La description de l’isle d’utopie [(Reprint from the ed. Paris 1550). Reprint 2019] 9783110809336, 9789027968722


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French Pages 224 [264] Year 1971

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Table of contents :
Introduction
Bibliographie
LA DESCRIPTION DE L'ISLE D'VTOPIE OV EST COMPRINSLE MIROER
Extraid- des registres de Parlement
GVILLAVME BVDE ATHOMAS. Lupfec Angloys
Le premier liure
L e Second liure
l'Autheur au lecteur
S'ensuit la table
Fautes survenues a l'impression
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La description de l’isle d’utopie [(Reprint from the ed. Paris 1550). Reprint 2019]
 9783110809336, 9789027968722

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La description de l'isle d'Utopie

FRENCH RENAISSANCE CLASSICS Series published under the editorship of M. A. SCREECH, D.LITT

Professor of French Literature University College London

S. R. P U B L I S H E R S L T D J O H N S O N REPRINT CORPORATION MOUTON PUBLISHERS 1970

CLASSIQUES DE LA RENAISSANCE EN FRANCE Série d'éditions publiées sous la direction de M. A. SCREECH, D.LITT

Professeur de français University College London

S. R. P U B L I S H E R S LTD J O H N S O N REPRINT CORPORATION M O U T O N ÉDITEUR 1970

Thomas More

La description de I'isle d'Utopie Introduction par MICHEL JEANNERET

S. R. P U B L I S H E R S LTD. J O H N S O N REPRINT C O R P O R A T I O N MOUTON É D I T E U R 1970

Reprinted 1970 by courtesy of the trustees of the British Museum from the edition of Charles L'Angelier, printed in Paris 1550 (British Museum Press-mark C 107-c-n) The original copy in the British Museum's Collection measures 6 J " X 4"

© 1970 jointly by S. R. Publishers, Johnson Reprint Corporation, and Mouton & Co SBN. 85409-205-6 Library of Congress Catalog Card No.78-114651

S. R. Publishers Ltd. East Ardsley, Wakefield, Yorkshire, England Johnson Reprint Corporation h i Fifth Avenue, New York, N . Y . 10003, U.S.A. Mouton 7 rue Dupuytren, Paris VI e , France Herderstraat 5, The Hague, Netherlands Printed in the Netherlands

Introduction

Les premiers contacts de More avec la France sont d'ordre personnel et politique ; il se rend à Paris en 15 08 et accomplit sa première mission à Calais en 1517. Il ne semble pas, lors de ces deux séjours, avoir laissé de souvenir marquant dans les cercles d'humanistes français. Sa notoriété date de la parution de l'Utopia à Louvain, en 1516, et se manifeste clairement dès l'année suivante, où paraît une deuxième édition latine du traité, à Paris, chez Gilles de Gourmont 1 : c'est que le texte, cette fois, est préfacé d'une lettre de Guillaume Budé à Thomas Lupset. L'appui de Budé devait valoir à Thomas More et son œuvre un lustre tout particulier, de même qu'un peu plus tôt, en 1 5 1 1 , la dédicace d'Erasme à More, pour son Moriae Encomium, avait garanti au savant anglais une réputation 1. Ad lectorem. Habes, candide lector, opusculum illud vere aureum Thomae Mori non minus utile quam elegans de optimo reipublicae statu, deque nova Insula Utopia, ìam iterum, s ed multo correctius quam prius, hac Enchiridii forma ut vides multorum senatorum tum aliorum gravissimorum virorum suasu aeditum... Cui quidem ab innumeris mendis undequaque purgatio praeter Erasmi annotationes ac Budaei epistulam... Addita est etiam ipsius Mori epistulaeruditissima..., [Paris], Gilles de Gourmont, s.d. [1517]. Cette édition semble avoir paru sans l'approbation de More. Voir J . A. Gee, The second Edition of the « Utopia », Paris, I J I J , in Yale University Library Gaiette, 7 (1933), p.87-88.

viii

ha description de l'isle d'Utopie

internationale. Néanmoins, More a aussi ses ennemis : il attaque Germain de Brie, ou Brixius, qui lui réplique violemment dans son Antimorus publié à Paris en 1519. Désormais apparaissent régulièrement, sous la plume de lettrés et d'érudits français, des allusions au personnage et à son livre. Si Nicolas Bourbon reproche au Chancelier son origine obscure, Bernardus Andréas se montre louangeur et Salmon Macrin adresse à More un poème. Geofroy Tory mentionne en passant l'Utopie et son auteur. Etienne Dplet s'en réclame également dans la querelle qui l'oppose, sur la question du style latin, à Erasme; il loue son talent littéraire et regrette les circonstances de sa mort. Barthélémy Aneau, dans l'édition du texte français de l'Utopie qu'il procure en 1559, rend bien sûr hommage au maître anglais. On relève encore des allusions chez Antoine Du Verdier, André Thevet, Guillaume Du Bartas et Jacques-Auguste de Thou.2 Il

2. Nicolas Bourbon, Nugae..., Paris, M. de Vascosan, 1 5 3 } , Livre 5, Carmen 144; Bernardus Andréas, Hymni christiani. Paris, in Chalcographia Ascensiana, 1 5 1 7 ; Salmon Macrin, ...Carminum libri quatuor..., Paris, Simon de Colines, 1530; Geofroy Tory mentionne les «lettres utopiques que j'apelle Utopiques pource que Morus Langlois les a baillees et figurees en son livre... Insula Utopia» in Champ fleury..., Paris, G . Tory et Giles Gourmont, 1529, f.73v°; Etienne Dolet, Dialogus de imitatione Ciceroniana, adversus Desiderium Erasmum Roterodamum..., Lyon, S. Gryphe, 1535 et Commentariorum linguae latinae..., Lyon, S. Gryphe, 1536-38; Barthélémy Aneau, op.cit. infra; Antoine Du Verdier, La Prosographie ou description des personnes insignes..., Lyon, Antoine Gryphe, 1573 et Biblio-

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ha description de l'isle d'Utopie

paraît donc probable que More soit alors «indubitablement le représentant le plus illustre de la pensée anglaise »3 en France. Il reste que ces textes, à l'exception des témoignages importants de Budé, Aneau, et, naturellement, Erasme, sont plutôt superficiels et ne prouvent pas grandchose. Hors des milieux cultivés, le public ne connaît de Thomas More que son traitement injuste sous Henri VIII. 4

Au demeurant, la réputation et l'influence d'un auteur ne se mesurent pas simplement à quelques mentions chez ses contemporains. Il s'agit d'établir surtout l'ascendant exercé par ses idées ; c'est pourquoi il faut examiner maintenant si l'Utopia a porté ou non quelque fruit. * *

thèque françoise...,

pourtraits

*

Paris, 1 7 7 2 - 7 5 , t.i ; André Thevet, Les

et vies des hommes illustres...,

Vrais

Paris, Veuve J. Kervert

et G . Chaudière, 1 5 8 4 ; Guillaume D u Bartas, La Seconde Sepmaine..., Paris, P. L'Huillier, 1584, Babylone, v.620; Jacques-

Auguste de Thou, ...Historiarum i f 43...,

sut temporis

ab anno

domini

Genève, Pierre de La Rovière, 1626-30, Livre I, p.23.

3. G. Ascoli, La Grande-Bretagne

p.187. 4. G . Ascoli, ibid.,

devant l'opinion

française...,

p . 2 2 7 - 3 1 , attire l'attention sur un manus-

crit de Soissons qui contient une Elégie de feu Maistre Thomas Morus, en son vivant chancellier d'Angleterre, dont il donne le

texte. Les Généalogies, e f f i g i e s et épitaphes des roys de France...

de

Jean Bouchet, Poitiers, Jacques Bouchet, 1 5 4 5 , contiennent une épitaphe de More.

X

La description de l'isle d'Utopie

Les limites de cette introduction ne permettent pas d'aborder le problème dans son ensemble; il conviendrait, pour être complet, de définir d'abord le genre littéraire de l'Utopie, de dépouiller ensuite les traités politiques, les satires sociales, les récits de voyage, authentiques ou fantastiques, de l'époque. Je me contenterai de mentionner ici les rapprochements déjà signalés entre le système de More et l'œuvre de quelques auteurs français, espérant susciter les approfondissements qui s'imposent. Les spécialistes ne s'accordent guère, aujourd'hui, sur l'étendue des dettes de Rabelais à l'égard de More. L'emprunt de certains termes, au moins, est indiscutable : Utopie, Achorie, Amaurotes paraissent en 1532 déjà, dans Pantagruel. Il est plus difficile d'identifier les sphères où s'exerce en profondeur cette influence : faut-il voir dans Thaumaste une allusion au Chancelier? C'est douteux.s L'abbaye de Thélème et les voyages de Pantagruel doivent peut-être davantage, et de manière directe, à More, tandis que les nombreux thèmes communs - condamnation de la guerre, supériorité, dans un conflit, de la ruse sur la force brute, satire des moines et des pédants, goût pour la pédagogie - relèvent plutôt de préoccupations d'époque. Il faut reconnaître également une communauté d'inspiration plutôt qu'une influence directe dans le rapprochement que suggère J . H. Hexter entre la république 5. Voir M. A. Screech, The meaning of Thaumaste..., in Bibliothèque d'Humanisme et Renaissance, 22 (i960), p.62-72.

La description de l'isle d'Utopie

xi

idéale de More et l'organisation politique et sociale de Calvin à Genève. La discipline dans le travail, la subordination du bien-être personnel à l'intérêt de la communauté, la sobriété, autant de traits communs, qui se rattachent aux aspirations les plus profondes des humanistes : «In some measure Calvin created what More, but not More alone, yearned for - a more austere Christian life in a more rigorously Christian polity». 6 Outre ces deux terrains de rencontre, assez bien explorés, d'autres rapports ont été établis. Guillaume Postel, dans son De Orbis Terrae Concordia,7 retrouve quelques caractères de la république d'Utopie. Pierre Boaistuau de Launay, dans L'Histoire de Cbelidonius Tigurinus sur /'institution des princes chrestiens et origine des royaumes, traduite de latin en françois,8 se rapproche de More en soulevant la question de la meilleure forme de gouvernement. François de Saint-Thomas se souvient peut-être du modèle anglais en définissant les qualités du bon prince dans La vraye forme de bien et heureusement régir et gouverner un royaume ou monarchie ; ensemble le vray o f f i c e d'un bon prince...9 Jean de La Madeleine traite également du roi parfait qui assurera le meilleur gouvernement possible dans son Discours de l'estât et o f f i c e d'un bon roy, prince ou monarque, pour bien et heureusement régner sur la terre et pour garder et maintenir ses

6. 7. 8. 9.

J . H. Hexter, More's «Utopia»..., S.l.n.d. [Paris, 1543]. Paris, V. Sertenas, 1559. Lyon, J . Saugrain, 1569.

p.94.

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La description de l'isle

d'Utopie

subject^ en paix, union et obéissance...10 Quoique ses théories politiques ne comportent guère d'éléments utopiques, Jean Bodin cite fréquemment Thomas More dans Les six livres de la Republique.11 François Beroalde de Verville donne la preuve, dans deux de ses œuvres, qu'il connaît bien le traité du Chancelier: L'Idée de la République...11 et L'Histoire véritable, ou le voyage des princesfortune..I3 Enfin L'Estât, Description et Gouvernement des Royaumes et Republiques du Monde tant anciennes que modernes...1* de Gabriel Chappuys affiche une dette plus importante : dans le livre 24 et dernier, De la Republique d'Utopie, Estât et Gouvernement d'icelle, l'auteur loue d'abord Thomas More, explique ensuite son dessein,15 puis présente une traduction du livre II de l'Utopie: manière élégante de boucler le traité en élevant le débat à une forme idéale de gouvernement. Avec Les Hermaphrodites...16 de Thomas Artus, le thème du voyage imaginaire prend la forme d'une satire: le dépaysement ne fait que fournir un revêtement allégorique à une attaque contre la corruption, l'immoralité et tous les vices de la cour de Henri ni. 10. Paris, L. Brayer, 1575. 1 1 . Paris, J . Du Puys, 1576. 12. Paris, T. Joiian, 1584. 13. Paris, P. Chevalier, 1610. 14. Paris, P. Cavellat, 1585. 15. «...estant fasché des mœurs corrompues de nostre siècle, [il] a escrit, avec ornement, ceste Republique gouvernee par bonnes loix, et reduite en grande paix et félicité, à fin que les hommes aprinssent, par sa très aggreable fiction, à trouver le vray moyen de bien et heureusement vivre » (f.298r°). 16. S.l.n.d. [1605].

La description de l'isle d'Utopie

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Mais il faut arriver en 1616 pour trouver, dans le domaine français, une création originale et nettement influencée par More : c'est l'Histoire du grand et admirable royaume d'Antangil...I7 A partir de ce moment-là, au x v n e et au X V I I I ' siècles, va s'épanouir vraiment le genre de l'Utopie et germer l'exemple de Thomas More. En comparaison, le xvi e siècle ne semble pas en avoir tiré grand parti. On s'étonne, par exemple, que Montaigne ne fasse jamais allusion à l'Utopia. Cependant, le seul fait qu'un auteur anglais soit traduit en français au milieu du xvi e siècle constitue un phénomène remarquable, et prête à l'entreprise de Le Blond une importance particulière. * *

*

Jean Le Blond, Seigneur de Branville, est mal connu. 18 Né près d'Evreux, il fut avocat au Parlement de Normandie et mourut en 1553. Il eut, comme poète," la mala17. F. Lachèvre, La première Utopie française, Le Royaume d'Antangil, ...réimprimé sur l'unique édition de Saumur, 1616, Paris, 1933. 18. Outre les références indiquées dans la bibliographie, on peut consulter aussi Abbé Goujet, Bibliothèque françoise..Paris, 1740-56, t . n , p.106-12 et R. P. F. Martin, Atbenae Normannorum, Caen, 1901, t.i, p.368-71. 19. La Deploration sur le trespas de feu monseigneur le Daulphin de France..., S.l.n.d. [Paris, 1536]; Nuptiaulx virelay.£ du mariage du roy d'Escoce et de Madame Magdaleine de France..., [Paris], Arnoul et Charles L'Angelier, [1537]; voir aussi note 21.

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La description de l'isle d'Utopie

dresse de se poser en adversaire de Marot20 et, par surcroît, le malheur de déplaire à Du Bellay.21 Il intéresse davantage comme théoricien: avant que paraisse Deffence et Illustration, il publie un bref essai sur la noblesse, grâce, et tres-ancienne dignité de la langue Françoise, 22 où il revendique l'antériorité et la supériorité de la langue et de la culture françaises sur toute autre. Résolument optimiste quant à l'emploi de la langue vulgaire, il appelle de ses vœux toutes les traductions possibles, comme faisaient ses contemporains, Marot et Sebillet. Quoiqu'il ait laissé, en plus, une histoire manuscrite de la Normandie,23 Le Blond s'impose surtout comme tra-

20. Voit C. A. Mayer, Clément Marot et le Général de Caen. 21. Voir Deffence et Illustration..., II, n : ...Invective contre les mauvais poètes Franfoys: «O combien je desire voir secher ces Printems... »: c'est une allusion au recueil de vers de Le Blond intitulé Le Printemps de l'Humble esperant, aultrement diet Jehan Leblond..., où sont comprins plusieurs petitz œuvres semez de fleurs, fruict et verdure qu'il a composez en son jeune aage,fort recreatifz--., [Paris], A. L'Angelier, 1536. 22. Préambule, touchant la noblesse, grace, et tres-ancienne dignité de la langue Françoise, qui peult estre une allumette à enflammer toutes personnes gentilles, à soy exercer audict languaige, et en la doulce faconde, et divine poesie d'iceluy, en tête du Livre de police humaine..., Paris, C. L'Angelié (sic), 1546; ce volume est une traduction par Le Blond d'un abrégé par Gilles d'Aurigny des ouvrages politiques de F. Patrizzi. Sur le Preambule..., voir les articles cités de G. Charlier et R. E. Hallowell. 23. A la Bibliothèque Nationale, Paris. Voir l'article d'E. Deville.

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ducteur; 2 4 la version de l'Utopie suffit à convaincre de son savoir-faire: il est à la fois fidèle et élégant 2 5 et il faut souhaiter que la présente réimpression suscite une étude qui rende justice à la qualité de son travail. MICHEL JEANNERET * *

*

24. Traductions: G. d'Aurigny, Le Livre de police humaine... lequel a esté extraict des... amples volumes de François Patrice..., Paris, C. L'Angelié, 15 44 ; Valere le Grand enfrançois, où sont comprins lesfaict% et diet^ dignes de mémoire, tant des vertueux personnaiges que des vitieux... Ensemble le 10e livre dudict Valère, qui auparavant n'avait esté mis en lumière, Paris, 1548; Johann Carion, Les Chroniques... avec les faietz et gestes du roy François, jusques au règne du roy Henry, deuxiesme de ce nom, à présent régnant..., Paris, J. Ruelle, 1553. Scholies : Joan. Macri... Panegyricus de laudibus Mandubiorum, quo etiam retunduntur extraneorum in Gallos calumniae. Cum scholiis Jo. Blondii... et Jo. Caepiani..., Paris, G. Guillard, 1556; Joannis Macri Santinei, jurisperiti, de Prosperis Gallorum successibus libellus, quo pariter disseritur de tributorum exactionibus, tum de iure, quo Galli sibi vendicant provincias, quas repetmt, cum scholiis Jo. Blondi... et Jo. Cepiani, Paris, G . Guillard, 1555. 25. «The Frenchman composes a dignified, aristocratic, and refined work, as faithful to the original text as the language will allow» (R. E. Peggram, article cité, p.335); «It is a work of ultra-refinement, designed to suit the precious taste of the cultured nobility» {ibid., p.337).

