La prépondérance espagnole 1559–1660 9783111560533, 9783111189918


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French Pages 634 [636] Year 1973

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Table of contents :
INTRODUCTION
INTRODUCTION
LIVRE PREMIER. La Réforme catholique et l'hégémonie espagnole (1559-1576)
LIVRE II. LA MAITRISE DES MERS (1576-1603)
LIVRE III. LA CRISE EUROPÉENNE ET LA FORMATION DE LA PUISSANCE FRANÇAISE (1603-1660)
LIVRE IV. L'É VOLUTION MATÉRIELLE ET SPIRITUELLE DES SOCIÉTÉS EUROPÉENNES DU DÉBUT DU XVII SIÈCLE A 1660
CONCLUSION
INDEX
ERRATA
TABLE DES MATIÈRES
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La prépondérance espagnole 1559–1660
 9783111560533, 9783111189918

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LA PRÉPONDÉRANCE ESPAGNOLE 1559-1660

MAISON DES SCIENCES DE L'HOMME

RÉÉDITIONS XI

PARIS • MOUTON • LA HAYE

HENRI HAUSER Professeur

honoraire

à la Faculté

des Lettres

de

Paris

LA PRÉPONDÉRANCE ESPAGNOLE

1559-1660 Précédé

d'une

introduction

par

PIERRE CHAUNU Professeur à l'Université de Paris-Sorbonne Directeur du Centre de Recherche d'Histoire Quantitative de l'Université de Caen

TROISIÈME

ÉDITION

PARIS • MOUTON • LA H A Y E

Première édition 1933 Deuxième édition, revue et corrigée 1940 à Presses Universitaires de France Réimpression 1973 Mouton Éditeur

Library of Congress Catalog Card Number : 73-184755 © 1973 Mouton & Co and Maison des Sciences de l'Homme No part of this book may be reproduced in any form, by print, photoprint, microfilm, or any other means, without writen permission from the publishers Printed in the Netherlands

INTRODUCTION Un amical concours me confie le soin de rééditer La Prépondérance espagnole1. L'honneur est rare, l'honneur est grand, et il est redoutable. La nature et la qualité de ce classique — un des sommets objectifs de la production historique d'une génération — interdit toute retouche, toute tentative, bien inutile, de rajeunissement. Nous sommes donc tombés d'accord, d'entrée de jeu, sur les règles d'une réédition que Mouton et la Maison des Sciences de l'Homme permettent — qu'ils en soient remerciés — dans cette collection créée pour offrir aux historiens et plus particulièrement aux plus jeunes, un matériau inaccessible, à ceux qui en ont besoin. La Prépondérance espagnole dans la collection Rééditions de la Maison des Sciences de l'Homme occupe une place à part. L'Essai sur la statistique de la population française d'Adolphe d'Angeville 2 est, au sens propre, une découverte. Ce hobereau autodidacte, cet orléaniste guizotiste a bénéficié d'une réintégration de nationalité en son siècle. Les Paysans du Delta tonkinois de Pierre Gourou constitue le type même des grandes thèses qui ont marqué du sceau de l'originalité la recherche française en science humaine, avant les interrogations et les ruptures de ces toutes dernières années. Avec La Prépondérance espagnole d'Henri Hauser, nous abordons un autre genre. La Société féodale de Marc Bloch, le Rabelais de Lucien Febvre comme La Prépondérance espagnole furent des livres de collection et de commande. La Prépondérance est parue, dans une collection aux normes et aux contraintes relativement rigides; elle connut un niveau de diffusion élevé : trois éditions (1933, 1940, 1948), plusieurs traductions, vingt mille exemplaires diffusés environ. La Prépondérance espagnole est, tout à la fois, 1. Françoise Crouzet, qui est la petite-fille d'Henri Hauser, m ' a fait le grand honneur de me demander de l'aider à rééditer La Prépondérance espagnole. Qu'elle en soit, tout d ' a b o r d , chaleureusement remerciée. 2. A.. d'Angeville, Essai sur la statistique de la population française, introduction par E m m a n u e l Le Rov Ladurie, Paris-La Haye, Mouton, coli. « Rééditions 1969, in-4», X X X I X - 367 - X X X I V p. —

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un manuel qui, après quarante ans, peut toujours servir de manuel, un classique, par la qualité de la forme, l'étendue de la documentation, l'originalité de la pensée, un jalon pour l'histoire de l'histoire. La nature de l'ouvrage nous a dicté les règles simples de notre conduite. Nous avons pris, sans le modifier, le texte de la troisième édition qu'Henri Hauser avait revu avant sa mort sans avoir p u en relire les épreuves. Nous avons donné, donc, une liste d'errata. Du même coup, nous respectons ce livre, jusque par l'œil d'un caractère d'imprimerie qui est celui des années 1930, jusque dans sa présentation matérielle, la forme qu'Henri Hauser avait connue et aimée, quand, en 1933, la première édition de La Prépondérance espagnole s'imposa comme le chef-d'œuvre d'une collection qui devait compter quelques maîtres livres, mais sans l'intuition prophétique qui projette presque toujours le texte de La Prépondérance espagnole, vingt et trente ans en avant par rapport à l'acquis déjà très large des années 1930. Un texte qu'il faut bien introduire, à notre corps défendant, en raison même de sa date. Toute l'épaisseur d'une vie d'homme nous sépare des années 1929-1930, où la documentation fut rassemblée, des premières années 1930, où la rédaction se situe, dans ses grandes lignes, au sommet de la vie d'un homme maître de tous ses moyens, à la tête d'un prodigieux capital d'information et qui avait, quand La Prépondérance espagnole parut dans sa première édition, 68 ans déjà. Pour faire d'un livre de la collection « Peuples et Civilisations, Histoire générale » — on pourrait se livrer à une étude sémantique du titre — en en respectant scrupuleusement les règles et les contraintes, tout à la fois un manuel, une somme des connaissances, un livre en avance, en moyenne d'un bon quart de sjècle sur son temps, il fallait quelque chose qui passât le talent. Henri Hauser avait, au point de perfection, le « talent de bien faire », avec, au fur et à mesure que l'âge avance, au cours d'une longue vie, à partir de la cinquantième année, la marque du génie. Les facilités de l'intelligence, du milieu, qui firent qu'il fut toujours, en tout, le premier, le plus jeune, le plus doué, n'ont pas étouffé chez lui l'originalité. E t cette originalité puissante — en un sens, Henri Hauser est bien un social scienlisl — se manifeste dans la seconde moitié d'une vie tout entière consacrée à l'étude, une étude sans étroite frontière de discipline et dans toutes les langues européennes. Henri Hauser, qui était d'origine israélite, appartient à un — vi —

Introduction

milieu parisien de souche alsacienne relativement modeste mais sensible aux choses de l'esprit. Il est libéral, républicain, librepenseur au sens étymologique. S'il fallait absolument le placer dans une famille spirituelle, j'en ferais un protestant libéral par affinité, sa morale est kantienne et l'impératif catégorique n'a jamais été vécu et compris que par les fils de la Bible, peuple et nations. Cet historien de l'économie est d'abord un historien des dimensions sociales, humaines de la vie religieuse; toute sa vie, depuis sa thèse consacrée à François de La Noue (15311591)1, il a étudié la Réforme, il l'a passionnément aimée, comprise de l'intérieur, avec des partis pris de gens de l'intérieur. Au terme d'un petit livre, publié 2 en 1940, quand montent les angoisses, dans sa soixante-quatorzième année, Henri Hauser, dans une conclusion émouvante et passionnée, semble bien s'identifier avec celui qui fut son maître, Gabriel Monod 3 . « Protestantisme orthodoxe, écrit-il dans cet étonnant manifeste, ce mot est une contradiction dans les termes 4 ». E t comme si cela ne suffisait pas, il ajoute calmement, mais sans l'expliquer parce que l'on touche ici, vraiment, à l'évidence du champ de la conscience : « Le principe d'identité s'oppose à ce qu'il y ait une orthodoxie protestante. De plus en plus, le protestantisme nous apparaît, suivant la formule si riche, si féconde et si pleine — une formule dont tous les mots doivent être pesés — que lança un jour Gabriel Monod : ' La série illimitée des formes religieuses de la libre pensée ' ». Illimitée, religieuses et libre, ces trois mots clefs ont été soulignés par Henri Hauser. 1940, un instant, le savant, l'historien parle au présent et, sans aucun doute, à la première personne. Concession bien rare dans toute une œuvre qui s'est voulue impersonnelle. Une œuvre qu'il est difficile de séparer de l'homme. Né à Oran, par un hasard familial, en 1866 — ses parents avaient dû pour raison de santé chercher le soleil méditerranéen —, Parisien par atavisme et affinité, Henri Hauser a fait ses études au lycée Condorcet, 1. Paris, Hachette, 1892, in-8°, XIX-336 p. 2. La Naissance du protestantisme, Paris, Leroux, 1940, in-16°, 125 p., dans « Mythes et Religions », coll. dirigée par P.-L. Couchoud, à la p. 116; réédité aux P.U.F. en 1962,110 p., avec une note complémentaire par P. Chaunu à la p. 100-101. 3. Sa thèse est dédiée en 1892 « à mon maître Gabriel Monod 4. Leszek Kolakowski, dans un beau livre récent. Chrétiens sans Église: la conscience religieuse et le lien confessionnel au 17' siècle, l r c éd., Varsovie, 1965; en français, Paris, Gallimard, 1969, 829 p., a démontré le ressort sociologique, le ciment social de cohérence de ce protestantisme orthodoxe qu'Henri Hauser refuse au nom d'un principe proprement religieux. Il est révélateur que lui qui comprend tout, comprenne mal cet « à la limite » du champ de la conscience.

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dans un quartier qui avait déjà crevé, après Hausmann, tous les seuils d'alerte de l'hyperdensité urbaine. Il entre à l'École normale supérieure à dix-neuf ans, en 1885, naturellement premier, il est reçu à l'agrégation d'histoire et géographie, premier, bien évidemment, en 1888, à vingt-deux ans. Il fonde très tôt un foyer. Il se marie tout jeune professeur en 1888. II passe un an à Pau, il monte à Poitiers, rédige en quatre ans une thèse de taille record pour l'époque, consacrée à François de La Noue, qu'il soutient très brillamment à vingt-six ans, en 1892. De 1892 au seuil des années 1940, chaque année, livres et articles se succèdent, pour atteindre, au terme de sa vie, plusieurs centaines de titres, à quoi s'ajoutent plusieurs milliers de comptes rendus. Henri Hauser a été, toujours la plume à la main, le plus grand liseur de sa génération. Il est nommé très jeune chargé de cours puis maître de conférences à Clermont-Ferrand, à Dijon. C'est comme professeur à la faculté des lettres de Dijon qu'il publie, en quatre volumes, ses Sources de l'histoire de France1, jamais refaites, puis il monte sans accroc à la Sorbonne, où il crée le premier enseignement d'histoire économique. Dans cette chaire qu'il a fondée, Marc Bloch d'abord, et, du vivant encore d'Henri Hauser, Ernest Labrousse lui succèdent. Le rayonnement d'Henri Hauser fut immense. Ce travailleur acharné trouvait la plénitude de la joie dans son travail et dans son foyer. Il y fut aidé par une compagne admirable qui lui a survécu dix ans et qui était restée en dépit des épreuves, au soir d'une vie injustement attristée, lorsque vint le temps de la persécution cruelle et plus encore obtuse et bornée, jusqu'au bout, toute santé, intelligence et gaieté. Ce travailleur acharné aimait toutes les tâches. Il les acceptait simplement comme un devoir d'état. E t cette simplicité a beaucoup contribué au rayonnement tant national qu'international de l'homme : un des plus grands universitaires de sa génération. Qualité rare en son temps, ce Parisien, un peu comme Marcel Mauss qui conçut entre la rue Saint-Jacques et la rue Marcelin-Berthelot des modèles de questionnaires que les ethnologues du monde entier continuent d'utiliser sur les terrains que le maître n'avait jamais daigné connaître, ce Parisien fut un étonnant polyglotte. Non seulement il lisait à livre ouvert toutes les langues mortes et vivantes de l'Europe, mais, fait beaucoup plus rare alors, il osait les parler. Il pouvait s'exprimer en anglais, en allemand, 1. Deuxième partie : Le 16' siècle: 1492-1610, Paris, Picard, 1906-1918, 4 vol. — VIII —

Introduction

en italien, en espagnol et en portugais, à la perfection dans les deux premières langues, honnêtement dans les autres. Il fut un vice-président de l'Alliance française extrêmement actif, il parcourut les universités de l'ancien et du nouveau monde. Il publia dans toutes les langues. Pendant la guerre de 19141918, alors que son âge le tient en dehors de la mêlée, il met sa plume, sa science, ses relations et son talent au service de son pays, dans cette guerre qui fut, au sens plein, une guerre totale. Il a assumé comme directeur du ministre du Commerce, Clémentel, de lourdes responsabilités dans le cabinet de guerre de Georges Clemenceau. Après la guerre, nous le voyons s'engager avec une égale ardeur dans l'aventure utopique, disons simplement prophétique et généreuse de la construction de la paix, autour de Genève qu'il aime d'un amour de voyageur et de seiziémiste. Ce qui frappe dans l'œuvre immense d'Henri Hauser, c'est à la fois la multiplicité apparente des thèmes; elle se résout facilement à une dualité et la profonde harmonie de l'ensemble. Henri Hauser a été toute sa vie fidèle au 16 e siècle et à la modernité, au 16 e dont il a proclamé la modernité, dans une brochure célèbre 1 , au monde dans lequel il vivait. Il a été économiste, il a été géographe, sociologue avant la lettre. Cet historien minutieux, cet érudit irréprochable dont les démarches critiques n'ont rien à envier, par la rigueur, à celles de Seignobos et Langlois ses contemporains, cet historien qui sait l'être, quand il le faut, à l'allemande comme on disait à la fin du 19 e siècle, est un homme constamment tourné vers le présent; l'on dirait aujourd'hui, vers la projection dans le futur d'une prospective opérationnelle. Il est pluridisciplinaire, social scientist; pour lui, l'histoire est bien la clef de voûte de cette grande sociologie, fondement d'une politique scientifique, dont depuis Auguste Comte on ne cesse de rêver. Henri Hauser peut être compté, sans simplification hâtive, au nombre des pères spirituels de cette vi e section de l'École Pratique des Hautes Études que Lucien Febvre créa, deux ans après sa mort, en 1948. Son nom revient souvent dans les colonnes des Annales d'Histoire Économique et Sociale. Il en est, depuis 1929, un collaborateur régulier. Va-et-vient, donc, entre le présent et le passé, avec un relais 1. La Modernité du 16' siècle, Paris, F. Alcan, 1930, in-12», 107 p.; 2« éd., A. Colin, 1963, « Cahiers des Annales », n° 21, 133 p. — IX —

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Chaunu

naturel, l'histoire du travail. Précisons, de la condition humaine de l'homme au travail. Quelques années à peine après la publication de sa thèse latine et de sa thèse française 1 , nous voyons cette double orientation se dessiner dans son œuvre. Sa première étude i m p o r t a n t e consacrée au temps présent date de 1900. E n plein partage de l'Afrique, au cours de la prise en charge économique et politique du monde par l'Europe, Henri Hauser, qui ne t r a h i t pas pour a u t a n t son cher 16 e siècle — n'est-il pas à la racine aussi de cette modernité capitale? — tourne un regard d'historien, d'économiste, de comparatiste vers le fait colonial. Voici donc Colonies allemandes impériales et spontanées2. Expansion, colonisation, nous dirions a u j o u r d ' h u i pôles de domination, impérialisme et Amérique, sont, désormais, une constante dans son œuvre; négligeons, pour faire vite, une bonne centaine de notes, comptes rendus et articles et bornons-nous à l'essentiel : L'Impérialisme américain3 est de 1905, viennent ensuite les études marquées par la préoccupation de la France en guerre, La Guerre européenne et le problème colonial4, Les Méthodes allemandes d'expansion économique5, l'étude en allemand sur le commerce et l'industrie françaises face à la concurrence étrangère 6 . La guerre est une préoccupation de l'homme donc du savant 7 . On peut suivre l'évolution du thème. L ' é t u d e de la défense de la France contre l'agression, puis la recherche des moyens d'une paix durable, pour que jamais plus...; de la défense de la patrie à la protection de la c o m m u n a u t é humaine 8 , pas de solution de continuité, l'approfondissement d'une pensée. C'est 1. De Cleone Demagogo : Pietavii, ex typis, Paris, Oudin, 1892, in-8°, 11-75 p. t et François de La Noue (1531-1591), op. cit. 2. Paris, Nouy, 1900, Études d'économie coloniale, fase. 1, in-8°, X-141 p. 3. Paris, Pages Libres, 1905, Études de politique extérieure des États, fase. II, in-12°, 128 p. 4. Paris, Chapelot, 1915, in-12°, 115 p. 5. Paris, A. Colin, 1915, in-12°, XII-II-280 p. 6. Frankreichs Handel und Industrie und die Konkurrenz des Auslandes. Generalbericht von... iiber die Handel und Industrie, enquête der Association nationale d'expansion économique, léna, G. Fischer, 1919, in-8°, V-76 p. 7. On peut rattacher à ce souci l'édition d'une histoire diplomatique qui surprend dans les préoccupations d'Hauser, habituellement tourné vers d'autres domaines, mais qui est un ouvrage de qualité et en outre, quand il paraît, un ouvrage sur un très proche passé, presque du présent : Henri Hauser, Histoire diplomatique de l'Europe (1871-1914), publiée sous la direction de M. Henri Hauser par MM. J. Ancel, L. Cahen, R. Guyot, A. Lajusan, P. Renouvin, M. Salomon, Paris, P.U.F., 1929, in-8°; t. I : 1870-71 - 1904, 478 p. et t. II : 1904-juillet 1914, index-391 p. 8. • D'une société économique des nations », Scientia, Paris, novembre 1923, in-8°, p. 331-338; • Les origines historiques des problèmes économiques actuels », La.Revue d'Économie Politique, Paris, Sirey, 1928, in-8°, p. 177-188. —

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Introduction

ainsi que nous voyons paraître une série de petits livres et d'articles de 1924 à 1935 1 . Il était donc naturel qu'Henri Hauser qui avait assuré avec Augustin Renaudet, dans la collection « Peuples et Civilisations », Les Débuts de l'âge moderne2 et cette magnifique Prépondérance espagnole que nous rééditons aujourd'hui, ait pris largement part, en collaboration avec Jean Maurain et P. Benaerts, au tome X V I I de la collection « Peuples et Civilisations » intitulé Du libéralisme à l'impérialisme (1860-1878)3. On reconnaît dans cet excellent ouvrage la patte du maître : étendue prodigieuse de l'information, densité, concision, lumineuse clarté, hauteur de vue et comparatisme. Cette trop rapide revue n'épuise pas évidemment les fruits toujours valables du combat quotidien d'Henri Hauser sur tous les fronts des sciences de l'homme, de l'actualité et de l'engagement civique et social 4 . Ces petits livres, ces brochures, ces études, ces articles innombrables sont aujourd'hui des documents de choix pour l'historien des premières 1. L'Organisation gouvernementale française pendant la guerre. Le problème du régionalisme, in Histoire économique et sociale de la guerre mondiale, partie française, Paris, P . U . F . , 1924, in-8°; XII-176 p.; La Paix économique, Paris, A. Colin, 1935, in-12», 185 p. 2. Les Débuts de l'âge moderne, Paris, P.U.F., 1 " éd., 1929; 3 e éd., 1946, 654 p. 3. Paris, P . U . F . , 1939, 556 p. 4. Il y a t o u t e la série des conférences faites dans le cadre de l'Alliance française. Elle s'ouvre par une modeste brochure : « L'Alliance française : conférence faite à l'hôtel de ville de Poitiers, le 13 janvier 1893 par M. Henri Hauser », Poitiers, Millet et Pain, 1893, in-8°, 12 p. Hauser, historien du 16 e siècle, de la m u t a t i o n du monde, a été l'homme des routes et des chemins. E n pleine guerre il pense à la paix, aux communications de l ' E u r o p e à reconstruire : « Les routes fluviales de l'Europe nouvelle », conférence faite en l'aula de l'université de Genève, le 22 janvier 1918, Genève, Association suisse pour la navigation du R h ô n e au Rhin (section genevoise). Imprimerie Wyss et Duchêne, 1918, in-8°, 32 p. Cet historien est aussi u n enseignant qui s'engage dans les combats de son temps : voyez La Patrie, la guerre et la paix à l'école, Paris, E . Cornély, 1908, in-12°, 91 p . ; un h o m m e qui s'intègre t o u j o u r s dans le milieu où les hasards d ' u n e longue carrière le situent. A Clermont-Ferrand, je note « L ' a r t auvergnat, Conférence faite à l'université de Clermont le 18 mars 1898 », Clermont-Ferrand, G. Montlouis, 1898,14 p. Cet historien est un p a t r i o t e qui aime la terre de son pays. On le découvre dans toute une série de notes et d'articles. Voyez entre autres : « En Corse : l r e partie : Une terre qui m e u r t », La Revue du Mois, Paris, n° 47, 10 novembre 1909, p. 539-569; « E n Corse : 2 e partie : Maux et remèdes », Revue Politique el Parlementaire, Paris, 1909, in-8°, 28 p. Il est un patriote que l'Allemagne inquiète. La liste de ses notes et articles est interminable. Nous retiendrons seulement : « L'Allemagne industrielle : l'industrie allemande comme facteur de guerre », Foi et Vie, Paris, avril 1915; Les Cartels du syndical de producteurs en Allemagne, s.l.n.d., in-8°, 15 p.; « Essai sur l'Allemagne f u t u r e », Paris, 1915, 12 p., extrait de La Revue Politique et Parlementaire, n° 244, 10 mars 1916; « Michelet et l'Allemagne de 1870. La France devant l ' E u r o p e », Paris, Sirey, 1916, in-8°, p. 145-163, extrait du « Comité Michelet », Bulletin d'Études Historiques et Politiques, 2 e année, n° 5; « La Paix allemande et la question de Briey-Longwy », Paris, Action Nationale, 1918, in-18°, 11 p.; Le Principe des nationalités. Ses origines historiques, Paris, F. Alean, 1916, in-8°, 31 p . ; « La Syndicalisation obligatoire en Allemagne », Paris, Sirey, 1918, in-8°, 38 p., extrait de La Revue d'Économie Politique, n° 3, mai-juin 1918. — XI —

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Chaunu

décennies du 20 e siècle. II faudra y songer. Historien, il a compris l'histoire dès les premières années du siècle comme un chapitre privilégié des sciences sociales : un livre important, dès 19031, un thème constamment suivi dans toute une série de livres et d'articles 2 . Sa compréhension efficace du présent, son engagement sur tous les fronts de la science sociale prennent appui sur cette double spécialisation complémentaire : le 16 e et l'économie. Seiziémiste, le plus grand seiziémiste de sa génération : Lucien Febvre a dit quelque part : « Henri Hauser que l'on trouve posté à tous les carrefours du 16 e siècle ». Le 16 e siècle d'Henri Hauser est un 16 e siècle impérialiste; il' annonce le long 16 e siècle de Fernand Braudel. C'est un 16 e siècle humaniste, religieux, qui ne débouche pas immédiatement sur l'économique. En raison de sa formation, Henri Hauser n'a jamais tenté de faire de l'économique un deus ex machina séparé de l'homme, de l'homme et de sa culture. C'est à tout prendre une grande chance, une chance qui contribue à l'éternelle jeunesse, à la modernité de son œuvre. Se rappeler qu'avant d'être historien économiste, Henri Hauser a été un merveilleux historien d'histoire générale. Voyez sa thèse consacrée à François de La Noue 3 , ses recherches sur les 1. L'Enseignement des sciences sociales. État actuel de cet enseignement dans les divers pays du monde, Paris, Chevalier Maresq, coll. « Bibliothèque internationale de l'enseignement supérieur... », 1903, in-8°, IV-467 p.; mais déjà en 1901, « Essai d ' u n e définition, d ' u n e classification des sciences sociales », Paris, Giard et Brière, 1901, in-8°, 20 p., extrait de La Revue Internationale de Sociologie. 2. La Nouvelle orientation économique, Paris, F. Alcan, 1924, coll. « Bibliothèque générale des sciences sociales », in-8°, X I I I - 2 0 0 p. Mais on s'en v o u d r a i t de ne pas citer, à cheval entre l'histoire et toutes les sciences humaines, typiques d ' u n e volonté d'histoire au service de son temps, de petits livres qui sont bien souvent des grands livres, tels Économie et diplomatie. Les conditions nouvelles de la politique étrangère, Paris, Sirey, 1937, in-8°, VIÏI-87 p.; • Des causes économiques de guerre d a n s le monde actuel », Bruxelles, Goemare, 1934, in-8°, 27 p., extrait de La Revue Économique d'Histoire, novembre 1934. Des articles sur tous les aspects des mondes lointains d u présent dans un univers rétréci. Il y a, par exemple, u n Henri H a u s e r qui s'intéresse au Brésil, au Brésil comme à un laboratoire pour une science humaine comparatiste. Voyez entre autres « Agronomie brésilienne : fazendas et fazendaires », Bruxelles, Goemare, 1937, in-8°, 19 p., extrait de La Revue Économique Internationale, suppl. 1937; « L'Immigration au Brésil et le problème japonais », Paris, Sirey, 1937, in-8°, p. 265-276, extrait de Institut International d'Histoire Constitutionnelle, l r e année, n° 2, avril-juin 1937; « Notes et réflexions sur le travail historique au Brésil », Revue Historique, t. C L X X X I , 1937,16 p.; < Le travail service au Brésil », Annales d'Histoire Économique et Sociale, 1938, p. 309-318; « Un problème d'influence : le saint-simonisme au Brésil », ibid., 1937, 7 p. Henri Hauser avait compris, en 1937, le danger de l'émigration japonaise au Brésil et il a v a i t vu dès 1926 la portée de la fermeture des É t a t s - U n i s à l'émigration européenne : « La portée et les effets de la nouvelle politique américaine d'immigration », Scientia, mars 1926, p. 183-197. 3. Op. cit. — XII —

Introduction

origines du protestantisme 1 , ses recherches d'histoire plus traditionnelle 2 . Henri Hauser a certes été un historien d'archives, mais il a été plus peut-être encore un historien de bibliothèque. En un mot, il avait tout lu, ou bien peu s'en faut, tout ce que le premier siècle de l'imprimerie a publié en latin, en français et dans toutes les langues en usage en ce siècle pionnier du livre : italien, espagnol, portugais, anglais, allemand, néerlandais. Sur ce point, Henri Hauser nous interpelle. Nous négligeons trop l'imprimé. Quelle que soit la portée de l'inédit d'archivé, il ne doit pas nous faire perdre de vue la valeur historique de l'écrit imprimé, donc largement diffusé. Les Minores, certes, mais les Majores, de Camoëns à Shakespeare, de Luther à Calvin, du Tasse à Galilée, Henri Hauser avait tout lu. Il avait tout lu et il avait tout vu. Pas un musée d'Europe, pas un témoin du génie architectural et pictural du long 16e siècle qui ne soit gravé au fond de sa mémoire, présent à la moindre réquisition. Faut-il rappeler, une fois encore, son grand livre, jamais refait, toujours fondamental, aux usuels de toutes nos bibliothèques, les quatre gros et pourtant lumineux volumes des Sources de l'histoire de France3? Quels travaux d'approche ont-ils exigé! La longue série de ses articles d'études critiques le montre 4 . E t jusqu'au bout, voyez son combat pour l'utilisation des archives privées 5 . 1. Se rappeler d'abord ses très belles Études sur la Réforme française, Paris, A . Picard et Fils, 1909, coll. « Bibliothèque d'Histoire religieuse», in-12t X I V - 3 0 8 p.; LesOrigines du protestantisme, op. cit., p. V I I , il. 2, dans les Mélanges offerts à Henri Pirenne, p. 211-224 : « A propos des idées économiques de Calvin »; • De l'humanisme et de la Réforme en France, 1512-1552 », Paris, 1897, 40 p., extrait de La Revue Historique, année 1897; « The French Reformation and the French people in the 16th Century », s.l.n.d., in-4°, p. 217-227; « Jeanne d'Albret et le Collège de La Rochelle », s. 1., 1889, in-8°, 14 p.; « Le Journal de Louise de Savoie », Paris, 1904, in-8°, 24 p., extrait de La Revue Historique, t. L X X X V I , 1904; « Le Père Edmond Auger et le massacre de Bordeaux, 1572 », R.S.H.P.F., juillet-août 1911, 23 p.; • Sur l'authenticité des discours de La Noue », 11 p., extrait de La Revue Historique, t. L I I I , 1893; « Un récit catholique des premières guerres de religion : les * Acta tumultuum gallicanorum ' », Paris, 1912, 71 p.; extrait de ibid., t. C V I I I et C I X , 1911-1912. 2. Le Traité de Madrid et la cession de la Bourgogne à Charles Quint. Étude sur le sentiment national et bourguignon en 1525-1526, Paris, A . Picard, 1912, in-8°, 182 p. 3. Deuxième partie : Le 16* siècle, op. cit. 4. « Étude critique sur la Chronique du R o y Françoys, premier de ce nom », in Revue de la Renaissance, mars-mai 1907, 13 p.; < Sur le texte du ' Journal de Louise de Savoie ' », Rome, Accademia dei Lincei, 1906, 11 p.; « Sur les sources narratives de l'histoire de France au 16 e siècle; sur la date exacte de la mort de Louis X I I », Revue d'Histoire Moderne et Contemporaine, 1903-1904, t. V , 11 p.; « Annales et chroniques », ibid., p. 471-489. 5. « Les archives privées et l'histoire. Une source de l'histoire du commerce et des banques : les fonds des faillites », Annales d'Histoire Économique et Sociale, 1932, p. 542-550. — XIII



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Il est un domaine entre tous où Henri Hauser a vraiment excellé, celui de l'homme au travail. Henri Hauser a passionnément aimé les artisans, avec une prédilection pour les imprimeurs, compagnons, maîtres et apprentis du passé, ces hommes merveilleux qui sont, nous le découvrons chaque jour davantage, au cœur vraiment du système de la civilisation traditionnelle de l'Occident. Pour se borner à l'essentiel, de 1894 à 1934, trois gros livres et quatre articles au moins, qui tous ont fait date. Tout commence avec la grève des imprimeurs lyonnais. L'a-t-on remarqué? Le 16e siècle d'Henri Hauser n'est pas seulement moderne, mais il s'écrit au présént. C'est par la grève, au moment où l'Europe vit la montée en première ligne du fait syndical, qu'Henri Hauser prend son premier contact avec le monde du travail, au 16e siècle, dans l'imprimerie, ce secteur de pointe du plus intellectuel de tous les métiers manuels, où des hommes, à cheval entre deux cultures que tout sépare — l'écrite et l'orale, la lisante et la gestuelle —, sont nécessairement intelligents avec leurs mains. L'Histoire d'une grève au 16e siècle. Les imprimeurs lyonnais de 1539 à 1542 est paru en 18941, Les Suites d'une grève-au 16e siècle (1542-1573) en 18982. Après Lyon, Dijon, après le cas particulier des imprimeurs, le monde des artisans dans toute son ampleur. L'activité d'Henri Hauser à Dijon fut inlassable. C'est à Dijon qu'il rédige les Sources, qu'il ouvre des chantiers dans tous les domaines, et qu'il met sur pied avec ses étudiants, voici soixante-dix années, de véritables équipes de recherches. L'enquête est annoncée dans un article de 19043, les résultats sont développés dans l'ouvrage fondamental de 1907 : Les Compagnonnages d'arts et métiers à Dijon aux x v n e et x v m e siècles, par M. H. Hauser, avec la collaboration des étudiants en histoire de l'université de Dijon 4 . « Avec la collaboration des étudiants... », sur la couverture d'un livre paru en 1907, pour ce travail sur les artisans, saluons cette honnêteté d'artisan, de très grand artisan de la recherche historique; l'exemple à cette époque est à peu près unique, unique et prophétique. Et voilà pourquoi quelques-unes des plus belles pages de La Prépondérance espagnole, qui en 1. Paris, Giard et Brière, 1894, in-8°, 24 p., extrait de La Revue Internationale de Sociologie, 2 e année, n° 9, septembre 1894. 2. Paris, Giard et Rrière, 1898, in-8°, 20 p., extrait ibid. 3. « Notes sur l'organisation du travail à Dijon et en Bourgogne au 16 e siècle et dans la première moitié du 17 e siècle », Revue Bourguignonne de l'Enseignement Supérieur, université de Dijon, t. XIV, n° 2, 1904, in-8°, 35 p. 4. Dijon, Damidot; Paris, H. Champion, 1907, in-S°, 520 p.

Introduction c o m p t e t a n t , sont consacrées a u x hommes des métiers e t à leurs compagnonnages. Nous voilà a u x confins de l'histoire sociale, de l'histoire économique, mais tout aussi bien de l'histoire de la pensée, du sentiment et de la pratique religieuse. Car les compagnonnages sont t o u t à la fois milieu de sociabilité privilégiée et de relation religieuse pour ces exclus, ces malaimés, ces incompris. « Parmi les classes urbaines, il en est une dont le sort n'a pas cessé d'empirer, celle des compagnons de métiers. Moralement... matériellement... E x c l u s du gouvernement du métier c o m m e de celui de la cité, ils forment de plus en plus des sociétés clandestines ou ' compagnonnage '. Si nous laissons de côté les éléments pittoresques et mystérieux des divers ' devoirs ', que trouvonsnous d'essentiel sur le terrain économique? Une t e n t a t i v e pour assurer a u x compagnons eux-mêmes le monopole de placement, les rendre maîtres du m a r c h é de la main-d'œuvre et par conséquent empêcher la baisse des salaires... Contre ces sociétés clandestines de résistance ouvrière se lèvent non seulement les maîtres et les municipalités, mais l'Église. Sorties des confréries, mais forcées de transporter leurs cérémonies de la chapelle corporative au cabaret de la ' Mère ', leurs naïves, t o u c h a n t e s et maladroites imitations des saints mystères de la messe passent pour des parodies sacrilèges, d ' a u t a n t plus que le secret, qui ne doit pas même être révélé au tribunal de la Pénitence, les rend suspects 1 ». Des confréries encore plus suspectes parce que sorties totalement du contrôle de l'Église. On sait comment au début du 18 e siècle, le rituel et la technique de communication du compagnonnage très particulier des maîtres d'oeuvre serviront au démarrage ou au nouveau départ de la franc-maçonnerie, curieux compagnonnage au service d'une méta-Église à la dogmatique simplifiée, d'abord, rapidement, dans l'Europe catholique, canal de diffusion de la contre-dogmatique d'une anti-Église. Après les compagnonnages, on doit à Henri Hauser les multiples éditions d'un livre de synthèse c o n s t a m m e n t repris, du temps passé2, Travailleurs remanié, amélioré : Ouvriers et marchands...3. Voici tracée la voie qu'empruntera É m i l e 1. La Prépondérance, p. 456. 2. Ouvriers du temps passé (15'-16e siècles), 5 e éd., Paris, F . Alcan, 1927, coll. « Bibliothèque générale des sciences sociales », in-8°, X L I I - 2 6 8 p. 3. Travailleurs et marchands dans l'ancienne France, Paris, F . Alcan, in-8°, 1929, V I I I - 2 3 2 p. — XV —

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Coornaërt. E t plusieurs notes et articles encore 1 montrent, jusqu'au terme presque de sa vie, ce constant intérêt d'Henri Hauser pour le monde complexe et attachant des compagnons. D e la sociologie du travail, on passe naturellement à l'économie. Économie en général, échanges, pensée et action, et aussi les prix. Parmi les classiques de l'économie du 16 e siècle, faut-il rappeler toute une série d'articles 2 qui aboutit aux Débuts du capitalisme qui ont connu un juste succès 3 , et ce très beau livre, le dernier, un peu le testament d'Henri Hauser, paru en 1944 au cœur de l'épreuve, qui dit t o u t à la fois la double et indissociable passion de l'auteur pour la science et pour la France 4 . Descendant le cours de son 16 e siècle, Henri Hauser avait découvert le tournant du début du 17 e . Ce tournant qui marque le vrai départ de la vraie modernité. Il faut se rappeler les dernières lignes de La Prépondérance espagnole5 : « ... dans la période que nous venons de résumer, c'est la nature m ê m e que l'homme apprend à interroger, directement, sans intermédiaire, c o m m e il a appris par la Réforme à entrer, directement, en contact avec la parole divine. Il ne se contente m ê m e plus d'écouter ce que lui disent les choses : avec Galilée 6 , Bacon, Descartes, 1. « Les pouvoirs publics et l'organisation du travail dans l'ancienne France », Revue d'Histoire Moderne et Contemporaine, t. I X , 1907, p. 169-194 et t. X, 1908, p. 85-110; Les Métiers dans la littérature française du x v i e siècle, Paris, P . U . F . , 1934, in-8°, p. 105-113, extrait des Mélanges de philologie, d'histoire et de littérature offerts à Joseph Vianey. 2. Un peu au hasard : « Les caractères généraux de l'histoire économique de la France d u milieu du x v i e siècle à la fin d u x v m e , extrait de La Revue Historique, C L X X I I I , 1934, 19 p. et repris en néerlandais à Haarlem, en 1935; « La Crise de 1557-1559 et le c h a m b a r d e m e n t des fortunes », Paris, E . Droz, 1936, p. 307-319, extrait des Mélanges offerts à M. Abel Lefranc; « De la valeur historique d u traité d'économie politique d'Antoine de Montchrestien », s. 1., 1933, in-8°, p. 169-180; • Économistes, historiens, hommes d'action. Un précurseur : J e a n Bodin Angevin (1529 ou 1530-1596) », Annales d'Histoire Économique et Sociale, 1931, p. 379-387; « É t u d e s sur l'histoire économique de l'ancienne France », Paris, Larose, 1905, 38 p., extrait de La Revue d'Économie Politique, 1905; « The European linancial crisis of 1559 », Journal of Economie and Business History, t. II, n° 2, février 1930, p. 241-255; « L'Origine d u capitalisme moderne en France », Paris, Sirey, 1902, in-8°, 35 p., extrait de La Revue d'Économie Politique, 1902; « Réflexions sur l'histoire des banques à l'époque moderne de la fin d u x v ' à la fin d u x v n e siècle », Annales d'Histoire Économique et Sociale, t. I, 1929, p. 335-351; « Le Sel dans l'histoire », Bruxelles, Goemare, 1927, in-8°, 20 p., extrait de La Revue Économique Internationale, août 1927; « Le système social de Barthélémy de Laffemas », Revue Bourguignonne de l'Enseignement Supérieur, Dijon, X I I , 1, 1902, in-8°; 19 p. 3. N e l l e éd., Paris, F. Alcan, 1931, coll. « Les questions d u temps présent », in-12°, XI1-327 p. 4. La Pensée et l'action économique du cardinal de Richelieu. Paris, P . U . F . , 1944, in-8», 194 p. 5. La Prépondérance, p. 535. 6. Sa curiosité a u x origines d u grand t o u r n a n t de la pensée moderne est ancienne. Retenir en 1933, « Galilée, sa vie, son temps, sa condamnation », Cahiers Rationalistes, Paris, n° 27, décembre 1933, p. 276-290. — XVI —

Introduction

Pascal, il pose des questions aux choses, des questions auxquelles les choses ne peuvent se dérober, et écoute leurs réponses, pour mieux asseoir sur la n a t u r e la domination de l'esprit h u m a i n . L'année où siège le Congrès de Westphalie voit aussi se réaliser la ' grande expérience ' du Puy-de-Dôme. La naissance de la science expérimentale ». L'indice est encore un peu mince, nous dirions plutôt — en r e p r e n a n t la phrase de Galilée dans le Saggiatore — l'intuition géniale d'une nature écrite en langage mathématique. « La naissance de la science expérimentale, conclut donc Henri Hauser, c'est peut-être le fait capital de cet intervalle séculaire que de vieilles habitudes entraînent encore à délimiter par des traités de paix et des faits de guerre, à désigner par des prépondérances qui s'éteignent et d'autres qui s'élèvent. » Il nous f a u d r a revenir sur ce t e x t e fondamental qui souligne bien l'avance qu'Henri Hauser avait acquise sur la recherche historique de son temps. Au vrai, nous le voyons au cœur du grand combat pour une première forme d'histoire q u a n t i t a t i v e . Faut-il rappeler le rôle de l'histoire des prix dans la m u t a t i o n du seuil des années 1929-1930? 1 . La première entrée du q u a n t i tatif dans le champ d'investigation historique se produit sur l'horizon de la grande crise économique des années 30. P o u r comprendre l'événement, il fallut bien se tourner vers la longue durée. Henri Hauser ne s'est pas dérobé, lui qui avait étudié la banque 2 , les monnaies 3 , lui qui avait étudié 4 et édité J e a n Bodin 5 , il a contribué à la formation du Comité international d'enquête sur l'histoire des prix 8 . Il a mené à bien dans les t o u t 1. Pierre Chaunu, « Histoire sérielle, bilan et perspective », Revue Historique, n° 494, avril-juin 1970, p. 297-320; « Histoire économique. Dépassement et perspective », à paraître in recueil collectif, sous la direction de Jacques Le Goff, coll. « Bibliothèque des Histoires, Gallimard, 1973. 2. Commission pour l'histoire de la Banque du erédil et du change (créée sur l'initiative de Al. H. Hauser), s.l.s.n., 1930, in-8°, p. 527-553; Essai d'une bibliographie critique de l'histoire des banques en France de la fin du 15e siècle à. la fin du 18* siècle, établie sous la direction de H. Hauser par MM. Bonifacio, Breuillet et Maillard et révisée par M11« Vernli, s.l.s.n., 1933, in-8°, p. 421-448. 3. • Controverse sur les monnaies, 1566-1578 », Paris, Imprimerie Nationale, 1906, in-8°, 24 p., extrait du Bulletin des Travaux Historiques et Scientifiques, année 1905. 4. « Les 'coutumes' considérées comme source de l'histoire des prix d'après Jean Bodin », Paris, Marcel Rivière, 1931, in-8°, 8 p., extrait de Revue d'Histoire Économique et Sociale. 5. Ed. et introd. de Jean Bodin, La Vie chère au 16* siècle. La réponse de Jean Bodin à M. de Malestroit, 1568; n e l l e éd. publiée avec une introduction, des notes... par H. Hauser, Paris, A. Colin, 1932, in-8», LXXX-137 p. (3 fac-similés). 6. « Un comité international d'enquête sur l'histoire des prix », Annales d'Histoire Économique et Sociale, 1930, t. II, p. 384-385. — XVII —

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premiers 1 la grande et lourde tâche, pour la France, en m ê m e temps que Hamilton 2 qui était un peu en marge de l'entreprise. Les Recherches et documents suivent de peu l'Esquisse3 d'Ernest Labrousse; elles précèdent de 8 ans La Crise*; elles ouvrent la voie aux études interrompues de Jean Meuvret 5 et s'insèrent en tête d'un ensemble impressionnant de publications, qui, toutes, sont issues plus ou moins directement de l'initiative du Comité international d'enquête sur l'histoire des prix 6 . Henri Hauser avait été à soixante-quatre ans l'un des pères de cette entreprise qui fait doublement date et école. Parce que t o u t e l'histoire, que l'on appellera successivement, suivant l'époque et l'orientation, histoire quantitative ou sérielle, sort de là, nous l'avons dit; parce que pour la première fois au cœur d'une crise (la crise mondiale, la grande dépression, récurrence d'un passé que l'on croyait révolu), d'une crise qui affecte profondément et pour de nombreuses années le sort des hommes en société, à l'échelle 1. Recherches et documents sur l'histoire des prix en France de 1500 à 1800, Paris, Les Presses Modernes, 1936, in-4°, 525 p. (Comité scientifique international pour l'histoire des prix). Tout à fait fondamental. On a j o u t e r a < Réflexions sur l'histoire des prix », Scientia, mars 1936, p. 159-167. 2. Earl J . Hamilton, American Treasure and Prices Bevolution in Spain (15011650), Cambridge (Mass.), 1934, in-8°, X X X V - 4 2 8 p., « H a r v a r d Economic Studies », n» 43; Money, Prices and Wages in Valencia (1351-1600), Cambridge (Mass.), 1936, XXV1II-310 p., « H a r v a r d Economic Studies », n° 51; War and Prices in Spain (1651-1800), Cambridge (Mass.), 1947, XXVI-295 p., « H a r v a r d Economic Studies », n° 81. 3. C. E. Labrousse, Esquisse du mouvement des prix et des revenus en France au x v m e siècle, Paris, Dalloz, 1933, in-8», 2 vol.; 1.1, X X I X - 3 0 6 p. et t. II, p. 307-697. 4. C. E . Labrousse, La Crise de l'économie française à la fm de l'Ancien Régime, t. I : Aperçus généraux, sources, méthodes, objectifs. La crise de la viticulture, Paris, P.U.F., 1944, in-8°, LXXV-664 p. 5. Elles ont été recueillies, depuis peu, dans un excellent ouvrage : J e a n Meuvret, Étude d'histoire économique, Paris, A. Colin, 1971, Cahiers des Annales, n° 32, 344 p. 6. Pour une bibliographie, on se reportera à F e r n a n d Braudel et F r a n k C. Spooner, « Prices in Europe from 1450 to 1750 », in The Cambridge Economic History, t. IV : The Economy of Expanding Europe in the 16th and 17th centuries, Cambridge, 1967, p. 374-486 et 605-615. Pour se borner à l'essentiel, citons seulement Beveridge, Prices and Wages in England from the 12th to the 19th centuries, Londres, 1939, t. I; N. W. Posthumus, Inquiry into the History of Prices in Holland, Londres, 1946 et 1968, 2 vol., in-4°; C. Verlinden, J . Craeybeckx, Dokumenten voor de Geschiedenis van Prijzen en Lonen in Vlaanderen en Brabant ( x v e - x v i e eeuw), Bruges, 1959; M. J . Elsas, Umriss einer Geschichte der Preise und Lohne in Deutschland von ausgehenden Mittelalter bis zum Beginn des IS. Jahrhunderts, Leiden, 1936-1949, 2 t., 3 vol.; A. F . Pribram, Materialen zur Geschichte der Preise und Löhne in Osterreich Vienne, 1938, t. I; A. Friis, A History of Prices and Wages in Denmark, 1660-1800, Copenhague, 1958; S. Hoszowski, Ceny we Lwowie w latach, 1701-1914, Lwow, 1934; d u même, Ceny we Lwowie w x v i i xvii wieku, Lwow, 1929, traduction française par A. G. Mankow : Le Mouvement des prix dans l'État russe, Paris, 1954, 1957; V. M. Godinho, Prix et monnaie au Portugal, Paris, A. Colin, 1958; A. F a n f a n i , Indagine sulla rivoluzione dei prezzi in Firenze, Milan, 1940; G. Parenti, Prime ricerche sulla rivoluzione dei prezzi in Firenze, Florence, 1939; d u même, Prezzi e mercato del grano a Siena (1546-1746), Florence, 1942. — XVIII —

Introduction

planétaire, il aura été prouvé que les meilleurs parmi les historiens n'étaient pas indifférents, qu'ils avaient quelque chose à dire, qu'une forme d'histoire scientifique était déjà presque opérationnelle. Dans ce grand moment historique pour l'histoire de l'histoire, pour l'histoire de l'écriture au présent des sciences de l'homme, malgré tout ce qui sépare les deux hommes, l'action et l'œuvre d'Henri Hauser est indissociable de celles de François Simiand 1 . Bien sûr, Hauser, qui est humaniste de formation, reste sur sa réserve devant la systématique que Simiand, philosophe, logicien, séduit par les formulations mathématiques, tire des travaux des économistes, de Juglar l'ancêtre, à Kondratieff 2 ; mais il ne l'ignore pas. Qui lit attentivement La Prépondérance sent sous la construction d'histoire classique que l'auteur n'ignore rien de ce qui se cherche dans ce secteur. Henri Hauser, au vrai, n'ignore rien. Il sait beaucoup déjà de ce que nous savons, mais il sait, en outre, ce que nous ne savons plus. Il retient dans sa prodigieuse mémoire des textes que nous ne lisons plus. Hauser, au terme d'une longue vie de labeur, se trouve à la confluence et en dépassement de plusieurs manières d'écrire l'histoire. Il n'est pas seulement, nous l'avons dit, historien d'archives. Les archives, il les connaît, voyez ses Sources3. Voyez son aptitude à faire travailler, à conduire des équipes de recherches 4 dans les sections de dépôts les moins explorés, mais il est aussi, et plus encore, un historien de bibliothèque et de musée, un homme complet qui a su goûter, déchiffrer, décoder les grandes œuvres du passé. Ce qu'il y a de plus impérissable dans La Prépondérance, c'est cet aspect. Shakespeare et Cervantès, le Gréco, Velasquez, Rembrandt, Maderna... mais aussi les moins grands. Hauser est à tous les niveaux, et de préférence aux plus élevés du large 16e siècle qu'il a choisi d'explorer 1. Parti du Salaire, l'évolution sociale de la monnaie (1924), des Cours d ' é c o n o m i e politique du conservatoire des Arts et métiers de 1929, 1930 et 1931, F r a n ç o i s Simiand aboutit, dans une perspective proche d'Henri Hauser plus rigoureusement formulée, à la première réponse de l'histoire sérielle, à une grande angoisse interrogative du t e m p s présent; v o y e z Recherches anciennes et nouvelles sur le mouvement général des prix du x v i e au x i x e siècle, Paris, D o m a t , 1932, mais surtout Les Fluctuations économiques de longue période et la crise mondiale, Paris, F. Alcan, 1932; Inflation et stabilisation alternées: le développement des États-Unis, Paris, Alcan, 1934. 2. « D i e langen Wellen der Konjonktur », Archiv fur Sozial Wissenschaft, 1926; voir à ce propos l'ouvrage d e G. Imbert, Des mouvements de longue durée Kondratieff, Aix-en-Provence, La Pensée Universitaire, 1959, X I I - 5 3 8 p. et hors-texte. 3. Les Sources de Vhistoire de France, 2 e partie : Le 16e siècle, op. cit. 4. Depuis Les Compagnonnages d'arts et métiers à Dijon, op. cit., j u s q u ' a u x Recherches et documents, op. cit. — XIX



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avec des préoccupations d'homme de son temps, respectueux pourtant du génie de l'époque qu'il a élue. Moderne et homme du 16 e siècle, il a lu aussi les sources traditionnelles et très souvent il en tire un éclairage nouveau de l'économie et de la société. Hauser a été un dénicheur de textes 1 , de beaux textes 2 . Un éditeur infatigable 3 , donc un pourvoyeur des historiens de l'avenir. Il fallait à grands traits d'abord rappeler l'œuvre d'Henri Hauser. Elle nous aide à mieux comprendre La Prépondérance, ce grand livre de la maturité qui vient se placer au sommet de toute une vie d'efforts, de recherches, d'invention. Le génie de La Prépondérance découle d'abord de l'étendue de l'information. Personne n'a lu autant qu'Henri Hauser, aux trois quarts de sa vie. Personne ne réussira jamais à enfermer autant de données, d'informations en aussi peu de mots. Hauser réussit à tout dire sans être jamais allusif. Voyez pour vous en convaincre les très classiques chapitres sur les guerres de religion. Le récit est complet, précis; il est toujours tiré à la source et à travers le récit, c'est la France immense qui est vivante, le Nord - Nord-Est opposé au Sud - Sud-Ouest, une Europe de transition avec ses tensions sociales, ses contradictions. Ce récit est un chef-d'œuvre, le chef-d'œuvre peut-être, et paradoxalement, de l'histoire structurale avant la lettre sur la France de la seconde moitié du 16e siècle. « La mort de Henri II a posé en France une série de problèmes redoutables. Rarement si petit événement — un éclat de bois dans l'œil du roi — eut des conséquences aussi formidables. L'œuvre des trois derniers rois, celle même de Louis XI, semblait remise en question. Le passage 1. « Trois lettres de François de La Noue sur la guerre de Flandres (1576-1587) », Gand, Imprimerie Vanderhaeghen, 1892, in-8°, 36 p., extrait du Messager des sciences historiques de Belgique, LXVI; dans les copeaux de sa thèse : « Jules Michelet. Quelques fragments inédits de ses conférences de l'École normale », La Revue Poli~ tique et Parlementaire, Paris, 1914, in-8°, 15 p.; « Quelques fragments inédits de Michelet sur le x v i e siècle », Paris, Champion, 1914, in-8°, 13 p., extrait de Revue du Seizième Siècle, t. II. 2. Faut-il rappeler La Réponse de Jean Bodin à M. de Malestroit, op. cit. 3. « Le voyage du Levant de Philippe du Fresne-Canaye (1573) », publié et annoté par H. Hauser, in Recueil de voyages et documents, Paris, E. Leroux, 1897, t. XVI, in-4», X X X V I I - 3 3 8 p., avec une carte et deux planches hors-texte. On lui doit encore, entre autres, l'édition de Henri Sée, Histoire économique de la France, Paris, A. Colin, 1939-1951, 2 vol., XXV-455 p. et XLIX-492 p., publiée avec le concours de Robert Schnerb, préface de H. Hauser; et également l'édition avec Henri Hetin des gros volumes de l'enquête : Rapporteurs généraux. Enquête sur la production française, Paris, 1917, 6 vol., témoin de son passage à la direction du Commerce. — XX —

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de la r o y a u t é de t y p e féodal à la royauté administrative, la centralisation de plus en plus parfaite et complète, une F r a n c e qui s'occupe de toutes les affaires du m o n d e alors connu, qui poursuit en plusieurs sens une politique d'expansion et d'influence, qui tient en échec la puissance menaçante des BourgogneHabsbourg, t o u t cela risque de ne plus être que du passé, On ne s'était pas aperçu que la paix de 1559 avait déjà, au fond, changé le sens de l'histoire de France. Les événements de 1560-1562 précipitent ce changement et le rendent visible, A un temps de création succède un temps de tassement et de consolidation, donc de recul et de mise en cause partielle de l'acquis. Essayez, si vous le pouvez, de dire plus et mieux q u ' H e n r i Hauser en aussi peu de mots. Il est impossible de le prendre en défaut. A la limite, sa perfection est presque harassante. La Prépondérance est un livre que l'on ne peut lire que lentement. Après la France des guerrss de religion, voyez celle de Richelieu, voyez les transformations économiques, sociales et politiques du premier 17 e siècle2, encore un domaine de prédilection? Or c'est encore un des miracles de La Prépondérance, il n'y a pas, en 535 pages, domaine de prédilection. T o u t est prédilection. Voyez encore l'Espagne, l'Europe religieuse, même catholique où Henri Hauser est moins de plain-pied qu'avec la Réforme, l'Inde d'Aurengzeb : toujours l'avance est la même, l'information aussi dense, le t e x t e aussi lourd de sens, la phrase simple, souple et musclée. L ' E s p a g n e est peut-être le domaine où Henri Hauser surprend le plus. Reprenez l'arrivée de Philippe II, elle donne le ton : « Dès le mois d ' a o û t 1559, il avait quitté Flessingue pour rentrer dans ses royaumes (son père y était m o r t depuis près d ' u n an), d'où il ne sortira plus. Mais il n'aimait pas les capitales historiques de la Castille, Tolède, Valledolid, où vivait le souvenir des rébellions. Sous prétexte que sa nouvelle épouse, Elizabeth de Valois qu'on avait été chercher à Roncevaux (janvier 1560), était tombée malade de la variole à Tolède, il t r a n s p o r t e le centre de la monarchie dans la petite ville qui s'édifiait au pied du château où avait été enfermé François I e r , Madrid, création factice dans l'argile stérile et désséchée, n'était pas une cité (ciudad), mais simplement la cour (code). Il n ' a v a i t guère d ' a u t r e a v a n t a g e que sa position centrale »3. La performance espagnole d'Henri Hauser est surprenante 1. La Prépondérance, p. 42-43. 2. Ibid., p. 440-466. 3. Ibid., p. 7. — XXI —

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et significative. Parce qu'il n'a jamais travaillé, en apparence du moins, de première main sur l'Espagne, parce q u ' a u c u n domaine n'a été a u t a n t labouré, travaillé, renouvelé de 19471948 à 1960-1965, sous l'impulsion des affinités ibériques de l'école historique française, dominée par la puissante personnalité de F e r n a n d Braudel. Or, non seulement les pages d ' H e n r i Hauser n ' o n t pas vieilli, mais elles ont un caractère prophétique. Hauser avait lu tous les textes disponibles; il les a lus en historien de l'économique, du social, du génie culturel des peuples; il a anticipé, deviné en quelque sorte ce que donnerait u n jour le dépouillement sériel des séries que nul n'avait songé encore à effleurer. Pour ma part, je ne connais rien de plus éclairant que son jugement sur 1' « Invincible Armada ». Avec une acuité de regard étonnante, sans preuve sérielle, par la simple lecture intelligente de la chronique, des correspondances, par la connaissance en profondeur de l'événement, Henri Hauser a vu que l'échec de 1' « Invincible Armada », simple jeu d ' u n hasard contraire, ne marque pas, comme on l'avait toujours superficiellement écrit, le terme de la puissance navale de l'Espagne. « Ce serait p o u r t a n t une erreur de croire que la bataille des Flandres a sonné le glas de la puissance navale de l'Espagne. Au contraire, l'entreprise d'Angleterre a été pour elle un enseignement, elle lui a révélé la faiblesse de la galère pour les mers du P o n a n t . Sir William Monson pourra bientôt écrire : ' J u s q u ' a u jour où le roi d'Espagne eut la guerre avec nous, il n ' a v a i t jamais su ce que signifiait la guerre sur mer, sinon en galères contre le Turc... ', et il datera d'une prise de 1591 • la première fois que le roi se montrera fort sur mer '. D1 E t Henri Hauser poursuit : « Si la joie et l'orgueil f u r e n t grands en Angleterre, si Elizabeth acquit d'emblée la maîtrise des mers étroites (narrow seas) 2 qui, désormais ceindront l'île d'un inviolé ' r u b a n d'argent ', si l'on avait vite fait le compte des navires et des hommes perdus par le feu de l'ennemi et aussi par des tempêtes dont on a, de p a r t et d'autre, exagéré l'importance, une terrible épidémie de t y p h u s vint attrister la victoire »3. 1. La Prépondérance, p. 148. 2. Précisons que pour la Manche le fait était déjà pratiquement acquis depuis 20 ans. On reconnaît du moins que depuis 1568-1569 (voir F. Braudel, La Méditerranée..., 1 " éd., p. 888; 2 e éd., t. II, p. 345 et suiv. et Henri Lapeyre, Une famille de marchands, Paris, 1955, p. 407-409), les communications maritimes sont de plus en plus difficiles dans la Manche pour le camp espagnol, non du fait des seuls Anglais, certes, mais de l'ensemble des forces navales du camp protestant. 3. La Prépondérance, p. 148. — XXII —

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Seul historien de son temps, Henri Hauser n'est pas tombé dans le piège de 1' « Invincible Armada ». Il a vu la part du hasard, il a décodé la suite de l'événement. Quand grisés par la victoire, les Anglais passent de la défensive à l'offensive, quand ils tirent à rebours la leçon de l'événement et que les Espagnols, pour une fois, agissent droitement, ce sont les Anglais qui essuient des revers. Cela, Henri Hauser l'a vu sans autre moyen à sa disposition que ceux dont disposaient théoriquement les historiens des années trente. Mais à la différence, lui connaît tout; il comprend tout et il sait lire, lire les plus lucides des contemporains, Sir William Monson, entre autres; il sait trouver la phrase qui éclaire, garder le fil dans un dédale d'événements qui se produisent, superficiellement, sans lien, sur tant de champs et d'espaces divers. La preuve de ce qu'Henri Hauser avait su découvrir avec d'aussi faibles moyens, l'histoire quantitative l'a fournie à l'évidence. Les navires de 1' « Invincible Armada » ont été, pour l'essentiel, prélevés sur le stock des navires de la Carrera de Indias1. Évidemment la ponction est sévère. Elle se lit dans le très court terme, sur les graphiques en volume 2 . L'événement, par contre, est sans répercussion sur les valeurs 3 . Cette disparité entre courbe des volumes et courbe des valeurs est la preuve même de l'accidentel qu'Henri Hauser, dans sa lecture intelligente des textes classiques, avait su discerner. La rupture, la décélération se produit, mais beaucoup plus tard, non en 1588, comme l'histoire traditionnelle mal informée l'avait longtemps prétendu, mais à partir de 1608-1611, timidement 4 , de 1619-1622®, massivement. Reprenons le texte. Il permet de suivre le cheminement d'une méthode, tout entière dans l'acuité de la lecture et l'intensité synthétisante du regard. « Enivrée par cette revue de Tilbury où elle apparut, elle faible femme, comme une amazone triomphante, Elizabeth eut cependant l'imprudence de céder aux désirs des hommes de mer. Ils voulurent eux aussi avoir leur grande armada et aller mettre sur le trône de Lisbonne le prieur de Crato : l'enjeu, c'était, outre les frais de guerre payés par le prétendant, un traité de commerce qui aurait fait du Portugal 1. H. et P. Chaunu, Séuille et l'Atlantique (1504-1650), t. III, Paris, S.E.V.P.E.N., 1955, p. 412 et suiv. 2. Ibid., t. VII, 1957, p. 44-45. 3. P. Chaunu, Séuille et l'Atlantique. Structures et conjonctures, t. VIII, 2, 1 " partie, 1959, p. 768 et suiv. 4. Ibid., p. 1252 et suiv. 5. Ibid., p. 1478 et suiv. — XXIII —

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et de ses Indes des colonies économiques de l'Angleterre et de Lisbonne une base navale contre l'Espagne, tandis que le chérif du Maroc tenterait une diversion sur l'Andalousie. Cent cinquante voiles, avec plus de 20 000 hommes cinglèrent de Plymouth, sous Drake et Norris, en direction des Açores. 1 » Échec en Cantabrique, échec aux bords du Tage. « Ils durent se rembarquer dans la baie des Cascaes et ramenèrent des équipages décimés, sans parler d'une opération financière manquée, à la grande colère de l'avide souveraine. Sévère lendemain de la grande victoire. 2 » Un peu plus loin, faisant le point de la longue liste des succès espagnols en France, en Flandre, entre 1589 et 1591, Henri Hauser, expliquant les raisons de l'appui anglais largement accordé à Henri IV, prétendant des Huguenots et d'une minorité encore de politiques, rappelle et précise : « En effet, le danger n'était pas négligeable pour l'Angleterre, car la marine espagnole avait beaucoup appris. Dans les parages des Açores, la flotte de Thomas Howard était battue par celle de Bazân, et perdait son amiral. Rappelons le mot de Monson : ' La première fois que le roi d'Espagne se montra fort sur mer est en 1591, quand le Revenge fut pris '. Véritable humiliation pour les vainqueurs de 1588... »3 Ce passage nous paraît assez révélateur d'une méthode. Avec une extraordinaire économie de moyens, Henri Hauser, dans La Prépondérance, est toujours en avance sur son temps. En gros, d'un quart de siècle. Ce que nous avons pu vérifier pour les quelques lignes, d'une révision discrète, de l'histoire des relations extérieures de l'Angleterre, d'Espagne et des lignes de force dans l'océan Atlantique, on peut le faire, presque à chaque page, tout au long de ce texte fascinant. C'est, au vrai, qu'Henri Hauser était à l'origine des voies les plus neuves et les plus fécondes de la recherche historique, au cours de cette extraordinaire décennie des années trente où t a n t de pensées prennent naissance. En même temps qu'il porte sur les fonts baptismaux la première forme d'histoire quantitative, il rédige La Prépondérance. Au moment où il mobilise le contenu d'une longue mémoire, il participe à l'élaboration d'une méthodologie nouvelle. Voilà peut-être le secret de la dimension prophétique de ce grand livre. En mobilisant une information longue d'une vie entière, Henri Hauser fait une lecture neuve et comme après1. La Prépondérance, 2. Ibid., p. 149. 3. Ibid., p. 154.

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coup, une lecture éclairée par les hypothèses de la nouvelle systématique. Il lui arrive donc d'apercevoir des articulations meilleures que celles tirées d'une lecture habituelle du matériau traditionnel. C'est pourquoi le livre n'a pas vieilli. La Prépondérance aurait pu à la rigueur être écrite, en 1960, par un historien bien informé, mais sans la griffe du génie qui garantit la pérennité des classiques. Henri Hauser connaît les règles du récit, il excelle dans une forme du raccourci : un récit syncopé, synthétique. C'est un art que trente ans d'histoire « structurelle », « sérielle », « quantitative », nous a fait perdre. C'est pourquoi on aime aussi, dans ce livre neuf, tout ce qui est concession au traditionnel. Étonnante fresque des guerres de religion, dans toutes leurs complexités européennes et maritimes, étonnante fresque de cette guerre des religions bis que l'on appelle la guerre de Trente Ans. La Prépondérance espagnole n'est-ce pas, plus simplement, dans une chrétienneté qui n'en finit pas de faire mourir le grain qui donnera naissance à l'Europe, le temps centenaire de la grande guerre des religions? Henri Hauser excelle dans le culturel. Son siècle à cheval, que nous dirions baroque, est un siècle au sommet, éclairé par les pensées des grands, par le témoignage constant de la littérature de l'art, et toutes les performances de la pensée abstraite. Voyez les lignes consacrées aux premiers maîtres de la pensée scientifique qui se cherche. Si la synthèse n'est pas celle que nous proposerions aujourd'hui, après Koyré et tout l'élan donné à l'histoire de la philosophie mécaniste qui est la préhistoire de la pensée scientifique, excellentes sont les pages sur Galilée, Bacon, Descartes, Pascal, Spinoza. Il est un aspect, peut-être, où Henri Hauser risque moins encore d'être égalé qui justifierait, à lui seul, la réédition de La Prépondérance. Henri Hauser, dans ce maître livre qui reste son chef-d'œuvre, a le génie proprement historique de ce qui fait la différence. Henri Irénée Marrou 1 , et plus récemment Paul Veyne 2 ont insisté sur le spécifique, vocation de l'historien : « Ni faits, ni géométral, mais des intrigues », titre agressivement Paul Veyne 3 en tête d'un de ses chapitres. On peut juger cette 1. De la connaissance historique, Paris, Le Seuil, 1 " éd., 1954; 4' éd., 1962,317 p. 2. Comment on écrit l'histoire. Essai d'èpistèmologie, Paris, Le Seuil, 1971, 350 p. Et à ce propos, la remarquable critique de Raymond Aron : « Comment l'historien écrit l'épistémologie : à propos du livre de P. Veyne », Annales E.S.C., 1971, n° 6, p. 1319-1359. 3. Comment on écrit l'histoire..., op. cit., p. 45 et suiv. — XXV —

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réduction de la portée du discours historique excessive. Henri Hauser qui avait d'autres ambitions ne l'aurait sans doute pas admise. Cette conception, déjà il la dépasse; et, d'abord, il l'intègre. La différence, le spécifique. Voyez les nations. L'Angleterre, les Pays-Bas, la Scandinavie, la Russie d'Ivan, de Boris Godounov, des troubles, d'Alexis Mikhaïlovitch, mais surtout, l'Angleterre, l'Angleterre et l'Écosse, le Sud de l'Allemagne baroque et la Bohême chère à Ernest Denis 1 . Au 16e siècle, Henri Hauser sait faire naître l'Europe multiple, l'Europe des nations. Une histoire de la différence et du spécifique, une histoire vraiment humaine des hommes, les petits, les humbles, les moyens et aussi les grands; ils sont vus avec sympathie et transparence dans leur humanité. Hauser a contribué plus qu'aucun historien de sa génération, nous l'avons dit, en créant le Comité scientifique international pour l'histoire des prix, à la mutation quantitativiste de l'histoire. Certes. Mais il est resté d'abord un humaniste. Donc rien du « géométral » : mais des hommes et pas seulement des groupes, des forces, des classes, une histoire avec des visages, des destins, pas des énumérations nominatives, mais des êtres appelés par leur nom. Voyez les pages si denses consacrées à ce qu'il appelle simplement, peut-être improprement, les classes sociales2. Dix noms en moyenne par page, des grands et des obscurs, jamais en vain pour faire masse... De Richelieu à Henri Buche, « un pieux cordonnier, Henri Buche ou l'artisan chrétien », qui « découvre et dénonce » en 1635 « les secrets du compagnonnage »3. Entre l'histoire intellectuelle et l'histoire sociale, telle que Henri Hauser la comprend, il n'y a pas rupture. Tout est continuité. Cet archaïsme est gage de durée. Henri Hauser, titulaire de la première chaire d'histoire économique de l'Université française, n'a pas cédé à la facilité d'une histoire axée sur l'économie. Loin de réduire l'histoire à l'économique, Hauser incorpore l'économique à l'histoire. Ce livre, qui répond si largement aux préoccupations de notre temps, n'en est pas moins un livre de son temps. En outre, c'est 1. L'œuvre d'Ernest Denis qu'Henri Hauser connaissait et aimait, à qui il a consacré un long et vivant article : « L'œuvre d'E. Denis », France Nouvelle, Paris, janvier-février 1922, in-8°, 28 p. 2. La Prépondérance, p. 448-457. 3. Ibid., p. 457. — XXVI —

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un livre de commande : un livre qui avance dans une collection qui retarde. « Peuples et Civilisations », le titre est prometteur, mais le sous-titre « Histoire générale » reprend ce que le titre avance. « Peuples et Civilisations » a été conçue à la fin des années 20, a v a n t la grande modification créatrice, donc de l'histoire au t o u r n a n t des années 30. « Peuples et Civilisations », en dépit d ' u n titre qui dit trop, est européo-méditerranéo-centrique. Les normes de la collection imposent un découpage politique, une chronologie étriquée et le primat du récit traditionnel. Henri Hauser n'a pas participé à l'élaboration d'ensemble 1 . Il a accepté la règle, h o n n ê t e m e n t ; il l'a interprétée largement — son libéralisme tourne le dos à t o u t e orthodoxie — non sans quelque impatience. L'archaïsme de l'entreprise éclate au niveau du découpage. Après les premières civilisations, la petitesse de la Grèce et de l'Orient « des guerres médiques à la conquête romaine ». Le comble de l'absurde, voyez le — le t a l é n t de Georges Lefebvre ne comparaît pas à la barre — avec les tomes X I I I et X I V . D a n s une histoire de l ' h u m a n i t é en 20 volumes, en intituler deux La Révolution française et Napoléon, donner le dixième du t e x t e à 25 années d'un petit bout d'Europe, où l'on ne fait grâce de rien, n'est-ce pas condamner des continents, des peuples, les activités de l'esprit à la clandestinité, maintenir contre le f o n d a m e n t a l un absurde ostracisme, contester l'essentiel au nom des privilèges de l'insignifiant? De ces choix absurdes, Henri Hauser n'est pas solidaire. Relisons les dernières lignes de la conclusion : « La naissance de la science expérimentale, c'est peut-être le fait capital de cet intervalle séculaire que de vieilles habitudes nous entraînent encore à délimiter par des traités de paix ou des faits de guerre, à désigner par des prépondérances qui s'éteignent et d'autres qui s'élèvent »z. On ne peut mieux situer les contraintes imposées et les concessions nécessaires. Si Henri Hauser avait pu choisir librement...; mais en dehors même des normes strictes d'une collection qui assurait à la pensée de ses collaborateurs une audience à laquelle un essai isolé ne p e u t prétendre, était-ce possible, était-ce souhaitable? J e rappelle q u ' H e n r i Hauser publie en 1933 un livre conçu quelques années plus t ô t et rédigé 1. La direction de la collection appartenait à Louis Halphen et à Philippe Sagnac. 2. La Prépondérance, p. 535. Nous dirions peut-être aujourd'hui la mathématisation de la connaissance. — XXVII —

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en 1931-1932, il y a quarante ans, la large épaisseur d'une génération, « que de vieilles habitudes nous entraînent encore à délimiter par des traités de paix ou des faits de guerre... ». Henri Hauser a choisi de ne pas rompre avec les habitudes, et du simple point de vue de la logique et du bon sens il a eu raison. Le message qu'il délivre en faveur d'un renouvellement fondamental de la discipline historique n'aurait pu passer sans un minimum de concessions. La nouvelle histoire s'insère normalement en dépassement de l'ancienne. La guerre de Trente Ans, la construction de l'État, mais l'appesantissement aussi des contraintes sociales, la permanence des anciennes structures de la production et plus neuve encore cette place de choix réservée à la naissance d'un nouveau savoir, les premières et lointaines modifications de la relation ontologique fondamentale, tout cela passe, parce que Henri Hauser ne bouscule pas les habitudes de son lecteur audelà d'un seuil où l'innovation non comprise est rejetée. En se pliant au modèle qui lui est imposé, tout en sauvegardant sa liberté, à l'intérieur de règles externes — elles rappellent les trois unités de la tragédie classique —, Henri Hauser a délivré dans La Prépondérance un message susceptible d'être entendu par plusieurs. En acceptant la transition, il a contribué plus que quiconque à mettre en mouvement dans un large public ses conceptions sur l'histoire. Ces contraintes extérieures ne nous gênent pas fondamentalement. D'abord, parce que la politique, la guerre, l ' É t a t sont des réalités que l'on ne peut ignorer sans danger, parce que l'Europe du milieu du 16 e au milieu du 17e est au centre des impulsions qui commandent tout le mouvement. Si nous écrivions aujourd'hui une nouvelle Prépondérance, comme Henri Hauser aurait aimé pouvoir la faire, nous organiserions le plan suivant une autre logique, nous donnerions plus de place aux pensées, un peu plus de place au reste du monde, nous ouvririons quelques chantiers nouveaux 1 , mais nous ne pourrions pas pour autant supprimer l'essentiel de ce qui est consacré à l'État, à la guerre, à l'Europe. En fait, il nous faudrait un peu plus de texte pour tenir compte du plus que doublement, peut-être du triplement, en 40 années, du matériau historique élaboré disponible sur la période. De toute manière, il faut bien voir avec quelle habilité, au confluent des deux grands courants historiographiques inégaux, le courant traditionnel issu de tout le patient labeur du 19 e siècle 1. Voir ci-dessous, p. X X X I - X X X I X . — XXVIII —

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— un 19 e qui se prolonge j u s q u ' a u x alentours de 1930 —- et les courants de rénovation dont il est un des précurseurs, Henri Hauser a su composer. D ' u n e p a r t le courant de l'histoire positiviste, cette chronique améliorée 1 de l ' É t a t qui a perfectionné l'acuité de l'approche critique qui nous vient réinterprétée par l'érudition allemande de nos pères spirituels, les bénédictins de Saint-Maur des grandes compilations et l'humanisme critique de L a u r e n t Valla, les premières démarches, d ' a u t r e part, d'une histoire économique quantificatrice. La Prépondérance est, à bien des égards, une synthèse unique, t o u t e d'équilibre, telle que jamais plus l'historiographie n'en produira. Ce point de référence, il fallait nous le garder. Plus que jamais, il nous est utile. Mais voyons avec quelle habilité Henri Hauser s'est heureusem e n t tiré des difficultés multiples de l'entreprise. La chronologie le gêne : 1559, 1660 sont des dates courtes, inadéquates. Elles interdisent de faire un sort à l'immobile. Contre ce môle, Henri Hauser ne peut rien. T o u t au plus prend-il quelques libertés, hors de l'Europe, avec l'Amérique, l'Afrique, l'Asie s u r t o u t à laquelle il fait plus large place que tous ses contemporains. Les contraintes externes de la collection exigent, et cela est encore plus grave, un strict découpage chronologique à l'intérieur des ouvrages. Henri Hauser tourne a u t a n t qu'il le peut la difficulté : les q u a t r e parties en m a s q u e n t deux : 1559-1576; 15761603; 1603-1660 et l'évolution matérielle et spirituelle des sociétés européennes du d é b u t du 17 e siècle à 1660. En un mot, Henri Hauser s'est gardé un q u a r t de l'ouvrage pour une entreprise d'histoire totalement nouvelle en son temps. 1576, en outre, est une fausse fenêtre. Deux grands plans chronologiques, le 16 e finissant et le premier 17 e . Le t o u r n a n t est bien placé, là où l'histoire q u a n t i t a t i v e le situe aujourd'hui, au d é b u t du siècle. E n fait ce livre comprend deux parties. Le second 16 e siècle, le premier champ d'expérience et de recherche de l'auteur, est t r a i t é avec une é t o n n a n t e virtuosité, d'une manière plus conventionnelle. Dans la première moitié du 17 e siècle, romp a n t avec la chronologie, dans un plan mi-chronologique mithématique, Henri Hauser tire plus hardiment ses traites sur l'avenir. Dernière contrainte, une histoire sans la carte, sans graphisme, 1. Pierre Chaunu, « L'histoire géographique », Revue de l'Enseignement 1969, n» 44-45, p. 66-67. — XXIX —

Supérieur,

Pierre Chauna sans le secours de l'image, v œ u de p a u v r e t é de l'édition, la qualité littéraire du t e x t e en fait oublier la rigueur. P o u r l'intégration de l'histoire traditionnelle t o t a l e m e n t renouvelée, La Prépondérance r é p o n d au-delà de t o u t espoir, a u j o u r d ' h u i encore, p l e i n e m e n t à n o t r e a t t e n t e . P o u r les prix, la c o n j o n c t u r e économique, m ê m e d a n s une large mesure, et les climats sociaux, nous sommes plus riches q u e ne l ' é t a i t H e n r i H a u s e r . N o u s pourrions ê t r e plus explicites, mais a u c u n e de ses h y p o t h è s e s n ' e s t à ce j o u r démentie. Elles sont seulement plus solides. H e n r i H a u s e r a anticipé en gros t o u t ce qui s'est fait j u s q u ' a u x a l e n t o u r s de 1960, t o u t ce qui p r e n a i t naissance sur l'horizon des années 30. Sur trois points, principalement, l'histoire a u j o u r d ' h u i se place en d é p a s s e m e n t . Rappelons-les r a p i d e m e n t . E n un m o t , la révolution scientifique, la démographie, ce que l'on p e u t appeler p e u t - ê t r e les systèmes de civilisation. L a révolution scientifique, la s u b s t i t u t i o n de la philosophie mécaniste a u x anciennes s t r u c t u r e s aristotélo-scolastiques de pensée. H e n r i H a u s e r a v a i t été l o n g t e m p s t r o p e x c l u s i v e m e n t attentif à la m o d e r n i t é du 16 e siècle — il en a v a i t suivi a v e c intelligence et acuité les prémices; voyez sa tendresse p o u r le g r a n d R a m u s , m a t h é m a t i c i e n , logicien, a n c ê t r e lointain des hardiesses du 17 e siècle, victime de la S a i n t - B a r t h é l e m y — p o u r pouvoir être sensible encore à la masse critique de t r a n s f o r m a t i o n et à la m u t a t i o n explosive des années 1620-1650. Il lui m a n q u e s u r t o u t la réflexion collective d ' u n e b r a n c h e nouvelle de l'histoire 1 , l'histoire des sciences et des techniques 2 : une œ u v r e 1. Tome II de Histoire générale des sciencesf rassemblé par René Taton, l r e éd., Paris, P.U.F., 1958, 800 p.; le tome II de Histoire générale des techniques, dirigé par Maurice Daumas, Paris, P.U.F., 1965, XIX-750 p., précédé par la grande History of Technology, Cambridge, Cambridge University Press, 1955. La grande thèse de Maurice Daumas, Les Instruments scientifiques aux XVIIe et x v m e , est parue en 1953 (P.U.F., 417 p., 63 planches). Depuis 1947 la publication annuelle des Actes du congrès d'histoire des sciences, collection des travaux de l'Académie internationale d'histoire des sciences, à Paris, chez Hermann, permet de suivre le chemin parcouru. A quoi il convient d'ajouter bon nombre de colloques isolés : Léonard de Vinci et l'expérience scientifique du x v i e siècle, Paris, P.U.F., 1953, 250 p. Ajouter Pierre Gassendi, sa vie et son œuvre, Paris, A. Michel, 1955, 207 p.; La science du x v i e siècle. Colloque de Royaumont, Paris, Hermann, 1957. Beaucoup d'études, qui semblent essentiellement centrées sur le 18 e siècle, sont intéressantes par le point qu'elles font longuement de la situation au milieu du 17 e : Enseignement et diffusion des sciences au x v m e siècle, sous la direction de René Taton, Paris, Hermann, 1964; Jacques Roger, Les Sciences de la oie dans la pensée française du x v m e siècle, Paris, A. Colin, 1963, 842 p. 2. Henri Hauser disposait de F. Bouillier, d'Ëmile Boutroux pour l'essentiel, encore de Bréhier et de Brunschvicg, de Maurice Caullery, H. Metzger, P. Mouy, entendez une histoire des sciences par le biais essentiellement philosophique. — XXX —

Introduction géniale, celle d'Alexandre Koyré 1 , qui s'est pour l'essentiel d é v e l o p p é après la rédaction du livre. Quelques p o i n t s apparaissent plus clairement aujourd'hui qu'hier. L e tournant, car il y a bien tournant 2 et non continuité, se situe au d é b u t du 17 e siècle, au niveau de l'astronomie, de la p h y s i q u e , donc de l'inertie, de l'intuition s i m u l t a n é e de Galilée et de D e s c a r t e s . « La nature écrite en langage m a t h é m a t i q u e » du Saggiatore (1623) et à peu de chose près du Discours publié plus tard, m a i s pensé au d é b u t des années v i n g t : une intuition q u e rien ne f o n d e encore. Au m o m e n t où elle jaillit, rien, sauf les lois de Képler (1609), ne peut lui donner corps. Elle jaillit, K o y r é l'a vu, d'une raison d'ordre esthétique, d'une e x i g e n c e t h é o l o g i q u e d'absolue simplicité. N o u s l'avons placée en corrélation 3 a v e c le p o i n t h a u t des e a u x religieuses, au s o m m e t du t e m p s de la double réforme de l'Église. Elle découle t o u t a u t a n t d'une m u t a t i o n f o n d a m e n t a l e de l'outil m a t h é m a t i q u e . D a n s c e t t e 1. Les premiers livres de Koyré, L'Idée de Dieu (1923), La Philosophie de Jacob Bœhme (1929), les articles rassemblés plus tard dans u n Cahier des Annales, Mystiques, spirituels, alchimistes. Schujenckfeld, Seb. Franck, Weigel, Paracelse, Paris, A. Coiin, 1957, XI-117 p., sont encore œuvres de philosophe. Le virage de Koyré se place au moment où Henri Hauser écrit son livre, trop tôt pour qu'il puisse l'assimiler, la première édition d u Copernic, De reoolulionibus orbium cœlestium, est en effet de 1933. L'édition du Spinoza, De intelleclus emendatione se place, chez Vrin, en 1936. 11 faut a t t e n d r e 1939 pour que se développe la magnifique édition des études galiléennes : Études gatiléennes, t. I : A l'aube de la science classique; t. II : Les lois galiléennes de la chute des corps. Descartes et Galilée; t. I I I : Galilée et la loi d'inertie, Paris, H e r m a n n , 1939, 335 p.; Entretiens sur Descaries, New York, Brentano, 1945; De Motu gravium naturaliter condentium in hypothesi terne motte, Philadelphie, American Philosophical Society, 1935; Éludes d'histoire de la pensée philosophique, Paris, A. Colin, 1961, 329 p. Mais on placera bien sûr au h a u t premier rang deux grands livres qui ont radicalement modifié notre compréhension du premier 17 e siècle : La Révolution astronomique. Copernic, Kepler, Borelli, Paris, H e r m a n n , 1961, 528 p. et l'incomparable bijou, From the Closed World to the Infinité Universe, Baltimore, J o h n Hopkins llniversity Press, 1957, t r a d . française : Du monde clos à l'univers infini, Paris, P.U.F., 1962, 279 p. A ces études, il convient d ' a j o u t e r les excellents t r a v a u x de Robert Lenoble : Depuis Mersenne ou à la naissance du mécanisme, Paris, Vrin, 1943; 2 e éd., 1971, L X I I I - 6 3 3 p.; un article paru dans la revue Le 17e Siècle, janvier 1956, n° 30 : introduction du numéro spécial et « La représentation du monde physique à l'époque classique ». Voir encore son Histoire de l'idée de nature (ouvrage posthumfc), Paris, A. Michel, 1969, 446 p. Voir aussi Serge Moscovici, Essai sur l'histoire humaine de la nature, Paris, Flammarion, 1968, 604 p. Ne pas oublier la longue suite féconde de Georges Gusdorf, Les Sciences humaines et la pensée occidentale, Paris, Payot, 1966-1972, 6 vol., en cours principalement les tomes I I I et IV : La Révolution galiléenne, 1969, 404 et 488 p. Elle donne n o t a m m e n t toute la dimension sociale de la formatiop et de la diffusion du nouveau savoir. 2. Pierre Chaunu, « Réflexions sur les années 1630-1650 », Cahiers d'Histoire, Lyon, 1967, XII-3, p. 249-268. 3. Pierre Chaunu, La Civilisation de l'Europe classique, Paris, A r t h a u d , 1966; 2 e éd., 1970, 708 p. et 264 planches hors-texte. A compléter par La Civilisation de l'Europe des Lumières, Paris, Arthaud, 1971, 670 p. et 238 planches. — XXXI —

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perspective, le fait majeur du début du 17e siècle est la naissance de l'analyse après la mort de Viète (1603), qui normalisa l'algèbre, grâce à Descartes, grâce à Fermât, grâce à une techno-structure de bourgeois minutieux, façonnés par atavisme aux rigueurs de la comptabilité à partie double que l'office, donc l'État, et la rente qui se porte mieux que le profit quand l'économie commence à refluer, libère pour un fécond loisir. L'analyse jaillit alors d'une masse critique de transformation des cheminements mathématiques, la forme la plus pure, la moins contingente de la pensée, de la rencontre de l'opérationnelle algèbre et de l'esthéticienne géométrie. L'intuition de la nature écrite en langage mathématique découle d'une nécessité religieuse d'ordre et de l'enthousiasme compréhensible quant aux possibilités de ce bel instrument tout neuf, singulièrement plus efficace que le vieil outil usé de la désuète logique syllogicienne. Cela est aujourd'hui bien établi. On peut s'avancer à pas plus fermes conduit par de bons guides. Les corrélations apparaissent enfin, des aller-retours interstructurels s'imposent, dont il faut savoir user avec prudence. Ce qui est surprenant, ce n'est pas qu'Henri Hauser ait laissé cet aspect en partie dans l'ombre, mais bien plutôt qu'avec si peu d'éléments il soit passé si près de l'essentiel. Il a vu Galilée, il a peut-être surestimé Pascal et l'expérience du Puy-de-Dôme, il n'a pas suffisamment insisté sur les mathématiques, il a laissé la fin du monde clos, le passage de l'univers coextensif d'Aristote à l'univers in(dé)fini de l'espace tridimensionnel1, Sensorium Dei, donnée première de la création, mais il a compris que ce qui compte pour l'avenir en ce temps c'est bien ce qu'il appelle sans doute improprement « la naissance de la science expérimentale », disons mieux la naissance de la mathématisation universelle et irréversible de la connaissance. Le second point sur lequel on peut ajouter à Henri Hanser est la dimension démographique. La démographie, avec toutes ses exigences de rigueur, est née à la fin des années trente; elle se prolonge en démographie historique entre 1945 et 1950. En corrélation évidente avec des préoccupations du présent. Cependant le silence d'Henri Hauser surprend. Une histoire de la population existe déjà quand paraît La Prépondérance. Cette science était allemande. Tout comme la nouvelle démographie historique est française, d'abord, et anglaise. Henri Hauser, remarquablement informé de la littérature de langue allemande, 1. A. Koyré, Du monde clos à l'univers

infini, op. cil.

