Paragraphe 2 : la gestion commune des services publics ............... 302 Paragraphe 3 : le transfert des services de l’Etat aux collectivités locales .................................................................................... 305 SECTION 2 : le contrôle de l’Etat sur les collectivités locales ...... 307 Paragraphe 1 : les types de contrôles de l’Etat sur les collectivités locales .................................................................................... 307 A-le contrôle de légalité a posteriori........................................ 308 B-le pouvoir d’approbation de l’autorité de tutelle ................... 309 Paragraphe 2 : les autorités habilitées à exercer le contrôle au nom de l’Etat ...................................................................................... 310 A-les autorités de tutelle......................................................... 310 a- au niveau régional :...................................................... 311 b- au niveau départemental : ............................................ 312 c- au niveau communal : .................................................. 312 d- au niveau rural : .......................................................... 315 B-les autres autorités étatiques ................................................ 315 CHAPITRE 2 : LES RELATIONS ENTRE LES COLLECTIVITES LOCALES ........................................................................................ 319 SECTION 1 : la collaboration entre les collectivités locales .......... 320 Paragraphe 1 : la collaboration au niveau national ........................ 320 A – la collaboration à l’échelle interrégionale et interdépartementale ............................................................ 321 B- la collaboration intercommunale ........................................ 322 C – la collaboration à l’échelle rurale ...................................... 323 Paragraphe 2 : la coopération décentralisée .................................. 325

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Paragraphe 3 : les autres formes de collaboration : le cas des achats groupés................................................................................... 327 SECTION 2 : les conflits entre les collectivités locales .................. 328 CONCLUSION DE LA TROISIEME PARTIE............................ 331 CONCLUSION GENERALE : ..................................................... 333 BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE ................................................. 335

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Structures éditoriales du groupe L’Harmattan L’Harmattan Italie Via degli Artisti, 15 10124 Torino [email protected]

L’Harmattan Sénégal 10 VDN en face Mermoz BP 45034 Dakar-Fann [email protected] L’Harmattan Cameroun TSINGA/FECAFOOT BP 11486 Yaoundé [email protected] L’Harmattan Burkina Faso Achille Somé – [email protected] L’Harmattan Guinée Almamya, rue KA 028 OKB Agency BP 3470 Conakry [email protected] L’Harmattan RDC 185, avenue Nyangwe Commune de Lingwala – Kinshasa [email protected] L’Harmattan Congo 67, boulevard Denis-Sassou-N’Guesso BP 2874 Brazzaville [email protected]

L’Harmattan Hongrie Kossuth l. u. 14-16. 1053 Budapest [email protected]

L’Harmattan Mali Sirakoro-Meguetana V31 Bamako [email protected] L’Harmattan Togo Djidjole – Lomé Maison Amela face EPP BATOME [email protected] L’Harmattan Côte d’Ivoire Résidence Karl – Cité des Arts Abidjan-Cocody 03 BP 1588 Abidjan [email protected] L’Harmattan Algérie 22, rue Moulay-Mohamed 31000 Oran [email protected] L’Harmattan Maroc 5, rue Ferrane-Kouicha, Talaâ-Elkbira Chrableyine, Fès-Médine 30000 Fès [email protected]

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Patrick DJIMASSAL est doctorant Ph. D en Droit public et titulaire d’une Maitrise professionnelle en Sciences et Techniques de Gestion Foncière de l’Université de N’Djaména, en collaboration avec l’Observatoire du Foncier au Tchad. Il est par ailleurs Assistant à la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’Université de N’Djaména et à l’École Nationale d’Administration (ENA) du Tchad.

Etudes africaines Série Administration Illustration de couverture de l’auteur. ISBN : 978-2-343-18182-0

36 €

Patrick Djimassal

L’administration publique au Tchad à l’ère de la décentralisation

La gestion de l’Administration publique reste une question d’actualité compte tenu de ses mutations incessantes liées à son adaptabilité aux réalités quotidiennes, induites par les conjonctures socioéconomiques et culturelles. Il en est ainsi de la place qu’occupe l’évolution technologique dans les sociétés actuelles. En outre, la nouvelle confi guration du paysage des services publics au Tchad, marquée par la création de nouveaux Établissements et Entreprises publics, la restructuration, la scission voire la suppression d’anciens a fourni à ce secteur une nouvelle structuration tant spatiale que juridique. De surcroît, la mise en place des structures décentralisées, accompagnée de transferts de services assez importants aux collectivités locales, suivie des réformes institutionnelles intervenues en 2018, remodelant l’architecture de l’organisation administrative de la République du Tchad, ne sauraient laisser indifférent le juriste publiciste. Ces transformations assez notables sont dues au fait que l’État, partie d’une société en perpétuelle mutation, a également vu ses repères bouger du fait des changements économiques et sociaux que celle-ci traverse. Ouvrage de Droit public, ce document est consacré purement à l’activité administrative des personnes morales de droit public. Document pédagogique, il traite des Institutions administratives ou de l’Organisation administrative de la République du Tchad, sous une approche conciliant l’histoire du droit, le droit positif et le droit prospectif. Il traite en même temps du Droit des services publics et du Droit administratif applicables en République du Tchad. Il s’adresse aux étudiants des facultés des Sciences juridiques et politiques, aux élèves des Écoles d’Administration et de Magistrature, aux administrateurs et auxiliaires de l’Administration, aux praticiens du Droit sans écarter les usagers des services publics et tous ceux qui manifestent une attention particulière vis-à-vis de l’Administration publique.

Etudes africaines

Série Administration

Patrick Djimassal

L’administration publique au Tchad à l’ère de la décentralisation Préface du Dr ALLAH-ADOUMBEYE DJIMADOUMNGAR