Bibliographie

i. L'édition de

I J J O

Le texte que nous reproduisons ici, avec l'aimable permission des Administrateurs, se trouve au British Muséum sous la cote C . 1 0 7 . C . 1 1 . En voici la description: [Ornement typographique] LA DESCRI-/ /PTION DE L ' I S L E D ' V T O P I E I I o v E S T COMPRINS L E M I R O E R / / d e s r e p u -

blicques du monde, & l'exemplaire de vie / / heureuse : rédigé par escript en stille Treselegant de / / grand'haultesse & maiesté par illustre bon & scauant / / personnage Thomas Morus citoyè de Londre & châ / / celier d'Angleterre Auec l'Espistre liminaire compo- / / see par Monsieur Bude maistre des requestes du feu / / Roy Francoys premier de ce nom. / / Auec priuilege [dans un encadrement avec ornement] / / [Vignette en forme de feuille] Les semblables sont a vendre au Palais à Paris / / au premier pillier de la grand'Salle en la Bou- / / ticque de Charles l'Angelier deuant la Chappel / / le de Messieurs les Presidens. Il 1550. Il (N.B. L'exemplaire reproduit par Gibson, p.25, porte Budé, et non Bude). L e s cotes C . i 2 7 . a . 7 6 et 7 1 4 ^ . 1 5 o n t été r a d i é e s . I n - 8 ° ;

* 8 A-0 8 ; * 8 . N.B.: *iiii (signature correcte; l'exemplaire décrit par Gibson, p.24, est faussement signé iiii); 8 pre-

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miers ff. n.ch. ; puis ff. chiffrés de i à 105, commençant à Ar° et finissant à Or 0 ; f.29 mal ch.26; f.78 mal ch.87; f.79 mal ch. 97. (Gibson signale que les ff. 20,61,65,98 et 106 sont non ch. et que f.103 apparaît deux fois, pour 102 et IOJ; ce n'est pas le cas dans notre exemplaire); + 7ff. n.ch. Ov° (f. IO 5 V ° ) : F I N DV SECOND ET D E R N I E R L I V R E . Oiir° : Cy fine le deuis & / / propos dapres disner, de Raphaël Hy- / / thlodeus [...] Il [Dans un encadrement] Espoir en Mieulx. Oiiv°: l'Autheur au lecteur II [Gravure sur bois de Thomas More] (figure plusieurs fois dans le texte); [puis] N E sois O F F E N C E / / Amy lecteur [etc. il s'agit d'une apologie de la traduction]. Oiiir°: Au lecteur, [dans un encadrement], Oiiiv": S'ensuit la table des chapitres [etc.]. Oiiiir0: [ornement] S'ensuit la table des matieres [etc.], Oviiir" : Faultes survenues a l'impression. Oviiiv 0 : [marque typographique des Frères L'Angelier] (voir Ph. Renouard, Les marques typographiques parisiennes du XVI*s,, 1926, p. 173) [avec la devise] DUNG AMOUR V E R T U E U X A L L I A N C E IMMORTELLE F A X VOBIS. LES. ' A N G E S . L I E R S . [Puis, dans un encadrement] Charles / / l'Ange- / / lier / /. Autres exemplaires signalés : Guildhall (Londres) ; Bodleian Library (Oxford) ; Folger Shakespeare Library (Washington) ; Gleeson Library (University of San Francisco); Harvard; Pierpont Morgan Library (New York); Yale; B.N. (Paris).

xviii

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2. Uêdition de

ijjy

La traduction de Jean Le Blond, légèrement remaniée, fut rééditée en 15 5 9 chez Jean Saugrain, à Lyon. 26 Elle est parfois attribuée à Barthélémy Aneau, qui signe VAdvertissement. Il est clair, néanmoins, que le texte demeure, pour l'essentiel, celui de Le Blond. 27 Le titre implique que la traduction est nouvelle: La Republique d'Utopie... traduite nouvellement de Latin en Françoys.28 Toute référence à Le Blond est écartée;29 ont également disparu l'Extraict des registres de Parlement, la lettre de Budé à Lupset, L'Autheur au lecteur et Au lecteur. Par contre, l'éditeur lyonnais a conservé le Dixain du translateur à la louenge de la saincte vie des Utopiens et introduit un Advertissement déclaratif de l'œuvre. Par M.B.A., où il insiste sur la valeur théorique et idéale de l'Utopie de More : le chancelier anglais, précise-t-il, n'a pas voulu décrire une république existante ou même vraisemblable, il a créé un archétype, un modèle qu'il propose à l'imitation de tous. Après le texte de More, Aneau présente une Inter-

26. Sur Jean Saugrain, voir Baudrier, Bibliographie lyonnaise..., réimpression, Paris, 1964, t.4, p . 3 1 7 - 4 6 . 27. D u Verdier {Bibliothèque franfoise..., Patis, 1 7 7 2 - 7 3 , 1 . 1 , p . 2 1 0 - 1 1 ) attribue par erreur les deux traductions de 1 5 5 0 et de 1 5 5 9 à B. Aneau. ,28. Il est possible, cependant, que traduite nouvellement signifie «traduite récemment» et non «nouvelle traduction». 29. O n retrouve néanmoins la devise de L e Blond: Espoir en mieux {p. 3 5 2).

La description de l'isle d'Utopie

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pretation sur les noms propres des personnes, choses, ou circonstances, qui par l'autheur ont esté inventeç et formeç à plaisir, et à propos de l'histoire Utopique, qui lui permet de conclure : «Tous lesquelz noms significatif^ de choses nulles, ou vaines, et appropriez aux personnes, lieux et faitz, feintz et inventez plustost que vrais, donnent assez à entendre que ceste Utopique est invention de Republique, telle qui n'est, ne fut, ne sera ». Enfin, comme dans l'édition précédente, figurent pour terminer une table des chapitres et une table des matières. L'exemplaire du British Muséum (cote: 714^.34) est décrit comme in-8° par Gibson et in-16 0 par Baudrier (Bibliographie lyonnaise, t.4, p.324). Gibson, p.26, reproduit la page de titre et donne une brève description. Autres exemplaires signalés: Harvard; Yale; B . N . (Paris), Montpellier (Musée Fabvre), Toulouse. Les remaniements de la traduction, sans doute dus à Aneau, sont de moindre importance. Ils tendent à assurer au texte, selon les cas, une fidélité plus grande à l'original ou une clarté plus satisfaisante ; 30 ils visent par-

30. Fidélité plus grande: «... quorum studio revisendorum nimis quam anxie tenebar » est traduit par «de quoy j'estois en grand ennuy» dans le texte de 1550 (f.3r°) et par «dont j'estoy en grande doute et soucy» dans celui de 1559 (p.n). - Clarté plus grande : «... non arte solum verumetiam natura facundus » est traduit par «personnaige non seulement en son beau parler artificiel, ains naturel » dans le texte de 15 5 o (f. 2 v°) et par « Personnage de nature et d'art treseloquent» dans celui de 1559 (P-9).

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XX

fois à renforcer les liens syntaxiques,31 à imprimer au style et à l'orthographe un aspect plus moderne. Les variantes dans la division des alinéas sont peut-être imputables à l'imprimeur et non à Aneau.32

Thomas More et l'Utopie en France au XVIe siècle ARMES, W .

D., Rabelais and More's « Utopia », in Nation,

93 (M juillet 1911), p.30. La Grande-Bretagne devant l'opinion française depuis la guerre de Cent ans jusqu'à la fin du XVIe siècle, Paris, 1927. A T K I N S O N , G . , The extraordinary Voyage in French Literature before IJOO, New York, 1920. D E L C O U R T , J., Saint Thomas More and France, in Traditio, 5 (i947)» p.285-310. D E R M E N G H E M , E . , Thomas Morus et les Utopistes de la Renaissance, Paris, 1927.

ASCOLI, G . ,

3 1 . Renforcement et modification des liens syntaxiques : « Petrus Aegidius... quippe iuvenis haud scio doctiorne an moratior. Est enim et optimus... » que Le Blond rend par: «Certes je ne scay si ce jeune homme icy estoit plus docte que bien moriginé. Mais je respons qu'il estoit tresbon... » (f.3r°); la phrase est construite tout différemment en 1559: «Car certes je ne scay si ce jeune homme icy est ou plus docte, ou mieux moriginé, comme celuy qui est tresbon... » (p.io). 32. Je me suis limité à un examen très rapide de ces variantes, qui méritent certainement une étude plus approfondie.

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xxi

St. Thomas More: A preliminary Bibliography of his works and of Moreana to the year 17 jo, New Haven et Londres, Yale U.P., 1961. H E X T E R , J . H . , More's « Utopia », The biography of an Idea, Princeton, 1952. L A C H È V R E , F., La première Utopie française, Le Royaume d'Antangil, ... réimprimé sur l'unique édition de Saumur, 1616, Paris, 1933. L E F R A N C , A . , Les Navigations de Pantagruel, Etude sur la Géographie rabelaisienne, Paris, 1905. M A C K E N Z I E , F., Les Relations de l'Angleterre et de la France d'après le vocabulaire, Paris, 1939. M E S S A C , R . , Esquisse d'une chrono-bibliographie des Utopies, Lausanne, 1962. R O U T H , E . M . G . , Sir Thomas More and his friends, 1477i j j j , Oxford, 1934. S A I N E A N , L., La Langue de Rabelais, Paris, 1922-23. S A U L N I E R , V . L . , Mythologies pantagruéliques. L'Utopie en France: Morus et Rabelais, in Les Utopies à la Renaissance, Bruxelles et Paris, 1963, p.135-62. S U L L I V A N , F. et M. P., Moreana 1478-194;, A preliminary check list of material by and about Saint Thomas More, Kansas City, 1946. GIBSON, R . W . ,

4. Jean Le Blond Jean Le Blond et son Apologie de la langue française (IJ 46), in Revue de l'Instruction publique en Belgique, 55 ( 1 9 1 2 J , p.331-44.

CHARLIER, G . ,

xxii

La description de l'isle d'Utopie

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* *

*

LA DESCRIP T I O N DE L ' I S L E OV

EST

D'VTOPIE

C O M P R I N S LE

MIROER.

des republicques du monde, & l'exemplaire de vie heureuTe-.redigéparefcripc en (lille Trefelegant de grand' haultefle & maieftépar illuftre bon & feauant perfonnage Thomas Moruscitoyéde l ondre 6c châ celier d'Angleterre Auec l'Efpiftre liminaire compoféepar Monfieur Budernairtre des requefics du feu Roy Francoys premier de ce nom.

Les fcmblables font a vendre au Palais à Paris au premier pillrer de la grancfSalle en la Boa* ticque de Charles l'Angelier deuantbit tant P a r r o u t > & c ' o n t l e u r v e n o " C e malheur, veu que peu efchappoient de ce fupplice. Ado:ic ie vois dire(certesie fusaffezhar di de par/er franchement & librement en la table de ce Cardinal) net'esbahy pointfeigneur,cefte punition de Liri ons n'ell iuliene raiionnable, & ne profite en rien a la republicque. Elle eft trop cruelle pour venger le larcin,& n'eft fuffifante à le refraindre. C Véritablement vn fimple larcin n'eft point fi grand crime, qu'on en deuft perdre la vie, & la peine n'eft point fi griefue qu'elle puifie garder les larrons de deirobcr,cofideré qu'ilz n'ont point d'autre meftier pour viure: pourtant en ceft affaire non vous feulement, mais la plus grand part du monde eftes veuz enfui ui r les mauluais maiftre d'efchole, qui battet plus voluntiers leurs difciples,qu'ilz ne les en feignent.On eftablit punitions griefue» & ter ribles à vn larron , & ondebueroit plus toft pourueoir d'honnefte maniéré de viure, affin que le; larrons n'enffent fi grande necefsité & occafion de defrober & d'eftre penduz. c O n y afdicfc il )aflez ¡;ourucu,pourquoy font

dre ttre u°l ' e s m e ^ ' e r s » &' e '«ibourage'on peult 6 a ner ne foie' S ' S ia vie à cela & la fauluer , fi on ne point tant veult tout degré eftre mefehant. de larrons C T u n'as pas difie encores ton intentum,

D e l à dcfcriptjon d e l ' I f i e d ' V t o p i c .

10

Se n-efehapperas de moy ainfi. Premièrement ne toufehons ceulx qui fouuent reuien nent en leur maifon naurez & mutilez des guerres ciuiles,ou deftrange conflit,comme il eftaduenu depuis peu de temps du retour de la bataille de Cornebie qui a efte faicte en voftre pays & pareillement de celle qui i efté menée contre les Francoys n'y a gùeres. C Ceulx cy ont expofe leur corps pour leur prince & la republicque , & foibleiïe ne leur fouffre d'exercer les tneftiers deuât alleguez, &l'aage aufsi ne permet qu'ilz en aprennent denouueaux. Delaiiïons par femblable ceulx qui rcuiennét de la guerre qunnd trefues font données. Contemplons les choies qui aduic nent quotidiennement. Ileftfi grand nombre de gentilz homes, qui tous feulz ne viuéc oyfifz,ains entretiennent groife tourbe de va letz ocieux,qui n'apprindrét iamais aulcû me ftier pour viure.Or Iefdittz gétilzhômes font femblables aux bourdôs& grofles mouches que entre gens mendùns? qui elt ce qui defire plus le c h a n g e m e n t 6c mura tion d'un regne,que celuy à qui defplaift l'eftat& maniere de viure de fon temps qui prend plus grand hardiefle de faire vn trouble en toutes chofes, que celuy qui ne a que perdre ( E t fi vn roy eft tellement contemné í í h a y d e f e s f u b i e â z q u ilneles peulraultrement retenir en fon obeiíTance finon par maie diftions,iniures,pilleries, Se grandes perfecu lions,& les rédigé à mendicité. C 11 vauldroit beaucoup mieulx que il quietad & delaiíTa fon royaulme,que de les traiû e r Si gouuerner par telz a r t z , par lefquelz combien qu'il retienne le n o m & t i l t r e d e roy,fe perdra il fa maiefté. C Cela eft bien mal feant à fi excellente dignité Royalle y de auoirle r e g i m e d e m e n " dians:maisilquadrebien mieulx de auoirla domination & gouuernemct d'un peuple opu lent &eureux:ce que cognoidoit bien Fabricius rommaiñ,homme vertueux 8c magnani me, quand il refpondit que il aymoit mieulx dominer fur les riches , que de eftre riche D ii Certes

l e premier liure.

.

C Certes quand il aduiept qu'un prince viue feul en plaifir& délices , & que tous fes fubieibt gemiflent de toutes parti & lamentent., pour la pauureté ou il* les à mis,cela n'eft pas office de roy,mais d'un geollier. Finalement ainii qu un medecin n'eit pas tenu lcauant, qui ne fearoit guarir vne malladiefam en adioufter vne,aulsi eft eftimé vn prince] ignorât & cruel qui ne Icait par aultre voye corriger la vie de Ton peuple, finon en luy oftant l'ufaige & commodité de la vie, & confeife har diment qu'il n'entend rien a gouuerner gens libres & francs,doneques qu il change lalafcheti ou Ton orgueil : car par telz vices iouuentaduient que le peuple le contemne ou bait,viue de Ion reuenu fans porter greuance a au cun, fa dcfpence Toit mefuree à Tes poffeifions,referre les malefices,inftruife bien fes fubieetz, & ne permette croiftre les deliftz, lefquelz il fauldroit qu'il punift par après, les loix abolies par courtume, qu'il les reuoeque difcretement/perialement celles qui ont elle long temps delairices, & ne font peries, qu'il ne preigne argent a caufe d'un delift ou of« fence,ce qu'un iuge ne fouflfriroit faire a perfaune priuée, comme choie iniufte &falla. . cieufe.

rable' des *** ' e u r P ro P°i"°i s la loy des Macaréfes, 1 ne Macareo- q " f o n r p a s gueres loingde Mile d'Vtofes. pie,qui le premier iour qu ilz on faift vil roy, auec grandes cerimcnies l'arrefterent dernier

. D e la d e f e r i p t i o n d e l ' I f l c d ' V t o p i e .

17

rer folennellement,qu'il n'aura iamois i fon the.ipr plus de mille liures d'or ou autant d'ar g«nt a la valeur dudift or,ilz difent que cefte loyfut inftituée de quelque bon prince,cui auoit plus i coeur l urilité du pays que ics prò près richelîes,qui eftoir vu obice d'affembler tant de pecune,que le peuple en fût pauure. Certes ceftuy roy confideroit que ce thefor la eftoit aiTez fuffifanc pour contreuenir aux rebellions de Tes fubiecb,&r incurfionj des enne misjvray eft qu'il n'eftoit affez ample pour in uader les aultres roy aumes,pour donner à co gnoiftre qu'un prince fe doibt contenter du fien,qui fut caufe principale de conflruire cede ordonnance , l'aulrre caufe qui I'induifit, c'eft queparcelailpenfoitauoit fi biepourueu qu il ni auroit detfaulte de pecune,quand il feroit queftion que les citoyens vouldroict traphicquer, & faire quelque commerce entre eulx.Etconfidereaufsi qu'il eftoir de necefsité au roy de baiiler tout ce qui efioit de furplus de fon thefor a fefditti f u b i e f o , par cela n'auoit occafion de chercher les moiens de les pil'er & leur faire tort. Vn roy qui feroit leféblable feroit craidi: des mauuais,& aymé des bons, (ì ie m'allois in Prouerbe. gerer depropofer ces chofes, ou auirres fem blables deuant des perionnages, qui feroient totalement enclins à faire le contraire,ie reci teroisvn compte à gens lourds, certes difie non à fourds,ains treflourds,&ne men efbahi D ni &

L e premierliare.

. Bhi'e° fcho lailicque.