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ne s'est pas intéressé à cette dimension de l'histoire. Même sa description des pertes dans l'Empire du fait de la guerre de Trente Ans est superficielle et rapide. Cet inintérêt affaiblit le contraste 16 e -17 e siècles. Le grand mouvement de bascule qui se produit avec le temps des troubles en Russie, avec la première grande peste en Espagne de 1599 à 1603, est estompé. Brisure italienne encore à la hauteur des années 1620-1630, de l'Allemagne à partir de 1630. Croissance delà Hollande, essoufflement de la France et de l'Angleterre. Le passage de la prépondérance espagnole à la prépondérance française, c'est évidemment d'abord un phénomène démographique. L'Europe médiane — 1 200 000 km 2 , au chaud coude à coude des 35-40 habitants au kilomètre carré 1 , l'Europe de la lourde charrue, des clochers qui se pressent denses à l'horizon, des terroirs intégralement défrichés, de la massive maison de pierre empruntée aux modèles méditerranéens 2 — est d'abord au début du 17 e siècle une Europe abritée. Là, de courtes oscillations se sont substituées aux énormes amplitudes multiséculaires qui continuent de prévaloir dans l'Europe méditerranéenne, dans l'Europe de l'Est, comme à fortiori en Chine — elle passe de 110 à 60 millions3 environ du début à la fin du 17 e siècle —, dans toute l'Asie du Sud-Est, en Amérique et sans doute également en Afrique. L'inintérêt d'Henri Hauser à l'égard de l'histoire de la population même balbutiante des historiens de langue allemande n'est pas dans sa manière. Il semble qu'il ait considéré un peu le niveau de population comme une donnée sur laquelle il n'y a pas plus à s'appesantir que sur le climat ou le relief. A vrai dire, de 1550 à 1650, sauf tout à la fin, dans le cadre européen, les droites représentatives des mouvements sont parallèles, les rapports en gros sont inchangés. Henri Hauser aura subi, comme tous les auteurs de la collection « Peuples et Civilisations », la contrainte du temps court 4 . E t plus encore la contrainte 1. Pierre Chaunu, La Civilisation de l'Europe des Lumières, op. cit. 2. J . - P . Bardet, P . Chaunu, G. Désert, P. Gouhier, H. Neveux, Le Bâtiment, Enquête d'histoire économique x i v e - x i x e siècle, t. I : Maisons rurales et urbaines dans la France traditionnelle, Paris-La Haye, Mouton, 1971, 550 p. 3. Ping ti Ho, Studies on the Population of China, 1368-1963, Cambridge (Mass.), Cambridge University Press, 1959, X I X - 3 4 1 - X X X I I p. 4. C'est au niveau du découpage du discours historique, de la Periodisierung au sens large, que l'on perçoit bien la diflérence des conceptions. Prenons deux collections récentes dont les ambitions sont à peu près comparables à • Peuples et Civilisations • : • History of Civilisation », sous la direction de Sir Ronald Syme, Weidenfeld and Nicolson et « Les Grandes Civilisations » que dirigent R . Bloch et S. Contou chez Arthaud. Les deux collections sont conçues comme une série d'essais qui s'appuient sur des temps forts ou des thèmes privilégiés et qui per— XXXIII —

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d'un temps scrupuleusement découpé, sans recouvrement possible. Faut-il rappeler encore la déploration finale des vieilles habitudes qui « nous entraînent encore à délimiter par des traités de paix ou des faits de guerre »? Henri Hauser ne s'est pas cru autorisé à empiéter sur le domaine de ses collègues. On peut difficilement imaginer, en effet, que lui qui fut si sensible au drame français, qui s'engagea sans compter dans un combat pour une France généreuse, n'ait pas été sensible à la lente agonie à laquelle le malthusianisme enraciné de la fin du 19e et du premier 20 e siècle condamnait la France jusqu'au fragile et temporaire redressement qui ne se manifestera pas avant 1942, 4 à 5 ans en moyenne plus tard que dans les autres pays d'Europe. Il est vrai aussi que la dénatalité, la dépopulation, thèmes nationalistes, ont été longtemps perçus dans les milieux sociaux de la France conservatrice et traditionnelle, et, de ce fait, rejetés, à gauche, comme une évidence gênante. L'absence est plus facile à percevoir qu'à expliquer. Un dernier argument peut et doit être évoqué. L'histoire de la population telle qu'elle est balbutiée encore vers 1930 n'a rien à voir avec la démographie historique qui est née, en France, au lendemain de la grande épreuve de 1939-1945 et qui s'appuie sur un fécond corps à corps avec le document paroissial. Si Henri Hauser avait connu cette forme d'histoire si riche, si humaine, si débordante et dévorante, il l'aurait nécessairement aimée. La démographie hisorique, peut-on encore noter 1 , il est vrai, ne s'est pas constituée sur la tranche chronologique du milieu du 16e siècle au milieu du 17 e . Les études les plus fines partent de 1680. Elles couvrent la seconde moitié du 17e, au mieux, et un long 18e siècle, jusqu'au début du 19e. Les séries continues de registres paroissiaux ne commencent guère qu'au milieu du 17e. Les séries massives et à peu près continues de données mettent, de ce fait, de larges superpositions chronologiques. Deux livres de ces collections appellent plus particulièrement la comparaison avec La Prépondérance, dont ils recouvrent sensiblement la période : The Iron Century, sous-titre Social change in Europe, 1550-1660, Londres, 1971, XIV-464 p. et planches et graphiques de Henry Kamen, et La Civilisation de la Renaissance, Paris, 1967, 718 p. et planches et graphiques de Jean Delumeau. 1. La bibliographie est énorme depuis les classiques Michel Fleury, Louis Henry, Pierre Goubert. Je me permets de renvoyer pour l'essentiel à la bibliographie que j'ai établie dans La Civilisation de l'Europe classique, op. cit., 2 e éd., p. 667-670, à compléter par La Civilisation de l'Europe des Lumières, op. cit., p. 631-635. A Population, aux Annales de Démographie Historique (les travaux de l'école française), joindre autour de Eversley, Hollingsworth, Hajnal, Laslett, Schoflleld et Wrigley, Population Studies et les travaux de l'école anglaise, du groupe de Cambridge, principalement. — XXXIV —

Introduction

momentanées ne commencent guère a v a n t le début du 18 e siècle. C'est à partir des certitudes récemment acquises pour la tranche chronologique 1680-1800 que les historiens démographes extrapolent depuis peu la démographie du long 16 e siècle. Grâce aux séries de baptêmes sans sépultures (il en existe massivement en Bretagne, en Espagne, en Italie), grâce aux- enquêtes et dénombrements (comme ceux d o n t l'exploitation est en cours pour l'Espagne), grâce à quelques séries exceptionnellement longues et continues : l'Angleterre à Colyton (Devon). On connaît depuis 1969 les étonnantes leçons de ce gros bourg de l'heureuse Angleterre 1 :

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L'espérance* de vie, de 1538 à 1624, 43 ans, est proprement fabuleuse. Elle doit être rapprochée d'un âge élevé au mariage. Une intuition de Henri Hauser se trouve pleinement confirmée : l'avance de l'Angleterre. Elle a fait, nous le savons grâce à Hajnal 2 , très tôt, dans la seconde moitié du 14 e siècle, la grande révolution qui commande en profondeur le système de civilisation de la basse chrétienté latine, de l'Europe baroque, classique, de l'Europe des lumières et de l'Europe industrielle solidaires : la révolution simultanée du monde plein, entièrement défriché des 30-40 h a b i t a n t s au kilomètre carré, du retard de l'âge au mariage des femmes, qui cesse comme dans tous les autres systèmes de 1. E. A. Wrigley, Société et population, Paris, Hachette, 1969, p. 37. 2. J. Hajnal, « European marriage patterns in perspective in Population in History, D. V. Glass and D.E.C. Eversley, eds., Londres, Ed. Arnold, 1965, p. 101-143. — XXXV —

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civilisation d'être pubertaire, de la substitution d'un nucleus familial plus majoritaire que jamais, matrimonial, aux fortes minorités de familles lignagères polynucléaires du passé et des autres systèmes de civilisation. Ce coup de frein et ce nouvel équilibre est porteur, nous le savons1, de tous les progrès particularisants de nos systèmes de civilisation : égalité relative des sexes, investissement sur l'éducation par substitution du père à l'aïeul dans la transmission de l'acquis, élévation, mutation des niveaux d'alphabétisation, donc gain substantiel de l'écrit par rapport à la transmission par voir-faire et ouï-dire, aux anciens modes de communication et de transmission. L'avance de l'Angleterre est aussi ancienne qu'imperceptible. Comme François Crouzet l'a bien montré, c'est très loin dans le passé2 qu'il faut chercher les racines de l'avance britannique qui s'impose dans tous les domaines, de 1750 à 1850. Au 16 e , et plus loin encore, au 14 e siècle. La démographie historique nous amène insensiblement à mieux individualiser les grandes articulations géographiques, Europe méditerranéenne, axe médian de toutes les réussites, Europe frontière de l'Est et du Nord, qui s'imposent à l'esprit. Cette opposition, elle se lit aussi dans la relation fondamentale de l'homme à lui-même, dans la succession des générations. En dépit des nuances, qui ne sont en l'occurrence qu'apparences, les plus grandes victoires particularisantes sur la mort — elles aboutissent à une évolution en trends séculaires horizontaux ou faiblement croissant et à l'intérieur de ces deux temps ultimes, à des oscillations, dans le court terme de faible amplitude, dès que l'on passe du petit pays à des ensembles régionaux d'une certaine ampleur — ont été remportées, très tôt, dans l'Europe médiane, France, Angleterre, Nord de l'Italie, « Lotharingie », Pays-Bas, Rhénanie, au 16 e siècle. Ce siècle annonce sur plus d'un point le 18 e . Un seuil a été franchi. A cette Europe des courtes oscillations démographiques, à l'abri des grandes régressions séculaires, s'oppose une Europe « frontière » de l'Est qui, elle, aura conservé jusqu'au début du 18 e et, dans une certaine mesure, jusqu'au début du 20 e siècle, de très anciennes structures. Pas de révolution de l'âge au mariage à l'Est avant le début du 20 e siècle. Grandes oscilla1. P. Chaunu, La Cioilisation de l'Europe des Lumières, op. cit., chap. : < La dimension de l'homme ». 2. F . Crouzet, « Angleterre et France au 18 e siècle. Essai d'analyse comparée », Annales E.S.C., n» 2, 1966, p. 254-291. — XXXVI —

Introduction

tions séculaires. La Russie du temps des troubles se replie sur la grande famine qui coupe les réseaux de peuplement de l'Ukraine à la Baltique. La Russie d'Ivan le Terrible entame un processus de désenclavement à l'Est, à l'Ouest et au Nord par la colonisation du Pomorje. Tout se replie au début du 17 e siècle : le Pomorje est abandonné, la forêt reconstitue un manteau continu imperméable entre les marais du Pripet et la région de Smolensk. La Russie d'Alexis Mikhaïlovitch est une Russie repliée. L'évolution de la population russe du 15e au 18 e se fait sur un modèle plus proche du modèle chinois que du modèle déjà très évolué de la France, de l'Angleterre et de l'Europe alpestre et rhénane. Pour comprendre l'effondrement consécutif au temps des troubles, pour comprendre dans toute sa complexité le maintien d'un système archaïque à l'Est, il faut tenir compte d'une grande dimension nouvelle de la recherche historique des années 60-70, l'histoire du climat. Emmanuel Le Roy Ladurie, dans un livre d'une grande originalité 1 , a fait le point de 15 années de fructueuses recherches en Amérique et en Europe. La fluctuation climatique ne nous apporte rien quant à l'Europe occidentale. La petite époque glaciaire des historiens anglais — elle commence vers 1570-1580 — est un élément clef par contre d'explication du repli de la colonisation russe dans le Pomorje, sur les rivages de la mer Blanche à la fin du 16e et au début du 17 e siècle. La fluctuation climatique aura contribué à ce grand repli qui ne prend fin que sur le premier tournant chronologique de l'Europe des Lumières. Voltaire a dit la surprise à l'Ouest à l'annonce du traité de Nertchinsk (1689) : on prenait d'un seul coup conscience de la prodigieuse dilatation territoriale de l'Asie russe et de la fin d'un isolement 2 . L'histoire démographique permet donc de mieux cerner les articulations profondes de l'espace européen. Elle vaut, en fait, de plus en plus, par ce qu'elle apporte par surcroît. Faut-il parler de retombées? Un énorme chapitre s'est ouvert, celui 1. Histoire du climat depuis l'an mil, Paris, Flammarion, 1967 et P. Chaunu, La Revue Historique, CCXXVIII-2, 1967, p. 365-376. 2. Voltaire, La Russie sous Pierre le Grand, in Œuvres historiques, éd. La Pléiade, chap. 1, p. 354 : « L'empire de la Russie est le plus vaste de notre hémisphère.., Nous connaissions si peu les limites de ce vaste pays dans le siècle passé que, lorsqu'en 1689 nous apprîmes que les Chinois et les Russes étaient en guerre, et que l'empereur Cam-Hi d'un côté et de l'autre les Tzars Ivan et Pierre, envoyaient pour terminer leurs différends une ambassade à trois cent lieues de Pékin, sur les limites des deux empires, nous traitâmes d'abord cet événement de fable. » — XXXVII —

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de la diffusion des différents niveaux de culfure. Aucune des directions nouvelles de la recherche historique ne s'inscrit mieux dans le prolongement des orientations q u ' H e n r i Hauser avait esquissées. Ici, nous retrouvons à nouveau les Anglais et c'est Lout Pasl and Présent1 qu'il faudrait citer. Voyez les recherches sur le livre, sur l'image, sur l'alphabétisation. T o u t ce q u ' l l e n t i Hauser avait entrevu sur niveaux de culture et réforme a été creusé. Lin commencement de quantification est entrepris. Rien de plus éclairant que les magnifiques études de Lawrence Stone 2 . Elles nous m o n t r e n t une Angleterre qui se précipite très tôt à l'école. L'ouverture de l'échelon universitaire, massivement, dès la lin du 16 e , aux sommets de l'artisanat et de la paysannerie, le franchissement a u t o u r de 1 600, presque simultanément en Angleterre, en France et en Ecosse, des 20 % de signatures masculines constituent des événements d'immense portée. Le Palatinat de Bernard Vogler 3 confirme une structure : l'avance culturelle, faut-il dire le démarrage culturel précoce de l'Europe réformée? Max Weber voit chaque jour ses intuitions confirmées par les démarches de l'histoire q u a n t i t a t i v e ; il vaudrait mieux dire sérielle. Ne pas insister trop lourdement sur le décret de 1546 du concile de Trente contre les Bibles en vulgaire. lin fait, l'Europe catholique a emboîté le pas, en France du moins, à l'Europe protestante dans la voie de l'acculturation alphabétisante 4 . 11 ne f a u d r a i t pas négliger non plus les possibilités offertes par la transmission t r a ditionnelle de l'acquis, en dehors du cercle livre-alphabétisation. Les recours offerts par l'histoire q u a n t i t a t i v e du livre sont vastes. Voyez I Ienri-J. Martin 5 , A. G. Dickens 6 , Elizabeth Eisenstein 7 , etc. 1. Oxford, Corpus Christi College, d e p u i s 1932. 2. R e t e n o n s e n t r e a u t r e s « T h e e d u c a t i o n a l r é v o l u t i o n in K n g l a n d , 1560-16-10 », l'ast and Présent, n° 2 8 , juillet 1961, p. 4 1 - 8 0 ; « L i t e r a c v a n d é d u c a t i o n in K n g l a n d , 1 6 1 0 - 1 9 0 0 », ibid., n° 42, février 1969, p. 6 9 - 1 3 9 . 3. La Vie religieuse en pays rhénan dans la seconde moitié du 16e siècle, 155616lit, thèse, P a r i s - S o r b o n n c , 1972. T r è s i n t é r e s s a n t s les liens e n t r e le corps d e s pasteurs et une middle class d e p u i s peu a l p h a b é t i s é e . 4. J e a n - C l a u d e D h ô t e l , Les Origines du catéchisme moderne, Paris, A u b i e r , 1967. 5. L. F e b v r e et I I , - J . Martin, « L ' a p p a r i t i o n d u livre », Évolution et Humanité, Paris, n° 59, 1 9 5 8 ; H . - J . Martin, Livres, pouvoirs et sociétés à Paris au x v n e siècle (1598-1701), G e n è v e , D r o z , 1969, 2 v o l . , 1098 p. 6. A. G. D i c k e n s , Reformation and Society i/i Si.i-teeidh Century Europe, New Y o r k , 1 9 6 4 ; J e a n S i m o n , Education and Society in Tudor England, Cambridge U n i v e r s i t y Press, 1 9 6 7 , X 1 - 1 5 2 p. 7. « L ' a v è n e m e n t d e l'imprimerie et la R é f o r m e », Annales E.S.C., n° 6, 1 9 7 1 , p. 1 3 5 5 - 1 3 8 2 . V o y e z , en o u t r e , Pierre C h a u n u , » N i v e a u x d e c u l t u r e s et R é f o r m e », B.S.H.P.F., 1972, n° 2, p. 3 0 1 - 3 2 6 . — XXXVIII



Introduction

et t a n t de voies nouvelles. La question n'est pas tranchée. La Réforme protestante a accéléré le processus de l'alphabétisation. Mais n'a-t-elle pas touché, d'abord, une Europe déjà un peu plus alphabétisée, une E u r o p e qui avait franchi le premier seuil, celui des 10 % de signatures, un deuxième seuil sera a t t e i n t au "cours du 18 e dans l'Europe calviniste, le seuil vraiment révolutionnaire des 50 %. La principale conséquence novatrice de la démographie historique aura été de faire m u t e r l'histoire sérielle en direction d'une approche intégrante des systèmes de civilisation. Au 16 e siècle, d'Ouest en Est, les nouvelles structures achèvent de se mettre en place progressivement : famille matrimoniale au lieu et place du lignage, qui reflue lentement de bas en h a u t de l'échelle sociale. Les hommes sont saisis dans un système de sociabilité qui comprend, essentiellement, le nncleiis familial, la c o m m u n a u t é d'habitants, l ' É t a t . L ' É t a t de finance, en France, mute de 1620 à 1650. L ' i m p ô t royal déflaté ne bouge pas de 1470 environ à 1620-1625. Le poids de l'impôt double, toutes corrections faites, de 1620 à 1650 sous le double ministériat de Richelieu et Mazarin. L ' E t a t de finance installé sur un long palier ne progresse plus a v a n t le 19 e . L'histoire démographique a conduit la recherche historique vers une quantification progressive des systèmes de civilisation. Nous en sommes, aujourd'hui, aux approches sérielles des attitudes d e v a n t la vie, l'enfant 1 , le couple 2 , la mort 3 , aux remontées de l'infra-religieux 4 , dont Henri Hauser, comme Lucien Febvre 5 , avait saisi l'importance. Toutes ces tentatives hardies de dépassement ont pour l'essentiel pris naissance dans la seconde moitié du 17 e et au 18 e siècle, sur le terrain privilégié du protostatitisque. Les historiens cherchent a u j o u r d ' h u i à annexer aux grandes remontées sérielles la première moitié du 17 e et la fin du 16 e . 1. Philippe Ariès pour la France : Histoire des populations françaisesf Paris, 1 " éd., Spes, 1948; 2 ' éd., Ed. du Seuil, 1971, 111-8°, 412 p.; L'Enfant et la vie familiale à l'âge classique, Paris, Pion, 1960, 500 p.; Ivy Pinchbeck, Margaret Hewit, Children in English Society, Londres, 1969, XII, 346 p. 2. Les magnifiques recherches en cours de Jean-Marie Gouesse. 3. Voyez les articles de Ph. Ariès, Les thèses de Michel Vovelle, Les Attitudes deoant la mort en Provence, Paris, Pion, 1973. Enfin François Lebrun, Les }Iommes et la mort en Anjou aux x v n ° et \v111'' siècles. Essai de démographie et de psychologie historiques. Paris-La Haye, Mouton, 1971, 562 p. 4. Robert Mandrou, Magistrats et sorciers en France au x v n e siècle, Paris, Pion, 1968, 582 p.; P. Chaunu, « Sur la fin des sorciers », Annales E.S.C., X X I X - 4 , 1969, p. 885-911; Les études de Julio Caro Baroja qui commencent à être connues en France avec la traduction des Sorcières et leur monde, Paris, Gallimard, 1972, in-8°, 304 p., coll. « Bibliothèque des Histoires i, sous la direction de Pierre Nora. 5. Au cœur religieux du 16' siècle, Paris, S.E.V.P.E.N., 1957, 358 p. — XXXIX —

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Pour y parvenir, il arrive que l'on renonce au document écrit 1 . L'étude quantitative des systèmes de civilisation n'a pas encore résolument franchi la barre difficile du 17e siècle. Le constater, c'est vérifier une fois encore l'extraordinaire avance de La Prépondérance sur son temps. Non, La Prépondérance espagnole n'est pas dépassée. Elle reste, pour cette période, sur YIron âge d'un Barokzeit qui n'en finit pas de se faire et de se défaire, la meilleure synthèse existante. En 1973, comme en 1933, la recherche historique peut encore rebondir sur les hypothèses du plus moderne des seiziémistes de son temps, Henri Hauser, toujours présent, toujours vivant. PIERRE

CHAUNU

Professeur à l'Université de Paris-Sorbonne Directeur du Centre de Recherche d'Histoire Quantitative de l'Université de Caen.

1. V.-L. Tapié, J e a n - P a u l Le Flem et Annick Pardailhé-Galabrun, Retables baroques de Bretagne et spiritualité au x v n e siècle. Étude sémiographique et religieuse, Paris, P . U . F . , 1972, t. I, 318 p. et 40 planches; Gaby et Michel Vovelle, Vision de la mort et de l'au-delà en Provence d'après les autels des âmes du Purgatoire, Paris, A. Colin, 1970, 100 p. — XL —

LA PRÉPONDÉRANCE ESPAGNOLE 1559-1660

INTRODUCTION

Du point de vue européen, les dates 1559-1660 sont hautement significatives. ¡Par la paix du Cateau-Cambrésis s'établit la prépondérance, espagnole, que l'annexion du Portugal, dix ans plus tard, étendra sur une plus large part du globe. L'ouverture, dans la dynastie des Valois, d'une série de crises de succession seinbb mettre hors de cause la seule puissance qui aurait pu tenir tête au maître de l'Escorial. Cette victoire du Roi Catholique coïncide avec un triomphe, durable en apparence, de la religion traditionnelle. Contre les diverses Églises réformées s'organise, pour la défense et pour l'attaque, la Réformation catholique. Le concile de Trente, suspendu depuis sept ans, va reprendre et s'achever, rendant plus dominatrice que jamais l'autorité de la Curie. Mais déjà sont à l'œuvre les forces de dissociation. En France, la crise politique détermine une série de guerres civiles, sorte de reprise des luttes d'autrefois entre familles féodales ; mais ces guerres civiles sont en même temps, en un siècle où tout prend facilement une couleur religieuse, des guerres de religion, guerre des huguenots contre les papistes. Si l'Allemagne, depuis l'Intérim, est relativement tranquille entre catholiques et luthériens, la France va devenir le champ de bataille entre l'Église romaine et la forme la plus agressive du protestantisme. Pourtant ce calvinisme français, dont la capitale morale et européenne est à Genève, n'est pas seul en cause. Les mesures de centralisation en même temps, que les tentatives d'unification religieuse de l'Espagne dans les Pays-Bas se heurtent à des populations altérées d'indépendance politique, de liberté économique, de radicalisme protestant. Or l'Espagne est sortie ruinée de sa victoire même. Une fissure irrémédiable va se produire dans l'édifice grandiose de la monarchie devenue ibérique, et le premier effet de l'annexion du Portugal sera de livrer aux Gueux des Provinces-Unies une proie plus superbe.

Introduction

Au nord, le calvinisme le plus farouche s'est installé en Écosse. En Angleterre, ce qui n'était qu'un schisme évolue vers l'hérésie. Élisabeth, en 1559, hésitait encore ; elle sera presque forcée à devenir, en face du Roi Catholique, la grande reine protestante, entraînée par ses sujets, qui veulent enlever à l'Espagne et partager avec les Néerlandais l'exploitation des terres neuves. Si bien que les guerres de religion de France et des Pays-Bas seront en réalité des épisodes dans ce grand drame, le duel de l'Angleterre et de l'Espagne pour la maîtrise de la mer. Les dernières péripéties ne s'en joueront que vers les années terminales du siècle seizième. Vervins, c'est presque la revanche du Cateau-Cambrésis. Henri IV, qui a rétabli la paix religieuse dans son royaume et reconstruit un pays en ruines, apparaîtra, grâce à la mort de Philippe II et, un peu plus tard, d'Élisabeth, comme une sorte de dictateur de l'Europe. Pour une fois, les dates séculaires (entre 1598 et 1603) marquent un temps dans l'évolution historique, au moins dans celle de l'Europe et des terres ouvertes à l'influence européenne. La mort de Henri IV (1610) ne fera que retarder la reprise d'une hostilité, qui va devenir traditionnelle, entre les maisons de France et d'Autriche. Les excès de la Contre-Réformation en Allemagne, les tentatives des Habsbourg contre les princes de l'Empire et aussi contre cèrtains sentiments nationaux, déclencheront une crise nouvelle : l'Allemagne, après la France, connaîtra ces guerres civiles qui sont des guerres religieuses, et où le pays qui en est déchiré sert d'arène à toutes les forces européennes. Malgré les troubles qui agitent la France et les révolutions qui secouent l'Angleterre, les Habsbourg seront vaincus. Les traités de 1648 imposeront au Saint-Empire une constitution qui fait de l'Allemagne une nation perpétuellement divisée et vassalisée. L'Espagne perdra en 1659 toute prétention à l'hégémonie. La courbe qui avait atteint son apogée à Vervins (1598) s'arrête définitivement au traité des Pyrénées (1659). L'ère est close de la prépondérance espagnole, et déjà s'annonce la prépondérance française. Ces luttes entre les puissances occidentales et centrales ont leurs répercussions dans le cadre plus restreint de ce que les Allemands appellent la « mer orientale ». Parmi les riverains, les deux États scandinaves que ne tient plus rassemblés l'Union de Calmar, le Polonais, le Moscovite et déjà un candidat germanique se disputent l'héritage de la Hanse, Vimperium maris Baltici. Ils interviennent, à la fois pour défendre leurs convic-

Introduction tions religieuses et comme alliés des protagonistes, dans la grande bataille allemande et dans la paix de 1648. E n 1660, à la paix des Pyrénées correspond la « paix du Nord ». Au sud-est, la Porte, malgré Lépante, est encore une grande puissance qui, souvent d'accord avec la politique française, suscite des ennemis à l'Autriche. Mais, si passionnante que soit la tragédie européenne, il ne faut pas qu'elle nous fasse oublier le grand fait qui prépare une transformation de l'humanité. A l'âge des découvertes succède, sur un globe dont les traits généraux sont désormais connus des Européens, l'ère de l'expansion européenne. Non seulement l'empire espagnol reçoit une organisation définitive, mais des rivaux apparaissent. Nous avons déjà dit comment, aux dépens surtout du Portugal, les gens de Hollande et de Zélande deviennent les rouliers des mers. Avec Élisabeth, suivie en cela par les Stuarts et par Cromwell, s'esquissent des dominations d'outre-mer auxquelles les insulaires donnent déjà fièrement le nom d'Empire britannique. E t déjà aussi l'on voit se créer non seulement une Nouvelle Angleterre, mais des « Nouvelles Frances ». Partout s'inaugure l'européanisation de la terre. Sur un point elle a fait faillite. L'Empire du Soleil Levant, dont la candeur de François-Xavier avait cru faire une province de l'Église romaine, se ferme pour deux siècles. Le Japon sort de l'histoire universelle. E n Chine s'opère l'invasion mandchoue : l'avènement de la dynastie des Ts'ing est à peine antérieure aux traités de Westphalie. Dans l'Inde, le glorieux gouvernement d'Akbar a définitivement installé cette puissance que les voyageurs, éblouis, appelleront l'Empire du Grand Mogol. C'est en 1658 que monte sur le trône le Grand Mogol par excellence, le Roi-Soleil des bords du Gange, Aurengzêb. Durant la fin du x v i e siècle, la vie économique continue à être secouée par des crises : crise monétaire et crise du crédit, qui font suite à celle de l'âge précédent, crises sociales qui en sont la conséquence, déplacement de la grande activité commerciale et bancaire vers des centres nouveaux, dont le plus important sera la Bourse d'Amsterdam. Dès lors, à l'agitation inquiète et turbulente de la Renaissance succède une activité commerciale plus régulière, mieux ordonnée, qui enrichit et consolide les bourgeoisies. Les É t a t s dépensent de plus en plus, et agissent comme de grandes maisons de commerce. Avant Colbert s'organise partout le mercantilisme. L'admiration que l'on éprouve devant l'extraordinaire flo—

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Introduction

raison d'idées et d'œuvres d'art, devant les grandes créations littéraires, les découvertes et les intuitions scientifiques de la Renaissance proprement dite — devant Léonard, Machiavel, Michel-Ange, Rabelais — pourrait nous rendre injustes pour l'âge qui suit. Mais cette impression disparaît lorsqu'on réfléchit à ceci : que la restauration du catholicisme à Trente détermine l'avènement et l'universelle diffusion d'une nouvelle forme d'art, le « baroque » ; enfin que cette époque a donné à l'Europe ses deux plus grands peintres, Velazquez et Rembrandt ; qu'aux gloires tumultueuses de la première moitié du xvi® siècle les lettres françaises voient s'ajouter un Ronsard et un Montaigne, en attendant que s'ouvre l'âge classique ; que l'Angleterre entre dans le cadre de la littérature européenne avec les écrivains de l'ère élisabéthaine, avec un des plus grands noms de l'histoire de la pensée et de la poésie ; que le temps de Cervantès est aussi 1' « âge d'or » du drame espagnol. Mais plus encore qu'au trésor artistique de l'humanité, la période 1559-1660 apporte à notre patrimoine scientifique un inappréciable enrichissement. Ce n'est plus l'enthousiasme dionysiaque des premiers jours, où l'on s'enivrait aussi bien du vin de l'antiquité que de celui de la nature. C'est l'ère de l'observation, déjà de l'expérimentation, de l'étude systématique des faits, de la recherche des lois, de la constitution des méthodes, de la conception scientifique du monde. Tels sont les phénomènes multiples qui se jouent autour de ce thème essentiel de la politique internationale : grandeur et décadence de l'empire espagnol.



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LIVRE PREMIER La Réforme catholique et l'hégémonie espagnole (1559-1576)

CHAPITRE PREMIER L'APOGÉE

DE

L'ESPAGNE1

Non seulement les questions religieuses dominent l'histoire européenne après le milieu du xvi e siècle, mais les peuples, comme les princes, restent attachés à la doctrine farouche de l'unité de foi. Toute transaction qui, en certains pays, laisse subsister en face l'une de l'autre deux croyances apparaît comme une trêve essentiellement provisoire, un intérim. A part quelques âmes d'élite, tout le monde admet que le problème 1. OUVRAGES D'ENSEMBLE A CONSULTER. — P o u r ce chapitre, comme pour t o u t e la partie politique du présent volume, on se reportera à W a l t h e r PlatzhofT, Geschichte des europäischen Staalensyslems, 1559-1860 (Munich et Berlin, 1928, in-8°, dans la collection « H a n d b u c h der mittelalterlichen u n d neueren Geschichte »). On p o u r r a encore, spécialement pour l'empire espagnol, consulter E . Gothein, Staat und Gesellschaft des Zeitalters der Gegenreformation (Berlin et Leipzig, 1908, in-8°), et même M. Philippson, Westeuropa im Zeitalter Philipps II., Elizabeths und Heinrichs IV. (Berlin, 1882, in-8°, de 1' « Allgemeine Geschichte in Einzeldarstellungen de Oncken »). Histoire générale de la période : C. Barbagallo, Storia universale, t . IV, 2• partie : Controriforma e prerivoluzione, 1556-1699 (Turin, 1938, in-4°). Signalons aussi, pour t o u t ce qui est antérieur à 1610, u n guide précieux : H . Sée et A\ Rébillon, Le XVI' siècle (Paris, 1934, petit in-8°, vol. 6 de la collection « Clio »), chap. V I I I et suiv. Sur l'Espagne, le t . IV de R . B. Merriman, The Rise of the Spanish Empire : Philip the Prudent (New York, 1934, in-8°). On y joindra, naturellement, les ouvrages généraux : E . Altamira y Crevea, Historia de España y de la civilización española, t . IV (Barcelone, 1911, in-12) ; A. Ballesteros y Beretta, Historia de España y su influencia en la historia universal, t . IV (Barcelone, 1927, in-8°). Voir aussi A. MorelF a t i o , L'Espagne aux XVI' et XVII' siècles (Paris, 1878, in-8°), et K u r t Hâbler, Die wirtschaftliche Blüte Spaniens und ihr Verfall (Berlin, 1888, in-8").

L'apogie de l'Espagne

religieux, celui du salut des âmes, doit être résolu par la force. L'Église catholique a trouvé dans les ordres nouveaux ou renouvelés sa « milice » sacrée. Mais, en dehors de cette milice métaphorique, de cette armée spirituelle, il lui faut, pour refaire l'unité détruite, des armées réelles, des États, des rois. Au premier rang de ces champions temporels figure celui qui s'appelle par excellence, depuis le temps d'Alexandre VI, le Roi Catholique. Malgré l'indépendance jalouse qu'il conserve à l'égard du Siège de Rome, la politique catholique, la croisade contre les hérétiques et aussi contre les infidèles s'identifient avec la politique espagnole. Or jamais celle-ci n'a été plus près du triomphe qu'au lendemain de la paix du Cateau-Cambrésis. Le retour à l'unité catholique aurait presque pour manifestation sensible, dans l'ordre des choses matérielles, l'établissement de l'unité de l'Europe sous la domination de Philippe II. Ne l'oublions pas : si les actes d'abdication de 1556-1558 ont dû constater l'impossibilité de réaliser dans sa plénitude le rêve de Charles-Quint, du moins don Philippe, investi en fait depuis 1541 du gouvernement des Espagnes, est le maître de tous les domaines de Castille et d'Aragon, en attendant le jour où il pourra réaliser l'unité ibérique ; son pouvoir s'étend sur les Pays-Bas, sur la Comté de Bourgogne, sur Milan, sur Naples et la Sicile ; au delà de la Méditerranée, sur Oran, Tunis ; au delà des océans, sur les « Indes » occidentales d'un côté, les Philippines de l'autre. Le roi d'Espagne a cessé de porter le titre d'empereur, mais il subsiste, nous dirons même qu'il existe plus que jamais un empire espagnol. La Castille est animée de cet esprit vraiment impérial que plus tard un de ses écrivains, Francisco de Medina, exprimera dans une sorte de défense et illustration de la langue castillane, célébrant la « splendeur », la « majesté », « l'admirable pompe du langage espagnol », langage digne de « s'étendre jusqu'aux dernières provinces où victorieusement pénétrèrent les bannières de nos « armées ». I. — LA MONARCHIE

L'ESCOBIAL1

DE

Il importe d'abord de voir le lieu dont le fils de Charles-Quint voulait faire le centre dé cet empire. 1. OUVRAGES A C O N S U L T E » . — Outre les ouvrages généraux cités p. 5, n. t, On trouvera sur Philippe II une surabondante bibliographie. Il n'y a pas lieu de négliger —

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La monarchie de l'Escorimi

Dès le mois d ' a o û t 1559 il avait quitté Flessingue pour rentrer dans ses royaumes (son père y était mort depuis près d ' u n an), d'où il ne sortira plus. Mais il n ' a i m a i t pas les capitales historiques de la Castille, Tolède, Valladolid, où vivait le souvenir des rébellions. Sous prétexte que sa nouvelle épouse, Élisabeth de Valois, qu'on avait été chercher à Roncevaux (janvier 1560), était tombée malade de la variole à Tolède, il t r a n s p o r t a le centre de la monarchie dans la petite ville qui s'édifiait au pied du château où avait été enfermé François I e r , Madrid, création factice dans l'argile stérile et desséchée, n ' é t a i t pas une cité — ciudad, — mais simplement la Cour — corle. Il n ' a v a i t guère d ' a u t r e avantage que sa position centrale. Mais Philippe rêve d ' a u t r e chose. Il a fait v œ u à saint L a u r e n t , le p a t r o n de la victoire de Saint-Quentin, de lui consacrer un monastère d o n t le dessin reproduira le gril, i n s t r u m e n t de supplice de ce m a r t y r . Dès le printemps de 1561, une commission a choisi le lieu : à cinquante kilomètres de Madrid, à mille mètres d'altitude, parmi les énormes blocs amoncelés au flanc de la Sierra de G u a d a r r a m a , parsemés seulement de rares touffes d'herbe, des forges abandonnées, des scories valaient à ce site grandiose et sauvage le nom d'Escorial. Avec une ténacité pharaonique, le roi y fit transporter des pierres — le granit blanc des carrières voisines, — qui devaient permettre au prodigieux édifice de braver l'éternité. Dès avril 1563, la construction était commencée par J a u n Bautista de Toledo, qui a v a i t travaillé à Saint-Pierre sous Michel-Ange, puis à Naples pour le vice-roi. Son successeur, J u a n de Herrera, semble avoir remanié et encore simplifié cette sévère et froide architecture, cependant que le m a î t r e de l'œuvre, le moine-ouvrier Antonio de Villacastin, représentait auprès des hommes de l ' a r t la pensée religieuse du roi f o n d a t e u r . C'est seulement en 1584, après plus de vingt ans, que f u r e n t achevés les t r a v a u x ; deux ans a u p a r a v a n t la coupole de l'église a v a i t été couronnée d'une flèche, Fomeron, Histoire de Philippe II (Paris, 1881-82, 4 vol. in-8°) ; mais le sujet a été renouvelé par un apologiste de Philippe II, C. J . B. Bratli, Filip den Anden aj Spanien (Copenhague, 1909, in-8°), en danois ; traduction française : Philippe II, roi d'Espagne. Élude sur sa oie et son caractère (Paris, 1912, in-8") ; à compléter par Julian Juderias Loyot, La Legenda negra g la verdad histórica (Madrid, 1914, in-8*), et Erich Marks, König Philipp II. von Spanien (Leipzig, 1911, in-8°) ; du même, Philipp II. (Berlin, 1923, in-8"). On ne trouvera rien de plus dans l'ouvrage partial, et tout littéraire, de Louis Bertrand, Philippe II. Une ténébreuse affaire (Paris, 1928, in-12, sur l'alTaire d'Antonio Perez), mais on retiendra quelques détails du Philippe II à V Escorial du même auteur (Paris, 1929, in-12).

L'apogé* de rSspagn»

à près de cent mètres au-dessus du sol. Mais de bonne heure Philippe avait installé les moines hiéronymites dans l'aile du levant : le couvent devait précéder le château que le roi-moine Se réservait à lui-même. Dès juin 1571, en une procession d'une grandeur macabre et qu'un orage rendit tragique dans ce désert dç pierres, il transporta huit cercueils — l'empereur, les reines défuntes, les infants — jusqu'au sépulcral édifice où il avait choisi de reposer lui-même, et où déjà il vivait une grande partie de l'année. Là, dans cette solitude où l'aménagement des eaux avait fait naître des jardins, fut la vraie capitale des Espagnes, pour ne pas dire le centre de l'univers. Les gens de cour et d'État étaient, bon gré mal gré, obligés d'y accompagner le souverain, d'y attendre les courriers qui montaient de Madrid pour y porter les nouvelles du monde, d'y surveiller l'expédition des dépêches qui, vers Anvers ou Dôle, vers Naples ou Milan, vers Mexico, Lima ou Manille, portaient les volontés du maître, et l'impérieuse signature : « Moi, le roi, Yo, el rey. » Car le roimoine est aussi un roi-bureaucrate, qui veut tout voir par lui-même, annote toutes les pièces, retarde les affaires à force de les vouloir examiner, si bien que ses décisions arrivent souvent quand l'occasion est passée. Le « Roi Prudent » est, dans toute la force pathologique du terme, un scrupuleux, qu'il s'agisse de mériter devant Dieu le pardon de ses péchés, de la sensualité qu'il a héritée de son père flamand, ou de remplir ses devoirs vis-à-vis de ses États. Henri Pirenne a dessiné d'un impeccable burin « son intelligence médiocre, ses hésitations, son incurable lenteur, son goût pour les petits moyens et les petites intrigues ». Avec cela, une piété sincère, une sensibilité réelle pour ses épouses successives, et qui va, pour ses filles, jusqu'à la tendresse, des goûts artistiques, des passions de collectionneur, et, chose qui surprend en cette âme que l'on veut croire tout ascétique, le goût des fleurs et des oiseaux. Mais quelle distance du chevalier de Muhlberg au solitaire de l'Escorial ! Quelle distance même, si nous anticipons sur les dates, entre l'infant, don Philippe, tel que l'avait vu Titien, et le Philippe II que peindra plus tard, avec une cruauté véridique, Pantoja de la Cruz ! Ici le jeune prince de belle allure, un peu fluet (|ans son armure brillante, figure longue, qui déjà semble inquiète, indécise, avec du sérieux dans le sourire, et, dans le corps, un commencement de lassitude ; là, sous l'étroit et haut bonnet noir, un costume serré d'une austérité

La monarchie d*

rEtmrial

monastique ; la Toison simplement suspendue au cou par un cordon noir ; aux doigts, non plus une épée, mais un chapelet ; l'œil clair encore, mais sans vie sous les sourcils arqués. Entre ces deux portraits, trente ou quarante ans d'histoire. Autour du roi paperassier s'organise une monarchie administrative. Il y a toujours, dans les divers royaumes, des Cortès. Mais celles de Castille ont perdu la plus grande part de leurs pouvoirs depuis qu'on n'y convoque plus les nobles et que les autorités municipales, ensuite de la révolte des corn.umdad.es, ont été soumises au contrôle royal. Si les institutions aragonaises gardent une certaine autonomie jusqu'en 1591, si même les Cortès de Castille exercent encore leur droit de pétition, surtout en matière financière et même législative, ce droit est purement consultatif. La réalité du pouvoir appartient-elle davantage aux Conseils ? Au premier rang, semble-t-il, le Conseil d'Etat : Consejo de Eslado, où vont les affaires qui intéressent l'ensemble des pays de l'empire et les relations extérieures : Ruy Gomez de Silva, Feria, Antonio de Toledo, Bernardino de Mendoça, Manrique de Lara, et un seul non-Espagnol, Granvelle ; car les Italiens — Savoie, Gonzague, Doria — n'en font partie qu'à titre nominal ; véritable conseil privé du monarque. Puis les Conseils des divers royaumevs, de Castille, d'Aragon, d'Italie, des Indes ; Conseils de la Guerre, de l'Inquisition, des Ordres, Conseil de la Hacienda (finances et économie), etc. Mais le roi ne donne à personne sa confiance, ne subit aucune influence, ni celle du duc d'Albe, ni celle de Ruy Gomez, prince d'Eboli ; jaloux de toutes, il les oppose l'une à l'autre, intervient dans tous les détails, donne ses instructions sur les sujets les plus minimes, et réalise le type le'plus parfait de gouvernement personnel qu'ait connu l'histoire moderne. Il travaille avec ses secrétaires, généralement plus d'un, personnages subalternes, mais dont le pouvoir est réel en raison de leur contact journalier avec Je maître : le plus important est d'abord Gonzalo Perez. A sa mort (1566), Gonzalo aura pour successeurs son fils Antonio d'une part, de l'autre Gabriel de Zayas, le secrétariat étant divisé en deux sections : « Italie » et « Nord ». Sous les Conseils, toute la hiérarchie judiciaire et administrative : les six chancelleries, les audiencias, les alcades de cour, qui reçoivent les appels des corrégidors et juges locaux, les alcades criminels, les alcades de hijosdalgo (ou hidalgo), qui jugent

L'apogée de F Espagne

les nobles, etc., fonctions qui deviennent de plus en plus vénales. Gouvernement coûteux, même sans les dépenses des guerres. Les Cortès se plaignent dès 1562 que la cour seule coûte 415.000 ducats, le double de ce qu'elle coûtait à l'avènement du premier roi « bourguignon ». A ces Cortès, on réclame de n o u v e a u x servicios, impôts sur la viande, le vin, l'huile, le vinaigre, le sel, puis sur tous les produits de consommation, millônes qui s ' a j o u t e n t à l'alcabala. E t comme il est moins facile d'obtenir des servicios en dehors de la Castille, c'est s u r t o u t le vieux royaume qui fait les frais de l'administration impériale, avec les impôts d'origine ecclésiastique (bulles, dîmes, galères), les douanes et les almojarifazgos, doublés en 1566. Le déficit est constant, les dettes s'accroissent auprès des banquiers, surt o u t auprès des Génois, qui n ' a v a i e n t pas rompu leurs relations avec la cour au m o m e n t de la banqueroute de 1557-1560. Mais nouvelle banqueroute en 1574, le roi a y a n t suspendu le paiem e n t des intérêts de ses dettes, et ne p o u v a n t , en cinq semaines, faire accepter une lettre de change pour les Pays-Bas. II. — L'UNIFICATION

DES ESP

AGNES1

La h a u t e noblesse quitte ses châteaux pour venir à Madrid chercher la faveur du roi, c'est-à-dire les grands emplois, militaires et civils. La révolution économique atteint les possesseurs des seigneuries d o n t elle réduit les revenus. Il leur reste trois grands moyens de s'enrichir, Iglesia, 6 mar, ôcasa real : les bénéfices ecclésiastiques ; la « mer », et par là entendez l'outre-mer, la guerre sur les divers théâtres européens, les Indes ; enfin et s u r t o u t la « maison royale », les services de

1. OUVRAGES A CONSULTER. — Outre ceux de la p. 6, n. 1. on lira Morel-Fatio, Éludes sur rEspagne (Paris, 1888, 2 vol. tn-8°), et aussi, sur la misère de certaines classes, l'introduction de M. Bataillon à son livre Le roman picaresque (Paris, 1931, in-16). Sur les Cortès locales, on se reportera à la bibliographie de la p. 5, n. 1. P o u r les questions religieuses, les deux ouvrages capitaux restent Menéndez y Pela y o, Historia de los heterodoxos españoles (Madrid, 1880, 3 vol. in-8°), réédité dans ses Obras completas, t. I, VII, V I I I , X V I - X V I I I (Madrid, 1911-1930, 6 vol. gr. in-8»), et Henry-Ch. Lea, A history of the Inquisition in Spain (New York, 1906-1907, 4 vol. in-8»). Du même avait paru antérieurement The Moriscos of Spain, their conversion and expulsion (Philadelphie, 1901, in-8»), et son grand ouvrage a été complété, pour les parties extérieures de la monarchie, par The Inquisition in the Spanish dependencies (New York, 1908, in-8°). Sur les Morisqucs encore, voir, dans le sens philippin, Palanco Romero, J. Aben Humeya en la historia y en la leyenda (Grenade 1915, in-8»). —

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L'unification des Espagne» cour, ceux-ci accessibles d'abord aux grands, d o n t la f o r t u n e foncière se conserve par les m a j o r a t s , et s'accroît par les dons royaux, par les confiscations sur les infidèles : le duc de Gandia, dans ses villes et villages, est seigneur de 60.000 âmes ; le duc de Lerma est d'une richesse presque égale. Vingt-cinq familles de grandesse, « cousins » du roi, et qui se couvrent d e v a n t lui, dominent de très h a u t les nobles simplement titrés, iitulos, qui ne sont que des « parents » de Sa Majesté. Au-dessous encore, les simples « fils de quelqu'un », hidalgos (si du moins l'on a d m e t cette étymologie), dont les cadets ou segundones, sacrifiés p a r l'institution des m a j o r a t s , se confondent avec la masse des petits hobereaux. E n Guipuzcoa, t o u t le monde se dit hidalgo ; les m a r c h a n d s enrichis veulent aussi entrer dans la hidalguía, jouir de ses privilèges judiciaires (exemption de la prison pour dettes, exemption d'impôts pour leurs maisons, chevaux mules et armes) et, comme les nobles, s'abstenir de t o u t travail manuel, car ils sont « hidalgos comme le roi, avec moins d ' a r g e n t » (hidalgos como el rey, dineros menos). Comment vivre avec leur cape trouée, et leur pundonor (point d'honneur) ? Ou bien de la guerre, ou bien de mendicité, de vol même, suivant le p o r t r a i t immortel, chargé mais pas t o u t à fait infidèle, de l'écuyer qui apparaissait dès 1554 dans Lazarillo de Tormès. Plus bas que le hidalgo sans ressources, qui cherche à résoudre l'angoissant et quotidien problème de la faim, les diverses classes des plébéiens et des petits, plebeios et pecheros. D ' a b o r d t o u t e une hiérarchie de « moyens, mineurs » et « citadins honorés », au premier rang les lettrés et avocats, tous ces bourgeois unis dans le mépris des paysans. Là aussi une hiérarchie, « péons » et journaliers, vassaux des seigneurs, si maltraités q u ' e n 1570 les évêques d e m a n d e n t au roi de modérer le pouvoir de ces derniers, et que les révoltes paysannes sont fréquentes, s u r t o u t en Aragon. Ajoutez les gitanes, tenus à p a r t , et les esclaves noirs et musulmans, prisonniers de guerre ou achetés, sans parler des étrangers, Français surtout, qui font tous les petits métiers indispensables à la vie urbaine, même à la vie rurale, et remplissent le vide des campagnes. Car, malgré l'incertitude des statistiques (on parle, pour la fin du siècle, de 7 millions d'habitants), il semble bien que l'Espagne se dépeuple, par la misère et la faim, par l'émigration vers les Indes, par la nécessité de fournir des soldats et des employés aux diverses parties de l'empire, enfin par la persécution religieuse. Car l'unification des Espagnes ne doit — il —

L'apogie de TEspagne pas seulement, dans la pensée du roi, être administrative, il lui f a u t l'unité spirituelle. La Réforme a v a i t été définitivement écrasée dans les royaumes espagnols 1 . Aux terribles autos de fé2 de 1559 et 1560, aux persécutions contre les illuminés (alu.mbmd.os) s ' a j o u t a i t le procès de l'archevêque de Tolède, Carranza, que la haine des inquisiteurs, Valdès et Melchior Cano m a i n t i n t sept ans en prison : il fallut que Pie V m e n a ç â t l'Espagne d'interdit pour le faire transférer à Rome, où il a t t e n d i t encore dix ans la sentence, l ' a b j u r a t i o n et la mort. Nous savons que même les « saints » n'échappaient pas toujours à cette f u r e u r d'unité. E n vain les Cortès protestaient contre les excès de l'Inquisition, contre le pouvoir illimité d o n t jouissaient ses « familiers ». La plus grave question religieuse était celle des Morisques, c'est-à-dire des m u s u l m a n s de Castille convertis au t e m p s d'Isabelle, et des mudejares, qui avaient d'abord conservé leur religion en Aragon, en Catalogne, à Valence, mais q u ' o n .avait depuis convertis de force. Conversion t o u t extérieure, car ils conservaient obstinément leur langue, leurs noms secrets, leurs rites, leurs coutumes familiales, et jusqu'à cet usage des bains qui suffisait à les désigner aux colères populaires : « chrétiens en apparence, Maures en vérité ». Peut-être u n demi-million d'hommes. On louait leurs vertus, leur ardeur au travail, qui leur valait la protection des seigneurs andalous d o n t ils labouraient les terres, mais on leur en voulait de leurs relations avec leurs coreligionnaires de Berbérie ; les pays du Levante étaient t o u t proches de cette Afrique où se trouvait, depuis Ximénès, la vraie frontière méridionale des royaumes. Philippe, malgré sa foi ardente, hésitait à persécuter ces populations laborieuses, et qui lui offraient des subsides. Il aurait sans doute laissé dormir une « p r a g m a t i q u e » d a t a n t de 1526, si les inquisiteurs, l'archevêque de Grenade, Pedro Guerrero, l'évêque de Sigùenza, Diego de Espinoza, n ' a v a i e n t « chargé sa conscience » de l'obligation de cette nouvelle croisade. Le nonce, un synode de Grenade achèvent de lui imposer ce devoir. Les gens de robe et d'Église organisèrent la répression dès 1560. E n 1565, Pierre de Deza, président de la chancellerie de Grenade, est chargé de reprendre la persécution, malgré les conseils 1. Voir Les débuts de l'âge moderne (vol. VIII de la présente Histoire), p. 519-520. 2. La forme portugaise, autodafé, l'a emporté en français sur la forme espagnole depuis le XVIII' siècle. —

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Vhispanisalion

de F Italie

pacifiques du capitaine général, Iñigo Lopez de Mendoza, marquis de Mondejar. On leur enlève leurs enfants, jetés de force dans les écoles chrétiennes. Alors la révolte éclate ; des bandes armées se réfugient dans les montagnes, dans les défilés impénétrables des Alpujarras. Il ne faut pas oublier, en effet, que l'opération de 1492 s'était bornée à l'occupation de quelques régions fertiles, les vegas, des villes et des ports, sans beaucoup toucher les sierras. En 1568, les rebelles choisissent parmi eux un descendant des Omayyades, don Hernando de Cordoue, qui reprend le nom d'Aben Houmeya, et à qui succède Abdallah Abenabo. Dès lors, c'est une lutte à mort contre des troupes que don Juan amène de Naples, tandis que la flotte barre la route aux secours africains que les révoltés implorent du chérif de Fès. D'Alméria à Malaga, tout le pays, conformément au vœu du roi, est « à feu et à sang ». Trois mille cinq cents hommes, et des femmes en plus grand nombre, sont chassés de l'Albaicin grenadin. Deza se débarrasse d'Abenabo par un assassinat (1571). Déportés et dispersés à travers l'Espagne, on put croire, à cette date, que les Morisques avaient cessé d'exister, qu'ils se confondaient avec les « vieux chrétiens » au sang pur et que l'unification religieuse de la péninsule était accomplie. Il s'en fallut encore d'une quarantaine d'années. III. — L'HISPANISATION

DE

L'ITALIE1

La paix de 1559 a livré à l'Espagne presque toute la péninsule italique. Par l'exclusion des Français, elle a supprimé 1. O U V R A G E S A C O N S U L T E R . — En première ligne, l'ouvrage célèbre de Benedetto Croce, La Spagna nella vita italiana durante la Rinascenza (Bari, 1917, in-8°, t. V i l i de ses Scritti di storia litteraria e politica) ; Angela Valente, Filippo II et l'Italia, dans la Nuova rivista storica, t. X (1926), p. 133-146, atténue le jugement défavorable. Il est malaisé de trouver des ouvrages s'appliquant à toute l'Italie, hormis l'essai politico-littéraire, d'une portée générale et profonde, de Vittorio di Tocco, Ideali ). — 23 —

L'achèvement du concile de Trente la « réformation des princes », avait soulevé la colère de tous les É t a t s . Le Conseil du roi de France protestait contre les bruits de condamnation de Jeanne d'Albret, et Catherine menaçait de retirer du concile ambassadeurs et prélats. Le 22 septembre du Ferrier prononçait un discours fulgurant de nationalisme. Mais Morone avait su entreprendre l'opération délicate qu'on a pu nommer « la conquête du cardinal de Lorraine ». Celui-ci, que l'assassinat de son frère François de Guise (il ne f a u t pas oublier que l'histoire du concile se déroulait parallèlement à celle des troubles de France) avait achevé de détacher des gallicans, était comblé de faveurs pontificales pour lui et ses parents d'Esté ; il était accueilli à Rome à bras ouverts, et sa politique, soutenue par son fidèle Pellevé, archevêque de Sens, se séparait de la politique française officielle. Les ambassadeurs du Très Chrétien partaient b r u y a m m e n t pour Venise. Il est vrai que leur collègue espagnol, le comte de Luna, menaçait d'en faire a u t a n t si l'on ajournait la réforme ! Mais Morone spéculait sur la lassitude de tous pour presser la conclusion. Une maladie du Saint-Père, en ouvrant la perspective d'un conclave, le servit à point. Deux cent cinquante-cinq signataires, parmi lesquels six cardinaux, trois patriarches et vingt-cinq archevêques, cent soixante-dix-neuf évêques, vingtsept procureurs pour trente-neuf absents, sept abbés, huit généraux d'ordre, se hâtèrent de regagner leurs résidences après la fête solennelle du 4 décembre 1563. Ils lancèrent l'anathème contre l'hérésie. Comblés de faveurs, ils partaient chacun avec un subside de 10.000 écus d'or, et des gratifications récompensaient les théologiens les plus méritants, même les ambassadeurs les plus dociles, qui signèrent le 6 décembre. Il est vrai que le farouche Luna ne signait que sous réserve de ratification par le Roi Catholique. Lorraine, en l'absence des ambassadeurs, prétendait signer pour le Très Chrétien, et ce sont les légats qui refusèrent d'accepter autre chose que sa signature personnelle. Du Ferrier, de Venise, protestait contre les X X I V e et X X V e sessions, et dès lors on pouvait prévoir que le concile serait non avenu en France. Il n'était que temps de brusquer les choses. Sans exclure aucun décret, Pie IV ratifia le tout, le 26 janvier 1564, ratification confirmée par la bulle Benedictus Deus et Pater.

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L'œuvre du eoncil* IV. — L'ŒUVRE

DU

CONCILE1

Le premier résultat de ces vingt-deux ans de controverses était de tracer une ligne de démarcation, désormais infranchissable, entre l'Église et l'hérésie. Fini le temps des tentatives iréniques, des concessions ou des équivoques sur la signification et la portée des sacrements, sur les droits du clergé, sur la hiérarchie, sur le pouvoir pontifical. La doctrine est fixée dans les canons, dont une première édition a été imprimée dés le 18 mars. Devant les récriminations romaines contre la sévérité des règles nouvelles sur la discipline, le pape a créé une congrégation spéciale, dite du Concile, qui sera chargée de promulguer des explications complémentaires. Ainsi l'œuvre du concile sera prolongée, continuée, et à Rome même. Les limites de la doctrine sont, en quelque mesure, marquées négativement par l'Index librorum prohibilorum, revision soigneuse et relativement modérée de l'œuvre de Paul IV. Mais elle s'exprime positivement dans le Catéchisme du concile de Trente que Borromée fera paraître en 1566, après la mort de Pie IV. C'est l'enseignement des humbles, c'est la formation de la conscience catholique ; c'est, en un mot, la foi populaire qui est réglée désormais, intangible et invariable, pour la catholicité tout entière. Quant à la question des livres saints, qui avait été le champ de bataille favori des « évangéliques » de toute couleur, elle ne sera pas moins nettement tranchée, quoique avec plus de lenteur. C'est dès 1561 que le pape, installant à Rome l'imprimerie du Vénitien Paul Manuzio, avait songé à fixer le texte de la Vulgate. Pie V confiera le travail à une commission de six cardinaux présidée par Morone, mais divisée entre deux tendances : ceux qui, héritiersde l'humanisme érasmien, veulent corriger ; ceux qui veulent maintenir les versions traditionnelles. Reprise sous Grégoire X I I I par les cardinaux Sirleto et Peretti, qui publient la traduction latine des Septante, etc., l'œuvre ne répond pas encore à ce qu'on attend. C'est seulement avec Peretit devenu pape (Sixte Quint), après la création (1587) de l'imprimerie vaticane, que paraîtra en 1590 la Vulgate sixtine. Mais les critiques forcèrent Grégoire X I V , puis Clément V I I I , à faire arrêter le travail, à racheter les exemplaires vendus, puis à réimprimer, en 1592, l'édition 1. O U V R A G E S A C O N S U L T E R . — Sur toutes ces questions, l'essentiel est dans L. Pastor, Geschichle der Pâpsle, t. VII, VIII et IX, cités p. 18, n. 1. — 25 —

L'achivemen

du concile de

Trente

définitive qui v a servir, désormais, de norme immuable. T o u t le grand m o u v e m e n t de critique des textes sacrés qui a marqué les débuts, et d'abord amené l'alliance de la Renaissance et de la Réforme, est pour t o u j o u r s arrêté. De même qu'il n ' y a qu'une Église, la catholique romaine, et q u ' u n e vérité religieuse, celle de l'Église, il n ' y a plus q u ' u n texte, indiscutable, ne varietur, des livres saints de cette Église. Le Bréviaire et le Missel avaient été imprimés respectivement en 1568 et 1570. Dans l'ordre de la discipline, le concile a certainement beaucoup fait pour relever les m œ u r s du clergé, pour restaurer chez les évêques le sentiment de leur devoir apostolique, pour rendre à la vie ecclésiastique une dignité, u n sérieux, qu'elle n ' a v a i t que trop perdus. Sur ce terrain, où les a t t a q u e s des hétérodoxes, des humanistes et des politiques avaient été faciles, la Contre-Réformation a été, dans t o u t e la force du terme, une réforme. A la Réforme protestante, l'Église catholique doit, en somme, de s'être repliée sur soi et d'être devenue plus forte en devenant plus pure. Q u a n t à la reformatio in capite, si Pie IV n ' a pas voulu y laisser toucher par les évêques et les princes, c'est lui qui s'est chargé de la faire avec l'aide de Charles Borromée. A vingt-sept ans, ce saint à l'âme d'inquisiteur, macéré dans les austérités de l'étude, se donne la tâche de nettoyer la Ville de ses tares. On ne reconnaît plus la R o m e semi-païenne de la Renaissance dans cette Curie où il n ' y a plus de laïques, dans cette cité sévère, sorte de couvent, d'où sont bannis non Seulem e n t les brigands, mais le luxe, les amusements, où même le commerçe est mort. L ' a m b a s s a d e u r vénitien Soranzo admire ce cardinal-neveu d ' u n nouveau modèle, qui « a plus d'efficace dans la cour de R o m e que tous les décrets du concile ensemble », et qui sait les faire appliquer en t o u t e rigueur. On ne l'aime pas, et Annibale Caro le traite de « fourbisseur de chandelles et d'ustensiles de sacristie qui a entrepris de refaire la Ville de fond en comble et, R o m e ne suffisant plus à son ardeur, d ' y adjoindre le reste du monde ». Possible, mais Borromée, d o n t les seules distractions — les « nuits vaticanes » — sont de savantes académies, a brisé les t r a i t s de la polémique protestante contre la « Babylone », la « prostituée des sept collines », séjour de l'Antéchrist. Cette action purificative est loin de se limiter a u x nations catholiques qui ont reçu les canons de Trente. L'Église de France —

26



La reconquête

catholique

et la Sociéit

de

Jésus

du début du x v n e siècle, si riche en vertus sacerdotales, est animée dé ce qu'il y eut de meilleur dans l'esprit du concile, comme en sont animées les Congrégations, renouvelées ou nouvelles, qui vont être les milices sacrées de la papauté rajeunie. Quant à l'action des doctrines et de la discipline conciliaires sur l'évolution artistique, littéraire et scientifique, c'est une question qui viendra plus loin 1 . Le concile laissait derrière lui une œuvre considérable : interdiction du cumul ; interdiction aussi d'acquérir des bénéfices avant quatorze ans (ce qui est un progrès tout de même), le subdiaconat avant vingt. ans, le diaconat avant vingt et un, la prêtrise avant vingt-cinq ; suppression des réserves et expectatives ; gratuité des ordinations et exigence de l'examen ; obligation pour les évêques de résider et pour les curés d'instruire leurs ouailles ; création d'un séminaire dans chaque diocèse ; réforme même des réguliers sur lesquels on étend, au moins en principe, le pouvoir épiscopal ; réglementation, timide il est vrai, du Collège cardinalice et de l'autorité pontificale. C'en est assez pour qu'on puisse parler, un peu tard, d'une réforme catholique opposable à la Réforme, disons mieux, aux Réformes protestantes. L'œuvre d'unité était en même temps une œuvre de purification et de rajeunissement. Il y a vraiment, en 1563, une Église catholique nouvelle, plus sûre de son dogme, plus digne de régir les âmes, plus consciente de son rôle et de ses devoirs. Mais, pour cette Église, il s'agit de reconquérir les terres occupées par l'hérésie. Il s'agit encore de continuer l'œuvre de propagation de la foi dans les nouveaux mondes. Telle sera la double tâche qu'a déjà commencée la milice mise par Ignace à la disposition du Saint-Siège. V. — LA

RECONQUÊTE

CATHOLIQUE

ET

LA

SOCIÉTÉ

DE

JÉSUS1

C'est avec l'Espagnol Pierre Lainez que s'organise, dans son gouvernement et dans ses cadres, la Compagnie de Jésus. 1. Au livre IV. 2. OUVRAGES A CONSULTE». — Les deux meilleurs ouvrages généraux sont : 1* l'étude très consciencieuse de H. Boehmer, Die Jesuilen, eine historische Skizze (Leipzig, 1904, in-8» ; 2" éd., ibid., 1913), traduction française, Les Jésuites, avec une introduction et des notes par Gabriel Monod (Paris, 1910, in-12) ; 2° l'exposé, assurément apologétique, mais très complet, de Joseph Brucker La compagnie de Jésus — 27 —

L'aehivemenl du concile de Trente

Successeur d'Ignace dès 1556, élu « général » deux ans plus tard, il obtient de Paul IV l'approbation des préceptes enseignés par le fondateur, et qui deviennent les « constitutions ». Il commande aux quatre « assistances » d'Italie, d'Espagne, de Portugal et de Septentrion, cette dernière destinée à se morceler en assistances nouvelles. Dans ces assistances se taillent des « provinces », déjà trois en Italie, trois en Espagne fquatre en 1562,) bientôt deux au nord des Alpes : France et Aqiitaine (en 1564), deux en Allemagne, etc. Mille membres en 1556, déjà deux mille au moins en 1565. La Compagnie a la confiance de Rome. A Trente, Lainez, esquisse de son institut et de son histoire, 1521-1773 (Paris, 1919, in-12). S'ils dispensent de lire les ouvrages anciens publiés p a r les jésuites ou leurs adversaires, il f a u t y joindre les histoires spéciales des diverses « assistances », publiées en ce siècle sous l'inspiration de la Compagnie elle-même et en utilisant ses archives. A. Astrain, Historia de la Compañía de Jesus en la asistencia de España (Madrid, 1902-1909, 3 vol. in-8») ; P . Tacchi-Venturi, Storia della Compagnia di Gesù in Italia (Rome et Milan, 1909-1922, 2 vol. in-4»), particulièrement remarquable ; B. D u h r , Geschichte der Jesuiten in den Ländern deutscher Zunge (Fribourg-enBrisgau, 1907-1913, 4 vol. in-4°) ; la médiocre Histoire de la Compagnie de Jésus en France des origines d la suppression, 1528-1762, de H . Fouqueray (Paris, 1910-1925, 5 vol. in-8" ; le t . V, dernier p a r u , v a jusqu'en 1645) ; la très bonne Histoire de la Compagnie de Jésus dans les anciens Pays-Bas, jusqu'à la fin du règne d'Albert et d'Isabelle, de A. Poncelet (Bruxelles, 1927-1928, 2 vol. in-8») ; enfin Th. Hughes, Historg of the Society of Jesus in North America (New York, 1907-1917, 4 vol. in-8°). Sur l'organisation et le fonctionnement de la Compagnie, consulter R . Fülöp-Miller, Machi und Geheimnis der Jesuiten. Kulturhistorische Monographie (Leipzig, 1930, in-8°) ; t r a d . anglaise : The power and secret of the Jesuits (Londres, 1930, in-8°). — Sur le rôle des Jésuites dans l ' E u r o p e nord-orientale, St. Zaleski, Jesuile w Polsce [Les Jésuites en Pologne] (Lwów, 1907-1911, 5 vol. in-8°). Sur leur œ u v r e historique, E . A. R y a n , The historical scholarship of saint Bellarmine (Louvain, 1936, in-8°, fase. 35 des « T r a v a u x de l'Université »). — P o u r les biographies, on se report e r a à Carlos Sommervogel, Bibliothèque des écrivains de la Compagnie de Jésus (Bruxelles, 1890-1909,10 vol. in-4°). Y joindre le récent ouvrage de J . H . M. Tesser, Petrus Canisius als humanistisch geleerde (Amsterdam, 1932, in-8", t . IV des « Uitgaven v a n het Institut voor middeleeuwsche geschiedenis der Keizer K a r l Universiteit t e Nijmegcn »). Pour l'application des décrets du concile, voir Victor Martin, Le gallicanisme et la Réforme catholique. Essai historique sur l'introduction en France des décrets du concile de Trente, 1563-1615 (Paris, 1919, in-8°) ; A. Pasture, La restauration religieuse aux Pays-Bas catholiques sous les archiducs Albert et Isabelle, 1596-1633 (Louvain, 1925-in-8° : 3" fase, du « Recueil de t r a v a u x d'histoire et philologie », 2" série), et F . Willcox, L'introduction des décrets du concile de Trente dans les Pays-Bas et dans la principauté de Liège (Louvain, 1929, in-8°, 14 e fase, d u même recueil). — P a r m i les très nombreuses histoires de collèges, citons seulement P . Massip, Le collège de Tournon (Paris, 1890, in-8°) ; Joseph Delfour, Les Jésuites à Poitiers (Paris, 1902, in-8°> ; Eugène Martin, L'Université de Pont-à-Mousson (Paris et Nancy, 1891, in-8»). On lira encore A. Douarche, VUniversité de Paris et les Jésuites (Paris, 1888, in-8°). — Sur l'Allemagne, voir K. Brandi, Gegenreformation und Religionskriege (Leipzig, 1930, in-8°), formant le t. II, 2« partie, de la Deutsche Geschichte d ' E r i c h M a r e k s ; B. Dembinsky, Die Beschickung des Tridentinums durch Polen und die Frage von Nalionalkonzil (Breslau, 1883, in-8°).

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La reconquête catholique et la Sodili de Jisut

Le J a y , Salmeron, Canisius ont soutenu la papauté contre la théorie espagnole du droit divin des évcques ; Canisius a su modifier l'attitude inquiétante de Ferdinand. La récompense, ce fut la décision du concile, en sa vingt-cinquième session, de « ne pas en pê hsr la religion des clercs de la Compagnie de Jésus de servir D eu et l'Eglise suivant leur pieux institut, approuvé par le Saint-Siège apostolique ». Voilà les fils d'Ignace pourvus d'un état civil en règle. Pie IV les défend contre leurs détracteurs, contre les colères jalouses des professeurs du clergé séculier. Lorsqu'il crée le séminaire romain, il s'adresse au Collège romain de leur Compagnie. Ce Collegium romanum, où enseignent vingt maîtres (parmi eux figureront Tolet, Pereira, Bellarmin, Mariana) attire dès lors un millier d'élèves (deux mille en 1584) de toutes nations ; les « provinces » envoient leurs jeunes gens d'élite se former dans cette école modèle, qui est une École normale. Parmi eux les Pères fondent, dès 1563, une société pieuse, la Congrégation de la Vierge, qui se propage dans la jeunesse des autres pays. Dis 1568 commencent, sous la direction de Vigno le et aux frais du cardinal Farnèse, les travaux du Gesù, la grande église qui, achevée en 1575, abritera le tombeau de saint Ignace, deviendra comme la citadelle spirituelle de la sainte milice, imposera son style et sa pompe aux nombreuses églises des jésuites. Romaine par son organisation centrale, la Compagnie est romaine par sa doctrine. Le Gesù ne s'aventure pas volontiers dans les sentiers dangereux de -la mystique, il écarte les opinions nouvelles, « contraires au sentiment commun de l'Église et des Docteurs ». Ses apologistes modernes vantent son attachement « intelligent » et « respecteueux » au thomisme. La grande affaire est de réfuter la doctrine protestante, poussée à l'extrême par la logique de Calvin, sur la foi seule justifiante, sans pourtant porter atteinte à la,souveraineté de la grâce. Bien avant Molina (dont le livre est de 1588), on peut dire que la Compagnie est moliniste, puisqu'en 1566 le Portugais Pierre de Fonseca enseigne à Evora la scientia media, ou « science des futurs conditionnels » par laquelle Dieu « connaît infailliblement ce que ferait l'homme agissant librement dans toutes les circonstances possibles ». C'est ce que Bellarmin, à Louvain, en 1573, exprimera en définissant la grâce efficace : vocationem qua Deus ila vocal si

    ars of Religion in France (1555-1576). The Huguenots, Catherine de Medici and Philip II (Chicago, 1909, in-8") ; Fr. Decrue, Anne de Montmorency sous les rois Henri II, François II et Charles IX (Paris, 1889, in-8»), A. de Ruble, Antoine de Bourbon et Jeanne ). Pierre de Vaissiére, De quelques assassins (Paris, 1912, in-8°), le chap. i : J e a n Poltrot ; d u même, Le baron des Adrets (Paris, 1930, in-8°) ; Paul Courteault, Biaise de Monlue, historien (Paris, 1908, in-8°); Henri Hauser, François de La Noue (Paris, 1892, in-8 0 ); Ch. Marchand, Les prolestants de Rouen et l'Angleterre au XVI' siècle dans Revue des Facultés catholiques de l'Ouest, t . V (1896), p. 247-252 ; E . Le Parquier, Le siège de Rouen en 1562 (Sotteville-lès-Rouen, 1907, 72 p. in-8») ; P . Viard, Le Président Bégat d a n s l a Revue

    bourguignonne,

    t. X V

    1925), p . 21-105.