Merueilleu fe diminu tion que le$ grecqs miofi/" 1

Se ne fuis point d'aduis(affïn que ie die la veri té) q tu te doibues immifeuer de tenir telles parolles,& donner tel confeil,fitu es certaiiv qu'on ne le doibue recepuoir, queprofiteroit tel deuis inacouihimé & comme pourroitil entrer au coeur de ceulx à qui on a perfuadé l'oppofite,cefte philofophie fcholafticque eft plailante entre amis en leurs familiere confa. bularions, mais il n'eft pas temps d'alleguer ces chofes au confeil des princes,ou les grâdz affaires fe traictent auec grade authoritc,c"eft dit il ce que ie mettois en auât,qu'on ne feauroit admetre de tenir termes de philofophie deuât les princes,ouy bien difie de cefte philo fophie fcholafticque,ou il fault parler frâche ment,il ya vn» aultre philofophie plus ciuile,qui a fon theatre propre,& l'accommode à la fable qu ô ioue,& garde fon office & droiil honneftementauec grâce & condecence. C II te fault vfer de celle l a , prenons lecas qu'on ioue quelque comedie deplante,oucer tains feruiteurs & flatereaux vfent de bourdes & menfonges entre eulx,& tu te prefenç e s deuant le pulpitre en habit de philofophe, ^ racomptes ce paiTaige d octauia,ou Senecaue difpute auec Nero , te vauldroitilpas miculx taire que de mefler ta tragedie,auec leur comedie, tu corromps & peruertiz la fa ble qu'on ioue,car tu meiles chofes contraires,combien quece que tu allégués foit meil leur,fi tu as entreprins quelque ieu , ioue le miculx

JDc la d c f c r i p t i o n d e l ' l f l c d ' V t o p i c . mieulx que tu pourra»,& ne trouble ne changç rien,pourtant fil te vient a la memoire d'u ne aultre fable qui foit plus belle, & plus ele gante ainfi eft en la republicque. C Ainfi en aduient au confeil des princes. Si les mauluaifes opinions ne peuuent eftre to talement oftc.:es,&fion ne peut ainfi qu'on defire remedier au vices receu ? par vfage: no pourtant ddibt eftre delaiiTée la republicque, ainfi qu'une nauireen temps de tormente,fi les ventx ne peuuent eftre reprimer. Certes il ne fault point emplir les aureil les des princes d'un propos infolent & inac couftumé, lequel tu cognoiftras n'auoir paix enpers lefdi&z princes,qui ont efté perfuader au contraire,mais il fe fault efforcer par vne menée oblicque que tu traiitesde tout ton po uoir toutes chofes cômodement,& ce que tu ne peult tourner en bien, fay a tout le moir.s, que ce ne foit pas fi grand mal. Certes il ne fe peut faire que tout voife bic,fi tous ne font bons : cequeie n'efpere qu'il ce puiiïe faire encore de long temps. En cefte forte ditil rien aultre chofe ne ce feroit , finon quand ie penferois donner remede a la fureur des aultres, moymefme auecques eulx ie deuien drois fol. O r fi ie veui! dire le vray, il fera ne cefsité que iedie telles chofes come iay deuât allégué,ie ne fcay fi les philofophes ont accou ftum^ de mctir,mais quid a moy ce neft poit mô naturel ne m ô meftier. Et combié q mes D iiii parolles

L e p r e m i e r liure. parolles parauenture ne foient agréables au* fiifditt, 6c leur feniblent fachetifes , fieftee quelles ne fonr point fi efitanges, qlles foiéti indiferettes & impertinentes, fi ne propofois ce eue faindt Platon en fa republicque, ou ce quefontlesVtopiensen la leur,iacoit ce que îesflatutz ces chofes la fuflent meilleures (comme il eft des Vto- certain que ainfi eft)toutesfois feroienr veues ïiens bié eftrâges,pource que ce pais tout y eft par ticulier,& en V topie toutes chofes font com munes,me ; propos ne pourroient plaire finô a'ceulx que ie aurois reuoequez & retirez de ceft erreur, & leur aurois monftré les perilz ou ilz fuflent tubez,fil euflent fuiui le chemin quilzauoient délibéré a par eulx de prendre, queft il coprins a ce que iay allégué, qui con uienne,8i foit de necefsité eftre di£t en tout lieu,& f u t cedeuantles princes. O r filfaulttaire,& obmettre lesabuz que les hommes ont fai&z par leur vie mau uaifé,comme fi ce fut chofe infolente eftran ge & non accoutumée de le dire,par fertibla ble raifon il fault que nous difsimulons entre les chreftienz toutes les chofes que noftrefei gneur Iefuchrift à enfeignées & a tant deiFen du que on ne les difsimule : en forte que ce quil a di&en fecret mefmes a fej difriples, il a commande eftre prefché publicqnement, defquelles chofes la plus grade partie eft bien plus eftrange aux meurs de ce temps prefent, que ne font les patolles que iay di&es. C le

J ) c la dcfcription de Vlfle d'Vthopie. >|c le croy-quaulcuni prefeheuss, perfonnaL ges fubtilz ontenfuiuy ton confeil ,lefquelz après auoir-remonftré la parolle de dieu les hômes auec difficulté toutefois fouffroict leurs mœurs eftre conformées à la reigle de lefuchrift,puis pource que fa do¿trine leur f£ bloit trop peíante & difficile afaire,ilz [a feirent quadrçr & côucnir à leurs mœurs & ma niere de viure,affin quen cefte forte les commandement de lefufchrift Si leur vie mauuaifes fuiTent conioinftz enfemble. En quoy ie ne voy point quilz ayent rien profité, fi no quili: eftoient plus afîeuréemenr mauuaix. C Certes fi ie eftoiî au confeil des princes ie y profiterais autant,ou ie ferois d'oppinion côtraires aux aultres, qui me vauldroit autant comme fi ie n'auois rien opiné, ou ie ferois conforme á leur' dire,& peur coadiuteur de leur follie > comme dift Mitio en Terencr sfc le n'entend point bien ce que tu dis quil fault proceder par vne voie foraine & menée oblicque quand on eft au confeil des princes, par laquelle on fedoibt efforcer akifi que tu es d'oppinion,que fi toutes chofes ne pcouét eftre rendue bonnes,qu elles (oient traiótées commodément,& foiét fai&es le moins mau uaiies qu'on pourra. CCertes ie ne puis concepuoir ton dire, veu qu'an confeil, il n'eft permis de rien diifimu. 1er ne pallier, les opinions mauuaifes, il les fault approuuer apertement » &fcconfcntir aux

L e premier liure. auxftatutz pernirieux & peftilent. Celuy qui blafmera vne mauuaife opinio,fera tenu pour efpie,ou quafi come vn ,pdireur. le ne treuue point qu'entre telz confeillers vn homme de vertu y puifle profiter,pour ce quilz gafterôt plus toft vn perfonnaige bien réputé , qu'ilz nefe corrigeront. COu il fera par leur manuaife conuerfation depraué, ou luy citant innocent 3c entier,fera couuert & chargé de la malice & follie d'aultruy,voila comme ie penfe que par cefle palliation & diiHmulation que tu dis, rien ne fe peult conuertir en mieulx. Pourtant le Phi lofophe Platon donnné à cognoiftre par vne trefbelle fimilitude ,pourquoy a iufte droift lesfaiges f'abftiennent de vouloir prendre le regime de la republicque.Quâd(ditil)les per fonnaiges pendentz voient le peuple. Parmy les carrefours & places publicques refpandu qui fe laiiTe mouiller a vne groiïe pluye qui chet inceflamment d'enhault,& ne luy peuuent mettre en telle,qu'il fe mette hors de la pluye,& quil cherche le tapy, cognoiflfantz donc quilz ne gaignerôtrienfilz faillent hors finô quilz feront mouille* côme les aultres, ne partét de leurs maiios:& leur eft affe?,puis quilz ne peuuét remedier à la folie daultruy, de foy tenir en lieu feur. Certes amy mor s (af fin q ie le die à la vérité ce que i'ay a la fâtafie) il me femble que toutes partz ou les biês lot particuliers, & ou on mefurc toute chofes

De la defeription de l'Iflc d* Vtopie. 4 la pecune,en ce lieu la,a grâd peine peut on iamais faire,quune republicq foittrai&ée iu•ftemér &eureufemét,fi ru ne dis que celle qui té,quâd to9 les pi 9 grâds biésviênét es mains des p i 5 mefchâres pfonnes, & fi ru nés doppi niô que ceft félicite,quâd routes chofes font p ties &diuifées entre peu de pfonnaiges. Vert tablemér lefdi&z pfonnaiges nôt eu lefdiftes poifeifiôs côuenablemér,veu quil nya feulemet queulxqui ayét les biens,& les aultres de meurér pauures Se miferables,pourtât quâd a par moy ie côfidere les rrefprudente« & trefîain&es côftitutiôsdes Vropiens, enuers lefquelz,le bié public eft târ bié Se aptemenr regy auec il peu dordônâce,qua verru eft dôné le prix.Et côbié q tout foit egalle,nôobftâtvn chacu a des biés a plâte.Côl'equemmét quâd ie côpare a leur manière de faire tât de natiôs lefquelles font toufiours quelques ordônices, & ny en a pas vne qui foit bien ordonnée,certes ie ny treuue nulle comparaifon. Entre icel les ce quvn chacun acquiert,il nomme ce bien la,fon propre,8e combié que tous les iours il fe face en ces contrées nouuelles loix Se fiatutz,toutefois ne femblent eftre de grande force,car les hommes entre eulxnepeuuent iouyr de leur bien particulier paifiblemenr ne le garder,ne le congnoiftre lun dauec lautre. 3fcCe que no 5 demôftrét facilemét les procez infinizq fourdêt toiles iours,& qui ne prënéc iamais fin,Quâd iepenfc toutes ces chofes ie

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Le premier liurc fuis d'oppiniô cfiforme à celle de Plat'>:& ne mefmerueille point fi daigne oneqs faire Iqix à ceulx qui refulerent de viure en cômiî. Cer rainemenree prudent perfonnaige prenoit eilre la feule voie du falur publicque,fi les hom mes viuoient en communiré de bien,ce qui ne ce peutiaimais faire ou il ya propriété. )0*Quand vn chacun en attire a foy autant qu'il peult combien qu'il y air abondance de biens au monde,8c que peu de perfonnes par tent entre eulx tout I'auoir,iU delaiflent aux aultres pauureté Se indigence: & aduient que les pauures auraient beaucoup mieulx mérite auoir fi opulente fubftance,que les riches:car les riches ibntraui(Tantz,mauuais & inutiles: au contraire le» pauures font modeftes, fini. ples,& de leur iuduftrie quotidiane plus liberaulx & courtois à la republicque, qu'a eulx mefmes. Ainfi ie fuis dadu is qu'un bié public ne peut eftre iuftement & eureufement admi niftré,fi non ofte cefle propriété de biens: & fi elle demeure entre lesmorteh. La meilleure & la plus grand1 partie des hommes demeure ra en indigéee,calamité & anxiété.Et combi» quon peuft aulcunement foulaiger lefdidtes nations viuantes en propriété^ ne leur feroit on tollir,plainement pauureté & mifere. CVray eft qu'en ordonnant qu*on pofledaft certain nombre de terres,& non plus qu il feroit licite,&qu'un chacun fuft taxe de payer tribut au prince, felon, la vraye & legiri me

D e l à defcrtption d c l ' l i l c

d'Vthopic.

me eftimation de fes biens, la cliofe fe pour, roit adoulcir.Pareillemct que Ie-price ne fiift trop riche,le peuple trop arrogât,quiI ny euft ambition aux offices & digniter,& quelles ne fuiTent baillees au plus offrant, & quon ne fi il fi gros fraii à les auoir:car par cela eft donnee occafion aux marchants den reffaire leurs deniers par fraude & rapine. Ainli il eft de necef fité,puis quon y va parargent,de preferer les riches atddictes ortices,ou on feroitbeaucoup mieulx dy metre gens prudentz & diferetz cô bien quilz fu Aient pauures. La ou regne telle particularité de biens, les abuz peuuét bien eftre adoulciz miriguez par les ftatutz detiant dich,mais de les corriger & extirper totalement,il ny fault point a uoir defperance, nô plus quon à dun corps ha bandonne des medecins,lequel on peult faire viure plus longuement par quelques applica rions,appareil*,ou reflaurant,maisde te réduire en Ton embompoinft il eft impoflible. Quand on fefforcera dauoir la follicitude dun membre,on rendra les aultres plus mallades, ainfi naiftra de la medecine dun,la malladie delautre ,puis quon ne peuft bailler à lun, quon nofte 4 ¡autre. )9> 11 meft aduis tout le contraire di(îe,& iuys doppinion que la ou routes chofes font communes,quon nypeur viure aptement & com modement. *§»Comme y aura il abondance de biens ,1a ou va

L e p r e m i e r liure. ou vn chacun fexemptera du labeur, quauray ie affaire de torméter mon coeur & mô corps abefongner,quand lefgardde mon gaing & profiftnemy côrrainct point. La confiance que iauray à linduiiriedaultruy me rendra no cballant & parelîeux.Si de hazard iay deffaul te,5«: iay beaucoup trauaillé a amailer dubien toutefois il ne mell permis par nulle loy de le côferuer,& men ayder,par cela on vient à mil le meurtres,& perpetuelles feditions. l e ne puis reduire en ma memoire que police puiile eftre,entregens ou il nya différent & diierime de perfonnes,& ou vn chacu eft maiftre^e ne mcfbahy point dit il fi tu as ceftc aprehention la,cartuneconfidereau vray la chofe comme elle eft,ou fi tu en as quelque confideratiô, tu la digérés mal. Certes fi tu auois efte auecquesmoy enlified'Vtopie, & euflent veu à loeil la maniéré de viure,& les ftatutz du pais corne iay faict,(qui y ay demeure & véfeu pl 9 de cinq ans,& iamais ie nen eufle voulu partir fi neuft efté pour manifefler celle nouuelle terre)tu côfeflerois que tu naurois veu en nul endroid du monde vn peuple mieulx enfeL gne & ordonné que ceftuy la véritablement dift Pierre Gille a grande difficulté me m e t t a i s ru en tefte,quil y euft en ce nouueau pais vne gent mieulx arroiée & eftablie,quen c e ftuy,ou il nya pas moins bonsefpritz,& ou les republicques foint ce pence ie de plus grande ancienneté,& ou le longvfaige à trouue main tes

D e la defeription de l'Ifle d ' V t h o p i e tes choies commodes & conuenables i là vie fans toucher à ce qui à elle inuenté daduenturc'8i cas fortuit,ce que nul efprit neufi feeu ex cogiter. ^ Q u a n d à lantiquité des republicques ditl il tu parlerois aultremét & plus veritablemétfi tu auois ouy gler les hyftori es de cette regiô, en la quelle,fi nous youlons croire à leurs di„ ¿tes chronicques,il y auoit des villes fituees, premier quil y euft des hommes en la noftre. A cefte heure tout ce qui a elle trouué iufques icy par engin humain,ou par cas fortuit, il a jjeu auoir elle en lun & lautre licu,ceft a. dire en noftre pais '& au leur aulïî. Quand au demeurant ie pence bien que nous lommes gés de plus grâd efprit queulx. *Maisdeftude& induftrie, pour certain ilz nous furmontent de beaucoup. 3fcOr ainfi que contiennent leurs chronicques auant que noz maniérés abordaiTent en leur terre,ilz ne cognoiiïoicnt rien de nous, quilz appellent Vltrequino&iaux,ne denoz affair e s ^ fi nen auoient iamais ouy parler, finon depuis mille deux cétz ans,de hazard quelque nauire en leur ifle périt,qui yauoit efte portée par tempefte,& quelques R ommains & Egyptiens qui eftoient dedans fi fauluereut,& vin drent à port,& ne partirent iamais de le para près. * O r q feirét lesvtopiés,après auoir receu ces pauures manguiers cette opportunité venant daduenture

31

L e premier liurc. daduenture leur f u t grandement commode par leur induftrie:car il ny auoit rien par tout lempire Romain,dont il leur en pouuoitven jjquelque fruict,quilz naprinifenr de leurs ho. îles, ou quil* ninuentaifent après auoir tant foit pour interrogué des chofes,voila le grád bien qui leur aduintdecequaulcunzde par. deca furent tranfporre* en leur contrée. ? ^ O r fi quelque lemblable fortune a aultrefois contraint aulcun deulx eftredeieâe par tormente en ceftuynoftre pais,il nen eft non plus de memoire quil fera poffible quelque temps,que iay eftéau leur, fi. Et tout ainfi quincontinent quilz ont receu r n e chofede nous inuenteé,qui leur eft vtile, la font Tienne,au contraire ie croy quil fera long temps,atiant que nous prenons vn affaire deulx mieulx eftably,quil neften noftre cli mat,qui eft la feule caufe que leur republicque eft plus prudemtement adminiftree, & plus eureufement fleurift que 1 a noftre. 4*> Doncques amy Raphaël difie, ie te prie exprime nous cefte ifle, &ne l'ois brief, Ainsdeclaire nous par ordre les champs, les villes,les hommes,les meurs,lés ftatutz , les ordonnâces,& routes chofes que tu vouldras que nous cognoiifons. 4» le penfe quil te plaira bien nous expliquer tout ce de quoy nous nauons encore la con, gnoiífance. 1 e ne feis iamais rien dit il de Meil leur cœur,& fuis tour preft quand vous voul. drez,

D e la defeription de l'Iûc d'Vtopie. vouldrez,mais la beiogne requiert bié auoir le.loifir. Allons donc difie la dedans difner,& tort après nous prendrons l'opportunité à nolire veuil foitfaitt dit il. Or apres'que nous fufmes entrez en mon hoftellerie nous difnafmes, & après difner nous retourmafmes en noftre mefme lieu nous feimes au meimes Hege,commandâmes ànoz feruiteurs qnenul ne nous rompift & empefehaft, puis moy & Pierre Gilles admon neftans Raphaël de nous tenir ce quil auoic promis.& quand il vid que nous ellions enten tifz,& côuoiteux d'ouir,quelque peu defpace en filence & penfif (Saireir,puis commença en cette maniéré à parler«

--

ij

L e Second liurc de la defcription de i'Iíled'V copie

Thomis Morus.

ISLE

D E S

V T O-

pienspar le meillieu, qui eft ifort plantureux,a de largeur i & eftendue deux lieues 1,'neft gueres moins eftroi&e i' par tout,fi non r u e vers les d e u x b o u t z ,tant dun ,coftc que daultre petit Á petit ellefetreiTe. Ceulx du pays,quafi com me filz lauoient côpaifée luy dorment' de tour deux centz cinquante lieues,& la figurct tout ainfiqu'vncroiffar.tlamerqui flue entre les deuxcoing7,à gafté & rompu bien enuiron cinq lieues de terre,laquelle fi refpand par vn grand pays yuide,& neft fubieit à ventz ne tormentes

p c la d e i c r i p t i o n d c l ' I f l c d ' * / t h o p i c . tormenres,ponrce que tout à l'entour les terres y font haulces & efleuées.L'eau y eft dor*nante& crye,&fembleeftrevn grand Lac, qui ne faict dommaige à rien. Tout le meillieu prefque de ce territoire ne leur fert quede port,& tranfmet les nauires en toutes regiôs, au grand profift Si vtilitédes humains. CLesdellroidlzde cefte mer font dangereux & redoubtabies,pour les rochiers,& guez qui font en ce lieu Au meillicu forment delà di11 n ftance & înterualle,entre celte îfle & le pays circonuoifinenlamer.yapparoift vn rocher qui ne leur eft nuifible,ains leur fert de forterefle contre leurs ennemyz. Il ya daultres Ro„ chiersdensla marine cachez qui font dangereux. Le canal de cefte mer,a eulx tousfeulz leur eft congneu,parquoy quand quelque e . ftrâgerveult entrer en ce bras,fault qu'il foit guidé par aulcun vtopien,&ceulx mefmes ny ofent entrer,f il* ne fichent quelques paulx, qui leur monftrent du riuaige le chemin feur. îjc Certainement ces paulx icy plantei en diuers lieux, pourroient facilement endom. maiger quelque grand flotte de nauires d'enn?myz,qui illec aborderoient. % Delaultre cofté de cefte ifle ya force h a . ures,& pour entrer en cefte terre,fault delcé dre de toutes parti,& font fi muni* & fortifiez , tant de la natture du lieu , ou par art , qu'vn gros excercite de gens de guerre peult eftre repoulfé de la auec E ii petit

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Lelieu ur C

"a

l j _ 0 tendu ix g arc j e j u n rocherqui f«* fo rtercfle «

L e S e c o n d liure. petit train de foldad/.Dauantaige ainfiquon dKi,& ainfi que lafllctc du lieu le môftre,cefte terre au temps paiTé neftoit cein&e de mer,. mais le duc vtopus,qui en leur langue fignifie vawcqucur,& cfu quel lifie poite le n o m , car Vtopie J qué la chofe auec leurs familes, la confultent entre e u l x , & publient leur opinions au Se» nat. La matiere aulcunnesfoys paffe par le confeil

Le Second liure. Pleuft a confeil de toute l'Ifle,Ie fenat aufsi a cefte cou ftume,que le iour qu'on aura propofé vifaf. f a i r e , cemeime iour on n'endilpute poin», rc,cru wurdliui6 a ' n s ^ * ' a c ° u r t prochainement en en ngz fuiuant, affin qu'il n'aduienne que quelqu'un courte die follement tout du premier coup ce qui luy viendra à la bouche & puis confiderant qu'il a mal parlé,penfe par après quelques raifons, pour plus toft fouftenir fon indiferet iugemét que fe deidire honteufement,pour l'utilité de la republicque,& ayrnétmieulx la perte du fa lut publicque jque fa fotte opinion, de peur quon ne die qu'il auoit mal o„ piné au cômcncement, & qu'il debuoit prendre garde a par 1er plus fagement, que legieredieu que «iniîonfit

ment.

Des

Dchdcfcriptiondcl'Iile d'Vthopic.

41

Dcsmcfticrs.

O M M E S E T FEMCbalcon mes infidellement fe meflft fe «neslo en du labourage & ne y a celuy Vt0 .P ie d e „ ne celle qui nen fâche, tous 8c toutes des leur enfance y D07,tegi«* iôt iftrui£tz,on leur en faiâ y en a peu leçons es efcolles, pareillement aux champs encorefoe plus prochains de la ville, on les y maine non i l z pas feulement par manière de pafletemps,& pour veoir mais pour exercer leurs corps a'ce dift meftier,& pour y befongner, oultre l'agriculture(quieft comme iay dit commune a tous)vn chafcun aprend quelque aultre art comme ion propre. F Et

Le Second liur?. Et les meftiers qui font les plus commit On doibt en ce pais,ce l'ont drappiers, tellers outixer. meâiet *'ans,macons>charpériers,marefchaulx & tor pour la ne gérons,il n ya point d'aultres meftiers en ce. «eiiice de fte regiô,qui ioient mis en Compte,& dignet •icnopoift cfeftrenômez, les habita par toute cefteifle, ÏÎuité^Cr ^ o n t t o u s d'une mefme façon , fors les veftemf'-z de termines qui ditfcrét de ceulx des hô lemopiét mes,ûc„. des gés no mariez, de ceulx de» ft vçlcent marizceftelorte d'habillementzdure toulP'efque i o u r $ a|(i,8c n'eft pas laide à veoir,elle eft apte to«d*iii»e & aifee au mouuement du corps,conuenable f Çi mft 6 ui & decente au froit & au chault (ontouurieri de faire leurs acduftremétz rnefmej, mais de ces aultres meftiers icy q iay nome7,vn chafNul citoié cû en aprêd qiielqu'vn,& nô pas les hommes K'UV NT ^eu^ern®r>ains ' e s femmes, & pourautât qu'elles font plus foibles, tendres ¿ délicat« CUo ce. que les homesvelles f'applicquét a chofes plus legiereSjCÔme a drapper, & faire les toiiles, Vn perfo aux hommes eft dônée la charge des artifices doit6 y6 P' u s P«'>bles,vn chacun pour la plus grand qi'er ôu fa P a r r entretins au meftier dequoy eftoition nature fat pere,car naturellemêc plufieurs fi adânét, or fi aulcun a fa fantafie ailleurs,il eft trâfmis par adoptiô a la famille,au ¡neftier de laqlle il i*a • plicq,& le pere ne pret iiulemét le foig,|mais aufsi les officiers,cjue ledidouurier ioit mâci pé &priuédu droict de fondkt perede famile côbié qu'il ioit graue 6c hônefte perlonne,pareillemétfi qlqu'un après auoir aprinî quelq artifice

pDe

la defcription de I'Iflc d'Vropic.

4*

artifice,a defir d'en aprendre vn aultre »illuy eft permis, lors quand il icait les deux il fak't lequel qu'il veult, fi la ciré n'a affaire de l'un On doibt & de l'aultre,!''office principal & quafi feuljdes deiefter rePu Syphogrâtz eft prédre garde& eftre foigneux que aulcu ne giie en oifiueté,mais qu'vn chafcunface iihellement & diligemment Ton meftier,non pas qu'il trauaille depuis laubc'du On doibt iour,iufques à la nuid bien tard , comme les njoderer cheuaulx.qui eft vne calamité & mifere pluf» l e crauail que feruile,ce qu'ont acouftunié les ouuriers d e s ou * quafi en toutes regiôs, fors en Vtopie,ou les u n e r t * habitans nombrent vn iour naturel en vingt 5c quatre heures égalés^ côprédre la nuitt auec le iour,& en deputent fix heures feulemét a ouurer: trois deuât midi, après lesquelles ils diûient,puis après difner, ilz (e repofent deux hcuresycela faittbefongnér: trois aultres heu res iulqs à fouper,& toft après huiâ ilz fe vôt coucher,& repofent hui£t heures f'ilr veulér, fi au lieu de dormir apresila refe&ion & le tra uail,ilz veulent faire quelque chofe,il leur eft permis toutainfi qu'ilz vouldront,moyennât quilz n'abufenr du temps en prodigalitez/upetfluitez & chofes vaines, & quilz f'applic- Le' tetnp» quent i quelque bonne oeuure,plufieurs em- emPfye 6,4 ploient ces interualles la aux letres,c eft vn or * ux dinaire d'auoir quotidimnemét lecôs public, ques deuant le iour,& fort contrain&z d'y ai fîftcr feulement ceulx.qui font efleuzfpeciale ment pour ceft affaire. f ii Quâd

L e fécondliurc. ni

* * Quand au refte grand nombre de tous ellatz tant femmes qu'hommes vont ouir les leçons,les vnz d'vne fciéce,les aultres d'aultre,ainfi que leur naturel les incline, toutes.' foisfiaulcun ayme mieulx côfumer ce rêps à leur meftier(ce qui aduient a plufleurs qui ne ont point leur fantafie a l'eftude)on ne luy de tend point,aincois il eft loué, come vtile à la 1« iea de» republicque,après foupper il iouent vne heu. Vrapions re, Pefté aux iardins, l'yuer en ces fales comaprès fou- tnunes ou i! boiuent & mengent , en ce lieu Per* ilz chantent de muficque, ouili deuifent & fe recréent de parolles , ilz n'on point la co. gnoiifance des ieux hazardeux que nous auôs qui font mal .ppres & pernitienx,mais en lieu ilz ont envfage Jeux fortes de ieux femblables aux efchecz l'vn ou onveoit vn côflitt de nombre cotre nôbre,& ou vn nôbre pille l'au tre,lautre ou on veoit vne fimilitude de gen" darmerie, ou bédés font mifes fus Champs,& Ieux haïar ou les vices bataillent auec les vertuz,auquel deux font ieueftdemonftréioliment&fagementledif. maintenir c o r ( j & different qui eft entre les vices, & la communz c o n c o r c | c q u j c ft c n t r e i e s vertu?, confequeru aux gros . „ ' , Tfeigneurs. m c n t vices a quelles vertuz i'oppofent Les ieux & contra rient,de quelles forces les guerroict des Vco- jperrenient & de quelles inuentions& rufes piens re- JI z v f c n t en les aifaillant par voies obliccjues, " t l « \n- par c e l moyen & fecours les vertuz aneâtiffemble. fenr la puiflance des vices,par quelz arrz elles fc truffent & mocquent de leurs effortz & en prinfes

«De la defcription de l'Ifle d'Vtopic.

43

prinfes & par quelz moiens finalement 1 une oul'autre partie obtiétla vi&oire, mais en ce paifaige amn que ne (oyez deceuz); ilz nous fault contépter vn pointt eftroi£tement,pour ce que i'ay dit que les Vtopiens ne befongnêt feulemât que fix heuressil eftpofîfble q vous pourrez eitimer par cela que pour fi peu de téps,il aduiedroit necefsité & difete des chofes neceffaires à l'afaige humairi, ce qu'il n'ad uient,mais au cotraire on veoit,par cefte peti te efpace d ouurer,!« hommes n'auoir feulement fufFrfante de viutes & reftemé tz & aul très choies comodes à la vie,ains abôdâce &c grande planté,ce que vous entendrez facile- L e f p oftc ment,fi TOUS confirferez, a par TOUS la grolTe & djunntageilj les cognoiiTent fi riches & auariticux, quilz font certains que de leur viuantdefi grand monceau de pecune quil* po(ïedent,il ne leur en reuiendra vn ftul denier iamais. Lefdiit:

D e la defcriymon de l'Iiîe d'Vcopic.

f7

f p Lâfdi&t Vtopiens ont conceu telles opi. njoni en partie de leur ntttritiô,pour ce qu'ils lontefleuez &r entretins en vne republicque de tacfodle les bonnes entreprinfes& vertueu Tes meurs font bien eflongnées de ces eipeces de folies queieay allégué, pareillement telz propos leur viennens des bons liures ou ilz eihidfét:£t combié qu'ilz ne foy ent pas beau coup dune chafcune vile,qui foy ent exetrrptz Se defchargeïde trauaillerfic befongner com me les aoicres euures mechanrcques^pour e ftre députez à eftudier feulement, 8c ny eflic on,fors que ceulx qu'en a trotmes en leur en. fonce auoir bonne nature, excellent entendement,& le coeur enclin atte bonnes- letres, as neâemoins torn lespetitz enfantx en V topic font Inftroitf-z aux artz & yeuf« té de vie,c'eû a dire â volupté hônefte, qui eft H

iii

vne

L e Second liure. Au le uns chteftiens procurét maulx kurs^ainfi „„ /: comme » cela gifoit religion , mais ilz deburoiet les" oorter parlement lï de ha fard elles aduenoiéc

vne

vertu,qui miculx fai£t & conuient à lh'ôme, entre toutes ies aultres,puis qu'on f a ^ . cela à aultrui,pourquoy nature ne nous efmo ueraelle,anousen faire autit:'Si la vieioyeu a voluptueufe eft mauuaife,tu ne doibs feulement ayder a ton rprochain à y ten . / .

are,mais le deltourner de tout Ion pouoir,come d'une chofe nuifiblc Se mortifere,Si la vie ioyeufe,c'eft a dire volupté cft bonne & hon n e f l C ) t u j a doibs procurer aux aultres,comme c h o f e bonne & conuenable, pourquoy ne te pourchafleras tu ce bien premièrement, veu que tu ne doibs eftre moins fauorable enuers toy,qu'enuers aultruy? Puis quepiature t'ad. m ô n e f t e d ' e f t r e bon aux aultres, il faultbien dire quicelle te commande de n'eftre cruel & immifericordieux à toy,nature dôcques nous ordône la vie ioyeufe, c'eft a dire hônefte volupté,ainfi que difent les Vtopiens, ainfi com m e vne fin de toutes opérations^aufsi tiennent que Ta diifinition de vertu, ceft viure félon lordonnance de nature. foi C o m m e ainfi foit que nature iemonne les hommes a fecours mutuel de vie ioyeufe, laquelle chofe elle fai&iuftemét,& n'ya hom e fi efleué,ne fi grand prince, duquel feul na ture ait le foing,confideré qu'elle entretiét Se penfe de tous vniuerfellemét, lefquelz elle ioinît&aiTembleparcommunité de mefme femblance,icelle mefme certeste commande eypreiTementde prendre garde que tu n'obté

Deladefcription dcl'Iiled'Vropir.

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pere tant à tex profitz, qu'il Pcnfuiue le dommage 5c detriment daultruidoncques les Vto piens font d'oppinion qu'on ne garde feulement les payions particulières & contra&z quon a les vnz auec les aultres, ains aufli les loix publicques, lesquelles vn bon prince a iuftement promulgués, ou vng peuple non opprime de tyrannic,ne circonuenu de fraude par commun accord a ordonné que les cô moditezde vie. Ce ceft a dire, la matiere de volupté Se honnefte plaifir foies efgallement à tous en comû.De prendre foing de ta commodité, moyennant que tu ne enfraignes lefdittes loix,ceft prudence. C Puis penfer de la commodité publicque, ce eft faitfc ton debuoir enuers la republicque. C Maisempefeherle plaifir d'aultruy pour auoir le tien,ceft faire tort à aulrruy,au côtrai re terefeinderde ton plaifir pour augmenter celui daultrui,ceft lofficed'û home humain St bénin,ce quil ne peult tant oiler dccommo ditécommeilen rapporte , car quand on à faift plaifir a quelque vnil recompenfe,puis la grande recongnoiiTance du bienfnitt Se la recordation de la charité Se bienueillance de ceulx a qui ni as biëfaitt t'aporte plus de plai fir,que la volupté q tu cuiTe prinfe en tô corps de laquelle tu te es abftins. Finalement noftre feigneur Dieu ponr vng petit & brief H iiii plaifir

pj^J^ j 0 j Zi

ite de to!upcé,cela neft fenible vn aéfce dènolupte,cela nefl point C(Wange a ion iugement ertonée & faulx.lïrii ture

L e S e c o n d liure Femmes rute dp la chofe ncmpefche point ,m ais leur groflêi def mauuaifc couftume,par laquelle iU prennent gouttes. j e $ c j j 0 f e s a m e r e s p o u r J e s doulces. Ainii c ô . m e font femmes enceindes q u i m e n g e n t dé la poix & du fuif^qui leur femblenr plus doulx que miel,pour ce quelles font defgouftées. L e iugement de quelquvn,depraue par mal L'efpece ladie ou couflume,ainfi quil ne peult muer la des vrayï naturedenullechofe,auiTinepeulrilchanger pUifir». l e naturel de volupté. Des voluptezque les Vtopiensdifenteflre vrayes,ilz en mettentdi uerfesfortes.Ilzatribuentles vnes;i lame les aultres au corps, a lame il* donnent entendem e n t & cefte doulceur & fruition d e c o n t e m pler le vray.P uis il z y adiouftent la delectable recordation dauoir bien vefcu,& lefperance indubitable du bi é futur,& loyer qui en doibt aduenir.ilz parlét la volupté du corps en deux manieres.La premiere eft,quand le fentimei;t reçoit quelque plaifir manifefte, qui ce faict quand on reftaure les parties du corps, apref. quela chaleur naturellequi efl en nous,a faict fa digeftion,& eft queftion de rechief de pren dre a boire & a menger. Aulfi quand on expul feleschofes,defquelles le corps abonde,on y prend plaifir,comme en vrinant,iecbmt la ma tierefecaleencongnoilTant charnellemétno ftre femme,en nous frotant ou gratant. sfc Aucunefois il vient vn plaifir, qui toute* foys ne reftitue aux membres quelque chofe quilz dcfirét,& finoftrebien de quoy le corps

Delàdrferiptiondel'Ifled'Vthopie. f e n treuue mal,mais efment & incite par vne puiifance occulte, & émotion manifefte noz jèns,& les conuertit àfoy,comme la volupté que nous prenons a ouyr les châtz & accordz demuficque. (.autre maniéré de volupté' corporeiIle,eft ainfi quili difent,(îtuée en paifible & tranquil le eftat du corps.c eftafcauoir en la fanté dvn chacun, qui neft troublée ou empefehée de malladie aulcune. Celte fanté,fi elle n'eft opprimée de quelque douleur,elle dele&e &refiouit l'home de loy, pofeoresqu elle ne foyt efmeue,pour aulcune volupté adionllée exterieremenrlacoit ce quelle f'cileue Ôc ioffre moins à noftre fés,que ceft enfle appétit de boire & de menger,ce ne anrmoins plufieurs l'ordonnent eftre le plus grand plaifir de tous les plaifirs, brlef tous les Vtopiens quafi difent & confeiTenr que c'elt le fondement & fuftentaclede toutes vo luprezrpour ce que feule elle rend l'eftatSi co dition de vie humaine coye & defirable. Tellement que quand elle eft abfente, nul plaifir ne feroitauoirlieu. sicEiire exempt de douleur fi fanté n eft prefente,ilz appellent cela aliénation de fens,& non pas volupté.la long temps ya qu'il* ont reiede loppinion de ceulx qui fouilenoient que iante ne deuoitelîre receue pourvolupté pource qnon neh auoit laperceuance par aulcun mouuement extérieur. «Chez