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    Les prises d'armes en France

    (1560-1566)

    çois II, convoqué les États généraux qui, élus séparément par chaque ordre dans les bailliages, se réunirent à Orléans. Les gens du Tiers, parmi lesquels les campagnes étaient représentées, arrivaient porteurs d'un immense cahier. Sur le terrain religieux, ils exigeaient, d'accord en cela avec la.noblesse, la réforme du clergé. A cette date, où n'avait pas encore été convoqué le nouveau concile1, ils réclamaient un concile vraiment libre et universel, le maintien des doctrines gallicanes et, en fait, une tolérance au moins provisoire (ceux des provinces où dominaient les calvinistes allaient plus loin), tandis que la majorité du clergé demandait la répression de l'hérésie. Les trois ordres n'étaient d'accord que pour ne pas payer, et les deux ordres laïques, ardents contre les clercs, professaient une hostilité commune contre les Guise. La question de la régence, dont les États revendiquaient le règlement, se posait donc entre la reine-mère, dans la force de ses quarante-deux ans, et le premier prince du sang. Mais déjà Catherine avait su annihiler Antoine. Le piètre personnage, dont les réformés auraient voulu faire leur chef, avait deux raisons pour s'éloigner de sa femme qui, avec une rare énergie, transformait son Béarn en un É t a t calviniste : d'une part, l'infidélité chronique le livrait aux amours passagères, dont la cour multipliait les faciles occasions ; d'autre part, les paroles tentatrices de Philippe faisaient miroiter à ses yeux une solution de la question navarraise. Catherine, une fois maîtresse incontestée, fera cadeau à Antoine du titre de lieutenant-général du royaume. L'habileté de la reine était aidée par celle de son chancelier L'Hospital, qui promettait aux États la suppression de la vénalité des offices, l'interdiction des envois d'argent à Rome, le retour aux élections épiscopales, un concile national, si le pape ne convoquait pas un vrai concile ; bref, presque un schisme, et l'inauguration d'une politique de douceur vis-à-vis de ceux des dissidents qui ne seraient pas des séditieux. Sans forcer, comme l'ont fait des historiens, le sens des formules oratoires par lesquelles l'Hospital avait l'air de proclamer la tolérance pour tous les chrétiens, il faut reconnaître que les lettres du 28 janvier suspendaient au moins la persécution. E t l'on profita des divisions des É t a t s pour renvoyer les députés. Mais si désireuse que fût. Catherine de résister à la pression romaine et de garder, pour mieux régner, la balance égale entre 1. Voir ci-dessus, p. 20 — 55 —

    Les luttes religieuses

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    les deux partis, les choses allaient plus vite que son vouloir. A Beauvais, contre l'évêque Odet de Chastillon, les catholiques déchaînaient une révolte. A Paris, où le petit peuple était aux mains des ordres prêcheurs, on empêchait les réformés de chanter les psaumes dans le Pré-aux-Clercs du faubourg Saint-Germain. Les prêches tumultueux finissaient par des effusions de sang. Cependant la régente elle-même, ses fils, y compris le petit roi, les grandes dames de la cour, affichaient pour le calvinisme une curiosité sympathique, allant quelquefois jusqu'à la dérision des cérémonies papistiques. Elle, elle était surtout heureuse d'être débarrassée « de ceux qui soûlaient [avaient l'habitude d'] être rois », c'est-à-dire des Lorraine : le Cardinal n'avait-il pas, le jour du sacre, menacé Charles IX de la perte de sa couronne s'il changeait de religion ? Philippe II se servait non seulement de son ambassadeur Chantonnay, frère de Granvelle, mais de sa nouvelle épouse, Élisabeth de Valois : la fille était chargée d'effrayer la mère, d'annoncer une intervention espagnole en France au cas où la régente faillirait à son devoir d'exterminer l'hérésie. Elle lui révélait le mystère de la politique du Roi catholique, le lien entre les divers champs de bataille : une mutation de religion en France, écrivait-elle, « lui touche autant qu'à personne ; car, étant France luthérienne, Flandre et Espagne ne sont pas loin ». Et Catherine de répondre en protestant que sa foi est pure, mais qu'elle entend être maîtresse au royaume de son fils, et que son gendre est trop « prince de vérité, de vertu, de parole, pour entreprendre une guerre sans juste occasion ». Aux menaces espagnoles s'ajoutaient les menaces intérieures. Le duc de Guise, appuyé par le maréchal de Saint-André, faisait ce chef-d'œuvre de gagner le vieil ennemi de sa maison : le connétable, par zèle catholique, abandonnait les Chastillon. Ce fut le « triumvirat ». Entre ces écueils, que pouvait faire Catherine ? Louvoyer, éviter de se trop laisser prendre par les réformés, opposer les partis les uns aux autres, les tromper sur ses vraies intentions : garder le pouvoir pour elle et ses enfants. Son triomphe — du moins apparent — ce fut le printemps et l'été de 1561, période d'extraordinaire activité, d'assemblées de tout genre à Paris et autour de Paris, à Poissy, à Pontoise. Entre ces assemblées, il importe de marquer exactement la liaison chronologique. Catherine, nous l'avons dit à propos de Trente, songeait à un concile nationa', qu'elle convoquait pour le 20 juillet. Elle avait vu sans peine, en mai, le synode des églises réformées, à

    Les prises d'armes en France

    (1560-1566)

    Poitiers, demander que douze députés fussent nommés pour aller en cour plaider leur cause. Elle entendait bien les mettre face à face avec les évêques. En même temps, et pour ruiner par avance l'action des nouveaux États, qu'à Orléans il avait promis de convoqiier à Melun, L'Hospital, en juin-juillet, consulte le Parlement grossi du Conseil, assemblée solennelle où s'affrontent les thèses, Coligny contre les triumvirs. Il fait sortir de ces délibérations l'édit des 30-31 juillet, édit ambigu, destiné, écrivait un des correspondants de Bèze, « à tirer quelque argent des ecclésiastiques », tout en laissant tacitement aux réformés une certaine liberté : en fait « l'exercice » du nouveau culte continuait. Cependant, le jour même de l'enregistrement de l'édit, s'ouvrait à Poissy l'assemblée du clergé de France, que Catherine essayait d'utiliser à ses fins de réformation et de réconciliation nationales, sous prétexte de pallier aux interminables retards du concile œcuménique. Grosse inquiétude du nonce et de Chantonnay, bien que les prélats, conduits par Lorraine et Tournon, eussent pris le soin de refuser le titre de concile national et de se limiter à la correction des abus et à l'affaire, essentielle pour le gouvernement, d'une subvention financière. Parallèlement, à deux pas de Poissy, à Pontoise, se réunissaient les États (et non pas à Melun). Le petit roi, Catherine, L'Hospital, passaient de l'une à l'autre assemblée, demandant ,ici et là de l'argent. Les ordres laïques apparaissaient encore plus hostiles au clergé qu'à Orléans. L'orateur du Tiers, Jacques Bretagne, « vierg » (premier magistrat) d'Autun, était un des chefs du protestantisme bourguignon. Il proposait tout net d'amortir les dettes de l'État en vendant le temporel de l'Église, à laquelle on laisserait des revenus suffisants. Les municipalités auraient joué un rôle essentiel dans l'économie de cette opération, qui semble annoncer celle de 1790. L'Hospital utilisa les cahiers du Tiers pour une sorte de chantage. L'assemblée de Poissy, pour écarter-le danger, négocia le « contrat » du 21 octobre 1561 : le clergé consacrerait six annuités de 1.600.000 livres au rachat des aliénations du domaine royal, et dix autres annuités à l'amortissement du principal (7.650.000 livres) des rentes de l'Hôtel de ville de Paris. Le clergé gagnait à ce don « gratuit » deux avantages : maintenir la théorie qui l'exemptait de l'impôt, empêcher les gens de finance de mettre le nez dans ses comptes. Et la régente, par ces succès politiques, écartait les prétentions de la noblesse : celle-ci n'avait^elle pas voulu reporter à vingt ans la majorité des rois, réserver l'organisation de la régence aux — 57 —

    Les tuiles religieuses

    (1560-1570)

    États, et provisoirement aux princes du sang, établir le contrôle des États sur la paix, la guerre, les alliances ? Catherine eut l'art de se faire soutenir par Coligny, et de publier l'ordonnance de réformation dite d'Orléans, qui codifiait les cahiers de la précédente tenue d'États. Cependant, des lettres du 25- juillet avaient autorisé les sujets non catholiques du roi à venir se faire entendre. Malgré Rome, les dispositions iréniques triomphaient. Le cardinal de Lorraine soutenait même sur ce point la régente. Pour favoriser la politique des Guise auprès des princes allemands et en même temps, pour mieux isoler les calvinistes, son jeu était de laisser dire que l'unité de l'Église pourrait s'opérer par une entente avec la Confession d'Augsbourg. Le 22 août, le plus illustre des amis de Calvin, Théodore de Bèze, arrivait à Saint-Germain, où la reine et ses conseillers lui faisaient le meilleur accueil. Le 3 septembre, avec ses confrères les ministres — « les chiens genevois », disait le vieux Tournon — il entrait dans le réfectoire de Poissy, où commençait le « Colloque » des deux religions. Le nonce écrivait à Rome que la cause catholique était perdue, proposait la formation d'une ligue catholique, subventionnée par Rome, contre la France, en massant sur ses frontières des troupes espagnoles. L'éloquence trop impétueuse de Bèze sauva l'Église romaine : sur le point capital de la présence réelle — le point où Calvin se séparait de la Confession d'Augsbourg — il ne put se tenir de répéter le « blasphème » — une sorte de calembour sur cœnum et cœna, la cène et la boue, — tombant ainsi dans le piège que Lorraine lui avait savamment tendu. Tumulte — « mouvements de séance », comme on dirait aujourd'hui, — réponse souverai•nement habile de Lorraine, arrivée du légat d'Esté, intervention violente du jésuite Lainez, qui condamne toute conversation avec ces « loups, renards et serpents », et en appelle au Concile maintenant ouvert. C'en était fait du « Colloque », auquel l'Assemblée survécut à peine. C'en était fait surtout de la tentative pacificatrice de la régente. N'empêche, des paroles avaient été prononcées, tant par les huguenots comme Bretagne que par ceux qu'on appelait déjà les « politiques », qui devaient avoir leur écho : entre l'intolérance romaine et l'intolérance genevoise, des Français commençaient à affirmer que deux religions peuvent coexister en un Etat. Plus que jamais, en cette fin de 1561, Catherine semblait s'appuyer sur les Chastillon contre les Guise, contre Philippe II. Par l'édit de janvier 1562, L'Hospital accordait aux huguenots — 58 —

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    (1560-1566)

    le droit de célébrer leur culte hors des villes closes, et même de tenir dans celles-ci des assemblées privées. Devant l'impossibilité d'assurer l'unité religieuse, la régente allait-elle se convertir à ce que l'on considérait comme irréalisable : la rupture de la traditionnelle triade : « une foy, une Ioy, un roy » ? Au de constituenda religione s'opposait, formule de politique laïque, le de consliluenda republica. En réalité, Catherine se mettait d'accord avec Bèze pour une sorte d'intérim, auquel se soumettaient les églises. Genève saluait dans le petit roi un « nouveau Josias », et Rome se résignait à ce que la reine dépeignait comme « pure nécessité », tout en promettant le départ de ses évêques pour Trente. Seul Chantonnay — l'ambassadeur comtois de Philippe II, un Granvelle — avait la menace à la bouche. D'Andelot entre au conseil. Coligny, qui avait déjà fait au Brésil un essai avec la malheureuse entreprise de Villegagnon 1 , envoyait Jean Ribaut et ses Dieppois en Floride reprendre la tentative de Verazzano : un des navigateurs, René de Laudonnière, un peintre, Jacques Le Moyne de Morgues, nous ont laissé le vivant souvenir de cette épopée, où nos gens, au chant des psaumes, baptisèrent les lieux, un cap Français, une Seine, une Garonne, une Loire, une Charente, et aussi un Jourdain, élevèrent un « padron » aux armes de France, créèrent une citadelle de Charlesfort, entrèrent en bonnes relations avec des populations assez douces. La menace était grave pour l'Espagne. Mais lorsque Ribaut revint à Dieppe pour chercher de nouveaux colons (20 juillet 1562), la guerre civile avait éclaté. Dès la fin de janvier, le Parlement, l'échevinage parisien, l'Université, les prédicateurs populaires, des villes comme Dijon, Aix, Grenoble, Toulouse, et aussi Montmorency protestent contre l'édit, et Navarre se rallie aux triumvirs. Inquiète, insuffisamment soutenue par les Chastillon, Catherine a peur de Condé. E t c'est alors qu'à Saverne, lés princes lorrains essaient de négocier avec Christophe de Wurtemberg, vieil instrument de la politique allemande de la France, cette sorte d'entente catholicoluthérienne qu'ils avaient esquissée à Poissy. Au retour, comme les Guise avaient quitté Joinville, eut lieu, le 1 e r mars, le désastreux événement de Vassy. Qui fut coupable ? Il paraît bien que les huguenots tenaient leur prêche en. ville, contre l'édit. Le duc voulut prendre d'assaut la grange où ils priaient : trente tués, cent vingt ou cent trente blessés. La nouvelle se répandit par1. Voir Les débuts de l'âge moderne, p. 430

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    Les luttes religieuse»

    (1560-1570)

    tout. Effrayée par les Lorrains et les triumvirs, qui l'ont enlevée avec son fils de Fontainebleau et lui enjoignent de renoncer à sa politique d'équilibre, Catherine affolée va jusqu'à invoquer en secret l'appui de Condé, qui ne sait ni comprendre ni oser, et celui de Coligny. La révolte protestante va commencer comme une lutte entre deux fractions de la noblesse, entre Guise et Condé ; une guerre d'Orléans, que d'Andelot a conquise pour le prince, contre Paris fanatisé. Ainsi dans la France des Valois s'ouvre une ère de troubles civils qui durera environ trente ans. Les historiens se sont ingéniés à numéroter ces épisodes : première, deuxième, troisième, etc., guerres de religion. En réalité, ce sont des luttes où se dépense le besoin d'action, inemployé sur les théâtres extérieurs, d'une noblesse turbulente et batailleuse, des révoltes de villes ou de provinces impatientes de la centralisation monarchique, des intrigues étrangères, tantôt pour soutenir un des deux partis, tantôt même pour se tailler, en profitant de la faiblesse du pouvoir royal, quelque morceau de France. Guerres interrompues non par des paix réelles, mais par des trêves, durant lesquelles les relations de famille, de voisinage, d'amitié se renouent entre ennemis qui, hier, se coupaient la gorge et recommenceront demain. Guerres atroces où les deux partis rivaliseront de cruautés inouïes, massacres de protestants, supplices de prêtres, exécutions en masse et tortures sauvages, bris de statues, profanations et destructions d'églises, pillages des trésors sacrés. Guerres où les batailles rangées se compliquent de petites luttes locales, de ville à ville, de château à château. En 1562, la prise d'armes huguenote n'est pas une guerre contre le roi. Un manifeste condéen parle de « la défense de l'autorité du roi, du gouvernement de la reine et du repos du royaume », bien plus, veut remettre « en liberté » le roi et les siens, réputés prisonniers du triumvirat. Le parti condéen est donc, à cette heure, un parti royaliste — plus royaliste que les maîtres de Paris et du roi — autant qu'un parti religieux. Condé surtout est beaucoup moins un homme de foi qu'un chef de parti, qui suit une politique personnelle. II se laisse prendre aux ruses de Catherine qui lui conseille de sortir du royaume, puis se brouille avec elle. Des coups de main livrent Angers, Tours, Blois, Valence, Lyon même à ses partisans dont quelques-uns sont de féroces égorgeurs, comme le fameux des Adrets. Les soldats condéens qui formaient d'abord une armée de saints, sous la direction

    Le» prista d'armes en France

    (1560-1566)

    rigide des ministres, ne tardent pas à se laisser gagner, tout comme les soldats catholiques d'un Biaise de Montluc, par le goût du pillage, du viol, de la tuerie. L'un des plus austères parmi eux, élève de ce rude disciplinaire qu'était Coligny, déplore cet avènement de « Mademoiselle Picorée ». Condé fait appel aux sympathies des princes luthériens allemands, d'Élisabeth d'Angleterre, et rejette par là Catherine vers les souverains catholiques : le pape, le duc de Savoie et, au premier rang, Philippe. Elle acquiert l'appui du Savoyard en échangeant les citadelles piémontaises que le Cateau avait laissées provisoirement à la France contre deux places médiocres (traité de Fossano, 2 nov. 1562). Mais déjà l'on voyait combien comptaient peu les avantages accordés en 1559. Les protestants de Rouen, maîtres de la grande ville, voyaient l'un des Guise, le duc d'Aumale, nommé lieutenant-général en Normandie et battant déjà leurs murs. Leurs échevins implorent le secours d'Élisabeth par des lettres rappelant qu'ils furent jadis les « sujets naturels » des rois d'Angleterre : l'idée moderne du patriotisme se heurtait encore non seulement à la passion politique et religieuse, mais aux traditions de l'hommage féodal. Ceci ne les empêche pas, contradiction assez naïve, d'attendre des Anglais qu'ils les aident à « vaincre et défaire les adversaires du roi et du royaume », car ils ne mettent pas en doute le mythe de la captivité du roi. Leurs députés, et deux de Dieppe et du Havre, accompagnent en Angleterre l'envoyé de Condé, Jean de Ferrières, vidame de Chartres, qui signe le 20 septembre 1562 avec Cecil un traité à Hamptoncourt : Élisabeth promet à Condé subsides et soldats ; comme gage elle gardera Le Havre : arguant du texte du Cateau-Cambrésis, qui n'avait remis Calais à la France que pour huit ans, elle spécifiait qu'elle évacuerait le Havre seulement le jour où Condé lui rétrocéderait ce Calais que sa sœur Marie ne s'était pas consolée de voir enlever à l'Angleterre. Les chefs protestants encouraient ainsi le reproche de faire bon marché de la glorieuse conquête de Guise, de vendre à l'ennemi une parcelle sacrée du sol national. Les triumvirs profitèrent de cette faute pour hâter le siège de Rouen. L'armée assiégeante, ce qui achève de peindre la confusion de cette époque, comptait sous Guise, Montmorency et Antoine des reîtres luthériens, des Suisses des deux religions, mais aussi des protestants français qui venaient de capituler à Bourges, tandis que Montgomery avait dans Rouen quelques centaines d'Écossais et d'Anglais. Au reste, il était impossible

    Ltt

    ultes religieuses

    (1560-1570)

    de bloquer le grand port, et Catherine, malgré les triumvirs et Chantonnay, ne voulait pas détruire une des plus riches villes de France, alors la seconde du royaume. De là des opérations assez irrégulièrement conduites, coupées de pourparlers. Un peuple fervent répondit par le chant de psaumes et on ne put éviter l'assaut, le pillage, marqué par des scènes de vil marchandage, des exécutions de conseillers et de ministres. Condé riposte par des pendaisons d'otages. Cependant Catherine et L'Hospital, fidèles à leur politique anti-guisarde, accordaient aux habitants une sorte d'amnistie. Antoine de Bourbon, blessé mortellement, finit peut-être luthérien. Condé marchait vers les secours anglais lorsqu'il se heurta au connétable à Dreux (19 décembre) ; il mit l'armée adverse en déroute, et prit Montmorency, mais Guise fondit sur les huguenots épuisés, et ce fut au tour du prince d'être prisonnier. Restaient en présence les deux vrais chefs de guerre : Coligny, qui dominait la Normandie, et Guise qui, pour couper les communications de l'amiral avec l'outre-Loire, vint assiéger d'Andelot dans Orléans. Mais les haines, depuis les supplices d'Amboise, n'avaient pas désarmé : à la tête du pont, Guise fat tué (24 février 1563) par un de ces petits gentilshommes de Saintonge qui apportaient dans le conflit la foi des Macchabées. A la torture, Poltrot de Méré accusa, déchargea tour à tour Calvin et Bèze, qui n'avaient cessé de blâmer les meurtres et les pillages, Condé, Coligny, lequel nia toute complicité, mais qui ne put s'empêcher de saluer en cette mort de l'ennemi un miracle de la divine justice. Quant à Catherine, elle ne pleurait guère son tyran. Elle voyait les nobles dauphinois et languedociens constituer dans leur pays et jusqu'à Montauban et Castres, jusqu'à Lyon, une véritable confédération huguenote. Les morts et les captivités faisaient d'elle la maîtresse de l'heure. Par Condé, toujours faible et personnel, sensible comme son frère aux charmes capiteux et savants de la cour des Valois, par le vieux Montmorency, elle moyenne une paix et, malgré Coligny, impose aux partis le premier de ces édits de pacification qui marqueront un simple temps d'arrêt dans la série des batailles. Celui-ci (Amboise, 19 mars 1563) était une concession faite uniquement à la gentilhommerie huguenote ; en dehors des' maisons des seigneurs haut-justiciers, le culte n'était autorisé que dans une ville par bailliage — Paris excepté — et encore les temples ne pouvaient-ils s'élever que dans les faubourgs. On était en recul sur l'édit de janvier, et il n'est pas étonnant que les —

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    Les prises d'armes en France

    (1560-1566)

    Chastillon, les ministres, Calvin lui-même aient estimé que le prince avait trahi la cause de Dieu. Cependant on pouvait parler de réconciliation nationale, car, la reine d'Angleterre réclamant l'exécution du traité de Hamptoncourt, elle eut beau accuser de parjure les chefs protestants, on vit Montmorency et Condé réunir leurs troupes pour reprendre Le Havre. Élisabeth laisse cours à sa colère, tempête contre l'arrestation de son ambassadeur Throckmorton ; elle ne peut plus, à cette date, s'allier avec l'Espagne, et elle sera obligée (par le traité de Troyes du 12 avril 1564) de renoncer définitivement à Calais. Encore une fois la politique de Catherine semblait triompher. Mais des voix menaçantes s'élevaient. Les États de Bourgogne, le Parlement de Dijon, par la bouche de l'avocat-général Jean Bégat, désavouaient la thèse tolérante présentée par Bretagne, rappelaient audacieusement qu'unie à la Couronne par un contrat, et d'abord par le mariage de Clotilde, la province n'était liée que vis-à-vis d'un roi très chrétien, ennemi de l'hérésie : thèse dangereuse en une province limitrophe des terres d'Espagne. Les nobles, qui avaient pris les armes pour « séculariser » à l'allemande des biens d'Église, entendaient ne pas les rendre. Les soulèvements populaires contre les chanteurs de psaumes, par exemple à Saint-Médard de Paris, les massacres comme celui de Sens, les assassinats étaient de tous les jours. En même temps se jouait la grosse affaire du concile1. Pie IV, irrité de l'attitude de la France (car L'Hospital désavouait le cardinal de Lorraine), citait à Rome des évêques suspects, menaçait de déposer Jeanne d'Albret. Catherine protestait au nom des libertés gallicanes, au nom de l'indépendance temporelle des couronnes, et résistait aux démarches comminatoires des ambassadeurs catholiques. Pour asseoir l'autorité de son fils qu'elle avait fait proclamer majeur à treize ans révolus par le Parlement de Rouen, elle imagina de ie montrer à ses sujets, allant demander de Parlement en Parlement l'enregistrement de l'édit, cassant au passage les magistrats persécuteurs, remplaçant le Parlement d'Aix par une commission, ramenant la paix dans les villes. Si l'édit rendu à Roussillon (4 août 1564) reproduisait les diverses défenses faites aux réformés par l'édit de Pacification, Catherine veillait à ce que celui-ci ne fût pas yiolé à leur détriment. Mais l'agitation des partis persistait. Pendant l'absence du roi éclatait à Paris une

    1. Voir p. 22.

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    Les luttes religieuses

    (1580-1570)

    lutte, dont on voyait bien qu'elle était plus politique que religieuse, entre les Lorraine et les Montmorency. Ce long voyage, qui dura de mars 1564 à mai 1566 et qui se déroulait au milieu des fêtes, mena la cour ambulante aux frontières d'Espagne. Catherine souhaitait vivement y voir son gendre, apaiser les malentendus passés, marier sa fille Marguerite à l'infant ou à un Habsbourg d'Allemagne, son fils Henri d'Anjou à la douairière du Portugal. Cette politique matrimoniale la rapprochait forcément du catholicisme. Mais le Roi Prudent n'allait pas si vite en besogne ; il voulait d'abord obtenir de Catherine l'engagement qu'elle aiderait à réprimer l'hérésie, qu'elle étoufferait le nid de calvinistes français qui infestaient les Pays-Bas ; il savait qu'entre Amiens et Bréda, c'est-à-dire entre Guillaume d'Orange et Louis de Condé, gouverneur de Picardie, s'engageaient des correspondances, et en même temps il craignait d'inquiéter Élisabeth avec laquelle il n'avait pas rompu. Il se borna donc à envoyer la reine d'Espagne voir sa mère à Bayonne, en la faisant accompagner par le duc d'Albe, le plus acharné de ses conseillers, le plus méfiant aussi. Catherine ne recevait-elle pas un envoyé turc, ne parlait-elle pas de marier le jeune roi à la reine hérétique d'Angleterre, ne se dérobait-elle point quand on lui demandait d'expulser les ministres, de supprimer le culte réformé ? Catherine ne voulait pas de guerre. Mais le mystère de ces entretiens inquiétait les réformés : ils savaient que les envoyés espagnols avaient conféré avec les conseillers du roi, que certains catholiques avaient parlé de trancher la tête aux chefs du parti. Ainsi s'explique-t-on que plus tard ils aient cru discerner dans ces entrevues de 1565 l'origine du massacre de 1572. IV. — LE TEMPS

    DES

    TROUBLES

    (1565-1570J1

    Le départ de Granvelle pour la Comté, puis pour Rome, n'était pas une solution au problème des Pays-Bas. De plus en 1. O U V R A G E S A C O N S U L T E R . — Aux ouvrages cités ci-dessus (p. 54, n. 1), ajouter H. de Vries, Genève, pépinière du calvinisme hollandais (Fribourg, Suisse, 1918, in-8°) ; Ch. Mercier, Les théories politiques des calvinistes dans les Pays-Bas à la fin du XVI• siècle et au début du XVII' siècle, dans la Revue d'histoire ecclésiastique, t. X X I X (1933), p. 25-73 ; Van Schelven, La notion politique de la tolérance religieuse, dans la Revue historique, t. CLXXI (1933), p. 299-314 ; F.. Coornaert, La draperiesayetterie ), et le livre de Ryan cité p. 27. n 1 : 1 . Raulich. Sinria di Carlo Rmanuele l (Milan 18'.m-l02, 2 vM. ln-8°) : R. RerRndani, Carlo Emanuele 1 (Turin. l!M2. In-lfi) ; Iv'g Saul'itcr. tje rôle politique du cardinal de Bourbon. Charles X (Paris, 1ÎI12, in-8», tasc. 1!)3 de la i BiMiothéque de l'École des hautes éludes, sciences historiques et philologiques •); H . de l'Épinois, La Ligue et les papes (Paris, 1880, iii-8«).

    — 129 —

    L'arrêt de la croissance

    espagnole

    ambassadeurs d'Espagne traitent avec eux, en réalité contre Henri III, puisque nul des contractants ne pourra s'entendre isolément avec le roi de France. Pour ménager les transitions, la couronne sera réservée à un Bourbon, un vieillard, le cardinal, oncle des deux hérétiques Navarre et Condé ; les participants s'engagent, ce qui indique bien le rôle de Philippe II dans l'affaire, à exterminer l'hérésie aussi bien aux Pays-Bas qu'en France. Cinquante mille écus espagnols les aideront dans cette tâche ; en fait, des sommes énormes passeront ainsi la frontière, parfois 300.000 d'un coup, contre des quittances signées « Henri de Lorraine, duc de Guise, pair et grand-maltre de France, t a n t pour nous qu'au nom et de la part de tous ceux qui se trouvent compris en notre commune ligue ». Celle-ci lançait de Péronne (30 mars), au nom du cardinal de Bourbon, une Déclaration contre ceux qui « s'efforcent de subvertir la religion catholique et l'État », et où les mignons, le roi, les politiques étaient visés comme les huguenots. De nouveau se déchaînent pamphlétaires et prédicateurs, qui tournent de plus en plus, surtout à Paris, les colères populaires contre le roi. Affolé, persuadé par sa mère qu'une tactique dilatoire peut seule le sauver, le malheureux Henri I I I cède tout aux chefs ligueurs (à Nemours, 7 juillet) : des places de sûreté, des gouvernements et des pensions, le paiement de leurs mercenaires, enfin un édit qui révoque tous les édits de pacification et proscrit la « religion prétendue réformée ». Sixte Quint leur accorde (9 septembre) une bulle déclarant Henri de Navarre et Condé déchus de leurs droits. Imprudente démarche, qui faisait du Béarnais un compagnon de lutte de son alliée Élisabeth. Le gallicanisme du Parlement de Paris se hérisse devant cet empiétement de Rome sur les droits temporels de la couronne. C'est un basochien, Pierre de L'Estoile, qui signe du nom du roi de Navarre une audacieuse réponse à « Monsieur Sixte, soidisant pape », et l'on réussit à la faire afficher dans la Ville éternelle. Le Béarnais avait une grande part des gallicans avec lui lorsqu'à son instigation François Hotman lançait de Genève une autre réponse, la « Foudre imbécile », Brutum fulmen Papse Sixti V advenus Henricum Regem Navarrse. La bulle n'a fait que redonner un nouvel essor à la controverse sur la « loi salique », considérée par les légistes comme le symbole de l'indépendance nationale. Si l'avocat ligueur Louis Dorléans, joignant la cause des catholiques français à celle des catholiques anglais, pleura le « martyre » de la reine d'Écosse et dénonce au inonde — 130 —

    La crise dynastique en France

    (1581-1589)

    les crimes de la moderne « .Ji-zabel », il trouve pour lui répondre, à côté des meilleurs écrivains navarristes, comme du PlessisMornay, des « politiques » comme du Belloy. Us s'accordent pour préconiser une « Contre-Ligue », destinée à combattre les « Espagnols-Français ». Mais contre eux se lève, de Rome même, le plus célèbre des controversistes catholiques, Bellarmin, qui revendique pour le souverain pontife, comme aux temps de Grégoire VII, l'hégémonie de la république chrétienne. Sur la carte, on pouvait distinguer en gros une France ligueuse et guisarde (tout l'est et le nord), limitée par une ligne allant de Dijon et Lyon à Bourges, Orléans, Angers. Navarre tenait sa Gascogne et arrêtait les troupes royales qui, avec Joyeuse, avaient chassé Condé de la Saintonge. Depuis la mort de Guillaume d'Orange, contemporaine de celle du duc d'Anjou, et les succès de Farnèse, le Béarnais apparaissait comme le champion du protestantisme européen. Avec une remarquable habileté, il tirait parti de cette situation, par exemple lorsqu'il écrivait à Élisabeth (8 mai 1585) : « Que si Dieu a voulu, Madame, comme il semble, que la France soit l'échafaud où cette tragédie ait à se jouer, au moins espéré-je que tous les princes ehrétiens y ressentiraient leur intérêt... >

    Sinon tous, quelques-uns comprenaient que la France était l'enjeu, en effet, suprême, et se décidaient à envoyer des subsidès au roitelet de Navarre. Avec cet argent anglais, danois, etc., Jean-Casimir organisait une armée de secours, d'Allemands et de Suisses évangéliques. Mais le Béarnais les attendait encore lorsque, entre Isle et Dronne, à Coutras (20 octobre 1587), il remporta une victoire, la plus éclatante qui ait jamais illustré la Cause, et où son courage personnel, sa chance d'heureux joueur, se mariaient à l'humanité à la douceur, et aussi à une habileté de fin politique qui évitait d'élargir et d'ensanglanter le fossé entre Pau et Paris. Car, dans cette « guerre des trois Henri », le contact n'était jamais tout à fait rompu entre deux de ces Henri, celui de France et celui de Navarre. La vieille Catherine, toujours prête à renouer les fils des négociations, se souvenait qu'elle avait un gendre, traitait avec lui de son divorce possible. Épernon en Provence, Damville en Languedoc, Biron dans l'ouest, restaient plus ou moins fidèles à son fils, travaillant surtout pour eux-mêmes, combattant les huguenots sans rompre toutes relations avec eux. Lesdiguières continuait à défendre la cause huguenote en — 131 —

    L'arrtl de la croissance espagnole

    Dauphiné, prenant Lyon et la Provence h revers et c o u p a n t les communications du duc de Savoie ; de même, sur les frontières de la Lorraine, le duc de Bouillon ouvrait dans Sedan et J a m e t z un refuge à ses coreligionnaires, commandés par La Noue. La double victoire des Guise en Gâtinais, à Vimory (six jours après Coutras) et à Auneau (quatre semaines plus tard), sur les reîtres et les Suisses de Dolina, n'était pas décisive. Henri I I I s'arrangea pour ne pas trop inquiéter les envahisseurs, qui avaient cependant semé la dévastation sur leur passage. Seuls les Lorraine allèrent, par représailles, piller le comté de Montbéliard. Henri I I I et son favori d ' É p e r n o n devenaient de plus en plus suspects aux « catholiques zélés » et s u r t o u t au peuple parisien, exaspéré par les nouvelles d'Angleterre, saluant avec enthousiasme les préparatifs du Roi Catholique contre « la louve, la chienne, hôtesse d'Antéchrist », et son île, sentine d'hérésie. Lorsque Henri de Guise, l'idole du petit peuple parisien, ose venir en plein Louvre et que le roi fait entrer à Paris, pour se défendre, des troupes suisses et françaises, on entend gronder par la ville grouillante l'orage des journées révolutionnaires. « Le bruit courait qu'on voulait assassiner le duc de Guise et faire pendre les bons catholiques », s u r t o u t les chefs des seize quartiers (12 mai 1588). Comme par miracle, les futailles sortent des caves, se remplissent de pierres, s'amoncellent en « barricades » que l'on fortifie avec des chaînes, des poutres, même des charrettes. « A u t a n t de rues qu'il avait vues, r a p p o r t a i t Biron, a u t a n t de villes à canonner » et à prendre. Les pourparlers, pardessus la démagogie militante, continuaient entre la reine-mère, le duc et son fidèle conseiller, Pierre d'Épinac, archevêque de Lyon. Mais soudain, le roi, que les émeutiers parlaient d'aller cueillir en son Louvre, s'enfuit d'une traite jusqu'à Chartres. Nouveau roi de Paris, Guise n'était qu'en apparence le maître de cette capitale qui se donnait une nouvelle municipalité, élue à haute voix et sous l'œil des vainqueurs. La ville de bourgeoisie se transformait en une commune insurgée. Comme au temps d'Étienne Marcel, elle e n t r a i t en correspondance avec d'autres villes, les conviant à une révolte commune contre le Conseil du roi, protestant encore, des lèvres, de son respect pour la personne royale. Mais la lutte allait s'ouvrir, inexpiable, avec celui qui n ' é t a i t plus que le roi de Chartres. Il feignait de t o u t approuver, signait l'édit d'union, — Sainte Union des — 132 —

    La eritt dynastique m France

    (1SS1-1ÎS9)

    Ligues, — faisait de Guise son lieutenant-général, convoquait des É t a t s Généraux où les ligueurs seraient les maîtres. Mais lorsque, ces É t a l s se réunirent à Blois en septembreoctobre, les vents avaient mis à néant le projet grandiose de Philippe. Henri cessait de penser, malgré le légat et Mendoza, à une alliance catholique et laissait entendre à Stafford que l'heure de la vengeance viendrait. Son discours l'annonçait déjà. Le 23 décembre, dans son propre château blésois, sous ses yeux, Guise était assassiné par ses fidèles. Le frère, le cardinal, était jeté en prison, où il fut tué le lendemain et où se trouvaient aussi, avec l'héritier de la femille, le vieux Bourbon, Épinac, le nouveau prévôt des marchands, La Chapelle-Marteau, et plusieurs ligueurs. Catherine, à qui Henri avait dissimulé ses projets, ne survivra guère plus de deux semaines à l'écroulement de ses dernières espérances. Henri s'écriait : « A présent, je suis roi », et se rapprochait de Navarre, avec lequel il traitait et se rencontrait à Tours en avril 1589, et les deux rois commençaient à reconquérir des villes. Mais contre le meurtrier des « deux frères », contre le « Vilain Herodes » (anagramme de Henri de Valois), contre le « faux visage découvert du fin renard de la France », c'est un furieux concert d'imprécations. Comme il s'était a t t a q u é aux princes de l'Église, Sixte Quint se résolut à le sommer par monitoire de comparaître au tribunal de Pierre, sous peine d'excommunication. La Sorbonne déliait les sujets de leur serment, le curé J e a n Boucher écrivait « de la juste abdication de Henri I I I ». Le Parlement, d o n t une partie s'ctait retirée à Tours, é t a i t épuré à Paris de tous ses membres tièdes. Mayenne, le frère des « m a r t r y s », était élu lieutenant-général de l ' É t a t et Couronne de France par la municipalité insurgée, et il essayait de créer, pour être moins étroitement prisonnier de celle-ci, un Conseil général de l'Union où entraient des gens de robe. Les deux rois, désormais unis, de Navarre et de France, les deux armées, catholiques royaux et huguenots, préparaient, des h a u t e u r s de Saint-Cloud et de Meudon, l'investissement de la ville rebelle. Au milieu de foules exaspérées par les privations et qui s'attendaient, en cas de victoire du roi, à d'épouvantables représailles, toutes les chaires parisiennes retentissaient d'appels au meurtre, et la couronne des bienheureux était promise à qui débarrasserait la France du « t y r a n ». T a n t d'excitations ne pouvaient rester inutiles : un moine jacobin, Jacques Clément se c r u t désigné p a r le Ciel et poignarda Henri I I I . E n m o u r a n t , le — 133 —

    L'arrêl de la croissance

    espagnole

    2 août 1589, ce roi neurasthénique eut un sursaut d'énergie pour reconnaître dans le roi de Navarre son successeur. IV. — LES DÉBUTS

    DE L'EMPIRE

    ANGLAIS

    (1576-1583)l

    « Celui qui commande la mer commande le commerce ; celui qui commande le commerce du monde commande la richesse du monde, et par conséquent le monde lui-même » : ce mot de sir Walter Raleigh résume le long effort qui fera de l'Angleterre d'Élisabeth la reine des mers. Elle a longtemps résisté à l'appel du destin. Le Conseil privé, en 1572, fermait encore les ports anglais aux Gueux de mer, considérés comme des pirates et des rebelles, et c'est même cette impossibilité de s'assurer une base anglaise qui les amena à saisir la Brielle. Nous savons combien la reine était hésitante, entre Burleigh, hostile à toute piraterie et qui redoutait plus la domination des Français que celle des Espagnols aux Pays-Bas, et Walsingham, ami des huguenots et de la maison de Nassau. Cependant le Conseil se demandait si, « attendu les mauvais déportements du duc d'Alva contre ce royaume », il ne conviendrait pas d'aider les nouveaux maîtres de Flessingue, « vu que c'est une ville très commode pour y établir le commerce, beaucoup plus que n'est Hambourg ». Une nouvelle « étape » des draps anglais : cela ne vaudrait-il pas qu'on fermât les yeux sur les sujets de Sa. Majesté qui servent dans les vaisseaux des rebelles ? L'effort de Lépante a momentanément affaibli la supériorité navale de l'Espagne, à l'instant même où les habiles négociations de Hawkins avec l'ambassadeui* d'Espagne ont révélé la vraie nature des projets de l'Escorial. Au temps de la SaintBarthélemy, Francis Drake venait de manquer un coup hardi contre Nombre de Dios lorsqu'il rencontra un corsaire français, Guillaume Le Testu, et tous deux capturèrent les convois de 1. OUVRAGES A CONSULTER. — Revoir la bibliographie antérieure sur Élisabeth (p. 49), notamment Corbett (cité p. 65 ) ; Conyers Read, Secrelary Walsingham and ihe policy of Queen Elisabelh (Oxford, 1925, 3 vol. in-8°) ; A. L. Rowland et G. B. Manhart, Studies in English commerce and exploration in ihe reign of Elizabeih (Philadelphie, 1924, 2 vol. in-16) ; J. B. Marcus, Die handelspolitische Beziehungen îwisehen England und Deutschland, 1576-1585 (Berlin, 1925, in-8°) ; G. Unwin, Studies in économie history, éd. par R. H. Tawney (Londres 1927, in-8°) ; J. B. Parks, Richard Hakluyt and the English voyages (New York, 1928, in-8°, lasc. 10 des publications de 1' ' American geographical Society ») ; L, Brentano, Eine Geschiehte der wirtschaftlichen Entwickelung Englands (Iéna, 1927, 3 vol. in-8"), t. II ; J. Holland Rose, A. P. Newton et E. A. Beni^ns, The Cambridge history of Ihe British Empire, t. I " : The old Empire (Cambridge, 1] (Lisbonne, 1924, in-8>), et CamSes eD. Sebastiâo (Lisbonne, 1925, in-8°). Encore, dans le sens admiratif M. Murias, A politica de Africa de el rei D. Sebastiâo (Lisbonne, 1926, in-8°), et M. Dlas, O Piedoso e O Desejado [« le Pieux (Jean III) et le Désiré (Sébastien)] (Lisbonne, 1925, in-12). H. de Castries, Les sources inédites de l'histoire du Maroc ; 1 " série, t . I (Paris, 1905, in-8°), p. 395-406 (sur « les relations de la bataille d'ElKsar el-Kébir »), et P. Ricard, Publications portugaises sur la bataille d^El-Ksar, dans Hespéris, ann. 1927, p. 33-51 ; E. W. Bovill, The Moobish invasion of the Sudan, dans le Journal of the African Society, t . XXVI (1927), p. 245-292 et 380-387 ; t . XXVII (1928) ; p. 47-56, M. Delafosse, Les relations du Maroc avec le Soudan, dans Hespéris, ann. 1924, p. 153-174 ; E. Lévi-Provençal, Les historiens des Chorfa (Paris, 1922, in-8°) ; Ch. de La Roncière, Histoire de la marine française, t. IV (Paris, 1910, in-8") ; H. Léonardon, Essai sur la politique et r intervention de Catherine de Médicis dans la question de la succession de Portugal (Paris, 1902, in-8°) ; Est. Cal—

    138 —

    VIslam

    maghrébin et la question portugaise

    (1574-1SSS)

    de la partie centrale et orientale du Maghreb p a r Aroudj — qui avait, dit un bénédictin captif, « commencé la grande puissance d'Alger et de la Barbarie » — et par son frère K h a y r ed-Din 1 . Celui-ci, qui avait reçu du sultan Sélim, contre un serment d'hommage, le titre de « chef des chefs », beglerbey, avait su mettre en valeur la position du port d'Alger, havre médiocre, mais bien posté pour surveiller les routes d'ouest en est, pour couper les communications entre l'Andalousie et la Sicile. E n fortifiant la petite place, en étendant son action contre Tunis plus ou moins protégée de l'Espagne, les beylerbeys, « rois d'Alger », ont créé un véritable É t a t algérien. É t a t militaire t u r c constitué par deux forces : d'abord les pirates, la taïfa ou corporation des capitaines de course, dont les galères petites et rapides sont manœuvrées par des chiourmes admirablement disciplinées ; elles se recrutent parmi les renégats ou les chrétiens captifs, luttent contre la piraterie chrétienne qui capture, de son côté, des esclaves musulmans ; elles saccagent les régions côtières d'Espagne, de Provence, d'Italie, où les tours de guette ne suffisent pas à signaler leurs terribles et fructueuses incursions ; secondement, une milice terrestre, l'odjâq ou « foyer » de janissaires à la turque, ramassis de misérables amenés d'Asie, mais qui se transforment en « Turcs de profession », sorte d'aristocratie guerrière et égalitaire, groupée comme à Stamboul autour des grandes marmites de bronze qu'ils renversent les jours de révolte. A côté de ces fantassins, les spahis chevauchent les ardents coursiers « barbes ». Les jalousies éclatent entre odjâk et taïfa, et les beylerbeys essaient de contrebalancer les janissaires en levant des troupes berbères, surtout dans les tribus des Zouaoua. Alger, sous le beylerbey Euldj-Ali, un Calabrais (1568-1587), est une grande ville qui compte peut-être 60.000 habitants, où les « Maures » — Berbères arabisés, — les « Andalous » chassés d'Espagne, les Levantins, les métis de Turcs et de femmes indigènes, les renégats venus de partout, les juifs, voisinent avec le chiffre imposant de 25.000 captifs chrétiens. Le produit des pillages, le commerce qui est le plus souvent de contrebande, les rançons entassent des richesses dans la ville étroitement murée, dont les maisons à terrasses blanches grimpent à l'assaut de la côte abrupte. Alger, malgré les victoires éphémères de don deron, De la conquisla y pérdida de Portugal (Madrid, 1886, 2 vol. in-8") ; Suârez Inclan. Guerra de anexion en Portugal (Madrid, 1882, in-8» ; 2' éd., 1897-98, 2 vol. in-8°), et Sanchez Moguel, Portugal y Felipe II (Madrid, 1904, in-8°). 1. Hauser et Renaudet, Les débuts de l'âge moderne, p. 406 et 459.

    — 139 —

    L'arrit de la croissance espagnole J u a n , d é b o r d e v e r s l ' e s t , g r â c e a u x croisières de D r a g u t c o n t r e D o r i a . C'en e s t fini d'un rêve de P h i l i p p e I I , qui a v a i t voulu faire de la G o u l e t t e , a v e c M a l t e et la Sicile, la f r o n t i è r e o r i e n t a l e de l ' E s p a g n e , le r e m p a r t de la M é d i t e r r a n é e du p o n a n t . A c ô t é du c o m m e r c e génois de T a b a r k a , c ' e s t le c o m m e r c e f r a n ç a i s , e x a c t e m e n t c o r s e - m a r s e i l l a i s , qui s ' i n s t a l l e en 15G0, a v e c l ' a u t o r i s a t i o n de la P o r t e alliée, v e r s les c o n f i n s a l g é r o - t u n i s i e n s , à la Calle, où s'édifie le b a s t i o n de F r a n c e , d ' a b o r d p o u r y c h e r c h e r une* m a t i è r e alors précieuse, le corail, puis aussi p o u r a c h e t e r a u x gens des d o u a r s leurs cuirs, leurs cires, m ê m e des céréales. Mais Alger l u t t e aussi, à l ' o r i e n t , c o n t r e O r a n , où un isolé, le c o m t e d ' A l c a u d e t e , essaie de m a i n t e n i r une d o m i n a t i o n espagnole e t le p r o t e c t o r a t sur T l e m c e n . L e s t r o u p e s d ' E u l d j - A l i s ' y h e u r t e n t aussi à de n o u v e a u x e n n e m i s , d ' a u t r e s m u s u l m a n s , d a n s la vallée du Chélif e t d a n s la t r o u é e de T a z a . L o r s q u ' à sa m o r t la P o r t e r e n o n c e à l ' i n s t i t u t i o n des b e y l e i b e y s pour const i t u e r , sous des p a c h a s , les t r o i s r é g e n c e s de T i i p o l i , de T u n i s et d'Alger, la c o u p u r e se f a i l e n t r e le M a g h r e b c e n t r a l et l ' c x t r ê m e o u e s t , Maghreb el-Aksa, ce que b o u s a p p e l o n s le M a r o c . L à aussi les c h o s e s a v a i e n t c h a n g é depuis le d é b u t du x v i e siècle 1 . C o n t r e la d y n a s t i e b e i b è r e de F è s s ' é t a i e n t levés d a n s le S o n s des ehérifs (chorfa), les B e n i S a d ( S a a d i e n s ) , installés d ' a b o r d à T a r o u d a n t , puis à M a r r a k e c h . L e u r force spii ituelle, ou baraka, s'i Catholique. Paris conquis, le royaume ne l'était pas. Il fall tl reprendre ville à ville, province à province, en négo< iant avec les grands, souvent à prix d'or ou contre promesses de charges et de pensions, — « ils ne m ' o n t pas, dira Henri IV, rendu mon royaume, mais bien vendu », — parfois en utilisant la lassitude des populations urbaines, et leur» révoltes contre les oligarchies locales, parfois en s ' a p p u y a n t sur des parlementaires é c œ i r é s par I' « espagnolisme ». II est impossible de conter dans le détail la reddition des places normandes, picardes, champenoises, poitevines, gasconnes. Ailleurs, des révolutions citadines mettaient les villes, non sans conditions, aux mains du roi. J u s q u ' e n 159Ô, Marseille sera une vraie république ligueuse. E t malgré la reddition d'Aix, d o n t le Parlement f u t le premier à reconnaître le roi (dès j a n v . 1594), le duc d'Ëpernon, t o u t en se disant gouverneur au nom du roi, était un vrai roi de Provence, qui avait essayé de s'appuyer sur le sentiment autonomiste du pays. Henri IV envoya contre lui l'héritier des Guise, avec qui il avait eu l'habileté de se réconcilier, et qui lui avait livré Reims. A Marseille, un agitateur corse, Libertat, rendit la ville au roi contre maintien de ses privilèges. Lyon, moins heureux, ne capitula qu'en échangeant son antique consulat contre une prévôté des marchands à l'instar de Paris : on ne pouvait laisser à l'état de république commerciale cette ville, boulevard contre le duc de Savoie et son parent Nemours. Lyon, c'était le lien avec Genève, fidèle alliée du Béarnais même converti, et qui lui gardait le chemin de ses autres alliés, les Cantons suisses. Sa bravoure soit au feu, soit d e v a n t les tentatives d'assassinat qui le visaient comme naguère Guillaume d'Orange, ses pardons habiles qui semblaient effacer j u s q u ' a u souvenir du — 168 —

    La reconquête du royaume de France

    ( 1587-1598)

    passé, sa bonhomie narquoise, dépouillée de toute morgue et de toute étiquette, ses allures quasi-populacières de batteur d'estrade, plus habitué à la vie des camps qu'à celle des cours, sa forte senteur d'infatigable cavalier, sa bonne humeur devant sa caisse vide ou sa table maigre, et, dans ses habits râpés, l'éloquence gasconne, primesautière, colorée et drue, à la fois familière, finaude et autoritaire d'un roi qui savait être de plain-pied avec ses sujets tout en leur rappelant, par promesses et menaces, qu'il était le roi et entendait rester le maître ; ces traits de caractère, si différents de ceux des derniers Valois, lui garantissaient la tranquillité des terres soumises tandis qu'il reprenait, dans les autres, la lutte ouverte contre les armées d'Espagne. Il avait fait, malgré Mansfeld, capituler Laon, puis ChâteauThierry. L e point dangereux, c'était la Bourgogne ; la Comté voisine était la grande place d'armes de Philippe I I . A Dijon, 1« Commune, le Parlement resteront longtemps fidèles au gouverneur, Mayenne en personne, véritable vice-roi qui sut maintenir un pouvoir fort, une administration régulière. Mais les complots royalistes minaient son autorité, qui ne régnait plus que par la peur du bourreau, ^'investissement, commencé par l'Auxois, le Morvan, le Mâconnais, avait été resserré par Biron sur Beaune, Nuits, Auxonne, Autun. Dijon même se révoltait et recevait le roi. Les mayennistes gardaient seulement le château et, sur une hauteur qui barrait la route de Paris, celui de Talant. Henri, par une audacieuse randonnée de cavalerie, se porta vers le nord-est au-devant des Espagnols de Velasco et de Mayenne : à Fontaine-Française, dans un véritable coup de folie où il risquait tout, il force une grosse armée à repasser la Saône (5 juin 1595). Il a donc déjà nettoyé la Bourgogne ; et le voilà qui poursuivait l'ennemi en Comté lorsque les Cantons lui rappelèrent les vieux traités de la neutralité des Deux-Bourgognes. Il avait trop d'intérêt à ménager ces alliés, à l'heure où les autres, les Provinces-Unies, Elisabeth, étaient las de lui envoyer des secours, et où cette dernière commençait à être jalouse des progrès trop rapides de son protégé. FontaineFrançaise, combat d'avant-garde, escarmouche d'un reître heureux plutôt que victoire d'un général, n'en marquait pas moins un échec pour Philippe I I . Les catholiques royaux sentaient grandir leur confiance et leur nombre. A Rome, les cardinaux d'Ossat et du Perron obtenaient enfin de Clément V I I I qu'il tirât les dernières conséquences de l'abjuration : le 17 sep— 159 —

    La reconstruction de la France il V ascension de VAngleterre

    tembre 1595, en une séance solennelle, et moyennant l'apparente humiliation des procureurs de France, le pape accorda au roi relaps son absolution qui, en semblant effacer celle de SaintDenis, lui conférait une valeur universelle. En fait, Rome désavouait la Sainte-Union et, par là même, la politique de croisade du Roi Catholique. Elle permettait à tout catholique français de se rallier au roi de Navarre, devenu vraiment un roi de France. Mayenne tire les conséquences de la cérémonie romaine en faisant sa soumission — non gratuite — contre deux places de sûreté en Bourgogne, Chalon et Seurre, et une en Picardie, Soissons, le gouvernement de l'Ile-de-France, plus un monceau d'or. Joyeuse en Languedoc, Épernon en Provence en font autant. Mais il reste encore de la besogne : le duc de Savoie mène contre Lesdiguières une guerre de montagne en Maurienne, en Graisivaudan. Mercœur et ses Espagnols tiennent la Bretagne, mais les rivalités grandissent entre le duc et ses alliés ; la lutte tourne au brigandage et à la sauvagerie : la soumission s'imposera au début de 1598, moyennant un mariage entre la fille de Mercœur et le fils du roi et de Gabrielle d'Estrées, César de Vendôme. C'est surtout des Pays-Bas redevenus espagnols que venait le danger. Le nouveau gouverneur Fuentes menaçait par le Vermandois la route de Paris, saisissait Doullens, Cambrai, puis Calais, la grande conquête de Henri II, que l'alliée Elisabeth aurait voulu sauver, mais pour elle. Cependant, le péril commun l'amena, malgré le dépit que lui avait causé la conversion, à resserrer l'alliance à Greenwich (mai 1596), et les ProvincesUnies en firent autant, contre engagement réciproque des trois puissances de ne pas traiter séparément avec l'Espagne. Car l'ennemi, même après l'Armada, après Fontaine-Française et la prise de La Fère par Henri IV, restait puissant et redoutable. En mars 1597, Portocarrero réussissait, par surprise, à s'emparer d'Amiens où le roi, préparant une attaque contre Arras, avait accumulé un matériel abondant. Ce désastre remettait tout en question : la sécurité de Paris, même la paix intérieure. Six mois durant, l'Espagnol fut à Amiens. « C'est assez fait le roi de France, il est temps de faire le roi de Navarre. » Que Henri ait dit ou non le mot, il fit la chose, remonta à cheval, sans argent, rappelant ses nobles. Il disait au Parlement de Paris : « Je vous viens demander l'aumône pour ceux [les pauvres] que j'ai laissés sur la frontière... Les oyant crier à mon arrivée Vive le Boy I ce m'était —

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    La reconquête du royaume dt France

    (1537-1598)

    autant de coups de poipnard dans le cœur... Si on me donne une armée, j'apporterai iraienieiit ma vie pour vous sauver et relever l'fitat. Sinon, il faudra que je recherche des occasions, en me perdant, de donner ma vie avec honneur.

    Enfin la place, investie par Biron, ne p u t être débloquée par l'archiduc Albert, et les assiégés capitulèrent le 25 septembre. Le grand effort du vieux roi, que torturaient la goutte et la iîcvre, avait échoué, là comme ailleurs. En 1595, sir Walter Raleigh était venu ramasser de l'or à la Trinité et au Vénézuéla, au pays d'Eldorado, et, si le terrible D r a k e ' é t a i t mort de chagrin après une expédition manquée contre l'Isthme, Perez a v a i t révélé aux ennemis les deux faiblesses de l'Espagne : la pénurie du Trésor, qui avait dû proclamer une nouvelle banqueroute, e t d o n t la vie était suspendue aux incertains arrivages des Indes ; toutes les armées employées, toutes les forteresses construites sur les théâtres extérieurs, la péninsule n ' é t a n t défendue que par des milices inorganisées, mal commandées, mal payées. Le m o m e n t p a r u t favorable à une flotte anglo-hollandaise — Howard, Rah'igh, Essex, sir Francis Vere — pour venir inquiéter Lisbonne, puis pour b a t t r e la flotte espagnole d e v a n t Cadix, opérer un audacieux débarquement, saccager la ville, y rester deux semaines, e m p o r t a n t les marchandises accumulées dans les magasins, l'artillerie des galions, un butin de plus de vingt millions de ducats, et laissant derrière eux la ville illuminée par les incendies (juin-juillet 1596). Après quoi, dit le sonnet satirique de Cervantès, « t r i o m p h a n t entra le grand duc de Medina ». J a m a i s la puissante Espagne, « mère des nations », n ' a v a i t éprouvé une humiliation pareille. Elle a v a i t beau, du Ferrol, essayer de lancer en représailles une nouvelle armada contre la Grande-Bretagne, l'entreprise manqua, une fois de plus, tandis qu'au Blavct les soldats de J u a n de Aguila déclaraient ne pouvoir soufTrir plus longtemps « t a n t de misères supportées depuis sept ans, sans nourriture ni vêtements ». E t une fois encore, de hardis coups de main semaient la terreur a u x Canaries et à Puerto Rico. Le pape, craignant que la victoire ne c o n t i n u â t à favoriser les hérétiques, remontrait à Philippe II sa fin prochaine et la nécessité d'éviter des embarras à son successeur. De son côté, Henri était à bout de ressources. L'assemblée des notables qu'il avait tenue à Rouen, de novembre 1596 à janvier 1597, et à qui il avait parlé un langage d'une douceur inhabituelle, les e m p r u n t s forcés sur la robe et la bourgeoisie, les créations — 161 —

    La reconstruction de la France et l'ascension de l'Angleterre

    d'offices, les transactions négociées avec les financiers pousuivis, les menaces aux Parlements alternant avec les caresses ne pouvaient remplir le Trésor. La reprise d'Amiens était un succès qui ne pouvait pas se recommencer. Le fils du grand Cecil, les Hollandais ont beau rappeler à Henri IV ses engagements, un ambassadeur est envoyé tout exprès à Londres pour expliquer à la vieille reine que la France doit faire la paix. Gomme en 1559, l'épuisement commandait la paix. A Verviris, en ce Vermandois qui avait failli être la porte de Paris, Bellièvre, Brûlart, eh face de Richardot et de Taxis, rétablirent (2 mai 1598) le traité du Cateau. Le règne de Philippe II s'achevait sur cet échec. Pour sauver les Pays-Bas catholiques, il les cédait — et aussi, du moins en espérance, les provinces rebelles — à sa fille Isabelle et au mari de celle-ci,, l'archiduc Albert (cardinal que, tout exprès, Rome débarrassa de la pourpre), en les maintenant sous une sorte de protectorat espagnol. Puis, lutteur vaincu par la destinée, il ne lui restait plus qu'à rentrer en sa cellule de l'Escorial et à y mourir après six semaines d'horribles et répugnantes souffrances, corps qui s'en allait en lambeaux et où ne vivait plus que l'âme. C'est la fin d'un grand rêve : refaire l'unité catholique de l'Europe sous l'hégémonie de la Castille. A ce rêve Philippe a vainement sacrifié sans compter le sang et l'or des Espagne3, de l'Italie des « pays d'embas » et des Indes. Les Indes sont plus que jamais devenues les pourvoyeuses régulières du Trésor castillan. La cédule du 16 juillet 1561 a, régularisé le système des deux flottes de janvier et d'août q u i à l'arrivée dans les mers du Nouveau-Monde, se séparent en deux groupes : le plus septentrional pour la Nouvelle-Espagne l'autre pour la Terre Ferme, c'est-à-dire le continent du sud. Après 1582, la séparation se fait au départ, la flotte de la Nouvelle-Espagne partant en mai, celle de Terre Ferme le 1 e r août, chacune escortée de trois navires de guerre. En outre, à des dates variables, parfois de concert avec la flotte de Terre Ferme et suiv a n t le même itinéraire, cinglent les galions —• dits Flotte royale de la route des Indes, armada real de la carrera de Indias, —• navires de guerre chargés de chercher à Puerto Bello les trésors du roi, qu'on y a portés de Callao en traversant l'isthme. La flolte débarque^, elle, à Vera Cruz. En dehors de ces organisations d'État, la casa contralaciôn admet des navires isolés, mais enregistrés (navios de registro), qui accompagnent une des —

    162



    Henri IV et le relèvement de la France

    (1598-1610)

    flotte e t desservent les p o r t s éloignés des foires. D a n s l'intervalle, des avisos p o r t e n t les correspondances du roi et des c o m m e r çants, avec quelques marchandises. E n outre, deux g r a n d s navires de guerre, les « mercures » (azogues), p o r t e n t au vice-roi du Mexique le m e r c u r e royal destiné a u x amalgames. E n f i n la hourque de Manille, qui ravitaille les garnisons des Philippines, f a i t à c h a q u e v o y a g e u n a r r ê t à Acapulco, III. — (1598-1610)^

    HENRI

    IV

    ET

    LE

    RELÈVEMENT

    DE

    LA

    FRANCE

    L a conversion, la paix, c ' é t a i e n t les conditions de la guérison d u r o y a u m e . R e s t a i t à le guérir. D ' a b o r d , la c a m p a g n e de Picardie a v a i t révélé u n péril g r a v e : celui d ' u n e r u p t u r e e n t r e le p a r t i p r o t e s t a n t , l'ancien p a r t i d u Béarnais, et le roi r e n é g a t . Les f é o d a u x de la Religion, L a T r é moïlle, Bouillon, lui a v a i e n t faussé compagnie d e v a n t L a F è r e ; t o u s a v a i e n t boudé au siège d ' A m i e n s . Ils v o u l a i e n t leur c o m p t e de places et d ' h o n n e u r s . Depuis Saint-Denis, le peuple p r o t e s t a n t (ils é t a i e n t encore plus de 1.200.000 en F r a n c e , au moins 30.000 à Paris) é t a i t inquiet, non sans cause, en v o y a n t le roi, « c o n v e r t i à la religion de Machiavel », s ' e n t o u r e r d ' « a p o s t a t s », de jésuites, c o m m e le P . Coton : n'a-t-il pas, disait-on, « d u coton d a n s les oreilles » ? Le culte r e s t a i t i n t e r d i t à dix lieues de Paris, d a n s les villes ligueuses soumises, etc. Il é t a i t t a c i t e m e n t toléré, n o n p a s reconnu. Aussi les assemblées, à Mantes, à S a i n t e - F o y , à S a u m u r , à L o u d u n , en reviennent-elles, p o u r se g a r a n t i r l'égalité religieuse, civile, politique, à l'organisation f é d é r a t i v e de 1573, 1. O U V R A G E S A C O N S U L T E R . — Aux histoires de Henri IV (voir p. 43 et 150), parmi lesquelles vaut encore celle de Poirson, Histoire du règne de Henri IV (Paris; 1856, 4 vol. in-8°), on joindra G. Fagniez, L'économie sociale sous Henri IV (Paris, 1897, in-8°). Pas de bonne étude d'ensemble sur Sully. Sur LafTemas, voir H. Hauser, Les débuts du capitalisme (Paris, 1916, in-16), B. Dufournier, Le Conseil du Commerce d'Henri IV (Louvain et Paris, 1934, in-8°), et A. Lavondès, Olivier de Serres, seigneur du Pradel (Paris, 1937, in-12) ; R. Doucet, Finances municipales et crédit public à Lyon au XVIe siècle (Paris, 1937, in-8°). Sur l'Ëdit de Nantes, il laut encore se reporter à la vénérable Histoire de l'Édit de Nantes d'Ëlie Benoit (Delft, 16931695, in-4°), mais la rajeunir par J. Pannier, L'Église réformée de Paris sous Henri IV (Paris, 1911, in-8°). Il n'y a sur Catherine qu'une étude : Catherine de Bourbon, par la comtesse d'Armaillé (Paris, 1872, in-8°) plus, le ch. X du t. II de l'Histoire de Nancy de Chr. Pflster (Nancy, 1909, in-4°). Le comte de Dienne, Histoire du dessèchement des lacs et marais en France avant 1789 (Paris, 1891, in-8°) ; Et. Clouzot, Les marais de la Sèvre niortaise et du Lay (Paris et Niort, 1904, m-8°) ; J. Lorédan, La Fontenelle, 1572-1602 (Paris, 1926, in-8«). Sur la Société de Jésus, les t. II et III de H. Fouqueray, Histoire de la Compagnie de Jésus en France (Paris, 1913 et 1922, in-8 0 ). — 163 —

    IM reeorulraclion de la France et Vaeuntion de RAngleterre

    essayant de se grouper autour de la propre sœur du roi, Catherine de Bourbon, qui restera fidèle à la religion de sa mère, même lorsque le roi l'aura mariée à im prince lorrain, le duc de Bar. Les sages du parti, un du Plessis-Mornay, avaient toutes les peines du monde à calmer des gens qui sollicitaient l'appui d'Élisabeth et des Provinces-Unies, à maintenir, ouvertes les négociations avec les commissaires du roi, de Vie et Calignon, puis Schömberg et de Thou. De ces pourparlers sortit le compromis qu'à Nantes, le 13 avril 1598, sanctionna un édit « perpétuel et irrévocable » en quatre-vingt-quinze articles, complété trois semaines plus tard par cinquante-six articles particuliers, plus deux « brevets ». L'édit n'était pas, comme on aime à se le représenter rétrospectivement, une nouveauté absolue, la proclamation d'un principe. C'est d'abord une remise en vigueur de l'édit de Poitiers de 1577 : liberté de conscience partout ; liberté de l'exercice du culte dans une ville par bailliage, plus les villes où il existait en fait, et au domicile des seigneurs ; restriction à cinq lieues de rayon de la zone interdite autour de Paris (le culte fut d'abord célébré à Grigny, puis à Ablon, avant de l'être en 1606 à Charenton) ; droits civils absolus, libre accès aux charges, aux Universités, etc. ; multiplication dans les Parlements des chambres mi-parties, dites Chambres de l'édit (à Castres, à Nérac, à Grenoble). Mais à une minorité, en face d'un peuple encore tout échauffé du fanatisme ligueur, l'égalité inscrite dans la loi n'était pas une protection suffisante. La notion de privilège était, d'ailleurs, si conforme à la. nature de la monarchie qu'il semblait naturel de conserver aux réformés, outre leurs synodes, des assemblées dites « politiques », capables de déléguer auprès du roi pour lui porter des remontrances, et de leur concéder pour huit ans près d'une centaine de places de « sûreté », avec capitaines et garnisons de leur foi. La preuve qu'il fallait pourvoir à cette sûreté, c'est la résistance que les Parlements opposèrent à l'enregistrement de l'édit. Quelle nouveauté que de ne plus avoir une seule foi, comme un seul roi et une seule loi ! Il fallut que le roi leur rappelât le sang inutilement versé, les « prédicateurs factieux », qu'il se parât de son titre de fils aîné de l'Église : « Je suis plus catholique que vous... Vous vous abusez, si vous pensez être bien avec le pape ; j'y suis mieux que vous. » Il se vantait, car le pape disait que cet édil était « une balafre à son visage ». Malgré des lettres de jussion, Paris mit dix mois — 164 —

    Henri IV ti lê reliitrmnt ¿t la Frerm

    (H9S-ltl9)

    à céder, Bordeaux et Toulouse près de deux ans. Les derniers, Aix et Rennes, tinrent jusqu'en août 1600. L'assemblée du clergé protestait plus encore, et les prédicateurs de carrefour menaçaient la France des pires calamités. T a n t bien que mal, cependant, une ère nouvelle s'ouvrait. A la persécution succède la controverse, avec la conversion pour but. Dans des conférences retentissantes, les tenants des deux religions se combattent à grands coups de citations et de syllogismes ; on en appelle à la Bible, aux Pères, et des crocheteurs viennent entasser sur les tables les pesants in-folios. Si le roi, goguenard et peu impartial, se réjouissait de la défaite des ministres, si les huguenots étaient bafoués dans la chanson de La vache â Colas, si les batteries n'avaient pas disparu, les protestants avaient leurs cimetières, leurs temples, leurs ministres rétribués sur les fonds publics ; les rapports entre les deux Églises devenaient tolérables. Ce qui permettait à Henri IV de concéder ce statut à ses anciens compagnons, c'est que, par ailleurs, il donnait des gages aux catholiques, et spécialement à la Compagnie de Jésus. Il y eut quelque mérite. Si, au lendemain de la conversion, l'attentat de Pierre Barrière ne permet guère d'incriminer la Société, en 1594, avant l'absolution, c'est un des élèves du collège de Clermont, Jean Chastel, qui rêve de partager la gloire de Jacques Clément en frappant le protecteur de l'hérésie. Le Parlement de Paris, malgré le plaidoyer enflammé d'Antoine -Arnauld, hésitait encore à épouser contre l'Ordre la vieille querelle de l'Université ; il prit prétexte de l'attentat pour accuser les Pères de prêcher le régicide, mettre l'un d'eux à la question et pendre l'autre, puis les bannir tous et confisquer leurs biens. Une pyramide devait immortaliser la complicité de la Compagnie, « boutique de Satan ». Henri ne pressa pas l'enregistrement de l'arrêt dans les Parlements récalcitrants, Bordeaux, Toulouse (sans parler, bien entendu, des Parlements encore ligueurs). La plupart des collèges continuèrent à fonctionner ; d'Ossat eut mission de calmer le Saint-Père, et les jésuites s'employèrent en faveur de l'absolution du roi, ce qui permit à Clément VIII, par un bref de janvier 1597, de solliciter leur rappel. Après la promulgation de l'édit de Nantes, le roi fut enchanté du rôle joué par les jésuites dans la controverse. En 1G03, il reçut leurs envoyés à Metz ; puis, à Fontainebleau, il fit prêcher devant lui le P. Coton. L'édit de rétablissement fut publié à Rouen le I e r septembre, — 165 —

    La reconstruction de la France et l'ascension de PAngleterre

    et enregistré malgré les remontrances parlementaires. Dès lors, peut-on dire, la Compagnie et ses collèges furent sous la protection de l'ancien huguenot. Aussi urgentes que la question religieuse, se posaient les questions économiques. Quarante ans de guerres civiles, avec des paix qui n'étaient que des trêves, et où les armées, mal payées et non ravitaillées, avaient vécu en bandes pillardes sur le pays — sur le « plat pays », c'est-à-dire les campagnes. Ils n'avaient un relatif respect que pour les villes closes, mais l'accumulation des habitants y amenait la famine et les épidémies meurtrières. Bien'avant la déclaration de guerre à l'Espagne, en 1595, la France vivait sous une sorte de régime constant de l'invasion étrangère : Suisses des cantons catholiques ou protestants, reîtres et lansquenets des princes allemands, fantassins anglais, armées d'Espagne, c'est-à-dire Espagnols, Wallons, Comtois, Napolitains. Il y avait carence à peu près complète du pouvoir central, auquel s'étaient substitués tant bien que mal les Parlements, les États provinciaux ou les autorités communales, ou même des organisations spontanées : par exemple, dans certaines campagnes gasconnes (en Comminges), des « ligues campanères », vraies fédérations paysannes armées pour « réduire les gens voleurs et hommes de mauvaise vie..., qui commettent plusieurs meurtres, sacrilèges, rapts, voleries et autres crimes exécrables, au grand détriment et ruine de tout le peuple », ligues plus ou moins tolérées par les autorités régulières, et qui voulaient se défendre contre les pillages des deux partis et obtenir la réforme des impôts. Un statisticien quelque peu naïf, qui signait Nicolas Froumenteau, énumérait déjà en 1581, dans Le secret des thrésors de France, les églises, villages, maisons brûlés, les champs rendus à la friche, les ecclésiastiques ou laïques massacrés, bref tout ce qui peut se nombrer, jusqu'aux femmes ou filles violées, et aussi les sommes payées par les Français : en trente et un ans, plus de quinze millions d'écus, « la charge de 423.510 mulets », soit « plus de deniers que tous les contribuables ensemble, tant de la Germanie, Pologne, Danemark, Prussie, Russie, Angleterre, Écosse, Italie que Espagne, voire encore en y comprenant les royaumes de Bohême et Hongrie ». Tel est, à peine exagéré sans doute, le bilan de la France dévastée. Après 1594, il subsiste « en tous les endroits du pays de Normandie, encore qu'il soit réduit à l'obéissance de S. M., un si grand nombre de gens de guerre et autres sans aveu, voleurs et brigands, qu'il est impos— 16« —

    Henri IV el le relèvement de la France

    (1598-1610)

    sible aux habitants dudit pays de trafiquer ». E n Velay, on rencontre des misérables morts dans la neige. Les survivants se nourrissent « de pain d'avoine, d'herbes, d'écorces d'arbres et d'aliments plus grossiers encore qu'ils disputent aux animaux » et ils paraissent « si amaigris et si défaits qu'ils ressemblent à des corps morts sortis du sépulcre ». Plaintes des sujets que venaient confirmer les ordonnances royales, comme celle du 16 mars 1595 qui peignait « nos sujets réduits et proches de tomber en une imminente ruine pour la cessation du labour, presque générale en tout notre royaume..., se trouvant maintenant les fermes, censes et quasi tous les villages inhabités et déserts ». Jusqu'en 1610, on signalera en Bretagne des paroisses où « les grands chemins, voies et sentiers » étaient encombrés par « les ronces, genêts et halliers », et où les loups dévoraient les passants. La France retournait à la sauvagerie. L'outillage national, faute d'entretien, était à refaire. La rivière d'Oise n'était plus navigable ; les fonds s'en étaient si bien envasés, les bords si bien détruits, qu'elle ne pouvait plus servir, « en temps de guerre, de rempart et fossé contre l'invasion de l'ennemi », et ainsi des autres. A cette œuvre immense de restauration, bientôt complétée par un programme d'enrichissement, Henri IV se donna tout entier. Peu de rois s'imposèrent à ce point le devoir d'être un chef d'État. Bonhomie naturelle, désir de se renseigner par luimême auprès du populaire, sens des réalités et des calculs précis, goût des enquêtes directes et familières suivies de décisions rapides, c'était, a très bien dit Gustave Fagniez, « tout le contraire de la méthode patiente, minutieuse, traînante » de Philippe II. Il fut aidé, entre autres, par deux excellents et très différents auxiliaires. Si l'on en croyait les Économies royales, — œuvre tardive et vaniteuse d'un disgracié mécontent, — Maximilien de Béthune, seigneur de Rosny-sur-Seine (près de Mantes), aurait été l'inspirateur et presque l'exécuteur de tous les actes de Henri IV. Disons que ce capitaine protestant gagna et garda la confiance du maître par son dévouement après comme avant la conversion, par la franchise de ses avis, ses vertus d'honnêteté (sinon de désintéressement), d'ordre et d'économie, son esprit fertile en inventions. Dès 1596, Henri l'emploie dans ses finances, à côté et au-dessus du Conseil qui remplace depuis deux ans le surintendant d'O. Rosny ne sera titulaire de cette charge que plus — 167 —

    La reconstruction de la France et rascension de l'Angleterre

    t a r d (1598 ?), et plus tard encore (1606) duc de Sully (sur-Loire). Mais, tout de suite le voilà qui « chevauche » à travers les généralités, rappelant à l'ordre les bureaux des finances, ramassant de l'argent pour le Trésor, résistant à l'avidité des grands seigneurs. Ce ne fut pas un grand financier à conceptions neuves, mais un bon comptable, probe t o u t en s'enrichissant lui-même, dur au besoin t o u t en ménageant les contribuables. Henri IV lui a dû de reprendre Amiens, de pouvoir refaire l'artillerie d o n t Sully était grand-maître et les fortifications dont il f u t superintendant, de constituer un arsenal et un trésor de guerre. Grand voyer de France, Sully joua un rôle essentiel dans ce rétablissement des voies de communication qui était la condilion indispensable de la reprise économique. Réfections de ponts et de chemins, défense des grandes routes contre les empiétements des cultivateurs (on en voulut d'abord aux plantations d'arbres, les « rosnys », qui les délimitaient), pavage de certaines d'entre elles, rachats de péages, restauration des rivières et même ouverture à la navigation de rivières nouvelles, canalisations latérales ou même de jonction, c'est une œuvre que l'imagination des historiens leur a fait voir trop complète, mais à laquelle Sully semble avoir vigoureusement travaillé, non seulement sur la Seine, la Marne, l'Oise, l'Aisne et la Vesle, mais à Toulouse, Grenoble, Poitiers. Une surveillance d ' É t a t des coches publics et l'établissement de relais (réunis aux postes en 1602), celui des coches d'eau « le (corbillat » entre Gorbeil et Paris) facilitèrent la circulation et la reprise des affaires. Sully, noble rural très fier de sa noblesse, s'intéressait surt o u t à la terre. Devançant, pour ainsi dire, la physiocratie, il voit dans l'agriculture — grande victime de la guerre civile — la source de toute richesse, et aussi la féconde matrice qui enfantera pour le roi de nombreux sujets sains et robustes, c'est-à-dire des soldats et des contribuables. C'est un livre selon son c œ u r que ce Théâtre d'agriculture (1600) où un hobereau p r o t e s t a n t du Vivarais consignait ses expériences agronomiques et que le roi se faisait lire. Comme Olivier de Serres, comme a v a n t lui Charles Estienne en sa Maison rustique, Sully estimait que le « pâturage, l'herbage » était l'auxiliaire du « labourage ». Tous deux ont été protégés indirectement par le rétablissem e n t de la sécurité, le licenciement des gens d'armes, la répression « des excès insupportables, injures et violences que reçoivent nos pauvres sujets du plat pays par l'oppression et b a r b a r e cruauté

    Or, quelles étaient les classes qui, touchant toujours la même somme nominale de revenus, se trouvaient en réalité dépossédées d'une part croissante de leurs ressources par le jeu combiné de la dépréciation des monnaies de compte et de la baisse réelle du pouvoir d'achat de l'argent ? Notre texte répond : les travailleurs salariés — common labourers, — les serviteurs, mais aussi les nobles, dont les terres ont été affermées à rente par leurs ancêtres et qui, ne pouvant hausser cette rente, paient cepen1. OUVRAGES A CONSULTER. — Paul Harsln, Les doctrines monétaires et financières en France du XVI' au XVIII' siècle (Paris, 1928, in-8°) ; L. Romier, Le royaume de Catherine de Médicis, t. I I (Paris, 1922, ln-8°), ch. iv et v ; G. Pagés, Essai sur l'évolution des institutions administratives en France du commencement du XVIe siècle à la fin du XVII' siècle, dans la Revue d'histoire moderne, ann. 1932, p. 8-43 et 113137 ; d u même, La vénalité des offices dans Vancienne France, dans la Heuue historique, t . C L X I X (1933), p . 477-495.

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    Les transformations économiques et sociales

    d a n t t o u t plus cher. La hausse des produits agricoles, qui eût profité au seigneur du sol si les redevances féodales avaient été payées en nature, ne faisait au contraire que l'appauvrir puisque, depuis le x m e siècle, une tendance constante a v a i t transformé ces redevances en cens invariables, stipulés en monnaie. E n 1573, u n conseiller des comptes faisait en F r a n c e ce calcul : l'écu sol a y a n t , en u n q u a r t de siècle, monté de 45 à 54 sols, « nous avons perdu plus d ' u n sixième de nos rentes, gages et autres revenus consistants en deniers », car cent livres de revenus, qui faisaient 45 écus et 20 sols, n'obligent plus le censitaire à verser que 37 écus et 2 sols. E t comme l'écu lui-mêpie ne p e u t plus acheter la même q u a n t i t é de marchandises, comme « aujoûrd'hui [texte dé 1574] on ne fait pas plus pour 6.000 écus q u ' o n faisait lors pour 1.000 », la petite noblesse rurale est 1-uinée, particulièrement en France, presque a u t a n t qu'en Espagne. L ' u n de ces gentilshommes campagnards, François de La Noue, ne fait qu'exprimer un fait incontestable lorsque, vers 1587, il les m o n t r e « déchus de cette ancienne richesse d o n t leurs maisons étaient ornées sous les règnes de nos bons rois Louis douzième et François premier : vu que c'est une chose que peu ignorent ». Il précise que, sur dix familles nobles, on en t r o u v e r a i t h u i t « incommodées p a r les aliénations de quelque portion de leurs biens, engagements ou autres dettes... ». Situation aggravée encore par les habitudes somptuaires de ceux qui, suivant la cour ou allant a u x armées, sont esclaves des caprices de la mode, s'entourent de n o m b r e u x serviteurs, reconstruisent leurs chât e a u x dans le style de la Renaissance : « Il f a u t t o u j o u r s avoir la main à la bourse, ou la terre en gage. » Déjà en 1569 un ambassadeur vénitien disait que la noblesse était « criblée de dettes ». Dans les É t a t s provinciaux, les nobles se plaignent de « ne pouvoir trouver qui laboure et fasse valoir leurs héritages, ne pouv a n t être payés de leurs rentes et fermages ». Ils subissent les impôts indirects, d o n t l'incidence annule « obliquement » leurs privilèges fiscaux. Assurément, à côté de son seigneur de Faeneste, amoureux du paraître, d'Aubigné posera le portrait d ' É n a y , le bon ménager qui vit aux champs, et m e t son « étable près de la maison pour empêcher t a n t qu'on p e u t les insolences des valets ». Celui-là, sans doute, a lu la Recette véritable où Palissy, dès 1563, enseignait « à tous les hommes de France » à « multiplier et augmenter leurs trésors ». Il a, s'il est venu à Paris, en 1575, écouté les conférences faites p a r le p o t i e r saintongeois au faubourg — 204 —

    Le renveriemenl de* valeurt loeialet Saint-Germain et publiées en 1580 dans son Discours admirable. Il a lu Charles Estienne (1564) et en 1569 le Discours économique où Prudent Le Choyselat enseigne « comme de 500 livres on peut tirer par an 4.500 »... en élevant des poules ! Cinq cents livres, c'est le revenu moyen de ces petits hobereaux qu'Olivier de Serres nous montre vivant dans leurs terres en semi-paysans, veillant à la cuisine, plantant leurs mûriers et élevant leurs vers à soie, de ces gens « sans fraise ni panache », dont le costume de bure et les gros souliers font que Faeneste les prendra pour des vilains. C'est pour sauver cette classe que Henri IV essaiera de ramener à 8,33 pour cent le taux des dettes hypothécaires, qui montait parfois à 30 pour cent, puis qu'il lui permettra d'emprunter à 6,25 pour cent pour rembourser ses anciennes obligations. Mais trop souvent ils durent se libérer en vendant leurs terres elles-mêmes et en gardant tout juste le manoir. Sans croire avec François Miron, en 1605, que la moitié des terres de France a été vendue au Châtelet, il est sûr qu'on assiste à une lente dépossession territoriale de la noblesse rurale. Lorsqu'en 1579 François du Plessis, le père de Richelieu, avait été nommé grand-prévôt et avait acheté un hôtel à Paris pour 9.500 livres, soit 3.166 écus 2 /3, il n'avait pu verser comptant que 200 écus, promettant de payer 1.966 écus 2 / 3 dans une année, le solde — 1.000 écus — devant servir au rachat de 250 livres de rentes constituées à divers par son vendeur Jean de Losse. E t le nouvel acquéreur signait immédiatement un nouvel acte d'emprunt constitutif de rentes, gagé par son nouvel hôtel et ses terres de Richelieu. Ces contrats en disent long sur la gêne de cette classe. Il est des exceptions : ceux qui ont su profiter de la guerre et faire du service de cour une carrière, « bénéficiés du roi et des princes », mignons ou titulaires de charges lucratives, de pensions et, d'aventure, par surcroît, enrichis par la corruption étrangère. Mais c'est une minorité. Dans l'ensemble, la révolution économique a provoqué un déplacement des fortunes en ruinant les anciens créanciers et soulageant les anciens débiteurs. En 1620, Scipion de Gramont, dans Le denier royal, résumera cette évolution : « Ainsi le débiteur gagne ce que le créancier a perdu. » Quels débiteurs ? D'abord les paysans, puisque déjà, en 1568 on admet que « le meilleur blé en pur achat coûte de prix ordinaire autant qu'il coûtait de rente il y a vingt ans », ce qui aurait permis à la classe rurale d'acheter les terres vendues par les — 205 —

    Lu trimtformailons économique* et toeiate» nobles si les guerres en F r a n c e , la législation sur les enclosurea en Angleterre ne l'avaient empêchée de profiter pleinement de la hausse des denrées agricoles. Mais d'autres é t a i e n t là que B r a n t ô m e nous montre t o u t prêts à saisir le bien engagé par Je noble qui est à la guerre : riches marchands, usuriers, banquiers et autres manieurs d'argent, sans parler des gens de robe ; même, dit-il, les prêtres qui ont des écus en leurs coffres : car les bénéficiers, v e n d a n t leur production sur le marché, sont parmi les heureux du jour. Cette action des spéculateurs est générale : en Comté on voit la bourgeoisie prêter a u x paysans à des t a u x usuraires, et garder le gage de l'insolvable. E n B r e t a g n e , en Languedoc, partout où pullulent les petites familles nobles, les bourgeois acquièrent des propriétés domaniales, groupent de» parcelles paysannes. Même des paysans enrichis se mêlent à eux et, grâce à des mariages, font souche de gentilshommes. Ainsi commence une évolution que nous verrons s'achever, du moins en F r a n c e , au début du x v n * siècle, et qui fait passer une grosse partie de la propriété noble entre les mains de la bourgeoisie devenue noble à son tour, et qui, de ses hôtels de la ville comme de ses c h â t e a u x des champs, domine le plat pays. Cette bourgeoisie s'enrichit par ailleurs. Il y a v a i t longtemps qu'elle poussait ses fils à conquérir des grades universitaires pour accéder a u x offices d ' É t a t . L e s marchands drapiers, les maîtres des métiers laissent une lignée de licenciés de Salamanque, de basochiens de Toulouse, de Poitiers ou de Paris, de gradués d'Oxford et de Cambridge, e t qui ne limitent plus leur horizon a u x seuls emplois d'Église. Car les monarchies européennes sont devenues des bureaucraties. Nous savons que le type le plus parfait de c e t t e métamorphose paperassière a été réalisé par la monarchie de Philippe I I , avec ses multiples conseils, ses « audiences », organisations compliquées qu'elle transporte au delà des mers, en Europe et hors d'Europe. E n F r a n c e , c'est surtout la fiscalité qui, pour la perception et l'administration de ressources plus régulières que les anciens revenus féodaux, crée toute une armée d'agents qui s ' a j o u t e n t , et en fait se substituent, non seulement a u x ancien» dignitaires de la hiérarchie féodale, mais a u x juges royaux de» bailliages et sénéchaussées. Les « bureaux des finances » et aussi les charges de judicature sont envahis par les fils de bourgeois, exceptionnellement par des fils de paysans riches. Conquête d ' a u t a n t plus, facile que ces offices, qui sont générateurs de profits, deviennent, en quelque sorte, des valeurs mobilière», —

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    Lt renvcrtement

    de» valeurs

    totialei

    négociables sur le marché. D'abord le titulaire a pu les « rési gner » en faveur d'un candidat pourvu des grades nécessaires ; puis le roi lui-même est intervenu dans l'opération pour prélever sa part, qui alimente la caisse des « parties casuelles ». En vain des ordonnances royales interdisent périodiquement la vénalité, puisque la royauté, plus fréquemment encore, cède à la tentation naturelle de parer aux embarras du Trésor en multipliant les offices nouveaux, lesquels trouvent toujours preneurs : car, dira cyniquement l'un des manieurs des affaires du roi, « il y a plus de fols que d'états ». Vénalité qui, non moins fatalement, tourne à l'hérédité : on désire conserver dans sa famille des charges qui rapportent entre 10 et '20 % du capital engagé, en dehors des avantages sociaux (privilèges, exemptions d'impôts, anoblissements) qu'elles procurent, charges qui montent de prix grâce à la concurrence. Avant la fin du règne de Henri IV, précisément en 1604, cette tendance à l'hérédité sera sanctionnée, par une déclaration qui, en imposant aux officiers le paiement d'un droit annuel, les dispensera de l'obligation de résigner au moins quarante jours avant leur mort, et diminuera du quart au huitième denier la taxe qui pesait sur le résignataire. Ainsi se constitue une vraie caste, noblesse de robe, que ses acquisitions foncières rapprochent de la noblesse d'épée. Parlementaires et officiers de finances éclipsent même, par leur richesse, les gens de cour ; et tout le monde, en 1594, était « aux fenêtres » lorsque tel « trésorier de l'Épargne passait par la vieille rue du Temple, avec un train de quarantecinq chevaux, pour s'en aller en une sienne maison des champs », car on pensait « que ce fût quelque prince qui passât ». De là un vrai marché pour ces valeurs : un office de Président au Parlement de Paris montant à 60.000 écus, au Grand Conseil à 100.000. Jusqu'à un office de porteur de charbons trouvait acquéreur à 7 ou 800 écus. On vendait de même les lettres de maîtrise de métiers émises pour une entrée du roi, un mariage, une naissance. Incessant mouvement de capitaux, d ' a u t a n t plus que, pour acheter les charges, les fils de famille contractaient des prêts usuraires par lettres de change et rechange. Ainsi la bourgeoisie commerçante, au lieu de rester dans ses négoces, génération après génération, se vidait de ses forces actives, précipitant ses enfants vers les charges dès qu'ils étaient frottés de latin. Gros contraste avec les Hollandais, chez qui le fils grossit la maison du père, met son argent dans les compagnies ; avec les Anglais, où même les familles nobles envoient leurs cadets — 207 —

    Les transformations économiques et sociales

    courir les mers et faire des « plantations ». Les théoriciens verront dans cette activité commerciale des pays réformés un effet du calvinisme puritain, lequel pousse chaque homme à chercher son salut dans l'exercice — et le succès — de la profession où Dieu l'a placé. E t pourtant les Italiens aussi restent fidèles à la vie active. Ces gens de justice et de bureau, faméliques et vêtus d'habits râpés en Espagne, d'une aisance cossue en France quand ils ne vont pas jusqu'au luxe imposant, représentent au moins un élément de stabilité et, généralement, de probité. Mais à côté se multiplient les financiers d'aventure, faiseurs de projets, inventeurs puis collecteurs de ressources inédites, qui travaillent dans les « affaires du roi », c'est-à-dire qui prennent à ferme les revenus et les taxes, qui se chargent de placer les offices de nouvelle création. Parfois, ce sont de misérables hères qui empruntent eux-mêmes pour faire au Trésor des avances qu'ils récupèrent au décuple. Tel ce « fils d'un serrurier de Blois », dont L'Estoile nous dit qu'il est « venu en une nuit », qui dès 1576 revendait 60.000 livres au roi une terre chartraine par lui payée 30.000 à un mignon dans l'embarras, et qui s'attirait, en présence du roi, une verte semonce où un chevalier le traitait « d'assassin de la France », d'homme qui, sous couleur d'acquitter cinq millions de dettes du roi, en avait prélevé huit sur « le pauvre peuple ». Mais le roi — c'était Henri III aux abois, — ayant besoin de son prêteur, rouait de coups l'indiscret chevalier. Parfois ce sont des sociétés ou « partis » qui se forment pour soumissionner une affaire : « partisans » parmi lesquels nous retrouvons les banquiers lyonnais, français, italiens, allemands, les Gondi, les Sardini, les Guadagne, les d'Elbène, les Zamet, qui feront souche d'honnêtes gens, d ' « officiers » pourvus de charges, de magistrats, au besoin d'hommes d'Église et d'évêques. Rien ne serait donc plus faux que de considérer la société de cette fin du xvi e siècle comme en équilibre statique, sans mouvements d'ascension sociale. Mais de cette dynamique ce n'est plus la noblesse qui profite, ni celle dont le déracinement a fait une noblesse de cour, ni les gentilshommes ruraux « qui ne bougent du pays » et « se grattent la tête, voyant la pauvreté venir en poste chez eux ». C'est la bourgeoisie urbaine ou, disait-on, la « marchandise ». Comme le proclamera bientôt Loyseau,' les marchands ont « qualité d'honneur, étant qualifiés honorables hommes, honnêtes personnes, et bourgeois des villes ; qualités qui ne sont attribuées ni aux laboureurs ni aux sergents ni aux artisans, et moins encore aux gens de bras qui sont tous réputés —

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    L'avinemtnt

    du mereanlilUm$

    viles personnes ». Aussi, dans les villes de commune, supprimet-on le suffrage quasi-universel d'autrefois, parce que, dit un texte de 1603, il introduit dans les assemblées « la plus vile populace ». Être bourgeois et, si possible, « vivre noblement », voir en rêve inscrit sur sa tombe, en l'église même dont on est paroissien, le titre de « noble homme », tel est l'idéal de cette classe qui devient la classe dominante, celle sans qui la royauté ne peut rien et qu'elle ne saurait combattre sans se briser, du moins en France et en Angleterre, celle qui régne aux Provinces-Unies, gros marchands de Londres ou de Plymouth, de Paris ou de Rouen, d'Amsterdam, de Middelbourg ou de Haarlem. IV. — L'AVÈNEMENT

    DU

    MERCANTILISME1

    La crise que nous avons décrite accélère le mouvement qui, depuis la fin du xv e siècle, entraînait la transformation des États européens en puissantes unités économiques dont l'idéal était non pas absolument de se suffire à soi-même, mais, suivant le principe du vieux Gaton, d'être vendeur et non acheteur. Cette politique — à laquelle on donne rétrospectivement le nom de mercantilisme — ne s'explique pas uniquement par le désir d'accroître, dans chaque État, le stock des métaux monétaires. Assurément cette préoccupation n'est jamais absente, car on s'est aperçu que l'exode de l'or a pour effet la hausse des changes étrangers, par suite la difficulté de se procurer soit des matières ou des marchandises nécessaires, soit du crédit. C'est ce que Gresham expose à Élisabeth dès 1558. On a constaté que l'or anglais passait aux Pays-Bas « parce que le change y a haussé et que l'or y a atteint des prix plus élevés qu'ici ». C'est la raison essentielle de la réforme monétaire et des tenta1. O U V R A G E S A C O N S U L T E R . — Ceux de la p. 197 ; en outre, P. Bolssonnade, Le socialisme d'État. L'indusirte et les classes industrielles en France pendant les deux premiers siècles de rire moderne, 1453-1661 (Paris, 1927, ln-8») ; J . Morini-Comby, Mercantilisme et protectionnisme, essai sur les doctrines interventionnistes en politique commerciale du XV au XIX• siècle (Paris, 1930, ln-8"). Le grand ouvrage suédois d'EIi Hcckscher (Stockholm, 1931, 2 vol. in-8°), dans la traduction allemande, Der Merkantilismus (Iéna, 1932, 2 vol. in-4°), ou dans l'anglaise, révisée par l'auteur, Mercanliiism (Londres, 1935, 2 vol. in-8°) ; Edm. Silberncr, La guerre dans la pensée économique du XVI' au X V I I I • siècle (Paris, 1935, in-8«). Revoir V f . Cunningham, Grouith of English induslrg and commerce (cité p. 200, n. 1), t. I, ch. i, n et m ; E. Llpson, The economic history o/ England, t. II et III (Londres, 1931, ln-8"), et P. Hume, The great lord Bnrletgh (Londres, 1898, ln-8») ; Mlle Aslrid Frlls, Alderman Cockayne's project and the cloth trade : the commercial policg o/ England in ils main aspects, 1603-1625 (Copenhague et Londres, 1928, in-8") ; J . (J. Nef, A comparison •/ industrial grouith in France and England from 1S40 lo 1640, dans Tht Journal of polilical Economu, t. XLIV (1936), p. 289-317, 505-535, 643-666.

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    Lu transformation* itononiqutt el totialet

    tives faites par Burghley, nommé Royal exchanger en 1575, pour stabiliser et contrôler les changes. C'est aussi l'idée que l'on retrouve dans les tentatives de législation monétaire de Henri II, de Charles IX, de Henri III, notamment en 1577. C'est surtout en Espagne, en raison du rôle qu'y jouent l'apport et aussi la fuite des métaux précieux, que la tendance se manifeste. Mais il y a autre chose qu'une volonté générale de déterminer un flux de métaux précieux par des mesures favorisant l'exportation et restreignant les importations, la balance devant être payée dans la monnaie internationale, qui est l'or, ou la lettre de change valant de l'or sur les places de foire. Il y a, très consciente, la volonté de nationaliser les industries nécessaires à la vie d'un peuple, à la fois pour obéir à une sorte d'idéal d'indépendance, en temps de paix comme en temps de guerre, et pour fournir du travail aux sujets. La lutte contre le vagabondage, qui compte parmi les motifs du Statute of ariificers, qui est une des préoccupations de la monarchie et des villes françaises depuis le début du siècle, est un des objectifs essentiels du mercantilisme, surtout en Angleterre et en France. Bannir l'oisiveté, « cela vaut mieux que tout l'or du Pérou et de toutes les Indes occidentales », écrit un mémoire anglais qui semble une satire de la hidalguía castillane. Les nombreuses doléances du Tiers aux États Généraux de France en 1560, 1576, 1588, sont, làdessus, d'une clarté non dépourvue d'éloquence. Plus la crise de cherté développe la misère dans les classes ouvrières, plus la bourgeoisie insiste sur ce devoir de la royauté : réserver aux régnicoles la plus grande part dans la transformation^ des produits. Le fameux système aux quatre points dont on fait d'ordinaire honneur à Colbert : restriction ou même prohibition de la sortie des matières premières indispensables ; libre entrée des matières étrangères ; restriction ou même prohibition de l'entrée des produits fabriqués ou, comme disent les textes, des « manufactures » étrangères ; libre sortie, au besoin sortie favorisée des « manufactures » nationales, — ce système est déjà tout entier, exprimé avec une parfaite cohérence, dans les cahiers de la classe commerçante, ou « marchandise » française. « Donner à vivre à une infinité de peuple et retenir dans le royaume des millions d'or » qui en sortent, tels sont les deux aspects de la théorie. Chez nul homme d ' É t a t elle n'est aussi claire, aussi maîtresse d'elle-même que chez Burghley. II est presque, en cet ordre, un inventeur. Nous connaissons déjà son rôle dans les « choses d'amirauté » et dans toutes celles qui, directement ou non, —

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    L'avinemtnl

    du mereanUlitmt

    servent à la marine : pêche maritime, industrie du bois, culture du chanvre, armements, salpêtre, soufre, métaux nécessaires aux vaisseaux, fer et cuivre. Mais c'est toute l'activité nationale qu'il prétend, surtout lorsqu'en 1572 il devient Lord Trésorier, soumettre au contrôle du Conseil privé, lequel représente l'intérêt général au-dessus des intérêts privés, voire contre ceux-ci, et qui doit exciter les autorités locales. A travers tous ses soucis politiques, Cecil multiplie les mémoires intitulés « choses à accomplir », Ihings to be performed. Ces choses à accomplir, c'est rattraper le retard de l'Angleterre par rapport au continent, y fixer les industries nouvelles, au besoin en concédant des monopoles à des particuliers, y importer des artisans étrangers, des Allemands à Woolwich, des tisserands flamands et wallons, victimes des persécutions religieuses, à Norwich ou à Hampton. Il porte lui-même le titre de gouverneur des mines royales, Governor of the mines royal. Il a d'abord signé des contrats avec les spécialistes allemands, les Fugger, les Hôchstetter, créé avec eux, en 1564, une Société des mines royales pour la prospection des comtés du centre et de l'ouest, du Devon, de la Cornouailles, du Pâys de Galles. Plus tard, il est intéressé lui-même aux affaires minières et métallurgiques de William Humphrey. Il favorise les entreprises sidérurgiques des Sidney. On oublie trop que Robert Dudley, le comte de Leicester, le grand favori de la reine, était aussi un grand maître de forges qui, dès 1580, tirait une rente annuelle de 1.600 livres sterling de ses iron works. La sidérurgie anglaise, grâce à la sécularisation des abbayes riches en forêts, entre dans l'histoire. Aux créations s'ajoutent les prohibitions, celle de la coutellerie et de la quincaillerie étrangères, de l'amidon, du savon, etc. Élisabeth veut qu'on ne porte plus que des chapeaux anglais. Elle entre dans les détails, suivie en cela par le Parlement. Elle n'accorde de patentes, c'est-à-dire de monopoles plus ou moins temporaires, qu'aux privilégiés qui s'engagent à faire venir ou à éduquer des ouvriers. Lorsque Burleigh fait rédiger, vers 1582, des « instructions pour un facteur anglais en Turquie », il ordonne d'envoyer à Londres, au Dyers Hall, des échantillons de teintures orientales, à la fois pour rabattre l'outrecuidance des teinturiers anglais et les pousser, « par honte », à accroître leurs connaissances « pour l'honneur de leur pays d'Angleterre et pour l'universel profit du royaume ». On amènera de Turquie un jeune artisan expert en cet art, ou plutôt deux, un pour la laine, un pour la soie.; on recherchera les matières tinctoriales dont on se —

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    Les transformations économiques et sociales

    sert en Turquie : si ce sont des plantes, les envoyer en Angleterre, avec instructions sur la culture, etc. L'idéal c'est que notre drap absorbe « la plus grande quantité possible du travail de notre peuple ». Déjà l'on dit que c'est grande folie de vendre la laine anglaise non tissée, et qu'il v a u t mieux exporter le drap teint que le d r a p écru. Ce programme se précisera et se généralisera en partie sous l'impulsion de l'alderman londonien Cockayne, après l'avènement de J a c q u e s I e r , grand distributeur de « monopoles », c'est-à-dire introducteur d'industries nouvelles. Déjà se dessine, pour deux siècles à peu près, la courbe de l'histoire industrielle et commerciale de l'Angleterre. Un gros effort est fait dans le même sens en France après le triomphe de Henri IV. Mais au lieu d ' u n homme d ' É t a t de la taille de Burghley, le mercantilisme de l'Assemblée de Rouen ne trouve comme porte-parole que l'autodidacte déjà présenté par nous, Barthélémy de Laffemas. Rien n'est plus révélateur, à cet égard, que la controverse qui le mit aux prises avec Lyon ou plutôt qui m i t aux prises, sous sa direction, l'industrie tourangelle de la soierie avec le commerce lyonnais d ' i m p o r t a t i o n des soies. Le mercantilisme a b o u t i t ici à u n accès de xénophobie économique. Il se heurte d'ailleurs à bien des obstacles : les vues agrariennes de Sully, les raisons politiques et financières qui obligent Henri IV à ménager Lyon, les résistances acharnées des Lyonnais qui font même échouer en partie la t e n t a t i v e , imaginée surtout dans un intérêt fiscal en 1597, pour renouveler l'édit avorté de 1581 sur la généralisation des maîtrises de métiers. Mais il reste de l'œuvre de Laffemas une tradition qui sera reprise par Richelieu et Colbert ; il reste t o u t le travail du Bureau du Commerce où, à partir de 1598, on s'ingénie, comme l'avait fait Cecil, à implanter des industries nouvelles, à secouer les routines corporatives, à éveiller l'esprit de recherche, si bien que ce bureau ressembla par instants à un office des inventions. La tendance mercantiliste conduit t o u t naturellement à l'expansion, ne serait-ce que pour trouver des débouchés aux industries nouvelles ou renouvelées. Là encore, c'est l'Angleterre qui commence, n o t a m m e n t lorsque la r u p t u r e avec l'Espagne lui ferme une partie des ports du continent. Dès 1587, une lettre de Burghley à Christopher H a t t o n signale la mévente des produits anglais, et non seulement des draps. Secouer le monopole hispano-portugais et le monopole de la Hanse, c'est une des explications de la politique anglaise. E n 1597 le Slalhof (ou Steelyard) est définitivement fermé. Déjà s'esquisse le système — 212



    L'aoinement du mercantilisme des actes de navigation, du monopole d'importation des produits exotiques (en ce temps surtout les raisins et les huiles) réservé aux navires anglais, de même que l'exportation des draps. Mais déjà, aux grands raids océaniques, a succédé l'exploitation commerciale du monde ibérique. Dès 1591, l'un des vainqueurs de Gravelines, Lancaster, a pris le chemin du Cap et des Indes ; et s'il a perdu par scorbut ou autrement les sept huitièmes de son effectif, il ramène au bout de trois ans des richesses qui excitent les marchands de Londres à financer une nouvelle expédition vers le Brésil. Mais déjà l'Angleterre n'est plus seule en cause. Nous verrons plus tard comment s'est constitué, à côté du mercantilisme anglais et français, celui des Provinces-Unies. Lancaster, pour ramener ses prises de Pernambouc, a dû affréter des navires hollandais. Mais ceux-ci travaillent aussi pour leur propre compte. Dès 1596 ils commencent à s'installer dans l'ancien empire portugais, et en 1599 ils relèvent le prix du poivre de 3 sh. 6 à 6 shillings et même 8 shillings la livre. La crainte de ce nouveau monopole décide les Anglais à constituer, pour le commerce en droiture, une « Société des marchands de Londres trafiquant avec les Indes orientales », au capital de 80.000 livres. Le dernier jour de l'an 1600, la reine accorde à cette East India Company (c'est-à-dire au comte de Cumberland et associés) un privilège pour quinze ans, avec pouvoirs souverains sur ses conquêtes, exemptions douanières pour ses retours, permission d'exporter annuellement 30.000 livres de métaux précieux. La première flotte — quatre vaisseaux — part aussitôt : elle reviendra, en 1G03, après la mort de la grande reine, au milieu de l'universel enthousiasme. Cependant l'Angleterre commence à concevoir la conquête des pays tempérés où l'on, n'espère trouver ni or ni épices, comme un moyen de dégorger une population que la transformation des terres en enclosures et la multiplication des vagabonds fait trouver surabondante. C'est en application des idées émises par sir Humphrey Gilbert en 1577 que sir Walter Raleigh a tenté en 1587 la « plantation » de la Virginie, ainsi nommée en l'honneur de la reine. Si l'entreprise échoue, si quatre ans après on ne trouve presque plus trace des malheureux colons, une voie nouvelle est ouverte, où la France de Henri IV va s'engager après l'Angleterre. C'est l'ère coloniale, déjà inaugurée dans l'Amérique espagnole, qui va succéder à l'ère de la découverte et de l'exploitation des richesses. — 213 —

    CHAPITRE V LE MOUVEMENT DE

    INTELLECTUEL 1560 A 16031

    EN

    EUROPE

    On aurait d'abord pu croire qu'au lendemain du traité du Cateau-Cambrésis la veine de la Renaissance serait épuisée. On a pu caractériser l'époque suivante par ces mots : « la fin de l'humanisme ». Après Rabelais et l'Arioste, après Copernic et Michel-Ange, la Contre-Réforme catholique et le piétisme protestant semblaient rétrécir et assombrir l'horizon de la pensée. Le Concile de Trente tend à faire de la littérature comme de la science des servantes de la théologie et de la morale ; le pragmatisme luthérien, le puritanisme genevois ne sont pas des « climats » plus propices au libre essor de l'intelligence. La publication, précisément en 1560, des Œuvres de Ronsard va-t-elle être le testament de la Pléiade ? Les Lusiades de Camoëns, mort en 1570, font-elles entendre un chant du cygne ? E t p o u r t a n t l'Italie atteindra encore, chez Torquato Tasso, la vraie poésie. Bruno, Campanella, Galilée enfin v o n t prouver que l'esprit de Léonard est toujours vivant, de même que l'Europe centrale et septentrionale connaissent avec Tycho et Képler des continuateurs de Copernic. La peinture vénitienne donne quelques-unes de ses plus grandes œuvres ; elle transforme, pour ainsi dire, l'art espagnol. Les dernières années de Ronsard sont contemporaines de la méditation d ' u n Montaigne, et de la guerre civile elle-même sortent des œuvres d'une mâle beauté. Mais, surtout, cette ère de la nouvelle Renaissance connaît deux émerveillements. Dans le pays le plus fortement influencé par la Contre-Réforme s'épanouit « l'âge d'or » de l'Espagne ; à la fin de notre période, en 1605, il produit son œuvre immortelle, Don Quichotte, et déjà son théâtre est né. Quant à l'Angleterre, une sorte de décalage chronologique, en y retardant l'heure 1. OUVTRAGES D ' E N S E M B L E A C O N S U L T E R . — L'un des raies ouvrages où le problème «oit envisagé dans son ensemble est celui de Preserved Smith, A hislorg of mtdern culture, t. I : The grcat rencmal, 1S43-1G67 (New York, 1930, in-8°).. — 214 —

    Science et philosophie

    après le concile de Trente

    de la Renaissance, du moins avec ses caractères de nationalisation de la culture, a fait de cette Renaissance une contemporaine de la Réforme puritaine, et de ce mélange imprévu est né l'art élisabéthain. Si donc l'heure est quelque peu passée des grandes hardiesses, des voyages à l'aventure sur les océans illimités de l'esprit, si la pensée se resserre davantage pour mieux connaître l'homme, les règles de sa conduite, la pratique de la vie et le gouvernement du monde, cette période est loin de tenir tout entière dans l'art baroque et dans l'emphase des continuateurs de Michel-Ange, dans les fioritures du concettisme, du gongorisme et de l'euphuisme. La forte sève n'est pas tarie. Notons tout de suite qu'en dépit du caractère national des diverses formes d'art et de littérature, il s'agit de phénomènes européens ; en raison des rapports religieux et politiques de plus en plus étroits entre les peuples, de la multiplication des traductions et des imitations, les grands courants se répandent plus que jamais par-dessus les frontières. Tâchons d'apercevoir ces grands courants dans leur ensemble. I. — SCIENCE TRENTE1

    ET

    PHILOSOPHIE

    APRÈS

    LE

    CONCILE

    DE

    La Contre-Réforme (et nous savons déjà qu'en un certain sens on pourrait parler, à propos de Calvin, d'une ContreRéforme protestante) met assurément un frein à la liberté des spéculations philosophiques. Aristote devient, décidément, un docteur de l'Église, sa logique et sa physique sont liées, d'une façon assez inattendue, à l'enseignement de la religion, et c'est peut-être pour les avoir niées que Ramus a été victime de la 1. OUVRAGES A CONSULTER. — Voir, pour la philosophie, E . Bréhier, Histoire de la philosophie, t. I, fasc. 3 (Paris, 1928, ir-8°) ; R. Charbonnel, La pensée italienne au XVI' siècle et le courant libertin (Paris, 1917, in-8°) ; Henri Busson, Les sources et le développement du rationalisme dans la littérature française de la Renaissance, 1533-1601 (Paris, 1922, in-8°) ; L. Blanchet, Campanella (Paris, 1920, in-8°) ; R. de Mattei, La poliiica di Campanella (Rome, 1928, in-8°) ; P. Trêves, La filosofia politicadi Campanella (Bari, 1930, in-8°). — Sur l'histoire des sciences, il n'existe guère de travaux utilisables, mais l'on pourra se reporter au t. XIII, partie III, de l'Histoire du monde, dirigée par Cavaignac (Paris, 1930, in-8°). — L'histoire du calendrier grégorien est fort bien résumée dans Ludwig Pastor, Geschichte der Pdpste, t. IX, p. 204-208. — Chauviré, Bodin, auteur de la République (Paris, 1914, in-8») ; du même, réédition partielle de 1 ' Heptaplomérès (Paris, 1914, in-8°) ; P. Mesnard, L'essor de la philosophie politique au XVI' siècle (Paris, 1936, in-8»). Nou» reviendrons plus loin sur Galilée. —

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    La mouvement inlelUeluel en Europe (1560-1603)

    Saint-Barthélemy. A peine si, dans les sociétés protestantes, l'examen des Écritures entraîne à plus de liberté. Mais précisément parce que le dogme est irrévocablement fixé, une sorte de distinction se pose entre la pensée religieuse et la pensée scientifique. Ce que l'on reproche alors aux coperniciens, à Wittenberg aussi bien qu'à Rome, ce n'est pas de proposer un nouveau système du monde, c'est de présenter comme vérité ce que l'on veut bien admettre à titre de commode hypothèse explicative. Même un augustin de Salamanque, dans un commentaire de Job dédié à Philippe II, a pu, en 1584, invoquer, à côté de l'aristotélisme, la philosophie platonicienne et écrire : « De notre temps Copernic a décrit suivant cette opinion le cours des planètes. » Le Danois Tycho-Brahé (1546-1601) trouve le moyen de perfectionner la théorie en demeurant dans une sorte de relativisme, en disant que tout se passe comme si la terre restait centre du monde. Constructeur d'instruments, protégé de son roi Frédéric II, il se fait donner une île du Sund où s'édifie un observatoire au nom splendide, Uraniborg, et où il complète les catalogues d'étoiles. A la mort de son roi, il se retire à la cour impériale de Prague où un prince curieux de tout, d'astrologie et d'alchimie comme d'astronomie, Rodolphe II, en fait son mathématicien. Il y a pour successeur son élève, l'héritier de ses instruments, un Souabe, Képler (1571-1630), qui s'était fait d'abord astrologue pour vivre. Ce calculateur puissant prend parti d'abord pour Copernic dans son Myslerium cosmographicum de 1596, mais tout en croyant que la sphère des étoiles fixes est la limite de l'univers, « image de la Trinité ». C'est seulement après avoir découvert, surtout par l'observation de Mars, les lois du mouvement elliptique des planètes qu'il donnera, mais au début du siècle nouveau (1609), son explication mécaniste du monde, Astronomia nova, et qu'il entrera en relations avec Galilée. Mécanisme encore pénétré de finalisme, « hymne à l'éternel géomètre ». Pendant ce temps la spéculation italienne, surtout celle de l'Italie du sud, poursuivait ses audacieuses entreprises. Bernardino Telesio, venu de Cosenza, élève de Milan, de Rome, de l'averroïste Padoue, protégé de Paul IV qui voulait le nommer archevêque, s'était retiré devant l'hostilité des ordres et avait fondé dans sa ville natale une Académie. Contre Aristote, il enseignait l'existence du vide, se tournait vers l'observation du réel, déclarant le témoignage des sens supérieur à celui de la raison : « Non ratione sed sensu. » Localisant l'âme dans le cer— «16 —

    Science et philosophie après le concile de Trente

    veau, concevant une âme supérieure à l'âme naturelle, il voyait la conscience apparaître déjà dans la matière. Avec Grégoire X I I I surtout, la papauté entend ne pas se tenir à l'écart du mouvement scientifique. Non seulement le pape fait établir par une commission, où figurent Sirleto et Baronio, une édition nouvelle, et dans une certaine mesure critique, du martyrologe romain (publiée en 1583, améliorée en 1584), mais à cette revision des dates consacrées par l'Église se rattache un travail d'une portée bien plus considérable, en liaison avec l'effort mathématique et astronomique des temps antérieurs, à savoir la réforme du calendrier 1 . En nulle affaire, et peut-être mieux encore qu'à propos de la théorie copernicienne, on ne saurait voir plus clairement à quel point les préjugés, les habitudes scolastiques et les partis pris religieux étaient capables de faire obstacle au progrès scientifique. II y avait des siècles (au moins depuis le x m e ) que les théologiens s'accordaient avec les mathématiciens pour réclamer cette réforme. Comme l'année julienne attribuait au jour solaire 11 minutes 14 secondes de trop, ce qui faisait un jour plein par 128 jours, le pire désordre avait fini par s'introduire dans la fixation de la fête de Pâques telle que l'avait établie le concile de Nicée, et par suite dans tout le calendrier des fêtes mobiles. Mais toutes les tentatives avaient échoué, qui devaient ramener Pâques au premier dimanche après la première lune de printemps : Trente, dans sa dernière session, s'en était remis au pape du soin de résoudre le problème. Grégoire, avec une réelle énergie, enrôla dès 1570 les calculateurs, et en 1576 il soumit à une commission le mémoire posthume de Luigi Giglio, présenté par son frère Antonio. Des brefs envoyés aux princes, et aux universités, Paris, Padoue, Louvain, Cologne, Alcalá, Salamanque, mirent la question à l'ordre du jour du monde catholique. Les avis furent loin d'être unanimes. Paris disait que se soumettre à l'opinion des astronomes, c'était avouer que l'Église avait erré. Alessandro Piccolomini, évêque de Sienne, avec un sens assez aigu de la relativité, insistait sur l'impossibilité de réaliser un ajustement éternellement parfait, annonçait la nécessité d'une nouvelle réforme au bout de vingt siècles ! Le mérite de Grégoire fut de ne pas se laisser ébranler, et de profiter de ce que la multiplicité même des avis laissait toute liberté à la 1. Signalons qu'en France, «a 1564, le début de l'année avait été reporté de P&quee au 1 " janvier. —

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    Le mouvement intellectuel en Europe (1560-1603)

    commission où un rôle important f u t joué, à côté de Sirleto, du théologien Vincenzo Laureo, du juriste français Séraphin Olivier, par le savant Christophe Clavius et par le secrétaire espagnol Pedro Chacon. Elle acheva son travail le 14 septembre 1580 et, malgré le retard causé par la maladie du cardinal Sirleto, la bulle du 14 février 1582 le sanctionna. Une suppression de dix jours (le 5 décembre devenant le 15) permit de ramener au 21 mars la date de l'équinoxe ; la concordance fut rétablie entre la chronologie ecclésiastico-civile et la chronologie vraie, et un cycle lunaire plus exact fut dessiné pour l'avenir. L'impression du nouveau calendrier, aussitôt accepté par Philippe II et Étienne Bâthory, dut bientôt être accélérée moyennant la suppression du privilège de Giglio. Une édition sortira des presses lyonnaises en 1583, et un édit de Henri I I I fixa l'ouverture du nouveau style à décembre 1582. La Bavière, les princes catholiques allemands l'adoptèrent. Rodolphe II, l'empereur astronome, se décida le 4 septembre 1583 : pour ménager ses alliés protestants, il évitait de nommer la cour de Rome, Luther ayant déclaré que le calendrier était de la compétence du pouvoir civil. Mais cette œuvre si utile et, somme toute, d'une incontestable valeur scientifique, fut loin d'être acceptée de tout le monde chrétien. Les patriarches de Constantinople, d'Alexandrie, d'Arménie se refusèrent à ce qui leur paraissait une condamnation du concile de Nicée ; un schisme chronologique, qui devait durer jusqu'au présent siècle, s'ajouta au schisme ancien. Ce qui est plus curieux, c'est l'attitude de la plupart des docteurs protestants, malgré l'adhésion de Tycho Brahé et de Képler qui, tout en reconnaissant les inévitables erreurs du calendrier nouveau, le jugeaient très supérieur à l'ancien et disaient que le» Allemands se couvraient de honte en le rejetant. Mais l'agitation antipapiste l'emporta et se traduisit même par des émeutes. Osiander, les théologiens de Tubingue, criaient à la violation de la paix religieuse, accusaient le pape de préparer un bain de sang, dénonçaient dans le nouveau comput une œuvre de Satan, une révolte de l'Antéchrist contre l'ordre établi par Dieu même, interdisaient d'obéir à un pouvoir civil qui versait dans l'idolâtrie! Malgré VExplicatio qu'en 1603 Clément V I I I fit publier par Clavius, l'Europe chrétienne conserva deux manières de compter les années. L'opposition ne devait cesser qu'en 1700 dans l'Allemagne protestante, le Danemark, les Provinces-Unies, la plupart des Cantons protestants ; l'Angleterre ne cédera — 318 —

    Science et philosophie après le concile de Trente

    qu'en 1752, la Suède qu'en 1753. On voit que la passion religieuse allant jusqu'à l'obscurantisme, dans l'ordre des sciences mathématiques comme dans la question des sorcières, n'était pas le monopole de l'ancienne Église. Pourtant la science mathématique trouvait enfin sa langue, l'algèbre, grâce aux travaux du Poitevin François Viète, élu de Poitiers, conseiller au Parlement de Bretagne, enfin conseiller du roi sous Henri IV. Sa théorie des équations, ses recherches en géométrie et en trigonométrie ouvrent le chemin aux travaux de la génération suivante. C'est un fils de saint Dominique que Giordano Bruno, né à Nola (1548). E n 1576, suspect d'arianisme, il vit comme une sorte de vagabond défroqué, en proie à une sensualité mystique qui s'exprime dans les obscénités du Candelaio (1582). Lecteur passionné de Lucrèce, en même temps que de Raymond Lull et de Nicolas de Cues, il s'élève contre le prince de l'école, celui qu'il appelle dédaigneusement « le pauvre Aristote ». Dans l'école génoise où il enseigne l'astronomie, il oppose aux anciens les modernes, qui sont en réalité « plus vieux ». C'est déjà l'idée de Pascal : Hipparque, dit-il, en savait moins que Copernic. E t Copernic lui-même était incomplet, gardait la théorie des sphères. Devinant que la préface mise en tête du De revolulionibus est apocryphe, Bruno rêve de poursuivre l'œuvre du savant polonais, d'introduire dans le système du monde la notion de la relativité d'espace et de temps, et aperçoit dans les étoile» fixes autant de soleils pourvus de leurs systèmes planétaires. Cette ivresse scientifique lui rendait tout séjour dangereux. Calviniste à l'Académie de Genève (1579), il est emprisonné. A Toulouse, puis à Paris, il fait accepter par Henri I I I sa dédicace du De umbris idearum (1582). Il accompagne à Londres l'ambassadeur Castelnau, salue en la reine Élisabeth un soleil parmi lei étoiles ; mais la reine et les docteurs d'Oxford frémissent devant un panthéisme qui leur paraît de l'impiété, et que Képler caractérisera en disant qu'il « convertit Dieu en l'Univers et le réduit à des cercles et à des points ». Il rentre en France, puis à Marbourg, à Wittenberg, à Prague, se fait excommunier par les pasteurs de Helmstadt, se réfugie à Francfort. Un Mocenigo l'attire à Venise et le livre au Saint-Office. Rome le reprend, malgré les protestations de la République. Durant un procès de six années, Bellarmin, San Severino essayèrent vainement de lui arracher une rétractation. Sa mort sur le bûcher au Campo de' Fiori, en 1600, a peut— 21» —

    Le mouvement intellectuel en Europe

    (1560-1603)

    être amené les libres-penseurs à grandir le personnage. Mais il serait injuste de ne pas admirer chez le Nolano la hardiesse de la pensée, et une conception de l'univers qui fait déjà songer à Spinoza. Dieu âme du monde, « monade des monades, entité des êtres », cette doctrine devait lui valoir de nombreux disciples, ouverts ou cachés. Et nous avons à nous demander si la pensée même de Galilée n'a pas subi l'influence de Bruno et celle d'un autre Napolitain, Campanella* de Stilo (1568) en Calabre. Celui-là, dominicain aussi, — et à quatorze ans, — n'hésite pas à chanter en Telesio le héros qui « a détruit la troupe des sophistes, mis en déroute le tyran des esprits et affranchi la vérité ». Il eut cette audace de rester dans l'ordre tout en servant des idées d'universelle émancipation, rendues plus intenses par le spectacle de la domination espagnole en Calabre. Il a écrit, pour la défense de son maître, sa Philosophia sensibus demonslrala (Naples, 1591). Il se considère comme une façon de messie, et ose publier en 1594 son Prodromos philosophise instaurandse, annonce d'une sorte de déisme naturaliste. Mêlant, comme il arrivait encore à t a n t de penseurs, les sciences occultes aux sciences positives, il attendait une révolution pour l'année séculaire, et voulait la préparer avec trois cents moines, des évêques, des nobles, même le corsaire turc Cigala, renégat calabrais. Trahi, jeté au château de l'Œuf, enfermé pendant vingtsept ans, torturé, surveillé par les jésuites qu'il avait accusés de servir les tyrans, c'est dans sa prison qu'il écrira ses admirables poésies, et (vers 1602) sa Cité du Soleil : cette nouvelle « Utopie », isolée du monde dans une Ile de l'Équateur, est gouvernée par Soleil, c'est-à-dire par la Philosophie, dont les trois assistants sont Puissance, Sagesse et Amour. Éducation commune, propriété collective, communauté des femmes, eugénisme civique, c'est un étonnant mélange de rêveries platoniciennes, d'imitations de la hiérarchie pontificale, de paternalisme qui fait prévoir le gouvernement du Paraguay, et en même temps d'une sorte de rationalisme juridique et social. Le tout, dédié au roi d'Espagne afin qu'il réalise cette idéale Cité, ne paraîtra d'ailleurs que vingt ans plus tard (à Francfort, 1623). Nous retrouverons cet extraordinaire personnage qui osa écrire : « Notre siècle a plus d'histoire en ces cent années que le monde entier dans les quatre mille années antérieures ; plus de livres ont été publiés dans le dernier siècle que dans les cinq mille ans avant lui ; il a profité des inventions récentes, de l'imprimerie, de la boussole. » — 230 —

    Science et philosophie après le concile de Trente

    Il osa même peindre l'homme comme « un second dieu, le premier miracle de Dieu, car il commande aux profondeurs, monte au ciel sans ailes, compte les corps qui s'y meuvent et les mesure... II connaît la nature des axes et fixe leurs lois, comme un dieu ». Cet enthousiasme intellectuel se retrouve en une certaine mesure, nuancé de plus de logique et de sens pratique, chez un Français, Jean Bodin d'Angers, qui a subi à l'Université de Toulouse l'influence des romanistes et celle des Padouans, lu Jérôme Cardan aussi bien que Guillaume Budé, les historiens anciens et les voyageurs ses contemporains, Pline à côté de Rondelet, les docteurs juifs (au point d'avoir pu passer pour un semi-juif) comme les réformés, Copernic avec Ptolémée. Sa curiosité ne recule pas plus que celle de Campanella devant les sciences occultes et, ce qui indique bien ce qu'il y a encore de fumeux chez ces hommes de la seconde Renaissance, ce mcme homme qui a des idées presque saines en chimie, qui pose en 1568 les bases d'une économie politique rationnelle, n'hésitera pas à écrire en 1582 la Démonomanie des sorciers et à faire, lui magistrat, de la sorcellerie un crime. Mais, dans sa Méthode pour la connaissance facile de l'histoire (1566), il a pris, lui aussi, parti pour les modernes, et il dessine les linéaments de cette théorie des climats qui, reprise dans sa République en 1576, passera plus tard à Montesquieu. E n son énorme livre de la République, où les théories politiques d'Aristote sont renouvelées à la lumière des expériences les plus récentes et les plus diverses, il fonde la doctrine de la souveraineté. L'ouvrage est classique dès 1579 dans les universités anglaises, vouées au culte de la prérogative royale. Mais la souveraineté s'effrite en France, et Bodin luimême, pour échapper à la mort, se donne le masque d'un ligueur. C'est un des effets de la Contre-Réforme que cette hypocrisie des grands esprits, incurieux du martyre, que cette vie double qui permet à Bodin d'écrire, sous forme d'un entretien entre esprits de diverses croyances et incroyances, un ouvrage resté longtemps secret, le plus formidable essai de syncrétisme religieux, le plus achrisie en sa sereine hardiesse, YHeptaplomeres. . Il ne faut pas oublier que deux générations successives et différentes se sont vouées, surtout en Italie et aussi en Espagne, à l'œuvre de la Contre-Réforme. La première a été d'abord, avec les grands papes inquisiteurs et les premiers Borromée, une génération de combat et d'ascèse, une Contre-Renaissance encore plus qu'une Contre-Réforme, une sorte de Terreur intellectuelle, — 221 —

    I.t moavtmtnt inltllttiutl *n Europe (1S6C-160S)

    condamnation de l'humanisme païen ; en rapport avec la mystique espagnole, elle est dominée par la pensée, par un véritable sadisme de la mort. Défense de lire ou de garder des livres hérétiques ou suspects d'hérésie. Défense de publier des variantes aux textes sacrés. On ira jusqu'à suspendre l'impression de l'histoire du sage Baronio. De même que le plus illustre porte-parole des idées nouvelles avait été Érasme, c'est contre la tentative d'humanisme chrétien qui avait fait sa gloire que sont dirigés les premiers coups. En l'année du Cateau-Cambrésis, l'Index de Paul IV prohibe tous les ouvrages du savant hollandais, tous, « même s'ils ne parlent ni contre ni de la religion ». En 1568, on supprime ses notes sur des exemplaires de Cicéron et de Térence. Après le triomphe de l'Église, une seconde génération, où nous retrouvons l'influence de Néri1 et de ses « philippins », professe une philosophie plus douce, une conception aimablement religieuse de la vie qui, tout en renonçant aux dangereuses hardiesses et en maintenant la discipline morale, entend utiliser l'humanisme, et jusqu'à un sentiment romantique de la nature, pour la plus grande gloire de Dieu. Le mot « hilarité » revient à toute page dans le récit de leurs réunions pieusement agréables. De là une tendance, qui rejoint d'une façon surprenante la pédagogie protestante, à la diffusion de l'instruction, même de l'instruction populaire, tandis que les jésuites se sont confinés dans l'instruction des classes dirigeantes. Les dernières nées des congrégations italiennes de la Contre-Réforme sont des congrégations enseignantes, dont l'idéal pédagogique est presque tout laïque en son contenu : lire, écrire, calculer, legere, scrivere, e l'abaco. C'est le milieu où se forma Campanella, et même Galilée. Précisément parce que le Concile, en définissant strictement le dogme, en fermant la route aux expériences et aux aventures religieuses, a fait de la foi une statique et donné par là aux âmes pieuses la tranquillité, il apparaît que la science peut se développer à côté et en dehors de la foi. Puisque tout, en définitive, trouvera son explication ultime sur le plan divin, l'homme peut se livrer à l'observation de la nature. C'est un curieux symptôme que l'apparition en 1563 de la Recepte vérilable, en 1580 du Discours admirable, de ce « pauvre artisan sans lettres », collectionneur de terres, de pierres et de coquillages, patient observateur des ruisseaux et des rivières, « conférencier » qui cherche à enseigner aux gentilshommes les 1. Cf. p. 36 et 37. —

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    La peitie tt It roman

    méthodes de la recherche scientifique, en même temps qu'il est potier des « rustiques figulines » de la reine-mère, le huguenot Bernard Palissy. E n ces années déjà fécondes, il importe de le ; noter, commence à s'exercer l'esprit d'observation de Galileo Galilei. C'est entre 1589 et 1591 que, substituant à l'observation simple la méthode expérimentale, il étudie à Pise les oscillations du pendule, la chute des graves du h a u t de la Tour penchée. Si les Discours sur deux sciences nouvelles, où il pose contre Aristote la loi du mouvement uniformément accéléré, ne paraissent qu'en 1638, l'ouvrage est connu de bonne heure, suivant l'habitude de l'époque, en manuscrit. Déjà, comme il a étudié Archiméde, il étudie Copernic. Il l'appelle, dans une lettre à Képler, « notre maître », et ose écrire : « Quoiqu'il se soit acquis auprès de certains line gloire immortelle, il passe a u x yeux d ' u n e mult i t u d e (tant est grand le nombre des sots) pour ridicule et digne d'être chassé. » Il ajoute : « Il n'est pa9 douteux qu'Aristote, s'il eût vécu de notre temps, eût modifié son opinion. » Il a posé, a v a n t de connaître le télescope, les fondements de la science moderne. Il est chassé de l'Université parce qu'il a, pour ainsi dire,1 faussé les règles du jeu de la Contre-Réforme. Il est, nous l'avons dit, permis d'associer à la rigidité du catéchisme un pessimisme purem e n t humain et le scepticisme intellectuel, de répéter avec le médecin espagnol Francisco Sanchez : « On ne sait rien » (quod nihil scitur). Cervantès ne craindra pas, à l'inverse de Bodin, de donner une explication rationaliste, psycho-pathologique, de la sorcellerie. Il peut, en homme qui a subi l'influence de Telesio et de Bruno, célébrer dans la n a t u r e « la majordome de Dieu ». Il peut, après avoir salué dans la théologie « la reine de toutes les sciences », se donner certaines libertés. Le danger commence q u a n d on v e u t enseigner les hypothèses, tirées de l'observation et de l'expérience, comme des vérités. Ce sera le péché de Galilée. II. — LA POÉSIE ET LE ROMAN1

    Ce serait se condamner à ne rien comprendre au mouvement littéraire de la fin du x v i e siècle que de vouloir en découper 1. Ouvn&o» a coNtuLTKH. — On lira encore le vieil ouvrage de Ch. Dejob, — 223 —

    Le meuvemenl intellectuel en Europe (1560-1603)

    l'étude en monographies nationales. Assurément l'expression linguistique est italienne, espagnole, ou française, ou anglaise : la primauté du latin a décidément fait son temps ; la littérature, en chaque pays, s'adresse aux grands, à la cour et, souvent, surtout en ce qui concerne le théâtre, aux classes qui n'entendent que le parler vulgaire. Assurément aussi l'œuvre de l'écrivain reflète plus que jamais les particularités nationales : un Cervantès, un Montaigne, un Shakespeare sont profondément de leur pays respectif et, dans toute la force du terme, intraduisibles. Mais, en dépit de cette nationalisation des littératures, qui est comme la transcription laïque de la nationalisation spirituelle réalisée par la Réforme, ces littératures se connaissent, se pénètrent, influent par l'imitation les unes sur les autres. Les thèmes, les procédés, les modes littéraires ne connaissent plus de frontières. S'il n'y a pas, entre les diverses évolutions intellectuelles, un synchronisme absolu, il se produit ici quelque chose d'analogue à ce que nous avons noté dans l'histoire des prix, où les barrières économiques cédaient à la longue sous la pression monétaire. Un fait domine, dans la plupart des pays catholiques, l'histoire de la littérature comme celle de la science et de la philosophie : c'est la Contre-Réforme. II a pour correspondant, chez les peuples protestants ou plus exactement chez les calvinistes, le puritanisme. 11 est rare que l'on rencontre une poésie pure, qui ne soit pas au service de la passion religieuse, ou obligée d'y De rinfluence du concile de Trente sur la littérature et les beaux-arts chez les peuples catholiques (Paris, 1884, in-8°). A défaut d'une histoire comparée des littératures européennes (on sait qu'il existe une Revue de littérature comparée, dirigée par F. Baldensperger et P. Hazard, depuis 1920), on combinera des histoires, dont quelquesunes excellentes, des littératures nationales : au premier rang la Littérature italienne de Henri Hauvette (Paris, 1906, in-16, et surtout la 8» éd., revue et augmentée, Paris, 1932). — Pour l'Angleterre, sans négliger complètement Taine, Littérature anglaise, t . II, livre il, on consultera la Cambridge hislory o/ English lilerature, t . I I I (Cambridge, 1909, ln-8») ; J . J . Jusserand, Histoire littéraire du peuple anglais, t . I I (Paris, 1904, in-8°) ; Legouis et Cazamian, Littérature anglaise (Paris, 1924, in-16 ; 3" éd., Paris, 1929). — Pour l'Espagne, le meilleur résumé est J . Fitzmaurice-Kelly, Historg o/ Spanish literature (Londres, 1904, ln-8°), trad. franc, p a r J . Davray, sous le titre Littérature espagnole (Paris, 1904, in-16). — A. Tilley, The Lilerature o/ the French Renaissance (Cambridge, 1904, 2 vol. in-8*), t . I, 2* partie, et t. II, eh. X V I I - X V I I I ; l'œuvre d'inspiration catholique, mais de probe érudition, da R. Morçay, La Renaissance, t . II (Paris, 1935, ln-8°) ; Gustave Cohen, Ronsard, sa vie et son œuvre (Paris, 1924, in-16) ; P. Perdrlzet, Ronsard et la Réforme (Paris, 1902, in-8») ; G. Charbonnier, La poésie française et les guerres de religion (Paris, 1919, in-8°) ; M. Bataillon, introductions à El Enquiridlon 6 Manual del caballero cristiano (Madrid, 1932, in-8*) et à Le roman picaresque (Paris, 1931, in-16) ; Americo Castro, El pensiamento de Cervantes (Madrid, 1925, in-8") ; du m i m e , Cervantét (Paris, 1931, in-16), en français.

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    La poésie et le roman

    consentir des concessions. Les deux influences sont aux prises dans les pays, comme la France, que se disputent les deux religions. Cependant la poésie n'est pas morte après 1560, même sous sa forme épique. C'est plus tôt, il est vrai, sur les routes de l'Océan, à Macao, au Cambodge, que Camoëns a composé la plus grande partie de ses chants à la gloire des navigateurs et des conquérants portugais ; mais, rentré à Lisbonne en 1570, c'est deux ans plus tard qu'il fait paraître les Lusiades, et il mourra deux ans après la catastrophe où devait sombrer le grand empire. Dans l'Italie hispanisée, l'Italie du Concile, il n'y a plus place pour la libre fantaisie d'un Arioste. La vie des cours, qui se consolent de leur impuissance politique par le luxe, trouve son expression dans des genres factices, d'un charme élégant et équivoque, comme les pastorales représentées dans les fêtes princières, — bergeries idylliques dont la sensibilité harmonieuse et doucement voluptueuse ne doit guère à Théocrite. Pour ces fêtes il faut préparer des poètes, tel ce Torquato Tasso, fils de Bernardo de Bergame, mais né à Sorrente, élevé comme un futur grand homme à la cour d'Urbin, à Venise, à Padoue, à Bologne, puis à partir de 1565 favori de la cour de Ferrare, grand voyageur sur les routes de France et de Rome. Poète dès 1561, hanté par les grands sujets, il triomphe avec une pastorale, l ' A m i n t a , jouée à Ferrare en 1573, et qui trouvera une rivale en 1580 dans le Pastor fido de Battista Guarini. Mais déjà, en 1575, il a lu au duc Alphonse et à sa sœur la première rédaction du grand poème que, fidèle à l'esprit de la Contre-Réforme, il rêve de consacrer à l'un des plus grands événements de l'histoire chrétienne, les croisades. Il reprend les thèmes déjà orchestrés par Arioste, où Jésus et Mahomet, les anges et les démons remplacent les dieux propices ou ennemis des mythologies antiques, mais il se croit obligé de couler les merveilleuses aventures de guerre et d'amour des compagnons de Godefroy de Bouillon dans le moule du classicisme aristotélicien : Aristote, l'Aristote imaginé par les Universités, devient le père des lettres comme il est un Père de l'Église. Mais, avant qu'en 1580 eût paru à Venise une édition partielle et incorrecte de sa Jérusalem délivrée, le malheureux enfant gâté des princes et des princesses avait été atteint de troubles nerveux, où la maladie de la persécution se mêlait à la crainte de l'hérésie, aux scrupules d'une conscience timorée, qui n'a pas —

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    Le mouvement

    intellectuel en Europe

    (1560-1603)

    une religiosité assez profonde pour croire à ses dieux païens et qui sent t o u t ce qu'il y a d'artificiel dans sa poésie. Il se reproche la sensualité de ses jardins d'Armide, il désavoue même l'édition nouvelle donnée en 1581 d'après son manuscrit. C'est une lamentable histoire que ces alternatives de folie pt de raison, fugues, fureurs intermittentes, qui le font m e t t r e à la chaîne d u r a n t sept ans. Il ne retrouve sa veine que dans le sentimentalisme élégiaque. A la cour des Gonzague, à Mantoue, il écrit une tragédie ; puis u n nouvel accès de mélancolie le pousse à de nouvelles errances. A Rome, il refait son poème, effaçant t o u t ce qui en faisait la poésie. Pour cette Jérusalem conquise de 1593, Clément V I I I voulait le ceindre du laurier au Capitole, mais l'infortuné m e u r t dans u n couvent en 1595, léguant à l'âge classique le modèle, qui sera t a n t de fois imité, du merveilleux chrétien. C'est l'ultime chef-d'œuvre de la vraie poésie italienne, après quoi triomphe le barocco, c'est-à-dire l'emphase et la préciosité, la recherche du style pour le style même, le libertinage lascif masqué de grâces mièvres qui l'emporte avec Marini. Marinisme en Italie, euphuïsme en Angleterre, gongorisme en Espagne sont trois faits contemporains, d ' e n t r e 1580 et 1615 ; trois signes, pourrait-on croire, d'épuisement. Cependant la poésie française garde une singulière vigueur de pensée et d'expression. Assurément, le grand élan de la Pléiade s'est apaisé. Du Bellay m e u r t le 1 e r janvier 1560. La m ê m e année, Ronsard publie les q u a t r e volumes de ses Œuvres. C'est une nouvelle phase dans sa vie ; après la phase militante une phase t r i o m p h a n t e , où Charles I X le comblera de bénéfices et de pensions, le nommera son aumônier et le saluera de vers célèbres : Tous deux également noua portons des couronnes, Mais, roi, je les reçois ; poète, tu les donnes.

    Tout grisé qu'il soit par les flatteries des hommes et du sort, sa verve n'est pas éteinte. Sa sensibilité ardente, disons sa sensualité, revivra jusque vers 1574 dans les Sonnets pour Hélène. Il n'a pas renoncé non plus à la grande passion de la Renaissance, au sentiment païen de la gloire, car c'est dans u n de ces sonnets que c h a n t e n t ces vers débordants d'orgueil : Lors vous n'aurez servante oyant telle nouvelle... Qui, au bruit de Ronsard ne s'aille réveillant, Bénissant votre nom de louange immortelle. —

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    D'autre part, le spectacle des guerres civiles, un vieil attachement pour l'Église traditionnelle, une sorte de patriotisme fait de respect pour le passé de la monarchie et de haine pour des croyances qu'il regarde comme étrangères, la colère aussi d'un humaniste contre les iconoclastes et les puritains, le jettent dans une polémique ardente contre le pasteur de l'Église de Paris, Étienne de Chandieu, et lui inspirent quelques-uns de ses vers les plus vigoureux. Il y a, daR3 les Discours des misères de ce temps (1562), dans la Bemonsirance au peuple de France (quelques mois plus tard) un souffle épique dont on cherchera vainement l'équivalent dans l'œuvre q,u'il méditait, émule des Italiens, au moins depuis 1554, et dont les quatre premiers livres (la Franciade demeurera inachevée) paraîtront au lendemain de la Saint-Barthélémy. La brièveté du mètre décasyllabique, le caractère tout à fait artificiel du merveilleux, l'usage maladroit de l'histoire et de la légende (le recours puéril à Francus, fils d'Hector), prouvent que le poète-lauréat n'était pas détaillé à mener à bien une tâche peut-être d'ailleurs impossible. Après Ronsard (1585) la poésie française, en dehors de l'érotisme, puisera surtout son inspiration dans la passion religieuse qui a dicté les Discours. Deux courants : le catholique avec Desportes (1546-1606), le protestant avec Salluste du Bartas (15441590). La Semaine du gentilhomme gascon (1578), bien oubliée aujourd'hui, fut en son temps considérée comme un chef-d'œuvre dans tous les pays de culture calviniste, voire chez les catholiques ; l'auteur, qui fera l'admiration du roi théologien Jacques Stuart, a mérité le nom de « Milton manqué » et son poème de la Création ne sera pas sans exercer une influence sur d'Aubigné. Notons que si les Tragiques d'Agrippa ne virent le jour qu'en 1616, le jeune huguenot, disciple malgré tout de Ronsard, qu'il avait imité en son Printemps, y travaillait dès 1577. Tandis que l'évolution de la poésie française avait affecté un remarquable parallélisme avec l'espagnole et avec celle de leur première inspiratrice l'Italie, la poésie anglaise et la prose en langue vulgaire sont en retard sur celles du continent. On mesurera ce décalage insulaire en rappelant que Malherbe sera près d'avoir dix ans le jour où naîtra Shakespeare. C'est après la décadence de la poésie italienne, après la Pléiade et Ronsard, que se produira la floraison du vers anglais, scandé, martelé par Sackville (1536-1608) et que la facilité de George Gascoigne (1525 ?-15771 a poussé dans toutes les voies. Les années 1578— 227 —

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    1579 constituent une date, avec l'Euphues ou Anaiomie de l'esprit de John Lyly, la Défense de la poésie de sir Philip Sidney, Le Calendrier du berger d'Edmund Spenser. Cette éclosion, disons mieux, cette explosion d'une Renaissance retardée se produit dans un pays qui, s'il a pleinement reçu, au temps de Colet et de Morus, le bienfait de l'humanisme érasmien, n'a pas, comme l'Italie, l'Espagne, la France et l'Allemagne, connu la Renaissance plastique : les tableaux, même les portraits, dans l'Angleterre des Tudors, sont importés de l'étranger ou dus à des artistes étrangers, comme Holbein ; au reste, le puritanisme anglais, à l'instar de l'Écosse, revêt de bonne heure une allure iconoclastique. Au nord de la Manche, on peut dire que la Renaissance apparaît après, et non avant la Réforme, lorsque le schisme anglican a déjà cédé le terrain devant le calvinisme biblique. De là le caractère ardemment nationaliste de cette littérature. Elle doit assurément beaucoup à l'étranger, à la France, à du Bellay, à Amyot, puis à du Bartas, à l'Espagne, c'est-à-dire aux romans de chevalerie, Amadis et Palmerin, à la Diane, et même à Lazarille de Tormès (traduit en 1576). Elle doit naturellement plus encore à l'Italie (parfois à travers des traductions françaises). Traduit dès 1561, le Cortegiano est la norme de la cour d'Élisabeth, qui copie la cour italianisée des Valois. La vogue des novellieri, chez qui les grands maîtres puiseront des thèmes immortels, celle des sonnettistes, imitateurs des pétrarquistes et de du Bellay, ne sauraient être négligées. Cependant le sentiment anti-italien, plus général ici qu'en France, s'affirme déjà dans le Maître d'école de Roger Ascham, simple méthode pour l'enseignement du latin, 'puis dans les nombreux ouvrages contre Machiavel et le machiavélisme, échos des pamphlets réformés français. L'effort de Lyly pour donner à l'Angleterre ce que nous appellerions un style artiste, ses grâces maniérées constituent un excès utile à son heure chez un peuple qui n'avait pas encore de prose littéraire. Pour l'Euphues de 1578, qui eut quatre éditions en dix-huit mois, l'une des raisons de son succès fut qu'il peignait un élève d'Oxford perdu dans le milieu italianisé de Londres et qui s'en dégoûte pour revenir à sa chère Athènes oxonienne. h'Euphues et son Angleterre de 1580 est encore plus décidément un éloge en règle de la beauté des Anglaises et de la reine vierge, des vertus anglaises et du nouvel Israël, car « il n'est de Dieu vivant que le Dieu anglais ». E n même temps —

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    qu'ils défendent, comme Sidney, la poésie contre l'austérité puritaine, les poètes élisabéthains subissent l'influence du puritanisme. Élève de Cambridge, secrétaire d'évêque, puis au service de Leicester, enfin, durant dix-huit ans, du gouverneur d'Irlande, Spenser (1552-1599) a rêvé, traducteur de du Bellay, d' « illustrer » la langue anglaise. Mais non pas par une imitation de l'antiquité. Non ; en remontant au passé national, à Chaucer, en transposant dans la pastorale les fêtes et jeux de la vie anglaise des châteaux et des villages, processions costumées et distractions mondaines, masques et pageants. Le Calendrier lui est une première occasion de combiner avec ses goûts anglais son humanisme, sa virtuosité, son sentiment d'art, une aisance et une variété rythmiques encore inconnues. Car, malgré le puritanisme des martyrs, la masse populaire reste la « joyeuse Angleterre », et une sorte de paganisme instinctif subsiste sous l'antipapisme, le no-popery. Vrai poète national, Spenser écrit dans les Contes de la mère Hubbard une satire de la cour, où ne sont ménagés ni le duc d'Anjou ni Burleigh, mais où Élisabeth est placée au-dessus de tout. Le Retour de Colin Clout (1595), récit d'un de ses voyages à Londres durant son séjour en Irlande, met en scène le « berger de l'Océan », sir Walter Raleigh, et la grande reine « Cynthie ». Il partage l'orgueil qui éclate dans les récits de navigateurs srecueillis par Hakluyt (1589, édition augmentée 1598) et il veut conquérir pour l'Angleterre, en littérature, une place égale à celle que la victoire de 1588 lui vaut sur la sphère. C'est pour immortaliser « Cynthie » que Spenser travaille vingt ans à sa Reine des fées, dont trois livres parurent en 1590, six autres en 1596, et qui devait demeurer inachevée. Poème de couleur platonicienne, qui n'aurait pu naître sans Arioste, mais qui, signe bien anglais, veut surpasser Arioste par le souci et l'orgueil de la moralité. Le charmant et pur poète, dont les sonnets de fiancé et YÊpilhalame sont d'une chasteté ardente et rarement égalée, nous promène à travers une chevalerie de féerie où il s'agit de façonner un gentilhomme aux douze vertus. Véritable peintre, a-t-on dit, dans un pays qui en manque, Spenser rivalise avec les portraitistes pour représenter, sous les personnages de son poème, les serviteurs d'Elisabeth, Leicester, lord Grey, son ami Sidney. Il a pleuré la mort de celui-ci, tombé sur un champ de bataille de Hollande à trente-deux ans : Sidney (1554-1586), dont toute

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    l'œuvre est posthume, mais en qui tous voyaient le modèle du gentleman, de l'humaniste de cour instruit de toutes les langues anciennes et modernes, l'ami des arts, âme passionnée à qui un amour malheureux dicta les beaux sonnets d'Aslrophel el Stella. « Regarde en ton cœur, et écris », cette apostrophe ne l'empêchait pas, en son Arcadie (écrite vers 1580, publiée en 1590), d'imiter Montemayor, et de mêler à une préciosité qui va de Lyly à Shakespeare, des extravagances chevaleresques « à ravir le cœur de don Quichotte », une fantaisie passionnée, une fraîcheur d'accent, un goût ardent de toute beauté. Lui aussi est un poète national, inspiré de l'esprit hébraïque, et qui rêve d'une confédération protestante dont l'Angleterre serait la tête, armée du bien contre l'armée du mal conduite par Philippe I I . Sidney et Spenser ont donné, en peu d'années, le ton à la poésie anglaise. Ils ont comme des disciples dans Raleigh, dans les poètes inconnus qui écrivent des chansons savantes ou populaires, dans les sonnettistes, plus artificiels et plus près de l'italianisme, dont la vogue dure de 1591 à 1597, dans les poètes pieux, les réformés à la du Bartas, et même le catholique Robert Southwell (1561-1595), victime, probablement innocente, du bûcher de Tyburn. Mais il y a dès lors en Angleterre autre chose qu'une littérature d'imagination. Les chroniques d'histoire nationale, d'inspiration plus ou moins protestante, comme celle de Holinshed, parue en 1578 et continuée jusqu'en 1586, serviront à Spenser et à Shakespeare. Il faut mettre à part l'œuvre de John Foxe, Actes et monuments de ces derniers el périlleux jours (1563), adaptation des Actes des martyrs de Crespin à l'histoire des persécutions de Marie la Sanglante. Ce livre d'un énorme retentissement fit plus que tous les prêches pour donner à l'âme anglaise, avec le goût de l'héroïsme silencieux, la haine du papisme, et à son tour il agira sur le d'Aubigné de l'Histoire et des Tragiques. Les mêmes idées sont soutenues par le dernier des grands latinistes de Grande-Bretagne, George Buchanan (1506-1582), Écossais qui, après avoir étudié en France, enseigna à Paris, à Bordeaux, où Montaigne fut son élève. Précepteur de Jacques VI après l'avoir été de Marie Stuart, il a donné la justification historique de la Révolution d'Écosse. Il n'est pas de pays, même l'Italie, où la Contre-Réforme ait contrarié l'essor de la pensée plus que dans l'Espagne dé Philippe I I et de Philippe I I I . C'est pourtant « l'âge d'or » de la — 230 —

    La poésie el le roman

    littérature espagnole, et la prépondérance de la Castille s'impose aussi bien dans la république des lettres que dans la politique européenne. Après VAmadis et ses imitateurs, dont le huguenot La Noue estimait que la lecture n'était « pas moins dangereuse aux jeunes gens que celle de Machiavel aux vieux », le grand succès international va au roman pastoral, à la Diane et à ses suites. Cervantès à ses débuts (Galatée, 1585), Lope dans son Arcadia (1598) continuent à leur façon Montemor, tandis qu'à côté de ces scènes d'amour courtois qui rappellent la pastorale italienne, continue à se développer le roman picaresque, peinture réaliste, d'un accent de plus en plus amer, de la misère espagnole, mélange vraiment unique de gueuserie, de vagabondage et d'orgueil castillan. Le type immortel créé par l'auteur inconnu de Lazarille devient un genre national, malgré la mise à l'index en 1559 de ce livre, dont une édition expurgée paraît en 1573. Le roman picaresque n'est pas assurément une peinture vraie de la société, mais seulement de ses bas-fonds ; elle séduit cependant le lecteur, parce qu'il y trouve la grande préoccupation espagnole du temps, celle de la faim, avec les mille et un moyens de l'apaiser. Dans le Guzmáti d'Alfarache de Mateo Alemán, — un fonctionnaire des finances de Séville, — dont les deux parties paraissent avec un étourdissant succès de 1599 à 1605, le même personnage, fils d'un marchand génois, tantôt gibier de potence et tantôt señor soldado, voleur et volé, proxénète et galérien, mendiant et page d'un cardinal, étudiant à Alcalá, traverse toutes les étapes de la gueuserie, et enseigne au lecteur un pessimisme radical, le mépris d'une administration et d'une justice qui ne valent pas mieux que le banditisme. Une verve étourdissante emporte tout. L'Espagne est presque aussi originale lorsqu'elle substitue aux contes des novellieri italiens et de leurs imitateurs français le récit court, le bref roman d'aventures, dont Cervantès (toujours lui) donnera le modèle dans Persiles et Sigismonda. Elle a encore des poètes épiques pour chanter les merveilleuses batailles de la conquista : Alonso de Ercilla publie son Araucana de 15G9 à 1589. Ses historiens les racontent, car l'imagination castillane se complaît à ces récits d'outre-mer, ou ils relatent, non sans critique, — comme Zurita, — les annales des couronnes ibériques. Si l'on joint à cette masse littéraire, aux premiers essais du théâtre, l'œuvre déjà signalée des mystiques, admirables poètes en vers ou en prose, l'expression d ' « âge d'or » ne paraîtra pas excessive. — 231 —

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    Mais quel est le prix de cette floraison ? A certains égards, on peut dire que ce n'est pas seulement l'hétérodoxie, que c'est l'esprit même de la Renaissance qui a été violemment extirpé de l'Espagne, l'esprit dont Érasme avait été d'abord le porteur. On a pu, dans cette « désérasmisation » de la péninsule, exagérer l'influence des Index espagnols de Valdès (1559) et de Quiroga (1583). Ils ne faisaient rien de plus que celui de Paul IV, et en fait, il en a été de cette prohibition de l'érasmianisme comme de toutes les prohibitions : elle a fait naître une vraie contrebande intellectuelle. Le plus éminent des humanistes espagnols de ce temps-là, Francisco Sanchez de Las Brozas, el Brocense, eut deux procès pour érasmianisme ; il avait osé dire, en 159,5 : « Qui dit du mal d'Érasme est un moine, un fraile — ou un âne. » Les livres d'Érasme pénètrent jusqu'au Mexique. E t la preuve que toute l'Espagne n'était pas plus dominée par le piétisme que vouée tout entière à l'idéalisme mystique, c'est que Cervantès ne craindra pas de glisser, en politique très réaliste, des phrases d'une ironie supérieure sur la bienheureuse perte de La Goulette, « où se perdait une infinité de deniers, sans autre profit que de conserver la mémoire de l'avoir conquise par la très heureuse victoire de l'invictissime Charles Quint ». N'importe, l'Espagne s'enorgueillit, comme il était déjà dit en 1554 dans la Lumière de l'âme de Felipe de Meneses, de posséder « un mur de feu, qui est le Saint-Office de l'Inquisition ». Elle est fière d'être isolée du monde, où régnent le péché et l'hérésie, d'en remontrer à Rome en fait de pureté catholique. « Elle seule, écrira encore Cervantès, est le coin du monde où la religion chrétienne est recueillie, et vénérée la vraie vérité du Christ. » Tout écrivain, tout penseur y vit sous la menace des poursuites, ou doit recourir à des artifices pour dissimuler sa pensée. Le pieux Luis de Granada, auquel il n'a manqué que la faveur du Saint-Office pour être inscrit au nombre des grands mystiques, n'avait-il pas dit en chaire, un jour que ses élèves se plaignaient du bruit de la rue : « Tant mieux, MM. les Inquisiteurs ne nous entendront pas ? » Il fut cinq ans eil prison, et un de ses collègues y mourut. Le procès d'un autre saint persécuté, finalement relâché, José de Sigiienza, montre que les plus sévères n'étaient ni le roi ni le Grand-Inquisiteur, mais l'espèce de bureaucratie inquisitoriale qui s'était développée là comme dans les services de Philippe II et pesait sur l'Espagne pour mieux la fermer ; enfin derrière elle la foule universitaire, sorte de basoche cléricale qui devait mener le pays à la décadence. — 232 —

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    C'est dans cette Espagne de la Contre-Réforme que surgit la figure de Miguel Cervantès de Saavedra, presque aussi expressive de ce temps que Rabelais l'avait été de la première Renaissance. Sans nous aventurer dans sa biographie (1547-1616), il faut en rappeler les caractères, qui sont presque d'un roman picaresque. Quatrième fils d'un pauvre chirurgien d'Alcalá de Henarés, il mène une existence misérable d'étudiant, « homme de bien, si l'on peut donner ce titre à qui est pauvre » ; à Madrid, élève d'un homme qui lisait Érasme, puis à Rome et à Naples, avec le cardinal Acquaviva (1569). Enrôlé dans la grande croisade de 1571, il est blessé à Lépante. En 1575 le glorieux manchot est pris par un corsaire turc au large des Saintes-Maries. Cinq ans esclave « en Alger » et, après maintes tentatives d'évasion, racheté par les Trinitaires, il a déjà publié sa Galatée, pastorale à l'italienne, lorsque le voilà commis d'approvisionnement à Séville et, comme il était fréquent autour de la Casa de contratación, comptable prévaricateur, insolvable, contraint à signer l'engagement de composer six pièces de théâtre, à cinquante ducats l'une. C'est en prison (1601-1602) qu'il conçoit Don Quichotte, terminé à Valladolid en 1604, et dont la première partie paraît à Madrid en janvier 1605. Il n'est pas le premier à ridiculiser ces romans de chevalerie qui avaient farci la tête de l'Espagne et, de là, inondé le monde ; et, sur ce point, il est d'accord avec les condamnations portées par les Églises. Il ramasse autour de ce thème toutes les traditions de l'Espagne, celle de la pastorale avec celle du roman picaresque, la satire de la hidalguía grandiloquente, misérable et oisive. Il garde malgré tout une certaine tendresse pour l'idéalisme chevaleresque des tranchemontagne et un dédain de la médiocrité jouisseuse et satisfaite. Il doit son extraordinaire succès, en Espagne où on le plagie, à l'étranger, surtout en France (connu par fragments dès 1608, imité en 1609, traduit en 1614 et, pour la seconde partie, en 1618), non seulement à ce qu'il passe pour un auteur plaisant, mais parce qu'on admire en lui le peintre de ce romanesque même qu'il attaque. Ce que l'on ne voit pas en ce charmeur, c'est la profonde connaissance de l'homme, l'amertume voilée d'ironie, les hardiesses dissimulées t a n t bien que mal sous les dehors de la Contre-Réforme. Catholique irréprochable en qui survit pourt a n t le naturalisme de la Renaissance, qui a entendu parler de Telesio et de Bruno et qui concilie l'adhésion au dogme avec la liberté du scepticisme, il dut consentir à l'Inquisition plus d'une — 233 —

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    suppression dans ses éditions successives : ici une irrévérence à propos du rosaire, là une opinion risquée sur les œuvres, ailleurs, surtout dans ses nouvelles, des peintures jugées trop libres. Des Français visitant l'Espagne vantaient, paraît-il, la sainte pauvreté qui avait forcé Cervantès à enfanter, pour de l'argent, des chefs-d'œuvres ; faut-il remercier le Saint-Office d'avoir, par ses disciplines, par une sorte de contrainte à l'hypocrisie littéraire, aiguisé encore l'esprit de I' « ingénieux hidalgo de la Manche », et de l'avoir aidé à devenir une des grandes figures de la littérature européenne ? Au milieu de cette floraison littéraire dans les pays les plus divers (et la Hollande, si nous pouvions l'étudier, ne ferait pas exception), c'est une chose curieuse que de noter l'effacement de la poésie allemande.. Hans Sachs, qui mourra en 1576 à quatre-vingt-un ans, cesse d'écrire en 1567. Il semble que la pensée allemande soit complètement absorbée par la théologie et la littérature édifiante et qu'à cet égard, le luthéranisme ait constitué un milieu moins favorable que la Contre-Ré forme. Même les calvinistes allemands se contentent d'imiter les Français et les Néerlandais. III.

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    THÉÂTRE1

    Parmi les genres littéraires, il en est un qui acquiert, en cette période, une portée immense, et qui exerce une action directe sur la formation de la conscience et des passions populaires, à savoir le théâtre. Nous devrions (on verra qu'il faut en appeler de ce jugement) exclure de cet exposé l'Italie du Concile où, depuis 1565, sont interdites même les représentations du drame de la Passion, et où saint Charles exige que les pièces profanes 1. OUVRAGES A CONSULTER. — Le sujet pour la France est résumé dans le schéma de G. Lanson, Esquisse d'une histoire de la tragédie française (Paris, 1927, in-16). — Pour le théâtre espagnol, il faudrait ajouter aux études générales d'innombrables études sur Lope, à propos desquelles on consultera le Bulletin hispanique ; citons seulement R. Schevill, The dramalic art of Lope de Vega (Londres, 1918, in-8°) et, par anticipation, Martinenche, La comédie espagnole en France (Paris, 1900. in-8°). — Sur le théâtre anglais, même et plus grande surabondance. Rappelons le recueil publié sous la direction de sir Sydney Lee et C. T. Onions, In Shakespeare's England (Londres, 1916, in-8") ; A. W. Ward, A Historg of English dramatic literature (Cambridge, 1899, 3 vol. in-8») : J. Q. Adams, Life of Shakespeare (Londres, 1923, in-8°). Nous ne saurions entrer dans la querelle entre stratfordims et anlistratlordiens de diverses couleurs, mais seulement rappeler la thèse ingénieuse d'Abel Lelranc, Sous le masque de William Shakespeare : William Stanley, VI' comte de Derby (Paris, 1918-1919, 2 vol. in-16).