«4

L-efocondliure. ipCftet Ètri* ctffte queftkm à ciìé débattue vertttttifefnftityRfatt mainteiiant tous faccor Óent au contraire preiq Utf^c difent que fanu ne Értoit cifre iàns vcrtsptc. CCommeainfi ibit qu'en maladie y ait dou. leur,fi diftnt iU^lle eft lennemytf mortelle de v o l u p t é , p l u s fie moini qôe malladie eft en wsmye de fantéypetor quay au contraire ny au railvoltfpté en iàflrt: il ny* point dintereft fon diâ: malladie efire douleur, où fi on dift en malladie éflre doaleur, autant emporte Ivn que botte. Auifififaftwift vdlupté mcfme, ou fi ne. «eflairemetït ètte engendre roluptc com me te feu engendre chaleur,certes il fé faiét dvn Cofté fif daaitre,que ceulx qui ont farrt é con. fiante & entiere,ayent ne pltfs ne mditis vo. Iwpté St plaifir. Quand nous beuons & men geons duent ife, queft ce aultre choie fi non fatiti laqaellefe éommencoit a empirer qui bataille contre la firin, auec fecours des viandes : pais quand eh cette fain fanté eft,petit à petit renalidée niques à ta vigoetir acoutìumée,elle nous fuggere &indtri comme fi ce fuffent les faulces donuantz faueur a vie humaineSt ont cefte mode en routes choies que le moindre plaifir nemyefche le plus grand, & que volupté quelquefois »nengendre. douleur, ce qui aduient neceifai ement, quand ladi&e volupté eft fale Se d:fhonnefte ilz penfei eftre vne trefgrande folie deftre nonchalant de Ihonneur de fa beaulré, e m . pirer & détériorer fa force, tourner en pa*, reiTe fon alegrete & p ró p§it udc ,attenner fon corps de ieunes,faire tort à fa fanté,& mefpri fer les aultres doulceurs ôibladices de nature I ii

ft

Le Secondli'irc. fiquelquvn necontemnoit Ton prafiib, pour plus ardainmér procurer le bié publfeque, de quoy il efpcrcroir pour fa deflerte eftté rccoj p e n i e d e d i e u d e p l u s grand plaiflr,âultrenuc pour vne vaine vmbre de vertu,faftliger (ans q u i l e n r e u i e n n e b i e n & v t i l i t é a u l c u n e à fon prochain, & pour porter les aduerfttez, qui Note* ce- polfible nadmendrontiamais,moins fafcheu cydiligent iemér,ce leur iemble choie triuôle Si deneât, ment. Se incline le rour dvn courage enuers foy cru e l , & a l e n c o n t r e d e nature ingratilTime,qui renonce tirousfeS bienfaiitz , comme fil ne d a i g n o i t e f t r e r e n u a e l l e daulcune chofe. C Voila lopinion des vtopiins touchant vCr. tu di v o l u p t é , & ne penfenr point quon en peuft trouuer de plus veritable felon humaine raifon,(i religion intromifedu ciel ninfpiroità Ihomme chofe plus lainrïe. En quoyfl leur iugement eft bon ou mauuais , le tempi La félicité n e i o u f t r e q u e nous en e x p l i q u o n s rien,& des Vto- neftdeneceifiré-.pource que nous auonsen« piens&de treprins de faire narré de leur manière de fai lcnptiô di r c se deviure,&non pas de défendre & aproa ceulx uericelle. sfc Quand au refte,tellement' q u t l l t m e n t que leurs conftitutions voiiènt,iay cefte credence quen nul endroidt: de la terre il nya peuple p i ' excellent,ne republioque mieulx fortunée, * Hz font agiles de §orps & f e r m e s , & plus puiiiantE qui leur ftature ne t u o n f t r e ^ u i neft non obftaat baifc ne petite. Comme

D e l à d e f c r i p t i o n de MiTc d ' V t l i o p i e . Comme ainfi foit que leur terroiernefoit des plus fertiles du mode,ne leur air pas beau fcoup fain, ce néanmoins par temperance & iobrietéde viureconferuenc leyr fantc,fe for tifient contre les corruptions qui peuent aduenir,& par leur indultrie remedient fi bien à la terre,quen nulle region du monde nya pl 9 grande abondance de frutâ ne de befliaulx, nemefmesdegensqyi viuent plus longue, ment,ne qui foient moins fubieftz a maladie. Onnevoirrapoint feulement en ce lieu le$ chofes bien arrunées & juec bonne diligence comme font communemenj laboureurs, qui par a r t & trauailamelioriiTent le; terres qui de leur nature font mauuaifes, mai$ on voirra dauantaige par les main» dvn populaire en rn endroiit bois & foreft? totalempnp arrac h é e s ^ en lautre plantées: gi en celle befongije il 2 nont efgardà luberté affluence, mais aucharroy & veiture,affin qye Jp$ bois foient plus près de lamer,ou des riuleres, ou des villes mefmes. Les fruiftz & grains famenct de plus Ioùig & fachirent par terre pins aiféement, que n,e font les bois. La gétdVtopie eft facile,récréa tifue,induftriejife & aymant requoy,toutefois a(Tei trauaillante corporellement,quand il en. eftmeiHer,aultrenient non. « • Q u a n d a lexercicede Jefperit iamais n e f e IaiflTe or après auoirouy de nous & entendu quelques propos que oous leur tjrifmes touI iii chant

Lcfccondliure.

Werueil Jeufe doci lite des Vtopiens.

Mainrenat les grofTes bcftesfonc deftinez &lesbejux aux letircs efperizc corrompu* parvo luptez& auxpljiiîrs mondiinsj

chant les lettres & fciencedcs g r e c q / q u a n d aux latines itz nen faifoient pas grainl corn-, pce,fors de ce qui eOoit comprins es hilîoircs & perdes) vous feriez efmcrueillcz c o m m e ili nous preflerent de leur monftrer & lire: par quoynous commençâmes leur faire leçons de grecq,afFin que ne fuiliôs veuz leur refufer plus toft noftre premier l a b e u r , q u e dclperer fruift aulcundiceluy. Ht quand nous euimes vn petit proced 5,ilz feirent tant par leur diligence,quil nous femble à nofire efprit neilre vain & friuole leur impartir la noftre, & leur eflargir & commuriicquer fi peu de feauoir que nous auons acquis en cette difte langue. > # » 3 r i e f lefdidtz Vtopiens après les auoir in. rrodui&z vindrenta imiter & contrefaire fi aifeement les cararheres des lettres grecques prononcer tant bien & clairement les mot ', les aprendre & retenir fi l e g i e r e m e n t , & les rendre tant fidelemct,que ce m e f e m b l e c h o femiraculeufe.Vne partie diceulx Vtopiens, non feulement enflammes de leur propre vouloir,ains auffi par lordonnance de leur lenatentreprindrent à icauoir ladidte fcience g r e c o u e , & n y f u r e n t , e f l e u * f i non les plus beaux cfpritz & meurs daagedentre leurs e. ftudiant :par quoy ny eut rien en ladicte lan gue,touchant ce quil Î defiroient feauoir des b o m aurheurs,quil* ne parlent fans faillir, fi daduérure ny auoit faulte aux liures,enmoinS de troys a n s . E t ce qui leur feifi aprendre plus facilement

D e la defeription de l'Iflc d ' V t o p i c . facilement comme ie croy cefditîres lettres, cjftquaulcunnementelîeaprochent de leur Iangaige,Ieftime que celte genta prins fon o_ rigine des grecqs, pour ce quen leur langue ilz vientdaulcunz termes grecqs,comme au noms de leurs villes 5c offices,Quand au refL du 1 eur langaige eft prefque tout perficque. lft>llz ont de moy quelques oeuures de plato plufieurs dariftote,auifi Theophrafte desplâ tes.Quand iefeis mon quatrième nauigaige ie mis en la manierevn petit pacquet de liures au lieu de marchandife,pour ce que iamais de termine de faire bié toft retour de ladifte ifle. 4*>Or1edidtTheophrafeen plufieurs paflfaiges eftoit gafle,dont ie fus bien marry, comme nous eftions fus mer,iauois efte négligent de la ferrer, par quoy fey vint adrefler vne guenon,laquelle fe iouant & folaftrât en tour en detfîra ca & la quelques fueilletz. Dentre les grammariens ilz ont feulement lafeare, ie ny porté point quand & moy Theodoric, ne diäionaire anlcun fors hefichines &diof ode. Hz ont les liures de plutareque très agréablés,& fe dele&ent a lelegance & feceties de luciàn. Jf: Entre les pertes ilz ont ariftophane.Home re. Euripide & Sophocles de la petite impreffiôn dalde. 3fc Oes hyftoriensilz ont Thucidide,herodote &herodià.En medecine,vn de mescôpaignôs nômctrici^apinat^yauoit apporté auecqs luy I iiii quelques

L e fécond liure. quelques petitz oeuures d'Hippocra?,& le mi crotechnede Galien,quieftadire le petit ouuraige,defquelz liures îlz font grand fcite: ih combien quilzayent moins affaire qije gens du móde de 1 art de medecine,ceneanrmoins en nul endroit de la terre n'eft plus en hóneur & prix,qu'en Vtopie,pource qu'il¿ compté? cefte fcjence entre les tre>belles & y t i l « parties de philofophie,par l'aide de laquelle philofopbie quand ilz cherchent les fecretz de nature,ilz ne pèlent feulement de cela recep uoir vn plaifir admirable, mais auoir accès grand d'entrer à la grace de l'autbeur & ouurier d*icelle nature naturée. Et font d'oppinion que dieu a la maniere des aultres ouuriers ait expofé & mis en patent la machine du monde 3 pour eflre contem plée & regardée de 1 h o m m e , lequel il a fai¿t íeul capable,de cette tant excellente chofe,& que tant plus la creature humaine fera curieu le & fongneufe de veolr & remirer ledift oeu ure diuin,tant plus le ouuricr aymera l a d i t e creature: trop plus beaucoup que celle, qui comme vne befte, ou nya point de entendement fans eftre efmeue &c incitée mettra à defprix ce regard fpe&acle & tant njerueilleux. Les efpritz des Vtopiens, quand ilz font exercitez aux letresplz ont admirable valeur aux inuentions des artz qui font commodes i la vie humaine, mais ilz foot tenuz à nous de deux

D c \a de fcription de l'Iflc d'Vtopie. dedeuxchofeSfC'eftde l'art l'imprimerie, 8e de faire le papier, & non feulement i nous, riais auffi a eulx mefmes pour la grand' part, V» Or comme nous leurmonftriôs quelque! lettres imprimée en papier de la façon dalde, & leur parlions de la mattere de faire lediA papier,& delinduftrie d'imprimer feulement, ians leure*plicrjuer & declarer plus oultre, pour ce que nul d'entre nom ne feauoit ne 4 i ne l'autre melùer,feudain vindrent i cencepuoir en leur en«nd»n»dnt trefiublablement la befongne,fc comme ainfi foit qu'au para, uant ilzefçriuiflentfeulement fui peaux, en efcùrçesJ8< rofeauit.teft après eftayerent a fii re le papierM a imprimer. IfrVraycftquA'pour le commencement il* ne betongnerent gncres bien,mais en expert« mentant fouucnt vne mefme chofe,en pea de tempf furent ouurieri en rous lei deuil mefticrs,& feirent tant que la ou ilz nauoient qw« des copies des liures Grecqs,ilz eurent tout plein de beaux liures imprimez de leur impreifion. Certes maintenant ilz n'ont rien aultre chofe quand aux liures que ce que iay reciré, mais fus leldi&es copies imprimées,ilz ont diuulgue & mis en lumiere plufieurs milliers de volumes. GJSid'aduenture il vient quelque perfonnai**, ge en Vtopie pour veoir le pay s,& f*il eft home de cerueau & d'eiprit^âc fil a veu le mode

&

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L e Second liurc. & leur en puifle parler if deuifer,croyez qu'il eft le bië venu,pour cefte caufe ie y fus agrea blement recueilli, &noftre arriuée leur fur agréable. Certes voluntiers efeoutent, quand on leur compte ce qu'il fe faift au monde. Quâd au relie gueres de marchant! ne vont en ce lieu pour marchander, qu'eft ce qu'ilz porteroient,finon du fer,ou or& argentfqu'vn chaf cun aymeroit mieulx reporter eu fon pais. C D*aduantage ce que les marchantz pour» royenr charger en ce pais,eulx meimes l'ayment mieulx tranfporter aux aultres regiôs, te me femble vngatte de prudence , que les eftrangers les viennent querre en ce lieu, ce qu'ilz iont,affin quilz ayent la certitude & co gnoifTance des meurs,& de la maniéré de vi.. uredes natiôs foraines, & aufsi de peur qu'ilz ne mettent en oubly l'ufaige Scfcience delà mer. »

De«

D e la defeription de l'Iflc d'Vtopie.

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D e s ferfz.

L Z

N'EVSSENT

point d'efclaucs & f e r f i q u i ontefte prinsi la guerre, fi c ç ft e gcnt la guerre n'a cfte menée par vtopiênc. eulxmefmes ne fe feruent _ Idenfantz de ferfz, nede fer,. uiteurs qui pourroimt achapter des aultres nations, mais de ceulx de leur p a i s , qui ont efté redigez àferuitude pour aulcun crime, ou de ceulx qui-font condamnez a mort aux villes ei)rangieres,dequoy il eft le plus, & de ceulx lailz en amenent beaucoup qui ne leur couftent gueres,& le plus fouuécles ont pour néant.

Telles

Lcfccondliure. C Telles manier« de feruiteurj font contrain&z de ne befongner feulement tant que ilz viuronrainj fopîdetfDuz^ icrrci en char très & priions après auoir euuré, ilz traitent lui rudement ceulx de leur pays que tes orangieri,comme ayantz mérité plus dur tor ment & comme gens perdu£,ou n'ya nul ef. polrdeconuerfion,confidcrl auiU auoyent pM de ieuneiTc tout bien noyrriz & iniiruiâ? g vertu,& toutesfoys ne fe font peu contenir lettre mefchantz. ftp Ilz ont ch#z cul» daultre« fortes de fertoteurs,quand quelque valet, deftuues,ou auj fre manouurier de vne aultre région ,'qui eft pauure & bien befongnant de Ion gré eA|C fouir en Vtopie, ilz les traitent honnefteBuattk ne leur donnent guerec plue detrauail, que ce qu ilz ont eulx mefmes acouftum< de prendre , & ne les recoipuent gueres moins humainement &doulcem£r que leurs dtoiens, C Quand quelqu'vn d'eulx i\m veult rctotifaer à (on pays,ce qui n'aduientfouuent^b ffe le retiennent oultre fon vouloir, le ne le laifz fent aller (ans le bien falarier. De» nula # Ilz penfenttre »bien des malade* comme l'ay dit au parauant, & nobmettent rien tota Jeraent, qu'ilz nettoient par raedecines , ou bons jrraiâtemcnti de vins & viandes ? remis caboté. #dd6aesaulxquifontflulad « c u k j « c m t i K » « » » f i r t f c d e »dwriT, roligioD^c e t u o e e d e i V w p i e f t s .

|EVR RELIGION I Se manicre d'adorer neft feu Il lement différente par toute | *ifle,ains par toutes les vil; les,les vn* adorent le foleil, ' les aultres la luue,& les aultresquelq aultreeftoilleou planette au lieu de dicu,aulcûs\r a qui prifent & honorer & tié nent non feulement pour dieu.mais pour leur fouuerain dieu quelque perlonnage , duquel la vertu

D e l à d e f c n p t i o n de l'Iflc d ' V t h o p i e . la vertu & la gloire au temps palfc i refplendi &*eftéen bruit,mais bien la plus grand par *tie,& la plus f a g e d'entre euix ne croit rien de tout c e l a , mais penfc qu'il elt quelque feule d e i t é a eulx incongr.eue, uiellcternclle,immenfe,inexplicable, & qu'humaine penféene peult comprendre, reipandue par ce monde vniuerfel,non en fa magnitude,niais en la ver tu qu'ilz appellent pere. Ilz confelïent que toutes chofes prennent de luy leur commencement, accroiflance,moyen,continuation,changement, a l t e r , nation & fin,& ne font les honneurs qui apar riéneut adieu,ànul a u k r e . c r iacoirque tous les aultres ayent vne creance diueriè & différente,ce neantmoins conuiennentauecceulx c y en ce poinct. Ceftafcauoir qu'ilz l'ont d'op pinion qu'il eft vnfouuerain teigneur, auquel on doibt attribuer l o u a n t e , Hc la prouidence du monde & fou vniucrficé, & tous l'appellét communéement en la.';gaigedu paisMythra, mais iUfo1r.tdifcord3.ntz en c e , car ceux qui adorent le I;olcil diienc CUL- ce efb luy qui eft dieu,(!eulx qui adorent la Lune en difent autant &c ainfi confequemineutdes aultres. C Eriet'vn chafcoti de ces fcéïes différente* la c r o i t , que quelque choie que ce foit, qu'il eftime eftre le fouueratn.c'cft celle mefme na ture.à la deite & maiefte vnicque de laquelle elltotallement atrribu? par le confentement & accord vnanime ; 1a fouueramnece de route* M cbolis

LcSecondliure. choies. O r maintenant tous les Vtopiensfe reueltent petit à petit de cefte variété des fuperftitions, & f'enforcent & conualident en cefte religion feule,qui femble furmonter les aultres parraifon. Et n'y a point de doubte que toutes teL les fuperftitions ne fuiTent défia euanouies & abolies fi crainéte n'eufi donné a entendre auf diilz Vtopiens quand il aduient quelque infortune en prenant confeil de changer leur religion,queladitteinfeliciré ne vient pas de aduenture, mais procédé du ciel, comme fi dieu vouloir prendre la vengeâce d'eulx pour leur infidele entreprinfe de vouloir delaiiTer lecultiuementacouftumé,que leurs maieurs auoient continué iufques à leur temps. Apres que il: ont fceu de nous, & ouy parler de noftre feigneur Iefuchrift,de fa do¿fcrine, de fes meurs, & miracles,& auiïide la merueilleufe confiance de tant de martirs dequoynous faifons mention, qui par leur fang voluntairementrefpandu on rraduiâ & atti» ré d leuriefte fi grand nombre de nations on ne fcaroit croire comme ilz fe font condefcenduz & rengez à ladicte fe&e chreftien. ne de grande affection,ce qui eft aduenu poffible par inlpiration de dieu fecrette,ou pour, ce qu'il leur a femble que noftre di&e fefte fuft fort approchante de celle qui eftchez eulx la meilleure. E t cela ya beaucoup aydé comme ie croy,