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    Le théâtre

    soient soumises à deux censeurs. En 1573, le synode de Milan ordonne aux prédicateurs de condamner les spectacles. On fait la guerre aux comédiens, dont la profession est assimilée aux plus honteuses. Ces interdictions, dont la rigueur ne s'atténuera qu'avec Sixte Quint, ne passent guère les Alpes et n'empêchent pas le théâtre de vivre en France. Il est vrai qu'il s'agit en ce pays d'œuvres savantes, écrites à l'exemple de l'antiquité par des érudits pour des érudits ou des amateurs, — écrites pour être lues, ou pour être représentées devant un public instruit et restreint. Que Jodelle et Jean de La Taille, Baïf, Belleau, Jean Grévin, Robert Garnier et d'autres aient multiplié ces tentatives, avec leurs Mort de César (1560), leurs Darie et Alexandre, leurs Fille de Jephlé, Satil, Porcie, Cornélie, Antigone, etc., et jusqu'aux Juives de 1583 ; que, dès 1561, la Poétique de Scaliger ait plaidé la cause de la tragédie, voilà de quoi intéresser les historiens de l'évolution littéraire, mais c'est pauvre matière pour l'histoire de la civilisation. La Renaissance, en France, a coupé le lien entre les formes traditionnelles de la représentation scénique, mystères, moralités, soties, et les genres d'expression nouvelle. Seule, la comédie a quelque action, grâce aux comédiens italiens, qui ont conservé en partie le libre esprit des comédies jouées devant les papes de la Renaissance païenne. Ils inaugurent à Mantoue, en 1567, la commedia delV arle (de métier), c'est-à-dire la libre improvisation des acteurs sur un canevas fixé d'avance, combiné avec la fixité des personnages ou « masques » à la fois sociaux et régionaux : le miles gloriosus transformé en capitan espagnol, le pédant lombard, le docteur bolonais, le Pantalon vénitien, le Pulcinella de Naples. Cette forme d'art, dont nous n'avons conservé que les scenari, mais dont les contemporains nous disent le mouvement endiablé, fait le succès de la troupe des gelosi (jaloux) protégés de Catherine, qui versent pêle-mêle dans leurs improvisations les souvenirs littéraires et les lazzi. Ils se font applaudir à Madrid, à Vienne, à Londres, surtout en France, entre 1571 et 1577, et leur succès explique celui de Pierre de Larrivey, nom francisé de Giunta, chanoine de Troyes (1540-1612) dont le recueil de 1579 fixe des types : le laquais, la veuve, le jaloux, l'écolier. Mais qu'il y a loin de ces efforts, dont les résultats n'apparaîtront que plus tard, à l'œuvre vraiment nationale du drame espagnol et anglais ! Tous deux puisent au plus profond de — 233

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    l'âme populaire. Tous deux brillent d'un superbe éclat dès le temps de Philippe II et d'Élisabeth pour continuer à s'épanouir au siècle suivant. E n Espagne, où Encina a déjà donné un modèle dans la Celestina, le théâtre sort directement à la fois des représentations religieuses (autos sacramentales) de la Fête-Dieu, et des manifestations bruyantes de la verve populaire ou farsas. On joue en plein air, dans des cours (corrales) aménagées tout exprès. En 1579 une de ces cours, à Madrid, devient comme une scène permanente, le théâtre de la Croix ; en 1582, une autre, le théâtre du Prince. D'autres théâtres s'établissent à Valence, à Séville, à Saragosse. Des troupes ambulantes, italiennes souvent d'abord, puis espagnoles, même de petits acteurs isolés, ou à trois ou quatre, s'en vont de village en village, parfois pour jouer de simples entremeses. Les grandes troupes, où figurent à partir de 1587 des comédiennes, finissent par comprendre jusqu'à seize acteurs, plus quatorze figurants, et jouent dans leurs tournées une cinquantaine de pièces. De là ces œuvres innombrables, écrites à la diable par des auteurs d'une extraordinaire fécondité, faites en vue de la scène et non pas pour la lecture. Cervantès s'y est essayé dès 1584, notamment avec une Numancia où il faisait appel au patriotisme historique, mais il a échoué au théâtre. Les comedias qui ont la faveur du public sont d'une liberté illimitée d'exécution et sans le moindre souci des fameuses règles aristotéliciennes, rythmées en mètres populaires. On y voit défiler tous les sujets et tous les personnages, la Bible et l'antiquité, les vieilles chroniques et le Romancero, les souvenirs de la conquisia ou les gloires récentes de l'Espagne impériale, les saints, les rois et les paysans, les scènes d'amour, les larmes et le rire, et toujours le bouffon, le graciopo, qui apparaît dans les scènes les plus douloureuses. Ces caractères se présentent chez Jean de La Cueva vers 1580, chez Rey de Artieda, mais ils s'affirment chez don Felipe Lope de Vega Carpio (15621633). Enfant prodige, élève au collège des théatins, il est secrétaire de nobles personnages, se fait bannir à Valence pour libelles, puis fuit à Lisbonne après avoir enlevé une jeune fille de la cour, et le voilà vrai hidalgo, qui s'embarque sur l'Armada. Doué de véritables dons de séduction, il connaît une série d'amours tumultueuses, qui ne l'empêcheront pas de devenir familier du Saint-Office, membre de confréries pieuses. Il est salué, dès lors, comme le plus grand poète de l'Espagne, grâce à une pastorale — 236



    Le théâtre (une Arcadia) et à des poèmes sacrés, à une imitation du Tasse, à une Dragoniea (1598). Son nom de Lope devient synonyme de perfection, et, lorsqu'il va, surtout après 1600, se tourner vers la scène, dans ses pièces viendront s'exprimer toutes les passions, les orgueils, les préjugés, les noblesses de l'âme espagnole. Ainsi le premier échec de la puissance impériale de l'Espagne coïncide à peu près avec l'essor de la comedia qui va non seulement donner à l'Espagne une série de chefs-d'œuvre, mais exercer une influence décisive sur l'évolution du théâtre européen, surtout français. En Angleterre, le théâtre est la forme proprement nationale de la Renaissance. Ce n'est pas que ne se soit exercée ici, comme en France, l'influence de Sénèque, des dramaturges d'Université, des tragédies jouées dans des collèges. Mais ces pièces (celles de Thomas Norton et de Thomas Sackville dès 1562) traitent parfois de sujets nationaux, ou en rapport direct avec l'actualité, par exemple destinés à montrer les malheurs d'un royaume où la loi de succession est incertaine. On voit se succéder les pièces historiques, 'simples découpages où les tableaux emphatiques se mêlent aux scènes bouffonnes, et où revit la tradition des mystères, des moralités, des pageanls. Comme en Espagne, ces pièces sont jouées devant un vrai public de bourgeois, de marchands, de matelots aussi bien que de nobles. C'est une passion universelle, à Londres, et dans les provinces. On joue dans les cours d'auberge. Les écoliers, imitant les choristes de la chapelle royale, donnent des spectacles plus classiques dans leurs collèges basochiens, les Inns o/ court. Mais bientôt on veut, à Londres, des théâtres permanents. Le premier s'ouvre à Shoreditch dès 1576 ; on en compte au moins huit dans les dernières années d'Élisabeth, sur l'une et l'autre rives : cours à ciel ouvert où l'on joue l'après-midi, avec deux ou trois étages de galeries couvertes, un parterre et, devant, une plate-forme dont les deux portes ouvrent sur une autre scène avec balcon et fenêtre : la simplicité des accessoires est telle que des écriteaux renseignent le spectateur. Mais l'enthousiasme de celui-ci va aux acteurs (les rôles de femmes sont tenus par des hommes jeunes). Ces pauvres hères, « coquins et vagabonds », se groupent en « compagnies » que les grands seigneurs protègent contre l'inquisition policière et sanitaire des autorités. Le comte de Leicester a sa troupe à lui dès 1574, pourvue d'une patente royale. Car la reine, le Conseil privé patronnent les comédiens contre la Cité. — 237 —

    Le mouvement intellectuel m Europe

    (1560-1603)

    Peu importe la colère des humanistes qui s'indignent de ces pièces barbares. Peu importe que Lyly fasse jouer devant Élisabeth, et à sa louange, des pièces qui sont d'un lettré courtisan. Le vrai théâtre populaire éclate vers 1586 avec de vrais faitsdivers mis sur les planches, comme Arden de Feversham. Extraordinaire floraison de poètes connus et inconnus qui collaborent ou se copient, remanient leurs anciennes pièces ou celles des autres, et dont la surabondante production, d'attribution incertaine et de chronologie douteuse, est en grande partie perdue. Poètes souvent grossiers, mêlant la violence, les fureurs, l'éloquence et la poésie, servis par la souplesse du vers blanc. Après Thomas Kyd et la Tragédie espagnole apparaît Christopher Marlowe : à vingt-trois et vingt-quatre ans, il donne les deux parties (1587 et 1588) de son Tamerlan, œuvre passionnée, d'un immoralisme déjà nietzschéen, enfin son Docteur Faustus, improvisation sur une légende célèbre, puis son drame inachevé sur la Saint-Barthélemy, le Massacre de Paris. En 1592 son Êdouard II inaugure presque le cycle des grandes tragédies d'histoire nationale. II sera tué dans une rixe à vingt-neuf ans. C'est dans ce milieu ardent d'auteurs et d'acteurs qu'apparaît William Shakespeare. Nous ne saurions entrer dâns les controverses de ceux qui — « baconiens », « rutlandiens » ou autres — se refusent à retrouver dans le fils d'un boucher de Stratfordsur-Avon (1564-1616) le grand poète, le profond analyste du cœur humain, le penseur à la fantaisie ailée, le lecteur des conteurs italiens, le connaisseur raffiné de la vie des cours, de celle des Tuileries et de celle de Nérac. Ils semblent avoir pris à leur compte la jalousie des poètes d'Université contre ce comédien du Lord Chambellan, ce père famélique de trois enfants qui profite de la ferveur patriotique d'après 1588 pour remanier de vieilles pièces sur les guerres de France et les guerres civiles, ce « factotum » qui, après ses Peines d'amour perdues de 1590, après sa Vénus et Adonis (1592) et sa Lucrèce, ses Deux gentilshommes de Vérone, devient une sorte de roi de la scène. Alors apparaissent, sur son théâtre du Globe, ses tragédies nationales, son Richard III (1593), son Roi Jean, ses Henri IV et Henri V, Richard I I , puis ses rêveries poétiques et ses drames d'amour, le Songe, et Roméo (1595). et le Marchand, Beaucoup de bruit, Comme il vous plaira, la Douzième nuit (1601), les Commères. Il joue sa partie dans le concert de louanges qui monte vers la souveraine, la « Vestale assise sur le trône d'Occident ». Il y a chez lui comme un reflet des grandes épopées navales qui — 238 —

    Le théâtre

    confèrent une splendeur i n a t t e n d u e à l'Angleterre, « cette pierre précieuse enchâssée dans une mer d'argent ». Puis, cet irrégulier à qui l'on oppose la rigueur des œuvres classiques, connaît les chagrins personnels, les dégoûts, l'exécution d'Essex et la captivité de S o u t h a m p t o n ; autour de lui le goût anglais des horreurs et des massacres revient à la mode dans des œuvres comme le Bussy d'Amboise de Chapman. C'est alors que s'ouvre pour Shakespeare la phase des tragédies cruelles, d ' u n pessimisme amer, le Jules César, Harnlel (1602) s u r t o u t , où d'ailleurs on n'a peut-être pas tort de voir un écho très élisabéthain de la tragédie de Fotheringay, histoire d'hier teinte des couleurs d'une philosophie découragée. Cette philosophie s'accuse dans les comédies d'une cynique tristesse Tout est bien, Mesure pour mesure (1G03), Timon d'Athènes (dent le titre est un programme), dans les drames de crime et de folie après la m o r t de la reine : Othello (1604), le roi Lear (1605), Macbelh (1606), Antoine, enfin le Coriolan de 1608, lui aussi, d'aventure, inspiré p a r des événements quasi contemporains, sans doute la conspiration d'Essex. Puis il y aura u n troisième Shakespeare, revenant à la fantaisie avec Cymbeline (1610), le Conte d'hiver (1611), la Tempête, où il se rallie à l'aristotélisme des trois unités ; u n Shakespeare assagi et enrichi qui se repose à Stratford. Poète (sonnettiste) ou prosateur, lyrique ou dramaturge, le grand Will domine toute l'histoire des lettres anglaises, résume et absorbe en lui t o u t l'âge élisabéthain, et cependant on ne p e u t dire qu'il soit, comme Cervantès, une figure de la littér a t u r e européenne ; peut-être parce que la connaissance de l'anglais était moins répandue sur le continent que celle de l'espagnol, et qu'on n ' a v a i t guère envie de traduire les œuvres du t h é â t r e anglais, si violemment national, fait pour heurter, par sa b r u t a lité sanglante aussi bien que p a r ses bouffonneries énormes, et aussi p a r ses longueurs, un goût plus timide et plus épuré. Ces traits, nous les trouverons chez les contemporains et les r i v a u x de Shakespeare, J o h n Marston (1575 7-1634 ?), Thomas Decker (1570 7-1641 ?), Thomas Heywood (1575 7-1650), C h a p m a n (qui m o u r u t en 1634). On rencontrera chez eux l'accoutumance de la mort et de la folie, mais aussi la peinture de la vie populaire, de celle des ouvriers et des gens de la rue, l'apothéose naïve de la Cité et des guildes, dans le Jour de fêle du cordonnier, les Quatre apprentis de Londres, l'Honnête prostiluée ; de quoi passionner le public t u m u l t u e u x du parterre. — 239 —

    Le mouvement intellectuel en Europe

    (1560-1603)

    De cette foule se détache Ben Jonson (1573 7-1637). Celui-là, élève de Cambridge, pétri de lectures classiques, a voulu rivaliser avec l'abrupt génie qu'il ne pouvait s'empêcher d'admirer. Il a voulu, disciple des anciens, combattre ce goût barbare que jusqu'au x i x e siècle on reprochera au théâtre anglais. Après des satires compliquées et prétentieuses, — C'est une autre affaire (1597), Tout homme en son humeur (1598), Tout homme hors de son humeur, — il voudra, tout comme Shakespeare, écrire ses histoires romaines, un Séjan (1603) un Catilina (1611). Il touchera le chef-d'œuvre avec ses comédies, d'une vigueur, d'une dureté sans cœur, comme Volpone (1605). Né plus tard que les élisabéthains, et non plus mêlé comme eux à la grande épopée anti-espagnole et anti-romaine, il attaquera plus tard les puritains dans L'alchimiste (contre les frères moraves réfugiés à Amsterdam, 1610), dans la Foire de Saint-Barthélémy. C'est la fin d'une grande époque. Le théâtre allemand, après Sachs, est, encore plus « scolaire » que le théâtre français. Ses drames bibliques ne sont que des exercices érudits, souvent en latin. Notons cependant que le Faustbuch paru en 1587 a donné l'éveil à Marlowe, et qu'en retour les princes (Brunswick et Hesse) font venir des troupes anglaises et traduire ou imiter (citons Jacob Ayrer) les drames élisabéthains. IV.



    LA

    CONNAISSANCE

    DE

    L'HOMME1

    Mais le théâtre n'est pas — nous l'avons déjà vu avec Cervantès — le seul outil d'introspection du cœur humain. E t c'est précisément le pays auquel a manqué alors ce moyen d'expression populaire qui a poussé plus avant la connaissance réfléchie, analytique, de notre nature. Ici, décidément, l'emportent les Français. Les guerres civiles 1. OUVRAGES A CONSULTER. — Lalanne, prélace à l'édition de Brantôme, Œuvres (Paris, 1864-1882, 11 vol. in-8») ; H. Hauser, François de La Noue (Paris, 1892, in-8°) ; P. Courteault, Biaise de Monluc historien (Paris, 1907, in-8°) ; A. Garnier, Agrippa d'Aubigné (Paris, 1928, 3 vol. in-8°) ; Radouant, Guillaume du Vair (Paris, 1907, ln-8°j ; Mlle L. Zanta, La renaissance du stoïcisme au XVI' siècle (Paris, 1914, in-8°). De la copieuse littérature sur Montaigne, détachons seulement P. Villey, Les sources el l'évolution des « Essais > de Montaigne (Paris, 1908, 2 vol. in-8° ; 2' éd., 1933), et F. Strowski, Montaigne (Paris, 1906, in-8» ; 2' éd., Paris, 1931) ; M. Citoleux, Le vrai Montaigne, théologien et soldai (Paris, 1937, in-8 0 ) ; Henri Busson, La pensée religieuse française de Charron à Pascal (Paris, 1933, in-8°).

    — 240 —

    La connaistance de thomm» ont fait naître chez eux, d'abord, toute une armée de mémorialistes. II n'est si petit seigneur qui, durant les loisirs forcés d'une captivité ou bien à la fin de sa vie, tout perclus de blessures et de rhumatismes, l'arquebuse pendue au croc, n'ait cru devoir rédiger ou dicter, avec le récit plus oii moins embelli de ses exploits, ses observations sur les choses et les hommes. Et l'action de la Renaissance, au temps de François I e r et de Henri II, avait été si forte même sur les gentilshommes, qu'il est rare que ces écrivains d'aventure ne soient pas de véritables écrivains, remarquables par la vie, le mouvement, la justesse de l'expression, directe et drue. Mais l'histoire doit faire ici des distinctions qui importent peu à l'histoire littéraire : tous ces mémoires, s'ils se réfèrent à la période 1560-1600, n'ont pas été publiés, ni même connus, avant le temps de Louis X I I I . Monluc, Brantôme, s'ils sont des écrivains du xv.ie siècle, n'auront d'action qu'au siècle suivant. Quant à Sully, il écrit sur le tard, en partie pour répondre à des œuvres historiques déjà publiées, et en ruminant ses rancunes et ses souvenirs de disgrâce. Tout au contraire, les Discours politiques et militaires de François de La Noue, écrits dans une geôle espagnole, imprimés dès 1587, donnaient aux contemporains la réaction immédiate d'un esprit sincère et réfléchi, homme d'armes doublé d'un moraliste, qui connaît les faiblesses matérielles et spirituelles de sa classe, et voudrait y remédier. Cette préoccupation moralisante — dans les deux sens du terme : observation psychologique des caractères et recherche des règles de vie — explique l'extraordinaire succès d'une traduction, qui prend place, chose étrange, parmi les œuvres essentielles de la littérature française et se répand au delà des frontières. Lorsque Jacques Amyot (1513-1598), abbé de Bellozane, envoyé à Trente, précepteur des enfants de France (1554), plu» tard grand-aumônier (1561), enfin évêque d'Auxerre (1570), avait traduit Héliodore (1547), il n'avait, comme tant cfautres alors, fait office que de translateur. Mais il met la main sur les Vies de Plutarque, à la date de 1559 (rééditions dès 1565 et 1567) : l'œuvre de ce médiocre historien et de ce moraliste sans originalité (les Œuvres morales paraissent l'an de la SaintBarthélemy, et sont rééditées en 1574 et 1575) correspond si bien aux besoins du temps, le français d'Amyot l'accommode si bien au goût du jour que le Plutarque d'Amyot devient, le bréviaire des combattants et des chefs de parti, le manuel, dirions-nous, d'instruction morale et civique des éducateurs. Il — 241 —

    Le mouvement intellectuel en Europe

    (1560-1003)

    le demeurera, en France et hors de France, jusqu'à la Révolution du x v m e siècle, entretenant dans les esprits l'image d'une antiquité de convention, l'idéal d'une vertu grecque et romaine et, somme toute, une conception stoïcienne de la vie. C'est directement le stoïcisme que nous retrouverons, enseigné ex professo, dans les œuvres de Guillaume du Vair (1556-1621), évêque de Lisieux, premier président de Provence, deux fois garde des sceaux, traducteur du Manuel d'Épictète, auteur du Traité de la philosophie des sloïques, puis d'un Traité de la sainte philosophie. Car il s'agit, par un de ces dédoublements qui sont la marque de la Contre-Réforme, de concilier la sagesse du Portique avec celle du Golgotha. Ce n'est pas que le vieil et rude humanisme d'autrefois, à tendances plus ou moins réformées, ait cessé d'être. Il conviendrait d'étudier l'action sur l'humanisme français de la SaintBarthélémy. Si elle a tué Ramus, elle a conféré au ramisme, négation de la primauté d'Aristote, une vie ardente. En chassant de France Doneau, Hotman, Scaliger (rentré en France en 1574, mais professeur à Leyde en 1593), elle a installé l'érudition française à Genève, en Hollande, dans les petites cours du Rhin, plus tard en Angleterre. Les travaux de Scaliger sur la chronologie, De emendatione temporum (1583) et Thesaurus temporum (1606), sont alors des événements, comme les œuvres de polémique politique des années 1573-1576, comme déjà les écrits retentissants de Henri Estienne (1531 ?-1598), qu'Arthur Tilley a si bien appelé « le chevalier-errant de l'érudition ». Descendant de l'illustre famille d'imprimeurs, imprimeur lui-même à Genève (son père Robert meurt en 1559), éditeur d'Anacréon, il a lancé en 1566-1567 l'Apologie pour Hérodote ou plutôt Y Introduction au traité de la conformité des merveilles anciennes avec les modernes ou Traité préparatif à l'apologie pour Hérodote, six cents pages d'introduction qui le menèrent en prison, et où sa verve tumultueuse a ramassé toutes les attaques des humanistes, des sceptiques et des réformés, celles mêmes des prêcheurs et des auteurs de fabliaux contre l'Église et les gens d'Église, les miracles et les dévotions. Ce qui ne l'empêche pas, l'année de la Saint-Barthélémy, de donner à l'hellénisme son instrument essentiel, le Thesaurus grsecœ linguse, en attendant son Platon (1578). Entre temps, animé par un patriotisme à la fois linguistique et politique où sa haine huguenote de Catherine et de la cour italienne des Valois se mêle à son horreur du « françois italianizé et espagnolizé », il a lancé, — 242 —

    La connaissance de l'homme

    en 1565, un plaidoyer qui va plus loin que la Défense et illustration de du Bellay, le Traité de la conformité du langage françois avec le grec, c'est-à-dire de sa supériorité sur le latin. En 1578, c'est avec le Conseil de Genève que le brouille la publication de ses Deux dialogues du nouveau langage françois italianizé, et c'est pour Henri I I I qu'il écrit son Projet (encore une préface de trois cents pages, et qui n'aura pas de suite) du livre qui devait être intitulé De la précellence du langage françois. Ruiné par ses travaux, retiré en 1597 à Montpellier chez son gendre Casaubon, mourant dans ce Lyon qui a vu l'essor de sa famille, le fougueux grammairien exerce dans tous les sens une profonde influence sur l'esprit du temps. Ce même mélange d'humanisme passionné et de passiofi politico-religieuse (au moins dans le sens gallican) se retrouve chez les parlementaires, Claude Fauchet avec ses Antiquités de la France, Étienne Pasquier dont le premier livre de Recherches date de 1566 et qui plaide pour l'Université contre les jésuites. Ces érudits dépassent de loin les médiocres historiographes comme du Haillan. Pierre Pithou, éditeur à la fois de poètes latins, de l'édit de Théodoric et de la loi des Visigoths, écrit ses Libertés de l'Église gallicane, et ne craint pas de collaborer à la Satyre1. Ces parlementaires sont les épigones de la grande école des juristes de Toulouse, de Bourges et de Poitiers qui ont renouvelé par l'histoire l'intelligence du droit romain, et qui s'éteignent, Cujas en 1590, Doneau en 1591. On peut dire que tous ces courants si divers se retrouvent chez Montaigne. Michel Eyquem (1533-1592) sort d'une famille périgourdine enrichie par le commerce toulousain du pastel et qui, suivant l'habitude de la bourgeoisie marchande française, s'est poussée dans les offices. Élève des grands humanistes, pédagogues novateurs, du collège de Guyenne, conseiller à la Cour des Aides de Périgueux, puis au Parlement de Bordeaux, il résigne en 1571. Un voyage, qui a pour prétexte la recherche des eaux favorables à sa goutte, mais dont la méthode est celle d'un touriste curieux d'observer les pays, les villes, les mœurs, les institutions, les hommes, le promène par la Suisse, la HauteAllemagne, l'Italie ; son carnet de voyage, heureusement publié deux siècles plus tard, enrichit son arsenal de notes. C'est pendant ce voyage (1580) qu'il est nommé maire de Bordeaux, fonction qu'il occupa pendant quatre ans et où on lui reproche 1. Cf. p. 157. — 243 —

    Le mouvement intellectuel en Europe

    (1560-1603)

    d'avoir montré peu d'héroïsme devant la peste. Très répandu, non seulement dans le monde gascon et à la cour de son voisin Henri de Navarre, mais un peu dans toute la France, sans excepter ce Paris qu'il aimait « malgré ses verrues », il vit surtout dans sa bibliothèque, la « librairie » de son castel de Montaigne, infatigable liseur d'auteurs anciens, historiens, poètes, philosophes, de voyageurs aussi, dont les citations lui servent de thèmes à infinies réflexions, de vérifications à ses observations sur la vie, sur les hommes, sur lui-même. Dès 1572, il avait écrit un de ses Essais (celui qui deviendra le 192), sur la mort, et qui s'inspire aussi bien de Lucrèce que d'Épictète. Peu à peu s'esquisse son plan, si l'on peut donner ce nom à ces investigations tant de fois reprises, élargies, approfondies. Deux livres paraissent en 158U, remaniés et augmentés en 1582 et 1587, une édition en trois livres en 1588. Les corrections, les additions en noircissent les marges pour préparer l'édition posthume que surveillera son enthousiaste disciple, Mlle de Gournay. Eut^il un autre dessein que celui de se peindre et, avec lui, l'homme même ? Sa traduction, dès 1569, de la Théologie naturelle de Raymond Sebon permettrait de le classer, comme Cervantès, parmi ces penseurs d'après la Contre-Réforme qui, réservant à côté du domaine de la foi celui de l'esprit, payaient de leur adhésion au dogme le droit au scepticisme. Lui va jusqu'au pyrrhonisme, parce que sa connaissance des mœurs et des morales des peuples l'a pénétré du sentiment de ce que nous appellerions la relativité sociologique. Nous sommes loin de l'enthousiasme héroïque de la première Renaissance, d'un Pic de La Mirandole, loin de l'optimisme, du btoïcisme joyeux de l'abbaye de Théléme. Ce n'est pas, tant s'en faut, une vue désespérée de l'existence, mais une philosophie qui doit nous apprendre à ne pas vivre dangereusement. Quoi qu'on ait pu dire, dès 1573 ou depuis, pour transformer en un pamphlet contre les auteurs de la Saint-Barthélemy la déclamation toute scolaire, et qu'il publia, de son ami La Roétie, Montaigne était trop peu religieux pour a.mer /hérésie, trop ami de ses aises pour ne pas préférer aux luttes pour la Cause une vie tranquille et une suffisante liberté de pensée à l'abri des formules de l'fcjgi.se officielle, pourvu que celle-ci évitât de trop donner dans l'intolérance. Sa doctrine, si peu aiîée à dégager, inspirera plus d'un penseur : d'abord Pierre Char.on (1541-16Uit), autre Gascon, théologal de Condom qui après avoir publié un ouvrage d'un catholicisme apolo— 244 —

    L'évolution

    artistique

    gétique, Les trois vérités contre les athées, idolâtres, juifs, hérétiques et schismatiques, poussera jusqu'à la limite, dans son Traité de la sagesse, le scepticisme rationaliste de Montaigne, au point d'être soupçonné de libertinage par les censeurs jésuites. Bacon devra beaucoup à Montaigne. Tous les écrivains européens, à commencer par Shakespeare, puiseront dans le trésor d'observations accumulé dans les Essais. Son style si souple, si personnel, si dépouillé de toute rhétorique scolaire, et que rend plus savoureux encore la pointe d'accent gascon, ajoute à la puissance de diffusion de ce livre, qui posera tant de redoutables énigmes à l'esprit inquiet d'un Pascal. V. — L'ÉVOLUTION

    ARTISTIQUE1

    Au-dessus des écoles comme par delà les frontières se répandent alors les influences artistiques. Non seulement subsiste, comme aux temps de Dürer et des peintres de la première Renaissance française, l'attirance de l'Italie, mais l'existence même de l'empire bourguignon-hispano-italien de Phil.ppe II favorise ces mélanges. C'est ainsi que, d'une part, l'art flamand du milieu du siècle est, et non pas seulement à Anvers, fortement italianisé*. Il faut regarder de très près pour découvrir chez les Gueux les débuts de la peinture civique, des tableaux de corporations, doelen stukken, ou chez Hendrick Vroom (né en 1566 à Haarlem) les premières peintures de la mer néerlandaise. A Utrecht, 1. O i r v n A O E S A C O N S U L T E R . — Renvoyons aux histoires générales de l'art, & celle d'André Michel, Histoire de Fart, t. IV el V (1907), à celle de Marcel Aubert, Nouvelle histoire de l'art, t. II (Paris, 1933, ln-8°) ; à Léon Deshoirs. L'art des origines à nos l'ours, t. II (Paris, 1933, in-4*, de la > Collection Larousse •) et revoir les notes des p. 540 et 559 de Hauser et Renandet, Les débuts de l'âge moderne. Pour notre période, W. VVeishach, Der Baroek als Kunst der Gegenre/armalion (Berlin, 1921, in-8») ; du même, Die Kunst des Bnrocks (Berlin, 1924, irv-8*>, œuvres éclipsées, avec d'autres, par E. Mûle, ¡.'art religieux après le concile de Trente, étude sur riconographie de la fin du XVI', du XVII' et du X\'III• siècles: Italie, France, Espagne. Flandres (Paris, 1932, in-4»). Voir, en outre, A. Dupront, Art et Contre-Hé/orme : les fresques de la Bibliothèque de Sixte Quint, dans les Mélanges d'archéologie et d'histoire de l'École française de nome, t. XLVI1I (1931), p. 282-307 ; René Schneider, La peinture italienne du XVI' au XVII• siècle (Paris et Bruxelles, 1930. In-4») ; du mime. L'art français du XVII' siècle (Paris, 1925, ln-8») ; Henri Oavid, De Sluier à Sambln, étude critique sur la sculpture el le décor monumental en Bourgogne au XV' et au XVI' siècles, t. II : La Henalssance (Paris, 1932, in-4«): Ch. Ternisse, Germain Pilon (Paris, 1930, ln-8») ; Camille Mauclair, Le Greco (Paris. 1931, In 8«) ; Denise Jalabert, La sculpture française (Paris, 1931, ln-12) ; Eugenio d'Or*, Le Baroque, trad. de l'espagnol par Mme Rouardt (Paris, 1935, ln-8"). 2. CI. Hauser et Rcoaudet, Les débuts de l'âge moderne, p. 565.

    — 245 —

    Le mouvement intellectuel en Europe

    (1560-1603)

    à Haarlem, Jan Schoorl (mort en 1562) est un peintre italien. Van Heemskerk s'essaie à singer Michel-Ange. Anton De Moor (Utrecht 1512, Anvers 1581), même dans ses véridiques portraits de Marie d'Angleterre ou du duc d'Albe, ne mérite-Wl pas son autre nom d'Antonio Moro ? Gérard Honthorst (15921662) suivra jusqu'au milieu du x v n e siècle les leçons du Caravage. Inversement, les artistes flamands essaiment au delà des frontières, en Italie, en Espagne. Non seulement, comme le rappelle Vasari, les Flamands vont travailler en Italie « pour apprendre la manière italienne et, après être devenus maîtres, retourner dans leur patrie », mais beaucoup s'y installent. Dans les cours de Turin, de Mantoue, de Ferrare, de Florence, de Modène, de Milan, de Parme, à Rome même, il n'est pas rare de rencontrer tel artiste qu'on appelle il Fiamingo, il Fiaminghino, quand ce n'est pas Belga. L'espèce de foire aux toiles et aux tapisseries qui faisait d'Anvers un marché d'art industrialisé favorise cette diffusion. Les églises espagnoles se parent de richesses néerlandaises : c'est à Sturm de Zierikzee, à Pierre de Campeneer qu'est due la décoration de la cathédrale de Séville. Anton Moor a formé des portraitistes espagnols ; non seulement il est venu en Espagne, mais il a fait travailler, à Bruxelles même, le Portugais Alonso Sanchez Coello (15321588), qui deviendra le portraitiste attitré de la cour d'Espagne, — portraitiste véridique et cruel qui nous rend sensible la pourriture de la fille des Valois, Élisabeth, ou la quasi-démence de l'infant Carlos. Il aura pour successeur Pantoja de La Cruz, le portraitiste du Philippe II vaincu des dernières années. Les goûts de collectionneur de Philippe II exercent une action décisive. Il fait venir à Madrid toutes les œuvres de Jérôme Bosch, dont l'imagination débridée et le pessimisme hardi, le sarcasme mordant laisseront des traces profondes dans la pensée espagnole. Mais Philippe n'oublie pas les Italiens, appelle à lui le Génois Luca Cambiaso Zuccari. Il continue à faire travailler Titien, dont l'infatigable pinceau tracera encore en 1574 le portrait du roi vainqueur des Turcs. C'est l'influence du vieux Titien en même temps que celle du délicat Liégeois Patenier (Patinir), — le peintre des horizons noyés de vapeurs bleues, — que l'on retrouvera chez Juan Fernandez Navarrete el Mudo (le Muet). Lorsqu'à PEscorial, Juan Bautista de Tolède et Herrera créeront ce style grandiose qu'on appellera le style des Felipes, ils partiront de formules italiennes qu'ils adapteront aux maté— 246 —

    L'évolution drlwtique riaux et au paysage de la sierra. E t quand Herrera voudra agenouiller dans la Capilla mayor les colossales figures de bronze des princes de Bourgogne, il les fera exécuter par Pompeo Leoni, non sans se souvenir des tombeaux d'Innsbruck. Le symbole de ces pénétrations réciproques, n'est-ce pas l'extraordinaire figure de ce Théotocopoulos, qui vint de Candie à Rome, fut l'élève de Titien vers 1570, étudia aussi Tintoret et Véronèse, puis devint à Tolède le plus grand des peintres espagnols de ce temps, sous le nom tout italien de Greco ? « La Crète lui donna la vie et Tolède les pinceaux, Creta le dió la vida g los pinseles Toledo »; le dicton est incomplet puisque, s'il explique comment le Greco put tout ensemble revenir à l'hellénisme byzantin d'un peintre d'icônes et sentir le tragique du catholicisme espagnol, il passe sous silence les années d'Italie, ces années où Venise lui révéla ¡a magie des couleurs, des tons métalliques et sulfureux du j-aune, du bleu, du vert, de l'argent et du noir. Tant de prestiges et d'audaces effrayèrent Philippe II, lorsque le Grec peignit, à l'Escorial (1580), la gloire du monarque, entre le Ciel et l'Enfer. Le méticuleux bureaucrate renvoya dans sa maison de Tolède ce visionnaire dont les personnages allongés semblaient s'immatérialiser dans l'extase, et c'est là que Greco peignit son étrange Enterrement du comte d'Orgaz, où le réalisme fantastique des figures se mêle à la grandeur du miracle, et sa plus étrange Apocalypse, œuvre d'un fou de génie. Dans sa vieillesse (il mourut en 1614) il traçait encore l'admirable portrait de l'inquisiteur Niño de Guevara. Greco, c'était Venise, une Venise fanatisée par le SaintOffice. C'est que l'école vénitienne, en raison même de l'indépendance dont jouissait la République, n'avait jamais eu plus d'éclat. Si l'on voulait croire qu'après les malheurs du début du xvi e siècle la Sérénissime a glissé rapidement sur la pente de la décadence, il suffirait, pour se donner le démenti, de parcourir les salles du palais ducal, dont la décoration tout entière est un hymne à la gloire de la reine de l'Adriatique, reine de Chypre, victorieuse à Lépante. Jamais ville, sauf peut-être l'Athènes de Périclès, ne fut à ce point le thème grandiose de ses propres artistes ; jamais ville ne vécut dans une pareille admiration de sa propre splendeur. Les couleurs et les lumières du ciel vénitien, les eaux dormantes et les nuées mauves de la lagune, vibrantes sous le pinceau de ses peintres, semblaient faites pour mieux chanter sa gloire. A la date où nous sommes, Titien (mort en 1576), enrichi et - T 247 —

    Le mouvement intellectuel en Europe

    (1560-1603)

    admiré, n'a pas cessé de peindre. II donne de lui-même un profil d'une haute dignité aristocratique ; on dirait que ce vieillard est un des Pregadi ; sa main, qui tient le pinceau entre deux doigts, est à peine esquissée, mais on la sent souveraine. Tintoret (1518 7-1594) a été son apprenti, mais un apprenti indocile qui ne se plia pas à l'autorité du maître. Ce Giacopo Robusti, fils d'un teinturier, décorateur d'églises, faiseur de retables à la douzaine, est dès 1556 associé à Véronèse pour les travaux du Palais, travaille à l'église Saint-Roch, peint de majestueuses figures de doges, de voluptueuses et désirables formes féminines, une fantastique Cène aux lumières. La Suzanne (de Vienne), non pas chaste, mais éblouissante, adorable baigneuse devant son miroir, couverte de bracelets, coquette au point d'expliquer l'érotisme sénile des deux avides spectateurs, contraste avec ses portraits d'hommes, si noirs et si sévères. Dans son Paradis — la plus grande peinture qui soit au monde — il a entassé un nombre inouï de figures, toutes cernées d'un sûr dessin, plus extraordinaires peut-être dans l'esquisse réduite qui est à Madrid. Enfin il est le peintre de la mer vénitienne : sombres et vraies batailles, où les chefs de guerre se dressent au milieu des agréas, et où l'on croit sentir l'odeur du goudron et de la poudre ; Sébastien Venier après Lépante. Ce qui ne l'empêche pas de retrouver la largeur splendide du geste dans ses scènes bibliques transformées en scènes de la luxueuse vie des lagunes, comme Esther et Assuérus, ou cette Reine de Saba qui semble chanter le poème des richesses de l'Orient apportées dans l'Adriatique. A côté de lui Paolo Cagliari de Vérone (1528-1588), chargé lui aussi de décorer des églises (surtout après 1555), des villas de nobles armateurs. Imagination opulente, aussi joyeuse que celle de Tintoret était parfois ténébreuse, sensible aux illuminations du soleil, à l'éclat des chevelures d'or et, comme Titien, des chairs pleines et baignées de lumière, des étoffes soyeuses et étincelantes, il transforme en véritables féeries ses Noces de Cana (1562-1563), son Repas chez Simon, son Repas chez Lévi (1572). Ce tableau le brouilla, tout Vénitien qu'il fût, avec l'Inquisition : elle ne lui pardonnait pas d'avoir introduit parmi les personnages de l'Écriture des bouffons, des chiens, des gens d'armes. Son Moïse n'est-il pas une pure virtuosité, la promenade d'une jeune dogaresse aux bords d'un ruisseau de la campagne de Terre Ferme ? Sa Judith est une splendide courtisane de Venise, aidée dans son œuvre de mort par une servante — 243 —

    L'évolution artistique

    presque aussi belle. Lorsqu'en 1574 l'incendie eut atteint une partie du Palais, c'est lui qui f u t chargé de célébrer Lépante, puis tous les sièges, toutes les victoires, et, dans le Tiomphe de Venise, d'asseoir la République sur la sphère comme une divinité somptueuse, resplendissante de richesse, impératrice du monde. Après cette période de gloire incomparable, l'école vénitienne aura encore d'estimables disciples : Jacopo da Ponte de Bassano, Palma le Jeune. Les autres écoles italiennes ne connaîtront plus la même liberté de l'esprit et du pinceau. Sans rien exagérer, et sans rendre le Concile et la Société de Jésus responsables du triomphe de l'art « baroque », il faut bien rappeler certains faits qui montrent jusqu'où alla, dans le domaine de l'art comme dans celui de la pensée, la réaction contre la Renaissance. Rome — la Rome de Charles Borromée et de Bellarmin — agit sur les arts de deux façons à la fois, pour défendre et pour prescrire. Dès 1563, le Concile a interdit de supporter dans les églises aucune image qui enseigne un « dogme erroné » ou risque d'éveiller l'idée d' « impureté ». Si l'on tolère le nu dans la « fable antique », si les trois cousins bolonais Caracci — Lodovico, Annibale, Agostino, les Carrache — peuvent retracer sur les murs du palais Farnèse les amours des dieux, c'est qu'il s'agit d'art profane, et qu'on peut tout sauver par une explication symbolique. De même, en France, on attendra le début du siècle suivant pour couvrir d'un pieux badigeon le plafond d'un château bourguignon (Tanlay), où un artiste inconnu, italien sans doute, avait, pour les Chastillon, figuré les personnages de la cour des Valois en divinités de l'Olympe. Mais, dans cette période d'exaltation de la Contre-Réforme qui va de 1560 aux environs de 1600, la peinture religieuse doit renoncer même aux impudeurs sacrées de Michel-Ange. Paul IV et Pie V ont songé à détruire les figures de la Sixtine et ce projet, repris en 1596, n'échouera que devant les résistances de l'Académie romaine. Il est défendu aussi de peindre les saints et le.s martyrs comme des hommes, dans la trivialité quotidienne, en les dépouillant de la dignité qui convient à leur rôle supra-terrestre. Il se rencontre, dans la lignée des peintres soumis à cette discipline, un tempérament original, Michel-Ange Merisi, né à Caravaggio, qui se disait « venu pour défendre la peinture ». Caractère violent de querelleur, voire de meurtrier, qui rappelle les artistes du premier x v i e siècle, sa vulgarité puissante, où passe un reflet — 249 —

    Le mouvement intellectuel en Europe (1560-1603)

    du Tintoret, s'attache aux types miséreux du Transtévère ; il veut nous donner un Christ des pauvres et, pour cela comme pour avoir tenté de rendre le jeu émouvant des lumières et des ombres, il nous apparaît comme un précurseur de Ribéra, même de Rembrandt. Mais il est blâmé pour cette manière « insolite », contraire à l'esprit de Trente. Cette guerre à tout ce qui est profane n'aurait pas même épargné les monuments antiques si les colonnes Antonine et Trajane n'avaient été surmontées des statues des Apôtres, si les obélisques ne s'étaient parés de la croix. Mais l'œuvre positive du Concile est plus importante encore. Elle s'impose, non seulement à l'Italie, mais à toute l'Europe catholique. Dans l'ordre de l'art comme dans-- celui de la théologie, les grands thèmes religieux partis de Rome se retrouveront partout. Le premier, c'est un sentiment de la mort qui substitue à la sérénité quasi-païenne de la Renaissance l'horreur hideuse des squelettes, des crânes devant lesquels méditent les saints, de la décomposition des chairs, l'effrayante angoisse qui va s'exaspérer à Séville sous le pinceau de Valdès Leal. II y a là comme un retour inattendu aux terreurs de la danse macabre, retour qui s'était déjà manifesté à Saint-Mihiel dans le Sépulcre du huguenot Ligier Richier, mais évoquant dès lors des formes plus majestueuses qu'aux vièux âges de foi. Les grandioses cérémonies funèbres de Rome et de Florence, les catafalques chers à la Société de Jésus sont fixés dans la pierre. Cette pompe théâtrale s'inscrit dans le tombeau de Michel-Ange, dessiné par Vasari, dans celui de Paul III. De même c'est sous un aspect de théâtre que se présentent les légendes sacrées, Annonciations, Ascensions, Assomptions, Transfigurations qui unissent le ciel et la terre et qui, dans la magnificence de leurs nuées et de leurs gloires, parfois même dans l'écartement des rideaux de pourpre et d'or, semblent symboliser l'Église triomphante, telle que le Concile l'a substituée à l'Église militante. Le formidable Dieu de Michel-Ange, tiré par ses élèves à des milliers d'exemplaires, avec ses gestes créateurs ou ses malédictions, dans les étoffes qui désormais l'enveloppent, devient chez le Dominiquin ou chez Guido Rerii un poncif à peu près invariable. Pour chaque thème sacré, Jugement dernier ou Premier péché, les modèles convenus s'imposent, ne laissant plus à l'artiste aucune liberté. Le paysage lui-même, inspiré par la grandeur des ruines dans la campagne romaine, doit devenir un paysage sacré, digne des personnages — 250 —

    L'évolution artistique qui s'y meuvent, et des cortèges qui s'y déroulent. Lto nature verdoyante, les architectures splendides où les Vénitiens n'avaient pas craint d'installer les héros de l'Écriture sont condamnées comme des profanations. Les petits anges, putti ailés ou sans ailes, envahissent la scène, écartent les draperies, supportent les vapeurs où trône la Vierge ou le Fils. L'art devient ainsi un serviteur de la théologie, en même temps qu'il aboutit au maniérisme. Sa mission, c'est la décoration rapide et froide de surfaces immenses où tout doit être conforme à la fois aux règles de l'école et à l'orthodoxie tridentine, où l'érudition la plus subtile, les allégories les plus alambiquées, les mythologies même les plus édulcorées, s'expriment dans des figures trop souvent sans corps et sans âme. Ces clercs appliqués, copistes reproduisant des copies, ont trouvé leur mentor dans Giorgio Vasari. Se croyant un grand artiste (1512-1574) parce qu'il a été l'élève de Michel-Ange, parce qu'il a entassé les travaux pour Pie V, Grégoire XIII, puis à Florence pour les Médicis, il écrit la biographie des peintres, et crée une sorte d'Académie florentine des Beaux-Arts. A côté de cet improvisateur banalement spirituel, d'autres sévissent, les frères Zuccari1, dont l'un, Federigo, est appelé par Philippe Iï, puis fonde à Rome l'Académie de Saint-Luc (1595). A ce double point de vue, domestication et stylisation de l'art italien, le pontificat de Sixte Quint, avec les fresques de la Bibliothèque vaticane, est décisif. Il y emploie des artistes selon son cœur, membres de confréries pieuses, Giovanni Guerra, et surtout Silvio Antoniano, « l'enfant sublime » du temps (on disait le poetino), professeur de belles-lettres à dix-sept ans, ancien secrétaire de Charles Borromée, qui a été conquis par les idées plus douces des « philippins » et de Frédéric Borromée, pédagogue qui veut faire passer dans l'enseignement les théories du nouvel humanisme et faire de la décoration murale, a-t-on dit heureusement, « une apologétique par l'image ». Voilà dans quelle atmosphère travaillent les derniers représentants de la Renaissance italienne : les Carrache qui, dès 1584, peignent ensemble l'Histoire des Argonautes, créent l'année suivante une Académie, celle des Desiderosi ou des Incamminati, « eu chemin » pour fondre dans un complet éclectisme l'art romain, le vénitien, le lombard, celui de Michel-Ange, de Raphaël, de Corrège. 1. Cf. p. 246. — 261



    Le mouvement intellectuel en Europe

    (1560-1603)

    A peine quelques rebelles, comme celui que nous avons signalé, le Caravage. De même, chez un fils de peintre, Christofano Allori (1577-1621), l'influence vénitienne produit un chef-d'œuvre, une Judith — une courtisane florentine tenant en sa main la tête de l'artiste — qui fera l'admiration de Rubens. Mais que de fadeurs doucereuses et de grâces mignardes sortiront de ces écoles et de ces académies, et que les « ultramontains » viendront copier avec une foi respectueuse et souvent servile ! Ainsi se constitue cet art qu'on a nommé le « baroque », où la recherche de la gloire et du faste, du pittoresque et, pour tout dire d'un mot, de 1' « effet », de la manière, l'emporte sur l'imitation de la nature. Cet art trouve pour l'abriter une architecture à sa taille, celle dont Vignole a, dès 1568, créé le type dans le Gesù de Rome, type qui sera reproduit par Giacomo délia Porta. Façades triomphales aux étages superposés qui ne correspondent en rien à la structure intérieure, frontons brisés, interrompus pour y dresser des clochetons ou des statues, pilastres et colonnes où se jouent les ordres. Au dedans, par la suppression des nefs latérales, le mystère des voûtes fait place à la clarté pompeuse, à la décoration luxuriante qui transforment la maison du Seigneur en une sorte de salon, asile splendide de la dévotion aisée. Ce type nouveau se heurtera d'abord à la résistance du gothique (Douai, création « baroque » de 1583-91, est encore une exception dans les Flandres), mais à partir de 1600 il se répandra par toutes les provinces de la Société de Jésus. Dès 1576 il avait conquis, avec ses églises étincelantes d'or, la Pologne de Possevino. Il transforme Prague après Vienne. Par l'Espagne et le Portugal, le « baroque », ses colonnes torses de bois doré, gagneront l'Amérique latine, les terres d'Eldorado. Le mal académique mit du tempà à atteindre la France. Elle a été protégée, pendant les guerres civiles, par ce même goût de l'individuel, de la réalité biographique auquel elle doit ses mémorialistes. Si l'Apocalypse gravée par Jean Duvet, œuvre puissante et terrible qui s'égale presque à certaines pages de Durer et qui paraît en 1561, remonte sans doute à 1546 ; s'il est difficile de distinguer entre les deux Jean Cousin de Sens (le père mort en 1560, le fils en 1593 ou 94), c'est peut-être au second que l'on doit le Jugement dernier. Difficile aussi d'établir une chronologie parmi les Clouet. Mais c'est vraisemblablement à François dit Janet (mort en 1572) qu'il faut attribuer le portrait du pharmacien botaniste Pierre Cuthe, le Charles IX, — 252 —

    L'évolution artistique l'Élisabeth d'Autriche. Avec Corneille de Lyon, qui d'ailleurs vint de La Haye, avec « les Clouet », les portraitistes français constituent une école d'un sincérité, d'une intensité de vie, d'une vérité psychologique sans rivales ; tous les personnages de ce demi-siècle, rois, reines, mignons, hommes de guerre et d'État, revivent dans leurs simples crayons rehaussés de quelques couleurs. En sculpture aussi, l'art français, avec Germain Pilon, garde sa vigueur saisissante dans le tombeau de Birague. Si l'on compte parmi les Italiens Gian Bologna, l'auteur des fontaines des jardins Boboli et du fameux Mercure volant, il ne faut pas oublier que ce Jean de Boullongne était un Douaisien, Fiammingo séduit par Florence. La vieille sève bourguignonne, le sensualisme d'une joie quasi-faunesque, la satire mordante qui ne respecte même pas la religion riaient encore, en 1573, dans l'œuvre dijonnaise de Hugues Sambin.

    — 253 —

    L I V R E III La crise européenne et la formation de la puissance française (1603-1660)

    De la mort d'ÉIisabeth à la paix des Pyrénées, en moins de soixante ans, l'Europe change de face, et le monde avec elle. Le premier fait qui frappe les yeux, c'est l'écroulement, la dislocation du Saint Empire. Devenue le théâtre de la dernière des guerres de religion, d'une guerre que sur son sol se livrent toutes les puissances, l'Allemagne est presque réduite à n'être plus qu'une expression géographique, ou du moins un agrégat de principautés que ne rassemble aucun lien solide. Si les Habsbourg d'Autriche conservent une réelle puissance, ils ne réussissent pas à lier leur sort à celui de leurs parents d'Espagne. Lentement, mais avec une rigueur qui semble tenir de la fatalité, la puissance espagnole s'effrite et s'épuise. D'autres puissances sont nées, grandissent ou rajeunissent. Sur les flancs de l'empire espagnol vit la république des Provinces-Unies, petit État, grande puissance, dont les banquiers et les armateurs, les hommes de guerre et de mer sont parmi les facteurs dominants de la politique internationale. Ils auraient acquis la maîtrise des océans si l'Angleterre n'était venue la leur disputer. Les crises anglaises, la faiblesse et la disparition momentanée d'une dynastie n'arrêtent pas l'expansion britannique. Cromwell est, en réalité, le continuateur d'ÉIisabeth. Même continuité, en dépit des accidents et des régressions, dans la politique française telle que l'avait esquissée Henri IV. A deux reprises, avec Richelieu puis avec Mazarin, la France tient en échec et brise la prépondérance espagnole. Contre les Habsbourg elle favorise l'entrée dans la grande mêlée des forces militaires scandinaves. En même temps qu'elle essaie de donner — 255 —

    La crise européenne et la formation de la puissance française

    (1603-1660)

    à l'Europe occidentale et centrale un statut qui garantisse sa propre tranquillité et sa propre puissance, elle veut faire régner la paix dans la Baltique, tandis que les convulsions intérieures empêchent la Moscovie de reprendre les plans d'Ivan IV. Cependant, l'empire ottoman commence une longue décadence, l'empire du Grand Mogol atteint une splendeur qui sera éphémère. En Extrême-Orient s'écroule, sous les coups de l'envahisseur, l'antique dynastie chinoise, et le Japon se ferme pour des siècles. Sauf dans cet archipel, un grand fait se poursuit à travers le monde : l'expansion européenne. A la conquête des métaux précieux succède une phase nouvelle : l'exploitation des terres, et le peuplement par des hommes venus d'une Europe déjà trop étroite. Ainsi se complète l'œuvre commencée naguère par les Espagnols, maintenant reprise par la Hollande, l'Angleterre, la France : l'européanisation de la terre. Cet âge est en même temps celui où se forme définitivement la pensée scientifique moderne. Si l'œuvre religieuse du concile de Trente persiste et s'étend, si la conscience protestante revient à une dure orthodoxie, si l'humanité chrétienne connaît de nouvelles expériences mystiques, le rationalisme s'affirme comme la méthode pour découvrir la vérité à l'aide de l'observation et de l'expérience. Descartes est le contemporain de Richelieu. Comme le dit un philosophe 1 , « par l'avènement de la science positive, l'homme acquiert comme un sens nouveau, le sens de la vérité, qui brusquement lui dévoile l'infini... La civilisation moderne se dégage, enfin, dans son caractère essentiel ». 1. L. Brunichvicg, Pascal (1932), p. 8.

    — 256 —

    CHAPITRE PREMIER LA DÉCOMPOSITION

    DU

    EMPIRE1

    SAINT

    Les histoires nous parlent de la guerre de Trente ans, avec les deux dates 1618-1648, comme s'il n'y avait qu'une guerre, et qui aurait duré seulement trente ans. C'est donner trop d'importance aux grandes opérations stratégiques. En réalité le processus de décomposition politico-religieuse de l'Empire commence au moins dès la paix de Vervins. C'est comme si un trou se creusait au centre de l'Europe, mieux : une aire cyclonique, attireuse de tempêtes, et où se précipitent les forces voisines. Il est essentiel de bien éclaircir les origines multiples de cette grande crise. I.



    DE

    VErtVIXS

    A

    CLÈVES

    (1598-1614)2

    L'histoire allemande du x v i e siècle avait eu pour conséquence l'essor d'États princiers organisés, presque fermés, avec des 1 . O u v m o E S D'ENSEMBLE A CONSULTER. — Le t. TV d o Cambridge Modem Hislorg (Cambridge, l!10l>, in-8°) ; K. Brandi, Gegenrelormation tind Religinnskriege (Leipzig ¡ls(.i()|, in-8°, t. II, 2" partie, de la • Deutsche Gescliichte • publ. p a r Hricli Marcks), et W. PlatzholT, Geschichtc des enruimisclien Staalensuslems, 1559-1600 (cité p. 5, n. 1). Sans revenir, sur la guerre de Trente ans, aux ouvrages anciens comme ceux de Ranke, et en se reportant (('ailleurs A ceux du livre ! • ' (p 5, n. 1), on ne saurait négliger M. Hitler, Deutsche Hesthichle im Zeitulter der Gegenrelormation und des dreissigjâhrigen Krieges, 1555 1648 ( S t u t t g a r t , 18891908. 3 vol. in-8°), de la • Bihliothek dcutscher Gescl'ichte -, putil. par 11. von Zwiediiieck-Sûdenhorst) ; I). Ogg. Europe in Ole seiienteenth cenltmj (Londres. 1925, in-8") ; trad. fraaç., Paris. l'j:t:î, in-8°) ; enfin la mise au point de G. Pugés, La guerre de Trente ans (Paris, t!)3!), in-8°). 2 . OUVRAGES A CONSULTER. — J . I I . M a r i é j o l , Henri

    IV

    et

    IMIIIS X I I I , t . V I *

    de VHistoire de Fruntc d'K. Lavisse (Paris, 1!)05, .n-8") ; M. Philippson, Ileinrirh IV und l'hilipp III (Berlin. 1870. in-8") ; Anquez, Henri IV cl l'Allemagne (Paris, 1887, in-8»); Henrard. Henri IV et le prinr- de Condé (IJruxelics, 1885, in-8») ; IJd. Kott, Henri IV, les Suisses il la Hante Ha.ie (l'.iris, 1882, in-8"!, et les introductions à son Histoire de lu reprcsenitilion diplomatique de la France auprès des cantons suisses, spuci.ilement au t. Il (Berne et Paris. 1902, in-S») ; Fr. de Cru,-. Henri IV et les députés de Geriéue (Genève, 11)01, in-8°) : Noimill.ic, Henri IV et les croquants du Limousin. La mission de l'inlendunt Boissise (Paris, 1013, in-8°) ; M. Scliift, La politique espagnole et Genève à l'époque de l'Escalade (Genève, 1902, in-4"), à complét e r avec les avertissements des Documents sur l'Escalade de Geniue (Genève, 1903,

    — 257 —

    La décomposition du Saint Empire

    capitales qui s'ml parfois de brillants centres «le culture, Munich, Heidelberg, WolferibuLLcl, Dresde, rivales de Vienne ou de Prague. La constitution de 1555 ajoute la puissance des princes l'autorité religieuse, qui s'impose à leurs sujets. Mais toute succession, en a m e n a n t au pouvoir un prince d'une a u t r e religion, p e u t bouleverser le s t a t u t . Dans les principautés ecclésiastiques, évêchés ou abbayes, la lutte recommence à chaque vacance de siège ; or ce sont des puissances temporelles a u t a n t que spirituelles, des membres de la Diète, parfois des électorats. Ainsi, tandis qu'en France l'édit de Nantes a t a n t bien que mal établi la paix religieuse et clos le royaume aux influences étrangères, l'intérim a dans l'Empire fait de la guerre religieuse locale un régime presque permanent ; et chaque parti s'adresse à ses amis du dehors, suivant des traditions d'autonomie qui ouvrent l'Allemagne aux « défenseurs des libertés germaniques ». « Guerre d'Aix-la-Chapelle », où triomphent les catholiques (1593-98). « Guerre de Cologne », qui met aux prises Espagnols et Hollandais ; des garnisons espagnoles, en 1G00, s'installent sur le Rhin inférieur, à Bonn, Neuss, Rheinberg. Strasbourg est disputée depuis 1592 entre deux évêques, un Brandebourg, un Lorraine : Henri IV, réconcilié avec Mayenne, soutient ici le catholique et fait accepter par l'autre une indemnité (1G04). Dans ces conflits sans cesse renaissants, les évangéliques refusent de se soumettre aux arrêts de la Chambre impériale, résistent aux mesures d'exécution, m a r c h a n d e n t à l'Empire le subside contre le Turc, la Tiirkenhilfe, tandis que les catholiques réclament la restitution dé tous les biens sécularisés depuis 1555. Les diètes se séparent impuissantes. Les conférences, Deputationslage, où assistent des délégués de Farnèse et de Henri IV, n'aboutissent pas. L'Allemagne se divise en deux camps. ln-8°) ; C. Fernandez Duro, El gran duque de Osuna y su marina (Madrid, 1885, in-8°) ; E . Rodriguez Marin, El gran duque de Osuna (Madrid, 1920, in-8°) , H. Ch. Lea, The Moriscos of Spain, heir conversion and expulsion (Philadelphie, l'JOl, in-8°) ; A. Melon y Ruiz de Gordejuela, Lupercio Latras y la guerra de los Moriscos... (Saragosse, 1est/(ilischen Frieden (Zurich, 1931, in-8») ; L. André, Michel Le Tellier et l'organisation de l'armée monarchique (Paris, 1906, in-8») ; Eugène Hubert, Les Pays-Bas espagnols et la république des Provinces-Unies depuis la paix de Munster jusqu'au traité d'Utrecht (1648-1713) : La question religieuse et les relations diplomatiques (Bruxelles, 1907, in-4°, dans la collection des « Mémoires de l'Académie royale da Belgique, Classe des Lettres •).

    — 377 —

    La diplomatie mazarine et la défaite de

    l'Espagne

    l'exaltation de l'amour divin au sens pratique des réalités, même de la politique, sor Maria de Agreda. Il essaie de pousser vigoureusement la guerre catalane. Mais, sur le front des Flandres, le nouveau favori, don Luis de Haro, revient à une politique défensive, s u r t o u t lorsqu'à Rocroi (19 mai 1043) le désastre infligé par la cavalerie d'Enghien aux tercios de Francisco de Melo a rendu impossible le plan espagnol d'invasion p a r la vallée de l'Oise. Ce combat f u t môme suivi de l'occupation, au nord des Trois-Évêchés, de Thionville et de Sierck. Rocroi était, peut-on dire, la dernière victoire de Richelieu. Elle coïncidait avec une réelle lassitude allemande. Dès février, dans un Depulalionstag tenu à Francfort, les princes et les villes, soutenus par la France et la Suède, avaient réclamé contre le collège électoral la réforme de la justice, la satisfaction des griefs religieux, en somme la paix. L'empereur, sous la pression des victoires suédoises en Bohême et en Moravie, était obligé d'accorder a u x Allemands le droit de s'aboucher avec ses ennemis, en leur d o n n a n t le choix entre deux villes westplialiennes, Münster et Osnabrück. Déjà en décembre 1644 y apparaissaient non seulement les représentants des belligérants d'Allemagne, mais de tous les autres, Espagne, É t a t s généraux, Portugal, Venise, Toscane, Savoie, Mantoue, les cantons suisses, et des médiateurs, le nonce Fabio Chigi, l'ambassadeur de la Sérénissime, Contarini, ce qui donnait à ses conversations le caractère d ' u n congrès européen. On n ' a v a i t rien v u de pareil depuis les grands conciles du x v e siècle. Les deux petites villes avaient peine à contenir la foule des ambassadeurs et leur suite, masculine et féminine. P e ñ a r a n d a y représentait l'Espagne. La France envoyait, a u t o u r du duc de Longueville, deux négociateurs, d ' A v a u x et Servien, tandis que la Suède é t a i t représentée (à Osnabrück, ville réservée aux protestants) p a r J e a n O x e n s t j e r n a et Salvius, l'empereur p a r T r a u t m a n s d o r f . Il m a n q u a i t le Danemark. Christian IV, jaloux des victoires suédoises et désireux de conserver la douane du Sund, était entré dans une coalition avec la Pologne, le Brandebourg, la Russie, m ê m e l'empereur. La fille de Gustave-Adolphe, l'ambitieuse et lunatique Christine (il y a v a i t déjà eu des fous chez les Vasa), impatiente du joug d'Axel Oxenstjerna, désirait la paix. Mais elle ne sera m a j e u r e qu'en 1644, et le chancelier continuait encore sa grande politique européenne. Soutenu p a r les Provinces-Unies, intéressées comme la Suède à l'ouverture des passages baltiques, il avait, dès novembre 1643, jeté Tors— 378 —

    La fin de la guerre allemandt

    (1642-1648)

    t e n s o n en Holstein, puis en J u t l a n d . Les t r o u p e s de Gallas v e n a i e n t se faire b a t t r e d a n s ces p a y s du n o r d , t a n d i s q u ' u n e a u t r e a r m é e suédoise, sous H o r n , envahissait la Scanie, p a r t i e encore danoise de la grande péninsule Scandinave. Une victoire n a v a l e livrait a u x Suédois la position insulaire de B o r n h o l m , les bouches de l ' E l b e et de la Weser, e t une flotte néerlandaise a p p a r a i s s a i t d a n s le S u n d . T r o p h e u r e u x d ' o b t e n i r la paix grâce à une m é d i a t i o n m a z a r i n e (Bromsebrô, 1645), le D a n e m a r k p e r d a i t sa s u p r é m a t i e sur les détroits, les îles de G o t l a n d e t d ' Œ s e l , l'évêché de Brème, des territoires norvégiens. L a Suède se r e t r o u v a i t les m a i n s libres en Allemagne. Mazarin la d é b a r rassait du danger polonais, e t m a r i a i t au roi de Pologne une princesse française, Marie de Gonzague. Aussi v o y a i t - o n T o r s t e n s o n se r a b a t t r e encore sur la B o h ê m e et la Moravie, déjà t a n t de fois dévastées. A J a n k o v i c e , il infligeait a u x A u t r i c h i e n s u n vrai désastre (6 mars), leur t u a n t q u a t r e mille h o m m e s , leur en p r e n a n t a u t a n t , et t o u t e l'artillerie, puis il t o u c h a i t le D a n u b e à K r e m s : l ' e m p e r e u r , q u i a v a i t en h â t e q u i t t é P r a g u e , f u y a i t j u s q u ' à G r a t z . Ces m o u v e m e n t s se c o m b i n a i e n t avec ceux d ' u n a u t r e allié de la F r a n c e . Richelieu n ' a v a i t j a m a i s négligé la T r a n s y l v a n i e , c e t t e p r i n c i p a u t é hongroise vassale de la T u r q u i e , a t t a c h é e a u x flancs o r i e n t a u x , des H a b s b o u r g . Après la m o r t d e B e h t l e n (1G29) il a v a i t s o u t e n u , d'accord avec O x e n s t j e r n a , le nouvel élu Georges R a k o c z y , qui a v a i t t r i o m p h é de ses r i v a u x , É t i e n n e B e t h l e n et Zékely. Mazarin, resté fidèle au p r o g r a m m e de la diversion t r a n s y l v a i n e , p r o p o s a i t à ses alliés d ' i n t e r v e n i r à Constantinople, p o u r faire accorder à R a k o c z y l ' a u t o r i s a t i o n d ' a t t a q u e r . E n 1644, celui-ci envahissait la H a u t e - H o n g r i e , a p p e l a n t à lui les p r o t e s t a n t s , p r o m e t t a n t la liberté a u x trois cultes. Mais son suzerain t u r c c h a n g e a i t de politique. Il f a u t dire que, depuis le d é b u t du siècle, le régime o t t o m a n a v a i t p o r t é ses fruits. L ' a s s a s s i n a t des frères du s u l t a n é t a i t d e m e u r é la règle, et, en 1595, M a h o m e t I I I en a v a i t d ' u n c o u p massacré neuf. Mais la réalité du pouvoir é t a i t a u x m a i n s des milices, qui se r e c r u t a i e n t p a r la dîme des garçons perçue, avec la c a p i t a t i o n impériale et les redevances des t i m a r i o t e s , sur les p o p u l a t i o n s chrétiennes s u j e t t e s . Janissaires e t spahis se défaisaient des sultans p a r le m e u r t r e , et créaient ensuite de n o u v e a u x sultans, avec le concours spirituel du m u f t i et des oulémas. Ils égorgeaient, sous les y e u x du p a d i c h a c h , ses vizirs e t ses favoris. A h m e d I e r , O s m a n I I , I b r a h i m f u r e n t assassinés. — 379 —

    La diplomatie mazarine et la défaitt de VEspagne

    Malgré ses atrocités, Mourad IV fut plus heureux. Arrivé au pouvoir lorsque le chah Abbâs s'emparait de Bagdad (1623), il l'avait reconquise en 1038, y massacrant trente mille défenseurs. Il avait imposé à Constantinople et à ses troupes une sorte de terrorisme puritain. Lorsqu'il mourut à trente ans (1640), la fin de la guerre de Perse permit de nouveau à la Porte de compter dans la politique européenne (paix de Séhab, 1639). Mais le nouveau commandeur des croyants, efféminé et cruel, qui venait de reprendre après cinq ans de siège Azov sur les Cosaques, nourrissait un vieux rêve : recouvrer la Crète, après trois siècles de domination vénitienne. Des démêlés dans l'Adriatique, l'asile offert en Crète à des pirates maltais qui avaient attaqué une flotte turque, servirent de prétexte à la brusque surprise de La Canée (1645). La Sérénissime se ressaisit pour organiser la résistance dans les campagnes crétoises, et la lutte sur mer. La Porte venait de s'engager dans une guerre de vingt ans, qui l'absorbait trop pour lui permettre de rompre avec l'Autriche. E t c'est ainsi que Rakoczy dut traiter avec l'empereur (12 août 1645). Il y gagna les sept comitats de Bethlen à. titre viager, deux autres à titre héréditaire, plus Tokay. Mais l'Autriche ne risquait plus d'être prise entre les Suédois et les Transylvains. La partie était donc loin d'être gagnée, en 1644-45, pour la politique mazarine. Le cardinal n'avait pu empêcher son adversaire personnel, l'hispanisant Panfilio, de devenir pape sous le nom d'Innocent X (1644). Dans sa colère, il disait que l'ambassadeur de France mériterait « d'avoir les côtes taillées pour sa conduite à Rome ». Il essayait de se rattraper du côté de la Bavière. Après des victoires en Brisgau, Mercy avait été pourchassé par Turenne et Enghien, et il était mort à Nordlingen. Très habilement, Mazarin sut dire qu'il faisait la guerre à l'Autriche, non à l'Empire. Précisant ses buts de guerre, il réclamait les possessions et droits de l'Autriche en Alsace, le Brisgau, les villes forestières. Aussi Trautmansdorf échouait dans ses efforts, même auprès des protestants, pour isoler la France. Au contraire, comme au temps du Père Joseph, la conversation se renouait entre France et Bavière, cette fois par l'intermédiaire du confesseur jésuite de Maximilien, à qui l'on offrait, à Munster, ce marché : l'électorat pour le duc, contre l'Alsace pour le roi de France. E t lorsqu'une armée franco-suédoise (Turenne et Wrangel) apparut sur le Danube, l'armistice d'Ulm (14 mars 1647) garantit à la Francela neutralité de la Bavière, 380 —

    La fin de la guerre allemande

    (1642-1648)

    de la Souabe, de la Franconie et de Cologne. Les t e n t a t i v e s de l'empereur pour incorporer les troupes bavaroises dans son armée et pour ramener à lui Maximilien ne changèrent rien à cette situation, et l'apparition d'une nouvelle armée suédoise d e v a n t Prague, où elle occupa le quartier de Mala S t r a n a et le château de H r a d c a n y , prouva que la politique de GustaveAdolphe restait un facteur considérable. Mais si l'empereur était de plus en plus acculé à la paix, l'Espagne demeurait plus redoutable qu'on n ' a u r a i t pu le croire. E n premier lieu, Mazarin a v a i t échoué dans les t e n t a tives hardies qu'il avait esquissées pour la chasser d'Italie. Cependant, la fiscalité brutale du vice-roi de Los Veles a v a i t déjà causé une révolte en Sicile. La maladresse des maîtres de Milan r e j e t a i t T h o m a s de Savoie du côté de la France. Après l'élection pontificale, Mazarin avait même fait d ' E l b e et de Piombino des bases navales offensives. De là il surveillait non suelement les Présides, mais Naples, où la révolte était imminente, et qui aurait pu fournir, contre alliance et concessions dans l'Italie du Nord, une superbe couronne royale pour la maison de Savoie. E n cas de victoire, le prince Thomas aurait cédé aux Français le p o r t de Gaëte et peut-être, dans l'avenir, les terres françaises de la maison, la Savoie et Nice. Dès avril 1647, sept vaisseaux de Toulon avaient p a r u dans le golfe de Naples. Les impôts imaginés par le duc d'Arcos pour assurer la défense de la capitale — s u r t o u t l'impopulaire t a x e sur les fruits (7 juillet) — provoquèrent une insurrection générale qui s'étendit à t o u t le Reame. On disait que les Espagnols allaient livrer aux bandits la grande ville, qui eut alors ses barricades. Le vice-roi, qui s'était d'abord enfermé au château de l ' Œ u f , f u t obligé de subir la dictature d ' u n contrebandier, crieur de poisson, Tommaso Aniello, qui t r a n c h a i t les têtes des nobles, des riches e t des fonctionnaires espagnols. Rendu d é m e n t p a r sa subite grandeur, assassiné après une décade qui tient du roman, Masaniello devint une sorte de saint populaire, d o n t le cadavre faisait des miracles, comme le sang de saint Janvier, et la révolte continua. Mazarin l'avait accueillie avec « allégresse » : il songeait à donner pour chef aux Napolitains le prince de Condé. Mais que faire avec ces lazzaroni (lazares, ou mendiants) en guenilles dont les violences démagogiques avaient donné la peur à la bourgeoisie aisée et à la noblesse ? Bombardés par la flotte de don J u a n José d'Autriche, ils proclamèrent la république, à l'instar de la Hollande, et se t o u r n è r e n t vers la F r a n c e . — 381 —

    La diplomatie

    mazarine

    et la défaite de

    l'Espagne

    Mazarin, que la faiblesse et l'indécision de ses alliés italiens empêchaient d'encercler Milan, se décidait enfin à lancer son armée navale. Mais ses plans furent traversés par ceux de Henri de Lorraine, duc de Guise, qui se proclamait hériter des rois angevins, et frayait avec le nouveau dicatteur, l'armurier Gennaro Annese. Cette folle équipée gâtait tout, et la flotte française dispersée par la tempête craignit d'avoir à compter avec celle de Blake, qui promenait le pavillon du Parlement d'Angleterre dans la Méditerranée. Le courage personnel du « duc de la République napolitaine » ne pouvait empêcher le nouveau vice-roi, le comte d'Onate, de rentrer dans Naples, et lui-même fut emprisonné. Au début de 1648, l'affaire de Naples, comme les autres aiTaires italiennes, se soldait par un échec. Les choses n'allaient guère mieux en Catalogne, où Condé avait échoué devant Lérida. Mais le vrai champ de bataille franco-espagnol, c'était la frontière des Pays-Bas, où Mazarin avait pour lui l'alliance hollandaise et les sympathies françaises du prince, un petit-fils de Coligny. L'Espagne le savait, et dès 1645 elle avait parlé à La Haye de paix séparée. Elle était aidée par la maladie de Frédéric-Henri, qui tantôt montrait sur les champs de bataille un sens stratégique digne des Nassau et de l'Amiral, tantôt était quasi annihilé par de véritables attaques de paralysie. La princesse d'Orange, Amélie de Solms, était accessible à l'or français comme à l'or espagnol, au plus offrant. La révolte des Portugais dans la moitié hollandaise du Brésil inquiétait les fortunes d'Amsterdam. Si les marins zélandais souhaitaient la continuation d'une profitable guerre de course contre l'Espagne, les bourgeois de Hollande désiraient la paix, par méfiance du stathouder, par crainte surtout de son fils Guillaume en qui l'on pressentait un maître, par crainte aussi de la grandeur française. Singulier paradoxe, les succès franco-hollandais — Courtrai, Gravelines, Mardyck, Furnes, Dunkerque, — desservaient la cause de la France partout victorieuse, Gallia ubique victrix, comme s'exprimaient imprudemment d'orgueilleuses médailles. L'Espagne était presque réduite au quadrilatère Gand-BrugesAnvers-Namur. Déjà Mazarin disposait d'Anvers, parlait d'en faire un marquisat pour Frédéric-Henri. Mais que signifiait pour Amsterdam Anvers aux mains du stathouder, et surtout Dunkerque, nid de corsaires, aux mains de la France ? Moins sage que Richelieu, Mazarin affichait ses velléités d'annexion. Pour couvrir Paris, il parlait d'échanger les Pays-Bas espagnols — 382 —

    La fin de la guerre allemande

    (1642-1648)

    contre la Catalogne, peut-être même accrue du Roussillon, ou de les recevoir en dot si le roi épousait l'infante. Mais alors que deviendrait le sage dicton des sages Hollandais : « Français ami, non voisin », amicus Gallus, non uicinus ? Richelieu avait eu bien soin de promettre à la république un glacis qui la séparerait de son trop puissant allié. Madrid faisait savoir à la Haye que l'imprudente ambition de Mazarin n'avait pas les mêmes scrupules. Allait-elle perdre le précieux glacis ? En janvier 1647, un pamphlet dira crûment : « C'est à cette heure la question : si le Français nous servira mieux pour voisin, ou l'Espagnol ? » et crûment donnait la réponse : « En matière d ' É t a t , les meilleurs voisins sont les plus faibles. » Que pesaient dès Jors les traités de 1G35, de 1G44, par lesquels les deux alliés s'étaient interdit toute paix séparée ? Utrecht, la Frise, voulaient les respecter, et plus encore la Zélande, qui menaça jusqu'au bout de faire sécession. Mais pouvait-on, après cette guerre à peu près ininterrompue de quatre-vingts ans, risquer de détruire la république ? Or c'est la seule Hollande qui aurait été assez riche pour continuer la guerre. Elle reprochait à la France de s'entêter, de ne vouloir céder sur rien, par exemple sur la Lorraine. Et les ProvincesUnies savaient bien que l'Espagne de Philippe IV avait renoncé à les reconquérir. Les pourparlers une fois engagés à Münster, avec l'entremise du nonce, les efforts de Mazarin ne pouvaient que retarder l'inévitable. « Il vaudrait quasi autant être aux galères, écrivait son ambassadeur, que de traiter avec ces gens ici. » Signé à La Haye le 30 janvier 1648, le traité fut ratifié à Münster le 15 mai, dans une séance solennelle qu'a fixée le pinceau de Terburg, au milieu d'une liesse qui semblait amère aux Français et aux Suédois. Les États généraux y gagnaient, outre la reconnaissance définitive de leur souveraineté, la conservation des conquêtes de Maurice et de Frédéric-Henri, les bouches de l'Escaut, — non seulement la côte zélandaise, mais, à gauche, un lambeau de Flandre, — c'est-à-dire le fleuve fermé en amont de Walcheren, Anvers étouffé pour deux siècles, tandis que le régime douanier imposé à Nieuport et à Ostende les garantissait contre la naissance d'un autre- rival d'Amsterdam. Ils gardaient Berg-op-Zoom, Bréda, Bois-le-Duc, et les terres de la « généralité » — c'est-à-dire les conquêtes faites sur l'Espagnol et propriété cojnmune des provinces confédérées, — quoiqu'elles fussent séparées du reste par l'évêché de Liège, Maëstricht — 383 —

    La diplomatie mazarine et la défaite de l'Espagne

    et le « quartier d'outre-Meuse ». Au delà des mers, ce qu'ils avaient arraché à l'empire ibérique, les débris de l'empire portugais de l'Insulinde, et leur moitié du Brésil. Les clauses commerciales leur rouvraient les ports espagnols, où ils seraient assimilés aux Hanséates. On comprend que, dans l'ensemble, les descendants des Gueux aient chanté victoire. Pour l'Espagne, qui sentait fléchir l'Autriche, elle avait sa compensation. La France devait se contenter d'un vain article par lequel les États s'engageaient — en théorie pure — à ne pas appliquer la paix tant que n'était pas faite celle de France et d'Espagne, et à offrir leur médiation aux deux couronnes. En attendant, l'Espagne s'était retirée du Congrès, et la défection hollandaise rendait possible une nouvelle tentative d'invasion de l'archiduc Léopold, gouverneur des Pays-Bas. Condé la brisa devant Lens (20 août 1G48), à la veille de la révolte parisienne. L'empereur n'avait plus qu'à traiter. Il était temps, car la signature de la paix arrêta de justesse la marche sur Vienne et sur Prague de Turenne et de Wrangel : celui-ci jeta par terre son chapeau en apprenant qu'il lui fallait renoncer à écraser l'armée impériale. Par la paix du 24 octobre 1648, la France obtenait enfin la reconnaissance juridique de la possession, vieille de près d'un siècle, des Trois-Évêchés. En Alsace, elle était purement substituée à l'Autriche, c'est-à-dire qu'elle recevait non pas l'Alsace, qui n'était qu'une expression géographique, mais un mélange confus de propriétés et de droits féodaux, souverainetés, suzerainetés, juridictions, à peu près les deux tiers du territoire : immédiatement dans le landgraviat de Haute-Alsace, presque rien que des droits en Basse-Alsace ; la préfecture (bailliage, Landvogiei) des Dix villes impériales (ou Décapole) dont la plus importante était Colmar, et le bailliage de Haguenau. Strasbourg restait dans l'Empire, tandis que Mulhouse était depuis 1515 alliée aux Cantons suisses. Le somptueux latin du traité, la clause lia teneatur — le droit du roi remplacera celui de l'Empire et de la maison d'Autriche — permettaient d'éviter toute précison gênante, de donner et de retenir, de préparer pour l'avenir toutes les chicanes, mais aussi toutes les assimilations. Au reste, ce sont les délégués autrichiens qui, pour grossir la « récompense » accordée à la France, avaient fait croire aux Français qu'il s'agissait partout de droits réels, d'une véritable cession, de province. C'est eux aussi qui, tout en maintenant les droits des abbayes, — 384 —

    La fin de la guerre allemande

    (1642-1648)

    des princes d'Empire possessionnés en Alsace et des ville» impériales, empêchèrent les territoires cédés de rester dans l'Empire. Car Louis XIV, landgrave d'Alsace, aurait pu siéger dans les Diètes. Malgré son désir de faire jouer à son jeune maître un rôle en Allemagne et peut-être d'en faire un candidat à l'Empire, Mazarin finit par tomber d'accord avec les Impériaux, ayant un autre moyen de regard sur les affaires germaniques et ne concevant pas que le Roi Très-Chrétien pût figurer dans l'Empire avec le rang d'un petit prince allemand. L'Autriche préparait donc de ses mains la transformation du statut incertain de l'Alsace, de France et d'Empire tout ensemble, statut que le temps préciserait. A l'Alsace étaient jointes deux têtes de ponts, Brisach et Philippsbourg. De même, à la descente des Alpes, la France gardait Pignerol. La Suède, à Osnabrück, touchait aussi sa « récompense », à savoir non seulement la rive gauche de l'Oder (Poméranie dite antérieure), mais les bouches avec leurs îles, puis les évêchés de Wismar, Brème et Verden, bref les estuaires des trois fleuves allemands ; territoires qui, eux, restaient dans l'Empire, et conféraient au dominateur de la Baltique le titre et les prérogatives de prince allemand. Si Frédéric-Guillaume, le nouvel électeur de Brandebourg, payait les fautes de la politique paternelle et, bien que rallié au parti vainqueur, n'obtenait que la moitié ultérieure de la Poméranie, du moins Halberstadt, Minden, l'expectative de Magdebourg posaient pour lui des jalons sur la route qui mène de Berlin à Clèves. N'ayant pas réussi à épouser Christine de Suède, il s'était rejeté vers la Hollande et, par la fille de Frédéric-Henri, Louise-Henriette, il allait faire de ses enfants les descendants du Taciturne et de Coligny. La Bavière eut son électorat, qu'elle s'était fait promettre par tout le monde, et le Haut-Palatinat. Avec le Bas, on reconstitua un autre électorat, pour le fils du « roi d'hiver ». Cela fit huit électeurs : cinq laïques maintenant contre trois ecclésiastiques, cinq catholiques contre deux luthériens et un calviniste. Passons sur les modifications territoriales de moindre importance. Plus essentiels étaient l'oubli réciproque du passé, la confirmation de la paix religieuse d'Augsbourg et l'extension de cette paix au calvinisme, l'élargissement même de la notion de liberté de conscience, puisque disparaissait l'obligation pour les sujets de renoncer à leur religion si leur prince venait à en changer; le report, de 1627 à 1624, de l'année normale de sécularisa— 385 —

    La diplomatie matarine et la défaite de VEtpagne

    tion, donc l'échec de la Contre-Réforme allemande et, d u m ê m e coup, l'échec de la t e n t a t i v e des H a b s b o u r g pour faire de l'Allemagne une monarchie. C'est aussi, en un certain sens, l'échec des efforts poursuivis depuis Charles Quint pour unir les deux branches de la maison. Le cauchemar de Richelieu, l'encerclem e n t espagnol, a disparu. Le caractère propre de la situation créée — il serait plus exact de dire reconnue — par les traités de Westphalie, et qui subsistera d u r a n t cent cinquante ans, c'est que l'Allemagne a désormais Une constitution — Constilutio westfalica — qui est partie intégrante du droit public européen. Les trois cent cinquante É t a t s membres de l'Empire, les villes dorénavant en égalité avec les électeurs et les princes, o n t non seulement une véritable souveraineté '(jus territoriale) sur leurs domaines, mais le jus fœderis, droit de conclure des traités entre eux et avec les É t a t s étrangers, sans a u t r e autorité que leur conscience pour leur imposer le respect des droits de l'Empire et de l'Empereur. Le Saint-Empire n'est plus q u ' u u m o i v i d e , un décor de diètes et de « collèges » réduits à l'impuissance E t , p o u r bien assurer la perpétuité de cette impuissance, la paix allemande a pour « garantes » deux puissances étrangères, Suède et France, dont une fera même partie du corps germani jue (avec 3 voix à lu dicte), et qui toutes deux pourront, à t o u t m o m e n t , intervenir dans les affaires de l'Empire. Innocent X protesta en vain contre- les clauses religieuses du traité par la bulle Zelu domusDei. En réalité, avec tous leurs défauts, les traités de Munster et d'Osnabrùck m a r q u a i e n t la fin d ' u n e époque. Il serait exagéré de dire que les questions religieuses ne seront plus un facteur de guerre. Mais la dernière des guerres de religion est close. Quant à l'Allemagne elle-même, en quel était sortait-elle de ces trente années d'une guerre poursuivie sur son territoire ? Troupes composées de mercenaires de toutes les nationalités, Espagnols, Comtois ou Wallons. Italiens, Anglais, Écossais, Irlandais, Danois, Suédois, Finnois et j u s q u ' à des Lapons, Polonais, à côté, des Français et des Allemands de toutes les Alleinagnes, ramassis de toutes les convoitises, de toutes les misères et de tous les vices ; armées de Spinola, de Tilly, de Mansfeld, de Valdstejn, armées de Gustave, de Torstenson, de Baner, de Wrangel qui traversent cinq ou six fois t o u t le pays, des mers septentrionales jusqu'en Bohème et ai. D a n u b e ; aimées françaises de Guf'briant, de Coudé, de Turenne, toutes avaient pris l'Empire pour c h a m p de bataille et pour campement, s'y ravitaillant par la force, semant avec la t e r r e u r — 386 —

    La fin de la fuerrt allemande (1641-1648 ) la famine et les épidémies, s ' e n t r a î n a n t à toutes les atrocités, continuant, lorsqu'elles étaient licenciées, à ravager les campagnes, et peut-être jamais plus dévastatrices que d u r a n t les dernières années, celles où l'on négociait la paix. Armées où le nombre des filles, des valets, des t r a i t a n t s égalait celui des c o m b a t t a n t s . « De quoi ces bandes auraient-elles pu vivre, disent des chroniqueurs, si, au j o u r le jour, elles n ' a v a i e n t volé de quoi ne pas mourir de faim ? » Mais que découvrir en un p a y s « où il n'existait plus un seul h a m e a u où l'on eût pu trouver, même en le p a y a n t un monceau d'or, un seul morceau de pain » ? La désolation même de la Bourgogne ou de la Champagne n ' a t t e i n t pas celle de la Poméranie et du Brandebourg, de la Bohême et de la Silésie. Un petit comté de Thuringe, relativem e n t protégé, a perdu au cours de l'horrible guerre 70 % de ses familles et 60 % de ses maisons, celles qui restent n ' é t a n t souv e n t que des h u t t e s construites avec les débris. Depuis 1634 le nombre des bêtes à cornes a diminué des 5 / 6 . Il faudra d e u x siècles pour que ce territoire recouvre en hommes et en bêtes les effectifs de 1634. Telle bourgade, d ' u n millier d ' h a b i t a n t s , en a perdu cinq cents de la peste en un an ; sa population se nourrit de son, de tourt e a u x de graine de lin, et on l'appelle Nimmersladl (« J a m a i s ville ») ; les cavaliers suédois n ' y trouvent que des loups. Les villes, rançonnées, encombrées par les fugitifs des campagnes, dépeuplées par les maladies, n'évitaient oas t o u j o u r s le sac, p a r exemple Magdebourg, qui f u t assiégée dix fois. Leipzig le f u t cinq fois. Prise trois fois par les Impériaux, une fois p a r les Suédois, convertie de force par des moines guerriers, une petite ville lainière des confins de la Bohême et de la Silésie, riche de plus de 6.000 âmes, voit ses bourgeois fuir dans les forêts, ses toits s'effondrer. H u i t ans après la paix elle n ' a u r a pas recouvré plus de 850 h a b i t a n t s . P o u r l'Allemagne, comme pour la France, la guerre de T r e n t e ans, en même temps q u ' u n e vaste opération politique et religieuse, a été une immense saignée. E n Allemagne, elle a laissé derrière elle une sorte de neurasthénie collective, recrudescence de la foi aux puissances occultes et à la possession, essor d ' u n mysticisme où p r o t e s t a n t s et catholiques cherchent une libération, développement de la mendicité, de la gueuserie et du I rigandage. Ce qui est aussi grave, c'est la disparition du sens politique, on peut presque dire du sens national. Il serait assurément puéril de se d e m a n d e r si Richelieu, — 387 —

    La diplomatie

    mazarlnt

    et la di/aiU

    de l'Et

    pagne

    Français préoccupé avant tout de la sécurité de son pays et dé la solidité de ses frontières, aurait été plus sage que le virtuose qui voyait dans la politique un jeu supérieur. Toujours est-il que l'Italien, en imposant à l'Allemagne un régime d'anarchie contrôlée, en la maintenant sous l'hégémonie de deux É t a t s et bientôt d'un seul, exaltait l'orgueil de son royal élève et engageait la France et l'Europe dans la voie des grandioses aventures. Sur un point, l'action de Mazarin devait avoir des conséquences heureusement durables. Les treize cantons suisses, trop souvent engagés dans la guerre sur le revers des Alpes et le long des défilés rhénans, avaient essayé, dès 1647, de se donner, sous le nom de Defensional, une organisation militaire fédérale. Les cantons évangéliques d'abord, puis les autres avaient souhaité leur « inclusion » dans la paix générale et la reconnaissance de leur souveraineté, l'abolition des survivances féodales qui pesaient sur eux. Leurs délégués eurent, à Münster et à Osnabrück, l'appui des plénipotentiaires français, et c'est au traité de Westphalie que le Corps helvétique doit d'être devenu une personne de droit public, désormais indépendante du SaintEmpire. L'œuvre commencée à Morgarten était enfin consacrée.

    NÉES

    II. — DE LA PAIX DE WESTPHALIE (1648-1659J1

    A LA PAIX DES

    PYRÊ

    Revenons un peu en arrière. Devant la défection hollandaise et la paix allemande, les deux belligérants, France et Espagne, se préoccupaient de l'attitude de l'Angleterre. Aussi, malgré les préjugés monarchiques, ni Mazarin ni Luis de Haro n'avaient tardé à courtiser à qui mieux mieux les « barbares insulaires ». Les chances semblaient être pour l'Espagne, avec qui les marchands de Londres voulaient commercer. E t c'était, avec 1. OUVRAGES A CONSULTER. — T . W . F u l t o n , The sovereigntg of Ihe sea (Londres 1911, in-8») ; G. E d m u n s o n , Anglo-Dutch rivalry, 1600-1653 (Oxford, 1911, ln-8°) H et nederlandsche Seewesen [La marine néerlandaise] (Haarlem, 1858, 2 vol. in-8») O. A. J o h n s e n , L'Acte de navigation anglais de 1651, dans la Revue d'histoir moderne, 1934, p. 5-15 ; L . A. H a r p e r , The Englteh Navigation Laws (New Y o r k , 1939 in-8°) ; A. Renée, Les nièces de Mazarin (Paris, 1858,2 vol. in-8°) ; L. Pérey, Le roman du grand roi (Paris, 1894, in-8°), et même le p e t i t livre de Mme S a i n t - R e n é Taillandier, Le mariage de Louis XIV (Paris, 1931, in-16) ; Valfrey, Hugues de Lionne ( P a r i s 1877-1881, 2 vol. in-8") ; B. E r d m a n n s d ö r f e r , Deutsche Geschichte vom westfälischen, Frieden bis zum Regierungsantritt Friedrich des Grossen, 1648-1740 (Berlin, 18921893, 2 vol. in-8°, de 1' « Allgemeine Geschichte in Einzeldarstellungen • p u b l . p a r Oncken) ; Chr. Pflster, Histoire de Nancy, t . I I I (Paris et N a n c y , 1908, in-4'), ch. II et u i . O n reverra sur Mazarin U . Silvagni, Il cardinal Mcaiarino (Turin, 1828, in-8*) — 388 —

    De la paix de Wetlphalie à la paix de§ Pyrénées (1648-1059) «on aveu, contre les Français autant que contre les corsaires barbaresques que la flotte de Blake avait balayé la Méditerranée. Le grand-duc de Toscane l'avait reçue à Livourne, escale de la Compagnie anglaise du Levant, cette rivale directe de la France. Blake avait montré le pavillon républicain à Tunis, remporté une victoire à Porto Farina, signé un traité avec le dey d'Alger. Mais la grande préoccupation anglaise était plus voisine, se rattachant à la controverse, illustrée par les ouvrages de Grotius et de Selden pour et contre la liberté des mers 1 . Sur les Océans, et dès le temps des Stuarts, dès le fameux massacre d'Amboine en 1623, l'expansion anglaise se heurtait partout aux Hollandais. Jusque dans l'Amérique du Nord, entre les colonies puritaines de la Nouvelle-Angleterre et les « plantations » aristocratiques du Maryland et de la Virginie, les Hollandais avaient enfoncé le coin de leur Nouvelle-Hollande et, à l'embouchure de l'Hudson, barré la presqu'île de Manhattan par la palissade (le wall) de leur Nieuw-Amsterdam. Londres leur en voulait des relations entre les Orange et les Stuarts, de l'asile qu'ils offraient chez eux aux émigrés royalites, mais plus encore de leur rôle de commissionnaires universels, qu'ils développaient au détriment du commerce anglais. Dès 1630, Thomas Mun parlait de cette puissance commerciale de la Hollande avec une admiration mêlée de colère jalouse. Les Anglais du Commonwealih en vinrent à offrir à ce petit peuple le choix entre deux parties d'une alternative : ou bien l'alliance intime, une sorte de fusion fédérale entre les deux républiques calvinistes, ou bien la lutte. Celle-ci devait l'emporter. E n fait les ports anglais s'étaient fermés aux vaisseaux néerlandais avant le vote de l'Acte de navigation de 1651 (9 octobre), qu'on a eu tort d'attribuer à Cromwell, et d'ailleurs cet Acte ne faisait que généraliser une politique traditionnelle. Mais il visait surtout les ProvincesUnies, en réservant aux navires anglais (y compris ceux des territoires anglais d'outre-mer constructeurs de navires) l'importation des produits coloniaux, en interdisant l'entrée des marchandises européennes étrangères sur d'autres navires que ceux du pays d'origine ou les navires anglais. C'était atteindre directement les rouliers des mers. Or les marchands des Provinces, effrayés des tentatives de coup d ' É t a t monarchique de Guillaume I I , avaient profité de 1. Cf. p. 346.

    — 389 —

    La diplomatie mazarine et la défaite de l'Espagne

    sa mort (6 novembre 1650) pour supprimer les titres de stathouder et d'amiral-général. Mais les États généraux, seuls maîtres désormais de la République, n'étaient guère aptes à faire la guerre. Ma'gré d'éclatantes qualités, leurs marins, Tromp, qui s'était illustré dans la guerre contre l'Espagne en 1639, et Ruyter, ne purent (1653) que semer la terreur dans Londres en remontant la Tamise. Leurs vaisseaux ne réussissaient pas à tenir contre la flotte plus robuste et plus manœuvrière que Blake avait donnée à l'Angleterre. Cromwell, trop bon calviniste pour souhaiter l'écrasement de la république sœur, se contenta, par le traité de Westminster de 1654, de lui imposer l'expulsion des Stuarts et des émigrés, le salut au pavillon britannique dans « les mers étroites », des indemnités pour les dommages subis par des Anglais outre-mer, enfin l'exclusion à toujours de la maison d'Orange de toutes charges de guerre ou d ' É t a t . Pour annihiler le rapprochement dano-hollandais, il se tournait vers la Suède et obtenait du Danemark les mêmes facilités que les Provinces-Unies pour le passage du Sund. Bien que le Protecteur n'ait pas joué dans l'expansion commerciale commencée avant lui et poursuivie par la Restauration le rôle que lui prête la légende, il reste que la victoire de Blake lui a révélé la vocation navale et, peut-on dire, impériale de la Grande-Bretagne. Est-il vrai que, s'il avait échangé son titre de Protecteur contre un autre, ç'aurait été contre celui d'empereur des Iles britanniques, Oliverius Maximus Insularum Brilannicarum Imperator Augustus ? C'est à lui que Harrington dédie son livre si typiquement intitulé Oceana où il demande « s'il est légitime pour une république d'aspirer à l'empire du monde » et répond : « C'est demander s'il est légitime pour elle de faire son devoir, ou de mettre le monde dans une meilleure condition qu'auparavant. » Aussi Cromwell laissait-il Blake partir pour les Indes occidentales, tenter de saisir l'Isthme de façon à couper la route de terre des trésors du Pérou. Blake échouait à Saint-Domingue, mais se rattrapait sur la Jamaïque, mal défendue, et que l'Angleterre ne lâchera plus. La nouvelle parvint à Londres comme une ambassade extraordinaire de Philippe IV offrait au Protecteur une alliance. Mais sur deux points les négociations échouèrent : le droit pour les Anglais de séjourner en Espagne sans être inquiétés par l'Inquisition, l'ouverture à leur commerce des Indes occidentales. Malgré les marchands drapiers de Londres, Cromwell se décida pour la guerre. -

    390 —

    De la paix de Westphalie

    à la paix des Pyrénées

    (1648-1659 )

    Cependant le chef puritain en voulait à Mazarin d'avoir envoyé des régiments français à la régente de Savoie, Christine, lorsqu'en 1655 celle-ci avait ordonné aux Vaudois dispersés dans le Piémont de rentrer avant trois jours dans leurs vallées, sous peine de mort et de confiscation, ou de se faire catholiques. Les troupes avaient brûlé les villages, massacré les populations. Une collecte pour ces malheureux, dans l'Angleterre appauvrie par les révolutions, avait produit 40.000 livres sterling. Le Prôtecteur faisait appel aux puissances protestantes et réclamait l'intervention de la France. Mazarin ne manqua pas l'occasion, car il restait fidèle à cette doctrine de Richelieu : rechercher toujours l'amitié de l'Angleterre, quel que fût son gouvernement. Dès novembre 1655, une convention commerciale était signée entre le Roi Très Chrétien et le régicide ; des arbitres régleraient la question des prises dont étaient victimes les navires marchands des deux nations ; d'autres (ils ne furent jamais désignés) statueraient sur les forts acadiens pris aux Français. Mais, ce qui dépassait le cadre commercial, les deux États s'engageaient à ne pas soutenir les rebelles l'un de l'autre. Un article secret excluait de France Charles et Jacques, plus dixsept de leurs partisans, et d'Angleterre les complices de Condé, les « cromwellistes » de Bordeaux. On disait déjà que si l'on prenait Dunkerque, elle serait pour l'Angleterre, inconsolée de la perte de Calais. La mort de l'infant Baltazar Carlos avait affaibli la monarchie, et une conspiration avait tenté (1648-49) d'unir non plus le Portugal à l'Espagne, mais bien l'Espagne au Portugal par un mariage entre Jean IV et l'infante Marie-Thérèse, avec assassinat du roi d'Espagne. L'avènement à Lisbonne d'un enfant de treize ans (1656) n'empêchait pas les troupes castillanes d'être défaites à Badajoz. Il est vrai que, sollicité par les Cortès de conclure un second mariage avec Marie-Anne, fille de Ferdinand III, Philippe était devenu père d'un nouvel infant, Felipe Prospero (1657), ce qui lui permettait de fermer l'oreille aux propositions, présentées par Mazarin dès 1656, d'une paix cimentée par un mariage entre l'infante et Louis XIV. Mazarin se rendit compte que le seul moyen de précipiter la fin d'une guerre qui durait depuis vingt-deux ans, c'était de conclure une alliance formelle, offensive et défensive, avec Cromwell (23 mars 1657). Elle comportait un projet d'attaque commune contre Gravelines, qui serait pour la France, Mardyck et Dunkerque. Turenne, qui avait en face de lui les Espagnols de — 801



    La diplomatie

    mazarine

    et la dé/aile de

    l'Espagne

    Condé, reçut six mille Anglais qu'il employa en Picardie et en Hainaut. Mais les Anglais ne s'intéressaient qu'à la côte. Mazarin, « bien aise de contenter en cela M. le Protecteur », signa un nouveau traité (28 mars 1658) qui prévoyait une action de la flotte anglaise. Le siège fut mis devant Dunkerque, et, sur sur les Dunes mêmes (14 juin), Turenne rompit le front espagnol : « Toute leur armée se mit en désordre sans ralliement » une armée dans laquelle figuraient le duc d'York et les royalistes anglais ; une partie de l'infanterie se sauva « dans les marais ; tout le reste fut pris ». Trois à quatre mille prisonniers, mille tués, contre de faibles pertes franco-anglaises, Dunkerque capitulant et remise aux Anglais (25 juin), les villes de la Lys tombent aux mains de Turenne. Mazarin n'a plus, pour presser l'Espagne, qu'à se livrer à ce que la langue de nos jours appllerait un chantage diplomatique, c'est-à-dire à simuler, à Lyon même, un projet de négociation matrimoniale avec la Savoie. E t derrière ce fallacieux décor, cet homme qui d'ordinaire poussait avec un népotisme tout romain l'avancement de sa famille, aura le courage et le désintéressement de forcer le jeune roi, qui avait failli mourir devant Dunkerque, à renoncer aux beaux yeux de Marie Mancini. L'oncle a barré la route à cette nièce trop ambitieuse, Bérénice du nouveau Titus. Tout était prêt dès lors. Si les Provinces-Unies, en déclarant la guerre au Portugal pour défendre leur Brésil, rendaient indirectement service à l'Espagne, le Danemark avait été obligé de demander la médiation franco-anglaise pour obtenir en février la paix de Roeskilde. En Allemagne Ferdinand était mort dès avril 1657. Mazarin, grand faiseur de rêves malgré son esprit réaliste, avait songé à faire élire Louis XIV, et en même temps peut-être à se faire pape, réunissant ainsi autour de la France « les deux moitiés de Dieu ». En vain ; il avait dû renoncer même à faire, faute de mieux, de son allié bavarois un roi des Romains. Si le Saint-Empire n'était plus qu'un mot, ce mot restait la propriété des Habsbourg. Mais Mazarin le vidait encore de son contenu et tirait les conséquences du traité de Westphalie en obtenant que la diète imposât à Léopold de ne pas se mêler aux guerres d'Italie et du cercle de Bourgogne, c'est-à-dire d'abandonner à leur sort les Habsbourg d'Espagne. Le 15 août 1658, une ligue « pour maintenir la paix » se négociait entre les trois électeurs ecclésiastiques, Neubourg, Brunswick, la Hesse, la Suède garante, avec l'adhésion de l'autre garante, la France. On peut dire que par cet acte, signé pour trois ans, — 392 —

    De la paix de Westphalie à ta paix de» Pyriniet

    (1648-1059)

    mais q u e Mazarin renouvellera a v a n t de m o u r i r , la vraie f r o n tière de la F r a n c e , m a r g e politique d é p a s s a n t la f r o n t i è r e territoriale, é t a i t reportée j u s q u ' a u R h i n . Trêves, Mayence, Cologne, clientes du Roi Très Chrétien, d e v e n a i e n t les i n s t r u m e n t s de l ' a m b i t i e u s e politique a l l e m a n d e q u e le c o n f i d e n t d ' A n n e d ' A u t r i c h e a v a i t , en artiste des g r a n d e s combinaisons, édifiée p o u r son roi. L ' E s p a g n e , isolée, se s e n t a i t à b o u t de forces. Elle a v a i t , à L y o n m ê m e , t r a v e r s é la négociation s a v o y a r d e , puis signé à P a r i s des préliminaires. E t t a n d i s q u e la reine-mère m e n a i t vers les P y r é n é e s le fiancé récalcitrant, don Luis de H a r o s'achem i n a i t , en a o û t 1659, vers la Bidassoa. P o u r c e t t e grandissime affaire, Mazarin est à S a i n t - J e a n - d e - L u z dès la fin de juillet j u s q u ' e n n o v e m b r e , t a n d i s que la cour de F r a n c e est c o m m e t r a n s f é r é e à Toulouse, p o u r venir d a n s le p e t i t p o r t b a s q u e en m a i - j u i n 1660. Longs p o u r p a r l e r s d a n s l'île de la Conférence, où le pundonor castillan s ' e m p l o y a d ' a b o r d à faire r e n t r e r Condé d a n s les bonnes grâces du roi. L a F r a n c e r e n d a i t aussi u n e p a r t de ses conquêtes des dernières c a m p a g n e s ; mais, c o m m e r a n ç o n du prince rebelle, elle recevait Avesnes, Philippeville e t Marienbourg ; elle g a r d a i t le Roussillon et sa p a r t de Cerdagne, presque t o u t l'Artois, Gravelines e t B o u r b o u r g a u x p o r t e s de D u n k e r q u e , des places du H a i n a u t et d ' a u t r e s en L u x e m b o u r g , n o t a m m e n t Thionville, qui o u v r a i t à Metz la vallée inférieure de la Moselle. Juliers, c o n f o r m é m e n t au v r a i « dessein » de H e n r i IV, revenait au duc de N e u b o u r g . Q u a n t à la Lorraine, occupée p a r les F r a n ç a i s , c ' é t a i t u n e bien curieuse histoire : en 1645, l ' a v e n t u r i e r Charles IV a v a i t inquiété les E s p a g n o l s qui, en l ' e m p r i s o n n a n t à A n v e r s , puis à Tolède, l ' a v a i e n t r e j e t é d a n s le c a m p français, e t c'est Mazarin qui le fit m e t t r e en liberté, mais p o u r disposer sans lui de ses territoires. Les villes de l'Argonne et Moyenvic d e v i e n n e n t à j a m a i s françaises et, si l'on rend a u d u c son duché, c'est a p r è s avoir d é m a n t e l é sa capitale e t lui avoir imposé de laisser en t o u t t e m p s libre passage à t r a v e r s ses É t a t s a u x t r o u p e s qui s'en i r o n t de C h a m p a g n e e t des Trois É v é c h é s vers l'Alsace et les t ê t e s de p o n t rhénanes. Ainsi se complète l ' œ u v r e du t r a i t é de W e s t phalie e t de la Ligue du R h i n : la Lorraine est t o u j o u r s d ' E m p i r e , m a i s traversée p a r u n e r o u t e française. A Vincennes, en 1661, Charles IV d e v r a ratifier ce t r a i t é : on consentira s e u l e m e n t à lui r e s t i t u e r le Barrois, m ê m e le Barrois « m o u v a n t », m a i s e n p r e n a n t les places qui j a l o n n e n t la r o u t e et, v e r s Thionville, — 393 —

    La diplomatie mazarine el la défaite de l'Espagne

    celle de Sierck. Cent ans et plus avant l'annexion formelle, la Lorraine entre définitivement dans l'orbite française, achevant ce qu'on peut appeler la marche cis-rhénane de la France. Toutes les négociations mazarines avaient convergé vers ce but suprême. Ceci pour le passé. Pour l'avenir, 11 est vrai que l'infante Marie-Thérèse, que l'on maria en juin 16G0 dans l'humble église de Saint-Jean-de-Luz, renonçait à tout droit à l'héritage paternel, Pays-Bas compris (l'infant Prospcro était mort, son frère Ferdinand était mourant, Charles n'était pas né). Mais la clause insérée par l'ambassadeur de Mazarin, Hugues de Lionne, dans l'acte du 7 novembre 1659, le fameux « moyennant », établissait un lien de droit entre cette renonciation et la dot de 500.000 écus d'or, dont Mazarin savait que le Trésor espagnol ne pourrait pas la payer. Dans la corbeille de l'infante, le rusé cardinal, toujours entraîné par sa mégalomanie, avait déposé ce cadeau fatal : la succession d'Espagne, c'est-à-dire la guerre où s'abîmera cette prépondérance française à laquelle Richelieu avait travaillé et que Mazarin se flattait d'avoir parachevée. Dans l'île des Faisans comme sur le Rhin, il a fait une grande politique, dont on n'ose dire qu'elle ait été une politique nationale française.

    — 31M —

    C H A P I T R E IV

    L'EUROPE

    DE L'EST

    ET LA PAIX

    DU

    NORD1

    L ' œ u v r e de Mazarin n'aurait pas été complète s'il n ' a v a i t porté son regard que sur le Rhin, les Pays-Bas et les Pyrénées. L'Intervention du Danemark et de la Suède dans l'Empire, le lien qui s'était établi entre la crise allemande et la lutte pour la domination de la Baltique, ne permettaient pas de considérer que les traités de Munster et d'Osnabriick et celui de l'île des Faisans eussent suffi à rétablir la paix européenne. D'ailleurs, nous l'avons dit souvent. l'Europe occidentale du x v i e et du début du x v i i e siècle n ' é t a i t ni ignorante de ce qui se passait à l'est et au nord, ni indifférente aux destinéés des pays riverains de la Baltique. France, Angleterre, Pays-Bas en suivaient de très près l'évolution et c'est là-bas aussi que Mazarin essaiera d'asseoir la prépondérance française. Mais, pour comprendre les jeux de la politique nordique, il f a u t revenir sur les transformations intérieures des principaux É t a t s en cause. I. — LA RUSSJE

    ET LE « TEMPS

    DES

    TROUBLES

    On se souvient qu'après la comédie d'abdication d ' I v a n IV en 1564 et sa création en 15G5 de \'oprilchina, le conflit avait 1 . O U V R A G E S D ' E N S E M B L E A C O N S U L T E R . — La bibliographie générale a été donnée p. 103, n. 1. Ajouter E. H a u m a n t , Lu guerre du nord et la paix d'Oliua, ¡633-1660 (Paris, 1893, in-8°). 2. O U V R A G E S A C O N S U L T E R . — La bibliographie spéciale à la Russie se trouve p. 103, n. 1. L'ouvrage essentiel est aujourd'hui l'Histoire de la Russie de P. Milioukov, Ch. Seignobos et L. Eisenmann, t. I (Paris, 1932, in-8°). Voir encore Th. Schiemann, Russland, Polen und Liuland bis im XVII. Jahrhundert (Berlin, 1886-1887, 2 vol. in-8°, de 1' > Allg'meirie Geschichte in Einzeldarstellungen » publ. par W. Oncken), et le t. I " de K. Stâlili'V, Gescllichte Riisslands (Berlin et Leipzig, 1923, in-8°> ; P. Milioukov. Essais sur l'histoire de la civilisttlion russe, trad. franç. par P. D r a m i s et P. Soskice (Paris. 15)01, in-8°). En russe, S. F. Platonov a publié Récils sur le temps des troubles (1888) et Esquisses du temps des troubles (1910). Ajoutons Nisbet Bain, The firsl Romanous. 1613-1725 (Londres, 1905, ln-8«) ; S. Platonov, loan Grozny [Ivan le Terrible] (Moscou, 1923, in-8°) ; du même, Moska

    — 395 —

    L'Europe de l'ai *t la paix du nord

    éclaté entre l'aristocratie historique des bojars et l'autocratie, naissante. Les familles princières décimées p a r les exécutions et brisées par les tortures, reléguées dans les provinces lointaines dépouillées de leurs apanages sous l'accusation de « trahison », le tsar distribuait leurs terres à ses fidèles. A l'ancienne noblesse se substituent les « hommes de service », vaste t r a n s f e r t de propriété et d'influence qui va donner tous ses résultats sous les successeurs d ' I v a n . Ses guerres s'étaient assez médiocrement terminées. E n 1571 il avait encore laissé les T a t a r s incendier une partie de Moscou ; il avait cédé au khan la Basse-Volga et A s t r a k h a n ; il aurait même perdu Kazan si l'indécision de ses ennemis ne l'avait sauvé. E n l u t t a n t contre la Suède et la Pologne-Lituanie, il a v a i t occupé Vilno, mais une guerre de six ans le rejeta vers l'est et le nouveau roi de Pologne, Stephen B â t h o r y , reprit Polotsk et assiégea même Pskov. La paix f u t négociée par le jésuite Possevino, l'habile médiateur qui espérait t o u j o u r s servir la cause de l'union des Églises, mais Ivan (1582) d u t renoncer à t o u t e s ses conquêtes livoniennes. E n somme, il n ' y a guère dans son règne de quoi justifier l'orgueil démesuré du tsar, la façon insolente dont il écrit au roi'de Suède en u n style oriental e m p r u n t é a u x khans, v a n t a n t ses richesses, ses villes, ses victoires, r e f u s a n t d'appeler frère le roi de Danemark. Il n ' e u t de succès réel q u ' e n Sibérie, où la famille Stroganov, établie sur la K a m a , organisait contre les T a t a r s des expéditions mi-commerciales mi-guerrières pour la conquête des fourrures (surtout zibelines). Contre le k h a n K o u t c h o u m elle lançait les cosaaues de l ' h e t m a n Y e r m a k , qui touchait à l'Ob e t à l ' I r t y c h . Dès lors commence u n glissement de population qui aboutira à la création de Tobolsk (1587), de Tomsk (1604), de Jénisseisk (1618) et q u ' o n accusera bientôt de vider la Russie d u nord. A la m o r t du t s a r « terrible » (1584) éclatèrent tous les m é c o n t e n t e m e n t s comprimés par la terreur, et le « t e m p s des t Zapad v XVI-XVII vekakh [Moscou et l'Occident aux ï v i ^ - x v i n ' siècles] (Liningrad, 1925, in-8°) ; du même également, Boris Godounoo, tsar de Russie, trad. franç. de l'ouvrage paru en russe en 1921, par H. de Witte (Paris, 1929, in-8») ; S. Melgunov, Les mouuements religieux en Russie aux XVII' et XVIII• siècles, livre résumé dans le Monde slave, t. IV (1926), p. 381-410 ; J. Kulischer, Russische Wirschaftsgeschichle, t. I " (Iéna, 1925, in-8», du « Handbuch der Wirtschaftsgeschlchte • de G. Brodnitz). On ne rejettera pas l'agréable résumé de WallSzewskl, La crise révolutionnaire, 1684-16H (Paris, 1906, ln-8°).

    — 396 —

    La Ruuie

    et le « lempt des ¡rouble* »

    troubles » débuta par une réaction aristocratique. Il faudrait pouvoir passer très vite sur toutes les révolutions de palais dont le Kremlin fut le théâtre ou l'objet. Disons cependant que l'incapacité de Fédor Ivanovitch, le dernier des descendants de Rourik, laissa tout pouvoir à son beau-frère Boris Godounov, qui avait eu, sous Ivan, la sagesse de ne pas se compromettre avec les terroristes, tout en courtisant le tsar et en épousant la fille d'un oprilchnik, Skouratov. « Grand-écuyer et rcgent », il gouverna dix ans avec fermeté, reprenant aux Suédois Ivangorod, destituant un métropolite, obtenant du chef de l'Église orthodoxe la création d'un patriarche pour la Russie. Il fait exécuter ou exiler les derniers Chouïski. Il s'appuie sur les propriétaires « de service », leur reconnaissant pendant cinq ans le droit de suite sur les paysans déserteurs, interdisant aux grands d'attirer les paysans des petits. Avait-il fait égorger en 1591 un enfant de huit ans, Dmitrij, fils de la dernière femme d'Ivan ? Toujours est-il qu'à la mort de Fédor (1598) et après l'abdication de sa veuve, Irène Godounov, la voie lui devient libre. S'il a contre lui les bojars et leur chef Fédor Nikititch Romanov, neveu de la première femme d'Ivan, il a pour lui la noblesse de service et le clergé. Le nouveau patriarche Job le fait élire tsar par 1' « assemblée nationale », le Zemskij Sobor. Alors la haine et les complots des princes le rendent, comme Ivan, méfiant et cruel. On suscite contre lui le premier des faux Dmitrij, qui sans doute était sincère, qui passe en Pologne, épouse la fille du comte Mniszek ; Rome le soutient parce qu'il est devenu catholique, et qu'avec lui on espère faire triompher la politique de Possevino. Après la mort de Boris, peut-être empoisonné, et de son fils, ce faux Dmitrij règne à Moscou, où la fatalité de la situation le force à lutter contre les bojars. Il eut bientôt scandalisé les Russes par son mépris des traditions, par son entourage polonais, par la chapelle catholique de sa femme Marina, et il fut tué dans une révolte en 1606. Sur la place Rouge la foule fait un tsar, Vasili Chouïski. Mais alors, contre les bojars, ce sont les paysans et surtout les serfs du sud-ouest qui s'insurgent sous la direction de l'un d'eux, Bolotnikov, aventurier qui avait été en Turquie, en Pologne, en Italie. Par peur d'une jacquerie, la révolte noble des frères Liapounov se rallie à Vasili, tandis que surgit un nouveau Dmitrij, celui-là un véritable imposteur, en qui Marina dit reconnaître son époux. Il rassemble tous les révoltés, des Lituaniens, des Polonais, et f a i t de son camp de Tousino un foyer de brigandage contre — 397 —

    L'Europe de reel el la paix du nord Moscou voisine, c o n t r e les m o n a s t è r e s . Chouïski est obligé d e d e m a n d e r secours à la Suède, qui lui envoie un La G a r d i e , a u x A n g l a i s de V o l o g d a , a u x milices u r b a i n e s et r u r a l e s levées c o n t r e Tousino. Mais l ' i n t e r v e n t i o n de Sigismond (des b o j a r s o f f r e n t la c o u r o n n e à son fils Stanislas) o u v r e en 1610 u n e nouvelle p é r i o d e : la période polonaise d e l'histoire m o s c o v i t e . Chouïski, d é t r ô n é e t moine, p a r t p o u r la Pologne, qui i n s t a l l e u n e g a r n i s o n a u K r e m l i n , f a i t m o u r i r d a n s les supplices le p a t r i a r c h e H e r m o g è n e . E n v a i n u n e milice de nobles, de cosaques, de p a y s a n s , cerne le K r e m l i n , sous L i a p o u n o v , T r o u b e t z k o ï e t Z a r o u z k i j , d e v e n u l ' a m a n t de M a r i n a . Les discordes e n t r e les chefs e t les g r o u p e s , les a s s a s s i n a t s b r i s e n t leurs forces. C'est u n e v é r i t a b l e dissociation d e la Russie : les Suédois d o m i n e n t le p a y s de N o v g o r o d , et les A n g l a i s t o u t le n o r d . Alors, d u m o n a s t è r e de T r o ï t s a Sergiévo p a r t le m o t d ' o r d r e n a t i o n a l . L ' u n i o n se r é t a b l i t enLre les villes, a u t o u r du starets de N i j n i j N o v g o r o d . Les P o l o n a i s c a p i t u l e n t d e v a n t l ' a r m é e du prince P o j a r s k i j et, a v e c la r é u n i o n d u S o b o r d e 1613, s ' a f f i r m e le n a t i o n a l i s m e russe : exclusion d e s c a n d i d a t s n o n russes e t des chefs de p a r t i , élection de Michel F é d o r o v i t c h R o m a n o v , le fils de Nikititcli, lequel est d e v e n u le m o i n e F i l a r è t e . Ainsi n a î t (21 f é v r i e r - 3 m a r s 1613) u n e n o u v e l l e d y n a s t i e , e t qui d u r e r a trois siècles. On a t t e n d a i t d u j e u n e Michel (1613 1645) le renforcement* d e l ' É t a t . B a t t r e e t e x é c u t e r Z a r o u z k i j , m a i n t e n a n t allié a v e c le c h a h e t en t r a i n de se f o n d e r un r o y a u m e a u t o u r d ' A s t r a k h a n , e x t e r m i n e r les b a n d e s polonaises e t cosaques, r e p o u s s e r les S u é d o i s d o n t le roi assiège P s k o v , c'est le p r e m i e r a c t e . Mais p a r la p a i x de S t o l b o v o (1617), négociée grâce a u x A n g l a i s e t a u x H o l l a n d a i s , si la S u è d e é v a c u e les t e r r i t o i r e s n o v g o r o d i e n s , elle g a r d e N a r v a e t la côte du golfe de F i n l a n d e . La B a l t i q u e n e t a r d e r a p a s à se f e r m e r p o u r un siècle a u x successeurs d ' I v a n . E n v a i n le v i e u x F i l a r è t e , r e n d u p a r les P o l o n a i s , m a î t r e d e S m o l e n s k e t d u D n i e p r , d e v e n u p a t r i a r c h e , v r a i chef d u p o u v o i r sous le n o m de son fils, essaiera de p r o f i t e r des g u e r r e s polonaises c o n t r e la S u è d e et la T u r q u i e . La victoire décisive d u n o u v e a u roi de P o l o g n e L a d i s l a s oblige les Moscovites à r e n o n c e r à la Livonie e t à la C o u r l a n d e , e t à p a y e r 200.000 r o u b l e s (1634). T o u t e s ces l u t t e s russo-polonaises s o n t c o m p l i q u é e s e t d o m i nées p a r l'existence e t l'action d ' u n e société originale, celle des Cosaques, sorte d ' É t a t a n a r c h i q u e e t militaire q u i n ' e s t ni p o l o n a i s ni m o s c o v i t e . Ces cavaliers d e la s t e p p e d u s u d , c h a s — 398 —

    La Rustie cl le • tempi des troublet •

    seurs, pêcheurs, «meilleurs dé miel sauvage, vivent, depuis le x v e siècle finissant, en toute indépendance, hors de toutes les lois ; bandes armées, constamment grossies par les serfs et paysans fugitifs de Moscovie ou de Pologne. Au milieu du xvi e siècle, ils forment une véritable classe guerrière, que le gouvernement polonais essaie d'immatriculer, de transformer en soldats à service perpétuel en leur reconnaissant la propriété de leurs terres, en les laissant recruter par l'élection leurs chefs :. helman, colonels, juges. C'est une troupe de plusieurs dizaines de milliers d'hommes qui défend et étend la marche — l'Ukraine — de l'État polono-lituanien. Plus en aval, à hauteur des rapides (porog) du Dniepr, d'autres cosaques, complètement libres (les Zaporogues), groupent dans un îlot fortifié, la Selch, tous les mécontents de Lituanie et de Pologne, et multiplient les razzias chez les Tatars et les Turcs. La Pologne tantôt les utilise, tantôt redoute des conflits avec le sultan, réprime les ardeurs de ces irréguliers, presque tous orthodoxes, et alliés avec les révoltés ukrainiens. Elle soutient contre eux l'Église uniate, qui a reconnu la souveraineté de Rome en se faisant reconnaître une certaine autonomie rituelle. En 1G38, la Pologne essaie de nommer leurs chefs, de réduire le nombre des inscrits à six mille, de forcer le reste à redevenir paysan, de fermer la steppe cosaque aux fuyards, d'assiéger la Setch. Les paysans sont livrés aux propriétaires et à leurs fermiers juifs. N'importe, les incursions des Cosaques les mènent au cœur de l'Anatolie. Ceux du Don avec ceux du Dniepr se jettent sur Azov et s'y livrent au massacre. Ils résistent à l'immense armée d'Ibrahim et offrent leur conquête au tsar (1641). Le Sobor hésite à accepter cette charge, et cède aux menaces de Stamboul. Alors, contre l'oppression polonaise, un chef de « centaine » (solnik), Bogdan Khmelnitzkij, s'enfuit dans la Setch, s'entend avec le khan de Crimée, entraine les Petits-Russiens de l'Ukraine dans une véritable jacquerie contre les propriétaires, les prêtres catholiques, les Juifs. Le roi Jean-Casimir, après une défaite terrible à Zborovo (1649), est obligé de reconnaître le nouvel hetman, de porter le chiffre des Cosaques à 40.000, d'accorder aux Petits-Russiens des administrations orthodoxes, de recevoir le métropolite de Kiev au Sénat polonais. Mais les paysans refusent de rentrer chez leurs propriétaires, les Polonais n'exécutent pas le traité, et, après deux ans et demi de guerres, Khmelnitzkij se tourne vers Moscou : la rada (conseil) cosaque — 399 —

    L'Ewop*

    at l'est et la paia

    du nord

    prête serment au tsar, fait reconnaître à 60.000 inscrits les vieux privilèges et à elle-même une quasi-indépendance, même diplomatique (sauf en ce qui touche aux rapports avec la Pologne et la Turquie). Cependant la république cosaque accepte un quasiprotectorat, avec un voiévode et une garnison moscovites à Kiev. Cette réunion de la Petite-Russie, ce rapprochement des deux villes saintes est un événement qui compense, en 1654, les pertes éprouvées à l'ouest. En 1645, Michel a été remplacé par son fils Alexis, qui régnera jusqu'en 1676. On aura une idée de ce qu'il y avait encore d'oriental, de semi-tatar dans la Russie du milieu du x v n e siècle, en pensant qu'avant de marier le tsar et d'épouser lui-même la sœur de la nouvelle tsarine, le régent Morozov a, suivant l'usage, rassemblé deux cents jeunes filles, dont les six plus belles ont été présentées au choix d'Alexis. Les parents de la tsarine élue, les Miloslavskij, avec Morozov mettent les finances au pillage, quadruplent l'impôt sur le sel — dans un pays où le peuple, vivait en grande partie de poisson salé, si bien que les poissons pourrissent. Ils irritent les croyants par l'établissement du monopole du tabac, plante défendue par Dieu. Émeutes contre les receveurs d'impôts et les bureaucrates, non seulement à Moscou mais à Pskov, à Novgorod ; émeutes des sirelisi, à qui il fallut distribuer la vodka et l'hydromel ; véritable « guerre des farines » qui prend pour victimes les étrangers suspects d'enlever le blé russe : tout cela finissant par une amnistie forcée, témoignage de la faiblesse du gouvernement tsarien. Au dehors, Alexis aspire un instant au trône polonais. Il mécontente les Ukrainiens, si bien qu'un nouvel hetmán, trois ans après le vote de la rada, se rapproche de la Pologne. Mais contre lui se révolte le fils de Bogdan. Au milieu de ces troubles, c'est tantôt la Pologne, tantôt la Russie qui a le dessus. E t cependant, en dépit de ces désordres qui écartent Moscou de la politique européenne, l ' É t a t russe achève de se constituer. Le groupement des « hommes de service » en trois catégories militaires (ou tchine) lui assure une sorte de ban pour la durée des hostilités. Les terres de « service » deviennent en fait héréditaires, de même que les charges militaires et fiscales qui pèsent sur tous les propriétaires (charges revisées sous Michel), solidairement responsables. C'est pour leur permettre d'acquitter ces charges qu'il faut attacher le paysan à la terre, porter à quinze ans (1607) le délai de recherche des fugitifs, recenser les « âmes » paysannes (1646 et 1648), qui sont parfois même possé — 400 —

    La Ruuie et le « lemp* de$ trouble* » dées (?) par des serfs, considérées comme partie intégrante du domaine, soumises à des cens arbitraires et retenues par l'endettement. Lorsque Alexis recommande, sans prévoir aucune sanction, de ne pas tuer, ni blesser, ni faire mourir de faim les paysans, il en dit long sur ce régime. Dans les villes, autour du centre muré, les posadskij de la périphérie se groupent en corporations, qui sont en même temps des cadres pour l'impôt, et parmi lesquels domident les marchands et les drapiers. Là aussi affluent des paysans, des journaliers, et même les étrangers, que l'orgueil national et l'orhtodoxie sont bien obligés de tolérer dans un intérêt commercial. A Moscou, le faubourg « allemand », Niemetzkaja Sloboda, incendié, à été reconstitué, et les Moscovites s'y rendent comme en un endroit privilégié, foyer de distractions. C'est par là que pénétrent un peu les influences occidentales, du moins dans les vieilles villes du centre, car les villes neuves du sud ne sont que des places de défense. Partout d'ailleurs règne l'orthodoxie, surtout avec Filarète. C'est pour revenir aux sources, pour restaurer l'influence des Grecs, que l'on crée des écoles, un cours de grec à Moscou en 1645, en 1648 une sorte de collège ukrainien. Avec Alexis naît déjà l'idée de l'union de l'Église orthodoxe sous le tsar de Moscou. Mais, dans ses eilorts pour rendre au rituel et au dogme la pureté byzantine, le patriarche Nikon se heurte à la résistance des traditionalistes, des « vieux-croyants », pleins de mépris pour ces Grecs qui n'arrivent, dit Avvakum, que pour vendre des indulgences, et flatter le tsar. Nikon envoie ses adversaires en exil, soumet Avvakum à d'épouvantables tortures en Sibérie, et la Russie connaît en 1654 presque une révolte religieuse, qui continuera même après la chute du patriarche. Les traditions politiques se défendent moins bien. Au début du x v n e siècle, c'était encore une puissance que le Zemskij Sobor, qui assemblait la Douma des bojars, le haut clergé, les élus de la noblesse de service et des posadskij, même en 1613 des paysans ; convoqué fréquemment jusqu'en 1621, puis irrégulièrement, il est consulté sur la guerre et la paix, les impôts, collabore vraiment au gouvernement et à la législation. Alexis lui soumet (1649), un code, recueil des ordonnances déjà en vigueur, mais auquel on ajoute un statut, imité du lituanien, sur le pouvoir souverain. En fixant la situation des diverses classes et en subordonnant chacune d'elles à l'État, le Code d'Alexis ruine en réalité l'idée sur laquelle reposait le Sobor et fraie les voies à l'autocratie. — 401 —

    L'Ëunpe

    4t t'e»t tt la palc

    II. — SUÈDE,

    4a

    POLOGNE

    n»r4 ET DANEMARK

    (1633

    1661

    Lorsqu'au lendemain de Liitzen Stockholm avait célébré en l'honneur de Gustave-Adolphe d'héroïques funérailles, sa fille Christine était une reine de cinq ans. Mais la puissance suédoise avait tenu grâce au Conseil d ' É t a t (Riksdag), composé de nobles, et dont le délégué pour les affaires allemandes était le grandchancelier Axel Oxenstjerna. On sait comment l'habileté supérieure de ce grand politique, le mérite des généraux élevés à l'école de Gustave-Adolphe et l'alliance de la France avaient mené la Suède au triomphe de 1648. Mazarin, dix ans plus tard, jugera la solidité de l ' É t a t suédois : « La nation suédoise étant fort sage et ayant si grand amour pour la gloire de sa patrie, elle épouse naturellement les querelles de son roi..., jusqu'aux personnes des moindres paysans. » La Suède entrait pleinement dans le cadre de la civilisation occidentale. Gustave-Adolphe avait créé une bibliothèque, des archives, fait traduire des œuvres historiques étrangères, favorisé l'imprimerie. Les jeunes nobles allaient s'instruire à Angers et à Saumur. Oxenstjerna appelait Komensky pour créer des collèges du type nouveau. Upsal, sous Jean Skytte, le maître de Gustave, puis sous le grand-chancelier lui-même, se réformait dès 1637 pour devenir la grande école du nord. Une autre université s'ouvrait en Finlande, à Abo. En 1645 paraissait le premier journal (hebdomadaire et officiel) suédois. Les routes s'amélioraient. La banque de Stockholm imitait celle d'Amsterdam. Deux navires, émules des Anglais, des Hollandais et des Français, allaient installer des colons sur les rives du Delaware. Les bons rapports avec les Indiens, l'absence d'esclaves, le soin apporté par les missionnaires à l'éducation des Peaux-Rouges donnaient à cette Nouvelle-Suède une figure originale. Cependant, le règne de Christine aurait pu être le signal d'une crise. Héritière du charme paternel, mais aussi de l'instabilité de sa mère brandebourgeoise, ses connaissances variées, sa vivacité intellectuelle et ses humeurs bizarres la rendaient célèbre dans l'Europe savante. Descartes se soumettait aux rigueurs, qui pour lui furent mortelles, du climat nordique, afin d'aller en sa bibliothèque, avant l'aube, l'entretenir de philosophie. Elle 1. OUVRAGES A CONSULTE«. — Le livre de H a u m a n t , cité en tête du présent chapitre (p. 395) et nos bibliographies antérieures des p. 103, n. 1,177 n. 1, et 311, n. 1 ; y joindre H . Schùck, Histoire de la littérature suédoise, t r a d . p a r L . Maury (Paris,

    1923, in-12).

    — 402 —

    Muide,

    Pologne

    et Danemark

    (1633-16H)

    collectionnait des chefs-d'œuvre ; elle conférait avec son médecin Bourdelot, avec l'ambassadeur français Chanut, avec Saumaise, Huet, Naudé, Vossius, Heinsius. Mais, d'un incroyable égoïsme, sensible à la flatterie et n'écoutant que son caprice, elle n'avait pas le sens de son peuple. Il n'y a pas de Suédois parmi ses savants interlocuteurs. Si elle présidait soigneusement le conseil et semblait soucieuse d ' y faire prévaloir son autorité, elle irritait la noblesse par ses choix, heurtant le vieux chancelier en lui opposant le roturier Salvius, n'affichant qu'aversion pour le mariage et mépris pour une religion où les Suédois voyaient une affaire nationale. Elle conférait à Stockholm avec deux jésuites et préparait sa conversion. Ses pordigalités coûtaient cher au Trésor, et surtout au domaine de la couronne, théoriquement inaliénable, et qu'elle distribuait à ses favoris. Enfin son goût des attitudes théâtrales s'ajouta à ses difficulté» financières pour lui dicter l'extraordinaire décision d'abdiquer (1654). Les supplications du Riksdag, même des députés paysans, ne purent l'empêcher d'aller chercher dans les pays du sud le repos, le soleil, des sensations d'art. Des Pays-Bas espagnols elle partit pour Innsbruck, où elle se convertit, puis pour R o m e , hôtesse illustre, coûteuse et incommode du Saint-Père, remplissant la chronique européenne du récit de ses turbulences et scandales, venant même en France pour quémander des secours d'argent. Son cousin Charles-Gustave (Charles X ) , Vasa par sa mère (une sœur du grand Gustave), était fils d'un Palatin des DeuxPonts. Il n'eut pas tout de suite à son service l'enthousiasme national dont avaient bénéficié ses prédécesseurs. Les vieux conseillers n'étaient plus là ; même Oxentsjerna mourut bientôt. Des grands stratèges, survivait le seul Wrangel. Mais Charles X lui-même se trouva un ^,rand homme de guerre, d'une hardiesse aventureuse, et s'il n'avait peut-être pas le sens profondément national d'un Gustave, il se révéla grand politique — un politique à la Mazarin, joueur habile plutôt que vrai homme d ' E t a t . Il fallait d'abord réparer les folies de Christine, qui avait fait passer le nombre des comtes de trois à vingt, celui des barons de sept à trente-quatre. Par le compromis de 1655, la noblesse restitua un quart des biens aliénés depuis 1632. Mais à cette « réduction » elle gagnait la sécurité pour le reste. Les paysans de la couronne, dont la situation était presque exceptionnelle en Europe, devinrent pour une large part des paysans des seigneurs, de plus en plus attachés au domaine. D'autre — 408 —

    L'Europe de Val et la paix du nord part les longues absences du roi favorisaient la prépondérance politique et l'aristocratie. Charles était incité à la guerre par l'importance de son armée, par le nombre des ofliciers, suédois et étrangers. Déjà, durant le conflit anglo-hollandais, la Suède s'était trouvée entraînée du côté de Cromwell, chez qui elle trouvait un marché pour son bois et son acier, tandis que les Provinces-Unies se rapprochaient du Danemark, à cause — laissons encore parler Mazarin — de « l'effroyable jalousie qu'avaient les Hollandais que la Suède ne se rendît maîtresse absolue de tout le commerce de la Baltique ». Les événements qui se passeront sur la mer intérieure seront donc en partie régis par ceux d'Occident. D'abord se posait la question des Vasa de Pologne. Ladislas était mort en 1648 et son frère Jean-Casimir s'usait dans la lutte contre les cosaques. Charles X , désireux d'achever l'encerclement suédois de la Baltique, en profita dès 1655 pour envahir la Grande-Pologne où l'accueillirent les Radziwill, pour se proclamer « protecteur » de la République polonaise, s'emparer de Varsovie et de Cracovie. Mais, par là, il provoquait une véritable réaction nationale, et il déclenchait contre la Suède le jeu des alliances. L'électeur de Brandebourg, Frédéric-Guillaume, ne pardonnait pas à la Suède de lui avoir, en 1648, pris la moitié de la Poméranie, et de lui avoir encore, en 1653, imposé la reconnaissance d'empiétements de frontières. Très décidé à jouer alternativement de toutes les alliances, et à se faire valoir dans les deux camps, pour s'arrondir et pour éviter à sa « chère Marche » le retour des horreurs passées, il avait d'abord aidé les Suédois devant Cracovie. Mais il adhérait ensuite à la coalition anti-suédoise, où entraient l'empereur et même Moscou. La tête en était Frédéric I I I de Danemark. Inquiet pour le Sund, hostile à un roi qui s'était marié dans la famille rivale des HolsteinGottorp, et sûr des sympathies néerlandaises, Charles X ne pouvait rester loin de ses bases, malgré l'aide du Transylvain Georges Rakoczy. Traversant le Mecklembourg, envahissant le Holstein, il profitait d'un hiver exceptionnel pour réaliser deux coups d'audace, passer d'abord avec son armée le Petit Belt pour occuper l'île de Fionie, puis s'engager sur trente kilomètres de glaces dangereuses du Grand Belt, et menacer Copenhague. Par la paix de Roskilde (26 février 1658) le Danemark lui cédait la Scanie, Blekingie, Halland, c'est-à-dire ces provinces qui complétaient enfin vers le sud la péninsule suédoise, et faisaient de la Suéde l'un des riverains du Sund ; plus l'île de — 404 —

    Suide, Pologne et Danemark (1633-1661) Bornholm et même, sur le littoral de la Norvège, une autre porte vers l'Occident et l'Angleterre, le district de Throndjem. La mer Baltique devenait une mer close. Tout cela fut compromis par une brusque reprise de la guerre. Une attaque suédoise contre Copenhague se heurta à la résistance des habitants, et l'apparition des flottes de Ruyter vint affirmer le principe de la mer libre. La flotte anglaise était aussi venue pour soutenir l'ennemie de la papiste Pologne. Mais la mort du Protecteur la rappela vers ses bases, et le Brandebourgeois mit ses troupes du côté du Danemark. La France ne pouvait laisser faire. L'empereur cherchait dans le nord une revanche à ses échecs, à la constitution de la Ligue du Rhin. Or Mazarin savait que, s'il chassait les Suédois d'Allemagne, l'empereur y rétablirait « le même empire despotique que son aïeul Ferdinand Second ». Il offrit donc sa médiation, et avec lui s'entremirent les Provinces-Unies, qui ne voulaient pas servir jusqu'au bout les ambitions danoises ni risquer un nouveau conflit avec l'Angleterre. Avant de mourir de fatigue Charles X négocia un traité de Copenhague (1GG0) : il restituait Throndjem au Danemark, mais gardait les précieuses provinces du sud. Après sa mort, la France, demeurant fidèle à l'alliance suédoise, ménageait avec le Brandebourg et la Pologne la paix d'Oliva (abbaye aux portes de Danzig). La Suède restait maltresse de la Livonie. Mazarin lui avait valu ces deux frontières : la Dvina et le Sund. Quant à Frédéric-Guillaume, il sortait de cette lutte, où il avait tant de fois changé de camp, avec un bel avantage ; pendant la guerre, il avait obtenu du Vasa de Pologne le titre de duc souverain dans cette Prusse que sa maison avait héritée du dernier grand-maltre de l'Ordre ; le Vasa de Suède lui reconnut ce titre. Dès lors, s'il est, à Berlin, à Clèves, bref en Allemagne, vassal du Saint-Empire, à Kœnigsberg il n'a au-dessus de lui que Dieu, et l'on peut parler désormais d'un É t a t brandebourgêois-prussien. Mais il y a, dans cette Europe circumbaltique, un pays qui a décidément perdu la partie, à savoir la Pologne. J e a n Casimir, en 1662, souhaitait d'être mauvais prophète en annonçant à ses sujets que cette royauté élective, dont ils étaient si fiers, ferait de leur république la proie de ses voisins. Les Allemands ne pouvaient profiter de l'épuisement de la Suède pour ébranler l'édifice de 1648, consolidé en 1658. E n mai 1660, après Oliva, Mazarin déclara que si les Impériaux et les Brandebourgeais envahissaient la Poméranie suédoise, les troupes du Roi Très Chrétien entreraient immédiatement en — 405 —

    L'Europe de l'esl et la paix du nord

    Allemagne, « parce que ce sera alors le cas auquel S. M. ne pourra avec honneur différer un m o m e n t la garantie due et promise à la Suède ». Ce quos ego était décisif. L ' œ u v r e de Munster et d'Osnabruck demeurait intangible. P a r la paix du Nord comme p a r la paix des Pyrénées, la France apparaissait comme la puissance dominante et, pour le m o m e n t , comme le gardien de la paix européenne. L'affaiblissement même de son alliée du Nord fortifiait sa propre position. L'Angleterre, absorbée p a r la Restauration, est m o m e n t a n é m e n t hors de cause. Les Habsbourg d'Allemagne et d ' E s p a g n e ne p e u v e n t plus s'unir ni s'opposer à la volonté de la France. Mazarin a m a i n t e n u a u t o u r du pays d o n t il a pris la charge le réseau d'alliances soigneusement tendu par Richelieu. Lorsqu'il m e u r t (9 mars 1661) à Vincennes, il avait à peine besoin de se faire pardonner son immense fortune. Il avait, de son roi, fait le Grand Roi. 111. — LA

    TURQUIE

    DE MOHAMMED

    KŒPRILI1

    L'empire o t t o m a n semblait, au milieu du siècle, voué à une décadence irrémédiable. Les révolutions de sérail 2 , la domination du harem et des eunuques, les révoltes des milices supprimaient le pouvoir du sultan, qui devait céder aux menaces. Un jour la charge de m u f t i changea trois fois. É n 1656, Mohammed IV avait, en moins d ' u n an, sacrifié q u a t r e grandsvizirs. Le cinquième, u n Albanais, simple pacha p r o m u au pouvoir suprême et q u ' à soixante ans les observateurs croyaient incapable, se t r o u v a un homme d'une extraordinaire énergie qui sut arrêter la marche fatale. K œ p r i l i ' sut imposer au sultan sa volonté, qui était de relever l'empire. Il risqua sa vie pour supprimer la corruption et t o u t recours à la force, hors la sienne. Il ne pouvait y arriver q u ' e n faisant régner une terreur sans pitié. On aurait pu l'appeler Kœprili le terrible. Sous couleur de complots, il fit exécuter spahis et janissaires à titre d'exemple. La flotte, qui a v a i t laissé les Vénitiens occuper Lemnos et Ténédos, a y a n t éprouvé une désastreuse défaite a u x Dardanelles, u n de ses c o m m a n d a n t » 1. OUVRAGES A CONSULTER. — Se reporter aux précédente» bibliographies de l'empire o t t o m a n (p. 77, n. 1, et 83), et voir Moritz Brosch, Geschichlen aut dtm Leben dreier Grosswezire (Gotha, 1899, in-8°). 2. Voir ci-dessus, p . 108. S. On écrit aussi K œ p r u l û .

    — 406 —

    La Turquie de Mahommed

    Koeprili

    f u t p e n d u a u m â t de son n a v i r e , h u i t a u t r e s d é c a p i t é s , c i n q b e y s e t p a c h a s é t r a n g l e s . L e p a t r i a r c h e est-il s u s p e c t d e c o n v e r s a t i o n a v e c les V é n i t i e n s ? il e s t p e n d u a v e c u n d e ses m é t r o p o l i t e s . L e b a i l e l u i - m ê m e , a v e c ce m é p r i s d e s t r a d i t i o n s d i p l o m a t i q u e s qui é t a i t d'ailleurs une t r a d i t i o n t u r q u e , é t a i t en prison, et son secrétaire faillit être décapité sous l'accusation d ' a v o i r fourni à ses c o m p a t r i o t e s d e s r e n s e i g n e m e n t s s u r les p r é p a r a t i f s o t t o m a n s . On disait que, pour étouffer u n e révolte à Alep, Kœprili n ' e n a v a i t f a i t d é c a p i t e r les c h e f s q u ' a p r è s a v o i r , s o u s l e u r s y e u x , f a i t a r r a c h e r la p e a u t o u t e v i v e à l e u r s f e m m e s e t à l e u r s enfants. Le pacha de Crète f u t étranglé pour prévarication, et le m u f t i q u i a v a i t r e f u s é d e s i g n e r le felva d e c o n d a m n a t i o n f u t d e s t i t u é . L e s s u p p l i c e s se c o m p l é t a i e n t d e c o n f i s c a t i o n s q u i r e m p l i s s a i e n t le t r é s o r d u s u l t a n . E n six m o i s , K œ p r i l i f u t le m a î t r e . « T o u t le m o n d e le d é t e s t e , m a i s e n m ê m e t e m p s il e s t obéi e t t e n u e n t r è s g r a n d r e s p e c t . » Il e u t , lui a u s s i , sa J o u r n é e d e s d u p e s . L e p a c h a d e D a m a s , q u ' i l a v a i t o r d o n n é d ' a r r ê t e r , a l l a i t é c h a p p e r à la m o r t s u r l ' i n t e r v e n t i o n d e la s u l t a n e - m è r e . A l o r s , a u s u l t a n q u i é t a i t v e n u le v o i r s u r le lit où le c l o u a i t sa m a l a d i e , le v i z i r o f f r i t d e r e n d r e le sceau. Le souverain ordonna immédiatement au bourreau de f a i r e s o n office, c a r il s a v a i t n e p o u v o i r se p a s s e r d e s o n v i z i r e t lui d i s a i t : « M o n p è r e , j e p r i e Dieu d e p r e n d r e d i x a n s d e m a v i e e t de les a j o u t e r à la v ô t r e p o u r le b i e n d e l ' e m p i r e . » L e s u l t a n le l a i s s a i t t o u t seul, chose inouïe, r é g l e r l ' o r g a n i s a t i o n i n t é r i e u r e e t les d é p e n s e s d u sérail, r a m e n e r les s u l t a n e s à l'écon o m i e , e x c l u r e les m a r c h a n d s j u i f s e t grecs q u i s ' e n t e n d a i e n t a v e c les e u n u q u e s , r a m e n e r la P o r t e à la s i m p l i c i t é g u e r r i è r e d e s premiers Osmanlis. Lui-même Kœprili passait p o u r inaccessible à la c o r r u p t i o n . E n 1660, la p e i n e d e m o r t é t a i t é d i c t é e c o n t r e q u i c o n q u e p a r l e r a i t d ' a f f a i r e s d ' É t a t . Ainsi, les é l é m e n t s d e t r o u b l e f u r e n t , s i n o n s u p p r i m é s , d u m o i n s p a r a l y s é s . E t la p o l i t i q u e t u r q u e reprit pour un t e m p s son prestige. La guerre en Crète d u r a i t t o u j o u r s e t les V é n i t i e n s e s p é r a i e n t n e p a s p e r d r e l'Ile, q u i t t e à la t e n i r e n fief d e S t a m b o u l c o n t r e u n g r o s t r i b u t . M a i s K œ p r i l i l e u r f i t s a v o i r q u ' i l n ' a b a n d o n n e r a i t p a s u n e p i e r r e d e la C r è t e . Il les a c c u s a i t , n o n s a n s c a u s e , d e p a r l e r de p a i x t o u t en p r e n a n t T é n é d o s , e t L e m n o s , q u ' i l r e p r i t e n 1657. U n e e x p é d i t i o n c o n t r e R a k o c z y r a m e n a i t c i n q u a n t e mille e s c l a v e s ; e t la T r a n s y l v a n i e f u t donnée à un autre. T r è » h a b i l e m e n t , K œ p r i l i j o u a i t d * l ' o p p o i i t i o n e n t r e le» — 407 —

    L'Europe de l'est el la paix du nord

    Bourbon et les Habsbourg. Mazarin, allié de la Sérénissime, avait, depuis 1664, laissé partir des renforts. En 1659-1660 environ trois mille Français arrivaient en Crète et prenaient part à une vaine attaque de Candie. Par ailleurs le chevalier Paul, en combattant les Barbaresques, les empêchait d'intervenir dans l'Archipel. Mais, bien que son ambassadeur eût été emprisonné et même torturé, Mazarin évitait soigneusement de rompre avec le Grand Seigneur. Trois jours avant sa mort, il répondait encore avec une prudente réserve aux exhortations de croisade d'Alexandre VII. Kœprili forçait les navires marchands anglais et hollandais à embarquer ses munitions et même ses troupes. Cromwell laissait faire, car ses compatriotes voulaient s'emparer du commerce du Levant. En cinq ans, Mohammed Kœprili n'avait pu guérir les maladies organiques de l'empire ottoman, mais il lui avait insufflé une vigueur nouvelle, et ajourné la catastrophe. C'est pour continuer cette œuvre qu'en mourant il demandait au sultan de lui donner comme successeur son flls Ahmed.

    CHAPITRE V L'ORIENT

    ET

    L'EXTRÊME-ORIENT

    (1616-1660) 1

    La première moitié du x v n e siècle voit se produire dans le monde oriental de grands événements. La Chine est envahie par des armées venues du nord et une dynastie étrangère s'installe à Pékin pour des siècles. Le Japon achève la révolution qui le ferme, pour des siècles également, aux influences occidentales. L'empire du Grand Mogol et l'empire iranien acquièrent leur plus grande splendeur. I. — LA CHUTE DES MING ET L'INVASION

    MANDCHOUE*

    La révolution qui aboutit au remplacement de la dynastie des Ming (Lumière) par celle des Ts'ing (Pureté) semble due à la conjonction de deux séries de causes. D'une part l'affaiblissement des Ming : sur la cour régnent des eunuques, parfois des empereurs enfants ; une maladroite politique économique et les exactions des mandarins (lourdeur de l'impôt sur le sel) mécontentent les populations, provoquent des révoltes ; des bandes de soldats et de paysans pillent le pays, 1. O U V R A G E S D ' E N S E M B L B A C O N S U L T E R . — Comme pour Les débuts de l'âge moderne (t. VIII de la présente histoire), p. 433, n. 1, nous renverrons surtout à R . Grousset, Histoire de l'Asie, t. I I I (Parts, 1922, in-8») et Histoire de l'ExtrêmeOrient (citée p. 182) ; F. E. A. Krause, Geschichte Ostasiens, t. I (Gœttingen, 1925, in-8»), très général ; P. Adelhelm Jann, Die katolischen Missionen in Indien, China und Japon (Paderborn, 1914, in-81*). 2. O U V R A G E S A C O N S U L T E R . — Le ch. iv du t. I I I de R. Grousset cité à la note précédente. Revoir Henri Cordier, Histoire générale de la Chine, t. III (Paris, 1920, in-8 0 ),-malgré sa sécheresse annalistique, et surtout les t. II, III et IV de Le christtantsme en Chine du P. E. Hue, et encore, de Cordier, VHistoire des relations de la Chine avec les puissances occidentales, t. I " (Paris, 1901, in-8») ; T'ien-Tsé Chrng, Sinoportuguese Trade from 1514 to 1844 (Leyde, 1934, in-8») ; Escarra, La Chine, passé et présent (Paris, 1930, ln-16, de la • Collection Armand Colin >) ; R . A. B. Ponsonby Fane, Koxinga : chronicles of the Tai family, loyal servants of Ming dans les Transactions and Proceedtngs of the Japon Socielg, vol. X X I V (1936-1937), p. 65-182. — 409 —

    L'Orient el l'Exlrtme-Orienl

    (1616-1660)

    et des chefs vont s'emparer de provinces entières. Du dehors se produisent des incursions, birmanes dans le Yunnan (1583), japonaises dans le Kouang-tong et en Corée (1588-1598). D'autre part, au nord de la Grande muraille, croît une puissance nouvelle, celle de la race mandchoue ou toungouse, rudes guerriers de la Çorêt, soumis à la suzeraineté chinoise, mais qui se soulèvent contre les mandarins collecteurs d'impôts. Leurs clans se réunissent en une seule horde. E n 1616 ils apparaissent, sous leur khan Nourhatché, comme une grande force militaire, divisée en quatre, puis en huit « bannières », qui.se subdivisent chacune en cinq ailes et l'aile en cinq bataillons. Cette troupe disciplinée envahit le Liao-tong, et massacre les défenseurs de la province qui réclament vainement des renforts. En 1621 les Mandchous s'installent à Moukden, et ils auraient dès lors franchi la Muraille si elle n'avait été défendue par les canons qu'avaient, forgés les jésuites. En 1627, à Nourhatché succède son fils T'ai-tsong. Ce barbare très instruit de la civilisation chinoise a peut-être rêvé dès lors de remplacer les Fils du Ciel. La même année, l'empereur Ming, T'ien-k'i, mourait. Son frère Tch'ong-tcheng, timide lettré, ne pouvait empêcher les Mandchous venus par le Jéhol de franchir la Muraille sur trois points, de piller le Tche-Ii, d'attaquer même Pékin. En 1633 ils étaient rappelés par les révoltés du Chan-tong et trois ans après la dynastie nouvelle s'opposait ouvertement à celle des Ming, qui ne savait même pas utiliser ses armées. Partout naissaient des dynasties rivales. Entre 1640 et 1644, le chef de l'une d'elles, Li Tseu-tch'eng, se rendait maître des provinces centrales (Ho-nan, Hou-pé, Chen-si, Chan-si), se faisait ouvrir les portes des villes. Arrivé devant Pékin, il violait et profanait les sépultures des Ming, prenait d'assaut la ville extérieure et se faisait livrer la ville intérieure par un eunuque. Le malheureux Tch'ong-tcheng poignarda sa propre fille et se pendit de désespoir ; deux cents personnes se suicidèrent après lui (1644). Le chef de l'armée du Tche-li, Wou San-kouei, dont Li Tseutch'eng avait fait exécuter le frère, eut alors l'idée de s'adresser aux Mandchous pour qu'ils punissent l'usurpateur et rétablissent l'ordre. Lorsqu'ils furent cent mille dans le Tche-li, il s'aperçut qu'il s'était donné des maîtres. Les renforts leur arrivant du nord, ils s'emparèrent du gouvernernent et, après la mort de leur khan, proclamèrent empereur de Chine le jeune khan — 410 —

    La chule des Ming

    et l'invasion

    mandchoue

    Chouen-tche, sous la tutelle de son oncle. Maîtres du bassin du Houang-ho et bientôt de toute la Chine du Nord, ils eurent l'habileté de se présenter non en conquérants, mais en administrateurs du Céleste Empire. Le régent Dorgon, vrai homme d'État, emploie des généraux et des gouverneurs chinois, se contentant de leur adjoindre des contrôleurs mandchous et d'imposer aux sujets fidèles le port de la tresse. Mais la Chine du Sud, où s'étaient retirés les Ming, échappait encore. Un Ming était proclamé à Nankin. Il fut tué dans une bataille contre une armée chinoise-mandchoue, où mourut aussi Li Tseu-tch'eng. Un des derniers Ming essaya de tenir encore en se faisant secourir par les Portugais dans le Kouang-si. Il faut dire que la dynastie avait resserré ses rapports avec les jésuites. Dès 1598-1600 les PP. Ruggieri et Ricci étaient venus à Nankin et à Pékin, et le P. Goez y était arrivé par terre à travers le Kachgar. De 1648 à 1649, ils baptisèrent l'empereur et sa famille faisant une Marie, une Hélène, un Constantin. En 1650, une armée mandchoue apparut dans les deux Kouang, l'empereur Yong-li se sauva en Birmanie, son général K'iou Che-sseu fut décapité, puis honoré par le vainqueur de funérailles royales. La prise de Canton marque la fin des résistances (1651). Il ne resta aux derniers partisans des Ming qu'un allié, le corsaire Tcheng Tch'eng-kong (en portugais Coxigo ou Koxinga), fils d'un pêcheur qui, élevé à Macao, ayant été à Manille, ayant épousé une Japonaise, connaissait l'étranger. Coxigo rêvait, tout en se vengeant des Mandchous qui avaient tué son père, d'imiter les Européens et de se constituer une thalassocratie dans la mer de Chine méridionale. Appuyé sur ses bases d'Amoï et de l'estuaire du Yang-tseu, il poussait se« razzias jusqu'à Tchen-kiang en 1657, tentait d'assiéger Nankin. Il se tournera vers Formose où il fera capituler, avec les honneur» de la guerre, les forts hollandais de Zelandia et Provintia. A partir de 1662, il sera un véritable roi de Formose. Négligeons pour le moment cet épisode, et revenons à l'empereur Chouen-tche, qui restait fidèle à la politique de son oncle (mort en 1651). Vrai Fils du Ciel à la mode confucéenne, soucieux de respecter les traditions, il puisait une grande force morale dans ses relations avec le Tibet où, en 1643, le clergé rouge 1 avàit définitivement triomphé avec le concours des Éleutes, et constitué une véritable théocratie. Lhaça est désor1. Lu détail ie l'ife moderne, p. 441. — 411 —

    L'Orient

    et rExtrême-Orient

    (1816-1060)

    mais une Rome bouddhique, qui distribue l'onction aux rois. Aussi lorsque l'empereur en 1653 fit venir à Pékin le dalai-lama, il reçut, et la dynastie avec lui, une définitive investiture. Chouen-tche favorisait aussi le christianisme. Déjà, le régent avait su accueillir le P. Adam Schall, ami du dernier Ming, l'avait nommé conseiller impérial, directeur du bureau astronomique, président du Tribunal de mathématique. L'empereur venait souvent s'entretenir avec ce savant qui, de 1650 à 1664, baptisa cent mille Chinois. Dès 1659, était arrivé un autre jésuite dont le rôle sera grand, le P. Verbiest. Dès lors, la révolution est donc accomplie. Lorsqu'en 1666 K'ang-hi est empereur à huit ans, le pouvoir des Ts'ing s'étend sur toute la Chine, et leur suzeraineté est acceptée, comme celle des anciens empereurs, par la Corée, la Mandchourie, les TurcoMongols, le Tibet, l'Annam. I I . — LA FERMETURE

    DU

    JAPON1

    Au début du XVII® siècle, il n'était pas évident que la formation de l'unité japonaise et la défense du régime chôgounal contre le prosélytisme politico-religieux des missionnaires aurait pour effet la rupture des relations avec l'Europe. II semble tout au contraire que le chôgoun Iéyasou ait été très désireux d'étendre le commerce extérieur de l'empire, et qu'il ait eu l'intuition du rôle futur du Pacifique. Il autorisait les navires étrangers à faire le cabotage et ouvrait de nombreux ports. L'arrivée d'Adams, ce pilote anglais monté sur des vaisseaux hollandais, semblait même inaugurer une ère nouvelle d'échanges commerciaux. La Compagnie néerlandaise envoyait en 16071609 une seconde flotte de treize navires, et en 1610 Iéyasou, dans une lettre au « roi de Hollande », c'est-à-dire au prince d'Orange, assurait les Hollandais de sa protection et leur accordait une patente. Ces nouvelles, répandues et exagérées en Angleterre, déterminaient Jacques I e r à expédier des vaisseaux anglais ; aidé par Adams, leur capitaine John Davis obtenait du chôgoun une sorte de traité de commerce, et ramenait à 1. O U V R A G E S A C O N S U L T E R . — Voir ci-dessus, p. 191, n. 1. Les livres essentiels sont Murdoch et Yamagata, A history o/ Japon (Londrés, 1925-1926, 2 vol. in-8°) ; Hisho Shalto, A hisiorg o/ Japon, trad. E . Lee (Londres, 1912, in-8 0 ), et Nagaoka, Histoire des relations du Japon avec l'Europe aux XVI• el XVII• siècles (Paris, 1905» ln-8°). — 412 —

    La fermeture du Japon

    Plymouth quinze marins japonais. Là comme sur toutes les mers se dessinait la rivalité anglo-hollandaise. Deux vaisseaux construits sur les plans de William Adams partaient du Japon vers le Mexique. En 1610, il y avait près de dix ans que le chôgoun avait proposé d'ouvrir une route régulière, d'obtenir du gouverneur des Philippines que les navires espagnols allant de Manille à Acapulco fissent escale au Japon. Il avait concédé aux Espagnols le port d'Ouraga. En 1616 un navire japonais avait même mené au Mexique une mission envoyée au pape par un seigneur de Sendaï. Au reste les Japonais fréquentaient les Philippines, comme la Corée, le sud de la Chine, l'Annam, la Malaisie, même l'Inde, surtout le Siam, où l'on comptait de vraies colonies japonaises. Commerce qui, naturellement, affectait souvent la forme de la piraterie. Iéyasou essayait de la limiter en délivrant aux navires honnêtes les lettres du Sceau Rouge. Si une ordonnance avait été promulguée en 1606 contre la « religion de Yasso », elle était mollement appliquée. Mais le chôgoun en voulait aux Hispano-Portugais, car leur gouverneur des Philippines avait refusé de lui fournir des constructeurs de navires, et il craignait leur esprit conquérant. Il reprochait à leurs missionnaires les conversions forcées, leur iconoclasie, leur habitude de manger les animaux défendus. Il les accusait d'enlever des Japonais des deux sexes pour en faire des esclaves aux Indes. Une persécution nouvelle en 1611 aboutit à un édit de proscription en 1614, puis en 1616 à l'interdiction aux Espagnols, tous suspects de prosélytisme clandestin, de venir dans l'empire. De leur côté les Hollandais ne manquaient pas de dénoncer leurs rivaux comme des conspirateurs, et même d'aider à la répression de révoltes de chrétientés. Ils allèrent jusqu'à livrer au chôgoun deux moines espagnols qu'ils avaient saisis sur un bâtiment japonais, profitant de l'édit qui déclarait de bonne prise tout navire transportant un religieux ; ceux-ci furent mis aux fers et exécutés. Le résultat fut que le petit-fils d'Iéyasou, Iyémitsou (1623), reprit en 1624 la persécution et ferma même au commerce européen tous les ports, à l'exception de Hirato, réservé aux Anglo-Hollandais, et Nagasaki aux Portugais. Mais ces derniers se firent exclure en 1638 pour complicité dans une révolte. Cet édit de 1638 interdit aux étrangers de venir au Japon, et aux Japonais, sous peine de mort, de sortir du pays. La découverte d'un prêtre ou même d'un chrétien était hautement récompensée. — 413 —

    VOrlent

    et rBstrimt-Oritnl

    (1616-1680)

    Défense f u t promulguée de construire des vaisseaux de gros tonnage et de plus d ' u n m â t . L ' i m p r u d e n t mélange de la politique et de la religion a v a i t ainsi poussé au p a r o x y s m e le nationalisme nippon. Une ambassade é t a n t venue en 1G40 de Macao, le vaisseau f u t brûlé et soixante et u n Portugais f u r e n t mis à m o r t . Les Anglais a y a n t , d ' a u t r e part; renoncé à leurs projets, les Hollandais, seuls avec les Chinois, conservèrent le droit de commercer dans l'unique p o r t de Dechima, petite île dans la baie de Nagasaki, en se s o u m e t t a n t à toutes les exigences du chôgoun, même j u s q u ' à celles qui équivalaient à l ' a b j u r a t i o n du christianisme. D u r a n t plus de deux cents ans, cette porte étroite f u t la seule qui resta ouverte entre l'empire du Soleil L e v a n t et les pays du Couchant. P a r là sortaient le cuivre, le camphre, le papier, pour le plus grand bénéfice de la Compagnie d'Amsterdam. III. — L'INDE

    D'AURENGZÈB1

    L'empire mogol survivrait-il à A k b a r ? Il a v a i t désigné en m o u r a n t son fils Sélim Djahânghîr, c'est-à-dire « le conquérant du m o n d e ». Mais l'histoire des Timourides c o n t i n u e ' à être une tragédie sanglante. Le fils du nouveau sultan, Khosrou, se révolte en 1606, et se j e t t e dans le P e n d j a b , où une réforme du b r a h m a nisme au d é b u t du v m e siècle avait abouti à la constitution d ' u n e secte mi-religieuse mi-politique, celle des Sikhs. Djahânghîr fit périr dans de cruelles tortures leur chef vénéré ou gourou. Q u a n t au prince Khosrou, éborgné, captif, tué plus t a r d , il mourra en odeur de sainteté (1622). Djahânghîr était t o m b é sous la puissance d'une Persane, « Lumière du palais », plus t a r d « Lumière du monde » ou N o u r - D j a h a n , une vraie impératrice qui faisait servir son crédit à l'avancement de sa famille. Djahânghîr, endormi d'ivresse et d'opium, véritable despote 1. O U V R A G E S A C O N S U L T E R . — The Cambridge History of India, t. IV (citée p. 182), chap. VI-VII ; W. H. Moreland, From Akbar to Aurengzeb (Londres, 1923, in-8°) ; B. Prasad, History of Jahânglr (Londres, 1922, in-8») ; Banarsi Prasad Soksena, History of shâh Johân o/ Dihlhï (Allahabad, 1932, in-8°) ; J . Sarkâr, History of Aurengiëb (Londres, 1912-1925, 5 vol. m-8") ; P. K. Shastin, Organisation militaire des Sikhs (Paris, 1932, in-8°) ; John Gordon, The Sikhs (Londres, 1904, in-8*) ; Théod. Morison, Un Français [Bernier] à la cour du grand Mogol, dans la Revue historique, t. CLVI (1927), p. 83-97 : Bouvat, ouvr. cité (p. 182, n. 2), p. 284286. Sur l'art, commode résumé dans Grousset, Les civilisations de l'Orient, t. II L'Inde (Paris, 1930, in-8°).