D e la d e f e r i p t i o n d e i ' I i î c d ' V t o p i e . croy,de ce qu*ilz anoient entendu que c'eftoit le vouloir de lefuchrift que Tes difciples & apoftres vefcquiiTent en c o m m u n , & que aux rtligions chreltiennes & conuentz v r a y e ment gardanrz leur reigle telle couftume duroit encore,en quelque forte que cela foit a d uenu,plufieurs d'entre eulx fe l'ont aliez en no lire religion,& font baptizés. 3 + Mais pource que de quatre compaignôs que nous ellions nul n'eftoit preftre dont ie luis m a r r i , nous ne leur pouionsconferer les facrementz bien eft il vray que nous auiôs les aultres ordres,de tout le nombre que nous e flions il n'y auoitque nous c uatre viuâtz,deuj£ f'eftoient laifle mourir Certes lefdi&z V topiens défirent encor les facremétz que nul chez nous Pi! n'eft preilre ne peut conferer , ilz les entendent,& les défirent plus que nulle aulrre c h o f e , mefmes lôigneufementdifputent entre eux,afcauoir mon fi fans l'entremife d'vn euefque chreftic quelqu'vn de leur nôbre efleu pour eftre preftre,acquiert le charattere de preftrife,ilz fem bloit quilz en voulfiflent eflire, mais quand ie party ilz n'auoient encore e f i e u , ilz ne menaf lent ne ne donnent aulcun terreur à ceulx qui ne veulent croire à lefufchrift aufsi ne repugnét ilz point a ceulx qui font duittz & dreflez à fa loy.fors que i'en vey quelq iour vn de noftre alliacé q fut mis en prifon en ma prefen ce,or côme ceflui cftoit nouuellemét baptizé M

ii

SC

Lcfccondliure. & comme oultrcnoftre confeilil tenoîtprcrpos plus par affection que par prudence pub l i q u e m e n t du cultiuemenr de iufufchrift, il commença à iecolerer & efchaufter enlorte qu'il ne preferoit feulement noz cerimonies & facrifices i tous aultres,ains blafmoit vniuerfellement 1 es auitres,comme chofes prophanes,& diloit que les cultiueurs & facrifica teurs eftoient infideles & lacrileges, & qu'ilz feroient punis en enfer de feu eternel, Apres auoir long temps prefché & publie telles cho 'Y" 1 )" les iiz le prennent,l'accufent & condamnent wnt eftré n o n P a s P o u r a u c " r c ° n t e n n c l c u r religion > attirez a mais pour ce qu'il auoit excité le peuple à turelij;i«5par multe,confequemment l'enuoyerenten exil, louenge. Certes entre leurs plus vieilles ordonnances cefte cy y eft nombre &comprinfe,c'eftafcauoir que leur religion ne d e r o g u e , & 11e face tort a nulle aultre. Deuant que leur roy V t o pus vint en cefte if!e, il congneut que le peu pie eftrange qui eftoit venu demourer en lad i t e ifle alïiduellement auoir efté en difeord & différent l'un auec l'aultre touchant la religion , & coniideroit que iacoit ce r;uc routes les fectes de ladicte ifle fuflent vnanimes à ba tailler pour le pais. Ï 9 , C e neantmoins en commun eftoient dif cordant?, pour leur cultiucment, ce qui luy auoit donné occafion au commencement de les furmonter,gaigner, & vaincre t o t a l e -

ment.

COr

D e l à d e f e r i p t i o n de l'IAc d ' V t o p i c . C O r quant il eut la viftoire fur ce peuple Vtopicn,fa principale ordonnance f u t , qu'un chacun print & enfuiuit telle religion que bô luy fembleroitsSi quechalcunne fe&efcpo.. uoit efforcer de tranfporter & induire les aul très â fa maniéré d'adorer,moyennant que ce fuit doulcement Si modeftement,ailegant rai fons peremptoires pour le fouftien de fon cul tiuement,Se non pas pour deflruire les aultres par force & violence, fi en leur donnant ce confeil elles n-en vouloient entendre,en prohibant d> procéder par voye de faict, & auffi de foy abflenir de blafmes & cor.temn«Hiétz. tellement que fi aulcun trop arrogamment contendoitde cefte chofe , o n le baniroiç, ou rnetroit on en feruitude , voila les ftatutz de leur prince V topus,non qu'il fit cela pour lVf gard feulement de la paix laquelle il voiokjeftre anichilée & aneantie par haine implacable, Se perpétuelle contentionfes fubie&i auoient eufemble. Mais pource eue il penfoit que la chofe concernoit la jeligion,d'àinfi faire fes conftitutions,pource que il ne ofoit diffinir rien fo lement de ladi&e religion, comme incertain fi Dieu appetoiteftre adore en diuerfes foi res infpirant a l'vn vne c h o f e , Si à" l'aulrre, TauU tre. Ceftuy Vtopus eflablit auffi que ce ferolt chofe inepte & infolentede Contraindre par force & menaces aulcun au cultiuemrnt de M iii D i e u , Se

L e fécond liure. D i e u , & c e q u e l ' v n croiteflre v r a y , que a tous autant en deut fembler,pareillement de croire que fi vne religion c f t v r a y e , i l l'oit de neceifité que toutes les aultres foyent faut, fes. V*> Ledicl roy Vtopus prenoit que finalement a l'aduenir la vérité, de foy pourroit le manifefter & apparoiftre, moyennant que la chofe fuft menée auecques raifon Se moderation. sfc Mai:» fi on y procedoit par armes Se tu^ m u l t e , les hommes en deuiendroient pires Se plus obftinez, & fuffjcqneroient la tresbonne Si tresfaincle religion, pour leurs fuperftitions vaines que ilzauroient entre eulxainfi que les bons grains periflent entre les efpi" nes&ronciers:parquoy delaiiTa toute lacho (e ainfi,fans aultrement en déterminer,& que il fuft libre à v n c h a f c u n d'en croire ce que il en penfoit,finon que il prohiba & defendit en tierement Si inuiolablement, que nul ne fuft fi dégénérant abaftardi de la dignité de nature , humaine, qu il creuft que les a m e j mou renflent quand Si lecorps,& que le monde fe regift fans la prouidence de Dieu pour cefte caufeles Vtopienscroyentqu'après ceftevie, fupplices & peines font deputées aux vices, & rémunérations , Si eftablies par icelles v e r t u z . Ceulx qui croyent Poppofite pour ce que tant dépriment la iublime Si haultainede nature de leur ame,Ia failant efgale a la vilité du

D e la defeription d c l ' I i î c d ' V r o p i e . du corps beftial,il ne les eftimêt dignes d'eflre du nôbre de leurs citoyens,ne qui plu» eft,du reng des hommes. Certes fi crainfte n'empefchoit ces maniérés de gensla,ilz prileroient autant lesftarutz & forme de viuredesaul très bons bourgeois qu'vn flocquet de laine, qui eft ce qui doubte que telz perfonnages qui font fubie&z & afferuis a leur defir & appétit particulier, &c qui n'ont hors les loix aul cunne crain&e de rié, ne nul efpoir après que leur corps eft more,nef efforçaient fi ce n'e ftoic ladite crainte,de fe mocquer & truffer fecretementparcautelle , & entraindre par violence, les publicques côftitutions du pais: pourtant nul honneur n'eft communicqué de par les V topiens à ceulx qui font de cefte fan tafie, nulle charge, ne nulle office publicque ne leur eft baillée, ainfi font ilz vilipendez & delaiflez, ca & la,comme gens pufilanimes & nonchalantz. Quand au refte on ne les punit aultrement,ipource que les V topiens croient que nul n'a pouoir d'entendre tout ce qu'il vouldroit bien. c M e f m e s n e l e î contraignent par menaces de croire aultrement que ce qui leur vient en lafantafie,nedediisimulerleur courage, ilz veulentqu'vn chafcunexprime cequ'il penfc en fon entendement fans faintifede menterie car vous nefeariez croire comme ilz hayent gens diiÎïmulateurs & ypocriteî,Jpour ce que ec font vrais trompeurs. M iiii cToutesfoyt

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i

L e fécond liure. C ToutefFoys i'z défendent que telles fortes d'hommes avantz telles folles opinions ne ayeiît a en dilpurer'piincipalement dctwr.t le peup'c,tmisd Tous les V topiens tiennent pour tour certain, que la béatitude des hommesdoibt eftre pour l'aduenir fi grande,que quand il fe efchiet que l'vn d'entre eulx vient a eftrc ma lade. Hz pleurent St lamentent la malladie, mais delà mortilz nef'en mari itfent aulcunnemer.r, fmon de ceulx que il? voyct mourir a grands regret?, & de ceulx la il en ont yn treimauluais prefaige, & y prennent aufsi jruuuais fi^ne en iugeanc eulx riiefraes que

D e la defeription de l'Ifle d'Vtopic. lesamesde telz perfonnaiges mourahtz en ris,font comme defelper«,le môftrantz coul pables,craignantz le depart,& deuinanrz fccretement quelles feront puni s pour leurs de hùz.

cDauautaigelefdittz Vtopiens penfentque l'arriuée de celuz qui eft mandé,pouffé maugre luy & à fbrce,n eft agréable à dieu. ^•iDoncques ceulx qu'on voir mourir de tel genre de mort,on en a horreur, Se font portez le corps des deflun&zauectriflefTe & fi' lence,puis après auoir prie dieu qu*ilz luy plai feeftrefauorable aux pauures ames,&qu'il •ueille doulcemétfupporter les imperfe&ioi des trefpaiTes,iIz mettent le corps en terreC Au contraire tous ceulx qui meurent ro* luntairement,& plains de bon efpoir,felz per fonnaiges ne font pleurez de perfonne, mais en chantant on fuit les corps,& par grande af feftion on recommande les ames à metj,fina/ nalement ilz bruflent lefdiéH corps plus reue ram ment que dolentement,& au lieu ilz cri. gent vne coulonne ou font grauces les louenges des deifùnâx. * Quand ilz font retourne» à la maifon ilz tië nent propos des attes & bonne conuerfation deidid* defun&z lefquelz n ont rien faifr en leur vie de louable dequoy il 1 fàcentphis deftimerque deleurmortioyeufe. • llzcroyent que telle recordation de bonté eft efficace incitation aux viuantz de indi&iô a vertu,

Le Second iiure a vertu,& auffi que tel honneur eft trefagreable aux trefpaflez, leiquelz comme iU penfent aififtent aux propos qui fe tiennent deulx combien qu'on ne les voie point,pour ce que les yeulx des hommes ne font affez fubtilz Se aguz pour les contempler. ^ L e f d i d t z Vtopiens eftiment telles chofes eftre certaines,alleguent pour raifon quil feroit mal feâr â leftat des biéheurez deftre priuez de la liberté d'aller & venir ou il leur plai roit,& aulTi quilz feroient ingratz dauoir totolement delaiiTe le defir daller veoire leurs a mis,aux quelz amour mutuel & charité les a liiez quand iW viuoient,Ia quelle charité d e b . ueroit ainfi qu*ilz conie&urent eftre plus toft augmentée que diminuée après la mort en telz vertueux perfonnaiges , comme tous aultres biens fe font multipliez enuers iceulx après leurdeces. 3fc Ooncques les Vtopiens croient que les trefpaftez conuerfent auec les viuantz , & qu'ilz font contemplateurs de leurs f a i f o & dite. »ai Pourtant* entreprennent iU plus hardiment lejirs affaires comme fi lefdi&i trefpaff«z eftôient leurs coadiuteurs. 4«» Dauantaige filz auoient propofe de faire fecretement quelque cas qui ne fuft honnefte la prefence de leurs maieurs defun&i, quilz penfent toufiours eftre auecques eulx les en garde,&lcur donne terreur de cômetre ledift affaire

D r la d e f c r i p t i o n d e l ' I f l e d ' V c h o p i c . affaire.llz côténent & fe mocquét des deniers Si de telles maniérés de gens qui Padonnct i vaine fuperftiti5,auxquelz les aulrres natiôs ©nt grandement efgardLes Vtopiens ont en grande reuerence les miracles qui prouien. nentfans vne atteftation des ceuuresde dieu ainfi que fouuent iU difent aduenir en ce pais. y§, Et fingulierement en chofes haultaines & doubteufes lefdi&z Vtopiens fontproceffions publicques, & font foigneux de prier dieu , parquoy impetrent communément leurs demandes, & la voir on mainte miracles. Ilz penfent que ce foit vn cultiuement agreable a dieu,de contempler les cruures de nature,& donner louenge a louurier qui les a faiftes,toutefois il y en a aulcunz entre lefd i f t * Vtopiens,& non pas petit nombre lefquelz cfmeuz de deuotion, contemnenr les lettres,nef a d o n n a n t e aulcunè fcience,&ne font oififz toutefois,Iefquel* tiennent qu'on acquiert & mérité Ion la future beatitude apres la mort par negotiations, trauaulx c o r . poreli,& enfaifant plaifir a aultruy p a r f o n labeur. 3fc Pourtant les vn faplicquent totalement a feruir les mallades, les aultres font les chem i n s , curer les foiTe*, radoubent les pont*, fouiflent des mottes de terre,du fablon ou t i . rentde la pierre. jfcAbbatenc

L e S e c o n d liure. * Abbatent demoliffent des arbres,& les deuifent. Ily menent en charrettes du bois, des grains,auflï aultres chofes aux villes, & ne ie montrent feulement feruiteurs d vnchafcun en publicq, tins auifi en particulier plus que feruiteurs. «En tous lieux ou il ya quelque ouuraige la. borieux,difficile,ou qu'il ne (oit guerre honnefte,que plufieurs craignent aflaillirou e n . treprendre pour le trauail qui y gift, ou pour cequilz fontfafchetdc metre les mains pour la vilité de labefongne,ou pour autant ouilz ne penfent en pouoir venir à bout les fufdi&z en prennent toute la charge ioyeufement Se •oluntairement, procurante que tous ceulx qui ne font de leur fefte viuent en requoy & repos,par leur perpétuel trauail^ou vacquent fans cefTe * Et pour ceft affaire ne blafment la vie des aultres en exfoliant la leur. * D'autant plus que ceulx cy (c monftrent feruiteurs,d'autant plus font honorez de tout les aultres Vtopiens, * l k font deux fe&es de telz perfonnaiges charitablesj'vnequi ne fe marie iamais, Si qui totalement eA charte. *Etnemengedechair,auIcun> d'entre eulx auffi mifent de viandes de nulles beôes,& con temnent totalement les deduictz & paiTetemps mondains,comme fi ce fuit c W e inuù iîble à la vie prefente.

D e la d c f c r i p r i o n d c l ' I f l e d ' V t o p i e . *Uz tendent feulement & tafehent a parueTiir ala vie future,parveilles,fueurs,& peines, & ce pendant font ioieux,diipos &. deliberei, foubz efpoir d'obtenir en brief 1 iours,ce quilr défirent. * L aultre fede,qui n e f t pas moins labourie u f e f e m a r i e & n e m e t a mefpris les œuuret & foulas de mariage,penfant*eftre obligez à n a t u r e ^ que leur lignee doibt eftre vouce Se donnée à lutilite & feruice du pais. * Ceulx cy ne refufent aulcun plaifir pourveu qui!/ne les retarde de la beiongne & trauaii iU aymét les chairs des beftes à quatre piedz à certe caufe qu'il leur femblequepar celle viande iUenfoient plus fotts & robuftej à toute befongne. *Les Vtopiens eftiment que ceulx cy font 1« plus prudenti, & les aultres plus fain&z & re ligieux,lefquel* iìlz fe fondoienten raifonde ce quilz preferent chaftete & contience i ma riage,& la vie aaftere à la vie ioyeufe & doulce. *Les Vtopiens fenmocqueroient,mais pour ce quii* diient quilz le font par deuotion, il* les louent & ont en grande reueronce. I lz fe gardent foigneufement de parler indifereteitient d'aulcune religion. * Les Vtopiens en leur langue nomment telles fortes de gens deuotz Buthrefques, que nouspouons interprerer en francoys Religieux *IU

L e Second iiurc 5fc IW ont pareillement des preftres dexecellé te fainfteté,& n'en ont gueres , fi qu'en chacune ville ny en a poinct p l s de treie,& autât deglifes. Et q u â d o n v a a l a g u r r e o n e n m e n e fept de chacune ville auec la gendarmerie,& ce pendant on en metfept aulcres| a leur lieu, sjc E t quand çeulx qui ont cité a la guerre font reuenuz on les remet chacun en fa place. ¿«»Ceulxqui eftoient fubftitu* on les eftablit auec leuefc]ues,iufques a ce quil y en ayt fept decedez,puis leur fuccedent par ordre. sfcDe ces treize preftres que iaydift il y en a vn qui eil fuperieur comme nous difons vn e * uefque.Lefdi3zpreftres,fe(lifentpar le peuple,en chambre fecretemët en la maniéré des aultres officiers, pour euiter les faueurs, & quand il* font efleui leur communite ou colleige les confacre» +11* ont la chargedes chofes diuines.font foi gneux de faire garder la religion chacun etu droiit foy,& autTy de corriger ÔC reformer les meurs. * L e s Vtopienseftimentchofe bien honteufe quand quelquvn eft faitt venir par deuanc lefdi&t preftres,penfant* que JediA perfon. naige eil peu homme de bien & mal viuant. ifcAmfi comme c'eft 1 office des preftres d'ad monnefter & adhorter le peuple,auifi et! cela charge du prince & des aulrres officiers demprifonner & punir les malfaiteurs. * Dauantaige les preftres ont celle puiffance dinterdire

D e l à d e f e r i p t i o n d e I'lfle d ' V t h o p i c . d'interdire dentrer a l'eglife & fe trouuer aux fecrifice,principalement ceulx quilz treuuent obftinez & endurcit a tout mal,& n*ya peine de quoy les Vtopiés ayent plusgrâde horreur. Quand aulcunz font en ceft eltet", ilz font en la plus grande infamie quilz feroient eftre, Se leur confcience eft merueilleufement agitée, comme-penfantz eftre damnez ,mefmes leur corps n e f t gueres afleure, car fil z, ne viennét foudainpardeuers lespreftres pour receuoir penitence,la court les faict prendre,& les p u . nift de leur infidélité. •*Les preftres ont Iefoingdinftruire Se endo. âriner les enfant* & aultres ieunes g e n s , & leur monftrent premièrement a bien viure, que de les enfeigner aux lettres. Ilz font gran dement foigneux de drefler les efpritz des ieu nés enfantz ce pendant quilz font tendres & faciles,& les induire a bons iugemenr,& droi ¿tes opinions,vtiles & fru&ueufes a la confer uation de leur republicq. Car quand telles opi nions ont prins leur fiege au cerueau defdidlt ieunes enfantz, croyez que quand font parue nuz en aagedhomme les retiennér,& mefme tant quilz viuent.Dauanraige lefdi&z bons iu gementzapportentgeand emolument agar der leftat du bien commun,qui facilement de c hiet & faneantift par vices qui procèdent de peruerfes opinions. * Les preftres font mariez aux plus apparentes femmes & excellentes de tout le peuple