    — 414 —

    L'Indt

    d'AurenftH

    asiatique aux caprices sauvages et lâches, devra faire face à la révolte d'un autre fils, Chah Djahân, le même qui avait fait tuer Khosrou. Du Décan, Chah Djahân passe au Bengale, conclut une sorte de paix avec son père, et, en 1625, lui livre en otage ses deux fils, dont Aurengzêb. Mais Djahânghîr est fait prisonnier par un de ses guerriers et, délivré par la sultane, ne tarde pas à mourir (1627). Aussitôt Chah Djahân fait mettre à mort tous ses parents mâles des branches rivales, écrase des révoltes dans le Bundelkhand. Ses rapports avec ses fils, et ceux de ses fils entre eux ne sont pas moins édifiants. A-t-il, en 1636, nommé Aurengzêb vice-roi du Décan, celui-ci est jalousé par l'aîné, favori du père, Dârâ Choukoh, et forcé pendant près d'un an de renoncer à son rang pour sauver sa tête. Suspect de tendresse pour le çoufisme, pour les hindouistes, pour les chrétiens, Dârâ devait attirer contre lui la haine de ses trois frères : Aurengzêb qui inclinait alors vers la Sunna, Choudjâ et Mourâd qui étaient de dévots chiites. Pendant la maladie du père, chacun se proclame empereur, et tous trois sont d'abord alliés (1658) pour battre l'armée impériale à Dharmat, puis à Samougarh. Malgré le courage des cavaliers rajpoutes qu'il a gagnés à sa cause, Dârâ s'enfuit, son camp est pris devant Agra, qui capitule entre les mains d'Aurengzêb. Puis celui-ci, après avoir imposé à son père une captivité qui ne finira que par la mort (1666), fait exécuter Mourâd qui s'est séparé de lui. Il bat son troisième frère Choudjâ, qui sera poursuivi jusque dans l'Arakhân, et finalement massacré. Complétons ce tableau d'horreur en disant que le fils d'Aurengzêb, qui avait épousé la fille de Choudjâ, sera emprisonné pour être ensuite exécuté en 1676. Car le nouveau desposte aimait à entourer ses vengeances et ses cruautés d'un appareil judiciaire. Des fils de Dârâ, l'un est empoisonné. Quant à Dârâ lui-même, en fuite au delà de l'Indus, puis à Surate, puis vers l'Ajmir, défait dans une bataille de trois jours, réfugié à Catch, il essaie d'atteindre Kandahar. Livré par les Afghans, promené en signe d'infamie à travers les rues de Delhi, il est jugé comme hérétique et décapité, après quoi Aurengzêb se fait couronner pour la seconde fois (1659). Et cependant, ces spectacles de sang et de guerre civile n'empêchent pas les nombreux voyageurs européens, le médecin montpelliérain François Bernier, l'Anglais sir Thomas Roe, d'admirer l'empire et l'empereur. D'abord ces tyrans sanguinaires ont vraiment, complétant l'œuvre d'Akbar, créé un empire dans l'Inde. Leur premier objectif a été le Décan. Pour — 41» —

    L'Orient tl rExlrime-Orienl

    (1616-1660)

    le conquérir, Djahânghîr, après avoir triomphé des Rajpoutes, les a traités honorablement, et a transformé cette terrible cavalerie en une armée à son service. Si l'empire s'est affaibli avec lui, s'il a laissé Chah Abbâs reprendre Kandahar, la lutte contre le Décan reprend avec Chah Djahân par une horrible campagne de dévastation, où s'abîme le royaume d'Ahmâdnagar. En 1635-36 des traités sont imposés aux rois. Ruiné par une mauvaise administration pendant l'absence d'Aurengzêb, après huit ans de vice-royauté (1636-1644) le pays se relève lorsque le prince y revient en 1656. Il est aidé par un aventurier. L'ancien marchand persan Mir Jumla, devenu à Haïderâbâd premier ministre du roi de Golconde, s'était d'abord taillé une principauté, et avait constitué un parc d'artillerie servi par les Européens. II trahit son maître, devint premier ministre de l'empereur, et c'est à ses canons qu'Àurengzêb devra plus tard la finale victoire, et d'abord le pillage de Haïderâbâd, la prise de Golconde, l'annexion de Bidjâpour. Ces guerres sans pitié, détrônements et annexions, assuraient au Mogol la domination de tout le Décan, de mer à mer. Moins heureuse avait été la tentative pour reconquérir au nord-ouest les terres afghanes d'où la dynastie était venue, pour assurer à l'empire ce que les Anglais nommeront deux siècles plus tard la « frontière scientifique de l'Inde ». En 1638, la corruption avait permis de rentrer dans Kandahar, et l'on avait songé à s'étendre sur le Badakchân et la Bactriane. Mais les forces impériales, chassées en 1647 par les Uzbeks, s'y heurtaient à l'artillerie lourde et à la tactique supérieure des Persans, et, après deux nouveaux échecs en 1652 et 1653, — ces sièges avaient absorbé la moitié d'un revenu annuel de l'empire — on ne renouvela pas l'expérience. Dans cet empire élargi, régnaient relativement l'ordre et la justice. On n'évitait ni les épidémies terribles comme la peste bubonique de 1616, ni les famines suivies de choléra. Celle de 1630-32 dévasta le Décan et le Goudjerât. A Surate même, parmi les Européens, on compta dix-sept morts sur vingt et un Anglais. Mais la splendeur de l'empire est un fait incontestable, les plus barbares de ces princes étant des artistes et des lettrés à la mode persane, et leur époque est l'âge d'or de l'art jndopersan. Chah Djahân fait de sa cour d'Agra un séjour de merveilles, où s'accumulent les trésors d'or et d'argent, où s'édifie entre 1628 et 1635 le célèbre trône des paons : sur les pieds d'or se dressaient douze piliers d'émeraude, dont chacun portait, — 416 —

    L'Inde

    d'Aurengzib

    affrontés, deux grands oiseaux incrustés de pierreries. Entre chaque couple s'érigeait, sous le dais, un arbre semé de diamants, de rubis, de perles. On évaluait, cet ouvrage à dix millions de roupies. Après la mort dç sa sultane Moumtâz Mahal (ces hommes de sang, tout en restant fidèles à la polygamie traditionnelle, aimèrent ardemment une épouse préférée), il éternisa son chagrin dans le plus splendide monument de cet âge, le Tâdj Mahal, dont Bernier disait, malgré son optique d'Occidental, qu'on le devrait « mettre au nombre des merveilles du monde », et qu'il « mériterait d'avoir sa place dans nos livres d'architecture ». Il en a senti le charme et l'éblouissante fantaisie : « Ce n'est presque qu'arcades sur arcades, et que galeries sur galeries disposées et pratiquées de cent façons différentes ; et cependant tout y paraît magnifique... ; tout y rit et on ne peut se rassasier de le regarder. » Sous Aurengzêb, la splendeur de Delhi rivalise avec Paris, Londres ou Amsterdam, et rivalisera bientôt avec Versailles. Cette brillante civilisation était loin de se fermer aux influences européennes. Si, après les tentatives religieuses d'Akbar, Djahânghîr avait repris en main la protection de l'Islam, il avait permis aux jésuites d'avoir une église et un collège à Lahore, de faire des baptêmes à Agra. Il avait autorisé, comme un Henri IV gangétique, des controverses où des Pères s'attaquaient au Prophète. Il se plaisait, dans son palais, aux peintures chrétiennes, portraits du pape, du Roi Catholique, du duc de Savoie. Il cachetait ses lettres de sceaux à l'image du Christ et de sa mère, et les jésuites ne désespéraient de sa conversion qu'en raison de son attachement à la polygamie. En 1607-1608, il envoyait une ambassade au vice-roi de Goa. Mais, là comme au Japon, les deux confessions chrétiennes se faisaient la guerre. Lorsqu'en 1608 William Hawkins débarqua à Surate porteur d'une lettre de Jacques I e r , les jésuites voulurent lui fermer la cour. Goa protesta, au nom du monopole portugais, contre les facilités accordées au commerce anglais et recourut à une menace de guerre pour en obtenir le retrait, et l'expulsion du messager. Le Mogol, impuissant sur mer, ne put qu'assister à une victoire navale des Anglais sur les Portugais. Ceux-ci ayant pillé des vaisseaux musulmans, l'exercice du christianisme fut défendu et les églises fermées. Mais les Anglais ne furent pas englobés dans cette proscription, et l'ambassade solennelle de Sir Thomas Roe fut reçue en 1615. Si Chah Djahân, — 417 —

    L'Orient et l'Extrême-Orient

    (1619-1660)

    t o m b é dans la débauche après la m o r t de Moumtâz, se laissa aller à de violentes persécutions contre les chrétiens, c'est encore (nouvelle ressemblance avec le J a p o n ) à la suite de combats et de pillages des Portugais (1632-1635) : ils pratiquaient le commerce des esclaves et saisissaient les orphelins hindous et musulmans. L'empereur les poursuivit j u s q u ' a u Bengale, et leur enleva leur poste de Hougli. Des supplices eurent lieu à Agra. D'ailleurs la persécution frappa aussi des Hindous, et soixante-dix temples furent détruits dans le district de Bénarès. Mais ensuite, à la faveur surtout des relations commerciales, l'empire mogol est assez facilement ouvert à ces Occidentaux qu'on appelait là-bas des Franguis. C'est une chose bien curieuse que de voir le médecin Bernier entrer au service d ' u n n a b a b qui, entre ses heures de travail, ne se lassait pas « de philosopher sur les livres de Gassendi et de Descartes, sur le globe et sur la sphère, ou sur l'anatomie ». La science européenne nouvelle pénétrait jusque dans les palais de Delhi. IV. — GRANDEUR

    ET DÉCADENCE

    DES

    SÉFÉVIDES1

    Les derniers temps d'Abbâs ont jeté sur la Perse un vif éclat. On se rappelle que la prise de K a n d a h a r lui assurait la tranquillité du côté de l'Inde, et la domination du Ferghana et de la Bactriane, qu'il fit défendre, après la victoire de H e r a t , par des colonies militaires kurdes. Son armée a combiné ses m o u v e m e n t s avec ceux d'une escadre anglaise pour enlever aux Portugais leur position déjà plus que séculaire d ' O r m u z (1622 ; l'explorateur polaire Bafïin y périt) et, après la prise de Mascate p a r l'iman d ' O m a n (1651), il ne restera plus trace dans le Golfe de l'œuvre grandiose d'Albuquerque. Lorsqu'il a v a i t repris dès 1602 la guerre contre les Turcs, Abbâs a v a i t reconquis Tabriz, Chirvân, Kars. Sur les bords du lac Ourmiah, la discipline t u r q u e , alors très affaiblie, n ' a v a i t pas t e n u d e v a n t la savante stratégie, le grand mouvejnent t o u r n a n t d'Ali Verdi, ses 500 pièces de cuivre, ses 60.000 mousquetaires « instruits dans les arts sherleyens de la guerre ». Abbâs a recouvré, en 1612, l'Azerbeïdjân, le Kurdistân, Mossoul, Bagdad, enfin le Diarbékir et Kerbéla, contre l'engagement de fournir annuellement 1. OUVRAGES A CONSULTER. — Horn, Geschichte Irans in islamistischer Zeit (Strasbourg, 1896-1904, 2 vol. in-8°) ; Sykes, Hislory of Persia, t. I I (Londres, 1917, in-8°) ; Cl. Huart, Histoire de Bagdad dans les temps modernes (Paris, 1901, i n - 8 0 ; , R . Grousset, Les civilisations de l'Orient, t. I (Paris, 1929, in-8°). —

    418



    Grandeur et décadence des

    Sifivtdei

    deux cents charges de soie, car c'était la soie (du Gilân surtout) que les Turcs, comme les Italiens, les Anglais, bientôt les Hollandais, venaient chercher en son royaume. Il est vrai que, faute de tenir sa promesse, il s'attira une nouvelle guerre. Mais les armées d'AIep et d'Anatolie échouèrent devant Érivân, puis devant Tabriz, en 1625 devant Bagdad. Une retraite désastreuse débarrassa la Perse du péril turc. Comme chez tout prince asiatique, les réelles qualités de Chah Abbâs s'alliaient à la plus perfide cruauté. Lorsqu'une prédiction astrologique l'avait poussé à simuler une abdication de trois jburs, celui qu'il avait choisi pour le remplacer, un certain Yousouf, peut-être un chrétien, avait été tué le quatrième jour. Inspiré par cette crainte de l'héritier qui est la maladie chronique des dynasties musulmanes, il fait assassiner par un ennemi privé son fils aîné Safi Mirza, dont il redoutait les complots. Puis, pris d'un singulier remords, il exige que le meurtrier, d'abord récompensé, lui apporte la tête de son propre fils! C'est alors de ses deux autres fils qu'il devient jaloux, surtout de Khoudabanda, qu'une brillante expédition en Arabie, et sa réputation de bonté, ont rendu populaire. Le Sophi le fait aveugler, et le malheureux, devenu fou, s'empoisonne. Le dernier fut aveuglé à son tour sur l'ordre paternel. Ceci n'empêchera pas Chardin de conclure : « Quand, ce grand prince cessa de vivre, la Perse cessa de prospérer. » Si son souvenir et le titre d'Abbâs le Grand maintiennent la renommée de la dynastie, il a lui-même préparé le déclin par ses meurtres familiaux, et en faisant élever ses successeurs parmi les eunuques et les femmes. La Perse ne connaîtra plus un souverain de valeur durant un siècle. Chah Safi (1629-1642), fils de Safi Mirza, n'aura gardé de son aïeul que le goût du sang. Son règne est une longue suite d'exécutions, dont les victimes sont les princes de la race royale, les conseillers de Chah Abbâs, par exemple le vainqueur d'Ormuz et ses fils. Aussi, lorsque la Turquie se réveille avec Mourâd IV (1630), les Persans perdent Hamadân, Érivân, Tabriz, leurs sujets sont massacrés, les arbres sont coupés. Si Mourâd échoue d'abord devant Bagdad, la ville illustre tombe à son tour en 1638. Abbâs II (1642-1667), roi à dix ans, sera bientôt la proie de tous les vices. Incapable de résister à la Turquie rénovée de Kœprili, il ne saura pas renouer la tradition qui faisait de la diversion persane, sur les derrières de l'empire ottoman, la puissante auxiliaire des ennemis chrétiens de la Porte. — 419 —

    CHAPITRE V LES EMPIRES

    D'OUTRE-MER1

    EUROPÉENS

    Vers la fin du xvi e siècle, on peut dire que la grande fièvre de découverte commence à tomber. L'activité guerrière des Européens se dépense plutôt à se disputer entre eux des terres déjà occupées. Mais leur tâche essentielle est l'organisation et l'exploitation des empires, à la fois parce que les É t a t s maritimes cherchent outre-mer des matières premières et des clients, tout en pratiquant tous plus ou moins une politique économique très défavorable à la production coloniale, et parce que beaucoup des domaines conquis par eux peuvent servir au peuplement blanc. Il est très difficile de savoir si, en général, l'accroissement de la population européenne qui avait marqué le début du x v i e siècle a persisté malgré les guerres de religion de 1560 à 1648, ou si au contraire c'est la misère engendrée par ces guerres qui a fait apparaître un reliquat disponible pour l'émigration. Toujours est-il que l'expansion européenne prend un nouvel essor. Après les Amériques du sud et du centre, le continent du nord voit naître des sociétés de peuplement blanc appelées à un grand avenir. 1. — L'EMPIRE

    HISPANO-PORTUGAIS*

    Même dans les Indes espagnoles, c'est un fait notable que vers 1570 les vieux mots de conquisia et de conquistadores cèdent 1 . OUVRAGES D'ENSEMBLE A CONSULTER. —

    W.

    C. A b b o t t ,

    The

    expansion

    of

    Europe, a social and polilical hislory of Ihe modern utorld (Londres, 1923, 2 tomes en un vol. in-8°) ; Ad. Rein, Die europäische Ausbreitung (Berlin, 1931, in-8°, dans la collection « Museum der Weltgeschichte • de Paul Herre) ; Lannoy et Van der Linden, Histoire de l'expansion coloniale des peuples europeéns : Portugal el Espagne, Néerlande et Danemark (Bruxelles, 1907-1911, 2 vol. in-8") ; Alfred Zimmermann, Die europäischen Kolonien (Berlin, 1896-1903, 5 vol. in-8°). 2. OUVRAGES A CONSULTER. — R. LeVillier, Nueua cronica de la conquisia de Tucumàn (Madrid, 1927, et Buenos Aires, 1931-1932, 3 vol. ln-8°) ; du même, L'Amérique espagnole, dans la Revue ral oriental de la Baltique ; mais la vieille Église est souveraine dans le midi méditerranéen, en Autriche et dan6 presque toute l'Allemagne du sud ; elle a même écrasé les résistances dans les pays tchèques ; elle a reconquis, à peu près complètement, la Pologne et la Lituanie, jusqu'à la limite qui sépare la chrétienté occidentale de l'orthodoxie ; elle a encore gagné sur cette dernière en créant les Églises uniates ; elle reprend sur le calvinisme les domaines des Magyars et des Transylvains. La France est, seule, dans une position à part. Tandis qu'en Allemagne trois religions sont juxtaposées en des États différents et quasi-souverains, l'Édit de Nantes laisse coexister dans les limites d'un même É t a t deux religions, une majorité et une minorité, dont les droits sont théoriquement égaux. Mais chaque jour, malgré la loi et même malgré les intentions des deux cardinaux-ministres, la pression de la majorité s'y rend plus forte. La Contre-Réforme n'est pas seulement un fait matériel, une reconquête du sol et de la puissance publique ; c'est une reconquête des âmes, par la force en partie, en partie aussi par l'enseignement, la prédication, l'exemple. C'est une réforme : c'est-à-dire, par d'autres voies, avec un autre idéal et d'après d'autres disciplines que les réformations protestantes, un retour au christianisme. Ce retour se produit dans des âmes d'élite, ivrea de vie intérieure ; et de là, par les ordres, par l'action sur les laïques, la foi renouvelée se répand au dehors. — 462 —

    Francois 1. •ÇAISES1

    FRANÇOIS

    DE

    SALES

    de Sales et les dévotions ET

    LES

    DÉVOTIONS

    françaises FRAN-

    Dans ce grand réveil mystique, l'Espagne a d'abord joué, au temps de Philippe II, le rôle essentiel. Mais, par une sorté de transposition, dans l'ordre spirituel, du renversement des valeurs politiques, les premières années du x v n e siècle ouvrent l'ère mystique française, ou du moins de langue française. Cela commence avec un jeune seigneur savoyard, lettré, humaniste, bon élève des jésuites parisiens, écrivain et orateur élégant, spirituel, tant soit peu précieux même, diplomate chargé de missions de son maître auprès de Henri IV, bref tout ce qu'il fallait pour séduire la société française, plus exigeante que l'espagnole en matière d'argumentation et de logique déductive, et aussi de douceur subtile. A la terreur sacrée de l'extase, François de Sales, lorsqu.'il revient à Paris en 1602, substitue le charme d'une dévotion aimante et confiante. Par ces voies gracieuses et qui semblent' fleuries, — à la suite de Glycère, bouquetière de l'amour divin — cette suavité n'en mène pas moins à la mortification de l'amour-propre, à l'anéantissement devant Dieu : « Quoi, dira-t-il en une comparaison où surgit le souvenir du Chablais natal, qu'on nous foule aux pieds, qu'on nous torde le nez, qu'on se joue de nous comme d'une marmotte ?... Oui, il est vrai, je veux cela... » Tel est l'aboutissement de l'Introduction d la vie dévoie, de la Philothée, du Traité de 1. OUVRAGES A CONSULTE«. — Le livre essentiel, qui dispense presque de recourir aux études biographiques, est H. Bremond, Histoire liltéraire du sentiment religieux en France depuis la fin des guerres de religion jusqu'à nos jours (huit volumes parus* Paris, 1916-1928, in-8°). Pour notre période, lire surtout les tomes I, L'humanisme dévot, 1580-1660 (1916) ; II, L'Invasion mystique, 1590-1620 (1916) ; III, La conquête mystique, l'école française (1921) ; IV, La conquête mystique, l'École de Port-Royal (1920) ; VI, La conquête mystique, Marie de l'Incarnation, Turba magna (1922). Du même. Sainte Chantai (Paris, 1912, in-8°). F. Strowski, Saint François de Sales (Pari», 1898, in-8°) et Histoire du sentiment religieux en France au XVII' siècle (Paris, 1907, 2 vol. in-16) ; P. Coste, Monsieur Vincent (Paris, 1932, 3 vol. in-8°) ; G. Guichard, Saint Vincent de Paul, esclave à Tunis (Paris, s. d., in-8°); Eugène Sol, Le vénérable Alain de Solminihac (Cahors, 1928, in-8°). Sur la • Cabale des Dévots », aux ouvrages ci-dessus cités (p. 448, n. 1) de R. Allier et A. Auguste, ajouter les belles études, malheureusement non réunies en volume, d'A. Rebelliau, Un épisode de l'histoire religieuse au liVII' siècle : 1, La Compagnie du Saint Sacrement, dans la Revue des Deux Mondes, L X X I I I ' année [1903], t . X V I , p. 49-82; II, La Compagnie du SatntSacrement et la Contre-Réformatlon, lbid., p. 548-563; I I I , La Compagnie du SaintSacrement et les protestants, t . X V I I , p. 103-135, plus La Compagnie secrète du Saint-Sacrement, ibid., L X X V I I I « année [1908], t . X L V I , p. 834-868; Ceux ennemis de la Compagnie du Saint-Sacrement : Molière et Port-Royal, L X X 1 X " année [1906], t . L I I I , p. 892-923; Le rôle politique et les survivances de la Compagnie du SaintSacrement, lbid., t . LIV, p. 200-228. — ¿63 —

    La peiuée religieuse

    el le

    mysticisme

    l'amour de Dieu. Il ne parle pas pour les professionnels de la dévotion. Il s'adresse à tous, aux gens du monde, enseignant que c'est « une hérésie de vouloir bannir la vie dévote de la compagnie des dévots, de la boutique des artisans, de la cour du prince, du ménage des gens mariés ». Coadjuteur, puis évêque de Genève in partibus, en vérité prélat d'Annecy, controversiste, convertisseur des protestants du Chablais, il reste surtout une âme éveilleuse d'âmes, et non pas seulement des âmes d'Église, d'un Binet, d'un Camus. Il en rencontre une qui n'est pas nourrie dans l'école. Issue de deux de ces dynasties de robe dont nous avons dit l'importance dans la vie des capitales provinciales, Jeanne Frémyot, fille d'un parlementaire dijonnais antiligueur, a été brutalement privée d'un mari très aimé, un Rabutin, baron de Chantai. Lorsque François, en 1604, vint prêcher à Dijon, il ne put se défendre de remarquer dans la chapelle « la jeune dame clairebrune, vêtue en veuve », abîmée dans sa douleur, avec qui il allait nouer, pour la vie, la plus pure et la plus ardente des mystiques amours. Partie en 1607 de Dijon pour Annecy, elle y retournera en 1610 pour « suivre la vocation de Dieu qui l'appelle ». Ce n'est pas sans angoisses qu'elle a quitté son « bon père » le président Frémyot, et surtout son fils, dont la sainte, qui reste femme, a franchi en pleurant le corps couché en travers de la porte : « Que voulez-vous, je suis mère ! » Le sacrifice consommé, elle va, sous la direction du saint, organiser l'ordre nouveau de la Visitation Sainte-Marie, où elle s'applique avec tout son bons sens de bourgeoise bourguignonne. Lorsque François lui est enlevé en 1622, — un coup « lequel en vérité m'eût fait mourir, si une autre main que celle de mon Dieu me l'eût donné », — sainte Chantai, comme on l'appellera, avait semé à travers la France douze maisons visitandines. A sa mort elle en comptera quatre-vingts, en comprenant celles qu'elle a essaimées en Lorraine, en Piémont, en Suisse (1641). Annecy est devenue, à l'égal d'Avila, une cité mystique. Mais combien nous apparaît humaine cette sainte qui a de l'esprit, qui continue d'aimer les siens, son fils tué dans l'île de Ré, et « la pauvre petite orpheline » qui épousera, en 1644, le marquis de Sévigné ! Barbe Avrillot sort d'une famille parisienne grandie dans les offices, et c'est dans ce milieu de chancellerie et de Chambre des Comptes qu'elle demeure par son mariage, en 1582, avec Pierre Acarie. Deux familles ligueuses, de vie pieuse mais sans grâce, où nous chercherions vainement le sourire de l'atmosphère — 464 —

    François

    de Sales et les df.volinns

    françaises

    dijonnaisc. C'est tout d'un coup, par une sorte de révolution intérieure, que Mme Acarie a des extases, au sens pathologique du mot, combinées avec une vertu sévère et impérieuse. Elle est mêlée, d'ailleurs, à la bonne société dévote, amie de Michel de Marillac, protégée de Bérulle, toute désignée pour être la fondatrice du Carmel français. Ceci est une bien curieuse histoire. On y rencontre un Sévillan, don Juan de Quintanaduenas, dont l'aïeul est devenu en France seigneur de Brétigny-sur-Brionne, en Normandie. Ce Jean de « Quintanadoine » a d'abord vécu en Espagne où il a fait, pour ainsi parler, la découverte de sainte Thérèse. Il rêve de la faire connaître à cette France que la mystique d'Avila aurait voulu arracher à l'hérésie : « Seigneur, faites que j'amène le Carmel en France. » Et c'est grâce à lui qu'autour de Mme Acarie se groupent ceux qui érigent le premier monastère, au faubourg Saint-Jacques (1601-1603). Restait à y faire venir quelques religieuses espagnoles. Mais ces filles se représentaient la France comme un pays de perdition, « Presque tous les habitants étaient hérétiques », écrivait leur conductrice, Anne de Jésus. Tout étonnées de n'avoir pas cueilli en route la palme du martyre, elles ne se rassurèrent que devant les splendeurs de Saint-Denis. Dès 1605, les carmels naissent à Pontoise, à Dijon. Il y en a cinquante-cinq en 1644. Ainsi s'opéra ce provignement d'un ordre espagnol en terre française. Au centre de cette vie dévote apparaissent quelques personnages dirigeants, que leur science, leur situation sociale, leur habileté aussi font comme des Pères de l'Église française rénovée. Le plus marquant est Pierre de Bérulle, fils, petit-fils, neveu, cousin de conseillers, de présidents, d'un chancelier, homme né grave et convertisseur tenace, esprit trop indépendant pour entrer dans un ordre et cependant désireux, tout en étant prêtre séculier, d'exercer l'action d'un chef d'ordre. Sanctifier l'état de prêtrise, c'est ce qu'il demande à la congrégation de l'Oratoire, laquelle n'a plus que le nom de commun avec les libres et presque joyeux entretiens de Philippe Néri. Peu de constitutions et de règlements, pas de ministères spécialisés, mais un esprit, fait de sérieux, de civilité aussi, — car il faut vivre au milieu du monde, — d'une certaine liberté intellectuelle, du goût de la solitude librement consentie et qui n'exclut ni l'amitié ni un certain esprit de corps. Tout naturellement l'Oratoire est amené à s'occuper de la formation des prêtres, à créer des collèges, dont les jésuites redoutent bientôt la multiplication. Les oratoriens — 465 —

    La pensée religieuse, ei le

    mysticisme

    ne craignent pas de se mêler au siècle, aux affaires d ' É t a t , et nous avons déjà rencontré Bérulle parmi les adversaires de Richelieu. Plus purement enfermés dans le cercle religieux sont Charles de Condren et Jean-Jacques Olier. Dans cettç atmosphère surchauffée de piété naissent chaque jour des dévotions nouvelles. Il semble que le culte de Dieu et de son Fils ne suffise plus aux âmes en quête d'extase. Il leur faut multiplier, spécialiser, matérialiser pour ainsi dire les objets de leurs extases. La Vierge tient naturellement une grande place, puisque la Contre-Réforme trouve en son culte un des points qu'il s'agit, de défendre contre l'attaque protestante. En 1636, aux jours de Corbie, Louis X I I I n'a-t-il pas voué la France à la Vierge ? Mais cela n'est plus assez. Il faut des dévotions plus attendries, plus personnelles, dirions-nous, mettant l'homme en présence d'aspects plus sensibles du divin. C'est, dans l'ordre de la piété comme dans celui de l'art, la dévotion à l'Enfant Jésus, avec son décor un peu puéril et mignard de Bethléem. Le grave Bérulle est un des fervents de cette foi qui oppose à l'état de « sapience » celui d'enfance, état qui paraît d'autant plus saint que les idées du temps le dépeignent plus misérable et plus impuissant. « L'enfance de Notre Seigneur, fera-t-on dire à M. de Renty, nous enseigne l'anéantissement, de nous-mêmes. » Les miracles viennent tout à point, comme ceux de Marguerite Parigot de Beaune, pour populariser le mystère, à l'heure même (1636-1637) où la guerre et la maladie dévastent et terrorisent la province voisine. C'est plus tard qu'à côté du Divin Enfant, du Petit Roi de Gloire — c o n ç u comme une sorte de protecteur spécial du dauphin — apparaîtra une dévotion plus bizarre, d'un symbolisme plus matériel, celle du Sacré-Cœur de Jésus. L'une des particularités de cette Contre-Réforme française, c'est qu'ejle n'est pas, tant s'en faut, un pur mouvement d'Église, mais bien plus encore un mouvement de laïques pieux, qui s'unissent avec des prêtres séculiers, des jésuites, des oratoriens, à la fois pour faire reculer l'hérésie, pour raviver la foi et, aussi, pour restaurer la moralité ébranlée depuis les guerres civiles. Ces groupements recherchent le secret, qui établit une sorte de lien mystique entre les adhérents, et les correspondances secrètes, qui permettent, grâce à la multiplicité des sousgroupes, d'étendre sur le pays tout entier comme un réseau d'espionnage sacré. La plus célèbre de ces compagnies de piété est celle que Henri de Lévis, duc de Vent.adour (le vice-roi du — 466 —

    I.r

    jansénisme

    Ganada 1 ), après s'être séparé de sa femme p a r appétit de sainteté, fonda vers 1627 pour l'adoration du Saint-Sacrement de l'autel. Sous la « livrée d ' u n Dieu caché », les confrères — des évêques comme Charles de Noailles, François Foucquet, Alain de Solminihac, des curés, des réguliers, mais aussi des « princes, conseillers d ' É t a t , présidents, marchands, bourgeois », des Lamoignon, un Voyer d'Argenson, un Le Fèvre d'Ormesson, le vieux prince de Condé, Schömberg, De R e n t y , Bernières, etc., —les «confrères» surveillent, censurent, redressent. Ce n'est pas romancer l'histoire que de parler à leur propos de Cabale des Dévols. On retrouve leur main, invisible mais agissante, dans t o u t e la chronique charitable, religieuse, morale, du milieu du x v n e siècle, inspir a n t la législation et l'action, policière. Ils ont leurs comités dans toutes les villes importantes, à Marseille, à Grenoble, à Toulouse, à Limoges, à Poitiers, à Dijon, à Caen, plus de cinq u a n t e compagnies filiales. Ils essaient de restreindre « à la rigueur » l'application de l ' É d i t de Nantes, dénoncent les maîtres de métiers huguenots, les personnes qui emploient des serviteurs ou des médecins hérétiques, établissent et se c o m m u n i q u e n t des « fiches » sur la vie et les opinions des conseillers des cours souveraines et des officiers royaux, veillent à l'observation des abstinences comme à la répression de la prostitution, du jeu, du blasphème, à l'organisation des hôpitaux et à la protection des galériens. Ils aident, par exemple, saint Vincent Depaul. La Compagnie se mêle de politique, donne des conseils à la reine, l'incite à chasser Mazarin, parce qu'il n'est pas dévot, et soutiendra F o u c q u e t contre Colbért. Nous l'avons vue intervenir même dans les relations entre le capital et le travail dans l'aiïaire des compagnonnages 2 . II. — LE

    JANSÉNISME*

    Le mouvement de Contre-Réforme devait logiquement aboutir, comme la Réforme même, à un retour à la primitive Église, 1. Cf. p. 448. 2. Cf. p. 457. 3. O U V R A G E S A C O N S U L T E R . — On doit toujours lire, malgré sa date, le Porl-Royal de Sainte-Beuve. Dans le sens ardemment janséniste, André Gazier, Histoire générale du mouvement janséniste, depuis ses origines jusqu'à nos jours, 1.1 (Besançon et Paris, 1922, in-lG). Presque à l'opposé, le t. IV, cité ci-dessus (p. 463), de Henri Bremond ; L. Prunel, Sébastien Zamet, évêque-duc de Langres, 1588-1655, les origines du jansénisme (Paris, 1012, in-8") ; A. Féron, Conlribitlion d l'histoire du jansénisme en Normandie (Rouen, 1913, iu-8°) ; Alb. de Meyer, Les premières controverses jansé— 467 —

    J.a pensée religieuse

    cl le

    mysticisme

    du moins au christianisme paulinien et, par une suite naturelle, à l'augustinisme. Comme jadis l'âme de Luthér, des âmes pieuses rêvent de détruire les superstructures humaines qui sont venues défigurer l'œuvre divine. « Il y a cinq cents ans, diront-elles, qu'il n'y a plus d'Église. » La doctrine de la grâce, de l'anéantissement de la volonté pécheresse devant la toutepuissance du Sauveur va reprendre le premier plan. De cette contradiction sort le drame janséniste, retour à ce que Vincent Depaul appelait la « sainte sévérité », sorte de protestation catholique qui, malgré les apparences, reprend à certains égards l'œuvre du protestantisme réformé. Les adversaires ne se trompaient pas absolument, qui accusaient les jansénistes d'aller « à Charenton », — le temple concédé aux calvinistes parisiens. Historiquement, le jansénisme est né dans deux âmes : chez un docteur de Louvain et chez un prêtre de Bayonne. Dès la seconde moitié du x v i e siècle, à Louvain, Michel Baïus avait soutenu la doctrine augustinienne contre la corruption de la liberté humaine défendue par les jésuites espagnols : Molina surtout et, à Louvain même, Léonard Lessius. Entre l'Université brabançonne et la Compagnie, qui voulait lui enlever le monopole de l'enseignement, la guerre était presque déclarée, lorsque Corneille Janssen, catholique de Hollande, arriva d'Utrecht à Louvain. A Paris il rencontra, puis suivit à Bayonne le Basque Du Vergier de Hauranne, qui avait étudié chez les jésuites de Louvain, nature ardente et fascinatrice, subtile jusqu'au paradoxe, d'un ascétisme orgueilleux, d'une érudition prodigieuse et d'une éloquence tourmentée : « Un des plus hommes de bien que j'aie rencontrés », dira, dans une déposition solennelle, son quasi-compatriote M. Vincent. Entre Jansénius, qui a parcouru l'Espagne avant de devenir évêque d'Ypres, et Du Vergier, abbé de Saint-Cyran en 1620, s'élabore la nouvelle doctrine, qui s'oppose à toute la pratique des jésuites et même aux principes posés par le Concile de Trente en matière de pénitence. Le Concile avait, en effet, voulu rendre la confession plus fréquente dans la vie du chrénistes en France, 1640-1849 (Louvain, 1917, in-8°, « Dissertations de la Faculté de théologie de Louvain », 2" série, t. I X ) ; A. Auguste, Les origines du jansénisme dans le diocèse de Toulouse (Toulouse,. 1922, in-8°). Sur Pascal et Les Provinciales, les exposés d'Ê. Boutroux, Pascal (Paris, 1900, in-16), et de L. Brunschvicg, Pascal (Paris, 1932, in-8"). Sur le côté anecdotique de la vie de Port-Royal, les agréables ouvrages d'André Hallays, Le pèlerinage de Port-Royal (Paris, 1909, in-8") ; Ch. Gailly de Taurines, Père et fille : Philippe de Champagne et sœur Catherine de SainteSuzanne à Port-Royal (Paris, 1909, in-16). —

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    Le

    jansénisme

    tien ; de là, pour ne pas laisser les pécheurs dans le désespoir, la fréquence, plus grande aussi de la communion et, par une conséquence nécessaire que favorise la rivalité des confesseurs, une atténuation des conditions de la pénitence, un certain « laxisme » introduit dans la théologie morale, un « probabilisme », qui permet de suivre une opinion autorisée, même si la contraire est plus probable. Le choix entre ces opinions probables a poussé naturellement l'esprit subtil des théologiens espagnols à multiplier la recherche et à raffiner l'étude des cas de conscience, étude conforme en soi à la complexité des données de la conscience humaine, mais qui, à force de chercher à tout péché des circonstances atténuantes, poussait à exagérer l'indulgence. C'est contre cette tendance que s'élève Saint-Cyran. II trouve, pour le suivre, toute une famille de robins auvergnats, d'ailleurs d'origines calvinistes, les Arnauld, qui vont mettre à son service leur ténacité fougueuse. Jacqueline — la Mère MarieAngélique, — qui avait dès le temps de Henri IV et presque enfant engagé à Maubuisson la lutte contre une indigne abbesse de cour, une sœur de la belle Gabrielle, va réformer, sous la direction de Saint-Cyran, le monastère de Port-Royal. En sa maison des Champs, dans la vallée de Chevreuse, comme en sa maison du faubourg Saint-Jacques, Port-Royal était « célèbre par la réputation de sa vertu et de sa piété ». Dès 1637, on voit graviter autour des religieuses des âmes pieuses en quête d'ascétisme, les « solitaires » ou « Messieurs de Port-Royal », parents ou amis des Arnauld. Grâce à eux se créèrent les « petites écoles », où les enfants devaient être élevés dans un esprit tout différent de la pédagogie des jésuites, dans le sentiment de la déchéance irrémédiable « du vieil Adam » et du salut par la grâce seule. Il y a donc, dès 1636-1637, un « parti de Port-Royal ». Il n'est pas sans inquiéter le maître de l'heure, qui entend réformer à sa guise les monastères et, prince de l'Église, ne supporte pas volontiers qu'une autorité théolo'gique s'impose en dehors de la sienne. Il a cherché, vainement, à gagner ce Du Vergier en qui il a deviné une force. Il lui en veut de ne pas suivre le catéchisme de Luçon, comme le P. Joseph s'inquiète de l'ascendant pris sur ses Calvairiennes par ce confesseur. Enfin, lorsqu'on avait obtenu de l'assemblée du clergé, même de M. Vincent, l'annulation du mariage séditieux de Monsieur avec Marguerite de Lorraine, le seul Saint-Cyran avait osé opposer la sainteté des sacrements aux vœux du cardinal-ministre. E t son ami Jansénius n'avait-il pas public contre la politique française un dange— 469 —

    La pensée religieuse

    el le

    mysticisme

    reux pamphlet, le Mars Gallicus (1635) ? En 1638, Saint-Cyran, considéré comme un conspirateur, fut mené à Vincennes, soumis à une procédure d'hérésie. 11 restera dans sa prison jusqu'après la mort de Richelieu, entretenant par ses lettres la foi de ses partisans. E n 1640, dans l'année même où la Compagnie, célébrant par des fêtes ses cent ans d'existence, publiait à Anvers les mille pages in-folio de l'Imago primi sœculi Socieiaiis Jesu, — tableau du premier siècle de la Société de Jésus, — Louvain voyait paraître les trois redoutables tomes de YAuguslinus, œuvre posthume de l'évêque d'Ypres. « Après saint Paul et saint Augustin, dit Saint-Cyran, on le pouvait mettre le troisième qui eût parlé .le plus divinement de la grâce. » Rome, c'est-à-dire les Barberini, s'inquiètent de l'agitation que ce livre produit aux Pays-Bas et en France et qui va se répandre en Hollande, en Pologne, en Espagne, même en Italie. Le 19 juin 1643, la bulle In eminenti renouvelle contre YAuguslinus la condamnation jadis portée contre Baïus. Alors éclate une ardente guerre de plumes. D'un côté les plus savants des jésuites, Pet.au, Sirmond, et la puissante Compagnie qui tenait les rois par ses confesseurs, la noblesse et la bourgeoisie par ses collèges. En face, le clan des Arnauld. En 1643, quelques mois après la mort de Saint-Cyran, La fréquente communion d'Antoine Arnauld substitue au latin des in-folios théologiques une éloquence française qui intéresse les gens du monde aux querelles de la grâce suffisante ou du pouvoir prochain, de la morale rigoriste ou de la morale relâchée. A cette heure, la Faculté de Paris, qui refuse jalousement aux collèges des jésuites la collation des grades, et dont le vieux gallicanisme s'irrite des condamnations romaines, approuve l'Apologie pour l'Université de Paris et les autres livres de Godefroy Hermant, de même que l'opuscule anonyme, né chez les Arnauld, Théologie morale des jésuites : extrait fidèlement de leurs livres. Mazarin était très indifférent à ces batailles de dévots. Mais les religieuses, à Port-Royal des Champs, étaient, sur les terres des Luynes, entourées de protecteurs et de protectrices dont beaucoup étaient des débris de la Fronde qui venaient cacher leurs déceptions et « chercher Dieu en ce repos de la solitude » : une duchesse de Longueville, une princesse de Guéménée, une marquise de Sablé. Derrière, le cardinal croyait entrevoir son ennemi Retz, qui s'était sauvé à Rome. Aussi présida-t-il l'assemblée où l'on ouvrit, en 1655, le bref qui condamnait cinq — 470 —

    Le jansénisme

    propositions attribuées à Jansénius et m e t t a i t à l'index les pastorales des évêques jansénistes. A quoi le clan des Arnauld ripostait que, d'abord les propositions n'étaient pas dans VAugustinus, et qu'ensuite la grâce peut m a n q u e r aux justes. On obtint que la Sorbonne déclarât la première proposition téméraire, et hérétique la seconde. Muni de cette censure, Mazarin fit fermer les petites écoles, disperser les solitaires. Mais la maison était aimée pour ses charités. Elle plaisait à beaucoup d'âmes pieuses par la rigueur même de sa v e r t u . On admirait cette assemblée de saints, cette sévérité qui rendait étroite la voie du ciel et rétrécissait les embrassements de son Christ à la mesure du petit nombre des élus. C'est alors qu'Antoine Arnauld, pour rallumer la querelle, pour m e t t r e encore mieux à la portée de quiconque savait lire les questions débattues entre théologiens, lança dans l'arène u n jeune s a v a n t déjà célèbre, d'une de ces familles auvergnates d o n t les filles, les mères peuplaient le monastère. Nous ne raconterons pas ici le foudroyant succès de ces lettres clandestines, s o r t a n t t o u t humides des presses de mars 1656 à janvier 1657, n a r g u a n t la police, posant h a r d i m e n t sur le terrain du bon sens la question de la grâce et, par une volte-face de génie, passant à partir de la Quatrième à une fougueuse offensive, a m e u t a n t contre les casuistes de la Compagnie les t e n a n t s de la morale chrétienne ou même simplement humaine. Or, p e n d a n t que circulaient ces Petites lettres — futures Lettres de Louis de Montalle à un provincial de ses amis, — voici que Dieu faisait à PortRoyal la grâce d ' u n miracle, et dans une famille auvergnate encore, liée aux Pascal, celle des Périer : une enfant de dix ans, nièce de Biaise Pascal et de sa sœur religieuse, était guérie d ' u n ulcère lacrymal par l ' a t t o u c h e m e n t de la Sainte-Épine ! Quelle joie dans la « secte » à l'heure de la persécution ! L'action des fameuses Lettres f u t encore renforcée, de 1658 à 1659, p a r les Écrits des curés de Paris contre le laxisme. Le jeune roi pourra, en septembre 1660, faire brûler les Provinciales par la main du bourreau ; les défenseurs de la Compagnie pourront en dénoncer les généralisations injustes et les inexactitudes, elles o n t contribué à redonner au problème janséniste une actualité nouvelle. D u r a n t t o u t le règne de Louis X I V et même au delà, il f a u d r a compter avec lui. La Compagnie tombera plus t a r d sous les coups que Jansénius, Saint-Cyran, Arnauld, Pascal lui avaient portés, et le catholicisme lui-même, disons m i m e la religion, fera les frais de cette grande querelle. — 471 —

    La pensée religieuse III.

    — LES

    et le

    mysticisme

    ÉGLISES

    PROTESTANTES

    Pour être complète, l'histoire religieuse devrait étudier, après Bossuet, les « variations » des Églises protestantes. Le luthéranisme allemand, devenu décidément une religion de princes, un césaropapisme territorial, semble désormais stérile en créations religieuses. Il connaît cependant encore un mystique, en qui s'exprime contre le pharisaïsme des Églises la candeur de l'âme populaire. Jacob Böhme, « barbare génial », est un pauvre cordonnier de Lusace (1575-1624), que la lecture de la Bible et de Paracelse a préparé à l'extase. Son Aurore à son lever (1612) le désigne aux colères du pasteur de Gœrlitz. Menacé de poursuites pour hérésie, il promet de ne plus écrire, mais sa foi est la plus forte : dans une série d'ouvrages groupés sous ce titre : Le chemin vers le Christ, il expose ses expériences mystiques, son amour d'une divinité inconsciente — Mysterium magnum — qui obéit à la loi du devenir, sa conception d'une sorte de dualisme dynamique où les théories alchimiques se mêlent aux rêveries théosophiques. De nouveau persécuté, banni de Gœrlitz, réfugié à Dresde, Böhme laisse, dans cette atmosphère desséchante, fleurir « un roman métaphysique..., fort obscur,... confus et décousu », qui agira plus tard sur le romantisme et l'idéalisme allemands. Le calvinisme, plus robuste que la religion dégénérée de Luther, a gardé assez de vitalité pour voir naître en lui des hérésies, pour produire une controverse ardente, celle de Gomar et d'Arminius. Ouaint au calvinisme français, c'est une Église d'autant plus nationale qu'en 1623 Louis X I I I a interdit aux pasteurs de se former dans les universités étrangères, c'està-dire ailleurs qu'à Saumur, Montauban et Nîmes. Malgré son respect paulinien pour les puissances établies et son ardent 1. OUVRAGES A CONSULTER. — J . Pannicr, L'Église ré/ormée de Paris sous Louis XIII (cité p. 289). Revoir F r e u n d , Die Idee der Toleranz im England der grossen Révolution (Halle, 1927, in-8°, t . X I I de ia « Deutsche Vierteljahrschrift f ü r Literaturwissenschaft und Geistesgeschichte ») ; H e a r n s h a w (cité p. 337) ; W . J . K ü h ler, Hei socinianisme in Nederland [Le socinianisme en Nécrlande] (Leyde, 1912, in-8°) ; J . C. van Slee, De Geschiedenis van het socinianisme in de Nederlanden [L'histoire d u socinianisme dans les Pays-Bas] (Haarlem, 1914, in-8°). P o u r la bibîiographie polonaise du socinianisme, particulièrement pour les t r a v a u x de S t a u . K o t et de L. C h m a j , voir Gustave Cohen, Une biographie inédite de Hugo Grotius par Samuel Sorbière, dans les Mélanges Salverda de Grave (Groningue, 1933, in-8°), p . 45-64. — É . B o u t r o u x , Un philosophe allemand, Jacob Böhme (Paris, 1888, in-8°) ; Alex. Koyré, La philosophie de Jacob Bœhme (Palis, 1929, iii-S"). — P . Brodin, Les quakers en Amérique (Paris, 1935, in-8°). — 472 —

    Les éi/lises

    protestantes

    loyalisme monarchique, malgré les menaces qui l'entourent, c'est une très forte société religieuse, régie par la Discipline de 1659, menée par des pasteurs dont quelques-uns, Mestrezat, Drelincourt, les Daillé, sont des hommes de haute valeur morale ;t comptent parmi les prédicateurs les plus éloquents. La piété réformée, austère, fondée sur le culte familial et sur la lecture de la Bible, résiste dans l'ensemble aux tentatives de conversion, et aussi aux « hérésies » que répriment les synodes. Cependant, le pasteur tourangeau Moïse Amyrault tenta en 1633-34 d'opérer une conciliation entre le gomarisme et l'arminianisme. Les passions étaient calmées, et le synode de Charenton se borne à interdire la continuation de la controverse. Mazarin, d'ailleurs, laisse vivre la petite Église en paix, malgré les plaintes des assemblées du clergé qui, dès 1651, réclament la révocation de l'Édit. Mais c'est surtout en Angleterre que nous assistons à une prodigieuse floraison de formes nouvelles ou renouvelées du protestantisme. Nous savons quel a été, dans la révolution, le rôle de ces innombrables sectes religieuses qui sont en même temps des partis politiques. Car l'exigeante religiosité des puritains réclame que les modèles de vie qu'ils ont été chercher dans la Bible soient immédiatement réalisés sur la terre. Mais, par une conséquence aussi naturelle qu'imprévue, de ce choc des doctrines sort l'idée de la tolérance. Les Indépendants la réclament avec John Milton et John Goodwin, et en 1644 paraît le livre attribué à Henry Robinson, La liberté de conscience comme seul moyen d'obtenir la paix et la vérité. Les baptistes, en vertu même de leur principe, puisqu'ils écartent le baptême des enfants, font appel à la libre conscience du chrétien : dès 1614 Leonhard Busher avait écrit sa Paix de religion ou plan pour la liberté de conscience. Roger Williams fait triompher cette doctrine dans la colonie baptiste de Providence, — en Rhode Island, au sud de la Nouvelle-Angleterre, — où une séparation radicale est proclamée entre l'État et l'Église. Partis d'ailleurs, d'une pensée hardiment révolutionnaire, les Niveleurs de Lilburne aboutissent à la même pensée. C'est un pasteur de Glasgow, Cameron, qui a inspiré Moïse Amyrault. De l'autre côté de l'Océan, dans la colonie fondée par un protégé du roi d'Angleterre, William Penn, s'est développée la secte des « Amis », de ceux qui attendent dans le tremblement la volonté du Seigneur. Ces « trembleurs » (quakers) qui semblent nier l'institution sociale, condamnent la guerre et le service

    La pensée religieuse el le mysticisme

    des armes, refusent l'obligation du serment, sont persécutés par les théocraties puritaines. En 1659, ils ont deux martyrs, puis une martyre, Mary Dyer, en 1660. E t là comme ailleurs, le bûcher devient un foyer de conversion. Cette « société » qui aura dans les forêts défrichées (Pennsylvania) son centre et sa cité fraternelle (Philadelphie), qui fera des adeptes parmi les robustes pêcheurs de baleines du Massachusetts, deviendra l'un des éléments de la conscience américaine. Au-delà des sectes les plus indépendantes, au-delà des hardiesses de Servet, au-delà de l'arminianisme même, la doctrine du libre examen, qui était, bon gré mal gré, à l'origine de la Réforme, atteint ses ultimes conséquences logiques dans l'hérésie (hérésie aux yeux des luthériens et des calvinistes comme à ceux des catholiques) enseignée par Lelio et Fausto Sozzini. Réfugié en Pologne, Fausto a nié la Trinité, la divinité du Christ. Ce socinianisme polonais, qui supprime les mystères, celui de la Passion comme celui de l'Eucharistie, n'est plus qu'une forme religieuse de la libre pensée. Persécutés lors du retour de la Pologne à la confession romaine, les Sociniens trouvent, comme tous les proscrits, un asile en Hollande. Ils ont agi sur la pensée de Grotius et sur celle de Spinoza. IV. — LA

    SYNAGOGUE1

    A. côté des diverses formes du christianisme (et nous ne revenons pas sur l'orthodoxie orientale 2 ), il importe de faire place p la 1. O U V R A G E S A C O N S U L T E R . — A. B. Dilti et P. Kaan, trad. d'Une vie humaine, ti'Uriel ), 40. Jean-Casimir, roi de Pologne, 399, 404, 405. Jean-Casimir, flls de l'électeur palatin, 69, 102, 118, 131. Jean-Frédéric, chef de la branche ernestine de Saxe, 80. Jean-Sigismond, électeur de Brandebourg, 260 ;—se fait calviniste, 267. Jeanne d'Albret, 24, 34, 46, 63, 81-85, 126 ; — sa mort, 93. Jeanne la Folle, 78, 259. Jeannin, 156, 291, 294. Jéhol, 410. Jenatsch (Jûrg), 297, 302. Jénisséisk, 396. Jenkinson, 188. Jersey, 368. Jésus (Compagnie de), jésuites : organisation et expansion après le concile de Trente, 27-36, 53, 74, 75, 107, 174, 180 ; — les collèges et la pédagogie, 28-30, 31, 32, 33-35, 143, 267, 486, 488 ; — les arts, 31-33, 250, 252; — et les lettres, 244, 461 ; — et Galilée, 484 ; — et Pascal, 484 ; — et Henri IV, 161-165;— en Bohême, 270; — sous Louis X I I I et Richelieu, 292-296-298 ; — à Osnabrück, 314 ; — en Angleterre, 32, 341 ; — avec Christine de Suède, 402 ; — les missions, 35, 194-195, 413; — en Chine, 410 ; — en Amérique, 425-426, et voir : Paraguay ; — et les empereurs, 460 ; — contre Jansénius, 468 et suiv. ; — contre Descartes, 489. Job', patriarche de Moscou, 401. Jodelle, 235. Joedenslraat d'Amsterdam, 278, 475, 508. Jogues (le P. Isaac de), missionnaire, 432. Joinville, v. de Champagne, 59 ; — (traité de), 129. Jordaens, 501, 507. Joseph (Jacques Leclerc du Tremblay, dit le P.), 300, 303, 305 ; — à Ratisbonne, 315 ; — et la Bavière, 313 ; — et Saint-Cyran, 469 ; — et Grandier, 478.

    — 561 —

    índex Jouarre, 100. Joyeuse, 125, 131, 155, 160. Juan. — Voir : Jean. Juan d'Autriche (don), fils naturel de Charles Quint, 13, 75 ; — à Lépante, 89-91 ; — dans les PaysBas, 115-119, 124 ; — en Afrique, 139. Jua'h José d'Autriche, 381. Juifs, en Berbérie, 139, 141 ; — espagnols et portugais, 198, 277-278, 475 ; — (docteurs), 221 ; — au Brésil, 277,428 ; — en Angleterre, 371 ; — en Hollande, 278, 305, 455, 475-476, 508 ;. — en Pologne, 399. Jules III, pape (Jean-Marie Giocchi), 19, 36, 514. Juïiers, 260, 266, 330, 336, 393. Juste-Lipse, 518. jusliza, 152, 153. Jutland, 314, 378. K Kaboul, 183, 185. Kachgarie, 189, 411. Kama, riv. de Sibérie, 106, 396. Kandahar, 189, 416, 418. K'ang-hi, 412. Kano (école des), 196. Kanys. — Voir : Canisius. Kars, 418. Kaschau (ou Kosiée), 286. Kazan, 105, 396. Kazvin, 189. Képler, 216, 219, 223, 485 ; — et Galilée, 482, 485. Kerbéla, 418. Keyzer (de), 506. Khayr ed-Din, 139. Khelmtizkij, 399. Khlesl (Melchior), 259, 269. Khorassan, 190. Khosrou, 415 ; — (fils de), 414. Khoudabanda, fils de Chah Abbâs, 419. Khwadja Abou-Samad, peintre persan, 187. Kiev, 399, 400 ; — (princes de), 105. K'iou Che-sseu, 411. Kiou-siou, 192.

    Kirk. — Voir : presbytérienne (Église). Kirke (les frères), 431. Kirk O'Field, 70. Knox (John), 49, 51, 70, 96, 348. Kœnigsberg, 405. Kœprili (Ahmed), 406. Kœprili (Mohammed), 406-408. Komensky. — Voir Coménius. Köninck (de), 506. Kosa Kennio, 192, Kosiöe. — Voir : Kaschau. Kostka, 108. Kouang-si, 411. Kouang-tong, 410. Kouanto, 192, 193. Kourbski, 106. Koutchoum (khan), 396. Kremer (Gerhard). — Voir : Mercator. Kremlin, 397, 398. Krems, 330, 379. Kronborg, 103. Ksar el-Kébir, 141-142. Kurdes, 189, 418. Kurdistan, 418. Kûstrin, 319. Kyd (Thomas), 238. Kyoto, 192, 194. L La Bazinière, 455. La Boétie, 95, 244. Labourd, 477. Labrador, 430. La Bruyère, ligueur, 123. La Bruyère, l'écrivain, 492. La Calle, 448. La Calprenède, 520. La Charité-sur-Loire, 82, 83, 127. La Corogne, 147, 149. La Cruz (Pantoja de), 8, 246. La Cueva (Alphonse de), duc de Bedmar, 14, 264. La Cueva (Jean de), dramaturge, 236. Ladislas Vasa, fils de Sigismond III, 180, 394, 404. La Fayette (Mlle de), 326. La Fère (prise de), 160.

    — 562 —

    Index Laftemas (Barthélémy de), sieur 4e Beausemblant, 169, 170, 212, 445. Laffemas (Isaac de), 445. La Flèche, 267, 481, 488. La Fontaine (Jean de), 455, 520 ; — et Molière, 528, 530. La Force (maréchal de), 295-296, 308. La Gardie (Jacques de), 181, 317, 398. La Gardie (Pontus de), 104, 313. Lagny-sur-Marne, 151, 152. La Gomberdière, 334, 446. La Goulette, 89, 91, 140, 232. La Havane, 73. La Haye, 120, 253, 281, 286, 382, 383, 505 ; — (alliance de), 312. Lahore, 417. Lainez (Pierre), « général » des Jésuites, 27, 28, 33, 34, 58. Lalaing, comte de Rennenbourg, 120. Lallement (le P.), missionnaire, 432. lama (dalal-), 412. La Marck (Guillaume de), 85. La Marfée (bataille de), 330. Lambert, 370, 373 ; — (hôtel), 499. Lambeth (palais de), 349. La Mecque, 184, 186. Lamoignon (famille de), 467. La Molle, 101, 126. La Mothe, 329. La Mothe-Fénelon, ambassadeur, 75, 172. Lancashire, 354, 369. Lancaster (Sir James), 176, 212-213. Lancastre (maison de), 75. Lancre (de), 477. Landi, 514. Langres, 326. Languedoc, 45, 62, 82, 98, 102, 265, 297, 301,313, 322 ; — (la Ligue en), 123, 127, 131, 155, 160 ; — questions économiques, 137, 206, 448 ; — huguenots, 294. Languet (Hubert), 96. La Noue (François de), 82, 118, J21, 132, 204, 231 ; — à La Rochelle, 97 ; — aux Pays-Bas, 121 ; — et la conversion du roi, 155-156 ; — et ses mémoires, 241. La Noue (Odet de), 262.

    Lansac, 21. lansquenets, 80, 81, 102, 151, 506. Lanturlus, 322. Laon, 159. La Paz (Université de), 424. La Planche (famille), 452. La Piata, 421. Lapons, 181. Lara (Manrique de), 9. La Renaudie (Jean du Barry, sieur de), 47. La Roche (sieur de), 430. La Rochelle, Rochelais, 45, 73, 81, 83-85, 527 ; — premier siège, 9798, 127, 199; — (les Hollandais à), 279 ; — premier siège sous Louis X I I I , 296-297, 300 ; — dernier siège, 304-307, 308 ; — (le cardinal de), 304 ; — banquiers, 335, 454. La Rovère (de), nonce en France, 515. Larrivey (Pierre de), 235. Lassus (Roland Delattre, dit Orlande de), 512, 515. Lastman (Pieter), 508. La Taille (Jean de), 235. La Trémoille, 163. Laud (William), archevêque de Canterbury, 345-347, 349, 355, 436. Laudonnière (René de), 59, 68. Laureo (Vincenzo), 218. Lausanne (la Réforme à), 46, 96. Laval, 151. La Valette, grand-maître de Malte, 87. La Vieuville, 298, 300, 301. Lazarillo de Tormès, 11. Léal (Valdès), 250. Le Brun (Charles), 455, 499, 530. Le Cap. — Voir : Bonne-Espérance. Lech, riv., 318. Le Choyselat (Prudent), 205. L'Écluse (de). — Voir : Clusius. Lecomte (Valleran), 524. Leczinski (famille), 486. Le Ferrol, 161. Le Havre, 61, 63. Leicester (comté de), 355. Leicester (Robert Dudley, comte de), 71, 144, 148, 211, 230, 237. Leipzig, 319, 320, 330, 385.

    — 563 —

    Index Leith, 348, 369. Le Jay, jésuite, 29. Le Mans, 151, 524. Lemercier (Jacques), 497. Lemnos, 406, 407. Le Moyne de Morgues (Jacques), 59. Le Nain (les frères), 450, 498-499. Lennox (famille), 52, 143. Lenoncourt (cardinal de), 154. Le Nôtre (André), 455, 530. Lens (bataille de), 363, 384. Léon. — Voir : Brûlart. Léon de Modène, 475. Léonard de Vinci, 4, 214, 479. Léoni (Pompeo), 247. Léopold, archiduc d'Autriche, 266, 268, 298, 384 ; — empereur, 392. — Voir : Neubourg. Lépante, (bataille de) 3, 77, 90, 95, 103, 109, 134; — (Cervantès à), 233 ; — et l'art vénitien, 248-249. Le Petit (Claude), 492. Le Plessis-lez-Tours, 120. Lerida, 382. Lérins, 326. Lerma (duc de), 11, 264-265, 282, 307, 308. Lescar (évêché de), 295. Lescot (Pierre), 497. Lesdiguières (duc de), 127, 131, 155, 160, 294, 295, 296, 308, Leslie, 348, 350, 369. Les Ponts-de-Cé, bataille, 295. Les Sables-d'Olonne, 297, 304. Lessius, 468. Le Sueur (Eustache), 497. Le Tellier (famille), 458. Le Testu (Guillaume), 134. Le Tourneur (Pierre), dit Versoris, 34, 124. « lettres de la cassette », 70. Leuwenhoek, 488. Levant, Levantins, 15, 139, 275, 332, 333, 340, 408, 446, 447 ; — (mer du Levant), 304. Voir : Compagnies. « Levante », côte orientale de l'Espagne, 12. Le Vau (Louis), 455, 497. Levellers. — Voir : Niveleurs. Leyde, 174, 435, 442, 460, 475, 481, 488 ; — siège de la viUe, 100 ; —

    Université, 100, 181, 242, 284 ; — (draps de), 84,273 ; — (art à), 505, 507, 508. Lhaça, 411. L'Hospital (Michel de), 34, 48, 55, 57, 58, 62, 63, 69. Libertat, agitateur corse, 158. « libertins », « libertinage », 490, 495, 527, 535. Liège, 32, 181, 266, 322, 383. Lievensz (Jean), 506. Lignon, riv., 519. Ligue (ou Sainte Union), liguéurs, 122-125, 150-163, 519, 528. Ligue catholique allemande, 259, 313. Ligurie (roi de), 324. Lilburne (John), 357, 370, 474. Lille, 66, 119. Lima, v. du Pérou, 8, 135 ; — (viceroyauté de), 420 ; — (archevêque de), 423 ; — (concile de), 423 ; — (Université de), 424. Limoges, 46, 151, 467. Limousin, 46, 261, 530. Linkôping, v. de Suède, 180. Linschoten, 121, 273. Lionne (Hugues de), 394, 458. Lippershey, 483. Lisbonne, 32, 112, 121, 140, 146, 148, 150, 161, 225, 236, 369, 391 ; — (Japonais à), 194 ; — (révolte à), 329. Lisieux, 151, 242. Lisvelt, 427. Li Tseu-tch'eng, 410. Lituanie, 98, 107, 178, 397, 462. Livonie, Livoniens, 102, 103, 104, 105, 107, 178, 181, 273, 286, 310, 397, 405, 442. Livourne, 276, 389, 447, 488. livre tournois (dépréciation de la), 201-203. Ljapounov, 395, 397. Lochleven, v. d'Écosse, 70. Loire, 82, 97, 151, 333. « lois fondamentales » du royaume, en France, 293, 458. Lombardie, Lombards, 14, 15, 16, 306 ; — (royaume de Lombardie), 266, 307. Londres, 50, 71-74, 103, 142, 150, 162, 172, 175, 200, 219, 237, 341,

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    Index 345, 389, 480, 486, 487 ; — (cour I de), 50, 143, 178, 179 ; — (mar- | chands de), et la « Cité », 134, 171, 211, 213, 338, 349, 353, 388, 390, 430, 445 ; — (paix de), 338 ; — et la Révolution, 348, 358 ; — et la Restauration, 375 ; — (Rubens à), 500. Longhena, 496. Longjumeau (paix de), 69. Longueville (duc de), 378. Longueville (duchesse de), 360, 470. Lope de Vega, 147, 231, 236, 237, 518, 522. López de Mendoza (Iñigo), 12. López de Ubeda (Francisco), 518. Lords (Chambre des), 71, 175, 344, 352, 355, 357, 358. Lorette, 194, 488. L'Orme (Philibert de), 497. Lorrain (Claude Gellée, dit le), 498. Lorraine, Lorrains, 68, 69, 99, 101, 124, 132, 258, 289, 464; — et Gaston d'Orléans, 308, 318, 469; — occupée, 324, 393 ; — (sorcellerie en), 478 ; — (l'art en), 498 ; — maison de Guise-Lorraine, voir : Guise. Lorraine (Charles IV, duc de), 356, 366, 393. Lorraine (Charles de Guise, dit le cardinal de), 74 ; — au concile de Trente, 23, 24 ; — dans la politique intérieure française, 44, 46, 56, 57, 58, 63, 82. Lorraine (Roger de), 515. Losse (Jean de), 205. Los Veles, vice-roi de Naples, 381. Loudun, 163, 294, 478, 528. Loue (val de), 52. Louis XI, roi de France, 43. Louis XII, roi de France, 204, 261.

    Louis XIII, roi de France, 241, 290, 298, 299 ; — et Richelieu, 302, 330, 359 ; — et Gustave, 316 ; — dit le Juste, 306, 315 ; — et l'Espagne, 315, 319 ; — et la guerre de 1635 325 ; — comte de Barcelone, 328 ; — mort, 331, 359 ; — et Grotius, 460 ; — et la Vierge, 466 ; — et l'Église réformée, 472 ; — et Cam-

    panella, 482 ; — les arts et les lettres, 515, 517 ; — (style), 451. Louis XIV, roi de France (minorité de), 359, 376, 460 ; — landgrave d'Alsace, 384 ; — (mariage de), 391 ; — et Colbert, 446 ; — et l'art, 499, 515; — (le siècle de), 516, 530. Louise Albertoni (sainte), 496. Louise-Henriette d'Orange, 385. Lourdet (Simon), 445. Louvain, 29, 31, 69, 75, 79, 217, 468, 470. Louviers, 478. Louvre, 93, 126, 132, 157, 322, 497, 515, 527 ; — (l'imprimerie royale du), 446. Lowlands, Lowlanders, 347, 356, 369. Loyseau (Ch.), 451. Lübeck, 104, 107, 178 ; — (paix de), 314. Lublin (Union de), 98. Luçon, 294, 309 ; — (catéchisme de), 469. Ludlow, 372. Lulli, 515. Luna (comte de), 24. Lunebourg, 514. Lunéville, 323. Lusace, 260, 318, 472. Luther, 30, 40, 41, 494. luthéranisme, luthériens, 1, 19, 31, 41, 53, 58, 59, 61, 62, 68, 88, 179, 202, 214, 218, 462, 468, 494, 533 ; — luthéranisme allemand, 472. Lutter, 313. Lützen, 319. Luxembourg (duché et ville de), 53, 68, 116, 154, 266, 393. Luxembourg (palais du), à Paris, 310, 497. Luynes (Albert de), 295, 302, 307; — (famille de), 470. — Voir : Chevreuse. Lyly (John), 228, 237. Lyon, 101, 261, 295, 299, 309, 330, 392, 524, 527 ; — (collège de), 35 ; — (la Réforme et les guerres de religion à), 45, 48, 60, 62 ; — (la Saint-Barthélemy à), 9 3 ; — (la Ligue à), 131, 132, 155, 158 ; —

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    Indtx place commerciale et bancaire, 197, 202, 442 ; — (traité de), 262 ; — (les Italiens à), 455. Lyonnais, 170 ; — et les soieries, 212. Lys (la), riv., 392. M Macao, 225, 411, 412, 428. Macé-Bertrand, 455. Machiavel (Nicolas), machiavélisme, 4, 48, 94, 163, 228, 231, 290, 518. Mac-Mahon (famille irlandaise de), 353. Mâconnais, 159. Madagascar, 272, 274, 333, 427. Mademoiselle (La Grande), fille de Gaston d'Orléans, 360, 364, 515. Madère (lie de), 82, 142. Maderno (Pierre de), 496. Madrid, 7, 8, 10, 32, 79, 80, 114, 233 ; — (cour de), 47, 50, 54, 143, 152, 157, 246, 299, 301, 328, 501 ; — (traité de), 298, 301. madrigal, 512, 514. Magdebourg, 36, 326, 385, 486 ; — (sac de), 317, 387. Magellan, 135, 274 ; — (détroit de), 176, 275, 428. Maghreb, maghrébin, 109, 140. — Voir : Afrique. Magna Charla, 344. Magni, capucin milanais, 482. Magnus, prince danois, 104, 107. Maguire, 353. Magyars. — Voir : Hongrois. Mahomet III, 379. Mahomet IV, 406. Mahomet. — Voir : Mohammed. Main, riv., 318. Maine, en Amérique, 436. Mairet, 525. Maisons, 497. Maisse (Huraultde), 175. Malabares, 35, 274. Malacca, 274, 427, 460. Malaga 13, 87. Malaisie, Malais, 413, 444. Malar (lac), 180. Malaspina, nonce, 180. « Malcontents », 101,119.

    Maldonado (Jean de), dit Maldonat, 34, 35. Malherbe, 227, 529. Malines, 51, 52, 53, 95, 507. Malynes (Gérard de), 446. MalmO, 104. Malpighi, 488. Malte (Ordre et ville de), 87, 140. Manassé ben Israël, 371, 475. Manche (mer de la), 103, 228. Manche, province d'Espagne, 265, 503. Manchester (lord), 352, 355. Mancini (Marie), 392, 527. Mandchous, 410-412. Manhattan, 389, 428. Mani, artiste hindou, 190. manifestación (droit de), 152. Manille, v. des Philippines, 8, 163, 411, 413. .Mannheim, 287. Manoël, roi de Portugal, 142, 329. Mansart (François), 497. Mansfeld (Ernest, comte de), 67, 159, 270, 286, 288, 301, 313. Mantes, 151 ; — (édit de), 156 ; — (assemblée de), 163. Mantoue (ville et duché de), 15, 16, 23, 226, 235, 246, 291, 325, 514 ; — (succession de), 295, 307, 315, 324. Manucio (Paul), 25. Marais (quartier du), 525. Maranhâo, 428. Marans, 304. Marbourg (Université de), 219. Marcel (Claude), prévôt des marchands, 94. Marche, v. des Pays-Bas, 117. Marcour, v. de Belgique, 32. Mardyck, 391. Maremme, 15. Marguerite d'Angoulême, duchesse d'Alençon, puis reine de Navarre, 40, 64, 78, 82. Marguerite d'Autriche, gouvernante des Pays-Bas, 52. Marguerite d'Autriche, femme de Philippe III, 264. Marguerite de Lorraine, 469. Marguerite de Parme, rigente des Pays-Bas, 51, 52, 54, 66, 67, 68, 78, 115, 118. 119.

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    Index Marguerite de Savoie, duchesse de Mantoue, 307. Marguerite de Savoie, vice-reine du Portugal, 329. Marguerite de Valois, fille de Henri II, dite Margot, 85 ; — son mariage, 93 ; — à Spa, 120 ; — ses mœurs, 126 ; — son divorce, 261. Maria de Agreda (sor), 378. Mariana (Juan de), jésuite, 29, 290. Marie de Bavière, femme de Charles d'Autriche, 31. Marie de. Gonzague, héritière de Mantoue, 307. Marie de Lorraine, régente d'Écosse, 49. Marie de Médicis, 299, 497 ; — son mariage, 261 ; — régente, 267, 289-299 ; — contre Richelieu, 301310 ; — chassée, 295 ; — en exil, 321, 330 ; — sa mort, 331 ; — et Rubens, 501. Marie Stuart, reine de France et d'Écosse, 43, 50, 51, 52, 69, 70, 74, 75, 78, 86, 100, 103, 116, 130, 143-145, 172, 230, 336, 523. Marie Tudor, reine d'Angleterre, 19, 51, 61, 73, 144, 174, 230, 246. Marie (sœur) de l'Incarnation, 430, 433, 451. Marie de Jésus, mystique espagnole, 37. Marie-Angélique (la Mère) Arnauld, 469. Marie-Anne d'Autriche, femme de Philippe IV, 391. Marie-Christine, duchesse de Savoio, t Madame Royale », 296, 307, 315, 327, 391. Marie-Galante (île), 437. Marie-Thérèse d'Autriche, fille de Philippe IV, 299 ; — reine de France, 391, 394. Marienbourg, v. du Hainaut, 393. Marienburg, v. de Prusse, 105. Marillac (Charles de), archevêque de Vienne, 48. Marillac (Louis de), maréchal de France, 310. Marillac (Michel de), 310, 333, 440, 465. — Voir : Michau (Code). Marina Mniszek, 397-398.

    Marini (Gian Batista), l i marinisme, 226, 517-519. Mark, 260. Marlowe (Christopher), 238, 240. Marne, 152, 168. Marnix de Sainte-Aldegonde (Jean de), 66 ; — (Philippe de), 66, 92, 99, 100, 120. Maroc, Marocains, 140-142, 148, 304, 426, 444, 448. Maronites, 35. Marot (Clément), 511. Marprelate (Martin), 173, 174. Marrakech, 140, 142. « Marranes », 199, 278, 476. Marseille, Marseillais, 158, 326, 447. 469, 477. Marston (John), 239. Marston Moor (bataille de), 355. Martin (Dom), 430. Martinique, 437. Martinitz, 269. Maryland, 369, 389, 436. Masaniello. — Voir : Aniello. Mascate, 418. Massachusets (baie des), 434, 478. Massinger, 522. Mathias (archiduc), frère de Rodolphe II, 118, 119, 268, 269, 270. Maubuisson (abbaye de), 469. Maugiron, 125. Maures, 12, 37, 139, 198, 426. Maurevert, 93. Mauriac (collège de), 35. Maurice. — Voir : Nassau, Savoie, Saxe. Maurienne, 160. Maximilien II, fils de l'empereur Ferdinand I " , 19, 31 ; — empereur, 31, 78, 80, 86, 88, 108, 259. Maximilien I e r , duc de Bavière, 30, 259, 270, 288, 317, 318, 380. Mayence (électorat et ville de), 30, 324, 392, 478. Mayenne (Charles de Lorraine, duc de), 127, 151-152, 157, 258 ; — à Dijon, 155, 159 ; — à Paris, 156 ; — sa soumission, 160 ; — sous Louis X I I I , 291. Mayflower, 435. Mazagan, 426. Mazandérân, 190.

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    Index Mazarin, 255, 309, 328, 356, 455, 462 ; — et Anne d'Autriche, 360 ; — et la Fronde, 365-367; — sa politique étrangère, 376-381 ; — et Naples, 381 ; — et Cromwell, 372-373, 391-393 ; — et la paix des Pyrénées, 393 ; — et la paix du Nord, 405 ; — et les questions économiques et sociales, 442, 449, 454 ; — et Colbert, 451 ; — et les Italiens, 455 ; — et la monarchie française, 457 ; — et les jansénistes, 470 ; — et les réformés, 473 ; — mécène, 497, 514-515 ; — « mazarins », « mazarinades », 365, 470. Meaux, 45, 46, 69, 94. Méched, 190. Mecklembourg, 314, 404. Médicis, famille florentine, 19, 43, 85, 497. — Voir : Catherine, Cosme, Marie. Medichino (II). — Voir : Pie IV. Medina (Francisco de), 6. Medina-del-Campo, 39. Medina-Sidonia (duc de), 146, 147, 148, 161 ; — (duchesse de), reine de Portugal, 329. Méditerranée (mer), 6, 14, 87, 111, 112, 140, 371, 382, 447, 448, 462. Mélanchthon, 41. Melilla, 91. Melo (Francisco de), 378. Melun, 57, 151. Mendoça (Bernardino de), 9, 133, 144, 148 ; — (Inigo Lopez de), 13. Menendez de Avilès (Pedro), 68, 73, 78. Meneses (Felipe de), 232. Mennonites, 278, 476. mercantilisme, 3, 169, 209-213, 332334, 444. Mercator, 137, 487. Merchant adventurers, 138, 445. Merci (Frères de la), en Amérique espagnole, 423. Mercceur (Philippe-Emmanuel de Lorraine, duc de), 154, 160 ; — fils de Vendôme, 359. Mercurian (Everard), jésuite belge, 33. Mercy, 380. Mer Noire, 105.

    Mers-el-Kébir, 87, 91. Mersenne (le P.), 481, 491, 515. Mesmes. — Voir : Avaux. Mesnil (Baptiste du), avocat du roi, 34. Messine, 90, 91. Mestrezat, 473, 529. Metz, 45, 165, 393, 530 ; — (Parlement de), 323 ; — (Juifs de), 456. Metzu, 506. Meudon, 133. Meuse, 11., 85, 100, 260 ; — (pays d'outre-), 384. Mexico, 8 ; — Université et imprimerie de, 424. Mexique, 161, 413, 421, 423; — (Église du), 423. Michau (Code), 332, 449, 452. Michel Romanov. — Voir : Romanov. Michel-Ange, 4, 7, 15, 214, 215, 246, 249, 251, 496. Middelbourg, v. de Zélande, 85, 100, 209, 277, 438. Middleton (Thomas), 521. Mierevelt, 506. Mieris (Frans Van), 506. « Mignons », 125, 127. Milan, Milanais, 216, 246, 289, 307, 324, 380, 381, 482 ; — sous la domination de Philippe II, 6, 8, 14, 15, 16, 19, 22, 68, 114, 512 ; — (archevêché de), 14, 37, 89 ; — (question de), 85 ; — (synode de), 235 ; — (articles de), 298. Millau, 97. Miloslavskij, 400. Milton (John), 227, 346, 369, 473, 516, 529. Minden, 314, 385. Ming (dynastie des), 193, 193, 196, 409-411. Minnewijt (Peter), 429. Miquez Nasi, duc de Naxos, 88. Mirandole (Pic de la), 244. Mir Jumla, 416. Miron (François), 205. Mitau, v. de Courlande, 450. Miyako (chrétienté de), 35. Mniszek, comte polonais, 397. — Voir : Marina. Mocenigo, 219. Modène, Modenais, 324, 513.