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L e S e c o n d liure. Femmes

peuple,fi ¡celles d'aduenture n'eftoient en le-

Î r i t î de ^ t d e p b r e l ' f t n l e . n pbrearife? * ^ e r t e s c e l e * e P û i n r exclus &exép» de cette dignir ,mais on n'en eflift guierres. *£ncore.% faulril v,ue cefoient femmes, veuf ues,& quelles loienr défia aagees. * i < n n e parce hôntur a officier nul plus grâd qua vnpbref?re,en forte que fi les pbreltres auoient commis quelque crime/iulle court nen a la cognoiflance * On en laiife taire a dieu &a ceulx ilz eftimét «icatiôd« n e f t r e l i c i r e d e toucher de main mortelle vn Vtopiens pbrertre quelque criminel quil foit fur peine dexcommunication,confideré quil eft dédié a dieu par maniéré il excellente 6c fingue Berc. * E t couftume leur eft dautant plus ayfee à obferuer,pource|(]uilontencepais tant peu de pbreftres:& daduantaige les eflifent auec grand foing & diligence. * Certes fouuent il naduient pas quvn pbreAre qui eft entre les bons chcoifi pour le meil lieur,& qui pour fa feule vertu eft fublime 8c cfleué a fi grande dignité,fe tourne i vice,& quil fe delîne enbonnes moeurs,pour luiu .r la yoye de dehft. * f c t fil aduenoitainfi, comme la nature des hommes eftmuable,encore ne debueroit on craindre quilz feeuflent faire guieres dedômaigeà la repubIicque,pour ce quilz font fi petit nôbre,& puis ilz nôtaulcune puiflance

D e la defeription de I'Iile d ' V t o p i e . fors l'honneur qu'on leur faitt. E t la raifon pourtjuoy les Vtopiens ontfi peu de preftres, c'ett que fi la dignité iacerdotalle à la quelle ilzont A grande rcuerence, eftoit communicquée & diftribuée à plufieurs,on n'en tiendrait pas fi grand compte. Jft>AuiTiilzpenfentquil eftbien difficile d en trouuer beaucoup de fi vertueux,quilz peuffenteftre idoines & capables d'obtenir cefte dignité,a la quelleexercer il ne fuffift pas eftre moiennent garny de vertuz. 5jcLefdul2 preftres ne font pas en moindre re chez les eftrangiers, qu'en leur pais Si dont procédé cela il ell apparét que c'eft pour leurs vertuz. jfcQuand les Vtopiens ordonnent leurs bendes pour guerroier ,Us preftres fe mettent à part non pas gueres loin g du Confiiez, tous i genoux,reueuuz de leurs ornement! ,facrez, 8t les mains tendues au ciel.deuât toutes cho Ces priét a dieu quil luy plaife enuoyer la paix, puis demandent vi&ore pour leurs gens,mais qu'icelles vi&oire ne fe face par l'effufion du fang ne de l'vn,ne de lautre party. Quâd leur cheualerie obtient la viâ:uirc,iU courent au côfli&,& la gardctdexercer cruaulte Si meur très enuers les vaincuz.Ceulx qui font en dan ger de mort,filz peuent vne fois veoir lefdiftz preftres Si les nômer,ilz font fauluez.L'atouchemétde leurs larges & plantureufes robes preferucttous aulttes biês& richefles de touc N oultraje

L e S e c o n d liure. oultraigede guerre,de quoytoutes natios les ont a fi grande eftimatioa & honneur,que bië iouuenr ont efté caufe non feulement de preferuer leurs exercites de fureur des ennemyz, ainsjaufli les ennemis du danger de leurs ott2. Il eft tout maniferte que quelque fois on aveu leurs foudartz mis en roupte,hors de tout efpoir, tournant le dos pour fuir, les ennemys encharne 1 fus eulx, pour les piller & occir, Mais pour la venue defditte preftres qui fe mettoient entre les deux gédarmeries,la bou cherie ceiToit,la méfiée fe rompoit & la paix f e faifoit. * Certes il ne fuft iarnais peuple fi cruel,inhu main & Barbare,enuers lequel.Le corps defdidfz preftres ne fuft tenu,comme faindt/acré & inuiolable.Touchanr leurs feftes,ilz folem nifêt le premier & dernier iour de chacu mois auiïi de chacu an,lequel ilz parlét & deuifent par mois finiiTentz parle circuit de chacune ïvne,comme lan finit quand le foleil à faift fô Comme cours , le long dudift an tous les premiers font leurs iours,defdiftes feftes ilz les nomment en leur eglifej. langue Cynememes, & les derniers Trapemerues,qui valent autant comme premieres feftes &dernieres feftes. C Les eglifej en ce lieu font fort belles,ou il ya bien de louuraige, amples & fpatieufes & contenantes grand nombre de peuple, ce qui eftoit neceflaire de faire,pour quen Vtopieil ya peu de temples,toutefois font vn petit ob-. fcurj,nonpasquelachofeaytefté faicte par ignorance

D e la d e f c r i p t i o n d e l'Iflc d ' V t o p i e . ignorâce & faulrededifier,mais il z difent que cefùftparleconfeildes preftres eftant* doppinionque la trop grande clairté faifoit vaguer les penfees & refpandre ca & la, mais la moienne lueur les referroic & augmentent la deuotion. •* Et pour ce que tous nont vn mcfme cul tiue ment &v ne mefme religion,comme fay ditt deuant ce néanmoins toutes les formes & ma nieres de Iadi&e religiô^acoit ce quelles foiét diuerfes & différantes communément, corn" m e en vne fin quand au cultiuement & adora tion de diuine nature ,ceftadire que combien que les Vtopiés foiét differét en leur maniéré dadorer,car les vnz adorét le foleil,les aultres la lvne& chofes femblables,nôobftant péfent que ce quilz adorent,eft dieu,& eft leur inten tion,en ce faifant de faire honneur a leternel &fouuerain quia crée toutes chofes,mais ne (caiuentqui il eft. * On ne voit rien, & n o y t on dedans lefdi¿tes eglifes,qui ne foit veu quadrer & eftre c5 forme a toutes leurs maniérés dadorer dieu, en commun. •*Si quelque fe&e a vn facrifice i faire en par ticulier,on lefaict chacun en la maifon *LesfacrificespubIirquesfefonten tel ordre & police,quiU ne deroguenc aulcunemec aux facrifices particuliers, * En leurs temples on ni veoit imaig« nul N ii

L e f é c o n d liure. nul,affin qu'vn chacun foit libre & franc de concepuoir en fon entendement leifigie de dieu relie quil !uy plaira II 1 ninuoequet point de non de dieu aulrre que Mythra, tous lappellenrainfi encommun. Par ce mot la tous vnaniment concordent & conuiennent à cognoiflre vne nature de diuine maiefte quicon que elle foit. Hz naprehendent &c concoipuêt en leur entendemét aulcunes prierres,quil ne foit loifible à vn chacun de les prononcer fans offencerleur fectc.Doncquesfe treuuent ilz au temple aux iours quilz appellent derniers feites,a heure de foir encore a ieun,pour rendre grâces a dieu de lan & moys eureufement paifé,du quel cefte fefte eft le dernier iour.Le iour dapres,quilz appellent premiere fefte ilz faifemblent au marin es eglifes priantz dieu que lan,oumoisenfuiuantzou ilz commencent cefte fefte,leur foit profpere. Aux derniers feftes,ancois que les femmes ailent au temple, feieâentaux pied de leurs mariz , & les enfant* deuant leurs peres & meres â genoux, confeiTantz auoir failïy & nauoix pas bien faift leur debuoir enuert eulx. Mk Ainfi demandent ilz pardon de loffenfe, fi que fi daduenrure ilz auoient eu quelque haine ou dilcord enfemble,ilz la deparrent en ce poinil,aflfin eue dvn cœur pur,ferain &net ilz affilient aux facrifices. J # C e n e f t p a s t o u r d h o m m e de bien, de fe trouuer

D e la defeription del'Ifle d ' V t h o p i e . rrouuerleiour de la fefte à leglife, & auoir quelque trouble & inimitié contre Ton prochain, pourtant les V topiens ne fingerent Limais de fe prefenter à leglife le iour defdifles feftes filz fentent auoir le cœur gros dire ou râ cunealencontrede quelcun,que premiere» ment ne foient reconciliez.& que leur courai ge ne font purgé & nettoie,craignantz que di eu ne le $ puniilent griefuement pour leurs de lietz. t # Q u a n d ilx viennent a leglife, les homes fe mettent au cofté dextre, & les femmes a part a feneftre, Si feftabhiTent, en forte que Cous les enfantz mafles de chacune maifon font deuant le pere de famille,les filles deuât la mere. & Ainfi met on odre & arroy,affin que ceulx qui ont la charge dinftruire & endoctriner leldidz enfantz en leurs maifons,pareillemét quand font dehors ayent efgard à leurs geftes contenances & maniéré de leglife. afc Samblablemcnt lefdicïz Vtopiens font foi gneux en ces lieux facrezdemefler & ioing. drevn ieune enfant auec vn plus a a g é , d e crainfte que fi on donnoit charge d'vn enfant à vn aultre d aage efgal,ilz n'abuzaflfent l'vn l'autre & paiTaflcnt le temps a folies pueriles, lors quiU deueroient feruir à dieu,eftre en de uotion ,& concepuoir vn efmouuement & in flammation aux vertu*jfcLes Vtopiens en leurs facrifices ne tuent ia N

iii

iamais

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L e Second liure. mais befte,pour ce quih penfent que îa diuine clemence ne fi refiouit de fan g,boucheries & occifions,laquelle à efiargi la vie à cefte raifon aux beftes,affin quelles vefcu(Tent,& non quelles fuflent tuées. C Uzfontfacrificeàdieu d'encens & aultres odeurs, Dauantaige portent force de cierges Si chandelles, non pourtant quilz ne fâchent bien que cela n'apporté profift à dieu, non plus que les prieres des hommes,mais il* font d'opponion que cefte forme de 1 adorrer auec telles odeurs & lumieres, qui ne font nuifables à rien, luy plaift,au(fi que par tel. les cerimonies les hommes fefentent a u l a u nementefleuezen deuotion,& plus ioyeux Se deliberez au cultiuement de luy. Q u a n d le peuple va le iour de fefle à l'eglife,il'facouftr« tout de blanc. « L e s preftres feveftent d'ornementz de diuerfes couleurs,qui font f a i â z de forte 8c ouuraige merueilleux,d'vne matiere non 'pas beaucoup pretieufe, ilz ne font tiflu* de fil H' o r , ny entrelaflez de pierres pretieu fes. * Mais de diuerfes plumes d'oifeaux tant ioliment & auec fi grand artifice aornent, que la valeur & eftimation de mille matiere ,fuft elle d'or,ou d'argent ou de foyc,n'eft à equiparer audift ouurage. * Dauantaige en ces pennes & plumes d o i ieauxjSc en certain ordre & rerte d'icelles dot

les

D e la d e f e r i p t i o n de l'Iflc d ' V t o p i c . les acouftrementz des preftres font mefpar. tiz & deuifez,les Vtopiens difent que quel, quesfecretz mifteres y font comprins, d e f . quelz quand ilz cognoiiTent l'interpretation, qui leur eft declarJe parles preftres,font admonneftez & acertenez des biens que dieu leur a faiftz ,& comme ilz doibuent aymer, honorer & reuerer de leur cofté ,& faire plaifir les vnz aux aulcres.Auifi toft que le preftre part de la fecretainerie,& qu'il f'offre ainfire ueftu defdittz ornementz,tout le peuple foudain fe iefte contre terre par reuerence, en fi profunde & belle filence de tous coftez, que telle apparence & maniéré défaire dône quel que terreur & craincte,quafi comme fi aulcu11e deitc y fuft prefente. O r quand ilz ont quelque peu demoure contre terre,le preftre leur donne figne, lors fe lieuent,& chantent, quelques câticques.en lhonneurdedieu,quilz entremeflent dinftrumentz muficaulx,bien daultre forte que nous ne voions faire en noz régions. Ainlî corne en leur rnuficq ilz vfent de plufieurs chat* quien doulceur fur partent de beaucoup noftre vfaige,aufli faident il* de plufieurs façons,qui ne doibuent eftre comparées aux noftres. * Mais fans doubte il* nou s furmontent gran dement dvne chofe:ceft que toute leur mu(îc que qui fe chante par orgues ou aultres inftru métz,ou par voix humaine,imitte & exprime tant bien les paillons naturelles, le fon eft tant proprement accommodé à la matiere, • N iiii

foie

i0o

L e fécond Iiure. {bit Poraifon deprecatiue,ioyeufe,mitigatiue, ou contenant quelque trouble,dueuil & cour roux ,'a forte ¿¿forme de leur melodie donne tant bien a entendre la choie de quojr ilz chantent quelleeimeut merueilleufement pe nette & enflamme les cœurs des auditeurs. -è^A l a f ù i l e p r e f t r e & l e p e u p l e fout folemnelles pierres,fi bien ordonnées , q u e ce que tous enfemble r e c i t e n t , v n chacun deulx le pourroit r e f e r e r a i o y en particulier, en ces oraifons la vn chacun recognoift dieu com ne autheur de la création & gouuernement du monde, & confequenment de tous aultres biens. # Auifi luy rend grâces des bien fai£tz receuz & fpecialement que parla faueur diceluycrea teur eft efcheu en v n e r e p u b l i c q u e t a n t e u r e u fe & fortunée,pereillement quil eft paruenu en vne religiô quil efpere eftre trefueritable. 4 » En quoy fil erre, & fil y en a qlques aultres meilleures 8c que dieu approuue plus, il prie que fa b ô t é face,quil en ayt la cognoifiance& quil eft preft ¿¿appareillé de fuiuir le chacu de quelque coftéq cefoit,ou il fe p l a i d acoduire & diriger. Mais fi cefteforme& maniéré de re publicq quil tict eft bone,& fa religio,droi&e quil luy donne grâce de perfeuerer en icelles & eftre confiant,& pareillement quil veuille guider les autres me rcel* tous,a ces mefmes conftitut o is , meurs , loix , couftumes: &ea

D e la defeription de l'Iflc d ' V t o p i c . & en cefte mefmeopinion & iugement d'ainfi adorer fi ce n eft ion plaifir qu'on le reuere & honore en diuerfes fortes. Finalement il prie que quàd il fera mort, à la departie dieu le veuille recepuoir fans l'ef conduire,8i que de l'inuiter le temps toftou tard,il n'eft aflez hardi d'en faire requefte. Iacoit ce que moyennant que fa maiefte fut of„ fenfée,il y feroit bien plus agreable de parue nir par mort laborieufe & penible en fon paradis,que d'eftredetenu plus longuement en cefte vie mortelle, combien que le cours en fut tresheureux & profpcre. •fr Ces oraifons la mifes à fin,de rechief les Vtopiensf'enclinent contre terre, & tofta* près fe fourdent & fen vont difner puis aprei difner le demeurant du iour fe parfaift en i eu x & exercices de guerre. le vous ay defeript le plus veritablemét quei ay peu la forte & maniéré de cette repu blicque des vtopiens,laquelle i'eftime & croy n'eftrefeulementtrefbonne ,mais feule qui doibue de droift (•.attribuer le nom de repu, blicque chez toutes les auI très nations , on parle alTez de l'utilité pubiicqne, mais ce pendant on ne penie que de fon bien en parti culier. En vtopieou il n*y a rien particulier, torallement le peuple eft attentif aux negoces publicques, qui eft vn bienàvn chafcun en commun & en priué,aux aultres régions, qui eft

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L e fécond Jiure. eft celui qui ne cognoiiTe, que fi vn'perfonnage ne penfe de foy particulièrement, il pourra mourir de faim, & fuit la republicque la plus opulente &fleuriiTanre du monde, parquoy neceflitéle contraint d'auoirplus toft efgard de foy,que d'aultruy. Au contraire en V topie,ou toutes chofes font communes à tous,nul ne doubte, qu e ne cefsité aduienne a quelqu'vn en particulier, (moyennant qu'on face fon debuoir, que les guarniers publicques foient remplis de ce qui apartient a la vie)les biens fe portêt en ce lieu bien equitablement & iuftement,& f'il ne y a poin&en Vtopiedepauures nedemendians, E t comme ainii foit que nul perfonnage ne poflède rien,toutesfoys tous font riches. }«» Eft il plus grande richeiTe, que tout foui ci totallement mis hors Se feclus, viure ioyeu fement & paifiblement? n'eftre en efmoy Se craintte de fon boire Se menger n'eftre vexé Se tormenté des demandes plain&iues de fa femme,ne craindre pour l'aduenir que pauureté efchieiTe à fes enfantz,n'eftre en detreffe Se anxiété du douaire de fes filles,& ne pen fer d'acquérir des biens pour les marier,mais eftreafleuré de félicité Se viures , pour foy, pour tous fes parentz Se amis, fa femme, enfantz,filz de fes enfantz,& vne longue genea logiedequoy lesgentilz hommes font tant de cas. CC'eft