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    Inde€ Mogador, 448. Mogol (Empire), 3 ; — sous Akbar, 182-188 ; — sous Aurengzêb, 417 ; — les arts, 416. Mogol (Grand), 187, 256, 414, 426, 534. Mogrovejo, 423. Mohammed el-Mahdi, chérif du Maroc, 140. — Voir : Mahomet. Moldavie (voiévodie de), 110. Molière (J.-B. Poquelin, dit), 448, 451, 455, 523, 527-528, 535. Molina (le P.), S. J . , 28, 468. Moluques, 274-428. Momoyama (époque), dans l'art japonais, 195. « monarchomaques », 459. Monbaldone, 326. Monceaux (château de), 69. Monçon (traité de), 300-303, 308, 315. Moncontour (bataille de), 75, 82. Mondejar (marquis de). — Voir : Mendoza (Iûigo de). Mondory, 525. Mondragon, 100. Mongols, 105, 107, 185. Monk (George), 369, 375. Monluc (Biaise de), maréchal de France, 61, 82, 241. Monluc (Jean de), évêque de Valence, 48 ; — en Pologne, 98. Monluc (Peyrot de), fils de Biaise, 82. Monod (le P.), S. J . , 308, 315, 325, 326, 327. Mons, 93, 97, 121. Monserrate (le P.), S. J . , 186. « Monsieur ». — Voir : François d'Alençon, et Orléans (Gaston d'). Monson (sir William), 148, 154. Monstr'œil (Maurice de), 478. Montagne-Blanche, 268, 288. Montaigne (Michel Eyquem de), 4, 214, 224, 243-245, 490. Montargis, 102. Montauban, 62, 83, 97, 99 ; — (siège de) sous Louis X I I I , 296 ; — et Rohan, 306 ; — (Faculté de), 472. Montbéliard, 323. Montchrestien (Antoine de), 293, 333, 523. Montdidier, 290.

    Montemayor, 230-231, 519. Montemor. — Voir : Montemayor. Montereau, 151. Monterrey, 329. Monteverdi (Claudio), 514, 515. Montferrât, 16, 262, 291, 307-308, 315, 326. Montgomery (Gabriel de), 46, 61. Montigny (baron de), 54, 67. Montmélian, 327. Montmorency (Anne, duc de), connétable, 44, 45, 47, 56, 59, 61, 62, 64, 69. Montmorency (Charlotte de), princesse de Condé, 266. Montmorency (Henri I " , duc de), maréchal de France, 82. Montmorency (Henri II de), 309, 323, 492, 497. — Voir : DamvUle. Montmorency-Laval, évêque de Québec, 431, 432. Monto, 192. Montpellier, 45, 127, 243, 5 2 7 ; — (paix de), 297, 301 ; — Montpelliérains, 415. Montpensier, branche de la maison de Bourbon, 44. Montpensier (Mlle de), duchesse d'Orléans, 303. — Voir aussi : Mademoiselle (La Grande). Montréal, 433. Montrose ( J . Graham, marquis de), 356, 368. monts-de-piété, en France, 442. Montserrat, 194. Moor (Anton de), 246. Moravie, 260, 286, 330, 378-379, 486. Moray (James Stuart, comte de), 51, 52, 70, 75. Morbihan, 431. More (Thomas), 228. Moreelse (Paulus), 506. Môri, 192. Morin (Simon), 492. Morisques, persécutés par Philippe II, 12, 13, 75, 88-90, 109, 199; — sous Philippe III, 264. Momay. —• Voir : Plessis (du). Moro (Antonio. — Voir : Moor. Morone (cardinal Jean), légat, 23, 24, 25.

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    Index

    Morozov, 400. Morteira, 476. Morton, régent d'Écosse, 103. Morvan, 159. , Morvilliers (Jean de), évêque d'Orléans, 48. Moscou, 106, 107, 181, 396, 399, 401. Moscovie, Moscovites, 2, 104, 106, 137, 256, 312, 314, 340, 397, 398 ; — Compagnie de Moscovie, 434. — Voir aussi : Russie, Russes. Moselle, riv., 393. Mossoul, 188, 418. Mouffet (Thomas), 487. Moukden, 410. Moulay Ahmed, roi de Tunis, 91. Moulin (Charles du), auteur gallican, 34. Moulins, 497. Moumtaz Mahal, 417-418. Moura (comte de), 142. Mourâd III, sultan, 109. Mourâd IV, sultan, 389, 419. Mourâd, frère d'Aurengzêb, 415. Mourgues (Mathieu de), 310-311. Moutaouakkel, prince marocain, 140. Moyen-Vie, 318, 393.

    Mudejares,

    12.

    mufti, 108, 379, 406. MOhlberg, v. de Saxe, 8. Mulhouse, 384. Mun (Thomas), 389, 446, 447. Munich, 30, 257, 318. Munster (comté de), en Irlande, 175. Mûnster, v. de Westphalie (paix de), 331 ; — (conférences de), 378 ; — (paix hollando-espagnole de), 383, 507. MOnsterthal, 298. Murcie, 265, Murillo, 495, 502. Muzio (Girolamo), 15. mysticisme, en Allemagne, 472 ; — en Espagne, 465, et voir : Thérèse d'Avila, Jean de la Croix ; — en France, 463-465 ; — en Italie, voir : Philippe Neri. N « Naarden, 95, 486. Nadjaf, 190.

    Nagasaki, 194, 413, 414. Namur, 117. Nancy, 323, 498. Nankin, 191, 302, 411. Nantes, 45, 522 ; — (édit de), 164166, 258, 291, 295-297, 460; — et Richelieu, 306, 431, 467; — (les Hollandais à), 278, 333,476 ; — Nantais, 446, 455. Naples, 7, 8, 14, 87, 89, 91, 115, 235 ; — et Osuna, 264, 517, 518; — (révolte de), 381 ; — (l'art à), 494, 502, 512, 517. Napolitains, 14, 166, 220. Napollon (Samson), 448. Nara, 191, 192. Narbonne, 330, 527. Narsingue (royaume de), 188. Narva, v. de Livonie, 105, 107, 178, 273, 277, 398. Naseby (bataille de), 355. Nasi. — Voir : Miquez. Nassau (comté de), 486. Nassau-Orange (maison de), orangistes, 281, 389, 459, 460, 524. Nassau (Frédéric-Henri de), frère de Maurice, 280, 382. Nassau (Guillaume I " de), prince d'Orange, dit « le Taciturne 42, 53-54, 64, 67, 69, 79, 80, 81, 84, 92, 94, 99-101, 111, 117-121, 285; — sa mort, 121, 131. Nassau (Guillaume II de), fils de Frédéric-Henri, 284, 350, 356, 367, 389. Nassau (Jean de), frère de Guillaume 1«, 119. Nassau (Louis de), autre frère de Guillaume I e r , 66, 79, 81, 85, 92, 93, 99-100. Nassau (Maurice de), flls de Guillaume I«, 79, 262, 263, 264, 281, 288, 300, 488, 498. Nassau (Maurice de), gouverneur du Brésil, 276, 428. Natta (Federigo). — Voir : Hyacinthe. Naudé (Gabriel), 402, 478, 491. Navagero (cardinal), 23. Navarre, 45, 47, 93, 125, 127, 295 — (roi de), voir : Henri IV. Navarrete (Juan Fernandez), 246.

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    Index Navigation (Actes de), 389, 438. Naxos, 88. Neek (Van), 274. Neer (Van der), 507. Néerlandais, 2, 30, 66, 74, 77, 276, 279, 452, 483 ; — Confession néerlandaise, 284. — Voir : Hollande, Pays-Bas, Provinces Unies. Nemours (Henri I " de Savoie, duc de), 151, 155, 158, 307, 519. Nérac, capitale du duché d'Albret, 45, 127, 238. Neri. — Voir : Philippe. Neubourg, 260, 266, 267. Neuch&tel, 96. Neuss, 258. Nevers (collège de), 35. Nevers (Charles de Gonzague, duc de), 291, 308, 315. Nevis, 438. Newbery (John), 185. Newbury ( 1 " bataille de), 354; — (2« bataille de), 355. Newcastle, 350, 351, 353. New Hampshire, 436. Newhaven, v. d'Amérique, 436. New model army. — Voir : « Nouveau modèle. > Newport, 436. Newtown, 436. Nguyen, dynastie annamite, 427. Nice, 16, 327, 381. Nichiren, 192. Nicolal (le P.), S. J., 32, 179. Nicolas-François (cardinal) de Lorraine, 323. Nicosia, v. de Crète, 89. Niémen, fl., 104. Nieuport, 379 ; — (bataille de), 176, 263. Nieuw Amsterdam, 389, 429. Niger, 11., 141. Nikolsbourg (paix de), 286. Nikon, patriarche de Moscou, 401. Nimègue, 280. Nîmes, 45, 69, 97, 306, 472. Nippon. — Voir : Japon. Niveleurs (Levellers), 357, 370, 473 — « vrais niveleurs », 357. Nivernais, 123. Noailles (Charles de), 467.

    Noailles (François 4e), évêqu* 4» Dax, 91, 95. Nobounaga, 191-194. Noël (le P.), 484. Nola, 219 ; — Nolano, voir : Bruno. Nombre de Dios, v. d'Amérique, 91, 134, Noort (Adam Van), 500. Noort (Olivier Van), 274. Nord (mer du), 103, 181. Nord (paix du), 3, 179, 534. — Voir : Oliva. Nordlingen, 324, 380. Nord-Ouest (passage du), 136. Norfolk (famille anglaise), 74. Norkolk (Thomas Howard, 4« duc de), 75, 86. Normandie, Normands, 45, 61, 62, 158, 166, 433, 437, 444, 465, 525. Norris, capitaine anglais, 149, 154 ; — en Irlande, 174. Northumberland, 350. Northumberland (famille Percy, comtes de), 75, 349-351. Norvège, Norvégiens, 32, 72, 86, 181, 272, 276, 405. Norwich, 66, 173, 211. Notre-Dame de Paris, 156, 158. Nottingham. 354, Nour-Djahân, 415-417. Nourhatché, 410. < Nouveau modèle > (armée du), 355. Novala Zemlala, 273. Novgorod-la-Grande, 106, 181, 312, 398, 400. Novgorod (Nijni), 398. Noyers (château de), 81. Nuits, 159. Nuremberg, 318 ; — (banque de), 442. O O (surintendant d'), 167. Ob, fl., 396. Ochiali, 90. Oda, famille japonaise, 191, 192. Oder, fl., 98, 316, 385. Odjâq, 139. O'Donnel, insurgé irlandais, 175. Œrtel (Abraham). — Voir : Ort«liw. Œsel (lie (T), 104, 379.

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    Index Œuf (château de 1'), 220, 381. offices d'État (vénalité des), 55, 206, 455 ; — sous Richelieu, 334. Oise, 167, 168, 378. Oldenbarneveldt. — Voir : Barneveldt. Oldenbourg, 311. Oléron (île d'), 304. Olier (Jean-Jacques), 466, 529. Oliva (paix d*), 404, 406. Olivares, ambassadeur auprès de Sixte Quint, 154, 282. Olivares (Gaspar Guzman, comteduc), fils du précédent : période des succès, 283-289, 297, 301 ; — et Mantoue, 308 ; — et Richelieu, 315, 319 ; — (politique centralisatrice d'), 327-329 ; — l'échec et la disgrâce, 330, 336, 377; — et Quevedo, 518. Olivier (Séraphin), 218. Oloron (évêché d'), 295. Oman (golfe d'), 418. Omar (le calife), 186. Ômayyades (dynastie des), 13. Omoura, 194. Ofiate, 269, 286, 287, 382. O'Neill, famille irlandaise, 353 ; — (Roe), 368 ; — (Shane), 74. Oostlande, 273. opéra (naissance de 1'), 514-516. Opitz (Martin), 521. Oporto, ou Porto, 475. Oppeln (duché silésien d'), 286. opritchnina, opritchniki, 105, 106, 395. Oran, 6, 87, 89, 91, 140, 265. Orange-Nassau (maison d'). — Voir : Nassau. Oratoire, Oratorio (Congrégation de 1'), 36, 37, 222, 465. oratorio musical, 514. Orbetello, 15. Orcades (îles), 147, 368. Orchies, 119. Ordres (conseil des). — Voir : Conseils en Espagne. Orel (pays d'), en Russie, 106. Orénoque, 73. Orientale (mer). — Voir : Baltique. Orléans, 102, 131, 170, 364 ; — (États généraux d'), 55, 57, ; — (la

    Réforme et les guerres religieuse* à), 45, 48, 60, 62, 69 ; — (la SaintBarthélemy à), 94. Orléans (Gaston, duc d'), 302, 309, 323, 330-331 ; — son mariage lorrain, 323, 469. Orléans (Philippe I " , duc d'), 527. Orléans (île d'), au Canada, 433. Orléans-Longueville (duc d'), 291. Orme (Philibert de 1'), 497. Ormée, 365. Ormesson (Lefèvre d'), 467. Ormuz, 185, 189, 190, 416. Ornano, 302. Omans, 52. Ortelius, 137, 487. orthodoxe (Église). — Voir Église. Osaka, 193. Osiander, 218. Osmanlis. — Voir : Turcs. Osnabrück, 314 ; — (paix d'), 331 ; — (conférence d'), 378-385. Ossat (cardinal d'), 159, 165. Ostade (Adrien Van), 507. Ostende, 346 ; — (siège d'), 176, Ostende, 346, 383 ; — (siège d'), 176, 263. Ostergotland, 178. Osuna (duc d'), 264 ; — et Campanella, 482 ; — et Quevedo, 518. Ottomans. — Voir : Turcs. Ouchanski, primat de Pologne, 98. Ouésougi, 192. Oufa, v. de Russie, 106. oulémas, 108, 379. Ouraga, port japonais, 413. Ourmiah (lac), 418. Overyssel, 119, 280, 285. Oxenstjerna, famille suédoise, 179. Oxentsjerna (Axel), 315, 316 ; — après la mort de Gustave, 319, 378, 402, 403. Oxenstjerna (Jean), 378. Oxford, 136, 137, 206, 219, 228, 354, 489 ; — (Parlement d'), 354. P Pacifique (océan), 135, 195, 412, 426, 433. — Voir : Sud (mer du). Padoue, 216, 217, 221, 225 ; — (Galilée à), 482, 491.

    — 672 —

    Index Paimpol, 154. Palais-Royal, 360, 364, 527. Palamedesz, 506. Palatinat, palatin (électorat), 80, 99, 100, 102, 157, 261, 270, 285, 287 ; — guerre palatine, 287, 295, 317 ; — bibliothèque « palatine », 288. — Voir : Frédéric V. pale irlandais, 353. Paléologue, 307. Palestine, 88. Palestrina (Pierluigi, dit), 511-513. Palissy (Bernard), 44, 204, 223, 479. Palma le Jeune, 249. Palmstruch (Johann), 442. Pamiers, 35. Panama, 135. Panfilio. — Voir : Innocent. Panipat (bataille de), 183. Pantoja. — Voir : La Cruz. Papauté. — Voir : Siège (Saint-), papisme, papistes (en Angleterre), 145, 229, 341-43, 345, 346, 347,351. Pappenheim, 313, 317, 319. Paracelse, 472, 486, 487, 489. Paraguay, 220 ; — (la Mission du), 425-426. Paré (Ambroise), 479-480. Parigot (Marguerite), 466. Paris, 102, 130, 160, 205, 206, 208, 459, 482, 491, 498 ; — (échevinage de), 59 ; — (Université de), 22, 34, 35, 59, 181, 206 ; — (Faculté de théologie de), 34, 35, 133, 154, 156, 217, 291, 333, 456, 470, 489 ; — (les Jésuites à), 34 ; — (les sociétés littéraires et scientifiques à), 481 ; — (Parlement de), 34, 57, 59, 82, 133, 155, 158, 162, 165-166, 207, 290, 322, 442, 455 ; — (les luttes religieuses à), 45, 56, 57, 59, 60, 62, 63, 69, 77, 83, 94 ; — et la Ligue, 122, 132-134, 156-158; — siège par Henri IV, 149 ; — et les réformés, 163, 285, 296, 333, 452, 454 ; — (généralité de), 170 ; — (triple alliance de), 299 ; — en 1636, 325 ; — (marchands de), 451 ; — (banlieue de), 455 ; — (lettres à), 519, 524, 526, 530. Parker, archevêque de Canterbury, 73, 173.

    Parker (Samuel), évêque d'Oxford, 489. Parlement d'Angleterre, sous Elisabeth, 50, 71, 73, 144-145, 172, 174, 175-176 ; — sous Jacques I e r , 299, 337-339, 342-343, 345; — sous Charles I «, 349,444,459 ; — « long » Parlement, 347 ; — Parlement « croupion », 358 ; — sous la République, 358, 458 ; — et Cromwell, 371 ; — Convention, 372 ; — et le théâtre, 522. — Voir : Communes, Lords. Parlements de France, 34, 47, 63 ; — ligueurs et royalistes, 155, 158 ; — et l'Ëdit de Nantes, 163-166 ; — et les Jésuites, 165 ; — Parlementaires, 207, 453-455 ; — et Richelieu, 322, 333 ; — et la Fronde, 335, 362-367. — Voir : Aix (Parlement d'), Paris (Parlement de), etc. Parlement d'Irlande. — Voir : Dublin. Parme (duché de), 15, 246, 324. — Voir : Marguerite, Farnèse (Alexandre). Parsis, 187. Parsons (le P.), S. J., 143, 174. Partâb, 184. Particelli d'Hémery, 315, 361, 362, 441, 455. « partisans », 454. Pascal (Biaise), 219, 246, 481-482; — et les Provinciales, 471, 530, 535; — et Galilée, 484 ; — et Descartes, 488, 516. Pascal (Étienne), père de Biaise, 481. Pasquier (Étienne), jurisconsulte, 34, 243, 454. Passau, 266. Passion (confrérie de la), 524. Patagonie, 135. Patin (Guy), 491. Patinir, ou Patenier, 246. Pau, 126, 131 ; — création du Parlement, 296. Paul III, pape (Farnèse), 250. Paul IV, pape (Jean-Pierre Carafa), 15, 18, 19, 25, 28, 36, 216, 222, 249, 513. — Voir : Carafa. Paul V, pape, 265, 271, 512. Paul (Vincent de). — Voir : Depaul.

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    Index Paul (le chevalier), 408. Paulet (Sir Amyas), 145. Paulet, « paillette », 207, 292, 362. paulislas, 425. Pays-Bas (« cercle de Bourgogne •), 1, 10, 50, 83, 114, 116, 153, 451 ; — questions économiques, 199, 443 ; — les arts, 511 ; — au début du régne de Philippe II, 6, 52 ; — rapports avec l'Empire, 31, 80, 92 ; — influence de la Contre-Réforme, 31, 114 ; — révolte contre l'Espagne, 1, 2, 41, 42, 53, 54, 64-69, 7880, 85, 88, 99, 102, 111, 114-122, 144, 209, 533 ; — Pays-Bas du Nord, voir : Provinces-Unies, Hollande, Zélande, Néerlandais. Pays-Bas du Sud ou espagnols, 115, 116, 117, 119, 160, 162, 260, 279, 284, 311, 318, 324, 341, 346, 534 ; — (projets d'échange et de partage des), 346, 383 ; — (Christine aux), 403. Pécs, v. de Hongrie (archevêque de), 21. Péipous (lac), 104, 312. Peiresc (Fabri de), 482, 483, 484. Pékin, 409, 410. Pellevé (Nicolas de), cardinal-archevêque de Sens, 24. Peñaranda, 378. Pendjab, 414. Peñón de la Gomera, 87. pensionnaire (conseiller-) ou « avocat > de Hollande, voir : Hollande ; — de Rotterdam, 285 ; — d'Utrecht, 285. pions, 11. perambulation des forêts, en Angleterre, 347, 351. Perche, 433. Pereira (le P.), S. J., 29. Pereira, Juifs d'Amsterdam, 476. Peretti (cardinal Félix). — Voir : Sixte Quint. Perez (Antonio), secrétaire d ' É t a t de Philippe II, 9, 116," 118, 152, 161. Perez (Gonzalo), secrétaire de Philippe II, père d'Antonio, 9. Peri (Jacopo), 513. Périer, 471, 482.

    Périgueux, Périgord, Périgourdins, 47, 243, 261. Pernambouc, 213, 276. Péronne, 123, 130, 290. Pérou, 135, 390, 421, 423 ; — (Église du), 423 ; — (île du), voir : Antilles. Pérouse (val), 315. Perpignan (prise de) 331. Perrenot (famille). — Voir : Granvelle, Chantonnay. Perse, 182, 187 ; — sous Châh Abbâs, 188-190, 418-419 ; — sous les successeurs d'Abbâs, 418-419 ; — guerres avec la Turquie, 286, 378, 415-419 ; — Persans, 188, 190, 414 ; — art persan, 414. Perth, v. d'Écosse (la Réforme) à, 49, 51 ; — (pacification de), 103. Peschiera, 22. Petau (le P.), S. J., 470. Pelilion of Bight, 344. Pétrarque, pétrarquisme, 511, 517. Petty (William), 481, 487. Pézenas, 527. Pfyffer (Ludwig), capitaine suisse, 81. Philippe II, roi d'Espagne, 6, 38, 41, 78, 150 ; — infant, 6, 8 ; — et la monarchie de l'Escoriai, 7, 8, 9, 10, 206, 283, 457 ; — et les Morisques, 12 ; — et l'Italie, 14 ; — et la catholicité, 19, 21, 24, 33, 50, 77, 111, 152, 158, 160, 463 ; — et l'Angleterre, 19, 50, 64, 69, 71, 75, 86, 111, 112, 114, 116, 118, 119, 144-149, 153, 161, 230 ; — sa mort, 2, 150, 162 ; — et l'Empire, 31, 80, 111 ; — et la France, 44, 46, 50, 55, 56, 58, 59, 61, 64, 82, 83, 111, 112, 129, 150-161 ; — et la révolte des Pays-Bas, 52, 53, 54, 66, 67, 68, 77, 78, 79-85, 99, 114, 115, 116120, 153 ; — et Lépante, 86-91, 111 ; — et la mer, 138, 273 ; — et le Portugal, 140-143, 194; — et l'affaire Perez, 152-153 ; — et les problèmes économiques, 201 ; — et le calendrier, 218 ; — les lettres et les arts, 247, 511, 523. Philippe III, roi d'Espagne, 230, 263, 269, 284 ; — et l'Angleterre, 175 ; — et les questions économiques et sociales, 201 ; — et l'Em-

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    Index pire, 267, 269, 287 ; — et les Indes, 425 ; — sa mort, 283. Philippe IV, roi d'Espagne, 282, 291, 327, 372, 390. — Voir : Olivares. Philippe Prosper, infant d'Espagne, 391, 394. Philippe (métropolite), 106. Philippe Neri (saint), ou de Neri, 33, 35, 36, 222, 465, 495, 513. Philippeville, 393. Philippines (îles), 6, 163, 194, 411. Philippins. — Voir : Oratoire. Philippsbourg, 324, 385. Piali-Pacha, 88. piasls, 107. Pibrae (Guy du Faur de), 21, 98. Picardie, Picards, 64, 68, 90, 123,153, 158, 160, 163, 366, 392, 498, 533. picaresque (littérature), 231, 518. Piccolomii)i (Alessandro), évêque de Sienne, 217. Piccolomini, général, 319, 320, 327. Pie IV, pape (Giovangelo de' Medici), 19, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 29, 50, 63, 74. Pie V, pape (Mich. Ghislieri), 12, 15, 19, 23, 27, 30, 34, 37, 68, 75, 77, 78, 81, 82-85, 88, 90, 93, 172, 251, 495. Piémont, Piémontais, 16, 61, 307, 315, 327, 391, 464. Pierre d'Alcantara (saint), 37. Pierre de Gand, 424. Pignerol, 309, 315, 327, 385. Pilgrim fathers, 435. Pilon (Germain), 253. Pilsen, 320. Pincio (le), 498. Piombino, 269, 381. Pise, 223. Pithou (Pierre), 243. Pitti (palais), 497. placards (les), aux Pays-Bas, 66, 67, 117. Planta (famille grisonne), 298. • plantation > en Irlande, 174 ; — en Amérique, 213, 435. Pléiade, 214, 226, 518. Plessis (F. du). — Voir : Du Plessis. Plessis-lez-Tours (le), 120. Plessis-Mornay (Ph. du). — Voir : Du Plessis.

    Plymouth, v. d'Angleterre, 135, 145, 147, 149, 209, 355, 412, 430, 435. Plymouth, v. d'Amérique, 435. Pô, il., 315. población, pobladores, 421. Poissy (colloque de), 20, 22, 34, 56, 57, 58, 59, 124. Poitiers, 32, 34, 57, 82, 168, 219 ; — (édit de), 127, 156, 164, 467 ; — (Université de), 206, 243. Poitou, Poitevins, 81, 82, 158, 294, 296, 305, 433, 453, 488 ; — marais poitevin, 169. Pojarskij, 398. polders, 83. « politiques » (parti des), — en France, 58, 68, 97, 101, 131, 155 ; -*- dans les Provinces-Unies, 284. Pologne, Polonais, 2, 312, 378, 482, 486, 513 ; — le calvinisme, 32 ; — action des Jésuites et de la papauté, 32, 252, 462; — rapports avec l'Empire, 31 ; — élection de Henri de Valois, 99 ; — (succession de), 103-104, 107-108, 514 ; — rapports avec les pays du nord-est, 105, 107, 181 ; — avec la Turquie, 108, 109 ; — problèmes économiques et sociaux, 200,273,450 ; — et la Suède, 324 ; — et la Russie, 396-397 ; — et les cosaques, 397-399 ; — (invasion suédoise en), 403-405 ; — (laines dé), 445 ; — (sociniens en), 474. Polotsk, 32, 396. Poltrot de Méré, 62. Poméranie, 312, 314, 315, 319, 384, 387, 404. pomieslie, 105. Pomponazzi, 478. Ponant, Ponantais, 333, 448. pondage (droit de), 344. Pont-à-Mousson, 35 ; — (Université de), 35. Pont-au-Change, à Paris, 451. Pont-Neuf, à Paris, 524. Pontoise, 465 ; — (États généraux de), 56, 57. Ponts-de-Cé (bataille des), 295. Poquelin (J.), père de Molière. — Voir : Molière.

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    Inde» Porta (Giacomo della), 252. Porte-Glaives (Ordre des), 104. Porte (la Sublime). — Voir : Turquie, Turcs. Port'ErcoIe, 15. Porto Bello. — Voir : Puerto. Portocarrero, général espagnol, 160. Porto Farina, 389. Port-Royal, v. d'Acadie, 433. Port-Royal de Paris et des Champs, 469, 490, 526, 530. Portsmouth, v. d'Angleterre, 351. Portsmouth, v. d'Amérique, 436. Portugal, Portugais, 1, 64, 65, 82, 84, 112, 121, 129, 135, 147, 154, 391 ; — en Afrique, 140-141 ; — dans l'Inde, 184, 417-418 ; — en Chine, 411 ; — au Japon, 196, 413, 411 ; — en Perse, 416 ; — fin de l'empire colonial, 3, 73, 148, 176, 420, 425 ; — prétendants, 91, 148 ; — les Jésuites et la papauté, 33 ; — les Juifs, 278 ; — l'annexion à l'Espagne, 142-143, 273, 282, 327 ; — (révolte du), 329 ; — et l'Angleterre, 368, 372 ; — et la Hollande, 382, 392, 426-427, 460. Possevin (le P. Antoine), S. J., 32, 3 4 ; — et la Pologne, 178, 179, 259, 396 ; — et la Russie, 397. Potosi (mines de), 197. Potter (Paulus), 507. Poussin (Nicolas), 498. Poznân, 32. premunire (statut de), 174. Prague, 19, 216, 258 ; — (archev. de), 21 ; — (Université de), 219 ; — (paix de), 108, 259 ; — capitale de l'Empire, 259, 260, 513 ; — (défénestration de), 271 ; — (prise de), 318 ; — (paix de 1635), 320 ; — (Suédois à), 327, 379, 381, 384 ; — (Juifs à), 475. Prâttigau, 263, 296. prayer book (common), 50, 71, 75, 173, 341, 348. Pré-aux-Clercs (le), 56. « précieux » (le), en France, 519-521, 525 ; — les Précieuses ridicules, 527. presbytérianisme, presbytériens, 173, 341, 354, 356 ; — presbytérienne

    (Église) ou Kirk, 338-339, 347349, 355. Presidios de Toscane, 15, 381 ; — d'Afrique, 87, 90, 109, 427. Pride (colonel), 356. protestants. — Voir : Réforme, Églises réformées, Luther, Calvin. Provence, Provençaux, 45, 46, 81, 91,139,153,158,447, 448,483, 490 ; — (la Ligue en), 127, 131, 132, 155, 160 ; — (la sorcellerie en), 477. Providence, v. d'Amérique, 436, 473. Provinces-Unies, 1, 2, 41, 101, 209, 213, 219, 255, 459, 462, 508; — (naissance des), 115-122, 279, 508; — et l'Angleterre, 144, 299, 341, 356, 445, 460 ; — et la France, 159, 160, 164, 299; — et la Suède, 181, 315 ; — trêve de Douze ans, 265-266 ; — (grandeur des), 272286, 441 ; — le gomarisme et le recommencement de la guerre espagnole, 283, et ss., 382-384 ; — et Richelieu, 324, 329 ; — et Mazarin, 382-383. — Voir : Hollande. Prusse, 166, 314, 405. psaumes de David, 513. Pskov, 396, 398. Ptolémée, 483. pueblo, 423. Puerto-Bello, 162. Puerto-Rico, 161. Pultusk, 32. Purchas, 177. puritains, puritanisme, 74, 172-175, 215, 229, 338, 340, 341, 345, 349, 351, 369, 473, 477 ; — et les lettres, 521, 529. purveyance (droit de), 338. Puy-de-Dôme, expérience du, 482, 535. Pym, 349, 350, 353. Pyrénées, 48, 329, 331, 524 ; — (paix des), 2, 3, 255, 391-393, 530, 533. Q

    Quakers, 473-474. Québec, 431, 433. Quélus, 125.

    — 576 —

    /lut» Quevedo y Villegas (Francisco de), 272, 518. Quinault, 515, 527. Quintanaduenas (don Juan) ou Quintanadoine, 465. Quiroga, 232. R Rabelais, 4, 214, 233, 479, 535. Rabutin, 464. Racine (Jean), 530. Radziwill, 406. Raguse, 95. Râjpoutes, Ràjpoutana, 184, 414. Rakoczy, 330, 379, 404, 408. Raleigh (Sir Walter), 134, 137, 161, 174, 175, 176, 213, 229, 341, 343, 434. Rambouillet (les), banquiers huguenots, 335, 454. Rambouillet (marquise de), 520 ; — (Hôtel de), 527. Ramus, 215, 242, 479. Rantzau, 179. Raphaël, 251, 497. Ratibor (duché silésien de), 286. Ratio studiorum, 35. Ratisbonne (capitulation électorale de), 31 ; — (paix et diète de), en 1630, 309, 315 ; — et les Suédois, 320, 328 ; — préliminaires de la paix de Westphalie, 331. Ravaillac, 267, 290, 292. Ravenne, 517. Ravensberg, 260. Ravenstein, 260. rayas, ou chrétiens dans l'empire ottoman, 108, 109. Razats, parti provençal, 127. Razilly (Isaac de), 304, 333, 433, 446, 448. Ré (île de), 304,464. Rebreviettes, 491. Recife. — Voir : Pernambouc. « récusants », dans l'Église d'Angleterre, 341-342. « réductions » au Paraguay, 425-426. Réformation catholique. — Voir : Contre-Réforme. Réforme protestante, Réformés, 18,

    24, 25, 26, 28-31, 39, 40-42, 77, 153 ; — et le Concile de Trente, 19-22; — en Allemagne, 29-32, 36, 40-42, 462, 533 ; — en France, 32-35, 44, 45, 46-48, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62-64, 6769, 81, 82, 110, 118, 150, 151, 173, 295, 297, 333, 462, 533 ; — en Angleterre, 32, 70, 73, 74, 174, 338, 462, 533, et voir : puritains ; — en Ëcosse, 70, 339, 353, 462, 633 ; — en Pologne, 32 ; — en Espagne, 12 ; — en Bohême, 31, 42 ; — en Hongrie, 31, 42 ; — aux Pays-Bas, 42, 64, 65-67, 118, 120, 173, 284462, 533 ; — dans l'Europe du nord-est, 107, 181 ; — dans les pays roumains, 110 ; — en Suisse, 298, 462; — les lettres et l'art, 494, 496, 505-508, 520, 529, 535. — Voir : Calvin, Luther. Regnard, 448. Régnier (Mathurin), 519, 529. Reims, 102, 143, 157,158, 451. retires, 61, 80, 81, 82, 83, 102, 118. Religion (la), entendez : réformée, 163, 291. Rembrandt Van Rijn, 4, 250, 451, 476, 494, 495, 508-510, 535. « Remonstrance >, « Remonstranti >, 285. Rémy (Nicolas), 477. Renaissance, 3, 4, 24, 50, 113, 174, 214, 221, 232, 235, 240, 245, 479, 487, 488, 490, 510, 516, 518, 535. Renard (Simon), 54. Renaudot (Théophraste), 311. Renée de France, Alle da Louil X I I 34. Reni (Guido), 250, 496. Rennes, 524 ; — (Parlement da), 165, 302, 497. Renty (de), 466, 467. Requesens (Luis de), 89 ; — gouverneur des Pays-Bas, 99-100, 115. réserves ecclésiastiques, 27. résidence des évêques, 19-21, 27, 173. Rethel, 308. Retz. — Voir : Gondi. Reval, 104, 105, 107,178. Rey (Jean), 487. Rheinberg, 258,

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    Index Rheinfelden, 326. Rhétie, 297, 298, 315. Rhin, 30, 100,260,263,298, 318, 323, 331 ; — province de la Compagnie de Jésus, 31 ; — (domaines bavarois du), 330 ; — (ligue du), 393, 405. Rhode Island, 436, 473. Rhône (vallée du), 45, 82. Ribadeneira (le P.), S. J., 31. Ribalta (Francisco), 502. Ribaut (Jean), 59, 68, 72. Ribera (Jusepe), 250, 502. Ricci (le P.), S. J., 411. Riccio, secrétaire de Marie Stuart, 70. Richardot, 162. Richelieu (cardinal de), 212, 255, 454, 466 ; — fils de F. du Plessis, 205 ; — aux États, 292, 529 ; — au Conseil, 294, 298 ; — et Marie de Médicis, 295, 297 ; — et la Valteline, 298-302 ; — et les grands, les dévots et les protestants, 303-309, 462 ; — et Port-Royal, 469-470 ; — rapports avec le roi, 299, 303 ; — à la Rochelle, 305 ; — et les sorciers, 476 ; — et la mer, 304306 ; — le Testament et les Mémoires, 299, 331, 334, 447 ; — contre l'Espagne, 308, 331 ; — et GustaveAdolphe, 314-318 ; — réprime les révoltes, 323 ; — entre dans la guerre, 321 ; — la Catalogne et le Portugal, 328-329 ; — (complot de Cinq-Mars et mort de), 330,331 ; — œuvre économique et administrative, 332, 441, 444, 446, 448, 449, 454 ;—l'état du pays à sa mort, 337 ; — et les compagnies de commerce, 333, 444, 447 ; — les lettres et les arts, 514,520,526 ; — et la royauté française, 457 ; — et Campanella, 482. Richelieu (domaine et château de), 497. Richelieu, v. du Canada, 433. Richer, richérisme, 291, 293. Richier (Ligier), 250. Richmond, 357. Biddarhuset, 181. Ridolfl, 86.

    Riebeck (Jan Van), 427. Riga, 32, 312. Rijnsburg, 476. Riksdag suédois, 178, 180, 402. Rinuccini, nonce en Irlande, 356. Rivoli, 324, 327. Rizfl Abbâsi, peintre persan, 190. Roberval, 481, 482, 488. Robinson (Henry), 473. Robusti (Giâcopo). — Voir : Tintoret. Rochelais. — Voir : La Rochelle. Rocroi (bataille de), 363, 378. Rodez (collège de), 35. Rodolphe II, empereur, 31, 86, 119, 216, 220, 259, 513 ; — et les lettres de Majesté, 260,269 ; — mort, 268. Roe (Sir Thomas), 415, 417. Roelas (Juan de), 502. Roermond, 93. Roeskilde, 392, 405. Rohan (maison de), 291. Rohan (Henri de), 296-297, 301 ; — en Valteline, 301-306, 325, 326. Rohan-Soubise (branche de). — Voir : Soubise. Rohan (Marie de). — Voir Chevreuse. Roi Catholique. — Voir : Espagne (la royauté espagnole), Philippe II. Roissy (Urbain de), 437. Romains (Roi des), 268, 310, 315, 327, 392. romands (cantons), en Suisse, 462. Romanov. — Voir : Alexis. Romanov (Fedor Nikititch), 398, 400, 401. Romanov (Michel Fedorovitch), tsar, 398, 400. Rome (ville de), 12, 18, 21, 24, 25, 26, 29, 30, 32, 36, 37, 63, 64, 153, 159, 160, 174,226, 232,349,350; — (collèges de), 28, 29, 143, 217, 309; — (cour de), 218, 341 ; — après le Concile, 250 ; — (Christine à), 403 ; — (Campanella à), 482 ; — (l'art et les lettres à), 497, 498, 511, 512, 513, 515. — Voir : Siège (Saint-). Romorantin (édit de), 48. Roncevaux, 7. Rondelet, 221. Ronsard, 4, 214, 226, 519, 529. Rose-Croix, 488-490-492. Rosières (François de), 124.

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    Inde» Rosny-sur-Seine, 151. — Voir : Sully. Rospigliosi (Giulio). — Voir : Clément IX. Rostock, 480. Rothenbourg, 270. Rotrou, 523, 525, 527. Rotterdam, 275, 277, 281, 285, 460. Rouen, 524, 527 ; — (la Réforme et les guerres religieuses à), 45, 61, 63, 151, 154, 157; — (le Parlement de), 63 ; — (la Saint-Barthélémy à), 94 ; — (assemblées des notables de), 164, 168, 212, 293, 333; — (édit de), 165 ; — Rouennais au Maroc, 141 ; — (marchands de), 210, 429, 451. Rouergue, 45. Roumains, 110. — Voir : Moldavie, Transylvanie, Valachie. Roussillon, ville, 63. Roussillon, province, 82, 328, 330, 393. Rowley, 522. Roxelane, femme de Souleyman le Magnifique, 109. Royale (place), à Paris, 497, 525. Rozoy-en-Brie, 69. Rubens, 494, 499-501, 503, 535. Rueil, 364. Ruggieri (le P.), S. J., 411. Rupelmonde, 487. Rupert (prince), 355, 369. Rurik, 105, 397. Russie, Russes, 137, 166 ; — (temps des troubles en), 395-401, et voir : Ivan IV, Moscovie ; — PetitsRussiens, 399 ; — colonisation dans l'est, 104-106 ; — problèmes économiques et sociaux, 450 ; — et les étrangers d'Occident, 104106, 188, 427 ; — et la Baltique, 178, 181. Ruysdael (Jacob), 507. Ruyter, 388, 405. Ryhove, agitateur flamand, 118. S Saadiens, dynastie marocaine, 140. Sable (île du), 430. Sablé (Mme de), 470.

    Sables-d'jOlonne (les), 296, 304. Sachs (Hans), 234, 240. Sackville, 228, 237. Sacré-Cœur, 466. Sali, v. du Maroc, 138. Safl, chah, 419. Sail Mirza, fils de Châh Abbâs, 419. Saguenay, 430. Sahagûn, 424. Saint-André (Jacques d'Albon de), maréchal de France, 45, 56. Saint-Ange (château), 24. Saint-Antoine (porte), 364. Saint-Barthélémy (massacre de la), 42, 64, 77, 91-99, 102, 226, 511 ; — et Mat-lowe, 240; — et l'humanisme, 242, 244. Saint-Christophe (île), 437. Saint-Cloud, 133, 155. Saint-Cyran (abbé de). — Voir : Hauranne. Saint-Denis, 69, 158, 160, 163, 465; — (rue), à Paris, 451. Saint-Domingue, 145, 390, 437 ; — (Université de), 424. Saint-Étienne (couronne de). — Voir : Hongrie. Saint-Eustache, île antillaise, 276, 428. Saint-Germain des Prés (abbaye de), 151 ; — (faubourg), 45, 205. Saint-Germain-l'Auxerrois (église), à Paris, 94, 298. Saint-Germain-en-Laye, 58 ; — (édit de), 82, 83 ; — (traité de), 324 ; — (la cour à), 364 ; — (les Stuarts à), 368. Saint-Honoré (église) de Paris, 515. Saint-Jean-d'Angély, 82, 102, 296. Saint-Jean-des-Florentins (église), à Rome, 37. Saint-Jean-de-Losne, dit Belle-Défense, 325. Saint-Jean-de-Luz, 393, 394. Saint-Jean de UUoa, 73, 83. Saint-Julien (paix de), 262. Saint-Kitts. — Voir : Saint Christophe. Saint-Laurent, fl., 429, 430. Saint-Lô, 45. Saint-Luc (Académie de), 251.

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    Index Saint-Malo, Malouins, 430, 444 ; — (les Hollandais à), 279. Saint-Mandé, 455. Saint-Médard (église) de Paris, 63. Saint-Mesgrin, 125. Saint-Mihiel, 250, 325. Saint-Office. — Voir : Inquisition. Saint-Omer, 32. Saint-Pierre de Rome, 7, 496. Saint-Quentin (bataille de), 7, 16, 155. Saint-Sacrement (Compagnie du), 431, 457, 466-467. Saint-Simon, 310. Saint-Sorlin (Desmaretz de), 491. Saint-Valéry-sur-Somme, 81, 456. Saint-Venceslas (couronne de). — Voir : Bohême. Sainte-Aldegonde. — Voir : Marnix. Sainte-Foy, 163.' Sainte-Marie de la Santé (della Salute), église, à Venise, 496. Sainte-Maure (île), 90. Sainte-Menehould, 292. Saintes, 45, 46. Saintes-Maries de la Mer, 233. Saintonge, 45, 62, 81, 125, 131, 296, 437. SakaI, 192. Salamanque, 32, 39 ; — (Université de), 206, 217, 283. Salcedo, 38. Salétins (corsaires), 448. salique (loi), 129, 130, 156. Salis (famille), 298. Salisbury (comte de). — Voir : Cecil (Robert). Salmerón (Alph.), de la Compagnie de Jésus, 29. Salta (vallée de), 421. Saluces (marquisat de), 16, 101, 127, 309. Salviati, nonce en France, 57, 5 8 ; — et la Saint-Barthélémy, 94. Salvius, 378, 403. Salzbourg, 259. Samara, v. de Russie, 106. Sambin (Hugues), 253. Samougarh (bataille de], 415. samouraï, 194. Sancerre, 97. Sánchez (Francisco), 223.

    Sancy (Nie. Harlay de), 151. Sandomir, 98. Sandoval. — Voir : Lermr\. Sandwich, 66. San José d'Avila, 39. San Lucar (duc de). — Voir : Olivares. Sannazar, 519. Sanseverino, 220. Santa Colonna, vice-roi de Catalogne, 328. Santa Croce, nonce en France, 34. Santa Cruz (Alvaro de Bazan, marquis de), 142-143, 145, 154. Santa Maria della Vallicélla, église à Rome, 37. Santa Maria della Vittoria, église à Rome, 271. Santos, 428. Sâo Paulo, 425. Saône, 159, 325. Saragosse, 153, 236. Saratov, v. de Russie, 106. Sardaigne, 14, 326. Sardini, 101, 208. Sarliève (lac de), 169. Sarpi (frà Paolo), 16, 518. Salire Ménippie, 157. Satsouma, 192. Saumaise, 403, 442. Saumur, 163, 291, 296, 305, 402 ; — (Académie de), 472. Savaron (Jacques), 293. Saverne, 59. Savoie (maison de), Savoie (duché de), Savoyards, 9, 16, 61, 68, 89, 101, 127, 142,158,262,289,297-99 ; — la Savoie et Mantoue, 309 ; — et Richelieu, 315, 324, 381, 392 ; — et les lettres, 519, 521. — Voir : Charles-Emmanuel, Marie-Christine, Thomas, Victor-Amédée. Savoie (Maurice de), 327. Savonnerie (manufacture de la), 445. Saxe, Saxons, 53, 80, 96, 157, 313, 317, 320, 327, 514. Saxe-Weimar (Bernhard de), 319, 320, 324, 326, 327. Sayce (lord), 347. Scaliger, 236, 242, 272. Scandinaves, Scandinavie, 2, 104, 143, 462. — Voir : Danemark, Norvège, Suède.

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    Index Scanie, 104, 312, 379, 404. Scarron, 519, 524. Sceau Rouge (lettres du), 413. Schall (le P. André), 412. Schelandre (Jean de), 525. Scheveningue, 375. Schiedam, v. de Hollande, 85. Schömberg, 164, 295, 467. Schoorl (Jean), 246. Schütz, 515. Schwäbisch Hall, 266. Schweinfurt, 480. Scone, 369. Scudéry (Madeleine et Georges de), 520, 527. Sebastiäo, Sébastien, roi de Portugal, 33, 140-142. Sebon (Raymond), 244. Sedan, 132, 261, 330. Séfévides, dynastie persane, 188, 418-419, 426. Sega, nonce aux Pays-Bas, 118. segadors, 328. Ségovie, 66, 79. Séhab (paix turco-persane de), 380. Sejm, assemblée polonaise, 109. Seine, fl., 168, 169, 445. Seize (les), chefs des quartiers de Paris, 157. Seiden (John), 346, 389, 460. Sélestat, 323. self denying (ordonnance de) ou de renoncement, 355. Sélim II, sultan, 88-89, 108, 109, 139. Sélim Djahânghlr, fils d'Akbar, empereur pogol, 187, 414. Semur-en-Auxois, 155. Sénat, de Milan, 14 ; — en Pologne, 108, 398 ; — de Venise, 301. Sendaï, 192. Sénégal, 437. Senlis, 170, 460. Sens, 24, 62, 252, 261, 292. Séoul, 193. Septentrion (« assistance » de), 28. Sérénissime (République). — Voir : Venise. Sergipe, 428. Seripando (cardinal), 23. Serres (Olivier de), 168, 169, 205. Servet (Michel), 474, 487. Servien, 315, 378, 455.

    Sessa (duc de), 14. Setch, 399. Seurre, v. de Bourgogne, 161, 325. Sévigné, 464, 520. Séville, 33, 112, 150, 198, 231, 233, 236, 246, 424, 502. Sforza (Bona), reine de Pologne, 178. Shakespeare, 71, 224, 227, 230, 238240, 245, 521, 522. Sherley (Anthony et Robert), 189, 418. Shetlands (lies), 144, 147. ship moneg, 348. shôgoun. — Voir : chôgoun. Shoreditch, 237. Shrewsbury (Talbot, comte de), 75. Siam, 192, 413, 427. Sibérie, 106, 396. Sicile, 6, 87, 89, 111, 139, 381, 449, 512. — Voir : Deux-Siciles. Sidney (Philip), 229, 230. Siège (Saint-), 22, 25, 26, 27, 39, 41, 42, 533 ; — et l'Espagne sous Philippe II, 6, 14, 15, 18, 19, 33, 54, 154, 160, 284, 299 ; — et la maison de Savoie, 16 ; — et le Concile de Trente, voir : Pie IV ; — et les Jésuites, 27,28, 29, 32, 33, 34 ; — et l'Empire, 31, 287 ; — e t Vènise, 263 ; — et la Grande-Bretagne, 32, 50, 73, 74, 75, 118, 172-174, 340, 349, 350 ; — et la France, 33, 34, 48, 55, 58, 59, 61, 81, 156, 159, 292, 2 9 9 ; — et l'Europe du nord-est, 107, 180 ; — et la Russie, 401 ; — et la science, 217, 483-484; — et le jansénisme, 470. Sienne, 15, 217. Sierk, 378. Sierra Leone, partie de la côte de Guinée, 72. Sigismond l " , roi de Pologne, 178. Sigismond II Auguste, roi de Pologne, 32, 98, 104-107, 179. Sigismond III Vasa, roi de Pologne, 179, 312, 314 ; — et la Russie, 398. Sigûenza (José de), 232. Sikhs, 414. Sikok, 192.

    — 531 —

    Indtx Silésie, Silésiens, 260, 286, 317, 387, 521. Silhon (Jean de), 490. Siliceo, archevêque de Tolède, 33. Sillery, 291, 294, 298. Sirleto (cardinal), 25, 217, 218. Sirmond (le P.), S. J., 470. Sixte V , dit Sixte Quint, pape (Félix Peretti), 25, 129, 133, 146-147, 153, 155, 194, 235, 283 ; — et la peinture, 251. Sixtine (chapelle), 515. Skouratov, 397. Skytte (Jean), 402. Slaves, 104. Slavata, 269. Slesvig-Holstein, 311, 314. Smith (John), 434. Smithfleld, 172. Smolensk, 398. Smyrne, 447. Snell (Willibrand), 486. Socin, Sociniens, socinianisme, 278, 372, 474, 475, 476, 491. SOderkôping, 180. Soissons, 160,290; — (comte de), 330. Soleil Levant (Empire du). — Voir : Japon. Soleure, 267, 298, 301. Soliman le Magnifique, ou Souleyman, 88, 109, 188. Solminihac (Alain de), 467. Somerset (lord). — Voir : Carr. Somerset House, 344. Somme, fl., 325. Sonde (îles de la), 274, 427. Sonrhai, peuple du Soudan, 141. Soqolly (Mohammed), grand-vizir, 87-88, 109. Soranzo, ambassadeur vénitien, 26. Sorbonne. — Voir : Paris (Faculté de théologie de), sorciers, sorcellerie, 223, 477-478. Sorel, 519. Sores, vice-amiral, 82. Sorrente, 225. Souabe, 216, 381. Soubise (famille de Rohan-), 46. — Voir : Rohan. Soubise (Benjamin de Rohan-), 296, 305. Soudan, 141.

    Souleyman. — Voir : Soliman. Sour Das, poète hindou, 187. Sourdis, 326. Southampton, 137, 239. Southwell, poète catholique anglais, 174, 230. Sozzini (Lelio et Fausto). — Voir : Socin. Spa, 120. Spagnoletta (II). — Voir : Ribera. spahis, 139, 379. Spandau, 317. « Spanish Main •. — Voir « Tierra Firme ». Sparre (Eric), 179. Spenser (Edmund), 228, 229, 230. sphardim, 475. Spinola, famille génoise, 15. Spinola (Ambrosio), 262, 264, 286, 289,298,300, 311,314. Spinola (Federico), marquis de los Balbasès, 328. Spinoza, 220, 475-476, 490. Spire, 103, 317. Spitzberg, 273, 427-428. Splûgen, 262, 301. Stadaconé, 431. Stade, v. d'Allemagne, 138. Stafford, ambassadeur d'Élisabeth, 133. Stalhof. — Voir : Steelyard. Stamboul, 88, 139. — Voir : Constantinople. Stanislas Vasa, prince polonais, 398. stathoudérat, 85, 93, 120, 282, 285, 389. Stati liberi, 263, 299. Statute of Artificers, 210. Steelyard, 138, 212. Stelvio, 262, 301. sterling (stabilisation de la livre), 209-210. Stettin, 315 ; — (paix de), 107. Stewart (James). — Voir : Moray. Stilo, 220. Stirling, 369. Stockholm, 180, 317, 319, 402, 403. Stoffels (Hendrikje), 510. Stolbowa (paix de), 312, 398. Strada (Famianus), 486. Strafford (Thomas Wentworth, comte de), 345, 347, 349, 351.

    — 582 —

    Index Stralsund, 318. Strasbourg, 298 ; — (Église calviniste de), 47 ; — (évêché de), 258, 266 ; — en 1648, 384. Stratford-sur-Avon, 238, 239. slrellsi, 105, 400. Stroganov, 106, 396. Strozzi, 91, 95, 101, 141. Stuart (Arabella), 176, 342. Stuart d'Aubigny, 143. Stuarts (dynastie des), 3, 176, 337, 338, 347, 458, 486 ; — Voir : Charles I e r , Jacques I e r , Marie. Stunica, 484. Sturm, peintre hollandais, 246. Stuttgart, 96. Styrie, 31, 259, 268, 269. Suarez (le P. Francisco), 461. Sud (mer du), 133. Suède, Suédois, 98, 102, 104, 107, 286, 287 ; — développement avant Gustave-Adolphe, 177, 181 ; — et l'Angleterre, 181, 356 ; — et le calendrier, 219 ; — et les débuts de Gustave-Adolphe, 312 ; — dans l'Empire, 314-317 ; — après Gustave, 324, 329, 402; — et les traités de Westphalie, 378-385, 534 ; — et la Russie, 396 ; — et la paix du Nord, 403-406 ; — questions économiques, 398, 444. Suède (Nouvelle-), 402, 429. Suffren (P.), 310. Suisse, cantons suisses, 462 ; — et Venise, 16 ; — et la Savoie, 16 ; — et la France, 157, 263 ; — et l'Espagne, 298 ; — et les traités de Westphalie, 388. Suisses, 61, 68, 69, 81, 95, 102, 125, 131, 151, 166, 285. Sully (Maximilien de Béthune, seigneur de Rosny, duc de), 167169 ; — et l'industrie, 212 ; — et les colonies, 431 ; — et ses Mémoires, 167, 241 ; — et le « grand dessein », 260, 266 ; — disgrâce et retraite, 290, 449. Sund (détroit du), 103, 181, 216, 314, 378, 379, 390, 404, 405. Sunna, sunnites, 415. « suprématie • (serment de) en Grande-Bretagne, 71, 73, 338, 343.

    Surate, 186, 415, 416. Suresnes (conférence de), 157. Surinam, 276. Suse (Pas de), 308. Sydney (Sir Henry), 74, 211. Sydney (Sir Philip), 229, 230. Synagogue. — Voir : Juifs. Syrie, 88, 276. Szigeth, v. de Hongrie, 87. Szlaehla (noblesse polonaise), 98, 108. T Tabago, 438. Tabarka, 140. Tabriz, 188, 416, 417. Tadoùssac, 431. Tage, fl., 147, 149. Tahmâsp, 188. taïfa, 139. talko, 194. T'ai-tsong, 410. Tàj Mahal (mausolée du), 417. Takéda, 192. Talamone, v. de Toscane, 15. Talant (château de), 159. Tallemant des Réaux, 366. Tallement (les), banquiers huguenots, 334, 454. Tallin. — Voir : Reval. Tamise, 353, 389. Tanger, 140. Tanlay (château de), 81,249, 455. Tansen, chanteur hindou, 187. Tarascon, 331. Taroudant, v. du Maroc, 140. Tarragone, 329. Tartu. — Voir : Dorpat. Tarugi, 36.. Tasmanie, 427. Tasso (Bernardo), 225. Tasso (Torquato), dit le Tasse, 214, 225, 237, 519. Tassoni (Alessandro), 518. Taoudéni (salines de), 141. Tatars, 104-107, 395, 399. Tatras (monts), 271. Tavannes (Gaspard de Saulx-), maréchal de France, 81, 93. Taza, 140. Tche-li, 410. Tchen-kiang, 411.

    — 583 —

    índex Tcheng Tch'eng-kong. — Voir : Coxigo. Tchèques, 31, 258, 269, 462, 534. tchine, 400. Tch'ong-tcheng, 410. Telesio (Bernardino), 216, 220, 223, 233. Téligny, 121. Tendre (carte du), 361, 520. Ténédos, 407. Ténérife (île de), 72. Téniers (les), 500. tennô, 193. Terburg, peintre, 383, 506, 507. Terceire, 143, 146. tercios, 68, 116, 154. Térésiens. — Voir : Thérèse d'Avila, Jean de la Croix. Ternate, 135. Terre Ferme (de Venise), 15, 250. — Voir : Tierra firme. Terre-Neuve, 136, 430. Terreaux (place des), à Lyon, 330. Tessin, 326. Testi (Fulvio), 518. « Têtes rondes », 351, 355. Teutoniques (Ordre des chevaliers), 104, 178. Texel, 274. Théotocopoulos. — Voir : Greco. Thérèse (sainte) d'Avila ou de Jésus, 37-40, 465; — dans l'art, 495496. Thionville, 327, 378, 393. Thomar, v. portugaise, 142. Thomas de Savoie, 325, 327, 381. thomisme, 29. Thou (Fr. Aug. de), 330. Thou (Jacques-Aug. de), 164. Throckmorton (Francis), conspirateur, 144. Throckmorton (Nicolas), ambassadeur en France, 63. Throndjem, 405. Thuringe, 80, 388. Thurn (comte), 269, 270. Tibet, 411. T'ien-k'i, 410. Tierra Firme (Spanish Main), 73,

    162.

    Tiers-État, 54, 57, 124, 292, 294. Tilbury, 148, 171, 174. 357.

    Tilly (t'Serclaes de), 264, 287, 288, 311, 314,. 320, 486. iimars, domaines féodaux en Turquie, timariotes, 106-109. Timourides (les), 183, 186, 414, 535. Tintoret, 248, 250. Tipperary, 368. Tirol, 31, 259, 270. Tirso de Molina (Gabriel Tellez, dit), 523. Titien (le), 8, 247, 248, 498. titulos, 11. Tlemcen, 140. Tobolsk, 396. Toiras, 308, 309. Toison d'or (Ordre de la), 9, 53, 54,78. Tokay, 380. Tokougawa, famille japonaise, 191, 193. Tolède, 7, 11, 33, 247, 393. Toledo (Alvarez de). — Voir : Albe. Toledo (Antonio de), conseiller de Philippe II, 9. Toledo (Francisco de), 421, 423. Toledo (Frédéric de), fils du duc d'Albe, 94, 99. Toledo (P. Garcia de), 38, 87. Toledo (Juan Bautista de), architecte, 7, 246. Toledo (Pedro de), 264, 307. Tolet (le P.), S. J., 29. Tombouctou, 141. Tomsk, 396. Tonkin, 427. Tonti (Lorenzo) et la tontine, 442. Torgau, 317. Toribio de Mogrovejo, archev. de Lima, 423. Tormes (Lazarillo de), 11. Torres-Vedras, 149. Torricelli, 481, 486. Torstenson, 330, 378-379? 386. Tortue (île de la), 438. Tosa (école des), 195. Toscane, 15, 19, 481 ; — (grandduché de), 85, 389, 448, 498. Touchet (Marie), maîtresse de Charles IX, 261. Toul, 124, 323. Toulon, 381. Toulouse (collège de), 35, 168 ; — (la Réforme et les guerres de reli-

    — 584 —

    Index gion à), 45, 59 ; — (Université de), 45, 206, 243, 491 ; — (Parlement de) 165, 323, 482 ; — (Bruno à), 219 ; — (la cour à) 393 ; — (les compagnonnages à) 457, 467. Toulsi Das, poète hindou, 183. Touraine, 45, 102, 488, 498. Tourane, 427. Tournai, 66, 67. Tournon, 35. Tournon (François, cardinal de), 35, 44, 45, 57. Tours, 60, 133, 151, 155, 157, 170, 451 ; — (soieries de), 212, 332, 445 ; — (projet d'États à), 364. Tousino, 397. Transoxiane, 189. Transylvanie, Transylvains, 31, 32, 108, 110, 330, 379, 407, 462. Trautmansdorf, 378, 380. Trébizonde, 190. Trente (concile de), 1, 16, 19 ; — reprise sous Pie IV, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 33, 57, 59, 111 ; — triomphe de la papauté, 23, 24, 29 ; — œuvre réformatrice et conséquences, 25, 26, 28, 33, 423, 424, 462, et voir : Jésus (Compagnie de), mysticisme ; — réactions des États et réception des canons, 27, 30, 33, 34, 63 ; — en Espagne, 87, 292 ; — (influence du concile de), 215, 223, 248, 468, 494, 499, 511, 517, 533 ; — et le calendrier, 217. Trente Ans (guerre de), 81, 257-272, 311, 320; — (la France dans la guerre de), 321-332. Très-Chrétien (roi). — Voir : France (royauté française). Treslong, 85. Trêves (électorat et ville de), 30, 318, 324, 392. Tribunal des troubles, dit Tribunal de sang, dans les Pays-Bas, 78, 79, 99. Trinh (dynastie tonkinoise), 427. Trinitaires, 233. Trinité (lie de la), 161, 438. Trino, 315. Tripoli de Barbarie, 140, 448. Tripoli de Syrie, 185.

    « triumvirat > (le), 56, 59, 60, 61, 62. Trois-Rivières, 433. trois unités (règle des). — Voir : Aristo te. Troïtza, 398. Tromp, 389. Troubetzkoï, 398. Troyes (traité de), 63 ; — (la SaintBarthélémy à), 94. Truchsess (Otto), évêque d'Augsbourg, 30. Tsaritsyne, v. de Russie, 106. Ts'ing (dynastie), 3, 409. Tübingen, 218. Tucumân (prov. de), 422. Tudor (dynastie des), 338, 339, 340. — Voir : Élisabeth, Henri VIII, Marie. Tuileries (les), 238, 515. Tunis, 6, 88-91, 109, 138, 265, 389, 448. Turcs, Turquie, 3, 108, 138, 379; — rapports avec la France, 64, 299, 447, 448; — avec l'Espagne, 75, 87-91 ; — en Berbérie, 138 ; — et la Perse, 189-190, 419 ; — et l'Angleterre, 211, 447 ; — et l'Empire, 286, 379; — sous Kœprili, 406-408. Turenne, 261, 364, 371, 384, 387. Turin, 22, 101, 262, 315, 327, 517 ; — (cour de), voir : Savoie. Tutbury, 75. Tyburn, 172, 230. Tycho Brahe, 214, 216, 218. Tyrna, v. de Hongrie, 31. Tyrol. — Voir : Tirol. Tyrone, insurgé irlandais, 175. U Ubaldini, 291. Uceda (duc de), 282. Ukraine, 108, 399. Ulenburgh (Saskia Van), 510. Ulm (armistice d'), 380. Ulster, 74, 353. Union (arrêt d'), 363. Union évangélique, 259, 266, 287. Upsal, 179 ; — (Université d'), 180, 402 ; — Uppsala mote, 180. Uraniborg, 216.

    — 686 —

    Indtx Urbain V i l i , pape (Barberini), 308, 310, 514 ; — et Galilée, 484. Urbin, 225. Urfé (Honoré d'), 519. Uri, 298. Ursulines, 430, 477. Uscoques, 264. Usselinx (Wilhelm), 428-429. Utrecht, 85, 119, 245, 280, 284, 468, 481, 488, 505, 506 ; — (Union d'), 118, 279, 280, 284. Uzbeks, 189, 416. V Valachie, 110. Val-de-Grâce, 497. Valdés, inquisiteur espagnol, 12, 232. Valdstejn, 272,308, 315-317, 318-320. Valence, v. d'Espagne, 12, 87, 236, 265, 283, 327, 448 ; — (art à), 502. — Voir : Cortès. Valence, v. de France, 59, 98. Valenciennes, 66, 67, 92. Valéry (château de) en Bourgogne, 68. validas, 264, 265, 283. Valignani (le P.), S. J., 35, 194. Valladolid, 7, 33, 233, 264. Vallée (Geoffroy), 491. Valois (maison de, et cour des), 1, 43, 60, 62, 111, 124-126, 159, 242, 249, 261, 455, 511, 523. — Voir : Charles IX, Henri III, François II, François de Valois, Marguerite. Valromey, 262. Valteline, 263, 288, 297-302, 315, 324, 326. Van Berchem. — Voir : Berchem. Van Dyck, 501, 506. Van Ostade. — Voir : Ostade. Vane (Henry), 370, 373, 437. Vanini, d'Otrante, 491. Vargas-Mexia (Alonso de), 124, 153. Varin (Jean), 441 ; — (les), 498. Varsovie, 179, 404, 482. Vasa (dynastie des), 32, 98, 104, 178, 404. — Voir : Gustave I " , Jean III, Sigismond III, Suède, Pologne. Vasari (Giorgio), peintre et sculpteur, 95, 246, 250, 251. Vasconcellos, 329.

    Vassy (massacre de), 59. Vatican. — Voir : Siège (Saint-). Vaudemont (Louise de), femme de Henri III, 102. Vaudois, 16, 390. Vaugelas, 521. Vaux-le-Vicomte (château de), 455, 497, 499, 530. Vecchi (Orazio), 513. Veenius (Otto), 500. Velasco, général espagnol, 159. Velasco (Ramirez de), 421, 423. Velay, 167. Vélazquez, 4, 283, 300, 494, 501-505, 535. Velez de Guevara (Luis), 519. vellon, 201, 263. Veltliner Mord, 297. Vendôme (cardinal de), 154. Vendôme (César, duc de), 160, 291, 359. Vendôme (grand-prieur de), 302. Vénézuéla, 161, 422. Venier (Sébastien), 248. Venise (république de), Vénitiens, 16, 91, 95, 109, 264, 269, 294 ; — et la politique de Philippe II, 14, 16 ; — et Lépante, 88 ; — et Henri IV, 155, 263 ; — (ville de), 24, 101, 225 ; — vie économique, 277 ; — décadence vénitienne, 137 ; — art, 209, 214, 246-248, 511, 513, 515 ; — entre Richelieu et Olivarès, 298, 306, 315, 324 ; — et la guerre de Crète, 380 ; — et Kœprili, 406-408; — (Juifs à), 475 ; — (Galilée et), 482. Ventadour (Henri de Lévis, duc de), 431, 466. Vera-Cruz, 162. Verazzano (G.), navigateur florentin, 59. Verbiest (le P.), S. J., 412. Verdelot, 511. Verden (évêché de), 312, 314, 385. Verdun, 35. Verdun-sur-Saône, 325. Vere (Sir Francis), 161, 286. Vermandois, 124, 160, 162. Vermeer de Delft, 506. Verneuil, 261. — Voir : Henriette d'Entraigues.

    — 68« —

    Index Vernier (marais), 169. Véronèse (Paolo Caliari), 248, 249, 497. Versailles, 307 ; — (château et parc de), 455, 499, 530. Versoris. — Voir : Le Tourneur. Vervins (paix de), 2, 112, 162, 175, 257, 262. Vésale (André), 78. Vesle, riv., 168. Vexin, 498. Viau (Théophile de), 491, 524. Vie (De), 164. Vicence, 513. Victor-Amédée de Savoie, 295, 307, 315, 324, 326. Vienne (Autriche), 30, 88, 101, 235, 258, 259, 269, 320, 381 ; — (cour de), 459. Viète (François), 219, Viglius. — Voir : Zwichen. Vignole (Jacopo Barozzio, dit), architecte, 29, 252. Vigo, 145. Vijanyanagar (royaume de), 183. Vikings, 181. Vilaplana, 328. Villacastin (Antiono de), 7. Villegagnon (Nie. Durand de), 59. Villela (le P.), S. J., 35. Ville Marie, 433. Villeroy, 156, 291, 294. Villiers (Loyseleur de), pasteur, 120. Vilno, 32, 396. Vimory, 132. Vincennes, 360 ; — (traité de), 393 ; — (château de), 406, 469, 516. Vincent Depaul. — Voir : Vincent. Virginie, 213, 369, 389, 428, 434, 436. Visitation, 464. Vistule, 98. Vittoria (Tomâs Ludovico da), 513. Vivarais, 45, 168. Vladimir, v. de Russie, 106. Voetius, 489. Voisin (le P.), 492. Voiture, 520. Volga, 11., 105, 107, 396. Vologda, 398. Vosges, 325. Vossius, 403. Vouet (Simon), 497.

    Voyer d'Argenson, 467. Vroom (Hendrick), 245. W Walcheren (üe de), 85, 383. Waldslätten, 298. Wallenstein. — Voir : Valdstejn. Wallonie, Wallons, 42, 53, 65, 99, 116, 119, 151, 166, 181, 263, 264, 287, 386 ; — Églises wallonnes, 84 ; — en Angleterre, 211. Walsingham, 134-135, 145, 146. Warthe, il., 315. Warwick (lord), 352, 436. Watassides, dynastie marocaine, 140. Webster (John), 521. Weimar, weimariens, 521. — Voir : Saxe-Weimar. Weissenfeis, 319. Welser (Philippine), femme de Ferdinand d'Autriche, 31, 260. Wentworth. — Voir : Strafford. Werth (Jean de), 325, 327. Wesembeke, 92. Weser, il., 389. Westminster, 351, 353 ; — (traité de), 390. Westphalie (province de), 330 ; — (traités de), 2, 3, 378-387, 458459, 534, 535. Wettin (maison de), 260. Weyer, 478. Whitehall, 175, 345, 357, 458. Whitgift, archevêque de Canterbury, 173, 175, 335. Wight (île de), 146, 357. Wilhelmuslied, 92, 511. Willaert (Adrien), 511. Willekens (Jacob), 428. Williams (Roger), 473. Windsor, 176, 353. Wismar, 384. Wittelsbach (maison de), 30, 288. Wittemberg, 41, 219, 533. Wolfe (le P.), S. J . , 74. Wolfenbüttel (Christian de Brunswick-), 258, 292. Woolwich, 211. Worcester, 369. workhouses, 174. Worms, 21, 318.

    — 537 —

    Index Wou San-kouei, 410. Wrangel, 327, 384, 386, 403. Wurtemberg, 155 ; — (duc Christophe de), 59. Wûrzburg, v. et évêché, 80, 318, 478. • Wynter, corsaire anglais, 147. X Xanten, 267. Xavier (saint François-), 3, 35, 495. Xavier (Jérôme), petit-neveu de François, 187. Ximénès (cardinal), 12, 87, 91. Y Yakinobou, 195. Yang-tseu, il., 411. Yédo, 192. Yellow Ford (bataille de), 175. yeomen, 352, 354. Yermak, 396. Yochitésou, 191. Yong-li, 411. York, 75, 345, 350, 353, 355. York (Jacques, duc, d') plus tard Jacques II, 391. Yorkshire, 350, 352, 354. Yousouf, 419.

    Ypres, 468, 470. Yssel, riv., 263. Yuriev. — Voir : Dorpat. Z Zacatecas (mines de), 197. Zamet, 208. Zapolya (Jean), voiévode de Transylvanie, 87, 108, 270. Zaporogues, 399. Zaroutzkij, 398. Zayas (Gabriel de), 9. Zékély, 379. Zelabdin Échebar, 186. Zélande, 3, 84, 91, 100, 115, 119, 275, 279, 280, 383 ; — Zélandais, 428, 452, 483. Zemskij Sobor, 397, 399, 401. Zerotin, 270. Zierikzee, 246. Zoilo (Annibale), 512. Zouaoua (tribu des), 139. Zuccari, 246, 251. Zumârraga (Juan de), évSque de Mexico, 424. Zuiiiga, 89. Zurbaran, 502. Zurich, 263, 298, 487. Zurita, 231. Zutphen, 95, 280. Zwichen (Viglius Van), 31, 53.

    KHBATA

    P. p.

    1, 4 e ligne 6, 25» ligne 1 fine 1 gne 1 gne 1 gne 1 gne 1 gne 1 gne 1 gne 1 gne 1 gne

    p. p. p. p. p. p. p. p. p. p.

    11, 46, 65, 84, 92, 103, 133, 158, 162, 165,

    22« 14« 15« 9« 38« 4e 11« 5« 41« 2«

    p. p. p. p. p. p. p. p. p. p. p. p. p. p. p. p. p. p. p. p.

    172, 200, 253, 282, 301, 338, 338, 358, 368, 374, 401, 403, 407, 422, 428, 429, 453, 491, 491, 496,

    28« 1 gne 29« 1 gne 3« 1 gne 6 e 1 gne 10« 1 gne 42« 1 gne 43« 1 gne 18« 1 gne 36« 1 gne 5« 1 gne 10« 1 gne 12« 1 gne 32« 1 gne 11« 1 gne 4« 1 gne 7« 1 gne 2« 1 gne 5 e 1 gne 33« 1 gne 19« 1 gne

    au lieu de dix ans plus t a r d , lire : vingt ans plus t a r d . entre sur les « Indes » occidentales d ' u n côté, les Philippines de l'autre, intercaler : et, bientôt, les Philippines de l'autre. Lazarillo de Tormès, lire Lazarillo de Tormés. r le l« janvier 1506, lire : le 1 " janvier 1560. c o m m e ne France, lire : comme en France. Noorn, lire : H o o r n . Vindicix, lire : Vindicae. d a n s le o r y a u m e voisin, lire : dans le r o y a u m e voisin. femille, lire : famille. l ' a b j u r a t i o n du relpas, lire : l ' a b j u r a t i o n du relaps. la casa conlratación, lire : la casa de la contrataciàn. Les derniers Aix et Rennes, t i n r e n t j u s q u ' e n août 1600, a j o u t e r : et Rouen j u s q u ' e n 1609. et les sinnes, lire : et les siennes. de 1560 à 1690, lire : de 1560 à 1590. une école d ' u n sincérité, lire : une école d'une sincérité. Elisabeht, lire : Elisabeth. 5 février 1616, lire : 5 février 1626. L a d y Burghebre, lire : Lady Burglebre. M. Belloc, lire : H . Belloc. a force de floi, lire : a force de loi. Seul Montrose essyait, lire : Seul Montrose essayait. a v a i t r e n d u , lire : avait rendu. et l'orhtodoxie, lire : et l'orthodoxie. Ses pordigalités, lire : Ses prodigalités. parleraitd'afîaires, lire : parlerait d'aflaires. ordonnances, lire : ordonnances. Willem Usselinx, lire : Willem l'sselincx. idem. porte cohère, lire : porte cochère. les ibertins, lire : les libertins. en 1753, lire : en 1573. Pierre de Maderno, lire : Pierre de Maderna.

    — 589 —

    TABLE DES MATIÈRES

    INTRODUCTION p a r INTRODUCTION

    P i e r r e C.IIÎUIIHI

    ... :

    LIVRE PREMIER LA

    R É F O R M E CATHOLIQUE E T L ' H É G É M O N I E

    ESPAGNOLE

    (1559-1576) CHAPITRE PREMIER. —

    L'apogée

    de l'Espagne

    I. La monarchie de l'Escorial, p. 6. — II. L'unification des Espagnes, p. 10. — III. L'hispanisation de l'Italie, p. 13. CHAPITRE I I . —

    L'achèvemenl

    du concile de Trente

    I. Les débuts de Pie IV et la reprise du concile, p. 18. — II. La reprise du concile, p. 20. — III. La victoire de Rome, p. 23. — IV. L'œuvre du concile, p. 25. — V. La reconquête catholique et la Société de Jésus, p. 27. — VI. La vague mystique, p. 36. CHAPITRE

    I. p. 42. 1565, 1566),

    III. — Les luttes religieuses

    (1560-1570)

    La France après la mort de Henri II (1559-1560), — II. La crise du nord-ouest européen entre 1560 et p. 48. — III. Les prises d'armes en France (1560p. 54. — IV. Le temps des troubles (1565-1570), p. 64.

    CHAPITRE I V . —

    Lépante et la Saint-Barthélémy

    (1567-1576)

    I. L'Espagne, champion de l'Église (1567-1572), p. 77. — II. L'insurrection des Pays-Bas et la lutte contre l'Islam, p. 83. — III. La Saint-Barthélémy et ses suites, p. 91. — IV. L'Europe du Nord et de l'Est, p. 103. - - .">91

    -

    TaMr des matières

    L I V R E II LA

    MAITRISE

    DES

    MERS

    (1576-1603) CHAPITRE

    PREMIER.

    (1576-1589)



    L'arrêt de la croissance

    espagnole

    114

    I. La naissance des Provinces-Unies (1576-1583), p. 115. — II. Les convulsions de la France (1576-1581), p. 122. — III. La crise dynastique en France (1581-1589), p. 129. — IV. Les débuts de l'empire anglais (1576-1583), p. 134. — V. L'Islam maghrébin et la question portugaise (15741585), p. 138. — VI. La guerre anglo-espagnole (15831585), p. 143. La reconstruction de la France et Vascension de l'Angleterre (1589-1610)

    CHAPITRE I I . —

    150

    I. Henri IV contre Philippe II (1589-1591), p. 150. — II. La reconquête du royaume de France (1597-1598), p. 154. — I I I . Henri IV et le relèvement de la France (1598-1610), p. 163. — IV. L'Angleterre d'Ëlisabeth, de 1588 à 1603, p. 171. — V. La lutte pour la Baltique et les débuts de la puissance suédoise, p. 177. CHAPITRE

    I I I . — Les civilisations

    orientales

    182

    I. Akbar, le Grand Mogol (1556-1605), p. 182. — II. L'essor de la Perse sous Chah Abbâs, p. 188. — I I I . La formation de l'unité japonaise, p. 191. Les transformations à la fin du XVIe siècle

    CHAPITRE I V . —

    économiques et sociales

    197

    I. Le problème de la cherté, p. 197. — II. Tentatives de réforme monétaire, p. 201. •— I I I . Le renversement des valeurs sociales, p. 203. — IV. L'avènement du mercantilisme, p. 209. CHAPITRE

    V.



    1560 à 1603

    Le mouvement

    intellectuel

    en Europe

    de

    I. Science et philosophie après le concile de Trente, p. 215. — II. La poésie et le roman, p. 223. — I I I . Le théâtre, p. 234. — IV. La connaissance de l'homme, p. 240. — V. L'évolution artistique entre 1560 et 1600, p. 245.

    214

    Table des matières LIVRE III LA ET

    CRISE

    LA F O R M A T I O N

    DE

    EUROPÉENNE LA P U I S S A N C E

    FRANÇAISE

    (1603-1660) La décomposition du Saint-Empire. I. De Vervins à Clèves (1598-1614), p. 257. — II. La Montagne Blanche (1616-1620), p. 268. — I I I . Les débuts de la grandeur néerlandaise (1579-1630), p. 272. — IV. Les nouveaux triomphes de l'Espagne (1612-1623), p. 282. — V. La crise française (1610-1622), p. 289. — VI. Richelieu contre Olivarès (1621-1631), p. 297. — V I I . La crise allemande et le problème baltique (1623-1635), p. 311. — V I I I . La guerre hispano-française (1635-1642), p. 321. — I X . L'œuvre administrative de Richelieu, p. 332. CHAPITRE PREMIER. —

    II. — L'évolution intérieure des grands États européens de 1640 à 1660 I. Les Stuarts et la Grande-Bretagne (1603-1641), p. 337. — II. La guerre civile d'Angleterre (1641-1649), p. 351. — I I I . La guerre civile de France et le triomphe de Mazarin (1643-1653), p. 359. — IV. La République d'Angleterre et Cromwell (1649-1660), p. 367.

    257

    CHAPITRE

    I I I . — La diplomatie mazarine et la défaite de l'Espagne (1642-1660) I. La fin de la guerre allemande (1642-1648), p. 377. — II. De la paix de Westphalie à la paix des Pyrénées (16481659), p. 388.

    336

    CHAPITRE

    376

    CHAPITRE I V . —

    L'Europe de l'Est et la paix du Nord I. La Russie et le « temps des troubles », p. 395. — II. Suède, Pologne et Danemark (1633-1661), p. 402. — III. La Turquie de Mohammed Kœprili, p. 406.

    395

    CHAPITRE V . —

    L'Orient et l'Extrême-Orient (1616-1660). I. La chute des Ming et l'invasion mandchoue, p. 409. — II. La fermeture du Japon, p. 412. — I I I . L'Inde d'Aurengzêb, p. 414. — IV. Grandeur et décadence des Séfévides, p. 418.

    409

    — Les empires européens d'outre-mer I. L'empire hispano-portugais, p. 420. — II. Les colonies néerlandaises, p. 426. — III. L'Amérique du Nord francobritannique, p. 429.

    420

    CHAPITRE V I .

    - - f)9:i

    Table des matière» L I V R E L'ÉVOLUTION DES DU

    CHAPITRE PREMIER. —

    et politiques

    MATÉRIELLE

    SOCIÉTÉS

    DÉBUT

    IV

    DU

    ET

    SPIRITUELLE

    EUROPÉENNES

    xvn

    e

    Tranformations

    SIÈCLE

    A

    1660

    économiques, sociales

    440

    I. Les transformations économiques, p. 440. — II. Les classes sociales, p. 448. — I I I . Les institutions et les théories politiques, p. 457. CHAPITRE

    II.



    La pensée religieuse et le mysticisme....

    462

    I. François de Sales et les dévotions françaises, p. 463. — II. Le jansénisme, p. 467. — I I I . Les églises protestantes, p. 472. — IV. La Synagogue, p. 474. — V. La sorcellerie, p. 477. Les courants de la pensée philosophique el la science expérimentale

    CHAPITRE I I I . —

    479

    I. La recherche scientifique, p. 480. — II. Galilée, p. 482. — III. Bacon, p. 485. — IV. Le renouvellement des sciences, p. 486. — V. Descartes, p. 488. — VI. La pensée indépendante, p. 490. — V I I . L'illuminisme, p. 492. CHAPITRE I V . —

    L'évolution

    artistique de 1600 à 1660....

    494

    I. Le triomphe de l'art baroque, p. 494. — II. L'art français, p. 496. — I I I . L'art flamand. Rubens, p. 499. — IV. L'Espagne et Velazquez, p. 501. — V. La peinture hollandaise et Rembrandt, p. 505. — VI. La musique, p. 510. La littérature européenne el la formation de classique

    CHAPITRE V . —

    l'idéal

    516

    I. Le triomphe du précieux, p. 517. •— II. Le théâtre de 1600 à 1660, p. 521. — I I I . L'avènement du style classique, p. 528. CONCLUSION

    533

    INDEX

    537

    KHKATA

    r>;u