D e l a d c f c r i p t i o n de l'lflc d ' V t o p i e . C C'eft grand* chofe qu'on ne péfe pas moins de ceulx qui maintenant (ont foibles & itnpo rentz , lefquelz ont le temps patTé trauaille & laboure,que de ceulx qui à cette heure be« fongnent. I'aymeroys bien que quelqu'vn fe o fa enhardir de comparer la iuftice que fonc les aulrrej nations à l'équité des Vtopiens, chez leiquelles ie puiiTe mourir fi i'ay trouué aulcunne trace ne apparence de yray legitime droift. Mais quelle iuftice eft ce , qu'on veoit quelque gentilhomme, quelque orfebure,ou quelque vfurier , ouaulcres qui totalement ne font rien,ou ce qu'ilz font eft de celle for« te,qu'il n eft pas grandement neceflàire i IVtilitede larepubïicque, mener fi grande vo„ gue, & viurefimagnificquement d'oyfiueté, ' ou d'vnenegotiation fuperflue& vaine , veu que ce pendant vn pauure feruiteur,vn char« retier,vn marefchal, vn malTon, vn charpentier, vn manouurier & vn laboureur ont leur viefipauuremét, & font toutz fi mal trai&ez (côbien qu'ilzfoyent en trauaille fi grand & aifidu)qu'vn cheual feroit bien IaiTé d'en fouftenir autant, & eft leur labeur fi necçflaire qu'vne republicque ne pourroit durer vn an (ans eulx. Parquoy me fembleroic que les che. uaulx auroient meilleur temps que n'ont pas telles maniérés de pauures ouuriers, pour ce qu'ilz

ioi

L e Second liurc. qu'ilz n'ont pas peineficontinue,& Ieu r viure n'eft gueres moins bon, Si mengentde meilleur appétit. Vft> D'aduantage ne font en foulci pour l'aduenirdequoy ilzviuront. L'abeur fterile & peine infru&ueufe tor mente & poingtleidi&es pauures perfonnes a l'heure, & la recordation & fouuenance de Jeur pauureté aduenir envielleflfe les tue,pour ce que leurs gagnes iournelles font fi petites, qu'a grand peine en viuent ilz pour le iour, parquoy ne peut rien demeurer de fuperabô «Une pourfubuenir à leur vielleiTe, }*> Cefte republicque la n'eft elle pas bien iniufte & ingrate d'oftroyer tant de dons Se biens par prodigalités gens qui fe difent nobles,! orfebures, & aulx aultres de cefte for te,ou à perfonnages oififz,ou à dateurs,& ou uriers de vaines voluptez, & au. contraire ne tçnir compte , &pauurement traitter labou reurs,charbonniers, feruiteurs, charretiers, charp>entiers,marefchau]x & aultres de fem blable eftati Et après que ladi&e republicque à abufé des trauaulx 8c labeurs diceulxce pé dant qu'ilz eftoient en fleur daage. * Quand font deuenuz vieulx & maladifz,fe monftrantingratiifimelesrecompefé depau uretc, en les IailTant mourir miferablement defaim/netâten oubli tant de vieilles'fueurs peines,& tant de pliifirs-qu'ilz luy on faift en tempj,qu'cft cea dite que les riches de iour en

D e la d e f e r i p t i o n d e l'Ifle d ' V t o p i c . en iour contreroulent le falaire qu-vn pauure ouurier peur gaigner pour (à iournée, le retré chent,& y pra£tiauent,non feulemét par frau de particulière, mais par Loix & ordonnances publicques, en forre que ce qui iembloit le temps pafle iniufte de recompenier mal ceulx qui failoient tout plein deplaifirs à la republicque,les fufdiftz riches hommes, ont tour né le fueillet,gafte & depraue leidi&es bônes opinions,&ont volu tenir que relie iniuiUce elloit iuftice,& en ont promulgue ordonnances Si ftatutz. C Parquoy quand ie penfe à Coûtés ces repu blicques , qu'on dit pour le iourdhuieftre en mainti lieux fieuri(Tantes&opulentes,rien ne me iemble aulrre chofe(ou ainfi dieu ne puif fe aymer)qu*vne aliance & vnanimité de riches gens , qui i'oubz couleur d'eftre aflêm blez pour régir le bien publicq,penfenr feule ment de leur proffit priuc,excogitent, & inué tenttoutes les maniérés Se finefles comme ilz pourroient garder & retenir les biés quiilz ont amaflez par faulx art?,fans c r a i n t e de les perdre,& qu*ilz en acquièrent d'aultres qui ne leur couflent gueres par le labeur Se trauail de tous les pauures, & qu'ilz abufent def diftï pauures,depuis que cefte tourbe de riches ont eftably que relies tromperies & de ceptions ioyentobferuéesau nom de republicque, Si mefmes au nom des pauures qu font comprins en celte d i d e repubIicque,IePdittes

L e f é c o n d liure. diftes inuentions paiTent & font réputées Came loix& les biens qui euflent peu fuffire â nouurir & entretenir eulx & les pouures enfemble,cegroshurons,oun»y gift guère« de bonté,lcs ont partis entre eulx par vne conuoitife & auarice infatiable,ô combien telles maniérés de gens fonreilongnez de la répub l i q u e heureufe des Vtopiens , de laquelle cft retrenchée vne infiniré& monceau innum brable d'ennemis & fafcheries,& vnefemence de vices totallemét arrachée,pource qu'ilz ontofte toute auidite de pecune, &l'vîàige aufsi d'icelle de leurdid republicque. C Qui eli celuy qui ignore,que quand pecune feroit mile hors de la fantaiie des hommes,& iu'elle ferait totalement contennée & defpriée,que pareillemét ne fuflent abolis & anci • tis fraudes,larcins,rapines, procès, tumultes» noii'es,feditions,meurtres,trahifons & empoi fonnemétz,qui font punir par quotidiens fup plices,plus toft que réfrénez, pareillement H l'vfaige de l'argent eftoit delaiiTe , qui eft ce qui doubte qu'a ce mefme inftêr ne fuifent pe ris & mortz crainctes, folicitudes foulcis, labeurs,veilles,& pauuretez, qui cft veue feule auoir indigence de pecune ,mais croyez que filadifte pecune eftoit hors du penfement des hommes,pauureté feroit foubdain diminuée. C Et pour en donner la preuue plus clairement penfe à par toy & confiderevne année de (lerilite

Î

Deladcfcriptiondcl'Ifled'Vchopie. de fterilité,en laquelle eft aduenu que dix mit leperfonnes font mortz de faim^e gage qu'a ¡2 fin de cefte indigéce & cherté, qui euft vou lu ouurir les guarniers des riches qu'on 'euft trouué autant de grains qu'on euft peu diftribuer & eflargir à ceulx qui font mortz en pau ureté , & perlonne ne fe fut fenti de cefte cfcharcete dé biens procédant de quelque vice d'air,Se imperfection de la terre. CCertesvnchafcunviuroitbien ayféement, fi ce n'eftoit cefte benoifte fain&e pecune,que o n d i d qui fut trouuée,affin que plus facile* ment on eut accès aux viures par icelle, mais c'eft celle qui nous cloftles chemins , & nous trenche lefdiftz viures. G le ne doubte poinct que les riches mefmes ne fâchent & entendent bien, que l'eftat feroit meilleur,& qu'ilvauldroit mieulx n'auoir deffaultedes chofes qui font neceiTaires a la vie humaine,q d'abôder en plufieurs biens iu perfluz,g£qu'ilfcroit trop plus conuenable au requoy & tranquillité des hommes, d'eftre exempté Scdeliuré d'une infinité demaulx, qu'eftre enuironné de grandes opulences & richefles. . * le ne doubte poind que fefgrrd d'vn chafcun à fon proffit,ou l'authorité de Iefus Chrift noftre faulueur ) qui par fa grande fageiTc ne pouoit ignorer ce qui eftoittrefcom mode aux mortel7,ne pour fa grande & parf a i r e bonté ce dequoy il eft plan ne euft fera

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Irrifiolu

Le Second liure. côfeiller chofe qui n'euft elle trefbône) n'euft défia aitëement attiré tout le monde aux loix de cefte republicque Vtopienne,fi cefte feu le befte orgueil,qui eft prince & pere de tous aultres vices n'y refiftoit. sfc Ceftui prend fa félicité, & exalte fon eftat, non point de Ces proffi&z, mais des incommo ditezd'aultruy.ilnevouldroit obtenir la pla ce d'vn dieu, pour eftre priué delà dominatiô fur les pauures miferables , lefquelz il tient ioubz ion empire,& fe mocque d'iceulx,aftin que fa félicité,quand a la comparai fon des mi feres & calamitei des pauures,foir plus exaul f é s , & en plus grande magnificence, & après auoir mis au vent Tes richefles^l tormente& mette en detreiTe les indigentz pour leur de faulte&necelîïré. s|c C e ferpent infernal, pource qu'il eft fi aliant iîchceses penfées des hommes qu'il n'enpeuît eilre ailéement eilongné & arraché,tient le fiege en ce lieu , atïïn que les hu mains ne puiiTent eflire meilleure v o i e , & les retarde ainfi que lepoilTon nommé rémora, qui detient & t a r g e lesnauires à Ton plaifir. l e fuis ioyeulx auecefte maniéré de republic que laquelle ie defire a toutes aultres nations & eft eicheue aux Vtopiens, qui ont enfuiuy fi bonne forme de viure, par laquelle' ilz ont fi bien fondé leur republicque, Si fi heureufe ment,qu'elle fera perdurable,ainfi qu'en peu uentdeuiner les hommes par coniefture hu maine

D e la defeription de l'Iflc d'Vcopic. humaine.Puis que le vice d'ambition auecles aulcres que iaydeuâtdi&z,font forclos d'Vto pie,i!nefaultpour craindre qu'encre les citoyens il fourde quelque difeord. Certes a ni binon à efte caufe de la perdition dç maintes villes opulentes,&treibien munies Puyfque côneorde y regne auec bonnes meurs prinfes Se entretenues par côfeil & raifon,croiez que l'enuie de tous les princes voifins,qui ya cuidé faire entrée,mais en à efté repau(Te e , ne peult metre au defarroy ne troubler l'empire Vropien.aprefqueraphael eut reciréces matières, acoit ce que maintes chofcs me vinf* fenten la tnemoire,qui me femblovent bien mal eftablies,quand aux meurs & foix de ce peuple Vtopicque,&fpecialemétde leur ma niere de faire la guerre,touchant auffi leurs fa crificestf religion,& aultres fiatutz de quoy ilz vfenr,pareillement de ce qu ilzviuent en commun,fans aulcun commerce Jk traphic. qiredepecune,(qureiUe plus principal fondément de toute leur inftitution)fans lufaige de laquelle pecune route nobleifc,magnifiée•» ce,dignité,gloire & maifté,qui font les vrayz ornementijl'embelliflement & l'honneur d u ne republicque,félon la commune opinion. CToutefois pour ce que ie cognoiifois que le d i f t Raphaël eftoit'las dedeuifer &compofer de cefte Ifle Vtopienne,Sc auifi ie n'auois pas l'experience,fil euft voulu endurer qu'on euft diiputé Contre fes propos,& fpecialement f a O

uois

L e Second liure. uoys encore rccordatiô qu'aulcuz auoiét cflé reprins de luy a cefte caufe,cjuiU craignoient quad, qu'ilx ne fuflent eftimez afle^ faiges. Comme il difoitfilzn'euilenc trouue quelque chofe,en quoy euflent peu confuter les inuen rions des au'rres pourtant après auoir loué la do&rine & enfeignement des Vtopiens,& ex tollî faharengueiejeprinr par la main 6c le menefouperdens mon logn Iuy difa.it que nous aurions vne aulrre foys loifir & opportu nité de penfer[plus profondement de ces mef mes chofes,& d'en côferer enfemble plus lar gement,que pleuft à dieu que quelque fois le casaduint. Or comme ie ne puis me confen tira routes les chofes qui furent dittes de ce perfonnaige,combien qu'il fuft Tans cotrouer le & different fcauantilfime,&fort expert aux affaires humainnes^infi ie côfeflc faeilemet q beaucoup decas font en la republicque des. Vtopiens que ie défi rerois plus vrayement eftre en noz villes de pardeca, que ie n'efpcrcroyj.

j» PIN DV SECON D D E R N I E R LIVRB.

ET

ggSCy

fine

le d e u i s

&

propos daprcs difncr,dc Raphael H y thlodeus,touchant les loix & meurs de rifle d'Vtopie,qui n'eft encore àgue res de gens congneue,mis en elegance latine par illuifrc,trcfdo&e,bien renôme perfonnaige le fcigneui Thomas Morus Chancelier d'Angleterre, & tourné en langue Françoyfe par maiftre Iehan Le Blond.

o a

l ' A u t h c u r au l e & c u r .

E SOIS OFFENCE amy lefteur,fi en cefte mefme petite tradidion,tu trouuesoultre les loix &reigles de tourner quelque oeuure, que iaye sulcunefois vfé de _^araohrafes.Ie , ay faid pour rendre les fente ces de lautheur plus intelligibles. E t confequemmcnt H en traduifant i'ay ramené en no Are viaige frâcois certains termes infrequétz On ne fe doibi mal contenter fi vn perfonnai g e f a i d renaiftre &reduiten cours quelques vacablestrouuez enautheurs Idoines,& fil fefforce donner nouueaulteaux parollej an. ciéneSj&neÎouffrc totalemct périr les motz quiparlaOBofpedes temps font tournez en defacouilumance. En forte que fi nous n' vfiSs que de termes vulgaires Se communi à chafcun,noftrc langue nen enrichiroit d'vn flocquet,& fauldroit toufiours faire comme les ta bellions & notaires,qui en leurs ades ne châ gent ne ne muent de Aille.

flFIN Q J E T V NE PENjfes Ami que de mon priué,& feul iuj genient ie t'ay mis en lumiere en noI ftre langue celte deferiprion de 1'ifle I d*V topic confiderant comme il cil fefcript que l'homme nefe doibtapÇHiier fur fon priué fens & prudence & aufti que au t e f moignage de deui ou de trois toute chofe doibe eftre arreftée non content du feul tefmoignage de T h o m a s Morus qui premier a rédigé en latin ladifte deferiptiô ie me fuis grandement fondé fur ce quedefunét de b o ne Se immortelle memoyre môfleur Bude en a didt en vne epiftre cy après inferée, tradui&e de latin en n o ftre langue par laquelle on peult congnoiiîre combien iceluy tant pur & exc ellent iugement d'homme a eftimé ce petit liure digne d'eitre leu chofe qui m e fera, commei'eipere enuers tout bon efprit argument fuiTi fant de n'auoir temer^irement & fans cor.feil parpriu i l e g e d e l a c o u r t d e Parlement mis en lumiere c o l i ureen quoy duquel i'ay pretendu, comme de tout sul tre mien labeur,faire chofe qui foit a l'vtilité & proftit delà republicque. Adieu. O

iii

S'enfuit

^ S ' e n f u i t la table des chapitres du premier & fécond liurc de la dcfcription d c l ' I i l c d'\ f topie& premièrement. ES EXCELLENTE | propos que teint vn nomme llRaphael Hythodeus,Portu. || galloy s,touchant le bon régi J ! mé de la republicque & auec E K — l e récit qu'il firdesmeurs loix couftumeSjlieu ordonnes des habitans d* V to pienouuelle Iile. fueillet.ii •Dcfcription de la largeur & lôgueur de l'Ifle d'Vtopie. xxxiii Des villes,& fpecialement de la ville d'Amau rot. xxxix Des officiers"& gouuerneurs des villes.xxxix Des mefliers qui font exercites en Vtopie- xli Des affaires,c5merces,familiaritez &trai£tez q les Vtopiés ont les vnz auec les aultres.xlvi Des pellerinages des V topiens. li Des conditions des ferfz prins en guerres.lxx De la manière de guerroier desvtopiés.lxxviii Du cultiuement,maniéré de adorer, religion &creance des Vtopiens. lxxxviii Fin de la table des chapiftres fommaires contenu z en ce premier & fécond liure de la dcfcription d'Vtopie.

Senfuit

83

S'enfuit la table

des matieres contenuzen ce premier & fecôd liure de la defeription del'lfie d'V topie & premieremét. g o m m e n t Thom as Morus fut enuoye en ambaflade en flandres en la compagnie de Cuthberttnnflalfecretaire du roy d'Angleterre fucillet. ii Prouerbc conuenablea ceulx qui de leurs in terpretatiô veult efclarcir chofe qui eft de foy mefme a tous congnue. ii Gomment Pierre Gilles ieunes perfonnaiges hômedo&e & bien morigere natif d'Anuers futcongneududiârambaiTadeur. iii Trcfilluftre aporhemeconuenâteà ceulx qui n'ont de fepulture. iiii Raphael par narrations de diuerfes chofes & congnoilcâce de diuers regions fut veu ¿c co gneu docte homme par Pierre Gilles. vi CeftaiTez aulx princes & r o y s d e f e feruirde ceulx qui défirent a eftre eleué a grande digni té & en icelle enuers fes fubie&z exercer amitie. vii. Des Ioix peu équitables. ix Comme on doibtme&re ordre qu'il ne foit point tant de larrons. ix Quel dômaige ceftquedauoirtoufiours gar niions de gendarmes en vn pays. xi O iiii II exprime

Table. Il exprime la maniéré acouihimée dvn cardi nal d'Angleterre de faire taire vn perfonnaige fil parle plus qui n'apartiens. xiiii • La republicque des Polilerites en perfe. xvi

Au pais des chreftiens on ne fai& pas cela. xvii

Les valetz des gentilz hommes & maintz aultres en chreftiente maintenant penfent etire choie honnefte dauoir ainiTi les cheueulx couper. xvii Icieux dialogue d'vn frere prefcheurs & d vn foui. xix Lordonnance dvn foui fur les moines mandians. xx Icy il touche les fla&eurs. xxi Icy deiconfeille couuertemét de faire la guer re en Italie. xxii Les fuifles font aqui plus leur donne, eodem Exemple digne deftre noté. xxiii L es diiit du riche crafl'us. xxv Loy admirable des macarenfes. xxvi Prouerbe conuenable aulx princes & roys. XXV ii.

Philofopbie fcolafticque. eodem Merueilleufe diminution que les grecq appel lent mofis eodem Les ftatuz des Vtopiens. eodem Lelieufeurde nature eft défendu & gardé dvn rocher qui Iuy fert de forterefle. xxxv Vtopie

Table. Vtopic difte & nommée d'Vtopie leur prini ce, eodem Les villes de Mile d'Vtopie. eodem 5 imilirudc Se caufe de concorde. eodem Petit interualle entre lesvillesd V Copie, xxxv. Diftribution des champs. eodem Le contraire fe faift maintenât par toutes les republicques du monde. eodem Le principal foing c'eft du labouraige.eodem L'office des laboureus. eodem Merueilleufes maniérés de faire couuer les cEufz. eodem Lufaigedesbeufz. xxxvi La viande & breuaige des Vtopiens. eodem Grand nombre de gens fert beaucoup a la befongne. eodem La defcription de la ville